Zoroastre : étude critique avec une traduction commentée des Gâthâ


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French Pages 301 [307] Year 1948

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Zoroastre : étude critique avec une traduction commentée des Gâthâ

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ET

LES HOMMES \ LA DIRECTION DE G. DUMézIL

LUME Il

ZOROASTRE Étude critique avec une traduction commentée des (äthä PAR

Jacques DUCHESNE-GUILLEMIN Proressaur

À L'UNIVERSITÉ DR LIiÈGE

ÉLÈève DIPLOMÉ DE L'ÉCOLE pus HauTxs ÉTUDES Dæ PARIS

EDITIONS

G. P. MAISONNEUVE ar Cie 198, Boulevard Saint-Germain, 198

PARIS (VIe)

Pa

LOROASTRE

DU

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COMPOSES thèque versité

LES

DE

1937,

Liège-Paris

(Biblio-

et Lettres

de l'Uni-

DE L’'AOGMADAECA

(Journal

de Philosophie

AVESTIQUES

Asiatique,

GREC

AUTEUR

L’AVESTA,

de la Faculté de Liège).

CITATIONS

AHURA

MEME

1936).

MITHRA

-

(Mélanges

Cumont,

HIEROS, SANSKRIT Bruxelles, 1937).

ETYMOLOGIES dies, IX).

AVESTIQUES

INDO-IRANICA

(Ibidem, X).

Bruxelles,

ISHIRA

1936).

(Mélanges

(Bulletin

School

Boisacd;

Oriental

Stu-

HITTITE kessar, INDO-IRANIEN zhasta « main », etc. letin de la Société de Linguistique, t. 39).

PERSAN Doshîèä vain, 1947). TOCHARICA

« jeune

(Bulletin

fille », etc.

Société

ETUDES HITTITES Londres 1946).

de

(Mélanges

Lefort,

Linguistique,

(Transactions

(Bul-

Lou-

t. 41).

Philological

Society,

ORMAZD ET AHRIMAN, Collection « Mythes et Religions » (Presses Universitaires de France). (En préparation.) LA

RELIGION

DE

I/ANCIEN

(P. U. F.).

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MYTHE

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ETUDE DE.CHARMES, du Monde. VALERY.

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Paris,

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éditeurs) ; Liège,

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Collection

Valéry

(Synthèses),

Maisonneuve ; Bruxelles,

Bruxelles,

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L’AME

INTRODUCTION (chez

IRAN,

préparation.)

PARQUE,

Itinéraires

du

et

Monde.

Paris-Bruxelles

Désoer.

Paris,

Itinéraires,

Monde.

Paris, Deux préparation.)

Sirènes,

Bruxelles,

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LES COLLECTION

DIEUX

PUBLIÉE

SOUS

ET

LES

HOMMES

LA DIRECTION

VOLUME

DE G. Duxmézir

II

À\ va:

ZOROASTRE, Etude critique avec une traduction

commentée

des Güthà

PAR

Jacques DUCHESNE-GUILLEMIN PROFESSEUR ÉLÈVE

DIPLOMÉ

A L'UNIVERSITÉ De LièGe

DE L'ÉCOLE

DES HAUTES

:

ÉTubES

5 0E Paris

EDITIONS G. P. MAISONNEUVE gr Cie 198, Boulevard Saint-Germain, 198

PARIS (VIIe)

SES

1515 137

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134$ IL

À ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE 50 EXEMPLAIRES

SUR PAPIER PUR CHIFFON LAFUMA, DES PAPETERIES NAVARRE NUMÉROTÉS DE 1 A 50.

Tous

droits

de

traduction,

d'adaptation et de reproduction réservés pour Lous pays.

Copyright by, G.-P. Maisonneuve, 1948.

+

PREAMBULE

-

« Je ne suis qu'un Louis

lecteur

de textes.

»

DE LA VALLÉE-POUSSIN.

De tous les fils de l'Asie, Zarathustra est le premier que l'Occident ait « adopté ». Quelque quatre siècles avant celle du Christ, sa doctrine atteignit la Grèce. Elle fut connue de Platon, à qui elle devait dire quelque chose. Ni la voix du Buddha ni celle de Confucius ne devant, de longtemps, porter jusqu’à l'Europe, Zarathustra, sous son nom grécisé de Zoroastre, représenta à lui seul la vieille sagesse asiatique, d'autant plus que, par une confusion croissante, le prestigieux héritage mésopotamien — astrologie et magie — était venu, de surcroît, se placer sous l’autorité de ce « Mage ». À la naissance même du christianisme, id semblait être indirectement associé, par la tradition « populaire » qui agenouillait aux pieds de l'Enfant Jésus trois mages surgis de l'Orient... Plus authentiquement, les doctrines de Zarathustra avaient peut-être infléchi de manière décisive Le cours naturel des croyances juives : le dualisme cosmique du bien et du mal; une armée de démons et une armée d’anges, sous la conduite de leurs chefs respectifs, se disputant l’empire du monde ; certaine universalité et certaine spiritualité dans le monothéisme ; la croyance au Jugement Dernier : autant de traits qui n'apparaissent guère dans le judaïsme

8

‘ ZOROASTRE

d'avant l’'Exil, alors qu’ils caractérisent une religion

iranienne certainement antérieure au V® siècle. Il nest pas permis de négliger le facteur iranien dans l'étude des origines chrétiennes, même si la possibilité d’un développement autonome du judaïsme n’est pas exclue. Du reste, le zoroastrisme « eu incontestablement sa part — et qui fut importante — dans l'élaboration du vaste mouvement philosophico-religieux, mi-hellé-

nique mi-iranien, qu'on désigne sous le nom de gnose et sans

lequel sont incompréhensibles

saint Paul

et

le Quatrième Evangile, Philon le Juif et Plotin, Mani et par conséquent saint Augustin. Le culte de Mithra, enfin, qui fut, avant le manichéisme, le premier grand concurrent de la religion du Christ,

charriait,

lui aussi,

depuis

l’Iran, maint

vestige de la prédication de Zoroastre. La place de Zoroastre est telle, aux origines de tout ce qui — paganisme et christianisme — compté encore

pour nous, qu'il était inévitable que toute enquête sur ces origines — c’est-à-dire, en somme, Sur nos origines — vênt buter à cette colossale figure et, pour ainsi dire, à l'obligation de la faire parler. +

Quand on sait dans quelles conditions l'enquête historique sur les traditions chrétiennes fut commencée, au XVII siècle, puis poursuivie aux siècles suivants : en marge de l'autorité ecclésiastique et souvent contre elle, il n'est pas étonnant que Zoroastre ait d'abord été revendiqué, à cette époque, comme une sorte de Moïse paien, propre à dépouiller l'autre du monopole de la ‘Révélation. L’intention polémique était au premier rang de l'intérêt que portèrent les Encyclopédistes à l'expédition

PRÉAMBULE

9

d'Anquetil-Duperron, parti pour l'Inde à la recherche des livres sacrés du zoroastrisme. Et le dépit .de voir Anquetil, attaché à la foi de ses pères, refuser obstinément l’eau avestique au moulin anti-clérical, entra sans doute pour une part dans la sévérité d'un jugement comme celui de Voltaire sur « l’abominable fatras attribué à ce Zoroastre.…. » Il fallait attendre près d’un siècle pour que le nom “de Zarathuëtra servit enfin d’enseigne à une prédication anti-chrétienne, dont la violence aurait d’ailleurs étonné la plupart des philosophes de l'âge des lumières ; mais c'est un nom seulement, et rien d'autre — à part peut-être certain ton de vaticination it certaine couleur orientale — que Nietzsche a vouiu emprunter au prophète iranien ; des véritables doctrines de celui-ci, on chercherait en vain la trace dans Ainsi parlait Zarathustra. (Et ii ne viendra sans doute à l’idée de personne de les y chercher !) Ce n’est pas que Nietzsche n'ait connu — en une traduction déjà bien supérieure à celle d'Anqueti — les propres discours de Zoroastre, tels que l’Avesta les a conservés. La découverte d'Anquetil-Duperron avait en effet inauguré — au moins virtuellement — une ère nouvelle. Jusque là, l'Occident ne connaissait Zoroastre qu'indirectement, d'après les témoignages classiques, assez nombreux il est vrai, mais toujours et parfois suspects : notamment, fragmentaires quelques lignes d'Eudème de Rhodes, élève de Platon, préservées par Damascius, quelques-unes d’Aristote, citées par Diogène Laërce, une page de Plutarque, puisée en partie chez Théopompe mais peut-être entachée de parti-pris, car Plutarque était dualiste et se cherchait des autorités, etc. — Depuis AnquetilDuperron, le texte de l’'Avesta, conservé jusque là en Iran et dans l'Inde par Les seules communautés parsues

10

+

ZOROASTRE

pour l'usage de leur culte, est à la portée des Européens, qui en ont entrepris l'étude. k

Il restait beaucoup à faire. La traduction d'Anquetil, reposant sur une tradition abâtardi?, était complètement à reprendre. Et quand Eugène Burnouf — un autre grand Français — put fonder en 1832, grâce au secours du sanskrit et de la méthode comparative, la véritable étude scientifique de l’Avesta, fallut s’avouer que, si l’ensemble du texte devenait à peu près intelligible, son noyau le plus ancien, les gâthà, s'avérait difficile — d'un2 difficulté proprement inouîe. Ceci n'a pas empêché les savants de s’y référer. Car ce qu'on pouvait en entrevoir suffi-

sait à en montrer

l'intérêt,

confirmait,

mais en les

dépassant de loin, les témoignages grecs, et obligeait donc à faire figurer ces gâth@ au nombre des classiques de la pensée humaine. C’est l’iraniste — préparé à sa tâche par l'étude du sanskrit, de la grammaire comparée, du pehlevi et d'une foule de disciplines variées — qui fut désormais tenu de fournir des lumières sur Zarathustra à l'historien des religions comme à celui de la philosophie, à l’étude des origines judéo-chrétiennes comme à celle de la gnose, du manichéisme, vte…. — Pour bien faire, étant donné l'obscurité du texte en question, c’est l’iraniste lui-même qui aurait dû, pour parvenir à les interpréter, être, en même temps que linguiste et philologue, philosophe, religionniste, historien… Ces conditions idéales ne se sont jamais réahisées, faut-il le dire ? IL s'ensuit que les travaux des iranistes sont entachés inévitablement de faiblesse et de parti-pris aux yeux de l'historien, du philosophe, eic…., tandis que ceux-ci, inversement, n'étant jamais

PRÉAMBULE

14

à mênu2 d'utiliser avec assez de critique les produits semi-finis de l'usine iraniste, les font entrer dans des ensembles dont l’iraniste aperçoit immédiatement la fragilité. Peut-être un jour quelque génie — il s’est déjà. trouvé, dans les études iraniennes, plusieurs esprits de première grandeur — réunissant tant de pouvoirs divers, parviendra-t-ùil à reconstituer le message dé Zarathustra, à le placer dans son cadre géographique et historique, à éclairer ses relations avec le

mouvement

judéo-chrétien,

à le définir

tant

en

lui-même que par rapport à l’histoire de la pensée humaine. En attendant, le présent livre espère, par une con-

frontation des principaux travaux parus à ce ‘jour sur Zoroastre, inciter iranistes et non-iranistes &. plus de prudence qu'ils n'en montrent généralement: Les divergences entre savants, en ce qui concerne Zoroastre et sa doctrine, ne se limitent pas à des points de détail plus ou moins négligeables. Elles portent sur des questions aussi fondamentales que celle de savoir, par exemple, si Ahura Mazdäh, le dieu de lAvesta, était déjà vénéré avant que Zoroastre s’en fasse le champion. Zoroastre lui-même était-il un manieur d’abstractions, une espèce de philosophe, comme le donnent à penser les noms mêmes du Dieu des gâthà et des « archanges » qui l'entourent : Bonne Pensée, Esprit Saint, Justice, Empire, Sainte Dévotion, Intégrité et Immortalité ? Ou bien était-il une espèce de chamane s’enivrant des fumées du chanvre ? Son action a-t-elle consisté en une réforme, en une innovation hardie par rapport à la religion ancienne, ou au contraire en une défense de la tra-

42

+

ZOROASTRE

dition, à l'intérieur d'une certaine communauté, contre l’intrusion d'un nouveau culte ? Socialement, était-il conservateur ou révolutionnaire ? A-t-il soulevé les pauvres contre leurs maîtres, et prêché une sorte de réforme agraire ? Peut-on voir en lui l’analogue des prophètes d'Israël ? Toutes ces thèses ont été soutenues et discutées, et le profane à la recherche d'un consensus reste fort embarrassé entre PBartholomae et Meillet, entre Herzfeld et

Nyberg, etc. se PE

Mais, dira-t-on, ne pourrions-nous borner notre ambition ? À défaut de juger d'ensemble Zarathustra et de situer son œuvre dans les grandes perspectives de l’histoire, ne peut-on s'entendre au moins sur un

minimum

de faits ?

