Recherches sur les cultes de Délos à l'époque hellénistique et à l'époque impériale


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French Pages 694 [719] Year 1970

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Recherches sur les cultes de Délos à l'époque hellénistique et à l'époque impériale

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RECHERCHES SUR

LES CULTESDE DÉLOS A L'ÉPOQUEHELLÉNISTIQUE ET A L'ÉPOQUE IMPÉRIALE

BIBLIOTHÈQUE

DES ÉCOLES FRANÇAISES D'ATHÈNES ET DE ROME FASCICULE

DEUX

CENT

DIX-SEPTIÈME

Philippe BRUNEAU

RECHERCHES SUR

LES CULTESDE DÉLOS A l/ÉPOQUE 1-IELLÉNISTIQUE ET A L'ÉPOQUE IMPÉRIALE

PARIS ÉDITIONS E. DE BOCCARD 1, RUE DE MÉDICIS, 1 1970

A MON PP:RE

AVANT-PROPOS

L'idée d'écrire ma thèse principale de doctorat sur les cultes de Délos hellénistique m'est venue peu à peu; lors de mes débuts de ,à partir de 1961, mon allention avait été sollicitée par diverses questions telles que l'existence du prétendu oracle d'Apollon, l'identification el l'histoire du ,celles de la Synagogue, l'origine géographique du signe de Tanit sur la mosaïque de la Maison des dauphins; puis je publiai deux articles relatifs à des points d'histoire religieuse délienne. J'aperçus alors que ces recherches éparses pourraient aisément s'intégrer, sous le titre qui est celui du présent volume, à un travail plus vaste quel' ampleur de la documentation épigraphique et archéologique invitait à entreprendre et dont le sujet s'imposait assez naturellement, bien qu'aucun de mes devanciers ne s'y fût encore spécialement intéressé; si, en effet, dans son admirable Délos, colonie athénienne, P. Roussel a traité en quatre-vingts pages des cultes de l'époque athénienne, l'étude des cultes de l' Indépendance restait presque complètement à écrire. Je me suis donc attaché à brosser le tableau des cultes de Délos, de 314 av. J.-C. à la fin de l'époque impériale, limites chronologiques que je justifierai plus loin. Pour ce faire, j'ai bénéficié, pendant neuf ans, d'un contact permanent avec Délos, el tous ceux qui consacrent à un site une grande partie de leur travail devineront ce que m'ont apporté des séjours sur l'île dont la durée totale atteint presque deux années pleines. Mais ce long tête-à-tête indispensable avec les antiquités déliennes el avec le corpus des inscriptions ne m'aurait pas suffi, si ne m'avait enrichi constamment la fréquentation des autres , mes aînés comme ceux de ma génération; je ne lente pas de les nommer ici, mais c'est avec une affectueuse reconnaissance que j'évoque toutes les conversations que j'ai eues, souvent à Délos même, avec l'un ou l'autre el qui ont tant contribué à éclaircir des idées encore confuses ou à rejeter des hypothèses erronées, celles qui se trouvaient déjà dans les livres comme celles que je m'apprêtais parfois à y ajouter. Au cours de l'élaboration de mon travail, les bienveillants conseils de mon directeur de thèse, M. R. Flacelière, ne m'ont jamais fait défaut; les autres membres de mon jury, MM. P. Demargne, J. Bousquet, J. Tréheux et J. Marcadé, m'ont apporté des avis qui ont beaucoup contribué à améliorer l'étal définitif de mon texte; M. A. Plassart a accepté de lire une partie des épreuves typographiques et m'a également communiqué de précieuses observations; Pierre Ducrey m'a amicalement aidé à corriger une partie des épreuves; enfin, M. G. Daux, qui fut mon directeur à Athènes pendant huit ans, a toujours contribué à faciliter mon travail à Délos el a bien voulu accueillir ce livre dans la Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome : à tous je me plais à exprimer ici ma gratitude. Paris-Rennes, juillet 1970.

INTRODUCTION

Le propos d'entreprendre des recherches sur les cultes de Délos à l'époque hellénistique et à l'époque impériale appelle quelque explication. D'une part, en effet, il n'est pas sans danger de se limiter à un site : confronté à une documentation énorme, j'ai très tôt senti que je devais renoncer à inscrire les cultes déliens dans un tableau plus général de la religion hellénistique, mais cette restriction de l'enquête peut paraître inopportune dans le cas d'une période où les contacts ont été permanents entre tous les points du monde antique. D'autre part, si l'on se résout à ce parti monographique, est-il raisonnable d'imposer à la recherche une nouvelle limitation, celle-ci chronologique, et de lui fixer 314 comme point de départ? Le choix de Délos et la décision que j'ai prise d'étudier les cultes déliens pour eux-mêmes, sans souci de les replacer dans le contexte religieux de l'époque, s'expliquent d'abord par une raison valable en toute occasion : l'histoire générale ne se construit qu'au prix d'enquêtes particulières. Mais, en outre, s'agissant de l'histoire religieuse hellénistique, Délos ne saurait être tenue pour l'objet d'une recherche quelconque parmi d'autres ; sans aucun doute en effet, elle offre à l'investigation un terrain privilégié : cet antique lieu saint, un des quatre ou cinq sanctuaires panhelléniques, est envahi peu à peu par une population cosmopolite. Les anciens dieux et les rites ancestraux survivent ; mais des croyances s'y installent en des dieux nouveaux. Ici, plus qu'ailleurs en Grèce, la confrontation des divinités grecques et des dieux étrangers se double d'une rencontre réelle entre leurs fidèles. Le morcellement ethnique engendre à Délos une multiplicité de cultes qui rend bien hétérogène, à l'époque hellénistique, la physionomie religieuse du vieux sanctuaire ; mais il serait faux de ne considérer que la fragmentation infinie des pratiques religieuses. On n'imagine guère que des hommes de si diverses origines aient pu se rassembler dans une ville de faible extension sans que se contaminent croyances et usages. En certains domaines cette impression se confirme d'emblée : il existe bien, semble-t-il, une architecture délienne, une sculpture délienne, un répertoire délien de peintures et de mosaïques ; on n'espère pas pouvoir conclure à une koiné délienne dans le domaine religieux, mais les interférences sont nombreuses entre les cultes. La seconde limitation, chronologique, que j'ai adoptée peut, elle aussi, s'expliquer d'abord par des raisons d'ordre très général : entre la période hellénistique et les siècles antérieurs il s'opère des renouvellements suffisants pour que la coupure marquée par l'historien n'apparaisse pas artificielle ; ensuite, l'abondance de la

2

INTRODUCTION

documentation conservée à partir de cette époque modifie profondément la méthode d'investigation : les inscriptions et les monuments figurés abondent ; les textes littéraires sont plus nombreux et plus explicites qu'aux temps classiques, peut-être en partie parce que le penseur ou }'écrivain se fait alors plus volontiers archéologue ou historien, et surtout on n'a plus, comme il est nécessaire pour des temps plus anciens, à découvrir ou deviner un passé obscur à travers les propos d'auteurs tardifs : le texte est contemporain des faits étudiés. Aux considérations générales s'ajoutent des raisons propres à Délos ; les événements politiques y ont eu alors d'importantes répercussions religieuses. L'histoire hellénistique de l'île s'ouvre sur un changement considérable survenu à une date qui n'est pas absolument assurée, mais semble être 314 ou très proche de 314 (1) : Délos recouvre son indépendance ; le sanctuaire n'est plus administré par des étrangers, les cultes indigènes sont à l'abri de l'ingérence athénienne, et le nombre des constructions neuves fait deviner que cette période dite de }'Indépendance est un des grands moments de l'histoire religieuse délienne. Puis, en 166, Délos devient colonie athénienne et port franc; ici aussi l'événement de caractère purement politique entraîna des conséquences importantes dans le domaine des cultes ; à l'immunité dont jouit alors Délos est imputable l'accroissement de l'immigration d'étrangers dont la présence modifia profondément la physionomie religieuse du sanctuaire : les nouveaux venus apportèrent avec eux des cultes de toutes sortes dont les uns devinrent officiels, tandis que d'autres se confinaient dans des sanctuaires privés, mais qui, de toute façon, augmentent largement l'intérêt d'une histoire religieuse de Délos à cette époque. Enfin, au moment où j'achève cet essai de justification des limites de mon travail, je serais malhonnête de taire ce qui pour tout >; j'aurai plusieurs fois recours à ce principe d'explication qui conduit en général à l'abstention, mais qui préserve au moins des conclusions téméraires.

3. Les données architecturales sont nombreuses, mais la plupart du temps mal utilisables : l'exploration archéologique a placé sous nos yeux maints sanctuaires dont l'identification est assez souvent incertaine. Pausanias n'ayant pas décrit Délos, la topographie délienne s'établit peu à peu par la confrontation des inscriptions administratives et des données de fouille : les premières fournissent des noms sans monuments et les secondes des monuments sans noms ; mettre des noms sur les monuments n'est pas aisé et j'ai essayé, pour chaque culte, de faire le point des questions; mais la confusion est si grande que j'ai cru être utile en dressant, au chapitre XV (pp. 509-514), la concordance plus ou moins sûre ou probable des sanctuaires connus par les textes et des sanctuaires retrouvés sur le terrain. Encore dois-je ajouter que la vision d'un sanctuaire parfaitement identifié mais très ruiné n'apporte pas toujours grand-chose à la connaissance du culte qu'on y célébrait. 4. Les monuments figurés les plus utilisables sont les reliefs et les peintures. J'ai peu recouru aux mosaïques, dont le répertoire est en général dépourvu de signification cultuelle, et aux monnaies qui ne font que confirmer quelques points de mythologie. Quant aux statues, très abondantes, elles n'étaient pas encore étudiées quand j'ai écrit ce livre; il était même déjà imprimé quand la thèse de J. Marcadé, Au Musée de Délos (cf. p. 9), m'est devenue accessible; je n'ai donc pu l'utiliser que très rarement et je me suis le plus souvent contenté de rajouter en notes des références à ce travail, à seule fin de faciliter les recherches de mes lecteurs.

..* .

INTRODUCTION

5

J'ai expliqué jusqu'ici pourquoi j'avais choisi les limites qui sont celles de cette étude et présenté les sources dont je disposais ; il me reste à indiquer la méthode que j'ai adoptée pour conduire mon enquête et le but que je me suis assigné. Je résumerai mes intentions en disant que j'ai voulu faire une monographie et (en dépit de la valeur péjorative que l'usage attache d'ordinaire à ce mot) une compilation critique. Ces trois mots appellent commentaire. Une des faiblesses ordinaires de l'esprit, particulièrement sensible dans les travaux d'histoire religieuse antique, est d'échafauder des thèses sur des faits inexacts ou mal assurés. J'ai donc cru sage de renoncer aux vastes ouvertures et de m'en tenir aux faits déliens, soit qu'on pût les établir solidement, soit qu'il fallût se contenter de poser des problèmes et d'éliminer certaines des solutions théoriquement possibles, sans pour autant accéder à la vérité. La tâche était bien assez considérable, et je laisse à d'autres le soin d'utiliser les résultats présentés ici dans des études plus larges. Quant à moi, je n'ai mis en rapport les faits déliens et les faits constatés dans le reste du monde antique que lorsque les seconds servaient à établir les premiers; j'entends que je n'ai pas tenté de replacer Délos dans le contexte général pour dégager la signification de ce qui a lieu à Délos et que je n'ai utilisé les faits non déliens que dans les cas où la documentation locale ne détenait pas à elle seule la promesse d'une certitude (par ex. à propos de la disposition architecturale de la Synagogue, pp. 488491 ). Pour décrire aussi complètement que possible les faits cultuels que nous pouvons saisir à Délos, je me suis d'abord attaché à rendre la documentation accessible, en rassemblant exhaustivement les sources littéraires, épigraphiques et archéologiques ; cette entreprise s'imposait d'autant plus que les inscriptions, qui forment la majeure partie de notre information, n'ont pas encore été indexées. Je me suis refusé à suivre les errements de ceux, trop nombreux, qui relèguent les textes dans des notes, les dispersant et les réduisant souvent à une référence, et qui les présentent au fur et à mesure des besoins de leur exposé. Tout au contraire, j'ai systématiquement énuméré les sources en début de chapitre sous la rubrique « Testimonia »; j'ai transcrit et même traduit les textes chaque fois que cela me semblait utile. Ce système, qui, pour n'être pas original, est rarement adopté, me paraît s'imposer en saine méthode : le rassemblement des sources est toujours l'essentiel de notre travail, car l'exégèse érudite en découle alors tout naturellement, et, inversement, le recensement incomplet et l'absence de recours direct aux textes engendrent la plupart des erreurs. En outre, transcrire des textes généralement dispersés ou peu accessibles, présenter d'emblée toutes les sources est aussi un point d'honnêteté; l'auteur remet ainsi d'un coup au lecteur toutes les pièces du procès et lui offre le moyen de vérifier ses assertions, de les compléter et, tout autant, de les rejeter. Dans ce rassemblement des sources, je me suis toutefois permis quelque souplesse: dans le cas des textes littéraires, j'ai toujours transcrit intégralement les passages utiles à mon propos, mais je n'ai pas proposé de traduction lorsque l'intelligence du texte n'offrait vraiment aucune difficulté. Dans le cas des inscriptions, j'ai tour à tour résumé, cité, élaboré sous forme de tableaux les passages intéressants pour des raisons qu'imposait la matière à traiter : par exemple, il était inutile de citer de bout en bout le détail de certains paiements alors que m'intéressaient seules la mention d'un sanctuaire ou l'importance du travail qu'on y avait exécuté ; des textes parallèles, comme les comptes des dépenses engagées pour la fête des Posidéia, gagnaient à être présentés en un tableau récapitulatif. Les inventaires ne pouvaient être

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INTRODUCTION

traités à la façon des comptes : ces derniers offrent à propos des mêmes sujets, tels que les préparatifs des fêtes, des variations très instructives, alors que les premiers se répètent souvent; quand j'ai eu à mentionner une offrande isolée, j'ai transcrit le texte le mieux conservé ou l'énoncé le plus détaillé, et je me suis contenté d'indiquer la référence aux passages similaires ; quand je m'intéressais aux inventaires de tout un sanctuaire, il n'était pas question de recopier des textes fort longs et dont le détail m'importait généralement peu, car, dans la majorité des cas, la nature des offrandes n'enseigne rien sur le culte, et c'est seulement leur nombre et leur rythme d'accroissement qui nous informent de la faveur ou du déclin d'un culte ; j'ai donc seulement donné une liste des textes, en indiquant pour chacun les particularités notables (offrandes de type inhabituel, offrandes nouvelles, divergences de rédaction par rapport aux inventaires antérieurs). Enfin cette compilation des sources devait rester critique ; ceci est aussitôt évident, car le témoignage des monuments - surtout les monuments figurés - ne se laisse pas entendre dès l'abord et l'on doit le solliciter : le but auquel j'ai tendu - sans y parvenir trop souvent, on s'en doute - était de rendre compte de tous les documents relatifs, de près ou de loin, à l'histoire des cultes déliens. Cette entreprise a été facilitée par l'accès direct que j'y ai eu : j'ai revu directement les ruines et les monuments figurés, chaque fois qu'ils étaient conservés (ce qui n'est malheureusement plus le cas des peintures) ; au contraire, j'ai presque toujours utilisé les inscriptions d'après le Corpus : les relire toutes sur la pierre était une tâche considérable que l'état désastreux du Musée de Délos rendait extrêmement difficile et dont je sentais surtout la vanité, venant après J. Tréheux qui a relu la plupart des textes et a tant contribué aux progrès de l'épigraphie délienne; mais j'ai revu les marbres chaque fois qu'une leçon du Corpus me paraissait suspecte, à tort ou à raison. L'attitude critique m'était surtout imposée par mes devanciers : si personne n'a étudié d'ensemble l'histoire religieuse de Délos à l'époque hellénistique, il s'en faut que les documents mis ici en œuvre soient vierges. Tous ont été publiés depuis longtemps, donc utilisés et commentés. J'ai pu, à cet égard, éprouver la rigueur de savants tels, par exemple, que Th. Homolle et F. Durrbach, plus encore peut-être P. Roussel et A. Plassart; mais d'autres ont été moins prudents, ou, pour user du mot de l'un d'eux, moins : que de théories, traditionnellement acceptées et sur lesquelles chacun vient asseoir ses propres hypothèses, ne résistent pas à l'examen! Je me suis attaché à ne rien croire avant d'avoir suivi moi-même la démarche des sources aux conclusions; il m'est même arrivé de développer les raisons d'accepter un fait parfaitement admis par mes devanciers, parce qu'il me paraissait que l'affirmation n'allait pourtant pas de soi et qu'il importait de tenter la démonstration. Souvent aussi, j'ai amplement taillé dans la forêt des conjectures et je me tiendrai pour satisfait si j'ai pu faire mesurer par mon lecteur le degré de certitude ou d'incertitude auquel atteint telle démonstration ou telle hypothèse. Aussi bien ma critique porte parfois sur des faits ou des théories que je ne juge pas définitivement erronés, mais auxquels pour l'instant on ne peut croire, même si quelque donnée ou quelque raisonnement nouveaux devaient dans l'avenir en manifester l'exactitude. Je préviens donc le lecteur familiarisé avec l'archéologie délienne qu'à lire ce livre il éprouvera sans doute le sentiment d'en savoir moins à la fin qu'il pensait en savoir d'abord, mais j'avoue préférer ce recul à l'enchevêtrement de conjectures incertaines.

INTRODUCTION

7

Cette attitude critique explique partiellement pourquoi les chapitres de mon livre sont d'ampleur très inégale : tantôt, aboutissant personnellement au même résultat que mes devanciers, j'ai pu me contenter d'un énoncé très rapide du résultat; tantôt, au contraire, j'ai rencontré une théorie à mes yeux inacceptable dont l'exposé et la réfutation ont Tequis de longues pages ; la dimension de mes développements a souvent été commandée moins par l'importance de la matière que par l'état où je trouvais la question. Le déséquilibre du livre provient aussi du double point de vue où je me suis placé : d'un côté, mes recherches se sont engagées là où des problèmes sollicitaient mon attention, et j'ai été entraîné à les étudier amplement, de même que l'état où je trouvais l'archéologie délienne a souvent décidé du choix des enquêtes les plus développées. Mais, d'un autre côté, j'ai voulu tracer aussi un tableau d'ensemble des cultes de Délos à l'époque hellénistique, et, dans bien des cas, je n'ai fait que rassembler les sources, moderniser la bibliographie et effieurer la question. C'est, entre autres, le cas des cultes non grecs : j'ai renoncé très vite à les inscrire à mon programme de recherches, à la fois parce que le livre de P. Roussel sur les cultes égyptiens reste très solide, parce qu'E. Will prépare la publication du sanctuaire syrien et parce que je me propose de traiter ailleurs des cultes orientaux de Délos. Je n'ai donc accordé aux cultes non grecs qu'une vingtaine de pages dans le style d'un article d'encyclopédie; mais, toujours sans souci d'une composition équilibrée, j'ai étudié assez longuement la Synagogue à laquelle j'ai eu à m'intéresser personnellement.

•*• Il me reste à annoncer l'ordre des matières traitées ici. Il était tout naturel d'étudier successivement toutes les divinités les unes après les autres : dieux et héros divinisés, grecs et étrangers. Mais ces chapitres monographiques n'épuisent pas le sujet ; certaines formes cultuelles ne se laissent pas saisir ainsi ; même en laissant de côté divers aspects du culte officiel (rôle des hiéropes, administration du trésor sacré) qui relèvent plutôt de l'histoire institutionnelle, il était indispensable de consacrer quelques pages au clergé, d'apprécier le rôle joué par les monarques hellénistiques dans la vie religieuse de l'île, celui des associations, la place du culte domestique ; j'ai groupé l'étude de ces questions dans la seconde partie du volume sous le titre , alors que j'intitulais la première partie>. Le chapitre de conclusion est une tentative pour suivre les cultes déliens à travers les vicissitudes politiques, mais je me flatte d'autant moins d'avoir réussi que la documentation se prête fort mal à un tel essai : j'ai dit plus haut combien l'information épigraphique était hétérogène avant et après 166, et l'histoire de Délos pendant l'époque impériale se réduit à quelques bribes.

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INTRODUCTION

CONVENTIONS DATES.

Toutes les dates s'entendent « avant J.-C. », sauf indication contraire. Chronologie des inscriptions, cf. p. 10. TOPOGRAPHIE.

La nomenclature des monuments déliens est confuse, parce que, suivant les archéologues, un même nom désigne des monuments différents et un même monument porte des noms différents; chaque fois que cela était nécessaire, j'ai adopté la nomenclature numérique utilisée dans notre Guide de Délos, en écrivant par exemple ). - H. Gallet de Santerre, DP A = Délos primitive el archaïque (Bibl. Éc. fr. Ath. et Rome, fasc. 192), Paris, 1958. - Th. Homollc, Archives = Les archives del' I nlendance sacrée d Délos ( 315-166 av. J.-C.), (Bibl. Éc. fr. Ath. et Rome, fasc. 49), Paris, 1887. - J. Marcadé, MD= Au Musée de Délos, Élude sur la sculpture hellénistique en ronde bosse découverte dans l'île (Bibl. Éc. fr. Ath. et Rome, fasc. 215), Paris, 1969. - P. Roussel, DCA = Délos colonie athénienne (Bibl. Éc. fr. Ath. et Rome, fasc. 111), Paris, 1916. - P. Roussel, CE= Les cultes égyptiens à Délos du IJJe au Jer siècle av. J.-C., ParisNancy, 1916. - J. Tréheux, Inventaires= Éludes critiques sur les inventaires de l'indépendance détienne, thèse manuscrite, Paris, 1959. - R. Vallois, AH D = L'architecture hellénique el hellénistique à Délos: tome I, Les monuments, Paris, 1944; tome II, Grammaire historique de l'archileclure détienne, première livraison, Paris, 1966.

2. EAD

=

FASCICULESDE L'Exploration

Sur les vingt-huit sujet :

archéologique de Délos.

fascicules de la collection, dix importent particulièrement

à notre

V. F. Courby, Le Portique d' Antigone ou du Nord-Est el les constructions voisines, Paris, 1912. VI. Ch. Picard, L'Établissement des Poseidoniastes de Bérylos, Paris, 1921. IX. M. Bulard, Description des revêtements peints à sujets religieux, Paris, 1926. XI. A. Plassart, Les sanctuaires el les cultes du Mont Cynihe, Paris, 1928. XII. F. Courby, Les temples d'Apollon, Paris, 1931. XVI. F. Chapouthier, Le sanctuaire des dieux de Samothrace, Paris, 1935. XVIII. W. Deonna, Le mobilier délien, Paris, 1938. XX. F. Robert, Trois sanctuaires sur le rivage occidental, Paris, 1952. XXII. E. Will, Le Dôdékalhéon, Paris, 1955. XXIII. A. Laumonier, Les figurines de terre cuite, Paris, 1956.

10

INTRODUCTION

3. BCH

=

ARTICLES

PARUS

DANS

Bulletin de correspondance hellénique.

LE

Une grande partie des rapports de fouille ou des études de détail relatives à Délos ont paru dans le BCH; parmi les articles qui méritent de figurer dans une bibliographie générale, il est difficile de faire un choix juste ; je retiens : - Th. Homolle, Comptes des hiéropes du temple d'Apollon Délien, BCH, 6, 1882, pp. 1-167. - Th. Homolle, Comptes el inventaires des temples déliens en l'année 279, BCH, 14, 1890, pp. 389-511, et 15, 1891, pp. 113-168. - E. Schulhof, BCH, 32, 1908, pp. 101-132 (sur les fêtes). - F. Gourby, Le sanctuaire d'Apollon Délien, BCH, 45, 1921, pp. 174-241. - R. Vallois, Topographie délienne, BCH, 48, 1924, pp. 411-445, et 53, 1929, pp. 185315.

ILLUSTRATION L'illustration

du volume consiste :

a) en treize plans et dessins dans le texte, dits « Fig. 1 >>à « Fig. 13 ►>; b) en huit plans rejetés à la fin du volume, dits « Pl. A» à « Pl. H » ;

c) en dix-huit planches photographiques

également placées à la fin du volume, dites

Pl. I » à « Pl. XVIII ».

V

2. 'lep6c; 3. rocÀOC~Lù.lV 4. •Ap-re:µLO'Lù.lV 5, 00tpjl)Àt6>V(1)

6. 7. 8. 9.

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Mois attiques

Mois modernes

janvier-février février-mars mars-avril avril-mai MouVLX,Lù.lV mai-juin 00tpjl)ÀL6>V juin-juillet ~XLpoqiopLù.lV juillet-août 'Exoc-roµootLù.lV août-septembre Me-rocye:L-rVLWV septembre-octobre Boîj8poµu:iv octobre-novembre II uocvo~LWV MV novembre-décembre décembre-janvier IIoaL8e:wv

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« Le premier à Délos, Thésée, en instituant

les jeux, détacha un rameau du palmier sacré ; pour cette raison on l'appelle o-1t&.8tÇ>>.

PLUTARQUE, De soli. anim., XXXV, 9 : O!µo::Lµèv oôv [J.'lJaêvoc uµ&v cx.6éo::1"0V dvo::L Tijç ve:onLiiç · ȵol. Sè 1to"AMxLç lMv'°t"L xocl.6Ly6vn, 1tocplo-1"0::'t"o::L "Aéye:Lv xocl.~3e:Lv ~~Àep 3~ 7t0'°t"E: '°t"OÎ:OV ,A1toÀÀwvoç7tocpocvocfîi, ' , r.>. ' ""'lo , ' ' • .. /. 6e:ocµoto-Lv , • / !! , ,-. ... 't"OV xe:poc'°t"LVOV t--'wµov E:LoOV SV 't"OLÇ €7t"'t"OC XOC/\OUt'-"'VOLÇ uµvouµe:vov, un [J.'lJ't"€ X0/\/\"1)Ç 3e:6µe:voç[J.~'°t"e: '°t"LVOÇ >. >. PAUSANIAS, IX, 40, 3-4 : Kocl.~'lJÀloLç'Arppo3l't""1),; ÈO"'t"l.v où µéyoc ç6ocvov,Àe:Àuµ.o::O"µévov TYJV 3e:ÇLOCV xe:ï:pocU7t"O '°t"OÜ xp6vou · XIX't"€LO"L 3è IX.V't"L 1to3&v Èç 't"E:'t"ptXywvov o-x:riµoc.Ild6oµotL 't"OÜ't"O 'ApL&.8v'lJV Àocoe:'i:v mxpoc ~otLMÀou, xocl.~vlxoc ~xoÀou6'lJO"€ 't"fîi 07Jo-e:'i:,'t"O&yoc"Aµoc È1te:xoµl~e:'t"O oi:xo0e:v.'ArpocLpe:0év-roc 3è ocùnjç '°t"OV 01Joéoco{hw rpMl.v ot ~~ÀLOL '°t"O ç6ocvovnj,; 0e:oü cx.voc0e:'i:vocL 'r':) 'A1tOÀÀ>.

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DE

23

CALLIMAQUE

67 et 222-224; 19; A, 7; A, 24, 29 et 82;

3° Inventaires: µ.i;yocÀ'Y)V aLCt.7tE7t't"WXUÎ'.Ct.V 't"~V0'.7t0-roü Ke:pet.-rwvoi; : - inventaire de f Artémision : qnocÀ'Y)V ID 399, B, 155 = [442, B, 211] = [443, Bb, 136] = 461, Bb, 44 = 1443, B, I, 127 = 1444, Aa, 11; - inventaire de l'Oikos des Andriens : -ru1tov!;ut.Lvovxe:pet.µŒwv-rwv btl -ràv Ke:poc-rwvet. : ID 442, B, 172 = 443, Bb, 96 = 444, B, 12 = [457, 22] = 468, 29; -

inventaire d'un édifice non identifié : - - xu]XÀwL-roü m:pl -ràv Ke:pœ-r[wvet. : ID 1406,

A, 8.

NoMs ET POSSESSEUR DE L'AUTEL. L' s'appelait aussi : Plutarque ( Vie de Thésée) et Pollux nomment tous deux yéprxvoi; la danse de Thésée et de ses compagnons, et la donnent tous deux comme mimant le parcours à l'intérieur du labyrinthe, mais pour Plutarque elle a lieu autour du Ke:prx-rwv,pour Pollux, autour du Ll~Àwi;~wµ.6i;; les textes sont trop proches et de dates trop voisines pour que l'identité de l' et de l' soit révoquée en doute. Les deux expressions comportent des variantes : d'une part, xe:poc-rLvoi; (Plutarque, De soll. anim.) ou ,œpoc-re:wi;~w11-6i;( De incredibilibus) ; de l'autre, Ll'Y)ÀLocxài; ~wµ6i; (correction presque certaine à Hésychius). Les inscriptions de Délos utilisent normalement Ke:pet.-rwvqui n'apparaît qu'à partir de !'Indépendance et, exceptionnellement (ID 290, 223), xe:poc-rLvoi; ~wµ6i;. La synonymie de Ke:prx-rwvet M;1-.Loi;~wµ.6i; permet d'interpréter sûrement les vers 312 et 321 de l'llymne à Délos; au vers 312, 1t6-rnet.cràv 1te:pl~wµ6v avait été mal compris ; précédée du récit de l'installation à Délos d'une idole crétoise de Cypris, l'expression avait été entendue comme se rapportant à Aphrodite : ainsi M. P. Nilsson pensait que la danse de Thésée et de ses compagnons se déroulait autour de l'autel d'Aphrodite, ce qui, par conséquence, rattachait au culte de la déesse tout le rituel de la géranos (1). Mais É. Cahen (2) a parfaitement montré que Callimaque s'adresse constamment à Délos (vv. 260, 264-265, 274, 276, 283, 290) et que le procédé se maintient jusqu'à la fin de l'hymne, dans le passage qui nous intéresse ici : le vocatif 'Acr-re:pl'fjdu vers 300 est à nouveau repris au vers 316; c'est Délos que désigne cre: aux vers 303 et 316 ; c'est encore vers elle, , que s'élève l'invocation finale (vv. 325-326) ; est donc, au vers 312 comme au vers 321, l'autel de Délos ; cette conclusion, où le mouvement du texte conduit tout naturellement, est confirmée par la formule de Ll~Àwi; ou Ll'Y)ÀLocxài; ~wµ.6i; dont usent Pollux et Hésychius. L' était-il aussi l'« autel d'Apollon>>? É. Cahen, qui pose la question, répond par la négative (3). A l'appui du nom d' (2); comme l'olivier mordu par les marins a toute chance d'être le seul olivier dont il soit jamais question à Délos, celui du Séma (Hérodote, IV, 34), il est alors tentant de considérer comme acquise l'identité de l'olivier du Séma et de l'olivier du Kératon, et d'en inférer le voisinage des deux monuments ; c) dans l'Hymne à Apollon, v. 59, Callimaque évoque Apollon construisant l'autel de cornes (texte cité et traduit, p. 19). Sur la valeur de ces localisations poétiques, je nourris la plus totale méfiance. Le Cynthe, l' Inopos, le lac trochoïde, le palmier constituent le paysage délien traditionnel de la poésie antique, dans l'Hymne homérique ou chez Euripide (Iph. Taur., 1097 sqq.) ou chez Callimaque ; je suis convaincu que chaque élément de ce décor n'apporte rigoureusement aucun indice topographique, et que tous ceux qui, en commentant l'Hymne homérique, ont débattu sur le lieu exact de la naissance d'Apollon ont fâcheusement méconnu cette vérité pr~mière ;

(1) P. Roussel, REA, 36, 1934, p. 179. (2) C'est l'expression employée par H. Gallet de Santerre, DPA, p. 194, bien que, p. 186, il ne considérât encore la proximité de l'olivier et du Kératon que comme «l'hypothèse la plus vraisemblable».

LÉGENDES

ET

RITES

DANS

(( L'HYMNE

À DÉLOS

>)

DE

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CALLIMAQUE

. d) au _témoignage de Polybe (XXVI, 10, 12), cité par Athénée (V, 194 A), Antiochos Epiphane avait érigé des statues autour de ((l'autel de Délos>> qu'on a de ?onnes raisons d'identifier avec l'autel de cornes (ci-dessus, p. ?.3): (' Av-rloxoc;o'Em(flocv~c;) EVaè -;rii:c;11:pàc; "t"l)'.Ç 1t6Àe:Lç Eûvoloctç (Lumb: 0ucrlocLç manuscrit A) x:ocl -rocî:c; 1tpàc;-roùc; 0EoÙçnµ.ocï:c; 7tCX. • 'e -. -. "t"OUÇ , t--'EUOC(lLAEUXO"t"OCÇ (), e -. ' ~ '-'' ocv ,, "t"iç,exµ.'Y)pOCL"t"O ' " 'TE-rou ~ 'TtOCp , 'A0 'Y)VOCLOLÇ ' Vrocc;U7tEpEuocr,-.e . "t"OU't"O O EX: '0).uµ,mdou X:'.)(L -rNv 11:ept-rov Èv~~Àep~c.ùµ.àv&vapicx.v-rc.ùv. Mais l'exploration archéologique n'a livré aucune trac;e de ces statues; F. Courby a noté que deux dédicaces de statues élevées à Antiochos IV Épiphane (J D 1540 et 1541) avaient été trouvées à l'Ouest des temples et supposé que > ( 1) ; mais des parallèles attestant l'existence à Délos de tels groupements font défaut;

e) Diogène Laërce, VIII, 1, 13 (texte cité et traduit, p. 161) situe l'autel d'Apollon Génétôr omô0e:v 'TOUKepoc-rlvou,mais l'emplacement n'en est pas mieux connu (pp. 163-164) que celui de l'autel de cornes;

fJ les comptes des hiéropes qu'on l'enduisait périodiquement

nous apprennent que le Kératon de poix (pp. 24-26) ;

était

couvert

et

g) la ,mentionnée dans les inventaires athéniens (p. 23), est conservée à l'Artémision: il est seulement possible qu'on ait choisi comme dépôt de la coupe un temple proche du Kératon. Passons aux théories. Les données de départ qui viennent d'être énumérées offrent aux hypothèses une assise très précaire ; tout au plus orientent-elles, de préférence, vers la région située à proximité de l' Artémision et des temples d'Apollon. Devant cette carence, on a procédé par élimination et raisonné par vraisemblance, c'est-à-dire qu'on a retenu les quelques édifices qui, encore anonymes, pourraient convenir ; une fois abandonnée la vieille théorie de Th. Homolle qui identifiait le Kératon et le Monument des taureaux (2), on n'en a trouvé à proposer que deux :

Première théorie: le Monument à abside: F. Courby (3) remarque qu'il n'est jamais question d'un autel d'Apollon; l'autel de cornes en devait tenir lieu et se trouvait par conséquent dans le sanctuaire ; l'existence d'une toiture montre qu'il .La seule ruine possible est celle du Monument à abside (GD 39), et F. Courby en tente la restitution intérieure; orienté comme les temples et placé devant leur entrée, c'est un édifice à toiture dont l'entourage était à claire-voie, comme il est nécessaire pour l'évacuation de la fumée. Seconde théorie: l'édifice GD 42: R. Vallois (4) partant des mêmes prémices choisit d'installer le Kératon dans le ((temple A>> de Courby ( GD 42) et y rapporte une inscription des naopes de 345/4 (5) où l'édifice est nommé simplement o ve:c1c;. Remarquons d'emblée qu'aboutissant à des résultats différents, le raisonnement de R. Vallois et celui de F. Courby partaient du même point et procédaient par des voies identiques: si F. Courby, en effet, préférait le Monument à abside au lieu de son (1) (2) (3) (4) (5)

F. Courby, Mél. Holleaux, p. 62, n. 3. Th. Homolle, BCH, 8, 1884, pp. 430-431. F. Courby, Mél. Holleaux, pp. 59-68. R. Vallois, AHD, I, pp. 30-31. Texte et commentaire : R. Vallois, op. cit., pp. 414-422.

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APOLLON

temple A ( = GD 42), c'est qu'il attribuait ce dernier à !'Artémision (1); mais R. Vallois choisissait l'édifice GD 42 parce qu'il identifiaitavec bien des réserves le monument à abside et l'Amphistrophon des inscriptions (2). Lorsqu'un troisième ,Ch. Picard (3), revient à la thèse de F. Courby (et, en outre, contre toute évidence, identifie le Monument à abside à la fois avec l'Amphistrophon et le kératinos homos que les comptes distinguent pourtant expressément : ainsi IG 287, A, 66 et 72), c'est qu'il aimerait réserver l'édifice GD 42 pour le Pythion (p. 124). C'est dire qu'il n'y a pas d'argument en faveur de l'un ou l'autre de ces édifices. Le seul que je connaisse n'a pas encore été exprimé : J. Marcadé a reconnu que la frise de l'édifice GD 42 portait une Théséide (4) : beaucoup mieux qu'à un Pythion, comme le voudrait Ch. Picard (5 ), ce décor conviendrait fort bien à un édifice où se dansait la géranos instituée par Thésée. Un point pourtant me gêne dans l'une et l'autre de ces théories : il est toujours admis que le Kératon était « enfermé dans un édifice » et que, dans les inscriptions, le mot Ke:poc-r0v désigne tantôt l'autel lui-même, tantôt un édifice (6). En réalité, dans aucun passage, le mot ne s'applique expressément à un édifice. D'autre part, je vois bien que l'autel était couvert d'un toit, mais dans nos comptes il n'est fait nulle mention de murs ou d'emploi de marbre. Pour F. Gourby, l'&:>.e:L~Lç du Kératon n'autorise aucune conjecture sur la matière de l'autel ou de l'édifice qui le renfermait (7) ; en fait, les textes allégués par lui (8) présentent bien les verbes cxÀe:lqmv ou zp(e:w, couramment employés à propos de murs et de pièces de marbre, mais il y manque l'élément essentiel : la poix qui, elle, n'est pas appliquée sur la pierre (9). Le compte des naopes de 345/4 étudié par R. Vallois ne fournit pas une meilleure preuve : il concerne assurément l'édifice GD 42, puisque la contiguïté avec l' Artémision y est plusieurs fois exprimée, et, autant que la ruine elle-même, nous assure que le marbre y était employé ; mais il faudrait d'abord prouver que cet édifice est bien le Kératon, ce qui reste à démontrer. Qu'une partie de l'édifice GD 42 porte, dans le compte des naopes de 345/4, un nom commençant par r (plutôt que II), n'ajoute rien, (10). puisque ce mot, del' aveu même de R. Vallois, ne saurait être un composé de -y~po:.voç Résumons les arguments ex silenlio : 1) aucun texte ne permet d'affirmer qu'un édifice ait renfermé l'autel de cornes ; nous savons seulement qu'il était abrité par un toit ; - 2) nulle part le mot Ke:p0t-r0vne s'applique nettement à un édifice, mais il paraît toujours désigner l'autel lui-même. A ces observations négatives viennent s'ajouter deux autres remarques : d'abord, quoique l'&Àe:L\jJLç périodique de l'autel soit une protection de toute façon nécessaire, elle s'imposerait bien davantage si l'autel

(1) F. Courby, BCH, 45, 1921, p. 208. (2) R. Vallois, AHD, I, pp. 29, 52 (n. 4), 157-159 et 423 (add. à p. 29, n. 2 et p. 52, n. 4). (3) Ch. Picard, Journal des Savants, 1946, pp. 66 et 116; RHR, 132, 1947, p. 106. (4) J. Marcadé, MD, p. 48; antérieurement, son exégèse avait déjà été signalée par Ch. Picard, Manuel, IV, 2, pp. 1144-1146 (avec deux photographies) et par moi-même, GD, p. 47. (5) Ch. Picard, Manuel, IV, 2, p. 1144, n. 3; l'édifice GD 42 est une fondation athénienne; cela explique le choix d'une Théséide, mais on n'a toujours pas qémontré que cet édifice athénien est le Pythion. (6) H. Gallet de Santerre, DPA, p. 189. (7) F. Courby, Mél. Holleaux, pp. 59-60. (8) Ibid., p. 60, n. 2 = ID 372, A, 89; 440, A, 39 ; 443, Bb, 154. (9) Même inadvertance chez É. Cahen qui parle (REG, 36, 1923, p. 18) d'une~ espèce de recrépissage de l'autel•· (10) R. Vallois, AHD, 1, p. 419.

LÉGENDES

ET

RITES

DANS

(< L'HYMNE

À DÉLOS))

DE

CALLIMAQUE

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avait été exposé aux intempéries. Ensuite continue à se poser le problème des spectateurs : contre la thèse favorable au Monument à abside, R. Vallois arguë que les spectateurs de la géranos n'y trouvaient pas place, tandis qu'ils pouvaient se ranger dans les collatéraux de l'édifice GD 42 (1); Ch. Picard a justement noté qu'ils n'étaient guère plus au large dans GD 42 (2). A la lumière de ces indications, je ne me flatte pas de désigner au lecteur l'emplacement du Kératon, mais je crois profitable d'avoir effacé le postulat, solidement établi, d'un édifice le renfermant. Les renseignements dont nous disposons nous autorisent plutôt à le voir en plein air, protégé des pluies par un toit sans que des murs le dérobassent aux regards ou enfermassent dans un espace réduit des cérémonies qui supposaient de vastes développements et des spectateurs (3). A la rigueur, le Monument à abside, dont la restitution architecturale exacte n'a d'ailleurs pas encore été faite, conviendrait mieux.

2. Les riles. Callimaque présente les rites qu'il décrit comme encore en usage de son temps: il emploie le présent ou (vv. 316 et suiv.) la tournure >.Si l'hymne a bien été exécuté à Délos, le poète ne pouvait guère altérer des faits que chacun avait sous les yeux. Nous n'avons nulle raison de douter de la réalité des pratiques cultuelles dont il nous conserve le souvenir. LA THÉORIEATHÉNIENNEET LA GÉnANos. - La signification des vers 314-315 (cités et traduits p. 20) est incertaine. Deux sens s'offrent à l'esprit : ou bien, lors de chaque théorie, les Athéniens dédiaient à Apollon les agrès de la 0ewplç, mais cette acception de néµmtl est étrange ; ou bien Callimaque dit, en termes contournés, la même chose que Plutarque, Vie de Thésée, 23, 1 : le navire de Thésée était régulièrement réparé : de nouvelles pièces remplaçaient les anciennes au point qu'il ne restait plus rien de la nef originelle ; ici iiet~won,x exprimerait la même pérennité de cet ancien'(èxdv'Y)) bateau. "Ev0ev et le présent 1téµrcoucngarantissent la persistance de la tradition : force est donc de croire que la théorie athénienne fréquentait Délos même après 314. Plus loin, je replacerai cette observation dans un tableau général des rapports religieux d'Athènes et de Délos à l'époque hellénistique (pp. 659-660) et j'examinerai le rituel des théories athéniennes (p. 82) ; dans ce chapitre liminaire construit autour de l'Hymne à Délos, je m'en tiendrai au problème que soulève directement le poème, celui de la géranos. Rappelons tout d'abord qu'elle ne se rattache pas au rituel d'Aphrodite : au vers 312, les mots r.6,.ma aov 1tepl.~wµ6v renvoient à Délos (p. 23) et l'&),et•~tçde l'autel de cornes, autour duquel se dansait la géranos, n'a rien à faire avec les Aphrodisia (p. 25) ; si le couronnement de la statue de Cypris est évoqué juste avant la géranos, c'est la geste délienne de Thésée qui assure le lien entre les deux rites. (1) R. Vallois, AHD, I, p. 31. (2) Ch. Picard, Journal des Savants, 1946, p. 62. (3) Ces pages étaient écrites quand j'ai connu l'existence de l'article de Edna M. Hooker, The Ke:po:T6l'I on Delos, Proceed. of the Glass. Assoc., 51, 1954, pp. 54 sq., non point directement (je n'ai pu le consulter), mais par la recension de R. Martin, REG, 72, 1959, p. 320, n° 416: E. M. Hooker, imagine cet autel délien, toujours énigmatique, sous la forme d'un édifice construit entièrement en charpente, sauf les tuiles de la couverture. L'hypothèse paraîtra pour le moins désespéri'e •· L'hypothèse me semble, au contraire, découler tout naturelle• ment de l'étude des textes.

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APOLLON

Callimaque ne dit pas que la géranos fût une danse encore en usage de son temps, mais la chose est probable : ~v0zv &zLC::wonoc x.-..:>,.établit un rapport évident entre les usages du présent et les épisodes du passé légendaire ; l'évocation de la danse de Thésée à propos d'une ile qui retentit toujours de chants et de danses (vv. 302-306) eût été sans raison si elle avait été un souvenir. De fait, Plutarque (Thésée) et Pollux présentent la géranos comme un rite toujours en usage ; disons : comme un rite, car je n'affirmerai pas qu'au ne siècle ap. J.-C., il fût encore pratiqué (p. 32) ; mais l'important est que ces deux auteurs ne considèrent pas la géranos comme un simple épisode légendaire. En quoi consistait la géranos? les érudits modernes ont tout imaginé {1). Leurs divagations ont trois causes principales : 1) ils posent en principe que la géranos est essentiellement la danse de la grue, alors que les auteurs anciens n'établissent jamais aucun rapport entre la danse et l'oiseau que le grec désigne du même nom ; 2) ils associent la géranos au culte d'Aphrodite, à la suite de M. P. Nilsson et en dépit des justes observations d'É. Cahen (2) ; 3) ils se méprennent sur le texte de Callimaque et étendent à la description de la géranos les vers 302-306, comme L. Séchan (3) ; ou, comme O. Rubensohn (4), les vers 316-324 qui établissent une confusion entre la géranos et la danse des marins (pp. 32-33), bien que la distinction ait depuis longtemps été marquée (5) ; ainsi O. Rubensohn a rappelé que les grues annonçaient le temps aux marins et a cru reconnaître derrière la géranos un vieux culte animal. Il n'entre pas dans mon propos de rechercher la signification ni la forme originelles de la géranos : du point de vue où je me place dans ce livre, peu m'importe que cette danse rituelle ait réellement imité les pérégrinations de Thésée à travers le labyrinthe; il suffit qu'elle pût passer pour telle. Dans cette perspective, je cherche seulement à me représenter le déroulement de la géranos à l'époque hellénistique. Les données positives sont peu nombreuses; j'élimine d'emblée la référence à un objet conservé à l'Artémision, ~ xocÀouµÉvY) yépocvo,;;(pp. 175-176), pour la raison que la nature en est également inconnue et qu'entre lui et la danse il peut n'exister qu'une fortuite homonymie. Je m'en tiendrai donc aux deux points suivants : -

la géranos est censée imiter la marche dans le labyrinthe (Plutarque,

Pollux) ;

- Plutarque et Pollux décrivent certaines particularités de la danse : d'après Plutarque, son rythme comporte des 1totpotÀÀii:.e:iç et des &vzÀlçzL,;; (je conserve 1tocpo:Àune relation que rien Àoc~zi,;; ; la correction 1tzpLzt.l1;siçde Bryan établit avec &vû,l1;i::Lç (1) Résumé des théories et bibliographies dans H. Gallet de Santerre, DPA, pp. 183-184 et notes, et dans L. B. Lawler, Trans. Amer. Phil. Assoc., 77, 1946, pp. 112-130, spécialement pp. 116-117; ce dernier travail est un modèle de la confusion où l'on peut atteindre dans l'étude de la géranos : des ressemblances élémentaires et généralement incertaines autorisent des rapprochements entre des usages de toutes les époques et de toutes les régions du globe, de la Crète minoenne au Mexique d'aujourd'hui. (2) Ci-dessus p. 23. - On pouvait espérer qu'une fois rectifiée par É. Cahen, l'erreur de M. P. Nilsson n'aurait pas survécu ; le contresens sur 7'"6't'Jtctcrov m:pt ~wµ6v continue à inspirer des théories ; ainsi L. B. Lawler, op. cil. (3) L. Séchan, DA, IV, pp.1034-1035, et La danse antique, Paris, 1930, pp. 119-123 (et n. 17); L. B. Lawler, op. cil. (4) O. Rubensohn, 'Apx. 'Erp., 1937 /II, pp. 590-598. (5) Th. Homolle, BCH, 8, 1884, p. 436. L. B. Lawler reconnaît, op. cil., p. 115, que la danse des marins n'a rien à voir avec la géranos.

