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French, Italian Pages 226 [230] Year 2017
ORIENT
MÉDITERRANÉE
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UMR 8167, Orient et Méditerranée – Textes, Archéologie, Histoire CNRS, Université Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École pratique des hautes études, Collège de France
GUÉRISON, RELIGION ET RAISON
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e présent volume ambitionne de prendre en compte sur un temps long, depuis la naissance de la médecine occidentale de tradition hippocratique en Grèce au ve siècle avant notre ère jusqu’aux dernières avancées des neurosciences, les principaux aspects culturels, philosophiques, psychologiques, sociaux et religieux susceptibles d’entrer en jeu dans le processus de guérison. Il s’inscrit donc à l’intersection de la médecine et de la philosophie, mais aussi de l’histoire des sciences, des idées et des religions. En s’intéressant aux différentes médecines dites « rationnelles » et « alternatives », il s’efforce notamment d’éclairer le processus cognitif à l’origine de la prise de décision par le médecin et le rôle de la raison et de la religion dans la réussite ou l’échec du traitement pour le patient.
De la médecine hippocratique aux neurosciences Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot Serena Buzzi
he aim of this volume is to take into account the main cultural, philosophical, psychological, social and cultural aspects, which come into play in the healing process over a long period of time, from the beginning of western medicine of Hippocratic tradition in Greece during the 5th century BC to the latest advances in neuroscience. Therefore this study lies at the intersection of medicine and philosophy, but also of history of science, ideas and religions. By focusing on the two fields of “rational” and “alternative” medicine, it attempts in particular to enlighten the physician’s cognitive process at the origin of the decision-making and, from the patient's point of view, the role of reason and religion in the success or failure of the treatment.
ISBN 978-2-7018-0522-1
GUÉRISON, RELIGION ET RAISON
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Éditions de Boccard
Guérison, reliGion et raison de la médecine hippocratique aux neurosciences
ORIENT
MÉDITERRANÉE
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Guérison, reliGion et raison de la médecine hippocratique aux neurosciences
Textes réunis et édités par Véronique BOUDON-MILLOT et Serena BUZZI
Éditions de Boccard
11 rue de Médicis, 75006 Paris 2017
Illustration de couverture
Il cielo nell’anima de Giacomo Miceli
UMR 8167, Orient et Méditerranée – Textes, Archéologie, Histoire CNRS, Université Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École pratique des hautes études, Collège de France
Directeur de la collection Véronique BOUDON-MILLOT, CNRS - UMR 8167, Orient et Méditerranée Responsable éditoriale Fabienne DUGAST, CNRS - UMR 8167, Orient et Méditerranée Comité scientifique Françoise BRIQUEL CHATONNET Sylvie DENOIX Vincent DÉROCHE Olivier MUNNICH Pierre TALLET Création de la maquette et mise en page Fabien TESSIER © Éditions de Boccard - 2017 ISBN : 978-2-7018-0522-1 ISSN : 2101-3195
Avant-propos
Les dix études rassemblées dans le présent volume sont le fruit des deux journées d’étude internationales organisées à Paris, à la Maison de la Recherche de ParisSorbonne, les 24 et 25 septembre 2012 par Serena Buzzi et par moi-même dans le cadre du Labex RESMED (Religions et sociétés dans le monde méditerranéen) sur « La médecine rationnelle et les autres médecines ‘parallèles’ : le choix des patients ». Helléniste de formation, philologue et éditrice des Eclogae d’Oribase, S. Buzzi, au moment où elle obtint un des premiers postes post-doc mis au concours par RESMED en 2011, avait déjà acquis une précieuse expérience de collaboration entre médecins et philologues au sein de la Faculté de Médecine et Chirurgie de l’Université de Turin où elle avait participé à plusieurs projets. Elle me parut donc toute désignée pour organiser avec moi cette rencontre consacrée à un des thèmes majeurs de la recherche menée conjointement au sein de l’équipe « Médecine grecque » de l’UMR 8167 du CNRS « Orient & Méditerranée » et de l’axe B2 du Labex RESMED sur « Médecines rationnelles et médecines religieuses ». Il s’agissait en effet, en réunissant des philologues, philosophes, médecins, historiens des sciences et historiens des religions, de s’efforcer d’explorer ces voies parallèles que les médecins les plus démunis comme les patients les plus désespérés ont, de tout temps, été tentés d’emprunter. La présente enquête sur la place de la raison et de l’irrationnel dans la théorie et la pratique médicale s’inscrit de fait à l’intersection de la médecine et de la philosophie, mais aussi de l’histoire des sciences, des idées et des religions, en s’efforçant de prendre en compte tous les aspects culturels, philosophiques, psychologiques, sociaux et religieux susceptibles d’entrer en jeu et considérés sur un temps long, depuis la naissance de la médecine occidentale de tradition hippocratique en Grèce au ve siècle avant notre ère jusqu’aux dernières avancées des neurosciences. Il s’agissait en effet de tenter d’évaluer l’apport et le rôle respectifs de la religion et de la raison, du rationnel et de l’irrationnel, non seulement dans la relation qui unit le patient et le médecin, mais aussi dans le processus cognitif, intellectuel et émotionnel à l’origine de la prise de décision et de la réussite ou de l’échec du traitement, dans les différentes sphères des médecines dites « rationnelles » et « parallèles », ou encore « alternatives » ou « non conventionnelles » comme la Commission européenne dans son Rapport sur le statut des médecines non conventionnelles du 16 mars 1997 préconise de nommer « toutes les médecines qui ont en commun le fait que leur validité n’est
Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 5-10
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pas reconnue ou n’est que partiellement reconnue ». L’Académie de médecine de Paris, pour sa part, préfère parler de « thérapies complémentaires » (« ThC »). Le flou qui règne encore sur la dénomination de ces pratiques témoigne en tout cas de la difficulté à s’accorder sur une appellation suffisamment neutre pour ne reflèter aucun parti pris1. Mais quel que soit le terme utilisé, un sujet aussi vaste que le rôle de la raison et de l’irrationnel à tous les niveaux du processus de guérison (attentes du patient, savoir-faire et prise de décision du médecin, explications de l’inexpliqué ou de l’inexplicable...) ne saurait naturellement être traité de façon exhaustive, fût-il le résultat d’une collaboration exigeante entre médecins, philosophes, philologues, historiens et spécialistes des neurosciences. Les dix contributions fruits de cette collaboration et de ces rencontres ont plus modestement pour objectif de jeter la lumière sur de larges pans de l’histoire de la médecine et sur des découvertes qui, depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque contemporaine, sont susceptibles de faire reculer les limites de l’inexpliqué et de l’inexplicable et ainsi de faire bouger les frontières mêmes du rationnel et de l’irrationnel. Les pages réunies ici n’ont en effet d’autre ambition, à partir de quelques exemples emblématiques, que d’illustrer le caractère nécessairement relatif des notions mêmes de rationnel et d’irrationnel, non seulement selon les individus et les cultures, mais aussi selon les époques et les avancées de la science. De ce point de vue, les dernières découvertes des neurosciences, grâce notamment aux explications qu’elles fournissent de certains faits jusqu’alors inexpliqués, comme les effets placebo et nocebo, apparaissent aujourd’hui paradoxalement en mesure de « rationnaliser l’irrationnel ». De fait, la médecine moderne, basée sur une méthode scientifique et expérimentale, héritée d’Hippocrate et relayée par Cl. Bernard, même après les limitations identifiées par K. Popper, reste aujourd’hui encore l’héritière de la médecine grecque rationnelle du ve siècle avant notre ère, époque où elle se détache de la philosophie et de la religion pour constituer une technè à part entière. Mais parce que la médecine doit accepter une marge d’erreur et accepter de ne pas pouvoir tout expliquer, aujourd’hui encore elle reste en grande partie, en raison de la complexité du vivant, un art conjectural. Le rôle dominant de la raison (Descartes) et la place première le plus souvent accordée à la logique dans la science occidentale aux dépens de l’intuition et des émotions (même si leur influence tend ces dernières années à être réévaluée de façon positive) la rendent souvent impuissante à apporter des réponses satisfaisante à de nombreuses et difficiles questions soulevées dès l’Antiquité par les savants et les profanes et aujourd’hui encore loin d’être parfaitement résolues : Qu’est-ce qui
1.
Les termes de « médecine douce », « médecine complémentaire », « médecine naturelle », à côté de ceux de « médecine alternative », « médecine parallèle » ou encore « médecine holistique », à l’aide desquels ces médecines sont parfois également qualifiées sont en effet loin d’être neutres. Ainsi l’expression « médecine parallèle » a l’inconvénient de suggérer qu’il y aurait deux conceptions équivalentes de la médecine impliquant deux systèmes de soins fonctionnant indépendamment l’un de l’autre, avec le même degré d’efficacité et de scientificité ; le terme de « médecine alternative », paraît désigner des pratiques de soins substitutives, donc susceptibles de remplacer une démarche thérapeutique classique et conventionnelle ; enfin, l’appellation « médecine douce » semble considérer les pratiques de la médecine conventionnelle comme agressives.
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distingue le bon médecin du charlatan ? Qu’est-ce qui permet d’établir le bon diagnostic et de poser le bon pronostic ? Quel est le rôle respectif de l’intuition et de la divination et comment ne pas les confondre ? Quel est le rôle de la nature et de la divinité, du corps et de l’âme (ou si on préfère de l’esprit) dans le processus de la maladie et de la guérison ? Un effet non explicable relève-t-il forcément de l’irrationnel ? etc. Telles sont quelques-unes des questions auxquelles les contributeurs du présent volume ont essayé de répondre. Dans la première partie intitulée « Soigner et guérir entre rationnel et irrationnel de l’Antiquité à l’époque Byzantine », après l’évocation par Giulio Guidorizzi du rôle de la croyance et de l’espoir dans le processus de guérison, Daniela Fausti, à propos des activités respectives des coupeurs de racines (ῥιζοτόμοι) et des marchands de drogues (φαρμακοπῶλαι), s’intéresse à plusieurs substances controversées utilisées en pharmacologie telle que la mandragore et s’efforce ainsi d’établir « un pont » entre médecine rationnelle et médecine religieuse. Amneris Roselli, pour sa part, à propos du commentaire de Jean d’Alexandrie aux Épidémies VI, 8, 7 d’Hippocrate s’attache à un mystérieux personnage du nom de Thessalos à propos duquel Jean (qui était très certainement chrétien) a vraisemblablement confondu le médecin méthodique bête noire de Galien et l’auteur d’un texte astro-botanique De virtutibus herbarum très répandu à son époque dans les milieux égyptiens, opérant par là même, à date déjà très ancienne, une confusion-contamination entre les deux domaines de la médecine et de la religion (ou de l’astrologie). Puis Elsa Ferracci évoque le moment fragile où « Quand la porte de la médecine se ferme, c’est donc celle du sanctuaire qui s’ouvre » et décrit le sort de ces patients immortalisés par l’orateur Eschine lorsqu’il se proclame comme « Ayant désespéré de l’art des mortels, mais conservant tout [son] espoir dans la divinité ». Après s’être interrogé sur la complexité des problèmes posés par les pratiques des médecines parallèles et s’être demandé si les compétences du médecin sont limitées par la mise en œuvre de forces qui lui échappent, ou si au contraire le savant ne pourrait pas accéder, grâce à elles, à un niveau de connaissance supérieur que sa raison ne peut pas expliquer entièrement, Edouard Felsenheld s’intéresse à la place et au rôle de l’énigme (αἴνιγμα) dans le discours médical antique, avant de conclure que, pour Galien, seules les paroles du médecin peuvent éventuellement paraître énigmatiques, mais en aucun cas les modalités de sa thérapeutique. Toutefois, et comme le souligne aussi E. Felsenheld, malgré les protestations du médecin rationnel, entre les discours vraiment logiques qui font un usage rigoureux de la parole, et les discours défaillants qui oscillent entre l’ambiguïté inconsciente et la fraude la plus délibérée, la différence n’est pas toujours pleinement évidente. Aussi, poursuivant l’exploration de ces frontières floues entre rationnel et irrationnel, Tommaso Raiola met-il en évidence le lien ténu qui, dans la pensée antique, unit parfois la prognosis (pronostic) à la manteia (divination), en étudiant l’usage que les adversaires de Galien font de l’ambiguïté de certains de ses discours pour l’accuser de charlatanerie. Enfin, à travers l’Oneirocriticon d’Achmet, ouvrage vraisemblablement rédigé par un grec byzantin à partir de sources arabes entre 813 et 1075, c’est-à-dire bien après Artémidore d’Éphèse (iie siècle de notre ère) et bien avant Sigmund Freud, Serena Buzzi s’aventure dans le domaine de l’onirocritique. En effet, le rêve qui s’inscrit au carrefour de la nature et de la culture ici ne renseigne pas tant sur l’état de santé (même si l’auteur utilise un vocabulaire médical et surtout anatomique relativement précis) que sur la situation et les relations
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structurant la société byzantine. De fait, le rêve une fois mis en récit n’appartient plus seulement à un individu, mais à un groupe social qui le reçoit, le transmet, l’adapte à ses valeurs et au cadre de ses croyances. En tant que tel, il devient le miroir d’une société, en particulier d’un univers essentiellement masculin, hiérarchisé, pyramidal et rigide, où apparaissent quatre catégories : le Basileus, les princes, grands fonctionnaires et dignitaires, les indigents et enfin les esclaves, qui suivent ou précèdent les femmes. Dans la seconde partie consacrée à « La réponse psychosomatique entre philosophie, histoire et science médicale moderne », médecins, philosophes et historiens des sciences s’efforcent de comprendre et de rendre compte rationnellement du succès de ces médecines qui, parce qu’elles s’adressent plus à l’esprit qu’au corps, sont une illustration privilégiée des capacités « extraordinaires » de l’esprit humain à moduler le fonctionnement du corps. Dans une réflexion très éclairante sur le processus cognitif et la prise de décision rapide de la part du médecin obligé d’agir dans l’urgence, et tout en soulignant le rôle positif de l’intuition, A. Bargoni insiste sur cette exigence de rationalité qui, à ses yeux, est ce qui unit le plus sûrement médecine ancienne et médecine moderne. Céline Cherici s’intéresse à la façon dont Vincenzo Malacarne (1744-1816), à partir de l’analyse croisée de ses observations anatomiques et pathologiques, a essayé d’établir des liens causaux entre l’état des structures cérébrales et certaines déficiences intellectuelles caractérisées, se demandant s’il existait une relation systématique entre les lésions cérébrales et les troubles intellectuels. En d’autres termes, Malacarne, qui est allé jusqu’à proposer « un ancêtre du quotient intellectuel », a donc essayé de rationaliser ce qui pouvait apparaître comme le plus irrationnel chez l’homme : les troubles mentaux. Marco Menin aborde, quant à lui, la prétendue « médecine de l’esprit », une façon originale de penser la santé psychosomatique qui, au xviiie siècle, anime les travaux de médecins comme Antoine Le Camus et Charles Augustin Vandermonde. Ainsi, lorsqu’il s’interroge sur les relations mutuelles de l’âme et du corps, Le Camus insiste sur le rôle déterminant de l’hygiène et de l’environnement, n’hésitant pas à affirmer : « Le soleil lance-t-il les rayons avec plus ou moins de vigueur sur notre atmosphère ? Nos âmes semblent prendre des forces ou s’affaiblir. L’air est-il plus ou moins serein ? Les liquides qui donnent l’action à notre machine sont plus ou moins purs ». De fait, en vertu du rôle en même temps préventif et thérapeutique qu’elle attribue à l’hygiène, cette conception de l’art médical qui permet de considérer l’homme comme un tout et de penser le corps comme un adjuvant et non comme un obstacle à la vertu, est l’affirmation des liens puissants et anciens qui unissent médecine et philosophie. Enfin, les deux dernières contributions s’attachent à deux effets contraires connus sous le nom de placebo et nocebo, c’est-à-dire le fait de ressentir des effets positifs ou négatifs à la suite de l’administration d’une substance inerte selon qu’elle nous a été présentée comme potentiellement utile ou nuisible. Ces deux effets sur lesquels ont prospéré les médecines parallèles apparaissent en effet emblématiques des tentatives de la médecine contemporaine pour tenter d’expliquer rationnellement des symptômes le plus souvent assimilés aux manifestations d’une maladie imaginaire ou au contraire, dans le cas d’une issue positive, comme relevant du miracle. De fait, pendant la plus grande partie du xxe siècle, l’effet placebo-nocebo a été considéré par la médecine clinique non seulement comme un facteur péjoratif, mais aussi comme un élément susceptible de miner le modèle biomédical, avant que
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la médecine du xxe siècle ne s’en empare pour essayer de l’expliquer, contribuant par là même de façon parfois troublante à faire bouger les lignes entre médecine rationnelle et médecine parallèle. En identifiant les nombreux facteurs notamment psychosociaux et psychobiologiques en jeu dans l’effet placebo (l’attente, les mécanismes de récompense, le conditionnement, les mécanismes émotionnels), et en mettant en évidence comment ceux-ci sont capables d’activer dans le cerveau des réponses strictement biologiques comparable à celles recherchées par l’administration de certains médicaments, Riccardo Torta montre comment une énigme de la science moderne est aujourd’hui en voie d’être résolue, avant d’y voir « l’une des preuves que l’esprit humain module le fonctionnement du corps ». Après le point de vue du médecin sur l’effet placebo, Germana Pareti donne celui du philosophe sur l’effet nocebo en partant de l’exemple du spécialiste autrichien du magnétisme qui a récemment inspiré le romancier britannique contemporain Julian Barnes : Franz-Anton Mesmer (1734-1815)2. Ce dernier prétendait en effet être capable de soigner ses patients en provoquant chez eux une crise violente accompagnée de larmes et de cris. Faisant état de différentes expériences menées par un groupe de recherche du Département des Neurosciences de Turin pour étayer le fait que l’auto-suggestion influence directement le seuil de la douleur, G. Pareti examine les derniers apports des neurosciences, grâce notamment aux avancées de l’imagerie cérébrale, pour essayer de comprendre comment, après l’administration d’un nocebo, « l’attente de la douleur peut la convertir en douleur réelle ». Et elle décrit de façon captivante les événements biochimiques qui permettent d’observer comment les mécanismes de régulation du cerveau diffèrent en fonction de l’expectative, tant apparaît formidable la force de l’imagination humaine qui peut « tuer aussi sûrement qu’une dose d’acide prussique »3. Et si on ne saurait aller jusqu’à affirmer, à la suite de James G. Frazer, que cette puissance d’imagination soit la justification et l’explication des différents tabous et règles cérémonielles mis en place par les sociétés primitives pour se protéger, ni à l’inverse méconnaître, dans le sillage de Ludwig Wittgenstein, que les sociétés contemporaines peuvent aussi avoir leurs propres magies, force est de constater, là encore, la grande perméabilité des concepts de rationnel et d’irrationnel. En conclusion, tous les travaux réunis ici ont en commun de s’intéresser à ces zones frontières entre le corps et l’esprit dont l’exploration relève autant de la médecine que de la philosophie et de l’histoire sociale ou culturelle et dont la littérature ellemême ne dédaigne pas de s’emparer. En particulier, on ne saurait résister à évoquer le personnage du docteur Albert Viaur, dans Les hommes de bonne volonté de Jules Romains qui, après avoir observé un de ses patients capable, par la seule force de son esprit, d’imposer à son cœur un arrêt de trois à quatre secondes et ensuite de le laisser repartir nerveux comme un « cœur de chien » est convaincu d’avoir découvert une nouvelle médecine, l’homme maître de son corps, la psychosomatique appliquée !4 2. 3. 4.
J. Barnes, Harmonie, dans Pulsations, recueil de nouvelles traduit de l’anglais par JeanPierre Aoustin, Paris, Mercure de France, 2011, p. 193-222. Selon la formule de James G. Frazer dans Le Rameau d’or (1911-1915) citée par G. Pareti. Jules Romains, Les hommes de volonté. Les créateurs, Paris, 1936, p. 58-59. De même, le docteur Pascal imaginé par Émile Zola recherche de manière obsessionnelle l’élixir de jouvence, mais ne découvre que l’effet placebo.
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À une époque où le charlatanisme reste malheureusement d’actualité, où les désespérés et les crédules constituent un public très réceptif aux discours et aux méthodes les plus farfelues, alors même que les découvertes fascinantes révélées par les neurosciences soulèvent encore bien souvent plus de questions que de réponses, s’interroger sur les motivations des malades et des médecins, sur les ressorts et les ressources de la science et du charlatanisme, sur les frontières du rationnel et de l’irrationnel, paraît donc plus que jamais d’actualité. Il reste aux deux éditrices à remercier chaleureusement pour leur collaboration, outre les auteurs des dix études réunies dans ce volume, tous ceux qui, par leur présence ou leurs interventions ont participé aux travaux des deux journées d’étude parisiennes qui ont précédé la publication de ces actes, et notamment, pour leurs présentations orales, Luigi Silvano (Università degli Studi di Roma La Sapienza), Caroline Macé (Katholieke Universiteit Leuven), Arsenio Ferraces Rodriguez (Universidade da Coruña), Stefania Fortuna (Università Politecnica delle Marche), Aranha Paolo (The Warburg Institute of London) et Rafael Mandressi (CNRS, Centre Alexandre Koyré). Ces deux journées n’auraient pu être organisées sans l’aide précieuse de la gestionnaire de l’équipe « Médecine grecque », Saténik Simonin, ni la disponibilité d’Estelle Lambert et de Vivien Longhi qui nous ont tous deux ouvert les portes de la Bibliothèque Interuniversitaire de Santé (BIUSanté). Enfin, cette publication qui a bénéficié de l’aide de Solange Roux et des conseils avisés de Fabienne Dugast n’aurait pas pu voir le jour sans le soutien financier du Labex RESMED (Religions et sociétés en Méditerranée), de l’UMR 8167 du CNRS Orient & Méditerranée et de l’Université Paris-Sorbonne. Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi
SOIGNER ET GUÉRIR ENTRE RATIONNEL ET IRRATIONNEL DE L’ANTIQUITÉ À L’ÉPOQUE BYZANTINE
Introduction Tra Autòlico e Galeno
Credere nella cura, sperare nella guarigione
Giulio Guidorizzi (Università di Torino) Quando, durante la sua caccia iniziatica sui monti del Parnaso, Odisseo venne ferito da un cinghiale, i figli di Autòlico – in parte ladrone, in parte sciamano – lo curarono fasciando abilmente la ferita del nobile eroe e accompagnando quest’atto con un incantesimo (aoidé) per fermare il sangue1. Del resto, se nell’Iliade Achille compare soprattutto come un massacratore, in un passo del poema si parla di lui come di un eroe medico: solo Achille, infatti, conosceva certe “pozioni buone” (phármaka esthlá) che gli erano state insegnate dal centauro Chirone e che erano in grado di lenire le ferite2; Omero non dice che Chirone, per la sua natura divina padrone di poteri prodigiosi, gli aveva insegnato anche gli incantesimi adatti per completare l’operazione, ma potremmo spingerci a sospettarlo. Cura di medicina tradizionale, dunque, e perciò inevitabilmente di medicina magica alla cui riuscita cooperano erbe, atti di chirurgia e bendature, ma anche incantesimi, che rendono effettivo il processo di guarigione con l’appoggio del soprannaturale: ma anche, certamente, apportando alla cura l’effetto psicologico del placebo. Questa tradizione continua ininterrottamente lungo tutta l’epoca antica: i (o più frequentemente le) ῥιζοτόμοι che selezionavano erbe medicinali e le mettevano a disposizione dei medici erano poi le stesse persone che preparavano amuleti ed eventualmente mettevano a disposizioni dei clienti filtri d’amore o altri incantesimi. La nutrice di Fedra (non una professionista dei farmaci, ma una donna qualsiasi) possedeva a casa sua un armamentario utile per preparare pozioni amatorie con erbe e unguenti, da bere e da spalmare3. E Ῥιζοτόμοι era appunto il titolo di una tragedia sofoclea che metteva in scena l’operazione erboristico-magica della fattucchiera per eccellenza, Medea, la cui descrizione dell’“unguento di Prometeo” (la mandragora?), ad opera di Apollonio Rodio, porta direttamente nel campo della magia nera. 1. 2. 3.
Omero, Odissea, XIX, 452-458 (Ludwich, p. 205-206). Idem, Iliade, XI, 828-836 (Allen, p. 333). Euripide, Ippolito, 508-517 (Barrett, p. 116). Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 13-16
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Medea innamorata offrì a Giasone un prodigioso phármakon che lo rese invulnerabile al fuoco e all’assalto dalle creature mostruose nate dal suolo. Era detto “unguento di Prometeo”, perché fu ricavato dalla pianta spuntata dal sangue di Prometeo, quando l’aquila carnefice di Zeus straziò il suo fianco sulla rupe del Caucaso. Di lì era cresciuto un fiore simile allo zafferano, che dentro la terra aveva una radice simile alla carne appena tagliata. Medea ne aveva raccolto l’umore simile al succo nero delle querce, voltandosi indietro mentre tagliava la radice con un falcetto di bronzo e l’aveva custodito in una conchiglia. Nel momento in cui il ferro della lama aveva tagliato la radice della pianta, dice Apollonio, la terra aveva tremato con un profondo boato e lo stesso Prometeo incatenato alla sua rupe si era contorto per il dolore, come se gli avessero strappato una parte della sua carne viva4. Così veramente la farmacologia antica (come scrive in questa raccolta di saggi Daniela Fausti) si può vedere come un ponte tra la razionalità della medicina ippocratica e l’arcaico mondo, mai veramente sopito, della magia naturale. Del resto, il Tessalo, autore nella tarda antichità di un De virtutibus herbarum (la cui figura è qui illustrata dal contributo di Amneris Roselli) si vantava di avere ricevuto la sua dottrina da Asclepio in persona al quale era stato introdotto da un mago egizio. La cura magica di Odisseo rappresenta un paradigma culturale di lunga durata, che affonda le radici nella lunghissima preistoria magica del rapporto tra malattia e cura. Se la malattia è divina (cioè prodotta da cause occulte o contaminazioni) allora anche la cura deve essere divina; se è naturale, la cura è naturale. Non del tutto però: sciamani, erboristi, praticone, conoscitrici di erbe sin dalla notte dei tempi hanno sperimentalmente, e per conoscenza trasmessa di generazione in generazione, la consapevolezza empirica dell’efficacia di certe erbe e dei loro principi medicinali. Medici scientifici, sino a Galeno (come mostrano qui il saggio di Tommaso Raiola e per altri versi quello di Edouard Felsenheld) continuano ad avere uno sguardo aperto sul soprannaturale, o quanto meno sull’irrazionale, e in fin dai conti applicavano alla diagnostica un modo di pensare talvolta di tipo divinatorio; peraltro la natura, nella prospettiva ippocratica, non è compiutamente naturale: “tutto è divino e tutto è umano”, πάντα καὶ θεία καὶ ἀνθρώπινα, scrive l’autore del trattato Regime5. E in un altro testo del corpus si legge che “sacrificare agli Dei è buona cosa, ma pur chiedendo aiuto agli Dei è meglio aiutarsi da sé”6. Ippocrate, come ben si sa, polemizzava contro i purificatori, “maghi”, cialtroni e vagabondi, che pretendevano di guarire gli epilettici con esorcismi. Medicina magica e medicina scientifica proseguirono la loro strada, in modo indipendente perché l’esorcista e purificatore è altra cosa rispetto al medico scientifico, e Abari Scita non è Ippocrate. La dicotomia non è poi sempre così netta, tuttavia, specialmente all’inizio del processo di organizzazione scientifica del sapere medico; già da vari decenni la ricerca ha messo in evidenza (basta pensare ai contributi di G. E. R. Lloyd e di G. Lanata)7
4. 5. 6. 7.
Apollonio Rodio, Argonautiche, III, 843-866 (Borgogno, p. 196). Ippocrate, De victu I, 5, 1 (Joly, p. 6, 21). Ibidem IV, 87, 2 (Joly, p. 98, 12-13). Lanata 1967; Lloyd 1979; 1983.
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come in realtà, se il paradigma scientifico e quello magico, teoricamente, sono ben divaricati, dal punto di vista delle operazioni intellettuali e della pratica reale abbiano più d’un punto di contatto. Uno dei campi in cui questi due modelli entrano più profondamente in contatto è quello del sogno. “I medici più valenti – scrive Aristotele8 – affermano che bisogna prestare ai sogni una particolare attenzione” e l’autore del trattato De victu (inizio iv sec. a.C.) si spinge ad osservare (IV, 86) che chi sa interpretare i sogni “conosce una gran parte della scienza medica (μέγα μέρος ἐπίσταται σοφίης)”9. Ancora all’epoca di Galeno i sogni erano utilizzati dai medici come strumento diagnostico: un opuscolo sull’uso diagnostico dei sogni, attribuito a Galeno, faceva allusione all’impiego dei sogni10, anche come presagi e messaggi occulti. Ignoro se oggi prima di un’operazione delicata un chirurgo possa progettarla in sogno, ma il presunto autore del Commento agli Umori (ricondotto a Galeno)11 racconta di avere lui stesso praticato un’operazione delicata a una mano seguendo esattamente le istruzioni di un sogno. D’altra parte, il sogno continuava ad essere, come lo era sin dai tempi di Omero, un mezzo divinatorio nelle mani di interpreti professionali, e questo sino all’epoca bizantina (si veda qui il saggio di Serena Buzzi sull’oneirokritikon attribuito ad Achmet e anche quello di Elsa Ferracci sui pazienti degli iamata di Epidauro, dove si praticava comunque una forma di medicina “altra”, però non senza contatti con i procedimenti medici osservati nel corpus hippocraticum). La ricchezza dei problemi in questo volume certamente contribuirà a fare procedere la ricerca in un campo, appunto, assai complesso e variegato, che del resto non si arresta all’antichità; la sua storia potrebbe interessare ancora oggi il rapporto tra medico, paziente e malattia. Come non osservare, infatti, che talvolta anche oggi il medico tende a vedere la malattia e non il paziente? E che razionalità e irrazionalità, illusioni, timori, bisogni di credere a tutti i costi nella cura qualunque essa sia, se non fanno parte della malattia e dei processi scientifici di diagnosi e terapia, fanno però parte degli orizzonti culturali e psicologici di chi ne è vittima?
Edizioni utilizzatE Apollonio Rodio Argonautiche, A. Borgogno (ed.), Milano, Oscar Mondadori, 2003. Aristotele Parva naturalia, A revised text with introduction and commentary by D. Ross, Oxford, Clarendon Press, 1955. Euripide Ippolito, Edited with introduction and commentary by W. S. Barrett, Oxford, Clarendon Press, 1964. 8. 9. 10. 11.
Aristotele, Parva naturalia, 463a. Ippocrate, De victu IV, 86, 2 (Joly, p. 97, 16). Ps. Galeno, De dignotione ex insomniis (Kühn VI, 832-835). Cf. Boudon-Millot 2009, p. 617-634. Idem, In Hippocratis De humoribus comm. (Kühn XVI, 222).
16 • GIULIO GUIDORIZZI
Ippocrate De victu, R. Joly (ed.), Paris, Collection des Universités de France, 1967. Omero Homeri Odyssea, A. Ludwich (ed.), Leipzig, Teubner, vol. 2, 1998 (ed. stereotypa ed primae 1891). Homeri Ilias, T. W. Allen (ed.), Oxford, Clarendon Press, vol. 2, 1931. Ps. Galeno In Hippocratis De humoribus comm, C. G. Kühn (ed.). De dignotione ex insomniis, C. G. Kühn (ed.).
RifERimEnti bibliogRafici Lanata (G.) 1967 Medicina magica e religione popolare in Grecia fino all’età di Ippocrate, Roma, Edizioni dell’Ateneo. Lloyd (G. E. R.) 1979 Magic, Reason and Experience, Cambridge, Cambridge University Press. 1983 Science, Folklore and Ideology. Studies in the Life Science in Ancient Greece, Cambridge, Cambridge University Press. Boudon-Millot (V.) 2009 « Le De dignotione ex insomniis (Kühn VI, 832-835) est-il un traité authentique de Galien ? », in Revue des études grecques 122, p. 617-634.
La farmacologia antica
Un ponte fra irrazionale e razionale
Daniela Fausti (Università degli Studi di Siena) Summary This article examines the relationship between the activities and beliefs of ῥιζοτόμοι and φαρμακοπῶλαι and medical botany with its pharmacological applications accepted by the scientific medicine, based on rational thought and τέχνη. The two systems were certainly in competition, but the ‘low medicine’ of medical practitioners, in the absence of an organic written tradition, paradoxically, is witnessed by the botanical and pharmacological texts of Theophrastus, Dioscorides and Galen. Pharmacology in fact is the sector where scientific therapies and magical folk medicine intersect, because the repertoire of available remedies, animal, vegetable or mineral was more or less common (the same plant or animal parts could have a double value). This branch of medicine is a bridge between these two systems, as evidenced by the fact that the magical folk beliefs, which normally the authors record only for completeness, with dubitative phrases, sometimes seem to be approved.
intRoduzionE Attraverso l’esame di testi botanico-farmacologici come quelli di Teofrasto, Dioscoride e Galeno, che eredita tutta la tradizione precedente, si può delineare un percorso che conduce dall’attività e dalle credenze di ῥιζοτόμοι e φαρμακοπῶλαι alla botanica medica vera e propria per cui lo studio delle piante (a cui si uniscono anche rimedi di origine animale e minerale) è finalizzato ad un uso terapeuticofarmacologico ben definito e descritto secondo parametri precisi. Il quadro generale tuttavia si presenta sfumato, in quanto, se è possibile evidenziare le tracce di credenze magico-popolari, che normalmente gli autori registrano solo per completezza, prendendone nel contempo le distanze, qualche volta però sembra che gli mostrino approvazione. Ricordiamo per esempio il caso di alcune piante, come la peonia o la mandragora, fortemente connotate sul versante magico o la segnalazione dell’uso di rituali e amuleti, che forse potevano avere un effetto psicosomatico e risultare psicologicamente graditi ai pazienti.
Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 17-39
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1. la costituzionE di un’idEntità: la mEdicina RazionalE La medicina ufficiale per sostenere il confronto con le medicine “altre” costruisce la sua identità su principi razionali a partire dai testi del Corpus Hippocraticum. Ippocrate, considerato tradizionalmente “il padre” della medicina viene ricordato da Galeno come colui che aveva considerato necessario il pensiero razionale (λογικὴ θεωρία) come fondamento della medicina: “E che dal non saper distinguere per specie e generi le malattie succede ovviamente ai medici di sbagliare gli obiettivi della cura è stato detto da Ippocrate nel suo invito a esercitare la teoria logica”1. La medicina ufficiale dunque si presenta come razionale e vuole essere riconosciuta come tale. È famosa la polemica antimagica del trattato ippocratico De morbo sacro, dove all’inizio dell’opera l’autore si scaglia contro μάγοι e καθαρταί e ciarlatani in genere2 o quella di De victu acutorum (cap. 8) contro i cattivi medici che si comportano in maniera contraddittoria nella scelta dei rimedi, come fanno gli indovini nell’interpretazione dei segni (ci si riferisce qui al volo degli uccelli) screditando così la medicina o anche le affermazioni che troviamo in De vetere medicina, tese a sostenere che la medicina è una τέχνη in opposizione alla τύχη3, opposizione che appare per la prima volta proprio nella cultura medica. Nel trattato si afferma che la τέχνη medica deriva dalla ricerca4, altrimenti nessuno avrebbe esperienza né scienza e la sorte dei malati sarebbe affidata al caso (τύχη), invece i professionisti differiscono molto fra di loro per abilità manuale e intelligenza (γνώμη) (cap. 1)5 e che le scoperte mediche sono il risultato del λογισμός e non della τύχη (cap. 12.2)6. Tali idee compaiono anche in De locis in homine, dove al cap. 467, si afferma che la medicina è una scienza ἐπιστήμη, che è stata completamente scoperta ed una persona che possiede questa conoscenza riuscirà con o senza l’aiuto della τύχη. La conoscenza è governabile, la sorte non lo è e non ha importanza nella medicina. Su questa stessa linea si pone il De arte (cap. 4-5): il successo (εὐτυχίη) segue di solito un buon trattamento e l’insuccesso (ἀτυχίη) un trattamento sbagliato (cap. 4.2)8. Se anche ci sono persone che guariscono spontaneamente senza cure mediche tuttavia il medico si distingue dal profano proprio per la conoscenza di ciò che giova o è nocivo: la medicina consiste nella conoscenza di nessi causali, il che permette di fare la prognosi, cioè predire razionalmente l’evoluzione della malattia. La difesa della medicina come “arte” ha
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8.
Cfr. Galeno, Quod optimus medicus I, 54, 9-10 Kühn (Boudon-Millot 2007, p. 285; Vegetti 1978, trad. Garofalo). Sulla caratterizzazione di questi personaggi nell’antichità, cfr. Graf 1995, p. 21-58; sul De morbo sacro in particolare, p. 30-34 e Boudon 2003. Sull’atteggiamento critico dell’autore cfr. Lanata 1967, p. 18-45; Nutton 2004, p. 113; Perilli 2006, p. 28-30. A cui è legata invece la mantica. L’importanza della scoperta prodotta dalla ricerca è molto valorizzata in VM, tanto che troviamo utilizzato per ventitré volte il verbo εὑρίσκειν e sedici ζητεῖν, frequenza eccezionale nel Corpus; cfr. Ippocrate (Jouanna 1990, p. 38-39). Ippocrate, De vetere medicina I, 570-572 Littré (Jouanna 1990, p. 118-119). Ibidem I, 596-598 Littré (Jouanna 1990, p. 133). Idem, De locis in homine VI, 342 Littré (Potter 1995, p. 92-93). Idem, De arte VI, 6 Littré (Jouanna 1988, p. 227).
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la sua origine e la sua necessità nelle accuse che i medici potevano subire nel caso di fallimento delle terapie prescritte: poiché non tutti guariscono l’arte viene biasimata (ψέγεται) (De arte, 4.19). Questo poteva spingere a cercare di dimostrare che i risultati buoni erano dovuti alle cure e che l’arte medica ha conoscenza delle cause (διά τι, cap. 6.4)10, e che quindi può spiegare successi e insuccessi. Questa opposizione τέχνη/τύχη del De arte usata funzionalmente per affrontare il problema della responsabilità compare pure in De morbis I (cap. 7-8)11, dove si osserva che ci sono fenomeni dannosi o positivi che si verificano spontaneamente, per buona o cattiva sorte; sono quindi imprevedibili ed il medico non ne è responsabile. Si prepara cioè una risposta preventiva che si può spiegare con il fatto che la medicina ippocratica nella vita di tutti i giorni entrava in diretta competizione con personaggi di vario genere, che possedevano in ogni caso un loro bagaglio di conoscenze pratiche, come i ῥιζοτόμοι raccoglitori di radici, i venditori di droghe, φαρμακοπῶλαι, i già citati maghi e purificatori, accattoni, ciarlatani per lo più itineranti (μάγοι, καθαρταί, ἀγύρται e ἀλαζόνες) attaccati in De morbo sacro (cap. 1.4)12, levatrici per ciò che riguardava le malattie delle donne. Come già osservava in saggio di molti anni fa Owsei Temkin13, l’attenzione concentrata sui testi ci ha portato a trascurare un notevole numero di professionisti che non hanno lasciato traccia scritta della loro attività e che curavano secondo i metodi tradizionali senza però creare sistemi fondati su principi teorici; infatti se grazie alla pratica erano in grado di curare per mezzo di droghe e misure dietetiche, le loro conoscenze cambiavano poco nel corso del tempo e non si basavano su teorie mediche sistematiche; non avendo principi di ricerca, questa rimaneva una pratica medica senza teoria, che quindi non si poteva evolvere e rimaneva limitata. Possiamo farci un’idea della situazione attraverso le Leggi di Platone (720a-c e 857c-e) dove si menzionano due tipi di medici, i dottori liberi ed i loro assistenti, che liberi o schiavi che siano, stanno un gradino più in basso, perché imparano per esperienza e non secondo natura. Questa suddivisione è in parte sociale: i dottori adottando teorie generali sulla natura umana si differenziano da quelli di una classe più bassa che pure sono in competizione con loro, ma la vera differenza è che un insieme di conoscenze stabili può essere trasmesso agli allievi oralmente o in forma scritta e le conoscenze generali possono servire per adattare la terapia in casi particolari. Il fatto che riguardo alla medicina magico-popolare noi possediamo solo le testimonianze della parte avversa, i medici professionisti e designati come tali14, ci suggerisce di indagare procedendo ad un esame delle dottrine farmacologiche, che essi stessi ci hanno trasmesso e che sono terreno di incontro/scontro fra i sistemi di cura scientifici e quelli magico-popolari: infatti il repertorio di rimedi a disposizione, di origine animale, vegetale o minerale era più o meno comune, anche se gli si attribuivano proprietà differenti, talvolta di tipo magico, come per piante o parti di animali usate
9. 10. 11. 12. 13. 14.
Ibidem. Ippocrate, De arte VI, 10 Littré (Jouanna 1988, p. 230). Idem, De morbis VI, 154 Littré (Potter 1988, p. 115). Idem, De morbo sacro VI, 354 Littré (Jouanna 2003, p. 3-4). Temkin 1953, p. 213-225. Cfr. su questo tema relativamente a Galeno le osservazioni di Boudon 2003, p. 110-111.
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come amuleto (περίαπτον o περίαμμα)15, cioè un oggetto cui si attribuiscono capacità protettive16; φυλακτήριον non a caso è un altro termine con cui lo si indica. Plinio mette in risalto proprio gli aspetti protettivi dell’amuletum (sostantivo di etimologia incerta), quando dando notizie sulle proprietà della radice di ciclamino afferma che bisogna piantarla in tutte le case se è vero che (si verum est) dove è stata piantata non hanno alcun potere nocivo i malefici (nihil nocere mala medicamenta). La chiamano amuleto (amuletum vocant, Naturalis Historia 25.115)17. All’interno del Corpus, se i testi metodologici e prognostici potevano evitare di confrontarsi con l’attività della medicina alternativa, questo era certamente più difficile per opere che danno spazio alla terapeutica e ai ricettari come De affectionibus o i testi “ginecologi”: De morbis mulierum I-II, De superfoetatione e De natura muliebri. L’unico esempio che si può individuare di un oggetto che sembra essere in sostanza un amuleto si trova proprio in De morbis mulierum I, 7718. In un lungo elenco di ricette per facilitare il parto leggiamo la preparazione di un ἕτερον ὠκυτόκιον che consiste nel prendere il frutto di un cetriolo selvatico, quando sia ormai diventato bianco, e, dopo averlo spalmato con cera e avvolto in lana rossa, attaccarlo intorno (περίαψον) ai lombi. Se da un lato c’è l’atto pratico di applicare il rimedio mettendolo a contatto del corpo, dall’altro, poiché l’indicazione del colore della lana non comporta una funzione specifica a livello medico, sembra di poter individuare un caso di magia analogica basata sul colore, rosso19 come il sangue (in questo caso quello della partoriente), anche se non vengono date spiegazioni di nessun tipo20. Lo stesso verbo περιάπτω21,
15. Il participio presente περιαπτόμενον indica ciò che viene appeso come amuleto. 16. L’amuleto è un oggetto di varia materia e forma, a cui si attribuisce il potere di allontanare i mali; diversamente dal talismano agisce solo a favore di chi lo porta addosso e non è necessariamente figurato (cfr. vocabolari della lingua italiana come Zingarelli 1997 o Devoto-Oli 2011, s.v.); per indicazioni di tipo generale sul tema nell’antichità, cfr. Riess 1894; Donadoni, Rocchetti 1958 (s.v.); Marasco 2005 (s.v.) e Bendlin 1996. 17. Si possono citare altri passi di Plinio su queste credenze come il fatto che anche al pipistrello si attribuivano capacità di proteggere la casa e gli ovili tradunt amuletum esse (29.83) oppure che si riteneva che il fiele di cane maschio nero o il suo sangue proteggesse (amuletum esse) la casa dai mala medicamenta (30.82). L’edizione di riferimento (a cura di vari studiosi) è quella de Les Belles Lettres (Plinio [1947-1985]). 18. Ippocrate, De morbis mulierum VIII, 172 Littré. 19. Sul tema dell’equivalenza simbolica colore rosso sangue, in quanto il rosso è il colore della vita e della procreazione, si veda Lévi-Strauss 1964, p. 74-77. Un esempio assai noto di operazione magica che richiedeva l’impiego di lana rossa è in Teocrito, Idilli, II; all’inizio del rituale magico Simeta chiede i rami d’alloro, i filtri amorosi (τὰ φίλτρα) e una benda di lana rossa finissima (φοινικὸς οἰὸς ἄωτον) per incoronare la coppa e così legare a sé l’amato. Per un’analisi di questo rituale cfr. Graf 1995 (trad. it.), p. 170-179. 20. Su questo passo cfr. le osservazioni di Hanson 2004, p. 276-277 e Totelin 2009, p. 272. 21. Sui significati del verbo περιάπτω e il vocabolario relativo agli amuleti in Galeno, cfr. Jouanna 2011, p. 50-54. In Galeno le osservazioni sugli amuleti sono concentrate in due trattati De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus e De compositione medicamentorum secundum locos, perché in questi testi ci si occupa dell’utilizzo di piante, animali o pietre nella terapeutica, cfr. Jouanna 2011, p. 54. Un altro termine comunemente usato per indicare gli amuleti φυλακτήριον, non compare in Galeno se non una volta nel senso generico di mezzo protettivo (De usu partium 6.16 [III, 491, 11 Kühn; Jouanna 2011, p. 53]). Non compare in Teofrasto; lo troviamo invece in Dioscoride in tre casi nel libro 5 (141, 152, 154).
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che indica genericamente il “legare intorno, appendere”22, può essere una ulteriore spia di connotazioni magiche, perché successivamente si specializza in vari contesti per indicare il mettere addosso qualcosa con funzione protettiva, cioè un amuleto che può essere di origine vegetale, animale o minerale, come attestano vari esempi23. In Dioscoride possiamo ricordare ὠκυτόκια per facilitare il parto (come vedremo più avanti) costituiti da gemme che hanno appunto funzione apotropaica. In ogni caso l’impiego di lana rossa è significativo, perché ad esempio nella medicina babilonese la lana rossa è un elemento molto importante per la preparazione di amuleti e simili24. Nella tradizione greca più tarda invece l’uso di lana o comunque tessuti rossi negli amuleti, è largamente presente, come più volte si segnala nel De materia medica; ad esempio a proposito dell’ἄλυσσον, la farsezia (Biscutella sp. L.), un’erba con poteri antirabbici: Sembra (δοκεῖ) che curi anche la rabbia canina (λύσσα)25 quando viene tritata con del cibo e servita. Si dice (λέγεται) che appesa (κρεμάμενον) in casa favorisca buona salute sia agli uomini sia agli animali. Attaccata (περιαφθὲν) ad una striscia di tessuto rosso (φοινικῷ ῥάκει), fa cessare le malattie dei cuccioli (3.91)26.
Il valore beneaugurante è chiaro e probabilmente derivava dalla forma del frutto descritto da Dioscoride come un piccolo doppio scudo (ἀσπιδίσκια); tale aspetto poteva ricordare due occhi a cui affidare la funzione protettiva27. A proposito del φοῖνιξ, il loglio (Lolium perenne L.) leggiamo: Bevuto in un vino aspro, blocca […] le emorragie uterine […] Alcuni sostengono (ἱστοροῦσι) che sia un antiemorragico anche quando viene avvolto in lana rossa e appeso come amuleto (ἐνδεόμενον φοινικῷ ἐρίῳ καὶ περιαπτόμενον (4.43).
Talvolta gli amuleti, in particolare di colore rosso, possono essere davvero efficaci come ricorda anche Galeno in De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus (6.3.10)28, dove si danno indicazioni per la preparazione di uno di questi con fili di tessuto tinto di rosso con porpora marina (θαλασσία πορφύρα) con cui è stata soffocata una vipera; se si appende al collo dei malati come amuleto (περιάπτοις) ciascuno di questi fili, ciò è straordinariamente (θαυμαστῶς) utile per curare le amigdaliti e malattie della zona del collo. Appendendo al collo un oggetto propiziatorio si pensava di
22. Con il significato generico nel Corpus Hippocraticum compare in De decenti habitu 17 (IX, 242 Littré; Jones 1923, p. 298). 23. Esistevano amuleti di papiro o altri materiali deperibili, che raramente si sono conservati, a differenza delle gemme magiche, che costituiscono i reperti che meglio si possono studiare; cfr. Mastrocinque 2006, p. 92. L’amuleto può anche essere accompagnato dalla recitazione di preghiere o incantamenti, cfr. Kotansky 1991, p. 107-108. Il termine περίαπτον è già attestato in Platone (Respublica, 426b) e Teofrasto (Historia Plantarum, 9.19.2). 24. Cfr. Perilli 2006, p. 53, sulla base degli studi di Goltz 1974, p. 242, 246. Confronti interessanti con la medicina assiro-babilonese però a proposito dei moduli espositivi, sono state fatte da Di Benedetto 1986, p. 15, 88-91. 25. Il nome della pianta è di per sé eloquente: a privativo e λύσσα, rabbia. 26. Le citazioni di Dioscoride sono secondo l’edizione di Pedanii Dioscuridis (Wellmann 19061914). 27. Cfr. Ducourthial 2003, p. 520, n. 109. 28. Galeno, De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus XI, 860, 11-15 Kühn.
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poter contrastare anche malattie gravi; si può citare l’aneddoto famoso raccontato da Plutarco (facendo riferimento a Teofrasto) sul fatto che durante la peste di Atene Pericle, ormai fiaccato dalla malattia, aveva accettato che le donne gli appendessero al collo un amuleto (περίαπτον; Vita Per. 38). Per ciò che riguarda i passi citati di Dioscoride si può notare come compaiano le espressioni come “sembra” o verbi di dire usati dall’autore quando si riferiscono notizie di seconda mano, da cui si prendono le distanze in quanto non controllate. Questo metodo era del resto già stato applicato da Teofrasto nel nono libro dell’Historia Plantarum per riportare ciò che aveva sentito senza necessariamente approvare29. Non deve perciò meravigliare che nella farmacologia si sovrappongano aspetti scientifici e aspetti magici, perché il termine stesso φάρμακον ha un valore ambiguo.
2. il concEtto di oiapmakon La complessità di significati del termine è ben nota, poiché esso racchiude in sé l’idea di rimedio, di veleno, di filtro magico, erba e pianta medicinale o anche di tintura, anche se è praticamente impossibile individuare un’etimologia sicura30 e in quanto vox media presenta significati positivi o negativi, chiariti spesso dall’aggettivazione31. Una duplice caratterizzazione si può delineare fin dai testi omerici; nell’Iliade infatti, a parte il caso della peste mandata da Apollo nel primo libro, l’attività medica è assolutamente razionale e comunque limitata alla chirurgia, che si serve di medicamenti di origine vegetale per la cura delle ferite. È sufficiente un solo esempio per chiarire il genere di cure: quando Euripilo ferito viene soccorso da Patroclo, questi, dopo averlo fatto distendere nella tenda, con il pugnale incide la coscia per estrarre il dardo, lava la ferita con acqua tiepida e vi applica una radice amara e lenitiva (ῥίζα πικρή e ὀδυνήφατος), tritandola con le mani. L’effetto benefico è immediato: il dolore scompare e l’emorragia cessa (Iliade, XI, 844-848). Si tratta chiaramente di un rimedio vegetale senza implicazioni magiche. Sul versante opposto opera magicamente Circe (Odissea, X, 236) che impiega φάρμακα λυγρὰ, funesti, per trasformare in porci i compagni di Odisseo, ma un φάρμακον ἐσθλόν (v. 292) salverà l’eroe, l’erba μῶλυ datagli da Ermes (v. 305), erba che solo gli dei possono strappare dal suolo32. Per ciò che riguarda il Corpus Hippocraticum ogni rimedio viene ovviamente presentato come un mezzo di cura scientifica33, come possiamo vedere in due testi che già sono stati citati.
29. Su questo procedimento di Dioscoride, cfr. Riddle 1985, p. 84 ss.; per Teofrasto cfr. Scarborough 1991, p. 149 ss. 30. Cfr. Chantraine 1968, p. 1177-1179. 31. Cfr. Scarborough 1991, p. 139-143 e le osservazioni di Samama 2002, Capitani 2004; cfr. pure Stamatu in Leven 2005 e indicazioni bibliografiche in Fausti-Hautala 2009, p. 2-16. 32. Si trattava dell’erba magica per eccellenza, cfr. Ducourthial 2003, p. 127-133. 33. Nei trattati ginecologici e in quelli tecnico terapeutici il φάρμακον è assai usato ed indica generalmente la somministrazione di un purgante e/o un emetico. Un esempio in De natura muliebri 89 (Ippocrate VII, 408 Littré): “Se la donna ha dolore alla testa [...] c’è bile nell’utero. Bisogna somministrare un farmaco che faccia evacuare dall’alto e dal basso [...]”.
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Il più significativo è De locis in homine (cap. 45)34 dove si dice: “Tutte le sostanze che cambiano lo stato del paziente sono φάρμακα”. È possibile attraverso di questi produrre dei mutamenti, oppure se si vuole evitare di usarli, si può ricorrere al regime alimentare σιτίῳ. La medicina non ha bisogno della buona sorte, perché se vi sono φάρμακα σαφῆ, per le malattie, non aspettano la buona sorte per guarirle (cap. 46)35. Il medico ha a sua disposizione non solo i medicamenti ma anche il regime come afferma l’autore del De arte, dove si dice che se il solo mezzo di cura a disposizione dei medici fossero i farmaci evacuanti o astringenti (φαρμάκων τῶν τε καταιρόντων36 καὶ τῶν ἱστάντων ἡ ἴησις) tutta la tesi sarebbe debole; invece: “È chiaro che i medici più stimati curano servendosi sia del regime sia di altri tipi di trattamento” e ciò dimostra che la medicina è una vera arte e che il suo campo di azione è molto vasto (cap. 6,1)37. Sappiamo inoltre che dovevano esseri esistiti trattati specifici sui farmaci, che però non ci sono giunti: in De affectionibus, 9 e 1838 si rimanda ad un rimedio per la pleurite segnalato in uno scritto, Φαρμακῖτις, e a bevande medicinali, φάρμακα ποτά, descritte ἐν τοῖς Φαρμάκοις39. Il medico doveva essere provvisto di una scorta di medicinali, poiché nel De decenti habitu, 1040, lo si invita a tener pronti una serie di farmaci preparati nel modo dovuto, secondo i relativi generi, freschi o trattati in maniera da conservarsi. È necessario per il medico imparare a memoria (εὐμνημόνευτα) i φάρμακα e le loro δυνάμιες (De decenti habitu, 9)41. Una notizia abbastanza rara nei testi del Corpus, ci viene da Epidemiae, II, 3,242 che traccia un quadro ampio sulla diversa natura dei rimedi e sui loro effetti, accennando ad oltre che alla posologia e al momento della somministrazione, ad aspetti pratici della preparazione: “[…] la manipolazione si può attuare o con il disseccare o pestare o cuocere (ξηρᾶναι, κόψαι, ἐψῆσαι) e così via”. Ma altri personaggi agivano spesso in concorrenza con i medici: i φαρμακοπῶλαι venditori di farmaci. Attraverso i passi di Teofrasto, Dioscoride, Galeno possiamo ricostruire la successione delle operazioni, che cominciava con l’attività dei ῥιζοτόμοι, tagliatori di radici, gli Herbarii di cui parla anche Plinio43, che consisteva nella sola raccolta, svolta secondo regole precise, anche se a volte dettate dalla superstizione; il prodotto passava poi al φαρμακοπώλης o al medico. Altri operatori importanti erano i μυρεψοί, letteralmente “coloro che cuociono i profumi” cioè li preparano aggiungendo materie grasse agli oli essenziali (unguentarii in latino). Dioscoride li nomina in quattro passi (1.20.1, 1.109.4, 3.4.3 e 4.23.2) parlando degli elementi che
34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43.
Ippocrate, De locis in homine VI, 340 Littré (Potter 1995, p. 90). Ibidem, 342 Littré (Potter 1995, p. 92 ss.). Notare che la κάθαρσις è purificazione, ma anche purga. Ippocrate, De arte VI, 8-10 Littré (Jouanna 1988, p. 230). Idem, De affectionibus VI 216, 228 Littré (Potter 1988, p. 16, 32). Ibidem VI, 226 Littré (Potter 1988, p. 30). Su questi scritti cfr. Totelin 2009, p. 98 ss. Ippocrate, De decenti habitu IX, 238 Littré (Jones 1923, p. 292). Ibidem. Sui ricettari ippocratici in generale cfr. Totelin 2009. Ippocrate, Epidemiae V, 104 Littré (Smith 1994, p. 50). Cfr. in particolare l’espressione herbarii nostri in Naturalis Historia, 22. 147; 25. 174 e 27. 67 per indicare quelli che operavano ai suoi tempi.
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usano per rendere densi gli unguenti (ma non c’è alcun giudizio su di loro) e anche Teofrasto li ricorda senza particolari caratteristiche44; l’autore del De materia medica non nomina mai i φαρμακοπῶλαι e riserva al solo Crateua, all’inizio della prefazione, l’appellativo di ῥιζοτόμος termine che aveva anche legami con il mondo magico. Una testimonianza letteraria si può individuare nel titolo Ῥιζοτόμοι, un dramma di Sofocle che doveva far parte del ciclo di Medea45. I φαρμακοπῶλαι si presentano come venditori46 cui si attribuisce l’abitudine di vendere a caro prezzo, accanto ai farmaci, anche prodotti sospetti come veleni e afrodisiaci, inoltre possono essere itineranti, il che getta su di loro l’ombra della ciarlataneria. Una delle critiche era quella di adulterare i prodotti o presentare animali pericolosi, resi precedentemente innocui, per impressionare gli astanti; le considerazioni positive sono rarissime. Secondo Sesto Empirico il φαρμακοπώλης sta al medico come il demagogo sta all’uomo politico (Adversus Mathematicos, 2, 41). Questi personaggi si incontrano anche nella commedia, nelle orazioni e negli aneddoti che gli storici dedicano alla medicina e in maniera inaspettata un soccorso alla loro buona fama arriva da Galeno, che se da un lato li condanna per le truffe ai danni di clienti troppo ingenui, tuttavia riconosce che possono essere utili47.
3. lE RiflEssioni di tEofRasto Il fondatore della botanica dà un certo spazio ai φαρμακοπῶλαι48, mentre non fa mai riferimento ai medici ippocratici, che pure nel v-iv secolo a.C. avevano dedicato attenzione alla farmacopea vegetale49 in trattati come De morbis mulierum, I-II, De superfoetatione e De natura muliebri e anche nel secondo libro di De victu (qui dal punto vista alimentare), probabilmente perché non avevano dato contributi alla descrizione e all’identificazione delle piante e non danno mai credito agli aspetti delle credenze
44. Teofrasto, Historia Plantarum 4. 2. 6; De causis plantarum 4. 14. 11 e VI. 19. 3; frr. 4.8, 4.30, 4.58. 45. Cfr. Sofocle (Radt 1977), frr. 534-535. Si ritiene che questo dramma rappresentasse l’uccisione di Pelia da parte di Medea, che aveva convinto le figlie che lo avrebbe ringiovanito con le sue arti magiche. Nel primo frammento viene descritto il rituale di raccolta da parte di Medea, che nuda e urlante con falci di bronzo mieteva le radici. Nel secondo una preghiera al Sole, antenato di Medea e a Ecate, dea tradizionalmente legata alle arti magiche. 46. La più antica menzione del φαρμακοπώλης risale al v sec. a.C., in un frammento molto noto di Crizia (DK, B 70) che riporta un lungo elenco di venditori di qualcosa (la prima parte del nome indica l’oggetto venduto): ῤιζοπῶλαι, σιλφιοπῶλαι, καυλοπῶλαι, σκευοπῶλαι, σπερμολόγοι, σπερματοπῶλαι χυτροπῶλαι, φαρμακοπῶλαι, βελονοπῶλαι. Cfr. Samama 2004, p. 9-32 e 2006, p. 7-27; Repici 2006, p. 72-73. 47. Cfr. Guardasole 2006 per un tentativo di riabilitazione di personaggi come ῥιζοτόμοι e φαρμακοπῶλαι, ὀχλαγωγοί, quelli che radunano la folla per meglio vendere i prodotti, in base all’ipotesi che anche costoro hanno contribuito al progresso dell’arte medica. Cfr. anche Boudon 2003, p. 109-131; Nutton 1992 ; 1995; Repici 2006. 48. Ricorda per es. le performances di alcuni φαρμακοπῶλαι, come Trasia o Eudemo nel mangiare l’elleboro, cosa che peraltro anche alcuni pastori dichiaravano di fare (9.17.1-3). 49. In realtà è solo con la medicina di età ellenistica (Erasistrato, Erofilo e gli erofilei, gli Empirici) che la farmacologia si amplia e si consolida. Questo progresso si può forse spiegare per gli erofilei con la forte propensione del caposcuola a dare fiducia ai farmaci di origine vegetale, cfr. von Staden 1989, p. 450; una panoramica sull’argomento è tracciata da Repici 2006, p. 85 ss.
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popolari, che Teofrasto non respinge in blocco, limitandosi ad eliminare gli aspetti più folclorici. Anche se gli autori ippocratici non parlano mai di rituali e preghiere che bisogna fare in relazione a certe piante è però probabile che nei pazienti le credenze tradizionali giocassero ugualmente un ruolo psicologico50. Teofrasto, non essendo medico, ma comunque interessato alle piante medicinali (φαρμακώδεις 9.8.1) poteva permettersi di raccogliere notizie di vario tipo, in particolare sull’attività di tagliatori di radici e venditori di farmaci, come avviene soprattutto nel nono libro dell’Historia plantarum, che forse ha anche inglobato parti di un erbario ed ha delle caratteristiche specifiche51. Possiamo esaminare un brano particolarmente significativo che ci mostra le oscillazioni di giudizio a proposito dei metodi di raccolta delle radici: in 9.8.5 il botanico all’inizio del paragrafo dichiara di riportare notizie date da φαρμακοπῶλαι e ῥιζοτόμοι, che a volte dicono cose probabilmente giuste a volte esagerano (ἐπιτραγῳδοῦντες)52. Invitano infatti a raccogliere alcune radici, fra cui la θαψία53 stando controvento, e dopo essersi unti abbondantemente, perché diversamente il corpo potrebbe gonfiarsi, lo stesso vale per il frutto della rosa canina, perché qui c’è pericolo per gli occhi; alcune piante si debbono raccogliere di notte, altre di giorno, altre prima che la luce del sole le raggiunga come il caprifoglio. Il commento è in 9.8.6: questi consigli non sembrano essere dati in maniera non pertinente (οὐκ ἀλλοτρίως), anzi sono giustificati, perché le proprietà (δυνάμεις) di alcune piante sono nocive, ad esempio causano infiammazioni e ustioni. Così nella raccolta dell’elleboro, bisogna difendersi dai suoi effetti (fa venire mal di testa) mangiando aglio e bevendo vino puro. Fin qui Teofrasto giudica questi consigli accettabili. Non è così per le prescrizioni che seguono che sono considerate (ἐπίθετα) fittizie, false, come per la peonia (παιωνία o γλυκυσίδη; 9.8.6)54 che deve essere presa scavando e solo di notte 50. Cfr. le osservazioni di Lloyd 1987, p. 102 e Repici 2006, p. 75. 51. Nel corso del tempo ha suscitato discussioni sulla sua autenticità, ma vedi Teofrasto (Amigues 2006, p. VII, XIII): il libro IX sarebbe autentico, ma più antico delle altre parti. 52. Letteralmente “espongono al modo dei tragici”, col che si vuole alludere ad un’esposizione vivace e colorita, che doveva mettere in evidenza la merce e aumentare il prezzo; cfr. Teofrasto (Amigues 2006, p. 122). 53. Thapsia garganica L.; la pianta è ricordata di nuovo in Historia Plantarum, 9.9.1 insieme alla mandragora. Sui problemi di identificazioni e il repertorio di attestazioni si veda Teofrasto (Amigues 2006); inoltre cfr. André 1958 e il fondamentale repertorio del 1985. Interessanti confronti con la farmacopea più tarda si possono fare con l’ausilio di Opsomer 1989. Cfr. sulle modalità della raccolta dei semplici Delatte 1938, p. 89, 91 ss. 54. Si tratta della peonia (genere Paeonia L.) pianta di grande tradizione magica. Cfr. Ducourthial 2003, p. 295-311, il suo nome si ricollegava probabilmente ad Apollo Paiôn, il guaritore (vedi Platone, Critias, 108c), cfr. ancora Ducourthial 2003 p. 540, n. 82. Galeno in De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus, 6, 3,10 (Galeno XI, 858-861 Kühn), ne ricorda l’impiego nell’amuleto contro l’epilessia dei neonati; Dioscoride ne parla in 3.140, dove viene elencata una serie di usi medici, ma alla fine si aggiunge che giova contro gli incubi, che sappiamo erano ritenuti di origine demonica; Plinio (25. 29) concorda in linea di massima con Teofrasto e Dioscoride, specificando che il picchio si avventa agli occhi del raccoglitore per difendere la pianta (tuendo) e che gli incubi sono quelli causati dai Fauni. Compare anche in testimoni tardo antichi e medievali come lo Ps. Apuleio e i Dynamidia. La pianta era usata per agevolare il concepimento, il parto e per disturbi femminili in genere secondo i principi della magia simpatica/analogica, poiché per il suo colore viene ricollegata al rosso del sangue, in relazione al flusso mestruale. Perciò che riguarda i poteri antiepilettici, bisogna ricordare che si credeva che l’epilessia avesse un legame con gli influssi della
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perché se il raccoglitore fosse visto dal picchio potrebbe perdere la vista; tagliando la radice, inoltre, correrebbe il rischio di un prolasso del retto55. Diverse sono le piante la cui raccolta deve avvenire seguendo precisi rituali: la centaurea per cui bisogna guardarsi dall’avvoltoio e altri casi simili (9.8.7). Segue un altro elenco che è preceduto da un commento positivo di Teofrasto sul fatto che se si dice una preghiera prima di raccogliere una pianta non è forse niente di assurdo (ἄτοπον), mentre nel caso di tre piante, ξίρις56, mandragora ed elleboro nero (9.8.8), si evidenzia la necessità di un’operazione tipicamente magica: tracciare per tre volte un cerchio con una spada. Per l’elleboro l’affermazione è solo implicita, in quanto viene trattato per ultimo e si dice solo di tracciare un cerchio, ma in 9.9.1 c’è un altro accostamento che rimanda alle tradizioni magico-popolari, poiché dopo aver elencato i possibili usi della mandragora57, fra cui i filtri amorosi, si dice che la radice e il frutto dell’elleboro possono servire per gli stessi scopi. Ma se analizziamo le caratterizzazioni e la “fortuna” delle due piante vediamo che se l’elleboro è in ogni caso una pianta fondamentale della farmacopea ufficiale dell’antichità58, la mandragora invece ha avuto nei secoli un legame costante con la magia, legame favorito dalla sua morfologia. Si tratta infatti di una pianta delle solanacee (Mandragora officinarum L.) con radice biforcata, lunga fino a sessanta centimetri, talvolta con due radici avventizie in alto; proprio questa forma ha prodotto la leggenda dell’antropomorfismo59. La medicina antica la impiega come sonnifero o anestetico (Dioscoride 4.75.3 e 560; Plinio, Naturalis Historia, 25.147-150; Celso 5.2561); credenze popolari le attribuiscono poteri erotici e fecondanti, già per esempio nella Bibbia (Genesi, 30); autori come Aelio Promoto (65) e Apuleio (Metamorfosi, 10.11) ricordano il suo uso come veleno. La mandragora è usata a scopo terapeutico già a partire dal Corpus Hippocraticum dove si registrano otto prescrizioni contro vari malanni62, e vengono segnalate
55. 56. 57. 58. 59. 60. 61. 62.
luna, influssi attivi anche sulla pianta che dall’astro derivava i suoi poteri, come dimostrano alcuni nomi, ad es. in latino lunaria; cfr. Ferraces 2009, che ha studiato il frammento, finora inedito, trasmesso dal manoscritto Parisinus lat., 10233 (f. 272rv), che non apporta notizie nuove su argomenti di medicina magica, quanto piuttosto sui meccanismi di diffusione e circolazione di alcune opere poco note. Plinio trattando di nuovo della peonia in 27.84-87, si mostra scettico su questa affermazione ritenendo che si dica ad ostentationem, per dare importanza alla cosa. Si tratta di una specie di iride selvatica (Iris L.), non chiaramente identificabile. Nel De causis plantarum (6. 4. 5) la mandragora viene messa fra le piante sonnifere. Statisticamente è la pianta più usata nel Corpus Hippocraticum; cfr. Girard 1990, p. 393-405 e bibliografia specifica in Fausti-Hautala 2007, p. 25-29. La tradizione a partire dal i secolo a.C. le attribuisce una forma umana e fatto unico, come abbiamo visto, da un certo periodo in poi, animata. Cfr. Fausti 1998 e bibliografia specifica in Fausti-Hautala 2007, p. 29-45. Per gli stessi scopi in 5.71 si ricorda il vino alla mandragora, che calma il dolore. Celso la mette tra gli anodyna, che tolgono il dolore con il sonno. In Morb., 2. 43 contro le febbri quartane, somministrata nel vino puro insieme a giusquiamo e trifoglio; usata in applicazioni locali nelle affezioni ginecologiche, Mul., 1. 74 (bis) e 80 e 2. 199; e nell’infiammazione del retto, Fist., 9. In particolare in De locis in homine, 39 (bis; VI, 328 Littré; Potter 1995, p. 78) c’è un riferimento alla sfera psichica poiché la radice della pianta, oltre che per le convulsioni, è prescritta in bevanda per i malati che soffrono di depressione e che vogliono impiccarsi. L’uso deve essere prudente e la dose deve essere tale da non provocare il delirio (μαίνησθαι).
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proprietà narcotiche63, analgesiche e antispasmodiche della pianta realmente esistenti; non ci sono tracce di rituali o elementi magici e neppure se ne accenna per confutarli, in quanto la medicina ippocratica è razionale ed evita in genere di confrontarsi con opinioni diverse64. Nel De materia medica accanto agli usi scientifici si ricordano però esperienze della tradizione popolare: i frutti della pianta maschio65 provocano un leggero sopore quando talvolta i pastori li mangiano, anche l’odore dei frutti è soporifero come il loro succo e coloro che li usano troppo, spesso diventano muti66. Alla fine del capitolo (4.75.7) con una formula introduttiva, che come si è già notato, è usata spesso da Dioscoride per prendere le distanze da affermazioni che non condivide (alcuni narrano: ἱστοροῦσι δέ τινες)67 si parla di una terza mandragora che molto probabilmente è da identificarsi con una pianta affine, la belladonna68, estremamente pericolosa. Altre tracce dell’esistenza di una tradizione magica affiorano all’inizio del capitolo, quando si elencano i vari nomi della pianta e dopo quello ufficiale di mandragora leggiamo: “Alcuni la chiamano antimimo, altri bombochilo, altri Circea poiché sembra che la radice produca filtri amorosi (φίλτρα)”. Il nome Circeon è riportato anche da Plinio (25.147) e rimanda evidentemente alla maga Circe69. Ma la fonte più esplicita sui precisi rituali magici della raccolta è Teofrasto (HP, 9.8.8): Bisogna tracciare per tre volte un cerchio intorno alla mandragora con una spada e tagliarla guardando verso occidente70. Il secondo operatore deve danzare in cerchio attorno alla pianta e parlare il più possibile dei piaceri d’amore. Tutto ciò somiglia a ciò che si è detto riguardo al cumino sulle imprecazioni da dire quando viene seminato71.
63. Cfr. sulle piante narcotiche in generale Moisan 1990, p. 381-392. 64. Sull’argomento in generale cfr. Jouanna 1992 in particolare p. 258-297 e Lloyd 1991, p. 49-87. 65. Dioscoride 4.75.1-2: la prima è la mandragora autumnalis, la seconda vernalis; in Plinio ugualmente troviamo mandragoras femina, 25.147, come pure in Isidoro 17.9.30; mandragoras mas o masculus, Plinio e Isidoro ll.cc. 66. Per Areteo la mandragora o il giusquiamo possono provocare comportamenti maniacali (SD., 1.6.1). 67. Dioscoride, IV. 75. 7. 68. Oltre ad essere usata come anestetico, “dicono, che bevuta in quantità di una dracma, o mangiata nella focaccia d’orzo, o in vivande cotte, fa impazzire; chi la mangia si addormenta profondamente cosi come si trova per tre, quattro ore”. Pure questa terza mandragora sembra produrre alterazioni mentali e questo concorda con le caratteristiche dell’Atropa belladonna, anch’essa appartenente alla famiglia delle solanacee, che è un potente narcotico e contiene alcaloidi molto tossici che agiscono sul sistema nervoso. Dosi eccessive sono mortali. Pure Teofrasto Historia plantarum, 6. 2. 9 la descrive indicandola erroneamente con il nome mandragora. 69. Cfr. il commento a questo epiteto di Dierbach 1833 (1990), p. 204. La mandragora potrebbe essere la pianta magica di Circe, con cui trasforma in porci i compagni di Odisseo (Odissea, V. 236), poiché la specie autumnalis cresce in Sicilia. 70. Plinio per ciò che riguarda il rituale della raccolta riprende le indicazioni di Teofrasto di tracciare tre cerchi con la spada e guardare verso occidente (25. 147-150). La mandragora è nominata varie volte solo come componente di ricette: per le fistole e la lacrimazione degli occhi (25.147), per togliere le cicatrici dal viso (25. 175), per le ferite recenti (26. 145), per purificare l’utero (26. 156); anche Plinio il Giovane (1. 8. 4) riprende l’affermazione che le radici di mandragora giovano in caso di lacrimazione e dolore degli occhi. 71. Cfr. 7. 3. 3: imprecare e parlare empiamente quando si semina il cumino.
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Altrove (HP, 9.9.1) si danno indicazioni sugli usi medicinali di alcune parti delle piante, tuttavia anche questa volta la mandragora si segnala per essere legata ai filtri d’amore: [...] la foglia della mandragora dicono che sia utile per le ferite insieme alla farina d’orzo, la radice raschiata e macerata nell’aceto per le erisipele e per la podagra e per il sonno e per i filtri amorosi (φίλτρα).
Questo quadro così variegato produce in Teofrasto un commento finale (9.8.8), che ha il sapore di una resa: Tutte queste notizie sembrano esagerate (ἐπίθετα) come è già stato detto (εἴρηται), ma non esistono altri metodi (τρόποι) per la raccolta di queste radici eccetto quelli che abbiamo menzionato.
4. giudizi nEgativi di tEofRasto Non sempre però l’atteggiamento è questo: per esempio il racconto del metodo di raccolta del cinnamomo viene chiaramente definito “in realtà una favola” (τῷ ὄντι μῦθος; 9.5.2) cioè non credibile. Inoltre per due volte si impiegano verbi di dire per sottolineare l’incertezza delle fonti οἱ μὲν οὕτω λέγουσιν e ἄλλοι δὲ [...] φασι, che introduce la parte più fantasiosa del racconto quando i raccoglitori devono scendere in forre scoscese dove vivono serpenti dal morso mortale72 e vedono la parte toccata in sorte al sole prendere fuoco. Un altro giudizio negativo è in 9.19.2, dove le idee di coloro che ritengono che amuleti (περίαπτα) e antidoti (ἀλεξιφάρμακα) siano in grado di proteggere i corpi e le case, sono definite ingenue (εὐηθέστερα) e soprattutto non degne di fede (ἀπιθανώτερα). Vengono poi ricordati esempi di piante a cui si attribuiscono proprietà incredibili, come quella del τριπόλιον73 che favorisce ogni impresa importante, oppure l’ἀντίρρινον (Antirrhinum orontium L.) la bocca di leone, che procura la gloria, come del resto l’elicriso. A proposito dell’ἀντίρρινον, si può constatare che anche Dioscoride (4.130) riporta una notizia difficilmente verificabile: Si tramanda (ἱστορεῖται) che questo sia un antidoto contro i veleni (ἀντιπαθὲς φαρμάκοις) quando viene portato addosso come amuleto (περιαπτόμενον), e che usato per ungersi con unguento di giglio renda amabili.
Teofrasto liquida altre affermazioni poco credibili con un giudizio morale, dicendo alla fine di 9.19.3 che ricette di questo genere (τοιαῦτα) sono date da coloro che vogliono soltanto far risaltare (συναύξειν) le loro arti; c’è quindi un interesse esclusivamente personale. 72. Un racconto analogo è però già in Erodoto 3.111. Plinio ricordando questa tradizione commenta che si tratta di racconti fatti per aumentare il prezzo dei prodotti (augentes rerum pretia, Naturalis Historia, 12. 85). 73. Limoniastrum monopetalum L.; Plinio 21. 145-147 riporta notizie analoghe su questa pianta, aggiungendo che è utile per il medicamento chiamato alexipharmacon, contravveleno e legata al collo facendo attenzione che non tocchi terra protegge dalle cateratte (oculorum suffusiones). Di fatto funzionava come amuleto.
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5. RispEtto pER i mEdici Come era prevedibile ai medici viene invece accordata fiducia apertamente (HP 9.14.1) anche se riferiscono una notizia dubbia. A proposito dell’elaterio, che è il farmaco che si conserva più a lungo di tutti, si segnala il caso di un medico che aveva rivendicato il possesso di uno vecchio di duecento anni e di qualità mirabile, che gli era stato regalato. L’affermazione è accettata in quanto questi non era né un ciarlatano né un mentitore οὐκ ἀλαζὼν74 οὐδὲ ψεύστης.
6. il contRollo dEllE fonti Nel riferire notizie sulle piante Teofrasto doveva tenere conto delle difficoltà di controllo sulle fonti, perché se in alcuni casi siamo sicuri che sta raccontando cose viste di persona, come la fabbricazione della pece in Macedonia (9.3.1-3) per la precisione del racconto e la certezza della conclusione finale – “così stanno le cose (οὕτως ἔχει) riguardo alla resina e alla pece (9.3.4)” –, in altri casi c’è un diverso atteggiamento, perché quando il botanico doveva riferire notizie sulle piante di luoghi lontani come Etiopia, Arabia, India, Scizia la valutazione sull’attendibilità era certamente difficile, perché si basava su testimonianze di viaggiatori e mercanti, che non erano poi molto attenti perché il loro principale interesse erano gli aspetti commerciali. Però per la mirra e l’incenso provenienti dall’Arabia (9.4.1) può confrontare due fonti diverse, i mercanti e i risultati della spedizione di Anaxicrate, che Alessandro75 aveva incaricato di circumnavigare la penisola arabica da occidente, e le descrizioni relative alle piante profumate, derivate da questa fonte, sono state giudicate dai botanici eccezionalmente pertinenti76. Le testimonianze sono divise a seconda che siano autoptiche o meno. In HP, 9.4.2 si riferisce genericamente sull’aspetto dell’albero (φασίν), poi si dichiara che altri fanno il loro racconto per avere visto (φάσκοντες τεθεωρηκέναι); si tratta di quelli che avevano navigato lungo costa e sbarcati per cercare acqua avevano visto (θεωρῆσαι) gli alberi e la raccolta del prodotto (9.4.4). La seconda parte della narrazione si basa solo sul sentito dire (ἀκούειν) riguardo al fatto che l’incenso e la mirra vengono raccolti nel santuario del sole nel paese dei Sabei, santuario guardato da Arabi in armi, dove avviene il commercio di queste spezie, di cui una quantità spetta ai sacerdoti (9.4.5-6). In conclusione il racconto dei navigatori è più attendibile πιθανώτερος (9.4.9) nella parte che hanno visto di persona. Però alla fine di tutto il capitolo (9.4.10) Teofrasto fa il punto su tutte queste notizie classificandole fra ciò che ha saputo per sentito dire fino ad allora (ἀκηκόαμεν ἄχρι γε τοῦ νῦν).