Que l'amateur de précision s’attende à être déçu : il trouvera ici plus de problèmes et de discussions que de résultats. Tout ce qu’il pourra retenir de positif est que Zarathustra a dû vivre, entre le X° et le V°® siècle avant J. C., « quelque part en Iran ». Seule la province du Fârs, siège de la puissance achéménide, est exclue, par la différence de dialecte. Mais il reste Le choix entre la Médie et l'Iran oriental. Dans la première hypothèse, Zoroastre a vécu assez près de lu Mésopotamie pour subir l'influence des doctrines babyloniennes ou celle du monothéisme juif ; dans la seconde le zoroastrisme s'est développé en vase clos, à l'écart des courants historiques de l'Asie antérieure. Zoroastre cite plusieurs fois son protecteur, le prince Vishtäspa. L'histoire connaît un personnage de ce nom : c'est Hystaspe, le père de Darius. Mais rien ne permet d'identifier ces deux homonymes, et Herzfeld & été. à peu près le seul de nos jours, avec Hertel, à main-

: PRÉAMBULE

13

tenir le rapprochement ; et ù se donne le plus grand mal à essayer d'expliquer pourquoi, dans ces conditions, l’Avesta ne fait aucune autre allusion aux Achéménides — sans compter que les Achéménides, de leur côté, ne citent jamais Zarathustra dans leurs inscrip‘ tions. Trouvera-t-on un dernier retranchement dans le texte des gâthà, considéré en lui-même, sans espoir de localisation précise dans l'espace et le temps ? Peutêtre. Encore faut-il rappeler précisément que ce contexte de l’histoire eût été bien utile à l'intelligence de ces obscurs poèmes, chargés qu’ils sont d’allusions à des faits particuliers, à des circonstances locales, et se mouvant par ailleurs dans un monde de notions dont nous arrivons difficilement à cerner les contours. La tradition indigène étant manifestement en défaut sur certains points, nous ne pouvons nous y fier absolument pour les autres : l’enseignement de Zoroastre semble en effet avoir été immédiatement déformé, avant de cesser presque complètement, pour de nombreux siècles, d’être compris. L'embarras du non-spécialiste, qui ne peut affronter les gâthà dans le texte original, est au moins aussi grand que tout à l'heure : suivra-t-1l la traduction de Bartholomae (retraduite en une langue plus claire par Moulton) ; celle de Andreas et Wackernagel, complétée par Lômmel ; celle de M. W. Smith ; devra-t-1l se borner aux fragments qu'Antoine Meillet s’est risqué à traduire ? Devra-t-il tenir compte des traductions partielles de Herzfeld, de Nyberg, qui diffèrent à l’extrême de chacune des précédentes et l’une de

l’autre ?... : H. S. Nyberg l’a écrit : « Quiconque s’est un peu mélé de ces textes est résigné à devoir traduire autrement le lendemain ce qu'il avait traduit la

44

«

ZOROASTRE

veille ». Et mon ami Kaj Barr, professeur à Copenhague, m'avouait récemment, en ne plaisantant qu'à demi : « Plus je scrute les gâthâ, moins je les com-

prends.» C’est tout à son honneur ! Je me demande parfois si les gâth n’ont pas été inventées par quelque ahrimanien génie pour la confusion du savant européen ? Il semble en tout cas qu'on n'aurait pas pu mieux trouver, pour mettre à l’épreuve et tenir en échec les méthodes qui ont peu à peu conquis, sous le signe de l'histoire, tout le champ des études humanistes, que ces textes granitiques sur lesquels lhistoire littéraire, l’histoire religieuse, l’histoire de la philosophie, l'histoire tout court viennent briser leurs efforts. Ne serait-ce pas l’occasion de mesurer les insufisances de la méthode historique et de réhabiliter certaine philologie plus naivement respectueuse des œuvres, certaine philosophie délivrée de l'illusion positiviste ? _ L'iraniste ne dispose pas de données sufñsantes pour une construction objective. Il y aura donc plusieurs manières d'exposer la religion zoroastrienne, selon qu’on est chrétien ou athée, parsi ou juif, philosophe ou religionniste… Qui la considère du dedans

comme ‘une forme ancienne de ses propres croyances, et Zarathustra comme une des lumières de l'humanité, en parlera autrement, verra autrement cêt homme que s’il le regarde comme un étranger, comme une espèce de sauvage avec lequel nous ne pouvons rien avoir de commun. H. S. Nyberg écrit, Die Religionen des alten Iran, p. 202 : « Rien ne le caractérise comme un réformateur. 11 maintient passionnément l’ordre existant.

L'image d’un curé de village progressiste et s'intéressant aux réformes agraires, que les savants des der-

PRÉAMBULE

15

nières décennies du XIX°* siècles dessinaient généralement de lui, est certainement typique de ce que ce temps considérait comme un bon fondateur de religion; mais elle est, du point de vue historique, com-

plètement erronée. » Pour Nyberg, Zarathustra est un professionnel de l’extase, une sorte de derviche avant la lettre, un primitif. C’est tout autre chose que de saluer en lui un fondateur du monothéisme, un moraliste méditant sur le problème du mal. Mais que cette façon de voir soit plus « historique », c’est ce que M. Nyberg est peut-être seul à croire; si sa thèse nous instruit sûrement de quelque chose, ce n’est pas tant des opinions de Zarathustra que des siennes propres, et du changement intervenu entre le XIX® et le XX® siècle dans les conceptions dominantes de T'his-

toire des religions, dont il est un représentant éminent. Invoquer contre qui que ce soit l'exactitude historique dans un domaine où l’histoire refuse à peu près tout service, c’est faire preuve d’intolérance. A Simone Pètrement — auteur de deux livres, Le Dualisme chez Platon, les Gnostiques et les Manichéens et Le Dualisme dans l'Histoire de la Philosophie et des Religions (Paris, 19,6), où se trouve admirablement assouplie et généralisée la notion même de dualisme —, comme elle me demandait sur les gâthà des précisions dont elle pût tirer argument pour ou contre ses thèses, j'aurais pu répondre : « Vous avez donné à l’iranisme plus qu’il ne vous rendra jamais. »

Sincèrement, l’iraniste, dans l’état actuel de la documentation, doit attendre ses meilleures lumières des non-spécialistes, capables de lui apporter de l'extérieur le rafraîchissement de points de vue nouveaux. Le fait s’est produit au moins deux fois dans ces dernières années. Des principaux ouvrages publiés depuis 1938 sur la religion de l’ancien Iran, deux sont dûs à des

16

.

. ZOROASTRE

non-spécialistes : la thèse principale de S. Pètrement, premier des deux livres cités ci-dessus, et le volume de G. Dumézil, Naissance d’'Archanges (Paris, 1945). Or, le moins que l’on puisse dire de ces deux ouvrages — d'ailleurs totalement différents l’un de l’autre par la méthode — est qu’ils ne le cèdent nullement par Voriginalité et l'utilité, à ceux des iranistes H. S. Nyberg et E. Herzfeld. %

Après de telles déclarations, dans lesquelles on reconnaîtra peut-être l’aveu mal déguisé d’un esprit trop peu préparé aux lourdes tâches de l'historien — « Je ne suis qu’un lecteur de textes » —, on demandera si le présent livre peut encore se justifier.

L'auteur alléguerait humblement pour sa défense : 1° Que dans les nature à une mise

la diversité même des opinions soutenues ouvrages disponibles actuellement est de dérouter tout à fait le profane et demande au point critique, si sommaire soît-elle ;

2 Qu'il n'y a pas eu de traduction française des gâthà depuis un demi-siècle, que l’étude linguistique de ces textes a tout de même fait assez de progrès pendant ce laps de temps pour qu'on puisse aujourd'hui considérer la traduction de Darmesteter, fondée principalement sur la tradition indigène et parue en 1892, comme absolument périmée ; que l’éssai de traduction de Maria Wilkins Smith est méritoire, mais aberrant ; que la traduction de Bartholomae, qui s'appuie sur l'immense et inestimable travail d2 l’AItiranisches Wôrterbuch, est en un allemand difficile. Il est vrai que Mouiton l’a transposée en anglais, mais

PRÉAMBULE

17

elle n'œ pas satisfait des savants comme Andreas, Lommel, Nyberg, qui ont donné leurs propres traductions, complètes ou partielles ; que toutes ces traductions, qui se contredisent mutuellement sur bien des points que le profane est incapable de trancher, sont du reste peu accessibles et US longtemps introuvables ;; : 8° Que l’honnête homme a le droit de savoir de Zoroastre autre chose qu'un nom et quelques notions de manuel ; que les gâthà, considérées en elles-mêmes

comme

œuvre hitéraire, sont choses originales, sans

contrepartie en aucune langue, et qu'elles peuvent encore, malgré l’insuffisance de la version, exercer sur nous une authentique fascination.

N.-B. — Sauf dans les citations de passages gâthiques et pour certaines discussions, j'ai simplifié l'orthographe avestique, selon un usage déjà en faveur, pour la rapprocher le plus possible de celle du vieux-perse et de celle du védique. Ceci n’engage aucune conception particulière sur la constitution et la transmission du texte de l’Avesta. La transcription adoptée est un pis-aller qu’excusera la dureté des temps. Les signes spéciaux sont remplacés par de l’italique dans les mots en caractères romains et inversement.

18

. PRÉAMBULE

Pour prononcer r, on peut y ajouter une petite voyelle ordinaire : par exemple, Rgveda — Rigveda. Pour le reste, le lecteur voudra bien donner à 7, sh, ch, zh les valeurs que ces signes ou groupes de signes ont en anglais, c’est-à-dire, selon la graphie française : dj, ch, tch, j. — Enfin, « se lira comme en allemand et

kh aura la valeur de l'allemand cA. Au nom du prophète j'ai conservé l’orthographé Zarathustra, à laquelle Nietzsche a donné, en quelque sorte, droit de cité dans les langues modernes. Le nom devrait s’écrire en français Zarathouchtra (en donnant à th sa valeur anglaise : plus exactement la valeur de th dur).

Les mots avestiques, védiques, etc, sont cités, sauf dans les textes suivis, sans leur finale variable. Cette suppression étant générale, il nous a paru superfiu de la rappeler pour chaque mot par un tiret. De l’astérisque (indiquant les formes restituées), nous avons fait fort peu usage, le contexte disant assez, la plupart du temps, si le mot est attesté ou non.

CONDITIONS

GENERALES

DE LA RECONSTITUTION

Une localisation précise de Zoroastre, dans l’espace et dans le temps, paraît actuellement, nous l’avons dit, impossible. Ce n’est pas une raison pour ne point tenter de tracer, du moins, les cadres généraux dans lesquels doit s'inscrire nécessairement notre connaissance de cet homme et de son œuvre. Au contraire, il faut, à ce sujet, recueillir preuves et indications avec d'autant plus de zèle qu’elles sont plus rares. On ne peut plus douter aujourd’hui que les gâthà ne soient la partie la plus ancienne de l’Avesta. Elles tranchent avec le reste du recueil par l’archaïsme de la langue, qui les place au niveau du Rgveda, quand ce n’est pas plus haut ! ; par la nature des formes métriques et l’exactitude de leur emploi, évoquant elles aussi les hymnes védiques, tandis que le reste de l’Avesta, quand il-n’est pas en prose, est moulé, avec peu de rigueur, en octosyllabes comparables aux çcloka des çâstra sanskrits, postérieurs de plusieurs siècles aux hymnes ; par l’impression de témoignage humain, direct, immédiat, qui s’en dégage concernant Zoroastre, tandis que dans le reste de l’Avesta, le prophète à pris les proportions immenses et indécises d’ur mythe : contraste qui constitue la preuve communément alléguée — Geldner, Horn, Bertholet, etc... —

de l’authenticité de ces gâthà. I] ne peut plus être question de voir dans ces textes une fabrication d'époque sassanide, comme le voulait 1. 1ère pers. en -0, dat. sing. en -di (véd. -âmi, -âya).

22

LA

RELIGION

INDO-IRANIENNE

à la fin de sa vie Darmesteter, frappé qu’il était de la ressemblance des entités gâthiques avec les abstractions néo--platoniciennes et par la difficulté de placer haut dans l’histoire, à une époque primitive, les aptitudes philosophiques dont elles témoignent. En réalité, Darmesteter n’a pas assez considéré la forme des

gâthà; il eût certainement aperçu une difficulté bien autrement insurmontable : celle d'expliquer comment

une langue et une métrique auraient pu Se conserver et se transmettre pendant plus de sept ou huit siècles sans exister en des textes ; que si de tels textes s'étaient transmis jusqu'aux faussaires supposés qui les auraient pris pour modèles, cela rendrait superflue l'hypothèse même de la contrefaçon. Quant aux apfitudes philosophiques, on ne voit pas qui, dans l'Iran sassanide, les auraient possédées, même s'il ne s'agissait que d'adapter Philon le juif — ce qui est inexact ; il est encore moins absurde d’attribuer à une époque dont on ne sait rien, et que lui assigne l’'archaïsme de la langue, l’espèce de météore humain qui se manifeste dans les gâthà. Dire que les gâthâ sont la partie la plus ancienne de l’Avesta revient à constater que nous ne possédons pas de texte iranien antérieur à Zoroastre : ceci nous prive d’un moyen simple de distinguer ce. qui, dans ces textes, est de l'invention de Zoroastre. Force nous est, pour y parvenir, d'employer un moyen détourné : la méthode comparative nous permet de reconstruire, avec une probabilité variable, la religion qui était celle des Iraniens et des Indiens avant qu’ils se séparent en deux peuples. Cette religion indo-iranienne est évidemment antérieure au prophète iranien Zoroastre : elle nous donnera donc

la base minima, l’arrière-plan sur lequel il se détachera. Certes cette toile de fond, obtenuè par la pro-

CONDITIONS GÉNÉRALES DE LA RECONSTITUTION

23

jection et la mise en place d’une foule de faits iraniens et védiques, sera sujette à revision. Mais avouerai-je que le charmé dé cetté religion indo-iranienne, à mes yeux, est précisément que nous ne la puissions connaître directement, que nous. soyons obligés, pour l’approcher, à une sorte de louvoiement ? Elle se signale de loin par un repère unique, la brève et précieuse liste de dieux découverte à Boghazkeui en 1907. Il s’agit d’un traité conclu entré lé roi hittite Subbiluliuma et le roi de Mitani vers 1380 av. J. C., c’est-à-dire à une époque où, n'étaient pas et Iraniens Indiens probablement, encore séparés. Le Mitanien — qui se révèle ainsi de race aryenne — invoque à l'appui de son serment une série de dieux de l’Inde et de l'Iran : Mitra, Varuna, Indra et les deux Nâsatya. Tous ces dieux sont communs à l’Inde et à l’Iran, sauf Varuna qui n'apparaît que dans l’Inde. Mais si les Indo-Iraniens l’ont connu, l'Iran a dû en hériter, comme on verra, et l’adorer avant de le bannir. On trouvera ci-dessous l'interprétation qu’a donnée G. Dumézil de cette énumération. Tous les éléments indo-iraniens qu’il est possible de déceler dans la religion de l’Iran se découvrent par la comparaison de l’Avesta et du Véda. Les Yasht, quoique rédigés postérieurement à la réforme zoroastrienne, renferment une foule d’éléments mythiques ét culturels qui sé retrouvent dans l'Inde. Il en est de même d’une partie du Vidévdât. Ces morceaux peuvent donc être utilisés, autant et plus que les gâthà, à la reconstruction de la religion antérieure à Zoroastre.

24

LA

RELIGION

INDO-IRANIENNE

IT LE

CULTE

Ces documents et les textes védiques rendent | témoignage d’une religion centrée sur un triple sacrifice : le sacrifice du soma-hauma, le sacrifice d’ani-

maux,

le sacrifice du feu.

