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Latin Pages [557] Year 1981
CORPVS CHRISTIANORVM Continuatio Mediaeualis
LII
AGOBARDI L VGDVNENSIS OPERA OMNIA
TVRNHOLTI TYPOGRAPHI BREPOLS EDITORES PONTIFICII MCMLXXXI
AGOBARDI LVGDVNENSIS
OPERA OMNIA
EDIDIT
L. VAN ACKER Maître de recherches F.N.R.S.
TVRNHOLTI TYPOGRAPHI BREPOLS EDITORES PONTIFICII MCMLXXXI
INTRODUCTION POURQUOI CETTE NOUVELLE ÉDITION
?
L'étude remarquable publiée en 1969 par E. Boshof doit suffire désormais à qui veut approcher de plus près la vie d' Agobard et son œuvre littéraire. Toutefois, une édition nouvelle de cette dernière ne saurait être regardée comme superflue, et c'est à bon droit que W. Heil l'a réclamée dans le compte rendu qu'il a fait du livre de Boshof (1 ). Ce n'est pas que pareille entreprise puisse modifier beaucoup l'image que nous avons de l'évêque de Lyon; il est certain pourtant que la critique textuelle a ici son mot à dire, si nous voulons retrouver avec la vraisemblance la plus grande possible ce qu'il a réellement écrit. C'est là ce que deux exemples feront mieux comprendre. 1° Au cours de la discussion qu'il a consacrée à l'authenticité du traité De picturis et imaginibus (n° 9), Boshof s'appuie sur une omission relevée dans le texte de Migne (2) pour prouver qu'il existait à Lyon un exemplaire de l'Apologeticum de Claude de Turin analogue à celui qu'a eu sous les yeux Jonas d'Orléans (3). Or le manuscrit offre une version différente du texte présent dans la Patrologie, et on n'y trouve pas cette omission. L'assertion de Boshof perd donc tout fondement. 2° Le chapitre consacré à Agobard par F. Brunholzl dans sa Geschichte der lateinischen Literatur des Mittelalters (4) mentionne la vente qui aurait été faite de femmes chrétiennes par des chrétiens à des Juifs. Mais si l'on maintient la leçon donnée par le manuscrit (christianos uendi) de préférence à celle qu'a choisie Dümmler (christianas uendi), on devra interpréter d'une autre manière la suite du texte: perpetrarique ab eis [ludaeis] multa infanda quç turpia sunt ad scribendum (5). Ce ne sont là, bien entendu, que des exemples, et il y a d'autres raisons qui militent en faveur d'une révision.du texte. C'est ainsi que les divers éditeurs ont généralement prêté peu d'attention à la publication qui avait été faite en 1605 des œuvres d' Agobard par Papire Masson. Baluze (1666) l'a même critiquée d'une façon
(1) Zeitschrift für Kirchengeschichte 84, 197-3~,....i.07: "Vielleicht finden auf Grund solcher Forschungen wie dieses Buches.auch Autoren dieser Zeit eher einmal genügend Interesse, um eine moderne Gesamtausgabe zu veranstalten". (2) BosHOF, p. 156; cf. De picturis et imaginibus (n° 9), I, 14: uei qu~ sub terra (Ex. 20, 4) ne se lit pas dans PL 104, 199. ( 3) Voir aussi p. xxrx. (4) I, Munich 1975, p. 425. ( 5) De insoientia Iudeorum (n° 11 ), 158-159 ; ce que donne le manuscrit, doit faire allusion à la castration de jeunes chrétiens. Cf. BRESSOLLES, p. 112, note 3 et BLUMENKRANZ, Auteurs, p. 163, note 5 3.
INTRODUCTION
VI
acerbe ( Il faut pourtant, sans fermer les yeux sur ses défauts. signaler à tout le moins les conjectures originales et valables de cette édition princeps. Baluze lui-même, d'ailleurs, ne s'est pas fait faute de s'approprier mainte leçon proposée par son devancier (i). Faut-il noter, en outre, que les éditeurs postérieurs n'ont pas davantage manqué de critiquer ceux qui les avaient précédés? Pour Waitz, par exemple (8), Baluze a trop souvent procédé avec arbitraire dans le choix des leçons. On peut en effet le concéder, en dépit de ce que dit Bressolles (9); mais on conviendra d'autre part que l'édition incriminée présente parfois des corrections dont il faut admettre le bien-fondé (10). A son tour, Dümmler a signalé plusieurs méprises de Waitz (11 ); mais il a eu tort lui-même de ne pas consulter les manuscrits A et Pb, que pourtant il connaissait (12 ). Or on doit constater que, dans ce cas comme en d'autres, le recours à des sources jusqu'ici non utilisées a eu des conséquences insoupçonnées par rapport à la reconstitution du texte. Citons ici le cas de la lettre De Antiphonario (n° 24). D'autre part, le principal témoin de l'œuvre d'Agobard, je veux dire: le manuscrit P, n'a pas toujours été estimé à sa juste valeur. Je dois insister à ce propos sur la manière dont se présente dans ce 6 ).
(6) BALUZE, Praefatio, p. [ 1]. Pour les désignations MASSON, BALUZE, DüMMLER etc., voir la liste des éditions pp. LXI-LXIII. (7) Les annotations qu'a faites Baluze dans le livre de Masson, Paris, Bibl. Nat., Rés. C 3252, ne sont pas toutes reprises dans son édition. (8) MGH SS XV, 1, pp. 274-275. (9) BRESSOLLES, p. 40: "Nous avons vérifié sur le manuscrit les textes qui nous intéressaient. Les variantes sont rares et insignifiantes". (10) Par l'emploi sporadique du manuscrit M, le texte de Baluze est parfois plus complet que celui de P (par exemple n° 17, XIV, 1 3-24). Waitz a refusé quelques corrections d'une main contemporaine dans P, mais Baluze les a admises; par exemple: n° 20, II, 16-17: aliis comprehensis, aliis effugatis, auctrice ... excfusa ... incfusa] alios comprehensos, alios effugatos, auctricem ... excfusam ... incfusam a.corr. Pet Waitz; VI, 2-3 : rebus ... utentes] res ... utentes; rebus ... fruentes] res ... fruentes. Il en est de même pour l'édition de Boretius-Krause (MGH Capit. II, pp. 56-57), empruntée à Pertz (MGH LL. I, p. 369), où dans le n° 22 l'accusatif absolu deposita arma et ... proiecta ( 56- 57) est conservé malgré la retouche depositis armis et ... proiectis dans P. Dans le n° 21, l'expression liberatum bonum patrem (II [VIII], 28) n'est pas changée dans P, mais elle est entourée d'ablatifs absolus. Pertz justifie les accusatifs absolus par "l'usage du temps" (sunt accusatiui absoluti, more eius aeut), mais ces locutions, tout comme l'emploi de frui avec l'accusatif, n'appartiennent vraiment pas au langage courant d'Agobard (pourjrui, cf. par exemple n° 14, 64; n° 16, VI, 2); il est remarquable qu'elles se rencontrent de façon massive dans les pièces 20, 21 et 22, qui se succèdent aussi dans le manuscrit (fol. 197r-208v). A mon avis, nous avons affaire ici à une faute typique de copiste, plutôt qu'à une habitude de l'auteur. (11) MGH Epp. V, p. 150, note 1; p. 15 1, note 3. (12) ibid., p. 152.
INTRODUCTION
VII
manuscrit l'appendice du traité De diuinis sententiis contra iudic_ium Dei (n° 3). Cet appendice se compose d'une série de sentences bibliques qui occupent le milieu de la page, et de commentaires correspondants placés dans les marges. Comme l'étendue de ces explications est variable, le copiste a été contraint de leur chercher une place là où il en trouvait; d'où, souvent, un décalage fâcheux par rapport aux sentences qu'elles sont censées commenter (13). On peut, sans doute, repérer facilement le début de chacune d'elles; mais les citations bibliques, elles, forment un texte continu, et c'est seulement l'emploi de majuscules qui permet plus ou moins de les distinguer l'une de l'autre. Or ni Masson ni Baluze n'ont tenu compte de cette difficulté. Ils ont mêlé arbitrairement sentences et commentaires, aboutissant ainsi à créer une extrême confusion. On verra que le texte présenté par notre édition diffère presque entièrement du leur. N° 3: De diuinis sententiis contra iudicium Dei: Disposition dans l'édition de Masson (14)
Disposition dans l'édition de Baluze (14)
- VI, r9 (Gloria) - 39 (et cetera) -47 (Audistisquia)-55 (adnouum) -64 ([Quia] Quos)-65 (ledere [cedere]) - 39 (Tribus modis) - 46 (donatus) - 56 (Audistis) - 64 (Perfectus est) - 74 (Si enim) - 76 (Peccata uestra) - 82 (Omnia ergo) - 83 (Prophetae) - 65 (Nullo modo) - 73 (reseruat) - 76 (Considera) - 8r (Potes) - 87 (Qui amat) - ro2 (septies) - II2 (Sicut pulmentum) - rr4 (sine pace) - ro3 (Serue nequam) - ro5 (cordibus uestris) - ro8 (Conuerte) - ro9 (Peribunt) - rr2 (Abete - inter uos) - 83 (Festina) - 86 (subtraetur) - 125 (Qui domesticum) - 128 (homicida erat)
- VI, r9 (Gloria) - 39 (et cetera) -47 (Audistisquia)-55 (adnouum) - 64 (Quos) - 65 (ledere) - 39 (Tribus modis) - 46 (donatus) - 56 (A udistis) - 64 (Perfectus est) - 74 (Si enim) - 76 (Peccata uestra) - 82 (Omnia ergo) - 83 (Prophetae) - 65 (Nullo modo) - 73 (reseruat) - 76 (Considera) - 8r (Potes) - 87 (Qui amat) - 99 (reicitur) - 83 (Festina) - 86 (subtraetur) - roo (Domine) - ro5 (uestris) - ro8 (Conuerte) - ro9 (Peribunt) - II2 (Abete - inter uos) - ro5 (Quoniam) - ro7 (uindictam) - ro9 (Quanto) - III (occiditur) - rr2 (Sicut) - rr4 (sine pace) - rr5 (Quis horum) - rr6 (in illum) - 123 (Si filii) - 125 (Patris uestri) - 129 (Oues mee - secuntur me)
(13) Il y a d'ailleurs quelques signes de référence dans le manuscrit. - C'est à cause de cette divergence que j'ai séparé dans l'édition l'indication des folios concernant les sentences et celle qui concerne les commentaires (entre parenthèses). ( 14) Les chiffres se rapportent à la nouvelle édition.