74. Notare l’uso di questo termine che richiama la polemica di De morbo sacro. 75. Teofrasto (Amigues 2006, p. XIX), che colloca la data della spedizione nel settembre/ ottobre del 324 a.C. 76. Ibidem, nota 32.
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7. l’attEggiamEnto di dioscoRidE: la pREsEnza dEl dubbio Questa metodologia che comporta l’operare una distinzione fra notizie comprovate o meno viene ampiamente ripresa da Dioscoride poiché nel De materia medica per segnalare credenze derivate dalla tradizione magico-popolare, come già si è osservato, vengono utilizzate espressioni fisse, quali “dicono, si dice, si racconta, si tramanda (λέγουσιν, φασί, λέγεται, ἱστορεῖται, ἱστοροῦσι)”. Questa parte in genere compare alla fine del capitolo o comunque dopo l’esposizione generale; spesso è presente la particella δέ per dare l’idea che si segua una scala discendente di importanza e l’autore non ha un atteggiamento di accettazione passiva. L’obiettivo scientifico di Dioscoride era quello di fornire una lista di rimedi naturali efficaci, messi a disposizione della medicina, ricavati non solo dalla lettura di scrittori più antichi (ἱστορία), ma provati e accertati mediante la conoscenza diretta (αὐτοψία). Nella prefazione77 rivendica per sé il merito di aver scoperto il nuovo ordine (τάξις) nella farmacologia, organizzando i rimedi sulla base delle δυνάμεις (Praef., 5) e ricorda che chi vuol avere esperienza di questa materia deve avere conoscenza diretta di tutto il ciclo di sviluppo: Infatti colui che si è trovato ad assistere soltanto al germogliare non può riconoscere la maturità, né colui che ha visto solo la maturità può riconoscere ciò che è nato da poco (Praef. 7).
Seguendo queste premesse nell’esposizione viene data la precedenza ad indicazioni sicure di tipo medico e successivamente possiamo trovare le espressioni sopracitate come φασὶ δὲ in relazione ad esempio al giusquiamo (ὑοσκύαμος)78, che dicono potrebbe provocare il delirio, e il croco (κρόκος)79 che cura varie infiammazioni, ma in una certa quantità dicono sia velenoso. Il convolvolo (δορύκνιον)80 si caratterizza per i suoi effetti presentati dubitativamente: sembra (δοκεῖ) che abbia poteri soporiferi e che sia mortale se preso in eccesso; alcuni dicono che il suo seme può essere utilizzato per gli incantesimi d’amore (φίλτρα). Ancora più problematica è la presentazione di altre piante, ad esempio l’asparago (ἀσπάραγος)81: Dicono inoltre (φασὶ δὲ) che i cani che bevono il suo decotto muoiono. Alcuni poi hanno raccontato (ἔνιοι δὲ ἱστορήκασιν) che, se qualcuno seppellisce le corna di un ariete dopo averle spezzate, nasce un asparago.
Siamo di fronte a notizie incontrollate come per il gladiolo (ξίφιον)82: Dicono inoltre (φασὶ δὲ) che la parte superiore della radice eccita l’attività sessuale se bevuta con vino e che la parte inferiore sulla rende sterili. 77. Per un’analisi di questa parte dell’opera cfr. Scarborough-Nutton 1982; Fausti 1996. 78. Hyoscyamus sp. L. (4.68.5). 79. Crocus sativus L. (1.26.3); sul nome greco del croco e i suoi significati a partire dalla letteratura omerica cfr. Manessy-Guitton 1993, p. 223 ss. 80. Cfr. 4.74: Convulvulus oleaefolius Desrousseaux, pianta annuale delle Convolvulaceae; Dioscoride lo pone all’interno di una sezione dedicata a piante con proprietà soporifere e anestetiche, che comincia con il papavero al cap. 63 e comprende anche lo stramonio e la mandragora. 81. Asparagus officinalis L. (2.125). 82. Gladiolus communis L. (4.20, 2).
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Sempre in relazione alla procreazione, sulla mercorella canina (φύλλον)83 leggiamo: λέγεται δὲ τὸ ἀρρενογόνον ποθὲν ἀρσενοτοκεῖν, τὸ δὲ θηλυγόνον θηλυτοκεῖν. ἱστορεῖ περὶ τούτων Κρατεύας· ἐμοὶ δὲ δοκεῖ τὰ τοιαῦτα μέχρις ἐρεῖν. Si dice che il tipo detto ἀρρενογόνον bevuto fa generare figli maschi, il θηλυγόνον figlie femmine. Crateua riferisce (ἱστορεῖ) su questi argomenti, ma a me sembra che egli abbia parlato sulla base di informazioni della tradizione comune (ἱστορία) (3.125)84.
Una pianta che sembra impedire la procreazione è il biancospino (ὀξυακάνθα)85: Si racconta (ἱστορεῖται) che la radice provoca anche gli aborti (ἐκτρωσμοὺς ἐργάζεσθαι) se l’addome viene toccato con essa delicatamente per tre volte (τρὶς πληχθείσης) oppure se viene unto con la stessa.
L’espressione ἱστορεῖται viene usata per introdurre qualità terapeutiche attribuite a parti dell’avvoltoio (φήνη)86: Si racconta (ἱστορεῖται) che lo stomaco dell’avvoltoio, detto ossifragus in latino (ὃ Ῥωμαιστὶ καλοῦσιν), dato da bere un poco alla volta stimola la diuresi (ἐξουρεῖσθαι).
Talvolta le notizie sono giudicate decisamente false, come per la vipera ἔχιδνα (2. 16.1): Dicono (φασὶ δὲ) che coloro ai quali è stata somministrata carne siffatta sviluppano i pidocchi, il che è falso (ψεῦδος); alcuni aggiungono (προσιστοροῦσι δὲ) chi mangia carne di vipera diventa longevo87.
8. posizioni liminaRi Esistono però vari elementi (piante o minerali) che sono in prima istanza consigliati per usi farmacologici, ma a cui sono attribuiti pure poteri magici, poiché vengono utilizzati come amuleto (περίαπτον o forme del verbo περιάπτω) e si situano perciò in una posizione liminare fra il mondo irrazionale e quello scientifico. Alcuni esempi chiari all’interno del De materia medica si ritrovano in prescrizioni per facilitare il parto. La pianta chiamata ἀνάγυρος liburno fetido88 è utile contro il morso dei ragni velenosi, ha vari usi ginecologici ed è anche un amuleto (περίαπτον) per le donne che hanno un parto difficile δυστοκούσαις. Però subito dopo il parto l’amuleto (περίαμμα) deve essere rimosso e gettato via89. Altri esempi includono l’uso di pietre particolari quali il diaspro o la pietra che si trova nella terra di Samo e veniva usata dagli orafi per lucidare l’oro.
83. 84. 85. 86. 87. 88. 89.
Mercurialis perennis L. è una pianta tossica, diffusa anche in nord Italia (3.125). Cioè senza esperienza diretta. Si tratta del Cotoneaster pyracantha Spach, biancospino (1.93). Un tipo di avvoltoio, probabilmente il gipeto (2.53). Sulle proprietà terapeutiche della carne di vipera, cfr. Boudon 2012, p. 289-293. Anagyris foetida L. (3.150.2). Viene usata un’espressione forte ῥίπτειν scagliare; secondo il principio magico l’amuleto ha assorbito su di sé il male.
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Il diaspro (λίθος ἴασπις; 5.142) è una pietra preziosa; ne vengono elencati diversi tipi di colore differente e si conclude dicendo che: Δοκοῦσι δὲ πάντες εἶναι φυλακτήρια περίαπτα καὶ ὠκυτόκια μηρῷ περιαπτόμενα (Sembra che tutti siano amuleti efficaci come talismani protettivi e legati alla coscia facilitino il parto)90.
È da ricordare anche la pietra che si trova all’interno della terra di Samo (ἐν τῇ Σαμίᾳ γῇ λίθος; 5.154.1). Dopo le indicazioni terapeutiche (ha proprietà astringenti e rinfrescanti, giova ai sofferenti di stomaco, ecc.) leggiamo: Sembra anche che faciliti il parto (ὠκυτόκιος) e protegga (φυλακτήριος) le donne incinte che la portano come amuleto (περιαπτόμενος).
È dunque tramandata una tradizione magico popolare che attribuisce valore protettivo ad alcune gemme in relazione ad un evento come il parto, difficilmente dominabile con i mezzi dell’epoca. È lo stesso motivo per cui si consiglia di usare una pietra che si trova nello stomaco dei piccoli delle rondini (χελιδόνος νεοσσοί; 2.56.1) per dare sollievo agli epilettici. La preparazione deve avvenire in determinate condizioni legate al ciclo lunare che tradizionalmente si credeva avesse influenza sull’epilessia: Se apri i rondinini della prima covata delle rondini prima che la luna sia piena troverai nello stomaco delle pietre, prendine una variegata, l’altra di un solo colore, e prima che entrino a contatto con il suolo avvolgile in pelle di giovenca o di cervo e avendole appese (περιάψας) al braccio o al collo degli epilettici porterai giovamento; spesso alcuni li guarirai completamente91.
Il giudizio su questo procedimento è positivo. In alcuni casi l’amuleto non è impiegato contro le malattie, ma svolge la sua funzione tipica di allontanare il pericolo e il male, come per esempio l’acacia bianca (ἄκανθα λευκή)92 – “Dicono che con i suoi poteri di amuleto περίαπτον allontana gli animali selvatici” – oppure il pruno che avrebbe ugualmente potere apotropaico93 – “Si dice che i suoi rami attaccati su porte o finestre respingano i malefici94 (ἀποκρούειν τὰς τῶν φαρμάκων κακουργίας)”.
90. È una situazione analoga all’esempio ippocratico di Mul., I,77 (cfr. supra). 91. Una ricetta molto simile è in Celso, che però non si mostra d’accordo. Si parla di una malattia della gola: “Quando poi questa malattia sia migliorata bisogna iniziare dalle cose umide, specialmente i decotti di acqua mielata, poi bisogna prendere cibi delicati e non acri finché la gola ritorni al suo stato normale. Vulgo audio sento dire comunemente che mangiare un rondinino preserva per tutto l’anno dall’angina, e anche che conservato sotto sale, giovi a chi viene preso dalla malattia, bruciato, carbonizzato e ridotto in polvere e somministrato in acqua e miele. Siccome questo rimedio è molto accreditato a livello popolare ex populo, e non comporta pericoli, ho creduto di doverlo inserire nella mia opera, sebbene non l’abbia letto in alcun trattato di medicina in monumentis medicorum”. 92. Cnicus ferox L. o Cnicus acarna L. (3.12.2). 93. Rhamnus cathartica L. (1.90), spino cervino, arbusto della famiglia delle Rhamnaceae con fiori bianchi e frutto violetto aspro. 94. Plinio (21.108) ricorda un potere analogo per un’altra pianta, l’asfodelo, che tradunt, coltivata davanti alle case di campagna protegge contro i danni delle stregonerie (veneficiorum).
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Anche in Galeno possiamo trovare alcuni esempi che ci mostrano come, nonostante sia l’esponente per eccellenza della medicina scientifica, sia possibile rintracciare nella sua vasta opera anche un’attenzione per aspetti diversi95. Si possono segnalare due esempi particolarmente interessanti dove il Pergameno esamina una situazione di medicina magico-popolare, intervenendo poi con una sua verifica razionale, che però non contraddice la bontà del trattamento tradizionale. Nel primo caso (De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus, 6, 3, 10)96 a proposito della γλυκυσίδη o peonia, pianta fortemente connotata dal punto vista magico97, la cui radice si ritiene che applicata come amuleto (περιαπτομένην) curi l’epilessia nei neonati. Qui interviene il racconto di un’esperienza personale del medico: un neonato di sei mesi da quando portava addosso (ἐφόρει) l’amuleto (περίαπτον), non aveva più avuto attacchi, ma quando questo si stacca dal suo collo viene riassalito dalla malattia e solo una rapida sostituzione (περιαφθέντος) lo fa ristabilire. Per attuare una verifica scientifica (πείρας ἕνεκα) Galeno toglie deliberatamente l’amuleto e il bambino ha una ricaduta; a questo punto viene rimesso l’oggetto al collo usando una grande quantità di una radice fresca e il piccolo paziente guarisce definitivamente. Si ipotizza una spiegazione razionale: piccole parti della radice sarebbero state attirate con la respirazione andando a guarire le parti malate oppure il contatto con la radice avrebbe modificato l’aria stessa98. Lo stesso comportamento lo troviamo a proposito del diaspro verde, che è accettato da Galeno come amuleto per guarire il dolore di stomaco e come nel caso precedente ne razionalizza l’uso parlando della sua esperienza personale che lo convalida, anche se finisce ricordando che l’esperienza e il metodo razionale sono due cose diverse. In De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus, 10,1999 afferma che alcuni sostengono che certe pietre hanno qualità curative, come il diaspro verde che indossato come amuleto (περιαπτόμενον) è in grado di curare il mal di stomaco e continua dicendo di averne sperimentato in prima persona l’efficacia, formando con le pietre una collana di una lunghezza tale che le permetteva di raggiungere l’esofago, cioè di stare vicino alla parte malata. Anche qui il medico cerca di conciliare l’aspetto scientifico dell’effetto di contatto con la tradizione popolare. Probabilmente qui Galeno riflette gli influssi di teorie di origine orientale che si erano affermate in epoca imperiale100 e che basandosi sui poteri di simpatia / antipatia attribuiti a piante animali o pietre si proponevano di curare le malattie.
95. Cfr. Jouanna 2011; von Staden 2003. 96. Galeno, De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus XI, 859-860 Kühn. 97. Abbiamo visto i rituali di raccolta in Teofrasto (Historia plantarum, 9.8.6). Cfr. anche la nota 54. 98. Sia il passo relativo alla peonia sia quello relativo al diaspro sono analizzati da Jouanna 2011, p. 61-65. 99. Galeno De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus XII, 207 Kühn. 100. Cfr. Mastrocinque 2006, p. 93.
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In conclusione, dalla lettura dei vari testi emerge una realtà molto complessa dove spesso i confini fra irrazionale e razionale si confondono e la farmacologia costituisce un ponte fra questi due mondi, situazione ben riassunta dal commento di Teofrasto (9.18.2) che a proposito di una credenza sulla pianta chiamata σκορπίον dichiara101: se la storia sugli scorpioni è vera, rende credibili (οὐκ ἀπίθανα) tutti i racconti analoghi sugli scorpioni; in conclusione tutte le leggende (τὰ μυθώδη), non si formano senza ragione (ἀλόγως).
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Un passo di Giovanni Alessandrino su Tessalo (In Hip. epid. VI fr. 42, p. 104 Duffy = p. 148 Pritchet)*
Amneris rosElli (Università degli studi di Napoli L’Orientale) Summary In a passage of the Commentary on Hippocrates’ Epidemics VI by John of Alexandria – an emblematic witness of Alexandrian Galenism – we can find traces of the popularity of astrological medicine in the commentator’s times. John of Alexandria tries to counter it using – improperly – Galen’s aggressive judgment on the Methodic physician Thessalus of Tralles.
1. il pRoblEma Il commento di Giovanni Alessandrino al VI libro delle Epidemie è uno dei testimoni della medicina alessandrina che si è sviluppata nel seno del galenismo. Oggi leggiamo integralmente il commento di Giovanni solo in traduzione latina, nell’edizione di Christopher Dixon Pritchet (1975)1, ma alcuni frammenti greci sono stati recuperati nel ms. Vat. gr. 300 (xii sec.), dove sono stati trascritti come scolî, e in alcuni altri manoscritti greci che costituiscono una diversa famiglia rispetto al Vat. gr. 300, e si leggono nell’edizione CMG curata da John M. Duffy (1997)2. Un commento alessandrino ad Ippocrate non sembra un testo promettente per trovare testimonianze sulla medicina magica e/o religiosa o sulla medicina astrologica, oggetto di questo colloquio; dato che Giovanni era quasi certamente cristiano, egli sembrerebbe piuttosto un buon candidato per offrire testimonianze sui modi dell’“incorporazione” da parte di
* 1. 2.
Ringrazio Matteo Martelli per la sua competente lettura di questo lavoro e per i suggerimenti bibliografici. Giovanni Alessandrino (Pritchet 1975). Giovanni Alessandrino (Duffy 1997). Di età alessandrina si conservano altri due commenti a Epidemie VI: un commento in greco di Palladio, tramandato quasi integralmente (Palladio, Dietz 1834), e parte di un commento in siriaco recentemente scoperto e attribuito a Gessio da Kessel (Kessel 2012, p. 93-124; con ed. parziale che comprende il commento al passo di cui ci occupiamo qui). Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 41-53
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autori cristiani della tradizione medico-filosofica di stampo ippocratico-galenico e spunti in questa direzione sono in effetti rintracciabili nei suoi commenti3. Eppure, nascosto tra le pieghe di una polemica appena accennata, c’è nel commento di Giovanni almeno un passo che fa riferimento, molto rapidamente, alla medicina egiziana: esso riguarda, come spero di dimostrare, la medicina che fonda la terapia sugli influssi astrali. Le testimonianze sul vigore e la diffusione di questa medicina nell’Egitto tardoantico, non mancano4: oltre ai testi letterari disponiamo di papiri che si datano a tutta l’età imperiale e giungono fino alla tarda antichità e dimostrano il perdurante vigore di tali pratiche terapeutiche5: non stupisce allora che Giovanni abbia dovuto fare i conti con questa realtà a lui contemporanea e che abbia cercato di stabilire i confini tra la medicina ippocratico-galenica, della quale è un insigne esponente, e la medicina egiziana, estranea e, a suo parere, in nessun modo assimilabile ad essa. Il riferimento alla medicina egiziana che intendiamo spiegare si trova nel commento al lemma di Epidemie, VI, 8, 7 (fr. 42)6: “odori che riempiono (ὀδμαὶ πιμπλᾶσαι)”, che Giovanni conclude così: E quanto al fatto questo è vero, che gli odori – e specialmente i profumi –, ristorano le forze; e si racconta un fatto mirabile a proposito di Democrito. Quando Democrito, colui che rideva della vita, decise di lasciarla, ad Abdera, dove egli si trovava, si stava per celebrare una festa. Allora gli Abderiti gli chiesero di non lasciare la vita in quel momento perché la città non fosse in lutto durante la festa, e Democrito disse loro: “Per quanti giorni volete che io resti?” ed essi risposero “per i quattro giorni della festa”; Democrito ordinò di portare un vaso di miele e odorandolo sopravvisse per quattro giorni. Altri invece raccontano che ordinò di portare un forno e di cuocervi dei pani e così sopravvisse grazie al profumo del pane. Credilo, se ti pare. E davvero, si può dire che l’anima può restare più a lungo nel corpo se a dio lo chiede un’anima pura, ed è questo che ha fatto Democrito molte volte. Ma in quanto medici noi non accettiamo questa spiegazione. E anche Galeno, in quanto medico, accusa il medico Tessalo che proclamava di insegnare la medicina in sei mesi: non è questa medicina (sc. la nostra, di medici di tradizione ippocratico-galenica) che Tessalo proclamava di insegnare in sei mesi; bisogna sapere infatti che, essendo egli
3.
4. 5. 6.
Nel commento a De natura pueri Giovanni (Bell et al. 1997, p. 146) raccoglie argomenti per giustificare la pratica dell’aborto che Ippocrate suggerisce nel cap. 13 di quello scritto cercando di elidere il conflitto tra il testo di Ippocrate e la morale cristiana; Duffy spiega l’espressione ἀρχαίη φύσις criticando coloro che la intendono come una dynamis divina che scende dal cielo, forma l’embrione e ritorna al cielo (Ibidem, p. 154-156). Altri spunti per la reazione a problematiche di interpretazione “teologica” offrono due passi (Ibidem, p. 60, 90) in cui Giovanni ammette una ἄνω ῥοπή che agisce indipendentemente dal medico e al di sopra di lui; ma Giovanni stabilisce anche e soprattutto quel che egli può fare, “in quanto medico” (Ibidem, p. 90). Cfr. Nutton 2004, p. 268-270, che raccoglie le testimonianze della prima età imperiale di questa medicina altra. Ampia bibliografia offrono gli studi di Magali de Haro Sanchez, in particolare si vedano: de Haro Sanchez 2004, p. 37-60; 2008a, p. 97-102; 2008b, p. 79-98; 2010a; 2010b, p. 131-153; 2012a, p. 159-169 e, da ultimo, 2012b; 2013, p. 146-154. Giovanni Alessandrino (Pritchet 1975, p. 148 ; Duffy 1997, p. 104).
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andato in Egitto, imparò a curare servendosi di una forza superiore, e quella medicina diceva di poter insegnare in sei mesi7. Καὶ ὅτι τοῦτο ἀληθές ἐστι, ὅτι αἱ ὀσμαὶ μάλιστα αἱ εὐώδεις ἀναρρωννύουσι τὰς δυνάμεις, λέγουσί τι θαυμαστὸν περὶ Δημοκρίτου· ἡνίκα γὰρ ὁ Δημόκριτος ὁ τὸν βίον γελῶν ἠβουλήθη ἐξαγαγεῖν ἑαυτὸν ἐκ τοῦ βίου, πανήγυρις ἔμελλεν ἐπιτελεῖσθαι ἐν Ἀβδήροις, ἔνθα ἦν ὁ Δημόκριτος. εἶτα οἱ Ἀβδηρῖται ᾔτησαν αὐτὸν μὴ ἐξαγαγεῖν τέως, ἵνα μὴ ἐν τῇ ἑορτῇ πένθος σχοίη ἡ πόλις. καὶ λέγει αὐτοῖς ὁ Δημόκριτος. ‘´Εως πόσων ἡμερῶν βούλεσθε ἀναμείνω; οἱ δὲ εἰρήκασιν· ‘´Εως τεσσάρων ἡμερῶν τῶν τῆς ἑορτῆς. καὶ ἐκέλευσεν ὁ Δημόκριτος ἐνεχθῆναι ἀγγεῖον μέλιτος, καὶ εἰς αὐτὸ ὀσμώμενος διέμεινεν τὰς τέσσαρας ἡμέρας. ὡς δὲ ἕτεροί φασιν, ἐκέλευσε κλίβανον ἐνεχθῆναι καὶ ἐν αὐτῷ ἄρτους ὀπτᾶσθαι, καὶ οὕτως ἐκ τῆς ὀσμῆς τῶν ἄρτων διέμεινεν. λοιπὸν εἰ βούλει πιστεῦσαι, πίστευσον. ἔστι δὲ τῷ ὄντι εἰπεῖν, ὅτι δυνατόν ἐστιν δι ̓αἴτησιν καθαρᾶς ψυχῆς πρὸς τὸ θεῖον μεῖναι πλείονα χρόνον τὴν ψυχὴν ἐν τῷ σώματι. καὶ πολλάκις τοῦτο ἐποίησεν ὁ Δημόκριτος. ἀλλὰ ταύτην τὴν αἰτίαν ὡς ἰατροὶ οὐ δεχόμεθα. ἀμέλει γοῦν καὶ ὁ Γαληνὸς ὡς ἰατρὸς ἰατρῷ ἐγκαλεῖ τῷ Θεσσαλῷ εἰς ἓξ μῆνας ἐπαγγελλομένῳ παραδιδόναι τὴν ἰατρικήν. ὁ γὰρ Θεσσαλὸς οὐ ταύτην ἔλεγεν τὴν ἰατρικὴν παραδιδόναι εἰς ἓξ μῆνας· ἀλλ ̓ ἰστέον, ὅτι ἀπελθὼν οὗτος εἰς Αἴγυπτον ὠφελήθη τὸ ἐξ ὑπερτέρας δυνάμεως θεραπεύειν, καὶ ταύτην ἔλεγεν διὰ ἓξ μηνῶν παραδιδόναι.
Concludendo il suo discorso sulla capacità nutritiva che Ippocrate attribuisce agli odori, Giovanni riferisce il famoso aneddoto relativo a Democrito che, deciso a lasciarsi morire di inedia, aveva accettato di ritardare la sua morte per non turbare la celebrazione di una festa, ed era sopravvissuto alcuni giorni nutrendosi dei soli effluvi del miele o del pane appena cotto (“odori che riempiono”, appunto). Giovanni allude all’episodio, omettendo i dettagli che ho appena menzionato, a noi noti da altre fonti (Diogene Laerzio, Ateneo, Suda e, primo tra tutti, l’Anonimo Londinese) e che dovevano essere ben noti anche al suo uditorio8. Diversamente da tutte le altre fonti, però, Giovanni commenta criticamente la spiegazione della sopravvivenza di Democrito, attribuendola non alla capacità nutritiva degli odori ma a una grazia particolare che la divinità può concedere ad un’anima pura (e che ha più volte concesso a Democrito). Ma, dice Giovanni, questa modalità di ritardare la morte in quanto medico non lo riguarda. Ormai intrapresa la via della delimitazione del campo di competenza dei medici (si veda anche il caso citato alla fine della n. 3), Giovanni aggiunge un riferimento polemico a Tessalo, il medico metodico che Galeno ha ripetutamente attaccato con l’argomento sprezzante, ripreso da Giovanni, che prometteva di insegnare la medicina in sei mesi9. Questa ultima nota giunge inattesa e non pare avere alcuna relazione con la dottrina degli odori. Mi pare però chiaro che Giovanni ha preso 7. 8. 9.
Corsivi miei. Discuto le fonti dell’aneddoto in Roselli 2012, p. 271-273. Nel suo commento, p. 117, Duffy rinvia a De sectis come fonte per la conoscenza da parte di Giovanni del metodo rapido di Tessalo.
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spunto dall’espressione “in quanto medici”, che conclude la notizia relativa a Democrito; la ragione specifica che spiega la menzione di Tessalo è oscura, ma credo che si possa tentare di individuarla.
2. pRoposta di soluzionE Per prima cosa si dovrà osservare che il Tessalo di Tralle metodico che pretendeva di insegnare la medicina in sei mesi (come ripete Galeno in De sectis e in De methodo medendi)10 non è altrimenti citato in relazione alla dottrina degli “odori che nutrono” e non lo è neppure come commentatore di Ippocrate; e ancora, non risulta da altre fonti una sua formazione in Egitto dove avrebbe ricevuto insegnamenti da un essere superiore, né questo risulta per altri medici metodici11. Certo non basta che una testimonianza sia isolata e tarda per non prestarle fede, ed in effetti la notizia è stata ritenuta affidabile. Rifiutarla sarebbe avventato se non possedessimo il testo di un Tessalo, questo sì formatosi in Egitto, come racconta egli stesso ampiamente nell’epistola che lo introduce12 e nella cui operetta leggiamo terapie legate alla conoscenza astrologica, quella che gli sarebbe stata rivelata a Tebe in Egitto, da Asclepio in persona e con la mediazione di un sacerdote; questo Tessalo che ha abbandonato la medicina razionale, Giovanni potrebbe evocare, per associazione di idee, dopo aver menzionato un medico-indovino quale era diventato Democrito in età tardoantica13, confuso con Bolos di Mende ed allievo in Egitto del persiano Ostane, autore di Prognostica o Secreta (ma questa potrebbe essere una tradizione medievale)14, di una Sfera il cui unico frammento di tradizione papiracea riguarda una prognosi di vita e di morte15 e di un libro Su ciò che c’è nell’Ade (forse autentico e forse quello a cui allude Giovanni Alessandrino quando parla delle numerose [πολλάκις] esperienze “mistiche” di Democrito)16. È possibile che Giovanni dica che, “in quanto medici”, si devono mantenere le giuste distanze dall’uno e dall’altro (da Democrito e da Tessalo), e che confonda in una unica persona il Tessalo medico-astrologo col Tessalo metodico che proclamava di insegnare la medicina in sei mesi. 10. Cfr. Galeno, De sectis, 1, 83, 12 Kühn; ibidem 95, 17 (detto in generale dei Metodici); De methodo medendi, 10, 5, 2 Kühn; ibidem 781, 11 (allusione all’insegnamento di Tessalo); ibidem 927, 14 (allusione all’insegnamento di Tessalo). 11. Tecusan 2004. 12. Il nome dell’imperatore a cui la lettera è indirizzata è tramandato in maniera non certa; anche del Tessalo metodico si tramanda che abbia scritto una lettera all’imperatore Nerone, cfr. Galeno, De methodo medendi, 10, 7,17 Kühn. 13. Già Plinio, Naturalis Historia, XXX, 2, 10 fa di Democrito colui che ha portato al suo apice la magia nello stesso periodo in cui Ippocrate vi portava la medicina. 14. Cfr. Pizzani 1998, p. 197-226; 2000, p. 127-146; Crismani 1998, p. 227-235; Nutton 2004, p. 49, n. 89. 15. Cfr. Pap. Magic. Lugd., 384: Δημοκρίτου Σφαῖρα. Προγνωστικὸν ζωῆς καὶ θανάτου. γνῶθι πρὸς τίνα σελήνην ἀνέπεσε νοσῶν καὶ τὸ ὄνομα τὸ ἐκ γενετῆς συνψήφισον τῆι σελήνηι καὶ βλέπε, πόσαι τριακάδες γίνονται, καὶ τὰ περιλειπόμενα τοῦ ἀριθμοῦ κατανόησον εἰς τὴν ‘σφαῖραν’ καὶ ἂν ἧι ἄνω ἡ ψῆφος, ζήσει, ἐὰν δὲ κάτω, τελευτήσει. 16. Secondo la testimonianza di Proclo (In remp., II, 133, 6 = 68 B 1 DK), Democrito in quest’opera avrebbe riportato racconti di persone tornate in vita dopo la morte. Proclo dà una spiegazione “medica” del fenomeno. Su Democrito alchemico vedi Martelli 2012.
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3. il tEssalo autoRE dEl de virtutibus herbarum Vediamo allora chi è questo Tessalo. Si tratta dell’autore di un’opera di modeste dimensioni che leggiamo oggi con il titolo De virtutibus herbarum (o con il titolo più completo De plantis duodecim signis et septem planetis subiectis) in varie redazioni in greco e in latino. L’opera è divisa in due parti: la prima costituita di 12 capitoli dedicati ciascuno alle proprietà terapeutiche di una pianta associata ad un segno zodiacale che determina il periodo in cui deve essere raccolta17, la seconda da altri 7 capitoli, tanti quanti i pianeti e i giorni della settimana a cui essi presiedono e nei quali si devono raccogliere sette diverse piante medicinali. La parte tecnica è preceduta da un “proemio”. Il più recente editore, Hans-Veit Friedrich18, ha distinto due redazioni principali (“Der Thessalostext” e “Der Hermestext”) e le ha pubblicate in edizione sinottica greca e latina su più colonne: la prima redazione è conservata nel manoscritto greco T, Matritensis Bibl. Nat. 4631, del xv secolo, di mano di Costantino Lascaris, e nella traduzione latina del ms. M (Montepessulanus fac. med. 277 del xiv secolo, che è anche il più antico testimone di cui disponiamo), e ancora in latino nel ms. V (Vindob. 3124 del xv secolo) e in un’edizione a stampa parigina del 1528 (P); la seconda redazione nei manoscritti greci F (Monacensis 542 del xvi secolo); B (Par. gr. 2502 del xvi secolo): H (Vind. med. gr. 23), della stessa mano di B; G (Leidensis Voss. 8° 19, del xvi secolo) e L (Londiniensis Regius 16, C, II del xv secolo); l’attribuzione ad Ermete della seconda redazione ha fatto la fortuna di questo testo in età moderna, essendo gli studi sull’Ermetismo numerosi e significativi, basterà ricordare solo gli autorevoli studi del Padre Festugière. Dal 1968, anno dell’edizione Fredrich, ad oggi sono stati fatti alcuni progressi nella conoscenza della trasmissione di questo libro. Intanto si è visto che abbiamo a che fare con due traduzioni latine distinte, una di età tardoantica e una medievale19, e nell’ultimo decennio Arsenio Ferraces Rodríguez, grazie alla sua mirabile conoscenza di opere come il De herbis femininis e la Physica Plinii, ha rinvenuto in esse alcuni capitoli che risalgono appunto alla traduzione tardoantica20. Il De herbis femininis e la Physica Plinii diventano oggi testimoni di tradizione indiretta del De virtutibus herbarum e documentano la sua fortuna antica tanto più importante in quanto la tradizione diretta si concentra come si è visto tra xiv (ms. Montepessulanus) e xvi secolo. Il testo doveva essere diffuso in ambito latino intorno al vi secolo, un paio di citazioni in Aezio, che però attribuisce i capitoli ad Orfeo, documentano la sua fortuna in greco, ancorché sotto diverso nome. Le redazioni di cui oggi disponiamo, nella
17. Sul tema delle prescrizioni per la raccolta delle piante cfr. ancora Delatte 1961. 18. Friedrich 1968. Nel titolo attribuisce lo scritto a Thessalos von Tralles, identificandolo col Tessalo metodico, ma poi, in testa all’edizione, ha scritto, col ms. di Montpellier, Thessalus philosophus. Nella tradizione manoscritta non c’è nessun riferimento alla città di Tralle. 19. Cfr. Sconocchia 1984, p. 125-157. 20. Ferraces Rodríguez 2004, p. 369-382 (uno dei frammenti comprende le linee 27-39 Friedrich dell’epistola introduttiva); 2005, p. 153-168; 2008, p. 173-176 (il capitolo 23 ad ulcera narium et omnibus uulneribus uetustissimis della Physica Plinii deriva dalla traduzione latina tardoantica del libro di Tessalo, il che anticiperebbe la traduzione latina a prima della composizione della Physica, che si data al v-vi secolo).
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loro pluralità e nella varietà delle attribuzioni, sono un indizio del successo dell’opera, il che conforta nell’avanzare l’ipotesi che questo sia il Tessalo a cui fa riferimento Giovanni Alessandrino nel commento a Epidemie VI molto probabilmente in quel tempo avversario più “pericoloso” del Tessalo metodico. Ma torniamo alla prima età imperiale per conoscere meglio questo Tessalo che si è formato in Egitto. Il De virtutibus herbarum è preceduto da un parte introduttiva, che, come si diceva, si tramanda in forma diversa nelle due distinte redazioni. Nel cosiddetto Hermestext il testo del proemio compare in una redazione “breve” che inizia con la rivelazione di Ermete ad Asclepio21, nell’altra la stessa rivelazione (ma di Asclepio a Tessalo) è contenuta in un’epistola di Tessalo (il nome del personaggio si trova nell’intestazione della versione latina e nel corso del testo della lettera, all’inizio della rivelazione22; è invece corrotto nell’intestazione in greco) ad un imperatore romano (il cui nome è parimenti incerto)23. L’autore racconta di essere arrivato giovanissimo ad Alessandria provenendo dall’Asia Minore dove si era formato alla scuola dei grammatici. Di avere seguito ad Alessandria le lezioni dei grammatici ma anche di medici “dialettici”24 e, al termine della sua formazione, quando aveva già annunciato ai genitori il suo prossimo ritorno, di avere trovato da un libraio un libro di Nechepso sulla terapia di ogni malattia per mezzo delle piante. Incapace di utilizzare quel libro con successo, l’autore, prima così baldanzoso, che si era vantato della sua scoperta, non osava tornare in patria né godeva più della stima dei suoi colleghi di Alessandria, ed era così scoraggiato e abbattuto da meditare il suicidio25. Entrò allora in contatto con gli ambienti della magia egiziana e finalmente un sacerdote di Tebe, dopo avergli opposto molte resistenze, gli rese possibile l’incontro, faccia a faccia, con Asclepio. Tessalo si prepara all’incontro portando con sé, nascosti nella veste, carta e inchiostro. Segue la rivelazione: Asclepio rivela a Tessalo come usare il libro di Nechepso, legando le virtù medicinali delle piante alla situazione zodiacale al momento della raccolta. Asclepio non disprezza questo autore autorevolissimo della tradizione egiziana, ma offre un superamento del suo sapere, all’interno della stessa tradizione, come dice chiaramente: “Il re Nachepso era molto saggio e adorno di ogni virtù; non arrivò ad apprendere
21. Μακαρίας παρὰ θεῶν τιμῆς † Ἑρμῆς τυχών... (Friedrich 1968, p. 56). L’intestazione dello scritto nei ms BH è: Ἑρμοῦ τοῦ τρισμεγίστου περὶ ἱερῶν βοτανῶν καὶ χυλώσεως. Ermes è dunque il destinatario della rivelazione. 22. ῏Ω μακάριε παρὰ θεῷ τυχὼν τιμῆς, Θεσσαλέ... (Friedrich 1968, p. 56). 23. Nel manoscritto M (Matritensis Bibl. Nat. 4631) si legge Ἀρποκρατίων. Che però si debba leggere Θεσσαλός fu suggerito per la prima volta da Cumont 1918, p. 85-108, sulla base del vocativo che compare più avanti, e spiegando anche l’origine della corruttela; la proposta è stata accettata da tutti. Per la letteratura successiva si vedano almeno Festugière 1939, p. 45-77; 1981, col. I, p. 56-59; Fowden 1986, p. 164-165; Dickie 2001: su Tessalo, p. 216-217. 24. Bowersock in Moyer 2011, p. 209, n. 3, pensa che siano medici conferenzieri, precursori degli iatrosofisti. 25. Avevo notato qualche anno fa, e vedo ora che già prima di me Festugière e Nock, che in questa narrazione patetica dell’insoddisfazione per il sapere impartito dalle scuole che sfocia nella ricerca di una rivelazione il nostro personaggio assomiglia al Clemente Romano della Recognitiones pseudoclementine, un testo pseudo-autobiografico, la cui redazione si colloca intorno al iii secolo a.C. in ambiente orientale.
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tutto dalla voce del dio ma, essendo dotato di buone doti naturali, comprese la simpatia delle pietre e delle piante (βασιλεὺς δ ̓ἦν ὁ Νεχεψώ, ἀνὴρ σωφρονέστατος καὶ πάσῃ κεκοσμημένος ἀρετῇ· καὶ παρὰ μὲν θείας φωνῆς ἅπαντα μαθεῖν ἠστόχησε, φύσει δὲ χρησάμενος ἀγαθῇ συμπαθείας λίθων καὶ βοτανῶν ἐπενόησε)”. La lettera proemiale del de virtutibus herbarum dunque, con la notizia della rivelazione che Tessalo ottenne da Asclepio e nell’ambiente sacerdotale di Tebe, potrebbe essere la fonte nota a Giovanni, e a quel Tessalo egli potrebbe riferirsi nel suo commento. Se così fosse, Giovanni diventa un probabile testimone della lettera (e della sua relazione col testo) di astrobotanica. Giovanni però ha attribuito quel testo di botanica astrale con la sua prefazione al medico metodico Tessalo (di Tralle), medico d’Asia vissuto a Roma che si vantava di insegnare la medicina in sei mesi. Giovanni ci pone allora davanti ad un problema: dobbiamo credere che il Tessalo autore dell’opera botanica è effettivamente lo stesso Tessalo perfezionatore della dottrina metodica26? oppure, che il De virtutibus herbarum (o solo il suo proemio) è un testo pseudepigrafo attribuito al medico metodico da qualcuno che voleva renderlo più autorevole27? o, ancora che l’autore dell’opera botanica è un Tessalo d’Asia Minore, diverso dal Tessalo metodico, e i due sono poi stati confusi in un unica persona? Quest’ultima ipotesi era stata già avanzata da Fridolf Kudlien28, ed è ora discussa estesamente nel libro di Ian S. Moyer, Egypt and the limits of Hellenism, a me pare con eccellenti argomenti29. Nell’ipotesi che si tratti di due personaggi diversi non è infine mancato chi ha abbassato la datazione dell’epistola (e di tutto il testo astrobotanico) al iii, iv e addirittura al v secolo; così per esempio David Pingree30. 26. Tesi avanzata da Cumont 1918. Per l’identità dei due personaggi si è espresso Sconocchia in tre suoi lavori, l’ultimo dei quali è l’articolo di Sconocchia 1996, p. 389-406, ma Tecusan 2004, p. 61, esclude la possibilità che “il famoso ‘zodiaco’ noto sotto il suo nome, de plantis duodecim signis et septem planetis subiectis, possa essere stato scritto da Tessalo o da un altro medico metodico”. 27. Questa è l’ipotesi che ha trovato più sostenitori, giustificata anche dalla pluralità delle attribuzioni (tante attribuzioni, tutte false); così per esempio Diller 1936, coll. 168-182, s.vv. Thessalos 6 e 7. 28. Kudlien 1978, p. 218-225. 29. Moyer, Thessalos and the magic of empire, che costituisce un capitolo del suo libro (Moyer 2011), p. 208-273, con le Appendici II e III, p. 287-297. Riporto qui il giudizio di Phiroze Vasunia (Vasunia 2012.04.45): “The book’s last chapter adapts the arguments of Franz Cumont [...], and places the priestly figure of Thessalus in a cultural location between Egypt and Rome. Moyer accepts that the narrative “reveals historical connections between Egyptian traditions of scribal and ritual practice and the so-called ‘magical’ and ‘occult’ practices of such texts as the Hermetica or the Greek and Demotic magical papyri” [...] For Moyer, the text “provides evidence of the changing modes of religious practice and authority that some Egyptian priests adopted under the social and economic pressures of Roman rule in Egypt”. He is a perceptive reader of the text and he shrewdly writes of “creative interactions and exchanges” rather than “Greek forgeries” or fakes in describing Hellenistic works such as Thessalus’ treatise. Moyer appears to vacillate between treating Thessalus as a historical writer and as a literary character (corsivi miei) in a fictional text, but in general he offers a sensitive new historicist interpretation that turns a seemingly arcane text into an important cultural document”, interessante per il contesto medico anche la recensione al libro di Moyer di Betrò 2014, p. 586-589. 30. Che ha creato un Thessalus astrologus, cfr. Pingree 1976, p. 83-87 ; 1992, p. 330-332.
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La datazione del De duodecim plantis pare tuttavia possibile se si utilizzano le indicazioni relative alla data dell’ingresso del sole nel segno zodiacale secondo i tre calendari di Alessandria, d’Asia Minore e romano31 che si trovano all’inizio dei singoli 12 capitoli della prima parte dell’opera e si confrontano con altre tavole coeve tramandate da Vettio Valente e dai papiri32. Con questo metodo Moyer ha circoscritto il periodo di composizione del testo tra 130 e 200 d.C.33. Questa datazione riguarda in realtà la sola sezione De duodecim plantis, e non necessariamente anche la lettera proemiale, se però lettera e parte tecnica sono da considerarsi opera unitaria il Tessalo astrobotanico sarebbe più recente del Tessalo metodico. A me pare che gli argomenti addotti da Moyer per ipotizzare un Tessalo formatosi ad Alessandria nel ii secolo, vissuto in Egitto (e con un occhio rivolto a Roma), siano convincenti34. Tessalo, come ben ha sottolineato Moyer, si presenta come il continuatore e il perfezionatore della dottrina di Nechepso: i libri del faraone godevano a loro volta nel ii secolo (e ancora dopo) di ampia tradizione e consenso; tradotti in greco sono stati accolti, oltre che dagli astrologi (Vettio Valente e Efestione) anche da Galeno, che dice di aver sperimentato le virtù di una pietra35, dal De lapidibus pseudodioscorideo (35.3 Ruelle) e successivamente da Aezio36. Non sono in grado di dire quanto della medicina di Nechepso, variamente rielaborata, si trovi nei papiri. Del successo di questa medicina testimonia anche il Thessalus ex Nechepso presente in una lista di medici “razionali” riprodotta nel ms. Laurenziano 73.1, ff. 142v-143v37. Se in Egitto e altrove circolava un testo del Tessalo erede di Nechepso, ai tempi di Giovanni Alessandrino la figura sbiadita potrebbe essere piuttosto quella del medico metodico, noto ormai più per la polemica aspra di Galeno nei suoi confronti che per le sue opere; da una parte avremmo un testo astro-botanico molto diffuso e noto come opera di Tessalo, dall’altra un Tessalo noto perché oggetto di attacchi violenti da parte della massima autorità: Galeno. Se uno dei due ha inglobato l’altro, è il Tessalo astrologo che ha fagocitato il Tessalo metodico; in questo modo Giovanni
31. Non dovremo mancare di osservare che mentre le tre indicazioni di calendario sono sempre presenti nella redazione greca del ms. Matritense, nella redazione greca ermetica mancano del tutto e nelle redazioni latine si conserva il solo calendario romano. La redazione del Matritense presuppone una diffusione ampia del testo nei territori dell’impero. 32. Sul tema delle prescrizioni per la raccolta delle piante cfr. ancora Delatte 1961. 33. Per la datazione, condotta sulla base dei calcoli della longitudine del sole, tra 100 e 150 cfr. Moyer 2011, Appendix III, p. 293-297. Un lavoro di Moyer sullo stesso tema è nel volume in onore di H. von Staden (I. S. Moyer, “A Revised Astronomical Dating of Thessalos, De virtutibus herbarum”, cfr. Moyer 2015). 34. La stessa opinione mi pare esprima Zago 2010, p. 136 ss. 35. Cfr. Galeno, De simplicium medicamentorum temperamentis ac facultatibus, 12. 207 Kühn, che cita da un quattordicesimo libro di Nechepso. Cfr. Jouanna 2011, p. 47 ss., in part. p. 63-64. 36. Per Galeno il riferimento a Nechepso è una sorta di “curiosità”, mentre Aezio (1.38,9; 2.18.10 da Galeno; 2.19.7; 6.92.37; 15.13.110; 15,21) mi pare più aperto ad accogliere suoi materiali. I frammenti di Nechepso sono stati raccolti da Riess 1892, p. 325-394. La lettera proemiale è classificata tra i suppositicia fragmenta, nn. 35-36, p. 381-382. Su Nechepso vedi ora anche Heilen 2011, p. 23-93 e Calà 2013 (in stampa). 37. La lista che contiene i due Tessali è riportata come fr. 13 in Tecusan 2004.
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ha finito col dare un contenuto alla dottrina che il metodico Tessalo di Tralle pretendeva di insegnare in sei mesi38.
4. conclusioni Torniamo al Commento ad Epidemie VI di Giovanni. Lo sviluppo logico del commento è ora più chiaro. Democrito e Tessalo sono accomunati dalla comune esperienza di saperi segreti, e questo legame giustifica la loro citazione congiunta. Giovanni pone un problema epistemologico: i medici spiegano i fenomeni relativi alla fisiologia e alla patologia attenendosi alle cause naturali e curano facendo ricorso ai metodi consacrati dalla tradizione della medicina razionale; in quanto medici escludono il ricorso a potenze altre. Ma il quadro storico che si riesce a ricostruire sullo sfondo non è monolitico; Giovanni testimonia la diffusione, e la sua avversione, ad autori e a tipologie di testi, che nonostante l’opposizione del galenismo, hanno avuto ampia diffusione in età tardoantica e sono riusciti a diffondersi in età medievale. Nelle more della pubblicazione sono venuta a conoscenza dell’articolo di C. Petit, Alexandrie, carrefour des traditions médicales au VIIe siècle : les témoignages de Sophrone de Jérusalem, Alexandre de Tralles, Paul d’Égine, Stéphane d’Alexandrie et Jean d’Alexandrie, testo presentato in un colloquio della primavera del 2013 (e ora pubblicato in J.-P. Caillet, S. Destephen, B. Dumézil, H. Inglebert (dir.), Des dieux civiques aux saints patrons, Paris, Picard, 2015, p. 193-213). Scopro con piacere che, partendo da punti di visti diversi e con diversa enfasi, siamo giunte indirettamente alle stesse conclusioni per quanto riguarda l’interpretazione del passo di Giovanni Alessandrino.
Edizioni utilizzatE Galeno [1821-1833] Claudii Galeni opera omnia, C. G. Kühn (ed.), I-XX, Leipzig (rist. an. Hildesheim, Olms, 1965-1997). Giovanni Alessandrino [1975] Commentaria in sextum librum Hippocratis Epidemiarum, C. D. Pritchet (ed.), Leida. [1997] In Hippocratis Epidemiarum librum VI commentarii fragmenta, J. M. Duffy (ed.), In Hippocratis De natura pueri commentarium, T. A. Bell et alii (edd.), Corpus Medicorum Graecorum, XI, 1, 4, Berlin. Palladio [1834] In Hippocratis Epidemiarum librum VI commentarium, in F. R. Dietz (ed.), Scholia in Hippocratem et Galenum, Königsberg. 38. Nell’epilogo della lettera di Tessalo nella tradizione latina (Friedrich 1968, p. 272) si legge un altro riferimento alla rapidità della verifica di quanto rivelato da Asclepio e dell’apprendimento che il libro da lui redatto prometteva: “admiratus sum et sic expertus sum virtutem omnium in spatio anni unius et certificatus scripsi librum, per quem promisi hominem in spatio brevi medicum facere”, cfr. Kudlien 1978, p. 223.
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Expressions de l’espoir et du désespoir des patients dans les iamata et dans le Corpus hippocratique Elsa FErrACCi (Bibliothèque Sainte-Barbe) Summary Through the analysis of some extracts of the Hippocratic Collection and of the corpus of the iamata, this article will consider the way the hope of the patients is taken into account by the Hippocratic medicine and by the temple medicine, both of them paying attention to the moral state of the patients and to the reasons they might have to turn either towards the physician or towards the god. The article reviews the “psychological” remarks displayed by both textual bodies, as well as the literary and stylistical treatment of the notions of hope and despair in the texts and what they reveal about the two medical approaches, “rational” or “irrational”. The study also underlines the relationship between the notion of hope used to express possibility and probability, and the notion of medical τέχνη. The analysis of the uses of the word ἐλπίς and of the descriptions of hopes or despair of the patients incidentally suggests that it is the very need for more τέχνη which paradoxically leads towards the choice of temple medicine.
intRoduction Ἔτι γὰρ καὶ ἐλπίδος αἶσα : « tout espoir n’est pas encore perdu ». Beaucoup de patients auraient volontiers entendu de la bouche de leur médecin ce vers de l’Odyssée1 qui contient la première occurrence littéraire du terme grec ἐλπίς, l’espoir2. L’espoir en une rémission possible, ou le désespoir qu’engendrent une maladie incurable ou une souffrance intolérable, constituaient des motivations qui devaient nécessairement guider les malades de l’Antiquité dans leurs choix médicaux. S’offraient à eux deux voies : celle de la médecine et celle des temples, lesquels proposaient des guérisons en assurant l’intercession du dieu, le plus souvent Asclépios3. Les textes du Corpus hippocratique comme ceux des iamata mentionnent ces deux raisons de l’espoir et du désespoir, en des contextes très différents du fait de la nature des 1. 2. 3.
Homère, Odyssée, XVI, 101 ; XIX, 84. Cf. Chantraine 1968, p. 342. Sur la médecine des temples, voir Herzog 1931 ; Edelstein 1945 ; Girone 1998, et les ouvrages cités en bibliographie. Les textes des iamata étudiés dans cet article sont établis par Herzog et Edelstein. Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 55-73
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textes et de leur vocation. Cet écart entre textes médicaux et textes « arétalogiques » pourra permettre d’approcher, à travers l’étude de ce ressort essentiel qu’est l’espoir de guérir, la motivation des patients à se tourner vers l’une ou l’autre de ces deux façons fort différentes voire a priori antithétiques d’aborder la pathologie, la thérapeutique et la guérison. Le point de vue moderne inciterait en effet à voir dans le choix de la médecine des temples une option de nature irrationnelle, quand celui de la médecine hippocratique serait fondé sur une démarche plus rationnelle. Cette distinction se retrouve aujourd’hui dans la séparation établie entre la médecine conventionnelle et les médecines dites « parallèles ». Cette partition est moins claire dans les textes anciens. D’une part car la frontière entre rationnel et irrationnel n’est pas définie de façon identique ; d’autre part car le recours à la médecine religieuse peut être perçu comme un complément à la médecine rationnelle – et réciproquement : ainsi les patients déçus par les médecins rendent-ils visite à Asclépios, quand les thérapeutiques des prêtres rejoignent bien souvent les préconisations des médecins4. Nous serons amenés à voir à travers l’étude des emplois d’ἐλπίς ainsi que des diverses notations indiquant l’espoir ou le désespoir des patients eux-mêmes, que c’est peutêtre le besoin de davantage de τέχνη qui mène paradoxalement au choix de la médecine des temples. Afin d’analyser comment l’espoir des patients – ou pour les patients – est pris en compte dans le corpus des iamata et dans le Corpus hippocratique, nous nous pencherons sur les notations « psychologiques » que nous livrent ces deux ensembles textuels, avec toute la réserve qui s’impose dans l’emploi de ce terme au sein du corpus des iamata, composé de productions littéraires élaborées5. Une approche narrative envisagera ensuite le traitement littéraire et stylistique des notions d’espoir et de désespoir dans les textes et ce qu’il révèle des deux approches médicales. L’étude soulignera enfin les liens existant entre l’espoir comme pensée de la potentialité et de la probabilité, et la notion de τέχνη médicale.
1. l’état moRal dEs patiEnts dans lEs iamata Et dans lE coRpus hippocRatiquE Les iamata sont riches de notations psychologiques, exprimées tantôt par un narrateur anonyme, tantôt par le malade lui-même, qui visent à justifier le recours à la médecine des temples par le patient. Une pathologie ou une douleur passant la mesure sont ainsi pensées comme les causes directes de l’adresse au dieu – ce que l’homme ne peut supporter, lui seul saura l’en délivrer. C’est ainsi que les mentions de douleurs qualifiées d’« insupportables » constituent un topos de ce corpus ; elles nous sont précieuses, malgré leur dimension nécessairement argumentative, car elles introduisent dans le champ des textes à caractère médical quelques notations sommaires concernant la psychologie du malade, souvent absentes par ailleurs. C’est bien souvent le lexique de la souffrance qui traduit le désespoir, cause de la consultation au temple, comme dans le cas de Publius Granius Rufus : 4. 5.
Sur ces relations, voir Gorrini 2005. Voir à ce sujet Edelstein 1945 et Dorati, Guidorizzi 1996, p. 350.
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τ[οῦ δεξ]ιοῦ ὤμου χ[οιραδίσ]κους κα[ταλαβό]ντος καὶ σύμ[παντο]ς ἀπὸ σ[τυγερᾶς ν]όσου ἀφορήτου[ς δόντος] ἀ[λ]γηδόνας · ὁ [θε]ὸς ἐκέλευσέν με π[ροσ]καρτερεῖν κ[αὶ ἔδ]ωκεν θεραπείαν · Mon épaule droite avait contracté de petites écrouelles et souffrait d’une maladie affreuse qui m’infligeait des douleurs insupportables ; le dieu m’ordonna de me purifier et me donna un traitement6.
Si ce texte a recours au vocabulaire de la pathologie tel qu’on peut le retrouver dans les textes médicaux classiques – χοιραδίσκους, ἀλγηδόνας, θεραπείαν –, l’adjectif ἀφόρητος « impossible à supporter » est en revanche très rare dans le Corpus hippocratique où on ne compte que deux occurrences : dans la lettre 11, au sein d’un contexte non médical à proprement parler, et dans Jours critiques7, où il est question de « fièvres insupportables ». Les écrits médicaux, hippocratiques ou galéniques, ont bien plus souvent recours au composé courant δύσφορος, qui suppose d’ailleurs la difficulté, et non pas l’impossibilité à supporter les douleurs dans les maladies8. La rareté de l’adjectif choisi dans le iama constitue à elle seule un écart significatif par rapport à ces écrits car les deux composés n’ont pas les mêmes connotations : tandis que δύσφορος est marqué par son emploi dans des contextes techniques, ἀφόρητος présente une charge affective voire dramatique. Le choix du terme n’en souligne que mieux la dimension personnelle du témoignage de Rufus, et de ce fait sa véracité psychologique. Il justifie également la décision du malade de se tourner vers la médecine du dieu par la description d’un état grave et d’une souffrance qui le rend inapte à supporter tout délai dans la guérison. Il est en effet à chaque fois sous-entendu que le dieu guérit rapidement une souffrance qui n’a précédemment pu être soulagée d’une autre façon. Cette absence de délai est d’ailleurs traduite par l’enchaînement direct entre la description de la douleur insupportable et l’intervention du dieu (ἀφορήτου[ς δόντος] ἀ[λ]γηδόνας / ὁ [θε]ὸς ἐκέλευσέν με) : l’action divine est immédiate, et c’est une temporalité bien différente de celle de la médecine dont témoigne ce « miracle » qui résout l’impossibilité contenue dans ἀφόρητος par une action efficace et immédiate. Cette impossibilité à supporter la douleur est récurrente, comme dans le cas de Diophantos de Sphettos9, affligé d’une goutte très douloureuse : οὐ γάρ τις ἐπιχθονίων βροτῶν τοιῶνδε πόροι λύσιν ἀλγέων Aucun des mortels vivant sur la terre ne pourrait apporter de soulagement à de telles souffrances. 6. 7. 8. 9.
IC, I, XVII, 18 (Lébèna, iie siècle av. J. C.) Herzog 1931, WLeb 7, 54 ; Edelstein 1945, p. 440. Les traductions sont de l’auteur sauf mention contraire. Hippocrate, Jours critiques IX, 13, 1 Littré 1861 : ἀφορήτοις πυρετοῖς. Il est employé chez Galien, qui note entre autres le caractère insupportable d’une inflammation. IG, II2, 4514 (Attique, iie siècle apr. J. C.) Edelstein 1945, p. 428.
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L’expression de la souffrance est hyperbolique, et emprunte au lexique et au style de la tragédie ; c’est Philoctète et sa plaie purulente qui vient à l’esprit à la lecture de ce cas. Cependant l’expression τοιῶνδε… ἀλγέων, outre l’élaboration littéraire que la disjonction entre le démonstratif et le substantif dénote, renvoie à une douleur intime, dont la description qui reste vague – une « telle » douleur – laisse supposer l’intensité. Grâce au dieu, Diophantos se trouve cependant guéri : ἰάθεὶς Διόφαντος ἀνίατον κακὸν ἕλκος – « (Grâce à ton art) Diophantos a été guéri d’une mauvaise plaie qui demeurait incurable ». Le texte écrit à la première personne laisse entendre la voix du malade exposant son cas en une chronologie rétrospective sommaire mais efficace : son précédent désespoir, et la joie de l’actuelle guérison, sont contenus dans la brève séquence qui accole ἀνίατον κακὸν ἕλκος – la plaie qui demeurait incurable – et le participe ἰάθεὶς, « guéri ». Une nouvelle fois, la syntaxe expressive ne laisse aucun espace de temps entre le mal et sa guérison : le dieu intervient sans délai aucun contre ce qui demeurait de l’ordre de l’impossibilité, de l’irrémédiable, comme l’exprime l’alpha privatif de ἀνίατον, et remédie au désespoir qui accablait le malade. L’ulcère de Diophantos est qualifié d’ἀνίατον, « incurable » : ce qui présuppose une première tentative de soin avant que le patient ne se soit enfin adressé au temple. De fait, c’est un topos dans le corpus des iamata de décrire des malades se présentant au temple après s’être soumis en vain aux recommandations des médecins. On trouve ainsi de façon récurrente dans les iamata de l’île Tibérine10 l’expression formulaire ἀφηλπισμένῳ, « en qui on a perdu espoir » : Λουκίῳ πλευριτικῷ καὶ ἀφηλπισμένῳ ὑπὸ παντὸς ἀνθρώπου Lucius avait une pleurésie et tous en étaient désespérés αἶμα ἀναφέροντι Ἰουλιανῷ ἀφηλπισμένῳ ὑπὸ παντὸς ἀνθρώπου Iulianus perdait du sang et tous en étaient désespérés, etc.
Le patient ἀφηλπισμένος s’est trouvé abandonné « par tous les hommes », expression qui désigne les médecins par opposition au dieu, lequel n’abandonne jamais ceux qui viennent lui demander secours. Si la mention du désespoir des médecins à l’égard du patient – qui implique en retour le désespoir des patients en la médecine – est employée au sein de l’argumentaire général du temple afin de souligner la compassion et la puissance du dieu, elle constitue cependant aussi un témoignage fondamental sur les motivations des patients, car elle nous apprend que la démarche première du malade était probablement et de façon majoritaire de consulter le médecin de sa cité, et en cas d’échec de se tourner vers Asclépios. Elle témoigne également du fait qu’il existait une véritable catégorie de malades « abandonnés » par la médecine, pour lesquels les médecins ne pouvaient plus rien, ce que laisse entendre le caractère énumératif et formulaire du datif ἀφηλπισμένῳ. Cet abandon pouvait créer les conditions du « choix » de la médecine religieuse.
10. IG, XIV, 966 (Rome, iie siècle apr. J. C.) Edelstein 1945, p. 438.
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Sous l’aiguillon de la douleur, désespérant de l’art médical, certains patients se tournaient donc vers les sanctuaires, emplis d’un espoir au sujet duquel le célèbre cas de l’orateur Eschine11 s’avère instructif. Atteint d’un ulcère à la tête, Eschine souligne que la médecine des hommes peut bien avoir échoué, il lui reste encore l’espoir dans la divinité : Θνητῶν μὲν τέχναις ἀπορούμενος, εἰς δὲ τὸ θεῖον ἐλπίδα πᾶσαν ἔχων, προλιπὼν εὔπαιδας Ἀθήνας ἰάθην ἐλθών, Ἀσκλεπιέ, πρὸς τὸ σὸν ἄλσος ἕλκος ἔχων κεφαλῆς ἐναύσιον ἐν τρισὶ μεσίν12 Ayant désespéré de l’art des mortels, mais conservant tout mon espoir dans la divinité, j’ai quitté Athènes comblée d’enfants et me suis rendu dans ton sanctuaire, Asclépios, et je fus guéri en trois mois d’un ulcère que j’avais à la tête depuis une année entière.
Le désespoir du malade dans la médecine humaine, consultée dans un premier temps, trouve une compensation dans l’espérance dans le divin – lequel conserve tout son aura aux yeux du patient comme l’atteste l’adjectif πᾶσαν, « entier ». Le choix qui reste à Eschine de s’orienter vers la médecine des temples lui offre une possibilité d’action (comme en témoigne l’apposition de deux participes présents exprimant le mouvement et l’action : προλιπὼν, ἐλθών), laquelle garde entière la potentialité de la guérison, intervenant à la fin du récit. Quand la porte de la médecine se ferme, c’est donc celle du sanctuaire qui s’ouvre, et avec elle la force psychologique de l’espoir en l’avenir et en la guérison- ou en la force de la foi, mais la distinction ici n’est pas faite. D’autres cas cependant ne laissent pas planer de doute : l’espoir que les malades placent dans la puissance du dieu est de l’ordre de la foi, comme en témoigne le cas de Phalysios, « presque aveugle », οὐ πολὺ ἀποδέον τυφλῷ. Dans ce récit de guérison atypique et empreint de merveilleux, la guérison s’opère par personne interposée, en l’occurrence la poétesse Anytè, envoyée par Asclépios jusqu’au malade afin de lui apporter une lettre cachetée à lire, acte qui paraît évidemment impossible à Phalysios : τῷ δὲ ἄλλως μὲν οὐ δυνατὰ ἐφαίνετο ἰδεῖν τὰ γράμματα ἔχοντι οὕτω τῶν ὀφθαλῶν · ἐλπίζων δέ τι ἐκ τοῦ Ἀσκληπιοῦ χρῆστον ἀφαιρεῖ τὴν σφαγῖδα, καὶ ἰδὼν ἐς τὸν κηρὸν ὑγιής τε ἦν (…) Il ne lui semblait en aucune façon possible de voir les lettres, considérant l’état de ses yeux ; mais espérant quelque chose de bon de la part d’Asclépios, il enleva le sceau, et en dirigeant son regard vers la cire (du cachet) il retrouva la santé13.
11. Ou peut-être d’un de ces nombreux rhéteurs du même nom que lui, dont Diogène Laërte nous donne la liste, cf. Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres, III, 64. 12. Anthologie Palatine, VI, 330 (Herzog 1931, W 75). Herzog (Ibidem, p. 40) analyse le style de l’épigramme et la rapproche de celui des iamata des stèles : les formules et le lexique en sont comparables. 13. Pausanias, X, 38, 13 (Herzog 1931, W 74 ; Edelstein 1945, p. 444).
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Le récit souligne très fortement que l’espoir du patient se dresse contre les faits et la réalité même, et cristallise l’opposition entre la raison et la foi : alors que Phalysios se sait incapable de voir, il espère malgré tout en l’action bénéfique d’Asclépios. L’espoir est donc ici de nature irrationnelle, et semble même exigé comme tel, car espérer envers et contre les apparences de la raison revient à reconnaître les pouvoirs extraordinaires du dieu. La dimension clairement arétalogique du texte présuppose donc une espérance dans ce qu’on pourra appeler des adunata qui dépasse de loin une attente positive mais rationnelle. On pourra noter ici que l’espoir supposé du malade, qui en appelle davantage aux mécanismes psychologiques de la foi que de la simple confiance, repose toute entière sur la dunamis du dieu : car le malade espère « quelque chose de bon », d’utile, de la part d’Asclépios. Le dieu lui-même dans ses apparitions enjoint à ses « patients » de garder espoir, comme le rapporte le cas déjà cité de Publius Granius Rufus : ὁ [θε]ὸς ἐκέλευσέν με προσκαρτερεῖν κ[αὶ ἔδ]ωκεν θεραπείαν Le dieu m’enjoignit de tenir bon et me prescrivit un traitement.
L’emploi de προσκαρτερεῖν, « être ferme, patient, supporter avec courage », implique la même attitude envers l’avenir que l’espoir. La dimension psychologique semble bien prise en compte dans ce cas ; il s’agit de conserver intacte l’attente positive du patient dans la guérison à venir. Notons que l’espoir constitue même l’une des vertus cardinales du patient car le dieu exige l’espérance, indispensable à la guérison, ce dont témoigne le récit de guérison de Cleiménès d’Argos14, dans lequel Asclépios affirme ne soigner que ceux qui sont « pleins d’espoir » (εὐέλπιδες) dans sa compassion et son efficacité. La valeur de l’espoir dans ce contexte particulier de la médecine religieuse s’inscrit donc dans la problématique générale du scepticisme, minoritaire mais qui constituait un problème pour les temples : présenter les deux faces du désespoir et de l’espoir constituait le plus puissant des arguments pour persuader des bénéfices à attendre d’un recours au dieu. Les mentions de l’espoir et de la confiance n’en témoignent pas moins que l’état psychologique du patient souffrant était probablement pris en compte dans le processus thérapeutique, ne serait-ce qu’en prédisposant favorablement le malade à l’incubation et à la thérapeutique que le dieu – ou le personnel des temples – préconisait souvent de suivre. La psychologie du malade et en particulier son attitude face à l’évolution de sa maladie sont également prises en compte dans le Corpus hippocratique ; l’espoir n’y est pas entièrement négligé, et se prête à divers genres d’analyses selon les traités, qui s’attachent à établir une distinction entre manifestation pathologique et espérance ou désespérance véritables. Un passage des Épidémies VI, dans le style très elliptique qui caractérise le traité, l’envisage tout d’abord dans sa dimension pathologique. L’extrait appartient à la section 8, dans laquelle le médecin passe en revue tout ce qui est à envisager dans l’étude d’un cas : le milieu comme les saisons, l’âge, ou encore comme ici, les états mentaux des malades.
14. Herzog 1931, W 37 (Edelstein 1945, p. 423).
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Καὶ τῆς γνώμης· ξύννοια, αὐτὴ καθ’ ἑωυτὴν, χωρὶς τῶν ὀργάνων καὶ τῶν πρηγμάτων, ἄχθεται, καὶ ἥδεται, καὶ φοβεῖται, καὶ θαρσέει, καὶ ἐλπίζει, καὶ † ἀδοξέει †, οἷον ἡ Ἱπποθόου οἰκουρὸς […]15 Et ce qui concerne l’esprit : état d’anxiété, par elle-même et pour elle-même, indépendamment des perceptions par les organes des sens et des actions : [le patient] s’afflige et se réjouit, s’effraye et prend courage, espère et † abandonne tout espoir †, comme la servante d’Ippotoos […]
Malgré l’obscurité de la formulation, on comprend que l’anxiété qui saisit le malade est pensée comme pathologique car elle est indépendante de la réalité (αὐτὴ καθ’ ἑωυτὴν, χωρὶς τῶν ὀργάνων καὶ τῶν πρηγμάτων), et mène la malade d’une émotion extrême à une autre sans raison. Au même titre que la joie et l’affliction ou la crainte et l’enhardissement, l’espoir (ἐλπίζει) et le renoncement (ἀδοξέει16) sont donc ici considérés comme des symptômes révélant l’état général. Le passage invite ainsi le praticien à envisager la rationalité de l’attitude psychologique du patient pour en déduire le normal et l’anormal : dans le cas de la servante d’Ippotoos, l’espoir et son contraire ne sont que des symptômes parmi d’autres car ils ne découlent pas d’une situation réelle à partir de laquelle le malade raisonnerait, mais du dérangement du psychisme. En l’occurrence, ils représentent l’une des déclinaisons de l’anxiété (ξύννοια) et constituent par conséquent un élément du diagnostic médical, et non une attitude du malade envers l’évolution de sa propre maladie. Le désespoir véritable d’un patient confronté à une affection qu’il ne peut surmonter et à une fin perçue comme inéluctable, non analysé en tant que symptôme au sein d’un tableau nosologique général, reste très rare dans le Corpus hippocratique. Le cas de la fille d’Euryanax, prise d’une fièvre violente dans les Épidémies, III, 2, livre cependant au lecteur quelques notations sur l’état d’esprit de la jeune malade, levant le voile sur une intimité le plus souvent tue : Αὕτη, ἀρχομένου τοῦ νουσήματος, ἤλγεε φάρυγγα, καὶ διατέλεος ἔρευθος εἶχεν· γαργαρεὼν ἀνεσπασμένος· ῥεύματα πουλλὰ, σμικρὰ, δριμέα· ἔβησσε πέπονα, οὐδὲν ἀνῆγεν· ἀπόσιτος πάντων παρὰ πάντα τὸν χρόνον, οὐδ’ ἐπεθύμησεν οὐδενός· ἄδιψος, οὐδ’ ἔπινεν οὐδὲν ἄξιον λόγου · σιγῶσα, οὐδὲν διελέγετο· δυσθυμίη· ἀνελπίστως ἑωυτῆς εἶχεν (…) Cette jeune fille, dès le début de sa maladie, eut de la rougeur dans la gorge, qui resta constamment rouge ; luette rétractée ; fluxions abondantes ténues, âcres ; toux grasse, qui n’amenait rien ; la malade ne prit point de nourriture pendant ce temps et elle n’en éprouva aucun désir ; point de soif ; elle buvait à peine ; gardant le silence, elle ne prononçait pas une parole ; abattement ; elle désespérait d’elle-même17. 15. Hippocrate, Épidémies VI, 8, 10 (V, 348 Littré ; Manetti, Roselli 1982, p. 174). Trad. de Littré modifiée. 16. Sur ce terme dont l’édition pose problème, voir la note 10, 3, p. 175 de l’édition d’Amneris Roselli et Daniela Manetti, qui souligne que si la forme ἀδοξέει semble fautive, il faut bien attendre un verbe de la famille de δοκάζω, ou δοξάζω, attesté avec le sens de « s’attendre à ». La glose d’Hésychius à ἀδόξαστον est d’ailleurs ἀνέλπιστον, et Heidel qui corrigeait ἀδοξέει en ἀδοκεῖ, attribuait au mot le sens de « ne pas attendre » et par extension de « ne plus espérer ». 17. “Sixième malade”, Hippocrate, III, 51 Littré ; trad. Littré.
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La tournure réfléchie (« elle désespérait d’elle-même ») est particulièrement instructive puisqu’il ne s’agit pas cette fois-ci du jugement des médecins sur la patiente mais de celui de la patiente sur elle-même, qui est peu à peu abattue par le mal. La description clinique est ici d’une grande finesse et relève les signes touchant les besoins vitaux comme l’appétence à boire et manger (ἀπόσιτος, ἄδιψος, οὐδ’ ἔπινεν), mais aussi la volonté de vivre qui se manifeste à travers les désirs (οὐδ’ ἐπεθύμησεν οὐδενός) et la volonté de communiquer (σιγῶσα, οὐδὲν διελέγετο). L’enchaînement des alphas privatif répétés et des négations exprime avec force les attitudes de refus, d’abstinence et d’éloignement de la vie, jusqu’à la mention de la δυσθυμίη, qui établit le moment où la malade est vaincue : la description culmine alors avec la mention « elle désespérait d’elle-même », dans laquelle l’auteur note la disparition de l’espoir comme équivalente à l’absence de volonté de vivre et de combattre aux côtés du médecin au sein du « triangle hippocratique ». Ce tableau précis et élaboré du désespoir causé par une pathologie sévère frappe par ses notations psychologiques précises, au sein desquelles l’espoir et son contraire jouent un rôle de premier plan. Des iamata aux textes du Corpus, c’est ainsi principalement le point de vue porté sur la psychologie des patients qui change : quand les médecins sont en quête de signes permettant diagnostic et pronostic, et interprètent l’espoir ou le désespoir comme des indices d’un état général, dans les textes de guérison l’espérance est à l’origine de la quête d’une autre voie de guérison. Dans les deux cas, le dieu comme le médecin sont attentifs à l’état moral de leurs patients.
2. appRochE littéRaiRE Et stylistiquE dE l’ExpREssion dE l’EspoiR Et du désEspoiR dans lEs coRpus, EntRE pathos Et Rationalité L’étude de ces passages, qui nous renseignent sur la place accordée à l’espoir du patient dans une perspective « psychologique », doit être complétée par une approche littéraire et stylistique. L’espoir peut en effet trouver son expression dans l’hyperbole et le pathos des iamata, ou au contraire dans les propositions hypothétiques des traités pronostics et chirurgicaux du Corpus hippocratique, qui sont le signe d’une rationalisation de la notion. Dans les iamata, les récits ont régulièrement recours au topos de l’état désespéré du malade : l’espoir ou le désespoir s’inscrivent dans des récits parfois très construits sur le plan littéraire, puisque les textes ont été élaborés quand les tablettes votives dédiées par les malades ont été utilisées pour composer les corpus de iamata dans les temples. La structure de la narration dans les iamata est ainsi toute entière conçue pour que le cadre de la pathologie décrite ne puisse qu’évoquer le désespoir qui devait nécessairement être celui du patient du fait de son état, puis son espoir de guérison par le dieu. Parmi les procédés stylistiques et lexicaux employés, une majorité vise à souligner les manifestations extrêmes d’une pathologie grave. Ces formulations hyperboliques ont une visée rhétorique : il s’agit à chaque fois de souligner l’intensité d’une souffrance ou la durée d’un l’inconfort, pour mieux mettre en valeur l’immédiateté du soulagement ou de la guérison par le dieu. Il ne s’agit pas là de remettre en question le fait médical lui-même et son exactitude : sur le plan médical, les faits observés ne pas systématiquement impossibles – il est
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d’ailleurs parfois envisageable de poser un diagnostic rétrospectif18. Mais du fait du statut des textes, la question de leur vraisemblance ou de leur invraisemblance ne se pose pas puisqu’ils ont pour objectif de dresser un tableau pathologique suffisamment sombre pour que le recours du patient à la médecine du temple se justifie d’elle-même. La structure et les procédés stylistiques du cas de l’homme aveugle d’un œil sont à cet égard significatifs. Le récit, manifestement une exagération destinée à souligner les qualités divines de l’intervention grâce à une utilisation rhétorique du couple désespoir / espoir, qualifie le malade d’ἁτερόπτιλλος19, « aveugle d’un œil » : ἀνὴρ ἀφίκετο ποὶ τὸν θεὸν ἱκέτας ἁτερόπτιλλος οὕτως, ὥστε τὰ βλέφαρα μόνον ἔχειν, ἐνεῖμεν δ’ ἐν αὐτοῖς μηθέν, ἀλλὰ κενεὰ ε[ἶ]μεν ὅλως Un homme vint voir le dieu comme suppliant ; aveugle d’un œil, il ne lui restait que les paupières, derrière lesquelles il n’y avait plus rien si ce n’est un vide total20.
Le système consécutif οὕτως / ὥστε, ainsi que le développement ἐνείμεν δ’ ἐν αὐτοῖς μηθέν, ἀλλὰ κενεὰ ε[ἶ]μεν ὅλως - inutile au diagnostic, puisque les mentions ἁτερόπτιλλος βλέφαρα μόνον ἔχειν sont suffisantes en soi -, et la scansion par trois adverbes de sens intensif : μόνον, μηθέν et ὅλως, « seulement », « rien », « complètement », colorent des nuances du pathos une description en apparence objective de l’état du patient (que proposent systématiquement les iamata immédiatement après avoir donné le nom et l’ethnikon du patient). S’impose d’emblée l’idée que dans un tel état de cécité absolue et non remédiable, le désespoir ne peut que s’emparer du malade, et que c’est en Asclépios seul qu’il pourra placer son espoir d’être soigné. D’ailleurs la suite du récit décrit comme attendue l’espérance du patient : ἐ(γ)έ(λω)ν δή τινες τῶν ἐν τῶι ἱαρῶι τὰν εὐηθίαν αὐτοῦ, τὸ νομίζειν βλεψεῖσθαι ὅλως μηδεμίαν ὐπαρχὰν ἔχοντος ὀπτίλλου ἀλλ’ ἢ χώραμ μόνον · ἐγκαθ[εύδο]ντι οὖν αὐτῶι ὄψις ἐφάνη (…) Alors certains de ceux qui se trouvaient dans le sanctuaire se moquèrent de sa naïveté, s’il pensait recouvrer complètement la vue alors qu’il n’avait plus d’œil du tout, mais seulement une cavité. Pendant qu’il dormait il eut une vision (…)
Le futur βλεψεῖσθαι indique une attente, un espoir en une guérison future que l’on pourrait juger peu sensée, à l’instar des autres patients du sanctuaire, et dont l’impossibilité apparente est rendue par l’opposition nette entre les deux termes apposés à dessein « complètement » (ὅλως) et « plus du tout » (μηδεμίαν). Cet espoir irrationnel du patient qui fait malgré tout confiance au dieu en se rendant dans le sanctuaire sera évidemment récompensé par l’intervention du dieu.
18. Voir sur ce point Charlier, Prêtre 2009, p. 49. 19. ἁτερόπτιλλος est la forme dorienne équivalente d’ἑτερόφθαλμος, « borgne ». Il s’agit selon le diagnostic rétrospectif posé par Charlier (cf. Charlier, Prêtre 2009) d’un cas d’anophtalmie, c’est-à-dire d’absence de globe oculaire sous les paupières. 20. IG, IV, 951 = IG, IV2, 1, 121, 9 (Épidaure, 2e moitié du ive siècle av. J. C.) Herzog 1931, W 9 ; Edelstein 1945, p. 423.
