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French Pages [405] Year 2007
APPIEN HISTOIREROMAINE LIVREXI LE LIVRESYRIAQUE
COLLECTION DES UNIVERSITÉS DE FRANCE publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ
APPIEN HISTOIREROMAINE TOME VI LIVREXI LE LIVRE SYRIAQUE
TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT PAR
PAUL
GOUKOWSKY
Profe~,eur à l'Université de NancyIl
PARIS LES BELLES LETIRES
2007
Conformément aux statuts de l'Association Guillaume Budé, ce volume a été soumis à l'approbation de la commission technique, qui a chargé MM. P. Charneux et J.-L. Ferrary d'en assurer la publication et d'en surveiller la correction en collaboration avec M. P. Goukowsky.
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. © 20UZ Société d'édition Les Belles Lettres 95 boule1mrd Raspail, 75006 Paris wuw.lesbelleslettres.com ISBN: 978-2-251-00.539-3 ISSN: 0184-7155
NOTICE
1- La date de publication et la pratique historiographique 1 Comme je l'ai indiqué dans la Notice du Mithridatique, le Livre Syriaque fut rédigé après la fondation d '.!Elia Capitolina par Hadrien, ainsi qu'il ressort du §50, 2522 • Il était achevé lorsque Appien composa le Livre V des Guerres Civiles : ce dernier contient en effet un renvoi à ce qu 'Appien avait écrit dans le Livre Syriaque à propos des rois de Syrie 3• Il est également assuré que l'un des livres perdus 4 des « Guerres étrangères », le Livre Hellénique et Asianique, fut composé avant le Mithridatique, le Livre Syriaque et le Livre II des Guerres Civiles, qui tous trois y renvoient 5• En revanche, le Livre Parthique n'existait encore qu'à l'état de projet, comme le taôE µèv remarque Appien en Syr. 51, 260 d').,J..,à 1. Je me garderai de parler de « méthode historique ». 2. Cf. Notice du Livre Mithridatique, p. XII-XIII. 3. BC 5, 10, 39 : &ç µ01 7tEpil:uprov Â.ÉyovnEiprrtat. 4. Les rédacteurs des Extraits Constantiniens, qui ne possédaient que le premier tome d' Appien (livres I à IX), ignoraient jusqu'à l'existence de ce livre. La Souda, qui tire sa science des Extraits Constantiniens, est également muette. 5. Cf. Syriaké, 2, 5 &ç µot tv -rfi 'EÂ.Â.T1Vt1cfi ypa &ç µot BC 2, 92, 385 Kaicrap < ... > txpriµanÇE -raiç 7tOÂ.ECJ\V Cf. infra, p. xn. 1ea-rà'tllV 'Acr1aVT1V cruyypaq>TlV ôEôTJÂ.O>'tat.
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êvteÂroç tv tfi Ilap0ucfi ouyypaq>fi ÂÉçro et BC 2, 18, 67 Ô.ÂÂà1eai tT]V µèv Kpaooou ouµq>opàv ft Ilap8t1CT] OT}Ârooetypaq>ti -ce que confirme BC S, 65, 276, à propos de l'envoi de Ventidius en Asie après la paix de Brindes : â µèv OT] Aaôt T}VOÇte 1eai oi Ilap0uaiot ypaq>t;. Il opaoavteç Ë1ta0ov, ft Ilap0t1CT] OT)ÂCOOEt n'est pas certain qu 'Appien eut le loisir d'achever le livre annoncé. Mais il en avait réuni la documentation. Rédigée ainsi après le Mithridatique, qu'elle précède immédiatement dans la série des XXIV livres de l 'Histoire Romaine, la Syriaké prend en compte un problème méthodologique abordé dans le Livre Hellénique et réglé dans le Mithridatique. Appien écrit en effet (Syr. 2, 5) : êyiyveto yàp OT]1eai tà Ma1eeo6vrov 1eai tà 'EÂÂt;vrov ê1tiµt1Cta Ô.ÂÂT}ÂOtÇ dvà µÉpT) 1eai xp6vouç, roç µot êv tfi "EÂÂT)Vt1Cfi ypaiÀt1t1tOÇ êv tfl rEÀÀa.ôtx:atà 'Avtt6xou ~acrtÀéroç, 1tEprovtaçtE ê1ti 'Avtioxov êç tllV 'Acriav ôtà 0p{tK11ÇKai MaKEôoviaç ÔôOVOÙKEÙµapii 1tapÉ1tEµ1tEV v, ôooolx:tiotç téÀEcrt x:ai tpocpaîç x:ai oa1tav11µacrt 1totrovx:ai 1totaµoùç oucr1t6pouçÇtuyvùç x:ai toùç ê1ttKEtµévouç 0p(ix:aç ôtaK61ttrov,Ëroçê1ti tè>v rEÀÀ110'1tOVtOV ftyaytv. 'Ecp' oiç ft µèv ~ouÀll tè>vulè>vaùtcp A11µ11tptov1tapà crcpicrtvôµ11pt6ovta d1téÀucrt x:ai Ol oè trov xp11µatrov dcpiiKEV,©V Ëtt rocpEtÀEV. 0p(ÏKEÇOÎôErProµaiouç d1tè>tiiç ê1t' 'AvttOXQ)vix:11ç ê1tavt6vtaç, oùx: ftt 'l>tÀi1t1tou1tap6vtoç, tllV tE 7. Le texte de ce pacte est cité par Polybe, 3, 2, 8, peut-être d'après une source rhodienne. De notables divergences ont été constatées entre la version de Polybe et celle d' Appien : cf. H. H. Schmitt, Untersuchungen zur Geschichte Antiochos' des Grossen und seiner Zeit (1964), p. 251.
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À.Eiav àq>EtÀ.OV'tO Kai 7tOÀ.À.OÙÇ ôtÉq>0Etpav, cpKai µaÀ.tcr-ral1tEôEix_811 ôcrov aù-roùc;àvt6v-rac; rov11crEv ô iÀ.t7t7tOÇ.
Ici, Appien indique sans commentaire « qu'en Grèce Philippe s'allia aux Romains contre Antiochos » : version brève, développée dans le Livre Syriaque, où sont exposées les raisons du choix de Philippe (16, 66) et les circonstances de son alliance avec le Romain Brebius (16, 67-69). On apprend aussi que Philippe, au cours de cette guerre, s'empara de l'Athamanie jusqu'à Ambracie (17, 73), puis aida le consul Acilius Glabrio contre les Étoliens (21, 94). C'est pour le remercier du soutien apporté aux Romains que le Sénat aurait libéré le jeune Démétrios, otage à Rome (20, 92). Plus loin, en 23, 110, est à nouveau relatée l'aide dont bénéficièrent les Scipions : Atà ôÈ MaKEô6vrov CÔôEUE 1eai 0pçi1eci>vtni -rè>v 'EÀ.À.T1cr1tov-rov, ôucrx_Epii1eai x_aÀ.E7tllV ôoè>v aù-rcp yEvoµtv11v éiv, El µ11iÀ.t1t1toc; ô MaKEôci>vd>ôonoiEt Kai U7tEôÉX,E'tO Kai 1tapÉ1tEµ1tEV tÇEuyµÉvotc;'tE 7tO'taµoic; t1e noÀ.À.où1eai àyopaic; é-roiµotc;. 'Eq>'oie; aù-rè>v o\ l:1Ct1tiroVEÇ aù-riKa 'tcÏ>V U7tOÀ.Ot7tO)V XP11µa-rrovà1tÉÀ.ucrav, l1tt'tE-rpaµµtvot -roù0' ônè> -riic; ~ouÀ.iic;,El 1tp68uµov EÜpotEV.Les Scipions annoncent ensuite (23, 11), dans une lettre adressée à Prusias de Bithynie, que les Romains 1eai -rè>vnaiôa aù-rcp-riic;ôµ11pEiac;à1tÉÀ.ucrav 1eai -rè>l:-rt oq>À.llµa-rci>vXP11µa-rrov.On constate que le récit du Livre Syriaque, plus circonstancié, s'accorde avec celui du Livre Macédonien. On peut faire la même remarque à propos du retour en Italie de l'année romaine, conduite par Manlius Vulso, auquel Appien consacre tout un chapitre (43, 224-228). Le général romain se voit reprocher son impéritie, en particulier le fait que oü-r' te;MaKEôoviav tÀ.i1t1tq> 1tpoE1ttcr-rEiÀ.aç ànav-ràv, ïva 1tapa1tɵ'lfEtEVaù-r6v. Attaqué par les Thraces dans un défilé, Manlius Vulso perd pour cette raison une partie de son année, ainsi que le butin et l'argent public. La conclusion recoupe exactement celle
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du Livre Macédonien : q, ÔT) x:ai µaÂtata èytveto 1eataVT)c;ydvato XpuaoÀ.upac;. 27. Tite-Live, 35, 37, 4, consigne divers prodiges apparus après le départ du consul Acilius Glabrio pour la Grèce ; sur l'ordre du Sénat, les Xvirs consultèrent les Livres Sibyllins et des cérémonies expiatoires furent accomplies par l'autre consul. D'autres prodiges sont mentionnés en 37, 3, l-7, avec consultation des Livres et expiations. Les cas où le Sénat ordonnait une consultation des Libri fatales sont précisés par Denys d'Halicarnasse, Ant. Rom., 4, 62, 5. 28. Antiochos III, comme les autres rois macédoniens, s'appuyait sur le « droit de la lance », sur lequel on verra A. Mehl, Doriktètos Chôra, Ancient Society 11/12 (1980/1), p. 173-212. Mais, après la mort de Lysimaque, Séleucos I n'avait réellement conquis qu'une petite partie de la Chersonnèse de Thrace, et les dieux l'avaient
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d 'Antiochos qui, faute d'avoir eu la sagesse de se contenter de l' Asie 29, sera puni de sa nÀ.eoveçia 30• Appien paraît suivre ici une tradition reflétant le point de vue de Pub lius Scipion, qui faisait porter à Antiochos l'entière responsabilité d'une guerre provoquée par cette 7tÀ.eoveçia31. Les Romains en revanche sont traités avec faveur, au moins jusqu'à la paix d' Apamée : Appien tient pour assuré qu'ils ne s'intéressaient pas à l'Asie, il le fait dire à Publius Scipion 32. En fait, c'est à leur corps défendant et avec beaucoup d'appréhensions qu'ils s'étaient engagés dans une guerre qu'ils jugeaient longue et difficile, étant donné la réputation glorieuse d' Antiochos33,au risque d'être conduits dans des régions dont un oracle sibyllin les détournait expressément 34 • Mais il leur détourné de cette entreprise. Son destin avait été de périr victime d'une faute commise par lui-même, erreur fatale qu 'Antiochos III reproduisait inconsidérément. Le mécanisme de l'histoire imite évidemment celui d'une fiction tragique. -Si, dans une épigramme anonyme antérieure à la deuxième guerre de Macédoine (Anth. Pal. 16, 5), Philippe V est qualifié de Koipavoç EùpvSICT0Ç 1tpo 0Eo6ÀaôEiaç tç 1téivta yEvoµEvoç ... ; fr. 18, 2 : xaÀtv aùtè>v tÀauvovtoç 0Eoù. 56. De la même manière, Manlius Vulso, après ses victoires, agit dÀoyroç 1téiµ1tav(Syr. 43, 224). 57. Si l'on compare avec Tite-Live, 35, 41, 1, on constate qu 'Antiochos, chez l'historien latin, n'agit pas àÀoyicrtroç : il estime que les Romains ne chercheront pas à passer en Asie, et ses Amis partagent son opinion. Seul Annibal pense autrement. 58. Il s'agit d'un décret du peuple d 'Ilion en l'honneur d 'Antiochos I. Voir J. Ma, Antiochos Ill et les Cités de l'Asie Mineure Occidentale (trad. française, 2004), Appendix I, p. 197-201. 59. Lignes 8-11 : .1tè> Kai XPflCJéiµEVOÇ tmôoÀfi lCaÀfi Kai ôt1eai{l 1eai Àa6cov où µ6vov toùç cpiÀouç 1eai tàç ôuvaµEtç Elç to ôtayrovicracr0at 1tEpi t&v xpayµéitrov aùtcp xpo0uµouç, àÀÀà 1eai to ôatµ6vtov EÜvouv 1eai cruvEpy6v ...
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Les Romains passèrent donc sans encombre en Asie6(). Appien nous dit qu' Antiochos « atterré, avait la rage au cœur et rejetait sur la Divinité la responsabilité de ses propres erreurs61 ». Désemparé, il demanda la paix, mais l'évacuation de l'Asie Mineure, exigée par les Scipions, lui parut excessive. Les pourparlers furent rompus et Antiochos, sur le conseil de Pub li us Scipion62 , adopta une stratégie défensive en se retranchant solidement près de Magnésie du Sipyle63 • Provoqué par Gaius Domitius, qui voulait une victoire rapide64 , le roi donna une nouvelle preuve de sa versatilité65 en acceptant de se battre en rase campagne66 • Combattant à l'aile droite, Antiochos bouscula certes l'infanterie légionnaire ; mais il la poursuivit inconsidérément jusqu'au camp romain 67 et cette faute priva la phalange de son soutien de cavalerie 68 • Encore que l'on n'eût pas assisté à la véritable confrontation qu'eût été le choc des légions et de la phalange (mais Domitius s'employa à éviter ce choc ... )69 , les Romains et leurs alliés pergaméniens remportèrent une brillante victoire que, d'après Appien, l'entourage d 'Antiochos attribua à l'incompétence du roi7° : précipitation, manque de 60. Syr. 29, 142. 61. Syr. 29, 143. 62. Cette histoire est étrange. Si elle comporte un fond de vérité (et ce n'est même pas certain ... ), on peut se demander si Publius ne rusait pas avec Antiochos : il faisait peut-être traîner les choses en longueur avec l'espoir, une fois guéri, de remporter personnellement la victoire. 63. Syr. 30, 151-153. 64. Syr. 30, 152. 65. Cf. Syr. 28, 137, où Antiochos est qualifié d'impulsif et de versatile : 1eouq,6vouç àti 1eai taxùç tç µtta60ÀT1V. 66. Syr. 30, 156. 67. Syr. 36, 185. Comble d'inconscience, Antiochos revint fièrement en arrière, « comme s'il avait remporté une victoire », pour trouver son infanterie anéantie. 68. Syr. 34, 177. 69. Syr.35, 179et 182. 70. Syr.31, 190-191.
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jugement, et surtout mauvais choix stratégique. Au lieu de miser sur l'expérience des troupes d'élite, il avait placé ses espoirs dans le nombre et fait appel à des novices. Appien n'est pas loin de partager leur sentiment, puisqu'il attribue, pour une large part, le succès des Romains à l 'aboulia et à la versatilité de leur adversaire, incapable de tirer avantage des ressources de son immense empire et de la pugnacité des Macédoniens. Dans cette guerre, la valeur des Romains n'avait pas été décisive, et Appien juge exagérée leur satisfaction7 1, qu'il tient pour de la gloriole72 • Mais, si ce facile succès avait grisé les Romains, Scipion fit preuve d'une sage modération en accordant à Antiochos une paix honorable73 • On pourrait croire que l'histoire de la confrontation entre Antiochos et les Romains avait été recontruite par Appien -ou par l'une de ses sources annalistiques- en fonction de l'adage latin « quem Juppiter vult perdere dementat prius ». Encore faut-il prendre garde que l'adage s'accordait avec la sagesse des Grecs. Dans le Contre Léocrate, l'orateur Lycurgue74 cite quatre vers iambiques d'un poète anonyme : « Toutes les fois que la colère des dieux s'attaque à quelqu'un, en premier lieu elle enlève de son esprit la raison excellente, tandis qu'elle tourne son jugement dans la mauvaise direction, afin qu'il ne sache rien des fautes qu'il commet ». On a depuis longtemps reconnu que de telles idées étaient sous-jacentes dans les Perses d'Eschyle 75 : Xerxès a tout 71. Syr. 37, 192. 72. Syr. 38, 193 : tµtyaÀauxouv. 73. Syr. 38, 196. Les conditions de paix sont jugées « utiles » pour les Romains et « avantageuses » pour Antiochos : cf. 38, 198-199. 14. Contre Léocrate, 92 : "0-rav yàp 6pyit 6a1µ6vrov ~Àan-rn
voùv -rov nva, 1 -roih' aù-ro 1tpco-rov,tçacpa1pEi-ra1cpptvcôv1 -rè:>v tCJ8À6v,Elç ôÈ 'tT)VxEipro 'tpÉ1tElI yvroµ11v,îv' Elon µ116tv ©V 6.µap-ravtt. 75. Cf. H. D. Broadhead, The Persae of !Eschylus ( 1960), p. 205.
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76parce que la Divinité l'avait aveuconduit ôuacpp6vroç glé77en raison du sacrilège qu'il avait commis en fermant l 'Hellespont 78 pour faire passer son année en Europe. Alors que le sage Darius n'avait jamais franchi le passage de l'Halys 79, son fils avait outrepassé, pour le malheur des Perses, la frontière tracée par les dieux entre l'Asie et l'Europe 80. Trois siècles après, Antiochos reproduisait les mêmes erreurs et subissait un châtiment identique. Sans le dire nettement, Appien partageait sans doute, dans une certaine mesure, cette vision de l'Histoire. Car les chapitres consacrés à Séleucos I, fondateur de l'empire séleucide, constituent moins une digression gratuite qu'une explication a posteriori. Si l'on enlève les ornements du récit, on voit que ce roi était bien, entre tous les successeurs d'Alexandre le Grand, le seul à l'égaler sur la terre d'Asie, mais que les dieux lui avaient interdit de prendre possession de l'Europe, bien qu'il eût vaincu 16. Perses, v. 553. 77. Le 6aiµrov ou plus précisément le 1ea1eè>ç 6aiµrov apparaît v. 345 sq. et 353 sq. ; cet être malfaisant s'attaque à la raison : cf. v. 724 yvci>µriç6i: 1tou nç 6mµ6vrov ÇUVT)'lfato.Voir aussi v. 725 : cI>tü, µtyciç nç ~Â.9t 6aiµrov, rocrtt µti cppovtiv 1eaÂ.coç. Le poète évoque plus loin (v. 750) la v6croç cpptv&v de Xerxès. 78. Cf. v. 65 sq. ; 720 sq. ; 745 sq. 79. Cf. v. 865 : 1t6pov où 6ta6àç "A>..uoç 1totaµoio. Cette première référence au fleuve Halys (que Cyrus avait franchi pour attaquer Crésus) comme frontière entre le monde perse et le monde hellénisé sera suivie de bien d'autres, et ce jusqu'aux guerres mithridatiques. 80. Cf. W. Kierdorf, Erlebnis und Darstellung der Perserkriege (1966), p. 61-62 et l'étude très complète de J. Jouanna, Les causes de la défaite des Barbares chez Eschyle, Hérodote et Hippocrate, Ktèma 6 ( 1981), p. 4-6, dont il ressort que Xerxès avait violé l'antique partage du monde. -Hérodote (1, 4) dit bien que les Perses considéraient que l'Asie leur appartenait, mais que l'Europe (et en particulier la Grèce) avait été séparée (1etxropicr9m) de leur empire, évidemment par l'Hellespont. Il fait d'ailleurs dire à Thémistocle (8, 109) que les dieux ont refusé qu'un seul homme règne sur l'Asie et l'Europe. Voir J. Jouanna, o. c., p. 7-8. La leçon qu'Eschyle tirait des malheurs de Xerxès, c'était tout simplement qu'il avait commis une lourde faute en venant guerroyer en Grèce et en combattant sur mer (v. 102 sq. et 790 sq.).
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Lysimaque 81 • C'est pourquoi le Destin l'avait frappé de telle sorte qu'il n'eût pas le loisir de prendre possession de Lysimacheia, une ville sur laquelle Antiochos III n'avait par conséquent aucun droit.
IV - Minceur du sujet et silences d 'Appien La brièveté du livre, amputé de son ornementation, n'a d'autre explication que la facilité de la conquête, annoncée par Appien dans la Préface de l'Histoire Romaine 82 , où il opposait la soumission aisée des peuples asiatiques aux difficultés rencontrées par Rome en Occident et en Afrique : « Si l'on considère les entreprises guerrières et la valeur des combattants, l'empire de l'Asie ne souffre , point de comparaison avec les Etats européens, même les plus petits : cela tient au manque de vigueur et d'audace des populations. C'est un point que montrera la suite de cet ouvrage. En quelques batailles, les Romains ont en effet soumis tous les peuples asiatiques qu'ils dominent encore aujourd'hui (et cela bien que les Macédoniens se fussent battus pour les défendre), alors qu'ils se sont souvent usés à la tâche en Afrique et en Europe ». De fait, le Livre Syriaque montre que les Romains, aux Thermopyles comme à Magnésie, n'eurent guère de difficulté à vaincre Antiochos 83 malgré la résistance des troupes 81. Quand Tite-Live, 9, 16, 19, imagine quel sort les Romains auraient fait subir à Alexandre le Grand si arma Asia perdomita in Europam uertisset, on ne peut douter qu'il s'inspire de la catastrophe arrivée à Antiochos le Grand ... 82. 9, 32-33. 83. Pour arriver à faire croire que la guerre contre Antiochos fut un graue bellum ac uehemens, Cicéron, dans le Pro Murena, 32, est obligé de recourir à un raisonnement spécieux. Si tel n'avait pas été le cas, soutient-il, les Romains n'auraient pas adjoint à Lucius Scipion son frère Publius. On peut facilement objecter que Publius avait hâte de cueillir facilement les lauriers qui lui avaient été refusés lors de son deuxième consulat.
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macédoniennes 84 • Et l'on voit aussi, dans le discours prêté à César avant Pharsale85 , que les alliés asiatiques de Pompée n'étaient que des « esclaves syriens, phrygiens et lydiens, toujours prêts à la fuite et à l'esclavage 86 ». Une remarque du même César, après sa victoire sur Pharnace, le fils de Mithridate, confirme le peu de cas fait des troupes asiatiques et réduit indirectement la grandeur passée de Pompée87 • Ce manque de thymos attribué aux peuples asiatiques est une idée ancienne, qui remonte au moins à Aristote88 • Elle s'était à l'évidence banalisée89 et, comme Pompée, Alexandre fut parfois accusé d'avoir remporté de faciles victoires sur des adversaires dégénérés90.On avait en effet établi un lien entre le climat et le tempérament des races humaines : c'est ainsi que le traité hippocratique des Airs, Eaux, Lieux91 expliquait le 84. Voir en particulier Syr., 37, 130-192, où Appien énumère les causes de la défaite d' Antiochos à Magnésie. taùt' fcrtt I:6pta 1eaicI>puyta1Cai 85. BC2, 74, 34 : dv6pa7tOOO
Auota, q>EUYEtV at&i K'ai6ouÂ.EUE\V ftotµa. 86. Leur conduite (80, 334) confirme le jugement porté sur eux par César. 87. BC2, 91, 384 : « c•est alors que, dit-on. il déclara : " ô bienheureux Pompée ! C'est en faisant la guerre à des hommes de cette trempe que tu as acquis la réputation d'un grand homme et que tu as été surnommé le Grand ! ". C'est au sujet de cette bataille qu'il écrivit à Rome : "Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu ". 88. Politique, 7, 7, 1327b 23-38 : Tà os xepi 1:riv'Ao-iav 6tavo-
llttKà µÈv K'ai 1:E):Vt1Cà triv 'lfUXtlV,li0uµa ot, Ol07tEpdpxoµeva 1eaioouÂ.euovta 6ta1:&Â.EÎ. Voir J. Jüthner, Hellenen und Barbaren (Leipzig, 1923), p. 24-28. Voir aussi R. A. Billows, Kings and Colonists (1995), p. 29-31, qui renvoie, entre autres, à Euripide, Iphigénie à Aulis, v. 1400-1401. 89. Il ressort de Cicéron, Pro Murena, 31, que Caton d'Utique s'était employé à dévaloriser les victoires remportées par le père de son client sur Mithridate en laissant entendre qu'il n'avait combattu que de « petites bonnes femmes » (bellum ... cum mu/ierculis esse gestum). 90. Arrien doit reconnaître que les Perses de l'époque d'Alexandre n'avaient plus les vertus guerrières des contemporains du grand Cyrus, formés comme les Spartiates : cf. Anab., 5, 5, 5. 91. Airs, eaux, lieux, 12 : tè os dvopetov 1eai'tÔ taÂ.abcropovKai
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contraste observé entre Européens et Asiatiques 92----ces derniers habitués en outre à des régimes despotiques 93 • L'idée se retrouve certes chez Poseidonios, mais on a souligné récemment 94 que tout ce qui touche à la « théorie des climats » ne devait pas être ramené au philosophe d' Apamée 95 • En fait, Appien s'était simplement approprié des lieux communs dont on retrouve la trace dans les harangues composées par Tite-Live. C'est ainsi qu'un ambassadeur d 'Antiochos prononce à Corinthe 96 , en présence de Flamininus, un discours grandiloquent97 où il étale la puissance militaire de son roi qui lui-même n'était pas avare de proclamations 98 • Celui-ci possède une cavalerie lourde et une cavalerie légère auxquelles toutes les forces militaires réunies de l'Europe ne sauraient résister. Son infanterie grouille de nations barbares (Dahre, Mèdes, Elyméens, Cadusiens ). Ses forces navales sont fournies par les Phéniciens de Sidon, Tyr et Arados. Bref, les Romains vont devoir se battre cum tô fµ1tovov 1eai îO 0uµottÔÈ:ç OÙKliv ôuvattO tv totautn q:,ucrtt tyyivtcr8at. 92. Cf. J. Jüthner, o. c., p. 16; J. Jouanna, o. c., p. 12-13. 93. D'où le qualificatif péjoratif de ôoùÀot que César leur applique avant Pharsale. 94. J. L. Ferrary, Philhellénisme et Impérialisme (BEFAR, 1988), p. 382-394. 95. On peut comparer avec ce qu'écrit le rhéteur Florus (1, 27, 4), contemporain d' Appien, à propos des Galates vaincus par Manlius Vulso : itaque, uti frugum semina mutato solo degenerant, sic il/a genuina feritas eorum Asiatica amœnitate mollira est. Deux combats suffirent à Manlius Vulso pour les vaincre. 96. Tite-Live, 35, 48, 1-1O. 97. On peut penser que la pointe uaniloquus maria terrasque inani sonitu uerborum compleuit (ibid., 48, 2) est dirigée contre les excès de l'éloquence asianique. On ne sait si ce passage repose sur Polybe. 98. Cf. Caton, Oral. Fr. 60 : Antiochus epistulis bellum gerit, ca/amo et atramento militai. Antiochos, s'il faut en croire Caton, était moins un homme de guerre qu'un homme de plume ! On aimerait disposer de ces lettres, où les aspirations du roi devaient apparaître moins travesties que chez les historiens grecs et latins.
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Magno Asiœ totius partisque Europœ rege99 • On conçoit la crainte ressentie devant ce grand armement. Mais Flamininus ne se laisse pas impressionner et s'écrie, à propos des Dahre, des Mèdes et des Cadusiens too : « Suros omnes esse, haud paulo mancipiorum melius propter seruilia ingenia quam militum genus ». On retrouve le même thème dans le discours prononcé par Acilius Giabrio avant la bataille des Thermopylestol : « hic Syri et Asiatici Grœci sunt, uilissima genera hominum et seruituti nata ». En d'autres termes, les Romains n'avaient pas à trembler devant les menaces d' Antiochos. Ce que les Romains reprochent à Antiochos, c'est en effet de n'être pas demeuré enfermé à l'intérieur des limites naturelles de l'Asie, mais d'être passé d'Asie en Europe avec l'intention de porter la guerre contre le peuple romain wi. Bref, autant par la composition de son année que par ses objectifs militaires, Antiochos faisait figure de nouveau Xerxès w3 • Le roi des Perses était d'ailleurs cité à ce propos par Ennius t 04 , qui évoquait le pont lancé sur l'Hellespont : Jsque Hellesponto pontem 99. Tite-Live, 35, 48, 7. 100. Tite-Live, 35, 49, 8. 101. Tite-Live, 36, 17, 5. Cf. Mastrocinque, Seleucidi, p. 118. Dans son récit de la bataille de Magnésie, Tite-Live (37, 40, 11) qualifie les cavaliers de la regia ala de Syriens, de Phrygiens et de Lydiens, alors qu'il s'agissait de colons macédoniens recrutés dans les katoikiai de ces provinces. De nombreuses inscriptions ont permis de corriger l'image peu flatteuse répandue par Tite-Live. 102. Acilius Glabrio le définit ainsi chez Tite-Live, 36, 17, 7 : qui ad inferendum populo Romano bellum ex Asia in Europam transisset ... 103. Rappelons qu'à Cynoscéphales les Romains avaient eu l'impression de se mesurer avec Alexandre le Grand ! Voir Florus, 1, 23, 2 : Romani tamen dimicare sibi cum rege Alexandra uidehantur. A Pydna, les Romains seront vainqueurs d'une armée qui n'avait pas dégénéré : cf. 1, 28, 2, fortissimum populum memoria et recordatio suae nobilitatis agitabat. Cf. Mastrocinque, Seleucidi, p. 102 sq. 104. Annales, fr. 378 Vahlen. Seuls les derniers livres du poème traitaient de l'histoire contemporaine : cf. S. M. Goldberg, Epic in Rl·puhlican Rome (1995), p. l 13.
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contendit in alto ... Varron, De lingua Latina, 1, 21, citant ce vers, le rapproche d'un autre fragment poétique 105, où il serait question, selon certains, de la « barrière de l 'Hellespont » (Hellespontum et claustra). Mais claustra ne traduirait-il pas plutôt ici le grec KÀ.ei9pa, autrement dit les fameux « verrous 106 » de la Grèce 107 ? Le contexte étant inconnu, avançons avec les réserves d'usage 108 qu'il pourrait s'agir de Démétrias et de Chalcis, les deux « verrous » dont la prise contraignit les Romains à entrer en guerre 109• Au fil du temps, la comparaison avec les guerre médiques devint un topos, développé par Florus 110, qui s'écrie : « Qu'Athènes ne se rengorge pas : en Antiochos nous avons vaincu Xerxès 111 , avec .1Emilius112 nous 105. Qu'il attribuerait au poète Cassius (?). Mais le texte est corrompu. 106. Cf. Strabon, 8, 6, 20 à propos des Corinthiens, qui détiennent les « verrous » de l 'Isthme : o\. -rà 1CÂ.EÏ8paf :x,ovn:ç. 107. Démétrias, Chalcis et Corinthe. 108. Il n'est pas impossible qu'Ennius ait évoqué le fait que Xerxès avait tenté de fermer l 'Hellespont. Cf. Eschyle, Perses, 123, où il est reproché au Grand Roi d'avoir osé Bocntopov tlfiaat µÉyav. Auquel cas les claustra ne seraient rien de plus que les « entraves » que constituaient les ponts de bateaux. Rappelons qu 'Ennius connaissait parfaitement le répertoire tragique des Grecs, dont il s'inspirait pour écrire ses propres pièces. Voir H. D. Jocelyn, The Poems of Quintus Ennius, ANRW l 2 (1972), p. 1001 sq. 109. Sur toute cette affaire, voir J. D. Grainger, (1999), p. 438-439. -Je comprends pour ma part qu'Ennius évoquait ici (dans un discours ?) le franchissement de l'Hellespont, puis la prise de Démétrias et de Chalcis comme autant de raisons légitimes d'entrer en guerre. 110. Aorus, 1, 24, 13 : Ne sibi p/aceant Athenœ : in Antiocho uicimus Xerxen, in JEmilio Alcibiaden œquauimus, Epheso Salamina pensauimus. 111. Cf. 1, 24, 2, où Horus, à propos des craintes suscitées par la guerre antiochique, rappelle le souvenir de Darius et de Xerxès. 112. Le prœfectus c/assis L. }Emilius Regillus, curieusement comparé à Alcibiade. Mais le souvenir d' Alcibiade était très présent dans les écoles de rhétorique : cf. R. Kohl, De scholasticarum dec/amationum argumentis ex historia petitis, (1915), p. 37-38.
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avons égalé Alcibiade, à Ephèse nous avons fait poids égal avec Salamine 113 ! » Tite-Live laissait déjà entendre à son lecteur qu'à l'occasion de son triomphe, L. Scipion avait fait voir au peuple romain qu'il avait vaincu les forces militaires de l'Asie entière et des troupes venues de l'extrémité orientale du monde 114• Ce langage est assurément celui d'un contemporain d' Auguste : le « relief Chigi 115 » (une plaque de marbre jaune de style « néo-attique » datant, semble-t-il, du dernier quart du 1er s. av. J.-C.) montre en effet Asie et Europe sous les traits de deux femmes se faisant face 116 de part et d'autre 113. Sur la bataille remportée par les Romains sur la flotte d 'Antiochos au large d'Ephèse, cf. infra, n. 275 [le site de cette bataille livrée près de Korykos est très incertain : voir la discussion des E. V. Hansen, The Attalids of Pergamon (1971), p. 80, n. 32 avec bibl.]. On voit jusqu'où pouvait aller la synkrisis : déjà vainqueurs sur terre aux Thermopyles, les Romains remportaient ensuite une bataille navale aussi considérable que celle de Salamine. Dans le récit de la bataille de Magnésie, si les historiens romains mettaient l'accent sur le rôle des chars, des méharistes et des archers asiatiques, c'était sans doute afin d'en faire l'équivalent de Platées. Comme les Grecs d'antan, les Romains avaient barré la route à un Grand Roi. 114. Tite-Live, 37, 58, 8 : in Asia totius Asiœ steterunt uires ab u/timis Orientis finibus omnium gentium contractis auxiliis. 115. Cf. UMC, 2, 1 (1984), p. 858, et 2, 2, p. 629, avec cliché. Voir aussi A. Cohen, The Alexander Mosaic. Stories of Victory and Defeat ( 1997), p. 190-191 et fig. 80 [bibl. p. 238, n. 81]. 116. Sur le « vase de Darius » [cratère apulien à volutes du Musée Archéologique de Naples, inv. 81947, daté le la fin du IVe s. : cf. T. Holscher, Griechische Historienbilder des 5. und 4. Jahrhunderts v. Chr. (1973), p. 177-180 et pl. 14, fig. 2 ; sur le « Peintre de Darius », voir A. D. Trendall-A. Cambitoglou, The red-figured vases of Apulia, 2, Late Apulian 2 (1998), p. 482 sq.], sont représentées 'EÀ.À.a.ç et 'Acria. Dans le registre supérieur, occupé par les dieux, Hellas, conduite par Athèna [incarnant évidemment la mètis] s'avance vers Zeus trônant au centre, tandis qu'Asia [cf. UMC, 2, 1 (1984), 857-858, s. v. Asia], assise, voisine avec Apaté, tenant deux torches [comme Hécate ou Erinys : cf. UMC 1, 1 (1981), 875-876 s. v. Apaté]. Apaté n'est autre, me semble-t-il, que la personnification de la fourberie de Zeus, qui dans l'Iliade, induit Hector en erreur et le conduit à sa perte, la guerre de Troie représentant pour Hérodote la première phase du
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d'un autel 117 et soulevant un grand bouclier historié glorifiant Alexandre, vainqueur des peuples habitant l 'extrémité du monde 118, ceux-là précisément que L. Scipion était censé avoir défaits. On lit chez Justin 119 que, de passage à Ilion où, comme avant eux Xerxès 120 et Alexandre 121, ils sacrifièrent à conflit opposant les deux continents. Cette scène célèbre a fait l'objet de très nombreuses interprétations, sur lesquelles on verra M.-C. Villanueva-Puig, Le vase des Perses, REA 91 (1989), p. 277-298. On estime généralement que le « peintre de Darius » réinterprète, à la lumière des conquêtes d'Alexandre, des thèmes relatifs aux guerres médiques, en particulier les Perses de Phrynichos, pièce entièrement perdue. Un tesson conserve un fragment d'une autre œuvre du même peintre [fr. 88 Trendall-Cambitoglou] où l'on voit Niké couronnant Hellas. 117. Ces deux figures tendent, de leur main libre, une patère vers l'autel (un autel circulaire probablement dédié aux Douze dieux, Alexandre, simplement évoqué par le clipeus, étant le treizième). Elles scellent par ce geste la réconciliation entre les deux continents, réalisée par le conquérant macédonien et rééditée par Auguste après sa victoire sur Antoine et Cléopâtre. 118. Les deux premiers vers de l'épigramme accompagnant le relief sont clairs sur ce point : « Ils se sont blottis d'effroi devant ma lance, les rois et tous leurs peuples qu 'Océan a pour lot tout autour de la Terre » f1ttaçav (sic !) fxxalÂ.flEÇtµov 66pu f8vta t' aotv1 6aaa 1tÉplç yaiTtc; ·n1etavoç vɵttal. Le bouclier cosmique que tiennent Asie et Europe est certes censé évoquer la « troisième bataille livrée à Darios » ; il apparaît toutefois que celle-ci fut livrée moins au Roi des Perses qu'aux rois des peuples riverains de l'Océan. On retrouve la substance de la phrase de Tite-Live citée supra, n. 114, à propos des « forces de toutes l'Asie » venues des plus lointaines extrémités du continent. Ce sont également des peuples venus des extrémités orientales de la Terre qui chez Virgile, dans sa description du bouclier d'Enée (En. 8, 685 sq.), constituent l'armée d'Antoine, les Romains étant occultés : Hinc ope barbarica uariisque Antonius armis 1 uictor ab Aurorae populis et litore rubro I IEgyptum uirisque Orientis et ultima secum I Bactra uehit. . . Le procédé littéraire remonte, ce me semble, aux historiens latins de la guerre d' Antiochos, et probablement même à Ennius. 119. Justin, 31, 8, 3 : Iuuabat Ilienses nepotes suos Occidente et Africa domita Asiam ut auitum regnum uindicare ... 120. Hérodote, 7, 43. 121. Diodore, 17, 18, 1 ; Plutarque, Alex., 15, 7 sq. ; Arrien, Anab. 1, Il, 6 sq. -Avant de franchir l 'Hellespont, Antiochos avait lui aussi
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Athèna 122, les Scipions s'entendirent promettre l'empire de l'Asie, comme un héritage revenant aux Énéades I23 • On pourrait s'attendre à ce que cette conquête -ou cette reconquête- fût célébrée par Appien. Il n'en est rien. Curieusement, il n'est question ni du procès 124 intenté à Lucius Scipion après son retour à Rome, ni de son triomphe I25 • Silence est également fait sur la visite du consul à Ilion 126• Tite-Live nous dit que Lucius monta à sacrifié à Athèna Ilias : cf. Tite-Live, 35, 43, 3 et Grainger, Roman War, p. 194. -Quoi qu'en pense Mastrocinque, Seleucidi, p. 67 sq., le décret d'ilion OGJS 219 = Frisch, Inschriften von Ilion 32, ne concerne pas Antiochos Ill, mais Antiochos I, comme l'avait bien compris Dittenberger. Voir depuis J. Ma, Antiochos III et les cités d'Asie Mineure Occidentale (trad. française, 2004), Appendice I, p. 197-201. 122. Un peu avant les Scipions, le prœfectus classis, M. Livius Salinator, avait lui aussi sacrifié à Athèna Dias : cf. Tite-Live, 37, 9, 7. 123. C'est bien la phraséologie de l'époque. Il ressort de Plutarque, Flamininus, 12, 6-7, que le vainqueur de Philippe V était qualifié pompeusement par un poète de AlvEa6àv tayè>ç µÉyaç, expression alambiquée où tayè>ç ( « chef ») pourrait traduire le latin dux. Flamininus est ainsi le premier Magnus, par référence à Alexandre (cf. notes complémentaires, n. 3) et non à Antiochos. --Sur la venue des Scipions à Dion, voir E. S. Gruen, Culture and National Identity in Republican Rome (1992), p. 48-49. 124. L'exposé le plus clair de cette question très disputée reste celui de H. H. Scullard, Roman Politics 220-150 BC (1959), Appendix IV, The Trials of the Scipios, p. 290-303, repris dans Scipio Africanus, Soldier and Politician (1969), p. 210-224. Le témoignage le plus s0r, encore que fragmentaire, est fourni par Polybe, 23, 14. Il semble que, dès 187, l'Africain fut l'objet au sein du Sénat d'attaques amalgamées autour de « l'argent d 'Antiochos ». Cette même année, les comptes de L. Scipion furent examinés à l'occasion d'un procès monté probablement par Caton. Puis, en 184, peu avant sa mort, l'Africain évita luimême un procès en se plaçant au dessus des lois et en se retirant en Campanie. 125. Sur lequel on verra Tite-Live, 37, 59, 1-6. Il fut célébré avec éclat en 189 av. J.-C. : cf. Broughton, Magistrales, p. 362. Tite-Live souligne que, malgré le faste du triomphe, l'on ne pouvait en aucune façon comparer la victoire de Lucius sur Antiochos à celle que Publius avait remportée sur Annibal. Mais cette déclaration reflète, ce me semble, une polémique fort éloignée de l'objectivité historique. 126. Publius accompagna-t-il réellement son frère à Ilion ? Rien
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la citadelle et sacrifia à « Minerve » 127 : c'était chausser les bottes 128 d'Alexandre avant d'aller affronter le « roi de l'Asie ». La parenté mythique entre Romains et Troyens, dont les ambassadeurs de Lampsaque avaient tiré argument129 et qui avait sans doute été évoquée à ce propos par Ennius dans deux vers du livre X des Annales cités par Macrobe 130, aurait été célébrée à cette occasion, les Iliens rappelant que les Romains étaient originaires de leur pays (ab se oriundos Romanos) 131, les Romains se montrant joyeux de retrouver leurs origines 132 ( et Romanis lœtis origine sua) 133• Justin (31, 8) évoque lonn' est moins certain. Appartenant à la confrérie des Saliens, il fut retenu en Europe durant un mois par ses obligations religieuses (cf. Polybe, 21, 13, 10 et Tite-Live, 37, 33, 6), alors que l'armée consulaire passait sur la rive asiatique. La visite de Lucius à Ilion pourrait avoir meublé cette période d'inaction. 127. Tite-Live, 37, 37, 2-3. Romains et Iliens se félicitent la parenté qui les unit. 128. J'emploie cette expression à dessein, comme on le constatera plus loin. 129. En 197 av. J.-C. : cf. infra, Notes complémentaires, n. 26. Elle semble avoir été invoquée un siècle plus tôt par Pyrrhos qui selon Pausanias, 1, 12, l, s'attendait pour cette raison à être vainqueur des Romains : t1Ca,dont les fragments ont été recueillis par Jacoby (Fr. Gr. Hist. 45) sous le nom d'Hégésianax, dont on ne connaît pas d'autre œuvre « historique ». Le choix du pseudonyme et de l'ethnique n'est pas anodin. Rappelons que Gergis avait été détruite par Attale I et que le Pseudo-Képhalôn prétendait par conséquent être un Teucrien censé avoir vécu à l'époque où existaient encore les Gergithes [cf. Strabon, 13, 1, 19 : il y avait autrefois une 1t6Â.tç appelée al ftp-yt0eç, ô0ev1tep b fepyi0toç ~v KecpaÂ.rov].La supercherie était assurément réussie, puisque Denys d'Halicarnasse (Ant. Rom. 1, 72, 1) considérait Képhalôn comme 1taÂ.atè>ç1tavu. On n'hésitait donc pas à invoquer ce faux témoignage pour écrire l'histoire des origines de Rome. D'un autre côté, Képhalôn prétendait être originaire de la même cité que la Sibylle Hérophile, et le Fr. l des Tpq>ÏlCaraconte l'histoire d'Oinôné, fille du fleuve Kébrèn
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Ion Smintheus 165, dont le bois sacré abritait son tombeau 166• Mais un siècle auparavant, quand les Scipions avaient visité Ilion, un oracle sibyllin promettant l'empire aux Énéades leur avait été probablement révélé, version locale du texte copié à Érythrées à l'époque de Sylla. Je ne vois pas d'autre explication plausible de la légende des tres Scipiones.
et première épouse de Pâris-Alexandros. C'était elle aussi une prophétesse, à laquelle la déesse Rhéa avait appris à 0ecrniÇttv 1ttpi 'tÔ>V µEÂ.Â.OV'tCOV. D'après Démétrios de Skepsis, cité par Strabon 13, 1, 33, on montrait près du Kébrèn les tombes d' Alexandros et d'Oinôné. Sur cette légende, qui ne paraît pas avoir connu une grande diffusion avant l'époque hellénistique, voir RE 17 2 (1937) 2252-2253 et, depuis, l'article de L. Kahil dans UMC 7 1 (1994), p. 23-26. Il est possible que l'histoire d'Oinôné doive à Hégésandros sa popularité tardive. -Dans ces conditions, on peut se demander si le choix de l'anthroponyme Képhalôn -d'ailleurs courant- n'a pas quelque rapport avec une autre légende fameuse, celle de la tête prophétique d'Orphée, transportée par les flôts marins jusqu'à Lesbos, où elle rendait des oracles dans un adyton souterrain (Lucien, adv. Jndoct. 109111 ; Philostrate, Héroïcos, 5, 3) jusqu'au jour où l'Apollon de Claros fit taire son concurrent : cf. Philostrate, Vie d'Apollonios, 4, 14. On devine un conflit entre un nékyomanteion et un oracle apollinien. 165. Dont le culte, selon la légende, avait été institué par Teukros. Alexandrie de Troade possédait certes son l:µiv9etov [cf. Bürchner, RE 3 Al (1927), 724-725). Mais la légende de la « tombe d'Hérophile » s'était sans doute formée dans un sanctuaire d'Apollon Smintheus plus ancien et plus proche de Troie (Chrysé ? Sminthé ?). 166. Cf. Pausanias, 10, 12, 2 sq., qui juxtapose des informations recueillies certaines à Delphes, d'autres à Alexandrie de Troade. Hérophile était considérée comme une mortelle, puisque 1'on voyait son tombeau, et comme une prêtresse d'Apollon, ce qui témoigne peutêtre d'un effort pour concilier deux types de divination~ Mais elle se disait 'A1t6Â.Â.Covoc; 'YUVll yaµt'tft, à.ôeÀ.cpTJ, 0uya'tl'IP dans des vers à elle attribués. Sa personnalité complexe la rattache ainsi à Artémis, sœur d' Apollon, à Cassandre, comme épouse du dieu, tout en faisant d'elle une héroîne idéenne, en tant que fille mortelle d'un dieu -sa tombe faisant probablement l'objet d'un culte. Rien d'étonnant par conséquent à ce que sur un point essentiel, la prophétie d 'Alexandra, telle que la rapporte Lykophrôn, recoupe l'oracle sibyllin copié à Erythrées.
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On s'explique dès lors l'épiclèse grecque (et non latine) Asiagenes portée -au moins durant son séjour en Asie- par Lucius 167, qui doit être distinguée du cognomen officiel, confirmé par les F asti Capitolini, Asiaticus168. Lucius s'était flatté, trop haut peut-être, d'avoir retrouvé ses origines. Car les Asiatiques, on l'a vu 169, avaient depuis longtemps mauvaise presse, et l'on devine le parti que pouvaient en tirer ses adversaires : c'est peut-être, me semble-t-il, parce qu'il se prétendait Asiagenes que Lucius se vit dénier toute compétence militaire, et que sa victoire asiatique marqua même pour certains le début de la décadence morale de Rome 170• Appien suit, me semble-t-il, une tradition annalistique 167. Tite-Live, 39, 44, 1 ; cf. Cil VI, 1291 pour la forme latinisée Asiagenus. Voir aussi Diodore, BH, 34, 33, 1, à propos du consul Seipion Nasica : tç è1e&ivouyàp ~v toù yévouç tç oô toùç 'Aq>pt1eavoùç 1eai toùç 'Acnayev&iç 1eai toùç 'Iµ6é6f11C&V, ©v b µèv tllV At6UT)V,6 oè tllV 'Acriav, b oè tllV 'lcr1taviav 1eatacrtp&'lfa.µevoç ëtux,e tfiç dm, tci>v 1tpaç&0>v q>&pcovuµou1tpof1yopiaç. L'adjectif 'Ac:nay&VllÇest d'ailleurs connu de Diodore, BH, 17, 77,4 ; Eschyle avait déjà créé 'Acrtatoy&VllÇ (Perses, 12). Sur les composés en -Y&VllÇ, voir Chantraine, DEW, s. v. yiyvoµat, p. 222 : Lucius se proclamait « issu de l'Asie » pour faire plaisir aux Grecs de Troade et d'Ionie, etje ne crois pas qu'il s'agissait là d'une « raillerie » de ses détracteurs, comme le suggère J. M. Engel (éd. CUF, Notes complémentaires, p. 165), même si ces derniers y trouvèrent matière à plaisanter. - Sur le cognomen, cf. Münzer, RE 4, s. v. Cornelius 327 , 1475, avec l'ensemble des références. 168. Tite-Live, 37, 58, 6. Comme Numidicus, /sauricus, etc., Asiaticus renvoie à une victoire remportée sur les habitants d'une région. Selon Tite-Live, /oc. cit., Lucius voulait un surnom aussi glorieux que celui de son frère l'Africain. 169. Cf. supra, p. XXIX sq. 170. Florus par exemple cherchait l'origine de la corruption du peuple Romain dans la victoire remportée sur Antiochos III et dans l'héritage d'Attale de Pergame : Cf. I, 47, 7 Syria prima nos victa corrupit, mox Asiatica Pergameni regis hereditas. Il suivait sur ce point Tite-Live, qui estimait que l'année de Manlius Vulso (mais c'était déjà celle de Lucius Scipion ... ) avait répandu dans toute l'Italie une corruption morale importée d'Asie. Voir en particulier 39, 1, 3-4 : Asia et amoenitate urbium et copia terrestrium maritimarumque rerum et mol-
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glorifiant certes l'Africain 171 , mais rabaissant l 'Asiagenes pour lui substituer Domitius 172, vrai Romain et authentique vainqueur de Magnésie. Cicéron 173 écrit pourtant que l'on voyait au Capitole une statue de Lucius Scipion revêtu de la chlamyde et chaussé de crépides : L. vero Scipionis, qui bellum in Asia gessit Antiochumque devicit, non solum cum chlamyde sed etiam cum crepidis in Capitolio statuam videtis; quorum174impunitas fuit non modo in iudicio, sed etiam a sermone 115• Cicéron laisse clairement entendre que ni les juges au cours du procès qui lui fut intenté 176, ni l'opinion publique, ne reprochèrent à L. Scipion cet accoutrement qui rompait avec le mos maiorum177• On peut admettre litia hostium regiisque opibus ditiores quam fortiores exercitus faciebat. Praecipue sub imperio Cn. Manlii solute ac neglegenter habiti sunt ; 39, 6, 7 : Luxuriae enim peregrinae origo ab exercitu asiatico inuecta in urbem est. 171. Cf. J. P. V. D. Balsdon, L. Cornelius Scipio : a salvage operation, Historia 21 (1972), p. 229 : « Appian, whose account of the campaign never bas much room for anybody other than the heroic Publius ... » 172. Tite-Live (37, 53, 8-9) fait dire à Eumène: Posteaquam in Asiam exercitus uester est transgressus, numquam a consule abscessi ; nemo miles Romanus magis adsiduus in castris fuit vestris quam ego fratresque mei ; nul/a expeditio, nullum equestre prœlium sine me factum est ; in acie ibi steti, eam partem sum tutatus in qua me consul esse uoluit. Il est clair qu'Eumène était trop prudent pour revendiquer la gloire d'avoir vaincu Antiochos : il n'avait jamais été autre chose qu'un auxiliaire obéissant aux ordres du consul ... 173. Pro Rabirio Postumo, 26. 174. Quorum renvoie à L. Scipion et à Sylla, qui avait lui aussi porté la chlamyde. 175. Valère-Maxime, 3, 6, 2, reproduit Cicéron : Lucii uero Scipionis statuam chlamydatam et crepidatam in Capitolio cernimus. Quo habitu uidelicet quia aliquando usus esset, effigiem suam formatam poni voluit. Mais il laisse entendre que Lucius Scipion porta réellement ce costume. J.-L. Ferrary estime que ce fut en Asie plutôt qu'à Rome, où il lui fallait respecter les usages. 176. Procès qu 'Appien passe sous silence. 177. J'ai quelque difficulté à suivre J. F. Croz, Les portraits sculptés de Romains en Grèce et en Italie de Cynocéphales à Actium (2002)
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que le vainqueur d' Antiochos porta effectivement la chlamyde (au lieu du paludamentum) et les crépides 178, et qu'il consacra au Capitole une statue destinée à perpétuer le souvenir des journées où il avait revêtu l'uniforme d' Alexandre 179• Vainqueur d'un roi asiatique et de troupes venues du fond de l'Asie, il était aussi celui qui, de concert avec son frère Publius, avait scellé comme son modèle une paix durable entre les deux continents. J. F. Croz suppose, à tort me semble-t-il, que Lucius Scipion avait rompu avec la tradition en optant pour le nu héroïque 180• Rien, ni chez Cicéron, ni chez ValèreMaxime, n'autorise cette interprétation, qui se heurte d'ailleurs à la réprobation pour le nu manifeste chez Ennius, chantre de Publius Scipion 181 : Flagitii princiqui fait état, p. 259, des « reproches » adressés par Cicéron à L. Scipion. C'est perdre de vue que Cicéron défendait Rabirius, auquel on reprochait justement d'avoir porté des vêtements grecs à l'époque où il exerçait les fonctions de dioicète à Alexandrie. 178. Qui ne sont pas des « sandales », comme l'écrivent à tort A. Boulanger dans sa traduction de Cicéron et R. Combès dans celle de Valère-Maxime, mais des bottes ou des demi-bottes portées par les cavaliers grecs et surtout macédoniens : il fallait rapprocher de Théocrite, Syracusaines, v. 6, xavt~ 1eprixiôec;, xavt~ XÂ.aµuôriq>opm livôpec;et d'une statuette d'Alexandre trouvée à Bégram : cf. M. Bieber, Alexander the Great in Greek and Roman Art ( 1964), pl. XIII, fig. 23 et p. 37 « Macedonian leather greaves ». Legrand traduisait exactement « partout des hommes bottés ». Ces « sandales » sont inusables : cf. J. F. Croz, o. c., p. 261, n. 45 : « Comme on l'avait vu sur (sic !) l'exemple de Scipion I'Asiatique dont le manteau et les sandales grecques (sic !) avaient choqué certains contemporains [le texte ne dit rien de tel] ». On les retrouve même chez E. S. Gruen, Culture and National ldentity ... (1992), p. 119 et 243, avec cette conséquence qu'elles sont interprétées comme un indice du philhellénisme de L. Scipion. Comme quoi un faux sens peut conduire à un contresens historique. 179. Voir G. Lahusen, Untersuchun~en zur Ehrenstatuen (1983), p. 50 et E. Steinby (éd.), Lex. Top. Urbis Romœ, 4 (1999), p. 359 (griechischen Kriegstracht). 180. o. c., p. 259. 181. On sait qu 'Ennius consacra à Scipion un poème particulier. Voir, entre autres, Skutsch, RES 2 (1905), s. v. Ennius 3, 2598 ; H. D. Jocelyn, The poems of Quintus Ennius, ANRW 1 2 ( 1972), p. 987 sq. ;
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pium est nudare inter ciues corpora182 • En fait, Lucius s'était fait représenter habillé en cavalier macédonien, et cela impliquait, me semble-t-il, une référence à Alexandre. Il ne s'agissait sans doute pas d'une statue équestre, dont l'usage à Rome ne paraît pas antérieur à l'époque de Sylla183• J.F. Croz remarque plus justement 184 que la chlamyde deviendra « un attribut de prédilection des viri triumphales ». De fait, un autre « vainqueur de l'Asie », Pompée, n'hésitera pas, le jour de son triomphe, à se parer de la « vraie » chlamyde d'Alexandre, retrouvée dans les dépouilles de Mithridate. S'il n'avait pas confondu « crépides » et « sandales », J. F. Croz n'aurait sans doute pas écrit : « L'imitatio Alexandri connut une grande foru. W. Scholz,
Der Scipio des Ennius, Hermes 112 (1984), p. 183-199, qui rapproche les rares fragments conservés de vers homériques ; E. Badian, o. c., p. 168-169. Du seul témoignage, tardif, que l'on possède, il ressort en effet qu'Ennius s'était fait l'Homère del' Africain : Souda, s. v. VEVV10Ç I1C11tirova{i&ov 1Cai txi µÉya tôv liv6pa tçà:pat pouï..6µEv6ç Cl)'lvov av "Oµ'lpov txaçiouc;; t1taivouc;; El1tEiv I1C11ticovoc;;. Voir F. W. Walbank, The Scipionic legend, Proc. Cambridge Phil. Soc. 193 (1967), p. 56-58. On ne sait si ce poème épique à la gloire de l'Africain fut composé de son vivant, ou après sa mort en 184/3 av. J.-C. Mais, dans les Annales (probablement aux livres XIDXIV, dont il ne reste presque rien), le poète revenait sur la vie de Publius Scipion à propos de la guerre Antiochique. Comme le remarquait à juste titre E. Gabba, P. Cornelio Scipione Africano e la leggenda. Athenaeum 53 ( 1975), p. 3-6, Polybe devait écrire l'histoire d'un homme dont un poète avait déjà fait une légende, dont j'ai traité dans la Notice du Livre Ibérique (CUF 1997), p. IX-XX. Dans le Livre Syriaque, Appien donne de Scipion une image entièrement différente, ce qui donne à penser qu'il avait changé de sources : rien de commun avec le personnage inspiré dont Tite-Live (26, 19, 4) disait : aut per nocturnas uisas species aut uelut diuinitus mente monita agens. Il incarne ici la mesure et le bon sens romain face à un Antiochos, assoiffé de conquêtes, dont l'esprit est égaré. 182. Cité par Cicéron, Tusculanes, 4, 33, 70. 183. Cf. J. F. Croz, o. c., p. 281 sq. ; certes, on signale une statue équestre de Scipion l'Africain au Capitole : mais elle fut élevée bien après sa mort par P. Scipio Nasica Serapio (Cicéron, Att., 6, 1, 7). c., p. 264. 184. 0
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tune à Rome où elle fut initiée par Metellus 185 et poursuivie par Sylla, Pompée (dont la statue faisait face à une effigie d'Alexandre 186, César et Auguste ». En fait, l 'initiateur de l 'imitatio Alexandri à Rome ne fut pas Publius Scipion, comme on le pense généralement 187, mais son frère Lucius, et il est remarquable que cela soit entièrement gommé dans la tradition suivie par Appien. Que Lucius Scipion ait été fier d'une victoire dont il s'attribuait entièrement le mérite ressort de l'épitaphe de son fils, qui se vantait que son père eût soumis le roi Antiochus 188, et du fait même que le consul vainqueur avait déposé au Capitole un tableau représentant sa victoire asiatique 189, évidemment une scène de bataille où il 185. Il apparaît plus loin qu'il s'agit de Metellus Macedonicus. 186. On ne nous dit pas où. 187. Cf. les remarques prudentes de J.-L. Ferrary, o. c., p. 585 : « Mais il est fort possible que certains auteurs grecs aient commencé, dès le milieu du nesiècle [donc après la mort de Publius], à modeler sur celle d'Alexandre une légende de Scipion maior, et qu'à Rome même Ennius déjà ait esquissé une comparaison entre les deux héros ». Un distique, cité par Cicéron, Tusc. S, 17, 49, fait dire à Publius que personne, en Asie, ne pouvait égaler ses exploits (ce qui, implicitement, le plaçait avant Alexandre, mais aussi devant son frère Lucius ... ) : a sole exoriente supra Maiotis paludes I nemo est qui factis aequiperare queat. Un second distique, cité par Lactance, Div. Jnst., 1, 18, 10, fait clairement allusion à l'apothéose du héros : si Jas endo plagas caelestum ascendere cuiquam est I mi soli caeli maxuma porta palet. Bref, Scipion remplaçait Héraclès et Alexandre dans l 'Olympe, et en excluait du même coup Lucius. Il ressort d'ailleurs de Cicéron, Oral., 45, 152, qu'Ennius qualifiait l'Africain d'inuictus, de la même manière qu'Alexandre déifié avait porté l'épiclèse d' civilcrrroç [traduit par inuictus en latin : cf. Sénèque le Père, Contr., 1, 1, 19, deliberat Alexander an Oceanum nauiget, cum exaudita uox esset « quousque inuicte ? » ]. On peut se demander si ces deux distiques, dont certains éditeurs ont voulu faire une épigramme, ne s'inscrivent pas dans le contexte d'une rivalité entre les deux frères, que la tradition s'est employée à dissimuler. 188. CIL I 35 = VI 1290 : pater regem Antioco subegit. Voir RE 4 1 s. v. Comelius 234 • 189. Cf. Pline, NH, 3S, 22 : L. Scipio tabulam uictoriae suae Asiaticae in Capitolio posuit. J'ai déjà évoqué ces compositions picturales
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apparaissait à la tête des légions romaines, sans son frère et sans doute aussi sans Domitius. Or, selon Pline, cette peinture avait provoqué l'irritation de l'Africain, fâché sans doute de trouver un rival en la personne de son frère cadet 190• commandées par des généraux vainqueurs dans les Notices du Livre Africain et du Livre Mithridatique. Il n'en reste aucune trace, mais les scènes de combat -hélas fragmentaires- formant la frise du monument de Paul Emile à Delphes donnent une idée de ce que pouvaient représenter ces tabulae pictae. Sur ce monument. voir A. Jacquemin et D. Laroche, Notes sur trois piliers delphiques. C le pilier de Paul Emile. BCH 106 (1982). p. 197-212 et l'étude très complète de A.
Kahler, Der Fries vom Reiterdenkmal des /Emilius Paul/us in De/phi [Monumenta Artis Romanae V, 1965). 190. Le motif allégué par Pline. /oc. cit .• ne tient pas : idque aegre
tulisse fratrem Africanum haud immerito, quando filius eius illo proelio captus fuerat. Libéré avant Magnésie. ce fils cadet de l'Africain qu 'Appien confondit, on le verra, avec Scipion Emilien, n'avait pu être capturé au cours de cette bataille ! Pline a peut-être puisé cette ineptie chez un annaliste tardif. -Tite-Live, 38, 56, 12-13, fait dire à Ti. Sempronius Gracchus (le père du tribun) quel' Africain avait interdit qu'on lui élève des statues sur le Comitium, sur les Rostres, dans la Curie, au Capitole, dans le temple de Jupiter, et qu'il avait même défendu que son imago triomphale fut portée en dehors de ce temple : prohibuisse
statuas sibi in Comitio, in Rostris, in Curia, in Capitolio, in cella louis poni; prohibuisse ne decerneretur, ut imago sua, triumphali ornatu, e temp/o louis Optimi Maximi exiret. Ce discours n'est peut-être pas authentique, et Tite-Live pourrait l'avoir trouvé chez l'une de ses sources, que l'on s'est ingénié à identifier, sans succès : cf. R. Adam, Tite-Live, Livre 38 (C.U.F. 1982) p. 203, n. 10, avec bibl. Mais, selon Appien (Livre Ibérique, 23, 89), on allait encore chercher de son temps l'imago de l'Africain au Capitole à l'occasion des processions. Voir aussi Valère-Maxime, 8, 15, 1. Cette imago avait évidemment été fabriquée après l'incendie du temple en 83 av. J.-C. S'agissait-il d'une innovation de Sylla, ou d'une réfection ? Constatons simplement que la modestie de Publius, vraie ou inventée, tranche avec la gloriole de Lucius. L'explication s'en trouve probablement dans deux vers des Annales cités par Macrobe. Sat. 6, 1, 17 : Reges per regnum
statuasque sepulchrumque quaerunt, 1aedificant nomen, summa nituntur opum ui. Les sommets de la vraie gloire (pour un Romain ... ) ne sauraient être atteints en élévant des statues et en édifiant un superbe monument funéraire, comme font les reges qui dépensent des fortunes pour atteindre ce résultat.
