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French Pages [571] Year 2001
APPIEN HISTOIREROMAINE LIVRE XII LA GUERRE DE MITHRIDATE
COLLECTION
DES UNIVERSITÉS
DE FRANCE
publiée sous le patronage de l'ASSOCIATION GUILLAUME BUDÉ
APPIEN HISTOIREROMAINE TOMEVII LIVRE XII LA GUERRE DE MITHRIDATE
TEXTE ÉTABLI ET TRADUIT
PAR PAUL
GOUKOWSKY
Professeur à l'université de NANCY II Correspondant de l'Institut
PARIS LES BELLES LETTRES 2001
Conformément aux statuts de l'Association Guillaume Budé, ce volume a été soumis à l'approbation de la commission technique qui a chargé MM. Pierre Charneux et J.-L. Ferrary d'en faire la révision et d'en surveiller la correction en collaboration avec M. Paul Goukowsky.
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous les pays. © 2001. Société d'édition Les Belles Lettres,
95 bd Raspail 75006 Paris www.lesbelleslettres.com ISBN: 2-251-00491-2 ISSN: 0184-7155
NOTICE
1- L'originalité du livre Par son titre (M18p1ôa.-rs1oç et non M18p1Ôa'tt1CT)),qui, comme déjà le Livre d'Annibal, rompt avec la série des « peuples », ce livre (le XIIIèmede l'Histoire Romaine) affirme son originalité dans le vaste ensemble dont il clôt la première moitié. Le Mithridateios, qui retrace l'ensemble des luttes livrées par Rome à son irréductible adversaire, le roi du Pont Mithridate VI Eupator, occupe en effet une place à part dans l'Histoire Romaine. Car Appien n'y traitait plus d'une partie de l'empire de Rome, mais d'une guerre en quelque sorte mondiale, dont les effets se firent sentir de }'Euphrate jusqu'aux Colonnes d'Hercule. Il sentît d'ailleurs la nécessité d'expliquer les principes de composition d'un livre qui, faisant fi de l'unité de lieu, contrevenait à la règle fixée dans la Préface de l 'Histoire Romaine. Tant il est vrai que le récit se déroule tantôt en Grèce, tantôt dans la province d'Asie, tantôt en Bithynie, en Cappadoce, en Arménie, dans le Caucase, dans le Pont, voire même en Cilicie et en Syrie, empiétant ainsi sur le Livre Syriaque -sans compter la longue digression consacrée à la guerre menée par Rome contre les pirates dans toute la Méditerranée. 1. Cf. Mithr. 19, 70 : 'tOÙMt8pt6an:iou noltµou ; 121,599 : 'tQl Mt8pt6an:icp noÀtµcp. Voir aussi BC 1, SS,241 : CTtpauryeiv < ... > 'tOÙMt8pt6a'tEiou noÀɵou.
VIII
NOTICE
Dans le texte que nous ont transmis les manuscrits, Appien donne, dans un exposé liminaire, les raisons justifiant ces entorses à la règle qu'il s'était fixée. Schweighauser, dans un moment d'aberration, crut devoir transporter ce passage à la fin du livre, pour en faire une sorte d 'épilogue 2• Mais ses arguments ne sauraient convaincre. Il est d'abord gratuit d'imaginer qu'un feuillet de l'archétype, détaché par accident, aurait été replacé par erreur en tête du livre3• Il y a plus. Cette transposition arbitraire occulte l'heureuse transition avec les Guerres Civiles, par laquelle s'achève le livre tel qu'il nous a été transmis 4 • Surtout, elle repousse in fine une remarque dont le lecteur doit être instruit dès le début. Après avoir rappelé en effet l'importance et la longueur des guerres menées contre Mithridate, Appien déclare que « si grande et si diverse fut cette guerre unique< ... > qu'il n'était pas possible d'en diviser la matière peuple par peuple, attendu que les événements furent simultanés et imbriqués les uns dans les autres5 ». Il prend d'ailleurs soin d'ajouter que les événements « qui, même dans ces conditions, ont pu être séparés du reste,< ... > ont été regroupés à part6 » entendons qu'il demeura fidèle, chaque fois qu'il le croyait possible, au récit Ka.tà Ë0voç, encore que cette fidélité n'aille pas sans inconvénients. Il est gênant par exemple qu'il faille chercher dans le Livre Illyrien (30) le récit des campagnes conduites, à partir de 71/0 av. J. -C., par le frère de Lucullus, M. Terentius Varro, dans la région danubienne où Mithri2. O. c., 3, p. 588-589, résumant un développement des Exercitationes.
3. Par quel hasard ce prétendu épilogue, qui nous est parvenu intact, aurait-il occupé exactement un feuillet recto-verso ? Et pourquoi l'aurait-on inséré en tête du livre, alors que le premier feuillet comportait certainement un titulus, peut-être orné d'un bandeau, comme dans le Vat. gr. 141, notre plus ancien manuscrit d'Appien? 4. Cf. Mithr. 121, 600. 5. Mithr. 119, 588. 6. Ibid.
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date exerçait une influence, dangereuse pour Rome, sur diverses tribus thraces, gètes et scythes, ainsi que sur les cités grecques du Pont gauche 7• La conquête par Rome de ce boulevard du Bosphore Cimmérien affaiblissait d'autant la puissance de Mithridate 8, ce que ne perçoit pas le lecteur du Livre M ithridatique. Mais on peut penser que le morcellement de l'histoire fut également source d'erreur pour Appien. Au Livre Illyrien (5), il écrit que des « Celtes », associés à des Illyriens et à des Thraces, pillèrent la Macédoine et la Grèce, y compris des sanctuaires, dont Delphes. La datation de cette hiérosylia a suscité un abondant débat. Appien, suivant certainement un chronographe, la place la 32e année après la première épreuve de force (1teipa) entre Romains et « Celtes » et ajoute qu'après cette profanation, les Romains engagèrent une expédition contre les Illyriens, ftyouµévou Aeux:iou l:x:t1tirovoç.Or la Chronique d'Eusèbe (Il, 133 Schône) place dans la 1e année de la 174e olympiade (donc entre juillet 84 et juillet 83) deux incendies, celui du Capitole à Rome et celui du temple d'Apollon à Delphes a Thracibus. Il n'y a pas de raison pour que la datation du second incendie soit moins exacte que celle du premier 9 • Le problème a été clairement posé par G. Daux 10 et repris récemment par R. M. Kallet-Marx 11• J'admets, avec ce dernier, qu'il n'y a pas lieu de corriger le chiffre de 32 années, moins « suspect » que ne le jugeait Daux. Le problème se résume à trouver l'origine du comput. Ecartant la bataille 7. Cf. Tite-Live, Per. 91 ; Eutrope, 6, 7. 8. Cf. D. M. Pippidi, Rome et les cités grecques de l'Euxin, Riv. Stor. del/' Ant., 2 (1972), p. 26 sq. ; E. Salomone Gaggero, Relations politiques et militaires de Mithridate VI Eupator avec les populations et les cités de la Thrace et avec les colonies grecques de la mer Noire occidentale, Pulpudeva, 2 ( 1978), p. 299 sq. 9. Plutarque, Numa, 9, 12, n'apporte rien de plus. 10. G. Daux, Delphes au 11~et au 1~rsiècles (1936), p. 392 sq. 11. R. M. Kallet-Marx,Hegemony to Empire. The development of the Roman lmperium in the East from 148 to 62 B. C. (1994), p. 361 sq.
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de l 'Allia, trop éloignée dans le temps, Kallet-Marx propose celle de la bataille d' Arausio, en 105 av. J. -C., ce qui le conduit en 74/3 av. J. -C. et à d'inextricables difficultés où je ne le suivrai pas, puisqu'une autre piste nous est ouverte par Tacite, Germanie, 37 : Sescentesimum et quadragesimum annum Urbs nostra agebat, cum primum Cimbrorum audita sunt arma, Cœcilio Metello et Papirio Carbone consulibus. Si l'on part en effet de 113 av. J. -C. (= ol. 166, 4) et si l'on ajoute 32 ans, on arrive en 81 av. J. -C. (= ol. 174, 4). L'olympiade est exacte, et l'erreur porte seulement sur l'année 12• En fait, Appien donne même exactement celle-ci. Car, si Lucius Scipion est évidemment le consul de 83, comme l'avait reconnu Daux, Kallet-Marx n'a pas tort de souligner l'invraisemblance d'une expédition punitive dans les Balkans alors même que Sylla menaçait l'Italie ! L'erreur d'Appien me paraît aisée à comprendre : il a trouvé, chez sa source, qu'une expédition contre les Illyriens avait eu lieu û1tateuovtoç Aeu1dou ~Kt1ticovoç,et il en a conclu qu'elle avait été commandée par celui-ci. Or le véritable chef de l'expédition fut probablement Hortensius, un lieutenant de Sylla, auquel Granius Licinianus 13 attribue une campagne contre les Dardaniens et les Mredes après la conclusion de la paix de Dardanos. Faute d'avoir embrassé l'ensemble de la guerre, Appien n'a pas fait le lien entre les données du chronographe et les indications fournies par les sources littéraires 14• Mais les indications du premier étaient probablement exactes, si l'on prend garde que les Cimbres (que nos sources classent parmi les« Celtes » ) 15 ne menacèrent 12. On verra infra que le manuel chronologique utilisé par Appien répartissait, semble-t-il, les événements par olympiades, sans les subdiviser toutefois clairement entre les années. 13. 35, 79 Criniti. 14. Le Livre Illyrien fut probablement composé en même temps que le livre V des Guerres Civiles, quelques années après le Mithridatique. Je reviendrai sur cette question le moment venu. 15. Renvoyons seulement à G. Dobesch, Das europiiische « Barbaricum » und die Zone der Mediterraneankultur. lhre historische
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jamais Delphes. En revanche, nous savons par Horus (1, 39) que C. Porcius Cato fut vaincu par les Scordisques en 114 av. J. -C. (= ol. 166, 3). Si l'on prend cette date pour origine, on arrive à l'année 82 av. J. -C., qui pourrait marquer la fin de l'expédition conduite par Hortensius 16• Je crois néanmoins qu' Appien avait pris conscience des difficultés de sa tâche et que ce fut précisément « l'imbrication des événements » qui justifia à ses yeux le retour à une composition plus traditionnelle. Même si le vocabulaire n'est pas exactement polybien 17, la notion d'imbrication renvoie à Polybe 18, et il me paraît plus que probable que c'était déjà au Mégalopolitain qu 'Appien songeait dans sa Préface 19 lorsqu'il contestait, à propos des guerres puniques, la méthodes de certains auteurs trop dispersés à son gré. On voit ainsi qu'après s'être Wechselwirkung und das Geschichtsbild des Poseidonios (Wien, 1995), p. 58 sq. et 70 sq. 16. Une inscription de Lété en Macédoine (Syll.3, 700) fait état d'une défaite romaine devant les Scordisques durant l'été 119. C'est un peu haut pour l'origine du comput, et l'événement n'a pas laissé de traces dans la tradition littéraire. 17. Cf. 119, 589 : füû ..Eiv ô' aùtà 1eatà f0voç où1e ~v. ôµoü te 1tpa18tvta 1eai d)J ..1V,,otç dvmte1tÂ.e-yµtva. L 'anaploké d 'Appien correspond à la symploké de Polybe. 18. Cf. Polybe, 1, 3, 4 : les affaires du monde, qui avaient constitué des séries distinctes jusqu'à la 14ti;crôE ; éôç µ01 1tpotip11ta1. Si l'on veut expliquer ce jeu de références croisées, il n'est rien de plus simple que de supposer qu 'Appien a rédigé vers la même époque la première partie du Mithridateios et la section syllanienne de BC l (cf. Livre Ibérique, 101, 441, où il est annoncé, au futur, à propos de Sertorius : tè> ô' d1Cp16tç aùtou ÔTtÀCOO'El tà 1tEpi l:uÂ.Â.avsµcpuÂ.1a).Les /Egyptiaka, en revanche, paraissent encore en projet : cf. Mithr. 114, 557 : « quand j'en viendrai aux affaires d'Egypte ». 24. Comme l'a souligné G. Marasco, Appiano e gli Ebrei, Studia Historica (1988), p. 7-19. 25. Cf. G. Grainger, The cities of Seleucid Syria (1990), p. 52. Des monnaies portant la légende NEIKOTTOAEIT!lN THl: l:EAEYKIAOl: attestent qu'elle était réellement située en Séleucis de Cappadoce (cf. Syr., SS, 281 et Mithr. 117, 576). 26. Elle fit partie de la province romaine de Cilicie : cf. Strabon, 16, 4, 19 ; Ptolémée, 5, 7, 7 ; Grainger, o. c., p. 134 et n. 52. 27. Comme l'avait reconnu Tscherikower, Die hellenistischen Stiidtegründungen, Philologus, Suppl. Bd. 19, 1, (1927), p. 84 et 166.
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notre auteur gardait en mémoire ce qu'il avait écrit à ce propos dans le Mithridateios. Ensuite, en Syr., 47, 244245, on voit Démétrios 1erchasser Ariarathe V et installer Oropheme sur le trône (158 av. J. -C.). Le Sénat ordonne alors que les deux frères rivaux partagent le trône. Mais, Kai 'Aptoconclut Appien, èK1tEo-6vtrovôè Kai tCÔVÔE 6a~avou µEt' aôtoùç oô noÂù ÜO"tepov ( !) ôno Mt0pt6atou ... ô Mt0pt6atEtOÇ 7tOÂEµoç è1ti tqlÔE Kai ècp' éttpotç f)pçato O"Uvicrta.0'0at.Il est clair quel' Ariarathe (fils de Mithridate) auquel succéda Ariobarzanès 1erest ici confondu - à plus d'un demi-siècle de distance - avec le frère d'Oropheme, dont on sait par Polybe 28 qu'il fut restauré par les Pergaméniens en 156 av. J. -C. : de telles confusions ne sont pas rares chez Appien 29• Or, dans le Mithridateios, s'il est bien indiqué, en 15, 50, quel' Ariarathe envoyé régner sur la Cappadoce après la rupture de Mithridate avec Rome était son propre fils, cette précision n'apparaît pas en 10, 33 à propos de l' Ariarathe « ramené » par Misthraos et Bagoas à l'époque où Mithridate installait Sôcratès Chrestos sur le trône de Bithynie. Il semble donc qu' Appien n'a pas compris qu'il s'agissait d'un seul et même personnage, mais l'a dédoublé pour confondre ensuite l'un des doublons avec le frère d'Oropheme30. Il n'en est pas moins vrai que la Guerre de Mithridate n~ fut publiée que sous Antonin 31, avec le reste de l'Histoire Romaine, et ce délai permet de rendre compte de deux allusions probables à des faits récents que l'on place dans les premières années de ce règne : le tremblement 28. Cf. Polybe, 31, 3 ; 7-8 ; 32 ; 32, 1, 1-4 ; 10-12 ; 33, 6. 29. Certaines ont été signalées dans les Notices du Libre Ibérique et du Livre d'Annibal. 30. On mesure la vanité des discussions portant sur le sens de Katityayov, dont on trouvera le résumé dans A. N. Sherwin-White, Ariobarzanes, Mithridates and Sulla, Class. Quart., 27 ( 1977), p. 173174. 31. On ne peut exclure, avant cette date, des lectures publiques de morceaux choisis de l' œuvre, tant à Rome qu'à Alexandrie.
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de terre qui ravagea Rhodes 32 (vers 142 ?) et les insultes adressées par le Cynique Peregrinus au nouvel empereur33. La Préface, que nous avons restituée à sa véritable place, est suivie de deux préambules, consacrés l'un à la Bithynie et à ses rois (chap. 1-7), l'autre à la dynastie des rois de Cappadoce et du Pont (chap. 8, 24-9, 29). On entre ensuite dans le vif du sujet, avec l'exposé des motifs de la guerre entre le roi de Bithynie et Mithridate (chap. 10, 30-16, 58). Mais, au cœur du Mithridateios, Appien a encore inséré une longue digression consacrée à la guerre menée par Pompée contre les pirates (chap. 92, 416-96, 455). Il s'en explique avec quelque désinvolture34. En fait, la guerre contre les pirates eût peut-être gagné à être contée dans le Livre de la Sicile et des îles, avec la conquête par Rome de la Crète et de Chypre. Appien était toutefois persuadé que Mithridate avait été à l'origine de la piraterie et il reconnaissait dans les rapides succès de Pompée la cause de sa désignation à la tête des ultimes opérations menées contre Mithridate et ses alliés : ces raisons ont probablement déterminé son choix. La mort du vieux lutteur est saluée par un épitaphios (112, 541 - 113, 551) suivi d'une rapide évocation des succès remportés par Pompée, couronnés par un 32. Appien donne à entendre (26, 103) que le sanctuaire rhodien de Zeus Atabyrios n'existait plus de son temps. Or .tElius Aristide, Or. 43 (Rhodia/cos), après avoir évoqué la splendeur des sanctuaires rhodiens avant le séisme (teµtV11 6t 0eoov 1eai lepà Kai dya.À.µata too-aùta 6t tè> µéye0oç, to1aùta 6è tè> Ka.À.À.oç µtv to 1tÀ.ii0oç,tT1À.11Caùta K. t. À.) décrit, sans doute avec quelque exagération rhétorique, le champ de ruines que l'on faisait visiter aux touristes. Voir infra, p. Cl. 33. C'est probablement à cet épisode que fait allusion la longue digression (29, 110-11) consacrée aux faux philosophes : des arguments en ce sens ont été avancés par D. Gaillard dans une étude à paraître dans les actes d'une table ronde sur l'épigramme grecque et latine, tenue à Nancy en novembre 1998. 34. Mithr. 91, 415.
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fastueux triomphe (113, 552 -117, 578). Les deux derniers chapitres survolent rapidement l'histoire de l'ancien royaume pontique jusqu'à l'époque d 'Auguste. C'est le seul récit continu des guerres mithridatiques parvenu jusqu'à nous, et, si l'on veut apprécier à leur juste valeur les mérites d' Appien, il faut le comparer à ses contemporains Granius Licinianus35 et Florus36 • L'ampleur du récit et la qualité de l'information sont à mettre au crédit de notre Alexandrin, qui maintient l 'historiographie de langue grecque à un niveau très honorable et se montre, à son ordinaire, objectif et de bonne foi37 , sauf dans une digression38 , d'un ton très personnel, où il s'en prend avec violence à certains philosophes, probablement des Cyniques, dont il pourrait avoir essuyé les avanies dans l'exercice de ses hautes fonctions municipales. On peut imaginer que !'Autobiographie perdue, évoquée à la fin de la Préface de /'Histoire Romaine, répondait elle aussi à de telles attaques.
II- La guerre Mithridatique [Bibliographie : Je ne renverrai ici qu'à quelques ouvrages dont j'ai fait largement usage dans la Notice et les Notes Complémentaires. 35. Peut-être un grammairien, qui écrivit (après 132 ap. J. -C.) un compendium historique dont subsistent des fragments palimpsestes. Voir, pour la datation de l'œuvre, N. Criniti, Granio Liciniano, ANRW, 2, 34, 1 (1993), p. 151. Je citerai cet auteur dans l'édition, donnée chez Teubner par N. Criniti, qui offre le mérite de dresser le bilan des conjectures, souvent hasardeuses, proposées depuis un siècle. 36. Peu importe ici que cet auteur ait écrit sous Hadrien (c'est l'opinion de P. Jal dans l'édition CUF) ou sous Antonin (comme le voudrait L. Bessone, Floro, un retore storico e poeta, ANRW, 2, 34, 1, p. 95). 37. Cf. B. C. Mc Ging, Appian's « Mithridateios », ANRW, 2, 34, · 1 (1993), p. 515 sq. 38. Cf. supra, n. 33.
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L'étude de Th. Reinach, Mithridate Eupator (1890), quoique dépassée sur bien des points, demeure fondamentale. On la complétera à l'aide de la monographie, claire et bien informée, de L. Ballestros Pastor, Mitr{dates Eupator, rey del Ponto (1996). Une bonne mise au point est également donnée par K. Strobel, Mithrades VI Eupator von Pontos. Der letzte grosste Monarch der hellenistischen Welt und seine Scheitem an der romischen Macht, Ktèma, 21 (1996), p. 55-94. Divers aspects de la guerre sont également traités dans les ouvrages récents de A. N. Sherwin-White, Roman Policy in the East, 168 B. C.-A. D. 1 (1984) ; B. C. Mc Ging, The Foreign Policy of Mithridates VI Eupator (1986) ; R. M. Kallet-Marx, Hegemony to Empire. The Development of the Roman Imperium in the East from 148 to 62 B. C. (1994). Mais on ne négligera pas pour autant des travaux plus anciens, qui entrent dans le détail des choses : D. Magie, Roman Rule in Asia Minor to the end of the Third Century after Christ, 1-2 (1950) ; J. van Ooteghem, Pompée le Grand, bâtisseur d'empire (1954) ; Lucius Licinius Lucullus (1959) ; Th. Liebmann-Frankfort, La Frontière orientale dans la politique extérieure de la République romaine (1969) ; sans oublier l'ouvrage posthume de Sir Ronald Syme, Anatolica. Studies in Strabo (ed. by A. Birley, 1995) ; le matériel numismatique est étudié par F. de Callatay, L 'Histoire des guerres mithridatiques vue par les monnaies ( 1997). Pour les inscriptions, assez nombreuses, dont j'ai été amené à faire état, j'ai renvoyé, autant que possible, à des recueils, déjà anciens, d'accès facile ( F. Durrbach, Choix d'inscriptions de Délos ; C.B. Welles, Royal correspondence ; R. Sherk, Roman documents from the Greek East, etc ... ). Sur le pays, voir E. Olshausen et J. Biller, Historischgeographische Aspekte der Geschichte des Pontischen und Armenischen Reiches, Teil I, Untersuchungen zur
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historischen Geographie von Pontos unter den Mithradatiden (1984), avec bibl. [cité : Olshausen-Biller] ; la seule documentation photographique accessible est donnée dans les planches de Chr. Marek, Stiidt, Ara und Territorium in Pontus-Bithynia und Nord-Galatia [lstanbuler Forschungen, Bd. 39, 1993]. Les Studia Pontica (1, A joumey of Exploration in Pontus by J. G. C. Anderson ; II, Voyage d'exploration archéologique dans le Pont et la Petite Arménie par Fr. et E. Cumont) demeurent fondamentaux, malgré leur date de publication (1910). Nous avions achevé notre travail quand est paru l'ouvrage de A. Mastrocinque, Studi su/le guerre Mitridatiche, Historia, Einzelschriften, 124 (1999).
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MITHRIDATE AVANT LA GUERRE
Cette guerre est conçue comme un ensemble subdivisé en trois périodes. Soulignons qu 'Appien n'a jamais souhaité écrire une biographie de Mithridate et qu'il laisse délibérément de côté les débuts mouvementés de son règne 39 , connus seulement à travers la tradition romancée de Trogue-Pompée 40 , et la période glorieuse au cours de 39. Il nous apprend certes (Mithr. 112, 549) que Mithridate fit tuer sa mère et son frère : mais c'est un élément de son portrait moral, et il ne nous donne pas la raison de ces exécutions. Assassiné lors d'une révolution de palais, Mithridate V n'avait peut-être pas organisé sa succession : les dispositions rapportées par Memnon, 22, 2, et par Strabon, 10, 4, 10, ne concordent pas. Sa veuve exerça probablement la régence au nom de ses deux fils (Mithridate Eupator· et Mithridate Chrestos), mais la tradition suivie par Justin fait état d'énigmatiques « tuteurs », qui détenaient peut-être la réalité du pouvoir. Il est également notable que l'un des fidèles du roi éliminé, Dorylaos le Tacticien, jugea prudent de demeurer en Crète et que sa famille ne regagna le Pont qu'une fois le pouvoir de Mithridate VI solidement établi. 40. Justin, 38, 8, 1. Qui pourrait croire que le jeune Mithridate passa sept années (soit la période 120-113 av. J. -C.) dans une semiclandestinité, puisque circa 116/115 av. J. -C., des statues furent éri-
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laquelle le jeune roi établit, par la force des annes et l'action diplomatique, s~ domination sur la Tauride et le Bosphore Cimmérien41 , la Colchide42 et la Petite Armégées à Délos en l'honneur de son frère et de lui-même ? Cf. Durrbach, Choix, n° 113 et n° 114 (= lnscr. Délos, 1560-1561). En fait, TroguePompée avait recueilli une tradition mêlant à quelques données historiques (la malveillance des tuteurs de Mithridate, en particulier) des éléments légendaires puisés dans la tradition iranienne : cf. G. Widengren, La légende royale de l'Iran antique, Hommages à G. Dumézil, Collection Latomus, 45 (1960), p. 230-231. Strabon, qui connaissait bien l'histoire du Pont, affirme (12, 3, 11) que Mithridate fut élevé (è'tpaq>1l) à Sinope ; plusieurs de ses m>V'tpoq>ot sont honorés à Délos : cf. OGIS 372-373. 41. Justin, 37, 3, 1 et 38, 7, 4-5, affirme (sans doute à juste titre : cf. F. de Callatay, L'Histoire des guerres mithridatiques vue par les monnaies, 1997, p. 263) que ce furent les premières entreprises du jeune Mithridate. Vers 110 av. J. -C., répondant à un appel de la cité de Chersonèsos (cf. Strabon, 7, 4, 3), qui entretenait des relations d'amitié avec le royaume du Pont depuis l'époque de Pharnace 1er,Mithridate envoya des troupes dans cette région, réussissant non seulement à établir son protectorat sur les cités grecques de la région, mais aussi sa domination sur leurs adversaires scythes, en particulier sur le royaume du Bosphore. En plus des informations fournies par Strabon (7, 3, 17 ; 4, 7), nous disposons d'un long décret de Chersonèsos en l'honneur de Diophante de Sinope, le général envoyé par Mithridate (losPE 12 352 = Syl/.3 709 = SEG 30, 963), qui relate deux campagnes victorieuses (peut-être en 100/99 et 99/98 av. J. -C.). Ce texte fondamental a été repris, avec un ample commentaire, par L. Boffo, Grecità di frontiera : Chersonasos Taurica e i signori del Ponto Eusino, Athenœum, 67 (1989), p. 211-259 et 369-405. Sur ces guerres, voir aussi D. B. Shelov, Le royaume pontique de Mithridate Eupator, Journ. des Sav. (1982), p. 247-253 ; S. J. Saprykin, Heracleia Pontica and Tauric Chersonesus be/ore Roman domination (1997), p. 271-277 ; F. de Callatay, o. c., p. 245 sq. ; J. G. Vinogradov, Pontische Studien (1997), p. 493-500, avec les réserves de Ph. Gauthier, Journ. des Sav., 1998, p. 1187-1188. -Un autre général de Mithridate, Néoptolème, opéra lui aussi dans cette région (cf. Strabon, 2, 1, 16 ; 7, 3, 18). Peut-être fautil voir en lui le successeur de Diophante. Mais sa période d'activité pourrait dater des lendemains de la 1~reguerre mithridatique : cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 54-55. - Sur ces deux généraux, voir I. Savalli-Lestrade, Les Philoi royaux dans l'Asie hellénistique (1998), p. 175 sq .. - L'influence de Mithridate s'exerçait aussi sur la rive gauche du Pont, jusqu'à Olbia (cf. losPE 12 35), Tyras, et les cités
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nie43 , tout en nouant des alliances avec divers peuples et souverains. Avec une habileté que les lettrés de son temps admirèrent certainement, et qui ne laisse pas insensibles les historiens modernes pourtant formés à d'autres méthodes 44 , il choisit de peindre indirectement, à travers des morceaux d'éloquence qui ajoutent au récit une dimension dramatique, ces faits qui lui paraissaient hors sujet alors que nous les jugeons essentiels à la compréhension des événements. C'est ainsi qu 'Appien nous apprend brusquement45 que Mithridate, vaincu par Sylla, voulait conserver la Paphlagonie 46 • Mais pourquoi ? Les raisons nous en sont données par Justin 47 , qui fait dire à Mithridate que la Paphlagonie « était échue à son père non par la force des armes, mais comme un héritage 48 par une adoption résultant d'un testament et du fait de la disparition de la
proches des bouches du Danube : cf. E. Salomone Gaggero, Relations politiques et militaires de Mithridate Eupator avec les populations et les cités de la Thrace et avec les colonies grecques de la mer Noire méridionale, Pulpudeva, 2 (1978), p. 294-305 ; F. de Callatay, o. c., p. 255 sq.. L'exposé très clair de V. F. Gajdukevic, Das bosporanische Reich (1971), p. 313 sq. demeure utile. 42. Si Memnon, 22, 3, évoque une conquête, Justin, 38, 7, 10, parle d'un héritage. Strabon, 12, 3, 1, ne se prononce pas sur les moyens. Voir F. de Callatay, o. c., p. 254-255. 43. Strabon, 12, 38, affirme qu'elle fut cédée à Mithridate par son dernier roi légitime, Antipatros : cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 59 ; F. de Callatay, o. c., p. 253. 44. Cf. Mc Ging, o. c., ANRW, 2, 34, 1 (1993), p. 502-503 : « It is Appian at is best ». 45. Mithr. 56, 225. 46. Voir D. G. Glew, The Cappadocian expedition of Nicomedes m Euergetes, King of Bithynia, ANS MN, 32 (1987), p. 23-24 ; R. D. Sullivan, Near-Eastern Royalty and Rome, 100-30 B. C. (1990), p. 3032. 47. Justin, 38, 5, 4, citant Trogue-Pompée verbatim. Mithridate se plaint que les Romains lui aient ordonné d'évacuer la Paphlagonie. 48. Sur cet héritage, cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 37 et 66 ; K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 61-62.
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dynastie nationale49 ». Trogue-Pompée reproduisait sans doute ici l'argumentation juridique développée par Mithridate50, qui soutenait, pourrait-on penser, que si les Romains tenaient pour valables les testaments d'un Attale, d'un Apion ou d'un Nicomède, ils étaient mal venus de mettre en doute les dispositions du dernier roi légitime de Paphlagonie, Pylreménès, en faveur de son père Mithridate V51 • Les Romains pouvaient certes objecter que ce dernier n'avait pas pris lui-même possession du territoire52 , et que bien des années avaient passé avant qu'il fOt dépecé, à l'amiable, par Nicomède III et Eupator lui-même53, puis évacué par Mithridate - au moins par-
49. Cet interitus est d'autant moins confirmé que Pompée, bien des années plus tard, reconnaîtra les droits des descendants d'un « Pylreménès » qui pourrait être le Pseudo-Pylreménès, fils de Nicomède m (cf. note suivante), aussi bien que le vrai Pylreménès, dernier roi légitime de Paphlagonie, connu pour avoir aidé les Romains contre Aristonicos (cf. Eutrope, 4, 20, 1 : Orose, 5, 10, 2). 50. Probablement quand une ambassade romaine était venue, sans succès~ prier Nicomède m et Mithridate VI d'évacuer la Paphlagonie. Selon Justin (loc. cit.) le roi de Bithynie parvint à éluder la requête des Romains : il plaça son propre fils sur le trône de Paphlagonie, en l'affublant du nom dynastique de Pylreménès : cf. K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 68. 51. Cf. Justin, 37, 4, 5, où Mithridate répond aux ambassadeurs romains « que ce royaume était échu à son père par héritage, et qu'il était surpris que l'on reportât sur lui le litige, alors que l'on n'avait pas impliqué celui-ci ». 52. Sa mort brutale avait peut-être donné un coup d'arrêt à ses projets d'expansion. Ne pourrait-on supposer qu'il fut victime d'une faction apeurée par son dynamisme? 53. La date de ce partage n'est pas connue : peut-être 108n av. J. -C. [cf. E. Olshausen, Mithridates VI. und Rom, ANRW, 1, 1 (1972), p. 810 ; K. Strobel, o. c., p. 67]. Il doit remonter aux premières années du règne personnel de Mithridate qui, plus puissant, se fût montré moins conciliant : cf. D. G. Glew, Mithridates Eupator and Rome, a study of the background of the first Mithridatic war, Athenœum, 55 (1972), p. 387 ; F. de Callatay, o. c., p. 266-267 ; Mc Ging, Foreign Policy, p. 69, explique la passivité des Romains par la guerre menée contre les Cimbres.
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tiellement - à la demande des Romains54 : mais c'est encore à Justin55 que nous devons ces informations, Appien passant sous silence des faits éloignés de l'époque qu'il se proposait de traiter. D'autres événements sont évoqués en dehors de leur contexte, et le lecteur ne doit jamais perdre de vue que la rhétorique s'accommode mal de l'exactitude. Dans l'épitaphios de Mithridate, Appien soutient que le roi avait capturé Lucius Cassius56, le gouverneur de l'Asie, oubliant que, de son propre aveu, ce personnage s'était réfugié à Apamée57 • Il voudrait aussi que Mithridate eût été vainqueur de Fimbria58 , ce que dément le reste de la tradition. Il suffit de comparer Mithr. 17, 62-63 (effectifs de l'armée pontique au début de la 1ère guerre mithridatique) et Mithr. 119, 584 (évocation rhétorique de la puissance de Mithridate) pour constater que la précision se trouve dans le récit et non dans l'amplification oratoire : le chiffre d'environ 400 navires de guerres résulte de l'addition de 300 navires pontés et de 200 birèmes, celui de 50 000 cavaliers de l'ajout, aux 40 000 cavaliers pontiques, des 10 000 auxiliaires venus de Petite Arménie. 54. Selon M. Sordi, La legatio in Cappadocia di C. Mario nel 9998 a. C., RIL, 107 (1973), p. 370-379, Marius aurait profité de l'occasion pour prier Mithridate et Nicomède Ill d'évacuer leurs conquêtes. Mc Ging, Foreign Policy, p. 76, se montre sceptique, à juste titre. D'autres, comme K. Strobel, o. c., p. 72, pensent que Marius mit en garde Mithridate contre les dangers d'une main mise sur la Cappadoce. - Chez Justin, 38, 5, 6, Mithridate avance pour preuve de sa bonne volonté le fait qu'il a abandonné ses prétentions sur la Phrygie et la Paphlagonie. De fait, Orose 6, 2, 2 et Eutrope, 5, 5, 2, maintiennent que Mithridate, lorsqu'il entra en guerre contre Rome, chassa de Paphlagonie Nicomède IV et un Pylreménès [qui serait le demi-frère de Nicomède IV : cf. K. Strobel, o. c., p. 77], ce que confirme chez Appien (58, 235) Sylla lui-même, lorsqu'il accuse Mithridate d'avoir profité des difficultés de Rome en Italie pour attaquer les Paphlagoniens (entendons les sujets de Pylreménès), les Galates et les rois de Bithynie et de Cappadoce. Voir Mc Ging, Foreign Policy, p. 69. 55. Justin, 37, 4, 3-9. Voir R. D. Sullivan, o. c. (1990), p. 30-32. 56. Mithr. 112, 544. 51. Mithr. 19, 75. Il se réfugia ensuite à Rhodes. 58. Ibid., 112, 545.
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Certains arguments manquent à première vue d'à propos. Il était certes légitime que, lors de la conférence de Dardanos, Sylla reprochât à Mithridate d'avoir contrevenu aux clauses de la paix d 'Apamée 59 en faisant passer des troupes en Europe 60 • Mais il est étrange que le même thème soit développé par les émissaires de Nicomède IV avant même le début des hostilités 61 ! Pourtant, les craintes des Bithyniens étaient réellement justifiées en 90 av. J. -C., si l'on songe que Plutarque 62 place « vers l'époque où s'embrasait en Italie la guerre contre les Marses », des l:apµa-rucoi 1eai Baa-rapv11eoi 1t6Â.eµo1, qui auraient providentiellement retenu Mithridate. Ce synchronisme n'est peut-être pas tout à fait exact. Il semble néanmoins que, dans les années 92-91 av. J. -C., Mithridate déployait, vers les bouches du Danube, une activité de nature à inquiéter Nicomède IV et à impliquer les Romains, puisque l'on pouvait supposer que les incursions des Thraces en Macédoine résultaient de l 'extension de l'influence pontique. Dans la mesure où l'usurpation de Socrate Chrestos en Bithynie avait coïncidé avec la soumission des Sarmates et des Bastarnes, il était habile d'agiter la menace d'une main mise de Mithridate sur les deux rives du Bosphore, et prudent de bloquer ce dernier, ce que les Bithyniens, puis les Romains, s'employèrent à réaliser, sans qu' Appien en donne la raison. Toujours est-il que notre auteur, comme il était de règle, faisait tenir aux personnages historiques les propos convenant à leur caractère et à leur situation 63 • En Mithr. 11, 34, Pélopidas, vindicatif porte-parole de Mithridate, 59. Cf. Livre Syriaque, 38, 197, où Antiochos III, vaincu, s'engage à d1ttxeCJ0at ti;ç Eôp0>1tT1Ç ÔÀTIÇ60. Mithr. 57, 237. 61. Mithr.,13, 43. 62. De Fort. Rom. 11, injine. 63. On connaît la formule qui, dans les manuels de rhétorique, introduit les modèles d'ethopoiai : Tivaç èiv dn:ot Â.oyouç .
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met en avant la vénalité d'un M' Aquillius - le père du chef de la délégation romaine devant laquelle il plaide la cause de Mithridate ! - sans dire explicitement que la Phrygie 64 avait été donnée à Mithridate V. Mais on ne peut comprendre autrement. En revanche, en 13, 45, un orateur bithynien charge autant qu'il peut la partie adverse et accuse Mithridate VI d'avoir corrompu le même M' Aquillius. Cette absurdité se retouve dans la diatribe prêtée à Sylla 65 • Il est possible, comme on le verra, qu' Appien ait trouvé dans les Commentaires de Sylla la substance des propos qu'il lui fait tenir. Mais il a visiblement élaboré sa matière avec une liberté qui doit rendre le lecteur circonspect. Ces réserves formulées, il reste que le second discours de Pélopidas 66 récapitule avec art et précision tous les éléments de la puissance pontique à la veille de la Jère guerre mithridatique. Les possessions de Mithridate sont immenses : il règne sur le royaume de ses ancêtres, auxquels il a su ajouter de nouveaux territoires : la Colchide, les cités grecques du pourtour de l'Euxin, les nations scythiques de l 'arrière-pays 67 • Ces annexions, qui remon64. Ou du moins une partie de celle-ci. Plusieurs milliaires de M' Aquillius (dont l'un trouvé près de Sidè) prouvent en effet que celui-ci, tandis qu'il gouvernait l'Asie, construisit une route entre la Phrygie et la Pisidie. Sur le système routier dévéloppé par Aquillius, voir St. Mitchell, The administration of Roman Asia from 133 B. C. to AD 250, dans W. Eck, éd., Lokale Autonomie und rômische Ordnungsmacht in den kaizerzeitlichen Provinzen von 1. bis 3. Jhdt. (1999), p. 18-21, avec une carte. 65. Mithr. 51, 231. 66. Mithr. 15, 51-55. 67. Il est remarquable que l'orateur ne dit rien de la Paphlagonie, que Mithridate considérait probablement comme une partie de son patrimoine héréditaire. C'est d'ailleurs pourquoi la première campagne de Nicomède IV, qui ne poussa pas au delà d'Amastris, est censée s'être déroulée au cœur du royaume pontique : or l 'Halys séparait la Paphlagonie du Pont et il ressort de Strabon (12, 3, 1) qu 'Eupator avait récemment acquis la bande côtière entre Amastris et Héraclée, qui fut précisément pillée par Nicomède : cf. F. de Callatay, o. c., p. 278 et n. 116.
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taient à la première période du règne, sont connues, on l'a vu, par d'autres auteurs ou par des documents épigraphiques. Mithridate s'est également assuré le soutien d'alliés : Scythes, Taures, Thraces, Sarmates, « riverains de l'Ister, du Tanaïs, du Palus Méotide » 68 • Il jouit enfin de l'amitié des rois d'Arménie, d'Egypte et de Syrie, et aussi de celle des Parthes. Ce tableau paraît juste, mais ne saurait remplacer un récit, même bref, des actions militaires et diplomatiques accomplies par Mithridate avant l'année 90. Il ressort de ces discours qu 'Appien avait sauté, dans sa narration, des faits importants, voire essentiels. Il faut ainsi attendre la harangue de Sylla à Mithridate pour apprendre que le général romain avait installé Ariobarzanès sur le trône de Cappadoce 69 , ou que le général pontique chargé de conduire Chrestos en Bithynie portait le nom d' Alexandros 70 • De même, son discours aux Grecs d'Ionie précise que certains d'entre eux avaient appelé Mithridate 71, information qui, donnée en temps opportun, eût permis de comprendre pourquoi celui-ci avait occupé sans coup férir la province d'Asie. Tout n'est donc pas suspect dans ces morceaux d'éloquence, encore qu'il soit malaisé d'interpréter des faits sortis de leur contexte pour illustrer une argumentation. Les discours au style direct ne se rencontrent que dans la première moitié du livre. Il serait vain de chercher dans
68. La Petite Arménie ne figure pas dans cette liste, alors qu'elle fournira 10 000 cavaliers et un général, Naimanès. 69. Cf. B. C. 1, 77, 350, où, dans une lettre adressée au Sénat, Sylla récapitule les hauts faits de sa carrière, en particulier ôcra... K1Àudaç trrouµevoç ... f1tpaçe. On peut penser que Sylla avait résumé ce long message dans ses Commentaires et que le fait était connu d' Appien. 70. Mithr. 51, 231. Mc Ging, Foreign Policy, p. 79, ne voit en cet Alexandros qu'un « assassin ». Mais il s'agit probablement d' Alexandros le Paphlagonien, qui jouera par la suite un important rôle militaire. 71. Mithr. 62, 255.
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cette disparité le reflet des sources suivies par Appien 72 • Il semble plutôt que les développements oratoires dénotent le soin apporté par l'auteur à rédiger les chapitres concernant la période où domine la forte personnalité de Sylla. On ne trouve ensuite qu'un seul discours au style indirect - la harangue adressée par le roi à son armée avant d'engager la mème guerre mithridatique. Il eût été aisé à notre auteur de développer cette fois encore un discours au style direct à partir des thèmes énoncés. Il ne l'a pas fait. Peut-être a-t-il voulu rivaliser avec Trogue-Pompée, qui avait placé dans la bouche de Mithridate, comme une sorte de prologue de la Jère guerre mithridatique, un autre discours au style indirect reproduit in extenso par Justin 73• Il se pourrait même que les deux parties du Mithridateios eussent été rédigées à des époques différentes, témoignant ainsi d'une évolution de son esthétique. C'est une question qu'il faut poser, et sur laquelle on reviendra dans la Notice d'autres livres. B- MITHRIDATEEN GUERRE CONTRE ROME
Pausanias définit ainsi ce que serait la tâche d'un historien de Mithridate 74 : « Voici la cause de cette guerre : Mithridate régnait sur les Barbares du Pont-Euxin. Le prétexte qu'il invoqua pour faire la guerre aux Romains, la façon dont il passa en Asie, toutes les cités qu'il occupa pour les avoir réduites par la guerre ou dont il fit ses amies, je laisse tout cela à étudier à ceux qui veulent connaître l'histoire de Mithridate 75 ». Telles étaient, semble-t-il, les intentions d' Appien.
72. C'est pourtant la méthode d'investigation adoptée par 1. Hahn, Appian und seine Quellen, dans : G. Wirth, Romanitas-Christianitas (1982), p. 251-276. 73. Justin, 38, 6, 1 sq. 74. Pausanias, 1, 20, 4. 75. Tétfü:µtv -roiç S1ticr-racr0m -rà Mt0pt6ét-rou0ÉÀoucrtµû.Éno.
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Dans le prologue 76 qui, selon l'usage, magnifie le sujet traité, Appien vante l'audace, l'endurance et la puissance du roi du Pont 71, montrant qu'il engagea contre Rome, sur terre comme sur mer, une véritable guerre mondiale à l'échelle de l 'oikouméné' 8, préparée par une diplomatie active 79 • Les vertus de ce monarque exceptionnel 80 , porteur de traditions iraniennes 81 , mais aussi nourri de culture grecque 82, sont encore rappelées dans l 'épitaphios 16. Mithr. 118-119. 11. Mithr. 118, 583 : l'audace (-r6Â.µa)et l'endurance (q>Ept1tovia) de Mithridate se manifestent aussi par l'emploi de machines de guerre extraordinaires au cours de longs sièges (cf. infra, p. XL VII sq.). 18. Mithr. 119, 587, où il est fait état d'un « bouleversement, ressenti de l'Orient jusqu'à l'Occident comme le plus grand« . K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 56-58, récapitule les jugements emphatiques portés sur Mithridate par les Anciens. 79. Alliances orientales (les Parthes, les rois de Syrie, d'Egypte et d'Arménie), mais aussi occidentales : les Celtes (119, 585), les Italiens et même Sertorius sont devenus pour lui des alliés au moins potentiels. 80. Appien signale en passant divers traits de grandeur d'âme. C'est ainsi que Mithridate refuse de mettre à mort Pompeius, chef de la cavalerie de Lucullus (79, 352) ou de faire torturer un sénateur romain qui l'a trahi, dont il ne poursuit même pas les affranchis (90, 410-411). Il est clair qu'il suit une sorte de code d'honneur, certainement d'origine iranienne, qui l'oblige à punir, parfois sauvagement, la déloyauté de ceux qu'il a investis de sa confiance (cf. 97,445, où il fait mettre en croix ou brOler vifs les déserteurs, quand il ne leur arrache pas les yeux), mais aussi à acquitter les coupables qui n'ont fait que suivre aveuglément leur maître : cf. 102,476, où le roi punit de mort tous les amis qu'il avait donnés à son fils Macharès, mais pardonne aux amis personnels du jeune prince « car il estimait qu'ils avaient été les loyaux serviteurs de leur ami ». 81. C'était le rejeton d'un Mithridate, contemporain d'Alexandre, appartenant à la famille des Achéménides (9, 27), donc un descendant du Grand Roi Darius (112, 540). Son trésor contenait d'ailleurs des objets précieux censés avoir appartenu à ce monarque (11S, 564 ; 116, 570). Chaque année, avant d'entrer en campagne, il accomplissait en l'honneur de Zeus Stratios un sacrifice inspiré des Achéménides (66, 276-279 ; 70, 295). 82. Mithr. 112,550. Voir L. Robert, Deux tétradrachmes de Mithridate V Evergète, roi du Pont, Journal des Savants, 1978, p. 151-163 [= OMS, 8, p. 283-295] ; E. Olshausen, Zum Hellenizierungsprozess
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par lequel Appien salue son suicide 83. Rome l'avait vaincu, sans parvenir toutefois à l 'abattre 84 , et sa mort fut celle d'un vieux despote asiatique, soupçonneux, cruel et détesté de tous 85, mais encore capable d'une générosité hors de propos 86. A l'origine de ces guerres, comme on l'a vu, une spoliation87, qu' Appien racontait dans le Livre Hellénique. Le Sénat avait enlevé au jeune Mithridate la Grande Phrygie 88 , que les Romains avaient donnée à son père pour les avoir soutenus contre Aristonicos 89. Des années plus tard, le roi du Pont, qui n'avait rien oublié, tenta de am pontischen Kônigshof, Ancient Society, 5 ( 1974 ), p. 153-170, dont il ressort que Mithridate avait à son service de nombreux Grecs, originaires des cités du Pont ou venus d'ailleurs. - Appien (11S, 564) relève aussi le go0t artistique du roi. 83. Mithr. 112, 540-550. 84. Mithr. 112, 546 : « Même dans l'adversité, il se montra toujours un homme d'un grand caractère (tè> q,p6V11µa... µtyaç) et d'endurance (q,tptxovoç : cf. ibid., SSO).A la vérité, même vaincu, il ne négligea aucune démarche susceptible de nuire aux Romains .... Souvent blessé par l'ennemi. .. , il ne renonça à aucune de ses entreprises, bien qu'il fOt un vieillard ». De fait, il reçoit en quelques mois trois graves blessures (88, 399 ; 89, 404). 85. Mithr. 112, 549. 86. Il pardonne à son fils Pharnace sur le conseil de l'eunuque Ménophanès (110, 524-525) et ses dernières paroles sont pour condamner la déloyauté générale (111, 539). 87. Selon Justin (38, 5, 3), Mithridate tenait d'autant plus à la Phrygie qu'elle avait été donnée en dot à l'épouse de Mithridate II, Laodice, sœur de Séleucos II Callinicos : tradition plausible, mais invérifiable. 88. On admet généralement que le Sénat reprit cette dépouille des Attalides peu après la mort de Mithridate V : mais l'on se fonde sur une inscription fragmentaire dont la date et la signification demeurent incertaines : cf. infra, n. 401. Voir Th. Drew-Bear, Three senatus consulta conceming Asia, Historia, 21 (1972), p. 81-85. J.-L. Ferrary reviendra prochainement sur cette question. 89. Il n'est pas impossible qu'Evergète et Eupator aient vu dans l'alliance romaine un moyen d •étendre leur domaines : ce que les Romains ne pouvaient accepter, car ils avaient une conception tout aussi intéressée de l'alliance et de l'amitié.
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s'approprier la Bithynie et la Cappadoce puis, quand des créatures de Rome eurent été rétablies sur ces trônes 90 , il se trouva lui-même exposé à des incursions manigancées en sous-main par les créanciers romains du roi de Bithynie91, gens sans scrupules qui voyaient dans le royaume pontique une proie facile. Soucieux de mettre tous les torts du côté de l 'adversaire, Mithridate ne réagit pas militairement, mais plaida son dossier 92 devant les représentants de Rome, dont il connaissait la mauvaise foi 93. De fait, ceux-ci rendirent une sentence qui, tout en ménageant verbalement Mithridate, lui interdisait de demander à Nicomède satisfaction pour les dommages subis 94 • S'estimant désormais victime d'un déni de justice manifeste, Mithridate, par rétorsion, envahit de nouveau la Cappadoce, reprenant ainsi possession de ce qu'il estimait lui appartenir. Toute la 90. Appien (11, 34-35) souligne que Mithridate ne fit rien pour empêcher les Romains de restaurer leurs protégés. Il se refusa seulement, et on le comprend, à leur apporter son aide. 91. Mithr. 11, 36. Nicomède IV est harcelé par les officiels romains, qui réclament le prix de leur soutien, et par ses créanciers, eux aussi romains. 92. Ses arguments relèvent toutefois de la fiction historique lorsqu'il prétend (12, 39) que ses ancêtres avaient possédé la Cappadoce, recouvrée par son père. 93. Mithr. 12, 38. En invoquant les traités d'alliance que son père et lui-même avaient conclus avec les Romains [dont la réalité n'est pas mise en doute : cf. A. N. Sherwin-White, Roman policy, p. 65), Mithridate tentait de les prendre au piège de leur juridisme (12, 38 sq.) en les amenant à reconnm"trequ'ils ne suivaient pas d'autre règle que l'intérêt (14, 49 : Où yàp fiyouµE0a 'Pcoµaiotç m>µq>ÉpEtV~ÂŒ7t'tE0"9at Nucoµft611, ce qui revenait à dire que Rome trouvait avantageux que Mithridate subît des dommages ... ). Au delà des intérêts matériels en jeu, c'est en fait un débat sophistique entre le bon droit ('to 6hcatov) et l'intérêt ('t0 cruµq>Epov)qui est engagé devant une opinion publique dont le roi du Pont paraît avoir été soucieux. En 12, 40, les Romains sont pris à témoin. Mais, au delà des magistrats, c'est toute l'assistance qui est appelée à juger. 94. Mithr. 14, 49, en particulier le commentaire d' Appien : « ils répondirent artificieusement ».
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manœuvre visait, semble-t-il, à dissocier la République romaine de l'activité de ses représentants en Asie, en faisant porter à ces derniers la responsabilité de l'occupation de la Cappadoce, qui compensait en quelque sorte les dommages subis du fait de Nicomède 95 • En proposant néanmoins d'envoyer une ambassade à Rome défendre ses droits, Mithridate souhaitait aussi gagner du temps 96, et ce fut probablement ainsi que les représentants de Rome interprétèrent son attitude. Ce fut alors qu'ils prirent, à la légère, l'initiative d'une guerre qu'ils n'avaient pas les moyens de gagner 97• Mithridate disposait en effet d'une armée organisée sur le modèle séleucide 98 , bien commandée 99 , alors que les généraux romains devaient surtout compter sur des contingents alliés, peu aguerris. Dès la première rencontre, Nicomède fut défait et ses alliés romains mesurèrent l'étendue de leur imprudence 100• Que faire avec des troupes improvisées 101, d'ailleurs démoralisées par la générosité - calculée 102 - de Mithridate ? Tombèrent alors entre les mains du roi la Bithynie, la Phrygie et la province d'Asie, dont la population l'accueillit avec joie 103• Il captura M' Aquillius, tenu pour le responsable
95. Mithr. 15, 50-51. 96. Mithr. 15, 52. 91. Mithr. 17, 59. 98. Mithr. 17. 99. Archélaos et Néoptolème, deux frères, jouent un rôle primordial dans cette première période de la guerre. Appien nous invite à reconnaître en eux les artisans de la victoire. 100. Mithr. 19, 70. 101. Mithr. 19, 74-75. 102. Mithr. 18, 69 ; 19, 71 ; 73. Appien montre bien comment Mithridate, tout au long de cette campagne, chercha à impressionner l'opinion publique par des gestes symboliques, faisant étape au « Caravansérail d'Alexandre », en Phrygie (20, 76), donnant en spectacle des généraux romains enchaînés (Oppius, 20, 79 ; M' Aquillius, 21, 80). 103. Mithr. 21, 81 : à.aµÉvroçaùtè>vâ1tavtcovôexoµtvcov.
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de la guerre104 , et lui fit verser de l'or fondu dans la bouche, « voulant sans doute ainsi reprocher aux Romains leur corruption105 ». Puis il ordonna le massacre de tous les Romains et Italiens résidant dans les territoires conquis, y compris les femmes, les enfants, les affranchis et même les esclaves de race italique106 • Appien trouve dans la facilité avec laquelle les Grecs se plièrent à cette exigence monstrueuse la preuve de la haine qu'ils portaient aux Romains107, dont l'explication était probablement donnée dans le Livre Hellénique 108• De telles atrocités, dont les Romains pouvaient tirer argument pour justifier leur propre cruauté109, ternissaient sans doute aux yeux d'Appien le beau succès de Mithridate. Celui-ci échoua toutefois devant Rhodes110 et, après cet insuccès nuisible à son prestige, il se déchargea sur ses généraux111 de la conduite d'une guerre qui avait désormais la Grèce pour principal théâtre. Les armées pontiques, dirigées par Archélaos112, durent faire face à 104. Ce qui est l'opinion d' Appien lui-même : cf. Mithr. 112, 544. 105. Mithr. 21, 80. 106. Mithr. 22, 85-86 ; exemples de ces atrocités, ibid. 23, 88-90. 107. Mithr. 23, 91. 108. Il ressort en effet de BC 2, 92, 385, que, dans le Livre Hellénique, Appien avait montré comment les publicains pressuraient les cités d'Asie. En BC 5, 4, 17, il fera dire à Antoine que, dans un premier temps, Rome avait supprimé le tribut payé par les Grecs d'Asie à Attale, mais qu'il avait été rétabli à l'instigation de « démagogues » -probablement C. Gracchus et ses amis : cf. Kallet-Marx, Hegemony..., p. 112. 109. Le légat Brretius fit exécuter tous les prisonniers, crucifier un certain nombre d'esclaves et trancher les mains des hommes libres : ces actes d'intimidation épouvantèrent l'adversaire (29, 113-114). 110. Mithr. 24, 94-27, 105. li 1. Mithr. 27, 107. 112. De tous les généraux de Mithridate, c'est le seul qui possède chez Arrien quelque consistance, sans doute pour avoir été l'adversaire, puis l'interlocuteur de Sylla. Les autres - Néoptolème, Gordios, Métrophanès, Dromichaitès, Taxile, Phoinix - ne sont que des ombres. Certains ne jouent d'ailleurs aucun rôle dans le récit, comme
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Sylla dont l'arrivée fut partout suivie, sauf à Athènes, d'un prompt revirement des Grecs 113• Mais Sylla fut longtemps tenu en échec, devant les fortifications du Pirée, par les troupes pontiques, pugnaces et bien commandées 114• Ce fut en affamant les Athéniens, réduits à l'anthropophagie 115 comme naguère les Numantins 116, que le général romain reprit la ville, dans un bain de sang 117, puis l' Acropole et le Pirée, qui fut incendié avec ses principaux monuments 118• Archélaos s'était réfugié en Thessalie, où l'avaient rejoint des troupes fraîches, levées par Mithridate 119• Ce fut à Chéronée, sur un terrain jugé défavorable à l 'adversaire 120, que Sylla décida de livrer la bataille décisive. Une erreur stratégique d' Archélaos, qu' Appien juge sévèrement 121, transforma sa défaite en un désastre 122 Ménandre de Laodicée, dont on apprend après coup (117, 573) « qu'il avait commandé la cavalerie de Mithridate », ou Alexandros (58, 232), qui pourrait être l'eunuque du même nom. - Appien tient Archélaos pour un chef courageux (cf. 32, 127 et 129 où il déploie son aristeia) qui, retranché dans le Pirée, tient longtemps tête à Sylla (cf. 37, 146) ; mais il souligne aussi ses erreurs stratégiques en rase campagne (cf. 42, 162 sq. ; 43, 147 ; 44, 171 sq. ; 45, 175 ; 50, 198). Il nous le montre enfin (55, 221) repoussant avec indignation la proposition de trahir Mithridate. Il est clair que les sources latines suivies par Appien (dont Sylla lui-même) parlaient favorablement d' Archélaos, qui avait su au bon moment se rallier aux Romains : il est notable que ni Sylla ni Murena ne lui reprochent jamais d'avoir massacré vingt mille « Romains » dans les îles grecques ... 113. Mithr. 30, 117. 114. Mithr. 30-40. 115. Mithr. 38, 147 ; 150. 116. Cf. le Livre Ibérique, 96, 416. 117. Mithr. 38, 148-149. 118. Mithr. 41, 157. 119. Mithr. 41, 156-159. 120. Mithr. 42, 161-164. 121. Sylla choisit le terrain de manière à ôter à Archélaos l'avantage qu'il tirait de la cavalerie et des chars (42, 161-162) ; Archélaos ne comprit pas qu'il devait profiter de l'abri de son camp retranché (ibid. 43, 164-165). Le commentaire d'Appien met en lumière les raisons de la victoire romaine : « Ainsi se termina pour Sylla et pour
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durement ressenti par Mithridate123• Sans perdre son sang-froid, celui-ci recruta néanmoins de nouvelles troupes, qu'il fit passer en Europe124• Mais son caractère s'aigrit ; il soupçonnait tout le monde, dressait des listes de suspects et tentait maladroitement de prévenir les défections auxquelles il s'attendait. Il s'aliéna les Galates en assassinant leurs Tétrarques125, puis les Grecs d'Asie en s'en prenant à la petite cité de Chios, dont il désarma traîtreusement les habitants pour les déporter plus aisément dans le Pont126• Instruits de ce qui les menaçait, les Ephésiens firent défection, imités par d'autres cités 127• Cherchant de nouveaux soutiens, Mithridate tenta de s'appuyer sur les pauvres endettés, les étrangers et les esclaves128• S'ouvrit alors en Asie Mineure la période des complots, des procès, des exécutions129, preuve d'un échec sans appel sur le plan politique. En Grèce cependant, Sylla livrait, près d'Orchomène, une dernière et dure bataille à Archélaos, qu'il défit en rase campagne, malgré la supériorité de la cavalerie pontique, avant d'enlever d'assaut son camp retranché130• Après ce désastre, il ne restait plus au roi qu'à traiter131, mais la négociation buta sur la question de la Paphlagonie, que Mithridate refusait d'évacuer 132• Les choses traînèrent jusqu'à l'arrivée de Sylla en Asie Mineure. Le roi Archélaos .. .la bataille de Chéronée. Pour l'un comme pour l'autre, une telle issue dépendit surtout, à l'évidence, de la prudence (&ù6ouÀia) de Sylla et de l'irréflexion (dcppocruvri)d'Archélaos » (45, 175). 122. Mithr. 44. 123. Mithr. 46, 177. 124. Mithr. 46, 177. 125. Mithr. 46, 178-179. 126. Mithr. 46, 180-47, 186. 127. Mithr. 48, 187-190. 128. Mithr. 48, 189-190. 129. Mithr. 48, 191-193. 130. Mithr. 49, 194-50, 202. 131. Mithr. 54, 215 sq. 132. Mithr. 56, 225.
