Série Études d’économie de l’énergie. Volume 6 Les Transports d’Énergie: Techniques nouvelles et conséquences économiques. Travaux du Colloque Européen d'Economie de l'Energie, Grenoble, 6–8 mai 1965 [Reprint 2017 ed.] 9783111631677, 9783111251943


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French Pages 607 [608] Year 1968

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TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES RAPPORTEURS
INTRODUCTION
Première journée. LES CONSÉQUENCES SUR LES COUTS DU TRANSPORT ET SUR LES PRIX DE L'ÉNERGIE
I. L'évolution des frais de transport pour le charbon allemand et le charbon américain et leurs effets sur la position concurrentielle dans l'Allemagne fédérale
II. Récents progrès dans le transport et la distribution du charbon dans le Royaume-Uni
III. Les interconnexions à haute tension entre réseaux électriques
IV. Le transport de l'énergie et ses répercussions économiques sur la production et la distribution de l'électricité en Grande- Bretagne
V. Problèmes de l'interconnexion par rapport, en particulier, à l'expérience italienne
VI. L'évolution économique de l'interconnexion en Europe occidentale du point de vue de la République fédérale allemande
VII. Le transport du gaz naturel par méthaniers et par canalisations sous-marines : données économiques et contribution possible à l'approvisionnement de la C.E.E
VIII. L'économie du transport du gaz naturel par navire et par gazoduc
IX. L'économie du transport marin du gaz naturel liquéfié
X. Les systèmes de transport par pipe-lines : le problème de Groningue
XI. L'économie des grands pétroliers
XII. Rapport de synthèse de la première journée
Deuxième journée. LES CONSÉQUENCES SUR LA COMPÉTITIVITÉ DES DIVERSES FORMES D'ÉNERGIE
XIII. Les méthodes d'analyse de la compétition entre formes d'énergie
XIV. L'influence des nouveaux combustibles sur le choix des investissements dans le domaine de la production britannique d'énergie électrique
XV. L'introduction du pétrole sur le marché industriel du Royaume- Uni, 1900-1960
XVI. De l'influence des matières premières et des débouchés sur la structure de la production du gaz
XVII. Le charbon américain en Europe occidentale
XVIII. Concurrence entre gaz et autres énergies
XIX. Perspectives de ventes en République fédérale offertes aux sources d'énergie extra-européennes et allemandes
XX. Contribution à l'étude d'une politique énergétique commune entre les pays de la Communauté Economique européenne
XXI. Le gaz naturel par rapport aux sources d'énergie en Italie et dans la Communauté Economique européenne
XXII. Rapport de synthèse de la deuxième journée
Troisième journée. LES CONSÉQUENCES SUR LES LOCALISATIONS DES INDUSTRIES FORTES CONSOMMATRICES D'ÉNERGIE
XXIII. L'influence de l'offre d'énergie sur le choix des localisations de l'industrie chimique dans la République fédérale d'Allemagne
XXIV. Les facteurs de localisation des industries allemandes
XXV. Industrie des engrais et transports d'énergie
XXVI. L'influence des moyens de transport d'énergie sur la localisation et le choix des combustibles dans l'industrie des ciments
XXVII. Quelques conséquences économiques du développement de la distribution de l'électricité en Grande-Bretagne
XXVIII. La localisation des gros consommateurs industriels d'énergie. Rapport de synthèse de la troisième journée
Résumé des discussions de la troisième journée
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 9783111631677, 9783111251943

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Les Transports d'Energie : Techniques nouvelles et conséquences économiques

PUBLICATIONS D E LA FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE GRENOBLE Collection

du Centre de recherche économique

et sociale

SÉRIE É T U D E S D'ÉCONOMIE D E L ' É N E R G I E CAHIER DE L'INSTITUT ÉCONOMIQUE ET JURIDIQUE DE L'ÉNERGIE N°

6

Paris.EDITIONS M O U T O N . L a Haye-

PUBLICATIONS DE LA FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES DE GRENOBLE

Les Transports d'Énergie : Techniques nouvelles et conséquences économiques Travaux du Colloque Européen d'Economie de l'Energie Grenoble, 6-8 mai 1965

Paris.EDITIONS MOUTON.La Haye

Publié avec le concours du Centre National de la Recherche © MOUTON & C" 1968

Scientifique

TABLE DES MATIÈRES PREMIERE JOURNÉE

Les conséquences sur les coûts du transport et sur les prix de l'énergie I. L'évolution des frais de transport pour le charbon allemand et le charbon américain et leurs effets sur la position concurrentielle dans l'Allemagne fédérale II. Récents progrès dans le transport et la distribution du charbon dans le Royaume-Uni III. Les interconnexions à haute tension entre réseaux électriques. IV. Le transport de l'énergie et ses répercussions économiques sur la production et la distribution de l'électricité en GrandeBretagne V. Problèmes de l'interconnexion par rapport, en particulier, à l'expérience italienne VI. L'évolution économique de l'interconnexion en Europe occidentale du point de vue de la République fédérale allemande . VII. Le transport du gaz naturel par méthaniers et par canalisations sous-marines : données économiques et contribution possible à l'approvisionnement de la C.E.E VIII. L'économie du transport du gaz naturel par navire et par gazoduc IX. L'économie du transport marin du gaz naturel liquéfié X. Les systèmes de transport par pipe-lines : le problème de Groningue XI. L'économie des grands pétroliers XII. Rapport de synthèse de la première journée Résumé des discussions de la première journée

1 41 49

65 85 101

121 135 149 171 191 227 233

DEUXIEME JOURNÉE

Les conséquences sur la compétitivité des diverses formes d'énergie XIII. Les méthodes d'analyse de la compétition entre formes d'énergie XIV. L'influence des nouveaux combustibles sur le choix des investissements dans le domaine de la production britannique d'énergie électrique

245

289

Table des matières

VI

X V . L'introduction du pétrole sur le marché industriel du RoyaumeUni, 1900-1960 X V I . De l'influence des matières premières et des débouchés sur la structure de la production du gaz XVII. Le charbon américain en Europe occidentale XVIII. Concurrence entre gaz et autres énergies X I X . Perspectives de ventes en République fédérale offertes aux sources d'énergie extra-européennes et allemandes X X . Contribution à l'étude d'une politique énergétique commune entre les pays de la Communauté Economique européenne . . X X I . Le gaz naturel par rapport aux sources d'énergie en Italie et dans la Communauté Economique européenne X X I I . Rapport de synthèse de la deuxième journée Résumé des discussions de la deuxième journée

307 319 353 373 393 419 431 465 477

TROISIEME J O U R N É E

Les conséquences sur les localisations des industries fortes consommatrices d'énergie X X I I I . L'influence de l'offre d'énergie sur le choix des localisations de l'industrie chimique dans la République fédérale d'Allemagne X X I V . Les facteurs de localisation des industries allemandes X X V . Industrie des engrais et transports d'énergie X X V I . L'influence des moyens de transport d'énergie sur la localisation et le choix des combustibles dans l'industrie des ciments X X V I I . Quelques conséquences économiques du développement de la distribution de l'électricité en Grande-Bretagne X X V I I I . La localisation des gros consommateurs industriels d'énergie. Rapport de synthèse de la troisième journée Résumé des discussions de la troisième journée

489 503 521 539 557 571 591

LISTE DES RAPPORTEURS A. ADELMAN Professeur au Department of Economics Massachusetts Institute of Technology

and Social

Science

R. de BAUW Administrateur principal de la division « Economie Communauté Economique

Energétique » Européenne, Bruxelles

G. BRONDEL Chef de la division « Economie Energétique » Communauté Economique Europénne, Bruxelles

E.G.S. COLLEY Planning Manager de la BP Tanker Company Limited, Londres

L. DUQUESNE de LA VINELLE Professeur Conseiller Bruxelles

à l'Université de Louvain auprès de la Communauté

Economique

K.D. FISCHER Institut de l'Energie de

Cologne

J. GAUSSENS Chargé des Etudes Economiques Générales Département des Programmes Commissariat à l'Energie Atomique

K.O. HORDEMANN Unternehmensverband Ruhrkohlen-Beratung,

Ruhrbergbau Essen

G.W. HUNT Chief Design Engineer Conch Methane Services Limited,

Londres

J. KNELL Senior Economic

Analyst, Esso AG,

Hambourg

Européenne,

Vili

Liste des

rapporteurs

F. de LA TASTE Directeur à la Direction Générale de Gaz de France

M. LIEBRUCKS Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung,

Berlin

J. LINDENLAUB Institut de l'Energie de Cologne

P. MAILLET Directeur de la direction « Etudes et Structure » Haute Autorité de la Communauté Economique et de l'Acier

du

Charbon

F. MATTEI Vice-secrétaire général Confédération Générale de l'Industrie italienne, Rome

L. MEANTI Divisione Trasporti e Metano Società Nazionale Metanodotti,

Milan

R. MEEK Department of Economics University of Leicester

R. MEYZENC Institut Economique et Juridique de l'Energie Université de Grenoble

G. Vieri NARDINJ Consultant de l'Institut Battette, Genève

R.W. ORSON Principal Assistant Economist The Electricity Council, Londres

R. PELISSIER Contrôleur général adjoint à la Direction des Etudes et Recherches d'Electricité de France

E. RENDALL Directeur général (Industriel) Shell-Mex & B.P. Ltd, Londres

Liste des

rapporteurs

IX

D.P. SAYERS Central Electricity Generating Board, Londres

M.E.F. SCHUMACHER Economist Adviser and Director of Statistics National Coal Board, Londres

P. SEVETTE Directeur de la division de l'Energie Commission Economique pour l'Europe des Nations-Unies,

Genève

F. VENANZI Bureau d'Etudes Economiques Ente Nazionale Idrocarburi, Rome

T.C.B. WATSON Economist and statistician The Gas Council, Londres

Th. WESSELS Recteur de l'Université de Cologne Directeur de l'Institut de l'Energie de Cologne

M.K. ZIJLSTRA Administrateur principal à la direction « Approvisionnement blèmes structurels » Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier Direction Générale Charbon, Luxembourg

et pro-

INTRODUCTION Le Colloque dont nous présentons dans ce volume les rapports et les comptes rendus de discussions s'est tenu à Grenoble les 6,7 et 8 mai 1965. Ouvert sous la présidence de M. J. Couture, Secrétaire général à l'Energie, qui rehaussait ce Colloque de tout le prestige de sa compétence et de ses hautes responsabilités, et accueilli par M. le Recteur L. Trehin, il réunissait plus d'une centaine de spécialistes, universitaires et professionnels du secteur énergétique, des pays de la Communauté Economique Européenne et de Grande-Bretagne ainsi que des experts des organismes internationaux. Centré sur l'Europe de l'Ouest, certes, il ne posait cependant aucune exclusive puisque nous nous sommes félicités de pouvoir bénéficier de la participation du Professeur A. Adelman des Etats-Unis et du Professew A. Betchinski d'Union Soviétique. En organisant ce Colloque, l'Institut Economique et Juridique de l'Energie n'a fait que poursuivre la tâche qu'il s'était fixée et avait entreprise avec le précédent Colloque Franco-Italien d'Economie de l'Energie 1 : susciter de larges confrontations scientifiques, au niveau international, sur les problèmes fondamentaux de l'économie de l'énergie. Que soient ici remerciés tous ceux qui ont participé à cette rencontre, et plus particulièrement chacun de ceux qui ont bien voulu, par la présentation de rapports, soumettre à la discussion scientifique le fruit de leur propre réflexion et de leur expérience. Parmi eux, on me permettra de mentionner très spécialement M. L. Duquesne de La Vinelle, M. P. Sevette et M. P. Maillet, qui ont assumé la lourde charge de présenter les rapports de synthèse et de présider nos débats. Le Professeur Maurice Byé me permettra de lui dire combien nous avons attaché de prix aux conclusions qu'il a bien voulu tirer lui-même de cette rencontre. Nous tenons également à exprimer notre plus profonde gratitude à chacun des organismes et à chacune des personnalités qui ont, en manifestant concrètement leur intérêt et leur appui matériel et intellectuel, grandement facilité notre tâche. L'aide efficace que nous ont apportée les trois Communautés européennes C.E.E., C.E.C.A. et EURATOM nous a été particulièrement précieuse par l'encouragement qu'elle représentait. L'Institut de l'Energie de Cologne en la personne de son Directeur, le Professeur Th. Wessels, l'Institut de l'Energie de Milan que dirige le Professeur L. Guatri ainsi que le Professeur M. Boldrini, (alors) Président de l'E.NJ., Sir Jones, MM. J. Nasmyth, D.P. Sayers et E.F. Schumacher, enfin, qui nous ont permis de bénéficier d'une importante participation

XII

Introduction

britannique, ont donné à ce Colloque un éclat pour lequel nous leur avons une reconnaissance particulière. Qu'il me soit encore permis d'insister sur le soutien extrêmement actif des établissements nationalisés du secteur énergétique français, Charbonnages de France, Electricité de France, Gaz de France et Commissariat à l'Energie Atomique, auxquels nous devons, entre autres formes de participation, la traduction de la plus grande partie des textes de langue étrangère. Enfin, nous ne saurions omettre d'associer à ces remerciements M. le Doyen P. Veyret, de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de Grenoble, Directeur de l'Institut de Géographie alpine, et M"" Veyret, qui, en accueillant ce Colloque dans les locaux de leur Institut, nous ont permis de bénéficier de conditions de travail tout à fait favorables. G. DESTANNE d e BERNIS.

1. Cf. Actes du Premier Colloque Franco-Italien d'Economie de l'Energie, des 5, 6 et 7 avril 1962 : Energie et Comptes de la Nation, Prix de l'Energie. Dalloz, Paris, 1963, 454 p.

Première journée

LES CONSÉQUENCES SUR LES COUTS DU TRANSPORT ET SUR LES PRIX DE L'ÉNERGIE

Dr K. O. HORDEMANN

L'évolution des frais de transport pour le charbon allemand et le charbon américain et leurs effets sur la position concurrentielle dans l'Allemagne fédérale.

4

Transports et concurrence des charbons allemands

I. L'IMPORTANCE DES FRAIS DE TRANSPORT POUR LA POSITION CONCURRENTIELLE DU CHARBON C'est justement aux époques d'une concurrence extrêmement forte sur le marché de l'énergie, à laquelle le charbon allemand est maintenant soumis depuis 1958, que l'on voit nettement quelle importance ont les frais de transport sur la position concurrentielle des bassins houillers. L'aptitude concurrentielle d'un bassin houiller n'est pas déterminée seulement par les prix départ mine, mais aussi et d'une manière décisive par la situation géographique par rapport aux centres de consommation d'une part et par l'emplacement des énergies concurrentes et des bassins concurrents d'autre part. Plus les zones d'écoulement d'un bassin houiller sont disséminées et plus elles sont éloignées de l'emplacement du bassin, plus les charges de frais de transport sont déterminantes pour la situation concurrentielle du bassin. Cela se voit particulièrement clairement sur l'exemple du bassin de la Ruhr, qui du fait de la dispersion excessivement grande de ses zones d'écoulement vis-à-vis des autres bassins de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, est le plus influencé dans son aptitude concurrentielle par la charge des frais de transport. La charge des frais de transport d'un bassin minier est déterminée par l'infrastructure du pays concerné, c'est-à-dire par le développement technique des transports et la possibilité qui lui est liée de mise en œuvre des différents moyens de transport, ainsi que par la valeur du tarif du moyen de transport qui vient à être mis en œuvre. Les moyens de transport qui participent au transport du charbon sur le continent sont le chemin de fer, la navigation intérieure, le camionnage et les moyens propres de transport. Leur participation relative à l'expédition du charbon allemand est indiquée par le tableau résumé suivant : En Bassin

Ruhr Aix-la-Chapelle Sarre Ensemble des bassins

pourcentage.

Chemin de fer

Navigation intérieure

Trañc routier

Moyens propres de transport

54 88 88

27 4 2

8 8 4

11 6

100 100 100

60

22

8

10

100

Total

C'est le chemin de fer qui assume la part de beaucoup la plus grande du transport du charbon allemand. L'avantage économique du recours au chemin de fer se trouve aux courtes et moyennes distances, mais aussi par-

et américains en Allemagne fédérale

5

tout où il est question de livraisons individuelles à de petits utilisateurs. Le chemin de fer peut, en général, mieux s'adapter aux besoins de trafic individuels des destinataires que la navigation intérieure grâce à la pluralité de wagons spéciaux (wagons à déchargement automatique), grâce à son réseau à mailles relativement serrées, grâce à l'exactitude de son horaire, sa régularité. C'est pourquoi la navigation intérieure entre surtout en jeu dans les relations où prédominent les transports en masse à des distances moyennes ou plus grandes. Les avantages essentiels du transport par eau vis-à-vis des autres moyens de transport résident dans l'utilisation de capacités de transport beaucoup plus élevées, dans le rapport plus favorable entre tare et charge utile, dans les frais de premier établissement des navires, qui sont plus bas si on les rapporte à la capacité de transport, et dans la dépense de main-d'œuvre moindre. Ces avantages de prix de revient entraînent des frais de transport plus faibles par rapport au chemin de fer et aux camions, particulièrement pour des expéditions à grande distance. Par contre, comme inconvénient on trouve la forte dépendance de la navigation intérieure vis-à-vis des influences atmosphériques, hautes et basses eaux, glace, tempête et brume, ce qui peut amener à des irrégularités et à une suspension temporaire de la livraison des expéditions. Mais, en outre, les possibilités de mise en œuvre de la navigation intérieure sont limitées par l'asservissement au réseau existant des voies d'eau et elles supposent pour le trafic du charbon des conditions favorables de raccordement à ce réseau des mines ou du bassin houiller. L'espace centreeuropéen dispose en gros d'un réseau de voies d'eau développé mais auquel sans doute, parmi les bassins houillers notables de l'Allemagne, seul celui de la Ruhr est directement raccordé. Parmi les mines de la Ruhr, 70 % environ possèdent leurs rivages propres sur le Rhin ou sur les cânaux traversant le bassin de la Ruhr ; les autres mines, dénommées « mines sèches », sont en cas d'expéditions par eau amenées à recourir au fer jusqu'à Duisbourg-Ruhrort. Par contre, les conditions de raccordement au réseau fluvial, tant pour le bassin de la Sarre que pour celui d'Aixla-Chapelle, qui ne disposent pas de raccordement direct, sont notablement plus défavorables, ce à quoi il faut attribuer la faible part des transports par eau de ces deux bassins. A côté de la voie ferrée et de la navigation intérieure, le transport par camions au cours des dernières années a renforcé sa position comme moyen de transport du charbon. Son avantage économique vis-à-vis du chemin de fer réside en premier lieu dans sa plus grande souplesse, dans sa meilleure adaptation aux besoins de transport individuels et dans son bon marché relatif dans le domaine d'action proche des mines ; dans le cadre de ce travail on n'aura pas besoin de traiter ce cas en détail. Parmi les moyens de transport propres, mis en œuvre pour le charbon, 2

6

Transports et concurrence des charbons

allemands

il faut compter les voies ferrées d'usine, les transporteurs aériens, les bandes transporteuses, qui assurent essentiellement le transport à petites distances à l'intérieur d'une entreprise concentrée. Ces transports, qui ne représentent aucune capacité de transport public, sont pour les frais de transport les plus bas, mais, d'autre part, ne peuvent être réalisés que dans une mesure très limitée à l'intérieur des bassins houillers. Pour compléter les moyens de transport venant en jeu pour le transport du charbon, il faut citer encore le transport maritime qui, dans le cadre de ce travail, sera traité surtout du point de vue de son importance pour l'importation du charbon américain et l'évolution de ses frais de transport. La comparaison suivante de la charge des frais de transport de diverses marchandises par fer, fait ressortir au mieux dans quelle mesure élevée, justement pour le charbon, le prix d'achat au point d'utilisation est influencé par les frais de transport. Part des frais de transport en pour cent du prix à la production pour un transport par fer de

100 km

300 km

500 km

Moteurs électriques, génératrices Machines agricoles Coton américain Blé P o m m e s de terre pour alimentation humaine Minerai Charbon de la Ruhr, charbon gras 1 0 / 3 0

0,2 0,3 0,6 3,2 10,3 10,6 13,6

0,4 0,7 1,2 6,7 21,7 19,2 26,9

0,5 1 1,6 9,2 29,1 24 34,5

La comparaison fait ressortir que, du fait de sa faible valeur à l'unité de poids vis-à-vis d'autres produits, le charbon est extraordinairement sensible aux frais de transport. La dépendance économique du lieu qui en résulte a pour effet que, contrairement à ce qui se passe pour les marchandises de valeur plus élevée, il se forme pour le charbon des domaines concurrentiels dont les limites sont déterminées de façon décisive par les frais de transport. II. L'EVOLUTION DES FRAIS DE TRANSPORT POUR LE CHARBON ALLEMAND ET POUR LE CHARBON AMERICAIN DEPUIS LE DEBUT DE LA CRISE CHARBONNIERE 1. EVOLUTION DES FRAIS DE TRANSPORT EN TRAFIC INTÉRIEUR ALLEMAND

a) Chemins de jer fédéraux

allemands

Pour considérer l'évolution qui a eu lieu jusqu'ici des frais de transport du charbon, il faut commencer par les prix de transport par fer, puisque

et américains en Allemagne fédérale

7

la part de beaucoup la plus grande du transport du charbon incombe aux chemins de fer fédéraux allemands et que le charbon tient aussi, vis-à-vis des autres moyens de transport, la place de chef de file des prix. La politique tarifaire des chemins de fer fédéraux allemands a conduit dans les années d'après-guerre, où la voie ferrée subissait de manière plus intense la concurrence du camion, à faire porter une charge notable non justifiée par les prix de revient sur le trafic de marchandises en vrac pour le bénéfice des produits de valeur plus exposés à la concurrence des transports routiers. Cette évolution touche le transport du charbon à un point tel que le niveau du tarif général allemand du charbon (AT.6.B.1) 1 qui, lors de la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, se trouvait encore par rapport aux tarifs des autres pays de la Communauté à peu près au milieu, dépassa au début de la crise charbonnière les frais de transport de tous les autres pays, à l'exception du tarif non comparable du Luxembourg. Jusqu'en 1958, il était possible de charger le charbon allemand de frais de transport élevés de ce genre, parce que les conditions qui régnaient alors sur le marché de l'énergie le permettaient. Mais, depuis 1958, la situation sur le marché de l'énergie a évolué de manière si fondamentale qu'il fut temps de contrôler la politique suivie jusqu'alors pour le tarif du charbon et, dans l'intérêt de la conservation du trafic, d'abaisser le niveau du tarif du charbon dans une mesure correspondant aux conditions des prix de revient et du marché. Comme premiers pas pour abaisser la charge relativement élevée des frais de transport du charbon, deux mesures sont entrées en vigueur au cours de l'année 1960. Tout d'abord le gouvernement fédéral a introduit une aide aux frais de transport du charbon, prélevée sur la taxe sur le fuel de chauffage entrée en vigueur la même année, dans le but d'annuler la dernière hausse des tarifs de transport de février 1958, aussi bien pour le transport du charbon par voie ferrée que par voie d'eau. Cette aide aux frais de transport de 8,6 %, qui a été réduite à 7,6 % le 1 er avril 1964, est assurée à tous les transports de charbon qui sont effectués à des tarifs fixés de façon obligatoire sur le rail et sur la voie d'eau. Comme deuxième mesure, les chemins de fer fédéraux ont introduit en septembre 1960 un tarif d'exception pour les transports de charbon en trains complets (AT.6B.90). Ce tarif, qui fut mis en application en s'appuyant sur les réductions de tarif appliquées en France et en Belgique depuis de nombreuses années pour le transport par trains complets, représentait une nouveauté dans la tarification allemande des chemins de fer 2 . 1. Le tarif général d'exception 6.B.1 du charbon ne s'applique qu'aux livraisons départ mine, cokerie, fabrique d'aggloméré, usine à gaz. 2. En 1961 on a introduit aussi des tarifs d'exception analogues pour les transports du minerai et des huiles minérales en trains complets.

8

Transports et concurrence des charbons allemands

Le tarif assurait, en cas d'expédition de trains complets d'au moins 900 tonnes, une ristourne de 11 à 23 %, selon la fréquence et le tonnage net à transporter, par rapport au tarif d'exception du charbon 6.B.1 généralement applicable, lui-même réduit de DM 1,10 par tonne. Cette mesure tarifaire est à considérer sous un certain aspect comme une adaptation tenant compte du prix de revient, car le transport en trains complets entre les raccordements de l'expéditeur et du destinataire est notablement meilleur marché que les expéditions par wagons isolés, surtout par la disparition des travaux coûteux de formation des trains et de triage. Outre ces points de vue de prix de revient, des considérations commerciales ont aussi joué un rôle essentiel lors de l'élaboration de ce tarif. A dater du 1er avril 1962, ce tarif d'exception a subi encore deux améliorations : le tonnage minimal fixé a été abaissé de 900 à 800 tonnes et simultanément l'échelle des ristournes de frais de transports a été relevée de 1 %. Par suite, on a garanti depuis ce moment, pour des livraisons en trains complets de 800 tonnes et plus, des ristournes de 8 à 24 % selon le nombre de trains circulant au cours d'une semaine, calculées sur les tarifs du barème AT.6.B1 abaissé de DM 1,10 par tonne. A ces deux premières réductions de tarifs — introduction de l'aide aux frais de transport et d'un tarif d'exception pour trains complets — succédèrent encore au cours de l'année 1962 d'autres mesures pour abaisser le niveau du tarif pour les charbons. Comme mesure urgente et décisive on abaissa, avec effet du 1 er mars 1962, le tarif général d'exception du charbon 6.B.1 de 11 % en moyenne. La réduction ne se fit pas linéairement, mais par échelons selon la distance, commençant à 5 % pour 20 km, passant par 11,5 % à 100 km et plafonnant à 13 % pour les distances de plus de 500 km. Comme le tarif AT.6.B1 est inclus dans divers tarifs internationaux pour le parcours effectué en Allemagne, cette réduction se répercuta aussi sur le transport de charbon franchissant la frontière. En outre on adapta, au niveau modifié du tarif, trois autres tarifs d'exception intérieurs pour le charbon, en relation directe avec l'AT.6.Bl. Outre cet abaissement général du niveau tarifaire, les chemins de fer fédéraux ont introduit au cours de l'année 1962 encore un autre barème à rabais pour le charbon (AT.6B.80), avec lequel ils ont pour la première fois adopté dans leur système tarifaire des rabais comme cela est habituel depuis longtemps dans la plupart des branches économiques. D'après ce tarif, les acheteurs d'au moins 3 000 tonnes de charbon par an reçoivent, à l'expiration d'une campagne annuelle charbonnière, par voie de ristourne pour les expéditions en wagons isolés, un rabais minimum de 2 % sur les frais de transport de l'AT.6.Bl ou de l'AT.6.Ul ou de la classe V de produits miniers et métallurgiques pour un départ des centres de transbordement avec la voie d'eau intérieure. Ce taux est augmenté d'une prime

et américains en Allemagne fédérale

9

de fidélité de 3 % en plus, quand, au cours de la campagne annuelle charbonnière sous revue, la quantité de charbon transportée par le fer pendant la campagne de référence 1961-1962 est atteinte. Si la quantité de l'année de référence est dépassée, on accorde pour l'excédent, au lieu de la prime de fidélité, une prime d'accroissement de trafic, s'échelonnant de 10 à 20 %. Ce tarif réduit vise donc à favoriser tarifairement les utilisateurs industriels moyens et les grosses sociétés de négoce de charbon à partir d'une réception annuelle de 3 000 tonnes. Conjointement à l'introduction du tarif réduit pour le charbon pour expéditions par wagons isolés (AT.6B.80), on a aussi adopté dans le tarif d'exception pour trains complets (AT.6B.90) une remise pour fidélité de même grandeur (3 %) ainsi que la prime d'accroissement de trafic, avec un échelonnement de 2 à 8 %. Si l'on veut résumer les mesures tarifaires adoptées depuis la crise charbonnière, il faut d'abord constater que le niveau général du tarif pour le charbon s'est développé en Allemagne de façon différente pour le petit consommateur, le consommateur moyen et le gros consommateur 3 . Si jusqu'en 1960 le niveau général du barème pour le charbon était le même pour les petits consommateurs, les moyens consommateurs et les gros consommateurs, il résulte des mesures tarifaires exposées plus haut qu'il existe un niveau de prix de transport différencié. Pour les acheteurs qui ont confié les quantités achetées à la voie ferrée au barème applicable d'une façon générale au charbon, les dépenses de transport pour les trois groupes se sont réduites comme suit, selon la distance et la quantité reçue, par suite des baisses de frais de transport du charbon par voie ferrée depuis i 9 6 0 4 : — pour petits consommateurs de 3 000 tonnes par an en wagons isolés : au titre de l'aide aux frais de transport et abaissement du barème AT.6.B1

de 14 à 20 %

— pour consommateurs moyens de plus de 3 000 tonnes par an en wagons isolés : au titre de l'aide aux frais de transport, abaissement du barème AT.6.B1 introduction des rabais pour quantité, pour fidélité (AT.6B.80),

de 18 à 2 4 %

3. Outre les tarife de transport du charbon applicables en général, il existe en outre naturellement dans la République fédérale une série de tarifs d'exception particuliers pour le transport du charbon, mais leur discussion dépasserait le cadre de ce travail. Dans ces tarifs d'exception spéciaux, il s'agit en premier lieu de tarifs concurrentiels vis-à-vis d'autres moyens de transport, notamment vis-à-vis de la voie d'eau, ainsi que de tarifs destinés à maintenir un trafic. 4. Voir à ce sujet l'annexe 1.

10

Transports et concurrence des charbons allemands pour suppléments de quantités (AT.6B.80/10 à 20 %)

— pour gros consommateurs par fourniture pour trains complets : au titre de l'aide aux frais de transport, introduction du barème pour trains complets (AT.6B.80) abaissement de l'AT.6.Bl introduction du rabais de fidélité (AT.6B.90) selon le dégrèvement net (800-1 300 t) et la régularité des trains pour suppléments de quantité (AT.6B.90/2 à 8 %)

de 24 à 37 %

de 20 à 40 % de 20 à 44 %

b) Navigation intérieure L'affrètement en trafic intérieur est réglé par la loi du 1er octobre 1953 sur la Circulation intérieure professionnelle, compte tenu de la loi modificatrice du 1er août 1961. Conformément à ces dispositions, les attributions pour prestation de trafic par eau entre stations de chargement et stations de déchargement allemandes sont établies par des chambres d'affrètement de la navigation intérieure qui ont besoin de l'autorisation du ministre fédéral des Transports en accord avec le ministre fédéral de l'Economie. Les frets autorisés, qui d'après la loi peuvent être des frets fixes ou des frets compris entre un minimum et un maximum, sont promulgués par le ministre fédéral des Transports sous forme d'arrêtés ayant force de loi. La fixation du fret pour le trafic intérieur allemand du charbon se fait par les deux chambres d'affrètement compétentes territorialement ; pour les transports rhénans, par la chambre d'affrètement pour le Rhin de Duisbourg, et pour les transports dans la zone des canaux de l'Allemagne occidentale, c'est-à-dire dans la direction de l'Est, par la chambre d'affrètement de Dortmund. L'affrètement dans ces deux bassins distincts est traité séparément et on ne peut les comparer tout simplement, car les deux bassins présentent des conditions tout à fait différentes. Les frets pour le charbon pour les stations du Rhin, du Main et du Neckar sont établis départ Duisbourg-Ruhrort et sont valables aussi avec la même valeur pour les chargements dans les rivages des mines rhénanes. Pour les chargements départ stations sur canal rivages (sur le canal RhinHerne, sur le canal Dortmund-Ems, sur le canal Datteln-Hanun et le canal Wesel-Datteln), il s'y ajoute jusqu'à Duisbourg-Ruhrort des frets de canal variables selon la distance du rivage et qui sont combinés par les deux comptoirs de vente des charbons de la Ruhr avec les frais de parcours d'accès et les taxes de transbordement des rivages et avec les

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frais de livraison par rail à Duisbourg-Ruhrort. On obtient donc ainsi, pour toute station de réception sur le Rhin, le Main ou le Neckar, des frais de transport par eau de même valeur, indépendamment de la position géographique de la mine expéditrice. Pour les livraisons dans les régions des canaux de l'Allemagne occidentale, les frets pour le charbon sont établis de façon que pour de grandes distances il n'y ait qu'un barème unique pour tous les rivages sur canaux. Ce n'est que pour la zone proche et pour les stations d'embarquement sur le canal Dortmund-Ems qu'il existe des frets différents, fixés en fait par trois groupes de mines auxquels les mines individuelles situées sur le canal sont rattachées en fonction de leur position géographique. En plus des frets fixés par la chambre d'affrètement de Dortmund il faut ajouter pour les expéditions par eau les frais d'accès aux rivages et de transbordement, lesquels ont été fixés à la même valeur pour toutes les mines sur les canaux. Depuis le début de la crise charbonnière, on a d'abord abaissé de façon générale le niveau des frais de transport du charbon de la navigation intérieure par l'aide aux tarifs de transport du charbon introduite par le gouvernement fédéral, comme on l'a déjà indiqué au chapitre précédent. L'aide aux frais de transport, qui fut fixée d'abord à 8,6 puis à 7,6 % à dater du 1" avril 1964, est accordée à tous les coûts de transport fixés réglementairement pour les parcours allemands. Elle ne s'applique donc qu'au trafic intérieur allemand du charbon, c'est-à-dire aux prestations de transport entre stations d'embarquement et débarquement allemandes et pour autant que ces frais de transport soient fixés par les chambres d'affrètement de la navigation intérieure. De l'abaissement du tarif général d'exception pour le charbon et l'introduction du barème de ristournes pour le charbon des chemins de fer fédéraux, résulta pour la navigation intérieure allemande la nécessité de réduire, elle aussi, les frets du charbon, pour les adapter pour des motifs concurrentiels au niveau des nouveaux barèmes de la voie ferrée pour le charbon. C'est pour cela que la navigation rhénane a, le 20 mars 1962, abaissé de 5 à 8 % les frets à destination des stations du Rhin supérieur du Main et du Neckar. Simultanément on calcula sur une durée de déchargement réduite de moitié les frets pour l'Allemagne du Sud, et on augmenta un peu les rabais conventionnels consentis aux gros consommateurs établis sur l'eau lors de la conclusion de contrats de transport s'étendant sur plusieurs années et échelonnés selon la quantité annuelle sur laquelle l'accord s'est établi. Dans la zone des canaux de l'Allemagne occidentale, au lieu d'une réduction générale des frais, on établit une caisse de compensation des frets qui, en particulier pour un trafic discontinu et d'une manière analogue à celle pratiquée depuis des années pour la navigation sur le Rhin supérieur, doit par des rabais harmonisés empêcher vis-à-vis

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et américains en Allemagne fédérale

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des réductions directes de la voie ferrée des pertes des tonnages qui sont transportés dans les régions accessibles aux bateaux. Les mesures énumérées : aide aux tarifs du gouvernement fédéral, abaissement des frets et élévation des rabais contractuels pour gros consommateurs dans la région du Rhin supérieur, et les abaissements adoptés pendant cette période par les mines de la Ruhr pour les frais d'accès et taxes de transbordement, ont entraîné les réductions suivantes des frais de transport par voie d'eau (cf. annexe 2) : — dans la région du Rhin supérieur, Main, Neckar : pour utilisateurs individuels 15 à 17 % pour gros consommateurs 20 à 22 % — dans la région Rhin moyen et Rhin supérieur 14 à 18 % — dans la zone des canaux de l'Allemagne occidentale 12 à 19 %

2 . EVOLUTION DES FRAIS DE

TRANSPORT

POUR LE CHARBON AMÉRICAIN IMPORTÉ

Les frais de transport pour le charbon américain importé se décomposent, pour un utilisateur de la République fédérale, en : — frais d'expédition et de transbordement aux Etats-Unis des charbons américains exportés ; — fret maritime depuis Hampton Roads jusqu'aux ports européens de la mer du Nord ; — frais de transbordement et d'expédition du port de la mer du Nord jusqu'au lieu d'utilisation. a) Frais d'expédition et de transbordement aux Etats-Un:s du charbon américain exporté Les régions principales d'extraction du charbon américain exporté se trouvent en Virginie occidentale et en Virginie, d'où l'exportation du charbon a lieu de façon prépondérante par les ports de l'Atlantique, Newport News et Norfolk, réunis sous la dénomination de Hampton Roads. Les distances moyennes des régions principales d'extraction jusqu'à Hampton Roads atteignent 690 km au départ de Pocahontas - New Ride, 890 km au départ de Kanawha et 1 015 km au départ du Kentucky oriental. Le transport du charbon d'exportation depuis ces zones de production ainsi que le transport dans les ports de Hampton Roads sont actuellement exclusivement dans les mains de deux compagnies de chemin de fer, la Chesapeake and Ohio pour Newport News et la Norfolk and Western pour Norfolk. Ces transports se font presque exclusivement par

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Transports et concurrence des charbons allemands

trains complets de 10 000 à 12 000 tonnes net, c'est-à-dire par des trains extraordinairement grands pour les conditions européennes. Pour le transport par fer du charbon américain d'exportation jusqu'à Hampton Roads il existe trois zones tarifaires où les mines sont classées par groupes. Les prix actuels de transport sont : Zone tarifaire 1 : districts de Pocahontas - New Rives charbons à coke

4,538 (DM 18,12) par tonne (F 22,65)

Zone tarifaire 2 : districts de Kanawha, Logan charbons à vapeur

4,648 (DM 18,56) par tonne (F 23,20)

Zone tarifaire 3 : districts de Big Sandy et de l'ElK charbons à vapeur

4,748 (DM 18,96) par tonne (F 23,70)

Dans ces prix de transport on a englobé le rassemblement des quantités destinées à l'exportation par les mines individuellement, le transport jusqu'aux ports de Hampton Roads, la répartition, l'emmagasinage et le mélange éventuel des charbons au port et finalement l'embarquement dans les navires de mer. b) Fret maritime depuis Hampton Roads jusqu'aux ports européens de la mer du Nord. Les charbons américains sont transportés de Hampton Roads aux ports européens exclusivement par trampers. La navigation par trampers ne connaît pas par principe de marchés organisés ; les cours du fret se forment surtout en marché libre d'après la loi de l'offre et de la demande et sont souvent soumis à des fluctuations extrêmement fortes, car la navigation par trampers est très sensible à la conjoncture. Il n'existe guère dé marché qui soit autant exposé au libre jeu des forces en présence que celui ' du fret par trampers. Chaque modification du rapport des forces entre offres et demandes trouve instantanément son contrecoup dans les taux du moment. Ce n'est pas seulement la demande directe de tonnages pour le charbon, mais aussi des tonnages pour autres marchandises transportées en vrac, comme céréales, minerai et produits pétroliers, qui ont une influence décisive sur la valeur des frets du moment. Des démêlés guerriers, des crises nationales et analogues — comme la crise de Suez l'a particulièrement montré — conduisent aussi à des variations considérables des frets. Dans le transport du charbon à partir de Hampton Roads, diverses sortes de contrats d'affrètement sont utilisées. Les affrètements à temps, où un navire est affrété pour une durée donnée, ne sont pas d'une application fréquente. Dans leur grande majorité, les transports font surtout l'objet d'un affrètement au voyage, soit pour un seul voyage, soit pour

et américains en Allemagne jédérale

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plusieurs voyages consécutifs, ou bien d'un contrat portant sur des quantités données qui doivent être transportées au cours d'une ou de plusieurs années. L'évolution des taux de fret pour les expéditions de Hampton Roads vers les ports A. R. A. (Anvers, Rotterdam, Amsterdam), qui sont déterminants pour apprécier la position concurrentielle du charbon américain sur le marché allemand de l'énergie, est donnée par la figure 1 pour la période 1955 à 1964, et ce sous la forme des valeurs moyennes mensuelles. La figure montre que les frets pendant cette époque ont été soumis à de grandes fluctuations. Les plus grandes fluctuations ont eu lieu pour les voyages individuels à fret à la journée, pour lesquels sur la période totale considérée le fret le plus bas fut de 17,6 par tonne et le plus élevé 118 par tonne. Mais aussi à l'intérieur des années prises individuellement les écarts pour les frets à la journée étaient en partie très notables. Les frets pour contrats de transport à longue durée ne furent pas soumis dans la dernière décennie à des fluctuations aussi extrêmes. On peut constater généralement que l'on est parvenu depuis le début de la crise charbonnière jusqu'à la période actuelle à une baisse notable des frets maritimes. Cette évolution peut être attribuée à des causes diverses. L'extension sensible du commerce international et les quantités accrues de façon continue pour les besoins individuels ont amené la mise au point d'un transport transocéanique de capacité bien plus grande et plus favorable quant au prix de revient. Si, en 1955, c'étaient surtout les liberty ships qui, avec leur capacité inférieure à 10 000 tonnes, définissaient le tableau du transport du charbon, dans les années suivantes ce furent les dry jreighters (cargos pour produits solides) à 15 600 tonnes de port en lourd qui gagnèrent une importance prépondérante au cours des années suivantes. Entre temps, la capacité moyenne de chargement des bulk carriers (bateaux transporteurs en vrac) est montée à 20 000 tonnes. La mise en service de bateaux ayant de 30 000 à 35 000 tonnes de port en lourd, qui étaient inconnus en 1959 en tant que cargos pour produits solides, gagne rapidement ; à titre isolé on voit même entrer pour le transport du charbon des bateaux de 45 000 et . 60 000 tonnes de port en lourd. Bien plus que l'abaissement des prix survenu par suite de la mise en service de plus grands bateaux, c'est l'excédent de capacité régnant depuis quelques années dans les transports maritimes que l'on doit considérer comme la cause de la chute des frets. c) Frais de transbordement et d'expédition des ports de la mer du Nord au lieu d'utilisation Les frais de transbordement du charbon importé ont monté d'une façon continue dans les ports européens de la mer du Nord au cours des années

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Transports et concurrence des charbons allemands

qui viennent de s'écouler, à cause des augmentations des salaires et des prix du matériel. Dans les ports de Rotterdam, Brème et Hambourg, qui sont les plus importants pour l'importation du charbon américain dans la République fédérale, ces frais de transbordement ont augmenté de 17 à 30 % du début de 1958 à la période actuelle. Pour autant que le charbon importé n'est pas déchargé dans les installations propres de gros utilisateurs situées sur la côte et emmagasiné à proximité immédiate du point de consommation, il s'ajoute le transport depuis le port maritime jusqu'aux lieux de consommation situés dans le territoire fédéral ; le transport peut être réalisé selon les possibilités dont on dispose, soit par la navigation intérieure, soit par les chemins de fer fédéraux. Pour le charbon importé de pays tiers, il existait jusqu'à l'an dernier pour le transport par fer à l'intérieur du pays un tarif spécial pour le charbon d'importation (AT.6.B1). Ce transport de charbon d'importation fut introduit en 1958 avec des prix qui étaient en moyenne de 4 % supérieurs aux frais de transport du tarif général d'exception du charbon 6.B1. La baisse apportée le 1er août 1964 par les chemins de fer fédéraux aux classes de tarif-guide fit que les frais de transport de l'AT.6.El aux échelons de distance-types devinrent supérieurs à ceux de la classe V des produits miniers et métallurgiques, tarif-guide pour le charbon, et ainsi ce tarif pour charbon d'importation devint sans intérêt. Pour le charbon d'importation provenant de pays tiers, les frais de transport par fer se sont même depuis le début de la crise charbonnière abaissés dans une mesure pouvant atteindre 7 % par suite de l'abaissement des classes de tarif-guides. En outre, pour le charbon d'importation, est entrée en vigueur en 1960 une réduction de tarif grâce à l'aide aux frais de transport du charbon du gouvernement fédéral mentionnée plus haut ; primitivement de 8,6 %, cette réduction a été ramenée à 7,6 % à dater du 1er avril 1964. Pour la part du charbon d'importation évacuée des ports maritimes allemands par la navigation intérieure au cours des dernières années (transports pour lesquels les dépenses sont en règle générale fixées par les chambres d'affrètement de la navigation intérieure), une réduction des barèmes de 8,6 ou 7,6 % est intervenue du fait de la mise en vigueur de l'aide aux frais de transport par le gouvernement fédéral. Par contre, pour les charbons américains importés dans la République fédérale par voie d'eau par les ports du Bénélux, l'aide aux frais de transport du charbon n'a pas été concédée, car pour ces transports les barèmes ne sont pas fixés par une décision légale. Mais, d'autre part, les années écoulées ont montré que les utilisateurs de charbon de l'Allemagne du Sud desservis par le Rhin avaient à dépenser pour les charbons d'importation de Rotterdam des frets inférieurs à ceux pratiqués pour le charbon de la Ruhr,

et américains en Allemagne fédérale

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compte tenu de l'aide aux frais de transport. Les frets pour le charbon en trafic international rhénan traités librement, qui ont augmenté au cours des dernières années de DM 1 par tonne en moyenne, restent encore substantiellement inférieurs à ceux des frets fermes intérieurs allemands. Quoique ces disparités entre frets du trafic national et du trafic international sur le Rhin, qui constituent une déformation de la concurrence pour le charbon allemand, ne soient pas compatibles avec les stipulations essentielles du Traité constituant la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, on n'a pas réussi jusqu'ici à parvenir pour les trafics internationaux et nationaux sur le Rhin à une méthode unique de détermination des frets grâce à laquelle ces disparités ne pourraient plus se produire.

III. EFFETS DE L'EVOLUTION DES FRETS SUR LA POSITION CONCURRENTIELLE DU CHARBON ALLEMAND ET DU CHARBON AMERICAIN DANS LA REPUBLIQUE FEDERALE Dans les exposés suivants on tentera de résumer l'effet des variations des prix de transport intervenus approximativement depuis juillet 1960 sur la position concurrentielle du charbon de la Ruhr et du charbon américain. Il semble utile à cet effet de considérer séparément les frais de transport depuis les mines américaines jusqu'aux ports européens de la mer du Nord cif et les frais de transport existant dans la République fédérale. Sous le chapitre des frais de transport moyens jusqu'à Hampton Roads cif et du fret maritime calculé sur la moyenne annuelle, les frais de transport cif jusqu'aux ports d'Anvers, Rotterdam et Amsterdam se sont modifiés comme suit dans l'espace de temps considéré :

$

1960 par tonne DM

Fob et frais Hampton Roads, zone tarifaire 2

4,57

18,28

22,85

4,64

18,56

23,20

Fret maritime moyen Hampton Roads - ports A. R. A. (voyages isolés)

3,66

14,63

18,30

3,55

14,20

17,75

8,23

32,91

41,15

8,19

32,76

40,95

F

$

1964 par tonne DM

F

Pour exposer les variations des frais de transport dans la République fédérale, il est intéressant de montrer d'une part les différentes réductions des frais de transport pour grands et petits utilisateurs pour le charbon

18

Transports et concurrence

des charbons allemands

de la Ruhr et d'autre part les variations des frais de transport entre charbon de la Ruhr et charbon des Etats-Unis pour les gros consommateurs. Dans les deux cas on a, en s'appuyant sur une étude de la Communauté de travail des instituts allemands de recherches économiques, divisé le territoire de la République fédérale allemande et de Berlin-Ouest en 46 zones régionales (circonscriptions administratives ou limites de la statistique administrative des transports) et établi pour ces espaces géographiques des moyens de transport représentatifs en chaque cas tant pour le transport des charbons de la Ruhr que pour celui du charbon américain. En prenant pour base les trajets fixés de cette manière on a établi les frais de transport pour les points de référence choisis dans les diverses zones. Pour le calcul des frais de transport pour gros consommateurs, il était nécessaire de partir de certaines valeurs moyennes déterminées, par exemple pour les rabais consentis pour trains complets et pour gros consommateurs situés sur l'eau. Il sautera directement aux yeux du lecteur que pour une telle comparaison une certaine abstraction s'imposait, alors que dans la pratique à l'intérieur des zones individuelles il pouvait y avoir naturellement de très grandes différences relatives des frais de transport selon le point de réception, le choix du moyen de transport et la quantité reçue. Sous réserve de ces prémisses, les calculs ont donné les résultats suivants :

1° RÉDUCTION

DES

FRAIS

DE

TRANSPORT

POUR

GRANDS

ET

PETITS

UTILISATEURS DANS LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE POUR LE CAS DU CHARBON DE L A

RUHR

Dans le tableau d'ensemble de l'annexe 3 et dans la figure suivante 2 on a représenté les charges de frais de transport différents pour grands et petits utilisateurs dans les 46 zones régionales de la République fédérale pour le cas du charbon de la Ruhr. On y voit en particulier l'incidence de l'augmentation de la distance du bassin sur les frais de transport et les effets des réductions de prix décrites en détail ci-dessus sur les diverses zones. Le tableau montre aussi comment les frais de livraison pour petits et gros acheteurs de charbon ont évolué de façon différente et se sont écartés par suite de l'introduction du barème par trains complets. L'amélioration de la compétitivité du charbon de la Ruhr, survenue grâce aux réductions tarifaires intervenues, est très différente selon les régions. Etant donné les faibles distances de transport, elle se manifeste naturellement notablement moins au voisinage des mines que dans les

et américains en Allemagne fédérale

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régions éloignées du bassin. C'est ainsi que la compétitivité du bassin de la Ruhr s'est améliorée de DM 0,50 par tonne environ pour les livraisons aux petits consommateurs et de DM 0,85 par tonne pour celles aux gros consommateurs. Les montants augmentent au fur et à mesure de l'éloignement et dans le nord de l'Allemagne atteignent dans le cas le plus favorable DM 4, — par tonne environ pour le petit consommateur et DM 6,50 par tonne pour le gros consommateur ; par contre, les valeurs correspondantes pour le débouché de l'Allemagne du Sud sont d'environ DM 6 — et DM 10 — par tonne respectivement. 2°

MODIFICATIONS DANS LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DES FRAIS DE TRANS-

PORT POUR LE CHARBON DE LA RUHR ET LE CHARBON AMÉRICAIN DANS LE CAS DES GROS UTILISATEURS

Le tableau d'ensemble de l'annexe 4 et la figure 3 suivante, montrent qu'en général le charbon américain possède un avantage au point de vue frais de transport vis-à-vis du charbon de la Ruhr dans la région côtière de l'Allemagne du Nord et dans le domaine — atteint très favorablement grâce à la disparité des frais de transport — du Rhin, du Main et du Neckar. Les régions pour lesquelles il y a avantage de frais de transport pour le charbon de la Ruhr sont concentrées d'abord en un espace situé autour du bassin de la Ruhr depuis les frontières occidentales de l'Etat jusqu'à la frontière interzone et atteignant, par rapport à un axe ouestest passant par le bassin de la Ruhr, 120 km environ vers le nord et 260 km vers le sud, ainsi qu'en deuxième lieu la zone de l'Allemagne du Sud en majeure partie écartée des voies d'eau et qu'il faut desservir par fer. Les réductions tarifaires, entrées en vigueur du 30 juin 1960 au 31 décembre 1964 pour le transport du charbon dans la République fédérale, ont une influence plus forte pour le charbon de la Ruhr (DM 0,79-9,84 par tonne) que pour le charbon américain (DM 0,01-2,50 par tonne). Si l'on considère en outre que les frais de transport pour le charbon américain se sont accrus dans diverses zones par le relèvement du fret fluvial international sur le Rhin et le renchérissement des frais de transbordement dans les ports, on peut dire que dans l'ensemble une amélioration notable de la position concurrentielle du charbon de la Ruhr a eu lieu dans le domaine des frais de transport. Si au 30 juin 1960 le charbon américain avait l'avantage au point de vue frais de transport vis-à-vis du charbon de la Ruhr dans 27 zones régionales sur un total de 46, cet avantage s'est réduit au 31 décembre 1964 à 18 zones. De plus, dans les régions géographiques où l'avantage des frais de transport reste au charbon américain, sa valeur relative s'est fortement abaissée.