Il esi particulièrement

queiles relations ont. eues

important

de se demander

ou n’ont pas eues

entre

elles cés formes de sacrifice. Le soma-hauma, liqueur enivrante qui s'obtient par le pressurage d’une certaine plante, est offert aux dieux ; c’ést la forme particulière prise chez les IndoIraniens par la boisson indo-européene d’immortalité (ambroisie, skr. amrta, sans doute une sorte d’hydromel) ; dans le Veda comme dans l’Avesta, il est l” « éloigneur de mort » : skr. durosha- av. düraosha (cf. mes Composés de l’Avesta, s. v.). Le Rgveda est presque entièrement consacré au sacrifice du soma ; mais l’Inde védique a également connu, comme la plupart des peuples, les sacrifices

d'animaux. Deux hymnes seulement leur sont consacrés, et tous deux au sacrifice du cheval : mais les allusions sont nombreuses dans toute la littérature védique aux sacrifices de taureaux, de boucs, de béliers, de vaches, etc. Ils s’effectuent par strangulation, sans effusion de sang et, autant que possible, sans que la bête crie. Les principaux acteurs du

sacrifice tournent le dos jusqu’à ce qu’elle ait expiré. Dans

l’Avesta,

le sacrifice

animal

ne joue égale-

ment qu'un rôle assez effacé, mais son existence ne

LE CULTE

25

fait pas de doute : le Yasht 14.50 prescrit le sacrificè à Vrtraghna d’un animal blanc ou noir, ou d’une seule couleur, quelle qu’elle soit. Et des héros à Anâhitâ 100 étalons, mythiques ont sacrifié 1.000 kœufs, 10.000 moutons (Yasht 5.21 sq.). La liaison que l’on peut constater entre le soma et le sacrifice animal est d’un caractère assez extrinsèque

: dans l’Inde, la cérémonie

du soma

peut com-

porter l’immolation d’une bête, mais les actes de cette immolation restent distincts de la préparation et de l’offrande de la liqueur ; dans l’Iran, la liaison est plus intime : Yasna 11.4 prescrit un sacrifice animal à Hauma (la liqueur personnifiée et divinisée) et précise quelles parties de la victime lui seront réser-

vées

: les joues, la langue et l’œil gauche.

Ce tout dernier trait est révélateur d’une autre association : celle de Soma-Hauma et de la lune. Car, comme l’ont vu Modi et Lommel !, l’œil gauche est ici offert parce qu’il représente la lune (comme l'œil droit, le soleil) : Hauma reçoit en offrande son propre symbole. Dans l'Inde, lidentification de Soma et de la Lure est courante ; Soma est volontiers représenté sous la forme d’un taureau dont les cornes figurent le croissant lunaire. L'association du soma et de la victime animale a été illustrée par un mythe. À la base de ce mythe, ou parallèlement à lui, on découvre aisément une spéculation comme les aiment les Upanishad : puisque le soma est un suc de plantes qui communique la vie aux hommes, il est logique de voir en lui la source de vie, le fluide qui réunit règne végétal et règne animal : incorporé sous forme de suc par un ani1.

Ce dernier dans son étude de Yasna

1938, p. 237 sq.

32, Woôrter und Sachen,

26

LA RELIGION

INDO-IRANIENNE

mal, il se transmet pour la perpétuation de la vie, sous forme de sperme. Mais, pour s’accumuler dans la plante, le suc lui-même a dû d’abord, sous forme de rosée, tomber du ciel et plus précisément, comme on le sait, de la lune (car les nuits sans nuages donnent les rosées les plus abondantes). Le mythe parent de cette spéculation nous a été conservé sous deux aspects complémentaires l’un de Pautre : un récit du Bundahishn, ouvrage pehlevi, et les bas-reliefs du culte de Mithra. Au chapitre X du Bundahishn, Ahriman ordonne la mort du taureau.

Des membres de celui-ci

naissent

les plantes, sa se-

mence monte à la lune, qui la purifie par sa lumière. Deux variantes du mythe sont situées, l’une au commencement des temps, l’autre à la fin : au chap. XXVII, la mort du taureau primordial donne naïssance aux plantes et aux animaux. Les semences des. plantes et le sperme du taureau se trouvent sur l’Arbre-toutes-semences, d’où elles tombent en pluie

sur la Terre, À

côté de cet arbre se trouve

l'arbre

Gokarn, qui est le Hauma blanc, impérissable, « éloigneur de mort » (pehlevi durosh — dûraosha). L'autre variante (chapitres 19.13 et 30.25) raconte comment le taureau Hadayosh sera sacrifié à la fin des temps, afin que l’on puisse, de sa graisse et du kom blanc, préparer pour les hommes la boisson d’immortalité. On connaît les nombreux bas-reliefs représentant. Mithra dans l’acte de sacrifier le taureau, entre le soleil et la lune ; de la blessure de la bête, ou de sa queue, poussent des épis de blé ; un scorpion pince les. testicules de l’animal expirant et les pique de sa queue, essayant d’absorber ou d’empoisonner la semence de vie. Ces mythes ont un fonds indo-iranien : outre l’association du soma et de la lune, outre celle du sorna et.

LE CULTE

de l’arbre de vie, c’est celle mais l'Iran a développé ce ment Ce trait important immolé pour que les forces

Zarathustra,

nous

PAT)

de la lune et du taureau ; fonds, y ajoutant notamque le taureau doit être de vie animent l'univers.

le verrons,

a connu

semblable

croyance et l’a réprouvée. A x

Le culte du feu, dans l'Iran et dans l'Inde, ne: le cède pas en importance à celui du soma-hauma. Le terme qui désigne le feu n’est pas le même dans les deux langues : skr. agni-, avest. tar, et il est vraisemblable que cette différence de forme recouvre une différence de conception. $. Wikander, Der arische Männerbund, p. 77, et Feuerpriester in Kleinasien und Iran, p. 35 sq., retrouve dans un nom propre iranien l'équivalent aghni de skr. agni. D'autre part, l'Inde paraît avoir associé Agni au sacrifice du soma : il boit la liqueur en compagnie des dieux qui en sont les consommateurs attitrés, Indra et les. Maruts. Il est même étroitement accouplé à Indra en un composé « dvandva » Indrâgni. Quand on sait qu’Indra est tombé, en Iran, au rang de démon, on ne peut s'empêcher de trouver séduisante l’hypothèse de Wikander, sur laquelle nous reviendrons, qui rapporte à une même cause cette condamnation d’Indra et l’évincement d’agni au profit de son quasi-homonyme âtar. Du reste, il ne faudrait pas exagérer la différence entre les deux formes de culte. Sans doute, Atar n’a pas hérité de la riche mythologie d’Agni, laquelle, aussi bien, n’est peut-être que de date indienne, Mais ils ont plusieurs traits communs, outre leur rapport avec rta-arta, sur lequel nous aurons à revenir. B. Geiger, dans une note de son étude très richement documentée sur les Amesha spentas, (p. 192 sq.), à

28

LA

RELIGION

INDO-IRANIENNE

consigné ces ressemblances : qui apporte du bois est par Atar ou par Agni; tous deux récompensé, accordent volontiers, entre autres bienfaits, une nombreuse postérité et un nombreux bétail ; l’âtar du * foyer (nmân6-pati-) est vénéré et soigné de la même manière que l’agni de la maison (grhapati) ; l'un et l’autre sont appelés « ami », frya-priya, et plus particulièrement « l'hôte ami » : fryô astish, priyô… atithih, etc. En revanche, on ne peut faire état du rapprochement, souvent allégué, entre dtar et le nom d’une espèce de prêtres, skr. atharvan dont on conclurait à l'existence

— avest. dthravan, d’un terme iranien

commun *étar. S. Wikander, Feuerpriester, p. 10 et sq., a bien montré dans quel cercle tourne l’interprétation de ces termes : pour déterminer le sens d'atharvan-âthravan,

on prend poùür point de départ

l’étymologie même qu’il s'agirait de justifier. Au contraire, en ce qui concerne Agni et son culte, le même savant (Der arische Männerbund, p. 78) a établi un rapprochement valable entre le nom des Angiras, ces prêtres indiens des anciens temps mythiques, et le nom propre du poète dont Athénée nous dit qu’il chanta pour le roi mède Astyage Aggarês. Les Angiras étaient en relation étroite avec le culte du feu ; Agni était parfois appelé l’un d’eux, ou même leur chef, ou le plus inspiré d’entre eux ; leur nom même me paraît pouvoir être rapproché — en laissant de côté le grec aggelos — d’agni. On sait en effet, par le latin et le balto-slave, qu’agni représente *ngni-. Il suffit donc de porter la syllabe initiale au degré plein comme dans skr. tamis-ra-, lat. tenebrae, et d'y ajouter un suffixe, pour obtenir un adj. dérivé *engniro-, d’où, avec chute du second # par dissimilation : angira- (variante attestée d’angiras-).

LES

PRÊTRES

29

IT LES PRETRES L'Inde et l’Iran ont en commun un troisième nom de prêtre : skr. hotar, av. zaotar. C’est ce prêtre qui a le premier rôle dans la poésie du Rgveda : c’est lui qui récite les hymnes, louant les dieux et les appelant au festin, tandis que les prêtres subalternes accomplissent la partie matérielle du sacrifice ; du moins en est-il ainsi dans les grandes cérémonies. Dans les petites offrandes, le hotar cumule effectivement les deux fonctions impliquées dans son nom : il « loue » et il « fait libation ». AA! ACESESE En Iran, il en va de même : le zaotar, chargé essentiellement de la récitation des gâthâ, accomplit le sacrifice avec l’aide de sept prêtres subalternes, mais il peut, en cas de besoin, l’accomplir seul. Zarathustra parle de lui-même comme d’un zaotar : telle semble avoir été sa profession. AA Le terme de kavi est également de date indo-iranienne ; mais, alors qu’il signifie dans l’Inde « sage, voyant, barde, prophète », il désigne dans les gâthà les princes des tribus hostiles, mais aussi le prince Vishtâspa, qui fut le protecteur de Zarathustra, et toute sa dynastie. Comment concilier ces sens ? L’étymologie, par le latin caveo et le grec akouô, suggère au moins deux possibilités d’explication, sans permettre de trancher : ou bien kavi voulait dire, en indo-iranien, à la fois celui qui « entend » et celui qui « veille à » et s’appliquait d’une part au poète-sage, de l’autre au « pasteur du peuple » ; ou bien le sens de « sage, etc. », seul propre, a-t-il été appliqué secon-

80

LA RELIGION

INDO-IRANIENNE

dairement à des souverains, à certaine espèce de souverains ? La traduction par « prince-sorcier » dans le

L'effet de Zarathustra 31, il désigne Celui

est évidente

étoiles ? etc.

: « Qui est-ce,

si ce n’est

style, certainement voulu, est sensible. en obtient un semblable quand, au Yasna le Seigneur par ces seuls mots :

qui.

Les questions de la strophe 3 sont relatives à l’ordre cosmique, au cours des astres — marche du soleil et

YASNA 44

201

des étoiles, phases de la lune — que règle la Justice (Arta). C’est comme « père » de la Justice que le Seigneur patronne ces phénomènes naturels. La strophe 4 continue d’abord l’énumération de ces choses, qui constituent l’univers matériel : le ciel atmosphérique (après le ciel sidéral) avec le vent et les nuages, la terre avec les eaux et les plantes ; la terre fixée en bas avec ce qu’elle porte ; le ciel soutenu audessus d'elle ; les vents et les nuages pourvus des coursiers invisibles qui les entraînent dans leur mouvement. — Au dernier vers, et par ce vers seulement, on passe de cet ordre matériel, réglé par la Justice, au monde de l'esprit : Qui

est

le créateur

de

la Bonne

Pensée ?

La strophe suivante revient à l’ordre sidéral, domaine d’Arta, mais en y référant l’homme : qui est-ce qui a créé tout ce qui divise le temps : lumière et ténèbres, séparant l’existence de l’homme en sommeil et veille ; matin, midi et soir, lui indiquant la succession de ses tâches (s’il sait lire à cette « horloge » naturelle) ? Quelles sont ces tâches, et quel sera le sort de l'homme dans cet univers ? Deux entités nouvelles y président : Dévotion et Empire. Zarathustra demande si ce qu’il veut enseigner à leur sujet est bien exact. D'une part, est-ce qu’à l’ordre cosmique et divin (la Justice) répondra l’activité humaine (la Dévotion) ; est-ce que celle-ci concourra à celui-là : autrement dit, l’homme interviendra-t-il (grâce à cette Dévotion) pour l’accomplissement de l’œuvre de Justice ? — D'autre part, l’Empire, l'exercice du pouvoir bon (l’Empire du Seigneur) dérive-t-il de la Providence, de l’ordre spirituel divin (Bonne Pensée) ? — Enfin,

202

\

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

F

la prospérité (la vache-mère, source de bonheur) estelle destinée aux justes ? (« à quels hommes ? ») (6). La strophe 7 concerne encore ces deux entités nouvelles, proches de l’homme : Dévotion et Empire. On vient de parler de leurs liens respectifs avec la Justice et la Bonne Pensée ; c’est maintenant de leurs rapports mutuels qu’il est question : qui les a créées en harmonie l’une avec l’autre ? Cette harmonie, cette union « consacrée » est traduite en un exemple : qui est-ce, demande Zarathustra, qui a donné aux rapports de fils à père (rapports relevant de l’autorité sociale, donc de l’Empire) un contenu psychique, mental (« respectueux en son âme ») relevant de la Dévotion (cf. la pietam gnati de Térence et la Pietas divinisée — elle avait un temple à l’époque républicaine.) Par toutes ces questions, où Zarathustra a implicitement marqué l’appartenance de toutes les entités au Seigneur, il s’est efforcé, lui dit-il, de reconnaître en lui, en tant qu’Esprit Saint, le créateur de tout. Ayant ainsi retracé le plan de la création, Zarathustra se tourne vers l'avenir. Il demande d’abord à être instruit, par la Triade, de la façon dont sa propre âme connaîtra le ravissement, l’union mystique au bien (8). Pour lui et pour les âmes qu’il aura converties, obtiendra-t-il du Seigneur, maître de l’Empire et « habitant» avec les deux autres entités majeures, les Empires d’en haut qui lui ont été promis ? (9) Doit-on, sur l'assurance de ces promesses, se donner la peine de pratiquer la religion — c’est-à-dire de collaborer, par les actes de Dévotion, à l’œuvre de Justice ? (10). (Oui, sans doute. Mais) le fera-t-on réellement ?