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Tite-Live 191 nous apprend que les statues d'Ennius, de Lucius Scipion et de Publius Scipion ornaient la tombe collective des Cornelii Scipiones, sur la via Appia. Le monument est depuis longtemps connu, mais les restes de l'entrée monumentale ne paraissent pas antérieurs à l'époque de Scipion Emilien 192• F. Coarelli en a proposé une restitution plausible 193, qui laisse néanmoins beaucoup de place à l'imagination 194• Publius Scipion, nu et héroïsé 195, aurait occupé la niche centrale, flanqué à droite d'Ennius en toge 196, à gauche de Lucius cui191. Tite-Live, 38, 56, 4 : monumenta ostenduntur et statuae: nam et Literni monumentum monumentoque statua superimposita fuit < ... > et Romae extra portam Capenam in Scipionum monumento tres statuae sunt, quarum duae P. et L. Scipionum dicuntur esse [la base de ces statues ne portait donc pas d'inscription ... ], tertia poetae Q. Ennii. Cicéron, Pro Archia, 22, confirme la présence d'une statue d'Ennius, d'autant plus compréhensible que le poète latin avait été, en quelque sorte, l'Homère de Publius : voir déjà, en ce sens, P. Grimal, Le siècle des Scipions 2 (1975), p. 213 sq.. 192. Cf. E. Steinby (éd.), Lex. Top. Urbis Romœ, 4 (1999), s. v. Sepulcrum (Comeliorum) Scipionum, p. 281 sq. ; H. Lauter-Bufe, Zur Fassade des Scipionengrabe, MDAI, 89 1 ( 1982), p. 35-46, remonterait volontiers assez haut clans le nes. et cherche à l'est des sources d'inspiration. Voir en particulier p. 46 : « Soweit steht die romische Fassade im enger Verbindung mit ostgriechischen Monumenten ». 193. F. Coarelli, Il sepolcro degli Scipioni (1989), reprenant une étude publiée dans Dialoghi di Archeologia, 6 (1972). 194. Dessin de 1. Gismondi, clans Dialoghi di Archeologia, 6 (1972), p. 64. 195. J.-F. Croz, o. c., p. 259 sq., étudie le « nu viril » et suggère une relation entre la nudité héroïque (que les Romains empruntèrent aux Grecs) et la divinisation. Les exemples probants, tel César, sont toutefois tardifs et, même si la décoration de la tombe des Scipions ne date que du milieu du nes., la restitution proposée par Coarelli reste hypothétique. J.-L. Ferrary me fait toutefois remarquer que le« prince hellénistique » sans diadème du Musée National romain doit être un imperator du nes. dont l'identité demeure incertaine. 196. Il est en effet vraisemblable qu 'Ennius était représenté vêtu de la toge, attribut spécifique du civis Romanus qu'il était devenu. Voir V. Kockel, Portriitreliefs Stadtromischer Grabbauten (1993), p. 15 sq. à propos des statuœ togatœ ; J.-F. Croz, o. c., p. 252sq.
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rassé 197• Le seul enseignement à tirer de la décoration extérieure de la « tombe des Scipions » 198 me paraît être que l'on s'ingénia après leur mort à donner l'impression que les deux frères avaient été étroitement unis durant leur vie et avaient obtenu une part égale de gloire grâce aux chants d'Ennius 199• Cette image idéalisée correspondait-elle à la réalité ? On me permettra d'en douter. Il est clair que, dans la tradition suivie par Appien, Publius jouait un rôle majeur, alors que le rôle de Lucius était réduit à rien, ses compétences militaires 200 , ses initiatives 197. Les effigies loricatœ, étudiées par J.-F. Croz, o. c., p. 275 sq., n'apparaissent que tardivement à Rome : la première qui soit bien attestée est encore une fois celle de César sur le forum (Pline, NH, 34, 18). Renvoyant à la célèbre statuette d'Herculanum représentant Alexandre cuirassé (mais la mosaïque de Pompéi est tout aussi probante ... ) J.-F. Croz suppose que les imperatores romains auraient été influencés par de telles représentations du conquérant macédonien. C'est tout à fait plausible. Mais, sur ce point encore, Lucius Scipion aurait innové. 198. L'arc élevé par Publius Scipion à l'entrée du clivus Capitolinus avant de partir en guerre contre Antiochus était surmonté, selon Tite-Live, 37, 3, 7, de sept statues dorées (signa septem aurata). On a supposé qu'il s'agissait des sept planètes, ou encore de membres de la gens Cornelia [Cf. F. Coarelli, dans Lexicon Topographicum Urbis Romae, 2 (1995), p. 266-267, s. v. Fomix Scipionis. Mais, à cette date, il eOt été difficile, me semble-t-il, d'en trouver sept qui méritassent un tel honneur]. M. Sordi, CISA 8 (1982), p. 144, estimait de son côté que le nombre 7 symbolise Athèna, ce que confirme Macrobe, Sat., 1, 6, 11. Comment l'Africain aurait-il pu toutefois deviner qu'il sacrifierait un jour à la déesse d 'Ilion ? On pourrait penser également aux sept rois, et supposer des répliques des statues exposées au Capitole. Constatons que ce monument reste énigmatique et qu'il est peut-être sans rapport avec la guerre engagée contre Antiochos, même si TiteLive signale sa dédicace juste avant le départ des Scipions pour la Grèce. 199. C'est du moins l'impression que veut donner Cicéron, Pro Murena, 31 : cuius belli uictor L. Scipio aequa parta cum Publio fratre gloria, quam laudem ille Africa oppressa cognomine ipso prae se ferebat, eandem hic sibi ex Asia nomine adsumpsit. 200. J. P. V. D. Balsdon, Historia 21 (1972), p. 224 sq., critiqua avec raison la tradition, trop facilement acceptée par les Modernes, qui fait de Lucius un incapable. Il avait servi honorablement en Ibérie aux
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religieuses, sa victoire, son triomphe et enfin son procès étant escamotés. Cela pourrait résulter de la brouille dont Pline conserve le souvenir, et je ne crois pas impossible que la tradition historique dont Appien est l'héritier remonte jusqu'aux Histoires composées en grec par l'un des fils de l 'Africain 201 • Le successeur de Lucius, Cn. Manlius Vulso, fut aussi mal traité par la source d 'Appien que le propre frère de l'Africain. La personnalité réelle de Cn. Manlius Vulso, est sans doute aussi insaisissable que les objectifs de son expédition contre les Galates, masqués par des polémiques qui entourèrent son triomphe, célébré en 187 av. J.-C 202 • Manlius Vulso fut accusé 203 , entre autres, d'avoir cherché à saboter la paix conclue avec Antiochos 204 et tenté de franchir le Taurus malgré l'interdiction d'un oracle Sibyllin 205 • Le consul, cupidus triumphi, et poussé côtés de son frère, puis combattu en Grèce sous les ordres d 'Acilius Glabrio. Balsdon remarqua à juste titre que le Sénat avait jugé prudent d'entourer Glabrio de quatre anciens consuls, tandis qu'il n'en imposa que deux à Lucius, son frère et Domitius. 201. Sur ce personnage falot, car valétudinaire, voir RE 4 1, s. v. Comelius 331 et infra, p. CXXIII-CXXIV. 202. Cf. Broughton, Magistrates, p. 369. 203. Cf. Tite-Live, 38, 45, 1-3. L'attaque était menée par deux membres de la commission décemvirale, L. Furius Purpurio et L . ...Emilius Paulus. 204. Les deux accusateurs prétendaient même que Manlius Vulso avait tenté de s'emparer traîtreusement de la personne d' Antiochos ... A les en croire, la tentative de franchir le Taurus était antérieure à l'expédition contre les Galates. 205. Tite-Live, 38, 45-49 et G. Zecchini, Cn. Manlio Vulsone e l'inizio della corruzione a Roma, CISA 8 (1982), p. 159-178. Voir en particulier Tite-Live, 38, 45, 3 : ne carminibus Sibyllœ prœdictam superantibus terminos fatales cladem experiri vellet. Cet oracle fut sans doute dévoilé avant le départ des Scipions (cf. la consultation mentionnée par Tite-Live, 38, 3, 5 - à moins qu'il ne s'agît d'un oracle de portée très générale, l'expression « superare terminos fatales » pouvant s'appliquer à n'importe quelle limite naturelle. On peut donc légitimement douter que le texte ait cité nommément le Taurus : cf. M. Sordi, Il confine del Tauro e dell 'Halys e il sacrificio in
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par les promesses de la déesse de Pessinonte206, aurait invoqué la présence de Galates dans les rangs de l'armée d' Antiochos pour aller tirer vengeance de tribus pacifiques207.Il aurait laissé l'indiscipline s'installer dans les rangs de son armée208 • Surtout, il aurait été le premier209 à introduire à Rome un luxe corrupteur210. Le procès intenté à Manlius Vulso, comme les procédures engagées contre Lucius et Publius Scipion211 , rentraient toutefois Dio. C/SA 8 (1982). p. 138. Peut-être faudrait-il pousser plus loin la réflexion critique, car superare risque fort de n'être une qu'une traduction tendancieuse du grec ô1tep&xivetv. Si l'on imagine une proposiaut ttpµova] tK tion du type µ116' ô1tepôaivetv ôpov [vel ttpµata 0ecÏ>v( « ne pas franchir une limite fixée par les dieux ») dans le texte de l'oracle, on conçoit que des gens malveillants aient feint de comprendre « ne pas passer par dessus etc... ». Ce que disait probablement l'oracle. en termes très généraux, c •est que les Romains ne devaient pas franchir la limite que le Destin avait fixée à leur empire, cette limite avançant en quelque sorte avec les légions. Je suis persuadé que l'oracle fut d'abord invoqué lors du franchissement de l'Hellespont par les Scipions, une historiographie favorable ayant gommé l'épisode, puis repris lorsque Manlius Vulso franchit le fleuve Halys et opéra près de la chaîne du Taurus. 206. Polybe. 21. 36, 4 sq. ; Tite-Live, 38, 18, 9 sq. 207. Florus. 1. 27. 2. met même en doute la participation de Galates à la bataille de Magnésie : fuerint inter auxilia regis Antiochi,
an fuisse cupidus triumphi Manlius Volso simulauerit, dubium. 208. Cf. Tite-Live. 39, 1, 4 : praecipuae sub imperio Cn. Manlii so/ute ac neglegenter habiti sunt . 209. Polybe. 9. 10. estimait que c'était la prise de Syracuse et de ses trésors qui avait donné aux Romains le goût du luxe. Le thème est repris par Plutarque. Marcellus. 21. Salluste. Catilina. 11. 5-6. soutient en revanche que la luxuria fut rapportée d'Asie par Sylla après sa victoire sur Mithridate. Bref, 1'origine du mal remontait soit aux Grecs de Sicile, soit aux Grecs d'Asie ... Voir J. Isager, The Hellenization of Rome : Luxuria or Liberalitas ? , dans J. Isager et alii, Aspects of Hellenism in /ta/y, p. 260 sq. 210. Cf. Tite-Live, 39, 6, 7 : Luxuriae enim peregrinae origo ab exercitu Asiatico inuecta in urbem est. Voir aussi Pline, NH. 34, 14 (renvoyant aux Annales de L. Piso) ; 37, 12. 211. Ces « affaires » obligèrent les deux frères à se retirer de la vie politique.
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dans ces affaires intérieures de Rome sur lesquelles Appien ne souhaitait pas s'étendre. Mais un écho de ces polémiques se retrouve dans l'historiographie : on lit par exemple chez Justin 212qu'après Magnésie, les Romains, sur le conseil de Publius Scipion, abandonnèrent volontairement l'Asie, renonçant à une possessio uoluptaria et à la luxuria opum. La mauvaise réputation faite à Manlius Vulso résulte peut-être d'une rivalité avec les Scipions213.La tradition suivie par Appien le laisserait supposer, puisqu'elle s'emploie à faire de Publius Scipion l'artisan de la paix d 'Apamée, que le Sénat entérine, laissant à Manlius Vulso l'unique tâche de la faire jurer par le vaincu 214. Manlius Vulso n'avait donc pas à entrer en guerre contre les Galates, et Appien aurait pu se dispenser de relater une expédition artificiellement liée à la guerre contre Antiochos. Appien ne blâme pas le consul de s'être engagé dans cette entreprise. Mais on constate un étonnant contraste entre la première et la seconde partie du récit -tout se passant comme si une malédiction s'acharnait contre lui 215. Cette division, qui crée une antithèse artificielle entre une phase de succès et une phase d'échecs, masque la chronologie réelle : envoyé en Asie comme consul en 189 av. J.-C 216, Manlius Vulso fut pro212. Justin, 31, 8, 9. 213. C'est le point de vue développé par G. Zecchini, Cn. Manlio Vulsone e l'inizio della corruzione a Roma, CISA 8 (1982, p. 159- 178. sans réponse assurée- est de savoir pourquoi 214. La questionLucius Scipion ne fut pas prorogé après sa victoire sur Antiochus. En bonne logique, il aurait dO rester en Asie jusqu'à la ratification du traité de paix. Il faut probablement supposer des luttes d'influence au sein du Sénat entre amis et ennemis de Publius Scipion. 215. Le fr. 21, 47 de Polybe, mutilé et réduit au début de la phrase initiale ("On tCOV·pcoµaicov lCŒtà tT)V t1tavo6ov 1tapà 0w1erov 1toÂ.Â.àÔEtvà ) n'autorise aucune conclusion. Il est aventureux de supposer que Polybe donnait déjà de Vulso une image négative, comme le fait Zecchini, o. c., p. 167-168. 216. Cf. Broughton, Magistrates, p. 360.
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rogé l'année suivante comme proconsul217 et ne regagna Rome que l'année de son triomphe (187 av. J.-C.). Appien a probablement éliminé la cause de ce retournement de la Fortune, sans doute une faute qui s'accordait mal avec la logique de son propre récit.
V- La guerre contre Antiochos, suite de la deuxième guerre punique Appien est relativement discret sur ce sujet car, pour lui, la guerre antiochique était moins une répétition de la deuxième guerre médique qu'une prolongation de la deuxième guerre punique. Florus 218 accuse deux personnages d'avoir poussé à la guerre Antiochos, roi fainéant 219 (ignauus) et vaincu d'avance 220 : Thoas, le chef des ,. Etoliens, et Annibal. Thoas joue également chez Appien le rôle du mauvais génie, qui tire avantage de l' irréflexion et de la précipitation d' Antiochos pour l'engager dans une guerre fatale 221 • Mais il n'apparaît qu'une fois. 217. Cf. Broughton, Magistrales, p. 366. S'il fut prorogé, c'est sans doute que la majorité des sénateurs ne désapprouvaient pas sa politique. 218. Florus, 1, 24, 5. 219. Parce qu'il est un Asiatique, Antiochos se voit attribuer tous les défauts des habitants de ce continent. Après son débarquement en Grèce, comme s'il était déjà vainqueur, otia et luxus quasi uictor agitabar (1, 24, 8), et il passa l'hiver à Chalcis dans les délices. 220. Cf. 1, 24, 10 : talem ergo regem iam luxuria sua debellatum ... A en croire Florus, Antiochos aurait installé au bord de l 'Euripe ses tentes d •or et de soie, se laissant charmer par le bruit des eaux mêlé au son des lyres et des fl6tes. En plein hiver, on apportait de partout des roses à l'intention du roi, vrai Sybarite qui levait des armées de jeunes filles et de jeunes garçons ... Bref, Antiochos devenait un exemple de tryphé (= luxuria). 221. Le rôle des Étoliens est également souligné par Zonaras. Il font miroiter aux yeux d 'Antiochos la perspective de devenir roi de la t& ~ 1toÀ&µiJaovt&ç, 1eai Grèce et roi de l'Italie : 1tap&cnc&uaÇovt6
1tpoç tè>v41>iï..11t1tov 1eai tè>v 'Avtioxov t1tp&a6&uovto.Kai f1t&taav aôtè>v t1e1toÀ&µm8iiva1 'Pmµaiotç, TflVd1toutEiÀavtoç. Le prétendu « Publius }Emilius » est sans doute L. lEmilius Regillus, le prœfectus classis : cf. Grainger, Roman War, p. 311. Mais Memnon affirme un peu plus loin que Publius Cornelius Scipion était utpatfl'YOÇ toù vaunKoÙ. Il a donc bien existé une tradition qui faisait de l'Africain le prœf ectus
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Dans cette version de l'histoire, la bataille de Magnésie n'a pas eu lieu, et l'on assiste à une sorte de troisième guerre punique avant la lettre, Antiochos se bornant à fournir les navires et les hommes au vindicatif Carthaginois280dont triomphe une nouvelle fois le vainqueur de Zama2s1_ Le même Orose282rapportant également le, fameux entretien de Scipion l'Africain et d' Annibal à Ephèse, il paraît vraisemblable que sa source juxtaposait déjà la rencontre fictive et le combat imaginaire. L'entretien, selon Tite-Live, figurait chez Claudius Quadrigarius, qui l'avait emprunté aux Annales d' Acilius283 . M. Holleaux démontra définitivement la fausseté de l 'anecdote 284,sans toutefois la rapprocher de nos deux passages d'Orose, qui incitent à l'insérer dans le contexte d'un affrontement mythique entre Annibal et Publius Scipion, vainqueur légendaire d'un adversaire qui s'estimait non sans quelque présomption supérieur à Alexandre ! classis de son frère, et Orose n'a pas innové sur ce point. - Les explications fournies par M. Janke, Historische Untersuchungen zu Memnon von Herakleia (1963), p. 28 sq., qui n'a pas connu Orose, ne sont guère éclairantes. 280. Comme souvent dans l'annalistique, le point de départ est authentique : une flotte et des troupes furent peut-être promises à Annibal. Il est également certain que les affrontements sur mer déterminèrent l'issue de la guerre autant que les batailles terrestres. Mais la scène historique n'est plus qu'un théâtre de marionnettes. 281. Les historiens modernes s'emploient depuis longtemps à établir les faits, quelquefois avec imagination. Mais l'histoire des représentations successives de I 'Histoire n'est pas moins importante, en ce sens qu'elle nous éclaire sur l'opinion que les peuples anciens avaient d'eux-mêmes, et nous constatons que ce qu'ils croyaient avoir accompli était souvent plus important pour eux que ce qu'ils avaient réellement accompli. On peut faire la même remarque à propos des individus. 282. Orose, Histoires, 4, 20, 18. 283. Tite-Live, 35, 14, 5. 284. M. Holleaux, L'entretien de Seipion l'Africain et d'Hannibal, Hermes 48 (1913), p. 75-98 = Études d'Épigraphie et d'Histoire grecques, 5, p. 184-207.
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Appien et Plutarque 285, qui rapportent l'entrevue d'Ephèse en termes presque similaires, établissent un parallèle entre la courtoisie de l'Africain et le manque de générosité manifesté plus tard par Flamininus. Or Plutarque écrit que « la plupart, admirant ce geste de Scipion, censuraient Flamininus 286 », ce qui donne à penser que le récit -forcément postérieur à la mort d 'Annibal et de Scipion lui-même en 183 av. J.-C.-pourrait avoir été inventé à l'occasion de la mort de ce dernier pour grandir ses vertus un brin controversées après son procès et son exil volontaire à Liteme.
VI- La valeur historique du Livre Syriaque Mon analyse ne portera que sur deux épisodes de quelque importance pour les historiens modernes. A-
LES ANNÉES DE « GUERRE FROIDE287 » ENTRE ROME ET ANTIOCHOS
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Pour suivre le récit, il faut restituer l'ossature chronologique supprimée par Appien. Rappelons qu 'Antiochos 285. Plutarque, Flamininus, 21, 6. 286. Tafrta 6,; toù l:1euticovoç ol noÂ.Â.oi8auµaÇovteç t1ea1e1Çov tè>v Titov ... C'était donc la communis opinio, que ne partageait sans doute pas Plutarque, qui travaillait à redorer l'image de Flamininus. 287. J'emprunte ce titre à l'excellente étude de E. Badian, Rome and Antiochus the Great: a study in cold war, Class. Phil. 54 (1959), p. 8199, qui démontra que ni les Romains, ni Antiochos ne voulaient d'une guerre qui leur fut en quelque sorte imposée par les Étoliens. Voir en particulier p. 93 : « There are few cases in history of two great powers entering upon war with each other so unprepared and so demonstrably against their own (at least immediate) intentions ». Badian procéda également à une critique, souvent justifiée, de M. Holleaux, Recherches sur l'histoire des négociations d' Antiochos m avec les Romains, Études d'épigraphie et d'histoire grecques, 5 (1957), p. 156-183 [= REA, 1913, p. 1-24]. Appien étant, selon Holleaux (p. 166, n. 3) « incomplet et obscur», ou encore un auteur« dont il n'y a rien à tirer» (p. 169, n. 3), j'ai tenté de comprendre les raisons de ce discrédit.
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m, monté sur le trône en 223, consacra les années 212205 à reconquérir les satrapies orientales qui s'étaient affranchies288 • C'est à partir de 205 qu'Appien survole les actions du roi, occupé à dépecer l'empire des Lagides, affaibli par la mort de Ptolémée IV Philopator (été 204) et l'avènement d'un enfant, Ptolémée V Épiphane289 • A l'en croire, Antiochos se serait emparé au plus vite d'une partie de la Cilicie290 et surtout de la Cœlé-Syrie, à la faveur de la cinquième guerre de Syrie (202-200)291 • Or, 288. On se reportera à l'étude fondamentale de H. H. Schmitt, Untersuchungen zur Geschichte Antiochos' des Grossen und seiner Zeit (1964), p. 85 sq. 289. Pour ne pas alourdir cette discussion, je ne renverrai qu'aux ouvrages postérieurs à Ed. Will, Histoire Politique du Monde Hellénistique, 2 (1982), p. 108 sq. Il paraît établi [voir la longue discusssion de H. H. Schmitt, o. c., p. 189 sq.] que, contrairement à l'opinion de Polybe, qui le fait mourir en 203, Ptolémée Philopator s'éteignit durant l'été 204, mais que ses ministres, Sôsibios et Agathocle, dissimulèrent un certain temps sa mort. Toute la discussion (résumée par E. Will, o. c., p. 110-111) tourne autour de la durée de la fraude : une année selon Walbank (ce qui paraît beaucoup ... ), quelques semaines selon Will, qui minimise le témoignage de Justin, 30, 2, 6 : sed mors eius < ... > diu occultata fuit. Or ce témoignage est lui-même contradictoire, puisque d'un côté Justin affirme que la nouvelle fut retardée autant qu'il était nécessaire à la clique ministérielle pour s'assurer du pouvoir (dum ... imperium ... occupare conantur), mais prétend d'autre part que, la chose une fois connue, une révolution balaya Agathocle (resté seul au pouvoir après la mort de Sôsibios) : re tamen cognita concursu multitudinis ... Agathocles occiditur. Or la chute d' Agathocle ne parai"'t pas antérieure au deuxième semestre de 203 (cf. Will, o. c., p. 109). Il se pourrait donc bien que diu correspondît à une année environ dans l'esprit de Trogue-Pompée, à moins que le résumé de Justin n'ait entièrement faussé le texte original, ce qui ne paraît pas invraisemblable. 290. Syr., 1, 1. La mention de la Cilicie surprend, car les premières actions hostiles d' Antiochos III paraissent avoir visé la Carie où, dès 203, Amyzôn et Mylasa basculent du côté séleucide : cf. E. Will, o. c., p. 113-114; J. Ma, Antiochos ... , montre bien (p. 52 sq.) qu'Antiochos III et Philippe V furent très actifs en Carie dès 203, mais aussi (p. 63 sq.) que le Séleucide profita des difficultés du roi de Macédoine pour s'emparer en 197 d'une partie de la Cilicie. Bref, le raccourci d' Appien occulte les cinq années séparant le premier événement du second. 291. Cf. Will, o. c., p. 118-119, résumant Holleaux. La chronolo-
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à l'automne de cette même année, éclatait la deuxième
guerre de Macédoine, qu 'Appien ne rappelle pas, mais dont on sait qu'elle contraignit Philippe V à abandonner ses ambitions balkaniques et asiatiques. Vaincu à Cynoscéphales en juin 197 par Flamininus, le roi de Macédoine, après de longues négociations menées à Tempé, accepta en effet une paix qui le renfermait dans ses frontières. Or, dès 198, Antiochos m profita des difficultés du Macédonien pour s'introduire en Asie Mineure, au prix d'un conflit avec Pergame, qu 'Appien ne signale pas, pas plus qu'il ne signale l'occupation d'Éphèse 292, où le roi séjourna durant l'hiver 197/6. Son passage en Thrace datant du printemps 196, la campagne qui aurait conduit l'armée séleucide de la région hellespontique jusqu'en Ionie doit dater de la fin de l'été ou de l'automne 197. On ne perdra pas de vue que la campagne de Thrace, relatée par Appien, qui s'acheva par la refondation de Lysimacheia, fut concomitante de la proclamation de la liberté des Grecs par Flamininus, lors des jeux isthmiques de 196. Antiochos, en reconstruisant cette citadelle détruite par les Thraces afin d'y installer son fils aîné comme vice-roi, formait donc des projets susceptibles d'inquiéter les Romains, qui d'ailleurs s'estimaient en droit de disposer des conquêtes extérieures -européennes aussi bien qu 'asiatiques-de Philippe V293 • gie de la cinquième guerre de Syrie, Études, 3, p. 317 sq. [reprenant Klio, 8 (1908), p. 267 sq.]. Voir depuis J. Ma,Antiochos ... , p. 56. -Il semble qu' Antiochos li, dans une première phase, descendit jusqu'à Gaza, avant d'être repoussé jusqu'aux sources du Jourdain par l'Etolien Scopas, qui fut vaincu en 200 à Panion et obligé de se réfugier à Sidon avec les débris de son armée. De là, Scopas rejoignit l'Égypte dont il organisa la défense (199/8 av. J.-C.). 292. On trouvera chez H. H. Schmitt, o. c., p. 271, une étude détaillée des mouvements d 'Antiochos en Asie Mineure pendant les années 197-196, ainsi que la liste des cités et territoires soumis par ce roi (p. 278 sq.). Sur l' « édification d'un espace Séleucide » en Asie Mineure entre 197 et 192 av. J.-C., voir J. Ma, Antiochos ... , p. 63 sq. 293. Cf. J. Ma, Antiochos ... , p. 71 sq.
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Le raisonnement d'Appien a été occulté par une malencontreuse addition de Gémisthe Pléthon, excroissance qu'il convient de faire disparaître pour retrouver le texte authentique. Ce que disait Appien, c'est que si de nombreuses cités grecques s'étaient soumises à Antiochos, d'autres résistèrent -en particulier Smyrne et Lampsaque- et envoyèrent des ambassades à Flamininus, qui venait tout juste (liptt) de vaincre Philippe à Cynoscéphales. Le synchronisme, rare chez Appien, mérite d'être relevé. Il en résulte en effet que notre auteur remontait le temps -ce qui ne paraît pas avoir été vu- et ramenait son lecteur à l'été 197, un an environ avant la refondation de Lysimacheia. C'est à la suite de cette initiative des Grecs d'Asie que, selon Appien 294, Antiochos et Flamininus échangèrent des ambassades, sans résultat 295• Or cet échange d'ambassades, au cours de l'été 196, nous est connu par Polybe 296• Antiochos envoya à Corinthe deux hommes de confiance, Hégésianax et Lysias, qui entendirent Flamininus proclamer la liberté des Grecs, comme l'avait décidé le Sénat 297• A leurs questions, il aurait été répondu « qu'aucun Grec ne devait plus maintenant faire l'objet d'une guerre ni être l'esclave de personne 298 » formule très générale susceptible d'être appliquée aussi bien à Philippe qu'à Antiochos, mais n'épargnant pas non plus Ptolémée 299 • A l'issue de cette réunion, Flamininus 294. Le lien de cause à effet est exact. Il ressort en effet de Polybe que des ambassadeurs de Lampsaque et de Smyrne rejoignirent P. Villius et L. Terentius à Lysimacheia. 295. Appien, Syr. 2, 5. 296. Polybe, 18, 47, 1-4 et 49-52. 297. Rappelons les termes du sénatus-consulte, tels qu'ils sont reproduits par Polybe : toùç µtv aÀ.À.ouç"EÀ.À.TJVUÇ, touç tE x:atà t'lV 'Acriav Kai Katà T'lV Eùpro1tTJV,€À.eu0épouç ô1tapxe1v x:ai v6µ01ç xpficr8a1 toiç lôiotç. Par cette déclaration, le Sénat s'engageait à ne pas maintenir de garnisons en Grèce et interdisait à d'autres de le faire. oüte 1toÀ.eµeicr8a1 vùv ô1t' 298. Où6éva yàp ftt tcov 'EÀ.À.Tlvrov où8evoç oüte 6ouÀ.EUEtVoù6evi. 299. Tite-Live (33, 34, 2-4), proche de Polybe, fait lui aussi état de
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envoya d'ailleurs à Lysimacheia deux sénateurs 300 , P. Villius Tappulus et L. Terentius, chargés de notifier à Antiochos les décisions -inacceptables pour lui- prises durant l'hiver 197/6 par le Sénat. L'échange d' ambassades dont parle Appien est donc exactement daté de la fin de l'été 196. Appien attribue l'échec des négociations aux soupçons que les deux parties nourrissaient l'une à l'égard de Si Antiochos se l'autre depuis longtemps (tx: 1toÂ.Â.oÜ). méfiait des Romains, c'est, nous dit Appien, qu'il les soupçonnait de vouloir empêcher son passage en Europe. Il est clair que, dans cette analyse des causes de la guerre, Appien était remonté assez loin, jusqu'à l'époque où Antiochos échafaudait ses plans de conquête 301 • C'est dans ce contexte qu'est évoquée l'arrivée à Rome d'une ambassade venue d'Alexandrie se plaindre qu 'Antiochos eût enlevé au Lagide la Cœlé Syrie et la Cilicie. Il tombe sous le sens qu'une telle démarche tombait à point en 196 pour la Cilicie, qu' Antiochos venait de s'approprier au moins en partie, mais n'avait plus aucun sens pour la Coelé-Syrie. Comme parfois, Appien a probablement réuni en une seule deux ambassades distantes de quelques années 302 • l'audience accordée par Flamininus aux envoyés d'Antiochos. Celui-ci devait évacuer les villes d'Asie ayant appartenu à Philippe et à Ptolémée, ne s'attaquer à aucune ville libre et ne plus faire passer de troupes en Europe. 300. Tite-Live, 33, 39, 2, ajoute P. Lentulus. Ces personnalités faisaient partie d'une commission de dix sénateurs chargée de conseiller Flamininus. 301. On ne peut manquer de rapprocher ce qu'écrit Polybe (18, 45, 10) qui, juste avant les jeux isthmiques de 196, évoque les craintes qu'éveillait Antiochos III : ô yàp xpot1pT1µÉvoc; ~acnÀtùc;cS11Àoc; ~v txt:xmv 1ta.Â.a1 toic; Katà T11VEùpco1tT1V xpayµacn. Car xaÀ.at chez chez l'autre. l'un me paraît correspondre à tK xoÂ.Â.oÙ 302. C'est en effet en 197 que le roi, au cours de sa marche victorieuse vers l'Hellespont, s'empara d'une partie de la Cilicie occupée par Ptolémée m à la faveur de la « guerre de Laodice ». Appien procède ici de la même manière qu •au chapitre XII, où il amalgame deux
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On a vu que dans le Livre Macédonien, Fr. 4, 1-2, Appien faisait allusion à l'entente secrète passée entre Antiochos III et Philippe V durant l'hiver 203/2, après la mort de Ptolémée IV 303 • Il ajoutait que cette rumeur avait profondément agité tout le monde, {li1tav'ta$ impliquant entre autres, ce me semble, Pergame et l'Egypte ... ) et que les Rhodiens révélèrent l'existence du traité aux Romains 304 : 1eai 'tT)Vôs 'tllV 66çav è1e'tapacrcroucrav ... La réacli1tav'taÇ eP66tot µèv eProµaiotc; èµT)VUCJQV tion de ceux-ci ne se fit pas trop attendre : ils envoyèrent ambassades successives des Étoliens à Antiochos, conduites par des personnages différents : cf. Notes Complémentaires, n. 119 sq. 303. Après la mort du roi, Agathocle envoya Pélops en ambassade auprès d 'Antiochos, afin de l'exhorter à respecter les engagements conclus avec le roi défunt : cf. Polybe, 15, 25, 13. Dans le même temps, Ptolémaios fils de Sôsibios se rendait en Macédoine, afin d'obtenir l'appui de Philippe si Antiochos attaquait l'Égypte. Il est clair que les ministres comptaient encore sur l'aide de la Macédoine contre les visées d'Antiochos m : cf. E. Will, o. c., p. 114-115, qui laisse de côté un facteur essentiel : Philippe ne céda aux avances d 'Antiochos qu'après la mort d' Agathocle, ce qui donne à penser qu'il n'avait pas confiance dans la capacité de ses successeurs à gouverner l'Égypte. C'est peut-être pourquoi il songeait à s'approprier celle-ci (version de Polybe, reprise dans H. H. Schmitt, Staatsvertriige, 3, 547) ou du moins la Cyrénaïque (version d' Appien), ambitions moins invraisemblables que ne le jugeait E. Will, o. c., p. 116-117. Sur toute cette affaire, voir W. Huss, Agypten in hellenistischer Zeit (2001), p. 487 sq. ; J. Ma, Antiochos ... , p. 57 sq. 304. E. Will, /oc. cit., admet avec raison l'authenticité du pacte secret. Mais comment son contenu (ou du moins une partie de celui-ci) parvint-il à la connaissance des Rhodiens ? La réponse se trouve, me semble-t-il, chez Appien qui, avant de résumer le contenu du pacte limitant la zone d'action de Philippe à l'Ionie et aux Cyclades, souligne que celui-ci s'attaqua non seulement à des possession lagides, mais aussi au territoire de Pergame et à la pérée rhodienne. On peut se demander si, confronté aux protestations d 'Attale et des Rhodiens, Antiochos ne fut pas obligé de leur faire savoir que Philippe était allé très au delà de ce que prévoyaient les accords conclus. Il est fort possible que les versions du texte parvenues jusqu'à nous remontent, en dernière analyse, aux historiens rhodiens Zénon et Antisthène, que Polybe critique certes (cf. 16, 14 sq.), mais dont il fait aussi son miel : cf. déjà M. Ullrich, De Polybii fontibus Rhodiis (Leipzig, 1889).
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des ambassadeurs aux rois (entendons aux deux rois ... ), enjoignant à Antiochos de ne pas attaquer l'Égypte, et interdisant à Philippe de s'en prendre aux Rhodiens, à Attale et aux Athéniens 305 : c'était en fait un ultimatum avant l'entrée en guerre de Rome 306 • Ces événements prennent donc place juste avant le début de la deuxième guerre de Macédoine. Appien ne fait pas état, dans ce contexte, d'échanges diplomatiques entre Rome et Alexandrie, mais le compartimentage du récit 1Catà f9voç suffit à expliquer ce silence. Polybe donnait probablement une idée plus exacte de la complexité d'une mission aux multiples objectifs 307 • Des fragments 16, 25-27 et 34, 1-3, il ressort que M. !Emilius Lepidus et ses collègues se rendirent d'abord à Athènes, où ils délivrèrent au stratège macédonien Nicanor le message dont ils étaient chargés, afin qu'il le transmît à son roi 308 • Après quoi ils reprirent la mer pour tenter une médiation entre le roi de Syrie et le roi , d'Egypte. Mais, à peine arrivés à Rhodes, les Romains apprirent que Philippe s'attaquait à Abydos. Aussi, écrit Polybe (18, 34, 2-3), tn1crt11cravteç t11v npoç toùç pacrtÂ.Éaç ôpµ11v, envoyèrent-ils M. !Emilius Lepidus à Abydos transmettre à Philippe l'ultimatum du Sénat 309 : il ne devait ni faire la guerre à aucun Grec, ni porter la 305. Cf. infra, n. 309. 306. Avant la bataille de Cynoscéphales, Flamininus enjoint encore à Philippe de rendre toutes les villes qu'il s'était appropriées après la mort de Philopator : cf. Polybe, 18, 1, 4. 307. Cf. Will, o. c., p. 119-121. 308. Polybe, 18, 27, 5 : t6n: ôt ôtà toù Nucavopoç npCl>tÂ.imup taùta ÔT1Â.Coo'avn:ç, aùtoi µtv d1té1tÂ.tooav d>ç'Avtioxov 1eai IltoÀ.&µaiov è1ti tàç 6taÂ.6CJ&tç. 309. Voir A. Lampela, Rom and the Ptolemies of Egypt (1998), p. 78 sq. Tite-Live, 31, 18, 1, insiste sur le fait que M . .tEmilius Lepidus faisait partie de l'ambassade envoyée à Alexandrie : ex iis /egatis qui Alexandream missi erant, M. Lepidus ... ad Philippum uenit. J'admets, avec Lampela, qu'il s'agit d'une seule et même ambassade. En revanche, il me paraît quasi certain qu'elle ne se rendit à Alexandrie qu'après avoir pris contact avec Philippe, et non l'inverse.
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main sur les biens de Ptolémée, mais au contraire indemniser les Rhodiens et Attale 310 • On constate qu 'Appien, dans le Livre Macédonien, s'accorde avec Polybe -sauf sur l'interdiction faite à Philippe de toucher aux npa:yµa,:a de Ptolémée : autre effet pervers, me semble-t-il, du compartimentage. C'est pourquoi l'ambassade alexandrine mentionnée dans le Livre Syriaque doit être arrivée à Rome avant le départ de la mission romaine. On s'est demandé si l'ambassade avait été jusqu'au bout de sa seconde mission 311• Selon Tite-Live (31, 2, 34 ), qui me paraît avoir sauté un épisode 312 , les Romains envoyèrent à Alexandrie, en 201, sitôt la paix conclue avec Carthage 313 , trois ambassadeurs, C. Claudius Nero (le vainqueur du Métaure), P. Sempronius Tuditanus et M. .tEmilius Lepidus : interim ad Ptolemaeum JEgypti regem legati tres missi, C. Claudius Nero, M. JEmilius
Lepidus, P. Sempronius Tuditanus, ut nuntiarent uictum Hannibalem Pœnosque et gratias agerent regi, quod in rebus dubiis, cum finitimi etiam socii Romanos desererent, in fide mansisset, et peterent ut, si coacti iniuriis bellum aduersus Philippum suscepissent, pristinum animum erga populum Romanum conseruaret. Certes, il n'est nullement question ici d' Antiochos, mais seulement d'obtenir, par des paroles flatteuses, la neutralité 310. On retrouve chez Tite-Live (31, 18, 1-2) ce M. ~milius Lepidus, venu seul (mais avec l'accord des deux autres légats) reprocher à Philippe de s'être attaqué à Attale, aux Rhocliens, et à Abydos dont le sac, selon Tite-Live (31, 18, 9) aurait eu un retentissement comparable à celui de la prise de Sagonte par Annibal. 311. Cf. Will, o. c., p. 120 : « aucune source ne dit que l'ambassade romaine se rendit ensuite à Alexandrie, mais il est certain qu'elle dut s'y rendre ». 312. Tite-Live s'était semble-t-il concentré sur les origines de la deuxième guerre de Macédoine, peut-être parce que ses sources annalistiques y voyaient une sorte de continuation de la guerre contre Annibal, dont Philippe avait été l'allié. 313. Tite-Live dit bien que les Romains décidèrent l'envoi d'une ambassade en 201, mais non qu'elle arriva à Alexandrie la même année. Voir Lampela, o. c., p. 77 sq.
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d'Alexandrie dans l'éventualité d'une guerre avec Philippe. Mais, si le Sénat redoutait réellement une alliance entre Antiochos et Philippe 314, il est fort possible que les ambassadeurs romains aient promis, avec plus,, ou moins d'empressement et de sincérité, de rendre à Evergète ce que Philippe venait de lui enlever315• Aucun texte ne permet en revanche d'affirmer que l'ambassade se rendit ensuite à Antioche 316 • Il ressort par ailleurs de Polybe que, peu après s'être assuré du pouvoir, le ministre Agathocle dépêcha à Rome le Mégalopolitain Ptolémée fils d' Agésarchos 317 , en lui recommandant d'ailleurs de prendre son temps 318 • Or cet Arcadien est connu pour avoir écrit une Histoire de Philopator, que pouvaient encore lire Athénée de Naucratis 314. Cf. Will, o. c., p. 120. 315. L'ambassade alexandrine évoquée quelques chapitres plus loin par Tite-Live, 31, 9, 1-5, in ipso adparatu belli, s'explique bien si elle répondait à la mission romaine évoquée en 31, 2, 3-4. Sollicité par les Athéniens, toujours aux prises avec Philippe, Évergète voulait savoir quelle conduite tenir : le Sénat lui recommanda poliment de ne se mêler de rien. Voir A. Lampela, o. c., p. 88, n. 58, avec bibl. 316. Cf. Will, o. c., p. 120 : « Ce qui fut convenu ( ?) entre les Romains et Antiochos ne peut guère qu'être inféré du comportement ultérieur d 'Antiochos ». Le vrai problème est que les· instructions des ambassadeurs envoyés à Alexandrie avaient été rédigées avant leur départ pour la Grèce et surtout avant la bataille de Panion, et que la défaite infligée par Antiochos au général lagide Scopas (été 200 ?) laissait ouverte la route de l'Égypte : cf. Lampela, o. c., p. 97. Rome avait de nouvelles raisons de s'inquiéter, mais les réactions du Sénat, préoccupé par la Macédoine, semblent avoir traîné en longueur. 317. Cf. Polybe, 15, 25, 14 : 1tpoexe1piaato ÔÈ 1eai IltoÂ.eµaiov tov 'AyrJ 1tpECJÔEt>'tTJV 1tpôç 'Proµaiouç, oùx chç tmam>uaovta tllV 1tpea6Eiav, dU' chc;;âv lh11T1ta1tfiç 'EÂ.Â.aôoç x:ai (J\)µµiçn toiç t1eei q,iÂ.01ç1eai (J\)yyevtaiv, aùtoù 1eataµevoùvta. Sur cette ambassade, qui remonte à 204, voir W. Huss, Agypten in hellenistischer 'Zeit (2001 ), p. 241. 318. La raison la plus simple de cette étrange recommandation me paraît qu' Agathocle attendait beaucoup des négociations qu'il engageait dans le même temps avec Philippe. Peut-être espérait-il ne pas avoir besoin de l'aide des Romains. Sur cette ambassade, voir Lampela, o. c., p. 90, n. 70.
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et Clément d' Alexandrie 319.Il serait extrêmement surprenant qu'il eût éludé les circonstances de la mort de Philopator320,le problème posé par sa succession et le rôle que lui-même avait joué. Mais, sur ce dernier point, les fragments de Polybe sont muets. En revanche, Justin (30, 2, 8) nous apprend qu'après l'exécution du ministre Aga319. Fr. Gr. Hist. 161. Sur cet auteur, voir J. Bollansée, Historians of Agathocles of Samos : Polybius on writers of Historical monographs, dans : G. Schepens-J. Bollansée, The shadow of Polybius (= Studio Hellenistica 42, 2005), p. 237-253. Il est possible que Polybe (15, 34, 1-2) fasse allusion à cet ouvrage lorsqu'il évoque fvtot tcov yeypmp6trov tàç 1tpaçetç ta6taç. 320. Un fragment Constantinien de la Chronique de Jean d'Antioche [Fr. 54 Müller, FHG 4, p. 558] n'est pas à négliger, dans la mesure où cet auteur avait accès à de bonnes sources, dont Diodore. Or Jean écrit ceci : "O'tt IltoÂ.&µaiou 'Aya061eÂ.etav [lege 'Apcnv6riv] tllV tautoû yuvaî1ea t1eôal6vtoç Kai µt{i 'tlvt tcov ttatpiôrov cruvmp0tvtoç, eha tEÂ.EutftcraV'toç IltoÂ.eµaiou ft 'Aya06deta 'Apcr1v611v 6tmp0Eipet 66Â.q>.Kai tautriç crùv toîç J3acnÂ.Eiotç 6tmp0apEicrrtc;, 1toÂ.À.T1Ç t& tapaxllc; tV'tt:û0&v Alyu1ttiotç dvaq>0Eicrric;, o te tllÇ Iupiaç J3acrtÂ.eùçIÉÂ.&UKOÇ [lege •Avtioxoc;] Kai tllÇ MaKEôoviaç iÂ.t1t1tOÇ tl1ti6t toû 1Cpatftpaç cruv 1tpo0uµiçi crtpatt:6oucrtv. Oüç 011'Proµaîot q>0acraV't&Ç tT1Ç tyx&tpftcreroç tllV tcov Alyuntirov tµcp6À.tov d1técr6&cravtnavacrtacrtv, IltoÂ.&µaîov tè>v 'E1ttcpav11aùto1epatopa toû f0vouç d1to6Eiçavt&ç, Ilpoucriou t6t& nov Bt0uv&v J3acr1Â.eucraV'tOÇ. La traduction donnée par Müller de Kai taUtflÇ cruv toîç J3acrtÂ.&iotç6taq>0apEicrriç [direptis regiœ thesauris] est satisfaisante et il faut rapprocher de Justin, /oc. cit. : dum pecuniam regiam mulieres rapiunt [cf. H. H. Schmitt, o. c., p. 208 et n. 1 qui avance l'hypothèse saugrenue d'une destruction (par incendie ... ) du palais royal]. Si l'on adopte la chronologie proposée par H. H. Schmitt, o. c., p. 236-237, la mort de Ptolémée et l'exécution de la reine Arsinoé, écartée depuis un certain temps du pouvoir, tombent durant l'été 204. Dans les mois qui suivent, les ministres s'efforcent de trouver un terrain d'entente avec Antiochos ID et Philippe V, mais prennent la précaution d'envoyer Ptolémée fils d'Agésarchos à Rome. A l'automne 203, Agathocle est renversé, tandis que Philippe et Antiochos décident de profiter de la situation. C'est dans ce contexte que les Alexandrins se seraient adressés à leur tour aux Romains qui, par leur médiation, auraient rétabli la paix civile. L'avènement de Prusias Ide Bithynie étant antérieur à 226, le participe aoriste J3acnÂ.eooaV'toç ne s'explique pas. Il vaudrait mieux écrire t6t& ... J3acrtÀ.&60V'toç.
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thocle321 , legatos Alexandrini ad Romam misere322, orantes ut tutelam pupilli (Ptolémée V) susciperent, tuerenturque regnum IEgypti, quod iam Philippum et Antiochum, Jacta inter se pactione, divisisse dicebant . La mention des Alexandrins, dans cette période de crise323 , ne surprendra pas outre mesure : la Cité se substituait au Palais défaillant afin d'obtenir une double protection, et pour le roi enfant, et pour le royaume324 , après la révélation de l'entente secrète entre Antiochos et Philippe. Justin précise plus loin (30, 3, 1) que la démarche fut accueillie favorablement : grata /egatio Romanis fuit. Ceux-ci cherchaient en effet un casus belli pour attaquer Philippe, dont se plaignaient également les Rhodiens et Attale (30, 3, 5 : dum hœc aguntur -les négociations du Sénat avec l'ambassade alexandrine- interim legationes Attali regis et Rhodiorum iniurias Philippi querentes Romam venerunt). Ils s'engagèrent donc dans une action diplomatique qui correspond exactement à celle dont parlent Polybe, Appien et Tite-Live : mittuntur itaque /egati, qui Antiocho et Philippo denuntiarent, regno IEgypti abstineant. Philippe n'ayant pas obtempéré, ils entrèrent en guerre contre lui. Ce dont on peut légitimement douter, c'est de l'envoi de M. .tEmilius Lepidus325 comme tuteur : mittitur et M. 321. Sur ces événements, voir P. F. Mittag, Unruhen in hellenistischen Alexandreia. Historia 52 (2003), p. 161-208. 322. Sur cette ambassade, voir Lampela,, o. c., p. 87 sq. Dans la mesure où M . .IEmilius Lepidus, en délivrant l'ultimatum d' Abydos, agit tutorio nomine (cf. Lampela, o. c., p. 93), l'ambassade des Alexandrins doit être arrivée à Rome avant 201. 323. Sur cette période troublée, voir W. Huss, Âgypten in hellenistischer Zeit (2001), p. 483 sq; et, depuis, P. F. Mittag,, o. c., p. 161208. 324. Tutela, repris par le verbe tueri, n'implique nullement une tutelle légale. Ce que demandent les Alexandrins, c'est que le Sénat veille sur les intérêts de l'enfant. Je ne vois donc aucune raison de rejeter ce passage. Will, o. c., p. 121, longtemps sceptique, avait été ébranlé par les arguments avancés par Heinen, ANRW 1, 1, p. 647 sq. 325. Polybe, 16, 34, 6, souligne sa jeunesse et son manque d'expé-
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Lepidus in .tEgyptum, qui tutorio nomine regnum pupilli administraret. Ce fut comme acolythe de C. Claudius Nero qu'il vint à Alexandrie, où on lui témoigna sans doute de la gratitude pour avoir sommé Philippe de lever le siège d 'Abydos, mais rien de plus. Le problème est en fait d'ordre historiographique : Trogue-Pompée, luimême fils du secrétaire particulier de César, n'aurait-il pas forcé les choses à la gloire d'un ancêtre du triumvir Lépide 326 ? La personnalité de cet auteur est trop floue pour autoriser une réponse. Au début du livre XXXI, Justin revient sur les origines de la guerre contre Antiochos et mentionne deux ambassades adressées par le Sénat à Antiochos, l'une quand il rience. Mais il deviendra Pontifex Maximus et princeps senatus, ce qui donne a penser qu'il avait de l'étoffe ; il ne manquait pas non plus de caractère, comme il le montra en tenant tête à Philippe V. Il est curieux que l'on ait associé ce jeune sénateur à deux consulaires. R. M. Errington, The alleged Syro-Macedonian pact and the origins of the second Macedonian war, Athenœum 49 (1971), p. 344 et n. 22, estime que Lepidus exagéra peut-être son rôle. 326. On rapprochera la terminologie de Justin (tutorio nomine) d'un denier, frappé en 61 av. J.-C. (Crawford, RRC, 443-444, n°41'>2), montrant au revers M. ~milius Lepidus posant le diadème sur le front du jeune roi, avec la légende M. LEPIDUS TUTOR REG. Mais quel sens donner à tutor ? Justin comprend à tort qu'il s'agissait de l'administratio regni, bref d'une curatèle, qui eût conduit le Romain à doubler les ministres, hypothèse peu vraisemblable. En revanche, si l'on prend le terme au sens premier de « gardien », on est amené à se demander s'il ne traduit pas le grec 1tpoO"tcitTtÇ, qu'il eût sans doute été peu diplomatique de rendre par patronus. Encore faut-il souligner qu'un tutor romain aurait eu sans doute quelque difficulté à se faire accepter par les Alexandrins. A l'extérieur du royaume, cela pouvait l'aider à défendre les intérêts du jeune roi. L'hypothèse la moins périlleuse me paraît toutefois de supposer que nom en n'est rien de plus qu'un titre, et que tutor traduit simplement tpoq>tuç : cf. OGIS 148 où 1eai tpoq>ta le stratègos lagide Hélénos est qualifié de tov cru-y-yEV'fl toù ~acrtÀÉO>Ç 1eai crtpatri-yov 1eai àpxtepta t'flÇ v11crou[Chypre]. Les Alexandrins, pour l'honorer, auraient conféré un titre aulique à M. ~milius Lepidus, et les Romains auraient cru ou fait semblant de croire qu'il s'agissait d'un office. - Sur la tutela de M. ~milius Lepidus, voir Lampela, o. c., p. 92 sq. avec bibl. n. 76.
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se fut emparé de la Cœlé-Syrie 327, l'autre interiecto tempore, entendons après la défaite de Philippe à Cynoscéphales328. De l'une à l'autre, l'argumentation des Romains s'est modifiée. Après Panion, Antiochos est sommé de se tenir éloigné du royaume d'un mineur, confié à la fides du Sénat par les ultimes prières de son père 329. Dans cette version, il n'est plus question d'une démarche des Alexandrins, ni d'ailleurs de M. .tEmilius Lepidus, mais des ultimae preces de Ptolémée Philopator ou, si l'on préfère, d'un testament. Or Polybe connaît un testament, qu'il tient pour un faux, dans la mesure où ce document remettait le pouvoir aux ministres honnis du défunt roi330. Mais, si le testament était authentique331,qui, hormis ces ministres, pouvait l'avoir communiqué au Sénat et qui pouvait l'avoir apporté, sinon Ptolémée fils d' Agésarchos ? 327. Justin, 31, 1, 2. 328. Justin, 31, 1, 3. 329. Legatos ad eum senatus mittit, qui denuntiarent ei abstineret regno pupilli, postremis patris precibus fidei suœ traditi. 330. Polybe, 15, 25, 5 : µEtà ô& taiha ôuiô11µa tep natôi 1tEp18ÉvtEÇ dvtôE1çav ~acnÂ.Éa ... 1eai ôta8T11Cl1V nvà 1tapavéyvc.ooav 1tE7tÂ.acrµÉVT}V, f.v TIyEypaµµÉVOV ~V Ott ICataÂ.Et7tEltOÙ 7tŒlÔOÇ f.1t1tp61touç ô J}amÂ.EÙÇ•Aya0oJCÂ.Éa1eai :üocri6tov. Si, après avoir renversé Agathocle, les Alexandrins ont justifié leur révolution en prétendant que le testament du défunt n'était qu'un faux, ils devaient néanmoins se mettre en règle avec les Romains ; d'où, me semble-t-il, l'envoi de l'ambassade qui formulait, au nom des Alexandrins, la même requête que le testament. Aux yeux du Sénat, un acte portant le sceau royal, même si l'on pouvait mettre en doute sa sincérité, avait peut-être plus de poids que les décisions d'un corps politique aux contours mal définis avec lequel on ne pouvait traiter. 331. On remarquera que, selon Polybe, 15, 25, 27, Tlépolème s'attendait à ce que l'on mît en place un conseil chargé de la tutelle de l'enfant et de la défense de ses intérêts : 1tE1tE1crµtvoc;umipçEtv tt (Jl}VÉÔp1ovô ti)v tE toù natôè>ç f.1tttpo1tEiav t:ÇEl 1eai titv tci>v oÂ.C.tlv npomacriav. N'était-ce pas précisément ce que prévoyait le testament royal ? Telle était en tout cas la nature des pouvoirs que Tlépolème espérait recueillir s'il parvenait à éliminer Agathocle : cf. ibid., 29 : 1eai tTlV toù 1ta1ôoç f.1t1tpo1tEiav 1eai tTlV tci>v ÔÂ.rov1tpomacriav.
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L'ambassade dont fait état Appien, postérieure à l'invasion de la Cœlé-Syrie 332 , correspondrait plutôt à celle dont Justin attribue l'initiative aux Alexandrins. Il convient ici de revenir sur ce que l'on a pris pour une erreur récurrente d' Appien qui, à trois reprises, aurait confondu - étrange erreur de la part d'un Alexandrin auteur de quatre livres d'JEgyptiaka !- Ptolémée Philopator et Ptolémée Evergète. Cette confusion a paru avérée dans le cas du Livre Macédonien 333 • Mais ne pourraiton considérer ô tÉtaptoc;, f91Â.01tatcop t1tc.ovuµov ~v comme une malencontreuse addition du rédacteur des Extraits Constantiniens ? Je n'en serai que plus circonspect dans le cas du Livre Syriaque. La première partie de la phrase n'a pas à être corrigée 334 , et ce pour deux rai1tapà IltoÂ.esons : a) dcpi1eovto 1tpéoôe1c; elc; ~Pc.oµ11v µaiou toù 1Â.01tatopoc; pourrait renvoyer à l'ambassade de Ptolémée fils d 'Agésarchos, porteuse des ultimae preces du roi défunt 335 • Dans ce cas, le participe alttcoµévou expose non pas les griefs du roi vivant, mais les appréhensions du roi défunt, qui redoutait qu' Antiochos ne lui enlève la Syrie et la Cilicie 336 • b) on peut simplele ment reconnaître en IltoÂ.eµaiou toù 1Â.01tatopoc; génitif de IltoÂ.eµaioç, ô 1Â.01tatopoç,et comprendre simplement : « arrivèrent à Rome des ambassadeurs 332. Sur la cinquième guerre de Syrie, voir W. Huss, Agypten in hel/enistischer Zeit (2001), p. 489 sq. 333. Livre Macédonien, Fr. 4 : dans le traité conclu entre Antiochos et Philippe, le second s'engage à faire campagne avec le premier
è1ti tE Aiyu1ttOVKai è1ti K(>1tpov,©VtOtE ~PXEVftt ,raie; rov Iltoèm:bvuµov~v. Â.Eµaioc;ô tÉtaptoc;, cpCl>tÂ.01ta.trop 334. On mesurera ici l'étendue du fossé qui sépare la méthode de l'historien de celle du philologue : Ed. Will, o. c., p. llO, estimait en effet qu'il fallait « corriger Philopatôr en Epiphane ». 335. Peu importe qu'elles aient été ou non fabriquées par ses ministres. Ce qui comptait, c'était évidemment le sceau royal. 336. La mention de la Cilicie devient compréhensible s'il s'agit d'une simple menace. On peut accorder à l'infinitif aoriste dq,t:Ua6a1 une valeur d'aspect dès lors que l'on admet que les accusations de Philopator portaient sur ce à quoi il s'attendait.
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envoyés par Ptolémée, fils de Philopator », auquel cas il s'agira plutôt de l'ambassade alexandrine mentionnée par Justin. Concluons que, faute sans doute d'avoir compris que l'unité du sujet traité conduisait souvent les historiens anciens à sérier l'information disponible, on n'a pas toujours reconnu que la première ambassade romaine, dont l'itinéraire fluctuait avec les remous de l'actualité, puisqu'elle se rendit à Athènes, à Rhodes, à Abydos et enfin à Alexandrie 337 , était au fond moins préoccupée par le conflit syro-égyptien que par l'imminence de la guerre avec les Macédoniens. Antiochos aurait fait fi de l'injonction des Romains 338 , qui mirent du temps à réagir : quibus spretis, interiecto tempore (probablement le temps de vaincre Philippe ... )
alia legatio supervenit quœ, omissa pupilli persona339 , civitates, iure belli Jactas populi Romani, in integrum restitui iubebat. Il ne pouvait évidemment s'agir que de cités nagère soumises par Philippe et tombées depuis sous la coupe d 'Antiochos, et s'il n'était plus question désormais des droits de Ptolémée V, c'est sans doute qu'entre temps était intervenue la déclaration de Flamininus aux jeux isthmiques de 196. Antiochos, écrit Justin, refusa d'obtempérer et la guerre lui fut déclarée : abnuenti bellum denuntiatum. Comme il question plus loin d'une ambassade envoyée à Ephèse reprendre les négociations avec Antiochos (31, 4, 4), il est clair que la 337. Restent deux inconnues : le lieu où l'ambassade romaine fut reçue par Antiochos (Séleucie ? Antioche ?) ; l'ordre de ses visites : se rendit-elle d'abord à Alexandrie, puis à Antioche, ou l'inverse ? 338. Encore faut-il souligner qu'il se garda d'envahir l'Égypte ; il préféra se tourner vers l'Asie Mineure, où le collapsus de Philippe lui laissait, pensait-il, les mains libres. Les Romains ne pouvaient ignorer cette réorientation de sa politique, et ils savaient parfaitement, dès 197, que l'Égypte n'était plus directement menacée. 339. Lampela, o. c., p. 103-104 et n. 137, remarque à juste titre que la tutela des Romains n'avait plus de bases juridiques sitôt que le jeune Evergète atteignait sa majorité, fixée à 13 ans.
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guerre n'avait pas été réellement déclarée, et que Justin avait mal compris son modèle : Trogue-Pompée avait probablement écrit « qu'en cas de refus on lui déclarerait la guerre ». On rapprochera d 'Appien, qui conclut ainsi (Syr. 4, 14) sa relation de la conférence de Lysimacheia :
oütro µèv d1t' dÀ.À.T1À©V èi1tpa1etot ôtt1Cpi811crav, à1topp11yvuvteçiiô11tàç à1tetÀ.àçtç to ; mais en réalité ils devaient mettre un terme à ses projets d'expansion. L'antithèse recouvre une réalité perceptible dans les récits plus détaillés de Polybe et de Tite-Live. Se rencontrèrent en effet à Lysimacheia deux délégations romaines, dont l'une était chargée par Flamininus de transmettre à Antiochos les injonctions du Sénat, alors que l'autre, conduite par L. Cornelius, était chargée d'une mission spéciale que Polybe définit ainsi : OÔTOl6' ~aav 1tapà TT)Ç►• Ce revirement -si c'en était un-- s'explique par les stipulations du sénatusconsulte voté au début de 196, telles qu'elles nous sont rapportées par "EÂ.Â.TIVŒÇ, tOUÇtE 1Catà tT)V 'Acriav 1Cai Polybe : 'tOÙǵtv aÂ.Â.OUÇ 1eatà ti)v Eôpci>1tT1V, âÂ.tu0tpouç 61ta.pxt1v 1eai v6µotç XP'lv 'Avtioxov. Diodore (28, 12) résume ainsi, d'après Polybe, les exigences de Rome : trxcopT}cra1 tcov u1tè>IltoÀEµaiov 1eai iÀt1t1tov'YE'YEVllµÉvcov 1t6ÀEcov. Il est clair ici que Ptolémée faisait d'autant moins l'objet d'un traitement de faveur qu' Antiochos avait en face de lui o\ 1tapà Àaµ1 vi vou 1tpÉcrÔEtÇ,sans qu'il soit question de L. Cornelius. 34 7. Cf. supra, p. LXXXV. 348. La formulation même donne à penser que les Romains s'appuyaient sur le testament royal, qui devait comporter une liste détaillée des possessions lagides. 349. Cf. supra, p. LXXX.
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aux relations entre Rome et Alexandrie, mélange ici, de la même manière qu'il a mélangé deux ambassades alexandrines et deux ambassades étoliennes, deux ambassades romaines successives, dont l'une doit être celle de L. Cornelius, alors que l'autre, antérieure de plusieurs années, était conduite par Claudius Nero et .tEmilius Lepidus 350 • La preuve en est, me semble-t-il, qu'il n'est pas question ici de Flamininus et de ses envoyés, mais d'une ambassade venue directement de Rome. On voit ainsi qu'une fois décrypté, le témoignage d' Appien se révèle moins inintéressant que ne l'estimait Holleaux.
B- LABATAILLE DE MAGNÉSIE Le récit laissé par Appien de cette confrontation entre l'armée romaine et les forces terrestres séleucides a fait l'objet d'une critique en règle 351 • S'il est vrai que notre historien s'accorde souvent avec Tite-Live, et que de telles concordances ont quelque chance de faire écho à la relation, perdue, de Polybe, il est clair aussi qu 'Appien se distingue en réduisant à rien le rôle du consul Lucius Seipion et en amplifiant celui de Domitius et d 'Eumène II. Le cas du roi de Pergame est sans doute le plus simple. On peut admettre qu'une source grecque -peut-être pergaménienne- avait attribué· à ce roi des interventions décisives dans le déroulement de la bataille, disproportionnées par rapport à la modicité de ses moyens militaires. C'est un problème de sources, sur lequel je reviendrai plus loin. 350. Cf. supra, p. LXXVIII. 351. J. P. V. D. Balsdon, L. Cornelius Scipio, a salvage operation, Historia 21 (1972), p. 224-234. Voir en particulier p. 230 : « Appian's account is one mass of absurdities and contradictions. The consul commands the centre, but there are no troops in the centre for him to command ; all the legionary troops are on the left wing. Eumenes is given command on the left wing ; in the battle he fights on the right. Domitius, the commander on the right, fights the Syrian phalanx in the centre ».