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Outre ces effets de contraste, les récits ne sont pas non plus économes d’hyperboles, jusqu’à présenter des cas d’adunata manifestes jouant sur l’amplification de la quantité et de la durée. Ainsi le récit du cas de Sosastra de Phérai21 présente une exagération hyperbolique des symptômes (« Après avoir excisé l’abdomen de celle-ci, il (Asclépios) en extrait une infinie quantité de petites bêtes, en remplissant deux bassines ») et propose ainsi une explication rétrospective de la souffrance de Sosastra, dont la gravité du cas l’a guidée vers le dieu. Il en est de même dans le récit du cas de Gorgias d’Hèrakleia, blessé dans un combat au poumon par une flèche (« et il était si violement purulent depuis un an et demi qu’il avait déjà rempli soixante-sept bassines de pus »22), ou dans le cas d’Euhippos (« Euhippos a porté une lance dans la mâchoire pendant six ans »23). Les célèbres cas de Kléô et d’Ithmonika de Pellana présentent quant à eux des cas d’adunata proches du merveilleux, en évoquant des grossesses menées durant trois voire cinq ans24. On relèvera également le pathos de certains récits, comme dans la description du cas d’Aischinès, devenu aveugle lors d’une chute sur les pieux de la palissade du sanctuaire, qui témoigne d’une dramatisation stylistique dans la description de l’affection. Le patient est en effet censé se trouver « dans un état pitoyable et devenu aveugle » (κακῶς δὲ διακείμενος καὶ τυφλὸς γεγενημένος)25. L’hendiadyn, qui scinde la phrase en deux parties et en augmente ainsi la longueur, associé à la lourdeur des participes passés et à l’homéotéleute en [οs], traduit stylistiquement l’état d’affliction supposée du patient. Nombreux sont les textes à mettre en scène les handicaps ou les impuissances physiques des patients, comme le cas de Damosthènès, handicapé des jambes (ἀκρατὴς τῶν σκελέων) : Οὗτος ἀφίκετο εἰς τὸ ἱαρὸν ἐπὶ κλίνας καὶ εἰς βακτηρίας ἀπερειδόμενος περιεπορεύετο (…) εἰσελθὼν εἰς τὸ ἄβατον μετὰ δύο βακτηριᾶν ὑγιὴς ἐξῆλθε Celui-ci arriva dans le sanctuaire sur une civière et il déambulait en prenant appui sur une canne (...). Alors qu’il était entré dans l’abaton avec deux cannes, il sortit en bonne santé26.
21. Herzog 1931, W 25 ; Edelstein 1945, p. 423, ἔπειτα τὰγ κοιλίαν αὐτᾶς ἀνσχίσας ἐξαιρεῖ πλῆθος ζ[ώυφίων πάμ]πολυ, [δύ]ε ποδανιπτῆρας. 22. IG, IV, 952 = IG, IV2, 1, 122, 30 (Épidaure) Herzog 1931, W 30 ; Edelstein 1945, p. 423, ἐνιαυτὸν καὶ ἑξάμηνον ἔμπυος ἧς οὔτω σφοδρῶς, ὥστε ἑπτὰ καὶ ἑξήκοντα λεκάνας ἐνέπλησε πύους (…). 23. IG, IV, 951 = IG, IV2, 1, 121, 12 (Épidaure) Herzog 1931, W 12 ; Edelstein 1945, p. 423, Εὔιππος λόγχαν ἔτη ἐφόρησε ἕξ ἐν ταῖ γνάθωι. Il ne s’agit pas là de la lance entière mais d’une pointe de lance. 24. Cf. IG, IV, 951 = IG, IV2, 1, 121, 1 (Épidaure) Herzog 1931, W 1 ; Edelstein 1945, p. 423, [Κλ]εὼ πένθ’ ἔτη ἐκύησε · (vac) αὕτα πέντ’ ἐνιαυτοὺς ἤδη κυοῦσα ποὶ τὸν θεὸν ἱκέτις ἀφίκετο (…) : « Kléô, enceinte pendant cinq ans. Cela faisait déjà cinq ans qu’elle était enceinte lorsqu’elle vint voir le dieu (…) » et IG, IV, 951 = IG, IV2, 1, 121, 2 (Épidaure) Herzog 1931, W 2 ; Edelstein 1945, p. 423, Τριέτης [φο]ρά : « Grossesse pendant trois ans ». 25. IG, IV, 952 = IG, IV2, 1, 122, 11 (Épidaure) Herzog 1931, W 11 ; Edelstein 1945, p. 423, κακῶς δὲ διακείμενος καὶ τυφλὸς γεγενημένος. 26. IG, IV, 953 = IG, IV2, 1, 123, 64 (Épidaure) Herzog 1931, W 64 ; Edelstein 1945, p. 423.
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L’arrivée de patients se déplaçant avec des béquilles ou transportés par des proches ou des soignants devait être quotidienne dans les temples ; mais les mentions de leurs difficiles déplacements jusqu’au temple, de leur situation de dépendance renforcée par l’usage des passifs comme ἐξενειχθείς, et de leur laborieuse arrivée, à l’image de l’expression ἀπερειδόμενος περιεπορεύετο qui semble mimer la lente marche du paralysé, théâtralisent et dramatisent le cas. Le choix du vocabulaire enfin a souvent pour vocation d’amplifier le pathos des récits de guérison. Ainsi le recours en plusieurs occurrences27 à l’adjectif ἄγριος, « sauvage », « féroce », présent également dans le Corpus hippocratique, représente une réminiscence lexicale d’une conception archaïque de la maladie conçue comme une force animale et agressive qui attaque le patient28. Le terme n’est pas arbitraire et participe de l’établissement d’une description pathologique dans laquelle le malade paraît sans espoir, car livré seul et sans recours à une affection qui le terrasse. Les mêmes remarques s’appliquent à l’emploi de κακός, « mauvais », « méchant », pour le moins vague sur le plan médical mais qui personnifie la maladie sous les traits d’une force mauvaise agressant le malade, par exemple dans le cas de Diophantos de Sphettos déjà mentionné29. Le cas d’Hermodicos de Lampsaque enfin est encore plus frappant puisqu’il a recours au lexique de la tragédie avec l’adjectif στυγερός, « haïssable », « odieux », « affreux » (κεῖμαι νούσου ὕπο στυγερᾶς, « j’étais abattu par une affreuse maladie »30), qu’on trouve employé presque exclusivement chez Homère et chez les Tragiques. Les divers procédés stylistiques énumérés semblent ainsi rejoindre les ressorts d’une littérature populaire31, qui instaurent un cadre dramatique et pathétique au sein duquel les situations désespérées des malades sont utilisées de façon principalement rhétorique et argumentative. Dans le Corpus hippocratique, l’évocation de l’espoir des patients s’inscrit dans des structures narratives ou descriptives au sein desquelles le sens du terme oscille entre le champ sémantique de la probabilité et celui de l’espérance véritable. Le traité du Pronostic est à ce titre représentatif des nuances d’emploi du terme ἐλπίς, et par là même d’une autre approche de la condition du malade. Prenons pour exemple un extrait du chapitre XIX : Προσέχειν οὖν δεῖ τὸν νόον τοῖσιν ἄλλοισι σημείοισιν, ὡς ἤν τι καὶ τῶν ἄλλων σημείων ἐπιφαίνηται πονηρὸν, ἀνέλπιστος ὁ ἄνθρωπος· ἢν δὲ, ἀναΐσσοντος τοῦ νουσήματος ὡς πρὸς τὰς φρένας, τἄλλα σημεῖα μὴ πονηρὰ ἐπιγίγνηται, ἔμπυον ἔσεσθαι τοῦτον πολλαὶ ἐλπίδες
27. IG, IV, 951 = IG, IV2, 1, 121, 17 (Épidaure) Herzog 1931, W 17 ; Edelstein 1945, p. 423 (Ἀνὴρ δάκτυλον ἰάθη ὑπὸ ὄφιος). Οὗτος τὸν τοῦ ποδὸς δάκτυλον ὑπὸ τοῦ ἀγρίου ἕλκεος (…) : « (Un homme eut l’orteil guéri par un serpent). Celui-ci avait le doigt de pied en mauvais état à cause d’un ulcère sauvage (…) ». Aussi dans IC, I, XVII, 19 (Lébèna) : ἐπὶ τοῦ μεικροῦ δακτύλ[ου ἕλκωσιν τινα][ἀ]γρίαν : « (…) Celle qui a eu une ulcération féroce au petit doigt » (trad. Charlier modifiée). 28. Voir sur ce point Jouanna 1988, p. 343-363. 29. IG, II2, 4514 (Attique) : ἰασάμενος ποδάγραν κακήν : « Toi qui m’as guéri d’une mauvaise goutte », et plus loin dans l’inscription, κακὸν ἕλκος, « une mauvaise plaie ». 30. IG, IV, 951 = IG, IV, 2, 1, 125 (Épidaure) Edelstein 1945, p. 431. 31. Voir sur ce point l’article de Dorati, Guidorizzi 1994.
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Il faut donc accorder son attention aussi aux autres signes, dans la pensée que si, parmi les autres signes, il s’en manifeste un mauvais, le cas est désespéré. En revanche, si les autres signes mauvais ne se manifestent pas alors que la maladie s’élance vers le diaphragme, il y a de fortes chances pour que ce sujet devienne empyématique32.
Les mentions du « désespoir » puis de « l’espoir » s’inscrivent ici dans le cadre d’une procédure médicale précise, détaillée tout au long du traité du Pronostic, et qui consiste à établir les éléments fondateurs d’un pronostic juste. Le cadre textuel est donc celui d’une démarche logique et analytique donnée dont le malade est exclu : c’est le médecin qui énonce l’éventualité d’un espoir de guérison. L’emploi de la tournure hypothétique ὡς ἤν / ἤν conditionne cette éventualité : l’espérance ou l’abandon de la procédure thérapeutique – ce que sous-entend le terme d’ἀνέλπιστος ici – résultent du raisonnement médical s’opérant sur les signes (σημείοισιν) que le médecin doit savoir lire et interpréter. Nulle portée psychologique ou rhétorique ici dans l’emploi d’ἀνέλπιστος et d’ἐλπίδες : le champ sémantique d’ἐλπίς est réduit à l’évocation d’un possible – ou d’un impossible – futur33. Une remarque s’impose ici sur les sens d’ἐλπίζω. Comme le souligne en effet Pierre Chantraine34, le verbe a une double acception : chez Hérodote il n’a pas encore le sens d’espoir, mais de « confiance », « assurance », « prévision optimiste » ; chez Homère de même, ἔλπομαι n’est pas encore spécialisé dans le sens d’espoir mais désigne une opinion par rapport au passé, au présent ou au futur, puis se spécialise dans le sens d’« anticipation heureuse ». Dans le Corpus hippocratique, beaucoup d’occurrences ont ainsi encore le sens de « chances » ou de « risques », en particulier dans les traités pronostics ou dans les traités chirurgicaux. Dans notre passage du Pronostic, il y a des chances, ἐλπίδες, que la maladie évolue positivement, ou non, auquel cas le malade sera ἀνέλπιστος : le champ sémantique du terme est celui de la probabilité, lequel est lié à un calcul pronostic opéré par le médecin, qui n’espère pas, mais attend un signe qui permettra éventuellement de juger si les conditions sont réunies pour espérer la survie. L’assimilation des notions de probabilité et d’espoir se retrouve également dans les préconisations thérapeutiques. C’est ainsi dans le cadre d’une tournure hypothétique que l’auteur du Régime dans les maladies aiguës a recours au terme d’ἐλπίς, évoquant les conditions d’administration de la ptisane et de l’oxymel : Ἐς μὲν οὖν τόδε προστεκμαίρεσθαι χρὴ τὴν ῥώμην τοῦ ἀνθρώπου, καὶ ἢν ἐλπίδα ἔχῃ, διδόναι· διδόναι δὲ, ἢν διδῷς, ἀκροχλίερον καὶ κατ’ ὀλίγον τὸ τοιόνδε, καὶ μὴ λάβρως Dans ce cas [les malades sont « à l’article de la mort »], il faut en plus évaluer les forces du malade et, s’il reste de l’espoir, donner de l’oxymel ; si on en donne de cette qualité, il faut le donner un peu tiède, peu à peu et sans précipitation35.
32. 33. 34. 35.
Hippocrate, II, 164 Littré. Trad. Jouanna (Jouanna, Magdelaine 1999). Voir sur ce point Debru 2011, p. 24. Chantraine 1968, s.v. « ἔλπομαι ». RMA, LVIII, 2 (Hippocrate, Régime dans les maladies aiguës II, 352 Littré ; Joly 1972, p. 62). Trad. R. Joly.
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Le médecin ne donnera de l’oxymel que si le patient n’est pas un cas désespéré : l’état général du malade conditionne la thérapeutique. L’espoir est donc également dans ce passage en lien avec certaines conditions médicales : état général, caractéristiques et gravité de la maladie, évolution des symptômes… Contrairement à ce que nous avons vu dans les iamata, il n’est pas inconditionnel, et n’est pas permis quel que soit l’état du malade. Il apparaît ainsi que l’espoir s’est rationalisé dans le Corpus : il s’appuie sur une vraisemblance, et constitue le résultat d’un jugement. Au sein de la structure du discours « scientifique » ou technique, nulle trace du pathos et de la dramatisation des iamata : les états sans issue qui constituent des occasions, en tant qu’adunata, de manifester le pouvoir guérisseur du dieu, demeurent des impossibilités dans le Corpus, auxquelles se heurte le sort du malade. Ce n’est pas pour autant que le sens d’ἐλπίς se trouve privé de toute nuance d’espérance quand il est employé par les médecins au sujet de leurs patients : on le trouve en effet avec le sens fort d’espoir pour le malade, pour sa guérison et sa survie, dans le chapitre 8 des Épidémies, VI : Ξυνέβη δὲ καὶ Ναννοῖ τῇ Γοργίππου γυναικὶ ἐν Θάσῳ τωὐτό· ἐδόκει δὲ πᾶσι τοῖσιν ἰητροῖσιν, οἷσι κἀγὼ ἐνέτυχον, μία ἐλπὶς εἶναι τοῦ γυναικωθῆναι, εἰ τὰ κατὰ φύσιν ἔλθοι · ἀλλὰ καὶ ταύτῃ οὐκ ἠδυνήθη, πάντα ποιούντων, ἐπελθεῖν, ἀλλ’ ἐτελεύτησεν οὐ βραδέως La même chose arriva aussi à Nanno, la femme de Gorgippo, à Thasos ; tous les médecins, dont j’étais aussi, étaient d’avis que l’unique espoir de la faire redevenir femme était le retour des règles : mais aussi dans ce cas, malgré tout ce qu’on fit, il ne fut pas possible de les faire revenir, et elle décéda rapidement36.
On notera que ce passage, où la portée d’ἐλπίς est manifestement bien différente de celle des deux cas précédemment décrits, constitue aussi une des rares occurrences dans le Corpus où l’espoir est qualifié – ici, par l’adjectif μία (ou μονή), « seul », « unique ». Or cet « unique espoir » repose non sur la τέχνη du médecin, puisque « tout a été fait », mais sur l’évolution de l’affection, et en particulier dans le fait que la physiologie de la patiente retrouve une normalité, qu’elle redevienne τὰ κατὰ φύσιν, c’est-à-dire que la nature reprenne ses droits. L’évocation de l’espoir se fait ici dans un cadre où le médecin s’avoue impuissant face à l’arrêt des fonctions du corps, et contribue à établir le pathétique, voire le tragique d’un cas qui confronte le praticien à l’échec et à la mort de sa patiente. L’incise « dont j’étais aussi » (οἷσι κἀγὼ ἐνέτυχον) matérialise d’ailleurs sa présence dans le déroulement de la narration et ne rend que plus poignante l’impossibilité de la guérison, « il ne fut pas possible » (οὐκ ἠδυνήθη). Cette impossibilité rappelle que l’espérance s’est ici heurtée à ce que l’homme ne peut pas dépasser : la Nature (φύσις) elle-même. Quand, dans les iamata, l’espoir des patients résidait dans la capacité du dieu à surmonter cet obstacle des données naturelles – une cécité par exemple – par ce qu’on a coutume d’appeler un miracle, la τέχνη médicale quant à elle s’y heurte nécessairement. Ce cas permet justement de poser la question de la τέχνη, qui conditionne de façon sous-jacente l’espoir qui pouvait être celui des patients – ou comme ici celui des médecins pour leurs patients. 36. Hippocrate, Épidémies, VI, 8, 32 (V, 356 Littré ; Manetti, Roselli 1982, p. 195). Trad. Littré.
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3. possiblE, impossiblE : dEux concEptions dE la téxnh médicalE Demeurons pour cela tout d’abord chez Hippocrate : le Corpus hippocratique est en effet riche de passages dans lesquels les praticiens font aveu de l’impuissance ou de la limite de leur τέχνη. Si l’espoir et la réflexion sur l’art médical se trouvent étroitement liés dans les écrits hippocratiques, c’est que l’espérance du malade ne peut résulter que de la confiance qu’il peut ou non accorder à la dunamis de l’art de son médecin. Les traités chirurgicaux sont les plus prolixes sur le sujet, l’action concrète du praticien étant la plus spectaculaire au sens propre du terme dans les actes de réduction et autres manipulations chirurgicales. Un passage du chapitre 36 du traité Fractures expose le dilemme qui était celui du médecin face à une réduction difficile : Μάλιστα δὲ χρὴ τὰ τοιαῦτα διαφυγεῖν, ἅμα ἤν τις καλὴν ἔχῃ τὴν ἀποφυγήν· αἵ τε γὰρ ἐλπίδες ὀλίγαι, καὶ οἱ κίνδυνοι πολλοί· καὶ μὴ ἐμβάλλων ἄτεχνος ἂν δοκέοι εἶναι, καὶ ἐμβάλλων ἐγγυτέρω ἂν τοῦ θανάτου ἀγάγοι, ἢ τῆς σωτηρίης Ce sont là des cas dont il faut surtout éviter de se charger pourvu qu’on le puisse honorablement ; ils offrent peu de chances favorables et beaucoup de chances dangereuses ; ne pas réduire c’est s’exposer à passer pour malhabile ; réduire c’est mettre le blessé plus près de la mort que du salut37.
Les risques – κίνδυνοι – sont bien plus importants que les possibilités d’une guérison – ἐλπίδες, qui ici a le sens de « chance », de probabilité d’un dénouement optimiste. Mais l’action du médecin – l’acte de réduire la fracture (ἐμβάλλων) – risque de compromettre la survie du patient, quand son inaction (μὴ ἐμβάλλων) compromet au contraire la confiance dans la τέχνη que pourrait avoir le patient et dont dépend son propre espoir : ἄτεχνος ἂν δοκέοι εἶναι. Dans Articulations, l’inaction est paradoxalement l’option la plus sûre qui s’offre au médecin : Ἢν δὲ τὸ ὀστέον τὸ τοῦ μηροῦ τὸ πρὸς τοῦ γόνατος ἕλκος ποιησάμενον ἐξολίσθῃ, ἐμβληθὲν μὲν καὶ ἐμμεῖναν, ἔτι βιαιότερον καὶ θᾶσσον τὸν θάνατον ποιήσει τῶν πρόσθεν εἰρημένων· μὴ ἐμβληθὲν δὲ, πουλὺ κινδυνωδέστερον, ἢ τὰ πρόσθεν· ὅμως δὲ μούνη ἐλπὶς αὕτη σωτηρίης Si c’est le fémur qui au genou a fait une plaie et percé la peau, il causera, réduit et maintenu, la mort avec encore plus de violence et de rapidité que les os dont il vient d’être parlé ; non réduit, le danger est beaucoup plus grand que dans les cas précédents, mais ne pas réduire n’en est pas moins la seule chance de salut38.
L’art consiste ainsi parfois à savoir ne pas intervenir : le seul espoir de salut, μούνη ἐλπὶς, réside dans cette passivité.
37. Cf. Hippocrate, Fractures 36 (III, 540 Littré). Trad. Littré. 38. Hippocrate, Articulations 65 (IV, 276 Littré).
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Dans un autre passage du même traité, la réduction est parfois possible, mais sera nécessairement suivie de boiterie : ἃ γὰρ ἂν τούτων ἐξαρθρήσαντα ἐξίσχῃ ἕλκος ποιησάμενα, πάντα, ἢν ἐμβληθῇ, θάνατον φέρει, μὴ ἐμβληθέντα δὲ, ἐλπίδα σωτηρίης· χώλωσις δὲ ἑτοίμη τοῖσι περιγενομένοισιν Toutes les fois que luxés et perçant les chairs, (les os) sortent au dehors, réduits ils causent la mort, non réduits ils laissent des chances de salut : ceux qui réchappent seront estropiés39.
Quand l’intervention de la τέχνη est possible, elle n’est donc pas sans conséquences pour le malade : l’espoir de survie, ἐλπίδα σωτηρίης, est conditionné. L’emploi du terme ἐλπίς est également récurrent dans le Mochlique, qui décrit nombre de cas critiques de gangrène, γάγγραινα. Au chapitre 33, il s’inscrit une nouvelle fois dans une conditionnelle, εἴ τις ἄρα ἐλπίς, qui vient d’ailleurs mettre en péril la possibilité même d’un espoir pour le patient : l’expression souligne ainsi toutes les limites, reconnues et assumées, de la τέχνη chirurgicale présentée : Ποὺς δὲ ἐκβὰς, σπασμὸς, γάγγραινα· καὶ ἢν ἐμβληθέντι ἐπιγένηταί τι τουτέων, ἐκβάλλοντι ἐλπὶς, εἴ τις ἄρα ἐλπίς Dans la luxation du pied avec issue des os, il survient spasme, gangrène ; si après la réduction quelqu’un de ces accidents se manifeste, la chance de salut, s’il y a une chance, c’est de reproduire la luxation40.
L’auteur du Prorrhétique, II, 8 quant à lui avance que certains cas sont simplement impossibles à soigner par la τέχνη des hommes : Περὶ δὲ ποδαγρώντων τάδε· ὅσοι μὲν γέροντες ἢ περὶ τοῖσιν ἄρθροισιν ἐπιπωρώματα ἔχουσιν, ἢ τρόπον ἀταλαίπωρον ζῶσι κοιλίας ξηρὰς ἔχοντες, οὗτοι μὲν πάντες ἀδύνατοι ὑγιέες γίνεσθαι ἀνθρωπίνῃ τέχνῃ, ὅσον ἐγὼ οἶδα· ἰῶνται δὲ τούτους ἄριστα μὲν δυσεντερίαι Quant aux goutteux, ceux qui sont vieux ou qui ont des concrétions autour des articulations, ou qui mènent une vie oisive et ont le ventre resserré, tous ceux là sont au dessus des ressources de l’art humain, autant que je sache ; ce qui les guérit le mieux, ce sont des dysenteries, si elles surviennent (...)41.
Une fois de plus, comme dans le cas de Nanno dans les Épidémies, VI, quand les limites du savoir sont atteintes, c’est à la Nature (φύσις) que le praticien s’en remet ; en l’occurrence, il ne lui reste plus à espérer que l’apparition d’une dysenterie, laquelle en réglant le problème du ventre resserré rétablira un équilibre que l’âge avancé ou le mauvais régime du patient ont compromis définitivement.
39. Hippocrate, Articulations 66 (IV, 276 Littré). 40. Idem, Mochlique 33 (IV, 376 Littré). 41. Id., Prorrhétique II, 8 (IX, 26 Littré). Trad. Littré.
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Or l’un des traits fondamentaux de la τέχνη médicale telle qu’elle était conçue dans les écrits hippocratiques – et qu’elle le sera jusqu’à Descartes – est d’être une compétence qui inclut essentiellement la connaissance de ses limites. En tant que savoir qui veille à ses propres conditions d’exercice, portant non seulement sur ce qu’il faut faire, mais sur comment il faut le faire et quand il faut le faire, comme les occurrences des traités chirurgicaux nous l’ont rappelé, la τέχνη est d’abord et avant tout, comme le souligne Platon, une connaissance du possible et de l’impossible42. Le médecin hippocratique doit, par son activité, prolonger le mouvement de la φύσις dans la mesure où c’est elle in fine qui guérit. L’espoir de la guérison, qu’il provienne du médecin ou du malade lui-même, implique alors de distinguer ce qui relève du domaine de la φύσις et ce qui relève du domaine de la τέχνη : la première peut guérir, la seconde soigner et favoriser la guérison, mais en aucun cas aller contre la première. Ce qui revient en l’occurrence à dénier tout espoir pour les malades qui sont au dessus des ressources de « l’art humain », ce que notait d’ailleurs Élien, qui rapporte un récit de guérison d’Hippys de Rhegium : ἕλμινθα ἥπερ...ἀνθρωπείαις δὲ νόσοις ἐναριθμούμενον, καὶ ταῦτα ταῖς ἄγαν ἀνιάτοις τε καὶ ὑπὸ χειρὸς θνητῆς ἐς ἄκεσιν ἥκειν ἀδυνάτοις... γυνὴ εἶχεν ἑλμινθα· καὶ ἰάσασθαι αὐτὴν ἀπεῖπον οἱ τῶν ἰατρῶν δεινοί. οὐκοῦν ἐς Ἐπίδαυρον ἦλθε (...) On compte le ténia parmi les maladies des hommes, et surtout parmi les maladies absolument incurables, à tel point qu’elles ne peuvent être soignées par la main des hommes (...). [Récit d’Hippys de Rhegium] Une femme avait un ténia, et les médecins les plus habiles avaient renoncé à la soigner (…)43.
Les médecins renoncent à soigner la patiente car la maladie serait incurable : les mentions de l’habileté des médecins que la malade a consultés et de « la main des hommes », ὑπὸ χειρὸς θνητῆς évoquent une τέχνη médicale qui se heurte à un cas d’impossibilité. Une nouvelle fois, l’emploi du connecteur logique οὖν ou οὐκοῦν décrit le recours au dieu tout-puissant comme une démarche inévitable et comme le dernier espoir de ceux que l’art ne peut guérir. Le cas de Diophantos de Sphettos évoqué plus haut se révèle instructif à cet égard, puisque s’adressant au dieu, il emploie l’expression σῆς ὑπὸ τέχνης (ἰάθεὶς), guéri par ton art. C’est ainsi que la τέχνη, d’humaine, devient divine, une fois que l’espoir du patient dans l’art des hommes s’est éteint. Revenons pour conclure sur ce point sur le cas d’Eschine, puisque l’orateur associait dans son épigramme aux sentiments d’espoir et de désespoir une mention de la τέχνη, mais dans un contexte bien différent de celui des écrits hippocratiques, dans l’expression Θνητῶν μὲν τέχναις : Θνητῶν μὲν τέχναις ἀπορούμενος, εἰς δὲ τὸ θεῖον / ἐλπίδα πᾶσαν ἔχων : « Ayant désespéré de l’art des mortels, mais conservant tout mon espoir dans la divinité ». On notera qu’ici, à l’expression Θνητῶν μὲν τέχναις s’oppose une simple mention de la divinité, τὸ θεῖον : le dieu opère par sa simple dunamis, sans l’intermédiaire d’une τέχνη imparfaite qui révèle ses limites au
42. Platon, République, II, 360e-361a. 43. Elien, De natura animalium, IX, 33 (Edelstein 1945, p. 422).
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patient démuni, ἀπορούμενος. Les deux éléments que met en concurrence l’opposition syntaxique μὲν / δὲ ici sont en quelque sorte dissymétriques, et évoquent deux sphères d’action distinctes ; dans la seconde seule semble pouvoir résider une véritable espérance de guérison.
4. conclusion Espoir et désespoir, associés intimement comme double aspect d’une même motivation, guérir et survivre, révèlent dans les deux corpus une attention portée à l’état psychologique et moral des patients et à leur motivations, bien que l’étude des structures narratives et stylistiques des deux ensembles textuels ait mis en valeur la différence de statut des textes et par là même des divergences dans le traitement de ces notions. Ces divergences pourraient être résumées par deux antagonismes. Dans les iamata, la voix des malades se laisse entendre, quand, dans les écrits du Corpus, c’est celle du médecin qui s’empare de la narration, médecin pour qui l’espoir n’est plus tant une notion qui s’applique à la survie du patient qu’au déroulement de la maladie. Par ailleurs, du côté des médecins, l’espoir ne va pas sans une acceptation de la règle de la Nature et de ses nécessités, quand il exprime dans les iamata la volonté d’outrepasser grâce au pouvoir du dieu les données naturelles – en l’occurrence la maladie, les dérèglements du corps et la mort. On pourrait retrouver ce dernier antagonisme dans le rapport des patients au temps de la pathologie et au temps de la guérison au sein des deux corpus : une étude à laquelle nous n’avons pas ici l’occasion de nous livrer démontrerait que les iamata offrent au patient l’espoir d’une guérison rapide qui contredit la temporalité lente de la médecine. Eschine rappelle ainsi dans son épigramme qu’il a été guéri en trois mois, ἐν τρισὶ μεσίν, quand les médecins l’avaient fait patienter un an, ἐναύσιον : mais comme le rappelle le premier des aphorismes, « l’art est long ».
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Ainigmata
Énigmes médicales dans les traités de Galien Édouard FElsEnhEld (Université Lille 3 - Charles de Gaulle) Summary This article translates, classifies and analyses all the passages of Galen’s medical work where can be found the noun ainigma, the verb ainittomai, the adjective ainigmatôdès and the adverb ainigmatôdôs. It demonstrates that these words never qualify enigmatic infections, but are always used to mention allusively or criticize ironically speeches hold by other physicians or philosophers.
1. intRoduction A. Présentation du corpus galénique Galien de Pergame, médecin et philosophe grec du iie siècle de notre ère, est l’auteur d’un vaste corpus de près de vingt mille pages, souvent dépourvu d’édition critique et de traduction moderne, dont la richesse est considérable pour qui s’intéresse à l’histoire des sciences. Grâce à son œuvre, nous pouvons nous faire une idée précise des théories et des pratiques de l’un des plus grands savants de l’Antiquité, dont les idées et les méthodes sont souvent confrontées, au fil des textes, à celles de ses prédécesseurs ou de ses contemporains. En effet, il arrive fréquemment que ces traités médicaux et philosophiques fassent entendre des débats où apparaissent différentes formes de croyances. Dans ce contexte, les aspirations rationnelles de Galien peuvent butter sur des problèmes obscurs. B. Un médecin rationnel face à des problèmes obscurs De fait, comme le soulignent les travaux récents de Jacques Jouanna1 ou de Teun Tieleman2, Galien se trouve parfois confronté dans le domaine thérapeutique à des situations difficilement explicables, comme le recours aux talismans. Le regain 1. 2.
Jouanna 2011. Tieleman 2010. Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 75-95
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d’intérêt de la recherche contemporaine sur ces questions témoigne de la complexité des problèmes posés par de telles pratiques : faut-il y voir la preuve que les compétences du médecin sont limitées par la mise en œuvre de forces qui lui échappent, ou bien plutôt que le savant accède grâce à elles à un niveau de connaissance supérieur que sa raison ne peut pas expliquer entièrement ? Est-ce là le signe d’une rivalité entre la logique et l’inexplicable, ou bien l’indice d’une coexistence dynamique entre la médecine rationnelle et des médecines parallèles ? C. Hypothèse : l’énigme, une notion révélatrice Pour trouver dans le gigantesque corpus de Galien une voie d’accès à la fois commode et prometteuse, nous proposons dans cet article d’examiner l’ensemble des textes galéniques où apparaît la notion d’énigme3. Notre espoir est que ces documents rendent perceptibles les tensions existant entre la médecine rationnelle et les médecines parallèles et nous renseignent sur le choix des patients. On pourrait s’attendre en effet à ce que les pathologies les plus difficiles à soigner passent pour des énigmes mettant en échec la médecine rationnelle, ce qui justifierait que des patients, voire des thérapeutes, soient tentés de recourir aux médecines parallèles. On verra cependant que Galien n’adopte jamais une telle perspective. Chez lui, au contraire, l’identification des énigmes s’inscrit dans une démarche fondée précisément sur la raison même : quand Galien parle d’énigme, c’est presque toujours dans un but critique, à propos des discours de mauvais médecins qu’il entend dénoncer de façon rationnelle aux yeux des patients. D. Problématique Dans cet exposé, nous tâcherons de montrer que l’énigme chez Galien, bien loin d’être un fait qui justifie le recours aux médecines parallèles, est une appellation critique visant le plus souvent à discréditer les charlatans au nom de la raison. E. Plan Notre étude comportera trois parties : elle s’ouvrira sur une mise au point lexicale, qui nous conduira à l’analyse successive de deux séries d’occurrences.
2. Mise au point lexicale sur la notion d’énigMe En grec, la notion d’énigme peut être rendue par deux noms différents, le masculin γρῖφος et le neutre αἴνιγμα. A. Exclusion de γρῖφος Le nom γρῖφος4 désigne à l’origine un « filet de pêche » et, par extension, un « discours entremêlé » qui prend au piège son destinataire, c’est-à-dire une « énigme ». 3. 4.
Sur la notion d’énigme en Grèce ancienne, voir Berra 2008. Chantraine 1968, p. 237 ; Berra 2008, p. 236-269.
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Cependant, ce mot n’est jamais employé dans ce sens au sein du corpus galénique : chez Galien, on relève quatre occurrences du nom γρῖφος et six occurrences du verbe γρίφομαι, qui évoquent toujours un filet de pêche ou bien suggèrent la texture d’un tel filet, par exemple lorsqu’il s’agit de décrire le maillage d’une membrane ou la sensation désagréable produite par des griffures sur la peau. Ce mot peut donc être écarté de notre enquête. B. Les dérivés d’αἶνος : αἰνίσσομαι, αἴνιγμα, αἰνιγματώδης et αἰνιγματωδῶς Dans le corpus galénique, la notion d’énigme est toujours exprimée par la famille lexicale d’αἴνιγμα5, dans laquelle il convient de distinguer quatre termes, le verbe αἰνίττομαι, le nom αἴνιγμα, l’adjectif αἰνιγματώδης et l’adverbe αἰνιγματωδῶς. Ces quatre termes se rattachent à la famille du mot αἶνος, nom masculin difficile à traduire de façon unitaire, auquel le Dictionnaire étymologique de la langue grecque de Pierre Chantraine donne le sens originel de paroles chargées de sens ou de fable instructive dont le sens est plus ou moins crypté. D’αἶνος dérive le verbe dénominatif αἰνίττομαι, qui a essentiellement deux sens, soit « parler par énigmes », soit « faire allusion à quelque chose » comme dans une énigme. Dans le premier cas, αἰνίσσομαι suppose l’existence d’un énoncé énigmatique produit plus ou moins intentionnellement. Dans le second cas, αἰνίττομαι suppose seulement une ressemblance avec l’énigme : ce verbe permet en effet de se référer à un objet de façon indirecte, et, selon le contexte, il peut introduire soit une véritable énigme, soit une simple évocation plus ou moins implicite. Le verbe αἰνίττομαι présente donc une certaine ambiguïté, qui ne se retrouve pas dans le dérivé αἴνιγμα, nom neutre qui désigne toujours une « énigme », c’est-à-dire un discours obscur dont le sens peut être décrypté avec plus ou moins de facilité. Enfin, d’αἴνιγμα dérivent l’adjectif αἰνιγματώδης et l’adverbe αἰνιγματωδῶς, qui signifient respectivement « énigmatique » et « de façon énigmatique ». C. Bilan À l’issue de cette mise au point lexicale, il apparaît donc nécessaire de distinguer deux types d’occurrences : il y a, d’un côté, les occurrences d’αἰνίττομαι, qui, selon le contexte, relèveront ou non du domaine de l’énigme, et, de l’autre côté, les occurrences d’αἴνιγμα, αἰνιγματώδης et αἰνιγματωδῶς, qui nécessairement relèveront toutes du domaine de l’énigme. Il convient donc désormais d’étudier successivement ces deux séries d’occurrences.
3. AinittomAi : faire allusion ou parler de façon énigmatique ? Le corpus galénique comporte dix-huit occurrences du verbe αἰνίττομαι. La question qui se pose est donc de savoir si ces occurrences signalent de simples allusions, sans intérêt pour notre étude, ou bien de véritables énigmes, qui pourraient nous mettre sur la piste des médecines parallèles. 5.
Chantraine 1968, p. 35 ; Berra 2008, p. 109-235.
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A. Auto-citations de Galien Les deux extraits qui attestent le mieux l’emploi d’αἰνίττομαι au sens de « faire allusion » sont ceux où Galien utilise ce verbe à la première personne, en autocitation, pour renvoyer à des énoncés que lui-même a formulés plus tôt dans son livre. Ainsi, dans l’Utilité des Parties, VI, 13, Galien écrit à propos du médecin Asclépiade : Αὐτὸ δὴ τοῦτ’ ἦν, ὃ πρόσθεν ᾐνιττόμην ἀμαθίᾳ γίγνεσθαι τῆς λογικῆς θεωρίας. Voilà précisément ce à quoi je faisais allusion auparavant quand je disais que le problème venait de son ignorance de la théorie logique6.
De façon semblable, dans le même traité, au sein d’un développement consacré à la faiblesse physique des femmes, Galien écrit : Τοῦτον καὶ μάλιστα τὸν λόγον ὀλίγον ἔμπροσθεν ᾐνιττόμην ἔσεσθαί μοι δύσφραστον. C’est surtout à cette raison que tout à l’heure je faisais allusion en disant qu’elle me serait très difficile à expliquer7.
Il est évident que, dans ces deux textes, l’imparfait ᾐνιττόμην signale non pas des énigmes, mais des évocations rapides, sur lesquelles Galien a jugé opportun de revenir de façon détaillée dans le cours de son exposé. Galien, qui est bien trop persuadé de la rigueur de sa pensée, ne peut pas avoir voulu dire de ses propres mots qu’ils avaient quelque chose d’énigmatique. B. Formules peu explicites Plus souvent encore, Galien emploie le verbe αἰνίττομαι à la troisième personne du singulier ou du pluriel pour renvoyer à des énoncés que d’autres locuteurs ont formulés. Il signale ainsi que tel ou tel individu a fait allusion à un problème que lui-même traite de façon plus approfondie dans le cadre de sa démonstration. Généralement, ce genre d’affirmation souligne plus ou moins incidemment le caractère peu explicite des formules citées. L’impression ressentie à la lecture de ces passages est donc que le locuteur cité par Galien se contentait d’évoquer un problème sans donner toutes les clés de sa compréhension, alors que Galien lui-même examine le problème en détail de façon beaucoup plus explicite. Parmi la douzaine d’exemples possibles, examinons tout d’abord celui qui figure dans les Pratiques anatomiques, VI, 3. Juste avant cet extrait, Galien a recommandé à l’apprenti médecin d’étudier l’anatomie des animaux qui ressemblent le plus à l’homme, c’est-à-dire, par ordre de priorité, les singes, les ours, les bêtes aux dents acérées, les souris, les ongulés et les ruminants. Or, selon lui, les traités anatomiques des Anciens font déjà de telles recommandations, mais de façon plus floue. Galien écrit en effet :
6. 7.
Galien, Utilité des parties, VI, 13 (Helmreich 1907, p. 344, l. 11-12). Ibidem (Helmreich 1909, p. 296, l. 6-7).
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Ταῦτα γὰρ αὐτὰ τὰ γένη τῶν ζώων αἰνίττεσθαί μοι δοκοῦσιν οἱ παλαιοὶ, κελεύοντες ἑκάστοτε τοὺς ἀνατομικοὺς λόγους, οὓς αὐτοὶ γεγράφασιν, ἐπ’ ἐκείνων ἐξετάζεσθαι τῶν ζώων, ὅσα μὴ πολὺ διεστῶσαν ἀνθρώπων ἔχει τὴν φύσιν. C’est à ces mêmes espèces animales que les Anciens me semblent faire allusion, chaque fois qu’ils recommandent de tester leurs propres écrits anatomiques sur tous les animaux dont la nature n’est pas trop éloignée de celle des hommes8.
Sans aller jusqu’à dire que les anciens anatomistes sont discrédités par cette phrase, on peut tout de même affirmer que ces individus servent de faire-valoir à Galien, dont la clairvoyance et le souci de clarté apparaissent bien supérieurs. C’est aussi ce qui apparaît dans Que les facultés de l’âme suivent les tempéraments du corps, 4. Dans ce texte, Galien veut démontrer que l’humidité entrave le développement de l’âme. Pour ce faire, il prend l’exemple des nouveau-nés et renvoie son lecteur au Timée de Platon (43a5-6) en écrivant : Φησὶ τοὺς θεοὺς δημιουργῆσαι τὸν ἄνθρωπον ἐνδοῦντας τὴν ἀθάνατο ψυχὴν « εἰς ἐπίρρυτον σῶμα καὶ ἀπόρρυτον » εὔδηλον ὅτι τὴν ὑγρότητα τῆς τῶν βρεφῶν οὐσίας αἰνιττόμενος. Platon dit que les dieux ont créé l’homme en attachant l’âme immortelle à un « corps où entrent et d’où sortent des écoulements », faisant allusion bien évidemment à l’humidité de l’essence des nouveau-nés9.
La périphrase de Platon évoquant « un corps où entrent et d’où sortent des écoulements » est présentée par Galien comme une allusion évidente au corps des nouveau-nés. La certitude avec laquelle Galien établit cette correspondance produit deux effets : elle met en valeur sa propre perspicacité, mais elle fait aussi tendre le discours de Platon vers le pôle énigmatique. C. Formules à tendance énigmatique Ce genre d’effet est particulièrement sensible dans les passages où Galien fait référence à des mythes étiologiques, c’est-à-dire à des récits allégoriques expliquant la cause d’une pratique ou d’un phénomène. Dans ce genre de cas, Galien expose une théorie rationnelle dont il dit trouver une allusion dans les mythes du passé. Aἰνίττομαι prend alors une coloration légèrement péjorative, puisque les récits allégoriques introduits par ce verbe traitent le même sujet que Galien, mais sur un mode crypté qui s’éloigne sensiblement du domaine de la rationalité. C’est le cas par exemple dans un fragment du Commentaire au Timée de Platon, où l’on trouve à nouveau une réflexion sur l’humidité des nouveau-nés : Δι’ ἣν ὑγρότητα διὰ παντὸς μὲν ἐμποδίζεσθαι συμβαίνει τὴν ψυχήν, μάλιστα δὲ τοῖς νεογενέσιν… Καί μοι δοκοῦσιν τὴν ὑγρότητα ταύτην οἱ παλαιότατοι τῶν θεολόγων αἰνίττεσθαι τὸ τῆς λήθης πόμα φάσκοντες πίνειν τὰς ψυχὰς ἐνδυομένας τῷ σώματι.
8. 9.
Galien, Pratiques anatomiques, VI, 3 (II, 548, 9-13 Kühn). Idem, Que les facultés de l’âme suivent les tempéraments du corps, 4 (IV, 780, 11-15 Kühn).
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À cause de cette humidité, il se produit que l’âme est toujours entravée, surtout chez les nouveau-nés… Et les plus anciens théologiens me semblent faire allusion à cette humidité quand ils disent que les âmes enveloppées dans le corps boivent la boisson de l’oubli10.
Selon Galien, quand les anciens théologiens recourent au mythe du Léthé – l’Oubli –, ils font allusion à l’humidité des nouveau-nés. Ici, le verbe αἰνίττομαι comporte sans doute une connotation énigmatique, puique le lien entre le fleuve du Léthé et le corps des nouveau-nés est loin d’être évident. La connotation énigmatique du verbe αἰνίττομαι est plus claire encore dans la Faculté des médicaments simples, XI, 37. Juste avant ce passage, Galien a signalé que la crête de l’alouette huppée était utile en potage pour lutter contre les coliques. Il a rappelé ensuite que, selon un mythe attesté dans Les Oiseaux d’Aristophane (v. 471-475), cette crête serait la sépulture que la première alouette aurait donnée à son feu père dans les temps reculés où la Terre n’existait pas encore pour inhumer les défunts. Galien cite alors un vers du poète Théocrite (éd. Gow, VII, 23) qui, selon lui, fait référence à ce même mythe : Τοῦτο δέ φασι καὶ τὸν Θεόκριτον αἰνίττεσθαι λέγοντα, « Οὐδ’ ἐπιτυμϐίδιαι κορυδαλλίδες ἠλαίνοντι ». Δηλοῦν γὰρ αὐτὸν τὰς τὸν τύμϐον ἐπὶ τῆς κεφαλῆς ἐχούσας. On dit que Théocrite lui aussi fait allusion à ce mythe quand il affirme « Et les alouettes surmontées de tombes ne sont pas en errance » : il parle, dit-on, des alouettes qui ont leur tombe sur la tête11.
Galien cite ici une interprétation communément admise, stipulant que Théocrite, comme Aristophane, se réfère au mythe de la crête tombale. Cependant, si Galien prend la peine de signaler cette interprétation, c’est précisément parce qu’elle ne fait pas l’unanimité : de fait, pour certains commentateurs, l’adjectif ἐπιτυμϐίδιαι utilisé par Théocrite évoquerait des oiseaux non pas « surmontés de tombes », mais « montant sur les tombes ». Ainsi, dans la mesure où le vers de Théocrite est ambigu, il est possible que le mot αἰνίττομαι ait une connotation énigmatique : Théocrite ferait allusion au même mythe qu’Aristophane, mais en utilisant un mot qui prête à confusion. Il est enfin deux cas où le sens énigmatique du verbe αἰνίττομαι ne fait pas de doute. Tout d’abord, dans le Commentaire au Pronostic d’Hippocrate, III, 42, Galien commente un passage où Hippocrate a formulé ce qui, à première vue, pourrait passer pour une énigme. La thèse d’Hippocrate est la suivante : pour apprécier le degré d’évolution d’une maladie, il convient de comparer la force des symptômes entre eux et non pas d’apprécier l’évolution de chaque symptôme pris isolément. Galien souligne le caractère apparemment énigmatique de cette thèse en écrivant : Διὰ γὰρ τῆς παραϐολῆς ταύτης καὶ τὰ παρὰ λόγον γινόμενα ᾐνίξατο. Πρῶτον μὲν γὰρ γνωριοῦμεν, ὅτι παρὰ λόγον ἐγένετο, δεύτερον δ’ οὐ καταπλαγησόμεθα καὶ τρίτον ἐπισκεψόμεθα, διὰ τί γέγονεν ἢ τί δηλοῦν πέφυκεν.
10. Galien, Commentaire au Timée de Platon, fragment 12, 9 (Larrain 1991). 11. Idem, Faculté des médicaments simples, XI, 37 (XII, 361, 3-4 Kühn).
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Avec cette comparaison, précisément, Hippocrate a proposé une énigme qui va contre la raison : premièrement, nous nous efforcerons de comprendre en quoi son discours est allé contre la raison ; deuxièmement, nous renoncerons à tomber dans l’hébètement ; troisièmement, nous examinerons pourquoi ce discours existe et ce qu’il est de nature à montrer12.
Ici, Galien admet donc que la thèse d’Hippocrate puisse constituer au premier abord une énigme « contraire à la raison » (παρὰ λόγον), mais il en annonce aussitôt la résolution. De fait, il montrera dans la suite que la thèse d’Hippocrate est valable dans les moments de crise : en effet, à ce stade de la maladie, le pronostic se fait selon des critères paradoxaux, où la force d’un mauvais symptôme peut même être de bon augure. Une chose est sûre : l’énigme exprimée par le verbe αἰνίττομαι ne produira pas de stupeur si l’on s’efforce de suivre l’explication rationnelle qu’en donne Galien. De même, dans les Doctrines d’Hippocrate et Platon, I, 7, le verbe αἰνίττομαι apparaît employé avec sa connotation énigmatique. Dans ce texte, Galien décrit les artères du bras, ce qui l’amène à réfuter une théorie du médecin Praxagoras : Ἐπὶ τὰς ἔξω τοῦ θώρακος ἴωμεν, ὧν πρώτη μέν ἐστι συζυγία τῶν ἐπὶ τὰς ὠμοπλάτας ἀναφερομένων, ἀφ’ ὧν οὐκ ὀλίγη μοῖρα καὶ πρὸς τὸν νωτιαῖον εἴσω καταδύεται καὶ τοῖς ἐν τραχήλῳ μυσὶ διασπείρεται, δευτέρα δὲ τῶν εἰς τὰς χεῖρας φερομένων ἀρτηριῶν, ἅς μοι καὶ μάλισθ’ ὡς ἀπονευρουμένας ὁ Πραξαγόρας αἰνίττεσθαι δοκεῖ. Venons-en aux artères qui sortent du thorax : premièrement, il y a la paire d’artères montant vers les omoplates, d’où une partie non négligeable s’enfonce aussi dans l’épine dorsale et se voit divisée par les muscles de la nuque ; deuxièmement, il y a la paire d’artères allant dans les bras, dont précisément Praxagoras, me semble-t-il, prétend de façon énigmatique qu’elles deviennent des nerfs13. »
La thèse de Praxagoras réfutée par Galien est rapportée de façon distanciée au moyen de la tournure αἰνίττεσθαι ὡς, qui signifie littéralement « parler par énigmes en prétendant que », soit « prétendre de façon énigmatique que ». Aux yeux de Galien, cette thèse constitue bien une énigme : comment se peut-il en effet que des artères se transforment en nerfs ? On comprend ici que le champ lexical de l’énigme s’invite facilement dans les contextes polémiques où Galien veut montrer le manque de rationalité de ses confrères. L’examen des occurrences d’αἴνιγμα et de ses dérivés va nous permettre désormais de préciser cette affirmation.
4. ainiγma, ainiγmatΩ∆h∑, ainiγmatΩ∆Ω∑ :
natuRE Et tRaitEmEnt dEs énigmEs chEz
galiEn
Le corpus galénique comporte 18 occurrences du nom αἴνιγμα, 12 occurrences de l’adjectif αἰνιγματώδης et 6 occurrences de l’adverbe αἰνιγματωδῶς. Dans la très grande majorité des cas, Galien emploie ces termes pour disqualifier les propos d’un confrère, qu’il éjecte du domaine de la rationalité, du moins momentanément. 12. Galien, Commentaire au Pronostic d’Hippocrate, III, 42 (Heeg 1915, p. 367, 22 ; p. 368, 3). 13. Idem, Doctrines d’Hippocrate et Platon I, 7, 14 (de Lacy 1978-1984, p. 84, 4-9).
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A. Critique des énoncés contradictoires ou ambigus Le plus souvent, les énoncés que Galien qualifie d’énigmatiques comportent des contradictions ou des ambiguïtés jugées inconciliables avec une démarche parfaitement rationnelle. Ils sont soumis alors à une vive critique. Dans les Doctrines d’Hippocrate et Platon, III, 414, par exemple, Galien se moque de la définition énigmatique que le philosophe Chrysippe donne des adjectifs ἀκάρδιος et ἄσπλαγχνος (littéralement « sans cœur » et « sans entrailles ») : « Παραϐάλλουσι δὲ τοῖς εἰρημένοις καὶ τὰ τοιαῦτα τῶν λεγομένων, οἷον τοὺς ἀσπλάγχνους, καθ’ ὅ φαμεν μὴ ἔχειν τινὰς ἐγκέφαλον καὶ ἔχειν, οὕτως ἡμᾶς ὑπονοοῦντες λέγειν καὶ μὴ ἔχειν καρδίαν τινὰς καὶ ἔχειν κατὰ τὰ προειρημένα, τῶν μὲν ἀσπλάγχνων τάχα λαμϐανομένων κατὰ τὸ μηδὲν ἔχειν ἔνδον συναλγοῦν κατὰ τὰ ἐναντία καὶ ἀπὸ τῆς καρδίας οὕτως αὐτῶν κοινότερον λεγομένων, τοῦ δ’ ἐγκεφάλου λαμϐανομένου ἤτοι κατὰ τὰ αὐτὰ ὁμοίου τινὸς ὄντος ἢ διὰ τὸ καὶ τοῦτον ἔχειν τινὰ κυρίαν τοῖς σπλάγχνοις ὁμοίαν. » Ἡ μὲν ῥῆσις αὕτη· χρὴ δ’ αὐτὴν ἀναγνῶναί τινα καὶ τρὶς καὶ τετράκις ἐπὶ σχολῇ πολλῇ ἀκριϐῶς προσέχοντα τὸν νοῦν τοῖς λεγομένοις. οὕτως γὰρ μόνως οἶμαι πεισθήσεσθαι τὸ κατὰ τὴν παροιμίαν λεγόμενον ὑπάρχειν αὐτῇ, τό « λαϐὲ μηδὲν καὶ κράτει καλῶς ». Ἔγωγ’ οὖν ἐν πολλοῖς πολλάκις βιϐλίοις ἀνεγνωκὼς ῥήσεις ἐν αἷς ὀνόματα καὶ ῥήματα συνάπτεται μηδεμίαν ἔχοντα διάνοιαν, οὐδαμόθι τοῦτ’ ἀκριϐούμενον εἶδον οὕτως ὡς κατὰ τήνδε τὴν νῦν ἡμῖν προγεγραμμένην λέξιν. Αἴνιγμα γάρ ἐστιν ὁ λόγος τοῦ Χρυσίππου θαυμαστῇ τινι καταπεπλεγμένον ἀσαφείᾳ μετὰ συντομίας ἀκαίρου. Καίτοι τήν γε συντομίαν οὐδὲ καθ’ ἕνα τῶν ἑαυτοῦ λόγων ἐζήλωκεν, ἀλλ’ οὕτω μακρός ἐστιν ὡς πολλάκις ἐν ὅλῳ βιϐλίῳ πολυειδῶς ὑπὲρ τῶν αὐτῶν ἄνω τε καὶ κάτω τοὺς λόγους ἑλίττειν. Τὸ μὲν δὴ τῆς ἀσαφείας αὐτῷ σύνηθες ἀσθενείᾳ τῆς ἑρμηνευτικῆς δυνάμεως ἑπόμενον, καί μοι δοκεῖ καὶ αὐτὸς αἰσθανόμενος αὐτῆς τρὶς καὶ τετράκις ὑπὲρ τῶν αὐτῶν ἐπὶ πλεῖστον ἐκτείνειν τοὺς λόγους οὐκ ὀκνεῖ· τὸ δὲ τῆς βραχυλογίας ἄηθές τε καὶ σπανίως ὑπ’ αὐτοῦ γιγνόμενον, ἐν οἷς ἂν μάλιστα λόγοις ἄφυκτον αἰσθάνηται τὸ σφάλμα τῶν ἑαυτοῦ δογμάτων. Βούλεται γὰρ οἶμαι παρατρέχειν αὐτὸ διὰ ταχέων, ἀλλ ὑπομένων ἐξελέγχεσθαι. Καί μοι δοκεῖ, καθάπερ ἐν τοῖς ἄλλοις λόγοις ἀγωνίζεται σαφῶς ἑρμηνεύειν, οὕτως ἐν οἷς ἐξελέγχεται συγκρύπτειν τὸν λόγον ἀσαφείᾳ μετὰ βραχυλογίας ἵνα δηλαδὴ δοκῇ μὲν ἀπολελογῆσθαι πρὸς τοὔγκλημα καὶ μὴ παρεληλυθέναι τελέως αὐτό, μηδὲν δὲ ἡμεῖς ἔχωμεν ἀντιλέγειν τοῖς εἰρημένοις, ὧν οὐδ’ ὅλως μανθάνομεν. « On met aussi en parallèle avec les termes qui viennent d’être évoqués les formules de ce genre, par exemple sans entrailles, formule en vertu de laquelle nous disons que tel ou tel est dépourvu ou pourvu de cerveau, en supposant qu’ainsi nous disons aussi que tel ou tel est dépourvu ou pourvu de cœur conformément à ce qui a été dit précédemment, sans entrailles étant peut-être pris dans le sens de dépourvu de partie interne qui ressente la douleur, les personnes ainsi constituées étant plus communément décrites en termes eux aussi négatifs du point de vue du cœur, tandis que le cerveau est pris soit dans le même sens, puisqu’il est un peu semblable au cœur, soit autrement parce qu’il a lui aussi une importance identique à celle des entrailles. » Voilà le texte ; il faut le lire un certain nombre de fois, trois ou quatre, en prenant tout son temps et en étant très attentif à ce qui est dit. Car c’est la seule façon, je crois, de 14. Galien, Doctrines d’Hippocrate et Platon III, 4, 7 (de Lacy 1978-1984, p. 192, 18 ; p. 194, 10).
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se persuader que les mots du proverbe « Ne prends rien et grand bien t’en fasse » s’appliquent à ce texte. Moi qui ai lu souvent dans bien des livres des phrases où mots et énoncés sont agencés sans intelligence, je n’ai jamais vu d’imprécision comparable à celle du texte que nous avons sous les yeux : une énigme, voilà ce qu’est le discours de Chrysippe, tramé dans une obscurité étonnante avec une brièveté inopportune. Certes, il ne recherche la brièveté dans aucun de ses discours ; au contraire, il est tellement prolifique que, souvent, sur toute l’étendue de son livre, à propos du même sujet, il tourne et retourne ses arguments en tous sens. L’obscurité, habituelle chez lui, est sans doute le corollaire de sa faible capacité à s’exprimer, et il me semble que lui-même aussi, parce qu’il en est conscient, n’hésite pas à allonger au maximum ses discours en se prononçant trois ou quatre fois sur le même sujet. La concision, en revanche, est inhabituelle chez lui et apparaît rarement, surtout dans les discours où il sent que la déroute de ses théories est inévitable. En effet, il veut, je crois, présenter son avis au pas de course, car autrement il s’exposerait à la réfutation. Et à ce qu’il me semble, de même que, dans le reste de ses discours, il lutte pour s’exprimer clairement, de même, dans les moments où on le réfute, il dissimule son discours dans l’obscurité, en étant concis, pour évidemment donner l’impression qu’il a répondu à l’accusation et qu’il ne l’a pas complètement éludée ; mais nous, nous ne trouvons rien à répondre à ses propos, qui nous sont totalement incompréhensibles.
Dans ce texte, Chrysippe se voit reprocher d’avoir produit une « énigme » (αἴνιγμα) pleine de contradictions et de retournements incompréhensibles. Selon Galien, cet énoncé tortueux prouve l’incapacité de Chrysippe à s’exprimer clairement. Avec la même sévérité, dans la Connaissance du pouls, IV, 2, Galien déplore l’incohérence de Praxagoras, qui, de façon énigmatique, pratique une médecine en contradiction avec ses théories : Ὡς ἔστιν ἐκ τῶν κατὰ τὴν ἁφὴν παθῶν συλλογίσασθαί τι περὶ τῶν κατὰ τὰς ἀρτηρίας διαθέσεων, οὐκ ἀντιλέγω. Καὶ γὰρ Πραξαγόρας αὐτὸ ποιεῖ καὶ Ἡρόφιλος καὶ πάντες ὀλίγου δεῖν, οἱ μὲν μᾶλλον, οἱ δὲ ἧττον, καὶ οἱ μὲν χεῖρον, οἱ δὲ βέλτιον. Τὸ μέν γε τοῦ Πραξαγόρου καὶ θαυμαστὸν ἴσως σοι φανεῖται. Μηδὲ γὰρ περιέχεσθαι λέγων ἐν ἀρτηρίαις τοὺς χυμοὺς, ὅμως ἐκ τῶν σφυγμῶν ἰδέας τινὰς αὐτῶν ἀναλογίζεσθαι πειρᾶται… Αἴνιγμα γὰρ ἂν οὕτως τὸν λόγον ποιήσειεν, ἵνα τις ἀναγινώσκων, εἶτα μὴ νοῶν, οἴηταί τι βύθιον ἐγκεκρύφθαι τῷ λόγῳ καὶ θαυμαστὸν, εἶτα κατατρίϐηται δηλαδὴ, ζητῶν μὲν διὰ παντὸς, εὑρίσκων δ’ οὐδέν. Le fait qu’il soit possible de tirer des conclusions sur la disposition des artères grâce à l’état révélé par le toucher, je ne le conteste pas. De fait, c’est ce que fait Praxagoras, ainsi qu’Hérophile et presque tous les autres, plus ou moins, et avec plus ou moins de succès. Or justement, le discours de Praxagoras te paraîtra peut-être étonnant : en effet, alors même que, pour lui, les humeurs ne sont pas contenues dans les artères, il essaie cependant d’en analyser certaines à partir du pouls… Ainsi, il se pourrait bien qu’il ait fait de son discours une énigme, pour qu’on le lise, qu’on ne le comprenne pas, qu’on croie qu’un sens profond et admirable y est caché et qu’on s’épuise évidemment à le chercher toujours sans jamais rien trouver15.
15. Galien, Diagnostic par le pouls, IV, 2 (VIII, 941, 11 - 942, 4 Kühn).
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Selon Galien, le comportement de Praxagoras est paradoxal : d’un côté, il considère que les humeurs ne sont pas contenues dans les artères ; de l’autre, il prétend obtenir des informations sur les humeurs en prenant le pouls des artères. Dans ce texte, Galien reproche donc à Praxagoras d’avoir produit une « énigme étonnante » (θαυμαστὸν… αἴνιγμα), et de l’avoir fait consciemment pour impressionner ses lecteurs. Plus souvent, enfin, Galien juge ambigu le sens de certains mots ou groupes de mots employés par ses confrères médecins. Les discours de ces savants en ressortent donc discrédités, puisque, comparés ou identifiés à des énigmes, ils voient leur prétention à la rationalité annihilée par Galien. Dans le traité d’Hygiène, III, 8, ce flétrissement concerne une phrase de Théon d’Alexandrie sur le traitement de la fatigue musculaire ; dans l’énoncé de cet ancien sportif reconverti dans la médecine, un seul mot ambigu suffit à rendre le tout incompréhensible : Θαυμάζειν οὖν ἐπέρχεταί μοι ἐν τῷ τετάρτῳ τῶν κατὰ μέρος γυμνασίων, ἐν οἷς περὶ τοῦ τελείου γυμνασίου διεξέρχεται, τάδε γράφοντος· « Καὶ κόπου τινὸς τοῖς οὕτω γυμνασθεῖσιν ὡς τὰ πολλὰ τῇ ἑξῆς ἡμέρᾳ παρακολουθοῦντος, ἡ ζεστολουσία παραιτεῖται τὴν πρὸς τὸν κόπον ἐπιτηδειότητα, πυροῦσα τὴν ἐπιφάνειαν, ἵνα αὕτη σικύας τρόπον τὴν λαμϐανομένην τροφὴν ἐπισπωμένη τοῖς κεκμηκόσι ἀντιδιέληται νεύροις. » Οὗτος μὲν γὰρ πρὸς τοῖς ἄλλοις ὥσπερ αἴνιγμά τι τὸ ἀντιδιέληται ῥῆμα παρέλαϐεν ἐν τῷ λόγῳ. δύναται μὲν γάρ τις ἀκούειν « ἵνα ἡ ἐπιφάνεια σικύας τρόπον ἐπισπωμένη τὴν τροφὴν μέρος ἐξ αὐτῆς τι καὶ τοῖς νεύροις παρέχῃ »· δύναται δὲ καὶ τοὐναντίον « ἵνα ἡ ἐπιφάνεια σικύας τρόπον ἐφ’ ἑαυτὴν ἀντισπῶσα τὴν ἐπὶ τὰ νεῦρα φερομένην τροφὴν μερίζηται ». Ὥστε κατὰ μὲν τὸν πρότερον λόγον εἰς εὐτροφίαν τοῖς νεύροις συναίρεσθαι θερμανθὲν τὸ δέρμα (τοῦτο γὰρ ἡγοῦμαι λέγειν αὐτὸν ἐπιφάνειαν), κατὰ δὲ τὸν δεύτερον εἰς ὀλιγοτροφίαν. Ὅσον μὲν οὖν ἐπ’ αὐτῇ τῇ ῥήσει, τὴν γνώμην τοῦ οὐκ ἄν τις ἐξεύροι. Je suis pris d’étonnement à la lecture du quatrième livre du traité sur les exercices particuliers de Théon, où il fait un exposé détaillé sur l’exercice complet en ces termes : « Et quand une certaine fatigue se fait ressentir, le plus souvent le lendemain, chez ceux qui se sont exercés ainsi, un bain chaud produit la condition favorable au traitement de cette fatigue, en réchauffant fortement la superficie, pour que cette dernière, à la manière d’une gourde, attirant à elle la nourriture prise, l’ἀντιδιέληται aux différents nerfs éprouvés. » Théon, donc, en plus du reste, emploie dans son discours, comme une énigme, le mot ἀντιδιέληται ; on peut comprendre la phrase de la manière suivante : « pour que la superficie, à la manière d’une gourde, bien qu’attirant la nourriture en sens inverse sur elle-même, en fournisse aussi une partie aux nerfs » ; mais on peut comprendre aussi le contraire, à savoir : « pour que la superficie, à la manière d’une gourde, attirant la nourriture en sens inverse sur elle-même, s’attribue la nourriture qui était à destination des nerfs. » De sorte que, avec le premier raisonnement, une fois réchauffée, la peau (car je crois que c’est cela que Théon veut dire avec le mot ‘superficie’) contribuera à la bonne nutrition des nerfs ; en revanche, avec le second raisonnement, la peau sera responsable de leur faible nutrition. Donc, avec cet énoncé même, personne ne peut parvenir à connaître l’opinion de Théon16.
16. Galien, Hygiène, III, 8 (Koch 1923, p. 92, 4-19).
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De même, à trois reprises, dans la Différences du pouls, III, 4, dans la Connaissance du pouls, IV, 2 et dans le Commentaire au Pronostic d’Hippocrate, III, 42, Galien condamne le médecin Archigène, dont les théories sur le pouls sont comparées à des « énigmes de Sphinx » (Σφιγγὸς αἰνίγματα), que ses sectateurs propagent avec admiration sans même les comprendre : Οὗτοι μὲν δὴ δύο σφυγμοὶ, βαρύς τε καὶ ἀϐαρὴς, Ἀρχιγένεια δῶρα, μέχρι τοῦ λαληθῆναι προελθόντες, οὐδεμίαν ἔχουσι διάγνωσιν· οἱ δ’ ἐφεξῆς αὐτῶν ἔτ’ ἀλλοκοτώτερον σύγκεινται. Τίς γάρ ἐστιν ἡ ἔσω ῥέπον τὸ βάρος ἔχουσα διαφορὰ σφυγμῶν, ἐγὼ μὲν οὐκ οἶδα. Καὶ διὰ τοῦτο πάλιν ἠναγκάσθην ἐρωτᾷν τοὺς ἀπ’ αὐτοῦ, τί ποτε εἴη τὸ αἴνιγμα. Τῶν δ’ αἰνιγματωδέστερόν τε καὶ ἀλλοκοτώτερον ἔτ’ αὐτοῦ τοῦ συγγράψαντος ἀποκριναμένων, ἔγνων βεϐαίως, ὡς εἰσὶν ἄρα τινὲς ἄνθρωποι θαυμάζοντες ἃ μὴ νοοῦσι. Καί μοι δοκεῖ τοῦτ’ αὐτὸ κατανοήσας ὁ Ἀρχιγένης ἑκὼν εἶναι πολλαχόθι γράφων ἀσαφῶς. Ἐγὼ μὲν οὖν οὐδὲ χωρὶς τοῦ γελᾷν δύναμαι μνημονεῦσαί ποτε τοῦ ῥέποντος ἔσω βάρους. Δῆλον γὰρ ὡς ἕτερόν τι βάρος ἔξω ῥέπον ἐστί. Καὶ τοῦτο μὲν, ὡς οἶμαι, τῷ δέρματι τοῦ ἀνθρώπου βαρὺ, τὸ δ’ ἕτερον τοῖς ὀστοῖς ἐστι. Voilà donc deux pouls, le pesant et le sans poids, cadeaux archigéniens qui, professés jusqu’au bavardage, n’ont aucune valeur diagnostique. Mais la suite est encore plus étrange. En effet, qu’est-ce que la variété de pouls dont le poids penche vers l’intérieur ? Moi, je ne le sais pas. Et pour cette raison, à nouveau, je fus contraint de demander aux sectateurs d’Archigène ce que pouvait bien être cette énigme. Mais, quand ils m’eurent répondu d’une façon plus énigmatique et plus étrange encore que lui dans ses écrits, j’eus la certitude qu’il existait bel et bien des gens qui admiraient ce qu’ils ne comprenaient pas. Et il me semble qu’Archigène, conscient de cette vérité même, a fait exprès d’écrire partout d’une façon obscure. Pour ma part, donc, je ne peux jamais m’empêcher de rire quand j’évoque le poids qui penche vers l’intérieur. Car il est clair qu’il existe un autre poids qui penche vers l’extérieur. Et l’un, apparemment, pèse sur la peau humaine, et l’autre sur les os !17 Ἐχρῆν ἀποσαφῆσαι τοῦτ’ αὐτὸ ἡμῖν, καὶ μὴ Σφιγγὸς προϐάλλειν αἰνίγματα… Τούτῳ μὲν τό γε τοσοῦτον ἤδη χάριν ἴσμεν, ὅτι τε μὴ Σφιγγὸς αἰνίγματα προϐάλλει, καθάπερ Ἀρχιγένης τε καὶ πολλοὶ τῶν ἄλλων. Il faudrait qu’il éclaircisse cette opinion elle-même et qu’il ne nous jette pas au visage des énigmes de Sphinx… Nous remercions désormais Agathinos au moins pour cette quantité d’explications, parce qu’il ne nous jette pas à la figure des énigmes de Sphinx, comme le font Archigène et beaucoup d’autres18. Ἅπαντα δὲ ταῦτα δυνάμει προείρηταί τε καὶ διώρισται κατὰ τὸ βιϐλίον τοῦτο καὶ μόνα τὰ περὶ τῶν σφυγμῶν αὐτοῖς σε χρὴ προσθεῖναι γεγραμμένα πρὸς ἡμῶν ἐν τῇ Περὶ τῶν σφυγμῶν πραγματείᾳ σαφῶς πάντα μηδαμόθι παρεγκειμένων Σφιγγὸς αἰνιγμάτων, οἷα μυρία γεγράφασιν οἱ περὶ τὸν Ἀρχιγένην.
17. Galien, Différences du pouls, III, 4 (VIII, 660, 1-15 Kühn). 18. Idem, Connaissance du pouls, IV, 2 (VIII, 935, 15-17 ; 936, 10-12 Kühn).
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Tous ces éléments ont été dits auparavant avec force et se trouvent définis dans ce livre, et tu dois y ajouter seulement les choses que j’ai écrites sur le pouls dans mon traité Sur le pouls, où tout est clairement exposé, sans énigmes de Sphinx nulle part telles qu’en ont écrit les sectateurs d’Archigène19.
Enfin, dans sept extraits de commentaires, Hippocrate lui-même se voit reprocher le caractère ambigu de certaines de ses formulations, que Galien juge indûment dépourvues de la définition qui les rendrait compréhensibles. Dans ces textes, Galien signale une série d’expressions toutes plus énigmatiques les unes que les autres ; l’une d’elle, reçoit même le titre d’ἐπῳδόν, terme désignant non seulement la partie finale d’une œuvre lyrique, mais aussi une « imprécation » magique. Καθάπερ οὖν ταῦτα πολλὰ καὶ μοχθηρὰ συμπτώματά ἐστιν, οὕτω καὶ τἄλλα τὰ ἐν τῷ Προγνωστικῷ γεγραμμένα, καὶ δύναταί τις ἐπιπλέκων αὐτὰ ἀλλήλοις δοκεῖν τι διδάσκειν νεώτερον· ἐὰν δέ που καὶ λέξιν ἀσαφῆ μίξῃ τῷ λόγῳ καθάπερ αἴνιγμα, τοῖς μὲν πολλοῖς κἀκ τούτου σοφώτερος εἶναι δόξει· θαυμάζουσι γὰρ ἃ μὴ νοοῦσιν· ἀνθρώπῳ δ’ ἐγνωκότι διακρίνειν ἀπὸ τῆς παθογνωμονικῆς συνδρομῆς τὰ ἐπιγινόμενα φωραθήσεται ποικίλος μέν, ἄχρηστος δ’ ὁ λόγος… Τὸ δὲ [καὶ] τῇ τελευτῇ τῆς ῥήσεως ὥσπερ αἴνιγμα προσέρριπται ταύτης ὥς τι τῶν ἐξ ἀνάγκης ὡμολογημένων ἔσεσθαι, ὅ τι περ ἂν σημαίνῃ τὸ , εἴτε τὸ τῶν κατὰ τὴν γαστέρα πνευμάτων πλῆθος, ὡς ἐνὸν [γαστέρα] φυσηθῆναι πᾶσαν αὐτήν, εἴτε τὴν μεγάλην καὶ πυκνὴν ἀναπνοήν· ἀλλὰ καὶ ταύτην ἐμάθομεν, ὡς ἕπεται διαθέσεσιν οὐκ ἀγαθαῖς, ὥσπερ γε καὶ τὴν τῆς γαστρὸς . Ὥστ’ οὐ χρὴ ζητεῖν ἄλλα σημεῖα, τούτων ἐξ ἀνάγκης προηγουμένων· ἐπὶ τούτοις γὰρ οὐκέτι, ὡς ἐπ’ ἐνίοις καὶ κατὰ τύχην γενομένοις, ἡ τῶν ἀποϐησομένων ἀσαφής τις γίνεται πρόγνωσις. Ces éléments constituent donc beaucoup de mauvais symptômes ; il en va de même aussi pour les autres symptômes qui sont décrits dans le Pronostic, et on peut, en les mêlant les uns aux autres, donner l’impression qu’on enseigne quelque chose de nouveau ; et sans doute aussi, si on mélange une phrase obscure au discours comme pour faire une énigme, beaucoup de monde croira également ce discours plus savant en raison de ce mélange ; car les gens admirent ce qu’ils ne comprennent pas. Mais pour quelqu’un qui aura su discerner l’évolution du mal à partir de la combinaison de symptômes qui le renseignent sur la pathologie, le discours sera certes chatoyant, mais inutile… À la fin de la phrase, le mot ventilés est ajouté comme si c’était une énigme, avec l’idée que c’est là un mot sur lequel il y a nécessairement un accord, quel qu’en soit le sens, qu’il s’agisse d’une grande quantité de vents dans le ventre, qui dès lors peut en être tout enflé, ou qu’il s’agisse d’une respiration forte et fréquente. En ce qui concerne cette dernière affection précisément, nous avons appris combien elle apparaissait à la suite de mauvaises dispositions, comme aussi sans doute le gonflement du ventre ; de sorte qu’il ne faut pas chercher d’autre signes, puisque ces symptômes les précèdent nécessairement ; en effet, en se fondant sur eux, ainsi que sur quelques autres se produisant de façon fortuite, le pronostic de ce qui adviendra n’est plus obscur20. 19. Galien, Commentaire au Pronostic d’Hippocrate, III, 42 (Heeg 1915, p. 368, 28 ; p. 369, 2). 20. Idem, Commentaire au Régime des maladies aiguës d’Hippocrate, IV, 55 (XV, 831, 6-12 ; 833, 10 ; 834, 2 Kühn).