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barbare se laissa alors intimider par le général romain 133 , pourtant pressé de regagner l'Italie, et accepta toutes ses conditions. Sylla, après s'être débarrassé de Firnbria, eut alors les mains libres pour exercer sur les sujets de Rome une dure répression 134 , accompagnée de lourdes exi135 gences financières , auxquelles vinrent s'ajouter les exactions des pirates. L'Asie, naguère victime de Fimbria136,avait sa pleine ration de maux 137 . Si Mithridate avait été défait, c'était sans doute aussi parce qu'il n'avait pas trouvé, en ces Grecs d'Asie et d'Europe qu'il venait libérer, un appui ferme et résolu 138. Il avait insisté sur le fait que les Romains étaient les « ennemis communs » de tous 139 , et l'on sent bien, à travers Appien, l'hostilité dont ils étaient l'objet 140 . Or, après l'explosion de haine sanguinaire provoquée par Mithridate 141 , les cités avaient viré au gré des événe133. Mithr. 56, 227-58, 240. 134. Mithr. 61, 251-252. 135. Mithr. 63, 261. 136. Mithr. 53, 210-214. 137. Mithr. 63, 261. 138. Il savait aussi ne pas pouvoir compter sur la fidélité des Galates : cf. 46, 178. 139. Cf. infra, n. 366 et 547. 140. En 17, 59, les représentants de Rome donnent une escorte à Pélopidas, pour éviter qu'il agite les populations ; en 19, 74-75, il apparai"t que les milices recrutées en Phrygie et en Asie n'ont aucune envie de se battre ; en 23, 91, Appien dit expressément que l'Asie était animée par la haine des Romains. 141. Le seul acte spontané qu 'Appien trouve à signaler, c'est le renversement par les Ephésiens de statues de Romains (21, 81). Cette manifestation ne répondait peut-être pas aux intentions de Mithridate, qui se garda d'abolir les fêtes instaurées en l'honneur de Q. Mucius Screvola, le gouverneur exemplaire de l'Asie (cf. Cicéron, li Verr., 2, 21, 51 ). Mais les principales cités (Ephèse, Pergame, Adramyttion, Caunos) massacrent impitoyablement les ltal_iensdès que le roi leur en donne l'ordre. Seuls les Tralliens ménagent l'avenir en embauchant un tueur. Appien insiste sur l'ingratitude des Cauniens : cf. 23, 88 sq. ; dans le discours qu'il adresse aux Grecs d'Asie, Sylla ne leur trouve aucune excuse et oppose leur hybris à la générosité des Romains (62, 259).
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ments 142• Appien se montre sévère pour ces Hellènes impatients et versatiles 143, veules dans la dérision 144, aussi prompts à applaudir 145 qu'à trahir, et ne trouvant de courage que dans la peur 146 : il est déjà de ceux pour qui la Grèce est morte à Chéronée147 et seuls les Rhodiens échappent au discrédit 148• En Grèce même, rares furent les cités qui demeurèrent fidèles à Rome. Les Athéniens se laissèrent séduire par Archélaos, qui installa un tyran à Athènes (28, 108-109) ; les Achéens, les Laconiens, les Béotiens (hormis Thespies) épousèrent la cause de Mithridate (29, 112 et 115). Seules résistèrent les régions 142. L'échec de Mithridate devant Rhodes provoque un retournement (27, 107) : on constate la permanence d'un courant favorable à Rome (vtrottpiÇovtEÇ, 'ProµaîÇovttç), probablement minoritaire, auquel Mithridate attribue des tentatives d'assassinat. La défaite de Chéronée accélère le mouvement. Il ressort de la lettre de Mithridate aux habitants de Chios, qui paraît authentique, que ceux-ci avaient adressé des ambassadeurs à Sylla et sauvegardé les biens des Italiens propriétaires dans l'île (47, 184). C'est l'époque des complots et des purges, des procès et des règlements de compte, dans un climat empoisonné par la délation (49, 191-192). 143. En fait, beaucoup de cités demeurèrent fidèles à Rome : cf. M. D. Campanile, Città d 'Asia Minore tra Mitridate e Roma, Studi Ellenistici, 8 ( 1996), p. 145-173. 144. Les gens de Laodicée du Lycos livrent Q. Oppius et le conduisent au roi précédé de ses licteurs, par dérision (20, 79). 145. Mithridate fut accueilli avec joie à Magnésie, Ephèse, Mitylène, Cos (21, 81 ; 23, 92). 146. Appien, 49, 188-189, déclare sans ambages qu'Ephèse se révolta par crainte de connaître le même sort que Chios. 147. Cf. la Préface de l'Histoire Romaine, 8, 31 : « Bref, bien que les Grecs aient lutté avec acharnement pour l'hégémonie, leur puissance ne s'est jamais enracinée solidement en dehors de la Grèce. Mais ils surent très longtemps maintenir celle-ci inasservie et invaincue. Je trouve toutefois que, depuis Philippe fils d' Amyntas et Alexandre fils de Philippe, ils ont essuyé bien des traverses indignes d'eux ». 148. Même lieu commun chez Tite-Live (Per. 78 : Vrbem Rhodum, quœ sola in fide populi Romani manserat) et chez Florus, 1, 40, 8 : excepta Rhodus, quœ pro nobis firmius stetit; voir aussi Velleius Paterculus, 2, 18, 3. On peut supposer que les orateurs et historiens rhodiens (dont Poseidonios ... ) avaient attribué à leur ville la palme de la résistance.
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voisines de la Macédoine, moins peut-être par fidélité que par crainte des représailles 149 . Les revirements furent nombreux, et parfois sévèrement sanctionnés 150 . Mithridate s'imaginait avoir perdu cette guerre par la faute de ses généraux. Si lui-même s'était montré un organisateur efficace, il n'avait jamais donné sa mesure sur les champs de bataille. La seconde guerre mithridatique vint à point redorer son prestige. Au yeux d 'Appien, Murena en portait l'entière responsabilité, par ambition du triomphe 151et pour s'être laissé circonvenir par Archélaos, que Mithridate avait disgrâcié 152 . Il envahit 15 donc et pilla le royaume pontique 3, opposant aux protestations de Mithridate l'absence de paix écrite. Le roi, qui s'était plaint au Sénat et n'avait obtenu que des bonnes paroles, décida, après une nouvelle provoca, de reprendre les armes : il chassa et poursuivit tion 154 Murena, auquel il reprit le butin enlevé 155 , récupérant du même coup la Cappadoce 156 . Sylla semble avoir estimé que le bon droit était du côté de Mithridate : il envoya Gabinius rappeler Murena à l'ordre et offrit la paix moyennant, semble-t-il, l'évacuation complète de la Cappadoce157.Mais sa mort empêcha la confirmation de cet arrangement 158. 149. C'est ainsi que peut s'expliquer la résistance de l'Etolie et de la Thessalie (30, 116). Quant à Démétrias, on peut supposer que les Romains y tenaient garnison, ou qu'ils y résidaient en nombre, comme à Thespies. 150. Appien (30, 117) est clair à propos de la Béotie, et de Thèbes en particulier, dont il blâme la légéreté. Le cas des Macédoniens n'est signalé qu'en passant (41, 159) : on apprend abruptement qu'ils abandonnèrent Archélaos pour se rallier à Sylla, juste avant Chéronée. Eux aussi avaient senti le vent tourner. 151. Mithr. 64, 265. 152. Mithr. 64, 268. 153. Mithr. 64, 269-270. 154. Mithr. 65, 270-273. 155. Mithr. 65, 273-275. 156. Mithr. 66, 276. 157. Mithr. 66, 279-280. 158. Mithr. 67, 283.
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La situation était mOre pour une troisième guerre dont, selon Appien, l'initiative vint non point de Mithridate, moins assoiffé de conquêtes et moins vindicatif à l'égard de Rome que ne le supposait Sylla 159, mais de la faction marianiste, et en particulier de Sertorius 160, qui envoya des conseillers à Mithridate et s'engagea à lui céder divers territoires. Mithridate ne pouvait donc avancer un motif légitime pour préparer une nouvelle guerre 161, mais seulement l'opportunité que lui offrait la mort de Nicomède IV 162• A la tête de forces considérables, il envahit la Paphlagonie, puis la Bithynie. Commandées par des incapables, les forces romaines lâchèrent prise 163• Mithridate mit le siège devant Cyzique, tandis que Rome envoyait contre lui un brillant stratège, Lucullus 164• Celui-ci, malgré son infériorité numérique, sut tirer avantage du terrain et de la trahison d'un conseiller romain de Mithridate pour occuper une position qui lui permit d'interrompre le ravitaillement terrestre des assiégeants 165• Appien condamne l'impéritie de Mithridate, qui, par obstination, commit la faute de ne pas lever immédiatement le siège 166• Après avoir perdu presque toute son armée, il finit par fuir piteusement 167, tandis que sa flotte était pour 159. Sylla exprime son opinion sur Mithridate dans deux discours adressés l'un à Archélaos, l'autre au roi lui-même. C'est un envahisseur (54, 218), un perfide (ibid.), animé d'une haine viscérale contre l'Italie et les Italiens (54, 219 ; cf. 58, 237). Son plan est de gouverner la terre entière une fois les Romains vaincus, et tout le reste n'est que faux semblant (57, 234). Il pratique même la subversion sociale (58, 236), ce qui le rend encore plus dangereux aux yeux d'un Sylla ! 160. Mithr. 68, 286-289. 161. Mithr. 69, 291. 162. Mithr. 71, 299. 163. Mithr. 71, 299-304. 164. Mithr. 72, 305 sq. 165. Mithr. 72, 306-312. 166. Mithr. 72, 310 et 73, 313. Mithridate a d'abord commis une faute de jugement par méconnaissance du terrain. Puis il s'est entêté dans son entreprise. 167. Mithr. 76, 328-329.
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une part détruite par les Romains 168, et pour l'autre anéantie par des tempêtes 169 • Lucullus pouvait dès lors envahir le royaume pontique 170 et poursuivre Mithridate qui, après avoir réorganisé son armée et encouragé la résistance des cités grecques 171, forma le plan ingénieux de couper Lucullus de ses bases afin de l 'affamer 172• Mais ses troupes se révélèrent trop indisciplinées pour mettre ce plan à exécution 173 et la nouvelle de leur défaite eut des conséquences désastreuses : prise de panique, l'armée royale se débanda, Mithridate ne put dominer le désordre 174 et fut sauvé de justesse par l'avidité des vainqueurs 175• Il s'enfuit en Arménie auprès de son gendre Tigrane. La guerre reprit donc contre Tigrane auquel Mithridate, instruit par l'expérience, voulut donner de sages conseils176, qui ne furent pas entendus par ce despote oriental177 , d'ailleurs capable de bon sens178, qui passera en 168. Mithr. 77, 335-339. 169. Mithr. 76, 332 ; 78, 340 170. Mithr. 78, 343-347. 171. Mithr. 78, 348. 172. Mithr. 80, 359-81, 360. 173. Mithr. 81, 360-361. Par cette faute stratégique, dont il n'était pas directement responsable, Mithridate perdit l'élite de sa cavalerie. 174. Mithr. 81, 363-82, 366. 175. Mithr. 83, 367. 176. Mithr. 85, 383. Mithridate conseilla à Tigrane de ne pas affronter les Romains en rase campagne, mais de les affamer en ravageant le pays devant eux. Ce n'est là qu'un topos historique, emprunté aux historiens d'Alexandre. Tigrane rit du petit nombre des Romains (85, 384) comme autrefois les Perses se moquaient du petit nombre des Grecs. Tout cela sent la fabrication. 177. Appien (84, 378) souligne son superbe isolement. Au delà du topos littéraire, on doit toutefois observer que le roi d'Arménie fut surpris par le Blitzkrieg lancé par Lucullus, et qu'il prit de sages mesures : il envoya Mithrobouzanès au devant de la colonne romaine, confia à Mankaios la garde de Tigranocerte et partit chercher du renfort ; pris au dépourvu, il ne disposait évidemment que de peu de troupes, et Lucullus tablait sans doute là dessus. 178. C'est ainsi qu'il partage le commandement avec Mithridate (88, 392), auquel ses défaites passées ont servi de leçon.
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quelques années de l'arrogance à la plate soumission179• Défait par Lucullus, Tigrane remit le commandement à Mithridate, qui tenta de créer une armée calquée sur celle des Romains 180• Expérience intéressante, dont l'état du texte ne permet pas de mesurer l'efficacité 181• Toujours est-il que, de retour dans son royaume, Mithridate, payant de sa personne, remporta, sur Fabius Hadrianus 182 et sur Triarius 183, de nets succès que des blessures l'empêchèrent d'exploiter : tant il est vrai qu'il était l'âme du combat. Ces victoires lui apportèrent un répit, d'autant que les Romains relevèrent Lucullus de son commandement 184• La guerre connut un nouveau développement lorsque Pompée, vainqueur des pirates, fut chargé d'en finir avec Mithridate 185, qui ne disposait plus que de 30 000 fantassins et de 3 000 cavaliers, d'ailleurs aguerris 186• Conscient de sa faiblesse, Mithridate voulait traiter. Mais Pompée exigeait de lui une deditio, qu'il ne pouvait accepter 187• Il ne lui restait plus qu'à battre en retraite pied à pied, sans livrer bataille 188• Appien croit que la Divinité l'égarait 189• On admettra plutôt qu'il redoutait 119. Mithr. 104, 485-489. Mais son pouvoir était miné de l'intérieur par les intrigues de son fils, et il trouva en Pompée celui qui pouvait le consolider. 180. Mithr. 88, 292-294 : Mithridate apparaît ainsi comme un organisateur et un observateur avisé capable d'imiter ce qui fait la force de l'adversaire : ce fut, en d'autres temps et d'autres lieux, le mérite d'un Abd-el Kader et d'un Samory. 181. Le chap. 87 est lacunaire. 182. Mithr. 88, 398. 183. Mithr. 89, 402-408. 184. Mithr. 91, 411-412. 185. Mithr. 97,446. 186. Mithr. 97, 449. 187. Mithr. 98, 452. Pompée exigeait également qu'on lui livrât les déserteurs. 188. Mithr. 99, 456-457. Mithridate laissa ainsi passer deux occasions d'attaquer Pompée. 189. Mithr. 99, 456 : Mithridate n'attaqua pas, « que ce ftlt par crainte ou par un effet de l'aveuglement qui s'empare de tout un chacun à l'approche des catastrophes ». Le thème de l'égarement fatal apparaît déjà, on l'a vu, dans le Livre d'Annibal.
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l'indiscipline de ses guerriers, dont la bravoure inconsidérée tourna peu après au désastre 190• Avec les quelques troupes qui lui restaient, Mithridate passa l'hiver à Dioskourias, formant, croyait-on, d'immenses projets 191, puis franchit le Caucase pour gagner la Tauride. Il s'agissait, si l'on comprend bien, de reprendre les hostilités en Thrace et de couper aux Romains la route de l'Asie. Appien juge (Mithr. 102, 469) que ce projet relevait du fabuleux (1tapa6oç,0À.oyia). Mais il n'en admire pas moins Mithridate et note en passant ce qu'il croit être les phases successives de ce plan. En 102, 473, il nous apprend que le roi « formait de nouveaux plans encore plus inouïs ». Ces rêves le hantent encore quand tout s'écroule autour de lui (Mithr. 109, 517-520) et le farouche vieillard trouve des raisons d'espérer dans les exploits d'un autre irréductible adversaire de Rome, le Carthaginois Annibal. Il semble que cette image grandiose d'une sorte de Titan indomptable est celle qu 'Appien entendait transmettre à ses lecteurs. Contre Rome, le roi du Pont n'avait négligé aucune entreprise à la portée d'un homme 192• Si Mithridate rêvait encore de reprendre la guerre contre Rome, il est clair que Pompée ne se souciait plus du fugitif, auquel il refusa une issue diplomatique honorable 193. Des drames familiaux vinrent à bout du vieux guerrier dans un climat de lassitude générale 194• Poussés à bout par les exactions des agents royaux, en particulier des eunuques 195, les Grecs du Bosphore se révoltèrent 196, 190. Mithr. 100. 459-462. 191. Mithr. 101. 467-468. 192. Mithr. 119, 587. 193. Mithr. 107. 506-507. 194. Sévissant contre ses fils. il contraint Macharès au suicide (102. 475-476), met à mort Xipharès (107, 502-505) et pousse Pharnace au crime (110. 522 sq.). 195. La conscription, les réquisitions brutales et la levée des contributions de guerre alimentaient le mécontentement : Mithr. 107, 508-509. 196. Pour Phanagoria, cf. Mithr. 107. 508-509.
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ainsi que certaines troupes, indisposées par la toute-puissance du personnel aulique 197 ; le reste de l'année, troublé par la perspective d'une reprise des hostilités dans des régions inconnues 198, se rallia au jeune Pharnace. Mithridate n'avait plus d'autre issue que le suicide 199• Il ressort d' Appien que sa défaite devant Rome tenait à ses erreurs politiques et stratégiques, au fait qu'il n'avait pas réussi à établir la discipline romaine dans une année organisée à la romaine, mais aussi aux multiples trahisons qui l'avaient affaibli dans des moments cruciaux 200• Cette défaite s'était doublée d'une crise de confiance à mesure que le monarque, isolé et vieillissant, se coupait des réalités 201 • Encore que très incomplet et tiré, comme on le verra, de sources romaines ou favorables à Rome, le portrait brossé par Appien laisse une impression d 'équilibre, et les causes des succès, puis des revers, du roi du 197. Cf. Mithr. 108, 516, où Appien remarque à propos d'une mutinerie que les soldats « étaient depuis toujours à couteaux tirés avec les eunuques, qui gouvernaient Mithridate à leur guise ». Même accusation 109, 530. 198. Mithr. 109, 520-521 et 110, 526. 199. Appien (109, 530) rapporte en ces termes les exigences des mutins : « Nous voulons ... que ton fils règne, un jeune à la place d'un vieux, qui est entièrement le jouet des eunuques et a d'ores et déjà fait mettre à mort beaucoup de ses fils, de ses chefs militaires et de ses Amis ». La chute de Mithridate ne diffère donc guère de celle d'un Prousias, déposé et tué par son fils Nicomède pour des raisons analogues (6, 17-7, 23). Mais les situations étaient-elles réellement comparables, ou bien la ressemblance découle-t-elle de l'emploi des mêmes topoi par les sources hellénistiques dont s'inspire Appien ? 200. Outre les trahisons d' Archélaos et du Romain Lucius Magius devant Cyzique, déjà évoquées, Appien signale celles de Dioclès (78, 343) et de Phoinix (79, 349), également lourdes de conséquences. Celles de ses fils se succèdent jusqu'au jour ou Pharnace lui porte le coup de grâce. Seules quelques-unes de ses filles ont hérité de ses vertus (cf. 109, 513 ; 111, 536). 201. Appien remarque (107, 508) qu'il ne se rendait pas compte des exactions commises en son nom : malade, il ne communiquait plus qu'avec trois eunuques. La crise résulta donc, au moins en partie, d'une sorte de vacance perverse du pouvoir royal.
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Pont ont été équitablement présentées 202. S'il avait soigneusement imité l'organisation militaire des Séleucides, puis des Romains, il lui avait manqué, pour être un grand stratège, de savoir apprécier exactement les opportunités203 et adapter les moyens aux actions projetées 204; d'ailleurs son caractère obstiné 205, mais aussi influençable206, se laissait trop facilement aveugler par la confiance 207 ou le ressentiment 208. Le politique, si lucide 202. P. Desideri, Posidonio e la guerra Mitridatica, Athenœum, 51 (1973), p. 28-29, me paraît forcer la note lorsqu'il écrit que « la posizione di Appiano è decisamente antimitridatica e filo-Sillana ». Je consens que le récit d' Appien se ressente d'un recours fréquent aux Mémoires du dictateur. Mais Appien n'est pas lui-même hostile au roi, et s'il est vrai que son hypocrisie n'est pas dissimulée (cf. Desideri, o. c., p. 18-19) pas plus que son dessein de passer pour une victime de Rome, les Romains sont également retors et tout le problème de Mithridate est de les amener à se démasquer : on passe ainsi d'une (10, 31) à un conflit ouvert (15, 50). guerre dq>avci>ç 203. Appien (25, 99) note qu'il attaqua la flotte rhodienne avec fureur (ôp-yfi)en se figurant que l'avantage du nombre lui apporterait la victoire. Mais il avait négligé l 'eùta~ia de la flotte adverse. A Cyzique, il perdit sa cavalerie pour s'en être séparé trop tard (75, 235) et s'enfuit au printemps, alors que la crue des fleuves gênait le mouvement des armées (76, 328-329) : quelle accumulation d'erreurs ! 204. Appien (80, 359-360) admire son projet d'affamer Lucullus en interceptant ses convois, mais constate que l'impéritie des exécutants anéantit ses espoirs (81, 360). 205. Son obstination à continuer le siège de Cyzique représente pour Appien le mauvais choix stratégique (cf. 73, 313). 206. C'est un trait dominant de son caractère : devant Patara, il est terrifié par un rêve (27, 106) ; anéanti par la nouvelle de Chéronée, il doute de l'issue de la guerre (46, 177) ; il perd contenance devant le colérique Sylla (58, 239) ; voyant que Lucullus a réussi à faire passer ses convois, il est abasourdi, s'imagine avoir perdu l'avantage que lui procurait la supériorité de sa cavalerie, décide la retraite en pleine nuit et perd son armée saisie de panique (81, 362) ; relégué par Tigrane, il désespère de conserver son royaume, fait massacrer ses épouses et jette ainsi le trouble dans l'esprit de ses fidèles (83, 369). Il lui manque l'égalité d'âme des grands chefs romains. 207. A Cyzique, il occupe une position stratégique essentielle sur le conseil de ses généraux (72, 307), puis l'abandonne sur celui d'un
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et réaliste qu'il fOt, manquait de la sincère phi/anthrôpiaiœ qui aurait pu lui acquérir durablement la sympathie de ses sujets. Quant aux Romains, leur brutalité, leurs exactions et leur corruption n'ont pas été dissimulées, pas plus que la haine dont ils étaient l'objet, même si de grandes figures comme Sylla, Lucullus et Pompée paradent sur le devant de la scène historique210 •
III- L'image des vainqueurs Il est malaisé de comprendre à partir d 'Appien la genèse du conflit entre Mithridate et Rome. On a vu qu' Appien ne remontait pas au delà de l'aide apportée aux Romains par Mithridate V lors de la Illème guerre punique211 • La seule explication est fournie aussitôt après212 : Mithridate V aurait reconquis la Cappadoce, et traître romain (72, 308). Les sources d' Appien évoquaient souvent les Philoi formant le Conseil royal : cf. A. Savalli-Lestrade, o. c., p. 188 sq. 208. Appien insiste par exemple sur les conséquences désastreuses de son ressentiment à l'égard des habitants de Chios (46, 180 ; 47, 185-186). 209. La philanthrôpia manifestée lors de la « libération » de l'Asie (18, 69 ; 19, 71 ; 73 ; Diodore, 37, 26) relève de l'opportunisme : cf.
D. Glew, The selling of the king : a note on Mithridates Eupator's propaganda in 88 B. C., Hermes, 105 (1978), p. 253-256. -En 19, 73, Appien emploie l'hapax KataôT1µ0Ko1teivpour définir l'attitude de Mithridate : il s'agit de saper le moral de l'adversaire par des mesures démagogiques, comme la libération sans rançon des prisonniers. 21 O. Constatons que Mithridate s'est mesuré, sans pâlir de la comparaison, à trois des héros des Vies de Plutarque. Mais le philosophe de Chéronée ne pouvait consacrer une biographie au Cappadocien, encore que celui-ci eOt été plus philhellène que bien des Romains. Le souci, évident, de tenir la balance égale est à mettre au crédit d' Appien. 211. Mithr. 10, 30. Il n'a pas été question de cette aide dans le Livre Africain. Je présume que ce renseignement avait été puisé par Appien chez l'une des sources du Livre Hellénique, perdu. 212. Mithr. 10, 30-31.
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les Romains invité son fils à l'évacuer au profit d' Ariobarzanès, jugé plus « légitime 213 ». Mais on a sauté ainsi plusieurs décennies, si bien que le lien de causalité paraît des plus flous. Toujours est-il que Mithridate cède dans un premier temps, mais, sans que les raisons de ce changement d'attitude soient données, il s'en prend quelque temps après 214 aux deux créatures de Rome, Ariobarzanès - dont il n'a pas empêché l'intronisation - et Nicomède IV. Devons-nous admettre que Mithridate ne s'attendait pas à une réaction des Romains ? Appien nous laisse dans l'incertitude, soulignant simplement la réserve dans laquelle il se cantonna 215 • Si les hostilités éclatent, c'est que M' Aquillius et Cassius veulent la guerre, et que faute d'une raison pour l'entreprendre euxmêmes (ce qui implique d'ailleurs que Mithridate avait satisfait à toutes les exigences du Sénat), ils incitent en sous-main 216 les deux rois qu'ils ont restaurés à provo213. Appien (10, 31) hésite entre deux mobiles. Il admet que les droits d' Ariobarzanès étaient plus authentiques, et il est probable que l'explication se trouvait dans sa source : cf. Plutarque, Pompée, 39, 2, où le général romain réduit la Syrie en province d>ç OÙK' fxoucrav YVT1CJiouç ~acrtÂ.EÎç.Mais il n'est sans doute pas satisfait, car il suppose que par cette manœuvre les Romains cherchaient en fait à diviser l'empire de Mithridate, qu'il redoutaient : cela implique d'ailleurs qu'il admettait, en son âme d'historien, que la Cappadoce devait plutôt échoir à ce dernier. 214. Mithr. 10, 31. Même flou artistique dans la chronologie et la causalité. 215. Les instructions du Sénat (11, 34) ne sont pas claires. On conçoit qu'il demande aux magistrats romains exerçant des gouvernements en Asie (Cassius et Oppius) d'apporter leur concours à Aquillius. Mais pourquoi réclame-t-il aussi celui de Mithridate ? En affirmant que le roi du Pont n'avait pas contribué à la restauration des deux princes, la source d' Appien lui prête une attitude négative, alors qu'en fait le Sénat l'avait probablement invité à ne pas faire obstacle à l'action d' Aquillius, ce qu'il se garda bien de faire. Il ressort de cette distorsion que la source d 'Appien n'était pas favorable à Mithridate. Mais elle ne pouvait cacher qu'il ne voulait pas la guerre, au moins dans l'immédiat : d'où le ton conciliant qu'elle lui prête (14, 48). 216. Appien souligne à deux reprises leur habileté cauteleuse : en
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quer Mithridate, en promettant l'aide de Rome. Ariobarzanès se garde de suivre leur conseil. Mais, dans le cas de Nicomède IV, les mécanismes de la corruption se révèlent efficaces : le roi, qui a acheté très cher sa restauration et doit de l'argent à des financiers romains, ne peut qu'obtempérer2 17• Il est clair que, de la lecture de ses sources, Appien a retiré l'impression que M' Aquillius portait l'entière responsabilité de la guerre 218• Or cette guerre fut engagée par les représentants de Rome avant que le Sénat et le peuple l'eussent décidé 219 : c'était donc, si l'on adopte le point de vue légaliste de la source sénatoriale que suit probablement Appien, une guerre injuste, qui devait être sanctionnée par la défaite 220• Certes, les fauteurs de guerre s'étaient fixé pour objectif officiel la restauration d 'Ariobarzanès en Cappadoce, tâche qui fut certainement confiée à Oppius, sans qu 'Appien le dise explicitement 221• Il n'en est pas moins vrai que l'effort porta principalement sur la frontière paphlagonienne 222, tandis que la flotte romaine fer14, 49, ils répondent à Pélopidas µetà crocpiaç ; en 15, 52, il répondent pareillement cbôt... crocpiÇovteç. Mithridate n'était pas moins artificieux : Appien (67, 285) qualifie de cr6cptcrµala manœuvre consistant à pousser Tigrane en avant. 217. Mithr. 11, 36. 218. Mithr. 112, 544. Sur ce point, il épouse l'argumentation de Mithridate lui-même : cf. 16, 56. 219. Mithr. 17, 59. 220. D. G. Glew, Mithridates Eupator and Rome : a study of the background of the First Mithridatic war, Athenœum, 55 (1972), p. 397, souligne avec raison que Nicomède ne poussa pas au delà d 'Amastris, opérant ainsi dans une région dont les Romains déniaient la possession à Mithridate. Dans la mesure où cette donnée juridique n'apparaît pas chez Appien (qui place plus à l'Ouest la frontière du royaume pontique ), la responsabilité d' Aquillius s'en trouve renforcée, puisque la guerre ne deviendra « juste » qu'après l'occupation de l'Asie, Rome devant défendre un territoire lui appartenant. 221. Mithr. 16, 58. 222. Cf. Mithr. 17, 60 et 18, 64 : l'armée bithynienne fut de nouveau lancée contre le royaume pontique.
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mait le Bosphore 223. Mais Aquillius et ses séides n'avaient pas les moyens de leur politique : après la défaite de Nicomède, ils reconnurent leur erreur et Appien les juge sans indulgence 224: ils avaient fait preuve non point d' euboulia, mais de propeteia. Il se donne d'ailleurs le malin plaisir de nous montrer à deux reprises Aquillius fuyant devant l'adversaire qu'il a provoqué225, et ne s'attendrit pas sur sa mort infamante, sanction de sa corruption. Après cette première défaite, dont ils ne portaient pas la responsabilité, les Romains entrèrent en guerre dans les règles 226: Appien, considérant les difficultés de l'heure et le manque de moyens, ne peut qu'admirer leur philotimia 221 • Cela dit, dans cette nouvelle phase de la guerre mithridatique où les Romains défendent une juste cause 228, il faut avouer qu'ils sont éclipsés dans le récit d' Appien par leurs illustres généraux.
Mithr. 17, 61. Mithr. 19, 70. Mithr. 19, 72 et 73. Mithr. 22, 83-85. Mithr. 22, 84 : tocr11ôeµtv ~v t6te 1tavtrov ô.1topia Kai tç 1tavta q>lÂ.onµia.L'exclamation rappelle Salluste, Cat., 1, 3 : Tanta c_upidogloriœ incesserat. Que la cupido gloriœ soit chez Salluste l'un des éléments de la virtus républicaine est chose connue : cf. K. Heldmann, Sallust über die romische Weltherrschaft (1993), p. 99-101. C'est, me semble-il, ce concept qu'Appien s'efforce de traduire ici par q>tÂ.onµia.L 'aporia - autrement dit le dénuement général- résulte sans doute de la guerre Sociale. - Le manque de ressource des Romains paraît exagéré à dessein. il ressort des calculs de F. de CallataY, o. c., p. 298, qu'ils puisèrent dans leurs réserves 9 000 livres d'or, soit environ trois tonnes de métal, équivalant à plus de mille talents d'argent : Sylla avait de quoi entretenir ses cinq légions durant au moins une année. 228. Lucullus s'engagera toutefois dans une guerre contre Tigrane sans y avoir été autorisé. 223. 224. 225. 226. 227.
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1) Sylla
La grande figure de Sylla domine la première moitié du Livre Mithridatique. C'est un stratège de valeur, qu'il s'agisse de conduire un siège ou de manœuvrer en rase campagne. Le siège en règle du Pirée, qu'il entreprit faute d'avoir réussi à emporter la place d 'assaut 229 , dura des mois, et le récit d 'Appien en retrace les principales péripéties. La technologie y tient une place essentielle 230 et, dans les deux camps, on construit des terrasses 231 , des tours fixes ou mobiles 232 et des machines diverses 233 , qui permettent soit aux Romains de prendre pied sur le rempart 234 , soit d'ébranler celui-ci sous le choc de boulets de plomb 235 • Mais l'adversaire incendie ces machines, qu'il faut reconstruire 236 , édifie une seconde ligne de défense, tan229. Mithr. 30, 118. 230. Même si elles ne sont pas entièrement l 'œuvre de l'architecte de Trajan et d'Hadrien, les Poliorcetica que la tradition attribue à Apollodore [de Damas] montrent l'intérêt porté par les contemporains d' Appien aux machines de guerre et autres inventions d'une efficacité parfois incertaine : cf. P. H. Blyth, Apollodorus of Damascus and the Poliorcetica, GRBS, 33 (1992), p. 127-158. 231. Mithr. 36, 138 : terrasses construites par Sylla devant les murs du Pirée. 232. Mithr. 34, 133- 135 : Archélaos installe une tour mobile sur le rempart en face des tours d'assaut romaines. De son côté, Mithridate fondait de grands espoirs sur la sambuque navale, employée aussi bien contre Rhodes (26, 103-106) que contre Cyzique (74, 317-322). Mais il ne fut pas en mesure de tirer avantage de cette supériorité technologique, faute de combattants entraînés et disciplinés. L'emploi de signaux lumineux est également signalé à deux reprises (26, 104 et 79, 349), mais sans résultat. 233. Mithr. 30, 120-121 (constructions de Sylla) ; 31, 124 (constructions d 'Archélaos). 234. Mithr. 34, 135. 235. Ibid. 236. Mithr. 31, 125 : Sylla réussit à reconstruire en dix jours les machines incendiées par Archélaos.
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dis que les sapeurs romains et pontiques creusent fossés237,mines et contre-mines 238. On voit tous ces engins entrer en action lors des assauts 239, en particulier de l'assaut final 240. Appien ne perd pas de vue les incidences morales des réalisations techniques. Après l'effondrement d'un pan de rempart, les combattants pontiques craignent de voir se dérober sous leurs pieds ce qu'il en reste 241. Le blocus d'Athènes par une ligne de circonvallation affaiblit les corps, mais aussi l'esprit de résistance 242. Même en matière technologique, l'obstination l 'emporte 243: à plus forte raison dans le combat. Durant le siège du Pirée, Sylla inspecte les travaux en personne, encourage ses hommes et mine le moral de l' adversaire 244. En rase campagne, Sylla se montre un général prudent245, qui attend pour affronter l'adversaire d'avoir trouvé le terrain 246et l'occasion favorables : à Chéronée, il lance la charge décisive au moment où l'ennemi interrompt sa manœuvre d'encerclement pour reformer sa 237. Sylla entoure son camp d'Eleusis d'un fossé pour tenir à l'écart la cavalerie ennemie (32, 130). 238. Mithr., 36, 138-139 (Archélaos tente de miner les terrasses romaines) ; 36, 141 (Sylla mine et incendie une partie du rempart). 239. Mithr. 36, 140. 240. Mithr. 40, 153. - Appien s'attarde également sur les moyens mis en œuvre par Mithridate lors du siège de Cyzique (Mithr. 73, 314315 ; 74, 317-322 ; 75, 324). Le siège de Thémiscyre lui permet d'évoquer des procédés plus insolites (Mithr. 78, 346). Il passe vite, en revanche, sur celui de Tigranocerte (84, 381) et omet celui de Nisibe. 241. Mithr. 36, 141. 242. Mithr. 38, 147. Pompée procède pareillement contre Mithridate et l'oblige à décamper (99, 455). 243. C'est ainsi que Sylla reconstruit ses machines en dix jours : cf. supra, n. 236. 244. Mithr. 37, 143 ; 40, 154. 245. Appien attribue à sa prudence la belle victoire de Chéronée (46, 175). 246. Mithr. 42, 160-162, à propos du champ de bataille de Chéronée.
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ligne de bataille 247. En cas de besoin, il compense par des fortifications de campagne son infériorité numérique 248, utilise à propos les troupes de réserve 249et compte sur le parfait entraînement de ses soldats 250. Mais il déploie aussi sa valeur personnelle : c'est son intervention, à la tête de la cavalerie romaine, qui emporte la décision à Chéronée 251. C'est lui qui, à Orchomène, entraîne ses troupes hésitantes 252. La guerre n'en est pas moins cruelle. Déjà, avant l'arrivée de Sylla, Brretius n'avait pas hésité à pratiquer le terrorisme, coupant les mains des prisonniers et crucifiant les esclaves 253. Quand les troupes romaines pénétrèrent dans la ville, les Athéniens, affamés et réduits à l 'anthropophagie, furent mis à mort sans pitié, y compris les femmes et les enfants, et Sylla pardonna à une poignée de survivants 254. Le Pirée fut livré aux flammes 255, la Béotie au pillage 256. Les Pontiques réfugiés dans les marais d'Orchomène ne furent pas épargnés malgré leurs supplications257. En Asie, tous ceux qui avaient dénoncé à Mithridate les amis de Rome furent châtiés sans rémission258et, lorsqu'il vint tenir ses assises à Ephèse, Sylla
241. Mithr. 43, 168. 248. Il creuse des fossés dans la plaine d'Orchomène pour gêner la cavalerie pontique (Mithr. 49, 194) et entoure d'un fossé le camp d'Archélaos (Mithr. 50, 198). 249. Deux cohortes fraîches emportent la décision à Chéronée (Mithr. 43, 168). 250. Cf. Mithr. 42, 164 : l'infanterie romaine ouvre ses rangs devant les chars drépanéphores d' Archélaos, qui avaient jeté le désordre dans l'armée bithynieMe à la bataille de l 'Amnias. 251. Mithr. 43, 167. 252. Mithr. 49, 195. 253. Mithr. 29, 113-115. 254. Mithr. 38, 148. 255. Mithr. 41, 157. 256. Mithr. 51, 203. 251. Mithr. 50, 201. 258. Mithr. 48, 193.
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procéda à une épuration 259 qui ne tint pas compte des promesses d'amnistie faites à Mithridate 260 • Les lieutenants de Sylla ne sont pas oubliés. Murena ramène au combat ses troupes débandées 261• Avec intrépidité, Lucullus se rend par mer à Alexandrie 262• Munatius remporte une victoire dans le détroit de Chalcis 263 • Galba et Hortensius soutiennent péniblement l'assaut pontique à Chéronée 264 , tandis que Murena se comporte bien à l'aile gauche 265 • Le primipile Basillus pénètre le premier dans le camp d' Archélaos à Orchomène 266 • A deux reprises, Appien insiste sur la légitimité de l' imperium de Sylla 267• Le portrait précis et documenté qu'il nous en présente, sous un éclairage toujours favorable, donne à penser qu'il a puisé dans des Commentaires où le dictateur s'était employé, avant César et comme César, à donner la meilleure image de lui-même. Les récits de sièges et de batailles sont d'ailleurs riches en détails qui supposent un témoin oculaire : si l'on veut bien remarquer que le narrateur épouse de bout en bout le point de vue de Sylla, il ne fait guère de doute que l'exceptionnelle qualité de la première moitié du Livre Mithridatique tient en partie au choix heureux de sa principale source. Les successeurs de Sylla seront moins bien lotis, faute peut-être de s'être chargés eux-mêmes du soin d'entretenir le souvenir de leur gloire.
2) Le consul Flaccus et le légat Fimbria L'un et l'autre appartenaient à la faction marianiste vaincue par Sylla. Rien d'étonnant à ce qu'ils soient pré259. Mithr. 61, 252.
260. Appien n'en fait nulle part état, parce que peut-être Sylla faisait le silence là dessus dans ses Commentaires. 261. Mithr. 32, 127. 262. Mithr. 33, 131-132. 263. Mithr. 34, 133. 264. Mithr. 43, 166. 265. Mithr. 44, 169. 266. Mithr. 50, 201.
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sentés sous un jour défavorable. Aaccus, sans compétences militaires, rapace. et d'une sévérité maladroite qui lui aliène la sympathie des soldats 268 , ne trouva sans doute pas de défenseurs dans l'historiographie syllanienne. Fimbria est jugé plus équitablement par Appien. Si le meurtre du consul et l'usurpation de pouvoirs à laquelle procède le jeune légat le scandalisent 269 , il doit néanmoins reconnaître que Fimbria était meilleur général que Aaccus, et surtout plus humain avec ses hommes 270 • L'historien ne cache pas que Fimbria s'était bien battu contre le fils de Mithridate et qu'il avait chassé ce dernier de l 'Asie 271 • Plus contestable lui paraît la rudesse avec laquelle la province fut remise au pas et en particulier le traitement infligé à Ilion 272• En fait, le comportement de Fimbria dénote une grande légèreté 273 : il se moque de Sylla, conteste la légalité de ses pouvoirs 274 , puis tente de l 'assassiner2 75 • Abandonné de tous, malgré de vaines tentatives d'intimidation et de corruption, il ne profite pas de la générosité de Sylla, qui l'autorise à quitter l'Asie. Il est possible qu 'Appien s'inspire ici de Rutilius Rufus, qui servit d'intermédiaire entre Sylla et Fimbria 276 • Mais il n'est pas impossible non plus que, dans ses Commentaires, Sylla ait jugé avantageux de montrer que Rutilius, antique modèle de vertu stoïcienne, avait temporairement 267. Sylla fait savoir à Fimbria qu'il se considère comme le seul représentant légitime de Rome en Asie (60, 246) et adresse au Sénat une lettre où il affecte de ne pas avoir été déclaré ennemi public (60, 249). 268. Milhr. SI, 205-206. 269. Mithr. S2, 209. Appien insiste sur la barbarie avec laquelle fut traité le malheureux Flaccus. 270. Mithr. 51, 207. 271. Mithr. S2, 210. 272. Mithr. S3, 210-211. 273. Mais c'est un « jeune homme », et l'on note des stéréotypes dans son comportement. 274. Mithr. S9, 241. 275. Mithr. S9, 244. 276. Mithr. 60, 246.
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rejoint son camp. t:n pouvoir de fait cherche volontiers une caution morale. 3) Murena
Murena 277 • l'un des principaux lieutenants de Syll~ est plutôt maltraité par Appien. C'était. nous dit-il, un ambitieux, à l'affût du moindre prétexte de guerre par ambition du triomphe 278 : il se laissa circonvenir par Archélaos, qui l'incita à engager contre Mithridate une guerre préventive 279 • Mais cela donne à penser que Murena partageait les appréhensions de ceux qui soupçonnaient Mithridate de préparer une nouvelle guerre contre Rome. D'ailleurs, le simple fait que le général romain opérait à partir de la Cappadoce, où il avait installé des garnisons280,est probablement lié au retard apporté par Mithridate à tenir les engagements pris à Dardanos 281• Dans ce contexte, une pression militaire limitée n'était peut-être pas pour déplaire à Sylla : d'où l'attitude de Calidius, énigmatique à première vue282, puis celle de Gabinius 283, en apparence contradictoire, mais compréhensible si Murena remporta des succès (comme le soutient Memnon) et non des revers (comme le voudrait Appien). Appien suit certainement un récit biaisé par une hostilité qui n'est pas son fait. Mais n'oublions pas que le fils du lieutenant de Sylla fut attaqué par Caton dans un discours auquel répondit Cicéron, peu après la mort du roi du Pont. Il ressort de cet écrit que le politicien volontiers 277. Murena gouverna l'Asie de 84 à 81 av. J. -C., avant d'être remplacé par M. Minucius Thennus : cf. A. Keaveney, Lucullus, a life ( 1992), Appendix I, p. 182-187. 278. Mithr. 64, 265. 279. Mithr. 64, 268 : 1tpoE1ttXEtpdv. 280. Mithr. 66, 276. 281. Il ressort de Mithr. 64, 267 que le roi du Pont n'avait toujours pas évacué toute la Cappadoce. 282. Mithr. 65, 272. 283. Mithr. 66, 279-280.
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hargneux qu'était le futur héros d'Utique s'employa à dénigrer les adversaires de Mithridate qui, à l'en croire, n'avaient jamais affronté que de « petites bonnes femmes » 284 • Faute de pouvoir mesurer l'impact de ce discours sur l'historiographie, on peut néanmoins supposer que l'orateur portait sur le père de son adversaire un jugement qui contrastait avec le satis/ ecit décerné par Sylla dans ses Mémoires et avec les titres de gloire qu'étale Cicéron pour défendre son client 285• 4) Lucullus
L. Licinius Lucullus et M. Aurelius Cotta exercèrent le consulat en 74 av. J. -C. ; or Appien ne paraît voir en Cotta qu'un gouverneur provincial 286, sans expérience militaire, aussi incapable de résister à l'offensive pontique que son lieutenant Nudus 287• C'est lorsque la Bithynie paraît perdue qu'est enfin signalée l'élection de Lucullus au consulat 288• Ce dernier fait ainsi figure d'homme providentiel choisi pour redresser la situation. S'il n'est pas l'auteur d'un glissement aussi avantageux que malhonnête, Appien l'a sans doute emprunté à un panégyriste de Lucullus. Pourtant, ce dernier n'est pas présenté sous un jour uniformément favorable. C'est un habile calculateur plus qu'un guerrier. Il se fixe pour objectif de vaincre sans combat 289 Mithridate campé devant Cyzique 290 et peut 284. Cicéron, Pro Murena, 31 : bellum illud omne Mithridaticum cum mulierculis esse gestum. Pour dénigrer un concurrent, Caton n'hésitait pas à reprendre le vieux topos des « Asiatiques efféminés ». 285. Cf. A. Keaveney, o. c., p. 184. 286. Il est dit (71, 299) f)youµevoç . On peut comparer à BC 1, 77, où Sylla est lui-même qualifié de KtÀudaç fiyouµEvoç. 287. Mithr. 71, 299-300. 288. Mithr. 12, 305. 289. C'est aussi ce que le Romain L. Magius promet à Mithridate pour l'appâter : cf. 72, 309. 290. Mithr. 12, 306.
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ensuite se féliciter à juste titre de l'heureux succès de son plan 291. Mais il ne le doit qu'à la traîtrise du sertorien L. Magius, dont les néfastes conseils conduisent Mithridate à évacuer une position vitale pour le maintien de ses communications. D'autres trahisons - celles de Dioclès292 et de Phœnix 293- serviront ensuite Lucullus, comme d'ailleurs sa bonne fortune, qui lui fait rencontrer à point nommé un chasseur assez habitué aux sentiers du Paryadrès pour le mener sans encombre jusque sur les arrières de l'ennemi 294. La fameuse bataille livrée au roi d'Arménie Tigrane 295se réduit sous la plume d 'Appien à un jeu de quilles et le lecteur doit s'avouer qu'elle fut gagnée non par les Romains, mais par les chameaux, mulets et ânes de l'armée adverse ! Tigranocerte ne fut d'ailleurs pas prise d'assaut par Lucullus, mais livrée par des mercenaires grecs révoltés par la maladresse d'un gouverneur arménien 296. Lucullus paraît moins heureux sur les champs de bataille. Appien le montre en difficulté face à la cavalerie pontique, qui lui inflige de sérieux revers devant Cabeira, à tel point qu'il piétine de longs mois, tenu en respect par un adversaire déterminé 297. Si ses lieutenants tirent parfois avantage de l'impéritie des généraux adverses 298, ils subissent eux-mêmes de lourdes pertes quand ils affrontent Mithridate. Les lacunes dont souffre le texte et les silences d 'Appien 299laissent certes des zones d'ombre. Il 291. Mithr. 12, 312. 292. Mithr. 78, 342-343. 293. Mithr. 19, 349-350. 294. Mithr. 80, 356. 295. Mithr. 85, 385-388. 296. Mithr. 86, 389-392. 297. Mithr. 19, 351 ; 80, 355-357. 298. Mithr. 81, 361. 299. On ignore par exemple à quoi est occupé Lucullus pendant que Sextilius assiège Tigranocerte et que Tigrane rassemble une armée (84, 381-382). Comme d'autre part Appien prétend que Lucullus, après sa victoire, se lança à la poursuite du roi d'Arménie (88, 398), le siège
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semble néanmoins que notre historien n'était pas animé du parti-pris favorable qui fausse parfois, comme on sait, le jugement de Plutarque. L'horreur de la guerre apparaît donc sans fard. Lucullus extermine sans pitié les troupes exténuées tentant de fuir Cyzique. Varius est exécuté sans merci au motif qu'il ne peut orner décemment le triomphe du vainqueur. La prise d' Apamée s'accompagne d'une boucherie des habitants : les sanctuaires eux-mêmes ne sont pas respectés par Triarius 300 • Quand Mithridate évacue son camp devant Cabeira, Lucullus ordonne un massacre général, et les rares fugitifs doivent leur salut à la cupidité des soldats romains 301 • La victoire remportée devant Tigranocerte est elle-même suivie du massacre des fuyards rencontrés loin du champ de bataille 302 • Le royaume du Pont subit de tels ravages que, lorsqu'il y retourne après le rappel de Lucullus, Mithridate n'y trouve pas de quoi nourrir ses troupes 303 • Il est clair que, malgré son intelligence et son philhellénisme 304 , Lucullus n'a apporté avec lui que la mort et la désolation. On voit aussi que la rafle du butin 305 et le pillage 306 constituent désormais le seul de Nisibe disparaît et du même coup la méfiance croissante de l'année à l'égard de son chef. 300. Mithr. 77, 333. Quand les Grecs, sur l'ordre de Mithridate, massacrent les Romains réfugiés dans les sanctuaires, l'indignation est de mise. Mais le fait brut est simplement consigné dans le cali des Romains. 301. Mithr., 83, 360. 302. Mithr. 85, 388. 303. Mithr. 91,450. 304. Il allège certes le fardeau financier des cités d'Asie (83, 376) et peut-être avait-il déjà tenté de le faire à l'époque où il faisait rentrer l'argent en tant que questeur de Sylla, comme en témoigneraient les honneurs qui lui furent décernés : Appien n'évoque toutefois que les souffrances de la province, sans même mentionner Lucullus. Celui-ci traite également Amisos avec ménagement, par égard pour Athènes, sa fondatrice, et pour Alexandre, son législateur. Encore faut-il remarquer s'adresse à un champ de ruines (83, que sa compassion (cruµ1ta811ç) 373-374). 305. Mithr. 78, 343-344.
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moteur d'une année de métier servant des chefs dont l'individualisme obscurcit parfois le jugement 307• C'est donc un personnage complexe que Lucullus. Il se montre habile et traverse la Sophène sans vexations inutiles afin de maintenir ses habitants dans la neutralité308.Il est religieux, comme son maître Sylla, et rend sa liberté à Sinope à la suite d'un rêve 309. Mais il se montre aussi un brin prétentieux, méprise facilement l' adversaire 310et se figure avoir terminé la guerre quand Mithridate cherche refuge en Arménie. Il célèbre alors des épinicies à Ephèse 311, tant il est persuadé que Tigrane lui livrera le fugitif. Déçu dans cet espoir, il s'engage de son propre mouvement dans une guerre contre Tigrane, qui affaiblit la présence romaine dans le Pont, où Mithridate réussit à reprendre pied. On annonce certes à plusieurs reprises l'arrivée du général romain 312. Mais quand enfin il vient établir son camp près de Mithridate, c'est pour apprendre que l'on a mis fin à son commandement. Appien constate sobrement 313que la guerre se termina ainsi « sans que l'on fût parvenu à un résultat solide et définitif ». Il remarque cependant plus loin que les prédécesseurs de Pompée « avaient achevé » la guerre contre Mithridate 314. Ces deux jugements ne sont pas contradictoires. S'agissant de Lucullus, on pouvait soute306. Pillage du camp de Mihridate (83, 367) ; pillage du palais de Tigrane (85, 381) et de la ville de Tigranocerte (86, 392) ; récolte des bijoux des Arméniens morts au combat (85, 388). 307. Cf. Mithr. 89, 402 : par ambition, Triarius livre combat sans attendre l'arrivée de Lucullus. 308. Mithr. 84, 377. 309. Mithr. 83, 371. 31O. Appien (77, 336) souligne son mépris pour les forces navales de Mithridate. 311. Mithr. 83, 376. 312. Mithr. 88,398; 89,402; 90,409. 313. Mithr. 91,413. 314. Mithr. 97, 448.
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nir qu'il avait porté au roi du Pont des coups sévères sans toutefois l'abattre. S'agissant de Pompée, on pouvait en revanche affirmer que ses prédécesseurs lui avaient mâché la besogne. On voit ainsi qu 'Appien eut sans doute le légitime souci de ramener à de plus justes proportions, sans toujours y parvenir, les succès de ces généraux, grandis par leurs panégyristes. 5) Pompée
Appien n'est pas hostile à Pompée et rappelle que sa réputation de loyauté et de justice s'était répandue en Orient 315• Celle-ci ne se démentit d'ailleurs pas dans les faits, puisque le vainqueur traita Tigrane avec honneur316 et lui pardonna ses erreurs 317, ne punissant son fils Tigrane le Jeune qu'après avoir constaté sa déloyauté. Pompée accorda également des funérailles royales à Mithridate dans la nécropole de ses pères. C'était enfin un général respectueux de la légalité, qui ne consentit point à entrer en guerre contre les Parthes sans l'autorisation du peuple romain 318• C'est à peine si Appien relève, en passant, que Pompée enleva le royaume de Syrie à son légitime héritier, auquel il ne pouvait pourtant rien reprocher319. · En revanche, Appien ne s'est pas laissé éblouir par les prouesses guerrières qu'une tradition trop généreuse prêtait au Grand Pompée 320 • Mithridate avait été mis à genoux par ses prédécesseurs, et il ne lui restait plus qu'à Mithr. 104, 488. Mithr. 104, 489. Mithr. 105,491. Mithr. 106, 500. Mithr. 106,499. On rapprochera le jugement très réservé porté par Fronton van den Hout) : ut mihi il/e [se. Pompeius] videatur non ita suis vinutibus ut Ciceronis laudibus Magnus cognominatus. Les rhéteurs de l'époque des Antonins, rompus à la pratique du panégyrique, ne se laissaient pas abuser par les flagorneries de leurs aînés. 315. 316. 317. 318. 319. 320. (p. 210
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l'achever, tâche aisée321 , puisqu'il disposait de la supériorité numérique, n'ayant en face de lui qu'une petite armée322 , minée par la désertion. Mithridate, aux abois, demanda même à deux reprises la paix323 • On était loin de l'arrogance dont faisaient preuve ses émissaires avant la première confrontation avec Rome ! La guerre elle-même se réduit à peu de choses : un combat de cavalerie, incertain324 ; un blocus325 , enfin la poursuite d'un adversaire affaibli dont les troupes s'autodétruisent par indiscipline326 • Aucune trace chez Appien de la fameuse bataille nocturne claironnée par les autres sources. S'estimant définitivement vainqueur, Pompée ne prit même pas la peine de pourchasser Mithridate dans sa retraite du Bosphore327 • Les campagnes conduites par Pompée dans le Caucase et en Syrie sont traitées rapidement328 , car elles ne touchent qu'indirectement Mithridate. Les premières conduisent le général romain sur les traces d'Héraclès et de Jason dans le pays des fables329 , les faits véritablement historiques se trouvant regroupés en une seule campagne, ce qui rend difficile leur interprétation stratégique. Pour les conquêtes « au delà du Tauros » 330 , Appien note certes quatre guerres (contre Antiochos de Commagène, Darios le Mède, les Nabatéens et une fraction des Juifs), mais reconnaît aussi que Pompée s'empara de ce qui restait du royaume séleucide « sans avoir à livrer corn321. Tè>À.ot1tè>v fpyov cüKoÀ.ov~v np noµ1tcicp. 322. Mithr. 97, 449. 323. Mithr. 98, 452 ; 324. Mithr. 98, 453-454. Une lacune rend inintelligible le stratagème mis en œuvre par Pompée pour surprendre l'adversaire. 325. Mithr. 99, 455. 326. Mithr. 100, 459-462. 327. Mithr. 103,477. 328. On notera qu'aucun des légats de Pompée n'est mentionné. 329. C'est ainsi que Pompée rencontre les Amazones, comme autrefois Alexandre le Grand (103, 483). 330. Mithr. 106, 497 sq.
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bat » 331 • Rome dominait désormais tout le bassin méditerranéen et seule l'Egypte échappait encore à la servitude.
IV - L'interprétation historique Pour un sophiste ou un rhéteur, la vérité n'est pas une 332 • Cette évidence surprend parfois le lecteur moderne. Mais il est clair qu 'Appien s'est employé à éclairer les multiples facettes d'une réalité changeant au gré de l'orateur qui l'interprète. Ce serait donc, me semble-t-il, un contresens que de cataloguer les incohérences du Livre Mithridatique pour n'y reconnaître qu'une synthèse bâclée. Le grand mérite d' Appien, c'est au contraire d'avoir tenté, presque trois siècles après les événements, de comprendre, avec objectivité et même sympathie, quels avaient été le caractère et les objectifs des principaux protagonistes. a) Le discours des vainqueurs A deux reprises, Sylla exprime sans ambages son opinion sur Mithridate, et il est fort probable qu 'Appien a trouvé dans les Commentaires du dictateur la substance des propos qu'il lui fait tenir. Au cours de sa conférence avec Archélaos, Sylla, se refusant à considérer Mithridate comme une victime, lui reproche de porter atteinte aux intérêts d'autrui 333 • Il stigmatise une perfidie (d1tu:rtia) dont ses propres amis n'eurent pas moins à souffrir que les Romains. Il ne croit 331. Mithr. 106, 499. 332. Rappelons que le rhéteur Potamon de Mitylène acquit une célébrité douteuse en composant un Eloge de Brutus et un Eloge de César. Mais déjà Callisthène d'Olynthe avait choqué les amis d'Alexandre en improvisant un enkômion des Macédoniens suivi d'un psogos. Appien est évidemment rompu à ce genre d'exercice et c'était sans doute dans cet esprit qu'il lisait ses sources. 333. Mithr. 54, 218.
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pas à la sincérité d'un roi oriental qui joue la comédie de l'amitié mais apporte la preuve de la haine (ëx0pa, µicroç) dont il poursuit les Romains 334 • L 'lmperator accepte cependant de traiter, si la démarche engagée par Mithridate est sincère 335 • Dans le cas contraire, il engage Archélaos, un adversaire dont il respecte le courage, à abandonner son maître 336 • C'est donc une paix conditionnelle qui est offerte au roi du Pont : il obtiendra son pardon s'il change réellement d'attitude. Cela implique un retour au statu quo337, et Sylla, qui voulait sans doute donner de lui-même l'image d'un homme net 338 , expose clairement ce que doit faire Mithridate s'il veut que Rome passe l'éponge sur ses crimes passés. Les propos tenus par Sylla à Mithridate, qui n'eurent guère de témoins, résultent probablement eux aussi d'une adaptation des Commentaires. C'est une réponse vigoureuse et même coléreuse 339 - tout à fait dans le caractère du personnage - aux ultimes marchandages du vaincu. Sylla répond point par point aux querelles de Mithridate, démontre que Nicomède se défendait en attaquant et que le roi du Pont portait l'entière responsabilité de la guerre pour avoir chassé Ariobarzanès de Cappadoce 340 • Qui plus est, Sylla affirme discerner en Mithridate l'étoffe d'un Weltherrscher potentiel 341 , d'un émule des « rois d'Asie » qui a osé braver l'interdiction qui leur avait été signifiée de prendre pied en Europe 342 • Accusé de prémé334. Mithr. 54, 219. 335. Mithr. 55, 220. 336. Mithr. 55, 220. On ne peut pas dire que Sylla pousse Archélaos à trahir. Il l'incite seulement à ne pas se faire le complice des comédies de Mithridate. 337. Mithr. 55, 223. 338. Il est exaspéré par les tergiversations de Mithridate, qui tarde à donner une réponse : cf. 56, 226. 339. Sylla s'exprime µEt' ôpyftç (58, 238). 340. Mithr. 51, 230-233. 341. Mithr. 58, 235. 342. Mithr. 58, 237.