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Le rôle décisif attribué par Appien au consulaire Cn. Domitius Ahenobarbus 352 , donné comme conseiller à Lucius Scipion par son frère Pub li us, n'est confirmé que par le Pseudo-Plutarque, Apophtegmata Reg. et lmp., 197 ô Mtyaç dv0' taud-e : ra.toc; Aoµittoç, ôv I:1et1tirov
toù tep doeÀ.cpep Aeu1eicp1tapa1eatécrt11crev èv tep 1tpoç 'Avtioxov 1t0ÀéµcpK. t. À. Dans la mesure où Co. Domitius fut le premier de sa famille à atteindre le consulat en 192 av. J.-C., sa mémoire fut certainement exaltée par ses descendants. Le procédé n'allait pas quelquefois sans entorses avec la vérité. Tite-Live (8, 40, 4) le reconnaît sans ambages : uitiatam memoriam funebribus /audibus reor fa/sis que imaginum titulis, dum familiae ad se quœque famam rerum gestarum honorumque fa/lente mendacio trahunt. Des tituli et des e/ogia exagérant le rôle joué par Domitius ont pu donner naissance à la tradition recueillie par Appien 353 , qui, sous sa forme la plus élaborée, pourrait être relativement récente : un lointain descendant de Co. Domitius épousa Agrippine et fut le père de Néron. On est cependant frappé par l'épiclèse ô Méyaç attribuée à Publius Scipion par le Pseudo-Plutarque. Il ne fait aucun doute que Scipion le Grand renvoie à Alexandre le Grand, mais que, par ricochet, Lucius devient implicitement Scipion ô Mt1ep6ç.Qui plus est, la référence à Alexandre nous ramène à la rencontre fictive de Publius Scipion et d 'Annibal à Ephèse, invention certes, mais non point innocente, puisqu'elle visait à faire de l'Africain l'égal romain du conquérant macédonien. 352. Sur ce personnage, voir Münzer, RE S 1, 1321-1322 s. v. Domitius 18, qui pose correctement le problème, au demeurant insoluble : le rôle attribué à Domitius relève-t-il de la falsification, ou s'agit-il d'une vérité gênante, « das eine den Scipionen freundliche Ueberlieferung allerdings nicht anerkennen mochte » ? Voir à ce propos les bonnes remarques de Balsdon, Historia 21 (1972), p. 229. Je propose une explication neuve, qui s'inscrit dans le sillage de mon étude du mythe d'Alexandre. 353. On verra plus loin comment Caton avait exagéré à plaisir le rôle qu'il avait joué à la bataille des Thermopyles.
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Est-ce donc Acilius lui-même qui avait donné à Domitius un rôle de premier plan, pour diminuer d'autant celui de Lucius ? Est-ce son adaptateur Claudius (Quadrigarius) ? Point de réponse assurée. Constatons qu'inversement, il reste des traces d'une tradition favorable aux Scipions, gommant le rôle de Domitius : c'est le cas chez Frontin, Strat., 4, 7, 30 : l'Africain (mais on le croyait malade à Élaia ... ) exhortatus est fratrem, ut postero die committeret prœlium. En attribuant un petit rôle à Domitius, mais un rôle tout de même, Tite-Live aurait alors cherché à tenir la balance égale entre plusieurs traditions difficilement conciliables. Pour y voir clair, il faudrait mieux connaître la personnalité de Lucius Scipion, cadet prétendûment écrasé par son aîné 354 • Dès sa désignation, Appien (21, 100) lui dénie toute capacité militaire, le jugeant « inopérant » et « dépourvu d'expérience militaire » 355 , ce qui, quoique inexact, est néanmoins confirmé, on l'a vu, par une tradition moins hostile à Lucius que soucieuse d'exalter les mérites de Publius 356 • Appien souligne en particulier (23, 101) que Publius était pressé de marcher contre Antiochos avant que le commandement de son frère n'arrivât à
354. Cf. Balsdon, o. c., p. 233 « For the last time Lucius was, as he always had been, a victim of bis brother's confident flamboyance, Sci-
pio minor ». 355. à1tpa1etcp6' ôvn 1eai àmnpo1t0Àéµcp.L'adjectif à1t&tpo1t6À&µoc;est employé par Appien dans le Mithridateios, SI, 205 à propos du consul Flaccus, auquel Cinna donne pour conseiller Fimbria àvT)p
1tt8avôc;te;crtpatT)-yiav. 356. Valère-Maxime, S, 1, 1, le qualifie d'imbellis (= àît&tpo1t6À&µoc;): (Publius) legatumque se L. Scipioni in Asiam iturum promi-
sit, et maior natu minori, et fortissimus imbelli, et gloria excel/ens taudis inopi, et, quod super omnia est, nondum Asiatico iam Africanus. L'Africain n'était pas, quant à lui, taudis inops, et le parallèle tourne au désavantage de Lucius. Les exempta rassemblés par Valère-Maxime étant destinés aux élèves des rhéteurs, on voit que l'incompétence de Lucius était devenue l'une de ces contrevérités indéracinables que l'enquête historique est impuissante à combattre.
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son terme357 • Il était donc dans la logique familiale que la victoire fût remportée par Lucius et Publius, soit, au plus tôt, à la fin de l'automne, soit, au plus tard, au début du printemps suivant. La maladie de l'Africain l'obligeant à temporiser, si Domitius fut réellement chargé par lui de le remplacer auprès de son frère, ce n'était sans doute pas pour qu'il remportât la victoire358 • La bataille de Magnésie fut néanmoins gagnée par Domitius, avec Lucius mais sans Publius. Ces remarques préliminaires conditionnent l'étude de la bataille, car je crois vain de prétendre reconstituer le récit perdu de Polybe à partir d 'Appien, dans la mesure où celui-ci paraît avoir subi l'influence non seulement d'une historiographie grecque perdue, mais aussi d'une annalistique prise dans le tourbillon des rivalités politiques romaines. Ces miroirs déformants laissent néanmoins apparaître çà et là, malgré les inexactitudes imputables à Appien lui-même, des détails susceptibles de remonter à des sources plus objectives. a) l'ordre de bataille des Romains. Tite-Live et Appien s'accordent sur un point : l'aile gauche romaine prenait appui sur un cours d'eau, le Phrygios359 • Selon Tite-Live, quatre turmae « romaines360 » avaient pris position près 357. On croit comprendre que Lucius, abandonné à lui-même, aurait perdu son temps à assiéger les places fortes des Étoliens. 358. Certains historiens modernes ont pensé que Publius voulait obtenir une paix de compromis sans livrer bataille : voir Balsdon, o. c., p. 228, n. 31 avec bibl. 359. Cf. Syr. 31, 137 1tapà tè>v 1totaµ6v. Ni Appien ni Tite-Live ne précisent qu'il s'agissait du Phrygios. 360. Quatre turmes représentents 120 cavaliers, s'il s'agit de Romains, 240 cavaliers, s'il s'agit d'italiens. On pourrait envisager un panachage : deux turmes romaines et deux turmes iatliennes. On peut supposer qu 'Appien n'a pas jugé utile de signaler la présence à proximité du Phrygios d'un corps de cavalerie ne dépassant peut-être pas 200 hommes.
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de ce cours d'eau 361 • Appien ne mentionne en revanche aucune cavalerie romaine à cet endroit, ce qui permit à Antiochos de bousculer l'infanterie légionnaire 362 • Le même Appien attribue le commandement de quatre ilae à Domitius, qu'il place à l'aile droite, alors que Tite-Live ne signale dans ce secteur ni Domitius, ni ses escadrons. Or, si les quatre ilae de Domitius correspondent au quatre turmae de Tite-Live,, il tombe sous le sens que celui-ci se trouvait à l'aile gauche et non à l'aile droite. Certes, l'effet de miroir363 pourrait expliquer qu 'Appien intervertisse ainsi les places respectives de Domitius et d'Eumène. Mais, puisque Tite-Live affrrme364 que ces quatre turmae furent bousculés par Antiochos lorsqu'il enfonça l'infanterie romaine rangée du côté du Phrygios, il tombe sous le sens que, pour faire de Domitius le héros de la journée, il aurait fallu le transporter comme par magie à l'autre bout du champ de bataille. Je ne puis me résoudre à cette explication. Je ne parviens pas à comprendre en effet comment un personnage consulaire aurait pu être placé à la tête de 200 cavaliers, ce qui me conduit à penser que ÏÀ Tl n'est pas ici la traduction de turma, comme c'est le cas chez Polybe, mais de ala, selon un usage bien attesté à l'époque d 'Appien 365 • L'armée consulaire alignant quatre légions, il tombe sous 361. Tite-Live, 37, 39, 11 : < ... > flumen ab ea parte ripaeque deruptae claudebant; quattuor tamen inde turmae equitum oppositae. 362. Syr. 36, 184 : où yàp 1tapE'tE't: cf. § 191 dxpEiov tv crtEVQ>-rè> 1epancrtov toù crtpatoù 1tE1to1ri1e6toç. Voir aussi § 182 : 1eai oôôtv ~v dxpsîov chçtv 6)..iyq>7tOÀÀÔ>v cruvEcrtci>trov.Le colonel A. Boucher REG, 27 (1914), p. 369-383, avait étudié le sens de Elç et de tni, « termes tactiques », chez Thucydide et Xénophon. Il concluait que Elç s'applique au front, t1ti à la profondeur, mais que la distinction s'estompe dans le cas de la formation en carré. 389. Asclépiodote, Tactique, 4, 1-4. Je renvoie à l'édition de L. Poznanski (CUF 1992). 390. Bar Kochva, o. c., p. 167, estime que les dix bataillons occupaient un front de 450 m, qu'il faut allonger pour tenir compte de l'espace occupé par les éléphants. 391. Cf. Asclépiodote, 10, 21 : yi VETQl0È t1CtÔ>VtOlOU'tCOV crxriµancrµÔ>v q>aÀayç totÈ µtv tE-rpa:yrovoç, -rotÈ ot 1tapaµ111eric;1eai fi-rot 1tÀayia.
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C'est à cette formation « carrée » que fait allusion Appi~n, ou plus probablement l'auteur dont il s'inspire. Mais cet auteur avait perdu de vue qu 'Antiochos innova en intercalant des éléphants et des troupes légères entre les divisions de la phalange, dont chacune possédait une autonomie et des possibilités de manœuvre inconnues des manuels de tactique 392 • Au §163, Appien entreprend de donner la liste des unités disposées de part et d'autre de la phalange (tlcatépco8Ev) et dans le même alignement (èç,icrou)393• Mais les difficultés s'accumulent si l'on conserve le texte en l'état. TiteLive, plus fiable dans la mesure où il parat"tsuivre Polybe, signale d' abord 394, ad latus dextrum, 1 500 fantassins galates, puis 3 000 cavaliers cataphractes, puis la cavalerie de l 'agèma ; puis, ab lœvo cornu395 , 1 500 fantassins galates, 2 000 Cappadociens, 2 700 auxiliares mixti, 3 000 cavaliers cataphractes, et enfin les 1000 cavaliers de l 'ala regia. Pour l'extrémité de l'aile gauche, tout concorde avec 392. Autant qu'il me semble, Antiochos tirait ce faisant la leçon de la défaite essuyée naguère par Philippe V à Cynoscéphales : le manque de flexibilité de la phalange avait été sévèrement critiqué. 393. On a vu que, d'après Tite-Live, l'aile droite d' Antiochos n'était pas rangée dans l'alignement de la phalange. 394. Tite-Live, 37, 40, 5. 395. Tite-Live, 37, 40, 10-11.
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Appien396• En revanche, on lit ensuite dans le texte, tel qu'il nous a été transmis, que la phalange avait été encadrée de cavaliers galates cataphractes et de l 'agèma des Macédoniens. : btJtEÎÇô' élcattpro0Ev ClÙtOÙ raÂ-atat tE l((lt(lcppaKtOtKai tO Â.Ey6µEVOV ay11µatOOV MaKEÔOVO)V. Les cavaliers galates dont il est question ici correspondent sans doute aux 2 500 cavaliers que Tite-Live397 range à l'aile gauche avec les Tarentins, juste après la regia ala corn.. mandée par le prince Séleucos. Mais Appien paraît les avoir confondus avec d'autres Galates, des fantassins que Tite .. Live398 range sur la même ligne que les cataphractes 399• D'un autre côté, si l'agèmd' 00 figure dans cette série, ce n'est certes pas pour avoir été divisé et réparti de part et d'autre de la phalange 401 , mais parce qu 'Appien parai"'t avoir fabriqué une fausse symétrie à partir d'une donnée stratégique dont on verra plus loin l'importance : la phalange était encadrée par de la cavalerie, qui protégeait ses flancs. On peut dès lors proposer un texte compréhensible en supposant une simple haplographie : l1t1teic;
ô'ê1eattpro0ev aùtoù raÂ.atat te 1eatacppa1etoi 396. Cf. 32, 164 : d'abord des Galates (Tectosages, Trocmes, Tolistobioi), Cappadociens, µl'ya6ec; çévot, cataphractes, cavalerie des Hétairoi. Aucune indication chiffrée toutefois. 397. Tite-Live, 37, 40, 13. 398. Cf. supra, n. 396. 399. Sur les cataphractes, voir E. Bikerman, Institutions des Séleucides (1938), p. 60. Asclépiodote, Tactique, 1, 3 définit ainsi ce type de combattant : 1eai tè> µtv tyy60ev 6µoicoç J}aputatn 1eéx,p11tat cnceufi, toue; te imtouc; 1eai toùc; livôpac; 1tavtax,60ev 0copaçt 1teptcncéîtov, µa1epoîc; µtv x,proµevov 1eai aôtè> toîc; 66pacnv. - M. Launey, o. c., p. 520, n. 4, avait signalé l'étrangeté de ces cataphractes galates, sans toutefois proposer d'autre solution qu'une « erreur d 'Appien ». 400. Sur cette formation d'élite, cf. Polybe, 31, 3, 7 : tè>KŒÂ06µevov èiy11µa, 1epattatov dvat 601eoùv cruatflµa téov l1t1t&cov1ttpi X,tÀ.iouc;. Voir Bikerman, o. c., p. 59. 40 l. Tite-Live, 37, 40, 5-6, confirme que l 'agèma se trouvait à l'aile droite, et il ne saurait en être autrement, puisque c'est là que s'était posté Antiochos.
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t. Â.: il y avait des cavaliers de part et d'autre de la phalange, des Galates et des cataphractes et l 'agèma etc .... La suite, telle qu'elle nous a été transmise, n'est pas plus satisfaisante. : â1ti o~aùtoîç -rà x:tpata x:at&ixov âv µèv ô&ÇtQ.'lftÂ.oi tÉ ttv&ç x:ai ft&pot \1t1t&iç dpyupa0'1ttô&Ç x:ai bt1totoç6tat ôtalCOO'tOt x:. t. Â.. Appien aurait-il pris les fameux « Argyraspides », héritiers des Hypaspistes d'Alexandre, pour des cavaliers 402 ? Tite-Live 403 les définit ainsi : regia cohors erat, argyraspides a genere armorum appellabantur. Or les Argyraspides représentaient à cette époque environ 10 000 hommes 404 • On me concèdera que le terme cohors s'applique mal à une troupe aussi nombre us, et qu'il faut sans doute comprendre « escorte royale » et non point « infanterie de la Garde Royale.», étant entendu que cette escorte était composée d'infanterie macédonienne et de cavalerie macédonienne, puisque Tite-Live n'indique pas d'autre cavalerie à l'aile droite que les 1 200 archers Dahre qui correspondent aux archers à cheval qu 'Appien range à droite des Argyraspides (et il faut, comme le voulait Schweighauser, écrire bt1totoç6tat ôtax:6atot). Dans ces conditions, les Ët&pot \1t1t&ÎÇne peuvent guère correspondre qu'aux cavaliers de l'escorte royale. Une correction vient alors à l'esprit : ne lisait-on pas dans l'archétype â1ti 6~aùtoiç tà 1eépata 1eat&ixov K.
402. Si l'on se reporte aux planches de H. Kahler, Der Fries vom Reiterdenkmal des /Emilius Paul/us in Delphi (1965), on constate que le même bouclier circulaire [Rundschild], avec la même ornementation caractéristique, annait les fantassiens macédoniens (pl. 7 et p. 27) et les cavaliers (pl. 4 et p. 32) à l'époque de la troisième guerre de Macédoine. L'annement des macédoniens d'Asie ne devait pas être sensiblement différent, et l'on pourrait envisager que les cavaliers de la garde royale aient porté eux aussi des boucliers ornés d'argent, ce qui rendrait compte de confusions comme celle que nous constatons chez Appien et chez Phlégon. 403. Tite-Live, 37, 40, 7. 404. Bar Kochva estime, o. c., p. 118, qu'ils étaient stationnés en face de la légion italienne la plus à gauche.
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tv µtv ÔEÇl~'t'lÂ.Oi'tÉ 'tlVEÇKai tTaipot 405 bt1tEÎÇ dpyupâ.CUayyoç cbttmtaaEv. 428. Zonaras, 9, 20, p. 309 D, dit simplement qu 'Antiochos, à la tête des cataphractes,. mit en fuite « ceux qui se trouvaient en face de lui » et les poursuivit jusqu'au camp romain : o 'Avrioxoç 'tOÎÇ KŒ'tŒq>ptlK'tO\Çbt7tEOO'l'tOÙÇdvt\'tPE'lfŒµEVOÇ µtxp1 'tOÜ G'tpa't01t&6ou èÂ.8Eiv è1ti6uox:covaù'to6ç. Appien reste dans le vague et ne précise pas quelles troupes brisèrent la ligne romaine. 429. Si l'on se réfère au diagramme établi par Bar Kochva, la légion romaine fut enfoncée par la charge des cataphractes, la légion italienne repoussée par les Hypaspistes et les Dah~. Mais que faisait la cavalerie des Hétairoi? 430: Cf. Tite-Live, 37, 42, 8 : effuso cursu. 431. Les Romains ont occupé trois camps successifs : le premier, citra Phrygium amnem (Tite-Live, 37, 38, 2) ; le second au delà du fleuve, à 2 500 pas (3, 7 km.) des Syriens (Tite-Live, 37, 38, 5 =
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où les cataphractes chargeaient au trot et coordonnaient probablement leur avance avec celle des Argyraspides, dans la mesure aussi où les légionnaires se repliaient en combattant, on peut admettre qu' Antiochos s'est trouvé durablement écarté de sa phalange432 • Mais quel résultat recherchait-il ? On a l'impression qu'il visait le camp romain, peut-être pour sa valeur symbolique, peut-être aussi pour empêcher l'adversaire d'y trouver refuge433 • Toutes nos sources insistent sur le rôle du tribun M. ~milius, qui aurait reformé les troupes en déroute434 • Encore faut-il souligner qu'il ne disposait que de 2 000 auxiliaires, Macédoniens et Thraces435 • Outre la fatigue des cataphractes, une raison déterminante parai"t avoir contraint Antiochos à décrocher : l'arrivée de renforts de cavalerie dépêchés par Eumène, sous le commandement de son frère Attale436 • Appien (§186) s'accorde sur ce Appien, §152). Le dernier avait été édifié propius, donc à moins de 2 500 pas (Tite-Live, 37, 39, 5 = Appien § 155). Voir Bar Kochva, o. c., p. 264-265, n. 29. 432. Il est aléatoire de restituer une bataille dont on ignore le timing. Appien ne fournit aucune donnée. On n'en trouve qu'une seule chez Tite-Live, 37, 42, 6 : iam media acies fere omnis a fronte prostrata erat, et subsidia circumita ab tergo caedebantur, cum in parte alia fugam suorum et prope iam ad ipsa castra clamorem paventium accepere . Par media acies, Tite-Live entend sans doute la phalange, et par subsidia les troupes qui la flanquaient sur sa gauche. On voit ainsi que, au moment où Antiochos approchait du camp romain, la phalange était sérieusement menacée sur sa gauche. Mais il n'apparaît pas qu'elle ait subi le moindre dommage sur sa droite. 433. Il est remarquable que, selon Zonaras, 9, 20, p. 300 D, au moment précis où Lepidus repoussait Antiochos, Zeuxis attaqua le camp romain 1ea0' ft&pov µépoç, réussit à y pénétrer et à le piller, et cela jusqu'au moment où Lepidus se porta à la rescousse. On a l'impression que le camp était un objectif convenu d'avance entre le roi et ses lieutenants. Rien de tout cela n'a été retenu par Appien, qui veut créer l'impression d'un désastre absolu. -Sur la manœuvre de Zeuxis, voir Bar Kochva, o. c., p. 172. 434. Tite-Live, 37, 43, 1-4 ; Justin, 31, 8. 435. Tite-Live, 37, 39, 12. 436. Eumène disposant au total de 3 000 cavaliers, combien pou-
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point avec Tite-Live, même si la présentation des faits est différente : Tite-Live (37, 43, 6) ne craint pas d'écrire qu 'Antiochos in fugam uertit equum, alors qu 'Appien, avec plus de vraisemblance, nous montre le roi revenant en vainqueur437 et fonçant à travers la cavalerie pergaménienne438.Or celle-ci était partie de l'aile droite romaine, ce qui donne à penser qu 'Antiochos, après avoir décroché, avait lui-même obliqué vers la droite. Peut-être espérait-il prendre à revers les troupes adverses encore engagées, pensait-il, contre sa phalange439. Malheureusement, celleci s'était effondrée dans des conditions malaisées à déterminer. Appien et Tite-Live s'accordent à reconnaître le rôle essentiel joué par Eumène, qui, avant même -semble-til- que. l'aile gauche séleucide eût fait mouvement, lança une attaque éclair contre les chars disposés en face de lui. Ceux-ci tournèrent bride et jetèrent le désordre d'abord dans le corps des chameliers arabes, puis dans la division de cataphractes44 rangée à l'aile gauche de vait-il en détacher pour distraire Antiochos de son objectif ? Tite-Live, 37, 43, 5, parle de 200 cavaliers : il n'y avait pas là de quoi inquiéter Antiochos, et cela s'accorde mal avec Appien, qui nous montre Attale approchant bt1tt6m 1tolloiç. Il faut supposer une force plus considérable, qui obligea sans doute Eumèneà réduire d •autant la pression exercée par sa propre cavalerie sur l'aile gauche syrienne. Cela revient à admettre que cette dernière n'opposa pas de sérieuse résistance (ce que laisse d'ailleurs entendre Appien lorsqu'il fait dire à Attale que l'adversaire n'a pas l'expérience de la guerre). 437. Cf. §185 : t1tavflt1 cro6apôç ô 'Avtioxoc; çô 'Avtioxoc; 6ta1c6'1'ac; Ô1É6paµE. 439. Espérait-il rééditer la bataille de Cannes, où les légions avaient été prises à revers ? 440. Selon Appien (§174), l'effet psychologique aurait été ressenti d'un bout à l'autre de la ligne syrienne : c'est sans doute exagéré. TiteLive, 37, 42, 1-2, dit seulement que les auxilia subsidiaria, démoralisés par les chars, prirent la fuite, laissant les cataphractes à découvert. Il ne purent soutenir le choc de la cavalerie romaine : les uns prirent la fuite, les autres furent massacrés. -Zonaras, /oc. cit., prétend que les chars mirent le désordre dans la ligne des éléphants, et que ceux-ci se
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l'année séleucide441 • Mais on note ensuite une divergence de taille. Selon Tite-Live, l 'equitatus Romanus aurait d'abord attaqué et détruit les cataphractes442 , à la suite de quoi totum < ... > lœvum cornu inclinavit. Bref, toutes les troupes stationnées entre la cavalerie et la phalange auraient plié. On est légitimement surpris de l'ampleur du succès remporté si vite par les 3000 cavaliers romains et pergaméniens, même aidés par la débâcle des chars. Appien paraît plus crédible, lorsqu'il montre (§ 175) Attale attaquant d'abord les Galates, les Cappadociens et les mercenaires, autrement dit les corps flanquant réellement la phalange sur sa gauche443 • Mais de quelles troupes disposait-il? Le texte d'Appien (34, 175) prête à discussion : ô ô' Eùµév11ç 'toùç lôiouç bt1ttaç 1eai ôcrot ePcoµaicovaÙ'tOOV Kai 'l'taÂ.rov 1tapa-tE'tO.XŒ'tO è1ti\yev è1ti toùç dV'ttKpù raÂ.a'taç 'tE 1eai Ka1t1taô61eaç1eai'tîl a.Â.Â.llV cr6vo6ov'tCOV çévcovK. 't. À. Les dispersèrent dans tous les sens. Mais il n'est ·question ni d' Attale, ni de Domitius, ni même d'une attaque sur l'aile gauche de la phalange. 441. Les cataphractes étant rangés immédiatement à droite de l'escadron de Compagnons (regia ala de Tite-Live, 37, 40, 11) escortant le prince Séleucos, commandant l'aile gauche, on a l'impression que l'attaque lancée par Eumène avait pour objectif stratégique la destruction du commandement adverse : de fait, Séleucos et les troupes légères rangées sur sa gauche paraissent avoir été définitivement coupées du gros de l'aile gauche, sur lequel porta l'effort des Romains. 442. Ces cataphractes sont à distinguer de ceux qui permirentà Antiochos d'enfoncer les lignes romaines. 443. Constatons que, dans le récit de la bataille, les troupes qui combattent réellement à l'aile gauche sont celles qu' Appien énumère au §32, 164 et non pas celles dont il est question au §163. On croit comprendre que, travaillant à partir de deux sources, il a dupliqué les troupes de l'aile gauche, la séquence cavaliers galates, cataphractes, agèma étant un doublon de la séquence cavaliers galates et cappadociens,[mercenaires ], cataphractes et Compagnons, corroborée par TiteLive. On peut également se demander si, à l'aile droite, l'agèma et les cavaliers aux boucliers d'argent ne sont pas une seule et même unité, qu 'Appien aura pareillement dupliquées, ses sources la mentionnant sous deux noms différents.
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Romains et les Italiens dont il est question doivent correspondre aux cavaliers mentionnés en 31, 158444 • Mais je crois avoir montré qu'il s'agissait en fait des quatre alae commandées par Domitius. Ce qui revient à dire que la source suivie par Appien escamote cette fois au profit d'Eumène la part prise par Domitius dans le succès remporté445. Qu'advint-il de la phalange quand l'aile droire romaine et pergaménienne se rabattit sur son flanc gauche ? Appien (3S, 178) décrit une manœuvre délicate, mais régulière 446 : x:ai ft -coùc; µèv 'lftÀ.o6c;,toùc; txi toi3 µttro1tou crcprovf tt 1tpo1toÀ.tµofivrac;, 6tacrtâcra te; ,aÔt'llV t6él;at'o x:ai na.À.tv cruvntt. Si des troupes légères, qui d'ailleurs ne devraient pas se trouver devant la phalange 447, refluent vers celle-ci, c'est sans doute qu'elles ont fui de l'aile gauche. On a néanmoins l'impression, en lisant Appien, que tout se passe comme à l'exercice. Tite-Live présente les choses tout autrement448 : ibi simul perturbati ordines
et impeditus incursu suorum usus praelongarum hastarum --sarissas Macedones vocant- intulere signa Romanae legiones et pila in perturbatos coniecere. Il semblerait que, pour ouvrir leurs rangs, les phalangites furent obligés de redresser leurs piques 449 et que les
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444. 6el;tov 6' ~v bmeic;, ot te •pc.oµaic.ov1eai 'ItaÂ.O>v,cai Eùµtvouc;. 445. On verra plus loin qu 'Appien juxtapose des informations puisées tantôt chez un annaliste favorable à Domitius, tantôt chez un historien grec soucieux d'encenser les Attalides. 446. Onasandros, Strat., 19, 1-3, explique qu'il faut ménager des 6taatftµata Katà tàc; ta.l;etc; pour que les troupes légères puissent se replier rapidement vers l'arrière. 447. On a vu qu'Appien s'était imaginé qu'Antiochos avait étendu d'un bout à l'autre du champ de bataille un rideau de troupes légères. Cette erreur le conduisit à croire que les troupes légères qui refluaient avaient été rangées sur le front de la phalange. 448. 37, 42, 4. 449. Asclépiodote, Tactique, 12, 9, précise que dans l'exécution de certaines manœuvres, 6t:i 6& livc.otà 66pata dvat.
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-Romains profitèrent de l'opportunité pour lancer leurs javelots. Tite-Live exagère sans doute l'effet de ces salves 450 : iam media acies fere omnis a fronte prostrata erat ; mais on peut raisonnablement admettre que les premiers rangs furent décimés, et la mort de nombreux chefs de file 451 pourrait rendre compte du flottement qui s'ensuivit. Il reste un mystère. Dans la phase finale de la bataille, Appien 452 nous montre les phalangites tàc; aapiaaac; t1e tttpaymvou 1tpoôaÂ.Â.6µtvo1,ce qui revient à dire qu'ils avaient formé le carré 453 • Il écrit pourtant ( § 181) que µttataçaCJ8at yàp f'tÉpct>ÇOÔlCfq>0ŒVOV, peut-être faute d'avoir compris que le carré était aussi une formation de marche décrite par Asclépiodote, 11, 6 : fCJ'tt 6'0-rt 1eai -rt-rpaµtpiçi 1topt6ov-ra1 1ea-rà d1to-roµàc; 1tav-rax68ev q>l>Â.Œ't'tOµtVOl tOÙÇ7tOÂ.tµiouç Kai yivt'tŒl 't€'tpŒ7tÂ.€l>pov 1ttpia-roµov -r6-rt µèv t-rtp6µ111etc;, 1tav-rax68ev fxov ITT6µata. Je ne vois qu'une explication possible : à un certain moment de la bataille, voyant le front de la phalange décimé, les éléphants en mauvaise posture 454 et le flanc gauche menacé, Philippe l 'Eléphantarque décida de battre en retraite et fit manœuvrer les dix divisions pour les former en carré -et c'est d'ailleurs pourquoi la pha55 • lange est qualifiée, en 35, 178, de 7tÂ.tv0iov 1tu1ev6v4 De ces manœuvres, une seule peut se déduire d 'Asclépiodote (Tactique, 10, 10) : une ê1ttO"tpoq>11 t1t' àCJ1ti6a de la division la plus à gauche, exécutée régulièrement en cas d'attaque latérale : taù-ra 6è yivt-rat b1t6-rav ol 1tOÂ.É450. 37, 42, 6. 451. Sur l'importance des chefs de file, voir Asclépiodote, Tactique, 2, 2 sq ; 452. 3S, 180. 453. Cf. Bar Kochva, o. c., p. 171. 454. Tite-Live, 37, 43, 7, précise bien que les éléphants interpositi ne constituèrent pas une gêne pour les Romains. 455. Cette formation en carré (équivalent de l'agmen quadratum des Romains) est évoquée par Flavius Josèphe, Ant. Jud., 13, 4, 4 : 1ul;aç 1,;v cnpanàv tv 1tÀ1v0iq>.
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µioi 1eapa1Â.01tatopalcrtopia 493 • Athénée et Clément d'Alexandrie pouvaient encore le consulter. Les rois de Pergame étaient n'étaient pas moins soucieux de leur gloire. E. V. Hansen 494 suggéra qu'un historien pergaménien pouvait avoir influencé la tradition reproduite par Appien. On sait par la Souda495 qu' Eumène II se faisait accompagner dans ses déplacements par le peintre Pythéas, le poète épique Leschidès, chargé de chanter ses exploits, et son médecin Ménandre. Il est probable que Leschidès chanta les victoires remportées par Eumène sur les Galates 496 et il n'est pas impossible qu'il ait également grandi le rôle-bien modeste- joué par son maître sur le champ de bataille de Magnésie 497 • 491. Diogène Laërce, 5, 83, connaît un Démétrios de Byzance (Fr. Gr. Hist. 162), qui avait consacré un traité en huit livres aux règnes d' Antiochos I et de Ptolémée II Philadelphe. 492. Polybe (15, 34, 1-2) fait allusion à fvtot nov yeypataç ; le pluriel risque d'être trompeur. 493. Fr. Gr. Hist. 161. Voir P. M. Fraser, Ptolemaic Alexandria, 2 (1972), p.741, n. 170 sq. et supra, n. 319. 494. The Attalids of Pergamon (1947), p. 87 : « One can hardly fail to recognize in the conspicuous part in the battle assigned to Eumenes and bis brother Attalus and in the slight losses of their forces the band of a Pergamene historian ». 495. Souda s. v. AecrxiôT1Ç, Jacoby le range parmi les historiens Fr. Gr. Hist. 172 : Voir B. Virgilio, Gli Attalidi di Pergamo. Fama, Eredità, Memoria (1993), p. 52 sq. 496. Cf. B. Virgilio, o. c., p. 59. 497. Il resson d'une inscription de Milet (OGIS 763) qu'Eumène était très soucieux de sa réputation. Evoquant ses relations avec les cités d'Ionie, il se flatte (1. 19-20) d'avoir accompli 1toÀÀànov 1tpoç t1tupo.VEtavKai ô6çav à:VT1KOVtCllV. Voir aussi 1. 45 : tè>7tEpl7tOU~iv dei n ... tcov 1tpè>ç[ttµ'flV Kai ô6çav dv]T1K6vtrov.Il reste forcé-
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On ignore toutefois par quel canal les échos de ce panégyrique seraient parvenus , à Appien. On pense à l 'œuvre perdue de Musée d'Ephèse, auquel on attribue un 98 ouvrage intitulé Elc; EôµÉVll 1eai .,A -r-raÂ.ov4 • Mais on ne peut exclure d'autres auteurs, contemporains d' Appien et plus facilement accessibles. Le sénateur Aulus Claudius Charax de Pergame 499 parlait probablement des anciens rois de Pergame dans ses "EÂ.Â.1')vt1Cai 1eai ~ltaÂ.11eai\cr-ropia1. Plus explicite encore est le titre du traité en cinq livres composé par le grammairien Télèphe 500 , maître de Lucius Verus : Ilepi tcov Ilepyaµou PamÂ.Écov.La « Chronique de Pergame », longue inscription historique très mutilée datant, semble-t-il, de l'époque d'Hadrien 501 , atteste elle aussi que le souvenir d'Eumène II et de son frère Attale ne s'était pas perdu 502 • Cette persistance pourrait s'expliquer non seulement par l'intérêt porté dans tout le monde grec à l'histoire locale mais aussi par la gloire que valait à des notables influents, comme le sénateur Gaius lulius Quadratus Bassus 503 , leur prétention, vraie ou fausse, de descendre des Attalides. Restent deux historiens contemporains des événements et plus indépendants des cours hellénistiques. Zénon de Rhodes valait sans doute mieux que sa réputation, comproment quelque chose chez Appien d'une image fabriquée avec tant de soin par un roi au demeurant très au dessus de la moyenne : voir le jugement porté sur lui par Polybe, 32, 8. 498. Fr. Gr. Hist. 455. Voir Hansen, o. c., p. 408 ; B. Virgilio, o. c., p. 60. 499. Fr. Gr. Hist. 103. Bibl. dans B. Virgilio, o. c., p. 115. 500. Cf. B. Virgilio, o. c., p. 117 sq. 501. OGJS264. 502. Le fragment c, très restauré, traite de la transmission du pouvoir au sein de la famille d 'Eumène Il. 503. Sur Bassus, qui vécut sous Trajan et Hadrien, voir H. Halfmann, Die Senatoren aus dem ostlichen Teil des lmperium Romanum bis zum Ende des 2. Jahrhunderts n. Chr. (1979), n° 26. Une inscription del' Aslclépéion de Pergame le qualifie de èi]vôpa &üy&vi\ xai èx [J3ac:nÂ.tcov 'tO ytvoç] xa'tayoV'ta.
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mise par les critiques de Polybe504,qui parat"tnéanmoins en avoir fait largement usage. Il n'est pas impossible qu'il soit à l'origine du récit des batailles navales livrées à Antiochos après que les Rhodiens eurent rejoint les forces coalisées de Rome et de Pergame 505 • Autre victime de Polybe 506 , Phylarque, auquel la tradition attribue un ouvrage intitulé « Les événements qui eurent lieu à l'époque d 'Antiochos et d'Eumène de Pergame501 », sans doute une œuvre de vieillesse 508 • Il était reproché à Phylarque d'avoir suivi l'exemple de Douris de Samos et d'avoir, comme lu~ dénaturé le genre historique en donnant aux événements un habillage dramatique ou tragique 509 • Dans la mesure où ce reproche était fondé, on peut se demander si cet historien n'aurait pas contribué à transformer Antiochos m en une sorte de héros tragique, aveuglé par la 1tÂ.eovEçiaet juste504. Voir D. Lenfant, Polybe et les« fragments » des historiens de Rhodes, Zénon et Antisthène dans G. Schepens-J. Bollansée, The shadow of Polybius = Studia Hellenistica 42 (2005) p. 183-204. 505. Voir H. U. Wiemer, Krieg, Handel und Piraterie. Untersuchungen zur Geschichte des hellenistischen Rhodos (2002), p. 39-41. On ne peut toutefois rien affirmer, Polybe nous étant parvenu à l'état de fragments. 506. Cf. Polybe, 2, 56-63. Iltp-ya507. Fr. Gr. Hist. 81, T 1 : Tà 1ea-rà'Av-rioxov 1eai-rè>v µ11vovEôµÉV'l, 508. Voir J. Kroymann, RE Suppl. Bd. 8 (1956), s. v. Phylarchos, 473, qui a bien montré qu'il s'agissait d'Antiochos met d'Eumène II et non d' Antiochos II Théos et d'Eumène I, ce qui couvrirait la période 2~ 240 av. J.-C., déjà traitée par l'auteur dans ses Histoires qui s'arrêtaient à la mort de Cléomène (220/219 av. J.-C.). On peut penser que dans cette « spatere Fortsetzung » Phylarque traitait la période 220-190 av. J.-C. 509. Renvoyons à l'étude fondamentale de F. W. Walbank., History and Tragedy, Historia 9 (1960), p. 216-234. Voir aussi M. Grant, The Ancient Historians (1970), p. 142-143 ; C. W. Fomara, The Nature of History in Ancient Greece and Rome (1983), p. 124-134 ; F. R. Walbank a reformulé ses vues dans une synthèse récente, Polybius, Rome and the Hellenistic World (2002), p. 231-241. -Phylarque figure en bonne place sur la liste des victimes de Polybe, sans pitié pour ses prédécesseurs : cf. G. Schepens, Polybius criticism of Phylarchus, dans : G. Schepens-J. Bollansée, The shadow of Polybius = Studia He/lenistica 42 (2005) p. 141-164.
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ment puni par la Divinité pour avoir transgressé les bornes fixées par le Destin aux ambitions humaines. Le titre de l'ouvrage semble d'autre part indiquer que Phylarque voyait dans la guerre Antiochique moins un conflit entre les Romains et le roi séleucide qu'une confrontation entre deux monarchies asiatiques, ce qui pourrait également rendre compte du rôle majeur attribué à Eumène dans la tradition suivie par Appien. Du côté romain, il faut souligner qu'il n'existait pas, semble-t-il, d'historiographie objective. On avait fâcheusement tendance à grandir les faits ou même à les inventer : en 190 av. J.-C., Caton prononça un discours perdu, dirigé contre Q. Minucius Thermus 510 et intitulé De falsis pugnis. Le même Caton reprocha l'année suivante à M. Fulvius Nobilior de s'être fait accompagner à Ambracie par Ennius, invité sans doute à chanter ses exploits 511 • Dans la mesure où le poète appliquait à l'histoire les artifices de l'épopée 512 , les œuvres d'Ennius différaient aussi bien de l'histoire pragmatique que de l'histoire tragique et elles contribuèrent à fixer l'image de Scipion l' Africain et celle de ses adversaires, Annibal et Antiochos. Caton lui-même n'était pas à l'abri du reproche, à en juger par ce qu'écrit Plutarque 513 : Caton, observe-t-il, n'était pas avare d'éloges sur lui-même (trov loirov t1Kroµirov dcpt1011ç) et il était persuadé que les grands éloges vont de pair avec les grandes actions (t11v èivttKpoç µt'YaÀ.aoxiav cbç è1taKoÀ.068T1µa tfiç µt1aÀ.oop1iaç oôK fcptO'Yt)514 • Il avait systématiquement 510. Cf. S. M. Goldberg, Epic in Republican Rome (1995), p. 111.
511. Cf. Goldberg, o. c., p. 112. 512. Cf. Goldberg, o. c., p. 113. 513. Vie de Caton, 14, 2 514. Dans la cité aristocratique qu'était la Rome du nes. av. J.-C., on avait compris que le récit des actions accomplies par un sénateur au cours de sa carrière aidait à l'avancement de celle-ci, s'il était favorable, ou nuisait, s'il était hostile. De tels récits trouvaient place dans des lettres au Sénat, dans des discours prononcés devant le Peuple et le Sénat, ou encore devant les tribunaux, et enfin dans les éloges funèbres
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amplifié 515 le rôle qu'il avait joué aux Thermopyles, n'hésitant pas à montrer le consul Manius le prenant clans ses bras après la victoire et confessant que le peuple romain ne pourrait décerner à Caton des récompenses à la mesure de ses services ! Plutarque n'est pas dupe du procédé, mais croit néanmoins 516 que ce fut bien Caton qui, voyant les Romains bloqués devant le défilé, se souvint opportunément de la ruse de Xerxès ... On sait par Cicéron que l'un des fùs de l'Africain composa, en grec, un ouvrage historique dans lequel il racontait, estime-t-on, tout ou partie des guerres où son père s'était illustré 517 • Il n'est pas impossible qu'il ait diminué le rôle de son oncle Lucius et accentué pour ce faire la part de Domitius 518 • Je hasarderai l'hypothèse que le jeune Scipion pourrait être la source commune de Diodore et d 'Appien pour les guerres menées par son père en Afrique et en Asie519 • C'est peut-être lui qui répandit - dont la génération suivante tirait avantage. Cette tendance à la promotion publicitaire doit être considérée comme un phénomène social encouragé par l'influence extérieure des Mmctôovucà 1eoµ1tacrµa-ra, dont le Pyrgopolynice de Plaute fournit l'exemple classique. 515. Etait-ce simple vantardise ? N•obéissait-il pas plutôt au règles de l 'e/ogium ? 516. Ibid., 13, 1. 517. Cicéron, Brutus, 19, 77 : Filius quidem eius, is qui hune minorem Scipionem a Paulo adoptauit, si corpore ualuisset, in primis habitus esset disertus. lndicant cum oratiunculae tum historia quaedam Graeca scripta du/cissime. Cf. Peter, HHR, l. p. cxvm-cXIX. Peter ad.me~ avec Mommsen, que l'ouvrage traitait de l'histoire contemporaine. 518. Rappelons que De Sanctis, Storia, IV, l, p. 198 et n. 135, ne jugeait pas invraisemblable le récit d' Appien. Polybe, favorable aux Scipions, aurait fait silence sur le rôle de Domitius ; Cn. Domitius passant toutefois pour être un ami de l'Africain : cf. H. H. Scullard, Roman Politics, 220-150 B. C. (1951) et supra, p. LXXXIX. E. Gabba estime pour sa part (o. c. p. 344-345) qu 'Appien s'inspirait sur ce point d'Acilius, qu'il imagine favorable aux Scipions et hostile à Flamininus -hypothèse incontrôlable. 519. Si l'historien Scipion fut bien aussi le père adoptif de Scipion Emilien, comme l'affirme Cicéron, on peut admettre qu'il mourut en 163/2 av. J.-C. ; Polybe n'avait pas encore commencé à rédiger ses Histoires. La date de 163/2 a été fixée par G.V. Summer. The Orators
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l'image d'un Scipion réaliste et mesuré, très différent du personnage inspiré que met en scène le Livre Ibérique. Il me paraît en effet improbable qu 'Appien, judicieux d'ordinaire dans ·le choix de ses sources, se soit reporté à des ·annalistes trop éloignés des événements qu'il racontait520,à l'exception peut-être d' Acilius. S'il faut à tout prix apporter une solution, hypothétique à tous égards, à la question des sources du Livre Syriaque pour la partie consacrée à la guerre Antiochique, je nuancerai la conclusion d 'Ed. Schwartz : Appien utilisait certes un annaliste post-polybien, qu'il complétait épisodiquement à l'aide d' Acilius. Mais il disposait aussi d'une source grecque, qui pourrait être Phylarque. B)
L'HISTOIRE DES ROIS DE
SYRIE
Il paraît de bonne méthode d'établir une distinction entre les brèves notices relatives aux rois de Syrie et le long excursus relatif au fondateur de la dynastie521. a) Les notices. Encadrant l 'excursus et se recoupant parfois, elles sont trop sommaires pour offrir un terrain propice à la recherche des sources. Toutes les hypothèses sont permises, et aucune ne tient. Avancer le nom de Timagène522ou de Posidonios523témoigne d'une fausse in Cicero's Brutus (1973), p. 36-37. Appien utiliserait donc un annaliste contaminant Polybe et Scipion l'historien. 520. L' annalistique a mauvaise presse de nos jours. Voir par exemple J. Rich, BICS 48 (2005), p. 155, qui dénonce la propension des historiens latins « for distortion or invention of events and episodes » et précise que « this had beeen a feature of the Roman historical tradition since its inception ». Les historiens grecs, qui n'étaient pas des naïfs, savaient eux aussi faire la part des choses. 521. Cf. supra, p. XVI. 522. C'est ce à quoi aboutit le travail, à mon sens décevant, de G. Marasco, Appiano e la Storia dei Seleucidi fino ail' ascesa al trono di Antioco Ill (1982), qui développe l'hypothèse aventureuse formulée par E. Gabba. 523. Voir par exemple C. Lerouge-Cohen, Les guerres parthiques de Démétrios Il et Antiochos VU dans les sources gréco-romaines de Posi-
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science plus préjudiciable que l'ignorance légitime où nous plonge le naufrage de l'historiographie hellénistique. Attendons qu'une découverte papyrologique, comme le fragment d'historien publié en 1984524 , apporte une lueur nouvelle. La seule question pertinente serait de savoir si Appien avait rédigé lui-même ces notices, dont certaines pouvaient resservir dans d'autres Livres de !'Histoire Romaine525 , ou s'il les avait copiées dans l'un des recueils évoqués ci dessus526 • Nous manquons d'éléments de réponse. b) L'excursus relatif à Séleucos I. Gabba527 avait judicieusement noté qu 'Appien renvoie à des sources diverses, qu'il ne nomme pas528 • De fait, cet excursus paraît plutôt un/ arrago dont les composants ont été artificiellement rassemblés. P. M. Fraser529 a récemment rapproché ces chapitres du Roman d'Alexandre et suggéré qu' Appien s'inspirait d'un récit romancé assez ancien530 , fort éloigné de l'ouvrage sérieux consacré aux Diadoques donios à Trogue-Justin, Journal des Savants (2005), p. 217-252. Cet auteur affinne péremptoirement (p. 218) qu'Appien conruu"t(indirectement ... ) Posidonios. Posidonios traitait certes l'histoire du royaume syrien de 146 à 86 av. J.-C., mais on cherche vainement des concordances caractéristiques entre les fragments conservés (dont l'authenticité me paraît d'ailleurs souvent contestable ... ) et le Livre Syriaque. 524. Je republie en Appendice ce papyrus conservé à Berlin. 525. Le caractère abrupt des notices du Livre Syriaque ne signifie pas que les fiches préparées par Appien étaient toutes aussi squelettiques. Il se réservait sans doute de traiter plus longuement certains épisodes dans le Livre Parthique et dans les IEgyptiaques (en particulier les guerres de Syrie). 526. Cf. supra, p. CXVI. 527. O. c., p. 348 ; suivi par Marasco, o. c., p. 69. 528. Il emploie des expressions comme ÀÉyetat, ô01cd ôt ncn, etc ... 529. P. M. Fraser, Cities of Alexander the Great (1996), p. 36-37. 530. Citons en particulier cette phrase : « As always with Appian, the precise, immediate sources of his narrative, and their date, remain conjectural, but we can at least see here, not concealed by subsequent accretion, a romantic narrative of early date ».
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par Hiéronymos de Cardia. Bref, Appien résumerait une sorte de « Roman de Séleucos ». ! L'analyse demande à être affinée. La liste des ·cités fondées par Séleucos, par exemple, peut avoir été emà un ouvrage spécialisé. Songeons en effet pruntée , qu 'Evagre renvoie le lecteur cwieux soit à Strabon, soit à Phlégon de Tralles, soit à Diodore 531• De son côté, , Etienne de Byzance, à propos de fondations séleucides, cite à plusieurs reprises le IlEpi l:upiac; d'Alexandre Polyhistor532, qui vécut à l'époque de Sylla. Un contemporain de Phlégon de Tralles, Philon de Byzance, était 33• l'auteur, entre autres ouvrages, d'un IlEpi 1t6Â.Emv5 Phlégon et Philon ayant vécu sous le règne d'Hadrien, Appien n'avait pas à chercher bien loin des listes de cités, sans doute agrémentées de commentaires relatifs aux mythes de fondation. L'aspect romanesque de certains épisodes oriente vers les Tà Katà 'tflV sAcriav en dix livres rédigés vers le milieu du nes. av. J.-C. par Agatharchidès de Cnide 534, que pouvaient encore consulter Flavius Josèphe et Athénée. Il ressort de Flavius Josèphe 535 que l'histoire des Diadoques y était traitée : sAya9apx,iôTJc; ô Kviôtoc; ô 'tàc;'tOlVôtaô6x,mv1tpaçEtÇCJU'Y'YPŒ'flUµEvoc;. Des rares fragments conservés, on peut déduire que le règne 531. Évagre, Histoire Ecclésiastique, 1, 20, 275 : Eî tep 1ttptcr1to66aatov ta6taç (se. tàç t1e tijç 'EÂ.M6oç tvtaù8a crtaÂ.ticraç d1to11eiaç) el6tva1, lat6ptttat 1ttptépyroç :Etpci6rov1 tép ytorypciq>cp fl>Àéyovti tt 1eai âto66pcp tép è1e:Et1CtÂiaç.Il semble donc que, dans l'un des livres perdus de la Bibliothèque Historique, Diodore donnait, avant Appien, une liste des fondations de Séleucos. 532. Fr. Gr. Rist. 273. Voir Ethniques s. v.'Opro1t6ç et s. v. :EtÂ.t61Ctta. Voir aussi s. v. Ai6oocra· q,po6ptov Bt8uviaç è1t18aÂacrmov d>çIloÂuiatrop 'AAéçav6poç. Appien mentionne cette bourgade à propos de la mort d' Annibal. 533. Fr. Gr. Rist. 790, Fr. 15-21. 534. Fr. Gr. Rist. 86. Sur cet auteur, voir P. M. Fraser, Ptolemaic Alexandria, 1 (1972), p. 539 sq. 535. Ant. J, 12, 5.
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d'Alexandre le Grand était raconté au livre V, et la mort de l'historien Jérôme de Cardia signalée au livre IX 536 • Du Fr. 20, dont la provenance est incertaine, on peut conclure qu 'Agatharchidès descendait au moins jusqu'aux alentours de 230 av. J.-C. : on y apprend en effet qu'une Stratonice, fille d' Antiochos I et de Stratonice, mariée au roi de Macédoine Démétrios II, puis répudiée vers 245 av. J.-C., excita en 235 av. J.-C. une révolte contre son neveu Séleucos II. On peut se demander quel genre d 'historien était Agatharchidès : on lit en effet que la volage Stratonice, après avoir abandonné son époux, revint en Syrie, et que, Séleucos refusant de l'épouser, comme elle l'espérait, elle provoqua une révolte dans la région d'Antioche tandis que le roi était occupé à des opérations militaires à partir de Babylone. Ensuite, quand le roi fut de retour et qu 'Antioche eut été prise, elle se sauva à Séleucie et, alors qu'il lui était possible de s'enfuir par mer, elle fit confiance à un songe défavorable, fut capturée et périt 537• Bref, c'est le genre d'auteur qui pouvait fournir à Appien la matière de belles histoires comme par exemple les amours d 'Antiochos et de Stratonice. La partie utile de l 'excursus se limite donc, me semble-t-il, aux passages relatifs à la mort de Lysimaque et à la venue de Séleucos en Chersonnèse de Thrace, en dépit d'oracles dissuasifs. Le point capital me paraît en effet que le fondateur de la dynastie n'avait pas eu le loisir de prendre possession de Lysimacheia, ce qui privait 536. Fr. Gr. Hist. 86, Fr. 4, renvoyant à Phlégon et au PseudoLucien. ÔV'tp01tOV~Â.8Ev 537. Atrryouµevoç yàp 'tÙ 1tEpiI:-rpa'tOV\KT)V, -rov éau-rftç liv~pa µÈv dç I:upiav èK MaKEÔoviaçKa-raÂ.t1toùcra Ariµi)-rptov, I:tÂ.EuKouÔÈ yaµEiv aù-r11voô 0eÂ.i)crav-roç,ô1tt:p èKEiVT) 1tpocreô6KT)O'EV, notouµÉvou ÔÈ-r11vdno Ba6uÂ.mvoç0T) 1eaid1tÉ8avev.
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Antiochos m des droits dont il prétendait avoir hérité. Mais ce point est noyé dans le farrago et séparé du récit de la guerre Antiochique par les chapitres 45 à 51. En rassemblant une matière disparate autour de la figure emblématique de Séleucos, Appien a fait disparaître ce qui donnait, me semble-til, un sens à la tragédie d' Antiochos. C- Du
LlvRE SYRIAQUE À PORPHYRE DE TYR
La disparition de la quasi-totalité de l'historiographie hellénistique conduisit F. Jacoby à rassembler, sous le nom de Porphyre, une collection de textes tardifs. Porphyre, né en 234 de notre ère à Tyr, est surtout connu comme philosophe. Mais il avait également composé une Chronique, qui allait de la guerre de Troie jusqu'au règne de Claude II (270 ap. J.-C.). C'était, semble-il, l'une des principales sources d 'Eusèbe de Césarée 538 • Le Fr. 42, relatif à Ptolémée II Philadelphe, est particulièrement intéressant: Narrant enim historiae habuisse eum peditum ducenta millia, equitum viginti millia, curruum uero duo millia, e/ephantos, quos primus eduxit ex L'Ethiopia,quadringentos ; naues longas mille quingentas, alias ad cibaria militum deportanda mille ; auri quoque et argenti grande pondus, ita ut de L'Egyptoper singulos annos quattuordecim millia et octogenta ta/enta argenti acceperit, et frumenti artabas quinquies et decies centena millia. 538. Voir A. Beutler, RE 22 l (1953) s. v. Porphyrios21, 287 sq. et Jacoby, Fr. Gr. Hist. 260, Kommentar, p. 854 et p. 877 sq. pour l'Überlieferungsgeschichte. L'essentiel des « fragments » est tiré du Commentaire du Livre de Daniel composé par Saint Jérôme à partir d'Eusèbe de Césarée pour répondre au libelle « Contre les Chrétiens » de Porphyre, perdu. Eusèbe lui-même utilisait Diodore de Sicile et d'autres auteurs, auxquels Jérôme renvoie généralement par des expressions comme « historiae » ou encore « Graecae historiae ». On verra qu'il lui arrive quelquefois d'être plus précis.
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9 avait rapproché ce texte d'un passage de la Beloch~B Préface d 'Appien, en avançant qu 'Appien et Porphyre dérivaient d'une source commune. Mais ce passage, où , Appien rappelle la richesse et la puissance de l'Egypte à l'époque de Philadelphe, mérite d'être regardé de plus près540: Préface de /'Histoire Romaine, 39 A eux seuls, les rois de mon pays disposaient d'une armée de deux cent mille fantassins et quarante mille cavaliers, de trois cents éléphants de guerre, de deux mille chars de combat, ainsi que d'armes de rechange pour trois cent mille hommes. 40 Voilà ce dont ils disposaient pour combattre sur terre. Pour les opérations navales, ils avaient deux mille péniches manoeuvrées à la perche et autres embarcations plus petites, mille cinq cents navires de guerre, depuis les chaloupes à un rang et demi de rameurs jusqu'aux navires à cinq rangs, avec en double exemplaire tout l'équipement des navires de guerre ; huit cents vaisseaux munis de cabines, avec la poupe et l'éperon dorés afin de parader à la guerre, sur lesquels les rois s'embarquaient pour leurs traversées ; dans leur trésor, enfin, sept cent
539. Gr. Gesch. 4, l, p. 340-341 et 352 n. l, suivi par Jacoby dans son Kommentar. 540. 39 Kai toiç tµoiç pacnÀeùcn µ6vo1ç ~v crtpana tE 1teÇ&v
µuptaôEÇ EllCOCJl Kai µuptaôEÇ Î1t7tÉ(.t)V tÉcrcrapEÇKai tÂ.Évpacr1À11eci>v dvaypacp&v cpaiVE'tat1tpoayayc.ov'tE 1eai x:ataÀ11tci>v ô oei>tepoç Alyi>1ttoupacrtÀEÙÇ µet' 'AÂ.éçavopov, ôç 1eai 1topicra1 oe1v6tatoç ~v pacrtÂ.Érov1eai oa1tav'i)cra1Â.Œµ.1tp6tatoç 1eai1eataCJKEuacrat µeyaÂ.oupy6tatoç.
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quarante mille talents égyptiens541 • 41 Voilà en effet jusqu'où, d'après les registres royaux, le second roi d'Egypte après Alexandre panu"tavoir poussé ses préparatifs militaires, et la situation qu'il légua à ses successeurs. C'était le roi le plus habile à se procurer de l'argent, le plus magnifique dans ses dépenses, le plus fastueux dans ses constructions. Les basilikai anagraphai, qu 'Appien affrrme avoir consultées, compilaient donc les inventaires et les pièces comptables énumérant les ressources et les éléments de la puissance militaire terrestre et navale des Lagides. Qu' Auguste ait ordonné la conservation de ces pièces et qu'elles aient été encore accessibles sous les Antonins à l'un des principaux magistrats d' Alexandrie542 n'a pas de quoi surprendre. Il me semble donc que Porphyre puisait une partie au moins de ses informations chez Appien, mais peut-être pas directement. Saint Jérôme543 renvoie en effet à un Suctorius, ou Kallinikos Suctorius, plus connu sous le nom de Kallinikos de Pétra544 • Ce Kallinikos, fils de Gaius Suctorius, de Petra, avait exercé le métier de sophiste à Athènes. L'existence d'un traité consacré à la restauration de Rome est confirmée par un fragment545 • C'est à la reine Zénobie qu'il aurait dédié 541. Bouché-Leclercq, Histoire des Lagides, 2 (1903), p. 238-240, jugeait « hyperbolique » ce passage d 'Appien. On estime que les 740 000 talents étaient comptés en drachmes alexandrines, c'est-à-dire dans une monnaie de cuivre qui ne circulait pas en dehors de l'Egypte. 542. Ce que fut Appien, ainsi qu'il le déclare dans sa Préface. 543. Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 49 a = Jérôme, ln Daniel, 11, 21 sq. 544. Sur cet auteur, voir RE 10, 2 s. v. Kallinikos 1, 1649 ; A. Stein, Kallinikos von Petrai, Hermes 58 (1923), p. 448-456. Il est question quatre fois d'un Kallinikos dans la Souda : s. v. KaÀÀivucoç, 1Ca1CoÇ11Àia,r&v&8À1oc;,'IouÀ1avè>c;â6µvou. La rubrique KaÂ.Â.iv11Coc; lui attribue cinq œuvres: Ilpè>c;Aofütov 7t&pi1Ca1Col;T1Àiac; {)11topt1CT1Ç ; IlpOCJq>COVTl'tllCOV raÀlTlVQ); Ilpôc; KÀ&OTCatpav7tEpi tùlV Kat' 'A.À&çavôps1av lO"'Cop1rov P16Â.iai ; Ilpôç tàc; qnÂ.ocr6q,ouça\pé) sont dépourvues d'intérêt, et je ne suis pas sOr qu'il convienne d'en encombrer l'apparat critique. Brodersen croit devoir adopter la leçon de LP BJ, l:ouy6taVT1Ç,que Pléthon avait corrigée en l:oy6taVT1c;. On remarquera que les manuscrits de Strabon hésitent presque chaque fois qu'il s'agit de cette satrapie entre l:oy6- et l:ouy6-. On peut certes adopter la graphie l:ouy6taVT1Ç comme étant celle del:. Mais était-ce celle d'Appien? 56 283 : Brodersen efface avec raison le toù ajouté par Pléthon. De même plus loin, où µ11 a1teù6' Eùpro7tî1V, « ne recherche pas l'Europe » se comprend aisément sans qu'il soit nécessaire d'écrire, avec Pléthon, Eùp l:eÀe61eep(ou xe pi ici>v tep l:eÀ.e61eep ), telle que l'une des formes de l'article pouvait être prise pour une variante de l'autre, on est tenté d'adopter le texte de Pléthon. Mais il ne s'agit sans doute que d'une correction. S7 298 : tfi dyxotatep n'est pas une correction de Pléthon. C'est aussi la leçon de Pet elle provient sans aucun doute de Il. S8 306 : il ne faut pas écrire liÀÀo ii 0e6ç conj. Estienne., mais liÀÀo Tl0e6c; P ut conj. Estienne. Ici encore, l: offrait le choix entre deux variantes. L'une est passée dans BJ, l'autre dans P, tandis que L a mélangé le tout. Estienne avait retrouvé intuitivement le bon texte. 59 309 : P et B ont conservé le bon texte : oEt(L J) et le plus-que-parfait avec préverbe ê1e1tt1t6µq>Et(PB). On ne peut rétablir tçt1t&1toµq>t. 69 363 : 1etpao-ao-av, leçon de L, se retrouve dans P. Ktpao-aç doit être une faute de O. 69 364 : toîç ne figurant pas dans P BJ, il est prudent d'éditer pamÀEÙÇô.vt' ê1etivou l:6po1ç tytvtto. 69 365 : P, J et L (dont l'itacisme est négligeable) donnent 1eatE1tp110-811. Seul B est fautif et l'établissement du texte ne pose aucun problème. 69 366 : l'apparat de Viereck-Roos est faux [ÔÈ Candido et Steph. : om. Oi]. La particule est présente dans L et P.
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Qu'il me soit permis de remercier Pierre Charneux, qui a relu ce livre d' Appien avec son ordinaire acribie et m'a proposé de très nombreuses améliorations, avec la liberté et l'humour qu'autorise une longue amitié. Plus qu'un « réviseur », j'ai trouvé en lui un « aviseur ». Comme pour le Livre Mithridatique, J.-L. Ferrary a exercé sa sagacité sur un jeu d'épreuves, pour le plus grand profit des lecteurs. Il mérite ainsi la gratitude de tous.
BIBLIOGRAPHIE (cette liste ne contient que les principaux ouvrages cités)
Bar-Kochva, B., The Seleucid army (Cambridge University Press, 1976) Bouché-Leclercq, A., Histoire des Séleucides, 1-2 (1913). Brodersen, K., Appians Antiochike, (Syriaké, 1-1-44, 232) Text und Kommentar nebst einem Anhang : Plethons SyriakeExzerpt ( 1991) Brodersen, K., Appians Abriss der Seleukidengeschichte (Syriaké, 45, 232-70, 369), Text und Kommentar (1989) Broughton, T. R. S., The Magistrates of the Roman Republic, 1 (1959) [cité : Magistrates] De Sanctis, G., Storia dei Romani, 4, 1 (1923) Grainger, J. D., The Roman War of Antiochos the Great (2002) [cité : Roman War] Grainger, J. D., The League of the Aitolians (1999) [cité : Aitolians] Grainger, J. D., A Seleucid Prosopography and Gazeeter (1997) [cité : Prosopography] Gruen, E. S., The Hellenistic World and the Coming of Rome, /-Il (1984) [cité : Coming of Rome] Holleaux, M., Études d'Epigraphie et d'Histoire Grecques, 3, Lagides et Séleucides ( 1942) Lampela, A., Rome and the Ptolemies of Egypt. The development of their political relations, 273-80 B. C. (1998) Leuze, O., Die Feldzüge Antiochos' des Grossen nach Kleinasien und Thrakien, Hermes 58 (1923), p. 187-229 et 241287. Ma, J., Antiochos Ill et les cités d'Asie Mineure Occidentale (trad. française, 2004) [cité : J. Ma, Antiochos ... ] Cet
CLVIII
BIBUOORAPHIE
ouvrage comporte un dossier de 49 inscriptions traduites et commentées. Mastrocinque, A., Manipulazioni della storia in età ellenistica, I Seleucidi e Roma (1983) [cité : Seleucidr1 Mehl, A., Seleukos Nikator und sein Reich (1986) Savalli-Lestrade, 1., Les Philoi royaux dans l'Asie hellénistique (1998). Schmitt, H. H., Untersuchungen zur Geschichte Antiochos' des Grossen und seiner Zeit ( 1964) Wiemer, H. U., Krieg, Handel und Piraterie, Untersuchungen zur Geschichte des hellenistischen Rhodos [Klio, Beihefte, Bd. 6, 2002], cité : Wiemer, Krieg ... Will, Ed., Histoire Politique du Monde Hellénistique2, 1-11 (1982)
CONSPECTVS SIGLORVM
I. CODICES L = Laurentianus gr. LXX-5, saec. XIV P = Vaticanus gr. 2156, anno 1450 B = Venetus Marcianus 387, anno 1440 J = Vaticanus gr. 131, saec. XV Q = Matritensis 4564 [olim N 25], saec. XV exeunte Il. EDITIONES Stephanus vel Etienne = Henricus Stephanus, editio Appiani a. 1592 Tollius = Alexander Tollius, editio Appiani, a. 1670 Schweig. = Johannes Schweighaeuser, editio Appiani, a. 1785 Dübner = Fredericus Duebner, editio Appiani Didotiana, a. 1840 Mend. = Ludovicus Mendelssohn, editio Appiani, vol. I, a. 1879 Viereck-Roos = P. Viereck et A. G. Roos, editio Appiani, vol. I, a. 1939 Viereck-Roos 2 = P. Viereck et A. G. Roos, editio stereotypa correctior, a. 1962
LE LIVRE SYRIAQUE
LE LIVRE SYRIAQUE
I.