LÉGENDES

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DANS

(< L'HYMNE

À DÉLOS >> DE

CALLIMAQUE

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n'imp?se) ; d'après Pollux, les danseurs sont en rang les uns derrière les autres, condmts par des ~ysµ.6vsç placés à chacune des deux extrémités ; Hésychius nous apprend que ces meneurs se nommaient yspC1vouÀxot,exactement . Divers monuments figurés nous enseignent comment, à l'époque classique et plus tard, on se représentait le labyrinthe ( 1) : un ensemble de couloirs étroits où le visiteur devait cent fois revenir sur soi-même ; il est dès lors nécessaire d'imaginer les compagnons de Thésée procédant en file indienne - précisément comme Pollux décrit les danseurs - et non en formation triangulaire, comme un vol de grues (2). Les danseurs se répartissaient-ils en deux groupes, garçons et filles par exemple? le singulier xœ-.ilrrrnï.xovde Pollux exclut cette hypothèse (3) et -rix&xpœèxœ't"ÉpCù0sv désigne forcément les deux extrémités d'un même groupe ; l'un des meneurs se plaçait donc en tête ; un autre fermait la marche en serre-file. Pour mimer les tours et détours du labyrinthe, la file des danseurs se recourbait sur elle-même en des figures qui devaient ressembler à celles des de nos étudiants. - Passons aux attitudes particulières : voici des gens qui risquent à tout instant de voir surgir, à l'un ou l'autre bout du couloir qu'ils parcourent, le monstre sanguinaire auquel ils tentent d'échapper; je les vois marcher précautionneusement, regardant en arrière, adoptant ce rythme particulier qui est si naturel : on soulève les pieds pour éviter le bruit de pas, et, de ce fait, à chaque enjambée, le buste se porte en avant avec plus d'amplitude que dans la marche normale (4). Dans cette farandole, ce sont les mouvements de chaque exécutant et non la figure d'ensemble qui peuvent évoquer l'attitude de la grue (5). - Ilœpa:À)cx.i;stçet &.vsÀ[Ï;stçs'appliquent soit au mouvement d'ensemble, soit aux attitudes particulières ; dans ce dernier cas, 1tœpœ)Àcx./;etç pourrait signifier les mouvements de la tête qu'on tourne à droite et à gauche, comme il convient à des gens qu'un danger menace de tous côtés; cette acception est précisément attestée chez Plutarque (6). Quels étaient les exécutants de la géranos? Le silence des comptes sur cette cérémonie n'indique pas qu'elle ne se soit plus déroulée sous }'Indépendance, mais seulement qu'elle n'entraînait pour les hiéropes aucune dépense. Si la géranos passait pour avoir été dansée, la première fois, par Thésée et ses quatorze compagnons - sept garçons et sept filles-, il s'ensuivait presque nécessairement qu'elle continuât à l'être par des Athéniens: Nicias avait amené le xop6ç avec lui (Plutarque, Nicias, 3) ; de même, au ive siècle, le compte amphictyonique de 377 /6 mentionne expressément le transport par mer des chœurs se rendant aux Délia (IG II2, 1635, 34-35 : e:lç xoµ.t3~v -rwv 0sCùpwvxœt -rwv xopwl[vJ 'Av-rtµ.cx.xCùt (J)[ÀCùVOÇ 'Epµ.dCùt -rpt1)piipxCùt TX) ; il (1) Monnaies de Cnossos (par ex.: B. V. Head, Historia Numorum•, pp. 460-463); mosaïques du Minotaure (par ex. : celle de Vienne : H. Kenner dans La Mosaïque gréco-romaine, fig. 7) ; graffite trouvé à Délos dans la Maison des Tritons ; etc. (2) K. Latte, De saltationibus Graecorum, Giessen, 1913, pp. 68-69; L. Séchan, La danse antique, p. 120: le ye:pocvou).x6,;;d' Hésychius serait distinct des ~ye:µ6ve:,;;de Pollux ; rien ne le dit, et je penserais plutôt que le premier terme est un mot technique synonyme du second. - Cf. G. Prudhommeau, La danse grecque antique, Paris, 1965, I, p. 328. (3) Comme le remarque O. Rubensohn, op. cit., p. 590. (4) C'est la manière caricaturale d'imiter la marche des personnes qui veulent avancer en silence (cf. les dessins animés). (5) Suivant la remarque de Wilamowitz, Gr. Verskunst, p. 29, n. 5. (6) Plutarque, De soli. anim., 977 B : poisson pris à l'hameçon et qui , élargit sa blessure -tjj !Mipo xcxxei 1tocpocÀÀ(i~&L -nj,;;xe:q.,ocÀ~.

32

APOLLON

est donc déraisonnable de croire, comme on l'a fait (1), que le chœur des Déliades participait à la géranos. Nous ignorons à quelle heure de la journée se dansait la géranos. Les auteurs écrivent souvent que c'était à la tombée du jour ; cette opinion se fonde sur trois arguments, tous également sans portée : 1° la mention d'Hespéros, au vers 303 de l'Hymne à Délos (2), concerne en réalité le chœur des Déliades dont on vient de voir qu'il ne participait pas à la géranos (p. 36) ; - 2° les fournitures de flambeaux au x_op6ç, mentionnées dans les comptes (3), s'appliquent aussi au chœur des Déliades; - 3° l'achat des flambeaux pour les Aphrodisia (4) ne prouve rien puisque aucun argument ne permet d'associer la géranos à cette fête. Ces erreurs en ont engendré une autre : des cordes auraient guidé les évolutions des danseurs de la géranos (5) ; en même temps que des flambeaux, les hiéropes fournissent des puµo( au chœur des Déliades : c'est ce mot, signifiant en réalité > ;

athénienne? P. Roussel, en avançant prudemment cette opinion, note aussitôt que la tradition légendaire rattachait depuis longtemps Thésée à Délos (1), comme on vient de le voir. La comparaison avec les Théséia athéniennes me semble également édifiante (2) ; la fête est ancienne à Athènes où elle remonte à 475 ; mais il y a lieu de croire que vers 161/0 le culte de Thésée fut restauré (3) : de cette année date le plus ancien décret en l'honneur de l'agonothète des Théséia (IG II2, 956) ; d'autres décrets semblables et des catalogues de vainqueurs aux Théséia (/G II2, 957-965) se situent entre 158/7 et les environs de 130; le groupement de dix inscriptions sur un laps de temps relativement court n'est pas fortuit et doit correspondre à un renouvellement des fêtes athéniennes de Thésée. L'apparition des Théséia déliennes a toute chance d'en être solidaire. Trois dédicaces de lampadédromes vainqueurs donnent à penser que la fête de Délos ne revêtait pas l'ampleur de celle d'Athènes, qui comportait de nombreux concours. Les Théséia d'Athènes avaient lieu le 8 Pyanopsion ; si la rénovation de ces dernières a entraîné l'institution des Théséia déliennes, les deux fêtes devaient être célébrées à la même date.

3. Le chœur des Déliades. La géranos est un aspect particulier d'un tableau plus général que Callimaque brosse de la vie religieuse de Délos ; les vers 302-306 de l' Hymne à Délos évoquent la fréquence des danses et des chants : Othe: mW7t'YJÀ~v oih·' &~orpov oùÀoç è6dpcxtç "Ecr1te:poç,rt.ÀÀ,cxtd cri::xcx"t"cx.OÀÉ1te:t &µrpto6'YJ"t"OV. Ot µè:v t>7tcxe:Œoucrt v6µov Auxloto 1 épov"t"oç, OV"t"Ot rt.7t03,xv6oto fü:01tp61tOÇ ~ycxye:v'QÀ'rjV. cxtoè: 7t0ôt 7tÀ~crcroucrt xop[noe:ç &crrpcx.Àè:ç oùôcxç.

(1) P. Roussel, DCA, p. 200.

(2) Sur les Théséia athéniennes,

cf. L. Deubner,

l'éphébie attique, Paris, 1962, pp. 228-235.

(3) Chr. Pélékidis, op. cil., p. 230.

Attische Feste, pp. 224-226;

Chr. Pélékidis,

Hist. de

36

APOLLON

« Hespéros à l'épaisse chevelure ne te voit pas silencieuse et sans bruit, mais toujours retentissante de clameurs ; des hommes chantent le nome du vieillard lycien, celui qu'Olen, le prophète, apporta de Xanthos ; des danseuses frappent du pied le sol ferme.»

J'ai dit plus haut (p. 32) que ce passage ne concernait pas la géranos ; certes le poète sacrifie ici à l'hyperbole, car chaque soir, chaque retour d'Hespéros ne voyait sûrement pas un chœur en action ; mais la seule géranos ne pouvait pas non plus susciter cette vision de l'île. Callimaque oppose un groupe d'hommes chantant le nome d'Olen et un chœur de femmes dansant. Des premiers nous ne savons pas davantage, sinon qu'Olen, dès le temps d'Hérodote (IV, 34), passait pour l'auteur des anciens hymnes déliens (p. 216). Mais les secondes sont bien connues par les comptes de l'Indépendance; maintes fois y est mentionné un xop6ç à qui les hiéropes fournissent des J.ll(.µ.1tix8e:ç ou des 8at8e:ç, des puµ.ol et des XÀYJµ.0(.-r[~e:ç. Il participe à de très nombreuses fêtes - Apollonia (pp. 68-69), Artémisia (p. 201 ), Aphrodisia (p. 341 ), Antigoneia (p. 562), Ptolémaieia (p. 524), etc. - et se produit aussi à l'occasion du passage des théories étrangères (p. 107). Ce xop6ç, dont les hiéropes jugent le plus souvent superfétatoire d'indiquer la composition, est, sans nul doute, chaque fois le même : le tableau de la p. 69 qui résume sa participation aux Apollonia montre qu'il était féminin. Th. Homolle ( 1) a bien vu les raisons du laconisme habituel des hiéropes : ce chœur de femmes est le >, celui des Déliades, dont le nom, illustré par l' Hymne homérique à Apollon (vv. 156-164), se retrouve souvent dans les inventaires (cf. les tableaux des pp. 94-106). La fréquence des danses de ce chœur est donc attestée à la fois par Callimaque et par les inscriptions. Cette concordance est notable : elle prouve, en un point - comme nous le supposions plus haut (p. 17) - que l'Hymne à Délos ne s'inspire pas de la seule tradition littéraire (en la circonstance l'Hymne homérique); elle nous autorise à recevoir le poème comme un témoignage sur le culte délien du temps. Les Déliades dansaient la nuit ou, du moins, au crépuscule : d'une part, c'est Hespéros, selon Callimaque, qui retrouve toujours Délos bruyante de chants et de danses; d'autre part, les comptes nous apprennent que les Déliades évoluaient en brandissant des flambeaux ou des torches. En effet, les hiéropes fournissent au chœur des J.ll(.µ.1t&8e:ç, 8at8e:ç, puµ.o( et XÀYJ!',,ll(.'d8e:ç. Le tableau de la p. 69, relatif aux Apollonia, montre que les deux premiers mots ne se rencontrent jamais dans le même texte ; leur alternance en établit, je crois, la synonymie. Th. Homolle déclarait ignorer le sens de puµ.6ç (2); j'ai dit plus haut que s'était accréditée l'étrange traduction par «corde» (3). Le mot n'a jamais ce sens. Les inscriptions l'emploient

(1) Th. Homolle, BCH, 14, 1890, pp. 500-501 ; outre les textes relatifs aux Apollonia (ici p, 69) et à l'aulète (ici p. 37), il allègue (p, 501, n. 4) IG 146, )1, 57 et 59, et 203, A, 42, où la composition féminine du chœur est expressément indiquée. (2) Th. Homolle, op. cil., p. 500. (3) Ci-dessus, p. 32 et références bibliographiques de la note 5; I. Ringwood Arnold, AJA, 37, 1933, p. 455, allègue un passage de Tite-Live (XXVII, 37, 14) où il est bien question de cordes servant à guider les évolutions d'un chœur, mais qui ne concerne absolument pas notre sujet.

LÉGENDES

ET RITES

DANS

(< L'HYMNE

À DÉLOS

>>

DE

37

CALLIMAQUE

en deux acceptions (1): dans les inventaires(~ premier puµ6c;>>, ((second puµ6c;>>, etc.), il désigne et XÀ'YJµc,:-rlae:c;, il désigne du bois, un groupe de pesée. Dans les comptes, associé à )..c,:µnaae:c; sans doute du bois d'allumage; ce sens est nettement confirmé par la loi sur la vente du charbon et du bois (ID 509, 1, 7, 32, 41) et des passages des comptes tels que IG 203, A, 51 : ~{,)..c,: xc,:l XÀ'YJµc,:-rlae:c; xc,:l puµol -rockpe:'i:c,: è~~mxt 1-\!I >; la distinction entre XÀ'YJµc,:-rlae:c; - sans doute du menu bois et puµot n'apparaît pas 1 mais il est sûr que les deux mots désignent les accessoires nécessaires des )..c,:µnaae:c;.

L'Hymne homérique à Apollon (vv. 154-165) assignait déjà aux Déliades une importante fonction rituelle : elles chantaient des hymnes et savaient (~c,:µnc,:)..tc,:rr-rûv ou xpe:µnûtc,:rr-rûv suivant les manuscrits). De (v. 156), il n'est pas question chez Callimaque. L'AuLÈTE ou CHŒUR. Les comptes des hiéropes nous apprennent aulète était affectée au ; ils la désignent sous plusieurs tions qui varient suivant les époques :

qu'une appella-

-

c,:ÙÀ'YJTplc; -rou kpoü xopou: IG 158, A, 51; 159, A, 62; ~ c,:ÙÀOUO'CI:. -rwt xopwt 'rWV yuvc,:txwv: IG 161, A, 85; 162, A, 47 (partiellec,:ÙÀ'YJ-rplc; ment restitué); 199, C, 56-57; - c,:ÙÀ'YJTplc; TOUxopou: IG, 203, A, 61; - c,:ÙÀ'YJ-rplc; accompagné du nom propre : IG 287, A, 85; ID 290, 107; 316, 116; 372, A, 98; 442, A, 197; 444, A, 28. Trois noms d'aulètes

nous sont connus :

Bpoµtac; : ID 287, A, 85 (année 250); 290, 107 (année 246); 316, 116 (année 231); Kc,:Mt61t'YJ : ID 372, A, 98 (année 200); ID 442, A, 197 (année 179); 444, A, 28 (année 177). >; les offrandes devaient provenir . - Les deux vierges moururent à Délos ; leur tombeau, crrjµoc,se trouve >.

LES VESTIGESARCHÉOLOGIQUES: SÉMAET THÉKÉ. - Les indications d'Hérodote ont permis de retrouver les deux tombeaux, et la valeur de son témoignage en est renforcée. Ch. Picard et J. Replat ont reconnu le Séma de Hyperoché et Laodiké dans les restes d'un abaton semi-circulaire (GD 41) qu'ils ont découvert juste au Sud du temple d'Artémis (3). Ces vestiges sont si ruinés qu'on peut même douter de leur existence ; mais s'ils existent vraiment, leur identification ne doit pas être révoquée en doute, tant leur emplacement correspond aux indications d'Hérodote : le Séma est à main gauche quand on pénètre dans l' Artémision (chez Hérodote, le mot désigne sûrement, selon l'usage, le téménos et non le temple d'Artémis; mais de toute façon, le Séma est aussi à gauche quand on entre dans le temple). La Théké a été reconnue par F. Gourby (4) dans ce qu'il nomme encore prudemment le (GD 32) ; située en avant du Portique d' Antigone, elle consiste en une petite chambre rectangulaire précédée d'un court

(1) Ph.-E. Legrand, REA, 40, 1938, pp. 230-231. (2) Ch. Picard, RHR, 132, 1947, p. 103, n. 1. (3) Ch. Picard et J. Replat, BCH, 48, 1924, pp. 247-263. Un plan de l'état actuel de l'Artémision publié par Ch. Picard, Journal des Savants, 1946, p. 66. (4) F. Gourby, EAD, V, pp. 63-74.

a été

46

APOLLON

dromos s'ouvrant vers l'Est. Elle contenait quelques ossements humains. Elle a été entourée d'une enceinte semi-circulaire que F. Courby a justement datée de la seconde moitié du me siècle : elle paraît en effet avoir été construite après le Portique et la maçonnerie contenait des débris de vases à vernis noir du ive siècle. Ce mur d'enceinte, couronné de chaperons, laissait la tombe à ciel ouvert. L'emplacement de la tombe ne contredit pas les indications d'Hérodote : on ignore où se trouve l'Hestiatorion de Kéos (qu'on a au contraire tenté de localiser par rapport à la Théké : cf. p. 110, n. 1) et 1Smcr0e-roü 'ApTeµtcrlouest une expression assez vague qui, peut-être, par rapport au pèlerin débarquant sur le port, désigne ce qui est derrière les édifices du front de mer ( 1) ; en tout cas, la Théké est bien orientée vers l'Est, et il s'agit sûrement d'une tombe mycénienne ; or, dans le sanctuaire même, la purification de Pisistrate n'avait pu laisser subsister que les tombes promues au rang de lieux de culte ; la préservation de celle-ci en signale le caractère exceptionnel. La céramique contenue dans le Séma et la Théké a été récemment réexaminée par CL Vatin: tout ce qui est datable appartient à la période IIR 1-HR III (2). A déclarer, comme le fait Ch. Picard, que les deux tombeaux : à un moment que nous ignorons - mais non pas avant l'époque géométrique-, la légende et le culte des Vierges hyperboréennes ont été rattachés à ce qui n'était primitivement que deux tombes mycéniennes quelconques.

ABATA DÉLIENS. - Entourée à l'époque hellénistique d'un mur complètement fermé que couronnaient des chaperons de granit, la Théké devint un abalon. Épigraphiquement, le mot semble désigner à Délos une partie de l'Archégésion (p. 425). Mais nous devinons qu'il s'appliquait aussi à une série de monuments à caractère religieux mal défini dont le type est analogue à celui de la Théké : une portion de terrain est limitée par un mur haut d'environ 1 m. ou 1,5Om. et couronné de chaperons de granit; or l'un d'eux ( GD 34) est expressément signalé comme abalon: - GD 34: abaton semi-circulaire adossé au mur Nord du Portique d'Antigone (F. Gourby, EAD, V, pp. 97-102); quatre bornes de marbre blanc, plantées au pied du mur, portent l'inscription &oixTov (ID 65). - GD 63: abaton triangulaire au Nord-Ouest du Lac (CRAI, 1911, p. 865). - GD 71 : abaton triangulaire à l'angle Sud-Est de !'Agora des Italiens (Ét. Lapalus, EAD, XIX, p. 105).

(1) Commele suggèreCh. Picard, RHR, 132,' 1947, p. 105 et n. 2. Le mêmeproblèmese pose à propos des rapportsde l'autel de corneset de l'autel d'ApollonGénétôr(ci-dessous, pp. 163-164). (2) Cl. Vatin, BCH, 89, 1965, pp. 225-230. (3) Ch. Picard,RHR, 132, 1947, pp. 100-101. (4) Cetteexpression, en dépit de sa traditionnellespécificitéhiérosolymitaine, est régulièrementappliquée, dans la bibliographiefrançaise,aux tombeauxdes Viergeshyperboréennes.

LÉGENDES

ET RITES

DANS

« L'HYMNE

À DÉLOS»

DE CALLIMAQUE

47

Ch. Picard et J. Replat ont trouvé, sur le lieu du Séma, un chaperon en granit d'un profil différent de celui des autres chaperons du même genre (1). Le Séma, selon toute vraisemblance, était donc, comme la Théké, un abaton. Mais il ne s'ensuit naturellement pas que les autres abata représentent eux aussi des lieux de culte funéraire. CALLIMAQUE

; LÉGENDE

ET CULTE

DES

VIERGES

A L'ÉPOQUE

HELLÉNISTIQUE.

-

Il est faux de dire que Callimaque s'est >d'Hérodote (2) ; au contraire, les différences sont évidentes : 1° Callimaque ne parle pas du premier couple de Vierges, celles qui arrivèrent (Argé et Opis); 2° à Laodiké et Hyperoché, il substitue trois vierges nommées différemment (3) : Loxo, Oupis et Hékaergé (ces deux derniers noms se retrouvent dans la version transmise par Pausanias, I, 43, 4) ; 3° chez Callimaque, les jeunes Déliens offrent non leurs cheveux mais leur première barbe, non aux Vierges mais aux Jeunes Gens. La seconde différence montre que Callimaque ne copie pas Hérodote, mais utilise une tradition différente qui avait peut-être cours à Délos de son temps. La troisième différence peut s'expliquer d'au moins deux façons : ou bien Callimaque a lui-même innové et réparti symétriquement les offrandes des deux sexes, ou bien le rite s'était modifié depuis Hérodote, ce qui, sur un laps de temps de presque deux siècles, ne saurait surprendre. Il y a donc toute raison de croire que Callimaque relate les croyances et les rites de son temps. En revanche, son silence sur Argé et Opis ne prouve pas que le culte du premier couple de Vierges fût tombé en désuétude depuis Hérodote, puisque le péribole de leur Théké est presque contemporain de l' Hymne à Délos ; mais Callimaque ne se sentait pas tenu de tout dire et il a sélectionné, parmi les légendes et les usages déliens, ceux qui lui semblaient le mieux convenir à son dessein poétique. En tout cas, le rite décrit par Callimaque concerne le Séma; c'est là que la jeunesse délienne déposait, en prémices, mèches de cheveux et barbe naissante. Pausanias (1, 43, 4) sait aussi que les filles de Délos offraient leurs cheveux à Hékaergé et Opis. Ce rite pubertaire et prénuptial s'accompagnait-il d'autres rites pratiqués après l'accouchement? R. Vallois (4) l'a pensé et a interprété en ce sens le yevé0).wv è:pvoc;; è)..al'Y)c; de Callimaque (Hymne à Délos, 262; cf. p. 18) ; j'avoue ne voir là, pour ma part, qu'une spéculation gratuite. En revanche, le Séma était, selon toute vraisemblance, le théâtre d'un autre rite: l'olivier qui y avait poussé selon Hérodote (IV, 34) doit être le même que celui que mordaient les marins au témoignage de Callimaque (p. 26). Le Séma, il est vrai, était un abaton ; mais la relative exiguïté des lieux (5) et la hauteur probablement (1) Ch. Picard et J. Replat, BCH, 48, 1924, p. 254; la fig. 18 donne les profils des différents types de chaperons déliens (il n'y manque que les chaperons du théâtre et du Monument du Tritopator qui, eux, sont en marbre). (2) Comme l'écrivaient Ch. Picard et J. Replat, BCH, 48, 1924, p. 248 (il est vrai que page 247, à la sixième ligne de leur étude, ces auteurs avaient déjà confondu les deux couples de Vierges). (3) Qu'il en fasse des « filles de Borée» (v. 293) ne trahit pas une influence attique comme le veut Ch. Picard, RHR, 132, 1947, p. 103, n. 1 (parce que Borée était« le gendre des Athéniens»); l'expression rappelle leur origine géographique (H. Gallet de Santerre, DPA, p. 168, n. 7); Callimaque ne dit pas« Hyperboréc » en toutes lettres mais procède par périphrase au vers 281. (4) R. Vallois, BCH, 48, 1924, pp. 442-444. (5) Diamètre: environ 6 m. (Ch. Picard et J. Replat, BCH, 48, 1924, p. 254).

48

APOLLON

faible du mur de clôture (à en juger d'après les murs des autres abala) laissent croire que le tronc ou les branches n'en étaient pas pour autant inaccessibles; au demeurant, la clôture du Séma - comme celle de la Théké - peut être postérieure au poème de Callimaque. AUTRESTRADITIONS,- La mythologie d'époque tardive associe volontiers les Vierges hyperboréennes à Artémis : Apollodore raconte qu'Orion fit violence à Opis, une des vierges venues de chez les Hyperboréens, et fut tué d'une flèche d'Artémis (Bibl., I, 4, 5) ; - chez Virgile, Opis est une des vierges qui accompagne Diane (Énéide, XI, 532-533); - Servius, commentant ce passage, rappelle la légende des offrandes hyperboréennes, mais ajoute que, selon d'autres, Opis et Hékaergos furent les nourriciers d'Apollon et de Diane, qui portèrent ensuite ces deux noms comme épiclèses (ad Aen., XI, 532) ; - pour Nonnos, Loxo et Oupis sont les sœurs d'Artémis-Hékaergé (Dion., V, 489-491); -Argé est une chasseresse chez Hygin (Fab., 205) ; - Claudien rappelle l'origine hyperboréenne de Hékaergé et Opis dont il fait les compagnes de chasse de Diane (De consulalu Slilichonis, III, 253-256). Les historiens des origines de la religion grecque, et délienne en particulier, ont largement utilisé ces traditions ( 1) ; elles ne démontrent pourtant pas toutes, je crois, que les Vierges hyperboréennes soient de vieilles divinités déchues ; il faut faire sa part à l'imagination des poètes et du peuple qui associaient tout naturellement à Apollon et Artémis des personnages si profondément liés au lieu de naissance de ce couple divin. Une autre tradition, attestée tardivement par I' Axiochos du Ps.-Platon (371 A), assigne un rôle plus étrange aux Vierges hyperboréennes, l'apport de textes eschatologiques : à l'époque de la seconde guerre médique, le général perse Gobryas fut envoyé à Délos ; là, > Au seuil de la dernière partie de l'hymne, consacrée à la vie religieuse actuelle de Délos, Callimaque, fidèle à son parti d'en retenir les traits les plus singuliers, rappelle une notable particularité de l'île, l'interdiction d'y mourir. C'est Pisistrate le premier, au double témoignage d'Hérodote et de Thucydide, qui, en (Hérodote, I, 64), purifia l'île, - )

DE CALLIMAQUE

51

où soit employé le mot ve:xp6c;(partout ailleurs les hiéropes disent o-&µO() et le seul où il soit question d'enterrer les corps : on aurait volontiers imaginé une purification de l'Hiéra Nésos, analogue aux purifications opérées à Délos sous Pisistrate et en 426, si le salaire des ouvriers n'était pas si bas et si proche de celui que les hiéropes accordent dans les autres cas. c) Rhénée devint la nécropole de Délos: la multitude des monuments funéraires - stèles (on en cortnait environ trois cents, dispersées dans l'Europe entière), sarcophages, columbarium (1) - confirme, en contre-épreuve, l'absence de sépultures à Délos même. L'interdiction de mourir (Thucydide) ou d'ensevelir et d'incinérer (Strabon) à Délos entraînait diverses conséquences : il fallait hospitaliser à Rhénée les moribonds, et sans doute y trouvaient-ils des centres susceptibles de les accueillir (2). L'existence d'un Asclépicion ouvert aux malades impliquait aussi que les fidèles pussent être aussitôt évacués si le pèlerinage n'apportait pas le miracle souhaité, et c'est principalement pour cette raison, je crois, que le sanctuaire était sur le bord de la mer (p. 373). Mais la conséquence la plus évidente est celle-là même qu'indique Callimaque : si Hadès ne foulait pas le sol délien, il fallait que s'en abstinssent aussi Ényo et les chevaux d'Arès. L'interdiction de guerroyer à Délos n'est généralement pas expressément formulée ; elle découle tout naturellement de celle de mourir, parce que la guerre est, par définition, meurtrière. Quand on débat de la neutralité délienne, on ne peut oublier qu'au point de vue militaire Délos est forcément neutre; lorsque Ménophanès, général de Mithridate, dévasta l'île, nous dit Pausanias (III, 23, 4), >, ce qui n'implique pas que le port d'armes fût strictement prohibé à Délos (3). Les massacres de 88 et de 69 furent des sacrilèges ; quel que fût le nombre des victimes - les vingt mille personnes tuées en 88 n'habitaient pas la seule Délos (4) -, l'exploration archéologique n'a pas retrouvé trace de leurs corps (5) : une fois le calme revenu, les cadavres avaient donc été scrupuleusement évacués, conformément à la règle. INTERDICTION D'ÉLEVER LES CHIENS, PROTECTION DES COLOMBES. Strabon (cité p. 49) dit aussi qu'; cette prescription a été rattachée à la légende d'Anios et des Oinotropes, de même que l'interdiction de tuer des colombes ; j'y reviendrai donc en traitant de ces personnages (ci-dessous, pp. 419-420).

(1) Installations funéraires : cf. mon bref exposé topographique dans GD, pp. 168-169, avec la bibliographie. - Les stèles funéraires de Rhénée feront l'objet d'un fascicule de l'EAD par M.-Th. Couilloud. (2) Cf. ci-dessus, p. 49 et n. 1. (3) S'il était interdit d'entrer au Kynthion avec des armes de guerre (p. 229), c'est évidemment que certains des habitants ou des visiteurs de Délos en possédaient et les portaient habituellement. - Des armes ont été trouvées dans les fouilles : W. Deonna, EAD, XVIII, pp. 208-210; A. Bovon, dans EAD, XXVII, pp. 224 et 226-227. Et l'on en fabriquait même : j'ai récemment publié un moule destiné à la production de balles de fronde (BCH, 92, 1968, p. 650, n. 1 et fig. 14). (4) Comme le remarque justement J. Hatzfeld, BCH, 36, 1912, p. 119 ; le chilTre de vingt mille est fourni par Appien, Mithr., 28. (5) Sur les exceptions, cf. ci-dessus, p. 50, n. 2 et 3.

52

APOLLON

LES INTERDITSRITUELSET APOLLON.- Ces liens avec l'histoire d'Anios sont sûrement secondaires. Au contraire, l'interdiction de naître et de mourir se rattache directement au culte d'Apollon : la preuve en est que Pisistrate - que n'animait sûrement aucune malveillance envers le sanctuaire délien, bien au contraire s'était contenté de purifier « la partie de l'île visible du sanctuaire >>: il entendait, selon le mot de A. Mommsen, ( 1). Le contact des morts, comme celui des femmes en couches, était en effet normalement ressenti en Grèce comme une souillure (2), et, de tous les dieux, Apollon était le plus strict sur ce point. Les purifications mensuelles, rappelées un peu plus haut, de son sanctuaire délien traduisent le même souci. Aussi, plus que toutes les îles, Délos est-elle sans tache, cx1 Lw-.ixTIJ,et ce n'est pas par hasard que Callimaque associe dans la même phrase cette épithète et l'interdit porté, à Délos, contre la mort et la guerre.

Il. LIEUX DE CULTE Maître de l'île, Apollon ne se contentait pas, comme les autres dieux, d'un seul temple ou d'un seul autel. Il est possesseur de tout le > délien où trouve place également le téménos de sa sœur Artémis. Plus particulièrement, il devait être honoré sur l'autel de cornes (pp. 23-24) ; comme Pythien, il l'est au Pylhion (pp. 115-125); un culte non sanglant lui est rendu sur l'autel d'Apollon Génélôr (pp. 161-164); il a encore une chapelle athénienne près du Théâtre (pp. 164-165) ; il possédait un tronc spécial (p. 365), et surtout trois temples.

1. Les trois temples. La fouille les a mis au jour ; ils occupent à peu près le centre du Hiéron (3). Construits côte à côte, ils ont existé simultanément sans que la construction de l'un entraînât, selon l'usage, la destruction du précédent (4) ; tous trois ont la façade tournée vers l'Ouest (5). On a pris aujourd'hui l'habitude de les appeler respectivement et (GD 11, 12 et 13), mais la terminologie antique est beaucoup plus complexe; F. Courby s'est attaché à la préciser par des études (6) auxquelles J. Tréheux (7) a ensuite apporté diverses corrections. C'est le résultat des travaux de ces deux savants que j'expose ici brièvement.

(1) A. Mommsen, Philologus, 66, 1907, pp. 435-436. - La pureté d'intention de Pisistrate est également affirmée par H. Gallet de Santerre, DPA, p. 251. (2) Sur cette question, ef. L. Moulinier, Le pur et l'impur dans la pensée et la sensibilité des Grecs jusqu'à la fin du IV• siècle av. J.-G., Paris, 1950, spécialement chapitre Il. (3) F. Courby, EAD, XII. (4) Les raisons possibles de cette simultanéité ont été examinées par Ch. Picard, CRAI, 1959, pp. 321-334. (5) Je n'ai pas à traiter ici de cette orientation inhabituelle, puisqu'elle est préhellénistique. F. Courby (op. cil., p. 1, n. 3) indique quelques rapprochements parmi lesquels il convient d'éliminer maintenant celui qu'il établit avec l'Antre du Cynthe (reconnu comme hellénistique par A. Plassart: cf. ci-dessous, pp. 401-403). (6) F. Courby, BCH, 45, 1921, pp. 174-207, et EAD, XII, pp. 217-233. (7) J. Tréheux, Inventaires, pp. 23-26, 63-64, 153, 257-258, 304-315 du manuscrit.

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Le Temple de pôros, qui remonte à l'époque archaïque, a d'abord été le seul; après 476, on entreprit d'édifier le Grand temple dont la construction fut interrompue vers 425 ; c'est également dans le dernier tiers du ve siècle que les Athéniens, devenus suzerains de l'île, bâtirent le temple qui porte leur nom; après 314, les Déliens indépendants reprirent aussitôt (1) les travaux du Grand temple dont le prodomos put, vers 280, abriter des offrandes. Au ive siècle, les documents amphictyoniques nomment le Temple de pôros o ~'IJÀ(w,1vi::wç et le Temple des Athéniens o vi::wço 'A0YJve'îll':L µ.ouvovJ ~wµ.C'{'îë:U3' gVE:XOI.: O"XOl.:L7Î µèv ~Jxeic;xept Kuvfüe 'î[ 6~ov, 'îlXÇ 3' è1tt 8e;mp?i ] mlc; taa:vixc;XâpL'îa:c;; 10 ]v !v' &q>pov°'c; Mp[wc; foxCù (1) Toute cette phrase (depuis« Or J. Tréheux ..• &) résume l'argumentation

inédite de J. Tréheux, Inven-

taires, pp. 11-26. (2) Sur le sens de xoÀocrcr6ç,voir en dernier lieu G. Roux, REA, 62, 1960, pp. 5-40; J. Servais, Anliqu. class., 34, 1965, pp. 144-174, adopte l'interprétatiôn de G. Roux: cf. ici même p. 58. (3) G. Roux, op. cit., p. 23. (4) Le texte transcrit ici reproduit celui de l'édition Pfeiffer, enrichi des compléments indiqués dans les addenda des deux tomes de cette 6dition et d'une partie des restitutions proposées exempli gratia par le même auteur, Journal of the Warburg and Courlauld Inslilutes, 15, 1952, p. 26, n. 4. C'est moi qui place un point d'interinnombrables possibilités>>, 1t'tj[xé:wv1 rogation après rnixé:wv, vers 5 (R. Pfeiffer écrit, comme étant l'une des O"T6µixTL O"ùpLyycx.. ''On a· OU't"OÇ oùx ȵoç o Myoc;, 'Av't"LXÀ~Ç(FGH, 140, 14) xoc1 "fo't"poi; Èv 't"CX.LÇ (FGH, 334, 52) rte:p1't"Oll't"WV &.cp1Jy~o-cx.V't"o. 0/hw aè:ît1XÀIXL6v ÈO"n't'Ô&.q,Œpuµoc 't'OÜ't'O 'Emcpcx.vdocLÇ &o-'t'e:'t'oÙç Èpyixo-ixµévouçixÙ't'O't'WVxix6' 'Hpocx)..éixMe:p6rtwv cpixo-lve:!vixL.



- PHILON, De legalione ad Gaium, 95 (559) : ... di; 8è: 'Art6MCùVIXµe:'t'e:µopcpoihoxix1 µe:'t'e:oxe:utt.~E:'t'O, O"'t'E:(j)OCVOLÇ µè:v IX.X't"LVOE:Laéo-L TYJVXE(j)IXÀ~v &.vix8ooµevoç,T61;ov aè: TfÎ e:ùwvoµq.i xocl ~tÀ1JxpixTwvxe:Lpi,Xct.pLTixç 8è:T(Î 8e1;L~rtpoTe:[vwv,wç 8éov Tocµè:v &.ycx.0oc ôpéye:wÈ; É't'o[µou xixl 't"E:'t"tt.x0ixL 'OJV~eÀ·tfovcx. 't"ti.ÇLV 't"~\IÈrt18e:1;LCx., 't"CX:Ç 8è:XOÀtJ.O"E:LÇ UîtOO"'t'ÉMe:L\I xix1TYJV XIX't'1X8e:e:O"'t'épcx.v XWPCX.V XEXÀ7Jpwcr01XL 'OJVtrt' e:Ùwvuµix. - MACROBE,Saturn; I, 17, 13 : sed quia perpeluam praeslal salubrilatem el pestilens ab ipso casus rarior est, ideo Apollinis simulacra manu dextera Gratias gestant, arcum cum sagiltis sinislra, quod ad noxam sil pigrior et salutem manus promptior largiatur.

Inscriptions. 1° I'a:vwatç de la statue d'Apollon. yixv&crcx.L 't"O&yix)..µix-roü ID 461, Ab, 35 (année 169): NLxoxpix['t'e:L]ÈpyoÀixo~crcx.v[TL] 'Art6)..)..w[voi;].

20 Couronnes de la statue d'Apollon. En s'en tenant à l'édition des IG XI 2 et des ID, on doit distinguer :

I. O"'t'Écpixvoç xpuc;oüç Mq>v7Jc;C:n TO &yixÀµix 't'OÜ 'Art6Mwvoi; ÈO"Te:q>&.vwTixL, oÀx~v H.6..6..6..6.P 1-: IG 219, B, 46 IG 161, B, 95 227, B, 17 164, A, 35 252, 10 199, B, 24-25 287, B, 66 203, B, 55-56 ID [313, a, 25] 208, 3 II. O"'t'Écpixvoi; xpuc;oÜç cY>t't'O &ycx.)..µix ÈO"'t"E:(jltt.VW't"CX.L, 8v &.vé07Jxev~IXO"[ÀLcrcrix ~'t'p1X't'OVLX1J : IG 287, B, 66-67. ~IXO"LÀÉCùÇ ~7Jµ7J-rplou0uyct.'t"1)p, XPUO"OL OÀX~fi HP t-H-15

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m. G"t"Écpotvoc;; &:px_ot'i:oc;; liL "t"O &yaù.µoc €cr"t'e:cp&vw"t'otL, &cr"t'ot"t"OÇ : ID 313, a, 44

314, B, 44

IV. cnÉcp[otvoç x_pucroüc;; WL"t"O &yotÀµoc €cr"t"e:cp&vw"t"ocL, ÔÀX~~potxµ]otll!J::..ll. ID313, a, 44 V. a"t'Écpocvoç x_pucroüç liL "t"O &yocÀµoc ècr"t"e:cp&.vw"t"ocL, èµ µfo@ cr&.p~LOV ~x.wv(non pesé) : ID [399, B, 35] 453, B, 25

[422, 10] 439, a, 28 442, B, 29-30

455, Ba, 30 461, Ba, 37 [465, e, 21]

3° Couronnes des Charites.

Offertes par la reine Stratonice : liste des textes, p. 548. 4° Xvµa1:a des statues:

-

"t"O&1to"t'WV"t'('LWV &yotÀµ&"t'C.t>V auyx.wve:u0èv x_pucr[ov lcr6po1tov(sic), oÀx~ ~pocx_µoct

AAPH-1-:

ID298, A, 54 313, a, 44-45

314, B, 44

Doit être identifié, en raison de la similitude de poids, avec le x,oµocrecensé dans des inventaires plus récents (cités dans les lignes suivantes). - x.oµocx_pucrouvIX'ltO"t"OU 'A1t6ÀÀWVOC, "t'OU&:yif).µoc"t'OÇ, oÀ. P'I-AAÀAPt-1-1-111 · &Mo x_pucrouv x_oµcc 0:7t0"t'WV "t'('LWV, ÔÀ.1-AAPH·III : ID [380, 385, [421, 439, 442,

7-8] a, 7-8 26] a, 5-6 B, 6-7

ID 455, Ba, 5-6 461, Ba, 7-8 [465, d, 7] [469 bis, 7]

Monnaieset gemmes. P. 57,

Il.

3; pl. I, 3.

AsPECT DE LA STATUE.- Deux sculpteurs de l'époque archaïque, Tektaios et Angélion, avaient exécuté pour les Déliens une statue d'Apollon que tous les textes, littéraires ou épigraphiques, nomment &yotÀµoc. La description nous en est conservée par Pausanias et surtout par le Ps.-Plutarque dont les informations, au dire exprès de l'auteur, remontent à Antiklès, historien de la fin du ive siècle, et Istros, érudit de la fin du me siècle av. J.-C. : d'après le Ps.-Plutarque, Apollon portait un arc dans la main droite, et, dans la main gauche, les trois Charites qui tenaient respectivement une lyre, des auloi, une syringe (1) ; toutefois, on verra plus bas que cet auteur a inversé la gauche et la droite. , Le témoignage d'Antiklès et d'Istros, conservé par le Ps.-Plutarque, est précisé par un fragment des Ailia de Callimaque (fr. 114, Pfeiffer). R. Pfeiffer l'a heureusement (1) Aussi le relief du Musée de Munich où les Charites, la tête de profil, pincent les doigts à hauteur du visage, n'a-t-il rien à faire avec nos Charites, quoi qu'en ait écrit Ch. Picard, Manuel sculpt., I, p. 673, et CRAI, 1969, pp. 328-329. - Sur les statues d'Apollon à Délos: J. Marcadé, MD, pp. 161-210.

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compris et commenté (1). Le texte revêt la forme, inhabituelle dans les Aitia, d'un dialogue : aux questions d'un interlocuteur qui pour nous reste anonyme, Apollon répond lui-même, comme l'indique, au vers 6, le serment .Il déclare successivement : ,, >,Puis, demande l'interlocuteur au dieu Kynthios, « pourquoi tiens-tu l'arc [dans ta main gauche] et tes gracieuses Charites [dans ta main droite]? >>. Le texte de la réponse divine est très mutilé, et le sens ne s'en laisse plus saisir que globalement, éclairé heureusement par les passages de Philon et Macrobe cités plus haut:>(2). Les inventaires des hiéropes concordent avec la tradition littéraire; à la couronne d'Apollon ils associent deux fois celles des Charites, offertes par la reine Stratonice, et confirment une des réponses que Callimaque prête au dieu : la statue était faite d'une armature de bois habillée d'or, puisqu'en proviennent deux lingots, xuµoc:-roc: (testimonia, 4° ; étant donné le contexte, l'expression &1to-rwv-rp,wvrenvoie sûrement aux Charites bien qu'il existât aussi un édifice où -rct:-rplocidentifié avec le Pythion: p. 122). La dégradation que dénote l'existence de ces xuµoc:-roc: et le recoupement de la tradition littéraire et des inscriptions donnent à penser que la statue cultuelle de l'Indépendance était toujours celle qu'avaient exécutée, au vre siècle, Tektaios et Angélion. Il en allait encore de même après 166, au moment où Apollon de Délos était retombé sous le contrôle athénien, puisque sa statue paraît alors sur des tétradrachmes d'Athènes (pl. I, 3). Ces monnaies et une gemme de Stuttgart (3) nous offrent l'image ou le reflet de la célèbre statue : le dieu porte l'arc dans la main gauche et les Charites dans la droite suivant une disposition inverse de celle que décrit le Ps.-Plutarque. En réalité, c'est cet auteur qui s'égare, et R. Pfeiffer a entièrement raison de restituer l'arc dans la main gauche et les Charites dans la droite : non seulement il respecte ainsi le témoignage concordant des monuments figurés - en particulier celui des monnaies, contemporaines de la statue et images officielles -, mais chez Callimaque lui-même, les déclarations du dieu, qui se dit plus lent à châtier qu'à répandre ses bienfaits, ne se comprennent que s'il porte les Charites dans la main droite et l'arc dans la gauche ; et elles trouvent justement un écho précis chez Philon et Macrobe. Les tétradrachmes attiques donnent aussi à penser que la statue était accostée de deux formes ailées, griffons ou sphinx (4). Les monuments figurés ne laissent pas deviner la hauteur de la statue ; Th. Reinach a tenté de la supputer à partir du poids des couronnes : Apollon aurait mesuré environ 8 m. et les Charites 1,80 m. (5); Ch. Picard a justement objecté que (1) Outre les notes qui accompagnent ce fragment 114 dans la grande édition de R. Pfeiffer, cf. R. Pfeiffer, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 15, 1952, pp. 20-32. (2) Cette traduction-paraphrase reproduit à peu près celle de I1. Pfeiffer, Journal of the Warburg ... , pp. 26-27. (3) Svoronos, Les monnaies d'Athènes, Munich, 1923-1926, pl. 56, et pl. 80, fig. 8, et G. Lippold, Gemmen und Kameen, pl. 7, fig. 8, documents reproduits par R. Pfeiffer, op. cit., pl. 4. Cf. L. Lacroix, Les reproductions de statues sur les monnaies grecques, Liège, 1949, pp. 202-205. (4) Cf., en dernier lieu, J. Marcadé, MD, pp. 161-165. (5) Th. Reinach, CRAI, 1926, p. 31.

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les mesures connues du temple de pôros ne se prêtaient pas à ces dimensions (1) ; même la cella du Grand temple, dont la hauteur utile dépasse de peu les 6 m. (2), ne pouvait accueillir une telle statue. Le poids des couronnes suggère seulement qu'Apollon était environ quatre fois plus grand que les Charites : c'est le rapport que l'on constate aussi sur les monuments figurés. Les couronnes de la statue d'Apollon et de celles des Charites sont recensées dans les inventaires de }'Indépendance (textes cités pp. 55-56). F. Durrbach affirme que(3). Cela n'est pas évident dans le cas d'Apollon, puisque les inventaires 287 et 313 recensent l'un deux, l'autre deux et peut-être trois couronnes 6n -rà &yixÀ[LIXÈcr-reqi&vw-ro:L (respectivement couronnes I-II et I-III-IV de la liste pp. 55-56) ; de la même façon, dans un des inventaires de l' Artémision, sont recensées cr-reqi&vLo:Mo [ o!ç -.à &yixÀ[Lixècr-reJIqi&vw-rixL(ID 296, B, 26-27, passage pour lequel on ne voit pas d'autre restitution possible). Les statues ne portaient évidemment pas deux couronnes à la fois, en dépit du sens qu'il serait naturel d'attribuer au parfait ècr-recpocvw-rixL ; celui-ci doit signifier que la statue >; la porte qu'on répare en 274 (compte 199) pourrait être une porte ménagée dans le mur de péribole près du Trésor 2 (3). Cet essai de localisation est entièrement arbitraire. L'autel inscrit ID 2449 a été dédié à la suite d'une guérison par le Romain Sporius Stertinius. Ce personnage est connu à Délos par des dédicaces à Hydreios, à Sarapis et autres divinités égyptiennes, à Artémis Sôteira, aux Nymphes Minoïdes (respectivement ID 2155, 2156, 2378 et 2379, 2446). Cette piété éclectique d'un étranger peut ne pas refléter exactement les croyances proprement locales; j'entends que de sa dédicace nous ne saurions induire que les Charites aient joui anciennement

(1) Il convient d'éliminer IG 159, A, 15 où la lecture X&ptcrtvsemble inexacte (cf. notes critiques à cette inscription et les corrigenda à la fin du volume, p. 147) et ID 2413 où X[&pim] doit être remplacé par x[ccpicrTfipwv] qui convient mieux au sens et au nombre de lettres manquantes, comme me l'a indiqué J. Bousquet (sur cette dédicace, cf. p. 239). (2) F. Durrbach, commentaire à IG 199, A, 28. (3) R. Vallois, AHD, I, p. 62 et n. 4 (il s'en faut de beaucoup que la pensée soit nettement exprimée). La base contiguë au Trésor 2 est signalée p. 57. Cf. J. Marcadé, MD, p. 47.

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et régulièrement du don de guérison. Les premiers éditeurs, P. Roussel et J. Hatzfeld (1), en ont rapproché le texte de Macrobe cité plus haut (p. 55); en fait, la comparaison avec Callimaque et Philon montre que l'acception de salutem ne se réduit pas à la seule santé, et, comme le remarquent les mêmes épigraphistes, à l'époque de notre dédicace, la plupart des divinités se font guérisseuses : c'est alors en effet la condition de leur succès. Et le don de guérison est bien naturel de la part de déesses dont le nom même signifie >et >. Le culte délien des Charites se réduit donc pour nous à peu de chose : une effigie connue dès le début du me siècle, une ou deux dédicaces d'époque athénienne. Mais, de manière notable, il est indépendant : les manifestations de piété à l'égard des Charites ne semblent pas influencées par le rôle célèbre qu'elles jouaient auprès del' Apollon délien.

3. Les sept statues du Temple des Athéniens. Le temple que les amphictyons appelaient « Temple des Athéniens» devint, dans la terminologie des hiéropes, le VEblÇ oi'i ..à É1t'L"ci: &.yixÀµô('L"ôC (p. 53). Ces sept statues se dressaient sur un piédestal hémicyclique dont F. Courby a pu proposer une restauration architecturale partielle (2) ; d'après ce savant, le piédestal, de travail attique, aurait d'abord été élevé par Pisistrate dans le temple de pôros (3), puis ultérieurement transféré dans le temple des Athéniens (4). Cette hypothèse procède d'observations portant sur la technique architecturale: le piédestal est une œuvre attique, mais qui: différences dans les matériaux, le système modulaire, l'exécution des joints, le genre de liaisonnement qui présente des traces d'archaïsme (5). L'examen de cette théorie ne concerne pas réellement l'histoire religieuse de Délos à l'époque hellénistique et je ne l'aurais point évoquée si n'en dépendait notre connaissance du décor du temple aux sept statues à partir de 314; comme je me propose aussi d'examiner plus tard (pp. 659-660) les rapports religieux de Délos et d'Athènes après la restauration de l'indépendance, il importe de verser au dossier Je plus de faits possible et, ici en particulier, de savoir si les Déliens ont repris aux Athéniens l'idole que ceux-ci sont parfois censés avoir installée dans leur temple ; F. Courby écrit en effet qu'>(7). En fait, je crois qu'il n'en est rien. Les observations techniques de F. Courby sur l'archaïsme du piédestal ne me semblent guère décisives, et l'on sait combien peuvent être fallacieuses des remarques de ce genre ; le transfert du piédestal n'est pas une opération absolument insolite (8), mais je m'étonne que le démontage des blocs n'ait laissé aucune trace. Je négligerai pourtant ces deux arguments architecturaux; je crois pouvoir : 1° démontrer

(1) P. Roussel et J. Hatzfeld, BCH, 33, 1909, pp. 506-507. (2) F. Courby, EAD, XII, pp. 189-194. (3) F. Courby, op. cil., p. 218. (4) F. Courby, op. cil., p. 194. (5) F. Courby, op. cit., pp. 193-194. (6) F. Courby, op. cit., p. 218. (7) Ch. Picard, CRAI, 1959, p. 327. (8) On déplaçait même des sanctuaires: cf. les exemples réunis par Ch. Picard, CRAI, 1959, pp. 321-322. Des temples ont été entièrement démontés et reconstruits ailleurs : cf. une conférence inédite de Homer A. Thompson, Itinerant Temples of Attica, résumée dans AJA, 66, 1962, p. 200.

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que l'Apollon de Tektaios et Angélion ne s'est jamais dressé dans le Temple des Athéniens, et 2° établir avec assez de certitude que le piédestal du Temple des Athéniens ne provient pas du Temple de pôros.