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Transports et concurrence des charbons allemands

IV. EVOLUTION PROBABLE DES FRAIS DE TRANSPORT POUR LE CHARBON ALLEMAND ET POUR LE CHARBON AMERICAIN 1. EVOLUTION PROBABLE DES FRAIS DE TRANSPORT DES CHARBONS DANS LE TRAFIC INTÉRIEUR ALLEMAND

Pour réfléchir sur l'évolution future des frais de transport du charbon dans le territoire fédéral, il faut partir du fait que, depuis des décennies, les transports de charbon forment pour les deux transporteurs de produits pondéreux — les chemins de fer fédéraux et la navigation intérieure — la base principale de leurs opérations et également de façon indiscutable l'axe support de leurs recettes financières. On peut donc admettre que, dans la concurrence qui se maintiendra encore dans les années à venir entre les différentes énergies primaires sur le marché allemand de l'énergie, les deux transporteurs s'efforceront de se garder les transports du charbon par des mesures appropriées de politique tarifaire. Et cela déjà pour le motif que les énergies primaires en progression, le fuel de chauffage et le gaz naturel, ne leur apporteront aucune compensation de transport correspondant aux transports de charbon qui disparaîtront. Les deux transporteurs de produits pondéreux seront donc forcés dans les années à venir d'épuiser complètement toutes les mesures de rationalisation qui sont les seules possibles afin d'obtenir les abaissements nécessaires des prix de revient. En outre, ce n'est pas seulement la concurrence sur le marché de l'énergie qui force à cette nécessité, mais aussi la concurrence plus libre des prix vers laquelle on tend dans le cadre de la politique européenne des transports ainsi que de l'intégration qui se poursuit du marché du transport à l'intérieur de la Communauté Economique Européenne. Qu'il existe encore chez les deux transporteurs de très grandes possibilités d'augmentation notable de rendement par des mesures de rationalisation d'ordre technique et d'organisation, les exposés suivants doivent le montrer à grands traits. a) Chemins de fer fédéraux allemands On sait suffisamment que la situation financière des chemins de fer fédéraux allemands s'est détériorée de façon imprévue et rapide au cours des dernières années. Le président des chemins de fer fédéraux allemands a présenté au cours de l'automne de 1964 un rapport à ce sujet où il s'est expliqué sur les problèmes de la situation économique de l'entreprise et où il a en particulier proposé des mesures radicales pour son amélioration. Dans le cadre du sujet qui doit être traité ici, on ne peut entrer dans les détails de ces problèmes. Pour notre propos, il suffit surtout d'en extraire

et américains en Allemagne fédérale

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les points importants pour l'évolution future du trafic des produits pondéreux et de leurs prix de transport. L'analyse qui se trouve dans ce rapport de l'offre de prestations des chemins de fer fédéraux montre que la masse du trafic se concentre sur relativement peu d'expéditions et de relations de transport. 95 % des recettes totales du trafic voyageurs et marchandises ont été fournies par 50 % seulement des bureaux. En outre il résulte de l'analyse des branches de trafic pour 1963 que le trafic par wagons complets dans le secteur des transports marchandises a donné cette année un excédent de 685 millions de deutschmark. Ces chiffres montrent très clairement que le réseau actuel des chemins de fer n'est plus moderne et ne peut pas, dans l'avenir, être maintenu du point de vue économique dans sa forme et dans sa structure actuelles. Une conception complètement nouvelle de la politique ferroviaire est donc nécessaire de façon urgente. Dans le cadre de la rationalisation « négative » on doit s'efforcer avant tout de restreindre les trafics qui sont en opposition avec l'intérêt économique de la voie ferrée, c'est-à-dire la réduction du trafic à des courants de transport importants dans l'espace et aussi réguliers que possible dans le temps ; à long terme le réseau de voies ferrées sera réduit aux sections à fort trafic cependant que le petit transport de marchandises sera limité aux points de jonction et le déchargement des wagons surtout au pur trafic de raccordement. Ceci exige un retrait du trafic actuel des zones de grande superficie impropres parce que déficitaires en abandonnant le réseau correspondant de voies, fermant les points d'expédition insignifiants pour la puissance de transports, en adaptant nécessairement les effectifs aux conditions nouvelles. Il est nécessaire en outre de normaliser les comptes des voies ferrées en séparant ce qui appartient au domaine de l'entreprise de ce qui est imposé aux chemins de fer par l'Etat dans le cadre d'une « assurance vie » pour le bénéfice de tiers. Il semble être utile ici que les chemins de fer fédéraux soient, du point de vue de leur comptabilité, articulés en une entreprise de transport pour trafic de personnes et une entreprise de transport pour trafic marchandises, les deux éléments recevant pour des services non économiques et cependant à rendre sur l'injonction de l'Etat une compensation financière appropriée. A ce sujet il faut encore mentionner que les problèmes du règlement des rapports financiers entre la Fédération et les chemins de fer fédéraux ont encore besoin d'une solution définitive. Ceci est en outre une condition préalable pour pouvoir dans les prochaines années mettre à exécution les rationalisations « positives » nécessaires, qui exigent les moyens d'investissement correspondants. Parmi les rationalisations « positives » envisagées en particulier dans le secteur technique, ce sont surtout les mesures suivantes qui devraient 3

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Transports et concurrence des charbons allemands

avoir une influence favorable sur l'évolution des prix de transport du trafic charbonnier. Dans le cadre de la traction, on devra poursuivre l'électrification des lignes principales de transport, déjà réalisée à 60 % environ, avec le passage consécutif aux locomotives électriques. Sur les parcours restant non électrifiés, on introduira dans une mesure plus grande les locomotives Diesel. Le parc de wagons continuera à être modernisé par la construction de wagons spéciaux permettant un chargement et un déchargement plus rapides et ayant un meilleur rapport de la charge utile à la tare. L'équipement futur du parc de wagons en accouplements automatiques, dont on vient de commencer les premiers essais^ contribuera également à l'économie du travail et à la plus grande rapidité des rotations. Par des regroupements, le service de manœuvre sera concentré en de grandes gares de triage qui seront transformées selon les points de vue les plus modernes. L'installation de postes de commande modernes, d'où, à l'aide de la technique purement électrique de la signalisation, on peut agir sur les signaux et les aiguillages à des distances de 300 km dans les stations et jonctions voisines qui ne seront plus occupées, amènera une conduite de l'exploitation plus stricte et, conjointement avec les efforts de simplification de la structure du réseau, une augmentation des durées de circulation des trains. Avec ces mesures, qui ne constituent qu'une partie du programme d'ensemble de la rationalisation, les chemins de fer fédéraux allemands n'atteindront certes pas encore le degré élevé et rationnel de la spécialisation, tel qu'il existe déjà aujourd'hui dans les deux compagnies américaines de chemin de fer mentionnées plus haut et qui en effet considèrent comme leur tâche exclusive le transport du charbon des centres d'extraction aux ports de l'Atlantique. Cependant ces conditions de transports des chemins de fer fédéraux allemands seront déjà considérablement améliorées par rapport aux conditions actuelles et surtout pourront être adaptées à la nouvelle structure des débouchés du charbon. Dans l'évolution qui s'est manifestée depuis quelques années déjà pour l'écoulement du charbon, la tendance à la grosse unité de consommation est indéniable. A l'avenir, les livraisons aux grandes centrales et aux grandes usines métallurgiques seront de plus en plus au premier plan, en plus des débouchés industriels autres et du chauffage domestique. Cette évolution amènera le trafic ferroviaire du charbon dans le futur à avoir lieu de plus en plus par trains navettes de grandes dimensions. Dans un tel cadre des possibilités, les trafics spéciaux futurs seront effectués avec des trains navettes continus contenant 2 500 tonnes fines. (Le chargement maximal net des trains étant aujourd'hui de 1 300 tonnes dans des wagons à déchargement automatique.) Quels effets auront donc les mesures de rationalisation prévues par les chemins de fer fédéraux ainsi que les mesures diverses mentionnées plus

et américains en Allemagne fédérale

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haut sur l'évolution future ? Pour un pronostic de ce genre, on doit d'abord considérer que les barèmes actuels pour les charbons sont fixés, même après les abaissements exposés plus haut, au-dessus des prix de revient propres. Cette hypothèse est justifiée par les excédents élevés du trafic par wagons complets des chemins de fer fédéraux : 685 millions de deutschmark en 1963, auquel participe à un degré particulièrement élevé le charbon, surtout si l'on considère que le trafic charbonnier, qui provient exclusivement de raccordements particuliers et s'achève en majeure partie à des raccordements particuliers, est du point de vue du prix de revient le mieux placé dans le trafic par wagons complets, à côté des transports de minerais tarifiés plus bas. Si l'on suppose en outre que ces excédents de trafic par wagons complets, avec réalisation aussi brève et aussi continue que possible de l'assainissement nécessaire d'urgence, ne seront plus appelés dans l'avenir à couvrir les pertes dans les branches de trafic déficitaires de l'exploitation des voies ferrées, on peut, en cas de réalisation opiniâtre de toutes les mesures de rationalisation, compter d'abord, comme tendance, sur des frais de transport en baisse. Mais jusqu'à quel point cette tendance à la baisse pourra-t-elle être dans le futur compensée ou surcompensée par des augmentations de prix des salaires et du matériel, on ne peut le prévoir aujourd'hui. b) Navigation intérieure S'il ne faut pas méconnaître que dans la navigation intérieure, contrairement à la voie ferrée, les efforts de rationalisation sont rendus difficiles par la structure des entreprises, c'est-à-dire par la pluralité des exploitations très différentes quant à leur grandeur, on peut cependant constater que pour la navigation intérieure aussi il existe encore de très grandes possibilités de rationalisation, aussi bien du point de vue technique que du point de vue de l'organisation. Pour leur réussite, la plupart des possibilités techniques de rationalisation de la profession dépendent, bien entendu, d'une manière décisive de la condition préalable que les voies d'eau dont on dispose seront adaptées aux exigences d'une exploitation moderne de la navigation. En ce qui concerne l'état du réseau de voies navigables de la République fédérale, de nombreuses sections, en particulier dans la zone des canaux de l'Allemagne de l'Ouest, de la trouée de Bingen et des affluents canalisés du Rhin supérieur, ne sont déjà plus adaptées aux besoins actuels du trafic et par suite sont très désuètes. Comme propriétaire des voies, l'Etat n'a pas seulement le devoir d'entretenir les voies navigables, mais encore la tâche d'adapter le réseau de voies navigables dont on dispose aux besoins du trafic par des améliorations ou des élargissements.

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Transports et concurrence des charbons allemands

Par des crédits bien trop faibles dans les budgets des transports, cela ne fut possible dans le passé que d'une manière insuffisante. Il est par suite nécessaire de façon urgente que le gouvernement fédéral et les pays de la Fédération mettent dans les années à venir des moyens d'investissement plus grands que dans le passé pour le développement et la modernisation des voies navigables dont on dispose, afin de créer les conditions préalables nécessaires à une rationalisation technique décisive. Comme cette nécessité est reconnue aussi bien par les gouvernements que par les parlementaires et que l'on a même créé dans ces derniers temps pour des programmes isolés de longue durée des sociétés de financement auxquelles participent l'Etat fédéral et les pays intéressés dans chaque cas par le projet, on peut déduire que le réseau de navigation fluviale dont on dispose dans la République fédérale sera dans les vingt ans à venir amené à un état qui sera approprié à toutes les exigences d'une exploitation moderne de navigation. En ce qui concerne la rationalisation technique dans la navigation intérieure, on a obtenu dans les années passées des résultats importants de rationalisation par la motorisation accrue de la cale qui a amené une augmentation substantielle du rendement en tonne/kilomètre. Mais on n'a nullement épuisé ainsi les possibilités de rationalisation. Dans le cadre d'une nouvelle rationalisation technique des moyens d'exploitation s'offre le passage de la motorisation à la navigation par poussage, dont les avantages essentiels résident dans une économie notable de personnel, dans une durée plus faible de rotation et dans les frais de construction plus bas, et cela dans les diverses formes et les divers modes d'exploitation qui correspondent en chaque cas à la nature des produits à transporter et aux caractéristiques des voies navigables. En outre, ceux qui se livrent à la navigation doivent tendre à épuiser toutes les possibilités de rationalisation qui amènent une accélération de la rotation du navire et entraînent ainsi une meilleure utilisation du capital investi dans le parc flottant. Dans cet ordre on dispose de diverses possibilités. En premier lieu on doit citer la continuité ou semi-continuité du voyage qui, certes, soulèvent une série de problèmes techniques, de questions d'organisation et de problèmes sociaux, mais qui, par contre, et surtout dans les relations où la part du temps de navigation net à la durée totale de la rotation est grande, amènent des avantages économiques importants. Une amélioration de la durée d'utilisation des bâtiments est en outre à atteindre dans la voie de la modernisation et de la rationalisation du transbordement, qui amène une diminution des temps de chargement et de déchargement. A la rationalisation technique appartient particulièrement encore la simplification de la structure et des dimensions des bâtiments ainsi que la normalisation des éléments d'un bateau. Dans ces deux domaines on observe dans la navigation intérieure allemande une multiplicité anti-économique telle que par

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une normalisation poussée des types de navires ainsi que de leur armement et de leur aménagement on pourra obtenir une économie substantielle des frais de construction. A côté de ces améliorations techniques dans l'exploitation de la navigation qui, en partie, ne peuvent donner leur plein effet qu'avec une amélioration progressive des voies d'eau existantes, on peut obtenir de notables améliorations de rendement, surtout dans le transport du charbon, par des mesures d'organisation. On doit ici penser en premier lieu aux nouvelles formes de l'organisation de l'exploitation permettant d'atteindre un meilleur résultat pour le réseau. La fusion de plusieurs entreprises en une communauté des moyens d'exploitation ouvrirait par exemple la possibilité de réduire par adoption de dispositions communes les nombreuses courses à vide improductives et le chômage des navires. Comme sur ce point c'est l'utilisation optimale et non l'égal emploi de tous les moyens d'exploitation qui doit être en premier plan, il semble indiqué de lier la communauté des moyens d'exploitation à une mise en commun des recettes. Par une réalisation rapide pour les voies navigables actuelles des améliorations et des extensions projetées, ainsi que par l'épuisement de toutes les possibilités d'extension, dont une partie seulement a pu être indiquée, la navigation intérieure devrait être en état, dans le proche avenir, d'absorber les augmentations de salaires et de prix qui se manifesteront sans élever ses frets. 2 . EVOLUTION PRÉVISIBLE DES FRAIS DE TRANSPORT POUR L E CHARBON D'IMPORTATION AMÉRICAIN

a) Frais d'expédition et de transbordement aux Etats-Unis du charbon américain exporté Pour analyser le développement futur des frais de transport ferroviaires, il faut se poser d'abord la question de saisir jusqu'à tel point on peut considérer les frais de transport perçus actuellement pour le trafic des charbons d'exportation par les deux compagnies de chemins de fer comme « honnêtes du point de vue du prix de revient ». Le fait que les frais de transport pour le charbon destiné à la côte par les deux compagnies dans les mêmes conditions de transport ne sont que de 3,34 $ par tonne laisse présumer la conclusion que les prix de transport demandés aujourd'hui pour le trafic du charbon d'exportation peuvent être considérés comme « exagérés ». Cette conclusion pourrait trouver une confirmation dans le fait que ces deux compagnies de chemin de fer, qui font principalement le transport vers les ports maritimes, rapportent des bénéfices qui sont notablement supérieurs à la moyenne de l'ensemble des com-

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Transports et concurrence des charbons allemands

pagnies ferroviaires. Mais ces données sont à la vérité très incertaines, car on ne sait pas si les frais de transport actuels du charbon destiné à la côte couvrent complètement les dépenses qui leur incombent et on ne peut pas non plus déterminer si pour le trafic des charbons destinés à la côte et des charbons destinés à l'exportation les conditions sont les mêmes 5 . Il semble donc que les compagnies de chemin de fer différencient leurs tarifs d'après le degré d'élasticité de la demande et que la politique tarifaire ferroviaire pour le transport du charbon américain est ainsi déterminée essentiellement par la situation des débouchés du charbon sur les marchés intérieurs et extérieurs. On peut donc partir avec certitude du fait que les prix de transport actuels pour les charbons destinés à la côte ne correspondent pas aux frais de transport effectifs jusqu'à Hampton Roads. Mais, par ailleurs, il n'est également pas vraisemblable que ces frais justifient le niveau des prix de transport demandés aujourd'hui pour le charbon d'exportation. On ne peut pas apprécier sans autre forme de procès si cette évolution des prix de transport par fer persistera aussi dans l'avenir, si les exportations augmentent et si les frais de transport augmentent certainement aussi en pouvant le cas échéant — selon l'évolution des prix de revient des transports dans les pays importateurs — exposer le charbon américain sur les marchés d'exportation à une concurrence plus forte. Si l'on peut toujours voir là un point de départ pour la possibilité d'une tendance des prix de transport par fer probablement plus vers la baisse que vers la hausse, il faut cependant, pour analyser le développement futur des tarifs, considérer encore d'autres facteurs. Un facteur décisif sera la valeur de l'augmentation de l'exportation américaine, car de là dépendra la mesure selon laquelle les capacités ferroviaires actuelles devront être augmentées encore. Les chemins de fer ont certes à leur disposition certaines réserves de capacité et de rationalisation, mais qui doivent être considérées comme limitées. On pourrait, par exemple, abaisser les frais d'expédition en augmentant le nombre de wagons spéciaux de 65 à 90 tonnes de charge utile en service. Mais il s'y oppose bien entendu le fait qu'il existe justement, avec les mélanges de charbon pour l'exportation, des difficultés de constituer des trains directs complets comportant des quantités encore plus grandes, car aux points individuels d'expédition on ne dispose pas des quantités et qualités nécessaires. Il s'y ajoute que la structure technique est déjà utilisée aujourd'hui de façon optimale par la mise en service des trains complets et que 5. D'autre part, on peut opposer que les transports intérieurs par conduites sont exposés en fait et potentiellement à une pression concurrentielle de prix et que, en outre, à cause de la vive concurrence de l'huile de chauffage et du gaz naturel, l'écoulement du charbon sur le marché intérieur dépend de la valeur des frais de transport davantage que l'écoulement vers l'exportation.

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la nature de la voie, la méthode d'exploitation ainsi que les dimensions des gares de chargement et de triage imposent à l'abaissement des prix de revient par l'agrandissement des wagons et l'allongement des trains des limites qui ne pourraient être franchies que par une onéreuse réorganisation de l'infrastructure. Une expansion de l'exportation américaine de charbon poserait aussi la question de la limite de capacité du point de vue des installations de transbordement dans les ports de Hampton Roads. Les installations de Newport et surtout de Norfolk, que l'on doit aujourd'hui qualifier d'extrêmement modernes et dont les plus grandes et les plus modernes peuvent actuellement transborder jusqu'à 18 000 t/h, disposent certainement de réserves de transbordement élevées. Il serait cependant faux de baser les études de capacité futures sur le rendement technique maximal des installations d'embarquement. Cette capacité sera beaucoup plus réduite, tant par les différences de grandeur des navires, laquelle, dans de nombreux cas, se règle d'après les conditions de circulation et la productivité des ports de réception et non d'après le rendement des installations d'embarquement, que par l'irrégularité d'arrivée des bateaux. Selon l'extension de l'exportation américaine de charbon, des investissements supplémentaires pourraient être nécessaires aussi en ce cas. Avec la tendance à l'accroissement des salaires et des prix de matières, on peut prévoir que la continuation des transports et des transbordements à leur niveau actuel amènerait à elle seule certaines augmentations. Il faut donc compter pour l'avenir avec des frais de transport en hausse, que ce soit avec ou sans extension de capacité. Comme la possibilité de mesures de rationalisation épargnant des frais — éventuellement en coopération avec les compagnies minières — n'est pas exclue et comme, en outre, il y a présomption que les tarifs de chemin de fer appliqués aujourd'hui sont supérieurs aux prix de revient, il semble justifié, étant donné le manque d'appréciation quantitative des influences diverses tendant à faire croître ou à abaisser les prix, que l'on puisse compter pour les années prochaines sur des frais fob de transport constants jusqu'à Hampton Roads. b) Fret maritime de Hampton Roads vers les ports européens de la mer du Nord L'évolution future des frets maritimes est extrêmement difficile à analyser, car, comme le passé l'a montré, les frets s'alignent en premier lieu sur la situation particulière du marché. La plupart des prévisions qui ont été faites jusqu'ici sur l'évolution future des frets d'importation se sont contentées de prédire une adaptation de longue durée des dépenses de transport au prix de revient des frais de transport maritime. On trouve cepen-

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Transports et concurrence des charbons allemands

dant là — comme on le montrera plus loin — une certaine exclusivité dans la manière d'apprécier. D'après les principes de l'économie, il semble justifié de partir du fait que l'évolution des frets doit à long terme refléter la situation des prix de revient, même si des écarts effectifs avec ce prix de revient puissent être notables à un instant déterminé sur les marchés au jour le jour. De ce point de vue se pose tout d'abord la question de la grandeur des navires qu'il faut considérer comme représentative dans l'avenir pour le transport du charbon. Comme on vient justement de l'exposer ailleurs, la mise en service de navires de mer à port en lourd de 30 000 tonnes et plus augmente de façon continue. Tout dernièrement même, on a connu quelques cas où des armateurs se fondant sur des contrats de transport à long terme ont décidé la construction de cargos pour marchandises en vrac de l'ordre de grandeur de 65 000 tonnes de port en lourd et en ont passé commande. Les conditions actuelles de circulation dans les ports allemands de la mer du Nord amènent sans doute soit à décharger ces super-navires exclusivement à Rotterdam, soit tout au moins à les alléger avant qu'ils puissent toucher les ports maritimes allemands. Indépendamment de cette réserve de tirant d'eau, la mise en service de cargos pour produits en vrac de cette dimension est aussi limitée par le fait que, en règle générale, il faudra grouper à long terme plusieurs consommateurs potentiels pour la commande continue de cargaisons aussi grandes. Pour un développement dominant en ce sens, les conditions actuelles n'offrent toutefois aucune base. Dans ces circonstances on ne se trompera pas en admettant que, pour le trafic futur du charbon sur l'Atlantique, les super-navires de cet ordre de grandeur ne joueront plus un rôle faisant autorité, mais qu'il faut prendre comme représentatifs de grands navires de 30 000 à 40 000 tonnes de port en lourd. D'après des études détaillées d'un institut scientifique, on a récemment établi que les prix de revient de transports maritimes pour un navire de 30 000 tonnes en lourd construit sur un chantier européen sont pour le trajet de Hampton Roads aux ports d'Anvers - Rotterdam - Amsterdam d'environ DM 18 (32 shillings) par tonne, en y comprenant les charges financières complètes. Si, par contre, on n'effectue le calcul qu'avec la moitié des charges financières — ce qui se fait fréquemment — les prix de revient s'abaisseraient à DM 16,50. L'essai de prendre ces prix de revient pour base de frets atlantiques futurs pour le transport du charbon américain de Hampton Roads aux ports d'Anvers - Rotterdam - Amsterdam doit sembler bien problématique si l'on fait un retour en arrière vers les frets qui ont varié si fort au cours des dix dernières années (voir à ce sujet la fig. 1 et les explications du chap. II b). La supposition que dans l'avenir les cours du fret pour le transport maritime du charbon

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américain ne différeront plus, en plus ou en moins, des prix de revient effectifs du transport de la quantité observée jusqu'ici ne pourrait s'appuyer sur le fait que les importateurs de charbon américain exigeraient davantage que jusqu'ici la conclusion de frets par contrats à long terme pour se débarrasser du risque des variations du fret, eu égard à la situation concurrentielle tendue sur le marché de l'énergie. Pour le transport du charbon, on ne peut à la vente considérer des contrats de ce genre que comme très isolés, par opposition à ce qui se passe pour la navigation par navires citernes. Il ne semble donc pas justifié de ne faire un pronostic sur l'évolution future des frets maritimes que sur la base des prix de revient des transports. D'après l'expérience acquise jusqu'ici, les prix de revient des transports ne peuvent être pris comme base que pour les transports qui sont conclus sur la base d'un traité à long terme. Par ailleurs, un pronostic sur l'évolution à long terme des frets maritimes sur la base des cours du fret pour des contrats d'affrètement à court terme, qui sont encore bien plus soumis aux conditions actuelles du marché et aux influences politiques, n'amènerait qu'à des appréciations encore plus fortement erronées. L'expérience des années passées montre que, pour une durée de six ans, l'excédent de tonnage qui régnait a créé une situation de marché où les armateurs avec des frets de 20 à 30 shillings par tonne pouvaient à peine couvrir la totalité de leurs dépenses. Cette tendance semble avoir subi une certaine modification à cause d'une expansion du commerce mondial survenue au cours de la dernière période (dix-huit mois) due surtout au développement sensible des transports de céréales. Cette hypothèse s'appuie sur le fait que, vers la fin de l'année, le nombre de bateaux désarmés a atteint son minimum avec 86 cargos et 39 bateaux citernes représentant un tonnage d'environ 800 000 tonneaux de jauge britannique et que simultanément l'offre de tonnage par apport de bateaux neufs a augmenté au cours de l'année dernière plus qu'en 1963 avec 9 millions de tonneaux d'affrètement britannique, alors qu'outre la quantité du tonnage désarmé en 1964 a substantiellement décru en comparaison des années précédentes. Comme cet accroissement de l'offre de tonnage s'est accompli dans de nombreux domaines de transport en donnant des cours de fret relativement fermes, voire parfois en hausse, on peut tirer la conclusion qu'au cours du deuxième semestre 1964 il en est résulté un certain rapprochement entre offre et demande de tonnage. Cette situation amène à penser qu'à court terme l'évolution des frets montrera plus de stabilité qu'au cours des années passées. Sans doute on ne peut prévoir avec l'interdépendance des marchés du fret comment des influences qui se manifestent sur les marchés d'autres marchandises agiront sur les frets du charbon. Le fait que par exemple dans le transport des produits pétroliers on arrive très fréquemment à un emploi et à un résultat

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Transports et concurrence des charbons allemands

financier temporairement non satisfaisants conduit à une migration stable de tonnage de navires citernes dans le transport plus rémunérateur des céréales. Des fluctuations de ce genre, qui ont en 1964 représenté plus de 2 millions de tonneaux de jauge britannique, se répercutent sur les frets pour la totalité du tonnage en vrac. D'après les raisons exposées, nous devons partir du fait que dans le futur comme dans le passé on arrivera à un conglomérat de contrats de fret que l'on ne peut pas exprimer avec une exactitude suffisante par une grandeur déterminable. c) Frais de transbordement et d'expédition depuis les ports de la mer du Nord jusqu'au lieu d'utilisation Probablement, l'évolution des frais de transbordement du charbon d'importation dans les ports maritimes européens de la mer du Nord montrera aussi dans les années à venir une tendance à la hausse, car on ne peut compter que les augmentations de salaires et de prix auxquelles on peut s'attendre puissent être absorbées grâce à des mesures de rationalisation. En outre, l'amplitude des augmentations du prix de revient dépendra encore des influences qualitatives et quantitatives que les augmentations possibles à longue échéance des quantités transbordées pourront exercer sur les extensions de capacité et les investissements supplémentaires correspondants. A ce sujet il existe encore un autre problème sur lequel il faut réfléchir et qui résulte de l'évacuation dans la zone d'influence intérieure des quantités livrées. Si l'on part du fait que dans l'avenir des imités de navigation plus grandes de 30 000 tonnes de port en lourd et plus entreront en service dans le transport du charbon sur l'Atlantique, il faut compter que dans ces cas la majeure partie du chargement devra être mise sur parc. Les frais de planche élevés, dus à la mise en service des unités navigantes plus grandes, obligent à avoir dans les ports maritimes des arrêts aussi courts que possible qui ne peuvent pas être atteints en cas de départ immédiat du chargement complet, car en règle générale ni les installations individuelles de réception des utilisateurs ne sont en état de recevoir en un court temps des quantités si importantes de ce genre, ni les conditions ni les capacités de transport des liaisons vers la zone d'influence intérieure n'arrivent à évacuer la quantité totale directement et sans à-coups. On devra donc partir du fait qu'en cas de mise en service d'unités navales plus grandes on ne pourra éviter des frais supplémentaires pour double déchargement et mise sur parc, au moins pour une partie notable du déchargement. En ce qui concerne le développement possible des frais de transport du charbon en navigation intérieure pour le charbon américain, on peut dire que les conditions évolueront d'une manière analogue à celle qui a été déjà exposée dans le chapitre IV1 pour le charbon allemand.

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ANNEXE 1 EVOLUTION DU NIVEAU D U TARIF GENERAL RELATIF AU CHARBON DANS LA REPUBLIQUE FEDERALE ALLEMANDE POUR LES LIVRAISONS PAR FER A U COURS DES ANNEES 1960-1964 a. Pour consommateurs de 3 000 tonnes au plus par an (en wagons complets) A partir Réduction jar rapport lu 30-6-1960 A piirtir du 1-4-1 9643 du 1-3-19622

Distance

Au 30-6-1960 AT.6.B1

A partir du 1-7-19601

km

DM/t

DM/t

DM/t

DM/t

DM/t

%

25 50 75 100 150 200 300 500 800

4,30 6,70 8,80 10,90 14,60 17,60 21,90 28,30 33,30

3,93 6,12 8,04 9,96 13,34 16,09 20,02 25,87 30,44

3,66 5,58 7,22 8,87 11,79 14,17 17,55 22,58 26,51

3,70 5,64 7,30 8,96 11,92 14,32 17,74 22,82 26,80

0,60 1,06 1,50 1,94 2,68 3,28 4,16 5,48 6,50

14 15,8 17 17,8 18,4 18,6 19 19,4 19,5

1. Aide aux frais de transport par le gouvernement fédéral (8,6 %). 2. Abaissement du tarif AT.6.B1. 3. Réduction de l'aide aux frais de transport à 7,6 %.

Transports et concurrence des charbons allemands

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entre réseaux électriques FIGURE

5

D. P. SAYERS

Le transport de l'énergie et ses répercussions économiques sur la production et la distribution de l'électricité en Grande-Bretagne.

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Effets des transports sur la production

INTRODUCTION La production d'électricité et son emploi final impliquent deux aspects distincts du transport de l'énergie : — transport et manutention des combustibles primaires jusqu'aux centrales ; —• transport et distribution de l'énergie électrique jusqu'aux consommateurs. Ces deux aspects ont une importance considérable pour l'industrie de la distribution d'électricité. On peut avoir une certaine idée de leur importance économique en considérant les statistiques approximatives suivantes établies pour l'Angleterre et le Pays de Galles pour l'année 1963-1964. Millions de livres sterling Coût du transport de charbon employé pour la production d'électricité Coût de transport d'électricité 1 Coût de distribution 1 Total

37 35 125 197

Ce total est proche du quart des dépenses totales de fonctionnement de l'industrie nationalisée, et il s'ensuit que toutes les techniques nouvelles concernant les mouvements d'énergie auront des effets importants sur l'économie de l'industrie et sur l'économie nationale. Ce rapport traite des causes et des conséquences du transport d'énergie sur l'économie interne de l'industrie britannique de la distribution d'électricité. Un autre rapport envisage ses conséquences pour l'économie nationale. On peut considérer la centrale électrique comme un maillon de la chaîne qui s'étend de la source primaire d'énergie jusqu'au lieu de consommation. Si la centrale est près de la source d'énergie, les dépenses de transport de combustible seront faibles, mais les dépenses de transport et de distri1. Y compris les amortissements.

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bution d'énergie électrique peuvent être grandes, et vice versa. II y a pour cette raison un emplacement optimal qui conduira aux dépenses totales minimales de transport d'énergie. Cette condition a été particulièrement bien définie en Grande-Bretagne parce que, jusqu'à une époque très récente, la seule source de combustible primaire était le charbon contenu dans le sous-sol de régions bien déterminées. Les nouvelles techniques ou les progrès technologiques mis en œuvre dans le domaine des mouvements d'énergie peuvent ainsi être divisés en gros en trois catégories : — développement du transport et de la distribution de l'énergie électrique ; — techniques nouvelles du transport et de la manutention de combustible primaire pour les centrales électriques ; — implantation optimale des réseaux et des centrales, de façon à réduire au minimum les dépenses de transport d'énergie dans leur ensemble. Du fait qu'elle est une île, la Grande-Bretagne se trouve dans une situation différente de nombreux pays du continent. Son isolement total constitue une barrière pour l'interconnexion classique avec d'autres pays et l'expérience qu'elle possède du transport d'énergie avec le continent sous cette forme est extrêmement limitée. D'un autre côté, la plupart des villes et centres d'activité industrielle de la Grande-Bretagne se trouvent sur le littoral ou près de celui-ci et ont un accès facile à des ports : elles bénéficient de frais de transport maritime peu élevés pour le transport en vrac du combustible d'une région du pays à une autre ou pour les importations venant d'outre-mer. Un autre facteur fondamental qui a dominé le schéma technique et économique de la distribution d'électricité en Grande-Bretagne réside dans le fait que jusqu'à ces dernières années tout le combustible primaire nécessaire provenait du charbon, qui est la seule source d'énergie primaire dont dispose le pays en dehors d'une quantité insignifiante d'énergie hydraulique.

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Effets des transports sur la production

I. TRANSPORT ET DISTRIBUTION DE L'ELECTRICITE Les techniques du transport et de la distribution de l'électricité se sont continuellement perfectionnées depuis des débuts lointains, auxquels on associe les noms de Faraday et de Perranti, pour ne mentionner que deux noms illustres. L'allure du progrès technologique ne donne aucun signe d'essoufflement aujourd'hui, et il est bien difficile de repérer les effets économiques de techniques particulières. On se propose d'examiner ici l'effet de : — l'emploi de tensions élevées ; — la nouveauté constituée par le courant continu à haute tension. 1. E M P L O I DE TENSIONS

ÉLEVÉES

L'économie obtenue par l'emploi de tensions élevées est illustrée par la courbe de la figure 1, qui est une caractéristique du coût d'investissement des lignes aériennes. Le coût baisse rapidement lorsqu'on augmente la tension jusqu'à disons 200 kV, et il suit au-delà la loi naturelle de l'intérêt décroissant. La tension optimale dans une situation particulière quelconque est fonction de l'énergie transportée et de la distance, mais en pratique il faut tenir compte de nombreux autres facteurs. En gros on peut dire que les dépenses annuelles de fonctionnement et d'entretien, y compris les pertes, varient d'une manière analogue aux dépenses d'investissement. Dans le système de distribution britannique, c'est environ 90 % de toute l'énergie provenant des centrales qui aboutit aux compteurs des abonnés : le transport entraîne environ 3 % de pertes, et les 7 % de pertes restants se produisent dans le réseau de distribution. Quelle autre forme de combustible ou d'énergie peut être distribuée à 16 millions d'abonnés avec un rendement total qui puisse se comparer à ces chiffres ? La tension la plus élevée en service dans une partie quelconque du monde est aujourd'hui de 500 kV, mais on a envisagé à la récente conférence du C. I. G. R. E. la possibilité d'étapes ultérieures de passage à 750 kV ou à 1 000 kV. En ce qui concerne la Grande-Bretagne, les distances relativement faibles en cause et les conditions climatiques difficiles militent contre l'emploi de tensions très élevées et on n'a pas fait jusqu'à présent de plans pour aller au-delà de 400 kV. L'évolution jusqu'à ce niveau s'est produite en quatre étapes bien définies, et le lecteur prendra peut-être quelque intérêt à examiner quelques-unes des caractéristiques économiques qui sont associées à chaque étape de ce développement.

d'électricité

en Grande-Bretagne

2. EVOLUTION ANTÉRIEURE A

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1930

Jusqu'en 1930, la tension la plus élevée employée en Grande-Bretagne était de 66 kV. La distribution publique était alors entre les mains de 600 municipalités et compagnies différentes, dont la plupart avaient initialement construit leur propre centrale au voisinage des centres de consommation et des villes importantes. La plupart des centrales étaient isolées les unes des autres, et on gardait en réserve environ 70 % de la capacité de production pour se prémunir contre une panne possible de la centrale. On achetait du charbon à un très grand nombre de charbonnages privés et on amenait ce charbon aux centrales par chemin de fer, par route, par canal ou par mer. Toutes ces formes de transport étaient dans les mains de particuliers, si bien que le coût de l'achat et du transport de charbon était une affaire de négociation commerciale entre de nombreuses parties prenantes, et le prix final du charbon rendu aux parcs de la centrale variait énormément d'une région à l'autre du pays. En conséquence, le prix de vente de l'électricité variait aussi considérablement.

3. E V O L U T I O N DE 1 9 3 0 A 1950 : L'ÈRE DU 132 KILOVOLTS

L e premier pas vers une coordination nationale s'est produit vers 1930 lorsqu'on a construit le réseau initial à 132 kV. Les buts poursuivis étaient triples : — réduire l'importance des réserves qu'on était obligé de prévoir au niveau de chaque centrale, en interconnectant les centrales dans chacune des régions ; — réduire les dépenses en concentrant la production dans les centrales où les coûts de combustible étaient les plus bas ; — permettre d'alimenter en électricité des régions entières du pays où il n'y avait aucune distribution. On a réalisé progressivement ces objectifs. En 1936, la marge de réserve des usines était tombée à 26 % et le prix de revient moyen de production d'électricité avait été réduit (en partant de 0,42 penny par kilowattheure en 1926) à 0,19 penny par kilowattheure. 4. L'éclatement de la deuxième guerre mondiale en 1939, et l'immédiat après-guerre ont bouleversé l'évolution normale en entraînant la stagnation dans de nombreuses techniques établies et en provoquant une inflation violente dans l'économie. L e prix moyen du charbon pour l'électricité a triplé entre 1939 et 1950 6

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Effets des transports

sur la

production

et les coûts de transport ont plus que doublé. En outre, on a nationalisé les entreprises de charbonnages, de production de gaz et d'électricité, ainsi que les chemins de fer et les canaux, au cours des années suivant immédiatement la guerre, ce qui a ainsi changé fondamentalement la structure et la politique économique des principales industries de combustibles et de transports. Ces changements permettent difficilement d'identifier les causes et tendances économiques spécifiques. Il est néanmoins clair que l'existence d'un réseau de transport d'électricité a été extrêmement utile à l'économie de guerre de la Grande-Bretagne à cause de sa souplesse qui permettait d'alimenter une répartition mouvante de l'industrie et qui constituait une protection contre les conséquences de la destruction de centrales individuelles. 5. La situation technique à la fin de la guerre était la suivante. Toutes les grandes centrales, dans chacune des régions, étaient étroitement unies entre elles par le réseau de transport et chaque région fonctionnait en gros comme une unité isolée. On transportait des quantités appréciables d'énergie d'un lieu à l'autre dans la même région, mais sur des distances ne dépassant pas disons 80 km. Toutes les régions fonctionnaient normalement en parallèle, mais le réseau à 132 kV n'était capable d'effectuer que de petits transports entre les régions. De ce fait, les régions dépourvues de production locale de charbon, et notamment le sud-est de l'Angleterre, devaient faire venir leur charbon de distances relativement grandes. C'est ainsi que les variations des coûts de transport constituaient la cause principale de l'importante différence existant, d'une région à l'autre, entre les coûts de production de l'électricité. 6. Pendant l'année 1948-1949, première année suivant la nationalisation de l'électricité, les dépenses totales de fonctionnement du réseau de transport d'énergie, amortissements compris, se montaient à 6 millions de livres sterling, soit 5 % des dépenses totales de production. A ce moment-là, le total des investissements sur le réseau de transport était un peu inférieur à 50 millions de livres sterling. L'appel maximum de puissance à l'échelon national était d'environ 9 000 MW et la capacité totale des centrales était de 10 362 MW, ce qui donnait une marge de sécurité d'environ 13 %. S'il n'y avait pas eu les facilités d'interconnexion, cette marge de sécurité aurait nécessairement dû être au moins doublée, ce qui, avec des centrales qui coûtaient alors plus de £ 60 par kilowatt, aurait dépassé de beaucoup le coût réel du réseau de transport. L'existence du réseau de transport était donc entièrement justifiée, rien que par les économies réalisées sur les réserves de capacité des centrales de production, sans tenir compte d'autres avantages financiers et techniques.

d'électricité en Grande-Bretagne

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7 . EVOLUTION DE 1 9 5 0 A 1 9 6 5 : L'ÈRE DU 2 7 5 KILOVOLTS

L'une des premières constatations de la Direction de l'électricité nationalisée fut que le réseau de transport d'énergie à 132 kV était incapable, tant au point de vue technique qu'au point de vue économique, de faire face aux besoins à long terme d'une manière satisfaisante. On décida donc de lui superposer un réseau à tension plus élevée et on choisit le palier à 275 kV, cette tension étant la plus élevée qu'il était possible d'adopter et pour laquelle on pouvait à l'époque concevoir un équipement pouvant fonctionner dans les conditions climatiques de la Grande-Bretagne. La considération principale, comme précédemment, visait à fournir une capacité d'interconnexion suffisante pour réduire la marge de capacité des centrales, mais il s'agissait à présent d'interconnexion non entre des centrales individuelles mais entre des régions, ce qui impliquait des distances plus grandes et des puissances plus élevées. On estimait alors qu'une tension de 275 kV conviendrait pour une demande nationale en pointe de 30 000 MW et on pensait à cette époque (1950) qu'on n'atteindrait pas cette puissance avant quinze à vingt-cinq ans. On a prévu les étapes initiales de ce plan de façon à satisfaire les besoins jusque vers 1960 pour une dépense totale d'environ 52 millions de livres sterling. On estimait d'une manière très prudente qu'on économiserait au moins 5 % de la capacité de production future des centrales, soit aux prix alors en vigueur, environ 100 millions de livres sterling. Autrement dit, le plan entraînait une économie de 50 % pour les dépenses d'investissement. La première étape de ce plan a été pratiquement réalisée vers 1957, et il en est résulté, en dehors des objectifs principaux de réduction de la capacité de réserve des centrales de production, d'autres avantages techniques et économiques importants que l'on mentionne brièvement ciaprès. 8 . DIMENSIONS ET RENDEMENT DES CENTRALES

La capacité normale d'un circuit initial à 132 kV était d'environ 90 MVA, et elle convenait bien à la taille des unités individuelles de production jusque vers 1950, époque où, à une exception près, les plus grosses unités en service avaient une puissance de 60 MW. Le nouveau réseau à 275 kV était conçu pour une capacité normale de 570 MVA par circuit, ce qui permettait l'installation d'unités de production bien plus importantes présentant un coût d'investissement plus faible au kilowatt installé et un rendement meilleur. C'est ainsi qu'en 1963-1964 plus des deux tiers de la capacité totale en cours de construction consistaient en unités de 100 MW ou plus, la

72

Effets des transports sur la production

capacité moyenne des nouvelles unités installées pendant cette année dépassait 200 MW et il y avait trente unités de 500 MW en commande. Le rendement thermique national moyen s'élevait à 27,67 % contre 20,91 % pour l'année 1947-1948. Les vingt centrales ayant les meilleurs rendements et qui représentaient 38 % de toutes les unités fournies en 1962-1963 avaient un rendement moyen de 32,68 % . 9 . FONCTIONNEMENT ÉCONOMIQUE DU SYSTÈME

Il devint alors possible, étant donné l'augmentation de capacité de transport dont on disposait, de transporter vers les régions où les prix du combustible étaient plus élevés de grandes quantités d'énergie produites dans les régions où les prix de combustible étaient bas. Il est difficile de distinguer l'économie réalisée de cette manière des économies produites par d'autres facteurs tels que l'amélioration du rendement des centrales et l'inflation générale des coûts de la main-d'œuvre et des fournitures, mais la figure 2 montre que le prix de revient aux bornes des centrales n'a augmenté que de 32 % depuis 1947-1948, alors que l'augmentation du prix du charbon par thermie (à la tête du puits) est de 84 %. 1 0 . EVOLUTION AU-DELA DE 1 9 6 5 : L'ÈRE DU 4 0 0 KILOVOLTS

Lorsqu'on a conçu le système initial à 275 kV en 1950, on pensait satisfaire les besoins pour au moins vingt ans, mais pour prendre une garantie contre une augmentation inattendue du taux de croissance, on a conçu la plupart des pylônes pour pouvoir les utiliser avec du 400 kV. Finalement, la demande de puissance de l'ensemble du pays a atteint 30 000 MW pendant l'hiver 1963-1964, et on a été obligé de procéder précipitamment à une révision des prévisions à long terme. On a examiné trois possibilités : — continuer le développement à 275 kV ; — adopter comme tension future du réseau principal de transport 400 kV ; — superposer un nouveau réseau établi pour la plus haute tension réalisable, par exemple 500 kV. On a finalement choisi le schéma à 400 kV pour des raisons pratiques et techniques. Les études économiques engagées sur des tensions plus élevées ont montré que le supplément des dépenses d'équipement des stations terminales était du même ordre de grandeur que les économies entraînées par le transport, et qu'il n'y avait pas de raison bien nette de dépasser 400 kV. La figure 3 illustre les résultats d'une étude caractéris-

d'électricité en Grande-Bretagne

73

tique des dépenses minimales annuelles comparées du transport d'une puissance de 2 000 à 4 000 MW avec un facteur de charge de 70 % à diverses distances. Les dépenses comprennent les pertes ainsi que les dépenses annuelles des lignes et de l'équipement en bout de ligne. 11. Le travail concernant le réisolement de nombreuses lignes à 275 kV existantes pour les transformer en lignes à 400 kV est à présent très avancé et les nouvelles artères sont conçues pour la tension de 400 kV. La faible dépense d'investissement consentie en 1950 pour disposer sur les pylônes d'un peu plus de marge a ainsi économisé beaucoup d'argent et beaucoup d'ennuis qu'on aurait inévitablement supportés s'il avait fallu remplacer les pylônes existants. La longueur totale des lignes à 275 kV et 400 kV en 1970 sera d'environ 5 400 km dont environ 4 000 km fonctionneront sous 400 kV. Plus de la moitié du réseau à 400 kV résultera de la transformation des lignes à 275 kV. 12. La décision de faire passer le réseau de transport d'énergie en GrandeBretagne à une tension plus élevée découle du fait que les besoins d'interconnexion continueront à croître avec les dimensions du réseau, mais la considération prépondérante a été l'importance que prendront dans l'avenir les transports d'énergie en raison de la tendance probable à éloigner les centrales des lieux de consommation, ainsi qu'on l'exposera plus loin. La figure 4, donnée à titre d'exemple des études entreprises, montre l'échelle et l'orientation probable des mouvements d'énergie prévus lorsque la demande nationale atteindra 70 000 MW, ce qui se produira peut-être avant 1980. On voit que le problème principal consiste à transporter de l'énergie vers la région de Londres, ce qui implique des débits de 4 000 à 6 000 MW sur des distances de 160 à 220 km. 13.

L E COURANT CONTINU A HAUTE TENSION

Le renouveau du courant continu pour le transport de puissances importantes à grande distance est dû aux limitations des câbles souterrains transportant du courant alternatif à très haute tension. La capacité (ou courant de charge), qui est en gros proportionnelle à la tension, réduit de telle façon le courant débité admissible que, par exemple, le courant de charge d'un câble de 38 km de long à 400 kV serait égal à la limite thermique et que, par conséquent, on ne pourrait transporter effectivement aucun kilowatt utile. De plus, le coût des câbles pour courant alternatif à très haute tension devient prohibitif. En Grande-Bretagne, la proportion des dépenses entre

74

Effets des transports

sur la

production

les câbles souterrains et les lignes aériennes pour des ordres de grandeur de puissance équivalents varient de 9 pour 1 pour les circuits à 132 kV à 22 pour 1 pour les circuits à 400 kV. Le réseau à courant continu n'est pas affecté par les courants de charge et par suite est d'un meilleur rendement. Ainsi, pour une puissance donnée et des pertes données, un circuit à deux fils en courant continu n'a besoin que de la moitié de matériau conducteur et des deux tiers de l'isolement d'un circuit équivalent en courant alternatif triphasé. Il n'est néanmoins pas possible de produire ou d'utiliser du courant continu à haute tension, si bien que tout projet de transport de courant continu nécessite à chaque extrémité un équipement de transformation dans un sens puis dans l'autre, équipement qui est entièrement différent et s'ajoute en totalité à l'équipement en bout de ligne nécessaire pour un projet en courant alternatif. Le coût de l'équipement de transformation qu'on a établi après de nombreuses années de recherches et de mises au point coûteuses, doit être compensé par le prix moins élevé du câble. Il n'est pas possible de tirer des conclusions générales sur l'économie comparée des projets à courant alternatif et à courant continu, mais il est évident que les avantages du courant continu s'affirment au fur et à mesure que les distances augmentent. Des problèmes d'enclenchement, qui ne sont pas encore résolus, empêchent le développement des réseaux de transport en courant continu, et dans l'état actuel des connaissances techniques, le but principal de l'application du système est l'interconnexion de point à point des systèmes à courant alternatif. 14. L'interconnexion en courant continu entre la France et la GrandeBretagne, dont les contrats de travaux ont été signés en décembre 1961, comprend environ 48 km de câbles sous-marins posés au fond de la Manche, travaillant à plus ou moins 100 kV. Leur capacité totale de transport est de 160 MW. Les avantages économiques de cette interconnexion sont de deux catégories principales : — elle assure à chaque pays l'équivalent de 160 MW de capacité de réserve à un prix bien inférieur à celui que nécessiterait la même capacité réalisée sous forme d'une centrale ; — le fait qu'on échange de l'énergie à des moments où les coûts de production sont plus faibles dans un pays que dans l'autre entraîne des économies sur les dépenses totales de combustible. La différence des pointes journalières est mise à profit en exportant du courant en France entre 7 et 8 heures du matin et en important une quan-

d'électricité en Grande-Bretagne

75

tité d'énergie analogue entre 8 et 9 heures du matin pendant la période d'hiver. Les échanges totaux pendant l'année 1963-1964 ont atteint 90 millions de kilowattheures dans le sens France-Angleterre, et 140 millions de kilowattheures dans le sens opposé, ce qui correspond à une économie totale de combustible de £ 119 000, partagée entre les deux pays. 15. On doit signaler qu'il y a actuellement quatre interconnexions encourant continu en cours de construction dans différentes parties du monde, la plus importante étant le projet de 600 MW entre les îles du nord et du sud de la Nouvelle - Zélande. D'autres projets plus ambitieux sont à l'étude, notamment une interconnexion prévue à 750 kV sur la côte ouest des Etats-Unis, dans le but principal de transporter dans les régions industrielles situées plus au sud de grandes quantités d'énergie électrique produites sur la rivière Columbia. En Grande-Bretagne, la difficulté pratique qu'il y a à construire des lignes aériennes pour arriver jusqu'aux centres de consommation en traversant des régions de constructions denses s'accroît chaque jour, et si le Generating Board est obligé d'installer des câbles souterrains, l'installation, dans certains cas particuliers, de circuits à courant continu à haute tension peut se justifier sur les plans économique et technique. Le Board a un programme important de recherches et d'études visant à faire progresser la conception de l'équipement nécessaire. II. TRANSPORT ET MANUTENTION DES COMBUSTIBLES SOLIDES 1. La production nationale de charbon est la source traditionnelle d'énergie primaire en Angleterre et dans le Pays de Galles, et c'est cette source qui en 1963-1964 a produit 87 % de l'électricité vendue au public. On a transporté au cours de l'année 1963 61,8 millions de tonnes de charbon vers les centrales électriques par les moyens suivants : Millions de tonnes Rail Mer Route Canaux de l'intérieur Bandes transporteuses Total

36,7 9,8 10,2

2,2 2,8 61,7

% 59,5 15,9 16,5 3,6 4,5

100

76

Effets des transports

sur la

production

Les dépenses totales de transport se sont élevées à environ 37 millions de livres sterling, ce qui équivaut à 147 pence par tonne ou 0,2 c 2 par thermie. La distance moyenne parcourue par tous les moyens de transport était de 134 km, si bien que le coût moyen par tonne/kilomètre s'établit à 6,1 c. 2. A un certain moment on a utilisé les transports routiers pour transporter 20 % de tout le charbon consommé par les centrales, et cet emploi des transports routiers croissait en raison de leur souplesse et de leur commodité. Maintenant la tendance est inversée sous l'effet d'accords conclus entre le Generating Board et la Commission des Transports, accords aux termes desquels on a introduit une structure de taux plus compétitive et selon lesquels tout le transport de charbon effectué par la route sera transféré au rail lorsqu'on disposera d'installations appropriées. Des avantages économiques en découleront pour les deux parties sans parler de l'important allégement du trafic routier qui doit s'ensuivre. On améliore constamment les installations de réception et de déchargement du charbon arrivant par fer. On a remplacé les culbuteurs qui vident un par un des wagons préalablement décrochés l'un de l'autre, par des trémies de voie dans lesquelles se vident les wagons à fond ouvrant. Ces installations seront encore améliorées dans les postes de déchargement en construction, si bien qu'on videra en marche des trains entiers en flot continu, les wagons restant accrochés les uns aux autres en permanence. Cette disposition permettra d'éviter une grande partie des vastes installations accessoires et des dispositifs de stockage qui sont devenus une caractéristique coûteuse de la centrale moderne. Une fois ces installations complétées par des améliorations similaires aux stations de chargement des charbonnages, elles permettront d'obtenir des économies très importantes de temps et de dépenses de fonctionnement, ce qui a permis à la Direction des chemins de fer de consentir des tarifs plus intéressants pour le transport de charbon aux nouvelles centrales. 3. En ce qui concerne le transport hydraulique du charbon, il fait l'objet d'un certain nombre de projets, y compris un pipe-line de 127 mm de diamètre et de 1 800 m de long dont on espère qu'il pourra transporter jusqu'à 1 000 tonnes de charbon par jour. Des études sont également en cours concernant un transport hydraulique de charbon à grandes distances, soit de 80 à 240 km. 2. Centimes de francs français.

d'électricité en Grande-Bretagne

77

III. IMPLANTATION DES CENTRALES 1. Le coût total du transport de l'énergie constitue un facteur très important dans le schéma de l'évolution du réseau de transport de la GrandeBretagne. Jusqu'à environ 1950, on l'a mentionné à la section 13, le réseau s'est développé, en gros, sur le plan régional avec une capacité de production juste suffisante pour équilibrer la charge dans chaque région, en disposant d'une très faible marge de sécurité. Les coûts de production variaient par conséquent d'une région à l'autre, en grande partie à cause des variations de prix du charbon rendu à la centrale, variations qui provenaient des différences de frais de transport. 2. Avant de décider, en 1950, de superposer au réseau existant le nouveau réseau d'interconnexion à 275 kV de plus grande capacité, on a fait un certain nombre d'études pour déterminer les coûts relatifs du transport du charbon et du transport d'électricité. Le problème était très complexe ; on peut s'en rendre compte grâce à l'exemple suivant, simplifié à l'extrême, qui met en oppsition des moyens différents de satisfaire l'augmentation de la demande dans la partie ouest de Londres. à) Construire de nouvelles centrales aussi près que possible de la charge, ce qui signifie en fait sur l'estuaire de la Tamise, à l'est de Londres. Le charbon viendrait par exemple de Derby, et le transport d'énergie complet pour arriver jusqu'au réseau de tension secondaire, par exemple à Kensington, comprendrait : — 113 km de transport de charbon par fer jusqu'au port de Humber ; — 385 km de transport par mer de charbon jusqu'à la centrale sur l'estuaire de la Tamise ; — 48 km ou davantage de transport d'électricité par câble souterrain. b) Construire une nouvelle centrale sur le bassin houiller et transporter les quantités correspondantes de courant jusqu'à la région ouest de Londres. Dans ce cas le transport de l'énergie comprendra : — 32 km de transport du charbon de la tête du puits jusqu'à la centrale ; — 193 km de transport d'énergie électrique par ligne aérienne jusqu'au poste de tristribution principal aux alentours de Londres ; — 16 km de transport d'électricité par câble souterrain.