VIII
INTRODUCTIO~
- 130 (Qui summe)- 131 (lupi sunt) - 105 (Quoniam graue) - 107 (uindictam) n5 (Quis horum) - n6 (in illum) 123 (Si filii) - 125 (Patris uestri) 129 (Ques - me) 109 (Quanta) - III (occiditur) n6 (Si sacerdos) - 122 (infudit) 132 (Si quis) - 138 (discipuli diaboli) - 142 (Si unitas) - 143 (Perjidiam) - 139 (Non pro his) - 142 (misisti) - 144 (Sit autem) - 147 (audientium) - 158 (De hac) - 161 (serpit) -148 (Quod si)- 151 (opus prauum) - 155 (Si ergo)- 157/158 (armorum) - 151 (Que autem) - 155 (Pacem) -- 165 (Perpende) - 167 (misericordiae) - 175 (Vnde sint - ostenditur) - 168 (Vnde bella) - 174 (est Dei) - 161 (Non unum) - 165 (malum) - 174 (Quicumque) - 175 (constituitur) - 185 (Agite) - 186 (uobis) - 175/176 (Cum non) - 184 (inimici Dei) - 187 (Melius) - 193 (Peccatorum) - r 97 (Vos autem) - 20 r (caritatem) - 193 (Non habet) - 196 (flagitiorum) - 201 (Hçc enim) - 204/205 (delictorum) - 208 (In hoc) - 219 (Ponere) - 205 (Aperte) - 207 (ambulans) - 220 (Benedicite) - 230 (malum) - 238 (Diliges) - 239 (dilectio) -230 (Non solum)-232 (benedicere) - 234 (Ve mundo) - 237 (ostendere) - 232 (Non solum) - 234 (debemus) - 240 (Debemus) - 245 (habeamus) - 249 (Non uis) - 253 (non sit) - 245 (Deus autem) - 249 (honorem Dei) - 253 (Vbi contraria) - 261 (excidit) - 274 (Si urgente) - 278 (resistunt) - 261 (Paciens) - 274 (resurrexit)
-
- n6 (Si sacerdos) - 122 (infudit) - 125 (Qui domesticum) - 128 (erat) - 130 (Qui summe) - 136 (ad inuicem)
- 139 (Non pro) - 142 (misisti) - 144 (Sit autem) - 146 (non operatur)
-
136 (Si dilectione) - 138 (diaboli) 142 (Si unitas) - 143 (Perjidiam) 148 (Quod si) - 151 (Prauum) 146 (Et Paulus) - 147 (audien-
tium)
-
158 (De hac) - 161 (serpit) 155 (Si ergo) - 157/158 (armorum) 161 (Non unum) - 165 (malum) 151 (Quç autem) - 155 (Pacem) 165 (Perpende) - 174 (est Dei) 175 (Vnde - ostenditur) 174 (Quicumque) - 175 (consti-
tuitur)
- 185 (Agite) - 186 (uobis) - 175/176 (Cum non) - 184 (inimici Dei)
- 187 (Melius) - 193 (Peccatorum) - 197 (V os autem) - 201 (caritatem) - 193 (Non habet) - 196 (flagitiorum) - 201 (H ~c enim) - 204/205 (delictorum)
- 208 (In hoc) - 219 (Ponere) - 205 (Aperte) - 207 (ambulans) - 220 (Benedicite) - 230 (malum) - 238 (Diliges) - 239 (dilectio) -230 (Non solum)-232 (benedicere) - 234 (Ve mundo) - 237 (ostendere) - 232 (Non solum) - 234 (debemus) - 240 (Debemus) - 245 (habeamus) - 249 (Non uis) - 253 (non sit) - 245 (Deus autem) - 249 (Dei) - 253 (Vbi contraria) - 261 (excidit) - 274 (Si urgente) - 278 (resistunt) - 261 (Paciens) - 274 (resurrexit) - 278 (Hii pro) - 285 (uobiscum) - 292 (Omnis) - 294 (nabis) - 285 (Perfectorum) - 290/291 (uiuere)
- 294 (Estote) - 296 (nos) - 299 (Non est) - 301 (celestibus)
INTRODUCTION - 278 (Hii pro) - 285 (uobiscum) - 292 (Omnis) - 294 (nabis) - 285 (Perfectorum) - 290/291 (uiuere) - 294 (Estote) - 296 (nos) - 299 (Non est) - 301 (cçlestibus) - 296 (H çc sententia) - 298 (considerare) - 302 (Fratres) - 382 (dispersisti nos) - 391 (Deus, uenerunt) - 397 (nostro sunt) - 382 (Ista sententia) - 390 (sustinuit) - 397 (Hec sententia) - 400 (mundo corde) - 403 (Qui ingreditur) - 407 (decipiet eos) - 409 (Melior) - 4ro (urbium) - 412 (Arma) - 416 (iram suam) - 400 (V ideat) - 402 (enumerat) -4ro (Nonsolum)-4rr (anima sua) - 407 (Qui cum) - 408 (Pr opter Deum) - 417 (Erue) - 420 (opera sua) - 423 (Vidi) - 425 (tune erit) - 431 (Verti) - 433 (destitutos) - 420 (Non solum) - 422 (opera tua) - 425 (Quando) - 430 (enumerant) - 434 (Si uideris) - 444 (excolatur) - 446 (Dei in) - 449 (Perpetua) - 445 (Justus) - 446 (malicia sua) - 449 (Melius) - 464 (eueniunt) - 467 (V erti) - 472 (superuenerit) - 464 (Si omnia) - 466 (certa) - 472 (Hçc sententia) - 528 (belligerare) - 533 (Videte) - 535 (igni) - 528 (Heu proh) - 532 (in gladios) - 535 (V acate) - 536 (sum Deus) - 538 (M ei autem) - 544 (loquentes) - 536 (Quç et) - 537 (adquieuissent)
IX
- 296 (Hec sententia) - 298 (considerare) - 302 (Fratres) - 400 (mundo corde) - 403 (Qui ingreditur) - 407 (decipiet eos) - 409 (Melior est) - 4ro (urbium) - 412 (Arma) - 416 (iram suam) - 400 (Videat) - 402 (enumerat) -4ro (Non solum)-4rr (anima sua) - 407 (Qui cum) - 408 (Propter Deum) - 417 (Erue) - 420 (opera sua) - 423 (Vidi) - 425 (tune erit) - 431 (Verti) - 433 (destitutos) -420 (Non solum) - 422 (opera tua) - 425 (Quando) - 430 (enumerant) -434 (Si uideris) - 528 (belligerare) - 533 (V enite) - 535 (igni) - 528 (Heu) - 532 (gladios) - 535 (Vacate) - 536 (Deus) - 538 (Mei autem) - 544 (loquentes) - 536 (Quç et) - 537 (adquieuissent)
Ces exemples suffiront sans doute à montrer qu'une nouvelle édition s'imposait. Il nous faut signaler maintenant les problèmes qu'elle a soulevés, et la manière dont nous avons tenté de les résoudre.