YASNA 44

203

Est-ce que tous ceux auxquels sera prêchée la religion la mettront en pratique ? (strophe 11, première moitié). C'est Zarathustra, et lui seul, que le Seigneur, dès l’origine, a chargé de cette prédication. Le prophète considèrera comme des ennemis ceux qui prétendent à ce titre. (11, seconde moitié). Il fait part au Seigneur des difficultés de cette mission, pour laquelle il lui demande son aide. Comment distinguer, parmi ceux auxquels il s'adresse, le juste et le méchant ? Voici un critère (que vaut-il ?) : quiconque refuse la parole du prophète est mauvais — ou bien alors c’est le prophète qui l’est ! (12) Dans les deux strophes suivantes, il se demande si (ou : comment) il se mettra, lui et les siens, hors des atteintes du mal en le rejetant sur ceux qui méprisent la Triade ; si (ou : comment) — non contents de s'être eux-mêmes préservés du mal — ils porteront chez les méchants la guerre — les discordes, les haines aveugles — en faisant intervenir forces de la Justice ? (13 et 14).

contre

eux

les

Si le Seigneur a le pouvoir d’écarter du prophète ces haïines, ce désastre, qu’il lüi dise donc comment il entend user de cette puissance pour décider de la victoire entre les deux armées qui s’affronteront : celle des justes et celle des méchants ! (15) De cette bataille, d'où doit provenir la rénovation, la « guérison de l'existence », qui est-ce qui sortira vainqueur ? Quel est le chef victorieux qui protégera la doctrine du Seigneur et, par elle, les êtres ? Zarathustra demande des signes visibles auxquels reconnaître ce sauveur ; et que tous ceux dont le Seigneur attend obéissance se soumettent à lui, grâce à la Bonne Pensée ! (16)

204

\

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

En somme, Zarathustra réussira-t-il dans sa mission ? Il demande à s’unir aux entités supérieures, à

être doué d’une éloquence persuasive et à voir Intégrité et Immortalité, les patronnes de la prospérité, favoriser le partisan de la Justice. (17) Voilà ce qu’il attend du Seigneur. —

gneur terrestre aussi, il attend un salaire

De son sei-

: dans les

strophes 18 et 19, il réclame, comme souvent les poètes védiques à la fin de leurs hymnes, ses honoraires. Honoraires qui lui sont dûs, en toute justice. (18) Gare à qui ne paie un salaire promis, et mérité ! Il en sera puni à la fin ; et peut-être tout de suite ? (19)

Si l’on refuse de me payer, pense Zarathustra (et cette dernière strophe n’est plus à l’adresse du Seigneur), ce serait à se demander si la Justice n’est pas du côté des faux-dieux ! Seraient-ce eux qui détiendraient le bon Empire ? Ont-ils donc été de bons maîtres ? Zarathustra le demande à ceux qu’ils ont sous leur coupe, aux adeptes de leur culte. Or, à quelles horreurs celui-ci ne les oblige-t-il pas ? A assister, sans même détourner les yeux, au sacrifice du bœuf (alors que dans l’Inde, du moins, on évitait de regarder la victime) ; sacrifice accompli avec cruauté (le bœuf, «livré à la Fureur», gémit en son âme — comme dans la gâthâ de la Plainte du bœuf, Yasna 29) ; sacrifice exécuté par le prince-sorcier et ses prêtres, l’usig (terme qui n’est pas connu autrement) et le sacrificateur. Et cela, au lieu de prendre soin du bœuf et de le faire prospérer, comme le veut la Justice ! (Très évidemment, il faut conclure que la Justice n’est pas avec ces gens-là.)

YASNA 44

205.

Voici ce que je te demande, Seigneur, réponds-moi bien Qu'en vertu de ma vénération — telle qu'on la doit à un être [comme vous -—— Un sage comme toi le révèle à ‘un ami comme je le suis ; Et qu'en tant que Justice il nous prête son amical concours. Venant à nous par la Bonne Pensée ! —

Voici ce que je te demande,

Seigneur —

réponds-moi

Lorsque commencera la meilleure existence, Est-ce que les récompenses combleront ceux C'ar l'homme

bien — ;

qui

les auront [désirées ? que voici, saint par la Justice, détient par son Lesprit,.

Au bénéfice de tous, comme un ami juré, Ô Sage, La force guérissant l'existence.

À

3 Voici ce que je te demande,

Seigneur —

réponds-moi

bien —

:

Qui a été, à la naissance, le père premier de la Justice ? Qui a assigné leur chemin au soleil et aux étoiles ? Qui est celui, si ce n’est toi, par qui la lune croît et décroît ? A Voilà ce que je veux savoir, Ô sage, et d'autres choses

4 Voici ce que je te demande,

Seigneur —

réponds-moi

bien —

Qui a fixé la Terre en bas, et le ciel des nuées, qu’il ne tombe Qui a fixé les eaux et les plantes ?

Qui a attelé au vent et aux nuages les deux coursiers ? Qui est, 6 Sage, le créateur de la Bonne Pensée

?

: ?

206

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA 5

Voici ce que je te demande, Seigneur, — réponds-moi Quel artiste a fait la lumière et les ténèbres ? Quel artiste, le sommeil et la veille ? ._ Lequel a fait le matin, le midi et le soir Pour indiquer à l’intelligent sa tâche ?

bien —

:

6 Voici ce que je demande, Seigneur — réponds-moi bien — Si les choses sont telles que je veux les proclamer ? Est-ce que la Dévotion secondera par ses actes la Justice ? Est-ce en tant que Bonne

Pour

quels

hommes

:

Pensée que tu as institué ton Empire

as-tu

façonné

la vache-mère,

source [bonheur

?

«de ?

# Voici ce que je te demande, Séigneur, — réponds-moi bien — : Qui a façonné la Dévotion, consacrée avec l'Empire ? Qui a fait le fils respectueux en son âme à l'égard de son père ? Je m'efforce ainsi à reconnaître en toi, Ô Sage, En tant qu'Esprit Saint, le créateur de toutes choses.

8 Voici ce que je le demande, Seigneur — réponds-moi bien —, Pour que je fasse ma sagesse de ton enseignement, Ô Sage, Et des paroles que j'aurai obtenues de la Bonne Penséé, ÆEt que je sache ce qui, dans l'existence, est conforme à la Jus[tice :

De quelle façon mon

âme, parvenue

au Bien, sera-t-elle ravie

2?

9 Voici ce que je te demande, Seigneur, — réponds-moi bien — : Est-ce que, pour toute conscience de clairvoyant que j'aurai

[sanctifiée, Le maître de l'Empire — tel que tu l'es, 6 Sage — _Habitant même maison que la Justice et la Bonne Pensée, Me remplira les promesses des Empires d'en haut ?

YASNA

44

207

10 Voici ce que je te demande, Seigneur — réponds-moi Lien — : (?) La religion, qui de toutes choses existantes est la meilleure, Doit-on, Ô Sage, par désir de tes possessions, qu'annonce ma doc[trine, Bien l'observer par l'action, accompagnée de paroles, de la [Dévotion — laquelle, avec la Justice, fasse prospérer mes êtres !

sil Voici ce que je te demande, Seigneur — réponds-moi bien — : Est-ce que la Dévotion s'étendra à ceux auxquels sera annoncée [ta religion, Ô Sage ? C’est moi qui, pour ce faire, fus choisi par toi, dès l’ori[gine : Je regarderai tous les autres avec hostilité d'esprit !

12 Voici ce que je te demande, Séigneur — répond-moi bien —.: Qui, de ceux auxquels je m'adresse, est juste et qui est mé[chant Lequel des deux : Est-ce moi qui suis mauvais, Ou le mauvais est-il celui qui, méchant, veut m'écarter

Comment

ne pas penser

que le mauvais

?

de ton [salut ?

soit lui ?

13 Voici

ce que je demande,

(Comment

?) nous

Séigneur



débarrasserons-nous

réponds-moi

bien —

:

du mal

En le rejetant sur ceux qui, pleins d'indiscipline, N'ont garde de suivre la Justice Et ne se soucient pas de consulter la Bonne Pénsée

?

14 Voici ce que je te demande, Seigneur — réponds-moi bien — :— (Comment ?) livrerai-je le mal aux mains de la Justice Pour qu'elle l'abatte selon les formules de ta doctrine, Pour qu’elle provoque chez les méchants un puissant schisme Et leur apporte, Ô Sage, aveuglements et haines ?

208

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA 15

Voici ce que je te demande, Seigneur — réponds-moi bien, Si tu as pouvoir, en tant que Justice, d'écarter cela dé moi Quand les deux anmées se rencontreront, à laquelle des deux, Selon les ordres que tu maintiendras, donneras-tu la victoire,

[ô Sage ?

-

16

Voici ce que je te demande, Seigneur — réponds-moi bien — Qui est-ce qui, victorieux, protégera les êtres par ta doctrine ? Que des marques visibles me Soient données Fais connaître le patron qui guérira l'existence ! Et qu'il soit donné de lui obéir, par Bonne Pensée, A tous ceux dont tu attends cela, Ô Sage !

17 Voici ce que je demande, Seigneur — réponds-moi bien — : Atteindrai-je, 6 Sage, avec vous mon but ? Que je m'unisse à vous et que mon verbe soit efficace, Afin qu'Intégrité et Immortalité aîillent se joindre, selon la $ ; [consigne, Au

partisan

de

la Justice !

18

Ÿ

Voici ce que je te démande,

Seigneur, —

Est-ce

salaire, par Justice,

que j'obtiendrai

Dix juments pourvues Et un

pour

réponds-moi

bien —

:

d'un étalon

chameau

Qui m'ont

été promis,

0 Sage,

de même

que ton don d'Intégrité [d'Immortalité ?

19 Voici ce que je te tdamande Séigneur — réponds-moi bien — Celui qui ne donne pas son salaire à qui l'a mérité, Celui qui ne le donne pas selon sa parole, Quelle punition en aura-t-il maintenant, . — sachant celle qui l'attend pour la fin ?

:

YASNA 44

209

20 Les faux-dieux ont-ils donc été de bons maîtres ? Je le demande à ceux qui, en culte à ceux-là, Regardent le sacrificateur et l’usig livrer le bœuf à la fureur Et le prince-sorcier le faire gémir en son âme, Et qui n’arrosent pas de purin la prairie pour le faire pros [pérer, par la Justice.

Strophe 2, cf. Kaj Barr, Principia Zarathustriaca, Oest og Vest, p. 134. Str. 3-4 : commentées par Dumézil dans N aissance d’Archanges, pp. 117 et suiv. Str. 6, Nyberg, Religionen, pp. 65 et 134.

° La fin de la strophe 8 autrement chez Nyberg, 2bid., p. 158. — Je vois dans vohü un complément d’objet d'âgmatä, cf. skr. tathâgata. Str. 9, cf. G. Widengren, Vohu Manah, p. 68, Nyberg, Religionen, p. 117. Str. 10 en partie d’après Nyberg, ibid., p. 115. Str. 11 autrement chez J. H. Kramers, Oriental Studies. Pavry, p. 236. Str. 16, première phrase, cf. Benveniste, Les Infinitifs avestiques, p. 15. Str. 20 en partie d’après Nyberg, Religionen,

pp. 178-190. Traduction et commentaire 1934, p. 80 sq.

chez

Lommel,

NGG,

14

210

\

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

YASNA 46 Au début de cette gâthä — qu’on peut appeler Gâthä de la Fuite —, Zarathustra est repoussé de tous. A partir de la strophe 12, il a des partisans et un prince le protège. On a parfois argué de cela contre l’unité de la pièce. Mais c’est se faire une singulière idée de la création poétique : de ce qu’un texte littéraire dépeint une situation comme présente, faut-il en déduire qu’il en ait été nécessairement contemporain ? Zoroastre fait œuvre de poète : déjà protégé de Vishtäspa, il

met en scène,

avec

une

vivacité

toute

directe,

le

moment où, désemparé de « n’être point reçu par les siens » (comme dit le 1V° Evangile), il ne savait de quel côté se tourner. Le service que lui rend Vishtâspa, en accueillant, ressortira d'autant mieux, La situation initiale nous reporte à plusieurs gâthä déjà vues, en ce sens que Zoroastre y fait appel au pouvoir qui le secondera, le sauvera des chefs méchants, remédiera à son impuissance d’homme démuni. Il sait la raison de son insuccès : c’est sa pauvreté «en hommes et en troupeaux ». Il se tourne donc, comme un ami vers un ami, du côté du Seigneur Sage. Ce Seigneur, qui est la Justice,le secourra par sa Bonne Pensée. (2)

Il appelle de ses vœux cette réforme de l'existence qui faisait le sujet de Yasna un beau jour, par l’action Zarathustra, que le Seigneur bonne nouvelle ; c’est lui

48 et des a élu qu’il

qui doit s’accomplir, sauveurs. C’est lui, pour annoncer cette aidera de sa Bonne

YASNA

Pensée, afin que le monde Justice. (3)

46

réalise

211

et maintienne la

Les sept strophes suivantes — de 4 à 11 — dépeignent l’hostilité à laquelle ceux qui promeuvent la

Justice ont à faire face, de la part des méchants. Ceux-ci les empêchent de faire prospérer le bœuf : il faut leur ôter le pouvoir, ou les tuer. Faire cela, c’est accroître le Bon Empire et se conduire selon la bonne doctrine (4). Les strophes 5 et 6, peu claires, envisagent l’un des deux cas distingués ci-dessus : celui où le méchant est, non pas tué, mais fait prisonnier par un juste. Si le méchant accepte l’asile et se convertit, ni lui ni son protecteur ne subiront de dommage (5). Mais celui qui ne se soumet pas doit être traité en méchant. Car la loi de Justice, depuis que des consciences existent, est de faire le mal aux méchants, comme le bien aux bons (6). Après ces deux strophes où Zarathustra semble embarrassé (avant nous) par l’incompatibilité de prescriptions juridiques avec les règles de la poésie, il reconnaît qu’il n’aura pas de protecteur terrestre s’il n’est d’abord protégé par le feu du Seigneur. C’est le feu rituel, qui est en relation avec la Pensée et la Justice. (Dans une autre gâthâ, Zarathustra dira qu’il veut penser, en vénérant le feu, à la Justice. Ici, les actes

du feu et de la pensée

font mäürir

la

Justice.) (7). Un effet que l’on peut attendre immédiatement de ce feu et de cette Justice, c’est que les ennemis soient confondus : puissent leurs actions hostiles se retourner contre eux ! (8).