78

Effets des transports sur la production

Les comparaisons économiques entre le coût du transport du charbon et le coût du transport de l'électricité dépendent essentiellement des hypothèses faites en ce qui concerne l'intérêt et l'amortissement des installations ainsi que sur le niveau et la structure des frais de transport par voie ferrée. La figure 5 est extraite d'un rapport que l'auteur a présenté à une conférence de l'A.I.E.E. à Los Angeles en 1954, et qui attirait l'attention sur la disparité très grande existant apparemment entre les frais de transport du charbon par voie ferrée en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis à cette époque. Les coûts de transport de l'énergie électrique semblent à peu près les mêmes dans les deux pays et ce mode de transport était plus économique en Grande-Bretagne pour des distances d'environ 65 km, tandis qu'aux Etats-Unis les frais de transport du charbon étaient moins élevés dans toute la gamme des distances envisagées. Il n'y a pas de doute que les récents accords dont on a parlé à la section II 2 ont ramené les taux de transport par voie ferrée en Grande-Bretagne à une base beaucoup plus compétitive avec le transport de l'électricité et réduiront la disparité existant avec les positions respectives aux Etats-Unis. 3. Un facteur important dans le cas de la Grande-Bretagne, c'est que le réseau de transport d'énergie est prévu pour la fonction d'interconnexion et qu'une capacité supplémentaire de transfert massif d'énergie peut être obtenue à peu de frais, par exemple en utilisant des conducteurs de plus forte section, ce qui handicape encore davantage le transport de charbon par voie ferrée. Une estimation récente indiquait qu'environ 10 % seulement des dépenses annuelles totales du réseau de transport d'énergie peuvent être affectées à un tel transfert d'énergie. 4. Ces études ont abouti au surdimensionnement du réseau d'interconnexion de façon à permettre de réaliser le transport d'énergie prévu, par exemple entre les régions du Yorkshire et de East Midlands, où se trouve la plus grande partie du charbon destiné à produire de l'électricité, et les régions avoisinant Londres et le Sud qui manquent de charbon. A la suite de cette décision, on a projeté la construction, dans la région des Midlands, d'une proportion plus importante de nouvelles centrales et, lorsque les artères de transport ont été mises en service, on a placé les centrales ayant les plus faibles dépenses de combustible en bas du diagramme et on les a fait fonctionner avec le plus grand facteur de charge possible. Le résultat pratique de cette politique a été de réduire les dépenses de transport moyen du combustible solide amené aux centrales de 59 km en 1947 à 44 km en 1963, rien que pour le transport à l'intérieur du pays. Pour l'ensemble des moyens de transport on est passé de 183 à 134 km.

d'électricité en Grande-Bretagne

79

On peut avoir une idée des conséquences économiques en examinant le tableau I sur lequel on a disposé les cinq régions de l'Angleterre et du Pays de Galles dans l'ordre de prix de revient croissant de la thermie produite et où l'on indique des chiffres comparables pour les centrales installées et le facteur de charge annuel pour les années 1948-1949 et 1962-1963. La proportion de centrales installées dans la région sud-est est tombée de 32,4 à 27 % et le facteur de charge constaté dans la région des Midlands s'est élevé de 43,8 à 54,5 %. Comme on l'a mentionné dans la section I 12, on s'attend dans l'avenir à des transports permanents d'énergie très importants, mais l'allure qu'indiquent les chiffres précédents sera influencée par deux facteurs nouveaux : l'emploi du fuel-oil et l'emploi du combustible nucléaire. TABLEAU

I

U S I N E S I N S T A L L E E S E T F A C T E U R D E C H A R G E E N 1948-1949 - 1962-1963

Région

Coût du combustible livré (1961) peniej"therm"

Nord-Est Midlands Nord-Ouest Sud-Ouest Sud-Est

3,52 3,92 4,29 4,37 4,98

Centrales installées

Facteur de charge annuel

fian« 11000 thermies

1948-1949 %

1962-1963

%

1948-1949 %

1962-1963 %

8,10 9,02 9,87 10,05 11,45

17 18,8 18,3 13,5 32,4

17,2 24,5 15,7 15,6 27

49,6 43 44,8 43,7 38,7

58,2 54,5 43 49,4 42,2

5 . EMPLOI DU FUEL-OIL

On a commencé à utiliser le fuel-oil sur une grande échelle pour la production d'électricité vers 1 9 5 8 - 1 9 5 9 en Grande-Bretagne, au moment où on a transformé un certain nombre de centrales existantes qui fonctionnaient naguère au charbon et où on a passé commande de nouvelles centrales brûlant du fuel-oil. Ces centrales étaient placées sur la côte ou dans des estuaires accessibles à des pétroliers de gros tonnage, où les frais de manutention et de transit aux ports pouvaient être réduits au minimum, et d'une manière générale dans les parties du pays où le prix de revient du charbon rendu aux centrales était élevé. Une fois que la centrale chauffée au fuel-oil est installée, sa position dans le diagramme et par conséquent la quantité de fuel-oil utilisée dépen-

80

Effets des transports sur la production

dent beaucoup du coût de la thermie de fuel-oil livré comparé à celui du charbon fourni aux autres centrales. L'équilibre compétitif a été très nettement influencé par la taxe sur le fuel-oil au taux de 2 pence par gallon (2,6 c par litre) et par les variations de la structure du prix du charbon à la tête du puits et des taux de transport de charbon, comme on l'a indiqué plus haut. La consommation annuelle de fuel-oil a atteint un maximum de 5,4 millions de tonnes en 1962-1963 et a baissé jusqu'à 3,8 millions de tonnes en 1963-1964, ce qui équivaut à environ 6,5 millions de tonnes de charbon ou 9,5 % de la totalité du combustible employé par le Generating Board. 6 . PRODUCTION D'ÉNERGIE NUCLÉAIRE

Le programme d'énergie nucléaire en Grande-Bretagne a commencé par la mise en production industrielle de Calder Hall en 1957, première centrale nucléaire au monde capable de produire de l'électricité à une échelle industrielle. La perspective d'une pénurie de combustible primaire à cette époque a été un aiguillon puissant qui a poussé à exploiter cette nouvelle forme de transformation d'énergie et le Generating Board a maintenant construit, ou est en train de construire, huit centrales nucléaires ayant une capacité totale de 4 446 MW. Quatre centrales sont maintenant en service et on pense que les autres feront l'objet de contrats de construction au rythme d'environ une centrale par an. La plus grande centrale actuellement en construction se trouve à Wylfa, dans les Galles du Nord, et a une capacité de 1 180 MW. Le coût du transport de combustible à une centrale nucléaire est négligeable, si bien que le voisinage des centres de consommation et le prix des combustibles de remplacement sont les facteurs principaux servant à déterminer l'emplacement de la centrale, emplacement qui est également conditionné par des considérations assez tyranniques de sécurité et d'engineering. Il est évident que les centrales nucléaires et les centrales brûlant du fuel-oil peuvent être économiquement intégrées avec les centrales brûlant du charbon, de façon à réduire à la fois les dépenses de transport de combustibles et les dépenses de transport d'électricité. Le développement futur de la production d'électricité en Grande-Bretagne est basé sur l'économie de ces trois sources d'énergie.

d'électricité

en

Grande-Bretagne FIGURE 1

100

200

300

TENSION FIGURE

2

140

1948

1952

1956 ANNÉES

I960

1964

FIGURE

3

1.4 £

1.2

w 1.0 W J

500 kV

>1

4 0 0 kV

W 2 w W

275 k V

.4

CO

¡5 W «P, Q

. 2

40

80

120

160

COÛT MINIMAL A N N U E L du TRANSPORT D'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE FIGURE

5

2.5 2.0

CHARBC N P A R \ O I E ^ ^ FERRÎ E (GB)>

¿3 M W U fc w 0,

1-5

^ ^ E N ] ERGIE ^ ELEC TRIQUE

1.0 — .5

0

40

80

w^T H A R B 01s P A R v o i e : r E R R Ê E (US)

120

COÛT du T R A N S P O R T

160 D'ÉNERGIE

200

FIGURE

4

PRINCIPAUX MOUVEMENTS D'ENERGIE (quand la demande atteindra 70 000 MW)

E. M A R C I A N I M. YALTORTA

Problèmes de l'interconnexion par rapport, en particulier, à l'expérience italienne.

7

86

Interconnexion des réseaux

AVANT-PROPOS L'interconnexion toujours plus vaste et plus efficace entre les réseaux électriques del pays limitrophes est un trait saillant des zones industrielles les plus développées. Dans l'Europe occidentale l'interconnexion s'est intensifiée de façon particulière, spécialement dans l'après-guerre : depuis plusieurs années désormais les réseaux de l'Allemagne fédérale, de l'Autriche, de la Belgique, du Danemark, de la France, de l'Italie, du Luxembourg, des PaysBas, de la Suisse, aussi bien que de zones importantes de l'Espagne, du Portugal et de la Yougoslavie, fonctionnent en liaison continue dans un système unique. Le réseau de la Grande-Bretagne est connecté au système au moyen d'une liaison à courant continu avec la France, tandis que la liaison (à courant continu elle aussi) entre le Danemark et le reste du réseau scandinave sera réalisée prochainement. Les échanges qui se produisent entre les divers réseaux nationaux ne sont pas très grands en quantité. Si nous nous bornons aux pays participant à l'U. C. P. T. E . 1 le volume des échanges d'énergie par rapport à la production globale a été de 4 % environ en 1963 (soit environ 15 milliards de kilowattheures par rapport à 375 milliards). Si nous nous référons aux pays intéressés de l'O. C. D. E. 2 ce pourcentage atteint un maximum de 2,3 %. Dans ce rapport on veut faire ressortir l'importance de ces échanges, modestes quant à la quantité, du moins en ce qui concerne l'énergie, mais très importants quant au service qu'ils effectuent, et la valeur de l'emploi des très hautes tensions dans les interconnexions. Certaines données servant d'exemple et certains éléments quantitatifs sont tirés de l'expérience italienne.

1. Union pour la Coordination de la Production et du Transport de l'Electricité : Allemagne fédérale, Autriche, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Suisse. 2. Organisation de Coopération et de Développement Economique : pays de l'U.C.P.T.E. et Danemark, Espagne, Grèce, Irlande, Islande, Norvège, Portugal, Royaume-Uni, Suède, Turquie.

et expérience italienne

87

I. PROBLEMES DE L'INTERCONNEXION 1. Aux débuts de l'utilisation de l'énergie électrique en Europe, la ligne relia fort souvent la centrale de production située au point de disponibilité de l'énergie primaire (particulièrement hydro-électrique) au centre de consommation. Ceci et le fait que la ligne électrique est un élément typique à une seule dimension peuvent nous induire, même aujourd'hui, à concevoir le problème de la transmission de l'énergie sous l'aspect prédominant du transport de l'énergie le long de directions déterminées. A notre avis, l'aspect bidimensionnel du problème dérivant de la formation des réseaux de transmission qui s'étendent sur de grandes superficies géographiques n'en est pas moins important dans la situation actuelle : dans les zones centrales de ces réseaux, il est souvent difficile d'établir sur chaque ligne un sens unique du flux de l'énergie, et l'aspect à direction unique de la transmission se présente presque uniquement à la périphérie du réseau. Le problème de l'interconnexion et de l'emploi des hautes tensions présente à cet égard des aspects particuliers sur lesquels il nous semble utile d'attirer l'attention. 2. Les réseaux électriques modernes fonctionnent en tant que système unique sur lequel toutes les sources de production (centrales) débitent l'énergie et duquel les utilisateurs (charges) prélèvent l'énergie : les centrales et les charges fonctionnent en parallèle sur le système de transmission au moyen duquel on réalise : a) l'équilibre instantané des puissances débitées et des puissances prélevées (en considérant parmi ces dernières l'énergie dispersée à la suite des pertes dans le réseau même) ; b) le meilleur mode d'emploi des disponibilités de production des diverses sources (hydro-électriques, thermo-électriques, nucléaires) en raison des caractéristiques techniques et économiques de chaque centrale et de l'évolution dans le temps (jour, semaine, saison) des charges ; c) le remplacement des sources d'alimentation, se trouvant tout à coup hors disponibilité à cause de défauts, au moyen de sources de réserve. On comprend aisément qu'en amplifiant le système fonctionnant en parallèle on peut mieux réaliser les fonctions indiquées sous b) et sous c). Il est cependant important de souligner qu'un système plus vaste et plus

88

Interconnexion des réseaux

puissant permet aussi d'atteindre plus aisément le but indiqué en à). Même en faisant abstraction du fait qu'il permet de confier plus facilement le contrôle de l'équilibre (réglage) aux générateurs les plus adéquats, un système plus vaste et plus puissant doué d'une inertie mécanique plus élevée est plus « rigide » quant au maintien de la fréquence : il en découle donc une meilleure qualité du service. Dans le système fonctionnant en parallèle, on peut repérer des zones pour chacune desquelles il existe en régime normal un bilan équilibré entre la disponibilité et la demande : les dimensions de ces zones dépendent de plusieurs facteurs. L'ordre de grandeur pour l'étendue géographique est celui ayant une dimension transversale moyenne de quelques centaines (de 3 à 5) de kilomètres, équivalant à l'ordre de grandeur des distances sur lesquelles on effectue les liaisons aux tensions de 220 et 380 kV. En ce qui concerne la puissance de pointe correspondante, elle peut varier dans l'ordre de grandeur de 1 000 à plus de 10 000 MW. Le contour de ces zones est individualisé par une section du réseau en parallèle où les échanges d'énergie sont réduits ou même à peu près nuls. 3. On peut bien comprendre la présence de ces zones en suivant le processus de formation du réseau et en repérant ses phases comme suit : — au début, on a la liaison entre la centrale de production et la station de réception près de la charge, ou bien la centrale (par exemple thermoélectrique) est installée près de la charge ; — par la suite, dans toute une zone de charges d'utilisation il se forme un réseau de liaisons entre les centrales et les stations d'alimentation primaire de la charge ; — tant que les puissances agissant dans chaque zone sont modestes, les tensions employées sont relativement peu élevées et les réseaux de chaque zone ne sont pratiquement pas connectés entre eux ; — l'augmentation de la charge fait qu'il devient toujours plus convenable d'effectuer la génération dans des centrales ayant une puissance toujours plus élevée, pouvant alimenter des zones toujours plus vastes par l'emploi de tensions plus élevées ; — les réseaux se trouvent ainsi dans une situation de contiguïté et après une phase de contacts simples et intermittents on réalise des contacts multiples et continus, en créant le système en parallèle dont les réseaux originaux constituent les zones ; — ce n'est pas la distance à franchir mais plutôt la valeur de la puissance à fournir aux nœuds d'utilisation qui détermine l'emploi de tensions toujours plus élevées au fur et à mesure qu'augmentent les puissances en

et expérience

italienne

89

jeu. Au fur et à mesure que ces puissances croissent, on passe aux niveaux plus élevés de tension et on réalise conformément à ces niveaux les contacts entre les zones. Le passage de la phase des réseaux non connectés au système interconnecté dérive du contact qui se produit entre les divers réseaux : il se concrétise à un certain niveau de tension et se développe à des tensions toujours plus élevées. Ce processus ne se borne pas dans son évolution aux frontières nationales : les réseaux nationaux forment en général des zones (éventuellement subdivisées en sous-zones) du système d'interconnexion continental.

4. Les zones individualisées de la façon indiquée pourraient s'appeler zones de réglage : il existe dans ces zones des moyens pouvant assurer en régime normal l'équilibre entre la production et l'utilisation durant l'évolution de la charge globale résultant de la multitude des charges élémentaires. Les lignes de liaison entre les diverses zones, lignes d'interconnexion, doivent permettre les flux de puissance qui se produisent dans le fonctionnement en parallèle et que l'on peut distinguer grosso modo comme suit : — petites oscillations rapides correspondant aux variations instantanées de la charge dans chaque zone ; — déplacements brusques de réserve immédiate entre des zones contiguës, à cause de déséquilibres importants entre la production et la charge dans une zone déterminée. Ces flux traduisent en termes de contribution de puissance entre les diverses zones la rigidité par rapport à la fréquence réalisée au moyen du fonctionnement en parallèle. Dans le système en parallèle, on réalise, comme on l'a déjà dit, le meilleur emploi des disponibilités de production des diverses sources : à ce propos, nous indiquerons comme typique la situation des zones à régime mixte (hydro-électrique et thermo-électrique). On peut alors repérer dans le système des zones de compensation à l'intérieur desquelles on peut effectuer, en suivant un certain cycle généralement annuel, une compensation entre les disponibilités hydrauliques de régions ayant un régime hydrologique divers ou bien entre les disponibilités hydrauliques et thermoélectriques. Les zones de compensation ne correspondent pas nécessairement aux zones de réglage : on peut, en effet, penser à des échanges programmés dans les diverses périodes de l'année entre les diverses zones de réglage. Cependant, au fur et à mesure que la charge à l'intérieur de

90

Interconnexion des réseaux

ces zones tend à augmenter, les surplus à transférer éventuellement tendent à disparaître, du moins en ce qui concerne la moyenne de plusieurs années. Il reste cependant à réaliser aux points de contact entre les diverses zones des échanges de compensation occasionnelle et à court terme pour atteindre les buts suivants, naturellement aussi au niveau des zones correspondant aux réseaux nationaux, et donc dans le domaine des liaisons internationales : — placement des disponibilités hydrauliques exceptionnelles ou bien compensation d'étiages extraordinaires ; — meilleure exploitation des centrales thermo-électriques dans les heures creuses quand les premières devraient réduire leur charge et les dernières pourraient donner lieu à des déversements, spécialement si elles sont au fil de l'eau ; — pompage effectif avec soulèvement d'eau dans les heures creuses ou bien pompage virtuel avec stockage de l'eau dans les réservoirs pour assurer la disponibilité de puissance à la pointe ; — compensation de la diversité des pointes dans les diverses zones ; — utilisation de disponibilités en cas de diversité des jours fériés ; — économie dans la production quand les coûts marginaux rapportés aux points de contact sont divers ; — exploitation en commun des réserves de puissance et d'énergie. Les liaisons entre les diverses zones doivent donc permettre non seulement la respiration du parallèle, mais aussi les échanges susmentionnés dans les moments les plus convenables. Il s'agit toujours d'échanges marginaux qui sont cependant, comme il est aisé de le comprendre, des échanges de haute qualité : le calcul économique des moyens permettant de les réaliser (lignes d'interconnexion) se fait justement en tenant surtout compte de cette qualité. L'importance de ces échanges peut les justifier, même si l'on fait abstraction du fonctionnement en parallèle synchrone qui assure la rigidité de la fréquence du système dans son ensemble ; les liaisons à courant continu permettent, en effet, dans ce but un fonctionnement en parallèle asynchrone. Nous pouvons tirer de ce qui précède que les lignes d'interconnexion entre les zones peuvent avoir et ont en effet des longueurs qui ne sont pas considérables : le niveau de tension dépend essentiellement dans ce cas, tout comme il en était à l'intérieur des zones, non pas des distances, mais plutôt des puissances en jeu. Il n'est pas difficile de comprendre que les disponibilités marginales à transférer sont en rapport avec les puissances en jeu à l'intérieur des zones ; les valeurs absolues qui en résultent sont

et expérience italienne

91

donc telles qu'il faut adopter pour les interconnexions les mêmes niveaux de tension adoptés pour les liaisons à l'intérieur des zones. A ce propos, on ne négligera pas les flux de réglage instantané qui peuvent occuper, spécialement à l'occasion de certaines perturbations, une portion non négligeable des capacités de transmission. 5. Le développement d'un grand système en parallèle et son fonctionnement à l'intérieur des diverses zones requièrent la solution de certains problèmes particuliers et l'emploi de moyens adéquats : tout en évitant de faire un examen détaillé nous pouvons dire que les moyens sont disponibles et qu'ils ont été désormais vérifiés par une expérience d'exploitation qui est déjà considérable. Nous voudrions rappeler ici deux aspects ayant une importance particulière : — la nécessité d'unifier dans le domaine international les niveaux de tension : sous cet aspect l'Europe continentale se trouve dans une situation d'uniformité parfaite en ce qui concerne les niveaux les plus élevés (220 et 380 kV) auxquels se réalise désormais l'interconnexion. La situation des niveaux immédiatement inférieurs est moins uniforme, ce qui a donné lieu à quelques inconvénients par le passé ; — la possibilité d'autonomie dans la gestion des diverses zones de réglage, par exemple dans les zones nationales, de telle sorte que pour le fonctionnement du système dans son ensemble il suflïse d'organiser la liaison entre les organismes responsables de chaque zone et la coordination de leur action sur la base de certaines normes. Ce but a été pratiquement atteint en ce qui concerne l'exploitation en parallèle des pays de l'Europe occidentale.

II. LE RESEAU ITALIEN 1. La formation du réseau italien d'interconnexion sur le plan national s'est développée suivant les phases indiquées dans le paragraphe 2. Le contact entre les zones s'est produit au niveau de tension de 132 kV de façon intermittente et s'est réalisé sous la forme de parallèle continu national au niveau de 220 kV (fig. 1). A présent, le réseau italien constitue une zone de réglage unique contrôlée par le dispatching national. A l'intérieur du réseau italien, la forme allongée du territoire national donne lieu cependant à des échanges de compensation. On peut sous cet aspect repérer deux régions principales : l'Italie du Nord comprise dans

92

Interconnexion des réseaux

le massif continental, et l'Italie centro-méridionale qui se prolonge comme une péninsule dans la Méditerranée. La compensation des régimes hydrologiques complémentaires des Alpes et des Apennins n'a pas aujourd'hui l'importance qu'elle avait dans le domaine des échanges quand la production italienne d'énergie électrique était pratiquement bornée aux sources hydrauliques. Actuellement, on peut plutôt observer que, suivant l'augmentation progressive de la production thermo-électrique, la proportion diverse des disponibilités hydro-électriques des deux régions est devenue dominante : cette disponibilité est plus grande dans l'Italie du Nord ; en été, surtout avec hydraulicité élevée, il peut donc y avoir des surplus par rapport à la charge. Dans cette période et dans ces conditions l'Italie du Nord contribue à l'alimentation des autres zones. Pendant l'hiver, au contraire, l'éventuelle disponibilité d'énergie thermo-électrique de l'Italie du Centre et du Sud, due à la plus grande disponibilité d'énergie hydraulique saisonnière dans ces zones, contribue aux besoins de l'Italie du Nord. Le grand ensemble d'installations de pompage existant dans les Abruzzes, presque en position de charnière entre les deux régions, contribue à ces échanges en exerçant naturellement une influence bien déterminée sur la puissance. De même, l'énergie disponible dans les installations thermo-électriques et nucléaires de l'Italie centro-méridionale peut contribuer à la politique d'exploitation des réservoirs de l'arc alpin en rendant plus aisé leur emploi dans les heures de pointe (pompage virtuel). Les trois lignes de 220 kV qui traversent l'Italie centrale effectuent l'interconnexion entre les deux régions : la puissance en jeu (600 et même 800 MW) peut atteindre 5 % et dans quelques cas 7 % environ de la puissance de pointe maxima du réseau italien. Il reste confirmé aussi dans ce cas, que les échanges sont de valeur relativement modeste par rapport à la puissance totale du réseau. Leur valeur absolue requiert par ailleurs des niveaux de tension égaux à ceux utilisés pour les liaisons internes dans les diverses zones du réseau. 2. Le développement du parallèle italien a conduit à des liaisons d'interconnexion analogues aux liaisons internationales et qui sont particulièrement significatives, comme exemples caractéristiques du développement du réseau : nous voulons parler des liaisons avec les grandes îles. En 1956, on a réalisé la ligne aérienne au-dessus du détroit de Messine avec une tension de service de 150 kV pouvant permettre en ce temps-là d'effectuer le contact entre les réseaux de l'Italie méridionale et de la Sicile. Cette ligne fut cependant construite déjà pour une tension de 220 kV en considération du développement futur'des deux réseaux : le fonctionnement à ce niveau plus élevé est prévu pour l'année 1966.

et expérience italienne

93

La liaison entre la Sardaigne et l'Italie continentale est en cours de réalisation : la distance par mer qui est considérable a poussé les réalisateurs à adopter le courant continu qui permettra d'effectuer uniquement des échanges en parallèle asynchrone. La tension adoptée, en courant continu, de 200 kV, et les caractéristiques données à la liaison et en particulier au câble sous-marin, permettent des échanges jusqu'à 200 MW qui sont du même ordre de grandeur que les échanges qu'on peut réaliser sur beaucoup de lignes à 220 kV du réseau italien. 3. Le problème de l'intégration de la réserve entre les diverses zones a été rappelé au chapitre I, paragraphe 3. L'examen de la situation italienne nous permet de repérer l'ordre de grandeur des échanges qui peuvent s'effectuer à ce titre sur les liaisons d'interconnexion entre les diverses zones. Un calcul basé sur la probabilité de défaut a été fait pour établir l'indisponibilité de machines génératrices dans les différentes régions du réseau et dans l'ensemble du réseau national. On a tenu compte des pannes de brève durée et de la première période des pannes de longue durée qui exigent l'apport de la réserve tournante, et de la période suivante des pannes de longue durée qui requièrent la mise en marche des machines de la réserve froide. Par rapport à la situation qui se présentera en 1968 (puissance de pointe d'environ 20 000 MW) on a obtenu les valeurs indiquées dans le tableau suivant : Valeurs calculées Zones

Nord Centre Sud Total Italie

Réserve tournante

Réserve froide

Valeurs adoptées Réserve tournante

Réserve froide

880 345 280

425 195 130

700 275 225

500 200 150

1 505

750

1 200

850

872

573

Les valeurs des colonnes 1 et 2 correspondent aux calculs basés sur l'hypothèse d'une interconnexion sans limitations pour les déplacements d'une zone à l'autre ; les valeurs des colonnes 3 et 4 sont des valeurs obtenues pour l'exploitation en tenant compte des liaisons effectives. Il en découle clairement l'avantage de l'interconnexion : on peut encore en tirer que les

Interconnexion des réseaux

94

échanges que l'on peut prévoir pour la réserve tournante figurent dans l'ordre de grandeur de 100 mégawatts environ, ce qui équivaut à la capacité de transmission des lignes de liaisons à l'intérieur des diverses zones. 4. Les liaisons du réseau italien avec les réseaux des pays limitrophes ont pris leur essor en même temps que ceux entre les diverses zones du pays. Elle ont été réalisées tout d'abord au niveau de 132 kV mais désormais les échanges se déroulent à la tension de 220 kV avec tous les pays contigus : France, Suisse, Autriche, Yougoslavie (voir tableau I). Il faut remarquer ici que le développement des interconnexions du réseau italien avec le réseau européen a vaincu les obstacles dus à la chaîne des Alpes : certaines lignes électriques la franchissent, en effet, à des cotes assez élevées (par exemple la ligne Avise-Malgovert qui franchit le PetitSaint-Bernard à 2 660 m et la ligne Soverzene-Lienz qui passe au col di Cima Vallone à 2 625 m). On peut encore remarquer que la liaison dans la région de l'arc alpin s'effectue près des grandes installations hydro-électriques : les échanges sur les interconnexions peuvent de cette façon modifier le sens du flux d'énergie de ces installations qui aurait été sans cela un flux à sens unique caractérisant les installations périphériques envoyant l'énergie vers les zones de charge. Le réseau italien se trouve en position périphérique par rapport au réseau européen et il a en plus un aspect typiquement allongé. On pourrait dire que le réseau italien est suspendu au réseau européen. Les échanges sur les lignes d'interconnexion contribuent à l'équilibre de puissance et d'énergie du réseau italien tout entier, même s'ils touchent essentiellement la région de l'Italie du Nord : il est intéressant de souligner à ce propos que la puissance correspondant aux échanges internationaux atteint quelques centaines de mégawatts, ce qui équivaut à la valeur des échanges à l'intérieur du réseau national avec l'Italie centro-méridionale. 5. Les échanges d'énergie de l'Italie avec les pays étrangers en 1963 et 1964 ont été les suivants : Importations 1963 1964

1 900 1 756

Exportations 601 millions de kilowattheures 754 millions de kilowattheures

Le volume total des mouvements (importations plus exportations) a été en 1963 et en 1964 respectivement de 3,5 et de 3,3 % de la demande nationale. Le solde de l'importation pour les deux années susdites a été respectivement égal à 1,8 et 1,3 %.

et expérience italienne

95

Dans le diagramme de la figure 2 on a indiqué les échanges par mois en 1964. On peut observer que les importations ont touché essentiellement les saisons d'automne et d'hiver tandis que les exportations ont eu lieu pendant l'été, ce qui est semblable aux échanges entre l'Italie du Nord et l'Italie centro-méridionale. L'expérience du parallèle du réseau italien dans le réseau européen est décidément et réciproquement positive : les mouvements d'énergie se sont déroulés avec une régularité presque absolue sur la base des accords pris avec les dispatchings des autres pays par le dispatching national E.N.E.L. Dans ce but les échanges d'informations qui ont eu lieu de façon régulière et continuelle à l'intérieur de l'U. C. P. T. E. ont été et sont très utiles ; particulièrement pour ce qui concerne : — les prévisions à moyen terme sur l'évolution des disponibilités et de la demande dans les divers pays ; — l'étude des problèmes techniques de l'exploitation en parallèle et la coordination des modalités et des moyens techniques nécessaires. 6. Le fonctionnement en parallèle comprend, comme on l'a dit, des sollicitations particulières pour les transferts qui se produisent sur les lignes d'interconnexion en régime perturbé par des déséquilibres importants quelque part dans le système. Cette collaboration à l'intérieur du parallèle européen a été vérifiée en service en 1964 ; il nous semble utile de le rappeler pour indiquer l'ordre de grandeur que peuvent atteindre ces transferts. Le 28 février 1964, vers 14 heures, à cause d'une perturbation sur le réseau de l'Allemagne fédérale, le flux d'importation du réseau italien en provenance de la Suisse (650 MW) et de la France (100 MW) fut transformé tout à coup en flux d'exportation à 250 MW vers le reste du réseau européen. L'apport considérable du réseau italien et des autres réseaux d'interconnexion permit alors le fonctionnement en parallèle du réseau européen malgré la gravité de la perturbation qui l'avait touché : la diminution de la fréquence (environ un demi-hertz) resta dans des limites acceptables.

III. PERSPECTIVES 1. Quant aux perspectives futures de l'interconnexion européenne, il est facile de prévoir qu'elle continuera à se développer parallèlement au développement de l'industrie électrique du continent.

96

Interconnexion des réseaux

Le niveau de tension auquel tendent les échanges internationaux est celui de 380 kV. C'est le même niveau d'ailleurs auquel on est en train de porter l'alimentation des centres de charge et la production des grandes centrales dans les diverses zones nationales : certaines liaisons fonctionnent déjà à cette tension nominale : d'autres, tout en fonctionnant à 220 kV, sont prévues pour le niveau plus élevé ou préparées à la transformation. En ce qui concerne le réseau italien à 380 kV, la situation actuelle et les prochains développements sont indiqués à la figure 3 : en ce moment, il n'y a qu'une ligne fonctionnant à 380 kV, c'est-à-dire celle reliant la zone de Milan (station de Baggio) à la centrale de La Spezia (puissance installée : 650 MW, puissance en cours d'installation : 1 200 MW). Parmi les liaisons qui ont été construites pour pouvoir fonctionner à 380 kV, nous pouvons citer ici celles des centrales nucléaires de Latina et du Garigliano, reliées entre elles et avec Rome d'un côté et Naples de l'autre, et la liaison Bovisio (Milan) - Mese - Soazza, dont le dernier tronçon passe par la frontière helvétique. Parmi les liaisons dont on a commencé la construction, rappelons ici celles entre Villastellone (Turin) et les installations du Moncenisio, qui ont de l'importance pour les rapports entre la France et l'Italie dans leur exploitation (réservoir en territoire français, centrales en territoire français et italien) et pour les échanges qui en découleront. Malgré les prévisions susmentionnées concernant les développements dans l'avenir, l'importance des échanges d'énergie qui se produiront sera toujours limitée par rapport à la demande totale d'énergie électrique dans les diverses zones nationales. La réalisation des grandes centrales nucléaires prévues dans un proche avenir n'entraînera pas, à notre avis, des problèmes de flux continus massifs d'énergie dans une seule direction à travers les frontières : les dimensions prévues de ces centrales ne se distinguent pas en effet de celles qui caractérisent certaines grandes centrales thermo-électriques traditionnelles qui fonctionnent déjà ou qui sont en construction. On pourra envisager des échanges de nuit pour améliorer l'utilisation de ces centrales : dans les zones de frontière disposant d'énergie hydroélectrique on pourra prendre en considération de nouvelles possibilités de pompage dans les réservoirs. Un soin particulier sera donné aux problèmes de réserve. En ce moment, il n'existe pas d'échanges très développés sur le plan international basés sur les différences des prix marginaux de la production : ces échanges deviendront toujours plus intéressants au fur et à mesure que la génération thermo-électrique deviendra prépondérante dans la plupart des zones nationales européennes. Dans ce but, il faudra employer — en dehors des moyens actuellement

et expérience italienne

97

à disposition — de grandes machines à calculer électroniques pour contrôler l'exploitation des réseaux. L'interconnexion internationale, qui s'est affermie au cours du développement des réseaux nationaux européens, est devenue — grâce aux expériences acquises ces dernières années — un instrument essentiel visant à atteindre un service plus efficace et plus économique : elle continuera sans aucune doute à donner dans l'avenir une contribution très valable. Les techniciens de la transmission de l'énergie sont engagés à la solution des problèmes de projet et d'exploitation qui vont se présenter.

TABLEAU

I

LIGNES D'INTERCONNEXION D U RESEAU ITALIEN AVEC LES RESEAUX DES PAYS VOISINS (Tension supérieure à 100 kV) Situation Pays voisins

France Suisse

Autriche Yougoslavie

Liaison entre les postes italien

étranger

Garessio Avise Avise Domodossola Ponte Mese Mese Poschiavino Villa Tirano Bressanone-Prati Soverzene Opicina

Saint-Dalmas Malgovert Riddes Mòrel-Gondo Airolo Lavorgo Soazza Campocologno Campocologno Ziri Lienz Divaca

au 31 décembre

Tension (kV) actuelle 150 220 220 130 220 220 220 150 150 110 220 130

prévue

1964.

Nombre de ternes 1 1

220

1 1 1 1

380 1 1 1 1

98

Interconnexion des réseaux

FIGURE 1 RESEAU

I T A L I E N A 2 2 0 E T 380

KV

et expérience italienne

99 1AV

VI

->

Z

< PH

o

«

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D Q Z ta Oí



a.

c

a o

cd

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2

»•S M C

O a)

W-o

et production du gaz

341

l'enrichissement de gaz plus pauvres. Intéressant à transporter, il était facile de l'envoyer dans des usines produisant du gaz classique, telles que l'usine Lurgi de Coleshill ou dans les nouvelles usines utilisant des produits pétroliers. 7 ° L E S CHANGEMENTS DANS LES TECHNIQUES DE PRODUCTION ET L'EMPLOI DES PRODUITS PÉTROLIERS

Les produits pétroliers avaient été utilisés depuis longtemps pour faire du gaz à l'eau carburé et parfois pour enrichir la production des usines de carbonisation. En raison des tendances défavorables des prix du charbon (graphique 1), les unités recherchèrent des méthodes de production de gaz de ville à partir uniquement de produits pétroliers. Les premières usines n'avaient guère qu'un million de pieds cubes par jour et ne posaient guère de problèmes de localisation. On utilisait, au début, un procédé de craquage cyclique d'huiles lourdes. De petites usines furent construites en 1953 et de plus grandes en 1957. Une usine Segas de 18 millions de pieds cubes par jour fut achevée en 1958. Elle utilisait une grande gamme de matières premières, y compris les gaz de raffinerie, et se trouvait près de la nouvelle raffinerie de Isle of Grain, de façon à satisfaire les besoins de la partie nord de la Direction régionale du Sud-Est. Un autre procédé qui apparut un peu plus tard fut celui de la combustion partielle (par exemple Shell) et le reformage cyclique des gaz de raffinerie. La très importante usine de Romford, dans la Direction régionale du Nord de la Tamise, fut achevée en 1958. Il s'agissait d'une usine Onia-Gegi sur l'emplacement d'une ancienne usine à gaz, dans la banlieue de Londres, alimentée en gaz de raffinerie à partir des raffineries de Shellhaven et de Coryton. Une usine utilisant le procédé Shell fut construite à la raffinerie d'Isle of Grain pour produire du gaz classique enrichi par du gaz de raffinerie. Toute cette évolution prit place surtout dans le Sud, en raison de la présence des raffineries dans cette région et du coût plus élevé du transport du charbon qui n'est produit que dans le Nord. La localisation à l'intérieur de cette région dépendait surtout de la possibilité de trouver des espaces disponibles compatibles avec les plans d'urbanisme : ceci rendait plus intéressants les emplacements déjà existants. D'autre part le procédé Shell qui produisait du gaz à haute pression rendit la localisation près des raffineries plus intéressante. Dans la Direction régionale du Sud, les quantités disponibles de gaz de raffinerie furent d'abord utilisées dans l'usine de Southampton. Puis on diversifia les matières premières à l'occasion de la construction d'une nouvelle usine. En 1960, la structure de l'industrie du gaz avait considérablement changé par rapport à la situation à la nationalisation. Il n'y avait plus que 23

342

Matières

premières,

débouchés

428 usines, contre 1 05Ó ; 115 d'entre elles produisaient plus de 5 millions de thermies par an, soit 86 % de la production, 82 faisaient entre 1,25 et 5 millions de thermies et produisaient 11 %. Les petites usines n'étaient plus que 217, et représentaient 3 % de la production. Le type des usines installées avait aussi considérablement changé. La moitié de la capacité de production en service au 31 mars 1960 datait d'après la nationalisation. On note une légère décroissance des usines de carbonisation en raison de l'abandon des cornues horizontales, bien que celles-ci aient été remplacées surtout par des cornues verticales continues. Il y avait une grosse augmentation des ateliers de gaz à l'eau pour tenir compte de la détérioration des modulations. Les usines utilisant les produits pétroliers représentaient 6 % de la capacité. TABLEAU I X LES MODIFICATIONS

DE

LA CAPACITE DES

Capacité au 1" mai 1949

10" pieds cubes/jour

Usines de carbonisation Utilisation des produits Gaz à l'eau et divers

pétroliers

Total

USINES D E

1949 A

1964

31 mars 1960 31 mars 1964

1 410 3 647

1 386 165 989

1 131 627 1 090

2 060

2 540

2 858

Ces changements sont aussi indiqués par la croissance de l'utilisation des produits pétroliers avant 1959-1960. En particulier, on note une évolution qui tend à abandonner les gas-oils au profit de produits plus légers. Le tableau suivant indique l'évolution entre 1957-1958 et 1963-1964 des consommations de matières premières : TABLEAU X MATIERES

PREMIERES

U T I L I S E E S E N 1957-1958, ET E N 1963-1964

Charbon (en millions de tonnes) Huiles légères (en milliers de tonnes) Gas-oils (en milliers de tonnes) Huiles lourdes (en milliers de tonnes) Gaz de pétrole liquéfié (en millions de thermies) Gaz de raffinerie (en millions de thermies)

EN

1959-1960

1957-1958

1959-1960

1963-1964

26 12 503 64

22,3 259 320 171

21,8 921 93 268

18

17 94

155 259

343

et production du gaz

Cette évolution s'accentua encore en raison de l'intérêt financier des produits pétroliers par rapport au charbon et de la souplesse ainsi apportée à la production. Les prix des produits pétroliers supportaient fort bien la comparaison avec ceux des charbons de carbonisation ainsi que le montre l'exemple de l'année 1959-1960. Pence par thermie Fuel lourd, rendu Gas-oils, rendus Distillât léger, rendu Butane et propane, départ des raffineries Gaz de raffinerie, départ, brut Charbon de carbonisation

5,1 7,8 5,5 7 à 9 6 entre 4 et 5,2 moyenne 4,5

Cette modification des possibilités de production intervint à une époque de stagnation de notre industrie sous l'effet de la concurrence croissante des autres combustibles dans tous les secteurs, et coïncida avec l'introduction d'appareils de chauffage modernes et plus efficaces. Les nouvelles techniques de production et les nouveaux appareils ont conduit l'industrie gazière dans une direction favorable. 8 ° EVOLUTION DES MARCHÉS

Le marché domestique total avait considérablement augmenté en taille, mais la part de l'industrie du gaz avait décru. La concurrence en cuisine augmentait surtout la part de l'électricité à la suite de l'extension des raccordements. Les prix de l'électricité pour la cuisine, le chauffage de l'eau et le chauffage des locaux étaient concurrentiels avec ceux du gaz, si l'on considérait que la prime fixe des tarifs binômes représentait le coût de l'éclairage et des petits usages de force motrice pour lesquels l'électricité a un monopole. Les tendances du marché et l'évolution du prix des combustibles sont indiqués dans le tableau suivant. {Voir tableau XI, page suivante.) La croissance du marché industriel du gaz fut rapide jusqu'en 1955, mais ensuite la concurrence croissante et la baisse des prix des produits pétroliers réduisirent les taux de progression. Les statistiques relatives aux consommations industrielles sont présentées dans le tableau ci-après, mais on doit noter que l'indice des produits pétroliers est sans doute trop élevé, étant donné qu'il est basé sur les prix officiels et ne tient pas compte des réductions diverses. (Fo/r tableau XII, page suivante.)

Matières

344

premières,

débouchés

TABLEAU X I LES CONSOMMATIONS

Consommations de combustibles 10" tec Charbon Gaz Electricité Produits pétroliers Total Prix pour 1950 = 100 Charbon Gaz1 Electricité 1 Electricité 2

DOMESTIQUES

ET LES

PRIX

1950

1955

1960

1963

43,5 11,3 7,2 2,2

44,1 11,3 10 3

42,1 10,7 16,6 6

41,8 12,8 26,1 8,5

64,2

68,4

75,4

89,2

100 100 100 100

147 135 112 113

191 173 123 166

230 185 129 200

1. Revenu moyen. 2. Compte tenu des dégressivités tarifaires.

TABLEAU X I I CONSOMMATIONS

Consommations d'énergie 10" tec Charbon Gaz de ville Gaz de cokerie Electricité Produits pétroliers Total Prix pour 1950 = 100 Charbon Gaz Electricité Produits pétroliers

INDUSTRIELLES

ET

PRIX

1950

1955

1960

1963

62,7 3,9 1,7 11,4 6,7

66,9 5 2,6 17,5 10,3

56,5 5,7 2,7 25,9 20,2

45,3 5,7 2,2 28,4 30,9

86,4

102,3

100 100 100 100

152 136 124 118

111

191 161 133 140

112,5

227 169 145 164

et production du gaz

345

A la fin des années 1950, l'industrie du gaz dans chacun de ces marchés devait faire des efforts très élevés pour ne conserver que sa place. Cependant, on pouvait penser que cette situation pouvait être améliorée en réduisant l'importance du charbon et en s'attaquant au marché du chauffage domestique avec des appareils nouveaux et plus efficaces. V. CINQUIEME PERIODE : DE 1960 A MAINTENANT Depuis 1960, on a constaté un accroissement rapide du développement de l'industrie gazière. Les pourcentages d'accroissement des ventes corrigées de la température ont été les suivantes par rapport à l'année précédente (en %). Exercice 1961-1962 1962-1963 1963-1964 1964-1965

: : : :

1 3 5 7

Ceci est surtout dû à l'augmentation des ventes d'appareils de chauffage au gaz et des appareils de chauffage centraux, ainsi qu'à l'évolution favorable des prix du gaz quant à ceux du charbon et de l'électricité, ce qui a été rendu possible par les procédés d'utilisation des produits pétroliers. Les ventes d'appareils et les indices des prix sur le marché domestique sont indiqués dans le tableau suivant : TABLEAU XIII EVOLUTION D E S VENTES D'APPAREILS ET DES PRIX DES COMBUSTIBLES D E 1959 A 1964 1959

1960

1961

1962

1963

1964

244 3 10

265 8 18

326 15 23

533 21 35

744 30 60

900 45 80

100 100 100

102 101 103

110 106 110

115 113 118

117 120 123

121 125 126

Ventes d'appareils pour les années finissant en mars de l'année n + 1 (10') Radiateurs Chauffage à air chaud Chauffages centraux Indice des prix pour 1959 = 100 Gaz Electricité Charbon

346

Matières

premières,

débouchés

La consommation d'un radiateur étant de l'ordre de 150 à 200 « therms » par an, celle d'un appareil à air chaud de 450 et celle d'un chauffage central de 800, l'accroissement que représentent ces ventes, soit en débit annuel, soit en pointe, est considérable. Les développements techniques qui ont permis de satisfaire cette demande à des prix compétitifs sont l'introduction de méthane importé et les nouveaux procédés d'utilisation des produits pétroliers.



LE

MÉTHANE

IMPORTÉ

Comme nous l'avons vu précédemment, un projet d'importation de méthane liquide algérien avait été précédé de chargements expérimentaux à petite échelle. En novembre 1963, le ministre de l'Energie approuva le projet de l'industrie gazière d'importer environ 350 millions de « therms » par an d'Algérie pendant quinze ans. Le projet se subdivise en quatre parties : — Tout d'abord transport du gaz par 300 miles de pipe-line d'Hassi R'Mel à Arzew où il est liquéfié dans une usine qui a coûté 31 millions de livres sterling. Le gaz liquéfié à la température de — 260 "Fahrenheit occupe 1/600 de son volume gazeux. — Transport par deux navires réfrigérés de 12 000 tonnes faisant l'allerretour Algérie - Royaume-Uni en onze jours. — Réception à l'île de Canvey, dans l'estuaire de la Tamise, dans une usine de 3,5 millions de livres sterling, accessible en tout état de marée avec stockage de 22 000 tonnes de gaz liquide dans des réservoirs réfrigérés avant évaporation et transport. — Distribution par réseaux de transport sous pression à destination de huit Boards. Le pipe-line a 200 miles de longueur en acier soudé de 18 pouces. Les canalisations secondaires de 8 à 14 pouces ont 130 miles. Le coût du réseau est de 10 millions de livres sterling. Après la décision ministérielle de novembre 1961, le travail d'exécution a été entrepris et les premières cargaisons ont été débarquées en novembre 1964. Le gaz est vendu aux Boards à 7,5 pence par thermie.



L A GAZÉIFICATION D E S PRODUITS

PÉTROLIERS

Au 31 mars 1960 on pouvait recenser une capacité de 168 millions de pieds cubes par jour utilisant la gazéification des produits pétroliers. Il s'agissait surtout de reformage de gaz de raffinerie ou de leurs utilisations

et production du gaz

347

pour enrichissement. Les autres utilisations de produits pétroliers ne représentaient que peu de chose et dans des petites usines. En 1961 le procédé de reforming continu à la vapeur, mis au point par l'Impérial Chemical (I. C. I.), fut présenté sur le marché. Ce procédé avait un avantage évident en tant que source de gaz de pouvoir calorifique classique lorsqu'on disposait d'un gaz plus riche, en particulier du méthane. Le développement des procédés de gazéification des produits charbonniers et pétroliers fut poursuivi par la Station d'Etudes des Midlands du Gas Council, et en mars 1962 deux procédés purent être utilisés commercialement à partir de distillais légers et uniquement de distillais légers. Il s'agit du procédé d'hydrogénation cyclique pour l'enrichissement de gaz classique et du procédé catalytique pour gaz riches.