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ditation, Mithridate est soupçonné d'avoir profité des embarras de Rome en Italie343 • Enfin, le conservatisme de Sylla s'offusque des mesures sociales intolérables décidées par le roi du Pont dans la province d' Asie344 • Ce dernier se voit reprocher sa cruauté, son impiété, sa haine exacerbée des Romains345 , tandis que Sylla se déclare attaché à la liberté des Grecs, qu'il a soulagés de la violence qu'exerçait sur eux Mithridate346• Bref, c'est le discours d'un champion du philhellénisme rudoyant un tyran barbare347 • L'opinion de ses successeurs n'est pas exposée avec la même clarté, ce qui tient probablement au changement de source. b) Le discours des vaincus La position de Mithridate est clairement énoncée, à cela près que les propos de son ambassadeur Pélopidas 343. Mithr. 58, 235. 344. Ibid. 345. Mithr. 58, 237. 346. Mithr. 58, 237-238. Les Romains possédaient la Macédoine, ce qui impliquait l'envoi chaque année d'un magistrat ou d'un promagistrat pour l'administrer ; mais les Grecs étaient libres et Sylla entendait laisser cette liberté à tous ceux qui n'avaient pas trahi Rome. 347. En soulignant avec force qu'il a libéré la Grèce de la violence qu'exerçait Mithridate (58, 238), accusé de l'avoir asservie (58, 237), Sylla ne faisait que paraphraser l'épigramme fameuse composée par Alcée de Messène à la gloire de Flamininus (Anth. Plan., 5 : "Ayaye Kai Etp~11ç Iltpcrav crtpatov EïJdtôoç èç yàv / 1 vt1eàv li1tÀT]crtov tftç eù1tpaçiaç dvat 1eai µT]ôÉva ôpov tftç 1tÀ.eoveçiaç 1tO\EÎcr0at, Kai tOUtOUÇ(les Romains), litE Kai èv Kpet,1eai t6 te 1tÀeove1eteiv ôeivè>v 1eai tè> tci>vdÀÀotpirov èq>iecr6at lioi1eov dvat t6te fÀeyev ôt' oô1eét' aôtoic; xpiicr6at èfü>Vato. Ce Pompée, philosophe de l'impérialisme, est un brin surprenant. Le grand homme n'aurait-il pas demandé à Poseidonios ou à quelque autre tête pensante de lui rédiger ce programme ? 371. Le contraste entre la Préface et certains livres a été brièvement signalé par I. Hahn, Klassengebundenheit, Tendanz und Anspruch auf Objectivitat in der antiken Geschichtsschreibung üe cite cette étude, publiée en 1979, d'après la réédition de J. M. Alonso-Nuiiez, Geschichtsbi/d und Geschichtsdenken im Altertum, Darmstadt, 1991, p. 401].
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du héros du dernier livre de la série des Guerres étrangères. Appien n'est certes pas un détracteur de Rome. Son objectivité le conduit toutefois à reconnaître les mobiles infâmes ou sordides, voire même les crimes de cette puissance conquérante. Dans la perspective agonistique qui, au départ, était probablement la sienne, les Romains auraient dû vaincre parce qu'ils étaient les meilleurs 372 • En fait, s'ils l'emportèrent malgré leurs discordes et leur corruption, ce fut parfois grâce à l' amoralité de leur conduite.
V- Les origines de la guerre mithridatique et la chronologie La chronologie de cette période demeure incertaine sur plusieurs points essentiels, qui conditionnent tout le reste, comme la date de la préture de Sylla ou celle de la mort de Sertorius et de Nicomède IV. C'est donc avec précaution que je tenterai d'interpréter les données foumies par Appien qui, sans s'intéresser vraiment à ces questions 373 , reproduit néanmoins quelques-unes des indications fournies par ses sources. Appien évalue à 42 ans le temps qui fut nécessaire aux Romains pour abattre Mithridate 374 et à 40 ans la durée de la guerre qu'ils menèrent contre lui375 • D'après Orose 376 , suivi par Eutrope 377 , ces quarante années se 372. Il fait dire par exemple à un sénateur ami de Scipion l' Africain (Lib., 57, 250) « qu'aucun athlète ne frappe plus l'adversaire à terre ». 373. A. N. Sherwin-White, Roman Policy, p. 4, le juge « sadly deficient in precise chronology ». 374. Mithr. 118, 579. 375. Mithr. 118, 583. Dans le Livre Syriaque, 47, 425, Appien donne le même nombre d'années. 376. Hist. adv. paganos, 6,' 1, 28-30. Il revient en 6, 6, 1 sur le syn.chronisme entre la nouvelle de la mort de Mithridate et le consulat de Cicéron. 377. s,4-5,
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retrouvaient chez de très nombreux auteurs, alors que luimême comptait trente années entre le début de la guerre, qu'il faisait coïncider avec celui du civile bellum, et sa fin sous le consulat de C. Antonius et de Cicéron 378. Il parat"t clair que tous ces calculs partaient de la mort de Mithridate (63 av. J. -C.) et remontaient tantôt jusqu'en 93, tantôt jusqu'en 103 ou même 105. Appien paraît d'ailleurs connaître lui aussi la période trentenaire. En Mithr., 18, 64, il voudrait placer la bataille de l 'Amnias vers la 170Colympiade (dµcpi. tàç élcatov Kai. éôôoµTlKOVta ÔÀ.t>µ1ttaôaç)- autrement dit entre juillet 100 et juillet 96 av. J.-C. ; cette date est beaucoup trop haute et il se trouva de hardis philologues379pour la corriger, ce dont E. Badian 380fut le premier historien à prendre conscience. Mais, comme les Romains n'avaient point pris part à cette bataille, contrairement à ce qu' Appien laisse entendre 381, sa source renvoyait plutôt au début de l'épreuve de forces entre Mithridate et Rome. J'estime donc qu'il n'y a pas lieu de corriger la date fournie par nos manuscrits. Il se trouve en effet que la 170Colympiade correspond à l'une des dates possibles pour l'intervention de Sylla en Cappadoce, que l'on pourrait ainsi dater du printemps 96 382. La source 378. Cf. Kallet-Marx,Hegemony ... , p. 360-361. 379. Musgrave et Reiske, dont Schweighauser épousa l'opinion. 380. E. Badian, Rome, Athens and Mithridates, dans : Assimilation et résistance à la culture gréco-romaine dans le monde ancien, Travaux du VI~ congrès international d'Etudes Classiques [= AJAH, l (1976), p. 109 sq.], p. 508, n. 21 [cité désormais : Rom, Athens and Mithridates]. Voir aussi L. Ballestros Pastor, o. c., p. 109. A. N. Sherwin-White, The opening of the Mithridatic war, Mélanges E. Manni, 6 ( 1980), p. 1987, conserve cette correction, tout comme K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 82, n. 155. •pcoµaioi 381. Mithr. 18, 64 : ôtE 1tpûrtov flEaav tç dÂ.Â.tV,.ouç
tE 1eaiM18p1ôétt11ç. 382. Il n'est pas de question plus controversée que la date de la propréture de Sylla. Rappelons seulement que Reinach avait proposé 92 av. J. -C. - date dont A. N. Sherwin-White, Roman Policy, p. 110111, demeure partisan-, mais que E. Badian avança de bonnes rai-
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d' Appien renvoyait, semble-t-il, à ce que certains considéraient comme l'origine de la guerre : l'intervention militaire - antérieure dans ces conditions à l'avènement de Tigrane - par laquelle Sylla avait établi Ariobarzanès sur le trône de Cappadoce 383 • Il n'est pas impossible que cette présentation des faits remonte à Sylla lui-même qui, dans le discours que lui prête Appien 384 , s'attribue le mérite d'une opération dont Mithridate faisait l'un de ses griefs contre Rome 385 • sons (Sulla's Cilician command, Athenœum, 37 (1959), p. 279 sq. = Studies in Greek and Roman History, p. 157 sq.) pour remonter jusqu'en 96. Si ce savant fut suivi, avec des nuances ou des réserves, par certains [par exemple T. Corcy Brennan, Sulla's career in the nineties : some reconsiderations, Chiron, 22 (1992), p. 102 sq. ; KalletMarx, Hegemony, Appendix H, p. 355 sq. ; A. Keaveney, Deux dates contestées de la carrière de Sylla, Les Etudes Classiques, 48 (1980), p. 149 sq. ; voir, du même, AJP, 102 (1981), p. 195 et n. l ; P. F. Cagniart, L. Cornelius Sulla in the nineties, Latomus, 50 (1991), p. 286-287 ; L. Ballestros Pastor, o. c., p. 72-74], d'autres optèrent, sans raison déterminante, pour 94 : ce fut le cas en particulier de O. V. Sumner, de B. C. Mc Oing et encore de F. de Callatay, o. c., p. 274 ou de K. Strobel, o. c., p. 75 et n. 106. Il revient à P. Arnaud, Sylla, Tigrane et les Parthes : un nouveau document pour la datation de la propréture de Sylla : Sidoine Apollinaire, Paneg. Aviti, 5, 79-82, REA, 93 (1991), p. 55-64, d'avoir attiré l'attention sur un passage de ce poète tardif, mais érudit, qui paraît attribuer à Sylla une victoire sur Tigrane : les Arméniens que Sylla dut vaincre (selon Plutarque, Sylla, 5, 3) pour installer Ariobananès seraient ainsi des sujets du roi d'Arménie, monté sur le trône en 95 av. J.-C. ; la propréture de Sylla serait postérieure à son avènement, et il faudrait revenir à la chronologie de Reinach. A. Keaveney, Sulla's Cilician command : the evidence of Apollinaris Sidonius, Historia, 44 (1995), p. 29-36, propose toutefois une autre interprétation de Sidoine et doute que le poète se réfère à la propréture cilicienne de Sylla. J. -L. Ferrary reviendra prochainement sur la question dans Chiron. 383. Kallet-Marx, Hegemony, p. 355-357, renvoie à Justin, 38, 2, 8 et 38, 3, 3-4 : Ariobarzanès fut désigné par le Sénat comme roi légitime ; puis, après son expulsion par Tigrane, les Romains décident son rétablissement. Mais il n'est pas question de Sylla chez Justin et il n'est pas certain qu'il évoque les mêmes événements qu'Appien. 384. Mithr., 57, 231. 385. Mithr., 56, 228.
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Je vois une autre raison de conserver le texte de nos manuscrits. Justin (38, 8, 1) compte 23 ans entre le début du règne d'Eupator et son entrée dans la province d'Asie, qui tombe en 89 av. J. -C. : sic ... post annos tres et XX sumpti regni in Romana bel/a descendit. Mithridate étant monté sur le trône en 120, l'addition de 23 années nous conduit précisément en 96, pour peu que l'on prenne en compte l'année en cours. Certes, on peut procéder autrement et, comme F. de Callatay 386 , compter ces 23 années à partir de 89 av. J. -C : mais cela ne mène à rien, à moins de supposer que l'on aurait placé en 113/2 le début du règne personnel d'Eupator. Autant qu'il me semble, les chronographes et historiens anciens n'entraient pas dans de telles subtilités, le problème se limitant pour eux à articuler correctement, en fonction des divers calendriers, la dernière année régnale d'un souverain et la première de son successeur. C'est pourquoi je suis persuadé que Trogue-Pompée et Appien avaient sous les yeux une chronique - peut-être celle de Castor de Rhodes - plaçant en ol. 170, 4 la première épreuve de force (1teipa) entre Mithridate et les Romains. Le premier de ces auteurs a cru qu'il s'agissait de l'invasion de la province d'Asie, le second de la bataille de l 'Amnias. Aucun des deux n'a songé à l'intronisation manu militari d' Ariobarzanès, pour la simple raison peut-être qu'ils ne la racontaient pas 387 • Voilà donc un cas où le respect des données numériques fournies par la tradition manuscrite doit être la règle d'or du philologue et de l'historien. Mais qui dit 1teipa dit affrontement armé, ce qui nous incite à accorder quelque crédit aux textes opposant Sylla à des forces pontiques. 386. F. de Callatay, o. c., p. 242. 387. F. de Callatay, o. c., p. 273-274, remarque avec pertinence que le monnayage pontique est nettement plus abondant en 96/95 av. J. C., ce dont il ne peut rendre compte, puisqu'il place l'expédition cappadocienne de Sylla en 94. J'y vois pour ma part une raison de plus en faveur de la chronologie proposée par Badian.
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Plutarque388 , qui passe pour s'inspirer des Commentaires de Sylla, affirme que celui-ci fut envoyé en Cappadoce sous le prétexte de restaurer Ariobarzanès, mais en réalité pour contenir (èmcrxeiv) Mithridate dont les ambitions territoriales inquiétaient le SénaL Or ces mobiles secrets sont précisément évoqués par Appien (10, 31 ), qui me paraît puiser ici à la même source que Plutarque, sans toutefois entrer dans le détail ni même mentionner Sylla ou Gordios. La partie fut difficile à jouer pour le Romain, qui ne disposait que de troupes alliées. Selon Plutarque (/oc. cit.), il dut livrer bataille à des « Cappadociens » qui n'étaient pas forcément des partisans de Gordios : souvent en effet nos sources grecques et latines entendent par là les Cappadociens pontiques, sujets de Mithridate 389 • Et c'est bien ainsi qu'il faut interpréter Plutarque, à moins d'écarter arbitrairement le témoignage de Frontin 390 , qui fait état du stratagème qui permit à Sylla d'échapper, en Cappadoce, au troupes - supérieures en nombre - d' Archélaos, le principal général de Mithridate. Toujours selon Plutarque, Sylla affronta ensuite des Arméniens venus à la rescousse (1tpocrôo110oûvtaç). Rien n'oblige à reconnaître en ceux-ci des sujets de Tigrane, monté sur le trône en 95 av. J. -C.391 • Rappelons en effet qu' Appien (17, 63) qualifie de cruµµaxuca les contingents amenés de Petite 388. Plutarque, Sylla, 5, 4. 389. Ce qui échappe à K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 74, n. 105, qui ne craint pas d'écrire : » Ein Teilnahme von pontischen Truppen ist nicht belegt ». 390. Frontin, Strat., 1, 5, 18 : Idem [Sylla] adversus Archelaum prœfectum Mithridatis in Cappadocia, iniquitate /ocorum et multitudine hostium pressus, fecit pacis mentionem interpositoque tempore etiam indutiarum et per hœc avocata intentione adversarium evasit. Voir T. Corey-Brennan, Chiron, 22 (1992), p. 148, n. 128 ; L. Ballestros Pastor, o. c., p. 76. La source de Frontin est inconnue, et rien ne permet d'affirmer qu'il suit Tite-Live. 391. C'est, semble-t-il, le seul argument solide de ceux qui veulent placer la mission de Sylla en 94 av. J. -C.
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Arménie par Arcathias. On ne peut donc exclure que Mithridate ait fait appel, dès 96 av. J. -C., à des éléments originaires de ce royaume vassal 392 • Si l'on admet que le propréteur romain affronta successivement, à partir du printemps ou de l'été de 96, les troupes pontiques d' Archélaos et le secours venu de Petite Arménie 393 , on conçoit que certains chronographes aient placé en ol. 170, 4 le début de l'affrontement entre Mithridate et Rome. D'autres remontaient encore plus haut. Memnon d 'Héraclée (22, 1) reconnaissait en effet dans l'assassinat d' Ariarathe VII, qui avait permis à Mithridate de faire main basse sur la Cappadoce, la cause apparente (cpatvoµtvri al·tia) de la guerre. Appien affrrme pour sa part 394 que Mithridate vécut 68 ou 69 ans 395 et régna 57 ans. Cela revient à dire qu'il le faisait naître en 132 ou 131 avant J. -C. et plaçait son avènement vers 120, alors qu'il 392. C'est encore de ce royaume vassal que doivent provenir les Arméniens mentionnés dans un décret d'Olbia, de 71/0 av. J. -C., en l'honneur de Philocratès d'Amisos (losPE 12, 35) : cf. D. B. Shelov, Le royaume pontique de Mithridate Eupator, Journ. des Sav., (1982), p. 247. Ce savant estime d'ailleurs que la Petite Arménie fut la première acquisition territoriale de Mithridate. Déjà, vers 110, un toxarchos arménien servait sous les ordres de Diophante en Crimée, et l'on peut penser que ses hommes venaient de la même région : cf. S. J. Saprykin,Herakleia pontica and Tauric Chersonesos be/ore Roman domination (1997), p. 268-269. Ces Arméniens au service de Mihridate, dont l'épigraphie commence à nous apprendre l'existence, n'ont rien à voir avec Tigrane et incitent à renouveler la problématique de l'expédition cappadocienne de Sylla. 393. Une trop grande précision serait illusoire, puisque la prorogation de Sylla dans son commandement demeure hypothétique. L'année 96 ne fournit qu'un point d'ancrage. 394. Mithr. 112, 541. 395. Selon Justin (37, 2, 2), une comète apparut l'année où naquit Mithridate et réapparut lors de son avènement : elle brilla, dit-on, soixante-dix jours, et ce chiffre annonçait probablement la durée de l'existence du roi. Des sources chinoises dateraient de 134 av. J. -C. la première manifestation de ce phénomène céleste : cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 43, n. 1 avec bibl..
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n'était qu'un enfant orphelin (ôptï..iav 6taq>uï..a[aaovtoç 1eai µ116t)v tvavtiov aôtoiç 1tpaa[aovtoç--clause qui rend vraisemblable la démarche des rois scythes. De son côté, Strabon (7, 4, 3) estime que les opérations engagées par Mithridate à partir de Chersonèsos visaient les Romains : taùta 6 • ~v t1ti 'Proµaiouç 1tapacnctuft. Mais, dans ce raccourci, il faut probablement distinguer l'expansion en direction du Borysthène (qui pouvait menacer la Thrace romaine) de projets plus tardifs en direction de l'Adriatique. Tout ce développement ne dérive pas de Poseidonios, comme le laisse croire Jacoby, Fr. Gr. Hist., 87, fr. 32. 404. Livre Syriaque, 41, 244-245. 405. Cf. supra, p. XID sq. 406. Ariarathe V mourut vers 130 av. J. -C. : cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 73. Les monnaies donnent le nom de Nysa à sa veuve, tutrice d' Ariarathe VI : cf. B. Simonetta, The coins of the Cappadocian kings (1977), p. 29. 407. Cf. R. D. Sullivan, The dynasty of Cappadocia, ANRW, 2, 7, 2 (1980), p. 1127 sq.
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patrimoine héréditaire 408 et imposé au jeune roi Ariarathe VI une sorte de protectorat en lui donnant la main de sa fille Laodice 409 • La suite des événements ne nous est connue qu'à travers le résumé malveillant, imprécis 410 et peu fiable de Justin411 • Quand il fut assassiné par Gordios, un noble cappadocien, Ariarathe VI laissait deux fils mineurs que, selon Justin, Mithridate souhaitait éliminer. On peut douter de cette version des faits. On conçoit en revanche qu'il n'ait pas supporté de voir Nicomède m tenter de s'emparer de la Cappadoce d'abord par la force des armes, ensuite par un avantageux mariage avec Lao408. Appien (Mithr. 12) fait dire à un ambasadeur de Mithridate VI que la Cappadoce « avait toujours appartenu à ses ancêtres et qu'elle avait été récupérée par son père ». La difficulté est plus apparente que réelle, si l'on admet que les rois du Pont se référaient aux Achéménides, dont ils prétendaient descendre. 409. Cf. Justin, 38, 1, 1 ; Memnon, 21, 1. Voir D. Olew, Athenœum, 55 (1977), p. 388 sq. ; Mc Ging, Foreign Policy, p. 37 sq. ; K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 62. 410. Sa chronologie est inacceptable, car infirmée par la durée probable des monnayages royaux (cf. Mc Oing, Foreign Policy, p. 78). La succession de ceux-ci est toutefois loin d'être claire, comme il est naturel dans une période aussi troublée : la controverse entre savants est clairement résumée par T. Corey Brennan, Chiron, 22 (1992), p. 118131 ; F. de Callatay, o. c., p. 277, confesse que l'abus de l'hypothèse a discrédité la numismatique. La date du meurtre d 'Ariarathe VI est incertaine : vers 105 av. J. -C. selon E. Olshausen, Mithridates VI und Rom, ANRW, 1, 1 (1972), p. 811 ; mais, selon Mc Oing, o. c., p. 172175, il aurait régné de 130 à 116 av. J.-C. ; Laodice aurait alors exercé la régence, peut-être jusqu'en 103/2, au nom d' Ariarathe VII, éliminé après 102/101, une dédicace délienne [/D 1576, l. 2 = Durrbach, Choix ..., 136g] prouvant qu'il régnait encore cette année-là. Voir, dans le même sens, K. Strobel, o. c., p. 66 et F. de Callatay, o. c., p. 189. 411. Justin, 38, 1, 1 sq. ; quand cet auteur écrit qu'Ariarathe VI fut assassiné par Gordios, il avance un fait qu'il n'y a pas lieu de mettre en doute. Mais devons-nous admettre que ce personnage agissait pour le compte de Mithridate ? Peut-être ne s'agit-il que d'une déduction tirée du fait qu'il avait trouvé refuge à la cour du Pont, et servit ensuite Mithridate. K. Strobel, o. c., p. 66, en doute avec raison, Mithridate étant plus préoccupé à cette époque par le Pont Euxin que par le plateau anatolien. Nous ignorons la source de Trogue-Pompée pour tout cet épisode, et il serait vain d'invoquer le nom de Timagène.
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dice412 • D'où une intervention de l'année pontique pour soutenir Laodice413 , puis pour placer sur le trône le fils aîné de celle-ci (Ariarathe VIl)414 • Mais Mithridate provoqua-t-il de propos délibéré ce neveu (c'est la version de Justin ... ) ou commit-il une maladresse en voulant imposer le rappel de Gordios415 ? Toujours est-il que, pour éviter un conflit anné, une entrevue fut organisée entre les deux rois, au cours de laquelle Mithridate aurait assassiné son protégé. Après quoi il aurait placé sur le trône, avant 100 av. J. -C., sous le nom d' Ariarathe 416 , son propre fils, âgé de huit ans, sous la tutelle de Gordios417 • Cela n'a guère de sens, sauf si l'on admet qu'il fit passer l'enfant pour un fils d' Ariarathe VI418 • 412. D. G. Glew, The Cappadocian expedition of Nicomedes ID Euergetes, King of Bithynia, ANSMN, 32 ( 1987), p. 23-43, place cette expédition entre 107 et 101 av. J. -C. ; mais la reconstruction des événements paraît très hypothétique. Le mariage est antérieur à 102/1 : cf. OGIS 345 et F. de Callatay, o. c., p. 268. K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 69, place en 103 l'entrée de Nicomède en Cappadoce. Il faudrait admettre que Laodice et ses fils régnèrent en paix entre 116 et 103, ce qui ôte beaucoup de leur crédibilité aux mauvais desseins prêtés par Justin à Mithridate. 413. On admettra volontiers, avec K. Strobel, o. c., p. 70, que Nicomède et Mithridate intervinrent en Cappadoce à la faveur d'un conflit opposant Laodice à son fils aîné. 414. Je ne sais chez quel auteur K. Strobel (o. c., p. 69) a lu que « Ariarathes VII. war zu seinem Unkei geflohen ». Ce n'est pas un fait historique, seulement une hypothèse plausible, qui légitimerait l'intervention de Mithridate : on conçoit que la source de Trogue Pompée n'en fasse pas état. 415. K. Strobel, /oc. cit., estime que Mithridate comptait sur Gordios pour surveiller son neveu. 416. Rappelons que la numérotation des rois de Cappadoce a été introduite par les Modernes : les Anciens ne distinguaient ces souverains homonymes que par leurs épiclèses. 417. Cf. F. de Callatay, o. c., p. 270. Les monnaies prouvent qu'il ne régna pas plus de quinze ans. Comme la paix de Dardanos l'obligeait à renoncer à la Cappadoce, il est clair que sa dernière année de règne correspond à 86/5 av. J. -C., ce qui le fait monter sur le trône en 100/99.
418. Justin (38, 2, 5) prétend que Mithridate voulait faire passer cet
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Toujours selon Justin, Gordios et son pupille furent bientôt chassés419 par les Cappadociens, qui rappelèrent de la province d'Asie un autre fils d' Ariarathe VI. Cet éphémère souverain (Ariarathe VID)420 mourut peu après. Nicomède et Mithridate prétendirent alors, semble-t-il, qu' Ariarathe VI avait eu trois fùs ; Làodice et Gordios plaidèrent devant le Sénat en faveur l'une d'un enfant enfant pour le fils d' Ariarathe V [Mac Ging. o. c .• p. 83. n. 63, donne à genitum le sens de « descendant de » - mais c'est se dérober devant la difficulté], qui bello Aristonici auxilia Romanis ferens cecidisset (donc en 131/0 av. J. -C. : cf. Justin, 37. 1, 2). Mithridate étant trop fin pour une supercherie aussi grossière, certains historiens modernes ont voulu faire de l'enfant le petit-fils supposé d' Ariarathe V, ce qui peut paraître vraisemblable. Mais, puisque selon Justin (37, 1, 4) la veuve de ce roi, Laodice, avait empoisonné cinq de ses enfants pour ménager le pouvoir au sixième (ce qui est encore vraisemblable). le fils de Mithridate n'a pu être placé sur le trône que comme le fils cadet d'Ariarathe VI (cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 77). L'hypothèse la plus simple paraît de supposer qu •Ariarathe VI et Laodice avaient eu réellement trois fils. dont l'un (le cadet ?) était mort en bas âge, ce qui permettait les substitutions tentées par Mithridate et par Laodice ellemême. Ce faisant, Mithridate ne faisait qu'imiter Nicomède III, qui, selon Justin (37, 4. 7-8), avait placé l'un de ses fils sur le trône de Paphlagonie en lui donnant le nom dynastique de Pylreménès (cf. Mc Ging, Foreign Policy. p. 76). Il est un fait certain : les monnaies d'Ariarathe IX (cf. F. de Callatay. o. c., p. 180 sq. et pl. 43-44) portent au revers des symboles spécifiquement pontiques (Pégase, étoile. croissant). Le jeune prince se rattachait donc ostensiblement à la famille des rois du Pont, ce qui revient à dire que, faute de pouvoir être officiellement le fils de Mithridate, il fallait bien qu'il le fOtde sa sœur, et l'on pouvait jouer sur le fait qu'il y avait eu deux princesses pontiques du nom de Laodice, dont l'une avait épousé Ariarathe VI tandis que l'autre (mère probable d' Ariarathe IX) avait été mariée à Mithridate lui-même. 419. Chassé de la capitale, mais pas forcément de tout le royaume. 420. Il paraît n'avoir régné qu'une année : cf. K. Strobel, o. c., p. 71. La date de son intronisation demeure extrêmement discutée. La date la plus haute, qui le ferait régner de 101/100 à 100/99. proposée par Strobel, me paraît la plus vraisemblable. Mais F. de Callatay, o. c., p. 271. propose 98 av. J. -C., tandis que Mc Ging, Foreign Policy. p. 76-77, semble incliner en faveur de 96.
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supposé, l'autre du fils de Mithridate 421 • Conscient de la fraude, le Sénat décida d'enlever la Paphlagonie à Nicomède, la Cappadoce à Mithridate 422, et d'accorder à ces royaumes une liberté dont ils ne surent que faire. Les Cappadociens réclamèrent un roi : sans doute pour faire pièce à Gordios, jugé trop inféodé à Mithridate 423 , Rome investit un noble cappadocien, Ariobarzanès 424, que Sylla eut mission d'installer sur son trône 425 • C'est après cette 421. Cf. K. Sttobel. o. c.• p. 71-72. F. de Callatay. o. c .• p. 272. ne craint pas d'écrire que ~ Mithridate, dont l'imagination n'était pas en reste, dépêcha Gordios comme héritier du trône en tant que füs d' Ariarathe V ». Justin ne dit malheureusement rien de tel. 422. Il est possible que la décision du Sénat ait été notifiée par M. ~milius Scaurus, qui aurait accompli vers ce moment-là une mission en Asie et fut accusé ultérieurement. selon Valère-Maxime (3. 7. 8), de s'être laissé corrompre par Mithridate. Strabon, 12. 2, 11 et Justin, 38, 2, 6-7. s'accordent sur le fait que Rome accorda la liberté aux Cappadociens et aux Paphlagoniens. Il semblerait que ces derniers réclamèrent eux aussi un roi, puisque 1•on retrouvera à leur tête un Pylreménès. qui pourrait être un fils de Nicomède m. 423. Justin, 38, 5. 9. fait dire à Mithridate que les Cappadociens avaient demandé aux Romains de leur donner Gordios pour roi. En d'autres termes. ~lon le roi du Pont. Rome avait imposé un souverain à sa dévotion (il se proclamera d'ailleurs Philorhômaios !) qui n'avait pas la confiance de son peuple. 424. On ne sait s'il appartenait à la famille des Ariarathides, dont il ne reprit pas le nom dynastique. affichant ainsi sa volonté de rompre avec une tradition dont Mithridate avait su profiter. 425. T. Corey Brennan, o. c., p. 131. pense pouvoir fixer en 95/4 sa première année de règne. F. de Callatay. o. c .• p. 273 sq. et 326. propose pour sa part la période fin 95-printemps 93. en partant du principe que les monnaies datées de la 11e année ne peuvent pas être antérieures à octobre 85. date à laquelle Ariobarzanès aurait été restauré par Curion après la conclusion de la paix de Dardanos. Ce principe est toutefois illusoire, car ces rois intermittents comptaient leurs années d'exil comme des années de règne. et l'on ne peut exclure qu'Ariobarzanès. client de Sylla et d'ailleurs assuré de retrouver son trône dès la conférence de Délion, ait frappé des monnaies avant même de rentrer en Cappadoce -ce que F. de Callatay (o. c .• p. 326) admet dans le cas de Nicomède IV. Ne serait-ce que pour faire bonne figure dans la suite de Sylla, ces exilés ont certainement stipendié une thérapeia, dont le
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intervention que commence le récit d' Appien, qui n'avait pas poussé plus haut son enquête : on a vu en effet qu'il était persuadé qu 'Ariobarzanès avait directement succédé à Ariarathe V426 • Il me semble donc qu 'Appien s'est référé à une source chronographique qui mentionnait l'intervention de Sylla en Cappadoce dans la 17(1 olympiade (en 96 av. J. -C.) et la mainmise de Mithridate sur ce royaume dans la 169C olympiade (entre 105/4 et 102/1). Peut-être s'agissait-il de la Chronographie olympique publiée par son contemporain Phlégon de Tralles427 , dont Photius nous a conservé un passage428 • Mais je crois plutôt qu'il s'agissait d'un ouvrage plus ancien, auquel Trogue-Pompée avait déjà accès429 • C'est probablement aussi d'une table de ce genre que provient la datation (S3, 214), vers la fin de la 173colympiade (85/4 av. J. -C.), de la prise d'Ilion par Fimbria, que d'autres sources, qu 'Appien ne nomme pas, plaçaient 1050 ans après l'Ilioupersis4 30• nombre et le coOt s'accrurent dès qu'ils eurent repris pied en Asie : c'est pourquoi il paraît prudent de s'accorder une marge d'erreur d'au moins une année pour tout ce monnayage cappadocien. 426. Il existe probablement un lien entre cette monumentale erreur et celle que commet Justin en faisant d' Ariarathe IX un fils de ce même Ariarathe V. Trop d'éléments nous manquent pour tirer la question au clair. 427. Phlégon de Tralles, Fr. Gr. Hist. 257. Cette Chronologie, . publiée en 141, sous Antonin, était dédiée à T . ..Elius Aristide, chambellan d'Hadrien : cf. L. Robert, Etudes épigraphiques et philologiques (1938), p. 52-53. Or le Mithridateios fut probablement composé sous Hadrien. 428. I. Hahn, Appian und seine Quellen, dans : G. Wirth, Romanitas-Christianitas (1982), p. 251-276, a cru pouvoir soutenir que, chaque fois qu 'Appien donnait une date olympique, on pouvait en déduire la présence sous-jacente d'une source historique grecque. Il me parai"tplus simple d'admettre qu 'Appien donnait quelques repères à ses lecteurs, gens instruits disposant de tables chronologiques dans leur bibliothèque. 429. On pourrait penser à la Chronique de Castor de Rhodes, qui descendait jusqu'en 61 av. J. -C. et paraît avoir fait autorité. 430. L'auteur auquel se réfère Appien plaçait donc la prise de
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Point d'autres éléments chronologiques précis dans le récit d' Appien 431 , qui suit à l'évidence des sources annalistiques, latines ou grecques : chez ces auteurs, l'entrée des belligérants dans leurs quartiers d'hiver amenait une pause dans la narration des événements principaux et permettait le cas échéant d'évoquer des faits subsidiaires : Appien paraît s'être approprié ce procédé, sans peut-être toujours mesurer ses incidences. C'est donc à l'historien moderne qu'il revient de tirer parti des données relatives fournies par un rhéteur, d'ailleurs honnête, plus attaché, par principe, à l'élégance de l'exposé des faits qu'à l'exactitude de leur datation. En 21, 80, l'expression µet" oô 1toÂ.6ne permet pas de préciser combien de journées ou de semaines séparèrent la soumission de Laodicée du Lycos de celle de Mitylène. En 22, 85, èv oè to6tq> signifie seulement que Sylla ne fut pas en mesure de s'embarquer pour l'Asie, comme prévu, au printemps de 88 av. J. -C. En 23, 85, èç 1toÀ6 équivaut au retard d'un an que la guerre civile imposa à Sylla. En revanche, en 23, 89, oô 1tpè>7tOÂ.ÂoÙ abuse le lecteur, s'il ne sait pas qu'une soixantaine d'années s'étaient écoulées depuis que Rhodes avait perdu l'administration de Caunos ( 167 av. J. -C. ). En 24, 94, èv oèto6tq> délimite la période au cours de laquelle Mithridate descendit vers Cos avec sa flotte. En 26, 102, Troie en 1135 av. J. -C. Ce n'est pas la date retenue par Eratosthène (1184/3 av. J. -C. : cf. Fr. Gr. Hist. 241, fr. 1), suivi par Apollodore et par Eusèbe : il s'en faut d'environ deux génération trentenaires. On sait qu'il existait également une chronologie haute (peut-être fixée par Hellanikos), remontant la prise de Troie d'environ un siècle : cf. A. Giovannini, La guerre de Troie entre mythe et histoire, Ktèma, 20 (1995), p. 145-146. 431. Sauf des remarques incidentes déduites du récit : c'est ainsi qu'Appien ('6, 280) note en passant que la 11œieguerre mithridatique dura deux ans et qu'il reviendra dans BC l sur la durée de la 1m:guerre mithridatique à compter du débarquement de Sylla en Epire. J'examinerai, dans les Notes complémentaires, d'autres approximations à l'usage des lecteurs antiques de !'Histoire Romaine.
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tcôv ô" aôtcôv ..;µepcôv renvoie aux journées du siège de Rhodes. Les synchronismes proposés par Appien sont généralement clairs : c'est le cas en 28, 108, x:ai ô µèv ê1ti toiaôe ~v établissant un parallèle entre les événements d'Asie et l'évolution de la situation en Grèce. Il est clair que, pour cette dernière, Appien ne souhaitait pas en retracer l'historique au delà de l'automne de 88 av. J. -C. ; le même principe est appliqué en 29, 113 où toù ô" aôtoù xpovou date l'activité de Métrophanès en Thessalie et en Eubée par rapport à l'instauration de la tyrannie d 'Aristion : nous sommes probablement à l'automne de 88 av. J. -C., et c'est l'époque de la bataille livrée, sur trois journées consécutives (29, 114) par Brretius aux forces réunies d' Archélaos et d' Aristion. Nouveau synchronisme en 30, 116, puisqu' Archélaos s'empare du Pirée vers le moment où Sylla débarque en Epire (printemps 87 av. J. -C.). A partir de ce débarquement, les saisons rythment le récit des opérations. En 33, 130, nous apprenons que l'automne approche et que Sylla apprête un camp permanent à Eleusis pour y passer l'hiver 87/86 av. J. -C. ; de même, nous serons informés, en 51, 203, que Sylla passa en Thessalie l'hiver 86/5 av. J. -C .. Entre ces deux points extrêmes, la chronologie est floue. En 34, 133, Appien établit un synchronisme (t'iiç ô" aôt'iiç ..;µtpaç) entre un succès local de Sylla et une victoire de son légat Munatius dans l 'Euripe. Autre synchronisme (en 49, 194) entre les événements d'Asie et ceux de Grèce. Autrement, la succession des événements épouse la ligne du récit (cf. des expressions comme où 1t0Àù ôè üatepov en 34, 133 et ÔÀiyov üatepov en 40, 153 ; mais, dans ce dernier cas, pour être clair, il eût fallu dater la prise d'Athènes, que Plutarque place correctement le 1ermars 86 av. J. -C.). Des complications surgissent lorsque notre auteur quitte Sylla (et probablement aussi ses Commentaires) pour évoquer d'autres acteurs de l'histoire. En 37, 137, toù 6" aôtoù xp6vou renvoie probablement à la mort
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d' Arcathias ; mais il est hors de doute que les faits résumés en quelques lignes - s'étalèrent sur plusieurs mois. Si l'on admet que ce fils de Mithridate mourut au printemps de 86 av. J. -C., son arrivée en Thrace et en Macédoine doit remonter au moins à l'été de 87. Même cas de figure en 51, 205, à propos du consul Aaccus. Sans en informer son lecteur, Appien a remonté le temps jusqu'en janvier/février 86, quand Cinna choisit Aaccus comme suffect après la mort de Marius. L'armée consulaire n'a donc pas quitté l'Italie avant le printemps de 86, et nous apprenons incidemment que les transports romains furent retardés par le mauvais temps et par la flotte pontique, qui opérait dans la mer ionienne. Il s'agit probablement là des bâtiments qui, entre la bataille de Chéronée et celle d'Orchomène, croisèrent dans les eaux de Zacynthe sous le commandement d 'Archélaos (45, 176). Sylla, après Chéronée, ayant envisagé de remonter vers la Thessalie pour barrer la route à Aaccus, nous sommes assurés que ce dernier avait débarqué en Epire quelques semaines avant cette bataille, puisque nous savons par Plutarque (Sylla, 15, 2-5) que le vainqueur d'Athènes était anxieux de faire sa jonction avec les 6 000 hommes que lui amenait Hortensius. On n'a jamais su dire d'où provenait ce renfort. Il me paraît évident qu'il s'agissait de l'avant-garde de Aaccus qui, selon Appien (51, 206) se rallia à Sylla. On n'a pas vu cette évidence, masquée par le retour en arrière auquel notre historien procède sans crier gare. Une autre énigme est posée en 62, 255, dans le discours de Sylla aux Grecs d'Asie, par les 24 années de prospérité économique censées avoir poussé les sujets de Rome à manifester leur arrogance. Ce tableau d'une province prospère tranche avec l'image misérabiliste que nous donnent d'autres sources. Il est possible qu'il remonte aux Commentaires du dictateur. Si l'on part de la mort d' Aristonicos, en 130 av. J. -C., on parvient à l'année 106 av. J. -C., qui ne fut marquée en Asie par
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aucun événement majeur, sinon peut-être par le voyage incognito que Mithridate aurait accompli dans les régions et les villes qu'il se proposait de conquérir plus tard 432• Sylla faisait-il allusion à cet épisode rocambolesque, attesté seulement par Justin (37, 3, 4-5) ? Si tel était le cas, il faut avouer qu 'Appien aurait pu se montrer plus clair. Les étapes du gouvernement de Murena ont été nettement marquées, puisqu' Appien précise (66, 280) que la neguerre mithridatique fut conduite à terme en deux ans et que Murena passa en Cappadoce l'hiver 83/2 av. J. -C. (64, 270). Un synchronisme est en outre établi (65, 271 : ô 6 ~ èv 'tOU'tq>) entre le franchissement de l 'Halys par Murena et l'envoi par Mithridate d'ambassades à Rome : ces événements paraissent tomber au printemps de 82. La chronologie des guerres menées par Lucullus présente de nombreuses difficultés. La mort de Sylla (évoquée, mais non datée, en 68, 284) paraît avoir laissé le champ libre à des ambitions réfrénées de son vivant. Néanmoins, Mithridate porte la responsabilité de la guerre puisque nous apprenons, assez abruptement, qu'il passa « tout le reste de la belle saison et l'hiver entier à s'y préparer » (69, 292). Mais Appien veut-il parler de la fin de l'été de 74 av. J. -C. et de l'hiver 74n3, ou de la fin de l'été 75 et de l'hiver 75n4 ? La question demeure ouverte, encore qu'il y ait de fortes raisons, comme on le verra, de préférer la seconde hypothèse. Remarquons dès à présent que le « reste de la belle saison » doit s'entendre à compter du retour des ambassadeurs envoyés à Sertorius. Or ceux-ci, selon Salluste, regagnèrent le Pont à la fin de mars 433• Mais de quelle année ? 432. L'année 106/5 av. J. -C. fut proposée par Reinach, o. c., p. 95. Mais d'autres dates ont été avancées, allant de 109/8 à 104/3 : cf. F. de Callatay, o. c., p. 265 et n. 4-6. 433. Salluste, Hist., 2, 79 M : /Ili tertio mense pervenere in Pontum, multo celerius spe Mithridatis. L. Ballestros Pastor, o. c., p. 223, voudrait que ce fût en mars 74, parce qu'il place en 73 l'entrée de
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Les négociations engagées avec Sertorius (ou par Sertorius ? )434 peuvent s'être ·étalées sur plusieurs années. Appien a en tout cas raison de considérer L. Fannius et L. Magius comme des Sertoriens435 , même s'ils avaient servi auparavant sous Fimbria436 • Il ressort en effet de Cicéron437 que ces deux officiers, épargnés semble-t-il par Sylla, résidaient à Myndos en 80 av. J. -C. ; le fameux Verrès leur vendit alors un navire milésien sur lequel ils gagnèrent finalement l 'Espagne 438 , après avoir pris contact avec « tous les ennemis de Rome » - dont probablement déjà Mithridate. Ce fut donc après un séjour de quelque durée auprès de Sertorius qu'ils quittèrent Dianium pour Sinope, en compagnie de M. Marius, le stratègos désigné par Sertorius pour être son représentant en Asie439 • L'offensive de Mithridate tombe quant à elle 440 au début d'un printemps (soit celui de 74, soit celui de 73 av. J. -C.). La mort de Nicomède IV, men-
Mithridate en Bithynie. Mais on peut remonter d'une année, si l'on opte pour la chronologie haute. 434. Sans le dire explicitement, Appien laisse entendre que l'initiative des négociations venait du clan sertorien. 435. Mithr. 68, 287 : 6uo 6' aôtoù tci>vcnamcotci>v.Sur ces personnages, cf. L. Ballestros Pastor, o. c., p. 203, avec bibl. 436. Cf. le Pseudo-Asconius, commentant Il Verr. 1, 34, 87 : hi transfugœ de Valeriano exercitu apud Mithridatem agentes ab eodem rege ad Sertorium missi sunt. 437. Cicéron, Il Verr., 1, 34, 87 : Hi sunt homines quos nuper senatus in hostium numero habendos censuit : hoc illi navigio ad omnes populi Romani hostes usque ab Dianio ad Sinopam navigaverunt. Le discours ayant été prononcé en 70 av. J. -C., nuper renvoie à un passé récent. Appien, Mithr. 18, 298, fait dire à Mithridate (probablement en 74 av. J. -C.) que Fannius et Magius ont été déclarés ennemis publics : 1toÂ.&µiouç µèv ôvtaç tfi 1tatpi6t. 438. En 81 av. J. -C., des pirates ciliciens, amis de Mithridate, avaient aidé Sertorius à s'emparer de l'une des îles Baléares : cf. Plutarque, Sert., 1, 5. C'était pourtant l'époque où le roi espérait encore conclure la paix avec la Rome de Sylla. 439. Mithr. 68, 288. 440. Mithr. 70, 295.
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tionnée en 71, 299, n'est pas datée 441 ni même considérée comme une cause de la guerre 442 • Curieusement, Appien 441. On hésite entre une chronologie haute (75 av. J. -C.), soutenue autrefois par Th. Mommsen (encore suivie par K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 91), et une chronologie basse (74 av. J. -C.), défendue par Magie. F. de Callatay, o. c., p. 341, remonte la mort du roi jusqu'en 76 av. J. -C., ce qui me paraît assez vraisemblable. On a fait état d'une loi douanière gravée sous Néron, trouvée récemment à Ephèse (SEG, 39, 1989, n° 1180), dont certaines dispositions remontent au consulat de Lucius Octavius et de Gaius Aurelius Cotta (75 av. J. -C.). R. Merkelbach, Hat der bithynische Erbfolgekrieg im Jahr 74 oder 73 begonnen ? , ZPE, 81 (1990), p. 97-100 voudrait y trouver confirmation de la datation proposée par Mommsen. Mc Ging, The Ephesian custom law and the third Mithridatic war, ZPE, 109 (1995), p. 283-288, objecte que de l'activité des publicains en Bithynie, attestée dès le règne de Nicomède m, on ne saurait déduire que son successeur mourut en 75 av. J. -C. : le témoignage d'Eutrope (6, 6), qui fait mourir Nicomède IV sous le consulat de Lucullus et de Cotta (74 av. J. -C.) serait donc incontournable, ce dont je doute, car cet auteur peut avoir confondu l'altia et l' dpx11 de la guerre. D'autres savants jugent d'ailleurs le texte d 'Ephèse inutilisable pour dater la mort de Nicomède IV : cf. Nicolet, MEFRA (1993), p. 929-959 ; Dreher, EA, 26 (1996), p. 111127 ; Merola, MEFRA (1996), p. 263-297 ; Badian, Zollner und Sündner. Unternehmen im Dienst der romischen Republik (1997), Anhang, p. 219-234. Cela dit, la loi de 75 av. J. -C. peut avoir poussé Mithridate à la guerre, puisque les publicains, installés à Byzance et à Chalcédoine, contrôlaient l'entrée du Pont (cf. 1. 9 tv a-roµan TI6v-rou), taxant les denrées importées de la mer Noire ou exportées dans cette région (cf. 1. 13-15 dont il ressort que le Bosphore constituait désormais une frontière douanière). - Une inconnue rend fragiles tous nos raisonnements : la Bithynie demeure certes théoriquement indépendante jusqu'à la mort de son dernier roi ; mais depuis quand ses finances étaient-elles entre des mains romaines ? 442. Cette mort avait eu lieu « récemment » (lipn). Rappelons qu'en BC 1,111,517, Appien place la mort du roi de Bithynie au cours de la 176e olympiade, soit entre juillet 76 et juillet 72 av. J. -C., la même année que l'annexion de la Cyrénaïque. Or cette dernière pourrait tomber soit en 75 (si l'on suit les Histoires de Salluste), soit en 74, si l'on se range à l'interprétation généralement admise d' Appien : cf. S. I. Oost, Cyrene, 96-74 av. J. -C., Class. Phil., 58 (1963), p. 20. Que l'on place la mort du roi en 74, en 75 ou même en 76, l'emploi de l'adverbe lipn demeure justifié, comme le serait celui de nuper en latin.
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mentionne après coup (72, 305) l'élection de Lucullus au consulat443 : on a l'impression qu'elle répond à l' invasion de la Bithynie par Mithridate, alors qu'elle la précédait d'un an si l'on adopte la chronologie basse. L'essentiel paraît toutefois qu 'Appien veut donner l'impression qu'en créant Lucullus consul, les Romains entendaient lui confier le commandement de la guerre contre Mithridate. Cela revient à dire que sa source plaçait bien l'invasion de la Bithynie sous le consulat de Lucullus et de Cotta, et faisait arriver le second dans cette province dès le début du printemps. Ce n'est pas forcément inexact, même si les faits sont gauchis pour la plus grande gloire de Lucullus. En 72, 308, Appien note en passant que Lucius Magius se rallia à Lucullus après la mort de Sertorius : l'importance de cette remarque a été reconnue par W. H. Ben443. Il ressortirait de Cicéron (Pro Cluentio, 136-137) que Lucullus, entré en charge en janvier 74 av. J. -C., se trouvait encore à Rome en juillet-ao0t de la même année (cf. A. Keaveney, Lucullus, a life, Appendix I, p. 189-190) et même encore en novembre (K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 93). En fait, Cicéron se borne à féliciter Lucullus d'avoir résisté aux pressions du tribun Quinctius qui, profitant des rumeurs de corruption entourant le procès d'Oppianicus, voulait obtenir l'abrogation des lois Cornéliennes. Mais on ignore quand exactement l'affaire fut plaidée. Aussi est-il difficile de tirer au clair les apparentes contradictions de l'orateur qui, dans le Pro Murena (15, 33), affirme que les deux consuls (Lucullus et Cotta) furent envoyés contre Mithridate (ce qui est confirmé par la tradition livienne d'Eutrope, 6, 6, 1-2), mais laisse entendre ailleurs (Acad. prior., 2, 1, 2) que Lucullus avait rencontré l'approbation générale dans l'exercice du consulat avant d'être envoyé en Asie. La clef de la difficulté se trouve peut-être dans le Pro Cluentio (loc. cit.), puisque les deux consuls de 73 (M. Lucullus et C. Cassius sont loués pour avoir résisté à l'agitation tribunicienne, alors qu'un seul des consuls de 74 (précisément Lucullus) se voit décerner le même brevet. L'explication la plus simple me paraît que Cotta n •était déjà plus à Rome quand Quinctius agita le peuple, et que Lucullus partit quand le tumulte fut apaisé. C'est précisément la séquence que nous retrouvons chez Appien, légèrement dénaturée. On pourrait admettre que Lucullus, avant de partir pour l'Asie comme consul, fit le nécessaire pour que la Cilicie lui fût attribuée comme province proconsulaire (cf. Plutarque, Lucullus, 5-6).
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nett444,et Appien se trompe lourdement si l'on place en 72 av. J. -C. la mort du rebelle 445 • Il n'est pas question ici de discuter le bien-fondé de cette datation, mais d'examiner si elle est conciliable avec la chronologie proposée par Appien en BC 1, livre rédigé, on l'a vu, à peu près en même temps que le Mithridateios. En BC 1, 113, 526, Appien paraît certes placer la mort du général rebelle deux années446après celle de Nicomède IV - donc peutêtre en 72 av. J. -C., mais peut-être aussi en 74, si le dernier roi de Bithynie s'éteignit en 76 ; or comme dans le même livre Appien établit un peu plus loin (116, 539) un synchronisme entre la fin de la guerre en Ibérie et la révolte de Spartacus (que l'on date de 73 av. J. -C.), il semble qu'un certain flou régnait dans son esprit : on a suggéré qu'il utilisait une chronologie olympique énumérant les événements de chaque période quadriennale sans fixer l'année. Mais ce n'est pas la seule indication chronologique fournie par Appien : il précise ailleurs que la guerre de Sertorius dura huit ans447 , recoupant ainsi les periochœ de Tite-Live, où il apparaît que le ducatus du
444. W. H. Bennett, The death of Sertorius and the coin, Historia, 10 (1961), p. 459-472. 445. C'est la date retenue par T. R. S. Broughton, The magistrales of the Roman Republic, 2 (1952), p. 118 et défendue par B. Scardigli, Sertorio, problemi cronologici, Athenœum, 49 (1971), p. 259-270. Mais cette dernière doit supposer, sans la moindre preuve, que le Magius qui trahit Mithridate n'était pas l'ami de Sertorius. 446. Un intervalle de deux années apparaît également chez TiteLive (Ep. 96) entre la mort de Sertorius (octavo anno) et celle de Perpenna (decimo fere anno à compter du début de la guerre). On voit ainsi comment les chronographes balisaient le champ historique lorsqu'ils ne prenaient pas pour origine la fondation de Rome ou celle du concours olympique. On conçoit qu'il était malaisé de passer d'un système à l'autre, et nous devrions savoir gré à Appien de ne pas avoir commis plus d'erreurs. l:uÀÀdrov fpyrov tè> 447. BC 1, 108, 505 : ÀOutOVo' t ridursi a semplice trascrittore ».
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rences avec ce qu'on lit chez Appien. Mais il n'est pas indispensable pour autant de poser une source intermédiaire. Simplement, Appien ne connaît pas les lieux, familiers dès l'enfance au philosophe de Chéronée, féru d'histoire locale487 • Le bilan de la recherche est, comme on le voit, décevant, et il pouvait difficilement en être autrement,. comme le souligna A. N. Sherwin-White488 , que je crois devoir citer : « As for Appian, without whom no continuous narrative of the story down to the Armenian campaigns of Lucullus could be attempted, be remains the most enigmatic of all. The very inaccuracies to which be is prone, and the frequent discrepancies of detail with other principal sources, compound the difficulty of deciphering the origins ». Si l'incertitude demeure, même pour les chapitres censés dériver de Polybe489 , c'est peut-être aussi que le problème a été mal posé. Il est évident que, si l'on part du 487. Plutarque rapporte en particulier (Sylla, 19, 9-10) que deux de ses compatriotes, Homoloïchos et Anaxidamos, se portèrent volontaires pour dégager le mont Thourion, occupé par les Pontiques. Deux trophées furent élevés après la bataille, l'un dans la plaine, l'autre sur cette hauteur, ce que confirme Pausanias, 9, 40, 7. Or la base du trophée du Thourion a été découverte en 1990 sur la colline d'Isôma, avec la dédicace ·oµoÂ.roïxoç I Fava[ç]i~aµoç I dp[ia]tiç. Voir J. Camp et a/ii, A trophy from the battle of Chaironeia of 86 B. C., Am. Journ. of Arch., 96 (1992), p. 443-444 ; SEG, 41, 448 ; BEp. (1993), 96. Ces auteurs pensent avoir retrouvé, au sommet de la colline d'Isôma (qui serait donc le Thourion des Anciens) les traces des fortifications élevées par les hommes d'Archidamos (o. c., p. 451). Si l'aristeia de ces deux Béotiens était signalée dans les Commentaires de Sylla, ce qui paraît vraisemblable, Appien n'avait aucune raison d'en faire état. Plutarque s'amuse aussi à épingler une erreur du roi Juba. 488. A. N. Sherwin-White, Roman Policy, p. 5. Le même auteur suppose (sans avancer de preuve), o. c., p. 141, que, pour la période syllanienne, Appien suivait des sources grecques plutôt que des annalistes romains. 489. Ed. Schwartz, RE 2, 1 (1895) s. v. Appianus, 219, relevait à juste titre des « Diskrepanzen » entre Appien et les fragments de Polybe. On ne peut que lui donner raison.
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principe qu 'Appien recopie ou abrège une source unique pour chaque période, on ne trouvera jamais cette source car il sera toujours possible de relever des discordances insurmontables avec le modèle supposé. Si l'on consent en revanche à accorder à notre auteur une part de liberté dans le choix de ses sources et des épisodes qu'il leur emprunte, une certaine dose d'esprit critique et un louable souci d'originalité dans la composition et la peinture des événements, sa méthode ne paraît pas différer sensiblement de celle d'un Plutarque, à cette réserve près que ses intérêts sont autres et qu'il ne cite qu'exceptionnellement ses auteurs. Qu'il utilise et compare plusieurs sources ne fait aucun doute. Trois passages du Mithridateios en apportent la preuve. En 53, 213, il mentionne la destruction du Palladion lors de l'incendie du temple d' Athèna Ilias par Fimbria, mais ajoute que, selon certains, la statue fut miraculeusement préservée : cette source subsidiaire n'est autre que Tite-Live 490 • En 53, 214, il place, d'après certains auteurs, le sac d'ilion par Fimbria 1050 ans après sa destruction par Agamemnon. Enfin, en 104, 490, il souligne que ses sources étaient en désaccord sur la manière dont Tigrane s'était présenté devant Pompée491 • Il se trouvera sans doute des esprits subtils pour soutenir que ce travail de comparaison ne saurait être l 'œuvre du stupide Appien, mais d'une Zwischenquelle parée de tous les mérites492 • Je crois pour ma part que les contradictions internes d' Appien révèlent seulement la diversité d'une 490. Appien renvoie implicitement ses informateurs dos à dos, car il est persuadé que la statue fut emportée par les Achéens. De fait, Diomède passait pour en avoir fait don aux Argiens. 491. Certains auteurs estimaient qu'il s'était livré de son plein gré, d'autres qu'il avait été convoqué par Pompée et conduit par un licteur devant son tribunal. 492. Les esprits subtils possèdent une clef universelle, appelée Timagène, censée résoudre toutes les difficultés. Je reviendrai sur cette question dans la Notice du Livre Syriaque.
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information qu'il n'a pas toujours su dominer. En voici quelques exemples. a) Dans les discours qu'il tient à Archélaos (54, 218) et à Mithridate (57, 232), Sylla insiste sur le fait que ce dernier, au lieu d'entrer en guerre, aurait dû envoyer une ambassade à Rome exposer ses griefs. Or Mithridate, en 16, 57, avait précisément insisté sur son intention d'envoyer une telle ambassade. Sylla l'ignorait peut-être. Mais il est aussi simple d'admettre que le récit des prodromes de la Jère guerre mithridatique n'est pas tiré des Commentaires de Sylla. b) En 101, 468, Mithridate, durant l'hiver qu'il passe à Dioskourias, projette de longer la côte du Pont pour gagner le Bosphore Cimmérien. Mais, en 102, 469-470, le trajet qu'il suit paraît terrestre et, de fait, son fils Macharès apprend qu'il a franchi les Portes Scythiques. Ou bien Appien a juxtaposé deux versions différentes tirées de sources distinctes, ou bien il a oublié de signaler que le blocus naval organisé par Pompée avait rendu le projet initial irréalisable. c) Les trois plans successifs prêtés au vieux Mithridate ne sont probablement que trois variantes d'un même topos, connues d' Appien par le canal de sources qui, avec plus ou moins de fioritures, évoquaient ce délire stratégique dans des contextes différents. En 101, 467-468, Mithridate se propose ainsi de faire la guerre aux Romains depuis l'Europe en coupant le passage du Bosphore. C'est encore un plan réaliste. En 102, 473, il se propose en revanche d'envahir la Thrace et la Macédoine, puis de franchir les Alpes pour faire irruption en Italie. Enfin, en 109, 518-519, il rêve, nouvel Annibal, de submerger l'Italie sous un flot de Gaulois 493 ! On peut voir dans cette gradation une réussite littéraire ; mais son 493. Le « péril gaulois » angoissera les Romains même après les conquêtes de César : cf. P. Jal, Les Barbares dans les guerres civiles de Rome, Latomus, 21 (1962), p. 32-33.