212

\

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

A la strophe 9, un assistant, semble-t-il, pose une question toute rhétorique : de quel homme a-t-il appris le culte du Seigneur ? De Zarathustra, cela va de soi. Et le prophète sollicite de son dieu, pour pouvoir le répéter, comme on l’en prie, le récit de la plainte du bœuf (9). Dans les strophes 10 et 11, qui terminent cette section de l’hymne, Zarathustra oppose le sort qui attend respectivement ses protecteurs et ses ennemis. Avec ceux qui le protègeront, lui accordant la puissance en récompense de sa justice (et pour sa bonne pensée ?), et avec ceux qui auront embrassé le culte des Seigneurs, il traversera le Passage du Trieur : il les mènera à la félicité post mortem (10). Ceux, au contraire, qui, princes et prêtres, exercent sur les hommes un pouvoir pernicieux, ceux-là seront tourmentés, à ce moment-là, par leur propre conscience : ils iront pour toujours à la maison du Mal (11). #

LE

Changement de scène : dans les strophes 12 à 17, Zarathustra énumère ses protecteurs. Il appelle d’abord les bénédictions du Seigneur sur les descendants de Fryâna le Touranien, hommes qui, par zèle de Dévotion, font prospérer les êtres (12). La ne 13 prépare la suivante : elle promet un pouvoir efficace, et l’amitié du Seigneur Sage et des autres entités majeures, à celui qui contentera le prophète. Quel sera cet homme ? — Vishtâspa, répond Zaratustra, et il fait appel à tous les justes, futurs favoris du Seigneur, pour soutenir ce prince dans l’ « épreuve décisive ». De quelle épreuve s’agit-il ? Cela ne nous

YASNA

46

218

apparaît pas clairement. On songerait à une guerre contre les méchants, mais les trois strophes suivantes font plutôt penser à une épreuve post mortem, comme tout à l’heure le Passage du Trieur. Zoroastre interviendra en faveur de Spitama, descendant de Haichataspa (sa propre famille semble donc s'être ralliée, après lui avoir été hostile comme il s’en plaignait dans la première strophe) ; puis de deux membres de la famille Hvogva : Frashaoshtra et Jâmâspa. Il parlera pour eux quand le Seigneur les « triera » (au Passage du Trieur, sans doute). Ainsi obtiendront-ils le séjour chez le Seigneur Sage, parmi les entités réunies (15-17). C’est ce qu’il souhaite à tous ses partisans, comme à lui-même, tandis qu’il promet l'oppression à ses ennemis. Celui qui, en faveur de lui, Zarathustra, tra-

vaillera à la rénovation du monde, celui-là obtiendra, dans la vie future, la prospérité

(18-19).

Vers quel pays fuir ? Où fuir, où aller ? On m'écarte de ma famille et de ma tribu ; Ni le village ni les chefs méchants du pays ne me

;

sont

favo-

[rables

Comment

puis-je,

Seigneur,

m'assurer

ta faveur?

2 Je

sais,

C’est

Je

Ô Sage,

mon

pour

t’adresse

M'accordant

Enseigne,

ma

pourquoi de peu

plainte

l'appui

que

je Suis impuissant et parce troupeaux

: considère-la, donnerait

l'ami

que j'ai peu [d'hommes.

Seigneur, à son

ami.

en tant que Justice, la possession de la Bonne Pensée.

:

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

214

:

3

Quand, 6 Sage, s'avanceront les vouloirs des sauveurs à venir, Aubes des jours où, par les sentences efficaces, Le mondé maintiendra la Justice ? Auxquels viendra-t-on en aide, en tant que Bonne Pensée ? — A moi, car je fus élu par toi, Seigneur, pour la révélation.

4 Le méchant, mal famé et répugnant par ses actes, Empêche les promoteurs de la Justice de faire prospérer le bœuf Dans le canton et dans le pays. Celui qui lui ravira son Empire ou la vie, 6 Sage, Marchera en chef sur les chemins de la bonne doctrine.

5 (2) Si quelqu'un détenant le pouvoir, ou notable du Vœu, Ou vivant selon les règles promulguées pour les contrats, S'éempare d'un méchant venant à lui et qu’il sait tel,

S'il est

lui-même

Puisses-tu,

un

Seigneur,

juste

et qu'il proclame

l’écarter

de

son

[sence l'effusion de

acte

en

pré-

de sa famille, sang !

6 (2?) Mais celui qui, sollicité, ne Se range pas avec lui, Celui-là retourne aux créatures du Mal. Car c'est être méchant que d'être très bon pour le méchant, Comme c'est être juste que d'aimer le juste, Depuis que tu as, Seigneur, créé les consciencés premières.

7 Qui,

6 Sage,

donnera-t-on

comme

protecteur

à l'homme

Si le méchant tâche de me faire violence ? Qui donc, Seigneur, si ce n'est ton feu et ta Pensée, Par les actes desquels la Justice mûrira ? Annonce ce mystère à ma conscience !

que je [suis, ce,

YASNA

46

;

215

8 Qui s'applique à faire violence à mes êtres, Puisse nul dommage ne me venir de ses actions! Puissent-elles, toutes ces actions, se retourner hostilement contre

[lui, 6 Sage, Bt

(Un

l’écarter

assistant

de

la bonne

vie, non

de la mauvaise

!

:)

& Qui est-il donc, l’homme ardent qui m'a, le premicr, x, & Enseigné à t’honorer comme le plus bienfaisant,

« Comme

le Seigneur

(Zarathustra,

au

juste,

Seigneur

saint

dans

son

action ? »

:)

— Ce que t'a dit, à toi en tant que Justice, Ce qu'a dit à 1a Justice le façonneur du bœuf, Ils me le demandent par ta Bonne Pensée.

10 Quiconque, homme ou femme, 6 Seigneur Sage, Mé donnera ce que tu sais être le meilleur de cette existence, —— A savoir : la récompense pour la Justice et l'Empire $ [(2?2) avec (?) la Bonne Pensée — Et tous ceux que j'induirai à louer les êtres que vous êtes, Avec eux tous je traverserai le Passage du Trieur!

al princes-sorcièrs ont soumis l’homme [au joug de leur Empire, Pour détruire l'existence par de mauvaises actions Ceux-là, leur propre âme et leur propre conscience lès tourmen[teront Quand üs arriveront au Passage du Trieur Pour devenir à jamais les hôtes de la maison du Mal. Les

sacrificateurs

et

les

216

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA 12

4

Puisque Parmi

sont nés, par la Justice, les louables

petits-fils

et descendants

de Fryâna

Des hommes faisant, par rèle de Dévotion, prospérer Le Seigneur Sage les fera s'unir à la Bonne Pensée, Pour les aider lors de l’accomplissement.

le Tou[ranien, les êtres,

13 Celui

des mortels

qui contente

Spitama

Zarathustra (? par sa [diligence ?)

Est digne d'être entendu. Le Seigneur Sage lui donnera l'existence Et fera, en tant que Bonne Pensée, prospérer ses êtres. (?) Pour sa Justice (?), nous le regarderons comme votre

[fidèle (A vous

ami,

et à la Justice? ).

14 (? Le —

Seigneur

Sage ? :)

« Zarathustra,

quel juste as-tu comme

ami juré pour le grand [sacrement ?

« Qui désire être entendu ? » — C’est le prince Vishtâspa, au moment de l'épreuve décisive. Ceux que tu réuniras avec toi en une même maison, Seigneur

[Sage, Je

les appelle

avec

des

paroles

de Bonne

Pensée.

15 De vous, les Spitama, descendants de Haichataspa, (?) Je déclarerai que vous distinguer les purs des impurs

Par ces actions Vous vous êtes

conformes aux décrets assuré la Justice.

premiers

du

(?). Seigneur,

16 O Frashaoshtra Auxquels nous

Hvogva, et ces souhaitons tous

ardents deux d'être

comine

ils

sou-

[haitent, Allez

1à où la Dévotion

est unie

à la Justice,

YASNA 46 Où Où

214

l'Empire est en la possession de la Bonne Pensée, le Seigneur Sage habite dans l'abondance,

SÈ Où je ne rappellerai que vos mérites, non vos fautes, O Jâmâspa Hvogva, vos prières et votre diligente obéissance : Chez le Seigneur Sage, qui triera Grâce à læ Justice — son experte intendante, — le pur de [Pimpur.

18 A qui m'est loyal, je promets, par la Bonne Pensée, Ce qué je me souhaite à moi-même de mieux ;

Mais l'oppression à qui s'applique à nous opprimer. O Sage, je m'efforce de satisfaire, par la Justice, votre souhait. Telle est la décision de ma volonté et de ma pensée.

19 Pour celui qui, pour moi Zarathustra, Veut accomplir, selon la Justice, ce qu'il y a de plus rénovateur [par la volonté (du Seigneur), Se trouvent en récompense, quand il atteindra la vie future, La vache-mère avec le bœuf et tout ce qu’il désire par la Pensée. Voilà ce que tu m'as révélé, 6 Sage, toi qui sais le mieux !

Strophe 1 : dans l'interprétation des termes traduits ici par « famille, tribu, etc. », j'ai suivi

H. H. Schaeder,

Orientalistische

Literatur

Zeitung,

1940, col. 377 sq. Str. 5, 12 et 19, en partie d’après Nyberg, Religionen, p. 234, 237 et 197. Traduction et commentaire chez Lommel, NGG, 1934-37, p. 103 sq.

218

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

YASNA

28

Chacune des onze strophes de cet hymne est une prière, et chacune désigne nommément les trois membres de la Triade, en les associant ou les Opposant diversement. Le prophète adresse d’abord sa prière au Sage et à la Justice. Il leur demande « les actes de l'Esprit Saint » (c'est-à-dire, sans doute, de le faire agir selon les volontés du Créateur) afin d'accomplir son devoir spirituel et temporel : satisfaire la Bonne Pensée, satisfaire l’Ame du bœuf (les deux devoirs sont intimement liés, mais distincts) (1). À la strophe suivante, c’est la Bonne Pensée qui « siège » avec le Seigneur ; tous deux sont sollicités d'accorder, selon la Justice, des succès de deux ordres — correspondant aux deux devoirs qui viennent d’être distingués — : l’ordre corporel et celui de la pensée. Distinction familière à Zarathustra et qui a été formulée avec la même netteté dans Yasna 33.14.

La strophe 3 réunit enfin les deux entités au Seigneur Sage. Zarathustra veut les chanter tous trois comme jamais encore. — Il priera pour lui-même et pour ceux qui travaillent à l’accroissement du bon Empire.

Aux strophes 4 et 5, le prophète déclare son désir d'enseigner le culte des entités, d'y convertir les « gens de proie ». Il s’est appliqué à unir son âme à la Bonne Pensée; il sait quelles rétributions le Seigneur réserve aux actes; il sait que le Seigneur Sage est la J ustice, qu'il est de Bonne Pensée, et il souhaite la vision béa-

YASNA 28

2e

tifique où le Seigneur lui apparaîtrait sur son trône, ayant à son côté la Discipline. Un tel tableau de majesté royale et de redoutable puissance (la Discipline ayant évidemment pour office de contraindre les rebelles) sera de nature à intimider les gens de proie. La strophe 6 doit être mise dans la bouche d’assistants : ils demandent, pour Zarathustra et pour euxmêmes, au Seigneur « incarné » en la Bonne Pensée et en la Justice, son appui contre les ennemis. sa c’est-à-dire la parole, Zarathustra reprend ses de et lui-même de faveur en formule prière, qu’il protecteurs Vishtâspa et Frashaoshtra. La Bonne Pensée y apparaît subordonnée à la Justice, et comme un don de celle-ci et du Seigneur. De la Dévotion, il attend la vigueur (comme souvent). (8 et 9)

En retour des faveurs demandées, Zarathustra promet obéissance et louange à la Triade, laquelle de Ja pouvoir, de la vie, du maîtresse est prospérité. (9) Les deux dernières strophes présentent les membres de cette Triade en des figures nouvelles. A la strophe 10, la Justice et la Bonne Pensée sont des « qualités » des purs, qui leur vaudront sans doute d’être comblés par le Seigneur. Car Zarathustra sait qu’une prière légitime est efficace auprès de lui. Dans la strophe finale, ces mêmes entités sont « gar-_ dées » par le Seigneur. Et c’est pourquoi Zarathustra demande à celui-ci de lui dicter le récit du « commencement de l'existence» (récit qui fait le sujet de

Yasna 80, qui va suivre).

220

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA 1

«

Les

mains

étendues

en

prière

vers

ce

secours,

Je vous démanderai d'abord à tous, 0 Sage avec la Justice, Les actes de l'Esprit Saint, Afin de satisfaire le vouloir de la Bonne Pensée et l'âme

du

Coœuf.

2 A moi

qui veux

Donnez-moi,

vous

selon

la

adorer,

Justice,

A

Ô

Seigneur

les

succès

Sage

avec

la Bonne

[Pensée, de l’un et de l’autre

[monde — le corporel et celui de la pensée — Pour me soutenir par eux et me mettre

dans

la félicité.

3 À moi qui veux vous chanter comme jamais encore, en tant que [Justice, Ô Bonne Pensée et Seigneur Sage. Et à ceux dont lu Dévotion accroît l'Empire — de façon qu’il [ne diminuera plus, — Venez à mes appels pour me soutenir.

4 Moi qui me suis appliqué à ce.que l'âme, unie à la Bonne Pensée [soit éveillée (ou : chante), Et qui sais les rétributions des actes par le Seigneur Sage, Je veux

enseigner,

autant

que je le puis et en

suis

[recherche

capable,

1T

de la Justice.

5 Te sachant la Justice, toi ainsi que la Bonne Pensée, Te verrai-je, et que le Seigneur Sage le plus puissant a un trône

[et une Discipline ? Grâce à cette formule-là, par notre langue, Nous convertirons les gens de proie à ce qu'il y a de plus grand.

YASNA 28

(Les « Viens

assistants)

22

:

en tant que Bonne Pensée

; accorde-nous

en don durable,

« En

tant que Justice, Ô Sage, selon tes paroles élevées, à Zara[thustra et à nous, « Un vigoureux soutien qui nous permette, Seigneur, de vaincre [les ennemis. »

(Zarathustra En

:)

tant que Justice, accorde

pour destin

les succès

3 En

tant

Aecorde

que

[Pensée ;

Dévotion,

cela, Ô Sage,

de la Bonncé

accorde-nous

vigueur,

ainsi que le pouvoir,

à Vishtaspa

et à [moi. à votre prophète, de [se faire écouter.

8 O toi le meilleur, qui es d'accord avec la Meilleure Justice, J'implore de toi, Seigneur, la meilleure part pour le héros [Frashaoshtra, Pour moi, pour tous ceux que tu voudras, à jamais, faire parti: [ciper de la Bonne Pensée.

9 En retour de telles faveurs, puissions-nous nè point vous irriter, O Seigneur Sage et Justice et Pensée la Meilleure, Et nous efforcer de vous offrir des louanges ! C'ést vous qui suscitez le mieux les forces de vie èt l'Empire des [prospérités.

10 Les purs,

que pour

Pensée tu as re[connus dignes, Sage, fais-le leur atteindre !

leur Justice

et leur Bonne

Comble leur désir, 6 Seigneur Je sais qu'auprès de vous, les paroles suppliantes ont du sue[cès, qui sont pour une bonne cause.

\

220

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA 11

Toi qui gardes la Justice et la Bonne Pensée, Apprends-moi donc, Ô Seigneur Sage, à annoncer Par

ta bouche,

comment

s'est fait

le commencèment

selon ton Cesprit, de l'exis-

[tence.