L A LOCALISATION DE NOUVELLES USINES

Deux lignes équidistantes chacune de 35 miles de la ligne LondresManchester contiennent les territoires où sont vendus les trois quarts des ventes de gaz d'Angleterre. Cette structure de la consommation détermina l'implantation du réseau du transport du méthane. D'autre part l'île de Canvey avait des avantages en tant que point d'arrivée des vaisseaux méthaniers par rapport à, par exemple, Southampton. Le réseau de transport du méthane devait être construit autant que possible en dehors des zones habitées, mais de telle façon que les centres de distribution existants puissent lui être raccordés. Ce projet étant commun aux Boards et étant donné que le gaz devait être utilisé en base, il était souhaitable que le plus possible d'entre eux participent au projet. Huit d'entre eux sont en fait raccordés à ce réseau de transport. Dans le but de produire du gaz de ville utilisant le méthane pour reformage ou enrichissement on a été amené à mettre en service une capacité de 300 millions de pieds cubes par jour ; de plus, toute une série d'usines de gazéification de produits pétroliers a été étudiée ou est en projet en dehors des zones desservies par méthane. C'est ce que montre pour les plus grandes la carte D ci-après. L'usine de Provan en Ecosse est située près de l'agglomération de Glasgow et permettra de fournir le réseau haute pression alimenté d'autre part par l'usine Lurgi de Westfield. L'usine de Hartlepool-Ouest, dans la Direction régionale du Nord, remplacera les fournitures de gaz de cokerie réduites par les diminutions de production de coke et se trouve en bonne situation actuellement. L'usine de Killingholme est en dehors des zones de consommation mais dans une région où la construction d'une raffinerie est vraisemblable et où des distillais légers et les gaz liquéfiés de pétrole sont

348

Matières premières,

débouchés

CARTE D LOCALISATION DES USINES IMPORTANTES

Usines L U R G I * construites de 1961 à 1964 • en projet o Raffinerie • Réseau de transport du méthane Pipe-line pétrolier •• "

WtSTFlELD

'KILMARNOCK

HARTLEPOOL

PRESTON MANCHESTER^"

»LEEDS °DEWSBURY

LIVERPOOL/ (LINACRE) '

. En revanche, le taux de déchargement d'un charbonnier est bien en dessous de celui qu'on pratique actuellement pour le pétrole. Au Havre, le poste charbonnier à quatre seaux ne peut faire que 1 000 tonnes par heure 10 en moyenne. Etant donné les conditions actuelles, on ne saurait installer deux grues et deux seaux de plus pour faire élever le taux du chargement. Rien n'empêche la direction du Havre, dans le cadre d'un débit majoré, de construire un poste minéralier mieux équipé et permettant des cadences de déchargement plus rapides. A Amsterdam, quatre portiques ambulants peuvent décharger à la cadence maximum de 4 500 à 5 000 tonnes par heure et peut-être à une cadence moyenne de 2 250 à 2 500 ; mais il n'est pas évident que tous les quatre peuvent ou non être affectés à un navire à la fois 17. Aux Etats-Unis, on a mis en vigueur un portique à capacité moyenne de 800 tonnes par heure et on sait faire des additions d'un ou deux portiques de plus pour des navires plus grands 18. Comme dans l'affaire du prix du navire, nous acceptons le désavantage des charbonniers, bien qu'il 14. Voir Tanker Times, décembre 1964, p. 8 : l'explication pourquoi on a changé ce nom, qui est désormais Tanker and Bull Carrier. 15. Mining Congress Journal, juillet 1964, p. 11. 16. Louis VIGUE, « Le Poste Minéralier au Havre », dans Journal de la Marine Marchande, 24 septembre 1964, p. 2173 ; Albert VIALA, « Le trafic charbonnier du port du Havre», Ibid, p. 2199. 17. Saward's Journal, 3 octobre 1964, p. 201. 18. Mining Congress Journal, août 1964, p. 64.

364

Importation

du charbon

américain

soit temporaire. Pour un voyage de 3 900 milles marins, à 16 nœuds par heure, le voyage aller-retour dure 20 jours, et avec 3 jours au port le total est de 23 jours. Nous supposons que le temps durant lequel on reste au port est majoré des deux tiers, c'est-à-dire que nous comptons 5 jours au lieu de 3. Donc la durée totale aller-retour est de 25 jours, au lieu de 23, et le coût d'un voyage est majoré de 8 %. Donc, le prix de revient du transport du charbon est 19 % (1,10 X 1,08) au-dessus de celui du pétrole pour un tel voyage. Comme il s'agit surtout d'un acheminement régulier, il faut regarder les chartes à terme, dont les loyers sont actuellement équivalents à environ IS (Intascale) moins 53 %. Celui qui parle de ce niveau comme « anormalement bas » perd son temps. Ces armateurs qui ont, depuis deux ans, passé des commandes tout en signant des chartes-parties à ces frets, se sont assurés avant de commander que de tels taux seraient rentables 19. Pour un tel voyage, la pleine IS est $ 3,86; IS moins 53 % est $ 1,82 la grosse tonne ; $ 1,64 la courte ; majoré de 19 %, on arrive à $ 1,93. Certes, il y a beaucoup à négocier sur ce point. On ne se trompe pas trop en se servant d'un prix de $ 2 la tonne, ce qui nous donne en sous-traitant un prix de $ 8 livré en Europe Nord-Ouest, et un prix de $ 6 la tonne à la côte est des Etats-Unis. Un tel prix pour le charbon américain à l'exportation est inouï dans l'expérience de l'exportation, mais n'est pas à propos. Ce qui l'est, c'est l'expérience des ventes à grande échelle en des débits continus, comme on le fait aux Etats-Unis aux sociétés de production d'électricité. Dans ce domaine, nous venons d'assister à une vraie révolution dont l'œuvre n'est pas encore achevée. En 1962, le prix du charbon livré à des centrales thermiques sur la côte de l'Est était environ de 35 cents le million de BTU 20. Dès le début de 1963 on savait, malgré le secret dans lequel les prix sont gardés, que ce prix était inférieur à 30 cents. Après l'annonce faite de la transmission par haut voltage du système « Keystone », on a réduit ce prix de 5 ou 6 cents à une filiale, en abaissant les taux de fret. Cette filiale, bientôt après, a reçu des offres de 26 cents à un moment où elle devait choisir entre une station thermique et une station nucléaire, choisissant enfin celle-ci21. Le représentant du front uni des intérêts charbonniers-chemins de fer a dit avec une charmante clarté : « Si nous avions pris ces gens au sérieux, nous leur aurions proposé un 19. Voir le Journal de la Marine Marchande, Japan Shipping and Shipbuilding, et les revues des courtiers anglais. 20. National Coal Association, Steam-Electric Plant Factors 1962. 21. jersey Central Power and Light Co., Economic Analysis of Oyster Creek, 1964, p. 2 ; Louis M. RODDIS, président d'une filiale (Pennsylvania Electric Power Co.) de la Jersey Central, dans une conférence donnée à l'Atomic Industrial Forum, 2 décembre 1964, p. 3.

en Europe occidentale

365

tel prix pour le charbon et le transport qu'ils n'auraient jamais construit la centrale nucléaire, mais nous ne le savions pas 22 ! » Les nouveaux contrats, on peut le deviner, sont aux environs de 26 cents, et l'industrie charbonnière, y compris les chemins de fer transporteurs de charbon, parlent avec confiance de prix de 23 cents en cinq ans. En juin 1964, le président de la Virginia Electric and Power Company a demandé que le prix du charbon livré à la nouvelle centrale qu'on va ériger pour commencer à fonctionner en 1969, soit de 25 cents le million de BTU ; sinon, la société allait bâtir une centrale nucléaire 23. Les directeurs des chemins de fer ont d'abord gardé le silence 2i . En novembre est venue l'annonce que la nouvelle centrale utiliserait le charbon à cause de la baisse des tarifs ferroviaires 25. On peut faire un calcul approximatif du prix du charbon livré. Le taux de fret sera $ 3,13 la tonne, ce qui équivaut (selon le contenu calorifique moyen reçu par cette société en 1963) 2G, à 11,4 cents le million. Le charbon va venir de la région dite District 7, où le prix moyen du charbon consacré à la production d'électricité avait été, en 1961, 14,3 cents 27 , soit, en somme, 25,7 cents. Mais la Virginia Electric avait vraiment dépassé sa cible, car il faut tenir compte de l'abaissement des frets pour toutes ses autres centrales qui existent actuellement. Cette concession serait l'équivalent de 2,6 millions de dollars en 1963. La vraie baisse des frets est donc telle que le prix marginal du charbon pour la nouvelle centrale sera bien en dessous de 25 cents le million. Seule une cinquantaine de miles séparent cette nouvelle centrale des docks de Hampton Roads, et le vrai coût de transport au port est moindre. Le président d'une grande société charbonnière a très bien résumé toute la situation du marché en disant : « Si nous ne pouvons dépasser 28 cents en limite inférieure, on verra beaucoup de centrales nucléaires. Si nous parvenons à livrer le charbon à 25 cents, il y en aura très peu ; nous aurons la part du lion de tous les débouchés dans la production d'électricité. Si nous savons atteindre 22 cents, il n'y aura de centrales nucléaires que dans le but d'acquérir l'expérience en opération 28. » On peut résumer très vite toutes ces considérations. L'industrie charbonnière, y compris les chemins de fer transporteurs du charbon, viennent de nous assurer qu'ils visent actuellement à 23 cents le million de BTU 2 2 . Joseph E. MOODY, président, National Coal Policy Conference, en témoin devant le Joint Committee on Atomic Energy, Congress of the United States, 4 mars 1964. 23. Electrical World, 29 juin 1964. 24. Saward's journal, 20 juin 1964. 25. Electrical World, 16 novembre 1964. 26. National Coal Association, Steam-Electric Plant Factors, 1963. 27. Voir plus bas la discussion des prix départ mine. 28. Charles V. POTTER, président de la Rochester and Pittsburgh Coal Co., conférence donnée à la Washington Coal Club, résumée dans la pressé (mai 1964).

366

Importation

du charbon

américain

pour le charbon livré à la côte de l'Est des Etats-Unis. Pour maintes raisons, nous tenons leur promesse au sérieux. Or, ce qui est possible pour les consommateurs américains n'est pas rendu impossible ou non rentable pour les consommateurs étrangers. Mais pourquoi ce renversement brutal des prix charbonniers nationaux sur le marché intérieur ? La concurrence du fuel dans les centrales situées près de la côte ; de l'énergie nucléaire ; d'un tuyau à l'eau, pour porter du charbon poudré ; enfin, celle de la transmission de l'électricité par des fils à haut voltage, ce qui est bien connu en France. Ces quatre formes de la concurrence ont fort agi et sont toujours en train d'agir sur l'industrie charbonnière et sur les chemins de fer transporteurs de charbon 29. Il est possible, mais possible ne veut pas dire inévitable, que cette leçon soit valable aussi pour les ventes à l'exportation : baissez vos prix ou perdez le client. Le tableau II montre que ces estimations de l'industrie sont assez cohérentes avec les taux du fret ferroviaire actuels pour des destinations nationales. Mais elles ne sont pas du tout cohérentes avec le fret discriminatoire contre les ventes à l'exportation. D'abord, il faut tenir compte d'une interaction entre le coût de la production minière et le coût du transport ferroviaire. Depuis longtemps, la règle d'or de la I.C.C. (Interstate Commerce Commission) a été en principe : pas de discrimination. Cette règle en pratique est elle-même un système de discrimination. Car le coût du transport d'une mine qui charge un demi-wagon par jour et celui d'une mine qui charge des centaines de tonnes sont très écartés l'un de l'autre. En établissant le même fret pour les chargements aux deux endroits, on subventionne la production moins économique dans la petite mine aux dépens de la grande mine plus économique. Le résultat est l'existence de beaucoup de mines trop petites et d'un niveau de coût de production indûment élevé 30. Enfin, sous la menace de perdre leurs débouchés, les chemins de fer transporteurs du charbon et les mines ont demandé à la I.C.C. de laisser abaisser les frets pour les rendre compétitifs. La solution était d'abaisser les frets pour les bloc-trains. En général, pourvu qu'une mine puisse garantir un chargement de 7 000 tonnes par jour, la mine peut s'en servir. Le résultat est actuellement en marche : fermer les petites mines qui ne sont plus rentables et laisser s'accroître les nouvelles mines plus rentables. Cet événement, changement du climat administratif aux Etats-Unis est 29. Federal Power Commission, National Power Survey, 1964, annexe 21, «Fuels for Electric Power Generation ». 30. Railway Systems Management Association, Integral Trains, 1963, rapport de L. J. HUEGEL, vice-président de la Consolidation Coal Co., « Extent of the Market for Integral Trains ». Mais tout ce volume mérite bien d'être soigneusement lu, surtout le rapport de A.J. GELLMAN, « The Integral Train and its Environment ».

en Europe

occidentale

367

un fait de base qui favorise le développement des très grandes mines à des coûts plus bas. Il est donc à attendre, comme l'attend la profession, que les coûts d'extraction s'abaisseront. Même en 1963, par exemple, la Consolidated Edison de New York, une des plus grandes consommatrices, achetait par wagons particuliers de 50 à 60 tonnes. Au début de 1964, elle a commencé enfin à recevoir des bloctrains de 7 000 tonnes au moins. Le coût du charbon livré est donc tombé de 35,5 à 30 cents, ou moins, le million de BTU. Le déchargement est désormais fait constamment, en anglais « around the clock », pendant 24 heures. La pratique de mélanger les charbons, tout à fait inutile, a cessé le jour où les chemins de fer ont demandé que le client en fasse les frais. Les 35 à 40 fournisseurs sont tombés à 12 31. Les petites mines se sentent condamnées et veulent abolir le bloctrain à bas fret 3 2 . Pour l'instant, elles ont échoué 33. Peut-être vont-elles au moins empêcher ou atténuer des nouvelles baisses et le processus par lequel la structure des frets se rapproche de la structure des prix de revient. Je n'ose pas prévoir, mais qu'il me soit permis de faire la supposition que ce processus aille en continuant et, par conséquent, que la subvention des petites mines soit en voie de disparaître. En ce cas, nous assisterons à de très nombreux changements, à un va-et-vient de fournisseur et client, qui aboutira à des niveaux de prix de revient à la production sensiblement en dessous des prix actuels. Dommage que nous manquions de bonnes informations sur la structure des coûts et de la productivité. Un petit peu de données vaudrait mieux que toutes les moyennes inutiles ; nous pouvons être sûrs du sens du déplacement. Un des plus grands mérites de YEtude sur les perspectives énergétiques à long terme de la Communauté Européenne est l'attention qu'elle attache aux structures, son refus de cacher le problème sous le masque des moyennes nationales. L'écart en productivité parmi les mines selon leurs tailles, leurs âges et leurs méthodes, est frappant. La croissance de la productivité jusqu'ici reflète en partie ce déplacement et une réforme du règlement des chemins de fer nous assure, au moins pour un certain temps, sa continuation. Pour cette raison, on doit se déclarer d'accord avec ces experts qui prévoient une baisse de 10 % , d'ici 1970, des prix du charbon départ mine. Toutefois, quel est ce prix qui va s'abaisser ? La vérité, très peu agréable, est que toute la masse des statistiques des prix départ mine, divisée par Etats et même comtés, est inutile, car on y a mélangé toutes les espèces et qualités. Nous devons au Comité 21 du National Power Survey, cité plus haut, le premier chiffre qui est utilisable ; je m'en suis servi dans les tableaux I et II. 31. Saward's Journal, 24 février 1964, p. 277. 32. New York Times, 19 décembre 1964. 33. New York Times, 1 e r janvier 1965.

368

Importation

du charbon

américain

Il est temps de considérer un autre aspect des taux de fret qui ont toujours été discriminatoires dans un sens plus évident ; on laisse baisser le fret quand il s'agit de perdre un client ou un débouché, et les chemins de fer ont agi ainsi pour concurrencer le fuel, l'atome, etc. Qu'ils puissent abaisser leurs frets West Virginia - Norfolk, même en dessous de celui qu'indique le tableau I, paraît vraisemblable. D'abord, les frets du tableau II montrent ce qui est possible et même profitable pour le transport du charbon sur une telle distance. En deuxième lieu, M. Sloss, du Transportation Research Center, a analysé les comptes des chemins de fer de cette région et a fait une estimation du prix de revient, y compris un rendement suffisant sur l'investissement, qui est d'environ $ 2,31 la tonne courte. (Tout lecteur qui s'intéresse au calcul est prié de s'adresser ou à M. Sloss ou à moi-même.) Si le prix de revient ne dépasse pas $ 2,50 environ, pourquoi les chemins de fer ne sont-ils pas prêts à réduire le fret pour gagner plus de trafid ? La raison est simple. Les chemins de fer desservant Hampton Roads pensent en monopole et comparent donc le prix de revient avec le revenu marginal plutôt qu'avec le prix. S'ils baissent le prix (le fret) de $ 1 la tonne, par exemple, ils perdent tout d'un coup 30 millions de dollars par an. Combien de tonnes supplémentaires faut-il transporter même pour regagner cette perte et partir encore de zéro ? Quelle assurance peut-on leur donner qu'ils vont en profiter à longue échéance ? Aucune. La direction de ces chemins de fer ne mérite aucun reproche, car ces derniers agissent en tant que bons et fidèles serviteurs des propriétaires des actions de leurs sociétés. Qu'on ne mélange pas inutilement les questions de mœurs avec celles de l'économie politique et de la politique économique. La responsabilité de la réglementation des taux de fret appartient au gouvernement des Etats-Unis qui peut la négliger mais non pas en abdiquer. Ce qui est bon pour les chemins de fer Norfolk and Western et Chesapeake and Ohio n'est pas forcément bon ou mauvais pour les Etats-Unis. Si la Baltimore and Ohio était encore indépendante, le transport du charbon, à des prix bien en dessous des frets actuels, mais encore audessus des prix de revient, serait, une très bonne affaire pour elle. Mais environ 90 % des actions de la Baltimore and Ohio sont détenues par la Chesapeake and Ohio. Le dernier espoir d'une politique indépendante de la part de la Baltimore and Ohio s'est évanoui en septembre 1964, quand son président a démissionné, pour des raisons inconnues. La politique de monopole que pratiquent les chemins de fer est encore plus rigide à cause de leur méconnaissance du marché du charbon à l'étranger. Quant au charbon vapeur, comme on l'a montré plus haut, on estime que les prix dits anormalement bas s'élèveront bientôt. Cette

en Europe occidentale

369

hypothèse, nous l'avons vu, est une erreur. Cela à part, la moitié des exportations de charbon américain consiste en charbon à coke, qu'on ne peut remplacer librement par un autre combustible. Une baisse des prix, par conséquent, ne saurait engendrer de débouchés plus grands. Il n'y a pas de remplacement facile, bien entendu, mais dans une certaine mesure on peut le faire, et cette mesure s'accroît toujours 34. Plus le prix du charboncoke s'élève par rapport aux autres combustibles, plus on le remplace. L'industrie sidérurgique cherche activement aujourd'hui des meilleurs matériaux. Ce qui compte, c'est la relation entre prix et consommation, et peut-être la Direction des chemins de fer a raison à cet égard ; l'auteur manque de connaissance des faits de base. La politique des chemins de fer est donc un mélange de bon sens (du point de vue monopolistique), d'un côté, et d'erreur quant aux faits, de l'autre. S'il reste douteux qu'une baisse des frets leur assurerait assez de débouchés pour accroître leurs bénéfices, il est moins douteux que si les frets ne sont pas abaissés, il sera inutile de faire tous les travaux nécessaires pour les meilleurs moyens de transport par mer. Les débouchés européens pour le charbon-vapeur, et même d'une certaine partie du charbon à coke, seront perdus. Encore une fois, on va entendre cette plainte qui mérite d'être appelée classique : si nous avions su ce que nous savons, nous l'aurions pris au sérieux. La décision appartient au gouvernement américain et aussi aux consommateurs européens. Si celui-là possède vraiment le pouvoir de faire baisser les frets ferroviaires vers un niveau plus proche ou compétitif, et si l'on s'en sert, une grande masse de combustible sera disponible à bon marché pour les consommateurs européens. Ce combustible reste plus cher que le fuel, mais il est sauf. Du point de vue économique, il serait peu sage d'approvisionner l'Europe seulement en charbon américain, car on achèterait trop de sécurité. La complexité du problème est grande en ses détails, car il s'agit des situations de consommateurs européens éparpillés, des taux de fret internes, etc. L'achat du charbon américain n'est ni le seul moyen de sécurité, ni forcément le meilleur pour toutes les situations. La politique européenne cherche, ou doit chercher, la solution optimale en choisissant la meilleure quantité de chaque source. En tout cas, une meilleure solution est plus probable au fur et à mesure que les responsables savent toutes les possibilités qui leur sont réellement ouvertes. Etant donné une certaine fermeté du gouvernement américain et un certain 34. Etude sur les perspectives,

annexe 3, section 2. Voir « Injection of Residual Fuel

i n t o B l a s t F u r n a c e s », p a r BURNSIDE, CAMPBELL, MANNY, SANDERS et SWEENEY,

Proceedings

of the Sixth World Petroleum Congress, VI, 377-384, Hambourg, 1964, surtout p. 383. En Allemagne, on va changer quelques sidérurgies pour qu'elles soient chargées du gaz naturel, au lieu du charbon, éliminant donc le besoin du charbon américain importé sous contingentement. Europa Ol-Telegramm, 23 novembre 1964, p. 6.

370

Importation du charbon américain

optimisme de la part des acheteurs européens, de très grandes quantités de charbon américain peuvent être livrées en Europe du Nord-Ouest à $ 8 la tonne courte. Nous ne faisons aucune prévision. Sous les conditions actuelles, on dispose d'une bonne marge de manœuvre. Car les Européens qui ne sont qu'à demi persuadés de la permanence des prix actuels du fuel sont prêts à payer des prix relativement plus hauts pour le charbon. Il est bien connu que l'Electricité de France cherche à acheter du charbon-vapeur pour une grande centrale thermique au Havre 35 au prix de livraison de $ 10 la tonne courte. On a déjà passé la commande pour un navire charbonnier de 84 000 tonnes, une dimension inouïe pour le trafic charbonnier. Le jour arrivera sans doute où ils seront assez répandus, mais actuellement leur construction et leur opération sont un grand pas dans l'inconnu, ce qui exigerait des études approfondies, des recherches sur les expériences en d'autres trafics et des calculs de systems engineering. Ayant donné un approfondissement du chenal, de tels navires peuvent être chargés à Norfolk et à Baltimore. Mais leur utilisation exigerait un rythme de transport ferroviaire très rigide, et des taux de chargement et de déchargement très élevés et très rigides. De tels procédés ne s'arrangeront pas d'eux - mêmes. En revanche, plus le débit est grand et régulier, plus cette tâche d'articulation et d'harmonisation devient facile. Mais, même si l'on tient compte de tous ces coûts ou si l'on tient compte de l'exigence des acheteurs français que le transport par voie maritime soit fait par des navires français, le coût supplémentaire est loin de dépasser le maximum de $ 10 livrés. Surtout la vraie importance de la demande française n'est pas dans le million de tonnes par an, mais plutôt dans le cadre où l'a mise M. Boiteux, dont le discours mérite beaucoup plus d'attention qu'il n'a reçu. Il s'agit de 15 millions de tonnes en 1970, de 30 millions en 1975. La région parisienne, dans le sens le plus large, consommera soit du charbon, soit du fuel, « c'est avant tout une question de prix ». L'effet peut être grand d'une telle démonstration, urbi et orbi, à la France et à toute l'Europe, qu'on peut disposer du charbon américain en de grandes quantités à des prix assurés à l'avance qui sont assez proches des prix du fuel 3 0 . 35. M a r c e l BOITEUX, op.

cit.

36. « Les réserves du charbon dans les gisements connus, exploitables sans aucune hausse des prix de revient, sont de 20 milliards de tonnes courtes, soit de 50 ans au taux actuel de la consommation. » Voir Report of the National Fuels and Energy Study Group..., U.S. Senate, 87' Congress, 2' session, 1962, p. 80-82. Les progrès de la technologie nous assurent que la proportion exploitable au prix de revient actuel s'accroîtra, mais ils nous défendent de faire des prévisions plus éloignées que de dix ou vingt ans au maximum. Il suffit de savoir que dans un délai que l'on peut prévoir, assez de charbon sera disponible au prix actuel ou meilleur marché. Pour mobiliser ces réserves, c'est-à-dire pour mettre une toute nouvelle mine en marche, deux ou trois ans suffisent. Ibid. p. 103.

en Europe

occidentale

371

TABLEAU II FRETS

FERROVIAIRES,

Chemin de fer et numéro de tarif

1. S O U

2201

2. S O U 2 1 1 i 3. G M O 3 8 9 3 i 4. I C 3347 2 3

5. N Y C 3 3 8 - A

1

6. ( O h i o Tariff B u r e a u 28) 7. N Y C 328 8. C B Q 2 0 5 0 4 - A 9. C N W

17162-A

1 3

CHARBON

EN

BLOC-TRAIN,

Chargement minimum du train (en 10 3 1 nettes)

Tonnage minimum par an (en IO31 nettes)

Distance (miles)

5 10 6 9 7 10 10 5 10 10 6 6 5 7 9 9

500 1 500 400 1 000 3 300 1 000 900 400 750 1 300 900 200 1 000 1 000 1 000 1 500

442 442 360 360 308 405 405 405 300 300 329 727 145 145 375 375

1965

Fret équiTaux par valent de tonne nette West Virginia par 100 miles à Norfolk (en $ U.S.) (391 miles) (en S U.S.) 0,502 0,484 0,611 0,544 0,522 0,691 0,704 0,751 0,603 0,583 1,161 0,481 0,896 0,827 0,464 0,453

1,96 1,89 2,39 2,12 2,04 2,70 2,75 2,94 2,34 2,28 3,67 1,88 3,50 3,24 1,81 1,77

1. Majoré de $ 10 la tonne nette p a r cent miles, à cause des wagons propriété d u chemin de fer. Voir Federal Power Commission, National Power Survey, 1964, t. II, p. 336. 2. Charbon à coke, fret supérieur par rapport au charbon-vapeur. 3. Taux de la plus grande distance à la destination, étant donné quelques origines variées. Lorsque ce taux est le plus bas, il indique une discrimination envers les mines mieux situées.

En CHARBON Cents par MBTU

(26,2 MBTU par t)

0,05 0,06 0,07 0,08 0,09 0,10 0,11 0,12 0,13 0,14 0,15 0,16 0,17 0,18 0,19 0,20 0,21 0,22 0,23 0,24 0,25 0,26 0,27 0,28 0,29 0,30 0,31 0,32 0,33 0,34 0,35 0,36 0,37 0,38 0,39 0,40 0,41 0,42 0,43 0,44 0,45 0,46 0,47 0,48 0,49 0,50

1,31 1,57 1,83 2,10 2,36 2,62 2,88 3,14 3,41 3,67 3,98 4,19 4,45 4,72 4,98 5,24 5,50 5,76 6,03 6,29 6,55 6,81 7,07 7,34 7,60 7,86 8,12 8,38 8,65 8,91 9,17 9,43 9,69 9,96 10,22 10,48 10,74 l i li,27 11,53 11,79 12,05 12,31 12,58 12,84 13,10

dollars

FUEL-OIL 10] t (Tonne métrique) 1,44 0,73 2,02 0,31 0,60 0,89 3,18 0,47 0,75 4,04 0,33 0,62 0,91 5,20 0,49 0,78 6,06 0,35 0,64 0,93 7,22 0,51 0,80 8,09 0,38 0,66 0,95 9,24 0,53 0,82 10,11 0,40 0,69 0,97 11,26 0,55 0,84 12,13 0,42 0,71 13,— 13,30 13,59 13,88 14,18 14,47

6,1 MBTU par bbl 0,31 0,37 0,43 0,49 0,55 0,61 0,67 0,73 0,79 0,85 0,92 0,98 1,04 1,10 1,16 1,22 1,28 1,34 1,40 1,46 1,53 1,59 1,65 1,71 1,77 1,83 1,89 1,95 2,01 2,07 2,14 2,20 2,26 2,32 2,38 2,44 2,50 2,56 2,62 2,68 2,75 2,81 2,87 2,93 2,99 3,05

41,0 MBTU par L.T. 2,03 2,44 2,84 3,25 3,66 4,06 4,47 4,88 5,28 5,69 6,09 6,50 6,91 7,31 7,72 8,13 8,53 8,94 9,34 9,75 10,16 10,56 10,97 11,38 11,78 12,19 12,59 13,— 13,41 13,81 14,22 14,63 15,02 15,43 15,83 16,24 16,65 17,05 17,46 17,87 18,27 18,68 19,08 19,49 19,90 20,30

Tonne métrique

2,— 2,40 2,80 3,20 3,60 4,— 4,40 4,79 5,19 5,59 5,99 6,39 6,79 7,19 7,59 7,99 8,39 8,79 9,19 9,59 9,99 10,39 10,79 11,19 11,59 11,99 12,39 12,79 13,19 13,58 13,98 14,38 14,78 15,18 15,58 15,98 16,38 16,78 17,18 17,58 17,98 18,38 18,78 19,18 19,58 19,98

F. de La TASTE

Concurrence entre gaz et autres énergies.

25

374

Concurrence entre gaz

PRÉAMBULE Le gaz sous ses différentes formes : gaz naturel, gaz manufacturé, gaz de haut fourneau, n'occupe actuellement qu'une place très modeste en Europe dans la consommation d'énergie à usages finals. Du rapport récemment diffusé par l'O.C.D.E. sur l'Industrie du Gaz il résulte que, pour la zone européenne de l'O.C.D.E. en 1962, l'ensemble des gaz (non compris gaz de pétrole liquéfié) représente à l'utilisation l'équivalent de 82 millions de tonnes d'équivalent charbon sur un total toutes énergies de 616 millions de tonnes d'équivalent charbon, soit 13 %. En 1950 pour la même zone ce pourcentage n'était que de 10 % avec 47 millions de tonnes d'équivalent charbon. Il en résulte que si entre ces deux dates la consommation de gaz a augmenté de 90 % en valeur absolue, sa part relative sur le marché de l'énergie n'a progressé que de 30 % . Si maintenant, toujours dans la zone européenne de l'O.C.D.E., on considère non plus les consommations d'énergie à usages finals mais les consommations d'énergie primaire, on constate que la part du gaz naturel est passée de 1,7 million de tonnes d'équivalent charbon en 1950, soit 0,3 % (sur 632 X 10® tec), à 20 millions de tonnes d'équivalent charbon en 1962, sur un total de 1 012 millions de tonnes d'équivalent charbon, soit 2 % . Malgré la forte augmentation en valeur absolue de la consommation de gaz naturel, qui a été multipliée par 12 entre 1950 et 1962, la part de ce combustible dans le total des consommations d'énergie primaire apparaît encore très faible, surtout si on la compare aux consommations constatées dans d'autres régions du monde telles que l'Amérique du Nord ou l'U. R. S. S. Pour l'Amérique du Nord, par exemple, le gaz naturel représentait, en 1950, 234 millions de tonnes d'équivalent charbon sur un total de consommations d'énergie primaire de 1 282 millions de tonnes d'équivalent charbon (soit 18 %), et en 1962 il a apporté l'équivalent de 527 millions de tonnes d'équivalent charbon sur un total de 1 786 millions de tonnes d'équivalent charbon, soit 30 % . La progression du gaz naturel sur le marché européen de l'énergie entre les deux dates prises comme référence résulte en effet seulement de la découverte et de la mise en exploitation en Europe de quelques rares gisements jusqu'ici exploités uniquement à l'échelon national sinon local. Cependant, depuis quelques années, ont été mises en évidence en de

et autres sources d'énergie

375

nombreux points du globe de très importantes disponibilités de gaz naturel, actuellement pour la plupart inemployées sinon perdues, et dont l'importance dépasse très largement les possibilités d'absorption à moyen terme des pays dans lesquels sont situés ces gisements. Le problème de mise en valeur de ces gisements et de placement de ces quantités de gaz sur des marchés potentiels qui en sont généralement éloignés repose donc sur la possibilité de réaliser de façon économique le transport de ces gaz sur de très grandes distances. C'est, en effet, le prix du transport qui représente, dans ce cas, l'essentiel du coût du gaz rendu sur les lieux de consommation et, dans une économie de marché, en détermine les possibilités d'utilisation. Pour apprécier ces possibilités il convient donc d'analyser successivement : — la fonction de coût du gaz rendu sur les lieux d'utilisation, qui est essentiellement celle des coûts de transport ; — et la courbe de demande, c'est-à-dire celle des débouchés possibles en fonction des prix. La comparaison des deux mettra en évidence l'incidence des coûts et par conséquence celle des techniques de transport à longue distance sur la position concurrentielle du gaz et des autres énergies. Il doit être souligné que le présent rapport se borne à l'examen du cas du gaz naturel, celui des gaz de pétrole liquéfié (essentiellement butane et propane) se rapprochant beaucoup plus en matière de transport des combustibles liquides, et celui des gaz à bas pouvoir calorifique s'excluant en raison de l'impossibilité d'en réaliser le transport de façon suffisamment économique sur de très longues distances, compte tenu de leurs prix au départ.

376

Concurrence entre gaz

I. FONCTION DE COUT DU GAZ NATUREL Le coût du gaz naturel au départ du gisement étant généralement faible et sa valeur actuelle parfois presque nulle, l'essentiel de son prix de revient aux lieux de consommation résulte des charges de transport. L'analyse de celles-ci en fonction des techniques actuelles de transport à longue distance faisant l'objet d'autres rapports, on se bornera ici à évoquer des aspects qui se retrouvent dans toutes ces techniques et qui déterminent actuellement les caractéristiques spécifiques de la fonction de coût du transport du gaz naturel. D'une façon absolument générale en effet ce coût est essentiellement fonction : — de la distance de transport — des débits ou des volumes de gaz transportés — et de la modulation des enlèvements ou facteur de charge. Or tous ces éléments sont eux-mêmes liés à certaines caractéristiques des transports de gaz.

1. CARACTÉRISTIQUES ÉCONOMIQUES DU TRANSPORT DE GAZ

— Le transport du gaz est coûteux en valeur relative, par rapport à celui d'autres formes d'énergie, comme en valeur absolue. Il est moins coûteux pour de grosses quantités et de longues distances que le transport de l'électricité et souvent que celui du charbon, mais il est presque toujours plus coûteux que celui du pétrole. Une canalisation de 24 pouces a, en terme d'énergie transportée, une capacité trois fois plus grande si elle transporte du pétrole que si elle transporte du gaz naturel. De même un méthanier transportant 10 000 tonnes de méthane liquide, ce qui correspond aux navires mis en service à l'heure actuelle, a les mêmes dimensions qu'un pétrolier de 25 000 tonnes. — Les investissements sont lourds. En France le coût d'une canalisation de 500 mm de diamètre posée est actuellement de l'ordre de F 300 000 au kilomètre, Les sommes à engager sont d'autant plus importantes que la distance est plus grande. En cas de transport par gazoduc elles sont sensiblement proportionnelles à la distance, tandis que, par contre, la sensibilité d'une chaîne de liquéfaction à un allongement du parcours maritime est moindre. Il s'ensuit que le financement d'un gazoduc immobilise des sommes

et autres sources d'énergie

377

considérables. A titre d'exemple le réseau de transport à longue distance du gaz de Lacq en France, d'ùne capacité de l'ordre de 4 milliards de mètres cubes par an, vaut environ 750 millions de francs. — La durée de vie physique des installations est : • très longue dans le cas des canalisations ; celles-ci sont fréquemment amorties sur trente ans et même plus ; • longue pour les stations de compression et les principaux éléments d'une chaîne de liquéfaction (quinze à vingt ans). — Les frais d'exploitation annuels sont faibles par rapport aux immobilisations. Ils sont généralement compris entre 1 et 2 % des investissements pour un transport par gazoduc et de l'ordre de 5 % dans le cas d'une chaîne de liquéfaction (moyenne sur l'ensemble de la chaîne). Cet état de choses se traduit par une proportion élevée de frais fixes, correspondant aux amortissements et aux charges financières, dans le prix de revient. Cette proportion dépasse fréquemment dans le cas de transport par gazoduc 80 % du coût total du transport. Il s'ensuit que la majeure partie des dépenses annuelles est indépendante du volume d'activité réalisé et que, pour assurer aux lourds investissements réalisés un rendement satisfaisant, il faut rechercher le plus rapidement possible le plein emploi de la capacité. — Une autre caractéristique essentielle du transport de gaz à longue distance réside dans le fait que les investissements, donc les coûts, aux mètres cubes transportés à une même distance, sont rapidement décroissants quand les volumes augmentent. Pour des débits très importants et supérieurs au milliard de mètres cubes par an, on peut dire en simplifiant à l'extrême que le rapport des coûts de transport est inversement proportionnel à la racine carrée des débits pour la gamme des diamètres de 16 à 24 pouces, et à la racine cubique pour la gamme des diamètres de 24 à 38 pouces. L'élasticité du coût de transport par rapport aux débits est encore beaucoup plus grande si on descend au-dessous du milliard de mètres cubes par an. A titre d'exemple, le coût par mètre cube transporté est approximativement le même pour un transport de : 5 000 000 m 3 / j à 800 km 50 000 m 3 / j à 10 km 1 000 m 3 / j à 2 km Il est certain que l'abaissement des coûts par augmentation des volumes traités et transportés peut être également réalisé dans le cas du méthane liquide. A l'heure actuelle celui-ci devient abordable s'il est réalisé dans des unités importantes, de l'ordre de 500 millions de mètres cubes par an. C'est à ce niveau qu'a été réalisée l'opération Camel en Algérie (3 unités

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Concurrence

entre

gaz

de 500 millions de mètres cubes par an). Le prix de liquéfaction diminue certainement pour des capacités unitaires plus importantes et l'on peut penser qu'il s'abaisserait presque de moitié pour des unités de capacité triple. Toutefois, en l'absence d'autres réalisations industrielles dans ce domaine, il est difficile de connaître les limites jusqu'auxquelles se poursuit le gain au mètre cube par augmentation des débits liquéfiés et transportés. — Enfin, l'importance des investissements spécifiques entraîne également une grande sensibilité des coûts à la modulation des enlèvements 1 . L'industrie gazière est, en cette matière, dans une situation intermédiaire entre l'électricité pour laquelle le problème de la modulation est crucial, et les produits livrables en quantités fractionnées et facilement stockables.

2. CONSÉQUENCES DE CES CARACTÉRISTIQUES : FONCTION DE COUT DU GAZ LIVRÉ

Les caractéristiques qui viennent d'être évoquées : — importance et longue durée des investissements ; — proportion élevée des charges fixes dans les prix de revient ; — abaissement des coûts unitaires par augmentation des débits ; — et d'une manière générale rigidité du transport par canalisation, imposent sur le plan de la commercialisation des règles de conduite qui visent toutes à l'emploi le plus complet, le plus régulier et le plus rapide des investissements. Ce sont ces contraintes qui, associées aux caractéristiques du marché — objet du chapitre suivant, — déterminent le choix d'une politique de vente et d'une structure de la tarification. En dehors du prix départ du gisement et des trois facteurs évoqués précédemment (distance, débit, modulation), le coût du gaz livré à l'utilisateur dépend également des frais liés à l'existence même des consommateurs. Ces frais sont essentiellement des frais de gestion des ventes, variables par grandes catégories de consommateurs (domestiques, commerciaux, industriels), mais qui, à l'intérieur de ces grandes catégories, sont approximativement les mêmes pour chaque point de livraison. En définitive, au niveau du consommateur, le coût du gaz livré peut s'analyser : — en frais fixes, traduisant le coût de la gestion ; — en frais fonction du débit représentant la plus grande part des charges d'investissement et une fraction des charges d'exploitation ; 1. La modulation est le quotient du débit moyen au cours d'une période déterminée par le débit maximum.

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— en frais fonction des quantités livrées représentant le coût des matières et la plus grande part des charges d'exploitation et une faible fraction des charges d'investissement.

II. COURBE DE DEMANDE DE GAZ L'examen du marché possible du gaz — en tant qu'énergie ou en tant que matière première — conduit à distinguer deux grandes catégories d'utilisateurs : — Les usagers domestiques, commerciaux, artisanaux et la petite industrie. Ce marché est constitué par un grand nombre d'utilisateurs possibles, de consommation unitaire faible et moyenne, et ne peut être desservi que par l'intermédiaire de réseaux secondaires très ramifiés dont le coût s'ajoute à celui des réseaux de transport. C'est essentiellement le marché des distributions publiques de gaz ; — Les usagers industriels importants — y compris, éventuellement, des centrales thermiques — qui comprennent un petit nombre de gros consommateurs pouvant être alimentés directement par les réseaux de transport. Ces deux marchés possibles ont donc des caractéristiques tout à fait différentes et nécessitent d'être étudiés séparément. 1. MARCHÉ DES DISTRIBUTIONS PUBLIQUES

a) La distribution du gaz par canalisations possède en grande partie les caractéristiques qui ont été évoquées à propos du transport. En particulier du fait de ses investissements lourds ce mode de desserte ne peut atteindre que les zones ayant une forte densité de clientèle. La distribution de gaz est essentiellement un équipement urbain et c'est uniquement dans les agglomérations que le gaz (distribué par canalisations) se trouve en concurrence avec d'autres formes d'énergie. Ce fait limite singulièrement le marché possible, et en France par exemple — pays encore relativement peu urbanisé par rapport à d'autres nations industrielles, — les distributions publiques de gaz ne desservent actuellement que la moitié environ de la population totale. Toutefois, du fait de l'accélération de la construction et de l'urbanisation qui s'ensuit, ce marché s'étend et le gaz se trouve finalement en concurrence avec d'autres énergies : — pour la desserte de nouveaux usagers, c'est-à-dire pour son extension en surface ;

380

Concurrence entre gaz

— et pour son développement en profondeur, c'est-à-dire pour la desserte de nouveaux besoins d'énergie chez des usagers déjà raccordés aux réseaux. Le marché potentiel des distributions publiques est constitué, approximativement, pour les trois quarts par les utilisations domestiques de l'énergie, et pour un quart par les besoins du commerce et de l'artisanat. b) Marché des usages

domestiques

— Le gaz n'est pratiquement substituable à d'autres formes d'énergie que pour leur utilisation thermique. Il ne l'est pas, par exemple, à l'électricité pour l'éclairage et la petite force motrice. Par contre, pour les usages thermiques il est en concurrence avec toutes les autres énergies et la part de chacune des énergies sur ce marché global est déterminée essentiellement par leurs prix et leurs avantages spécifiques. A ce dernier point de vue le combustible gazeux possède des avantages particuliers (souplesse, absence de stockage, propreté, absence de manipulation et de fumée, etc.) qui pour les usages domestiques lui confèrent une valeur supplémentaire par rapport aux combustibles solides, même liquides. Cette valeur supplémentaire est cependant variable suivant les usages, qu'il faut donc analyser de plus près. Pratiquement, les usages possibles du gaz dans le domaine domestique comprennent : — trois usages principaux : cuisine, production d'eau chaude, chauffage ; — quelques usages secondaires : chauffage des machines à laver, réfrigération, séchage du linge, etc. ; — et des usages potentiels non encore développés en Europe, notamment climatisation. Nous nous limiterons volontairement aux trois usages principaux : — Cuisine : Au-dessous du moins d'un certain seuil de prix qui se situe à un niveau assez élevé (en France, de l'ordre de 10 c la thermie) ce marché est pratiquement inélastique au prix. Une diminution de prix consécutive par exemple à un abaissement des coûts de transport et à la mise sur le marché de ressources nouvelles ne l'augmenterait donc que très peu, d'autant plus que les consommations unitaires d'énergie par ménage pour cet usage sont en diminution constante, par suite notamment de l'évolution des mœurs. — Production d'eau chaude : C'est un marché en expansion pour la plupart des énergies, car les consommations y sont beaucoup plus élastiques au revenu des ménages qu'au prix des énergies. Le gaz s'y trouve en concurrence avec l'électricité pour les appareils de production individuelle d'eau chaude et avec les combustibles liquides ou

et autres sources d'énergie

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solides pour les distributions centralisées d'eau chaude dont les rendements énergétiques sont, généralement, médiocres. De ce fait, le gaz possède pour cet usage une assez bonne valorisation et sa place y est déjà, en général, importante dans les zones qu'il dessert (en France, 50 % des abonnés possèdent au moins un appareil de production d'eau chaude au gaz). Une baisse de prix accroîtrait donc peu ce marché ; davantage cependant que pour la cuisine. — Chauffage des locaux : Il faut noter d'abord que le chauffage représente, à lui seul, 80 % du total des consommations domestiques d'énergie. Il s'agit donc d'un marché considérable et qui s'accroît rapidement par suite de l'évolution du niveau de vie et d'un désir accru de confort. Ce marché est ouvert à toutes les énergies, mais le gaz n'y occupe généralement jusqu'ici en Europe qu'une place très modeste, contrairement à ce qu'on observe dans les pays qui disposent déjà depuis un certain temps d'importantes ressources de gaz naturel. Aux U. S. A., par exemple, les trois quarts des usagers raccordés aux réseaux de distribution se chauffent complètement au gaz, contre moins de 10 % en France. Cependant, en France, cet usage du gaz se développe très rapidement dans les régions désormais alimentées en gaz naturel et où les prix ont pu être fortement abaissés par rapport à ceux du gaz manufacturé. C'est qu'en effet, à l'encontre de la cuisine et même du chauffage de l'eau, l'utilisation du gaz pour le chauffage possède du moins au-dessous d'un certain seuil, qu'on peut situer grossièrement aux environs de 4 c la thermie, pour les chauffages individuels en France, une très grande élasticité au prix. Le chauffage de grands ensembles immobiliers peut être réalisé : — soit par chauffage individuel d'appartement ; — soit par chauffage collectif d'immeuble ; — soit par de grandes distributions de chaleur centralisées (type chauffage urbain). En fait, la concurrence entre le gaz et les autres combustibles se situe alors au niveau du choix entre chauffage divisé (d'appartement ou d'immeuble) et distribution de chaleur. En effet, même le gaz naturel ne peut généralement pas concurrencer les combustibles solides ou liquides utilisables dans les grandes centrales de chaleur (charbon industriel ou fuel lourd), car il s'agit de gros usages à très mauvaise modulation. En raison de la structure des coûts de transport et de distribution qui a été analysée au chapitre précédent, si le gaz naturel était compétitif dans ces conditions il serait sensiblement moins cher que tous les autres combustibles pour toutes les utilisations thermiques à meilleure modulation que le chauffage des locaux. Ceci voudrait dire que le gaz naturel prendrait rapidement la quasi-totalité du marché thermique de l'énergie, ce qui n'est pas réaliste.

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Concurrence

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Mais la raison d'être des distributions de chaleur réside dans les difficultés de distribution et d'emploi des combustibles solides et même liquides sous forme divisée. Ces difficultés n'existent pas avec un combustible gazeux distribué par canalisations. D'autre part, les distributions de chaleur nécessitent des investissements très lourds et comportent des pertes d'énergie élevées. Par contre, avec des gaz à haut pouvoir calorifique comme le gaz naturel, le coût marginal de distribution est très bas et permet donc de fournir le chauffage en sus de la cuisine avec des investissements et des prix de revient plus faibles qu'en doublant la distribution de gaz par une distribution de chaleur. A titre indicatif, pour passer dans un grand ensemble immobilier d'un réseau desservant la cuisine et autres petits usages à un réseau capable d'assurer le chauffage, c'est-à-dire de débiter cinq fois plus d'énergie, le coût supplémentaire ne dépasse pas 10 % lorsqu'il s'agit de gaz naturel. Il en résulte que le gaz, même s'il n'est pas compétitif comme combustible des grandes centrales de chaleur, peut aisément concurrencer sous forme de chauffage divisé les distributions de chaleur, et ce pour des niveaux de prix du gaz qui, actuellement en France, se situent aux alentours de 3 c la thermie. c) Marché commercial et artisanal Ce marché n'est pas très différent dans sa nature du marché domestique. On y retrouve les mêmes usages : cuisine des restaurants et collectivités, production d'eau chaude, chauffage des bureaux, magasins et locaux professionnels, et en outre, un certain nombre d'utilisations professionnelles : boulangerie, charcuterie, pâtisserie, usages artisanaux ou industriels fins, qui comportent en général une bonne valorisation, compte tenu des avantages spécifiques du combustible gazeux. Par suite, ce marché réagit aux variations de prix des combustibles dans des conditions analogues au marché domestique. Mais il est plus fluide, au moins pour les consommateurs importants ; les réactions aux variations des conditions économiques sont rapides, l'adaptation au prix se fait plus facilement, et en général les ventes de gaz augmentent beaucoup plus que proportionnellement aux baisses de prix.

2 . UTILISATIONS INDUSTRIELLES DU GAZ

Le gaz, et notamment le gaz naturel, est du point de vue de la mise en œuvre le meilleur combustible industriel. C'est en effet un fluide bien défini, contenant très peu d'impuretés, d'une extrême souplesse d'emploi,

et autres sources d'énergie

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permettant des réglages très fins, et supprimant tous stockages et manipulations. Ces qualités intrinsèques le rendent préférable, à prix égal, aux combustibles solides ou liquides. Il est préférable parce que le coût global des opérations thermiques qu'il permet de réaliser est, dans ces conditions, moins élevé. Le gaz possède donc une valeur supplémentaire par rapport aux autres combustibles. Mais les opérations thermiques sont diverses et leur coût, qui met en jeu des postes de dépense nombreux, est de structure variable. De plus, pour chacune d'elles, la part du combustible et ses conditions d'emploi sont variables. Il en résulte que la valeur supplémentaire du gaz, qui est toujours positive, est variable en fonction des situations propres à chaque branche industrielle. Il faut distinguer à cet égard deux types de techniques d'emploi du gaz : — les techniques communes — et les techniques spécifiques. à) Les techniques communes mettent en œuvre des équipements qui peuvent fonctionner dans des conditions sensiblement équivalentes avec tout combustible. Certaines sont des techniques d'usage général : production de vapeur, chauffage d'eau ou d'air, etc. D'autres sont propres aux opérations de fabrication et on les rencontre surtout dans les industries lourdes du feu, par exemple : — sidérurgie : fusion et affinage de l'acier ; — grosse métallurgie : réchauffage ; — verrerie : fusion du verre ; — céramique, cimenterie : cuisson. Pour toutes ces opérations, le gaz est brûlé avec un rendement voisin de celui des autres combustibles. Il est valorisé par sa plus grande facilité de mise en œuvre et son absence d'impuretés, mais cette valorisation supplémentaire est relativement faible. b) Les techniques spécifiques sont propres aux combustibles gazeux ; elles mettent en jeu des équipements spécialement conçus ou adaptés à leur emploi. De tels équipements ont été conçus pour les usages de fabrication dans la plupart des industries légères du feu et donnent très souvent au combustible gazeux une valorisation supplémentaire considérable. On peut citer de nombreux exemples : — Pour l'industrie céramique fine des fours à gaz ont été mis au point. Même avec du gaz de prix élevé (gaz manufacturé) ils constituent la meilleure solution pour la cuisson de la porcelaine en raison de la suppression

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Concurrence entre gaz

des rebuts, de la quaiité des produits, de la facilité de conduite des fours. A plus forte raison encore lorsqu'on dispose de gaz naturel ; — Pour les fonderies de moulage d'alliages non ferreux, il existe maintenant des fours à gaz dont le rendement thermique est double des fours à fuel de même capacité ; — Il en est de même pour le chauffage des pièces à forger de petites dimensions, les traitements thermiques des métaux, l'oxycoupage, les grands fours de biscuiterie, etc. II résulte de tout ceci que la courbe de demande du gaz dans l'industrie est constituée par une série de marches d'escalier correspondant pour chaque utilisation au prix d'équivalence du gaz avec les autres combustibles utilisables augmenté de la valorisation supplémentaire propre au gaz. Mais les usages fins pour lesquels cette valorisation supplémentaire est forte ne représentent qu'une fraction modeste de la demande, alors que les usages lourds, dans lesquels la valeur supplémentaire du gaz est beaucoup moindre, en constituent la plus grosse partie. En France, actuellement, production de vapeur et gros chauffages absorbent 55 % de la consommation totale d'énergie de l'industrie. De ce fait, la demande de gaz augmente de façon considérable lorsque son prix se rapproche de celui du fuel, parce qu'il devient alors compétitif avec les combustibles les plus lourds et pour les plus gros usages communs. Le tableau annexe I indique approximativement, pour un certain nombre d'usages industriels, la valorisation supplémentaire du gaz par rapport aux combustibles solides ou liquides. Les graphiques annexe II et annexe III donnent deux exemples de courbe de perméabilité au gaz du marché industriel, le premier pour une région d'industrie grosse consommatrice de vapeur et de chaleur, le second pour une région où prédominent des industries mécaniques et de transformation.

III. CONDITIONS DE COMPETITIVITE DU GAZ NATUREL L'examen de la demande a montré que d'importants développements de consommation de gaz ne peuvent être trouvés actuellement que dans le chauffage des locaux et les gros usages industriels qui représentent près des trois quarts du marché énergétique. Ce sont, bien entendu, en même temps les usages pour lesquels le choix de l'énergie est le plus sensible aux prix, et ce sont aussi ceux pour lesquels le niveau de prix concurrentiel pour le gaz se situe peu au-dessus de celui des autres combustibles.