X
INTRODUCTION
Le premier de ces problèmes réside dans la base étroite et souvent défectueuse que fournit le manuscrit P lorsqu'il s'agit de reconstituer le texte exact des traités qui ne se trouvent pas ailleurs. En effet, là où, au contraire, il est possible de comparer ce manuscrit à d'autres témoins, il apparaît que le texte qu'il contient est décidément peu satisfaisant. Ainsi est mise en doute la valeur du texte qu'il offre là où il en est le seul représentant. C'est ce qui frappe, en particulier, là où, comme c'est souvent le cas, Agobard ne fait que reproduire ce qu'avaient écrit avant lui d'autres auteurs. On est bien obligé, alors, de présumer qu'il ne les a pas toujours compris jusque dans le détail. Il l'avoue du reste luimême dans un passage dirigé contre Félix d'Urgel: Sed quia ego in haec uerba aduertere non possum, quid dicere uoluerü, aut quid senserit, ista indiscussa praetermittenda (15 ). En pareil cas, on peut évidemment conserver telle quelle la version donnée par le manuscrit, même si elle est dénuée de sens, puisque c'est justement son obscurité qui a dérouté l'auteur (16). Il en va de même quand Agobard nous avertit qu'il cite de mémoire (17). Mais souvent la solution n'est pas aussi simple. S'il faut tenir compte des adaptations que l'auteur pouvait se permettre, notamment en sautant quelques mots ou certaines phrases inutiles à son argumentation (18 ), si même on doit admettre qu'il a commis çà et là des erreurs de transcription, il est hors de doute que dans un bon nombre de cas il ne disposait pas d'un exemplaire en tous points correct. Or, cela, il ne le signale pas et ne paraît même pas en avoir conscience. D'où le problème qui se pose à l'éditeur et qu'il est souvent bien difficile de trancher: qui est le responsable de ce texte défectueux? Agobard lui-même, ou un des copistes de P? Ou ( 1 5) N° 5, XXXV, 5-6 ; à moins qu'il ne veuille seulement dire que son adversaire débite des absurdités? (16) Il s'agit d'une citation de Félix qu'a discutée aussi Paulin d'Aquilée, qui, lui, en connaissait les termes exacts; voir BosHOF, p. 62, note 29. - Il faut signaler ici qu'il n'est pas certain qu' Agobard n'ait pas lu les Libri VII contra Felicem d'Alcuin (BosHOF, p. 62: "Agobard hat sein Werk, obwohl er es fast zwanzig Jahre nach den Aktionen Alkuins und des Paulinus verfaszte, vollig selbstandig konzipiert, ja er hat die Streitschriften der beiden anderen wahrscheinlich nicht einmal gelesen"). En ce cas, on devrait attribuer au hasard ou, ce qui est plus vraisemblable, à une source commune une ressemblance comme : Timens enim permixtionem Euticetis incurrere, corruit in diuisionem Nestorii. Sed quia eum ... corruisse diximus in Nestorii pessimam diuisionem ... (Agob., n° 5, VI, 1 3-16) et Ne dum Eurychetis foueam declinare, et permixtionem duarum naturarum cauere uideamini, in Nestorii barathrum inconuenienter diuidendo decidatis ... (ALCUIN., Contra Feficem I, 11, PL 101, 136). (17) N° 7, XVIII, 19-20: disputai de his, in quantum recordari ualeo, beatus Augustinus; ibid., XVIII, 31 : nisi Jal/or. (18) Il pouvait, par exemple, s'appuyer sur le système élaboré par le diacre Florus; cf. CHARLIER, Manuscrits, pp. 74-78; CHARLIER, Florus, pp. 5 18-519.
INTRODUCTION
XI
encore, le ou les copistes de quelque manuscrit antérieur qui aurait servi de modèle ? Prenons le cas de l'Aduersum dogma Felicis (n° 5). On y trouve, au§ VII, 1-30, une citation de Nestorius dont je n'ai découvert nulle part ailleurs une version identique. Le texte est évidemment boiteux. J'ai tenté de le reconstituer en me servant de trois autres témoins: 1° la Confessio fidei Felicis, c'est-à-dire la formule par laquelle Félix d'Urgel abjura son hérésie au synode d'Aix-la-Chapelle de 800. Il est vraisemblable que ce protocole fut à l'origine du texte qu'on trouve chez Agobard; pas exactement, toutefois, sous la forme qu'il revêt dans le manuscrit Reims 385, qui est du 9e siècle (19 ) ; 2° un Symbolum N estorianum ou Expositio symboli transformati (de Théodore de Mopsueste ?) , dans une traduction latine attribuée à tort à Marius Mercator (20 ) ; 3° une Expositio prauae fidei Theodor( e)i, publiée dans le même tome de Marius Mercator (21). Chez notre auteur, il s'agit indubitablement d'une version maladroite de ce que d'autres sources ont formulé d'une manière plus coulante et plus exacte. Nous avons affaire à un pur décalque latin d'un original grec; et ce décalque, au cours de sa transmission, n'a sûrement pas gagné en clarté (22 ). Dans quelle mesure sommes-nous autorisés à le corriger? Voici, d'abord, le passage en cause : ut omnes nos a seruitute legis redimeret, ante iam praedestinatum, adoptionem accipientem, inenarrabiliter sibimet uiuens (VII, 3-4 = P). Faut-il remplacer ce texte manifestement incorrect par le suivant, inspiré de Gal. 3,13-14 et 4,4-5 (23 ), et dont témoignent les deux derniers opuscules cités ci-dessus, le Symbolum N estorianum (24) et l' Expositio fidei Theodorei (25 ) : ut omnes nos a seruitute (19) R dans l'édition MGH Conc. II, 1, pp, 220-225 ; le passage en question se trouve p. 223, 4-25. (20) PL 48, 878-879; SCHWARTZ I, 3, 130-131; voir F. LooFs, Die Überlieferung und Anordnung der Fragmente des Nestorius, dans Osterprogramm der Università"t Halle-Wittenbergfür I90} und I904, Halle a.S. 1904, pp. 13-14. (21) PL 48, 1043-1045; SCHWARTZ I, 5, 25. (22) Comparer aussi par exemple Aduersum dogma Felicis (n° 5), XXI, 15-16, où l'on n'obtient un texte intelligible qu'en reconstruisant, d'après l'original grec 6ouÀonprnoùç, la leçon seruo decibilis au lieu du sermo docibilis de P. Ici on peut imputer la bévue au copiste. ( 2 3) Christus nos redemit de maledicto legis, fac tus pro nobis maledictum ... ut pollicitationem Spiritus accipiamus per fidem. - ... ut eos, qui sub lege erant, redimeret, ut adoptionem filiorum reciperemus. ( 24) PL 48, 87 8 : ... ut omnes redimat a legis seruitute, consecutos adoptionem quae est olim repromissa, inaestimabiliter sibi coniunxit ... (2 5) PL 48, 1044: .. . ut omnes nos ex maledicto legis et seruitute redimeret, adoptionem filiorum olim praedestinatam recipientes, inenarrabiliter copulauit sibi, atque
XII
INTRODUCTION
legis redimeret, ante iam praedestinatam adoptionem accipientes, inenarrabiliter sibimet uniens ? On serait tenté de le faire, pour aboutir de la sorte à un sens acceptable. Si, pourtant, on veut reproduire ce qu'a réellement écrit Agobard, on devra conserver les leçons fautives praedestinatum et accipientem, attestés par le Remensis 385 (26 ). Il en va de même de uiuens (pour uniens), qui semble remonter à une déterioration antérieure. Le Remensis, de son côté, a une autre leçon évidemment fautive: ueniens. On conviendra donc que certaines formules obscures, surprenantes, ou même suspectes, ne peuvent être éliminées. En voici encore un exemple tiré du même opuscule (VII, 22-27): sed solus praecipuum habens hoc, quod ad Dei V erbi copulationem, adoptionem et dominationem participans, auferens quidem omnem suspitionem dualitatis Filiorum et Dominorum, prçstato uero nabis in copulatione ad Deum V erbum omnem haberet ipsius jidem et intellegentiam et theoriam, pro quibus et adorationem pro relatione Dei ab omni suscepit creatura. La phrase se retrouve, avec la leçon prçstito au lieu de prçstato, dans le même traité, XXXIII, r6-2r et, sous une forme analogue, mais avec quelques variantes, dans la Confessio Felicis (27 ). Pour en saisir le sens exact, il faut de nouveau recourir aux autres sources (28 ). Mais, ici encore, le témoignage du manuscrit de Reims nous interdit d'introduire dans ce passage les modifications qui le rendraient plus intelligible. Il faut donc reconnaître qu'Agobard n'avait pas un souci trop vif de la forme, pourvu que les grandes lignes de sa pensée se dessinent suffisamment (29 ). coniunxit. Dans la version de la Confessio Felicis de Mansi (reprise dans PL 96, 884), le texte a été adapté en ce sens. (26) Ce manuscrit et notre témoin P sont indépendants l'un de l'autre. (27) MGH