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Ἅπαντα οὖν ταῦτα προειπὼν ὁ γράψας τόδε τὸ βιϐλίον, εἶτα ἐπὶ τῷ τέλει προσθεὶς ἐφιδρῶσιν, ὃ καὶ αὐτὸ πάλιν ὅλου τοῦ σώματος ὀλίγον ἱδρῶτα καθάπερ νοτίδα δύναται δηλοῦν ἢ τὸν περὶ θώρακα καὶ κεφαλὴν μόνην, ἐπήνεγκεν αὐτοῖς αἰνιγματωδεστέραν ἔτι καὶ τούτων αὐτῶν ῥῆσιν εἰπών· « ἆρα τούτοισι τὸ θολερὸν πνεῦμα καὶ τὸ γονοειδὲς ἐπελθὸν λύγγα σημαίνει » ; Πάλιν γὰρ ἐνταῦθα τὸ θολερὸν πνεῦμα, καθάπερ ἤδη καὶ πρόσθεν εὕρομεν, ἀμφισϐητουμένην ἔχει τὴν νόησιν. Ἀλλ’ ἐν ἐκείνῃ μὲν τῇ ῥήσει τὸ κατὰ τὴν ἐκπνοὴν θολερὸν πνεῦμα εἰρῆσθαι ὑπ’ αὐτοῦ, ὡς λέλεκται, πιθανὸν ἐφαίνετο· νῦν δὲ καὶ τὸ κατὰ τὰς ἐρυγὰς ἔνιοι κελεύουσιν ἡμᾶς ἡγεῖσθαι λελέχθαι, καθάπερ ἄλλοι τὸ κατὰ τὰς φύσας. Εἴρηται δὲ καὶ πρόσθεν ὅτι θολερὸν οἱ μὲν τὸ δυσῶδες, οἱ δὲ τὸ ἀτμῶδες ἤκουσαν, ὥσπερ γε καὶ θαλερὸν ἔνιοι διὰ τοῦ α γράψαντες τὸ οἷον θάλλον καὶ ἀκμάζον καὶ μέγα λέγουσιν εἰρῆσθαι. Προείρηται δέ μοι καὶ ὅτι πολλάκις ἐν τοῖς ὁμολογουμένοις γνησίοις συγγράμμασιν ὁ Ἱπποκράτης εἰρηκὼς ἄλλοτε ἄλλας δυσπνοίας διαφορὰς ἐν τῷ δευτέρῳ καὶ ἕκτῳ τῶν Ἐπιδημιῶν πάσας ἐφεξῆς οὐδαμόθι θολερὸν ὠνόμασε πνεῦμα, καθάπερ οὐδὲ λύγγα θολερὰν οὐδὲ φῦσαν οὐδὲ ἄλλο τι τῶν τοιούτων. Ἔτι δὲ μᾶλλον αἰνιγματωδῶς εἴρηται « τὸ γονοειδὲς ἐπελθὸν » εἴτε οὖρον εἴτε διαχώρημα… Ἐφεξῆς δὲ τὸ λαμπῶδες, φησίν, « ἐν τούτοισιν οὐρηθὲν ὠφελέει ». τίσι φησὶ τούτοις ; … Εἰ μὴ λαππῶδες ἐπιγεγραμμένον διὰ τῶν δυοῖν ππ σημαίνει τὸ λαμπῶδες, ὃ διὰ τοῦ μ καὶ π γράφουσί τινες… Ταῦτ’ οὖν ἅπαντα συμπεφόρηται καθάπερ αἰνίγματα· κἂν διεξέλθῃ τις αὐτὰ πάντα, τοῦ κατὰ τὸ τέλος ὥσπερ ἐπῳδοῦ γεγραμμένου « καὶ κοιλίαι δὲ τούτοισιν ἐπιταράσσονται » τὸν λογισμὸν οὐκ ἔστιν εἰπεῖν· οὔτε γὰρ ὁ λόγος οὔθ’ ἡ πεῖρα τῶν ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τοῖς εἰρημένοις ἑπομένων ἔδειξε κοιλίαν ἐπιταρασσομένην. Donc, après avoir cité d’abord tous ces maux, l’auteur de ce livre a ajouté à la fin l’ἐφιδρῶσις, notion qui elle-même précisément peut à nouveau désigner soit une petite quantité de sueur pour tout le corps comme l’humectage, soit la seule sueur du thorax et de la tête, et il a ajouté à cela une formule encore plus énigmatique, en disant « donc le pneuma bourbeux et le semblant de semence qui s’ensuit annonce un hoquet ». En effet, ici, le pneuma bourbeux, comme nous l’avons déjà vu auparavant, a un sens qui est sujet à controverse ; mais dans la phrase de tout à l’heure, comme on l’a dit, il semblait convaincant d’affirmer que l’auteur parlait du pneuma bourbeux de l’expiration ; or maintenant, quelques commentateurs nous invitent à considérer qu’il a voulu parler du pneuma bourbeux des rots, alors que pour d’autres il est question de celui des vents. En outre, il a été dit auparavant que les uns ont compris bourbeux au sens de nauséabond, les autres au sens de vaporeux, alors que quelques autres, qui écrivent θαλερόν avec un α, disent que c’est un synonyme de florissant, à son sommet, grand. Auparavant, j’ai dit aussi que souvent, dans les traités établis de façon unanime, Hippocrate, qui, dans Épidémies II et Épidémies VI, selon les cas, a cité successivement toutes sortes de variétés différentes de dyspnées, n’a jamais dit du pneuma qu’il était bourbeux, pas plus qu’il n’a attribué ce qualificatif au hoquet, aux vents ni à rien d’autre de tel. En outre, l’expression « le semblant de semence qui s’ensuit » est formulée de façon plus énigmatique encore, pour parler soit de l’urine, soit d’un excrément… Ensuite, il dit : « La substance écumeuse (λαμπῶδες) évacuée par l’urine dans ces cas est utile ». Mais de quels cas veut-il parler ?… À moins que λαμπῶδες, que certains écrivent avec un μ et un π, ne signifie λαππῶδες écrit avec deux π ?…
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Tous ces éléments sont donc assemblés comme des énigmes ; et même si on les a tous expliqués en détail, il est impossible de dire le sens de l’imprécation finale : « et les cavités se troublent à leur suite » ; car ni la raison, ni l’expérience de ce qui suit le plus souvent les symptômes décrits n’ont démontré que la cavité se troublait21. Μόνως γὰρ οὕτως εὑρίσκεται τὸ σημαινόμενον ὑφ’ ἑκάστης φωνῆς, οὐ μὴν ἐν τούτῳ γε τῷ βιϐλίῳ δυνατὸν ἐγένετό μοι μέχρι δεῦρο διὰ τῶν συμφραζομένων εὑρεῖν τὸ σημαινόμενον ἐκ τοῦ κώματος ἁπασῶν δὴ τῶν ῥήσεων αἰνιγματωδῶς ἑρμηνευομένων. C’est seulement ainsi qu’on peut trouver le sens de ce mot ; en tout cas, dans ce livre du moins, je n’ai pas pu jusqu’ici grâce au contexte trouver la signification du mot coma, toutes les phrases ayant été exposées de façon énigmatique22. Ἡ μὲν οὖν ξηρὰ βὴξ λέγεται συνήθως, ἐφ’ ἧς οὐδὲν ἀναπτύεται. Τοῦτο δ’ οὕτως ῥηθὲν ἐν μὲν συγγράμματι προφανῶς ἐνδείκνυται τὸν γράψαντα χαίρειν αἰνιγματώδει λέξει. On parle habituellement de toux sèche lorsqu’on ne crache rien ; quant à l’autre toux (ie la toux sauvage), formulée ainsi dans le traité, elle montre clairement que l’auteur aime tenir un discours énigmatique23. Ἐν γὰρ ταῖς αἰνιγματώδεσι ῥήσεσιν ὅ τι ἄν τις ἐθέλῃ δύναται λέγειν, οὐδὲν ἡμῶν ἀξιόλογον ὠφελουμένων ἐν αὐταῖς, ἐν αἷς γε οὐδὲ τὴν Ἱπποκράτους γνώμην ἔνεστι μαθεῖν ἀκριϐῶς, ἀλλὰ τὴν τῶν ἐξηγητῶν. Avec les phrases énigmatiques, on peut dire ce qu’on veut, de sorte que nous n’y trouvons aucune utilité notable : dans ces cas, il est possible de comprendre précisément non pas la pensée d’Hippocrate, mais celle des commentateurs24. « Ἐν τοῖς τρώμασι τὸ αἷμα συντρέχει, βοηθητέον ὡς τὸ κενὸν πλησθῆναι. » Αἰνιγματώδης καὶ ἥδε ἡ ῥῆσίς ἐστιν. οὔτε γὰρ τί τὸ συντρέχειν δηλοῖ σαφές ἐστιν οὔτε τί τὸ τὸ κενὸν πλησθῆναι… « Dans les blessures, le sang se rassemble rapidement et il faut intervenir pour combler le vide. » Cette phrase elle aussi est énigmatique. En effet, le sens de ‘se rassemble rapidement’ n’est pas clair, ni celui de ‘combler le vide’25… Γινώσκοντες οὖν ἡμεῖς καὶ χωρὶς τῆς προκειμένης ῥήσεως, ὅτι [τε] τὴν ἐπιληψίαν καὶ τὰ ἄλλα ὅσα φλεγματικὰ νοσήματα μεγάλως ὀνίνησιν ἡ μεταϐολὴ τῆς τῶν παίδων ἡλικίας εἰς τὴν τῶν μειρακίων, εἰ καὶ χωρὶς ἀφροδισίων χρήσεως γίνοιτο, πρὸς τούτῳ δ’ ἐπιστάμενοι καὶ ὡς οὔτε νεφρῖτις οὔτε πυρετὸς τεταρταῖος οὔτε ἀρθρῖτις παύεται δι’ ἀφροδισίων, ὑπὸ μὲν τῆς προκειμένης ῥήσεως αἰνιγματώδους οὔσης οὐδὲν διδασκόμεθα, καθάπερ οὐδ’ ὑπ’ ἄλλης οὐδεμιᾶς τῶν τοιούτων.
21. Galien, Commentaire à Prorrhétique I d’Hippocrate, II, 59 (Diels 1915, p. 102, 15 ; p. 103, 4, p. 104, 22-23 ; p. 105, 17-26). 22. Ibidem, III, 1 (Diels 1915, p. 106, 214-219). 23. Galien, Commentaire à Épidémies VI d’Hippocrate, II, 19 (Wenkebach 1956, p. 80, 15-17). 24. Ibidem, II, 39 (Wenkebach 1956, p. 108, 4-7). 25. Ibidem, III, 48 (Wenkebach 1956, p. 281, 7-10).
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Nous donc, puisque, même sans la phrase que nous avons sous les yeux, nous savons que le passage de l’enfance à l’adolescence favorise grandement l’épilepsie et toutes les autres maladies phlegmatiques, même sans relation sexuelle, et qu’en outre nous savons aussi que ni la gravelle, ni la fièvre quarte, ni la goutte ne cessent à cause du sexe, la phrase que nous avons sous les yeux, qui est énigmatique, ne nous apprend rien, pas plus qu’aucune autre du même genre26.
En tout cas, dans tous ces extraits, Galien ne parle jamais du point de vue du patient. Tout au plus laisse-t-il entendre que ces énigmes peuvent susciter une admiration infondée de la part des jeunes lecteurs, en qui il faut reconnaître non pas des patients, mais des étudiants en médecine. De fait, ce sont avant tout les apprentis médecins que Galien veut éloigner des charlatans. C’est la raison pour laquelle, dans ses traités, il s’emploie à disqualifier les énigmes sur le plan pédagogique et sur le plan ecdotique. B. Disqualification pédagogique et ecdotique des énigmes Sur le plan pédagogique, tout d’abord, Galien insiste à maintes reprises sur le fait que les résolutions d’énigmes sont une perte de temps : il confine les énigmes dans le cadre peu sérieux des banquets et en détourne les étudiants, qui ont plutôt intérêt à pratiquer des exercices ancrés dans le champ de la rationalité pour enrichir leurs connaissances. C’est ce que montrent les cinq extraits suivants : Καὶ πολλάκις ἐπὶ τῶν καμνόντων ἐθεασάμεθα δυοῖν τριταίοιν ἐπιπλοκὴν ἀμφημερινὸν ἕνα νομίζοντας εἶναι τοὺς θεραπεύοντας, οὓς μόγις ἐπείσαμεν ὑπὸ δυοῖν τριταίοιν ἐνοχλεῖσθαι τὸν κάμνοντα, λυθέντος μὲν ἐξ αὐτῶν πρότερον τοῦ προτέρου, καταλειφθέντος δὲ μόνου τοῦ χαλεπωτέρου. Ἅπαντες οὖν ἐοίκασιν οἱ τὰ περὶ τύπων βιϐλία γεγραφότες οὐδὲν φροντίσαι τῆς εἰς τὴν πρόγνωσίν τε καὶ δίαιταν ἐξ αὐτῶν ὠφελείας, ἀλλ’ ὥσπερ λέγουσιν, οὕτω καὶ ποιῆσαι, γυμνάσματα τοῖς νέοις γράψαι ταῦτα παραπλήσια τοῖς περὶ δεῖπνον αἰνίγμασιν. Εἰ μὲν οὖν αὐτοὺς ἁπλῶς βούλονται γυμνάζειν, ἐνῆν τοῦτο πράττειν ἐπί τε γεωμετρίαν ἄγουσι καὶ ἀριθμητικὴν καὶ λογιστικὴν καὶ διαλεκτικήν. Souvent même, nous avons observé que, chez les malades, une combinaison de deux fièvres tierces passait pour une unique fièvre éphémère aux yeux des médecins, que nous avons eu du mal à convaincre que le malade était affecté par deux fièvres tierces, puisque la première avait été détruite grâce à leur soin, laissant seule la plus pénible des deux. Donc tous ceux qui ont écrit des livres sur les périodes ne semblent en rien se soucier de l’utilité qu’on peut en tirer pour le pronostic et le régime, mais, comme ils disent, ils semblent même avoir agi ainsi pour que ces ouvrages servent d’exercices aux jeunes gens, comme les énigmes qu’on fait au moment du dîner. En réalité, s’ils veulent vraiment les exercer, ils n’ont qu’à leur faire faire de la géométrie, de l’arithmétique, de la logique et de la dialectique27.
26. Ibidem, V, 26 (Wenkebach 1956, p. 305, 8-15). 27. Galien, Contre ceux qui ont écrit sur les périodes des maladies (VII, 487, 4-13 Kühn).
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Περὶ δὲ τῶν σφυγμῶν αὐτοῦ νῦν ἐροῦμεν. καὶ ἵνα μὴ ὥσπερ αἴνιγμά τι προϐεϐλημένον εἴη, τοῖς συνεδρεύουσιν αὐτῷ δηλώσω. Nous parlerons désormais de son pouls. Et pour éviter qu’un problème ne se pose à la manière d’une énigme, j’exposerai clairement les choses à l’assistance28. Πιθανῶς τις ἐπ’ αὐτῆς τῆς ῥήσεως ἔλεγε λείπειν ἀπόφασιν τὴν μὴ παραλελειμμένην ὑπὸ τοῦ πρῶτον τὸ βιϐλίον μεταγραψαμένου, καθάπερ καὶ ἄλλα πολλὰ πολλάκις ἐν πολλοῖς βιϐλίοις ὡμολόγηται τὰ μὲν παραλελεῖφθαι, τὰ δὲ ὑπηλλάχθαι, μηδενὸς ὕστερον ἐπανορθῶσαι τὰ ἡμαρτημένα τολμήσαντος. ἀληθὴς γὰρ ὁ λόγος, ἐὰν οὕτω γράψωμεν, ἔσται· « αἱ ἐν πυρετῷ πρὸς ὑποχόνδρια ὀδύναι ἀναύδως, ἱδρῶτι μὴ λυόμεναι, κακοήθεες ». ἀλλὰ τὰ σαφῆ καὶ γνώριμα καταλιπόντες οἱ πολλοὶ τῶν ἀνθρώπων χαίρουσι τοῖς αἰνιγματωδῶς εἰρημένοις... Ἔργῳ τοίνυν ἐδείχθη μὑπ’ αὐτῶν διδασκόμενον, ἀνηλωμένον δὲ χρόνον, ὥσπερ ἐπὶ τῶν αἰνιγμάτων, ἵν’ ἐφαρμόσωμεν ἃ γινώσκομεν τῇ λέξει… Οὗτος μὲν ὁ λόγος, ὅτι καὶ σαφής ἐστιν καὶ καθόλου τι διδάσκει, καταφρονεῖται, τὰ δ’ αἰνιγματωδῶς εἰρημένα σπουδάζεται τοῖς μὲν σοφισταῖς εἰκότως, ἵνα τι θαυμαστὸν διδάσκειν δόξωσι τοὺς μαθητάς, αὐτοῖς δὲ τοῖς μαθηταῖς διὰ τὴν ἀπαιδευσίαν τῶν πρώτων μαθημάτων, ἐν οἷς οἱ παλαιοὶ τοὺς παῖδας ἔτρεφον. Ἀγύμναστος δὲ ὢν ὁ λογισμὸς αὐτῶν οὔθ’ ἕπεται τοῖς λεγομένοις οὔτε κρῖναι τὴν ἐν αὐτοῖς ἀλήθειαν δύναται. Un commentateur, à propos de cette phrase, a dit de façon convaincante qu’il conservait la négation μή, laquelle avait été abandonnée par le premier copiste du livre, comme on le voit souvent aussi dans bien des livres pour beaucoup d’autres passages qui unanimement sont tantôt conservés, tantôt supprimés, sans que personne ensuite n’ose rectifier l’erreur. En effet, l’énoncé sera vrai si nous l’écrivons ainsi : « αἱ ἐν πυρετῷ πρὸς ὑποχόνδρια ὀδύναι ἀναύδως, ἱδρῶτι μὴ λυόμεναι, κακοήθεες. » Mais délaissant les énoncés clairs et compréhensibles, la majorité des gens se réjouit de ce qui est dit de façon énigmatique… Concrètement, donc, j’ai montré aujourd’hui aussi, comme souvent déjà à propos de nombreuses phrases obscures, que rien ne nous est appris par les gens que nous ne comprenons pas et que nous perdons notre temps, comme avec les énigmes, à ajuster ce que nous connaissons à la phrase… Ce discours, parce qu’il est clair et qu’il donne un enseignement universel, est méprisé, tandis que ce qui est dit de façon énigmatique est examiné avec zèle par les sophistes, naturellement, qui, de ce fait, passent pour enseigner quelque chose d’admirable à leurs élèves, et par les élèves eux-mêmes à cause de la stupidité des premiers enseignements avec lesquels les Anciens élevaient leurs enfants. De fait, comme il est inexercé, leur raisonnement ne suit pas ce qu’on leur dit et il est incapable de discerner la vérité qui s’y trouve29. Ἐγὼ δ’ ἀεὶ παραινῶ, καθάπερ ἴστε, τὸ μὴ χρονίζειν ἐν ταῖς αἰνιγματώδεσιν, ἔχοντας ἄλλα πολλὰ κατὰ τὴν τέχνην, ἐν οἷς δυνάμεθα χρησίμως γυμνάζεσθαι.
28. Galien, Pouls pour les débutants, 12 (VIII, 484, 9-11 Kühn) = Galien, Causes du pouls, IV, 15 (IX, 188, 4-7 Kühn). 29. Galien, Commentaire à Prorrhétique I d’Hippocrate, II, 57 (Diels 1915, p. 98, 3-10 ; p. 99, 3-6 et 11-17).
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Pour ma part, je conseille toujours, comme vous le savez, de ne pas perdre de temps avec les formules énigmatiques dès lors que, dans un art, on dispose de bien d’autres éléments sur lesquels on peut s’exercer avec profit30. Γινώσκοντες οὖν ἡμεῖς καὶ χωρὶς τῆς προκειμένης ῥήσεως, ὅτι τὴν ἐπιληψίαν καὶ τὰ ἄλλα ὅσα φλεγματικὰ νοσήματα μεγάλως ὀνίνησιν ἡ μεταϐολὴ τῆς τῶν παίδων ἡλικίας εἰς τὴν τῶν μειρακίων, εἰ καὶ χωρὶς ἀφροδισίων χρήσεως γίνοιτο, πρὸς τούτῳ δ’ ἐπιστάμενοι καὶ ὡς οὔτε νεφρῖτις οὔτε πυρετὸς τεταρταῖος οὔτε ἀρθρῖτις παύεται δι’ ἀφροδισίων, ὑπὸ μὲν τῆς προκειμένης ῥήσεως αἰνιγματώδους οὔσης οὐδὲν διδασκόμεθα, καθάπερ οὐδ’ ὑπ’ ἄλλης οὐδεμιᾶς τῶν τοιούτων. Nous donc, puisque, même sans la phrase que nous avons sous les yeux, nous savons que le passage de l’enfance à l’adolescence favorise grandement l’épilepsie et toutes les autres maladies phlegmatiques, même sans relation sexuelle, et qu’en outre nous savons aussi que ni la gravelle, ni la fièvre quarte, ni la goutte ne cessent à cause du sexe, la phrase que nous avons sous les yeux, qui est énigmatique, ne nous apprend rien, pas plus qu’aucune autre du même genre31.
Certes, dans ses propres commentaires, Galien ne renonce pas toujours immédiatement à résoudre les énigmes qu’il déplore : au contraire, il fait souvent un effort particulier pour résoudre les formules de ses confrères, notamment celles qui figurent dans les recettes versifiées. En effet, dans les traités pharmacologiques, il n’est pas rare que des ingrédients soient désignés par des périphrases poétiques choisies pour leur vertu mnémotechnique. Or, à ces formules énigmatiques, Galien préfère toujours des appellations plus courantes et moins alambiquées, plus en accord avec ses exigences rationnelles, comme on le voit dans la Composition des médicaments selon les lieux, IX, 4, qui décrypte une recette du pharmacien Philon : Ναύπλιον μὲν οὖν Εὐϐοέα τὸ πύρεθρον λέγει, διότι Ναύπλιος πυρὰς μεγάλας καύσας, ὥς φασι, κατὰ τὸν τῆς Εὐϐοίας λιμένα, πολλοὺς τῶν Ἑλλήνων ἐξηπάτησεν, ὡς ἐπὶ χώραν εὐλίμενον καταίροντας ἀπολέσθαι. Ἐργάσασθαι δέ φασιν αὐτὸν τοῦτο διὰ τὸν τοῦ Παλαμήδους θάνατον. Καὶ μὴν καὶ τὸ εὐφόρϐιον, αἰνιγματωδῶς ὁμοίως τούτοις κέκληκεν εἰπὼν « καὶ τρίτου ἐν Τρώεσσι, Μενοιτιάδαο φονῆος », ἐπειδὴ ὁ ποιητὴς ἐποίησε λέγοντα τὸν Πάτροκλον, « Ἀλλά με Μοῖρ’ ὀλοὴ καὶ Λητοῦς ἔκτανεν υἱὸς, Ἀνδρῶν δ’ Εὔφορϐος »… Εἴκοσι δ’ ἀξιοῖ δραχμὰς ἐμϐάλλεσθαι σπέρματος ὑοσκυάμου, γράψας καὶ τοῦτο αἰνιγματωδῶς, εἴκοσι καὶ κυάμου θηρὸς ἀπ’ Ἀρκαδίης, ἐπειδὴ τὸν Ἐρυμάνθιον κάπρον ὁ Ἡρακλῆς ἀποκτεῖναι λέγεται, κατὰ τὴν τῶν Ἀρκάδων γῆν αὐξηθέντα. La camomille, il l’appelle Nauplios d’Eubée, parce que Nauplios, ayant, à ce qu’on dit, allumé de grandes flammes le long du port de l’Eubée, trompa beaucoup de Grecs, qui, de ce fait, périrent en descendant dans cette région pourvue de bons ports. On raconte qu’il avait agi ainsi à cause de la mort de Palamède. En outre, il a aussi appelé l’euphorbe de façon énigmatique, de la même façon, en disant « et du troisième parmi les Troyens, fils de Ménoetios », puisque le Poète a représenté Patrocle en train de dire : « Mais c’est le destin funeste qui m’a tué, ainsi que le fils de Létô et, parmi les hommes, Euphorbe… » 30. Galien, Commentaire à Épidémies VI d’Hippocrate, III, 48 (Wenkebach 1956, p. 188, 26-28). 31. Ibidem, V, 26 (Wenkebach 1956, p. 305, 8-15).
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Et il demande d’ajouter vingt drachmes de graine de jusquiame (litt. fève de porc), en donnant cette indication également de façon énigmatique : « vingt drachmes aussi de la fève de bête en provenance d’Arcadie », puisqu’Héraclès, dit-on, tua le sanglier d’Érimanthe qui avait vu ses forces augmenter sur le sol des Arcadiens32.
Les réticences de Galien concernent également le domaine de l’ecdotique, c’està-dire l’édition de textes. D’un point de vue déontologique, Galien estime en effet que, dans le cadre d’un commentaire, il est permis de modifier ou de supprimer un passage énigmatique à condition de signaler cette intervention textuelle. Parallèlement, Galien fustige les commentateurs de mauvais aloi qui triturent les textes sans vergogne, dans le but de produire des énigmes dont eux-mêmes seront prétendument les seuls exégètes. C’est ce que montrent les trois extraits suivants, tirés de commentaires à Hippocrate : Φυλαττομένης δὲ τῆς παλαιᾶς γραφῆς αἰνιγματώδης ἡ λέξις γίνεται… Πολλάκις δ’ εἶπον ὡς ἐν ταῖς αἰνιγματώδεσι λέξεσι τὸ μὲν πιθανῶς μεταγράφειν ἔξεστιν, εἰπόντα δὲ πρότερον αὐτὸ τοῦτο τηνικαῦτα προσήκει μεταλλάττειν τὴν γραφήν. Si on conserve cette ancienne graphie, la phrase est énigmatique… Souvent j’ai dit que, dans les phrases énigmatiques, il est permis de faire une modification plausible, mais c’est seulement après l’avoir dit qu’il convient alors de modifier le texte33. Θαυμάζω τῶν ἐξηγητῶν τὰς μὲν αἰνιγματώδεις ῥήσεις, ἃς οὐδεὶς ἀνθρώπων νοεῖ, μόνων ἐπαγγελλομένων νοεῖν, ὅσαι δ’ ἡμῖν ἅπασι σαφεῖς εἰσιν, ἐκείνων μόνων μὴ νοούντων. Τὴν γοῦν προκειμένην οὐκ οὖσαν αἰνιγματώδη διασπῶσι πολυειδῶς, ἄλλος ἄλλοθεν περιγράφων τὰς κατὰ ταύτην ἀποφάσεις, ἐξηγοῦνταί τε παρὰ τὰ φαινόμενα πᾶσιν ἐναργῶς, ἃ μάλιστα πάντων ἐχρῆν φυλάττειν αὐτούς. Je considère avec étonnement les formules énigmatiques des commentateurs qu’aucun être humain ne comprend, dont ils jurent qu’eux seuls les comprennent, alors que toutes les formules qui sont claires pour nous, il n’y a qu’eux qui ne les comprennent pas. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que la phrase que nous avons sous les yeux, qui n’est pas énigmatique, ils la triturent dans tous les sens, chacun signalant ses suppressions à un endroit différent, et ils fournissent des explications, qui vont à l’encontre de ce qui apparaît clairement, sur tous les passages qu’il était le plus indispensable de conserver34. Οἱ τούτους τοὺς ἀφορισμοὺς παρενθέντες δοκοῦσί μοι χάριν αὐτοῦ τούτοις συνθεῖναι, τοῦ συγκεχύσθαι τε τὸν λόγον, ὥσπερ αἴνιγμα καὶ δεῖσθαι ζητήσεως πολλῆς, ἐν ᾗ καθιστάντες ἑαυτοὺς ἐξηγητὰς τῶν λεγομένων εὐδοκιμοῦσι παρὰ τοῖς μειρακίοις. Ceux qui font ces interpolations dans les Aphorismes me semblent faire ces ajouts dans l’objectif même d’obscurcir le discours, comme une énigme, et de créer le besoin d’une grande recherche, où, s’établissant eux-mêmes comme commentateurs du discours, ils acquièrent de la réputation auprès des jeunes gens35. 32. Galien, Composition des médicaments selon les lieux, IX, 4 (XIII, 270, 5-15 Kühn). 33. Idem, Commentaire à Épidémies VI d’Hippocrate, III, 48 (Wenkebach 1956, p. 162, 14-15 et 163, 8-11). 34. Ibidem, III, 48 (Wenkebach 1956, p. 166, 24 ; p. 167, 1). 35. Galien, Commentaire aux Aphorismes d’Hippocrate, VII, 69 (XVIII, 184, 14-18 Kühn).
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On voit cependant qu’avec de telles préoccupations, on est loin de voir apparaître le point de vue des patients sur les énigmes médicales. Et, contrairement à ce que laissait espérer notre hypothèse de départ, jamais aucun texte n’emploie le champ lexical de l’énigme pour qualifier un cas pathologique. Il n’y a en vérité qu’une seule exception, dans un passage des Lieux affectés, auquel sera consacrée la dernière partie de notre étude. C. L’énigme pathologique d’Antipater Les Lieux affectés, IV, 11 développent une section consacrée aux maladies pulmonaires. Galien y raconte le cas, célèbre à l’époque, du médecin Antipater, venu le consulter pour une étrange pathologie qui finit par lui être fatale quelques mois plus tard. Antipater fut pris un jour d’un accès de fièvre accompagné d’une violente perturbation du pouls ; le lendemain, la fièvre avait disparu, si bien qu’après une brève convalescence, Antipater reprit ses occupations habituelles, mais il finit par s’apercevoir que son pouls était bizarrement demeuré très irrégulier. Voici le récit de Galien : Μηδενὸς ἔτι γενομένου πυρετοῦ, προῄει μὲν ἑκάστης ἡμέρας, ὥσπερ καὶ πρόσθεν, ἁπτόμενος δὲ ἑαυτοῦ τῆς κατὰ τὸν καρπὸν ἀρτηρίας, ἐθαύμασε διαμενούσης ἐν τοῖς σφυγμοῖς τῆς ἀνωμαλίας. ἀπαντήσας οὖν μοί ποτε, προὔτεινε τὴν χεῖρα γελῶν, ἐκέλευσέ τε τῶν σφυγμῶν ἅψασθαι. κᾀγὼ μειδιάσας « Τί τὸ αἴνιγμά ἐστιν, ὃ κελεύεις ; » ἠρόμην· ὁ δ’ αὖθις ὁμοίως γελῶν ἐδεῖτο πάντως ἅψασθαι… Ἐθαύμαζον οὖν, ὅπως ἔτι ζῇ τοιοῦτον ἔχων σφυγμὸν… πυνθανομένου δ’ οὖν αὐτοῦ κατ’ ἀρχὰς, ἥ τις εἶναί μοι δοκεῖ διάθεσις ἐν τῷ σώματι, καὶ κατὰ τίνα τρόπον αὐτοῦ τοιοῦτον ἐργάζεσθαι δυναμένη τὸν σφυγμὸν ἄνευ πυρετοῦ, πρὸς τὴν ἐρώτησιν ἀπεκρινάμην, ἐν τῇ περὶ τῶν σφυγμῶν πραγματείᾳ δεδηλῶσθαί μοι περὶ τῆς τοιαύτης ἀνωμαλίας· ἡγοῦμαι γὰρ αὐτὴν ἐπὶ στενοχωρίᾳ τῶν ἐν τῷ πνεύμονι μεγάλων ἀρτηριῶν γίγνεσθαι· τὴν στενοχωρίαν δ’ ἔφην, ἐπὶ μὲν φλεγμονῇ τοῦ σπλάγχνου, τό γε ἐπί σοι νῦν, ἀδύνατον ὑπάρχειν· ἐπύρεττες γὰρ ἄν· ἀπολείπεται δ’ ἤτοι δι’ ἔμφραξιν ὑγρῶν καὶ γλίσχρων καὶ παχέων χυμῶν, ἢ διὰ φύματος ἀπέπτου γένεσιν, εἰς τὴν τοιαύτην ἀφῖχθαί σε διάθεσιν… Comme il n’avait plus aucune fièvre, il sortait chaque jour comme avant, mais, s’étant tâté l’artère du carpe, il eut la surprise de constater la persistance de l’irrégularité de son pouls. Étant donc venu un jour me trouver, il me tendit son bras en riant et m’invita à lui prendre le pouls. Et moi, en souriant, je lui demandais : « Quelle est l’énigme que tu m’invites à résoudre ? » Lui, de son côté, continuant à rire, me pria instamment de lui prendre le pouls… J’étais alors surpris de le voir encore vivant avec un tel pouls… Aussi, comme il voulait absolument savoir quelle était la disposition physique dans laquelle il se trouvait et de quelle manière elle pouvait produire chez lui un pouls semblable sans qu’il eût de fièvre, je lui répondis que, dans mon traité consacré au pouls (= Causes du pouls), j’avais donné des indications sur une telle irrégularité. Je crois en effet que cette irrégularité résulte d’un rétrécissement des grandes artères du poumon. « Mais, lui dis-je, dans ton cas à toi, il ne peut pas s’agir d’un rétrécissement survenant après l’inflammation d’un viscère ; car tu aurais de la fièvre. Il reste donc à supposer que c’est soit à cause d’une obstruction causée par des
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humeurs liquides, visqueuses et épaisses, soit à cause de la formation d’une grosseur non cuite que tu en es arrivé à une telle disposition36. »
Au premier abord, donc, Antipater présente une disposition physique contradictoire : son pouls est irrégulier, mais il n’a pas de fièvre. Lui-même s’en étonne, avant de proposer à Galien de diagnostiquer son cas. Galien, voyant son confrère lui demander un avis, imagine aussitôt que ce dernier veut lui soumettre une « énigme » (αἴνιγμα). Pour une fois donc, dans le corpus galénique, le mot αἴνιγμα s’applique bien non pas à un énoncé, mais à un cas pathologique. Certes, le sourire de Galien (μειδιάσας), qui répond au rire d’Antipater (γελῶν), laisse entendre que le terme αἴνιγμα est plutôt employé ici par plaisanterie et de façon impropre. En tout cas, dans cet extrait, même si Antipater soumet son cas à Galien, il est impossible de le considérer comme un simple patient : dans ce texte, il apparaît avant tout comme un confrère de Galien, tout aussi attaché que lui aux méthodes d’explication rationnelles.
5. conclusion Au terme de cette étude, nous sommes bien obligés d’admettre que notre hypothèse de départ n’a pas été validée : les occurrences galéniques de l’énigme nous ont très peu renseignés sur les liens entre la médecine logique et les médecines parallèles, et surtout elles n’ont pour ainsi dire jamais fait entendre la voix des patients. C’est que, chez Galien, la famille lexicale d’αἴνιγμα sert presque exclusivement à qualifier les propos d’autrui, parfois pour signaler de simples allusions, le plus souvent pour critiquer l’obscurité d’un énoncé. Quoi qu’il en soit, elle concerne la composante discursive de la médecine, et non sa dimension pratique. Chez Galien, ce sont donc toujours les paroles d’un médecin qui sont énigmatiques, et non pas les modalités de sa thérapeutique. Ainsi, notre étude permet de révéler non pas une tension entre la médecine rationnelle et les médecines parallèles, mais une ligne de démarcation entre deux types de discours médicaux : il y a d’un côté les discours vraiment logiques, qui font un usage rigoureux de la parole, et de l’autre, les discours défaillants, qui oscillent entre l’ambiguïté inconsciente et la fraude la plus délibérée. Galien lui-même se situe évidemment dans la droite ligne de la logique véritable, et son intransigeance le pousse inversement à taxer beaucoup de ses confrères de déviationnisme. La réaction de Galien peut alors elle-même varier, de l’indignation la plus vive à l’indifférence la plus marquée, en passant par l’étonnement, qui s’avère presque toujours ironique. Cette attitude montre en tout cas l’acharnement avec lequel Galien défend sa conception rationaliste de l’art médical contre toute forme de concurrence.
36. Galien, Lieux affectés, IV, 11 (VIII, 294, 2-8 ; 294, 12 ; 294, 16 ; 295, 9 Kühn).
AINIGMATA : ÉNIGMES MÉDICALES DANS LES TRAITÉS DE GALIEN • 95
RéféREncEs aux souRcEs Galien [1821-1833] Claudii Galeni opera omnia, C. G. Kühn (éd.), I-XX, Leipzig (réimp. Hildesheim, Olms, 1965-1997). [1907-1909] Galeni De usu partium libri XVII, Bd. 1–2, G. Helmreich (éd.), Leipzig (réimp. Amsterdam, 1968). [1915] Galeni In Hippocratis Prorrheticum I commentaria III, H. Diels (éd.), Corpus Medicorum Graecorum, V, 9, 2. [1915] Galeni In Hippocratis Prognosticum commentaria III, J. Heeg (éd.), Corpus Medicorum Graecorum, V, 9, 2. [1923] Galeni De sanitate tuenda, K. Koch (éd.), Corpus Medicorum Graecorum, V, 4, 2. [1956] Galeni In Hippocratis Epidemiarum librum VI commentaria I-VIII, E. Wenkebach (éd.), Corpus Medicorum Graecorum, V, 10, 2, 2. [1978-1984] Galeni De placitis Hippocratis et Platonis, I, Ph. De Lacy (éd.), Corpus Medicorum Graecorum, V, 4, 1, 2. [1992] Galens Kommentar zu Platons Timaios, C. J. Larrain (éd.), Stuttgart, Teubner.
RéféREncEs bibliogRaphiquEs Berra (A.) 2008 « Théorie et pratique de l’énigme en Grèce Ancienne », thèse de doctorat sous la direction de C. Jacob, EHESS, accessible en ligne sur http://tel.archivesouvertes.fr/tel-00674183 et promise à une publication prochaine chez Vrin dans la collection « Textes et tradition ». Chantraine (P.) 1968 Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, Paris, Klincsieck, suppl. 1999. Jouanna (J.) 2011 « Médecine rationnelle et magie : le statut des amulettes et des incantations chez Galien », dans Revue des études grecques 124, p. 47-77. Tieleman (T.) 2010 « Religion und Therapie in Galen », dans A. Weissenrieder, G. Etzelmüller (dir.), Religion und Krankheit, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, p. 83-95.
Il medico “indovino” e il suo pubblico Galeno tra prognosi e divinazione
Tommaso rAiolA (Università degli Studi di Napoli “L’Orientale”) Summary The paper aims, at first, to provide a synoptical view on the practice of prognosis, and on its methodological status, according to Galen’s works. Then the author, analyzing a selection of texts coming from the Galenic corpus, tries to throw light on Galen’s point of view about the relationship between prognosis and divination. Both these technai aim at forecasting the future, but, according to Galen, only one of them – prognosis, of course – is able to provide accurate information about the patient’s health, and a reliable prediction of the future outcome of a certain disease. That’s why the physician has to be careful when he pronounces a prognosis, since ignorant people may confuse his predictions with those made by the diviners, which are commonly known with the greek word manteiai: this could result in a loss of credibility by the physician. But, in some cases, says Galen, pronouncing a sensational prognosis – though based on evidence obtained by the observation of the symptoms – could give to the physician the opportunity to impress the crowds and gain popularity and prestige.
intRoduzionE Nel proemio del De praecognitione, operetta autobiografica imperniata sulla narrazione di casi clinici brillantemente risolti, Galeno precisa quali sono gli intenti che ne hanno ispirato la composizione: dimostrare che l’esercizio della prognosi è una parte fondamentale della techne medica, e che esso è saldamente fondato sulla raccolta di dati. I dati su cui si deve basare il medico provengono, dice Galeno, sia dai testi prodotti dalle autorità della disciplina (primo su tutti Ippocrate), sia dall’esperienza. Il punto di partenza è l’esistenza di due tipi di prognostica: una prognostica “buona”, del tipo appena descritto, che si contrappone ad una prognostica “cattiva”, più vicina alla γοητεία dei ciarlatani o alla μαντική τέχνη degli indovini che al retto esercizio della medicina. La folta presenza – a Roma come altrove – di pseudo-medici, che si contendono il favore dei pazienti e dei potenziali allievi, preoccupa Galeno. Costoro, infatti, utilizzano la prognosi come veicolo di propaganda delle loro false abilità terapeutiche: tutto ciò ha contribuito a trasformare la medicina in una delle
Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 97-113
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tante τέχναι che consentono di conquistarsi posizioni di prestigio e ricchezza, allontanandola dal suo obiettivo principale, quello, ovvio, di guarire le malattie e di preservare la salute1. Gli pseudo-medici, oltre a snaturare ed avvilire la medicina in senso ampio, determinandone una involuzione teorica e pratica, hanno anche emarginato i medici dotati di competenza, cultura e capacità. Ormai, ai tempi di Galeno, i veri medici sono costretti a dimostrare quotidianamente le proprie abilità spettacolarizzando la loro arte, forzati a reggere il confronto con le prodigiose prognosi che accrescono la reputazione degli pseudo-medici2; inoltre, essi devono difendersi da attacchi e gravi calunnie che possono concludersi con l’esilio (è il caso, narrato da Galeno, del suo collega e predecessore Quinto) o, nel peggiore dei casi, con tentativi di eliminazione fisica3. Queste circostanze avviliscono ulteriormente la branca prognostica della medicina, il che può indurre a confondere sempre più il medico con un μάντις. La differenza che passa tra la prognosi, ossia la previsione del decorso che subirà una data malattia – precedentemente identificata attraverso la diagnosi – sulla base dell’osservazione dei sintomi che essa manifesta, e la μαντεία, la divinazione di un evento futuro ottenuta attraverso l’interpretazione di segni o mediante virtù profetiche innate, è molto ben presente a Galeno, che vi si sofferma in varie occasioni. Egli tenta di definire con esattezza le differenze tra queste due arti, indicando gli elementi oggettivi che consentono a chi assiste alle performances professionali del τεχνίτης, di distinguere lo ἰατρός dal μάντις. Ne è un esempio il passo seguente, tratto dall’opera De constitutione artis medicae, un trattato epistemologico sulla medicina4. τὸ δ’ οἴεσθαι τοιαύτην εἶναι τοῖς ἰατροῖς τὴν πρόγνωσιν, οἵαν οἱ μάντεις ἐπαγγέλλονται, γελοῖον. ἐκεῖνοι μὲν γάρ φασιν ἐνναταῖον, εἰ οὕτως ἔτυχε, σωθήσεσθαι τὸν ἄνθρωπον, οὐκ ἔτι προστιθέντες, ἁπάντων ὀρθῶς γιγνομένων. οἱ μὲν γὰρ ἅπαντα τὰ τοῖς κάμνουσιν αἰσίως τε καὶ ἀπαισίως ἐπιγενησόμενα προμαντεύονται. ὁ δὲ ἰατρὸς οὐχ οὕτως προερεῖ τὸ μέλλον, ἀλλ’ οἶδεν, εἰ πάντα γίγνοιτο δεόντως, ἑβδομαῖον, εἰ οὕτως ἔτυχε, λυθήσεσθαι τὸ νόσημα· προσγενομένου δέ τινος ἁμαρτήματος, εἰ μὲν μικρὸν εἴη τοῦτο, δύνασθαι μεταπεσεῖν τὴν λύσιν ἐκ τῆς ἑβδόμης εἰς τὴν ἐννάτην· εἰ δὲ μεῖζον, εἰς τὴν ἑνδεκάτην· εἰ δὲ πολὺ μεῖζον, εἰς τὴν τεσσαρεσκαιδεκάτην· εἰ δὲ πάνυ σφόδρα μέγα, κίνδυνον ἀκολουθήσειν ἀντὶ σωτηρίας ἀσφαλοῦς.
1. 2.
3. 4.
Così inizia il De sectis: Τῆς ἰατρικῆς τέχνης σκοπὸς μὲν ἡ ὑγίεια, τέλος δ’ ἡ κτῆσις αὐτῆς. Cfr. Galeno, De sectis (Kühn I, 64, 1-2). Sulla questione delle relazioni tra la medicina razionale e quella magica, il punto di partenza resta il “classico” Edelstein 1937, che esamina il problema analizzando una ampia quantità di fonti. Sul rapporto tra Galeno e gli attori “irregolari” (guaritori, indovini specializzati, maghi) della pratica medica della sua epoca si veda invece Boudon-Millot 2003, p. 109-131; basato in larga parte sugli scritti farmacologici del corpus, il contributo offre una panoramica pressoché completa della terminologia utilizzata da Galeno per designare i praticanti la medicina irrazionale. In merito al problema dei rapporti tra medicina e mantica come technai concorrenti, e le loro reciproche interferenze in Galeno cfr. Hankinson 2005. Sull’argomento è tornato di recente, con alcune precisazioni ed integrazioni rispetto al lavoro di Hankinson, Peter van Nuffelen: cfr. van Nuffelen 2014. Cfr. Galeno, De praecognitione (Nutton 1979, p. 70, 21-25). Galeno, De constitutione artis medicae (Fortuna 1997, p. 116, 1-11). La traduzione italiana è di Stefania Fortuna, con modifiche.
IL MEDICO “INDOVINO” E IL SUO PUBBLICO: GALENO TRA PROGNOSI E DIVINAZIONE • 99
È ridicolo pensare che la prognosi dei medici sia come quella che annunciano gli indovini. Questi, infatti, dicono che al nono giorno, per esempio, l’uomo guarirà, senza più aggiungere “se tutto avviene correttamente”. Proprio di questo, per l’appunto, annunciano tutto quel che avverrà ai malati in modo opportuno o non opportuno. Il medico, invece, non preannuncerà così il futuro; ma sa che, se tutto avverrà convenientemente, la malattia terminerà, per esempio, al settimo giorno; e se sopraggiungerà un errore, se questo sarà piccolo, la risoluzione (della malattia) potrà spostarsi dal settimo al nono giorno, se sarà più grande, all’undicesimo, se sarà molto più grande, al quattordicesimo, e se sarà assolutamente grandissimo, seguirà un pericolo invece della guarigione sicura.
Galeno descrive in modo conciso ma efficace la principale differenza tra una previsione ottenuta per divinazione (μαντεία) ed una ottenuta per diagnosi (che Galeno usualmente chiama πρόγνωσις o πρόρρησις). Il μάντις, che si avvale della divinazione, è in grado di predire l’esito della malattia secondo una modalità che potremmo definire “statica”: egli non è infatti capace di prendere in considerazione eventuali complicazioni, né di adattare la sua previsione in funzione delle reali condizioni del malato, o dei sintomi. Il medico, invece, può elaborare una previsione dinamica, nel senso che, al sopraggiungere di un “errore”, cioè di una deviazione dal corso naturale della malattia, egli può adattare la sua previsione al mutamento delle circostanze, allungando, se necessario, i tempi previsti per la guarigione o comunque per l’esito (fausto o infausto). Si noti che Galeno afferma soltanto che a technai diverse corrispondono modalità operative diverse, senza istituire una gerarchia tra le due arti della predizione, né rilevare differenze qualitative nei risultati finali5. Galeno considera dunque la mantica una techne, come la medicina, con i suoi saperi e le sue astuzie professionali. Il technites che la pratica è il μάντις, il risultato dell’opera del μάντις è la μαντεία, la “predizione mantica”.
1. sul significato di manti∑ E manteia in galEno Benché, come si è visto, Galeno consideri ben distinto, quasi parallelo, lo statuto tecnico della medicina e della mantica, non sempre egli utilizza il lessico relativo a quest’ultima techne in modo “neutro”. Una definizione scevra da accezioni positive o negative del termine μάντις, ad esempio, non è facilmente reperibile in Galeno: nel De praecognitione il μάντις è una figura pericolosamente associata dalle plebi ignoranti al medico cultore della prognosi, e Galeno racconta di aver ricevuto questo appellativo sia dai suoi avversari che dai suoi sostenitori, con intenti dunque sia elogiativi che denigratori. Diverso è l’uso in scritti di tipo più tecnico, quali i commenti, dove abbondano interventi di tipo linguistico e grammaticale da parte di Galeno, alle prese con il difficile testo ippocratico. Nel commento a Regime delle malattie acute, Galeno si occupa della definizione della μαντικὴ τέχνη e del μάντις dal punto di vista lessicale, tentando di spiegare lo scarto semantico esistente tra il
5.
Così interpreta il passo anche van Nuffelen 2014, p. 341.
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vocabolario di Ippocrate e l’uso corrente. L’analisi dei termini relativi ai professionisti della predizione negli scritti di Ippocrate rivela, secondo Galeno, una coincidenza solo parziale6. Μαντικὴν μὲν ὠνόμασε τὴν οἰωνιστικήν, ἱεροσκοπίαν δὲ τὴν θυτικὴν καλουμένην, ἣν ὄντως καὶ οἱ ἄλλοι παλαιοὶ καλοῦσιν ἱεροσκοπίαν, ἐπειδὴ σκοποῦντες τὰ ἱερεῖα προλέγουσιν ἐξ αὐτῶν οἱ περὶ ταῦτα δεινοὶ τὰ γενησόμενα· ἱερεῖα δ’ ἴσμεν ὀνομαζόμενα πάντα τὰ τοῖς θεοῖς εἰς τιμὴν γινόμενα, οἷα τὰ τῶν θυομένων ἱερείων, ὧν τὰ σπλάγχνα θεώμενοι προλέγουσιν οἱ ἱεροσκόποι. τοὺς δὲ διὰ τῆς τῶν ὀρνίθων πτήσεως μαντευομένους, οὓς οἰωνιστάς τε καὶ οἰωνοσκόπους ὀνομάζουσι, τούτους νῦν μάντεις ἐκάλεσεν ὁ Ἱπποκράτης, καίτοι τὸ τοῦ μάντεως ὄνομα καὶ ἡ μαντικὴ κατὰ πασῶν τῶν οὕτω προλεγουσῶν τεχνῶν ἐπιφέρεται· μάντεις μὲν γὰρ καλοῦνται οἵ τε ἱεροσκόποι καὶ οἱ οἰωνισταὶ καὶ οἱ γενεθλιαλογικοὶ προσαγορευόμενοι καὶ οἱ διὰ συμβόλων καὶ οἱ διὰ ἱερείων προλέγοντες τὰ ἐσόμενα πρὸς τούτοις τε χρησμολόγοι καὶ θεομάντεις· ἔνιοι δὲ καὶ τοὺς ὀνειροπόλους ὑπὸ τοῦ ποιητοῦ κληθέντας ἐν τοῖς μάντεσι καταλέγουσιν. ἀλλ’ ὅ γε Ἱπποκράτης δῆλος ὅτι τοὺς οἰωνιστὰς μόνους ὀνομάζει μάντεις ὡσαύτως τῷ ποιητῇ· καὶ γὰρ κἀκεῖνος ἐν πολλοῖς μέρεσι τῆς ποιήσεως ἐνδεικνύμενος τὴν οἰωνιστικὴν τέχνην προγνωστικὴν εἶναι τῶν γενησομένων ὅμως ἐν ἀρχῇ τοῦ ἄλφα φησίν· [Il. 1, 62-63]: ἀλλ’ ἄγε δή τινα μάντιν ἐρείομεν ἢ ἱερῆα, ἢ καὶ ὀνειροπόλον – καὶ γάρ τ’ ὄναρ ἐκ Διός ἐστιν ἱερέα μὲν λέγων τὸν ἱεροσκόπον, ὀνειροπόλον δὲ τὸν περὶ τοὺς ὀνείρους ἔχοντα, μάντιν δὲ τὸν οἰωνιστὴν δηλονότι· οὐ γὰρ δὴ παρέλιπεν αὐτὸν εἰς τὰ μέγιστα πολλαχόθι τῆς ποιήσεως καὶ τῇ περὶ τοὺς οἰωνοὺς τέχνῃ χρώμενος. ἀλλὰ ταῦτα μὲν ἴσως καὶ πλείω τοῦ δέοντος εἴρηταί μοι περὶ τῆς τοῦ μάντεως προσηγορίας. Egli chiamò (arte) mantica la ornitomanzia, hieroscopia (la divinazione) effettuata sulle vittime di sacrifici, – che propriamente anche gli altri antichi chiamano hieroscopia – poiché coloro che ne sono capaci, osservando gli hiereia, da quelli predicono il futuro – sappiamo che sono chiamati hiereia tutte quelle cose che sono offerte in onore degli dèi, come le vittime dei sacrifici, attraverso le osservazioni delle quali gli àuguri fanno le previsioni. Quanto a quelli che divinano attraverso il volo degli uccelli, che chiamano sia oionistai che oionoscopoi, questi ora Ippocrate li chiamò manteis, sebbene il nome di mantis e quello di mantikè siano attribuiti a tutte le arti che prevedono il futuro in questo modo. Infatti sono chiamati manteis sia gli hieroscopoi, sia gli oionistai, sia coloro che sono detti genetliaci, sia quelli che predicono il futuro attraverso i segni e gli hiereia, e ancora gli interpreti di oracoli e gli ispirati dal dio. Alcuni includono tra i manteis anche quelli che il poeta chiama oneiropoloi (interpreti di sogni). Ma è chiaro che Ippocrate chiama manteis solo gli oionistai, similmente al poeta: e infatti anche lui in molte parti del poema dimostra che l’oniromantica è una tecnica predittiva degli avvenimenti futuri e così dice all’inizio del primo libro:
6.
Galeno, In Hippocratis de victu acutorum (Helmreich 1914, p. 128,15-129,11).
IL MEDICO “INDOVINO” E IL SUO PUBBLICO: GALENO TRA PROGNOSI E DIVINAZIONE • 101
Orsù, chiamiamo un mantis o uno hiereus, o un oneiropolos – e infatti il sogno viene dal dio. e chiama chiaramente hierea lo hieroscopos, oneiropolos colui che è versato nei sogni, mantis lo oionistes – non lo ha trascurato infatti nelle vicende più importanti del poema, dove si serve in molti luoghi anche dell’arte degli uccelli. Ma forse queste cose sono state dette da me in modo più che sufficiente riguardo al termine mantis.
Galeno rileva una ampia estensione di significato del termine μάντις, rispetto ad Ippocrate: questo sostantivo designa, nell’uso dei suoi contemporanei, tutti coloro che effettuano previsioni su eventi futuri, indipendentemente dai mezzi attraverso i quali effettuano la divinazione. La precisazione di Galeno è quindi tanto più necessaria, in quanto in Ippocrate, invece, il sostantivo μάντις individua solo una parte delle categorie professionali dei “predittori del futuro”, cioè coloro che utilizzano come segno premonitore il volo degli uccelli7. Il termine italiano con cui sembra più opportuno tradurre μάντις, per conservare questo uso generico di cui parla Galeno, è quello di “indovino”, un vero e proprio “professionista della predizione”. Questo professionista esercita le sue abilità su segni diversi da quelli osservati dal medico, che vanno dai sogni al volo degli uccelli, all’osservazione delle viscere degli animali sacrificati. Il μάντις si avvale di un set di procedimenti e di nozioni che si tramandano per tradizione, e attraverso passaggi codificati persegue il suo scopo: interrogare il dio per comprenderne la volontà e, dunque, prevedere gli accadimenti futuri8. L’accezione del termine è qui perfettamente coincidente con quella attestata in ambito stoico, come testimoniano due frammenti crisippei: Chrysip. SVF II 10189 μαντική...ἐπιστήμη θεωρητικὴ καὶ ἐξηγητικὴ τῶν ὑπὸ θεῶν ἀνθρώποις διδομένων σημείων. La mantica... è la disciplina che osserva ed interpreta i segni inviati dagli dèi agli uomini. Chrysip. De sapiente et insipiente, SVF III 65410 εἶναι δὲ τὴν μαντικήν φασιν ἐπιστήμην θεωρητικὴν σημείων τῶν ἀπὸ θεῶν ἢ δαιμόνων πρὸς ἀνθρώπινον βίον συντεινόντων· ὁμοίως δὲ καὶ τὰ εἴδη τῆς μαντικῆς. Dicono che la mantica sia la disciplina che osserva i segni che procedono dagli dèi o dai daimones verso la vita umana: così anche le branche della mantica.
7. 8.
Sullo scarto semantico di μάντις da Ippocrate a Galeno cfr. French 2003, p. 51-53. Nel commento a Regime, dopo la definizione di μάντις e μαντεία che abbiamo riportato, Galeno istituisce un parallelo tra mantica e medicina: egli spiega che, come nella τέχνη ἰατρική, anche in quella mantica esistono divergenze di dottrina tra i praticanti. A mo’ di esempio, Galeno introduce un aneddoto autobiografico: due μάντεις, uno greco e uno arabo, una volta gli avevano esposto un modo di interpretare il volo degli uccelli diametralmente opposto. Il passo è discusso nel dettaglio da Hankinson 2005, p. 154-155 e da van Nuffelen 2014, p. 340-342. 9. Crisippo, von Arnim 1903, p. 304, 33-34 (Sesto Empirico, Adversus Mathematicos, 9, 132). 10. Crisippo, von Arnim 1903, p. 164, 20-23 (Stobaeus, Ecl. II, 67, 13).
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Quella di cui parlano Galeno e i frammenti crisippei è, nello specifico, la mantica cosiddetta “tecnica”, a sua volta distinguibile da quella “naturale” o “ispirata” (μαντικὴ ἄτεχνος o ἀδίδακτος), tipica delle predizioni oracolari, che è basata su un momentaneo, diretto intervento del dio11. Galeno, tuttavia, non ignora l’esistenza della divinazione ispirata, nella quale il mantis è non un technites, ma un tramite utilizzato dalla divinità per esprimere la propria volontà e comunicarla, in modo più o meno oscuro, agli uomini. Si veda ad esempio: Gal., De loc. aff. VIII, 168, 12-14 Kühn καὶ χρὴ ταῦτα μᾶλλον ζητεῖν, οὐ περὶ τοῦ σαφέστατα φαινομένου πᾶσι τοῖς ἀδιαστρόφοις τὴν γνώμην ἡγεμονικοῦ, καθάπερ οὐδὲ περὶ τῆς τῶν νεύρων ἀρχῆς, ἣν οὐ χρὴ πορευθέντας εἰς θεοὺς διὰ μαντείας ἐξευρεῖν, ἀλλὰ παρά τινι τῶν ἀνατομικῶν ἀνδρῶν παιδευθέντας. Pertanto è necessario soprattutto indagare queste cose, (e) non l’egemonico, che appare chiarissimo a tutti quelli che non siano distorti nel giudizio, e così neppure l’origine dei nervi, che non è necessario scoprire ricorrendo agli dei attraverso la divinazione, ma imparando da uno degli anatomisti.
Nell’affrontare alcuni capisaldi della dottrina relativa alla distribuzione dei nervi, Galeno dice che le nozioni anatomiche sono pienamente attingibili con la γνώμη, dopo aver studiato i testi che la tradizione medica ha messo a disposizione: non c’è bisogno dunque di un apporto dall’alto della divinità, come quello ottenuto attraverso le μαντείαι. Queste ultime non sono evidentemente quelle ottenute dalla mantica “tecnica”, che Galeno aveva descritto nei passi citati in precedenza: in questo caso il riferimento è alla mantica “ispirata”, che ricorre alla divinità per conoscere ciò che apparentemente è inconoscibile per altre vie. In sostanza, Galeno sta rilevando che non è necessario scomodare gli dèi per risolvere problemi anatomici già chiariti, ma è sufficiente rifarsi alle auctoritates della disciplina, a condizione ovviamente di conoscerne gli insegnamenti. Proprio in riferimento alla mantica “ispirata” e alle sue predizioni, esiste in Galeno anche un singolare uso metaforico del termine μαντεία: esso indica il risultato a cui perviene il filologo che interviene su testi corrotti, per tentare di restituirne la forma originale. Questo uso è – ancora una volta – nei commenti ad Ippocrate: dopo aver esaurito le armi della filologia, in alcuni casi – dice Galeno – all’esegeta non resta che tentare la strada della manteia, quella che gli editori moderni definirebbero emendatio ope ingenii. Ogni volta che è costretto a farvi ricorso (in verità non molto
11. La distinzione tra le due branche della mantica costituisce il tema centrale della seconda parte del I libro del De divinatione di Cicerone. Mentre la prima è accettata dallo Stoicismo (in quanto espressione di una serie di avvenimenti concatenata causalmente e disposta dalla Provvidenza), la seconda è oggetto di critica; questo doppio atteggiamento è evidente in Cicerone (cfr. Div., 1, 11 ss.; 1, 34; 2, 26) che, pur abbracciando le posizioni scettiche (che negano ogni legittimità alla previsione del futuro), finisce per giustificare la pratica della divinazione a fini politico-sociali. Sulla mantica nello Stoicismo antico cfr. Pohlenz 1967, p. 214-216; sulla posizione di Cicerone cfr. Schofield 1986; Guillaumont 2006.
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spesso, a suo dire), Galeno ha cura di avvertire il lettore che si è giunti all’extrema ratio, e che tale pratica non è riducibile né ad un metodo, né ad una dottrina, confermando così il carattere assolutamente a-metodico di questo tipo di predizione. In Hipp. Epid. VI, XVIIb 246, 6-9 Kühn12 Μαντείας δεῖ μᾶλλον ἤ τινος μεθόδου, καθ’ ἣν εὑρήσει τις, ὅ τί ποτε σημαίνειν βουληθεὶς ἔγραψε τὸ φύεται. Ci sarebbe bisogno di una manteia più che di un metodo, per scoprire cosa egli volesse significare quando scrisse la parola φύεται. περὶ μὲν δὴ τούτων ὡς ἄν σοι δόξῃ κρίνας αἱροῦ τὸ πιθανώτατον. ἐν γὰρ ταῖς οὕτως ἀσαφέσι λέξεσι μαντείας μᾶλλον ἢ σοφίας εἰς τὴν ἐξήγησιν χρῄζομεν. Decidendo riguardo a questi problemi nel modo in cui ti sembri opportuno, scegli ciò che è più probabile. Infatti in questi passi così oscuri ci serviamo di una manteia piuttosto della competenza.
Dal secondo passo appare chiaro che Galeno faccia riferimento alla mantica “ispirata”: egli rimarca infatti che nell’ottenimento di una soluzione interpretativa solo probabile, non entra in gioco alcuna σοφία, alcuna competenza di tipo tecnico.
2. manteia vs. ∏poγnΩ∑i∑ L’osmosi tra le due aree di competenza dell’arte mantica e di quella medica sembra impossibile: ogni ingerenza della prima nella sfera della seconda è indebita e da evitarsi. Eppure, secondo Galeno, questo evidentemente accade, perché le due arti differiscono nei modi e nei mezzi, ma coincidono quanto al proprio obiettivo: predire il futuro. Ecco perché – denuncia Galeno – il ricorso alla manteia è diffuso tra i medici: non di rado capita che questi, a causa della loro ignoranza, compiano previsioni di tipo mantico, trovandosi nell’impossibilità di valutare la sintomatologia del paziente nel suo complesso, e dunque di elaborare una prognosi razionalmente motivata. Gal., De differ. febr. VII 353,12-354, 6 Kühn εἰ δὲ μὴ περὶ τὴν ἐννάτην ὥραν, ἀλλὰ πέμπτην ἢ ἕκτην ὁ φλεγματώδης συνεχὴς ἐπιλάβοι τὸν διαλείποντα χολώδη τὸν κατὰ τὴν πρώτην ὥραν ἠργμένον, ἔτι χαλεπώτερόν ἐστι γνῶναι τοῖς πολλοῖς τούτοις ἰατροῖς, οἷς οὐδὲν μέλει τῆς τοιαύτης θεωρίας, εἴθ’ ἕν ἐστιν εἶδος πυρετοῦ τὸ γιγνόμενον, εἴτε δύο, καὶ ὁποῖον ἑκάτερον. ἅτε δὲ μηδὲν τούτων γινώσκοντες, οὐ μόνον οὐκ ἴσασιν ὡς χρὴ θεραπεύειν τουτουσὶ, μηδὲν γνωριζομένους ὁποῖοί ποτ’ εἰσίν, ἀλλ’ οὐδ’ εἰ καὶ κατὰ τὴν δευτέραν ἡμέραν ὑποπτεύειν χρὴ τὰς ὥρας ἀμφοτέρας, αἵπερ ἐν τῇ πρώτῃ τοὺς παροξυσμοὺς ἤνεγκαν. ἐγὼ γοῦν οἶδα πολλάκις ἐκ μαντικῆς αὐτοῖς μᾶλλον ἢ προγνώσεως ἰατρικῆς στοχάζεσθαι δόξας τῆς εἰσβολῆς τοῦ παροξυσμοῦ. Se dunque non alla nona ora, ma alla quinta o alla sesta una febbre flemmatica continua segua una biliosa intermittente insorta nella prima ora, è ancora più difficile per molti di questi medici, ai quali nulla interessa di siffatta osservazione, sapere se il
12. Wenkebach-Pfaff 1956, p. 270, 18-22.
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tipo di febbre sia uno o due, e quale dei due. (Quelli) non conoscendo nessuna di queste cose, non solo non sanno come si debbano curare queste febbri – non distinte affatto in base alle loro caratteristiche – ma neppure se al secondo giorno bisogna aspettarsi entrambe le ore, le quali nel primo giorno provocarono gli accessi. Io so bene che spesso quelli azzardano pareri sull’insorgere dell’accesso derivati più dall’arte mantica che dalla prognosi medica.
Nella descrizione del decorso di una febbre, valutata attraverso il presentarsi degli accessi, Galeno – a differenza dei suoi colleghi – è capace di distinguere chiaramente i sintomi che annunciano una deviazione della malattia dal suo corso o una sua complicazione, e lo fa attraverso l’osservazione dei segni, che gli consente (con il necessario complemento di istruzione) di formulare prognosi, e non manteiai. Galeno infatti dall’osservazione del ripetersi ciclico degli accessi febbrili, dalla loro frequenza, e dalla loro cadenza oraria è in grado di predire con precisione l’evolversi dello stato patologico; altri, senza tener conto di questa mole di dati, non possono che azzardare. Come nel De constitutione (cfr. supra), le previsioni solo probabili e prive di flessibilità ricadono nel campo della mantica; la medicina fornisce invece risultati certi, basandosi su elementi certi acquisiti con l’osservazione e l’esperienza13. Il medico-mantis, colui che fa previsioni mirabolanti ignorando le basi dell’arte medica e non curandosi di osservare i sintomi, è dunque inevitabilmente un impostore; il medico ideale è di conseguenza colui che, rifuggendo le pratiche da indovino, padroneggia pienamente l’arte della prognosi. L’esibizione di grandi capacità prognostiche si rivela però un’arma a doppio taglio. Il sorprendente avverarsi delle previsioni sarà infatti fonte sia di grande popolarità presso il pubblico, sia di feroci attacchi da parte degli avversari (per lo più colleghi), che non esiteranno a qualificare il medico con l’appellativo di γόης, “ciarlatano”. Galeno ha vissuto questa situazione in prima persona, a causa della spettacolarità di alcune sue performances, specie di quelle che avevano avuto come protagonisti personaggi in vista dell’Urbe. Le parti, insomma, sono costantemente a rischio di essere rovesciate: l’estremo affinamento delle tecniche della πρόγνωσις finisce per somigliare, negli effetti prodotti su chi assiste all’attività del medico, alle previsioni dei manteis. È una sorte che tocca non soltanto a Galeno, ma a chiunque eserciti con competenza la prognostica, ed è uno dei motivi per cui questa branca della medicina è sempre più trascurata. Gal. Quod opt. med. I 54,11-55, 1 Kühn14 οὕτω δὲ καὶ τοῦ προγιγνώσκειν τὰ τε παρόντα καὶ τὰ προγεγονότα καὶ τὰ μέλλοντα γενήσεσθαι τῷ κάμνοντι νοσήματα πολλὴν χρῆναι πεποιῆσθαι πρόνοιαν Ἱπποκράτης φησίν· οἱ δὲ καὶ περὶ τοῦτο τὸ μέρος τῆς τέχνης ἐπὶ τοσοῦτον ἐσπουδάκασιν, ὥστ’, εἴ τις αἱμορραγίαν ἢ ἱδρῶτα προείποι, γόητά τε καὶ παραδοξολόγον ἀποκαλοῦσιν.
13. Il punto di vista di Galeno sui rapporti tra mantica e medicina è confrontabile con quello, diametralmente opposto, del contemporaneo Elio Aristide: quest’ultimo, com’è noto, attribuiva grande importanza alla divinazione in campo clinico, considerando le due technai in certo senso complementari nel trattamento della malattia, e anzi arrivando a preferire apertamente la sapienza dell’indovino a quella del medico. Su questi aspetti cfr. Israelowich 2012, p. 154-163. 14. Boudon-Millot 2007, p. 285, 13-18.
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Così Ippocrate dice che è necessario esercitare una grande precauzione, nel pronosticare le malattie presenti, quelle passate e quelle a venire al malato: loro invece [i medici odierni; ndt] si sono dedicati a tal punto a questa parte dell’arte che se qualcuno predice una emorragia o sudore, lo chiamano ciarlatano e cialtrone!
A questa grave situazione Galeno tenta di porre rimedio anche scrivendo il De praecognitione, opera della piena maturità, che è un trattato sul corretto esercizio della prognostica15. Nel proemio Galeno analizza la situazione difficile in cui si trovano i medici preparati e dotati come lui, quasi costretti a nascondere le loro capacità per sottrarsi alle reazioni del pubblico profano e di quello istruito nell’arte medica. Gal., De praecogn. XIV 601, 3-602, 2 Kühn16 ὅταν γάρ τις ἰατρὸς τῶν νόμῳ μεμαθηκότων αὐτὴν, ἢ παραφροσύνην ἐσομένην ἐπὶ νοσοῦντος, ἢ ῥῖγος, ἢ καταφορὰν […] ἤ τι τῶν τοιούτων προείπῃ ἄλλο, ξένον τε καὶ τέρας τοῖς ἰδιώταις ὑπ’ ἀηθείας φαίνεται καὶ τοσοῦτον ἀποδεῖ τοῦ θαυμάζεσθαι παρ’ αὐτοῖς ὁ προειπὼν, ὥστε ἀγαπήσειεν ἂν, εἰ μὴ καὶ γόης τις εἶναι δόξειεν. Qualora un medico di quelli istruiti a dovere su di essa, predica l’insorgere del delirio in un malato, o di brividi, o di abbattimento17 […] o di un’altra quasiasi di tali cose, appare ai profani come una strana bestia a causa della sua rarità, e a tal punto colui che fa previsioni è lontano dal guadagnarsi la loro ammirazione, che deve esser contento se non viene ritenuto un ciarlatano.
L’esercizio della prognosi può quindi risultare estremamente pericoloso per la reputazione del medico. Galeno ripete a più riprese di essere stato attaccato pubblicamente e in privato da colleghi, che gli contestavano la eccessiva facilità nel pronosticare il decorso delle malattie: i loro giudizi finivano per collocare Galeno nella schiera di quei personaggi dalla ambigua professionalità, che affollavano la città di Roma e promettevano straordinarie guarigioni con mezzi miracolosi. La cattiveria degli avversari si intensifica di pari passo con i successi di Galeno: dopo la brillante risoluzione del caso del filosofo Eudemo, che si data agli inizi del soggiorno romano18, inizia per Galeno una rapida ascesa sociale, accuratamente narrata nelle sue fasi salienti nel De praecognitione. In una climax opportunamente ordinata, Galeno racconta alcuni dei successi professionali, conquistati proprio grazie alla sua grande abilità nel formulare previsioni sul decorso delle malattie19. Questa irresistibile scalata si interrompe con il ritorno di Galeno a Pergamo, ma prosegue dopo il rientro a Roma, sino a che a Galeno viene affidata la salute del giovane Commodo. Il puntuale avverarsi delle previsioni di Galeno ha un effetto dirompente: ben presto i suoi pazienti diffondono di lui un’immagine straordinaria ma distorta, che egli sembra 15. 16. 17. 18.
Sulle caratteristiche formali e di contenuto cfr. Nutton 1979, p. 59-63 (introduzione). Ibidem, p. 70, 1-5 passim. Nutton traduce “depression”. Cfr. Ibidem, p. 71, 3. Ibidem, 2, p. 74,12-88, 13. Si tratta della prima guarigione “eclatante” ottenuta da Galeno dopo il suo arrivo a Roma. 19. Sull’utilizzo da parte di Galeno dell’esercizio della prognosi come veicolo di promozione sociale, e sul suo inquadramento nel clima culturale del II sec. d.C. cfr. Lehoux 2012, p. 212-214.
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tollerare ma non approvare. Lo descrivono infatti come un παραδοξολόγος (un “annunciatore di miracoli”) poi come un παραδοξοποιός (un “facitore di miracoli”)20, e come un μάντις. Pertanto i suoi avversari possono facilmente distorcere in senso negativo questa immagine, dipingendo Galeno come un guaritore senza scrupoli, che non esita a rischiare la salute e la vita dei propri pazienti per guadagnarsi una reputazione: Gal., De praecogn. XIV 625, 11-17 Kühn21 συνηυξάνετό τε τῇ δόξῃ φθόνος ἐκ τῶν οἰομένων εἶναί τι καὶ αὐτῶν, ὡς ἂν ἐν παντὶ μέρει τῆς τέχνης ὑπ’ ἐμοῦ νικωμένων, ἔλεγόν τε περιθέοντες τὴν πόλιν ἄλλος ἄλλο τι διαβάλλων, ὁ μὲν ὡς κατὰ τύχην ἰασάμην τόνδε τινα ῥιψοκινδύνῳ τρόπῳ θεραπείας χρησάμενος, ὁ δ’ ὡς ἐκ μαντικῆς αἱ προρρήσεις καὶ οὐκ ἐκ θεωρίας ἰατρικῆς γίγνοιντο. Si accrebbe con la fama l’invidia da parte di coloro che credevano di essere qualcuno, sconfitti com’erano da me in ogni parte dell’arte; vagando qua e là per la città dicevano chi una cosa chi un’altra, calunniandomi: uno (diceva) di come avessi curato fortunosamente questo o quello servendomi di una terapia in modo assai rischioso, un altro invece di come le (mie) prognosi avvenissero grazie alla mantica, e non grazie alla dottrina medica.
Galeno non subirà passivamente questi attacchi, ma troverà il modo di volgere a proprio favore una situazione potenzialmente deleteria per la sua carriera: sul sottile confine tra μαντεία e πρόγνωσις egli costruirà abilmente il suo successo presso il grande pubblico.
3. il mEdico-mantis: lE modalità dElla pRognosi Galeno racconta nel De praecognitione che, proprio mentre stava meditando di lasciare Roma a causa delle maldicenze dei colleghi22, due episodi avevano accreditato definitivamente la sua fama di medico-mantis, e accresciuto la sua popolarità: la guarigione di uno dei figli23 e della moglie dell’ex-console Boeto24. Mi soffermerò in particolare sul primo dei due episodi, che è uno dei migliori esempi della strategia utilizzata da Galeno per interagire con i suoi pazienti, e del modo nel quale egli annunciava le sue prognosi. Uno dei figli di Boeto soffre di disturbi legati con molta probabilità all’alimentazione: per accertarsi che non mangi di nascosto cibi nocivi, viene sorvegliato giorno e notte dalla madre. Accertata l’assenza di miglioramenti, viene interpellato Galeno affinché fornisca una spiegazione di quanto sta accadendo: egli, dopo aver esaminato la stanza in cui vive il fanciullo, ed avergli auscultato brevemente il polso, annuncia che il ragazzo assume sicuramente cibo di nascosto, e lo fa quando la madre si assenta 20. Nutton 1979, 8, p. 110, 16-18: ἓν οὖν ὄντως θαυμάσιον πραχθέν, ὃ οὐ μόνον με παραδοξολόγον ὡς ἔμπροσθεν οἱ πολλοὶ τῶν ἰατρῶν ὠνόμαζον, ἀλλὰ καὶ παραδοξοποιὸν ἐποίησε κληθῆναι σιωπήσω. 21. Nutton 1979, p. 94, 15-19. 22. Ibidem, 4, p. 92, 6-10. 23. Ibidem, 7, p. 104, 24-110, 12. 24. Ibidem, 8, p. 110, 13-116, 23.
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per recarsi in bagno, chiudendo la porta. Dopo un’ispezione della stanza, del cibo viene rinvenuto da Galeno in una veste appartenente alla madre: tutti i presenti, incluso Boeto, non riescono a trattenere lo stupore. Gal., De praecogn. XIV 639, 11-13 Kühn25 ...καὶ ὑμεῖς πάντες ἀνακεκράγατε μέγιστον ἅμα τῷ Βοηθῷ γελῶντες καὶ τὴν μαντικὴν ἐπαινοῦντες. ...E voi tutti lanciaste un altissimo grido, ridendo insieme a Boeto e lodando la mia arte divinatoria.
Galeno viene poi invitato da Boeto a spiegare come sia riuscito, partendo dall’esame delle pulsazioni, a risolvere il mistero, con quello che sembra il frutto di una vera e propria divinazione. Egli sgombra immediatamente il campo da equivoci, rivelando il suo “trucco”: il controllo delle pulsazioni gli è servito semplicemente per accertare lo stato di agitazione del paziente, che tradiva un’inquietudine attribuibile soltanto al tentativo di celare un segreto. La narrazione della vicenda, condotta con vivacità, mette in evidenza sia la grande aspettativa che accompagna l’attesa della prognosi (al punto che Galeno, prima di emettere la sua sentenza, prepara gli spettatori con una serie di schermaglie verbali, ricordando la fama che lo accompagna: abbondano nel lessico il sostantivo μάντις e i suoi corradicali), sia la volontà da parte di Galeno di ricondurre la sua intuizione al campo della logica, nel tentativo di dimostrare che le sue straordinarie capacità non dipendono da virtù divinatorie, ma semplicemente dalla capacità di analizzare nel suo complesso lo stato del paziente, incluso il suo stato psicologico. In questo, come negli altri casi narrati nel De praecognitione, Galeno si preoccupa sempre – pur riportando in modo compiaciuto le reazioni entusiastiche dei pazienti e di coloro che hanno assistito alle sue prognosi – di spiegare come e attraverso l’esame di quali elementi, egli sia giunto alle sue conclusioni. Le due technai, la mantica e la prognostica, restano così nettamente separate – come voleva Galeno – nelle loro sfere di azione e nel loro statuto epistemologico, benché esse appaiano ai più naturalmente riunite nella persona del medico-mantis, una semplificazione che va incontro ai gusti del pubblico meno avvertito, ma numeroso, che affolla le stanze dei malati durante le performances dei medici. Questo, inevitabilmente, suscita gli attacchi dei colleghi e degli uomini di cultura, nei confronti dei quali Galeno ostenta indifferenza: egli non cambierà il suo modo di formulare le prognosi, né tenterà di limitarne la quantità e la spettacolarità, soltanto per sottrarsi al biasimo dei dotti. Gal., De praecogn. XIV 655, 18-22 Kühn26 ἐμοὶ δ’ οὐ μέλει τῆς ἐπὶ τοῖς τοιούτοις δόξης, οὐ γὰρ περιέρχομαι κηρύττων τὰς ἐμὰς προγνώσεις τε καὶ θεραπείας, ἵνα μᾶλλον οἱ ἰατροί τε καὶ φιλόσοφοί με μισῶσι, γόητά τε καὶ μάντιν ἕτερά τε κατ’ ἐμοῦ τοιαῦτα θρυλοῦντες.
25. Ibidem, 7, p. 108, 20-21. Traduco l’aggettivo μαντική con “arte divinatoria” sottintendendo τέχνη: cfr. ad esempio Hdt. 2, 49; 4, 68; Plat., Apol. 40a. 26. Nutton 1979, 10, p. 124, 14-17.
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Non mi curo della mia reputazione presso questo tipo di persone; infatti non mi aggiro annunciando le mie prognosi e terapie, affinché i medici e i filosofi mi odino (ancora) di più, e sparlino di me come di un ciarlatano e di un indovino, e altri epiteti di tal sorta.
Se si eccettuano i due casi del figlio e della moglie di Boeto, Galeno indulge molto poco all’enfatizzazione del carattere spettacolare delle sue predizioni, nel De praecognitione come altrove. Non parlo della messa in risalto del personaggio che riceve le cure, o del rilievo dato al successo della terapia che restituisce la salute anche ai casi più disperati: mi riferisco proprio alla celebrazione della prognosi in sé, che non è mai veramente al centro – a dispetto del titolo dell’opera – degli episodi narrati da Galeno. Anche nei due episodi che ho segnalato, benché Galeno metta in bocca ai coprotagonisti parole di elogio per le sue abilità predittive, il nucleo dell’autocelebrazione non risiede nello sfoggio dell’abilità prognostica. Nella cura del figlio di Boeto, infatti, il successo non è infatti dovuto ad una vera e propria prognosi: Galeno ha sì scoperto il piccolo inganno del ragazzo, grazie all’esame delle pulsazioni, ma a conti fatti non ha formulato alcuna predizione. Nella cura della donna, che soffriva di una emorragia all’utero, l’elemento eclatante è la terapia (e non tanto la prognosi, che di fatto non viene mai formulata), e soprattutto l’esorbitante compenso elargito da Boeto a guarigione avvenuta. Si sarebbe perciò tentati di pensare che l’epiteto di mantis sia frutto unicamente – come in effetti vuole farci credere Galeno – della ingenerosa e malevola invidia dei suoi avversari, e che Galeno non abbia mai fatto leva sulla fama di medico-indovino che, suo malgrado, si era fatto. Ma il De praecognitione è uno scritto autoapologetico e “propagandistico”, e non potrebbe essere altrimenti. Se si vuole osservare Galeno all’opera in una previsione davvero “mantica”, occorre rivolgersi ad altre opere meno condizionate dalla competizione professionale.
4. la guaRigionE di glauconE: la pRognosi-spEttacolo Nel De locis affectis Galeno riporta un aneddoto che lo vede protagonista. Un incontro casuale apre la narrazione: tutto comincia per strada, secondo un procedimento narrativo usato anche altrove (De libris propriis)27. Glaucone28, descritto a rapidi tratti come un filosofo incuriosito dalle voci che circolano sulle prodigiose abilità di Galeno, lo avvicina riferendogli di essere interessato soprattutto al carattere “soprannaturale” del quale sembrano provviste le sue prognosi. Subito dopo, egli propone a Galeno di visitare un amico, che è malato e necessita di una prognosi esatta: Glaucone dichiara tuttavia che non intende mettere alla prova Galeno, quanto piuttosto osservare in pratica le possibilità che offre la medicina nel campo della diagnosi e della prognosi. Galeno però intuisce che Glaucone ha in realtà intenzione di capire se le sue predizioni straordinarie fossero frutto di un azzardo e di una buona dose di fortuna (e dunque 27. Cfr. l’incontro con il polemico medico Martianos: Nutton 1979, 4, p. 88, 20 ss.; o con un gruppetto di dotti che discutono dell’autenticità di un libro di Galeno: BoudonMillot 2007, 1, 134,1-135,2. 28. Uno degli amici della cerchia più intima di Galeno, filosofo e (forse) medico: è quasi certamente il dedicatario della versio brevior di De methodo medendi (Boudon-Millot 2000, p. 482, no 20).