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Le chauffage est, en outre, une utilisation à mauvaise modulation : de l'ordre de 100 jours et 1 500 heures par an des débits journaliers et horaires maximum. La structure des coûts de transport, analysée dans la première partie, montre, d'autre part, que ceux-ci : — sont très sensibles à l'irrégularité saisonnière de la demande globale ; — sont très fortement décroissants en fonction des volumes transportés ; — et, en raison du poids des charges fixes, nécessitent de trouver d'emblée des débouchés importants, afin d'utiliser aussi rapidement que possible les ouvrages au voisinage de leur capacité nominale. Le coût élevé des antennes et de transports secondaires, ajouté au fait signalé de la forte croissance des coûts unitaires de transport lorsque les volumes diminuent, conduit à une impossibilité pour le gaz d'atteindre économiquement, donc de façon concurrentielle, autre chose que de gros consommateurs ou des zones à forte densité industrielle ou démographique. Il serait donc illusoire de penser que le gaz puisse desservir la totalité du territoire et être présent géographiquement sur tout le marché de l'énergie. Les consommations domestiques commerciales et artisanales d'énergie, c'est-à-dire le marché des distributions publiques, ne représentent que moins de la moitié du marché total et leur modulation se détériore lorsqu'elles se développent. Toujours en raison de la structure des coûts, il est donc nécessaire, pour réaliser économiquement un grand transport de gaz, de pouvoir assurer en outre des ventes industrielles et bien modulées (et si possible, permettant même une certaine contre-modulation) et même de pouvoir placer certaines quantités de gaz dans les centrales électriques, au moins de façon intérimaire ou saisonnière. Tout ceci conduit à mettre en évidence l'existence d'un seuil de prix du gaz à l'entrée du territoire. Le niveau de ce seuil est au plus égal au prix de marché pour des consommations importantes — et on a vu que pour le gaz ce prix se situe peu au-dessus de celui de gros combustibles industriels solides ou liquides — diminué du coût des transports intérieurs. Au-dessus de ce seuil en effet, et compte tenu de la très grande sensibilité de la demande au prix dans son voisinage, les placements possibles diminuent très rapidement. En raison de la structure du coût de transport, lui-même très sensible aux volumes transportés, il en résulte une forte augmentation des prix de revient du gaz fourni qu'il faut traduire dans les tarifs de vente. Et l'on pénètre alors dans un cercle vicieux qui rend en définitive l'opération économiquement impossible. Une conclusion fondamentale est donc qu'un transport de gaz à longue distance ne peut être réalisé que pour des quantités massives et à la con-

386

Concurrence entre gaz

dition que, pour ces quantités, le prix de revient à la frontière soit inférieur au seuil défini ci-dessus. Jusqu'ici il semblait que les prix résultant de ce seuil ne pouvaient être atteints que par des sources de gaz naturel régionales ou métropolitaines. Ceci explique les différences considérables de consommation de gaz constatées entre les pays suivant qu'ils disposent ou non de ressources de gaz naturel sur leur propre territoire. Mais, grâce aux techniques de transport de gaz à très longue distance susceptibles d'être maintenant utilisées, il apparaît que ce seuil de prix peut désormais être atteint dans un rayon de plusieurs milliers de kilomètres en laissant un prix départ champ acceptable pour le producteur. Ce résultat est déjà acquis lorsque le transport est possible par gazoduc terrestre et il a permis les transports internationaux déjà existants en Amérique du Nord et prochainement en Europe. Mais il semble en outre qu'il soit également atteint pour des transports intercontinentaux d'origine transmarine, soit par gazoduc immergé, soit par liquéfaction du gaz et transport par navires. Les conséquences de cet état de choses peuvent être à brève échéance importantes sur deux plans : — D'une part, en permettant l'utilisation et la valorisation pour les producteurs de quantités très importantes de gaz actuellement inemployées ou perdues parce qu'éloignées des marchés possibles; — Et d'autre part, en plaçant le gaz en position concurrentielle sur le marché européen vis-à-vis des autres énergies tant indigènes qu'extraeuropéennes, ce qui conduit à lui voir prendre une place accrue sur le marché de l'énergie. Cette part sera cependant limitée par des soucis de sécurité d'approvisionnement et par le désir de conserver un marché aux sources d'énergie européennes qui de toute façon ne sont susceptibles à moyen terme que de satisfaire une fraction minoritaire des besoins totaux. Il en résulte que la concurrence du gaz importé en Europe devrait se situer plutôt vis-à-vis d'autres sources d'énergie extra-européennes que vis-à-vis des combustibles européens. Il en résulte également que par la seule importation depuis d'autres continents, et sauf des ressources européennes, le gaz, tout en augmentant très fortement sa part sur le marché, n'atteindrait pas la place qu'il occupe, par exemple sur le marché énergétique de l'Amérique du Nord. A titre indicatif, il est intéressant de donner, en terminant, le résultat d'études récentes du Gaz de France sur les perspectives de consommation de gaz à moyen et long terme auxquelles pourrait conduire en France l'importation de nouvelles ressources de gaz naturel. Ces études reposent sur les hypothèses suivantes :

et autres sources d'énergie

387

— maintien sans modification, au moins jusqu'en 1975, des ressources intérieures de gaz naturel (gaz de Lacq) ; — à partir de 1965, arrivages de méthane liquide saharien au Havre et dans la région parisienne ; — en 1967 : début d'importation de gaz de Hollande permettant de desservir les régions Nord, Picardie, Champagne, Alsace et partiellement la région parisienne ; — en 1968 : arrivages de méthane liquide dans un port de la région de Marseille ; — après 1970 : disponibilité de ressources de gaz naturel permettant de desservir sans limitation toutes les régions non encore atteintes par le gaz naturel, et achèvement de la conversion au gaz naturel des distributions publiques vers 1975 ; — prix de revient du gaz naturel importé permettant de l'offrir tant à l'industrie que sur les distributions publiques à des tarifs analogues à ceux pratiqués pour le gaz de Lacq hors de la région du Sud-Ouest. Les résultats de ces études pour les années 1970, 1975 et 1985 sont résumés dans le tableau annexe IV. On y relève que les pourcentages des besoins énergétiques assurés par le gaz pourraient passer : — pour le marché des distributions publiques : de 8 % en 1962 à 22 % en 1975 et 40 à 50 % en 1985 ; — pour la grosse industrie : de 14 % en 1962 à près du tiers à partir de 1975. Ces chiffres, sans atteindre ceux actuellement constatés pour le marché américain, sont à rapprocher des indications données dans le préambule du présent rapport concernant la place du gaz en 1962 sur le marché européen de l'énergie. Ils montrent les conséquences que peuvent avoir sur cette place relative la mise en oeuvre, pour des transports internationaux à longue distance, des techniques de transport déjà expérimentées et auxquelles d'autres peuvent venir s'ajouter.

388

Concurrence entre gaz

ANNEXE I TABLEAU DES COEFFICIENTS D E COMPETITIVITE P A R R A P P O R T AU CHARBON POUR

LES

USAGES

INDUSTRIELS

ET AUX (valeur

DU

GAZ

FUELS au

brûleur)

Charbon

Fuel

Petite forge, estampage Fours de traitement thermique Gazogènes indépendants Verrerie, fours à pot Fours de fusion métaux ferreux Emaillage sur métaux, fours boxes Etudes à noyaux de fonderie Arches à recuire de verrerie Fours ronds intermittents de céramique Fours de réchauffage, grosse forge Séchoirs-étuves Séchoirs à briques Fours rotatifs ou réverbères Fours de briqueteries Fours de cimenterie

2,10 1,80 1,80 1,60 1,60 1,50 1,50 1,30 1,30 1,30 1,20 1,16 1,07 1,05 1,05

1,30 1,30 1 ,— 1 ,— 1,15 1,04 1,10 1,04 1,04 1,04 1,04 1,01 1,02 1,02

Usages vapeur — type centrale électrique — type industrielle aquatubulaire — type Field

1,09 1,15 1,16

1,03 1,09 1,03

Les coefficients ci-dessus indiquent de combien le prix du gaz peut être supérieur au prix du charbon ou du fuel pour être compétitif au niveau du brûleur ; les autres avantages (stockage, amélioration de la production) ne sont pas pris en compte : ils sont souvent favorables au gaz.

et autres sources d'énergie

389

ANNEXE I I

Centime

par

thermie-modulation

390 1 400

Concurrence entre gaz

ANNEXE

III

Centime

par

thermie-modulation

391

et autres sources d'énergie

ANNEXE I V CONSOMMATIONS PREVISIONS

1970 E T

DE

GAZ EN

FRANCE

PERSPECTIVES

1975-1985

1970

1975

9,25 3,39

14,5 18

19 35

31 à 45 94 à 132

12,64

32,5

54

126 à 177

2,21 0,57

4,9 2,3

2,78

7,2

12

31 à 43

15,42 187 8,3

39,7 246 16

66 288 23

157 à 220 360 à 430 43 à 50

Consommations de gaz (sidérurgie et production d'électricité exclues) Besoins toutes énergies du secteur Pourcentage couvert par le gaz

28,18 200 14

62 253 24,5

85 à 100 290 29 à 34

130 à 160 400 33 à 40

Consommations totales de gaz (hors sidérurgie et production d'électricité)

43,6

101,7

151 à 166

287 à 380

1962

Secteurs Usages

1985

domestiques

Consommations hors chauffage Chauffage des locaux Total usages domestiques Usages commerciaux

et artisanaux

Consommations hors chauffage Chauffage des locaux Total usages commerciaux Total des usages domestiques et commerciaux Besoins toutes énergies du sécheur Pourcentage couvert par le gaz

7,5 4,5

15 à 19 16 à 24

Industrie

Dr M. LIEBRUCKS

Perspectives de ventes en République fédérale offertes aux sources d'énergie extra-européennes et allemandes.

394

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

I. REMARQUES PRELIMINAIRES

Au moment de la rédaction de ce rapport en novembre 1964 la politique de l'énergie se trouve en République fédérale au tout premier plan de la discussion publique. Les conflits qui se sont produits par suite du développement de l'utilisation des différentes sources d'énergie et des conditions relatives de prix et de coût des charbons et des produits pétroliers ont été certes mis en lumière il y a déjà un certain temps par la science allemande. A la vérité les calculs de prévision présentés à ce sujet sont largement vérifiés, cependant un examen périodique du développement est nécessaire. Bien au-delà de la discussion politique quotidienne, voici l'occasion bienvenue et honorable de soumettre les derniers résultats à la critique à la fois académique, et scientifique, d'une institution aussi respectée que l'Université de Grenoble. Nous n'avons pas placé au premier plan dans ce rapport la question de l'orientation de la politique de l'énergie dans tel ou tel pays de l'Europe de l'Ouest ; toutes les enquêtes ont été bien plutôt conduites dans le but de déterminer des bases aussi sûres que possibles pour une politique de l'énergie. Une série de considérations présentées au chapitre IV concernent la consommation future d'énergie. Elles se rapportent au territoire de la République fédérale et ne peuvent être transposées telles quelles à d'autres pays. Au contraire les études relatives à l'évolution des dépenses et des prix des sources extra-européennes importantes d'énergie, mentionnées aux chapitres II et III, semblent généralement plus valables. Dans le quatrième chapitre nous essayons, à l'aide d'un modèle déterminé, de représenter un calcul quantitatif sur les possibilités de vente offertes aux différents producteurs d'énergie. L'introduction alternative à cet égard de mesures déterminées concernant la politique de l'énergie en faveur d'un producteur ou d'un autre ne doit en aucun cas préjuger d'une politique de l'énergie. Mais peut-être pourrait-elle être propre à donner des indications pour l'orientation de la politique correspondante. Une autre remarque paraît nécessaire : il faut indiquer que, malgré la forme concise donnée aux résultats, des études et des calculs très importants sont à la base de ce travail.

et extra-européennes en Allemagne fédérale

395

II. LES CONDITIONS DANS LESQUELLES LE CHARBON AMERICAIN EST COMMERCIALISE 1. CAPACITÉS DE PRODUCTION ET RÉSERVES

La production américaine de charbon 1 s'est élevée en 1963 à 416 millions de tonnes en chiffres ronds. La capacité actuelle de production annuelle se situe entre 550 et 650 millions de tonnes, de sorte qu'il existe une réserve de capacité de production de 150 à 250 millions de tonnes. La détermination de la capacité s'appuie sur une série de données qui ressortent des enquêtes de services américains 2. Deux cent quatre-vingt-seize exploitations souterraines qui fournissaient 65 % de l'extraction souterraine ont été étudiées. Comme 57 fosses seulement, sur toutes les exploitations citées, travaillaient à trois postes et 184 seulement à deux postes, le passage généralisé à l'exploitation à trois postes représente la première réserve de capacité de production. Une seconde réserve consiste à porter le nombre de jours de travail approximativement de 200 à 260 par an. En ajoutant les exploitations de surface, dont la capacité de production peut être évaluée à environ 160 millions de tonnes, et les exploitations « Auger » qui peuvent produire 10 à 15 millions de tonnes, on arrive à la capacité indiquée ci-dessus. La différence d'environ 100 millions de tonnes résulte de la divergence d'opinion sur le mode de variation de la production par poste lorsqu'on introduit un poste supplémentaire de production dans chaque journée de travail. D'après certains ingénieurs américains la production varie proportionnellement au nombre de postes, de sorte que le second et le troisième poste fournissent la même production que le premier. C'est dans ce cas qu'on évalue globalement à 650 millions de tonnes la capacité de production. Une seconde conception repose sur l'opinion que le deuxième poste produit moins que le premier (environ 50 %) et que de plus la production du troisième poste ne peut être que le tiers de la production du premier. Si l'on trouve ce point de vue justifié, on obtient le chiffre de 550 millions de tonnes comme capacité de production totale. Indépendamment de cette capacité calculée statiquement, on peut penser naturellement encore à un accroissement de capacité par la mise en route de nouvelles exploitations minières, par la remise en marche de fosses arrêtées et par le développement de la capacité des installations existantes. Actuellement la réserve de capacité de production pourrait revenir pour 70 % au secteur d'exportation, à savoir 50 % pour la région atlantique 1. Tout l'exposé concerne les charbons bitumeux (sans l'anthracite ni le lignite). 2. Rapport du National Fuels and Energy Study Group, Washington, D.C.

396

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

(Virginie occidentale, Virginie, 20 % pour la région proche du Les réserves exploitables de ces américaines, à 200 milliards de de dépilage évaluées à 50 % .

Pennsylvanie et Kentucky oriental) et lac Supérieur (Ohio, Indiana et Illinois). régions se montent, selon les indications tonnes environ, compte tenu des pertes

2 . L E S DÉPENSES D'EXTRACTION

Comme dans l'exploitation charbonnière américaine les dépenses de maind'œuvre (salaires et charges sociales) représentaient, entre 1950 et 1963, avec environ 60 %, une part décisive des dépenses d'ensemble, la productivité de la main-d'œuvre (rendement par homme par poste) et son évolution sont un facteur prépondérant pour l'évolution des dépenses. En 1963 le rendement d'ensemble atteignit 13,7 tonnes par homme par poste. R E N D E M E N T PAR HOMME/POSTE (En kg) Année

Bassin de la Ruhr

1950 1960 1961 1962 1963

1 425 1 639 1749 1 878 2011

République fédérale

Sarre

1 1 1 1 1

1586 1 807 1925 2 050

401 605 731 853 978

U.S.A. 6 11 12 13 13

410 637 580 351 777

Le rendement est aux U. S. A. environ six fois plus élevé qu'en République fédérale. Cela explique en grande partie les dépenses d'exploitation américaines relativement moindres. Elles se situaient en 1963 vers $ 4,92 par tonne. DEPENSES D'EXPLOITATION D E S MINES D E CHARBON AMERICAINES (En Année

Ensemble

Exploitation de surface 1

Exploitations souterraines

1950 1960 1961 1962 1963

5,34 5,17 5,05 4,94 4,92

4,27 4,12 4,05 3,99

5,68 5,67 5,53 5,42

1. Strip-mines seulement (découvertes seulement).

$/i)

et extra-européennes en Allemagne fédérale

397

Une comparaison des dépenses d'exploitation minière entre 1950 et 1963 montre un recul de $ 0,42 par tonne. Les dépenses en exploitation de surface ont assurément baissé plus fortement qu'en exploitation souterraine. Comme le pourcentage de l'exploitation en surface (y compris l'Auger-mining) est passé de 23 % (1950) à 34 %, la diminution des dépenses résulte surtout de cette modification dans la structure de la production. Pour obtenir une image de l'évolution ultérieure des dépenses d'exploitation on a fait une prévision détaillée du rendement et des dépenses, qui présente, en les séparant, les données sur les exploitations souterraines et les données sur les découvertes. Lorsqu'on essaye de prévoir le rendement des exploitations souterraines, il faut tenir compte de l'emploi de plus en plus étendu du continuous-miner. Aujourd'hui déjà se dessine en partie l'influence de l'utilisation des foreuses doubles, qui ont un rendement supérieur au simple continuous-miner. Ce développement technique progressif et le passage plus fréquent à une méthode d'extraction au continuous-miner pourraient déjà provoquer des augmentations considérables de rendement. Des calculs conduisent au résultat suivant : d'ici 1975 des rendements d'environ 23,5 tonnes par homme et par jour pourraient être possibles en exploitation souterraine. En exploitation de surface le rendement actuel se tient vers 23,5 tonnes par homme par jour ; d'ici 1975 on peut compter sur une augmentation du rendement jusqu'à 38 tonnes par homme par jour. Si l'on veut prévoir un peu plus prudemment on peut espérer un rendement d'exploitation souterraine de 20 tonnes par homme par jour et un rendement d'exploitation en surface de 30 tonnes par homme par jour. Le rendement d'ensemble monterait donc d'ici 1975 à 22,22 tonnes pour un pourcentage de 30 % d'exploitation en surface. L'accroissement de rendement de 60 % environ serait ainsi moitié de ce qu'il a été de 1951 à 1963 (116,4). Il est intéressant de noter que les valeurs de rendement prévues pour 1975 en exploitation souterraine ont déjà été atteintes en 1961 dans l'Illinois, tandis qu'en production de surface dans le Kentucky et le Wyoming les rendements attendus pour 1975 ont déjà été considérablement dépassés. Mais la prévision des dépenses dépend beaucoup, à côté de la prévision des rendements, de l'évolution des salaires des ouvriers mineurs, qui ont progressé entre 1950 et 1962 d'environ 3,6 % par an. Par contre il n'a pas fallu prévoir une modification de la durée du travail. Quant à l'évolution future on devra cependant, par mesure de prudence, tenir compte du fait suivant : en cas d'augmentation notable de la production américaine de charbon, les salaires augmenteront plus que d'habitude, de même que

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

398

la durée du travail sera diminuée de façon plus importante. Nous avons admis une élévation annuelle des salaires de 6 % et une diminution de la durée de travail de 12 % jusqu'en 1975. En considérant en outre une légère augmentation des frais financiers et des frais matériels, les dépenses s'établissent à $ 6,70 par tonne jusqu'en 1975 pour l'exploitation souterraine et à $ 4,70 par tonne pour l'exploitation de surface, soit une moyenne d'ensemble de $ 6,25 par tonne pour un pourcentage d'exploitation de surface d'environ 30 %. Si l'on considère en outre que, selon des déterminations américaines, la mise en exploitation des mines basées sur des gisements un peu moins favorables entraîne une élévation des dépenses de 28 cents par tonne et qu'il faut de nouveau admettre d'une manière prudente qu'à l'avenir des exploitations devront être établies sur ces gisements en raison de la production croissante, les dépenses moyennes d'exploitation minière s'élèvent à $ 6,30 par tonne. A ce prix 725 millions de tonnes pourraient être produites en 1975.

3.

L E S PRIX CIF AUX PORTS D'EUROPE OCCIDENTALE

Le charbon produit en exploitation souterraine devrait entrer en ligne de compte pour l'exportation américaine, en particulier vers l'Europe occidentale, parce que par rapport au charbon de surface plus dégazé il a plus de valeur. Les frais préalables de transport par chemin de fer jusqu'aux ports atlantiques (en particulier Hampton Roads) depuis les exploitations souterraines de la Virginie occidentale, de la Virginie et du Kentucky s'élèvent à $ 4,50 par tonne ; ils ont quelque peu diminué ces derniers temps par suite de la rationalisation du transport et de la formation de trains unitaires plus lourds (environ $ 0,50 par tonne). Pour le déchargement du charbon (wagon/bateau) on peut compter $ 0,35 par tonne, de sorte qu'il en résulte le calcul ci-dessous : Année

Frais de transport

Frais d'entrée et de transbordement

Coût fob ports atlantiques

1964 1970 1975

5,50 6,10 6,70

4,35 4,70 5 —

9,85 10,80 11,70

Les frais de transport en cargos de 15 600 dwt (14 900 tonnes de charge utile) qui assurent actuellement le trafic de l'Atlantique entre Hampton Roads, Newport et les ports A. R. A. (Amsterdam, Rotterdam et Anvers)

•et extra-européennes en Allemagne fédérale

399

s'élèvent à $ 4,50 par tonne (charges du capital incluses). Un calcul effectué pour un transporteur de 3 000 dwt conduit à une économie de 30 % qui toutefois serait selon toute prévision neutralisée par des élévations générales de prix, de sorte que le prix de transport indiqué cidessus, de $ 4,50 par tonne, peut être regardé pendant longtemps comme valable. Le fait que les taux de fret (surtout les taux de tramping) sont soumis à des variations importantes n'équivaut pas à dire qu'il y aura une incertitude correspondante. Il est tout à fait concevable que, comme des exemples le montrent en Italie et au Japon, l'on puisse conclure des contrats d'affrètement de longue durée, qui ne soient pas affectés par les variations passagères des taux de fret. Des livraisons plus importantes et régulières à l'Europe occidentale pourraient d'ailleurs, comme le montre l'exemple de l'économie pétrolière, conduire, sans considérer les variations du fret, à la construction d'une flotte spéciale de transport spécialisé. On peut compter, de ce point de vue, sur des prix cif pour le charbon américain dans les ports A. R. A. en 1965 de $ 14,35, de $ 15,30 en 1970, et de $ 16,20 par tonne en 1975. Ces prix donnés comme valeurs moyennes doivent assurément être répartis selon les qualités de charbon. C'est ainsi que le charbon de chaudières (steam coal) se tient environ de $ 0,75 à 1 par tonne en dessous de ces moyennes, tandis que le charbon à coke se tient à peu près à la marge au-dessus. Il faut observer quant au charbon à coke qu'il est obtenu par le mélange, environ de : 65 % charbon bitumeux à haute teneur en matières volatiles, 14 % à teneur moyenne en matières volatiles, 21 % à faible teneur en matières volatiles, et que pour produire 1 tonne de coke on a besoin de 1,43 tonne de charbon (dans les cokeries américaines des usines métallurgiques avec fabrication de sous-produits) et de 1,33 tonne dans la Ruhr. Les circonstances d'emploi un peu moins favorables pourraient correspondre à un supplément de prix d'environ 7,5 %.

III. LES CONDITIONS OFFERTES POUR LA COMMERCIALISATION DU PETROLE ET DES PRODUITS PETROLIERS DANS L'EUROPE DE L'OUEST 1 . L A PRODUCTION DE PÉTROLE BRUT ET LES RÉSERVES

La production de pétrole brut dans le monde a plus que doublé dans les treize dernières années.

400

Concurrence entre sources d'énergie allemandes PRODUCTION

DE

PETROLE

BRUT

(En 10" tonnes) 1950 Zone d'Amérique du N o r d 1 Zone des Caraïbes Europe (occidentale) Bloc de l'Est Moyen-Orient 2 Afrique 3 Pays divers

270,6 98,1 3,8 44,1 85,9

Monde

522,8

20,3

1960

1963

366,7 176,9 14,9 167,2 262,7 10,4 46,9

409,3 201,5 18,1 227,1 337,9 56,8 53,8

1 052

1 304,5

1. Y compris Canada et Mexique. 2. Y compris Turquie et Israël. 3. Y compris l'Egypte.

Réserves Les réserves totales exploitables d'huile minérale (excepté les schistes bitumeux et les sables goudronneux) se montaient au début de 1963 à 55 milliards de tonnes en chiffres ronds, dont 28 milliards de tonnes se trouvaient au Moyen-Orient et 1,8 milliard de tonnes en Libye et au Sahara. TABLEAU I RESERVES D E PETROLE AU MOYEN-ORIENT E N LIBYE ET A U S A H A R A

(En 10' tonnes)

Koweït (y compris zone neutre) Arabie Séoudite Perse Irak Abu Dhabi, Bahrain, Qatar Libye Sahara Total Production en 10" t

1960

1963

9 7,3 3,1 3,4 0,4

10,1 8,1 5 3,4 1,4 0,9 0,9

0,8 24

29,8

269,9

381,8

et extra-européennes en Allemagne fédérale

401

L'augmentation de production de ces territoires atteignit 12,3 % par an de 1960 à 1963. Si l'on admet que l'augmentation annuelle future jusqu'en 1975 sera de 10 %, les prélèvements se monteront à 9 milliards de tonnes de pétrole en chiffres ronds entre 1964 et 1975 (inclus), tandis qu'en 1975 une production annuelle de 1,2 milliard de tonnes devrait être atteinte. L'accroissement net des réserves exploitables a été de 1960 à 1963 de 5,8 milliards de tonnes qui font déjà 65 % des enlèvements prévisibles de 1964 à 1975. On peut toutefois admettre avec certitude que de nouveaux gisements notables apparaîtront aussi d'ici 1975 ; mais on ne peut en préjuger quantitativement. Au cas où ces réserves ne devraient être que suffisantes pour couvrir l'ensemble des prélèvements, les réserves restantes auraient une durée de vie de vingt ans pour une production certainement constante à partir de 1975. En tout cas l'évolution des réserves au Moyen-Orient n'offre guère de raisons de croire qu'une raréfaction pour le pétrole brut interviendra d'ici 1975. 2. LES COÛTS DE PRODUCTION

Pour une série d'importants pays producteurs nous disposons de données relatives aux coûts ; elles contiennent tous les éléments du prix de revient, comme les dépenses d'exploration, les dépenses pour les sondages d'ouverture et d'extension ainsi que les lifting costs (dépenses d'extraction). On compte ici généralement aussi dans l'économie des huiles minérales les dépenses qui résultent des dépenses courantes d'ouverture dans de nouveaux champs, de sorte que la production actuelle est grevée de dépenses qui devraient être comptées seulement pour la production future. Pour cette raison la production passée a certainement supporté des frais qui devraient être comptés pour celle d'aujourd'hui. Dans les dépenses ne sont pas compris : — les frais de transport depuis le sondage jusqu'au lieu d'embarquement ou jusqu'à la raffinerie, et — les taxes d'Etat dans les pays de production, telles que royalties, redevances d'extraction ou impôts. Pour l'année 1963, si on prend pour base 100 les coûts de production aux U. S. A., on a le tableau suivant : COUT DE PRODUCTION DU PETROLE BRUT EN 1963, U.S.A. : 100 115 République fédérale 100 U.S.A. 40 Venezuela 40 Algérie 17 U.R.S.S. 12 Irak 10 Perse 7 Koweit

402

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

Bien qu'une telle comparaison de prix, abstraction faite de questions méthodologiques relatives à la comptabilisation des dépenses, soit rendue difficile par des questions de « cours des changes équilibrés », les différences entre les coûts de production sont si élevées qu'en dépit des insuffisances possibles une comparaison de prix paraît pleine de sens. Aucun indice de prix n'est disponible pour les gisements de Libye. Mais la croissance rapide de la production — on compte sur une production de 100 millions de tonnes d'ici 1975 — permet de conclure qu'ici aussi les coûts de production devraient être relativement bas. Si l'on compte actuellement pour les pays du Moyen-Orient avec des prix d'extraction d'environ $ 0,25 à 0,30 le baril, les coûts s'élèvent de $ 1,75 à 2,10 par tonne en chiffres ronds. Les prix fob port d'embarquement (posted prices) comprennent d'autres éléments, notamment les frais de transport entre le sondage et l'installation de déchargement, les taxes d'Etat (royalties), qui du point de vue du consommateur sont à définir comme des dépenses, et pour finir, les bénéfices aussi de la société productrice. Le prix lui-même du pétrole brut dépend en outre de la qualité du pétrole (densité [API0], teneur en soufre, type de pétrole brut) et en plus du prix de concurrence des pétroles bruts d'autres gisements, des rabais pour ports d'embarquement bien situés, où une minoration générale du prix du pétrole brut est donnée sous forme d'escompte. Actuellement le tableau suivant vaut pour le pétrole brut des pays du MoyenOrient. $/t

$/t

1,75 0,50 5,— 5—

2,10 0,70 5,— 5,—

Prix affiché % Escomptes

12,25 1,60

12,80 1,80

Prix effectif Frais d'embarquement

10,65 4,50

11,— 5,—

Prix cif frontière

15,15

16,—

Coût de production Coût de transport Royalties Bénéfices

Le pétrole brut de Libye est en position favorable vis-à-vis du pétrole brut des pays du Moyen-Orient dans la mesure où les frais de transport vers le continent européen sont plus favorables que ne le sont ceux des pays du Moyen-Orient, et ceci en raison :

et extra-européennes en Allemagne fédérale

403

— de la distance moindre pour le transport maritime ; — de la disparition des redevances de passage à Suez ; — de la possibilité d'emploi de pétroliers de grande capacité, qui actuellement ne pourraient pas en tout cas franchir le canal au-dessus d'un tonnage de 6 000 tonnes. Les « escomptes » indiqués au tableau précédent sont partiellement supportés par les sociétés productrices, mais d'un autre côté les posted prices (prix affichés) ont été abaissés, ce qui a entraîné une diminution de royalties. Bien qu'il n'existe actuellement aucun indice d'une élévation des prix du pétrole brut — il faut signaler ici en particulier les visées de plus en plus grandes d'exportation de l'U.R.S.S. — on peut faire le raisonnement suivant : Si les dépenses de production doublaient et si les escomptes disparaissaient complètement, les prix du pétrole brut s'élèveraient de $ 3,35 à 3,90 par tonne. Ceci conduirait, rapporté au pouvoir calorifique du charbon, à une augmentation de $ 2,50 à 2,80 par tonne. Il est presque certain qu'une telle augmentation doive être considérée comme considérable. Cependant les effets d'une augmentation aussi importante des prix rendus de l'huile brute découlant de la situation concurrentielle des produits pétroliers sont moins graves que ce que l'on avait d'abord prévu, nous le verrons plus tard. Le prix actuel du pétrole brut franco frontière de la République fédérale d'Allemagne se monte à $ 16,25 par tonne (1er janvier 1964 - 30 septembre 1964). Les pétroles bruts d'U. R. S. S. sont déjà offerts à $ 13,50 par tonne, mais à cause de la teneur en soufre généralement plus forte ont été moins volontiers utilisés ; le prix inférieur est en tout cas conditionné en partie par la plus forte teneur en soufre.

3 . L E S FRAIS DE TRAITEMENT DU PÉTROLE BRUT ET LES RÉSULTATS NETS DU RAFFINAGE

Les frais de traitement du pétrole brut dans les raffineries sont largement dépendants du genre de raffinage qui doit varier selon les produits. A l'opposé des U. S. A., l'évolution des types de raffinerie dans la République fédérale conduit à élever le pourcentage de production de mazout au détriment des carburants. A titre de comparaison les pourcentages sont pour le carburant léger (gazoline) environ 45 % aux U.S.A. et 16 % dans la République fédérale. Un calcul des dépenses et des recettes pour la raffinerie-type pour fuel, comme il est caractéristique dans la République fédérale, montre l'aspect d'ensemble suivant :

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

404

CALCUL DES DEPENSES ET DES RECETTES DE RAFFINERIE POUR FUEL I. Dépenses a/t

Coût de mise à disposition de pétrole brut franco raffinerie Frais de traitement en dollars par tonne de matière Produits d'addition et auxiliaires

17,50 5,25 0,75 23,50

Total

II. Recettes

Produit

Gaz liquéfiés Essence auto Benzol brut Kérosène Pétrole Diesel et fuel léger Fuel lourd Gaz de raffinage Bitumes Produits divers Pertes

PourConsomcentage de produits +mation pertes (yields) en % brut 2,2 14,8 3,3 1,4 36,9 31,5 3,3 4,5 1,1 1 100

4,2 2,3 1 7,5

Rendement net en %

Prix départ raffinerie $/t

2,2 14,8 3,3 1,4

45,50 37,50 25 — 25,—

1,— 5,55 0,85 0,35

36,9 27,3 1 4,5 1,1

26,85 13,75 25,— 25 — 80,—

9,70 3,75 0,25 1,15 0,90

92,5

Recettes S

23,50

Il s'agit dans le calcul qui précède d'une double détermination de résultats nets : les pourcentages de rendements nets ont été pris pour base une fois pour le calcul des résultats (les pertes en cours de circulation et la consommation propre ont été déduites), une autre fois les résultats nets en dollars par tonne de produit obtenu ont été déterminés et introduits (des résultats bruts ont été retranchés les frais de distribution, y compris les frais de transport, impôts sur le pétrole, ainsi que divers éléments (par exemple rabais) qui diminuent les résultats bruts).

et extra-européennes en Allemagne fédérale

405

Les frais de traitement de pétrole brut comprennent déjà, dans le calcul rapporté, un montant correspondant au cracking supplémentaire d'huile lourde en 80 % de distillais moyens et 20 % de produits lourds (dits visco-breakes) ainsi qu'à l'énergie qu'il nécessite. Dans de plus grandes raffineries de fuel la valeur indiquée pour les frais de traitement peut être diminuée encore de $ 1 par tonne. A titre de comparaison nous donnons la structure des dépenses en dollars par tonne pour un type américain standard de raffinerie. FRAIS D E T R A I T E M E N T ET REPARTITION D E S P R O D U I T S O B T E N U S D A N S LES R A F F I N E R I E S A M E R I C A I N E S

Dépenses $/t Main-d'œuvre Fournitures Combustibles Produits chimiques Taxes d'Etat 1 et recherches Assurances et impôts Amortissements 2 Intérêts 2 Matières achetées

Total

EN

1963

Pourcentage de répartition des produits 2,52 0,35 0,91 0,98 0,21 0,35 0,98 0,70 0,14

7,15

Gasoline Kérosène, fuel pour réacteurs Fuel de chauffe et Diesel Fuel lourd Huile de graissage Cires Coke de pétrole Bitume Gaz liquéfiés Divers produits Consommation propre de gaz de la raffinerie Pertes

44,8 8,3 23,2 9,6 2 0,1 2,6 3,7 2,5 0,9 4,3 2 100

1. Sans impôts. 2. Intérêts nets du capital.

Il faut reconnaître que pour le type américain de raffinerie les frais de traitement sont plus élevés d'environ $ 2 par tonne, mais qu'en même temps cependant une proportion plus grande de distillais lourds est crackée au bénéfice des produits légers et moyens. Qu'il en résulte des dépenses nettement plus fortes, rien que par les investissements plus grands, n'a pas besoin d'autre discussion. Le tableau des dépenses et des recettes montre en outre qu'il est impossible de faire un calcul de prix pour le fuel seul, sans considérer au moins le type de raffinerie, les recettes obtenues avec les autres produits, et le prix du pétrole brut. D'un autre côté, les prix des produits pétroliers sont 27

406

Concurrence

entre sources

d'énergie

allemandes

déterminés aussi par les prix d'importation de ces produits, de sorte qu'une tendance à l'équilibre des prix s'établit. C'est pourquoi il est très vraisemblable que les prix du pétrole dépendent finalement du prix du pétrole brut. Nous insistons de nouveau sur le fait qu'à l'heure actuelle nous ne possédons aucun signe annonçant une augmentation de prix. Mais, pour le cas hypothétique où les prix de production de pétrole brut dans les pays du Moyen-Orient seraient doublés et où des royalties seraient données, les variations de prix des produits de raffinage n'auraient que peu d'importance. Il faut naturellement en outre tenir compte, dans tous les calculs hypothétiques, de l'intervalle de temps dans lequel de telles variations de prix s'accomplissent et si dans le même intervalle les produits concurrents (le charbon en particulier) ne sont pas aussi soumis à des élévations de prix.

IV. L'EVOLUTION DE LA CONSOMMATION D'ENERGIE 1. MÉTHODOLOGIE

ET RÉSULTATS POUR LA CROISSANCE

ÉCONOMIQUE

La prévision méthodique repose sur l'observation et sur la planification de la consommation finale d'énergie dans différents secteurs de consommation. On y comprend aussi bien les sources primaires d'énergie que les secondaires. Essentiellement il y a quatre groupes principaux de consommateurs à considérer dans la consommation finale d'énergie (sans l'industrie de production de l'énergie ni les mines, pour lesquelles il y a gain d'énergie) : — l'industrie ; — les transports ; — la consommation des foyers domestiques et de la petite industrie ; — le domaine restant (agriculture, armée, bâtiment). La consommation finale d'énergie pour l'industrie devrait être subdivisée, car son évolution est fortement influencée par le processus de croissance des différentes branches industrielles. Le classement est conforme à « l'expertise sur l'énergie 1961 » dans laquelle le professeur D r Th. Wessels, de l'Institut de l'Energie de Cologne, a mis au point une classification systématique selon laquelle l'ensemble de l'industrie est divisé en treize branches industrielles. La programmation dans ce domaine fut faite dans le cadre d'un pronostic économique et d'une prévision globale pour l'ensemble de l'industrie, dont le taux de croissance annuelle peut être chiffré à 6 % jusqu'en 1975. Le taux de croissance de l'ensemble de l'économie

et extra-européennes

en Allemagne

fédérale

407

se tient un peu plus bas, à environ 5 % . Ces calculs servent aussi à la « vérification de cohérence ». La structure de la consommation d'énergie finale, mesurée au pourcentage actuel de la valeur nette de production, fait ressortir assurément une répartition inégale. Les trois branches industrielles du fer et de l'acier, de la chimie, et des industries extractives ne représentent environ que 21 % de la valeur nette de production de l'ensemble de l'industrie, et consomment pourtant 75 % de l'énergie industrielle finale au total, de sorte que des erreurs d'estimation de l'augmentation de la production nationale et de la production industrielle en valeur nette influent moins sur les prévisions des besoins en énergie finale que des erreurs d'estimation sur les différentes branches industrielles de consommation intensive d'énergie. PREVISION D E PRODUCTION INDUSTRIELLE NETTE D A N S LES BRANCHES A CONSOMMATION INTENSIVE D'ENERGIE

Fer et acier Chimie Industries extractives Bois, cellulose, papier, carton Céramique fine Verre Textiles Biens d'investissement Biens de consommation Aliments et produits alimentaires de luxe

1965

1970

1975

495 301 230 262 332 190 438 261 269

714 412 273 319 455 215 614 333 335

950 565 325 388 624 243 861 425 417

2 . EVOLUTION DE LA CONSOMMATION D'ÉNERGIE

a)

Industrie

L'estimation prévisionnelle de la consommation finale d'énergie des différentes branches d'industrie fut faite à l'aide de méthodes de statistique mathématique. Les types de fonctions logistiques employées à cet effet (forme inverse) disposent d'un haut degré de fiabilité 3. On doit indiquer à titre d'exception l'industrie du fer et de l'acier, où la consommation finale d'énergie a été conçue d'une autre façon. 3. Les coefficients de corrélation sont compris entre 0,8468 et 0,9942 (Bravais/Pearson).

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

408

TABLEAU II CONSOMMATION

FINALE

D'ENERGIE

DE

L'INDUSTRIE

en millions de tec (tec = tonnes équivalent 1965 total ström i 1. Industrie des matières premières et dîs biens de production 2 2. Industrie des biens di consommation 3. Industrie des biens d'investisssment 4. Industrie de l'alimentation et des produits alimentaires de luxe S. Mines autres que les houillières et les salins Total 10' kWh

charbon) 1970

1975

72,4

7,7

84,3

10,4

96,8

13,6

6,1

0,9

6,7

1,4

7.7

2

5,6

1,4

7

2,1

8.8

3,1

4

0,4

4,3

0,5

4,7

0,7

1,1

0,1

1,1

0,1

1,1

0,2

89,2

10,5 85,2

103,4

14,5 118,1

119,1

19,6 159,4

1. Facteur permettant de passer des kWh aux tec ; 1 kWh == 0,123 tec. 2. Y compris la consommation de gaz de hauts fourneaux.

Les résultats des prévisions de la consommation industrielle finale d'énergie pour les années repères 1965, 1970 et 1975 sont donnés dans le tableau II. La consommation de courant (déjà incluse en tant que consommation dans la quantité totale indiquée) a été donnée séparément, car cette forme d'énergie doit être produite à partir du domaine de transformation (distribution de l'énergie). Les processus relatifs à l'économie de l'énergie qui se déroulent à ce niveau ont fait l'objet d'un examen particulier. La consommation de courant est réputée « non substituable », ce qui n'a de valeur économique que sous certaines restrictions, mais peut s'expliquer pourtant, d'un autre côté, par des raisons technologiques. Il en est de même pour une partie de la consommation de coke. COKE

«NON

SUBSTITUABLE»

en millions de

tonnes

Industrie total Consommation spécifique de coke kg/t fonte brute Consommation de coke dans les hauts fourneaux

1965

1970

1975

22,6

22,2

24,2

680 19,6

550 18,9

500 19,7

409

et extra-européennes en Allemagne fédérale b) Transports

Ce secteur de consommation est subdivisé en trois sous-groupes qui sont : — chemin de fer ; — transports routiers et transports aériens ; — transports par bateaux. La tendance dans les chemins de fer est caractérisée par un volume croissant du trafic coïncidant avec un vaste changement des modes d'exploitation (passage de la traction à vapeur à la traction électrique en Diesel). Il en résulte, malgré l'augmentation du volume du trafic, une consommation finale d'énergie en diminution 4. C O N S O M M A T I O N F I N A L E D ' E N E R G I E (en 103 tec) 1960

1965

1970

1975

8 534

7 000

5 200

3 500

La prévision de consommation en carburants classiques 5 repose sur des hypothèses relatives au nombre de véhicules futurs. La relation entre le nombre de véhicules et la consommation d'énergie est établie grâce à la consommation annuelle moyenne par véhicule. La consommation de carburant dans les transports aériens est faible en comparaison de la consommation d'essence des véhicules et ne sert qu'à arrondir les chiffres. Pour la prévision de consommation de carburant Diesel on emploie actuellement la méthode de prévision des carburants classiques. C O N S O M M A T I O N A N N U E L L E M O Y E N N E PAR V E H I C U L E (en 10 1 tec)

Carburant classique Carburant D i e s e l 1

1960

1965

1970

1975

7 721 4 757

13 671 7 992

18 129 9 235

22 513 10 534

1. Y compris le kérosène pour le trafic aérien.

Pour la navigation intérieure la prévision résulte de la consommation d'énergie pour des possibilités de transports de marchandises sur les canaux du territoire fédéral, pour le trafic maritime, du transbordement des marchandises dans les ports de l'Allemagne de l'Ouest. Comme pour les chemins de fer fédéraux, la consommation supplémen4. Il en résulte aussi certainement un effet statistique, car la consommation de courant est comptée pour 0,123 par kilowattheure. 5. Textuellement : carburants pour carburateur, N.D.T.

Concurrence entre sources d'énergie

4 Î 0

allemandes

taire nécessitée par le trafic toujours croissant a été ici compensée par une diminution de la consommation spécifique. Les causes en ont été le remplacement du charbon par le fuel et les améliorations dans la technique de la propulsion navale. C O N S O M M A T I O N F I N A L E D ' E N E R G I E P O U R L A N A V I G A T I O N (en 101 tec) 1960

1965

1970

1975

4 654

5 628

6 638

7 648

c) Consommation

ménagère et petites

consommations

Le nombre d'habitations a été pris comme base pour la grandeur de référence de la consommation d'énergie dans ce domaine. La consommation de combustibles solides et liquides par habitation dépouillée de l'influence climatique laisse apparaître une légère augmentation, de telle sorte qu'on peut s'attendre à une augmentation plus que proportionnelle à l'augmentation du nombre d'habitations. La consommation de courant et de gaz a été récapitulée séparément de celle du combustible, car jusqu'à présent cette consommation a été indépendante des conditions climatiques. Pour le secteur ménager et les petites consommations on a alors obtenu les chiffres de consommation suivants : ,„, (En 10 tec) Année

Combustibles solides et liquides

1962 1965 1970 1975

52 55 58 64

550 509 948 802

Courant

4 5 7 10

042 968 213 043

Gaz

2 3 3 3

Total

669 270 456 781

59 64 69 78

261 747 617 626

d) Le groupe restant est très réduit en comparaison des autres secteurs. La consommation s'y monte seulement, depuis plusieurs années, à 4 millions de tonnes équivalent charbon. 3.

DÉTERMINATION

CONCURRENTIELS

DU

BESOIN

PRIMAIRE

D'ÉNERGIE

POUR LES SOURCES D'ÉNERGIE

ET

DES

SECTEURS

SUBSTITUABLES

L'estimation préalable de la consommation finale d'énergie s'élève, en millions de tonnes équivalent charbon : 1965

1970

1975

192,1

216,1

245,8

et extra-européennes

en Allemagne

fédérale

411

Il faut ici distinguer entre une consommation finale substituable et une consommation finale non substituable. On peut considérer comme non substituables : (En millions

de

1965

1970

1975

1. Le besoin total en courant 2. Le coke nécessaire aux hauts fourneaux, aux installations de frittage et aux fours à chaux 3. Le besoin en carburants

17,1

22,4

30,6

21,9 30

21,5 37,9

23,8 45,7

Consommation finale non substituable

69

81,8

100,1

tec)

Pour faire face à cette consommation on utilise des sources d'énergie déterminées, alors que toutes les sources d'énergie dans le domaine restant des sources substituables sont concurrentielles si l'on considère la demande. Cependant en ce qui concerne la partie non substituable de la demande en énergie finale une partie peut être couverte par diverses sources d'énergie telles que le fuel ou le charbon pour la production du courant. En tenant compte, d'une part, d'autres consommations propres dans les raffineries (production de pétrole brut, de gaz naturel et de gaz de chauffage des fours à coke), et en déduisant, d'autre part, les sous-produits tels que le gaz de haut fourneau, le gaz de cokerie (mais non le fuel) et les sources d'énergie telles que courant importé que nous pouvons déduire sans risque d'erreur pour des raisons techniques ou économiques (lignite et gaz naturel), le domaine concurrentiel pour l'énergie substituable apparaît comme une grandeur nette. Le schéma suivant que l'on doit présenter pour l'année 1965 élucide le processus de calcul. On a distingué des secteurs « régionaux », car les frais de transport jouent en République fédérale un rôle important pour les sources d'énergie. La consommation régionale I comprend la consommation d'énergie substituable dans la distribution de force motrice d'Etat et industrielle de la fabrication de courant (centrales minières exceptées). La consommation régionale II comprend la consommation ménagère et la petite consommation. (Voir schéma page

suivante.)

La consommation régionale indivisible comprend la consommation d'énergie de l'agriculture, des principales industries de la construction et les besoins des cokeries pour leur chauffage, qui sont pourtant immédia-

412

Concurrence entre sources d'énergie allemandes SCHEMA 1965

(En 10' tec)

Non substituable

Demande d'énergie primaire

Consommation de transformation

Consommation finale

69,0



161,9

- > 121,4

Substituable

123,1

30,5 123,1

Consommation finale totale

192,1

153,6

Consommation interne

121,4

11,6

Secteur de substitution brut % produits associés + énergie concurrentielle

1

Secteur concurrentiel : énergie substituable, net Consommation régionale I Consommation régionale II Consommation régionale région indivisible

165,2 51,4

33,2

113,8

113,8

60,5 44,2 9,1

268,4

1. Sans les fuels.

tement couverts par prélèvement sur le gaz de fours à coke. L'évolution de la consommation dans les deux secteurs régionaux donne, en millions de tec. 1965 1970 1975 Domaine régional I Domaine régional II

60,5 44,2

59,5 43,6

76,9 46

Ces deux domaines seront pris pour base de l'analyse qui suit des débouchés et de la concurrence entre charbon allemand et américain, et aussi des fuels-oils. V. L'ANALYSE DES VENTES DU CHARBON ALLEMAND ET AMERICAIN ET DES FUELS-OILS 1.

INFORMATIONS R E L A T I V E S AU MARCHÉ

TYPE

DANS LE DOMAINE RÉGIONAL DE V E N T E II

Les calculs rapportés dans le chapitre qui suit s'effectuent plus élégamment, nous devons l'avouer, à l'aide des calculatrices qui permettent en particulier de calculer aussi davantage de variantes. L'emploi en est pour-

et extra-européennes

en Allemagne

fédérale

413

tant aujourd'hui encore très coûteux pour le travail direct de calcul, et en outre un temps relativement long de programmation du modèle mathématique est nécessaire. Cependant nous poursuivons les travaux dans ce domaine. Actuellement pourtant il faut employer des méthodes élémentaires, dont l'exactitude n'est pourtant guère plus mauvaise que celle qui résulte de l'emploi d'installations de traitement des données ; assurément moins de variantes peuvent se calculer. Le modèle fondamental pour la détermination des conditions quantitatives de vente est représenté dans le tableau schématique ci-après : (Voir schéma page suivante.) Le schéma permet de saisir simultanément les relations concurrentielles du charbon allemand et américain et du fuel-oil. On trouve en ordonnées les prix d'offre aux lieux de consommation pour le charbon allemand et américain et pour le fuel (converti en tec). Les conséquences des différences existant dans les frais de transport pour les trois sources d'énergie dans le territoire de la République fédérale, et dans les coûts de production de ces sources (dépenses d'exploitation minière pour le charbon allemand, prix cif ports A. R. A. pour le charbon américain et prix départ raffinerie pour le fuel-oil) se reflètent dans les trois tracés de courbes 1, 2, 3. Si les prix de vente étaient modifiés (par exemple par un droit de douane sur le charbon d'importation, des impôts sur le fuel-oil, par un changement des prix de revient ou pour d'autres raisons) il en résulterait en général un déplacement parallèle des différentes courbes les unes par rapport aux autres. C'est ainsi qu'on peut présenter les modifications des conditions de vente. On a porté en abscisses la consommation d'énergie dans les divers secteurs. Il était nécessaire pour cela de chiffrer la consommation selon les différentes régions, dont le nombre est essentiellement déterminé par la dispersion du montant des frais de transport. Il est très important que les régions présentent des consommations d'énergie différemment élevées selon la branche industrielle qui s'y trouve et selon le pourcentage de la consommation d'énergie des diverses branches économiques qui s'y trouvent par rapport à la consommation totale de cette branche. Il faut ajouter pour une meilleure compréhension que le classement des différentes régions est fait de telle sorte que celles qui ont le plus faible prix de transport pour le charbon allemand sont à gauche et celles qui ont le prix le plus élevé sont à droite. Les prix de transport pour le charbon américain qui sont en vigueur dans ces régions sont également indiqués ; ils sont très irréguliers. Il y a plusieurs causes à cela. Elles sont conditionnées en partie par la situation géographique du district (par exemple proximité de la côte), en partie par la situation des voies navigables, mais en partie aussi par la diversité des possibilités de transport (moyen de transport par fer, par voies navigables ou mixte).

414

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

et extra-européennes

en Allemagne

fédérale

415

Les prix de transport pour les fuels-oils sont presque identiques dans toutes les régions, car les emplacements de raffinage sont de plus en plus dans la région même, c'est-à-dire sur le lieu de consommation. On reconnaît pourtant qu'il est possible sans difficultés d'introduire aussi dans ce « marché-type » des frais de transport différents pour le fuel-oil. Selon notre expérience, de telles variations ne modifient qu'à peine les résultats que nous devons présenter plus tard. Le tableau-type n'est valable que pour une année déterminée, et est également statique par définition, de sorte qu'un tableau-type spécial doit être établi pour chacune des années étudiées. Dans un graphique à trois dimensions on pourrait maintenant représenter plusieurs tableaux particuliers où le temps entre en ligne de compte, de sorte qu'il en résulterait un tableautype dynamique. Mais il semble plus rationnel de calculer le « processus dynamique » à l'aide d'une calculatrice électronique, car il est difficile de saisir dans son ensemble une représentation graphique des renseignements. A notre avis les possibilités de variation qui se trouvent dans le modèle statique, désormais comparatif-statique, sont importantes. Le tableau suivant montre la partie essentielle des possibilités de combinaison ; pour chacune de celles-ci on peut calculer un résultat pour les débouchés des trois sources d'énergie. L'ensemble des données servant de base au projet existe maintenant à l'état empirique pour les années 1965, 1970 et 1975. Il en est de même des modèles correspondants ; ceci représente alors non seulement une théorie, mais encore un problème qui peut être résolu en tout temps. Variations

Sources d'énergie

.