Conc. II, 1, p. 223, 19-23. (28) Symboium Nestorianum: sed soius is habens praecipuam coniunctionem ad Deum Verbum, ftlietatis dominationisque particeps, adimit quidem opinionem duorum ftliorum et dominorum, praebet uero nobis coniunctionem ad Deum Verbum omnem habere de eo ftdem et opinionem; pro quibus et uenerationem, utpote Dei reiatio, ab omni accipit creatura. - Expositio Theodorei: sed is singuiariter hoc habens, in id quod Deo Verbo coniunctus est, dignitatis Fiiii et dominationis particeps, aufert quidem omnino duorum dominorum et ftiiorum inteiiigentiam; praestet autem nobis in coniunctione Dei Verbi omnem habere ftdem, omnemque inteiiectum et contempiationem. Ob haec et uenerationem ex Dei societate ab omni percipit creatura. (29) Dans le cas de la. citation de Nestorius discutée ici, il ne s'inquiétait apparemment pas de l'obscurité du texte, puisque son adversaire lui-même n'en avait présenté qu'une version aussi confuse. Agobard n'était pas le seul à se trouver en présence de ces traditions peu limpides; dans le chapitre XIV du premier livre Aduersus Eiipandum, Alcuin cite un morceau du même fragment de Nestorius en l'introduisant par les mots: post obscuros sensus et caiiginosas sententias .. . ait ... (PL I o 1, 2 50-2 51) - Il est normal que de pareilles difficultés se
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Mais c'est précisément ce dernier présupposé qui doit amener l'éditeur à s'écarter, à d'autres endroits, du texte offert par le manuscrit P. On doit, en effet, partir du principe que l'auteur, tout en laissant passer des incorrections accessoires, voire des formulations ambiguës, ne pouvait être négligent au point d'affaiblir son argumentation par des allégations complètement incohérentes. C'est en partant de ce postulat que j'ai tenté d'apporter au texte des corrections destinées à le rendre acceptable (30 ): démarche que l'on jugera parfois assez arbitraire, j'en ai bien conscience, mais dont je n'ai pas cru pouvoir me dispenser à l'occasion. Je n'y ai d'ailleurs recouru que le moins possible. D'une façon générale, j'ai gardé à l'égard de la tradition une attitude plutôt "conservatrice", tout en introduisant dans l'apparat critique les variantes possibles que me fournissaient des témoins indirects. Faut-il, parmi ceux-ci, citer le diacre Florus? On a insisté plus d'une fois sur le rôle qu'il aurait joué dans la genèse de l'œuvre d'Agobard (31 ). Laissons de côté la question précise de la paternité littéraire (32 ), pour n'examiner ici l'aspect philologique du problème. Et disons tout de suite que si l'activité de l'érudit lyonnais peut fournir à ce propos des indications très intéressantes, elle ne suffit pourtant pas à faire toute la lumière sur la rédaction des textes édités ici. Ce serait minimiser à l'excès l'initiative personnelle d' Agobard et ce serait fausser la tradition manuscrite que de vouloir conformer, là où la chose se révèle possible, le texte de l'évêque de Lyon à celui de son secrétaire. C. Charlier a sans doute raison, lorsqu'il fait remonter aux travaux préparatoires du diacre
produisent surtout à l'égard de sources plus anciennes. Les citations du contemporain Amalaire dans le Contra libros quatuor Amalarii (n° 25) ne posent presque pas de problèmes, mais un texte comme par exemple celui du prêtre Eutrope (5e siècle) n'est rien moins qu'impeccable (n° 5, XXXIV, 28-32). G. Morin l'a corrigé d'après d'autres manuscrits, parce que la citation d'Agobard "est absolument inintelligible dans l'édition de Migne" (G. MORIN, Un traité inédit du IVe siècle. Le De similitudine carnis peccati de l'évêque S. Pacien de Barcelone, dans Études, Textes, Découvertes I, 191 3, pp. 81-82; texte: pp. 12 5-126). Je ne l'ai pas suivi purement et simplement, croyant qu' Agobard a dû vraisemblablement se débrouiller avec un exemplaire incorrect, qui donna lieu à une interprétation différente. (30) Par exemple dans le passage discuté: (hominem) (VII, 1); (substantiam) (VII, 13). ( 31) C'est surtout le Père Célestin Charlier qui a accentué et illustré l'importance de Florus comme "préparateur" de quelques ouvrages d' Agobard. Voir les articles CHARLIER, Manuscrits et CHARLIER, F lorus, pp. 519-5 20. Je remercie vivement le Père Irénée Fransen, de l'abbaye de Maredsous, de m'avoir donné l'occasion de consulter l'immense dossier "Florus" qu'a établi Dom Charlier. La plus grande partie de cette documentation se trouve encore dans l'état de notes à usage personnel, de sorte que la vraie portée ne s'en révélera que par les études que Dom Fransen est en train d'y consacrer. (32) Voir le chapitre sur l'authenticité des ouvrages, pp. xx et suiv.
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plusieurs citations faites par notre auteur (33 ) ; mais adapter systématiquement le texte de l'un à celui de l'autre ne saurait se défendre en saine critique. Lorsque deux passages sont presque identiques, nous pouvons déduire de ce fait qu'ils ont une origine commune; ce serait aller trop loin que d'utiliser cette ressemblance pour restituer un texte apparemment défectueux. B. Blumenkranz, de son côté, a voulu démontrer qu'Agobard avait été tributaire de Florus. Son étude (34 ) établit une comparaison entre le De ludaicis superstitionibus et erroribus d'Agobard (n° 12, ci-dessous) et le D_e jugiendis contagiis ludeorum de Florus, en partant de cette hypothèse que le second serait à l'origine du premier. Mais cette comparaison démontre tout autant la liberté avec laquelle Agobard se serait servi du "brouillon", fait d'une série de canons, que son auxiliaire lui aurait préparé (35 ). Il aurait, toujours selon Blumenkranz, supprimé certains paragraphes peut-être en raison de la situation politique-, et aurait, intentionnellement ou par simple erreur, renversé l'ordre des canons (36 ). Même, donc, si l'on admet le raisonnement de Blumenkranz, on est amené à soupçonner qu' Agobard a fait œuvre personnelle et a fait subir à la rédaction de Florus des modifications qu'il faut regarder comme essentielles (37). C'est dans ce contexte qu'il faut replacer un Liber contra 1 udaeos qu'on attribue généralement à Amolon, successeur d'Agobard sur le siège de Lyon, mais dont C. Charlier a voulu faire remonter la (3 3) Voir par exemple CHARLIER, Manuscrits, p. 80, note 2: citation du De templo Salomonis de Bède dans le manuscrit Paris, Bibl. Nat., coll. Bal. 270, préparée par Florus et reprise dans le De picturis et imaginibus (n° 9), XXI. P. Bellet croit que cet ~xtrait est à mettre en rapport avec l'activité de Claude de Turin (BELLET, pp. 192-193; cf. ibid., pp. 152-1 53). Le manuscrit date du commencement du 9e siècle: cf. A. W1LMART, Fragments carolingiens du Fonds Baluze, dans Revue Bénédictine 4 3, 19 31 , p. 1 1o. (34) Cf. BLUMENKRANZ, Compilations. (3 5) Cf. ibid., pp. 563-5 64, paragr. 2: L'utilisation de la collection par Agobard; il s'agit de la compilation canonique du manuscrit Troyes 1406, réunie par Florus. (36) Ailleurs BLUMENKRANZ (Auteurs, p. 165, note 63) fait remarquer à propos du mot denique au commencement du paragraphe X du traité n° 12 : "Ce mot, mal à propos ici, semble révélateur de la méthode de travail d' Agobard (ou de son secrétaire Florus), travail 'sur fiches', dirions-nous. Il semble avoir primitivement destiné ce passage à la fin de son exposé; ayant renversé l'ordre, il a oublié de supprimer ou de remplacer le denique". Mais comme denique peut avoir divers sens, entre autres celui de autem (voir par exemple R.E. LATHAM, Revised Medieval Latin Word-List, Londres 1965, p. 138), cet argument manque de valeur. (37) Mais la thèse de Blumenkranz doit-elle être admise sans réserves? En fait, le rôle joué ici par Florus ne se dégage pas toujours aussi nettement qu'on voudrait nous le faire croire. Je serais fort porté, pour ma part, à m'associer aux vues de Boshof, qui me semble avoir eu raison de souligner la fragilité d'une argumentation trop conditionnée par le postulat de la priorité de Florus. Voir BosHoF, p. 138, note 1 38.