1 Antiochos, fils de Séleucos lui-même fils d 'An-
tiochos, roi des Syriens, Babyloniens et autres peuples, sixième successeur du Séleucos qui, après Alexandre, régna sur l'Asie voisine de l'Euphrate, -quand il eut attaqué la Médie 1, la Parthyène et encore d'autres nations révoltées déjà avant son avènement, accompli beaucoup de grands exploits 2 et reçu en conséquence l'appellation d' Antiochos le Grand 3 , excité par ses actions passées et par le titre qu'elles lui avaient valu- Antiochos, dis-je, envahit la Syrie Creuse 4 et quelques districts de la Cilicie5 appartenant au roi d'Égypte Ptolémée, fils de Philopator6, encore enfant7, et il l'en dépouilla. 2 Et, comme les projets qu'il méditait n'avaient rien de'petit8, il attaqua les Hellespontins 9 , les Éoliens et les Ioniens 10, sous prétexte qu'ils lui appartenaient, à lui qui gouvernait l'Asie 11: autrefois, n'étaient-ils pas soumis aux « Rois de l'Asie » 12? 3 Puis il passa en Europe 13, soumit la Thrace, réduisit par la force les récalcitrants 14, fortifia la Chersonnèse et refonda 15 Lysimacheia que Lysimaque, qui régna sur la Thrace après Alexandre, avait fondée pour servir de boulevard contre les Thraces mais que, Lysimaque mort 16, ces derniers avaient détruite 17• Pour les notes manquantes voir notes complémentaires p. 77 à 175. 1. Cf. Zonaras (résumant Dion Cassius), 9, 18, p. 302 D : ô -yàp 'Avtioxoç Mtyaç µi:v Kai €1ti tfl olKtt{l ôuvaµEt tô61CEl,ôt' liUa tE Kai ôn 't'lV M11ôiav KatEcrtpÉ\Jfa'to... 16. En 281 av. J.-C., à la bataille de Kouroupédion.
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4 Antiochos repeuplait la ville, rappelant les Lysimachéens chassés de leur patrie, rachetant ceux d'entre eux qui, faits-prisonniers, étaient dans l'esclavage 18, recrutant encore d'autres colons 19, fournissant en outre bovins, petit bétail et fer pour les travaux agricoles20, et ne négligeant rien pour donner une rapide impulsion aux travaux de fortification : il lui paraissait en effet évident que c'était un emplacement tout à fait magnifique pour surveiller la Thrace entière 21, et que ce serait dans l'avenir une base logistique bien située pour toutes les autres entreprises qu'il méditait 22.
Il.
S [Mais ce fut pour lui le début d'un conflit
ouvert avec les Romains aussi. En effet, comme il parcourait les cités grecques de cette région 23] La plupart se rangeaient sans doute de son côté et accueillaient des garnisons, car ils craignaient sa puissance militaire. Mais les habitants de Smyrne, de Lampsaque 24 et d'autres villes qui résistaient encore 25 envoyèrent des ambassadeurs auprès de Flamininus 26, le général romain qui venait tout juste de vaincre Philippe de Macédoine dans une grande bataille livrée en Thessalie 27. C'est que les affaires de Macédoine et de Grèce s'entremêlaient dans l'espace et dans le temps, comme je l'ai montré dans mon Livre Hellénique28 • 6 Et voici qu'Antiochos et Flamininus échangent des ambassades 29et tâtent le terrain, sans résultat 30. 7 Depuis longtemps 31, les Romains 32 et Antiochos se soupçonnaient mutuellement 33 : eux pensaient qu 'Antiochos ne se tiendrait pas en repos, excité qu'il était par l'immensité de son empire et l'ampleur de 18. Comme ils avaient été faits prisonniers par les Thraces, on peut supposer que c'est à ceux-ci qu 'Antiochos les rachetait. 19. Cf. Tite-Live, 33, 38, 12-13 : itaque omni cura simul est adgressus et tecta muros restituere et partim redimere seruientes Lysimachenses, partim fuga sparsos per Hellespontum Chersonesumque conquirere et contrahere, partim nouos colonos spe commodorum proposita adscrihere et omni modo frequentare.
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son succès ; lui, de son côté, estimait que seuls les Romains s'opposeraient à son expansion et empêcheraient son passage en Europe 34 • 8 D'ailleurs, alors qu'aucun motif flagrant d'inimitié n'avait encore surgi entre eux, étaient arrivés à Rome des ambassadeurs envoyés par Ptolémée fils de Philopator35 , qui accusait Antiochos de lui avoir dérobé la Syrie Creuse et la Cilicie36. 9 Et Rome de saisir avec joie le prétexte opportunément offert et d'envoyer à Antiochos des ambassadeurs soi disant chargés de réconcilier Ptolémée et Antiochos, mais dont la mission était en fait de tirer au clair les intentions de ce dernier et de lui opposer tous les obstacles qui pourraient l'en empêcher37• qui dirigeait cette ambassade 38, pria Antiochos de consentir à ce que Ptolémée, ami des Romains, régnât sur tout ce que son père lui avait laissé 39, et de ne point refuser d'autre part l'autonomie aux cités d'Asie sur lesquelles avait régné le Macédonien Philippe40 : il n'était pas juste en effet qu 'Antiochos fût maître de ce que les Romains avaient enlevé à Philippe 41 • 11 « En un mot », dit-il, « il n'arrivait pas à comprendre pourquoi Antiochos, avec une si grande flotte et une si grande armée, était descendu vers la mer du pays des Mèdes 42 de Haute Asie et avait envahi l'Europe, y installant des villes et soumettant la Thrace, à moins que ce ne fussent là les prémices d'une nouvelle guerre » 43 • 12 Antiochos répondit que, pour ce qui était de la Thrace, elle avait appartenu à ses ancêtres 44 et leur avait échappé faute pour eux d'avoir eu le temps de s'en occuper. Lui, qui en avait le loisir, en reprenait possession et relevait45 Lysimacheia pour servir de résidence à son fils Séleucos46. Aux cités d'Asie, il laisserait l'autonomie, si elles devaient en savoir gré non pas aux Romains, mais à lui-
m. 10 Gnreus,
35. Cette ambassade n'est connue que par Appien. cf. Notice, p. LXXV.
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même47. 13 « Quant à Ptolémée », dit-il, « je suis son parent ; bientôt, je serai son beau-père 48, et je le disposerai à reconnaître qu'il vous sait du gré49. Mais moi non plus je n'arrive pas à comprendre de quel droit les Romains se mêlent tellement de l'Asie alors que, pour ma part, je ne me mêle aucunement de l'Italie ».
IV. 14 Ils se séparèrent ainsi sans résultat, en exprimant désormais plus clairement leurs menaces 50. La fausse rumeur s'étant d'autre part répandue que Ptolémée fils de Philopator51était mort, Antiochos s'en alla en hâte pour s'emparer de l'Égypte, dépourvue de gouvemement52. 15 A Éphèse 53, il rencontre le Carthaginois Annibal 54, exilé de sa patrie à cause des calomnies de ses ennemis 55, qui ne cessaient de répéter aux Romains qu'il était l'homme des mauvaises querelles, un baroudeur qui jamais ne pouvait vivre en paix 56 : c'était l'époque où les Carthaginois obéissaient aux Romains, comme étant leurs alliés57. 16 Annibal jouissant d'une célébrité universelle58 en raison de son génie militaire, Antiochos lui réserva un brillant accueil et le retint dans son entourage. D'autre part, après avoir appris, en Lycie 59, que Ptolémée était vivant, il renonça à l'Egypte. Mais, il conçut l'espoir de s'emparer de Chypre, à défaut de l'Egypte, et franchit en hâte la mer dans cette direction 60• 17 Pris dans une tempête à la hauteur du fleuve Saros61et ayant perdu de nombreux navires (quelques uns avec leur équipage et certains de ses Amis62), il aborda à Séleucie de Syrie où il répara sa flotte endommagée 63. Il célébra également les épousailles de ses enfants, Antiochos 64 et Laodice, qu'il unit l'un à l'autre 65.
V. 18 Ayant désormais résolu de démasquer son plan de guerre contre les Romains, il cherchait auparavant à 50. Le récit de Diodore donne plutôt l'impression qu'Antiochos cherchait à ne pas s'exposer aux ingérences romaines. 60. Cf. Tite-Live, 33, 41, 6.
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gagner par des alliances matrimoniales la bienveillance des rois voisins 66 • Il envoya en Égypte, auprès de Ptolémée, Cléopâtre surnommée Syra, en lui donnant comme dot la Syrie Creuse, que lui-même avait enlevée à Ptolémée 67 : il cajolait désormais le jeune homme, afin qu'il ne bougeât point au cours de la guerre contre les Romains. Il envoyait d'autre part Antiochis à Ariarathe, le roi de Cappadoce 68 , et la fille qui lui restait encore 69 à Eumène, le roi de Pergame 70. 19 Mais celui-ci se récusa : il voyait bien qu 'Antiochos désirait désormais faire la guerre aux Romains et que c'était pour les besoins de la cause qu'il cherchait à conclure avec lui cette alliance matrimoniale. Et comme ses frères Attale et Philétaire s'étonnaient qu'il déclinât l'offre d'entrer dans la famille d'un si grand roi, leur voisin, qui avait pris l'initiative de la démarche et était demandeur, il expliqua que la guerre à venir connaîtrait dans ses débuts une sorte d'équilibre entre les deux belligérants, mais qu'avec le temps les Romains prendraient l'avantage, à force de courage et d'endurance. 20 « En ce qui me concerne », dit-il, « je régnerai sans doute solidement sur mon royaume à moi si ce sont les Romains qui l'emportent. En revanche, si Antiochos est vainqueur, il est certes à craindre que je sois dépouillé de toutes mes possessions par mon voisin ; mais il est aussi permis d'espérer que je les garde et continue à régner sous le sceptre de celui-ci71 ».
VI. 21 Tels furent les raisonnements qui lui firent repousser l'offre de mariage. De son côté, Antiochos redescendit de nouveau vers }'Hellespont, longea les côtes jusqu'à la Chersonnèse et, cette fois encore, il soumit de gré ou de force une grande partie de la Thrace n. 22 Il libérait tous les Grecs soumis aux Thraces et accordait de nombreuses faveurs aux Byzantins, comme à des gens possédant une ville favorablement située sur le détroit73• Par des largesses et par l'effroi que leur inspiraient ses préparatifs militaires, il amena également les Galates à conclure une alliance avec lui74 : il se figurait qu'il seraient pour lui
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de bons soldats, en raison de leur grande taille. 23 Après quoi il alla jeter l'ancre à Éphèse et envoya à Rome 75, comme ambassadeurs, Lysias 76, Hégésianax 77 et Ménippos 78 qui avaient pour véritable mission de sonder les intentions du Sénat79 , mais, pour la galerie, Ménippos déclara 80 « que le roi, qui avait pris à cœur l'amitié des Romains et voulait même être leur allié81, s'ils le jugeaient bon, trouvait étonnant qu'ils lui enjoignissent de se retirer des cités d 'Ionie, d'exonérer certaines villes du tribut, de ne pas se mêler de certaines régions d'Asie, et d'abandonner la Thrace, qui avait toujours appartenu à ses ancêtres 82. C'étaient là des injnctions que l'on n'adresse pas à ses amis, mais aux vaincus quand on a remporté la victoire83 ». 24 Les sénateurs, comprenant que l'ambassade était venue pour les sonder, lui répondirent succinctement : « Si Antiochos laisse aux Grecs d'Asie leur autonomie et s'il se tient à l'écart de l'Europe, il sera, s'il le veut, l'ami des Romains » 84 •
VII. 25 Voilà tout ce que les Romains répondirent, sans donner en plus les raisons de cette réponse 85. Antiochos, qui projetait d'envahir en premier lieu la Grèce 86et de commencer en partant de là la guerre contre les Romains, soumit son plan au Carthaginois Annibal 87. 26 Celui-ci déclara que, pour ce qui concernait la Grèce, l'affaire était aisée, car elle était depuis longtemps épuisée. On trouve toujours la guerre pénible, quand on la soutient sur son propre territoire, à cause de la disette qui survient, tandis que, si on la fait à l'extérieur, elle est plus supportable. Et, en Grèce, Antiochos ne pourrait jamais anéantir la puissance des Romains, attendu qu'ils disposaient en abondance d'approvisionnements à eux et d'armements en suffisance 88. 27 Il l'invitait donc à commencer par s'emparer d'un morceau d'Italie qui lui servirait de base de départ pour mener la guerre, afin d'affaiblir la position des Romains aussi bien à l'intérieur
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qu'à l'extérieur8 9 • 28 « J'ai, dit-il, l'expérience de l'Italie, et, avec dix mille hommes, je suis capable d'en occuper les points stratégiques 90 ; je peux également écrire à mes amis de Carthage d'exciter le peuple à la révolte : de lui-même, celui-ci est d'ores et déjà mécontent de son sort, il se méfie des Romains et sera rempli d'audace et d'espoir s'il vient à apprendre qu'à nouveau je ravage l'Italie ». 29 Antiochos fut ravi d'entendre ces propos : estimant que c'était un avantage important pour la guerre (et c'était le cas ... ) que de s'adjoindre Carthage 91 , il l'invita à écrire immédiatement à ses amis 92 •
VID. 30 Mais il n'écrivit point. Il pensait que les choses n'étaient pas encore sûres : les Romains espionnaient tout, la guerre n'était pas encore ouvertement déclarée ; beaucoup, à Carthage, lui étaient opposés et le régime n'avait rien de sûr ni de solidement établi ~e qui précisément causa peu après la ruine de Carthage 93 • Mais il envoya auprès de ses amis un négociant tyrien, Ariston, soit disant pour faire du commerce 94 • Il leur demandait, lorsque lui-même attaquerait l'Italie, d'exciter alors Carthage à tirer vengeance des malheurs qu'elle avait subis. 31 C'est ce que fit Ariston. Mais les ennemis d' Annibal eurent vent de la présence d' Ariston chez eux et ils s'agitaient comme s'il s'agissait d'un complot en parcourant la ville à sa recherche. 32 Mais Ariston, afin que les amis d' Annibal ne soient pas victimes de graves accusations calomnieuses, déposa de nuit, à la sauvette, devant le palais du Conseil, un écrit disant qu 'Annibal exhortait tout le Conseil à prendre les armes avec Antiochos pour le salut de la patrie. Cela fait, il se rembarqua. 33 Dès le lever du jour, les amis d 'Annibal 89. Même projet chez Tite-Live, 34, 60, 3-4. 91. Ce qu'espérait Annibal, c'était sans doute qu'Antiochos lui fournisse les moyens de rentrer en force à Carthage. Le projet d 'attaquer l'Italie n'est que pure invention : cf. Grainger, Roman War, p. 144.
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furent délivrés de leurs craintes, l'inventif Ariston ayant fait comme s'il avait été envoyé au Conseil des Anciens tout entier. La ville quant à elle était pleine d'une agitation aux manifestations diverses : ses dispositions à l'égard de Rome étaient hostiles, mais elle n'espérait pas que ses sentiments passent inaperçus. IX. 34 Telle était la situation à Carthage. De leur côté, des ambassadeurs romains95 (entre autres Scipion96 , qui avait fait perdre aux Carthaginois l'hégémonie) avaient été pareillement envoyés pour sonder les intentions d' Antiochos et espionner ses préparatifs97 : trouvant le roi parti pour la Pisidie98 , ils demeurèrent à Éphèse. 35 Là, ils eurent de fréquents entretiens avec Annibal, Carthage étant toujours leur alliée et Antiochos ne s'étant pas encore déclaré leur ennemi. Ils reprochaient à Annibal d'avoir quitté sa patrie, alors que les Romains, respectueux du traité, n'avaient commis aucune faute ni envers lui-même ni envers aucun autre Carthaginois. 36 Ce faisant, ils travaillaient à rendre Annibal suspect au roi en raison des conversations et des rencontres qu'il avait continuellementavec eux99 • 37 Et cela, l'excellent général qu'était Annibal ne le suspecta pas, alors que le roi, informé, conçut des soupçons et se sentait dès lors moins enclin à faire encore confiance à Annibal. C'est qu'en effet une sorte de jalousie et d'envie s'était déjà auparavant glissée en lui, car il craignait que le mérite des actions en cours ne fût attribué à Annibal 100 •
X. 38 On dit que, lors de leurs entretiens au gymnase, Scipion et Annibal eurent un jour, en présence d'une assistance nombreusew•, une conversation portant 97. Les ambassadeurs sont clairement qualifiés de 1Catâ.cnco1toi, ce qui implique. me semble-t-il. que les Romains savaient la guerre inévitable. 99. Cf. Polybe. 3. 1 1. 1-4.
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sur le commandement des années. Scipion ayant demandé à Annibal quel avait été, à son avis, le meilleur général, celui-ci répondit : « Alexandre de Macédoine » 102• 39 Devant cette réponse, Scipion garda son calme, cédant évidemment la place à Alexandre, mais posa une nouvelle question : qui venait en seconde position après Alexandre ? Et Annibal dit : « Pyrrhos d 'Épire », en considérant évidemment l'audace comme la qualité maîtresse du général. Il n'est pas possible en effet de trouver des hommes doués d'une plus grande audace que ces rois-là 103• 40 Alors, bien que piqué au vif, Seipion posa une question supplémentaire : à qui accordaitil la troisième place - en espérant fort obtenir au moins cette troisième place. Mais Annibal répondit : « A moimême ! En effet, quand j'étais encore un jeune homme, je me suis rendu maître de l'lbérie et j'ai été le premier, après Héraclès, à franchir les Alpes avec une armée ! Après avoir envahi l'Italie, alors que vous aviez tous dès lors perdu confiance, je vous ai détruit quatre cents villes et souvent imposé de combattre aux alentours mêmes de votre cité, cependant que je ne recevais de Carthage ni argent ni soldats 104 ». 41 Quand Scipion vit qu'il n'en finissait pas de se vanter, il éclata de rire et dit : « Mais où te situerais-tu toi-même, Annibal, si je ne t'avais pas vaincu ? » Et l'on dit qu' Annibal, prenant alors conscience de la jalousie qu'il excitait, déclara : « Moi, je me serais placé avant Alexandre ! » 42 C'est ainsi qu' Annibal, sans renoncer à ses rodomontades, fit discrètement sa cour à Scipion, en laissant entendre qu'il avait battu meilleur qu'Alexandre 105• A la fin de la réunion, Annibal invita Scipion à accepter son hospitalité. Scipion répondit qu'il l'aurait fait de très bon cœur, « si toi, Annibal, tu n'étais pas maintenant avec Antiochos, dont la conduite éveille les soupçons des Romains 106 ».
104. Ces justifications sont absentes du récit livien.
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XI. 43 C'est ainsi que ces deux grands hommes, d'une manière digne de leur génie militaire 107, limitaient leur inimitié aux périodes de guerre, à la différence de Aamininus. En effet quand plus tard 108 Antiochos eut été vaincu et qu 'Annibal errait, fugitif, du côté de la Bithynie, Aamininus, chargé pour de tout autres raisons d'une ambassade auprès de Prusias, alors qu 'Annibal ne lui avait causé antérieurement aucun tort, que les Romains ne lui avaient pas donné d'instructions en ce sens et que le fugitif ne pouvait plus leur inspirer de craintes puisque Carthage était détruite, Aamininus, dis-je, fit périr Annibal par le poison en se servant de Prusias 109• 44 On dit qu 'Annibal avait reçu un jour un oracle ainsi conçu : La glèbe de Libyssa recouvrira le corps d 'Annibal » «
et qu'il s'imaginait devoir mourir en « Libye » 110• Mais il existe en Bithynie un fleuve Libyssos et une plaine de Libyssa, qui doit son nom au fleuve 111• Si j'ai établi ce parallèle 112, c'est pour rappeler la grandeur d'âme d 'Annibal et de Scipion et la bassesse de Aamininus. ,
XIl. 45 De son côté, revenu de Pisidie à Ephèse, Antiochos donna audience aux ambassadeurs romains113 : il promit qu'il laisserait leur autonomie à Rhodes, Byzance et Cyzique, ainsi qu'à toutes les autres cités grecques en bordure de l'Asie 114 , si un traité était conclu entre Rome et, lui 115 ; mais que, pour ce qui était des Ioniens et des Eoliens, il n'y consentait point, car ceux-ci avaient depuis longtemps accoutumé d'obéir même aux Barbares qui avaient régné sur l' Asie 116• 46 Sans conclure aucun accord avec lui (ils n'étaient pas venus pour réaliser des accords, mais pour tâter le terrain), les ambassadeurs romains regagnèrent Rome 117• Arrivèrent 112. Encore un exercice de rhétorique sans rapport avec le sujet traité.
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Il
d'autre part 118 auprès d' Antiochos 119 des ambassadeurs étoliens 120, dirigés par Thoas 121 : ils faisaient Antiochos stratège des Étoliens 122, avec les pleins pouvoirs, et l'encourageaient à passer dès maintenant en Grèce, en faisant valoir que l'opération serait facile. 47 Sans même le laisser attendre l'armée qui descendait de Haute Asie 123 , mais vantant outre mesure la puissance des Etoliens et promettant qu'ils auraient pour alliés les Lacédémoniens 124 et, en plus des Lacédémoniens, Philippe de Macédoine animé par son ressentiment contre Rome 125 , ils pressaiant Antiochos de franchir la mer. 48 Avec une grande légèreté d'esprit, il se laissa emporter, et même le fait qu'on lui eût annoncé que son fils était mort en Syrie ne réduisît pas son ardeur 126, et il se rendit par mer en Eubée 127 avec dix mille hommes 128 , les seuls dont il disposât alors 129, 49 En personne, il soumit l'Eubée entière qui, dans sa frayeur, se livra à lui 130, tandis que son général Mikythion 131 tombait sur les Romains stationnés à Délion 132 (cette localité est un sanctuaire d' Apollon 133), massacrant les uns et capturant les autres 134 •
xm.
50 Le roi des Athamanes 135, Amynandros 136, rejoignit Antiochos pour le motif suivant afin de conclure alliance 137• Un certain Alexandros, Macédonien élevé à Mégalèpolis où il avait mérité le droit de cité, prétendait faussement avoir des liens de famille avec Alexandre fils de Philippe 138 et, pour faire croire à ce qu'il racontait, il donna aux enfants qui lui étaient nés les noms de Philippe, Alexandre et Apamé, une fille qu'il fiança à Amynandros 139• S1 Quand son frère Philippe, qui l'avait conduite à son époux, vit qu 'Amynandros était un faible sans expérience des affaires 140, il demeura auprès de lui, 129. Tite-Live, 35, 43, 6, donne 10 000 fantassins, 500 cavaliers et six éléphants. Ces chiffres doivent remonter à Polybe : cf. Grainger, Roman War, p. 192.
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administrant le royaume grâce à cette parenté. 52 C'est donc ce Philippe qu' Antiochos berçait alors de l'espoir qu'il le rétablirait sur le trône de Macédoine qui, disait-il, lui revenait, ajoutant de la sorte les Athamanes au nombre de ses alliés ; en outre il y ajouta aussi les Thébains, après s'être rendu personnellement à Thèbes où il adressa un discours au peuple 141• 53 Pour une aussi grande guerre, il commettait une vraie folie en tablant sur les Thébains, sur Amynandros 142 et sur les Étoliens, et il examinait s'il devait aller faire campagne en Thessalie sur-le-champ ou après la mauvaise saison 143 ! Comme Annibal demeurait silencieux alors que l'on examinait cette question, il l'invita à donner le premier son avis.
XIV. 54 Celui-ci dit 144 : « Il n'est pas difficile de soumettre les Thessaliens, que tu veuilles le faire maintenant ou après la mauvaise saison. A bout de forces depuis longtemps, ce peuple passera maintenant de ton côté, puis basculera du côté des Romains, si la situation vient à changer. SS Mais nous sommes arrivés sans les forces , adéquates, poussés par les Etoliens, qui nous ont persuadé que les Lacédémoniens et Philippe seraient nos alliés. Or j'entends dire que les Lacédémoniens nous font la guerre avec les Achéens 145, tandis que je ne vois pas que Philippe soit présent auprès de toi, lui qui est en mesure de faire pencher la balance, dans cette guerre, en faveur du camp qu'il favorisera 146• 56 Je ne change pas d'avis : il faut faire venir au plus vite l'armée d'Asie, au lieu de placer nos espoirs dans Amynandros et dans les , Etoliens, et, lorsqu'elle sera arrivée, ravager l'Italie afin que, leur attention absorbée par leurs propres maux, les Romains nuisent le moins possible à tes intérêts et que, craignant pour leurs propres affaires, ils ne progressent nulle part. 57 Mais tu ne dois plus procéder comme je te l'avais antérieurement indiqué : il faut que la moitié de ta flotte ravage les côtes de l'Italie, que l'autre moitié
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reste à l'ancre et demeure en réserve en attendant un heureux concours de circonstances, et que toi-même enfin, avec toutes tes forces terrestres, posté devant la Grèce à proximité de l'Italie 147, tu donnes à croire que tu te prépares à envahir celle-ci, et que même tu le fasses, si jamais tu venais à en avoir la possibilité. 58 Tu dois d'autre part t'efforcer par tous les moyens de gagner Philippe à ta cause, lui qui, au cours de cette guerre, peut le plus en faveur de l'un ou de l'autre camp. S'il ne se laisse pas convaincre, envoie contre lui, à travers la Thrace, ton fils Séleucos, afin que, absorbé lui aussi par des embarras domestiques, il ne soit d'aucune utilité pour nos ennemis ». 59 Annibal ne dit que cela et, de tous les avis, c'était le meilleur. Mais, jaloux de sa gloire et de son intelligence, les conseillers du roi, et le roi lui-même autant qu'eux, craignirent qu'on ne se figurât dans l 'opinion qu 'Annibal les dépassait en compétences stratégiques et que la gloire des succès à venir ne lui revînt 148 : ils négligèrent tous ses avis, si ce n'est que Polyxénidas fut envoyé en Asie auprès de l'armée 149• XV. 60 Quant aux Romains, lorsqu'ils apprirent l'assaut lancé par Antiochos contre la Grèce 150 ainsi que le massacre et la capture des Romains de Délion, ils votèrent la guerre151• 61 Ce fut ainsi qu'éclata alors brusquement dans les faits, entre Antiochos et Rome, la guerre que l'on redoutait depuis longtemps des deux côtés. Comme Antiochos dominait beaucoup de grandes nations de la Haute Asie et presque toute l'Asie riveraine de la mer, hormis quelques rares secteurs, qu'il avait d'ores et déjà débarqué en Europe, qu'il jouissait d'une redoutable réputation et disposait de moyens adéquats, qu'il avait en outre accompli contre d'autres peuples quantité d'actions d'éclat, qui lui avaient précisément valu l'appellation de « Grand », les Romains s 'atten-
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daient à livrer une grande et longue guerre 152• 62 Ils tenaient en suspicion Philippe de Macédoine, récemment battu par eux, et redoutaient que, si Annibal était avec Antiochos, les Carthaginois n'observent pas à leur égard la loyauté découlant du traité 153• 63 Ils se méfiaient également du reste de leurs sujets, craignant que, eu égard à la réputation d' Antiochos, eux aussi n'entreprennent des actions subversives : ils envoyèrent partout des armées auprès de tous ces peuples, afin de les surveiller sous des dehors pacifiques, ainsi que des préteurs pour commander ces armées --de ces préteurs qu'ils nomment eux-mêmes « magistrats à six faisceaux » 154, car, alors que les consuls disposent de douze haches et de douze faisceaux de verges, comme les anciens rois, les préteurs dont je parle ont un rang moitié moins élevé et moitié moins d'insignes 155• 64 Comme dans une période de grande peur 156, ils craignaient même que, contre Antiochos, l'Italie non plus ne reste pas pour eux d'une fidélité inébranlable. Ils dépêchaient donc à Tarente d'importantes forces terrestres surveiller les assaillants 157, tandis qu'une flotte croisait le long des côtes 158• Si grande était la crainte que leur inspirait initialement Antiochos. 6S Une fois qu'ils eurent organisé tout ce qui concernait leur propre empire, ils se mirent à recruter des troupes contre Antiochos luimême (ils fournirent eux-mêmes jusqu'à vingt mille hommes et les alliés le double), avec l'intention de franchir dès le début du printemps la mer Ionienne 159• XVI. 66 Les Romains se consacrèrent durant l'hiver entier 160 à ces préparatifs tandis qu' Antiochos, de son côté, se portait contre les Thessaliens 161 et, parvenu à Cynoscéphales, là où les Macédoniens avaient été défaits par les Romains, il fit de magnifiques funérailles aux restes, encore sans sépulture, des soldats tombés à ce moment-là 162 : il cherchait ainsi à se rendre populaire 160. Ou plutôt la fin de l'hiver.
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auprès des Macédoniens auprès desquels il accusait insidieusement Philippe de ne pas avoir enseveli ceux qui étaient tombés pour lui 163• 67 A cette nouvelle, Philippe (il était encore dans le doute et se demandait à quel camp il se rallierait), Philippe, dis-je, choisit immédiatement le parti des Romains. Il invita à se rendre dans une certaine localité164 un général Romain, Baebius165, qui commandait une armée stationnée à proximité 166, et garantit à nouveau aux Romains qu'il serait, sans déloyauté aucune, leur allié contre Antiochos167 • 68 Baebius l'en félicita, reprit de l'assurance et envoya aussitôt, en lui faisant traverser la Macédoine168, Appius Claudius en Thessalie avec deux mille fantassins. Quand il vit, de Tempé 169, Antiochos posté devant Larissa 170, Appius, cherchant à dissimuler sa faiblesse numérique 171, alluma un grand nombre de feux de bivouac 172• 69 Profondément troublé à l'idée que Baebius et Philippe étaient là 173, Antiochos leva le siège en prétextant la mauvaise saison174, et il se rendit à Chalcis où, tombé amoureux d'une belle 175 jeune fille (lui qui avait passé cinquante ans 176 et soutenait une si grande guerre 177 ••• ), il célébra ses noces 178 avec elle, organisa de grandes fêtes et abandonna pendant l'hiver entier 179 son armée à toutes les formes de mollesse et d'oisiveté 180• 70 Au début du printemps 181, il envahit l 'Acamanie 182 et se rendit compte du manque de nerf de son armée, inapte à toute forme d'action, et ce fut alors qu'il se repentit des noces et de la fête. Il s'empara néanmoins d'une partie des bourgades d'Acamanie et assiégea les autres, qui résistaient. Mais, à peine eut-il appris que les Romains étaient en train de franchir la mer Ionienne qu'il leva le camp pour regagner Chalcis183• XVIl. 71 En hâte, avec les troupes alors disponibles (deux mille cavaliers, vingt mille fantassins et quelques 164. Cette conférence eut lieu chez les Dassarètes : cf. Tite-Live, 36, 10, 10. 179. L'hiver 191-190.
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éléphants) les Romains, sous le commandement de Manius Acilius Glabrio, passèrent de Brindes à Apollonia et marchèrent sur la Thessalie, dégageant les villes assiégées et expulsant les garnisons de celles où les Athamanes en avaient déjà installé 184• 72 Et ils firent prisonnier Philippe le Mégalopolilitain, · qui espérait encore gouverner les Macédoniens 185• Ils firent également prisonniers jusqu'à trois mille soldats d' Antiochos 186• 73 Pendant que Mani us menait ces opérations 187, Philippe envahit l' Athamanie et la soumit entièrement, Amynandros s'étant enfui à Ambracie 188• 74 Se rendant compte de la situation et effrayé par la rapidité des événements, Antiochos 189 fut saisi de crainte comme on l'est devant un soudain et rapide changement de fortune, et il se rendit compte alors de la sagesse du plan d'Annibal 190 ; il envoyait messager sur messager en Asie presser Polyxénidas 191 de franchir la mer 192, tandis que lui-même rappelait de partout tous les hommes dont il disposait 193• 75 Quand il disposa de dix mille fantassins à lui et de cinq l de ceux-ci· 195 . 194, et en pus cents cava 11ers grâce à certains alliés 196 il occupa les Thermopyles, son intention étant de tirer parti des difficultés du terrain pour se protéger contre l'ennemi et d'attendre avec patience l'armée d'Asie 197• 76 Les Thermopyles sont un défilé long et étroit limité d'un côté par la côte, rocheuse et sans port, de l'autre par un marais infranchissable rempli de fondrières 198• 77 Dans ce défilé se trouvent deux cimes montagneuses aux parois abruptes, appelées l'une Teichious, l'autre Callidromos 199• Le site comporte égale184. Cf. Tite-Live, 36, 14, l, qui attribue au consul 20 000 fantassins, 2 000 cavaliers et quinze éléphants. L'année romaine avait bien pour objectif Larissa. 185. Cf. Tite-Live, 36, 14, 3-5. Le prisonnier fut envoyé à Rome. Voir Grainger, Roman War, p. 240. 187. Tite-Live, 36, 14,10-15, relate en détail la marche consulaire de Larissa jusqu'au fleuve Sperchios. 189. Il se trouvait toujours à Chalcis : cf. Tite-Live, 36, 15, l.
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ment des sources d'eau chaude 200 , d'où le nom de . « Thermopyles » 201
XVID. 78 Antiochos éleva donc à cet endroit un rempart double 202et disposa ses machines en batterie sur le rempart 203 • Il fit également monter les Étoliens au sommet des montagnes, afin que personne n'accomplît sans être repéré un mouvement tournant par le sentier fameux par lequel précisément Xerxès avait assailli les Lacédémoniens entourant Léonidas, les montagnes dans cette circonstance n'étant pas surveillées204. 79 Les Étoliens postèrent mille hommes sur chacune de ces deux cimes 205, cependant qu'avec le reste ils campaient à part près de la ville d 'Héraclée 206. 80 Après avoir observé les préparatifs de l 'ennemi 207, Manius donna pour le lendemain à l'aube l'ordre de combat. Il ordonna également à deux tribuns 208, Marcus Caton et Lucius Valerius, de choisir chacun autant d'hommes qu'il voudrait 209, de contourner de nuit les montagnes et de forcer comme ils pourraient les Étoliens à décamper de ces deux cimes 210. 81 L'un des deux, Lucius, fut repoussé du Teichious 211, où les Étoliens se montrèrent valeureux. Caton, en revanche, installa son camp devant le Callidromos 212 et, vers la dernière veille, tomba sur les Étoliens encore couchés213.Une lutte serrée s'engagea autour de lui, tandis qu'il cherchait à s'ouvrir de vive force un chemin vers des cimes escarpées et que l'ennemi cherchait à l'en empêcher. 82 Déjà Manius lançait son année dans une attaque frontale contre Antiochos, après l'avoir divisée en manipules formés en colonne, seule formation praticable dans un défilé 214 • 83 Le roi ordonna à l'infanterie légère et aux peltastes de combattre en avant de la phalange et disposa cette dernière devant le camp, avec sur 200. Pour la cascade des eaux chaudes, voir D. Müller, o. c., p. 375, fig. 6. 209. Selon Tite-Live, 36, 16, l, chacun reçut 2 000 hommes d'élite.
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sa droite, sur les basses pentes, les frondeurs et les archers, et sur sa gauche, le long de la mer215, les éléphants avec le bataillon d'appui qui les accompagnait toujours 216.
XIX. 84 Le combat rapproché s'étant engagé 217,dans une première phase l'infanterie légère inquiétait Mani us en l'attaquant de partout 218. Mais celui-ci la reçut sans mollir : il se replia puis reprit sa progression en la mettant en fuite 219. Ayant alors ouvert ses rangs, la phalange macédonienne recueillit l'infanterie légère et la couvrit en refermant son dispositif220 • Les phalangites étendaient devant eux l'alignement serré de leurs sarisses : c'était précisément surtout par cette manœuvre que, depuis l'époque de Philippe et d'Alexandre, les Macédoniens intimidaient leurs ennemis, qui n'osaient approcher d'une multitude de longues piques pointées dans leur direction221. 85 Mais soudain on vit les Étoliens qui s'enfuyaient en criant du Callidromos et dévalaient vers le camp d' Antiochos 222. 86 Au début, dans les deux camps, on ne comprenait pas ce qui se passait et l'on fut troublé, comme c'est le cas quand on ne , comprend pas. Mais Caton apparut, poursuivant les Etoliens à grands cris : déjà, il arrivait au dessus du camp d' Antiochos 223 • Alors la peur envahit les soldats du roi 224qui, depuis longtemps, recevaient des informations alarmantes sur la manière de combattre des Romains et avaient conscience qu'eux-mêmes étaient diminués au point de n'être plus bons à rien, du fait la molle oisiveté dans laquelle ils avaient passé toute la mauvaise saison. 87 Alors qu'ils ne voyaient pas distinctement de combien d'hommes disposait Caton, sous l'effet de la peur, ils les crurent plus nombreux qu'ils n'étaient et, craignant pour leur camp, ils allèrent s'y réfugier en désordre, dans la pensée que, 217. La bataille, selon Grainger, Roman War, p. 252, n. 20 avec bibl., fut livrée fin avril.
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de là, ils repousseraient l 'ennemi 225. 88 Mais les Romains, qui les talonnaient, se ruèrent avec eux dans le camp, d'où les troupes d 'Antiochos s'enfuirent une nouvelle fois, en pleine débandade 226. 89 Mani us les poursuivit jusqu'à Scarpheia 227, en faisant des morts et des prisonniers. Puis, à son retour de Scarpheia, il pilla le camp royal 228et, alors que les Étoliens avaient envahi le retranchement des Romains durant leur absence 229, son apparition les en chassa 230.
XX. 90 Environ deux cents Romains avaient été tués au cours de la bataille et de la poursuite 231; du côté d' Antiochos, les pertes s'élevèrent à dix mille hommes, prisonniers compris 232. 91 Le roi lui-même, dès le début de la déroute, courut sans regarder derrière lui jusqu'à Elatée, avec cinq cents cavaliers 233. D'Élatée, il gagna Chalcis 234, d'où, en compagnie de sa jeune épouse Euboia 235(c'était le nom qu'il lui donnait), il s'enfuit à Éphèse avec sa flotte 236, qui avait elle-même subi des pertes : ayant pris la mer, l'amiral romain lui avait en effet détruit quelques navires transportant du ravitaillement237. 92 A la nouvelle de la victoire 238qui leur était arrivée si rapidement et si facilement, les habitants de Rome offrirent des sacrifices 239et, libérés de la frayeur que leur inspirait la réputation d 'Antiochos, ils se félicitaient de cette première expérience. Et, pour remercier Philippe d'être leur allié, les Romains renvoyèrent un fils à lui, Démétrios, encore otage chez eux 240.
XXI. 93 Telle était la situation à Rome. De son côté, à leur requête, Manius apaisa les craintes des Phocidiens, des Chalcidiens et de tous les autres peuples qui avaient 225. Ce projet est devenu réalité chez Tite-Live : cf. supra, n. 221. 226. Tite-Live, 36, 19, 5 sq., peint avec ampleur la débandade, qu' Appien évoque sobrement. Selon O. Leuze, Feldzüge ... , la bataille aurait été livrée au printemps de 191, probablement en mai. 234. Cf. Grainger, Roman War, p. 249.
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aidé Antiochos241 , cependant que Philippe242 et lui-même ravageaient l 'Étolie et en assiégeaient les villes243 • 94 C'est là que Manius captura, alors qu'il se cachait, le stratège des Étoliens, Damocritos, -celui qui avait menacé Aamininus d'établir son camp sur les rives du Tibre244 • 9S Près de Callipolis, Manius cheminait en direction de la montagne qu'ils appellent « Mont Corbeau », bien qu'il vît245 qu'elle était très élevée, impraticable et coupée de précipices246, et ce avec une armée très lourdement équipée et chargée de butin. En raison des difficultés du chemin, beaucoup perdaient pied et étaient emportés dans les précipices avec armes et bagages. 96 Et, alors que les Étoliens auraient pu jeter la confusion dans leurs rangs, on ne les aperçut même pas247 : ils étaient en train d'envoyer une ambassade à Rome pour discuter de la paix248 • 97 De son côté, Antiochos rappelait son armée en toute hâte des Hautes Satrapies vers la mer249 • Il mettait aussi ses navires en état, avec pour amiral l'exilé Rhodien Polyxénidas250 • 98 Etant passé par mer en Chersonnèse251 , il se remit à la fortifier, consolidant également les défenses de Sestos et d' Abydos 252 : c'était par là que les légions romaines étaient obligées de faire route et de franchir le Détroit pour passer en Asie. 99 Faisant de Lysimacheia253 sa base logistique pour cette guerre, il y rassemblait armes et approvisionnements en quantité, dans l'idée que les Romains l'attaqueraient sous peu avec d'importantes forces terrestres et navales. 100 Pour succéder à Manius dans son commandement, les Romains font choix de Lucius Scipion, qui était alors l'un de leurs consuls254 • Mais comme il était incapable et sans expérience de la guerre, ils choisissent pour le conseiller son frère Publius Scipion, celui qui avait fait perdre à Carthage la suprématie et reçu, le premier, le nom d' « Africain ». XXIl. 101 Alors que les Scipions n'en étaient encore qu'aux préparatifs, Livius255 , le gardien de l'Italie, élu
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pour succéder à Atilius 256 au commandement de la flotte, partit aussitôt avec ses propres navires (avec lesquels il croisait le long des côtes italiennes), plus quelques navires que Carthage lui avait foumis 257 et d'autres vaisseaux alliés, et il alla jeter l'ancre au Pirée. S'étant fait remettre la flotte commandée par Atilius, il croisait avec quatre-vingt-un navires pontés, suivi d'Eumène avec cinquante navires à lui, pour moitié pontés eux aussi 258• 102 Ils allèrent aborder à Phocée, laquelle, bien que sujette d' Antiochos 259, sous le coup du saisissement leur ouvrit ses portes et, le lendemain, ils prirent la mer pour marcher au combat 260• 103 L'amiral d'Antiochos, Polyxénidas 261, prit lui aussi la mer pour se porter à leur rencontre avec deux cents navires de beaucoup plus légers que ceux de l'ennemi, ce qui précisément lui permit de gagner le large avant les Romains, encore novices en matière de navigation 262• 104 Quand il vit que deux navires de Carthage marchaient en avant de la flotte romaine, il envoya trois des siens leur courir sus et les captura tous les deux, vidés de leurs équipages, les Africains ayant sauté à la mer263 • 105 Emporté par la colère 264 , Livius fut le premier à cingler droit sur les trois navires en question avec son vaisseau amiral, en prenant une grande avance sur la flotte. Eux, le voyant seul, le sous-estimèrent < ... >265 ; ils lancèrent des grappins de fer266 et, les vaisseaux se trouvant arrimés bord à bord, on se battait dans les mêmes conditions que sur la terre ferme. 106 Les Romains, beaucoup plus audacieux, montèrent à l'abordage des navires ennemis et eurent le dessus : ils s'en retournèrent, leur unique navire en ramenant deux d'un coup comme butin. 107 Ce n'était que le prélude de la bataille. Quand les deux flottes se trouvèrent aux prises, les Romains bénéficiaient certes de l'avantage que leur donnaient leur force et leur ardeur ; mais la lourdeur de leurs vaisseaux 267 les empêchait de se saisir d'adversaires qui s'esquivaient avec des navires légers 268 • Finalement, ceux-ci coururent se réfugier à
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,
Ephèse 269 , tandis que les Romains se retirèrent à Chios où ils furent rejoints par vingt-sept navires alliés appartenant aux Rhodiens 270 • 108 Informé de ce combat naval, Antiochos envoya Annibal en Syrie pour y faire équiper d'autres navires provenant de Phénicie et de Cilicie 271 •
XXIII. 109 Sur le chemin du retour, les Rhodiens le bloquèrent lui aussi en Pamphylie ; ils lui prirent quelques navires et, demeurés à l'affût, ils surveillaient étroitement le reste de sa flotte 272 • Arrivé de son côté en Étolie 273 en compagnie du consul, Publius Scipion 274 se fit remettre l'armée de Manius 275 et, jugeant négligeable, comme n'étant qu'un mince exploit, le siège des villes étoliennes 276 , il autorisa les Étoliens, sur leur requête, à envoyer de nouveau une ambassade à Rome pour discuter de leur sort277 , tandis que lui-même se hâtait de marcher contre Antiochos avant que le commandement de son frère ne fût arrivé à son terme 278 • 110 A travers la Macédoine et la Thrace, il faisait route vers l 'Hellespont, ce qui aurait été pour lui une marche difficile et pénible, si Philippe de Macédoine ne lui avait frayé la route et ménagé bon accueil 279 : il l'escortait dans sa marche, après avoir depuis longtemps fait jeter des ponts sur les fleuves et préparer du ravitaillement 280 • C'est pourquoi les Scipions le tinrent quitte sur-le-champ des sommes qu'il lui restait à payer, le Sénat leur ayant laissé toute latitude d'agir de la sorte s'ils le trouvaient empressé. 111 Ils écrivirent aussi à Prusias, le roi de Bithynie, en énumérant tous les rois alliés dont les Romains, avaient agrandi les États 281 • Même Philippe de Macédoine, ajoutaient-ils, les Romains, qui l'ont vaincu militairement, le laissent pourtant régner. « Et, 282 , nous avons libéré son fils, notre otage, et la dette 283 qu'il lui restait encore à acquitter. ». Tout cela
269. Cf. Tite-Live, 36, 45, 4.
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ravit Prusias et il s'engagea à être leur allié contre Antiochos284. 112 Quand il apprit que les Scipions étaient en marche, l'amiral Livius laissa le Rhodien Pausimachos en Éolide avec les navires de Rhodes et aussi une partie des siens285, tandis que lui-même, avec le gros de sa flotte, faisait voile vers }'Hellespont afin d'y accueillir l'armée. 113 Sestos, Rhoiteion, le Port des Achéens et quelques autres places se rangèrent de son côté, et il fit le siège d' Abydos, qui refusait de se soumettre 286.
XXIV. 114 Livius parti 287, Pausimachos testait et exerçait continuellement ses propres forces, et il faisait construire des machines de guerre de différentes sortes. A de longues perches, il attachait des pots à feu en fer capables de conserver le feu suspendu au dessus de la mer, de telle sorte qu'il fût maintenu loin en avant de ses propres vaisseaux, mais s'abattît sur l'ennemi à son approche 288. 115 Tandis qu'il se consacrait à cette tâche sans ménager sa peine, l'amiral d' Antiochos, Polyxénidas (un Rhodien lui aussi, chassé de sa patrie à la suite de certaines accusations 289), chercha à lui tendre un piège : il promettait de lui livrer la flotte d' Antiochos, s'il s'engageait à œuvrer en faveur de son rappel 290. 116 Soupçonnant un homme rusé et fourbe, Pausimachos pendant longtemps demeura sur ses gardes comme il fallait. Mais, comme Polyxénidas lui avait écrit de sa propre main une lettre dans laquelle il était question de sa trahison 291 et qu'en plus il avait évacué Éphèse et fait semblant d'envoyer son armée fourrager dans toutes les directions, Pausimachos, constatant cette évacuation et ne s' attendant pas à ce que l'on pût, si l'on ne disait pas la vérité, envoyer une lettre autographe parlant de trahison, Pausimachos, dis-je, devint tout à fait confiant et, levant sa
287. Au début du printemps de 190 : cf. Grainger, Roman War, p. 282 sq. et supra n. 285.
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surveillance, il envoya lui aussi de tous côtés chercher des vivres292. 117 Mais, quand il vit qu'il était tombé dans le piège, Polyxénidas rassembla immédiatement ses équipages 293et envoya en avant-garde à Samos le pirate Nicandros294avec une petite troupe, afin de causer du désordre à terre sur les arrières de Pausimachos 295. 118 Au milieu de la nuit, il prit lui-même la mer et, à l'aurore, il tomba sur l'adversaire encore endormi. Aux prises avec un malheur aussi soudain qu'imprévu, Pausimachos ordonna à ses soldats d'abandonner les navires et de repousser l'ennemi depuis la côte 296. 119 Mais, quand Nicandros l'eut assailli sur ses arrières, il crut que le continent lui aussi était d'ores et déjà tombé aux mains des ennemis, non seulement de ceux qu'il avait sous les yeux mais, comme on l'imagine naturellement en pleine nuit, d'un nombre beaucoup plus élevé297: perdant son sang-froid, il rembarqua, fut le premier à gagner le large pour livrer bataille 298et le premier à tomber glorieusement au combat 299 • 120 Les autres furent capturés ou périrent. Quant aux sept navires portant les pots à feu, ils s'enfuirent sans être assaillis par personne, en raison des flammes300, et Polyxénidas, prenant en remorque les vingt autres, alla aborder à Éphèse301.
XXV. 121 Après cette victoire302, Phocée, Samos 303 et Kymé passèrent de nouveau dans le camp d'Antiochos304.De son côté, pris d'inquiétude pour ses propres vaisseaux, qu'il avait laissés en Éolide, Livius revenait en hâte auprès d 'eux 305.Eumène aussi faisait diligence pour le rejoindre 306, tandis que les Rhodiens envoyaient aux Romains vingt nouveaux navires 307. 122 A peu de 292. Cf. Tite-Live, 37, 10, 11 : le Rhodien envoya une partie de ses navires à Halicarnasse chercher des vivres, d'autres encore à Samos, tandis que lui-même demeurait à Panormos. 293. Il les avait dissimulés à Magnésie , d'où il les fit revenir à Ephèse au moment de prendre la mer : cf. Tite-Live, 37, l 0, 12 et 11, 4.
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temps d'intervalle, tous retrouvèrent le moral et firent , voile vers Ephèse, équipés pour livrer une bataille sur mer3°8 • Comme personne ne se portait à leur rencontre, ils stationnèrent longuement en pleine mer, pour la parade, avec la moitié de la flotte 309 , tandis qu'ils opéraient avec l'autre moitié un débarquement en territoire ennemi, assiégeant < ... >310, jusqu'au moment où Nicandros leur tomba dessus depuis l'intérieur des terres, leur enleva leur butin et les pourchassa vers les navires 311 •
XXVI. 123 Ils reprirent la mer pour gagner Samos 312 , et le commandement naval de Livius arriva à son terme 313 • Au même moment, Séleucos, fils d' Antiochos, ravageait le territoire d 'Eumène et avait pris position devant Pergame après avoir enfermé les hommes dans la ville 314 • , 124 C'est pourquoi Eumène se transporta en hâte à Elaia, le port de son royaume, accompagné de Lucius JEmilius Regillus, qui avait succédé à Livius dans son commandement 315 • 125 Eumène 316 vit également arriver un contingent allié envoyé par les Achéens -mille fantassins et cent cavaliers d'élite 317 , dont le général, Diophanès 318 , qui avait vu du haut du rempart les soldats de Séleucos en train de folâtrer319 et de boire par mépris de l'adversaire, essaya de convaincre les Pergaméniens de tenter avec lui une sortie contre l'ennemi. 126 Comme ceux-ci s'y refusaient, il arma ses mille fantassins et ses cent cavaliers. Il les fit avancer et prendre position au pied du rempart, immobiles. Les ennemis les tinrent longtemps pour quantité négligeable : cette poignée d'hommes, croyaient-ils, n'osait pas engager le combat ! 127 Mais il attaqua tandis qu'ils prenaient leur repas, jeta la confusion dans les avant-postes 308. Tite-Live, 37, 12, 10-13, 6, expose dans le détail les péripéties de cette croisière : le temps étant mauvais, Livius et Eumène gagnèrent difficilement Samos, où il furent rejoints par les Rhodiens. L'armada entière gagna ensuite Éphèse, avec l'intention de livrer bataille.
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et les mit en fuite. Comme les autres se levaient d'un bond pour prendre les armes et bridaient les chevaux, ou bien couraient après les bêtes qui s'enfuyaient, ou encore peinaient pour enfourcher des montures qui ne tenaient pas en place, Diophanès remporta un très brillant succès tandis que, du haut des remparts, les habitants de Pergame l'acclamaient, sans pourtant, même alors, daigner s'avancer. 128 Après avoir tué autant de monde qu'il était possible au cours d'une brève démonstration, et fait quelques prises, hommes et chevaux, il s'en retourna rapidement. 129 Le lendemain, il posta de nouveau les Achéens au pied du rempart et, cette fois encore, les Pergaméniens ne participèrent pas à sa sortie. Séleucos, en revanche, s'approcha de lui avec de nombreux cavaliers et le provoqua au combat. 130 Pour l'heure, restant sur ses positions au pied du rempart, Diophanès ne s'avançait pas à sa rencontre, demeurant toutefois sur le qui-vive. Séleucos resta sur place avec patience jusqu'à midi, mais comme ses cavaliers commençaient à ressentir les effets de la fatigue, il fit faire demi-tour pour regagner le camp : Diophanès assaillit son arrière-garde, jeta la confusion dans ses rangs et, après avoir causé cette fois encore tout le dommage dont il était capable, il rejoignit immédiatement le pied du rempart. 131 C'est de cette manière, en tendant continuellement des embuscades à l'occasion des corvées de fourrage et de bois, et en harcelant perpétuellement Séleucos, qu'il le fit décamper loin de Pergame et le chassa de tout le reste du territoire d 'Eumène320 • XXVII. 132 Polyxénidas et les Romains se livrèrent peu après dans les parages de Myonnèsos321 une bataille navale dans laquelle Polyxénidas engagea quatre-vingtdix navires pontés322 et Lucius323 , l'amiral romain, quatre-vingt-trois, dont vingt-cinq venus de Rhodes324 • 133 Leur commandant, Eudôros325 , avait été rangé à l'aile gauche. Mais quand il vit que de l'autre côté
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Polyxénidas débordait considérablement les Romains, il craignit que ces derniers ne fussent encerclés et opéra un rapide mouvement toumant326 , parce qu'il disposait de navires légers et de rameurs ayant l'expérience de la mer : en premier lieu, il lança contre Polyxénidas les navires porteurs de feu, dont les flammes brillaient de tous les côtés. 134 A cause du feu, les navires ennemis n'osaient pas se jeter sur eux et, se contentant de décrire des cercles autour, ils donnaient de la bande, embarquaient de l'eau et encaissaient des coups sur les oreillettes de proue327 • Finalement, un navire rhodien ayant cogné une nef de Sidon et le choc ayant été violent, une ancre se décrocha de la nef sidonienne et se planta sur le vaisseau rhodien, les amarrant tous deux bord contre bord de sorte que, les bâtiments se trouvant immobilisés, les soldats de marine combattaient comme sur la terre ferme328 • 135 Comme beaucoup d'autres navires se portaient au secours de chacun des deux, une splendide émulation s'empara des deux camps et, le centre de la flotte d 'Antiochos s'étant en conséquence dégarni, les navires romains firent une percée et encerclèrent l'ennemi avant qu'il se rende compte de rien. 136 Mais, quand il eut enfin compris, il vira de bord et s'enfuit. La flotte d' Antiochos avait perdu vingt-neuf navires, dont treize capturés avec leur équipage329 • Les Romains quant à eux n'en avaient perdu que deux330 • Et Polyxénidas, remorquant le navire rhodien, alla accoster à Éphèse.
XXVIII. 137 Telle fut l'issue de la bataille navale livrée dans les parages de Myonnèsos. Tant qu'il n'en eut pas connaissance, Antiochos fortifiait avec soin la Chersonnèse et Lysimacheia, estimant, et c'était le cas, qu'il s'agissait là d'une tâche de grande importance pour faire pièce aux Romains, puisque, à la vérité, il eût été difficile et pénible pour eux de traverser le reste de la Thrace avec une année, si Philippe ne les avait pas fait passer. 138 Mais Antiochos, qui d'ailleurs était toujours d'une
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façon générale une tête brûlée et quelqu'un de prompt à changer d'avis, fut complètement atterré 331 quand il apprit la défaite de Myonnèsos : il crut que la divinité complotait contre lui ! Tout se déroulait en effet contrairement à ses calculs. Les Romains étaient vainqueurs sur mer332 , où il croyait détenir une grande supériorité ! Les Rhodiens avaient bloqué Annibal en Pamphylie ! Philippe menait les Romains par des chemins impraticables, alors qu'il s'imaginait qu'il leur en voudrait particulièrement pour ce qu'ils lui avaient fait subir ! 139 Profondément agité par tout cela et une divinité troublant désormais sa raison, ce qui arrive à tout le monde quand survient un malheur, il abandonna inconsidérément la Chersonnèse avant même que l'ennemi fût en vue, sans avoir transporté ailleurs ou incendié tout ce qu'il y avait entassé en abondance comme grain, armes, argent et machines de guerre, mais en laissant à l'ennemi, intactes, de si importantes ressources 333 ! 140 Quant aux Lysimachéens qui, comme après un siège, cherchaient refuge auprès de lui dans un concert de lamentations, avec leurs femmes et leurs petits enfants, il ne se souciait pas d'eux 334 : il s'imaginait que le détroit d' Abydos suffrrait à barrer la route à l'ennemi, et plaçait en lui tout ce qui lui restait encore d'espoirs sur l'issue de la guerre 335 • 141 Pourtant, dans la démence dont les dieux l'avaient frappé, il ne fit pas garder le passage, mais s'empressa de regagner l'intérieur des terres 336 pour devancer l'ennemi, sans laisser aucune une garde sur le Détroit 337 •
XXIX. 142 Sitôt informés de sa retraite, les Scipions coururent s'emparer de Lysimacheia 338 et, une fois maîtres des sommes d'argent et de l'armement qui se 331. Quo territus, écrit Tite-Live, 37, 31, 1. 332. Ils avaient désormais la maîtrise des mers et Antiochos était obligé d'évacuer la Thrace : cf. Grainger, Roman War, p. 303 sq. 336. Selon Tite-Live, 37, 31, 3, il leva le siège de Colophon et se replia à Sardes, où il concentrait des troupes.
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trouvaient en Chersonnèse 339, ils se hâtèrent de franchir immédiatement l 'Hellespont 340 , laissé sans surveillance341, et leur arrivée prit de court Antiochos qui, à Sardes 342n'était pas encore au courant. 143 Frappé de stupeur, celui-ci avait le cœur lourd et, rejetant sur la Divinité la responsabilité de ses propres erreurs, il envoya auprès des Scipions Héracleidès de Byzance 343 afin de négocier la cessation des hostilités en leur offrant Smyrne, Alexandrie du Granique 344 et Lampsaque 345, à cause desquelles ils étaient entrés en guerre 346 , ainsi que la moitié des frais occasionnés par cette guerre 347. 144 Il avait aussi comme instructions, en cas de besoin, de , leur offrir également toutes les cités d 'Ionie et d'Eolide qui avaient pris le parti des Romains au cours de ce conflit 348 et tout ce que les Scipions pourraient réclamer d'autre 349. 145 Voilà ce qu'Héracleidès pouvait dire publiquement, mais, en privé, il apportait à Publius Scipion, de la part d' Antiochos, la promesse d'une grosse somme d'argent 350et celle de la libération de son fils 351. 146 Antiochos l'avait en effet capturé en Grèce, alors qu'il cherchait à passer de Chalcis à Démétrias 352. Ce fils était le Scipion qui, par la suite, prit et détruisit Carthage et fut le second à porter le nom d 'Africain, après celui dont il est ici question. Il était fils du Paulus qui fut vainqueur de Persée et Scipion, son grand-père maternel, avait fait de lui son fils adoptir 53. 147 Officiellement donc les Scipions donnèrent à Héracleidès la réponse suivante354: « Si Antiochos à besoin de la paix, qu'il se , retire non seulement des villes d 'Ionie et d 'Eolide, mais de toute l'Asie cis-taurique 355, et qu'il paie tous les frais de la guerre dont il est responsable 356». 148 Et en privé, Publius dit à Héracleidès 357 « que si Antiochos avait fait ces propositions aux Romains alors qu'il était 339. 341. 37, 33, 347.
Sur la marche de l'armée consulaire, cf. Tite-Live, 37, 33, 1-4. Eumène avait tout préparé pour leur passage : cf. Tite-Live. 4. Cf. Tite-Live, 37, 35, 4.
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encore maître de la Chersonnèse et de Lysimacheia, les Romains les auraient volontiers acceptées. Peut-être même l'auraient-ils fait si seulement il gardait encore le passage de l' Hellespont. Mais maintenant qu'ils l'avaient déjà traversé et se trouvaient en sécurité, maintenant qu'ils avaient, comme on dit, mis la bride au cheval, et qu'après l'avoir bridé ils s'étaient mis en selle 358 , ils n'accepteraient pas un accord de paix au rabais. 149 A titre personnel, il savait gré au roi de son intention et lui en saurait encore plus quand il aurait recouvré son fils, mais déjà il lui manifestait sa reconnaissance en lui conseillant d'accepter les conditions offertes avant d'être confronté à des exigences plus sévères ».
XXX. 150 Sur ces mots, Publius, malade, se retira à Élaia 359 en laissant à son frère Gnreus Domitius comme conseiller360• Un peu comme Philippe de Macédoine, Antiochos se figura que la guerre ne lui enlèverait rien de plus que ce qu'on exigeait de lui361 : il rangea son armée en bataille dans la plaine de Thyatire 362 , à, une faible distance de l'ennemi, et fit reconduire à Elaia, auprès de Scipion, son fils Émilien 363 • 151 A ceux qui le conduisaient, Scipion donna le conseil « qu 'Antiochos ne livrât point bataille avant son retour364 ». Ayant fait confiance à Scipion, Antiochos transporta son camp dans les parages du mont Sipyle : il l'entoura d'un puissant retranchement et mit le fleuve Phrygios, comme un rempart, entre l'ennemi et lui365 , afin de n'être pas obligé de livrer bataille même contre sa volonté 366 • 152 Mais Domitius, qui nourrissait l'ambition d'emporter par ses propres moyens la décision dans cette guerre, franchit très audacieusement le fleuve et établit son camp à une distance de vingt stades d 'Antiochos 367 • 153 Quatre jours de suite chacun des deux généraux rangea ses troupes devant son camp fortifié, sans donner le signal de la
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bataille 368. 154 Le cinquième jour, Domitius rangea de nouveau ses troupes et se porta impétueusement contre l 'adversaire 369. 155 Comme Antiochos n'avançait pas à sa rencontre, il se contenta pour l'instant de rapprocher son camp mais, après avoir encore laissé passer une journée370, il fit proclamer, à portée de voix de l'ennemi, « que le lendemain il livrerait bataille à Antiochos, même si celui-ci s'y refusait » 371. 156 Ce dernier, sous le coup de l'émotion, revint une nouvelle fois sur sa décision et, alors qu'il aurait pu se contenter de prendre position au pied du retranchement ou de repousser Domitius, dans de bonnes conditions, du haut de ce même retranchement, en attendant que Publius Scipion fût rétabli, il jugea honteux de fuir le combat alors qu'il avait l'avantage du nombre 372. C'est pourquoi il fit ranger son année en bataille 373.
XXXI. 157Tous deux sortirent de leur camp alors qu'il faisait encore nuit, vers la dernière veille, et voici l'ordre de bataille adopté par chacun d'entre eux. Dix mille fantassins romains occupaient l'aile gauche 374, sur le bord même du fleuve ; après eux, dix mille autres fantassins -des ltaliens375-, les uns et les autres sur trois manipules de profondeur376.Après les Italiens était rangée l'armée d'Eumène ainsi qu 'environ trois mille peltastes achéens 377. 158 Voilà pour l'aile gauche 378. Quant à l'aile droite, elle était formée de cavaliers (Romains, Italiens et soldats d'Eumène) dont le nombre ne dépassait pas non plus trois mille379. A tous avaient été mêlés, en grand nombre, des fantassins légers et des archers, et quatre escadrons de cavalerie entouraient Domitius lui-même. 159 Le total atteignait donc trente mille hommes : Domitius, commandant en personne l'aile droite, avait placé le consul lui-même au centre 380 et confié l'aile gauche à Eumène 381. 160 Estimant qu'aucun des éléphants, originaires d'Afrique, dont il disposait ne lui serait utile, attendu qu'ils étaient moins nombreux et de plus petite taille, car africains (et les petits ont peur des grands ... ), il les plaça tous à l'arrière 382.