Charbon de la République fédérale allemande Charbon américain Fuel-oil

Variations tenant à la politique économique Droits Impôts spéde douane ciaux Contin- Subde à gente- vention conl'imment porta- sommation tion

(x) (x)

Variations diverses Modification du prix de transport

Dispersion des prix de revient miniers l

(x)

(x)

(x)

(x)

(x)2

(x) (X)

(x) (X)

(x) (x)

(x) (X)

(x) (x)

Modification du prix de pétrole brut

(x)

1. Respectivement dispersion des coûts de production fob sondage. Comme les données de base résultent, pour des raisons de simplifications, des données moyennes des exploitations minières, l'introduction de la dispersion a en même temps la signification d'un calcul basé sur une fonction d'offre, qui a pour fondement les prix et quantités des exploitations minières. 2. Pour autant qu'on ne l'entende pas comme subvention.

Concurrence entre sources d'énergie allemandes

416

A côté de ces combinaisons de nature « classificatrice » on peut aussi imaginer des combinaisons complémentaires à caractère quantitatif ou ordinal. Elles se rapportent par exemple à la question du niveau des impôts spéciaux de consommation, des droits d'importation ou des contingents d'importation. Il est indiscutable qu'un nombre si considérable d'affirmations est possible, à un point tel qu'il ne paraît pas judicieux de calculer toutes les combinaisons de ce genre. Nous nous sommes limités pour cette raison à quelques-unes des combinaisons qui nous paraissent les plus importantes dont nous donnons ci-après les résultats.

2 . L E S RÉSULTATS DE L'ÉTUDE DU MARCHÉ

a) Dans le domaine régional I Les données de départ prises pour bases des différentes années sont à tirer du tableau ci-dessous :

Charbon d'Allemagne Charbon américain 2 Fuel-oil (lourd)

de

l'Ouest 1

1965 §/t

1970

9/t

1975 a/t

16,25 14,35 16,10 3

18,— 15,30 16,90 i

20,75 16,20 18,50*

1. Fob mine. 2. Cif ports A.R.A. 3. En dollars par tonne d'équivalent charbon cif consommateur : fob raffinerie $ 13,75 par tonne impôts S 6,25 par tonne transport $ 2,50 par tonne cif consommateur 3 22,50 par tonne. 4. En dollars par tonne d'équivalent charbon cif consommateur, y compris augmentation possible des coûts de transport ou relèvement des royalties, nonobstant la part constante d'impôt en dollars par tonne de fuel-oil.

La première combinaison résulte de l'hypothèse d'un marché de l'énergie ouvert sans obstacles à toutes les sources d'énergie. En 1965 il y aurait eu des possibilités de vente, en raison de la simple comparaison de prix (base d'équivalence charbon) pour 10,5 millions de tonnes de charbon américain et pour 50 millions de tonnes d'équivalent charbon en fuel-oil lourd. Pour le cas, plus proche de la réalité, où l'offre de charbon allemand dans ce domaine résulterait pour une part essentielle de mines de charbon travaillant dans des conditions favorables de prix de revient, la vente du fuel-oil lourd se réduirait de 20 millions de tec tandis que la vente du charbon allemand monterait de 20 millions de tonnes. La vente du charbon

et extra-européennes

en Allemagne

fédérale

417

américain resterait égale. Si l'on inclut pourtant dans ce calcul le contingent d'importation existant actuellement pour le charbon américain, d'environ 6,5 millions de tonnes par an, la vente de charbon allemand augmente de 21,5 millions de tonnes, tandis que la vente du fuel-oil lourd augmente de 32,5 millions de tonnes. Etant donné qu'ici, l'introduction même d'un impôt complémentaire d'environ $ 2,50 par tonne sur les fuelsoils ne change rien, cela semble le cas le plus réaliste. Pour 1970 les calculs montrent qu'en open-market environ 9 millions de tonnes de charbon américain et un peu plus de 50 millions de tec de fueloil lourd seraient à vendre. La conjoncture est donc peu modifiée par rapport à 1965. Les calculs effectués pour 1975 conduisent à la conclusion suivante : la consommation de fuel-oil s'élèvera à plus de 70 millions de tec tandis que le charbon américain diminuera approximativement jusqu'au niveau de 7 millions de tonnes. Cela signifie, essentiellement, une augmentation de la consommation du fuel-oil sans une augmentation de la consommation de charbon, dans le cas où des sources d'énergie économiquement meilleur marché entreraient librement en concurrence dans la République fédérale. Mais il faut songer qu'un apport de fuel-oil lourd de 70 millions de tec (correspondant à 50 millions de tonnes de fuel-oil) pourrait être un peu élevé, car il y faudrait des importations de fuel-oil non négligeables, de sorte qu'une introduction un peu réduite de fuel-oil pourrait bien conduire à une vente plus considérable de charbon américain. b) Dans le domaine régional II et dans le groupe restant Dans ces domaines les comparaisons de prix entre les diverses sources d'énergie ne jouent pas un rôle aussi décisif que dans le premier domaine. Les habitudes de consommation sont ici déterminées d'une façon plus traditionnelle. Cependant on peut concevoir un passage au fuel-oil léger pour la petite consommation (petits métiers, commerce, etc.). En outre il ne faut pas oublier que pour les qualités de charbon généralement employées dans les foyers domestiques, on peut consumer du charbon américain, comme pendant l'hiver 1962-1963. c) Récapitulation

des résultats

Dans le jugement quantitatif relatif aux possibilités de vente de sources d'énergie extra-européennes en 1965, 1970 et 1975 il faut partir du fait, qu'en 1965 il ne saurait y avoir un marché de l'énergie auquel auraient accès sans obstacles toutes les sources d'énergie extra-européennes. Si la production de charbon de la République fédérale devait rester à 140 millions de tonnes, il y aurait des possibilités de vente pour environ 50 rrillions de tec en fuel-oil. La quantité de fuel-oil qui peut être prévue dis-

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Sources d'énergie allemandes

et

extra-européennes

ponible aux raffineries pour la consommation (sans la consommation interne ni les importations nettes) s'élève déjà à un niveau légèrement supérieur. Aussi longtemps que les importations nettes demeureront dans leurs limites actuelles, il peut y avoir une réduction des ventes. Quant à la vente des charbons extra-européens, le contingent annuel de 6,5 millions de tonnes devrait demeurer sans changement. Pour les autres années de référence les possibilités prévisibles suivantes de débouchés en millions de tonnes équivalent charbon se révèlent, dans le cas où le charbon allemand sera favorisé :

Fuel-oil C h a r b o n américain

1970

1975

551 6,5

70 6,5

1. Selon les capacités de raffinage en projet il y aura 69 millions de tonnes disponibles (sans consommation interne ni importations nettes). 2. Contingent comme en 1965.

Dans le cas d'open-market de l'énergie on trouve en millions de tec : Fuel-oil C h a r b o n américain

1970

1975

78 10

109 20

La production allemande de charbon serait alors assurément exposée à une diminution considérable des possibilités de vente.

Dr F. MATTEI

Contribution à l'étude d'une politique énergétique commune entre les pays de la Communauté Economique Européenne. jf

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Politique énergétique

commune

1. Depuis la constitution de la C. E. C. A., la Haute Autorité, avec l'aide de l'Assemblée parlementaire, a manifesté clairement l'intention de parvenir à un élargissement des horizons qui lui ont été fixés par les termes du Traité de Paris, en liaison aussi avec la fonction, attribuée à la C. E. C. A. par le traité lui - même, d'instrument propulsif d'une plus grande intégration économique européenne. Si, dans une première phase, une telle action embrasse les secteurs les plus divers de l'activité économique, avec le temps qui passe (et surtout avec les efforts progressifs pour la constitution de la C. E. E.), la Haute Autorité — cette fois largement secondée à la fois par l'Assemblée parlementaire et par les milieux économiques intéressés directement ou indirectement par la production de houille — s'est surtout préoccupée du secteur énergétique dans son ensemble. En fait, la C. E. C. A. a limité ses interventions dans les secteurs énergétiques autres que celui du charbon, aux seuls domaines de l'observation et de l'étude, car le Traité de Paris ne permettait pas un autre comportement. Mais il faut noter que, dans de multiples occasions, la Haute Autorité a tenu à souligner les difficultés qui s'opposent à l'exécution et à la mise en place même d'une politique charbonnière, si parallèlement il n'est pas possible d'agir sur la politique énergétique générale et surtout sur la politique qui est menée dans les confrontations des sources d'énergie concurrençant plus directement le charbon. A cet égard, la Haute Autorité a insisté, de façon répétée, sur la nécessité de mettre en évidence les différences existant entre le régime concurrentiel dans lequel s'effectuent les ventes de charbon communautaires et les régimes de concurrence selon lesquels se réalisent les ventes de charbon provenant de pays tiers et les ventes des autres sources d'énergie. Il en résulte un dilemme important que la Haute Autorité a posé clairement, en montrant la nécessité : — soit d'étendre à tout le marché communautaire des sources d'énergie les règles de concurrence établies par le traité de la C. E. C. A. (publication des barèmes, non discrimination des prix, discipline des alignements) ; — soit d'exonérer le charbon communautaire de l'obligation d'observer ces mêmes règles, avec pour conséquence, dans le second cas, la suppression des résultats déjà obtenus ou en voie d'obtention en matière de normalisation de la concurrence sur le marché du charbon communautaire. Dans le jeu diplomatique qui avait accompagné les négociations qui devaient conduire aux conclusions du Traité de Rome, les gouvernements des Etats membres ont retenu le fait qu'il était opportun de faire quelques concessions dans le domaine énergétique à la Haute Autorité, étant entendu — toutefois — que les compétences spécifiques des communautés

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instituées (c'est-à-dire la C. E. E. et l'Euratom) et l'autonomie des gouvernements en matière de politique énergétique soient conservées pendant un certain temps. On a abouti ainsi, au cours de la 45 e session du Conseil des Ministres de la C. E. C. A. qui s'est tenue le 8 octobre 1957, à la signature d'un Protocole entre le Conseil lui-même et la Haute Autorité ; cette dernière — suivant les termes mêmes du Protocole — fut chargée de poursuivre des études et de formuler des propositions à propos d'une politique coordonnée de l'énergie. Comme indiqué ci-dessus, ce Protocole constituait un compromis entre les diverses exigences institutionnelles, si bien que, en même temps qu'il contenait une reconnaissance explicite de la nécessité d'une étude approfondie sur « les méthodes aptes à assurer une politique coordonnée dans le secteur de l'énergie », il affirmait non moins explicitement que la réalisation d'une telle politique coordonnée n'aurait pas dû postuler d'extension des « règles de la C. E. C. A. aux autres sources d'énergie qui seront comprises dans l'intégration générale ». Le Protocole précisait d'autre part que la Haute Autorité — dans la façon de traiter le problème de la coordination des politiques énergétiques — aurait associé aux travaux le Comité mixte formé par les représentants des gouvernements nationaux et par ceux de la Haute Autorité elle-même (et dont l'institution remontait au 13 octobre 1953) ainsi que les représentants des Communautés Européennes nouvellement constituées. 2. Lorsque, en exécution du mandat confié par le Protocole, la Haute Autorité a commencé l'étude des étapes, du contenu et des méthodes pour parvenir à une politique énergétique commune entre les six Etats membres, les positions réciproques des différentes instances devant le problème en question sont apparues très éloignées. D'un côté, en effet, se manifestaient des tendances résolument dirigistes ou protectionnistes, consécutives soit à l'intention de défendre les positions du charbon communautaire, soit à l'intention de procéder à une intégration économique verticale du secteur énergétique considéré isolément. De pareilles tendances débouchaient fatalement dans la recherche d'une orientation de la politique énergétique autour des exigences de la production de charbon et de fixer un prix de l'énergie comme instrument d'harmonisation et non, inversement, pour obtenir un prix comme résultat du processus de coordination. D'un autre côté, dans le cadre des Traités de Paris et de Rome, on affirmait que l'adoption d'une politique énergétique coordonnée devait principalement être destinée à garantir le libre exercice des responsabilités des entrepreneurs, à constituer des conditions claires de concurrence, à stimuler la distribution plus rationnelle de la production, à permettre l'approvisionnement aux meilleurs prix internationaux aux qualités et 28

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quantités requises par les activités productrices par la vie civile, à laisser la liberté de choix absolue aux utilisateurs des différentes sources ou formes d'énergie à employer. Il est incontestable que la situation objective de l'industrie charbonnière communautaire au début des négociations et des études sur le problème en question, ainsi que la pression exercée par les milieux intéressés sur le monde politique et sur l'opinion publique ont joué un rôle déterminant pour 'endre difficile une solution qui, outre le fait qu'elle devait répondre aux exigences effectives de l'économie des Six considérés globalement, devait se référer à la lettre, à l'esprit et aux finalités des traités d'intégration européenne. Ces difficultés se percevaient dans toute leur évidence en suivant le difficile « chemin qui, depuis le début de 1958 jusqu'à aujourd'hui, a marqué l'activité dans le domaine énergétique d'abord de la seule Haute Autorité, puis de celle en collaboration avec les Commissions de la C. E. E. et de l'Euratom à travers le susdit ' Interexécutif Energie ' ». L'analyse critique des documents élaborée au fur et à mesure ou encore la simple chronologie des événements serait indubitablement intéressante et par beaucoup d'aspects instructive, mais en postulant nécessairement une exégèse détaillée, on finirait par sortir du domaine du présent travail. Quoi qu'il en soit, on indique en annexe une liste des documents les plus significatifs élaborés par les exécutifs communautaires, liste qui constitue la bibliographie essentielle pour celui qui veut approfondir les aspects particuliers des problèmes traités ici en grandes lignes. De ce point de vue, il est seulement nécessaire de rappeler que le 25 juin 1962, 1'« Interexécutif Energie », avec la publication du Memorandum sur la politique énergétique, a paru se rapprocher d'une solution objectivement équilibrée des problèmes en cours. Le Memorandum en fait considérait comme opportunes de telles mesures à court terme pour faire face aux exigences des secteurs en crise, et traçait pourtant en même temps des directions claires et réalistes d'une politique énergétique à long terme inspirée de principes fondamentalement libéraux. Toutefois, contrairement à toute logique, après la publication du Memorandum, les possibilités de s'entendre sur cette question complexe et difficile allèrent rapidement en se détériorant. Ainsi, ce ne fut qu'en avril 1964 qu'il fut possible d'arriver à la signature d'un « Protocole d'accord sur la réalisation d'un marché commun de l'énergie ». Quoiqu'une politique d'ensemble n'y soit pas encore définie, quoiqu'il soit limité dans le temps et dans l'espace, ce Protocole peut toutefois être considéré comme un point concret de départ qui, outre le fait qu'il ait fixé le cadre de la coopération entre les exécutifs communautaires et les gouvernements pour la période transitoire qui va jusqu'à la fusion

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des Communautés, postule dès maintenant la réalisation d'une série d'objectifs communs et permanents. En effet, on ne peut pas dire que le Protocole aille beaucoup plus loin : il ne précise ni la politique commerciale dans les rapports avec les pays tiers, ni le régime d'aide de la part des Etats aux secteurs énergétiques en crise, ni les règles et les conditions qui devront être appliquées dans les rapports de concurrence entre les diverses formes et sources d'énergie. Mais ce Protocole affirme seulement la volonté des gouvernements de poursuivre leurs efforts pour résoudre ces grands problèmes que constituent, en définitive, les points principaux à mettre à l'ordre du jour des négociations relatives à la fusion des Communautés. Si on fait abstraction du secteur charbonnier, pour lequel le contenu du Protocole est assez concret même s'il n'énonce pas explicitement les mesures de contrôle et d'harmonisation des aides que certains Etats font actuellement en faveur du charbon, les dispositions concernant les autres secteurs énergétiques représentent l'énoncé des principes de base qui, au moment des négociations véritables, devront être précisés et clarifiés dans leur application. De là, on peut facilement prévoir que les négociations à entreprendre après la fusion des trois Communautés seront loin d'être faciles. Ayant reconnu la valeur ainsi que les limites du Protocole, certains ont voulu le définir ironiquement comme un programme à long terme qui n'engage pas le futur ; d'autres, avec un optimisme plus grand, ont voulu voir dans l'approbation du document un engagement véritable de la part des gouvernements et non pas une simple manifestation de bonne volonté plus ou mois gratuite : seuls les faits pourront démontrer le bien-fondé de l'une ou l'autre thèse. 3. Ayant ainsi clarifié, dans les grandes lignes, la genèse des travaux menés par les exécutifs communautaires et la situation de fait dans laquelle les exécutifs eux-mêmes ont été appelés à opérer, il semble désormais possible d'affronter de façon critique le problème. De façon préliminaire, il serait opportun de rappeler que le Traité instituant la C. E. C. A., ainsi que les Traités de Rome, indiquent comme tâche essentielle aux Communautés l'expansion des activités économiques des Etats membres, l'amélioration toujours plus rapide du niveau de vie, le maintien et l'accroissement du taux de l'emploi, l'établissement progressif de conditions qui assurent une répartition plus rationnelle de la production au niveau le plus élevé de productivité. Ceci étant l'esprit directeur des Traités d'intégration européenne, il s'ensuit que la politique énergétique des Communautés, pour ce qui est de la politique économique considérée globalement, doit tendre à la réalisation des objectifs énoncés ci-dessus. Ceci implique des choix politiques

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déterminés non seulement à long terme, mais surtout et aussi à moyen et court terme, car l'adoption de mesures transitoires susceptibles d'apporter un allongement aux objectifs finals de structure, au lieu d'un rapprochement progressif, n'est pas pensable. Des objectifs donnés furent clairement indiqués par l'Interexécutif dans son Mémorandum et concernent : l'approvisionnement énergétique à bon marché, une sécurité suffisante et stable des approvisionnements, l'harmonisation progressive des substitutions, le libre choix du consommateur, l'unité du Marché Commun. L'option posée au point de vue politique est donc nette : accueillir ou repousser ces objectifs. Les accueillir signifie rester dans l'esprit, dans la lettre et dans les buts des traités. Les repousser signifie se mettre en dehors des traités ou invoquer pour la politique énergétique des exceptions non prévues et des conséquences inacceptables. Le fait, justement, que le secteur de l'énergie ne forme pas un objet de dispositions particulières des Traités — comme, par exemple, le secteur agricole et le secteur des transports — offrirait l'occasion de donner à l'attitude, certes non constructive prise d'un point de vue politique dans les négociations du problème énergétique, une explication différente de celle absolument négative, communément exprimée. On pourrait penser que la thèse (qui est loin d'être non fondée) suivant laquelle l'instauration d'une politique énergétique commune devrait automatiquement provenir de l'instauration progressive et parallèle du Marché Commun général (ceci équivaut à dire sans devoir recourir à des dispositions ad hoc non prévues par les traités d'intégration européenne ou véritablement non conformes à la lettre et à l'esprit de ces derniers) aurait fini par recueillir de larges assentiments. L'accueil même tacite ou implicite de la thèse en question aurait pourtant dû conduire pour le moins de façon préliminaire à un accord de stand-still ; au contraire, on a dû malheureusement enregistrer constamment un nombre croissant d'initiatives unilatérales, prises par les gouvernements des Etats membres, susceptibles d'agrandir de façon importante les fossés existant entre les différentes politiques énergétiques nationales. Ce n'est évidemment pas le lieu ici d'examiner le fondement économique majeur ou mineur et le degré de compatibilité avec les Traités des nombreuses dispositions prises au niveau national en matière énergétique. Il suffira seulement ici de souligner le manque absolu de consultation et de coordination entre les Etats dans l'adoption des dispositions énoncées cidessus. Ceci est une manifestation claire de la primauté des intérêts nationaux sur ceux de la Communauté. 4. Dans ce cadre plutôt négatif, on relève pourtant qu'aucune hostilité préconçue n'a jamais été enregistrée contre la création en Europe d'un véritable Marché Commun de l'Energie et que tout effort pour créer ce

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marché a toujours été unanimement et résolument soutenu. Sur ce point, un désaccord n'a jamais donc existé, ni ne pouvait exister ; les difficultés sont apparues toutefois quand on a commencé à discuter du contenu à donner à cette volonté commune et, par conséquence, des moyens à employer. Comme on l'a déjà noté, il n'y a pas de doute que l'arrivée des crises structurelles graves de l'industrie charbonnière de la Communauté (crises, il est bon de le rappeler, dont les symptômes étaient déjà en train de se manifester, même à l'état endémique, depuis quelques années et qui n'avaient pas paru de façon évidente uniquement à cause d'événements conjoncturels) et, en même temps, l'accentuation de nouvelles mesures qualitatives provenant de l'usage de l'énergie, ont profondément influencé ou conditionné les orientations en matière de politique énergétique commune. En fait, bien que par rapport à toutes les études élaborées, nous ayons constamment répété, en théorie, la nécessité de poursuivre à long terme une politique essentiellement libérale, en pratique les propositions contenues dans les études ci-dessus ont démontré de façon constante, même dans une mesure plus ou moins accentuée : a) Un caractère résolument dirigiste, pourtant naturel dans toute tentative de procéder à des formes verticales d'intégration économique. En confirmation de ce caractère, il suffira de rappeler l'obstination avec laquelle dans les études en question il a été plusieurs fois recommandé une intervention des autorités publiques nationales et supra-nationales sur le marché énergétique, à travers des systèmes de prix d'orientation, de prix minima, de tarification aux coûts marginaux, de contrôle des investissements, etc. b) Un caractère décidément protectionniste, dû à l'intention précitée de défendre les possibilités de débouchés du charbon communautaire sur le marché. En confirmation de ce caractère, il suffira de rappeler les propositions périodiques de contingenter les importations de combustibles des pays tiers, d'instituer des droits compensateurs sur les sources d'énergie importées, de créer des caisses de péréquation des frets, de subventionner la production charbonnière, etc. Il apparaît même trop évident que, au sujet des orientations ainsi prises, les possibilités d'arriver à une entente devaient être nécessairement faibles, au moins parce que les directions de ce genre étaient manifestement dirigées pour éviter d'éventuelles diminutions des prix des sources d'énergie sur le marché communautaire. 5. Par contre, l'objectif fondamental d'une politique énergétique commune à long terme entendu d'une façon réaliste ne peut être que celui

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indiqué dans le Mémorandum, c'est-à-dire de pouvoir permettre l'obtention des sources d'énergie aux quantités et qualités requises par l'activité productrice et la vie civile aux plus bas prix internationaux et, surtout, de laisser une liberté de choix absolue aux consommateurs par rapport aux diverses sources ou formes d'énergie à utiliser, non seulement en liaison avec les caractéristiques techniques, mais aussi en liaison avec leurs coûts. La validité d'un tel objectif semble tellement évidente qu'elle ne demande pas de démonstration. Toutefois, il ne serait pas inopportun de s'arrêter un instant sur l'argument suivant : la démonstration de l'assertion mettant en lumière les exigences réelles et la vocation de l'économie communautaire est aussi capable de vider de leur contenu les préoccupations souvent manifestées au sujet des considérations monétaires d'une politique énergétique « ouverte ». En effet, le développement économique de la Communauté, région en phase d'industrialisation lourde et rapide et transformatrice typique de matières premières importées, dépend des pays tiers pour deux raisons essentielles : en premier lieu, la Communauté doit pouvoir exporter toujours plus sur un marché international où l'élément de jugement final est le prix qui, à son tour, ne peut se déterminer qu'en fonction des coûts de production. A l'occasion de cette activité, l'industrie communautaire doit affronter la concurrence des pays à bas coût de main-d'œuvre, des pays à régime collectiviste (dont la concurrence avec l'étranger revêt toujours un caractère politique) et des pays qui ont déjà atteint depuis longtemps de hauts niveaux de développement industriel et de productivité. En deuxième lieu, la Communauté a besoin de ne pas mettre d'obstacles inutiles aux importations de matières premières des pays tiers, avec le double but de les obtenir aux meilleures conditions et de maintenir forts et croissants les rapports d'échanges internationaux avec les pays en voie de développement. Sous cet angle, les tendances protectionnistes en faveur de telle ou telle source d'énergie, de même que les orientations dirigistes réalisées à travers des formes d'intervention lourde, feraient tomber les principes mêmes du Marché Commun et ne pourraient alors être acceptées. Les justifications adoptées concernant les propositions ci-dessus ont été, dans le temps, très variées, mais elles peuvent substantiellement se réduire aux deux points suivants : l'exigence de garantir un degré suffisant de sécurité des approvisionnements énergétiques européens et celle d'éviter des contrecoups sociaux inquiétants dans les bassins charbonniers de la Communauté à la suite de la réalisation d'un programme énergétique de réduction de la production houillère sur des bases de compétitivité. S'il ne semble pas que l'on puisse mettre en doute la validité de pareilles préoccupations, la réalité de la situation en diminue pourtant la portée et

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montre, en conséquence, que de telles propositions mentionnées ci-dessus et sous cet angle sont inacceptables. Ceci est valable particulièrement pour les instances à caractère social où on considère les efforts mis en œuvre pour recruter du personnel nouveau à employer aux travaux miniers, pour empêcher l'abandon volontaire des postes de travail par les mineurs... On peut bien dire qu'une part assez importante de la production charbonnière communautaire actuelle est assurée par le travail des mineurs recrutés en dehors des six pays membres. La fermeture des mines, en vérité, pourrait plutôt créer un problème social de nature différente de celui de la résorption d'un chômage éventuel : ceci pourrait produire l'abaissement du niveau de vie de quelques régions, avec des conséquences se répercutant sur les activités tertiaires. Il ne semble pas que ce problème puisse être raisonnablement négligé : la voiemaîtresse pour l'affronter n'est pourtant pas celle qui consiste à maintenir artificiellement en vie des mines marginales, mais celle d'une aide efficace avec des fonds publics — même communautaires — destinés à la reconversion industrielle des régions touchées par la fermeture de sièges miniers. 6. Un développement plus complexe et médité va être fait en matière de sécurité des approvisionnements. Sécurité qui doit évidemment être entendue comme une fonction de deux variables interdépendantes : la continuité d'approvisionnement et le coût d'approvisionnement. Maintenant, en excluant a priori l'événement à éviter d'une guerre mondiale qui amènerait à raisonner en termes complètement différents de ceux employés actuellement, l'expérience de Suez a, avant tout, démontré que dans le cas de crise politico-militaire à caractère local (susceptible de nuire aux courants de l'approvisionnement énergétique), la production intérieure de sources primaires est incapable de faire face à la demande des utilisateurs de la Communauté. Cette constatation, jointe à celle relative à l'impossibilité notée des pays producteurs de la Communauté de satisfaire complètement le besoin de certaines qualités de charbon, même en période absolument normale, conduit à affirmer qu'un prix éventuellement plus fort de l'énergie pour les utilisateurs européens (dérivant de l'adoption de mesures para-protectionnistes) n'aurait pas de fondement, pas même s'il était considéré sous l'angle d'une sorte de prime d'assurance à payer pour le garantir contre le danger d'une interruption des approvisionnements énergétiques. Donc, si on devait adopter l'ordre d'idée de payer une sorte de prime d'assurance pour des raisons de sécurité, une telle prime pourrait être plus utilement destinée à favoriser une diversification plus grande des zones d'approvisionnement, à financer la constitution de stocks de rigueur, à stimuler la construction d'usines thermiques polyvalentes, à augmenter

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l'autonomie et la force de pouvoir contractuel des Européens dans le domaine énergétique. Cet impôt, donc, ne serait pas en désaccord avec les principes d'un libéralisme économique raisonnable et resterait pleinement valide à long terme. En projetant en fait le problème vers le futur, il faut avant tout que, même sur la base des bilans énergétiques élaborés par les exécutifs communautaires, l'accroissement des besoins énergétiques soit essentiellement couvert par le pétrole et peut-être par le charbon américain, en attendant que l'énergie nucléaire puisse commencer à s'insérer de façon significative sur le marché énergétique, c'est-à-dire entre 1970 et 1980. De cette constatation, on tire deux conséquences fondamentales : a) Le prix du pétrole sera l'élément le plus important pour la détermination des prix de l'énergie dans le Marché Commun ; b) Le problème de la sécurité des approvisionnements se posera surtout en fonction du pétrole. Une variation de quelques dizaines de millions de tonnes en plus ou en moins dans la production intérieure de charbon vapeur ne pourra pourtant pas influencer sensiblement ce problème. La question qu'on doit aujourd'hui poser consiste à savoir si la situation favorable créée sur le marché mondial de l'énergie — à la suite, il faut le rappeler, de l'importante offre de sources primaires d'énergie surtout dans le domaine pétrolier, de la politique de plus large libéralisation des échanges d'énergie primaire adoptée par presque tous les pays du monde occidental, des importants progrès techniques et d'organisation enregistrés dans le secteur des transports — est purement conjoncturelle ou, au contraire, si elle a un caractère structurel et par conséquent non susceptible de détérioration à moyen ou long terme. Une jprévision raisonnable permet d'être suffisamment optimiste à cet égard. On a observé en fait, avant tout, que les réserves constatées dans le monde, notamment dans les zones proches de la Communauté, sont assez considérables en ce qui concerne le pétrole et le gaz naturel, de telle sorte que ceci ne donne pas lieu à préoccupation pour les disponibilités en source primaire, au moins pour la prochaine décennie. Penser que dans des conditions normales des goulots d'étranglement dans les approvisionnements puissent être constatés, équivaudrait à retenir, d'un côté, que l'on ne constaterait pas de nouvelles découvertes de gisements, tandis que l'expérience de ces toutes dernières années démontre le contraire, et, d'un autre côté, à retenir qu'aucun progrès ne serait accompli dans l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire alors que, comme on l'a déjà dit, les programmes les plus à jour prévoient que, entre 1970 et 1980, l'énergie nucléaire ira s'insérer dans la production d'énergie électrique de façon compétitive avec les sources traditionnelles.

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Et il ne semble pas qu'on puisse prévoir, à bon droit, une tendance stable à l'augmentation des prix départ de l'énergie. La circonstance, en fait, que toujours de nouveaux pays apparaissent dans la production de sources primaires d'énergie avec de larges possibilités d'exportation et que toujours de nouvelles compagnies se disputent les marchés, exclut la possibilité d'une manipulation artificielle des prix de l'offre au détriment des utilisateurs. La difficulté intrinsèque, qui se présente au cours de la création de positions monopolistiques et oligopolistiques dans le secteur énergétique, liée à l'importance surabondante de la capacité effective et potentielle de production à moyen et long terme, permet pourtant de penser que même si les prix départ des sources primaires ne subissaient pas de réductions ultérieures, on ne devrait pas néanmoins et de façon presque certaine enregistrer de tendances stables à l'augmentation. Les perspectives dans le secteur du transport de l'énergie apparaissent semblables, comme cela a été mis en lumière dans les autres rapports présentés au cours du présent colloque. Il semble pourtant superflu d'approfondir cet argument ; il suffira seulement de rappeler, comme notation marginale, qu'avec le développement progressif de l'énergie nucléaire, les marchés éminemment importateurs de sources primaires, telle l'Europe, finiront par s'affranchir dans une large mesure des problèmes de transport de ces mêmes sources. 7. En concluant et en réunissant synthétiquement ces observations, on peut donc affirmer que si le problème de l'énergie dans la C. E. E. consiste, comme cela ne semble pas faire de doute, dans la nécessité de procurer à l'économie et à la société l'énergie dont elle a besoin pour son développement, aux qualités et prix les plus convenables, avec un degré plus élevé d'autonomie et de sécurité, il importe d'élaborer et de réaliser une politique élastique qui établisse une hiérarchie des problèmes et des objectifs, et sur cette base d'organiser le fonctionnement des marchés et les interventions communautaires et des Etats. Dans une perspective d'ensemble et à long terme, un approvisionnement global d'énergie à bas prix est plus important que la défense de quelques productions ; on assure la sécurité, entendue comme la stabilité des fournitures et des prix, aussi bien par la diversification des sources (d'où l'importance de l'énergie nucléaire) que par la diversification des provenances de certaines d'entre elles. Un coût bas ne s'obtient pas seulement en agissant sur les prix des sources primaires, mais aussi par une organisation du cycle entier production - transport - transformation - distribution, qui rationalise les investissements et en réduise le montant, ainsi que les frais de gestion, en exploitant au maximum la concentration des initiatives et les économies d'échelle qui en découlent.

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Politique

énergétique

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C.E.E.

REFERENCES ESSENTIELLES Haute autorité

— Rapport Uri, doc. n° 3024/59 du 22 avril 1959.

Interexécutif Energie

— Note provisoire relative à la coordination des politiques énergétiques, doc. n" 1557/1/60 du 19 mars 1960.

Interexécutif Energie

— Proposition des premières mesures pour une coordination des politiques énergétiques, doc. n° 7 9 2 0 / 1 / 6 0 de novembre 1960.

Interexécutif Energie

Mémorandum sur la politique énergétique, n" 3 5 5 0 / 3 / 6 2 du 25 juin 1962.

Interexécutif Energie

Etude sur les perspectives énergétiques à long terme de la Communauté Européenne, doc. n° 6 6 0 0 / 3 / 6 2 de décembre 1962.

Haute Autorité

Projet d'accord, concernant le traité de la C.E.C.A., en vue de réaliser les conditions nécessaires pour l'établissement d'un marché commun de l'énergie (dit aussi Protocole juridique), c'oc. n° 2540/63 du 3 avril 1963.

Haute Autorité

Note explicative annexée au Protocole doc. n° 2699/63 du 25 avril 1963.

Conseil de la C.E.C.A.

Comité spécial « Politique énergétique :

doc.

juridique,

— Projet du protocole transitoire entre les Etats membres de la C.E.C.A., concernant les dispositions spéciales et temporaires nécessaires pour atteindre les objectifs fixés par le traité institutif de la C.E.C.A. (dit aussi Protocole allemand), doc. n" 695/63 du 17 septembre 1963. Projet de résolution, doc. n" 951/63 du 22 novembre 1963.

Comité spécial — Note accompagnatrice pour la présentation au Conseil des Ministres du Projet de résolution, « Politique énergétique ; doc. n° 954/63 du 22 novembre 1963. Comité spécial — Doc. n° 697/64 du 29 janvier 1964. « Politique énergétique » Haute Autorité Conseil des Ministres de la C.E.C.A.

Projet de Protocole, doc. n" 939/64 du 6 février 1964. — Protocole d'Accord, 21 avril 1964.

doc.

n"

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du

Dr F. VENANZI

Le gaz naturel par rapport aux autres sources d'énergie en Italie et dans la Communauté Economique Européenne. A

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PRÉAMBULE Depuis Un certain temps, les techniques du transport à longue distance du gaz naturel et des hydrocarbures liquides ont accompli des progrès importants. De nombreux rapports présentés à ce colloque en ont largement illustré les divers aspects. En dernière analyse, on peut remarquer que tous les progrès accomplis ont un commun dénominateur : la diminution des coûts. Des baisses considérables sur les coûts ont été obtenues aussi bien dans le domaine des transports des hydrocarbures liquides — grâce surtout à l'adoption de tubes de grand diamètre dans les oléoducs et à la construction de naviresciternes de capacité supérieure et plus efficients — que dans le domaine du transport du gaz naturel, ici aussi, grâce surtout à l'adoption de tubes de grand diamètre dans les méthanoducs. Ces baisses ne semblent toutefois pas avoir modifié substantiellement le rapport entre le niveau des coûts de transport du gaz naturel et celui des coûts de transport des hydrocarbures liquides. Cela veut dire qu'en se référant au coût par calorie/kilomètre transportée, le gaz naturel demeure encore toujours dans une position assez désavantageuse par rapport aux hydrocarbures liquides. Toutefois, la découverte d'immenses réserves de gaz naturel dans le Nord de l'Afrique, c'est-à-dire dans une position plus voisine des grands marchés de consommation européens que le gaz du Moyen-Orient, a poussé à examiner les projets de transport du gaz de l'Afrique à l'Europe. Les progrès réalisés dans la technique du transport du gaz — stimulés en partie par ces mêmes objectifs — ont permis à ces projets d'acquérir un intérêt concret. Les progrès effectués dans le domaine des transports par mer du gaz liquéfié à basse température sont considérables. Il est possible d'affirmer que cette technique a progressé précisément parce qu'elle a trouvé un stimulant dans la réalisation proposée d'un transport du gaz de l'Afrique vers l'Europe. Le progrès de cette technique se ramène aussi en dernière analyse à une diminution des coûts, une fois qu'on le considère en relation avec les solutions de rechange disponibles. Evidemment, étant donné que le transport de la calorie-gaz coûte actuellement beaucoup plus cher que le transport de la calorie-pétrole, les projets doivent se fonder sur l'espérance qu'il sera possible de vendre, sur le marché final, la calorie-gaz à un prix plus élevé que la calorie-pétrole, ou

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bien sur celle qu'à la production on arrivera à obtenir les calories-gaz à un prix à l'origine inférieur à celui des calories-pétrole. Ces perspectives, dans l'un et l'autre cas, comme nous le verrons, ne sont pas injustifiées au point de vue économique. Mais, pour la première spécialement, les problèmes qui se présentent — lorsqu'on veut les concrétiser — sont très nombreux. Ce rapport sera consacré à ces problèmes, en s'attachant particulièrement à ceux qui sont relatifs à la première des deux perspectives précitées ; il s'agit en fait des problèmes dérivant de la concurrence entre le gaz naturel et les autres sources d'énergie ou, plus généralement, de la commercialisation du gaz naturel d'importation. L a découverte de réserves considérables de gaz en Hollande et les espoirs qui subsistent de trouver d'autres réserves tout aussi importantes en mer du Nord ont indubitablement freiné les initiatives visant à importer en Europe le gaz africain. Mais, pour les pays de l'Europe méridionale, ces projets d'importation du gaz africain présentent encore toujours un intérêt concret, même si la perspective générale dans laquelle ils se placent a changé. L e présent rapport fait toutefois abstraction des problèmes posés par les perspectives nouvelles et traite les problèmes de la commercialisation du gaz naturel d'importation en se référant à la situation actuelle, telle qu'elle se présente en Italie pour l'importation du gaz d'outre-mer. En dépit de la référence à des situations concrètes (nécessaire en vue de déterminer les problèmes réels), l'exposé conserve un certain degré de généralité, en ce sens que l'ensemble des problèmes mis en lumière est aussi valable pour d'autres cas où il s'agit de commercialiser du gaz d'importation sur des marchés européens.

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I. LES MARCHES PARTIELS DU GAZ NATUREL

En simplifiant à l'extrême, il est possible de réduire l'ensemble du problème de la commercialisation dans les termes suivants, qui sont d'ailleurs classiques pour les économistes. Les coûts unitaires de transport du gaz sont d'autant plus bas que les quantités transportées sont plus élevées. Pour écouler de grandes quantités de gaz dans une zone déterminée, il faut s'adresser à des catégories d'usagers auxquels le gaz ne peut être vendu qu'à bas prix. Dans ces conditions, la réponse à la question de savoir si et pour quelles quantités un équilibre entre l'offre et la demande pourra être atteint dépend de la position réciproque et de la forme des courbes respectives. Ce problème classique se présente, dans notre cas, avec quelques particularités qui le caractérisent et que nous allons tenter d'illustrer. Nous pouvons distinguer quatre grandes catégories d'utilisation du gaz naturel, qui se différencient par les caractéristiques de la demande et surtout par les niveaux de prix auxquels la demande se maintient. Ces quatre catégories sont : — les usages thermiques industriels non spéciaux ; — les usages thermiques industriels spéciaux ; — les usages civils ; — les usages de synthèse chimique. Ainsi qu'indiqué dans le préambule et comme il sera démontré par la suite, il est nécessaire — pour que puisse être déterminé l'avantage qu'il y a à importer — que le gaz naturel d'importation soit vendu à des prix par calorie plus élevés en moyenne que ceux des calories-pétrole. Nous examinerons donc les divers marchés du gaz naturel sous cet angle et nous chercherons à déterminer les conditions qui influent sur l'élévation au maximum des recettes. Il convient de préciser immédiatement que la politique visant à porter les recettes au maximum doit être entendue dans ce cas particulier, non comme une action du monopoleur qui a pour but de maximiser ses profits, mais bien comme une action nécessaire en vue de rendre possible l'importation du gaz. Il est clair que si la politique visant à maximiser les recettes devait être poussée jusqu'à la limite consistant à soustraire entièrement à tous les

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c o n s o m m a t e u r s les rentes dont ils jouiraient potentiellement en utilisant le g a z n a t u r e l au lieu d'autres sources d'énergie, des doutes pourraient s u r g i r q u a n t à l'avantage d'importer ce gaz naturel. Même dans ce cas, t o u t e f o i s , il serait possible d'attribuer à l'importation du gaz naturel une u t i l i t é m a r g i n a l e supérieure en prenant en considération les avantages de l ' e m p l o i d u gaz qui ne se traduisent pas en rentes immédiatement percev a b l e s p a r c h a q u e consommateur, mais en bénéfices généraux pour la c o m m u n a u t é . D a n s la réalité, ces bénéfices sociaux (se résumant en termes c o n c r e t s à ceux q u i sont relatifs à la pollution de l'atmosphère et a la c o n g e s t i o n des transports de surface) ne sont pas suffisamment importants p o u r d é t e r m i n e r p a r eux-mêmes l'avantage décisif de l'importation du gaz. Il f a u d r a d o n c q u e la politique d'élévation des recettes au maximum soit e n t e n d u e c o m m e u n e tendance et que, dans son application, elle ne se t r o u v e p a s p o r t é e à ses conséquences extrêmes, mais que des marges de c o n v e n a n c e é c o n o m i q u e soient laissées aux utilisateurs finals. Il est évid e n t q u e la conservation d e telles marges signifie, en dernière analyse, la r é a l i s a t i o n d ' u n e baisse des coûts de l'énergie. . , C e s p r o b l è m e s , typiques de l'économie du bien-être, seront examines ici s o u s l'angle pratique, valable tout spécialement au point de vue a c l ' i m p o r t a t e u r . Les conclusions devraient ensuite être vérifiées sur un pian p l u s vaste, suivant les principes de l'économie du bien-etre.

1 L e s usages thermiques industriels non spéciaux sont ceux dans lesquels le g a z n a t u r e l fournit seulement des calories et est en concurrence directe a v e c les a u t r e s sources de chaleur, plus simples et plus économiques, tenes q u e le fuel-oil lourd et le charbon. Dans ces usages, les caractéristiques qui f o n t le p r i x d u m é t h a n e (pureté, absence de scories, absence de fumée, etc.; n e s o n t p a s exploitées. , L e p r i x a u q u e l le gaz naturel peut être vendu pour ces usages es tionc u n p r i x voisin, en se référant aux calories, de celui des sources de chaleur c o n c u r r e n t e s (fuel-oil tout spécialement, dans un marché semblable au m a r c h é italien). . , . . U n e f o r m u l e est appliquée depuis longtemps en Italie, qui égaie ie prix p a r c a l o r i e du m é t h a n e à l'usine au prix de marché, par calorie, du fueloil e x - d é p ô t côtier. , , L ' e x p é r i e n c e italienne confirme qu'en offrant le gaz au prix indique par c e t t e f o r m u l e , p r e s q u e tous les consommateurs de fuel-oil se convertissent à l'usage d u gaz naturel, surmontant rapidement les obstacles initiaux de n a t u r e technique et psychologique. II y a plusieurs raisons à cela : le rapport entre les pouvoirs calorifiques d e s d e u x combustibles exprime uniquement par défaut le rapport réel entre le r e n d e m e n t des d e u x combustibles ; les consommateurs éloignés des

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centres d'approvisionnement de fuel-oil épargnent le coût de transport depuis les centres en question jusqu'à leurs installations ; en outre, les consommateurs se trouvent avantagés par les modalités de fourniture du gaz, permettant de faire une épargne sur les investissements dans la phase du stockage du combustible, ainsi que de retirer et de payer (après coup) uniquement les quantités de combustible nécessaires ; enfin, même si, dans le cas des usages en question, les caractéristiques spéciales du gaz naturel ne sont pas prises en considération pour déterminer l'avantage de son emploi, elles se traduisent néanmoins en bénéfices concrets, même s'ils sont minimes (facilité de l'allumage, frais d'entretien réduits des installations, etc.). Suivant des calculs faits dans certaines hypothèses, le gaz naturel, vendu au prix indiqué par la formule de parité avec le fuel-oil, conserve une marge d'avantage de l'ordre de 10 % en moyenne, par rapport au fuel-oil. Il serait possible d'introduire dans la formule un facteur correctif qui élève le prix de vente du gaz destiné à ces usages ; la marge de manœuvre est toutefois limitée et, en définitive, le prix du gaz naturel pour les usages thermiques industriels non spéciaux ne pourra jamais dépasser de beaucoup celui du fuel-oil. Si le gaz naturel était offert à un prix égal à celui du fuel-oil pour les usages industriels, le marché serait, en Italie, de l'ordre de 20 à 25 milliards de mètres cubes par an, constitué par tous — ou presque tous — les consommateurs actuels de combustibles pour usages industriels. Pour pouvoir compter sur ce marché, il faudrait que le réseau de transport du gaz soit renforcé et s'étende jusqu'à pouvoir atteindre les usagers potentiels les plus éloignés. En fait, il ne sera sans doute pas possible d'atteindre tous ces consommateurs potentiels et le marché effectif s'en trouvera réduit d'autant. Compte tenu du gaz naturel déjà utilisé en Italie pour cet usage (4 milliards de mètres cubes), on estime qu'il resterait un marché de l'ordre de plusieurs milliards de mètres cubes par an pour le gaz d'importation. Il faut remarquer qu'au cas où des quantités massives de gaz se trouveraient offertes pour ces usages — en mesure donc de substituer un pourcentage considérable du fuel-oil actuellement employé pour des usages thermiques industriels — ceci ne pourrait se produire sans que le prix du fuel-oil subisse des pressions à la baisse. Par conséquent, les recettes espérées par suite de la vente du gaz naturel pourraient également se trouver diminuées. Les usages thermiques non spéciaux du gaz naturel garantissent, en général, des prélèvements assez réguliers pour permettre de bons niveaux d'utilisation du réseau des méthanoducs.