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paternité, cette fois encore, à Florus (38 ). Si nous évoquons ce problème d'authenticité, c'est que le texte de l'ouvrage en cause est souvent presque identique à celui du De Iudaicis superstitionibus et erroribus, et qu'on doit en conséquence se demander s'il ne peut pas nous aider à reconstituer la forme originale de ce dernier. Mais revenons d'abord sur le rôle qu'aurait joué Florus dans la composition de cet ouvrage (39 ). Il suffit de comparer les chapitres LII-LVIII d'Amolon (PL rr6-r80-r83) avec le texte parallèle d'Agobard (n° rz, II., r à VIII, 8) pour constater que, mise à part l'omission de quelques lignes (Agobard, III, r-ro), la disposition des témoignages est exactement la même: Hilaire, Ambroise, Avit de Vienne, Césaire d'Arles, puis des textes conciliaires, dans l'ordre établi par Agobard (VI, r à VIII, 8), avec les renseignements donnés par celui-ci et à peu près dans les mêmes termes. La ressemblance est trop frappante pour être l'effet du hasard, et on doit en déduire qu'Amolon a, tout simplement, copié son prédécesseur. Il est d'ailleurs évident qu'en d'autres endroits aussi les écrits antijuifs d' Agobard ont inspiré son successeur (40); le plan même du Liber contra Iudaeos fait penser à celui du De Judaicis superstitionibus et erroribus (41 ). Amolon était cependant assez original pour étoffer son ouvrage d'éléments nouveaux (42 ), et pour faire subir une adaptation aux données que lui fournissaient son prédécesseur et ses partisans. Lorsque, s'inspirant d' Agobard (43 ), il cite Paulin de Milan, il se permet d'abréger le texte de ce dernier et de n'en retenir que ce qui concerne le problème en cause: celui du judaïsme (44 ). Et là où il
(38) Édition: PL 116, 141-184. Cf. CHARLIER, Manuscrits, p. 80: "Le Liber contra Iudaeos est aussi dû à Florus, quoique composé au nom d'Amolon". BLUMENKRANZ, Auteurs, p. 195, n'hésite pas à indiquer Amolon comme auteur. (39) Cf. C. CHARLIER, La compilation augustinienne de Fforus sur /'apôtre. Sources et authenticité, dans Revue Bénédictine 57, 194 7, p. 162 : "Quant à Agobard, Amolon et Remi, presque aucune des œuvres, qui leur sont attribuées ne peuvent leur être maintenues, car elles portent les traces non équivoques de la collaboration intime de notre compilateur, si pas de son activité exclusive". (40) A comparer: Liber contra Iudaeos VII-VIII (PL II6, 144-145) et AGOBARD, n° 12, XX, 14-20; ibid., XX, 25-3 3; X, 65-69; n° 11, 86-90. (41) Cf. AGOBARD, n° 12, I, 21-23: pauca de exempfis et statutis patrum, ac deinde de actis apostolicis, siue de Euangeliis et Veteris Testamenti scripturis. Inversement, Amolon donne d'abord les témoignages bibliques pour les confirmer ensuite par l' auctoritas des Pères et des décrets synodaux (chap. LII, PL II 6, 1 80). (42) Voir par exemple le chapitre X du Liber contra Iudaeos. (43) AGOBARD, n° 12, II, 10 et suiv. (44) Paulin et Agobard parlent non seulement des Juifs, mais aussi des Valentiniens: .rynagoga Iudrorum et fucus Vafentinianorum incendio concremata sunt, propterea quod Iudri uef Vafentiniani insu/tarent etc.; AMOLON, Contra Iudaeos, LIII (PL 116, 180): .rynagoga Iudaeorum incendio concremata est, propterea quod Iudaei insu/tarent etc.
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reprend un texte d'Irénée de Lyon, c'est encore à Agobard qu'il l'emprunte, mais la version qu'il en donne ne correspond plus à la traduction latine peu classique que ce dernier avait utilisée; il la modifie pour la mettre d'accord avec les normes reçues de la latinité de son époque, tandis qu'il ne fait subir aucun changement au commentaire qu'en donne Agobard (45 ). Si nous avons cru devoir mettre en question le rôle attribué à Florus dans la composition de ces deux ouvrages (46 ), ce n'est pas que nous prétendions reconnaître à Agobard une totale originalité. Simplement, nous avons voulu prouver que les témoins indirects dont on serait tenté de mettre à profit les variantes pour "améliorer" le texte de notre auteur ne peuvent être invoqués qu'avec la plus grande réserve (47 ). Tout ceci doit nous mettre en garde contre une manipulation par trop arbitraire du ou des manuscrits. C'est là pourtant ce qu'a fait parfois Baluze, qui, par exemple, s'est permis de rendre les citations bibliques conformes au texte de la Vulgate (48 ). Pareil procédé est évidemment indéfendable lorsqu'on a affaire à un
(45) Cf. AMOLON, Contra Iudaeos, VI (PL 116, 144) et AGOBARD, n° 12, IX, 530. (46) Voir aussi BosHOF, p. 16 5. (47) On pourrait augmenter la liste des exemples où une comparaison entre la tradition d'Agobard et celle d'autres sources serait certainement intéressante, mais ne pourrait justifier des modifications. Ainsi la citation de la lettre du pape Symmaque à Anastase dans le Aduersum dogma Felicis (n° 5, XXIV, 4-12) se trouvait aussi dans la compilation florienne des XII Pères. S'il est possible qu'Agobard se soit servi du travail du diacre, ceci n'oblige tout de même pas à adapter son extrait aux quelques petites variantes de celui de Florus (fol. 66r dans le manuscrit Vitry-le-François 2, dont j'ai pu voir une copie à Maredsous. Sur cette compilation, voir I. FRANSEN, Les extraits d' Éphrem latin dans la Compilation des XII Pères de Florus de Lyon, dans Revue Bénédictine 87, 1977, pp. 349-37 1). (48) On rencontre des modifications dans tous les traités; je note ici quelques corrections superflues dans le n° 17 (De ftdei ueritate et totius boni institutione): XI, 18 /19; in aduentum eius] qui in aduentu eius crediderunt Ba ( = Baluze), cf. Vulg. II, p. 1786; XIV, 14: sensu] uestro sensu Ba, cf. Vulg. II, p. 1829; XIV, 1 5 :per nos]pernos missam Ba, cf. Vulg. II, p. 1829; XIV, 70: Et unum] Et uidi unum Ba, cf. Vulg. II, p. 1894; XIV, 81 :facit]fecit Ba, cf. Vulg. II, p. 1895; XIV, 84: seducit] seduxit Ba, cf. Vulg. II, p. 1895; XIV, 14: et cruciabuntur] cruciabuntur Ba, cf. Vulg. II, p. 1903; XV, 22: omne] omnes Ba, cf. Vulg. I, p. 765 ; XVI, 19: in generatione et generatione] degeneratione ingenerationem Ba, cf. Vulg. I, p. 779; XVI, 20: do/or] do/us Ba, cf. Vulg., ibid.; XVI, 21: sedet insidians] sed et insidiatur Ba, cf. Vulg., ibid.; XVII, 2 3 : sol] sol intelligentiae Ba, cf. Vulg. II, p. 1007; XIX, 22 / 2 3 : oportunitatis] ftdei Ba, cf. Vulg. II, p. 1812; XX, 16: super] sunt super Ba, cf. Vulg. II, p. 1867; XXII, 4: accusauit] accusabit, XXII, 5 : separauit] separabit Ba, cf. Vulg. II, p. 17 59 ; XXVI, 6 : Tollere et mittere] toile te et mitte te Ba, cf. Vulg. II, 1595 ; XXVI, 2 5 : exaudiet] exaudiet te Ba, cf. Vulg. II, p. 1156. Il y aussi des adaptations du texte de la Vetus Latina; ainsi on peut conserver le mot numerabiles (V, 22) au lieu du innumerabiles de Baluze; cf. les notes de SABATIER I, p. 896.