1° Deux raisons empêchent de penser que les Athéniens aient transféré dans leur temple l'Apollon de Tektaios et Angélion : - supposons qu'il en ait été sous l'Amphictyonie comme le prétendent F. Courby et Ch. Picard : j'ai dit plus haut (p. 58) les motifs de croire que la célèbre idole a été installée dans le Grand temple aussitôt qu'il a pu l'accueillir - c'est-à-dire nécessairement après ca 280 (p. 53) -, et personne n'a contesté ce point. Or l'ex-, déjà devenu le où -rocÉn-rococy&.Àµ après cette date. Bien entendu, on ne saurait non plus prétendre que l'idole se dressait dans le Temple des Athéniens mais non sur la hase : il n'y a pas la place, si l'on en croit la restitution de F. Courby (1), et cela ne changerait rien à mon raisonnement; - si au v 0 siècle, l'idole de Tektaios et Angélion avait été transférée dans le Temple des Athéniens, elle ne se serait plus trouvée - que le lecteur me pardonne cette lapalissade 1 dans le Temple de pôros. Or celui-ci a toujours conservé le nom de v:.wç pendant l'Amphictyonie, ce qui n'eût pas été possible en l'absence de statue de culte ; la preuve en est qu'il a perdu ce nom lorsque l'idole a effectivement été installée dans le Grand temple. Pour expliquer le maintien du nom de v:.wç au 1v0 siècle, il faudrait supposer qu'après le transfert de l'idole au Temple des Athéniens, le Temple de pôros avait reçu une nouvelle statue cultuelle dont il n'est jamais question ni à ce moment-là ni plus tard. Dans une étude antérieure à sa publication des temples, F. Gourby avait bien senti la force de cet argument et conclu que la statue de Tektaios et Angélion n'a pu être installée dans le Temple des Athéniens (2). 2° Quiconque admet ce point pourrait encore prétendre que le piédestal hémicyclique du Temple des Athéniens s'est d'abord trouvé dans le Temple de pôros, mais sans avoir porté l'idole de Tektaios et Angélion. La disposition de ce piédestal entourant une autre base serait possible en dépit de son étrangeté. Mais les conséquences d'une telle hypothèse ne laisseraient pas d'embarrasser: en effet, ou bien le piédestal portait une statue d'Apollon, et il y avait alors deux effigies d'Apollon dans le temple de pôros jusqu'au transfert supposé du piédestal (3); ou bien il ne comportait pas d'Apollon et, dans ce cas, le Temple des Athéniens était dépourvu paradoxalement de la statue du propriétaire de l'édifice. Une troisième solution se présente que personne n'a formulée, je crois, faute d'avoir préalablement énoncé l'alternative précédente : lors du transfert, on aurait ajouté l'Apollon manquant. A dessein, je clos ma réfutation sur cette solution hypothétique : elle fait ressentir une dernière fois le réseau de suppositions qu'il fallait tisser pour esquiver les contradictions et les difficultés de toutes sortes résultant de la théorie de F. Courby. Et rappelons-nous que le transfert supposé du piédestal repose sur l'observation d'indices architecturaux très fragiles.

(1) F. Courby, EAD, XII, pl. XII. (2) F. Courby, BCH, 45, 1921, p. 207, n. 1. (3) L'imprécision des auteurs rend souvent délicate l'intelligence de leur texte; cette première solution me paraît soutenue, par exemple, par H. Gallet de Santerre, DPA, p. 271 et n. 10.

62

APOLLON

Concluons : il est tout simple de se représenter ainsi la suite des faits : l'idole de Tektaios et Angélion a d'abord occupé le Temple de pôros, puis - lorsque celui-ci a été désaffecté et bientôt rangé parmi les oikoi - le Grand temple. Les Athéniens, quant à eux, ont, dans le temple qui porte leur nom, érigé sept statues occupant un piédestal qui ne s'est jamais dressé que là. Après 314, les Déliens, n'ont pas eu à récupérer leur vieille idole ni, en dépit de leur haine des Athéniens, mutilé le décor des sept statues. L'IDENTITÉDESSEPTSTATUESa également intrigué les érudits: la présence de Léto est assurée par un passage du compte amphictyonique de 364: ÈvTWtve:&tTWt'A0rivix[wv · •.• crTécpixvoç 1tp&Toc;, 1tpôc;-njç AriToÜc;(1). Celle d'Apollon est nécessaire dans un temple qui lui est dédié et nous avons vu à l'instant qu'il comptait parmi les sept; Artémis accompagnait sûrement son frère et sa mère. A la triade délienne, F. Gourby ajoute Athéna (2) ; Ch. Picard préfère lui associer les Vierges hyperboréennes qui auraient été > ne se rencontre jamais. Dans la liste que j'ai dressée ci-dessous, le cas le plus sûr est celui de Polybos: dans un inventaire du trésor du Temple d'Apollon, >, ainsi désigné tout court, ne peut qu'être celui de ce dieu. Mais d'autres cas sont douteux : P. Roussel croit que Pythéos, qui s'associe à l'archonte Phillis pour offrir une libanotis à Hestia, est le prêtre d'Hestia (1), bien qu'un sacerdoce de cette déesse ne soit pas attesté pour cette période (p. 443) ; je .voudrais surtout attirer l'attention sur le cas de Socritos : il est dit te:poc-re:umxç dans l'inventaire du Temple d'Apollon ID 442, mais cela n'implique pas qu'il ait été prêtre de ce dieu ; en effet, dans le même inventaire, Mantithéos est désigné par le même participe (J D 442, B, 175) ; or il est établi qu'il était en réalité prêtre d' Asclépios, comme d'autres prêtres d' Asclépios dont les offrandes étaient également conservées dans le Temple d'Apollon et qui sont recensées en ID 442 (p. 364). Il est notable que Sotélès est expressément désigné comme: les deux sacerdoces ont pu être cumulés, occasionnellement ou à une certaine époque, par le même personnage, ce qui expliquerait que tant de prêtres d' Asclépios aient déposé des offrandes dans le Temple d'Apollon et qu'en recensant le trésor de ce dieu, les hiéropes n'aient pas senti le besoin de préciser de quel dieu Mantithéos avait été le prêtre ; mais il est tout aussi possible que Sotélès ait été successivement prêtre d'Apollon et d'Asclépios. Après 166, le sacerdoce d'Apollon est toujours confié à un citoyen d'Athènes qui ¾.v il~À@ ( cf. l'inscription des &rcocpxoct transcrite porte le titre de kpe:ùç 'Arc6)..)..c,;-voç pp. 128-136) et occupe naturellement le premier rang dans la hiérarchie des sacerdoces déliens (pp. 504-505). La prêtrise fut d'abord annuelle (cf. liste ci-dessous, prêtres de 159/8 et 158/7; de 101/0 et 100/99) ; à une date imprécisément fixée, mais en tout cas dès le 1er siècle av. J.-C., elle devint une charge à vie avec le titre de te:pe:ùç -roü il"1]Àlou'Arc6)..)..wvoçaia ~[ou. ID 2568, d'après P. Roussel et M. Launey, « paraît concerner les conditions et privilèges de la prêtrise d'Apollon, peut-être lorsqu'elle devint à vie >>.

PRi;:TRES D'APOLLON Prêtres de l'époque de l' Indépendance

296 ou 275 ou 259 ou 204

227 215

ID 442, B, 53 ~WXpL't"OÇ ([e:pot't"e:ücrotc:;) ID 442, B, 143 Il u0e:oc:;( à kpe:Ùç Il. xoct ô &pxwv (ÀÀLç) ID 442, B, 46 et 159 Il6)..uooc:;(kpe:uç) ID 1403, Bb, II, 65-66 = ~w-rÉÀ"IJÇ ~w-rÉÀou(kp"1)-r1::ucrocç -roü 'Arc6)..)..wvoc:; 1417, A, II, 90 xoct-roü 'AcrxÀ"1)moü) Prêtres alhéniens annuels

159/8 158/7

'Ape:Ùç'Apéwc:;K-l) ]ixvWL · o a· te:pox'Yjpu~ &.vcx.[yopeucrix-rCù : I G 646. Le rapprochement des formules A, B et C nous assure que le couronnement du bénéficiaire de la couronne honorifique et la proclamation faite par le te:pox~pu~ avaient lieu, l'un et l'autre, à l'occasion des Apollonia, au moment où les x.opot -rwv '7t'a.:LaCùv s'apprêtaient (A2) à concourir. Cette partie de la fête se déroulait au théâtre (A, B, C, D). Les chœurs sont qualifiés deux fois de te:pot (Al). Leur &.ywv(A4, Cl) est désigné deux fois de manière remarquable : en IG 690 (C), il est purement et simplement l'&.ywvdes Apollonia; en IG 572 (C3), il apparait comme le - et donc le seul- concours musical des Apollonia: le chœur des femmes (dont le mode d'entretien, on l'a vu, était également différent) contribuait en effet à l'éclat de la fête sans concourir, puisqu'il était unique en son genre.

5. Participation

d'artistes professionnels.

Les Apollonia comprenaient enfin des représentations données par des artistes professionnels : le fait n'est pas aussitôt évident dans le cas des artistes autres que les aulètes, mais il est sûr pour ces derniers dont le salaire donne lieu d'ailleurs à une opération assez compliquée. LA

PROCÉDURE

FINANCIÈRE

RELATIVE

AU

SALAIRE

DES

AULÈTES

DES

APOLLONIA.

-

Plusieurs passages des comptes mentionnent les aulètes : ID 314, A, 3 (année 233 ou 232) ;

316, 7-8 (année 231); 354, 7 et 9-10 (année 218) ; 355, 6 (année 217); 356 bis, A, 4 (année 210) ; 362, A, 1-2 et 11 (année 209) ;

ID 363, 33-34 (année 209) ;

365, 13-14 (année 208) ; 368, 9 et 19-20 (année 206) ; 399, A, 41-43, 49-52, 54-57, 59-61 (annéel92) ; 442, A, 85-86, 112-113, 127-128 (année 179); 443, Ab, 21-22 et 50 (année 178).

Seul le compte 354 (et peut-être le compte 314) indique que des aulètes participent aux Apollonia : -rൠi-ucr0àv -rwv cx.ÙÀYJ-r&v dç 'A1toÀÀwvLcx. XXXHHHHl'1M (ID 354, 7); mais

73

LES FÈrES

comme le salaire de 3470 drachmes se retrouve dans les autres comptes, ceux-ci concernent sûrement les mêmes artistes. Les comptes 399 et 442 fournissent de précieuses indications sur l'opération financière à laquelle donnait lieu leur rémunération (1) : chaque année, en Posidéon, les trésoriers déposaient entre les mains des hiéropes une somme de 3470 dr. ; l'année suivante, en Lénaion, les hiéropes la remettaient aux nouveaux trésoriers en vue du paiement des aulètes. - Le compte 442 offre, pour L'année 179, un exemple concret de cette procédure : les hiéropes de 179 déclarent « avoir reçu des hiéropes de 180, déposée dans la caisse publique ►> (A, ligne 75), une jarre remise en Posidéon 180 par les trésoriers de 180 et contenant 3470 drachmes affectées au paiement des aulètes (lignes 85-86) ; en Lénaion 179, ils ont de la caisse (ligne 122) la même jarre (lignes 127-128) ; enfin parmi l'argent (ligne 99) figure une autre jarre, datée de Posidéon 179, qu'ont remise les trésoriers de 179 en vue du paiement des aulètes (lignes 112-113), ~ entendons naturellement : des aulètes de 178. A chaque fois, l'argent déposé par les trésoriers a été préalablement encaissé T7jç (se. Tpcmé~'f)c;)Nuµ.q>o~pou xod •Hpixx1.eŒou (2). par une banque : &.1tà La somme de 3.470 drachmes se répartit ainsi, d'après le compte 442 : salaire des aulètes ..............

.

!

m1"'Y)pécrLo\l (fourniture de vivres) .. xop'f)yfJµ.ixTix(frais de chœurs). . . . . \ILX'f)'t"YJPLO\I (prix aux vainqueurs) ..

3.000 dr. 470 dr.

En 192, le compte 399 (A, 54-57) précise comment se répartissent versées à un certain Télémachos : salaire ...................

.

OU'f)pécrLO\I. •••. .• • • , • , , , , , , \ILX'f)'t"f)PLO\I ••••••••••••••••• ' ):Op'f)yYjµ.IXTIX .•••••••••.•

, •.

çévLov (frais de réception) ...

les 1.790 drachmes

1.500 dr. 130 60 50 50

Cette somme, prise sur les 3.470 dr. déposées par les trésoriers de 193 (lignes 54-56), semble être le seul versement effectué en 192. Aussi subsistait-il des reliquats des années précédentes : les hiéropes de 192 déclarent avoir reçu (JG 399, A, 41-43). LES ARTISTES PROFESSIONNELS A DÉLOS. Dans les Tabulae Archonlum IG 105133 dont le contenu a été analysé plus haut (p. 70), la liste des chorèges est suivie de celle des artistes de tous genres qui se sont produits dans l'année. Ceux d'entre eux dont les noms sont enregistrés dans nos inscriptions appartiennent aux genres suivants que j'énumère par ordre chronologique d'apparition dans nos textes (3).

(1) Sur cette procédure, cf. Th. Homolle, BCH, 14, 1890, pp. 444-449; F. Durrbach, Choix, p. llO. (2) Cf. F. Durrbach, commentaire à ID 399, pp. 63-64. BCH, 7, 1883, p. 123, a dressé un tableau de l'origine géographique de (3) Am. Hauvette-Besnault, cr. L. Robert, ces artistes. - Sur les 6auµoc-ro1to,ol,cf. L. Robert, REG, 42, 1929, pp. 433-438. Sur les 1tocp(pi>ol, REG, 49, 1936, pp. 251-254. Sur pwµocLcrTT)c;, cr. L. Robert, Noms indigenes dans l'Asie mineure gréco-romaine, Paris, I 963, p. 417, n. 7; l'inscription de Sybrila mentionnée là a été publiée depuis lors par G. Le Rider, Monnaies crétoises du V• au J•r siècle av. J.-C. (Ét. crét., XV), Paris, 1966, p. 258.

74

APOLLON

-rpo:y@ao(: IG 105, 106, 107, 108, 110, 112, 113, 115, 123, 130, 133. )U.ù(J-@ao[:JG 105, 106, 107, 108, 110, 112, 113, 115, 120, 123, 128, 130, 132, 133. o:ÙÀ"fl-ro:l: JG 105, 106, 107, 108, 110, 113, 115, 133. xL0o:p@ao[: JG 105, 108, 110, 112, 113, 115, 120, 123, 132, 133. tjl&À't'O:L : JG 105, 120. xL0o:ptcr-ro:( : I G 105, 106, 107, 108, 112, 113, 120, 128. po:tjlc.naol: IG 105. 7t0t"f)'t'O:l XCù(J-C.ùLatwv : IG 107, 120. 00:uµ.o:-ro1tot6ç:IG 110, 112, 113, 115, 120, 129, 133. XCù(J-Cùtao1tot6ç : I G 113, 115. 1to:pCùta6ç: J G 120. -.po:yCùLaLwv 7t0t"/)TflÇ : 1a 120. at0up&µ.oCù\l 7tOt"/)'t"tjÇ : I G 120. pCùµ.o:tcr-ro:l : J G 132 (?), 133. o:[ùÀwLJa6i;; (?) : IG 133. Ôp)'.."flO"TflÇ : J G 133. veupoa1toc[cr-ro:t]: I G 133.

Les listes d'artistes sont introduites, dans les textes les plus anciens, par les mots oŒe Èm:8d~o:v-ro -rwt 0ewL; ensuite, à partir de IG 120, datée de 236, on lit oŒe -rwL 0ewL ~ywv[cro:v-ro.Les deux formules sont équivalentes : È1tead~o:v-ro signifie évidemment que les artistes vLoc -ro: è[ v ~~]Àc,H, comme on lit en tête de la liste ID 2593 (ligne 3) - continuèrent à être célébrées après 166, vraisemblablement à la même date (bien que tout indice fasse défaut à ce sujet) que pendant !'Indépendance. 1. Programme de la fêle. Les Apollonia comportaient concours gymniques.

au moms une procession,

des sacrifices

et des

LA PROCESSIONET LES SACRIFICES.- De la procession, 7tOf1,7t'~, il est presque certainement question dans des passages mutilés des décrets ID 1505 (lignes 2-3), pris en l'honneur des agoranomes de 147/6, et ID 1507 (ligne 6), pris en l'honneur des épimélètes de l'emporion de 145/4. Des jeunes filles étaient canéphores (ID 1869 c). Les associations privées y participaient aussi : pour honorer leur bienfaiteur Marcus Minatius, les Posidoniastes de Bérytos décident (ID 1520, 49-52) de faire défiler, chaque année, à la procession, un bœuf portant au cou une inscription ainsi rédigée : (p. 629). A cet effet, les trésoriers du koinon remettent chaque année élus (lignes 68-71) qui sont aussi chargés une somme de 150 drachmes à des ~ou-rp6q,oL de faire défiler le bœuf (lignes 74-75). Cet animal était sans doute destiné au sacrifice; pendant !'Indépendance aussi, la victime immolée aux Apollonia était un bovin (p. 65) ; il en allait de même après 166 : dans un passage mutilé d'un décret pour les agoranomes (ID 1500, 12) on lit les mots - - -]-ro~.:;'A1to/\Àwv[loL.:; -roo].:;-rocupou[.:;- -. Dans le décret ID 1507 mentionné plus haut, 0uow.m:.:;(ligne 7) se rapporte sûrement aux Apollonia : les épimélètes de l'emporion offraient donc des victimes ; on a restitué une formule analogue dans le décret ID 1505 (ligne 2) et supposé que les agoranomes sacrifiaient également aux Apollonia. CONCOURS GYMNIQUESET CORBEILLES DES VAINQUEURS. gymniques étaient, pour le moins, au nombre de trois : a) la lampadédromie, où le Naxien Zénon, fils d'Apollodoros, (ID 1958), vers 160, semble-t-il ; b) la course des jeunes

gens : Phocion,

gymnasiarque

Les concours a été vainqueur

en 155/4, ocvéypoc~i::v -roui:; 1

77

LES FÊTES

VEVLXYJX6-rocç l -ràv 8p6µov -rwv vi.ocv(o-xwv 1 -rix 'A1toÀÀwvLoc xttt 'A&fivocLoc ; seul nous est d'ailleurs conservé cet intitulé (J D 2591) sans la liste ainsi annoncée ; c) un concours de nalure indélerminée: le même Phocion [&véypoc~i.v]1 't"ou[ç (ID 2592); ici aussi i.]tÀYj, de (1); P. Roussel entérina "l'explication (2). Mais L. Robert l'a justement réfutée : qiépm et ÀocµMvm ne sont pas équivalents; le formulaire de ID 2592 est parallèle à celui sont des prix>, et qu'en ID 2596, . De fait, le gymnasiarque intervient quand ses administrés sont en cause ; les inscriptions se divisent en deux groupes : le premier comprend des listes (Apollonia: ID 2591, 2592, 2593 et 2598; - Romaia: ID 2596 ; - Athénaia : ID 2591 et 2592) où le gymnasiarque énumère les éphèbes ou pareutaktoi qui ont participé à la fête ; il en va de même des hiéropes des Apollonia dont ID 2598 souligne leur appartenance au gymnase : ce sont des aleiphoménoi; il y a tout lieu de croire que les hiéropes des Romaia se recrutaient aussi parmi les aleiphoménoi (p. 445 ). Le second groupe comporte les dédicaces de vainqueurs : ce sont pour les Romaia ID 1950, pour les Athénaia ID 1953, pour les Théséia ID 1951 et 1952: ces quatre dédicaces émanent de vainqueurs à des lampadédromies d'éphèbes (ID 1950 et 1952) ou d'enfants (ID 1951 et 1953); au contraire, un vainqueur à la lampadédromie des hommes aux Théséia (ID 1955) ne nomme pas le gymnasiarque parmi les magistrats éponymes, parce qu'il n'éprouvait pas à son égard le même sentiment d'allégeance que les enfants et les éphèbes. Je reprendrai donc volontiers, mais en l'inversant, la formule de P. Roussel : il semble que la compétence du gymnasiarque se soit limitée aux concours gymniques. Dans la mesure où ces concours formaient une part importante de ces fêtes, dans la mesure surtout où beaucoup d'inscriptions conservées reflètent cet aspect des choses, il est naturel que le gymnasiarque soit fréquemment nommé ; mais on ne peut en faire ( 1). Il y a là un acte religieux dont la signification sera reprise plus loin dans un exposé consacré aux rapports religieux de Délos et d'Athènes à l'époque hellénistique (pp. 659-660).

3. Restauration des Délia au

nesiècle.

Thucydide (III, 104) rapporte qu'aussitôt « après la purification (de 426) les >> ; ces derniers Athéniens célébrèrent pour la première fois la pentétéride, "Toc!::..~t-Loc mots sont probablement une glose marginale qui s'est introduite dans le texte (2). Les Délia (3) poursuivirent leur existence pendant le ive siècle Jusqu'à la fin de l'hégémonie athénienne (4). Après 314, les inscriptions sont totalement muettes à leur sujet ; la théorie athénienne qui donnait lieu à leur célébration semble avoir continué à fréquenter Délos, au témoignage, unique, il est vrai, de Callimaque qui la présente, ainsi que la géranos, comme des usages en vigueur de son temps (pp. 2930). Plutarque et Pausanias, au contraire, ajoutent que Thésée, à son retour de Crète, institua un &.ywvà Délos (pp. 20-21 et 34) et Plutarque précise qu'il sacrifia aussi à Apollon. Toutes ces traditions se rapportent forcément à la théorie athénienne si Callimaque n'en retient que la théorie et à la fête des Délia qui l'accompagnait; et la géranos, c'est, comme je l'ai admis, que celles-ci étaient restées en usage après la restauration de }'Indépendance. Au contraire, son silence sur le sacrifice et l'&.ywv, qui constituaient plus particulièrement le programme de la fête, peut confirmer celui des inscriptions : les Délia avaient dû disparaitre après 314. Le retour des Athéniens en 166 changea la face des choses et plusieurs inscriptions attestent alors la réapparition des Délia.

1. ID 1869 : a) statue de [ Philippé ], fille de Médeios, [xrt..v'l)cpop~croc]crocv d~ÀLoc(5) ; b) statue du frère de la précédente, Médeios, ~'l)ÀLrt..O'nJV yev6[J.evov; c) statue de Laodamia, sœur des deux précédents, Xrt..\l'l)(J)Op~o-occrocv !:i~ÀLOC xoct'A1toÀÀwvtoc· Cette inscription, d'après la prosopographie, doit dater du dernier quart du rr0 siècle, peut-être de la période 120-110. 2. Inscription des &.1tocpzcd (6), lignes 188-189 et 215-216: ocywvo0é[ ni,:; ~]111.twvI M~8ew,:; [M1)8do]u Iletprt..Leu,:; (99/8) et [&.y ]wvo0é'C'r,,:; d1J1.[(Cùv] 1 [::Eocpoc1tl]Cùv ::Eocpoc1tl[ wvo,:;Me1.mui:;] (98/7).

(1) P. Roussel, DCA, p. 209. (2) Cf. A. W. Gomme, A Historical Commentary on Thucydides, II, Oxford, 1956, p. 414. Pour la suite des idées, cf. H. Gallet de Santerre, DPA, p. 251, n. 6. - Sur cette première pentétéride, cr. ID 43 avec les corrections de J. Coupry, BCH, 78, 1954, pp. 285-290. (3) Sur les Délia d'époque classique, cf. Th. Homolle, Dict. Ani., s.v. Délia; M. P. Nilsson, Gr. Feste, pp. 144-149; P. Roussel, DCA, p. 208. (4) Cf. IG II', 2971 (= JG II, 1217) qui date des alentours de 315/4. (5) Cette restitution est appuyée par la troisième dédicace de cette inscription (ID 1869 c); au contraire, dans la suite de la dédicace, le supplément • devenue [sous-prêtresse d'Artémis]•, proposé « comme possible seulement • dans les ID n'est pas assuré. (6) Reproduite ci-dessous, pp. 128-136.

82

APOLLON

3. J D 1957 b: liste des victoires de l'athlète athénien Ménodoros ; parmi celles-ci Â~).w. -rocI Èv Â~ÀwLI couronne 1 &vôpcxç1 7trx.ÀYJV. 4. Liste parallèle à la précédente, reconstituée par St. Dow (Hesperia, 4, 1935, pp. 81-90; cf. nouveau fragment, B. D. Meritt, Hesperia, 29, 1960, p. 56, n° 81) à partir de fragments divers (1); celui qui concerne les Délia (tl.~).[tcx]J "TOC Èv [Â~Àwt] J couronne d'olivier 1 &vôpcxç[ 1t1XÀYJV) était publié séparément depuis longtemps: JG II, 1319 (2) = JG 112, 3150.

5. IG XII 5, 837, 8-9 : décret de Ténos en l'honneur d'Ammonios, fils d'Ammonios : (bmô~ .. ) &vcxôé~EX't"CXt ôè x.cxt-r[~v][ 0Ecxpoôox.lcxv "TûlV Âr,1lwv.

6. Caunos (Carie): G. E. Bean, JHS, 73, 1953, p. 31, n° 12: 'kpfuvuµ.oç 'Anonwv(ou v:x.~crcxç Â~·hcx[ h"'tWLmilÀLX.ûlt (3).

1

7. IG IX 2, 614, 4-5 (Larisa ; 1er siècle) : -rclne 1tep[t] x.[po"Tix]qiotç &pµ.ocrixµ.cxv onqiixdç µ.èvNeµhxç, dç Âix1.wç,etc. vouç · 1 [Ci>]v La valeur documentaire de ces textes est inégale ; le dernier a été rapporté sous réserve aux Délia par P. Roussel (4), mais peut aussi bien rappeler une victoire aux Apollonia; l'avant-dernier doit concerner Délos comme l'admet l'éditeur, mais la formule 't'> (1 b) : c'est le nom que portaient, dès l'époque classique, les théores envoyés d'Athènes pour célébrer les Délia. Aucune source du ne ou du 1er siècle n'est relative à la géranos, mais l'absence d'information ne signifie pas que cet usage fût déjà tombé en désuétude. Les Délia n'étaient pas une fête proprement athénienne, ni même réservée à la seule population de l'île. Le décret 5, émanant de Ténos, suppose en effet que des

(1) Les couronnes de ID 1957 sont très stylisées et l'identité des feuillages est difficile à préciser, comme le remarquent les premiers éditeurs (L. Bizard et P. Roussel, BCH, 31, 1907, pp. 432-435); mais en comparant la pierre délienne (ibid., fig. 3) et l'inscription attique (St. Dow, op. cit., pp. 84-85), on reconnaît que la répartition des feuillages n'est pas identique sur les deux fü!tes (par ex. à Délos les couronnes des Olympia se distinguent nettement des autres, ce qui n'est pas le cas à Athènes). (2) Déjà cité par P. Roussel (DCA, p. 210, n. 4) auquel est dû. le supplément ~~Àoo1. (3) Recensé sans commentaire par J. et L. Robert, Bull. épigr., 1954, n• 229. (4) P. Roussel, DCA, p. 210, n. 4. (5) Seules sont connues, et pour une époque plus haute, les Délia de Béotie (cf. Th. Homolle, DA, II, pp. 59-60). (6) A. Plassart, BCH, 36, 1912, p. 413, n. 2.

83

LES FÊTES

0s:wpo( de Ténos assistaient aux Délia : Ammonios pèlerins de l'île voisine (1).

est remercié

pour avoir reçu ces

2. Date de la resiauration des Délia. Il importerait de savoir à quelle date exactement les Athéniens ont restauré les Délia. Malheureusement nos sept sources épigraphiques ne suffisent pas à résoudre parfaitement ce problème chronologique. Seule l'inscription des &1tcxpxor.( (2) fournit des dates précises, mais pour la fin de la période. Pour établir le terminus a quo, c'est principalement la liste des victoires de Ménodoros (3 et 4) qu'il importerait de dater. La liste ID 1957 (3) s'achève sur la mention d'une couronne décernée par le roi Ariarathe; les premiers éditeurs estimèrent qu'il s'agissait d'Ariarathe V (2) ; cette supposition, acceptée par St. Dow (3), est devenue une certitude dans les ID; admettons qu'elle soit fondée et qu'il faille - Ariarathe V étant mort en 130- >(4). Peut-on aller plus loin? il s'agit surtout de connaître l'ordre où sont énumérées les victoires. Th. Klee, commentant le seul fragment IG II, 1319 (= JG II2, 3150), estimait que les concours sont énumérés d'après l'ordre des fêtes dans l'année (5) ; St. Dow déclare au contraire : (6). Le rédacteur de la liste détienne et celui de la liste athénienne suivent à peu près le même ordre ; St. Dow (7) donne un tableau comparatif montrant que l'interversion porte sur cinq places au maximum et que, sur trente-deux victoires enregistrées à Délos, vingt-trois occupent le même rang dans la liste athénienne. Je raisonnerais volontiers comme suit : si l'ordre des victoires n'est pas rigoureusement identique dans les deux listes, c'est que les deux graveurs n'ont pas copié le même modèle (même la distraction d'un copiste rattrapant ensuite ses erreurs par des interversions ne suffit pas à expliquer des divergences assez nombreuses et, plusieurs fois, d'amplitude considérable) ; mais si l'ordre est à peu près identique, c'est qu'il présentait une signification, qui doit être chronologique : les mêmes fêtes reviennent plusieurs fois dans la liste et correspondent à des années différentes ; les informations manquent pour déterminer toujours si, pour une même année, elles sont énumérées dans l'ordre chronologique, comme le voulait Th. Klee, ou non, suivant l'opinion de St. Dow ; mais le fait est que l'ordre des fêtes paraît constant. Les deux seules victoires que Ménodoros ait remportées dans la catégorie des &-yévs:rnL occupent les septième et dixième places dans l'une et l'autre liste ; doit-on penser qu'en début de carrière, notre athlète, concourant normalement parmi les &vaps:c;,se permettait encore de se mesurer aux &yévs:LoL? Dans ce cas, la victoire aux Délia, qui occupe la treizième place dans les deux (1) C'est l'interprétation la plus naturelle, celle proposée par Boeckh, commentaire à CIG 2329, et reprise par P. Boesch, 0EilPOI:, Berlin, 1908, pp. 106-108. Il est hors de doute qu'Ammonios soit Athénien: le décret prévoit qu'on informera les Athéniens des honneurs ainsi décernés à Ammonios, et, d'autre part, deux' Aµµoovtoç 'Aµµrovlou sont connus dans la prosopographie athénienne de la fin du n• et du début du 1•r siècle. Il est inutile de chercher (P. Boesch, op. cit., pp. 106-107) si cet Ammonios était • un clérouque ou un citoyen résidant à Athènes•: cette distinction ne s'établissait plus alors (P. Roussel, DCA, pp. 64 et 68). (2) L. Bizard et P. Roussel, BCH, 31, 1907, p. 435. (3) St. Dow, Hesperia, 4, 1935, p. 86; de même L. Robert, Noms indigènes dans l'Asie Mineure grécoromaine, I, p. 496 (à propos des fêtes d'Ariarathe). (4) P. Roussel et M. Launey, commentaire à ID 1957. De même St. Dow, op. cit., p. 86. (5) Th. Klee, Zur Gesch. der gymn. Agone an gr. Festen, Berlin, 1918, p. 54. (6) St. Dow, op. cit., p. 86. (7) St. Dow, op. cit., pp. 82-83.

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APOLLON

listes, se situerait plutôt dans la première moitié de la carrière de Ménodoros. Je ne me dissimule pas la fragilité de ces hypothèses qui reposent à la fois sur l'identification du , écrit P. Roussel (1). Au vrai, ils ne reprirent jamais exactement la tradition, puisque les Délia du ne siècle étaient annuelles. Mais il me semble, au contraire, tout naturel que les Athéniens - qui, recouvrant une hégémonie perdue depuis quelque cent cinquante ans, n'hésitèrent ni à expulser les Déliens ni à substituer à leur gouvernement une administration purement athénienne - aient également restauré aussitôt une tradition religieus,e si fortement liée à leur domination qu'elle avait été rompue en 314.

3. Délia el Apollonia. Pour déterminer les rapports des deux fêtes apolliniennes de l'époque athénienne, nous ne trouvons au départ qu'une seule donnée positive : Laodamia a été canéphore aux Délia et aux Apollonia (1 c). V. von Schoeffer soutenait que les deux fêtes ne se distinguaient que par leur périodicité, l'une étant pentétérique et l'autre annuelle (2). M. P. Nilsson comprenait que (3); P. Roussel a justement objecté qu'il n'y a plus alors de Déliens proprement dits (4) et l'on a indiqué plus haut (p. 79) l'importante participation des Athéniens - au moins des Athéniens résidant dans l'île - aux Apollonia. Le même érudit avance une autre explication : vers le temps du renouvellement de la Pythaïde delphique, >(5). Cette reconstitution des événements n'est pas fondée ; sùr la périodicité de la fête nous ne possédons qu'un indice montrant qu'elle était annuelle ; de quinquennalité il n'est pas question. Je m'oriente vers u·ne autre solution : à s'en tenir aux documents précisément datés les plus anciens et les plus récents où soient mentionnées l'une et l'autre fête, on obtient la chronologie suivante : Apollonia: 155/4 (ID 2591) - 119/8 (ID 2598). ? - 98/7 (inscription des ix.1tocpxoc[). Délia : A cette chronologie sûre, les conjectures présentées dans les pages qui précèdent autorisent toutefois à substituer, comme vraisemblables, les dates extrêmes que voici : Apollonia : vers 160 (ID 1958) - entre 120 et 110 (ID 1869 c). Délia : entre 150 et 130 (ID 1957) - 98/7 (inscription des ix.1tocpxocl). Ces dates parlent assez ; les Apollonia sont attestées une dizaine d'années avant les Délia, et les Délia quinze ou vingt ans après les Apollonia. Compte tenu du petit

(1) P. Roussel, DCA, p. 210. (2) V. von Schoeffer, De Deli insulae rebus, p. 203. (3) M. P. Nilsson, Gr. Feste, p. 146. (4) P. Roussel, DCA, p. 210, n. 7. (5) P. Roussel, DCA, pp. 210-211. - Cette thèse est reprise exactement par F. Durrbach, Choix, p. 191 ; W. Deonna, EAD, XVIII, p. 321 et n. 2; H. Gallet de Santerre, DPA, p. 247.

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APOLLON

nombre des documents, et surtout des documents datés ou même approximativement datables, est-ce suffisant pour admettre que les Délia se soient substituées aux Apollonia? Les Délia n'ont pas subi cette que suppose P. Roussel. Tout simplement - sans avoir constitué, comme le croyait M. P. Nilsson, les deux moments d'une même solennité (l'argument de P. Roussel garde sa pertinence) - les deux fêtes coexistèrent (1). On ne peut pas, je crois, expliquer plus naturellement le cas de Laodamia qui fut canéphore aux Délia et aux Apollonia ; mais je ne vois pas qu'on l'ait jamais comparé à ceux de Sosandra et de Bioté (ID 1870 et 1907) qui, vers le même temps (ID 1907 est datée de 127/6), furent canéphores aux Lénaia et aux Dionysia ; personne n'a douté ici qu'il s'agît de deux fêtes distinctes, célébrées à deux moments différents de l'année (pp. 322-324). On croira donc qu'à l'époque athénienne Apollon bénéficia de deux fêtes, comme Dionysos, et que, dans les deux cas, les canéphores de la première solennité exerçaient (ou pouvaient exercer) la même fonction lors de la seconde.

4. Calendrier des fêtes déliennes d'Apollon. Pendant l'indépendance, les Apollonia étaient célébrées en Hiéros (p. 65) : hormis ce seul fait bien établi, notre connaissance du calendrier des fêtes déliennes d'Apollon demeure fort imprécise. Aussi ai-je cru utile de rassembler en un exposé unique les quelques informations dont nous disposons. l. Les Apollonia el les cérémonies du 13 et du 15 Hiéros.

Si le mois des Apollonia est connu, le jour de la fête ne l'est pas ; mais il est très probable que l'ouverture avait lieu le 7 du mois : ce jour était généralement consacré à Apollon qui passait pour être né un 7 ; c'était sûrement le cas à Délos, et les sept vols des cygnes que décrit Callimaque dans son récit de la naissance d'Apollon (p. 18) n'ont pas d'autre sens. Après 166, la date des Apollonia nous est inconnue, mais a dû rester la même ; il est peu probable en effet ( 4). Ces deux opinions me paraissent aussi peu fondées l'une que l'autre et, d'ailleurs, concernent plus vraisemblablement les Délia pentétériques de l'époque amphictyonique que les nôtres. C'est le cas de la thèse favorable à Hiéros : comme on ignore les rapports des Délia instituées en 426 et des fêtes traditionnelles, comme on ignore en particulier si des Apollonia annuelles se célébraient parallèlement aux Délia quinquennales, on peut bien supposer en effet que les Délia, se substituant à la fête traditionnelle, avaient lieu en Hiéros. Mais, après 166, les Délia, devenues annuelles, existent concurremment avec les Apollonia - dont la célébration s'est vraisemblablement maintenue en Hiéros ~, mais indépendamment d'elles ; il est alors gratuit de placer les Délia pendant le même mois que les Apollonia.

(1) Je cite pour mémoire une troisième opinion, indéfendable, de A. Mommsen (Bursian's Jahresber., 48, 1886, pp. 325-352) qui préfère Galaxion parce que, dans les listes de chorèges, les Apollonia précèdent les Dionysia. V. von Schoeffer l'a aisément réfutée en montrant que les Dionysia fournissaient tout au plus un terminus ante quem dans l'année (De Deli insulae rebus, pp. 35-36) ; ajoutons qu'il s'agit là des Apollonia eë non des Délia. (2) Boeckh, commentaire à CIG, n• 158; V. von Schoeffer, De Deli insulae rebus, pp. 35-37; Th. Homolle, DA, II, p. 57. (3) C. Robert, Hermes, 21, 1886, pp. 161-169. (4) L. Deubner, Att. Feste, pp. 203-204. 7

88

APOLLON

Le choix de Thargélion ne me paraît pas mériter meilleur crédit. La notice de la Vila Plalonis concerne des fêtes célébrées par les Détiens, alors que les Délia sont essentiellement une solennité athénienne. Quant à Thésée, qui avait quitté l'Attique en Mounichion, il lui aurait fallu, en un laps de temps de deux mois au maximum, gagner la Crète, séduire Ariane, tuer le Minotaure, être jeté à Chypre par la tempête et instituer la cérémonie détienne (1) ; la chose est sans doute possible, mais, dans les conditions de la navigation antique, constitue un record ; au rve siècle encore, on était moins optimiste : Phédon explique que la théorie annuelle qui se rend à Délos se trouve parfois contrariée par les vents et que le voyage peut être long (Platon, Phédon, 58 b) ; c'est ainsi que Socrate, qui devait attendre pour mourir le retour de la théorie, resta trente jours en prison (Xénophon, Mémorables, IV, 8, 2). De fait, Thésée ne revint à Athènes qu'en Pyanopsion, c'est-à-dire après une absence de six mois. Bien entendu, cette chronologie est légendaire, mais elle ne pouvait contredire le calendrier cultuel qu'elle devait, au contraire, justifier à l'époque historique. Le mois Thargélion ne s'impose donc pas plus que Hiéros. Soulignons que les Délia sont avant tout une théorie; l'étude, qu'on lira quelques pages plus loin, des autres théories montre que les théorcs se présentaient à des dates très diverses de l'année, même ceux d'une même cité. Les Délia n'avaient donc pas non plus à coïncider avec des fêtes locales d'Apollon. Si l'on s'en tient à la chronologie légendaire du voyage de Thésée, l'escale détienne du héros devait se situer peu avant Pyanopsion (= Apatourion délien), par exemple en Métageitnion ou Boédromion (Bouphonion) ; la mer est alors détestable et les Délia pourraient tout aussi bien avoir été célébrées à cette époque de l'année. D'ailleurs, toutes ces très vagues indications concernent les Délia de l'époque amphictyonique et ne valent pas nécessairement pour celles du ne siècle. Avouons que, dans l'état actuel des choses, nous ignorons la date de célébration des Délia.

3. Traditions relatives au 7 Thargélion. Une tradition accorde au 7 Thargélion une place importante le culte déliens d'Apollon : - DIOGÈNE LAËRCE, III, 2: Platon naquit, ~v Â~) mt 't'OV'Ar:6)..)..wvoc ye;vfoOoctrpoccrl.

dans la légende et

selon Apollodore, 0ocpYYJ1LWVOÇ éoMµ:n, xocO'

- DIOGÈNE LAËRCE, II, 44 : Socrate naquit, selon Apollodore, 0ocpy'Y)Àt&voç ~XTfl,6't'e; xocOix.Cpouaw 'AO'YJV$ou-rot 1tepr.-rôv -roü 'A1t6/\Àwvoçvewv -roü ~1JÀ[ouTW\I-repC:nwv6v-reç 'A01JVOC[wv xocr.¾vel>uov-ro lµ.ix.-rLOC -rwv 01]ptX!xwv· o l>è'A1t6MW\I oô-r6ç ¾cmv tj) -rà 0> c) Une dédicace de Délos pourrait faire allusion aux Thargélia, ID 2081 : base d'une statue d' Eukratès élevée par les mélanéphores et les thérapeutes des dieux égyptiens en 04/3 ; à l'intérieur de la troisième couronne : ¾véyx> 23 = 1441, E. » 23 = 1441, F. >> 40 = 1409, Ba, I, 26 = 1441, 1443, A, I, 32 peut correspondre à C, D ou

A, I, A, I, A, I, A, I, A, I, E.

15 = 1449, Aa, I, 34; 17; 19; 19; 50;

c) Tpbtouc; aeÀqnx6c;,&.v&0eµ.oc il"YjÀ~izawv, xopdov Èm36v-rCùV 6eCùpwv't"W\I Èx 'P63ou

1423, Ab, II, 3 = 1432, Bb, II, 20 = 1449, Aa, I, 18 = 1450, A, 12. Remarques: III. Polycharmos est un nom rhodien (IG 287, B, 36) et l'origine rhodienne de sa phiale se laisse aussi reconnaître au visage d'Hélios qui en forme le décor. En fait, c'est par lapsus que le nom de Polycharmos est gravé dans l'inventaire 161 ; on l'avait sans doute recopié aussi dans l'inventaire 162 où il a été ensuite gratté et remplacé par celui de Philodamos ; la description est la même dans les deux inventaires et ne se retrouve que là : il ne s'agit donc que d'une seule et même phiale.

106

APOLLON

XV. On lit en ID 298 [ (jlUXÎ"I) ~"l)ÀLIXOWV, xopeï:ix èmMVT(t)V 0ewpwv 't"WVè-y] 'P6oou ; je ne sais sur quoi se fonde cette restitution. - Cette phiale ne doit pas être confondue avec celle d'un certain Euklès, conservée dans le temple d'Apollon (1439, A be, I, 6; 1441, A, I, 41 ; 1450, A, 34). XIX. En ID 313, a, 7, immédiatement après la phiale de Krantor (XVIII), on lit (JlLIXÀIXL Mo 't"WV['PoôL(t)V0e:(t)p]wv[è1t' &pxL0ewpoudi:; L~ûqioui:;Aumo--rprhou]; dans les passages intacts, il est toujours fait mention d'une seule phiale de Lysistratos. En 287, B, 38, la phiale de Krantor est suivie des deux phiales de Charmidès, puis de la phiale de Lysistratos; l'ordre des offrandes étant le même en IG 287 et en ID 313, il est possible que le rédacteur ou le graveur de ID 313 ait quelques mots; l'énoncé global Mo 'Poolwv se rencontre d'ailleurs (IG 199, B, 38). En 298, A, 121, on lit qiLxÎ-["l)v'Poo(wv &v&.0w.ixè1t' &pxL0eCilpou llMŒpix-rouç]; je ne sais sur quel parallèle est fondée cette restitution ; dans les passages intacts Pasikratès, dont la nationalité rhodienne est plusieurs fois indiquée, ne porte pas le titre d'archithéore (199, B, 71; 219, B, 63 où on lit llixyxpcx.-roui:;;223, B, 6; 226, B, 6; 287, B, 86; 296, B, 17). ARCHITHÉORES

SANS ETHNIQUE.

La négligence déjà plusieurs fois constatée dans la transcription des dédicaces des phiales explique que certains noms de théores soient dépourvus d'ethniques; parfois les textes parallèles permettent de réparer l'omission ( Kos XIV, Rhodes III et XIII) ; parfois l'hésitation demeure entre deux séries (Kasos et Kos XXVII ; Kos X et Rhodes IX) ; ici enfin, la nationalité de quatre archithéores ne se laisse pas sûrement reconnaître. Date de la plus ancienne mention

274

Lieu de conservation

Artémision

Archithéore

Désignation

Lysias

tp.

èn-' ocpxe0ewpouAucrtou

néférences aux inscriptions

199, B, 41

Cf. phiale III d'Alexandrie 241

Artémision

Dioklès

tp.

Â7jÀtci8c.>v], xopeÎct tma6v't"Ot;rxpxL[0ewpou) 298, A, 177

Â. 241

192

I''·peul-füe 196

Artémision

T. d'Apollon

Nysios

Kléanax

xopdct èma6v]'t"Ot;cxpxL0.:wpou Nucr(ou

{ 300, B, 27+313,

-

qi.

-

xocpuwni èµ n-ï.w0dwL n-p6crwn-ov~xoucrocv1 1444 5 'An-6[ÀÀw]vot;,&v&.671µct Nucr(ou , Aa,

i, 4

qi.

èx n-ÀLv0dwvè~eLp7jµÉvocL r, &voc0ɵct't"(X[385, a, 37) µ(ocÂ7jÀLiX.8CilV 0ec.>pW'I XcttcxpxL0ew- 421, 44 I èma6V't"c.>V 442, B, 15 pou K.,. x.'t".À. 461, Ba, 22 qi.

399, 439, 455, 465,

B, 15 a, 14 Ba, 16 e, 7

Mais quelques hypothèses peuvent être avancées. La rédaction de 199, B, 40-41 est insolite : &MIXL KwLWV Mo bt' &pxs0ewpou IloÀUXÀeL't"OU XIXL't"WVèç '.Ai.zçixvopdixç 0ewp&v • br' &pxz0ewpouAuo-tou ; comme Polykleitos de Kos offre deux phiales (Kos II et II'), il est (fiLCX.À'YJ possible que Lysias soit l'archithéore des théores susdits d'Alexandrie, c'est-à-dire le dédicant

LES

107

THÉORIES

de la phiale III d'Alexandrie, conservée elle aussi à l'Artémision. Je croirais volontiers que Nuc;(ou et Auolou désignent le même personnage : comme les précédentes, la phiale de Nysios se trouve aussi à l' Artémision. Kléanax serait-il l'archithéore d'Alexandrie (phiale I) dont le nom se réduit aujourd'hui à -vixx[Toc:;?] ? Dans cette hypothèse, Dioklès serait le seul archithéore non identifié. Un Dioklès de Kos est connu pour avoir dédié une phiale (/G 164, A, 5 = 199, B, 6, etc.), mais elle est déposée dans le prodomos du temple d'Apollon et ne peut donc s'identifier avec celle de l'archithéore du même nom.

2. Cérémonial. L'ensemble des textes regroupés dans les pages qui précèdent fait apercevoir - trop imparfaitement - le déroulement des faits. Une cité envoie à Délos une mission composée de théores dont le nombre nous est inconnu ; elle est conduite par un archithéore qui est sûrement un notable dans sa patrie. Polymédès, archithéore des Kalymniens (1), porte une fois le titre d'archonte. Les noms des archithéores de Kos sont parfois suivis du patronymique qui permet d'identifier le personnage ou du moins sa famille : Hécatodoros, fils de Chairestratos (cf. Kos XXV), figure dans une liste de souscripteurs du me siècle pour une somme de 200 dr. (Paton et Hicks, Inscr. of Cos, n° 10, d, 5) et Zmendron, fils de Diomédon (cf. Kos XXVI), pour une somme inconnue (ibid., n° 10, d, 14) ; c'est peut-être l'archithéore Nicagoras, fils de Théodoros (Kos XXIV), qui fait l'objet d'un décret honorifique d'une société religieuse (ibid., n° 382) et figure parmi les souscripteurs d'un Aphrodision (ibid., n° 387) ; un Makareus, fils d'Aratos (cf. Kos III et XXIII), est envoyé comme théore en plusieurs cités (au milieu du m 0 siècle) (1). Le même personnage pouvait à l'occasion conduire plusieurs théories successives : c'est sans doute le même Polyaratos qui a consacré dans le temple d'Apollon la phiale rhodienne IV avant 279, et dans !'Artémision la phiale X avant 276. La théorie débarque à Délos. Les inscriptions étudiées dans les pages précédentes laissent entrevoir un cérémonial dont il nous faudra d'ailleurs plus bas retoucher quelque peu la description. Premier temps : à l'occasion du sacrifice qu'offrent sans doute les théores, on convoque le zop6ç ; ce mot désigne le chœur par excellence dont il est superfétatoire, à Délos, de préciser la composition, c'est-à-dire le chœur des Déliades (p. 36); les hiéropcs lui fournissent des torches et les accessoires (puµo(, XÀ"l)µixTŒe:c:;) nécessaires. Certaines phiales de Kos recensées dans les inventaires athéniens sont des offrandes récentes sans doute postérieures à 166 (p. 101) : on ne sait si, après l'expulsion des Déliens, un xop6c:;homologue de celui des Déliades fut constitué dans l'île, ni, par conséquent, si le cérémonial en vigueur sous l'indépendance se maintint à l'époque athénienne. Second temps : une phiale est offerte en souvenir du passage de la théorie. Cette consécration pose deux questions :

.