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XXXD. 161 Voilà donc l'ordre de bataille adopté par les Romains. Antiochos disposait de son côté d'une armée dont l'effectif total s'élevait à soixante-dix mille hommes 383,dont la phalange des Macédoniens constituait l'élément le plus solide -seize mille hommes encore équipés à la façon des soldats de Philippe et d' Alexandre384. 162 Il les plaça au centre, répartis en dix bataillons de mille six cents hommes 385. Chacun de ces bataillons alignait cinquante hommes de front sur trentedeux de profondeur386, et chacun était flanqué de vingtdeux éléphants 387. La phalange avait l'aspect d'un rempart et les éléphants de tours 388. 163 Telle était l'infanterie d' Antiochos 389; de part et d'autre de celle-ci des cavaliers avaient été rangés --des Galates 390, cataphractes 391 et ce que l'on appelle l'agèma des Macédoniens392.Eux aussi sont des cavaliers d'élite 393,et c'est pourquoi on les appelle « agèma » 394. 164 Ces unités395se trouvaient dans l'alignement de la phalange, de part et d 'autre 396. Après celles-ci, avaient pris position aux ailes : à droite, un certain type de fantassins armés à la légère et des cavaliers du corps des Compagnons 397 , armés de boucliers d 'argent 398, ainsi que deux cents archers à cheval399 ; à gauche, des peuplades galates (Tectosages, Trocmes, Tolistobioi) 400 , un certain nombre de Cappadociens envoyés par Ariarathe 401, puis des mercenaires d'origines diverses 402, puis une autre cavalerie cataphracte 403 , et ce que l'on appelait la cavalerie des Compagnons, armée à la légère 404 • 165 Voilà quel était le dispositif adopté par Antiochos. Il semble avoir mis ses espoirs dans ses cavaliers, qu'il disposa en grand nombre en première ligne405, et aussi fait preuve d'incompétence militaire en concentrant dans un petit espace sa phalange en formation serrée406 , elle en qui il aurait dû placer principalement sa confiance, car elle était 386. Cf. Tite-Live, 37, 40, 1-2. qui suit la même tradition. 394. Cette remarque inepte n'est peut-être qu'une glose insérée.
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très bien entraînée 407. 166 Il y avait aussi par ailleurs une foule de frondeurs, d'archers, de lanceurs de javelot et de peltastes -Phrygiens, Lyciens, Pamphyliens, Pisidiens408,Crétois, Tralles 409 et Ciliciens équipés à la façon des Crétois 410. 167 Après eux venaient d'autres archers à cheval, Dahae 411, Mysiens 412, Élyméens 413, et Arabes -ces derniers, assis sur des chamelles très rapides, tirent aisément de l'arc depuis leur position élevée et, chaque fois qu'ils en viennent au combat rapproché, ils utilisent des sabres longs et effilés 414. 168 En outre, des chars armés de faux415avaient été disposés dans l'espace entre les deux armées, pour se battre en avant de la ligne de front416. Et il leur avait été dit de se replier après le premier engagement.
XXXIll.
169 On avait l'impression de voir deux
armées, dont l'une commençait le combat, alors que l'autre demeurait en réserve. Chacune des deux avait été équipée pour provoquer l'effroi, terrible qu'elle était par son importance et sa belle ordonnance 417. 170 Antiochos commandait personnellement les cavaliers de l'aile droite 418, Séleucos, le fils d' Antiochos 419, ceux de l'aile opposée, Philippe l 'Eléphantarque 420la phalange, Mendis421 et Zeuxis 422 les troupes placées en avant des lignes 423. 171 Mais la journée devint brumeuse et sombre424: le spectacle offert par ce déploiement perdait de sa netteté et tous les tirs des archers étaient moins précis, comme il est naturel quand l 'abnosphère est humide et sombre 425. 172 Ayant remarqué cela, Eumène n'eut qu'un seul souci : redoutant surtout la charge impétueuse des chars rangés contre lui, il rassembla tous les archers, frondeurs et autres troupes légères dont il disposait et leur ordonna de contourner les chars au pas de course en dirigeant leurs tirs sur les chevaux et non sur les combattants portés 426. Dans un attelage en effet, quand un cheval se 419. Le futur Séleucos IV.
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bat avec son compagnon de joug, le char devient totalement inefficace et les autres unités perdent beaucoup de leur belle ordonnace, car les troupes amies redoutent les faux. 173 Ce fut précisément ce qui se produisit alors. Criblés de blessures, les chevaux emportaient les chars en tous sens dans les rangs amis : les chamelles furent les premières à ressentir les effets du désordre, car elles étaient placées à proximité des chars 427 ; après elles, ce fut le tour de la cavalerie des cataphractes qui, en raison de leur lourd équipement, ne pouvaient esquiver les chars aisément428 • 174 Le tumulte était grand désormais et l'agitation confuse : après avoir pris naissance surtout dans ces unités, elle gagnait tout le front, et les suppositions que l'on faisait dépassaient l'exacte vérité. Comme il est naturel quand la distance est grande, la foule compacte, les clameurs confuses et la peur profonde 429 , même ceux qui se trouvaient à proximité des victimes ne pouvaient comprendre exactement ce qui se passait, et chaque unité amplifiait les suppositions qu'elle transmettait à ses voisines 430 •
XXXIV. 175 Ayant obtenu ce premier succès, comme tout le secteur du front occupé par les chars et les chamelles se trouvait dégarni, Eumène prit la tête de ses propres cavaliers ainsi que de tous les Romains et Italiens rangés à côté de lui et il les mena contre les unités qui lui faisaient face (les Galates, les Cappadociens et le groupement de mercenaires 431 ), en poussant de grands cris pour exciter ses soldats contre des hommes sans expérience du combat qui n'étaient plus couverts par leur première ligne de défense. 176 Ils lui obéirent et leur charge irrésistible mit en fuite ces unités ainsi que les troupes qui leur étaient associées, cavaliers et cataphractes432 , panni lesquels depuis longtemps les chars mettaient le désordre : ils rattrapaient et massacraient surtout ces derniers, que leur lourdeur empêchait d'esquiver ou de vol-
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ter aisément4 33. 177 Telle était la situation à gauche de la phalange macédonienne. A droite en revanche, là précisément où il était lui-même placé, Antiochos ouvrit une brèche dans les rangs de la phalange romaine qu'il disloqua et poursuivit sur une longue distance 434.
XXXV. 178 Formée à l'étroit en rectangle, en tant qu' associée à de la cavalerie, la phalange macédonienne, se trouvant sur chaque flanc dégarnie de cette cavalerie, ouvrit ses rangs pour accueillir l'infanterie légère qui escarmouchait encore devant elle, et les resserra ensuite 435. Mais, comme Domitius l'avait encerclée facilement (puisqu'il s'agissait d'un quadrilatère compacr"36) avec un grand nombre de cavaliers et de fantassins annés à la légère, ne pouvant plus ni charger437 ni opérer de contremarche438 avec des files d'une telle profondeur, la phalange était très durement éprouvée 439. 179 Et les hommes rageaient de ne plus pouvoir tirer parti de leur expérience, alors qu'eux-mêmes offraient de toutes parts à l'ennemi une cible qu'il ne pouvait pas manquer ! 180 Pourtant, pointant en avant la ligne serrée des sarisses sur les quatre flancs du quadrilatère, ils provoquaient les Romains au combat rapproché et donnaient toujours l'impression d'être des attaquants 440 • 181 Néanmoins, ils ne fonçaient pas en avant, car ils n'étaient que des fantassins appesantis par leurs armes, qui voyaient l'ennemi à cheval ; surtout ils ne voulaient pas relâcher leur formation serrée et ils n'avaient pas le temps de se ranger autrement. 182 Mais les Romains ne s'approchaient pas d'eux et n'engageaient pas de combat au corps à corps, car ils redoutaient l 'expérience d'hommes entraînés, en formation compacte et désespérés : galopant autour d'eux, ils les criblaient de javelots et de flèches, et aucun trait ne se perdait, étant donné le nombre d'hommes tassés dans un petit espace. Ils ne pouvaient en effet ni faire dévier les projectiles, ni s'écarter de leur trajectoire. 183 C'est pourquoi, durement éprouvés désormais, ils cédaient devant la difficulté et se retiraient au pas441 , en proférant des menaces, avec un
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grand sang-froid qui inspirait la crainte aux Romains. Car, même alors, ceux-ci n'osaient pas s'approcher d'eux mais, galopant alentour, ils leur causaient du dommage, jusqu'au moment où les éléphants, qui se trouvaient dans les rangs de la phalange macédonienne 442, s'affolèrent et cessèrent d'obéir à leurs cornacs, ce qui bouleversa le bon ordre de la retraite 443.
XXXVI. 184 Domitius avait l'avantage de ce côté-là et s'étant dépêché de gagner le camp d 'Antiochos, il délogea ceux qui le gardaient444. Quant à Antiochos, poursuivant sur une longue distance le corps d'infanterie romaine devant lequel il avait pris position (il était dépourvu lui aussi de tout soutien de cavalerie ou d'infanterie légère, car Domitius n'en avait pas stationné dans ce secteur, dans l'idée qu'on n'en aurait pas besoin à cause du fleuve), Antiochos, dis-je, arriva jusqu'au camp romain. 18S Mais quand le tribun militaire 445qui gardait le camp eut arrêté son élan en se portant à sa rencontre avec les troupes fraîches de la garnison 446 , et quand les fuyards, retrouvant courage au contact des unités qui s'étaient mêlées à eux, eurent fait volte-face, Antiochos revint fièrement en arrière, comme s'il avait remporté une victoire 447, sans rien savoir de ce qui se passait de l'autre côté. 186 Attale 448, le frère d 'Eumène, marcha à sa rencontre avec de nombreux cavaliers 449. Et, après avoir facilement percé leur ligne, Antiochos s'engouffra dans la brèche, sans se soucier d'eux, bien qu'ils continuassent à galoper sur ses flancs en le gênant un peu 450. Mais quand il eut sous les yeux le spectacle de la défaite et vit la plaine entière couverte des cadavres des siens 451-hommes, chevaux et éléphants- ainsi que son camp déjà enlevé de vive force, alors Antiochos s'enfuit sans se retourner et arriva à Sardes avant le milieu de la nuit452. 187 Et de Sardes il gagna Célènes, que l'on nomme· Apamée, où on lui disait que son fils s'était réfugié453.Le lendemain, il quitta Célènes pour la Syrie, en
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laissant ses généraux4 S4 à Célènes pour recueillir et rassembler les rescapés. 188 Il envoya aussi des ambassadeurs au consul pour mettre fin à la guerre455 • Ce dernier ensevelissait ses morts, dépouillait ceux de l'ennemi, et regroupait les prisonniers. Il apparut que les Romains de Rome avaient perdu vingt-quatre cavaliers et environ trois cents fantassins, tués par Antiochos, Eumène seulement quinze cavaliers. 189 On supputait qu 'Antiochos de son côté avait perdu environ cinquante mille hommes, en comptant les prisonniers. Il n'était pas facile en effet d'en faire le compte, vu leur nombre. Quant aux éléphants, certains furent tués et quinze capturés456 • XXXVII. 190 Après une très· brillante victoire que certains jugeaient aberrante (on ne pouvait prévoir, croyaient-ils, qu'une armée peu nombreuse l'emporterait à ce point, en terre étrangère, sur des adversaires beaucoup plus nombreux, et surtout sur la phalange macédonienne, bien entraînée, formée à cette époque particulièrement d'hommes valeureux et jouissant d'une formidable réputation d'invincibilité -après une telle victoire, dis-je, les Amis d' Antiochos blâmaient457 la précipitation avec laquelle il s'était engagé dans son différend avec Rome, ainsi que l'inexpérience et l'irréflexion qu'il avait manifestées dès le début, lui qui avait laissé échapper de ses mains la Chersonnèse et Lysimacheia (avec l'armement et la quantité de matériel qui s'y trouvaient) avant même de s'être mesuré avec l'ennemi, et abandonné la garde de l'Hellespont, alors que l'on se serait attendu à ce que les Romains eussent des difficultés pour en forcer le passage. 191 Ils lui reprochaient aussi sa dernière folie : avoir mis l'élite de son armée hors d'état de servir en la confinant à l'étroit et placé ses espoirs dans un gigantesque ramassis de soldats novices plutôt qu'en des hommes dont un long entraînement avait fait des professionnels de la guerre458 , des hommes qui,
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après tant de conflits, avaient développé dans leur cœur l'audace et la résolution ! 192 Tels étaient les propos que l'on tenait sur le compte d 'Antiochos 459 • Chez les Romains 460 , au contraire, le moral était au plus haut : ils estimaient que plus rien ne leur était difficile, grâce à leur valeur et à l'aide des dieux. Car, bien évidemment, leur réputation de bonne fortune tenait aussi au fait qu' un si petit nombre d'hommes en valant à eux seuls un grand nombre 461 avaient, dès le premier choc, au cours de la première bataille et en terre étrangère, triomphé en une seule journée de tant de peuples, des armements d'un roi, de la valeur de nombreux mercenaires, de la gloire des Macédoniens et du roi lui-même, qui possédait un immense empire et l'appellation de « Grand ». Et, dans leurs propos revenait sans cesse l'expression : « le Roi Antiochos le Grand 462 ».
XXXVID. 193 Telles étaient donc les fanfaronnades des Romains sur leur propre compte. Pour sa part,, quand son frère Pub lius, une fois rétabli, fut arrivé d 'Elaia, le consul donna audience aux ambassadeurs d' Antiochos 463 • Ceux-ci demandaient à connaître ce que le roi Antiochos devait faire pour être l'ami des Romains 464 , et Pub lius leur donna la réponse suivante 465 : 194 « Par soif de domination, Antiochos s'est causé à lui-même ses ennuis présents et passés, lui qui, possédant un très grand empire dont les Romains lui laissaient la jouissance, a enlevé la Syrie Creuse à Ptolémée, son parent et l'ami des Romains ; qui ensuite, après avoir envahi l'Europe, bien qu'elle ne le concernât en rien, a soumis la Thrace, fortifié la Chersonnèse et relevé Lysimacheia ; qui, passé en Grèce, cherchait à asservir les Grecs auxquels les Romains venaient de rendre l'autonomie, jusqu'au jour où il a été défait au combat près des Thermopyles. 459. Les vrais responsables de la défaite étaient plutôt les chefs de la phalange, qui l'avaient laissée s'immobiliser, alors qu'elle aurait dû suivre cofite que coûte la cavalerie royale et les Hypaspistes.
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195 Même après avoir pris la fuite il n'a pas mis un terme à sa soif de domination mais, bien qu'il eût à maintes reprises perdu la partie sur mer, il a sans doute demandé un armistice, alors que nous venions juste de franchir }'Hellespont ; mais, dans sa superbe, il a méprisé nos offres et de nouveau il nous faisait la guerre, après avoir rassemblé contre nous une nombreuse armée et des armements considérables, voulant à toute force se mesurer à meilleur que lui, jusqu'au jour où il a rencontré un grand malheur466. 196 On aurait pu s'attendre à ce que nous lui infligions, nous, un châtiment plus grand, puisqu'il a souvent voulu à toute force en découdre avec les Romains. Mais le succès ne nous rend pas arrogants et nous n'accablons pas l'infortune d'autrui 467 • 197 Nous continuons à lui offrir les conditions que nous lui proposions antérieurement (avec quelques menues additions), conditions qui nous seront utiles à nous et avantageuses pour sa sécurité à l'avenir468. 198 Qu'il se tienne éloigné de l'Europe entière et de l'Asie en deçà du Taurus 469 (on y délimitera des frontières ... )470 , qu'il livre tous les éléphants qu'il possède ainsi que les navires471 que nous exigerons ; qu'à l'avenir il n'ait pas d'éléphants et juste le nombre de navires que nous fixerons472 ; qu'il livre aussi vingt otages, dont le consul dressera la liste473 , et de l'argent, pour couvrir les frais de cette guerre dont il porte la responsabilité : cinq cents talents euboïques 474 dès maintenant et deux mille cinq cents quand le Sénat aura ratifié le présent traité, plus douze mille talents payables dans les douze ans à venir, en effectuant à Rome chaque année le versement de la fraction due475 • 199 Qu'il nous rende d'autre part tous nos prisonniers et déserteurs476 , et qu'il restitue à Eumène tout ce qu'il conserve de ce qui était prévu dans le traité qu'il avait conclu avec Attale, le père d 'Eumène 477 • Si Antiochos fait cela sans tricher, nous lui accordons paix et amitié, après ratification par le Sénat ».
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XXXIX. 200 Telles étaient les propositions de Scipion, et les ambassadeurs les acceptèrent toutes. La fraction immédiatement exigible de l'indemnité arriva, ainsi que les vingt otages, dont Antiochos, le fils cadet du roi. D'autre part, les Scipions et Antiochos envoyèrent des émissaires à Rome478 , et le Sénat donna son assentiment aux décisions prises. 201 On rédigea un traité confirmant les paroles de Scipion, apportant des précisions sur les points laissés dans le vague et incluant quelques petites additions479 • Deux caps (le Kalykadnos et le Sarpédonion480)borneraient l'empire d' Antiochos 481 , et il ne pourrait les doubler pour faire la guerre482 ; il ne posséderait que douze navires cuirassés seulement, avec lesquels il pourrait engager une guerre contre ses sujets ; en revanche, si on lui faisait la guerre, il pourrait en utiliser davantage 483 • 202 Il ne pourrait recruter aucun mercenaire dans les territoires soumis à Rome484 ni donner asile à des exilés qui en viendraient485 ; tous les deux ans, il renouvellerait les otages -hormis son fils Antiochos 486 • 203 Les Romains, une fois le texte rédigé 487 et consacré, sur des tablettes de bronze 488 , dans le Capitole 489 , là où ils consacrent aussi les autres traités, les Romains, dis-je, en envoyèrent une copie à Manlius Vulso490 , qui avait succédé à Scipion dans son commandement491• 204 Celuici prêta serment aux ambassadeurs d 'Antiochos, à Apamée de Phrygie 492 , et Antiochos jura au tribun Thermus, qu'on avait envoyé pour cela493 • 205 Ainsi se terminait pour Antiochos sa guerre contre les Romains. On pensait que, si les choses n'étaient pas allées plus loin, c'était 478. L'ambassade syrienne était conduite par Zeuxis (Polybe, 21, 24, 1) et par Antipater, le neveu d' Antiochos. Sur ces négociations, voir Polybe, 21, 18, 1 sq. ; Tite-Live, 37, 55, 1-3 et Grainger, Roman War, p. 336. -Les diverses ambassades arrivèrent à Rome, selon Polybe, au début de l'été 189 et, après de longues auditions, le Sénat envoya en Asie dix commissaires chargés d'exécuter les décisions prises. Ces commissaires, précise Polybe (21, 24, 16), partirent pour l'Asie au moment où les Scipions débarquaient à Brindes. On reviendra infra, n. 530, sur les incidences de ce cadre chronologique.
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parce qu 'Antiochos s'était attiré de la reconnaissance à propos du fils de Scipion 494 et certains, quand Scipion fut de retour495 , le calomnièrent et deux tribuns de la plèbe 496 lui intentèrent un procès pour s'être laissé acheter497 et avoir trahi498 •
XL. 206 Lui méprisa l'accusation et n'en tint aucun compte. Quand le tribunal se réunit (c'était l'anniversaire du jour où jadis il avait soumis Carthage), il envoya des victimes au Capitole avant de se présenter lui-même au tribunal magnifiquement habillé au lieu d'être vêtu modestement de manière à inspirer la pitié, comme ceux qui doivent rendre des comptes ; par là, il voulait faire immédiatement impression sur toute l'assistance et l'inciter à la bienveillance 499 en lui donnant à penser que sa fierté tenait assurément à ce qu'il avait bonne conscience. 207 Au début de son discours 500 , il ne mentionna même pas l'accusation mais passa en revue son existence et son genre de vie, tous ses exploits, toutes les guerres qu'il avait menées pour sa patrie, et comment il avait conduit chacune d'elles et combien de fois il avait été vainqueur, si bien que naquit même chez les auditeurs un sentiment de plaisir au rappel emphatique du passé 501 • 208 Puis, quand à un certain moment il en arriva à Carthage, il exalta particulièrement cet épisode pour frapper les imaginations et, plein lui-même d'un élan qu'il communiqua au peuple, il dit : « Au jour où nous sommes, je remportais la victoire dont je vous parle et je vous procurais Carthage, chers concitoyens, Carthage qui jusqu'alors était pour nous un très grand sujet de crainte 502 • 209 Je vais donc aller au Capitole pour sacrifier ce jour d 'hui 503• Et que tous ceux d'entre vous qui aiment la Cité veuillent bien s'associer à mon sacrifice, qui a lieu pour vous ». Sur ces mots, il courut au Capitole, sans se soucier aucunement du procès. 210 La foule le suivit ainsi que la plupart des juges, en l'acclamant bruyamment, et, tandis qu'il sacrifiait, ils continuaient à l'acclamer.
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211 Les accusateurs étaient dans l'embarras et n'osèrent ni lui intenter un nouveau procès au motif que celui-là n'était pas allé jusqu'à son terme504 , ni lui adresser le reproche de démagogie, sachant bien que le bilan de sa vie avait plus de force que les soupçons et la calomnie 505 • XLI. 212 Voilà donc comment Scipion traita par le mépris une accusation indigne de son existence passée. Il s'y prit plus habilement, me semble-t-il, qu'Aristide, accusé de vol506, et que Socrate, à propos de l'inculpation dont il était l'objet (tous deux, ils ne dirent pas un mot, poussés par un dédain analogue, à moins que Socrate n'ait tenu les propos que lui attribue Platon), et plus fièrement aussi sans doute qu 'Épaminondas 507 : alors que ce dernier exerçait les fonctions de béotarque avec Pélopidas et une tierce personne, 213 les Thébains les envoyèrent, en confiant une armée à chacun, secourir des Arcadiens et des Messéniens auxquels Sparte faisait la guerre, et les rappelèrent, à la suite d'une calomnie, alors qu'ils n'avaient pas encore mené à bien tous leurs plans. 214 Mais eux, de six mois, ne cédèrent pas le commandement à leurs successeurs, attendant d'avoir détruit les garnisons lacédémoniennes et d'en , avoir réinstallé d'autres, formées d' Arcadiens : c'est Epaminondas qui obligea ses collègues à se conduire ainsi en leur promettant l'impunité pour cette action. 215 A leur retour, les accusateurs leur intentant des procès séparés et requérant la peine de mort (la loi punissait en effet de mort quiconque avait exercé, par la force, un commandement attribué à un autre), les deux autres inculpés se tirèrent d'affaire en faisant appel à la pitié et à des flots d 'éloquence, et en rejetant la responsabilité sur Épaminondas, qui admit lui-même leur avoir tenu ces propos et confirma leurs dires. 216 Jugé le dernier, il déclara : « Je reconnais avoir exercé illégalement le commandement pendant cette période et avoir contraint à m'imiter ceux que vous venez d'acquitter. Et, comme j'ai agi illé-
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gaiement, je ne demande pas à échapper à la mort. 217 Mais je vous demande, en contrepartie de ce que j'ai fait au cours de mon existence passée, d'inscrire sur mon tombeau:
Cet homme, c'est le vainqueur de Leuctres, qui jusqu'à Sparte même a étendu sa patrie, elle qui ne supportait ni ces ennemis ni aucun mercenaire portant le bonnet laconien. Cet homme a été mis à mort par sa patrie pour avoir violé les lois dans l'intérêt de celle-ci ». 218 Sur ces mots, il descendit de la tribune et livra sa personne à quiconque voulait le conduire au supplice. Mais comme son discours avait fait honte aux jurés, que sa défense leur avait inspiré de l'admiration et qu'ils avaient du respect pour l'homme qui se défendait, ils ne supportèrent pas de prendre les bulletins de vote et se hâtèrent de quitter le tribunal.
XLil.
219 Tout un chacun peut ainsi établir à sa
guise un parallèle entre ces conduites. Quant au successeur de Scipion, Manlius 508 , il attaqua les territoires enlevés à Antiochos et y prit les mesures qui lui parurent bonnes 509 • Et comme, parmi les Galates qui s'étaient alliés à Antiochos 510, les Tolistobioi 511 avaient trouvé refuge sur !'Olympe de Mysie 512, il gravit péniblement la montagne et les mit en déroute alors qu'ils cherchaient à s'échapper, si bien qu'il en tua et en précipita dans les ravins une telle foule qu'il fut impossible d'en faire le compte, tant ils étaient nombreux. 220 Il fit également près de quarante mille prisonniers, dont il brûla les boucliers ; quant aux hommes, ne pouvant promener avec lui une telle foule tout en guerroyant, il les vendit aux Barbares voisins 513• 221 Chez les Tectosages et les Trocmes514,une embuscade le mit en péril, et il prit la fuite 515 • Mais, étant revenu vers eux alors qu'ils campaient, agglutinés les uns aux autres en raison de leur grand
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nombre, il les encercla avec ses troupes légères et, parcourant les rangs, il donna l'ordre de leur lancer des javelots sans en venir aux mains ni s'approcher. 222 Aucun trait ne manquant sa cible, étant donné que les ennemis étaient serrés les uns contre les autres516, il en tua environ huit mille et poursuivit le reste au delà du fleuve Halys517 • 223 Le roi des Cappadociens, Ariarathe518 , qui lui aussi avait envoyé des troupes à Antiochos, fut pris de crainte et implora Manlius auquel il avait fait parvenir deux cents talents ; eu égard à ses instances, sans faire d'incursion sur son territoire519, Manlius revint vers l 'Hellespont 520 avec une grande quantité d'objets précieux, de l'argent à ne pouvoir le compter, un très lourd butin et une armée surchargée521•
XLID. 224 Tels furent les succès de Manlius mais ensuite, contre toute logique, il négligea de prendre la mer pendant la belle saison, sans s'être préoccupé de la lourdeur du convoi ni avoir continué d'exercer avec diligence ou d'entraîner par des marches une armée qui ne partait pas en guerre, pleine d'allant, mais regagnait ses foyers avec son butin522• 225 En outre, il fit route à travers la Thrace par un chemin étroit, long, et difficilement praticable, en pleine canicule, sans avoir préalablement averti Philippe en Macédoine de venir à sa rencontre pour l 'escorter523 , sans avoir échelonné son armée en de nombeux corps, afin qu'elle se déplaçât plus aisément et disposât plus facilement du nécessaire, et sans avoir formé en colonne le train des équipages, afin de lui assurer une meilleure protection524• 226 Il menait au contraire tout son monde en formation compacte sur une grande longueur avec les équipages au centre : ainsi ni l'avantgarde, ni l'arrière-garde ne pouvaient leur porter secours rapidement en raison à la fois de la distance et de l'étroitesse du chemin. 227 C'est pourquoi, comme les Thra521. Cf. Tite-Live, 38, 40, 1-4.
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ces le harcelaient de toutes parts sur ses flancs, il perdit une grande partie de son butin, des fonds publics et même de son armée525 • Avec les survivants, il parvint sain et sauf en Macédoine. Cela fit voir très clairement quel grand service avait rendu Philippe en escortant les Scipions, et quelle erreur Antiochos avait commise en évacuant la Chersonnèse. 228, Passé de Macédoine en Thessalie et de Thessalie en Epire, Manlius franchit le canal de Brindes526 et, après avoir renvoyé dans ses foyers le restant de son armée527 , il revint à Rome.
XLIV. 229 Les Rhodiens et Eumène, le roi de Pergame, étaient fiers d'avoir fait partie de la coalition dirigée contre Antiochos : Eumène fit en personne le voyage de Rome528, tandis que les Rhodiens envoyaient des ambassadeurs529• 230 Le Sénat donna530 aux Rhodiens la Lycie et la Carie531, qu'il leur enleva peu après parce qu'ils s'étaient montrés plus empressés envers le Macédonien Persée qu 'envers les Romains, en guerre contre Persée532 • Quant à Eumène, les Romains lui accordèrent tout le reste des territoires enlevés à Antiochos, à l'exception des cités grecques qui s'y trouvaient533 • 231 A tous les Grecs qui avaient été tributaires d' Attale, le père d 'Eumène, ils ordonnèrent de verser leur contribution à Eumène ; tous ceux en revanche qui antérieurement payaient un impôt à Antiochos, ils les exemptèrent du tribut et leur accordèrent I'autonomie534 • XLV. 232 Ce fut ainsi que les Romains organisèrent à leur avantage les territoires conquis par la lance. Par la suite, le roi Antiochos le Grand étant mort535 , son fils Séleucos lui succéda536 • Il libéra son frère Antiochos537 , retenu comme otage à Rome, donnant en échange son 526. Appien oublie de signaler que Manlius Vulso passa l'hiver à Apollonia avant de regagner l'Italie : cf. Tite-Live, 38, 40, 15. 529. Cf. Polybe, 21, 18 sq. et Diodore, 29, 11.
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propre fils Démétrios 538. 233 Tandis qu 'Antiochos revenait de captivité et se trouvait encore à Athènes 539, Séleucos fut assassiné 540 , à la suite d'un complot tramé par l'un de ses courtisans, Héliodore 541. Mais Eumène et Attale chassèrent Héliodore 542qui tentait de s'emparer du pouvoir par la force, et installèrent Antiochos sur le trône 543en cherchant à s'en faire un allié : en effet, à la suite de certaines frictions, ils regardaient désormais Rome avec méfiance 544 • 234 Ce fut ainsi qu 'Antiochos, fils d' Antiochos le Grand, prit le pouvoir en Syrie. Les Syriens lui donnèrent le nom d'Épiphane car, alors que le pouvoir était accaparé par des étrangers, on avait assisté à l'épiphanie d'un roi national 545. 235 Après avoir conclu un traité d'amitié et d'alliance avec Eumène 546 , il gouverna fermement la Syrie et les peuples voisins 547. Comme satrape à Babylone 548 , il avait Timarque 549,comme préposé aux finances, Héraclide 550, deux frères qui l'un et l'autre avaient été ses mignons 551.
XLVI.
236 Il fit également
campagne contre 552 Artaxias, le roi d' Arménie , et, après l'avoir vaincu, il mourut 553, laissant comme héritier un enfant de neuf ans, Antiochos 554, auquel les Syriens ajoutèrent le nom d'Eupator555, à cause de la valeur de son père. L'enfant avait Lysias pour tuteur556. 237 Le Sénat se réjouit de ce qu 'Antiochos n'avait manifesté que peu de temps son naturel valeureux et était mort rapidement 557. 238 Comme Démétrios (fils de Séleucos, neveu d' Antiochos Épiphane, petit-fils d' Antiochos le Grand et cousin de cet enfant 558), encore otage à Rome et dans la vingt-troisième année de son âge, exhortait les Romains à le reconduire dans le royaume qui, disait-il, lui revenait bien davantage559, ils n'en firent rien, estimant qu'il n'était pas de 538. Sur cet échange, cf. Polybe, 31, 2, 2 ; Tite-Live, Per. 41. Voir Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 239 ; Morkholm, o. c.• p. 40, qui datait l'événement de 176/5 av. J.-C. Cf. note suivante.
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leur intérêt qu'un homme accompli régnât sur la Syrie à la place d'un mineur débile 560. 239 Apprenant d'autre part l'existence, en Syrie, d'une troupe d 'éléphants 561et de navires dépasssant le nombre qui avait été fixé, ils envoyèrent à Antiochos des ambassadeurs, qui devaient faire abattre ces éléphants et incendier ces navires 562. 240 Ce fut un spectacle pitoyable que le massacre des animaux, apprivoisés et peu nombreux, et l'incendie des navires. Et à Laodicée un certain Leptine, qui n'avait pas supporté de voir cela, assassina le chef de ces ambassadeurs, Gnreus Octavius, alors qu'il s'exerçait au gymnase563.
XLVII. 241 Lysias fit procéder aux funérailles d'Octavius 564, tandis que Démétrios, s'étant de nouveau présenté devant le Sénat, cherchait à obtenir qu'il fût mis fin, à tout le moins, à sa condition d'otage, puisqu'il avait été échangé contre Antiochos et qu 'Antiochos était mort !565 242 N'ayant même pas obtenu satisfaction sur ce point 566, il s 'embarqua 567à la sauvette 568et, accueilli avec joie par les Syriens 569, il exerça le pouvoir après avoir fait périr Lysias et l'enfant en plus 570, chassé Héracleidès571et tué Timarque, qui s'était révolté et d'ailleurs gouvernait Babylone en vrai scélérat 572. C'est pourquoi il reçut le surnom de Sôter, à l'initiative des · Babyloniens573. 243 Une fois son pouvoir affermi 574, Démétrios envoya aux Romains une couronne valant dix mille statères d 'or575, pour les remercier des conditions dans lesquelles il avait été précédemment otage chez eux, ainsi que Leptine, l'assassin d'Octavius 576. Ils acceptèrent la couronne, mais ne prirent point Leptine, mettant sans doute par là en réserve quelque bon grief contre les Syriens 577. 244 D'autre, part, Démétrios chassa Aria563. Cf. Diodore, 31, 29 ; Zonaras, 9, 25, 5. Voir E. S. Gruen, o. c., p. 82-83 ; G. Marasco, L'uccisione del legato Cn. Ottavio (162 a. C.) e la politica Romana in Siria, Prometheus 12 (1986), p. 226-238. 564. Appien est notre seule source sur ce point.
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rathe 578du trône de Cappadoce pour installer à sa place, contre mille talents, Olopheme, qui passait pour être un frère d' Ariarathe 579.
XLVill.
245 Les Romains estimaient quant à eux
qu 'Ariarathe et Olopherne, étant frères, devaient régner ensemble 580. Mais tous deux une fois chassés du pouvoir581par Mithridate, le roi du Pont, qui en chassa aussi peu après Ariobarzanès, leur successeur-582, commença à s'engager, pour cette raison et pour d'autres, la « guerre de Mithridate », qui fut une très grande guerre : elle finit par impliquer, sous des formes très diverses, quantité de peuples et se prolongea pendant environ quarante années, au cours desquelles les Syriens connurent quantité de souverains, pris dans la famille royale, dont le règne fut très éphémère, quantité aussi de révolutions et de soulèvements contre la couronne 583. 246 Les Parthes de leur côté, qui s'étaient auparavant détachés de l' empire séleucide, attirèrent à eux la Mésopotamie 584, sujette des Séleucides, 247 tandis que le roi d'Arménie, Tigrane fils de Tigrane, après avoir soumis de nombreux peuples voisins, qui avaient leurs propres dynastes, se figura à partir de ce moment être le « Roi des Rois » et fit campagne contre les Séleucides, qui ne voulaient pas lui être soumis 585. 248 Antiochos le Pieux ne lui ayant opposé aucune résistance 586, Tigrane gouverna la Syrie ciseuphratique -à savoir tous les peuples syriens jusqu'à la mer ; il gouverna également la Cilicie (car celle-ci était sujette des Séleucides) pendant quatorze 587ans. Il avait soumis tous ces peuples à l'autorité d'un stratège, Bagadatès588.
XLIX. 249 Mais, comme le général romain Lucullus poursuivait Mithridate, réfugié secrètement auprès de 578. Ariarathe V, chassé en 159 av. J.-C. Sur ces événements, voir Diodore, 31, 32 et Polybe, 33, 6, 2 et l'exposé de Bouché-Leclerq, o. c., l, p. 324-328.
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Tigrane 589 , Bagadatès se porta avec son année au secours de Tigrane et, sur ces entrefaites, Antiochos, fils d 'Antiochos le Pieux, se glissa en Syrie et gouverna les Syriens de leur plein consentement 590 • 250 Lucullus, qui fut le premier Romain à guerroyer contre Tigrane et le chassa des territoires qu'il avait annexés, ne dénia pas à Antiochos la possession de son royaume ancestral 591 • En revanche Pompée qui, succédant à Lucullus, élimina Mithridate, autorisa certes Tigrane à gouverner l 'Arménie, mais chassa Antiochos du trône de Syrie, bien qu'il n 'eOt commis aucune faute envers les Romains. La véritable raison, c'est qu'il lui était aisé, disposant d'une année, de s'emparer d'un vaste royaume désarmé. Mais il prétendit que, les Séleucides ayant été chassés par Tigrane, il n'était pas raisonnable qu'ils continuent à gouverner la Syrie : c'était plutôt aux Romains, vainqueurs de Tigrane 592 , de le faire.
L. 251 Ce fut ainsi que les Romains occupèrent sans combat la Cilicie, la Syrie intérieure, la Syrie creuse, la Phénicie, la Palestine, et toutes les autres parties de la Syrie connues sous d'autres appellations depuis l 'Euphrate jusqu'à l'Égypte et à la mer. 252 Restait une seule nation, celle des Juifs 593 , qui résistait encore : Pompée la réduisit par la force 594 , envoya à Rome le roi Aristobule et détruisit 595 la plus grande et la plus sainte de leurs villes, Jérusalem, dont Ptolémée, le premier roi d 'Égypte, s'était lui aussi emparé 596, que Vespasien détruisit de nouveau 597 , après qu'elle eut été reconstruite, et de nouveau Hadrien à mon époque 598 • 253 Voilà pourquoi, pour tous les Juifs, l'impôt sur les personnes est plus lourd que sur la fortune 599 • Pour les Syriens et les Ciliciens, cette dernière est annuelle 600, et se monte pour chacun à un centième de sa fortune. 589. Voir le Livre Mithridatique, chap. CVI et n. 1010. 590. Antiochos XIII, fils d' Antiochos X et de Cléopâtre Séléné.
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254 Ainsi donc Pompée plaça d'une part à la tête de certains de ces peuples, qui avaient été sujets des Séleucides, leurs propres rois et dynastes, comme cela avait été le cas des Galates d'Asie, tandis que d'autre part il confirmait les dynastes dans leurs protectorats 601 , parce qu'ils avaient été ses alliés contre Mithridate. Et peu de temps après ces régions aussi échurent aux Romains, l'une après l'autre, en particulier à l'époque de César Auguste602 •
LI. 255 Immédiatement, Pompée plaça au gouvernement de la Syrie Scaurus603 , qui avait été son questeur pendant ses guerres, puis le Sénat y nomma Marcius Philippus604après Scaurus et Lentulus Marcellinus 605 après Philippus, tous deux de rang prétorien606 • 256 Mais tous deux virent leur mandat de deux ans se consumer dans des opérations défensives contre les harcèlements des Arabes voisins607 • Et c'est pourquoi le gouvernement de la Syrie fut ensuite confié à des hommes qui avaient exercé à Rome la magistrature consulaire, afin sans doute qu'ils eussent le droit, en tant que consuls, de recruter une année et de faire la guerre. 257 Et le premier de cette catégorie fut Gabinius 608 , que l'on envoya avec une année. Comme il se préparait à entrer en guerre, Mithridate609,le roi des Parthes, chassé du pouvoir par son frère Hyrôdès, lui fit choisir les Parthes comme objectif au lieu des Arabes610• Mais Ptolémée, le onzième roi d'Égypte 611 chassé lui aussi du pouvoir, le fit changer d'avis en lui versant beaucoup d'argent : il le persuada de marcher contre les Alexandrins plutôt que contre les Parthes 612 • 258 Gabinius rétablit Ptolémée sur son trône, après avoir 601. Le nom tEtpaoapxia est très rare ; c'est ici l'équivalent de tEtpapxia. Il s'agit des « protectorats » rattachés à la province romaine de Syrie : cf. Pline, NH, S, 74 : Tetrarchiae regnorum instar singulae. 602. Tout cela avait déjà été brièvement exposé dans le Mithridateios.
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fait la guerre aux Alexandrins, mais il fut exilé par le Sénat romain pour avoir envahi l'Egypte sans qu'un décret l'y autorisât, pour une guerre que les Romains jugeaient engagée sous de funestes auspices 613: il existait en effet un oracle sibyllin le leur interdisant6 14. 2S9 Après Gabinius, autant qu'il me semble, ce fut Crassus 615 qui gouverna les Syriens, celui qui essuya un grand désastre alors qu'il faisait la guerre contre les Parthes. Et, sous Lucius Bibulus 616(qui gouverna la Syrie après Crassus617),les Parthes envahirent la Syrie [et ils n'accomplisent rien d'important, méritant d'être mentionné, parce qu'ils ressemblaient plus à des pillards qu'à des années régulières]. Et, sous le gouvernement du successeur de Bibulus, Saxa 618, ils firent des incursions jusqu'en Ionie, à une époque où les Romains étaient occupés par les guerres civiles qui les opposaient entre eux.
Lll.
260 Mais j'exposerai cela d'une manière com-
plète dans mon Livre Parthique 619 • Dans le présent livre, qui est consacré à la Syrie, j'ai dit comment les Romains ont occupé la Syrie et lui ont donné son organisation actuelle ; je ne crois pas non plus déplacé de survoler l'histoire des Macédoniens qui régnaient en Syrie avant les Romains 620. 261 Alexandre donc régna sur la Syrie après les Perses -lui qui d'ailleurs fut le roi de tous les peuples qu'il vit. Alexandre mourut en laissant des enfants dont l'un était tout petit et l'autre encore dans le sein de sa mère ; par attachement pour la famille de Philippe621,les Macédoniens choisirent, pour régner sur eux (bien qu'il passât pour ne pas avoir toute sa raison) le frère d'Alexandre, Arrhidée, en l'appelant Philippe au lieu d 'Arrhidée, puisque les enfants d'Alexandre étaient encore en nourrice -ils assurèrent en effet aussi la protection de sa femme enceinte 622. 262 De leur côté, les 613. Sur les procès intentés à Gabinius. cf. E. Fantham. The trials of Gabinius. Historia 24 (1975). p. 425-443. 614. Cf. Dion Cassius. 39. 15. 2.
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Amis d'Alexandre se partagèrent les peuples de l'Empire pour s'en faire des satrapies, Perdiccas les répartissant entre eux sous l'autorité du roi Philippe 623. Et peu après, les rois étant morts, les satrapes devinrent rois 624. 263 Le premier satrape de Syrie fut donc Laomédon de Mitylène625, investi par Perdiccas et par Antipatros qui, après Perdiccas, fut Protecteur des rois 626. 264 S'étant porté par mer contre Laomédon, Ptolémée, le satrape d'Égypte, chercha à le persuader, en lui offrant beaucoup d'argent, de lui livrer la Syrie, qui est le rempart de l'Égypte et une base d'opérations contre Chypre 627. 265 Comme Laomédon ne se laissait pas convaincre, Ptolémée le fit prisonnier628. Mais lui, après avoir soudoyé ses gardiens, se réfugia en Carie auprès d' Alkétas 629. Ptolémée gouverna un certain temps la Syrie et il regagna l'Égypte par mer en laissant des garnisons dans les villes 630.
Lm.
266 Antigonos était satrape de Phrygie, de
Lycie et de Pamphylie 631et, comme Antipatros, passant en Europe, l'avait laissé en arrière pour surveiller l'Asie entière 632, il assiégeait Eumène, le satrape de Cappadoce, que les Macédoniens avaient décrété ennemi public 633. Celui-ci lui échappa et chercha à s'emparer de la Médie. 267 Mais Antigonos s'empara d 'Eumène et le fit périr634 ; et, sur le chemin du retour, il fut magnifiquement accueilli par Séleucos 635, qui était satrape à Babylone 636. 268 Séleucos ayant traité brutalement un chef militaire sans tenir Antigonos au courant6 37, bien qu'il fût sur place 638, celui-ci se fâcha et réclama les comptes de l'argent et des propriétés 639. Plus faible qu 'Antigonos, Séleucos se retira en Égypte auprès de Ptolémée 640 • 269 Et, aussitôt après la fuite de Séleucos, 623. Sur le « partage de Babylone » (juin-juillet 323), voir QuinteCurce, 10, 10, 1 sq ; Plutarque, Eumène, 3, 3 ; Diodore, 18, 3, 1 sq. 624. En 305, l' « année des rois ». 625. Cf. Diodore, 18, 3, 1 ; Justin, 13, 4, 2 ; Quinte-Curce, 10, 10, 2.
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Antigonos démit de ses fonctions Blitôr, qui commandait en Mésopotamie 641 , pour avoir laissé partir Séleucos ; et il plaça sous sa coupe la Babylonie, la Mésopotamie, et tous les autres peuples depuis la Médie jusqu'à l 'Hellespont642.A ce moment-là, d'ailleurs, Antipatros était mort. Gouvernant un aussi vaste territoire, il encourut bien vite la jalousie des autres satrapes. 270 C'est pourquoi, principalement sur les instances de Séleucos, un pacte fut conclu réunissant Ptolémée, Lysimaque, le satrape de Thrace, et Cassandros, fils d 'Antipatros, qui avait succédé à son père à la tête des Macédoniens 643 • Et ils envoyèrent de concert des ambassadeurs à Antigonos 644 , lui demandant de répartir entre eux et d'autres Macédoniens dépossédés de leurs satrapies les territoires et l' argent qu'il avait acquis en plus de sa part. 271 Antigonos s'étant moqué d'eux, ils s'engagèrent dans une guerre en commun, tandis que lui se préparait à leur résister, chassait toutes les garnisons que Ptolémée avait encore en Syrie et obtenait le ralliement massif des parties de la Phénicie et de la Syrie dite Creuse qui étaient encore sujettes de Ptolémée 645 •
LIV. 272 En se retirant au delà des Portes de Cilicie646,il laissa à Gaza, avec l'armée, son fils Démétrios âgé d'environ vingt-deux ans647 , pour parer aux mouve, ments offensifs de Ptolémée depuis l'Egypte. Ptolémée remporta sur lui une éclatante victoire à la bataille de Gaza648 et le jeune homme se retira auprès de son père649 • 273 Aussitôt Ptolémée envoya Séleucos à Babylone pour y reprendre le pouvoir650 • Et il lui donna à cette fin mille 641. Diodore ne mentionne pas ce personnage, dont on ne sait presque rien. Voir Mehl, o. c., p. 65. Antigonos ne semble pas lui avoir donné de successeur : cf. Mehl, o. c., p. 89. 642. Il réalisait ainsi le plan qu'il avait formé en 319 après la mort d 'Antipatros. Cf. Diodore 18, 4 7, 5 : fü&vo&ito -rrov1ea-rà't'lV •Acrl.av fxea8a1 1tpayµa-rrov 1eai 'tT}Ç1ea't· aÙ'tT)Vftyeµoviac; µ116&vinapaxrop&iv.
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fantassins et trois cents cavaliers 651• 274 C'est avec si peu d'hommes que Séleucos recouvra la Babylonie 652 , accueilli avec empressement 653 par toute la population 654 , et peu après il agrandit considérablement son empire. 27S Mais Antigonos repoussa Ptolémée et remporta sur lui, dans les parages de Chypre, une éclatante victoire navale 655, son fils Démétrios exerçant le commandement. Après ce fait d'armes particulièrement brillant, l'année proclama Antigonos et Démétrios 656 tous les deux rois, les rois légitimes étant désonnais morts, aussi bien Arrhidée fils de Philippe et d'Olympias 657 que les fils d 'Alexandre 658• 276 De son côté, Ptolémée fut proclamé roi par sa propre armée afin qu'il ne fût en rien inférieur aux vainqueurs à cause de sa défaite 659• 277 Ceux-ci se trouvèrent donc obtenir les mêmes honneurs pour des raisons opposées. Les autres 660 suivirent aussitôt leur exemple et, de satrapes, tous devinrent rois.
LV. 278 Ce fut ainsi que Séleucos, lui aussi, devint roi de Babylonie 661 • Il devint également roi de Médie, après avoir tué de sa propre main, sur le champ de bataille 662 , Nicanor, qu 'Antigonos avait laissé comme satrape de Médie 663 • 279 Il livra par ailleurs quantité de batailles à des Macédoniens et à des Barbares, dont deux très grandes contre des Macédoniens : la seconde à Lysimaque, qui régnait sur la Thrace 664 , la première, près d'Ipsos de Phrygie 665 , à Antigonos 666 , qui assurait le commandement et combattait en personne, bien qu'il eût passé quatre-vingts ans 667 • 280 Antigonos étant tombé au cours du combat 668 , tous les rois qui, avec Séleucos, l'avaient abattu, se partagèrent ses territoires 669 • Et Séleucos obtint alors comme lot le gouvernement de la Syrie cis-euphratique 670, riveraine de la Méditerranée, ainsi que 651. Diodore 19, 90, 1 lui attribue 800 fantassins et 200 cavaliers. Sur les divergences observées entre Appien et Diodore, cf. Mehl, o. c., p. 89.
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la Phrygie intérieure 671 • 281 Sans cesse à l'affut des peuples voisins, il savait user de la force pour les réduire et de la persuasion pour les attirer à lui : aussi gouvernat-il la Mésopotamie, l'Arménie, la Cappadoce dite « Séleucide » 672 , les Perses, les Parthyens 673 , les Bactriens, les Arabes 674 , les Tapuriens, la Sogdiane, l 'Arachosie, l 'Hyrcanie, et tous les peuples limitrophes jusqu'à l 'lndus 675 , autrefois conquis par la lance d'Alexandre, de telle sorte que ce fut lui surtout qui, après Alexandre, engloba dans son empire la plus grande partie de l'Asie. Car, de la Phrygie 676 à l 'Indus, en allant vers la Haute Asie, tout obéissait à Séleucos. 282 Et, après avoir franchi l 'Indus 6n, il fit la guerre à Androkottos 678 , roi des Indiens voisins du fleuve, avant de conclure avec lui un traité d'amitié et une alliance matrimoniale 679 • Certaines de ses actions furent accomplies avant la mort d 'Antigonos, d'autres après lui680 •
LVI. 283 Alors qu'il était encore soldat du roi 681 et suivait celui-ci contre les Perses, on raconte que, voulant s'informer sur son retour en Macédoine, il reçut dans le sanctuaire d'Apollon Didyméen 682 l'oracle suivant683 : « Ne te hâte pas de retourner en Europe : l'Asie vaut beaucoup mieux pour toi » 684 •
284 On dit aussi qu'en Macédoine, alors que personne n'avait allumé le foyer de ses pères 685 , il en jaillit soudain une grande flamme 686 , et que sa mère 687 eut en rêve une vision : elle donnait comme bijou à Séleucos un anneau qu'elle viendrait à touver, et celui-ci règnerait là où l'anneau tomberait. 285 Elle trouva une ancre gravée sur fer688 , et lui perdit cet anneau en descen671. La Grande Phrygie. L'attribution de cette satrapie à S~leucos, mise en doute par certains historiens modernes, fait l'objet d'une interminable et vaine discussion, résumée par Brodersen, o. c., p. 118-121 ; Mehl, o. c., p. 213.
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dant l'Euphrate 689. 286 On dit aussi que plus tard, retournant en Babylonie, il buta contre une pierre et que, la pierre une fois dégagée, on vit que c'était une ancre 690. Les devins étaient troublés, car ils voyaient là un symbole d'empêchement. Mais Ptolémée fils de Lagos, qui était auprès de lui691, déclara que l'ancre était symbole de sécurité et non point d'empêchement. 287 C'est pourquoi Séleucos, même quand il fut roi, avait pour sceau une ancre 692. Et, selon certains, du vivant encore d' Alexandre et sous ses propres yeux, un autre signe annonciateur de son règne advint à Séleucos. Le voici. 288 Après qu'Alexandre fut revenu de l'Inde à Babylone, alors qu'il faisait une tournée d'inspection dans les marais qui se trouvent en Babylonie même, car on avait besoin de }'Euphrate pour irriguer la terre d'Assyrie, un coup de vent emporta son diadème qui alla s'accrocher à un roseau, sur la tombe d'un ancien roi. 289 C'était là aussi un signe annonçant la mort du roi ; mais on dit qu'un marin, s'étant précipité à la nage, se coiffa du diadème et le rapporta à Alexandre, sans qu'il fût mouillé : pour son empressement, il reçut aussitôt du roi un cadeau d'un talent d'argent 693. 290 Et, comme les devins invitaient Alexandre à faire périr cet homme, les uns disent qu'ils réussirent à le convaincre, d'autres qu'il refusa. Certains même, passant outre à tous ces témoignages 694, prétendent que ce ne fut pas du tout un marin mais Séleucos695qui se précipita à la nage vers le diadème royal s'en coiffa afin qu'il ne fût pas mouillé 696. 291 Et, pour tous les deux, dit-on, les présages s'accomplirent : Alexandre en effet trépassa à Babylone et Séleucos fut, parmi les héritiers d'Alexandre, celui qui régna sur le plus grand nombre de territoires lui ayant appartenu. 689. Cf. Justin, 15, 4, 3 sq. 691. Séleucos s'était réfugié en Egypte, auprès de Ptolémée. 693. C'était ce que rapportait Aristoboulos, Fr. Gr. Hist. 139 Fr. 55, cité par Arrien. 695. Variante également signalée par Arrien, 7, 22, 5.
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LVll.
292 Voilà donc tout ce que j'ai appris sur les
prédictions faites à Séleucos. Sitôt Alexandre disparu, il devint chef de la cavalerie des Compagnons, qu 'Héphrestion avait aussi commandée pour le compte d'Alexandre et Perdiccas après lui697. Et, après avoir exercé le commandement de la cavalerie, il devint satrape de Babylonie et roi après avoir été satrape. 293 Très heureux à la guerre, il reçut le surnom de Nikator : je préfère cette explication le fait qu'il avait tué Nikanor698. 294 Il était de constitution robuste et de grande taille : comme un jour, pendant un sacrifice en l'honneur d'Alexandre, il avait affronté seul et tué à mains nues un taureau sauvage qui s'était libéré de ses entraves, on ajouta pour cette raison des cornes à ses statues699. 295 D'un bout à l'autre de tout son empire, il fonda 700seize Antioches en l'honneur de son père 701, cinq Laodicées en l'honneur de sa mère 702, neuf cités tirant leur nom du sien 703, et quatre en l'honneur de ses femmes : trois Apamées 704et une Stratonicée 705. 296 Les plus célèbres 706, encore de nos jours 707, sont Séleucie sur mer 708et Séleucie du Tigre 709, Laodicée de Phénicie710 et Antioche au pied du mont Liban 711, ainsi qu 'Apamée de Syrie 712. 297 Aux autres cités, il donna des noms tirés de la Grèce ou de la Macédoine, ou inspirés par certains de ses exploits, ou destinés à honorer le roi Alexandre. De là vient qu'en Syrie et chez les Barbares de Haute Asie on trouve quantité de noms de cités grecques et quantité de noms de cités macédoniennes 713: 298 Béroia 714, Edesse 715, Périnthe 716, Maronée 717, Callipolis718, Achaia 719, Pella 720, Oropos 721, Amphipolis 722, Aréthuse 723, Astakos 724, Tégée, Chalcis 725, Larissa 726, Héraia 727, Apollonia 728et en Parthyène 729Sôteira 730, Cal698. Cette explication se retrouve chez Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 4 et chez le Syncelle, p. 330 Mosshamer. Sur Nicanor, cf. supra, SS, 278, et Mehl, o. c., p. 107 sq. d.va701. Cf. Etienne de Byzance, s. v.'Avn6xe1a· 6t1ea 1t6Â.e1c;
-ypacpovtat,Elcri 6&nleiouc;.
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liopè 731, Charis 732, Hécatompolis 733, Achaia 734; dans l'Inde, Alexandropolis 735; chez les Scythes 736, Alexandreschata737. Et, en l'honneur des propres victoires de Séleucos, on trouve un Niképhorion 738en Mésopotamie et une Nicopolis en Arménie, à proximité immédiate de la Cappadoce 739.
LVlll.
'
.
299 A ce qu'on raconte de lut comme fonda-
teur des Séleucies, pour Séleucie sur mer740 , ce fut le présage d'un coup de tonnerre qui le guida, et c'est pour cette raison qu'il institua chez eux le culte de la foudre et, encore de nos jours 741, ses habitants le pratiquent et chantent des hymnes en l'honneur de celle-ci742. 300 Pour Séleucie du Tigre 743,les Mages 744qui avaient reçu l'ordre de choisir le jour et l'heure de la journée où l'on devait commencer à creuser les fondations 745, auraient menti sur l'heure car ils ne voulaient pas d'une bastille de cette sorte chez eux 746. 301 Et tandis que Séleucos attendait calmement dans sa tente l'heure indiquée et que l'armée, à pied d 'œuvre, ne bougeait pas avant le signal de Séleucos, soudain, à l'heure la plus favorable, s'étant figuré que quelqu'un donnait l'ordre, les hommes bondirent pour se mettre au travail, au point de ne même plus écouter les hérauts qui cherchaient à les retenir encore. 302 Le travail fut mené à terme et comme Séleucos, démoralisé, interrogeait de nouveau les Mages sur l' avenir de la ville, ceux-ci, après avoir demandé l'impunité, déclarèrent : « Le sort fixé par le destin, ô roi, qu'il soit bon ou mauvais, il n'est pas possible de le changer, qu'il s'agisse d'un homme ou d'une ville 747.Car il existe d'une certaine manière un destin pour les villes, comme il en existe un pour les hommes. 303 Les dieux avaient décidé que celle-ci durerait très longtemps, si elle commençait à cette heure-ci où elle est née 748et nous autres, terrifiés à la pensée qu'elle serait pour nous une bastille, 732. Cette ville n'est pas autrement connue.
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nous cherchions à détourner le destin. 304 Mais ce dernier était plus puissant que la fourberie des Mages et l'ignorance du roi à son sujet. C'est pourquoi la Divinité a ordonné à l'année l'action la plus favorable. 305 Tu peux t'assurer qu'il en est bien ainsi, afin de ne pas nous soupçonner de machiner maintenant encore quelque coup : toi, le roi en personne, tu étais posté près de ton armée et tu lui avais donné toi-même l'ordre de patienter. Et elle, qui t'est parfaitement soumise quand il s'agit de combats et d'épreuves, n'a cette fois rien voulu entendre -même pas l'ordre de rester tranquille. Au contraire, elle s'est ruée en avant, non pas par petits groupes, mais en bloc, avec ses officiers, croyant en avoir reçu l'ordre. Et elle l'avait bel et bien reçu. C'est pourquoi les hommes n'obéissaient plus, même pas à toi qui cherchais à les retenir. 306 Or que peut-il y avoir au monde de plus puissant qu'un roi, sinon la Divinité ? C'est elle qui a été plus forte que ta volonté et qui, à notre place, t'a guidé pour la fondation de la cité, irritée qu'elle était contre nous et toute la population d'alentour. 307 Où en effet nos intérêts pourront-ils encore prévaloir, maintenant qu'une nation plus forte est installée auprès de nous749 ? Ta ville est née sous le signe de la Bonne Fortune750 : elle sera puissante et durera longtemps. A nous qui avons péché par crainte de perdre nos biens propres, garantis ton pardon ! » Après ce discours des Mages, le roi se réjouit et pardonna.
LIX. 308 Voilà ce que j'ai appris à propos de Séleucie751 • Séleucos proclama de son vivant son fils Antiochos roi à sa place sur les territoires de la Haute Asie, 752 • Et si cela paraît à certains un trait de grandeur d'âme vraiment royal753 , Séleucos supporta avec plus de grandeur d'âme encore et de sagesse la passion amoureuse ressentie par son fils et la façon dont celui-ci sut matàiser ses sentiments754 • 309 Antiochos aimait en effet Stratonice755 , la propre femme de Séleucos, qui était
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devenue sa belle-mère et avait déjà donné un enfant 756 à son mari. Mais, conscient de l'interdit qui frappait ce sentiment 757 , loin de commettre le mal ou de laisser paraître à quiconque sa passion, il en était malade, se refusait à agir ainsi758 et y mettait du sien pour mourir 759 • 310 Même le célèbre médecin Érasistrate 760 , qui séjournait auprès de Séleucos avec un salaire élevé, n'arrivait pas à se faire une opinion sur sa maladie jusqu'au moment où, ayant observé que le corps était totalement indemne 761 , il conjectura qu'il s'agissait d'une maladie de l'âme, l'état de celle-ci retentissant sur le corps, qu'elle soit en bonne ou en mauvaise santé. Or les personnes pourvues de retenue 762 confessent leurs chagrins, leurs emportements et tous leurs autres désirs, mais dissimulent leurs amours. 311 Comme pourtant, même dans son état, Antiochos ne lui disait rien, bien qu'il insistât pour être informé en secret, Érasistrate se tenait assis à son chevet et observait les modifications de son corps et son comportement devant chaque visiteur. 312 Il découvrit que devant toutes les autres personnes son corps se desséchait toujours et dépérissait de façon uniforme, mais que, chaque fois que Stratonice venait lui rendre visite, son âme 763 était alors particulièrement à la torture sous l'effet de la honte et de la mauvaise conscience 764 , et il gardait le silence tandis que son corps, même malgré lui, retrouvait vigueur et vie, pour s' affaiblir de nouveau quand elle se retirait 765 • Érasistrate dit alors à Séleucos que son fils était pour lui un cas incurable. 313 Et le roi,, au comble de la désolation, poussant les hauts cris, Erasistrate ajouta : « le mal, c'est l'amour, et l'amour pour une femme, mais un amour impossible 766 ».
LX. 314 Séleucos, stupéfait, s'étant demandé s'il était quelqu'un que Séleucos, le roi de l'Asie, ne pût persuader d'épouser un pareil fils à force de prières, d'argent, de présents et par la perspective d'un si grand
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royaume qui, dans sa totalité, allait échoir par succession à ce roi767 malade, et serait même cédé immédiatement en échange de sa guérison, pour peu qu'on le voulût dès maintenant, et cherchant seulement à savoir quelle était cette femme, Érasistrate répondit : « Il aime ma propre femme » 768 • 315 Et Séleucos de lui dire : « Eh quoi, cher ami, puisque tu tiens de nous tant de marques d'amitié et de faveurs 769 , et que tu es plus vertueux et plus sage que beaucoup, ne me feras-tu pas le plaisir de sauver un jeune homme de rang royal, fils d'un ami et d'un roi, qui, victime d'un sentiment malheureux, tient son mal caché et préfère pour lui-même la mort ? Feras tu fi d 'Antiochos ? Feras-tu fi également de Séleucos ? » 316 L'autre se défendait en faisant valoir un argument que l'on pouvait estimer irréfutable : « Toi non plus, tu as beau être son père, si Antiochos aimait ta propre femme, tu ne la lui donnerais pas ! » 317 Séleucos jura alors, par tous les dieux protecteurs de la maison royale 770 , qu'il la lui céderait volontiers et avec joie, et que cela ferait une belle histoire 771 , celle d'un père bienveillant à l'égard d'un fils sage, maîtrisant ses mauvais instincts et ne méritant point son malheur 772 • 318 Il ajouta beaucoup d'autres propos du même genre 773 , puis commença à s'affliger de ne pouvoir être son propre médecin quand il , était malheureux et d'avoir besoin d'Erasistrate, même pour cela.