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2. Les usages thermiques spéciaux sont ceux dans lesquels le gaz naturel fournit des calories, tout en se révélant particulièrement utile en raison de ses qualités (pureté, simplicité d'emploi, absence de fumée et de scories, etc.). Dans ces usages, l'emploi du gaz naturel en remplacement d'autres sources de chaleur ne possédant pas les caractéristiques du gaz permet la réalisation de produits meilleurs à égalité de dépenses d'investissement en installations, ou bien de produits égaux avec une épargne considérable réalisée sur les investissements. Dans certains cas, le gaz naturel concurrence directement d'autres sources de calories possédant les mêmes caractéristiques (par exemple, l'électricité et le gaz de pétrole liquéfié) mais dont le prix est plus élevé que les sources de calories ordinaires. Dans ces usages, l'utilisateur est donc disposé à payer les caloriesméthane à un prix supérieur à celui des calories - fuel-oil. La marge de différence entre ces prix dépendra des avantages particuliers obtenus par l'utilisateur et pour lesquels il est disposé à payer un supplément de prix. Les situations sont multiples et peuvent aller du cas dans lequel le gaz est l'unique combustible possible pour réaliser certains traitements, à celui où le gaz ne peut être substitué par les sources d'énergie habituelles qu'au prix de la création d'installations coûteuses, ou encore aux cas dans lesquels le gaz ne peut être substitué que par des sources de chaleur plus coûteuses que les sources ordinaires, telles que l'électricité ou les huiles spéciales. Il s'ensuit que la fixation d'un prix unique pour le gaz naturel ne permettrait pas d'adapter les conditions de l'offre aux convenances économiques diverses des utilisateurs. Pour porter les recettes moyennes au maximum possible, il conviendrait donc de fixer un prix pour chaque cas particulier, voisin des limites de convenance de l'usager. Il faut tenir compte ici d'un aspect particulier dont l'importance est considérable en ce qui concerne la formation du prix du gaz. Ce que nous avons dit jusqu'à présent au sujet de l'avantage que ces industries spéciales trouvent à utiliser le méthane est valable dans le cas où celui-ci est offert pour la première fois sur le marché des sources d'énergie. Dans un tel cas, chaque entrepreneur a le choix entre le méthane et les autres sources et il décidera d'employer le méthane si celui-ci lui est offert à un prix légèrement inférieur à celui d'une source qui, à ses yeux, ne présente pas de différence (compte tenu du coût de conversion des installations existantes). Au cas où, par contre, le méthane se trouve offert en quantité supplémentaire sur un marché qui utilise déjà cette source d'énergie, des problèmes particuliers apparaissent, en relation surtout avec la politique de prix pratiquée jusqu'alors, sauf dans le cas où le gaz destiné à ces usages 29

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est déjà vendu à des prix adaptés aux convenances économiques diverses des utilisateurs. Si le gaz destiné à ces usages est vendu, au contraire, à des prix égaux à celui qui est destiné aux usages thermiques industriels non spéciaux, c'est-à-dire au même prix que les sources habituelles de calories, il est possible de distinguer deux cas : — les industries utilisatrices sont en concurrence et, par conséquent, elles ont fait bénéficier les consommateurs finals, moyennant la réduction des prix des produits respectifs, de l'épargne sur les coûts due à l'utilisation du gaz ; — les industries utilisatrices ne sont pas en concurrence et on est en présence dî formes de marché diverses d'oligopole ou de monopole ; dans ce cas, les épargnes de coût dues au méthane peuvent ne pas s'être traduites par une baisse de prix des produits respectifs, mais bien par une augmentation des profits. Dans le premier cas, le relèvement du prix du méthane est rendu difficile dans la mesure où, ayant une forte incidence sur les coûts de production, il impose aux entreprises utilisatrices l'augmentation du prix de leurs produits. Si le fournisseur de quantités supplémentaires de gaz est en concurrence avec le fournisseur déjà installé sur le marché, il ne pourra pratiquer des prix plus élevés que les prix courants, car les nouveaux usagers potentiels font l'évaluation de leur avantage économique sur la base des prix qu'ils devront pratiquer pour leurs produits, en concurrence avec ceux des industries qui achètent déjà le gaz à un prix inférieur. Si le fournisseur du nouveau gaz s'identifie à celui qui vend déjà le gaz à cette catégorie d'usagers — ou bien qu'il est allié à celui-ci — il sera évidemment en mesure de vendre les nouvelles quantités à des prix plus élevés, dans la mesure où il réussira à augmenter les prix pratiqués vis-àvis de ses anciens clients. Dans le deuxième cas, l'augmentation du prix du gaz serait possible, sans que le prix des produits obtenus augmente dans une mesure correspondante, en forçant les entreprises à comprimer la marge du profit qu'elles réalisent grâce au bas prix du gaz. En soi, cette action ne paraît pas facile, du fait aussi que les entreprises de type monopolistique ou oligopolistique sont habituellement de grandes dimensions et qu'elles possèdent une force contractuelle considérable. Il semble plus probable que ces entreprises augmentent les prix de leurs produits. Dans ce cas également, l'écoulement de nouvelles quantités de gaz à des prix plus élevés semble plus facile si une action coordonnée est menée pour augmenter le prix du gaz vis-à-vis des anciens usagers. Il sera donc nécessaire de mener une action difficile pour relever les prix

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lorsque le gaz est déjà distribué pour les usages thermiques industriels spéciaux à des prix inférieurs à ceux qui pourraient être payés sur la base de la parité avec les solutions offertes par d'autres sources d'énergie. Le succès d'une telle politique peut exiger beaucoup de temps (pour attendre l'échéance des contrats en cours, pour exploiter l'occasion offerte par les demandes d'augmentation des prélèvements, etc.) et elle se trouve conditionnée en partie par la coordination des politiques de prix pratiquées envers les usagers anciens et nouveaux. On peut néanmoins conclure en admettant qu'il est possible de compter sur cette catégorie d'usagers pour vendre le gaz à des prix plus élevés que ceux établis sur la parité avec les sources d'énergie habituelles. Quant aux autres caractéristiques, la demande pour usages thermiques industriels spéciaux présente un degré d'élasticité nettement inférieur à celui de la demande de la première catégorie d'utilisations (usages non spéciaux). En effet, alors que pour les usages thermiques non spéciaux le passage d'une source d'énergie à une autre se fait sans difficultés, les installations étant souvent conçues de manière à pouvoir utiliser l'un ou l'autre des combustibles disponibles indifféremment, dans le cas considéré ici, l'emploi du gaz naturel est fréquemment lié à des installations difficilement convertibles pour l'utilisation d'autres sources d'énergie. La pratique de 1'« interruption possible » de la fourniture du gaz est exclue dans cette catégorie d'utilisations, tandis qu'elle peut être largement appliquée dans les usages thermiques non spéciaux. 3. Dans les usages civils (usages ménagers et chauffage) le gaz naturel se trouve valorisé, non seulement en raison de son pouvoir calorifique, de sa pureté, de l'absence de fumée et de scories, mais aussi en raison de la simplicité de son emploi et de ses possibilités de distribution ramifiée à l'extrême. Pour la cuisine en particulier, le gaz naturel est en concurrence : — avec le gaz d'usine, là où celui-ci est distribué ; ou bien avec d'autres sources d'énergie de prix plus élevé, telles que l'électricité et les gaz de pétrole liquéfiés ; par rapport au gaz d'usine et à l'électricité, dont les prix sont toutefois très élevés, le gaz naturel ne présente pas d'avantage particulier ; par rapport au gaz de pétrole liquéfié en bonbonnes dont le prix est aussi très élevé, il représente par contre l'avantage de la commodité de l'approvisionnement. — avec d'autres sources d'énergie normales telles que le pétrole, le charbon, le bois, etc. ; par rapport à ces sources, le gaz naturel présente d'énormes avantages en raison de sa facilité d'emploi, de sa pureté, de l'absence de scories et de fumée, ainsi que de la commodité de l'approvisionnement. Dans tous les cas, donc, le prix auquel le gaz naturel peut être vendu

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au consommateur final pour les usages ménagers est beaucoup plus élevé que celui auquel il peut être vendu pour les usages thermiques industriels non spéciaux. Pour le chauffage, les considérations qui viennent d'être faites concernant la cuisine sont aussi valables dans leur ensemble, lorsqu'il s'agit du chauffage autonome d'appartements et de locaux de dimensions réduites. Pour le chauffage central d'immeubles entiers et de locaux de vastes dimensions, le gaz naturel se trouve en revanche en concurrence avec des sources de chaleur courantes, tout en étant de bonne qualité (huiles fluides et spéciales, charbons de qualité supérieure, coke), dont le coût est plus élevé que celui des sources d'énergie habituelles. Dans ce cas également, donc, le gaz naturel peut être vendu au consommateur final à un prix plus élevé que celui auquel il peut être vendu pour les usages thermiques non spéciaux, bien qu'inférieur à celui auquel il peut être vendu pour les usages ménagers et pour le chauffage autonome. Il faut observer, en outre, que dans le cas des usages civils — concentrés dans les villes — les avantages sociaux du gaz acquièrent une importance particulière ; il s'agit ici des avantages qui ne sont pas perçus immédiatement par les usagers, mais dont le bénéfice se répartit sur la collectivité tout entière. Du point de vue du fournisseur de gaz, la comparaison entre le prix obtenu pour les usages thermiques industriels spéciaux et non spéciaux et le prix obtenu pour les usages civils doit être faite à parité de phase distributive. Cela signifie que le prix du gaz pour usages civils valable pour la comparaison est le prix de vente aux réseaux de distribution urbaine, ou bien le prix de vente aux consommateurs finals, au net des coûts de la distribution urbaine si le fournisseur de gaz est intégré à la phase de distribution. En outre, il faut tenir compte du fait extrêmement important que les prélèvements pour les usages civils sont très irréguliers dans le temps, présentant des pointes accentuées, tant au cours de la journée qu'au cours des saisons. Les variations saisonnières surtout ont pour effet d'abaisser l'utilisation moyenne des installations et, par là, d'augmenter le coût de transport. Il s'ensuit que du point de vue du fournisseur le prix de vente du gaz aux réseaux de distribution urbaine n'est pas encore tout à fait comparable avec le prix de vente aux autres catégories d'usagers. Ceci, en ce sens qu'il faudrait déduire de ce prix le surplus des coûts de transport dû à la faible utilisation des installations. Nous verrons plus loin quels sont les moyens dont on dispose pour réduire les inconvénients de ce type, dus au caractère saisonnier des prélèvements. Quant au niveau que peut atteindre le prix pour les ventes aux réseaux de distribution urbaine, nous devons distinguer ici les cas, suivant que

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les réseaux préexistent ou non à l'introduction du gaz naturel, suivant la politique de tarif précédemment adoptée et suivant que les réseaux de distribution sont ou non intégrés avec le fournisseur. Là où il n'y a pas encore de réseau de distribution en service, on rencontre les difficultés inhérentes à la construction même du réseau (investissements considérables, délais de réalisation, établissement de la clientèle et raccordement des usagers), mais en ce qui concerne le prix, le fournisseur se trouve dans des conditions meilleures pour écouler le gaz, étant en mesure de pratiquer un prix égal environ à celui des autres sources d'énergie disponibles pour les usages civils (électricité et gaz de pétrole liquéfié pour la cuisine ; huiles fluides, coke ou anthracite pour le chauffage). Seule, la préoccupation d'abaisser le coût de l'énergie pour usages ménagers en faveur de la collectivité pourrait s'opposer à cette pratique. Cette préoccupation n'est pas négligeable et elle pourrait avoir pour effet de réduire ou même d'annuler la différence entre les recettes de la vente du gaz pour les usages civils et celles de la vente pour les usages thermiques industriels. Là où les réseaux de distribution existent déjà, il faut distinguer le cas où ils sont alimentés exclusivement avec du gaz d'usine et le cas où ils sont alimentés avec du gaz naturel, pur ou mélangé à du gaz d'usine. Dans le premier cas, l'offre du gaz naturel va à l'usine de gaz locale pour se substituer en tout ou partie au gaz d'usine, ou pour suppléer les quantités nécessaires à l'expansion de la consommation. Le prix auquel le gaz peut être vendu dans ce cas est voisin de celui de parité avec le coût du gaz d'usine. Plus exactement, ce sera ce prix qui déterminera dans les comptes de pertes et profits de la compagnie locale du gaz une amélioration par rapport aux autres solutions possibles. Ce prix sera plus élevé que celui qu'il est possible de pratiquer pour les usages thermiques industriels non spéciaux, vu que le gaz d'usine a un coût de production par calorie plus élevé que celui des sources énergétiques habituelles. Ici aussi, des préoccupations d'ordre social, visant à diminuer le prix du gaz pour l'usager privé, peuvent intervenir et changer cette perspective. Afin que cette dernière, concernant le prix de cession du gaz à la compagnie locale, se concrétise, il est important également que le fournisseur soit en mesure d'évaluer avec assez d'exactitude la convenance économique de l'usager et qu'il ait une force contractuelle suffisante à son endroit. Le cas dans lequel des réseaux de distribution urbaine existent déjà et sont alimentés partiellement ou totalement avec du méthane nous intéresse dans les éventualités suivantes :

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— lorsqu'on désire allouer de nouvelles quantités de gaz naturel pour remplacer un certain quota de gaz d'usine ou pour faire face à l'expansion de la consommation ; — lorsque le fournisseur est intéressé à réviser la politique des prix pratiquée jusqu'alors, dans le but d'augmenter ses recettes moyennes, bien qu'il n'y ait pas de marché pour de nouvelles quantités de gaz. Dans ces cas, la politique des prix précédemment appliquée acquiert une grande importance. En effet, si le prix de cession du gaz naturel à la compagnie du gaz locale est déjà à un niveau maximum par rapport aux autres solutions possibles, il n'y a pas de problème : les quantités additionnelles de gaz, dans la première éventualité, peuvent être cédées au même prix avantageux, alors que la deuxième éventualité disparaît. Si, au contraire, le prix de cession du gaz naturel à la compagnie du gaz est inférieur à celui de parité avec les autres solutions possibles, il faut distinguer si celui-ci se reflète par des prix bas pour le consommateur final ou bien par des profits élevés pour la compagnie du gaz. Dans le premier cas, le relèvement des prix de cession à l'entreprise du gaz est lié à la hausse des prix pour le consommateur final et ceci est un problème dont la solution peut être entravée par de sérieux obstacles de nature politique et sociale. Dans le deuxième cas, au contraire, le relèvement du prix de cession à la compagnie du gaz est lié à la diminution des profits de cette dernière et ceci est surtout un problème de force contractuelle. Dans ce cas également, il est important que le fournisseur soit en mesure d'évaluer avec suffisamment d'exactitude la convenance économique de l'autre partie. Le raisonnement qui précède a mis en évidence le fait que, pour obtenir de la vente du gaz pour usages civils un niveau de recettes répondant à la valeur élevée qu'il acquiert dans ces emplois, il faut adopter à chaque fois une politique commerciale avisée, disposer d'une force contractuelle considérable et, surtout, être en mesure de concilier les exigences sociales particulières et immédiates, qui se manifestent au sein des collectivités citadines par le désir d'un prix bas de l'énergie pour les usages ménagers, avec les exigences d'ordre plus général visant à répandre dans le plus grand nombre possible de centres habités les avantages de l'utilisation du gaz, avantages qui, ainsi qu'on l'a déjà dit, ne sont pas uniquement ceux liés au prix. A ce point, il convient d'observer que, dans le cas des usages civils, il n'est pas nécessaire d'aligner les prix pratiqués à l'égard des anciens et des nouveaux usagers, comme lorsqu'il s'agit des usages thermiques industriels spéciaux. En effet, alors que dans le cas des usagers industriels en concurrence sur le marché de leurs produits respectifs, aucun usager nouveau ne serait

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prêt à payer le gaz davantage que ne le payent des concurrents directs, dans le cas des compagnies urbaines de gaz, il n'y a aucun problème de concurrence et il est donc parfaitement possible d'établir des prix différents pour les diverses compagnies de gaz. Seules, des raisons sociales d'ordre général peuvent conseiller un nivellement des prix dans les diverses villes, passant outre à l'exigence fondamentale de l'importateur du gaz d'obtenir partout les recettes maxima en vue d'augmenter la recette moyenne globale. Pour conclure, nous pouvons admettre que, moyennant une préparation soigneuse du marché, il est possible de compter sur les usages civils du méthane pour obtenir une recette moyenne plus élevée que celle qui serait réalisable grâce aux usages thermiques industriels, mais il est difficile d'indiquer exactement les prix moyens réalisables et les quantités qu'il est possible d'écouler, ceci dépendant de l'extension des réseaux et de l'inclusion ou non de l'utilisation pour le chauffage. 4. La quatrième grande catégorie d'utilisation du gaz naturel est celle des usages de synthèse chimique. Il faut observer, avant tout, que les utilisations chimiques du gaz naturel sont nombreuses. Le gaz naturel convient tout particulièrement, en tant que matière première chimique, pour la fabrication de certains produits parce que les installations et les procédés sont beaucoup plus simples et moins coûteux que ceux nécessaires dans le cas d'autres matières premières. Ceci est le cas, par exemple, de la production de sulfure de carbone, dans laquelle le gaz naturel permet de faire de grandes économies par rapport à l'emploi du charbon. Au point de vue quantitatif, toutefois, ces utilisations ont une faible importance. Pour d'autres productions — plus importantes au point de vue des quantités absorbables — le gaz naturel comme matière première chimique se trouve en concurrence avec les charges liquides produites par le raffinage du pétrole. Il s'agit des emplois pour la production d'acétylène et de ceux pour la production d'ammoniac, de méthanol, etc. Les situations concrètes de concurrence entre le gaz et les solutions de rechange sont nombreuses, car elles dépendent des productions particulières, de la disponibilité et du prix des matières premières concurrentes, des possibilités qui existent d'adopter des procédés spéciaux, etc. Les prix auxquels peut être vendu le gaz naturel destiné à ces emplois varient de manière correspondante ; grosso modo, néanmoins, ces prix sont voisins de ceux pour les usages thermiques industriels non spéciaux. Les problèmes qui se posent pour écouler le méthane sur le marché des usages chimiques sont similaires à ceux qui ont déjà été exposés à propos du marché des usages thermiques industriels spéciaux. Nous pouvons donc nous y référer.

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Toutes les considérations ayant trait "à la structure concurrentielle ou non des industries utilisatrices, aux politiques de prix du méthane pratiquées précédemment et à la destination de l'épargne obtenue grâce à l'emploi du méthane (profits supérieurs pour les industries ou diminution de prix des produits) acquièrent une importance particulière.

II. LE MARCHE GLOBAL DU GAZ NATUREL Dans les pages précédentes, nous avons décrit les caractéristiques principales de la demande dans les quatre grands secteurs d'utilisation du gaz naturel ; nous devons à présent voir comment ces différents marchés se combinent entre eux pour former le marché global du gaz naturel. Nous aurons recours à quelques graphiques, nous limitant à l'examen des trois marchés concernant les usages thermiques industriels non spéciaux, les usages thermiques industriels spéciaux et les usages ménagers. Le marché des usages de synthèse peut être négligé sans dommage pour une première approximation, du fait qu'il est possible de l'assimiler à celui des usages thermiques industriels spéciaux. Sur la base des descriptions faites dans les pages qui précèdent, nous pouvons tracer (fig. 1) les courbes de la demande pour les trois marchés. Ces courbes n'ont qu'une valeur indicative ; elles ont été établies en tenant compte des ordres de grandeur que les phénomènes exprimés ont sur le plan concret, mais elles ne peuvent se référer à des valeurs numériques précises. La forme qui a été donnée aux courbes correspond aux caractéristiques de la demande. Examinons d'abord la courbe a, relative au marché des usages thermiques industriels non spéciaux : comme on l'a vu, il existe dans ce marché des prix-seuil, au-delà desquels la convenance économique de l'emploi du gaz est nulle, étant donné qu'il est possible d'avoir recours à d'autres sources d'énergie, et au-dessous desquels s'ouvre immédiatement le marché potentiel. Ceci détermine la tendance au parallélisme de la courbe par rapport à l'axe des quantités, dans sa première partie. D'un autre côté, le marché a des dimensions définies qui ne peuvent s'étendre à court terme, même dans le cas de prix bas et ce facteur détermine la chute de la courbe vers l'abscisse, dans sa seconde partie. Sur les deux autres marchés — usages thermiques industriels spéciaux (courbe b) et usages civils (courbe c) — il n'est pas possible de parler de prix-seuil, étant donné qu'on y rencontre des situations extrêmement diverses dans lesquelles l'avantage de l'emploi du gaz se détermine à différents niveaux de prix. Pour cette raison, les courbes b et c n'ont pas une première partie de leur tracé parallèle aux abscisses. Ce qui vient

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d'être dit au sujet des dimensions du marché (non extensible à brève échéance grâce à la baisse des prix) reste valable, ce qui explique la chute finale des courbes en direction des abscisses. En ce qui concerne la courbe c, relative au marché des usages civils, il faut souligner tout particulièrement que nous entendons nous référer par son truchement à la demande telle qu'elle se manifeste au niveau des entreprises de distribution urbaine, et non au niveau des consommateurs finals. Des trois courbes, celle-ci est la moins convexe et celle qui descend le moins rapidement vers l'axe de l'abscisse, reflétant le fait qu'avec la diminution du prix s'ouvre le marché de l'utilisation pour le chauffage. Les parties initiales et finales des courbes ont été indiquées par des traits car, dans ces zones extrêmes, il est plus difficile de concevoir le comportement de la demande ; d'autre part, il ne nous a point paru utile de nous en préoccuper, les niveaux extrêmes des prix correspondants ayant fort peu de rapports avec la réalité. La figure 1 nous permet de voir ce que signifient, sur le plan concret, les différentes politiques de prix. Pour mieux fixer les idées, concentrons notre attention sur la courbe c relative aux usages civils. Supposons que le fournisseur de gaz décide l'application rigoureuse d'un prix unique A à tous les usagers. Il pourra vendre la quantité globale A' et devra renoncer à toucher tous les usagers potentiels qui seraient prêts à acquérir le gaz à un prix inférieur. Supposons que le fournisseur fixe le prix unique à un niveau inférieur B. Ses ventes s'élèveront à B' et couvriront presque complètement le marché potentiel. En fixant un niveau de prix intermédiaire C, le fournisseur vend une quantité C' et il compense partiellement les désavantages des deux solutions précédentes. Si le fournisseur établissait des prix différents pour les diverses catégories d'usagers, de manière à se rapprocher à chaque fois du prix maximum que l'usager est disposé à payer, il couvrirait la totalité du marché potentiel avec une recette unitaire moyenne plus élevée que celle qu'il pourrait atteindre avec la politique du prix unique. Supposons que le fournisseur pratique, pour trois catégories d'usagers, trois niveaux de prix différents : A, C et B ; le graphique montre qu'il vendrait au total la quantité B', avec une recette moyenne unitaire M, plus élevée que B. En appliquant convenablement le système des prix différenciés, le vendeur obtient en définitive un relèvement de la courbe de la demande ; ceci en ce sens que le lieu des points Q déterminés par les prix moyens unitaires réalisables en relation avec les diverses quantités vendues fournit une nouvelle courbe c', plus élevée que c. Il est clair que l'avantage de la politique des prix différenciés par

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rapport à celle du prix unique est d'autant plus grand que le parallélisme de la courbe de la demande par rapport à l'abscisse est moins prononcé. Ainsi, par exemple, dans le cas des usages thermiques industriels non spéciaux, l'avantage est minime et le prix unique peut être adopté sans grande perte, ni au point de vue de la quantité vendue, ni au point de vue de la recette unitaire. Il faut observer d'autre part que la politique consistant à différencier les prix à l'intérieur des catégories d'utilisation est d'une application difficile au point de vue pratique, étant souvent interprétée par les usagers comme une politique de discrimination. En Italie, par exemple, il n'a même pas été possible de prendre en considération l'avantage de différencier les prix à l'intérieur des catégories d'utilisation. L'avantage présenté par les prix différenciés s'accroît du marché simple, relatif à une catégorie d'utilisation, au marché dans son ensemble, englobant toutes les catégories d'utilisation du gaz. Dans la figure 2, les trois courbes de demande correspondant aux trois secteurs d'utilisation sont placées côte à côte par ordre décroissant de prix ; sur le tableau, on a également tracé la courbe s, obtenue en faisant la somme, point par point, des trois courbes a, b et c. Il est clair que la politique du prix unique présente dans ce cas des inconvénients considérables. En fixant le prix unique à un niveau élevé (A), le fournisseur doit renoncer à un vaste marché pour les usages thermiques industriels. En fixant au contraire le prix unique à un niveau bas (B), le fournisseur couvre presque tout le marché potentiel (jusqu'à une quantité globale OB' égale à la somme des quantités OBc, SBb et TBa), mais il perd les recettes supplémentaires qu'il serait possible d'obtenir sur les marchés des usages ménagers et des usages thermiques industriels spéciaux. En appliquant des prix différenciés, le fournisseur obtient des avantages considérables. Déjà, en n'appliquant que trois prix — un pour chacune des trois grandes catégories d'utilisation — la courbe dessinée par les recettes moyennes unitaires du vendeur s'élèverait par rapport à la courbe de la demande ; cette hausse serait plus accentuée si la différenciation des prix s'étendait également à l'intérieur des grandes catégories d'utilisation, en particulier dans celles des usages ménagers et des usages thermiques industriels spéciaux. Dans la figure 2, nous avons admis l'hypothèse suivant laquelle trois prix seraient pratiqués : A pour les usages ménagers, sur la base duquel la quantité OA' est vendue pour ces usages ; C pour les usages thermiques industriels spéciaux, sur la base duquel une quantité SCb est vendue pour ces usages ; B pour les usages thermiques industriels non spéciaux, sur la base duquel est vendue une quantité TBa. Au total, une quantité M'

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aura été vendue au prix moyen M, considérablement plus élevé que le prix D qui aurait dû être adopté pour vendre la même quantité M' sous le régime du prix unique. Dans la figure 3, nous avons pris comme hypothèse le cas dans lequel trois prix seraient adoptés pour les usages civils : E, A et F, qui permettent de vendre pour ces usages une quantité globale OF' ; deux prix pour les usages thermiques industriels spéciaux ; G et H, permettant de vendre pour ces usages une quantité globale SH' ; et un prix unique B pour les usages thermiques industriels non spéciaux, permettant de vendre pour ces usages la quantité TB'. Dans la figure, nous avons rapproché les trois courbes de demande c, b et a, en les superposant partiellement de manière à faire commencer le marché de la courbe b exactement là où le prix F délimite le marché de la courbe c ; et à faire commencer le marché de la courbe a exactement là où le prix H délimite le marché de la courbe b. Pour l'ensemble des trois catégories d'utilisation, une quantité OB' est vendue avec une recette moyenne M, assez supérieure au prix B qui aurait dû être adopté comme prix unique pour vendre une quantité égale. Dans le même graphique, nous avons reporté les prix moyens qui se réaliseraient en correspondance avec les quantités OH', OG', OF' et OA' dans le cas où le système de prix différenciés indiqué se trouverait appliqué, en renonçant à chaque fois aux secteurs du marché auxquels on accède avec des prix inférieurs respectivement à H, G, F et A. Les points qui se trouvent ainsi déterminés en correspondance de ces quantités et des prix moyens respectifs de vente nous permettent de tracer la courbe d, qui peut être considérée comme la courbe de la demande telle qu'elle se présente en réalité au fournisseur de gaz. Cette courbe d se présente à un niveau considérablement plus élevé que celui de la courbe de demande valable dans le cas des prix uniques. Chacune des façons — innombrables — dont la politique des prix différenciés peut être appliquée aboutit, évidemment, à une courbe de demande différente. Ce qui précède démontre que la politique des prix différenciés permet d'augmenter les recettes provenant de la vente du gaz, or le niveau élevé de ces recettes est la condition déterminante de l'avantage qu'il peut y avoir à importer le gaz.

III. L'OFFRE DE GAZ NATUREL D'IMPORTATION Examinons à présent les caractéristiques de l'offre de gaz d'importation et, en particulier, les courbes des coûts de transport du gaz. Le transport est la composante la plus importante des coûts du four-

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nisseur de gaz d'importation. A vrai dire, pour le gaz disponible en Afrique du Nord et dans les autres pays producteurs, dont le marché n'est pas en mesure d'absorber un quota substantiel du gaz productible, il n'existe d'autre alternative par rapport à son exportation que la dispersion dans l'air ou la conservation sous terre. Dans ces conditions, il convient au producteur de vendre le gaz à n'importe quelle condition laissant une marge, même petite, sur les coûts directs de production (soit les coûts directs, plus l'amortissement et la rémunération des investissements qui ont éventuellement été nécessités pour porter la capacité de production du gisement au niveau voulu). Etant donné que les coûts unitaires de production ainsi définis ne varient pour ainsi dire pas avec les quantités à extraire (ou diminuent même légèrement pour des productions croissantes, au moins dans les limites des quantités qui présentent un intérêt), on peut considérer que le rapport classique entre prix et quantité offerte, selon lequel les quantités offertes sont d'autant plus importantes que le prix est plus élevé, n'est plus valable à la production. En effet, pour un prix qui lui laisse une certaine marge de bénéfice au-delà des coûts de production, le producteur est disposé à vendre n'importe quelle quantité de gaz. Par ailleurs, il faut noter que les coûts unitaires de production, tels qu'ils ont été définis ici, ne sont pas au même niveau pour tous les producteurs, mais qu'ils varient suivant qu'il s'agit du gaz naturel produit conjointement au pétrole ou non. Dans le cas du gaz naturel produit conjointement au pétrole, les coûts spécifiquement attribuables à la production du gaz sont presque nuls, étant donné qu'il n'y a presque aucune dépense supplémentaire à soutenir. Au contraire, dans le cas des gisements de gaz naturel seul, les coûts qui nous intéressent sont plus élevés, car il faut forer spécialement des puits d'exploitation et établir des installations complètes sur place et les faire fonctionner. L'existence de deux niveaux possibles de coûts de production ne modifie pas le fait que chaque fournisseur soit disposé à vendre n'importe quelle quantité de gaz à un prix laissant un certain bénéfice au-delà de ses coûts de production. Dans ces conditions, ce qui compte pour établir la courbe de l'offre de l'importateur du gaz et, par conséquent, pour déterminer les possibilités de rencontre entre l'offre et la demande, ce sont les coûts du transport. Pour le transport du gaz naturel d'outre-mer en Italie, il existe deux moyens : le transport intégral par méthanoducs dont une partie devrait être posée sous la mer ; le transport par méthanoducs pour les trajets sur terre et au moyen de navires méthaniers sur mer, le gaz ayant été au préalable liquéfié à basse température.

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Les coûts de transport que l'on obtient au moyen de chacune de ces solutions, suivant les quantités à transporter, ont été étudiés d'une manière analytique par divers auteurs et, ici même, des rapports ont été consacrés à ce sujet. Nous utiliserons sous leur aspect le plus général les résultats des analyses déjà accomplies, et en particulier les chiffres indiqués dans le rapport présenté par M. Robert Delsol et M. Pierre Verret, du Gaz de France, à la conférence mondiale de- l'Energie à Melbourne en 1962, et publié dans le n° 2 (1963) de la revue Journal des Industries du Gaz. Nous avons pris dans le diagramme 1 de cette étude les chiffres qui nous ont permis de tracer les courbes de la figure 4. Ces courbes illustrent parfaitement les variations du coût de transport en fonction des quantités à transporter et des distances à couvrir. Une fois les distances établies, les coûts de transport par navires méthaniers décroissent moins rapidement que les coûts de transport par méthanoducs, à mesure qu'augmentent les quantités à transporter. Il est possible de préciser qu'au-delà d'une quantité annuelle de 3 milliards de mètres cubes à transporter, les économies d'échelle des navires méthaniers diminuent considérablement ; les courbes n deviennent en effet à peu près parallèles à l'axe des abscisses. Dans le cas des méthanoducs, au contraire, les économies d'échelle continuent à être sensibles, même pour des quantités très élevées ; les courbes m conservent en effet une certaine inclinaison, même dans la dernière partie. Au fur et à mesure que les distances à couvrir augmentent, les coûts de transport par méthanoducs s'accroissent de façon presque proportionnelle. Cette proportionnalité revêt un caractère presque absolu pour les capacités maxima de transport, alors que pour de faibles quantités, l'augmentation des coûts est un peu moins que proportionnelle. Les coûts de transport par navire méthanier, au contraire, augmentent nettement moins que proportionnellement à l'augmentation des distances à couvrir. Ceci parce qu'une partie des coûts concerne des installations terrestres (pour la liquéfaction, la régazéificatión et le stockage) qui sont proportionnées aux quantités à transporter et non aux distances à parcourir. Audelà de ce plafond de coûts, invariable quelle que soit la distance à couvrir, les courbes n se placent à des niveaux proportionnels, à peu de chose près, aux distances. L'allure différente des courbes de coûts des deux moyens de transport met en relief le fait que, sur des courtes distances, le méthanoduc se démontre nettement plus avantageux que les méthaniers, quelles que soient les quantités à transporter ; lorsque les distances augmentent, les méthaniers deviennent plus avantageux que les méthanoducs pour le transport de petites quantités, et plus les distances s'accroissent, plus les avantages

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du transport par méthaniers deviennent grands, jusqu'à être la seule solution possible pour les transports sur une très longue distance. Le premier diagramme de la figure 5 illustre fort bien ce qui vient d'être dit, en se référant uniquement aux cas de distances de 2 000 et 3 000 km. Tandis que la courbe m-2 000 reste entièrement au-dessous de la courbe n-2 000, la courbe m-3 000 croise la courbe n-3 000, restant au-dessus pendant sa première partie et descendant en dessous dans sa deuxième partie. Dans les cas concrets qui nous intéressent, cela n'a pas beaucoup de sens de comparer ainsi simplement les courbes des coûts des deux moyens de transport, et ce pour deux raisons : d'abord, parce que même si l'on a recours aux navires méthaniers, certaines parties du parcours (depuis le gisement jusqu'à la côte du pays exportateur, et de la côte aux centres de consommation du pays importateur) devraient être couvertes par des méthanoducs ; ensuite, parce que si l'on a recours aux navires méthaniers, on peut facilement choisir le trajet le plus court entre les deux points à relier, tandis que dans le cas de transport intégral par canalisations, on est obligé de suivre un tracé imposé par les situations orographiques et par la nécessité de réduire les tronçons sous-marins, ce qui fait que ce trajet est toujours plus long que celui qu'il est possible de suivre avec des navires ; en outre, les tronçons sous-marins du méthanoduc doivent être comptabilisés à des coûts beaucoup plus élevés (jusqu'à cinq ou six fois) que les tronçons en surface, ce qui revient à attribuer aux parcours marins des longueurs conventionnelles supérieures aux distances effectives. En vue d'illustrer les effets de tout ce qui précède sur les rapports entre les coûts des solutions possibles, nous avons tracé sur le deuxième diagramme de la figure 5 la courbe 1 qui est la somme des coûts du transport par méthaniers sur 1 000 km et des coûts du transport par méthanoducs sur 1 000 km également. Cette courbe est confrontée sur le même diagramme avec les courbes des coûts du transport par méthanoduc sur des distances de 2 000, 3 000 et 4 000 km. On voit clairement que la courbe 1 se maintient constamment à un niveau plus élevé que la courbe m-2 000 et même que la courbe m-3 000. Ce n'est que si la solution « méthanoduc » comportait un parcours global conventionnel supérieur à 3 000 km, que la solution exprimée par la courbe 1 (prévoyant le recours à des navires méthaniers sur une distance de 1 000 km pour un parcours total de 2 000 km) pourrait se démontrer la plus avantageuse. Ce qui vient d'être dit suffit aux fins de notre analyse, celle-ci nécessitant la connaissance du type et de la forme des courbes des coûts de transport, plutôt que celle de leur niveau absolu. A ces considérations strictement économiques, il faut en ajouter

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d'autres qui ont pour effet d'altérer profondément les rapports de convenance économique entre les deux systèmes de transport. Avant tout, il faut noter qu'en dépit de nombreuses études techniques et de projets même analytiques, la pose de méthanoducs sous-marins sur de longues distances et à de grandes profondeurs présente toujours des inconnues en raison du manque d'expérience dans ce domaine. En deuxième lieu, il faut noter que le transport par méthanoduc est un système qui manque totalement d'élasticité : il impose la pleine utilisation des capacités de transport, sous peine d'augmentation énorme des coûts, et il lie de façon définitive, sans laisser d'autres possibilités, certaines ressources de gaz à certains marchés, certains producteurs à certains consommateurs ; cette rigidité est particulièrement pesante lorsqu'il s'agit de transports entre Etats différents. Pour ces raisons, la solution des méthanoducs sous-marins pour le transport du gaz d'importation est actuellement écartée en faveur des navires méthaniers, bien que le coût semble plus élevé dans ce cas. En effet, la solution fournie par les navires méthaniers présente un degré supérieur d'élasticité, bien que dans une mesure assez faible. Les coûts fixes grèvent les coûts totaux dans une mesure de peu inférieure à ce qui se passe dans le cas des méthanoducs ; il s'ensuit que les augmentations de coûts en cas de sous-utilisation des capacités de transport sont un peu moins fortes que dans le cas des méthanoducs. Le fait que les mêmes navires peuvent être utilisés pour prélever le gaz à des sources différentes où le livrer à des destinations diverses est plus important ; les mêmes installations de liquéfaction pouvant envoyer le gaz en plusieurs directions et les mêmes installations destinataires pouvant accueillir le gaz de provenances diverses. Tout cela établit des conditions permettant de donner de l'élasticité à l'exploitation du système des transports et de garantir un degré élevé d'utilisation des installations ; mais pour que cette élasticité se concrétise, il faudra que les transports par navires méthaniers ne demeurent pas un fait isolé, regardant deux pays, mais qu'ils se répandent et intéressent une quantité de pays exportateurs et importateurs.

IV. R E N C O N T R E ENTRE L'OFFRE E T L A DEMANDE DE G A Z D'IMPORTATION Examinons à présent comment se combinent les courbes des coûts de transport par rapport à celles de la demande de gaz, en vue de la détermination de la convenance économique de l'importation. Nous avons déjà noté que la courbe de l'offre du gaz à la production peut être supposée, en principe, rectiligne et parallèle à l'axe des quantités.

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Ceci parce que, à un prix quelconque laissant un bénéfice sur les coûts de production (présumés constants), le producteur est disposé à vendre n'importe quelle quantité de gaz. Lors de négociations concrètes avec un acheteur potentiel, le producteur cherchera évidemment à obtenir le prix maximum que l'acquéreur est disposé à payer dans les limites de son avantage. Et puisque les recettes moyennes de la vente aux consommateurs finals, de même que les coûts de transport, varient suivant les quantités envisagées, le producteur également pourra prétendre à des prix différents suivant les quantités négociées à chaque fois. C'est la force contractuelle des parties en présence (producteur du gaz et importateur, le transporteur pouvant être intégré à l'un ou l'autre de ceux-ci) qui décidera de la répartition du bénéfice qui ressortira éventuellement de la différence entre la recette de la vente du gaz sur le marché de consommation, d'une part, et le total des coûts de transport et des coûts directs de production, de l'autre. Ce qui est important, c'est donc de voir si — et dans quelles conditions — un tel bénéfice subsiste, ou bien si la différence en question ne présente pas finalement un solde passif. Ce qui vient d'être exposé au paragraphe précédent nous permet de poser que la courbe des coûts de transport doit être du type 1, suivant le tracé indiqué au deuxième diagramme de la figure 5. Comme courbe des coûts globaux — de transport et d'extraction — nous pouvons donc poser une courbe 1, ramenée vers l'axe des ordonnées dans la mesure de ce que l'on considère comme correspondant au coût d'extraction. Pour ne pas quitter un terrain présentant un certain degré de généralité et puisque le problème qui nous intéresse est uniquement de voir comment une marge peut se former entre recettes et coûts, nous préférons ne pas procéder à une estimation des coûts d'extraction du gaz et tracer la courbe des coûts globaux de transport et d'extraction simplement à proximité des courbes de demande. C'est ainsi que nous avons fait dans la figure 6, où la courbe o des coûts globaux de transport et d'extraction se trouve dans une position intermédiaire, entre les courbes de demande a, b, c et d. Nous pouvons considérer cette figure comme une description en termes généraux — et très approximative — de ce que sont aujourd'hui les rapports entre demande et offre potentielle de gaz africain d'importation en Italie. L'examen de la figure 6 permet de faire quelques remarques. Il est possible d'observer avant tout que, entre recettes et coûts, des marges positives ne demeurent qu'en regard de quantités supérieures à un certain minimum. En deuxième lieu, on note que la politique des prix différenciés (qui rend valable la courbe d) est essentielle parce qu'elle permet la formation d'une marge positive presque uniforme pour toutes les hypothèses

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concernant les quantités à importer au-delà du minimum indiqué. Si l'on pratiquait la politique du prix unique, la formation d'une marge entre recettes et coûts deviendrait problématique et ne serait pas assurée d'une manière continue pour tout l'éventail des hypothèses concernant les quantités à importer. Ces premières observations ne tiennent pas compte des problèmes soulevés par l'irrégularité des prélèvements dans le secteur des usages ménagers. Nous avons déjà noté que la demande pour ces usages est très irrégulière, tant pour le cycle quotidien que durant le cycle saisonnier. Ces dernières irrégularités ont pour effet d'abaisser l'utilisation des installations de transport et d'augmenter ainsi le coût moyen du transport. Cela est exprimé sous forme graphique à la figure 7 : à la place de la courbe o (qui est celle des coûts dans des conditions d'utilisation des installations voisines de l'optimum, déterminée comme enveloppe d'une série de courbes, exprimant chacune la variation des coûts en raison d'une variation de l'utilisation d'une capacité donnée d'installations), c'est une courbe o' qui devient valable, plus élevée et déterminée en reliant entre eux les points de chaque courbe correspondant aux coûts pour utilisations des installations inférieures à l'optimum. Si les coûts sont ceux qui sont exprimés par la courbe o', les possibilités de formation d'une marge positive entre recettes et coûts diminuent fortement. Pour obtenir un nouvel écart entre les courbes des recettes et des coûts, de façon à laisser plus de possibilités à la formation d'une marge, trois types de remèdes peuvent être envisagés. Le premier consiste à couvrir les pointes de prélèvement au moyen d'autres sources de gaz (par exemple avec des mélanges propane-air) laissant jouer au gaz naturel d'importation un rôle de base. Par ce détour, le gaz naturel d'importation, au lieu de couvrir la totalité de la demande OF', se limite à l'apport d'une quantité OA' (que nous supposerons correspondante aux besoins de base pour un prélèvement régulier) ; le gaz d'usine couvre les pointes grâce à la quantité supplémentaire A'F'. En pratiquant la politique habituelle de prix E, A et F, la recette moyenne de la vente de la quantité globale OF' s'élève à Mf. Quant au coût du gaz naturel ex-transport, on peut supposer que cette opération permet d'en reporter le niveau de la courbe o' à la courbe o. Il faut noter toutefois que le coût à soustraire de Mf pour calculer la marge n'est pas celui qui correspond à la quantité OF', mais bien celui, plus élevé, indiqué par Ca en correspondance de la quantité A' effectivement importée. Quoi qu'il en soit, une certaine marge entre recettes et coûts

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se trouve reconstituée, bien qu'en partie absorbée par le coût supérieur du gaz d'usine. La deuxième manière de reconstituer une marge adéquate entre recettes et coûts est d'avoir recours à des fournitures qu'il est possible d'interrompre. Aux usages civils, on ne destinera qu'une partie du total du gaz importé OF', soit une quantité OA'. Le reste (A'F') sera vendu pour des usages thermiques industriels non spéciaux avec la clause « d'interruption possible de la fourniture » au prix I, inférieur à celui applicable aux usages thermiques industriels non spéciaux sans cette clause. Dans la figure 7, on a supposé que la demande potentielle de gaz naturel pour usages thermiques industriels non spéciaux avec interruption possible est exprimée par la courbe i. Vendant la quantité A'F' au prix I, la recette moyenne globale baisse de Mf à Mfi, mais l'utilisation des installations de transport est améliorée et le coût du gaz naturel transporté descend du niveau de la courbe o' à celui de la courbe o. On retrouve ainsi une marge supérieure entre recettes et coûts. La troisième façon de reconstituer une marge entre recettes et coûts sur le marché des usages ménagers est d'avoir recours au stockage souterrain du gaz à proximité des centres de consommation. Dans ce cas, la totalité de la quantité importée F' est distribuée aux usages civils avec une recette moyenne Mf. Les installations de transport peuvent être utilisées à des niveaux optima, ou presque, et la courbe des coûts o redevient valable à la place de la courbe o' ; mais il faut ajouter les coûts du stockage, ce qui fait — par exemple — que l'on peut supposer que les coûts globaux (y compris le stockage) se situent au niveau de la courbe o". Il est possible de reconstituer ainsi une marge entre recettes et coûts. Il est impossible de décider, en dehors de cas concrets, laquelle, parmi les trois solutions indiquées, est préférable pour résoudre le problème de l'irrégularité des prélèvements ; par ailleurs, les trois solutions peuvent coexister et se compléter. De toute façon, il est nécessaire d'établir un programme soigneux pour trouver le juste équilibre entre politiques des prix et facteurs de coût ; c'est de cet équilibre que dépend la convenance économique de l'importation du gaz naturel.

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CONCLUSION Ce qui vient d'être exposé dans ces pages ne saurait envisager l'ensemble des problèmes soulevés par la commercialisation du gaz naturel d'importation. Nous avons uniquement voulu mettre en relief quelques-unes des questions les plus importantes et les plus faciles à présenter sous un aspect simplifié. Nous voudrions néanmoins que cet exposé ait clairement fait ressortir le problème central de l'importation du gaz naturel. Dans la situation actuelle de la technique et des coûts de transport, l'importation du gaz naturel d'outre-mer sur les marchés européens est possible — c'est-à-dire économiquement avantageuse — à condition que le marché du gaz soit convenablement préparé pour l'accueillir. Cette préparation du marché comporte la solution préalable de nombreux problèmes. Il ne suffit pas de s'assurer qu'une certaine demande potentielle existe pour le gaz, ou de localiser celle-ci au point de vue géographique. Il faut déterminer de manière analytique les niveaux de prix auxquels cette demande peut effectivement se manifester ; il faut établir des politiques précises de tarifs et, éventuellement, coordonner les niveaux de prix et les politiques de tarifs préexistantes avec ces nouvelles exigences ; il faut, le cas échéant, modifier les conditions contractuelles pour des fournitures en cours ; il faut effectuer des investissements pour atteindre de nouveaux usagers et pour aménager des installations auxiliaires (de stockage, de production de gaz d'usine, etc.) ; il faut combiner entre eux des marchés possédant des caractéristiques différentes, en vue d'améliorer les diagrammes de prélèvement et d'augmenter les recettes moyennes. Il est clair que ce vaste travail analytique de préparation du marché doit être convenablement organisé. Une étroite coordination doit être réalisée entre les divers centres responsables et entre les diverses initiatives, pour adopter les solutions les meilleures dans le cadre d'une vision d'ensemble du marché. Sans cela — dans l'état actuel des marchés et de la technique — il paraît impossible de déterminer la convenance économique de l'importation du gaz naturel en grande quantité et de réaliser tous les avantages potentiels de cette opération. Ceci nous conduit à une dernière observation. Nous avons vu que la convenance économique de l'importation du gaz naturel ressort de la

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combinaison difficultueuse de nombreuses variables et que l'équilibre qui garantit les marges est précaire. Dans ces conditions, il paraît indispensable de posséder une certitude absolue quant à la continuité des approvisionnements de gaz en provenance de l'étranger et quant à la stabilité de leur prix. Cette double certitude, indispensable, pourra être fournie par des accords à long terme entre Etats, en plus de ceux entre compagnies ; elle sera renforcée par la possibilité d'un recours simultané à plusieurs sources d'approvisionnement en gaz.

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Rapport de synthèse de la deuxième journée.

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Rapport de synthèse

En prenant connaissance des rapports généraux relatifs aux travaux de la première et de la troisième journée que mes collègues avaient préparés avant le mien, je me suis demandé s'il n'aurait pas été opportun de préparer un rapport de synthèse des trois rapports généraux. Il existe en effet un très grand nombre de points communs, principalement entre les conséquences sur les coûts de transport et les prix rendus de l'énergie d'une part et sur la compétitivité des différentes formes d'énergie d'autre part, les prix rendus constituant de façon évidente un élément important de cette compétitivité. Il est donc vraisemblable que l'on ne pourra éviter certaines interférences, voire même certaines contradictions, d'autant plus qu'à ne considérer que les rapports du D r Hôrdemann soumis à la première journée et de M. Adelman présenté ce jour, l'on y trouve des développements qui conduisent à des prix différents pour le coût de transport à travers l'Atlantique du charbon américain, soit $ 4 à 4,50 par tonne pour le premier et à $ 2 pour le second. Quoi qu'il en soit, ce rapport a pour but d'examiner les conséquences sur la compétitivité entre les diverses formes d'énergie des nouvelles techniques des transports intercontinentaux dans ce domaine. Il est en principe basé sur les neuf documents soumis au colloque selon les trois parties que prévoit cette rubrique. Mais vous me permettrez de formuler quelques remarques préliminaires. Puisque ce colloque tout d'abord traite de problèmes de transports intercontinentaux et qu'il se veut européen, il est peut-être utile de préciser ces deux notions ; géographiquement, en effet, si l'on excepte l'Europe et l'Asie dont les territoires se touchent, les différents continents sont séparés par des mers, et cela influence dans une grande mesure la nature des transports d'énergie qui peuvent exister entre eux. Par ailleurs, l'Europe dont il est question dans les rapports est limitée à certains pays et ne correspond pas à l'Europe géographique désignée comme continent sous ce vocable. Cette dernière comprend en particulier, comme le soulignait M. le secrétaire général Couture à la séance d'ouverture, l'Union Soviétique et certains pays tels que la Pologne et la Roumanie qui disposent de ressources énergétiques considérables faisant déjà l'objet d'un commerce avec l'Europe de l'Ouest, commerce qui pourrait s'accroître sous certaines conditions.

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Il n'est pas inutile par ailleurs, dans le contexte de ce problème, de donner une idée de l'importance, finalement relative, du commerce intercontinental des différentes formes d'énergie. C'est le pétrole qui en constitue la base essentielle. En 1962 par exemple, les exportations de brut se chiffraient, en millions de tonnes métriques, à 17 en provenance de l'Europe orientale et de l'Union Soviétique, 22 de l'Afrique, 63 des Caraïbes et 242 du Moyen-Orient, alors que les importations s'élevaient à 13 pour l'Océanie, 40 pour l'ExtrêmeOrient, 75 pour le continent américain et 213 pour l'Europe occidentale. Il est à souligner que la consommation de brut pour cette dernière région ayant été alors de 260 millions de tonnes, ses importations en représentaient plus des 80 %. Le transport du charbon entre continents est pratiquement négligeable si l'on excepte les exportations du charbon américain vers l'Europe occidentale. Celles-ci cependant, qui se sont élevées en 1962 à 17 millions de tonnes, ne représentaient que les 2 % de la consommation de cette région qui, simultanément, a importé d'ailleurs une quantité analogue de l'Europe orientale, c'est-à-dire de la Pologne et de l'Union Soviétique. On rappellera que le commerce intérieur du charbon entre les pays européens, qui s'est élevé à 75 millions de tonnes pendant cette même année, ne représentait que 6 % de la consommation. Les échanges de gaz naturel, malgré les perspectives qu'ils comportent, sont encore pratiquement inexistants à l'échelle intercontinentale si l'on fait exception du transport récent par méthaniers entre l'Algérie d'une part et le Royaume-Uni et la France d'autre part. Quant à l'énergie électrique, elle ne peut franchir les mers que par des câbles dont la longueur est limitée à une centaine de kilomètres environ, et son transport sur terre, sous forme de courant alternatif à la tension actuelle de 400 kV, interdit de franchir plus de 1 200 km. A l'intérieur même de l'Europe, les mouvements d'énergie électrique ne représentent que 1,6 % environ de la production totale. Bien que ce chiffre global cache en réalité des échanges saisonniers de plus grande importance, le commerce de cette forme d'énergie ne présente actuellement qu'une influence marginale. Puisqu'il est question de compétitivité, je voudrais rappeler quelques notions connues sur l'évolution des rôles respectifs des différentes formes d'énergie en Europe au cours de ces dernières années. Les chiffres suivants sont exprimés en pourcentage de la consommation brute d'énergie et calculés sur la base de leur contenu physique, c'est-àdire que l'on a ignoré leur valeur économique et les rendements différents de leur utilisation :

Rapport de synthèse

466

Année

Combustibles solides

Combustibles liquides

Gaz naturel et gaz importé

Energie hydroélectrique et électricité importée l

Monde

1937 1950 1963

73,11 62,3 48,4

19,35 25,25 32,68

6,17 10,83 16,86

1,17 1,62 2,06

Europe (à l'exclusion de l ' U . R . S . S . )

1937 1950 1963

90,98 86,07 64,67

7,41 11,27 29,29

0,49 0,83 3,5

1,12 1,83 2,54

U.R.S.S.