1o Pourquoi

les phiales sont-elles conservées dans des édifices différents : Artémision, Temple d'Apollon, Pôrinos, exceptionnellement Temple aux sept statues et Oikos des Andriens? la répartition paraît s'être opérée au hasard. (1) TT. Herzog et G. Klaffenbach, 1952, 1), pp. 28-29.

Asylieurkunden

aus Kos (Abhandl. deutschen Akad. Wissensch. Berlin,

108

APOLLON

2° Qui consacre la phiale? deux types de formules sont en usage : cp!.«.À'1j( ou civoc07Jµ.oc) 'Po8lcùv et qn!XÀ'Y) Ô"l')Às~(ùV,XOf'S:ÎOC hn86v,(1}'\IOsû>pwv'.filV b. 'P63ou ; cette seconde formule signifie que les théores remettent des honoraires, :xopeioc, aux Déliades qui d'une phiale. Or, à parcourir les tableaux emploit'nt t•,dt.t~ somme à la consécration l't'produits plus haut, on reconnaît que les deux formules alternent parfois à propos de ln même phinlc et que la première peut n'être que l'abrégé de la seconde (phiale de l(asos ; l(os XV et XXI ; phiale de Mégalopolis ; Rhodes II et VIII ; phiale de N ysios ). Il est pourtant peu probable que les phiales aient toujours été consnerèt'S par ks Dt'.,Jiades ; la confusion des formules ne serait sans doute pas survenue si chacune n'avait eu, en principe, sa raison d'être, et le terme d'&.r.ocpx-lJ utifüé pnur qunt.re phiales de Kos (V, XI, XII et XX) se distingue nettement de x.ops:ïoc.:tlfois l'on n'aperçoit pas pourquoi les phiales sont consacrées tantôt par les l){,Jincks, tantôt par les théores eux-mêmes. Deux fois. la théorie ne donne pas lieu à l'offrande d'une phiale, mais à celle d'un O'X> (6) ; > (7). Callimaque range nettement les offrandes hyperboréennes parmi les dîmes (asxoc-niqi6poi &.1rocpxocl) que reçoit Délos (ci-dessus, p. 38) et l'on peut deviner que ces prémices étaient de genre très divers et que certaines étaient périssables : ainsi s'explique le silence des inscriptions sur Siphnos et Karystos, qui envoyaient des théories, mais dont les &1tocpxocl ne figurent pas dans les inventaires. Si l'&1tocpx~ est une pièce d'orfèvrerie, ce n'est pas nécessairement une phiale, puisque les gens de Kos dédient un crxcf.qiwv et les Déliades, aux frais des Rhodiens, un trépied delphique. Et les phiales elles-mêmes, bien que certaines soient expressément qualifiées d'&1tocpx~ ou d'&v&0'Y]µ.ix, ne sont pas toujours directement offertes par les théores : plusieurs d'entre elles (de même que le trépied delphique mentionné à l'instant) sont dédiées par les Déliades aux frais des théores.

(1) Cf. Th. Homolle, BGH, 15, 1891, p. 121 ; F. Durrbach, Choix, p. 46. (2) Ainsi Dioklès de Kos : ci-dessus, p. 107 ; Pasikratès de Rhodes : ci-dessus, p. 106 ; Aristophylos de nhodes: JG 199, B, 5, etc. - Cf. Th. Homolle, op. cit., pp. 122-123 et 125-126. (3) Th. Homolle, op. cil., p. 142 et n. 2, rappelle déjà ces rapports cultuels. Le règlement cultuel de Kos a été publié et commenté par R. Herzog, Heilige Gesetze von Kas (Abhandl. der preussischen Akademie der Wissenschaften, 1928, Phil.-hist. Klasse, n° 6), Berlin, 1928, pp. 16-19. Sur l'Apollon Dalios de Kalymna, cf. aussi SGDI, n•• 3596-98 (r•• siècle ap. J.-C.). (4) P. Boesch, 0EQPO:E, pp. 4-7; Ch. Michel, DA, s.v. Theoroi; L. Ziehen, RE, s.v. (5) W. A. Laidlaw, A His!ory of Delas, p. 48. (6) J. Tréheux, Sludies ... D. M. Robinson, p. 773. (7) J. Tréheux, op. cil., p. 765, n. 40.

112

APOLLON

La fonction des théories est donc très analogue à celle de la Pythaïde qu'Athènes envoya à Délos au début du 1er siècle (pp. 128-137). Dans la mesure où les théores ne sont pas délégués à une fête régulière, mais se présentent à des moments variés de l'année comme porteurs d'une offrande, le geste de piété de la cité qui les envoie revêt un certain caractère de gratuité, et l'on comprend que la conjoncture politique ait pu influer sur la dévotion de certaines cités ou puissances politiques telles que Rhodes ou Ptolémée Philadelphe. LE CASDESTHÉORESDE KARYSTOS. - C'est ici le lieu de traiter des théores de Karystos auxquels il peut être tentant d'assigner un rôle spécial, celui de porteurs des offrandes hyperboréennes; on a vu plus haut (pp. 39-40) que la réalité de l'offrande est hors de doute au me siècle ; or, a cette époque, Callimaque, d'une part, fait de !'Eubée la dernière étape du transfert des offrandes, suivant a peu près Hérodote qui donnait Karystos comme l'avantdernière étape; d'autre part, à côté des théores de Karystos, le compte ID 291-292 fait connaître les kp°'ywyol. ot K°'purn-lwv(cité p. 94) : ces hiéragogues Èv :VCapix6&vi Ô'l)À(ep.

La théorie s'en va tantôt à Delphes, tantôt à Délos ; lorsqu'elle est à Delphes, le devin sacrifie chaque jour au Pythion d'Oinoé ; lorsqu'elle est à Délos, au Délion de Marathon ; et la hiéroscopie a lieu aussi dans l'un ou l'autre de ces sanctuaires suivant le cas. Cet usage, connu par Philochore, vaut pour la fin du rve ou le début du me siècle ; il n'est plus attesté ensuite, sans que le silence de nos sources en signifie nécessairement la désuétude. La théorie honorait-elle Apollon Délien ou l'Apollon Pythien de Délos dont il va maintenant être question? Il est difficile d'en décider sûrement, et c'est pourquoi j'en traite ici plutôt qu'à propos du culte pythien de Délos. Toutefois les liens rituels de cette théorie avec Delphes et le Pythion d'Oinoé me feraient plutôt pencher, personnellement, vers la seconde hypothèse.

VI. APOLLONPYTHIEN -

DÉLOS ET DELPHES

Une des théories rhodiennes s'était arrêtée à Délos au cours d'un voyage vers Delphes (tableau de la p. 105, phiale XIX), les Déliens consultaient parfois l'oracle de Delphes, comme on le verra plus loin (p. 160), et les Delphiens visitaient Délos à l'occasion, comme il ressort d'un passage de Sémos de Délos (2). Mais les rapports

(1) Sur ce texte, cf. G. Daux, Delphes au II• et au Jcr siècle (Bibl. Éc. fr. Ath. et Rome, fasc. llO), Paris, 1936, p. 533, n. 1. L\.'l)ÀLL/\UpLV(XL 1trxprx ligne 38 : - - - -roùç xrxTrxÀYJ1t-rijprxç 'ApLcrToxÀe:'r: qÀrxo6v-rLTeµe:['ïlv è:v [Ke:]crTpetwLToÙç 1t6ouc;TOÙÇetc; TOVTpU(f>rY.XTOV 't"OUIlu6[(ou- - - ; ligne 41: - - -de;] Tov -rpu[cprx]xTov Tou Ilu6lou Àl6ouc;è:!;éJ..rx[9ov ...•

-

I G 175, Aa, 10 : mention isolée.

- IG 199 (année 274), A, 29-30: µ.Lo6wTo'r:c; [&.v(.(xo] 1µ.(crMLToÙçÀl6ouc;-roü Tpucp&.xTou où Bi);(X.LOÇ ~pyixcrrx-ro 7tpoc;TO Ilu6wv Pl-- - - ; lignes 41-42 : - -µ.e:-ou 1t-re:]J..dVYJV &cr-re:MA. AT.n . ... 1.. grxLè:1thà 1tupÈ:vTWLIIu6(wL•.• (cf. p. 121); TOUII [u6lou] (1) TpuqiixxTouc;, puis détail des paiements ; ligne 73 : [de;] TOCµ.e:Tct.cr't"UÀLrx lignes 76-77 : NtxoxÀ'YjL TWLÈ[yÀrxo]6v-rL X(.(TrxyMtjirxL -rcx xuµ.ixTLct. -roü Tpuqi&.jxTou-rou Fl-1-1-; ~py&.crrx-ro Bocxxwc;);(~LÈyx(.([Ucrrxv-rL] Ôpixx_µ.rxt ligne 80 : Ne:uyé-m 't"WL ÈyÀrxo6vTL è:yxrxucrrxL TOC xuµocTL(X TOC [è:1ttTOÜ]6[ct.À]ocµou où o (j)OÏVLÇ Tൠ1t6ôa.:IC ; B, 72 : 't"OC X.(.(ÀX'a. 't"OÜ évàc;6upé-rpou't"OU è:1tl.TO Ilu6Lov; C, 15-17 : T«c;6uprxc;1 [ T]cxc; è:1tl.Tà Ilu6Ljov. - IG 203, A, 58-59 (année 269) : ÇUÀ(ùV de; Ilu6wv xrxl. è:qi' 'kpo1t6LOv TœÀrxVT(X 7tE:V't"YjXOV't"(X Mo, -rà -rocArxv-rov H : ~ niforx nµ.~ 1 PIAIIII. - IG 219, A, 15 (année 272 ou 271) : [çuÀWVT&.Àa.:v-rrx - - dç TO] IIu6LOv,TL(L~TOU 't"rY.ÀœVTOU •, j ligne 17 : [xéprxµov? è:m6]évTLè:1tl.To Ilu6Lov H · ~ÀoLIl · &v6p(.(xe:c; HIIIT- ; ligne 26: ÇUÀWV TWVTct.1tè:vn de; Ilu6LOv; ligne 30 : ÇUÀWV T/XÀ(.(V't"(.( ë!; de; Ilu6Lov ; ligne 33 : - TO Ilu6Lov 0'7toyy(mx.VTL xrxl.XrY.T(XVL4lct.Vn 1111 ; 1te:pov(ô(lC.c; µLcr6àc; --ligne 35 : - c;-rou Ilu6lou .6.e:!;(wL 1to1Jcrrxv-rL X(lC.L - IG 227, A, 7: - - crn]yvwcrrxLTIJVôpocp~[v]"t'OÜIlu6lou-; ligne 10 : - - 't"OIlu6Lov a-re:yv6>0'(lC.V't"L Ôp(lC.[x]µrxt H; ligne 12: - - è:1t1TO Ilu6wv xe:p&.µ.ou ~e:[u]n è:vvé(lC. IIQ -

IG 228, 8: de; Ilu6wv xocl.'HpocxÀe:['r:ov]. IG 229, A, 17: - T/XÀ(lC.V't"(lC. de; Ilu6LOv"t'-

(1) Les IG donnent Il[wp!vou]; F. Durrbach (commentaire à ID 461, Ab, 40) a ensuite corrigé en Ilu[6Eou]; c'est la restitution adoptée par R. Vallois qui renvoie à ce passage à propos du Pythion (AHD, I, p. 34, n. 4); telle était aussi l'opinion de F. Courby, comme le prouvent plusieurs notes marginales portées au crayon sur son exemplaire des I G XI 2 (actuellement en ma possession).

APOLLON

PYTHIEN.

-

DÉLOS

117

ET DELPHES

-

IG 270 a, 5 : mention isolée.

-

IG 289, 21 : - - - &v~pcx[xe:c; è1el.~wµouc; x.O':l.] Ilu0wv - -

- ID 290, 7 (année 246) : 't"OÜx.e:pocµou't"OÜ&.1eo 't"OÜIlu0lou x.c,:0(Y.t[pe:0évm;; -- ; ligne 103 : Èpyoc't"cx,c; &no 't"OÜIlu0[ou svÈyxct.rm't"oy x.épo:µovde; &.yopixv1-1[11]1 ; lignes 229-244: 'Orpe:).._[c,M ÈpyoÀo:o~crcxn,'t"oc't"p[c,:&.y«Àfl,IX't"CX 't"ocÈv 't"6'ltIlu0lwt èyx.cxü[cr]cx, x.cxl.çücroct-rocX.P~t~ov't"cx -r&v [Ène:[crx.e:uo:crµévwv ?] xo:l.zpucrwcro:Lx.ocl.-ràv Àot1tovxôcrµov &.1eo:no: 1te:pt0e:Ï:\IIXL xoc0ocÈç &.px_~c; d~[e:]v, &rne: 1epocrôoc),e:î:v 7tÉ't"OCÀOC x[lÀtOC1 'TCE\l't"OCXÔmcx] ôpo:x.µ&v H H H HP, etc. (détail des frais). - ID 312, 4: - - ôè ncxpe:Môo0e:v?:v't"WLIlu0[wL. - ID 313, i, 21 (année 235 ou 234) : - - À.Omo?]v ôox.wv é1v èné0e:µe:v e:tç 't"O Ilu0wv [&.]1e6't"oµ[oc]. - ID 354, 58 (année 218) : (AYJvoctwvoç)çoÀcx Ènl. ~wµouc; xocl. dç Ilo0Lo[ v - - - ; de même les deux mois suivants (lignes 61 et 65) ; ligne 64 : XÀELÇ e:[tç -ro] Ilo0wv 't"EL1tocpo:0up[ÔL 1-11. PArlll.

'Ie:ponôwv xo:l.

ID 366, A, 49 (année 207) : - - xo:l. m:;i'Y)xlcrx.ouç 1111,xocl.xocÀcxµï:ôocç Èv 't"WLIlu0lwt

ID 370, 36 (année 203) : - - &.no't"OÜIlu0[ou. ID 371, A, 51-54 (année 202 ou 201) : fourniture mensuelle de feuillages servant à confectionner des couronnes et de bois. - ID 372, A, 72-96 (année 200) : idem; lignes 162-163 : nocpe:Mooµe:vôè nocpocIloÀuçÈvou xocl. [~wx.p[-r]ou Èv 't"Wt~'Y)Àlwvol'.x.@ 1 t:'-, ,., ' AAIII XO:L ' 0:1\.1\.0 ,,.,., 0:7t0't"E't"(L'Y)f1,S\IO ' ' [ \1 ] [ XO:L ' cr-rpoyyu11.0\I ,., OX.'t"O:'TC'Y)XU ' ' l. xe:pocµwcxç si' c.,U11.(Y. S11.0:'t"L\IO: X.OC e:µ Ilu0[c,H HH[--- ID 396, A, 64-81 (année 194) : fourniture mensuelle de feuillages pour les couronnes et de bois. - ID 403, 28 (année 189) : - - - xocl. 't"ocç0opocç -roü Ilu0lou xo:l. dç tmcr't"OÀuxx.o:i. cr't"OÀouç - - ; ligne 40: 1t[o:]pe:Àocoo[µe:]v 9~i:c[o:i.]Èv Ilufü@ µ[ •.••. xe:po:]µ.Œwv~e:oy'Y)HHPAAAA. B,

ID ID ID 219

433, 2 : mention isolée. 440, A, 3-24 : fourniture mensuelle de feuillages pour les couronnes et de bois. 442, A, 181-194 (année 179): idem; : Èmcrxe:uoccrocvn XÀe:î:0pov tjç U7tOÀOC[l,7tOCÔoc; Où 't"OC 't"p[o:1-1-11.

- ID 443, Ab, 93-111 (année 178) : compte très mutilé des dépenses mensuelles : bribes de la formule relative à la fourniture du bois. - ID 456, B, 4-30 (année 173) : fourniture mensuelle de feuillages pour les couronnes et de bois. ID 459, 44-55 (année 172 ou 170): idem. -

[ID 460, v, 8-13] (année 171): idem.

- ID 461, Ab (année 169) : 1-16: idem; ligne 40: &.va:xo:6&p] ou tmcrxe:uoccr]a:v-n .-.àvrpolvLXOC 't"OV [Èv 't"W]tIlu0[wi A. - ID 1408, A, I, 26-27 (début de l'époque athénienne) : (f>UXÀ'Y)V - - µe:.-.e:ve:x_0e:foo:v Èx 't"OÜIlu0[ou {mà ~'Y)µixpoc't"ou, &.voc0e:µo: ~ocmÀÈwçIlpoucr[ou (= ID 1428, II, 27-28 = 1430, f, 4-5).

118

APOLLON

Des notices de la Souda et de Photius donnent à penser que le culte d'Apollon Pythien existait déjà à Délos au temps de Polycrate de Samos (1). Les inscriptions de l'époque hellénistique concernent le Pythion et apportent des informations, en somme assez maigres, sur son rôle cultuel et son aspect architectural : envisageons successivement ces deux points.

I. Le foyer du Pythion. FOURNITURES

assez régulièrement

BOIS, CHARBON ET COURONNES. Les hiéropes fournissent au Pythion du bois, du charbon et des feuillages pour couronnes.

DE

La documentation épigraphique relative au bois est résumée dans le tableau suivant ; les comptes les plus anciens (144, 147, 161, 203) enregistrent la dépense annuelle, tandis que plus tard (compte 351 et suivants du tableau) elle est détaillée mois par mois. J'ai omis ici les textes dont l'état de conservation ne permet pas de connaître en toute certitude la quantité de bois ou sa destination.

Année

Compte

Destination

du bois

Total en talents

Moyenne mensuelle en talents

120 pour 12 mois

10

304

144, A, 29

Pythion

300

147, A, 12

Pythion et autels

90

-

7,1

279

161, A, 108

Pythion

85

269

203, A, 58-59

Pythion et Hiéropoion

52

-

4,5

Hiéropoion et autels

½ pour 6 mois -

246

290, 47-105

231

316, 66-113

-

102

224

338, Aa, 17-54

-

163 pour 9 mois

PREMIER

94

: Autels,

TRIMESTRE

Iliéropoion

et

7 16 17 18

(81 drachmes en 3 mois)

Pythion 218

354, 57-83

200

372, A, 72-96

Autels, Pythion

Entre 190 et 180

440, A, 11-24

179 173

SECOND SEMESTRE

172 ou 170

TRIMESTRE SUIVANT:

:

Autels et Hiéropoion TEXTE

(60 drachmes en 3 mois)

MUTILÉ

et Hiéropoion

222 pour 12 mois

18

-

128 pour 6 mois

21

442, A, 181-194

-

191 pour 11 mois

17,5

456, B, 4-30

-

20 pour 2 mois

10

70 pour 4 mois

17,5

-

30 pour 2 mois

459, 44-56

171

460, v, 1-13

169

461, Ab, 1-17

(1) Cf. H. Gallet de Santerre, DPA, p. 308 (et n. 2: citation).

30

-

15 15

1 1

'

APOLLON

PYTHIEN.

-

DÉLOS

ET

119

DELPHES

Le charbon est moins régulièrement mentionné : dans le compte 289, il est expressément destiné au Pythion; le plus souvent (comptes 161,372, 396, 442 et 456) il figure après le bois du Pythion. Les feuillages servant à confectionner des couronnes (cr-re:,:p:xvhlµoc-rœ) pour le Pythion n'apparaissent que dans des comptes de dépenses mensuelles du début du ne siècle. A l'intérieur d'un même compte, la destination de certaines de ces plantes - le plus souvent celles de Lénaion, le premier mois de l'année - est précisée, tandis qu'elle manque pour les mois suivants ; il est peu douteux toutefois qu'elle fût la même dans les deux cas.

Année

Compte

Sans indication de la destination

Fourniture avec indication de la destination

231

316, 66-113

[Hiéros] Mqivou, µupplvctt 1bd f3wµouç x.cttdç ['le:]po1t6tov Galaxion, Artémision, Panèmos, [Métageitnion], [Bouphonion], [Apatourion], [Arèsion] : cr't"e:q>ctvroµct'l"ct è1tL f3wµouç xctt e:tç 'fapo1t6tov

224

338, _4a, 17-54

cr't"e:qictvroµct'l"ct è1tt [3wµooç x.ctt'Ie:po1t6tov [Lénaion]: 8 dr. Hékatombaion: ? Hiéros:? Mélageitnion: 5 ob. Galaxion: ? [Bouphonion]: 1 dr. Artémision: 1 dr., 1 ob. Apatourion: 2 ob. Targèlion: I dr., 1 ob. Arès ion: ? Panèmos: ?

218

354, 57-8:l

Lénaion: cr-re:qictvroµct'l"ct è1tt f3wµouç x.ctt dç 'Ie:po1t6to11Galaxion: l dr., 2 ob. x.[ctt] 't"ci1tp61tuÀct: 10 dr. Targèlion: l dr., 2 ob. Hiéros: cr-re:qi. è1tt f3wµouç x.ctt'Ie:po1t6to11:l dr., 2 ob. (l) Artémision: cr't"e:q>. è1tt f3wµouçx.ctt 'Ie:po1t6tov:1 dr., 2 ob. (La fin du compte est mutilee ou manque)

202 ou 201 200

372, A, 72-96

194

396, A, 64-81

?

?

371, A, 51-63

Lénaion : a't'ecpœ'Jµo::'Toc èttt ~wµoûç xcd IIU0tov x.ctt de l dr., 1 ob. à 2 dr. chaque mois (2) 'Ie:po1t6tov x.ctl't"ci1tp61tuÀct: 12 dr,. 2 ob.

?

?

179

442, A, 181-194

Lénaion: cr-re:qictvroµct-rct l:1tt f3wµooç x.cttIlu0tov x.ctt1tp6- de 3 à 5 dr. chaque mois (2) 7tUÀct:12 dr.

173

456, B, 4-30

[Lénaion]: O"'l"E:(jlctVroµct-rct ÉîtL f3wµouç X.O(LIlu0tov [x.ctt Hiéros: ? 1tp6m)Àct?] : 20 dr. Thargèlion: 4 dr. (Le reste Hékatombaion: 10 dr. est mutilé) Métageitnion: 3 dr. 3 dr. (Le reste est

459, 43-56

?

[Bouphonion]: mutilé)

171

460, v, 1-13

?

[Panèmos]: 1 dr., 5 ob. (Le reste est mutilé)

169

461, Ab, 1-17

172 ou 170

- - - crnqictvroµct-rctè1tt f3wµ]ouç x.ctt'Ie:po1t6tov Thargèlion]: 3 dr., 3 ob. [ Galaxion]: 4 dr. [Artémision]: 2 dr., 4 ob .. [Apatourion]: 1 dr. (Le reste [Arèsion]: 1 dr. est mutilé) 1

(1) Une seconde fourniture

(2) La courbe des variations

en lfiéros se rapporte aux Apollonia (cf. ci-dessus, p. 66). entre les dépenses des différents mois n'est pas la même en 200 et en 179. 9

120

APOLLON

Le formulaire de nos inscriptions laisse place toutefois à l'incertitude : dans les comptes les plus anciens, la fourniture concerne soit le Pythion seul, soit le Pythion associé au Hiéropoion ou aux autels ; ensuite, de 246 à 224, le bois paraît destiné seulement au Hiéropoion et aux autels ; enfin, à partir de 218, les hiéropes enregistrent une dépense globale de bois destiné >.Pourquoi, de 246 à 224, n'est-il plus question du Pythion? j'espérais d'abord que la consommation annuelle, ou, à son défaut, la moyenne de consommation mensuelle, fournirait une réponse définitive : il n'en est rien. Certes, dans le compte 354, où le Pythion est mentionné pendant le premier trimestre de l'année, mais non plus dans les trois mois suivants, l'absence du Pythion correspond à une baisse sensible de la consommation mensuelle au second trimestre. Pourtant cette observation risque d'être sans portée comme trois faits au moins invitent à le croire: a) dans ceux des comptes 372 et suivants du tableau de la page 118 où la consommation mensuelle est connue, on relève des écarts mensuels assez considérables dus vraisemblablement à des excédents, demeurés en reliquat, du mois précédent; - b) la consommation annuelle du seul Pythion est, en 279, très inférieure à celle de 304 ; - c) et surtout la consommation mensuelle moyenne des autels, du Pythion et du Hiéropoion dans les comptes 372 et suivants est souvent voisine de celle des autels et du Hiéropoion seuls dans les comptes 290, 316 et 338. Les arguments qui découlent des données numériques sont donc impuissants à fonder une certitude, quoiqu'il importât, en méthode rigoureuse, d'éprouver cette piste avec des chiffres aussi précis que possible. Mais notre dernière observation ( c) oriente l'esprit vers une autre explication : les variations que l'on constate dans les comptes doivent être pure affaire d'énoncé, la formule complète« autels, Pythion et Hiéropoion »pouvant s'abréger de différentes manières. La preuve en serait que le formulaire relatif à la fourniture des couronnes est soumis à de pareilles variantes, que fait apparaître le tableau de la p. 119; en Lénaion 224 (ID 338, Aa, 17) des o-Te:cpocvwµ.œroc sont achetés >; le même mois, conformément à un usage que reflètent souvent les comptes, figure le salaire d'un ouvrier (ibid., 20): o--.e:cpocvwµ.ocToc désignant les plantes servant à tresser les couronnes et crTécpocvoL les couronnes une fois tressées, il s'agit presque sûrement de deux moments de la même opération ; ces couronnes, si l'on contamine les deux formules, sont destinées aux autels, au Hiéropoion et aux propylées ; c'est justement la formule du compte 354. Aussi serais-je porté à croire que dans les comptes du tableau de la p. 119 où n'est pas mentionné le Pythion, il est pourtant l'un des destinataires des couronnes. On me pardonnera, j'espère, cette longue digression ; dans le premier chapitre de ce livre, il s'agissait d'attirer l'attention sur un des traits de la rédaction des comptes : un certain manque de rigueur dans le formulaire risque d'égarer la recherche érudite; à l'intérieur d'une série de formules parallèles, les variantes correspondent souvent moins à des changements réels qu'à des manières différentes d'abréger un même chapitre de dépenses. Et, par conséquent, pour revenir à notre sujet, du silence de quelques comptes à propos de la fourniture du bois au Pythion, on s'abstiendra de tirer des conclusions sur l'histoire du culte.

LE CULTE. - Sur la nature du culte célébré au Pythion, c'est le compte 199 qui fournit la clé : To 1tup !v T&LIlu0l>, semble bien attester que le foyer pythien de Délos existait encore écrit R. Vallois, > ( compte 165) ; (3) - l'intérieur du bâtiment comportait une clôture à claire-voie ou -.pucpixx-.oç pourvue de kymatia sculptés (comptes 165 et 199) ; (1) R. Vallois, AHD, l, p. 33, n. 3. (2) R. Vallois, AHD, l, p. 35, n. 1. (3) Je crois que tous les passages des comptes concernent le même tryphaktos «plusieurs clôtures,, comme l'écrit R. Vallois, AHD, I, p. 34.

et qu'il n'y avait pas

122

APOLLON

dans le thalamos se dressait un palmier (comptes 199 et 461) ; en 246 on peint à l'encaustique, on gratte là où c'est nécessaire, on dore les trois statues (1) pour leur redonner leur aspect originel (compte 290); ces statues servent parfois (compte 442) à désigner l'édifice (2), mais ~ u1t0Àocµ.1t:x.ç oo 't"a,'t"ptoc n'implique pas, comme le dit R. Vallois, que >. Or, ce processus correspondrait à l'histoire de la région du Monument des taureaux : >, tandis qu'(5). 3° Fr. Salviat a ruiné le fondement de la thèse de R. Vallois en montrant qu'en IG 145, 5 il faut lire x1X0rxpM0[oci -ro0e:crµ.o;:p6]pwv(6), lecture qui présente le triple avantage d'être paléographiquement satisfaisante, grammaticalement correcte et surtout assurée par plusieurs parallèles. La raison disparaît pour laquelle, écrivait

(1) (2) (3) (4) (5) (6)

Sur les raisons de le situer dans le Hiéron, cf. R. Vallois, AHD, I. p. 39. R. Vallois, AHD, I, pp. 33-42 et 423. Ch. Picard, Journ. des Savants, 1946, p. 115. R. Vallois, AHD, I, p. 38. Ch. Picard, op. cil., p. 117. Fr. Salviat, BCH, 87, 1963, pp. 489-492.

124

APOLLON

R. Vallois, >; donc GD 42 a toute chance d'être le Pythion (9).

(1) (2) (3) (4)

R. Vallois, AHD, I, p. 423. R. Vallois, Journal des Débats, 26 mars 1922 (cité par F. Durrbach, Choix, p. 278). R. Vallois, AHD, I, p. 38. R. Vallois, op. cit., p. 42. (5) Le passage est lacunaire et la restitution incertaine : connaît-on des Athénas portant deux Nikès ? (6) Ch. Picard, op. cit., p. ll5. (7) Ch. Picard ne l'a pas affirmé d'abord nettement dans l'exposé principal qu'il a consacré à la question, Journal des Savants, 1946, pp. 66 et 115-118, mais il l'a dit en toutes lettres ailleurs, RHR, 132, 1947, p. 106; puis il a tenté une démonstration, RA 1953/11, PR• 101-104. Cette opinion est encore rappelée dans Manuel, IV, p. 1144 et n. 3. (8) Sur ce devis, cf. ici même p. 555. L'identité de GD 42 et de l'édifice visé dans le devis a été récemment acceptée par J. Coupry (Alti del terza congresso di epigrafia, Roma, 1959, p. 63) qui, pour cette raison, serait enclin à accepter la solution de Ch. Picard (p. 68). (9) C'est ainsi qu'on peut, je crois, résumer schématiquement l'argumentation proposée de manière assez dilTuse dans la note de la RA 1953/II.

APOLLON

PYTHIEN.

-

DÉLOS

ET DELPHES

125

Dans ce Pythion rapproché de la mer, « on eût recueilli jadis le feu sacré au rivage, pour l'embarquer aussitôt, pur et vif>> (1). Avouons que le feu en partance pour Lemnos aurait pu, sans perdre pureté ni vivacité, voyager quelque cent mètres de plus. Mais surtout l'argumentation fondée sur le devis JG 112 1678 ne laisse pas d'être spécieuse : il est sûr que GD 42 est une fondation athénienne : même si le devis ne s'y rapporte pas, le compte des naopes athéniens de 345/4 efr administre la preuve (pp. 27-28). Mais d'où tient-on que le Pythion ait été, lui aussi, une construction des Athéniens? J'aperçois enfin une autre difficulté : la Théséide qui décorait la frise (p. 28) est de mise au front d'un édifice athénien, mais que signifie-t-elle sur un Pythion (2)?

2. Délos, Delphes et Athènes. Le Pythion de Délos formait, virtuellement au moins, un trait d'union entre Délos et l'Apollon de Delphes. Or, dans la seconde moitié du ne siècle, Athènes porte un intérêt renouvelé à Apollon Pythien. La preuve en est fournie par un décret provenant du Pythion d'Athènes (3) et surtout par les Pythaïdes delphiques dont il va être question dans un instant. A Délos, devenue colonie athénienne, se font aussi sentir les effets de la politique religieuse de la métropole : d'une part, la Pythaïde athénienne donne lieu à des offrandes commémoratives déliennes; de l'autre, une Pythaïde détienne est organisée sur le modèle de la Pythaïde delphique. 1. Les Athéniens de Délos et la Pythaïde de Delphes.

En 138/7, Athènes renoua avec une ancienne tradition religieuse en envoyant à Delphes une théorie nommée Pythaïde (4) indépendante de celle qui participait aux Pythia (5). Les ins.criptions de Delphes fournissent une riche information : la Pythaïde eut lieu quatre fois, en 138/7 (Pythaïde de Timarchos), 128/7 (Pythaïde de Dionysios), 106/5 (Pythaïde d'Agathoclès) et 98/7 (Pythaïde d'Argeios); on y voit participer des archontes, des théores, des pythaïstes enfants, des canéphores, des cavaliers, etc. MONUMENTSCOMMÉMORATIFS DE LA FAMILLEDE ZÉNON. - Il est tout naturel que des Athéniens résidant à Délos ou y ayant exercé des fonctions officielles aient participé à la Pythaïde, - d'autant plus qu' et qu'après 140 la

(1) Ch. Picard, Journal des Savants, 1946, p. 116. (2) Ch. Picard, Manuel, ibid., explique que ce décor convient bien à un sanctuaire fédéral fondé par les Athéniens, mais cela n'éclaire rien dans le cas du Pythion. (3) Cf. J. et L. Robert, REG, 55, 1942, Bull. ~pigr., n° 30, et 61, 1948, Bull. épigr., n° 52. Sur le culte attique d'Apollon Pythien, cf. A. W. Parsons, Hesperia, 12, 1943, pp. 191-267; J. Bousquet, BCH, 88, 1964, pp. 663-664 et 666, n. 4. (4) Textes épigraphiques: G. Colin, F. de Delphes, III, 2. - Sur la Pythaïde, les éludes essentielles sont celles de G. Colin, Le culte d'Apollon Pythien à Athènes (Bibl. Éc. fr. Ath. et Rome, fasc. 93), Paris, 1905; A. Boëthius, Die Pylhaïs, Upsal, 1918; G. Daux, Delphes au II• et au I•• siècle (Bibl. Éc. fr. Ath. et Rome, fasc. 140), Paris, 1936, pp. 521-583 et 708-729. (5) G. Daux, op. cil., p. 525.

126

APOLLON

plupart des Athéniens de Délos (1) ; effectivement, des personnages connus dans les inscriptions de Délos ou des membres de leurs familles apparaissent dans les listes des Pythaïdes (2) ; les exemples sont assez nombreux (3). Parmi eux, le cas d'une famille mérite attention : - ID 1871 : statue de Ménias, fille de Zénon (fils d'Athénagoras) et Sôteira, ùqnép[et]cx.v yevoµév'YJV 'Ap-réµ.t3oç J xcx.t[xcx.v ]YJtx6ç est devenu un terme de typologie ( 1). Les faits pourraient donc être les suivants : l'année où Athènes restaure la tradition de la Pythaïde, cérémonie qui comportait, semble-t-il, une tripodophorie, l' Athénien Dioscouridés commémore dans la colonie l'acte de piété accompli par la métropole en offrant deux riches trépieds du type delphique, placés bien en vue de chaque côté de l'entrée du temple délien d'Apollon.

2. La Pylhaïde détienne. A l'extrême fin du ne siècle, Athènes décida d'honorer l'Apollon Pythien de Délos, comme celui de Delphes, par l'envoi d'une Pythaïde. Ce fait nous a été révélé (2), IG II2 2336 ( = IG II 985) dont le sens avait d'abord par l'inscription des &1rocpx_oc[ été mal compris. Depuis la publication des IG II2, l'établissement du texte a grandement progressé grâce au travail de St. Dow qui apporte (3) ; récemment un nouveau fragment a permis à St. V. Tracy de compléter les lignes 230-237 (4). Voici le texte établi par St. Dow (5) et complété par St. V. Tracy qui doit remplacer celui de IG II2. [1)µév)9ç bd 't'~V 'Aycx0~ 't'U)'._1) Tijç ~ou)5jç ).([ocl't'OÜ]a~fJ.OU't'OÜ'A01)VOCL(!.)V · o XE)'._EtpO't'O È~OC7tOO''t'OvÀ~VTijç Ilu0oc(39~xocl 't"tx.Ç &1tocpx_ocç tjç 1tpW't'1)Ç Èv]vEE't"["1Jei[3oc; 'Aµrpixp ]µ1l,;;Ilu6(:>.ixo,;; [I:o ]uvLEÙç

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(trad. Bellessort) ; > Selon toute vraisemblance, Ovide s'inspire du texte de Virgile qui vient d'être commenté : les vers 676-678 résument Énéide, III, 94-98. Les mêmes remarques s'imposent.

( 1) H. Gallet de Santerre, DP A, p. 194. Sur le laurier apollinien et spécialement delphique : P. Amandry, La mantique apollinienne à Delphes, pp. 126-134. (2) Les trépieds mentionnés dans les inventaires sont des ex-voto parmi d'autres (sur les « trépieds, dclphiques ,, cf. pp. 127-128 et spécialement p. 127, n. 6). On a reconnu en plusieurs points du Sanctuaire d'Apollon des bases de trépieds.

LE

5.

DIODORE,

PRÉTENDU

ORACLE

D'APOLLON

147

V, 58.

Cadmos se dirige vers Rhodes ; pris dans une tempête, il fait vœu de fonder un sanctuaire de Poseidon (ce sera le sanctuaire de Ialysos). Puis, nouveau fléau, de nombreux Rhodiens sont tués par des serpents monstrueux :

Apollon, avec le métier plein de tracas dont il s'est chargé, peu s'en faut qu'il n'ait les oreilles cassées par les fâcheux qui l'assaillent pour user de la divination ; à l'instant il faut qu'il soit à Delphes; peu après il court à Colophon; de là il s'en va à Xanthos et, toujours courant, revient à Claros, puis va à Délos ou aux Branchides ; bref, partout où une prophétesse, en buvant à la source sacrée, mâchant du laurier et secouant le trépied, lui prescrit d'être là, il faut qu'à l'instant même il se présente sans retard pour débiter les oracles, ou bien sa réputation professionnelle lui échappe. ,> (3). D'ores et déjà, la fin du texte montre que Maxime considère chaque oracle qu'il nomme comme un µor.v-rûov cpfü:yµcx·nx.6v ; or le chêne de Dodone ne paraît guère mériter ce qualificatif et Strabon (VII, fr. 1) écrit que Dodone ~p"f)cr[J,c:>Ôe:t où oui Mywv 1X.Mà ôi& -rivwv cruµo6Àwv.C'est dire que l'exactitude de Maxime est moins stricte qu'il ne parait d'abord. Mais qu'étaient les xopo( de Délos? On peut, théoriquement, proposer au moins trois solutions : 1° xopol signifie >

J. A. Lebègue imaginait qu'Himère décrivait là très précisément le temple primitif d'Apollon (1), c'est-'à-dire ce que nous nommons aujourd'hui l'Antre du Cynthe; A. Plassart a fait justice de cette hypothèse (2). A supposer qu'Himère se soit inquiété de la situation de Délos à son époque, on peut simplement conclure de la première phrase que le temple d'Apollon était alors encore debout, mais appauvri; rien ne laisse en tout cas penser qu'il ait eu en vue l'Autre du Cynthe. La suite du texte n'est pas un témoignage historique, mais se réfère expressément à la tradition : celle-ci est partiellement ancienne car 0e:µ.La-re:ue:w èxd0e:v -rorc; "EMY)aLvpeut simplement reprendre le vers 132 de l' Hymne; mais les x1.&.80L et les trépieds trahissent une contamination delphique déjà signalée plus haut à propos des textes 3, 6 et 7.

li.

SERVIUS,

Comm. in Vergilii Aen., IV, 143.

Constat Apollinem sex mensibus hiemalibus apud Palaram, Lyciae ciuitatem, responsa: unde Palareus Apollo dicitur: et sex mensibus aestiuis apud Delum.

dare

WVLOÇ xixl. ô 'Aµ~[Àoxoc;XO(;L ô 'Aµ.tpL> Après cette consultation ratée, Julien fait enlever des morts qu'on avait enterrés près du siège de l'oracle : Sozomène nous le dit et Ammien précise que la chose eut lieu eo ritu, quo Aihenienses insulam purgaueruni Delon,

On ne voit pas pourquoi c'est Délos en personne, et non Apollon, qui révèle (a"tJÀouo-0t) ; cette glose nous conserve un jeu entre le nom de l'île et les mots de la racine de a~).oç ,analogue à ce calembour ô~Àoç &a'tJÀoçqui a été répété à satiété pendant l'époque impériale et se retrouve jusque dans la liste officielle des cités qu'est le Synecdème de Hiéroclès (646, 4). C'est le même jeu de mots ô~Àoc;/a~Àoçqui servait parfois à expliquer l'épiclèse d'Apollon Délien : Plutarque (De E apud Delphos, II) rapporte que, selon Ammonios, Apollon est > (3).

>(1 ), il le rangeait ensuite parmi les édifices dont nous ne savons rien (2) et le citait à propos du plus grand des qui aurait pu être >(2). Je croirais volontiers d'ailleurs que les yeux votifs - qui figurent aussi dans les inventaires du Thesmophorion (p. 283) et du Sanctuaire égyptien (p. 464, n. 2) - pouvaient, comme les oreilles, symboliser l'attention prêtée par la divinité à la prière du fidèle (3). Un autre point mérite attention : l'épiclèse d'èmixooç et l'offrande d'oreilles présentent souvent un caractère oriental ; à Délos, les divinités qui portent cette épiclèse et reçoivent des ex-voto en forme d'oreilles sont en majorité des divinités égyptiennes, syriennes ou phéniciennes ; pareillement, les dédicants sont souvent des orientaux. Apollon Êpékoos, à qui, une fois, sont offertes des oreilles votives, est-il alors un dieu oriental hellénisé? Peut-être serait-ce trop dire ; certes, les dédicants de ID 2365 et 2366 ne sont pas des Grecs : Zabdion ne porte pas un nom hellénique et Zoïlos est un habitant de Tyr; mais ID 2365 a été trouvée dans le Hiéron d'Apollon, et non dans un sanctuaire étranger (la provenance de ID 2366 est inconnue). En outre, Apollon s'identifie à Harpocrate en ID 2132, probablement aussi en ID 2119, 2135 et 2387 (sur cette dernière dédicace, cf. p. 375) ; les &.1toÀÀCùv[crxot recensés dans les inventaires athéniens du Sanctuaire égyptien (ID 1417, B, I, 21-22, 25, 27-28, et 1442, A, 73) sont sans aucun doute des statuettes d'Harpocrate : l'un d'eux (ID 1417, B, I, 25) portait« un faucon à la main droite>> (4).

(1) O. Weinreich, Ath. Mill., 37, 1912, pp. 1-68; P. Perdrizet, Bronzes Fouquet, p. 51; P. Roussel,DCA, p. 213, n. 7, 242, 270; W. Deonna, op. cit., p. 217; O. Ziegenaus et G. De Luca, Pergamon, XI 1, Das Aslne signifie pas davantage que la légende ou le culte primitif du dieu se soient déroulés sur le Cynthe par opposition à la plaine qu'occupe aujourd'hui le Hiéron (2). Par métonymie, le Cynthe, qui est en outre un des éléments nécessaires du décor délien de la poésie antique (ci-dessus p. 26 ), désigne simplement l'île entière. « Kynthios >> est donc un synonyme poétique de, Ces deux mots n'ont qu'une valeur géographique. Chez Callimaque (cité p. 54), Apollon se déclare lui-même Ll~t.Loi; pour signifier que, sous les traits que lui ont prêtés (1) P. Roussel, DCA, p. 224 et n. 2. (2) Comme le suggère H. Gallet de Santerre, hypothèse (cf. R. Vallois, AHD, I, p. 20, n. 1).

DPA,

p. 117. Aucun monument

retrouvé

n'appuie

cette

170

APOLLON

Tektaios et Angélion, il n'est pas le dieu de Delphes ni d'ailleurs. Aussi l'adjectif ne devait-il avoir de sens qu'en dehors de Délos (1) ; mais à Délos, du moins sous l'indépendance, l'adjectif était superflu. Les mots 'A1t6ÀÀCùvt AY)Àtwtou 'A1t6ÀÀ>mentionnée dans les comptes des hiéropes (n°s 159, 199 et 219); le 1te:ptoixoMµ'Y)µix du compte 203 serait ,

(1) Les travaux essentiels sont ceux de F. Courby, BCH, 45, 1921, pp. 207-233, où sont groupés les textes épigraphiques et où est esquissée l'histoire du sanctuaire, et de R. Vallois, BCH, 48, 1924, pp. 411-435, qui modifie profondément les conclusions de F. Courby et établit l'opinion actuellement reçue. R. Vallois a exposé l'ensemble de la question dans AHD, I, pp. 47-49. (2) Cf. R. Vallois, BCH, 48, 1924, pp. 426-427, et AHD, I, p. 49, n. 3. Cette interprétation, généralement admise, avait été rejetée par F. Gourby, op. cit., pp. 223-224.

174

ARTÉMIS

est mentionnée à la suite de travaux écrit R. Vallois (1) ; ajoutons que cette 1teplo8oc;; à l'Artémision èvN~crepet qu'il peut ne pas s'agir du temple de !'Artémision principal.Contigu au côté Sud du temple d'Artémis s'élevait l'édifice GD 42 où F. Gourby proposait de voir le temple de la déesse et que (une fois admise la thèse de R. Vallois) on a voulu identifier soit avec le Pythion, soit avec le Kératon (pp. 27-29 et 124-125). - Sur le côté oriental de cet édifice ont été reconnus les pauvres restes du Séma des Vierges hyperboréennes, Laodiké et Hyperoché, qu'Hérodote situe V 1'tÇ 1aéct.

- Souda, s. v. 'Ex&'t"Y)c; v1io-ou· 1tpo -r~ç D..-fiÀou xe:'1:-ret( -rt V"l)cru3ptov, & im' Èv(Cùv'P'etµ(-r"I) X(X/\êL"C'(Xt · XetÀe:ï:a0ett 3è oi'.hwc;;(fle>; il faut bien admettre ici que ~XEtsignifie et non et imaginer que la Nikè d'or était accrochée au cou de la chienne, à moins qu'elle ne fût debout sur le dos de l'animal ( arrangement attesté au Kynthion : p. 231 ). D'autres effigies de la déesse, offertes en ex-voto, étaient également conservées dans l'Artémision èv N~o-M : quatre d'entre elles sont simplement qualifiées d'&p't"e:µ[mov, une en argent (ID 1417, B, II, 37) et trois en bronze (ibid., 51-52, 54-55 et [59]) ; quatre autres sont plus précisément décrites : deux fois, la déesse est flanquée d'un chien (51 et 52-53) ; une fois, elle porte des torches dans chaque main (67-68) ; une fois, associant ces deux caractères, elle est flanquée d'un chien et porte des torches (57-58). Il s'esquisse ici une image qu'évoquent certains monuments figurés de Délos : quelques lampes plastiques (2) et un relief votif à Artémis Sôteira, où la déesse, un chien assis à ses pieds, porte le carquois et une torche dans chaque main (3). G. Siebert écrit que ces offrandes sont >(4) et que l' Artémis de l'île devait donc « posséder ... un type iconographique bien caractérisé : celui de la Sôteira >>(5 ). Or, les inventaires ne précisent pas que la statue cultuelle fût munie de torches et rien n'autorise à placer dans les mains de la déesse les deux Àixµm~8r:.c; offertes par Médeios (ID 346, R, 8). Si, au contraire, j'ai raison

( 1) Sur cette statue, cf. J. Marcadé, MD, pp. 212-213. (2) Ph. Bruneau, EAD, XXVI, pp. 99-100, n°• 4391-4398. (3) Publié par J. Marcadé, BCH, 77, 1953, pp. 547-548, et commenté pp. 447-459. Cf. ci-dessous p. 204 et pl. I, 6. (4) G. Siebert, ibid., p. 456. (5) Ibid., p. 457.

par G. Siebert, BCH, 90, 1966,

188

ARTÉMIS

de croire que la déesse tenait des Nikès dans l'une de ses mains, ou dans les deux, elle se distingue nettement de la déesse figurée sur l'ex-voto à Artémis Sôteira, et rien ne justifie plus la parenté, ainsi postulée, entre Artémis de l' Ile et la Sôteira. LES OFFRANDESDÉPOSÉESA L'ARTÉMISIONèv N~o-M. - Les inventaires du sanctuaire sont très courts à l'époque de l'indépendance (deux lignes en ID 313, a, 76-77), mais vont en s'accroissant. Ceux de l'époque athénienne sont au contraire très longs (quatre-vingt-dix lignes en ID 1417), et, de fait, au ne siècle, de nouvelles offrandes étaient consacrées dans le sanctuaire : en 145/4, les administrateurs athéniens terminent l'inventaire (ID 1442, B, 15) par les objets offerts dans l'année : [xat] & 1tpoo-1tocpéawxev o lepeùc;LCùTIJP (1). Selon F. Durrbach et P. Roussel, les inventaires athéniens ,comme écrivent les hiéropes, et de mérite

5. Artémis Sôteira. Vient ensuite Artémis Sôteira dont le culte délien est suffisamment riche pour que G. Siebert lui ait consacré un article récent (5) ; on y trouvera transcrits et illustrés les témoignages épigraphiques, qui sont les suivants : (1) M. P. Nilsson, Gesch. der gr. Religion, I', pp. 723-724 (= Ir• édition, pp. 685-686). (2) Ch. Picard, EAD, VI, p. 35 et fig. 28; sur ce type, cf. Th. Kraus, Hekate, Heidelberg, 1960, p. 153; un Hécataion de type voisin a été trouvé depuis à Crannon en Thessalie: BCH, 89, 1965, p. 790, fig. 3 (Chronique des fouilles). (3) P. Roussel, CE, p. 151. (4) Bibliographie dans H. Gallet de Santerre, DPA, p. 154, n. 9. - - Diodore, V, 76, explique que certains identifient Artémis, Dictynna et Britomartis; Hésychius (s. v. Britomartis) identifie également Artémis et Hritomartis. Mais Callimaque, Hymne à Artémis, 189-190, distingue nettement la déesse et la nymphe Britomartis. (5) G. Siebert, BCH, 90, 1966, pp. 447-459.