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intensité dramatique ne résulte, semble-t-il, que de l'accumulation de doublets. d) Une dernière confusion significative apparaît à la fin du livre. En 120, 59 l, Appien nous montre Pharnace guerroyant contre un « Calvisius ». Mais, en 120, 593, le même Pharnace abandonne Sinope à un« Domitius». Il s'agit dans les deux cas du consulaire Domitius Calvin us, légat de César pour la province d'Asie. Il est vraisemblable qu' Appien s'est reporté à deux auteurs qui appelaient ce général l'un Domitius, l'autre Calvinus, sans saisir qu'il s'agissait de la même personne. J'ai déjà signalé un cas de figure analogue dans le Livre Ibérique et d'autres se rencontreront sans doute. On voit ainsi qu 'Appien compose, assez librement, à partir d'une documentation choisie et variée 494 , qu'il résume en sautant parfois des maillons essentiels. Il n'explique pas (20, 78) par quel concours de circonstances Oppius, que le récit a laissé en Cappadoce (17, 60), se retrouve enfermé à Laodicée : ce sont toutes les opérations menées sur le front de l'Halys qui ont été sautées495.On apprend abruptement, en 31, 124, que l'Eubée est devenue la base des armées de Mithridate et l'un des enjeux de la guerre, ce qui explique non seulement que Munatius livre bataille à Néoptolème dans le détroit de Chalcis (34, 133), mais aussi que la flotte pontique opère dans la mer Ionienne (45, l 76 ; Sl, 206). De même, en 494. Ed. Schwartz, RE 2, 1 ( 1895) s. v. Appianus, 225, parle à juste titre de « Mosaik », mais avec une excessive sévérité : « in dem Mosaik sind gute und echte Steine, aber die Zusammensetzung ist willkürlich und romanhaft, so sehr, class Wahres und Falsches für uns nur mit sehr bedingter Warscheinlichkeit zu sondem ist ». C'est tout de même avouer la qualité de la documentation réunie par Appien. 495. Elles n'ont laissé de traces que dans le discours de Mithridate composé par Trogue-Pompée (Justin, 35, 5, 4) : qui et in Bithynia Aquilium et tMalthinumt in Cappadociafuderint. Les forces pontiques remportèrent donc bien une victoire en Cappadoce, certainement sur Oppius qu'accompagnait probablement l'un des collègues d' Aquillius (Mancinus ?).
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41, 156, Appien oublie de signaler qu 'Archélaos est passé du Pirée à Chalcis avant de se replier « vers la Thessalie en traversant la Béotie ». Plus grave, en 84, 381-382, on ignore ce que fait Lucullus pendant que Sextilius assiège Tigranocerte et que le roi d'Arménie rassemble des troupes. Le général romain réapparai"t quand Tigrane marche sur sa capitale pour la débloquer. Enfin, Appien aime les poursuites, qui contèrent au récit une intensité dramatique fort éloignée de la réalité. En 88, 398, il prétend que Lucullus poursuivit Mithridate (vers le nord), alors qu'en fait le général romain descendit vers le sud assiéger Nisibe, siège mémorable escamoté dans le Mithridateios. De même, en 103, 477, il prétend que Pompée pourchassa Mithridate jusqu'en Colchide, alors que le vainqueur se porta en fait contre Tigrane. C'est ainsi que le procédé littéraire l'emporte sur la fidélité aux faits, et cette désinvolture d'esthète, qui recompose les faits pour donner plus de force au récit:496, montre quel habile rhéteur fut Appien. On voit ainsi que l'apport personnel d 'Appien est considérable, en bien comme en mal. J'en donnerai quelques exemples. Brossant le portrait de Mithridate, Salluste 497écrivait : « Mithridate était grand de corps, pareillement son armement:498». Cela devient chez Appien : « Il était de haute taille, comme le montrent les armes personnelles qu'il envoya à Némée et à Delphes 499». Notre riche Alexan-
496. Pareillement, il regroupe en une seule campagne les opérations longues, complexes et répétitives menées par Pompée dans le Caucase : ces guerres ne concernaient d'ailleurs pas directement Mithridate. 497. Ed. Schwartz, RE 2, 1 (1895) s. v. Appianus, 222, considérait à juste titre les Histoires comme la source la plus plausible pour la période de Lucullus. On verra que j'abonde en ce sens. 498. Salluste, Hist. 2, 77 M : Mithridates corpore ingenti, perinde armatus. 499. Mithr. 112, 549.
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drin, qui a certainement visité Delphes500et sans doute aussi Némée, avant que le toit du temple ne se fût effondré501, a vu ce dont parlait l'auteur qu'il résume, de même qu'il a vu, dans une île déserte voisine de Lemnos, l'autel de Philoctète, un serpent de bronze et divers souvenirs du héros502. Partout où il passait, il visitait ce que l'on montrait au touriste (oeiKvotat), comme le camp d 'Enée à Lanuvium 503. Or cette expression revient souvent sous la plume de Pausanias 504 et appartient au lexique de la périégèse. On la retrouve également, sous sa forme latine, dans les écrits d'un autre curieux, Suétone505,que l'on a pu qualifier d' archéologue506 • Appien 500. Appien dit (ltalikè, 8, 3) que le cratère offert à Apollon par les Romains après la prise de Véies et déposé dans le trésor des Massaliotes fut fondu par Onomarchos, mais que le support de bronze est toujours en place. Cette dernière remarque n'apparaît chez aucun autre auteur (Diodore, 14, 93, 4 ; Plutarque, Camille, 1, 6-8, 2 ; Tite-Live, 5, 23, 811 ; 25, 4-8), et l'emploi du présent para.t"tdénoter une observation personnelle. Voir G. Daux, Fouilles de Delphes, 2, 3, 1 (1923), p. 48. 501. Du temps de Pausanias (2, 15, 2-3), le temple méritait toujours d'être vu, mais il n'avait plus de toiture et ne contenait plus aucun exvoto. Quant à l'île de Chrysé, le Périégète affirme (8, 33, 4) qu'elle fut engloutie par un raz de marée. Peut-être devons-nous reconna.t"trelà un contrecoup du séisme qui détruisit Rhodes en 142 : cf. G. LacourGayet, Antonin le Pieux et son temps (1888), p. 163. 502. Mithr. 77, 335. L'abondance et la précision des détails révèlent l 'autopsis. Il se pourrait qu' Appien etlt fait escale à Lemnos en se rendant à Cyzique : il note en effet (76, 330) que dans cette dernière ville, encore de son temps, on célébrait les fêtes instituées en l'honneur de Lucullus, de la même manière qu'il avait signalé (Annib., 56, 234) que la fête de Cybèle, instaurée au cours de la neguerre punique, était toujours célébrée à Rome. 503. Bas., 1, 1 : fv0a 1eaicrtpat61tEov aùtoù EiKvutat. 504. Les exemples en sont nombreux. Citons seulement Périégèse, 1, 29, 1 ; 42, 1 ; 44, 4. 505. Cf. Divus Titus, 1 (à propos de la chambre où Titus était né) : nam manet adhuc et ostenditur; Tib., 6, 3 (objets offerts au père de Tibère et conservés à Baies) : durant ostendunturque Bais ; Tib. 14, 1 (dés jetés par Tibère dans la fontaine d' Aponus) : hodieque sub aqua visuntur hi tali ; Tib. 62, 3 (salle de tortures de Capri) : carnificinœ eius ostenditur locus.
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appartenait à cette riche bourgeoisie qui profitait de la pax Romana pour visiter les lieux de }'Histoire. Dans le cas étudié, Appien enrichit heureusement sa source. Mais il peut tout aussi bien l'interpréter de travers. Les fr. 70-74 M du livre III des Histoires montrent que Salluste décrivait en détail les régions riveraines de l 'Euxin au moment où les armées romaines s'apprêtaient à y pénétrer pour la première fois. Or Appien, abordant la Ille guerre mithridatique, dresse une liste de peuples censés s'être ajoutés vers cette époque aux forces dont disposait primitivement le roi du Pont (69, 292). Parmi eux figurent en bonne place les Leucosyriens, sur lesquels régnaient déjà les ancêtres de Mithridate ! L'erreur d' Appien tient au fait qu'il a résumé Salluste, sans prendre garde que les informations trouvées chez cet auteur ne correspondaient pas forcément à des gains territoriaux par rapport à l'époque syllanienne 507 • Appien apparaît ainsi comme un historien érudit, sans doute autant que Plutarque, mais déroutant en ce sens qu'il recompose au lieu de recopier. C'est dans cette distance entre le récit et ses modèles que résident et les causes d'erreur et les difficultés d'identification. Nos incertitudes sont d'ailleurs renforcées par la disparition des synthèses de l'époque d 'Auguste, qui réduit à peu de choses le champ des comparaisons. La plus ancienne est assurément celle de Diodore, qui traitait en détail l'ensemble des guerres Mithridatiques et concluait sa Bibliothèque Historique par l'évocation du splendide triomphe de Pompée. Des quelques fragments conservés, on ne saurait tirer aucune conclusion sur l'identité de sa source - ou de ses sources 508 • Deux fragments de Nicolas de Damas 509 (Fr. Gr. Hist. 90) concernent Mithridate. Le fr. 95 (Athénée, 6, 91, 266e) inspiré 506. 507. 508. 509.
J. Gascou, Suétone historien (1984), p. 536-538. Cf. Mithr. 15, 53. Comme le souligne justement Reinach, o. c., p. 436. Cf. Reinach, o. c., p. 437.
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de Poseidonios ne contient aucun élément original. Le fr. 73 (Athénée, 10, 9, 415e) établit que Mithridate remporta un tournoi de 1toÀ.ucpayiaet de 1toÂ.ucn tia. Rien de gargantuesque chez Appien, qui ne reconnaît qu'une seule faiblesse à Mithridate, celle d'avoir trop aimé les femmes. Nous avons déjà évoqué le cas de Strabon, auteur qu 'Appien avait quelque raison de consulter510, puisque ses liens avec le Pont faisaient de lui une source de premier ordre 511• Même remarque à propos des Histoires Philippiques de Trogue-Pompée 512, dont l'oncle avait exercé un commandement équestre en Asie sous Pompée513. On remarquera toutefois que cet auteur ne racontait pas les guerres mithridatiques et abandonnait l 'histoire du Pont au moment où son dernier roi s'apprêtait à envahir la province d'Asie.
B) LESAUTEURS
SUSCEPTIBLES D'AVOIR ÉTÉ UTILISÉS PAR
APPIEN
La liste en a été dressée par Jordan 514• Encore faut-il rappeler que tous ces auteurs ont disparu, et qu'ils 510. R. Syme, Anatolica. Studies in Strabo (ed. by A. Birley, 1995), p. 159-160, a noté des coïncidences remarquables entre le Mithridateios et la Géographie de Strabon. Il en déduit qu'Appien a peut~tre consulté Strabon. D'autres coïncidences pourraient toutefois s'expliquer par un recours commun à Théophane de Mitylène. 511. Cf. Reinach, o. c., p. 438. 512. Cf. Reinach, o. c., p. 435. '513. Cf. Justin, 43, 5, l. 514. O. c., p. 6 sq. - Cet érudit inclut toutefois des auteurs, commes les philosophes Antiochos d' Ascalon, ami de Lucullus, et Métrodore de Skepsis, conseiller de Mithridate, qui n'ont rien laissé sur ces guerres. Il ne semble pas non plus que Lénaios, l'affranchi et confident de Pompée, ait fait autre chose que publier les archives médicales de Mithridate (Pline, NH, 25, 2) et défendre la mémoire de son ancien maître, attaquée par Salluste (Suétone, de Gramm. 15). Rien ne prouve non plus que les traités d'Alexandre Polyhistor relatifs
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n'étaient pas également recommandables. Certains ne sont d'ailleurs plus que des noms - ou, pire encore, des anonymes. Reinach supposait que certains éléments merveilleux pouvaient avoir été empruntés au poème d' Archias515 , en particulier le « miracle de Cyzique » (Mithr. 75, 323). Mais le surnaturel trouve place dans le décret de Chersonèsos en l'honneur de Diophante (SylP, 709, l. 23 sq.) : la Vierge protectrice de la cité, par diverses manifestations miraculeuses, redonne courage aux fidèles et annonce les succès futurs du stratège. On voit ainsi un texte officiel faire état de manifestations surnaturelles, et nous savons qu'il se trouvait des historiens pour recueillir ces interventions de la Divinité516 • à des régions qui furent le théâtre de ces guerres (1tEpi EùçEivou TT6v'tOU, 1ttpi B18uviaç, 1tepi TTmpÀ.ayoviaç, 1tepi tl>puyiaç) aient comporté des développements historiques. 515. Archias (Fr. Gr. Hist. 186) avait consacré un long poème à l'ensemble des guerres Mithridatiques (et non pas seulement aux exploits de Lucullus) : cf. Cicéron, pro Archia, 21 : Mithridaticum bellum, magnum atque difficile, in mu/ta varietate terra marique versatum totum expressum erat. La notoriété de ces poésies de salon ne dépassa probablement jamais le cercle, d'ailleurs large, des amis de Lucullus. -Le cas d' Archias est étudié dans les travaux consacrés à la situation des intellectuels grecs dans la Rome républicaine. Renvoyons seulement à M. H. Crawford, Greek intellectuals and the Roman aristocracy in the first century B. C., dans : P. D. A. Gamsey/C. R. Whittaker, lmperialism in the Ancient world (1978) ; B. Gold, Literary patronage in Greece and Rome ( 1987) ; S. Larsen, Greek intellectuals in Rome, some exemples, dans : P. Guldager Bilde, I. Nielsen, M. Nielsen, Aspects of Hellenism in /ta/y (Acta Hyperborea, 5, 1993). Voir aussi, en langue française, J. -L. Ferrary, Philhellénisme et Impérialisme, p. 611-612. 516. Cf. Fr. Gr. Hist. 807 = IosPE, 12, 344. Par ce décret (du 3c s. av. J. -C. ?), Chersonèsos honore Syriskos fils d'Héracleidas pour avoir soigneusement consigné par écrit les apparitions de la Parthénos. Voici donc un historien local qui, non content de retracer les relations entretenues par sa cité avec les puissances étrangères, consigne également toutes les épiphanies de la Vierge ! Il n'était sans doute pas le seul de son espèce et l'on se tromperait en confondant avec des orne-
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Strabon, historien autant que géographe, connaissait des auteurs de Mithridatika 511 , qu'il ne nomme pas, ouvrant ainsi le champ des hypothèses. Les plus aventureuses concernent de prétendus historiens grecs de Mithridate, gens de cour518 qui auraient profité de l'opportunité du sujet pour exprimer leur haine de Rome. On avance en particulier, sans véritable raison, le nom du rhéteur Métrodore de Skepsis519 • Encore que P. Pédech ait fait justice d'une opinion520 qui continue à s'étaler dans les manuels521 , on imagine parfois la cour de Mithridate comme le foyer d'une propagande organisée. Mais il suffit de citer G. W. Bowersock522 pour mesurer la faiblesse de ces constructions : « Two Greeks living at the Pontic court, Metrodorus from Scepsis and .tEsopus, wrote encomia of Mithridates ; Heracleides of Magnesia and Teucrus of Cyzicus recorded bis exploits, presumaments littéraires les manifestations les plus authentiques de la foi religieuse. 517. Strabon, 11, 2, 4 : o\ tà M18p16an1eà cruyypa\j1aVttç. 518. Cf. déjà Reinach, o. c., p. 428. 519. Relevons l'affinnation surprenante de J. Malitz, Die Historien des Poseidonios (1983), p. 325 : « Das Werk des bekanntesten von Mithridates' Leibhistorikem, Metrodor ... , hat Poseidonios mit Wahrscheinlichkeit gekannt ». On voit ainsi comment un rhéteur, dont on fait arbitrairement « le plus connu des biographes de Mithridate », devient l'une des sources d'un historien perdu dont on ne peut déterminer les lectures. 520. P. Pédech, Deux Grecs face à Rome au 1ers. av. J. C. : Métrodore de Scepsis et Théophane de Mitylène, REA, 93 (1991), p. 67-69. 521. Epinglons E. Cizek, Histoires et Historiens à Rome dans /'Antiquité (1995), p. 70 : « Il y avait même une historiographie grecque hostile à Rome. Métrodore de Skepsis, historien officiel ( !) de Mithridate VI, compose une histoire sans doute antiromaine » ; p. 144 : « Métrodore, l'historien favorable à Mithridate ». Que Métrodore, contraint de se réfugier à la Cour du Pont après la victoire de Sylla, ait été hostile aux Romains, reste parfaitement concevable. Mais nous ignorons où et comment il manifesta ces sentiments. 522. G. W. Bowersock, Augustus and the Greek World (1966), p. 108.
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bly with a favourable bias ». Si .IEsopos, qui fut lecteur (dvayvcoot'lÇ) de Mithridate est bien crédité d'un M 18ptôatou êyx:roµtov par la Souda 523 , Métrodore est de trop 524 • De son côté, Héracleidès de Magnésie n'est qu'un nom dans une liste dressée par Diogène Laërce 525 et l'on ne peut rien « présumer » de ses opinions 526 • Teukros de Cyzique 527 est mieux connu. Son goût pour les étymologies et les mythes étiologiques incite à reconnaître en lui un grammairien. Mais, s'il avait écrit des M ithridatika en cinq livres, on cite également de lui un ouvrage consacré à l'histoire de Byzance et un traité en trois livres décrivant l'entraînement des éphèbes dans sa ville natale. Son époque est incertaine et, si l'on songe à la résistance opiniâtre opposée par Cyzique au roi du Pont, on se demande pourquoi un auteur originaire de cette ville se serait fait l'un des propagandistes de celui-ci. Reste le 523. Fr. Gr. Hist., 187a. La Souda lui attribue également un traité consacré à Hélène. A en juger d'après ses fonctions auliques, c'était probablement un grammarien ou un rhéteur. 524. L'erreur fut relevée par Mc Oing, Foreign Policy, p. 160, n. 86 : « O. W. Bowersock ... says that Metrodorus too wrote an encomion of Mithridates, but this is not clear from any of the sources on Metrodorus cited in Jacoby Fr. Gr. Hist. » 525. Diogène Laërce, S, 94 =Fr.Gr. Hist. 187. 526. H. Fuchs, Der geistiger Widerstand gegen Rom in der antiken We/t (1938), p. 44, n. 43, ne s'en priva point. Après avoir admis qu'Héracleidès n'était qu'un nom, il ne craignit pas d'ajouter : « Jedoch wird man annehmen dürfen, dass auch dieser in Kleinasien beheimatete Oriechen den Ruhm des Mithridates zu verbreiten gesucht bat ». On ne sait ni quand vécut cet auteur, ni de quelle Magnésie il était originaire, et encore moins s'il séjourna à la cour de Mithridate. Il devient néanmoins un « supporter » de Mithridate chez Mc Oing, Foreign Policy, p. 160. 527. Fr. Gr. Hist. 274. La Souda lui attribue également une Histoire des Arabes en six livres, une Histoire des Juifs en six livres, une Histoire de Tyr en cinq livres. Si ce groupe homogène d'ouvrages est bien l'œuvre de l'auteur des Mithridatika, il y a fort à parier que le sujet lui en fut fourni par les campagnes de Pompée en Palestine. Il serait dès lors tentant de reconnaître en Teukros un contemporain et un émule de Théophane de Mitylène. Mais peut-être vécut-il à l'époque impériale.
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témoignage d 'Orose, auteur tardif, mais nourri de bonnes lectures. Il nous montre 528 le vieux roi talonné par Pompée, abandonné par son entourage : relictus ... ab omnibus amicis philosophis scriptoribus rerum vel carminum ac medicis. Encore faut-il songer que vel introduit souvent une rectification. Je traduirais donc volontiers : « abandonné par tous ses amis, philosophes, auteurs d'histoires ou plutôt de poèmes 529 , et médecins ». En fait, Mithridate avait à sa cour un ou plusieurs émules d 'Archias d' Antioche 530 , mais aucun de ces « historiens perdus » dont on cherche vainement la trace 531 • On a supposé que des auteurs originaires du Pont, comme Hypsicratès d' Amisos 532 et Diophante (que l'on confondait avec Diophante de Sinope 533) présentaient Mithridate sous un jour favorable. On a imaginé que Cas528. Orose, 6, 4, 6. 529. Carmen s'entend volontiers d'un poème épique ou lyrique. 530. Il n'est pas impossible qu '~sopos ait composé un enk6mion en vers. Auquel cas Orose voudrait dire seulement que Mithridate fut abandonné par tous ses domestiques, dont son lecteur. Rappelons que selon Plutarque, Pompée, 42, 8, le général romain, de passage à Mitylène, honora de sa présence un concours poétique [probablement annuel : cf. L. Robert, Etudes épigraphiques et philologiques, p. 22, n. 6 ; voir aussi CRAI (1969), p. 47 = OMS S, p. 566] ô1t68ecnv µiav fxov'ta 'tàÇ t1eEivou 1tpa~Etç. Rien ne subsista, semble-t-il, de cette poésie de circonstance à la gloire de Magnus. Je serais surpris que le Temps n 'e0t pas emporté pareillement l 'enkômion d '~sopos. 531. Par exemple D. Brique), Pastores Aboriginum (Justin, 38, 6, 7) : à la recherche d'une historiographie grecque anti-romaine disparue, REL, 73 (1995), p. 44-59. 532. Fr. Gr. Hist. 190. Ce grammairien féru d'histoire, l'une des sources de Strabon pour ces régions, offre la particularité d'être doté de deux notices concurrentes dans RE, 9, 1 (1914), s. v. Hypsikrates 1 et Hypsilcrates3• Voir S. J. Saprykin, Heracleia Pontica and Tauric Chersonesus before Roman domination ( 1997), p. 259. 533. Voir Reinach, o. c., p. 428. Mais Schwartz, RES, 1 (1903), s. v. Diophantos 14• montra que l'auteur des IloV'ttKai. •1o'topiat, connu d' Agatharchidès de Cnide, ne devait pas être confondu avec le général de Mithridate. Voir depuis Fr. Gr. Hist., 805, où Jacoby propose de S. av. J. -C. dater cet auteur du
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tor de Rhodes534 se trouvait à Phanagoria dans les derniers temps de la vie de Mithridate535 • Il avait certes écrit des Chroniques qui allaient de Ninus jusqu'à l'année 61 av. J. -C. : mais rien n'autorise à reconnaître en lui le personnage dont la révolte est signalée dans le M ithridateios. D'autres auteurs sont inclassables536, de faible notoriété537 , peut-être même plus récents qu 'Appien. C'est le cas en particulier de Memnon d'Héraclée, auteur d'une Histoire de sa ville natale, résumée par Photius538 • Que l'on fasse de lui un contemporain d 'Auguste 539 , des Aaviens 540 ou des Antonins541 , il est clair qu 'Appien ne l'a pas utilisé542 • D'autres chroniques locales ont probablement existé543• Mais leur diffusion devait être faible, exception faite peut-être des Bithyniaques d' Arrien, en huit livres544 , dont Appien pourrait avoir fait usage pour brosser un rapide tableau des origines de ce royaume545 • 534. Fr. Gr. Hist. 250. 535. F. Arnold, o. c., p. 28, rapprochait Appien, 114, 560 : d1ttq>T1VE ôè ,cai tov cl>avayopta Klunopa 'Proµaioov cpO.ovde la notice de la Souda, s. v. Kacnrop : ôç €1CÀT1811 cI>tÀopci>µatoç.Mais l'argument paraît léger. 536. Le Syncelle, p. 523, 5, renvoie, pour l'histoire du Pont, à « Apollodore » (Fr. Gr. Hist., 803 ?) et à « Denys ». Peut-être s'agitil d'Apollodore [d'Artémita] et de Denys [de Pergame], cités par Strabon, 13, 4, 3 : cf. Reinach, o. c., p. 429. Un Apollonidès est cité par Strabon, 11, 13, 2, 11, 14, 4 et 7, 4, 3. 537. On ne sait rien de Poseidonios d'Olbia (Fr. Gr. Hist., 289 T 1) et de Dionysios d'Olbia (Fr. Gr. Hist., 804). 538. Codex 224. 539. C'était l'opinion de Vossius, De Hist. Gr., 2, 5. 540. C'était l'opinion de Reinach, o. c., p. 452-453. 541. Comme le pensait Orellius, Memnonis Excerpta, p. VI. 542. Voir déjà F. Arnold, o. c., p. 25. 543. Etienne de Byzance, s. v. 'Oô11crcr6ç,attribue à un Démétrios (dont on connait seulement l'ethnique) une histoire de cette ville. Voir Fr. Gr. Hist., 808. 544. Cf. Reinach, o. c., p. 439. 545. Je n'avance cette hypothèse qu'avec réserve. Mais Appien pourrait avoir lu, du même auteur, l'Anabase d'Alexandre, comme le montre une allusion à la grave blessure reçue par le conquérant macédonien dans la vallée de l'Indus : cf. K. Brodersen, Appian und Arrian. Zu einer Vorlage für Appians Emphylia II, 619-649, Klio, 70 (1988), p. 461-467. Voir Notes Complémentaires, n. 855.
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Je ne crois donc pas qu 'Appien ait jamais eu accès à des sources grecques favorables à Mithridate et hostiles à Rome, pour la simple raison que l'on n'a jamais pu prouver l'existence de telles sources et que, à supposer qu'elles eussent existé, elles auraient sans doute bientôt disparu faute d'être recopiées 546 • Assurément, notre historien fait tenir à Mithridate des propos hostiles à Rome. Mais le roi du Pont avait manifesté officiellement son animosité 547 , et une partie au moins des témoignages transcrits sur la pierre furent certainement accessibles aux premiers historiens de ces guerres 548 • 546. P. Pédech, /oc. cit., va un peu loin en supposant que les Romains auraient fait disparaître toute littérature hostile. Mais un passage curieux des SHA, Vita Taciti, 10, 3, montre cet empereur ordonnant que l'on fit dix copies par an des œuvres de son illustre ancêtre, afin de compenser l'usure des exemplaires déposés dans les bibliothèques publiques. Tout livre non recopié était voué tôt ou tard à la disparition, et je présume que beaucoup d'historiens s'évanouirent ainsi. 547. Il est remarquable que les deux lettres de Mithridate à son satrape Léonippos [C. B. Welles, Royal correspondence in the Hellenistic period, n05 73 et 74] nous aient été conservées par les fils de son adversaire .Chreremon de Nysa, comme une sorte de certificat de résistance. Le roi du Pont reproche à Chreremon d'avoir collaboré avec les Romains, ses ennemis les plus haïs (toiç t:x,0icrtotç 1tOÂ.tµiotç) et d'avoir entretenu une correspondance avec ces « ennemis communs de tous » (toùç 1eo1voùç1tOÂ.tµiouç) -antiphrase piquante (cf. Welles, o. c., p. 298 ; A. Erskine, The Roman as common benefactors, Historia, 43 (1994), p. 81) de toùç Kotvoùç tùtpyttaç, slogan des Philorhômaioi depuis la libération de la Grèce par Flamininus : cf. le décret de Delphes en l'honneur d'Aristothéos de Trézène [Fouilles de Delphes, 3, 3, 124] auteur d'un Eloge des Romains, toùç 1eo1voùçtrov •EÂ.Â.avcov tùtpyttaç. Voir L. Robert, Etudes anatoliennes, p. 448, n. 3 ; Etudes épigraphiques et philologiques, p. 25 et n. 2 ; CRAI ( 1969) p. 57 sq. = OMS 5, p. 576 sq. ; J. -L. Ferrary, Philhellénisme ..., p. 124132 et en particulier p. 130; A. Erskine, o. c., p. 70 et n. 3. L'antiphrase se retrouve chez Salluste (Jug., 81, 1) qui fait dire à Bocchus que les Romains communis omnium hostis esse. 548. Je ne m'explique pas autrement qu 'Appien cite littéralement la lettre de Mithridate aux habitants de Chios (Mithr. 47, 183-184), qui a toutes les apparences d'un document authentique. Je suis persuadé que ceux-ci la firent graver dès qu'ils eurent retrouvé la liberté, pour l'évidente raison qu'elle prouvait leur eunoia à l'égard des Romains et qu'ils en firent certainement état auprès du Sénat : cf. Sy//.3 785 [lettre d'un proconsul du début de l'époque impériale faisant état d'un sénatus-
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Il n'est pas besoin d'imaginer des sources grecques favorables à Mithridate pour rendre compte des informations dont disposaient les historiens romains ou amis de Rome. Prenons le cas du discours adressé par Mithridate à ses troupes avant d'envahir pour la seconde fois la Bithynie (Mithr., 70, 296-298). Le roi tint des propos très hostiles à Rome. Mais deux Sertoriens, Fannius et Magius, assistaient à la scène549 et, comme ils se rallièrent à Lucullus550, ce dernier fut sans doute informé de ce qui se passait dans le camp adverse. C'est également à des déserteurs romains que s'adresse Mithridate après l'échec de ses premières négociations avec Pompée551 • S'ils rentrèrent en grâce après la mort du vieux roi, comme il est probable552 , ils purent rapporter la teneur des propos qui leur avaient été adressés. Appien fait également allusion à une circulaire de Mithridate553 , célébrant la victoire qu'il avait remportée sur Lucullus devant consulte daté du deuxième consulat de Sylla] èv q>µap'tu[p11]8Eicn 'toiç XEiotç, ÔO'aô1tèp 'Pcoµaicov 6t[É91l]1eav'te Mt8pt6a't11v dv6paya8oûV'teç 1eai ô1t' aÔ'tOÛ f1ta8ov K. 't. Â.. ; Appien en a peut-être trouvé le texte chez un historien antérieur. Mais il se pourrait également qu'il e0t lui-même recopié la transcription originale, qui devait être encore visible de son temps à Chios. 549. Mithr. 71, 298. Je présume qu'ils assistèrent également au sacrifice en l'honneur de Zeus Stratios, décrit avec un grand luxe de · détail. 550. Cf. le Pseudo-Asconius, commentant// in Verrem, 1, 34, 87 : hi tamen ad ultimum ad Romanos prodito ex magna parte Mithridate redierunt. 551. Mithr. 98,452. 552. En 110, 526, on les retrouve dans le Bosphore, où ils mènent la révolte contre Mithridate. On ignore comment ils y étaient parvenus ; mais ils ne furent pas livrés par Pharnace (cf. 113, 552). Ils avaient d'une certaine manière gagné leur pardon et l'on peut penser qu'ils diffusèrent dans le camp romain les premières informations sur la mort du vieux despote et sur les derniers mois de son existence : on les voit (110, 530) accuser Mithridate d'être le jouet de ses eunuques, et le topos se retrouve dans le récit historique (108,516). 553. Mithr. 80, 359.
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Comana : nous savons par Salluste554que ce dernier fut exaspéré par cette machinataJames. On voit ainsi que Mithridate se faisait lui-même 555l'artisan de sa propagande, et que celle-ci résonnait désagréablement aux oreilles des Romains. Ces derniers étaient-ils capables d'exploiter méthodiquement les archives de l'ennemi ? Il serait sans doute aventureux de l'affirmer avec trop de force. Mais, quand les papiers de Mithridate tombèrent entre les mains de Pompée 556,Théophane de Mitylène en tira au moins des détails croustillants ou compromettants557.Si, comme il est probable, ces documents furent rapportés à Rome, il n'est pas impossible que des auteurs plus sérieux aient touvé à y glaner. N'oublions pas non plus que de nombreux chefs militaires pontiques se rallièrent aux Romains. Appien cite le cas d' Archélaos, de Dioclès558et de Phœnix 559, sans compter le menu fretin des déserteurs 560. Il y en eut bien d'autres, à commencer par la famille de Strabon ou encore Métrophanès, que l'on retrouvera dans la suite de Pompée. Certains, et non des moindres, s'employèrent sans doute à noircir leur ancien maître, comme l'avait fait Archélaos. Il me semble donc que, par la force des choses, Appien s'est inspiré des mêmes sources que Plutarque, mais qu'il les a lues autrement, pour la simple raison que ses préoccupations et ses goûts étaient différents 561, et aussi parce que la Biographie et l 'Histoire représentaient deux genres 554. Hist. 4, 8 M : regis cura machinata James. 555. Ou plus exactement sa chancellerie. 556. Plutarque, Pompée, 37, l. 551. Fr. Gr. Hist. 188, fr. l. 558. Mithr. 78, 343. 559. Mithr. 79, 350. 560. Mithr. 72, 306. 561. A. N. Sherwin-White, Roman Policy, p. 138, n. 22, souligne avec raison que Plutarque, à l'inverse d 'Appien, s'intéresse beaucoup plus au siège d'Athènes par Sylla qu'à celui du Pirée : cela avait déjà été reconnu par Steringa-Kuyper : cf. supra, n. 477.
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littéraires obéissant chacun à ses propres règles. Il me paraît également évident que, comme pour le Livre Ibérique, Appien s'est reporté à des sources différentes selon les époques de cette interminable guerre. C'est donc phase par phase que j'examinerai la question. Une remarque préalable s'impose toutefois. Un détail anodin est parfois plus révélateur qu'une savante théorie. En 39, 152, l'or et l'argent récupérés par Sylla sur l 'Acropole d'Athènes sont évalués en livres562 : cet indice matériel donne à penser qu 'Appien suit ici une source latine, probablement Sylla lui-même. En revanche, le simple fait qu'il prenne pour des mercenaires les Grecs déportés à Tigranocerte trahit une source grecque563 • C'est, je crois, par de menues observations que progressera notre connaissance d' Appien. 1- la première guerre mithridatique
Parmi les ouvrages composés par des acteurs de la 1ère guerre mithridatique, les Commentaires 564 de Sylla, en vingt-deux livres, dédiés à Lucullus et achevés par son affranchi Epicadus565 , occupaient certainement une place de choix : Plutarque s'en est largement inspiré566, sans 562. Dans la Sikéliké, fr. 2, 4, l'indemnité de guerre payée par Carthage après la Jère guerre punique est évaluée en talents euboïques, qu' Appien convertit en drachmes alexandrines (un talent euboïque = 7 000 drachmes alexandrines). 563. La confusion entre misthophoroi et xénoi n'est possible que dans ce cas. 564. Plutarque parle d' ô1toµvfJµata (commentarii), Aulu-Gelle de res gestœ. 565. Cf. Suétone, Gramm. 12. Voir Reinach, o. c., p. 420 ; H. Bardon, La littérature latine inconnue, 1 (1952), p. 153 ; T. Corey-Brennan, Chiron, 22 (1992), p. 106-111. R. G. Lewis, Imperial autobiography, Augustus to Hadrian, ANRW, 2, 34, 1, p. 165 sq. ; l'étude récente de H. Behr, Die Selbstdarstel/ung Sul/as (1993) tient pour assuré que Plutarque utilisa directement les Mémoires de Sylla, mais laisse la question ouverte pour Appien. 566. Cf. Plutarque, Sylla, 37.
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pour autant les recopier ; il est probable qu 'Appien en fit lui aussi bon usage 567 • E. Badian 568 nota avec raison qu'Appien témoigne d'une solide connaissance des faits et gestes de Sylla, dont il épouse plus d'une fois le point de vue. C'est un bon argument, que confirme le fait qu 'Appien et Plutarque d'une part se rencontrent sur des détails significatifs empruntés aux Commentaires569 et d'autre part ne se contredisent que rarement. Mais on peut penser que Sylla, comme après lui César, s'était principalement intéressé aux choses de la guerre et seulement sur les théâtres où lui-même et ses lieutenants avaient opéré. Appien devait donc le compléter à partir d'autres sources, en particulier pour l'histoire des prodromes de la guerre et pour les affaires d'Asie. On a depuis longtemps pensé 570 à Rutilius Rufus qui, depuis son refuge de Smyme 571, avait pu observer l 'invasion de la province d'Asie par Mithridate en 88 av. J. -C. ; cet épisode dramatique était certainement traité 572 dans son Histoire Romaine, en langue grecque, et dans son Autobiographie, écrite en latin. Plutarque 573 , qui l'avait 567. E. Cizek, o. c., p. 61, croit savoir que « Tite-Live, Plutarque et Appien ont utilisé comme source l 'œuvre de Sylla ». Rappelons que J. Carcopino, Sylla ou la monarchie manquée (1931), refusait à Appien une connaissance directe des Commentaires, préférant s'embrouiller dans un faisceau d'hypothétiques sources intermédiaires. Nous reviendrons sur cette question dans la Notice de BC 1. 568. E. Badian, Rom, Athens and Mithridates, p. 515-516. 569. Magie, RR, 2, p. 1106-1107, tenait déjà pour acquis que Plutarque et Appien s'inspiraient du récit laissé par Sylla de la bataille de Chéronée, avec cependant plus d'inexactitudes dans la relation du second. 570. Ed. Meyer, Kleine Schriften (1910), p. 384 et n. 3, estimait que le récit de l'entrevue de Rutilius et de Fimbria provenait de l 'Autobiographie du premier. 571. Cf. Cicéron, Pro Balbo, 11, 28 ; Pro Rabirio Post., 10, 27 ; Tacite, Ann., 4, 43. 572. Reinach, o. c., p. 424, pose en principe qu'Appien n'avait qu'une connaissance indirecte de l 'œuvre de Rutilius. 573. Plutarque, Marius, 28.
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lu, le jugeait « ami d~ la vérité » ( ç dV11P 1eai 1tepi TTlV cruvayroyîlv TT)Ç\cr-ropiaç è1t1µeÂfiç. 588. Un aspect de la question est négligé par la Quellenforschung, alors qu'il me paraît essentiel, eu égard à la condition sociale d' Appien. Je veux parler de la culture historique que l'on pouvait acquérir sans beaucoup de peine dans les dîners en ville. Aulu-Gelle (Noct. Att., 2, 22, 1) nous apprend ainsi qu'à la table de Favorinus d'Arles, on lisait tantôt de vieux poètes, tantôt des historiens grecs et latins. Or Appien appartenait à ce milieu mondain, pour lequel il écrivait. 589. Cicéron, Acad. Post. 2, 2, 4. 590. Certains d'entre eux figuraient probablement parmi les anonymes mentionnés par Strabon. Il ressort de Plutarque, Lucullus, 43, que Cornelius Nepos avait composé une biographie, perdue, de ce grand Romain. 591. Renvoyons à la synthèse de P. Mc Gushin, Sallust, the Histories, 1-11(1992). 592. De 78 à 66 av. J. -C. : Salluste ne poussait pas au delà du vote de la /ex Manilia·. Cf. Reinach, o. c., p. 423 ; Mc Gushin, o. c., p. 10 sq .. 593. Nous renvoyons à l'édition de B. Maurenbrecher, C. Sallusti Crispi Historiarum reliquiœ (1891). 594. Cf. R. Cavenaille, Corpus papyrorum Latinarum (1956),
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souvent rapprocher d 'Appien 595 : j'ai systématiquement cité ces textes, si brefs fussent-ils, dans les Notes complémentaires de ma traduction, et il me paraît difficile d'échapper à la conclusion qu 'Appien doit beaucoup à Salluste, dont il avait probablement entendu vanter les mérites par Fronton596 , à cette réserve près que les Histoires ne sont pas sa seule source597 , ce qui suffit à expliquer que notre auteur s'écarte souvent de Plutarque, censé lui aussi s'inspirer largement de Salluste598• b) L'époque de Pompée Théophane de Mytilène599 (Fr. Gr. Hist. 188) fut l'historiographe officiel, voire le thuriféraire, du Grand Pompée, auquel il devait, entre autres faveurs, la citoyenneté p. 97-99. Il s'agit du Pap.Ryland, 3,473 (du 11e11nes. ap. J. -C.) complété par un papyrus d'Oxford. 595. P. Mc Gushin, o. c., p. 253, remarque à juste titre que certains éléments du portrait de Mithridate brossé par Salluste se retrouvent chez Appien. 596. Sur l'intérêt de Fronton pour Salluste, cf. R. Poignault, Fronton lecteur de Salluste, dans Présence de Salluste= Cœsarodunum 30 bis (1997), p. 95-118. Voir aussi Aulu-Gelle, Noct. Att., 18, 4, rapportant ironiquement la savante exégèse d'un passage des Histoires donnée par Sulpicius Apollinaris dans une échoppe de libraire. C'était, encore une fois, le milieu que fréquentait Appien. -En revanche, Granius Licinianus juge sévèrement Salluste, qu'il trouve trop verbeux : cf. N. Criniti, ANRW, 2, 34, l (1993), p. 175-176. Il le cite néanmoins à plusieurs reprises. 597. On a vu qu'il utilisait aussi une source grecque. 598. La démonstration en a été apportée depuis longtemps par Maurenbrecher. 599. Plusieurs inscriptions éclairent la carrière de ce personnage : voir L. Robert, Théophane de Mitylène à Constantinople, CRAI, 1969, p. 42 sq., repris dans OMS S ; D. Salzmann, Cn. Pompeius Theophanes : ein Benennungsvorschlag zu einem Portrat in Mitylene, MDAI (R. Abt.), 92 (1985), p. 245-260 ; B. Gold, Pompey and Theophanesof Mitylene, A/Ph, 106 (1985), p. 312-327 ; V. I. Anastasiadis--G. A. Souris, Theophanes of Mitylene : a new inscription relating to bis early career, Chiron, 22 (1992), p. 377-383. Le matériel est rassemblé par G. Labarre, Les cités de Lesbos aux époques hellénistique et impériale (1996), p. 93.
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romaine et le rang équestre600 : on sait qu'il le servit comme prœfectus fabrum, sans peut-être posséder de réelles compétences techniques601 • Il écrivait rapidement, à la manière de Callisthène d'Olynthe, et avec d'évidentes références à Alexandre, un récit embelli des exploits de Magnus602 • Strabon et Plutarque le citent603 • Ces citations ne trouvent pas d'écho chez Appien. Poseidonios d' Apamée se trouvait probablement à Rhodes quand la ville fut assiégée par Mithridate. On sait que ses Histoires prenaient la suite de Polybe. Mais leur terme n'est pas fixé avec certitude604 • Il est possible que Poseidonios ait choisi l'année 89 av. J. -C., qui vit la défaite de Mithridate devant Rhodes605 • Mais le texte de la Souda, sur lequel on se fonde, est altéré606 • Du moins 600. Cicéron, pro Archia, 10, 24 ; Valère Maxime, 8, 14, 3. 601. Cf. K. E. Welch, The office of Prœfectus Fabrum in the Late Republic, Chiron, 25 (1995), p. 140-142. 602. Il ressort de Cicéron que les Histoires de Théophane étaient déjà répandues à Rome lors du procès d'Archias. Cf. W. S. Anderson, Pompey, his friends and the Literature of the first century B. C. (1963), p. 76. On ignore toutefois le terme d'une entreprise que cet auteur voudrait conduire jusque vers 50 av. J. -C. 603. Cf. Reinach, o. c., p. 427. 604. Cf. J. Malitz, Die Historien des Poseidonios (1983), p. 69-70. 605. E. Ruschenbusch, Der Endpunkt der Historien des Poseidonios, Hermes, 121 (1993), p. 80-76, complète ainsi, après Theiler, le µ&'tà texte de la Souda : Iloa&t6ci>vtoç ... fypavev latopiav tTlV IloÀuôtov tv J}t6Àiotç vJ} · fcoç toù 1t0Àtµou toù Kup11vaï1eoù 1eai Il'toÀ&µaiou v1eai xoÀtµcov tapa't'toµtvouç. Voir S. I. Oost, Cyrene, 96-74 B. C., Class. Phil., 58 (1963), p.l 6-19; A. Laronde, La Cyrénaïque romaine (86 av. J. -C. -235 ap. J. -C.), ANRW, 2, 10, 1 (1988), p.109-1010. - J. Malitz, o. c., p. 74, n. 113, remarque à juste titre que, dans la Vie de Sylla, Plutarque ne renvoie jamais à Poseidonios, ce qui pourrait renforcer la thèse de Ruschenbusch. 606. On ne peut même pas exclure une confusion avec Poseidonios d'Olbia, auteur de Libyka, comme l'avait supposé Arnold : cf. J. -L. Ferrary, Philhellénisme ... , p. 488-489 et n. 6.
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savons-nous que Poseidonios avait relaté quelques épisodes datés du début de la guerre607• La version qu'il en donne ne trouve cependant pas d'écho chez Appien 608• Aussi, lorsque P. Desideri6()1)s'emploie à suggérer qu 'Appien suivait Poseidonios dans sa relation des prodromes de la 1ère guerre mithridatique, on peut répondre, une fois de plus, que Poseidonios n'est rien de plus ici que le nom savant de notre ignorance 610 • Cela dit, si Poseidonios avait effectivement raconté le siège de Rhodes, il ne serait pas impossible qu 'Appien se fût reporté au récit de ce témoin oculaire 611• Mais c'est pure hypothèse et l'on ne doit pas oublier que de nombreux Romains avaient trouvé refuge dans l 'île 612• 007. Athénée,5, 211 (l'affaire d' Athénion en 89/88 av. J. -C.) ; 6, 91 266e (affaire de Chios en 86 av. J. -C.). J. Malitz, /oc. cit., en avait déduit que les Histoiresdescendaient jusqu'en 86. Mais Ruschenbusch objecte avec raison que certains faits ont pu être évoqués par anticipation. 608. Reinach, o. c., p. 445, en déduit qu'Appien n'a pas utilisé Poseidonios. Appien évoque certes la déportation des habitants de Chios. Mais Poseidonios précisait que ceux-ci avaient été livrés à leurs esclaves invités à fonder une colonie dans le Pont, et ce détail significatif n'apparaît pas chez Appien. - A. N. Sherwin-White, Roman Policy, p. 5, exclut lui aussi Poseidonios des sources possibles d 'Appien et porte sur cet auteur un jugement sévère, à mon avis fondé : l'objectivité historique n'était certainement pas le souci premier d'un moraliste porté à l'ironie et même à la caricature. 609. P. Desideri, Posidonio e la guerra Mitridatica, Athenœum, 51 (1973), p. 261 sq. 610. Selon la judicieuse formule de P. Botteri et M. Raskolnikoff (Q. S., 1979). 611. En revanche, le siège de Thasos, connu par une inscription reproduisant une lettre de Sylla et un sénatus-consulte [DunantPouilloux,Recherchessur l'histoire et les cultes de Thasos, 2, n° 174, p. 37-45 = R. Sherk, Roman documents (1969), n° 20, p. 115 sq.] n'a pas laissé de traces dans la tradition littéraire. On y apprend pourtant que les Thasiens avaient prêté serment de vaincre ou de mourir, et il semble que la résistance qu'ils avaient opposée aux généraux de Mithridate leur avait codté cher, puisqu'ils reçurent en compensation Skiatbos et Péparethos. 612. Les annalistes syllaniens pouvaient aisément glaner auprès d'eux des informations.
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Certains croient que Poseidonios avait également consacré une monographie à Pompée, dont il exaltait les exploits613 • L'hypothèse, qui n'est pas à écarter, dans la mesure où le général romain rendit deux fois visite à l'illustre philosophe 614, repose toutefois sur un passage amphibologique de Strabon. J. Malitz, sans trop y croire, a suggéré qu'il pouvait s'agir d'un enkômion de Pompée, composé après 63 par le rhéteur rhodien615 • Or le caractère panégyrique de l 'excursus consacré par Appien à la guerre menée par Pompée contre les pirates616 frappe encore le lecteur. Il est d'usage, dans l'enkômion, de diminuer les mérites des autres pour grandir le héros que l'on exalte : Appien ne remonte pas son historique de la question au delà de la Jère guerre mithridatique617 , omet certains prédécesseurs de Pompée618 , et non des 613. Cf. Strabon, 11, 1, 6 : 1tpocrti0Et ôt toutotç, ôtt Kai tflV \crtopiav O'l)VÉ'YPŒ'IIE titv 7tEpiaùt6v. Certains - dont Aly - voudraient que aùt6v renvoyât à l'Océan. Ce n'est certes pas impossible, mais ce n'est pas non plus la construction la plus naturelle. Les tenants de cette interprétation admettent, après Aly, que Poseidonios avait consacré une monographie à l'Océan (après son voyage à Gadès) et non à Pompée. Cf. Malitz, o. c., p. 71. 614. En 67 av. J. -C (Strabon, 11, 1, 6), puis en 62 av. J. -C. (Pline, NH, 7, 112 confecto Mithridatico bello) : cf. J. -L. Ferrary, Philhellénisme ... , p. 612-613. 615. J. Malitz, o. c., p. 71-73. Mais cet auteur inclinerait en faveur d'un Schlussabschnitt des Histoires. 616. Mithr. 92, 416--96, 445. 617. Il aurait pu rappeler que l'abaissement de Rhodes et de Pergame après la victoire de Rome sur Persée et celui des Séleucides après Magnésie avaient favorisé l'éclosion de la piraterie crétoise et cilicienne, ce dont Strabon, 14, 5, 2, avait clairement conscience : cf. S. Kreuter, Die Beziehungen zwischen Rom und Creta vom Beginn des zweiten Jahrhunderts v. Chr. bis zum Einrichtung der romischen Provinz, dans : Rom und der griechische Osten, Festschrift H. H. Schmitt, (Stuttgart, 1995), p. 146-148. Mais c'eOt été mettre l'accent sur la responsabilité de Rome, alors qu'Appien (63, 262) prétend que Mithridate fut le premier à lancer les pirates sur les mers. 618. Comme le rappelle J. -L. Ferrary, Recherches sur la législation de Saturninus et de Glaucia, MEFRA, 89 (1977), p. 657, nous savons par Strabon, 14, 5, 2, que Scipion Emilien avait attiré l'atten-
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moindres 619 si l'on songe à Triarius 620 , fait le silence sur l'activité de Metellus en Crète621 , réduit enfin les mérites tion du Sénat sur l'activité des pirates dès 137 av. J. -C. et une loi répondant à ce problème (connue par deux traductions fragmentaires trouvées l'une à Delphes, l'autre à Cnide) fut votée en 101/100 ou en 100/99 av. J. -C. : voir l'exposé d'Ed. Will, Histoire politique du Monde Hellénistique 2, 2 (1982), p. 466-468 et, depuis, H. Pohl, Die romische Politik und die Piraterie im ostlichen Mittelmeer vom 3. bis zum 1. Jh. v. Chr. (1993), p. 216 sq. avec la bibl.; avant même le vote de cette loi, dès 102 av. J. -C., M. Antonius engagea la lutte contre les pirates en Cilicie (cf. Tite-Live, Per. 68 : M. Antonius prœtor in Ciliciam maritimos prœdones persecutus est). Voir M. Pohl, o. c., p. 208 sq. ; il n'est pas impossible que les Rhodiens aient insisté pour que des mesures fussent prises : cf. G. Marasco, Roma e la pirateria Cilicia, Riv. Stor. lt., 99 (1987), p. 135. L'activité de Rome en Cilicie est clairement exposée par T. B. Mitford, Roman Rough Cilicia, ANRW, 2, 7, 2 ( 1980), p. 1234-1236. 619. Sans doute faut-il tenir compte du plan de !'Histoire Romaine, qui conduisit Appien à traiter la campagne de M. Antonius Creticus (père du illvir) contres les pirates (74-71 av. J. -C.) dans le Livre de la Sicile et des îles (fr. 6), tout en signalant que les Crétois envoyaient des mercenaires à Mithridate et assistaient les pirates. Ce Creticum bellum était lié à la guerre mithridatique : cf. Florus, 1, 42, 1 : Javisse Mithridati videbatur : hoc placuit armis vindicare ; voir aussi Diodore, 40, 3. Sur l'activité d'Antonius, cf. S. Kreuter, o. c., p. 149; M. Pohl, o. c., p. 270-274, et l'étude, toujours fondamentale, de P. Foucart, Les campagnes de M. Antonius Creticus contre les pirates en 74-71 av. J. -C., Journal des Savants (1906), p. 569-581. J. Linderski, The sumame of M. Antonius Creticus and the cognomina ex victis gentibus, ZPE, 80 (1990), p. 157-164, conclut d'un réexamen des sources qu'elles ont été interprétées à la lumière du jugement défavorable porté sur Antonius par Cicéron, Il Verr., 3, 312. - La piraterie était en Crète une activité honorable pratiquée de longue date : cf. P. Brulé, La piraterie crétoise hellénistique (1978). 620. Délos éleva une statue à Triarius, son sauveur : cf. ID., 18551857 et 1621). Nous savons par Phlégon de Tralles (Fr. gr. Hist., 159, fr. 12, 12) que ce légat de Lucullus fortifia la ville en 69/8 av. J. -C. [encore que cette date soit jugée trop basse par H. B. Mattingly, M. Antonius, C. Verres and the sack of Delos by the pirates, Mélanges E. Manni, 4 (1988), p. 1492 sq., qui propose 73 av. J. -C.]. Sur l'activité de Triarius à Délos, voir H. Pohl, o. c., p. 190 et n. 97. 621. Les campagnes de Metellus en Crète (entre 69/8 et 67/6 av. J. -C.) avaient également été traitées dans le Livre de la Sicile et des îles, fr. 6 : cf. S. Kreuter, /oc. cit. ; M. Pohl, o. c., p. 274-278 avec
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d'un Murena622et d'un Servilius lsauricus 623. Pour lutter contre le fléau, les Romains désignent sans discussion celui d'entre eux « qui jouissait de la plus grande gloire 624» et lui confient un commandement sans précédent - ce qui est inexact 625. Une victoire totale et définitive626est alors remportée, sans coup férir, par l'homme bibl.. Il apparaît que les Crétois jugèrent avantageux d'apporter leur soumission à Pompée, plus humain, qui enjoignit à Metellus de mettre un terme aux hostilités ; mais ce dernier n'accepta pas l'ingérence de Pompée dans sa provincia. Il serait surprenant que Poseidonios eOt manqué de tact au point d'étaler cette querelle de préséance entre généraux contemporains. 622. La cité de Caunos éleva une statue équestre à Murena et une statue en pied à l'un de ses fils. La dédicace a été publiée par R. Bernhardt, Zwei Ehrenstatuen in Kaunos fur L. Licinius Murena und sein Sohn Gaius, Anadolu, 16 (1974), p. 117-122 : ô ôiiµoç ô Kauvirov ê1tatvEÏ Kai crttKtov AtKivtov AtuKiou u\è>vMoupitvav aùtoKpatopa, EÙEpyÉtflV Kai crcotiipa ytyEvflµÉvov toù ôitµou, x,pucrcpcr-rt,nµ~ ôt Kai tllc6vt KŒÀXÙtq,i1t1tq>dpt-riiç fvEKEv Kai tùvoiaç -riiç Elç tau-r6v. Les Cauniens reconnaissaient l'efficacité de la lutte menée par Murena contre les pirates : cf. BEp, 1976, n° 660. Il aurait également fondé une ville en Asie (Licinia) : on connaît en effet des Moupitvtot : cf. BEp, 1976, n° 595, p. 534. Voir Pohl, o. c., p. 258-259 pour d'autres inscriptions 623. Mithr. 93, 426 et note ad /oc. ; Pohl, o. c., p. 259-263, avec réf. et bibl. 624. Mithr. 94, 428 ; cf. Pohl, o. c., 259-263 avec réf. et bibl.. 625. Mithr. 94,431 : or le commandement conféré à Marcus Antonius Creticus en 74 av. J. -C. n'était peut-être pas moins ample dans son principe que celui dont la Lex Gabinia dota Pompée. Voir Velleius Paterculus, 2, 31, 2 et Pohl, o. c., p. 195 et n. 121. La nature des pouvoirs de Pompée a fait l'objet de discussions, obscures pour le nonspécialiste, dont on trouvera un résumé chez Sh. Jameson, Pompey's imperium in 67 : some constitutional fictions, Historia, 19 (1970), p. 539-560. Voir Notes Complémentaires, ad /oc .. 626. En fait, les pirates laissèrent passer l'orage, puisque les Syriens, sous Gabinius, eurent de nouveau à subir leurs déprédations. Voir Dion Cassius, 39, 59, 2 : Kai è1tEtÔT1Kai o\ };(>pot 7tOÀÀèl-roù ra6tviou, lü.MOÇ-rE Kai tv -rfi d1toucri{l aùtoù ôtivroç 61tè>tcôv ÀTIO"tCÔV 1Ca1Cco8ÉV'tEÇ, 1CŒtE66flO'ŒV, oi tE tEÀÔ>Vatµ11 ÔUVf10ÉvtEÇ tà tÉÀfl ôt' aùtoùç ècr1tpà.çat K. t. À.
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providentiel, qui étonne l'adversaire par son humanité et éclipse tous les autres Romains 627 • Un détail mérite réflexion. Appien écrit que les légats de Pompée lui obéissaient comme à un « roi des rois » 628 • Or le même Appien rapportera ailleurs 629 que les aristocrates romains, qui cabalaient contre Pompée avant Pharsale, le traitaient ironiquement d 'Agamenon et de « roi des rois ». Ce trait acéré ne renvoyait-il pas à un enkômion de Pompée, qui pourrait être celui que résume ici Appien ? Et ne s 'agirait-il pas de l' enkômion postulé par J. Malitz 630 ? H. Strasburger631 avait autrefois suggéré que l'essentiel de ce que nous savons de la piraterie dérivait de Poseidonios. On hésiterait sans doute aujourd'hui à « reconstruire » cet historien perdu à partir de Strabon, Plutarque et Appien. Mais je ne crois pas imprudent de supposer qu 'Appien ne fit rien de plus que de résumer en quelques 627. Appien ignore semblablement que la /ex Manilia attribuait à M' Acilius Glabrio (dont le nom n'est même pas prononcé) le gouvernement de la Bithynie et du Pont (cf. Plutarque, Lucullus, 33, 5 ; Cicéron, De imp. Gnœi Pompei, 26; Mc Ging, ANRW, 2, 34, l (1993), p. 520). 628. Mithr.94 433. 629. BC 2, 67, 278. 630. Pompée eut certes d'autres thuriféraires. Mais un Panégyrique - par définition œuvre de circonstance - avait-il quelque chance d'être conservé jusque sous les Antonins s'il n'était pas inséré dans un corpus? C'était précisément le cas du discours Sur Pompée que l'on croit pouvoir attribuer à Poseidonios. La valeur historique en était, semble-t-il, médiocre. Mais on pourrait en dire autant de plusieurs discours d'Isocrate, qui restaient des modèles pour les rhéteurs. Ce fut peut-être d'ailleurs moins en historien qu'en professionnel de l'éloquence qu 'Appien eut la curiosité de feuilleter un opuscule qui avait au moins le mérite d'être contemporain des événements. 631. H. Strasburger, Poseidonios on problems of the Roman Empire, JRS, 55 ( 1965), p. 40-53, et en particulier p. 42 : « I am convinced that some of the most substantial references we have to the origins and spread of piracy and to its successful final suppression by Pompey are derived from no other than Poseidonios ». Voir aussi J. Malitz, o. c., p. 164 sq.
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chapitres l'opuscule perdu de Poseidonios, respectant l'étroitesse volontaire du sujet et le ton panégyrique632. Ami de Pompée633, Varron lui avait consacré trois livres, intitulés De Pompeio : mais il n'en reste rien, et l'on n'est même pas certain que cet ouvrage racontait les campagnes de Pompée en Asie. Certes, Appien connaît, au moins de réputation, l 'œuvre philosophique et historique de Varron634. Mais nous ne saurions en déduire qu'il en avait tiré profit dans le M ithridateios 635 , pas plus que des Histoires de l'affranchi L. Voltacilius Pitholaus636ou des écrits d'un Oppius, que lisait encore Plutarque637_ Au terme de cet examen, la situation apparaît moins désespérée que ne l'estimait Mc Ging. Certes, beaucoup d'hypothèses n'ont pas survécu et peuvent donner l'impression d'un champ de ruines. Il me semble néanmoins que les Mémoires de Sylla, les Histoires de Ruti632. On sait par Cicéron (Ad Att., 2, 1, 2) que Poseidonios se garda bien de lui rendre le même service qu'à Pompée et qu'il n'écrivit point l'histoire de son consulat. Il me paraît évident que le philosophe rhodien ne voulait pas prendre parti dans les luttes civiles entre Romains (alors que la victoire sur les pirates rencontrait une approbation unanime) et qu'il était sans illusion sur l'influence réelle de Cicéron. En revanche, flatter Pompée pouvait avoir d'heureuses conséquences pour Rhodes, à en juger par ce que Théophane avait obtenu pour Mitylène. 633. Cf. Aulu-Gelle, 14, 7, 2. 634. Cf. BC 4, 47, : q>iÀ.oaoq,6v te 1eai \atopiac; CJU-y-ypaq>éa. 635. F. P. Rizzo, Le fonti perla storia della conquista pompeiana della Siria, Ko/calos, Suppl. 2 (1963), p. 22, s'avance inconsidérément en supposant que le De Pompeio contenait le récit de la guerre menée par Pompée contre Mithridate et Tigrane. 636. Cf. Suétone, Rhet., 3. Voir Anderson, o. c., p. 55-56. Client de Pompeius Strabo, il avait enseigné la rhétorique au jeune Pompée et défendit la mémoire de son patron, vilipendé, entre autres, par Rutilius Rufus. Sensiblement plus âgé que son élève, il paraît peu probable que ses Histoires aient traité la meguerre mithridatique. 637. Plutarque, Pompée, 10.