LXI. 319 Quand il vit les dispositions du roi, qui laissaient entrevoir une réalité et non une feinte, Érasistrate dévoila la passion d 'Antiochos et expliqua comment il l'avait découverte, bien qu'elle fût cachée 774 • 320 Séleucos, ravi, eut bien du mal à convaincre son fils, bien du mal à convaincre ensuite sa femme. Quand il les eut convaincus 775 , il réunit son armée 776 qui, vraisembla-:blement, avait déjà eu vent de l'affaire. Il énuméra aux
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soldats ses exploits et leur expliqua que, parmi les successeurs d'Alexandre, il était celui qui avait donné, et de loin, la plus grande extension à son empire : c'est pourquoi, maintenant qu'il vieillissait, il lui devenait difficile de le gouverner, en raison de son étendue. 321 « Je veux, dit-il, diviser son immensité pour que vous n'ayez pas à vous soucier de l'avenir, et en donner déjà une partie aux êtres qui me sont les plus chers777• 322 Il est juste que tous vous m'apportiez en tout votre concours, vous dont j'ai accru à un tel degré, après Alexandre, l'empire et la puissance. 323 Ceux qui me sont les plus chers et qui sont dignes de l'empire, c'est celui de mes fils qui a atteint l'âge adulte, et c'est ma femme. Maintenant, comme ils sont jeunes, puissent-ils avoir rapidement des enfants, et puisse s'accroître le nombre de ceux qui vous gardent l'hégémonie ! 324 C'est devant vous778 que je les unis l'un à l'autre et que je les envoie régner dorénavant sur les peuples de Haute Asie779• 325 Et ce que je vous fixerai comme loi, c'est moins la coutume des Perses et d'autres peuples780 que celle-ci, qui est universelle : est toujours juste ce que le roi a fixé781 ». 326 Ainsi parla-t-il et l'armée acclama en lui le plus grand roi d'entre les successeurs d'Alexandre 782 et le meilleur des pères. 327 Après avoir donné les mêmes instructions à Stratonice et à son fils, Séleucos les unit par le mariage et les envoya dans leur royaume, ayant accompli là un acte glorieux plus efficace que ses hauts faits d'armes 783 •
LXII. 328 Il exerçait son autorité sur soixante-douze satrapies784 : si vaste était le territoire sur lequel il régnait. Il en remit la plus grande partie à son fils et se contenta de gouverner la région qui s'étend de la mer jusqu'à l'Euphrate 785 • 329 Il livra sa dernière bataille786 à Lysimaque en Phrygie Hellespontique787 , fut vainqueur de Lysimaque, qui tomba au cours de la bataille, et franchit lui-même l'Hellespont788 • Et alors qu'il remontait
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vers Lysimacheia 789 , il fut tué 790 • 330 Il fut tué par un membre de sa suite, Ptolémée, surnommé Kéraunos. Ce Ptolémée était fils de Ptolémée Sôter et d 'Eurydice, fille d'Antipatros 791 • Comme la crainte l'avait conduit à s'exiler d'Egypte, parce que Ptolémée projetait de donner la couronne à son fils cadet792, Séleucos avait accueilli en lui le fils infortuné d'un ami, il avait pourvu à son entretien, et il promenait partout avec lui son futur assassin 793•
LXID. 331 Telle fut la fin de Séleucos : il avait vécu soixante-treize ans 794, dont quarante-deux ans de règne 795 • Et, autant qu'il me semble, la même prédiction « Ne cherche pas l'Europe mieux pour toi »
796 ;
l'Asie vaut bien
se réalisa pour lui de la sorte. Lysimacheia fait en effet partie de l'Europe, et c'était alors que, pour la première fois depuis l'expédition d'Alexandre, il franchissait le détroit pour gagner l'Europe 797 • 332 On dit aussi que, un jour qu'il interrogeait un oracle 798 sur les circonstances précises de sa mort, la prédiction suivante lui fut faite : « En évitant Argos, tu atteindras l'année marquée
par le Destin. Si en revanche tu approchais d 'Argos, alors tu périrais prématurément ». 333 Lui donc recherchait toutes les localités de la terre portant le nom d 'Argos et les évitait --entre autres l 'Argos du Péloponnèse, l 'Argos Amphilochique, l 'Argos d'Orestide (d'où sont originaires les Macédoniens Argéades 799) et l 'Argos que Diomède, dit-on, fonda dans les parages de la mer Ionienne, alors qu'il errait à l'aventure800. 334 Mais, tandis qu'il remontait de }'Hellespont vers Lysimacheia, il aperçut un grand autel visible de
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partout à la ronde et on l'informa qu'il avait été élevé soit par les Argonautes, longeant la côte en direction de la Colchide, soit par les Achéens marchant contre Ilion, et que pour cette raison les populations d'alentour appelaient encore l'autel « Argos », qu'ils en aient déformé le nom à cause du navire Argo ou par référence à la patrie des Atrides801 • Il était encore en train de recueillir cette information quand il fut tué par Ptolémée, qui l'attaqua par derrière. 335 Philétaire 802 , qui régna sur Pergame, réclama de Kéraunos, contre une grosse somme d 'argent 803 , le corps de Séleucos et l'incinéra ; et il envoya les cendres à son fils Antiochos. 336 Celui-ci les fit déposer à Séleucie-sur-Mer et éleva à Séleucos un temple804 , qu'il entoura d'un enclos sacré805 : lequel enclos porte le nom de Nikatoreion 806 •
LXIV. 337 J'apprends d'autre part 807 que Lysimaque, du temps où il était l'un des écuyers d'Alexandre, courut un jour aux côtés de celui-ci sur une très longue distance 808 et que, lorsqu'il fut fatigué, il saisit la queue du cheval royal, continuant à accompagner le cavalier dans sa course 809 • Mais, frappé au visage, à la hauteur de la veine temporale, par l'extrémité inférieure de la lance du roi, il eut une hémorragie810 • 338 Faute de bandage, Alexandre pansa la blessure avec son diadème, et le diadème fut couvert de sang. De son côté, le devin d'Alexandre, Aristandros 811 , ajouta à l'intention de Lysimaque, que l'on transportait dans cet état, « que cet homme serait roi, mais ne régnerait qu'au prix de grands efforts ». 339 De fait, il régna environ quarante ans (en comptant les années où il fut satrape812 ), et il régna au prix de grands efforts. Il succomba à soixante-dix ans813 , en faisant campagne et en combattant, Séleucos de son côté ayant péri peu après lui. 340 Le chien de Lysimaque défendit pendant un bon bout de temps le cadavre de son maître gisant sur le champ de bataille, et le préserva des injures des oiseaux de proie et des bêtes sauvages814, jusqu'au moment où Thôrax de Pharsale,
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l'ayant retrouvé, procéda à ses funérailles 815. 341 Selon d'autres 816, ce fut Alexandros 817, le propre fils de Lysimaque, qui procéda à ses funérailles 818. Poussé par la crainte, il s'était réfugié auprès de Séleucos lorsque Lysimaque avait tué son autre fils, Agathocle 819. Il rechercha alors le corps de son père et l'identifia surtout à cause du chien, car il était déjà décomposé. Les habitants de Lysimacheia déposèrent les ossements dans un sanctuaire qui lui appartient en propre, auquel ils donnèrent le nom de Lysimacheion 820 • 342 Telle fut la fin qui échut à ces deux rois, tous deux très vaillants et de très grande taille, qui vécurent l'un jusqu'à soixante-dix ans, l'autre encore trois années de plus, et prirent toujours part personnellement aux batailles jusqu'à leur mort.
LXV. 343 Après la mort de Séleucos, les fils succé, dant aux pères, il y eut à la tête de l'Etat syrien les souverains suivants. D'abord Antiochos (celui qui était tombé amoureux de sa belle-mère) : il reçut le surnom de Sôter821 pour avoir chassé les Galates qui, venus d'Europe, avaient envahi l 'Asie 822. 344 Puis un autre Antiochos823, né de leur mariage, qui, à l'initiative des Milésiens, reçut le nom de Théos 824 parce qu'il les avait débarrassés du tyran Timarque 825. Mais la femme de ce Théos le fit périr en l 'empoisonnant 826. 345 Il avait eu deux épouses, Laodice 827et Bérénice 828, s'étant marié par amour829 fille de Ptolémée Philadelphe. Ce fut Laodice qui le fit périr830, ainsi que Bérénice et l'enfant nouveau-né 831de cette dernière 832. 346 Ptolémée, fils de Philadelphe 833, voulant venger ce crime 834 , chercha à faire périr Laodice 835: il envahit la Syrie et poussa jusqu'à Babylone 836; et les Parthes commencèrent alors leur sécession 837en profitant des troubles où l'empire séleucide était plongé 838. 816. On voit ainsi qu •Appien utilisait plusieurs sources, même dans les digressions.
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LXVI. 347 Après Théos monte sur le trône de Syrie Séleucos, fils de Théos et de Laodice, surnommé Kallinikos839.Succèdent à Séleucos, par rang d'âge, ses deux fils840 , Séleucos et Antiochos. 348 Ce Séleucos 841, valétudinaire, démuni d'argent, mal obéi de l'année, fut victime d'un complot de ses Amis, qui l 'empoisonnèrent842: il n'avait régné que deux ans 843. Cet Antiochos est celui qui fut surnommé le Grand et dont j'ai déjà parlé à l'occasion de sa guerre contre Rome 844 • Il régna trentesept ans 845. 349 Et j'ai déjà parlé 846 de ses deux fils, Séleucos 847et Antiochos 848 , qui régnèrent tous les deux : Séleucos pendant douze ans 849, avec inefficacité et faiblesse en raison du malheur survenu à son père 850, Antiochos un peu moins de douze années, durant lesquelles 851 et conduisit il fut ,, vainqueur d 'Artaxias l 'Annénien en Egypte une expédition contre le sixième Ptolémée, demeuré orphelin avec un frère 852. 350 Et, alors qu'il était campé aux environs d 'Alexandrie 853, Popilius 854 arriva de Rome 855comme ambassadeur, porteur d'une tablette où il était écrit qu 'Antiochos ne devait pas faire la guerre aux Ptolémées 856. 351 Comme Antiochos, la lettre lue, déclarait qu'il réfléchirait, Popilius traça autour de lui un cercle avec son bâton en disant : « Réfléchis ici ». 352 Saisi de crainte, il leva le camp et pilla 857 le sanctuaire d'Aphrodite d'Elymée 858. Il mourut859 de consomption 860en laissant pour héritier un enfant de neuf ans 861, Antiochos Eupator862, comme je l'ai déjà exposé quand il a été question de lui 863. LXVII. 353 Il a déjà été question 864du Démétrios 865 qui lui succéda. Il s'enfuit de Rome où il était retenu 841. Séleucos m Kéraunos. Il eut pour tuteurs Andromachos et Achaios Il. Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 9, dit que ce prince se nommait Alexandros mais prit le nom dynastique de Séleucos et fut surnommé par l'année Kéraunos. 843. Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260 Fr. 32, 9, lui attribue en revanche trois années de règne.
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comme otage et monta sur le trône, recevant lui aussi des Syriens le surnom de Sôter porté avant lui par le fils de Séleucos Nikator. 354 Contre lui se souleva un certain Alexandre 866 , qui prétendait faussement appartenir à la famille séleucide867, et, par haine de Démétrios 868 , le roi d'Égypte Ptolémée apporta son aide à Alexandre 869. 355 Par le fait de Ptolémée, Démétrios perdit le pouvoir870et mourut, et Alexandre fut chassé par Démétrios871, fils de Démétrios Sôter, et pour cette raison, parce qu'il avait vaincu un bâtard, étranger à la famille royale 872, les Syriens lui donnèrent le surnom de Nikator qu'il fut lui aussi le second à porter, après Séleucos 873. 356 Lui aussi, après Séleucos, partit en expédition contre les Parthes874: fait prisonnier, il résida dans la demeure du roi Phraatès 875,et le roi lui fit épouser sa sœur Rhodogunes16_
LXVID. 357 Pendant cette vacance du pouvoir877, un esclave des rois, Diodotos878,installa sur le trône l'enfant Alexandre 879,fils d'Alexandre le bâtard et de la fille de Ptolémée 880. Et, après avoir tué l'enfant 881 , il s'enhardit jusqu'à s'emparer lui-même du pouvoir882 en changeant son nom pour celui de Tryphôn 883. 358 Mais Antiochos884, le frère de Démétrios, le roi captif, ayant appris à Rhodes sa capture, tua Tryphôn 885 et rentra dans l'héritage paternel non sans difficulté. 359 Lui aussi conduisit une expédition contre Phraatès en réclamant son frère886. Phraatès 887, qui le redoutait, renvoya Démétrios888. Néanmoins, Antiochos livra bataille aux Parthes 889et, vaincu, il se suicida890. 360 Remonté sur le trône891, Démétrios fut tué de son côté par son épouse Cléopâtre 892, qui l'assassina par jalousie à cause de son mariage avec Rhodogune 893, mariage qui l'avait déjà conduite antérieurement à épouser Antiochos 894, le frère 868. Il lui en voulait d'avoir tenté de s'emparer de Chypre, possession lagide : cf. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 335. 879. Plus connu sous le nom dynastique d'Antiochos VI Epiphane.
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de Démétrios. 361 De Démétrios, elle avait deux fils, Séleucos 895 et Antiochos surnommé Grypos896 ; d' Antiochos, un fils, Antiochos, que l'on surnommait Cyzicène897.De ses fils, elle avait envoyé Grypos à Athènes et Cyzicène à Cyzique 898 , pour y faire leur éducation.
LXIX. 362 Quant à Séleucos, qui avait ceint le diadème sitôt la mort de son père 899 , elle le fit tuer à coups de flèches 900 , soit qu'elle eOt conçu des craintes comme meurtrière du père, soit qu'elle filt animée d'une haine maniaque contre tout le monde. 363 Après Séleucos, ce fut Grypos qui devint roi, et il obligea sa mère à boire le poison qu'elle avait concocté à son intention 901 • 364 Elle avait donc enfin reçu son châtiment, mais Grypos était bien digne de sa mère ! Il complota en effet contre Cyzicène, bien que ce dernier filt son frère utérin 902 • L'ayant appris, celui-ci entra en guerre contre lui90 3, le chassa du pouvoir 904 et devint roi des Syriens à sa place 905 • 365 Mais Séleucos 906 , le fils d' Antiochos Grypos, entra en campagne contre lui (bien que ce filt son oncle) et lui enleva le pouvoir 907 • Comme c'était un homme violent et très tyrannique, il fut brulé vif à Mopsou Hestia de Cilicie, dans le gymnase 908 • 366 Son successeur fut Antiochos 909 , fils du Cyzicène ; il était en butte aux complots de son cousin Séleucos 910 et les Syriens, croyant qu'il fut sauvé à cause de sa piété, l'ont surnommé pour cette raison Eusébès. En fait, ce fut une courtisane éprise de sa beauté qui le sauva, et j'ai l'impression que les Syriens lui ont donné ce surnom par dérision. Ce pieux personnage épousa en effet Sélénè 911 , qui avait été mariée à son père Cyzicène et à son oncle 895. Séleucos V. Ce prince avait été capturé par les Parthes après la défaite d' Antiochos Sidétès, qu'il accompagnait. Voir BouchéLeclercq, o. c., 1, p. 386. 896. Antiochos VIII. On a vu plus haut qu'il étudiait la philosophie à Athènes. 897. Antiochos IX.
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Grypos. C'est pourquoi il fut châtié par la Divinité 912
:
Tigrane le chassa du pouvoir.
LXX. '367 Et le fils qu'il avait eu de Sélénè913 , surnommé Asiaticus 914 parce qu'il avait été élevé en Asie, fut, comme je l'ai dit, dépouillé du trône de Syrie par Pompée 915 • Il était le dix-septième roi de Syrie après Séleucos (je retranche en effet Alexandros et le fils d' Alexandros comme étrangers à la famille royale, ainsi que leur esclave Diodotos 916) et n'avait régné qu'une année917 , pendant que Pompée était occupé ailleurs. 368 Le royaume des Séleucides avait traversé une période de deux cent soixante-dix ans918 • Et si l'on procède au comput depuis Alexandre jusqu'aux Romains, il faut ajouter à ces deux cent soixante-dix ans les quatorze ans de Tigrane 919 • 369 Voilà tout ce que j'avais à dire à propos des Macédoniens qui régnèrent en Syrie, dans un ouvrage historique qui traite un autre sujet.
912. Evidemment d'avoir épousé sa mère. Appien ne badine pas avec les mœurs, ce qui ne rend que plus remarquable le récit admiratif des amours d 'Antiochos et de Stratonice. On ne sait pas exactement comment finit ce prince. Josèphe, Al, 13, 13, 4, le fait ~rir dans un combat livré aux Parthes. Mais quand ? On a vu que, selon Porphyre, il s'était plutôt réfugié chez les Parthes. De son côté, Justin, 40, 2, 2, soutient qu'il fut restauré par Lucullus après la défaite de Tigrane. Mais Justin (ou peut-être même Trogue Pompée) pourrait avoir confondu le père avec le fils, ce qui est le cas du Syncelle, p. 352 Mosshamer :'Avtioxoç ô KuÇiKtoç qmyrov Elç Ilap8ouç Iloµ1tT1iq> 7tpOÜÔCOKEVtaut6v. 913. Cléopâtre Séléné avait essayé de trouver un terrain d'entente avec Tigrane. Mais celui-ci, obligé d'évacuer la Syrie, la fit exécuter à Séleucie du Tigre : cf. Strabon, 16, 2,3. 914. Antiochos XIII : cf. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 437. Il avait passé deux années à Rome (75-74 av. J.-C.) avec son frère cadet, dont on ne sait rien. Voir Cicéron, Il Verr. 4, 27-28. 915. Cf. Justin, 40, 2. 917. Il régna en 65/4 av. J.-C.
APPENDICE
Le Pap. Berol. 21 286
[Ce papyrus de la fin du 1ers. av. J.-C. provient d' Abusir el-Melek. Il a été publié par W. M. Brashear, A new Fragment on Seleucid History (P. Berol. 21 286), Atti del XVII congresso intemazionale di Papirologia, (Naples, 1984), p. 345-350. Le fragment présente les restes de trois colonnes, dont la première est inutilisable. Les colonnes comportaient environ 25 lignes d'une vingtaine de lettres]. col. III
col II
1
2 3 4
5 6 7 8
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APPENDICE
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19 20 21 22 23 24 25
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Col. II, 1. 1-2. Il faut sans doute suppléer [À.6-yoç] comme sujet du verbe principal ; mais il vaudrait mieux écrire ôtaôtôot(at) avec désinence abrégée que ôtaôt6ot' (on attend ôtaôtôo0'). La complétive introduite par d>ç,dépendant d'un verbe « dire », devrait être à l'indicatif. Mais le sujet et l'attribut étant à l'accusatif, on ne peut guère poser qu'un infinitif, ce qui n'est pas sans exemple. Il faudrait lire -yE-yovt(vat) plutôt que -yt-yovE. L. 8, tou µT)6è toiv est invraisemblable : il faudrait soit µT)ôè toivôE, soit µ11ôèaùtoiv, soit encore µT)ÔEtÉpotv, renvoyant à Séleucos et à Antiochos. On entrevoit une phrase du type « attendu qu'à ce moment là le bruit s'était répandu qu 'Antiochos (1) avait repris en main le royaume de son père (Séleucos O, ayant voté des honneurs et des couronnes d'or à lui-même ainsi qu'a Séleucos qui avait trépassé, afin qu'on ne perde en aucune façon le souvenir d'aucun des deux . . . ». Il n'est pas absurde, 1. 11, de restituer "OÀ.0]µ1tov,allusion possible à l'apothéose de Séleucos. Le sujet de 'flT) 1ea1pcôv ôucrx,epii>v ôtà toùc; d1tocrtavrac; trov 1tpayµatcov etc; elptivT)v 1eai tflV dpx,aiav eôôa1µoviav 1eatacrtf)cra1, toùc; ô" è1t18eµtvouc; toic; 1tpayµamv è1teçeÂ.8rov, 1Ca8a1tep ~V ôi1ea1ov, dva1et11cracr8a1tflV 1tatpro1av dpx,11v. Memnon d'Héraclée, Fr. Gr. Hist. 434, Fr. 9, 1, affirme qu'Antiochos envoya le stratègos Patroclès en Asie Mineure -avant de s'y rendre en personne d'après l'inscription citée (1. 13) : vuv te 1tapayev6µevoc; è1ti toùc; t61touc; toùc; è1t1taôe toi> Ta6pou IC. t. Â... C'est probablement au succès de ces entreprises que fait allusion le papyrus. -Sur la difficile situation d' Antiochos, voir A. Mehl, Seleukos Nikator (1986), p. 321-322 ; J. D. Grainger, Seleukos Nikator (1990), p. 193 sq. Col. m. L. 7, 1te1pacrµ6ç n'est pas classique et la plupart des exemples allégués proviennent des LXX. Il faut probablement construire 1te1pacrµov toi> ... f8vouc;. A en juger d'après ce qui suit, il s'agirait plutôt d'une tentative militaire visant un peuple indéterminé. On est en effet tenté de restituer, l. 9-10, tflV ô6vaµ1v tflV d1tocrtaÂ.eicrav, « l'armée qui avait été envoyée ». L. 11, il faut probablement lire tyéµcocre, aoriste de yeµ6co (postclassique, pour yeµiÇco). Mais que charger, sinon des
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APPENDICE
navires ? Ne pourrait-il s'agir d'une expédition navale ? L. 20-21, le génitif cnpatrryou est sûr. L. 23, on lirait volontiers f)µtpaç E', accusatif de durée « pendant cinq jours ». L. 25, enfin, il est incontestablement question des Hautes Satrapies. De ces frêles indices, peut-être pourrait-on déduire que l'auteur racontait les opérations militaires ou navales engagées par un stratègos dans les Hautes Satrapies. On songe à des stratègoi connus pour avoir opéré dans ces régions, comme Patroclès, Démodamas ou Deimachos, mais il serait illusoire de spéculer davantage. Constatons que la langue de l'auteur est hellénistique, et même tardo-hellénistique. Des mots ou expressions comme xaptv tou+ infinitif, 1tEtpacrµoc; tOU + génitif, l'emploi probable de yEµ6ro pour yEµiÇro,la construction d'un verbe« dire » avec cbçet l'infinitif, sont des indices irréfutables. Voilà donc une histoire très détaillée des premiers Séleucides datable du 1ers. avant J.-C. Si l'on cherche parmi les auteurs connus d'ouvrages de cette catégorie, on ne peut guère citer que le IlEpi l:upiac; d'Alexandre Polyhistôr. Serions-nous en présence d'un fragment de ce livre ? Si tel était le cas, on mesurerait la vanité des discussions relatives aux sources du Livre Syriaque d' Appien. L'étendue de notre ignorance devrait inviter à la modestie les faiseurs d'hypothèses.
APPENDICE
La bataille de Magnésie
75
76
APPENDICE
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La bataille de Magnésie selon Appien
NOTESCOMPLÉMENTAIRES Page 1 2. Sur l'anabase d'Antiochos m (entre 212 et 205 av. J.-C.), voir Will, HPMH, 2, p. 51-69, et, plus détaillé, H. H. Schmitt, Untersuchungen .. ., p. 85 sq. 3. On admet généralement qu •Antiochos m prit le titre de Mtyaç après le succès de son anabase : Cf. H. H. Schmitt, Untersuchungen, p. 92 sq. et Brodersen, Antiochiké, p. 76-77 avec bibl. Voir depuis J. Ma, Antiochos ... , Appendix IV, p. 217-222. Le titre appanu"t sur des inscriptions d' Amyzon, datées de 202/1 (en particulier dans le décret en l'honneur de l'épistate Ménestratos) : f3acnÂtu6vrcov 'Avt16xou MtycUou 1eai 'Avt161ou toù u\où : cf. J. & L. Robert, Fouilles d'Amyzon en Carie, I (1983), p. 146 sq. et 151 sq. (en particulier p. 164 : « dans les deux inscriptions d •Amyzon, Antiochos m porte le titre de Grand, Mégas. C'est naturel, puisque ce titre apparut après le retour du roi de ses campagnes dans les Hautes Satrapies ». Il est également attesté à Téos : f3acnÂEÙÇ'Avtioxoç Mtyaç. Comme pour Pompée, la référence à Alexandre paraît probable. C'est d'ailleurs sans doute par allusion à ce titre de « Grand » que, dans la dédicace d'Héliodôros à Hestia pour le salut d'Euthydème et de Démétrios, trouvée en Bactriane [P. Bernard, G. Pinault et G. Rougemont, Deux nouvelles inscriptions grecques de l'Asie Centrale, Journ. Sav. 2004, p. 227-356), Euthydème est appelé « le roi le plus grand de tous », ô 1tétvtcovµtytcnoç f3acnÂt6ç. La Bactriane avait ainsi un roi superlativement grand. -C. Rubincam, A tale of two « Magni » : Justin/frogus on Alexander and Pompey, Historia 54 (2005), p. 265 sq. estime qu'Antiochos m fut le premier roi à porter le titre de Mégas. Certes, la Mostellaria de Plaute fut représentée circa 190 av. J.-C. ; mais le poète latin s'inspirait du cJ>étaµa de Philémon, et c'est probablement à celui-ci que remonte la synkrisis entre Alexandre le Grand et Agathocle [Mostellaria, v. 775 : Alexandrum Magnum atque Agathoclem aiunt maxumas ... res gessisse]. Il y a fort à penser que le conquérant mac~nien avait reçu l'épiclèse de« Grand » dès la fin du IVe s. - Il est peu vraisemblable que le titre de « Mégas » soit un « surnom
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DE LA P. 1
m.
cultuel » d' Antiochos comme le suppose P. van Nuffelen, Le culte royal de l'empire des Séleucides, une réinterprétation, Historia 53 (2004), p. 295-298. 4. Entre 202 et 200 (bataille de Panion), à l'occasion de la cinquième guerre de Syrie. Appien, dans le Livre Macédonien, fr. 4, avait évoqué l'accord secret conclu entre Antiochos m et Philippe V après la mort de Philopator : voir Notice, p. LXXI sq. et LXXV. - Sur cet accord, conclu durant l'hiver 203/2, voir aussi Polybe, 15, 20, 2-4 ; Justin, 30, 2, 8 (textes repris dans H. H. Schmitt, Staatsvertriige, 3, n° 547 avec la bibl.). En application de ce traité, Antiochos s'empara de la Syrie Creuse, tandis que Philippe réduisait Samos, les Cyclades et une partie de la Carie. Voir Will, o. c., 2, p. 114-118. 5. La mainmise sur les possessions ptolémaïques d'Asie Mineure ne suivit pas immédiatement la cinquième guerre de Syrie. Antiochos ne quitta sa capitale qu •au printemps 197 : son année de terre se dirigea vers Sardes et sa flotte remonta la côte de l'Asie Mineure jusqu'à Abydos, entrant ainsi en contact avec les Hellespontins. Voir O. Leuze, Die Feldzüge Antiochos' des Grossen nach Kleinasien und lbrakien, Hermes 58 (1923), p. 201 sq. ; H. H. Schmitt, Untersuchungen .. ., p. 271 sq. ; E. S. Gruen, Coming of Rome, p. 617 ; J. Ma, Antiochos .. ., p. 63 sq. 6. Comme il ne peut s'agir ici que de Ptolémée V Épiphane, Ptolémée IV Philopator étant mort en 204 [cf. Will, o. c., 2, p. 108 et 110je crois devoir interpréter IItoÂ.:µaiou toù 111 et notice, p. LXXXIII], 4>iÂ.01ttitopoç comme étant le génitif de IItoÂt:µaioç ô (J)\Âomitopoç. 7. Selon Justin, 30, 2, Ptolémée V n'avait que cinq ans à la mort de son père. 8. La litote revient à dire qu'il voyait grand, et que ses ambitions s •accordaient avec son surnom. Même jeu de mots à propos des ultimes projets de Mithridate le Grand : cf. La guerre de Mithridate, 467 : oôôtv aµucpè>v ... Ô\t:voEito. 9. Appien ne dit rien des relations établies entre Antiochos m et Ilion (cf. H. H. Schmitt, Untersuchungen ... , p. 293), ville à laquelle les Romains accordaient déjà une valeur de symbole : cf. Tite-Live, 37, 37, 2 et H. H. Schmitt, Untersuchungen... , p. 292-293. Voir Notice, p. XXXVI. 1O. Tite-Live, 33, 38, 1-7 est plus détaillé. Antiochos, depuis Éphèse où il résidait, entreprit de rétablir son autorité sur toutes les cités d •Asie. Mais il se heurta sur }'Hellespont à la résistance de Lampsaque, ainsi qu'à celle de Smyrne, influente en Éolide et en Ionie. 11. Diodore, 28, 12, le qualifie en effet de « roi de l'Asie » CAvtioxou tou tfiç 'ACJ"iaçPamÂ&roç). Il faut entendre par« Asie » notre « empire séleucide », et non pas la seule Asie Mineure. 12. Antiochos m porte certes dans de nombreuses inscriptions (par exemple OG/S 329 et 746) le titre de J3amÀEÙÇMtyac; emprunté aux
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 1-2
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Achéménides. Mais la titulature BamÀ..:ùç 'Avtioxoç est également fréquente : cf. Welles, Royal Correspondence, n° 38 (Amyzon, mai 203) ; n° 41 (Tralles, avant 201) ; n° 43 (Nysa). Appien laisse entendre qu 'Antiochos m se sentait l'héritier des Achéménides, ce qui, dès le début du livre. fait de lui un « nouveau Xerxès ». En fait, Antiochos revendiquait l'héritage de ses ancêtres, en particulier celui de Séleucos I : cf. J. Ma, Antiochos ...• p. 25-26. 13. Comme le remarqua O. LeU7.C,Feldzüge ...• p. 209, Appien ne fournit aucun repère chronologique dans les doll7.Cpremiers chapitres du Livre Syriaque, qui couvrent les années 198-192 : « Die Verteilung der von ihm berichteten Ereignisse kann deshalb nur mit Hilfe anderer Quellen vorgenommen werden ». Les choses seraient plus claires si Appien avait indiqué qu'Antiochos passa l'hiver 197/6 à Éphèse, et que son passage en Thrace n •est pas antérieur au printemps 196. Voir J. D. Grainger, Antiochos m in Thrace, Historia 45 (1996). p. 329342. 14. Cf. Tite-Live, 33, 38, 8-9. Antiochos soumit, entre autres, Sestos et Madytos. 15. Diodore, 28, 12, écrit en effet ôvtoç toù 'Avt16xou ... n.:pi tôv tftç AOOlµaxdaç 1t6À.f:roçdvouc1aµ6v. La correction proposée suppose une simple haplographie. 17. Selon Tite-Live, 33, 38, 11, cette destruction était récente : ceperant autem direptamque incenderant Thraces paucis ante annis. Fondée en 309 av. J.-C. par Lysimaque [cf. G. M. Cohen, The hellenistic settlements in Europe, the islands, and Asia Minor (1995), p. 8287], la ville conclut un traité d'alliance avec Philippe V entre 202 et 197 : cf. Staatsvertriige, 3, 549. L. Robert, Hellenika 10 (1955), p. 270, n. 3, datait l'inscription « de 202 ou peu après ». Jusqu'alors l'alliée des Étoliens, elle passa ainsi sous la domination de Philippe : cf. Polybe, 15, 23, 8-9 ; 18, 3, 11. Mais ce roi évacua dès 199/8 sa dangereuse conquête, bientôt détruite par les Thraces - probablement dès l'automne de 198 : voir Polybe. 18, 4, 5.
Page2 20. Sans doute les commoda de Tite-Live : cf. Brodersen, o. c., p. 80. Je me range à l'interprétation que J.-L. Ferrary et Ph. Gauthier. Journal des Savants, p. 329, donnent de cette euergésia : « Antiochos donnait aux nouveaux habitants de Lysimacheia des bœufs de labour, du bétail et des instruments agricoles ». Pour l'expression, on peut rapprocher de BC s.36. 147 : 6' ol1C1l'tT}ptOV t'totµétÇE\Vet Walbank, Commentary, 2, p. 622. L'information est reprise par Tite-Live 33, 40, 6 et 35, 15, 5. Comprenons que Lysimacheia devenait ainsi la capitale d'une stratégie séleucide de Chersonnèse et de Thrace. Ce Séleucos (le futur Séleucos IV) était le deuxième fils d' Antiochos m : cf. H. H. Schmitt, Untersuchungen, ... , p. 20 sq.
Page4 47. La réponse d' Antiochos est très différente chez Diodore, loc. cit. : le roi ne fournit aucune explication, mais se contenta de formuler la doctrine exposée par Appien au §13 : fcp118auµaÇt:tv 1tcôç ~coµaiot 'tT)Ç 'AJ,lacnÀta 1eai 'tÔV 'Aptapét0riv 'tàv 'tTlÇKamta6o1eiw; 1C116EOTllV 7tpotCllV. 83. Diodore, ibid., prête à Ménippos le même argument : taôta yàp où toiç tç ïo-ou TT1Vcp1Â.iav1to1ouµtvoic;; l0oc;;dva1, dllà toiç 1toÂ.tµcpvtvi1e111e6m.Soulignant qu'il n'avait jamais fait la guerre aux Romains, Antiochos demandait à être traité en égal. 84. Cf. Tite-Live, 34, 58, 1-3 et Diodore, 28, 15, 3, précisant que la réponse fut donnée par Flamininus et que le roi fut placé devant un dilemme : ou bien il abandonnait ses prétentions européennes, auquel cas Rome lui laissait les mains libres en Asie, ou bien il ne renonçait pas et Rome volait au secours de ses alliés. Le Sénat ne formulait
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 6-8
89
qu'une exigence, alors qu'il en avance deux chez Appien. On ignore ce qu •écrivait Polybe encore que les convergences entre Diodore et TiteLive puissent refléter cet auteur. Voir Grainger, Roman War, p. 134135. 85. Diodore, 28, 15, 4, ajoute que les ambassadeurs d' Antiochos demandèrent au S~at de laisser au roi le temps de la réflexion, attendu qu'eux-mêmes ne pouvaient s'engager à sa place. 86. Il devait pourtant être informé de la réponse du Sénat aux ambassadeurs de la ~e. que Diodore, 28, 15, 4, résume ainsi : tàv
'Avrioxoç 7t&pu:pyal;ll'tai n 'tmv 1ea'tà 'tflV Eôpcim11v,1>IDµaio1 µ&'tà 1tolliic; mtoo6iic;'tOÙÇKŒ'tà'tflV'Acriav ..EÂ.Â.TIVŒÇ tÀ&o8&pcoO'OOOlV.
87. Cette rencontre à Éphèse paraît dater de mars 193 : cf. Grainger, Roman War, p. 143 sq. Tite-Live, 34, 60, 1-6, affirme lui aussi qu •Annibal excitait Antiochos à la guerre. 88. Chez Tite-Live, 34, 60, 6, Antiochos est néanmoins invité à établir une tête de pont quelque part en Grèce.
Page7 90. Chez Tite-Live, 34, 60, 5, Annibal réclame 10 000 fantassins, 1 000 cavaliers et cent navires pontés ; avec cette armée, il gagnerait d •abord l'Afrique, avec l'espoir de pousser les Carthaginois à la révolte ; s'ils hésitaient, il s'emparerait d'une partie de l'Italie. Voir aussi Cornelius Nepos, Hannibal, 8. 92. Sur la version de Zonaras, assez différente, cf. Notice, p. L vm. -0. Leuz.e,Feldzüge .. .• place la tentative d •Annibal en 193 en se fondant sur Tite-Live [cf. note suivante]. C'était aussi l'opinion de De Sanctis, Storia dei Romani, 4, 1, p. 129, n. 3. 93. Ceci parait renvoyer au Livre Africain, 68, 304-305. 94. L'affaire d'Ariston (193 av. J.-C.] se retrouve, avec des variantes, chez Tite-Live, 34, 61, 1-16. Cf. E. Groag, Hannibal ais Politiker (1929), p. 127 ; Grainger, Roman War, p. 143 sq. On ne sait pas quel négoce l'avait conduit à Éphèse : cf. J. D. Grainger, Hellenistic Phœnicia (1991), p. 107. Un autre marchand tyrien, portant lui aussi un nom grec, Héracleidès fils de Basileucos, vendit en 269 av. J.-C. deux défenses d'éléphant au sanctuaire de Délos : cf. M.F. Basiez, Un marchand d'ivoire phénicien à Délos, Studia Phœnicia, 9 (1992), p. 311-320. Page8 95. L'ambassade arriva en Asie au printemps de 193 et fit un crochet par Pergame (cf. Tite-Live, 35, 13, 6 et Grainger, Roman War, p. 141-155 ; voir aussi E. S. Gruen, Coming of Rome, p. 629). Elle comptait, semble-t-il, trois consulaires : P. Sulpicius Galba Maximus, P. Villius Tappulus, (qui avait déjà négocié avec Antiochos), P. ~lius
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 8-9
Paetus (cf. Tite-Live, 34, 59, 8). Mais Galba, malade, demeura à Pergame. Plutarque, Flamininus, 12, 3, ne connm"t d'autre ambassadeur que Villius Tappulus : Il6'tÂ.toç 6' Ooilltoç f1tu1 füa.Â..:ç6µ&voç 'Avnoxcp 1t&pitiiç tcôv fot' aôtè>v ·EÂ.Â.ytvcov t1..&u8&piaç. Ce fut lui qui, selon Tite-Live 35, 14, 1-2, eut un entretien avec Annibal. Grainger, Roman War, p. 139-140, insiste sur le fait que ces trois personnalités avaient été choisies parmi les partisans de la paix. 96. Il est admis que Publius Scipion ne participait point à cette ambassade : cf. J. Briscoe, A Commentary on Livy, Books XXXWXXXVII (1981), p. 166. Tite-Live, 35, 14, 5, estime que la légende avait été répandue par Claudius Quadrigarius, qui l'avait trouvœ dans les Graeci Librid' Acilius. Il se croit néanmoins obligé de la reproduire (35, 14, 6-11). Plutarque, Flamininus, 21, 3-5, par81"tsuivre la meme tradition qu 'Appien-peut-être Acilius, comme l'avait suggéré M. Holleaux dans Hermes, 42 (1913) : cf. Études d'épigraphie et d'histoire grecques, 5 (1957), p. 184-207. La question est longuement examinée par O. Leuze, Feldzüge ... , p. 247-268, qui exclut toute ambassade de Scipion en Asie. H. H. Scullard, Scipio Africanus, Soldier and Politician (1970), p. 198, suggère toutefois (reprenant une hypothèse de Holleaux) qu'une visite de Scipion à Délos, où il ~jouma à titre privé, serait à l'origine de la légende. Grainger, Roman War, p. 156, n. 48, marque avec raison son scepticisme. De Sanctis, Storia dei Romani, 4, 1, p. 131 et n. 47, ne voyait là qu'une fantaisie d'Acilius. 98. Cf. Tite-Live, 35, 13, 5 et 14, 1, sur le départ du roi pour la Pisidie. Grainger, Roman War, p. 145-146, suppose qu 'Antiochos, pour ne pas envenimer ses relations avec les Romains, aurait volontairement évité de passer en Thrace cette année-là. 100. Zonaras, 9, 18, p. 303-304, suit la même tradition et invoque les mêmes mobiles (défiance et jalousie) pour expliquer le revirement d 'Antiochos. 101. Tout ceci parai"tdériver de l'annaliste Acilius, fr. 7 Chassignet (= Tite-Live, 35, 14, 5-12). Mais il n'est question chez Tite-Live ni de gymnase, ni d'assistance nombreuse.
Page9 102. Cf. O. Weippert, Alexander-Imitatio und romische Politik in republikanischer Zeit (Diss. Würzburg, 1972), p. 27 sq. Plutarque,Pyrrhos, 8, 5, connaît une version où il n'est pas question d'Alexandre:
'Avvi6aç ÔÈ cruµ1tavtrovÔ:7tÉq>alV& tÔ>Vatpanrrrov 7tpcÏnOVµtv tµ1t&tpiÇt1eai 6&1v6tT1ttIli>ppov, l:1e11tirova 6t 6&6t&pov,tautè>v ÔÈ tpitov, d>çtv toiç 7t&pil:1eutirovoçytypa1tta1. La biographiede Scipion est, comme on sait, perdue. - Chez Acilius (si du moins l'on se fie à Tite-Live, /oc. cit.), Annibal expliquait les raisons de son choix : quod parua manu innumerabiles exercitus fudisset quodque ultimas oras, quas visere supra spem humanam esset, peragrasset.
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 9-10
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C'était probablement un topos que de comparer Annibal à Alexandre, à en juger du moins d'après le discours prêté par Justin (30, 40, 9) à Flamininus : ne Hannibalem quidem Alexandro Magno postponen-
duln... 103. Ce n'est pas du tout la raison avancée par Annibal chez TiteLive : il met en avant l'art avec lequel Pyrrhos établissait ses camps et son habileté diplomatique. De deux choses l'une. Ou bien Appien suit Acilius, auquel cas il faut admettre que Claudius Quadrigarius, source directe de Tite-Live, s'était sensiblement éloigné de son modèle grec. Ou bien Appien ne suit pas Acilius, mais un autre annaliste qu'il serait vain de prétendre identifier. 105. Le thème de la flatterie apparaît chez Tite-Live sous une forme légèrement différente. 106. Cette remarque de Scipion, absente chez Tite-Live, n'est rien de plus qu'un exemplum de sa grandeur d'âme, opposée à la bassesse de Flamininus : bel exemple de composition rhétorique, alliant l 'antithèse et le parallèle, l' épainos et le psogos.
Page 10 107. La mort de trois grands capitaines (Annibal, Publius Scipion et Philopœmen) la même année (183 av. J.-C.) frappa les Anciens : le synchronisme, noté par Polybe, 23, 14, est encore relevé par Orose, Histoires, 4, 29. 108. Plus de dix années après cette scène fictive ! 109. Cf. Tite-Live, 39, 51, 1 sq. ; Plutarque, Flamininus, 20 ; Diodore, 25, 19 ; Justin, 32, 4, 8 ; Valère-Maxime, 9, 1, ext. 2 ; Zonaras, 9, 21, 7 ; Cornelius Nepos, Hann., 13, 2 sq. Appien se montre particulièrement sévère à l'égard de Flamininus, qu'il accuse d'avoir fait assassiner Annibal par Prusias. 11O. La forme Libussa est attestée comme anthroponyme féminin : cf. K. Zimmermann, Zum Personennamen Ai6uc; / Ai600'aa, Chiron, 26 (1996), p. 349-367, qui rassemble le matériel épigraphique et papyrologique. 111. Pour les autres auteurs, Libyssa serait plutôt une bourgade. Mais Pline, HN, S, 148, affirme qu'elle n'existait plus de son temps :
fuit et Libyssa oppidum, ubi nunc Hannibalis tantum tumulus. L'oppidum de Pline parai"t correspondre au q>poup1ov d'Etienne de Byzance s. v. Ai6\)(Jaa, citant Alexandre Polyhistôr, alors que Plutarque, Flam. 20, parle d'une « grosse bourgade », 1ecoµ11 tic; µ&yaÂ.T).Si le village n'existait plus du temps de Pline, Appien n'a pu voir qu'un 1t&oiov, et je serais tenté de reconnaître ici encore une trace d'autopsis. Divers archéologues, entre autres Hülsen, ont cherché en vain le site du tombeau : voir Brodersen, o. c., p. 108, n. 3. 113. Appien saute un premier entretien entre Antiochos et Villius Tappulus, interrompu par la mort du corégent Antiochos, fils aîné du
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 10-11
roi : cf. Tite-Live, 35, 15, 2 et Graingcr, Roman War, p. 157. La conférence reprit quelques mois plus tard à Éphèse (peut-être en juillet 193 : cf. Grainger, o. c., p. 157-158). Les discours de Galba et de Minnion, tels que les rapporte Tite-Live, 35, 16, 2-13, ne sont qu'un tissu de stéréotypes. Grainger, o. c., p. 160-161, estime que le bref récit d 'Appien n'est pas à rejeter. 114. O. Leuze, Feldzüge ... , p. 242, n. 12, juge cette promesse plausible. Mais Antiochos n'en continuait pas moins à assiéger Smyrne, Alexandrie de Troade et Lampsaque : cf. Tite-Live, 35, 42, 2 et O. Leuze, Feldzüge, p. 244. 115. Appien reconnu"t qu'à ce moment encore, Antiochus souhaitait rester en paix avec Rome : cf. E. S. Gruen, Coming of Rome, p. 629630. Cette réalitée est masquée par les entretiens fictifs que la tradition lui prête avec Annibal, qui le transforment en un fauteur de guerre. 116. Pour l'idée, cf. Tite-Live, 33, 38, 1 : Antiochus rex ... omnes ciuitates Asiae in antiquam imperii formulam redigere est conatus, où antiqua imperii formula peut renvoyer à l'empire des Achéménides ou à celui d'Alexandre puis de Séleucos 1. 117. Zonaras, 9, 18, p. 303 D, s'accorde sur ce point avec Appien : dU11Â.oiç Kai npta6&1ç ol "Pcoµaio1 1ed1e&ivoçdvt&7tS'Avnoxcp npocn:x,cop11aav 1eai IDJ•.ouç 'toùç µàv t1e6vraç, tviouç 6t ys 1eai a1eovtaç. 121. Cf. Grainger, Roman War, p. 176. Il ressort de Tite-Live, 35, 32, 8-11, que les Étoliens demandaient à Antiochos de « libérer la Grèce ». Sur Thoas, fils d' Alexandros, stratège des Étoliens en 203/2, 194/3 et 181/0, voir J. D. Grainger, Aitolian prosopographical studies (2000), p. 321. Il semble avoir été à l'origine d'une réorientation de la politique menée par les Étoliens : ils auraient cherché, à partir du printemps 193 av. J.-C., à nouer des contacts avec les adversaires potentiels des Romains (Nabis, Philippe V et Antiochos ID), avec lesquels ils étaient désormais brouillés : cf. J. D. Grainger, Aitolians, p. 427. 122. Cf. Tite-Live, 35, 45, 9 chez qui les Étoliens, en 192 av. J.-C., imperatorem ... regem appellandum censuerunt. Mais Appien anticipe, le décret des Étoliens ayant suivi, selon Tite-Live, le débarquement d'Antiochos en Grèce: cf. Grainger, Roman War, p. 196. 123. Il est prématuré de parler de troupes arrivant des Hautes Satrapies : Antiochos, qui ne s'attendait pas à une réaction militaire des Romains, dont les forces venaient d'évacuer la Grèce, n'avait pas encore demandé de renforts : cf. Grainger, Roman War, p. 191 ; Aitolians, p. 445. 124. Le tyran Nabis venait d'être assassiné à l'instigation des Étoliens : cf. Tite-Live, 35, 35, 1-19 et Grainger, Roman War, p. 184 ; Aitolians, p. 437. Mais les Lacédémoniens penchaient plutôt du côté des Achéens (et par conséquent des Romains). Il semble qu' Appien confonde ici avec l'ambassade conduite par Dikaiarchos, frère de Thoas, en 193 (cf. Tite-Live, 35, 13, 5 tum de Philippo et Nabide libero mendacio abutebatur: paratum utrumque ad rebellandum esse, et primam quamque occasionem reciperandi ea, quae bello amisissent, arrepturos) : c'est lui qui fit croire à Antiochos que Nabis et Philippe étaientdisposés à le rejoindre. Voir Grainger, Aitolians, p. 430. 125. Zonaras, 9, 18, p. 302 D, dit que Philippe et Nabis, le tyran de Sparte, incitaient Antiochos à passer en Europe : 1eai yàp aùtôv 1eai ô C,iÂ.l7t7tOÇ 1eai ô Nafüç t1t11yayov'to. Mais, chez Dion Cassius, ce double appel s'inscrivait, avec plus de vraisemblance, dans un autre contexte (les lendemains de Cynoscéphales). En fait, lorsque l'ambassade étolienne dont il est ici question arriva à la cour d' Antiochos, Nabis avait déjà été tué et les Achéens étaient maîtres de Sparte : cf. Zonaras,9, 19,p. 304D.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DE LA P. 11
126. Antiochos, fils d' Antiochos m, mourut avant le 5 avril 192, peut-être dès la fin de l'été 193, comme le suggère Tite-Live, 35, 15, 2 sq. ; voir là dessus A. Aymard, Du nouveau sur la chronologie des Séleucides, REA 51 (1955), p. 102-112 et H. H. Schmitt, Untersuchungen ... , p. 18. Il n'était pas encore question de guerre à ce moment-là, ce qui confirme qu 'Appien réunit en une seule deux ambassades successives de Thoas. 127. Il ressort de Tite-Live, 35, 50, 6-7, qu'Antiochos ne passa pas directement d'Asie en Eubée. Parti de l'Hellespont, le roi se rendit à Démétrias, puis à Lamia (cf. Tite-Live, 35, 43, 4-6 et Grainger, Roman War, p. 195 ; Aitolians, p. 443-444). Il n'envoya en Eubée que sa flotte, commandée par Polyxénidas, et 3 000 hommes de troupe. Appien s'écarte ici de Polybe, qui estimait (3, 7, 3) que le débarquement d' Antiochos à Démétrias marquait le début de la guerre : dpxitv Ô& tOÙ 7tOÂ.ɵoutè>v 'Avnoxou 1CŒtCl1tÂ.OUV &lç A11µ11tptaôa. L'objectif visé était la puissante forteresse de Chalcis que Tite-Live, 28, 6, 11, décrit ainsi : oppidum alia parte clausum mari, alia ab terra egregie munitum < ... > inexpugnabile. Les Romains démantèleront cette citadelle en 146 av. J.-C. - Sur le système eubéen de fortifications et sa prolongation sur la rive béotienne (la forteresse de l'Euripe), voir S. C. Bakhuisen, Studies in the topography of Chalcis on Eubœa, a discussion of the sources, Chalcidian Studies, 1 (1985), p. 92-93 et fig. 59. 128. Zonaras, 9, 19 p. 305 D, affirme qu'il passa en Eubée alors que la mauvaise saison était déjà commencée et que, plaçant sa confiance dans les Étoliens, il ne prit avec lui que peu de troupes : 1eai ô 'Avtiox,oç, lCŒttOlX,Etµrovoçôvtoç, ôµroç 1tpè>çtàç trov AltO>Â.mV V,.1tiôaç fcr1teucre. Atè> oùôt dç16µax,ov tm1-yeto ô6vaµ1v. Titv µÉvtOl XaÂ.1eiôaµet' aùtrov fÂ.a6E, tftv tE ÜÂ.Â.llV EOOotav 1tpocr&1totftcrato. 130. Tite-Live, 35, 51, 6-10, est plus précis. Antiochos était parvenu à Aulis. De là, il envoya des ambassadeurs demander aux Chalcidiens d'ouvrir leurs portes : ceux-ci finirent par obtempérer, les partisans de Rome (dont Mikythion !) s'étant enfuis. Une fois mai"tresde l'Euripe, Antiochos et son général Ménippos soumirent sans difficulté l'ensemble de l 'üe. Seuls les Romains auraient opposé une certaine résistance, à en croire du moins Tite-Live. Le récit livien de la prise de Chalcis est étudié par S. C. Bakhuisen, Salganeus and the fortifications on its mountains, Chalcidian Studies, 2 (1970), p. 133-136. Voir aussi Grainger, Roman War, p. 197 sq. et 206 sq. ; Aitolians, p. 453-454. 131. Selon Tite-Live, 35, 50, 7, le commandement des . troupes séleucides était exercé par Ménippos. De fait, c'est ce général qui chez cet auteur prend par surprise les Romains stationnés à Délion : cf. 51, 4. Mikythion [sur lequel on verra Grainger, Prosopography, p. 106] est en revanche qualifié (50, 10) de legatus ab Chalcide ad Quinctium
NOTES COMPLÉMENT AIRES DE LA P. 11
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ad id ipsum praesidium petendum missus. C'était donc un citoyen de Chalcis qui regagnait sa patrie au terme d'une mission diplomatique avec quelques troupes romaines. Tite-Live (51, 4) précise qu'il échappa au massacre en se réfugiant sur un petit navire de commerce. L'erreur d •Appien est inexplicable. -L' anthroponyme, attesté à Athènes, dans le Péloponnèse, en Béotie, en Eubée, dans les Cyclades, en Grande-Grèce et Sicile, est si courant que l'on ne peut pas exclure l'existence de deux homonymes, dont l'un aurait été au service d' Antiochos. Faut-il voir en Mikythion un subordonné de Ménippos '! 132. Tite Live, 35, 50, 9, rapporte en effet que 500 Romains (peutêtre un détachement de l'armée de Baebius : cf. Grainger, Roman War, p. 203 et n. 45) avaient été envoyés à l'Hermaeum [sur lequel on verra S. C. Bakhuisen,o. c., p. 136 sq.]. Se croyant encore en paix, ils vaquaient tranquillement à leurs occupations. Appien aurait dû signaler qu 'Eumène de Pergame et les Achéens avaient envoyé des troupes à Chalcis, mille hommes au total : cf. Grainger, Roman War, p. 205. 133. La violation de l 'asylie fut exploitée par Flamininus, qui, devant les députés des Grecs réunis à Corinthe, souligna qu 'Antiochos avait ouvert les hostilités par une dcrt6&ta : cf. Diodore, 29, 1 ; TiteLive, 35, 51, 5. Voir E. S. Gruen, Coming of Rome, p. 635. Grainger, Roman War, p. 206, met en doute la version donnée par Tite-Live du massacre des Romains. 134. Le texte de nos manuscrits doit être corrigé, comme l'avait reconnu Schweighauser. Diodore, 29, 1, écrit en effet : tà AitÀtov l&pàv ~v où µmcpàv dntxov tfic; XaÂ.1ei6oc;.Voir aussi Strabon, 9, 2, 7 : &ha AitÀtov, tà \&pàv toù 'A1t6Â.Â.rov]t ô11µcotxaipttv. Amynandros pourrait être le fils de l' Amynas cité par Polybe, 4, 16, 9 : cf. Walbank, Commentary, 1, p. 463-464. 137. Amynandros se rendit effectivement à Démétrias : cf. TiteLive, 36, 6, 7. Appien passe sous silence la présence des chefs des Étoliens. Peut-être en était-il question dans le Livre HelMnique. 138. Cette filiation, probablement fausse, est attestée par une inscription de Délos [/G XI, 4, 750 =Syll.3 576 = Durrbach, Choix, 60, 1, 3] : •AÂ.tçavôpoç Cl>tÂ.innoudn6yovoç ... pacnÂ.tcoç ·AÂ.eçavôpou. 139. Cette histoire se retrouve chez Tite-Live, 35, 47, 5-8. 140. Affirmation discutable. L' Athamanie étant située entre l 'Étolie et la Macédoine, Amynandros devait faire preuve d'une prudence que l'on pouvait confondre avec de la faiblesse, encore que Polybe, 18, 10, 7, confirme ce défaut. Page 12 141. Cf. Tite-Live, 35, 47, 2, allusif. Zonaras, 9, 19, p. 305-306, dit qu 'Antiochos (à la fin de la mauvaise saison) se rendit en Béotie et de là aux Thermopyles : ô ô' ·Avnoxoç tv tOOtOlÇ ftcruxiav liycov tv TflXaÂ.1eiôtôtttpt6tv· dta dç tTIVBoteotiav tÂ.T1Â.u8t1eai tv taie; 0epµonuÂ.atç dvttnpocn6vtaç o\ toùç ·pcoµaiouç fmtiu:1vs. Sur la situation en Béotie, voir l'exposé très détaillé de Polybe, 20, 4, 1-7, 5 et Walbank, Commentary, 3, p. 66 ; cf. également Grainger, Aitolians, p. 454. Il ressort de Polybe qu 'Antiochos fut bien accueilli par les Béotiens. 142. Dans la perspective d'une guerre avec les Romains, l'alliance d •Amynandros n'était pas négligeable, car il contrôlait l'une des routes menant d'Épire en Thessalie et aussi l'île de Zacynthe dans la mer Ionienne : cf. Tite-Live, 36, 31, 10-12 et Grainger, Roman War, p. 231 ; Aitolians, p. 450. 143. Cf. Tite-Live, 36, 5, 9 : ln eo modo diversae sententiae erant, quod alii extemplo agendum, alii ex hieme, quae tumferme media erat, differendum in veris principium ... 144. Une harangue d' Annibal figure également chez Tite-Live (36, 7, 1-21), mais dans un contexte plus tardif: c'est au cours de la conférence tenue à Démétrias avec les chefs Étoliens et Amynandros l 'Atha-
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 12-14
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mane que le stratège punique est invité à prendre la parole. Grainger, Roman War, p. 223-224, souligne que la harangue d'Annibal (chez Appien comme chez Tite-Live) est sans rapport avec la situation : ce ne sont que des fabrications, à moins d'admettre que les historiens anciens faisaient glisser au gré de leur fantaisie les discours rapportés par leurs sources. 145. Cf. supra, n. 124. 146. Zonaras, 9, 19, p. 304 D, explique que, si Philippe resta fidèle aux Romains, c'était entre autres raisons parce qu' Antiochos lui avait enlevé certaines de ses possessions en Thrace : 'taiç yàp 1tpôç 'tOÙÇ "Pcoµaiouç bµoÀ.oyiatç b Ma1ee6ci>vtµµeµtvri1ee, ôu1 TE aÀ.À.a1eai 6n b 'Avtioxoç xcopia aÙ'tOÙtv 'tTI8p(i1en nvà t7tE0'7tQO'Œ'tO.
Page 13 147. On croit comprendre que la flotte séleucide était invitée à prendre position à Zacynthe, pour barrer la route aux Romains bien plus que pour envahir l'Italie. Tout n'est pas à rejeter dans ce discours. 148. Le motif rhétorique du cp86voç (récurrent chez Appien : cf. supra, 000) n'apparaît pas chez Tite-Live, qui constate simplement que l'on approuva les propos d' Annibal sans pour autant les suivre ... 149. Sur l'envoi de Polyxénidas en Asie, cf. Tite-Live, 36, 8, 1, qui mentionne son départ juste après le discours d' Annibal : Haec ferme Hannibalis oratio fuit ; quam laudarunt magis in praesentia qui aderant, quam rebus ipsis exsecuti sunt ; nihil enim eorum factum est, nisi quod ad classem copiasque accersendas ex Asia Polyxenidam misit. Sur la carrière de ce Rhodien, depuis longtemps au service d' Antiochos, cf. Grainger, Prosopography, p.114. 150. Cf. Diodore, 29, 1 : 1tpo1Ca'tftp18at 'tOÙ 1t0Àtµou 'tÔV Jlao-tÂ.Éa. Diodore et Appien s'emploient à faire d' Antiochos le fauteur de guerre. 151. Selon Tite-Live, 36, 1, 6, la rogatio fut présentée au peuple par le consul P. Cornelius Scipion Nasica peu après son entrée en charge, à la fin de 192 av. J.-C. : cf. Grainger, Roman War, p. 209. On déclara également la guerre aux Étoliens : cf. Tite-Live, 36, 3, 11-12, au motif qu'ils avaient pris Démétrias, assiégé Chalcis et appelé Antiochos en Europe. L'affaire de Délion et la prise de Chalcis par Antiochos ne provoquèrent donc pas l'entrée en guerre des Romains. Voir pourtant Zonaras, 9, 19, p. 305 D, 0\ 6' tv •proµn, µa86vreç aùtôv tç t11v ~Â.Môa 1tap6vta t11v XaÀ.1ei6a tE flpri1e6ta, tôv 1t6Àeµov cpavepciitÂ.l7t1tOU nv&ùµa 8ocôv tÂ.éupmv(Î)X,&t• èÂ.acpp6t&pov.
Page 15 163. Selon Tite-Live (36, 8, 3-4 ), la mission fut confiée à Philippe de Mégalépolis qui, selon Tite-Live, pourrait avoir poussé Antiochos à agir de la sorte. Voir De Sanctis, Storia dei Romani, 4, 1, p. 153 ; Grainger, Roman War, p. 225 ; Aitolians, p. 457. C'était provoquer Philippe V que d'agir ainsi. 165. M. Baebius Tamphilus, préteur en 192, propréteur en 191. Voir Broughton, Magistrates, p. 353. 166. Appien pourrait être plus précis [cf. supra, n. 000). Cf. TiteLive, 35, 23, 5 : ut M. Baebius ex Bruttiis ad Tarentum et Brundisiwn promoveret legiones < ... > inde, sires posceret, in Macedoniam traiceret. Selon Tite-Live, Baebius se trouvait à Apollonia. Voir aussi Zonaras, 9, 19, p. 304 D : les Romains envoient simultanément Flamininus en Grèce (avec mission de convaincre leurs alliés de demeurer fidèles) et M. Baebius à Apollonia, pour empêcher Antiochos de passer en Italie (El tautfl te;tflV 'ltaÂ.iav 1t&pauo8-ijva1toÂ.µT)a&t&vb 'AVtioxoc;) : il apparat"t ainsi que Dion Cassius faisait état des mêmes menaces qu •Appien. Baebius unit alors ses efforts à ceux de Philippe pour maintenir la Thessalie dans l'alliance romaine : ô ô& Bai61oc; 1eai ô cl>i>..umoc;noÂ.Â.àtric; 0&aaa>..iac; è6&6a1cooaVto. 167. Tite-Live, 36, 8, 5-6, explique pareillement le ressentiment de Philippe V et l'appel lancé à Baebius. 168. Appius Claudius Pulcher fit route magnis itineribus par la montagne et atteignit la petite ville thessalienne de Gonnoi, à vingt milles de Larissa: cf. Tite-Live, 36, 10, 10-11. Voir B. Helly, Gonnoi, 1, La cité et son histoire (1973 ), p. 100-101 : « Le texte de Tite-Live indique nettement qu 'Apppius est arrivé en Thessalie par la montagne, et le nom de Gonnoi montre qu'il est passé par Kalipeuké et la vallée du Dyodendron, là où se trouvait le dernier poste macédonien, Gonnocondylos. Il suivait ainsi le même itinéraire que Xerxès en 480 av. J.-C. et pour les mêmes raisons : le passage était facile, alors que le défilé de Tempé pouvait être coupé par l'ennemi ». Gonnoi se trouvait à 5 km de Tempé : cf. Helly, o. c., p. 100.