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pertinenti al campo della ciarlataneria) o piuttosto inscrivibili nei limiti e nel campo d’azione della medicina. Dopo un’iniziale titubanza, Galeno affronta la prova, volgendo abilmente a suo favore una situazione potenzialmente deleteria per la sua immagine pubblica di medico λογικός. Appreso che il paziente è un medico, a Galeno è sufficiente guardarsi attorno per dedurre, dalle evacuazioni dell’ammalato e dai rimedi che egli stesso ha predisposto per curarsi (un decotto lenitivo29), sia la natura della patologia (un’infiammazione) sia il luogo interessato (la zona in cui è situato il fegato, cioè il lato destro dell’addome). Con un procedimento logico condotto a ritroso, risalendo dai rimedi alla patologia e non viceversa, in una sorta di rovesciamento della prassi usuale, Galeno ha buon gioco nell’impressionare il suo ammiratore, limitandosi a tastare il polso al malato e quindi emettendo la diagnosi, in modo sempre più dettagliato, in un susseguirsi di colpi di scena: a confermare una ad una le sue μαντεῖαι (questo il termine ironicamente utilizzato da Galeno) è lo stesso paziente, che annuisce pieno di meraviglia. Gal., De locis affectis VIII 363, 15- 365, 1 Kühn passim παρέχουσαν οὖν μοι καὶ τὴν τύχην ὁδόν, ὡς εὐδοκιμῆσαι παρὰ τῷ Γλαύκωνι, συνιδών, ἐπήνεγκα τὴν ἑαυτοῦ χεῖρα κατὰ τῶν τοῦ κάμνοντος ἐν τῷ δεξιῷ μέρει νόθων πλευρῶν, καὶ δεικνὺς ἅμα τὸν τόπον, ἔφην ἀλγεῖν αὐτὸν ἐνταῦθα· τοῦ δ’ ὁμολογήσαντος, ὁ Γλαύκων ἐκ τοῦ σφυγμοῦ μόνου τὴν διάγνωσιν τοῦ πεπονθότος τόπου νομίσας γεγονέναι, καταφανὴς ἦν μοι θαυμάζων. Avendo compreso dunque che mi si presentava l’occasione propizia per essere ammirato da Glaucone, misi la sua mano sul lato destro delle “false costole” del malato, e mentre gli mostravo il luogo, dissi che quello provava dolore lì. Egli [il paziente, ndt.] assentì: e Glaucone, credendo che la diagnosi del luogo affetto fosse avvenuta solo grazie al polso, provava per me una evidente ammirazione.
Galeno prosegue pronosticando l’evoluzione della malattia, e le cure necessarie ad ottenere la guarigione. Ormai sia Glaucone che il paziente non riescono più a contenere la loro meraviglia. Gal., De locis affectis VIII 364, 8-10 Kühn ...ὥστε τὸν Γλαύκωνα μεγάλως θαυμάσαντα μὴ κατέχειν ἑαυτόν, ἀλλ’ ἐπαινεῖν κεκραγότα μεγάλῃ τῇ φωνῇ. ...cosicché Glaucone, grandemente meravigliato, non si trattenne, ma urlò a gran voce lodi (nei miei confronti). Ibidem 364, 17-365, 1 Kühn ἐπὶ τούτοις οὐδ’ αὐτὸς ὁ νοσῶν ἔτι ἡσύχαζεν, ἀλλὰ θαυμάζων ἐκεκράγει μετὰ τοῦ Γλαύκωνος. Dopo queste (parole) neppure il malato stesso si contenne ancora, ma urlava la sua meraviglia insieme a Glaucone.
29. Galeno descrive in più occasioni le proprietà antinfiammatorie di questo particolare decotto, cfr. Galeno, De methodo medendi, X, 823, 8 ss. Kühn; De compositione medicamentorum secundum locos XII, 915, 10 ss. Kühn.
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La strategia – che Galeno dovette adoperare spesso, per meritarsi la fama di mantis – è quella di presentare al “pubblico” (magari in modo un po’ teatrale) direttamente le conclusioni, senza svelare il ragionamento che, a partire da premesse evidenti, ha condotto alla soluzione del problema. Il risultato è quello atteso: non soltanto Glaucone si convince della bontà dei mezzi diagnostici offerti dalla scienza medica (tra i quali l’auscultazione del polso era uno dei più utilizzati da Galeno) ma cambia radicalmente il suo punto di vista anche sulle qualità eccellenti di Galeno e di chi, come lui, pratica questa disciplina, convincendosi che il suo scetticismo era legato allo scarso valore dei medici sinora incontrati. Dopo aver narrato l’aneddoto Galeno, seguendo una prassi non inconsueta, si rivolge direttamente al lettore spiegando i motivi che lo hanno indotto a questa digressione. L’obiettivo è quello di mostrare a chi legge (verosimilmente dei medici o aspiranti tali, data la natura tecnica del testo, un manuale di anatomia patologica) che una conoscenza ampia e dettagliata dei sintomi e dei rimedi è non soltanto utile al corretto esercizio della medicina, ma anche un ottimo sistema per procurarsi ἐυδοκίμησις (“una buona reputazione”) e seguaci sfruttando l’ignoranza altrui30. Gal., De locis affectis VIII 366, 11-18 Kühn πολλάκις γὰρ ἡ μὲν τύχη μεγάλας εὐδοκιμήσεως ἀφορμὰς ὑποβάλλει, χρῆσθαι δ’ αὐταῖς οἱ πολλοὶ δι’ ἀμαθίαν οὐκ ἴσασιν· ἀλλ’ ὁ τεχνίτης ὅτ’ ἂν ἕν τι θεάσηται σύμπτωμα τῶν ἐνδεικνυμένων τό τε πάθος ἅμα καὶ τὸν πεπονθότα τόπον, ἑτέρων εὐπορεῖν εἰς πρόρρησιν οὐκ ὀλίγων ἱκανὸς ἔσται, τῶν μὲν ἐξ ἀνάγκης ἑπομένων, τῶν δὲ ὡς τὸ πολύ, τῷ πεπονθότι τόπῳ καὶ τῷ κατ’ αὐτὸν πάθει. Spesso infatti la sorte offre grandi spunti per guadagnarsi una buona reputazione, ma i più non se ne sanno servire per ignoranza; tuttavia l’esperto, qualora scorga un sintomo che indichi la malattia e insieme il luogo affetto, sarà capace di procurarsene degli altri (utili) per la prognosi, non pochi: alcuni conducono necessariamente, altri in modo probabile, al luogo affetto e alla malattia che lo affligge.
Con l’aneddoto del De locis affectis Galeno dimostra dunque che la fama ottenuta grazie alle abilità prognostiche non è necessariamente dannosa per il medico; al contrario, essa può aiutare a convincere, se utilizzata nel modo giusto, anche i più scettici. Il co-protagonista di questa storia, Glaucone, è un medico e filosofo: egli incarna le due categorie socio-culturali più ostili alla popolarità ottenuta da Galeno. Il futuro sodale di Galeno, mosso dall’intenzione di smascherare un impostore, finisce per restare ammirato dai suoi risultati come un qualsiasi profano, tanto da diventare uno dei suoi più grandi estimatori. Non meno ammirato ne resta il lettore (con il quale Galeno “gioca a carte scoperte”), che non può far altro che constatare le capacità logico-deduttive del protagonista e la sua abilità nel capovolgere una situazione che avrebbe potuto nuocere alla sua reputazione. Galeno può così trasmettere contemporaneamente, attraverso l’aneddoto, due messaggi: l’esortazione a conoscere il 30. La ricerca dell’εὐδοκίμησις non è di per sé condannata da Galeno, che evidentemente la ritiene parte del percorso di affermazione professionale. Tuttavia, quando il medico la persegue illecitamente, o ne fa l’obiettivo principale della sua attività, diventa esecrabile: cfr. Nutton 1979, p. 68, 4-11, dove la ricerca della fama presso la moltitudine è indicata come una delle cause principali della degenerazione delle technai.
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maggior numero possibile di sintomi, e la giustificazione di un modus operandi non proprio cristallino. Così infatti Galeno conclude la narrazione della sua esperienza: Gal., De locis affectis VIII 366, 5-12 Kühn εἴρηταί μοι ταῦτα πρὸς ὑμᾶς, ὅπως εἰδότες τά τ’ ἴδια πάθους ἑκάστου συμπτώματα καὶ τὰ κοινὰ πρὸς ἕτερα πάθη, καὶ σὺν αὐτοῖς ἔτι τὰ μὲν ἑκατέρου γένους ἀχώριστα, τὰ δ’ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ, τὰ δ’ ἀμφιδόξως ἢ σπανίως γιγνόμενα, παρεχούσης τε τῆς τύχης ὑμῖν ἀφορμὴν τοιαύτην, οἵαν ἔφην ἐμαυτῷ γεγενῆσθαί ποτε, δεξιῶς αὐτῇ χρῆσθαι δύνησθε. Vi ho detto queste cose affinché, conoscendo i sintomi particolari di ciascuna malattia e quelli comuni ad altre malattie – e con essi anche quelli non inseribili né nell’uno né nell’altro genere, cioè quelli approssimativi, quelli che appaiono in modo ambiguo o insufficiente – nel caso in cui vi si presentasse un’occasione propizia simile a quella che dissi essere accaduta, una volta, a me stesso, siate in grado di servirvene abilmente.
L’aneddoto ha dunque innanzitutto un valore isagogico: esso invita il medico o l’aspirante tale, a sfruttare le buone occasioni che la sorte gli mette a disposizione. Galeno dimostra attraverso la sua stessa esperienza che è lecito ed utile al medico formulare prognosi che sembrano μαντεῖαι, purché egli si avvalga soltanto degli strumenti della ἰατρική τέχνη. Il racconto autobiografico così condotto, esempio concreto di come sia possibile giungere ad una diagnosi spettacolare attraverso eventi anche accidentali, è poi utile anche per demolire le accuse dei detrattori che volevano screditarlo come un μάντις (il leitmotiv degli attacchi portati a Galeno è lo stesso del De praecognitione): dalla storia di Glaucone risulta chiaro che Galeno si basa, per le sue mirabolanti prognosi, soltanto sui dati e sulle sue conoscenze mediche.
6. conclusioni Fuori dal contesto autocelebrativo del De praecognitione, Galeno è meno netto nel tenere separate πρόγνωσις e μαντεία: è ammissibile che il medico sembri elaborare prognosi “mantiche”, ma ciò accadrà soltanto se egli si confronta con persone inesperte, indotte, o semplicemente prive delle eccezionali capacità deduttive che Galeno possiede. Resta ovviamente la netta condanna delle predizioni prive di fondamento scientifico (le μαντεῖαι propriamente dette) che alcuni medici spacciano per prognosi: esse, in quanto appartenenti al dominio di una techne estranea alla medicina, non possono e non devono contaminarne la pratica quotidiana. Il De praecognitione si chiude con una dichiarazione che riassume l’atteggiamento disincantato di Galeno: Gal., De praecognitione XIV 673, 12-15 Kühn31 τῶν δ’ ἄλλων ὅσα θαυμάζουσιν οἱ πολλοὶ τῶν ἰατρῶν [...]· θαυμαστὸν γὰρ εἶναι φαίνεται διὰ τὴν τῶν πολλῶν ἄγνοιαν, οὐ δι’ ἑαυτά, τοῖς νομίμως ἠσκηκόσι τὰ κατὰ τὴν τέχνην οὐκ ἔχοντα δύσκολον τὴν πρόγνωσιν.
31. Nutton 1979, 14, p. 142, 12-16.
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Quanto agli altri casi che meravigliano la maggior parte dei medici [...]. Ciò infatti appare straordinario a causa dell’ignoranza della moltitudine, non perché lo sia in sé, dal momento che non presenta difficoltà quanto alla prognosi per coloro che si siano appropriatamente esercitati nell’arte.
La dottrina che sta alla base della prognosi richiede un lungo studio per essere padroneggiata, ma una volta che il medico la possieda completamente, è semplice metterla in pratica. Gli effetti prodigiosi che l’enunciazione di una prognosi ha su larga parte del pubblico sono quindi da mettere in conto più all’ignoranza di chi osserva, che alla effettiva difficoltà nell’elaborazione della prognosi stessa. La prognosi dunque, secondo Galeno, è una attività ordinaria per il medico: il suo studio è però lungo e difficile, e soprattutto ha bisogno di essere esercitata per ottenere risultati. Non mancano però i vantaggi: enunciare brillanti previsioni è un valido mezzo di propaganda presso le masse, attirate per la loro stessa ignoranza da ciò che è apparentemente inspiegabile e soprannaturale. È compito del medico saper sfruttare questa possibilità, senza tuttavia cadere nella tentazione di accreditarsi volontariamente come un μάντις. Sull’esempio di Galeno, egli dovrà ostentare indifferenza verso le calunnie altrui, per dedicarsi unicamente alla propria arte; allo stesso modo, lascerà correre le voci sulle sue capacità straordinarie, a patto che queste non ne ledano la rispettabilità professionale. Il confine tra un comportamento che definiremmo deontologicamente corretto e la ciarlataneria appare, agli occhi di noi contemporanei, molto sfumato.
Edizioni utilizzatE Crisippo [1903] Stoicorum veterum fragmenta, II-III, H. F. A. von Arnim (ed.), Leipzig. Galeno [1821-1833] Claudii Galeni opera omnia, C. G. Kühn (ed.), I-XX, Leipzig (rist. an. Hildesheim, Olms,1965-1997). [1997] De constitutione artis medicae ad Patrophilum, S. Fortuna (ed.), Corpus Medicorum Graecorum, V 1, 3, Berlin. [1979] De praecognitione, V. Nutton (ed.), Corpus Medicorum Graecorum V, 8, 1, Berlin. [1914] In Hippocratis de victu acutorum, G. Helmreich (ed.), Corpus Medicorum Graecorum, V 9, 1, Leipzig, Berlin. [1956] In Hippocratis Epidemiarum librum VI commentaria I-VIII, E. Wenkebach (ed.), F. Pfaff, Corpus Medicorum Graecorum, V 10, 2, 2, Berlin. [2007] Quod optimus medicus, V. Boudon-Millot (ed.), Galien I. Introduction générale, Sur l’ordre de ses propres livres, Sur ses propres livres, Que l’excellent médecin est aussi philosophe (Collections des Universités de France), Paris, Les Belles Lettres.
RifERimEnti bibliogRafici Boudon-Millot (V.) 2000 s.v. “Glaucon”, in R. Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, III, Paris, Éditions du CNRS.
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2003 “Aux marges de la médecine rationnelle : médecins et charlatans à Rome au temps de Galien (iie s. de notre ère)”, in Revue des études grecques 116/1, p. 109-131. French (R.) 2003 Medicine before Science. The Business of Medicine from the Middle Ages to the Enlightenment, Cambridge, Cambridge University Press. Guillaumont (F.) 2006 Le De diuinatione de Cicéron et les théories antiques de la divination (Latomus 298), Bruxelles. Hankinson (R. J.) 2005 “Prédiction, prophétie, pronostic : la gnoséologie de l’avenir dans la divination et la médecine antique”, in J. Kany-Turpin (dir.), Signes et prédiction dans l’antiquité, Saint-Étienne, Centre Jean Palerne, Palerne, p. 147-162. Israelowich (I.) 2012 Society, Medicine and Religion in the Sacred Tales of Aelius Aristides, Leida, Brill. Lehoux (D.) 2012 What did the Romans Know? An Enquiry into Science and Worldmaking, Chicago, University of Chicago Press. Pohlenz (M.) 1967 La stoà, I, Firenze, La Nuova Italia. Schofield (M.) 1986 “Cicero for and against divination”, in Journal of Roman Studies 76, p. 47-65. Van Nuffelen (P.) 2014 “Galen, Divination and the status of medicine”, in The Classical Quarterly 64, p. 337-352.
Rêve et médecine dans l’Oneirocriticon d’Achmet Aux frontières de la psychosomatique1
Serena Buzzi (LABEX ResMed Paris / Università degli Studi di Torino) Summary Dreams have always been considered an important means of knowledge of one’s unconscious. In ancient and Byzantine eras (but also in the modern age), dreams have always played a very peculiar role in helping sick people to heal or to prevent disease. A large number of books have been written on dreams interpretations, from classical Greece to the xIx century; many dreams are connected with health, healing and illness. Achmet’s Oneirocriticon (x century A.D.) is the most important and complete byzantine text on dreams, and can be considered the heir of Artemidorus’ work, with relevant influences from contemporary Arabic works. Achmet refers often to medicine: for example, he uses anatomy not to make diagnosis, but each organ and part of the body provides information about one’s social, family and economic situation. This work is therefore useful to understand better Byzantine medical knowledge and vocabulary, social dynamics and everyday life. Moreover, Achmet’s numerous references to health and medicine show the contemporary concerns and fears and the ways used to cope with social anxiety and political changes. The presence itself of medicine as oneiric and symbolical language testifies the widespread knowledge of pathological, therapeutical and health issues among nonprofessionals. 1.
Ce n’est sans doute pas une coïncidence si dans le contexte de mon post-doc à Paris j’ai traité des rêves, non pas tant comme spécialiste de l’art de l’interprétation des rêves, mais parce que mon année à la Sorbonne m’a permis de vivre un rêve et de m’enrichir par des lectures, des connaissances et d’inoubliables expériences de formation. Tout d’abord je voudrais surtout dire un grand merci à Véronique Boudon-Millot, qui a eu confiance en moi et m’a donné cette importante occasion d’étude et de vie et qui m’a toujours encouragée et suivie avec compétence et patience. Merci aussi à tous les autres membres de l’UFR de grec, Alessia Guardasole, Jacques Jouanna, Paul Demont, Caroline Magdelaine, qui m’ont toujours soutenue avec disponibilité et amitié. En ce qui concerne ce fascinant sujet d’étude je remercie aussi Sami Ali, pour ses précieux renseignements sur la psychosomatique, ainsi qu’Andrei Timotin, qui m’a généreusement fourni son travail de recherche sur l’onirocritique avant même sa publication. Et enfin un merci spécial à Anne-Marie Vincent-Bernardi, qui a mis à ma disposition divers produits de sa recherche sur ce thème et sa thèse encore inédite, dont elle prépare actuellement la publication. Je voudrais encore mentionner ici tous ceux de Turin qui m’ont donné attention, conseils et matériaux d’étude : Ivan Garofalo, Enrico V. Maltese, Dina L. Micalella. Le délai dans la préparation de ce volume m’a permis de consulter une bibliographie plus à jour que celle présentée à la date du colloque. Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 115-154
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1. intRoduction A. Les rêves et leur mécanisme scientifique ἄνθρωπος ἐν εὐφρόνῃ φάος ἅπτεται ἑαυτῷ ἀποσβεσθεὶς ὄψεις (Héraclite, fr. 26 Diels-Kranz)
De toutes les activités biologiques, le sommeil et les rêves sont sans doute les plus étranges. Le rêve est une vie parallèle, différente, à l’inverse de la vie diurne et, comme l’affirme Héraclite, l’action onirique est strictement individuelle. Le rêve est naturellement et spontanément associé au sommeil et à la nuit, c’est-à-dire à la première coupure du temps, qui s’impose à l’homme et qui l’inscrit d’emblée dans une dualité de veille / sommeil, lumière / obscurité, activité / inactivité. Le sommeil est un événement actif, absolument indispensable à l’équilibre et à l’évolution de la vie organique2, un phénomène autant intérieur qu’extérieur, qui doit être analysé tant dans les événements que dans ses résonances intérieures. De ces événements nocturnes, la mémoire du rêveur éveillé conserve une trace parfois durable, si bien que leur interprétation ne peut être qu’interprétation du récit que l’on est en mesure de proposer. Le mécanisme du rêve appartient au domaine de la neurophysiologie, qui a continué de proposer de nouvelles hypothèses. Les rêves sont devenus, à travers les études menées au cours des derniers siècles, une émanation biologique du corps aussi bien que la voie royale3 d’accès à l’inconscient. Sans prétendre à l’exhaustivité, notons au moins ici qu’il existe diverses phases durant le sommeil. Pour faire court, on pourra différencier deux états : d’une part, le sommeil ordinaire, profond, avec ondes électroencéphalographiques lentes, métabolique et végétatif4 ; d’autre part, le sommeil rapide, d’activité cérébrale intense, c’est-à-dire le sommeil paradoxal, caractérisé aussi par le mouvement oculaire rapide
2.
3. 4.
L’équilibre de composition du milieu intérieur, dont dépend l’équilibre vital, exige l’alternance de sommeil et de veille pour permettre de renouveler l’harmonie osmotique, l’équilibre énergétique et oxydo-réducteur des cellules. La détermination du sommeil relève des interactions diencéphaliques, mésencéphaliques et réticulaires, qui mettent en jeu des mécanismes neuro-sécrétoires, biochimiques. Cf. Freud 1967, p. 17. En particulier on pourrait définir la première phase Alpha, quand on est encore légèrement conscient, la deuxième, Thêta, quand on se réveille, qu’on se rendort facilement et qu’on se souvient de ses rêves, la troisième, Delta, pendant laquelle on plonge dans le sommeil profond. C’est durant la quatrième phase qu’on est complètement inconscient et qu’on ne peut pas se souvenir de ses rêves. La cinquième phase du sommeil est celle du sommeil paradoxal, activateur des souvenirs et des informations donnant accès aux processus de tri et de transfert, en mémoire à long terme, qui permet l’élaboration des réflexes de savoirs et de comportements adaptés. Ce sommeil peut contribuer puissamment à la restauration énergétique et protéique des neurones, ainsi que des stocks d’intermédiaires chimiques. Cf. Ursin 1967, p. 1736-1741 ; Mancia 2004, p. 525-531 ; TirapuUstarroz 2012, p. 101-110.
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ou phase REM5. Ce stade6 privilégie le rêve et semble y assujettir l’ensemble des ressources de l’organisme en court-circuitant les fonctions ou les mécanismes qui ne pourraient y contribuer7. La réalité du sommeil en tant que phénomène vital s’apparente à des structures neuro-anatomiques et à des systèmes fonctionnels nerveux, qui intègrent le sommeil dans l’équilibre biologique de la vie8. L’encéphale est le point d’aboutissement de toutes les stimulations auxquelles l’individu peut être soumis9. Grâce au système limbique10, les mécanismes d’interdépendance et d’harmonisation fonctionnelle s’opèrent, imposant à la fois la distribution néocorticale en deux hémisphères et les processus de latéralisation somatique. Tous les systèmes sensoriels convergent dans les circuits du cortex limbique, qui engendre des trains d’influx vers les autres structures, telles que l’hippocampe, l’hypothalamus, le thalamus et la réticulée. Ces structures vont intervenir prioritairement dans le rêve, à travers le sommeil, en raison de leur rôle dans le déterminisme comportemental du sujet11. L’hippocampe12 supporte les processus mnésiques et développe l’expérience affective. Le dédoublement des hémisphères traduit la mise en œuvre de deux types de cerveau et pose la question de la latéralisation et du dédoublement fonctionnel de l’être vivant13.
5.
6. 7. 8. 9.
10. 11.
12. 13.
Le tracé graphique de l’électro-encéphalogramme à ce stade est proche de celui de l’état de veille. Ce sommeil paradoxal est visible : le corps rigide reçoit une décharge de stimulus et bouge par l’ensemble des petits muscles, le cœur bat plus vite, le débit sanguin augmente. Selon plusieurs scientifiques qui étudient le rêve, ce dernier n’existe pas en dehors du sommeil paradoxal. Cf. Jouvet 1991, p. 148-168 ; Quinodoz 1999, p. 225-238 ; Bastuji et al. 2012, p. 2638-2649. Il recouvre entre 20 % et 25 % du sommeil total, mais il apparaît par épisodes successifs, fractionnant le sommeil lent et profond. On dénombre en moyenne cinq cycles de sommeil global pour huit heures de sommeil. Le phénomène d’effacement est physiologique et peut être rapporté à l’activité de l’hémisphère gauche responsable de la mémoire analytique. La part éveillée de notre existence puise dans le sommeil ses ressources, sa détermination, son coefficient d’activité et son potentiel de réactivité. Le sommeil représente l’état fonctionnel de base le plus biologique et le plus psychique de la nature humaine. L’organe récepteur du cerveau est relié au reste du corps par la moelle épinière, les nerfs moteurs et sensitifs, les centres neurovégétatifs et les systèmes glandulaires. Il est connecté au monde extérieur par les organes des sens et introduit dans son complexe de relais avec son environnement toutes les structures hormonales de l’organisme. Le cortex limbique représente l’ensemble des structures appelé système limbique par MacLean. Cf. Lambert 2003, p. 343-349 ; Barcia-Salorio 2004, p. 668-681 ; Catani, Dell’Acqua, Thiebaut de Schotten 2013, p. 1724-1737 ; Medrano-Martinez, Ramos-Platon 2014, p. 359-370. Le cortex limbique est alors responsable d’un état de motivation qui induit vigilance et éveil, en fonction d’un déterminisme appliqué à l’adaptation et au développement de la personnalité, selon les informations analysées, triées, classées et mémorisées par les structures spécifiques du système. La région septale devient, sous l’impulsion de l’hippocampe, une zone d’inhibition et d’activation essentielle pour engendrer les états d’éveil, de conscience, de sommeil et participer aux contenus du rêve. L’hémisphère droit correspond au corps gauche. Le néo-cortex, composé de deux hémisphères, comportant chacun quatre lobes (frontal, temporal, pariétal et occipital), constitue un ensemble cellulaire développé durant une période suffisamment longue pour que le cerveau possède des neurones riches de plusieurs connexions nerveuses.
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L’aspect probablement majeur du rêve est apporté par le débridement de tout ce qui se trouve réprimé le jour par le néo-cortex14. La richesse du rêve, par son polymorphisme, peut dépasser celle du conscient, car elle fait appel à toutes les ressources, souvenirs, perceptions, refoulements, signaux subliminaux, élaborations endogènes. Le rêve manifeste une fonction d’intégration et de récupération des concepts, des événements et des faits inscrits sur le registre de mémoire immédiate15. Il apparaît comme une réalité authentique qui se construit de phénomènes psychiques condensés et incompréhensibles, autant que de la matière de notre cerveau et de l’ensemble du soma16. La physiologie et la biologie savent situer le rêve dans le temps et en décrire les phénomènes nerveux et fonctionnels d’accompagnement, mais ne disent pas vraiment ce qu’est le rêve. Le rêve a une première dimension, liée au contenu manifeste, c’est-à-dire au souvenir, qui reste, et une deuxième dimension, liée au contenu latent. En ce sens, le rêve est le grand dessinateur des idées, des désirs, des conceptions et des émotions, fondé sur le langage de l’imagination non contrôlée, qui devient souvent symbolique17. À partir de ces considérations préliminaires, la lecture d’un texte d’onirocritique comme celui d’Achmet peut se révéler intéressante si l’on veut comprendre les mécanismes de la pensée18. De fait, dès l’Antiquité, on a trouvé des rapports entre médecine et rêves19.
14. Cette répression est essentiellement verbale et linguistique par rapport au raisonnement et aux comportements appris et logiques. Donc on peut y voir un effacement opérationnel de l’hémisphère gauche. Cf. Loye 1988, p. 415-426 ; Cavallero 1993, p. 13-16 ; Marinsek et al. 2014, doi : 10.3389/fnhum.2014.00839. 15. Ces facultés intuitives profondes, la conscience non verbale, dont on est riche, peuvent dépendre de l’hémisphère droit, par opposition au territoire réservé à la conscience verbale et à l’analyse qu’est l’hémisphère gauche. 16. La nécessité du rêve assure la disponibilité des moyens de la veille et de l’action, la reprogrammation opérationnelle, en permettant la réalisation du temps-constructeur. 17. Par cette mission fonctionnelle, le rêve est le gardien de l’équilibre psychique, de l’homéostasie du milieu intérieur et de la fraîcheur des comportements logiques et spontanés. 18. Cf. Freud 1967, p. 12 : « J’écarte bien à regret, car c’est un sujet plein d’intérêt, de cet exposé l’examen des idées sur le rêve à l’origine de l’humanité, chez les peuples primitifs, et l’étude de l’influence que ces idées ont pu avoir sur leurs conceptions du monde et de l’âme ». 19. La relation entre la médecine et le rêve a des racines profondes et n’a pas besoin d’être démontrée : les rêves ont été toujours interprètes pour en traire des indications sur l’état de santé du rêveur, ou pour trouver des remèdes à une maladie ; Cf. Cic., De divinatione, 2, 143 ; Plut., De sanitante tuenda, 129 b ; Héroph., Doxographi graeci, 460 Diels. L’utilisation diagnostique passait de l’antiquité au Moyen Âge, et ensuite à la médecine de la Renaissance, cf. Fattori 1985, p. 87-109.
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B. Le rapport entre les rêves et la médecine dans le monde grec-byzantin « Un rêve non interprété c’est une lettre qui n’a pas été lue20. »
Presque dans toutes les sociétés et dans chaque période historique il y avait une médecine plurielle21 : les médecins ont coexisté avec les guérisseurs du village, les prêtres, les herboristes, les remèdes religieux-magiques. Dans la pensée grecque l’existence même des dieux et leur influence dans la vie et la santé des mortels étaient acceptées et considérées réelles presque par tous.22 Les Songes rendant visite aux humains recevaient la permission de Zeus23 de quitter leur domaine et étaient conduits par le dieu des portes, Hermès oniropompe. Morphée, en particulier, l’enfant d’Hypnos, qui dispensait le sommeil en touchant les hommes d’une fleur de pavot, était le plus habile pour contrefaire les traits des mortels24. Très tôt les philosophes et les médecins tentaient de distinguer dans le phénomène du rêve, la part physiologique de celle de soins de l’âme. Le rituel de l’incubation autorisait toutes les demandes, mais celle adressées à Asclépios dans son temple étaient certainement les plus courantes. Les Discours Sacrés d’Aelius Aristide en ont sauvegardé l’expérience vécue25. La pratique des incubations dans les temples d’Asclépios était fréquente, également aussi dans la période chrétienne26. La tradition de la guérison grâces aux rêves était connue et répandue dans la Grèce de l’occupation turque et
20. Dans le Talmud, ces mots sont attribués au rabbi Hisda (Berakoth, 55 a). Voir Allouche 2015, p. 127-142. 21. Oberhelman partage l’idée de Kleinman que la santé, dans beaucoup de sociétés, est formée par la superposition de secteurs différents : le secteur professionnel, populaire et folklorique. Le premier secteur est celui des praticiens reconnus, dans une certaine culture, comme faisant part d’un groupe professionnel (par exemple médecins, infirmières, sages-femmes etc.), tandis que les guérisseurs folkloriques sont des spécialistes non professionnels. Ils ont appris à guérir chez un outre guérisseur, ou ils ont des pouvoirs intérieurs ; ils sont par exemple des herboristes, des shamans ou des sorciers. Le secteur populaire c’est non professionnel et non spécialisé : c’est le premier niveau pour définir les problèmes médicaux. Dans ce groupe on peut classer tous les remèdes utilisés par les personnes suivant les conseils des amis, voisins ou membres de la famille ; par exemple les soins administrés par les mères et grand-mères en famille. Voir Kleinman 1980 ; Oberhelman 2013, p. 1-3. 22. À l’exception d’un très petit nombre d’intellectuels, par exemple Diagoras, ou les philosophes naturalistes cités dans le dixième livre des Lois de Platon ; cf. Van der Eijik 2004, p. 188, 191. 23. Homère, Iliade, I, 63. Bien que tous divins, Homère distingue les rêves véridiques (alêthês), des trompeurs (apatêlos), cf. Homère, Odyssée, XIX, 560. 24. Ovide, Métamorphoses, XI, 633 ; pour Euripide, Iphigénie en Tauride, 1264, les songes sont fils de la terre et s’envolent des régions souterraines. 25. Cf. Festugière 1986 ; Nicosia 1988, p. 173-190. 26. Beaucoup de vieux temples du dieu guérisseur devinrent des églises des saints (par exemple Sainte Thècle, Saint Jean et Saint Cyrus, Saint Michel, Saint Etienne, Saint Cosme et Saint Damien) avec des fonctions semblables : au ive siècle après J.-C., une foule chrétienne enragée détruisit le Serapeum d’Alexandrie, où l’incubation avait lieu, néanmoins la pratique continua au cours des siècles suivants sous une forme christianisée. Voir Guidorizzi 1985, p. 151-152 ; Vincent-Bernardi 2009, p. 123-125 ; Oberhelman 2013, p. 11.
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dans la Grèce moderne, comme le démontrent les pèlerinages aux sanctuaires de Saint Nectaire et de Sainte Irini Chrysovalantou27. Mais les rêves ont toujours exercé une extraordinaire fascination sur les hommes, tant au niveau du fonctionnement que du message à déchiffrer et les savants, les poètes, les médecins ont fourni, depuis Homère, les explications les plus diverses sur leur origine, leur signification et leur véracité28. Les peuples anciens expliquaient la signification des rêves par ce qui pouvait leur arriver extérieurement. Les Clefs des Songes ont pris naissance dans leur observation des événements et dans leurs déductions des symboles à la suite d’une longue observation, plusieurs fois séculaire. À chaque objet rêvé correspondait une signification qui pouvait se fonder quelquefois sur un jeu de mots, ou bien sur une correspondance symbolique, soit similaire, soit opposée, entre l’objet vu et son exégèse. Les procédés associatifs herméneutiques étaient fondés sur l’analogie, l’antinomie, l’étymologie et la ressemblance phonétique ou la métaphore29. Les oneirocritica byzantins30 représentent des tentatives de christianiser une discipline païenne illustrée notamment par l’œuvre d’Artémidore. Les clefs des songes byzantines, à l’exception d’Achmet, ne prenaient pas en considération le statut social et le sexe de rêveur, en offrant simplement des interprétations elliptiques et universelles31. Le rêve dans l’onirocritique était tenu pour un symptôme ou un signal, un avertissement. Si dans la Grèce classique, le dieu Asclépios apparaissait dans les rêves des malades – pour indiquer les remèdes les plus efficaces ou pour guérir directement le fidèle – le rêve d’incubation établissait un lien de causalité entre la vision onirique et la guérison. En revanche, le rêve des manuels d’onirocritique avait une fonction diagnostique et parénétique. Dans le Corpus Hippocratique et en particulier dans Régime IV32 on a suivi le classement des rêves prédominant dans la période classique, selon lequel existaient des rêves divins, révélateurs mantiques pour des gens, avec dons prophétiques, et songes symptomatiques, ordinaires, qui annonçaient la maladie et qui donc pouvaient être utiles pour une diététique préventive, et bien interprétés par les professionnels médicaux33.
27. Oberhelman 2013, p. 23-24. 28. Le néoplatonique Synésios de Cyrène, par exemple, dans le De insomniis (2-4), expliquait qu’il ne fallait pas se méfier des rêves, et il ajoutait que même si l’interprète était incapable de les comprendre, ça ne préjugeait pas la vérité du message qu’ils apportaient aux hommes ; pas tous les savants et les auteurs même des livres sur le rêves étaient aussi optimistes que Synésios, mais le valeur des rêves, leur importance et présence étaient incontestables. 29. Cf. Timotin 2012, p. 5-8 ; Oberhelman 2008, p. 29-38 ; Guidorizzi 1980, p. 22 ; VincentBernardi 2002, p. 127-139. 30. Cf. Guidorizzi 1977, p. 135-155 ; Oberhelman 1980, p. 487-503 ; 2008. 31. Cf. Timotin 2012, p. 1-4 ; Price 1986, p. 15. 32. Hippocrate, VI, 640-663 Littré. Voir Jouanna 1998, p. 161-174 ; Cambiano 1980, p. 88-96 ; Guidorizzi 1988, p. 87-102. 33. Le De victu nous a transmis beaucoup de la pensée présocratique. Il y a une riche spéculation philosophique médicale unie à celle sur le rapport entre le monde humain et divin, qui devait être typique du capital culturel des médecins de l’époque. On conseillait les malades de s’adresser aux dieux (il y a aussi un chapitre du texte qui explique à quels dieux s’adresser pour prévenir les maladies), mais la prière seule n’était pas suffisante : il fallait
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Le rêve était symptôme de l’état physique ou psychique du rêveur. Le principe fondamental était le déplacement du sens. Pendant le sommeil, les procès sensoriels et sensibles, même de gêne et de maladie, touchaient l’âme, qui reformulait cette condition à travers la forme des rêves. Si le corps humain était le microcosme et le macrocosme était l’univers, alors le déplacement des étoiles, soleil et lune étaient similaires aux mouvements des parties du corps, ou, encore, la terre était comparée à la peau du rêveur : donc, si on voyait la terre inondée d’eau, cela signifiait que le corps était trop humide, et par conséquence, le rêveur devait suivre un régime alimentaire favorisant le retour du corps à un état de sècheresse. Plus tard Hérophile34 se servit d’un triple classement des rêves, répartis en theopemptoi, c’est-à-dire envoyés par les dieux, physicoi, typiques de la faculté prédictive de l’âme, et finalement synkrimatikoi, à savoir les rêves qui se dégageaient des conditions du corps, démontrant ainsi une étroite liaison avec les doctrines stoïques, selon lesquelles l’âme, en connexion avec le divin, pouvait prédire le futur. L’école empirique pensait que les rêves étaient une explication, sans fondement, pour soigner certaines maladies, tandis qu’il n’y a pas des témoignages sur les opinions des dogmatiques sur les rêves en médecine ; ces derniers examinent toutefois les rêves guérisseurs d’Asclépios. Seulement le courant méthodique parait avoir refusé la valeur médicale du rêve, en le traitant comme une superstition, dépourvue de sens35. Par contre, Rufus d’Éphèse36 soulignait l’importance du rêve du patient, dont les visions oniriques étaient liées par analogie au corps, démontrant que la validité des théories classiques n’avait pas été effacée par le temps, en rejoignant directement l’auteur du Régime. Pour Galien, comme l’a écrit Véronique Boudon-Millot dans son article37 sur le petit traité De Dignotione ex insomniis38, outre les rêves mantiques, susceptibles de prédire l’avenir et laissés à l’interprétation des devins, il n’existait que deux grandes catégories de rêves « médicaux » : les rêves envoyés au patient par une divinité et les rêves liés à un état physiologique du corps. Le rôle diagnostique des rêves s’inscrivait à l’intérieur du cadre rationnel de la médecine humorale39 selon un mode symbolique comparable avec celui du traité hippocratique du Régime. Pendant le sommeil, l’âme se plongeait dans la partie intérieure du corps et elle ne ressentait pas des perceptions
34. 35. 36. 37.
38. 39.
coopérer aussi avec un régime correct. Cf. Selon Smith c’est le texte du Corpus qui était le modèle auquel Platon pensait quand il décrivait la méthode de l’Hippocrate historique dans le Phaedrus (270 a) Voir Smith 1979, p. 44-60 et Smith 1999, p. 107-118. Un point de vue diffèrent est exposé par Lloyd 1991, p. 195-196. Cf. aussi Van der Eijik 2004, p. 187-188. Cf. Diels 1965, p. 416. Cf. Deichgräber 1930, p. 292 ; Edelstein 1967, p. 243. Cf. Rufus D’Éphèse, Quaestiones Medicinales, Gärtner 1962, CMG Suppl. IV, p. 34-36. Sur la question de l’authenticité de ce traité il y a des avis différents. L’opinion qui prevaut est qu’il s’agisse d’une compilation de l’époque byzantine. Le parallélisme observé entre le début de ce texte et le morceau sur les rêves dans le Commentaire à Épidémies I, a fait penser qu’il soit un extrait sur les rêves tiré du commentaire de Galien à Épidémies I. Cf. Boudon-Millot 2009, p. 617-634. Sur le même sujet cf. aussi Guidorizzi 1973, p. 81-105, Oberhelman 1983, p. 36-47. Galien, De dignotione ex insomniis, VI, 832-835 Kühn. Le texte en conclusion dit explicitement que les rêves donnent des indications sur les manques, les excès et les qualités des humeurs.
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sensorielles extérieures. Ici, elle recevait et forgeait à son tour des images depuis les pensées de l’état de veille, l’habileté pronostique et les conditions du corps40. La lecture correcte des rêves était donc absolument liée aux connaissances incontournables du professionnel médical. Dans l’Antiquité tardive, selon P. Cox Miller, les interprètes se partageaient entre les « classificateurs » et les « allégoristes » des rêves : les premiers (par exemple les auteurs du Berakoth talmudique) suivaient l’exemple d’Artémidore, qui avait classé les rêves selon le principe de l’accostage des semblables (homoiou parathesis) : si quelqu’un rêve X, ça veut dire Y ; les rêves étaient alors considérés comme métaphores41. Les allégoristes, qui suivaient l’exemple de Macrobe (dans le Commentaire au songe de Scipion) et Philon (l’interprétation du rêve de Jacob dans le De Somniis), comme Augustin, Ambroise, Origène, Justin Martyr, considèraient les songes comme des allégories : le rêve était le véhicule pour mieux comprendre les vérités inhérentes à la vie humaine42. Au delà de leur approche des rêves, ils étaient tous convaincus que les rêves disent beaucoup sur la psychologie, sur le monde, et sur la santé aussi43. L’onirocritique à Byzance s’inscrivait dans le domaine d’un art universel de la prédiction, dont la loi était celle de la sympathie universelle44. Selon Oberhelman45 les médecins grecs byzantins et de la première ère moderne ont préservé les idées d’Hippocrate et de Galien sur les rêves, en recueillant et publiant leur théories à ce sujet ; et on peut les trouver aussi dans les manuels de iatrosophia et d’onirocritique post byzantins46. Après ces prémices – relatives à la science et à la littérature, dans le but de montrer les mécanismes du rêve et la valeur qui lui était accordée dans l’Antiquité- il convient à présent de passer à l’analyse spécifique de l’Oneirocriticon d’Achmet, pour voir et mettre en évidence la présence et le rôle de la médecine.
40. Par exemple, le sang présent en excès dans le corps pouvait engendrer l’image d’un corps débout dans une citerne de sang, ou la fièvre proche à la phase critique d’akme, l’image de la natation ou d’un bain dans une baignoire pleine d’eau chaude, etc. La méthode principale employée pour interpréter les rêves était l’analogie entre les images oniriques et les humeurs et les éléments corporels. 41. Par exemple, les épines indiquaient des souffrances parce qu’elles étaient piquantes ; toutefois, Artémidore pensait que le même rêve pouvait avoir des significations différentes selon la condition personnelle et sociale du rêveur (mâle, femelle, libre, esclave, riche, pauvre). Les premiers trois livres de l’œuvre d’Artémidore ont été traduits aussi en arabe en 887 par Hunayn ibn Isha. Voir Cox Miller 2004, p. 98. 42. Cox Miller 2004, p. 104-107. 43. Ibidem, p. 85-87, 116-117. 44. Magdalino-Mavroudi 2006, p. 96-117 ; Calofonos 1984-85, p. 215 -220. 45. Oberhelman 2013, p. 26-27. 46. En fait beaucoup de textes pour interpréter les rêves et en tirer des informations sur sa santé, pour prévenir et guérir les maladies ont été publiés en Grèce de la fin de l’empire byzantin au xixe siècle et usuellement, la structure de ces œuvres rappelle elle-aussi celle des livres byzantins : les remèdes sont en fait énumérés a capite ad calcem, comme dans l’œuvre d’Achmet. Ces textes proposent des remèdes qui viennent de la tradition médicale ancienne (Hippocrat et Galien), byzantine (Paul d’Égine et Alexandre de Tralles) et des pharmacopées comme l’œuvre de Dioscoride ; cf. Oberhelman 2013, p. 13-15.
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2. achmEt Et l’oneirocriticon d’achmEt L’Oneirocriticon est le texte le plus important et le plus long sur l’interprétation des rêves après le traité d’Artémidore47 ; il appartient au genre, dont on a déjà parlé, qu’on peut définir comme « la clé des songes », car il offre un catalogue d’objets, d’activités ou d’images utiles à prédire l’avenir du rêveur, qui est toujours placé dans des catégories selon l’âge, le sexe, la condition sociale. Il n’y a pas ici, comme chez Artémidore, une distinction lexicale entre le rêve non prédictif (enypnion) qui signifie la réalité et le songe prophétique (ónar) qui peut indiquer l’avenir (qui doit être interprété par des devins) mais on trouve seulement les mots ónar, óneirata ou óramata sans différence de sens48. L’ouvrage a été transmis sous un nom obscur, fictif, un nom de plume, Achmet, qui se présente comme le fils d’Ibn Sereim, l’interprète des rêves du calife Ma’mûn49, nom sans doute dérivé de la surinterprétation de quelque scribe, qui tirait cette information du chapitre 19 : Ἐρώτημα. Ἐλθών τις ἄνθρωπος ἠρώτησέ μοι τῷ Ἀχμὲτ τῷ υἱῷ Σηρείμ, τῷ ὀνειροκρίτῃ τοῦ πρωτοσυμβούλου Μαμοῦν. Il s’agit du seul passage du texte dans lequel apparaissent le nom complet et l’utilisation de la première personne μοι τῷ Ἀχμὲτ τῷ υἱῷ Σηρείμ (τῷ ὀνειροκρίτῃ τοῦ πρωτοσυμβούλου Μαμοῦν). Les spécialistes sont d’accord sur le fait que l’auteur est un grec chrétien, un expert en divination ayant travaillé en Asie Mineure ou en Syrie, où il aurait eu un accès facile aux sources grecques et arabes50. Maria Mavroudi a identifié et richement étudié les sources arabes entrant dans le domaine de l’interprétation des rêves et a formulé l’hypothèse que l’auteur de notre traité est en fait un traducteur byzantin qui a cherché à adapter le contenu de ses sources arabes pour satisfaire les lecteurs chrétiens51. En fait, dans le texte, surtout dans les quatre premiers livres, nous retrouvons des arguments chrétiens et non-islamiques, tels que la résurrection des morts, les anges, l’indivisible Trinité etc. et seulement des citations de l’Ancien et du Nouveau Testament. Mais pourquoi s’attribuer ce prénom et cette identité ? Les écrivains byzantins avaient l’habitude de s’attribuer la dignité de personnages illustres, comme Manuel II Paléologue, de patriarches tels que Nicéphore ier et Germain ier, le prophète
47. Sur l’art d’Artémidore : cf. Weber Kaiser 2000 ; du Bouchet-Chandezon 2012 ; 2014. 48. Dans le domaine de l’enypnion Artémidore incluait le phántasma, c’est-à-dire l’hallucination ou cauchemar, tandis que dans la sphère de l’ónar comprenait l’hórama, à savoir la vision claire, souvent dans un état intermédiaire entre le sommeil et la veille, et le chrematismós ou songe prophétique. 49. Achmet appellait Ma’mûn protosymboulos et Drexl 1922, 27, l’a identifié spécifiquement avec un Calife. 50. Il s’agit d’une communis opinio, dejà proposée par cf. Beck 1971, p. 203 : « Das Traumbuch des Achmet ben Sirin, das sicherlich nicht aus dem Arabischen ubersetzt ist, wie es selbst zu verstehen gibt, sondern von einem griechischen Christen unter Benutzung arabischer Quellen etwa im 9 oder 10 Jahrhundert abgefasst wurde. It should be noted that FabriciusHarles had anticipated this long before (V 267, n.NN): Christianum autem graecum illum esse, arbitror, Simaeonem Sethem sive Sethi filium, medio saeculo XI, fiorente, arabaci idiomatis peritum, et ab eiusdem Arabum somniis non abhorrentem ». Cf. aussi Holmes 2010, p. 57-58. 51. Mavroudi 2002, p. 1-60.
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juif Daniel etc., mais Achmet est un nom obscur52, qui brille seulement grâce à sa parenté avec Abu Bekr ben Sirin, ou Ibn Sîrîn, qui vécut à la fin du viie, début du viiie siècle53. En plus, ce lien de sang est vraisemblablement fictif, dans la mesure où, comme le remarque Oberhelman, il y a une constante variation de la citation du nom entre Seirem, Seiren, et Sereim. L’editio princeps date, on l’a dit, de 1603, date à laquelle Rigaltius, en annexe à son édition de l’Onirocritique d’Artémidore, publia l’œuvre en grec, accompagnée de la traduction latine de Leunclavius, qui, par erreur, avait traduit le texte sous le titre Apomasaris Apotelesmata, sive de Significatis et Eventis Insomniorum, ex Indorum, Persarum, Aegyptiorumque Disciplina. Apomasares est une corruption du nom Albumasar ou Abu Ma’shar. L’édition est basée sur les manuscrits Paris Gr. 2358 et Paris Gr. 2427 et abonde en erreurs mécaniques dues à la médiocre qualité des manuscrits. Le texte d’Achmet a donné lieu à plusieurs traductions54, dont la première version intégrale datée probablement de 116055 est celle de Leo Tuscus56. Cette traduction a été utilisée comme source par un compilateur anonyme pour compléter le troisième livre du Liber thesauri occulti, de Pascalis Romanus57, une compilation sur l’interprétation des rêves, publiée à Francfort en 157758. La tradition directe59 confirme la fortune du genre à travers les siècles. Au cours du temps, on a découvert beaucoup d’autres manuscrits60, plus précieux que ceux qui ont été utilisés initialement par l’éditeur suivant, Drexl, 52. Parmi les autres théories, il convient de rappeler l’hypothèse qui identifie Achmet avec Abu Bekr Mohammed Ben Sirin, dont l’œuvre sur le même sujet, est encore présente en Arabe dans la Bibliothèque Nationale de Paris (Catal. Cod. Manuscr, Biblioth. Reg. Paris, vol. I. p. 230, cod. MCCX). Sa chronologie aurait ainsi des dates précises, de naissance en 653-654 et de mort en 728-729. Les prénoms Ahmed, Achmet et Mohammed sont formés en Arabe par quatre lettres chacun et ils se distinguent seulement par la première lettre. On pourrait peut-être supposer que l’auteur soit réellement Achmet, celui qui est indiqué dans le prologue, mais qui ensuite, pendant le procès de réception et transmission, il y avait un chainon intermédiaire, un savant grec chrétien qui a réinterprété l’œuvre en cotes personnels, en gardant la structure précédente et en donnant la paternité à Achmet, peut être aussi pour des questions de prestige. 53. Ibn Sîrîn était physicien de Basrah, mort en 728, sous le règne du calife Hishám. 54. Le prologue de la traduction de l’Oneirocriticon a été publié par Haskins 1924 (p. 217). En 1986 Brackertz a publié en allemand la traduction de l’œuvre. 55. Sur la question de la datation voir Vincent-Bernardi 2000, I, p. 59, n. 101. Cette œuvre a été aussi à la base d’une version italienne (Venise 1546) et française (Paris 1552). Deux exemplaires de ce travail sont conservés dans le Gasp. Barthii Adversaria (XXI. 14, éd. Francof. 1624). 56. Oberhelman, suivant l’opinion de Drexl, affirme que le manuscript utilisé par Tuscus était étroitement dépendant du cod. Ambros. gr. 592. Cf. Oberhelman 1991, p. 15 : « Leo used a codex very closely related to A in tradition but one far earlier than any surviving manuscript of Achmet. Consequently, his codex is very important in establishing the text whenever the reading in the Greek manuscripts is dubious ». Vincent-Bernardi est d’un autre avis et soutient que cette traduction repose sur un manuscrit perdu, trouvé par Leo Tuscus, à Constantinople. Cf. Vincent-Bernardi 2000, I, p. 59-60. 57. Cf. Collin-Roset 1963, p. 118-198 ; Pack 1965, p. 291-295. 58. Cf. d’Alverny 1991, p. 438. 59. Sous le nom d’Achmet, fils de Sereim, on attribue aussi les titres : Opera (Paris, gr. 2419 (4), 7-8, du xve siècle), Lexicon Pharmaceuticon (Elassona, Monê tês Olumpiotissês, 093, p. 288298, du xviie siècle). 60. La tradition directe ne reproduit jamais le nom de l’auteur, qui se trouve seulement dans les témoins recentiores, du xvie siècle.
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qui publia son travail en 1925 chez Teubner. Drexl collationna huit manuscrits61 et prépara un stemma codicum pour établir les relations et l’importance de chacun62. En l’état actuel de nos connaissances, le nombre des témoins s’élève à vingt et un manuscrits63, parmi lesquels le plus ancien du xie siècle, le Paris Suppl. Gr. 69064, qui est un abrégé d’extraits, n’a pas été utilisé dans la dernière édition critique en date. Les sources utilisées par le compilateur de l’Oneirocriticon sont soit arabes soit grecques et byzantines : le livre d’onirocritique de Muhammed Ibn Sîrîm, l’anthologie des rêves de Khabar al Ma’muni, le Nafais ul Funun de Muhammed ben Mahmúd Amuli et le livre des songes écrit par ibn Shahin65, et en large partie l’œuvre d’Artémidore66. En plus, l’auteur fait des références considérables aux premiers livres d’interprétations des rêves de l’époque byzantine, composés par Astrampsyco et Daniel67. Dans le prologue, l’auteur dit avoir compilé des sources indiennes, persanes, égyptiennes. Il affirme notamment qu’il avait consulté Syrbacham, l’interprète du roi de l’Inde, Baram, celui de Saanisa, roi de Perse, Tarpha, l’interprète du pharaon d’Égypte et son père Serein. Mais qui étaient ces Indiens, ces Égyptiens et ces Perses ? Pour répondre à cette question, il faut essayer de préciser la date de composition du texte. En l’absence d’indices indiscutables, on peut essayer de déterminer l’époque de rédaction grâce à une analyse attentive du texte. Tout d’abord, le livre comprend un chapitre sur les icônes (chapitre 150), ce qui indique qu’il a été sans doute composé après la fin de l’iconoclasme et le retour des icônes (843). Steven Oberhelman, qui a consacré à ce traité plusieurs études, limite ultérieurement la période en prenant comme terminus post quem le règne de Ma’mûn (813) et comme terminus ante quem (1075) la datation de la traduction en latin de Leo Tuscus (1160) et de deux des plus anciens témoins manuscrits datant du xie siècle (Paris Suppl. Gr. 690, marginalia Plut. 87.8)68. On arrive donc à situer la datation du texte autour du xe siècle, une période de fervente activité intellectuelle à Byzance, connue sous le nom de Renaissance macédonienne69. 61. R = Vindob. philos. et philol. gr. 111, xiiie siècle, 1-42 ; S = Vindob. philos. et philol. gr. 162, 1r-60r, xive siècle ex. ; T = Vindob. philos. et philol. gr. 287, xve siècle, 1-37v ; V = Vindob. philos. et philol. gr. 297, xive siècle, 1v-78 ; L = Leidens. Voss. 49, xve siècle 1-130 ; P = Paris gr. 2511, xive siècle ex., 7-19 ; A = Ambros. gr. 592, 42-64v, xve siècle ; B = Berol. gr. 171, 1-209, xve siècle (1575 Phillips). 62. Moins importants pour établir le texte, selon le stemma codicum, Paris. gr. 2538, xvie siècle ; Paris. gr. 2419, 295-315, xve siècle ; Paris. gr. 2538, xvie siècle ; Athous 4285.165, 146-148, xve-xvie siècles ; Borbon. gr. 356 ; Hierosol. gr. 220 ; Hierosol. gr. 555. 63. En dehors de ceux qui ont été déjà cités : Cambridge, Trinity College, f. 5-8, xvexvie siècles ; London, British Library, 124-126v, xviiie siècle ; Napoli, BN, xve siècle ; Oxford, Bodl. Libr., Barocci 94, 69v-76, xve siècle ; Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barb. gr. 127, 328-333v, xve siècle ; Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, Vat. gr. 573, 120-213v, xive-xve siècles et ensuite Suppl. Gr. 690. 64. Cf. Gigli 1978, p. 173-188. 65. Cf. Oberhelman 1981, p. 63-64. 66. Oberhelman a même dédié une section de l’annexe de son livre pour comparer des passages des deux œuvres en tableau synoptique Oberhelman 1991, p. 289-295. 67. Cf. Astrampsychi oneirocriticon, dans Obspeus 1599 ; Drexl 1926, p. 290-314. 68. Ici on trouve trois correcteurs, le premier desquels, L1, qui date du xie siècle, a copié dans les marges des feuilles 7r et 8r deux passages par Achmet d’après le texte de Drexl. Ça a donc aidé à déterminer le terminus ante quem. 69. Cf. Mavroudi 2002, p. 392-429 ; Timotin 2010.
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Au xe siècle, le terme « indien » était utilisé dans le sens plus large de chrétien d’Orient, et ici la seule trace vraiment indienne est le nom de l’interprète des rêves : Syrbacham. Même les références égyptiennes sont rares et vagues, seules les interprétations des Perses sont plus fréquentes et, en faveur de leur authenticité, Maria Mavroudi a trouvé une exacte correspondance avec les interprétations des livres des rêves arabes, d’où l’auteur aurait probablement directement tiré ce matériel70. Venons-en maintenant à l’analyse spécifique de l’Oneirocriticon d’Achmet : le texte compte un total de trois cent un chapitres précédés d’un court prologue initial, où l’auteur donne son identité, même si elle est fictive. A. La Médecine dans l’Oneirocriticon : rôle et fonction a. Analyse de la question Si on pose la question de la place de la médecine dans un texte de ce genre, on peut répondre, après une simple lecture, que la médecine y est bien présente et qu’elle entre largement dans le monde du rêve. Le corps rêvé ne fournit pas un diagnostic sur l’état de santé, mais offre des signes qui concernent tous les aspects de la vie familiale, sociale, morale et religieuse71. Il n’a pas une fonction thérapeutique, mais parénétique. La valeur symbolique accordée à chaque membre s’inscrit essentiellement dans la tradition onirocritique d’Artémidore72. De l’autre côté, de nombreux rêves prémonitoires relatifs à la santé, même s’ils parlent d’autres choses, annoncent la maladie ou la guérison, comme dans les cas du symbolisme des couleurs, et en particulier du jaune associé au citron, donc à l’amertume et à la souffrance73. Pour ce qui concerne l’aspect médical, on retrouve presque toujours une continuité avec la tradition d’Hippocrate et de Galien, avec des correspondances lexicales, sémantiques ou parfois, mais rarement, seulement formelles. Par exemple οἴδημα chez Achmet est une tumeur dure, alors que chez Galien ce terme indique une tumeur douce au toucher et sans douleur74. Puisque c’est une médecine qui se manifeste dans les rêves des hommes, elle doit être une médecine du peuple et pour le peuple et, pour cette raison, l’auteur utilise souvent des formes vernaculaires afin d’être mieux compris par les lecteurs. Il y a donc 70. Cf. Mavroudi 2014, p. 161-186. 71. Par exemple, les analyses de la voix dans Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 50, renvoient aux chants sacrés, les doigts des mains (Ibidem, ch. 72) indiquent les cinq prières quotidiennes. Ce rituel existe dans le monde byzantin, selon la définition de La grande catéchèse de Théodore Stoudite et des Basiliques. Sur les aspects du Christianisme et de l’Islam dans l’Oneirocriticon et sur l’activité byzantine intellectuelle dans les ixe et xe siècles, cf. Mavroudi 2002, p. 256-352, 392-429. 72. Pour une correspondance précise entre les symboles des rêves chez Achmet et Artémidore, cf. Oberhelman 1991, p. 289-295. 73. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 223. Voir Vincent-Bernardi 2009, p. 130-132 ; Oberhelman 2013, p. 11. 74. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 106, 13 : οἰδήθη ὡσεὶ ἀσκὸς οἰδήματι σκληρῷ (Oberhelman 1991, p. 125 : « he swelled up like a wineskin from a hard tumour ») ; cf. e.g. Galien, XVII. 1. 801 Kühn ; XVII. 2. 31 Kühn.
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des expressions doubles, deux mots différents pour le même objet, l’un classique, l’autre issu de la tradition populaire, plus connue : ces termes sont séparés par ἤτοι, pour indiquer par exemple une armure en référence symbolique à la poitrine75 ; on observe aussi l’utilisation de la forme « soi-disant » pour indiquer les mots les plus courants, comme le coussin dit μαξιλλάριον76 ou le gâteau sarrasin nommé παλουδάκιν77 qui, en fonction de la quantité mangée, peut causer une maladie jaunissante rappelant la couleur de l’aliment et son mode de cuisson par le feu78. Nous pouvons avoir une meilleure idée de la large variété sémantique grâce à la distinction, faite par Oberhelman, entre diverses catégories lexicales, qui comprennent, pour le domaine médical, des termes liés aux parties du corps humain (anatomie), aux états physiques et psychologiques (psychosomatiques), aux fonctions de l’organisme (corpus agens), aux actions exercées sur le corps (corpus patiens)79. Le texte est en fait le miroir de l’activité scientifique des intellectuels byzantins des ixe et xe siècles et à propos du statut de cette médecine, on peut dire qu’elle coïncide avec la médecine de la Renaissance macédonienne, période vivante et intense, qui opère à la fois un retour aux modèles de l’Antiquité classique ou tardive et une réorganisation ou une réinterprétation du savoir à la lumière de la réalité contemporaine en contact avec la science arabe. L’Oneirocriticon est le résultat d’une phase de curiosité intellectuelle, qui a poussé à traduire en grec avec un vocabulaire qui découle parfois directement de l’arabe80. Ce traité est le témoignage concret et précoce d’une étape de contact et d’échange entre la science grecque et la science arabe vraisemblablement antérieure à l’œuvre de Siméon Seth. Il s’agit donc d’une source particulièrement précieuse sur les échanges culturels entre les Byzantins et les Arabes au cours des ixe et xe siècles. Cela s’observe à la fois dans la syntaxe et le lexique, par exemple dans la phrase sur le corps condamné à ramper : πίπτει τὸ σῶμα τιμωρούμενον ἐν τῷ ἕλκεσθαι81 ; ici, le verbe τιμωρούμενον employé avec la préposition ἐν reflète l’arabe ḥakama bi. Autre exemple : ζοῦπα (un long vêtement dit jubbah) provient de la forme arabe jubbah, ζουλάπιν (vin à base de sucre, dit julep) de julāb et φάρας (cheval) de faras82. Or, la concoction, appelée normalement ζουλάπι,
75. Cf. Ibidem, ch. 155, 18 et 247, 25 : θώρακα ἤτοι λωρίκιον (Oberhelman 1991, p. 158 : « breastplate »). 76. Cf. Ibidem, ch. 221, 4 et 221, 16 : τὸ λεγόμενον μαξιλλάριον (Oberhelman 1991, p. 199 : « cushion »). 77. Cf. Ibidem, ch. 241, 46 : εἰ δὲ τρώγει γλύκυσμα σαρακηνικὸν τὸ λεγόμενον παλουδάκιν, εὑρήσει νόσον διὰ τὰ χρώματα καὶ τὸ πῦρ ἀναλόγως τῆς βρώσεως (Oberhelman 1991, p. 216 : « If he was eating the Saracen sweetmeat called paloudakin, he will find illness because of the colors and of the fire and in proportion to the number he ate »). 78. Pour l’examen critique d’autres exemples de formes doubles pour le même objet, cf. Mavroudi 2002, p. 74-75. 79. Oberhelman 1981, p. 644-655. 80. L’Oneirocriticon présente des formes qui s’expliquent seulement si l’on admet que la traduction grecque a été faite à partir d’un texte d’origine arabe. Ce point est bien démontré par Mavroudi 2002, dans le chapitre The language of the Oneirocriticon, p. 63-90. 81. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 117, 3. (Oberhelman 1991, p. 128 : « the body falls and is punished by dragging itself along »). 82. Pour une analyse approfondie de ces expressions, cf. Mavroudi 2002, p. 77-83.
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est considérée comme un terme arabe entré dans la médecine byzantine à partir de Siméon Seth83, alors qu’en réalité le terme existe déjà dans l’Oneirocriticon. On trouvera une illustration de la place de la médecine dans le tableau 1 donné à la fin du texte et qui recense tous les titres de chapitres, qu’on peut rapporter à trois catégories thématiques : médecine interne, pathologie, thérapeutique / cosmétique. Le vocabulaire désignant les organes et les viscères de la cavité abdominale est souvent imprécis : il suffit de penser au titre du chapitre 8384 περὶ ἐγκάτων καὶ τῆς τῶν μελῶν ὕλης (viscères et organes internes), où l’auteur a recours à une périphrase. Il y a aussi l’indication des traitements et des remèdes tels que l’utilisation de la saignée et ventouses85, ainsi que l’indication des pathologies. La maladie peut servir à titre de comparaison, comme dans le cas où Achmet parle du cou et dit que, si quelqu’un voit en rêve son cou blessé, ulcéré, saignant ou gonflé comme d’une scrofule, cela signifie l’arrivée de richesses86. Le terme χοιράς est propre au vocabulaire médical pour désigner les scrofules, abcès cervicaux d’origine tuberculeuse87. Parfois la maladie et sa manifestation sont la clé de l’interprétation métaphorique du rêve : par exemple, si quelqu’un voit sa chair affectée comme par une ulcération (ἐτραυματίσθη ἡ σὰρξ αὐτοῦ δίκην ἐκβράσεως), il trouvera de la monnaie d’or gravée par incision (εὑρήσει διὰ χαράγματος χρυσοῦν νόμισμα)88. Les pièces d’or frappées, gravées par incision, évoquent donc par métaphore les incisions de la chair. Ou encore les parasites intestinaux sont les ennemis intimes, qui habitent dans la même maison89. Le vocabulaire médical permet également le double sens, comme dans le cas des vomissements, au chapitre 137, où le verbe ἀνατρέπω signifie bouleverser l’estomac et aussi, au sens figuré, rejeter les décisions90. Les rêves qui parlent de l’évacuation d’organes internes, tels que les intestins, le foie, les poumons ou le cœur, s’appuient 83. Cf. Harig 1967, p. 248-268. En fait, les premières traces arabes dans la médecine byzantine sont identifiées à partir de l’ouvrage de Siméon Seth, datant du xie siècle (r. 10811118), où l’on trouve mention d’épices, de drogues et de médicaments arabes ; cf. Scarborough 1985, p. 13-14. 84. Il est intéressant que ce chapitre ne figure pas dans l’abrégé du Paris Suppl. Grec. 690. 85. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 32-33. 86. Cf. Ibidem, ch. 67, 2-3 : ἐάν τις ἴδῃ κατ’ ὄναρ, ὅτι ἐτραυματίσθη ἢ εἱλκώθη ἢ αἱμορρόησεν ἢ οἰδήθη δίκην χοιράδος ὁ τράχηλος αὐτοῦ, ταῦτα πάντα φανέρωσιν πλούτου σημαίνουσι. Cf. Oberhelman 1991, p. 111 : « If someone dreams that his neck was wounded or ulcerated or discharging blood or swollen up from scrofulosis, all these things signify sorrow and disclosure of wealth ». 87. Cf. e.g. Hippocrate, Aphorismes, III 26, p. 499 Littré. 88. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 88, 14-15. On trouve le terme ἔκβρασις (sécrétion) précédé par λοιμικὴ (pestilentielle) en Paul. Nic., Lib. med., 51, 3-4 ed. Le sens du mot est le même qu’ἐκβράσμα (excrétion) Galien, De compositione medicamentorum secundum locos, XII, 448, 8 Kühn et Oribase, Collectiones VIII. 24. 30. 9 Raeder. 89. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 105, 27-29 : ἐὰν δὲ ἴδῃ, ὅτι ὄφιν ἐξέκρινεν, ἐχθρὸν σύνοικον ἀποβαλεῖ οὗτος, εἰ δὲ ἕλμινθας, ἀποβαλεῖ ἐκ τῆς φαμιλίας αὐτοῦ ἀναλόγως τοῦ πλήθους. Cf. Oberhelman 1991, p. 124 : « If he defecated a snake, he will lose an enemy who dwells in his house; if intestinal warms, he will lose members of his household in proportion to the number of worms ». 90. Cf. Ibidem, ch. 137, 1-2 : Ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι ἐμεῖ ἑκουσίως καὶ ἄνευ κόπου, εἰ μέν ἐστι βασιλεύς, ἀνατρέψει τὰ ἴδια κρίσιμα καὶ τοὺς λόγους. Cf. Oberhelman 1991, p. 143 : « If someone dreams that he vomited of his own will and without pain, if he is the king, he will overturn his own decrees and the words ».
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sur des explications médicales, qui relèvent plus du lieu commun que de réelles connaissances médicales. Dans un cas, il est dit que, si quelqu’un voit son foie sortir de son fondement, il perdra son trésor et mourra (τὸ γὰρ ἧπαρ ῥίζα τοῦ αἵματός ἐστι καὶ τὸ αἷμα χρυσὸν καὶ πλοῦτον σημαίνει)91. En outre, pour expliquer la valeur d’un rêve qui donne lieu à une scène bizarre et insolite où le poumon sort par le haut ou par le bas, l’auteur dit que le poumon, grâce au refroidissement, apaise le feu du cœur (ὁ πνεύμων τῇ καταψύξει αὐτοῦ παρηγορητικός ἐστι τῷ πυρὶ τῆς καρδίας)92. De fait, et comme le tableau 2 reproduit à la fin du texte permet de l’apercevoir de façon évidente, le thème qui parcourt tout le texte est assurément celui de l’anatomie. Sur plus de cinquante chapitres, l’anatomie y est le sujet le plus développé : un tiers de l’ouvrage concerne le corps, directement ou indirectement, notamment dans le chapitre consacré aux végétaux et animaux susceptibles d’être consommés. Le corps apparaît dans tout son éclat, paré et objet de soins. Une trentaine de chapitres est consacrée à l’apparence, à la parure, aux soins du corps93. Chaque partie est citée selon le critère classique a capite ad calcem, depuis la tête, en passant par les paupières et les sourcils, jusqu’aux pieds. Pour ce qui concerne les organes internes, les fluides vitaux et les substances organiques, tels que le sang ou l’urine, Achmet suit généralement la direction de l’intérieur vers l’extérieur et s’interrompt à plusieurs reprises pour faire des digressions94. L’évocation du corps ne commence pas par le visage, mais par les cheveux, la barbe, la moustache et les autres poils, qui dans toute la tradition onirique représentent les biens, la richesse et le pouvoir du rêveur95. La perte des cheveux, comme des poils ou du sang, représente analogiquement une perte matérielle, sauf pour qui 91. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 83, 13-14. Cf. pour la tradition médicale, Galien, II. 575. 3-7 Kühn : Πρότερον δ’ ἐφ’ ἥπατος ὁ λόγος μοι περαινέσθω. τουτὶ γάρ τοι τὸ σπλάγχνον εἰς τὸ σιμότατον ἑαυτοῦ μέρος ἀνηκούσας ἔχει τὰς ἐκ τοῦ μεσεντερίου φλέβας. ὀνομάζουσι δὲ τὸν τόπον τοῦτον, εἰς ὃν ἀθροίζονται πᾶσαι, πύλας ἥπατος. (Garofalo 1991, p. 599 : Terminerò prima il mio discorso sul fegato. Questo viscere riceve nella sua parte più concava le vene che salgono dal mesenterio, il luogo dove tutte queste vene si riuniscono viene chiamato « porte del fegato »). Au contraire, selon Aristote, le cœur est le principe du sang (Cf. Arist., P.A., 666a). Le foie est considéré depuis longtemps comme le siège des passions, e.g. chez les tragiques Aesch., Ag. 432 ; Soph., Aj. 937 ; Eur. Rhés. 422 et aussi Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 84, 9 : πασῶν ἐπιθυμιῶν αἴτιον τὸ ἧπάρ ἐστιν. Cf. Oberhelman 1991, p. 116 : « the liver is responsible for all desires ». 92. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 84, 14-15 ; sur le feu du cœur cf. Arist., P.A. 670a 22-26. L’adjectif παρηγορητικός (qui donne soulagement, calmant) apparaît pour qualifier l’action des cataplasmes et traitements cf. Galien In Hipp. lib. de fract. comm. XVIII. 394. 5 Kühn ; Oribase, Synopsis III. 176. 3. 4 Raeder ; dans le même ch. 84, 18 d’Achmet, il est dit que le cœur représente la vie de l’homme (ἡ καρδία εἰς τὴν ζωὴν τοῦ ἀνθρώπου καὶ ἔστι καὶ λέγεται). Cf. à ce propos Artemidori Onirocriticon (Pack 1963), ch. 1, 44. 93. Cf. Vincent-Bernardi 2000, I, p. 164 : « Le corps harmonieusement paré est une vitrine qui manifeste aux yeux de tous la place que chacun occupe, dans une société où le souci de l’apparence extérieure et des convenances semble grand ». 94. Cf. par exemple Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 46-48 consacrés à l’urine, après les développements consacrés aux poils et avant ceux consacrés aux oreilles, ou les ch. 89-90 sur la pendaison et la crucifixion, après les développements consacrés à la chair et avant ceux consacrés aux côtes. 95. Achmet s’intéresse au système pileux dans dix-sept chapitres.
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est indigent et n’a rien à perdre. Ces chapitres témoignent de la préoccupation pour la considération sociale : les cheveux96 et la barbe97 révèlent la place du rêveur dans la société. La moustache et la barbe sont définies comme la parure du corps98, et les soins visent à les embellir, ce qui indique aussi un embellissement dans la vie sociale99. L’idée de la beauté est liée à celle de l’ordre, de la proportion, de la régularité (κατὰ τάξιν) et annonce généralement une heureuse destinée : l’excès est condamné, l’idéal étant de ne jamais dépasser la juste mesure100. Pour cette raison, une grande partie des interprétations se fonde sur le jeu de mot autour de κόσμος101 et ses dérivés (κοσμεῖν, κοσμίως, κοσμιωτέρα, et παρασκευάσει, παρασκευασθέντα, etc.), avec un glissement de l’idée de beauté physique à celle d’harmonie et le double sens d’orner et ordonner. Sans vouloir expliquer le sens symbolique de toutes les parties du corps, on peut rappeler que la tête, qui est dominante, indique le chef, le maître, un dignitaire, ou le mari pour la femme. La cervelle symbolise la richesse, comme le sang, et par conséquent, manger la cervelle d’une tête signifie absorber sa puissance102. La bouche est la maison qui contient la famille103. Les oreilles104 représentent tous ceux qui écoutent et obéissent : femmes, enfants, esclaves, etc. Le μέτωπον105 n’est pas seulement le front, mais, par métonymie, désigne aussi la boîte crânienne et, au chapitre suivant, le terme μήνιγγες, que le glossaire de Drexl traduit comme tempora capitis106, signifie tempes dans ce contexte, selon un sens attesté dans le grec moderne. Achmet, comme dans tous les traités d’onirocritique, accorde beaucoup d’importance aux dents107, tandis que la langue est associée à l’alimentation ainsi qu’à la réflexion et à
96. Pour les Indiens (Ibidem, ch. 18), les cheveux grisonnants signifient honneur et dignité, les cheveux blancs affliction et déshonneur ; pour les Perses et les Égyptiens (Ibidem, ch. 21-22), les cheveux gris présagent un affaiblissement. La teinture (Ibidem, ch. 37-38) suscite méfiance et est associée à la dissimulation. 97. La barbe (Ibidem, ch. 34-35), selon la tradition grecque d’Artémidore et des manuels alphabétiques, est de bon présage si elle est soignée, mais annonce le déshonneur public si elle est rasée. 98. Cf. Ibidem, ch. 41, 3 : Αἱ τρίχες τῆς ὑπήνης κόσμος ἐστὶ τοῦ στόματος. Cf. Oberhelman 1991, p. 101 : « The moustache is the embellishment of the mouth ». 99. Cf. le cas d’embellissement du peuple et des armées du roi, Ibidem, ch. 18, 23-24. 100. Cf. Ibidem, ch. 18 et 24, où l’idée de la mesure et de la beauté est associée à la bonne organisation et administration des affaires. 101. On trouve un jeu de mot analogue chez Artémidore, mais il n’est pas présent dans les manuels alphabétiques. Cf. Artemidori Onirocriticon (Pack 1963), I, 22, p. 37. 102. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 39. 103. Cf. Ibidem, ch. 41, 4 : τὸ δὲ στόμα ὡς οἶκος κρίνεται τοῦ ἀνθρώπου. Cf. Oberhelman 1991, p. 101 : « the mouth signifies the house of the man ». 104. Cf. Ibidem, ch 49. 105. Cf. Ibidem, ch. 57, 3 : Τὸ μέτωπον ἔρεισμά ἐστι καὶ περίφραγμα τοῦ μυελοῦ. Cf. Oberhelman 1991, p. 107 : « The forehead is the support and enclosure of the brain ». 106. Cf. Ibidem, p. 256. 107. Cf. Ibidem, ch. 60-61 et Artemidori Onirocriticon (Pack 1963), ch. 31, p. 44-46. En particulier, les molaires représentent les enfants parce qu’elles sont protégées au fond de la cavité buccale. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 65, 3-4 : Τῶν ὀδόντων οἱ λεγόμενοι μύλοι εἰς τοὺς ἀνηλίκους τῶν φροντιζομένων παίδων τοῦ γένους διακρίνοντα. Cf. Oberhelman 1991, p. 110 : « The molars symbolize those children of a family who are considered underage ».
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l’argumentation108. La main représente l’esclave, puisqu’elle assure la subsistance par son activité109. Le poitrine de l’homme (στήθη) signifie la puissance de sa modération (ἡ δύναμίς τῆς σωφροσύνης)110 et désigne donc le siège des sentiments111. Si les clavicules sont les concubines, les omoplates et les côtes sont les femmes légitimes112. Le corps est l’instrument de divination à la portée de chacun : les rêves de parfum et de parure ou de souffrance et de mutilation concernent la vie du rêveur, puisque le corps parle par métonymie113 : c’est un microcosme qui reproduit l’organisation de la famille et de la société fortement hiérarchisée de l’empire byzantin. Chaque partie représente les divers membres de l’entourage du rêveur. Le mouvement descendant construit une hiérarchie, du maître à l’esclave. b. Les textes Sont proposés ci-dessous quelques passages tirés de l’Oneirocriticon114, extraits de chaque catégorie thématique identifiée, pour mieux comprendre de quelle médecine il s’agit dans ce genre d’ouvrage. Anatomie Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ὀφθαλμῶν115 Οἱ ὀφθαλμοὶ πίστις καὶ δόξα καὶ φῶς εἰσι τῆς ψυχῆς. ἐάν τις ἴδῃ κατ’ ὄναρ, ὅτι τέλειον ἐτυφλώθη, ἀπολέσει τὴν πίστιν αὐτοῦ καὶ ὀλιγόζωος ἔσται. ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι τὸν ἕνα ὀφθαλμὸν ἐτυφλώθη, ἀπολέσει τὸ ἥμισυ τῆς πίστεως αὐτοῦ καὶ αἰσχυνθήσεται ἐν μέσῳ πολλῶν. ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι ἐλημώθησαν οἱ ὀφθαλμοὶ αὐτοῦ, ἁμαρτήσει μὲν οὗτος μεγάλως, μεταγνώσεται δέ.