Strophe 1, cf. Nyberg, Religionen, p. 164. Str. 4, c’est Nyberg qui traduit gairé par « chanter ».

Str. 5, Benveniste, Revue de l'Histoire des Religions, 1945, 1, a bien montré que sraosha doit être compris comme la « Discipline ». Str. 6. L'expression « incarné », osée ci-dessus dans le commentaire, est de Benveniste, Les Infinitifs avestiques, p. 78. _Str. 11, « Toi qui gardes... », Nyberg, Rel., p. 125. Traduction et notes chez Andreas-Wackernagel, NGG, 1913, p. 363-385, et 1931, p. 304 sq.

YASNA

45

[a][ReC9

. YASNA 45 Cette gâthâ est introduite par une formule traditionnelle, analogue à celle que nous avons rencontrée dans Yasna 44. Cette formule est en partie répétée en tête des strophes suivantes. On a vu dans le cas précédent, et on le reverra pour Yasna 30, que l’usage d’une telle formule semble motivé par le thème à traiter : thème classique de l’origine des choses. Il en est de même ici. En effet, si l’on met à part toute la première strophe, qui sert d’exorde général, le discours du prophète prend pour point de départ le commencement de l’existence ; et ce thème se développe dans toute la suite des strophes introduites par ka même formule, sauf dans la 6° et dernière, qui met le point final à ce développement et en commence un autre : l'éloge du Seigneur Sage, sa mise hors de pair. Cet éloge superlatif remplira le reste de l’hymne, en un dialogue entre Zarathustra et les assistants, sauf la strophe finale, qui conclut par une allusion au sauveur à venir. Comme toujours, la cosmogonie est exposée en

fonction de l’eschatologie qui en est comme la raison d'être.

C’est

ainsi

que la strophe

d’exorde contient

déjà une référence à la « seconde existence », à l’existence rénovée.

Avant de paraphraser strophe par strophe, il faut remarquer que les Entités se présentent ici, non pas ensemble comme d'habitude, mais l’une après l’autre, comme s’il s'agissait réellement de les « présenter ».

224

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

Et de fait, on l’a remarqué, cette gâthà s’adresse au « gros public », ou du moins à une audience inaccoutumée, comme le prouve le début : « Vous qui de près ou de loin venez vous instruire ». On s’attendra donc à trouver ici ce qui ressemblera le mieux — dans toute l’œuvre conservée de Zarathustra — à un « Abrégé de la Doctrine ».

Dans quel ordre, donc, se succèdent

les Entités ?

Laissons de côté la strophe 1, puisqu'elle n’en contient pas d’expressément nommée. (On verra, dans la paraphrase ci-dessous, que le Sage y est désigné, mais de manière allusive). La première entité nommée (str. 2), c’est l'Esprit, ou plutôt ce sont les deux Esprits jumeaux, dont on sait le rôle d’ « introducteurs ». Aussi bien, ils figurent ici comme acteurs dans une scène essentiellement « initiale ». La strophe 3 nomme le Seigneur Sage, et lui seul. La strophe 4 nomme d’abord les deux autres membres de la Triade : la Justice (la plus proche du Seigneur), puis la Bonne Pensée. Ensuite vient la Dévotion, expressément subordonnée à cette dernière. La strophe 5 nous présente les entités qui, comme la Dévotion qui vient d’être nommée, regardent la « troisième fonction » : Intégrité et Immortalité. On en exprime la dépendance particulière à l’égard de la Bonne Pensée, La strophe 6 reprend le Seigneur Sage, pour le mettre en valeur comme le plus grand de tous — car c’est là, on l’a dit, l’objet même du développement qui commence ici. Il apparaît sous son propre nom et en tant qu’Esprit Saint et que Justice ; la Bonne Pensée, un peu plus distincte de lui, paraît ensuite. C’est à la strophe 7 seulement qu’est présenté l’Em-

YASNA

45

225

pire, comme si la « deuxième fonction », qu’il patronnait primitivement, avait été à dessein reléguée en dernier lieu, ainsi qu’elle l’est dans le calendrier.

La strophe 1 appelle l'attention du public et annonce le sujet du prêche : l'être dont il s’agira n’est pas nommé, mais son nom de Sage (maz-dàh) transparaît dans le verbe employé (man... dû). Il ne sera désigné en clair qu’à la 2° strophe, et à partir de la 6° comme le sujet essentiel de la prédication. — Avant de commencer celle-ci, Zarathustra écarte par un vœu le danger d’en voir détruire les effets par la propagande d’un faux-docteur, que sa langue a rangé au nombre : puisse-t-il ne pas compromettre des méchants l'œuvre de rénovation, et la « seconde existence »’ qui

doit en résulter ! La strophe 2 situe au commencement de l'existence (de la « première existence », bien entendu) l’opposition des deux Esprits : le plus saint a dit au destructeur : « Nous n’avons rien de commun ; en aucune partie de notre être, de notre activité, nous ne sommes d'accord. » (2) = La strophe suivante annonce un enseignement sur les origines, mais elle est consacrée, en fait, à citer la source de la connaissance qu’a de ces choses le prophète : c’est le Seigneur Sage, lui qui sait ; et à signifier que, de cette.doctrine du commencement, et de l'application qu’on en fera, dépendra la fin. La doctrine elle-même n’est donnée qu’à la strophe 4, et

présentée cette fois, non comme

formellement rela-

tive aux origines, mais à « ce qu’il y a de meilleur en 15

226

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

la présente existence » : c’est, à savoir, que cette existence ait été créée par le Seigneur ; qu’il l’ait créée selon la Justice ; qu’il soit le père de l’active Bonne Pensée (qu’il intervienne activement par sa providence), laquelle a elle-même pour fille la bienfaisante Dévotion. Le Seigneur est tout-puissant et omniscient. La strophe 5 annonce, de la part de ce Seigneur, la meilleure parole à connaître : « Ceux qui écouteront Zarathustra et lui obéiront, et, par lui, à moi — dit le Seigneur —, obtiendront Intégrité et Immortalité, grâce aux actes que leur inspirera la Bonne Pensée. » À partir de la strophe 6, le discours se concentre Sur le Seigneur Sage : il est le plus grand de tous ; un avec la Justice, il est bienveillant pour les êtres. C’est à lui, l'Esprit Saint, que Zarathustra adressait ses louanges quand il conversa avec la Bonne Pensée (qui est le côté par où le Seigneur communique avec l’esprit de l’homme, «s’approche de lui», comme au Yasna 44. 7, 9, 11, etc.). Il lui demande donc de l’entendre et de l’éclairer, par sa force mentale, sur « ce qu’il y a de meilleur » (6): c’est lui qui rétribue les hommes — qu’ils soient morts, vivants ou encore à naître — dans l’au-delà : il n’a pas seulement créé l’Immortalité, il est aussi le maître des tortures, il les a en son autorité, sous son Empire. (7) Conquis par ces mots du prophète, des assistants prennent la parole pour trois strophes, lui demandant de leur attirer la bienveillance d’un si grand Seigneur. Ils ont « vu » ce que Zarathustra

le dis en

vérité,

cette

dés

pre-

génération

YASNA

30

239

4 Et lorsque ces deux esprits se rencontrèrent, IIS établirent à l’origine la vie et 1a non- -vie, Et qu'à la fin la pire existence soit pour les méchants , Mais pour le justé la Meilleure Pensée.

5 De

ces

Mais Et

deux

esprits,

le méchant

choisit

de

l'Esprit Très Saint, vêtu des plus fermes

ainsi

firent

faire

les

pires

[choses; cieux, s’est rallié

[à la Justice ; tous

ceux

qui

se plaisent

[actions

à contenter,

honnêtes,

par

le Seigneur

des

Sage.

6 Entre eux deux, les faux-dieux non plus ne choisirent pas bien, Car l'erreur s'empara d'eux tandis qu’ils délibéraient, De sorte qu'ils choisirent la Pire Pensée. Alors ils coururent s'unir à la fureur, pour corrompre par elle [existence de l'homme.

7 Et vint

à celui-ci

la Dévotion, en même temps que l'Empire, [la Bonne Pensée et la Justice : EE a donné la durée des corps et les souffles de vie, Pour qu’il t’appartienneà l'écart de ceux-là,

Comme

le premier

par

les rétributions

au

moyen

du

métal.

8 Or, quand viendra leur châtiment, à ces pécheurs, Alors, Ô Sage, ton Empire sera imparti, avec la Bonne Pensée, À ceux qui auront livré le Mal aux mains de la Justice, Sei[gneur !

9 Et

O

puissions-nous

Sage,

Afin

que

êt vous les

être

ceux

les autres

pensées

se

qui rénoveront

Séigneurs

rassemblent

cette

existence !

et la Justice, apportez [votre alliance, là où l’intélligence est [défaillante.

\

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

240

10 Alors se produira pour le Mal la cessation du succès, Tandis qu'obtiendront la récompense promise, Dans l’heuréux séjour de la Bonne Pensée, du Sagé et dé

l&

[Justice,

Ceux

qui auront

acquis

bonne

renommée.

di Si vous,

les hommes,

comprenez

les consignés

qué

le Sagé a [données :

Bien-être et supplice, — Long tourment pour les méchants et salut pour les justes —, Tout sera dorénavant pour le mieux.

Strophe 1, cf. Nyberg, Religionen, p. 162. Str. 3 : Nyberg, Religionen, p. 102 sq., voit dans kh'afné un duel elliptique : « le Sommeil (et son partenaire la Veille) », d'après Yasna 44.5 ; Herzfeld, Zoroaster and his World, 1946, p. 310, comprend, un peu autrement : « le Sommeil (et son frère la Mort) ». « par un traditionnelle, l'interprétation Contre rêve », Nyberg allègue que ce serait le seul cas où serait mentionnée, dans les gâthâ, une révélation par le rêve. Le fait est exact, mais que prouve-t-il pour des textes si courts ? D’autre part, cependant, on lui concédera que le verbe « entendre » (asrvâtem) semble moins indiqué qu’un verbe « voir », par exemple, quand il s’agit d’un rêve. On traduit généralement vishyäté par un passé :

YASNA

30

241

« ont choisi. » C’est faire venir les hommes avant leur tour : il faut d’abord que les esprits choisissent. Je prends donc le verbe comme un « injonctif » intemporel, qui a pour fonction, non de relater un événement, mais de compléter une définition. Les hommes

n’interviendront réellement, dans le déroulement des faits, qu’à partir de la fin de la strophe 5.

Strophe 7, cf. Lommel, Oriental Studies. Pavry, 1926; p.281. Traduction et commentaire chez Andreas-Wackernagel, NGG, 1909, p. 42 sq.

16

\

242

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

YASNA

31

Cette gâthâ se rattache étroitement à la précédente, comme le note Nyberg, Religionen, p. 206. C’est, si l’on veut, une Seconde Gâthâ du Choix. Elle ajoute à la première

des compléments

destinés

aux

fidèles — les méchants ne les entendront pas (strophe 1) — et qui avaient été jugés nécessaires, le choix à faire n’apparaissant pas encore assez clairement. Zarathustra s'offre donc comme juge — selon la volonté du Seigneur — pour éclairer les hommes dans leur décision. Il demande pour cela au Seigneur une révélation explicite et directe (« par la langue .de ta bouche ») sur les rétributions et sur les commandements de la Justice (3). Puissent-ils tous, grâce au prophète, choisir correctement ; et puissent-ils vaincre le Mal ! Cet effet s’obtiendra par une cascade de « causes » : tout en haut, les Seigneurs (auxquels est joint le Destin), dont se détache la Bonne Pensée, laquelle, à son tour, donnera au prophète et à ses partisans l’Empire, « par l’accroissement duquel ils vaincront le mal » (4). Et pour finir ce long exorde — qui est à la mesure

d’un hymne de dimensions inusuelles —, Zoroastre demande encore à la Triade (en une strophe peu claire) le don de voyance (5).

Et aussitôt, il prophétise. Il promet « la meilleure part » à l’initié, en une strophe où sont nommées les six Entités, mais où ressort particulièrement, au niveau,de l’action humaine, comme à la strophe 4, le « tandem » Empire-Bonne Pensée, celle-ci faisant

YASNA ol

243

croître celui-là. La spécificité de la consigne énoncée réside en ceci qu’il est au pouvoir de l’homme d'accroître l’Empire du Sage. Le Seigneur, en quelque sorte, dépend de l’homme, il attend- quelque chose de lui ; ce qui n’exclut pas que l’homme ait besoin du concours de cette « Providence » qu’est la Bonne Pensée. Les sept strophes suivantes (7 à 13) vont détailler la marche du monde, depuis le premier moment de genèse. La strophe 7 est d’une beauté simple qui la place au niveau de la Bible et de Bossuet. Dieu crée la lumière, et il la crée par l'esprit. Et il n’est nommé qu’à la fin de la strophe, dont les pretniers vers le désignent seulement par son acte auguste Celui

qui,

le premier,

par

la pensée,

etc.

Ce vaste premier vers ouvre la scène où va se dévider la procession des hypostases. Mais, d'entrée de jeu, il pose le caractère mental de l’action divine c’est par la pensée qu’il a fait coïncider l’espace, la lumière et la béatitude ; c’est par la pensée, de même, par la « force mentale », qu’il crée la Justice et les autres entités : il est Esprit. On voit se déduire les degrés d’une hiérarchie qui pourrait se représenter comme suit : au sommet, le Seigneur Sage, identique à son Esprit. Par cet Esprit, il crée la Justice. Par la Justice, ii maintient la meilleure Pensée ; mais il accroît celle-ci directement par son Esprit (manyumanah) .

La strophe

suivante

met

d’abord

en

évidence

l'identité foncière qui lie le Seigneur à l’homme de même que le Seigneur agit par la pensée, c’est par la pensée que son prophète l’a reconnu. Toute la

\

244

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

strophe évoque une révélation directe, un contact : vécu, par les « yeux » et par la pensée. L'objet de cette révélation, c’est, en quelque sorte, le « mystère de la Trinité » : le Sage, créateur de la Justice, est père de la Bonne Pensée (ceci complète ce qui a été dit à la première strophe au sujet de cette dernière entité : on sait maintenant, non seulement comment le Seigneur ia maintient et l’accroît, mais qu’il l’a créée lui-même). D’autre part, le Seigneur Sage, nommé au commencement et à la fin de la strophe (par les deux moitiés de son nom) est reconnu comme « l’Alpha et l’'Oméga », pour ainsi dire, et comme le maître de cette vie (des « actes de l’existence ».) Les strophes suivantes vont développer éette dernière idée : le Seigneur préside à la vie du monde. Et tout d’abord, à la vie du bœuf. Car c’est lui qui a créé le Façonneur du bœuf ; c’est lui qui a créé

la Dévotion, c’est-à-dire les conditions de l'élevage de ce bœuf : entretien des prairies et soin du bétail. La strophe 10 raconte le « choix du bœuf » : entre le pasteur et le non-pasteur, le bœuf a bien choisi, apportant au premier la Bonne Pensée. Remarquons comme la doctrine du libre choix de l’homme se transpose ici de curieuse façon, inversant les rapports réels de l’homme et de la bête. Cela n’est, de toute manière, qu’un prélude — et peut-être une simple préfiguration symbolique — à l'exposé direct du choix de l’homme, ou plutôt de la liberté humaine, qui occupe les deux strophes suivantes.