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lius Rufus, de Salluste et de Strabon, probablement aussi l 'Eloge de Pompée de Poseidonios, sans compter divers chefs-d 'œuvre de l'éloquence latine (dont les discours des Gracques638 , de Cicéron et peut-être de Caton d'Utique) ont très probablement été lus par Appien. On présume qu'il eut recours encore à d'autres sources pour nuancer ce qu'écrivaient ses principaux garants : mais ce serait abuser le lecteur que d'avancer des noms. Retenons seulement que le Livre Mithridatique repose sur une information large et sûre - Appien fut sans doute, comme beaucoup d'écrivains de sa génération, un curieux - mais mal maîtrisée par un rhéteur qui, habitué à improviser, se fiait sans doute inconsidérément à sa mémoire.
VII Tradition manuscrite, traductions et éditions des livres XI à XVII 1 L'inventaire des manuscrits : manuscrits primaires et apographes639
Notre édition repose sur quatre manuscrits primaires issus d'un même hyparchétype perdu. Le plus ancien de ces manuscrits fut copié vers 1350. Les trois autres datent du milieu du xvesiècle. Il s'agit donc de produits de la renaissance byzantine, dont l'absence de tradition indirecte640ne permet pas de contrôler la fiabilité. 638. Rappelons qu 'Aulu-Gelle lisait encore les discours de Caïus Gracchus et qu 'Appien, qui fréquenta durant de longues années le cercle de Fronton, avait certainement entendu lire et commenter chez celui-ci les œuvres des grands orateurs de la période républicaine. 639. Nous reviendons, le moment venu, sur les quelques manuscrits partiels. 640. La tradition indirecte se réduit à quelques rares et brèves citations du Lexique Sur la Syntaxe (cf. Notice du Livre d'Annibal, p. XLV sq.).
CXXVI
NOTICE
A LE LAURENTIANUS LXX-5 (L)641 ET SESAPooRAPHES Le Laurentianus LXX-5 est connu depuis longtemps : Bandini le signale dans son catalogue642 ; de même que Fabricius-Harles (VI, p. 249) et déjà Montfaucon 643• Schweighauser (Praef p. XXIII) ne le mentionne qu'en passant -mais les quelques pages collationnées à son intention (Préface de l'Histoire Romaine et BC 3, 6667) ne lui permettaient pas d'apprécier la valeur de ce manuscrit. Mendelssohn, qui le consulta, le tint lui aussi pour négligeable (suivi par Viereck-Roos). Aubrey Diller644fut le premier à reconnaître en L un manuscrit primaire d' Appien, et cette intuition a été depuis vérifiée par un important travail de M. R. Dilts645• Il s'agit d'un manuscrit sur papier, du XIVe siècle. Les filigranes, étudiés par M. R. Dilts (o. c., p. 51-52) appartiennent tous au 2e quart de ce siècle, et l'on peut penser que L fut copié circa 1345-1350, peut-être en Morée646 • Cinq copistes ont travaillé à ce manuscrit647• En 1492 Janis Lascaris l'acheta en Crète à Niccolo de Sienne, pour le compte de Laurent le Magnifique. L contient la Préface de l'Histoire Romaine, suivie d'une adnotatio (P 0 -4ro) ; le résumé du Livre Celtique 0 (4ro_5r le Livre Syriaque (6r0 -16v0 ) ; le Livre de ), 641. J'attribue à ce manuscrit le sigle L, laissé vacant par le Vossianus miscellaneus 7, qui n'a plus à être utilisé. C'est le l de M. R. Dilts. 642. Catal. codicum gr. Biblioth. Mediceae Laurentianae (1786), II, p. 650 sq. 643. Bibliotheca Bibliothecarum, l, p. 377. 644. A. Diller, Photius' Bibliotheca in Byzantine Literature, Dumbarton Oaks Papers, 16 (1962), p. 393 : « this codex is a primary MS for Appian and other texts it contains ». 645. The Manuscripts of Appians Historia Romana, Revue d'Histoire des Textes, 1 (1971), p. 49-71. 646. On reviendra sur cette question le moment venu. 647. Dilts attribue au copiste L2 la Syriaké, la Parthiké, le Mithridateios, la fin de BCl et une grande partie de BC2.
NOTICE
CXXVII
0 0 ) ; le Livre de /'Illyrie [mutilé] (32V), l'Afrique c17ro_32v le Livre Parthique [apocryphe] (33ro-42ro); le Livre 0 ) ; enfin les Guerres Civiles 1-V Mithridatique (42ro-62v (65ro-192ro). Le fait que le Livre Illyrien s'arrête abruptement 648 dans L en fin de cahier permit à Dilts de montrer que ce manuscrit était l'ancêtre de la « famille i », identifiée par Schweighauser, dont j'énumérerai rapidement les représentants, que l'éditeur n'a plus à consulter.
a) Dilts a répertorié quatre apographes directs 649 de L, copiés avant 1492. Il est à peu près certain que l'un d'entre eux (t) fut copié en Crète. On ne saurait se montrer aussi affirmatif dans le cas des trois autres, puisque l'on ignore quand exactement L fut apporté dans l'ile : peut-être en 1453. Or les apographes (d) et (f) se trouvaient déjà à Florence en 1450. Voici la liste de ces apographes directs de L : 1) Urbinas gr. 103 (t). Manuscrit sur papier, copié en Crète (avant 1492) par George Tribizias, dont l'activité se place dans la seconde moitié du xves. Ce manuscrit entra à la Bibliothèque Vaticane en 1658, avec tous les manuscrits réunis par Federico de Montefeltre, comte d'Urbin, d'où l'appellation d'Urbino-Vaticanus que lui donne Schweighauser, Praef, p. XXVIII.
2) Vaticanus gr. 142 [olim 137] (c). Copié par Jean ( ?) Arnès de Naupacte, vers 1450 - peut-être en Crète. Entré à la Bibliothèque Vaticane avant 1475. 3) Rhediger 14 (d). Manuscrit sur parchemin, du xve s., peut-être copié en Crète. Le fait qu'il fut utilisé par Pier Candido Decembrio tend à prouver qu'il se trouvait à Florence dès avant 1450. Acheté par le légat Thomas 648. Les raisons de cette mutilation ne sont pas claires. Nous reviendrons là-dessus dans la Notice du Livre Syriaque 649. Auxquels il convient d'ajouter la seconde partie du Parisinus gr. 1682 (b).
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NOTICE
Rhedinger au cours d'un voyage en Italie (entre 1567 et 1569), il devint en 1648 la propriété de la ville de Vratislava, où il fut longtemps conservé dans la Bibliothèque du Lycée Elisabeth, avant d'être transféré à la Bibliothèque de l'Université. Schweighauser en connut l'existence par l'intermédiaire de Jérôme Scholtz (Praef, p. XXXII). 4) Laurentianus LXX-33 (t). Ce manuscrit sur parchemin, du xve s., ne contient que les trois derniers livres des Guerres Civiles. Il semble avoir été également utilisé par Decembrio, ce qui implique sa présence à Florence circa 1450. b) Dilts énumère et classe cinq apographes indirects de L: 1) Marcianus VII, 10 (s). Manuscrit copié à Florence par César Stratègos, vers 1475-1500. Dilts (o. c., p. 57) a montré qu'il avait pour source le Rhediger 14 et le Laurentianus LXX-33. 2) Parisinus gr. 1681 (a). Manuscrit sur papier, du début du XVIe s., offert à Louis XII par la Seigneurie de Florence. Il fut utilisé par Claude de Seyssel pour sa traduction d 'Appien, puis par Charles Estienne pour l 'editio princeps de 1551. C'est le Regius A de Schweighauser (Praef, p. XXII), qui en fit un large usage. Mais il ne s'agit que d'un apographe du précédent, comme l'a montré Dilts, o. c., p. 57-58. 3) Parisinus gr. 1682 (b). Manuscrit sur papier, copié à Florence entre 1529 et 1534. La première partie (Préface de l'Histoire Romaine, résumé du Livre Celtique, Livre Syriaque, Livre Africain Livre Mithridatique 1-63) a pour source le Marcianus VII, 1O. En revanche, le reste a été copié directement sur L : cf. Dilts, o. c., p.58-59. Lazare de Baïf acheta ce manuscrit à Venise entre 1529 et 1534 et le rapporta à Paris. Guillaume Budé l'utilisa et l'annota. C'est le Regius B de Schweighauser.
NOTICE
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4) Palatinus gr. 70 (g). Manuscrit de la première moitié du XVIe s., copié sur (s) selon Dilts, o. c., p. 60. 5) Scorialensis T II 4 (143) (n). Copié à Venise, en 1542, par Andronic Nuccius, pour don Diego Hurtado de Mendoza. C'est également un apographe de (s), à ceci près que le Livre Illyrien fut complété à partir du Monacensis gr. 374 (A). Cf. Dilts, o. c., p. 60. J'ai procédé, sur photographies 650, à la collation complète de L. Le bilan se révèle assez décevant. Certes, on peut désormais alléger et clarifier l'apparat critique 651. Mais, d'un autre côté, dans le seul Livre Mithridatique, j'ai relevé environ quatre-vingts omissions 652et une quinzaine d'additions, souvent inutiles. Les fautes de copie sont également nombreuses 653. Plus de cent vingt variantes, portant généralement sur le mode et le temps des verbes, ou sur les prépositions et préverbes, confirment l'impression de négligence ressentie par mes prédécesseurs654.C'est néanmoins le plus ancien représentant 650. Je remercie le Conseil Scientifique de l'Université de Nancy II de m'avoir accordé naguère, sur le rapport de mon ami Cl. Brixhe, les moyens de recourir à ce procédé dispendieux. 651. Par exemple, en 17, 59, on n'écrira plus « 1eai add. Roos ex 0, om. vulg. », mais « 1eai om. L », que l'on pourrait développer en « 1eai P BJ : om. L » ; en 26, 104, au lieu de « toùtov, quod conj. Mend pro vulg. toùto, habet O », on écrira « toùtov P BJ : toùto L », formulation qui ramène O à sa juste valeur. Il est inutile de préciser, en 15, 50, è>..0ci>v L : (J\)V-i ou, en 119, 585 toùç om. i, habet L. En 31, 123, si 1t&pitaroa& n'est plus indiqué dans l'apparat, c'est que de telles anomalies n'apparaissent que dans certains apographes de L. 652. L'article, les coordonnants, les propositions ou particules monosyllabiques sont souvent sautés. C'est parfois le cas de groupes de mots : èv 1t6vtq> (8, 24) ; 1eai Ôlf1p1taÇeto (61, 251) ; 1eai toîç Jkoµoîç (75, 323) ; èç tà q>poupiov (85, 382) ; eù0ùç µtv (103, 477) ; d1tà ti\ç Pou>..i\ç(121, 596). 653. Comme aia0&iç pour ôta0&iç, Tiy6av11ç pour Tiypav11ç, Ba6icp pour cI>a5iq>,ÔCJtatou pour ~ CJtaCJ1tou,etc ... 654. Les vraies variantes, comme taÂ.avta (L) / xpitµata (P BJ) en 3, 8, 1t6Â.tv(L) / KIDµT)V (P BJ) en 64, 269, ou dxopi~ (L) / dmoÂ.&i~(PBJ) en 81, 362, sont rares.
CXXX
NOTICE
de la tradition directe et, de ce fait, il lui arrive quelquefois, comme on le verra, de conserver la bonne leçon. L présente de rares additions marginales et de nombreuses variantes supralinéaires, réduites souvent à quelques lettres 655 • Ces dernières renvoient tantôt à P656 , tantôt à 0 657 • La plupart d'entre elles remontent probablement à l 'hyparchétype 658 • B) LESAf>OGRAPHES
DE
0
L'existence du manuscrit perdu 0, entrevue par Schweighauser et confirmée par Mendelssohn (Praef p. XX) ne fait pas de doute. Précédé d'un poème de Jean Eugénikos 659 dédié à l'empereur Jean Paléologue ( 14251448), 0 contenait la Préface de }'Histoire Romaine (y compris l 'adnotatio ), le Livre Africain, puis un pinax, enfin la série que voici : Livre Syriaque, Livre Parthique, Livre Mithridatique, Guerres Civiles 1-V, Livre Illyrien (complet). M. R. Dilts (o. c., p. 64) estime que O fut copié, peutêtre à Constantinople, entre 1425 et 1440, date de son 655. Elles sont généralement de la main du copiste, mais quelquefois d'une seconde main, peut-être celle du chef d'atelier. 656. Cf. par exemple Mithr. 15, 3 : Bacrtépva1ç Ls1P / Bacrtépvo1ç LB / Bacrtapvotç J ; 121, 597 : Koµav01ç Lmgp / KoµµaYTIVoiçBJ / Mav01ç L. 657. Cf. 109, 518 : 1tpocrécrtcr8a1Ls1 BJ : / 1tpocrécr8m LP; 49, 194 AopuÀaoç LP: AopuaÀo L51BJ. 658. Cf. infra, p. CXL sq. 659. Conservé dans le Vat. gr. 134, t'° 124 (cette partie du mss. n'est pas de la main d'Isidore) et le Vat. gr. Pii II 37, F 1, ce poème long de 58 trimètres ne contient aucune allusion à Appien. Sa présence en hors-d'œuvre donne toutefois à penser que O fut offert à Jean Paléologue : cf. K. Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Litteratur ( 1897), p. 495-496. Le poème de Jean Eugénikos est trop vague pour que l'on en tire la moindre indication sur l'occasion de ce présent. Peut-être aurait-il quelque rapport avec le concile de Florence (1438/9) et le voyage de Jean VIU en ltalie(1437/8), où Jean Eugénikos accompagna l'empereur.
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CXXXI
premier apographe. Le manuscrit disparut probablement dans la catastrophe de 1453. Compte-tenu de sa date (circa 1430), 0 doit être considéré comme un manuscrit de la Renaissance et sa « qualité » (admise implicitement depuis Schweighauser) ne saurait faire illusion. Elle doit résulter d'un travail critique sur le texte vulgaire d 'Appien, tel que nous le connaissons par L, et non du recours à un modèle de plus grande valeur, puisque, comme nous le verrons, 0 et L dérivent d'un même hyparchétype postérieur à Photius. a) Le livre Mithridatique figure dans deux apographes directs de O : 1) Marcianus gr. 387 (B). Ce manuscrit sur papier, copié en 1440 par Gédéon, appartint au cardinal Bessarion, puis entra après sa mort à la Marcienne (en 1468). C'est le Venetus Marcianus de Schweighauser (Praef. p. XXIV), qui disposa d'une collation effectuée à son intention par Jean-Paul Blessing, d'Ulm. 2) Vaticanus gr. 134 (J). c'est un manuscrit sur papier, du milieu du xve siècle. Les 124 premiers feuillets contiennent les Antiquités Romaines de Denys d'Halicar5 125ro_318ro. Les f515(}f0(à nasse. Appien occupe les f partir de la ligne 18) -318rosont de la main d'Isidore le Ruthène 660, auquel ce manuscrit appartint 661 • Figurant dans l'inventaire de Platina, dressé en 1475, J entra avant cette date à la Vaticane. Schweighauser en connut l 'existence, mais ne disposa que de notes prises par Spaletti sur le Livre Mithridatique. Il n'en saisit pas moins la parenté entre J, B et l'Augustanus (A)·: cf. Praef. p. XXVI. 660. Isidore, Grec de naissance, devint métropolite de Russie. Favorable à l'Union, il fut déposé par le tzar Ivan II : cf. G. Ostrogorsky, Geschichte des byzantinische Staates (1963), p. 466. 661. Aucun mss. d 'Appien ne figure parmi les nombreux emprunts d'Isidore à la Bibliothèque Vaticane [cf. R. Devreese, Le fonds grec de la B.V. des origines à Paul V (Studi e Testi 244), 1965, p. 37 sq.], ce qui donne à penser qu'il possédait un exemplaire de cet auteur.
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NOTICE
Le manuscrit n'est pas daté. Il doit toutefois avoir été copié à Constantinople, et Isidore y séjourna, semble-t-il, en 1446 : cf. G. Mercati, Scritti d'lsidoro, il cardinale Ruteno (Studi e testi 46), 1926, p. 102-103. Il y revint certes en 1453, mais dans des circonstances dramatiques qui se prêtaient mal à des travaux de copie 662• Cette date est de toute manière trop tardive, puisque Candido, comme on le verra, disposa à Rome du Vaticanus gr. 131 au cours des années 1450-1453663• b) Les apographes indirects de O sont au nombre de six, dont l'éditeur n'a plus à se soucier : - cinq apographes de B : 1) Vaticanus gr. 1612 (k). Manuscrit sur papier, copié en 1540 par George Cocolos. 2) Monacensis gr. 374 (A). Manuscrit sur papier, copié à Venise entre 1540 et 1542 et longtemps conservé à Augsbourg. C'est l'Augustanus de Schweighauser (Praef p. XXI) qui le datait du xves. et le tenait pour un manuscrit primaire (comme encore Mendelssohn). Viereck (Praef p. V = Viereck-Roos, Praef p. XIV-XV) crut que A avait été copié directement sur B. Mais selon Dilts (o. c., p. 66), A fut copié sur le Vaticanus gr. 1612 (k) avec des additions de seconde main provenant du Scorialensis T II 4 (143). 662. Cf. D. J. Geanakoplos, Greek Schofars in Venice (Harvard 1962), p. 78-79. Isidore revint à Constantinople en 1452 pour y proclamer l'union décidée par le concile de Florence. Il s'échappa, déguisé, quand la ville fut mise à sac par les Turcs. Il n'eut sans doute alors ni le loisir de copier un manuscrit ni la faculté de l'emporter avec lui. - Rappelons qu'il existait des liens d'amitié entre ces copistes (ou humanistes) auxquels nous devons nos manuscrits d' Appien. On trouvera dans E. Legrand, Cent dix lettres grecques de François Fi/elfe (1899), p. 289 sq., plusieurs lettres de Jean Eugénikos adressées l'une à Pléthon, l'autre à Bessarion, la troisième à Isidore le Ruthène. Je doute que l'intérêt porté par Isidore et Bessarion à O soit l'effet du hasard. On penserait plutôt que ceux-ci avaient appris (peut-être à Florence et donc de bonne source) l'existence et l'intérêt de ce manuscrit. 663. Cf. infra, p. CLIV.
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3) A ces deux manuscrits, ajoutons le Palatinus gr. 390 (M), du XVIe s., apographe de A selon Dilts, o. c., p. 67; 4) le Scorialensis T II 4 (143) (n) [2e partie], copié directement sur A selon Dilts, o. c., p. 61 ; 5) enfin le Vossianus Miscellaneus 7, manuscrit sur papier, du XVIIe s., conservé à Leyde, copié sur n selon Dilts, o. c., p. 61. - un apographe de J : British Museum Add. ms. 5422 (s). Manuscrit sur papier, copié à Rome par Nicolas Sophianos vers le milieu du XVIe s. Voir Dilts, o. c., p.68. Depuis Schweighauser, la famille O a été privilégiée par les éditeurs 664 • Mais ses deux représentants sont d'inégale valeur. Copiste de métier, Gédéon n'ajoute rien et omet peu 665 • En revanche, pour le seul Mithridateios, on relève dans la copie d'Isidore deux additions et vingtdeux omissions, dont un saut du même au même d' environ une page imprimée. Plus grave encore, le cardinal ruthène n'hésite pas à corriger son modèle : éditer J, c'est donc prendre le risque d'adopter une conjecture récente, risque que mes prédécesseurs ne pouvaient toutefois éviter, faute de posséder le repère que fournit désormais P. C) UN MANUSCRIT
PRÉTENDUMENT«
CONTAMINÉ»
:
P
Dilts (o. c., p. 69-70) juge « contaminés » deux manuscrits que ni Schweighauser ni Mendelssohn 664. J'ai procédé à une nouvelle collation, sur photographies, de ces deux manuscrits. Ce travail s'est révélé à peu près inutile pour B. Dans le cas de J, en revanche, force est de constater que la travail avait été bâclé, en particulier pour les Guerres Civiles. 665. Quatre mots sautés dans le Mithridateios, dont deux fois la préposition èç.
CXXXN
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n'avaient utilisés. Nous reviendrons dans la Notice du Livre Syriaque sur le second d'entre eux, le Matritensis 4564 (olim N 25) [Q]. Le premier mérite dès à présent notre intérêt. Il s'agit du Vaticanus gr. 2156 [P], manuscrit sur papier, achevé en mars 1450. Il est écrit sur deux colonnes, d'une seule main récemment identifiée 666 • Il contient la Préface avec l' adnotatio, le résumé du Livre Celtique, le Livre Africain, le Livre Syriaque, le Livre Parthique, le Livre Mithridatique, les livres 1-V des Guerres Civiles, le Livre Illyrien (complet). Ce manuscrit est entré à la Vaticane entre 1820 et 1850 et ne figure pas dans le catalogue imprimé, toujours inachevé 667• Il provenait de la Bibliothèque de San Pietro, à Pérouse, et avait appartenu, semble-t-i1668, à l'érudit pérugin Francesco Maturanzio 669, dont la collection fut 666. Le copiste a été identifié par Gamillscheg et Canart comme étant Théodore Agallianos. Voir Ph. Hoffmann, La collection de manuscrits grecs de Francesco Maturanzio, érudit pérugin, MEFRM, 95 (1983), p. 89-147 (en particulier p. 140). 667. Le regretté Pierre Bertrac m'instruisit, dans une lettre du 17 novembre 1990, qu'il figurait dans deux inventaires manuscrits : /nv. 323 (fol. 632 v0 ) : 2156 Perusinus. Adhibitus a Jac. Gronovio. Repris sans changement dans lnv. 324 (dressé sous Léon XIII par G. CozzaLuzi) fol. 187. Les recensions en cours de S. Lilla ont porté sur les codd. 2162-2254 (en 1995) et 2644-2663 (en 1996). 668. Vers 1810, alors que les Vat. Grrec. 2156 et 2157 se trouvaient encore à Pérouse, Venniglioni tenait la chose pour assurée. Ph. Hoffmann, o. c., p. 139 sq., se montre moins affirmatif. 669. Ou Matarazzo, connu comme auteur sous la forme latinisée de son nom (Franciscus Mataracius). Voir M. E. Cosenza, Biographical and Bibliographical Dictionary of the Italian Humanism and of the world of Classical Scholarship in Italy, 1300-1800 [1962), p. 22322233. La· Bibliothèque Nationale possède de lui un traité de métrique, De componendis versibus hexametro et pentametro, Venise (1468) chez Erhardt Ratdolt, ainsi que des commentaires de Cicéron et de Stace, etc ... Sa biographie a été établie par G. B. Vermiglioni, Memorie per servire alla vita di Francesco Maturanzio, oratore e poeta perugino (Pérouse, 1807), à compléter par l'étude plus étendue de G. Zappacosta, Francesco Maturanzio umanista Perugino (Saggi e ricerche di lingua e letteratura ltaliana, 1), Bergame, 1970.
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dispersée 670 • Le livre ne paraît pas avoir été acheté par celui-ci en Crète 671 , puisque l'on pouvait, semble-t-il, le consulter à Rome avant 1453672• P. Canart et V. Peri, Sussidi bibliografi,ci per i manoscritti Greci della Biblioteca Vaticana [Studi e Testi 261] (1970) ne fournissaient encore aucune référence bibliographique 673 • Il revient à M. R. Dilts d'avoir attiré l'attention sur ce manuscrit même si ce fut pour l'écarter. P comporte de nombreuses annotations marginales dues à un lecteur de la fin du xvesiècle, peut-être Maturanzio lui-même 674 • On retrouve des annotations du même genre dans le Vaticanus gr. 2157 (Anabase et Inde d 'Arrien) provenant lui aussi de San Pietro 675 • Ce dernier manuscrit n'est autre que le Perusinus utilisé par Jacob Gronovius pour son édition d' Arrien. Roos le donnait encore pour perdu 676 • P n'a pas de descendance connue. J'ai entièrement collationné ce manuscrit sur photographies. Pour le Livre Mithridatique, P présente 45 omissions, dont deux seulement portent sur plus d'une ligne : il ne s'agit d'ordinaire que de mots sautés, surtout des monosyllabes. P offre également quatre additions (encore monosyllabiques). Surtout, ce manuscrit s'écarte fré670. On ne possède aucun inventaire de sa bibliothèque, mais on sait qu'à sa mort (20 aoOt 1518) il en légua une partie au monastère San Pietro de Pérouse : cf. Ph. Hoffmann, o. c., p. 90. Un de ses livres appartint ensuite à Fulvio Orsini : cf. P. de Nolhac, La Bibliothèque de Fulvio Orsini, p. 174. 671. Où Maturanzio séjourna entre 1472 et 1474 : cf. Ph. Hoffmann, o. c., p. 91. 672. Cf. infra, p. CL V. 673. L'inventaire manuscrit 323 [fol.632v 0 ] ajoute « Adhibitus a Jac. Gronovio » et renvoie à Fabricius-Harles 3 V, 93. La confusion avec Arrien est patente. P. Bertrac constatait sobrement que le Vaticanus gr. 2157 correspond exactement à la description qu'en donne Vermiglioni, qui le vit à Pérouse dans les premières années du XIXesiècle. 674. C'était du moins l'opinion de Vermiglioni, que ne partage pas Ph. Hoffmann. 675. Cf. G. Battelli, Gli antichi codici di S. Pietro di Perugia, dans : Scritti scelti, (Rome, 1975), p. 355-382.
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NOTICE
quemment de L comme de O : si l'on fait abstraction des orthographica ou des fautes matérielles, il reste dix-sept variantes portant sur des modes ou des temps, vingt-trois sur des cas, vingt-six sur des prépositions ou des préverbes, deux sur des négations. Les vraies variantes ne dépassent guère la dizaine. mais on verra que plusieurs d'entre elles méritent d'être retenues. Selon Dilts, P (et Q) dériveraient d'un même « hyparchétype », proche de L, mais corrigé à partir de O. Ce savant écrit (p. 70) : « Since several conjonctive errors have been observed between L, P and Q, and not between 0, P and Q, the hyparchetype was doubtless derived from L or one of its apographs, and later corrected, but not in every case, from a ms. of the O family ». Un éditeur d 'Appien se verrait donc dispensé de recourir à ces deux manuscrits (p. 71). Ce classement se heurte, au moins dans le cas de P, à de sérieuses difficultés dont je donnerai quelques exemples : a) Considérons d'abord le cas du Livre Illyrien. Si l'on épouse les vues de Dilts, P ne peut avoir emprunté ce livre à L, dont il est presque entièrement absent à la suite d'une mutilation antérieure à ses plus anciens apographes, copiés avant 1450. P devrait donc reproduire le texte de BJ. Mais il n'en est rien : en 17, 50, P comble par 1tapEÀ.06vtoç une omission de BJ (Schweighauser rétablissait à tort d1tox_rop11auvtoç)677 ; en 15, 43, P donne cruyyÉypaq>EV,voulu par Mendelssohn ; enfin, toujours en 15, 43, P comble un saut du même au même de BJ : ri tà 1tp61toôa, sç tflV 'ltaÀ.iav dvoprovtEç· oî o' sç tè>1tÉpav trov., AÀ.1tErovx::r.Â.. 676. Voir la Préface de son édition d' Arrien, p. XLIV et n. 3 : « Perusinum anni 1454 nunc deperditum » ; « Perusiae hodie nul/us
Arriani codex exstat » -et pour cause ... 677. Rappelons que L n'a conservé que les premier chapitres de ce livre.
NOTICE
cxxxvn
b) dans le Livre Africain, 94, 442-443, P laisse un blanc correspondant à seize lignes d'une colonne, soit cinq lignes Teubner6 78 • Or cette lacune ne se retrouve ni dans L ni dans BJ. c) Si l'on se limite au Livre Mithridatique, on doit constater dans P des fautes inexplicables si ce manuscrit résulte d'une contamination entre Let BJ. Pourquoi en 8, 26, P écrit-il &i to au lieu de &ÏÂ.ovto (L BJ) ? En 43, 164, 01)Â.Â.a6av6vtcov et non croÂ.Â.aµ6av6vtcov? En 68, 288, oî au lieu de fçot ? En 84, 377, 6ooôapooç (sic !) au lieu de ôap6apooç (L BJ) ? En 91, 414, crtpat11yco (sic !) au lieu de crtpat11yficrat (LB 679) ? En 92, 416, 1t&pt1tÂ.ÉCJ'&tv ovt&ç au lieu de 1t&pt1tÂ.Éovteç (LB)? en 92,417, dpxcov (sic !), avec la variante supralinéaire crtpat11ycôv, au lieu de Â.Ticrtapxcôv(L BJ) ? On a l'impression que la lecture de ces mots présentait des difficultés insurmontables dans le modèle du Vaticanus gr. 2156. d) Si l'on élargit l'enquête à d'autres parties de l'Histoire Romaine, on voit que P offre sporadiquement des leçons de grande valeur, qui ne proviennent ni de L, ni de O. J'en donnerai quelques exemples : BCl : en 19, 82, P donne êpyacr&cr0at, conjecturé par Mendelssohn ; en 21, 85, on lit ê1te1epatet, leçon tirée de la version latine de Candido 680 par Schweighauser et Mendelssohn ; en 69, 317, P donne El cbç, émendation de Henri Estienne tirée de Candido ; en 89, 412, on lit CJ'lCOtoç, conjecture de Musgrave. BC2 : en 14, 50, P donne f)yyo11µtv11v, proposé par Mendelssohn ; de même en 35, 137, où on lit ècr-raÂ.µÉvooç, également proposé par Mendelssohn ; en 47, 192, on trouve 01)Vt6vcoç, correction de Schweighauser, tan678. Il, p. 263, 1. 27/28 - p. 264, 1. 3. 679. Ce passage tombe dans une lacune de J. 680. Cf. infra, p. CL VI sq.
CXXXVIII
NOTICE
rov,
dis que en 49,201, on a µe8' comme le voulait Musgrave ; en 49, 204, P donne Bt6oôÂ.oç, rétabli, avec l'accentuation correcte, par Rutgers ; en 119, 499, on lit µeata, correction de Cobet et Mendelssohn ; en 129, 540, P donne voµtµcbtepov, comme Schweighauser; en 141, 590, on trouve tci>vôe, proposé par Mendelssohn d'après Candido ; enfin, en 60, 250, P comble ainsi la lacune indiquée par Schweighauser : ô8ev a1tpa1etoç àvex,cbpet· ftepat yàp ~aav xuÂ.at 1eai fttepov \epè>v 'Apttµtôoç. BC3 : en 2, 5 et sq., P donne les formes correctes TiÂ.Â.toç et datt1Coi ; en 3, 6, il écrit Î)1tEiÂ.El ôt aôtoiç, intéressante leçon correspondant dans L à un blanc d'environ 10 lettres : P n'a pu trouver dans O ce complément681 ; en 3, 7, on lit ataatci>tat, conjecture de Schweighauser ; en 4, 11, P donne x,apô.ç au lieu de 1tpo8oµiaç (leçon de 0) : L présente un blanc d'environ cinq lettres 682; en 11, 37, P donne ty1ea8iÇotto, souhaité par Viereck; en 17, 61, [tà], athétisé par Musgrave, n'apparaît pas ; en 18, 66, P écrit toô lCÂ. 11poo, comme le proposait Mendelssohn ; en 18, 68, on lit chç ô11lôtcbtoo, meilleur que oôôt lôtcbtoo (L BJ), et, en 19, 69, la forme correcte aovoµcoµoaµtvooç ; en 22, 82, on lit toô KÂ.11poo, correction de Schweighauser pour toô KÂ. Tlpov6µoo ; en 22, 83, [tà], athétisé par Musgrave, n'apparaît pas ; en 23, 88, P donne xpaaecoç, correction de Henri Estienne tirée de Candido, au lieu de xpaçecoç (L BJ) ; en 28, 110 on lit tà µéytata, proposé par Mendelssohn ; en 39, 156, on lit taçtapx,otç, que réclamait Mendelssohn ; en 42, 172, lC~ta est préférable à 1eai (L BJ) ; en 43, 175, P donne µtv, correction proposée par Cobet et 681. Il faut sans doute comprendre que f)1tttÀ.Etétait peu lisible dans l'ancêtre commun de Let de O. 682. Même cas de figure : un mot peu clair dans le modèle commun de nos manuscrits primaires a été lu xapà.ç par Pet 1tpo8uµiaç par 0, tandis que L laisse un blanc dont l'étendue correspondrait plutôt à xapà.ç.
NOTICE
CXXXIX
Mendelssohn, au lieu de µéaov ; en 48, 197, la variante nouvelle 6uacp6pouç au lieu de µur0ocp6pouç (L BJ) mériterait d'être retenue ; en 64, 261, on lit ô1tayayéa8a1, proposé par Mendelssohn ; en 69, 283, tç tà aino, leçon de P, paraît préférable à tç aùt6 ; en 92, 378, on note la forme correcte Kup1vaÂ.iou ; enfin, 41, 168, P comble un saut du même au même passé inaperçu : Kai tOV Kaiaapa è1tnve1, O'tpatàv ô1tèp tllÇ 1tatpi6oç dyeipov,:a, Kai dµ6ve1v aùtii 1taptKaÂ.t1 Katà 'Av,:roviou. BC4 : en 3, 11, P donne la forme correcte NouKtpia; en 22, 88, P (avant correction) lisait èvaÀ6µevov, correction de Mendelssohn ; en 63, 271, on lit dcp1Koµév11, autre correction de Mendelssohn ; en 85, 359, P donne seul la forme correcte l:KuÀÀa1ov; en 93, 388, P omet oùK, que condamnait Mendelssohn ; en 94, 392, on lit d1tpaçiaç, conjecture de Cobet ; enfin, en 129, 544, P donne ô6e (comme le Laurentianus LXX-33), leçon retenue par Cobet. BC5 : P est le seul mss. à employer le génitif 'Aypi1t1ta au lieu de 'Aypi1t1tou ; en 36, 149, ttvaç, condamné par Viereck, est absent ; en 43, 184, on lit f)tt118évta au lieu de où 6uv118évta (leçon de O ; le mot manque dans L) : la variante mérite l'attention ; en 50, 212, P donne tùtpé1t1Çov, considéré comme une correction de Charles Estienne ; en 67, 283, P donne 1tEpt6601ev, conjecture de Musgrave ; en 75, 320, on a la forme correcte Ilap811vo6ç, rétablie par Schweighauser; de même, en 85, 359, on lit dpaaa6µeva1, tiré par Schweighauser de la version de Candido. J'ajouterai quelques exemples puisés dans le Livre Illyrien qui, du point de vue de l'histoire du texte, fait corps avec les Guerres Civiles : En 9, 28, on lit tàç 1t6Àe1ç, qui parai"'tbon ; en 11, 32, P donne seul la forme AtÀµatéaç (J écrit AeÂ.µataiaç) ; toujours en 11, 32, on lit t6xo1ev, conjecturé par Schweighauser.
CXL
NOTICE
On voit ainsi que la collation intégrale de P, à laquelle j'ai procédé, interdit que l'on se range à des conclusions fondées sur quelques observations éparses. La méthode du sondage, pratiquée par M. R. Dilts, est certes légitime quand on s'emploie à classer des apographes ; mais elle trouve ici sa limite : le Vaticanus gr. 2156 ne peut en aucune façon résulter de la contamination des traditions représentées par L et BJ. P figurera donc parmi nos manuscrits primaires, qu'il convient de classer. Pour ce faire, je démontrerai d'abord que L, P et BJ descendent d'un même hyparchétype, postérieur à Photius.
II- L'ordre des livres 1 Le témoignage de Photius Vers 850-855 de notre ère683, le patriarche Photius analysa684 dans sa Bibliothèque (codex 57) le contenu de l' Histoire Romaine d' Appien 685. Il disposait d'une édition en trois volumes 686, où l'œuvre était répartie en 683. Sur cette date, cf. A. Diller, Photius' Bibliotheca in Byzantine Literature, Dumbarton Oaks Papers, 16 (1962), p. 389. 684. J'adopte la terminologie de T. Hagg, Photios ais Verminler
Antiker Literatur. Untersuchungen zur Technik des Referierens und Exzepierens in der Bibliotheke (Uppsala, 1975) qui, p. 197 sq., distingue chez Photius trois procédés : Exzerpte, Kurzreferat, analystische Referat. Photius ne nous a laissé aucune citation littérale d' Appien, mais seulement une analyse de l'ensemble de l'œuvre, complétée par un résumé du livre I. 685. On peut douter que Photius ait jamais lu l'œuvre d'Appien dans son intégralité : D. Mendels, Greek and Roman History in the Bibliotheca of Photius, Byzantion 56 ( 1986), p. 196-206, paraît dans le vrai en soutenant que le Patriarche ne s'attarde que sur ce qui l'intéresse. 686. L. Canfora, Conservazione e perdita dei Classici, Padoue 1974, p. 25, a supposé que l'œuvre d'Appien était divisée en pentades. Cette hypothèse, qui paraissait invraisemblable à C. Coppola, L 'Historia Romana di Appiano e i Parthica di Arriano nella « Biblioteca » di Fozio, Studi Salernitani in memoria di Raffaele Cantarella, Salema ( 1981), p. 4 79, n. 11, est entièrement démentie par les faits.
NOTICE
CXLI
vingt-quatre livres 687 • Ces livres portaient la numérotation suivante : 13. BC I 1. Basiliké 2. ltaliké 14. BC Il 3. Saunitiké 15. BC Ill 4. Keltiké 16. BC IV 5. Sikéliké et Nésiotiké 17. BCV 6. lbériké 18. BC VI 7. Annibaïké 19. BCVIl 8. Libyké, Karchédoniaké, Nomadiké 20. BC VIIl 9. Makédoniké 21. BC IX 688 22. Hékatontaéteia 10. Helléniké et lôniké 11. Syriaké et Parthiké 23. Dakiké 12. Mithridateios 24. Arabios
On note dans cette liste la présence de la P arthiké, livre apocryphe joint à la Syriaké 689 , et l'absence de l' 11/yriké qui, conformément au dessein d' Appien 690 , devrait suivre la Makédoniké. Deux hypothèses sont envisageables pour rendre compte de cette absence : a) Photius n'a pas relevé le titre complet du livre IX. On objectera-qu'il donne l'intitulé exact des livres VIII et X. L'objection n'est cependant pas insurmontable, car le pinax de l'édition qu'il utilisait n'était pas forcément complet, et rien ne permet d'affirmer que le Patriarche prit la peine de vérifier l'ensemble des tituli et des subscriptiones. 687. 'Amnavoù 'Proµaï1e11 \crtopia, tv µÈv tEUXEcrt tptcri, À.oyotç OÈKO,. 688. Ce livre est parfois appelé Asiané, entendons « livre consacré à la province d'Asie ». Le titre s'explique probablement par la périphrase .. :r11v 'Acriav u)v 1ttpi 'Iroviav, attestée en BC 3, 2, 4. 689. Cf. K. Brodersen, ANRW, 2, 34, 1, p. 346. 690. Cf. BC s, 145, 602 : x:ai µm fooçe tà 'D..Àuptx:a, oütt d1ept&ôç yev6µeva µot yvci>ptµa oütE cruvteÀoùvta µii1eoç l6iaç cruyypaq,iiç oOtE xropav fxovta éttpro0t ÀEX0iivat, toû xpovou, 1eae· ôv tÀT1q>811crav, cruvayovtoç aùtà tç tÉÀoç, xpoavaypa\jlat x:ai ôxo0eivat aùtà tfl oµ6pcp Max:e6ovu(fl.
NOTICE
CXLII
b) L '11/yriké avait déjà été transférée entre BC 5 et BC 6, comme dans nos manuscrits du xvesiècle, sans toutefois être numérotée et sans que le transfert eût été indiqué dans le pinax. L'hypothèse est elle aussi plausible mais se heurte à une objection : Photius a pris la peine de résumer brièvement le contenu des neuf livres des Guerres Civiles ( 16a in fine) : même si ce résumé résulte d'une lecture cursive, on peut penser qu'une digression aussi massive que l'lllyriké aurait retenu son attention et il l'eût sans doute signalée. Il n'en est rien, et, dans son résumé, le fondu est si parfait que le lecteur moderne n'est pas en mesure de fixer le point de passage des Guerres Civiles proprement dites aux Aigyptiaka 691 • On peut donc raisonnablement supposer que BC 6-9 correspondent aux quatre livres d 'Aigyptiaka : Livre Livre Livre Livre
XVID =BC 6 =Aigyptiaka l XIX =BC 7 =Aigyptiaka Il XX =BC 8 =Aigyptiaka Ill XXI =BC 9 =Aigyptiaka IV
Cette numérotation, correspondant à une division de l'œuvre en vingt-quatre livres, présente la caractéristique d'exclure l'apocryphe Parthiké et la voyageuse 11/yriké. Or nos témoins s'écartent de cet usage, hérité probablement des éditions de la fin de l 'Antiquité. a) Le pinax de 0 Il se trouve que B a conservé, non pas en tête du manuscrit, mais inséré entre le Livre Africain et le Livre Syriaque 692 , un pinax693 qui remonte certainement à O. Il
691. Cf. T. J. Luce, Appian's Egyptian History, Classica/ Philology, 59 (1964), p. 259-262. 692. J'expliquerai pourquoi dans la Notice du Livre Africain. 693. Mendelssohn, Qua:st. Appiana:, Rhein. Mus., 31 (1876), p. 211-212, avait déjà édité et étudié ce pinax, qui se retrouve à la même place dans J, mais sous une forme très remaniée : Libyké hors numérotation, Syriaké (1), Parthiké (2), Mithridateios (3), etc ...
NOTICE
CXLIII
est intitulé « Tome Second des Histoires Romaines de l 'écrivain Appien694 » et donne une liste de neuf livres ainsi numérotés : 11 Syriaké 12 Parthiké
13 Mithridateios 14 BC.I 15 BC.11 16 BC.IJJ 17 BC.W 18 BC.V 19 lllyriké.
0 avait donc préservé le pinax du tome II d'une édition en trois volumes (comme celle de Photius) qu'il est aisé de reconstituer : - le tome I comprenait les livres I à X de la liste de Photius - le tome II la série Syriaké - (Parthikè) - Mithridateios - BC 1-5-lllyriké - le tome III les Aigyptiaka (= BC 6-9), l 'H ékatontaéteia, la Dakiké et l'Arabios. Cette édition se distingue de celle que lisait Photius par deux innovations : 1- La Parthiké, hors comput chez Photius, reçoit le numéro douze, les livres suivants se trouvant ainsi décalés d'un rang. On doit toutefois observer qu'à la différence des livres authentiques, cet apocryphe ne porte de numéro (ni dans le titulus, ni dans la subscriptio) dans aucun de nos manuscrits primaires : le texte demeura plus conservateur que le pinax. 2- L'lllyriké apparaît, avec le numéro 19, après BC 5, ce qui est sa place logique, puisque l'essentiel des événe694. 'A1t1navou 01>yypacptroç,•proµaï1eô'>vlatoptô'>v Pt6Àtov (s. a.) 6.:6n:pov + Ilivaç tvap-yT)ç(s. a.) tou 1tap6vtoç Pt6Àiou.
CXLIV
NOTICE
ments rapportés dans ce livre prend place durant la période de paix civile séparant la fin de BC S du début d'Aigyptiaka 1. Son inclusion dans le comput à cet endroit précis devait toutefois avoir une conséquence : les livres recueillis dans le tome III étaient sans doute décalés d'un rang supplémentaire, de telle sorte qu'Aigyptiaka 1 portait probablement le numéro 20 (au lieu de 18) et l'Arabios le numéro 26 (au lieu de 24). b) L'ordre des livres dans P P se contente d'offrir, au verso d'une page de garde (avant la Préface de l'Histoire Romaine), une liste, de première main, des livres qu'il contient : At6UKT), l:uptaKft, Ilap0tKT), Mt0ptôa'tEtoç, "EµcpuÂicova', Jr, y', 8', E' ~YÂÂtptKT)(sic !). Ces livres ne sont pas numérotés. Mais, dans le corps du manuscrit, leur numérotation apparaît soit dans le titulus, soit dans la subscriptio, soit dans les deux. Elle s'établit comme suit : libyké Syriaké Parthiké M ithridateios BC I BC II BC III BCIV BCV livre Illyrien
pas de numérotation
695
11 pas de numérotation 13
14 15 16
17 18 19
Cette numérotation correspond exactement à celle du pinax de O. Certes, la Parthiké n'est pas numérotée. Mais le simple fait que le Mithridateios soit devenu dans P le treizième livre implique le même décalage d'un rang que dans O.
695. J'en donnerai la raison dans la Notice du Livre Africain.
NOTICE
CXLV
c) L'ordre des livres dans L L (qui ne comporte pas de pinax) présente une numérotation incomplète et aberrante, comme est aberrant l'ordre des livres : Préface de l 'Histoire Romaine
Syriaké Libyké lllyriké ((incomplète) Parthiké Mithridateios BCI BCII BC
m
BCIV BCV
2 pas 19 pas pas 14 15 pas pas
de numérotation de numérotation de numérotation
de numérotation de numérotation
18
Malgré ce désordre et les lacunes de la numérotation, il apparaît néanmoins : a) que la Libyké et la Parthiké sont ici encore dépourvues de numérotation, comme dans O et P. b) que l'I/lyriké, portant le numéro 19, devait figurer dans le modèle de L après BC S, comme dans O et P. c) que le Mithridateios, qui précède immédiatement BC 1 = 14, portait certainement dans le modèle de L le numéro 13, comme dans O et P. De même, BC 3 et 4 étaient numérotées 16 et 17. Reste le cas de la Syriaké, qui vient en tête du volume, aussitôt après la Préface et ses appendices, avec le numéro 2, incompatible avec la place qu'elle occupe. Nous reviendrons sur ce problème dans la Notice de ce livre. Rappelons seulement que les rédacteurs des Extraits Constantiniens disposaient du premier tome d'une édition d' Appien contenant les livres I à IX. Il n'est donc pas impossible que, dans le second tome de cette édition, l'Helléniké ait porté le numéro I, la Syriaké le numéro II, etc ...
CXLVI
NOTICE
Puisque le M ithridateios représente le xne livre de l 'Histoire Romaine dans l'édition de Photius, mais le XIIIepour les copistes de P BJ et L, ces manuscrits dérivent forcément d'un même hyparchétype, postérieur à Photius, et ne représentent qu'une seule et même famille malgré leurs divergences apparentes. Cet hyparchétype présentait des lacunes non indiquées, qui se retrouvent dans nos quatre manuscrits : Mithr. 17, 63 (reconnue par Schweighauser) ; 82, 369 (soupçonnée par Mendelssohn) ; 87, 397 (vue par Schweighauser) ; 117, 576 (mieux vaut une lacune qu'une correction arbitraire). Il présentait également des variantes. Quelques exemples, puisés dans le Mithridatieios, en apporteront la preuve. En 25, 100, B donne l'impossible ève1tÉ1tÂ.e1,LP èvé1tÂ.e1,L s1 et J ê1té1tÂ.e1.Il est clair que L et B reproduisent, chacun à sa manière, le lemme et la variante de l 'hyparchétype, tandis que P et J font un choix. Cas de figure un peu différent en 29, 112 et 89,408. Dans le premier exemple, P donne êx:6oÂ.ftç, avec Js1 et B s1• tandis que L opte pour elcr6oÂ.ftç, avec BJ. Dans le second, P donne pa9eiav, comme B s1 et J51, alors que L opte pour papeiav avec B.1696 • L'existence de variantes dans l 'hyparchétype permet de rendre compte de difficultés dont Dilts n'avait pas pris conscience. La famille O est en effet moins cohérente qu'on ne le pensait. En 6, 17, Pet J donnent KatT)yopftaovtaç, L et B x:atT)yopftaavtaç ; en 18, 68, L et J donnent 81tE1ttrox:e1,P et B ê1te1te1ttrox:e1; en 20, 79, L et J donnent aôtcp, P et B aôtoù ; en 21, 80 L et J donnent EÏT), P et B 1)ÉE1; en 119, 588, L et J donnent µa.Â.1ata, P et B µeyiata. Mais je crois cette incohérence plus apparente que réelle. En fait, les copistes choisissent, avec plus ou moins d'entendement, entre les variantes de l 'hyparchétype. 696. On comprend d'ailleurs mal, si l'on s'en tient au système de Dilts, pourquoi P aurait opté pour une variante supralinéaire de O.
NOTICE
CXLVII
III- Le classement des manuscrits Si nous admettons que nos quatre manuscrits constituent une famille unique, il n'en est pas moins vrai que B et J forment un groupe à part. Ces deux manuscrits ont en commun, pour le Mithridateios, sept omissions 697 (dont l'une de plus d'une ligne en 118, 579-580), cinq additions (3, 8 : 1e:ai; 7, 23 : ô ; 20, 76 : toû ; 62, 260 : 1e:ai; 112, 540 : tep) généralement inutiles ; une transposition (49, 194). On peut donc continuer à parler, pour la commodité, d'une « famille O ». Mais P partage quelquefois les fautes de O. Dans le Mithridateios, P BJ sautent quatre mots : en 11, 35, 'tE ; en 11, 37, froç ; en 12, 38, ftt ; en 92, 420, è1totoûvto698. P BJ ont également en commun d'oublier parfois le préverbe : en 13, 43, f1tpaçev au lieu de èçé1tpaçev (L) ; en 59, 243, f)1teiÂ.etau lieu de è1t111teiÂ.et (L) ; en 61, 252, ô6picrav'tEÇ au lieu de èvo6picrav'tEÇ (L) ; en 86, 391, èôtxovto au lieu de ècreôtxovro (L). En 41, 158, le texte de L, 0p(ix:tç tE ÔV'tEÇd1to tOÛ TI6vtou s'impose ; l'erreur séparative se trouve donc du côté de P BJ, qui écrivent 0p~x:tç te ôvteç x:ai d1to x:. 't. Â..En 115, 564, il apparai"t que BJ (ôeôrox:ecrav) et P (ôeôro1e:am)s'opposent à L (1taptôocrav). En revanche, les fautes communes à LP peuvent toujours s'expliquer comme des corrections apportées par 0 à l 'hyparchétype. En 3, 8, 0 a ainsi corrigé la dittographie è1toÂ.t6px:et [x:ai] ; inversement, en 29, 112, on peut penser qu'il a décelé l'haplographie ttç ; l'addition de te en 73, 314, de x:ai en 85, 388 et même de ô l:6Â.Â.açen 31, 125, étaient appelées par le sens. Ces constatations permettent de corriger le préjugé défavorable frappant la famille i autant que le préjugé favorable dont jouissait indOment O. On peut poser en principe que, d'ordinaire, l'accord de L et de P, de P et de 697. 29, 112 ; 65, 275 ; 93, 425 ; 108, 510 ; 118, 579 ; 121, 600. 698. Ce passage tombe dans une lacune de J.
CXLVill
NOTICE
0 ou encore de L et de O permet de reconstituer l 'hyparchétype. Dans le premier cas, il y faute de O ou correction, souvent inutile ; dans le second, il y a faute de L, ce qui est très fréquent. Dans le troisième, qui n'est pas rare, Pest dans l'erreur. Mais Lou P peut avoir conservé seul la bonne leçon. On se gardera en revanche de suivre J699, et l'on hésitera avant d'éditer B700• J'ai donc résolument adopté, toutes les fois qu'il était possible, le texte de LP. Voici quelques exemples de l'application de ce principe. En 7, 23, j'ai préféré écrire, avec LP, Nucoµ116T1Ç,ulôç cptÂ.01téttrop è1tilCÂ.T1yvu (LP) l'emporte sur dveÇei>yvu (BJ). En 106, 498, Ka8eiÀev (LP), confirmé par le Livre Syriaque, vaut mieux que eÎÀ.ev (BJ). En 106, 499, ÔO'll (BJ), ne s'impose pas face à ocra (LP). En 112, 546, on ne voit pas de raison pour préférer 1tapÉÀ.et1tev(BJ) à 1tapÉÀ.t(LP) se construit 1tEV(LP). En 120, 591, è1toÀ.ɵT1crev mieux que 1toÀ.eµT1cretv(BJ) et, en 121, 597, Koµavotç a été corrigé malencontreusement en Koµµayllvoiç par BJ. En revanche, il serait absurde de renoncer aux bonnes corrections de O. C'est le cas en 17, 60 de ôcrov (pour ôv LP) ; de 1tapfiÂ.8ev en 21, 81 ; en 40, 153, le texte est corrompu. 0 semble avoir procédé à une réfection satisfaisante pour le sens ; mais LP pourrait préserver le texte de l 'hyparchétype, inintelligible ; en 46, 181, 1tapà toù PacrtÀ.Éroçest à retenir ; en 67, 283, è1té1teµ1tev(BJ) convient mieux que f1teµ1tev (LP) ; en 68, 287, aùt6v paraît une heureuse initiative de O ; de même que aùtoi>ç en 71, 301 ; en 81, 362, 1tepryevécr8at paraît
CL
NOTICE
également une bonne correction de 0, de même que tétapta en 83, 376, 1teptrov en 105, 496, 61tepe1taiprov corrections de O ne sont en 110, 527 ; -d'autres qu'orthographiques : 42, 160, Xatprovstav pour Xsp(LP) ; 48, 189, ry1tat1tT)VOipour eY1ta1t- (LP) ; 70, 295 : eEpµo1epatouç ; 103, 474 : pa8uµo.Â.À.aet x.pucr6µaÀ.À.ov; P fournit parfois la bonne leçon. En 5, 14, j'ai édité tô ')'EVT)cr6µsvov(P), car le verbe tEKµaipoµat est souvent transitif. En 12, 38, P donne IleÀ.01tiôav, correction de Schweighauser. En 22, 86, P donne ôecr1t6tatç et ôavtt931jusqu'au moment où les cavaliers romains placés en embuscade les enveloppèrent et leur firent tourner bride. 454 Et peut-être même auraient-ils réussi à faire irruption dans le camp sur les talons des fugitifs si le roi, redoutant le danger, n'avait pas fait avancer son infanterie. La cavalerie romaine se retira. Ainsi se termina le premier affrontement entre Pompée et Mithridate, un combat de cavalerie932. XCIX. 455 Gêné par la disette, le roi battit en retraite933contre son gré et laissa Pompée pénétrer à l'in-
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LA GUERRE DE MITHRIDATE
térieur de son royaume 934, comptant qu'une fois installé sur ce territoire ravagé, il se trouverait en situation de détresse. Mais Pompée avait du ravitaillement qu'il faisait apporter de l'arrière et, après avoir contourné par l'est les positions de Mithridate, il l'entoura, sur une longueur de cent cinquante stades, de fortins et de camps en grand nombre, l'empêchant, par ce retranchement, de continuer à se ravitailler aisément 935. 456 Le roi ne l'attaqua point pendant qu'il établissait ce retranchement936,que ce filt par crainte ou par un effet de l'aveuglement qui s'empare de tout un chacun à l'approche des catastrophes ; mais, de nouveau aux abois du fait de la disette, il sacrifia toutes les bêtes de somme, n'épargnant que les seuls chevaux. 457 Finalement, après avoir péniblement résisté cinquante jours 937, il s'enfuit de nuit 938, dans un profond silence, par des chemins difficiles939.Le jour venu, Pompée eut bien du mal à rétablir le contact, et il talonnait son arrière-garde. Les amis de Mithridate le pressaient de déployer son armée en bataille ; mais lui, même dans cette conjoncture, ne voulut pas livrer le combat 940 : il se bornait à repousser, avec la seule cavalerie, ceux qui se rapprochaient, et, le soir, il bivouaqua dans une épaisse forêt 941 • 458 Le lendemain, il occupa un bourg entouré de précipices 942 : il n'y avait qu'une seule rampe d'accès à ce bourg et quatre cohortes en assuraient la protection avancée. En face d'elles, les Romains montaient la garde, de crainte que Mithridate ne s'échappât. C. 459 Dès le lever du jour, chacun des deux fit armer ses troupes tandis qu'en bas des pentes les avantpostes escarmouchaient les uns contre les autres. Et voici que quelques cavaliers de Mithridate - sans leurs chevaux et sans en avoir reçu l'ordre !- se portent au secours de leurs avant-postes. Comme des cavaliers romains en plus grand nombre les chargeaient, ces cavaliers démontés de l'armée mithridatique regrimpaient en rangs serrés vers le camp : ils voulaient enfourcher leurs
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chevaux et rencontrer à annes égales l'assaillant romain. 460 Mais ceux d'en haut, encore en train de s'anner, les aperçurent qui accouraient à toutes jambes en criant : ignorant ce qui se passait et conjecturant que ces gens fuyaient, ils jetèrent leurs annes et cherchèrent à s'enfuir, car ils pensaient que leur camp était désormais pris des deux côtés. 461 Mais, comme l'endroit était sans issue, ils se bousculaient les uns les autres en refluant et, finalement, ils dévalèrent les pentes des précipices. Voilà comment Mithridate vit son année anéantie dans la panique provoquée par l'emportement de ceux qui avaient décidé, sans ordres, de venir en aide aux troupes légères de première ligne. 462 Ce fut une tâche aisée pour Pompée que de parachever sa victoire en massacrant et en capturant des gens encore désannés, enfermés dans un lieu environné de précipices. On en tua dix mille environ 943et l'on s'empara du camp et de tout son fourniment 944 • CI. 463 Accompagné de ses seuls écuyers, Mithridate s'ouvrit un chemin jusqu'aux escarpements et s 'esquiva945. Il tomba par hasard sur une troupe d'environ trois mille cavaliers et fantassins mercenaires, qui le suivirent tout droit jusqu'au château de Sinoriga 946 , où il avait accumulé des quantités d'argent. Et il distribua à ses compagnons de fuite un don gracieux et une année de solde. 464 Transportant avec lui environ six mille talents, il se hâtait vers les sources de l 'Euphrate 947, avec l'intention de passer de là en Colchide 948 • 465 Marchant d'un train rapide sans faire de halte, il franchit l 'Euphrate environ trois jours plus tard 949et, après avoir passé trois autres journées à réorganiser et à anner les troupes qui se trouvaient avec lui ou le rejoignaient, il envahit l'Arménie Chôtène 950. Là, repoussant devant lui les Chôtènes et les 943. C'est, chez Plutarque, Pompée, 32, 12, le nombre des victimes du combat nocturne. D'après Orose, 6, 4, 5, Mithridate aurait perdu 40 000 hommes, alors que les Romains n'auraient eu que 1 000 blessés et 40 tués.