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XVII
ouvrage écrit à une époque où l'autorité de cette version était loin de s'imposer et où l'on était encore à la recherche d'un texte exact. (49 ) . Ce souci d'authenticité se manifeste aussi chez Agobard (50 ). Dans son apologie contre Frédégise, successeur d' Alcuin sur le siège abbatial de Saint-Martin de Tours (opuscule n° 18), il explique son point de vue en cette matière. Il admet - cela va sans dire -1' autorité des auteurs inspirés, ceux del' Ancien comme ceux du Nouveau Testament. Il fait confiance à la Septante, à saint Jérôme et à quelques autres traducteurs latins (51 ). Mais il rejette les versions grecques, contenues dans les Hexaples d'Origène, d'Aquila, de Théodotion et de Symmaque, ainsi que certaines traductions latines désapprouvées par saint Jérôme (52 ). Cette attitude critique envers les textes bibliques, attitude qui se retrouve dans les Libri Carolini (53 ), s'accorde entièrement avec la liberté d'appréciation et la manière raisonnée et nuancée dont il use à l'égard des ouvrages exégétiques (54 ). Notre auteur ne laisse d'ailleurs subsister aucun doute sur le fait qu'il savait utiliser et comparer entre elles diverses versions de !'Ecriture. Il lui arrive par exemple de signaler divers sens possibles d'un même passage, et cela non seulement en comparant le Psalterium Gallicanum et les Psalmi iuxta H ebraicum, mais en recourant à des variantes vieilles-latines (55 ). (49) Cf. B. FISCHER, Bibeltext und Bibelreform unter Karl dem Groszen, dans Karl der Grosze. Lebenswerk und Nachleben II: Das geistige Leben, herausgegeben von B. BISCHOFF, Düsseldorf 1966 2, pp. 156-157. ( 5o) A propos du rôle que cet évêque a peut-être joué dans la transcription de la Bible, voir les remarques sur le manuscrit Lyon, Bibl. de la Ville 430 chez B. FISCHER, loc. cil., p. 168. (5 1) N° 18, IX, 10-22. (5 2) Ibid., 22-28. (53) Cf. B. FISCHER, loc. cil., p. 1 57-15 8. (54) Contrairement à Frédégise, Agobard admet par exemple que les traducteurs et les exégètes pouvaient s'écarter des règles de la grammaire "ratione condescensionis" (n° 18, VII, 11-15); de lui-même, il dit que ses incorrections sont causées par sa propre défaillance (ibid., 26-27: qui, etiamsi uelimus omnia secundum grammaticam loqui, non possumus) ; il est aussi conscient des problèmes que devaient poser aux traducteurs le nombre et le genre de certains mots dans les diverses langues (n° 18, VIII, 1-30). Voir BosHOF, pp. 191-193. ( 55) Cf. par exemple n° 2 3, III, 16-21 : "S tetit coniux ... " Haec iuxta Hebraicum, antiquior autem translatio ... : "Adstitit regina ... " = Ps. 44, 10, la première fois d'après la traduction de Jérôme, la deuxième fois dans la version émendée par ce même auteur d'après les Septante (le Psalterium Gallicanum, qu' Alcuin préféra dans sa composition de la Vulgate au texte iuxta Hebraicum pour des raisons liturgiques; voir l'introduction de R. WEBER dans Vulg. I, p. VI). -N° 23, VIII, 11 -1 3 : qui "non respexit ... et insanias falsas", uel sicut in Hebraico legitur, "ad superbias pompasque mendacii" (Ps. 39, 5). Les textes vieux-latins sont parfois introduits par des expressions comme alia translatio ou alia editio. Par exemple n° 1, XIII, 35-38 (lob 42, 6; cf. SABATIER I, p. 907).-N° 12, XXV, 28-29: (Deut.
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Il importe donc de tenir compte de la variété des textes dans lesquels Agobard pouvait puiser. Il préférait d'habitude la Vulgate; mais il n'excluait pas la Vetus Latina, telle qu'on la trouve souvent dans des passages empruntés à des sources patristiques ou inspirés par elles (56 ). Il lui arrivait même d'introduire dans les textes bibliques des variantes peu courantes (57 ), ou étrangères aux versions traditionnelles (58 ). Il est en outre vraisemblable que dans
28, 17; cf. SABATIER I, p. 377). - N° 17, V, 21-22 (lob 36, 27; cf. SABATIER I, p. 896, où la variante stillicidia n'est pourtant pas signalée; elle se trouve dans l'Examerond'Ambroise II, 3, 12, CSEL 32, r, p. 5 r). -N° 25, IX, 41-42 (cf. Gen. 2, 7; cf. SABATIER 2 , Genesis, p. 39). Je remercie M. le Professeur W. Thiele et M. Dr. I. Peri du Vetus Latina Institut d'avoir voulu me renseigner sur les données rassemblées à l'abbaye de Beuron. (56) Aux exemples déjà cités, on peut ajouter: n° 4, II, 17-19 (cf. Ex. 12, 5-8; cf. SABATIER I, pp. r 56-15 7). - N° 9, XXXV, 14-15 : summi consilii ange/us ne se trouve pas dans les matériaux de Beuron, mais magni consilii ange/us s'y rencontre souvent(Is.9,6).-N° 17,XIX, 33-34(Matth. 12, 35 ;cf. SABATIERIII,p. 73).N0 r 8, III, 24-25 (lob 14, 4-5 ). - N° 2 5, XII, r 2 (Rom. 7, 23 ; cf. SABATIER III, p. 619). -N° 25, XV, r 1-12 (Matth. 9, r 3; cf. SABATIER III, p. 50). Je dois signaler également n° r 8, XI, 7-8 : Nonne si recte ofjeras, et non recte diuidas, peccasti? (Gen. 4, 7; cf. SABATIER 2, Genesis, pp. 82-8 3), d'après le passage de saint Augustin qui paraît avoir suscité la suite des idées d' Agobard (De ciuitate Dei XV, 7, CC 48, p. 460). (57) N° 15, II, 2-3: ... a uesicis turgentibus, uel, sicut alia editio dicit, feruuris Egyptiis inlatis (cf. Ex. 9, ro); je n'ai pas retrouvé cette autre traduction; il y a une allusion au même passage biblique (avec le mot feruurae) dans RuFrNUS, Oratio Gregorii NazianzeniVIII, rr, 2 (CSEL46, p. 248, 12). -N° 8, 49-50: Nonauferes loco pignoris superiorem et inferiorem molam (Deut. 24, 6); M.W. Thiele (Beuron) croit que plutôt que d'un texte de la Vetus Latina (qui en général s'en tient aux leçons pignerabis, pignorabis au lieu de auferes), il s'agit d'une variante ou d'une glose de la Vulgate. - N° 18, XV, 19-20 (formulation inhabituelle de Os. 4, r). ( 58) N° r 2, X, 2 1-2 3 : ... araboth ... et hoc esse in psalmo secundum illos: "]ter facite ei, qui caballicat super araboth". Je n'ai retrouvé nulle part cette variante de Ps. 67, 5 : iter facite ei qui ascendit super occasum (iuxta LXX), praeparate uiam ascendenti per deserta (iuxta Hebr.). Je remercie le Père Bogaert de l'abbaye de Maredsous de m'avoir fait remarquer qu'il doit s'agir ici d'une traduction latine nettement plus tardive, étrangère à la tradition chrétienne, et sans doute faite directement sur l'hébreu. Dans ce contexte, il faut rappeler que cette particularité se rencontre dans un passage où A go bard résume quelques croyances juives, que, sans doute, lui avaient fait connaître des membres convertis de la communauté juive de Lyon (cf. BLUMENKRANZ, Auteurs, p. 168). Ceux-ci traduisaient le texte biblique à leur manière. Avec H. Lowe (Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters 13, 1957, p. 278, compte rendu), on doit souligner la faiblesse de la thèse de Cabaniss (Agobard, p. r r et p. II6, note 15) "that Agobard probably knew Greek and possibly knew Hebrew". Il est vrai que certaines citations bibliques particulières peuvent s'expliquer par l'influence du texte hébreu; avec toute réserve, M. I. Peri (Beuron) prend en considération I Reg. 3, 19 (n° 8, 18-19: Non cadit de omnibus sermonibus eius in terram) et Deut. 28, 59 (n° r 2, XXV, 42-44 :plagas magnas et perseuerantes, inftrmitates pessimas et perpetuas, quod alia translatio dicit plagas
INTRODUCTION
XIX
certains cas il ait cité de mémoire et se soit par là trompé sur la provenance exacte d'un passage (59 ), ou ait confondu des éléments semblables mais d'origine diverse (60 ). Comme à propos des autres sources, on se demande parfois où se trouve la limite entre la leçon théoriquement imputable à l'auteur et la faute dont on doit rendre responsable un copiste (61 ).
uerissimas et infirmitates ueras). Mais il est aussi vrai que les mentions explicites in Hebraico (cf. CABANISS, ibid., p. 117, note 1 5, Hebrew 2: "But he does refer to the Hebrew Old Testament") ne concernent que la traduction latine des Psaumes iuxta Hebraicum (voir plus haut, note 55), et n'impliquent donc aucune connaissance de l'hébreu. - Quant au grec (cf. CABANISS, ibid., p. u6, note 15, Greek 2: "Agobard quotes extensively from the writings of the Patriarch Cyril against Nestorius, as well as a few passages from Nestorius. The long citations seem to be his own translation, but that cannot be certain"), je crois avoir démontré plus haut (pp. xr et suiv.) qu'au moins dans une allégation de Nestorius, l'auteur se perdait lui-même dans l'obscurité de la traduction latine qu'il utilisait. (5 9) N° 7, XVIII, 6-10: après des versets de saint Mathieu (26, 8-9), il ajoute: ad quod subiungens idem euangeiista ... , mais il cite saint Jean (12, 6). (60) Il y a confusion, ou du moins contamination (délibérée?) entre trois passages de saint Paul dans le n° 1 5, IX, 19-21. A comparer: I Tim. 1, 20; II Tim. 1, 15; 2, 17. - Je n'ai pas non plus corrigé les leçons fautives (mais à mon avis authentiques) Somna (au lieu de Semeia, cf. Ier. 29) et Phadassur (au lieu de Phassur, cf. Ier. 20) dans le n° 4, VII, 20-21; la ressemblance de ces noms (cf. IV Reg. 18, 18 et Num. 1, ro; 2, 20; 7, 54; 7, 59; 10, 2 3) pouvait facilement donner lieu à une erreur. (61) A ces incertitudes viennent s'ajouter des considérations d'ordre purement paléographique. Un exemple: n° 1 7, VII, 56 : terra tua inhabitabitur. Dans la Bible (et chez Baluze), on lit: terra tua inhabitata quia conplacuit Domino in te et terra tua inhabitabitur (Is. 62, 4); on s'imagine facilement qu'un scribe ait fait le saut de terra tua à terra tua, mais d'autre part il existe une leçon inhabitabitur pour inhabitata, et le sens de la citation n'est aucunement atteint par l'omission.