100
NOTES COMPLÉMENTAIRES DE LA P. 15
169. Cf. Tite-Live, 36, 10, 11 : Oppidum Gonni ... in ipsis faucibus sa/tus, quae Tempe appellantur, sinun. Appien estimait sans doute que son lecteur pouvait situer la fameuse vallée de Tempé, mais pas forcément Gonnoi. 170. Appien ne fournissant aucune précision sur les opérations menées par Antiochos en Thessalie, le lecteur ne parvient pas à comprendre comment l'année royale se rettouve en train d'assiéger Larissa. Cf. Tite-Live, 36, 8, 13- 9, 9. 171. Le camp d 'Appius Claudius Pulcher n'est pas localisé avec certitude ; peut-être dans les environs de la forteresse macédonienne de Gonnocondylos : cf. B. Helly, o. c., p. 101 et n. 3. 172. Grainger, Roman War, p. 228, juge à tort ou à raison le stratagème peu crédible. Voir aussi Aitolians, p. 458, n. 73. 173. Le stratagème est pareillement rapportépar Tite-Live, 36, 10, 11, qui ajoute qu 'Appius avait tracé un camp plus grand que nécessaire. 174. Même prétexte chez Tite-Live, 36, 10, 12. Antiochos regagna Démétrias avec toute son armée, tandis qu' Appius, demeuré en Thessalie, s'employait à raffermir les partisans des Romains. 175. Cf. la formulation de Diodore : nap8tvoo ... &ù1tp&1to~ èpaa8&iç. L'adjectif ne se ttouve pas chez Polybe et n'a pas d'équivalent chez Tite-Live. 176. Polybe lui donne cinquante ans, Appien et Diodore plus de cinquante. Contrairement à ce qu'estimaient devoir faire H. H. Schmitt et Walban.k, ad /oc., je ne crois pas qu'il convienne de corriger le texte de Polybe. Il me paraît plus vraisemblable de supposer que Diodore et Appien n'utilisent Polybe qu'à travers un intermédiaire. 177. Walban.k, ad /oc., remarque avec raison que Diodore et Appien omettent le second mobile d' Antiochos (la libération de la Grèce) dont font état Polybe, 20, 8, 1 et Tite-Live, 26, 11, 2. 178. Sur ce mariage, cf. Polybe, 20, 8, 4 et Walbank, Commentary, 3, p. 75 sq. ; Diodore, 29, 2. C'était la fille de Cléombrotos de Chalcis : voir J. Seibert, Historische Beitriige zu den dynastischen Verbindungen in hellenistischer Zeit (1967), p. 60-68 ; Grainger, Roman War, p. 219. 180. L'effet pervers des « délices de Chalcis » (cf. De Sanctis, Storia dei Romani, 4, 1, p. 157) apparaît dans nos autres sources : cf. TiteLive, 36, 11, 1-4 ; Plutarque, Flamininus, 16 ; Diodore, 29, 2 ; Dion Cassius, Fr. 59, 1 ; Justin, 31, 6, 3 ; Florus, 1, 24, 9. Tous ces auteurs dérivent de Polybe, 20, 8. Il s'agit assurément d'un topos hérité des historiens d' Annibal dénonçant les « délices de Capoue », comme le remarque Walbank ad Loc. Il n'y a donc pas lieu de prendre en considération les sermons moralisateurs de nos sources : cf. Grainger, Aitolians, p. 456, n. 64 - Onasandros, Strat., 9, 2-3, enseigne d'ailleurs que le bon général doit exercer ses soldats durant la mauvaise saison :
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 15-16
101
fi µtv
dp-yia 'tà acoµa'ta µaÂ.9mc:à1c:aidv 1toÂ.Â.àTéov tai>TTIµtTà TOÙBa16iou 1eai TOÙ Cl>iÂ.i1t1tou 1tapEiÂ.ut1tov tMi>v de; TTtV•proµ11v d1téCJ't'EtÂ.E, 1c:ai 't'OV'Aµuvavôpov èK 't'TjÇ
102
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 16-17
dPXTlÇt1e6aÀ.c.i)v tep Ma1eEÔOV\ aùtitv f6c.o1c:E. Le don de l 'Athamanie aurait ainsi récompensé Philippe de sa fidélité. Mais Amynandros réussira ultérieurement à reprendre possession de son royaume : cf. Grainger, Aitolians, p. 485. 190. Cf. Tite-Live, 36, 15, 2 : Hannibalem uero non ut prudentem tantum uirum sed prope uatem omnium, quae tum euenirent, admirari. 191. Cf. supra, §59, infine. 192. Cf. Tite-Live, 36, 15, 5 : destitutus (se. Antiochus) undique et ab suis, qui morabantur in Asia ... 193. Les Étoliens furent invités à se porter sur Lamia avec leur armée : cf. Tite-Live, 36, 15, 2. Sur leur rôle durant cette campagne, cf. Grainger, Aito/ians, p. 460. 194. Mêmes chiffres chez Tite-Live, 36, 15, 3. 195. Il ressort de LQ qu'il convient d'indiquer une brève lacune peut-être un saut du même au même -, masquée par une abusive correction de O. 196. Les Étoliens, d'ailleurs peu nombreux. Cf. Tite-Live, 36, 15, 4, qui explique que les principes des Étoliens n'étaient accompagnés que de leurs clients, tellement l'enthousiasme avait faibli dans leurs cités. 197. Plutarque, Vie de Caton, 13, l, confirme qu'Antiochos était sur la défensive. Voir aussi Zonaras, 9, 20, p. 306 D : npoç yàp titv tcÏ>v crtpattCOtCOV ÔÀ\'y6t1ltQ
µµa):OV tTIV tOÙ XCOPlOU (l)UCJ\V ~ÇElV
èv6µto-&. 198. Sur le site des Thermopyles, renvoyons à la documentation rassemblée par D. Müller, Topographischer Bildkommentar zu den Historien Herodots, Griechenland (1987), p. 369-383. Le littoral s'est modifié depuis l' Antiquité. Tite-Live, 36, 18, 4, situe les marais et les fondrières entre la route et la mer, cc qui paraît plus vraisemblable : loca usque ad mare inuia palustri limo et uoraginibus. Plutarque, Caro Maior, 14, 1, place ces embOches sur les arrières des fortifications d' Antiochos : beaucoup de ses soldats y trouvèrent la mort en fuyant : t.Àcov~a0écov 1eai n&tpcov cbtot6µcov tà ntcilµata 1eai tàç ôÀtffln]O'Etç ônoôE):Oµévcov. 199. Pour un essai d'identification de ces sommets fortifiés, voir l'étude de W. K. Pritchett, « The battle of Thermopylai in 191 B.C. », dans : Studies in Ancient Greek Topography, 1 (1965), p. 71-79 et infra, n. 191.
Page 17 201. Cf. Tite-Live, 36, 15, 10-12 : Extremos ad orientem montes Oetam uocant, quorum quod altissimum est Callidromon appellatur, in cuius va/le ad Maliacum sinum uergente iter est non latius quam sexaginta passus. Haec una militaris uia est, qua traduci exercitus, si non prohibeantur, possint. ldeo Pylae et ab aliis, quia ca/idae aquae in ipsis faucibus sunt, Thermopylae locus appellatur, nobilis Lacedaemoniorum aduersus Persas morte magis memorabili quam pugna.
NOTES COMPLÉMENT AIRES DE LA P. 17
103
202. Cf. Tite-Live, 36, 16, 1-2, qui fait état d'un double uallum et d'un fossé, le tout renforcé par endroits d'un mur de pierres sèches. Plutarque, Cato Maior, 13, 1, fait état de son côté de xapa1ewµata et de Ôlat&t'X,iaµata, peut-être en se fondant sur le témoignage oculaire de Caton. Les traces d'un mur d'environ 1800 m de long furent en effet repérées par l'archéologue Y. Béquignon [Revue Archéologique, (1934), p. 16-33] à l'entrée orientale du défilé. La partie basse de ce mur fut détruite lors de la construction de la route moderne. La partie haute, au pied de la montagne, est en revanche bien conservée : cf. Pritchett, o. c., p. 79 et Bar Kochva, Seleucid army, p. 158-162, avec plan du site p. 159. -Des traces d'un deuxième mur de pierres sèches ont été repérées par Pritchett, o. c., p. 80 ; mais le « double rempart » d' Appien résulte peutêtre d'une confusion : n'aurait-il pas lu chez sa source une expression comme npoo6a.Mi>v xapa1emµata 1eai füat&1xiaµata (Plutarque, Vie de Caton, 13, 1), dont il aurait déduit l'existence d'un double rempart ? A cette première hypothèse, je crois devoir en préférer une autre. L'un des remparts était, me semble-t-il, destiné à porter les engins balistiques, assez nombreux sans doute pour clouer au sol les troupes romaines, tandis que l'autre correspondrait plutôt au terre-plein évoqué par Tite-Live (cf. infra, n. 221 ), où viennent se ranger les fantassins syriens. On comparera à la manœuvre décrite dans le Livre Mithridatique, 23, 126, où Archélaos range ses troupes onè>tè> tEixoç, pour que les tE1xocpuÀ.a1C&Ç puissent repousser par leurs tirs les légions de Sylla.. Bref, Antiochos comptait sans doute sur ce que nous appelons un tir de barrage, ce qui a été bien vu par Grainger, Roman War, p. 245-246. 203. Cette précaution n'est pas signalée par Tite-Live. Elle est néanmoins plausible. 204. C'est également ce que rapporte Zonaras, 9, 20, p. 306 D : 1eai iva µ11 tt 1eai aùtoç m18n oiov oi "EÀÀ'lv&c;oi 1tpè>c;tov Mftoov àvtttax9tvn:c; è1e&i,µtpoc; tt tcov AltcoÀcov èni tà li1epa tcov ôpcov àvdH&la&v, éixJt&cppoupftaa1 aùta. 205. Tite-Live, 36, 16, 11, estime lui aussi que 2 000 hommes prirent part à cette expédition, mais il leur fait occuper trois sommets : Callidromos [pic de Zastani ? cf. Pritchett, o. c., p. 78], Teichious [probablement la fortification dominant le Grand Ravin d' Anthela], mais aussi Rhoduntia, sans doute une hauteur voisine : cf. Pritchett, o. c., p. 73, et pour une possible identification, p. 77. Strabon, 9, 4, 13 affirme que le défilé était protégé par plusieurs sites fortifiés : Nikaia, vers la Locride ; Teichious et Hérakleia, au dessus du défilé ; enfin Rhoduntia, qualifiée de xcopiov èpuµv6v. Voir aussi Étienne de Byzance S. V., qui écrit simplement 1tÂ.T1CJtOV Oit'lÇ206. Selon Tite-Live, 36, 16, 3-5, les Étoliens disposaient de 4000 hommes. Les uns furent envoyés à Héraclée, les autres à Hypata. Mais le consul réussit à les enfermer tous dans Héraclée. Ce fut alors qu' Antiochos leur envoya l'ordre d'occuper les sentiers (ibid., 15, 7-8). Mais la moitié des Étoliens préférèrent rester en ville.
xwpa
104
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 17-18
207. Le consul avait établi son camp auprès des sources chaudes : cf. Tite-Live, 36, 16, 5. 208. Tite-Live, 36, 17, l, les qualifie de legati consulares mais j'ai traduit x1Î..iapxo1 [même terme chez Plutarque, Cato Maior, 12, l : Mavicp 6' 'A1e1Î..icp11Î..1apxrov] par « tribuns militaires » ; Caton lui-même, cité par Cicéron, Cato Maior, 32, écrivait : tribunus militaris depugnaui apud Thermopylas. Voir aussi Frontin, Strat., 2, 4, 4 : iam consularis tribunus militum a populo factus. Caton et Valerius étaient en tout cas d'anciens consuls, auxquels Acilius confiait une mission de première importance. Voir aussi Zonaras, 9, 20, p. 306 D : ô 6t rÎ..aôpimv < ... > Il6p1ClOVµtv Katrova Kai OÙŒÎ..tptov cl>Î..alClC0V ô1tO tµétxtto, tnex:pattt, dvaxrop11cravtoc; Ètoù •A vt16xou 1tpè>c;tà µtttropa ftÀ.attoùto ). La suite donne à penser qu' Antiochos avait reformé sa phalange devant son camp (qui devait occuper une position dominante au pied de la montagne), sous la protection des engins balistiques, mais qu'il battit en retraite dès que Caton menaça ses arrières : x:ai t6v tt 'Avtioxov ftpt\jlav x:ai tô crtpat61ttôov aôtoù tfÂ.ov. Voir aussi Plutarque, Caton l'Ancien, 13, 1-7. 222. Sur cette péripétie décisive, cf. Tite-Live, 36, 18, 8 et Plutarque, Caton l'Ancien, 13, 7. 223. Zonaras, loc. cit., précise que Caton apparut Katà vrotou. A la différence des Romains, les hommes de la phalange ne pouvaient donc le voir. Mais on conçoit qu'ils aient perdu leur sang-froid en voyant les troupes de Glabrio manifester leur joie. Pour Zonaras comme pour Appien, Caton avait surpris les Étoliens endormis, tué la plupart d'entre eux et dispersé les autres. 224. Cf. Tite-Live, 36, 19, 2-3.
106
NOTES COMPLÉMENTAIRES DE LA P. 19
Page 19 227. Cf. Tite-Live, 36, 19, 5. Une inscription trouvée à Luna, en Ligurie, fait allusion à la prise de cette ville [AE.1953, 161 = ILI..RP, 321a] : M' Acilius C.f consul Scarpea cepit. Glabrio fit don à la colonie de Luna d'une œuvre d'art prise sur le butin de Scarpea 228. Selon Tite-Live, 36, 19, 5, le pillage du camp royal aurait retardé la poursuite : aliquantum temporis et direptio castrorum tenuit. 229. Grainger, Roman War, p. 247, estime avec raison que, craignant pour son camp, Glabrio interrompit vite la poursuite. 230. Cf. Tite-Live, 36, 19, 7 : ces Êtoliens étaient venus d'Héraclée. Sur cette ville, voir Y. Béquignon, La vallée du Spercheios (1937), p. 244 sq. ; F. Stlihlin, Das hellenistische Thessalien (1924), p. 206-207. On peut se demander si Antiochos ne fit pas preuve d'une excessive prudence en battant en retraite prématurément. A un quart d'heure près, les Romains se trouvaient obligés de se battre sur deux fronts. 231. Appien additionne les 150 Romains tombés au cours de la bataille et les cinquante autres tués par les Êtoliens : cf. Tite-Live, 36, 19, 12. 232. Cf. Tite-Live, 36, 19, 11, qui se réfère explicitement à Polybe et récuse les chiffres fantaisistes de Valerius Antias. Les pertes séleucides furent évidemment grossies : cf. Grainger, Roman War, p. 247. 233. Cf. Tite-Live, 36, 19, 9-11, qui parle lui aussi de ces 500 cavaliers formant l'escorte royale. Ils ne semblent pas avoir combattu, le terrain ne se prêtant pas aux évolutions de la cavalerie. Phlégon de Tralles, reproduisant Antisthène, fait d'eux des « hypaspistes » : cf. Notice, p. 000. 235. Cf. Polybe, 20, 8, 4 et Walbank, Commentary, 3, p. 76. 236. Cf. Tite-Live, 36, 21, 1 ; Plutarque, Flamininus, 16, 3. Le roi fit escale dans l'île de Ténos : cf. R. Etienne, Ténos et les Cyclades du milieu du we s. av. J.-C. au milieu du Ille s. ap. J.-C. (1990), p. 119. Il aurait, selon certains, livré un combat : cf. D. Reger, Athens and Tenos in the early Hellenistic Age, Class. Quart. 42 (1992), p. 365-383 et Grainger, Roman War, p. 259. La domination du roi sur les Cyclades est toutefois déduite de textes épigraphiques d'interprétation délicate [en particulier SEG 48 (2002) l 130]. Wiemer, Krieg ... , p. 242, reste dubitatif. -D. Knœpfler, La prétendue domination d' Antiochos m sur Kéôs : à propos de deux décrets récemment publiés, Chiron 35 (2005), p. 285-288) montre avec de bons arguments que le « roi Antiochos » dont il est question dans ces décrets n'est pas Antiochos m. -Zonaras, 9, 20, p. 306 D, s'accorde avec Appien : 1eai ô µtv te; tT)V Xaï..Ki6a eù0ùç à1tex,ropricre,µa0ci>v6t tov ü1tatov 1tpom6vta, te; titv 'Acriav à.ve1eoµicr811 ï..aOrov. 237. Cf. Tite-Live, 36, 20, 7-8. Le préfet de la flotte romaine, A. Atilius, tomba en effet sur un convoi séleucide dans les parages
NOTES COMPLÉMENTAIRES
DES PP. 19-20
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d' Andros et revint au Pirée avec ses prises. Cf. Grainger, Roman War, p. 248. 238. La nouvelle fut apportée à Rome par Caton : cf. Tite-Live, 36, 21, 48. 239. Cf. Tite-Live, 36, 21, 9 : supplicatio in triduum decreta est et
ut quadraginta hostiis maioribus praetor, quibus diis ei videretur, sacrificaret. 240. Cf. Tite-Live, 36, 35, 13. Zonaras, 9, 20, p. 307 D, place cette libération vers le moment où la délégation étolienne se trouvait à Rome.
Page 20 241. Cf. Tite-Live, 36, 20, 1-5. Par « autres collaborateurs d' Antiochos », il faut entendre principalement les Béotiens, dont Tite-Live note les appréhensions. Pour ce qui est de Chalcis et de l 'Eubée, voir Tite-Live, 36, 21, 2-3. Le stratège séleucide, Aristotélès, avait évacué la ville. Flamininus se fit 1'avocat des Chalcidiens auprès de Glabrio : cf. Plutarque, Flamininus, 16, 1-5. -Zonaras, 9, 20, p. 306 D, résume brièvement la situation : Kai t'lV Botrotiav Kai t'lV Eüôo1av b D..a6pirov aôtiKa Kattax_&, tfl ô' ·ttpaKÀEiÇt, µTl l}oo>..118tV'trov aôtq> 1tpoaxropfJaa1 tcôv AltroÀcôv, 1tpoa6oÀàç è1to1&ito. 242. Philippe assiégea la ville de Lamia, au pied de l 'Œta : cf. TiteLive, 36, 25, 1-12. Selon Zonaras, 9, 20, p. 307, Philippeassiégea certes Lamia, mais ce fut Glabrio qui prit la ville et s'empara du butin. Philippe en aurait conçu du ressentiment : 1eai b Cl>iÀ11t1toç i>1t&1Cpi v&to µtv t'lV 1tpàç toùç 'Proµaiouç q>tÀiav, tà ôt toù 'AV'tt6x_ou tq,p6v&1. Ce revirement n'est pas confirmé par ailleurs. - Plutarque, Flamininus, 15, 6, dit que Philippe s'en prit aux Dolopes, aux Magnètes, et aux Athamanes. Sur ces événements, voir Grainger, Roman War, p. 249 sq. 243. Appien résume en quelques mots des événements longuement développés par Tite-Live, 36, 22, 1-24, 12, en particulier le siège d'Héraclée par les Romains. Voir aussi Plutarque, Flamininus, 15, 6. Ni Héraclée, ni Lamia, ni Naupacte ne se trouvent en Étolie, mais elles étaient occupées par les Étoliens ! Sur ces opérations, voir Grainger, Aitolians, p. 464 sq. 244. Cf. Tite-Live, 36, 24, 12 : il fut capturé au cours du siège d'Héraclée. Cette capture avait également retenu l'attention de Dion Cassius : cf. Zonaras, 9, 20, p. 306 D, tv ôt toiç t6t& Çroyp118tia1 Kai A11µ61Cp1toçb atpat11yoç tcôv AltroÀCÔvtytvtto, ôç tep Cl>À.aµ1vicp (sic!) 1tott t'lV cruµµax_iav ftpviJaato, 1eai 'l'TJq>taµa è1etivou altT)CJŒV'tOÇ, iv' tç 'Pcoµ11v 7tɵ'l'n, « 0apptl, fq,11, tycoyàp aùto 1Coµ1côµttà toù atpatoù 1eai 1tapà tep T1ôtp1ô1 i>µiv dvayvoooµa1 ». Sur cet épisode, voir Grainger, Roman War, p. 179 ; Aitolians, p. 482. Il est probable qu'Appien racontait dans le Livre Hellénique comment Flamininus, tentant de raisonner les Étoliens au printemps de 192, s'était attiré l'insolente réponse de Damocritos. Ce dernier se sui-
108
NOTES COMPLÉMENTAIRES DE LA P. 20
cidera pour ne pu orner le triomphe du vainqueur: cf. Tite-Live, 37, 46, 5 et De Sanctis, Storia dei Romani, 4, 1, p. 138, n. 57. 245. Le mont Corbeau n'étant pas l'Himalay~ je crois expédient de corriger ôp&v en ôp&v, en rappelant au passage que l'accentuation des textes grecs n'a été introduite qu'au moment de leur translittération. 246. Cf. Tite-Live, 36, 30, 4 : mons est altissimus inter Callipolin et Naupactum. Cf. Étienne de Byzance, s. v. K6paç· 6poç µe-caçù KaÀ.À.t1t6Â.EO>v AhcoÂ.CÎ>v oiaav tnoÂ.top1eet· ofic;tÂ.8mv ô cl>Â.aµivtoc;(sic !) f1tEtae è1tt&l11.ov lC. 't. À..
267. Sur la lourdeur des navires romains, d'ailleurs chargés de vivres, cf. Tite-Live, 36, 43, 6. 268. Sur la bataille générale, cf. Tite-Live, 36, 44, 10-45, 3, détaillé.
Page 22 270. Selon Tite-Live, 36, 45, 5-6, ces navires rhodiens, commandés par Pausistratos, n'étaient que 25, et ils rejoignirent l'escadre romaine alors que celle-ci faisait route vers Éphèse. Les Rhodiens, qui avaient longtemps ménagé Antiochos, basculèrent en effet du côté des Romains : cf. Grainger, Roman War, p. 258 sq. - Appien n'explique pas pourquoi les Rhodiens, qui s'étaient rapprochés d' Antiochos après Cynoscéphales, avaient obtenu de lui Stratonicée (Polybe, 30, 31, 6) et l'avaient même aidé à s'emparer d'Éphèse (Frontin, 3, 9, 10), se retournèrent alors contre lui. On peut estimer, avec H. R. Rawlings, Antiochos the Great and Rhodes, 197-191 B. C., Am. Journ. of Ane. Hist. l (1976), p. 8-21, qu'ils jugèrent plus avantageux pour eux de soutenir les Romains. Voir depuis, dans le même sens, H. U. Wiemer, Krieg .. ., p. 344-345. -La belle saison prenant fin, les alliés rentrèrent chez eux tandis que la flotte romaine prenait ses dispositions pour hiverner. Appien ne dit rien de l'activité d' Antiochos durant l'hiver 191-190 av. J.-C., qui fut occupé par des opérations contre les possessions d'Eumène : cf. Grainger, o. c., p. 268 sq. 271. Cf. Tite-Live, 37, 8, 3. De son côté Polyxénidas reçut l'ordre de remettre en état sa propre flotte. 272. Annibal ne reviendra de Syrie qu'en 190 : Appien se montre ici, comme souvent, indifférent à la chronologie, et passe rapidement sur un épisode qui ne concernait pas directement la confrontation entre Antiochos et Rome. On trouvera chez Tite-Live, 37, 22, 2-24, 13, un récit détaillé de la victoire remportée par les Rhodiens, dans les parages d' Aspendos et de Sidé, sur la flotte phénicienne commandée par Annibal. Voir aussi Zonaras, 9, 20, p. 307 D : les Rhodiens, oi 1eai -rè>v'Avvi&iv vaùç nvaç è1e coµaio1 toùç I.1euticovaç ftaçav t6v n: 'Aq>p11eavè>v1eai tè>v dôtÂ.q>Ovaôtoù Aoi>1e1ov.Oî toiç µtv Altcoï..oiç dvox11v fôoaav, ... Voir tv' èç tT)V •pcoµ11vaù81ç {)7t&pt1'ç dp11vric; 7tpECJÔEOOCOvtŒ\ Grainger, Aitolians, p. 479. 278. Zonaras, /oc. cit., souligne lui aussi la hâte des Scipions, mais n'en donne pas la raison. 279. L'année romaine ne se lançait pas à l'aventure : Ti. Sempronius Gracchus était venu vérifier à l'avance les préparatifs de Philippe : cf. Tite-Live, 37, 7, 11-15. Zonaras, /oc. cil., ne parle pas de vivres, mais de troupes auxiliaires. 280. Cf. Tite-Live, 37, 7, 16: Inde non per Macedoniam modo sed etiam Thraciam prosequente et praeparante omnia Philippo ad Helles-
pontum peruentum est. 281. L'initiative du consul s •explique d •autant mieux qu •Antiochos avait recherché l'amitié de Prusias : cf. Grainger, Roman War, p. 279280. 282. Le passage au style direct est si rude que Pléthon, suivi par Musgrave, corrigeait d1teÀ.ucraµev en d1téÀ.ucrav. 283. Ce passage ne peut se construire tel quel. Il faut, me semble-til, ajouter un verbe transitif, probablement èçaÀeiq>e1v. Cf. /G 13, 91, 10 : èÇaÀ.tlçaôtoû t11v xcopav t1ea1eouv toû 'Avt16xou, 1eai 1t6Àe1çal µtv Pic,,al ô' t1eo6cna1 1tpè>ç toùç "Proµaiouç µe8ip(yytov 1totaµov µétxttv. Frontin, Strat, 4, 7, 30, situe lui aussi la bataille in Lydia. 366. Cf. Tite-Live, 37, 37, 9 : transgressus Phrygium amnem circa Magnesiam quae ad Sipylum est posuit castra. 367. Chez Tite-Live, 37, 38, 2, le consul établit d'abord son camp à quatre milles (soit 3, 5 km) en deçà du fleuve Phrygius. Trois jours plus tard, les « Romains » franchissent en force le fleuve et installent un nouveau camp plus près (propius) de celui d' Antiochos (Tite-Live, 37, 38, 5). Il n'est pas question de Domitius chez l'historien latin. Sur le site du champ de bataille, assez éloigné de Magnésie du Sipyle, voir Bar-Kochva, Seleucid army, p. 164 sq (avec plan du champ de bataille p. 165).
Page 31 368. Cf. Tite-Live, 37, 38, 8 : per quadriduum insequens instructae utrimque acies pro vallo stetere. 369. Cf. Tite-Live, 37, 38, 9 : quinto die Romani processere in medium campi; Antiochus nihil promovit signa ... 370. Chez Tite-Live (37, 39, 1-4), le consul commence par tenir un conseil : tout le monde réclame la bataille. C'est alors que Cn. Domitius est envoyé ad explorandum iter (ibid., 39, 5). Le lendemain de ce conseil, on rapproche le camp de celui d' Antiochos ; le surlendemain enfin, on se prépare à livrer bataille. Le Pseudo-Plutarque, Apophteg-
NOTES COMPLÉMENT AIRES DE LA P. 31
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mata Reg. et lmp., 197 d-e, présente les choses autrement. Il est bien question d'une mission d'observation confiée à Domitius (Kata-ce qui implique qu 'Antio-c:nc&'l'«µ&voçtt1v tcov 7tOÂ.&µicov q>aÂ.a-y-ya chos avait rangé son année à l'extérieur du camp) ; mais, à son retour, les chefs romains veulent aussitôt livrer bataille (Kai tcov 7t&pi aôtè>v f)-y&µovuccov&ù0ùc;t1tlX&lp&iv 1C&Â.&u6vtcov). De ces « chefs », on peut difficilement exclure le consul, dont on mesure le manque de jugement. Sagement, Domitius renvoie au lendemain la bataille décisive. Il est notable que, selon cette tradition, Antiochos ne se dérobait pas. 371. Il n'est pas question d'une telle proclamation chez Tite-Live. 372. Tite-Live, 37, 39, 7, avance un autre mobile : le roi craignait de démoraliser ses hommes en donnant l'impression d'avoir peur de l'ennemi. 373. Münzer, RE 4, 1, 1473-1474, se fait l'écho de Nissen et d'Ed. Meyer, qui, pour l'ensemble de la bataille, estimaient le récit d' Appien plus proche de Polybe que ne l'est celui de Tite-Live. Mais comment en juger ? Voir néanmoins Bar-Kochva, Seleucid army, p. 163 : « The main sources for the battle are the parallel versions of Livy < ... > and Appien < ... > based solely on Polybius, who himself made extensive use of Rhodian, Achaean and Pergamene sources [mais lesquelles ?], probably in addition to reports from eyewitnesses ». Aucune de ces affirmations n'est démontrable et il faut beaucoup de naïveté pour y accorder du crédit. 374. L'aile gauche selon Justin, 31, 8. 375. Tite-Live, 37, 39, 7-8, donne pour sa part deux légions romaines et deux légions italiennes. Chacune de ces unités comptait 5 400 hommes, soit au total 21 600 hommes. Autre différence : le corps de bataille romain était flanqué selon l'usage, sur chaque aile, d'une légion italienne. L'ensemble formait la iusta acies (Tite-Live, 37, 39, 9). 376. Allusion à la répartition en trois lignes, principes, hastati, triarii : cf. Tite-Live, 37, 39, 8 : hastatorum prima signa, dein principum erant, triarii postremos claudebant. --Candido avait pressenti l'existence d'une lacune, traduisant in tres divisi turmas. Tous les éditeurs, depuis Schweighauser, ont suppléé ttlÇ&lÇ,sans doute à juste titre : cf. Libyké, 41, 172 à propos du dispositif de Scipion à Zama : tè> µèv otv m~Çôv te;tp⁣ 1eai ôô& taç&lÇ t1tÉtatt&v. 377. On ne peut interpréter le texte autrement : Appien comprend que les peltastes Achéens étaient 3 000, alors que selon Tite-Live, 37, 39, 9-10, c'est le total des auxiliares d'Eumène et des caetrati Achéens qui s'élève à 3 000 hommes. Dans la mesure où Appien ne connaît pas d'autres Achéens que ceux dont il avait signalé l'arrivée à Pergame (cf. supra, 26, 125), dont il estimait le nombre à 1 000, Tite-Live est sans doute dans le vrai. Une base de statue d 'Attale trouvée à Pergame
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 31-32
[/. Pergamon, 64) porte la dédicace que voici : 'Axauôv ol 6u1Mvt&ç 1ea-ràcruµµaxiav 1tpoc; P«m>..ta Eoµtvri -rôv dô&Mpàv aù'toû tv 'tep c:rupfry1ov 1to'taµôv µaxf1v. On contate que pour les contemporains, notre « bataille de Magnésie » était simplement la « bataille du fleuve Phrygios ». 378. Tite-Live (37, 39, Il) précise que, l'aile gauche s'appuyant au fleuve, il n'avait pas été jugé utile de la renforcer ; mais on y avait tout de même disposé quatre turmae de cavalerie romaine. 379. Tite-Live, 37, 39, 9-10 place lui aussi ces contingents à l'aile droite, sans toutefois mentionner d'italiens. 380. Tite-Live ne dit rien de la place occupée par le consul et ne souffle mot de Domitius ... On peut admettre que L. Scipion avait pris place au centre de la iusta acies. 381. Il ressort de Tite-Live, 37, 41, 9, que les Crétois se trouvaient placés sous les ordres d' Eumène ; or ces Crétois se trouvaient à l'extrémité de l'aile droite (Tite-Live, 37, 39, 10). Eumène se trouvait donc à l'aile droite ; mais, dans la mesure où Appien range explicitement ô Eoµtvouc; V\1t1ttrov, 7ttpi XlÂiouç). 395. Il faut suppléer taôt . 396. Tite-Live (37, 40, 5) place à droite de la phalange les Gallograeci, qu'il range parmi les pedites, puis trois mille cataphractes, puis les mille hommes de l'agèma. Son énumérés ensuite (37, 40, 10-11) les contingents qu'il range sur la gauche. 397. Cf. Notice, p. XCIX-C. 398. Cf. Tite-Live, 37, 40, 7 : cohors regia erat ; Argyraspides a genere armorum appellabantur. Le surnom s'appliquait, depuis le règne d'Alexandre (cf. Arrien, Anabase, 1, 11, 3) aux fantassins de la garde royale, également connus sous le nom d'Hypaspistes. Voir Bar Kochva, o. c., p. 58-59, qui estime qu'à cette époque leur nombre s'élevait à l 0 000 hommes. Mais la cavalerie avait aussi ses « Boucliers d'argent » : voir Notice, p. c. 399. Sans doute les l 200 Dahae mentionnés par Tite-Live, 37, 40, 8. Il faut corriger, comme le voulait déjà Schweighauser, le chiffre fourni par les manuscrits d' Appien. 400. Tite-Live (37, 40, 10) mentionne à gauche l 500 Gallograeci pedites. Polybe, /oc. cit., signale 5 000 fantassins galates dans le défilé de Daphné. 401. Après la bataille navale de Myonnèsos, Antiochos avait en effet demandé des secours à Ariarathe : cf. Tite-Live, 37, 31, 4. TiteLive (37, 40, 10) évalue ce contingent à 2 000 hommes. 402. Cf. Tite-Live, 37, 40, li : 2 700 auxiliaires d'origine diverse. 403. Cf. Tite-Live, 37, 40, 11 (toujours à gauche ... ) : tria mi/lia cataphractorum. 404. La regia a/a de Tite-Live, 37, 40, 11, qui évalue ses effectifs à l 000 hommes recrutés en Syrie, Phrygie et Lydie, sans préciser qu'il s'agissait de Macédoniens. Mais Polybe (/oc. cit.) mentionne à Daphné deux unités distinctes : d'abord les 1000 Compagnons (hétaïroi), ensuite les 1000 Amis (philoi), tous richement équipés. Une partie de cette cavalerie se trouvait à l'aile droite, avec le roi, l'autre à l'aile gauche avec le prince Séleucos ; elle n'était armée à la légère que par comparaison avec les cataphractes.
NOTES COMPLÉMENT AIRES DES PP. 32-33
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405. Zénon de Rhodes, /oc. cit., précisait qu'Antiochos m, à la bataille de Panion, avait pris place avec la cavalerie des Hétaïroi et les Hypaspistes juste derrière les éléphants, et par conséquent en avant de la phalange. Mais le reste de la cavalerie, y compris les cataphractes, avait été réparti de part et d'autre de celle-ci, donc en deuxième ligne. L'ordre de bataille adopté à Magnésie ne semble pas avoir différé sensiblement sur ce poin~ mais Appien fait probablement allusion à une phase ultérieure du combat : lorsqu'il eut enfoncé les légions, grâce aux cataphractes, Antiochos se retrouva très en avant de sa phalange elle-même immobilisée par les Romains. 406. Appien veut sans doute laisser entendre qu'il e6t été préférable de ranger la phalange sur seize rangs de profondeur, comme c'était normalement l'usage.
Page 33 407. Appien veut sans doute dire que, rangée seulement sur 16 rangs de profondeurs, la phalange aurait occupé un espace double : cf. Notice, p. XCVII-XCVIIl. 408. Tite-Live, 37, 40, 14, range les combattants de ces trois nations à l'aile gauche parmi les caetrati. 409. Tite-Live (37, 40, 8) place les Crétois et les Tralles à l'aile
droite. 410. Sans doute les Neocretes de Tite-Live, 37, 40, 13. Polybe, /oc. cil., décrit ainsi les 3 000 Ciliciens qui défilèrent à Daphné : KiÂ.tlCEÇ
dç tè>vtéi>vEôl;ci>vrov tpémov 1ea8ro1tÂ.1aµtvo1. 41 l. Une peuplade scythe, localisée au sud de la mer d' Aral, qui avait déjà fourni des archers à cheval à Alexandre le Grand. 412. Tite-Live ne signale ni Dahae ni Mysiens à l'aile gauche. Polybe (loc. cit.) fait défiler 5 000 Mysiens à Daphné, mais les range dans l'infanterie légère. 413. Tite-Live (37, 40, 8-9) fait état de 2 500 archers mysiens, disposés à l'extrémité de l'aile droite à côté des Élyméens. Mais il signale (37, 40, 14) d'autres Élyméens à l'aile gauche. 414. Cf. Tite-Live, 37, 40, 12 : Arabes sagittarii (ce sont donc bien des archers) gladios tenues habentes longos quaterna cubita, ut ex tanta altitudine contingere hostem possent. Ces chameliers arabes, montés sur des dromadaires, avaient été disposés devant la cavalerie de l'aile gauche. 415. Ces chars semblent n'avoir été inventés par les Perses qu'après les Guerres Médiques : cf. A. N. Nefiodkin, On the origin of the scythed chariots, Historia 53 (2004), p. 369-378. 416. Cf. Tite-Live, 37, 40, 12, très bref. Asclépiodote, Tactique, l, 3 estime les chars inadaptés aux batailles modernes : à Magnésie, ils se révélèrent en effet nuisibles à leur employeur. 417. Le texte transmis défie l'entendement. Il faut écrire 6Et véi>ç
7tÂ.118Et tE Kai KOvévoqués par Eschyle, Perses. 818, à propos du champ de bataille de Platées. 452. Cf. Tite-Live, 37, 44, 5. 453. Cf. Tite-Live, 37, 44, 6. La métonomasie de la ville, remontant à Antiochos I. paraît inconnue de l'historien latin. Voir pourtant Étienne de Byzance, s. v.'Amxµeta· fan x:ai t11c;µtx:pàç Cl>puyiaçfi tlÇ t1ea.ï..eito KeÂ.atvai. Il s'agit d' Apamée du Méandre, dite aussi Kibôtos, édifiée par Antiochos I à proximité de Célènes près du confluent du Marsyas et du Méandre : cf. G. M. Cohen, The hellenistic settlements in Europe, the islands, and Asia Minor (1995), p. 281285. La ville possédait un palais (cf. Tite-Live, 35, 15, 6) où s'était sans doute installé Séleucos. -Sur ces événements, voir Grainger, Roman War, p. 329.
Page 37 454. Selon Tite-Live, 37. 44, 7. Xénon reçut le commandement de la ville d'Apamée, Timon le commandement en Lydie. 455. Chez Tite-Live, il est d'abord question d'ambassades envoyées par les cités d'Asie : Thyatire et Magnésie du Sipyle (37, 44, 4) ; Apamée (ibid., 44, 7) ; Tralles, Magnésie du Méandre et Éphèse (ibid., 45, 1) ; enfin les Asiae civitates (ibid., 45, 3). 456. Tite-Live (37, 44, 1-2) évalue les pertes d 'Antiochos à 50 000 fantassins et 3 000 cavaliers. Les Romains firent l 400 prisonniers et capturèrent 15 éléphants. Eumène n'avait perdu que 25 hommes, les Romains300 fantassins et 24 cavaliers. -Les pertes d' Antiochos ont été exagérées : cf. Grainger, Roman War, p. 328 sq., qui estime que le roi ne perdit pas plus de 10 000 hommes. 457. Ces récriminations n'apparaissent que chez Appien. Grainger, Roman War, p. 329-33, suppose qu'elles pourraient dériver d'une critique en règle de la bataille à laquelle Polybe aurait procédé dans un passage perdu de ses Histoires. Hypothèse séduisante, mais indémontrable. 458. Cf. BC S, 352 : 0aï..étCJCJT]Ç tpyatat, les « travailleurs de la mer » ou, si l'on préfère, les « professionnels de la mer ». Page 38 460. Sans doute les soldats de l'armée victorieuse. Sur les réactions de l'opinion à Rome, voir Tite-Live, 37, 51, 8-10. Le Sénat décréta une supplicatio de trois jours : cf. Tite-Live, 37, 52, 2. 461. Le texte est corrompu et la correction proposée par Schweighauser (ÔÂ.tycbtepot 1toÂ.Â.q>) n'emporte pas l'adhésion. Si Â.aCÏ>v tanv (« à l'on songe en revanche à 1/iade, 9, 116, dvti 1toÂ.Â.CÏlv lui seul il vaut de nombreux guerriers », ce qui revient au fameux nec
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 38-39
pluribus impar), il suffit de corriger 'tE en dvri pour obtenir un sens d'autant plus satisfaisait qu'une référence allusive à l'épopée conviendrait bien ici pour magnifier l'héroïsme des Romains. 462. L'imparfait ~v n'est pas autre chose, me semble-t-il, qu'une addition de O. Rejetons par conséquen~ comme relevant du roman historique, ce qu'écrit J. Ma. Antiochos ... , p. 195, à propos d'un prétendu « adage • qui aurait circulé à Rome après Magnésie : « il était une
fois un roi, nommé Antiochos le Grand •. 463. L'entrevue eut lieu à Sardes, où le consul s'était transporté ; les offres d' Antiochos furent ttansmises par Zeuxis, stratège de Lydie [cf. supra, n. 422) et Antipater, neveu du roi : cf. Polybe, 21, 16, 1 sq. et Tite-Live, 37, 45, 3-5 ; Grainger, Roman War, p. 332 sq .. -Chez Polybe, 21, 16, 9-10, le conseil délibère et Publius Scipion transmet aux ambassadeurs le fruit de la délibération : le scénario est respecté par les auteurs plus tardifs. 464. Tite-Live, 37, 45, 7-9, fait discourir Zeuxis, qui demande quo
piaculo expiare errorem regis, pacem ueniamque impetrare a uictoribus possimus. Polybe, 21, 16, 7 sq. résume l'argumentation desambassadeurs 465. Tite-Live, 37, 45, 11-18, donne sa prop1eversion de la réponse de Scipion ; mais il est clair qu'il suit pour l'essentiel Polybe, 21, 17, 3-8.
Page 39 466. Le thème de la « pléonexia • et de l'arrogance n'appanu"t pas chez Tite-Live. Tout ce préambule est absent chez Polybe et pourrait avoir été soit fabriqué par Appien, soit emprunté par lui à une source non polybienne. 467. Cf. Tite-Live, 37, 45, 12. Voir aussi Zonaras,9, 20, p. 300 D, qui précise que Publius Scipion était favorablement disposé à l'égard d' Antiochos en raison des bons traitements réservés à son fils, mais que Lucius ne voulait pas laisser à son successeur la gloire de la victoire. Il faut également tenir compte du fait que la puissance militaire d' Antiochos était loin d'être détruite, et qu'il eOt été difficile pour les Romains d'aller le combattre jusqu'en Syrie. -Diodore, 29, 10, vante la mansuétude de Lucius Scipion, qui céda aux instances de son frère Publius : ô ÔÈ Ü1tatoç ôta'tl'lpVu)v na-rptov 'tTIÇ "Pci>µTIÇ tmEi1cetav 1eai 1tapaKÀT10Eiç i>xo -roù dôEÀq>où IloxÂ.iou. Voir aussi Polybe, 21, 17, 1 : 'Proµaiouç OÙÔÉ7tO'tE YEVÉ0'8al Po,pU'ttpouç. 468. Appien s'emploie à minimiser les lourdes exigences des Romains, qui ont ici le beau rôle. 469. Cf. Polybe, 21, 17, 3 : fK n: 'tTIÇEôpciur11ç t1exropEiV lCŒi tllÇ t1ti -raôE toù Tai>pou 1tŒGT1Ç ; Diodore, loc. cit. : t1e1,rop1Ïcra1-rov ~acrtÂ.Éa toiç "Proµaiotç 'tllÇ 't& Eùpc07t11ç1eai 'tTIÇ txi -raôE -roù Taupou 1eai tcov tv aô-rfi 1t6ÂE0>v1eai t8véov. Sur
NOTES COMPLÉMENT AIRES DE LA P. 39
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l'expression tà tni tci.ôt: toû Taûpou (et sur tà t1tt1Ct:\va toû Taû-pou, les pays « au delà du Taurus » ), voir H. H. Schmitt. Untersuchungen .. . , p. 159. Soulignons que, ni chez Polybe ni chez Diodore, tels qu'ils nous ont été transmis, il n'est alors question d'un fleuve frontière (qu'il s'agisse de l'Halys ou d'un quelconque Tanaïs ... ). Nous n'aborderons donc pas cette question embrouillée, sur laquelle on verra, entre autres, E. Meyer, Die Grenzen der hellenistischen Staaten in Kleinasien (1925), p. 145 sq. ; A. H. Mc Donald, The treaty of Apamea, JRS, 51 (1967), p. 1-8. Renvoyons au Livre Mithridatique, 62, 253 et à notre note 504. 470. Cf. Tite-Live, 37, 45, 13-14. 471. Les navires ancrés à Patara, en Lycie, qui furent incendiés : cf. Polybe, 21, 44, 3 ; Tite-Live, 38, 39, 2-3. 472. De Sanctis, Storia dei Romani, 4, 1, p. 205, n. 143, remarquait avec raison que seuls Appien et Diodore (/oc. cit. : napaxwpiiaa\ tci>v tE tÀEqMJ.vtrov1eai µa1epci>vVTtéÏ>V) mentionnent dans ce contexte les clauses relatives aux navires et aux éléphants. Il ressort de Diodore, 29, 11, que les éléphants furent attribués à Eumène. C'est à la lumière de ce passage qu'il conviendrait d'interpréter Polybe, 21, 42, 12 d1toô6tw ... 1eai toùç tÀtt11 li1epa. Quant au cap l;ap1t11&i>vou llip1t11ôovia aKpa, le Stadias me, § 177, le situe à 80 stades à l'ouest de l'embouchure du fleuve : d1tè>1totaµoù t1ti lilcpav dµµcoo11,crtEVflV,l;ap1teôoviav 1eaÀ.ouµÉV11V, maôtot 1t', - Sur ces caps, voir Walbank, Commentary, 3, p. 160. 481. Il n'est pas question de ces caps chez Diodore. 482. Cf. Tite-Live, 38, 38, 9 : ne navigato citra Calycadnum ne.u Sarpedonium promuntoria. Le nom du Sarpédonion a été rétabli dans le texte de Polybe. Sur les clauses navales, cf. Walbank, Commentary, 3, p. 159-160, qui juge « absurde » la formulation d' Appien. Mais il faut la rapprocher de la clause citée par Polybe, 21, 43, 24 : tçtmco 7tOÀEµEÏv 'Avnoxcp lC.t.À.. On laissait à Antiochos le droit de se défendre et les moyens nécessaires pour le faire. 483. Sur les clauses navales, cf. Polybe, 21, 43, 4 sq. corrompu, et Tite-Live, 36, 43, 8 et 38, 38, 8 : discussion de ces clauses chez A. H. Mc Donald et F. W. Walbank, The Treaty of Apamea: the naval clauses, JRS 59 (1969), p. 30-39, qui soulignent que les Romains avaient déjà limité les flottes de guerre de Carthage et de Philippe V. 484. Cf. Tite-Live, 38, 38, 10. 485. Sur cette clause, cf. Polybe, 21, 43, 15. 486. Cf. Polybe, 21, 43, 22.
NOTES COMPLÉMENT AIRES DE LA P. 40
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487. Le lecteur d' Appien ne peut se faire une idée de la durée des pourparlers, puisque Appien signale par anticipation la conclusion de la paix, avant l'expédition de Manlius Vulso contre les Galates, qui occupa la belle saison de 189 av. J.-C. Durant l'hiver suivant, Manlius Vulso reçut à Éphèse des envoyés d' Antiochos, d' Ariarathe IV et des Galates (cf. Tite-Live, 38, 37, 1) tandis que se déroulaient de longues négociations entre le Sénat et diverses ambassades arrivées à Rome. La paix ne fut jurée par Manlius Vulso que durant l'été 188, peu avant son retour à Rome. Voir Grainger, Roman War, p. 348. La digression relative au procès de Scipion renvoie à plus tard le sort des territoires enlevés à Antiochos. 488. Sur les 6tÂ.tot du Capitole, voir les exemples rassemblés par L. Robert, Inscriptions d' Aphrodisias, Ant. Class. 35 (1966), p. 404 sq. (repris dans OMS 6, p. 28 sq.) L'usage est également attesté par Memnon d'Héraclée, Fr. Gr. Hist. 434, 18, 10, à propos de ce qui serait le plus ancien traité conclu par Rome avec une cité d'Asie (circa 188 av. J.-C.) : lCŒiXŒÂ.lCOÎ 1t\VŒlCEÇ 660 tw; 6µoÂ.oyiac; ïaouc; lCŒi6µoiaç fcpEpov, rov 6 µtv 1tapà "Pcoµaiotc; tv tq> 1CŒtàtq> Ka1tltCOÂ.lOV lEpq>tOÙ At0Ç lCŒ911Â.Co811, 6 6t lCŒtàtt)v "Hpatl.EtŒV lCŒiaÔt0Ç tv tq> toü Aioc; tepq1. 489. Cf. Tite-Live, 38, 55, 3. Il est probable qu'Appien développait dans un livre perdu, l' Helléniké, les clauses relatives aux cités d'Asie mineure et aux royaumes de Pergame et de Bithynie. Voir Tite-Live, 37, 55, 4-56, 6. 490. Tite-Live, 38, 38, 2-17, donne, d'après Polybe, le texte définitif, dont Appien n'a retenu que quelques clauses, peut-être celles qui furent ajoutées par le Sénat aux préliminaires rédigés par les Scipions. 491. Gnaeus Manlius Vulso fut élu consul pour l'année 189 et reçut l'Asie comme provincia : cf. Tite-Live, 38, 50, 1-7 et Grainger, Roman War, p. 337, n. 29. Il arriva en Asie vers le moment où son prédécesseur, Lucius Scipion célébrait son triomphe : cf. Tite-Live, 38, 60, 1. On lui reprocha (mais cela n'appanu"t pas chez Appien) d'avoir voulu saboter la paix conclue par les Scipions en faisant tomber Antiochos dans un piège. Voir sur ce point Tite-Live, 38, 45, 2 : Cn. Manlium summa ope retendisse ut eam pacem turbaret et Antiochum, si sui potestatem fecisset, insidiis exciperet ... Selon Zonaras, 9, 20, p. 309 D, Manlius Vulso fit ajouter plusieurs clauses au traité conclu par les Scipions : 6to lCŒirvaioc; Mrù.Â.toc; o tt)v dpx11v acprov 6tafü:l;aµevoc; OÔIC ftpKÉa8rt toiç CJU'YlCEtµÉVOlÇ, Ô:Â.Àà7tÀElCO aÔt0V d1tfltT1CJE, 1tpoç 6t 1eai bµ11pouç 6oùva1 tJCt"A.euaevèi"A."A.ouç tE Kai tov ulov 'Avtioxov, 1eai toùç aôtoµ6"A.ouc;1tavtac; t1e6oùva1, tv oiç 1eai b 'Avviôaç ~v. Kai 6 'Avtioxoç lCŒièilCCOV 7tpoç a.1tavta è1tEt8apxT1atv. 492. Cf. Tite-Live, 38, 39, 1. 493. Cf. Polybe, 21, 44, 1 et Tite-Live, 38, 39, 1. Le consul envoya en effet en Syrie son frère Lucius (dont Appien ne parle pas ... ) accom-
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
DES PP. 40-41
pagné de Q. Minucius Thermus. Mais il ressort de Polybe que ce dernier, loin d'être un simple tribun militaire [cf. supra, le cas de M. Porcius Caton et de L. Valerius Flaccus], appartenait en fait à la commission des Dix : cf. Walbank, Commentary, 3, p. 155 et 163. Il avait été préteur en 196 et consul en 193 : cf. Broughton, Magistrales, p. 363.
Page 41 494. Cf. Tite-Live, 38, 51, 2. 495. Faut-il en conclure qu' Appien suivait une source qui plaçait le procès de l'Africain peu après son retour d'Asie 7 C'était le cas de Valerius Antias qui, semble-t-il, le faisait mourir dès 187. Voir J. Rich, Valerius Antias and the construction of the Roman past, BICS 48 (2005), p. 154. -Sur les procès intentés aux Scipions, voir Notice,
p. xvrn. 496. Tite-Live, 38, 56, 1, signale une divergence chez ses sources :
non de accusatore convenir : alii M. Naevium, alii Petillios diem dixisse scribunt. Le pluriel chez Appien laisse supposer qu'il fait allusion à Q. Petilius et à Q. Petilius Spurinus, tribuns de la plèbe en 187. 497. Un discours de Caton relatif à l'argent d'Antiochos était conservé à l'époque de Tite-Live : cf. 38, 54, 11 : exstat oratio eius de pecunia regis Antiochi. Plutarque, Cato Maior, 15, 1-2, dit d'ailleurs que Caton s'associa aux accusateurs de Publius Scipion et de son frère Lucius. 498. Le procès intenté à Publius Scipion était déjà signalé par Polybe, 23, 14, suivi par Diodore, 29, 21. Long développement chez Tite-Live 38, 50, 4-53, li, qui suit Valerius Antias ; voir aussi AuluGelle, 4, 18 et 6, 19 ; Valère-Maxime, 3, 7, l ; Pseudo-Plutarque, Apophtegmata Scipionis, 196 f; Pseudo-Aurelius Victor, 49, 17 et 53, 2. Selon Zonaras, 9, 20, p. 310 D, l'accusation d'avoir fait preuve de modération à l'égard d' Antiochos à cause des bons traitements réservés à son fils n'était qu'un prétexte : Scipion était en fait accusé par jalousie, 6tà q,06vov. Pour tout cet épisode, l'analyse de De Sanctis, Storia dei Romani, 4, 1, p. 593 sq., reste précieuse, de même que celle de P. Fraccaro, I processi degli Scipioni, dans Opuscula 1 (Pavie 1956), p. 263 sq. 499. Curieuse forme de captatio benevolentiae : on a l'impression que la politique-spectacle venait au secours de l'éloquence. 500. Tite-Live, 38, 50, 11, fait allusion à un discours grandiloquent où Publius Scipion exaltait ses exploits : orationem magnificam de rebus a se gestis. Aulu-Gelle, Noct. Att., 4, 18, 6 atteste que le discours (peut-être apocryphe ... : cf. De Sanctis, Storia dei Romani, 4, l, p. 593, n. 270 et 271) était encore conservé de son temps : fertur etiam oratio quae uidetur habita eo die a Scipione. Il me para.t"tvraisemblable qu 'Appien résume cette oratio, qu'il pourrait avoir étudiée chez Cornelius Fronton.
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 41-43
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501. C'était donc un elogium bien plus qu'une plaidoirie. Il semblerait d'ailleurs que cn:µvolo-yia soit ici la traduction du latin elogium. 502. Thème rebattu. 503. Le texte transmis ne peut se construire. Reiske suppléait tT)Ç flµtpac;, Mendelssohn proposait aÔ'tT)Çflµtpac;, Viereck tT)c;ftµtpac;. J'ai opté pour cette dernière conjecture.
Page 42 504. En fait, Publius Scipion quitta Rome pour se retirer dans son domaine de Literne, abandonnant ainsi la vie politique en invoquant le prétexte de la maladie : cf. Tite-Live, 38, 52, 1-53, 8 ; Zonaras, 9, 20, p. 310 D. Il mourut peu de temps après et la censure de Caton, en 184 av. J.-C., marque la fin d'une époque. 505. Appien passe entièrement sous silence le procès intenté à Lucius Scipion : voir Münzer, RE 4 1, s. v. Cornelius 337 , 1475 sq. Lucius fut bel et bien condamné pour s'être approprié une partie du butin, mais Zonaras, loc. cit., affirme que l'inventaire de ses biens démontra la fausseté de l'accusation. L'omission du procès de Lucius n'a peut-être pas d'autre raison que celle, plus littéraire qu'historique, d'orner la narration en insérant une synkrisis entre un Grec et un Romain, à la manière de Plutarque ( on reviendra, à propos du Livre II des Guerres Civiles, sur le long parallèle entre Alexandre et César qui sert de conclusion à cet ouvrage). 506. Accusation forgée par Thémistocle selon Plutarque, Aristide, 4, 4, qui suit Idoménée de Lampsaque, Fr. Gr. Hist. 338 Fr. 7. 507. Sur le procès d'Épaminondas, en 369 av. J.-C., voir H. Beister, Untersuchungen zu der Zeit der thebanischen Hegemonie (Diss. München, 1970), p. 75 sq .. La version d' Appien est très proche de celle de Cornelius Nepos, Epaminondas, 1, 3-8,5. On peut admettre, avec Brodersen, o. c., p. 216 sq., qu'il s'agissait d'un exemplum étudié dans les écoles de rhétorique. La version de Plutarque, Pélopidas, 24, diffère sensiblement. Voir aussi, du même, De laude ipsius, 540 d-e ; Praecepta gerendae reipublicae 817 f ; Apophtegmata 194 e, ainsi qu' .tElien, VH, 13, 42 et Pausanias, 9, 14, 5 sq. Page43 508. Cn. Manlius Vulso. Tite-Live consacre une grande partie du livre 38 à ce personnage : expédition contre les Galates (38, 12-27) ; traité de paix conclu avec Antiochos (38, 38) ; retour jusqu'à Apollonia (38, 39-41) ; débat devant le Sénat sur les honneurs du triomphe (38, 45-50, 1-3). Trois discours ornent d'ailleurs cet exposé : cf. B. Pagnon, Le récit de l'expédition de Cn. Manlius Vulso contre les Gallo-Grecs et de ses prolongements dans le livre 38 de Tite-Live, Les Etudes Classiques, 50 (1982), p. 115-128. Tite-Live suit une source hostile à Manlius Vulso : cf. J. D. Grainger, The campaign of Cn.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DE LA P. 43
Manlius Vulso in Asia Minor, Anatolian Studies, 45 ( 1995), p. 23-42. Ce qui subsiste de Polybe (21, 33-40) parai) plus neutre. Voir aussi Zonaras, 9, 20, qui conserve la substance de Dion Cassius. 509. Pour l'expression, cf. Thucydide 3, 35 à propos de Pachès : 1ea0iotato tà 1ttpi T11VMunÂ:'lVTIV< ... > ft aùtcp t661C&\,~ il prit à Mitylène < ... > les mesures qui lui paraissaient bonnes », ou encore Xénophon, Helléniques, 2, 2, 1 : tà tv Aaµ\j/ŒKQ>1eat&v ntpi t1euticova 1eai tàv AlµiÂ.lOV cruvtôptooétvtcov. Selon Diodore, cette consultation n'eut donc pas lieu après le retour à Rome de L. Scipion et de L. JEmilius Regillus, comme l'affirme Polybe ; mais le texte (qu'il n'y a pas lieu de suspecter) dit explicitement que le Sénat envoya en Asie dix commissaires pour tout organiser µttà téi>vcrtpatT1réi>vet il est clair que ces stratègoi ne peuvent être que L. Scipion et L. JEmilius Regillus. Il faut ainsi se résigner à admettre qu'il existait une version des événements (peutêtre antérieure à Polybe) biaisée de telle sorte que la commission sénatoriale arrivait en Asie au printemps, avant le départ des stratègoi sortis de charge. La gloire d'avoir conclu la paix revenait ainsi aux Scipions et il ne restait plus à Manlius Vulso qu'à la jurer. 531. Cf. Tite-Live, 38, 39, 13 ; Diodore, 29, 11, proche d' Appien. Les Dix prennent en effet les décisions suivantes : tflVµtv tni tétôt toi> Ta6pou xcopav Eùµtvouç dval 1eai toi>avtaç (il s'agit probablement des éléphants capturés à Magnésie),•Poôiolç ôt npocrcopicrav Kapiav 1eai Amciav. Téi>v ôt 1t6Â.tcov tàç µtv Eùµtvtl cp6pouç ôtôco1rniaç ûnà tàv Eùµ&Vll t&tax8al, tàç ôt •A vtl0XQl cp6pov q>tpo6craç dnoÀ.tÀ.6cr8al téi>vcp6pcov.Il faut corriger Eùµ&vtl en 'Atta.Â.Q).- Ces dispositions - et bien d'autres encore sautées par Appien et Diodore (ou peut-être déjà par leur source commune ... ) furent prises à Apamée par Manlius Vulso et les Dix : cf. Polybe, 21, 45, 1-12 et Walbank, Commentary, 3, p. 164 sq. (pour les Rhodiens, p. 170-171). Voir aussi Wiemer, Krieg ... , p. 251 sq. - Sur les possessions des Rhodiens, voir E. Meyer, Die Grenzen der he/lenistischen Staaten in Kleinasien (1925), p. 147 sq. 532. C'est en 177 av. J.-C. que Rome donna satisfaction aux Lyciens révoltés contre Rhodes : voir E. S. Gruen, Rom and Rhodes in the Second Century B. C., C/ass. Quart. 25 ( 1975), p. 64-66. Par « peu après », il faut donc entendre « un peu plus de dix ans après » ... La précision chronologique n'est pas le souci d 'Appien ... 533. Cf. Tite-Live, 38, 39, 14-16. Eumène reçut, entre autres, la Chersonnèse de Thrace et Lysimacheia. Voir E. Meyer, o. c., p. 148 sq. 534. Cf. Polybe, 21, 24 ; Tite-Live, 38, 39, 8-12, donne la liste des cités grecques bénéficiaires de la gratitude des Romains. Il est clair que aùt6voµol correspond à liberae atque immunes dans la version de Tite-Live (37, 55, 5-6) : cf. D. Baronowski, The status of the Greek cities of Asia Minor after 190 B. C., Hermes 119 (1991), p. 463.
138
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 45-46
535. Sur la mort d' Antiochos m, blessé au cours du pillage du temple de Bel en Elymée (Elam), cf. Diodore, 28, 3 et 29, 15 ; Strabon, 16, 1, 18 ; Justin, 32, 2, 1. Le roi périt au début de l'été 187 : cf. A. Aymard, Études d'histoire ancienne (1967), p. 268 sq [reprenant REA, 1955, p. 102-112). La date est fournie par une tablette babylonienne étudiée par Sachs et Wiseman dans Iraq, 1954. 536. Séleucos IV, auquel les chronographes attribuaient 12 années de règne : cf. Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 11. 537. Le futur Antiochos IV. Voir H. H. Schmitt,· Untersuchungen ... , p. 21. Il demeura otage à Rome pendant douze ou treize ans et subit fortement l'influence des mœurs romaines : voir O. Môrkholm, Antiochos W of Syria ( 1966), p. 38.
Page 46 539. Une inscription publiée en 1982 (SEG XXXII 131) attesterait la présence d'Antiochos à Athènes dès 178n. S'il ne retourna réellement en Syrie qu'après l'assassinat de son frère, son séjour en Attique fut plus long que ne le laisse supposer la formulation d 'Appien. 540. Cf. OGJS 248, 10 : µe]'taÀ.Â.açavroç l:&À.&61Cou ... 541. Héliodore d'Antioche, fils d 'Eschyle, est surtout connu pour avoir voulu piller le Temple de Jérusalem : cf. 2 Macchabées, 3, 7. Mais il fut également l'objet d'honneurs à Délos : cf. OGJS 247 où les négociants originaires de Laodicée de Phénicie consacrent une statue de •ttï..166ropov Alcrxuï..ou 'Av[noxta], 1tov cr6vrpoq,ov toù f3a.mÀ.Éroçl:[tÀ.EUlCOU] 1Cl>1À.01tatopoç Kai è1ti tCOV1tpa[yµatrov] 1tttayµtvov [cf. Ph. Bruneau, Recherches sur les cultes de Délos à l'époque hellénistique, 1970, p. 576). Voir I. Savalli-Lestrade, Philoi, n° 45, p. 44-46 ; Gruen, Coming of Rome, p. 546 ; Grainger, Prosopography, p. 91 et déjà Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 239. La régence fut nominalement exercée par la reine Laodice, au nom de son fils, un tout jeune enfant : cf. O. Môrkholm, o. c., p. 36. 542. On ne sait où il trouva refuge : cf. Bouché-Leclerq, o. c., 1, p. 242. 543. La copie d'un décret des Athéniens, trouvée à Pergame (OG/S 248, 15-22), confirme ce qu'écrit Appien : µtx,p1 tcov ôpirov tftç lfüaç Pacr1À.tiaç cruµ1tpoltï..06vrtç 1eai xp11µam xop11y11cravrtç 1eai 1 6uvaµt1ç 1tapapatou 1eai fcoç ôpicov Aly(nttou. Appien passe sous silence les difficultés rencontrées par Lysias pour éliminer Philippos, un ami d 'Antiochos IV, qui prétendait, à tort ou à raison, que le roi mourant lui avait confié la régence du royaume et la tutelle de l'enfant-roi. Sur ce conflit, cf. / Macc., 6, 62-63 ; Josèphe, A/, 12, 9, 7. Voir E. S. Gruen, o. c., p. 79-80. 557. Le Sénat reconnut en effet Antiochos Eupator, et Polybe (31, 2, 7 et 11, 11) affirme que les Romains préféraient un roi enfant, et donc faible, à un homme de caractère. A ce machiavélisme, qui les choque, certains veulent substituer une sorte d'inertie passive : le Sénat souhaitait seulement la stabilité dans une Syrie durablement affaiblie depuis Magnésie. Voir E. S. Gruen, o. c., p. 81. 558. Sur la généalogie de Démétrios I, cf. Polybe, 31, 2 ; Jean d'Antioche Fr. 58 Müller; Diodore 30, 7, 2 ; OGIS 251. Voir H. Volkmann, Demetrios I und Alexander I von Syrien, Klio 19 (1925), p. 375. 559. La question était de savoir si le trône revenait au fils d' Antiochos IV ou à celui de Séleucos IV.
Page47 560. C'est déjà le mobile allégué par Polybe, 31, 2, 7 : toùto 6' è1tOlflCJ&V [ft cruylCÂ.fltOÇ],©Ç èµoi 601C&ÎV,Ô7tt6oµÉ\ITItî1V d1CµT)V toù Aflµfltpiou, µàÀ.À.ov ôi: 1epivaaa avraç VEUp01C07t'ÎÏO'Œl ,cai 1ea86À.ou À.uµ11vaa0al 'tllV PacriÀ.tlOV ôuvaµlV. Gn. Octavius (consul en 165), avait servi au cours de la troisième guerre de Macédoine, au cours de laquelle il avait acquis une solide connaissance des choses de la mer. Il est connu par plusieurs inscriptions : un décret de la confédération achénne lui accorda la proxénie : cf. SEG 16, 255 et P. Charneux, BCH 81 (1957), p. 181-202 ; des statues lui furent élevées à Elis (Sy/P 650) et à Echinous (SEG 25, 642. Lui-même offrit une couronne d'or à Apollon délien (/D 1429 A, 11-12). 565. Cf. Polybe, 31, 11, 7 sq. ; voir aussi Justin 34, 3, 6 ; Zonaras, 9, 25, 6. 566. Pour l'évidente raison que le Sénat préférait un roi faible : cf. Bouché-Leclerq, o. c., 1, p. 312-313. 567. Sur un navire carthaginois en partance pour Tyr. 568. Voir l'étude très détaillée de R. Laqueur, Die Aucht des Demetrios aus Rom, Hermes 65 (1930), p. 129-166. L'affaire est racontée dans le détail par Polybe, 31, 12, qui conseilla au jeune prince de s'éclipser avec l'aide du Syrien Diodôros, son précepteur, et de Ményllos d 'Alabanda, diplomate au service de l'Égypte. Voir aussi / Macc. 1 sq. ; Josèphe, Al, 12, 10 ; Justin, 34, 3 ; Zonaras, 9, 25. Selon Porphyre (Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 14) et Jean le Syncelle, p. 350 Mosshamer, Démétrios résida un certain temps à Tripoli de Phénicie avant de s'attaquer à Lysias. Sur tout cet épisode, cf. Volkmann, o. c., p. 386 sq. ; E. S. Gruen, o. c., p. 83 sq. et Coming of Rome, p. 665, n. 246 avec bibl. 569. Cf. Justin, 34, 3, 9 : delatus in Syriam secundo favore omnium excipitur ; Aavius Josèphe, A. J., 12, 10, l : 1tçtci>v :Euprov ... ôvoµacrt)&iç ; 574. Appien ne signale pas que le Sénat envoya en Orient une mission dirigée par Ti. Sempronius Gracchus (Polybe. 31, 15, 9-13). Voir E. S. Gruen, o. c., p. 84. 575. Même chiffre chez Polybe, 31, 32, 3 ; voir Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 317. 576. Cf. Polybe, 31, 33. 5 et 32, 3-6. ; voir aussi Diodore, 31, 28-30 et Justin, 35, 1. 577. Appien suit encore ici Polybe, 32, 3, 1, qui paraît toutefois avoir donné des complices à Leptine : Tlyàp c:ruytltttoç, coc; tµoi 601e&iv, i.>1t0Àaôoùoa ôu'.>n 66ç&t toiç 1toÀÂ.oiç ËX&tv toù cp6vou ÔlKTJV,tà.v toi>ç altiouç 1tapaÀ.aôoùoa ttµropi)cr&tat, toutouç µi:v où 1tpoo&ôtçato µ11epoù ô&iv, tti)p&t ôt tllV altiav à1etpa1ov. rocrt' fx&1v tçouoiav, Ô't&~oUÀ.TJ0&iTJ, xpi)oao8a1 toîç tytl11µacn. -Un rhéteur nommé Isocrate n'hésita pas à faire l'éloge de l'acte de Leptine : lui aussi fut livré aux Romains, qui le refusèrent. -Appien ne dit rien des luttes que Démétrios eut à soutenir contre Alexandre Balas, et ne signale même pas sa mort : voir Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 14 ; Jean le Syncelle, p. 350 Mossshamer.