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lbères 951, qui cherchaient à l'arrêter en lui lançant des flèches et des balles de fronde, il traversa le pays jusqu'au fleuve Apsaros 952. 466 Certains considèrent ces Ibères d'Asie comme les ancêtres des Ibères d'Europe, d'autres comme leurs colons, tandis que d'autres pensent qu'ils portent seulement le même nom 953. De fait, leurs usages différaient complètement, de même que leur langue. 467 Passant l'hiver à Dioscourias 954(une ville qui, dans l'esprit des habitants de la Colchide, atteste le séjour chez eux des Dioscures 955en compagnie des Argonautes}, Mithridate formait des projets qui n'avaient rien de mesquin et n'étaient pas ceux d'un fugitif. Après avoir suivi la périphérie du Pont, traversé le pays des Scythes riverains du Pont et franchi le Palus Méotide, il voulait envahir le Bosphore et, 468 quand il aurait récupéré le royaume de son fils Macharès, qui s'était montré ingrat envers lui, se mesurer une nouvelle fois face à face avec les Romains et leur faire la guerre depuis l'Europe, alors qu'eux-mêmes étaient engagés en Asie, après avoir interposé entre eux et lui le détroit qui fut nommé Bosphore 956, à ce que l'on croit, parce que Io l'avait traversé à la nage quand elle fuyait, transformée en vache par l'effet de la jalousie d'Héra.
Cil.
469 Bien que l'objectif qu'il brûlait d'atteindre
défiât à ce point l'entendement, Mithridate formait néanmoins ce projet et, usant de la persuasion et de la force, il traversait des peuplades scythes, toutes guerrières et hostiles qu'elles fussent 957. Tant il est vrai que, même en fuite et dans la mauvaise fortune, il était encore révéré 958et redoutable. 470 Il longea ainsi le territoire des Hénioques959,·qui lui réservèrent bon accueil. En revanche, il dut mettre en fuite les Achéens 960 et les poursuivre 961. On dit que ceux-ci, alors qu'ils regagnaient leur patrie au départ de Troie, furent détournés de leur route par une tempête qui les poussa vers le Pont : en leur qualité de Grecs, ils eurent à subir beaucoup de vexations de la part des Barbares et, 471 quand ils envoyèrent des émissaires dans
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leur patrie réclamer des navires, leur demande ne fut pas prise en considération. Ils en conçurent du ressentiment contre la nation grecque et ils sacrifiaient, à la manière des Scythes, tous les Grecs qu'ils capturaient. Au début, dans leur colère, ils les sacrifiaient tous ; puis, le temps passant, seulement les plus beaux d'entre eux ; enfin, ceux qui étaient désignés par le sort. 472 Voilà ce qui concerne les Achéens de Scythie. Mithridate quant à lui avait envahi le territoire du Palus Méotide, que se partagent un grand nombre de potentats locaux. En raison de la gloire qui s'attachait à ses exploits et à l'empire ç•proµai.ouç tl;a1ttatetÂ.ev aôt6v, tva toùç µtv tx0poùç tv6ei/;TJtat à.ae&oç 1eexpTJµtvouç toîç 1tpétyµaat v, tflV 6t ô1tapxouaav eGvmav 1eai eôepyeai.av 1tpè>çtè>v f3amÂ.Éa à.vaveroaaµevoç 1tapa1eaÂ.ÉCT[l aôtoùç à.µ6vaa0at tè>v 1tapaa1t6v6roç Kata[ ... ; Voir J. Hopp, o. c., p. 74, n. 86. 33. Conduite par P. Cornelius Lentulus (cos. 162) : cf. Polybe, 32, 16, 1. 34. La fuite d 'Attale pouvait être interprétée soit comme un succès de Prusias (cf. Polybe, 32, 15, 1), soit comme un échec, dans la mesure où ce roi n'avait pas réussi à capturer son adversaire (cf. Diodore, 31, 35).
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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Page5 35. Sur les temples du Niképhorion, cf. Polybe, 16, 1, 6. Diodore souligne (d'après Polybe : cf. Chr. Habicht, o. c., p. 101) la rapidité de la vengeance divine : l'année de Prusias fut atteinte de dysenterie et sa flotte détruite par une tempête. Polybe énumère d'autres sacrilèges commis par Prusias dans diverses localités qui jalonnent son itinéraire de retour vers la Bithynie : cf. Walbank, o. c., 3, p. 539. 36. Hors d'état de prendre la capitale des Attalides, Prusias se porta sur Elaia avant de regagner son royaume en ravageant le pays. 37. Il ressort de Polybe (32, 16, 2 sq.) qu'Attale avait envoyé à Rome son frère Athénaios, accompagné par les membres de l 'ambassade romaine violentée par Prusias. Ceux-ci évoquèrent le traitement indigne qu'ils avaient subi, provoquant la colère du Sénat : cf. Polybe, 33, 7, 1- 4 et Habicht, o. c., p. 105-106. Mais Appien ne paraît pas connaître le détail de l'activité diplomatique déployée par le Sénat, telle qu'elle apparaît à travers ce qui nous reste de Polybe : deux commissions furent envoyées successivement en Asie. La première n'avait reçu qu'une mission informative et la seconde, arrivée en Asie au printemps de 154 av. J. -C., ne réussit pas à convaincre Prusias de céder : la guerre continua donc sur terre et sur mer (Polybe, 33, 12, 1-9). Une troisième ambassade obtint enfin de Prusias, dont on mesure I'opiniâtreté, qu'il consentît aux conditions fixées par Rome (Polybe, 33, 13, 1-10). 38. Polybe (36, 15, 7) note lui aussi la haine dont Prusias était l'objet. Cette détestation découlait peut-être d'une pression fiscale explicable par l'obligation de verser à Attale les dédommagements fixés par Rome : cf. G. Vitucci, o. c., p. 83. 39. Nicomède avait déjà conduit une ambassade à Rome durant la guerre contre Attale : cf. Polybe, 32, 16, 4. Selon Justin, 34, 4, 1, Pru- · sias voulait, par cette mesure d'éloignement, écarter du trône son fils aîné et favoriser ses jeunes demi-frères. En fait, Prusias avait probablement quelques raisons de redouter l'ambition d'un fils auquel la tradition donne le beau rôle. Sur toute cette affaire, voir les exposés de E. V. Hansen, o. c., p. 136-138 et, plus détaillé, de J. Hopp, o. c., p. 8691. 40. Ménas fut envoyé à Rome en 149 av. J. -C. : cf. G. Vitucci, o. c., p. 84. Sur ce personnage, voir E. Olshausen, RE, Suppl. Bd. 12 (1970), 862-863, s. v. Menas 2• 41. Sur cet Andronikos, peut-être cruvtpv Mov6 totum Ponticum mare in circuitu cum Bosporo tenebat, sans que l'on voie clairement de quel Bosphore il est question.
NOTESCOMPLÉMENTAIRES
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125. Cf. Strabon, 11, 2, 14 et 18, soulignant que Mithridate tira de cette région l'essentiel des ressources nécessaires au développement de ses forces navales ; Justin, 38, 7 ; Memnon, 30. Voir Reinach, o. c., p.78 ; Ballestros Pastor, o. c., p. 53 sq .. 126. Cf. Plutarque, De Fortuna Romanorum, 11 : Mt9ptôa'tT)V ÔÉ, 'tOÙMapcrucoù xoÂ.ɵou'tTJV'PcoµT)VèxupÂ.ÉyoV'toç,o\ l:apµa'tucoi 1eai Bacr"tapv11eoi 1t6Â.tµo1 1Ca'ttixov. Le synchronisme n'est pas d'une grande précision ; mais on peut placer au cours de la période 9690 av. J. -C. la phase d'expansion de Mithridate en direction de la Chersonèse de Thrace : cf. Reinach, o. c., p. 72. 127. Justin, 38, 3, 6, évoque les intrigues de Mithridate auprès des populations barbares d'Europe : Sarmates et Bastarnes. Il fait également état d'une armée alliée venue de Scythie. Quelques Scythes (en particulier des médecins) gravitaient autour de Mithridate : cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 62. 128. Cf. Justin, 38, 3, 5 : His cognitis (l'envoi de M' Aquillius en Asie) Mithridates societatem cum Tigrane bellum ad.versus Romanos gesturus iungit. Il est impossible de faire remonter cette alliance à l'époque de la première expulsion d' Ariobarzanès, comme le voudrait Mc Ging, Foreign Policy, p. 79. - Sur la carrière de Tigrane II d'Arménie, dont l'avènement tombe en 95 av. J. -C., renvoyons à M. Schottky, Media Atropatene und Gross-Armenien in hellenistischer Zeit (1989), p. 223 sq. et à Sullivan, Near-Eastern Royalty and Rome ( 1990), p. 97 sq. 129. Ces liens étaient fort ténus : cf. Sherwin-White, Roman Policy, p. 220. Cette « amitié » n'était d'ailleurs pas de nature à impressionner les Romains puisque Sylla (probablement en 96 av. J. -C.) avait conclu un traité avec les Parthes : cf. Plutarque, Sylla, 5, 7-8 ; Tite-Live, Per. 70; Velleius Paterculus, 2, 24, 3. Voir A. Keaveney, Roman treaties with Parthia, Class. Quart., 102 (1981), p. 196-199 avec bibl.
Page 16 130. Le philosophe Athénion, dans le discours comique que lui prête Poseidonios, évoque même une ambassade de Carthage, détruite en 146 av. J. -C. ! Voir Cl. Nicolet, Mélanges Piganiol, 2 (1966), p. 807-814. 131. Cet opportunisme est d'autant plus remarquable que, quelque temps après, Mithridate donnera audience à des ambassadeurs venus négocier une alliance contre Rome : or ces Italiens ne recevront qu'une réponse dilatoire : cf. Diodore, 37, 2, 11. - Une monnaie d'or aux types d' Amisos portant une inscription osque [Minius leius Minii] témoignerait du souci qu'avaient les Italiens d'obtenir l'appui de Mithridate. Cf. E. A. Sydenham, The coinage of the Roman Republic ( 1952) n° 643 ; E. T. Salmon, Samnium and the Samnites ( 1976), p. 70; Magie, RR, 2, p. 1100 ; F. de Callatay, o. c., p. 287.
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NOIBS COMPLÉMENTAIRES
132. Th. Liebmann-Frankfort, Frontière orientale, p. 180, suggère que Mithridate cherchait par ce moyen à exacerber la tention entre le Sénat et le peuple.
Page 17 136. Tout ceci est bien vague. Mendel, Inscriptions de Bithynie, BCH, 25 (1901), p. 74 sq., avait tenté de localiser les opérations. Ses conclusions, adoptées par Magie,RR, 2, p. 1101, n'ont rien de certain. Mais on peut envisager, comme une hypothèse possible, que M'. Aquillius était campé à Koroglu Derbent, Cassius vers Gordiou Kômé ou même Dorylée. Voir aussi K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 80. 137. Poseidonios faisait de lui un stratègos de Pamphylie, ce qui paraît exact, puisque depuis M. Antonius (102 av. J. -C.), la Pamphylie constituait, semble-t-il, le noyau de la province de Cilicie : cf. Sherwin-White, Roman Policy, p. 112 et n. 60. La titulature d'Oppius apparaît dans une inscription de Plarasa/ Aphrodisias : cf. J. Reynolds, Aphrodisias and Rom, 1982), n° 3, p. 17, K6ïvtoç ·o,nnoç Koivtou ul6ç, dv8i>n:atoç,'Pc.oµaic.ov cnpatll'YOÇ- ce qui paraît signifier que le personnage, de rang prétorien, possédait l' imperium consulaire. Sur l'étendue de sa provincia, voir Sherwin-White, Rome, Pamphylia and Cilicia, 133-70 B. C., JRS, 66 (1976), p. 9. 138. Cette malencontreuse division des forces romaines donnerait à penser que les généraux avaient sous-estimé celles de l'adversaire : cf. Kallet-Marx, Hegemony .. ., p. 258-259. Mais peut-être ignoraient-ils aussi le point d'attaque choisi par Mithridate. A moins qu'ils n'aient imaginé surprendre un adversaire jugé peu combatif : cf. SherwinWhite, Roman Policy, p. 118-119, qui estime le dispositif romain incompréhensible, s'il n'était pas offensif: dans cette hypothèse, Aquillius demeurait en couverture, tandis que Nicomède attaquait le Pont par la Paphlagonie, Cassius par la Phrygie et la Galatie. De son côté, Oppius se portait vers la Cappadoce pour y restaurer Ariobarzanès (cf. supra, 16, 58). Magie, RR, 2, p. 1101, soutient la correction opcov,introduite par Gelen et admise par tous les éditeurs. Mais pouvons nous affirmer que les troupes d'Oppius étaient demeurées sagement aux frontières, reconnaissant ainsi, d'une certaine manière, le souverain mis en place par Mithridate ? Je préfère donc conserver le texte des manuscrits. 139. Kallet-Marx, Hegemony .. ., p. 258, estime que les forces d'Oppius provenaient principalement de Cappadoce. 141. Elle s'était concentrée à Amaseia : cf. Reinach,o. c., p. 122123. 142. Les deux généraux pontiques, Néoptolème et Archélaos, étaient frères. Néoptolème avait achevé, après Diophante, la conquête du Bosphore Cimmérien. A la différence d 'Archélaos, qui sera bientôt le principal adversaire de Sylla en Grèce, il ne trahira pas son roi et,
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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comme on le verra, disparaîtra dans les eaux de Ténédos, vaincu par Lucullus. 143. Il ne s'agit sans doute pas du prince envoyé régner en Cappadoce sous le nom dynastique d'Ariarathe : l'hypothèse, formulée par Reinach, ne repose sur rien de concret : cf. T. Corey-Brennan, Chiron, 22 (1992), p. 127-128. On imagine d'ailleurs mal Mithridate dégarnissant de troupes la Cappadoce, où sa domination, même indirecte, était loin de faire l'unanimité, au moment précis où elle était attaquée par Oppius ! 144. Orose, 6, 2, 1, qualifie Mithridate de rex Ponti atque Armeniœ. De même Eutrope, 5, 5 : qui ... Armeniam Minorem tenebat. On serait dès lors tenté de reconnaître en cet Arcathias, qui pourrait être le fils aîné de Mithridate, un vice-roi de Petite Arménie. Nous savons par Strabon (12, 3, 28) que, vers 107 av. J. -C., Antipatros fils de Sisis avait cédé à Mithridate le royaume, jusqu'alors indépendant, de Petite Arménie, ainsi que la suzeraineté de diverses peuplades, dont les Chaldéens et les Tibaréniens. 145. Cf. Strabon, 11, 2, 1. Voir Reinach, o. c., p. 79. 146. Il ressort de Strabon, 12, 3, 33, que ce Dorylaos, qui deviendra sur ses vieux jours Grand Prêtre de Comana avant d'être mis à mort pour trahison, était fils de Philœtéros d'Amisos (frère de Dorylaos le Tacticien, grand-père maternel du géographe). Une dédicace du Cabirion de Délos, datée de 102-1 av. J. -C., le donne comme cn'.>vt poq>oç de Mithridate, chargé du poignard (è1ti toù è-yxetptôiou) et chef des armées (t&ta-yµtvov ôè Kai è1ti trov ôuvaµerov) : cf. F. Durrbach, Choix ... n° 136f et p. 221 ; ID 1572, 1 ; Ph. Bruneau, Recherches sur les cultes de Délos (1970), p. 576-577. Notice biographique chez I. Savalli-Lestrade, Les Philoi royaux (1998), p. 179-180. Page 18 147. Voir Notice, p. LXVII sq .. - Orose, comme Eutrope, 5, 4-5, fait de son côté remonter les débuts de la 1e guerre mithridatique jusqu'en 662 AUC, soit 92 av. J. -C., tout en faisant débuter les opérations proprement dites l'année du consulat de Sylla (88 av. J. -C.) : voir Kallet-Marx, Hegemony ... , p. 360-361. On peut admettre, avec Sherwin-White, suivi par Mc Ging, Foreign Policy, p. 81, n. 54, que les opérations commencèrent en 89 av. J. -C., avec une pause hivernale. 148. Le lieu exact de la bataille n'est pas exactement connu. Il ressort de Strabon, 12, 3, 40, qu'il faut le chercher entre la sortie du défilé de Bayabad et le site où Pompée fonda ultérieurement Pompeioupolis (Tash Kôprü : cf. Marek, Pontus-Bithynia, p. 68). Voir Reinach, o. c., p.123 et n. 1 ; Magie, RR, 2, p. 1102 ; Ballestros Pastor, o. c., p. 92 sq .. 149. Cf. Strabon, 12, 3, 40, qui nomme ce fleuve 'Aµviaç, alors que la Souda, s. v. 'Aµv&tôç 1totaµ6ç, adopte la même graphie
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
qu'Appien. C'est le Gokizmak, affluent gauche de l'Halys. Sa vallée mettait en communication le Pont et la Paphlagonie : cf. Marck,Pontus-Bithynia, p. 65 et pl. 42, 1. Memnon évoque rapidement cette bataille au chap. 31. 150. Selon Reinach, o. c., p. 123, les Bithyniens « avaient pris par la route centrale de la Paphlagonie. qui court entre la chaine côtière et celle de l'Olgassys [sur lequel on verra Marck,Pontus-Bithynia, p. 123 et pl. 10. fig. 2). Ils avaient déjà franchi les défilés qui conduisent de la vallée du Billéos à celle de l 'Ammias ». c•était, selon Mendel, Inscriptions de Bithynie, BCH. 25 (1901), p. 73. la route la plus directe entre Nicomédie et Amaseia. 151. L'armée pontique venait d •Amaseia. Elle avait été surprise, semble-t-il, par la rapidité de l'attaque bithynienne, et la phalange, organisée probablement sur le modèle séleucide, n •avait pu suivre les troupes légères et la cavalerie. Strabon (7, 3, 17) la décrit ainsi à l'époque où Diophante soumettait les Scythes de Chersonèse : cruvtEtayµtvriv q>aÀ.ayya1eaid>1tÂ.taµtvriv KaÂ.o>Ç.De cette bataille, opposant deux armées hellénistiques, on ne pouvait cependant déduire que les forces de Mithridate étaient en mesure d'affronter victorieusement les légions romaines. 152. Selon Memnon. 22, 6, Archélaos disposait de 40 000 fantassins et de 10 000 cavaliers. On peut admettre, avec Appien, que l'infanterie lourde arriva après la bataille. 153. En fait, la cavalerie arménienne d'Arcathias avait la supériorité numérique, et ce furent probablement ses charges qui emportèrent la décision, même si la tradition suivie par Appien met l'accent sur l'effet, surtout psychologique, produit par les chars drépanophores sur l'infanterie bithynienne.
Page 19 154. Du récit d 'Appien. fertile en péripéties dramatiques, on croit pouvoir déduire qu 'Archélaos, s'inspirant de la manœuvre d 'Annibal à Cannes, fixa l'adversaire tandis que les deux autres généraux, après un repli concerté, tombaient sur ses arrières et le prenaient en tenaille. 155. Sur la fuite de Nicomède, avec une poignée d'hommes. cf. Memnon, 22, 6. Comme l 'Amnias coule en Paphlagonie, il faut sans doute comprendre que le roi se réfugie dans la partie bithynienne de ce pays. Mais Orose. 6, 2, 2 précise que Mithridate chassa bientôt de Paphlagonie Nicomède et Pylreménès (un frère de Nicomède? cf. Notice, n. 422). Roi sans royaume, Nicomède finit par trouver asile en Italie : cf. Strabon, 12, 3, 40. 156. F. de Callatay, o. c., p. 284. insiste avec raison sur l'importance de cette capture : Mithridate pouvait se montrer généreux avec l'argent du vaincu. 157. Mithridate n'arriva sur les lieux qu'après la bataille : cf. Strabon. 12, 3, 40.
NOTESCOMPLÉMENTAIRES
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158. Sur ce sens, fréquent chez Appien, de fpyov (pugna, prœlium), cf. Schweighauser, 3, p. 603. 159. Aucun d'entre eux n'y avait participé et leur dispersion rend invraisemblable la reflexion collective que leur prête Appien. 160. Peut-être avaient-ils pensé, comme Marius, que la guerre serait facile et rapporterait gros : cf. BC 1, 55 Maptoç 6t tov 1t6Â.ttt 1eai 1toÂ.uxpuaov f)yoi>µtvoç. µov EÔXEPTJ 161. Selon Reinach, o. c., p. 121, Aquillius aurait transporté son camp dans la vallée du Billéos pour couvrir la Bithynie. Mais c'est pure hypothèse. Voir aussi K. Strobel, Ktèma, 21 (1996), p. 81. 162. Selon Memnon, 22, 6, Mithridate quitta l'ancienne capitale royale d'Amasia (sur l'Iris : cf. Anderson, A joumey of exploration in Pontus, dans : Studia Pontica, 1, p. 17 et 48), où il avait concentré une armée de 150 000 hommes, dès qu'il apprit la victoire del' Amnias. Il traversa ensuite la Paphlagonie en direction de la Bithynie. 163. Ce sens de tÉÂ.oç n'est pas courant : cf. Schweighauser, 3, p. 603. 164. Cf. Reinach, o. c., p. 124. Cette montagne n'est pas autrement connue (cf. Magie, RR, 2, p. 1083, qui souligne, p. 1084 l'imprécision de nos sources). Marek,Pontus-Bithynia, p. 40-41 et pl. 13, 2, pense qu'il pourrait s'agir du Keltepe, qui culmine à 2 000m environ. Mendel, o. c., BCH, 25 (1901), p. 74, hésitait entre la passe menant de Zafaromboli à Viran Chéhir et sa voisine, conduisant de Viran Chéhir à Gérédé. Il est clair en tout cas que l'auteur dont s'inspire ici Appien considérait la Paphlagonie comme faisant partie du royaume pontique. 165. Memnon, 22, 7, dit que les troupes de Nicomède, démoralisées, s'enfuirent à l'approche de Mithridate. La rencontre de cavalerie dont parle Appien pourrait être le prélude de la débandade générale évoquée par Memnon. 166. Cf. Diodore, 37, 36. 167. Selon Memnon, 22, 7, Aquillius livra bataille à Ménophanès avec les quelques troupes romaines dont il disposait. Défait, il prit la fuite : ce fut peut-être alors que la cavalerie arménienne se lança à sa poursuite. 168. La forme NatµaVflÇ est attestée épigraphiquement : un personnage de ce nom fut envoyé comme ambassadeur à Rome pour renouveler un traité d'amitié conclu par Mithridate V en 120 av. J. -C. : cf. OGIS 375. Notre Naimanès pourrait être le fils de cet ambassadeur, dont le père portait d'ailleurs déjà ce nom. 169. Le site de cette bourgade (dont le nom est peut-être corrompu : cf. Ptolémée, 5, 1, 13) n'est pas connu : cf. Mendel, o. c., p. 75, qui le rechercha entre Gérédé et Boli (suivi par Magie, RR, 2, p. 1101). Aquillius aurait donc battu en retraite vers le moyen Sangarios où, selon Mendel, campaient Nicomède et Cassius. 170. Reinach, o. c., p. 121, suppose que Cassius était campé dans la vallée du Sangarios, pour couvrir la Galatie et la Phrygie. Si tel était
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
le cas, on doit en conclure que Nicomède n'avait pas cherché à résister dans les places fortes de son royaume avec ce qu'il lui restait de troupes.
Page 20 172. Diodore, 37, 26, confirme que la philanthrlJpia calculée du roi provoqua l'enthousiasme des Grecs : des ambassadeurs venaient lui apporter des décrets l'invitant à se rendre dans toutes les cités, en le saluant des noms de Théos et de SIJter. Cf. Mc Oing, Foreign Policy, p. 109. En revanche, Florus, 1, 40, 6, hostile à Mithridate, explique ces ralliements par la terreur qu'il inspirait : aderat, instabat, sœvitia quasi virtute utebatur. - L'étude des monnaies royales montre que l'année 88 av. J. -C., qui marque une césure (cf. F. de Callatay, o. c., p. 288293), fut considérée comme le début d'une nouvelle ère, l'Asie se trouvant libérée par un émule de Dionysos : cf. M. J. Price, Mithridates VI Eupator, Dionysus and the coinage of the Black Sea, Num. Chron., 1968, p. 1-10. 173. D'où il gagna Mitylène. 174. Il semble qu'ils n'étaient plus que deux. 175. Cette ville est mentionnée par Plutarque, Thémistocle, 30, 1. Il s'agit probablement de la citadelle perchée d' Afyon Karahisar : cf. Magie, RR, 2, p. 1101-1102, reprenant une hypothèse de G. Hirschfeld, Berl. phi/. Wochenschrift, 11 (1891), p. 1387. 176. Un décret de Plarasa/Aphrodisias [cf. J. Reynolds, Aphrodisias and Rome ( 1982), n° 2] permet de se faire une idée des troupes dont disposaient les généraux romains. Assiégé dans Laodicée du Lycos, le proconsul Quintus Oppius réclame du secours. Le peuple d' Aphrodisias, bien disposé à l'égard des Romains, qu'il considère comme des sauveurs et des bienfaiteurs, décide de J30118eiv1Catà
1tÂ:ij8oç,cruvex:1topt6ta8ai 6t x:ai toi>ç 1tapoix:ouçx:ai toi>ç ôo6Àouç.Même si le chef de ce contingent, Artémidore, est qualifié de tfi èv toiç Ô1tÂ.oiç dpttfi füaq,tpovta, on constate que les citoyens, dont le nombre n'est pas précisés, sont renforcés de paroi/coi et d'esclaves armés. Si les chefs romains ont ordonné une levée 1Catà1tÂft8oçdans les cités alliées de Rome, le tableau brossé par Appien n'est sans doute pas caricatural et doit remonter à un observateur lucide, peut-être Rutilius Rufus, qui avait maintenu une stricte discipline dans les armées romaines à l'époque des guerres cimbriques. 177. Selon Strabon, 12, 8, 18, la ville venait d'être dévastée par un tremblement de terre et Mithridate offrit l 00 talents pour sa reconstruction. 178. Les quelques troupes romaines dont il disposait. Cassius se retira ensuite à Rhodes. C'est à tort qu 'Appien mentionne plus loin sa capture. 179. Ce Mancinus faisait partie de la commission sénatoriale dirigée par Aquillius. Il pourrait s'agir de T. Manlius Mancinus, tribun en
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108n av. J. -C. : cf. T. J. Luce, Marius and the mithridatic command, Historia, 19 (1970), p. 188-189. Certains, avec Schweighauser, 3, p. 604, reconnaissent en lui le tMalthinust mentionné par Justin. 180. L'expression manque de clarté. Il ne s'agit ni de Cyzique, ni de Chalcédoine, qui paraissent avoir conservé leur indépendance : cf. R. Bernhardt, Polis und romische Herrschaft in der spiiten Republik (1985), p. 54 ; d'ailleurs, au cours de cette guerre, Mithridate ne panu"t pas avoir cherché à contrôler la Troade et l 'Hellespont : cf. Ballestros Pastor, o. c., p. 100-101. Constatons que les cités grecques de l'Euxin, alliées de Mithridate, pouvaient de nouveau commercer librement avec la Méditerranée. 181. Eutrope, 5, 5, fait état simultanément de la situation en Paphlagonie : Mox etiam Bithyniam invasit et Paphlagoniam, pu/sis ex ea regibus, amicis populi Romani, Pylœmene et Nicomede. 182. Memnon, 22, 8, confirme qu'il s'empara sans coup férir des villes et du plat pays. L'imparfait moyen 1Ca8icna'to 'tàç 1t6Â.etçpanu"t une réminiscence classique : cf. Thucydide 1, 76 ; 3, 35 : 1Ca8ia'ta'to 'tà 1tepi 'tTlVMunÂ.TJVTIV ~ aô'tép t661Cet ; Xénophon, Hell., 2, 2, 1. Sur le bon accueil réservé à Mithridate par les Bithyniens, cf. R. Bernhardt, o. c., p. 34. 183. Il reprenait ainsi possession de la province que les Romains lui avaient injustement arrachée. Mais il ressort de Tite-Live, Per. 77, que les Romains considéraient toujours la Phrygie comme une provincia populi Romani. 184. Le site de ce gîte n'est pas connu. Voir Cl. Bohm, lmitatio Alexandri in Hellenismus (1986), p. 178. Il est clair que Mithridate, après sa victoire, voulait apparai"tre comme un « nouvel Alexandre ». En particulier, son portait, sur les tétradrachmes d'argent et les statères d'or frappés, probablement à Pergame, à partir de 88 av. J. -C., présente des similitudes accentuées avec celui du Macédonien : cf. Cl. Bohm, o. c., p. 172 sq. avec la bibl. ; Mc Ging, Foreign Policy, p. 101102. - D'après Justin (38, 7, 1), Mithridate prétendait descendre, en ligne maternelle, de Séleucos 1eret d'Alexandre. Mais cette dernière filiation n'est pas claire. Dans la mesure où Alexandre descendait de Persée (cf. Arrien, Anab., 3, 3, 1), ancêtre légendaire des rois des Perses auxquels la dynastie pontique entendait se rattacher, Mithridate pouvait certes se flatter d'un cousinage avec le conquérant macédonien, mais en ligne paternelle. Il est en tout cas certain que Mithridate ne s'est jamais qualifié de « Nouvel Alexandre » : cf. G. Kleiner, Bildnis und Gestalt des Mithridates, Jdal, 68 (1953), p. 81. - B. An~. Telephos-Mithridates im Museo Chiaramonti des Vatican, Mdal, Rom. Abt., 104 (1997), p. 396-496, voudrait que le Télèphe enfant représenté dans les bras d'Héraclès fOt un portrait du jeune Mithridate porté par un Héraclès auquel on aurait donné les traits de Philippe de Macédoine pour complaire au roi du Pont à l'époque où il occupait Pergame. Pompée aurait rapporté la statue à Rome pour orner
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son théâtre. Il faut probablement distinguer la généalogie officielle des rois du Pont, comportant ses propres manipulations, des constructions élaborées par les Grecs d'Asie pour honorer leur « libérateur ». 185. Cf. Tite-Live, Per. 78 : Mithridates Asiam occupavit. Sur l'effondrement de la domination romaine, cf. R. Bernhardt, o. c., p. 36 ; Ballestros Pastor, o. c., p. 96 sq. - Par « Asie », il faut sans doute entendre ici l'ancien noyau du royaume de Pergame. 186. Cf. Salluste, Hist., 4, 69, 11 M. Page 21 189. Memnon, 22, 8, parle d'une metabolè générale, mais le résumé de Photius ne dissimule pas qu'il y eut des résistances. Strabon, 12, 3, 40, dit que Mithridate poussa jusqu'en Carie et en Lycie. Quelques inscriptions, étudiées par M. D. Campanile, Città d' Asia Minore tra Mitridate e Roma, Studi Ellenistici, 8 (1996), p. 145-173, témoignent de la fidélité à Rome de cités cariennes : Tabai, Stratonicée, Termessos, peut-être Alabanda. Sur les cités de Carie, voir Chr. Marek,Karien im ersten mithridatischen Krieg, Festschrift K. Christ (Darmstadt, 1988), p. 285-308. 190. Quel que fût son titre exact, Q. Oppius gouvernait la Cilicie, et Reinach suppose (o. c., p. 121) qu'il devait prendre l'offensive en Cappadoce. L'hypothèse n'est pas invraisemblable. Mais, si nous le retrouvons bloqué dans Laodicée du Lycos, il faut admettre qu'il avait lui aussi échoué, ce qui revient à dire que d'autres forces pontiques avaient attaqué en direction de la Cilicie, ce qu 'Appien a oublié de signaler. 192. Cf. Reinach, o. c., p. 126. Mais ce savant ne pouvait conn&"tre le dossier d'Aphrodisias, dont il ressort qu'Oppius, libéré après la paix de Dardanos, reçut à Cos une ambassade de Plarasa/Aphrodisias. Cf. J. Reynolds, Aphrodisias and Rome (1982), n° 3, l. 21 sq. : Oppius évoque l'appel qu'il avait lançé depuis Laodicée : 1ea8' ôv yàp Katpov èlCAaoôt1e11açxpoç ôµà.ç fxEµ\fla ypaµµata ôxmç crtpatlCOtaç xp6ç µe dxocrtEiÀTJtE . Selon Poseidonios (cité par Athénée, S, 213 b), c'est Aquillius lui-même qui aurait été promené, enchaîné à un Bastame de taille gigantesque. La chose est peu probable, Aquillius étant malade et alité : cf. notes 194 et 196. 193. Le participe tlcov ne peut s'entendre que d'une capture, et c'est probablement un euphémisme évitant d'étaler la trahison des Mityléniens. Or ceux-ci avaient laissé Rutilius Rufus quitter Lesbos pour Smyrne, au lieu de le livrer à Mithridate. Cet historien avait donc une bonne raison de ne pas les accabler. 194. Velleius Paterculus, 2, 18, 3, oppose, dans une vigoureuse antithèse, la fidélité des Rhodiens à la trahison des Mityléniens qui M' Aquilium aliosque Mithridati vinctos tradiderunt. Diodore, 37, 27, 1-2, dit qu 'Aquillius, malade et alité (vocro1eoµo6µevoç) fut livré à Mithridate. On ne saurait le confondre avec le vtoç qui, dans le même frag-
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ment, se défend contre ceux qui viennent l'arrêter avant de se suicider. Rien ne prouve d'ailleurs que ce dernier était le fils de l'ancien consul, comme le supposait Reinach, o. c., p. 126, n. 6. Sur ces événements, voir G. Labarre, Les cités de Lesbos aux époques hellénistique et impériale (1996), p. 91. 195. La ville devint en effet, pour un temps, la capitale de Mithridate, qui prit ses quartiers dans les palais des Attalides : cf. Plutarque, Sylla, 11, 3-4 et Magie, RR, 2, p. 1103. Ce fut dans le théâtre de cette ville que, selon Plutarque, Sylla, 11, 1-3, fut célébrée la victoire : une Niké, descendue du ciel à l'aide d'une machine, tenta de déposer une couronne sur la tête de Mithridate. Le choix de cette ville pour l'exécution d •Aquillius pourrait s'interpréter comme un geste de dérision, le père de la victime y étant l'objet d'un culte : cf. IGRR, 4 291. - Sur la situation à Pergame, cf. R. Bernhardt, o. c., p. 38. 196. Tite-Live relatait lui aussi la capture d 'Oppius et d' Aquillius : cf. Per., 78 : Mithridates Asiam occupavit, Q. Oppium proconsulem item M' Aquilium legatum in vincula coniecit. Diodore, 37, 27, 1-2, est formé de deux fragments distincts : dans le premier, les Mityléniens s'emparent sans difficulté de M' Aquillius, cloué au lit par la maladie. Dans le second, un jeune homme se suicide pour ne pas tomber vivant entre leurs mains. Il ne peut s'agir du consulaire (ni non plus d'un hypothétique fils ... ) ce qui rend vaines les considérations bavardes de G. Amiotti, La tradizione sulla morte di Manio Aquilio, /Evum, 53 (1979), p. 72-77. - Les malheurs d'Aquillius sont souvent évoqués : mais si le supplice relaté par Appien se retrouve chez Pline, NH, 33, 48, il paraît calqué sur celui que les Parthes firent subir plus tard à Crassus. Cicéron (de imp. Cn. Pompei 11 ; Tusc. 5, 5) le fait simplement mourir sous les verges « après avoir subi tous les supplices ». Valère Maxime, 9, 13, 1, rappelle lui aussi les outrages subis par le représentant de Rome. Son exécution ne fit l'objet d'aucune publicité, puisque, selon Granius Licinianus, 35, 75 Criniti, Sylla demanda sa libération lors de la paix de Dardanos. Toute cette affaire est obscure, et l'on peut même se demander si Aquillius fut réellement mis à mort. Peut-être se montra-t-il simplement moins résistant aux mauvais traitements qu 'Oppius, libéré après la paix de Dardanos. 197. Nous possédons deux lettres de Mithridate à l'un de ces satrapes, Léonippos : cf. C. B. Welles, Royal Correspondence in the Hellenistic period, n° 73 et n°74. - Mithridate était désormais accaparé par les affaires méditerranéennes : Plutarque, Sylla, 11, 3-4, précise en effet qu •après avoir chassé les Romains de la province d'Asie, il confia à l'un de ses fils, Pharnace, le Pont et le Bosphore, à un autre, Ariarathe [sans doute pour Plutarque le roi de Cappadoce], la Thrace et la Macédoine. 198. S'agit-il de Magnésie du Sipyle ou de son homonyme du Méandre ? Nos sources se contredisent : cf. la discussion de Mc Ging, Foreign Policy, p. 111, n. 110. Pausanias, 1, 20, 5, affirme que Magné-
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sie du Sipyle fut assiégée sans succès par Archélaos, le général de Mithridate: tOV 'ApXÉÂ.aOVMa'YVlltt:ç o\ tOV l:im>Â.OVobcoÔvtEÇ acpàç txEK6paµ6vta aôt6v tE ntpcoc:ncoUvf3apMpcov q>VEOOUroµaîot, soit d'ltalici. Faut-il comprendre qu'il était stipulé que l'on devait épargner les Italiens ne possédant pas encore la citoyenneté romaine ? Ce n'est guère vraisemblable : cf. infra, n. 224. Valère Maxime, 9, 2, Ext. 3, parle de in Asia per urbes negotiandi gratia .
Page 23 215. Cf. Tite-Live, Per., 78 : iussuque eius, quidquid c1v1um Romanorum in Asia fuit, uno die trucidatum est. Mais il y eut des exceptions : cf. Pline, NH, 2, 94, 209, où il appanu"t qu'un certain nombre de Romains purent se réfugier dans les îles du lac de GygaiaKoloé : cf. L. Robert, Documents d'Asie Mineure, p. 302. 216. Cf. Orose, 6, 2, 3 ; Memnon, 31 ; Valère-Maxime, 9, 2, ext. 3 (80 000 victimes) ; Plutarque, Sylla, 24, qui dénombre jusqu'à 150 000 morts ! Cicéron, de imp. Cn. Pompei, 1, parle seulement de« milliers de victimes ». Dans le Pro Flacco, 60-61, le massacre n'est évoqué qu'en termes généraux. Voir Reinach, o. c., p. 130-131. P. Brunt, ltalian manpower 225 B. C. -A. D. 14 (1971), juge avec raison tous ces chiffres exagérés. Voir aussi, dans le même sens, A. J. N. Wilson, Emigration/rom /ta/y in the Republican age of Rome (1966), p. 125-127. 217. Selon Strabon, 14, 1, 23, Mithridate, par un geste spectaculaire, étendit le périmètre d'asylie du sanctuaire d'Artémis -mais peut-être après le massacre. Chrerémon de Nysa y trouva un abri qu'il croyait inviolable, et Mithridate l'accusait de profiter de son asylie pour écrire à ses ennemis (cf. C. B. Welles, Royal correspondence ... , n° 74, l. 6-7 : èvn:Ü0ÉV te ypaµµata 1tpOÇtOÙÇlCOlVOÙÇ 1tOÂ.Sµiouç ôta1ttµ1tetat Pcoµaiouç· fcntv ôt fi toutou liôTta trov ysysvriµtvrov Ô.ÔlKTtµ«tcovopµTttitptov trov 1ea0· fiµrov 1tpattoµévcov). L'existence de tels nids de résistance pourrait expliquer le massacre, auquel Chrerémon ne parai"tpas avoir échappé : cf. R. Bernhardt, o. c., p. 53. 218. Où le pouvoir était exercé par le philosophe Diodôros : cf. supra, n. 201. 0
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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219. Appien fait erreur. Les Romains accordèrent certes la liberté à Caunos et à Stratonicée pour punir les Rhodiens (Polybe, 30, 21, 3), mais en 167 av. J. -C., donc presque un siècle avant la guerre mithridatique ! 220. Il ressort de Polybe (30, 31, 5) que les Rhodiens avaient acheté Caunos pour la somme de 200 talents aux stratèges d'un Ptolémée : cf. M. Holleaux, Etudes, 4, p. 305, n. 3. Voir aussi Th. Liebmann-Frankfort, Frontière orientale, p. 98, et, en dernier, V. Gabrielsen, Rhodes and Rome after the Third Macedonian war, dans: P. Bilde (éd.), Center and Periphery in the Hellenistic Wor/d (1996), p. 141-142. On peut penser qu'Appien fournit un repère approximatif à son lecteur, qui vient de parcourir le Livre Syriaque : c'est solliciter le texte que de lui faire dire que Rhodes avait obtenu Caunos à la faveur de la victoire remportée par Rome sur Antiochos. - Polybe (/oc. cit.), affirme que les Rhodiens imposèrent un lourd tribut aux Cauniens. 221. Ils n'avaient cependant pas à se plaindre de Mithridate, à en croire Cicéron, Pro Flacco, 59 : in ornandis studiosiorem Mithridatem quam in spoliandis Trallianis fuisse. 222. Cf. Dion Cassius, fr. 101, 1 : Tpa.Â.Àtavoi oô6éva d1tÉ1C't'Elvav, 0e6q>1Àov 6é nva Ilaq>Àay6va èµ1a8c.ooavi-o. 223. La Concorde est honorée dans de nombreuses cités à partir de l'époque hellénistique : cf. G. Thériault, Le culte d'Homonoia dans les cités grecques ( 1996), avec la documentation épigraphique et la bibl.
Page 24 224. Selon Horus, l, 40, 7, l'ordre de Mithridate ne touchait que les citoyens romains (et leurs familles), d'ailleurs reconnaissables à leur toge. Et il ressort de Poseidonios que beaucoup de Grecs d'Italie abandonnèrent alors la toge pour le pallium : cf. Wilson, Emigration from /ta/y, p. 154-155. Il paraît peu vraisemblable que le roi ait visé les Italiens, qui demeuraient pour lui des alliés potentiels. Mais ses instructions furent peut-être dépassées par certaines cités. 225. Cette haine des Romains était suscitée par les exactions des publicains (collecteurs de taxes et usuriers), ainsi qu'il ressort de Diodore, 37, 5, relatant les mesures d'apaisement prises par Mucius Screvola et son conseiller Rutilius Rufus : cf. Wilson, Emigration from /ta/y, p. 172 sq.. Mais Cicéron ne dit pas autre chose dans le Pro Flacco, 1, 19 : « Et l'on ne s'étonnera pas que des gens pour qui nos haches sont un objet de haine (quibus odio sunt nostrœ secures), notre nom un sujet d'aversion, l'impôt sur les pâturages, les dîmes, les péages, des coups mortels, saisissent avec plaisir toute occasion de nuire ». L'orateur ne se dissimule pas les sentiments profonds des Grecs d'Asie (ibid., 26, 61) : in hac igitur urbe (se. à Rome) se iactant quam oderunt, apud eos quos inviti vident, in ea re publica ad quam opprimendam non animus iis, sed vires defuerunt. Bref, la haine des
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Grecs pour Rome allait jusqu •à souhaiter sa ruine (et donc le succès de Mithridate) : point n'est besoin d'imaginer qu'Appien suit une somœ favorable au roi du Pont. 227. Selon Tacite, Ann., 4, 14, 3, les habitants de Cos auraient néanmoins respecté l' asylie du temple d •Asclépios( cf. R. Bernhardt, o. c., p. 53), ce que Mithridate pouvait voir d'un mauvais œil. Ce fut peut-être pourquoi il se montrèrent généreux des biens d'autrui. Sur le séjour de Mithridate à Cos, cf. Ballestros Pastor, o. c., p. 116. 228. Le futur Ptolémée Alexandre Il, dont Appien relatera en BC 1, l 02, le règne éphémère et la fin tragique. 229. Ptolémée X Alexandre I, chassé d'Egypte en 88 av. J. -C., mort l'année suivante. L'enfant ne séjournait à Cos (longtemps possession des Lagides) que depuis quelques mois ou quelques semaines. 230. Cléopâtre m.veuve de Ptolémée VII. 231. Cf. Strabon, Hypomnemata Historica [Fr. Gr. Hist. 91), fr. 6 (=Josèphe, Ant. Jud., 14, 7, 2) l:'tpét&ov b Ka1t1tét6oç oÜ'tCOÇ Uycov· 1ttµ"'aç 6t Mt8ptoo'triç etç Kro fi..a6e 'tà xp11µa'ta, &1tep f8e'to t1eeî KJ..eo1tét'tpa 1' fJacrli..tcrcra 1eai 'tà 'Iouoo.imv ô1cta1COOU1 'tŒÂ.aV'ta.Appien ne s'intéresse pas aux biens des Juifs, confisqués par Mithridate. - Voir infra, 117, 577. Parmi ces objets précieux figurait une chlamyde d •Alexandre le Grand, à laquelle le roi accorda probablement une grande valeur symbolique, puisqu'elle le confirmait dans sa prétention d •être l'émule du conquérant macédonien : cf. Cl. Bohm, lmitatio Alexandri im Hellenismus (1986), p. 181. 232. Ils avaient longtemps entretenu des relations courtoises avec Mithridate, en l'honneur duquel il avaient érigé des statues : cf. Cicéron, 2 Verr., 2, 159. Les raisons de la rupture, qu •Appien ne donne pas, sont évidentes : Rhodes refusait de se brouiller avec Rome et accueillait tous les fugitifs, qu'ils fussent Italiens ou Grecs, comme les fils de Chreremon de Nysa : cf. C. B Welles, Royal co"espondence ...• n° 73, où Mithridate accuse ce personnage d'avoir aidé 'tOÙÇ6taq,uy6V'taç •pmµaicov à gagner Rhodes. 233. Cf. M. Holleaux, Etudes, l, p. 394, n. 5. 234. Cf. Tite-Live, Per., 78 : Urbem Rhodum, quœ sola in fide
populi Romani manserat, oppugnavit et aliquot prœliis navalibus vietus recessit. Voir aussi Diodore, 37. 38. 235. La perte de Diodore fait d'Appien notre principale source : cf. Magie, RR, 2, p. 1104. Sur le siège, voir H. H. Schmitt, Rom und Rhodos (1957), p. 181 ; Ballestros Pastor, o. c., p. 117-119.
Page 25 236. Sur l'état de la flotte rhodienne à cette époque, voir R. M. Berthold, Rhodes in the Hellenistic age (1984), p. 224-225 ; V. Gabrielsen, The naval aristocracy of Hellenistic Rhodes (1997), p. 86 sq. (sur les navires) et 94 sq. (les équipages).
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237. Diodore, 37, 28, fait allusion à cette tentative d'encerclement. Mais il insiste surtout sur le fait que, si les Cappadociens étaient animés par la 1tpo8uµia, car ils voulaient prouver à Mithridate leur e(Svota, ils étaient handicapés par l' d1tt1pia, l' dyuµvacrla et surtout l' d'taçia des équipages. 238. Appien ne précise pas l'emplacement du camp royal, qui devait comporter un mouillage. - F. de Callatay, o. c., p. 294, note qu'un atelier indéterminé frappa un nombre considérable de monnaies durant une période correspondant à la durée du siège : ne pourrait-il avoir fonctionné dans le camp ? Page 26 240. On trouvera dans A. Maiuri, Nuova Silloge epigrafica di Rodi e Cos (1925), n° 18, l. 14, un décret honorant le Rhodien Polyclès, yev6µevov cruµ6ouÂ.ov vaoopxcp Aaµay6pa1, probablement à l'occasion de ces événements. Il ressort du même texte que les Rhodiens instituèrent des fêtes en l'honneur de Rome (Rhômaia) après leur victoire. Sur le rôle de Damagoras, cf. V. Gabrielsen, o. c., p. 99. 241. Allusion à cette bataille chez Appien B. C. 4, 71 ; voir Reinach, o. c., p. 144-145. 242. Deux escadrilles de trois navires : cf. V. Gabrielsen, o. c.,
p. 97. 243. Exemple del' d'taçia dénoncée par Diodore. : cf. V. Gabrielsen, o. c., p. 100. Selon Memnon, 22, 8, Mithridate aurait failli être capturé en livrant une bataille navale aux Rhodiens : peut-être s'agit-il d'une autre version de l'incident. 244. Ce passage est corrompu. L'une des dédicaces du Cabirion de Délos (Durrbach, Choix ... , n° 136c = ID 1573) concerne l'un des prôtoi philoi du roi, Papias d' Amisos, archiâtre (l'une des premières dignités auliques) et t1ti 'tCOV dvmcpiaecov. Il me semble qu'Appien fait ici allusion à une enquête diligentée par le procureur royal. 245. Un vent d'est appelé aussi Kauviaç : cf. Aristote, Vent. 1. 246. Sur ces hélépoles nautiques, cf. Magie, RR, 2, p. 1104. Une claire description en est fournie par Athénée le Mécanicien, 27, 7 sq. et Vitruve, 10, 16. Voir E. W. Marsden, Greek and Roman artillery. Historical development (1969), p. 108 sq. et, du même, Greek and Roman artillery. Technical treaties (1971), p. 90 sq. Les premières machines de ce type sont contemporaines d'Alexandre (siège de Tyr : QuinteCurce, 4, 3, 14-15) et des Diadoques (siège de Rhodes par Démétrios : Diodore, 20, 88, 5-7). Voir Y. Garlan, Recherches de poliorcétique grecque (1974), p. 229. 247. Ce sanctuaire étant fréquenté par une association d'esclaves A1oapublics (cf. SGDI 3772 portant une décision 'tOÙ 1eo1voù 'tCOV a'ta5up1aa-ràv 'tCOV 'tàÇ 1t6Â.1oçôouÂ.eov),on peut se demander s'il ne s'agissait pas d'esclaves déserteurs.
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248. Appien veut sans doute parler de l'acropole, assez éloignée des ports, mais accessible depuis la mer. 249. Le principal sanctuaire de Zeus Atabyrios [dont le culte est étudié par A. B. Cook, Zeus, 2, 2 Appendix B (1925), p. 924-925 ; D. Morelli, / culti in Rodi (1959), p. 46-49, donne les références, en particulier épigraphiques] se trouvait au sommet du mont Atabyrion, qui domine l'île : cf. Pindare, 01. 1, 87 et scholies ; Strabon, 14, 2, 1112 ; Steph. Byz. s. v. 'Ata6up1ov. Appien évoque, pense-t-on, un temple situé dans le périmètre urbain : cf. Oberhummer, RE 2, 2 (1896), 1887. Un autel rectangulaire dédié à ce dieu a d'ailleurs été trouvé dans une maison proche de l'acropole : cf. Bull. Ep., 1975, n° 325. Curieusement, Appien parle de ce temple à l'imparfait, alors que celui d'Isis (infra, 27, 105) est évoqué au présent. Ne pourrait-on supposer qu' Appien, lors d'une escale à Rhodes, vit le temple d'Isis (qui aurait échappé miraculeusement au séisme de 142 ap. J. -C.), mais non celui d' Atabyrios, détruit peut-être par l'un des séismes qui ravagèrent la ville sous Antonin ? Dans la mesure d'ailleurs où il peut préciser l'étendue des pouvoirs exercés par les prytanes rhodiens (BC 4, 66, 282 - mais Plutarque, Prœcepta ger. Reip., 813 D dit à peu près la même chose ... ), on ne peut exclure un séjour de quelque durée dans une ville célèbre par ses écoles de rhétorique.
Page 27 250. Sur les signaux lumineux, voir la synthèse de Y. Garlan, o. c., p. 375-376. 251. Cf. F. Dunant, Le culte d'Isis dans le bassin oriental de la Méditerranée, 3 (1973), p. 21-24, qui rassemble ce que l'on sait du culte de la déesse dans l'île. Isis était par excellence la déesse « qui sauve des grands dangers » ainsi qu'il ressort d'une inscription de Madinet Madi citée ibid., p. 24, n. 3 : t1e xoÀtµou puoµÉVTI tE x6Àetç, xétvtaç tE xoÀitaç aùtoùç 1eai dÀox,ouç 1eai KtTJµata 1eai c:piÀatÉJCVa. Ses interventions étaient souvent marquées par des épiphanies et des prodiges. 252. Ces éléments offensifs ne sont pas caractéristiques de la sambuque, qui comporte essentiellement une passerelle volante, mue par un système de poulies ou par un contrepoids dans les modèles les plus sophistiqués. L'engin ne pouvait pas déposer plus de dix combattants sur le rempart ennemi, ce qui réduisait son efficacité. 253. Marsden, o. c. (1971), p. 96, suppose que ces échelles devaient permettre aux combattants de passer des barques dans la sambuque, ouverte vers l'arrière. On peut en effet penser que l'entassement des soldats e0t risqué de déséquilibrer ce lourd édifice flottant. 254. Philon de Byzance, Synt. mech., 5, 38, évoque des barques protégées par des « tortues » (al o' txi tcov Àɵ&>V x,eMÏ>vat). Il n'apparaît pas que Mithridate ait cherché à protéger ses troupes d'assaut.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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255. Cf. Obsequens, 56. Dans l'arétalogie de Kymé, la plus complète que l'on possède [citée par Y. Grandjean, Une nouvelle arétaLogie d'Isis à Maronée (1975), p. 122 sq.], la déesse se proclame 1tOÀɵou x:upia et maîtresse du kéraunos. Selon E. W. Marsden, o. c. (1971) p. 91, le feu dont il est ici question serait le « feu Saint-Elme », souvent considéré comme miraculeux. 256. Mithridate aurait levé le siège à l'automne de 88 av. J. -C. : cf. Reinach, o. c., p. 147. Les Rhodiens célébrèrent leur succès par une 1tavayup1ç en l'honneur d'Apollon Eréthimios: cf. /G XII, 1, 730 = /GR, IV, 1140. 257. Cf. Obsequens, 56, où il est question d'un bois sacré consacré aux Furies. F. et E. Cumont, Studia Pontica, 2, p. 172, étudient une confession de Divlit, en Lydie, dont l'auteur s'accuse d'avoir coupé des arbres consacrés à Zeus Sabazios et à Artémis Anaïtis : è1te1611 Katà O'YVOlŒVèK tOÙ OÀtÀoaov l1Etpatà. µEi:' 1CQ\tà 7CÂ.EÎ7tÂ.Éov 1eai.1eap1tcôv d-ypirov1eai.-yaÂ.a1e-roç. E. Cumont, Studia Pontica, 2, p. 127, citent plusieurs inscriptions dont il ressort que la chasse était très prisée dans ces régions. On rapprochera en particulier du n° 52, où il est question d'un chasseur ôpta1-
ôp6µov 011provÔÂ.T)-ri)pa. Page 82 733. On pourrait peut-être trouver une trace de ces marches compliquées chez Salluste, Hist., 4, 5 M : igitur /egiones pridie in monte positas arcessivit. 734. Peut-être la hauteur fortifiée dont parle Plutarque ? Munro, JHS, 21 (1901), p. 57, n. 2, estime que Lucullus se proposait de couper la route Cabeira-Amasia. 735. Cf. Salluste, Hist., 4, 69, 15 M : inopia ambos incessit. - Sur l'itinéraire de ces convois, cf. Magie, RR, 2, p. 1212. 736. Cf. Salluste, Hist., 4, 7 M : quo cupidius in ore ducis se quisque bonum et strenuum ostentantes. 737. Ce revers de Lucullus apparaît, sous une forme édulcorée, chez Plutarque, Lucullus, 15, 5.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
738. Cf. Salluste, Hist., 4, 8 M : at Lucullum regis cura machinata James brevi fatigabat. 739. Plutarque, Lucullus, 17, 1-2, mentionne (sans détails) deux convois successifs : Somatius, qui commandait le premier, fut vainqueur de Ménandros, un g6néral de Mithridate. Le second, que dirigeait M. Fabianus Hadrianus, mit en déroute Ménémachos et Myron. Cf. Phlégon et note suivante : 1eai 'A6p1avè>v è1tÉ'tŒÇE1toÎ..Eµijaa1 M18p100-rn· 1eai 1touµ11aaç tvbc11ae. C'est probablement le combat relaté par Appien. Eutrope, 6, 8, situe l'affrontement près de Cabeira et prétend que 5 000 Romains défirent 30 000 hommes d'élite ! Voir aussi Salluste, Hist., 4, 3 M ; Reinach, o. c., p. 339 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 96. 740. La situation serait plus claire pour le lecteur si Appien avait rappelé que Lucullus fut contraint de passer un hiver sur les hauteurs dominant Cabeira : cf. Phlégon de Tralles, Fr. Gr. Hist. 257, fr. 12, 3. 741. Salluste, Hist., 4, 69, 15 M, fait dire à Mithridate que Lucullus trouvait à se ravitailler dans le royaume d 'Ariobarzanès, alors que lui-même connaissait la disette. 742. Memnon, 29, 9, attribue la responsabilité de cet échecà Diophante et à Taxile qui, envoyés avec 4 000 fantassins et 2 000 cavaliers attaquer le convoi romain, donnèrent à leurs hommes l'exemple de la fuite sitôt que Lucullus eut envoyé des secours.
Page 83 743. Peut-être faut-il rapprocher de Salluste, Hist., 4, 10 M : in castra sine volnere introitum. 744. Selon Memnon, 29, 9, Diophante et Taxile apportèrent euxmêmes la nouvelle d'un échec dont on comprend mal qu'il ait provoqué une telle panique. Voir infra, n. 747. 745. On peut rapprocher de Salluste, Hist., 4, 9 M : qua nocte ipse fiebat anceps. 746. Cf. Plutarque, Lucullus, 17, 3-4 : en proie au découragement, Mithridate résolut d'évacuer Cabeira. 747. Plutarque, loc. cit., signale des scènes d'émeute et de pillage : Dorylaos, l'un des plus anciens généraux de Mithridate, aurait même été massacré aux portes du camp, ce qui est faux, car Strabon, 12, 3, 33, mieux infonné, affirme que ce notable, grand-prêtre de Comana et en tant que tel second personnage du royaume, trahit Mithridate et périt avec toute sa famille : cf. Magie, RR, 2, p. 1212 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 96, n. 3. On peut tenter de concilier ces deux traditions si l'on admet que Mithridate, passant par Comana (cf. infra, 83, 367), ordonna l'exécution de Dorylaos, qui avait peut-être donné le signal de la fuite quelques jours plus tôt à Cabeira. On aurait ainsi l'explication rationnelle de la panique générale, si l'on suppose que 1•armée vit dans le départ soudain du grand-prêtre le signe que le dieu Mên avait abandonné le roi.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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748. Sur la débâcle de l'année de Mithridate, cf. Reinach, o. c., p. 340. Le récit de Plutarque (Lucullus, 17, 5) ne diffère que sur des détails. Memnon fait porter à Taxile et à Diophante la responsabilité du désastre. 749. Selon Memnon, 30, 2, cette mission fut confiée à l'hégémôn Marcus Pompeius qui n'est autre, me semble-t-il, que l'hipparque Pompeius mentionné en 79, 351. Mithridate l'avait probablement libéré dans l'espoir de trouver un accommodement avec Lucullus.