1937 1950 1963

74,3 78,1 57,23

23,5 18,67 26,03

1,8 2,7 15,54

0,4 0,53

1937 1950 1963

58,08 41,69 24,13

27,3 35,3 39,5

13,86 35,04 21,5

0,76 1,11 1,33

Région

Etats-Unis

1. Y compris l'électricité nucléaires, sauf en U.R.S.S.

produite

par

1,2

des sources géothermiques et des centrales

Il faut également constater que « les nouvelles techniques de transports intercontinentaux d'énergie » dont il est question dans ce colloque sont finalement limitées. Si l'on excepte l'énergie hydraulique, les énergies primaires, à savoir le charbon, le gaz et le pétrole sont transportées soit par canalisations, soit par bateaux. Les canalisations ne peuvent encore franchir les mers. Certes, des essais, assez concluants d'ailleurs, ont été effectués récemment en Méditerranée pour la pose de conduites sous-marines, par un fond de 2 700 m et sur une distance de 200 km, mais, malgré l'intérêt que ce cas particulier présente, les distances parcourues seront de toute façon limitées. Si l'on considère le transport par bateau, le seul élément nouveau dont je ne veux d'ailleurs pas minimiser l'importance consiste dans la possibilité de transporter le gaz sous forme liquéfiée dans des méthaniers spéciaux. Mais, à ces deux exceptions près qui concernent d'ailleurs le seul gaz naturel, les techniques dites nouvelles consistent surtout en une augmentation de la capacité des moyens de transport, qu'il s'agisse de canalisations, de minéraliers ou de pétroliers. Il en résulte que nous sommes actuellement dans une phase de décroissance rapide du coût des transports par grandes masses. Les grands pétroliers et minéraliers ont réduit dans des proportions considérables les coûts de transport par mer ; les canalisations

de la deuxième journée

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de grand diamètre, quoique bien plus coûteuses encore à longueur égale que les transports par mer, deviennent de plus en plus économiques au fur et à mesure qu'elles transportent des puissances plus élevées. La localisation des sidérurgies sur la mer a été sans doute la conséquence la plus spectaculaire de cette évolution des coûts de transport, mais les conséquences énergétiques ne sont pas moins importantes. C'est ainsi par exemple que le coût du fret pour le charbon traversant l'Atlantique selon un contrat garanti de longue durée ne se répercute maintenant sur le coût d'une centrale thermique moderne en Europe que par environ 1 million de kilowattheures. Les écarts géographiques entre coût de production par les moyens classiques sont donc devenus beaucoup plus faibles qu'autrefois si l'on ne considère que les pays situés près des mers ou qui y sont réunis par des moyens de transport économiques tels que de bonnes voies de navigation intérieures, de commerce, canalisations, ou même des voies ferrées transportant le charbon en navette par trains complets de gros tonnage. Bien qu'ils se soient efforcés d'y revenir, l'on est obligé de constater que les auteurs des rapports ont presque tous débordé très largement le sujet même proposé pour la deuxième journée de ce colloque et qu'ils ont été amenés à traiter plus ou moins du problème général de la compétitivité entre les différentes formes d'énergie. Cela tient à ce qu'il est difficile de dissocier sur le seul plan économique des éléments qui se trouvent imbriqués et que, malgré la vocation scientifique de ce colloque, l'on ne peut ignorer certains aspects politiques qui se traduisent par des options n'ayant qu'un rapport lointain avec le transport de l'énergie et par des réglementations administratives qui en sont la conséquence. Ce problème de la compétitivité mériterait à lui seul un colloque indépendant car il s'analyse en un très grand nombre de paramètres dont je regrette de constater que le transport ne constitue vraisemblablement pas le plus important. Sans vouloir en traiter de façon exhaustive, il est je crois utile de rappeler que cette compétitivité qui est d'ailleurs liée au choix des investissements repose sur une notion que l'on pourrait appeler la valeur d'utilisation finale, c'est-à-dire la valeur d'une calorie produite en définitive pour le consommateur qui l'utilise. En supposant que soit effectué l'inventaire des ressources énergétiques dont un pays dispose, y compris les produits fatals, et que soit déterminé le marché possible compte tenu des limitations auxquelles se heurte la substitution entre formes d'énergie, cette notion repose sur un grand nombre d'éléments dont certains peuvent s'exprimer en termes monétaires et sur

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Rapport

de

synthèse

un certain nombre d'autres tout aussi importants qu'il est impossible de chiffrer. Je citerai tout d'abord le coût des investissements, le coût à la production, la balance des paiements et la commodité d'emploi. S'il n'est pas nécessaire d'expliciter les trois premiers, je rappellerai en ce qui concerne le quatrième que, par exemple, les produits pétroliers et surtout le gaz naturel offrent dans la conduite des appareils et le réglage de la nature des flammes des possibilités très supérieures à celles des combustibles solides. Pour certaines industries, ces avantages sont essentiels car ils ont un effet sur la qualité des produits obtenus ou la capacité de production des installations. Un exemple caractéristique est donné par les fours solaires qui permettent la fusion de certains matériaux dans une atmosphère absolument pure puisqu'ils évitent l'introduction des corps étrangers qui accompagnent nécessairement l'usage d'électrodes dans les fours classiques. Il n'est donc pas surprenant que les produits pétroliers et le gaz naturel puissent concurrencer avec facilité les combustibles solides bien que leur prijc de vente à l'unité calorifique vendue soit supérieur. C'est ainsi que pour les centrales thermiques modernes, les combustibles liquides peuvent supporter à l'unité calorifique un supplément de prix d'environ 10 %. Sur les combustibles solides, le gaz naturel, en raison de ses avantages supplémentaires, peut supporter un écart de prix de 12 % ; pour les autres industries, l'écart est généralement plus faible et se situe entre 5 et 8 %. Le transport constitue évidemment un autre élément important, mais on soulignera à ce sujet — comme cela a d'ailleurs été fait au cours de la première journée — que les coûts de transport des différentes formes d'énergie dépendent eux-mêmes d'un certain nombre de paramètres, à savoir la capacité des installations, le degré de leur utilisation, la longueur du parcours et l'influence des progrès techniques. Une comparaison des coûts de transport même à un moment déterminé et pour une même distance unitaire supposerait donc que l'on puisse tenir compte de l'ensemble de ces facteurs et l'on peut dire qu'il est pratiquement impossible de l'effectuer sur la base d'une unité énergétique commune. Pour ne prendre qu'un exemple, le coût par unité de pétrole transporté varie dans la proportion de 100 à 38 selon que la capacité du tanker s'élève de 16 000 à 100 000 tonnes de port en lourd, et le coût du transport du gaz dans une canalisation de diamètre de 16 pouces par exemple varie dans la proportion de 5 à 1 selon que la charge varie elle-même dans la proportion de 1 à 5. Mais il est impossible de dissocier du transport quatre autres éléments complémentaires. Le premier concerne les investissements considérables

de la deuxième journée

469

entraînés par les installations portuaires spéciales que nécessite le tonnage croissant des minéraliers ou des pétroliers. Ceci intervient également sur le second élément, à savoir le stockage qui peut par ailleurs être rendu nécessaire par la modulation de la charge qu'il faut satisfaire. Il se trouve à ce sujet que les combustibles sont dans des situations très inégales au point de vue de leur stockage. Le fuel exige des réservoirs dont le coût est de l'ordre de grandeur de la moitié de la valeur du combustible stocké. Par contre, le tassement des stocks de charbon par les bulldozers a supprimé les risques de combustion spontanée et fait du charbon un combustible dont le stockage est presque gratuit comme coût direct. Mais il reste malheureusement la charge d'intérêt du combustible qui rend le stockage onéreux s'il doit être effectué sous des quantités importantes. A ce point de vue d'ailleurs, l'énergie nucléaire apporte des possibilités intéressantes qui sont dues pour une faible part au peu d'encombrement et de poids des combustibles qu'elle utilise et essentiellement au faible coût du combustible par kilowattheure, ce qui réduit proportionnellement les intérêts intercalaires de stockage. Le troisième élément est la sécurité de l'approvisionnement. Le manque naturel de corrélation qui existe entre l'inégale localisation des ressources, d'une part, et l'inégale localisation des consommations, d'autre part, conduit à des mouvements d'énergie à travers les frontières. De tels mouvements créent une certaine dépendance entre pays importateurs et pays exportateurs. Les premiers ont donc parfois tendance à exploiter au maximum leurs propres ressources avant de faire appel à l'extérieur. Les besoins pouvant s'adapter, dans une certaine mesure, assez facilement aux énergies disponibles, il en résulte parfois sur le plan économique une distorsion dans l'utilisation de ces dernières. Ceci est particulièrement sensible dans le cas du pétrole mais peut le devenir bientôt dans le cas du gaz naturel. Une caractéristique de la production pétrolière est en effet que la ressource se trouve généralement très loin du lieu de consommation et souvent à l'extérieur du pays consommateur. Du point de vue technique, la facilité avec laquelle s'effectue le transport massif du pétrole sur des distances considérables a permis de réaliser ce transport dans des conditions de régularité et de coût satisfaisantes. Du point de vue politique cependant, cette situation apparaît comme plus complexe ; elle est liée à la notion de sécurité d'approvisionnement et elle est à l'origine d'une intervention de plus en plus puissante des Etats au fur et à mesure que s'affirme pour eux la nécessité de disposer d'un ravitaillement garanti. Pour l'Europe, il s'agit là d'une question qui se pose avec acuité étant donné la perspective de réduction des ressources nationales dans la satisfaction des besoins globaux. Sans doute est-ce là un sujet difficile à évo31

470

Rapport de synthèse

quer, car la définition même de ce concept est délicate et surtout variable suivant la philosophie économique ou politique du pays : dans la période actuelle dite d'abondance énergétique, on pense volontiers qu'il s'agit d'un faux problème : on conçoit même que l'Italie, dont la production nationale d'énergie représente 35 % de la consommation, ait sur ce sujet des idées différentes de celles de l'Allemagne dont la production est égale à 85 % de la consommation. L'existence du problème n'en est pas moins révélée, si toutefois cela était nécessaire, par l'exemple des Etats-Unis avec la politique de restriction des importations de pétrole qu'ils mènent depuis quelques années. Il existe en fait toute une gamme de risques affectés de probabilités différentes et exigeant des mesures différentes. Un premier exemple est fourni par le souci que peut avoir un pays de satisfaire partiellement ses besoins en cas d'isolement économique. Un deuxième exemple est fourni par la rupture accidentelle ou politique de l'approvisionnement à partir de certaines sources extérieures. Ainsi, les Etats et la profession pétrolière sont-ils conduits à diversifier leurs moyens d'approvisionnement, à créer des stocks plus ou moins importants, à disposer de suréquipements de production, de transport, de raffinage. Il est clair qu'il s'agit là de mesures coûteuses qui exigent une option entre une sécurité quasi parfaite avec un prix de l'énergie élevé ou un risque de défaillance non négligeable avec un prix faible. En matière de sécurité d'approvisionnement, la politique des Etats consommateurs est d'ailleurs étroitement dépendante de la politique des Etats producteurs. Les Etats du Moyen-Orient se préoccupent d'augmenter le montant des recettes que leur procure la présence des hydrocarbures sur leur territoire ; les pays consommateurs fournissent ainsi une contribution importante au développement du Tiers-Monde. L'attitude de l'Union Soviétique apporte un aléa supplémentaire : d'aucuns considèrent sa politique pétrolière comme entrant dans un projet de domination mondiale, alors que d'autres pensent que le pétrole constitue pour elle un moyen d'échanger avec l'Europe occidentale les produits manufacturés et les matériels d'équipement qui lui sont nécessaires pour son expansion. Le quatrième élément enfin qui découle d'ailleurs en partie du précédent est l'intervention des pouvoirs publics. Je vous renvoie à ce sujet à la deuxième partie du rapport de MM. J.P. Abraham et G. Speranza qui analyse les différents types que peuvent revêtir ces interventions et le bilan de la protection douanière, de la subvention uniforme et de la subvention différenciée. J'ai cru nécessaire de donner un tableau complet des éléments qui entrent dans une étude relative à la compétitivité des formes d'énergie pour sou-

de la deuxième journée

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ligner — et ceci peut constituer un point intéressant de discussion — l'influence marginale des coûts de transport puisqu'une simple intervention des pouvoirs publics par exemple peut en détruire l'effet. Mais il est temps de revenir aux rapports qui ont été soumis sous les trois rubriques qui figurent au programme de cette journée, en bouleversant quelque peu l'ordre dans lequel ils sont présentés. Sous le second point, trois documents ont été présentés, tous trois d'ailleurs provenant de rapporteurs du Royaume-Uni. Celui du Professeur R. Meek donne entre autres une analyse intéressante des méthodes et critères employés pour le choix des investissements dans le domaine de l'énergie électrique. Celui de M. E. Rendall présente d'une façon très claire l'historique du développement de l'utilisation du pétrole au Royaume-Uni entre 1900 et 1965. Celui enfin de M. T.C.B. Watson, après avoir retracé l'histoire de l'industrie gazière au Royaume-Uni, donne un aperçu de l'économie de cette industrie dans son pays en précisant les problèmes que posent l'importation et l'utilisation du méthane liquéfié. En fait, l'on est obligé de reconnaître que le problème des rapports sur la concurrence entre les énergies extra-européennes sous lequel figurent ces trois rapports n'a été, malgré la valeur de ces derniers, abordé que d'assez loin. Certes ce problème est très vaste et il est lié à la géographie économique mondiale de l'énergie car il y aurait lieu d'examiner au préalable la localisation des principales sources extra-européennes d'énergie et leur rôle pour satisfaire les besoins de l'ensemble des pays du monde. En fait, il n'y avait peut-être pas lieu de distinguer, d'une part, la concurrence entre les énergies extra-européennes et, d'autre part, entre les énergies européennes et extra-européennes. Une telle distinction, pour être séduisante, est un peu factice, car la concurrence qui peut exister entre les énergies extra-européennes s'exerce en fait et dans sa plus grande partie sur le marché européen. C'est dans ce domaine que l'on trouve en ce qui concerne le charbon tout d'abord les deux rapports du Professeur A. Adelman et du D r Liebrucks. Le premier donne des indications très intéressantes sur les différents aspects que présentent les exportations du charbon américain en Europe occidentale. Si, à l'heure actuelle, le prix global de ce transport se situe aux environs de $ 10 par tonne, l'auteur est d'avis que, grâce à l'introduction de trains unitaires à grande capacité et de navires de 50 000 tonnes, le coût total du transport de la mine à la côte européenne peut être réduit de moitié. Il serait utile de recevoir des informations complémentaires concernant la possibilité d'une réduction aussi spectaculaire.

472

Rapport

de synthèse

Les prix avancés par cet auteur, à savoir de $ 8 à $ 10 par tonne aux ports européens, se situent de toute façon bien en deçà des prévisions de prix avancées par le D r Liebrucks, à savoir, en 1965, $ 14,35 et, en 1975, $ 16,20. Si les chiffres indiqués par le Professeur Adelman se vérifiaient pour des exportations de grandes quantités de charbon, ceci pourrait provoquer des perturbations assez sérieuses pour un certain nombre de charbonnages européens. Il semble cependant que les estimations du Professeur Adelman ne tiennent peut-être pas compte de tous les facteurs en cause et qu'elles soient plutôt le résultat d'études sur les coûts marginaux. Le gaz naturel a fait l'objet de deux rapports soumis par M. de La Taste et le D r F. Venanzi. Cette question a déjà été abordée au cours de la première journée. Ces rapports indiquent que le gaz naturel sera compétitif à condition d'être offert à un prix inférieur à un seuil déterminé. Cependant le gaz doit d'abord acquérir suffisamment de débouchés afin que l'importation d'un débit régulier assez élevé puisse ramener le coût du transport à ce seuil de compétitivité. L'étude attentive du marché et de la politique tarifaire que recommande le D r Venanzi mérite de retenir l'attention et il indique à ce sujet que le prix de revient du gaz d'importation étant déterminé principalement par le coût du transport, celui-ci est particulièrement sensible à la quantité transportée ainsi qu'à la régularité de la consommation. Une fois les débouchés acquis, le fournisseur dispose de méthodes efficaces pour remédier à la modulation de la charge. Les problèmes que pose le transport de l'énergie électrique n'ont pas été traités de façon particulière dans les rapports soumis au cours de cette journée. Dans le cadre de la compétitivité entre les différentes formes d'énergie, on en soulignera cependant trois aspects. Tout d'abord les combustibles nucléaires sont radicalement différents des combustibles classiques. La concentration d'énergie par poids unitaire (le facteur d'équivalence est de l'ordre de 10 000 à 30 000 dans les réacteurs actuels et de 100 000 à 200 000 dans certains des prototypes les plus modernes) fait que les coûts de transport sont bien entendu négligeables, sauf dans le cas du combustible irradié, quand le traitement de ce combustible se justifie économiquement. D'autre part si, comme on l'a rappelé au début, le transport de l'énergie électrique par courant alternatif est limité à une certaine distance, celle-ci peut être augmentée dans des proportions considérables dans le cas de transmission à courant continu. De tels réseaux existent déjà en Union Soviétique sur une distance de 700 km et il est prévu de réunir la Sibérie à l'Oural, ce qui représente une distance de 2 500 km sous une tension de 1 500 kV. Les experts soviétiques estiment dans ce domaine que la compétitivité entre le courant alternatif et le courant con-

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tinu est atteinte à partir de 1 200 km environ. Enfin lorsque c'est la mer qui constitue l'obstacle à son transport, l'énergie électrique peut l'être de façon indirecte sous forme de produits finis dont la fabrication nécessite une grande quantité d'électricité, et l'aluminium métal ou certains ferroalliages en constituent des exemples pertinents. Il est donc vraisemblable que ce transport indirect de l'énergie électrique se développera au fur et à mesure que les ressources hydrauliques de l'Afrique en particulier, qui représentent 32 % des ressources mondiales, seront aménagées. Je proposerai d'examiner en dernier lieu le rapport de MM. J.P. Abraham et G. Speranza et celui du D r F. Mattei. Tout en se rapportant au sujet des travaux de cette journée, ces deux rapports l'envisagent sous un aspect particulier, le premier traitant des méthodes d'analyse de la concurrence et le second de la thèse du libre échange dans l'approvisionnement énergétique de l'Europe. Ces documents contiennent une contribution particulièrement utile et, en accord avec leurs auteurs, je laisserai le soin à ces derniers de vous en présenter un court résumé introductif à la discussion, lorsque celle-ci aura lieu à leur sujet.

Président : P. SEVETTE

Résumé des discussions de la deuxième journée.

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Résumé

des

discussions

M. le professeur de BERNIS tient tout d'abord à remercier M. P. Sevette, car sa présence dans ce colloque est gage d'une discussion entre les économies de toute l'Europe. Président de cette deuxième journée, expose oralement son rapport de synthèse, donné in extenso dans les pages précédentes, et demande aux rapporteurs de cette première demi-journée de compléter éventuellement leur rapport. M . SEVETTE,

M . le professeur M E E K tient à faire quelques remarques sur sa communication, en soulignant que la quatrième partie de son rapport tourne autour de la notion de taux d'intérêt.

M. RENDALL tient à souligner que l'arrivée du gaz naturel en Europe crée une incertitude, et que des raisons politiques concourent également à la compétition en matière de prix d'équilibre entre sources d'énergie. M . WATSON, à propos du gaz, attire l'attention des participants sur les modifications radicales de l'industrie du gaz à la suite des changements intervenus dans le transport de cette forme d'énergie. M . le professeur ADELMAN demande si le gaz, exproduits pétroliers, est plus ou moins compétitif que le gaz naturel importé sous forme liquide. M . WATSON pense que le coût d'importation du gaz algérien est inférieur au coût du processus de gazéification.

M. ABRAHAM demande alors à M. le professeur Meek comment il est parvenu à retenir le taux de 7 % comme taux d'actualisation. M . le professeur M E E K répond qu'il s'agit là d'une question d'analyse économique ; mais celle-ci n'ayant pas atteint un stade suffisant, il faudrait la compléter par le sentiment et l'intuition. L'industrie nationalisée de l'électricité en Angleterre a ajouté le taux de bénéfice net au taux d'intérêt de ses emprunts, et ceci, afin d'arriver au taux réel, ce qui correspond au coût du capital. Il estime cependant que ce calcul est illogique. M . M I C H A E H S montre alors, pour sa part, dans quelle mesure le taux d'intérêt influence tous les calculs et toutes les comparaisons en ce qui concerne la production de l'électricité dans la Communauté Européenne. Les résultats de ces comparaisons sont difficiles à déduire. Les différences dans le prix de revient résultant de la différence des annuités, pour les centrales thermiques, sont de l'ordre de 20 à 25 %, tandis que pour les centrales nucléaires elles peuvent atteindre 30 %.

M. le professeur BYÉ, à propos du taux d'intérêt, expose l'idée que le taux d'intérêt dépend en majeure partie du centre de décision considéré. Et s'agissant d'énergie extra-européenne, il faut considérer, analyser la signification

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des procédés d'actualisation appliqués par les pays producteurs qui, en principe, manquent de capitaux. Enfin, dans une stratégie non concurrentielle, le taux d'intérêt n'est pas une constituante du prix, ni le prix une résultante : taux et prix doivent être appréhendés simultanément. M . LACOSTE estime que pour la détermination du taux d'actualisation les éléments à considérer sont le risque couru, la rareté du capital en face des besoins à satisfaire.

M. le professeur LLAU constate, d'une part, que la théorie économique ne nous est d'aucun secours en la matière et que, d'autre part, le plan choisit un taux. Le choix de ce taux résulte d'un acte arbitraire et volontaire, taux dont la valeur, en points, se réfère à un loyer de l'argent à long terme, et aux perspectives d'évolution de ce loyer. M. le professeur de BERNIS aborde le problème sous un autre angle : taux et rentabilité des projets sont liés, mais la mesure des effets de l'investissement est-elle faite ? Ce problème est appréhendé dans les faits lorsqu'un taux d'actualisation différent est retenu par des secteurs publics ou privés ou par les différentes branches de production. Si l'entrepreneur privé sait ce qu'est la rentabilité, il n'en est pas de même de l'entrepreneur public ; le premier est confronté à des problèmes monétaires, le second à des problèmes de croissance, de relations intersectorielles, à des relations interrégionales, soit toute une série de problèmes que la comptabilité nationale, et a fortiori régionale, saisit mal. Quand bien même ces comptabilités seraient adaptées, il resterait à déterminer la meilleure méthode de développement. Un taux d'actualisation introduit une certaine rationalité dans les calculs économiques, mais il existe d'autres éléments à prendre en considération. M . M A I L L E T marque son désaccord avec l'intervention précédente ; s'il est effectivement très difficile de cerner les répercussions d'un investissement, il est douteux que des taux d'actualisation différenciés obéissent à une quelconque logique, car selon quels critères les différencier, pour aboutir à quoi, alors qu'un taux unique permet un classement des investissements. Puis M. Maillet remarque qu'il y a dans toute la discussion précédente une hypothèse sous-jacente jamais vérifiée : un niveau général des prix constants. Or, en cas de glissement rapide de la monnaie, les taux d'actualisation retenus (6 à 8 %) n'ont plus guère de sens.

M. le professeur de BERNIS souscrit à l'ultime remarque de M. Maillet, mais rejette l'idée de classement opéré par le taux d'actualisation. A partir d'un modèle de croissance du type Harrod ou Domar, il est possible de montrer que le taux de croissance optimum est obtenu quand ce taux est égal au taux d'intérêt ou d'actualisation ; et si la structure du capital est optimum, concurremment avec une situation de plein emploi des facteurs de production intégrant le progrès technique, il est également possible de démontrer que le taux de croissance est optimum lorsque tous ces secteurs croissent au même taux ; mais il faut se rendre à l'évidence que la dernière condition n'est pas du tout

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Résumé des discussions

respectée : d'où des taux de croissance sectoriels différenciés, de même pour les taux d'actualisation. M. MAINGUY intervient pour appuyer M. le professeur de Bernis, et cite à l'appui de cette thèse les travaux de M. Malinvaud et de M. Desrousseaux. M . le professeur LLAU abonde également dans le même sens et cite les cas concrets où effectivement des taux d'actualisation différents sont retenus, tel le plan en France.

M. LACOSTE partage l'avis de M. Maillet en soulignant l'importance du système de prix et de la nécessité de sa régulation. M. MAILLET ne conteste pas qu'il y ait des taux différenciés qui soient choisis en France, mais c'est parce qu'un secteur donné voit le montant de ses ressources très limité eu égard aux investissements qu'il estime devoir être entrepris ; mais c'est là une situation transitoire. Il ne conteste pas non plus qu'en définitive c'est le pouvoir politique qui décidera, mais l'économiste n'a pas au départ à supputer les souhaits du pouvoir. Enfin, M. Maillet fait remarquer que ses contradicteurs ont la possibilité de retenir plusieurs nomenclatures sectorielles, et alors, laquelle choisir et comment les taux d'actualisation différents vont-ils être calculés ? La thèse adverse, en effet, subordonne le choix du taux d'actualisation au taux de croissance, alors que ce taux, selon M. Maillet, dépend du taux d'actualisation choisi. M . SEVETTE clôt la discussion sans rendre de jugement et demande aux cinq rapporteurs dont il reste à discuter les communications si certains d'entre eux désirent faire, au préalable, quelques ultimes remarques.

M . le professeur ADELMAN rappelle qu'il n'a pas fait de prévisions de prix, mais des estimations de prix de revient. S'agissant du fret maritime, M. le professeur Adelman s'élève vigoureusement contre l'idée reçue que les frets sont anormalement bas, alors qu'en même temps les carnets de commandes n'ont jamais été aussi abondants dans les chantiers navals. M . de LA TASTE rappelle à son tour les grandes lignes de son rapport, et la démarche suivie. M . VENANZI signale que son étude s'est attachée volontairement à souligner pourquoi le gaz importé devrait faire l'objet d'une politique de prix de vente différenciés, et pourquoi en conséquence il est nécessaire qu'il n'y ait qu'un seul importateur. M . EBERT constate que le prix du charbon américain serait de $ 8 la tonne selon M. le professeur Adelman, et $ 15,35 la tonne selon M. Liebrucks. M. Ebert suppose que dans un cas c'est sur le carreau de la mine ; dans l'autre, rendu en Europe. Il n'empêche que les charbonnages européens, en toute hypothèse, auront fort à faire en face de la concurrence américaine si, comme le souligne M. le professeur Adelman, les producteurs américains

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journée

479

sont encore capables de réaliser des progrès à tous les stades d'exploitation, de production et de transport. Alors, dans cette perspective, l'Europe pourrait être amenée à conclure des contrats d'importation à long terme portant sur 100 ou 200 millions de tonnes ; mais, en ce cas, les producteurs américains ne seraient-ils pas tentés de relever leurs prix, puisqu'ils occuperaient une place importante sur le marché européen, place qui permettrait un tel rehaussement des prix ? M. LACOSTE s'interroge sur la menace que fait peser le charbon américain. Il fait remarquer tout d'abord que le charbon européen ne peut couvrir les besoins de ce continent ; dès lors, faut-il, à long terme, c'est-à-dire avec beaucoup d'incertitude, mettre en concurrence divers types d'énergie, en particulier le charbon et le pétrole. M. Lacoste fait remarquer que selon M. le professeur Adelman le charbon américain peut concurrencer en partie le fuel en Europe, alors que selon M. Liebrucks le prix de ce charbon montera à long terme. Mais à longue échéance, poursuit M. Lacoste, ce qui intéresse, c'est le prix à la thermie, dans les centrales thermiques : actuellement de 0,52 centime la thermie, le « Bureau of Mines » prévoit une baisse de 20 % environ, alors que l'énergie nucléaire implique un prix de 0,26 centime la thermie pour que le charbon garde sa position concurrentielle. Ces perspectives laissent entier l'embarras des Européens, pour lesquels c'est finalement la situation actuelle entre le charbon et le pétrole qui importe, énergies dont les prix dépendent d'une stratégie qui devrait viser à éviter la trop grande dépendance vis-à-vis d'une seule d'entre elles. fait un certain nombre d'observations et de critiques à l'égard du rapport de M. le professeur Adelman. — Sur la question concernant le prix du charbon russe ou polonais vendu au Danemark — prix alignés sur le charbon américain ? — M. Van den Heuvel pense qu'il s'agit d'un prix artificiel compensé par des avantages d'un autre ordre. — Il reproche ensuite à M. le professeur Adelman d'avoir fait abstraction de l'incapacité de la quasi-totalité des ports européens à recevoir les grands minéraliers. — Il lui reproche également son optimisme à l'égard des frets maritimes, car cela cadre mal avec le climat de récession qui règne dans les chantiers navals ; et si ceux-ci construisent encore, c'est parce que l'Etat les aide par des mesures diverses, estime M. Van den Heuvel. — Il estime pour sa part que le chargement et le déchargement d'un minéralier n'est pas aussi simple, ni aussi peu onéreux que celui d'un pétrolier, comme le soutient M. le professeur Adelman. — Enfin, l'organisation à laquelle appartient M. Van den Heuvel a reçu, il y a peu, une délégation américaine, dont les propositions n'étaient pas en harmonie avec celles supputées par M. le professeur Adelman. M . VAN DEN HEUVEL

M . ZIJLSTRA estime que M . le professeur Adelman aurait dû distinguer entre charbon industriel et charbon à coke :

480

Résumé des

discussions

— pour le premier les estimations donnent à penser que sa demande, tant en valeur absolue qu'en valeur relative, s'accroîtra sur le marché intérieur américain ; or, compte tenu des hypothèses de M. Liebrucks (accroissement de 6 % par an des salaires et réduction du temps de travail), M. Zijlstra demande à M. le professeur Adelman ce qu'il pense de ces hypothèses et si elles n'impliquent pas une hausse du charbon américain rendu en Europe ; — pour le second (charbon à coke), il ne faut pas oublier que c'est celui qui est en majeure partie importé. Si la quantité importée par l'Europe n'augmentera guère, il faut se souvenir cependant que les réserves de ce type de charbon ne sont pas particulièrement abondantes. Dans ces conditions, demande M. Zijlstra, quel sera à l'avenir son prix ? M. VENANZI critique à son tour la partie du rapport de M. le professeur Adelman qui soutient que le prix du pétrole brut n'augmentera pas au cours des années à venir ; deux ordres de raisons le conduisent à penser l'inverse : — la concentration de l'industrie pétrolière ; — la capacité d'autofinancement de cette industrie, ce qui peut signifier que par les prix payés par les clients des compagnies, celles-ci sont capables de financer le développement de secteurs voisins. Or la pleine réalisation de cet objectif requiert une situation paisible en matière de prix, qui n'existe pas encore mais qui paraît souhaitable. La conclusion quant au prix du pétrole brut est facile dès lors à dégager. M. LACOSTE estime que prix du pétrole brut et prix du charbon sont liés. En ce qui concerne le pétrole, cependant, il y a lieu de se demander comment et pourquoi jusqu'en 1958 le prix cif en Europe était de $ 15 la tonne, plus $ 5 pour le transport, alors que les coûts de production étaient approximativement de $ 2 la tonne au Moyen-Orient. Depuis 1958, il y a eu décrochage entre prix réel et prix posté, décrochage de l'ordre de $ 4 à 5 la tonne, ce qui amène le prix du pétrole rendu en Europe à $ 15 la tonne, y compris le transport, ceci correspond donc à un prix départ champ de l'ordre de $ 8, prix avantageux pour tous les producteurs, mais un peu plus pour les uns, un peu moins pour les autres (Sahara et Libye). Est-il possible, se demande M. Lacoste, d'envisager alors une stratégie unifiée des pays producteurs pour accroître les prix, donc pour accroître les royalties ? Est-il possible, par ailleurs, que les compagnies agissent conjointement pour échapper à cette menace ? Or, dans la mesure où la démonstration du D r Frankel est convaincante, il faut admettre avec lui que compagnies et pays producteurs n'atteignent pas à l'équilibre, mais que justement équilibre et sécurité sont recherchés, ce qui ne se peut que par une politique énergétique commune. M. S E V E T T E demande, à son tour, à M. le professeur Adelman ce qu'il sait du transport hydraulique du charbon et ce qu'il pense de la concurrence entre gaz naturel liquéfié et charbon. M. le professeur ADELMAN entreprend alors de répondre aux diverses questions et critiques qui lui ont été faites. M. le professeur Adelman expose tout d'abord le cas américain de la construction d'un pipe-line de charbon, et

de la deuxième

journée

481

signale qu'il y a eu à la suite de cette construction une baisse de moitié des frets de la part des chemins de fer qui se sentaient menacés. A M. Venanzi, M. le professeur ADELMAN répond, et cite des exemples, que l'oligopole n'exclut pas la concurrence.

En ce qui concerne le charbon, M . le professeur ADELMAN estime, tout d'abord, que les prix sont alignés sur les mines à production la plus difficile, et que le passage d'une production de 400 millions de tonnes à 500 ou 600 millions de tonnes peut se faire aux Etats-Unis par un simple allongement de la durée du travail sans qu'il soit à craindre une augmentation annuelle des salaires de 6 %. En réponse à M. Van den Heuvel, M. le professeur ADELMAN pense que le prix du charbon polonais ou russe rendu au Danemark s'aligne non pas sur le prix du charbon américain, mais sur le prix du fuel en Europe (inférieur à 29 cents le million de BTU). En ce qui concerne les ports européens capables de recevoir de gros minéraliers, M. le professeur Adelman fait observer qu'il y a dix ans aucun port de ce continent ne pouvait recevoir les gros pétroliers et qu'il y en a maintenant une bonne douzaine ; il estime qu'il en sera de même pour le charbon. Quant à la construction navale, il fait observer que les constructeurs qui pratiquent les prix les plus bas ne reçoivent aucune subvention et paient mieux en général leurs salariés (Suède et Japon), ceci parce qu'ils utilisent une technique de construction radicalement différente de celle utilisée jusqu'alors. Il marque ensuite son accord avec M. Van den Heuvel à propos des déchargements plus lents des minéraliers par rapport aux pétroliers, mais cite des exemples desquels il ressort que le chargement du minéralier est plus rapide maintenant que celui du pétrolier. Enfin, il estime que sur la délégation américaine dont les prix proposés étaient supérieurs à ceux qu'il estime il ne faut pas se faire d'illusion : elle a, et c'est le jeu, présenté les prix les plus élevés possibles. M. le professeur BYÉ demande à M. le professeur Adelman si au cas où les Etats-Unis importaient du Moyen-Orient tout le pétrole dont ils ont besoin pour leur marché intérieur, et qui arriverait sur la côte Est des Etats-Unis moins cher, en toute hypothèse, ce ne serait pas là le moyen de maintenir des prix élevés en Europe. le professeur ADELMAN ne le pense pas, pour deux raisons : — l'hypothèse précédente implique un doublement de la production du Moyen-Orient, mais la pente des coûts marginaux à long terme est plate ; ce qui signifie qu'il n'y aurait pas hausse des coûts de production ; — cette même hypothèse ferait qu'une foule d'acheteurs indépendants se constituerait : la concurrence inévitable qui en résulterait empêcherait ladite hypothèse de se réaliser. M.

M . SEVETTE

exprime le souhait que le problème du gaz liquéfié soit abordé.

M . MAINGUY prend la parole au nom de remarquer à M. Venanzi deux choses :

M.

de La Taste, absent, pour faire

Résumé des discussions

482

— l'hypothèse qu'il retient, monopole absolu, est incompatible avec l'objectif exprimé, à savoir vente à la valeur d'usage à chaque usager. En effet, si c'est un monopole public, il y a nécessité pour lui de servir l'intérêt général ; si c'est un monopole privé, il existe de la part de l'Etat assez de contrainte pour conformer son action à celle de l'intérêt général ; — la vente aux distributeurs publics de gaz par référence aux coûts de production préexistants est irréaliste : d'une part, il faut se référer à une solution alternative du type cracking au naphta, et d'autre part, ces marchés sont extrêmement élastiques ; l'intérêt du monopoleur serait alors sans aucun doute de vendre moins cher et plus pour atteindre le profit maximum. VENANZI fait observer qu'il a pris soin, dans son rapport, de définir le critère à partir duquel il faut importer le gaz naturel : c'est à partir du moment où l'économie nationale, c'est-à-dire l'ensemble des consommateurs, en bénéficie. M.

M. L E C L A I R rappelle que lorsque les Hollandais ont découvert Groningue ils ont pensé un instant à se servir de ces gaz naturels pour alimenter les centrales thermiques ; par la suite, ils ont pensé plus avantageux de vendre ces gaz à l'étranger pour des usages spécifiques : en effet, la quantité de gaz nécessaire à 1 kWh vaut 7 millièmes de dollars, alors que l'on peut se procurer l'énergie fossile pour produire le même kilowattheure à 4 millièmes. M. le professeur de BERNIS ouvre la discussion, au début du troisième jour, sur le problème de la concurrence énergie européenne et extra-européenne au niveau du pétrole et de la détermination de son prix. Celui-ci résulte d'une double négociation entre pays producteurs et sociétés productrices d'une part, entre ces dernières et pays consommateurs d'autre part. Les pays producteurs ont intérêt à pratiquer des prix bas, et par là même, il y a convergence avec les pays consommateurs. Ceux-ci ont intérêt à promouvoir des investissements importants dans le domaine des transports, de façon à abaisser les coûts et à dégager des effets d'entraînements sur l'industrie de leur pays. M . ABRAHAM resitue son rapport dans le contexte du colloque en le présentant comme un cadre de synthèse susceptible d'exploiter toutes les informations, au triple point de vue de la compétitivité, du rythme des substitutions et de l'intervention des pouvoirs publics. Il explicite certains points de son rapport et rappelle que l'analyse économétrique n'approche pas de façon rigoureuse les rythmes de substitutions et modifications de structure qui en résultent ; que les schémas présentés sont difficilement utilisables pour apprécier les effets concrets de telle ou telle intervention. M . TOROMANOFF énumère tous les obstacles et handicaps que le charbon communautaire doit surmonter (droits de douane des autres formes d'énergie insuffisants ; blocage des prix ; politique commerciale rigide ; coûts de transport élevés ; charges de reconversion...).

M.

RENATI

montre que si l'on n'a pas parlé de politique énergétique dans

de la deuxième journée

483

les traités européens de façon explicite, c'est pour que celle-ci découle des objectifs généraux des traités, et selon M. Mattéi, c'est là un choix valable. Selon le Président de séance, on n'a pas assez parlé du pétrole, qui est pourtant à la base de tous les problèmes de substitution, et, de ce fait, on ne peut pas tirer de conclusions pratiques de l'examen de l'aspect d'un des facteurs de concurrence, en l'occurrence le transport. M . NARDINI pense que la concurrence entre formes d'énergie est un phénomène différent de la concurrence entre produits manufacturés. Cette différence est due à la structure du prix de revient. C'est ainsi que le prix du pétrole est très faiblement déterminé par son coût de production, au contraire du charbon et des autres produits. Quant au deuxième élément de la discussion, à savoir la politique de l'énergie, celle-ci ne peut être définie qu'en fonction d'impératifs techniques, économiques et surtout politiques, qui sont basés non seulement sur les traités, mais surtout sur une « reconnaissance lucide des faits ».

Un représentant du secteur pétrolier fait remarquer que c'est le prix du pétrole, et plus spécialement l'activité des vendeurs de pétrole, qui intéresse un bon nombre de personnes présentes à ce colloque. Le prix du pétrole a diminué à la suite de la concurrence entre compagnies. Combiné à l'action des pays producteurs regroupés au sein de l'O.P.E.C., il en est résulté une réduction de la marge bénéficiaire des compagnies. Le président de séance clôt la discussion de la deuxième journée, après avoir noté son accord sur la conclusion de M. le professeur Adelman au sujet du coût du transport du charbon entre les Etats-Unis et l'Europe et après avoir rappelé la complexité des problèmes soulevés, source de discussions de caractère à la fois scientifique et politique.

Troisième journée

LES CONSÉQUENCES SUR LES LOCALISATIONS DES INDUSTRIES FORTES CONSOMMATRICES D'ÉNERGIE

Prof. Dr Th. WESSELS Dr K.D. FISCHER et

Dipl.-Volksw. J. LINDENLAUB

L'influence de l'offre d'énergie sur le choix des localisations de l'industrie chimique dans la République fédérale d'Allemagne.

488

Offre d'énergie et localisation

La littérature existant à présent sur les décisions de localisation se limite dans la majorité des publications disponibles à l'exposé de l'influence qu'exerce l'ensemble des facteurs agissant sur le choix des localisations. Les problèmes qui y ont trait ont été, au cours des dernières décennies, analysés et introduits dans des modèles ; une série d'hypothèses sur les décisions de localisation, limitées dans l'espace et dans le temps, ont été entre temps établies par des recherches empiriques. Des analyses de facteurs de localisation pris isolément sont au contraire rares. On n'a pas encore suffisamment expliqué jusqu'à quel point un facteur isolé peut influer sur le choix d'une localisation. En particulier l'importance du facteur « énergie », c'est-à-dire le prix et le volume de l'offre des sources d'énergie, pour la localisation de l'industrie chimique, est l'objet de la présente recherche. L'analyse est par ailleurs centrée sur les dernières décennies.

I. DEFINITION ET DELIMITATION DE LA RECHERCHE En tant que « choix de localisation orienté par l'énergie », doivent être retenus dans la présente étude les cas dans lesquels une offre d'énergie à un prix favorable et en quantité suffisante a au moins contribué à fixer en un lieu donné la construction d'installations chimiques nouvelles. Répondent aussi à cette définition les localisations orientées par l'énergie pour lesquelles le facteur « énergie » n'a pas été décisif à lui seul, mais conjointement avec d'autres facteurs, par exemple la main-d'œuvre. Dans une économie hautement développée, le cas normal est de plus en plus celui où les préférences de localisation peuvent être attribuées à plusieurs facteurs d'efficacité simultanée. Sous le terme de localisation, c'est-à-dire « création de nouvelles installations de production », on doit entendre dans ce qui suit aussi bien la fondation proprement dite d'établissements nouveaux que des extensions d'entreprises ; ces dernières sont prédominantes dans l'expansion de la chimie au cours des dix dernières années. Sont désignés comme « facteur énergie » tous les combustibles solides, liquides et gazeux aussi bien que l'électricité, qu'ils soient utilisés directement ou indirectement (par exemple, consommation de charbon dans les

de la chimie en Allemagne fédérale

489

centrales électriques propres à la chimie pour la production d'électricité) dans le processus de production de l'industrie chimique. En outre, il faut considérer que la consommation d'énergie de la chimie, à l'inverse de la plupart des autres domaines d'utilisation de l'énergie, a deux causes : — la couverture de besoins d'énergie (par exemple lumière, force, chaleur) ; — l'utilisation de sources d'énergie comme matières premières dans les processus de synthèse. Les deux possibilités d'utilisation sont considérées dans la présente recherche.

II. BASES THEORIQUES DE L ' A N A L Y S E DES L O C A L I S A T I O N S Par le choix d'une localisation donnée, l'entrepreneur — supposé d'un comportement économique — recherche un but précis, généralement la maximisation du gain. Le niveau du gain à son tour est de même déterminé par les coûts et les recettes. Il en résulte fondamentalement que l'on doit introduire les deux grandeurs dans une analyse des localisations. La dépendance entre la maximisation des recettes et le choix de la localisation pose avant tout le problème de la concurrence à l'intérieur d'un espace économique donné. Cette relation doit être laissée de côté dans la présente recherche, car les données empiriques nécessaires manquent pour une analyse. La dépendance entre la minimisation des coûts et le choix de la localisation peut au contraire faire l'objet d'une analyse empirique. La relation qui existe dans ce cas est au centre de la théorie traditionnelle des localisations : une entreprise choisit d'après les différences régionales des prix des facteurs, l'endroit où est obtenu un coût minimum pour la combinaison des facteurs de production. Le degré d'influence du facteur énergie dans le choix de la localisation pour la recherche d'un tel objectif dépend essentiellement : — des différences régionales dans les prix des secteurs ; — de la structure des coûts de production et du poids de l'énergie à l'intérieur des coûts globaux. De toute façon, aucune des deux grandeurs influentes prise isolément n'a d'influence ; elles peuvent uniquement, en se complétant réciproquement, représenter un critère de l'efficacité du facteur « énergie » dans la détermination de la localisation. Sans différences régionales des prix de l'énergie — ceci est valable quelle que soit la part du coût de l'énergie — le problème du choix des localisations en rapport avec le facteur « énergje » n'existe pas.

490

Offre d'énergie et localisation

III. BASES EMPIRIQUES DE L'ANALYSE DES LOCALISATIONS D E L'INDUSTRIE CHIMIQUE 1. L A STRUCTURE DES COÛTS DE PRODUCTION DANS L'INDUSTRIE

CHIMIQUE

L'influence du façteur « énergie » sur le choix des localisations de la chimie est d'autant plus forte — en regard des différences régionales des prix de l'énergie — que la part des coûts de l'énergie est plus élevée dans le coût de production total. Une analyse exacte de la structure des coûts de l'industrie chimique dans la République fédérale n'est pas disponible pour notre période de recherche. Une solution approchée est offerte cependant par l'évaluation du tableau d'input-output ci-après pour la République fédérale, d'après lequel la valeur de la production brute de la chimie peut être répartie comme suit : TABLEAU

I

LA STRUCTURE DES INPUTS DE LA CHIMIE EN POURCENTAGE DE LA VALEUR DE LA PRODUCTION BRUTE Matieies premières, matières d'appoint et produits intermédiaires de fabrication Salaires et traitements \ Energie Amortissements Gains, impôts, etc. Valeur de la production brute

52,8 19,8 12 5,9 9,5 100

Comme la valeur de la production brute et les coûts de production ne diffèrent pour l'essentiel que par le niveau des gains, le tableau I montre également le poids des différents facteurs de production et autorise à admettre que le facteur « énergie » peut exercer une influence sur le choix des localisations. Mais les parts des salaires et traitements et surtout des matières premières, matières d'appoint et produits intermédiaires sensiblement plus élevés que l'input « énergie », mettent aussi en évidence que probablement l'énergie agit rarement seule, mais bien plus souvent comme facteur complémentaire de localisation. Les valeurs données dans le tableau I établissent sans aucun doute une

de la chimie en Allemagne

fédérale

491

moyenne valable pour l'ensemble de la chimie. Comme le domaine d'activité de l'industrie chimique se distingue par une gamme de production extraordinairement large —• il s'étend de la production de matières chimiques de base jusqu'à l'élaboration de produits de consommation, — il s'établit également, correspondant à une structure de production hétérogène, des différences sensibles au sein de l'ensemble des coûts selon les secteurs de production à l'intérieur de la chimie. On relève une part prise par l'énergie dans les coûts bien plus élevée que pour la moyenne de l'ensemble de la chimie pour la production des produits chimiques dits primaires, c'est-à-dire les matières de base qui constituent le point de départ des productions chimiques aval. Le nombre des principaux produits chimiques primaires est relativement réduit et se limite pour l'essentiel : —• aux produits chimiques primaires inorganiques : chlore ammoniac carbure de calcium phosphore acide sulfurique ; —- aux produits chimiques organiques : hydrocarbures aromatiques (principalement benzol, toluol, oxylol, naphtaline, anthracène) hydrocarbures aliphatiques (principalement oléfines et acétylène). A l'exception de l'acide sulfurique, les coûts de l'énergie dans la production de ces produits chimiques primaires dépassent 40 % des coûts de production et atteignent même en partie des valeurs pouvant aller jusqu'à 70 %. Le niveau élevé du pourcentage des coûts de l'énergie est en tout cas à attribuer pour chacun des processus de fabrication à des utilisations très différentes des types d'énergie : l'électricité est surtout utilisée comme énergie de transformation (électrolyse du chlore, réactions à l'arc électrique) ; charbon, gaz naturel, produits pétroliers et leurs dérivés sont surtout employés comme matières premières, raison pour laquelle la structure de la production et les techniques de la chimie autorisent le plus souvent à utiliser chacune des sources d'énergie alternativement. La limitation des pourcentages élevés des coûts de l'énergie aux productions de produits chimiques primaires ne permet en tout cas pas de conclure que seul le secteur des produits de base de la chimie est orienté par l'énergie. La forte intégration verticale nécessaire techniquement et économiquement dans la chimie conduit aussi à une association géographique étroite de la chimie de transformation au domaine de la chimie primaire. Les grands Konzern chimiques allemands, dont le programme

Offre d'énergie et localisation

492

de production s'étend le plus souvent de la production des matières de base jusqu'aux innombrables stades de la transformation, autorise cette affirmation. Ainsi, l'influence du facteur énergie sur la localisation s'étend encore indirectement par le biais du domaine de l'énergie primaire aux stades de transformation à l'intérieur de la chimie ; en tout cas cette influence s'affaiblit nécessairement avec le nombre croissant des stades de transformation. 2 . D I F F É R E N C E S RÉGIONALES DES PRIX DE L'ÉNERGIE

Les différences régionales des prix de l'énergie peuvent être rapportées pour l'essentiel à la répartition irrégulière des sources d'énergie primaire et par suite aux charges différentes résultant des coûts de transport au lieu d'utilisation. Cette affirmation est particulièrement illustrée par la structure régionale des prix du charbon et du coke dont l'offre en République fédérale provient pour une part prépondérante du gisement de la Ruhr dont la position est centrale (cf. tableau II). En partant de la Rhénanie du Nord-Westphalie on remarque un accroissement significatif des prix vers le Sud et le Nord de l'Allemagne, qui s'est d'ailleurs réduit ces dernières années sous la pression des formes d'énergie concurrentes, mais qui cependant ne peut fondamentalement pas être pleinement évité par suite de la charge des coûts de transport. TABLEAU II DIFFERENCES REGIONALES DES PRIX D U POUR L'INDUSTRIE CHIMIQUE

CHARBON ET D U ALLEMANDE

COKE

(En indicé) Charbon

Coke de houille

1950

1955

1960

1963

1950

1955

1960

1963

Schleswig-Holstein 124 Hambourg 125 118 Brème 112 Basse-Saxe Rhénanie du Nord 100 Westphalie Rhénanie - Palatinat 116 Hesse 121 Bade-Wurtemberg 127 146 Bavière

123 123 116 111

122 122 115 111

118 118 113 109

123 122 116 111

122 122 115 111

119 119 114 110

116 116 111 108

100 115 120 125 142

100 114 119 124 140

100 112 115 119 132

100 115 119 124 142

100 114 119 124 140

100 113 117 121 136

100 110 114 117 128

De même, les prix régionaux des produits pétroliers ont montré dans le passé des différences sensibles qui avaient leur origine principalement dans

de la chimie en Allemagne fédérale

493

la répartition géographique des raffineries. Avec la diffusion croissante des raffineries — d'abord apparurent à la fin des années 1950 de nouveaux centres de raffinage en Rhénanie du Nord - Westphalie et plus récemment les régions d'Allemagne du Sud ont été atteintes — les différences de prix se sont affaiblies en même temps que la Rhénanie du Nord - Westphalie prenait la place de la zone côtière en tant que région aux prix les plus bas. Les différences de prix du fuel-oil lourd rassemblées au tableau III sont typiques de cette évolution. TABLEAU I V DIFFERENCES

REGIONALES

DES

PRIX

POUR

LE

FUEL-OIL

LOURD I

(En

Schleswig-Holstein Hambourg Brème Basse-Saxe Rhénanie du Nord - Westphalie Rhénanie - Palatinat Hesse Bade-Wurtemberg Bavière

1955

1958

1960

1962

1963

101 97 92 108 100 99 115 113 125

96 93 94 105 100 104 110 117 135

109 96 101 114 100 114 115 123 144

114 102 106 116 100 110 112 120 145

111 102 101 113 100 108 109 115 139

indice) 1964

104 120 100 109 109 111

1. Pour les gros clients industriels.

Les différences de prix des formes d'énergie primaires conduisent aussi naturellement à des prix régionaux différents pour les formes d'énergie valorisées, électricité et gaz. Le tableau IV donne un aperçu sur la répartition régionale des prix du courant pour les clients industriels particuliers ; en tout cas les différences de prix sont encore déterminées par d'autres grandeurs influentes spécifiques aux branches (par exemple densité de l'utilisation du courant et par la suite coûts de distribution). TABLEAU I I I DIFFERENCES REGIONALES DES PRIX D U COURANT P O U R L E S C L I E N T S P A R T I C U L I E R S (1961)

Schleswig-Holstein Basse-Saxe Rhénanie du Nord - Westphalie Rhénanie - Palatinat Hesse Bade-Wurtemberg Bavière

112 121 100 100 111 115 125

Offre d'énergie et localisation

494

Encore que les différences de prix présentées dans les tableaux II à IV reposent seulement sur des prix moyens pour de gros clients industriels qui peuvent sans doute être encore sujets à des modifications sensibles selon la taille éventuelle et la puissance sur le marché d'un client donné, elles permettent cependant les conclusions générales suivantes : — le niveau général des prix de l'énergie a fait preuve dans le passé de différences régionales importantes ; — le développement de l'économie de l'énergie des dernières années — élargissement de l'offre d'énergie par la diffusion des centres de production — a conduit à un nivellement croissant des différences de prix régionales qui n'a pas intéressé que le seul charbon. 3 . D I F F É R E N C E S RÉGIONALES DANS LES CONDITIONS D E L ' O F F R E DES AUTRES FACTEURS D E

PRODUCTION

Les différences régionales existantes dans les conditions de l'offre des autres facteurs de production — principalement travail et terrains à bâtir — ne se sont pas modifiées durant les décennies passées dans la même proportion que les prix de l'énergie. Les différences régionales dans les niveaux de salaires, qui atteignaient encore 20 % vers le milieu des années 1950, se sont sans doute réduites, mais subsistent toujours. D'une façon générale, pour le facteur travail, le problème se situe beaucoup moins dans les différences régionales de salaires que dans les disponibilités en main-d'œuvre. La situation sur le marché allemand du travail est cependant partout aussi étendue. Une conclusion analogue vaut également pour les terrains à bâtir industriels, l'importance des différences régionales d e prix vient sensiblement après les disponibilités.

4.

L ' I N F L U E N C E DES MODIFICATIONS DES P R I X DES

FACTEURS

SUR LA STRUCTURE D E LA PRODUCTION ET DES COUTS DE LA CHIMIE

L'offre d'énergie qui s'est élargie avec l'expansion d e l'économie pétrolière et la diffusion régionale croissante des raffineries conduit : — à une concurrence aiguë entre les formes d'énergie concurrentes, dans laquelle le charbon se montre inférieur aux produits pétroliers sur le terrain des prix ; — à une uniformisation croissante des prix régionaux pour les produits pétroliers. Les changements dans la structure des prix de l'offre d'énergie ne sont pas demeurés sans influence sur la chimie. L a structure de la production et les procédés techniques de la chimie permettent — surtout tant qu'il s'agit

•de la chimie en Allemagne

fédérale

495

d'utilisation de matière première — de s'adapter relativement vite en ce qui concerne l'utilisation de l'énergie à une offre faite à des prix plus favorables. La mise sur pied de la pétrochimie qui s'est accomplie en peu d'années est un exemple de cette souplesse de la chimie ; à peu près tous les produits chimiques organiques primaires importants sont aujourd'hui produits presque uniquement sur une base pétrolière (cf. tableau V). ( Voir tableau page suivante.) E n tout cas le changement de structure qui s'est manifesté durant ces dernières années dans la consommation d'énergie de la chimie signifie également un affaiblissement croissant de l'effet du facteur énergie sur les localisations : avec le nivellement des prix régionaux des produits pétroliers, le problème de la localisation lié au facteur énergie perd en signification sans considération du pourcentage élevé du coût de l'énergie inchangé au sein des coûts de production.

IV. LE DEVELOPPEMENT DES LOCALISATIONS ORIENTEES PAR L'ENERGIE DANS LE DOMAINE DES FABRICATIONS DE BASE DE LA CHIMIE ALLEMANDE La phase de forte expansion de l'industrie chimique depuis à peu près le milieu de la décennie précédente est encore tombée dans une période de différences régionales importantes des prix de l'énergie. C'est pourquoi, au moins dans le domaine de la chimie primaire, et en raison des pourcentages élevés du coût de l'énergie, le facteur énergie a influencé à cette époque la localisation des extensions d'entreprises et des créations d'établissements nouveaux. On va examiner dans ce qui suit dans quelle mesure il en a été ainsi. 1. PRODUCTION DE CHLORE

La production de chlore de la chimie allemande a atteint en 1963 9 200 000 tonnes de chlore en chiffres ronds et s'est répartie entre onze entreprises avec un total de quinze installations de production. L'accroissement de la capacité des installations d'électrolyse de 520 000 tonnes par an par rapport à 1965 revient pour une part prépondérante aux cinq grosses entreprises suivantes : Farbwerke Hoechst AG, Farbenfabriken Bayer AG,

Offre d'énergie et focalisation

1961

1963

496

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