108. Cf. Ibidem, ch. 63, 9, où se trouvent les termes τραυλίζουσαν ἢ ψελλίζουσαν pour indiquer que la langue bégaye ou balbutie. Ces verbes sont souvent utilisés en conjonction (e.g. Aristot. P.A. 660 a. 26, et Gal. XVI. 510 K.). 109. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 73, 2 : Ἡ χεὶρ εἰς δοῦλον πρῶτον καὶ πιστὸν κρίνεται. Cf. Oberhelman 1991, p. 113 : « The hand signifies a trusted chief slave ». 110. Cf. Ibidem, ch. 76, 2-3 : Τὰ στήθη τοῦ ἀνθρώπου ἡ δύναμίς ἐστι τῆς σωφροσύνης αὐτοῦ. Cf. Oberhelman 1991, p. 114 : « A person’s chest signifies the strenght of his sense of moderation ». 111. Cf. Artemidori Onirocriticon (Pack 1963), I, 41. 112. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 68-69, 81-82, 91-92. 113. Cf. Vincent-Bernardi 2000, I, p. 160-168. 114. On utilise l’édition déjà citée de Drexl, publiée dans la collection Teubner en 1925 et précédée seulement par l’editio princeps de 1603 de Rigaltius. 115. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 52. Cf. Oberhelman 1991, p. 105-106 : « From the Indians concerning the eyes. The eyes symbolize faith, reputation, and spiritual illumination. If someone dreams that he was completely blind, he will lose his faith and be short-lived. If someone dreams that he was blind in one eye only, he will lose half his faith and be put to shame before many people. If someone dreams that he was bleary-eyed, he will sin greatly but later repent. If someone dreams that although his sight was healthy he appeared to people to be blind, he will be considered unclean by the people, but he is pure before God. If someone dreams that he was bereft of some of his faculty of vision, he will suffer proportionately in his faith. If someone dreams that he treated his eyes because of disease and that the treatment worked, he will repent and embellish his wealth. If someone dreams that he put the medicine they call kochla in his eyes to remedy
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Ἐὰν ἴδῃ τις, ὅτι ἐφάνη μὲν τοῖς ἀνθρώποις ὡς μὴ βλέπων, αὐτὸς δὲ ἀπαθὴς μένει τὴν ὅρασιν, οὗτος εἰς μὲν τὸν λαὸν ἀκάθαρτος ὑπονοηθήσεται, εἰς δὲ θεὸν καθαρὸς ὑπάρχει. ὅσον ἴδῃ τις ὅτι ὑπελείφθη τοῦ φωτὸς αὐτοῦ κατ’ὄναρ, τοσοῦτον ἐμπαθὴς ἔσται περὶ τὴν πίστιν αὐτοῦ. ἐὰν ἴδῃ τις, ὅτι θεραπεύει τοὺς ὀφθαλμοὺς αὐτοῦ ἀπὸ νόσου καὶ ἐνεργεῖ, εἰς μετάγνωσιν ἥξει καὶ τὸν πλοῦτον αὐτοῦ κοσμήσει. ἐάν τις ἴδῃ. μετάγνωσιν ἥξει καὶ τὸν πλοῦτον αὐτοῦ κοσμήσει. ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι εἶδος τὸ λεγόμενον κόχλα ἐμβάλλει τοῖς ὀφθαλμοῖς αὐτοῦ πρὸς τὸ φανεῖσθαι φῶς ἐν ὀφθαλμοῖς, οὗτος κενόδοξος ἔσται. ἐὰν δέ τις ἴδῃ, ὅτι θεραπεύει τοὺς ὀφθαλμοὺς αὐτοῦ πρὸς τὸ ὁρᾶν λεπτότερον, οὗτος τὴν καρδίαν αὐτοῦ ἐν ἀληθείᾳ ἔχει πρὸς τὸν θεὸν καὶ τῶν ἐκεῖθεν φροντίζει. Ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι τυφλὸς μὲν αὐτὸς ὑπῆρξεν, ὁ δὲ λαὸς αὐτὸν ὡς βλέποντα πάντα λογίζεται, ἢ ἴδῃ, ὅτι τὸ φῶς αὐτοῦ ἔπαθεν, ὁ δὲ λαὸς ἀγνοεῖ τοῦτο, τούτου τὰ κρύφια ἔργα εἰς ἀπώλειαν γενήσεται τῆς ψυχῆς αὐτοῦ. Ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι ὀφθαλμὸν ἔσχεν ἐν τῇ καρδίᾳ αὐτοῦ καὶ βλέπει μετ’ αὐτοῦ, εἰ μέν ἐστι βασιλεύς, γεννήσει τέκνον συμβουλεῦον ὀρθοδόξως αὐτῷ·εἰ δέ ἐστι τοῦ κοινοῦ λαοῦ, εὑρήσει πλοῦτον καὶ δόξαν ἐξαίφνης. ἐὰν δὲ τοῦτο ἴδῃ γυνή, εἰς πλουσιώτερον ἄνδρα μεταβήσεται·εἰ δέ ἐστιν ἄγαμος, πλουσίῳ συζευχθήσεται.
Il est ici question du rêve lié à la cécité : le rapport avec la religion, la pureté et le péché est constant116, car, comme le dit Achmet, les yeux symbolisent la foi, la réputation et l’illumination de l’âme (Οἱ ὀφθαλμοὶ πίστις καὶ δόξα καὶ φῶς εἰσι τῆς ψυχῆς)117. Au début du texte, il est dit que, si l’homme a vu ses yeux chassieux, il péchera gravement, mais se repentira. L’utilisation du verbe ἐλημώθησαν118 s’explique par le substantif λήμη119, qui désigne les sécrétions du coin de l’œil, dans un cas d’inflammation.
his state of blindness, he will be conceited. If someone dreams that he treated his eyes to obtain clearer vision, he keeps his hearth in truth toward God and he is thoughtful of the world to come. If someone dreams that he was blind but that the people thought that he could see everything or if he dreams that his sight was bad and no one realizes this, his secret activities will cause the loss of his soul. If the king dreams that he had an eye in his heart with which he could see, he will beget a son who will advise him on orthodox matters; if a commoner dreams this, he will suddenly get wealth and honour; if a married woman, she will move on to a wealthier husband; if an unmarried woman, she will marry a rich man ». 116. Pour la même raison, les cils, les sourcils dans Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925, ch. 54) et le cou (ch. 66) signifient la fermeté de la foi. 117. Sur les yeux ou les oreilles, qui sont liés à la foi, à l’âme et au péché, on peut entendre les échos du Nouveau Testament (cf. Matt. 6, 22 ; Luc. 11, 34 ; Deutéronome 29, 4 et Épître aux Romains 11, 8). Pour l’association entre yeux et enfants, et donc avec la famille, cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 53, 18-19 ; Artemidori Onirocriticon (Pack 1963), I, 26 ; Man. 22, 517 Delatte (Cf. Delatte 1927, p. 511-524). Il y a pourtant une double symbolique des yeux, qui sont la foi et ce qui est le plus cher au rêveur. 118. Le verbe λημάω (être myope) se trouve attesté dans les textes littéraires (e.g. Aristophanes, Plutus, 581 et Nubes, 327) et médicaux (e.g. Hipp. Prorrheticon, II. 18. 2 Littré ; Paul., Epitomae medicae, III. 6. 16 Heiberg). 119. Cf. e.g. Hipp., De prisca medicina, 19, 6 Littré ; Gal., De usu partium, III. 808. 1 Kühn.
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Il est notable que, dans l’imagination onirique du texte, le sujet de la santé prend tout d’abord la forme générique du verbe θεραπεύω et devient ensuite une action précise, l’administration d’un produit médical, le κόχλα120. D’un côté, ce terme appartient au vocabulaire grec médiéval et se retrouve dans des textes du xie siècle121 ; d’un autre côté, il indique toujours l’héritage de la littérature du monde grec et romain, avec une correspondance seulement sémantique, puisque le terme désigne le produit στίμμι ou antimonium sulfide, documenté par Celse122, mais aussi de la tradition arabe, comme remède pour les yeux. Oberhelman explique que le terme a une racine arabe, car il dérive de l’arabe kuḥl et se lie également à un jeu de mots, puisque χολλαΐζω est en rapport avec στίβιζω (c’est-à-dire teindre avec de l’antimoine, teinture foncée) comme κόχλα est en rapport avec στίμμι123. Vers la fin de ce passage, Achmet parle d’ἀπώλειαν τῆς ψυχῆς : si l’apparence est soumise au regard des hommes, la qualité de la vision est soumise au regard de Dieu, d’où vient l’idée du secret, de ce que les hommes ne peuvent pas voir124. Dans les chapitres suivants, on retrouve la double symbolique des yeux, qui représentent la foi et aussi tout ce qui est le plus cher au rêveur. Médecine interne / liquides organiques Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ οὔρου125 Ἐάν τις ἴδῃ κατ’ ὄναρ, ὅτι πεπληρωμένος ὢν οὔρου ἐξούρησεν, ἐὰν ἔχῃ θλῖψιν τινὰ ἢ ἀγανάκτησιν, ἀποβαλεῖ αὐτήν·εἰ δὲ πλούσιος ᾖ ὁ τοῦτο ἰδών, ὑφελεῖ ἐκ τοῦ πλούτου αὐτοῦ ἐν ἐξόδῳ πορνείας ἀναλόγως τοῦ πλήθους τοῦ οὔρου. ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι οὔρησεν εἰς σκεῦος ὑέλινον, εἰ μέν ἐστι βασιλεύς, γυναῖκα ἄτιμον ἔγκυον ποιήσει ἐκ τοῦ ἰδίου 120. Ce terme, que Leo Tuscus traduit par « colorem dictum coclam », se trouve dans l’annexe des mots non attestés dans d’autres textes grecs, en Mavroudi 2002, p. 466-471. Cf. Koukoules 1926, p. 291. L’expression τὸ λεγόμενον κόχλα est omise par r (= editio a Rigault curata, 1603), B (= cod. Berol. gr. 171, sec. xvie), S (= cod. Vindob. Philos. et philol. gr. 162, sec. xive). 121. Cf. Basilica (5.2.25) écrit par Léon VI (886-912), déjà souligné par Drexl 1926, p. 240 et également dans une traduction grecque du xie siècle du De pestilentia de Al-Rāzi, publiée dans l’édition princeps de 1548 des Therapeutica d’Alexandre de Tralles (Alexandri Tralliani Medeci 1548, p. 255 et p. 258). 122. C’est-à-dire stimmi, antimonium sulphide, cf. Celse, 6, 6, 8, 12-13. Sur ce sujet, cf. Scheller 1967, p. 614. 123. Cf. Oberhelman 1991, p. 252 ; Bosworth 1976, p. 146 ; Mavroudi 2002, p. 63, n. 12-23 et p. 64, n. 20. 124. Comme le remarque déjà Vincent-Bernardi 2000, II, p. 60, on ne trouve pas d’équivalent dans les autres onirocritiques, sauf Manuel 5, 512 Delatte, qui associe la cécité et le secret. 125. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 45. Cf. Oberhelman 1991, p. 102-103 : « From the Indians concerning urine. If someone dreams that he urinated from a full bladder, if he has some affliction or sorrow, he will lose it; and if he is rich, he will take away from his wealth to pay for fornication in proportion to the amount of urine. If someone dreams that he urinated into a glass vessel, if he is the king, he will impregnate a dishonorable woman with his seed, and neither she nor the child will be sound because of the fragility of glass; if he is a commoner, he will sire a son through his own wife. If someone dreams that he urinated into a gold vessel, he will contract dysuria. If the vessel was painted stone, he will bury some of his money in the ground. If the vessel was silver, and if the dreamer is a female slave; if the dreamer is a commoner, he will rejoice together with his wife; if he is poor, he will make love to or marry a wealthy woman [for silver symbolizes woman] ».
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σπέρματος καὶ οὐ τελεσφορήσει τὸ ἐγκυμονηθὲν οὔτε αὐτὴ διὰ τὴν τοῦ ὑέλου σαθρότητα·εἰ δέ ἐστιν τοῦ κοινοῦ λαοῦ ὁ τοῦτο ἰδών, τεκνοποιήσει ἐκ τῆς ἰδίας γυναικός. ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι οὔρησεν ἐν σκεύει χρυσέῳ, οὗτος νόσημα νοσήσει δυσουρίας·ἐὰν δὲ ἐν σκεύει λιθίνῳ κεχρωσμένῳ, οὗτος ἐκ τοῦ οἰκείου πλούτου ἀποκρύψει ἐν τῇ γῇ· ἐὰν δὲ ἐν σκεύει ἀργυρέῳ, εἰ μὲν ᾖ βασιλεὺς ἢ τῶν μεγιστάνων, τῇ καλλίονι τῶν θεραπαινίδων αὐτοῦ συνουσιάσει· εἰ δέ τις ᾖ τοῦ κοινοῦ λαοῦ ὁ τοῦτο ἰδών, τοῦ συνουσιάσει· εἰ δέ τις ᾖ τοῦ κοινοῦ λαοῦ ὁ τοῦτο ἰδών, τῇ ἰδίᾳ γυναικὶ συνευφρανθήσεται·εἰ δὲ πτωχὸς τοῦτο ἴδῃ, γυναικὶ πλουσίᾳ ἢ φιλιάσει ἢ συζευχθήσεται.
Cette section sur l’urine n’apparaît pas dans les manuels alphabétiques126, mais on y trouve seulement une rapide allusion127. Parmi les différentes situations que le rêve permet de prévoir, Achmet parle notamment de la rétention urinaire (δυσουρία)128, dont la condition morbide est rendue encore plus évidente par la figure étymologique consonante du verbe et du nom juxtaposés (νόσημα νοσήσει δυσουρίας). Ce qui sort du corps, qu’il s’agisse d’une sécrétion naturelle ou d’une perte accidentelle, est une dépossession, puisque l’intérieur est possession ; donc, à l’inverse, l’ingestion des sécrétions ou des substances internes d’une autre personne129 est l’anticipation d’un enrichissement. Ainsi Achmet envisage-t-il le cas de quelqu’un se voyant uriner dans un vase de verre130 : s’il s’agit d’un roi, il engrossera de sa propre semence une femme indigne si bien que le fœtus ne parviendra pas au terme, tandis que la femme mourra en raison de la fragilité du verre ; selon Vincent-Bernardi, on peut y voir une référence à certains événements de l’époque131. On retrouve le jeu de mot récurrent132 avec le terme polysémique ἔξοδος, qui conduit à une perte et à une sortie, à une évacuation et à une dépense, ailleurs également désignée par ἀποβολή, ζήμια133. L’écoulement du liquide est analogue à
126. Les autres oneirocritica (attribués au prophète Daniel et aux patriarches Nicéphore et Germain) étaint des guides pratiques, rangées en ordre alphabétique et destinée à un public sans prétention érudite. Cf. Guidorizzi 1980 et Oberhelman 2008. 127. Cf. e.g. Artemidori Onirocriticon (Pack 1963), IV, 44. Sur cette singularité, Oberhelman 1991, p. 251, n. 83 : « There is a marked absence of mention of bodily functions, genitals, and intercourse in the other Byzantine dreambooks. Perhaps “Achmet” himself a Byzantine Christian, was able to deal with these matters because of the cover of his pseudonym ». Achmet se distingue aussi parce que, contrairement aux autres onirocritiques, il consacre un chapitre, le 141, aux purgatifs, qui sont associés à l’obligation de payer une amende, puisqu’ils imposent la contrainte physique de l’excrétion. 128. Cf. Ps. Gal., Def. med. XIX. 425. 12 Kühn : Δυσουρία ἐστὶ δυσχέρεια τοῦ οὐρεῖν μετὰ ὀδύνης, στραγγουρία δὲ ἡ κατὰ στράγγα οὔρησις (la dysurie est une difficulté à uriner avec douleur, la strangurie est une évacuation de l’urine goutte à goutte). 129. On introduit aussi dans le corps cervelle (Achmetis Oneirocriticon [Drexl 1925], ch. 39-40), chair (ch. 87-88), sang (ch. 103) urine et excréments (ch. 105). 130. Les récipients de verre sont toujours utilisés comme symboles de fragilité et donc de maladie. 131. Cf. Vincent-Bernardi 2000, II, p. 55 : « Peut-être s’agit-il d’une allusion aux déboires conjugaux de Léon VI et à la mort prématurée de sa deuxième épouse, sa maîtresse Zoé qu’il avait épousée en 898, après la mort de Théphano, et qui mourut, elle aussi, peu après, sans laisser d’héritier. À moins qu’il ne s’agisse de sa troisième femme Eudocie ». 132. Aussi e.g. dans Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 32, 33, 46-47. 133. Le jeu de mot inverse, qu’on trouve par exemple ibidem, à la fin du ch. 60, est avec εἴσοδον, qui signifie richesse, ce qui entre dans l’organisme.
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la dépense d’argent. On a en outre ici un déplacement sémantique du liquide urinaire vers le liquide séminal, à propos du cas du riche rêveur, qui peut en prélevant sur sa richesse faire une dépense liée à la prostitution, en proportion de la quantité d’urine (ὑφελεῖ ἐκ τοῦ πλούτου αὐτοῦ ἐν ἐξόδῳ πορνείας ἀναλόγως τοῦ πλήθους τοῦ οὔρου). L’urine représentant le liquide séminal134 est associée à l’idée de reproduction et de descendance135. On peut y voir un rapport avec la tradition médicale où la déperdition du sperme peut aussi signifier une déperdition de force vitale136. Plus précisément, Achmet parle, dans le chapitre 99, des testicules137, en disant qu’ils guident le sperme (τὰ αἰδοῖα ἀγωγός ἐστι τοῦ σπέρματος). Certains des rêves des chapitres 45-47 sont repris presque textuellement au chapitre 105, à une place plus logique selon la structure descendante du texte, où sont aussi évoqués les excréments138. Pathologie Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ λέπρας139 Ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι ἐλεπρώθη, εἰ μέν ἐστι βασιλεύς, εἰς φιλίαν γυναικὸς θεατρισθήσεται καὶ νέον ἱματισμὸν ἐπιτεχνάσεται καὶ ἐργάσεται, εἰ δὲ τοῦ κοινοῦ λαοῦ, εὑρήσει πλοῦτον δι’ ἐνδύσεως, εἰ δὲ γυνή, εὑρήσει ἔνδυσιν ἀπὸ πορνείας. ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι λεπρωθεὶς ἀπεβάλετο τὴν λέπραν, πλοῦτον ἱματισμῶν ἀποβαλεῖ ἐν μεταγνώσει καὶ ἀγαθὸν ὄνομα κτήσεται.
Il existe deux grands systèmes d’interprétation de la maladie : l’interprétation médicale, héritée des médecins antiques et arabes, et l’interprétation religieuse. La métaphorisation de la maladie est caractéristique du discours idéologique de
134. Cf. Drexl 1925, ch. 46 et 105. 135. Ce lien appartient à la tradition de toute l’onirocritique. Cf. Bottéro 1982, p. 5-18. 136. Cf. e.g. Oribase, Collectiones VI, 37.7.1-4 Raed. : ταῦτα ἀναλογιζομένῳ μοι μεγάλως φαίνεται βλάπτειν ἡ τοῦ σπέρματος ἐπίσχεσις, ἐφ’ ὧν αὐτό τε φύσει κακοχυμότερον καὶ πλεῖον, ἀργότερός τε ὁ βίος, καὶ τῶν ἀφροδισίων ἡ χρῆσις πρότερον μὲν ἱκανὴ πάνυ. Cf. DarembergBussemaker 1851, p. 539 : « En réfléchissant à ce fait, il me paraît que la rétention du sperme nuit considérablement aux individus forts et jeunes, chez qui le sperme est naturellement abondant et formé d’humeurs non entièrement irréprochables, qui mènent une vie tant soit peu oisive, qui usaient auparavant très-fréquemment du coït et qui tout d’un coup gardent ensuite la continence ». 137. Dans ce chapitre (99, 11) Achmet affirme aussi que ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι ἀπεβάλετο τὸν ἀριστερὸν ὄρχιν, θῆλυ οὐ μὴ τέξει, διότι ἐκεῖθεν ἡ θηλεῖα γονή. ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι τὸν δεξιὸν τῶν ὄρχεων ἀπεβάλετο, οὐκ ἀρρενογονήσει. Cf. Oberhelman 1991, p. 121 : « If someone dreams that he lost his left testicle, he will not beget a daughter : for the female seed is in that testicle ; if he dreams of losing his right testicle, he will not beget a son ». 138. Si, pour Artémidore (Pack II, 26, p. 133-134 et V, 38, p. 272), l’excrément est de mauvais présage, associé à l’illégalité, la réprobation est moins nette chez Achmet. 139. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 112. Cf. Oberhelman 1991, p. 126 : « From the Indians, Persians, and Egyptians concerning leprosy. If someone dreams that he was leprous, if he is the king, he will be ridiculed over his love of a woman, and he will strive to acquire new garments, which he will get; if a commoner, he will get wealth through clothing; if a woman, she will receive clothing from her fornication. If someone dreams that after being leprous he lost his leprosy, he will lose the richness of clothing amid repentance and gain a good name ».
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l’époque du Moyen Âge : la maladie et le péché y sont interchangeables, comme le sont aussi la guérison et la conversion140. Cette métaphorisation concerne surtout les maux ayant la plus forte charge symbolique, comme la peste et la lèpre. Les maladies relatives à la peau, c’est-à-dire consécutives aux blessures et à l’amaigrissement, sont en quelque sorte des modifications de l’apparence de l’individu. Or, chez les onirocritiques grecs et arabes, abcès, ulcères et éruptions sont associés à la richesse ; cependant, si chez eux ces affections évoquent considération et bonne renommée, Achmet en donne au contraire des interprétations négatives : déshonneur, dissimulation, ridiculisation, etc. La lèpre se distingue en raison d’une charge symbolique particulière, qui la lie aux péchés de la chair. À propos de cette pathologie, on remarque l’emploi du terme λέπρα, mais aussi, dans le chapitre 108, de λώβη, qui est une forme particulière de gale141, pelade ou ladrerie. En effet, la distinction est difficile à établir ; comme l’a dit Oberhelman, « there must be a difference between lepra and lobe. Peraphs the former is leprosory, the other elephantiasis, or tubercular vs anesthetic leprosy. The ancient were very imprecise about skin disease and classified almost all skin disorders under the category of leprosy. In the Old Testament, even mold in a house was called leprosy »142. Pour mieux faire comprendre le sens de ce dernier mot, Achmet utilise, comme on l’a déjà souligné, des expressions doubles, classiques et populaires, séparées par ἤτοι : περὶ λωβῶν ἤτοι κελεφῶν143. Mais, comme le souligne Vincent-Bernardi, « le terme n’éclaire guère, car il est rarement attesté. Il a été rapproché de κελυφός (ms. r), terme qui désigne toutes les écailles ou carapace : il s’agirait alors des affections desquamant la peau et lui donnant l’apparence d’écailles de poisson »144. Thérapeutique / cosmétique Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ σικυάσεως καὶ φλεβοτομίας145 Ἐὰν ἴδῃ τις, ὅτι ἐσικυάσθη, εἰ μέν ἐστιν ὁ σικυάσας ἀγνώριστος, γραφήσεται παρά τινος κατὰ τοῦ σικυασθέντος χάρτης στοιχημάτων βαρέων καταπίστευσις καί, ὅσον ἀφῃρέθη τοῦ αἵματος, τοσοῦτον ὑφείλεται ἐκ τοῦ λογαρίου αὐτοῦ· εἰ δὲ γνώριμός ἐστιν ὁ σικυάσας, τὴν αὐτὴν κρίσιν καὶ λύσιν ὑποστήσεται ὁ σικυασθεὶς ἢ παρὰ τοῦ ὁραθέντος ἢ παρ’ ἑτέρου ὁμοίως γνωρίμου. 140. Cf. Raban Maur, qui classe les maladies selon une liste de péchés, où « lepra est doctrina hereticorum falsa atque varia », Id., De Universo, XVIII, cap. V, De medicina, dans P.L. (111), col. 501-502. 141. Galien, XIV, 757 Kühn. 142. Cf. Oberhelman 1991, p. 257, n. 235. 143. Pour ce sens de κελεφός, cf. Apopht. Patr., 65, 116C. 144. Cf. Vincent-Bernardi 2000, II, p. 99, n. 447. 145. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 32. Cf. Oberhelman 1991, p. 98 : « From the Indians concerning cupping and phlebotomy. If someone dreams that he was cupped by stranger, someone will draw up against the dreamer a surety contract that will contain oppressive stipulations; and however much blood was removed from him will be how much will be taken from his ready cash. If the cupper was an acquaintance, the interpretation and result of the dream will be the same, except that this will occur at the hands of this or some other friend. If someone dreams that he cupped some acquaintance, should he be involved in a terrible struggle with that man, the dreamer will win and profit from him; should he only hate him, he will have no fear of than he, that man is an enemy, but the dreamer will trample him underfoot and take away his property. If he dreams that he
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Ἐὰν δὲ ἴδῃ τις, ὅτι ἐσικύασεν ἕτερον γνώριμον, εἰ μὲν ἔχει συμπλοκὴν ἔμφοβον μετ’ αὐτοῦ, νικήσει αὐτὸν καὶ κερδήσει ἐξ αὐτοῦ·εἰ δὲ ἔχει ἔχθραν μετ’ αὐτοῦ, ἄφοβος γενήσεται ἐξ αὐτοῦ. εἰ δέ ἐστιν ἀγνώριστος καὶ ὁ σικυασθείς ἐστι νεώτερος, οὗτος ἐχθρὸς αὐτοῦ ἐστιν καὶ τοῦτον ὁ ἰδὼν καταπατήσει καὶ τὴν ὕπαρξιν αὐτοῦ ἀφελεῖται. ἐὰν δὲ ἴδῃ, ὅτι παρὰ γέροντος ἐσικυάσθη ἢ ἐσικύασε γέροντα, ὁ γέρων ἔσται ἡ τύχη γέροντος ἐσικυάσθη ἢ ἐσικύασε γέροντα, ὁ γέρων ἔσται ἡ τύχη τοῦ ἰδόντος·καὶ εἰ μὲν ἐσικύασε τὸν γέροντα, ἔσται κεκυρωμένη ἡ τύχη αὐτοῦ ἐπὶ καλῷ, εἰ δὲ ἐσικυάσθη παρὰ τοῦ γέροντος, δυστυχὴς ἔσται ὁ ἰδὼν ταῦτα. Ἐάν τις ἴδῃ, ὅτι παρά τινος ἐφλεβοτομήθη διὰ νόσον ἢ διὰ θεραπείαν σώματος, εἰς ἔξοδον μεγάλην ἐλεύσεται τοῦ λογαρίου αὐτοῦ ἀναλόγως τοῦ αἵματος καὶ δι’αὐτῆς τῆς ἐξόδου εὑρήσει μισθὸν ψυχῆς. εἰ δὲ ἴδῃ, ὅτι ἕτερον ἐφλεβοτόμησε γνώριμον, ἀπὸ κρίσεως νομίμης τὸν πλοῦτον τοῦ φλεβοτομηθέντος ἀποκερδήσει· εἰ δέ ἐστιν ἀγνώριστος ὁ φλεβοτομηθεὶς καί ἐστι νεώτερος, ἐχθρὸν αὐτοῦ καταπατήσει ὁ φλεβοτομήσας καὶ τὸ πλέον τῆς ὑποστάσεως αὐτοῦ ἀποκερδήσει.
Le mot au nominatif χάρτης, au début de ce texte et puis le nom στοίχημα signifient une stipulation, mais aussi un dépôt sur les biens du rêveur, une caution. Dans ce passage, comme dans le reste de l’ouvrage, le sang est le moyen d’existence, et aussi l’âme, le principe vital146. En effet, il est dit que rêver d’une saignée signifie une importante sortie d’argent, proportionnelle à la quantité de sang perdu, cette dépense étant destinée à obtenir le salut de son âme (εἰς ἔξοδον μεγάλην ἐλεύσεται τοῦ λογαρίου αὐτοῦ ἀναλόγως τοῦ αἵματος καὶ δι’ αὐτῆς τῆς ἐξόδου εὑρήσει μισθὸν ψυχῆς). Ici λογάριον désigne l’argent liquide et ἐξόδος, par un jeu de mots, signifie soit sortie, écoulement de liquide, soit sortie d’argent. Parmi les différentes images de phlébotomie, il y a également l’hypothèse explicite du traitement thérapeutique (ἐφλεβοτομήθη διὰ νόσον ἢ διὰ θεραπείαν σώματος). L’ὑπόστασις, qu’on trouve à la fin, confirme l’utilisation continue des jeux de mots polysémiques : ce terme désigne les biens qui assurent l’existence, mais aussi, selon le vocabulaire médical, les dépôts et le sang coagulé. Le lieu de la saignée indiqué dans le chapitre suivant est vraisemblablement une veine du cou, ou, comme le dit Oberhelman « from the carotid vessel where the phlebotomy would have been performed »147. Dans le chapitre suivant et le chapitre 104148, il est dit explicitement que le sang signifie puissance et que, s’il s’écoule de la tête, il représente une richesse provenant d’en haut. cupped, or was cupped by, an old man, his fate will be destined for goodness; but if he was cupped, he will be unlucky. If someone dreams that he received a phlebotomy from somebody because of illness or as a medical treatment for his body, he will come into a large payment of hard cash that will be proportionate to the amount of blood, and through this payment, he will find spiritual reward. If he dreams that he performed a phlebotomy on some friend, he will profit from that person’s wealth through a legal decision; if he performed one on a stranger who is younger than he, the dreamer will trample down his enemy and seize the greater part of his property ». 146. Cf. Lévitique XVII, 10-15 ; Deutéronome XII, 23. 147. Cf. Oberhelman 1991, p. 250. 148. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 33, 3-4 : ὥσπερ αἱ τρίχες δύναμιν καὶ πλοῦτον τοῦ ἀνθρώπου σημαίνουσιν, οὕτως καὶ τὸ αἷμα et ibidem, ch. 104, 3 : Τὸ αἷμα δύναμις καὶ ζωὴ τοῦ ἀνθρώπου ἐστίν. Cf. Oberhelman 1991, p. 98 : « blood, like hairs, signifies a person’s wealth and power » et ibidem, p. 123 : « Blood represents a person’s life and power ».
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3. conclusions : aux fRontièREs dE la psychosomatiquE A. L’interprétation des rêves : une nouvelle source historique-médicale Après ces observations, nous pouvons conclure que, pour ce qui concerne la médecine, la lecture d’un texte qui n’est pas à proprement parler médical comme l’Oneirocriticon peut être précieuse et utile. Ces rêves n’apportent pas de nouvelles informations sur les conceptions anatomiques ou les connaissances médicales du monde byzantin, mais ils fournissent des éclairages sur la représentation commune et sur le lexique. Le mouvement descendant reproduit les degrés de la pyramide sociale ; de plus, le déplacement de l’intérieur vers l’extérieur indique l’opposition entre les univers privé et public149. Ce n’est pas sur l’état de santé qu’on a des renseignements, mais sur la situation et les relations structurant la société byzantine. En vérité, le rêve n’existe socialement que parce qu’il devient un récit qui appartient non seulement à un individu, mais à un groupe social qui le reçoit, le transmet, l’adapte à ses valeurs et au cadre des croyances150. La libre circulation des représentations et l’associativité, qui va de pair avec elle, reflète l’accumulation des formations représentatives au cours de l’histoire de l’individu, jusqu’à l’époque byzantine. Les représentations rappellent des réalités vécues et donc nous ouvrent la voie, au delà de leur contenu manifeste, vers la découverte de leur contenu latent, de leur signification réelle. Nous avons ainsi, à travers les rêves, une sorte de miroir de la société, en particulier d’un univers essentiellement masculin, hiérarchisé, pyramidal et rigide, où apparaissent quatre catégories : le Basileus, les princes, grands fonctionnaires et dignitaires151, les indigents et enfin les esclaves, qui suivent ou précèdent les femmes152. Achmet ne parle jamais directement de l’empereur, mais d’un chef de peuple indéterminé, qui, bien qu’honoré par un pouvoir divin, n’est épargné ni par les problèmes politiques ni par les querelles de succession, lorsqu’il affirme sa puissance et se défend en cas de complot ou d’usurpation153. Le bon roi est nourricier de son peuple, lequel est représenté par des vers qui grouillent dans son ventre154. Mais, pour les gens du peuple, les problèmes sont bien différents : prospérité ou déclin, amendes, sorties d’argent155. Aussi dans le microcosme de la vie des gens ordinaires, il y a une structure hiérarchique représentée par le corps, où la tête est le maître de la maison, où les bras sont le frère et le fils adulte, où les cuisses sont la parenté, etc.
149. Cf. Vincent-Bernardi 2000, I, p. 170, 202-233. 150. Cf. Schmitt 2001, p. 295-315. 151. Ils sont désignés avec les termes μεγιστᾶνες, qui se trouvent e.g. dans la Septante, Zach. II, 2, 2, le Nouveau Testament, Apoc. Joan. VI, 15, 2 Cf. aussi Dragon 1984, p. 71. 152. Contrairement à Artémidore, Achmet interprète les rêves en fonction de la condition sociale et non de la profession. 153. Cf. Timotin 2012, p. 5-20. 154. Cf. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 85, 20. Pour ἐξουσιασταί et le vocabulaire du pouvoir au xe siècle, cf. Simeonova 1993, 1, p. 89-94. 155. Cf. e.g. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 22, 104, 106, 118 etc.
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En dernière position, à côté des pauvres et des esclaves156, on trouve les femmes et les enfants157, ainsi que les anachorètes158, qui sont des êtres dépendants d’un chef, ne possédant rien et ne pouvant rêver que d’une amélioration de leur sort159. Ce texte établit un contact avec le monde intérieur de l’homme et nous ouvre une porte sur le monde invisible des personnes ordinaires, qui n’ont pas laissé d’autres traces tangibles dans la littérature médicale. Le rêve s’inscrit au carrefour de la nature et de la culture, les impulsions qui le causent sont réglées par les lois universelles qui président au fonctionnement de la psyché, tandis que les images oniriques puisent dans un patrimoine d’expériences produites par la mémoire collective d’une société : ils sont des fragments d’histoire, de symboles, d’idées qui viennent du monde extérieur au rêveur et ils forment les impulsions à partir desquelles le cerveau humain produit le travail onirique160. Si les rêves contribuent à modeler l’identité, soit individuelle soit collective161, l’image de la société reproduite par Achmet permet de s’approcher de la médecine connue des personnes ordinaires, profanes, à travers le vocabulaire et les idées d’une période intellectuellement animée par les riches contacts avec la tradition arabe. Mais les rêves, comme le note Cox Miller, ne doivent pas être inscrits dans une structure binaire qui opposerait logique et illogique, mais dans la sphère de l’imagination162. Le langage médical utilisé est alors le code de l’imagination collective pour exprimer symboliquement les diverses conditions de la vie, comme la santé, le travail, les mariages, les guerres. C’est sur ce dernier point que notre intérêt a été focalisé, en essayant de donner une voix aux profanes de l’art médical, une voix à la médecine racontée, vécue et réinterprétée par les personnes dans une projection symbolique.
156. Les esclaves sont représentés dans les rêves de leurs maîtres comme les mains (Achmetis Oneirocriticon [Drexl 1925], ch. 73), les jambes et les pieds (ch. 189), ce qui est indispensable pour la vie matérielle des puissants. Pour les esclaves, la tête symbolise le maître et les rêves de décapitation annoncent l’émancipation (ch. 120). 157. Les femmes sont toujours dans la dépendance du père ou du mari et restent dans la sphère familiale ; les sources de joie pour elles sont la beauté, le mari et les enfants (Achmetis Oneirocriticon [Drexl 1925], ch. 53, 15-16). Deux passages du ch. 128 (Ibidem) décrivent des rêves féminins, qui parlent de vêtements et de bijoux en rapport avec la naissance d’un garçon ou d’une fille. L’image de la femme est souvent associée, selon un point de vue masculin et misogyne, à la trahison, à l’adultère, à la prostitution. 158. Les anachorètes apparaissent quatre fois (Ibidem, ch. 127, 11 ; 142, 9 ; 208, 6), presque toujours positivement, alors que les moines apparaissent fugitivement (Ibidem, ch. 11 et 30). 159. Les πτωχοί, dans les chapitres consacrés aux cheveux ou à la barbe (Achmetis Oneirocriticon [Drexl 1925], ch. 18, 15 ; 34, 6-7 ; 43, 5), se rêvent chauves ou rasés, pour n’avoir rien d’autre à perdre. 160. Cf. Guidorizzi 2013, p. 203. 161. Cf. Ibidem, p. 19. 162. Cf. Cox Miller 2004, p. 165.
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B. Une clé moderne d’interprétation : la psychosomatique et le choix de la médecine comme langage intérieur « Un récit de rêve est pour moi un peu comme un coquillage qu’on porte à son oreille pour y entendre le bruit de l’humanité163 ».
La lecture de l’Oneirocriticon d’Achmet permet de trouver des traces d’une conception du rêve susceptible d’une double possibilité d’interaction psychosomatique : d’une part, l’interaction avec le corps, quand le rêve interagit avec le corps et communique les états futurs de la maladie, c’est-à-dire un rêve pronostique présageant que, si la personne rêve quelque chose, elle pourra en voir résulter un certain effet, par exemple tomber malade, mourir, courir des risques ; d’autre part, l’interaction à travers le corps, quand le rêve parle à travers le langage du corps, de la santé, de la médecine. La spécificité de la psychosomatique est représentée par les connections structurelles et temporelles entre pensée symbolique et corps biologique, qui obéissent aux conditions générales nécessaires à la vie individuelle164. L’étude des imbrications du fonctionnement mental et du fonctionnement somatique, au cours de l’évolution individuelle, constitue l’objet même de la recherche psychosomatique165. Sami Ali a élaboré une théorie métapsychologique du corps, dans sa double référence réelle et imaginaire, qui aboutit à une conception de la pathologie générale166. La dimension du rêve représente un point de jonction à la fois entre des éléments organiques, corporels et rythmiques, et des éléments imaginaires, d’où vient l’idée de l’utiliser pour établir un pont entre les dimensions psychiques et les perspectives médicales167.
163. Cady 2010, p. 14-15. 164. Cf. Trombini, Baldoni 1999, p. 11-22. 165. Cf. Loriod, Marty 1986, p. 143-204. Le père de la psychosomatique est normalement identifiable en G. Groddeck (1866-1934), qui, dans son livre de 1913, Nasamecu (Natura Sanat, Medicus Curat) développe l’idée du « Ça », comme principe vital universel et unificateur animé d’une force symbolisant, un message codé qui obéit aux mêmes lois que le rêve. Selon lui, toutes les fois que le « Ça » ne parvient pas à la satisfaction libidinale en raison d’une censure trop sévère, il se manifeste soit sous la forme d’un rêve, soit sous la forme d’un symptôme. C’est en 1913, avec l’Ontogenèse des symboles, que Ferenczi définit le symbole au sens psychanalytique du terme et les rêves, les fantasmes, les mythes comme phénomènes symboliques fonctionnels, qui représentent indépendamment de leur contenu le mode de fonctionnement de l’appareil psychique. L’un des premiers membres de la Société psychanalytique à envisager le traitement psychanalytique des atteintes organiques fut Félix Deutsch (1894-1963) en 1926, auteur de plusieurs ouvrages, comme Associative anamnesis (1939), The Clinical Interview (1954) et Body, Mind and Sensory Gateway (1926). L’école de psychosomatique de Paris est créée après le XXIIe Congrès des psychanalystes de langues romanes (1962), où Ch. David et M. Fain ont présenté un mémoire sur les « Aspect fonctionnels de la vie onirique » et P. Marty et M. D’Uzan une communication sur « La pensée opératoire ». En particulier, la théorie psychosomatique de Pierre Marty (1918-1993) constitue le premier Corpus doctrinal définissant un ordre psychosomatique. Cf. Kamieniecki 1994, p. 67-91. 166. Cf. Sami Ali 1990, p. 7-31 ; 1984 ; 1986 ; 2004. 167. Sami-Ali 2010, p. 1-7.
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On envisagera en conclusion la possibilité de lire le texte à travers le prisme de la psychosomatique168, car les facteurs émotionnels influencent tous les processus physiologiques du sommeil et du rêve par l’intermédiaire des voies nerveuses et humorales. Le but c’est d’établir des correspondances entre le langage ou les images utilisés et la personnalité du rêveur, entre certaines réponses psychologiques aux émotions et les réponses concomitantes du système végétatif et du système nerveux central. En vérité, l’influence des situations émotionnelles et les facteurs psychiques peuvent être pris en compte comme les facteurs physiologiques. La considération des facteurs étiologiques psychodynamiques du rêve implique une possible démarche méthodologique pour toute recherche sur les textes d’onirocritique : c’est l’observation de la psychogenèse du rêve. On peut emprunter alors le terme de mentalisation, utilisé en psychosomatique pour désigner l’ensemble des opérations symboliques par lesquelles l’appareil psychique assure la régulation des énergies instinctuelles ou pulsionnelles : ici, ce terme désignera la reprise symbolique des termes et concepts médicaux. La notion de mentalisation se réfère aux représentations, aux images psychiques, ainsi qu’à leur dynamisme169. Sur un texte tel que celui de Achmet, on peut procéder à une interprétation comparée de la théorie biologique et de la théorie psychanalytique du rêve, ainsi qu’à l’analyse littérale et philologique. L’ordre psychosomatique joue un rôle important dans l’élaboration d’une approche intégrée et autorise une réévaluation de la sémantique onirique. Aborder le problème de l’interprétation du texte d’Achmet ne signifie pas seulement comprendre la valeur du langage symbolique, mais aussi s’interroger sur le choix de ce langage symbolique et donc aborder la question par des voies et dans des perspectives conceptuelles différentes. Si, au premier niveau d’interprétation, la prépondérance de la médecine et des images liées au corps et à sa guérison nous parle de l’ordre social, par une analyse plus approfondie, elle confirme la pensée récurrente en matière de santé universelle. Le recours aux doctrines, plus ou moins explicites (comme à propos de la fonction du foie ou du cœur)170, aux traitements médicaux spécifiques (comme le κόχλα)171 montre la grande diffusion des connaissances médicales, qui, bien que toujours exprimées sous la forme de connaissances communes, peu spécialisées et guère détaillées, appartiennent à un lexique collectif, qui peut être transformé et trouver une nouvelle fonction de langage onirique ou intérieur172. 168. Sur le rapport entre psychoanalyse et littérature d’interprétation des rêves, cf. Galatariotou 2014, p. 221-232. 169. Cette notion a été mise au point dans les années 70-75. Les dimensions de l’appareil mental intéressées concernent la quantité et la qualité des représentations psychiques des individus, qui permettent les associations d’idées, les pensées, la réflexion intérieure et, la nuit, fournissent les éléments des rêves. Cf. Marty 2013, p. 13-30. 170. Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 83 et 84. 171. Ibidem, ch. 52. 172. Ce concept est étudié vers la fin du xixe siècle, quand le philosophe Egger (1881) consacre un livre à la parole intérieure, tandis que G. Saint-Paul fait du langage intérieur l’objet de trois ouvrages publiés en 1892, 1904 et 1912. Il situe ses recherches dans l’orbite de ce qu’il appelle une cérébrologie ou science du cerveau, ainsi que d’une psychologie physiologique, dont il revendique résolument de mélanger les genres et les langages.
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On a donc essayé de démontrer, grâce à l’introduction initiale sur le mécanisme du rêve, que, si un registre linguistique pénètre dans la vie onirique, cela reflète de forts contenus expérientiels dans la vie diurne. Même si cette médecine des rêves n’apporte aucune information nouvelle pour notre connaissance de cette époque, toutefois elle témoigne d’une ample diffusion des connaissances médicales dans toutes les couches de la société. La médecine paraît être devenue si courante dans la réalité qu’elle est désormais entrée dans la dimension onirique : en fait les personnes rêvent et imaginent, outre les parties du corps, également les maladies et les thérapies, toujours avec des valeurs symboliques. Cette recherche aux perspectives multiples permet alors d’envisager une épistémologie englobant les connaissances médicales parvenues au niveau de l’expérience collective. Le rêve utilise en effet l’alphabet de l’inconscient, mais la syntaxe de la vie consciente173 et pour cela il est important de réfléchir sur le lexique employé, mais aussi sur le mécanisme qui permet de puiser dans ce grand vocabulaire collectif. Dans l’Antiquité grecque174, le rêve est le seul miroir de l’esprit humain que nous avons, un journal intime du subconscient, qu’on doit déchiffrer avec les clés des interprétations données par la contextualisation géographique, politique et socioculturelle de l’époque. Pour conclure, notre étude n’a pas montré, à travers le contenu des rêves, d’innovations dans les connaissances médicales, mais nous espérons avoir levé un peu le voile sur le niveau du savoir scientifique commun de la société de l’époque, sur la vie psychique collective enracinée dans le rêve. Les rêves constituent un labyrinthe dans lequel il faut avancer avec circonspection, mais ils forment aussi une espèce d’archipel de l’esprit175. Le résultat est un cadre peut-être moins détaillé et systématique, mais plus vivant et authentique, que celui livré par la médecine officielle pratiquée et connue à l’époque : la médecine arrivée à nous par la voie des rêves.
On voit s’orchestrer ici des positions incompatibles : Egger situe sa recherche dans la tradition d’une psychologie réflexive et relie la question de la parole intérieure à une histoire philosophique et culturelle dont il se présente comme l’héritier critique ; Saint-Paul ne reconnaît en fait d’histoire qu’une médecine rétrospective qui se donnerait le droit de diagnostiquer les grands hommes du passé selon leurs types cérébraux. Cf. à ce propos Carroy 2001, p. 48-56. 173. Cf. Guidorizzi 2013, p. 32. 174. Sur le rêve comme phénomène culturel du monde gréco-romain cf. Dodds 1959 ; Guidorizzi 1988 ; Brillante 1991 ; Bettini 2009. 175. Cf. Guidorizzi 2013, p. 28.
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ANNEXES Tableau 1 médEcinE intERnE / liquidEs oRganiquEs176
pathologiE177
μεʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ οὔρου
πεʹ. Ἰνδῶν περὶ τῶν ἐν κοιλίᾳ σκωλήκων μζʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ πϛʹ. Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ Αἰγυπτίων ὁμοφώνως περὶ οὔρου σκωλήκων οηʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ κοιλίας ρϛʹ. Ἰνδῶν περὶ πληγῶν καὶ τραυμάτων οθʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ ρζʹ. Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ Αἰγυπτίων περὶ κοιλίας πληγῶν καὶ τραυμάτων πγʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ἐγκάτων ρηʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ λωβῶν καὶ τῆς τῶν μελῶν ὕλης ἤτοι κελεφῶν πδʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ ἐγκάτων καὶ σπλάγχνων ργʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ αἵματος καὶ ἕλκους ρδʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ αἵματος καὶ ἕλκους. ρεʹ. Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ κόπρου καὶ οὔρου
ρθʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ λωβῶν ἤτοι κελεφῶν ριβʹ. Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ λέπρας ριεʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ λειποσωμασίας ἤτοι ἰσχνάνσεως
théRapEutiquE / cosmétiquE178
κγʹ. Ἐκ τοῦ λόγου τῶν Ἰνδῶν περὶ ἀλοιφῆς κδʹ. Ἐκ τοῦ λόγου τῶν Περσῶν περὶ ἀλείψεως κεʹ. Ἐκ τῶν Αἰγυπτίων περὶ ἀλείψεως κϛʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ μόσχου καὶ συνθέτου εὐοσμίας κζʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ μόσχου καὶ συνθέτου εὐοσμίας λβʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ σικυάσεως καὶ φλεβοτομίας λγʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ φλεβοτομίας ρλζʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ἐμέτων ρληʹ. Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ ἐμέτων179 ρμʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ καθαρτηρίου ρμαʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ καθαρτηρίου
176. Pour la traduction des titres cf. Oberhelman 1991: « 45. From the Indians concerning urine (p. 102) ; 47. From the Persians and Egyptians concerning urine (p. 103) ; 78. From the Indians concerning the stomach (p. 114) ; 79. From the Persians and Egyptians concerning the stomach (p. 115) ; 83. From the Indians concerning the guts and the internal organs (p. 116) ; 84. From the Persians and Egyptians concerning the guts and the internal organs (p. 116) ; 103 From the Indians concerning blood and sores (p. 122) ; 104. From the Persians and Egyptians concerning blood and wounds (p. 123) ; 105. From the Indians, Persians, and Egyptians concerning feces and urine (p. 123) ». 177. Cf. Oberhelman 1991: « 85. From the Indians concerning worms in the stomach (p. 117) ; 86. From the Persians and Egyptians concerning worms (p. 117) ; 106. From the Indians concerning blows and wounds (p. 124) ; 107. From the Persians and Egyptians concerning blows and wounds (p. 125) ; 108. From the Indians concerning leprosy (p. 125) ; 109. From the Persians and Egyptians concerning leprosy (p. 125) ; 112. From the Indians, Persians, and Egyptians concerning leprosy (p. 126) ; 115. From the Indians, Persians, and Egyptians concerning bodily slimness (p. 127) ». 178. Pour la traduction des titres cf. Oberhelman 1991: « 23. From the Indians concerning anointing (p. 96) ; 24. From the Persians concerning anointing (p. 96) ; From the Egyptians concerning anointing (p. 96) ; 26. From the Indians concerning musk and synthetic perfumes (p. 96) ; From the Persians and Egyptians concerning synthetic perfumes (p. 97) ; 32. From the Indians concerning cupping and phlebotomy (p. 98) ; 33. From the Persians and Egyptians concerning phlebotomy (p. 98) ; 137. From the Indians concerning emesis (p. 143) ; 138. From the Persians and Egyptians concerning emesis (p. 143) ; 140. From the Indians concerning purgatives (p. 144) ; 141. From the Persians and Egyptians concerning purgatives (p. 144) ». 179. Sur le même sujet, ibidem, ch. 139 : Ἐρώτημα. Cf. Oberhelman 1991, p. 143 : « A consultation ».
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Tableau 2
Anatomie
ιηʹ Ἐκ τοῦ λόγου τῶν Ἰνδῶν περὶ τῆς σημασίας τῶν τριχῶν. καʹ. Ἐκ τοῦ λόγου τῶν Περσῶν περὶ τριχῶν σημασίας κβʹ. Ἐκ τοῦ λόγου τῶν Αἰγυπτίων περὶ τριχῶν σημασίας μαʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ τριχῶν ὑπήνης καὶ μασχαλῶν καὶ ἥβης μβʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ τριχῶν ὑπήνης καὶ μασχαλῶν καὶ ἥβης μγʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ τριχῶν τοῦ λοιποῦ σώματος μδʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων ὁμοφώνως περὶ τριχῶν τοῦ λοιποῦ σώματος180 μηʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ὤτων μθʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων ὁμοφώνως περὶ ὤτων νʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ φωνῆς ναʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ φωνῆς ὁμοφώνως νβʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ὀφθαλμῶν νγʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ ὀφθαλμῶν νδʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ βλεφάρων καὶ ὀφρύων νεʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ βλεφάρων καὶ ὀφρύων νϛʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ μετώπου καὶ ῥινός νζʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ μετώπου καὶ ῥινός νηʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ παρειῶν καὶ μηνίγγων καὶ στόματος νθʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ παρειῶν καὶ μηνίγγων καὶ στόματος ξʹ. Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ ὀδόντων ὁμοφώνως ξαʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ ὀδόντων ὁμοφώνως ξβʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ γλώσσης ξγʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ γλώσσης ξδʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ κυνοδόντων ξεʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ τῶν ἄνω καὶ κάτω ἐνδοτέρων ὀδόντων ξϛʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ τραχήλου ξζʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ τραχήλου ξηʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ τῶν ἐν τοῖς ὤμοις κατακλείδων ξθʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων ὁμοφώνως περὶ κατακλείδων οʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ βραχιόνων καὶ τῶν κνημῶν αὐτῶν οαʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ βραχιόνων οβʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ χειρῶν ογʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ χειρῶν οδʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ὀνύχων οεʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων ὁμοφώνως περὶ ὀνύχων οϛʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ στηθῶν οζʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων ὁμοφώνως περὶ στηθῶν πʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων ὁμοφώνως περὶ μασθῶν παʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ὠμοπλάτων πβʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ ὠμοπλάτων πζʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ τῆς ὅλης σαρκὸς τοῦ ἀνθρώπου πηʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ σαρκός ϟαʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ πλευρῶν ϟβʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ πλευρῶν ϟγʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ ἰσχίων ϟδʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ ἰσχίων ϟεʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ καυλοῦ181 ϟζʹ. Ἐκ τῶν Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ καυλοῦ ϟηʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ αἰδοίων
180. Sur le même sujet, Achmetis Oneirocriticon (Drexl 1925), ch. 46 : Περὶ ὁράματος τοῦ πρωτοσυμβούλου Μαμοῦν. Cf. Oberhelman 1991, p. 103 : « A dream of the caliph Mámún ». 181. Sur le même sujet, ibidem, ch. 96 : Ἐρώτημα. Cf. Oberhelman 1991, p. 120 : « A consultation ».
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ϟθʹ. Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ αἰδοίων ρʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ μηρῶν ραʹ. Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ μηρῶν ὁμοίως ρβʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν, Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ γονάτων ριϛʹ. Ἐκ τῶν Ἰνδῶν περὶ σκελῶν καὶ ποδῶν ριζʹ. Περσῶν καὶ Αἰγυπτίων περὶ σκελῶν καὶ ποδῶν
Voir les traductions des titres en note182.
182. Cf. Oberhelman 1991: « 18. From the Indians concerning the significance of hair (p. 94) ; 21. From the Persians concerning the significance of hair (p. 95) ; 22. From the Egyptians concerning the significance of hair (p. 95) ; 41. From the Indians concerning moustaches, armpit hairs, and pubic hairs (p. 101) ; 42 From the Persians and Egyptians concerning moustaches, armpit hairs, and pubic hairs (p. 101) ; 43. From the Indians concerning the rest of the bodily hairs (p. 102) ; 44. From the Persians and Egyptians concerning the rest of the bodily hairs (p. 102) ; 48. From the Indians concerning the ears (p. 104) ; 49. From the Persians and Egyptians likewise concerning the ears (p. 104) ; 50. From the Indians concerning the voice (p. 104) ; 51. From the Persians and Egyptians likewise concerning the voice (p. 105) ; 52. From the Indians concerning the eyes (p. 105) ; 53. From the Persians and Egyptians concerning the eyes (p. 106) ; 54. From the Indians concerning the eyelids and eyebrows (p. 106) ; 55. From the Persians and Egyptians concerning the eyelids and eyebrows (p. 106) ; 56. From the Indians concerning the forehead and nose (p. 107) ; 57. From the Persians and Egyptians concerning the forehead and nose (p. 107) ; 58. From the Indians concerning the cheeks, temples, and mouth (p. 107) ; 59. From the Persians and Egyptians concerning concerning the cheeks, temples, and mouth (p. 108) ; 60. From the Indians, Persians, and Egyptians in common concerning teeth (p. 108) ; 61. From the Indians, Persians, and Egyptians in common concerning teeth (p. 108) ; 62. From the Indians concerning the tongue (p. 109) ; 63. From the Persians and Egyptians concerning the tongue (p. 109) ; 64. From the Indians, Persians, and Egyptians concerning the canine teeth (p. 109-110) ; 65. From the Indians, Persians, and Egyptians concerning the molars (p. 110) ; 66. From the Indians concerning the neck (p. 110) ; 67. From the Persians and Egyptians concerning the neck (p. 111) ; 68. From the Indians concerning the clavicular regions (p. 111) ; 69. From the Persians and Egyptians concerning the clavicular regions (p. 111-112) ; 70. From the Indians concerning the arms and their muscles (p. 112) ; 71. From the Persians and Egyptians concerning the arms (p. 112) ; 72. From the Indians concerning the hands (p. 112) ; 73. From the Persians and Egyptians concerning the hands (p. 113) ; 74. From the Indians concerning the nails (p. 113) ; 75. From the Persians and Egyptians concerning the nails (p. 114) ; 76. From the Indians concerning the chest (p. 114) ; 77. From the Persinas and Egyptians likewise concerning the chest (p. 114) ; 80. From the Indians, Persians, and Egyptians in common concerning breasts (p. 115) ; 81. From the Indians concerning the scapulae (p. 115) ; 82. From the Persians and Egyptians concerning the scapulae (p. 116) ; 87. From the Indians concerning the entire flesh of a man (p. 117) ; 88. From the Persians and Egyptians concerning the flesh (p. 118) ; 91. From the Indians concerning the ribs (p. 119) ; 92. From the Persians and Egyptians concerning the ribs (p. 119) ; 93. From the Indians concerning the hips (p. 119) ; 94. From the Persians and Egyptians concerning the hips (p. 119-120) ; 95. From the Indians concerning the penis (p. 120) ; 97. From the Persians and Egyptians concerning the penis (p. 120) ; 98. From the Indians concerning the testicles (p. 121) ; 99. From the Persians and Egyptinas concerning the testicles (p. 121) ; 100. From the Indians concerning the thighs (p. 121-122) ; 101. From the Persians and Egyptians likewise concerning the thighs (p. 122) ; 102. From the Indians, Persians, and Egyptians concerning the knees (p. 122) ; 116. From the Indians concerning the shins and feet (p. 127) ; 117. From the Persians and Egyptians concerning the shins and feet (p. 128) ».
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LA RÉPONSE PSYCHOSOMATIQUE ENTRE PHILOSOPHIE, HISTOIRE ET SCIENCE MÉDICALE MODERNE
Introduction Quod Hippocrates vocavit divinum Alessandro BArGoni (Dipartimento di Scienze Chirurgiche, Università di Torino) La medicina, nel senso concettuale moderno, è il frutto di un complesso processo di razionalizzazione avviato nel bacino del Mediterraneo con la prima costituzione di raccolte scritte, ad opera di “scuole”, e contemporaneamente con l’affinamento della téchne, volte entrambe a definire una epistemologia e una prassi della medicina. L’autonomia concettuale della medicina conquistata intorno al v secolo a.C. è frutto di due importanti condizioni. La rescissione dei legami metafisici della malattia e della cura dal mondo divino ma anche l’enucleazione della medicina dallo studio dei principi della natura, tema proprio della filosofia del tempo. In modo certamente approssimativo, ma altrettanto efficace, facciamo coincidere questa fase del processo di maturazione della medicina con l’epoca ippocratica. Si definisce così che la medicina deve essere razionale, titolare di un suo particolare sapere e operare; in virtù della razionalità, l’osservazione dei fenomeni, la loro storicizzazione e l’accumulo delle esperienze, si fa scienza. Ecco, questo processo sostanzialmente ininterrotto, con diseguale intensità e diversa appropriatezza, accompagna il multi millenario cammino della medicina. Un’altra caratteristica saliente della medicina è che essa non è mai oggetto di cesure definitive rispetto al proprio passato ma i cambiamenti avvengono, sempre, in modo progressivo senza salti bruschi, senza apodittiche svolte. Molto cambia nel corso del tempo, ad esempio da concezioni umoralistiche si passa a visioni solidistiche in cui la malattia ha una sua propria sede e determina lesioni più o meno visibili negli organi, ma senza brusche sterzate. Tuttavia indipendentemente dal mutare nel tempo del concetto di malattia, e dall’interpretazione della sua fisiopatologia, è sempre la razionalità la guida per orientarsi nella diagnosi, certo assai meno nei tentativi terapeutici. Naturalmente si tratta di tratti generali, di una linea di tendenza che pur tuttavia è ben riconoscibile nelle pieghe della storia della medicina. La medicina, in particolare quella moderna, ha aggiunto alla base razionale il metodo scientifico basato sullo sperimentalismo e il riduzionismo.
Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 157-163
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La medicina si avvale di scienze esatte, fortemente sperimentali, come la fisica, la fisiologia, la chimica, la biochimica e di pratiche strumentali fortemente tecnologiche e standardizzate, ma non così completamente esatte come le precedenti. Un esempio di queste sono l’anatomia patologica e l’istologia. Queste discipline sottopongono ad indagine la cellula e le sue strutture morfologiche, tipizzando quelle malate e individuando le alterazioni dei tessuti. Tuttavia esiste un margine di incertezza interpretativa, conseguenza della valutazione soggettiva dell’elemento alterato. Questo margine di variabilità è comune a moltissime, se non alla totalità delle procedure della medicina. In altre parole l’incertezza dell’interpretazione dei dati è una dimensione che deve sempre essere presa in considerazione nella pratica clinica. L’incertezza è così connaturata al ragionamento clinico e alla formulazione della diagnosi. Uno dei fattori principali di imponderabilità delle attività della medicina è la estrema complessità del vivente che interessa tanto gli aspetti metabolicofunzionali quanto quelli legati al controllo della riproduzione cellulare dell’intero organismo. Meccanismi di attivazione e di soppressione, errori di espressione, processi di ricombinazione del DNA e della sua trascrizione, sono tappe della conoscenza biologica in continuo cammino e in continua espansione. A rendere più complesso il modello della produzione di proteine, attività fondamentale del DNA, intervengono non solo fattori strettamente genetici ma interferenze esterne alla cellula come le condizioni ambientali, stimoli psichici e stili di vita, tutti fenomeni che oggi vengono definiti epigenetici. La medicina oggi è dunque, in primo luogo, il mondo della complessità derivante sia dall’oggetto del suo studio, l’essere umano, nelle sue prospettive di genere, di fasi della vita, di individualità biologica, quanto delle nuove metodologie scientifiche di studio delle scienze affini e di base. Infatti da un’obsoleta metodologia scientifica condizionata dal riduzionismo e dal determinismo ci si va orientando, anche in biologia come ormai è avvenuto per molte scienze sperimentali, verso interpretazioni e teorie basate sulla visione della complessità, governate dall’in-determinismo, vera nuova legge universale della natura e non più solo fenomeno speciale limitato alla realtà fisica subatomica. Queste implicanze hanno un peso importante anche nella gestione pratica della medicina che si trova sempre e comunque, come ai tempi di Ippocrate, nella posizione di difficile equilibrio tra scienza sperimentale – in alcune sue parti – e di processo antropologico. Inoltre va tenuto sempre presente, in ogni considerazione e in ogni discorso sulla medicina, che essa deve agire in tempi sempre più brevi a favore di soggetti spesso in condizioni di bisogno e che da essa si aspettano, come individui e come società, risposte valide. Da sempre infatti, il rapporto tra medicina e società è assai stretto e le attese di questa nei confronti di quella, soprattutto sul versante della pratica clinica nelle sue molteplici forme, risulta un forte elemento di condizionamento. La metodologia clinica, disciplina utilissima ma purtroppo con scarsi seguaci nell’ambito dei medici, unitamente all’epistemologia e alla logica dei filosofi, hanno indagato il processo della diagnosi, di come il medico posto di fronte al soggetto che lamenta una patologia giunge all’individuazione dello stato morboso in senso nosografico da cui scaturisce poi un’azione. Il terreno in questo caso si fa irto di difficoltà per le insidie del procedere dell’analisi epistemologica, tuttavia considerando il processo clinico nel suo insieme, l’osservazione dei segni del malato è il primo atto che viene compiuto. In analogia questo corrisponde al procedere della scienza con il primo atto che lo scienziato compie per raffigurare la realtà della natura.
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Emblematica di questo passaggio l’interpretazione offerta da Claude Bernard che ritiene che l’osservatore debba compiere osservazioni quanto più fedeli possibili, essere il “fotografo della natura” ma soprattutto, e questo è un particolare importante nel processo che conduce alla diagnosi, “egli deve osservare senza idee preconcette; la mente dell’osservatore deve essere passiva, ascoltare la natura e scrivere sotto dettatura”. Questo osservazionismo anodino e acritico dei fenomeni è stato criticato da Beverige che scrivendo a proposito della metodologia della ricerca scientifica, nei primi anni ’80, individua nella caratteristica dell’intelligenza umana di passare, in modo quasi inavvertito, dall’osservazione all’interpretazione. L’osservazione pura, senza intervento soggettivo rivolta alla semplice raccolta dei dati ovvero dei segni nel caso della clinica, era già stata criticata e dichiarata impossibile dal clinico medico di Padova, Giacinto Viola, cinquant’anni prima nel suo trattato di Semeiotica medica: “Il medico pratico confonde continuamente senza avvedersene, il segno rilevato con la sua interpretazione. [...] Questa difficile situazione del medico già di per sé stessa ci dimostra che i segni devono essere quasi tutti indiretti”. È quindi necessario accettare che sia nel caso dell’osservazione clinica che in quella scientifica, essa non è indipendente da interferenze e da assunzioni teoriche dell’osservatore. In altre parole il metodo induttivo puro, rappresentato dall’osservazione iniziale di alcuni fatti da cui si deduce un’ipotesi generale, non rappresenta nella realtà il modo di procedere dell’analisi scientifica. La critica al metodo induttivista puro, mossa da Karl Popper, vede invece l’indagine scientifica procedere in modo misto secondo uno schema ipotetico-deduttivo. Come scrive Hempel1, “il passaggio dai dati alle teorie richiede un’immaginazione creativa. Le ipotesi scientifiche e le teorie non sono derivate dai fatti per osservarli, ma inventate per spiegarli”. Secondo questo ragionamento, ripreso da Scandellari e Federspil2, l’ipotesi scientifica assomiglia maggiormente allo slancio della fantasia dello scienziato che ad una ferrea inferenza logica; in tal modo questa rappresenta più un’attività dell’immaginazione che avvicina lo scienziato all’artista3. È il momento successivo però che differenzia i due soggetti. Infatti nella scienza è necessario che l’ipotesi sia verificata attraverso la deduzione di una serie di conseguenze, ipoteticamente attese, osservandole nella realtà contingente e sottoponendole a verifica sperimentale. Questi elementi epistemologici rappresentano i passaggi cruciali del procedere della scienza ma anche della metodologia medica classica, che tuttavia per la verità non si trova a seguire questa successione come regola. Questa procedura avviene raramente e in condizioni astratte come la preparazione di un flow-chart o di alberi diagnostici disegnati principalmente a scopo di studio o didattico. La stragrande maggioranza di diagnosi cliniche richiede decisioni rapide, talvolta gravate da un alto grado di incertezza e cariche di conseguenze rischiose, da cui spesso derivano decisioni terapeutiche impegnative. Si tratta di una situazione tipica non solo degli ambienti di emergenza ma anche in molte altre condizioni. Infatti l’attività clinica al letto dell’ammalato, nell’ambulatorio, in ospedale non consente ritardi e ripensamenti. È necessario
1. 2. 3.
Hempel 1968. Scandellari, Federspil 1985. Ibidem.
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fornire risposte rapide e più accurate possibili. Si viene a definire così una sorta di apparente incompatibilità tra strumenti logici da un lato, lenti nel loro impiego, e dall’altro la necessità di velocità e di accuratezza. In altre parole un conflitto di modi del pensiero tra logica ipotetico-deduttiva e psicologia cognitiva. Proprio dall’ambito delle ricerche psicologiche a sfondo cognitivista giunge un’interpretazione affascinante quanto elegante del procedimento che conduce alla diagnosi e ad altri processi che determinano decisioni. Curiosamente questa interpretazione allontana il procedimento diagnostico del medico da quello che compie lo scienziato per formulare una teoria attraverso l’osservazione, che invece erano apparentati nella costruzione logico-formale. Gerd Gigerenzer, esponente di spicco della psicologia cognitiva contemporanea, attualmente direttore del Center for Adaptive Behavior and Cognition al Max Planck Institute for Human Development a Berlino, ha contribuito a rivalutare, con molti studi importanti, il ruolo cardine dell’intuizione nel complesso processo di determinazione delle scelte compiuto dalla mente. Siamo abituati a considerare l’attività della mente come un sistema duale costituito da due sistemi qualitativamente diversi: da un lato l’intelligenza considerata un’attività intenzionale e cosciente, guidata dalle leggi della logica, e dall’altra l’attività mentale inconscia basata su processi estranei al ragionamento, spesso dominata da impulso e capriccio. Ebbene per i cognitivisti moderni non è così. L’intuizione utilizza capacità acquisite dal cervello, come la conoscenza, sfrutta la memoria, ed è dotata di una sua propria razionalità, consentendo un’azione rapida e di estrema precisione. Le evidenze sperimentali in campo psicologico cognitivistico dimostrano che le soluzioni migliori con il maggior numero di risposte corrette sono quelle che per prime vengono fornite da gruppi di persone professionalmente preparate. Gigerenzer4 sostiene nei suoi recenti lavori che l’intuizione opera a livello inconscio e consente di ottenere migliori risultati rispetto alla modalità del pensiero razionale, tradizionalmente considerato dalla nostra società come unica forma di pensiero strutturato e su cui fare affidamento. Al contrario l’intuizione è sempre stata considerata un “guizzo” umorale non prodotto di intelligenza cosciente e razionale. Su posizioni simili anche Làszlò Méro5 che sottolinea come l’intuizione necessita di conoscenza e di esperienza in quanto agisce per analogia del pensiero, paragonando tra loro le esperienze e con estrema rapidità giunge ad una risposta mentre la logica con lentezza ricostruisce i passaggi tra i fatti osservati, e conclude Méro, “non perché questi passaggi esistano, ma perché l’uomo li fonda per motivare, per spiegare l’intuizione vera, ridurla in termini comunicabili”. Insomma l’intuizione sarebbe addirittura la vera forma di intelligenza, sovvertendo la stratificazione storica che ha sempre visto come sola forma puramente razionale dell’intelligenza quella basata sulla logica. La razionalità ha così conquistato un ruolo dominante nella cultura occidentale. Tuttavia bisogna ricordare come Gigerenzer6 sottolinei che senza conoscenza, senza modelli esperienziali in memoria, anche l’intuizione ha tutt’altra rilevanza e rapidità. In definitiva intuito e razionalità non sono in
4. 5. 6.
Gigerenzer, Marewski 2015, p. 421-440. Méro 2001. Gigerenzer 2000.
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contrapposizione e tornerebbe più utile, forse, porre sullo stesso piano intuizione e pensiero razionale esattamente come due componenti dell’intelligenza a nostra disposizione. La questione si dovrebbe spostare sul piano metodologico per individuare, a seconda delle circostanze di impiego, quale delle due forme di pensiero utilizzare. Sebbene nella realtà molte delle buone decisioni diagnostiche nascono dall’intuito, tuttavia l’intuizione come forma ordinata di pensiero da utilizzare in modo conscio non è materia oggetto di studio e di applicazione, come la logica della metodologia clinica, e gli studenti o i medici non la imparano durante la loro formazione. Conferme di queste rivalutazione dell’intuito da parte delle discipline cognitive vengono da ambienti tutto sommato ad essa distanti. Infatti Scandellari e Federspil7 riportano come il premio Nobel per l’economia (1978) Herbert A. Simon8, occupandosi anch’egli di processi cognitivi, abbia scritto “come la nostra sia una razionalità di tipo limitato e che, specie in condizioni di incertezza, le scelte vengono effettuate utilizzando tracce mnemoniche immediatamente disponibili (euristiche) di precedenti scelte che in circostanze simili sono risultate giuste”. Riconducendo il discorso alla contrapposizione tra “razionalità e irrazionalità nella medicina”, presente nel titolo del nostro Convegno, esso sottolinea due modi incongruenti di una prassi medica orientata invece fin dalla sua instaurazione ad un programma razionale. Queste antinomie, riproposte a partire dal momento dell’instaurazione della scienza positiva, di una medicina ormai ricostruita su basi scientifiche e sperimentali, sono oggi di difficile proposizione. Tuttavia proprio gli esempi dei grandi clinici della prima metà del xx secolo – citiamo come esempi italiani Antonio Cardarelli, Augusto Murri, Cesare Frugoni, maestri della diagnosi – ne sono una testimonianza. La sorprendente capacità di effettuare fini diagnosi con il solo strumento indagatore della semeiotica era talmente spiccata che affascinava i colleghi clinici, i medici pratici, e la società, alimentando l’alone di leggenda sul loro “occhio clinico”, sul mitico “sesto senso” e per il popolino un “quid misterioso”. Essi non facevano uso di algoritmi logici, di schemi di inferenza, di flussi ordinati di dati ma, come racconta in un’intervista nel 1961 l’ultimo sopravvissuto di quella stirpe di medici “superuomini”, Cesare Frugoni clinico medico alla Sapienza: La visita è lunga, diligente. Il medico interroga il malato, i parenti, coloro che lo assistono, i colleghi meno celebri che lo hanno avuto in cura prima di lui... Con i pochi elementi a sua disposizione, egli ha fatto la diagnosi e l’annuncia, è esatta al 99 %. L’ha fatta grazie al suo occhio clinico, una specie di misteriosa facoltà divinatoria, un sesto senso che va al di là delle stesse cognizioni scientifiche9.
Attenzione estrema ai dettagli, esperienza clinica lunghissima, grande preparazione teorico-pratica, i maestri come Antonio Cardarelli e Pietro Grocco, fondavano la clinica sul “genio” dell’osservazione derivando da questa i fini elementi semeiologici per la diagnosi.
7. 8. 9.
Scandellari, Federspil 1985. Simon, Klahr 2001, p. 75-79. Frugoni 1974.
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Tuttavia Augusto Murri, uno dei grandi protagonisti di quell’epopea, è critico nei confronti del mito “intuizione”: “l’intuizione, la divinazione, non è, al più, se non una inferenza giusta da un’osservazione rapidissima, ma è esatta”. Queste diffidenza trova una sua ricomposizione negli studi moderni e nelle più aggiornate tesi dei cognitivisti come Làszlò Méro e Gerd Gigerenzer. Per Murri, scrive Cesare Frugoni, questo “genio altro non era che la scorciatoia mentale del metodo empirico-razionale”, ricongiungendo così il metodo “dell’indagine” e la tecnica “del giudizio” in una sintesi logica, in grado di produrre sia l’“arte” della diagnosi, che il convincimento razionale dei processi patologici causa di malattia. La straordinaria capacità diagnostica dei clinici della prima metà del xx secolo, aveva come sfondo una ampia cultura scientifica di base e una abitudine consolidata allo studio elementi che consentono all’intuizione, processo di livello inconscio, di giungere con facilità e rapidità a fornire risposte esatte, altrimenti ottenibili attraverso un laborioso processo intenzionale. L’intuizione, troppo a lungo vista come una forma di ragionamento non logico, “un prodotto” delle viscere, e non del cervello, assume alla luce dei moderni studi tutt’altra valenza. Rileggendo le parole di Gabriele D’Annunzio nella lettera a Pietro Grocco, queste celebrano le capacità diagnostiche di questi Maestri, generate da “... la voce dell’istinto, ... la facoltà suprema dell’artista, l’intuizione, quod Hippocrates vocavit divinum”10. Ecco, il cerchio si chiude. Queste affermazioni legano con evidente chiarezza l’aspetto concettuale e le basi metodologiche del passato a quelle del presente. Intuito e razionalità non sono in contrapposizione, semmai la questione che dovremmo porci oggi dovrebbe essere quale dei due processi è meglio utilizzare in un determinato momento e in quali circostanze affidarsi all’uno o all’altro. Probabilmente la metà delle buone decisioni professionali nasce dall’intuito. È l’intuizione emotiva che ci dice cosa fare, ma purtroppo il modo di utilizzarla non s’impara a scuola, e i professionisti non lo imparano durante la loro formazione11. Razionalità, osservazione dei fatti, rifiuto delle spiegazioni irrazionali, solo eventi accertati e non vaghe ipotesi, ribadisce Celso, il più ippocratico dei discendenti di Ippocrate, possono essere presi in considerazione dalla medicina: “Rationalem quidem puto medicinam esse debere: instrui vero ab evidentibus causis, obscuris omnibus non a cogitatione artificis sed ab ipsa arte reiectis”12. Sono questi, in chiave moderna, i presupposti concettuali su sui si basa la filosofia delle Evidence Based Medicine, il modo ritenuto più “razionale” di effettuare le scelte in medicina. Questo dunque è il legato che ci giunge dalla millenaria tradizione medica occidentale è un ponte che unisce passato a presente; non si tratta di un’eredità di informazioni tecniche, di procedure o ancor meno di tecnologie, ma un’eredità di pensiero e di impegno etico. La forza e la complessità di questi legami sono l’oggetto di questo Convegno organizzato da Véronique Boudon-Millot e da Serena Buzzi, che si sono poste l’ambizioso obiettivo di mettere a fuoco e di indagare proprio le correlazioni tra la prassi medica antica e la bio-medicina moderna.
10. Lettera di G. D’Annunzio a Grocco, Viareggio 1901. 11. Méro 2001. 12. Celso, De medicina, Proemium, p. 48.
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RifERimEnti bibliogRafici Frugoni (C.) 1974 “Commemorazione del Maestro professor Pietro Grocco”, in C. Frugoni, Ricordi e incontri, Milano, Mondadori. Gigerenzer (G.) 2000 Adaptive thinking: Rationality in the real world, New York, Oxford University Press. Gigerenzer (G.), Marewski (J. N.) 2015 “Surrogate science. The idol of a universal method for scientific inference”, in Journal of Management 41 (2), p. 421-440. Hempel (C. G.) 1968 Filosofia delle scienze naturali, Bologna, Il Mulino. Méro (L.) 2001 I limiti della razionalità. Intuizione, logica e trance-logica, Bari, Dedalo. Scandellari (C.), Federspil (G.) 1985 “Metodologia medica”, in Atti dell’86° Congresso della Società Italiana di Medicina Interna, Roma, Pozzi. Simon (H. A.), Klahr (D.) 2001 “What have psychologists (and others) discovered about the process of scientific discovery? Current directions”, in Psychological Science 10 (3), p. 75-79.
Le renouveau de la clinique au xviiie siècle.
Sa délicate application au cerveau humain par Vincenzo Malacarne (1744-1816) Céline ChEriCi (Université Picardie Jules Verne) Summary As Othmar Keel inderlines it in his book Avènement de la médecine clinique moderne en Europe, 1750-1815, the clinicopathological approach was designed from the interaction of French and foreign models. If the Parisian models earn Europe, it is certain that European models also influence. We will analyse the Italian clinic, including studies of principles initiated by Giambattista Morgagni (1682-1771). Then we will see to what extent the neuro-anatomist Malacarne Vincenzo (1744-1816) explored the clinic applied to the activity of the human brain and cerebellum. Finally, how, guided by his observations, did he develope a mental and brain physiology.
intRoduction Comme le souligne Othmar Keel dans son livre Avènement de la médecine clinique moderne en Europe-1750-18151 paru en 2001, l’approche anatomoclinique a été conçue à partir de l’interaction des modèles français et étrangers. Il faut donc nuancer l’idée selon laquelle Paris serait, au xviiie siècle, un centre clinique unique et copié par les pays étrangers. Si les modèles parisiens gagnent l’Europe, il est certains que les modèles européens les influencent également. Tout d’abord, nous allons nous intéresser à la clinique italienne, notamment en analysant certains principes initiés par Gianbattista Morgagni (1682-1771) dans son œuvre De sedibus, et causis morborum per anatomen indagatis2 et traduit en français en 1820 par A. Desormeaux et J. P. Destouet sous le titre suivant : Recherches anatomiques sur le siège et les causes des maladies ; puis nous verrons dans quelle mesure le neuro-anatomiste Vincenzo Malacarne3 (1744-1816) 1. 2. 3.
Keel 2001. Morgagni 1761 ; trad. 1820. Vincenzo Malacarne, né à Saluces le 28 septembre 1744 et décédé à Padoue le 4 décembre 1816, est considéré comme l’un des maîtres de l’université de Padoue de la seconde moitié du xviiie siècle dans la continuité de l’œuvre de Gianbattista Morgagni. Durant ses études de chirurgie au sein de l’université de Turin, Malacarne reçoit de nombreuses influences orientant ses approches anatomopathologiques. Ses années turinoises lui permettent ainsi Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 165-181
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explore la clinique appliquée à l’activité du cerveau et du cervelet humains ; enfin, nous analyserons de quelle façon, guidé par ses observations, il élabore une physiologie mentale et cérébrale.