204

ARTÉMIS

1. IG 1276: dédicace du Macédonien Lysimachos: ~c,,ndt;>[ixi l -r6a'Jb:yixÀµix 1toÀux-rs:~lvM 0qqi6j pwi 'Ap,éµil'>t. me siècle d'après l'écriture. mxpix vixwLI Auo-[µixjxoçMixxe:l'>wv Provenance inconnue. 2. ID 1909 : dédicace de Sostratos, prêtre d'Asclépios, à Artémis Sôteira. Fin du 11° siècle. Trouvée près de l' Asclépieion. 3. ID 2378 : dédicace de Sporios Sterténios à Artémis Sôteira. Fin du ne ou début du 1er siècle. Base de marbre portant un scellement à la face supérieure et maçonnée dans une niche d'une maison située à l'Est du péribole oriental (1). 4. ID 2379 (pl. I,6) : dédicace du Romain Sporios Stertinios à Artémis Sôteira. Même époque. Texte gravé au bas d'un relief trouvé dans le Temple du bastion : Artémis, vêtue d'un chiton, chaussée de bottes et munie d'un carquois, tient dans chaque main une haute torche ; un petit chien est debout près d'elle.

5. Dédicace inscrite (inv. E 830) sur la base de l'hermès archaïsant trouvé dans la Maison Ilixxwvwç I rwx[ou vs:w-re:poç 1 de l'hermè1:,,J. Marcadé, BCH, 77, 1953, pp. 510-512: ~tOVUO"tOÇ 'Epµs:ï: j xixt o-uv~0s:o-L j È1tlis:péwç-rîjç'Ap-réµ.taoçTijç ~c,Yrdpixç1 'Av-n6xou Ilixxwv[ou 'Ap't'e:µunéwç.

Ces cinq documents nous renseignent sur de nombreux points :

a) Le type iconographique de la déesse est connu par le relief 4; il est conforme au type d'Artémis Sôteira créé par Strongylion pour Mégare (2) ; la déesse est Phosphoras et c'est ainsi que la désigne, au me siècle, l'auteur de la dédicace 1. Mais, contrairement à ce qu'avance G. Siebert, ce type ne me paraît pas être celui de la statue cultuelle de l' Artémision Èv N~o-@ et rien n'autorise à croire que la maîtresse du sanctuaire de l'île fût une Artémis Sôteira (pp. 187-188). b) Un culte particulier était rendu à Artémis Sôteira : il ne s'agit pas de lui attribuer, comme il a été proposé, le Sanctuaire du bastion parce qu'on y a trouvé le relief 4 (3) ; le Mur de Triarius contenait des marbres de toutes origines (4) ; mais la dédicace 5 révèle l'existence d'un sacerdoce spécial d'Artémis Sôteira. Le prêtre, Antiochos Paconios, est un esclave ou un affranchi (5) ; le sacerdoce n'est donc pas officiel et nous avons affaire au desservant d'une chapelle privée. La dédicace Il est encore in situ dans une niche, probablement cultuelle, d'une maison privée : Artémis y faisait donc l'objet d'un culte domestique. c) Artémis Sôteira jouissait d'une certaine faveur parmi la colonie italienne, tant chez les ingénus que chez les affranchis : sans donner à des chiffres si maigres une valeur statistique, on notera que trois documents sur cinq émanent d'Italiens. d) Doit-on supposer, à Délos, une association de Sôtériastes, fidèles d'Artémis Sôteira? C'est ce que fait G. Siebert qui interprète ainsi les o-uv~0e:Lç de la dédicace

(1) Elle est également décrite par M. Bulard, EAD, IX, p. 197. (2) G. Siebert, op. cil., p. 455. Sur Artémis Soteira à Mégare, cf. L. Robert, Ét. épigr. et philo[., 1938, p. 76. (3) BCH, 49, 1925, p. 468 (Chronique des fouilles; c'était l'opinion de P. Roussel).

Sur le sanctuaire du bastion et les identifications possibles, cf. l'état de la question présenté ci-dessous, pp. 328-329. (5) Sur ce personnage, J. Hatzfeld, BCH, 36, 1912, p. 62. - Sur l'ethnique 'Ap-rEµu:nEv~, cf. G. Siebert, op. cit., pp. 451-452.

ÉPICLÈSES

205

D'ARTÉMIS

1 (1). En fait, le prêtre d'Artémis Sôteira n'intervient ici que comme éponyme, et pour . des raisons qui sont d'abord obscures, soit réellement à cause d'Artémis Sôteira , s01t à cause de son appartenance à la gens des Paconii ; mais la donnée essentielle est évidemment la formule 'Epµd x.oc.1. cruv~6e:m; on pourrait d'abord croire qu'il s'agit d'Hermaïstes, mais il faudrait supposer des Hermaïstes serviles, inconnus jusqu'ici (2); une autre hypothèse serait de songer aux Compétaliastes, étant donné qu'Antiochos Paconios, en tout cas, a exercé cette charge (ID 1761, 14-15). Mais il s'offre une solution bien plus naturelle et que suggère le formulaire en usage à Délos même : des dédicaces sont faites (par ex. ID 1717, 1718) (3) ou (ID 1941, 1943), ou, au Sarapieion C, (1). Également orientale paraît être l'épithète de Sosikolonos que porte Artémis dans une dédicace de Ision de Gadara, en Syrie (ID 2377). C'est ici le lieu de réunir les faits révélant un syncrétisme d'Artémis avec des divinités non grecques. Un petit règlement cultuel gravé à la suite d'une dédicace à Artémis et contenant des interdictions sexuelles et alimentaires (ID 2367) concerne peut-être une déesse orientale. L' Artémis Sosikolonos honorée par un homme de Gadara a toute chance d'être une divinité syrienne. Mais c'est avec les divinités égyptiennes que les affinités sont les plus évidentes : les noms d'Artémis Phosphoros (ID 1275), Agrotéra, Hagia, sont gravés sur des marbres trouvés dans les Sarapieia; l'Artémis-Hécate honorée par Athénagoras au Sarapieion C est apparentée à Isis, qui tend à absorber toutes les autres déesses ; cette parenté est encore confirmée par des offrandes déposées dans le sanctuaire égyptien (2) : dans l' Isideion se trouvait un -rumov (ID 1442, A, 78); en 145/4, Marcos Lollios consacre [&py]upoüvoù "Apn:µu; gxoumx8oct8cx dans le Sarapieion une statuette d'Artémis en bronze : &p-re:µlcnov txov 8oct8cxxcà xuv&ptov1tcxpe:o-TIJx6c; (J D 1442, B, 62-63) : dans le premier cas, c'est le type d'Artémis Phosphoros, dans le second, d'Artémis Sôteira, - ceux, dans l'iconographie de la déesse, qui la rapprochent le plus d'Hécate.

8. La personnalitéd'Artémis à Délos. Dans les composantes de la personnalité divine d'Artémis, les éléments résultant de syncrétismes avec des déesses non grecques sont secondaires. Dans la quasi-totalité des cas, Artémis est à Délos la sœur d'Apollon et sa parèdre féminine, tant Léto ~ comme on va le voir (p. 211) - joue un rôle effacé à l'époque hellénistique. Mais un autre fait ne laisse pas de frapper : si Artémis possède un sanctuaire voisin de celui de son frère, elle en possède un autre en dehors de Délos, sur une autre île, que celle-ci soit Rhénée ou le Grand Rhevmatiaris ; dans cette Rhénée-Ortygie où la tradition place sa naissance et qui prit un temps le nom d'Artémita, elle est maîtresse d'un autre hiéron, celui dit d'Ortygie ; à Délos même, le sanctuaire d'Artémis Lochia est éloigné du centre religieux, caché aux visiteurs du Hiéron d'Apollon par la masse du Cynthe. Cet éloignement si constant n'est pas fortuit : c'est qu'à Délos, Artémis est Hécate (et Sôteira, épiclèse commune aux deux déesses) et Lochia. Cela non plus n'est pas fortuit : Apollon interdisait aux hommes de naître et de mourir sur son île (pp. 4852) ; de façon remarquable, Artémis joue le rôle inverse : elle protège les femmes enceintes et les accouchées dans son sanctuaire du Cynthe ; et, bien que la Nésos dût être purifiée, comme tout sanctuaire antique, quand la souillait un cadavre, la déesse est, en tant qu'Hécate, une puissance funéraire. Sur les liens prétendus

d'Artémis et Dionysos, cf. p. 325.

( l) A propos de cette dédicace, H. Gallet de Santerre, DP A, p. 133, écrit que ce L vocwt? 1 -rijç E().]i::t0ôoc~ ?-IG 287, A, 119 (année 250) : construction du Htzlov [.Jà è1tl..wr. E1Àet0uoc(c.n. ID 338, Ab, 84 et 86 (année 221) : dépenses pour le lanterneau (ü1t0Àocµ:1tocç).

Les hiéropes écrivent le nom du sanctuaire soit Et).et0utocZov,qui est la forme normale, soit, le plus souvent, E1Àet0uoc'i:ov (EiÀYJ0uoc'i:ov en IG 144, A, 116), soit E1Àe,0ue'i:ov (ID 338) ; l'orthographe des administrateurs athéniens est très flottante : 'IÀu0e'i:ov (ID 1403), 'IÀu0uZov (ID 1421) (1) ou EtÀt0uZov(ID 1442). Il comportait un temple (inventaire IG 223, B, 35 : èv -rwt vew(r.) -rijc; E1Ài::r.0ul"l)ç; peut-être IG 249 bis, 8-9); les comptes des travaux engagés dans le sanctuaire par les hiéropes révèlent l'existence d'un 1tpo0ôpwv, d'un plafond et d'un lanterneau (ü1t0Àocµ.1tocç). LocALISATION. -A. Plassart avait proposé en 1928 de reconnaître l'Eileithyiaion des inscriptions dans le sanctuaire fouillé par R. Demangel sur le versant oriental du Cynthe ; j'ai rappelé au chapitre précédent ce qui s'oppose à cette hypothèse, et A. Plassart se range aujourd'hui à une autre identification, également suggérée par lui et défendue ensuite par R. Vallois : le sanctuaire du Cynthe serait celui d'Artémis Lochia (pp. 193-194). Selon R. Vallois, au contraire, l'Eileithyiaion faisait partie du Hiéron d'Apollon (2) : dans les inventaires de !'Indépendance, il se place d'abord entre le Temple aux sept statues et la Chalcothèque (JG 161), puis après !'Artémision (IG 164, 189, 199, 203, 219, 223, 274); à l'époque athénienne, il suit en ID 1400 le>, c'est-à-dire le Samothrakeion, et en ID 1403 le Pôrinos; en ID 1442, les offrandes de l'année sont intercalées entre celles du Temple d'Apollon et de l'Artémision et celles du Sarapieion et du Thesmophorion. Observons que l'ordre des inventaires de l'indépendance n'est pas topographique et que celui des inventaires athéniens ne l'est pas aussi strictement que le soutenait R. Vallois (cf. p. 280); en outre, l'ordre suivi en ID 1400 est troublant (3). Toutefois de fortes présomptions subsistent en faveur de la thèse de R. Vallois ; le groupement des sanctuaires de Délos la rend fort vraisemblable : Apollon, Artémis, Léto sont installés dans la plaine, proches les uns des autres, alors que leur ennemie Héra est honorée fort loin de là (pp. 222 et 251) ; Eileithyia, qui provoqua la naissance d'Apollon, trouvait sa place normale à proximité de la triade délienne. Le compte 144 associe trois fois de suite l'Eileithyiaion et l'Amphistrophon (achats de bois, achats de tuiles, stucage des murs) ; R. Vallois en inférait que les deux édifices faisaient et supposait « que l" Aµ.qi(cr-rporpov (ou' Aµ.qi(cr-rpo> et: le temple G (GD 40), également enveloppé par une enceinte rectangulaire, lui paraissait répondre assez bien à la disposition ainsi imaginée (4) ; R. Vallois ajoutait d'ailleurs

( 1) Ces trois formes constituent un nouvel exemple de iotacisme de u à Délos, cf. p. 312, n. 1. (2) R. Vallois, AHD, I, p. 51. (3) R. Vallois, AHD, I, p. 51, n. 4, constate, non sans désinvolture, que l'inventaire du Sanctuaire des Grands Dieux est intercalé, ~ on ne sait pourquoi», avant celui de l'Eileithyiaion. - A. Plassart, EAD, XI, ID 1403, Bb, II, où l'Eileithyiaion suit l'Héraion, le sanctuaire d'Agathé Tyché et p. 306, allègue l'inventaire le Kynthion; en réalité, l'Eileithyiaion est inventorié à la fin de Bb, I, après le Pôrinos; il reparait bien en Bb, II après le Kynthion, mais sous une rubrique nouvelle (offrandes entrées dans l'année). (4) R. Vallois, AJJD, I, p. 52. - Plan du temple G et de son enceinte : ibid., p. 50 (plan simplifié GD, p. 97).

214

LÉTO

ET

EILEITHYIA

aussitôtest utilisée en JG 161 et probablement[/ D 338]; la brebis qui figure en IG 146 et constamment en tête des dépenses, dans les mémoires détaillés, est évidemment la victime ; 2° le >

qui, selon toute vraisemblance,

était exécuté

3° le banquet dont la tenue est supposée par les achats de produits alimentaires ; à la différence de ce qui a lieu pour les Posidéia dont les comptes précèdent régulièrement ceux des Eileithyaia, la dépense est faible : 40 dr. contre 600 dr. ; hormis la brebis, le menu semble n'avoir consisté qu'en gâteaux et en galettes assaisonnées de diverses manières ; aussi n'est-ce point de cuisiniers comme aux Posidéia, mais d'un boulanger dont on s'assure les services. Deux comptes nous renseignent sur le lieu de célébration de la fêle: en 250, elle eut lieu > (JG 287) et, en 246, èv 't"Wt'Ivoo1toî:(ID 209), c'est-à-dire dans un édifice, non identifié, dont il est plusieurs fois question dans les comptes ( 1). La fête, ou du moins le banquet, n'avait pas toujours lieu au même endroit et c'est une raison suffisante pour exclure la restitution >introduite abusivement en ID 324 et 338, ou la restitution [€V't"WL 'lvoo1twt] en ID 316.

(1) Sur cet édifice, cf. R. Vallois, AHD, I, p. 203, n. 2. - Les passages des comptes des hiéropes qui les concernent ou peuvent le concerner (car il n'est pas toujours facile de décider si 'l'JC,m6çdésigne le cours d'eau - comme c'est le cas, par exemple, en ID 366, A, 34-35 - ou l'édifice) sont les suivants: IG 144, A, 72 ID 290, 103, 117, 162 et 165 145, 28 291, c, 9 et 15 146, A, 47 338, Aa, 32 354, 18 et 68 158, A, 86 175, Ab, 9 372, A, 168 440, A, 74 et 83 219, A, 45 227, A, 13 456, A, 5 461, Ab, 35 et 46 269, fg, 17 287, A, 46 et 75.

EILEITHYIA

219

FINANCEMENT DE LA FÊTE. Dans les comptes les plus anciens, les dépenses des Eileithyaia s'élèvent à 46 dr. (IG 146) ou 25 dr. (JG 161 et 287). A partir de 200, une somme globale de 40 dr. est inscrite à la suite des 600 dr. destinées aux Posidéia, et les mémoires détaillés des frais que nous possédons pour cette époque s'ouvrent par la formule &.1to"&v ÂÂÂÂ. On avait pu croire jadis que cette somme représentait le seul achat de la brebis, en raison de la formule utilisée en IG 146 et 161 (1); mais > (3) ; et lorsqu'on croyait été >occupe le troisième rang dans la lieu, un vtoç ID 2601 ID 1891 Z~vCùvZ~vCùvo,:; MeÀtnuç ID 2364 ~LOXÀ~ç ~ocpoc1tlCùvo,:; MeÀLnu,:; ~wvucno,:;'Pocµvoucrw,:; ID 1892 Ko(v-ro,:;[fp]ixvw[ç ?] roctou ID 1893 Iloaeti>6>vto,:; Iloaeti>wvlou ~xocµÔCùvlô"/)c:; ID 1894 EùoouÀlô"l)c:; ~waxouplôou 'EÀoctouato,:; ID 1895

Un démosios apparait une fois en 97/6 (ID 1892), mais son nom n'est pas conservé; c'était sans doute un esclave. Enfin un hoplophore est deux fois mentionné ; il était citoyen athénien et renouvelé annuellement, puisqu'on dit (lignes 22-25) ; ce sacrifice unique est distinct des Philocleia, fondées par Philoclès (2). A partir de la fin du me siècle, Zeus Sôter et Athéna Sôteira sont associés à Apollon, Artémis et Léto comme bénéficiaires du sacrifice de Lénaion (liste des textes, p. 233 et cf. pp. 91-93); c) le plus ancien document connu de nous où soient réunis Zeus Sôter, Athéna Sôieira, Zeus Polieus, Athéna Polias est donc la liste des prêtres de 158/7 (ID 2605) ; le titre du sacerdoce ne devait pas être très nettement fixé, car il se retrouve, sous deux autres formes, dans l'intitulé de deux listes de pompostoles datant de la fin du IIe ou du début du 1er siècle : > Sôteira >> (ID 2607) et simplement > et, de fait, dans la liste de pompostoles ID 2608, (2).

2. L'autel de Zeus Polieus. L'autel de Zeus Polieus a été localisé avec certitude par Th. Homolle (3) à l'angle Sud-Est du péribole ( GD 25), grâce au rapprochement de trois inscriptions : - dans le troisième quart du me siècle, les Déliens prennent deux décrets en l'honneur du Macédonien Admétos, fils de Bokros (IG 664 et 665) ; le second décret prescrit que deux statues lui seront érigées, l'une à Thessalonique, l'autre dç -rà te:pà"1t (vacat de 35 lettres environ), et qu'on enverra un ambassadeur à Thessalonique pour décider de l'emplacement de la statue d'Admétos dans cette ville (IG 665); - par une rare chance, la lettre de réponse des Thessaloniciens est conservée : ils y rappellent entre autres que la statue d'Admétos sera érigée à Délos è;" -rù'.n -re:µéve:[L]1to:pix-rà\l ~lùµà" -roü ôLàç -roü IloÀLêlùç(IG 1053). Dès lors se comprend le dç -rà te:pà"1t (vacat) du décret I G 665 : ,écrit R. Vallois, >, comme l'écrit P. Roussel (6), mais n'est pas nécessairement à identifier avec une divinité égyptienne : la simple association de dieux grecs et égyptiens se rencontre à Délos (cf. p. 246, le cas de Zeus Ourios ). - - - - - - - - - 1- - -

Zeus Mégisios, Cynlhe.

Ido[gènès?],

Ouranios

(?) et Du[sarès?] aux Sanctuaires

B et C du

Sur l'escarpement situé au Nord du Cynthe (cote 73), A. Plassart a fouillé des constructions qui semblent appartenir à deux sanctuaires différents, dits B et C (7), et dont provient une douzaine d'inscriptions publiées d'abord par lui, puis reprises dans les ID avec des lectures parfois différentes (8) ; on en trouvera la liste complète p. 476. L'état de la ruine et la proximité des deux sanctuaires n'a pas permis de

( l) Cf. A. Salaè, op. cil. ; Campbell Bonner, op. cit. (2) Cf. Fr. Sokolowski, Lois sacrées des cités grecques, p. 11 I, n° 56. (3) Le culte de Zeus Kéraunios remonte à l'époque archaïque: du moins trouve-t-on alors Zeus Kéraunios à Mantinée, IG V 2, 288. Sur Zeus Kéraunios, cf. Drexler, Lexikon de Roscher, s. v. Keraunios; Cook, Zeus, II, pp. 807-817; - une photographie de l'autel de Zeus Kéraunios à Thasos a été publiée, BCH, 86, 1962, p. 604, fig. 22 ; - Zeus Kéraunios apparait peut-être sur un relief de Kozani : B. Théophanidis, 'Apx. 'Elf>., 1939-1941, &pz. zp., p. 10, fig. 13; - Zeus Kéraunios à Séleucie de Piérie: H. Seyrig, Syria, 20, 1939, pp. 296301. (4) Allcune dédicace délienne n'est faite à Sar9JJis et Anoubis seuls, à l'exclusion d'Isis; la seule exeeption qu'on puisse relever dans les ID (n° 2151) procèdP d'une faute de lecture: cf. ci-dessous p. 463. P. Roussel, CE, p. 197. (6) P. Roussel, CE, p. 198. (7) A. Plassart, BAD, XI, pp. 2êi8-271. Ce sont (dans l'ordre où A. Plassart présente ces textes) ID 2310, 2316, 2315, 2319, 2307. 2313, 2312, l, 2314,2433,257~2318.

243

ZEUS À DÉLOS

répartir entre eux les inscriptions découvertes dans cette région. Il est rare que la même divinité soit nommée dans deux d'entre elles (1) : ID 2310 est une dédicace aux> (0zot 1tpw·rnt) et date de 97/6 l'aménagement du Sanctuaire C auquel elle appartient sûrement ; ID 2319, en caractères sémitiques, est une dédicace au dieu Sîn de Alam ; ID 2311 est un ex-voto à Pakeidokosos, qui paraît êLre une divinité arabe, et ID 2314 semble être une dédicace à la déesse Anat (pp. 476-477); en ID 2433, Niké, fille ·d'Alexandros, remercie Héraklès Kallinikos qui l'a sauvée , sans doute des périls de la navigation (p. 410) ; dans ID 2318, très mutilée, A. Plassart a proposé de lire "At--,z[L], parce qu'un naïskos de Cybèle (A 2916) a été également trouvé dans la fouille de ces sanctuaires (cf. p. 432 ; le relief A 2917 et le fragment A 2918, également publiés par A. Plassart, n'ont pas été interprétés). D'autres inscriptions concernent Zeus ou peuvent le concerner; mais avant de les présenter, il convient d'enquêter sur l'origine géographique des dédicants des sanctuaires B et C : P. Roussel a partiellement déchiffré le nom du dédicant de ID 2316 : ce serait - - cx.v"l)c; 1M.owc;'Pwµixfoc; : je suis étonné que le prénom d'un Romain se termine en -cx.v"l)c;, mais tout autant frappé d'une coïncidence que j'ai déjà indiquée plus haut (p. 241) : le Romain qui a aménagé le sanctuaire, d'allure orientale, de Zeus Hypsistos est aussi un Fabius. La dédicace à Sîn ID 2;119 émane d'un Arabe, ID 2314 d'une Sidonienne, ID 2578 d'un habitant de Gargaros. Hormis le cas de -cx.v"l)c; >.Cette dédicace serait donc analogue à celle que le même Syllaios, ministre d'Obodas, fit à Zeus Dusarès dans les mêmes circonstances au temple d'Apollon Delphinios à l\Iilet (1). La vingtième année du règne d'Obodas semblant être la dernière, la dédicace ID 2315 daterait de 9/8 av. J.-C., année de la mort du roi. Cette interprétation inédite de .MM. Starcky et l\Iilik (2) présente pour nous un triple intérêt : le premier est évidemment de révéler pour la première fois un culte de Zeus Dusarès à Délos (3). La seconde est de confirmer le caractère sémitique et, plus précisément, arabe du culte établi au Nord du Cynthe. J'avancerais volontiers une supposition : R. Vallois a sûrement eu raison d'attirer l'attention sur un groupement phrygo-mysien des documents découverts là, mais cela n'empêche pas le groupe sémitique d'être aussi sùr ; je me demande si n'apparaîtrait pas un principe de répartition des documents découverts dans la fouille des sanctuaires B et C ; A. Plassart notait que leur attribution à l'un ou l'autre de ces sanctuaires n'avait pas été possible : au simple titre d'hypothèse, je proposerais d'attribuer à l'un des sanctuaires les monuments d'un culte phrygo-mysien, à l'autre ceux d'un culte sémitique; c'est le sanctuaire C qui appartient aux Dieux Premiers (ID 2310), mais l'identité de ces divinités n'est pas assez certaine pour que, d'après elle, on attribue sûrement à ce sanctuaire les monuments de l'un ou l'autre groupe. Une troisième conséquence découle des lectures nouvelles faites par MM. Starcky et .Milik sur ID 2315 : la dédicace serait de 9/8 ; or, parmi la céramique recueillie dans le remblai de la pièce d du Sanctuaire B, furent trouvés trois lampes de l'époque impériale, deux à volutes et bec arrondi et une à bec court, et un fond de lampe aujourd'hui perdu portant la signature de [Z]!!!CIM[os] (4) ; le groupement de ces quatre objets en un endroit éloigné de la ville d'époque impériale (5) n'est pas fortuit (les trois lampes présentent d'ailleurs le même état d'usure) et témoigne d'une fréquentation tardive des lieux : les trois lampes complètes datent au plus tôt du 1er siècle ap. J.-C. et plus probablement de la seconde moitié du siècle : l'une d'elles porte la marque de l'atelier de Romanésis (qui semble avoir été en activité dans la

(1) Sur l'inscription du Delphinion de Milet, cf. Ch. Clermont-Ganneau Recueil d'archéologie orientale, VII, Paris, 1906, pp. 305-329; A. Rehm, Milet, I 3 (Das Delphinion), pp. 387-389, no 165. - Sur Obodas : cf. J. Regner, RE, s. v. Obodas, n° 2 (col. 1736-1738); sur Syllaios : cf. l'exposé très alerte de Ch. ClermontGanneau, op. cit., et Stein, RE, s. v. Syllaios. J'exprime ma vive gratitude à Mr l'abbé Starcky qui a bien voulu me signaler cette découverte et m'autoriser à en faire état ici. (3) Dusarès est normalement assimilé à Dionys,os (cf. D. Sourde!, Le.s Cultes du Hauran à l'époque romaine, Paris, 1952, pp. 62-65) l'inscription de Délos confirme l'assimilation à Zeus, nouvelle à l'époque, qu'avait révélée l'inscription du Delphinion. A. Plassart, EAD, XI, pp. "Ziü-271, écrit: • parmi cinq lampes romaines t et n'en énumère que trois, plus le fond signé par LZ]wcnµ[o;j. Ces trois lampes portent les numéros 4606, 4607 et 4617 dans EAD XXVI où j'ai écrit par erreur sanctuaire C • du Cynthe au lieu de• sanctuaire B •· Sur la ville d'époque impériale, cf. Ph. Bruneau, BCH, 92, 1968, pp. 691-708.

ZEUS

À DÉLOS

245

seconde moitié du 1er et au ne siècle), la seconde peut-être également, et la troisième est décorée d'une parodie du rapt de Ganymède qui est propre à cet atelier (1). La dédicace ID 2315 apporterait la preuve que le sanctuaire fonctionnait encore à l'extrême fin du 1er siècle av. J .-C. Zeus N aios ( ?) Une notice des Anecdoia graeca de Bekker (I, p. 283, lignes 13-14) est seule à nous apprendre l'existence d'un temple de Zeus Naios à Délos : Notlou ~toc; · ovotoç ,ou ~toç, 8c;sv ~~Àc.p Ncx(ou ~toc; xcxÀe°i:,œt.Ce renseignement est extrêmement suspect. Bien qu'il soit occasionnellement honoré à Athènes (JG II2, 4707), Zeus Naios est avant tout le dieu de Dodone (2) ; or la même page des Anecdota graeca comporte une seconde notice où Zeus N aios est présenté comme le possesseur du sanctuaire de Dodone. La notice relative au Zeus N aios de Délos est due vraisemblablement à une confusion, et je me demande même si AHAWNAIOY ne procéderait pas d'une corruption, entraînant un arrangement ultérieur du texte, de AWAWNAIOY. Zeus Ourios. Le nom de Zeus Ourios se lit dans sept dédicaces déliennes qu'on peut répartir ainsi : - Zeus Ourios assimilé à J uppiter Sequndanus : ID 1754, dédicace bilingue, grecque et latine, des Hermaïstes, Apolloniastes et Posidoniastes italiens ; trouvé dans un mur récent près de la Salle hypostyle. - Zeus Ourios associé à Astarté Palaistiné Aphrodite Ourania d'Ascalon : ID 2305, autel dédié en ex-voto par l'Ascalonitain Damon, (3); trouvé près du mur Sud de la Salle hypostyle (cf. p. 347 et n. 1 ). - Zeus Ourios associé aux divinités égyptiennes: ID 2128, ex-voto d'Eutychos, de Nymphaion (en Chersonèse Taurique), à Zeus Ourios, Sarapis, Isis, Anoubis, Harpocrate, en son nom, celui de son fils xcxlÛ1tÈ:p ,wv 1tÀo't(oµévwv1tixv,wv (105/4 ou 104/3); ID 2179, dédicace de deux Athéniens, [A ]thé[ nago ]ra[ s] et Lé[ onidès ], à Zeus Ourios, Sarapis, [Isis], Anoubis, Harpocrate; ces deux inscriptions ont été trouvées au Sarapieion C. - Zeus Ourios seul dans des dédicaces provenant du Sarapieion C : ID 1561, dédicace anonyme (4), trouvée au Sarapieion C; ID 2415, ex-voto de- - - ouc; 'E).eocTI)c;à Zeus Ourios, trouvé sur la pente orientale du ravin de l'Inopos, au-dessous du Sarapieion C dont il provient sûrement, puisque le prêtre égyptien et ses subordonnés y sont éponymes (107 /6 ou 104/3). (1) C'est EAD, XXVI, n° 4607 qui est signée; sur le n° 4617 on croit distinguer le O qui accompagne souvent le nom de Romanésis; sur l'attribution à Romanésis du n° 4606, cf. Ph. Bruneau, BCH, 86, 1962, pp. 205-206, et EAD XXVI, commentaire du n° 4635. - Sur Romanésis à Délos, EAD, XXVI, pp. 121-122. (2) Cf. Kruse, RE, s. v. Naios; M. P. Nilsson, Gesch. der gr. Religion, JI, pp. 423-427 ( = Jre édition, pp. 396-400); E. Evangelidès et S. Dakaris, 'Apx. 'Erp., 1959, pp. 142-143. (3) Cette dédicace est suivie d'un règlement cultuel; à la suite d'une dédicace de Philostrate d'Ascalon au Poseidon d'Ascalon, ID l 720, J. Marcadé, BCH, 79, 1949, pp. 152-157, a eu l'habileté de lire, à la place d'une prétendue signature de Nicandros, un règlement cultuel analogue (cf. ci-dessous p. 266). (4) Traduction de F. Durrbach, Choix, p. 189, n° 114.

246

ZEUS, ATHé~A,

H~HA

seul : ID 2416, fragment d'autel circulaire : ~:~ Qùp(c.n 1 au Sud-Ouest de la Salle hypostyle. Zeus Ourios, dieu du vent favorable, est déjà connu d'Eschyle (Suppl., 594) ; c'est manifestement dans ce rôle qu'il est encore vénéré à Délos pendant la période athénienne : l'Ascalonitain Damon a été ; Eutychos, par une philanthropie très notable à cette époque, l'invoque ; peut-être est-ce pour la réussite d'une expédition maritime de Mithridate qu'est faite la dédicace ID 1561, ou, comme le suppose F. Durrbach, > ( 1) ; enfin, l'association de Zeus Ourios et des divinités égyptiennes est caractéristique (2), car Sarapis et Isis protègent aussi les navigateurs (p. 464). De fait, sur sept inscriptions, quatre proviennent du Sarapieion C : comme les dédicants sont de nationalités variées, il faut admettre que le sanctuaire égyptien était un lieu désigné pour les dédicaces à Zeus Ourios. Il est remarquable que deux des trois autres dédicaces aient été trouvées au Sud de la Salle hypostyle et la troisième à proximité; j'hésite à en tirer conséquence: on sait que cette région de Délos est riche en marbres remployés, amenés là de toutes parts à l'époque impériale ; toutefois, la rencontre de trois dédicaces pourrait n'être pas fortuite ; au Sud de la Salle hypostyle se trouvait le Posideion avec l'autel de Poseidon N auklarios (pp. 258-259) ; des dédicaces à un Zeus du vent favorable y auraient trouvé une place naturelle. Peut-être en raison de la protection qu'il accordait aux navigateurs, le Zeus Ourios de Délos avait une clientèle cosmopolite - Athéniens, Italiens, Éléate, habitant de Nymphaion, Ascalonitain-, ce qui lui vaut d'être associé à des divinités diverses et assimilé à Juppiter Sequndanus. -

Zeus Ourios

- - - -TON.6.IA. Trouvé

Zeus Sabazios. Une dédicace à Zeus Sabazios, ID 2417, a été trouvée remployée dans une maison située au Nord-Ouest de l'Agora de Théophrastos. La pierre a été réétudiée par Cl. Vatin (3); il en a restitué tout d'abord l'histoire : un linteau portant l'inscription dédicatoire a été ensuite retaillé et utilisé comme seuil; le seuil s'étant brisé par le milieu, la partie droite fut réutilisée après martelage de l'inscription. D'autre part, Cl. Vatin a revu le texte qu'il établit ainsi : ile:Ld ~ixoix~[epx[ ixt - - XIX't''i::ùx~vMou [ - - 't'OÜ yqov6't'oç [ - - -

èv il~'Aep>, trouvée sur le côté Est de l'Agora de Théophrastos. - ID 1841 : table de marbre dédiée par le triérarque Médeios « à Athéna et Héra et [- - -] >>,trouvée près de l'angle Nord-Ouest du Hiéron (3). - ID 1747 : autel de marbre portant les mots ot x~t 'ti)V 'A01)viiv et peut-être dédié par les Hermaïstes, trouvé près de l'angle Sud du Portique de Philippe. - Graffite de C. N(e)rius à Éros, Apollon, Jupiter, Neptune, Minerve, Mercure, inscrit sur l'autel de Poseidon Nauklarios (cf. ID 2483, notes critiques).

Les Romains vénèrent évidemment sous le nom d'Athéna leur Minerve nationale, et les Athéniens la patronne de leur cité, celle, en particulier qui, comme Niké, donne la victoire ; on en rapprochera les manifestations d'ailleurs sporadiques du culte de Niké à l'époque athénienne (pp. 452-453). Il ne fait aucun doute que les Athéniens ont cherché à promouvoir à Délos le culte d'Athéna : l'association des Apollonia et des Athénaia était une manière d'unir le seigneur de Délos et la patronne des nouveaux maîtres de l'île. Mais on ne saurait sans erreur mettre au compte de la domination athénienne toutes les manifestations du culte délien d'Athéna (4) : Athéna Polias comme Athéna Kynthia sont antérieures

(1) R. Vallois, AHD, I, p. 2n; GD 23 C; ID 47. - Sur Apollon Paion, cr. ci-dessus, pp. 165-166. (2) A. Plassart, EAD, XI, pp. 218-220 et fig. 178-180; ID 63. (3) La lecture, différente, publiée d'abord par P. Roussel, DCA, p.429, n° 51, est erronée; c'est le texte de ID 1841 qui est exact; toutefois après le no111d'Héra, la lacune doit excéder huit lettres. La pierre est aujourd'hui extrêmement difficile à lire; après Héra on déchiffre xoct,plusieurs lettres et IAI ou I~I; il semble qu'il faille exclure les noms de Sarapis, Isis, Artémis, malgré la finale It:-1; j'ai cru apercevoir les restes du nom d'Eileithyia. En tout cas, il est hors de doute que la table était dédiée à trois divinités et très vraisemblablement trois déesses. cr. sur le rôle d'Athéna dans la mythologie délienne, les réserves de A. Plassart, EAD, XI, p. 219, n. 3.

HÉRA

249

à la première domination athénienne ; Athéna Organé est connue par une dédicace du ve siècle à Thasos ( I G XII suppl., 380), ce qui peut indiquer que le culte était répandu dans les Cyclades en dehors de toute influence attique ( 1). UN TEMPLEo'ATHÉNA PRONOIAA DÉLOS? - Dans une notice consacrée à Apollon Pythien où il explique le mythe de la naissance d'Apollon selon une théorie naturaliste (Léto, Apollon, Artémis, Héra·étant respectivement la terre, le soleil, la lune, l'air), Macrobe I, 17, 55-56, écrit : sed diuinae prouidenliae uicit inslaniia quae credilur iuuisse parfum; ideo in insula Delo ad confirmandam {idem fabulae aedes Prouidenliae, quam vocàvIlpovo[ocç'A0-Yjvixç appellanl, apla religione celebratur; propierea in insula dicuntur nali, quod ex mari nobis oriri uidenlur; haec insula ideo Delos uocalur, quia orlus et quasi parius luminum omnia facit a~Àoc, id est aperla clarescere; puis il en revient au meurtre du serpent. R. Vallois s'est demandé si la statue de la déesse au serpent, du ve siècle, qui se dresse encore devant les Propylées ne serait pas une Athéna Pronaia (on sait que la confusion est constante dans l'Antiquité entre Pronoia et Pronaia) et semble y rapporter la krépis de marbre d'un monument, situé à l'extrémité Nord du Portique Sud (2). A. Plassart avait supposé que les indications de Macrobe résultaient d'une confusion avec le sanctuaire d'Athéna Pronoia à Prasiai en Attique, bien que, selon une tradition représentée seulement par Aelius Aristide (I, p. 157 Dind.), Athéna Pronoia ait guidé Léto jusqu'à Délos (3). Je me demande, quant à moi, si une confusion n'est pas également possible entre Délos et Delphes : la notice de Macrobe est consacrée à Apollon Pythien, et, aussitôt après le passage consacré à Délos, notre auteur en revient au serpent Python : la confusion était d'autant plus facile qu'à Delphes existait un culte d'Athéna Pronaia (4) et que Macrobe traite aussi ici de Délos, puisqu'il rappelle l'étymologie de son nom. Comme toujours en de tels cas, il est difficile de rejeter absolument l'information fournie par Macrobe, mais on la tiendra pour très suspecte.

V. HÉRA TESTIMONIA,

Inscriptions. 1° Passages des comptes des hiéropes concernant l'Héraion el la xocrµ'Y)9(année 250) : Targèlion : reparatio.n à l'Héraion; ligne 68 : Métageitnion : de; x6crµ"t)m.vni..; xo:Î uî:c; XOO"fJ.OÙO"lll'.\c; P Hl- ; lignes 120-121 : o06vtov wcr-rs ni: "Hpru 1TZl:œ\lll' Awjlplxou MP. - ID 290, 86 (année 246) : Métageimion · riji "HpocL de; x6crfJ."t)O"LV -r(t)xl8L. (3) Sur 0'ijpLç nom d'homme, cr. F. Durrbach, commentaire à ID 442, B, 46. (4) On ne saurait rapprocher de cette association de trois divinités la relative proximité du Kynthion, consacré à Zeus et Athéna (pp. 223-226), et de l'Héraion; O. Rubensohn ne la croyait pas fortuite (Arch. Anz., 1931, col. 373-374); Ch. Picard déclare qu'Héra restait • en contrebas du petit mont sacré, en rapport direct avec le couple père et fille de la cime• (BCH, 70, 1946, p. 469) et H. Gallet de Santerre que c les cultes de Zeus et d'Héra ont été instaurés en même temps sur la montagne sacrée de Délos • (DP A, p. 263) : c'est beaucoup s'avancer. Je ne crois pas non plus que le choix de l'emplacement de l'Héraion ait été guidé par sa proximité avec l'endroit où la naissance du bâtard Apollon avait manifesté le déshonneur d'Héra (DPA, p. 259), car la naissance d'Apollon ne me paraît pas pouvoir être.précisément localisée dans cette région (ci-dessus, pp. 26 et 169). On doit supposer que les Déliens, en instituant un culte t expiatoire•• n'avaient pas jugé convenable d'installer Héra trop près de ses victimes triomphantes, mais je doute qu'on puisse préciser davantage. (6) P. Roussel, DCA, p. 245. (6) A. Plassarl, EAD, XI, p. 214 et n. 2. R. Vallois, AHD, I, p. 66, n. l, se range à l'opinion de A. Plassarl, tandis que P. Roussel et M. Launey parlent toujours d'une statue dans le commentaire de ID 1426 (p. 92).

HÉRA

255

Héra Épiliménia est nommée dans un règlement cultuel de Thasos (1), et, comme toujours dans le cas de Thasos, on peut supposer que l'institution de la colonie reproduit celle de la métropole parienne et que Délos n'était pas la seule Cyclade où fût honorée une Héra du port. DÉCADENCEnu CULTE A L'ÉPOQUE HELLÉ~ISTIQUE.- Le culte d'Héra s'est donc maintenu pendant toute l'époque hellénistique; mais il est aisé d'en reconnaître le déclin : aucune construction nouvelle n'embellit le sanctuaire; on se contente de procéder à quelques réparations et travaux d'entretien (comptes 154, 158, 163, 287, 370?); encore y apporte-t-on quelque négligence : dans les premières années de l'époque athénienne, les administrateurs observent qu'un des clous de bronze de la porte manque (ID 1403, Bb, II, 7-8); en 156/5 (ID 1417) et après (ID 1426), la réparation n'est pas encore faite; ce n'est qu'en 145/4 que les administrateurs ne signalent plus l'absence d'un clou (ID 1442, B, 45-46), ce qui peut n'être d'ailleurs qu'une omission de leur part; il est juste d'ajouter que l'Héraion n'est pas seul à connaître ce manque de soin: les clous des portes del' Aphrodision ne sont pas davantage remplacés (p. 339). La dévotion officielle ne fait donc pas défaut à la déesse : les Héraia sont célébrées durant toute l'époque de l'indépendance, et probablement encore après 166 (si l'on n'en entend plus parler alors, cela tient sans doute, comme souvent, à la nature différente des textes administratifs de l' Indépendance et de la colonie athénienne : p. 4) ; l'Héraion continue d'être l'objet d'un inventaire. Mais la dévotion privée est pratiquement nulle : on n'a retrouvé aucune dédicace à Héra seule ; pendant l'indépendance, la seule offrande connue est le kymbion de Théris; après 166, les tableaux votifs restent constamment au nombre de dix et le -rptxom-rovqui apparaît pour la première fois en 145/4 (ID 1442, B, 46) est la seule offrande nouvelle. Je ne sais si, à l'époque archaïque, l'Héra de Délos était vraiment une Héra Téleia, patronne du mariage (2) ; mais, si, comme le suppose A. Plassart, les tableaux votifs étaient consacrés à l'occasion des mariages (3), il apparaît que ce rôle ne lui attirait pas la ferveur des habitantes de Délos à l'époque hellénistique et qu'il avait dû s'oblitérer; et 1 de fait, aucun indice sûr ne confirme plus alors ce caractère de la déesse.

(1) Pérachora: cf. H. Payne, Perachora, I, Oxford, 1940, passim et spécialement p. 136; T. J. Dunbabin Perachora, II, Oxford, 1962, pp. 395 (n° 17) et 398 (n° 101); - Thasos: A. Bon et H. Seyrig, BCH, 53, 1929, pp. 345-347 ( = I G XII supp., 409). - Sur les rapports d'Héra avec les fleuves et la mer, cf. Eitrem, RE, s. v. Héra, col. 398. (2) A. Plassart, EAD, XI, p. 184; H. Gallet de Santerre, DPA, p. 260 et n. 9. (3) A. Plassart, EAD, XI, p. 214.

CHAPITRE

V

POSEIDON

TESTIMONIA.

Textes littéraires. -

Dial. mar., 10. Fab., 140 : p. 258. Scholie à Lycophron, 766 : p. 265.

LUCIEN,

HYGIN,

-

Inscriptions. Épigramme relative à la légende de Poseidon : IG 1281 (essai de restitution de W. Peek, Wiss. Zeilschr. der Marlin-Luther-Univ., VI, 1956/57, Heft 4, pp. 565-566). Mentions du Posideion : p. 258 (prétendu inventaire athénien de ce sanctuaire, pp. 259-260). Autel de Poseidon : JG 144, B, 7. Autel de Poseidon Nauklarios : ID 2483. Autel de Poseidon bJ Azi.&:rpzi: JG 287, A, 110. Statue de Poseidon : IG 199, A, 66. Posidéia : liste des textes pp. 260-261. Mention isolée de Poseidon (en Posidéon) IG 204, 79. Poseidon Orthosios et Asphaleios : p. 261. Poseidon Théméliouchos : ID 290, 116. Poseidon Aisios: ID [1562], 1581, [1582]. Poseidon de Tyr: ID 1519. Poseidon de Bérytos : liste p. 622. Poseidon d'Ascalon: ID 1720 et 1721. Poseidoniastes latins: ID 1751-1754, 1755 (?), 1757 et 1758.

Architecture. Posideion : R. Vallois, EAD,

II, Complément, pp. 27-36.

258

POSEIDON

1. Éléments légendaires. Poseidon n'est pas non plus étranger à l'histoire mythique de Délos, du moins si l'on s'en tient aux formes tardives de la légende. L'île, primitivement flottante, passait pour avoir été fixée ensuite par décision divine ; tantôt cet exploit reste anonyme, tantôt il est mis au compte d'Apollon ou de Zeus, parfois enfin à celui de Poseidon (1). Cette dernière version n'est attestée que tardivement; c'est par hypothèse que H. Gallet de Santerre la reconnaît chez Pindare, et il a tort aussi, je crois, de la supposer chez Callimaque ( Hymne à Délos): ce poète >

(J D 372, A, 157-

159); à la fin du me siècle on construit la o"roix~ 1tpoc:;-rw~ Ilom~dc,n (ID 365, 23-44; 366, A, 8-49; 403, 20-21 et 42; 440, A, 51-52, 75-81 ; sans doute 486, 8).

( 1) Sur les différentes formes de la légende, cf. H. Gallet de Santerre, H. Gallet de Santerre, ibid. ;3) Essai de restitution de W. Peek : ci-dessus, p. 257, Tcstimonia.

DPA, p. J60.

LIEUX

DE

CULTE

259

Ce Posideion occupe un terrain contigu à la partie occidentale de la façade Sud de la Salle hypostyle ; l'identification, due essentiellement à H. Vallois (1), se fonde sur deux faits qui paraissent incontestables :

a) à cet endroit se trouve un autel dont l'orthostate (ID 2483);

frontal porte l'inscription

Ilocret~w[voç] [ Nau0.aplou

b) la cr1"01X. -~ 1tpàç ,'t"Wt Ilomadwt doit être le monument que nous nommons Salle hypostyle (2) : ce que les comptes des hiéropes nous apprennenL de la crTocx(textes énumérés plus haut) coïncide assez bien avec ce que nous voyons de la Salle; les dates concordent; si, vers 180, on enlève un cadavre de la Stoa (ID 440, A, 51-52), il en faut inférer qu'elle était proche de la mer (cf. les cas similaires, pp. 281 et 355), et c'était le cas de la Salle avant l'aménagement, en 126/5, de l'Agora de Théophrastos; enfin la Salle est contiguë à un enclos qui, même s'il n'éLait pas le Posideion des inscriptions, serait de toute manière le Léménos de Poseidon Nauklarios. Ce Posideion est très exigu (3) : à l'intérieur d'un péribole long de 20 m. (EstOuest) et large de 10 m. environ, on reconnaît une table d'offrandes dont subsistent les socles (d), un perirrhantérion dont le pied est conservé (1), l'autel de Poseidon Nauklarios (D), une plate-forme de granit qui peut avoir porté un autre autel ou un piédestal (C), deux bases (sur B est gravée la dédicace d'une statue d'Héraclès = ID 1753), une salle (A) à l'Ouest, et, de façon très hypothétique, à l'Est, deux chambres contiguës : la plus septentrionale, qui contient une base (F), aurait pu, selon R. Vallois, servir de chapelle.~ L'autel de Poseidon Nauklarios, du type à antes (Wangenaltar), daterait au plus tard du me siècle, tandis que l'inscription n'est pas antérieure au 1er siècle ; c'est très probablement cet autel que désignent les mots >; - 2° la proximité du Thesmophorion, alléguée par R. Vallois, ne vaut pas si, comme Fr. Salviat et moi-même, on refuse de situer ce sanctuaire là où R. Vallois propose de le reconnaître (pp. 278-282), et, d'ailleurs, à mon sens, les administrateurs athéniens ne s'obligeaient pas à suivre dans leurs inventaires un ordre topographique strict (p. 280).

AUTRESLIEUX DE CULTE.- En 250, les hiéropes font réparer, pour la somme de 136 dr., "t"Ofl, ~wµ.ov"ToüIlocre:L8wvoç"t"Ov Èv ~e:ÀchpeL(IG 287, A, 110); ce toponyme n'est pas connu par ailleurs ; R. Vallois a proposé de le rattacher au vocabulaire de la pêche à la ligne (aéÀecxp, aéÀe"t"pov,ae:ÀCXCT"t"pe:uc;) et de chercher l'autel {(près de l'ancienne embouchure de l'Inopos >>: ce serait un autel de marbre gris-bleu du me siècle (cf. GD 63) situé >,mais dont la clémence préserve des tremblements de terre ; la seconde épiclèse semble inconnue en dehors de Délos, mais, toujours associée à , elle doit présenter un sens voisin. Poseidon Théméliouchos, le dieu (4), est évidemment très proche de l' Asphaleios-Orthosios sans que nous puissions apercevoir les nuances qui distinguaient ces épiclèses. Il ne paraît qu'une fois dans nos inscriptions : en 246, on lui offre un sacrifice > (2) ; la prééminence à Délos de cet aspect de la personnalité du dieu est passible de deux explications qui ne s'excluent pas : ou bien, elle découle de la préhistoire mythique de l'île : dans ce cas, la tradition selon laquelle c'est Poseidon qui avait fixé l'île, jadis flottante, serait en efîet beaucoup plus ancienne que ne le donneraient à penser les sources textuelles dont nous disposons, - sans qu'on soit pourtant fondé à écrire, comme R. Vallois, que Délos était 'toÏ.c; 1111 · NLxocr-rp&-rwtxÀLVô(c; èv-re:lvixv-rtxixl. b. · ÇùÀCùv -rcxÀô(v-ra.: 1tév-re:,-rà -rr!J.À(l(v-rov IIIIC · &.v0pô(xe:c; 1-1-1; OLô(Xe:crixµévCùt ligne 77: dépenses d'Arésion: -ro 0upe:-rpovÔLe:ÀoÜcrL -rà npoc; -rwLte:poï.1111 (cf. p. 291, n. 6); ligne 80 : dépenses d' Arésion : -roï.c;VU:X.'rO(flU/\ô(ÇLOLÇ ÇUÀCùV -r&.Àa.:v-rov 1111 · èpyoc-rlXLÇ -rocc; 0upô(c;&.pixmvde; -ràv oI:x.ov~- ID 290, 5 (année 246) : recettes mensuelles : en [Métageitnion] : 1tô(p,:x -rocµ(oude; 0ecrµoqi6ptô( P ; lignes 87-91 : dépenses de Métageitnion, après la :x.6crµ'1)crLc; d'Héra : [&.Àd]y.,a.:v-rL -roue;~wµouc; xocl.-ràv -roï.xov-ràv èv 'rWL0e:crµorpoplc.Hx,d ,occ; Xp"IJ7t!.OIXÇ Pl-l-1-1-11111 · ~Cùpo0éc.H -rày xoüv èx -roü 0e:cr[µocpoploufl;I e:véy]xô(V'îLtlll · -r'Yjt~~µ1)-rpLoc; s:y- (IG 287, A, 60) ; le singulier s'explique par le laconisme habituel des hiéropes qui s'entendent à demi-mot : c'est , a été le premier à la formuler pour la rejeter aussitôt, il est vrai : ( 1).