INTRODUCTION
XX
LA
QUESTION DE L'AUTHENTICITÉ
Au cours des discussions qui précèdent, il a été question plusieurs fois du diacre Florus. Des auteurs tels que A. Wilmart et C. Charlier ont voulu lui attribuer la paternité presque exclusive des écrits sortis de la plume des trois évêques de Lyon, Agobard, Amolon et Remi. Cette thèse va trop dans le sens désiré par ses auteurs (62 ) pour n'être point à l'abri de toute objection (63 ). L'état actuel des recherches ne nous permet pas encore, il faut le reconnaître, de déterminer la part qu'a eue le diacre de Lyon dans l'élaboration des écrits de ceux à qui il servait de secrétaire. J'ai cru pouvoir, cependant, poser en principe, avant d'entamer toute discussion à ce sujet, que celui qui a signé ces ouvrages devait en être présumé responsable (64 ). Disons en outre qu'il y a toute une série de traités au sujet desquels il n'existe aucun doute fondé. Ce sont les pièces n° r à 8, ro à 24. Seuls les n° 9, 25 et 26 offrent matière à discussion. Mais avant d'aller plus loin, il nous faut mentionner quelques textes qui ont passé pour des œuvres d'Agobard et qu'on ne trouvera pas dans cette édition. a) Un fragment de lettre repris dans une compilation canonique de Florus (65 ). Dans cette lettre, un évêque a recours à l'intervention de l'empereur afin de pouvoir administrer le baptême à un groupe de jeunes Juifs qui voulaient se convertir (66 ). Blumenkranz a revendiqué pour Agobard la paternité de cette lettre (67 ).
(62) Cf. par exemple supra, p. xv, note 39; WrLMART, Un lecteur ennemi, p. 328, à propos de la lettre De antiphonario au clergé de Lyon : "C'est entendu, cette lettre porte le nom d' Agobard et il en a pris la responsabilité. Mais rien n'empêche de supposer que Florus dont elle exprime les idées et dont elle continue la polémique ait été sinon le rédacteur, du moins le secrétaire qui a réuni la documentation et préparé l'argumentation"; CHARLIER, Florus, pp. 519-5 20: " ... le style lui-même laisse supposer en plus d'un endroit que Florus a été amené plusieurs fois à prendre une part importante à la rédaction: c'est particulièrement clair pour le Liber de diuinis sententiis ... et aussi pour la lettre au clergé de Lyon ... ". (63) Cf. BosHOF, pp. 164-165. (64) Cf. BLUMENKRANZ, Compilations, p. 244, note 34: "A mon avis, il faudrait plus nettement distinguer entre celui qui signe comme auteur et celui qui réunit les matériaux (pour ce dernier, je pense au terme moderne de nègre littéraire)". (65) Ex epistola episcopi ad imperatorem de baptizandis Hebraeis. Il y en a plusieurs éditions: L. d' AcHÉRY, Spicilegium XII, pp. 52-5 3; In., 2e éd. (Paris 172 3) I, pp. 598-599; PL 119,422; MGH Epp. V, p. 2 39; la plus récente est celle de BLUMENKRANZ, Compilations, pp. 574-5 75. BRESSOLLES et CABANrss, Agobard ne font pas mention de cette lettre. (66) A propos du titre, voir BosHOF, p. 13 5, note 128. Un résumé de ce fragment se trouve dans BLUMENKRANZ, Auteurs, pp. 156-15 7. (67) BLUMENKRANZ, Compilations, pp. 243 et suiv., et Auteurs, p. 1 56, en rejetant les attributions antérieures qui proposaient les candidatures de Remi et
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Mais son argumentation ne tient pas face aux objections soulevées par Boshof. Celui-ci, après avoir réfuté ou du moins neutralisé divers chaînons du raisonnement tenu par Blumenkranz (6 8), exclut décidément ce texte del' œuvre d' Agobard et se prononce en faveur de l'anonymat (6 9). b) Epistola Gregorii IV: lettre écrite en 833, dans laquelle le pape Grégoire IV réprimande sévèrement les évêques francs, ceux-ci lui ayant refusé le droit d'intervenir dans le démêlé d'ordre politique qui opposait Louis le Débonnaire à ses fils (70 ). On a beaucoup discuté sur la véritable identité de l'auteur de cette pièce. Boshof a examiné de près les divers arguments mis en avant, dans un sens ou dans l'autre, et il n'en a trouvé aucun qui soit suffisant pour permettre de rejeter l'authenticité grégorienne de l'opuscule en cause (71 ). Je me range à son opinion, en y ajoutant toutefois quelques observations. Il est vrai que ce texte se trouve dans le manuscrit P, témoin par excellence de l' œuvre d' Agobard (fol. r92v-r97r). Mais il est très concevable qu'il s'y soit glissé comme faisant partie d'un petit dossier ayant trait aux événements de 833. La lettre de Grégoire vient, en effet, s'insérer entre les textes numérotés 19 (fol. r9orr92v) et 20 à 22 (fol. r97r-208v). De plus, le ton acerbe de cet écrit, dont l'auteur ne tolère aucune atteinte à son autorité ni le moindre doute sur le droit qu'il a d'intervenir, contraste avec la modération dont avait témoigné auparavant Agobard en parlant de l'action papale (72 ). C'est d'ailleurs Grégoire qui a la parole dans
d'Amolon de Lyon. Dümmler hésite entre Agobard et Amolon (MGH Epp. V, p. 2 39). (68) Les rapports avec la ville de Lyon, la datation 816-822/825, les raisons pour lesquelles le fragment manque dans l'une des deux versions de la compilation et se trouve bien dans l'autre, la contradiction entre le ton de cette pièce, qui témoigne du succès de l'œuvre missionnaire, et celui des écrits antijuifs d'Agobard, désappointé et indigné des échecs qu'il avait subis. (69) BosHOF, pp. 13 5-138, avec cette conclusion très plausible: "Wer der Verfasser ist, laszt sich nicht entscheiden; mit Sicherheit aber kann gesagt werden, dasz er nicht Agobard heiszt". (70) Éditions: MASSON, pp. 3 59-366; BALUZE II, pp. 53-60 (PL 104, 297); MGH Epp. V, pp. 228-232. (71) Cf. BosHOF, pp. 225-228. On a pensé à Grégoire lui-même, à une collaboration entre Grégoire et Agobard ou entre Grégoire, Agobard et Wala, à Agobard seul. (72) Cf. n° 19, IV, 1-5: Certe, clementissime domine, si nunc Gregorius papa inrationabiliter et ad pugnandum uenit, merito et pugnatus et repulsus recedet; si autem pro quiete et pace populi et uestra laborare nititur bene et rationabi!iter, obtemperandum est illi, non repugnandum. Ce ne sont pas là les mots d'un homme inconditionnellement dévoué à l'hégémonie de Rome. Boshof (p. 227) a d'ailleurs accentué
l'attitude réservée que devait garder l'évêque de Lyon envers les prétentions de l'Église romaine.
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cette lettre (73 ); c'est lui qui en assume pleinement la responsabilité. Il n'y a donc, tout bien considéré, aucune raison de publier cette missive sous le nom de l'évêque de Lyon. Le faire serait peutêtre lui attribuer sans motif un faux (74 ). c) Le Liber de diuina psalmodia se rapporte au conflit suscité à Lyon par la réforme liturgique d'Amalaire, et il est dirigé contre cette dernière (75 ). Les uns l'ont attribué à Agobard, les autres à Florus (76 ). Récemment, Boshof a plaidé en faveur d'un collaborateur anonyme de l'évêque (77 ). Quoi qu'il en soit, je suis convaincu comme lui que l'écrit en cause n'est pas d' Agobard; et cela surtout parce que la préface dont ce dernier avait pourvu l'antiphonaire révisé y est présentée comme étant l' œuvre du "pieux et orthodoxe Père" (78 ). On peut expliquer sa présence dans le manuscrit P par l'affinité du sufet traité avec celui de l'écrit qui lui fait suite: la lettre, authentique celle-là, De antiphonario (79 ). Il faut dire seulement que ce n'est sûrement pas le copiste du roe siècle qui a assemblé les deux pièces (80 ). En effet, le manuscrit F, qui est du deuxième tiers du ge siècle, les transmet déjà dans le même ordre. Or Pest indépendant de F. D'où l'on doit conclure à l'existence d'un exemplaire perdu et très ancien, qui serait responsable de cette combinaison; et l'on peut penser à une petite liasse de documents concernant un même problème alors débattu à Lyon. d) Quelques poèmes. A la suite des textes qu'il avait trouvés dans le manuscrit P, Papire Masson a édité deux poèmes: r 0 Une épitaphe concernant Charlemagne et comportant 13 hexamètres. Personne jusqu'ici n'a pu pénétrer les motifs de cette
(73) Voir le texte dans MGH Epp. V, pp. 228-232, où l'on trouve également les références aux éditions antérieures. (74) Voir à ce propos BosHOF, p. 227. (7 5) Inc. : Quia nuper stultus et improbus ipsaque stultitia et improbitate sua omnibus notus calumniator erupit, qui sanctam Ecciesiam nostram, id est Lugdunensem, non solum uerbo, sed etiam scriptis lacerare non cessat .... Cf.la note de Baluze (II, p. 1 39): "Aut ualde fallor, aut intelligit Amalarium Diaconum ... ". (76) Voir le résumé des attributions dans BosHOF, p. 279. Il faut ajouter que Bressolles se contredit en écrivant d'une part: "De cette liste (c.-à-d. des œuvres d' Agobard) il faut retrancher le traité De diuina Psalmodia" (pp. 31-32) et d'autre part: " ... Agobard poursuivit lui-même la lutte pour achever la déroute de l'ennemi. C'est alors qu'il composa les trois ouvrages qui nous sont parvenus: De diuina psalmodia, De correctione antiphonarii, Contra iibros IV Amalarii abbatis" (p. 84). (77) BOSHOF, pp. 280-283. (78) Cf. De diuina psalmodia (PL 104, 325-326). (79) Dans la deuxième partie de P, du 10e siècle. J'ai fait un raisonnement analogue pour la lettre de Grégoire IV; voir p. xx1. (80) Ainsi BosHOF, p. 281.