Page 84 750. Ce topos remonte à Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 22 : Hœc dum nostri conligunt omnia diligentius, rex ipse e manibus effugit. En revanche, Salluste plaçait, semble-t-il, le pillage du camp au retour de la poursuite. Cf. Hist., 4, 11 M : et reversi postero die multa, quœ properantes deseruerant in castris, nacti, cum se ibi vino ciboque lœti invitarent ... Voir van Ooteghem, Lucullus, p. 97. 752. Cet épisode apparaît également chez Plutarque, Lucullus, 17, 6-7. 753. Selon Plutarque, Lucullus, 19, 1, les Romains poursuivirent Mithridate jusqu'à Talaura., dont le site n'est pas exactement connu (Olshausen-Biller, o. c., p. 54 sq., la situent entre Tokat et Horar Tépé : il pourrait s'agir des ruines de Geyraz Kalesi). Voir Magie, RR, 2, p. 12121213, qui conclut que Mithridate cherchait bien à atteindre Comana. 754. Selon Memnon, 30, 1, Mithridate s'enfuit secrètement de Cabeira, où il se trouvait. Cette version, moins dramatique, n'est pas pour autant négligeable. -Sur toute cette affaire, voir Tite-Live, Per., 97 : L. Lucullus in Ponto adversus Mithridatem feliciter pugnavit cœsis hostium amplius quam LX milia. ; Eutrope, 6, 8, plus détaillé : Secundo prœlio apud Cabira civitatem, quo ingentes copias ex omni regno adduxerat Mithridates, cum XXX milia lectissima regis a quinque milibus Romanorum vastata essent, Mithridates fugatus est et castra eius direpta (ce que confirme Plutarque, Lucullus, 17, 8). 755. Cf. Tite-Live, Per., 91 : Mithridates desperatione rerum suarum coactus ad Tigranen, Armeniœ regem, confugit. Voir aussi Eutrope, 6, 8 : susceptus tamen est Mithridates post fugam a Tigrane, Armeniœ rege, qui tum ingenti gloria imperabat. Salluste, Hist., 4, 69, 15 M, explique cette fuite en invoquant la dévastation du Pont : vastis circum omnibus locis. 756. D'après Memnon, 38, 1, Tigrane ne reçut Mithridate qu'après un an et huit mois d'attente. Il lui accorda enfin une réception royale et le renvoya dans le Pont avec 10 000 cavaliers. - Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 23, croit savoir que Tigrane redonna confiance au réfugié : mais il est bien le seul à penser ainsi, comme le souligne van Ooteghem, Lucullus, p. 99. 757. Plutarque, Lucullus, 18, 2, nomme ce personnage Bacchidès et place la scène à Phamakeia (l'ancienne Cérasonte refondée par Phar-
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
nace Jer : cf. van Ooteghem, Lucullus, p. 98. Selon Strabon, 13, 3, 11, Bacchidès commandait toutefois la garnison de Sinope. Memnon. 30, 1, évoque certes ce massacre, mais le résumé, peu fiable, de Photius donnerait à penser qu'il en situait la scène à Cabeira. 758. « Capitale » ne peut guère s'entendre, si Appien est logique avec lui-même (mais il ne l'est pas toujours ... ), que d'Eupatoria : cf. supra 18, 345. De plus, Appien nous apprendra plus loin (115, 561) que Mithridate détruisit lui-même la ville qu'il avait fondée, parce qu'elle avait réservé un bon accueil aux Romains. C'est, je crois. la situation qui est annoncée ici. On peut certes objecter que Memno~ 30, 3, attribue la prise et la destruction d'Eupatoria à Lucullus. Mais il existe trop de divergences entre nos sources (même sur le site de la ville ou des villes de ce nom) pour que l'argument puisse être retenu. 759. Sur ces meurtres et suicides, cf. Plutarque, Lucullus, 18, 3-9 ; Souda s. v. ©Ç t1eTCÔV1tap6v'tCov (Monime se suicide avec son diadème). 760. Appien insiste sur l'effet psychologique désastreux de ce massacre : les féaux de Mithridate estimèrent qu'il se sentait perdu et en tirèrent les conséquences. 761. Il faut supposer ici une assez longue lacune. Le sujet de la phrase commençant après celle-ci ne saurait être Lucullus, et ce pour deux raisons : a) Héraclée ne fut pas prise par Lucullus. Commencé au cours de l'été 72 av. J. -C. par Cotta, le siège ne devint pénible pour la population qu'après l'arrivée, en 71, de la flotte de Triarius. Néanmoins, la ville ne fut prise qu'en 70, après deux années de siège (cf. Dion Cassius, 36, 40 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 104-106) et par Triarius ; b) la flotte dont il est question ne saurait être que celle de Triarius : c'était donc à lui et non à Cotta que la tradition suivie par Appien accordait ces succès. -Peut-être s'agit-il ici du sort de Cabeira et des places voisines, dont Lucullus prit possession après la fuite de Mithridate : cf. Plutarque, Lucullus, 18, 1 ; Memnon, 30, 2. Voir aussi Salluste, Hist., 4, 12 M : tenuit Lucullus thesauros, custodias regias. Mais on peut également songer à une occupation militaire de la Petite Arménie, que suggère Eutrope 6, 8 : Armenia quoque Minor, quam tenuerat, eidem sublata est. 762. Connacorix, qui commandait la garnison d'Héraclée, après avoir livré la ville à Triarius (cf. note suivante), s'empara par surprise d' Amastris et de Tios (Memnon, 35, 7). Triarius reprit ces deux villes peu après (Memnon, 36, 1). 763. L'essentiel de nos informations provient du résumé de Memnon donné par Photius. Cotta, auquel 1'affaire avait été confiée, se heurta à une longue et vigoureuse résistance (32, 1-2). Triarius, qui avait défait dans les parages de Ténédos les dernières escadres de Mithridate (33, 1-2) se porta à son secours avec sa flotte et bloqua la
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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ville du côté de la mer, empêchant son ravitaillement (34, 1-8). Les chefs de la garnison finirent par livrer la ville à Triarius, qui dut cependant laisser Cotta la ravager (35, 1-8). Sur ce long siège, voir S. J. Saprykin, Heracleia Pontica and Tauric Chersonesus be/ore Roman domination (1997), p. 300 sq. 764. Parmi les « autres villes », il faut certainement compter Tios, et peut être aussi Amaseia, qui ne se rendit qu'après la chute de Sinope (cf. Memnon, 37, 9). 765. Sinope, établie sur un promontoire, était presque imprenable : cf. Strabon, 12, 3, 11 ; Polybe, 4, 56 ; Magie, RR, 2, p. 1074 avec bibl. ; Marek, Pontus-Bithynia, p. 18 et pl. 46, fig. 1-2. Sur les opérations menées par l'armée romaine contre cette ville, cf. Plutarque, Lucullus, 23-24 ; Memnon 37, 1-8 ; Strabon, /oc. cit., précisant que le chef de la garnison, Bacchidès, empêcha les habitants de négocier une capitulation honorable ; Orose, 6, 3, 2-3. Van Ooteghem, Lucullus, p. 109-113, place la prise de la ville pendant l'été de 70 av. J. -C. 766. Il ne peut guère s'agir que de la défaite infligée par le pirate Séleucos à Censorinus, auquel il enleva le convoi de vivres qu'il protégeait avec 50 trières : cf. Memnon, 37, 2. 767. Orose, 6, 3, 2-3, raconte les choses autrement : Lucullus Sino-
pem expugnaturus obsederat; hanc Seleucus archipirata et Cleochares spado, qui prœsidii causa prœerant, expilatam atque incensam reliquerunt. Lucullus miserorum hostium intestina clade permotus celeri occursu immissum restinxit incendium. Plutarque, Lucullus, 23, 3, parle d'une garnison de Ciliciens (probablement des « pirates » ), qui s'enfuirent ~près avoir tenté d'incendier la ville. Les Romains auraient ainsi massacré 8 000 Ciliciens. Memnon, /oc. cit., recoupe Orose, mais avec plus de détails. 768. Plutarque, Lucullus, 12, 1, rapporte un autre songe prémonitoire de ce général, dans un sanctuaire d'Aphrodite en Troade. 769. Ces récits sont étudiés par A. lvantchik, Les légendes de fondation de Sinope du Pont, REA, 99 (1997), p. 33-45. Remarquons seulement qu 'Appien ne compte pas Autolycos parmi les Argonautes, à la différence de Strabon, /oc. cit. : ÔOKEÎ ôè trov 'Iaaovt cruµ1tÀEUCJtlvtCOV dvat Kai KataaxEiv toùtov tè>v t61tov. 770. Sinope passait pour avoir été fondée par des Syriens, descendants de Syros, fils d'Apollon et de la nymphe Sinopé, fille d' Asopos, dont la tête figura longtemps sur les monnaies frappées par cette cité. Sur cette légende, voir Philostéphanos de Cyrène, Ilepi trov èv 'Acrl{l 1t6À.ecov,(FHG, 3, p. 29, fr. 3), qui suit Héraclide Pontique. 771. Strabon, 12, 3, 11, parle d'un manteion d' Autolycos. I. Malkin, Religion and colonization in Ancient Greece (1987), p. 207 sq., rapproche de l'oracle de Mopsos à Mallos, ville que ce héros, doté de dons prophétiques, passait pour avoir fondée.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
Page 85 772. Cette statue du héros fondateur, probablement très ancienne, ne doit sans doute pas être confondue avec l 'œuvre du sculpteur Sthennis (contemporain de Lysippe) que les pirates ciliciens tentèrent d'emporter dans leur fuite : Lucullus la retrouva abandonnée sur le rivage et l'emporta à Rome : cf. Strabon, loc. cit. ; Plutarque, Lucullus, 23 et Overbeck, Antike Schriftquellen, p. 257. 773. Cf. Strabon, 12, 3, 11 ; Plutarque, Lucullus, 23, 3-6. 774. Selon Memnon, 30, 3-4, Lucullus se porta sur Amisos après la prise de Cabeira. La population refusant de se rallier aux Romains, il alla s'emparer d'Eupatoria. Amisos fut prise « peu après», une partie de la population massacrée, les survivants traités avec humanité. Sur la ville, cf. Strabon, 12, 3, 14 etl6 ; Marek,Pontus-Bithynia, p. 19-20. Allusion chez Salluste, Hist., 4, 13 M : Amisumque assideri sine prœliis audiebat. Le fr. 15 M pourrait se référer à l'incendie de la ville. Il ressort de Plutarque, Lucullus, 33, 3 [= Salluste, Hist., S, 10 M] que le siège dura deux ans, au grand dam des légionnaires. Il faut compter ces deux années à partir du début de l'investissement, indiqué supra, 78, 345. 775. La place était défendue par un habile général, Callimachos, qui, trompé par un stratagème de Lucullus, s'enfuit par mer après avoir incendié la ville : cf. Plutarque, Lucullus, 19, 2-9. 776. Cf. Plutarque, Lucullus, 19, 7, qui ajoute qu'un certain nombre d'Athéniens s'étaient réfugiés à Amisos à l'époque de Sylla. Strabon, 12, 3, 14, évoque pour sa part la colonie athénienne conduite par Athénoclès au ves. av. J. -C., comme le rapporte Plutarque, Périclès, 20. 777. Alexandre considérait Sinope comme sujette des Perses : cf. Arrien, Anab., 3, 24, 4. La ville avait en effet été conquise par le satrape rebelle Datamès, puis soumise à l'autorité du Grand Roi : cf. Magie, RR, 2, p. 1078. 778. Je ne vois aucune raison d'adopter, comme Schweighiiuser, la correction déduite de Candido, qui traduit par Amisinos la leçon ( ?) •Aµiataç qui n' appanu"'tdans aucun des manuscrits primaires. 779. Cf. Tite-Live, Per., 98 : Machares filius Mithridatis, Bospori rex, a Lucullo in amicitiam receptus est. Voir aussi Plutarque, Lucullus, 24, l. Il ressort de Memnon, 37, 4 et 6, que Macharès se trouvait en Colchide, d'où il s'employait à ravitailler les villes assiégées. Lucullus lui accorda son amitié, à condition qu'il cessât d'aider Sinope : voir van Ooteghem, Lucullus, p. 111 ; Mc Ging, Foreign Policy, p. 152. 780. Lucullus envoya son beau-frère, Appius Claudius (frère du fameux Clodius), réclamer à Tigrane l'extradition de Mithridate : cf. Plutarque, Lucullus, 21, 1, sq. ; Memnon, 31, 2-3 ; Mc Ging, Foreign Policy, p. 152-153.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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781. Plutarque, Lucullus, 20, 1-4 trace un sombre tableau de la situation dans cette province, Ô7t0trov tEÂ.©vrov 1eaitrov 6avEtcrtrov 1top8ouµévT1V 1eaidv6pa1tooiÇoµ&VT1V. L'endettement était général et les débiteurs obligés de vendre leurs enfants, quand ils n'étaient pas eux-mêmes réduits en esclavage pour dettes. Les Modernes se bornent à paraphraser Plutarque : cf. V. Chapot, La province romaine proconsulaire d'Asie (1904), p. 41 ; J. Hatzfeld, Les trafiquants italiens dans l'Orient hellénistique (1919), p. 236 ; Magie, RR, 1, p. 252 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 107-108. 782. Ce fut peut-être alors que des Luculleia furent instituées à Ephèse : cf. Notice, p. XC. 783. Lucullus passa à Ephèse l'hiver de 11no(cf. Reinach, o. c., p. 350 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 107) ou de 70/69, si l'on opte pour la chronologie basse. 784. Au printemps de 69 av. J. -C., si l'on suit Reinach, o. c., p. 357 sq. - Lucullus avait pris l'initiative de cette guerre sans en référer au Sénat : cf. Mc Ging, Foreign Policy, p. 153 ; Ballestros Pastor, o. c., p. 245 sq.. Page 86 785. Plutarque, Lucullus, 27, lui accorde 24 cohortes à la bataille de Tigranocerte. Il semble qu 'Appien ne prenne pas en compte les troupes placées sous le commandement de Murena (soit 6 000 hommes), peut-être pour grandir l'audace du général romain. Mais si l'on ajoute aux deux légions d'Appien (environ 12 000 hommes) la légion de Murena, on obtient 18 000 fantassins, soit l'effectif donné par Eutrope, 6, 9. Voir les calculs de E. Eckhardt, Die armenischen Feldzüge des Lucullus, Klio, 10 (1910), p. 78-81. Il est certain toutefois qu'aucune de ces légions ne comptait réellement 6 000 combattants. 786. Selon Plutarque, Lucullus, 23, 7, le général romain avait appris que Tigrane et Mithridate se proposaient d'envahir la Cilicie, puis l'Asie. C'est une explication plausible. P. Liebmann-Frankfort, Frontière Orientale, p. 231-232, résume les opinions modernes. 787. Cf. Plutarque, Lucullus, 24, 2-4, où le franchissement du fleuve (probablement à Tomisa [lzali] : cf. van Ooteghem, Lucullus, p. 119) revêt une tonalité miraculeuse ; voir aussi Salluste, Hist. 4, 59 M ; Memnon, 38, 2, qui précise que Lucullus traversa sans encombre la Cappadoce grâce au roi Ariobarzanès et franchit le fleuve sur des navires rassemblés par ce dernier durant l'hiver ; Orose, 6, 3, 6. 788. Il s'agit ici des habitants de la Sôphène : cf. Plutarque, Lucullus, 24, 6. Sur ce royaume situé à l'Est de !'Euphrate et vassal de Tigrane, voir L. Dilleman, Haute Mésopotamie orientale et pays adjacents (1962), p. 116-121. Il avait été conquis par Tigrane après 95 av. J. -C. : cf. Th. Frankfort, La Sôphène et Rome, Latomus, 22 (1963),
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
p. 185. Appien oublie de signaler que Lucullus franchit également le Tigre : cf. K. Eckhardt, o. c., p. 83-87. 790. La forme Mithrobouzanès paraît la plus correcte. Il appartenait peut-être à la famille princière de Sôphène : cf. M. Schottky,. Media Atropatene und Gross-Armenien in hellenistischer üit (1989),. p. 198-199. 792. Le site de cette ville - évidemment une ancienne cité refondée par Tigrane pour en faire la capitale d'un empire qui s'étendait désormais jusqu_'à la Méditerranée - n'est pas exactement connu. Les Modernes l'ont recherchée soit au S. du Tigre, à Tell Ennen [hypothèse formulée par Sachau dès 1880], soit au N. de ce fleuve, à Miyafarkin, la Martyropolis des Byzantins [hypothèse de von Moltke, mise en forme par Lehmann-Haupt, RE, s. v. Tigranokerta, 981-1007). K. Eckhardt, o. c., p. 405 sq., suit Lehmann-Haupt. On trouvera un clair exposé de la question dans L. Dilleman, o. c., p. 246 sq., avec de solides arguments en faveur de Tell Ennen, et un résumé de la controverse dans l'ouvrage posthume de R. Syme, Anatolica. Studies in Strabo (ed. A. Birley, 1995), p. 58 sq. - Deux données paraissent incontournables : Tacite, auquel les campagnes de Corbulon apportaient des informations fraîches et précises, compte 37 000 pas, soit 55 km, entre Nisibe (Nisibin) et Tigranocerte - ce que Lehmann-Haupt doit écarter pour établir sa théorie. De son côté, Strabon (11, 12, 4 et 16, 1, 23) place ces deux villes dans la même région (Mygdonie) et au pied de la même montagne (le Masios, que l'on identifie au massif du Tur 'Abdin. Cela exclut à mon sens Miyafarkin, que préfère cependant van Ooteghem, Lucullus, p. 122. 793. Tigrane y avait déporté des Ciliciens et des Cappadociens : cf. supra, 67, 285 et note. Mais on voit aussi qu'il obligeait l'aristocratie arménienne à séjourner à sa cour. 794. Ces murs à casemates (d'origine orientale ?) ont été étudiés par Y. Garlan, Recherches de poliorcétique grecque (1974), p. 348, qui, par un lapsus, attribue à Mithridate la construction de Tigranocerte. Les murs de Carthage (décrits par Appien dans le Livre Africain) présentaient la même particularité. Annibal ayant exercé quelque temps ses talents d'architecte-urbaniste à la cour d'Arménie, les murailles d' Artaxata, qu'il avait fondée, offraient peut-être déjà la même particularité. 795. Plutarque, Lucullus, 25, 6, présente les choses autrement. A l'en croire, Tigrane avait volontairement abandonné Tigranocerte. Talonné par Murena, il fut surpris dans un défilé et perdit son bagage. C'était, semble-t-il, la version de Salluste : cf. Hist., 4, 69, 15 M : quia multitudinem artis locis pugna prohibuere. 796. Plutarque, Lucullus, 4-5, attribue à Sextilius, qui commandait l'avant-garde, le mérite d'avoir bousculé Mithrobouzanès. 797. La ville était située sur une hauteur : cf. Pline, NH, 10, 26 : Tigranocerta in excelso.
NOTES COMPLÉMENT AIRES
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798. Cf. Reinach, o. c., p. 359. D'après le fr. lb [Xiphilin] du livre 36 de Dion Cassius, il apparaît que les Romains eurent à souffrir des flèches incendiaires enduites de naphte que lançaient les défenseurs. Selon Memnon, 38, 2, Lucullus aurait divisé son année : tandis qu'une partie de celle-ci assiégeait Tigranocerte, d'autres corps se portaient contre d'autres villes, qu'il ne nomme pas. Page 87
799. Il concentra probablement son année dans la région du lac de Van : cf. Reinach, o. c., p. 360 ; K. Eckhardt, o. c., p. 93 (proposant, sur après Kiepert, la plaine de Mus, à l'Ouest du lac). -S'appuyant une lettre de Lucullus au Sénat, Plutarque, Lucullus, 26, 5-7, accorde à Tigrane 20 000 archers et frondeurs, 55 000 cavaliers dont 17 000 1eatciq>pa1Ctot,150 000 fantassins organisés les uns en phalanges, les autres en cohortes : mais ces chiffres sont certainement exagérés (cf. van Ooteghem, Lucullus, p. 125-126). Memnon, 38, 4, dénombre 80 000 hommes, ce qui paraît déjà plus crédible. Phlégon de Tralles, loc. cit., évalue au plus bas les forces arméniennes : 50 000 hommes. Voir K. Eckhardt, o. c., p. 110. 800. Selon Memnon, 38, 3, cette troupe aurait profité de la nuit pour entrer dans Tigranocerte. Elle réussit certes à enlever les concubines et les trésors de Tigrane, mais subit des pertes en se repliant au lever du jour. Les Romains n'avaient sans doute pas achevé l'investissement de la ville : cf. K. Eckhardt, o. c., p. 92. 801. Plutarque, Lucullus, 22, 1, mentionne cette audience royale avant le séjour de Lucullus à Ephèse. C'est d'ailleurs Taxile qui, dans cette version, donne à Tigrane de sages conseils demeurés sans effet : cf. Lucullus, 26, 3-4. Mais d'autres auteurs, comme Orose, 6, 3, 6, et Frontin, Strat., 2, 2, 4, disent bien que Lucullus livra bataille près de Tigranocerte à Tigrane et à Mithridate. 802. Tigrane apparut sur les hauteurs dominant Tigranocerte : cf. Plutarque, Lucullus, 27, 1. 803. Lucullus ne disposait que de 12 000 fantassins et 3 000 cavaliers, car il avait laissé 6 000 hommes dans le Pont avec Somatius : cf. Plutarque, Lucullus, 24, 1 [Frontin, 2, 1, 14 fournit un total de 15 000 hommes] ; Magie, RR, 2, p. 1216. Contre Tigrane, il ne put engager que 24 cohortes et un millier de cavaliers associés à des troupes légères : cf. Plutarque, Lucullus, 27, 3. 804. Apophtegme célèbre : cf. Plutarque, Lucullus, 21, 3-4 ; Dion Cassius, 36, fr. lb [Xiphilin] ; Memnon, 38, 4. 805. Le site de la bataille, livrée le 6 octobre 69 av. J. -C., est inconnu : cf. Reinach, o. c., p. 361. Il est exclu que le cours d'eau mentionné par Plutarque (mais non par Appien !) soit le Tigre. Il s 'agirait plutôt soit de l'oued Farkin, soit de l'oued Zergan, si l'on place Tigranocerte à Tell Ermen. -Les diverses reconstitutions de la bataille (K. Eckhardt, o. c., p. 103 sq. ; L. Dilleman, o. c., p. 265-267 ; van
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
Ooteghem, Lucullus, p. 129-131) pèchent par leur arbitraire et se fondent essentiellement sur Plutarque, Eckhardt jugeant (o. c., p. 106) le récit d •Appien « inutilisable ». Les historiens positivistes ne paraissent pas concevoir qu'il n'y eut peut-être qu'un simulacre de bataille, ce que suggère Appien. 806. Chez Plutarque, Lucullus, 21, 5, Tigrane s'imagine que l'infanterie de Lucullus bat en retraite, alors qu'elle exécute en fait une savante conversion. 807. Chez Plutarque, les Arméniens demeurent immobiles. Le désordre résulte de la difficulté avec laquelle leur année prend son dispositif de bataille : cf. Lucullus, 21, 1. Selon Frontin, 2, 1, 14, Lucullus passa à l'attaque avant même que l'armée adverse se fOt rangée en bataille. 808. Les bêtes de somme se trouvaient à l'arrière de l'armée annénienne. Dans cette version des événements, il n'y a pas plus de combat avec l'ennemi que durant le siège de Cyzique : les unités adverses s'effondrent sous la poussée comme autant de dominos. 809. Il n'est pas question des bêtes de somme chez Plutarque, Lucullus, 28, 5 : les lourds cavaliers 1eatacppa1eto1 (cf. Strabon, 11, 14, 9 ; Salluste, Hist., 4, 64, 65 M ; voir aussi fr. 66 M, où il est précisé que les cataphractes marchaient en tête) tournent le dos à l'approche des cohortes romaines, bousculant leur infanterie que les Romains n'ont plus qu'à massacrer. Il est clair que la fuite des nobles (dont les familles étaient bloquées dans Tigranocerte) brisa le moral de la piétaille. Frontin, Strat., 2, 2, 4, connai"t quant à lui une attaque latérale lancée depuis une hauteur contre la cavalerie arménienne : Lucullus adversus Mithridatem et Tigranem in Armenia Maiore apud Tigranocertem dimicaturus collis proximi planum verticem raptim cum copiarum parte adeptus in subjectos hostes decucurrit et equitatum eorum a latere invasit, aversumque et eorundem partem peditum proturbantem insecutus clarissimam victoriam rettulit. Selon Memnon, 38, 5, Lucullus bouscula l'aile droite arménienne, provoquant ainsi la fuite générale : la poursuite fut meurtrière. Selon Strabon, Hypomnemata Historica [Fr. Gr. Hist. 91], fr. 9 (=Plutarque, Lucullus, 28), les Romains avaient honte d'une victoire remportée sur des esclaves de ce genre (dvôprucoôa). Appien s'inspirerait-il de la version de Strabon?
Page 88 81 O. Subsistent aussi quelques débris de la relation li vienne : cf. Tite-Live, Per., 98 : L. Lucullus in Armenia Mithridatem et Tigranem et ingentes utriusque regis copias pluribus prœliis Judit. Voir aussi Eutrope, 6, 9 : Lucullus repetens hostem fugatum etiam regnum Tigranis, qui Armeniis imperabat, ingressus est. Tigranocerta, civitatem Arzanenœ, nobilissimam regni Armeniaci, cepit, ipsum regem cum sexcentis milibus clibanariorum et centum milibus sagittariorum et armatorum venientem XVJJI milia militum habens ita vicit, ut magnam par-
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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tem Armeniorum deleverit. Orose, 6, 3, 6 : Lucullus transgressus Euphraten et Tigrin apud Tigranocertam urbem cum Mithridate et Tigrane congressus parvissima suorum manu magnum numerum hostium occidit. Nam triginta millia hominum in eo bello cœsa referuntur. Voir encore De viris ill., 74, très bref. 811. Soit plus de 20 km. 812. D'après Plutarque, Lucullus, 28, 7, on aurait dénombré 100 000 morts. Orose, Loc.cit., n'en compte que 30 000. 814. Il n'est pas question ailleurs de « mercenaires ». Dion Cassius, 36, 2, 2, dit que Tigranocerte fut prise grâce à la discorde entre Arméniens et çévot. Ces derniers étaient en fait des déportés grecs venus des villes détruites par Tigrane, Soloi en particulier. On peut supposer qu 'Appien a confondu xenoi et misthophoroi, termes souvent synonymes. Plutarque, Lucullus, 26, 1, souligne que Tigranocerte était une capitale cosmopolite, peuplée entre autres de Grecs ciliciens, qui se soulevèrent après la défaite de Tigrane (ibid., 29, 3). C'est cet épisode qu' Appien développe ici. 815. Memnon, 38, 6, dit seulement que Lucullus reprit le siège aussitôt après sa victoire, et que les généraux de Tigrane lui livrèrent la ville. 816. Dion Cassius, 36, 2, 3, dit que les Ciliciens profitèrent de la nuit pour faire entrer les Romains dans la ville. -Sur la prise de Tigranocerte, voir K. Eckhardt, o. c., p. 110. 817. Cf. Reinach, o. c., p. 313. Dion Cassius, 36, 2, 4, met l'accent sur l'humanité de Lucullus, qui sauva les familles des notables. C'étaient, en fait, de précieux otages ! Page 89 818. La ville, encore inachevée, possédait en particulier un théâtre, que Tigrane s'apprêtait à inaugurer : cf. Plutarque, Lucullus, 29, 4. 819. Selon Plutarque, Lucullus, 29, 1-2, Mithridate, après la bataille, avait recueilli Tigrane, abandonné de tous (il ne disposait plus que de 150 cavaliers selon Orose, 6, 3, 7) et humilié. Il avait alors entrepris avec lui de regrouper les fugitifs. Memnon, 38, 7, semble suivre la même tradition et précise que Tigrane confia à Mithridate la conduite des opérations. Cette réorganisation des forces arméniennes occupa l'hiver 69/68 av. J. -C. : cf. van Ooteghem, Lucullus, p. 135. 820. Ce fut peut-être alors que se répandit une rumeur -mobilisatrice---- selon laquelle Lucullus envahissait l'Arménie pour piller le plus riche de ses sanctuaires : cf. Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 23. Les historiens n'en ont pas conservé le souvenir : cf. Eckhardt, o. c., p. 196-197. 821. Cf. Dion Cassius, 36, 1, 1. Le thème moralisant provient probablement de Salluste : cf. Hist. 4, 69, 4 M : Mihi Fortuna, multis rebus ereptis, usum dedit bene suadendi.
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N(YJB COMPLÉMENT AIRF.S
822. Phraates m Théos. monté sur le trône en 70/69 av. J. -C. : cf. van Ooteghem. Lucullus. p. 155; Sberwin-Wbite. Roman Policy .. p. 221. Eckhardt. o. c .• p. 192. avait sans doute raison d'estimer que l'initiative des négociations fut prise par Mithridale. Tigrane étant en mauvais tennes avec les Parthes. 823. Sur cette ambassade. cf. A. Keaveney, Roman treaties wilh Parthia. Class. Quart., 102 (1981), p. 200-201 ; R. Syme. Anatolica. p. 87 sq. ; Ballestros Pastor, o. c., p. 251 sq .. -Dion Cassius. 36, 1, 1, résume au style indirect l'argumentation développée par les deux rois dans leur lettre : cJ>i>o't:ttt: yàp miv to vucàv lixÀ.T}atov t11Ç dm:pa-yiaç dvat Kai µ116tva 6pov tijç dt:ovt:çiaç xou:ia8a1, 1eai toirtouç (se. les Romains),att: 1eai tv 1epatt:l ,coÀ.Â.(j)v 611 yt:yovotaç, oùK t8t:À.T). Voir Magie, RR, 2, p. 1217. 828. Dion Cassius, 36, 4, 1-2, précise que l'armée romaine entra tardivement en campagne, durant la belle saison de 68 av. J. -C., en raison de la persistance du froid sur les hauts plateaux d'Arménie. En
NOTESCOMPLÉMENTAIRES
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ravageant le pays, Lucullus voulait obliger les deux rois à l'affronter. Voir van Ooteghem, Lucullus, p. 141-142. 829. Plutarque, Lucullus, 31, 3-7, assure que Lucullus marcha sur Artaxata, ville fondée naguère par Annibal au pied du mont Ararat, près de la moderne Ierewan, au cœur de la Grande Arménie [cf. M. Schottky, Media Atropatene ..., p. 182-183), et que Tigrane disposa ses troupes de manière à couvrir la ville. Mais on ne sait rien de précis sur le mouvement des armées : cf. Eckhardt, o. c., p. 202-212 [très conjectural ; ce voyageur, p. 220, ne parvient pas à localiser, dans la plaine de Mus, la hauteur mentionnée par Appien, ce dont on pourrait déduire que l'engagement eut lieu ailleurs ... ] ; Magie, RR, 2, p. 1217-1218 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 142-144. 830. Cf. Plutarque, Lucullus, 31, 8. Mithridate, à l'en croire, aurait été lui aussi saisi de panique. C'est peut-être à ce combat (et non à la bataille de Tigranocerte) que fait allusion Salluste, Hist., 4, 69, 15 M. 831. Il s'agit ici d'une action concertée entre Mithridate et Tigrane, chacun à la tête d'une armée. Il est clair que leur stratégie consistait à obliger Lucullus à se battre sur deux fronts. 832. Une lacune assez longue [Schweighauser, o. c., 3, p. 641, supposait un saut du même au même après èç µax,11vnonnullis sive verbis sive versibus interjectis] interrompt abruptement le récit d'une bataille, probablement celle qui fut livrée en septembre 68 près d' Artaxata. Dion Cassius, 36, 5, 1-2 précise que les Romains eurent à souffrir des flèches empoisonnées lancées par l'adversaire, et que la rencontre ne tourna pas à l'avantage de Lucullus. Le site de la bataille n'est pas connu : cf. Relnach, o. c., p. 367. Eckhardt, o. c., p. 208 sq., proposait la plaine de l 'Arsanias. Seul fait certain : Lucullus battit en retraite sans avoir pris Artaxata. 833. On ne sait si Mithridate était encore l'adversaire visé par ces provocations. 834. Le temps se gâta à l'équinoxe d'automne (septembre 68 av. J. -C.) et Lucullus craignit d'être surpris par l'hiver dans les hautes terres arméniennes : cf. Plutarque, Lucullus, 32, 1 ; Orose, 6, 3, 7. Il redescendit donc vers le Sud et passa l'hiver 68/67 av. J. -C. devant Nisibe : cf. Magie, RR, 2, p. 1218 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 144146.
Page 90 835. Il est clair que tl; ÔÀ.TIÇ'ApµEviaç n'est pas satisfaisant puisque Salluste, Hist., 4, 69, 16 M, fait dire à Mithridate que le royaume de Tigrane est encore intact au moment où il est censé écrire au roi des Parthes, ce qu'implique d'ailleurs chez Appien le repli de Lucullus. Schweighauser proposait d'écrire èK Ti\ç aÀÀTIÇ 'ApµEviaç. Mais la faute s'explique mal du point de vue paléographique. C'est pourquoi j'ai rétabli tçci>ÀllÇ (l'adjectif se rencontre ailleurs que dans
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
les formules d'im~on ... ), le génitif 'Apµ&viaç portant sur -rà tvt6ç. On raprochera d'Eschyle, Perses, 732 : Banpicov ô' fppet 1taVÂ.T1Ç 6ijµoç. On admettra que Lucullus avait infligé de lourdes pertes aux Arméniens au cours des combats dont le récit a disparu dans la lacune. 836. Tigrane refit surface quelques mois plus tard en Cappadoce, où il ravagea le pays : cf. Plutarque, Lucullus, 35, 6. Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 4-5 et 12, veut même faire croire aux Romains que Mithridate et Tigrane menaçaient de nouveau la province d'Asie : Ariobarzanès aurait été chassé de Cappadoce et plusieurs bourgades br6lées en Bithynie (peut-être par un raid de la cavalerie pontique : cf. §16). Ce bourrage de crâne n'est pas à prendre au sérieux. 837. Dion Cassius, 36, 9, 1-2, précise que Mithridate regagna « l'autre Arménie » (entendons la Petite Arménie) et Tà lill.a, ce qui ne peut désigner que le royaume pontique, où il fut bien accueilli par les populations. Eutrope, 6, 9, donne les raisons de ce ralliement massif: sed ii, quos in Ponto Lucullus reliquerat cum exercitus pane. ut regiones victas et iam Romanorum tuerentur, negligenter se et avare agentes occasionem iterum Mithridati in Pontum irrumpendi dederunt, atque ita bellum renovatum est. Selon Dion Cassius, loc. cit., de nombreux Romains, dispersés dans la chôra, auraient été surpris et tués. Ces informations peuvent remonter à Salluste : cf. Hist., 5, 1 M : repente incautos agros invasit. Voir Ballestros Pastor, o. c., p. 263. 838. Dion Cassius, 36, 8, 1-2, ajoute que les deux rois mirent à profit le siège de Nisibe (cf. note suivante) pour se rétablir dans leurs royaumes respectifs. Cf. Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 24 : Mithridates autem et suam manum iam confirmarat eorum opera qui se ex ipsius regno conlegerant, et magnis adventiciis auxiliis multorum regum et nationum iuvabatur. 839. En fait, Lucullus était descendu vers la Mésopotamie, où il fut occupé plusieurs mois durant par le siège de Nisibe (Antioche de Mygdonie ), dont il ne s'empara qu'à la fin de 68 av. J. -C. : cf. Plutarque, Lucullus, 32, 4-6 ; Dion Cassius, 36, 6, 1-7, 4 ; Orose, 6, 3, 7 et Reinach, o. c., p. 368. Il fut ensuite bloqué en Gordyène par les intrigues de Publius Appius Claudius (le futur tribun Clodius) : cf. Plutarque, Lucullus, 34, 1 sq .. Celui-ci excitait contre lui les anciennes légions de Fimbria, recrutées en 86 av. J. -C. et démobilisables après vingt années de services (Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 23-24, souligne que, malgré la prise d'une ville du royaume de Tigrane -probablement Nisibeles soldats romains étaient démoralisés et voulaient regagner leur patrie). Mithridate n'avait donc rien à redouter de Lucullus, mais la menace qu •il est censé faire peser rend le récit plus dramatique. Eutrope, 6, 9, dans un raccourci malheureux, conduit aussitôt après la prise de Tigranocerte Lucullus devant Nisibe, dont il s'empare. 840. M. Fabius Hadrianus, dont Mithridate fut vainqueur à l'automne de 68 av. J. -C. : cf. Reinach, o. c., p. 368-369 ; van Oote-
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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ghem, Lucullus, p. 147-148. Sur cet engagement, voir Dion Cassius, 36, 9, 2-3 ; Plutarque, Lucullus, 35, 1. 842. Peut-être faut-il rapprocher de Salluste, Hist., S, 6 M : luxo pede. 843. Cf. Dion Cassius, 36, 9, 5, pour qui Mithridate ne fut blessé que par une pierre. 844. On les range parmi les Méotes, car Ptolémée, 3, 5, 4, indique un fleuve Agaros et une montagne du même nom à proximité du Palus Méotide. Diodore, 20, 24, 3, mentionne de son côté un roi Agaros. Peut-être s'agit-il des Agaroi, que Strabon, 11, 2, 11, signale parmi de nombreuses peuplades méotes. Voir RE, 1, 1 (1893), 785. 845. Salluste paraît avoir raconté cet épisode. Cf. Hist., S, 1 M : prohibebit nocere venenum, quod tibi datur (fragment d'un dialogue entre Mithridate et ses médecins ?). 846. Après avoir opéré en Méditerranée et combattu les pirates (il est honoré par trois inscriptions de Délos : cf. ID 1855, 1856, 1857), il avait regagné le Pont et repris Héraclée : cf. Reinach, o. c., p. 371 ; van Ooteghem, Lucullus, p. 148 ; voir aussi supra, n. 761. 847. Fabius Hadrianus s'était réfugié à Comana pontique, où Mithridate le tenait assiégé. Il fut dégagé par l'arrivée de Triarius : cf. Dion Cassius, 36, l 0, 1. 848. On ne sait rien d'autre de cet engagement qu'il faut peut-être situer en Petite Arménie (cf. Reinach, o. c., p. 371). Il ne saurait se confondre avec celui que relate Dion Cassius, 36, 10, 2, lors de l 'arrivée de Triarius devant Comana. Bien que le texte soit mutilé, il est clair que les circonstances en sont différentes. Voir pourtant Magie, RR, 2, p. 1218 : « both must refer to the same battle ». 849. Dion Cassius, 36, 12, 1-3, se montre plus précis. Au printemps de 67 av. J. -C., Mithridate vint établir son camp près de Gazioura, où Triarius semble avoir hiverné (cf. Anderson, Studia Pontica, 1, p. 6970). Le général romain refusant le combat, Mithridate usa d'un stratagème : il attaqua la forteresse de Dadasa (site inconnu : cf. OlshausenBiller, o. c., p. 63 sq.), où l'ennemi avait déposé son bagage. Les soldats contraignirent aussitôt Triarius à se porter au secours de leurs biens personnels.
Page 91 850. Cf. Plutarque, Lucullus, 35, 2 : Triarius voulut devancer Lucullus, qui était « tout près » (èyyùç ôvta). 851. Magie, RR, 2, p. 1219, ne croit pas à ce mobile. 852. Selon Dion Cassius, 36, 12, Mithridate avait détourné les eaux de l'Iris (lezil Irmak).La bataille fut livrée près de Zéla, au pied du mont Scotion : cf. Pline, NH, 6, 3, 10. - Sur Zéla, cf. Anderson, Studia Pontica, 1, p. 42 ; F. et E. Cumont, Studia Pontica, 2, p. 188 sq. ; Olshausen-Biller, o. c., p. 176. Strabon, 12, 3, 37, y connaissait « des sanctuaires des dieux perses ».
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
853. Ce manège n'attira pas l'attention car, comme le souligne Dion Cassius, 36, 13, 1, nombreux étaient les hommes de Mithridate à s'être équipés à la romaine. 854. Ce personnage n'est pas autrement connu. Mais on sait que Mithridate s •employait à attirer les médecins les plus réputés, comme Asclépiade de Bithynie, qui refusa de se rendre à sa cour : cf. Pline, NH, 1, 37, 134 ; 25, 2, 6. 855. Cet épisode est relaté par Arrien, Anab., 6, 13. 2-3. Appien avait peut-être lu l'Anabase d'Alexandre. Mais il n'est pas non plus exclu que cet homme instruit ait connu les sources d' Arrien -Ptolémée et Aristoboulos. 856. Dion Cassius, /oc. cit., dit bien que la défaite romaine e6t été complète si Mithridate était demeuré indemne. Les morts romains furent ensevelis des années plus tard par Pompée : cf. Plutarque, Pompée, 39, 2. D'après Plutarque, Lucullus, 35, 3, les Romains perdirent 7 000 hommes, dont en effet 150 centurions et 24 tribuns militaires. 857. Cf. Tite-Live, Per., 98 : C. Triarius, legatus Luculli, adversus Mithridatem parum prospere pugnavit. Dans le De imp. Cn. Pompei, prononcé en 67, Cicéron (§25-26) se montre très affecté par cette défaite. Il soutient plus loin (§45) que seule la présence de Pompée en Cilicie avait empêché Mithridate d'exploiter son succès.
Page 92 858. Profitant des opportunités offertes par la chaîne montagneuse du Paryadrès, Mithridate avait aménagé en Petite Arménie 75 places fortes, où il entreposait ses trésors : cf. Strabon, 12, 3, 28. 859. Mithridate se croyait inexpugnable dans la zone montagneuse où il se retirait : cf. Reinach, o. c., p. 372. 860. Cf. Dion Cassius, 36, 14, 1-2 : Mithridate, retranché à Talaura (qui n'est certainement pas la moderne Sivas : cf. Sherwin-White, Roman Policy, p. 185, n. 98), refusa le combat, tandis qu'un autre Mithridate, gendre de Tigrane, s •attaquait aux Romains non sans succès. Mais Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 26, dit bien que Lucullus fut hors d'état de redresser la situation, la fin· de son commandement lui ayant été signifiée. 861. S'agissait-il d'une proclamation du gouverneur d'Asie, P. Cornelius Dolabella, ou de son collègue dans la province du PontBithynie, le consul M' Acilius Glabrio, un incapable (cf. Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 5) qui demeura inactif (cf. Dion Cassius, 36, 14, 4)? La question n'est toujours pas tirée au clair : cf. Magie, RR, 2, p. 1219 ; Broughton, AIP, 111 (1990), p. 73-74 ; Kallet-Marx, Hegemony ... , p. 313-314. Voir aussi Salluste, Hist., 5, 13 M : legiones
Valerianœ, comperto lege Gabinia Bithyniam et Pontum consuli datam, sese missos esse - ou consuli renvoie à Glabrio : cf. SherwinWhite, Roman Policy, p. 185. Dans une digression (36, 2, 2), Dion
NOTESCOMPLÉMENTAIRES
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Cassius précise que les Romains, lassés de cette interminable guerre, prirent la décision, durant le siège de Tigranocerte (t6tE) de désigner à nouveau des stratègoi pour l'Asie ; plus tard (µEtà tai50' - après la prise de Nisibe selon Eutrope, 6, 9), comme Lucullus ne tenait aucun compte de leurs désirs, ils lui envoyèrent comme successeur le consul Kat' t1eEivov tè>v x,p6vov ôvta - autrement dit Acilius Glabrio, comme le confirme Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 26: partem militum
qui iam stipendiis confectis erant dimisit, partem M'. Glabrioni tradidit. Appien paraît avoir confondu deux provinces et deux gouverneurs. - Il ressort de Salluste, Hist., 5, 14 M, que Lucullus tenta également, sans succès, d'obtenir l'aide du proconsul Q. Marcius Rex, qui traversait la Lycaonie avec trois légions pour se rendre en Cilicie. 862. Cf. Cicéron, Pro lege Manilia, 26 ; Plutarque, Lucullus, 33, 4 ; Dion Cassius, 36, 2, 1. Voir Kallet-Marx, Hegemony ... , p. 314-315. 863. La durée du service étant de vingt ans [cf. H. M. D. Parker, Roman Legions 2 ( 1958), p. 25], les hommes enrôlés par le consul Flaceus en 87/6 av. J. -C. étaient certes démobilisables. Mais ils ne représentaient qu'un tiers environ de l'armée dont disposait encore Lucullus. 864. Cf. Plutarque, Lucullus, 33, 6. Les irréductibles risquaient, semble-t-il, la confiscation du butin qu'ils avaient amassé durant la campagne, faute de posséder d'autres biens : cf. van Ooteghem, Lucullus, p. 154, n. 1. 865. Nos autres sources expliquent l'interruption des opérations par la révolte permanente des vétérans des légions valériennes : cf. Salluste, Hist., 5, 13 M ; Plutarque, Lucullus, 35, 4-6. Voir aussi TiteLive, Per., 98 : Lucullum ne persequeretur Mithridaten ac Tigranen
summamque victoriœ imponeret, seditio militum tenuit, qui sequi ·nolebant. Id est legiones Valerianœ, quœ impleta a se stipendia dicentes Lucullum reliquerant. Eutrope dit simplement que l'on avait envoyé un successeur à Lucullus : Lucullo paranti contra Persas expeditionem successor est missus. Mais, Acilius ne se montrant point, Lucullus et ses troupes demeurèrent dans l'inaction en Galatie jusqu'à l'arrivée de Pompée, au printemps de 66 av. J. -C. : les vieilles bandes reprirent alors du service sous les ordres du jeune général, comme le rappelle Dion Cassius, 36, 16, 3 ; cf. Plutarque, Lucullus, 35, 7. Voir Reinach, o. c., p. 374 et 382. 866. Elle était depuis longtemps terminée, mais on peut supposer que la source d 'Appien remontait jusqu'aux prodromes de la 1~reguerre mithridatique, ce dont notre rhéteur ne parai"t pas avoir pris conscience, à moins qu'il n'ait lui-même fabriqué cette transition, comme me le suggère J.-L. Ferrary. 867. Sur l'interruption de la crtto1toµ1tia, cf. Dion Cassius, 36, 23, 1. Salluste insistait semble-t-il sur ses incidences : cf. Hist., 2, 45 M :
annonœ intolerabilis sœvitia.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
Page 93 868. Ce que confirme Dion Cassius, 36, 17, 1 : maciv 'tE ôl.i-you ~Eiv 'tl'IVdPX'IVb Mt8ptôa't11Çdvt:K'tt)vtat,1eai xropaç acpiatv ôaaç èpitµouç tci>pa,1eai 1t6Âe1çôaat è1toi1ecovèôtovto, èôiôou. C'était déjà ce qu'écrivait Tite-Live : cf. Per., 99 : be/loque cum iis (se. piratis) in Cilicia confecto, acceptis in deditionem piratis agros et urbes dedit. Voir encore Plutarque, Pompée, 28, 5 ; Velleius Paterculus, 2, 32, 46 ; Florus, 1, 41, 14. D'après Servius, ad Georg., 4, 125, le vieillard de Corycos évoqué par Virgile était l'un de ces anciens pirates reconvertis dans le jardinage. 915. Sur la refondation de Dymé, cf. Plutarque, Pompée, 28, 5. Le vainqueur fonda également Pompeiopolis sur le site de l'ancienne Soloi dévastée par Tigrane : cf. Dion Cassius, 36, 37, 6, Plutarque, /oc. cit .. Des pirates furent même, on l'a vu, installés en Cyrénaïque : cf. Reynolds, JRS, 52 (1962), p. 102. 916. Plutarque, Pompée, 28, 3, dit que la guerre fut achevée en trois mois au plus. La hâte de Pompée peut s'expliquer par les polémiques dont sa désignation avait été entourée. Selon Dion Cassius (36, 31 sq.), Catulus aurait préféré que l'on élOt un dictateur, dont les pouvoirs eussent été limités à six mois. 917. Chiffre assez élevé, qui réduit d'autant l'humanité de Pompée, à moins qu'il n'ait été calculé au plus juste dans la perspective d'un triomphe. 918. Cicéron, Pro lege Manilia, 35, insiste lui aussi sur la célérité de Pompée. 919. La lex Manilia. n'annulait pas les pouvoirs conférés (pour trois ans) par la /ex Gabinia, mais en ajoutait de nouveaux. Appien exagère peut-être l'étendue des nouveaux pouvoirs de Pompée - en particulier le commandement de toutes les armées hors de l'Italie. Voir Sb. Jameson, Historia, 19 (1970), p. 558 et, depuis, l'étude de Girardet citée supra, n. 891. 920. Sur le vote de la lex Manilia, voir Dion Cassius, 36, 42, 4 ; Plutarque, Pompée, 30, 1-5 ; Ballestros Pastor, o. c., p. 264-265, avec la bibl.. Pompée, qui se trouvait encore en Cilicie, recevait la Bithynie et la Cilicie, ainsi que la conduite de la guerre contre Mithridate. Voir
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
aussi Tite-Live, Per., 100 : C. Manilius, tribunus plebis, magna cum indignatione nobilitatis legem tulit, ut Pompeio Mithridaticum bellum mandaretur. 921. Cf. supra, n. 2 922. Appien a pourtant souligné (cf. supra, §376) que Lucullus n'était parvenu à aucun résultat définitif. Mais Dion Cassius, 36, 43, 2, rappelle que les lettres envoyées à Rome par ce général donnaient l'impression que la guerre était pratiquement finie. 923. Pompée fit certes reprendre du service aux légions valériennes : cf. Dion Cassius, 36, 46, 1 et supra, n. 865 [Appien ne connai"tpas l'entrevue orageuse entre Pompée et Lucullus dont fait état Plutarque, Pompée, 31, 3-13]. Mais il disposait surtout des légions stationnées en Cilicie où il se trouvait lorsqu'il avait reçu ce nouveau commandement. Le total environnait 50 000 hommes : cf. Magie, RR, 2, p. 1220-1221. 924. On ne sait pas exactement de quelles régions du Pont Mithridate avait réussi a reprendre le contrôle depuis son bastion de Petite Arménie. Venant de Cilicie, Pompée traversa la Cappadoce et franchit l 'Halys pour entrer dans le Pont. Page 100 925. Plutarque, Pompée, 32, 1, attribue à Mithridate 30 000 fantassins et 2 000 cavaliers. Cf. Velleius Paterculus, 2, 37, l : qui post Luculli profectionem magnas novi exercitus vires reparaverat. 926. Rien de tel chez Plutarque, Pompée, 32, 2-3, où Mithridate, campé sur une montagne inaccessible, finit par l'évacuer en raison du manque d'eau. 927. Dion Cassius, 36, 45, 2-5, suit une tradition sensiblement différente : Pompée adresse des propositions de paix à Mithridate par l'intermédiaire de Métrophanès. Mais le vieux roi, persuadé qu'il obtiendra l'appui des Parthes, élude cette généreuse proposition. Puis, voyant que Pompée a déjà circonvenu les Parthes, il se résout à la démarche rapportée par Appien. De son côté, Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 46, rappelle que Mithridate avait envoyé un ambassadeur à Pompée alors que celui-ci se trouvait encore en Espagne -probablement après la mort de Sertorius. C'est peut-être à cette ambassade que fait allusion un énigmatique fragment de Salluste : Hist., 4, 2 M : eum atque Metrophanem senatus magna industria perquirebat, cum per tot -scaphas, quas ad ostia ... percuntatum miserant ... [M., suivi par Mc Cushin, o. c., p. 139-140, pense que eum pourrait désigner L. Fannius; mais ce n'est qu'une hypothèse sans autre fondement que l'appartenance du fragment au livre IV des Histoires]. Métrophanès était un fidèle de Mithridate (cf. Salluste, Hist., 3, 22 M : Metrophanes promeruit gratiam Mithridatis obsequendo), qui avait opéré en Eubée au
NOTESCOMPLÉMENTAIRES
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début de la }ère guerre mithridatique (cf. supra, 29, 113-114) puis commandé avec Fannius un corps de cavalerie au début de la 3mic (cf. Orose, 6, 2, 16-18) ; mais l'on peut envisager que, comme Archélaos et tant d'autres, il se rallia aux Romains et entra dans la clientèle de Pompée. La notice biographique de Münzer, RE, 15, 2 (1932). 14901491, est assez arbitraire. - Appien ne fait pas état des relations nouées par Pompée avec le roi des Parthes, qui pourraient expliquer les ouvertures de Mithridate : cf. Tite-Live. Per., 100 : cum rege Parthorum Phraate amicitiam renovavit; Dion Cassius. 36, 45 : t1td ô' ô Iloµ1tT1toç titv cptÂ.iavtq> paatn ôtà tax,trov t1ti toiç aôtoiç [aux mêmes conditions que Lucullus] 1tpocruvt0eto 1eai tç titv 'Apµeviav aôtov titv toù Ttypavou 1tpoeµ6aÂ.eiv dvt1te1crn. Sur ces négociations croisées, cf. Mc Ging. Foreign Policy, p. 163-164 ; A. Keaveney. Roman treaties with Parthia, Class. Quart., 102, (1981), p. 202 sq .. 928. Dion Cassius, loc. cit., fait même état d'une mutinerie. 929. Ce discours n'est pas invraisemblable et Pompée devait en connaître la teneur puisque Plutarque, Pompée, 37, 7. 2, rapporte avec un brin d'ironie que le général romain condamna vigoureusement la 7tÂ.Eoveçia, mais quand ses conquêtes furent parachevées. L'affrontement des idées fut un aspect non négligeable de cette guerre. 930. Dion Cassius. 36, 47. 1-3, donne des événements une relation plus complète. Mithridate, conscient de son infériorité, fait le vide devant Pompée, qui se porte vers la Petite Arménie. Le roi le suit et prend position sur une hauteur fortifiée par la nature. Il envoie d •autre part sa cavalerie dans la plaine située au pied du nid d'aigle où il s'est retranché. Mais Pompée s'abrite dans les bois et dresse une embuscade, qui paraît correspondre à celle dont fait état Appien. - Frontin, 2. 2, 2, nous montre Pompée. en Cappadoce - mais il s'agit probablement ici de la Cappadoce pontique -, établissant son camp sur une hauteur d'où il lui est aisé de repousser Mithridate. C'est peut-être encore l'épisode relaté ici. Mais nos sources s •accordent malaisément : cf. Magie, RR, 2, p. 1221-1223, discutant les hypothèses modernes. 931. Comme l'avait reconnu Schweighauser, il faut supposer ici une lacune, qui pourrait s'expliquer par un saut du même au même. Il manque en effet un élément de récit entre les ordres donnés par Pompée et leur exécution sur le terrain. D'ailleurs, comme le remarque P. Charneux. « si ftme ... dépendait toujours d' dpT)tO, il y aurait 1•optatif valant av accompagnant le subjonctif ». 932. Il semble que ce soit encore ce combat qui est relaté, avec des nuances, par Frontin, 2, 5, 33 : Pompeius < ... > ad.versus Mithridatem in Armenia numero et genere equitum prœvalentem tria milia levis armaturœ et quingentos equites nocte in valle sub virgultis, quœ inter bina castra erant, disposuit ; prima deinde luce in stationem hostium emisit equites ita formatos, ut, cum universus cum exercitu hostium equitatus prœlium iniisset, servatis ordinibus paulatim cederent, donec
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
spatium darent consurgendi a tergo ob hoc dispositis. Quod postquam ex sententia contigit, conversis qui terga dedisse videbantur, mediwn hostem trepidantem cecidit. Il en existait probablement plusieurs relations, entre lesquelles nos sourceschoisissent, si elles ne les combinent pas. Le site exact de l'affrontement est inconnu : cf. Reinach, o. c., p. 384. 933. Il se retira à Dasteira (Aacn.:1pa) : cf. Strabon, 12, 3, 28 ; Orose, 6, 4, 3 : Pompeius postea, successor Luculli, in minore Armenia iuxta montem Dastracum [Dastiracum ?] castra regis obsidione conclu.sil. Dion Cassius, 36, 48, 1-2, panu"I:placer cet épisode dans la région del' Arménie nommée Anaïtis. Voir Reinach, o. c., p. 384. Page 101 934. Ou plutôt de ce qu'il en restait. 935. Frontin, 1, 1, 7, évoque lui aussi cette circumvallatio. 936. D'après Plutarque, Pompée, 32, 4, le vieux roi réussit à s'échapper, après avoir fait tuer malades et inutiles. 937. D'après Plutarque, loc. cit., le blocus dura 45 jours. 938. Frontin, 1, 1, 7 explique que Mithridate s'enfuit de nuit après avoir fait allumer les feux pour tromper la vigilance de l'ennemi dont il devait longer le camp. Ce stratagème, souvent pratiqué, est plausible. Cf. van Ooteghem, Pompée, p. 211. 939. Le convoi royal remontait la haute vallée du Lycos, souvent très encaissée [cf. Marck,Pontus-Bithynia, pl. 54, 1), en direction de l'Arménie. C'est à tort que Plutarque, Pompée, 32, 5, parle d'une bataille nocturne livrée dans la région de l'Euphrate [1tEpi tov Eôq>pat11v].Mais, s'il est certain que Mithridate cherchait à gagner les sources de ce fleuve, il n'est pas possible de déterminer avec précision son itinéraire, comme l'avait reconnu F. Guse, Die Feldzüge des dritten Mithradatischen Krieges in Pontos und Armenien, Klio, 20 (1925/6), p. 332 et 341. 940. Appien s'oppose au reste de la tradition en soulignant que Mithridate refusa la bataille. Frontin, 2, 1, 12, avoue lui aussi que Pompée dut obliger Mithridate à livrer combat en lançant contre lui une attaque nocturne. Cicéron, Pro Murena, 16, 34, panu"I:s'être laissé prendre à la propagande quand il écrit que « de toutes les innombrables batailles livrées par Pompée, la plus âpreparai') celle qu'il livra à Mithridate, où l'on se battit avec un extrême acharnement ». 941. Les escarmouches mentionnées par Appien prennent chez les auteurs latins les dimensions d'un Roncevaux : Dion Cassius, 36, 4949, en donne une longue, description ; le récit de Plutarque (Lucullus, 32, 5-12) n'est pas plus crédible, comme l'a souligné Magie, RR, 2, p. 1223-1224. Voir aussi Tite-Live, Per., 101 : Cn. Pompeius Mithridaten nocturno prœlio victum coegit Bosporum profugere ; Eutrope, 6, 12 : Pompeius < ... > Mithridatem in Armenia minore nocturno prœlio
NOTES COMPLÉMENT AIRES
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vicit, castra diripuit, quadraginta milibus eius occisis viginti tantum de exercitu perdidit et duos centuriones ; Orose, 6, 4, 3-4 : Bellum nocte commissum est, luna tune orta a tergo Romanis erat. Regii longitudine umbrarum proximitatem hostium rati cuncta in irritum tela fuderunt. Romani veluti inermes postea aggressi sine labore vicerunt. -Voir Reinach, o. c., p. 384. 942. Peut-être la forteresse anonyme de Petite Arménie, entre Dasteira et l 'Euphrate, d'où Mithridate, assiégé par Pompée, s'enfuit par la montagne en direction de la Colchide : cf. Strabon, 12, 3, 28. F. et E. Cumont, Studia Pontica, 2, p. 313, placent à Eski Shéïr, sur une arête rocheuse défendue par un ravin, le camp retranché de Mithridate. Page 102 944. De ce dernier combat livré par Mithridate à Pompée, Appien donne un récit sans écho chez nos autres sources : cf. Reinach, o. c., p. 386-387. Dans la mesure où cet engagement correspond à la fameuse bataille nocturne évoquée par le reste de la tradition, on peut penser qu'il suit une source moins romancée, connue également de Strabon. D. Magie, The final defeat of Mithridates by Pompey, Class. Weekly, 37 (1943/4), p. 237-238, estime le récit d'Appien plus crédible que celui de Dion Cassius. -Le site probable de la bataille, près du village de Purkh, fut visité par F. Guse, qui en donne un croquis, o. c., p. 338-339 ; voir aussi F. et E. Cumont, Studia Pontica, 2, p. 305 sq. 945. Cf. Tite-Live, Per., 101 : Cn. Pompeius Mithridaten < ... > coegit Bosporum profugere. Eutrope, 6, 12 : Mithridates cum uxore fugit et duobus comitibus. Orose, 6, 4, 6, évoque en termes pathétiques la fuite du vieux roi, abandonné par sa cour de philosophes, historiens, médecins, etc. Plutarque, Pompée, 32, 14-15, affirme que Mithridate était accompagné de trois cavaliers et de sa concubine Hypsicrateia. Même tradition chez Valère-Maxime, 5, 6, Ext. 2 : Hypsicratea quoque regina Mithridatem coniugem suum effusis caritatis habenis amavit < ... >, qui etiam victum a Cn. Pompeio per ejferatas gentes fugientem animo pariter et corpore infatigabili secuta est. 946. Cf. Plutarque, Pompée, 32, 15-16, qui nomme ce fort I:ivcopa ; mais Strabon, 12, 3, 28, écrit I:tvopia et le situe non loin de la Grande Arménie. Orose, 6, 4, 6, dit simplement que Mithridate in quoddam castellum devertit. Il y laissa l'une de ses filles, malade, sous la garde de l'eunuque Ménophile : cf. Ammien Marcellin, 16, 7, 10, qui appelle ce fort Sinhorium. C'est peut-être la l:iV1"15pade Ptolémée, 5, 7, 2 et la Sinara de la Table de Peutinger, 11, 1. - La forme donnée par les manuscrits d' Appien pourrait résulter d'une mauvaise lecture de l'onciale [I:INOPEIA lu I:INOPirA}. Mais il serait arbitraire de corriger le texte transmis. 947. Vers le col d'Erzeroum : cf. Reinach, o. c., p. 389. F. et E. Cumont, Studia Pontica, 2, p. 300 sq., décrivent cette région. Mithri-
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
date rejoignit ensuite la vallée du Phase et la côte du Pont : cf. infra, n. 952. 948. Dion Cassius, 36, 50, 1-2, présente les choses autrement : Mithridate souhaitait se réfugier auprès de Tigrane et ne modifia brusquement ses plans qu'après avoir appris que celui-ci le soupçonnait de soutenir la révolte de Tigrane le Jeune. Plutarque, Pompée, 32, 18, prétend même que sa tête avait été mise à prix. En revanche, Velleius Paterculus, 2, 37, 2, n'hésite pas à écrire que Mithridate trouva asile auprès de Tigrane et que Pompée dut se battre contre les deux rois ! 949. Plutarque, Pompée, 32, 18, lui fait contourner les sources de !'Euphrate : 1tapaµe1vaµevoç -ràç 1t11yàç -roù Eocppa-roo. Mais il peut avoir traversé le fleuve pour se rendre à la cour de Tigrane, ainsi qu'il le projetait. 950. La Chôtène n'est pas autrement connue. Il s'agit probablement, comme l'ont supposé Tomaschek et Reinach, de la Chorzène : cf. Strabon, 11, 14, 4 : fi ôt Xof)t;11V111eaiKaµ50011V111tpoo6opcir -ra-rai Elen, Kai vup66oÀ01 µCIÀtcrta, O't)VCI1t-roooa1 -roiç Kamcaaiotç ôpecn Kai tfl 'I511pi~ Kai 'tfl Kolxiôt. L'hypothèse est d'autant plus plausible qu'une partie des manuscrits de Strabon écrivent XmÇ11viJ, qui peut se lire Xco-r11V11 par une confusion entre T et Z.