2. Le culte. DÉMÉTER, CORÉ, ZEus EuBOULEUS. - S'il n'est expressément question au Thesmophorion que de Déméter et Coré, les deux déesses étaient pourtant associées à un parèdre masculin, Zeus Euboulcus (2) ; on verra qu'il reçoit une victime spéciale aux Thesmophories (p. 286) - raison pour laquelle je crois qu'un des autels du Thesmophorion lui appartenait (p. 275) - et qu'il formait peut-être avec Déméter et Coré une des triades vénérées au Dôdékathéon (p. 439). Cette triade est connue en d'autres Cyclades : Amorgos, Mykonos, Naxos, Paros et sa colonie de Thasos (3) ; elle semble caractéristique d'une > (comptes 145, 154, 163, 199, 203, 228, 287, 290, [338], 372, 465) ; l'identité et le nombre de ces prêtresses pouvaient se deviner a priori, mais et sont expressément désignées dans les comptes 163 (partiellement restitué), 440, 442 et 461. Le singulier tépe:LIX. apparaît en deux passages mutilés (ID 442, A, 193; 460, v, 18) où il doit s'agir de l'une ou l'autre prêtresse. En revanche, les textes de l'époque athénienne ne mentionnent jamais qu'une seule prêtresse, soit qu'elle transmette les offrandes (ID 1417, A, I, 98; 1426, B, I, 16; 1442, B, 29; 1443, C, 132; 1444, Ba, 12 et 13), soit qu'elle pèse certaines offrandes avec les administrateurs du sanctuaire (ID 1442, B, 68, 70) : ce n'est pas la seule fois qu'on constate, avant et après 166, des différences dans l'organisation des sacerdoces (pp. 504-506). Quatre prêtresses de l'époque athénienne nous sont connues : peut-être 156/5 (1) 0,6x11.e:L1X. ? NtMe:yocxÀe:Lo: 145/4 141/0 Mocrzlv'f)~'f)µéou 'A11.o:iéwc; 0uy&-r'f)p

ID ID ID ID

1417, A, I, 1426, B, I, 1442, B, 1444, Ba,

98 16 71 13-14

L'existence d'un néoeorion ou de néocoria du Thesmophorion peut correspondre, du moins pendant l'indépendance, à celle d'une ou plusieurs néocores; mais ce titre n'apparaît jamais, soit que ces néocores n'existassent pas, soit qu'elles ne fussent pas rémunérées par les hiéropes (sur ces deux explications possibles, cf. p. 502). INVENTAIRESnu THESMOPHORION. - Des ex-voto du Thesmophorion, les administrateurs athéniens dressaient des inventaires (liste p. 274) parmi lesquels ID 1417 et 1442 sont les mieux conservés (2). Certaines des offrandes - bijoux, vases de types divers, lampes - ne diffèrent pas de celles qui étaient conservées dans la plupart des sanctuaires déliens, mais d'autres sont plus caractéristiques d'un Thcsmophorion : une libanotis a été spécialement fabriquée pour la circonstance puisqu'elle est décorée de l'effigie de Déméter (ID 1417, A, I, 91-92) ; le nombre assez considérable des torches, ~êh~e:c;ou ML~ilX.(on en dénombre plus de vingt dans l'inventaire ID 1417, A, I, 60 et 80-99) s'explique par le rôle rituel de ces objets dans le culte de Déméter, et P. Roussel suppose qu'elles étaient offertes par les jeunes filles et les femmes qui avaient eu une fonction aux Thesmophories (3). Des yeux sont offerts en ex-voto (4) : otp01X.11.µot ènt O'IX.VL;[ou (ID 1444, Ba, 2, 10, 11, 16, 17), otp01X.11.µoc; x_pucroüc; (ibid., Il), àqi00:11.µwv -rum1X.(ibid., 18) ; bien que les yeux votifs, qui se rencontrent dans divers

{1) Les trois dernières prêtresses de la liste sont celles de l'année de l'inventaire (ID 1426 n'étant pas daté), car elles transmettent les offrandes récentes et, par conséquent, ne sont pas nommées en d'autres textes. Le cas de Philocleia est différent : le premier texte conservé où elle apparaisse est ID 1417, daté de 156/5; mais son nom se retrouve ensuite (ID 1426, B, I, 14; 1442, B, 67) à propos des mêmes offrandes comme s'il y était attaché; il n'est donc pas sûr qu' ID 1417 en soit la mention réellement la plus ancienne, ni par conséquent que Philocleia soit la prêtresse de 156/5; son sacerdoce peut être antérieur. (2) Dans les deux pages qui suivent, je ne donne que les références aux textes les mieux conservés sans indiquer toutes les équivalences. (3) P. Roussel, DCA, p. 244. (4) Je cite ici exclusivement ID 1444; les mêmes yeux se retrouvent en ID 1442 et 1443, plus mutilés; de même la jambe en ID 1425 et 1443.

284

DÉMÉTER,

CORÉ

1

ZEUS

EUBOULEUS

autres sanctuaires, soient susceptibles de recevoir une autre interprétation (p. 168), ceux-ci doivent rappeler les pouvoirs guérisseurs attribués aux déesses du Thesmophorion; en effet un axéÀoc; È1d crocvLa[ou(ibid., 9) ne peut avoir d'autre signification. Les 1tÀocxoi:vn:c;È1tt aocvta(ou de ID 1442, B, 28 et 29 rappellent des offrandes découvertes dans le sanctuaire corinthien de Déméter et Coré : sur des plateaux de terre cuite, larges de 8 à 10 cm., sont placés des fruits et des gâteaux, également en terre cuite ( 1). Beaucoup d'offrandes sont, comme il est normal dans un Thesmophorion, consacrées par des femmes: Poléa, Démanassé, Harpagé et Hestiaia (ID 1417, A, I, 56, 60, 77, 84), Sôsandra et Kléopatra (ID 1442, B, 28 et 69), Anniché, Théodoté, Xéno, Zôpyra, Mégisté et Sôstraté (ID 1444, Ba, 14-17) ; mais plusieurs hommes figurent parmi les dédicants: Bosporos (ID 1417, A, I, 68), Eutaktos et Héraiskos (ID 1442, B, 28 et 69), Érotios, Ktésippos et Eunous (ID 1444, Ba, 2, 10 et 18). Une fois, en 145/4, c'est le peuple athénien qui offre une corbeille d'argent faite avec des plaques et des torches votives envoyées à la fonte (ID 1442, B, 63-73). Les hiéropes ne rédigeaient pas d'inventaires du Thesmophorion; mais certaines offrandes des inventaires athéniens doivent être anciennes ; c'est peut-être le cas d'une (ID 1417, A, 1, 72-73) et sûrement celui d'un skyphion dédié à Déméter et Coré par les Déliades et qui remonte donc à l' Indépendance (ID 1417, A, I, 54-55). A l'époque athénienne le trésor s'accroît régulièrement, puisque les inventaires ID 1425, 1426, 1442, 1443 et 1444 distinguent les objets entrés dans l'année (références p. 274) : c'est généralement la prêtresse qui transmet les offrandes nouvelles, mais certains cas sont aberrants: en ID 1442, B, la formule de transmission figure à la ligne 29, puis les lignes 63-73 traitent de la corbeille offerte par le peuple athénien; en ID 1444, Ba, la formule de transmission paraît à la ligne 12, puis reparaît à la ligne 13. Enfin on a vu qu'à l'occasion, des offrandes anciennes pouvaient être fondues et servir à la confection d'une offrande nouvelle. Le culte des déesses Thesmophores était donc bien vivant en plein ne siècle. LE CULTEEN DEHORSDU THESMOPHORION. - Trois dédicaces seulement (transcrites p. 275), une de l'indépendance (IG 1280) et deux de l'époque athénienne (ID 2399 et 2475), s'adressent à nos divinités; encore seules les deux dernières nomment-elles Coré. ID 2475 ajoute au nom de Déméter l'épithète d'Éleusinia ; le marbre provenant du Sarapieion C, il est probable que Déméter Éleusinia s'identifie ici avec Isis. A ces dédicaces je joindrai deux monuments de sculpture : d'abord un relief (A 3194) trouvé en 1905 à l' Agora des Compétaliastes (pl. II,3) : Ch. Picard, qui l'a publié (2), y a reconnu, à juste titre, des scènes inspirées de la religion éleusinienne et illustrant assez fidèlement l'Hymne homérique à Déméter: au centre du relief (dont un tenon indique l'emplacement), Zeus envoie Hermès réclamer Coré aux enfers; à gauche, Déméter et Coré se retrouvent en présence d'Hécate ; la scène de droite, qui manque, devait représenter l'ambassade d'Hermès aux enfers.

(1) R. S. Stroud, Hesperia, 34, 1965, p. 23 (et pl. 11). (2) Ch. Picard, BCH, 55, 1931, pp. 11-25.

LES

THESMOPHORIES

285

Un second relief orne deux fragments de trapézophore trouvés au Dôdékathéon (pl. II,2) ; il a été publié par R. Vallois (1) ; trois personnages y sont figurés : à gauche, R. Vallois reconnaît Coré debout et tenant la torche, mais ce n'est pas exactement ce que je vois : sous la main droite du personnage, une sorte de longue tige verticale se prolonge jusqu'à la cassure inférieure, mais n'apparaît pas audessus de la main ; un second objet, de forme également allongée, mais plus court, est tenu obliquement dans la main (il est visible au-dessus et au-dessous d'elle) ; au centre, une femme assise tient un objet allongé et R. Vallois y voit une Déméter à la torche; à droite, un personnage nu et imberbe est assis ou à demi étendu sur un lit : ce serait Zeus Eubouleus. L'identification des personnages ne paraît à W. Deonna (2), tandis que, pour E. Will, et que pendant celles-là (4). J'ignore si entre les deux fêtes existait un rapport issu du cycle végétal, mais il ne pouvait être celui que croit Fr. Sokolowski : certes novembre-décembre est le temps où s'achèvent les semailles, -~ et aujourd'hui encore, à Ténos, une fête où l'on consomme des beignets (loukoumadès) marque la fin de l'ensemencement -, mais, je l'ai dit plus haut (p. 286), il est beaucoup trop tard en août-septembre, à Délos, pour offrir les prémices des fruits.

( l) (2) (3) (4)

R. R. Fr. Fr.

Vallois, AIID, I, p. 80, n. 4. Vallois, BCH, 55, 1931, pp. 286-289. Sokolowski, op. cit., p. 389. Sokolowski, op. cit., p. 390.

CHAPITRE

VII

DIONYSOS

TESTIMONIA.

Inscriptions. Autel de Dionysos : textes cités pp. 304-305. Hiéron de Dionysos, Hermès et Pan : p. 309. Statue cultuelle de Dionysos : ID 1442, B, 54-56, et 1444, Aa, 38. Chorégie et Dionysia à l'époque de l'indépendance : pp. 312-314. Fêtes de Dionysos à l'époque athénienne : p. 322. Sacerdoce de Dionysos, Hermès et Pan : liste p. 324. Dédicaces individuelles : pp. 326-327. Architecture et sculpture. Chapelle de Dionysos: pp. 296-300. Peintures et mosaïques à sujets dionysiaques. Liste p. 327.

I. LES LIEUX DE CULTE Aucune inscription délienne ne signale un Dionysion nom à une des propriétés sacrées d'Apollon, mentionnée l'époque amphictyonique et de l'lndépendance, se trouvait l'épigraphie et l'exploration archéologique font connaître à culte dionysiaque. (1) Th. Ilomolle,

BCH, 14, 1890, p. 423; J.H.

; celui qui donne son dans les documents de à Rhénée (1). Pourtant Délos plusieurs lieux de

Kent, Hesperia, 17, 1948, pp. 247-252. 20

296

DIONYSOS

1. La chapellede la Rue du péribole. En 1904, en fouillant la Rue du péribole (ou >: c'est un point que j'examinerai plus loin (p. 304). DESCRIPTION. Le monument (pl. III, 1), présenté dès 1907 par L. Bizard (3), n'a jamais été suffisamment ni exactement décrit; or l'examen minutieux de la ruine importe d'autant plus qu'en découlent des conséquences chronologiques qui seront exposées plus bas (pp. 300-303).

L'édifice se présente actuellement (fig. 2) comme une pièce rectangulaire (7,50x3,20 m.) fermée sur les trois côtés Nord, Est et Sud par un mur qui, à l'intérieur, est construit en moellons de gneiss et se trouve conservé jusqu'à une hauteur maximum de 1,20 m. Le long côté Ouest est entièrement ouvert ; il présente en façade une assise de granit A, haute de 0,45 m., qui, au Nord et au Sud, dépasse respectivement de 1,10 et 1 m. l'aplomb des murs septentrional et méridional de la chapelle ; cette assise repose sur des fondations en moellons de gneiss suffisamment déchaussées au Nord pour être bien visibles (B) ; elle-même supporte une série de dalles de gneiss (C) qui s'interrompt à 0,75 m. au Sud de la tête du mur méridional et à 0,85 m. au Nord du mur septentrional pour laisser libre l'emplacement, au Sud, du monument de Karystios (décrit ci-dessous, pp. 298-299) et, au Nord, vraisemblablement, celui d'un monument symétrique; les dalles sont engagées sous les murs Nord et Sud de la chapelle, qui reposent donc sur elles. En façade et sur une longueur de 5,80 m., l'assise de granit est masquée par une assise de marbre D (plus précisément deux longs blocs de marbre et, en complément, au Sud, une dalle de gneiss) qui est de niveau avec le dallage C de la chapelle ; sous cette assise de marbre sont visibles une assise de granit E (avec cales de gneiss) et, en dessous, une seconde assise de gneiss F ; en avant de l'assise de marbre D, mais à un niveau inférieur, trois blocs de granit forment un emmarchement G facilitant l'accès à la chapelle. A 0,80 m. de la tête du mur Sud de la chapelle (côté intérieur), la surface supérieure de l'assise de marbre et la dalle de gneiss qui lui fait suite à l'arrière sont travaillées pour recevoir une pièce verticale dont le lit de pose mesurait environ 0,55 X 0,24 m. ; deux trous de scellements carrés, pourvus chacun d'un canal de coulée, sont distants entre eux de 0,26 m. (de centre à centre). On croirait d'abord à l'emplacement d'un chambranle, mais le symétrique fait défaut; quoi qu'en dise L. Bizard (4), les murs Nord et Sud ne faisaient pas retour à l'Ouest; au lieu d'un chambranle, les scellements servaient plutôt à fixer une base ou un cippe. Les photographies anciennes montrent que l'assise de granit A, l'assise de marbre D et son support de granit E étaient entièrement recouverts de stuc ; il en reste encore aujourd'hui des fragments ; ce stuc, blanc, brillant au soleil en raison de la poussière de marbre qui y est incluse, est celui-là même qui est couramment utilisé dans la décoration des maisons ; les parties stuquées étaient évidemment visibles : on verra plus loin l'importance de ce détail pour la chronologie du bâtiment.

(1) (2) (3) (4)

L. R. L. L.

Bizard, Vallois, Bizard, Bizard,

BCH, 31, 1907, pp. 498-502. BCH, 46, 1922, p. 99.

op. cil. op. cit., p. 498.

LES

Fig. Z. -

LIEUX

DE

CULTE

La chapelle de Dionysos, schéma des assises inférieures (cf. pl. III, 1): A B C D E F G

= =

= = = = =

assise de granit fondations de gneiss dallage de gneiss assise de marbre assise de granit assise de gneiss emmarchement de granit

297

298

DIONYSOS

Le long du mur Nord de la chapelle, se trouve un petit bassin, revêtu intérieurement d'enduit hydraulique, qui empêche d'examiner l'appareil; au contraire, le parement extérieur du mur Est est parfaitement visible : au-dessus d'une fondation grossière qui forme empattement, de gros blocs de granit alternent assez régulièrement avec des piles de plaques de gneiss ; cette assise est à peu près de niveau avec l'assise granitique A de la façade occidentale ; audessus, le mur présente une autre physionomie : il est essentiellement construit en gros moellons de gneiss auxquels se mêlent, en faible proportion, le granit et le marbre, sans emploi de piles de cales de gneiss ; du côté Sud, le niveau des blocs de granit est partiellement masqué par un contrefort tardif (stuc entre le contrefort et le mur de la chapelle) et deux longs blocs de granit se trouvent utilisés en élévation.

L'EX-VOTO DE KARYSTIOS.- A son extrémité Sud, la fondation de granit A, qui forme en façade le soubassement de l'édifice, se prolonge au-delà de l'aplomb du mur de gneiss Sud pour former une sorte de base carrée (côté : 0,75 m.) aujourd'hui occupée par l'ex-voto de Karystios (pl. III, 2); il s'agit d'un cippe de marbre qu'on a trouvé gisant là et dont les dimensions concordent parfaitement avec la base en granit où on l'a replacé. Il a été soigneusement décrit par L. Bizard et G. Leroux (1) ; la face arrière (Est) est grossièrement piquetée, les trois autres faces sont décorées de reliefs : sur le côté médian (Ouest) se dresse, de face, un coq dont la tête et le cou sont remplacés par un phallus érigé ; les reliefs latéraux présentent chacun trois personnages qui procèdent en direction de la face médiane (c'est-à-dire vers la gauche, du côté Sud, et vers la droite, du côté Nord) : au Sud, un Silène qui lève le bras droit et tient un canthare de la main gauche, puis Dionysos presque nu, un bras levé et l'autre enlaçant une ménade, enfin la ménade qui enlace le dieu du bras droit et porte un thyrse de la main gauche ; au Nord, Dionysos qui, > de la ménade, ,puis la ménade dont le bras gauche est posé sur l'épaule du dieu et dont le bras droit (i tenait sans doute un attribut, aujourd'hui indistinct>>, enfin un Pan chèvre-pied passablement mutilé (2). Sous les pattes du coq phallique est gravée, en lettres de la fin du ive ou du début du me siècle, l'épigramme suivante (JG 1148) : Iliicn x_opYJy~mxc; xixt VŒ~crixc; ô.LovucrwL eùl;&µ.ev6c;µ.e ixvé61JxeKixpucr·noc;'AcrÔ~Àounixic;.

La face supérieure porte une cavité d'encastrement circulaire et grossièrement piquetée, profonde de 8 cm. L'éphore Stavropoullos y fit replacer la partie inférieure, seule conservée, d'un phallus colossal en marbre blanc, trouvé à proximité en 1886, et qui s'est peu à peu, les cartes postales y aidant, intégré au paysage ; on voit mêmes les archéologues oublier progressivement qu'il ne se dresse là qu' exempli gralia; la découverte autour de la chapelle de plusieurs fragments de phallus, l'ornementation de la face principale du cippe et un usage attesté ailleurs (3) donnent bien à penser qu'un phallus le surmontait,, et c'est sans doute lui que désigne le µ.e de l'inseription; mais le phallus replacé là est pourvu, à la face inférieure, d'un tenon

L. Bizard et G. Leroux, BCH, 31, l\l07, pp. 504-511. Il ne s'agirait pas de Dionysos selon J. Marcadé, MD, pp. 192-193. (3) E. Buschor, Ath. Mill., 53, 1928, pp. 96-108.

LES

LIEUX

DE

CULTE

299

qui ne s'adapte pas parfaitement à la cavité d'encastrement (1) et peut fort bien n'être pas l'offrande originelle ; en tout état de cause, pour des raisons de stabilité . précisément parce que le tenon et la cavité se conviennent mal, on lui a donné une' érection oblique d'allure très réaliste, mais fausse, car la position du tenon montre qu'il se dressait presque à la verticale. Vers 1920 (2), on a placé à l'extrémité Nord du monument, symétrique de l'exvoto de Karystios, un· autre cippe de marbre blanc sur lequel on a également déposé un phallus fragmentaire. LE CARACTÈRE DIONYSIAQUE DE LA CHAPELLE ne peut guère faire de doute et il a été aussitôt reconnu par L. Bizard (3) ; sans parler du monument chorégique de Karystios où Dionysos est expressément nommé, il est assuré par les trouvailles faites dans le monument ou à ses abords ; elles ont été présentées dès 1907 par L. Bizard, mais il convient de les énumérer ici en indiquant aussi exactement que possible les lieux de trouvaille ; on verra, en examinant un peu plus loin une thèse de Ch. Picard, que la précaution n'est pas inutile (pp. 303-304).

1. Statue de Dionysos assis (A 4121), pl. IV,4. Angle Sud-Ouest de la chapelle. L. Bizard et G. Leroux, BCH, 31, 1907, pp. 511-517; reproduite aussi par Ch. Picard, BCH, 68-69, 1944-1945, pp. 243 et 245. Haut. : 0,72 m. Le dieu est nu et assis sur un trône; la tête manque, ainsi que le bras droit qui était levé ; le bras gauche est posé sur l'accoudoir; peut-être un serpent se dressait-il près de Dionysos (Bizard-Leroux, ibid., p. 514; Ch. Picard, ibid., p. 257). 2. Deux statues de Silènes (A 4122 et 4123), pl. IV,5 et6. Derrière la chapelle, entre le mur de fond et le mur Ouest de la maison immédiatement voisine. L. Bizard et G. Leroux, op. cil., pp. 517-522, pl. X et XI ; reproduites aussi par Ch. Picard, op. cil., pp. 259-260. Deux statues presque identiques, l'une à peu près intacte. Haut. de la statue intacte (A 4122) : 1,21 m. (avec plinthe) ; haut. de la seconde statue (A 4123) : 1,36 m. (sans plinthe). A la face postérieure, seulement dégrossie, les statues présentent des trous de scellements; une tige de fer est encore en place sur la statue la mieux conservée. Les statues étaient donc adossées à une paroi à laquelle elles étaient fixées. Les personnages sont vêtus du maillot collant en peau de chèvre, traditionnel dans les drames satyriques, et d'un himation ; le mieux conservé porte une outre sur l'épaule gauche et un tambourin à la main droite ; les deux visages, barbus, sont tournés l'un à droite et l'autre à gauche.

3. Partie inférieure d'un phallus de marbre actuellement placé sur le cippe de Karystios. Trouvé en 1886 auprès des exèdres dites du Nord-Est (immédiatement au Sud du mur oriental du Portique d'Antigone). Haut. conservée : 0,63 m. 4. Débris de trois phallus en marbre blanc : inv. 1430 (carnet d'inventaire : >. Et L. Bizard de conclure que l'ex-voto de Karystios n'occupe pas sa place primitive, mais qu'il a fait l'objet, comme d'autres d'ailleurs probablement de faible importance, le phallus offrandes, d'une µ.e:-r&0E:crtç, (1) Et pourtant J. Marcadé, MD, pp. 184-187 vient d'indiquer que ce pourrait être un Apollon. les Silènes : ibid., pp. 200-201. Le Pan A 4138 proviendrait de la Chapelle : ibid., p. 203. (2) Par ex. Ph. Bruneau, dans EAD, XXVII, p. 241, n° D 4; Pergamon, I, 2, pl. 43, no 20. (3) L. Bizard, op. cil., pp. 601-602.

Sur

LES

LIEUX

DE

301

CULTE

archaïque >>en lave 5 suggérant que la chapelle a succédé . Quoiqu'il soit difficile de parvenir à une certitude, l'examen des données archéologiques me conduit à des conclusions sensiblement différentes. Tout d'abord, on n'a pas relevé que l'édifice a subi un remaniement : deux observations, présentées pp. 296-298 lors de la description du monument, le prouvent: a) la tête des murs Nord et Sud repose sur le dallage C qui leur est donc antérieur, car on n'interrompt pas normalement la construction d'un mur par l'insertion d'un dallage qu'il est hahituel au contraire de poser ensuite ; - b) au-dessous et au-dessus du niveau de ce dallage, l'appareil du mur Est et, à un moindre degré, celui du mur Sud, sont différents, ce qui ne fait que confirmer la valeur de l'observation précédente. Il convient dès lors de reconnaître deux états :

>, mais sans le fixer exactement : il serait souhaitable de le retrouver sur le terrain ; > (7). Cette explication n'est guère recevable: 1° si l'on accepte la date que je propose pour le premier état de la chapelle, il ne s'agit plus que d'un réaménagement, ce qui était une mince compensation ; 2° quelle que soit la fonction de la chapelle, stibadeion ou non, elle n'avait pas la même fonction que l'autel, comme le remarque Ch. Picard (8),

(1) R. Vallois, AHD, I, p. 76, n. 2. (2) R. Vallois, BCH, 53, 1929, p. 208 et surtout Ali]), I, pp. 75-76. (3) R. Vallois, AHD, I, p. 75. (4) Celle-ci, on le sait, ne paraît pas recouvrir de monuments antérieurs pp. 39-40. Cf. ci-dessus p. 210. (5) C. Yavis, Greek Altars, Saint-Louis, 1949, pp. 246-250. (6) H. Gallet de Santerre et J. Tréheux, BCH, 71-72, 1947-1948, p. 409. (7) R. Vallois, AHD, I, p. 76. (8) Ch. Picard, CRAI, 1944, p. 139, 11. 2.

: Ét. Lapalus,

EAD,

XIX,

308

DIONYSOS

et, par conséquent, ne pouvait le remplacer; 3° il est insolite qu'on déplace ainsi une divinité après avoir arasé son autel. Le monument signalé par R. Vallois a été détruit, on l'a souligné plus haut, au moment et à cause de l'édification du Sanctuaire du bastion (décrit ci-dessous pp. 328329) ; j'ai dit déjà que je ne croyais pas assuré qu'il correspondît au ~wµoç ·rnü Âwvucrou des inscriptions; mais si c'est le cas, il n'y a pas à interpréter la Chapelle de la Rue du péribole comme une compensation donnée à Dionysos après la destruction de son autel; je ne vois qu'une raison plausible de démolir l'autel d'un dieu dont les fêtes n'ont pas cessé d'être célébrées (pp. 312-324) : détruire pour reconstruire en plus grand ; le Sanctuaire du bastion ne serait ni un Artémision ni un Aphrodision, mais un Dionysion : au seul autel de l'indépendance, on aurait substitué, à l'époque athénienne, tout un sanctuaire avec temple, autel, cour à portiques. Cette identificadu Sanctuaire du bastion n'a jamais été proposée à ma connaissance; elle n'est pas moins possible que celles qu'on avait avancées (p. 329), le bas de statue retrouvé dans le temple pouvant aussi bien appartenir à une effigie de Dionysos; et elle n'est pas plus probable, puisqu'elle découle simplement d'une hypothèse peu plausible de R. Vallois. Mais l'une ne va pas sans l'autre et je crois qu'il importait de relever cette conséquence que R. Vallois n'a pas lui-même exprimée. 2. L'autel du Théâtre.

R. Vallois signale, près de l'angle Sud-Est de la citerne du Théâtre, (3). Cette opinion est aventureuse : les trois passages des comptes du ue siècle allégués par R. Vallois comportent la même formule, ~wµ.oç -.oü LÎLovuo-ou,qui figure, au me siècle, dans le compte 159 et surtout dans le règlement de 202, de peu antérieur (1) R. Vallois, AHD, I, p. 101. (2) cr. R. Vallois, AHD, I, p. 106, n. 2. - Raccords de J. Marcadé signalés dans BCH, 77, 1953, p. 290. Plusieurs orthostates et fragments ornés de rosaces ~t bucranes gisent entre le Théâtre et la citerne du Théâtre. Un autre orthostate, signalé par W. Deonna, EAD, XVIII, p. 383 (et reproduit pl. 953) sans référence à l'autel, appartient au même ensemble; il se trouve actuellement dans la cour k de la maison II B du Quartier du théâtre; retaillé à l'arrière, il est moins épais que les blocs gisant au Théâtre; mais les motifs décoratifs, leur hauteur, l'intervalle qui les sépare et enfin la hauteur du bloc sont identiques. - Sur les satyrisques de l'autel, cr. J. Marcadé, MD, pp. 199-200. (3) R. Vallois, AHD, I, p. 101, n. 3.

LES

LIEUX

DE

309

CULTE

à ID 440, 442 et 443 : a priori, il serait plus simple de croire à l'existence

d'un seul autel. En cas d'ambiguîté, à propos de monuments homonymes, les hiéropes précisent généralement lequel ils ont en vue (ainsi Artémision et Artémision-dans-l'Ile) ; mais, à supposer même que, par une économie verbale qui leur est habituelle (p. 3), ils n'aient pas jugé utile d'indiquer ici qu'ils songeaient à un second autel, parce que la chose, pour eux, allait de soi dans les années 180-178, il reste que les trois passages des comptes de cette époque sont peu explicites : on met en place une frise en 179, et, en 178, il est question d'un paiement en plusieurs versements; mais cela ne prouve pas qu'on ait édifié un second autel; il peut aussi bien s'agir d'un embellissement apporté à l'autel primitif, d'une réparation, voire d'une reconstruction (et, dans ce cas, comme R. Vallois a retrouvé dans le Quartier du lac un préLendu autel de Dionysos entièrement arasé, il eût pu aussi bien se faire qu'en 180-178 on le reconstruisît à proximité). A mon sens, les documents épigraphiques ne permettent donc pas de reconnaître qu'il y eût à Délos deux autels nommés ~wµàç -roü ~Lo'\lucrou,et le règlement de 202 prouve que l'autel de ce nom se trouvait à proximité du téménos de Léto. La vraisemblance voudrait qu'il y eût un lieu de culte dionysiaque au Théâtre, mais c'est l'étude architecturale approfondie du monument signalé par R. Vallois qui permettra d'en définir pent-être l'exacte fonction cultuelle.

3. Le Hiéron de Dionysos, Hermès et Pan. Au Sud-Ouest du Théâtre se trouvent, on l'a vu (pp. 164-165 et 195), trois sanctuaires ; le plus oriental (GD 116 c) est constitué d'un propylon in antis, d'un temple principal, d'un autel, d'un petit temple in antis et d'un portique. Selon R. Vallois, les principales constructions du sanctuaire se placeraient entre 250 et 166 ; le temple aurait été restauré dans la première moitié du 1er siècle, peut-être après 88 ( 1). Deux inscriptions retrouvées dans ce sanctuaire permettent de l'identifier avec certitude. - ID 1907 : un prêtre de Dionysos, Hermès et Pan (nom mutilé) dédie à Dionysos la statue de sa fille Bioté qui a été canéphore aux Dionysia et aux Lénaia (127/6). - ID 2400 : dédicace de Protos à [Dionysos], Hermès et [Pan] (98/7).

A quoi s'ajoute : - ID 2631 catalogue (pompostoloi ?) avec dédicace [~to ]'Vucrwtdont six fragments ont été trouvés >de la Rue du péribole (4). Je m'orienterai volontiers vers une autre solution : le « Stibadeion >>,chapelle minuscule et probablement ouverte (p. 296), me semble hors de cause, mais je ne crois guère non plus à la première hypothèse. Pour expliquer le transfert du chiton d'Artémis à Dionysos, H. Vallois (5), suivi par Ch. Picard (6), a allégué les liens cultuels qui unissent ces deux divinités ; j'y reviendrai plus bas (p. 325) ; mais il reste qu'à notre connaissance, l'opération n'a lieu qu'une fois, en 145/4, et qu'elle pourrait fort bien s'expliquer par des raisons particulières à ce moment : j'entends que les administrateurs des biens sacrés auraient attribué à Dionysos un chiton devenu disponible, parce que c'est lui qui en avait besoin; or, on l'a vu plus haut, il n'y avait pas, semble-t-il, de Dionysion pendant l'Indépendance (p. 295), mais, au contraire, à l'époque athénienne, Dionysos, associé à Hermès et Pan, possédait, près du Théâtre, un sanctuaire qui existait déjà en 127/6 et remonte sans doute à une date antérieure: en effet, le premier> était en fonction en 158/7 (sur les prêtres et leur titulature, cf. p. 324). On peut alors croire qu'en 146/5 le temple de Dionysos était en cours d'installation et que la statue cultuelle du dieu avait reçu le chiton qui se trouvait justement disponible alors, - et quelles que soient par ailleurs les convenances religieuses profondes qui, sans en être la cause, justifiaient théologiquement un transfert d'Artémis à Dionysos. RÉSUMÉ. - Telles sont les données épigraphiques et architecturales, les hypothèses qui ont été construites sur elles et les observations que j'ai cru pouvoir personnellement ajouter. Les faits assurés sont rapidement résumés : dès !'Indépendance existait près du téménos de Léto un autel de Dionysos, et, d'après moi, un monument différent de lui où se dressaient les ex-voto chorégiques ; à l'époque athénienne, ce monument devient une sorte de chapelle, et Dionysos, associé à Hermès et Pan, reçoit un sanctuaire près du Théâtre. Mais d'autres questions demeurent sans réponse: où s'élevait l'autel mentionné par les inscriptions? en existait-il sûrement un autre près du Théâtre? Sur le caractère faussement

dionysiaque de l'Antre du Cynthe, cf. pp.

zgzet

402.

Je fais mémoire en terminant d'une conjecture de R. Vallois : en ID 440, A, 49 il est question de l'enlèvement d'un corps 1tpoc;-m;crov e:1ç"à EA îK~ION ; il faudrait lire 'EMye:wv par référence à 'EÀuyeuç qui était, d'après Hésychius, une épiclèse de Dionysos à Samos; l'orLhographe réelle du mot paraît d'ailleurs être 'EÀLye:uçen raison de l'ordre alphabétique, ce qui n'est pas gênant, étant donné l'ancienneté de l'alternance L/u ; >,

(1) R. Vallois, (2) P. Roussel, (3) fi. Vallois, (4) Ch. Picard, (5) R. Vallois, (6) Ch. Picard,

ibid.

p. 236, n. 3. De même, en dernier lieu, J. Marcadé, MD, p. 190. BCH, 68-69, 1944-1945, pp. 262-263. DCA,

ibid. ibid. ibid.

21

312

DIONYSOS

ajoute F. Durrbach, (1 ). - Par comparaison avec les lignes suivantes du même compte où il est appliqué une fois à la N-rïcroc; et deux fois à des plages (p. 50), le mot 1tpocrm:cr6vindique que l'EAYKEION était proche de la mer.

II. LE CULTE PUBLIC

1. Les Dionysia à l'époque de l 'Indépendance. TESTIMONIA

(2).

Sculpture. Relief de la face médiane de l'ex-voto de Karystios (p. 298 et pl. III, 2).

Inscriptions. 1° Ex-vola chorégiques: - IG 1148 et 1149. 2° Listes des chorèges: - JG 105-133 (les fragments 117, 119, 121, 125, 127 et 131 ne concernent Dionysia).

pas les

3° Comptes des hiéropes: - I G 144, A, 33-36 (année 304 ?) : Galaxion : 't'ùH.6.wvucr>, ajoute R. Vallois qui reconnaît ces attaches dans les 1tep6vcxtdu compte 440, tandis que l'&i;wvserait et ajoute : >; (1). Je parviens, pour ma part, à de tout autres conclusions. La navigation du phallus est une supposition gratuite, et le plomb n'y peut jouer aucun rôle ; les verbes cpépe:Lvet &.r.09épe:Lv ne suggèrent pas qu'on chargeât le plomb en cours de route. Enfin, dans le compte 372, Èpµ.oc-rlmxm doit retenir l'attention : il n'est pas exclu que le mot se rapporte à l'une des réparations dont le char fait plusieurs fois l'objet (p. 315) ; dans ce cas, la réparation consisterait probablement en la mise en place d'une attelle destinée à soutenir une pièce de bois brisée; c'est du moins ce que suggère l'acception médicale du mot (2), mais il est plus probable qu'il signifie ,comme l'a reconnu R. Vallois (3). L'opération est donc toute simple : des ouvriers sont chargés d'installer le phallus sur le char en l'équilibrant correctement (comptes 144 : Koc"tx.MO"lùL, Roussel, ibid.; ef. P. Roussel, BCH, 32, 1908, pp. 370-371.

32-1

DIO!'!YSOS

LEs LÉNAIA. - Les documents de l' Indépendance ne mentionnent jamais les Lénaia, mais ce silence ne fournit pas la preuYe absolue qu'elles n'étaient pas célébrées à cette époque : d'une part, les hiéropes omettaient nécessairement les fètes qui n ·entrainaient pas de dépenses, et ce pouvait ètrc le cas des Lénaia ; d'autre part, le mois de Lénaion existe dans le calendrier d.élirn et correspond au Gamélion attique durant lequel les Athéniens célébraient justement les Lénaia ; dans l'île toute proche de :\Iykonos, Dionysos Léneus était honoré en Lénaion ( 1). Il est donc fort possible que les Lénaia de Délos ne procèdent pas d'une innovation athénienne. Après 166, d'ailleurs, nous ne connaissons sur elles que la participation des canéphores ; en ID 1870, Sosandra a été canéphore à la fois aux Lénaia et aux Dionysia ; c'est aussi le cas de Bioté (J D 1907). Cette similitude me fait croire que les mêmes jeunes filles étaient canéphores aux deux fêtes. Dans ces deux dédicaces les Lénaia sont nommées avant les Dionysia; c'est vraisemblablement que les premières étaient célébrées plus t_ôt dans l'année que les secondes : après 166, les Dionysia devaient avoir lieu en Elaphébolion, conformément, à la fois, à l'usage de !'Indépendance et à celui d'Athènes; les Lénaia se placeraient alors normalement, comme à Athènes, en Gamélion ( = Lénaion de !'Indépendance). UN SACERDOCE DE DrnxYsos, HERMÈS ET PAN semble dater de l'époque athénienne; il n'est en tout cas jamais question d'un prêtre de Dionysos au temps de l'indépendance. La titulature est Yariable : tantot , tantôt simplement >. Ce prêtre occupe le septième rang dans la hiérarchie des sacerdoces de l'époque athénienne (ID 2605, 20-21) : vers 159/8 158/7 147/6 145/4 vers 150-140 127/6 101/0

98/7 ?

ID 1498, 19 ID 2605, 20-21 ID 1505, 21 ID 1507, 23 ID 2609 ID 1907 , Inscr. des G(7t0Cpzoc( (2), 127-128 P. de D., H. et P. ID 2400 P. de D., H. et P. ID 1908

EuoouÀoç ~'YJµ1J-rp(ou Mocpoc0dionysiaque et de l' Artémision, elle paraîtra très relative. Leucothéa semble bien avoir été visitée par la phallophorie des Dionysia (pp. 318319) ; la mythologie la rattachait directement à la légende de Dionysos (9). (1) Cf. O. Gruppe, Gr. Myth., p. 1428, n. 10; R. Vallois, BCH, 45, 1921, p. 266, n. 4, et p. 267, n. l; H. Gallet de Santerre, DPA, p. 132, n. 2. L'association de Dionysos et Artémis à Brauron (cf. Il. Vallois, ibid.) est, en revanche, purement imaginaire. (2) Comme le font Ch. Picard, BCH, 68-69, 1944-1945, pp. 242 et 261-263, et H. Gallet de Santerre, DPA, p. 132. (3) R. Vallois, BCH, 45, 1921, p. 263 et, à sa suite, Ch. Picard et H. Gallet de Santerre, op. cil. (à la note précédente). (4) H. Gallet de Santerre, DPA, p. 132, n. 1. (5) R. Vallois, op. cil., p. 262. (6) Op. cit., p. 132, n. 1. (7) R. Vallois, op. cit., p. 267. (8) Ch. Picard, op. cil., pp. 242 et 263. (9) Comme l'a bien noté Th. Homolle, BCH, 14, 1890, p. 504.

326

DIONYSOS

Sarapis est associé à Dionysos à l'époque de l' Indépendance : IG 1224, et peutêtre 1281 où le secours de Dionysos, et peut-être de Sarapis (début mutilé du vers 1), > (1); en revanche, on ne peut tirer aucun indice (2) de la dédicace ID 2061 : la fille d'un prêtre des dieux égyptiens peut avoir été canéphore de Dionysos, cela ne nous en apprend pas plus que la canéphorie de Sosandra (ci-dessus p. 325, JD 1870) sur les relations de Dionysos et Artémis. Les relations de Léto et de Dionysos, qui seraient et (3), sont imaginaires ; à Délos, les dieux voisinent souvent ; le règlement de 202 (ci-dessus p. 305) n'est pas rituel, mais contient des prescriptions de simple propreté; s'il s'applique à la fois à l'autel de Dionysos et au téménos de Léto, c'est que l'un et l'autre étant proches, la décharge d'ordures les souillait tous deux ; tout cela n'a rien à voir avec le culte. avec Dionysos, Les Oinotropes, filles d' Anios, étaient en relation mythologique mais les rapports cultuels qu'on suppose entre leur père et Dionysos sont illusoires et ne reposent que sur la proximité d'un sanctuaire faussement attribué à Anios (pp. 422-424). Les autres associations (Charites, Muses) ne sont pas attestées dans le culte public, mais par des dédicaces de particuliers.

m. Aucun

monument

LE CULTE PRIVÉ

de l'indépendance

ne concerne

le culte privé de Dionysos.

LEs ASSOCIATIONS.A l'époque athénienne, peu d'associations expriment leur dévotion envers Dionysos : des o1vo1twÀocL probablement Italiens, font en 98/7 une dédicace, ID 1711, à Hermès, Dionysos et Apollon (p. 589) ; Dionysos y est évidemment invoqué dans son rôle de dieu du vin. ID 1770, concerne Zeus Éleuthérios et Une dédicace des Compétaliastes, Dionysos; elle est commentée pp. 616-617. Une association de l'époque impériale, la m'.ivoaoç'AµEWLX,EL-rwv était placée aussi sous le patronage de Dionysos ; il en sera traité pp. 630-633. LEs DÉDICACESINDIVIDUELLES à Dionysos sont peu nombreuses - ID 1812 (trouvée au Théâtre): Dionysios, fils de Nikon, épimélète en 110/9, offre {mèp 't"OU a~µou 't"WV 'A61jv0Clwv -ràv O'OC't"Uplcrxov ~LOVUO'WL.

(1) P. Roussel, CE, p. 92. - Cf. J. Marcadé, MD, p. 174, n. 1. (2) Comme semble le faire P. Roussel, DCA, p. 236, n. 3. (3) H. Gallet de Santerre, DPA, p. 131, à la suite de Ch. Picard, CRAI, 1944, p. 139, n. 2, et BCH, 68-69, 1944-1945, p. 242.

LE

CULTE

327

PRIVÉ

, . - ID 1959 (trouvée au Théâtre; déjà signalée plus haut, p. 323): ex-voto (xapicrtjpwv) a D10nysos et aux Muses après une victoire aux concours de poésie tragique et satyrique; l'associaLion de Dionysos et des Muses s'explique aisément par les circonstances de l'offrande.

Les deux premieres dédicaces s'adressent à Dionysos comme dieu du théâtre ; leur provenance et la raison d'être de la seconde le prouvent suffisamment. - ID 1873, commentée ci-dessus p. 323 : association, dans une dédicace datant des environs de 98/8, de Dionysos, Apollon, Artémis, Léto et les Charites. SUJETS DIONYSIAQUES DANS LA DÉCORATION DES MAISONS. Il importe, en terminant, de signaler un fait quelque peu en marge de l'histoire du culte proprement dit, je veux dire la faveur que connaît l'iconographie dionysiaque dans la décoration des maisons privées de l'époque athénienne.

Peintures: - QuarLier du théâtre, Maison VI 0, étage: fragments d'une frise signalée par M. Holleaux, CR AI, 1907, pp. 361-362 (avec reproduction du fragment d'Ariane endormie) et ainsi commentée par U. Bczerra de Meneses : (1). Mosaïques: - Maison du Dionysos, mosaïque de l'impluvium. M. Bulard, PMMD, pp. 199-203 et pl. XIV et XV. Dionysos ( ?) ailé, assis sur un tigre et tenant un thyrse de la main droite ; sur le sol, plantes fleuries et canthare renversé. - Maison des masques, salle des centaures. J. Chamonard, EAD, XIV, pp. 11-22, fig. 4 et pl. III. Dionysos assis sur un guépard et tenant un thyrse de la main droite, un tympanon de la main gauche. - Maison B du Quartier de l'Inopos, mosaïque d'étage. Inédite. Tête de guépard provenant sans doute d'une mosaïque analogue à la précédente. - Maison des bijoux, mosaïque d'étage. Ph. Bruneau et Cl. Vatin, BCH, 90, 1966, pp. 391-427. Lycurgue menaçant Ambrosia qui se métamorphose en vigne. - Maison des dauphins, mosaïque de l'impluvium. M. Bulard, PMMD, pp. 197-198 et pl. XII-XIII. Dans les angles, quatre couples de dauphins conduits chacun par un personnage ailé, portant l'un un caducée (Nord-Ouest), le second, un thyrse (Sud-Ouest), le troisième, un trident (Sud-Est), le quatrième, selon moi, une massue (Nord-Est). Un des dauphins conduits par le porteur de thyrse tient une couronne dans sa gueule.

Toutes ces représentations sont sûrement dionysiaques, bien que l'exégèse, dans le détail, n'en soit pas toujours aisée. J. Chamonard hésitait même à reconnaître Dionysos sur la mosaïque de la Maison des masques (2) ; le doute n'est guère permis, et l'ancienneté du thème est attestée, en particulier, par des mosaïques de galets, à Érétrie et à Pella (3). Mais les ailes du Dionysos de la Maison du Dionysos sont très exceptionnelles et conduisent peut-être à chercher hors de Grèce l'inspiration du mosaïste. '.1) U. Bezerra de Meneses, dans EAD, XXVII, p. 189, n. 2. (2) J. Chamonard, EAD, XIV, pp. 12-18. (3) Pour la bibliographie de ces pavements, cf. Ph. Bruneau,

BCH,

93, 1969, p. 329 et n. 3.

328

DIONYSOS

L'un des intérêts de ces décors de maison est précisément de laisser deviner parfois un certain exotisme. Ainsi, nous avons cru pouvoir soutenir que le pavement de Lycurgue et Ambrosia témoigne d'un dionysisme syrien (1) ; il a certes été exécuté à Délos (2), mais il faut peut-être faire part belle, dans l'île, aux mosaïstes syriens (3). Les maisons qu'ornaient peintures ou pavements à sujets dionysiaques n'étaient pas pour autant les lieux de réunion d'associations (4) et ne jouaient aucun rôle cultuel. Leur valeur est décorative, mais le choix des sujets n'est évidemment pas indifférent : il témoigne de la faveur de la religion dionysiaque et contribue à l'exaltation du dieu ; le décor, encore mal expliqué, de la mosaïque de la Maison des dauphins le suggère bien : c'est l'attelage conduit par le porteur du thyrse dionysiaque qui emporte la couronne du vainqueur. J'ai souligné plus haut le petit nombre des dédicaces faites à Dionysos par les particuliers : les conséquences qu'on en pourrait tirer, pour une période où la vogue est si grande de la religion de Dionysos, se trou vent heureusement contrebalancées par le goût des Déliens pour les décors dionysiaques.

Sur Mithridate

Eupatôr

Dionysos, cf. pp. 576-577.

APPENDICE

LE SANCTUAIRE

DU BASTION

Le Sanctuaire dit du bastion (GD 72), dont il a été question p. 307, n'a fait jusqu'ici l'objet que de brèves mentions. A la photographie reproduite pl. IV, 2, je crois donc utile d'ajouter une description un peu détaillée de cet ensemble inédit. Le Sanctuaire du bastion se présente comme une vaste cour limitée par un mur de péribole qui dessine un trapèze (axe Est-Ouest: environ 39 m.; axe Nord-Sud: environ 31 m.) et n'est conservé en élévation (environ 2 m.) que du côté Ouest, là où il a été inclus dans le Mur de Triarius ; les autres parties semblent avoir été systématiquement arasées (5). C'est à ce mur Ouest, à peu près en son milieu, qu'est adossé le temple. Contiguë à celui-ci, au Sud, une pièce est également adossée au même mur ; le mur oriental en est très ruiné. La partie septentrionale du mur Ouest et le mur Nord du péribole constituent le fond d'un édifice en gamma, dont le plan suggère qu'il s'agit d'un portique ; mais de la colonnade ainsi supposée restent seulement les fondations. Du côté Est, le péribole est interrompu, à peu près en son milieu, par une porte à seuil de marbre (long. : 2,04 m.) qui fait face au temple sans être toutefois placée dans son axe. De chaque côté de cette porte, deux chambres, dont les murs arasés ne présentent aucune trace de porte, sont adossées au mur oriental du péribole ; contiguë à la plus méridionale de ces

(1) Ph. Bruneau et Cl. Vatin, BCH, 90, 1966, pp. 417-419. (2) Ibid., p. 400. (3) Ibid., p .. 418 et n. 2. (4) J. Chamonard (EAD, XIV, p. 8) a seulement supposé que la maison pouvait servir à un groupement d'artistes dramatiques. (5) Vraisemblablement sur l'ordre de Triarius lui-même: cf. Ph. Bruneau, BCH, 92, 1968, pp. 685-686.