L'homme est libre dans son choix, depuis que, par la pensée, le Seigneur l’a créé corps et âme (11.) Et . depuis lors, en effet, il use de cette liberté, pour l'erreur et la vérité, pour le bien et le mal. (Le dernier vers de la strophe 2 ne m'est pas clair ; il paraît

YASNA

31

245

signifier que les hésitants seront exhortés au choix par la Dévotion.) L'homme est libre, mais il n'échappe dans aucun de ses actes, même cachés, à l’œil de la Justice, par lequel le Sage l’observe (13). *k

A partir de la strophe 14, et jusqu’à la fin, l’attention du prophète se polarise sur l’avenir, en un développement qui fera pendant aux strophes 7 à 13. Zoroastre redemande au Seigneur ses lumières. Comment pourra-t-il être tenu compte, au règlement final, des actions passées ? (14). Quelle peine est prévue pour celui qui aide le méchant, ou qui nuit à l’éleveur juste? (15). Quand viendra le bon chef qui élargira l’Empire du Seigneur ? (16).

Comme cet événement se fait attendre, Zoroastre

a un doute, dont il s'ouvre au Sage : du juste ou du méchant, qui doit finalement l'emporter ? (17). Mais il s’est ressaisi : le méchant n’apporte que ruine partout où se propagent ses préceptes. Il faut le combattre par les armes (18). La Justice est du côté de Zarathustra, qui, maître de sa langue, dit la vérité : il espère que le Seigneur ratifiera son jugement lors de l’épreuve du feu. Aïnsi, les hommes peuvent s’en remettre à lui : ses partisans seront récompensés (19). La strophe suivante dépeint cette récompense : possession de la splendeur. Elle lui oppose le sort ténébreux auquel se seront voués les méchants, par leurs propres actes, de leur propre choix. Ce châtiment est décrit au vers 2 : « Longue durée de ténèbres, mauvaise nourriture, lamentations. »

Par

un

dernier

contraste,

les strophes

21 et 22

246

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

reviennent

des justes. Le Seigneur,

à la récompense

de son

riche

union

les Entités, donnera

avec

la

Bonne Pensée à quiconque lui est fidèle. Ce qui suit est un peu moins clair pour nous que pour le clairvoyant ! Peut-être veut-on dire que l’homme, comprenant, par la Bonne Pensée, que l’ordre divin et l’action humaine doivent concorder, mettra son pouvoir au service de la Justice. Aussi sera-t-il l'hôte du Seigneur : la Bonne Pensée laura mené à la béatitude. 1 Nous souvenant de vos consignes, nous prononçons des paroles Que n'entendent pas ceux qui, selon les ordres du mal, Corrompent les créatures de la Justice, — Mais très bonnes pour ceux qui sont fidèles au Sage.

2 Puisque

chemins n'est pas mis [rar 1à en évidence, viens À vous tous comme le juge des deux parties, Tel que me connaît le Seigneur Sage —,

Je —

le meilleur

Afin -que nous

à choisir

vivions

selon

des

deux

la Justice.

3 La récompense que tu donneras par l'esprit et le feu Et qué tu distribueras, en tant que Justice, aux deux partis, Le commandement qui s'adresse aux intelligents, Enonce-le nous, qu'on le sache, par la langue de ta bouche, Ô

: Pour

[Sage, que

je fasse choisir

tous

les vivants.

4 S'il faut invoquer

la Justice,

le Sage et lès autrès Séigneurs, [et Le Destin, et la Dévotion, Je souhaite obtenir, de la Très Bonne Pensée, Le puissant Empire par la croissance duquel nous puissions [vaincre le Mal.

YASNA

31

247

5 (?) Annonce-moi,

Assigné Qui

me

de

pour

meilleur

: doù

fait apprendre

Ce qui ne

sera

pas,

que

de

je m'y

me

rallie,

Ce que vous m'avée, [en tant que Justice, l'inspiration

vient

la Bonne

Ô Seigneur

Pensée,

Sage,

pour

me

le mettre

[en mémoire, bien sera.

ou

6 Celui-là aura la meilleure part, qui énoncera, initié, Ma vraie consigne d'Intégrité, de Justice et d'Immortalité : « Au Sage appartient autant dEmpire qu'on en fait croître [pour

lui par

la Bonne

Pensée.

»

F 4

Celui

qui, le prämier,

par

la pensée,

a rempli de lumière les [espaces bienheureux, Celui-là, par sa force mentale, a créé la Justice, Par laquelle il maintient la Méilleure Pensée. Tu as accru celle-ci, Ô Sage, par ton Esprit, Lequel t'est, même à présent, identique, Ô Seigneur !

8 C'est par

la pensée,

6 Sage,

A

que je t'ai reconnu [mier

Comme le père de la Bonne Pensée, Lorsque je t'ai saisi avec les yeux comme Comme

le Seigneur

dans

les

actes

de

comme

le pre-

et le dernier,

le vrai

créateur de [la Justice,

l'existence ;

9 Tienne était la Dévotion, tien le façonneur du bœuf, Tienne la force de l’esprit, 6 Seigneur Sage, Quand tu donnas au bœuf le chemin libre soit vers le pasteur,

Soit. vers

le non-pasteur ;

: L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

248



10

Alors il s’est choîisi, entre eux deux, pour juste maître, Pour promoteur de la Bonne Pensée, le pasteur-éleveur. O Sage, le non-pasteur n'aura, malgré ses efforts, Aucune part à la Bonne Nouvelle.

11 Depuis

qu'au

commencement,

Ô Sage,

tu façonnas pour nous, [par ta pensée, Les vivants, les consciences et les forces mentales, Dépuis que tu douas d'un corps l'âme de vie, Depuis que tu créas les actes et les sentences pour que libre[mént on prenne ses décisions,

12. Depuis

lors, l’homme

aux

paroles fausses élève la voix autant [que l’homme aux paroles justes, L'initié autant que le non-initié, chacun selon son cœur et sa [pensée. Que la Dévotion éprouve, l’un après l’autre, les esprits où il [y a confusion!

13 Les faits, patents ou furtifs, qui sont soumis à enquête, Ô Sage, — Ou si, (?) pour un grief minime, on exige la plus forte

[amende Observant

tout

cela

en

ton

œil,

tu lè vois

par

(7?) —

la lumineuse

[Justice.

14 Voici les choses

dont je demande

comment

elles arriveront

et

[se produiront, Seigneur : Les dettes qui sont portées en compte au juste Et celles qui le sont au méchant, Sous queile forme éxisteront-elles, 6 Sage, au règlement final ?

\

YASNA

31

249

15 Je te âemande,

Seigneur,

quelle peiné

est prévuë

pour

qui pro-

[cure l’Empire Au méchant malfaisant, Quelle peine pour qui ne trouve pas à vivre sans faire violence [au pasteur, Lequel ne fait de mal ni aux bêtes ni aux gens.

16 Jé té demande Le clairvoyant

quand viendra, — et quelles qui, comme t'appartenant,

S’efforcera de promouvoir par la Justice Ton Empire sur la maison, sur le canton,

actions

sur

il fera —

la province, Ô Seigneur Sage.

ur Est-ce

le juste,

est-ce

linitié

Que

O Seigneur

parle

Sage,

le méchant pour

qui s'adjuge

initier;

que

sois notre instructeur

la plus

le profane

en bonne

grande [part ? cesse de

[tromper ! pensée !

18 nut d'entre vous n'écoute les formules ni les préceptes du [méchant, s Car il met maison, clan, canton, province dans la misère et la

Que

[ruine.

Aussi,

écarteæle

par

les armes!

19 celui qui, initié guérisseur d'existence, garde [la Justice En dominant à volonté sa langue pour dire des paroles correctes Lorsque, par ton feu brillant, Les deux partis seront sur le point de recevoir leur dû.

Ecoutez,

Seigneur,

4 L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

250

20 Qui se range avec le juste, plus tard la splendeur Longue

durée

de

lui appartienLdra. mauvaise nourriture, lamenta[tions : vous conduira, méchants,

ténèbres,

C’est à une telle existence que Par vos propres actes, votre conscience.

21 De

la plénitude

Avec

la Justice

de sa propre

union

avec

l'Intégrité

et lImmor[talité,

et l'Empire,

Le Seigneur Sage rendra maître Quiconque est son ami juré en

de la Bonne Pensée esprit et en actes.

22 Celüi

est

Connaît Celui-là Il sera,

clair

pour

le clairvoyant

: celui

la Justice en tant quEmpire, l’aide en parole et en acte. Seigneur Sage, ton hôte le plus

qui,

par

la Bonne [Pensée,

ardent.

Les strophes 11 et suivantes ont été étudiées par A. V. Williams Jackson dans The Zoroastrien Doctrine of the Freedom of the Will, mémoire publié par lui en 1928 dans ses Zoroastrian Studies, D::219s4; Str. 13. B. Geiger, Die Amesha Spenta, p. 175 sq., voit ici une trace d’ancienne conception physique de l’Arta. Traduction et commentaire chez Andreas-Wacker-

nagel, NGG, 1911, p. 1 sq.

YASNA

YASNA

832

25

82

Cette gâthâ pourrait s’intituler : Le Seigneur Sage choisit. Elle se rattache aux deux qui précèdent, où domine l’idée de choix.

Comme Zarathustra, tous les hommes, et même aussi les faux-dieux, ont demandé d’être au service du Seigneur Sage, d’en être les messagers et les champions. (1) Le Seigneur Sage, uni aux Entités majeures, a déclaré son choix : la Dévotion des justes. Grâce à son Empire, il l’obtiendra. (2) Il a rejeté loin de lui, du même coup, les faux-

dieux, avec leurs sectateurs

: ils appartiennent à la

Mauvaise Pensée (contraire de la Bonne), au Mai (contraire de la Justice), à l’orgueil (contraire de la Dévotion). (3) Il reproche aux faux-dieux d’avoir séduit les hommes au mal, de les avoir écartés de la Triade (4), le frustrant ainsi du bonheur et de l’Immortalité ; en quoi ils ont obéi au mauvais Esprit (5). Zarathustra reprend la parole : les promesses des faux-dieux, se demande-t-il, seront-elles remplies ? Le pécheur atteindra-t-il son but : obtenir le pouvoir, l'Empire ? — La décision appartient au Seigneur, qui est sage, juste et puissant (6). Et, comme il connaît leurs actes et saura les châtier, toute initié doit finale. s’écarter d'eux s’il désire la récompense une par (Celle-ci sera, c’est bien connu, décernée ordalie de métal fondu.) (7).

\

252

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

#

Dans le reste de l’hymne, sauf la seizième et dernière strophe, Zarathustra vitupère une espèce particulièrement odieuse et pernicieuse de pécheurs apparemment ses adversaires les plus redoutables, les sacrificateurs du bœuf. C'est Yama, fils de Vivahvant, qui est à l’origine de ce rite. Zarathustra se sépare de lui et de ses sectateurs (8). Les mauvais chefs détruisent les doctrines de vie, écartent la Bonne Pensée (les deux vont de pair). Zarathustra s’en plaint au Seigneur et à la Justice : ainsi sont nommées les trois entités majeures (9). Il en est de même de ceux qui haïssent le bœuf et le soleil (c’est-à-dire, sans doute, des adorateurs de Mithra, lequel vainc le soleil et tue le taureau, cf. Lommel, Würter und Sachen, 1938, p. 245), et de ces bandits nomades qui dévastent les pâtures et attaquent les éleveurs. Tous ces gens sont des adversaires de la vie, de la doctrine de vie qui constitue, comme nous dirions, l’idéologie de l’économie pastorale (10). Ennemis de la vie, encore, les hommes de rapine qui s’en prennent aux propriétaires, hommes et femmes, et leur enlèvent leurs biens héréditaires ; ou qui tâchent de les séduire à leur propre genre de vie (11). x La malédiction du Seigneur est promise à ceux qui _sacrifient le bœuf rituellement,.avec des cris d’extase qui troublent (?) les justes, et ont dévoyé le sacrificateur Grahma (?) (12). Ce Grahma et ses adhérents seront châtiés dans la maison de la Pire Pensée :

YASNA

32

20

ils déploreront la doctrine de Zarathustra, selon laquelle ils n’auront point accès à la Justice (13). Grahma et les princes-sorciers s'efforcent d’opprimer Zarathustra, par solidarité avec les méchants et en application de leur maxime, selon laquelle, pour maintenir et perpétuer la vie, il faut d’abord la sacrifier. (C’est pourquoi on tue le bœuf, afin que sa semence, représentée par le hauma, féconde les êtres.) (14). Les hommes qui ont à souffrir d’eux, c’est-à-dire ceux qui veulent pratiquer l'élevage et qu’ils empêchent de le faire, les feront périr et seront traités tout autrement qu'eux dans l’au-delà. La strophe finale, après les exécrations des précédentes, cherche à garantir contre les menaces de ces gens, par la protection du Seigneur Sage, Zarathustra et ceux qu’il aime.

Et la famille, Ont demandé,

et le village, et la tribu, et même les faux-dieux comme moi, la félicité de ce Seigneur Sage :

«

messagérs,

Soyons

vos

pour

écarter

ceux

qui vous

sont

Ros-

[titles ! »

Le Seigneur

Sage, uni à la Bonne

Leur a répondu, en & C'est votre sainté « Nous

l'aurons!

Pensée,

intime de la Justice [resplendissante,

vertu de son Empire : et bonne Dévotion que nous

nous

choisis-

[sons

\

254

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA 3

& — Mais vous, faux-dieux, et quiconque vous vénère beaucoup, « Vous êtes tous l'engeance de la Mauvaisé Pensée, du Mat et [de l’orgueil. « Sont également de deux espèces (?) < Les actes pour Fe vous êtes connus dans le Septième [de la Terre1.