1. dE JEan-baptistE moRgagni (1682-1771) à vincEnzo malacaRnE (1744-1816) Les études de Jean-Baptiste Morgagni ont, sans nulle doute, constitué un fondement pour de nouvelles applications de l’approche clinique, marquant ainsi un tournant médical et scientifique au niveau des investigations du corps humain dans sa dimension symptomatique. Des relations d’une part avec le malade, d’autre part entre les modifications organiques et les symptômes se développent au cœur d’une nouvelle médecine décrite dans le texte De Sedibus, et causis morborum per anatomen indagatis. L’ensemble de la casuistique de Morgagni est fondé sur des biographies cliniques rédigées avec une attention minutieuse : tout ce qui concerne les observations sur l’âge, le sexe, la diététique et la façon de vivre du malade y est relevé. L’héritage hippocratique y est notamment visible. Chacune des descriptions cliniques est suivie du compte rendu de la dissection, Morgagni, en corrélant ainsi son interprétation de la symptomatologie clinique avec celle des observations post-mortem, pose une grille de lecture originale sur les mécanismes pathologiques touchant un ou plusieurs organes. La lésion est considérée comme le point d’expression de la physionomie clinique des maladies. Inscrit dans la tradition de l’expérimentalisme et de l’observation empirique, il décrit la pathologie comme un phénomène dynamique qui répond aux mêmes lois qu’en physiologie. Ainsi, après son identification, le siège
de collecter un grand nombre d’observations dont une partie sera publiée en 1784 au sein des deux volumes des Osservazioni in chirurgia. Sa formation imprégnée de plusieurs disciplines médicales explique en partie son amplitude scientifique. Dès 1762, il se dédie à l’étude de l’anatomie sous la direction du professeur Oliveri da Rivalta qui lui apprend la maitrise des dissections humaines, le forme au travail de répétiteur sur les cadavres et lui transmet les techniques les plus sûres pour en retirer quelque connaissance. Sous la direction d’Ambrogio Bertrandi et de Giambatista Verna, tous deux chirurgiens chefs de l’hôpital de Turin, il apprend la chirurgie clinique. Ce point est un facteur décisif dans sa préoccupation constante pour une chirurgie qui se déploie en direction de la médecine. Cette pratique importante de la chirurgie, de la dissection et de l’anatomie comparée marque l’ensemble de ses futures recherches. L’influence de Bertrandi est notamment visible dans son programme de chirurgie pratique et opératoire. Son intérêt pour l’anatomie comparée vient de son apprentissage auprès de Carlo Giovanni Brugnone qui lui en communique la passion et auprès de qui, il effectue des études sur les structures anatomiques des insectes et des oiseaux avant de les comparer aux structures cérébrales humaines. Entreprenant une encéphalotomie comparative, il partage ses observations avec Brugnone. Étonné de découvrir des différences si notables entre les cervelets d’espèces telles que les insectes, les volatiles ou les mammifères, il répète ses dissections inlassablement pour confirmer la variation de ces structures et parvenir à leur donner une signification. Dans les champs de la zoologie et de l’anatomie comparée, le grand nombre de ses travaux et de ses découvertes ont contribué à la construction de ces savoirs. Dans le champ de la neurologie et de la psycho-anatomie humaine, Malacarne est un des premiers savants a avoir pressenti l’importance des localisations cérébrales. Sources biographiques : Malacarne 1819 ; 1811.
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de la lésion est intégré à une conception dynamique de l’organisme et interprété relativement aux informations concernant la diététique et le mode de vie du malade. Ces études s’articulent en une succession de moments biographiques, cliniques et de corrélations entre les symptômes et la lésion. Néanmoins, la position de Morgagni sur les pathologies nerveuses est problématique. En effet, le substrat matériel et dynamique des maladies mentales et nerveuses échappant à l’observation, il se limite à des descriptions purement anatomiques des atteintes pathologiques du cerveau, ne faisant pas de référence aux localisations ni aux mécanismes des fonctions de ce dernier. Confronté à d’importantes difficultés telles que la différenciation entre un état organique normal et un état pathologique ou à la confrontation des modifications dues à la pathologie avec les altérations postmortem, Morgagni se limite dans son interprétation des mécanismes cérébraux. Sa rigueur descriptive a pourtant permis l’apport de contributions significatives dans certains chapitres des sciences du cerveau naissantes. Il a notamment souligné les lésions syphilitiques du cerveau et fait d’intéressantes observations sur le cerveau chez les femmes épileptiques reprises par Esquirol en 1838 dans son traité Des maladies mentales4. En outre, ses recherches autour des liens entre une lésion anatomique circonscrite et la détérioration de la fonction de l’organe correspondant, ont influencé les travaux de Vincenzo Malacarne. Il faut souligner qu’un glissement géographique de la méthode morgagnienne s’opère : elle est reprise par Auenbrugger en Autriche et par Laënnec en France durant la seconde moitié du xviiie siècle. En Italie, Fontana et Caldani se tournent vers les techniques de l’électrophysiologie en continuité avec les innovations apportées par les travaux sur l’électricité métallique et animale de Volta et de Galvani. Ils se détournent ainsi des investigations anatomocliniques. De plus, le mouvement éditorial encourageant, au xviiie siècle, les traductions des textes des sciences de la vie dans les différentes langues nationales montrent une volonté de mettre fin à un certain dogmatisme représenté par le latin. Le rôle joué par l’édition italienne dans cette circulation des savoirs ne doit pas être négligé : Pour analyser cette situation, il est évident, que l’orientation de l’édition italienne et sa promptitude à recueillir les messages qui proviennent de différents centres de recherche étrangers, de l’Angleterre aux pays de langue allemande présentent un intérêt indubitable5.
À la fin du xviiie siècle, les principes énoncés par Morgagni sont donc plus actifs en France et en Autriche qu’en Italie. Ainsi, Malacarne, en développant l’approche anatomo-clinique, joue un rôle dans sa diffusion européenne. En outre, il est membre d’un nombre important de sociétés savantes telles que celles d’Alexandrie, de Mantoue, de Milan, de Paris, de Pavie, de Turin, de Venise et de Vienne où il est comblé d’honneurs. Il est par ailleurs membre de la Société Médicale d’Émulation de Paris créée par Bichat à la fin du xviiie siècle. Le climat scientifique européen étant de plus en plus favorable à l’application de ces principes sur une plus large échelle de la population, Corvisart diffuse la méthode de l’auscultation décrite par Auenbrugger. 4. 5.
Esquirol 1838. Bonuzzi 1990, p. 127.
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Puis, Laënnec devient un des éléments les plus représentatifs de l’école anatomoclinique parisienne. Ainsi, Claudio Pogliano souligne que Malacarne contribue à mettre en place un « [...] programme clinique, anatomopathologique et statistique qui pourra, peu de temps après, être pleinement réalisé par l’École de Paris […] »6. Dans quelle mesure en appliquant les principes d’une méthode anatomoclinique à l’observation du cerveau humain, Malacarne permet-il une lecture dynamique de ses facultés ?
2. la cliniquE appliquéE au cERvEau humain : unE lEctuRE dynamiquE dEs facultés
Ainsi, les traités Nuova esposizione della vera struttura del cerveletto umano7 et Encefalotomia nuova universale8, respectivement écrits par Malacarne en 1776 et 1780, portent sur l’observation médicale sous toutes ses formes : clinique, anatomique et pathologique. Voici la façon dont le médecin italien présente l’articulation de ces différents champs médicaux en 1784 dans Osservazioni in chirurgia9 : Des choses abordées on retire que les observations, qui ont rapport à la chirurgie, peuvent être distinguées en cliniques, en thérapeutiques, en pathologiques, et en anatomiques. Les observations cliniques sont celles, que le chirurgien fait au chevet des malades pour bien en connaître les maladies, et pour en distinguer les symptômes. Les thérapeutiques celles, d’après lesquelles, après avoir tiré les indications opportunes, il calcule la force de la maladie, mesure l’activité possible des médicaments, et des opérations pour soigner le malade. Sont pathologiques les observations qui se font sur le cadavre pour y découvrir les causes de la mort dans les altérations des organes, et des viscères. J’appelle enfin anatomiques les observations, qui se font sur le cadavre de l’homme, ou sur les bêtes pour en connaître la forme, la disposition, le nombre, et l’usage des parties tant extérieures, qu’internes10.
C’est à partir des observations compilées et publiées entre 1776 et 1780 dans ces traités sur le cerveau et le cervelet qu’il peut opérer ce découpage de l’activité médicale. De plus, les textes de la Nuova esposizione della vera struttura del cerveletto umano et de l’Encefalotomia nuova universale ont contribué à sa renommée pour ses observations sur le cerveau humain et animal : On lui doit la première description particulière du cervelet, dont il a distingué les différentes parties auxquelles il attribua des dénominations restées longtemps apparentées dans le langage anatomique à son nom (agrégat, amygdales, pyramide, languette, luette, lobe subtil, lobe bi-ventral). Il nous reste encore la dénomination de pyramide de Malacarne pour la portion centrale du vers inférieur du cervelet, dite encore éminence en croix de Malacarne parce qu’elle distribue au niveau de sa base, quatre prolongements en forme de croix11. 6. 7. 8. 9. 10. 11.
Pogliano 1990. Malacarne 1776. Idem 1780. Idem 1784. Ibidem, p. 15, deux parties, partie 1, article 2. Ongaro 2002, p. 265.
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L’observation clinique, à l’hôpital comme au chevet des malades, fournit à Malacarne des faits permettant d’organiser un discours rationnel autour des sciences du cerveau en cours d’émergence. Il conçoit ainsi un modèle cérébral dynamique à partir de l’articulation entre la clinique et la pathologie et contribue par conséquent à l’élaboration d’un modèle au sein duquel le cerveau est appréhendé comme un organe en mouvement. En effet, la clinique est posée sur les patients ayant des troubles des facultés comme une grille de lecture de l’activité neurologique et mentale. Ces travaux vont du développement d’une méthode anatomo-clinique globale à sa difficile application sur le cerveau humain. Le travail de Malacarne est également au croisement du néo-hippocratisme et d’un programme de recherche innovant. Le néo-hippocratisme de la seconde moitié du xviiie siècle est caractérisé par un retour critique sur les grands dogmes médicaux hérités de l’Antiquité tels que ceux de Galien, ainsi que par l’adoption d’une médecine rationnelle, analytique pensée en termes de liens causaux des faits observables12. La méthode anatomo-clinique que pratique Malacarne s’appuie sur les notions hippocratiques suivantes : - la multiplication des observations et le raisonnement causal ; les notions d’unité et d’interdépendance des parties, dits « systèmes », qui permettent d’approfondir la notion d’organisme ; - le rôle de la natura medicatrix qui replace l’homme malade dans une dynamique articulée entre diagnostic et pronostic d’observation prudente par le médecin. Ainsi, en reprenant certains aspects de l’éthique hippocratique, le rôle du chirurgien et les conséquences de ses opérations par rapport à la médication naturelle sont questionnés : Ce serait-elle rétablie ainsi et aussi bien cette mère de famille si je me fus empressé d’en ouvrir la tumeur qui se trouvait au cou avec le fer ou la soude, comme cela paraissait indiquer ? (…) Qui sait si après avoir été perturbée dans ses fins la nature n’aurait pas retourné ses forces à nuire à la malade ?13
En effet, Malacarne réagit davantage contre la dimension livresque et théorique de la pratique médicale qu’il ne fait une reprise directe des doctrines d’Hippocrate. Il préconise ainsi de revenir à une médecine en deçà de l’application dogmatique qui a été faite des grands principes galéniques. C’est pourquoi, il conçoit une méthode d’apprentissage de lecture des textes anciens décrits comme des outils pédagogiques qui, associés à la pratique de la dissection, doivent permettre aux jeunes médecins et chirurgiens de développer un esprit critique : Alors on peut s’enfoncer dans l’étude, et s’occuper de la lecture des traités particuliers à cet organe, qui est considéré sous des vues relatives, comparer ses descriptions avec celles de ses maîtres, ici retourner à l’étude des cadavres afin d’en tirer quelque chose de plus que ce qui a résulté de ces combinaisons, puis dire franchement ce qui est vrai
12. L’analyse de Claire Salomon-Bayet présentée en 2003 au sujet du néo-hippocratisme permet de comprendre de quelle façon se développe cette notion. Cf. Salomon-Bayet 2003, p. 349-355. 13. Malacarne 1784, p. 13, deux parties, partie 1.
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et ce qui est faux de tout ce qui a été écrit par les autres. Si avec cette méthode on ne tire pas la vérité des ténèbres ce sera presque un prodige, ou cela voudra dire que cette même vérité ne sera pas cachée parmi les ténèbres14.
D’un point de vue méthodologique, sa pratique se nourrit du recueil systématique des observations qui contribuent à développer une médecine clinique et font de l’enquête un des éléments hippocratiques influant sur son œuvre : Voici en abrégé sur quels objets les observations cliniques doivent agir ; lesquels occupent sans doute la totalité de l’homme, devant comprendre l’histoire raisonnée des maladies, la narration sincère de tout ce qui est arrivé de leur commencement à leur aggravation, jusqu’au déclin ; des différences, qui souvent se rencontrent tant dans les phénomènes, que dans toutes les périodes des maladies ; de tout ce qui, les ayant précédées, a pu concourir à les réveiller, à les produire, qui les accompagne, et qui se tient derrière elles, après avoir bien, et avec précaution examiné le tempérament du malade, l’âge, la condition, le sexe, connu la façon de vivre passée et présente, la sensibilité, l’irritabilité, les idiosyncrasies, les efforts actuels, et possibles de la nature. À cet examen extrêmement important doit succéder celui non moins nécessaire des pulsations, de la respiration, de la chaleur, de la couleur du visage, et des parties dont le volume est occupé par la maladie, et de leurs fonctions désordonnées, ou abolies15.
Les principes à l’œuvre dans ses travaux sur le cerveau humain sont les suivants : - la maladie est reconnue comme un processus dynamique conçu comme la perturbation d’une ou plusieurs fonctions ; - les fondements pour la pratique d’une clinique appliquée au cerveau humain sont posés dans la mesure où le cerveau étant considéré comme le siège des facultés de l’intellect, toute lésion organique doit avoir un effet sur le comportement du malade. On trouve clairement exprimée cette démarche dans l’étude d’une hydrocéphalie interne faite par Malacarne en 1770. Il fait le récit de ce cas pour la première fois dans les carnets manuscrits qu’il rédige à Turin entre 1764 et 177216 et le publie en 1784 dans ses Osservazioni in chirurgia17, avant de le prendre comme exemple à de multiples reprises dans ses traités sur le cervelet et le cerveau humains. Il s’agit d’un hydrocéphale originaire de Saluces, âgé de dix-sept ans quand il décède des suites de sa maladie et patient du neuro-anatomiste. Après en avoir recueilli la biographie auprès de la mère, il l’observe jusqu’à son décès puis le dissèque. La première étape de cette étude concerne le mode de vie du malade, son histoire et décrit parallèlement la façon dont la maladie est incarnée dans son organisme : Il eut des diarrhées et des vapeurs jusqu’au début du mois d’août, puis il reprit un peu de brio et recommença à téter avec avidité, mais sans que la maigreur ne diminuât, ni que la tête ne cessât de croître au niveau du front et sur les cotés, ni que les suture ne
14. 15. 16. 17.
Malacarne 1791, p. 134. Idem 1784, p. 95, deux parties, partie 1. Idem 1764-1772. Idem 1784, p. 1-37, deux parties, partie 2.
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s’en asséchassent, ni que le reste du corps ne s’allongeât en proportions, excepté les cheveux, qui lui étaient souvent coupés par la mère18.
Les symptômes mentaux et physiques sont considérés comme la manifestation externe d’un trouble interne général dont le siège est situé au sein de la matière cérébrale. La seconde étape de cette étude porte sur l’observation clinique quotidienne de la maladie. Une importance fondamentale est alors accordée aux altérations du comportement et à l’oblitération des facultés. Malacarne insiste sur le fait que la perturbation causée par l’hydrocéphalie touche le sujet dans ses dimensions physiques et morales par le biais des lésions cérébrales occasionnées par les malformations crâniennes. Le mauvais développement physique accompagne l’aggravation des manifestations d’un retard mental. La place privilégiée qu’il attribue au système nerveux par rapport à l’ensemble du corps se trouve exemplifiée dans cette étude19. Comme le reste du corps, le crâne subit une croissance anormale ne permettant pas le développement de l’organe cérébral ni, par conséquent, l’actualisation des facultés de l’intellect. En d’autres termes, les troubles mentaux sont intégrés à l’ensemble des troubles physiques, mettant ainsi en évidence les interactions entre le cerveau et l’organisme : La stupidité continua, et tous les membres devinrent toujours plus flasques, et inertes, couverts d’une peau tombante et pâle, de sorte qu’à cinq ans il levait difficilement la tête, qui au lieu d’être fixe bougeait sur les côtés. La main et le pied droits devinrent également immobiles. Le mouvement des yeux devenait toujours plus irrégulier, et hagard, la lumière le blessait, et dans l’obscurité il se montrait extrêmement inquiet. Les sourcils peu courbés laissaient voir des yeux renversés proéminents, toujours brillants, bleus et bien ouverts. Il ne pleurait jamais bien que par ailleurs on doive quelquefois le croire atrocement tourmenté. Il avait des bajoues déprimées, et tout son visage dans sa monstruosité n’avait rien d’agréable et était démesuré au niveau du front et pointu au menton. Excepté deux incisives par mâchoires, il n’avait pas de dents20.
L’oblitération des facultés accompagne également des anomalies des comportements moteurs les plus élémentaires. Le sujet est décrit comme absent à lui-même, au monde et sans réaction au point d’imprimer cette absence de mobilité à la forme de ses membres. En soulignant des accès alternativement boulimiques et anorexiques, Malacarne montre l’incapacité pour ce sujet d’avoir des comportements normés. De plus, une somatisation corporelle caractérisée par des convulsions, des tremblements et des maux de ventre est décrite : En 1767, il se montra beaucoup plus inquiétant, et par-dessus tout, irrégulier dans l’absorption de nourriture. Quelquefois, il ingurgitait voracement toutes sortes d’aliments, et s’agitait en continu jusqu’à ce qu’il se soit rassasié ; d’autres fois serrant obstinément les dents, et pendant des jours entiers il refusait toutes sortes de plats.
18. Malacarne 1784, p. 2-3. 19. En effet, on trouve parmi les systèmes généraux, le système nerveux : le système cellulaire ; le système vasculaire ; le système nerveux ; le système musculaire. Cf. Malacarne 1803. 20. Idem 1784, p. 3, deux parties, partie 2.
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De fréquentes convulsions l’assaillirent, au début desquelles les pulsations étaient fortes, précipitées, désordonnées, jusqu’à ce qu’elles deviennent de façon imprévue extrêmement faibles, et limitées. Ces convulsions le tourmentaient durant dix ou douze minutes, et les plus obstinées duraient jusqu’à vingt minutes, des premiers accès au jaillissement d’une sueur abondante, et aux maux de ventre, alors tout redevenait calme. L’irrégularité de ces accès était grande, parce que soit ils apparaissaient toutes les deux à trois semaines, soit de mois en mois, et ils provoquaient comme signes avant-coureurs trois ou quatre jours d’une insatiable voracité, puis deux ou trois d’absolue répugnance à la nourriture. Ils étaient annoncés par les yeux qui devenaient brillants et plus humides, commençaient à bouger extrêmement vite de mille façons irrégulières, avec des torsions des lèvres, le rétrécissement des narines […]21.
Ces symptômes n’ont de signification que par rapport à une approche moniste du sujet. En effet, cette lecture corrélative des observations cliniques couvrant les champs comportementaux, physiques et intellectuels présente l’intérêt de regrouper dans un seul cadre nosologique des manifestations venant des lésions du corps et du cerveau. Rechercher les causes de l’hydrocéphalie au sein de ce dernier implique que le malade soit totalement assujetti à son organisation cérébrale dont la perturbation provoque un désordre général. En corrélant les observations cliniques et anatomopathologiques, il développe une conception de l’organe de la pensée comme un tout fonctionnel dont il tente de rationaliser les modes normaux et/ou pathologiques. C’est pourquoi, il pose une grille de lecture anatomo-clinique sur les sujets atteints de malformations cranio-cérébrales. Cette étude de l’hydrocéphalie représente une étape importante de ses théories psychophysiologiques sur le cerveau humain ainsi que de l’histoire des localisations cérébrales aux fondements de la psychiatrie organiciste qui se développera au xixe siècle : Toutefois, déjà en 1770, Malacarne avait relevé, en en disséquant publiquement le cadavre, l’histoire des maux dont pâti un jeune âgé de dix-sept ans à cause d’une hydrocéphalie monstrueuse, et il en avait minutieusement décrit les différentes anomalies anatomiques cérébrales. Et s’il ne s’agit pas à proprement parler de fous, en parcourant à partir de 1772, les vallées cunéennes du Pô, il alla à la recherche des crétins et des goitreux, dont ces régions abondaient22.
Ainsi, ses recherches sur le crétinisme doivent également être abordées, en particulier au sujet de la mise en relief de l’impression basilaire du crâne identifiée par Arthur Schüller (1874-1958) au xxe siècle grâce à la radiologie. Rudolf Virchow (1821-1902) avait déjà observé sur quelques crânes cette altération osseuse au niveau de leur base, lui donnant le nom d’impression basilaire. Ses observations ont été précédées par la première observation connue de cette anomalie réalisée en 1775 par Malacarne. De fait, en 1789 il publie en français un opuscule où il décrit les caractéristiques physiques et morales du crétinisme : ce traité est intitulé Sur l’état des crétins, Lettre
21. Malacarne 1784, p. 4-5, partie 2. 22. Pogliano 1989, p. 157.
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de l’auteur à M. Frank professeur de Pavie23. Il y présente une synthèse des recherches entreprises à partir de 1775 sur les nombreux malades des régions de l’Aoste et du Valais. Ce texte répond à une demande de la Société d’Agriculture de Turin préoccupée par l’augmentation des cas de crétinisme dans ses vallées et à la recherche de solutions médicales. La même année, paraît en italien le traité intitulé : Tentativi sui gozzi e sulla stupidità che in alcuni paesi gli accompagne24. Ces travaux participent à l’édification d’un discours anatomoclinique à propos de l’idiotisme et permettent d’en approfondir la compréhension dans ses dimensions mentales et physiques. Luigi Samoggia conclut à propos des observations de Malacarne que : le travail fondamental est celui de 1789. Il est vraiment d’une telle importance que l’on peut considérer que l’Auteur occupe une place imminente dans l’histoire de la psychiatrie25.
Malacarne observe que cette maladie est l’effet de causes organiques internes et non de causes externes. La supposition d’une cause spécifique située dans le cerveau, sans lien avec l’environnement des malades, contredit des travaux tels que ceux effectués par le conte de Maugiron qui en attribue les causes à des agents climatiques et sociaux tels que la chaleur, la saleté et la pauvreté. C’est à partir d’une observation faite par Cornelius de Pauw26 sur des indiens que Malacarne opère une dissociation entre le goitre et le retard intellectuel. En effet, de Pauw observe que les indiens de la Cordillère, s’ils souffrent d’un goitre, ne sont absolument pas atteints de déficiences mentales. Malacarne remarque alors, qu’à l’inverse, il existe des familles, où malgré l’absence de goitre, l’idiotisme en atteint tous les membres. C’est à partir de cette possibilité qu’il n’y ait pas de coïncidence entre le développement d’un goitre et le crétinisme, qu’il en recherche les causes internes. Puis il distingue les différentes espèces de goitres qui affligent les crétins. Il se pose finalement la question de savoir quels rapports peuvent exister entre le goitre et l’état du crétinisme. Il prie les chirurgiens d’examiner scrupuleusement, si l’occasion devait se présenter, les têtes des crétins ; ce n’est pas tout, mais de les lui envoyer si c’est possible, et il suggère une méthode sûre et facile pour les préparer, afin qu’elles lui parviennent entières et exemptes de putréfaction27.
Le cerveau devient au fil de ces recherches un espace au sein duquel est localisé le siège des déficiences de l’intellect déterminant pour la compréhension des différentes pathologies cérébrales. L’entité clinique de l’idiotisme conçu comme un trouble des structures du crâne, du cerveau et du cervelet est donc isolée par Malacarne : Et si aux vices des glandes du cou doit souvent être associée la stupidité, le crétinisme que nous avons décrit dans un traité particulier, la conséquence n’en est pas, que les goitreux soient stupides, soient crétins, comme nous le démontrons dans celui-ci
23. Sur l’état des crétins, Lettre de l’auteur à M. Frank professeur de Pavie. De Turin au mois de décembre 1788, texte inséré et publié dans Malacarne 1789, p. 37-38. 24. Malacarne 1789. 25. Samoggia 1965, p. 65, no 3. 26. De Pauw 1771, p. 176, tome I. 27. Samoggia 1965, p. 65, no 3.
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et dans les Ricordi anatomici e chirurgici28. Il est difficile d’en déduire, que le crétinisme soit nécessairement associé avec le vice de tout le système glandulaire partiel du cou, et encore moins avec l’universel29.
Le cadre clinique de ces études nous permet de voir de quelle façon ces observations sont utilisées en vue de comprendre et d’isoler les manifestations de la maladie : à partir de l’analyse croisée des observations anatomiques et pathologiques, les liens causaux entre l’état des structures cérébrales et les déficiences intellectuelles sont caractérisés. Ainsi les lésions intracrâniennes sont décrites et analysées en relation avec les caractéristiques physiques et morales atteignant cette communauté de malades : Leurs chairs sont flasques, crasseuses et la peau est tombante, la langue est épaisse, proéminente, et les lèvres et les palpébraux sont épais. La couleur du visage et de toute la peau est olivâtre, ou chez quelques-uns jaune-brune, c’est pourquoi ils sont généralement appelés dans cette vallée les marrons […]. Puis le caractère en est étrange, étant en général tout à fait inertes et indolents jusque dans la nécessité la plus urgente de bouger, afin de répondre aux besoins corporels indispensables à la conservation de leur vie : et ils ne sont pas rares les individus tout à fait incapables d’autre chose, que d’engloutir avec leur propres mains, au point que les proches soient contraints de les alimenter avec une cuillère, ou comme on le fait avec des enfants encore en langes30.
Ces observations comportementales, permettent d’amorcer une réflexion causale au sein de laquelle l’absence avérée de facultés intellectuelles ainsi que l’altération du comportement ont des causes internes. C’est ce que Malacarne démontre à l’issue des dissections qu’il fait de ces sujets : 1. Le crâne en général moins élevé, et moins aplati sur les côtés. 2. Les trous du Valsalva aux angles lambdoïdes beaucoup plus grands. 3. Au contraire, les trous déchirés à la base du crâne, entre l’apophyse basilaire de l’occipital, et les rochers des os temporaux, sont presque oblitérés, de façon qu’à peine peuvent elles passer par les ouvertures de ces mêmes trous, les paires des nerfs sympathiques moyens ; des glosso-pharyngiens, et de l’accessoire de Willis. 4. […]. 5. […]. 6. Le cervelet même logé dans une cavité plus étroite qu’il ne lui faut, ne pouvant pas se développer, ni acquérir la grosseur, et largeur ordinaire, doit porter sur les fonctions animales les atteintes, et sur certains organes extérieurs les dérangements qu’on a que trop lieu d’observer chez ces malheureux. 7. […] 8. Que la masse du cervelet infiniment plus gênée, reste toujours moindre à proportion des entraves opposées à son accroissement, par la mauvaise conformation des os. 9. Que le nombre des feuillets lamineux et des lames qui en composent la plus grande partie, n’y est pas égale comme aux autres hommes31.
De ces travaux, émergent les questions suivantes : existe-t-il une relation systématique entre les lésions cérébrales et les troubles intellectuels ? De quelle façon les observations anatomocliniques influencent-elles le parallélisme anatomopsychologique développé par Malacarne ? 28. 29. 30. 31.
Malacarne 1801-1802. Idem 1789, p. 15. Ibidem, p. 14. Ibidem, p. 34-35.
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3. cliniquE mEntalE Et théoRiE psycho-anatomiquE du cERvElEt humain
Malacarne soumet le cervelet à une démarche d’analyse clinique, de rationalisation et de quantification statistique à partir de laquelle il conçoit un rapport causal entre son degré de composition interne et le niveau d’expression des facultés. Cette théorie de l’hypoplasie et de l’hyperplasie du cervelet humain est nourrie de ses observations sur l’hydrocéphalie et le crétinisme. En effet, il élabore une théorie par excès et par défaut de la quantité de lamelles qui composent les structures internes cérébelleuses. Ces dernières forment ce que l’on nomme l’arbre de vie. Cette métaphore issue du domaine de la botanique désigne les ramifications blanches du cervelet qui s’épanouissent à la manière des branches d’arbre au centre de la substance grise : C’est pourquoi on peut découvrir dans chaque cervelet humain dix arbres de vie, où on coupe toutes les parties décrites de sorte que les petits feuillets, et les lames soient taillées en travers d’une surface à l’autre, de sorte que tous les lobes, les petits lobes et les lames qui appartiennent à chacune des parties indiquées en soient détachés32.
Ainsi, plus le cervelet est développé, plus on peut facilement y pratiquer des coupes dans les hautes structures, et plus son arborescence est importante : les lamelles subalternes sont alors plus nombreuses. Dans le cas de l’hydrocéphalie ou du crétinisme où la cavité osseuse est trop étroite pour permettre au cervelet de croître normalement, ces structures sont beaucoup moins développées. Ainsi, le nombre des lamelles, soumis par Malacarne à une méthode de quantification, en est moindre33. Il faut corréler la réalité anatomique de structures existantes et l’édification d’un modèle fonctionnel qui rende compte du lien entre des malformations organiques et les troubles des facultés. Si les lamelles sont des unités organiques constitutives du cervelet humain et animal, la théorie anatomopsychologique de cet organe comme siège de l’intellect est invalidée par les expériences de Flourens. En effet, ce dernier pratique l’ablation du cervelet sur des animaux qui perdent alors, la mobilité : Si l’on enlève le cervelet à un animal, il ne perd que la régularité de ses mouvements de locomotion : si l’on enlève ses tubercules quadrijumeaux, il ne perd que la vue : si l’on détruit sa moelle allongée, il perd ses mouvements de respiration, et, par suite, la vie. Aucune de ces parties, le cervelet, les tubercules quadrijumeaux, la moelle allongée n’est donc organe de l’intelligence34.
Les observations de Malacarne relève d’une métaphore du cervelet conçu comme une machine dont le bon fonctionnement dépend du nombre suffisant d’unités organiques. Sa théorie résulte donc d’une sur-interprétation anatomique 32. Malacarne 1776, p. 70. 33. Ainsi, au sujet des sujets atteints de crétinisme, Malacarne souligne, comme nous avons pu le voir dans la seconde partie que : « 9. Que le nombre des feuillets lamineux et des lames qui en composent la plus grande partie, n’y est pas égale comme aux autres hommes. (…). » ; Malacarne 1789, p. 34-35. 34. Flourens 1863, p. 21. « Ce n’est qu’en pratiquant l’ablation d’encéphales que les animaux perdent toute leur attention et leur capacité d’apprentissage. Seuls les hémisphères se développent en raison de l’intelligence. » (Ibidem, p. 23).
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dans la mesure où il déduit, du stade de développement cérébelleux, un modèle anatomopsychologique permettant de comprendre les niveaux de développement de la pensée. Des principes mécanistes et matérialistes se mêlent au sein d’un modèle unique : d’une part, l’expression normale des facultés est soumise au développement mécanique des structures lamellées du cervelet ; d’autre part, la nature individuelle de chaque sujet y est en grande partie soumise. Ce modèle est rendu visible dans les conditions pathologiques par comparaison et confrontation avec les conditions normales. Malacarne établit ainsi un modèle anatomopsychologique de l’organe cérébral dans lequel des considérations cliniques et anatomiques sont mises au service de la pathologie. Ses quantifications de lamelles sont formalisées au sein de tableaux publiés en 178435. Ils résultent d’une construction conceptuelle où Malacarne donne une signification au nombre inconstant des lamelles du cervelet d’un sujet à l’autre. En effet, Au reste, quelle que soit la manière de les compter, il faut observer que le nombre de lames principales est à peu près le même dans tous les individus mais que celui des lames subalternes est sujet à beaucoup de variétés. Malacarne qui s’est beaucoup occupé de cet objet dit n’avoir trouvé que trois cent vingt-quatre lames dans le cervelet d’un insensé, tandis que dans d’autres individus il en a trouvé sept cents à sept cent quatre-vingts. Ces différences si frappantes se conçoivent facilement si on considère que dans l’enfant naissant, le cervelet a peu de volume, peu de consistance, que ses lames subalternes sont extrêmement petites, et que plusieurs circonstances accidentelles peuvent changer l’ordre naturel de la circulation dans l’organe, arrêter le développement d’un nombre plus ou moins grand de lames36.
Ainsi, à partir de plus de soixante dissections d’encéphales humains, il dresse des tableaux casuistiques où sont groupés les résultats par ordre de poids du cerveau, du cervelet, de la quantité de lamelles, etc. Afin de faciliter la lecture de ces tableaux, il est nécessaire de noter que : - la colonne A indique le nombre d’individus dont l’organe cérébral pèse un poids identique ; - la colonne B, les onces que chaque cerveau pèse en totalité ; - la colonne C, les huitièmes et la colonne D les scrupules37 ; - à partir de la colonne E, les données concernent les cervelets étudiés isolément des cerveaux ; - la colonne E en indique les onces ; - la F les huitièmes et la G les scrupules ; - la colonne H rend compte du nombre de lames trouvées sur la face supérieure de chaque cervelet et la colonne I du nombre de lames comptées dans la face inférieure.
35. Malacarne 1784, p. 86-89, partie 2. 36. Chaussier 1807, p. 85. 37. Une once représente une valeur comprise entre 24 et 33 grammes, un huitième correspond à un huitième d’une once donc à environ 4 grammes, tandis qu’un scrupule désigne un poids correspondant à un vingt-quatrième d’une once, donc à un poids compris entre 1 gramme et 1, 5 grammes.
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Tableaux statistiques et cliniques publiés dans Malacarne (1784) : 87, partie 2.
Les chiffres délivrés par la colonne B où est indiqué le poids de chaque cerveau vont du plus lourd au plus léger, de quatre-vingt-dix à dix-huit onces. On voit que l’écart de composition des cervelets humains peut être extrême : à la dernière ligne du troisième tableau, le dernier individu dont le cervelet pèse seulement une once ne possède que deux cent seize lames sur la face supérieure du cervelet et cent huit au niveau inférieur. Les sujets ayant une pathologie mentale telle que le crétinisme se situent à ce niveau du tableau. De la même façon, la lecture inverse peut être faite : dans la catégorie des individus ayant un cerveau de quarante-deux onces, on trouve un cervelet de neuf onces avec quatre cent huit et quatre cent deux lamelles ; dans la catégorie des quarante-quatre onces, on a un cervelet de dix onces avec trois cent quatre-vingt-seize et trois cent soixante-dix lamelles. De l’étendue des facultés exprimées par un individu, l’anatomiste clinicien augure de la perfection des structures intracrâniennes. Ainsi qu’il l’explique à son correspondant et ami, le naturaliste suisse Charles Bonnet : Je vois toujours mieux les différences qu’il y a entre les cerveaux humains, et je viens d’être convaincu par l’attention la plus scrupuleuse de l’influence que ces différences ont sur les individus de l’espèce humaine ; car lorsque je connus particulièrement le sujet dont le cerveau a été assujetti à mes yeux, j’ai été à même de prédire s’il y avait plus ou moins de circonvolutions sur le cerveau proprement dit, plus ou moins de
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lamelles sur le cervelet, ou plus ou moins de profondeur aux sillons de l’un ou de l’autre, non pas jusqu’à en fixer le nombre mais approximativement38.
Malacarne propose un ancêtre du quotient intellectuel en prenant pour critère rationnel une unité organique, la lamelle. Ainsi l’expression correcte des facultés est moyennée selon une norme quantitative du nombre de lamelles cérébelleuses : il propose à Bonnet un chiffre moyen autour de six cents lamelles pour un encéphale bien formé. Ce chiffre correspondant à un seuil organique minimum pour la bonne expression des facultés : Dans quelques cervelets humains on en compte jusqu’à 780, dans d’autres y en a-t-il 700, enfin on en trouve qui n’en ont que 600. Et même dans le cervelet d’un fou que j’ai disséqué en public dans mon école à Aqui il n’y en avait que 32439.
Toutes ses études anatomopathologiques et cliniques menées sur l’idiotisme et l’hydrocéphalie sont empreintes d’une dimension quantitative à partir de laquelle une conception où les interactions entre les phénomènes de pensée et la morphologie des parties intracrâniennes sont matérialisées. La lamelle est à l’intellect du sujet ce que la fibre est à la physiologie organique. En voulant comprendre la façon dont la matière cérébrale est organisée, un outil permettant d’en appréhender les différents modes d’activité a été créé. Ces travaux possèdent une dimension programmatique ouvrant la voie à un ensemble de travaux sur les localisations cérébrales et les désordres mentaux. Si cette théorie anatomopsychologique du cervelet résulte du rôle important de l’imagination du neuroanatomiste, sa valeur heuristique permettant de localiser la folie et la raison au sein de l’organe cérébral est manifeste. Bien que Malacarne ne cherche pas à établir des correspondances entre les différentes parties du cerveau et les facultés, il localise ces dernières au sein du cervelet, dissections et observations cliniques à l’appui. En corrélant les lésions du cet organe et les troubles de l’intellect, il permet d’entrevoir la possibilité de rendre la folie organique : Il n’a jamais été question pour Malacarne de proposer une corrélation biunivoque entre quelques aires bien circonscrites de l’encéphale et autant de facultés de l’âme. Il se limita à constater une hypoplasie cérébelleuse chez quelques simples d’esprit passibles de dissection, une hyperplasie parallèle chez des sujets doués d’un esprit supérieur. Je ne déciderai pas à quel point le soupçon que cette double circonstance fut casuel, d’autant plus qu’une oscillation continuelle entre le désir que, en procédant à ce passage et en multipliant la casuistique, le siège de l’âme serait localisé (dans le cervelet), et la certitude décourageante que tout, à l’intérieur de la calotte crânienne, fut chaos et ténèbres40.
Il met également au point un appareil capable de mesurer les rapports de proportions entre la taille des os et la quantité de matière qui y correspond. Cet instrument,
38. MS BO 34, f-172-195 : Lettre, Malacarne vers Bonnet (Aqui, 8 mai 1779). 39. MS BO 34, f-172-195 : Lettre, Malacarne vers Bonnet (8 août 1778). 40. Pogliano 1989, p. 167.
LE RENOUVEAU DE LA CLINIQUE AU XVIIIe SIÈCLE • 179
le céphalomètre, divise la superficie du crâne en douze parties égales. La démarche de Malacarne s’articule autour d’un discours clinique, mathématique et topographique, élaboré en vue de dépasser les difficultés pratiques dans lesquelles sont prises les études sur le cerveau. Le critère quantitatif des lamelles fonde un point de rencontre organique entre le stade intellectuel d’un individu et celui de la perfection de ses structures : Plusieurs de ces observations par lesquelles je voyais que les nuances du déploiement des facultés intellectuelles répondait à celle de la parure du cerveau et particulièrement du cervelet, m’ont porté à croire que la multiplicité des lamelles dans les cervelets humains soit un approchant de la perfection de cet organe admirable […]41.
Le problème de la rareté des cas simples d’esprit ou atteints d’autres altérations est indépassable, c’est pourquoi les dissections de ces organes dans chacun de leur état sont analysées et corrélées de différents points de vue : clinique, pathologique, psychologique et physiologique. Le fonctionnement hyperplasique du cervelet est également démontré par opposition avec celui où les facultés sont oblitérées : Permettez-moi d’ajouter une vérité bien étayée sur des observations répétées : Les individus dont jusqu’à cette heure j’ai observé le cervelet paré d’un nombre plus grand de lamelles avaient marqué de leur vivant une mémoire plus heureuse, une sagacité plus plaisante, une vivacité hors du commun de quelque condition eussentils été, quelque éducation eussent-ils reçue, de façon que le cervelet le plus riche que j’ai pu voir était renfermé dans la tête d’une femme de la lie du peuple (Claire Gamba mariée au bidel des écoles d’Aqui) grande hâbleuse, très facétieuse, et fort aimée de tout le monde uniquement par la grâce de son discours, par la vivacité et par son savoir-faire […] à merveille42.
conclusion Dans le contexte du renouveau de l’approche clinique au xviiie siècle, les recherches de Malacarne sont dirigées par la volonté d’établir des corrélations entre les manifestations cliniques des facultés et l’état de développement du cerveau et du cervelet. Grâce au cadre clinique que Malacarne pose sur l’étude de ses sujets atteints de lésions cérébrales visibles à la dissection, on peut considérer qu’il est aux fondements des premières localisations cérébrales concrètes : Reil a donc fait une remarque fort juste quand il a dit que le nombre de branches du cervelet et de leurs divisions ou sous-divisions s’accroît en raison des progrès de l’organisation animale vers la perfection. On peut rapprocher de ces diverses circonstances les observations d’après lesquelles Vincenzo Malacarne s’est cru fondé à établir qu’il y a une corrélation intime entre le nombre de feuilles du cervelet et l’énergie ou l’étendue des facultés intellectuelles de chaque individu de l’espèce humaine. Ce médecin les a trouvées peu nombreuses chez les sujets idiots et stupides, tandis qu’il en a compté beaucoup chez les personnes qui s’étaient distinguées par la force et le brillant de leur esprit43. 41. MS BO 34, f-172-195 : Lettre, Malacarne vers Bonnet (8 mai 1779). 42. Ibidem. 43. Tiedeman 1823, p. 176-177.
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LE RENOUVEAU DE LA CLINIQUE AU XVIIIe SIÈCLE • 181
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Entre les choses et l’âme
La « médecine de l’esprit » au xviiie siècle
Marco MEnin (Université de Turin) Summary The history of eighteenth century medicine usually does not take into account the so-called médecine de l’esprit (medicine of the mind). The analysis of this branch of the medical thought – developed in Paris in the mid-century – shows not only the interaction between medicine and philosophy, but also the revival of Hippocratic medicine, and, especially, of Hippocratic hygiene. Parisian physician-philosophers, as Antoine Le Camus and Charles Augustin Vandermonde, developed in fact an original psychophysiology able to explain the role that sensibility plays in the constitution of human nature. They start from two fundamental assumptions: the mutual malleability between mind and body, and the will to identify a correct physiological disposition, achievable thanks to an external manipulation, able to promote psychological and moral health.
Le xviiie siècle est une période de l’histoire de la médecine méconnue ou mal connue. Il est en fait souvent considéré par les historiens, au sujet de la médecine comme de la chimie, comme un siècle entre deux, dénué d’une cohérence apparente et d’authentiques découvertes. Cette « non-spécificité » du xviiie siècle pour ce qui concerne le champ médical (qui détonne ouvertement avec la richesse culturelle à l’âge des Lumières) a été déjà soulignée, pour ne citer qu’un exemple célèbre, par Charles Victor Daremberg dans son Histoire des sciences médicales : « Le dix-huitième siècle ne constitue pas une période de notre histoire ; ni la chronologie, ni surtout le développement et la succession des doctrines ne permettent une pareille distinction1. » Au-delà de ce préjugé historiographique reconductible au positivisme et au moins partiellement désavoué par des études récentes2, il reste indéniable que seulement certains médecins du xviiie siècle ont fait l’objet d’une investigation véritable, en fonction de l’angle sous lequel ils ont été lus et compris à telle ou telle période. Théophile de Bordeu, par exemple, est sûrement plus connu (soit au xixe siècle, soit aujourd’hui) par le personnage du Rêve de d’Alembert de Diderot que par ses recherches anatomiques sur la position des glandes ou par ses réflexions sur la valeur thérapeutique de l’eau. Un discours similaire est valable pour les systèmes médicaux. 1. 2.
Daremberg 1870, p. 1001. Voir Dachez 2008 ; Barroux 2008. Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 183-192
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Si, en fait, les écoles vitalistes, et plus particulièrement celle de Montpellier à laquelle se rattache en grande partie la spéculation de Bordeu, trouvent une place significative dans l’histoire de la médecine3, principalement en raison du rôle que certains de ses représentants (Henri Fouquet et Ménuret de Chambaud in primis) ont joué dans la rédaction de l’Encyclopédie4, la reconstruction des systèmes médicaux du xviiie siècle se ramène en dernière instance à une taxonomie assez exiguë et stéréotypée : les théoriciens de l’homme-machine et les représentants de l’école iatrochimique en opposition aux théories animistes et vitalistes pour ce qui concerne la première moitié du siècle ; les théories aliénistes et le magnétisme animal de Mesmer pour ce qui concerne les années du tournant des Lumières, jusqu’à atteindre, avec le xixe siècle, l’avènement du nouveau paradigme de la médecine expérimentale, dont Claude Bernard est considéré comme le fondateur. Dans cette vue d’ensemble conventionnelle de l’histoire de la médecine, la prétendue « médecine de l’esprit » habituellement ne trouve pas place. Or, cette branche de l’art médical se révèle d’un grand intérêt pour une enquête sur les médecines « parallèles » pour au moins deux raisons. Tout d’abord, son analyse peut contribuer à éclairer certains aspects méconnus de l’interaction de la pensée médicale et de la philosophie. Deuxièmement, elle révèle la relation à la fois solidaire et conflictuelle que l’art médical au xviiie siècle entretint avec la médecine antique, et surtout avec Hippocrate ou, pour mieux dire, avec le corpus hippocratique. La référence au médecin grec antique n’est pas, en soi, un élément d’originalité. Cette référence, qui est commune aux tenants de toutes les écoles médicales du siècle des Lumières, se retrouve jusque dans l’article « Hippocratisme » de l’Encyclopédie. Ici le « célèbre philosophe médecin » de Cos est défini comme un « divin auteur » qui a élevé l’art médical « à un point de perfection auquel la Médecine était bien éloignée d’avoir atteint avant lui, et qui, pour l’essentiel, n’a ensuite presque rien acquis de plus ». Pour cette raison, « on a constamment, depuis plus de vingt siècles, regardé Hippocrate comme l’instituteur et presque absolument comme l’inventeur de cet art salutaire »5. En dépit de cette admiration sans réserve, l’un des objectifs de la médecine au xviiie siècle (ou, peut-être, l’objectif principal) réside dans l’effort de construire la médecine même sur de nouvelles bases, abandonnant de façon définitive les systèmes médicaux antiques, et en particulier celui des quatre humeurs traditionnellement attribué à Hippocrate et approfondi à la suite par Galien6. La référence à Hippocrate reste cependant une référence méthodologique et non doctrinale. Il s’agissait en fait, au xviiie siècle comme dans l’ancienne Grèce, de fonder l’étude du vivant sur un principe méthodologique renouvelé, pour donner à la médecine le socle théorique sur lequel l’ériger de façon scientifique.
3. 4. 5. 6.
On peut citer les travaux classiques de Jacques Roger (Roger 1963) et de Louis Dulieu (Dulieu 1975, vol. III), mais aussi les études plus récentes de Anne C. Vila, Roseline Rey et Elizabeth A. Williams. Voir Vila 1998 ; Rey 2000 ; Williams 2003. Voir notamment Zeiler 1934 ; Laignel-Lavastine 1951, p. 353-358. Encyclopédie 1766, s.v. « Hippocratisme ». Pour une étude générale sur la théorie humorale, et sur sa fortune historiographique, on renvoie à Arikha 2007 ; trad. it. 2009.
ENTRE LES CHOSES ET L’ÂME : LA « MÉDECINE DE L’ESPRIT » AU XVIIIe SIÈCLE • 185
Tel est précisément le défi théorique de la « médecine de l’esprit », une expression qui désigne une nouvelle branche de la médecine, cultivée notamment par les médecins-philosophes parisiens depuis les années cinquante. Ces auteurs s’engagèrent dans une tentative de développer une psychophysiologie capable d’expliquer pleinement le rôle que la sensibilité joue dans la constitution de la nature humaine, sur la base de deux hypothèses fondamentales : (i) la malléabilité mutuelle de l’esprit et du corps et (ii) la volonté d’identifier des dispositions physiologiques correctes, qui peuvent être obtenues aussi par une manipulation externe, capables de promouvoir le bienêtre psychologique et moral. Les résultats les plus significatifs et qui eurent une plus grande résonance furent ceux obtenus par Antoine Le Camus et Charles Augustin Vandermonde. Leurs œuvres les plus importantes sont respectivement La Médecine de l’esprit (1753) et l’Essai sur la manière de perfectionner l’espèce humaine (1756). En particulier le traité en trois livres de Le Camus acquit une certaine notoriété dans le milieu intellectuel de l’époque, comme le confirment soit la deuxième édition de l’ouvrage en 1769, soit les nombreuses citations de son travail référencées dans les pages des auteurs contemporains les plus connus. Diderot n’a pas hésité à mettre le traité de Le Camus dans sa liste personnelle des œuvres « qu’il faut lire »7 dans le domaine de la physiologie ; Voltaire fait une citation parodique du livre dans l’article « Passions » de ses Questions sur l’Encyclopédie8, et même Rousseau, qui en raison de son hypocondrie regardait avec méfiance une bonne partie de la littérature médicale, en possède une connaissance au moins indirecte9. L’originalité du travail de Le Camus réside dans le fait de ne pas traiter les maladies du cerveau ou leur classement, comme la plupart d’œuvres contemporaines consacrées à un sujet similaire, mais les causes physiques qui peuvent influer sur les dispositions de l’âme, et les moyens de prévenir et guérir ses perturbations, comme on peut le déduire du titre suivant cité dans son intégralité : La Médecine de l’esprit, où l’on traite des dispositions et des causes physiques qui, en conséquence de l’union de l’âme avec le corps, influent sur les opérations de l’esprit ; et des moyens de maintenir ces opérations dans un bon état ou de les corriger quand elles sont viciées10. Après avoir mis l’accent sur l’enquête des causes physiques qui affectent l’esprit, Le Camus se concentre sur l’utilisation thérapeutique dans le sens moral de ces causes. Là se situe le vrai cœur théorique de la « médecine de l’esprit », laquelle trouve une bonne illustration au début du deuxième livre : 7.
Diderot (Dieckmann, Fabre, Proust 1975), p. 546. Sur l’influence de Le Camus sur Diderot voir Rey 1985, p. 287-296. 8. « Comme j’écrivais ces choses au mont Krapack, pour mon instruction particulière, on m’a apporté le livre de la Médecine de l’esprit du docteur Camus, professeur en médecine de l’Université de Paris. J’ai espéré d’y voir la solution de toutes mes difficultés. Qu’y ai-je trouvé ? Rien. Ah, monsieur Camus ! Vous n’avez pas fait avec esprit la Médecine de l’Esprit ». Voltaire 1860, p. 279, s.v. « Passions, Leur influence sur le corps, et celle du corps sur elles ». 9. Voir di Palma 2000, p. 73-227, en particulier p. 83 et suivantes. Je me permets de renvoyer aussi à Menin 2013, p. 244-247, 318-322. 10. Le Camus 1753. La deuxième édition de l’ouvrage (Paris, Ganeau, 1769, 2 vol.) affiche un sous-titre différent : Médecine de l’esprit où l’on cherche le mécanisme du corps qui influe sur les fonctions de l’âme ; (2) les causes physiques qui rendent ce mécanisme ou défectueux ou plus parfait ; (3) les moyens qui peuvent l’entretenir dans son état libre, ou le rectifier lorsqu’il est gêné.
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Il n’est rien de désuni dans la nature. Tout s’y lie à tout : et l’homme, cet être que son orgueil voudrait séparer des autres, y est tellement uni à l’air, à l’eau, au feu, à la terre, qu’il cesse d’être si on le sépare de ces éléments qui lui conservent la vie, qui contribuent à sa santé, et qui modifiant différemment son corps, doivent nécessairement modifier différemment son esprit. Tout ce qui produit, environne ou entretient notre corps, peut donc apporter des changements notables dans nos âmes11.
Le problème fondamental pour Le Camus peut donc être décrit comme suit : chaque objet donne lieu chez l’être humain à des sensations qui, seules ou combinées à d’autres, forment une idée. Dans le même temps, cependant, la rencontre produit un changement corporel qui ne se réduit pas à la transmission physique de l’information dans les nerfs, mais transforme également le milieu dans lequel cette information est produite, transmise, perçue et évaluée. La médecine de l’esprit est ainsi construite à partir de l’environnement extérieur, dans lequel se trouvent « toutes les causes matérielles qui forcent l’âme et le corps à exercer des fonctions conformes à leur nature »12. Parmi les causes physiques qui peuvent expliquer les changements spirituels, celles qui sont liées uniquement au sujet (la génération, le sexe et l’âge) sont en fait difficiles à contrôler, tandis que la figure du sage médecin semble avoir la possibilité d’influencer profondément celles liées à l’extériorité : le climat, les saisons, l’éducation, le tempérament, le régime de vie et la santé13. L’esprit humain peut donc être comparé à « un vrai caméléon qui prend toutes les couleurs des objets qui l’environnent. Le soleil lance-t-il les rayons avec plus ou moins de vigueur sur notre atmosphère ? Nos âmes semblent prendre des forces ou s’affaiblir. L’air est-il plus ou moins serein ? Les liquides qui donnent l’action à notre machine sont plus ou moins purs »14. Émerge ainsi comme l’une des caractéristiques fondamentales de la médecine de l’esprit, le rôle de plus en plus central joué par l’hygiène. Il devient en fait à la fois l’horizon philosophique et anthropologique dans lequel se développe le travail du médecin. L’hygiène intervient au cœur du discours philosophico-médical du xviiie siècle au moins de deux manières. D’une part, ce thème devient objet d’une discipline médicale à part entière, qui vise essentiellement au maintien de la santé par l’individuation de règles de vie positivement déterminées. D’autre part, à cette dimension prophylaxique (comment vivre pour éviter de tomber malade ?) se joint une dimension ouvertement thérapeutique : des dispositions d’ordre hygiénique interviennent encore lorsque la maladie est déjà déclarée. En d’autres termes, sain comme malade, le sujet doit observer une manière de vivre, un régime. À cette double connotation (prophylaxique et thérapeutique) de l’hygiène correspondent ses deux usages fondamentaux dans le cadre théorique de la médecine de l’esprit. Tout d’abord, comme le confirme aussi la reconstruction succincte du traité de Le Camus, le discours sur l’hygiène doit nécessairement prendre en compte une
11. 12. 13. 14.
Le Camus 1753, I, p. 179. Ibidem, p. XIV. Ibidem, p. 179-183. Ibidem, p. 247-248.
ENTRE LES CHOSES ET L’ÂME : LA « MÉDECINE DE L’ESPRIT » AU XVIIIe SIÈCLE • 187
dimension anthropologique. Pour comprendre ou rétablir la santé, l’homme doit en fait être placé dans un environnement permettant de le distinguer des autres êtres vivants. On aura à prendre en compte de nombreux critères : géographiques, climatiques et culturels (les mœurs). On aura à prendre en compte aussi les variantes du genre et de l’âge : les hommes ont des spécificités par rapport aux femmes, les hommes et les femmes par rapport aux enfants, les jeunes par rapports aux vieux, etc. Dans cette perspective, l’hygiène n’est pas seulement un discours sur la santé et sur la maladie, mais il est un discours sur le monde et sur la société qui le compose. La valeur philosophique d’une telle conception de l’hygiène est manifeste : la bonne santé est toujours vertueuse, parce que le “bien vivre” implique un équilibre concernant aussi bien les fonctions organiques et corporelles, que les dispositions propres à l’âme. De plus, une telle conception de l’hygiène va au-delà de la dimension purement descriptive, pour impliquer des évidents éléments normatifs. L’hygiène n’est pas en fait un discours abstrait, mais un discours qui produit une conduite. Pour cette raison, la médecine de l’esprit concerne soit l’individu soit la société : son but éthique est de stabiliser les dispositions morales par des moyens physiologiques, en utilisant l’influence de la sensibilité physique. Dans cette perspective, la santé du corps est la première condition de la vertu et le corps même devient le vrai fondement de l’action morale. Cette valeur morale de la connaissance médicale devient l’une des prérogatives clés des théoriciens parisiens de la « médecine de l’esprit », qui accentuent, par rapport à leurs confrères de Montpellier, l’importance accordée au statut « interdisciplinaire » de l’art médical même. Ce n’est pas par hasard qu’elle est définie, dans les pages initiales de la Médecine de l’esprit, comme la science « qui na[ît] du concours de toutes les connaissances humaines »15, et qui en tant que telle peut aspirer à être l’expression appropriée d’un « siècle aussi éclairé que le nôtre »16. Le travail ne s’adresse pas davantage exclusivement aux médecins, mais à un public beaucoup plus diversifié, allant des physiciens aux savants experts en logique, mais qui trouve cependant des interlocuteurs privilégiés dans « les Philosophes qui s’adonnent plus volontiers à la Morale », lesquels « trouveront une ample matière à leurs réflexions »17. Cette synergie entre la médecine et la philosophie trouve son expression la plus significative dans la réflexion sur le perfectionnement physique et moral du comportement humain à travers l’individu et à travers la communauté dans son ensemble (Rousseau inventa dans les mêmes années le néologisme « perfectibilité » pour exprimer cette idée18), ainsi que sur la valeur politique du travail du médecin. Pour confirmer la centralité de cette réflexion sur la régénération de l’homme, il peut être opportun de souligner que le même Le Camus a consacré à ce problème un autre écrit, rarement mentionné, intitulé Mémoire sur la conservation des hommes 15. 16. 17. 18.
Le Camus 1753, p. 1-2. Ibidem, p. IX. Ibidem, p. XIV. Rousseau est reconnu comme le premier auteur à utiliser cette expression dans un écrit, bien que l’idée fût dans l’air du temps. Il semble que Turgot, auteur en 1750 d’un Discours sur les progrès successifs de l’esprit humain, avait déjà utilisé le mot perfectibilité dans ses conversations avec Grimm. Sur cette question, on renvoie à Gouhier 1978, p. 321-340 ; Labussière 2004, p. 91-113.
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bien faits19. Il s’agit d’un bref traité publié dans des mélanges littéraires, lequel peut être considéré comme une sorte d’application pratique de la théorie exposée dans la Médecine de l’esprit. Si ce dernier travail se caractérise essentiellement comme une reconstruction de la dimension psycho-physique de l’individu, axée sur la valeur anthropologique de l’hygiène, le Mémoire en représente, dans l’intention de son auteur, le complément au niveau communautaire : il examine de plus près les implications philosophiques et politiques de l’hygiène même. Il y préconise un plan radical de réforme sociale qui doit être guidé par les médecins, véritables « législateurs » de l’esprit et de la société. Leur objectif, comme on peut le deviner d’après le titre de l’œuvre, sera de promouvoir la conservation et la reproduction des « hommes bien faits », c’est-à-dire des individus qui, en jouissant de prédispositions physiques favorables (liées par exemple à la génération ou au tempérament), peuvent être destinés plus facilement à l’amélioration morale. Il faut cependant éviter les inconvénients liés aux institutions sociales existantes, à commencer par la guerre, qui conduit « à l’extinction de la belle espèce des hommes »20. Bien que les solutions proposées par Le Camus, comme celle de créer des régiments d’hommes « mal formés » pour être envoyés au front pour protéger les citoyens bien faits, paraissent insuffisantes et parfois dérangeantes, son désir d’éviter la dégénération (à la fois physique et morale) de l’être humain confirme soit le glissement de l’hygiène du niveau individuel au niveau collectif, soit son inévitable connotation morale. La même attention pour une « réforme médicale » de l’humanité représente l’horizon théorique du travail de Vandermonde Essai sur la manière de perfectionner l’espèce humaine. Cette œuvre, qui s’adresse à son tour ouvertement à un auditoire de philosophes et de savants, insère la théorie de la sensibilité individuelle au sein du contexte plus large de la sensibilité universelle, afin d’expliquer les progrès potentiels de l’humanité : Mais je crois que l’on peut prétendre avec assez de fondement, que nos corps n’ont pas toute la perfection dont ils sont susceptibles, que l’on peut les empêcher de dégénérer en suivant des règles simples et des principes naturels, et que notre esprit lui-même doit profiter beaucoup de la perfection de notre corps21.
Cette déclaration programmatique, axée sur l’opposition entre dégénération et perfectibilité, pousse Vandermonde à se fixer deux objectifs principaux : d’une part, il veut montrer comment la pratique de l’hygiène et un bon régime peuvent conduire à une transmissibilité accrue de génération en génération de la santé, de la force et de la beauté ; d’autre part, il veut éduquer les parents sur la bonne façon de former le corps et l’esprit des enfants et des jeunes. Sa référence principale sera, comme déjà pour Le Camus, une œuvre de John Locke. Mais alors que celui-ci a pris comme modèle les théories épistémologiques de l’Essay concerning Human Understanding, Vandermonde trouve son inspiration dans la pédagogie de Some Thoughts concerning Education. Au médecin-législateur du Mémoire de Le Camus succède ici
19. Voir Le Camus 1760. 20. Ibidem, p. 312. 21. Vandermonde 1756, p. XVII.
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la figure, similaire et complémentaire, du médecin-pédagogue, qui sait « cultiver » les fonctions sensibles de l’être humain : Il faut renouveler la source corrompue de nos humeurs et de nos esprits. Il faut repétrir nos organes, changer, fortifier et améliorer tous les ressorts de notre machine. C’est en prenant cette route que l’on peut parvenir à briser la chaîne des maladies les plus rebelles et des passions les plus tumultueuses ; en perpétuant dans l’espèce humaine la beauté, la force et la santé, on pourrait y répandre le germe de la vertu et pousser l’esprit à sa plus grande force22.
La seule façon d’accomplir un projet aussi ambitieux c’est de suivre, dans le sillage de Locke, toute l’éducation physique et morale de l’enfant : de la naissance jusqu’à l’époque de la maturité et du mariage. Le résultat est – du moins pour ce qui concerne l’hygiène morale – une sorte d’Émile ante litteram, caractérisé par une extrême attention pour le régime extérieur et pour tous les aspects de la « sélection » de la race ; aspect qui a fait compter Vandermonde parmi les précurseurs de l’eugénisme23. Si Rousseau, dans son traité sur l’éducation paru en 1762 (l’année même de la mort prématurée de Vandermonde) se désintéresse des parents de son élève imaginaire, en comptant même parmi les conditions nécessaires au processus éducatif le fait qu’il soit un orphelin24, le médecin parisien insiste longuement sur les caractéristiques des personnes qui donneront naissance à l’enfant « bien fait », membre d’une humanité nouvelle et meilleure. En plus naturellement de n’avoir « aucun vice de conformation, soit dans les parties essentielles aux deux sexes, soit dans l’organisation du reste du corps »25, ils doivent suivre des directives précises : éviter les rapports sexuels avec la chaleur de l’été et le froid en hiver, s’accoupler de préférence le matin tôt, lorsque les fibres du corps sont plus élastiques, rechercher la conception dans un environnement rural sain, à l’abri de l’air vicié typique de la cité, etc. Une fois qu’un enfant avec des dispositions naturelles tellement favorables est venu au monde, il ne reste plus qu’au médecin-pédagogue de former sa sensibilité, qui assume clairement un statut à la fois physique et moral et qui permet une perception globale des phénomènes humains et de la manière dont ils sont liés les uns aux autres. Cette sensibilité, tout en demeurant soit dans les nerfs soit dans les organes des sens, est définie comme « une substance hermaphrodite entre la matière et l’esprit »26, égal chez les hommes et chez les femmes27, qui médiatise les relations avec l’environnement naturel et avec d’autres personnes.
22. 23. 24. 25. 26. 27.
Vandermonde 1756, p. VII. Voir Carol 1995, p. 19 et suivantes ; Winston 2005, p. 65 et suivantes. Rousseau (Gagnebin, Raymond 1969), p. 267. Vandermonde 1756, p. 66. Ibidem, p. 272. « Tous les hommes et les femmes ont le même degré de sensibilité. Ils sont créés en utilisant le même modèle ». Ibidem, p. 71. Le Camus, au contraire, était convaincu de la supériorité de la conformation naturelle de l’homme sur celle de la femme. Voir Le Camus 1753, p. 197 et suivantes.
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La tâche du médecin philosophe est finalement celle d’enseigner à l’être humain (et à l’espèce entière) la meilleure façon de former sa sensibilité. Un fonctionnement puissant et facile de la sensibilité physique apporte en fait à l’esprit un grand nombre d’idées et améliore les opérations de l’entendement : « Si dès l’enfance on nous eût pliés à cette loi sage [de la sensibilité], nous serions justes dans nos jugements, et nous perfectionnerions infiniment notre esprit. Il est certain que tous les hommes ne sont plus ou moins spirituels, que par l’usage qu’ils font de leurs sens »28. Le rêve de la perfectibilité et du progrès devient un projet réalisable non en tant que naturellement et nécessairement inscrit dans la nature humaine, mais grâce à l’action rationnelle du sage, qui connaît les lois de la nature et sait les exploiter pour le bénéfice de toute l’humanité : « Si le hasard peut faire en sorte que la race humaine dégénère, l’art peut cependant la perfectionner »29. À la lumière de ces considérations, les travaux de Le Camus, de Vandermonde et des autres médecins contemporains qui se sont interrogés sur les relations mutuelles entre l’âme et le corps30, entre la physiologie et la morale, ne sont pas seulement une curiosité historique fondée sur des théories médicales désormais obsolètes. La « médecine de l’esprit » confirme les liens nombreux et déterminants que la philosophie et l’art médical n’ont cessé de nouer depuis l’Antiquité, en faisant en plus émerger une conception de l’être humain extrêmement moderne et nuancée. Cette façon de penser la santé psychosomatique montre en fait avec clarté l’insuffisance d’une vision rationnelle et austère de l’éthique (qu’elle soit stoïcienne ou cartésienne), fondée sur la seule force de l’esprit, rendant naïvement la faiblesse humaine coupable de son inefficacité. Au contraire, cette conception de l’art médical, en vertu du rôle en même temps préventif et thérapeutique qu’elle attribue à l’hygiène, permet de considérer l’homme comme un tout et de penser le corps comme un adjuvant et non comme un obstacle à la vertu. Cet approfondissement des fondements physiques du choix éthique conduit à une morale incarnée, laquelle ne veut définir ni les critères de l’action, ni les vertus à développer, mais veut souligner plutôt le fait que la moralité est avant tout un équilibre global de la vie humaine, laquelle doit être recherchée dans l’espace mystérieux, entre les choses et l’âme, dans lequel se trouve le secret pour accéder à la santé et à la vertu.
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L’effet placebo
De l’histoire à la science
Riccardo G. V. tortA, Valentina iErACi (Université de Turin, Département de Neurosciences) Summary Usually the term “placebo” means a treatment without biological activity, that can induce an emotional responce on the basis of the expectation. But, in last years, the concept that the placebo effect should be only considered as a “mental” reaction is changed. Several studies demonstrated that the placebo effect is related to biological brain modifications of different pathways, that can change according to the expected results. Moreover the placebo effect, or its contrary, the nocebo effect, are present in all therapeutic procedures: the non-pharmacological effectiveness of a drug is not only related to its pharmacodynamic activity, but also to the positive (or negative) expectation of the drug activity that is strictly related to the relationship based on the trust with the therapist.
1. la notion dE placEbo Et son histoiRE Le terme « placebo » vient du rituel funéraire tel qu’il était célébré au Moyen Âge et au cours duquel on prononçait la phrase : « Placebo Dominum in regione vivorum », c’est-à-dire « Je plairai au Seigneur dans la terre des vivants ». C’était d’ailleurs une erreur de traduction de Saint Jérome car il fallait traduire : « Je marcherai face au Seigneur dans la terre des vivants ». Au xiiie siècle, au cours des veillées funèbres, les pleureuses chantaient « Placebo Dominum in regione vivorum » ; elles furent donc appelées « Placebos », et un lien plus tard établi avec leur attitude feinte. La modalité d’un « placebo contrôle » a vu le jour au xvie siècle dans le but de découvrir les faux possédés : si les possédés supposés réagissaient avec violence à de faux objets sacrés, leur possession pouvait être considérée comme imaginaire. Finnis et ses collègues ont mis en évidence qu’un placebo est comme une substance inerte et la réponse placebo comme quelque chose qui suit l’administration d’un placebo1. Mais, paradoxalement, si une chose est inerte, elle doit être incapable par définition de provoquer un effet. Alors quel est le moyen par lequel une substance inerte – dans notre cas un faux médicament – pourrait provoquer une véritable réponse biologique ? 1.
Finnis et al. 2010. Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 193-198
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Une réponse à cette question vient du modèle bio-psycho-social qui nous explique le moyen d’action de n’importe quel médicament : il y a des mécanismes strictement biologiques (tels que ceux pharmaco-dynamiques) ; des mécanismes émotionnels ou cognitifs (tels que l’attente d’une réponse ou la motivation à une cure) et des mécanismes relationnels, qui sont influencés par la culture ou le support social.
2. lE coRps, la psyché, lE modèlE bio-psycho-social Et lE médicamEnt Avant de discuter la notion de placebo il nous faut exposer quelques considérations sur les rapports existant entre notre cerveau et le monde extérieur. Un exemple vient de l’épigénétique, c’est-à-dire de la science qui s’occupe des modifications de l’activité des gènes causées par le milieu. Quand une mère souris a une bonne attitude de maternage (comme lécher les petits, s’arquer pour l’allaitement) les petits de la souris, quand ils seront adultes, seront peu névrotiques et supporteront bien le stress expérimental. Au contraire, les petits qui ont eu une mère avec un maternage pauvre, deviendront névrotiques et avec une faible tolérance au stress. Le maternage agit au niveau du système génétique des promoteurs pour les récepteurs des glucocorticoïdes, qui sont présents dans le circuit du stress. Le bon et le mauvais maternage ont une action différente sur la méthylation du DNA qui provoque une réponse différente au stress. L’influence de l’environnement est confirmée par le crossfostering (c’est-à-dire le changement de maman) qui peut renverser l’état épigénétique. Alors, de quelle façon les états d’esprit peuvent-ils modifier la chimie du cerveau de la même façon que les médicaments ? Les médicaments agissent en se liant à des récepteurs qui produisent une réponse biologique, par exemple les récepteurs pour les BDZ qui sont placés sur les récepteurs pour le GABA (un transmetteur inhibiteur) que les BDZ aident à faire fonctionner. La question qui se pose est : ou bien le bon Dieu avait une joint venture avec la Roche, ou alors ces récepteurs sont là comme cible de quelque chose d’endogène que les BDZ vont mimer. En réalité il s’agit de molécules nommées « endozepines » qui sont produites par le cerveau en réponse à des messages de calme. La même chose arrive avec les récepteurs pour la douleur qui peuvent être activés par des médicaments tels que la morphine ou les opioïdes endogènes ou les endocannabinoïdes. Alors si nous avons des transmetteurs endogènes qui ont la même action que des médicaments spécifiques, est-il possible d’employer cliniquement ces ressources ?
3. lEs aspEcts cliniquEs dE l’EffEt placEbo D’après ces assertions nous allons prendre en considération quelques aspects de l’effet placebo dans la clinique. Nombreux facteurs psychosociaux et psychobiologiques sont en jeu dans l’effet placebo : l’attente, les mécanismes de récompense, le conditionnement, les mécanismes émotionnels. L’attente d’un stimulus de haute intensité active des régions différentes du cerveau (tels que le thalamus, le cortex cingulaire antérieur, le cortex orbifrontal, l’amygdale). Au contraire une attente d’un stimulus de basse intensité (à égalité d’intensité objective) provoque une activation inférieure des mêmes régions2. 2.
Benedetti et al. 2007.
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L’attente détermine d’importantes implications dans la clinique, comme l’établit une expérimentation dans laquelle le malade peut soit appeler le médecin ou l’infirmière quand il ressent de la douleur ou de l’anxiété et recevoir le médicament (paradigme ouvert), soit il dispose d’une canule reliée à un ordinateur qui lui délivre la dose prévue (paradigme caché). Dans le paradigme ouvert la réponse clinique (réduction de la douleur ou de l’anxiété) est beaucoup plus importante que dans le paradigme caché : la différence de réponse clinique est due aux mécanismes de l’attente et de la relation humaine. En ce qui concerne les aspects émotionnels et cognitifs de la réponse placebo il faut souligner l’importance de l’humeur et de l’anxiété, de la suggestibilité, de la relation qui s’établit entre le patient et le soignant, ainsi que de la situation biologique existante. En travaillant en psycho-oncologie, nous avons plusieurs fois examiné la question de savoir comment la présence d’une dépression de l’humeur peut réduire le seuil de la douleur et modifier l’adhésion des patients aux thérapies, et ainsi influencer la réponse placebo.
4. lE placEbo Et la doulEuR Aujourd’hui, les mécanismes neurobiologiques liés aux effets placebo et nocebo et donc les aires cérébrales impliquées dans de telles réponses, en particulier dans la douleur, sont assez bien connus. La preuve que l’effet placebo dans la douleur était lié au système opioïde a été donnée par Levine et Gordon qui, en 1984, ont démontré comment l’effet placebo pouvait être contré par le naloxone, un antagoniste des opiacés, ce qui suggère que, dans la douleur, le placebo stimule la libération d’opiacés endogènes3. Dans la douleur, l’effet placebo se manifeste au cours d’une activation du système opioïde endogène et de la dopamine ; tandis que l’effet nocebo vient principalement de l’activation des circuits de la cholécystokinine. L’imagerie cérébrale a confirmé que le placebo produit une réponse dans les régions corticales et sous-corticales (le cortex préfrontal, cortex cingulaire, amygdale, insula, thalamus)4. En particulier, la dopamine peut être impliquée dans l’analgésie induite par le placebo, en raison des interactions opiacés-dopamine démontrées dans les circuits méso limbiques et méso corticaux5.
5. l’EffEt placEbo au-dElà dE la doulEuR Historiquement l’effet placebo a été pour la plupart étudié dans la douleur. Plus récemment on a déplacé l’attention vers d’autres contextes cliniques et l’effet placebo a été démontré dans plusieurs pathologies, telles que la maladie de Parkinson, de l’anxiété, de l’humeur. Évidemment, les réponses biologiques, induites par le placebo, sont tout à fait différentes dans chaque contexte clinique.
3. 4. 5.
Levine, Gordon 1984. Zubieta et al. 2001. De la Fuente-Fernandez, Stoessl 2002.
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La maladie de Parkinson est caractérisée par une dégénérescence des neurones dopaminergiques de la substance noire et donc d’une réduction de la dopamine qui conduit à un défaut de contrôle moteur (tremblement, rigidité). Les malades parkinsoniens sont sensibles à l’effet placebo6. En utilisant du raclopride marqué, une molécule se liant aux récepteurs dopaminergiques, pour détecter les récepteurs cérébraux de la dopamine, De la Fuente-Fernandez et al. ont démontré que le placebo produit la même occupation des récepteurs que L-Dopa (le médicament employé dans la maladie de Parkinson), et qu’il amenait une amélioration parallèle des symptômes cliniques. Donc le placebo semble capable de déclencher une libération de dopamine endogène dans le cerveau, qui est strictement liée au fait que l’attente des malades parkinsonien est focalisée sur la réponse de la mobilité : ainsi les circuits que l’attente va activer seront des circuits dopaminergiques dans le striatum et dans le noyau caudé. Donc l’attente d’un patient peut orienter la réponse placebo vers une voie biologique plutôt que vers une autre, c’est-à-dire vers la voie opioïde si l’on attend une réduction de la douleur ou vers la voie dopaminergique si l’on attend une amélioration du mouvement. Même dans la dépression, l’effet placebo est présent avec une activation spécifique dans les cortex préfrontal, cingulaire, promoteur et pariétal, et une inhibition dans l’hippocampe et le thalamus7, réponses qui sont semblables à celles induites par les médicaments antidépresseurs (tels que la fluoxétine)8.
6. l’EffEt non phaRmacologiquE d’un médicamEnt Tout médicament agit soit d’une façon pharmacologique soit d’une façon émotionnelle, suivant des aspects d’attente, de relation interpersonnelle et de tempérament. Donc l’effet placebo peut se rencontrer avec une substance inactive en augmentant (effet placebo) ou en réduisant (effet nocebo) la réponse thérapeutique normale à cette substance active – tel qu’un médicament. Dans ce dernier cas on parle d’un « effet non pharmacologique du médicament ». Un exemple du renforcement induit par l’effet placebo sur l’efficacité d’un médicament a été cité dans l’expérimentation de Benedetti et al.9, dans laquelle le malade pouvait demander le médicament (paradigme ouvert) ou bien l’avoir automatiquement par un ordinateur (paradigme caché). Dans ce cas la réponse clinique au cours du paradigme ouvert a été beaucoup plus importante que dans le paradigme caché : la différence de réponse clinique est due à la somme des mécanismes de l’effet pharmacologique avec ceux non pharmacologiques, ces derniers étant liés à l’attente et à la relation humaine. De fait, l’effet total d’un médicament résulte de la somme de l’action pharmacologique et de celle qui est liée à la relation avec le soignant, en fonction de la confiance, de l’empathie et du degré de suggestion.
6. 7. 8. 9.
De la Fuente-Fernandez, Stoessl 2002. Leuchter et al. 2002. Mayberg et al. 2002. Benedetti et al. 1995.
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conclusions La recherche clinique a permis de mettre en évidence que l’effet du placebo est en relation avec l’attente d’une réponse et la conviction de l’efficacité du traitement. Les éléments cognitifs et émotionnels sont donc associés pour conduire aux résultats cliniques de l’effet placebo et sont de toute façon aussi liés aux caractéristiques individuelles et situationnelles. Une meilleure connaissance des mécanismes de l’effet placebo, qui se trouve à l’interface entre différents domaines (neurobiologie, psychologie, sociologie), reste nécessaire pour la pharmacologie, les médecines parallèles et les psychothérapies. Reste la question la plus fascinante : comment l’attente d’un effet placebo différent peut-elle activer, dans le cerveau, des circuits capables de reproduire la réponse biologique attendue ? En conclusion, John Haygarth décrit l’effet placebo dans un ouvrage en 1800 qu’il sous-intitule : De la curieuse influence de l’imagination sur les fonctions du corps humain. Il y dévoile la supercherie des « tracteurs de Perkins » (baguettes métalliques brevetées en un alliage qui prétendaient être douées de pouvoirs de guérison). Aujourd’hui on sait que l’imagination travaille (comme l’attente dans l’effet placebo) en activant des réponses strictement biologiques, c’est-à-dire que les mécanismes placebo et nocebo peuvent être considérés comme l’une des preuves que l’esprit humain module le fonctionnement du corps.