LE

SANCTUAIRE

DU BASTION

329

pièces, une cinquième chambre est adossée au mur Sud du péribole. Du coté Sud n'existait pas de portique symétrique de celui du Nord ; à son extrémité Ouest, le mur méridional du péribole fait, vers le Sud, un retour à peu près parallèle au mur Ouest du péribole pour ménager une seconde entrée du sanctuaire, celle-ci tournée vers le Sud (largeur: 2,65 m.) ; le seuil de marbre en est partiellement conservé ; deux chapiteaux de chambranle en marbre, déposés là, viennent probablement de cette porte. Le temple (dimensions intérieures: 7,28 m. d'Est en Ouest et 4,45 m. du Nord au Sud) est construit en gneiss revêtu de stuc. Ses murs Nord et Sud sont liaisonnés avec le mur Ouest du péribole qui lui sert de mur de fond : le temple est donc contemporain du péribole. Il se divise en deux parties :

a) un vestibule (profondeur: 1,18 m. d'Est en Ouest) pavé d'une mosaïque en éclats de marbre et précédé de trois emmarchements de granit ; une colonnade (tambour de pôros conservé in situ?) régnait en façade ; b) la cella (profondeur : 6,10 m.) pavée d'une mosaïque du même type, où l'on pénètre par un seuil de marbre portant des rainures destinées à recevoir des garnitures d'huisserie en bois ; le fond de la cella est occupé par une banquette de marbre gris-bleu (haut. : 0,56 m. ; larg. : 0,85 m.) dont la partie centrale comporLe une vaste cavité d'encastrement (long. max. conservée: 1,17 m.) où prenait place la statue; un fragment du bas d'une statue drapée (haut. : 0,22 m.) s'adapte assez bien à la cavité. A 5,20 m. à l'Est du temple se dresse l'autel, en marbre gris-bleu (2,33 X 2,25 m. ; haut. avec le soubassement : 0,98 m.) dont les orthostates sont conservés sur trois côtés (sauf à l'Est) ; c'est le seul monument qui se dresse sur la vaste cour intérieure du sanctuaire. Le mur occidental du péribole se prolonge plus au Nord que le mur septentrional du péribole et constitue le mur Ouest d'une chambre à peu près carrée dont le mur Est est liaisonné avec le mur Nord du péribole. Cette pièce fait partie de l'aménagement originel du sanctuaire mais ne présente aucune trace de porte ou d'accès. Sous le sol, on a retrouvé la fondation en granit où R. Vallois veut reconnaître l'autel de Dionysos (p. 307). Identifications proposées.

Le Sanctuaire du bastion est encore anonyme ; les hypothèses proposées sont très fragiles : sanctuaire d'Artémis Sôteira (p. 204 et n. 3) ou Aphrodision (pp. 338-339); si la base arasée GD 70 a porté originellement un autel de Dionysos, comme l'a supposé R. Vallois, le Sanctuaire du bastion devrait être un Dionysion, mais l'hypothèse de R. Vallois est peu plausible et, par conséquent aussi, la conséquence qu'on pourrait en tirer pour le Sanctuaire du bastion (p. 308).

CHAPITRE

VIII

APHRODITE

TESTIMONIA,

Textes littéraires. Xoanon d'Aphrodite CALLIMAQUE,Hymne PLUTARQUE, Thésée, . PAUSANIAS, IX, 40,

: à Délos, 307-309) 21 , cités et traduits

\

3-4

pp. 19-21.

;

Inscriptions. 1° Passages des comptes des hiéropes relatifs aux sanctuaires d'Aphrodite: IG 144, IG 166, IG 199, I G 219, [les fenêtres?].

yixvCùo-u; de l'&y1û.µ,xd'Aphrodite. B, 5 (année 304): dépenses d'Hékatombaion: 11 : mention isolée de l'Aphrodision. A, 45-46 (année 274) : réparation des portes du v), était (3) ; on peut douter qu'un édifice qui ne fermait pas à clé ait joué ce rôle. Le > (ID 1417, A, II, 5-6); la dédicace ID 2408 provient donc aussi de l'Aphrodision de Stésiléos, bien qu'elle ait été remployée dans le Mur de Triarius. Le lieu de trouvaille de ID 1810 n'est pas plus significatif; bien mieux, ID 2408 montre que des marbres de l' Aphrodision de Stésiléos ont pu être transportés jusqu'au bastion. Certes, rien n'empêche que ID 1810 et 1811 viennent d'ailleurs, mais l'hypothèse la plus naturelle consiste à penser que Dionysios, en 110/9, a restauré l'Aphrodision de Stésiléos. Un petit détail donne effectivement à croire que ce sanctuaire n'était pas très soigneusement entretenu : en 156/5, cinq clous manquent à la porte du temple (1 D 1417, A, II, 8-9) ; dix ans plus tard, la réparation n'est pas faite et, au contraire, il manque maintenant six clous (ID 1442, B, 31-32). Cette négligence n'est d'ailleurs pas propre au culte d'Aphrodite; le même fait a été constaté plus haut à l'Héraion (p. 255).

AnANDON ou DÉSAFFECTATION DU SANCTUAIRE?- L'Aphrodision de Stésiléos est, de tous les sanctuaires déliens, celui à propos duquel la liaison s'établit le plus sûrement entre l'exploration archéologique et l'information épigraphique ; pour cette raison surtout, il donne lieu à l'observation, plus malaisée ailleurs, de deux faits dont le rapprochement n'est pas sans intérêt : (1) J. Tréheux,

Inventaires, pp. 449-451 du manuscrit.

340

APHRODITE

1° des bases de statues ont été retrouvées dans l' Aphrodision aux emplacements indiqués par les inventaires : ce sont celles des statues d'Aphrodite offertes l'une par Échéniké, l'autre par Ktésonidès, et celles des statues des parents de Stésiléos (p. 335) ; 2° aucune des statues n'a été retrouvée ; or certaines étaient en marbre, matière qui tentait moins les pillards que les métaux : les administrateurs athéniens écrivent : la statue d'Échéniké était donc sûrement en marbre et signifie que celle de Ktésonidès était de même matière ; la matière des statues des parents de Stésiléos n'est pas précisée, mais la statue de culte était en marbre. Ces remarques paraissent d'abord très banales, puisqu'il existe à Délos des centaines de bases sans statues. Mais ici la situation est particulièrement édifiante : d'une part, nous sommes sûrs que les bases sont à leur place antique, ce qui exclut le pillage ou le sac du sanctuaire ; d'autre part, des statues de marbre ne tentaient pas les amateurs de métaux : leur disparition me paraît éliminer l'hypothèse d'un abandon progressif du sanctuaire et ne pouvoir s'expliquer que de deux façons : ou le passage de trafiquants anciens d'œuvres d'art, ou la désaffectation délibérée du sanctuaire. La première explication se heurte à des objections: la chasse aux antiquités semble avoir surtout eu lieu au 1er siècle av. J.-C. (1) ; or, je me représente mal les soldats de Mithridate ou les pirates d'Athénodôros enlevant systématiquement les statues de Délos pour les revendre ailleurs ; ils semblent plutôt les avoir mutilées que descellées soigneusement ; et, en période de paix, il faudrait imaginer quelque Verrès voleur de statues, cc qui n'est certes pas impossible, mais n'est pas non plus attesté ; jusqu'au ne siècle ap. J.-C. au moins, l'île a été régulièrement administrée. Ma seconde explication, la désaffectation délibérée, n'est qu'une hypothèse de travail ; l' Aphrodision est un sanctuaire à propos duquel on peut la former avec un minimum de vraisemblance, mais elle ne lui est pas propre : elle fournirait une réponse relativement satisfaisante à une question très générale, l'histoire des sanctuaires déliens à l'époque impériale. Lorsque la population de l'île fut devenue très peu nombreuse (2) et que les ressources manquèrent pour entretenir tant de cultes, l'idée ne pouvait-elle pas venir à l'épimélète de désaffecter certains sanctuaires au lieu de laisser à l'abandon des temples de dieux auxquels on croyait encore? Cette hypothèse, qui ne repose au départ que sur de minces observations relatives aux statues de marbre de l'Aphrodision, pourrait prendre un peu plus de solidité grâce aux deux rapprochements suivants : en premier lieu, les portes de beaucoup de maisons de Délos ont été trouvées murées, ce qui semble procéder d'une initiative officielle de fermer aux vagabonds ou aux indésirables l'accès des demeures inoccupées ; l'administration délienne aurait donc cherché une solution au problème que posait l'abandon d'une

(1) C'est le temps des exactions de Verrès et des naufrages d'Anticythère et de Mahdia. Sur la date de ces naufrages, cf. respectivement Gl. Davidson-Weinberg, V. R. Grace, G. R. Edwards, H. S. Robinson, P. Throckmorton, E. K. Ralph, The Antikythera Shipwreck reconsidered (Transactions of the American Philosophical Society, 55, 3, 1965), avec mes réserves, REG, 79, 1966, pp. 517-518, et celles, analogues, de F. Zevi, Archeologia Classica, 18, 1966, pp. 163-170; W. Fuchs, Der Schiffsfund von Mahdia, Tübingeu, 1963, avec les réserves de J. Marcadé, REA, 67, 1965, pp. 516-159. (2) Sur la ville de Délos à l'époque impériale, cf. Ph. Bruneau, BCH, 92, 1968, pp. 691-709.

341

LE CULTE

si grande partie de la ville (1). En second lieu, certains temples de l'Attique semblent, à l'époque impériale, avoir été transportés et reconstruits ailleurs (2), sans doute parce que la fréquentation des fidèles n'était plus suffisante; la désaffectation, c'est-àdire l'enlèvement du mobilier cultuel, pouvait être une autre solution apportée, vers le même temps, à un problème identique.

II. LE CULTE 1. Le culte officiel. 1. La fêle des Aphrodisia.

Les Aphrodisia déliennes avaient lieu en Hékatombaion (juillet-août) : parmi les dépenses de ce mois, les hiéropes inscrivent souvent la x6aµY)mçde la statue (pp. 331332) et la fourniture de À ; les fondations pouvaient ne pas comporter de sacrifices, et d'autres (comme c'est le cas des Échénikeia) ne pas donner lieu à la confection d'un vase. Le capital est placé sous la surveillance de la Boulé qui intervient comme fidéicommissaire du donateur (2), mais, en pratique, il est géré par les hiéropes qui placent le capital et perçoivent les intérêts. Le soin de célébrer le sacrifice et de faire exécuter le vase est confié à des commissaires élus qui portent le titre d'(3). LES STÉSILEIA.- Le montant du fonds dit Cl"'t'"f)crtÀewv(ID 291, e, 11 ; 354, 23; 370, 41) n'est pas connu; les intérêts servaient à la confection d'un vase et à la célébration d'un sacrifice (4) : 1° L'histoire, passablement compliquée, des vases cr7lJcrtÀe~-x.a été éclaircie par J. Tréheux qui y a consacré un chapitre de sa thèse; du point de vue de l'histoire du culte d'Aphrodite, il sera suffisant de s'en tenir aux faits que voici : de 257 à 229, les hiéropes transcrivent le catalogue des vases confectionnés sur les intérêts du O''t'"f)O'LÀ!::WV(IG 226, B, 8-24; 287, B, 129-142; ID 296, B, 1-5; 298, A, 96-107; 313, a, 78-90 ; 320, B, 43-56, à quoi s'ajoutent neuf autres textes identifiés ou recomposés par J. Tréheux). Le vase le plus ancien est daté de l'archontat de Lysixénos, soit 301 ; la constitution du capital dit Cl"'t'"f)OtÀewvdoit donc se placer en 302. Les vases sont d'abord déposés à l'Aphrodision, puis dans d'autres édifices : le temple d'Apollon (ID 421, 69 et suiv.; 425, 7-9, etc.; et de même après 166 : ID 1428, II, 58-61, etc.), l'Oikos des Andriens (ainsi ID 372, B, 9-20; 442, B, 160, etc.) et le 134, passim). Sur les délicats problèmes, Prytanée (IG 132, 18; 133, passim; d'ailleurs étrangers à l'histoire du culte d'Aphrodite, du lieu de conservation des vases stésileia, je renvoie le lecteur aux minutieuses études de J. Tréheux. La dédicace gravée sur les vases stésileia était faite à la fois à Apollon et Aphrodite; elle est plusieurs fois transcrite par les hiéropes (ainsi ID 442, B, 127-128, 131 ). (1) Sur les fondations déliennes, cf. E. Schulhof, BCH, 32, 1908, pp. 119-131 ; E. Ziebarth, Hermes, 52, 1917, pp. 425-441; F. Durrbach, commentaire à ID 366 (pp. 169-170); J. Tréheux, BCH, 68-69, 1944-1945, pp. 271-283. (2) La formule est de Th. Homolle, BCH, 6, 1882, p. 112. (3) Sur ces épistates, cf. Th. Homolle, Archives, p. 49, n. 2; E. Schulhof, BCH, 32, 1908, pp. 128-129. Leur nom peut être gravé sur le vase (ainsi le vase stésiléion inventorié en ID 442, B, 111-112); les textes concernant leur rôle dans les sacrifices sont rappelés p. 343. Ils sont élus, adpe0é,r:e:;: ID 440, A, 58. (4) Sur les Stésileia et les Échénikeia: Th. Homolle, BCH, 6, 1882, pp. 112-113; E. Schulhof, BCII, 32, 1908, pp. 122-126; E. Ziebarth, Hermes, 52, 1917, pp. 426-427.

LE CULTE

343

2° La célébration du sacrifice ne nous est connue qu'indirectement par un passage d~ compte ID 366 où les hiéropes déclarent avancer l'argent nécessaire ; lorsqu'intervient cette procédure ils usent normalement d'une formule générale: : ~80µ.ev 8è 1tpowrevéyxo::v-rec; ... E:7tLO''t"O::'t"O::LÇ , , 't'OLÇ ... o::ipe ( eZLO'LV - ZLÇ , 't"O::Ç , eumo::c; , 't"O , o::pyupwv , , ev , 't"OLÇ ... XO:: 0'"/)XOUO'LV , f, 't'OLÇ XfJOVOLÇ LVCC cruv't"eÀwv-ro::L o::t0ucr[o::i't"oî:ç"0eoî:ç(ID 440, A, 58-59; 442, A, 208-209; 449, A, 7-9; 460, v, 23-24; 461, Ab, 29; cf. ID 365, 5 et 7). Mais en ID 366, A, 131-134, les hiéropes inscrivent le détail des versements, et l'on lit entre autres : > dont nous ignorons l'emplacement : en 145/4 (ID 1442, B, 52-53), il est mentionné entre celui d'Aphrodite et celui d' Asclépios et le produit en est>,c'est-à-dire prêtre-enfant en 127/6; ID 1948 et 1949 émanent de gymnasiarques des enfants ; le dédicant de ID 1948 a été à la fois gymnasiarque et lampadarque la même année 137/6, ce qui prouve que les deux charges étaient cumulables Le rôle des divers dignitaires se laisse entrevoir : . 99/8. otv01twÀix1 : ID 1711, « à Hermès, Dionysos et Apollon >>.98/7. [ÈÀix1]01twÀ1n : ID 1713 et 1714, >;ID 1737, « à Hermès>>. ), -rov ottyw:Àov -rov 7tpàc; 'rùE 'Acrx}:rimd@, indiquait qu'il était situé en bordure de mer, et, plus précisément, le lieu de trouvaille de la dédicace ID 1909, faite par un prêtre d' Asclépios, avait conduit R. Vallois à penser qu'il était à Fourni (2). De fait, un sanctuaire, sis sur le promontoire qui limite au Nord la baie de (1) Cf. E. Will, EAD, XXll, pp. 8-9. - Cf. ici pp. 438-439. (2) R. Vallois, BCH, 45, 1921, p. 247, n. 1.

356

ASCLÉPIOS

Fourni, fut fouillé de 1924 à 1926 (GD 125); une inscription bilingue gréco-phénicienne, découverte en 1925 (ID 2322), lui valut le nom de sanctuaire gréco-phénicien; mais, en 1926, il se révéla être l' Asclépieion (sur l'identification, cf. p. 359). Il a été publié par F. Robert après exécution de travaux complémentaires en 1935 et 1937 (1 ). L'AscLÉPIEION o'APRÈs LES INSCRIPTIONS.- Les inscriptions, surtout les comptes des hiéropes, mentionnent souvent l'Asclépieion. En voici les références, hormis les passages concernant le tronc qui sont groupés dans le tableau des pp. 366-367. IG 142, 144, 145, 150, 156, 158, 159, 161, 163, 165, 178, 194, 199, 219, 287, ID 290, 297,

24-25, 41 A, 65-71, 90 11-16 B, 11-13, 17 B, 26 A, 82 A, 25, 45, 55, 57 A, 72-73, 79, 105, 118 A, 19-20 et peut-être 29 30-32, 42, 43, 46 3 5 B, 17 A, 25, 35 A, 53, 106-107 61, 70, 115, 192-220, 227-228 A, 37

ID 316, 96 321, A, 9 341, 12 354, 70 372, A, 110 400, 37-38 406, A, 75, 98 440, A, 50 444, B, 106 446, B, 2 (mention isolée d'Asclépios) 456, A, 3 459, 68 460, t, 71 461, Ab, 38 494, 1 (mention isolée d'Asclépios) 500 507 bis

Beaucoup de ces passages ne sont que des mentions isolées ou impossibles à interpréter exactement ; mais quelques autres permettent de se représenter la physionomie générale et le développement du sanctuaire (2). Sept constructions sont mentionnées :

1° les propylées: I G, 145, 11-16 (année 302) : travaux de couverture ; fabrication de portes et mise en place d'&.v6éµ.tix. à l'Asclépieion (sans précision) ; ligne 16 : -rix 1tp61tuÀix. &.µ.cp6-repcx..

2° le vr1.6c, : - IG 142, 24-25 (période 308-306): R. Vallois (AHD, I, p. 98, n. 3) restitue: - - - ¾yÀix.o6v-r[t vec).wJ/ ohwaoµ.Yjcr[cx.]t [-rov] ¾v -r[wt] 'AcrxÀ't)mdw[t. - IG 150, B, 11-13 (année 297) : travaux indéterminés (texte mutilé). - ID 500 : contrat d'entreprise daté de 297 et considéré comme concernant le temple d'Asclépios. Cf. F. Robert, EAD, XX, pp. 94-96. - IG 158, A, 82 : (année 282) : paiement relatif à l'Asclépieion : mention concernant les travaux du temple d'après R. Vallois, ;lHD, I, p. 98, n. 4.

(1) F. Robert, EAD, XX, pp. 51-108. (2) Les principaux textes ont été réunis et commentés par op. cil., spécialement pp. 97-100.

n. Vallois,

AHD, I, pp. 98-99, et par F. Robert,

357

L' ASCLÉPIEION

- IG 159, A, 25 (année 281) : -r[oü ve:w] -roü 'Acrxt."f)moücrune:McrccL. - IG 161, A, 72-73 et 79 (année 279) : achèvement du plafond : on peint les lys (ornementaux) du plafond, on dore les parties en bronze. - IG 165, 30-32 et 42 (vers 280) : fournitures pour le çuÀwµcc (cf. compte suivant) ; si la ligne 42 se rapporte bien à l'Asclépieion (1), stucage des murs et mise en place d'un pavement en mosaïque dans le temple (x.ovLoccrccL -roù,; -ro(zou,; -roü vcco[ü -roü iv -rc;':n'Acrx.À"f)me: ]llùL x.cct-rô ~~ccq>o peut bien désigner, par une économie verbale habituelle aux hiéropes, le mur qu'il faut stuquer. Toutefois, -ror.zoç s'applique souvent à l'ensemble des murs d'un édifice ; on voit mal pourquoi on toutes les tables, portes et lits de peut en désigner la mise en place ; l'hestiatorion ne serait l' Asclépieion : èmcrxe:u&~e:(v pas alors très antérieur au compte 144. Les deux seules mentions du péribole sont relativement tardives, mais se rapportent à des réparations. Il serait normal que le péribole fût conLemporain de l'installation du sanctuaire. La conclusion chronologique est nette : à partir des dernières années du rve siècle et, en tout cas, pendant le premier quart du rne siècle, les Détiens entreprennent de grands travaux à l'Asclépieion: construction du temple, de deux propylées et probablement de l'oikos. A la même époque, l'oikéma du néocore fait l'objet d'une réparation qui ne signifie pas que l'édifice soit de beaucoup antérieur au temple et aux propyla, les premières réparations pouvant survenir peu de temps après la construction d'un bâtiment; la même observation s'appliquerait à l'hestiatorion, où, d'ailleurs, on vient de le voir, la nature des travaux consignés dans le compte 144 n'est pas sûre. Aucune cf. civaleur chronologique ne s'attache non plus à la mention du tronc (0YJcrixup6ç, dessous, p. 365) de l'Asclépieion dans le compte 142 (ligne 20), qui date, d'après J. Tréheux, de la période 308-306, et, en tout cas, d'une époque où l'on consLruisait à l' Asclépieion (lignes 24-26 citées p. 356) : en effet, le sanctuaire pouvait naturellement fonctionner avant l'achèvement de tous les bâtiments. Tous les faits autorisent donc à placer entre la fin du rv 0 siècle et 246 l'ensemble des travaux.

1) R. Vallois, AHD,

I, p. 98, n. 8.

L' ASCLÉPIEION

359

LA STATUE. - En ID 461, Ab, 38 (année 169) est mentionné l'&.[y]ocÀµoc -r[o ~v -rw1 'Acrx.À'Y)JzndM;un décret honorifique qui, d'après l'écriture, remonte au début du me siècle, nous en apprend davantage (JG 514) : la statue d'Asclépios était peut-être en bronze (ligne 9 : x~[Àx.ouv]); en tout cas c'était l'œuvre de Télésinos (ligne 4) (1), lequel avait aussi èxécuté l'image de la reine Stratonice (lignes 6-7), et le résultat d'une commande publique (ligne 4). La statue portait une couronne d'or dont il est question pour la première fois en 262 (JG 223, B, 40; puis 226, B, 7-8) et que citent régulièrement les inventaires de l'époque athénienne (liste p. 368). L'AscLÉPIEION DE FouRNI; IDENTIFICATION.- Le sanctuaire découvert au Nord de la baie de Fourni (GD 125) a été identifié avec une grande certitude comme étant l'Asclépieion, grâce aux trouvailles suivantes qu'on y a faites: - l'ex-voto de Nicon (EAD, XX, pp. 106-107) qui, prêtre d'Asclépios, a dédié un ~oocvovà son dieu ; - le devis ID 507 bis, cité plus haut : il concerne un édifice de l'Asclépieion, probablement le péristyle ; - la dédicace ID 1909 trouvée en 1902 à proximité du sanctuaire : dédicace de Sostratos, prêtre d' Asclépios, à Artémis Sôteira ; - l'ex-voto A 4203 représentant des parties viriles ; c'est le seul objet qui me paraisse mériter sûrement le nom d'ex-voto (p. 371 et pl. IV, 1). Les édifices explorés (fig. 3) coïncident assez bien avec ceux que mentionnent les inscriptions ; la description en a été faite par F. Robert (2) ; le détail importe assez peu ici, hormis les particularités susceptibles de nous renseigner sur le rituel (pp. 371-373). On a trouvé un des propylées. Immédiatement au Nord, un édifice rectangulaire est cet oikos que, d'après les inventaires de l'époque athénienne (ID 1417, l'identification est donc cité p. 357, etc.), on rencontre à gauche en entrant; certaine. Je ne vois pas pourquoi il se confondrait, comme l'écrit R. Vallois (3), >. On n'a pas retrouvé l'oikéma du néocore, que F. Robert, tout aussi gratuitement, voudrait placer dans l'hestiatorion (4), mais, on va bientôt le voir, l'hestiatorion est dégagé et se distingue de l'oikos Au Nord de l'oikos se trouve le temple, qui était dorique, prostyle, tétrastyle. Au Sud du propylon, s'étendent les vestiges de deux constructions très ruinées; la plus méridionale est aujourd'hui, dans sa partie Sud, recouverte par la mer ; l'une d'elles est très vraisemblablement le péristyle de 246 ; les calculs fondés sur le compte 290 (5) sont nécessairement entachés d'arbitraire, à la fois en raison de l'absence de certaines données dans l'inscription (quelle était la hauteur des murs? s'agit-il seulement, dans le devis, des murs extérieurs? quelle était la surface des portes et fenêtres et le devis en tient-il compte?) et du caractère très ruiné des édifices retrouvés sur le terrain. Le plus vraisemblable est de croire, avec F. Robert (6), que l'édifice ( 1) Sur le sculpteur et son activité délienne, cf. J. Marcadé, Recueil des signatures de sculpteurs grecs, II, Paris, 1957, feuillet 124; et MD, p. 74. (2) F. Robert, op. cil. (3) R. Vallois, AHD, l, p. 99. (4) F. Robert, EAD, XX, p. 69. (5) F. Durrbach, utilisant des suggestions de R. Vallois, commentaire à ID 290, p. 17; F. Robert, EAD, XX, pp. 69-64, souligne nettement le caractère arbitraire des évaluations. (6) F. Robert, op. cit., p. 64.

24

360

ASCLÉPIOS

du Sud correspond au péristyle et l'édifice du Nord à l'hestiatorion des inscriptions. Mais je ne puis souscrire à l'opinion du même archéologue suivant lequel, > parce que (1); en réalité, la restitution du péristyle Nord telle que la propose F. Robert (2) est très contestable : de la fondation du stylobate, l'angle Nord-Est est bien conservé (fig. 3, cx.); immédiatement au Sud de l'angle Nord-Ouest, un tronçon est encore acceptable ( fig. 3, ~) ; mais les vestiges où F. Robert voit une trace des fondations du stylobate Sud consistent en trois moellons de granit, deux alignés et un troisième oblique par rapport aux premiers (fig. 3, y) : on ne saurait construire une restitution sur une aussi faible base ; il est tout aussi gratuit d'attribuer au péristyle Nord la fondation qui longe la canalisation C, alors qu'elle est seulement à peu près parallèle aux fondations du péristyle Nord (3) ; enfin la restitution proposée pour le péristyle Nord suppose une moitié Ouest symétrique de la moitié Est et surtout une moitié Sud symétrique de la moitié Nord, ce qui, de l'aveu même de l'auteur, (4) ; or, certaines des autres solutions possibles permettent justement d'admettre la construction du péristyle Sud sans qu'ait été préalablement détruit le péristyle Nord.

2. Le personnel du sanctuaire. Les inscriptions nous font connaître l'existence d'au moins trois préposées au service du sanctuaire : le prêtre, le néocore, l'hypérète.

personnes

l. Le prêtre. Les noms d'une dizaine de prêtres nous sont conservés pour l'époque de l'Indépendance, et de cinq pour celle de la colonie athénienne ; en voici la liste Début

du me siècle

279 231 229 219 (6)

216 ou 195 215 entre 214 et 211

Nbu.ôv EAD, XX, p. 106 ,ApLrr,6oouÀoç-roü Aucr1~évou IG 161, D, 3-6 3évwv 'îOU II wrnü ID 320, B, 56, et 442, B, 47-48 (5) Mcx.v-rWe:oç Mcx.v-;-LOéou ID 442, B, 175, et 1432, Ba, I, 10 Ktx.pUO''îLOÇ ID 442, B, 43 Aucrocv1oç ID 442, B, 44 ~C.ô'îÉÀYJÇ ID 442, B, 45, et 1403, Bb, II, 65-66 Se:voxpocTY)ç ID 442, B, 43

F. Robert, op. cit., p. 55; les choses sont présentées d'ailleurs avec plus d'hésitation pp. 57-58. F. Robert, op. cit., p. 56, fig. 41. F. Robert, op. cit., p. 55 et fig. 38 et 39.' F. Robert, op. cit., p. 57. Je ne cite pas les textes parallèles à l'inventaire ID 442. 16) Ce prêtre était en fonction~ sousl'archontat de Meilichidés »; deux autres ~1eilichidés furent archontes en 270 167; mais, comme aucun des prêtres d'Asclépios dont les offrandes sont recensées en ID 442 ne remonte aussi haut, c'est très vraisemblablement du troisième ~foilichidés qu'il s'agit ici. (1) (2) (3) (4) (5)

F" 3 _ ig. ·

Plan de l'Asclépieion (le même plan est publié dans EA D , XX ·" , p. 0a 3 , avec des légendes partiellement différentes).

362

ASCLÉPIOS

Se:v6xpt-:-oç T1µoxÀ~ç Tùi::crbmou 'Ah1µŒric; EüoouÀoç ll"/)µ"l)TplouM.o&[p][yupwv dcr-fixe:L · l 1tapo: 'ApLcr-roooû[Àou-roü AucrL~éJvou 'îOULEpfo}Ç1 'îOU,AcrxÀrimoü 1 'îW\I ie:pdwv 1 'îW\I 6u6év-rwv 1 'îWL'AcrxÀ"1)7tLWL 1 'îW\I ae:pµ&-rwv1 nµ~ apay,:µa.:L· ÂÂHII; exactement un siècle plus tard, en ID 442, A, 158-159, est enregistrée, sous le même intitulé, une rentrée identique. Le prêtre d' Asclépios vendait les peaux des victimes sacrifiées au dieu et remettait l'argent aux hiéropes ; une partie au moins de la recette servait à la confection d'offrandes. 1

Cela ressort de deux observations

:

1o Au nombre des objets de l'Asclépieion inventoriés par les fonctionnaires athéniens, figurent quatre phiales offertes l'une &11:0 -r&[v y]e:pwv (par ex.: ID 1416, A, II, 7-8), les autres &11:0 -rwv ae:pµœ-;wv(par ex.: ID 1417, B, I, 113, 115-116, 124) (2); les yépa.:sont les parties de la victime qu'on remettait au prêtre (3). 2° Le compte 412, daté de 179, énumère, parmi les trésors conservés dans le temple d'Apollon, quatre scaphia, un mastos (B, 43-48) et une libanotis (B, 110) consacrés par des prêtres d'Aselépios : Xénocratès, Karystios, Lysanios, Sôtelès, Xénon fils de Pistas, Timoclès (sur la date de ces prêtres, pp. 360-362). P. Roussel (4) cite la libanotis parmi les offrandes faites à Asclépios et conservées dans le temple d'Apollon (sur ces offrandes, pp. 368-370). A tort, selon moi, car dans la formule ÀLOa.:vùl-rLaa.: èmypa.:qi~v/j,y,:oucra.:v · &py,:onoç Te:Àe:cra.:py,:Laou TLµoxÀ'7,ç Te:Àe:crlTITiou te:pri-re:uaa.:ç 'AaxÀrimwL, le datif n'indique pas que le dieu soit bénéficiaire de l'offrande, mais est complément de te:p"l)-re:ucra.:ç : le texte signifie seulement que Timoclès est prêtre d'Asclépios, comme le dit d'ailleurs bien P. Roussel ; il s'agit donc d'une offrande faite non à Asclépios, mais à Apollon ; la preuve en est qu'aux lignes 43 et 45 apparaissent des tournures sans datif du type ie:p&~onoç -roü 'AcrXÀ"l)TIWÜ Kapucr-rlou. Ces offrandes pourraient naturellement procéder de la dévotion personnelle des dédicants ; mais elles étaient sûrement confectionnées officiellement sur la partie des revenus de l'Asclépieion destinée au trésor d'Apollon; c'est ce que suggèrent d'abord la coïncidence, qui ne peut guère être fortuite, de ces six objets dédiés par des prêtres d'Asclépios et la mention régulière de l'archonte. Ensuite, qui figure dans le compte Th. Homolle a attiré l'attention sur l'expression ax&qnov &crx.À7Jma.:x6v ID 320, B, 56, daté de 229 (5) ; l'existence d'un nom spécial implique le caractère officiel de ce genre d'offrande; ce ax&r.pwv&O"'-> (1). Effectivement, le compte 442 (B, 44-45) enregistre une offrande faite par le même prêtre sous le même archonte; mais le poids n'y est pas indiqué et elle est nommée µixa-r6c;; certes ce mot n'a sans doute pas un sens très différent de 1to1"~pLov, qui, en outre, revêt dans l'inventaire athénien une valeur générique, puisque des dizaines d'offrandes sont désignées par ce mot ; mais il est impossible d'affirmer qu'il s'agisse de la même offrande. LE TRONC. ExcuRsus SUR LES 01JmxupolDE DÉLOS. - Le tronc de l'Asclépieion apparaît pour la première fois à la fin du ive siècle en IG 142, 20 (daté par J. Tréheux de la période 308-306), c'est-à-dire dans le plus ancien texte où il soit question de travaux de ce sanctuaire (p. 358). Il n'est jamais mentionné seul, mais avec les autres troncs ; il a déjà été question de certains d'entre eux dans de précédents chapitres et l'occasion se présente ici d'en traiter l'ensemble. Les comptes de l'indépendance en citent cinq ; ce sont les 01Jcrixupol:

1) d'Apollon: il se nomme ainsi à l'époque athénienne (ID 1442, B, 50); pendant l' Indépendance on le désigne comme 0. èv -rwLtepwL,mais son bénéficiaire est expressé; ment nommé une fois ( I G 203, A, 4) : 0. èv -rwL (t)epwL -roü 'A1toÀÀwvoc; 2) de l' Asclépieion

;

3) de l'Aphrodision

(p. 3~i5);

4) de l'île (0. Èv N~aM), c'est-à-dire

d'Artémis-en-l'île,

comme il est précisé en

ID 1442, B, 53 (p. 186); 5) du Sarapieion

(p. 462), à partir

du ne siècle.

Les textes sont groupés dans le tableau des pp. 366-367. A l'époque athénienne, les mêmes troncs existent encore, mais il s'y ajoute un 01Jcrixupàc; -roü 'Epµoü (p. 350) mentionné au moins une fois (ID 1442, B, 52) et peut-être deux (ID 1422, 4). Le nom de 01Jcrrwp6c; recouvre, en grec, des réalités très diverses (2) ; dans le cas qui nous intéresse, il s'agit sûrement de bases en marbre comportant une cavité intérieure où s'accumulaient les offrandes et un couvercle dont le poids décourageait les voleurs. L'un des troncs mentionnés par les comptes était orné d'un cygne : on ~Lixxix0&pixv-rL 1-; lit en effet en IG 287, A, 79-80 : -rwL-ràv x.uxvov -ràv È1tl -roü 01Jcrixupoü s'entendant à demi-mot comme toujours, les hiéropes ne précisent pas de quel tronc il s'agit, mais le cygne convient surtout à Apollon ou à Aphrodite. Au sommet du tronc du Sarapieion se trouvait un tpuÀdans un sanctuaire qui est justement construit à l'abri des vents dominants. En outre, on verra dans un instant que la proximité de la mer peut aussi s'expliquer par des impératifs d'un autre ordre. La présence d'un sanctuaire guérisseur peut surprendre dans une île où l'on ne devait pas mourir. C'était, je suppose, le sentiment de R. Vallois qui écrit de façon quelque peu obscure.: « peut-être l'admission de malades étrangers fut-elle interdite après 166 et permise de nouveau plus tard. Les Déliens avaient profité de leur indépendance pour tempérer un peu les lois de la Purification; la même chose a pu se produire (2). Cette reconstitution des faits ne après la >de la clérouchie ou après 88 >> repose sur aucune information précise, mais l'installation d 'Asclépios à Délos ne me paraît pas contrevenir aux lois de la purification, non plus que celle d'autres dieux, guérisseurs aussi à l'occasion, comme les dieux égyptiens (p. 464) : c'eût été insulter à la puissance divine que douter de l'efficacité du traitement; toutefois, tous n'étaient pas guéris, et je croirais volontiers qu'on peut ainsi rendre compte par là de la situation de l'Asclépieion en bordure de mer, sur l'anse de Délos généralement la mieux abritée des vents et située juste en face de l'&rt66ocmçde Kato Généralé, à Rhénée : l'évacuation des moribonds en était rendue plus aisée. ExrsTENCE PROBABLE DES AscLÉPIEIA. - Nos inscriptions ne mentionnent jamais une fête nommée Asclépieia ; c'est à tort que F. Durrbach avait cru d'abord pouvoir en restituer le nom parmi les dépenses de Galaxion 246, en ID 290, 61 (3). Toutefois Asclépios recevait des sacrifices sanglants : bien que l'autel n'ait pas été retrouvé, nous en avons la certitude, comme le remarque F. Robert, puisque nous savons que la vente des peaux des victimes constituait un des revenus sacrés (4) et il est question, en 192, > (ID 399, A, 19). Il est vraisemblable que ces sacrifices étaient offerts au cours de la fête du dieu ; lorsqu'il croyait reconn!lître le nom des Asclépieia en ID 290, F. Durrbach avait rapproché IG 287, A, 53, où des travaux ont lieu aussi à l'Asclépieion en Galaxion, et supposé que les Asclépieia étaient célébrées ce mois là (5 ). Mais, plusieurs fois aussi des travaux d'entretien du sanctuaire sont exécutés en Artémision (ID 290, 70; 354, 70; peut-être IG 219, A, 25, et ID 316, 89); il est donc plus probable que les Asclépieia avaient lieu en Artémision, bien que les préparatifs pussent être entrepris dès le mois de Galaxion, qui précède immédiatement Artémision; cette date n'a rien qui surprenne, les Asclépieia étant ailleurs aussi une fête de printemps (6).

5. Asclépios en dehors de 1'Asclépieion: rapports avec les autres dieux; Asclépios oriental. AscLÉPIOS ET APOLLON. - La dévotion des fidèles à l'égard d'Asclépios ne s'exerçait pas seulement dans son sanctuaire propre. Deux offrandes au moins avaient (1) F. Robert, EAD, XX, p. 58. (2) R. Vallois, AHD, I, p. 99. (3) F. Durrbach, BCH, 29, 1905, p. 490; erreur répétée par F. Robert, EAD, XX, p. 103. (4) F. Robert, EAD, XX, p. 97. (5) F. Durrbach, op. cil., p. 496 et n. 1. (6) A Athènes, le 8 Élaphébolion : L. Deubner, Ali. Fes!e, p. 142. - A Kyparissos, le 7 Artamitios : furent célébrées à partir de 241 : M. P. Nilsson, Gr. Fesle, p. 412. - A Cos, des Asclépieia pentétériques R. Herzog et G. Klaffenbach, Asylieurkunden aus Kos (Abhandl. der dcuts. Akademie der Wissens. zu Berlin, Klasse für Sprachen, Lit. und Kunst, 1952, n• 1 ), p. 17.

ASCLÉPIOS été déposées dans le Temple d'Apollon: l'une apparaît en 196 (ID 385, a, 16) avec le nom de Àc:tµwvwvxpucroüvI:6).wvoç &vll.0't)µoc 'Acrx.À-rimwt sous lequel elle reparaît assez régulièrement jusqu'en 140/39, c'est-à-dire vers le moment où cessent les inventaires ( 1); à cette date elle était déposée dans le prodomos. La seconde offrande est un Àtoocvwrl8tov (ID 1409, Aa, I, 104-105). P. Roussel (2) cite encore la Àtoocvwrlçmentionnée en 1D 442, B, 110 : on a montré plus haut (p. 364) qu'il ne s'agit pas d'un objet dédié à Asclépios. Le dépôt dans le Temple d'Apollon d'offrandes faites à Asclépios n'a rien qui surprenne; le fait se retrouve à Délos dans le cas d'autres dieux (par exemple p. 211) et Asclépios entretenait avec Apollon de bonnes relations, comme il est naturel entre un fils et son père: si certaines possessions du premier étaient déposées chez le second, inversement un certain Géryllos avait consacré à l' Asclépieion une statue d'Apollon archer (ID 1417, B, I, 139-140) (3); un autre Apollon de marbre (ligne 148) se trouvait dans l'oikos (4); un fragment de base ou d'autel portant l'inscription [- - 'A1t6À]Àwvo[ç] a été retrouvé à l'Asclépieion (ID 2869). Un skaphion offert en 229 par le prêtre d'Asclépios était dédié à Asclépios et Apollon Paiôn (ID 442, B, 175+1432, Ba, I, 10-11 ; cf. p. 165). On aurait tort de compter Artémis Sôteira parmi les divinités avec qui Asclépios «collaborait>> (5), pour la seule raison qu'on a trouvé près de l'Asclépieion la dédicace ID 1909, celle-là même qui fit pressentir l'emplacement du sanctuaire (p. 355) : Sostratos, prêtre d'Asclépios, fait, je crois, cette dédicace par dévotion personnelle à Artémis Sôteira, mais érige le marbre chez le dieu dont il exerce le sacerdoce, suivant une habitude qui se retrouve ailleurs à Délos (ainsi p. 577, Hélianax, prêtre des Grands Dieux de Samothrace et Poseidon Aisios).

LES DÉDICACES QUI NE PROVIENNENT PAS DE L'AscLÉPIEION se répartissent aisément en trois groupes d'après le lieu de trouvaille :

a) diverses provenances: IG 1133 (dans le mur d'une maison à l'Est de l'Agora); ID 2385 (près de l'extrémité Sud du Portique de Philippe), 2388 (marbre transporté à Venise; la provenance détienne n'est pas assurée) ; b) Sara pieion C : ID 2384, 2386 et 2387 ; c) Sanctuaire

des dieux syriens : ID 2224, 2248, 2261 et 2264.

Le fragment ID 2872 a été trouvé près de la terrasse des dieux étrangers ; s'il concerne vraiment Asclépios, il doit se ranger dans l'un des deux derniers groupes. Le premier groupe de dédicaces est le moins instructif ; la plus longue (J D 2388) n'est peut-être pas délienne; ID 2385 se réduit à deux mots : >.Seule IG 1133, la plus ancienne des trois groupes, nous apporte un renseignement utile; la date n'en est pas exactement fixée, mais elle remonte à l'époque de l' Indépendance : 'P68wt 'Acrx.Àocm&'>t I vocuocpxc:üv·mç 1 'Aptcr-ro-ré11.c:uç ; les Rhodiens (1) Autres mentions: ID 421, 30; 439, a, 9-10; 442, B, 11; 455, Ba, 10-11; 461, Ba, 14-15; 465, d, 12; 469 bis, 11 ; 1450, A, 72. (2) P. Roussel, DCA, p. 238 et n. 1. (3) Sur l'offrande de Géryllos, cf. J. Marcadé, MD, pp. 171-173 (p. 171, n. 9: rapports d'Apollon et d'Asclépios). (4) P. Roussel, DCA, p. 238, n. 7, parle de « plusieurs statues d'Apollon» conservées dans l'oikos; de même, F. Robert, EAD, XX, p. 102: « plusieurs statues d'Apollon ... se trouvaient dans ce sanctuaire o. Je suppose qu'il s'agit d'un lapsus. Comme l'écrit F. Robert, EAD, XX, p. 102.

HISTOIRE

DU

CULTE

u' ASCLÉPIOS

À DÉLOS

375

l'ont sû:ement faite à la suite d'une navigation difficile ; sans doute les navigateurs, comme 11se produit souvent, se sont adressés à une des divinités les plus en honneur dans leur propre patrie (1); mais c'est aussi qu'Asclépios était l'un des protecteurs attitrés des marins : on en a la preuve pour l'île toute proche de Syros (2) et il en allait sûrement de même à Délos. AscLÉPIOS ORIENTAL.- Le second groupe nous fait pressentir le syncrétisme d'Asclépios et de Sarapis : Asclépios est nommé seul une fois (ID 2384). - En ID 2386 il est associé à Hygieia, mais le sens du texte, 'Acrx.J;tim!oux.et.t'îytd:x.ç 1- q:rû ..oyoc, est obscur: [x.et.}r&Àoyoç, proposé hypothétiquement dans les ID, est dépourvu de sens; il serait plus séduisant de restituer [&.pe}rû..6yoç; dans ce cas, les noms d'Asclépios et Hygieia désigneraient sûrement Sarapis et Isis (3) plus habitués à faire l'objet d'arétalogies. - ID 2387, plus développée, s'adresse à Asclépios, Hygieia, Apollon, Léto, Artémis Agrotéra et aux 0eorç cruµowµotç x.et.tcruvv&otç; ces derniers ne sont pas les dieux égyptiens, car Asclépios, Hygieia et Apollon représentent vraisemblablement la triade Sarapis-Isis-Horus (4) ; peut-être est-ce le nom d'Apollon qui, formant une sorte de trait d'union, a entraîné celui de sa mère hellénique et de sa sœur. Les dédicaces du troisième groupe, celles qui proviennent du sanctuaire des dieux syriens, sont encore plus révélatrices : Asclépios est nommé le troisième après Aphrodite Hagnè et Hadad (ID 2248) ou Hadad et Atargatis (ID 2261 et 2264); ID 2224 est mutilée, mais la place est très suffisante pour restituer le nom d'Hadad entre ceux de Hagnè Théos et d' Asclépios. Je reviendrai p. 470 sur cette association. Le nom d' Asclépios recouvrait aussi, à Délos· comme ailleurs, la personnalité du dieu bérytien Echmoun pour lequel on a récemment revendiqué l'une des chapelles de l'Établissement .des Posidoniastes de Bérytos (p. 628). Le syncrétisme qui affecte la personnalité de l' Asclépios délicn est encore confirmé, à l' Asclépicion même, par la trouvaille d'une inscription gréco-phénicienne rappelée au début de ce chapitre et qui, lors de la découverte, en 1925, avait fait une certaine sensaLion (ID 2322) : à la suite du nom mutilé d'un prêtre, presque sûrement d'Asclépios, deux lignes en phénicien contiendraient, d'après R. Dussaud, les mots , et (4) : le sanctuaire, qui remonte à l'époque archaïque, fut abandonné à partir de 500, comme l'indique l'> LAMPES(2) : lampes tournées des ne-1er siècles ( = EAD, XXVI, n° 9 79, 137, 168, 275, 327), lampes (n°s 850 à 853), lampes > (n°s 1872, 1888, 1905, 1919, 1979), lampes et sept fragments de céramique , inédits : seconde moitié du ne siècle ; un fragment d'amphore portant l'estampille SPE en caractères latins, inédit. UNGUENTAR1A : cinq exemplaires inédits qui se rangent dans les groupes C, D et E de l'Agora d'Athènes, datés du IIe et du début du 1er siècle (H. Thompson, Hesperia, 3, 1934, pp. 311-480). FIGURINES : publiées par A. Laumonier, EAD, XXIII, sous les numéros 501, 522, 829, 982, 1133, 1185 ; datées par lui des IIe-1er siècles (3).