Page 103 951. L'hostilité des « Chôtènes », farouches montagnards vivant au dessus de la Colchide, est plausible. Celle des Ibères l'est moins, puisque, selon Plutarque, Pompée, 34, 6-8, ils résistèrent aux Romains par fidélité envers Mithridate. Mais il peut s'agir de tribus soit insoumises soit fidèles à Macharès, vice-roi de Colchide et du Bosphore. 952. L'Apsaros (Tchoroki) est déjà connu du Pseudo-Scylax, 81. Arrien, Périple du Pont Euxin, 6, 1-4 conmu"t un fort de ce nom, où des troupes romaines tenaient garnison. Pline, NH, 6, 9, 25, mentionne de son côté un fleuve Absarrus prenant sa source dans le Paryadrès. Le même auteur, NH, 6, 1, 29 énumère diverses populations caucasiennes: Moschorum tractus ad Hiberum amnem in Cyrum (Kura) defluentem et infra eos Sacaseni (population de la rive droite de la Kura) et deinde Macerones ad jlumen Absarrum. Il s'agit probablement du cours d'eau qui, selon Xénophon, Anab., 4, 8, 1, séparait les Macrônes des Scythènes. 953. Cf. Strabon, 11, 2, 19. 954. L'hiver 66-65 av. J. -C. : cf. Reinach, o. c., p.389. Sur Dioscourias (Soukhoumi), où aboutissait tout le commerce du Caucase, cf. Strabon, 11, 2, 16. La ville hellénistique, envasée, n'a pu faire l'objet de fouilles systématiques. Mais l 'influnce grecque panu"t y avoir été très forte : cf. G. R. Tsetskhladre, Greek elements in the material culture of Colchis, Eirene, 33 (1997), p. 42-52, insistant sur le caractère grec de divers éléments architecturaux (fortifications, temples) répertoriés dans l'arrière-pays.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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955. Cf. infra, n. 968. 956. Il s'agit cette fois, semble-t-il, du Bosphore de Thrace, malgré l'ambiguïté de l'expression. Cf. Eschyle, Prométhée, 732, B6mtopoç ô' èmi>vuµoç 1Œ1CÂ.Ttçtè>v B6anopov. Cette branche de la tradition ne peut guère se concilier avec Strabon. Voir M. Dreher, Pompeius und die kaukasischen Volker, Historia, 45 (1996), p. 191-192. . 964. Cette flotte pourrait avoir été fournie par les alliés scythes de Mithridate, dont certains pratiquaient la piraterie. 965. Dion Cassius, 36, 50, 3, dit en revanche qu'il fut supprimé par ses Amis à l'instigation de son père. Voir, dans le même sens, Orose, 6, 5. Mithridate se retrouva ainsi roi du bosphore en 65 av. J. -C. : cf. Reinach, o. c., p. 397 ; V. F. Gajdukevic, Das Bosporanische Reich, p. 319.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
966. Nouveau trait de fidélité au code d'honneur iranien (cf. supra, §411 ). Dion Cassius, loc. cit., affirme en revanche que Mithridate avait acheté l'entourage de son fils.
Page 105 968. Des monnaies de Dioscourias, datant du ne s. av. J. -C., portent les emblèmes des Dioscures (bonnets et étoiles) : cf. G. R. Tsetskhladre, Eirene, 33 (1997), p. 44-45. 969. La popularité d'Héraclès est attestée dès l'époque hellénistique par divers objets provenant des fouilles de Vani, sur la rive gauche du Riom : une phalère ( ? ) d'or représentant le héros luttant contre le lion de Némée ; un moule servant à fabriquer des figurines d'argile, un bronze d'applique avec buste du héros. Voir O. Lordkipanidze, On the cuit of Heracles in Colchis, Mélanges P. Lévêque, 4 (1990), p. 227-228. Cet auteur estime qu'Héraclès pourrait avoir quelque rapport avec Amirani, héros folklorique caucasien. Mais c'est à tort qu'il s'appuie sur Philostrate, Vie d'Apollonios, 2, 1-3, où il est en fait question du Caucase indien (l'Hindou-kouch). 970. Velleius Paterculus, 2, 40, 1 conduit Pompée jusque chez les Achéens, au delà du Caucase ! Sur ces légendes, voir D. Braund, The Caucasian frontier : myth, exploration and the dynamics of Imperialism, dans: Ph. Freeman-D. Kennedy, The defence of the Roman and Byzantine East, 1 (1986), p. 31-49. 971. Cf. Strabon, 11, 2, 19. Les fouilles de Vani ont fourni de beaux bijoux d'or : cf. O. Lordkipanidze, Das alte Kolchis ..., p. 18 et 23 (et pl. 4) ; du même, Vani, an ancient city of Colchis, GRBS, 32 (1991), p. 196-195. 972. Cf. Strabon, loc. cit .. 973. Il ressort de Plutarque, Pompée, 36, 1, que le général romain souhaitait atteindre la mer Caspienne - comme Alexandre avant lui. Mais les serpents venimeux, qui pullulaient, l'auraient contraint à revenir sur ses pas. Alexandre avait connu dans l'Inde des mécomptes de ce genre et l'épisode paraît inventé : cf. F. Miltner, RE, 21, 2 (1952), 2612 ; M. Dreher, o. c., p. 203. 974. Sur la route suivie par Pompée, cf. Strabon, 11, 3, 4-5. 975. Il ressort de Dion Cassius, 36, 54, 1-5, que le roi des Albaniens, Oroisès, avait attaqué les troupes romaines tandis qu'elles hivernaient en Arménie (Cf. Plutarque, Pompée, 34, 3) : cette nation, qui habitait la plaine de l 'Araxe, n'était en effet séparée de la Grande Arménie que par le cours du Kyros (cf. M. Schottky, Media Atropatene ... , p. 40). Pompée fut contraint de réagir au printemps suivant (cf. van Ooteghem, Pompée, p. 217), et la raison stratégique de son expédition dans le Caucase parai"'t avoir été volontairement occultée par l'auteur dont s'inspire ici Appien : cette tradition intervertit l'ordre des événements, parce qu'elle voudrait faire croire que la poursuite de
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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Mithridate avait conduit Pompée dans les régions inconnues du Caucase [cf. Tite-Live, Per., 101 : Cn. Pompeius, cum Mithridatem persequeretur, in ultimas ignotasque gentes penetravit. Hiberos Albanosque, qui transitum non dabant, prœlio vicit. Voir aussi Eutrope, 6, 14 : Pompeius mox etiam Albanis bellum intulit et eorum regem Oroden ter vicit, postremo per epistolas et munera rogatus veniam ei ac pacem dedit. lberiœ quoque regem Artocen vicit acie et in deditionem accepit ; Orose, 6, 4, 8 : Exercitum Orodis Albanorum regis prœfectosque eius ter prœlio vicit. Postea epistolas Orodis et munera pro pace cum Albanis instauranda libenter accepit. Artocem, regem lberiœ bello Judit, totamque Iberiam in deditionem accepit.] d'où il était revenu couvert de gloire pour soumettre Tigrane. Nos autres sources (Plutarque, Pompée, 35, 1 ; Dion Cassius, 37, 3) connaissent deux expéditions successives contre les Albani : cf. van Ooteghem, Pompée, p. 220-221 ; Magie, RR, 2, p. 1225-1226 ; M. Dreher, o. c., p. 194 et 201-202. L'incendie des forêts eut lieu au cours de la deuxième campagne. Sur les Albaniens, voisins des Udi (déjà connus d'Hérodote : cf. 3, 93 ; 7, 68), voir Strabon, 11, 4, 1-7 ; Pline, NH, 6, 15, 38-39. Ils parlaient un dialecte appartenant au groupe lesghien. Voir Z. Aleksiclzé et J. -P. Mahé, Découverte d'un texte albanien : une langue anciene du Caucase retrouvée, CRAI, 1997, p. 517-532, avec une utile bibliographie. 976. Sur cette embuscade, tendue par Artôkès, cf. Dion Cassius, 37, 1, 1-5. Les Ibères incendièrent le pont permettant de franchir le Kyros. - Frontin, 2, 3, 14, dit seulement que Pompée attaqua les Albaniens par surprise. 977. Même tradition chez Strabon, 11, 4, 2 à propos des bouches du Kyros. - Plutarque, Pompée, 34, 6-8 raconte une première campagne contre les Albaniens et les Ibères, puis (35, 1-2) une seconde expédition consécutive à une révolte des Albaniens ; cf. Strabon, 11, 4, 4-5, qui note que les cavaliers albaniens étaient des x:ataq>pax:tot. 978. Le De viris ill., 77, conduit Pompée ad Albanos, Colchos, Heniochos, Caspios, lberos. - Selon Orose, 6, 4, 7, Pompée, après la victoire qu'il avait remportée en Petite Arménie, s'apprêtait à poursuivre Mithridate inter duo flumina, !'Euphrate et 1'Araxe, prenant leur source dans la même montagne. 979. Pour remplacer celui que les Ibères venaient d'incendier. 980. Dion Cassius, 37, 2, 5, nous montre les archers ibères abattant les Romains du haut des arbres où ils sont dissimulés. 981. Dion Cassius, /oc. cit., lui fait abattre les arbres, ce qui est moins vraisemblable. Page 106 982. Cf. Dion Cassius, 37, 2, 6-7. Appien ne donne pas de détails supplémentaires sur une campagne qui, piquant sans doute sa curiosité, lui paraît néanmoins hors sujet. Aucun écho chez lui des événements
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
relatés par Dion Cassius, 37, 3-4 et Frontin, 2, 3, 14. Voir aussi Strabon, 12, 3, l 8. 983. Cf. Plutarque, Pompée, 35, 5-6, suivant 1béopbane de Mitylène ; voir aussi Strabon, 11, 5, 1 sq .. 984. Dion Cassius, 36, 51-53, place à juste titre cette campagne d'Arménie avant l'expédition caucasienne. Mais il en fournit une autre raison qu 'Appien : à l'en croire, Pompée soutenait Tigrane le Jeune révolté contre son père. C'est aussi l'explication fournie par Plutarque, Pompée, 33, l. Voir van Ooteghem, Pompée, p. 215 sq. 985. Pompée franchit l' Araxe pour gagner Artaxata : cf. Dion Cassius, 36, 51, 1. Sur cette entrevue, voir Plutarque, Pompée, 33, 2-5 ; Dion Cassius, 36, 52, 4, soulignant l'humanité de Pompée ; Cicéron, Pro Sestio, 21, 58 ; Valère Maxime, S, 1, 9 ; Strabon, 11, 14, 10. Florus, 1, 40, 27, place la soumission de Tigrane après la prise d' Artaxata. 986. Le texte transmis n'a pas de sens, comme me le fait remarquer J. -L. Ferrary. Il suffit, me semble-t-il, d'ajouter le préverbe d1to- pour retrouver la suite des idées. 987. Cf. Tite-Live, Per., 100 : be/lum inter filium Tigranem patremque gestum continet. Dion Cassius, 36, 51, offre un récit détaillé de ces événements.
Page 107 988. Cicéron, De imp. Cn. Pompei, 42, rappelle que la fides de Pompée est unanimement respectée. Il évoque (ibid. 13) sa réputation de temperantia, mansuetudo et humanitas. 989. Cf. Tite-Live, Per., 101 : Tigranem in deditionem accepit
eique ademptis Syria, Phœnice, Cilicia, regnum Armeniœ restituit. Voir aussi Eutrope, 6, 13 : Tigrani deinde Pompeius bellum intulit. Ille se ei dedit, et in castra Pompei sexto decimo milliario ab Artaxata venit ac diadema suum, cum procubuisset ad genu Pompeii, in manibus ipsi collocavit. Quod ei Pompeius reposuit honorificeque eum habitum regni tamen parte multavit et grandi pecunia. Adempta ei est Syria, Phœnice, Sophene, sex milia prœterea talentorum argenti, qua populo Romano daret, quia bellum sine causa Romanis commovisset. - Sur l'entrevue entre Tigrane et Pompée, voir aussi Valère-Maxime, 5, 1, 9 ; Orose, 6, 4, 8, très rapide ; Velleius Paterculus, 2, 37, 4-5. 990. Cf. Strabon, 11, 14, 10 ; Plutarque, Pompée, 33, 6. Strabon et Plutarque s'accordent pour attribuer un talent, soit six mille drachmes, aux tribuns et préfets de la cavalerie. 991. Dion Cassius, 36, 53, 2 ne fait état que de la Sôphène. Il est vrai qu'il place sensiblement plus tard la conquête de la Gordyène par le légat de Pompée, Afranius : cf. 37, 5, 3-4. 992. Ces deux provinces n'ont rien de commun avec la Petite Arménie : cf. R. Syme, Anatolica, p. 95 et p. 140, n. 4, signalant une erreur du même ordre dans le Livre Syriaque, 51.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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993. Selon Dion Cassius, 36, 53, 2, Tigrane se vit ainsi enlever la Cappadoce, la Syrie et la Phénicie. 994. Sur les circonstances de l'arrestation du jeune Tigrane, cf. Dion Cassius, 36, 53, 3-4 ; Plutarque, Pompée, 33, 7. Le roi des Parthes était d'ailleurs son beau-père. 995. Plutarque, Pompée, 33, 8, dit seulement que Pompée refusa de rendre Tigrane le Jeune à Phraate. Page 108 996. Sur la fondation de Nicopolis, cf. Dion Cassius, 36, 50, 3 ; Orose, 6, 4, 7, qui précise que la ville devait accueillir les vétérans, les malades et les marchands qui suivaient l'armée - comme les villes autrefois fondées par Alexandre. Le site de la ville antique [dans la haute vallée du Lycos, près du village de Purk] est connu : cf. H. Grégoire, Voyage dans le Pont et en Cappadoce, BCH, 33 (1909), p. 34 sq. ; Olshausen-Biller, o. c., p. 151 ; Marek, Pontus-Bithynia, p. 3738. 997. R. Syme, Anatolica, p. 96 et 139 sq., met en doute la réalité de ces dons et estime qu 'Ariobarzanès ne reçut que Tomisa et la Tomisène. Voir déjà Th. Frankfort, La Sôphène et Rome, Latomus, 22 (1963), p. 186, qui doute que la Sôphène ait été attribuée au roi de Cappadoce et exclut absolument la Gordyène, dont Plutarque, Pompée, 36, 2 et Dion Cassius, 38, 5, 4, affirment qu'elle fut donnée au vieux Tigrane. Il est certain que la Gordyène est ici de trop. Appien, qui a évoqué conjointement en 105, 491, le sort de ces deux provinces, continue de même ici, hors de propos. Ne confondrait-il pas avec le don de la Sôphène à Ariobarzanès, accordé par Lucullus quelques années plus tôt (cf. Strabon, 12, 2, 1) ? Des monnaies d' Ariobarzanès figurent toutefois dans un trésor trouvé en 1969 dans cette province : cf. T. Corey-Brennan, Chiron, 22 (1992), p. 131 avec bibl. 998. Castabala se trouvait dans la plaine cilicienne, sur les bords du Pyramos, non loin de la mer. La ville était célèbre par son sanctuaire d'Artémis Perasia : cf. A. Dupont-Sommer-L. Robert, La déesse de Hierapolis Castabala (1964). Strabon, 12, 1, 4, mentionne conjointement Castabala et Cybistra, qui formèrent la XIe stratégie cappadocienne. Voir R. Syme, Anatolica, p. 154 sq. 999. L'abdication d'Ariobarzanès est racontée par ValèreMaxime, S, 7, ext. 2. Machinée par Pompée, elle tombe entre 66/5 et 64/3 av. J. -C. : cf. Sullivan, ANRW, 2, 7, 2 (1980), p. 1136 ; T. Corey-Brennan, Chiron, 22 (1992), p. 129. Ce fils, Ariobarzanès II Philopator, est connu par OGIS 355. Il restaura l'Odéon d'Athènes, détruit à l'époque de Sylla (cf. Vitruve, S, 9, 1), et ses deux fils furent éphèbes à Athènes. 1000. Le dernier roi de Cappadoce, Archélaos, mourut vers 18 ap. J. -C., sous Tibère : cf. Sullivan, Near-Eastern Royalty ... , p. 184-185.
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
1001. Sur Antiochos 1erde Commagène, cf. Sullivan, o. c., p. 193194 ; Sherwin-White, Roman Policy, p. 208. 1002. Plutarque, Pompée, 36, 2, dit seulement qu'il reçut une ambassade envoyée par ce roi. Mais Orose, 6, 4, 9, n'hésite pas à conduire Pompée jusqu'à Ecbatane, capitale du royaume parthe ! Cette tradition remonte à Pompée lui-même qui s'attribuait une victoire sur « Darius le Mède ,. dans l'inscription triomphale qu'il avait dédiée
dans le temple de Minerve. Diodore, 40, 4, traduisit ce texte en grec ; voir aussi Pline, NH, 1, 97-98. Cf. Magie, RR, 2, p. 1227 ; SherwinWhite, Roman Policy, p. 208-209. 1003. En fait, les opérations furent menées par son légat Scaurus : cf. Sherwin-White, Roman Policy, p. 218. - Si Pompée n'eut pas à combattre le roi d' Atropatène, on doit rappeler que celui-ci avait soutenu Tigrane contre Lucullus (cf. R. Syme, Anatolica, p. 309) : il fallait bien que la victoire de Rome ftlt reconnue par cet ancien adversaire. 1004. Cf. Dion Cassius, 37, 15, 1-2 ; Plutarque, Pompée, 41, 1 ; Orose, 6, 6, 1. Cette campagne en Palestine eut lieu sensiblement plus tard que ne le croit Appien : cf. Magie, RR, 2, p. 1229. 1005. Cf. Dion Cassius, 37, 15, 3. En fait, Aristobule et son frère Hyrcan étaient venus à Damas demander l'arbitrage de Pompée : cf. Diodore, 40, 2. Cf. F. M. Abel, Histoire de la Palestine, 1, p. 255256; Magie, RR, 2, p. 1228-1229; van Ooteghem, Pompée, p. 230 sq. ; Sherwin-White, Roman Policy, p. 214 sq. 1006. Cf. Livre Syriaque, 50, 252 : 1eatémcavev. C'est tout à fait exagéré. 1007. Cf. Tite-Live, Per., 102 : Cn. Pompeius ludœos subegit, fanum eorum Hierosolyma, inviolatum ante id tempus, cepit. Voir aussi Dion Cassius, 37, 16, 1-4 ; Orose, 6, 6, 2-4 ; Eutrope, 6, 14 ; Florus, 1, 40, 30 ; Plutarque, Pompée, 39, 3. Il ressort de Josèphe, Ant. Jud., 14, 6, 4, que Nicolas de Damas et Strabon avaient traité cet épisode. 1008. Ils étaient gouvernés par Arétas m.Voir Sullivan, Near-Eastern Royalty ..., p. 72 sq. et p. 204-210, sur les rapports de ce roi avec Pompée. 1010. Antiochos XIII Asiaticus, que le dynaste d'~mèse, Sampsiceramos, venait de relâcher. Justin, 40, 2, 3-5, laisse entendre que Pompée lui reprochait surtout d'être une créature de Lucullus. Cf. van Ooteghem, Pompée, p. 227-228 ; Sherwin-White, Roman Po/icy, p. 210-211. Appien avait déjà traité la question dans le Livre Syriaque, 49 et 70. 1011. Antiochos X Eusébès. Page 109 1012. Sur l'annexion de la Syrie, cf. R. Bernhardt, Polis und romische Herrschaft .. . , p. 94 sq.
NOTES COMPLÉMENTAIRES
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1013. Sur cette médiation, cf. Dion Cassius, 37, 6, 4-7, 2, qui en fait état avant la mort de Mithridate. 1014. Cf. Orose, 6, 5 : le nom est corrompu. 1015. Il s'agit du Fort-Neuf que Plutarque, Pompée, 37, 1, qualifie de tà 1t0Àu1pucr6tatov tcôv q>poupirov.D'après Théophane de Mitylène, Fr. Gr. Hist. 188, fr. 1 (cité par Plutarque ibid.), Pompée découvrit également dans ce fort les archives secrètes de Mithridate, en particulier les interprétations de ses rêves et de ceux de ses concubines. Le Père de Jerphanion crut en retrouver le site (ruines de Mahalle Kalesi, au Nord de Niksar) : cf. Magie, RR, 2, p. 1070. Mais l'identification demeure conjecturale. 1016. Pompée s'empara en effet des trésoreries de Mithridate tandis qu'il hivernait à Aspis (dont le site n'est pas connu), après son expédition dans le Caucase et avant ses campagnes en Syrie : cf. Dion Cassius, 37, 7 [mais le texte est lacunaire], qui nous montre Stratonice livrant, par colère et dépit, la forteresse de Symphorion malgré le risque encouru par son fils ; voir aussi Strabon, 12, 3, 31 ; Ammien Marcellin, 16, 7, 9-10 ; Plutarque, Pompée, 36, 4-9 note en passant que Pompée renvoya à leurs familles les concubines de Mithridate. Voir Reinach, o. c., p. 399 ; van Ooteghem, Pompée, p. 222-223. Page 110 1017. Ce détail invraisemblable donne à penser que cette histoire a été inventée pour illustrer la sauvagerie de Mithridate. Magie, RR, 2, p. 1227 note à juste titre qu' Appien se représente le fort comme situé sur la rive asiatique du Bosphore Cimmérien. Mais, depuis les environs de Phanagoreia, cette dame ne pouvait distinguer ce qui se tramait sur l'autre rive du détroit de Kertch ! 1018. Sur ces négociations, cf. Mc Oing, Foreign Policy, p. 164165. Mithridate reconnaissait sa défaite, mais ne voulait pas perdre la face. 1019. Selon d'autres, Pompée reçut cette ambassade alors qu'il se trouvait encore à Amisos : cf. van Ooteghem, Pompée, p. 225. 1020. Et non pas de ses « pages », comme l'écrit à tort I. SavalliLestrade, Les Philoi royaux (1998), p. 190. La comparaison avec 111, 539, interdit une telle interprétation. 1021. Sur la méchanceté de l'eunuque Gauros, qui aurait poussé Mithridate à faire périr ses Amis (mais le texte est incertain ... ), cf. Valère Maxime, 9, 2 Ext. 3. - Sur les derniers mois de Mithridate, cf. Gajdukevic, Das Bosporanische Reich, p. 320-321. 1022. Dion Cassius, 37, 11, 3, signale en passant la maladie de Mithridate. 1023. Une inscription trouvée à Taman (l'ancienne Phanagoria) en 1986 [SEG, 41 (1991), 625] contient un décret, daté de 88n av. J. -C., accordant à des mercenaires royaux le droit de cité et divers avantages (y compris l'exemption de porter les armes 7tÀflV1ta[v611]µoucrtpa-
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NOTES COMPLÉMENTAIRF.S
tEiaç. Certains d'entre eux étaient probablement encore en vie vingt ans plus tard et leur expérience des annes pourrait expliquer la résistance opposée par la cité aux exigences de Mithridate. Voir Y. C. Vinogradov / M. Worrle, Die Sôldner von Phanagoreia. Chiron, 22 (1992), p. 159-170; Ph. Gauthier, BEp. (1993), 377. Sur la révolte de Phanagoreia, voir Gajdukevic, Das bosporanische Reich, p. 322. 1024. Selon Dion Cassius, 37, Il, 1, Mithridate mit à profit pour réarmer le séjour de Pompée en Syrie. Il se proposait, disait-on, de remonter le Danube, comme un nouveau Jason (cf. infra, n. 1031) et d'envahir l'Italie. 1025. Cf. Orose, 6, 5, 2 : eodem tempore Castor, Mithridatis pra-
fectus, qui Phanagorio prœerat, interfectis amicis regiis, arcem occupavit et quatuor Mithridatis filios ad prœsidia Romana transmisit. Sur cette révolte, voir aussi Valère Maxime, 9, 2, ext. 3, très succinct.
Page 111 1026. Florus, 1, 40, 26, évoque une def ectio civium. 1027. Cette forteresse était probablement construite en bois, comme déjà la capitale des dynastes scythes Ariphemès et Eumèlos, dont Diodore (20, 23, 1-2) décrit quelques éléments défensifs. Les fortifications en bois resteront une caractéristique de la Russie médiévale, qui surprendra les voyageurs occidentaux. 1028. D'autres raisons, négligées par Appien, expliquent la révoltes des villes pontiques : le blocus maritime décidé par Pompée [cf. Dion Cassius, 37, 3, 2-3 ; Plutarque, Pompée, 39, 1 ; voir D. B. Shelov, Le royaume pontique de Mithridate Eupator, Journal de..s Savants (1982), p. 265], mais aussi un tremblement de terre, qui aurait causé de graves dégâts aux villes et aux campagnes (Dion Cassius, 37, 11, 4), survenu tandis que Mithridate célébrait les fêtes de Déméter (Orose, 6, 5, 1). Ces prodiges naturels annonçaient bien la fin d'un monde : cf. S. Saprykin, Naturkatastrophen und Naturerscheinungen in der ldeologie des Mithridates Eupator, dans : E. Olshausen-H. Sonnabend, éd., Stuttgarter Kol/oquium zur historischen Geographie des Altertums, 6 (1996 = Geographica Historica, 10, (Stuttgart. 1998), p. 396-403. Mais je ne vois aucune raison sérieuse de faire remonter cette tradition à Poseidonios. 1029. Cf. Dion Cassius, 37, Il, 4 : 1eai ta tE mpattcDn1eà tnvtito ... 1030. a. Dion Cassius, /oc. cit. : 1eai xaiooç nvaç aùtoù ouvapxauavtÉç 'tl VEÇ 1tpôç tÔV II0µ1tT)lOV t1e6µ1uav.Ces mutins disposaient donc de navires ou avaient noué des contacts avec la flotte romaine.
Page 112 1031. Il s'agit évidemment ici des Celtes danubiens. Ce projet (authentique ou non ... ) semble insipiré de l'itinéraire des Argonautes et suppose connue l'ancienne théorie (déjà attestée chez Eschyle et
NOTESCOMPLÉMENTAIRES
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remaniée par Apollonios de Rhodes, Arg., 4,282 sq.) prêtant à l'Istros, dont la source était située très au Nord dans les monts Rhipées, trois embouchures correspondant au Danube, au Pô et au Rhône. S'il remontait le cours du Danube avec sa flotte, Mithridate pouvait espérer parvenir soit en Cisalpine, soit en Narbonnaise. - Il n'y a pas lieu de douter des relations entretenues par Mithridate avec la région danubienne. Une tombe royale de Stara Zagora (Bulgarie) a fourni un anneau portant le nom de Mithridate et des phalères d'or, d'une facture très proche de celles conservées à Paris (BN), dont l'une porte aussi le nom du roi : cf. K. Paul, The Gundestrup cauldron and the periphery of the Hellenistic World, dans P. Bilde (éd.), Centre and Periphery in the Hellenistic World (1996), p. 42-43. 1032. D'après Plutarque, Pompée, 41, 2-7, Pompée se trouvait en Arabie Pétrée quand il apprit que Mithridate formait le projet d •attaquer l'Italie en empruntant la voie danubienne. Mais on lui apporta peu après la nouvelle de sa mort. 1033. Velleius Paterculus, 2, 18, 1, compare Mithridate à Annibal pour sa haine des Romains. 1034. Sur les projets de Mithridate, cf. Plutarque, Loc. cit. ; Dion Cassius, 37, 11, 1-2 ; Strabon, 7, 4, 3 ; Florus, 1, 40, 25, qui lui prête le plan audacieux de jeter un pont sur le Bosphore Cimmérien, de traverser la Thrace, la Macédoine et la Grèce, enfin d'envahir l'Italie : ce trajet ne suit pas le Danube jusqu'aux Alpes. Voir Reinach, o. c., p. 402-403 ; Mc Ging, Foreign Policy, p. 165, suppose avec vraisemblance que tout cela aurait été imaginé par Pharnace pour se donner de l'importance aux yeux des Romains. 1035. Selon Dion Cassius, 37, 11, 2, il estimait qu'il n'y avait rien qu'il ne d0t oser ni rien qu'il ne p0t espérer, et il préférait crova1toÂ.ÉCJ8attfl ~acnÂ.EiQ.( « périr avec l'Etat », disait Louis XIV au maréchal de Villars) plutôt que de survivre dans la médiocrité. On conçoit que ce jusqu •au - boutisme suicidaire ait inquiété son entourage.
Page 113 1036. Dion Cassius, 37, 12, raconte les choses autrement : aigri et soupçonneux, Mithridate avait fait mettre à mort plusieurs de ses enfants, d'où le complot ourdi par Pharnace. Il n •est pas question du pardon paternel, péripétie dramatique peut-être surajoutée. - Sur la fin de Mithridate, voir Ballestros Pastor, o. c., p. 277 sq. Page 114 1037. Dion Cassius, 37, 12, 4, situe à Panticapée (Kertch) la mort de Mithridate. Pharnace, venu d'un ailleurs non précisé à la tête d'une armée de rebelles, s •empare de la ville et enferme son père dans l'enceinte du palais. On trouvera dans Gajdukevic, Das bosporanische Reich, un plan de la ville (fig. 43) et une vue de l'acropole, où se trouvait le palais royal (fig. 42).
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
1038. Orose, 6. S, 3, usure que Mithridate, aigri par les défections. avait fait pair, outre Xipbalès, un certain E.xipodras (?) dont on ne sait rien. 1039. Dion Cassius. 37. 12. dit simplement que les soldats chargés d'arrêter Pharnace se rallièrent à lui et marchèrmt cootre Mithridate. Orose. 6, 5, 4, résume la même tradition : Pharnaces. alter filüu eüu. exemplo fratris te"itus exercitum ad persequendum se missum sibi
conciliavit et mox adversus patrem duxi.t. 1040. Cf. Orose, 6, 5, 5 : Mithridates diu ex altissimo muro filium frustra precatus... Le vieux roi aurait maudit Pharnace avant de redescendre préparer sa mort. 1041. Cf. Tite-Live, Per., 101 : ab eo (se. Pharnace) Mithridates obsessus in regia cum veneno sumpto parum profecisset ad mortem a milite Gallo nomine Bitœto, a quo, ut adiuvaret se. petierat. interfectus est. Eutrope. 6, 12 : Pharnacis,filii sui. apud milites seditione ad mortem coactus venenum hausit. Voir aussi De viris ill., 16 : per seditionem popularium a Pharnace filio in turre obsessus venenum sumpsil. quod quum tardius subiret, quia adversus venena mllltis antea medicaminibus corpusfirmavit, immissumpercussorem Gallum Bitœtum auctoritate vultus te"itum revocavit et in cœdem suam manum trepidantis adiuvit. Cette version fait du Gaulois un tueur, alors qu'Appien nous présente un loyal officier galate agisunt par pure compassion. 1042. Cf. Souda s. v. 1tpo,tiVE\· taiç Ouyatpétcn q,apµax:ov ci>pEÇE, 1eai ai>tè>çf1tlE, 6t.>XOÙÇlCO\VCOVT)Çx:ai q>lÂ.01't)v M18p16atT1V xpcoµ&vov / ôt' tytv&t' aôtq> 8avamµa 1t1&ivcpapµa1ea / li1taa·dv«YKTIµ&tà tt1evrov 1toï..&µouµtvq,, / aôtè>v µèv oô ï..a6&iv ttvoç aia8T1atv Pï..«6T1Ç/ çicp&t 6' dva1p&8tvta 1t&p1ypacpijç tuxeiv, / tàç 6' al>8uyattpaç d1to6aï..&iv tQ) cpapµa1eq,. Voir Reinach, o. c., p. 414. Plutarque, Pompée, 41, 1, dit seulement que le vieux roi fut contraint au suicide par la révolte de son fils. Cf. Valère-Maxime, 9, 2, ext. 3 ; Aulu-Gelle, Noct. Att., 17, 16, 5. 1048. Appien ajoute à la liste canonique des huit rois perses (Darius I, Xerxès, Artaxerxès I, Darius Il, Artaxerxès Il, Artaxerxès m, Artaxerxès IV, Darius ID) celle des huit « rois du Pont » : Mithridate, dynaste de Cios de 337/6 à 302 av. J. -C. ; Mithridate Ktistès ; Ariobarzanès ; Mithridate m ; Pharnace ; Mithridate IV ; Mithridate V Evergète ; Mithridate VI Eupator). Cette reconstruction fait des Mithridatides les successeurs des Achéménides : cf. P. Panitschek, Zu den genealogischen Konstruktionen der Dynastien von Pontos und Kappadokien, RSA, 17/18 (1987/8), p. 73-95. 1049. Eutrope, 6, 12 et Orose, 6, 5, 7, affirment que Mithridate vécut soixante-douze ans, régna soixante ans et guerroya quarante ans contre les Romains. Cette tradition remonte probablement à Tite-Live. 1050. Cf. Salluste, Hist., 2, 75 M : sed Mithridates extrema pueritia regnum ingressus.
n
Page 116 1052. Cassius ne fut point capturé : cf. Magie, RR, 2, p. 1102. 1053. Les auteurs latins reconnaissent eux aussi la grandeur de Mithridate. C'est déjà le cas de Cicéron, Pro Murena, 16, 34 : etiam in extrema fortuna et fuga nomen tamen retinuit regium. Florus, 1, 40, 20, s'inscrit dans ce courant : adtritœ iam omnes validissimi regni vires erant, sed animus malis augebatur. Velleius Paterculus, 2, 18, 1, brosse de lui un portrait flatteur : « très ardent à la guerre, d'une valeur personnelle tout à fait remarquable, le plus grand parfois par la Fortune, toujours par le courage, un chef dans la décision, un soldat dans l'action ». Ce fut, ajoute-t-il plus loin (2, 40, 1), le dernier roi sui iuris, entendons indépendant de Rome. Voir K. Strobel, Ktèma, 21 ( 1996), p. 56-58. 1054. Appien considérant les Cimbres et autres Germains comme des « Celtes », il pourrait s'agir des négociations rapportées par Justin,
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
38. 3. 6 : Mithridates intellecto quantum bellum suscitaret, /egatos ad Cimbros, alios ad Gallogrœcos (les Galates) et Sarmatos Bastarnasque au.xilium petitum misit. Cette alliance avec les Cimbres serait forcément antérieure à la bataille de Verceil (101 av. J. -C.), qui vit l'écrasement de ce peuple. Or Justin panu"tsituer ces négociations vers 88 av. J. -C. 1055. Cf. Salluste, Hist., 2, 74 M : ipse animi atrox. 1056. Cf. Salluste, Hist., 2, 75 M : matre sua veneno interfecta. 1057. Cf. Salluste, Hist., 2, 76 M : et fratrem et sororem occidit. Ce frère, Mithridate Chrestos. est connu par deux inscriptions de Délos, gravées vers 115 av. J. -C. : ID 1560-1561 = OGJS 368 et 369 = Durrbach, Choix, 113 et 114. Memnon, 22, 2, affirme lui aussi qu'il fut mis à mort par Mithridate : cf. Ballestros Pastor, o. c., p. 43. 1058. Cf. Salluste, Hist., 2, 77 M : Mithridates corpore ingenti, perinde armatus. L'apparence physique de Mithridate n'est guère connue que par ses effigies monétaires, idéalisées et marquées par l'imitatio Alexandri : cf. G. Kleiner, Bildnis und Gestalt des Mithridates, Jdal, 58 (1953), p. 84 sq. ; quelques portraits présumés sont étudiés par G. M. A. Richter, The portraits of the Greeks, 3 (1965), p. 275 et n08 1930-1933. Voir aussi M. Bieber, The sculpture of the Hellenistic Age2 (1961), p. 122. 1059. Cf. Salluste, Hist., 5, 5 M : peractis septuaginta annis armatus equom insilire. 1060. Environ 175 km.
Page 117 1061. D'après les archives de Mithridate (citées par Plutarque. Pompée, 31, 2 renvoyant à Théophane de Mitylène). le roi aurait fait périr Alcée de Sardes pour avoir remporté plus de gloire que lui dans des courses de chevaux. Deux inscriptions (l'une de Chios, l'autre de Rhodes), probablement antérieures à la 1= guerre mithridatique, mentionnent des victoires remportées par des attelages appartenant à Mithridate : cf. L. Robert, BCH, 59 (1935), p. 460-464 (=OMS, 1, p. 518-524) ; REA, 62 (1960), p. 345 (=OMS, 2, p. 861). Les talents de Mithridate dans ce domaine étaient encore connus de Néron : cf. Suétone, Néron, 24. 1063. Lorsqu'un courrier lui apporta la nouvelle, Pompée se trouvait soit en Nabatène, près de Petra (Plutarque, Pompée, 41), soit en Palestine, près de Jéricho (Josèphe, Ant. Jud., 14, 53-54). Cicéron, Pro Murena, 16, 34, rappelle que Pompée ne jugea qu'alors la guerre achevée. 1064. Ces supplications, proposées par Cicéron, alors consul, durèrent dix jours : cf. Cicéron, De prov. cons., 11, 27. 1065. Selon Plutarque, Pompée, 42, 3, Pompée était de retour à Amisos quand il reçut la dépouille de Mithridate, qu'il fit ensevelir à
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Sinope. Le cadavre, mal embaumé, était méconnaissable : cf. Dion Cassius, 37, 14. l 066. Dion Cassius, 37, 14, 2, dit sans ambages que Pharnace reçut la couronne comme salaire du meurtre de son père. Sur ce personnage, voir W. Hoben, Untersuchungen zur Stel/ung kleinasiatischer Dynasten in dem Machtkiimpfen der ausgehenden romischen Republik (1969), p. 8-24 ; Sullivan, Near-Eastern Royalty ..., p. 155 sq. ; il frappa des monnaies d'or, étudiées par G. Kolenko et P. Karuskowski, The gold coinage of king Pharnakes of the Bosporus, Num. Chron., 12 (1972), p. 25-38 et pl. 2-3. 1067. Cf. L. Budde, Pontische Konigsgraber, Mitt. d. deutsch-türkischen Gesel/schaft, 8 (1955), 2, 2. Les rois du Pont furent d'abord ensevelis à Amaseia, mais la cinquième sépulture royale demeura inachevée : une nouvelle nécropole fut en effet ouverte à Sinope, quand la ville eut été annexée par Pharnace 1er. 1069. Cf. Dion Cassius, 37, 14, 2.
Page 118 1070. Ptolémée XII Aulète ne sera chassé d'Alexandrie qu'en 58 av. J. -C. ; son problème était pour l'heure d'être reconnu par Rome, ce qui suffit à expliquer qu'il ait cherché à gagner la faveur de Pompée. 1071. Selon Pline, NH, 33, 136, Ptolémée XII Aulète envoyait assez d'argent pour stipendier 8 000 cavaliers. Mais cette opération de police ne souriait pas à Pompée. Voir aussi Strabon, Hypomnemata Historica [Fr. Gr. Hist. 91], fr. 14 (= Josèphe, Ant. Jud., 14, 34) évoquant l'envoi d'une couronne d'or. 1072. Cet oracle sibyllin ne fut révélé qu'en 56 av. J. -C., bien après la mort de Mithridate. Ce développement baigne dans une imprécision dans laquelle, il faut l'espérer, les Aigyptiaka mettaient un peu d'ordre. 1073. Appien veut sans doute parler des deux nouvelles provinces organisées par Pompée : Syrie et Pont-Bithynie (cf. infra, 121, 595). La Cilicie fut elle aussi réorganisée. Sur l'ensemble de ces questions, renvoyons seulement à E. Olshausen, Pontos und Rom, ANRW, 2, 7, 1 (1980), p. 903-912, avec bibl., et à l'étude, déjà citée, de Marek. 1074. Ariobarzanès 1erPhilorhômaios, dont il a été question supra, 105,495. 1075. Cf. Strabon, 16, 2, 3 : tvraü0a ôt vüv tcrn tè> Ztüyµa toü Eôq,péttou· 1eatà toüto ôt :Eeï..eu1etta t6putat, q>pouptov tfiç Meao1totaµiaç, 1tpoaroptaµtvov ô1tè>Iloµ1triiou tfi Koµµayrivfi. Zeugma (Séleucie de l'Euphrate : cf. une dédicace de l'époque de Trajan, publiée par Chr. Habicht, Altertümer von Pergamon, 8, 3, p. 43, où il est question des :Etï..tu1etiç 1tpôç tep Ztuyµan) fut ainsi donnée à Antiochos : cf. J. Dobias, Syria, 6 (1925), p. 253 sq. Mais la ville se
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
trouvait sur la rive droite du fleuve, donc en Syrie : cf. R. Syme, Anatolica, p. 97-99 et 105-106. Strabon est dans l'erreur, et il semble qu •Appien partage cette erreur, dans la mesure où il panu""tsituer lui aussi la ville en Mésopotamie. Peut-être confondait-il avec Séleucie du Tigre, dont il raconte la fondation dans le Livre Syriaque. 1076. Déjotaros reçut aussi la Petite Arménie : cf. Eutrope, 6, 14. Sur le statut de la Galatie et la carrière de Déjotaros, fils de Sinorix, voir W. Hoben, Untersuchungen zur Stellung /cleinasiatischer Dynasten ..., p. 62-66. 1077. Cf. Strabon, 12, 2, 3 ; 3, 1 ; Eutrope, 6, 14 : Attalo et Pylameni Paphlagoniam reddidit. Même tradition dans la Souda, s. v. TI0µ7tt1toç (= Jean d'Antioche). Curieusement, Appien omet Pylzménès. Voir W. Hoben, Untersuchungen ... , p. 119-120. 1078. Cf. Strabon, 12, 3, 1 ; Eutrope, 6, 14 : Aristarchum Colchis regem imposuit. Ce dynaste frappa des drachmesd'argent à son nom : APŒTAPXOY TOY ETII KOAXlâOI. Voir B. de Kœbne, Drachms of Aristarchos, Dynast of Colchis, NC, 17 (1877), p. 1-10. Rome ne lui reconnaisait pas le titre de roi, mais seulement de dynaste : cf. M. Dreher, Historia, 45 (1996), p. 205-206. 1079. Cf. Strabon, 12, 3, 34. C'était le fils du général de Mithridate passé dans le camp des Romains. Ce personnage entreprenant épousa par la suite Bérénice, fille de Ptolémée XII Aulète. Mal lui en prit, car il fut occis par Gabinius en 55 av. J. -C. : cf. R. Syme, Anatolica, p. 167. 1080. Cf. Souda, s. v. Kacnrop "P6füoç. Cette notice confond plu-· sieurs homonymes : cf. Magie, RR, 2, p. 1236. 1081. Cf. Strabon, 12, 3, 28 ; Sherwin-White, Roman Policy, p. 257, n. 46. Voir supra, C, 462.
Page 119 1082. De fait, elle prit simplement le nom de Pompeioupolis : cf. Strabon, 12, 3, 3. 1083. Cf. Dion Cassius, 37, 20, 2, qui lui attribue la fondation de huit villes. 1085. Les dernières forteresses de Mithridate se rendirent après la mort du roi, livrant les trésors dont elles avaient la garde : cf. Dion Cassius, 37, 14, 3 et 20, 1. Plutarque, Pompée, 37, 1-4, s'attarde sur la forteresse de Kainon Phrourion, ou CMrion, (que Strabon, 12, 3, 31 situe à 200 stades de Cabeira) : les Romains y auraient découvert les archives secrètes de Mithridate : cf. Notice, p. CXI. 1086. Sur la sitution à Cos pendant la guerre de Mithridate,voir Paton et Hicks, Inscriptions of Cos (1891), p. 37-40. 1087. Il avait donc passé l'hiver à Amisos : cf. Magie, RR, 2, p. 1230. 1088. Cf. Plutarque, Pompée, 45 (15 000 deniers à chaque soldat); Pline, NH, 37, 16 (25 .000 000 de deniers aux légats et questeurs). Voir
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les calculs de T. Frank, An econornic survey of Ancient Rome, 1 ( 1933), p. 324-325.
Page 120 1089. Cf. Plutarque, Pompée, 46, 1, v&cot&poç téi>v tpta1eovta t&ttapcov selon ceux qui le comparaient à Alexandre. Mais il approchait de la quarantaine. 1090. Dion Cassius, 37, 21, 1-3, évoque brièvement ce triomphe sur lequel devait s'attarder Tite-Live : cf. Eutrope, 6, 16 : Nul/a unquam pompa triumphi similis fuit. Ducti sunt ante eius currum filii Mithridatis, filius Tigranis et Aristobulus, rex ludœorum, prœ/ata est ingens pecunia, auri atque argenti infinitum. Brève évocation de ce triomphe chez Velleius Paterculus, 2, 40, 3 ; Pline, NH, 7, 36 (33, 12). Il marquait le terme de la Bibliothèque Historique de Diodore (40, fr. 4). 1091. On sait par Pline, NH, 36, 41, que les 14 nations vaincues par Pompée étaient représentées par autant de statues dans le somptueux théâtre qu'il fit édifier à Rome. Sans doute portaient-elles des costumes caractéristiques, comme ce sera l'usage à l'époque impériale pour les images des Provinces .. -D'autres curiosités sont signalées par Pline, NH, 33, 12, 151 et 36, 13-14. Page 121 1092. Cette princesse paraît avoir frappé ultérieurement à Prusias ad mare des monnaies à son nom: OPIOBAPIO:E. Elle pourrait avoir reçu cette ville en don, peut-être d'Antoine : cf. Marek,PontusBithynia, p. 49. 1093. Ce personnage n'est pas autrement connu. Il pourrait s'agir du prince dandarien Olthacos, mentionné par Plutarque, Lucullus, 16 (voir supra, n. 731). 1094. Plutarque, Pompée, 45, 1-7 note dans le cortège triomphal la sœur de Mithridate, plusieurs de ses femmes scythes et cinq de ses enfants. 1095. Ce personnage n'est pas autrement connu et son origine incertaine : peut-être Laodicée du Pont (Ladik). 1096. Il n'est pas impossible que le récit de la bataille nocturne (dont Appien n'a pas fait état : cf. supra, n. 944) ait été élaboré à partir de ce tableau par des historiens peu soucieux de la vérité. 1097. La correction et le sens sont aisément justifiables : cf. Pline, NH, 6, 15, 40, faisant allusion aux situs depicti envoyés à Rome par Corbulon. L'usage des simulacra triumpha/ia est attesté dès l'époque républicaine. Ces peintures sont étudiées par P. H. von Blanckenhagen / Chr. Alexander, The Augustan villa at Boscotrecase (1990), p. 43-46. On connaît par une anecdote (Diodore, 31, 18, 2 ; Valère-Maxime, 5, 1, l) un Démétrios, peintre chorographe installé à Rome après un séjour à Alexandrie : cf. P. M. Fraser, Ptolemaic Alexandria, 2, p. 213,
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NOTES COMPLÉMENTAIRES
n. 221. Déjà les Athéniens avaient envoyé à Paul-Émile le peintre Métrodore : cf. Pline, NH, 35, 135. 1098. Cf. Pline, NH, 1, 98 : Cum oram maritimam prœdonibus liberasset et imperium maris populo Romano restituisset, ex Asia. Ponto, Armenia, Paphlagonia, Cappadocia, Cilicia, Syria, Scythis, ludœis, Albanis, /beria, insu/a Creta, Basternis, et super hœc de rege Mithridate atque Tigrane triumphavit. Variantes chez Plutarque, Pompée, 45, 2 et Diodore, 40, 4. 1099. Les navires des pirates selon Plutarque, Pompée, 45. 1100. A. Dreizehnter, Pompeius ais Stadtegründer, Chiron, 5 (1975), p. 220-222, propose de corriger t1etia81laav en t1CtT18t]aav (de 1Ctaoµat) : « unter schweren Mühen erwerben ». Cette correction n •est pas satisfaisante, puisque l'on attend une expression correspon... 1t6Â.ECOV (Plutarque, Pompée, 45, 2) dant à 1CQtOl1C\Ul 1101. Dion Cassius, 37, 20, 2, mentionne lui aussi huit fondations en « Cappadoce » ( entendons dans le Pont), alors que selon Strabon, 12, 3, 1, Pompée fonda onze 7tOÂ.ltEÎUl. 1102. A. Dreizehnter, o. c., p. 221, corrige ainsi le texte : KtÂ.i1eoov ôt1ea, KoiÂ.TtÇl:upiaç d1eoat, IlaÂ.atatiVTtÇ , correction que Kallet-Marx, Hegemony ... , p. 329, n. 158, juge intéressante. Je crois plus prudent de supposer une courte lacune et de laisser le texte en l'état. 1103. Il ne s'agit probablement pas ici de la Séleucie de Cappadoce mentionnée dans le Livre Syriaque, 55, 281, où Appien explique que Â.EyoµtVTtç., Séleucos 1er~pçe ... 1CaiKa1t1taôo1Ciaçt'ijç l:EÂ.EU1Ciôoç mais plutôt de la Séleucis de Syrie. Selon Strabon (16, 2, 2), citant Poseidonios, la Séleucis, QU Tétrapole de Syrie, était divisée en quatre satrapies : Antioche, Séleucie de l 'Oronte, Laodicée et Apamée : voir Honigmann, RE Il Al (1921), 1206-1207. 1104. On peut douter de la réalité d'une telle guerre : cf. R. Syme, Anatolica, p. 109, n. 117. 1105. Salluste prétendait que, dès sa jeunesse, Pompée, corrompu par ses flatteurs, se croyait promis à la destinée d'un Alexandre. Cf. Hist., 3, 88 M : Sed Pompeius a prima adulescentia sermone fautorum similem fore se credens Alexandro regi, Jacta consultaque eius quidem œmulus erat. Voir O. Weippert, Alexander-lmitatio und romische Politik im republikanischer Zeit ( 1972), p. 84.
Page 122 1107. Dion Cassius, 42, 46, précise que Pharnace s'empara d'Amisos après sa victoire sur Calvinus. -Ce récit est passablement décousu. Pour comprendre les plans de Pharnace, qu'il n'est pas question d'exposer ici, il faut se reporter à un exposé moderne, par exemple Gajdukevic, Das bosporanische Reich ... , p. 323-324. 1108. Il s'agit en fait de Cn. Domitius Calvinus (et non Calvisius, comme l'avait reconnu Schweighiuser !), légat de César, vaincu à
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Nicopolis par Pharnace à l'automne de 48 av. J. -C. : cf. W Hoben. Untersuchungen ...• p. 19-20 ; P. S. G. Freber. Der he/lenistische Osten und das Illyricum unter Cœsar ( 1993). p. 81. La faute de lecture peut remonter à Appien. qui évoquera brièvement en BC 2. 91. 381. la défaite infligée par Pharnace à Domitius. la prise d •Amisos. puis la victoire de César (ibid .• 382-384). Il n'est pas question d' Asandros dans ce récit. - Sur la carrière du personnage. voir J. M. Sweeney. The career of Cn. Domitius Calvinus. Ane. Weekly. l (1978). p. 179185. La reconquête tentée par Pharnace pose de délicats problèmes : cf. RE. 19 (1938). 1849-1851. s. v. Pharnakes 1 ; W. Hoben. Untersuchungen ...• p. 17 sq. ; Freber. o. c .• p. 81 sq .. 1109. Synchronisme analogue chez Dion Cassius. 42. 45 : ê1tavtcn111ea't' aù'tl)v 'tllV 'tt 'tOÙKaiaapoç 1eai 'tllV 'tOÙTI0µ1t11ioua'tacnv. Selon cet auteur. Pharnace s'empara de la Colchide et de la Petite Arménie avant de s •en prendre au Pont. César se trouvait à Alexandrie quand Pharnace livra bataille à Calvinus. Après sa défaite. Calvinus se retira dans la province d'Asie : cf. Bellum Alexandrinum, 40 ; Freber. o. c., p. 82. En fait. ce synchronisme (probablement emprunté à la source d'Appien) ne s'applique qu'à la désignation de Calvinus, antérieure à la mort de Pompée : cf. G. Dobesch. Cresar und Kleinasien, Tyche, Il (1996). p. 64. 1110. L'expression tç11Â.aat 'tT!Ç'Aaiaç prête à confusion. Il ressort de Dion Cassius (42, 46) qu'Asandros. auquel Pharnace avait laissé le gouvernement de son royaume, mit à profit l'absence du roi pour se révolter, et que cette révolte empêcha ce dernier de mettre à exécution son projet d'envahir l'Asie. Les origines d •Asandros sont aussi peu claires que les raisons de sa brouille avec Pharnace : cf. W. Hoben. Untersuchungen ..., p. 26-27. Rappelons que Gajdukevic. o. c., p. 324, voyait en lui un descendant des Spartocides. 1111. Cette montagne pourrait être 1•éminence. voisine de Zéla, évoquée dans le Bellum Alexandrinum, 12, 2 : Mithridate y avait autrefois établi son camp. Elle est connue sous le nom de Namhisar Kalé : cf. Olshausen-Biller. o. c .• p. 167. 1112. Cette bataille fut livrée le 2 aoftt 47 av. J. -C. près de Zéla (cf. Pline, NH. 6. 3. 10). César la résuma par le fameux veni, vidi, vici. Voir aussi Frontin, 2. 2. 3 ; Freber, o. c.• p. 83 ; Dobesch, o. c., p. 66. 1113. Le Bellum Alexandrinum (loc. cit.) ne mentionne pas Domitius (Calvinus). mais affirme que Vinicianus fut laissé dans le Pont avec deux légions après la victoire de César. Dion Cassius (42, 49) suit en revanche la même tradition qu 'Appien. 1114. Cf. Tite-Live, Per, 113 : Pharnaces, Mithridatis filius, rex Ponti, sine u/la mora victus est. Voir aussi Eutrope. 6, 22 : Cœsar Pharnacem, Mithridatis Magni filium, rebellantem in Ponto et multas populi provincias occupantem vicit acie atque ad mortem coegit. Voir aussi le Bellum Alexandrinum, 34-41 et 65-77. Sur ces événements, cf. Dion Cassius. 42, 45 sq. et 43. 46. 3.
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NOTES COMPLÉMENT AIRES
1115. On doit comprendre que ces cités étaient tombées entre les mains d •Asandros.
Page 123 1116. Appien ne pousse pas son récit plus loin [on remarquera que, dans cet appendice césarien, il n'est. question ni de la Galatie, ni de la Cappadoce]. Peut-être revenait-il sur l'histoire de ces régions dans le Livre Dacique, consacré essentiellement aux guerres de Trajan, mais comportant sans doute un rappel des relations entretenues par Rome avec les pays de la rive gauche du Pont Eux.in.- Sur la mort de Pharnace, voir Gajdukevic, o. c., p. 324 ; sur le Pont à l'époque impériale, voir Olshausen, ANRW. 2, 7, l (1980), p. 910 sq. 1117. Dion Cassius (42. 48) précise que César donna à Mithridate de Pergame une tétrarchie en Galatie, avec le titre royal, et lui confia la mission de faire la guerre à Asandros et de s •emparer de son royaume. Mais Asandros, pour légitimer son usurpation, avait épousé Dynamis, fille de Pharnace et petite-fille de Mithridate Eupator : il réussit donc à se maintenir. Voir Gajdukevic, o. c., p. 325-326 ; B. Fonck, Das bosporanische Reich aus der Sicht Strabos, Klio, 61 (1985). p. 274276 ; Sullivan, Near-Eastern Royalty ...• p. 159. - Plusieurs inscriptions relatives à des dignitaires de ce royaume sont étudiées par H. Heinen. Rome et le Bosphore, notes épigraphiques, Cahiers Glotz, 7 (1996), p. 81-101. 1118. Cf. le Bellum Alexandrinum, 78. Ce Mithridate, fils de la Galate Adobogiona et de Ménodotos de Pergame, passait pour être l'enfant naturel d'Eupator, dans l'entourage duquel il avait été élevé. Il mourut entre 46 et 45 av. J. -C. : sur sa carrière, voir W. Hoben, Untersuchungen .. .• p. 96 sq. ; Freber, o. c., p. 86 et 110 ; G. Dobesch, o. c .• p. 67. Une étude très complète lui a été consacrée par H. Heinen, Mithridates von Pergamos und Cresar bosporanische Plane. Zu Interpretation Bellum Alexandrinum 78, dans : E fontibus haurire. Festschrift H. Chantraine (1994). p. 63 sq. ; sur sa mort, cf. Strabon, 13, 4, 3. 1119. Le peuple du Pont et celui du Bosphore. On est passé sans transition de l'époque de César à celle d •Appien. 1120. Cf. le Bellum Alexandrinum, 66 ; Strabon, 13, 3, 34, dont il ressort que cet Archélaos était le fils du personnage mentionné supra, 114. Voir Sullivan, Near-Eastern Royalty ..., p. 157 ; Syme, Anatolica, p. 167. 1121. Cf. Marek, Pontus-Bithynia, p. 48-49. Le dictateur envoya aussi des colons italiens à Héraclée, Sinope et Apamée. - L'identité de ce Lycomède est des plus incertaines. Strabon, 12, 3, 35, le dit Bithynien. Mais, selon le Bellum Alexandrinum, loc. cit., il appartenait à la famille royale de Cappadoce. Voir l'exposé de la question chez Syme, Anatolica, p. 167 sq. et Freber, o. c., p. 91 et n. 445. 1122. Cf. supra, 118, 582 et note.
CARTES
TABLE DES MATIÈRES
NOTICE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . CONSPECTVS SIGLORVM ...............
VII CLXXXV
TEXTE ET TRADUCTION. .. .. . . .. . . . . . ..
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NOTES COMPLÉMENTAIRES . . . . . . . . . . . .
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CARTES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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