Page48 579. Tous deux étaient officiellement fils d' Ariarathe IV et d'une princesse syrienne, fille d 'Antiochos li. Mais celle-ci demeura longtemps stérile selon Diodore, 31, 19, 7 et n'aurait eu un fils que tardivement. Zonaras, 9, 24, 8, parle quant à lui d'adoption.
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 48-49
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580. Cf. Tite-Live, Per. 41 : Ariarathes, Cappadociae rex, consilio Demetri, Syriae regis, et diribus pu/sus regno a senatu restitutus est. La formulation d 'Appien embrouille le lecteur, qui est induit à penser que le Sénat n'avait pas choisi entre les deux prétendants, alors qu'il soutint au moins un certain temps Ariarathe V : cf. E. S. Gruen, o. c., p. 88-89. Sur le terrain, Ariarathe V fut aidé militairement par Attale II de Pergame, Olopheme par Démétrios : cf. Polybe, 32, l 0, 4 ; Diodore, 31, 32b ; Zonaras, 9, 24, 9. 581. En fait, ce fut Ariarathe V qui fut chassé et trouva refuge à Pergame : cf. Diodore, 31, 32 a ; Zonaras, 9, 24. 582. Ariobarzanès I Philorhomaios ne monta sur le trône qu'en 95 et fut chassé par Mithridate le Grand en 89. Cf. S. Dmitriev, Cappadocian dynastie rearrangements on the eve of the First Mithridatic war, Historia 55 (2006), p. 289 sq. Appien passe, sans y prendre garde, une soixantaine d'années ! Un raccourci vertigineux conduit ainsi le lecteur de Démétrios I à Antiochos X le Pieux... C'est peut-être qu 'Appien ne trouvait rien de précis dans ses sources sur les relations entretenues par Rome avec des souverains de plus en plus faibles se succédant de plus en plus vite. 583. Appien résume ici en quelques mots la substance du Livre Mithridatique, chap. CVI. 584. Après la mort d' Antiochos VII en 129. 585. Ces événements avaient déjà été traités par Appien dans le Livre Mithridatique. 586. Porphyre (Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 27) dit même qu'il s'était réfugié chez les Parthes, ce qui ne le recommandait pas auprès de Pompée ! 587. L'indéclinable n:crcrapecncaiôe1ean'est pas d'un emploi courant. Mais il n'y a pas lieu de corriger le texte transmis. 588. Vieux perse *Bagadâta. Ce personnage n'est pas autrement connu.
Page 49 591. Cf. Justin, 40, 2, 2 : Tigrane a Lucu/lo uicto rex Syriae ... Antiochus ab eodem Lucullo appellatur. 592. La question avait déjà été traitée par Appien dans le Mithridateios. 593. Il est remarquable qu 'Appien ne fasse même pas allusion aux guerres menées par les Séleucides contre les Juifs : on découvre à l'improviste qu'ils avaient constitué un royaume indépendant sous le sceptre des Hasmonéens. 594. Voir V. Burr, Rom und Judaa im 1. Jahrhundert v. Chr. (Pompeius und die Juden), ANRW l ( 1972), p. 875 sq.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DES P. 49-50
595. Cf. le Livre Mithridatique, 498, où Appien emploie plus justement 1ea0EiÂ.Ev(= 1ea8npf11CEt)et non 1eattmca'f'EV. Ces trois « destructions » successives de Jérusalem par les Romains résultent-elles d'une erreur d' Appien (qui en a commis beaucoup ... ) ou s'agit-il d'un mythe fabriqué à l'époque d'Hadrien, qui restaura. comme on sait, le cénotaphe de Pompée détruit par les Juifs ? Dans la mesure où le Livre Syriaque fut rédigé après le Mithridatique, j'incline en faveur de la seconde hypothèse. 596. Cf. Zonaras. 4, 16, 1 : tà '1Epoa6Â.uµa OOÂ.q)1CU'tÉO"IEV. Agatharchidès de Cnide (Fr. Gr. Hist. 86, Fr. 20 a et b) expliquait que Ptolémée avait fait entrer ses troupes dans la ville le jour du sabbat. L'événement n'est pas exactement daté. 597. Plus exactement Titus, puisque Vespasien était déjà parti pour Rome quand tombèrent les dernières défenses de la ville. 598. Hadrien fonda en 134 la ville d '~lia Capitolina sur les ruines de Jérusalem, après la défaite de Bar Kokhba. Cf. Jérôme, ln Joel, 1, 4 : ita Hierusa/em murosque subuertit ut de urbis reliquiis ... sui nominis .-Eliam conderet ciuitatem. La formulation du passage donne à penser qu'il fut rédigé bien après 134, sans doute sous Antonin le Pieux. 599. Ce passage, dont l'interprétation est délicate, a fait l'objet de nombreuses émendations, qui ne me paraissent pas nécessaires. On trouvera chez Brodersen, o. c., p. 83-87, un exposé très complet de laquestion. J'admets, avec F. M. Heichelheim, qu'il faut lire 1tEpi oôaiw; et non 1tEpt0ucri.w;.Je supposerai d'autre part une ellipse et comprendrai tiiç a.Uriç 7tEpi oôcri.w;. Il est sans doutequestionici du fiscus iudaicus instauré par Vespasien, comme le rapporteFlavius Josèphe, BJ, 7, 6, 6 : q,6pov ot toiç ô1touo111totoùvolxnv 'Iouoaiotc; è1tÉ6aÂ.EV,ouo opaxµàç fKacrtov ICEÂ.Eoow;dvà 1tàv ltoc; Elç tô ne repréKa1tEtCOÂ.tov q>ÉpEtv.Cette taxe annuelle de deux drachmes sentait pas un intolérable fardeau pour la plupart des Juifs. En revanche, elle devait les vexer par son caractère discriminatoire, et par le rappel cuisant de la destruction du Temple que constituait l'obligation d'acheminer les fonds Elç Ka1tEt0>À.tov.C'est à l'aspect moral des choses qu' Appien s'intéresse ici. On remarquera toutefois qu'il possédait sur les prosodoi de l'Empire des informations précises, acquises peut~tre dans l'exercice de ses fonctions de Procurator Augusti. Il ressort d'ailleurs de la Préface de l'Histoire Romaine (15, 61) qu' Appien se proposait d'exposer les revenus que les empereurs tiraient de chaque province (1tp6crooov, ftv 1eap1toùvtat 1ea0' f1eacrtov f0voç). 600. L'adjectif èt11crtoç doit être interprété comme un féminin. renvoyant à Elcr &opeaic; tE fJamÂ.tlCaiçttiµT)CJEtè>v 'Avtiyovov 1eai t'lV 6uvaµ1v cinaaav Elarlaaev. 636. Depuis le partage de Triparadeisos, en 320 av. J.-C. : cf. Diodore, 18, 39, 6 ; Arrien, Suce., 1, 35 ; Mehl, o. c., p. 33 sq. Il exerçait auparavant les fonctions d'Hipparque : cf. Diodore, 18, 3, 4 et Mehl,
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 52-54
147
o. c., p. 23. 637. Sur le conflit entre Antigonos et Séleucos, cf. Mehl, Seleucos Nikator, p. 52 sq. L'affaire du chef militaire n'appanu"t pas chez Diodore. 638. Cet aspect de l'affaire n •apparaît pas chez Diodore. 639. Cf. Diodore, 19, 55, 3 et Mehl, o. c., p. 57 sq. 640. Sur la fuite en Égypte de Séleucos (été 315 av. J.-C.), voir Diodore 19, 55, 5 et Mehl, o. c., p. 62 sq. Accompagné de quelques cavaliers, Séleucos remonta vers la Haute Mésopotamie, franchit }'Euphrate et redescendit vers la côte phénicienne ..
Page53 643. Sur cette coalition, voir Diodore, 19, 56, 1 sq. ; Séleucos, qui n'avait ni troupes, ni argent, ni même le moindre territoire, ne joua qu'un rôle de second plan à la tête d'une escadre de la flotte lagide : cf. Diodore 19, 57, 1 et Justin, 15, 1, 2. Voir Mehl, o. c., p. 70 sq. 644. Ces tractations eurent lieu à la fin de 315 ou au début de 314. Sur les territoires réclamés à Antigonos, voir Diodore 19, 57, 1. 645. Cf. Pausanias, 1, 6, 5. 646. Cf. Strabon, 14, 5, 19. 647. Cf. Diodore, 19, 69, 1 ; 81, 1 ; Plutarque, Démétrios, 5, 2. 648. En 312 av. J.-C. Sur le rôle joué par Séleucos dans cette bataille, cf. Mehl, o. c., p. 83 sq .. 649. Voir Plutarque, Démétrios, 6, 1 sq. ; Diodore, 18, 85, 5. 650. Cf. Diodore, 19, 91, 5. Voir aussi Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 4. Page 54 652. Sur le retour de Séleucos à Babylone, cf. Mehl, o. c., p. 91 sq. 653. Cf. Diodore, 19, 91, 1-2 et Mehl, o. c., p. 105-106. 654. Il est inutile de corriger liµa en èipa (Mendelssohn) ou en µaÂ.a (Viereck). Il suffit de suppléer liµa . 655. Sur cette bataille navale, livrée en 307 dans les parages de Salamine de Chypre, voir Diodore, 20, 49 sq. ; Plutarque, Démétrios, 15 sq. ; Justin, 15, 2, 6 ; Polyen, 4, 7, 7 ; Pausanias 1, 6, 6. Le rapide survol auquel procède Appien fait passer le lecteur de 311 à 307 av. J.-C .... 656. Sur cette acclamation par l'armée macédonienne, voir F. Granier, Die makedonische Heeresversammlung (1931), p. 99 sq. ; Plutarque, Démétrios 18, 1, attribue lui aussi un rôle à l'armée ; mais ce n'est pas le cas de Diodore, 20, 53, 2 sq. Certains historiens modernes estiment que les auteurs de l'époque impériale auraient attribué aux anciens Macédoniens un rôle comparable à celui des légions romaines faiseuses d'empereurs. Voir la discussion chez Brodersen, o. c., p. 110-111. 657. Erreur d 'Appien. Arrhidée était en effet le fils d •une concubine de Philippe.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DE LA P. 54
658. Cf. Porphyre, Fr. Gr. Rist. 260, fr. 3, 3 'Appt6aiov µtv oi'>v 'OÂ.uµmaç flC't&\V&V fi µ11n,p 'Al&çav6pou· aÔ'tTlV6t 1eai tOÙÇ 660 nai6aç 'Aleçav6pou Kaaaav6poç b 'AV'tt1ta'tpou dvatp&i < ... > 'OÂ.uµ1tta6a 6è 1eai lhaq,ov t1epivaç dv&i1t&vtau'tè,v Ma1e&66vcov PaatÂ.ta·1eai d1tè>'toû6& 1eai 'trov aÂ.Â.Cllv aa'tpa1tii>v f1eamoç t&iaiÂ.&ua&,'t'lÇ 'AÂ.&çav6pou y&v&àt;6t&q>8apµtV11ç.La formulation est trompeuse, car Cassandros dissimula longtemps la mort d'Alexandre IV. L'autre fils d'Alexandre était né de sa concubine Barsine, fille du satrape Pharnabaze. 659. Cf. Justin, 1S, 2, 11-12 : ne minoris apud suos auctoritatis haberetur, rex ab exercitu cognominatur. Diodore, 20, 50, 3, et Plutarque, Démétrios, 18, 2, mettent l'accent sur le facteur psychologique : l'acclamation aide le nouveau roi à ne pas perdre le moral. 660. Cassandros, Lysimaque et bien entendu Séleucos, qui ceignit lui aussi le diadème en 305-304 av. J.-C. : cf. Mehl, o. c., p. 147 sq. 661. Selon Justin, 38, 7, 1, si les rois Cyrus et Darius furent les conditores Persici regni, Alexandre et Séleucos Ile furent de l'imperium Macedonicum en Asie. Voir Ch. Edson, Imperium Macedonicum, Class. Phil. 53 (1958), p. 154 sq. 662. D'après Diodore, 19, 92, 1-5, Séleucos livra bataille à Nicanor non loin du Tigre. Nicanor prit la fuite, et Diodore n'en parle plus. Il faut ou bien supposer une seconde bataille (Appien ignorant la première, que raconte Diodore), ou bien admettre qu'il s'agit d'un affrontement mythique inventé pour pour rendre compte de l'épiclèse royale (avec un jeu de mots sur Nika-nor / Nika-tor). 663. Nicanor avait obtenu la Cappadoce lors du partage de Triparadeisos : cf. Diodore, 18, 39, 6 ; Arrien, Suce., 1, 37. Il aida Antigonos contre Eumène et reçut en récompense la Médie et ~ les autres satrapies » : cf. Diodore, 19, 103, 3. 664. Cf. infra, n. 787. Il s'agit de la bataille de Kouroupédion 665. En 301 av. J.-C., (le site de la bataille étant controversé). Voir principalement Diodore, 20, 106 ; Plutarque, Démétrios, 28, 2 ; Justin, 1S, 2, 1 sq. 666. Il s'agissait en fait d'une coalition regroupant contre Antigonos quatre rois : Ptolémée, Cassandros, Lysimaque (escamotés par Appien ... ) et Séleucos. Voir Mehl, o. c., p. 194 sq. 667. Appien adopte une formulation prudente, l'âge du vieux roi étant selon les uns de 81 ans, selon les autres de 86 ans. Il rentrait, comme Massinissa (cf. Livre Africain) dans la catégorie des makrobioi. 668. Un fragment de Diodore (21, l, 4b,) dit qu'il fut blessé à mort par de nombreux projectiles, ce que confirme Plutarque, Démétrios, 29, 8. 669. Cf. Plutarque, Démétrios, 30, l. 670. La Transeuphratène ou Ebir-Nahri : la formulation remonte à l'époque des Perses, pour qui la Syrie se trouvait bien au delà de
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 54-55
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l 'Euphrate. Le problème crucial de la Cœlé-Syrie, pomme de discorde entre Séleucides et Lagides, n'est pas posé : cf. Mehl, o. c., p. 257 sq. Page 55 672. Si ce catalogue dresse, comme il est probable, un tableau des satrapies de l'empire avant la bataille de Kouroupédion, il faut supposer un partage de la Cappadoce entre Lysimaque et Séleucos, et entendre par Ka1t1ta601eia tE:ÀEUKiÇle secteur attribué à ce dernier : cf. Brodersen, o. c., p. 123-124. 673. Les habitants de la Parthyène, au sud de la mer Caspienne, qu'il ne faut pas confondre avec les Parthes. 674. Quelques philologues (J. Marquart, E. Schwabe) ont proposé de corriger 'Apa5icov en 'Apticov. Il s'agirait de la satrapie d'Arie (Hérat). On voit mal, il est vrai, ce que viennent faires des Arabioi (forme inattendue de l'ethnique) entre les Bactriens et les Sogdiens. Mais peut-être s'agit-il des Arabioi du Bélouchistan, qu'Alexandre avait soumis en revenant de l'Inde. 675. L'ordre n'est pas géographique. L'histoire de Séleucos est trop mal connue pour que l'on puisse avancer l'hypothèse que l'énumération d' Appien suivrait l'ordre chronologique des acquisitions. Sur les guerres menées par Séleucos dans les Hautes Satrapies, voir Mehl, o. c., p. 134 sq. 676. Seulement après la défaite de Lysimaque à Kouroupédion, s'il s'agit ici de la Phrygie Hellespontique. 677. Justin, 15, 4, 12, ne dit pas que Séleucos franchit l 'Indus, mais qu'il passa dans l'Inde : transitum < ... > in lndiamfecit. Il est possible qu 'Appien suive ici une tradition qui, au prix de quelques entorses à la vérité, faisait de Séleucos l'égal d'Alexandre. Mégasthène, qui fut ambassadeur de Séleucos auprès de Tchandragoupta, ne dit lui non plus rien de tel : cf. Fr. Gr. Hist. 715, Fr. l lb, dont il ressort que, pour lui, seul Alexandre s'était mesuré avec les Indiens. 678. Tchandragoupta, le fondateur de la dynastie des Mauryas. Voir Mehl, o. c., p. 162 sq. 679. Il ressort de Strabon 15, 2, 9, que Séleucos céda au Maurya des territoires iraniens (Paroparnisades, Arachosie, Gédrosie) qui étaient précisément ceux par lesquels il était possible d'accéder à l'Inde. Séleucos reçut en échange 500 éléphants, qui lui permirent de triompher d' Antigonos. Strabon (foc. cit.) mentionne lui aussi une è1t1-yaµia : cf. Mehl, o. c., p. 173 sq. -Sur les problèmes liés à la conclusion de ce traité, voir Mehl, o. c., p. 171 sq. 680. Il semble qu 'Appien lisait une histoire de Séleucos dont l'auteur avait divisé la matière en deux parties, l'avant Ipsos et l'après Ipsos. Il est certain qu'après 301, personne n'était plus en mesure de disputer à Séleucos 1'empire de l'Asie.
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NOTES COMPLÉMENT AIRES DES PP. 55-56
681. Séleucos n'était qu'un jeune cavalier noble (hétairos) au début de la campagne. Sans doute se fit-il remarquer par sa bravoure. 682. Séleucos consulta probablement l'oracle du Didyméen pendant le siège de Milet par Alexandre, mais une visite plus tardive (à l'époque où Séleucos commandait une escadre lagide ?) n'est pas à exclure : cf. Mehl, o. c., p. 97-98. 683. Sur les relations entre Séleucos I, ses descendants et le sanctuaire oraculaire de l'Apollon de Didymes, près de Milet, voir W. Günther, Das Orakel von Didyrna in hellenistischer Zeit [lstanbuler Mitteilungen, Beiheft 4] (1971), p. 71-74 [Die Apollon-Descendenz der Seleukiden] : dans plusieurs inscriptions, le dieu apparai"t comme l 'archégète de la dynastie (OGIS 237 : dpxrl'YÉtTIÇ'tOÜ yÉvoix; 'tÔ>µ fJ«cnÂ.Écov)ou bien il est fait état d'une c:ruyyÉVElŒ entre le dieu et le roi (OGIS 746 : Antiochos m consacre Xanthos à Lèto et à ses enfants füà 'tT)V1tpôc; ŒÙ'tOÙÇ c:ruva7t't0t>Uv livro navtrov t61trov •A vtioxov d1toôtiçat f3amÀ.Éa 1eai ttpatovix:riv J3aatÀ.iôa, àÀ.À.T]À.OtÇ cruvotx:oùvtac;. -L'historiette se retrouve chez Plutarque, Démétrios, 38, 2-12, qui l'introduit par (bç fotKE, et chez Lucien, De Dea Syria 17-18, qui se propose de mettre en lumière l' tmvoiri du médecin (qu'il ne nomme pas). Dans la
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 59-60
157
mesure où l'anecdote est connue de Valère Maxime, S, 7, ext. 1 [avec une variante faisant intervenir le mathématicien Leptine], il n'est pas impossible que le topos ait été développé dans les écoles de rhétorique : cf. K. Brodersen, o. c., p. 459-469. On s'expliquerait ainsi qu'elle soit encore connue de Julien, Misopogôn, 347-348. Mais E. Rohde, Griechische Roman ... , p. 52, n'avait pas tort non plus de rattacher l'épisode à la littérature romanesque. Voir depuis A. Mastrocinque, Manipolazione della storia in età ellenistica : i Seleucidi e Roma (1983), p. 88 sq. C'est un sujet tragique (calqué sur la fameuse légende de Phèdre),mais avec un happy end : Antiochos et Stratonice vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ... 755. Si l'épouse de Séleucos était bien la fille de Démétrios Poliorcète et de Phila, elle même fille d 'Antipattos, elle avait épousé Séleucos à Rhosos en 299 av. J.-C. : cf. Plutarque, Démétrios, 31, 5 et Mehl, o. c., p. 223 sq. On ne pouvait trouver de macédonienne plus prestigieuse pour le sang mêlé qu'était Antiochos : rappelons qu'il avait pour mère la princesse sogdienne Apamée. N'oublions pas que certains avaient reproché à Alexandre lui-même d'être un sang-mêlé et que, pour régner sur des Macédoniens, les fils d' Antiochos tireraient avantage d'une ascendance remontant à Antipatros.
Page 60 756. Une fille, Phila, connue par deux inscriptions, l'une de Didyme (/. Didyma, II, 114), l'autre de Délos (OG/S 216). On lit chez Plutarque, o. c., 38, 2, 1talôiov, ce qui donne à penser que l'enfant avait moins de sept ans. On ne connaît pas à Séleucos d'autre fils qu' Antiochos : cf. Mehl, o. c., p. 226, n. 32. 757. Cf. Lucien, o. c., 17 : tq> 1ea1eq>alcrxPc'i>ôo1etovtl. Voir F. Landucci, Problemi dinastici e opinione pubblica nel caso di Stratonice, dans : Aspetti dell' opinione pubblica net Mondo Antico, CISA 5, 1978, p. 74 sq. ; A. Mastrocinque, Loc.cit. 758. Chez Plutarque aussi (o. c., 38, 2), Antiochos cherche à combattre son inclination. 759. Plutarque dit clairement qu'il se laissait mourir de faim. 760. Plutôt qu'Érasistrate, dont l'akmé se situerait vers 260, le médecin serait son père Cléombrotos : cf. Pline, NH, 1, 123 : Cleombroto Ceo Ptolemaeus < ... > donavit centum ralentis servato Antiocho rege. Voir aussi Souda, s. v. 'Epacricrtpatoç. La tradition attribuait à Érasistrate, entre autres, un traité « Sur les fièvres » (Il&pi nup&tCÏ>v). Voir Mehl, o. c., p. 239 et p. 250 sq. avec bibl. Galien mentionne Érasistrate (cf. XI, 221 ), qui n'était sans doute pas un inconnu pour le public d'Appien. Selon P. M. Fraser, Ptolemaic Alexandria, l, p. 347, Érasistrate n'eut aucun contact avec Hérophile et l'école d'Alexandrie. - Plusieurs médecins sont connus comme Amis de rois Séleucides : cf. I. Savalli-Lestrade, Philoi, n° 13 ; n° 22 ; n° 27.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 60-61
761. Cf. Lucien, o. c., 17 : fK&tto 6& cU:ytoovoù6tv. 762. Chez Lucien, o. c., 17, le médecin diagnostique aussitôt le mal d'amour : fyvoo tllV voooov fpV&t6'10'El'tCOV d6t1e11µcitoovdyxoµsvoc; ; Quod der.• 146 : o\ m>v&t6'1v)6tavooi>µEvoç.Le désir de revoir la terre natale est la seule raison avancée par les Anciens. Les Modernes cherchent des causes stratégiques et politiques : cf. Mehl. o. c.• p. 317 sq. ; J. D. Grainger. Seleucos Nilcator (1990). p. 188 sq .• examine toutes les hypothèses possibles. 798. On ne saurait affirmer qu'il s'agit ici de l'oracle de Didymes. -Sur ces oracles, cf. Mehl. o. c .• p. 320. 799. C'est-à-dire le clan royal dont étaient issus Philippe et Alexandre. Si l'oracle fut effectivement rendu à Séleucos. il était facilement intelligible : c'était une mise en garde. le « roi de l'Asie » étant invité à ne pas venir revendiquer la partie européenne du royaume de Lysimaque : cf. Notice, p. xx. 800. Voir le Livre d'Annibal, 130, et la note. On imagine mal Séleucos préoccupé par l'Adriatique et l'on mesure ici les limites de l'érudition d 'Appien ! (yT)patoç
Page 64 801. Ces explications viennent d' Appien, qui procède sur ce point comme Arrien dans son périple du Pont Euxin. Il est regrettable qu'il ne donne pas le nom originel de l'autel (un nom thrace ?) déformé par les Grecs de Chersonnèse. 802. Philétaire de Tios appartenait effectivement à l'entourage de Séleucos : cf. Pausanias. 1, 10, 4 ; Strabon. 13, 4. 1. Il ressort de Pausanias que, nommé gazophylaque de Pergame par Lysimaque. il trahit son roi et se rallia à Séleucos : cf. Mehl, o. c., p. 291. 803. Sur le rachat du corps de Séleucos. cf. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 590. On songe au rachat du corps d'Hector par Priam. 804. Séleucos mort accédait au rang des dieux. Cf. F. W. Walbank. Kônige ais Gôtter, Chiron 17 (1987), p. 365-382. Voir infra, Appendice. 805. Un téménos entourait aussi, selon Diodore, la tombe d'Alexandre. Il est regrettable qu 'Appien ne décrive pas ce monument au lieu d'accumuler des anecdotes qui ne seraient pas déplacées dans les Histoires Variées d'Élien de Préneste. 806. Deuxième indice d'un possible séjour d' Appien à Séleucie de Piérie. 807. L'absence de transition heurte le lecteur moderne. Mais il s'agit bien d'une synkrisis rhétorique (cf. Brodersen, o. c., p. 185 sq.), que le lieu de la mort de Séleucos (Lysimacheia) amenait naturellement : cf. Notice, p. XVI. 808. Les hypaspistes ou écuyers étaient à l'origine des fantassins armés à la légère qui protégeaient au combat les cavaliers nobles. L'usage paraît avoir été emprunté par les Macédoniens à leurs voisins thraces. Voir un vase à figures rouges, illustré dans W. Raeck, Zum
NOTES COMPLÉMENTAIRES DES PP. 64-65
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Babarenbild in der Kunst Athens im 6. und 5. Jahrhundert v. Chr. (1981), fig. 33-34 : un fringant cavalier thrace est accompagné par deux fantassins au pas de course, annés chacun de la pelta et de deux javelines. L'un précède, l'autre suit. Mais, dans la réalité, il est vraisemblable que ces deux gardes du corps encadraient de part et d'autre leur seigneur. Il ressort de l'anecdote que le jeune Lysimaque était un guerrier d'élite chargé de protéger le roi à la chasse comme à la guerre. 809. C'est un usage bien attesté : voir un relief du Musée du Louvre (n° 744), illustré dans I. G. Spence, The cavalry of Classical Greece (1995), pl. 10. 810. Justin, 15, 3, 11 sq. place cet épisode dans l'Inde, ce qui paraît bien tardif. Quinte-Curce 8, 2, 34 sq,. raconte une anecdote similaire à propos du frère de Lysimaque, Philippos. 811. Aristandros de Telmessos apparaît dans de nombreuses anecdotes relatives à Alexandre, souvent de pure invention. 812. Donc à partir du partage de Babylone en 323. 813. Ou à 80 ans selon le Pseudo-Lucien, Macrobioi, ll, qui affirme tirer sa science de Hiéronymos de Cardia (mais faut-il le croire ?). Justin, 17, 1, 10 lui accorde 74 ans. 814. Ce fait curieux est mentionné deux fois par Plutarque : De soli. anim. 14, 970 cet Praec. reip. ger. 28, 821a. Page 65 815. Phlégon de Tralles, Fr. Gr. Hist. 251, Fr. 9, donnait de cette affaire une version similaire, à en juger d'après le résumé qui nous en tv tfl t1eatocJtfl El1COCJ'îfl a été transmis : lo"topd ôt 1eai Cl>À.Éyrov tEtaptn ÔÀuµntaÔl, AUCJ'tµaxou toù MalCEÔOVOÇata CJ"cÏ>µa1CEiµtvov ô1tè> 1euvè>c;q>uÀatttcr9at, dpyovtoç tOÙ VE1Cpoùtà 0flpia, µtxptç ol>0ropaç b AaptO'aioç 1tEptruxci>vaùtè>ç f0mj/E. Thôrax était-il originaire de Larissa ou de Pharsale ? Il est possible qu 'Appien ait confondu deux villes thessaliennes. Mais Plutarque, Démétrios 29, 8, affirme que le corps d' Antigonos fut également retrouvé sur le champ de bataille d'Ipsos par un Thôrax de Larissa. L'erreur risque donc tout aussi bien d'être imputable à Phlégon de Tralles. 817. Sur ce personnage, voir Pausanias, 1, 10, 4 ; 16, 2 ; 10, 19, 7 ; Mehl, o. c., p. 285 [il ne peut s'agir de l' Alexandros mentionné par Polyen, Strat., 6, 12, qui serait plutôt un fils d' Amastris]. Brouillé avec son terrible père et surtout avec sa belle-mère Arsinoé, il avait cherché refuge auprès de Séleucos. Il se conduit ici en fils pieux et son geste mérite d'être consigné, mais il apparaît chez Pausanias qu'il poussa Séleucos à entrer en guerre contre son propre père ! 818. C'est la version que connaît Pausanias, 1, 10, 5. 819. Cf. Strabon, 13, 4, 1 ; Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260 Fr. 3, 8. 820. Cette tombe était encore visible à l'époque de Pausanias : cf.
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Périégèse, 1, 10, 5 (fn 1eai vüv). Il est donc possible qu'Appien parle en connaissance de cause d'un monument qu'il a pu visiter lui aussi. Lysimaque y était honoré comme héros fondateur. Appien procède ici, comme souvent, à un raccourci qui peut induire en erreur : Pausanias précise en effet que le corps avait été remis à Lysandra, la veuve de Lysimaque. Ce fut sans doute elle qui procéda aux funérailles. C'est par la suite (ÜO'tEpov to6trov) qu 'Alexandros remit les cendres de son père aux habitants de la ville qu'il avait fondée, sans doute à leur requête. 821. Ce surnom est attesté épigraphiquement, par exemple à Téos (C/G 3075) et à Smyrne (OGJS 229). Voir M. Wôrrle, Antiochos I, Achaios der Âltere und die Galater, Chiron 5 (1975), p. 59-87. Il apparaît également sur les monnaies. 822. Cette guerre avait été racontée (sous Antiochos III) par Simonide, originaire de Magnésie du Sipyle (Fr. Gr. Hist. 163). Cf. Souda, S. V. l:tµc.oviôrtÇ MélyvrtÇ l:tm'>Àou· YÉYOVEV t1ti "Avnoxou toû MtyélÀou tlrt0évtoç 1eai ytypacpE tàç 'Avt16xou 1tpâçE1ç 1eai t11V 7tpOÇraMtaç µélXrtV,ÔtE µETà 'tCÎ>V tÀEq>Qvt(l)V't11VÎ7t7tOVŒÔ'tCÎ>V (et non aô-roû) fcp0EtpEv. La bataille évoquée par Appien fut livrée, semble-t-il, en 269 ou 268. Antiochos dut la victoire à l'emploi judicieux de ses seize éléphants, qui épouvantèrent la cavalerie gauloise. Antiochos I mourut, dans des circonstances incertaines, en 261 av. J.C. D'après Phylarque, cité par Pline, NH, 8, 42, il aurait été tué par un Gaulois nommé Centaretus. Élien, Hist. An. 6, 46, connai"'tune version légèrement différente. 823. Phylarque, Fr. 7, suivi par Élien, VH, 2, 41, faisait de ce roi un ivrogne et un débauché, soumis à ses favoris, les Chypriotes Ariston et Thémision. Cf. supra, n. 551. 824. Cette explication, au demeurant plausible (cf. BouchéLeclercq, o. c., 1, p. 81-82), n'est pas confirmée par ailleurs. L'épiclèse Théos est toutefois attestée épigraphiquement : cf. Chr. Habicht, Gottmenschentum und griechische Stiidte (1956), p. 158 sq. 825. Le tyran de Milet Timarque, connu par Polyen, Strat. 5, 25, et par Frontin, Strat., 3, 2, 1, paraît avoir perdu le pouvoir en 260/259. Cf. Brodersen, o. c., p. 198-199. Il ressort d'OGIS 226 que la liberté et la démocratie furent rendues aux Milésiens 1tapà Jiacn1..troç 'Avt16xou tOÛ 0EOÛ, O'UVEpyoùvtoç 'hmoµaxou toû 'l1t1toµaxou. 826. Durant l'été 246. Théos mourut de maladie à Éphèse : cf. Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 6 (= version arménienne de la Chronique d'Eusèbe) : « erkrankte und verendete er zu Ephesos ». Même tradition chez le Syncelle, p. 330 Mosshamer : 1eai t-rEÀEUTTtO'EV tv 'Ecpécrcp. 827. Polyen, Strat. 8, 50, croit savoir que le jeune roi avait épousé sa demi-sœur : 'Avtioxoç ô 1tpocrayopeu8eiç 0eè>ç fyrtµE AaoôiKTtV,ôµomitplOV àÔEÀ(J)llV,tç ~ç aùtq> 1taiç ty&VE'tOl:sÀEU1COÇ
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ôtmtpav fY11JJtBtptvilc11v, IltoÂ.tµaiou fJacnÂ.Éroç0uyattpa, tç dpxfiç d1to~ç d1toÂ.11tcov naiôa V111t1ovt-rtÂ.t6t11at ôuiôoxov 'tll1MôtÂ.q>oç t1ti1CÀT1V, t1Côoùç -r11vafnoù 0uya-rtpa BtptviKTIV 'Avn61cp -rcp l:upiaç f.lacnÂ.ti... 829. Plutôt par intérêt : cette princesse richement dotée fut surnommée Cl>tpV11q>6poç. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 89-90, supposait que Philadelphe espérait tirer quelque avantage des dissentions prévisibles entre les deux reines. La version suivie par Appien, en introduisant le mobile sentimental, comme déjà pour les amours d 'Antiochos et de Stratonice, transforme en crime passionnel des événements relevant de la Realpolitik. Pour Laodice (et peut-être même pour Antiochos Il), la question était sans doute de savoir si, par Bérénice interposée, Évergète réussirait ou non à faire main basse sur une partie de l'empire séleucide. Mais le thème sentimental apparaît encore chez Porphyre, résumé par Saint Jérôme [Fr. Gr. Hist. 260 Fr. 43] : Antiochos, amore superatus, rappelle Laodice et ses fils ... 830. Laodice s'était retirée à Ephèse avec ses deux fils : cf. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 91. Comme Antiochos Il mourut à Ephèse il faut bien admettre qu'il était venu retrouver sa première épouse, peutêtre parce qu'il se savait perdu et voulait préparer sa succession, s'il est vrai qu'il mourut de maladie [thèse admise par Grainger, Prosopography, p. 13-15]. La thèse de l'empoisonnement pourrait avoir été répandue par la Cour d'Alexandrie. Mais faut-il admettre cette version, connue de Phylarque (Fr. Gr. Hist. 81, Fr. 24) et encore attestée par Saint Jérôme, in Dan. 11, 6 : Laodice metuens ambiguum uiri animum, ne Berenicen reduceret (ce qui implique cette fois une répudiation de Bérénice !), uirum per ministros ueneno interfecit, Berenicen autem cum filio qui ex Antiocho natus erat lcadioni et Genneo Antiochiae principibus (ces « principaux personnages » d'Antioche ne sont pas autrement connus : l'un pourrait être l'épistate, l'autre le phrouraque) occidendam tradidit, filiumque suum maiorem Se/eucum Callinicum in patris /oco constituit? On croit comprendre que Théos s'était séparé de Bérénice, mais que Laodice redoutait qu'il ne vienne à changer d'avis : d'où ce triple assassinat, qui laisse sceptique. L. MartinezSève, Laodice, femme d 'Antiochos Il : du roman à la reconstruction
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historique, REG 116 (2004), p. 690-706, s'appuyant sur des documents cunéiformes, au demeurant lacunaires, estime que Laodice ne fut pas répudiée. 831. L. Martinez-Sève, o. c., p. 700, croit pouvoir déduire d'une inscription (BEp. 1994, n° 528) que le fils de Bérénice, nommé Antiochos, était âgé de six ou sept ans en 246 av. J.-C. Le mot pptcpoc; ne peut toutefois s'appliquer à un enfant de cet âge. Si le mariage d' Antiochos II et de Bérénice remontait bien à 252 (cf. Grainger, Prosopography, p. 39), il faut admettre que cette reine était demeurée stérile jusqu'en 246, et que la naissance d'un fils [cf. Grainger, o. c., p. 13-15 : « Berenike had recently given birth to a son »] avait de quoi exciter les craintes de Laodice. Par erreur, Grainger, Prosopography, p. 71, fait de ce fils une fille ... 832. Cf. Polybe, 5, 38, 10 sq. ; Justin, 27, 1, 1 sq. ; Valère Maxime, 9, 10, ext. 1. Bérénice était restée à Antioche, avec autour d'elle une partie de la Cour, comme paraît l'indiquer le fameux Papyrus de Gourob, dont plus d'une lecture est possible : on y reconnaît généralement, depuis Holleaux [Etudes 3, p. 281-310 repris de BCH 1906 et de REA 1916] un compte rendu des événements rédigé par Évergète luimême ; voir néanmoins les réserves de Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 99. - L'enfant aurait été tué dans le palais royal et Bérénice, réfugiée dans le sanctuaire de Daphné selon Polyen et Justin, aurait trouvé la mort un peu plus tard. 833. Ptolémée m Évergète, monté sur le trône en 246 av. J.-C. Voir W. Huss, Âgypten in he/lenistischer Zeit (2001), p. 335. 834. Il est clair que, dans l'esprit d' Appien, l'intervention militaire de Ptolémée Évergète contre Laodice et son fils (la « guerre de Laodice », sur laquelle on verra W. Huss, o. c., p. 338-352) était provoquée par la mort de sa sœur et non par celle de l'enfant de celle-ci. C'est pourquoi le Papyrus de Gourob, où la sœur du roi est encore en vie, quoi qu'on en ait dit [si Bérénice ne vient pas à la rencontre d'Évergète lorsque celui-ci arrive à Antioche, c'est tout simplement, me semble-t-il, qu'elle se trouvait plus en sécurité à Daphné], doit faire allusion à des événements antérieurs à sa mort, comme l'avaient compris G. de Sanctis et Bouché-Leclercq. Le fait que la flotte d'Évergète se soit emparée de Séleucie de l'Oronte, ainsi qu'il ressort du papyrus, et ce du vivant de Bérénice, conduit à distinguer deux phases successives dans l'intervention d'Évergète : dans un premier temps, il soutenait sa sœur dont l'enfant était en vie ou censé l'être ; il est possible toutefois que cette ingérence ait été mal ressentie à Antioche, ce qui expliquerait l'assassinat de Bérénice. La seconde phase est celle dont fait état Appien et avait pour objet de tirer vengeance de Laodice. 835. J'ai donné à l'imparfait une valeur conative, afin de ne pas faire écrire une sottise à Appien, comme le suppose L. Martinez-Sève, o. c., p. 692, n. 11. Autrement, il faut supposer un hystéron prôteron,
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d'ailleurs hors de propos puisque le Lagide ne peut « avoir tué Laodice » avant d'être entré en Syrie ... 836. Cf. la fameuse inscription d'Adoulis (OGIS 54) relative aux conquêtes orientales d'Evergète : 1tapaÂa&ilv 1tapà 'tOÙ1ta'tpoc; l 'tTIV j3ac:n.Â.EiavAlyu7t't0\) Kai At6uric; Kai l:upiac; 1Cai Cl>otVllCflÇ ... 6tt6ri 'tÔV Eùcppa'tflV 1 7tO'taµôv, 1eai 'tllV ME0'07tO'taµiav ... 1eai 'tTIVÂ.Ot7t11V 1tiiaav froç I Ba1e'tptaviic; (xp' tau'téÏ>t 7tOlflGŒµEvoc;.Il ressort de documents cunéiformes analysés par L. Martinez-Sève, o. c., p. 703-704, qu' Antiochos II et ses fils se trouvaient à Babylone en avril 246. La mort du roi, au début d'ao0t de la même année, fut connue à Babylone dès le 19 de ce mois et son fils aîné Séleucos paraît avoir été reconnu sans difficulté. On s'explique ainsi que Ptolémée m ait cherché à prendre le contrôle de la Mésopotamie. On peut déduire de Saint Jérôme, in Dan. 11, 9, que Ptolémée m ne s'éloigna pas de la Syrie, confiant la Cilicie à l'un de ses Amis, Antiochos, et la Mésopotamie à un autre stratègos, nommé Xanthippos : Et Syriam quidem ipse obtinuit, Ciliciam autem amico suo Antiocho gubernandam tradidit, et Xanthippo alteri duci prouincias trans Euphraten. -Ptolémée fut rappelé en Egypte par une révolte indigène. Mais, de son expédition, il conserva plusieurs villes de Cilicie et surtout Séleucie de Piérie, encore occupée en 219 av. J. -C. par une garnison lagide : cf. Polybe, S, 58, 10 et W. Huss, o. c., p. 341-346. A. Davesne, La deuxième guerre de Syrie et les témoignages numismatiques, dans M. Amandry / J. Herter, Travaux de Numismatique grecque offerts à G. Le Rider (1999), p. 129-131, est seul à croire que la domination lagide sur la Cilicie ne dura que quelques mois. 837. Constatons qu'Appien suit une source qui plaçait l' arché de la sécession après la mort d' Antiochos II, comme l'avait reconnu dès 1830 Clinton, F asti H ellenici, p. 311. Ce n •est pas le lieu ici de développer une question particulièrement embrouillée, sur laquelle Appien avait probablement l'intention de revenir dans le Livre Parthique. Voir H. H. Schmitt, Untersuchungen ... , p. 73 et n. 2 ; Brodersen, o. c., p. 204-206. Il n'avait sans doute pas cru utile de préciser ici que la rébellion des Parthes avait été précédée et facilitée par celle du satrape Andragoras : cf. Justin, 41, 4, 6 et 12. 838. Il ne peut guère s'agir, dans ce contexte, que de la'« guerre de Laodice » (ô AaooiKEtoc; 1t6Â.eµoc;)ou IIIe guerre de Syrie. Pour tous ces événements, voir K. Ehling, Unruhen, Aufstiinde und Abfallbewegungen unter den Seleukiden, Historia 52 (2003), p. 304 sq ..
Page 66 839. Il monta sur le trône en 246/5. Par l'épiclèse Kallinikos (attestée épigraphiquement : cf. OGIS 233 et 246) et par le port de la barbe (cf. Polybe, 2, 71, 4), ce roi voulait probablement apparaître comme un nouvel Héraclès. Il est remarquable qu 'Appien ne dise rien de la
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longue guerre qui 1•opposa à son frère Antiochos Hiérax pour la possession de l'empire. Ce conflit fratricide marqua pourtant le début du déclin des Séleucides. 840. Appien n'indique pas le nom de leur mère. Bouché-Leclercq, o. c. 1, p. 103, proposait Laodice. fille d' Achaios (1), haut personnage apparenté aux Séleucides. et sœur d' Andromachos. Achaios (Il) ayant tenté d'usurper le trône à l'époque d'Antiochos n'y aurait-il pas ici la volonté de dissimuler que Séleucos ID et Antiochos avaient une mère étroitement apparentée à un usurpateur ? En d'autres termes, la source d •Appien n •était-elle pas, si je puis dire, « légitimiste » ? 842. Il fut tué par le Galate Apatourios et par Nicanor au cours d'une expédition contre Attale de Pergame : cf. Polybe 4, 48 :
m.
ônep&wilv ôè µeyCU.n ôuvétµet tè>v Taüpov x:ai ÔOÀ.ocpovri8eiç ô1t6 te 'A1tatoupiou toù raÀ.atou 1eaiNucétvopoç µe'tTIÀ.MJ.ÇE tov Piov. 844. D'après Porphyre, loc. cit., le jeune Antiochos m se trouvait à Babylone au moment de l'assassinat de son frère : il fut rappelé par l'armée. 845. Cf. Porphyre. Fr. Gr. Hist. 260 FR. 32, 10 ; Jean le Syncelle, p. 343 Mosshamer. 846. Cf. supra, 45, 232-235. 847. Séleucos IV Philopator. 848. Antiochos IV. 849. Eusèbe et St Jérôme ne lui attribuent que onze années. 850. Cf. Soudas. v. dx:tpa1.oç. Ce passage est tiré de Polybe : cf. Walbank:, Commentary, 3,274. Même ttadition chez Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260. Fr. 48 : Seleucum dicit cognomento Philopatorem, filium Magni Antiochi, qui nihil dignum Syriae et patris gessit et absque ullis prœliis inglorius periit. Voir Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 227-228. 851. Appien inverse 1•ordre des événements, car Antiochos s •attaqua à 1•Égypte avant de tenter de rétablir son autorité dans les hautes satrapies : cf. Bouché-Leclerc, o. c., 1, p. 297, n. 3. Artaxias. ancien satrape d 'Antiochos m.s •était proclamé roi de Grande Arménie, où il avait fondé la ville d'Artaxata. Annibal séjourna quelques années à sa Cour. Après sa défaite. Artaxias reconnut la suzeraineté d' Antiochos et conserva son trône (cf. supra, n. 552). 852. Le futur Ptolémée vm Évergète II. -En fait, Antiochos conduisit deux expéditions contre l'Égypte, à deux annéesd'intervalle. Datant l'expédition du règne de Ptolémée VI. Appien renvoie à la première. Mais l'intervention de Popilius Laenas marqua le terme de la seconde : Appien a oublié de signaler que Ptolémée VI Philométor, déchu après le renversement de ses ministres, l'eunuque Eulaios et le Syrien Lénaios [sur lesquels on verra O Môrkholm, Eulaios and Lenaios, Classica et Mediaevalia 22 (1966), p. 32-43), fut remplacé par son frère cadet, sauvé par l'intervention de Rome. Les deux fières
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se réconcilièrent une fois que le Séleucide eut été contraint de renoncer à ses desseins. - Sur la première expédition, voir Polybe, 38, 7, 1619 ; Diodore, 30, 17-18 et 21 ; O. Môrlcholm, Antiochos W of Syria (1966), p. 73-85. 853. Plus exactement dans un faubourg appelé Éleusis. 854. C. Popilius Laenas. Sur cet épisode fameux, voir Polybe, 29, 27 ; Diodore, 31, 2 ; Tite-Live, 45, 12 ; Velleius Paterculus, 1, 10, l sq. ; Justin, 34, l sq. ; Valère-Maxime, 6, 4, 3. Voir Gruen, Coming of Rome, p. 658-659. Antiochos évacua l'Égypte le 30 juillet 168 : voir A. Lampela. Rom and tM Ptolemies of Egypt (1998), p. 133, n. 101 avec bibl. 855. Popilius n'arrivait pas de Rome, mais de Délos, d'où il surveillait l'évolution de la situation. Il ne se décida à intervenir qu'après avoir appris que Paul Émile avait vaincu Persée à Pydna (juin 168 av. J.-C.) : cf. O. Morkholm, o. c., p. 94. 856. Formulation différente et sans doute plus exacte chez TiteLive, 44, 19 : le message s'adressait aux deux belligérants, auxquels le Sénat intimait l'ordre de mettre bas les armes. - L'emploi du pluriel dans la version suivie par Appien donne à penser que le Sénat, toujours prudent, et conscient de l'instabilité du pouvoir à Alexandrie, prenait la défense des deux jeunes princes lagides susceptibles de régner en Égypte le jour où Popilius Laenas arriverait à destination. 857. Raccourci vertigineux ! Une année environ sépare les deux événements. 858. Il s'agit probablement du temple de Nanaia à Suse (cf. Pline, NH, 6, 135 : Dianae templum augustissimum ; Élien, Nat. An. 12, 23 : tv 'tTI 'EÂ.uµai{l xmwvEmç tcrnv 'Avain6oç, x:ai Elcnv tV'tau8oi 'tt8aaoi Â.ÉOV'tEÇ x:. 't. À.), qu' Antiochos IV voulut piller en 164 av. J.C. Cf. G. Le Rider, Suse sous les Séleucides et les Parthes (1965), p. 292 et n. 6 avec bibl. Dans la mesure où elle était assimilée à la déesse perse Anahita. dont le culte s'était répandu en Asie Mineure sous les Achéménides, Nanaia était souvent sentie par les Grecs comme l'équivalent de leur Artémis. Mais Appien suit une source plus sensible aux ressemblances entre Nanaia, Ishtar et Aphrodite : c'est le cas de Bérose (cf. Fr. Gr. Hist. 680 Fr. 11 'Acppo6in1ç 'Avain6oç 't0 liyaÂ.µa et 12'Avain6a tflV 'Acppo6itriv ... tx:aÂ.ouv). Ce sanctuaire, que Strabon 16, l, 18, nomme tà "AÇapa, était sans doute très riche, et Antiochos IV avait d'autant moins de scrupules que les Élyméens paraissent s'être détachés des Séleucides après la défaite d' Antiochos m à Magnésie : cf. G. Le Rider, o. c., p. 353-354. - Granius Licinianus, 28, p. 6 Flemisch, donnait une version très différente de la mort d' Antiochos IV - s'il s'agit bien de lui : le roi aurait péri pour avoir volé la vaisselle sacrée du temple d' Atargatis à Hiérapolis-Bambyké. 859. La mort du roi était connue à Babylone dès novembredécembre 164 : cf. A. Aymard, Études d'histoire ancienne (1967),
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p. 272 [repris de 1955) ; O. Môrkholm, o. c., p. 170-171. Appien ne dit pas où Antiochos trouva la mort. Il n'établit pas non plus de lien explicite entre la hiérosylia et la mort du roi. Selon Jean d'Antioche (fr. 58 Müller), Antiochos passe de vie à trépas (µE'taÀ.Àa:t'tEl 'tOV f}iov) après son retour en Syrie (è1ti 'tflV Iupiav dv&À8ci>v).Aucune raison par conséquent de supposer, comme le faisait Bouché-Leclerq, o. c., 1, p. 301, n. 1, qu 'Appien reproduisait une tradition hostile propagée par les Juifs d'Alexandrie. En fait, le Livre Syriaque est parfaitement neutre. 860. F. H. Weissbach supposa, avec trop d'ingéniosité, un contresens d 'Appien : celui-ci, lisant Tabis periit « il mourut à Tabae » chez un auteur latin, aurait compris tabe periit, « il mourut d'une maladie infectieuse ». Mais pourquoi Appien aurait-il été s'informer auprès d'un auteur latin (et lequel ?) de l'histoire des rois de Syrie ? Polybe, 31, 9, 3 (mais il s'agit d'une citation faite par Josèphe, AJ, 12, 9, 1) affirmait qu'un Antiochos périt à Tabae et Saint Jérôme, in Dan., 11, 44-45, p. 722, comprit, comme Josèphe, qu'il s'agissait d'Antiochos IV. Voir aussi la Souda, s. v.'AV'tioxoç. Bouché-Leclerq, o. c., 1, p. 296 et n. 6, estimait toutefois qu'il ne s'agissait peut-être que d'un doublet de la mort d'Antiochos m, les Juifs ayant cherché à expliquer par la vengeance divine la mort brutale de l'impie Séleucide : cf. / Macc., 6, 1-16 ; 2 Macc. 1, 10-16 ; 9, 14-29, ainsi que Josèphe, AJ, 12, 9, 1. L'ensemble de la tradition fut analysé par M. Holleaux, La mort d' Antiochos IV Epiphanes, Études d'épigraphie et d'histoire grecques, 3 [repris de REA 1916), p. 255-279. 861. Eusèbe lui donne à tort 12 ans ; voir A. Houghton-0. Le Rider, Le deuxième fils d' Antiochos IV à Ptolémaïs, Revue Suisse de Numismatique, 64 (1985), p. 79 et n. 29. En fait, si Antiochos V avait 9 ans à la mort de son père (automne 164), il en avait environ 12 au moment de sa disparition en 162/1. 862. Antiochos V. Cf. Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 13. 863. Cf. supra, 46, 236-241. 864. Cf. supra, 41, 342 sq. 865. Démétrios I.
Page 67 866. Alexandre I Balas. Balas était son nom selon Justin, 35, 1, 6 ; mais Strabon, 16, 2, 8 paraît penser que ce n'était en fait qu'un surnom. Qu'il appartînt ou non à la famille royale, Balas voulait apparaître comme un émule d'Alexandre le Grand : cf. C. Bohm, lmitatio Alexandri im Hellenismus (1989), p. 111 sq. On trouvera chez H. Volkrnann, Demetrios I und Alexander I von Syrien, Klio 19 ( 1925), p. 403 l'ensemble des références. 867. Diodore, 31, 23a le considère lui aussi comme usurpateur. Mais il était soutenu, on l'a vu, par l'ancien ministre Héraclide. Sa
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réputation d'usurpateur lui vient probablement de Polybe (33, 15, 1-2), lequel avait aidé Démétrios à s'enfuir de Rome et lui était à l'évidence favorable : cf. E. S. Gruen, Rome and the Seleucids in the Aftennath of Pydna, Chiron 6 (1976), p. 91, n. 120. Polybe résume d'ailleurs (33, 18, 6-9) la harangue prononcée par Héraclide devant le Sénat, très hostile à Démétrios. Le lecteur d' Appien ignore que Rome avait reconnu les droits d'Alexandre : cf. Polybe, 33, 18, l 0-11. 869. Ptolémée VI lui donna même sa fille Cléopâtre Théa pour épouse. Mais il reçut également l'aide d 'Attale Il de Pergame : cf. Diodore, 31, 32a. Voir aussi Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 14-15. On peut considérer, avec E. S. Gruen, o. c., p. 93, qu'Alexandre Balas n'était qu'une marionnette manœuvrée par Ptolémée Philomètor. 870. Après un premier succès, Démétrios fut écrasé par l'armée d'Alexandre Balas : cf. Justin, 35, l, 10. 871. Démétrios Il. Démétrios avait recruté des mercenaires en Crète, et il bénéficia du soutien de Ptolémée Philomètor, brouillé avec Alexandre Balas : cf. Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 15. Ce dernier trouva la mort en Arabie : cf. Diodore, 32, 9d. Voir BouchéLeclercq, o. c., l, p. 340-345. 872. L'insistance d'Appien est remarquable. Il passera en revanche sous silence l'usurpateur Alexandre Zabinas, suscité par la Cour d'Alexandrie. 873. L'épiclèse apparaît sur les monnaies de ce roi : E>EOY Cl>IAAAEACl>OY NIKATOPOI.. L'explication n'est fournie que par Appien. 874. Cette expédition eut lieu en 139/8. Il fut emprisonné en Hyrcanie, au sud de la Caspienne, selon Justin, 36, l, 1-6 et 38, 9, 2 sq. Voir aussi Porphyre, Fr. Gr. Hist. 260, Fr. 32, 16. Le roi ne disposait pas de moyens militaires suffisants pour se lancer dans une telle entreprise : cf. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 365. 875. Démétrios fut battu par le roi Mithridate I ; mais celui-ci mourut peu après sa victoire. Il est normal qu 'Appien n'évoque ici que son successeur, Phraates Il. 876. Cf. Justin, 38, 9, 3, qui dit que Mithridate I maria sa fille à Démétrios Il. Il est concevable que le mariage, décidé par Mithridate I, n'ait été célébré que sous Phraatès Il. La contradiction signalée par C. Lerouge-Cohen, Les guerres parthiques de Démétrios Il et Antiochos VII dans les sources gréco-romaines de Posidonios à Trogue-Justin, Journal des Savants (2005), p. 243-244, relève de l'imagination. 877. Voir Th. Fischer, Zu Tryphon, Chiron 2 (1972), p. 201-213, qui montre, à partir des monnaies, que l'enfant roi régna quatre ans (de 145/4 à 142/1) et Tryphon seul jusqu'à son suicide en 138. 878. Sur Diodote, natif d' Apamée de Syrie selon Strabon, 16, 2, 10 et Josèphe, Al, 13, 5, l, voir I. Savalli-Lestrade, Philoi, n° 74, p. 74-75. Il est peu probable qu'il ait été réellement« esclave royal », et Appien
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se ferait ici l'écho d'une tradition malveillante. Selon Diodore, 33, 4a, il était tv 7tOÀ.À.Cp dçui>µan Tv xapà Tepf}acnÂ.f:icpiÀ.Cl>v , ce que corrobore Strabon, /oc. cit. : mxna8Eic; Tep f}aµi1epov 1tp6o8ev aac; oti>ttpov txi Ilap0ouc;. Mais la phrase signifie seulement qu'Antiochos fut celui qui, une deuxième fois(= après Démétrios) lança une expédition contre les Parthes, Il ressort en effet de Porphyre, o. c., Fr. 32, 19, qu'il n'y eut qu'une seule expédition. Voir T. Fischer, Untersuchungen zum Partherkrieg Antiochos VII (1970).
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890. Dans un premier temps, Antiochos avait remporté des succès en réoccupant la Babylonie et la Médie : cf. Diodore, 35, 19. - Les diverses versions de la mort d'Antiochos se contredisent : on ne sait s'il mourut dans la bataille ou s'il se suicida : cf. Diodore, 35, 15-17 ; Justin, 38, 10 ; Elien, Hist. An., 10, 34 ; Athénée, 10, 439 e. Le Syncelle, p. 353 Mosshamer, dit qu'il fut tué par Arsace. - Phraate II, obligé de combattre les Scythes, ne fut pas en mesure d'exploiter sa victoire : cf. Justin, 42, 1-2. 891. Il rentra de captivité en 129 av. J.-C. 892. D'après Porphyre, o. c., Fr. 32, 21, Démétrios, vaincu par Alexandre Zabinas dans un combat livré près de Damas, voulut se réfugier à Tyr. Mais on lui interdit l'accès de la ville et il fut tué alors qu'il cherchait à s'embarquer. Selon Josèphe, A/, 13, 9, 3, Cléopâtre lui refusa l'entrée de Ptolémaïs, ce qui l'obligea à chercher refuge à Tyr où il aurait été capturé et supplicié par ses ennemis. 893. Affreuse histoire rendue célèbre par la Rodogune de Pierre Corneille ( 1644) : « Le sujet de cette tragédie est tiré d' Appian Alexandrin », écrit-il dans l'avertissement de la pièce. Renvoyons à l'édition de J. Scherer (Textes littéraires français, 1946). La pièce inspira au peintre Ch. Antoine Coypel (1694-1752) une pompeuse composition conservée au Musée de Grenoble. - On retrouve ici encore le thème d'une histoire sentimentale. 894. Sur ce mariage, qui avait permis à Antiochos Sidétès de trouver des appuis en Syrie, cf. Bouché-Leclercq, o. c. 1, 369. Séleucie de Piérie, possession de Cléopâtre, lui ouvrit en effet ses portes.
Page 68 898. Une inscription de Délos (OGJS256) mentionne son précepteur, l'eunuque Cratèros, qui vivait avec lui à Cyzique. Ce personnage était déjà connu de Porphyre, o. c., Fr. 32, 20. 899. Cf. Tite-Live, Periochae 60 : Motus quoque Syriae referuntur,
in quibus Cleopatra Demetrium uirum suum et Seleucum filium, indignata quod occiso patre eius a se iniussu suo diadema sumpsisset, interemit. Explication reprise par Justin, 39, 1. 900. Cf. Porphyre, o. c., Fr. 32, 22 : 1eai eù0ùç t1e füa6oÂ.llÇt'lÇ µT)tpôç d1to8vnmcet. 901. Cf. Justin, 39, 2, 7-8. 902. Cf. Justin, 39, 2, 10. 903. Appien n'entre pas dans le détail de la guerre sans pitié qui opposa les deux rois et leurs épouses, deux princesses lagides : cf. Trogue Pompée, Prologue 39 et Justin, 39, 3, 4-12. Les princes rivaux se partagèrent des lambeaux de la Syrie : cf. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 405. 904. Vaincu, Antiochos VIII se retira à Aspendos, en Pamphylie, où il vécut sous la protection des Romains. Sur sa mort, cf. Josèphe, A/, 13, 13, 4 ; Porphyre, o. c., Fr. 32, 23 ; le Syncelle, p. 352 Mosshamer.
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905. Cf. Justin, 39, 3 sq. ; Josèphe, Ant. Jud., 13, 10, 1 ; Porphyre, o. c., Fr. 32, 23 sq. 906. Séleucos VI Epiphane. Trogue Pompée, Prologues, 40 ; Josèphe, Ant. Jud., 13, 13, 4 ; Porphyre, o. c., Fr. 32, 25. S'il faut en croire le Syncelle, p. 352 Mosshamer, Antiochos Cyzicène aurait fait bruler Séleucos vivant ! 907. Selon Porphyre, o. c., Fr. 32, 25, Antiochos IX se serait suicidé après sa défaite. Mais, selon Josèphe, Al, 13, 13, 4, il aurait été capturé et mis à mort par son vainqueur. Trogue Pompée, Prologue 40, donne à penser qu'il mourut en combattant : mortuo Grypo rege, Cyzicenus cum filiis eius hello congressus interiit. 908. Dans le palais royal selon Josèphe, /oc. cit. 909. Antiochos X Eusébès. Il s'était réfugié quelque temps dans la ville libre d' Arados, dans le nord de la Phénicie : cf. Bouché-Leclercq, o. c., 1, p. 418. 91O. Séleucos VI. Appien passe sous silence les aventures des frères cadets de ce roi : Antiochos XI, Philippe I, Démétrios m et enfin Antiochos XII Dionysos. Ces prétendants, si actifs qu'ils fussent, furent tenus à l'écart par Antiochos X. Voir Josèphe, Al, 13, 13, 4 et Porphyre, o. c., Fr. 32, 27 sq. 911. Cléopâtre V Séléné, fille de Ptolémée vm eut en effet quatre maris successifs : son frère Ptolémée IX ; Antiochos vm Grypos ; Antiochos IX Cyzicène ; Antiochos X Eusébès, dont elle eut un fils, Antiochos XIU Asiaticus.
Page 69 916. Appien écarte ainsi Alexandre Balas, son fils Antiochos VI et Diodote Tryphôn. Il oublie également Séleucos VI et Alexandre Zabinas, prétendu fils d' Antiochos VU (cf. Justin, 39, 1,6) suscité par la Cour d'Alexandrie puis abandonné par elle à un funeste destin [cf. Diodore, 34-35, 28 ; Justin, 39, 2, 5-6) sur lequel on verra K. Ehling, Alexander II Zabinas - ein angeblicher Soho des Antiochos VII oder Alexander I Balas ?, Schweitzer Münzb/atter 45 (1995), p. 2-7. On a constaté plus haut qu 'Appien avait même passé sous silence les actions d' Antiochos Hiérax. 918. Clément d'Alexandrie, Stromates 128, 3 et 129, 2, attribue 312 ans environ à l'imperium Macedonicum. On compte trois siècles exactement entre la défaite de Darius m à Gaugamèles en 331 av. J.-C. et la défaite de Cléopatre à Actium en 31 av. J.-C. : cf. Ch. Edson, Imperium Macedonicum. The Seleucis Empire and Literary evidence, Class. Phil. 53 (1958), p. 157. Si l'on ajoute douze années, on remonte jusqu'en 343 av. J.-C., l'année du pacte d'amitié conclu entre Philippe II et Artaxerxès Ill Ochos. tci>vl:EÂ.EU1Cl6cÏ>Vte; 919. La tradition manuscrite donne fi 6t dpx11 t6ôoµi)1eovta txi 6lmcO