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L’effet nocebo dans la médecine rationnelle Germana PArEti (Université de Turin, Département de philosophie et sciences de l’éducation CNR-IBFM, Segrate (MI) – I) Summary This paper aims to examine a cross-cutting theme in the history of medicine, history of ideas and neuroscience. The question of “nocebo effect” (and its psychological action on perception and awareness of pain) is seen from cultural, philosophical, psychological and religious points of view, as well as in the context of the contemporary science and alternative medicine. The discussion focuses on a particular issue: what is the rational explanation of the “placebo/ nocebo effect” in contrast to experimental protocols utilized in scientific medicine between late nineteenth- and twentieth - century?
intRoduction On se propose ici d’étudier un thème qui s’inscrit à l’intersection de l’histoire de la médecine, de l’histoire des idées et de l’histoire des neurosciences. Il s’agit d’examiner l’effet nocebo et son action psychologique, traités non seulement du point de vue de la littérature scientifique contemporaine et de la médecine alternative, mais aussi sous les aspects culturels, philosophiques, psychologiques et religieux qui ont caractérisé, aux xixe et xxe siècles, les réactions émotionnelles des patients lors de la perception et de la prise de conscience de la douleur. La discussion concerne une question particulière : comment les effets placebo / nocebo peuvent-ils trouver une explication rationnelle dans le contexte de la protocolisation expérimentale préconisée par la médecine scientifique, de la fin du xixe siècle au début du xxe. Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent (Jules Romains, Knock ou le Triomphe de la médecine, 1923)
1. l’histoiRE du nocEbo Cette pensée que, dans la célèbre pièce de théâtre de Jules Romains, le docteur Knock attribuait à Claude Bernard, servait d’épitaphe aux trente-deux pages in-octavo qui constituaient sa thèse Sur les prétendus états de santé. Le docteur Knock avait compris qu’il y a des gens plus ou moins atteints par la maladie ; son but était la maladie
Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 199-205
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virtuelle, une médecine iatrogène. Mais si l’on remplace « maladie » par le terme « douleur », on doit reconnaître que Knock n’était pas seulement un charlatan, il avait vu loin, au point que nous pouvons affirmer aujourd’hui que l’effet nocebo est la maladie imaginaire par excellence. En fait, il existe une théorie médicale, la pansémiotique, « selon laquelle la “maladie” ou, plus exactement, l’état de maladie est le produit de l’imagination, c’est-à-dire d’un effet nocebo créé de toutes pièces, consciemment ou non, par l’effet conjugué de l’ignorance et du besoin économique d’infantiliser et d’assujettir la population pour la contraindre à devenir clientèle »1. Dans cette perspective, la médecine moderne, scientifique, initiée par Claude Bernard et Louis Pasteur, transformerait une maladie complètement imaginaire, le SIDA, en une épidémie véritable. Telle est du moins l’interprétation donnée par les « amoureux » de la pansémiotique, mais notre propos ici n’est pas de mettre en question cette conception de la médecine et de la maladie. Comme nous le verrons, au xixe siècle, la médecine expérimentale avait une attitude différente envers les maladies présumées. En effet, la notion de douleur est « double », car non seulement elle unit le corps et l’esprit, mais elle sous-tend également la relation entre le médecin et le patient. Les philosophes ont étudié les implications phénoménologiques, pratiques, épistémiques, cliniques et thérapeutiques de la douleur. Depuis la seconde moitié du xxe siècle, dans la relation entre le médecin et le patient, ce dernier a bénéficié d’un nouveau statut. Les programmes inspirés par les soi-disant Medical Humanities prennent en considération une conception renouvelée du patient et, dans ce cadre, en essayant d’optimiser le contexte social, le traitement de la douleur, de sa perception et de sa place dans le cerveau, a suscité l’intérêt non seulement des neurophysiologistes, mais aussi de divers groupes professionnels qui gravitent autour de la médecine, les bioéthiciens par exemple. Comme nous l’avons vu, il existe des mécanismes d’atténuation de la douleur et l’effet placebo intervient de façon considérable dans l’effet des médicaments. Mais récemment, les neurosciences ont découvert également un autre type de mécanisme, opposé à celui qui vient d’être mentionné. C’est l’effet nocebo. Le terme « nocebo » a été introduit en 1961 par le docteur Walter Kennedy, qui a parlé de « réaction nocebo », quelques années après la publication par Henry K. Beecher de son article séminal sur la réponse placebo, après avoir constaté comment, dans les hôpitaux de campagne de l’Europe de l’Ouest, les soldats américains réagissaient mieux à la douleur que les civils souffrant de blessures similaires : l’armée bénéficiait d’une disposition plus positive envers la vie, en cas de survie, les attentes étaient plus favorables2.
1. 2.
Voir Sünder 2002. Beecher 1955 ; il faut toutefois souligner que le mot « placebo » avait été introduit en 1920 dans un article publié dans « The Lancet » par T. C. Graves. On trouve une histoire du terme « placebo » et de son usage dans le livre de Arthur et Elaine Shapiro (Shapiro, Shapiro 1997). Selon les historiens, le Motherby New Medical Dictionary utilise pour la première fois le terme « placebo » dans la deuxième édition du 1785, dans le domaine médical en référence à « une méthode triviale ou médicale ». Le terme est attesté aussi dans le Quincy’s Lexicon qui le définit comme « un médicament utilisé plus pour le plaisir qu’au profit du patient ». Dans le siècle suivant, on rencontre le mot dans la « Medical Press », à propos d’un patient avait intenté un procès à son médecin, l’accusant de lui avoir donné de l’eau pure au lieu de la morphine.
L’EFFET NOCEBO DANS LA MÉDECINE RATIONNELLE • 201
En quoi consiste l’effet nocebo ? L’effet nocebo est l’inverse de la réponse au placebo. Nous ressentons des effets indésirables avec une substance inerte si elle nous a été présentée comme potentiellement mal supportée. L’effet nocebo est favorisé par des instructions verbales spécifiques, la suggestion que la substance inerte provoquera une perturbation, par exemple une détérioration clinique ou une augmentation de la douleur. L’effet nocebo est induit par des anticipations négatives, et ces sombres prédictions sont encore plus puissantes et efficaces si elles proviennent d’une autorité médicale. Les historiens des neurosciences ont retrouvé les origines de l’usage du concept de « placebo » dans les milieux religieux du xvie siècle, quand les protestants et, en général, les chrétiens les plus « progressistes », pour ainsi dire, s’efforcèrent de discréditer les effets des exorcismes dans les milieux les plus rétrogrades. Des historiens de Boston et de l’Harvard Medical School ont mis en évidence qu’un des sujets les plus importants des disputes entre Réforme et Contre-Réforme consistait dans le problème des exorcismes. Au milieu du xvie siècle, alors que la France était ravagée par de nombreuses guerres de religion, l’exorcisme et l’expulsion du démon du corps des démoniaques étaient une pratique qu’exerçait l’Église catholique dans le but de prouver et renforcer son autorité et, dans certains cas également, de démontrer les liens des Huguenots avec les forces du mal. Cependant, dans de nombreux cas, au lieu des textes sacrés et de l’eau bénite, les possédés ont été traités avec de l’eau pure et non bénite, ou par la lecture d’un texte latin au lieu de l’Évangile. Pourtant, même dans ces cas, les prêtres ont « remarqué » le Mal qui sortait des corps. Dans le chapitre XXI du livre 1 des Essais, intitulé De la force de l’imagination, Michel de Montaigne illustre la croyance aux miracles et aux visions, surtout chez les gens du peuple, par de nombreux exemples d’ordre médical. L’imagination guérirait le corps en influant sur l’esprit : Il est vray semblable que le principal credit des miracles, des visions, des enchantemens et de tels effects extraordinaires, vienne de la puissance de l’imagination agissant principalement contre les ames du vulgaire, plus molles. On leur a si fort saisi la creance, qu’ils pensent voir ce qu’ils ne voyent pas.
Et Montaigne se demandait encore : Pourquoi donc les médecins cherchent-ils à gagner à l’avance la confiance de leur patient, avec tant de fausses promesses de guérison, si ce n’est pour que l’effet de l’imagination supplée l’imposture de leur potion ? Ils savent qu’un des maîtres en ce métier leur a laissé par écrit qu’il est des hommes pour qui la seule vue d’un remède suffit à les guérir.
En un certain sens Montaigne comparait les médecins aux prêtres qui soutenaient : « Une forte imagination produit l’événement ». La littérature historique médicale, dans le domaine culturel anglo-américain en particulier, a documenté l’utilisation du soi-disant « trick trial », résultant d’une position de doute et de scepticisme à l’encontre des pratiques de l’Église catholique. Un tournant, visant à révéler ces procédures, eut lieu dans la seconde moitié du xviiie siècle. Louis XVI institua une commission royale pour vérifier les effets du mesmérisme, c’est-à-dire pour établir si, effectivement, il existait une nouvelle force physique, le magnétisme animal, capable de soigner et de produire des effets
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bénéfiques après avoir provoqué une crise violente avec larmes et cris, comme le soutenait son inventeur, le médecin autrichien Franz-Anton Mesmer. En 1784 Antoine Lavoisier et Benjamin Franklin réalisèrent des expériences scientifiques, contrôlées au moyen du placebo, pour vérifier de quelle manière les patients réagissaient à des objets qu’ils croyaient mesmérisés. Quelques patients entraient en crise, manifestant cris et convulsions, à l’exposition trompeuse, par exemple, d’un arbre présenté comme mesmérisé et susceptible de les guérir. Le même patient, en revanche, ne réagissait pas au contact d’un autre arbre qui, au contraire et à son insu avait été traité avec le fluide. Au xixe siècle, la médecine a adopté des modèles et des principes issus de la physique-chimie ; l’art de la guérison est devenu une science thérapeutique ; depuis lors, et pendant la plus grande partie du xxe siècle, l’effet placebo-nocebo a été considéré par la médecine clinique non seulement comme un facteur péjoratif, mais aussi comme un élément susceptible de miner le modèle biomédical. En adoptant la méthode expérimentale de Pasteur, qui avait pour objectif « la guerre contre les bactéries », il semblait possible d’identifier les causes des maladies dans des unités individuelles. Le scientifique observait un phénomène et formulait une hypothèse qui l’expliquait. En cas de succès, il poursuivait de nouvelles expériences pour confirmer son hypothèse. Mais il fut bientôt évident qu’il existait des maladies auxquelles certains protocoles n’étaient pas applicables, par exemple les postulats de Henle-Koch, c’est-à-dire les critères expérimentaux bien connus pour établir la relation causale entre un microbe et une maladie. Il y a des porteurs de maladie qui ne manifestent pas les symptômes et des organismes qui, bien qu’exposés à l’infection, ne développent pas la maladie. En outre, il y a des maladies qui ne sont pas causées par des bactéries : les allergies, les maladies auto-immunes, le cancer, les pathologies du vieillissement.
2. unE hypothèsE phaRmacologiquE Bientôt ce paradigme réductionniste commença à montrer ses limites. À partir des dernières années du xixe siècle, les choses commencèrent à changer quand, grâce aux progrès de la neuroanatomie et de la neurophysiologie, il fut possible de déterminer les régions corticales et leurs fonctions. Puis on découvrit peu à peu que les régions subcorticales, comme le système limbique et les noyaux talamiques, ont un rôle fondamental dans la formation des émotions et de la douleur. On comprit que la perception de la douleur peut être modulée et altérée par des événements mentaux et que le seuil de la douleur peut être augmenté, mais aussi diminué, en provoquant, dans ce cas, ou en facilitant, l’apparition de la douleur. Par exemple, il est connu que la dépression et l’introversion sociale sont présentes chez les porteurs de douleurs crâno-faciales. D’autre part, neurologistes et neurophysiologistes, comme Antonio Damasio et Joseph LeDoux, ont mis en évidence que les phénomènes émotifs sont entremêlés avec l’activité rationnelle, dans la mesure où les parcours neuraux de la vie émotive sont en partie les mêmes que ceux des facultés intellectuelles, dans la mesure où des lobes frontaux sont communs aux deux. Il est donc évident que ces découvertes ont eu une influence sur l’étude de la douleur et sur son traitement ; elles nous font également comprendre comment la suggestion hypnotique peut agir sur certains mécanismes de « nociception ».
L’EFFET NOCEBO DANS LA MÉDECINE RATIONNELLE • 203
Dans le domaine des neurosciences, une explication pharmacologique du nocebo – le mécanisme opposé à celui du placebo précédemment mentionné – a été récemment proposée. À l’Université de Turin, un groupe de recherche du Département des Neurosciences, dirigé par Fabrizio Benedetti, vise à recréer expérimentalement des situations réelles. Par exemple, une expérience de ces chercheurs a consisté à administrer à un groupe de volontaires une pilule anti-migraine véritable et à un autre groupe un médicament factice. Les deux groupes ont été informés qu’ils pouvaient présenter de graves perturbations, comme des nausées et des vomissements. Trente à quarante pour cent des sujets ayant reçu la fausse pilule ont accusé un certain malaise, y compris la nausée. Dans une autre recherche, les médecins ont progressivement réduit les doses de morphine administrées aux patients qui avaient subi une opération douloureuse, mais en n’informant de la réduction que la moitié des sujets. Après quatre heures, chez les patients qui ignoraient la diminution progressive de morphine les niveaux de douleur étaient inchangés par rapport à la période sous morphine ; les autres ont ressenti une douleur d’une intensité double, la sensation de douleur n’étant pas seulement auto-référentielle, mais mesurée par des paramètres physiologiques, tels que l’augmentation de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle. On sait désormais que certaines hormones peuvent induire une augmentation de l’effet placebo. À l’inverse, un autre système de neurotransmetteurs, celui des cholécystokinines (CCK), en se liant au niveau du récepteur du système nerveux central CCKA/B, antagonise l’action analgésique des opiacés endogènes. Les cholécystokinines ont une action anti-opioïde hyperalgésique, elles peuvent convertir l’attente de la douleur en douleur réelle. Il s’agit d’un neurotransmetteur, une molécule qui permet la communication entre les neurones dont l’activité peut être bloquée par les médicaments. Lorsque l’activité de la CCK est inhibée, le patient ne ressent plus la douleur nocebo, mais il éprouve l’anxiété qui a précédé et accompagné la douleur. L’anxiété générée par l’administration d’un comprimé de talc, accompagnée de la suggestion verbale qu’il s’agit d’un médicament susceptible d’augmenter la perception de la douleur, active deux voies biochimiques : celles qui sont associées à l’action des CCK et de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, auxquelles s’ajoute le rôle d’une région du cerveau essentielle pour la mémoire. Il s’agit de l’hippocampe, organe qui joue un rôle central dans la médiation des composants cognitifs et émotionnels de la perception de la douleur. Les neurosciences contemporaines sont donc en mesure de décrire les événements biochimiques qui se déclenchent après l’administration d’un placebo ou d’un nocebo ; à l’administration d’un nocebo s’ajoutent les procédés de conditionnement et d’expectative négative qui activent la douleur. Une expérience décrite par une chercheuse d’Oxford, Irene Tracey, a mis en évidence que les croyances et les expectatives d’un groupe de patients pouvaient influer sur les effets thérapeutiques d’un certain médicament, un opioïde puissant. L’imagerie cérébrale a permis d’étudier les effets du rémifentanil dans trois conditions expérimentales : sans aucune attente de l’analgésie ; avec l’espoir d’un effet bénéfique de l’analgésie ; avec une expectative négative de l’analgésie (attente d’hyperalgésie ou exacerbation de la douleur). Les chercheurs ont employé la résonance magnétique fonctionnelle pour enregistrer l’activité cérébrale dans le but de corroborer les effets des attentes sur l’efficacité analgésique de l’opioïde et d’élucider les mécanismes neuraux fondamentaux.
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L’expectative négative supprimait l’analgésie du rémifentanil. Ces effets subjectifs ont été justifiés par des modifications importantes de l’activité neurale dans des régions du cerveau impliquées dans le codage de l’intensité de la douleur. Les effets négatifs de l’expectative ont été associés à l’activité dans l’hippocampe. Les chercheurs sont arrivés à la conclusion que l’attente d’un effet du médicament influence de façon critique son efficacité thérapeutique et que les mécanismes de réglementation du cerveau diffèrent en fonction de l’expectative.
3. conclusion En conclusion, si l’on considère la douleur comme un modèle, il faut souligner que l’irritation n’est pas uniquement provoquée par le stimulus physique, la réponse individuelle intervient aussi. On constate, en particulier, les énormes variations avec lesquelles plusieurs personnes réagissent dans des circonstances différentes au même stimulus douloureux. On observe que l’homme diffère des animaux parce qu’il est doté d’imagination, ce qui reflète les opérations de la relation psychophysique. Dans son œuvre inoubliable, Le Rameau d’or (1911-1915), James G. Frazer avait souligné que l’imagination agit sur l’homme exactement comme la force de gravitation et qu’elle peut le tuer aussi sûrement qu’une dose d’acide prussique. C’est la raison pour laquelle, les sociétés primitives, afin de se protéger, avaient imaginé tabous et règles cérémonielles. Quant au philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein, tout en critiquant la rationalisation par Frazer des croyances primitives, il soutenait que les sociétés évoluées ont aussi leurs propres magies, bien qu’elles soient différentes de celles des sauvages… En fait, dans le contraste entre « placebo / nocebo », on peut trouver une attribution de « mana », la substance ou force de l’âme, inhérente aux êtres vivants ou même aux objets. De nombreux anthropologues, de Marcel Mauss à Claude Lévi-Strauss, ont étudié ce conflit entre le scepticisme et l’irrationalité. Dans ces conditions, on comprend l’importance des comportements, et surtout des formes de communication, du langage, du contexte, des gestes, et de la manière dont ils sont utilisés. Ces réflexions s’appliquent également au domaine sanitaire. L’effet nocebo peut être déclenché par des signaux négatifs provenant du milieu médical ou du contexte psychologique et social du patient. Dans la recherche d’un juste équilibre entre « connaissance et croyance », entre responsabilité individuelle et paramètres de la science médicale moderne, le traitement de la personne en interaction avec l’environnement impliquera des stratégies thérapeutiques inspirées par le paradigme « biopsychosocial », dans le but de consolider l’effet placebo et de prévenir les conséquences indésirables du nocebo. Sinon, il sera toujours possible que se reproduise le cas de tel malade du cœur, pour lequel le cardiologue avait demandé l’extrême onction. Le prêtre, accouru à l’hôpital, se trompa de lit : peu après avoir reçu le sacrement, le patient mourut, celui qui était dans le lit à côté…
RéféREncEs bibliogRaphiquEs Beecher (H. K.) 1955 « The powerful placebo », dans Journal of the American Medical Association 159, p. 1602-1606.
L’EFFET NOCEBO DANS LA MÉDECINE RATIONNELLE • 205
Benedetti (F.) et al. 2006 « The biochemical and neuroendocrine bases of the hyperalgesic nocebo effect », dans Journal of Neuroscience 26, p. 12014-12022. 2007 « When words are painful: unraveling the mechanisms of the nocebo effect », dans Neuroscience 29, 147(2), p. 260-271. Bingel (U.) et al. 2011 « The effect of treatment expectation on drug efficacy: imaging the analgesic benefit of the opioid remifentanil », dans Science Translational Medicine 3/70, p. 70ra14. Colloca (L.) 2010 « Placebo e nocebo », dans Pathos 27, p. 10-17. Kaptchuk (T. J.), Kerr (C. E.), Zanger (A.) 2009 « Placebo controls, exorcisms, and the devil », dans The Lancet 374, p. 1234-1235. Kennedy (W. P.) 1961 « The nocebo reaction », dans Medical World 95, p. 203-205. Pareti (G.) 2010 « La fisica quantistica tra coscienza e dolore », dans Pathos 27, p. 21-29. Reid (B.) 2002 « The nocebo effect: placebo’s evil twin », dans The Washington Post. Shapiro (A. K.), Shapiro (E.) 1997 The Powerful Placebo: From Ancient Priest to Modern Physician, Baltimore, Johns Hopkins University Press. Spiegel (H.) 1997 « Nocebo. The power of suggestibility », dans Preventive Medicine 26, p. 616-621. Sünder (R.) 1999 « L’effet nocebo », dans Le Roi est Nu, http://www.sidasante.com/livrets.htm. 2002 Médecine du mal, médecine des mots, Paris, Quintessence.
ANNEXE
Aelius Aristide (117-188/189)
Discours sacrés. Rêve, religion, médecine au iie siècle après J.-C., Paris 1986
(trad. par A. J. Festugière)
Vincenzo Malacarne (1744-1816)
La malattia tredecennale di Elio Aristide, Milano 1799 Nous remercions Marion Richez (comédienne et actrice) et Giampaolo Bertuletti (président de l’association Italo Calvino, Langue et civilisation italiennes) d’avoir accepté, au soir de notre première journée d’étude, de prêter leurs voix au célèbre sophiste hypocondriaque du iie siècle de notre ère et au grand neurophysiologiste piémontais de la fin du xviiie siècle, fondateur de l’anatomie topographique1, dans un dialogue entre antiquité et modernité où les plaintes du premier font étonnamment écho aux considérations savantes du second.
La médecine des tempLes A.A. « …Hors d’ici, douleurs, maladies, périls de toutes sortes : je me trouvais couché, d’après une certaine vision de rêve, entre les portes et les chancels du temple. Or le dieu, au cours d’un oracle, me dit ce vers : “Le soir, ils prenaient vigueur près des fontaines aux eaux vertes”. Ensuite je m’enduisis à l’air libre dans le sanctuaire, je fis mes ablutions au puits sacré, et il n’y avait personne qui, me voyant, pût en croire ses yeux. Pour un peu, j’avais expulsé toute ma maladie, si ce n’est que, comme le dieu, par des signes manifestes, me voulait faire changer désormais de régime, d’un côté j’étais moi-même tout disposé à agir dans ce sens et pourtant “le funeste conseil des amis l’emporta”, eux qui, se piquant de sagesse et croyant posséder quelque habileté en ces matières, interprétaient à faux mes songes, m’assuraient que le dieu m’indiquait surabondamment que je devais m’en tenir aux mêmes règles. Malgré moi, plein de suspicion, et bien que j’estimasse que mon jugement fût meilleur, je leur cédai, pour ne pas avoir l’air de n’écouter que moi seul. “L’événement me fit bien voir” combien j’avais jugé correctement » (p. 65). 1.
Le texte grec d’Aélius Aristide a été lu dans la traduction française d’A. J. Festugière (Paris, Macula, 1986) et celui de Malacarne dans le texte italien original (Milan, Marelli, 1799) dont on a pu apprécier le style parfois un peu guindé et redondant selon la mode de l’époque. Guérison, religion et raison : de la médecine hippocratique aux neurosciences, Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi, 2016 — p. 209-211
210 • ANNEXE
A.A. « …Peu de temps après, mon ventre était tout gonflé, j’avais des crampes dans les muscles, des frissons me secouaient de la tête aux pieds, plus moyen de respirer. Les médecins me donnaient des purges et, ayant bu un détersif, au bout de deux jours, je fus purgé, au point qu’il sortit jusqu’à du sang. De nouveau, accès de fièvre ; tout paraissait désormais sans remède, il n’y avait plus le moindre espoir de salut. À la fin, les médecins me firent des scarifications en commençant par la poitrine, partout successivement jusqu’à la vessie en bas. Mais quand on m’appliqua les ventouses, il y eut interception totale du souffle, une torpeur douloureuse m’envahit, impossible à supporter, toutes les matières étaient mêlées de sang, je fus affaibli par ces purgations successives, j’eus aux entrailles comme une sensation de froid et de suspension, la difficulté à respirer augmenta. On ne savait plus que faire. Car, alors que je prenais de la nourriture et en même temps causais, l’aliment faisait obstruction, et il me fallait mourir d’étouffement à ce qu’il me semblait. La faiblesse générale du corps était en proportion de ces misères. On me donnait en vain de la thériaque et d’autres remèdes de toute espèce » (p. 63). V.M. « Doveano pur avere una qualche arte i Ministri di que’tempj per conciliar a’creduli quel sonno, ed eccitar nelle fantasie loro que’sogni che pareano conformi a’loro bisogni… sotto pretesto di acque, di balsami, di osse consacrate, loro metteano in corpo sostanze narcotiche, alopiate, sonnifere; e spacciandola come condizione cerimoniale indispensabile, voluta dal Nume, gli costringeano di coricarsi sopra le pelli delle vittime concie in droghe della medesima facoltà dotate. S’addormentavano dunque i pazienti, agitati al di dentro dall’azione delle sostanze conciliatrici del sonno inghiottite colle acque, con i sughi, i brodi, i vini, o con la pasta delle sacre ciambelle, e panetti: quando erano poi mezzo ubbriacchi ancora, principiavano le mascherate de’ministri, che dandosi ora questo nome, ora quell’altro, prendendo l’aspetto di questa o di quell’altra Divinità, ch’erano già note al paziente, lor comparivano innanzi, prescrivevano, suggerivano, predicevano a diritto e a traverso, e felice colui a prò del quale la indovinavano. V’erano poi al servizio de’tempj più rinomati d’Esculapio, di Serapide, di Podalirio, medici più o meno valorosi, la qual cosa tornava in utilità immensa del botteghino nel tempo stesso che contribuiva alla sanità di molti » (p. 19-20). V.M. « …che suole fare in tali casi un Medico debole, poco pratico? Sorpreso dall’aspetto imponente de’ sintomi, che prevalgono e colpiscono la sua fantasia forse più che non quella dell’infermo, egli si lascia strascinar a concedere e a prescrivere pozioni, estratti, pillole, elettuarj, goccie, elisiri, lavande, fomenti, unzioni, clisteri, empiastri; e non la perdonerà a salassi, a ventose, a vescicatorj; ricorrerà fino anche a’ cauterij; vedendo che il mal insiste cangierà di metodo, di regola nel vitto e nell’esercizio. Non guadagnando nulla con tutto ciò, farà che l’infermo ricorra adesso alle acque termali, adesso alle acidule ora nostrali, ora straniere, sulfuree, aluminose, vitrioliche; ed esausta che sarà tutta la suppellettile medica, chirurgica, spargirica, chimica, farmaceutica, empirica, di cui è fornito il suo cervello, permetterà che vengano in iscena i ciarlatani, a cui suggerimenti si applicheranno cerotti, olj, balsami, tinture, foglie, farine, sughi, cataplasmi, suffumigi e vapori… » (p. 5-6).
ANNEXE • 211
exempLes de thérapies A.A. « Je rêvai que j’étais debout dans les propylées du sanctuaire, qu’il y avait là aussi une foule nombreuse rassemblée, comme lorsqu’a lieu le sacrifice de purification, que ces gens étaient vêtus de blanc et d’ailleurs pourvus de tout l’apparat convenable. Alors, j’adressai au dieu un certain nombre d’invocations diverses et entre autres l’appelai Moironomos, comme étant celui qui distribue aux hommes leur fatalité. Le mot m’était venu aux lèvres d’après ce qui m’était arrivé à moi-même. Ensuite il y avait l’absinthe, de la manière même dont elle m’avait été révélée : or elle m’avait été révélée de la manière la plus claire, tout de même qu’une infinité d’autres détails manifestaient clairement la présence du dieu. Il me semblait pour ainsi dire le toucher et sentir qu’il était là : j’avais l’impression d’être entre le sommeil et la veille ; je faisais effort pour ouvrir les yeux et je redoutais anxieusement qu’il ne disparût avant que je ne le visse ; je prêtais l’oreille et tâchais d’entendre tantôt comme dans un rêve, tantôt comme un état de veille ; mes cheveux se dressaient sur ma tête, je versais des larmes de joie, mon cœur se gonflait d’une pensée qui ne pouvait offenser le dieu… Je n’hésitai plus à prendre le remède, et j’en bus une quantité telle qu’on n’avait jamais fait auparavant, recommençant le lendemain sur l’ordre du dieu » (p. 55). A.A. « Le dieu m’ordonna donc, en premier lieu, de faire enlever du sang au pli du coude, ajoutant, autant que je m’en souvienne, le chiffre de cent vingt litres. Cela certes manifestait qu’il faudrait plus d’une saignée : c’est ce que prouvèrent clairement les événements qui suivirent. De fait, les sacristains, dans ce grand âge où ils étaient, et tous les serviteurs du dieu qui avaient des offices dans le temple convenaient que personne, à leur connaissance, au grand jamais, n’avait subi encore tant de saignées, sauf Ischyrôn, et encore son cas était-il des plus extraordinaires ; mais, disaient-ils, mon cas dépassait le sien, sans parler des autres faits étranges qui s’ajoutèrent aux saignées… » (p. 58-59). V.M. « … indotto anche in sogno a prescrivergli il sugo d’Assenzio da bere mescolato con aceto, per due giorni; Aristide vi si adattò, e tanto ne bevve (lo confessa egli stesso), che mai verun altro uomo ne ha bevuto tanto. E così fanno i pazzi; danno negli eccessi quando si appigliano a cose, le quali (come questo medicamento) potrebbono recar loro notabile vantaggio usandone con moderazione! Questo farmaco (bisogna dir il vero) è molto attivo; io ne fo uso frequente appresso de’ miei malati quando la digestion loro è perturbata per debolezza, e quando v’è da temer che scarseggin soverchio le orine, e nascan ristagni da sieri. Nel caso del nostro retore dovea riescire utile o almeno innocente l’uso di tale medicina » (p. 23). V.M. « In sogno gli fu imposto di farsi cavare fin a cento libbre di sangue… per Esculapio! Questo era un salasso ben generoso! E se il povero Aristide vi avesse ubbidito puntualmente, ei non avrebbe più avuto bisogno d’altra vostra cura! Egli interpretò più discretamente una tale prescrizione; fecesi però pungere così spesso la vena, che i Gastaldi del Tempio e tutti i Ministri giuravano di non aver mai veduto uomo così sovente salassato in un dì… Dopo d’aver sofferto una quasi micidiale operazion di ventose ebbe un lungo deliquio. La buona fortuna sovente è amica de’ pazzi! » (p. 20).
Index nominum
Abari : 13. Abu Bekr ben Sirin : 124 ; 124 n.52. Abu Ma’shar voir Albumasar. Achille : 14. Achmet : 7 ; 15 ; 117 ; 118 ; 120 ; 122 ; 122 n.46 ; 123 ; 123 n.49 ; 123 n.50 ; 124 ; 124 n.52 ; 124 n.56 ; 124 n.59 ; 125 n.68 ; 126 ; 126 n.72 ; 128 ; 129 ; 129 n.92 ; 129 n.95 ; 130 ; 132 ; 133 ; 134 ; 134 n.127 ; 135 ; 135 n.137 ; 135 n.138 ; 136 ; 138 ; 138 n.152 ; 139 ; 140 ; 141 ; 146. Aelio Promoto : 26. Aelius Aristide : 104 n.13 ; 119 ; 146 ; 209. Aezio : 45 ; 48 ; 48 n.36. Agathinos : 85. Aischinès : 64. Albumasar : 124. Al-Rāzi : 133 n.121. Alessandro Magno : 29 n.75. Alexandre de Tralles : 122 n.46 ; 133 n.121 ; 146. Allen, Thomas W. : 13 n.2 ; 16. Allouche, Gérard : 119 n.20 ; 146. Amigues, Suzanne : 25 n.51 ; 25 n.52 ; 25 n.53 ; 29 n.75 ; 35. Anaxicrate : 29. André, Jacques : 25 n.53 ; 35. Angelidi, Christine : 149 ; 151. Antipater : 93 ; 94. Apollo : 22 ; 25 n.54. Apollonio Rodio : 13 ; 14 n.4 ; 15. Apuleio : 25 n.54 (ps. Ap.) ; 26. Archigène : 85 ; 86. Areteo : 27 n.66. Arikha, Noga : 184 n.6 ; 191. Aristophane : 80 ; 132 n.18. Aristotele : 15.
Arnim, Hans Friedrich August, von : 101 n.9 ; 101 n.10 ; 112. Artémidore : 7 ; 14 ; 120 ; 122 ; 122 n.41 ; 123 ; 123 n.47 ; 123 n.48 ; 124 ; 125 ; 126 ; 126 n.72 ; 130 n.97 ; 130 n.101 ; 135 n.38 ; 138 n.152 ; 146. Asclepio voir Asclépios. Asclépios : 44 ; 46 ; 47 ; 49 n.38 ; 55 ; 56 ; 58 ; 59 ; 60 ; 63 ; 64 ; 119 ; 120 ; 121. Asclépiade : 78. Ateneo : 43. Auenbrugger, Leopold : 167. Autòlico : 13. Baldoni, Franco : 140 n.164 ; 153. Ballabriga, Alain : 71. Barcia-Salorio, Demetrio : 117 n.10 ; 146. Bargoni, Alessandro : 8. Barrett, William S. : 13 n.3 ; 15. Barroux, Gilles : 183 n.2 ; 191. Bastuji, Hélèn : 117 n.5 ; 147. Beck, Hans-Georg : 123 n.50 ; 147. Beecher, Henry K. : 200 ; 200 n.2 ; 204. Bell, T. Alexis : 42 n.3 ; 49. Bendlin, Andreas : 30 n.16 ; 35. Benedetti, Fabrizio : 194 n.2 ; 196 ; 197 ; 203 ; 205. Bernard, Claude : 6 ; 159 ; 184 ; 199 ; 200. Bernardi, Giuseppe : 191. Berra, Aurélien : 76 n.3 ; 76 n.4 ; 77 n.5 ; 95. Bertrandi, Ambrogio : 166. Bertuletti, Giampaolo : 207. Betrò, Marilina : 47 n.29 ; 50. Bettini, Maurizio : 142 n.174 ; 147. Bichat, Xavier : 167 Bingel, Ulrike : 205. Binoche, Bertrand : 192.
214 • INDEX NOMINUM
Boehm, Isabelle : 51. Boeto : 106 ; 107 ; 108. Bolos : 44. Bonnet, Charles : 177 ; 178 ; 178 n.38 ; 178 n.39 ; 179 n.41 ; 180. Bonuzzi, Luigi : 167 n.5 ; 181. Borgogno, Alberto : 14 n.4 ; 15. Bosworth, Clifford Edmund : 133 n.123 ; 147. Bottéro, Jean : 135 n.135 ; 147. Boudon-Millot, Véronique : 15 n.10 ; 16 ; 50 ; 98 n.2 ; 104 n.14 ; 108 n.27 ; 108 n.28 ; 112 ; 121 ; 121 n.37 ; 147 ; 162. Boulhol, Pascal : 154. Brillante, Carlo : 142 n.174 ; 147. Brugnone, Carlo Giovanni : 166. Bussemaker, Ulco Cats : 135 n.136 ; 146. Buzzi, Serena : 5 ; 7 ; 15. Cady, Patrick : 139 n.163 ; 147. Caillet, Jean-Pierre : 49 ; 52. Calà, Irene : 48 n.36 ; 50. Caldani, Marcantonio : 167. Calofonos, George T. : 122 n.44 ; 147 ; 151. Cambiano, Giuseppe : 128 n.32 ; 147. Capitani, Isabella : 22 n.31 ; 35. Carannante, Alfredo : 52. Cardarelli, Antonio : 161. Carol, Anne : 189 n.23 ; 191. Carroy, Jacqueline : 141 n.172 ; 147 ; 153. Casellato, Sandra : 181. Catani, Marco : 117 n.10 ; 147. Cavallero, Corrado : 118 n.14 ; 148. Cavalli, Fabio : 35. Cavvadias, Panagiotis : 71. Celse : 26 ; 26 n.61 ; 32 n.91 ; 133 ; 133 n.122 ; 162 ; 162 n.12. Celso voir Celse. Chandezon, Christophe : 123 n.47 ; 148. Chantraine, Pierre : 22 n.30 ; 35 ; 55 n.2 ; 66 ; 66 n.34 ; 72 ; 76 n.4 ; 77 ; 77 n.5 ; 95. Charlier, Philippe : 63 n.19 ; 65 n.27 ; 72. Chaussier, François : 176 n.36 ; 180. Chirone : 13. Chouillet, Anne-Marie : 192. Chrysippe voir Chrysippus.
Chrysippus : 82 ; 83. Cicerone : 102 n.11. Circe : 22 ; 27 ; 27 n.69. Cleiménès d’Argos : 60. Clemente Romano : 46 n.25. Collard, Franck : 36 ; 38. Collin-Roset, Simone : 124 n.57 ; 148. Colloca, Luana: 205. Commodo : 105. Corsi, Pietro : 181. Corvisart, Jean-Nicolas : 167. Costantino Lascaris : 45. Cox-Miller, Patricia : 122 ; 122 n.41 ; 122 n.42 ; 139 ; 139 n.162 ; 148. Crateua : 24 ; 31. Cricelli, Mariarosa : 72. Crismani, Daria : 44 n.14 ; 50. Crizia : 24 n.46. Cumont, Franz : 46 n.23 ; 47 n.26 ; 47 n.29 ; 50. D’Acunto, Matteo : 52. D’Alverny, Marie-Thérèse : 124 n.58 ; 148. D’Annunzio, Gabriele : 162 ; 162 n.10. Dachez, Roger : 183 n.2 ; 191. Dagron, Gilbert : 148. Damasio, Antonio : 202. Daremberg, Charles Victor : 135 n.136 ; 146 ; 183 ; 183 n.1 ; 190. Dasen, Véronique : 36. de Haro Sanchez, Magali : 42 n.5 ; 50. De la Fuente-Fernandez, Raúl : 195 n.5 ; 196 ; 197. de Lacaze, Louis : 190 ; 190 n.30. De Lacy, Phillip : 81 n.13 ; 82 n.14 ; 95. De Pauw, Cornelius : 173 ; 173 n.26 ; 180. De Sensi Sestito, Giovanna : 72. Debru, Armelle : 39 ; 66 n.33 ; 72. Deichgräber, Karl : 121 n.35 ; 148. Delatte, Armand : 25 n.53 ; 35 ; 45 n.17 ; 48 n.31 ; 51 ; 132 n.117 ; 133 n.124 ; 148. Delattre, Alain : 50. Dell’Acqua, Flavio : 117 n.10 ; 147. Democrito : 42 ; 43 ; 44 ; 44 n.13 ; 44 n.16 ; 49. Demont, Paul : 115 n.1. Desautels, Jacques : 36 ; 37.
INDEX NOMINUM • 215
Descartes, René : 6 ; 70. Desormeaux, Marie Alexandre : 165 ; 180. Destephen, Sylvain : 49 ; 52. Destouet, Joseph Jean Baptiste : 165 ; 180. Deutsch, Félix : 140 n.165. Devoto, Giacomo : 20 n.16 ; 35. Di Benedetto, Vincenzo : 21 n.24 ; 35. di Palma, Marco Michael : 185 n.9 ; 192. Dickie, Matthew W. : 46 n.23 ; 51. Diderot, Denis : 183 ; 185 ; 185 n.7 ; 191. Dieckmann, Herbert : 185 n.7 ; 191. Diels, Hermann : 88 n.21 ; 88 n.22 ; 90 n.29 ; 95 ; 118 n.19 ; 121 n.34 ; 148. Dierbach, Johann Heinrich : 27 n.69 ; 35. Dietz, Friedrich Reinhold : 41 n.2 ; 49. Diller, Hans : 47 n.27 ; 51. Dillon, Matthew P. J. : 72. Diogène Laërte : 43 ; 59 n.11. Diogene Laerzio voir Diogène Laërte. Diophantos de Sphettos : 57 ; 58 ; 65 ; 70. Dioscoride : 17 ; 20 n.21 ; 21 ; 21 n.26 ; 22 ; 22 n.29 ; 23 ; 25 n.54 ; 26 ; 27 ; 27 n.65 ; 27 n.67 ; 28 ; 30 ; 30 n.80 ; 34 ; 122 n.46. Dodds, Eric Robertson : 142 n.174 ; 148. Donadoni, Sergio : 20 n.16 ; 35. Dorati, Marco : 56 n.5 ; 65 n.31 ; 72. Drexl, Franz : 123 n.49 ; 124 ; 124 n.56 ; 125 ; 125 n.67 ; 125 n.68 ; 126 n.71 ; 126 n.73 ; 126 n.74 ; 127 n.81 ; 128 n.85 ; 128 n.88 ; 128 n.89 ; 129 n.91 ; 129 n.92 ; 129 n.94 ; 130 ; 130 n.102 ; 130 n.107 ; 131 n.109 ; 131 n.112 ; 131 n.114 ; 131 n.115 ; 132 n.116 ; 132 n.117 ; 133 n.121 ; 133 n.125 ; 134 n.129 ; 134 n.132 ; 135 n.129 ; 136 n.145 ; 137 n.148 ; 138 n.154 ; 138 n.155 ; 139 n.156 ; 139 n.157 ; 139 n.159 ; 141 n.170 ; 144 n.180 ; 146 ; 148. du Bouchet, Julien : 123 n.47 ; 148. Ducourthial, Guy : 21 n.27 ; 22 n.32 ; 25 n.54 ; 36. Duffy, John M. : 41 ; 41 n.2 ; 42 n.6 ; 43 n.9 ; 49. Dulieu, Louis : 184 n.3 ; 192. Dumézil, Bruno : 49 ; 52.
Ecate : 24 n.45. Edelstein, Emma : 55 n.3 ; 56 n.5 ; 57 n.6; 57 n.9 ; 48 n.10 ; 59 n.13 ; 60 n.14 ; 63 n.20 ; 64 n.21 ; 64 n.22 ; 64 n.23 ; 64 n.24 ; 64 n.25 ; 64 n.26 ; 64 n.27 ; 64 n.30 ; 40 n.43 ; 72. Edelstein, Ludwig : 55 n.3 ; 56 n.5 ; 57 n.6 ; 57 n.9 ; 48 n.10 ; 59 n.13 ; 60 n.14 ; 63 n.20 ; 64 n.21 ; 64 n.22 ; 64 n.23 ; 64 n.24 ; 64 n.25 ; 64 n.26 ; 64 n.27 ; 64 n.30 ; 40 n.43 ; 72 ; 98 n.2 ; 121 n.35 ; 148. Efestione : 48. Egger, Victor : 141 n.172 ; 149. Elien : 70 ; 70 n.43. Elio Aristide voir Aelius Aristide. Epidaure : 15. Epidauro voir Epidaure. Erasistrato : 24 n.49. Ermes : 22 ; 46 n.21 ; 45 ; 46. Ermete voir Ermes. Erodoto voir Herodotus. Erofilo : 24 n.49. Eschine : 7 ; 59 ; 71. Esquirol, Étienne : 167 ; 167 n.4 ; 180. Etzelmüller, Gregor : 95. Eudemo : 24 n.48 ; 105. Eudocie : 134 n.131. Euripide : 13 n.3 ; 15 ; 119 n.24. Euripilo : 22. Euryanax : 61. Fabre, Joseph : 191. Faraone, Christopher A. : 37 ; 38. Fattori, Marta : 118 n.19 ; 149. Fausti, Daniela : 7 ; 14 ; 22 n.31 ; 26 n.58 ; 26 n.59 ; 30 n.77 ; 36. Federspil, Giovanni : 159 ; 159 n.2 ; 161; 161 n.7 ; 163. Fedra : 13. Felsenheld, Edouard : 7 ; 14. Ferenczi, Sandor : 140 n.165 ; 149. Ferracci, Elsa : 7 ; 15. Ferraces Rodríguez, Arsenio : 26 n.54 ; 36 ; 45 ; 45 n.20 ; 51. Ferro, Filippo Maria : 181. Festugière, André-Jean : 45 ; 46 n.23 ; 46 n.25 ; 51 ; 119 n.25 ; 146 ; 207 n.1.
216 • INDEX NOMINUM
Filoramo, Giovanni : 154. Finniss, Damien G. : 197. Fischer, Klaus-Dietrich : 52 ; 150. Flourens, Pierre : 175 ; 175 n.34 ; 180. Fontana, Gasparo Ferdinando Felice : 167. Fortuna, Stefania : 98 n.4 ; 112. Fouquet, Henri : 184. Fowden, Garth : 46 n.23 ; 51. Franklin, Benjamin : 202. Frazer, James G. : 9 ; 9 n.3 ; 204. French, Roger : 101 n.7 ; 113. Freud, Sigmund : 7 ; 116 n.3 ; 118 n.18 ; 149. Friedrich, Hans-Veit : 45 ; 45 n.18 ; 46 n.21 ; 46 n.22 ; 49 n.38 ; 51. Frugoni, Cesare : 161 ; 161 n.9 ; 162 ; 163. Funghi, Serena : 36. Gagnebin, Bernard : 189 n.24 ; 191. Gaide, Françoise : 154. Galatariotou, Catia : 140 n.168 ; 149. Galeno voir Galien de Pergame. Galien de Pergame : 7 ; 14 ; 15 ; 15 n.10 (ps. Gal.) ; 15 n.11 (ps. Gal.) ; 16 (ps. Gal.) ; 17 ; 18 ; 18 n.1 ; 19 n.14 ; 20 n.21 ; 21 ; 21 n.28 ; 23 ; 24 ; 25 n.54 ; 33 ; 33 n.96 ; 33 n.97 ; 33 n.99 ; 34 ; 42 ; 43 ; 44 ; 44 n.10 ; 44 n.12 ; 48 ; 48 n.35 ; 48 n.36 ; 49 ; 57 n.8 ; 75 ; 76 ; 77 ; 78 ; 78 n.6 ; 79 ; 79 n.8 ; 79 n.9 ; 80 ; 80 n.10 ; 80 n.11 ; 81 ; 81 n.12 ; 81 n.13 ; 82 ; 82 n.14 ; 83 ; 83 n.15 ; 84 ; 84 n.16 ; 85 ; 85 n.17 ; 85 n.18 ; 86 ; 86 n.19 ; 86 n.20 ; 88 n.21 ; 88 n.23 ; 89 ; 89 n.27 ; 90 n.28 ; 90 n.29 ; 91 ; 91 n.30 ; 92 ; 92 n.32 ; 92 n.33 ; 92 n.35 ; 93 ; 94 ; 94 n.36 ; 95 ; 97 ; 98 ; 98 n.1 ; 98 n.2 ; 98 n.3 ; 98 n.4 ; 99 ; 100 ; 100 n.6 ; 101 ; 101 n.7 ; 101 n.8 ; 102 ; 103 ; 104 ; 104 n.13 ; 105 ; 105 n.18 ; 105 n.19 ; 106 ; 107 ; 108 ; 108 n.27 ; 108 n.28 ; 109 ; 109 n.29 ; 110 ; 110 n.30 ; 111 ; 112 ; 121 ; 121 n.37 ; 121 n.38 ; 122 ; 122 n.46 ; 126 ; 126 n.74 ; 128 n.88 ; 129 n.91 ; 129 n.92 ; 136 n.141 ; 146 ; 169 ; 184. Galvani, Luigi : 167.
Gamba, Claire : 179. Garofalo, Ivan : 18 n.1 ; 34 ; 129 n.91 ; 149. Garzya, Antonio : 53. Gessio : 41 n.2. Giasone : 14. Gigerenzer, Gerd : 160 ; 160 n.4 ; 160 n.6 ; 162 ; 163. Gigli, Daria : 125 n.64 ; 149. Giovanni Alessandrino voir Iohannes Alexandrinus. Girard, Marie Christine : 26 n.58 ; 36. Girone, Maria : 55 n.3 ; 72. Glaucone : 108 ; 109 ; 110 ; 111. Goltz, Dietlinde : 21 n.23 ; 36. Gordon, Newton C. : 195 ; 195 n.3 ; 197. Gorgias d’Hèrakleia : 64. Gorgippo : 67. Gorrini, Maria Elena : 56 n.4 ; 72. Gouhier, Henri : 187 n.18 ; 192. Goulet, Richard : 50 ; 112. Graf, Fritz : 18 n.2 ; 20 n.19 ; 36. Graves, T. C. : 200 n.2. Grimm, Friedrich Melchior : 187 n.18. Grocco, Pietro : 161 ; 162 ; 162 n.10 ; 16. Groddeck, Georg : 140 n.165 ; 149. Guardasole, Alessia : 24 n.47 ; 36 ; 115. Guarducci, Margarita : 72. Guidorizzi, Giulio : 7 ; 56 n.5 ; 65 n.31 ; 72 ; 119 n.26 ; 120 n.29 ; 120 n.30 ; 120 n.32 ; 121 n.37 ; 134 n.126 ; 139 n.160 ; 142 n.173 ; 142 n.174 ; 142 n.175 ; 149 ; 151. Guillaumont, François : 102 n.11 ; 113. Hankinson, Robert James : 98 n.2 ; 101 n.8 ; 113. Hanson, Anne Ellis : 20 n.20 ; 36. Harig, Georg : 128 n.83 ; 149. Haskins, Charles Homer : 124 n.54 ; 150. Hautala, Svetlana : 22 n.31; 26 n.58 ; 26 n.59 ; 36. Haygarth, John : 197. Heeg, Josef : 81 n.12 ; 86 n.19 ; 95. Heilen, Stephan : 48 n.36 ; 51. Heilporn, Paul : 58. Helmreich, Georg : 78 n.6 ; 78 n.7 ; 95 ; 100 n.6 ; 112.
INDEX NOMINUM • 217
Hempel, Carl G. : 159 ; 159 n.1 ; 163. Héraclès : 92. Héraclite : 116. Hermès : 50 ; 51 ; 119. Hermodicos de Lampsaque : 65. Hérodote voir Herodotus. Herodotus : 28 n.72 ; 66. Herzog, Rudolf : 55 n.2 ; 55 n.3 ; 57 n.6 ; 59 n.12 ; 59 n.13 ; 60 n.14 ; 63 n.20 ; 64 n.21 ; 64 n.22 ; 64 n.23 ; 64 n.24 ; 64 n.25 ; 64 n.26 ; 65 n.27 ; 72. Hésychius : 61 n.16. Hippocrate : 6 ; 7 ; 14 ; 14 n.5 ; 14 n.6 ; 15 n.9 ; 16 ; 18 ; 18 n.4 ; 18 n.5 ; 18 n.6 ; 18 n.7 ; 18 n.8 ; 19 n.10 ; 19 n.11 ; 19 n.12 ; 20 n.18 ; 22 n.33 ; 23 n.34 ; 23 n.35 ; 23 n.36 ; 23 n.37 ; 23 n.38 ; 23 n.39 ; 23 n.40 ; 23 n.41 ; 23 n.42 ; 34 ; 37 ; 41 ; 42 n.3 ; 43 ; 44 ; 44 n.13 ; 49 ; 50 ; 51 ; 52 ; 57 n.7 ; 61 n.15 ; 61 n.17 ; 66 n.32 ; 66 n.35 ; 67 n.36 ; 67 n.38 ; 68 ; 68 n.37 ; 68 n.38 ; 69 n.39 ; 69 n.40 ; 69 n.41 ; 71 ; 72 ; 80 ; 81 ; 81 n.12 ; 81 n.13 ; 82 ; 82 n.14 ; 85 ; 86 ; 86 n.19 ; 86 n.20 ; 87 ; 88 ; 88 n.21 ; 88 n.23 ; 90 n.29 ; 91 n.30 ; 92 ; 92 n.33 ; 92 n.35 ; 97 ; 100 ; 101 ; 101 n.7 ; 102 ; 105 ; 120 n.32 ; 120 n.33 ; 122 ; 126 ; 128 n.87 ; 146 ; 149 ; 153 ; 158 ; 162 ; 169 ; 184. Hippys de Rhegium : 70. Holmes, Bruce : 52. Holmes, Catherine : 123 ; 150. Homère : 13 ; 13 n.1 ; 15 ; 16 ; 55 n.1 ; 65 ; 66 ; 73 ; 119 n.23 ; 120. Horstmanshoff, H. F. J. Manfred : 153. Hübner, Wolfgang : 51. Hypnos : 119. Ibn Sîrîn voir Abu Bekr ben Sirin. Ieraci, Valentina : 198. Inglebert, Hervé : 49 ; 52. Iohannes Alexandrinus : 41 ; 41 n.1 ; 41 n.2 ; 42 n.6 ; 44 ; 46 ; 48 ; 49 ; 52. Ippocrate voir Hippocrate. Ippotoos : 61. Isidoro : 27 n.65. Israelowich, Ido : 104 n.13 ; 113.
Ithmonika de Pellana : 64. Jacob, Christian : 95. Joly, Robert : 14 n.5 ; 14 n.6 ; 15 n.9 ; 16 ; 66 n.35 ; 71. Jones, William Henry Samuel : 21 n.22 ; 23 n.40 ; 34. Jouanna, Jacques : 18 n.4 ; 18 n.5 ; n.6 ; 5 n.8 ; 19 n.10 ; 19 n.12 ; 20 n.21 ; 23 n.37 ; 27 n.64 ; 33 n.95 ; 33 n.98 ; 34 ; 37 ; 48 n.35 ; 51 ; 53 ; 65 n.28 ; 66 n.32 ; 71 ; 73 ; 75 ; 75 n.1 ; 95 ; 115 ; 120 n.32 ; 150. Jouvet, Michel : 117 n.5 ; 150. Khabar al Ma’muni : 125. Kamieniecki, Hanna : 140 n.165 ; 150. Kany-Turpin, José : 113. Kaptchuk, Ted J. : 205. Keel, Othmar : 181. Kennedy, Walter P. : 200 ; 205. Kerr, Catherine E. : 205. Kessel, Grigory : 41 n.2 ; 51. Klahr, David : 161 n.8 ; 163. Kleinman, Arthur : 119 n.21 ; 150. Kléô : 64. Koch, Konradus : 84 n.16 ; 95 ; 202. Kotansky, Roy : 21 n.23 ; 37. Koukoules, Phaidon : 133 n.120 ; 150. Kudlien, Fridolf : 47 n.28 ; 49 n.38 ; 52. Kühn, Karl Gottlob : 15 n.10 ; 15 n.11 ; 16 ; 18 n.1 ; 20 n.21 ; 21 n.28 ; 25 n.54 ; 33 n.96 ; 33 n.99 ; 34 ; 44 n.10 ; 44 n.12 ; 48 n.35 ; 49 ; 79 n.8 ; 79 n.9 ; 80 n.11 ; 83 n.15 ; 85 n.17 ; 85 n.18 ; 86 n.20 ; 89 n.27 ; 90 n.28 ; 92 n.32 ; 92 n.35 ; 94 n.36 ; 95 ; 98 n.1 ; 102 ; 103 ; 104 ; 105 ; 106 ; 107 ; 109 ; 109 n.29 ; 110 ; 111 ; 112 ; 121 n.38 ; 126 n.74 ; 128 n.88 ; 129 n.91 ; 129 n.92 ; 132 n.119 ; 134 n.128 ; 136 n.141 ; 146 ; 147. Labussière, Jean-Louis : 187 n.18 ; 192. Laënnec, René Théophile Hyacinthe : 167 ; 168. Laignel-Lavastine, Maxime : 184 n.4 ; 192.
218 • INDEX NOMINUM
Lambert, Estelle : 10. Lambert, Kelly G. : 117 n.10 ; 150. Lanata, Giuliana : 14 ; 14 n.7 ; 16 ; 18 n.2 ; 37. Lancel, Juliette : 153. Larrain, Carlos J. : 80 n.10 ; 95. Lavoisier, Antoine : 202. Le Camus, Antoine : 183 ; 185 ; 185 n.7 ; 185 n.10 ; 186 ; 186 n.11 ; 187 ; 188 ; 188 n.19 ; 189 n.27 ; 190 ; 191. LeDoux, Joseph : 202. Lehoux, Daryn : 105 n.19 ; 113. Leo Tuscus : 124 ; 124 n.56 ; 125 ; 133. Léon VI : 133 n.21 ; 134 n.131. Leroux, Virginie : 150. Leuchter, Andrew F. : 196 n.7 ; 197. Leven, Karl Heinz : 22 n.31 ; 37 ; 39. Lévi-Strauss, Claude : 20 n.19 ; 37 ; 204. Levine, John D. : 195 ; 195 n.3 ; 197. Lidonnici, Lynn R. : 73. Lidstone, Sarah C. : 197. Littré, Émile : 18 n.5 ; 18 n.6 ; 18 n.7 ; 18 n.8 ; 19 n.10 ; 19 n.11 ; 19 n.12 ; 20 n.18 ; 21 n.22 ; 22 n.33 ; 23 n.34 ; 23 n.35 ; 23 n.37 ; 23 n.38 ; 23 n.39 ; 23 n.40 ; 23 n.42 ; 26 n.62 ; 34 ; 57 n.7 ; 61 n.15 ; 61 n.17 ; 66 n.32 ; 66 n.35 ; 67 n.36 ; 68 n.37 ; 68 n.38 ; 69 n.39 ; 69 n.40 ; 69 n.41 ; 71 ; 120 n.32 ; 128 n.87 ; 132 n.118 ; 132 n.119 ; 146. Lloyd, Geoffrey Ernest Richard : 14 ; 14 n.7 ; 16 ; 25 n.50 ; 27 n.64 ; 37 ; 121 n.33 ; 150. Locke, John : 188 ; 189. Longhi, Vivien : 10. Lopiano, Leonardo : 140 n.165 ; 151. Loriod, Jacqueline : 140 n.165 ; 151. Loubet, Mireille : 154. Louis XVI : 201. Loye, David : 118 n.14 ; 151. Ludwich, Arthur : 13 n.1 ; 16. MacDougall, Joyce : 151. Macé, Caroline : 10. Magdalino, Paul : 122 n.44 ; 151. Magdelaine, Caroline : 66 n.32 ; 71 ; 115. Malacarne, Claro Giuseppe : 180.
Malacarne, Vincenzo : 8 ; 165 ; 166 ; 167 ; 168 ; 168 n.7 ; 169 ; 169 n.13 ; 170 ; 171 ; 171 n.19 ; 172 ; 173 ; 173 n.23 ; 173 n.24 ; 174 ; 174 n.28 ; 175 ; 175 n.33 ; 176 ; 176 n.35 ; 177 ; 178 ; 178 n.38 ; 178 n.39 ; 179 ; 179 n.41 ; 180 ; 181 ; 209. Malacarne, Vincenzo Gaetano : 180. Maloney, Gilles : 36 ; 37. Maltese, Enrico V. : 115. Mámún voir Ma’mûn. Ma’mûn : 123 ; 123 n.49 ; 125 ; 144 n.180. Mancia, Mauro : 116 n.4 ; 151. Manessy-Guitton, Jacqueline : 30 n.79 ; 37. Manetti, Daniela : 61 n.15 ; 61 n.16 ; 67 n.36 ; 71. Marasco, Gabriele : 20 n.16 ; 37. Marcone, Arnaldo : 37 ; 38. Marewski, Julian N. : 160 n.4 ; 163. Marinsek, Nicole : 118 n.14 ; 151. Martelli, Matteo : 41 n.1 ; 44 n.16 ; 52. Martianos : 108 n.27. Mastrocinque, Attilio : 21 n.23 ; 33 n.100 ; 37. Mauss, Marcel : 204. Mavroudi, Maria : 122 n.44 ; 123 ; 123 n.51 ; 125 n.69 ; 126 ; 126 n.71 ; 127 n.78 ; 127 n.80 ; 127 n.82 ; 133 n.120 ; 133 n.123 ; 151. Mayberg, Helen S. : 196 n.8 ; 198. Medea : 13 ; 14 ; 24 ; 24 n.45. Medrano-Martinez, Pablo : 117 n.10 ; 151. Menin, Marco : 8 ; 185 n.9 ; 192. Ménuret de Chambaud : 184. Méro, Làszlò : 160 ; 160 n.5 ; 162 ; 162 n.11 ; 163. Mesmer, Franz Anton : 9 ; 184 ; 202. Micallela, Dina L. : 115 n.1. Miceli, Giacomo : 4. Moisan, Monique : 63 n.27 ; 37. de Montaigne, Michel : 201. Morgagni, Gianbattista voir Morgagni, Jean-Baptiste. Morgagni, Jean-Baptiste : 165 ; 165 n.2 ; 165 n.3 ; 166 ; 167 ; 180. Morphée : 119.
INDEX NOMINUM • 219
Moyer, Ian S. : 46 n.24 ; 47 ; 47 n.29 ; 48 ; 48 n.33 ; 52. Muhammed ben Mahmúd Amuli : 125. Muhammed Ibn Sîrîm : 125. Murri, Augusto : 161 ; 162. Nanno : 67 ; 69. Nauplios : 91. Nechepso : 46 ; 48 ; 48. n.35 ; 48 n.36 ; 50 ; 51 ; 52. Nehrbass, Rudolf : 73. Nicosia, Salvatore : 119 n.25 ; 151. Nickel, Diethard : 150. Nutton, Vivian : 18 n.2 ; 24 n.47 ; 30 n.77 ; 37 ; 38 ; 42 n.4 ; 44 n.14 ; 52 ; 98 n.3 ; 105 n.15 ; 105 n.17 ; 106 n.20 ; 106 n.21 ; 107 n.26 ; 108 n.27 ; 110 n.30 ; 111 n.31 ; 112. Omero voir Homère. Obbink, Dirk : 37 ; 38. Oberhelman, Steven : 119 n.21 ; 119 n.26 ; 120 n.27 ; 120 n.29 ; 120 n.30 ; 121 n.37 ; 122 ; 122 n.45 ; 122 n.46 ; 124 ; 124 n.56 ; 125 ; 125 n.65 ; 125 n.66 ; 126 n.72 ; 126 n.73 ; 126 n.74 ; 127 ; 127 n.75 ; 127 n.76 ; 127 n.77 ; 127 n.79 ; 127 n.81 ; 128 n.86 ; 128 n.89 ; 128 n.90 ; 129 n.91 ; 130 n.98 ; 130 n.103 ; 130 n.105 ; 130 n.107 ; 131 n.109 ; 131 n.110 ; 131 n.115 ; 133 ; 133 n.123 ; 133 n.124 ; 134 n.126 ; 134 n.127 ; 135 n.137 ; 135 n.139 ; 136 ; 136 n.142 ; 136 n.145 ; 137 ; 137 n.147 ; 137 n.148 ; 143 n.176 ; 143 n.177 ; 143 n.178 ; 143 n.179 ; 144 n.180 ; 144 n.181 ; 145 n.182 ; 152. Odisseo : 13 ; 14 ; 22 ; 27 n.69. Oli, Gian Carlo : 20 n.16 ; 35. Oliveri da Rivalta : 166 n.3. Ongaro, Giuseppe : 168 n.11 ; 181. Opsomer, Carmelia : 25 n.53 ; 38. Orfeo : 45. Oribase voir Oribasius. Oribasius : 5 ; 128 n.88 ; 129 n.92 ; 135 n.136 ; 146. Ostane : 44.
Ovide : 119 n.24. Pack, Roger Ambrose : 124 n.57 ; 129 n.92 ; 130 n.101 ; 130 n.107 ; 131. n.111 ; 132 n.117 ; 134 n.127 ; 135 n.138 ; 146 ; 152. Palladio : 41 n.2 ; 49. Palmieri, Nicoletta : 35 ; 29 ; 150. Pareti, Germana : 9 ; 9 n.3 ; 205. Pasteur, Louis : 200 ; 202. Patroclo : 22. Pecere, Oronzo : 72. Pelia : 24 n.45. Perilli, Lorenzo : 18 n.2 ; 21 n.24 ; 38. Petit, Caroline : 49 ; 52. Pfaff, Franz : 103 n.12 ; 112. Phalysios : 59 ; 60. Philoctète : 58. Philon : 91 ; 122. Pigné, Christine : 150. Pingree, David : 47 ; 47 n.30 ; 52. Pizzani, Ubaldo : 44 n.14 ; 52. Platon : 19 ; 21 n.23 ; 25 n.54 ; 70 ; 70 n.42 ; 79 ; 80 n.10 ; 81 ; 81 n.13 ; 82 ; 82 n.14 ; 119 n.22 ; 121 n.33. Platone voir Platon. Plinio il Giovane : 27 n.70. Plinio il Vecchio : 20 ; 20 n.17 ; 23 ; 23 n.43 ; 25 n.54 ; 26 ; 26 n.55 ; 27 ; 27 n.65 ; 28 n.72 ; 28 n.73 ; 32 n.94 ; 34 ; 44 n.13. Pogliano, Claudio : 168 ; 168 n.6 ; 172 n.22 ; 178 n.40 ; 181. Pohlenz, Max : 102 n.11 ; 113. Popper, Karl : 6 ; 159. Pormann, Peter E. : 51. Potter, Paul : 18 n.7 ; 19 n.11 ; 23 n.34 ; 23 n.35 ; 23 n.38 ; 23 n.39 ; 34 ; 36 ; 150. Praxagoras : 81 ; 83 ; 84. Premuda, Loris : 181. Press, Jacques : 151. Prêtre, Clarisse : 63 n.18 ; 63 n.19 ; 72. Price, Simon : 120 n.31 ; 152. Pritchet, Christopher Dixon : 41 ; 41 n.1 ; 42 n.6 ; 49. Proclo : 44 n.16. Prometeo : 13 ; 14.
220 • INDEX NOMINUM
Proust, Jacques : 185 n.7 ; 191. Rufus d’Éphèse : 121 n.36. Rufus Publius Granius : 56 ; 57 ; 60. Quinodoz, Jean Michel : 117 n.5 ; 152.
Scarborough, John : 22 n.29 ; 22 n.31 ; 30 n.77 ; 38 ; 128 n.83 ; 152. Scheller, Eduard : 133 n.122 ; 153. Schmitt, Jean-Claude : 138 n.50 ; 153. Schofield, Malcolm : 102 n.11 ; 113. Schüller, Arthur : 172. Scivoletto, Nino : 50 ; 52. Sconocchia, Sergio : 35 ; 45 n.19 ; 47 n.26 ; 52 ; 53. Sesto Empirico : 24 ; 101 n.9. Shapiro, Arthur : 200 n.2 ; 205. Shapiro, Elaine : 200 n.2 ; 205. Silvano, Luigi : 10. Siméon Seth : 127 ; 128 ; 128 n.83 ; 149. Simeonova, Liliana V. : 138 n.154 ; 153. Simeta : 20, n.19. Simon, Herbert A. : 161 ; 161 n.8 ; 163. Sineux, Pierre : 73.
Raban Maur : 136 n.140. Radt, Stefan : 24 n.45 ; 34. Raiola, Tommaso : 7 ; 14. Ramos-Platon, M. José : 117 n.10 ; 151. Raymond, Marcel : 189 n.24 ; 191. Raeder, Johann : 128 n.88 ; 129 n.92 ; 135 n.136 ; 146. Reid, Brian : 205. Repici, Luciana : 24 n.46 ; 24 n.47 ; 24 n.49 ; 25 n.50 ; 38. Rey, Roseline : 184 n.3 ; 185 n.7 ; 192. Richez, Marion : 207. Riddle, John. M. : 22 n.29 ; 38. Riedinger, Jean-Claude : 73. Riess, Ernst : 20 n.16 ; 38 ; 48 n.36 ; 52. Rigaltius, Nicolaus : 124 ; 131 n.114. Rocchetti, Luigi : 20 n.16 ; 35. Roger, Jacques : 184 n.3. Romains, Jules : 9 ; 9 n.4 ; 132 n.117 ; 199. Romano, Claude : 73. Roselli, Amneris : 7 ; 14 ; 43 n.8 ; 52 ; 61 n.15 ; 61 n.16 ; 67 n.36 ; 71. Ross, David W. : 15. Rousseau, Jean-Jacques : 185 ; 187 ; 187 n.18 ; 189 ; 189 n.24 ; 191. Roussel, Pierre : 190 n.30 ; 191.
Sitran Rea, Luciana : 181. Smith, Wesley D. : 23 n.42 ; 34 ; 121 n.33 ; 153. Sofocle : 24 ; 24 n.45 ; 34. Sosastra de Phérai : 64. Spiegel, Herbert : 205. Staden, Heinrich, von : 24 n.49 ; 33 n.95 ; 39 ; 48 n.33. Stamatu, Marion : 22 n.31 ; 39. Stoessl, Jon A. : 195 n.5 ; 197. Stol, Marten : 153. Stramaglia, Antonio : 72. Suda : 43. Sünder, Richard : 200 n.1 ; 205.
Sabbah, Guy : 53. Saint Jérome : 193. Saint-Paul, Georges : 141 n.172 ; 152. Salomon-Bayet, Claire : 169 n.12 ; 181. Samama, Evelyne : 22 n.31 ; 24 n.46 ; 38. Sami-Ali, Mahmoud : 140 n.167 ; 152. Samoggia, Luigi : 173 ; 173 n.25 ; 173 n.27 ; 181. Santini, Carlo : 50 ; 52. Sauneron, Serge : 152. Scandellari, Cesare : 159 ; 159 n.2 ; 161 ; 161 n.7 ; 163.
Tecusan, Manuela : 44 n.11 ; 47 n.26 ; 48 n.37 ; 53. Temkin, Owsei : 19 ; 19 n.13 ; 39 ; 148. Teocrito voir Théocrite. Teofrasto : 17 ; 20 n.21 ; 21 n.23 ; 22 ; 22 n.29 ; 23 ; 24 ; 24 n.44 ; 25 ; 25 n.51 ; 25 n.52 ; 25 n.53 ; 25 n.54 ; 26 ; 27 ; 27 n.68 ; 27 n.70 ; 28 ; 29 ; 29 n.75 ; 33 n.97 ; 34 ; 35 ; 37. Tessalo voir Thessalus. Théocrite : 20 n.19 ; 80. Théodore Stoudite : 126 n.71.
INDEX NOMINUM • 221
Théon d’Alexandrie : 84. Théphano : 134 n.131. Thessalos voir Thessalus. Thessalus : 14 ; 42 ; 43 ; 43 n.9 ; 44 ; 44 n.10 ; 44 n.12 ; 45 ; 45 n.18 ; 45 n.20 ; 46 ; 46 n.23 ; 47 ; 47 n.26 ; 48 ; 49 ; 49 n.38 ; 51 ; 52 ; 53. Thiebaut de Schotten, Michel : 117 n.10 ; 147. Tieleman, Teun : 75 ; 75 n.2 ; 95. Timotin, Andrei : 120 n.29 ; 120 n.31 ; 125 n.69 ; 138 n.153 ; 153. Tirapu-Ustarroz, Javier : 116 n.4 ; 153. Toneatto, Lucio : 52. Torta, Riccardo : 9 ; 198. Totelin, Laurence M. V. : 20 n.20 ; 23 n.39 ; 23 n.41 ; 39. Touwaide, Alain : 39. Trasia : 24 n.48. Trombini, Giancarlo : 140 n.164 ; 153. Turgot, Anne Robert Jacques : 187 n.18.
Verna, Giambatista : 166 n.3. Vettio Valente : 48. Vila, Anne C. : 184 n.3 ; 192. Vincent-Bernardi, Anne-Marie : 115 n.1 ; 119 n.26 ; 120 n.29 ; 124 n.55 ; 124 n.56 ; 126 n.73 ; 129 n.93 ; 131 n.113 ; 133 n.124 ; 134 ; 134 n.131 ; 136 ; 136 n.144 ; 138 n.149 ; 153. Viola, Giacinto : 159. Virchow, Rudolf : 172. Volta, Alessandro : 167. Voltaire : 185 ; 185 n.8 ; 191.
Ursin, R. : 116 n.4 ; 153.
Weaver, Ian C. G. : 198. Weber-Kaiser, Gregor : 154. Weissenrieder, Annette : 95. Wellmann, Max : 21 n.26 ; 34. Wenkebach, Ernst : 88 n.23 ; 88 n.24 ; 88 n.25 ; 89 n.26 ; 91 n.30 ; 91 n.31 ; 92 n.33 ; 92 n.34 ; 95 ; 103 n.12 ; 112. Williams, Elizabeth A. : 184 n.3 ; 192. Winston, Michael E. : 189 n.23 ; 192. Wittgenstein, Ludwig : 9 ; 204.
van der Eijk, Philip : 72. Van Nuffelen, Peter : 98 n.2 ; 99 n.5 ; 101 n.8 ; 113. Vandermonde, Charles Augustin : 8 ; 183 ; 185 ; 188 ; 188 n.21 ; 189 ; 189 n.25 ; 190 ; 190 n.28 ; 191 Varloot, Jean : 191. Vasunia, Phiroze : 47 n.29. Vegetti, Mario : 18 n.1 ; 34.
Zago, Michela : 48 n.34 ; 53. Zanchin, Giorgio : 181. Zanger, Abby : 205. Zeiler, Henri : 184 n.4 ; 192. Zeus : 14 ; 119. Zingarelli, Nicola : 20 n.16 ; 39. Zoé : 134 n.131. Zubieta, Jon-Kar : 195 n.4 ; 198. Zurli, Loriano : 50 ; 52.
Table des matières
Avant-propos Véronique Boudon-Millot et Serena Buzzi
5
SOIGNER ET GUÉRIR ENTRE RATIONNEL ET IRRATIONNEL DE L’ANTIQUITÉ À L’ÉPOQUE BYZANTINE Giulio Guidorizzi Introduction - Tra Autòlico e Galeno. Credere nella cura, sperare nella guarigione
13
Daniela FAusti La farmacologia antica. Un ponte fra irrazionale e razionale
17
Amneris rosElli Un passo di Giovanni Alessandrino su Tessalo (In Hip. epid. VI fr. 42, p. 104 Duffy = p. 148 Pritchet)
41
Elsa FErrACCi Expressions de l’espoir et du désespoir des patients dans les iamata et dans le Corpus hippocratique
55
Édouard FElsEnhEld Ainigmata. Énigmes médicales dans les traités de Galien
75
Tommaso rAiolA Il medico “mago” e il suo pubblico: Galeno tra prognosi e divinazione
97
Serena Buzzi Rêve et médecine dans l’Oneirocriticon d’Achmet. Aux frontières de la psychosomatique
115
LA RÉPONSE PSYCHOSOMATIQUE ENTRE PHILOSOPHIE, HISTOIRE ET SCIENCE MÉDICALE MODERNE Alessandro BArGoni Introduction - Quod Hippocrates vocavit divinum
157
224 • TABLE DES MATIÈRES
Céline ChEriCi Le renouveau de la clinique au xVIIIe siècle. Sa délicate application au cerveau humain par Vincenzo Malacarne (1744-1816)
165
Marco MEnin Entre les choses et l’âme. La « médecine de l’esprit » au xVIIIe siècle
183
Riccardo G. V. tortA, Valentina iErACi L’effet placebo. De l’histoire à la science
193
Germana PArEti L’effet nocebo dans la médecine rationnelle
199
Annexe Aelius Aristide, Discours sacrés. Rêve, religion, médecine au IIe siècle après J.-C.
209
Index nominum
213
Dans la même collection Volume 1 | 2007 Job, ses précurseurs et ses épigones, par Maria Gorea. Volume 2 | 2008 D’Ougarit à Jérusalem. Recueil d’études épigraphiques et archéologiques offert à Pierre Bordreuil, édité par Carole Roche. Volume 3 | 2008 L’Arabie à la veille de l’Islam. Bilan clinique (Actes de la table ronde tenue au Collège de France, Paris, 28-29 août 2006), édité par Jérémie Schiettecatte en collaboration avec Christian Julien Robin. Volume 4 | 2009 Sabaean Studies. Archaeological, epigraphical and historical studies, edited by Amida M. Sholan, Sabina Antonini, Mounir Arbach. Volume 5 | 2009 Les échanges à longue distance en Mésopotamie au Ier millénaire. Une approche économique, par Laetitia Graslin-Thomé. Volume 6 | 2011 D’Aden à Zafar, villes d’Arabie du sud préislamique, par Jérémie Schiettecatte. Volume 7 | 2012 Dieux et déesses d’Arabie : images et représentations (Actes de la table ronde tenue au Collège de France, Paris, 1er-2 octobre 2007), édité par Isabelle Sachet en collaboration avec Christian Julien Robin. Volume 8 | 2012 Alessandro de Maigret, Saba’, Ma’în et Qatabân. Contributions à l’archéologie et à l’histoire de l’Arabie ancienne, choix d’articles scientifiques préparé par Sabina Antonini et Christian Julien Robin. Volume 9 | 2012 Scribes et érudits dans l’orbite de Babylone (travaux réalisés dans le cadre de l’ANR Mespériph 2007-2011), édité par Carole Roche-Hawley et Robert Hawley. Volume 10 | 2012 South Arabian Art. Art History in Pre-Islamic Yemen, par Sabina Antonini de Maigret. Volume 11 | 2012 L’Orient à la veille de l’Islam. Ruptures et continuités dans les civilisations du Proche-Orient, de l’Afrique orientale, de l’Arabie et de l’Inde à la veille de l’Islam (Actes de la table ronde tenue au Collège de France, Paris, 17-18 novembre 2008), édité par Jérémie Schiettecatte en collaboration avec Christian Julien Robin. Volume 12 | 2013 Entre Carthage et l’Arabie heureuse. Mélanges offerts à François Bron, édité par Françoise Briquel Chatonnet, Catherine Fauveaud et Iwona Gajda.
Volume 13 | 2013 Bijoux carthaginois III. Les colliers. L’apport de trois décennies (1979-2009), par Brigitte Quillard. Volume 14 | 2013 Regards croisés d’Orient et d’Occident. Les barrages dans l’Antiquité tardive (Actes du colloque tenu à Paris, Fondation Simone et Cino del Duca, 7-8 janvier 2011, et organisé dans le cadre du programme ANR EauMaghreb), édité par François Baratte, Christian Julien Robin et Elsa Rocca. Volume 15 | 2014 Paradeisos. Genèse et métamorphose de la notion de paradis dans l’Antiquité (Actes du colloque international), sous la direction d’Éric Morvillez. Volume 16 | 2015 Devins et lettrés dans l’orbite de Babylone, sous la direction de Carole Roche-Hawley et Robert Hawley. Volume 17 | 2015 Les Jafnides. Des rois arabes au service de Byzance (vie siècle de l’ère chrétienne) (Actes du colloque de Paris, 24-25 novembre 2008), sous la direction de Denis Genequand et Christian Julien Robin. Volume 18 | 2015 Figures de Moïse, sous la direction de Denise Aigle et Françoise Briquel Chatonnet. Volume 19 | 2016 Le coran de Gwalior. Polysémie d’un manuscrit à peintures, sous la direction de Éloïse Brac de la Perrière et Monique Burési. Volume 20 | 2016 Tamnaʿ (Yémen). Les fouilles italo-françaises. Rapport final, sous la direction d’Alessandro de Maigret et Christian Julien Robin. Volume 21 | 2016 Architecture et décor dans l’Orient chrétien (ive-viiie siècle). Actes de la journée d’étude en hommage au Père Michele Piccirillo (INHA, Paris, 8 décembre 2011), publiés par François Baratte et Vincent Michel. Volume 22 | 2016 Les coutumes funéraires dans le royaume de Méroé. Les enterrements privés, par Vincent Francigny. Volume 23 | 2017 Du Sianï au Soudan : itinéraires d’une égyptologue. Mélanges offerts au Professeur Dominique Valbelle, publiés par Nathalie Favry, Chloé Ragazzoli, Claire Somaglino, Pierre Tallet.
ORIENT
MÉDITERRANÉE
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UMR 8167, Orient et Méditerranée – Textes, Archéologie, Histoire CNRS, Université Paris-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École pratique des hautes études, Collège de France
GUÉRISON, RELIGION ET RAISON
L
e présent volume ambitionne de prendre en compte sur un temps long, depuis la naissance de la médecine occidentale de tradition hippocratique en Grèce au ve siècle avant notre ère jusqu’aux dernières avancées des neurosciences, les principaux aspects culturels, philosophiques, psychologiques, sociaux et religieux susceptibles d’entrer en jeu dans le processus de guérison. Il s’inscrit donc à l’intersection de la médecine et de la philosophie, mais aussi de l’histoire des sciences, des idées et des religions. En s’intéressant aux différentes médecines dites « rationnelles » et « alternatives », il s’efforce notamment d’éclairer le processus cognitif à l’origine de la prise de décision par le médecin et le rôle de la raison et de la religion dans la réussite ou l’échec du traitement pour le patient.
De la médecine hippocratique aux neurosciences Textes réunis et édités par Véronique Boudon-Millot Serena Buzzi
he aim of this volume is to take into account the main cultural, philosophical, psychological, social and cultural aspects, which come into play in the healing process over a long period of time, from the beginning of western medicine of Hippocratic tradition in Greece during the 5th century BC to the latest advances in neuroscience. Therefore this study lies at the intersection of medicine and philosophy, but also of history of science, ideas and religions. By focusing on the two fields of “rational” and “alternative” medicine, it attempts in particular to enlighten the physician’s cognitive process at the origin of the decision-making and, from the patient's point of view, the role of reason and religion in the success or failure of the treatment.
ISBN 978-2-7018-0522-1
GUÉRISON, RELIGION ET RAISON
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Éditions de Boccard