4 < En

prescrivant,

« Pour

< Pour « Pour

que

les

vous, hommes

qu'ils diminuent qu'ils échappent

les pires qui

choses,

les

feront

croissent dans votre [faveur de faux-dieux, dans la faveur de la Bonne Pensée, au pouvoir mental du Seigneur Sagé [Let de la Justice,

5 < « <


6 Le

grand

pécheur

atteindra-t-il

le but

dont

il se vante

— Tu le sais en ta qualité d'Excellente Pensée, O Seigneur qui te souviens des mérites ! La décision en sera prise en ton Empire, Ô Sage, Qui ést aussi celui de la Justice.

?

4 Pour

ces

pécheurs,

dont

tu

sais

très bien, Seigneur Sage, ce [qu’ils laissent après eux,

Ne doit se déclarer aucun initié S'il veut avoir la récompense qui,

Est

attribuée

1. C.-à-d.

lors

« dans

de la décision

toute

la Terre

comme

par

on

le métal

habitée

».

sait,

fondu.

RO EN

54 SEP) Mo

D

yel

a

eV CA alt

N

h 7 FE

S

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Ért

re

A

:

/

y



YASNA 32

Parmi

ces pécheurs

Qui pour

flatter

Dans

Le

se trouve

notre

IT empêche

chef

.

255

Yama,

lui a fait manger

fils de Vivah[vant, des

morceaux

[du bœuf. 6 Sage, je serai à l'écart de ceux-là.

ta décision,

mauvais

re

.

notoirement

peuple

:

détruit

l'acquisition

par

ses

ordres les doctrines de la [force mentale de vie : de la Bonne Pensée, sa possession con-

[sacrée. Par

ces paroles

de mon

esprit,

je m'en plains à vous, Sei[gneur, et à la Justice.

10 Celui-là détruit les doctrines, qui parle du bLœuf et du soleil Comme ‘des pires choses à voir avec les yeux, Qui change les purs en méchants, Dévaste les pâtures et lève l'arme contre le juste.

118 Ceux-là, oui, détruisent la vie, Qui, méchants, s'ingénient avec Et

tâchent

d'écarter

le juste

les grands à frustrer maîtres [et maîtresses de leur héritage de la Meilleure Pensée, Ô Sage !

12 Lé

SCIgneur” Sage

a prédit des maux à ceux qui suppriment [avec des cris d'extase la vie du bœuf, Ecartant les hommes, (?) par ce bruit, de la meilleure action (?), Et qui sont cause que le sacrificateur Grahma

A préféré, à la Justice,

le Mal

et l'Empire

des possesseurs

(CE

\ L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

256

13 Par

cet Empire,

Grahma

obtiendra

Le

dans

la maison de læ [Pire Pensée, Et avec lui les destructeurs de cetté existence, Ô Sage, Lesquels se plaindront de tout leur cœur du message de ton [prophète, Qui les empêche de contempler la Justice.

14 A opprimer ce prophète, Grahma et les princes-sorciers Emploient depuis longtemps, tous autant qu'ils sont, leur vou[loir et leurs efforts, Parce qu’ils tendent à aider le méchant et qu'il a été dit : « Il faut tuer le bœuf, pour faire briller à notre profit l’éloi[gneur-de-mort. >

15 Pour

ces

actes,

la race

des

sacrificateurs

ét céllè

dès

prêtrés-

[magicièns Sont réduites à périr Par ceux qu'ils empêcrent de vivre comme ils voudraient ; Céuxæ-ci séront portés loin d'eux vers la demeure de la Bonne

[Pensée.

Toi

qui, Seigneur

Sage,

as

pouvoir

sur

quiconque

me

menace

[de destruction, Fais que jempêche le crimé du D'atteindre ceux que j'aime !

méchant

Strophe 1 : « comme moi », d’après Schaeder, Zeitschr. d. deutschen morgenl. Gesellsch., 1941, p:2951s0

YASNA

32

LOT

Str. 3, vers 3, d'après Lommel, Würter und Sachen, 1938/2839. Str. 5. E. Benveniste, Sur quelques Dvandvas avestiques, Bulletin of the School of Orient. Stud., VIII, p. 408, voit très justement dans hujyäti, traduit ici par « bonheur », un équivalent de harvatât, qui forme plus habituellement couple avec amrtât. Mais faut-il donner à ce couple le plein sens concret d’ « eau et plantes » ? Dire que ce couple est la « projection mythique » du dvandva épa urvaire, qui a ce sens, c’est restreindre la perspective des faits mythiques en négligeant de remonter à leur origine iñdo-iranienne, et même plus lointaine (cf. ci-dessus, p. 69). Str. 11 : tout autrement chez Nyberg, Religionen, p. 190. Str. 12, cf. Nyberg, Religionen, p. 164. Str. 14, voir, pour le fond, Lommel, Wôrter und Sachen, 1938, pp. 251 à 256. Traduction et commentaire chez Andreas-Wackernagel, NGG, 1913, p. 376 sq., et 1931, p. 304 ; puis, notamment, chez Lommel, article cité, qui donne la bibliographie antérieure.

\

258

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA. YASNA

49

Après Grahma, c’est à son autre ennemi Bandva que le prophète s’en prend maintenant, du moins dans les deux premières strophes de cette gâthà. Ce ‘Bandva est apparemment un chef, ayant à sa solde un prophète méchant (Grahma lui-même ? nous ne savons). Tous deux retardent l’action de Zoroastre. k

Zarathustra, contre ce chef, a pris le parti des -déshérités ; il invoque contre lui la Bonne Pensée et la Justice

(1). Le faux-prophète de Bandva a contre soi ces deux entités, ainsi que la Dévotion (2). Or, la Justice procure le salut ; le Mal, la perte : nous avons le choix. C’est pourquoi il faut s’unir à la Bonne Pensée et éviter les méchants (3). — La séparation est radicale, et les deux strophes suivantes vont dépeindre, en contraste, ces méchants, puis les justes. Les méchants sont ceux qui, au lieu d'élever le bœuf, le livrent à la fureur et à la cruauté (cf. Yasna 29) et accompagnent cette action de leurs cris (cf. Yasna 32.12) ; il y a, pour le méchant, une manière, et une seule, de se racheter : par plus d'actions bonnes qu’il n’en à commises de mauvaises ; sinon, sa conscience appartient, par sa faute, aux faux-dieux (4). Pis

Au contraire, ceux qui pratiquent les maximes d'élevage et sont en relation avec les Entités auront

YASNA

49

259

place dans l’Empire du Seigneur (lors de la rénovation ?) (5). Si tel est l’enjeu du choix, il importe que Zarathustra en soit bien éclairé pour qu’il puisse en instruire les consciences (6). Il invoque donc la Triade, lui demandant quel homme mènera la tribu dans la voie droite (7).

Les deux strophes suivantes impliquent que Zarathustra a en vue deux hommes pour remplir ce rôle : les deux frères Hvogva. En faveur de Frashaoshtra, il demande — en même temps que pour lui-même — la béatifiante société de la Justice,

dans

l’Empire

du Seigneur

: autre

allu-

sion (comme ci-dessus) à la rénovation ? (8). La strophe 9 s’adresse à Jâmâspa, créé pour aider à la réalisation de -la Justice : qu’il entende le commandement de ségrégation absolue, pour l'heure du dénouement ! Dans les deux strophes suivantes, il est question,

non plus de rénovation sur cette terre, mais de rétribution après la mort. La contradiction n’est peut-être qu'’apparente : même si Zarathustra attend pour bientôt l'avènement du paradis sur terre, de l’'Empire du Seigneur, cela n'empêche pas qu'il y ait tous les jours des gens qui meurent, et qu’il y en ait qui soient morts. Pour ceux-là, il y a la demeure du Sage, où les âmes des justes adoreront celui-ci, avec dévotion, en société de la Bonne Pensée (10); ou bien la maison du Mal, pour les âmes des méchants, qui y seront accueillies par leurs ‘sem-

blables (11). Dans la strophe 12° et dernière, Zarathustra, pour ses louanges, demande à la Triade son aide et son suprême bienfait.

\

260

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA :

1

Bandva est toujours le principal obstacle Pour moi qui veux, par la Justice, Contenter les déshérités, Ô Sage! Viens vers moi én tant que bonne rétribution, sois mon appui ! Quant à lui, provoque, en tant que Bonne Pensée, sa perte!

2 Le prophète méchant de ce Bandva, en rupture avec la Justice, Me retarde depuis longtemps. Il ne s’est pas soucié d'avoir pour lui la Sainte Dévotion Et n'a pas davantage consulté la Bonne Pensée, Ô Sage !

3 La

Justice,

Ô Sage,

a été proposée

à notre

choix,

pour notre [salut ;

Le Mal l’a été à l’impie, pour lui nuire ! C’est pourquoi je recherche l'union à la Bonne Pensée Et jinterdis toute fréquentation des méchants.

4 Ceux qui, par mauvais

vouloir, non-éleveurs

Accroissent

langue

Ceux (?)

dont

avec

leur

les mauvaises

\ Ceux-là

ont

livré

la fureur

actions aux

parmi

les éleveurs,

et la cruauté ;

ne sont pas dépassées

faux-dieux

leur

par les

[bonnes ; conscience de [méchant (?}

5

(2?) Mais quiconque — zèle et aspersion Unit sa conscience à la Bonne Pensée,

de purin — 6 Sage,

Quiconque est, par la Justice, un notable de la Dévotion, Pour tous ceux-ci il y aura place dans ton Empire, Seigneur !

6 Je vous

conjure,

Ô Sage,

ainsi

que

la Justice,

De déclarer les desseins de votre volonté Pour que nous nous décidions correctement, Afin d'en instruire toute conscience dévouée

à l'être que vous [Lêtes, Seigneur !

YASNA

49

261

7 Que cet être Qu'il entende Ecoute, à toi Quel membre Qui donnera

entende en tant que Bonne Pensée, en tant que Justice! Seigneur Sage !. de la tribu, quel parent sera-ce, selon bonne renommée au village ?

les

lois,

8 A Frashaoshtra,

donne

le plus délicieux

Je t'en prie, Seigneur Sage, Et à moi aussi, dans ton Bon x Puissions-nous à jamais vous

commerce

avec

la Jus[éice,

Empire ! être chers!

Que le promoteur créé pour l'aide entende ces commandemènts : « Celui dont les paroles sont justes ne se souciera pas de fré« Lorsque

« Leur

les alliés de la Justice allieront,

conscience

au

meilleur

salaire

[quenter le méchant, lors du dénouement, A

», 6 Jamaspa !

10 It voici, 6 Sage,

ce que

tu gardes

dans

ta demeure

:

La Bonne Pensée et les âmes des justes, Leur vénération, qui est Dévotion et zèle.

11 Mais les méchants, qui ont mauvais pouvoir, Mauvaises actions, paroles, conscience, pensée, Les âmes vont à leur rencontre avec des aliments mauvais. De la maison du mal, vraiment, ils seront les hôtes.

\

262

L'ŒUVRE DE ZARATHUSTRA

12 Quelle

aide

as-tu

ên

tant

que

Justice,

pour

Quelle aide en tant que Bonne Pensée, Pour moi qui recherche ta faveur par mes

Zarathustra qui [t’appelle ?

louanges,

Ô Seigneur

[Sage, Aspirant

à tout

ce que vous

possédez

de mieux

?

Strophe 4 : autrement, J. H. Kramers, Studies. Pavry, p. 232 sq.

Oriental

Str. 6 et 10, Nyberg, Religionen, pp. 117 et 125. Traduction et commentaire 1935, p. 146 sq.

chez

Lommel,

NGG,

YASNA 43

YASNA

263

43

Après quatre strophes d’exorde, les douze autres de cette gâthâ se disposent en six groupes de deux, introduits par une même formule : « Le saint, j'ai su que c'était toi, Ô Sage. » Cette pièce mériterait par là, si l’on veut, le titre de Gâth@ des Entretiens avec le Seigneur.

L’exorde est un échange de prières, de vœux, entre Zarathustra et ses fidèles. Le prophète demande au Seigneur tout-puissant d’exaucer les souhaits de chacun, et d’abord les siens propres : obtenir la force et l'endurance — don de la Dévotion, cf. Yasna 30.7 _— pour maintenir la Justice (cf. Yasna 44.6); obtenir la prospérité, Ja vie — don de la Bonne Pensée (1). Puis, pour tous, le souverain bien, le bien-être selon le désir de chacun, la longue vie et la joie : toutes choses qui sont le présent merveilleux que le Seigneur, Esprit très perspicace et identique à la Justice, fera par sa Providence (Bonne Pensée) (2). Les assistants, à leur tour, lui souhaitent plus de bien qu’il n’en a encore atteint, pour le récompenser de leur avoir montré le chemin du saiut matériel et spirituel, chemin de vérité qui les conduit au Seigneur et aux entités issues de lui (3). Zarathustra, enchaînant sur ces dernières paroles, déclare qu’il reconnaîtra la sainteté — Peffieacité mystique — du Seigneur quand celui-ci lui donnera, par sa Providence (Bonne Pensée), la force spirituelle. — Il lui fera ce don, de la main même où

264

\ L'ŒUVRE

DE ZARATHUSTRA

il tient les parts destinées aux justes et aux méchants, pour l’heure du jugement par le feu. #

Mettant alors au passé la formule initiale de cette strophe 4, laquelle se trouve ainsi avoir fait transition, le prophète introduit le premier des six entretiens, visions ou révélations, qui forment, comme on l’a dit, le corps de l'hymne. Et, comme deux fois déjà (Yasna 30 et 44), la formule stéréotypée nous reporte d’abord aux origines : « lors de la naissance de l’existence. » Mais ici, la pensée va d’un seul coup du commencement à la fin, de l’origine au « tournant ultime de la création » : dès la naissance de l’existence, en effet, le Seigneur a fixé la rétribution des bons et des méchants. À ce tournant ultime, le Seigneur, l'Esprit Efficace viendra établir son Empire : la Bonne Pensée, qui aide les vivants à prospérer selon la Justice, fera proclamer à ceux-ci, par la Dévotion, les décrets de la volonté du Seigneur, que personne ne trompe (5-6). Après cette vision qu'a eue Zarathustra du plan divin, voici le récit de sa première rencontre avec

le Seigneur,

venu

à lui en

tant

que

Providence

(Bonne Pensée). Le Seigneur lui demande qui il est, selon la formule en usage quand on s’enquiert de l'identité de quelqu'un : « Qui es-tu : de qui es-tu (c'est-à-dire : de qui es-tu le fils ou à qui appartienstu, qui est ton maître) ? ». Puis, — en une phrase qui nous surprend un peu —, il lui suggère un rendezvous « pour une enquête sur ses biens et sa personne », comme s’il voulait lui signifier : « je puis contrôler tes dires » (?)

YASNA 43

265