L'histoire du culte des Dioscures et celle du Dioscourion des inscriptions sera examinée plus bas (pp. 393-394), et c'est là qu'il semble préférable de faire intervenir l'inscription ID 2548 (citée et traduite pp. 383-384), puisque sa provenance n'est pas absolument assurée. Mais, en tout état de cause, l'examen du matériel provenant du (3); la chose me parait toutefois presque certaine, non seulement en raison des habitudes stylistiques des hiéropes (cf. p. 3), mais parce que Théodémos est chargé d'une commande unique, parce que les hestiatoria étaient trop nombreux à Délos pour qu'on pût ainsi se satisfaire d'un énoncé vague et enfin parce qu'immédiatement après, il est question de l'btlxpcx.crtçet que les réparations exécutées par Théodémos ont dû être faites à cette occasion, exactement comme d'autres fois on nettoie le sanctuaire en Thargélion. HISTOIRE DU CULTE. La fête de l'è1tlxpcx.atç et les travaux exécutés au Dioscourion (4) prouvent que le culte officiel des Dioscures était bien vivant à l'époque Au contraire, pour l'époque athénienne, nous savons seulement, de l'indépendance. au témoignage de l'inscription métrique ID 2548 (pp. 383-384) qu'une procession en l'honneur des Dioscures était tombée en désuétude, mais avait été restaurée par le prêtre Athénobios. Peut-on parler d'une décadence du culte ? Depuis les travaux de F. Robert au « Dioscourion >>du rivage occidental, ou sanctuaire GD 123, on admet que le culte officiel des Dioscures a connu un premier déclin au ve siècle et un second entre 166 et le moment où, au début du 1er siècle, Athénobios, l'a restauré, tandis que celui des Cabires s'est développé au contraire au ne siècle. Pour F. Robert, les deux (p. 386) est postérieur à l'inscription J D 2548 et que celle-ci date du début du 1er siècle. Mais rien ne prouve que tout le matériel soit postérieur au début du 1er siècle et, si l'on remonte trop la date de l'inscription pour que le matériel lui reste postérieur, la théorie d'une disgrâce politique des Dioscures s'en trouve très affaiblie. Il n'y a donc plus à chercher les raisons des variations concomitantes signalées entre le culte des Dioscures et celui des Cabires. De toute façon, les raisons politiques sont irrecevables ; le cas des Dioscures n'est nullement comparable à celui d'Apollon : le second est à juste titre symbole de Délos et les Athéniens ont eu de fait une politique apollinienne à Délos ( 1) ; au contraire, rien ne prouve que les Dioscures aient fait figure de symboles de l' Indépendance délienne. Mais, en tout cas, ils ne semblent pas avoir été délaissés à l'époque de la colonie athénienne, comme le prouvent les noms de Dioscouridès que portent plusieurs Athéniens de l'île (2) et les manifestations de rlévotion privée qu'on étudiera plus loin (pp. 397-398). : 1) Essais d'atticisation du mythe de la nativité d'Apollon (p. 18) et du trajet des offrandes hyperboarrêt de la construction du Grand temple (p. 53); association des Apollonia et des

réennes (pp. 40-44); Athénaia (pp. 79-81

P. Roussel, BCH, 32, 1908, pp. 328-329, en énumère six.

LE

CULTE

DES

DIOSCURES,

DES

CABIRES

ET

DES

DIEUX

DE

SAMOTHRACE

395

2. Le culte des Grands Dieux de Samothrace-Dioscures-Cabires. LES DIEUX. - Les Cabires, comme on l'a vu plus haut en enquêtant sur les Cabiria déliens, sont installés à Délos au moins dès la fin du IVe siècle (/G 144) et probablement depuis plus longtemps (cf. p. 382, sur la date du temple du sanctuaire GD 93). Nous ne savons rien de leur culte à cette époque (1). A l'époque de la colonie athénienne, le sanctuaire GD 93 (sur la rive gauche de l' Inopos) se nomme Samothrakeion (pp. 382 et 387) ; les diverses dédicaces retrouvées là montrent que le prêtre portait le titre de l.epdic;0e:&v Mey&Àfilv6-Locrx.oupwvKcd3dpwv ou l.epe:uc;0e:&v Me:y&Àwv~1Xµo0pix.wv6-Locrx.oupwvK1Xodpwv (p. 397) ; une petite base de marbre blanc, trouvée dans l'Inopos, à l'Est du sanctuaire GD 93 dont elle provient presque sûrement, est un ex-voto aux 0e:o'i:c;~1Xµo0pil;LV( / D 2441) ; ID 2481 porte l'inscription 0e:wv Mey&Àwv~1Xµo0pix.wvK1Xodpwv.Les 0e:ol (comme on les nomme souvent en abrégé : ID 1552, 1569, 1570, 1571, 1572, 1573, 1574, 1576, 1581, 1903, 1981) vénérés au sanctuaire GD 93 résultent donc, à partir du rr 0 siècle, d'un syncrétisme entre les les Dioscures et les Cabires (adorés là probablement à l'époque de l'indépendance), Grands Dieux de Samothrace ; ceux-ci, dont le nom figure en premier lieu et parfois seul, ont pris le pas sur les Cabires et les Dioscures. L'assimilation des Cabires, des Dioscures, des Mégaloi Théoi, des Dieux de Samothrace est un problème fort complexe d'histoire religieuse hellénistique qu'il n'y a pas à envisager ici (2) ; dans l'état actuel de notre documentation, Délos est le seul endroit du monde grec où l'assimilation des quatre groupes de divinités soit attestée ; elle correspond à cette >quia lieu entre 260 et 100 av. J.-C. (3). La personnalité de ces Cabires ou Grands Dieux de Samothrace déliens et le culte qui leur était rendu nous échappent en grande partie. Un relief trouvé au Samothrakeion indique que la double hache était un insigne divin (p. 382 et n. 8) ; les inventaires athéniens (liste p. 390) fournissent quelques indices ; seul ID 1417 (A, I, 155-167) est complet. 155

EN Tm IAMO0PAKlm · 'Hp1XXÀ'YÎ XIXÀXOUV · rt.ÀÀo&.vôpLIXVTlawv, 'rO , mais F. Chapouthier (3) a proposé de corriger la leçon unanime des manuscrits ~~Àep en A~µ\/Cp,parce que cela convient mieux à ce que nous savons des cultes cabiriques; c'est peut-être faire bon marché d'une leçon (4) et d'une information qui, a priori, n'ont rien de suspect : Pythagore, on le sait par ailleurs, était venu à Délos (pp. 49 et 161-163 ; cf. p. 455) et, même s'il ne s'est pas fait initier à cette occasion, le récit tardif peut fort bien reposer sur une tradition plus ancienne, par exemple datant de l'époque hellénistique : Délos possédait alors bel et bien un et probablement deux Cabiria (5) où pouvaient se pratiquer des rites initiatiques. Le sanctuaire est au bord de l' Inopos; cette situation d'un Cabirion en bordure de cours d'eau se retrouve ailleurs (6). Il comportait aussi un monument circulaire creux où F. Chapouthier voit une eschara (7). Une inscription gravée sur une colonne du temple ( / D 2597) commémore les victoires remportées à la course aux flambeaux par un éphèbe, un enfant et un homme ; il faut croire que cette lampadédromie se déroulait dans le cadre du culte samothracien (8). Enfin F. Chapouthier, se fondant sur un mince indice, la présence de lits dans le prostoon du Samothrakeion (ID 1417, A, I, 162-163), suppose que les Dioscures du Samothrakeion étaient conviés à des Théoxénies (9). On a retrouvé dans le sanctuaire un tronc à offrandes (10) analogue à celui découvert au Sarapieion A ; il ne figure pas parmi les troncs que les hiéropes de !'Indépendance faisaient régulièrement relever (pp. 365-368). La dédicace / D 1901 est faite xix-rcx.1tp6cr-rixyµix; on ne sait par quel moyen les dieux du Samothrakeion notifiaient l'ordre à leurs adorateurs ( 11 ). ( 1) Commentaire des termes de l'inventaire : F. Chapouthier, EAD, XVI, pp. 88-90. (2) Dioscures, protecteurs des marins à Délos, cf. ci-dessous, p. 398 à propos de ID 2401. - Sur les Grands Dieux protecteurs des marins, cf. B. Hemberg, Die Kabiren, pp. 268 et 283. (3) F. Chapouthier, La prétendue initiation de Pythagore à Délos, REG, 48, 1935, pp. 414-423. (4) Il ne suffit pas de constater que, paléographiquement, une confusion de lettres est possible (op. cil., pp. 422-423) ; encore faut-il expliquer le pourquoi de la faute. (5) Les arguments archéologiques de la p. 420 sont d'autant moins déterminants que le second Cabirion n'est pas encore découvert. ' (6) F. Chapouthier, EAD, XVI, p. 81, qui parle d'ailleurs ici de« mystères•; B. Hemberg, Die Kabiren, pp. 151 et 199. (7) F. Chapouthier, EAD, XVI, pp. 43-56. (8) F. Chapouthier, EAD, XVI, p. 91; cf. B. Hemberg, Die Kabiren, p. 151 et index, s. v. Fackel. {9) F. Chapouthier, EAD, XVI, p. 87. (10) F. Chapouthier, EAD, XVI, pp. 71-75. (11) Dans les cultes égyptiens, il ressort de ID 2105 que c'est l'onirokritès qui transmettait l'ordre.

LE

CULTE

DES

DIOSCURES,

DES

CABIRES

ET DES

DIEUX

DE

SAMOTHRACE

397

. ~E SACERDOCEDES GRANDS Drnux. - Au temps de l'indépendance, il n'est Jamais question d'un prêtre des Cabires. A l'époque athénienne, existe un prêtre des Grands Dieux qui, dans la liste ID 2605, occupe le sixième rang. La titulature est variable : -

te:pe:uç0e:wv Me:y0.wv (ou Me:y&.À> (lignes 55-56), de la même façon qu'il y avait des prêtres-enfants d'Hermès (p. 352). Il n'y a pas à chercher de divinités orientales derrière !'Héraclès du gymnase, non plus que derrière Hermès (3) ; c'est comme modèle mythique grec de l'athlète complet qu'Héraclès est devenu le patron des gymnases ; ce rôle ne lui a été dévolu que tardivement; il est notable qu'à Délos du moins, son nom esL pratiquement absent des inscriptions gymnastiques de l'époque de !'Indépendance ; au contraire, à l'époque athénienne, il paraît sur bon nombre de dédicaces : cet état de chose n'est sûrement pas fortuit et indique une innovation dans le culte rendu dans l'île à Héraclès.

(1) R. Vallois, BCH, 55 1931, p. 277. (2) Sur Hermès el Héraclès protecteurs de la gymnasti,pw Paris, 1960, pp. 339-340. (3; IL Seyrig, Syria, 24, 1944-1945, p. 75, n. 2.

et des gymnases:

.J. Delorme,

Gymnasion,

404

DIOSCURES

ET

CABIRES,

HÉRACLÈS

3. Héraclès protecteur des habitations privées. Héraclès-Hercule dans la peinture liturgique délienne. Puissant et bienveillant aux humains, Héraclès était aussi vénéré comme protecteur des habitations particulières. J'ai montré dans une étude précédente (1) qu'il fallait reconnaître la massue d'Héraclès dans un signe en relief jusque-là mal compris, qu'on trouve sculpté sur des blocs de granit, soit encore encastrés dans un mur extérieur d'édifice, soit aujourd'hui isolés, mais ayant eu primitivement la même place (cf. aussi pp. 643-644). Maison du Dionysos : mur extérieur ; Maison du lac : mur extérieur Est ; Monument de granit : bloc isolé ; Rue longeant le côté Nord de l'Établissement des Posidoniastes : bloc isolé (pl. XVI,1). L'attribut tient ici lieu du dieu lui-même, qui est représenté au contraire en pied et armé de sa massue sur un relief apotropaïque inédit qui était encastré dans le mur de façade de la Maison de Fourni (2) ; il paraît aussi souvent, porteur de sa massue (et parfois sans elle), dans la peinture religieuse délienne ; on trouvera ci-dessous la liste des représentations découvertes jusqu'à maintenant : figuré sur le mur extérieur de la maison, spécialement près de la porte d'entrée, le héros assurait à la demeure la même protection qu'attendaient de lui ceux qui, ailleurs qu'à Délos, gravaient sur le seuil la formule O TOÜ~toc;; 1t1XÏ:c;; KûJ.lnxoc;; 'Hpo:xÀ:;jc;;èv0oc3e:XO:'TOtxe:i:. µ:1i3èvdcrlTCùxo:xov (3). A cette fonction d'Héraclès protecteur des maisons se rattache un problème d'histoire religieuse délienne : traitant des représentations d'Héraclès dans la peinture liturgique, M. Bulard, fidèle à la thèse qu'il soutient dans l'ensemble de son livre sur la Religion domestique dans la colonie italienne de Délos, défend l'idée que c'est en réalité !'Hercule latin qui est figuré là (4). Il importe, avant toute discussion, de rappeler les représentations en cause (5 ).

1. Maison du lac, à gauche de la porte Ouest de la cour, 2 8 enduit : Héraclès tenant la massue; au-dessus un personnage portant un vêtement court et des calcei. M. Bulard, EAD, IX, pp. 59-60 et pl. II, 1.

(1) Ph. Bruneau, BCH, 88, 1964, pp. 159-168, que je résume et complète ici. C'est après la publication de cet article que J'ai découvert le quatrième des signes inventoriés ici. (2) Jnv. A 4015. Il sera publié par J. Marcadé dans le fascicule que Chr. Le Roy doit consacrer à la Maition de Fourni (cf. J. Marcadé, MD, p. 403). (3) Sur cette formule: H. Seyrig, Syria, 24, 1944-1945, p. 79 et n. 1-5; P. Bernard et Fr. Salviat, BCH, 86, 1962, pp. 608-609 (avec bibliographie antérieure); Ch. Picard, Ét. thasiennes, VIII, Les portes sculptées, Paris, 1962, p. 67; Ch. Picard, Mél. J. Bayet, Coll. Latomus, 70, 1964, pp. 561 sqq.; L. Robert, Hellenica, XIII, p. 266 et n. l avec une abondante bibliographie. - Sur Héraclès gardien des portes et des maisons, cr. Ch. Picard, Ét. thasiennes, VIII, p. 32, n. 1, et p. 44, n. 8. (4) M. Bulard, RDCID, pp. 224-244. (5) Je reprends, avec plus de détails et en la complétant du n° 6, la liste donnée par M. Bulard, RDCID, p. 224, n. 1.

LE CULTE D'HÉRACLÈS

405

2. Quartier du théâtre, habitation II D, mur Ouest de la cage d'escalier, 3e enduit : jambes d'Héraclès et partie inférieure de la massue. EAD, IX, p. 91 et fig. 23. 3. Quartier du théâtre, habitation VI H, sur le mur extérieur à droite de la porte, 4e enduit : pied d'un personnage et extrémité arrondie d'un objet qui peut être une massue. EAD, IX, p. 109.

4. Maisons des dauphins, niche à droite de la porte, 1er enduit : partie inférieure du corps d'Héraclès ; on voit le bas de la peau de lion ; - 2e enduit : jambes nues d'un personnage et partie inférieure d'un objet arrondi: Héraclès et sa massue. EAD, IX, pp. 119-120 et pl. X, 2.

5. Quartier du stade, habitation IC, sur le mur, à gauche de la porte, 1er enduit : Héraclès portant la peau de lion et la massue. EAD, IX, pp. 133-134 et fig. 46, a. 5 bis. Même habitation, à droite de la porte, 78 enduit : Héraclès portant la massue et la peau de lion, accompagné d'inscriptions peintes en lettres grecques ; en bas du panneau : deux lutteurs, jambon, amphore. Sur le 68 enduit est également peinte une inscription en grec. EAD, IX, pp. 137-138 et pl. XIII, 1 et fig. 49 et 50 (reproduit BCH, 40, 1916, p. 186, fig. 16, et 88, 1964, p. 167, fig. 14).

6. Maison non fouillée, sise vis-à-vis la Maison de la colline (cf. pp. 591-592). Héraclès est représenté sur quatre enduits du mur B : 2e enduit : nu, tenant la massue de la main droite ; - 3e enduit : nu, couronné, la main droite tenant probablement la massue ; au-dessus de la tête, graffite incisé HPAKAH CWTEP ; - 4e enduit : nu, couronné, tenant la massue de la main droite ; - 5 8 enduit : nu, portant la massue et la peau de lion au bras gauche (même schéma que sur le relief A 3184 du Monument de granit: p. 634 et pl. XIV, 3). - Sur le 9 8 enduit est conservée une énorme massue. La thèse de M. Bulard peut se résumer ainsi : Héraclès est peint sur le mur extérieur et près de la porte de cinq habitations déliennes (auxquelles, depuis 1961, s'ajoute une sixième) ; il porte le plus souvent la massue et la peau de lion; le type iconographique est purement grec. Mais avons-nous affaire à l'Héraclès grec? M. Bulard rejette en 1926 l'interprétation qu'il avait proposée en 1908 pour la peinture de la Maison des dauphins (ici n° 4) : les deux mosaïques de cette maison comportant des éléments syro-phéniciens (cf. p. 645 l'étude du signe de Tanit), il en inférait que !'Héraclès peint devait être en réalité l'image hellénisée de Melkarth ; mais la découverte d'autres Héraclès peints à Délos exclut cette exégèse (RDCID, p. 227); sans doute !'Héraclès traditionnel des Grecs est cx.Àe:~[x.ocxoç et protecteur des maisons, et c'est comme tel qu'il passe en Italie et apparaît à l'entrée des maisons campaniennes; pourtant, la présence d'Héraclès dans la peinture religieuse de Délos ne peut être >(2) ; à Tyr même, Melkarth était représenté portant la massue (3). J'ajouterai un nouvel argument : si Héraclès gardait les maisons en Grèce, il le faisait aussi dans la Syrie hellénisée ; à Doura-Europos ont été trouvées dix-huit images d'Héraclès provenant pour la plupart de la porte du rempart (ou de son voisinage) ou de maisons privées (4) ; des massues apotropaïques de Délos énumérées p. 404, on peut rapprocher un relief de Gadara que m'a signalé H. Seyrig : sur un linteau remployé sont sculptées une couronne et une massue, parfaitement reconnaissable aux nodosités du bois très soigneusement détaillées (p. 644 et pl. XVI, 4) ; la préférence même donnée à l'image du symbole divin se constate souvent en Syrie (5). Les Syriens de Délos n'auraient donc pas répugné à placer leur demeure sous la protection d'Héraclès, mais M. Bulard a raison (RDCID, p. 227) de croire que les Héraclès peints ne sont pas pour autant des Melkarth. Sont-ils alors des Hercule latin? Je m'autorise d'autant plus à isoler du reste du livre de M. Bulard (sur lequel je reviendrai plus longuement pp. 589-615) le chapitre consacré à Hercule que lui-même, dans la première partie de son ouvrage, se livre à des enquêtes indépendantes, destinées à étayer finalement la thèse d'ensemble ; or, si l'on ne savait vers quel but tend l'auteur, le chapitre sur Hercule laisserait confondu : pour démontrer que !'Héraclès des peintures déliennes est bien un Hercule latin, M. Bulard fait d'abord état des analogies qu'on peut reconnaître entre les peintures de Délos et celles de Pompéi > (RDCID, p. 224). Puis il reconstitue un étonnant processus d'histoire religieuse : l"Hpo:xÀ'ljc;ixÀe#xo:xoc; des Grecs est passé en Italie où il a eu son équivalent exact : Hercules Defensor, Tulor, etc. ; c'est cet Hercule latin qui est revenu défendre les maisons délicnnes ; je croîs devoir citer M. Bulard : (RDCID, p. 232). Avouons que, pour un esprit non prévenu, il serait plus simple de penser qu'un Héraclès est tout représenté à la grecque, en pays grec et dans une fonction d' i:x,Àe:ç(xo:xoc; simplement l'Héraclès grec. Enfin M. Bulard croit à une confusion d'Hercule et du Génius : >, ce qui revient à reconnaître que, du point de vue délien, l'assimilation d'Hercule et de Génius est une hypothèse entièrement arbitraire. En définitive, cet Hercule italien me paraît ne jamais se distinguer de l'&.Àe~[x.ocx.oç grec, - simplement, sans doute, parce que c'est lui ! Les observations qui précèdent conduisent à une conclusion très nette : l'Héraclès figuré sur les peintures religieuses de Délos se présente sous les traits habituels de l'Héraclès grec à l'époque hellénistique ; sur un des enduits du n° 6, une invocation est inscrite en grec et, sur le n° 5 bis, l'image d'Héraclès est accompagnée d'inscriptions grecques ; l'effigie du dieu, placée près de la porte, joue le même rôle que les massues apotropaïques en relief reconnues sur d'autres maisons : Héraclès remplit là ses fonctions, bien attestées en Grèce, d'&.Àe~lxocxoç et de protecteur de la demeure. Il n'y a rien là qui puisse surprendre : je montrerai plus loin (pp. 589-615) que les effigies peintes d'Héraclès, comme les antres peintures liturgiques de Délos, ont été exécutées sur la commande des Compétaliastes ; or, ceux-ci, affranchis ou esclaves de familles italiennes, étaient pour la plupart d'origine grecque. C'est donc une erreur de prétendre reconnaître Hercule et non Héraclès sur nos peintures ; mais c'est aussi un faux problème : les Syra-phéniciens, qui tenaient la massue pour un apotropaion, et les Italiens, qui honoraient un Hercules Defensor, reconnaissaient sans hésitation leurs dieux nationaux sous les traits de l' Héraclès hellénique.

4. Héraclès et les Dioscures. Si la massue d'Héraclès défend la maison des puissances malfaisantes, c'est là un rôle que l'on a vu plus haut (p. 398) dévolu aux piloi des Dioscures; par exemple, ceux-ci protègent le mur Ouest de la Maison du lac tandis que celle-là en protège le mur Est. C'est ici le lieu de résumer les liens existant entre Héraclès et les Dioscures. Tout d'abord, Héraclès a sa place au Samothrakeion où sont adorés les Grands Dieux-Dioscures-Cabires ; les inventaires du sanctuaire mentionnent deux statues (ID 2434) et une porte monud'Héraclès (p. 395); on a trouvé là une dédicace' Hpocx.À~[~ mentale que l'épimélète Polémon a dédiée en 120/19 0eo~ç MeycxÀoLç x.oct'Hpocx.Àd (ID 1808) ; le texte de cette dédicace se retrouve identique sur une plaque de marbre blanc (ID 1809) trouvée au Sud du Sarapieion A (2). Sans doute l'Héracleion était proche du Samothrakeion au point que R. Vallois, à tort selon moi (p. 389), a proposé d'identifier les deux sanctuaires ; mais l'association est sûrement plus profonde; elle est attestée ailleurs (3), et surtout en dehors du culte officiel ; les Dioscures et Héraclès se ressemblent par une communauté de fonctions (4). ( 1) Je dis : peut-être, parce que je ne me propose pas de discuter ici les faits pompéiens, mais seulement les faits déliens. (2) La provenance, non signalée dans les ID, est précisée par P. Roussel, DCA, p. 232, n. 15. (3) B. Hemberg, Die Kabiren, pp. 290-292. (4) P. Roussel, DCA, p. 233, tire argument du décret ID 1498 pris en faveur d'Euboulos; la stèle portant cc décret doit être érigée à l'Héracleion; la raison de cette clause serait qu'Euboulos a été deux fois prêtre des 27

408

DIOSCURES

ET CABIRES

1

HÉRACLÈS

Héraclès était un des patrons majeurs du gymnase (p. 403), mais on ne voit pas que les Dioscures de Délos soient intervenus dans la vie du gymnase, bien que ce rôle leur soit parfois attribué ailleurs (1). En revanche, si c'étaient eux, à Délos (p. 398) comme partout ailleurs, qui protégeaient les navigateurs, la dédicace ID 2433 paraît indiquer qu'Héraclès assumait aussi parfois cette fonction (2). Enfin, c'est en tant que défenseurs de l'habitation privée que les Dioscures et Héraclès apparaissent à Délos comme le plus évidemment investis de pouvoirs analogues. Ces interférences se justifient par l'histoire de ces dieux ; tandis que les Olympiens traditionnels sont, dès l'époque archaïque, des puissances redoutables plutôt que bienveillantes à l'homme, ces tard venus, considérés seulement comme des héros dans les siècles antérieurs, sont enclins à protéger cette humanité à laquelle ils appartiennent en partie : Asclépios, les Dioscures, Héraclès sont bien les seuls dieux grecs du panthéon hellénistique dont le fidèle peut attendre une protection efficace contre les dangers d'ici-bas.

5. Hercule et les Italiens de Délos. Si l'Héraclès des peintures ne peut pas se réduire à l'Hercule latin (p. 407), c'est bien ce dernier qu'honorent, au témoignage de plusieurs inscriptions, divers groupes d' Italiens établis à Délos : d'abord, deux dédicaces émanent à la fois des Hermaïstes, des Apolloniastes et des Posidoniastes : la première (ID 1753), datée de 113, est (texte grec); la seconde (ID bilingue et s'adresse à Hercolei (texte latin) et 'HpocxÀe:Ï: 1757) est la dédicace d'une statue d'Héraclès : -rov 'HpocxÀ~v&.vl0YJxocv &.qnep avec l'Archégésion que penche F. Robert, op. cit., p. 23. 28

424

L' ARCHÉGÈTE

ANIOS

l'Archégésion ruine l'hypothèse de R. Vallois, mais ajoute en note : >et(ibid.). L'escharôn des inscriptions est sûrement l'amas de cendres reconnu dans la partie intérieure du sanctuaire, même si le mur curviligne n'en est pas la clôture ou, en tout cas, la clôture primitive, et même si lane présente pas les détails suggestifs que R. Vallois croyait y reconnaître; cette identification de l'escharôn, proposée par F. Robert, me paraît certaine (1). Si l'abaton nommé dans le compte 147 est bien celui de l'Archégésion (comme il est probable, étant donné les habitudes stylistiques des hiéropes), le mot doit désigner la cour intérieure, entourée par une murette basse, qui ne constitue donc qu'une clôture morale, précisément là où s'accumulaient les cendres du sacrifice; telle est l'opinion, très vraisemblable, de F. Robert (2). Les oikoi, tout le monde s'accorde à le reconnaître (3), sont les pièces du complexe A ; quant à cet autre oikos que le compte 287 distingue des précédents comme situé « dans [le sanctuaire de] l'Archégète », je l'identifierais volontiers avec la pièce qui occupe l'angle Sud-Est du sanctuaire. Restent deux points obscurs : le thyrôn du Sud et le péribole. Ce dernier a échappé aux recherches de F. Robert et J. Ducat. Il me paraît exclu en tout cas que le mur extérieur de A soit identifié au péribole (4). J. Ducat a reconnu que ce mur était d'appareil classique et qu'il n'a pas été reconstruit à l'époque hellénistique; or, au témoignage formel du compte 287, on construisit le péribole en 250. Les données architecturales et épigraphiques étant aussi assurées que discordantes, il faut bien se résoudre à supposer l'existence d'un péribole encore non découvert; sans péribole, on entendrait d'ailleurs mal l'expression >, tantôt celui de néocore de l'Archégète et de l'Archégésion; je montrerai dans un autre chapitre (p. 500) que la solution la plus simple est de penser que 0e6ç qui alterne avec' ApnyéTI)ç désigne le même personnage, c'est-à-dire Anios ; c) F. Robert a dégagé, entre l'Archégésion et le prétendu sanctuaire d'Anios, un édifice à cour centrale ; le sol du portique Sud porte une inscription en mosaïque très

( l) H. Gallet de Santerre, DP A, pp. 269-270. (2) Jcssen, RE, s. v. 'Ap)'.:-t)YtTIJÇ (col. 443); cf. L. Hobert, BCH, 60, 1936, pp. 199-202. i3) R. Vallois, AHD, I, p. 73; H. Gallet de Santerre, DPA, pp. 269-270; F. Cassola, op. cil., p. 363. (4) F. Robert, RA., 1953/I, p. 23.

LE CULTE

427

mutilée où est seulement conservée la fin de deux lignes : - - -] I 1-- -]ilNI ; cc serait une dédicace à Apollon (1), confirmant encore l'association d'Apollon et d'Anios (2). En réalité, le lien de cet édifice avec l'Archégésion est parfaitement hypothétique, et d'autant plus que la prétendue chapelle d'Anios est redevenue anonyme; mais surtout, rien ne prouve qu'il s'agisse d'Apollon: le nom de Poseidon conviendrait aussi bien et n'étonnerait pas s'il est vrai que !'Hippodrome était tout proche (p. 260). Anios possédait donc seul l' Archégésion, sans partage avec Apollon. Aucune autre association cultuelle n'est sûrement attestée ; la légende établissait des liens entre les Oinotropes et Dionysos qui leur avait accordé leur don miraculeux et, suivant une tradition, les avait métamorphosées en colombes ; mais de fallacieux > (3) avec la prétendue chapelle d'Anios ne prouvent rien du point de vue cultuel. - L'association possible d'Anios et de Niké repose sur une base un peu plus solide : au début du 1er siècle, les mélanéphores et les thérapeutes honorent Eu[kratésj, cleidouque de Sarapis; la dédicace ID 2081 comporte quatre couronnes où sont inscrites les mentions suivantes : 1) 'Avlou xixt füx"l)ç; 2) [-roü è]v K[ ixv61t']cùL ~ixpocmaoc; ; 3) èvéyxixv[-r ]oc TIJVdpucrLWV"l)V '\"WL'A1t6ÀÀWVL ; 4) 'Ap-réµ.taoç-r'Yjç èv N~crwL.P. Roussel a noté que les couronnes semblent indiquer que le personnage a dû remplir la même charge de cleidouque auprès d'autres divinités (4); là-contre j'ai présenté plus haut des réserves (p. 197). De l'inscription de la première couronne, P. Roussel se demandait s'il fallait conclure pouèy MupptVOU't"'t"'l)Ç ID 1911 ~O('t"UpLCùV Kû,À - Inscriptions des &.no:pxo:( (2), 40 T(µwv ~xo:µ0Cùvla1ji; Ibid., 131-132. Nuµrp6aeùpoi;èx Ke:po:µéwv

On a vu plus haut (p. 427) que l'existence, à l'époque athénienne, d'un cleidouque attaché à la fois à Anios et à Niké reste problématique. Malgré le maintien de ce personnel, le culte d' Anios ne paraît pas avoir été bien vivant à l'époque hellénistique. Comme il s'agissait du sanctuaire vénérable d'une puissance locale, l'Archégésion est resté l'objet de la sollicitude officielle : les comp_tes des hiéropes se font l'écho des réparations qu'on y effectue, voire de la construct10n d'un péribole nouveau, et la fouille semble avoir montré que le dallage actuel _du sanctuaire est une réfection du n° siècle. De la même façon, un néocore - moms

(1) La liste des néocores n'a jamais été dressée. Celle des prêtres ne s'est pas enrichie depuis P. Roussel, de moderniser les références épigraphiques. (2) Transcrite ici pp. 128-136.

DCA, p. 240 : je me suis contenté

430

L'ARCHÉGÈTE

ANIOS

bien payé, il est vrai, que ses collègues jusqu'au moment où les traitements de tous les néocores furent alignés - dessert l'Archégésion pendant l'Indépendance; un prêtre, qui n'occupe que le dernier rang dans la liste hiérarchique des sacerdoces, reste attaché au culte jusqu'au début du 1er siècle au moins et probablement jusqu'à la ruine de Délos. Mais la dévotion individuelle est à peu près nulle : en regard des nombreux ex-voto de l'archaïsme et du classicisme, on ne trouve rien à citer : de l'indépendance, aucune dédicace; de l'époque athénienne, trois seulement : encore deux d'entre elles émanent-elles de prêtres d'Anios (ID 1910 et 1911). Dans le v xeLpL[cr0é]v[-rwv Ù(j)'Ècxu-rwv Èv't'WL't'~Ç&.px~c; xp6vWL]1XCX't'!::O.

- EusTATHE, ad Odyss., M 252 (p. 1720) : Ai. LlYJÀta.ôeç, ~youv oci.XOC't'IX niv ~'ljÀov v'ljcrovyuvocî:xeç,0uoucroct'î?j Bpt½OÎ:,oc5't'YJ S' È:O''îlv ~ è:vCm,epµi:xv't'tç,1tpocrrpépoucrtv ocù't'?jcrx.&.qiocç 1tÀ~petç&:1t&.v'îwv &.yoc0&v, ôLIX 't'Od5xecr0octocÙT~v, rpY)crt, xocl.1'.mè:p 1t"Ao(wv crCil"t'Y)plocç. -

HÉSYCHIUS: Bpt½O!J,>peut être s01t une statue, soit un sanctuaire ou un édifice comme (3).

2. Cultes de l'époque athénienne. Héros.

Deux dédicaces sont faites "Hpep, « au Héros>> : l'une trouvée à l'Est de l' Agora de Théophrastos (ID 2438), l'autre trouvée dans une maison au Sud-Ouest de l' Agora des Compétaliastes et faite xo:-rix1tp6cr-ro:yµo: (ID 2437) ; à droite de cette dernière inscription, un relief représente un serpent enroulé autour d'un bâton ou d'un tronc. Il peut s'agir de quelque Héros guérisseur (4). Théanô. Un autel cylindrique, orné de guirlandes et bucranes et trouvé dans une construction récente à l'angle Sud-Est de l'Agora des Compétaliastes, porte l'inscription 0eocvoüç àcr(o:ç(ID 2480); ce serait l'(5 ). Quitte à s'aventurer sur le terrain d'hypothèses très incertaines, on aimerait préciser l'identité de cette ,si exceptionnellement parée du titre de àcrlo:.Deux rapprochements se présentent : 1° Théanô est un personnage homérique ; or tel peut-être aussi le cas de Poulydamas (p. 454), et l'on rappellera qu'au Thesmophorion de Thasos (colonie de Paros, voisine elle-même de Délos) trois noms de patrai peuvent dériver de noms homériques, sûrement, en tout cas, celui des Priamidai (6) ; - 2° Théanô est l'épouse de Pythagore : or Pythagore était venu ensevelir Phérécyde à Délos (p. 49) et il y avait sacrifié sur l'autel d'Apollon Génétôr (pp. 161-163) ; en outre, le pythagoricien Parméniskos avait, lui aussi, visité Délos (p. 209, n. 4 ; p. 210, n. 2. ; p. 211, n. 3). Entre ces deux hypothèses, je ne saurais décider, et peut-être devront-elles être toutes deux rejetées : je n'ai voulu ici qu'orienter la recherche.

( l) Il ne peut guère s'agir de Pylhogénés de Zanclé connu par Hérodote, VI, 23. (2) F. Durrbach et P. Roussel, commentaire à ce texte, p. 22. (3) F. Durrbach, commentaire à ID 443, Bb, 147 (p. 190). (4) P. Roussel el J. Hatzfeld, BCH, 34, 1910, p. 415. (5) P. Roussel et M. Launey, commentaire à ID 2480. (6) Cf. CI. Rolley, BCH, 89, 1965, pp. 460-461 (j'admets, quant à moi, que le sanctuaire dont proviennent ces inscriptions est un Thesmophorion, mais l'identification n'est pas universellement acceptée; c'est ainsi qu'elle n'est pas retenue dans le Guide de Thasos, Paris, 1967, pp. 49-50). 80

CHAPITRE

XIV

LES CULTES ORIENTAUX

Les chapitres précédents ont permis d'apprécier le nombre des divinités grecques qu'on honorait à Délos. Mais ce n'est là qu'un aspect de la physionomie religieuse de l'île à l'époque hellénistique : plus que partout ailleurs en Grèce s'y établirent alors des cultes orientaux ; non seulement beaucoup de divinités grecques, on l'a vu, se sont associées ou identifiées à des divinités orientales, mais l'exploration archéologique a permis de reconnaître à Délos une bonne quinzaine de sanctuaires proprement orientaux. J'ai dit dans l'introduction de ce livre (p. 7) pourquoi je renonçais à traiter en détail de ces cultes et pourquoi je comptais m'en tenir à une présentation rapide, qui forme la première partie de ce chapitre; la seconde partie est consacrée à la Synagogue et au culte juif qui se distingue des autres cultes orientaux par son caractère monothéiste et la survie qu'il a connue à Délos pendant l'époque impériale : je crois, en effet, pouvoir préciser l'histoire et assurer l'identification de la Synagogue.

I. TABLEAU DES CULTES ORIENTAUX Sous le nom générique d', j'entends les cultes égyptiens, le culte syrien d'Hadad et Atargatis et différents cultes phéniciens, palestiniens et arabes ; il importe enfin d'ajouter à cet inventaire plusieurs sanctuaires de type non grec qui restent pour nous anonymes.

1. Les cultes égyptiens. TESTIMONIA.

Inscriptions. Les textes ont été tous publiés et commentés par P. Roussel, CE, pp. 71-238; il est particulièrement intéressant que les dédicaces y soient classées selon le sanctuaire dont elles proviennent ( 1). Les références au corpus sont les suivantes : (1) L. Vidmann, Sylloge inscriplionum religionis isiacae et sarapiacae, R GVV, Band 28, Berlin I 969, pp. 62-87, vient de redonner la liste des inscriptions déliennes concernant les cultes égyptiens, avec concordance entre la numérotation de CE et celle de I G et ID, quelques références à des travaux plus récents (essentiellement ceux de M. Guarducci et M. N. Tod cités ici pp. 458-459) et un index donariorum.

458

CULTES

ORIENTAUX

1° Époque de l' Indépendance:

-

Histoire du Sarapieion A : IG 1299.

- Mention du Sarapieion et de l'Isieion dans les ID 352, 15 ( ?) ID 444, 409, A, 15 446, 461, 440, A, 73-75 et 84 442, A, 156 et 236-237; B, 220 et 229-31 462, Inventaires : IG 1307-1309. - Dédicaces : IG 1215-1272. - Décret du peuple délien instituant une charge pieion : I G 1032. - Néocore : cf. pp. 497-504. - Tronc : cf. pp. 365-367.

comptes : B, 69 et 105 B, 2 Ab, 36 A, 30 ( ?)

de néocore, peut-être celui du Sara-

2° Époque athénienne.

-

Histoire du Sarapieion A : ID 1510.

- Inventaires : ID 1403, Bb, II, 40-97: sauf variantes de peu d'importance, comme ID 1417; 1412, a, 47-70: très mutilé; comme ID 1417; 1416, A, 1, 1-83 : comme ID 1417 ; «on y trouve quelques mentions de prêtres qui ont disparu>> en ID 1417 (1); 1417, A, II, 59-165, et B, I, 1-89: inventaire de 156/5, à peu près sans lacune; 1434, I, 1-23: lacunaire; se place entre ID 1417 et ID 1442; 1435 : fragment correspondant à un passage de ID 1417; 1440, B, 1-25 : sauf quelques variantes, comme ID 1442; 1442, A, 1-80, et B, 57-63: inventaire de 145/4: le début (mutilé) comme ID 1417; offrandes nouvelles ; offrandes de l'année sur la face B; 1445, B, 1-16 : cf. ID 1442 et 1452; 1452, A, 1-59, B, 1-45, et C, 1-55 : semble postérieur à ID 1442; 1453, 1-10 : fragment; 1454, 1-9 : fragment. Dédicaces : ID 2037-2219. - Liste des prêtres : ID 2610. Listes de souscripteurs : ID 2614-2625. - Décrets émanant peut-être d'associations égyptiennes ID 1521 et 1523. Textes ne figurant pas dans le Corpus.

- M. Guarducci, Annuario della scuola archeologica di Atene, 30-32 ( = nouv. série 14-16), 1952-1954, p. 176, publie une inscription de Délos conservée au Musée de Trévise :

(l) P. Roussel, CE, p. 211.

TABLEAU

DES

CULTES

ORIENTAUX

459

[Â]tovumoc; Z~vwvoc; 1 [K]'Y)qncm:ùc; uqnepeùc;yeJ[v]6µevoc; ~o:po:mSoc;1 [-r]oùc; ~wµ.oùc;xo:1 niv &vo:J [o]o:mv &vé0'Y)xev ~o:po:mSL1 [''l]mSL 'AvoMiS1 'Ap1toxptheL J [ è]1tl lepéwc; 'A1toÀÀocpocvou J [-r]oü Âtovuo-[ou Kwiméwc; 1 [è1t]l èmµ.eÀ'Y)'t"OÜ aè njc; V~O"OU 1 [ ... ]L[-1,IXXOU Ilo:Lo:viéwc;xo:l -rwy J [ E:7t ''A PY'YJLOU ' 'f pixopumou. ' A nnee ' 109/ 8. ' ]'L-ro: ' 'iepo: ' 0' ,., J [ x ] qci "ewvoc; II otWVLoO\J - M. N. Tod, JHS, 71, 1951, pp. 173-174, attribue à Délos la dédicace CIG 6841 : 'O 'Lepsuc; ' 'A pxwotµoc; ,., ffi .. , "I moi, ., 'O mpwi, , ., 'A vouowi , e ., XotPLO"'t"'Y)ptov. , . . wL/\ot[ L] ve:-rou - L'attribution délienne ne semble pas s'imposer : le prêtre ne paraît pas connu (noter aussi le dorisme de son nom) et le formulaire utilisé est inhabituel à Délos.

Architecture. P. Roussel, CE, pp. 19-64. - Cf. R. Vallois, AHD, I, pp. 85-96 et p. 110, n. 1. - Sondages: J. Marcadé, BCH, 78, 1954, pp. 217-220 (Chronique des fouilles).

Monumentsfigurés. - Trouvailles des Sarapieia : signalées par P. Roussel, CE, pp. 32, 45-46 et 64-67. - Anoubis doré du Sarapieion A, sphinx du Sarapieion C, corne d'Apis A 4453, couronne isiaque A 4452: J. Marcadé, BCH, 76, 1952, respectivement pp. 122-123, 125-127 et 115. - Statuette à inscription hiéroglyphique A 379 : J. Marcadé, op. cil., p. 119; et surtout J. Leclant et H. de Meulenaere, Kêmi, 14, 1957, pp. 34-42. - Statue d'Isis-Némésis : J. Marcadé, BCH, 77, 1953, p. 563. - Iconographie des dieux égyptiens : J. Marcadé, MD, pp. 426-436 (cf. pp. 408-418 sur les techniques égyptiennes dans la sculpture de Délos). - Tête d'un prêtre d'Isis(?) A 5934: C. Michalowski, EAD, XIII, p. 53 et pl.XXXVIII,3; cf. J. Marcadé, MD, pp. 424-425. Relief isiaque A 3181 : L. Bizard et G. Leroux, BCH, 31, 1907, pp. 524-525. - Reliefs isiaques de la Maison de Fourni : seront publiés par J. Marcadé. - Relief inscrit J D 2149 avec scène de banquet : Ph. Bruneau, addendum à une étude de Cl. Vatin : BCH, 92, 1968, pp. 223-225. - Relief et lampe au type d'Isis Pélagia : Ph. Bruneau, BCH, 85, 1961, pp. 435-446 (compléments: BCH, 87, 1963, pp. 301-308). - Figurines de terre cuite : A. Laumonier, EAD, XXIII, pp. 138-143. - Pendeloques à l'image d'Harpocrate: W. Deonna, EAD, XVIII, pp. 306-307 et 319; A. Bovon dans EAD, XXVII, p. 226, n° 8 C 129 et 130 (or, argent, bronze, plomb, verre).

I. Les sanctuaires. L'exploration archéologique a fait découvrir à Délos trois sanctuaires des dieux égyptiens - sûrement identifiés par les nombreuses inscriptions qu'on y a recueillies - que l'on est convenu de nommer Sarapieia A, B et C. LE SARAPIEIONA ( 1) occupe un repli de terrain sur la rive droite de l' Inopos, en aval du Réservoir inférieur ( GD 91); il comprend (fig. 6) une cour, un petit temple (A) construit sur un caveau accessible où l'on puisait l'eau provenant, semble-t-il, du

(l) P. Roussel,

CE, pp. 19-32.

460

CULTES

ORIENTAUX

C

Fig. 6. -

IOM,

5

0

Le Sarapieion

A, plan simplifié (d'après

E = salle de réunion G = mur ultérieur

A= temple B, F, H = autels C et D = portiques

I J

0

=

=

GD, p. 138) :

regard sur une dérivation tronc à offrandes

B' CJ

0

2~

Fig. 7. A

=

entrée

B et B' = portiques C = Métroon (?)

Le Sarapieion

= =

C, plan simplifié (d'après

dromos avant-cour F = cour

D E

de l'Inopos

~M.

GD, p. 145)

G = temple de Sarapis H = temple de Sarapis, Isis et Anoubis (?l I = temple d'Isis

TABLEAU

DES

CULTES

ORIENTAUX

461

Ré~ervoir de l'Inopos (sur les rapports supposés de l'lnopos et du Nil, cf. p. 17), tr01s autels (B, F, H) et un tronc à offrandes (J = IG 1247), - deux salles (D et E), dont l'une pourvue de bancs (E), et un portique (?, C). Une longue inscription (1) qu'on appelle souvent la relate les débuts du sanctuaire (IG 1299) ; elle comprend deux parties : un court récit dû au prêtre Apollonios (II), fondateur du sanctuaire, et une paraphrase versifiée des mêmes faits par un certain Maiistas : Apollonios (1), prêtre égyptien, apporta avec lui son dieu lorsqu'il vint de Memphis ; mort à l'âge de quatre-vingt-dix-sept ans, il eut comme successeurs son fils Démétrios, qui vécut soixante et un ans, puis son petit-fils Apollonios (II), l'auteur de la première partie de la : ce dernier raconte avoir vu en songe Sarapis qui lui ordonna d'acheter le terrain, alors plein d'ordure où s'élève aujourd'hui le Sarapieion A, et de lui bâtir , ce qui fut achevé en six mois ; pour une raison qui n'est pas précisée, un procès fut intenté à Apollonios par , mais le dieu fit un miracle en les privant de toute habileté oratoire. Un autre document, également découvert dans le Sarapieion A, fournit un second jalon pour l'histoire du sanctuaire; c'est un sénatus-consulte qui semble dater de 164 (ID 1510) : Démétrios, 'P'Ylvcxie:oç, est autorisé à continuer de desservir (0e:pcx1te:Oe:LV) le sanctuaire de Sarapis. La semblant dater du dernier quart du me siècle et Apollonios (II), qui en est l'auteur, étant le troisième prêtre de Sarapis, il apparaît que le dieu avait un culte à Délos dès la première moitié du me siècle (2). Le Démétrios (II) bénéficiaire du sénatus-consulte est évidemment le fils ou le descendant d' Apollonios (Il), dont le père se nomme aussi Démétrios (1). Au début de la domination athénienne, le Sarapieion A continuait donc d'être un sanctuaire privé, dont le sacerdoce était héréditaire dans la famille du fondateur. P. Roussel, en établissant ces faits, a justement observé que c'.est même la raison d'être du sénatus-consulte: personne ne songeait à s'en prendre à Sarapis qui possédait alors un florissant sanctuaire officiel, le Sarapieion C, dont il va bientôt être question, mais les Athéniens avaient pu juger peu souhaitable la concurrence du sanctuaire privé (3). L'histoire ultérieure du Sarapieion A ne nous est pas connue : peu de dédicaces y datent de l'époque athénienne (ID 2116, 2117, 2135, 2180, 2181, 2182), ce qui montre qu'il était peu prospère (4); mais l'état où les fouilles l'ont retrouvé, sans trace de réaménagement ou réutilisation, rend peu probable qu'il ait été désaffecté ou délaissé avant le grand abandon de Délos. LE SARAPIEIONB (5), à peu de distance du Sarapieion A, s'élève sur une petite terrasse qui domine le Réservoir inférieur de l'Inopos (GD 96); aujourd'hui très ruiné, il comprenait une cour et plusieurs pièces, avec des bancs, un petit temple et une citerne, des autels à cornes (6). L'histoire nous en est mal connue : nous ignorons la date de fondation ; comme dans le cas du Sarapicion A, > ; comme les dieux égyptiens et syriens, la déesse était donc une divinité > pourraient être les divinités du Cynthe, comme le suggère A. Plassart (1), mais plus probablement il s'agit de divinités orientales : en effet, l'Héraclès invoqué dans lPs deux dédicaces, est - malgré son nom grec et la massue figurée au-dessus de l'inscription ID 2308 - le Baal de Jabné-lamneia (cf. p. 410). Quant à Hauronas, il doit être identifié avec le dieu cananéen Houroun (2), qu'un texte de Ras Shamra nomme expressément > (3). La chronologie du sanctuaire ne peut être précisément établie, les dédicaces n'étant pas datées et les dédicants n'étant pas connus par ailleurs ; l'écriture suggère une date vers la fin du ne ou le début du 1er siècle. ( GD 109 L) est voisin de trois autres sanctuaires

4. Les sanctuaires B et C du Cynlhe. TESTIMONIA.

Inscriptions : liste des textes, p. 476. Architecture : A. Plassart, EAD, XI, pp. 258-261. Sur l'escarpement qui fait face au versant Nord du Cynthe sont établis deux sanctuaires, dits B et C, passablement ruinés (GD 109 B et C). Le sanctuaire B comprend trois ou quatre petites pièces. A un niveau plus bas, C est formé d'une cour pavée d'une mosaïque en éclats de marbre et entourée presque complètement par une terrasse peu élevée ; contiguë à l'Ouest, une petite pièce doit être la cuisine que mentionne une dédicace (ID 2310) trouvée dans le sanctuaire; deux autres pièces appartiennent au même ensemble. « L'état de la ruine est tel que la destination de ces divers locaux demeure généralement incertaine. Les conditions de trouvaille ne permettent pas davantage d'affecter sûrement à l'un des sanctuaires plutôt qu'à l'autre les marbres travaillés, sculptés

(1) A. Plassart, EAD, XI, p. 279. (2) H. Seyrig, Syria, 16, 1935, pp. 417-418; W. F. Albright, Journal of Semitic Languages and Litera/ures, 52, 1936, pp. 1-12. (3) Ch. Virolleaud, CRAI, 1936, p. 237; R. Dussaud, Syria, l 7, 1936, p. 394. - Sur le dieu, cf. encore W. F. Albright, Bull. Am. Sch. Or. Research, 84, 1941, pp. 7-12; R. Dussaud, Syria, 25, 1946-1948, p. 211.

476

CULTES

ORIENTAUX

ou inscrits découverts au cours de l'exploration ( ... ). Seule, en raison de son poids, la colonnette inscrite >>ID 2310 « ne doit pas avoir été beaucoup déplacée et l'on peut avec vraisemblance rapporter au sanctuaire C le texte qu'elle porte>> (1). Rappelons d'abord la liste des trouvailles :

- ID 2310. Dédicace ([m:pHîoÀ]ov? [obt~]µix-rix? [~"f)qi]oÀoyri[µ]ix-r[ix],µixyLpÉov, -rpix1tl½ixç, ~ixÀtaix)aux 0zoî:ç 1tp(i)-r0Lçen 97 /6. - ID 2316. Dédicace d'un péribole par - - ix.v7Jç> (2). J'ai déjà traité dans un précédent chapitre de Zeus Dusarès et Zeus Ido[génès ?] et, à leur propos, exprimé sur les sanctuaires B et C des observations que je reprendrai ici (pp. 242-245) ; mais il importe d'abord de commenter les autres noms divins, en dépit des incertitudes qui subsistent souvent : malgré son caractère hellénique et son usage dans la religion grecque, l'épiclèse de Mégistos, portée ici par Zeus, s'applique souvent à des divinités orientales. - L'identité des Théoi Protoi n'est pas connue ; on les a rattachés aux cultes cabiriques (3), mais le contexte religieux où ils se trouvent ici n'oriente pas nécessairement de ce côté. - est une divinité du I;Iaçlramaut (4). La formation du mot IIAKEL~OK.Q:EO:E a donné lieu à bien des discussions, mais il semble bien que ce nom divin s'identifie à celui de Ilixxzta~ç révélé par deux inscriptions de Gérasa (5), ce qui oriente vers l'Arabie. - A. Plassart, suivi par P. Roussel (1) A. Plassart, EAD, XI, p. 261. (2) A. Plassart, EAD, XI, p. 261. (3) R. Vallois, REA, 33, 1931, p. 55, et BCI-I, 55, 1931, pp. 362-363. (4) A. Plassart, EAD, XI, pp. 263-264. (5) C. B. \Velles dans C. H. Kraeling, Gerasa, New Haven, 1938, pp. 383~384, n°• 17 et 18. Cf. Ch. Picard, Syria, 17, 1936, pp. 315-316; R. Mouterde, Mél. Univ. Saint-Joseph, 22, 1939, pp. 137-138; L.-H. Vincent, Uevue biblique, 49, 1940, pp. 98-129; R. Dussaud, Syria, ZZ, 1941, pp. 295-297; J. T. Milik,

TABLEAU

DES

CULTES

ORIENTAUX

477

et M. Launey (1), interprétait ANATPAM comme An (nom divin?) et 'A-,pixµ[Z],