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addition ni percevoir les rapports que ce texte aurait avec Agobard. Il n'y a aucune raison de le rééditer ici (81 ). 2° Un poème sur la translation à Lyon des reliques de Cyprien, Speratus et Pantaléon. Boshof a démontré en une seule phrase qu'Agobard ne peut être considéré comme l'auteur de cette petite pièce (82 ). Cabaniss, lui, la date des années 807-815, et ne veut pas, en conséquence, y voir une œuvre de Florus (83 ). Mais on doit admettre qu'il a interprété de travers les données fournies par le texte. Il ne s'agit sûrement pas d'un poème écrit à l'occasion du transfert lui-même, qui avait eu lieu en 807. Il mentionne, en effet, au passé, le gouvernement de Charlemagne, décédé en 814: Rector magnijicus, pi us que princeps/ Augusto K arolus decore jultus /S ceptrum nobile Francicum regebat (vv. 1-3). Il n'est, d'autre part, pas nécessaire d'admettre que Leidrade était encore en vie (84 ): lorsque, en effet, le transfert est relaté au présent, il s'agit d'un présent historique (85 ). Ce dont il est question, vraisemblablement, c'est plutôt d'une commémoration à laquelle Agobard avait participé en qualité d'évêque: Serua pon tif ice m pius A go bard u m/Qui nomen, meritum, tuumque jestum/Dictis extulit et honore compsit (vv. 78-80). De ce fait, il faut situer ce poème après 816, ce qui rend possible son attribution à Florus. Il faut signaler encore un troisième poème, la Relatio gratiarum Barnardo episcopo pro susceptis eulogiis ab illo amenis. L'attribution de ces vers à Agobard avait été proposée par A.P.L. Macé et (8 1) Inc. : Aurea caelorum postquam de Virgine Christus. Cf. MASSON, p. 406: Agobardi in Carolum Magnum defunctum epigramma; BALUZE II, p. 120; Epitaphium Karoli Magni Imperatoris (PL 104, 349). A propos de l'authenticité ou plutôt du manque d'authenticité, de la tradition manuscrite et des autres éditions, voir E. DüMMLER dans MGH Poetae 1, pp. 393-395, 407-408 et BosHOF, pp. 318-319. L'argumentation de CABANlSS, Agobard, p. 100: "There is no compelling reason to ascribe the Epitaphium to Agobard, but, on the other hand, none to take it from him" paraît peu convaincante. (82) Cf. BosHOF, p. 3 18: "Schon der Schluszteil jedoch - ein Gebet an den heiligen Cyprian für den Erzbischof Agobard, den der Verfasser einige Verse vorher als den patronus noster bezeichnet hat, - verbietet im Grunde eine Zuweisung an Agobard selbst". - Inc.: Rector magniftcus piusque princeps; cf. MASSON, pp. 407-408 (Agobardi carmen post obitum Caroli et Ledradi Lugdunensis episcopz), BALUZE II, pp. 120-1 22 (De translatione reliquiarum sanctorum marryrum Cypriani, Sperati et Pantaleonis ad urbem Lugdunensem; = PL 104, 349-3 52). A propos de l'authenticité, de la tradition manuscrite et des autres éditions, voir E. DüMMLER dans MGH Poetae II, pp. 509, 544-545 et BosHoF, !oc. cit. (83) Cf. CABANrss, Agobard, pp. 99-100. (84) Cf. ibid., p. 99: "Leidrad is referred to as still living"; mais dans sa citation justificative, Cabaniss joint à tort les vers 5 3-5 4 (qui se rapportent à Leidrade) aux vers 73-75 (qui ont trait à Agobard). (85) Par exemple: Cernunt ut tua ... Seruaret !oculus neglectus ossa (v. 23-24), Poscunt auxilium (v. 30), ossa ... Tollunt (v. 34-35), Conscendunt ratem (v. 37), Leidradus ... postulat impetratque ... Vt ... ossa conderentur (v. 5 3-56) par contraste avec Et nunc ad placidam Iohannis aram ... dormis (v. 57-60).
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P. Chevallard (86 ). Elle n'a pas été tout à fait écartée par Bressolles (87 ); mais elle n'est plus acceptée par Boshof, et ses arguments semblent décisifs (88 ). Revenons-en maintenant aux œuvres dont l'authenticité a été mise en doute, mais dont l'absence dans la présente édition serait injustifiable. r 0 J'ai fait connaître ailleurs (89 ) les raisons pour lesquelles le poème rythmique Agobardo pax sit (n° 26) devait avoir sa place dans cet ensemble. On trouvera dans le même article l'explication des changements que j'ai cru devoir apporter aux éditions de Dümmler (90 ) et de Traube (91 ). Nous devons à ce dernier savant d'avoir découvert que le poème n'était pas dédié à Agobard, comme le croyait Dümmler, mais que l'évêque de Lyon en était luimême l'auteur. Quant à savoir à qui il était destiné, on est réduit sur ce point à des conjectures (92 ). 2° Les premiers éditeurs n'ont pas hésité à rapporter à Agobard le traité De picturis et imaginibus (n° 9) (93 ) ; mais C. Charlier en revendique la paternité pour Florus (94 ), tandis que P. Bellet l'attribue à Claude de Turin (95 ) et E. Boshof à un compilateur anonyme (96 ). Il nous faut donc exposer avec quelque détail les raisons qui nous ont amené à maintenir l'attribution reçue et à réserver à ce Liber ou Liber de imaginibus (97 ) une place dans notre édition. En faveur de l'attribution à Florus, Dom Char lier n'apporte pas d'autre preuve que celle-ci: une citation du De Templo de Bède se
(86) Cf. P. CHEVALLARD, L'Ét,lise et l'État en France au IXe siècle. Saint Agobard, archevêque de Lyon. Sa vie et ses écrits, Lyon 1869, pp. 201 et suiv., pp. 410 et suiv. - Inc. : 0 quam suauis odor uestri de pectoris au/a. Sur les éditions et la littérature, voir BosHOF, p. 318. (87) Cf. BRESSOLES, p. F· (88) Cf. BosHOF, !oc. cit. (89) Cf. L. VAN ACKER, Notice sur le poème rythmique "Agobardo pax sit", dans Revue Bénédictine 88, 1978, pp. 291-295. (90) MGH Poetae Latini aeui Carolini Il, Berlin 1884, pp. 118-n9; p. 772. (91) L. TRAUBE, Karolingische Dichtungen. Aedelwulf, Alchuine, Angilbert, Rl?_ythmen (Schriften zur germanischen Philologie I), Berlin 188 8, pp. 149- 15 5. (92) Cf. l'article cité dans Revue Bénédictine 88, 1978, pp. 292-294. (93) BRESSOLLES, p. 30 et CABANrss, Agobard, p. 102 le reprennent également dans leurs listes. (94) CHARLIER, Manuscrits, p. 80, opinion reprise par P. GLORIEUX, Pour revaloriser Migne. Tables rectificatives, dans Mélanges de science religieuse 9, 19 52 (Cahier supplém.), p. 5 5. (95) Cf. BELLET, pp. 15I-I94. (96) Cf. BosHOF, p. 15 7. (97) Dans la discussion suivante, j'ai repris de temps en temps ces termes employés régulièrement par P. Bellet et E. Boshof pour désigner le traité n° 9 en question.
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retrouve dans le De picturis et imaginibus sous une forme identique à celle que, selon le même auteur, Florus avait préparée dans un de ses manuscrits personnels (98 ). Mais même si l'on suppose que Florus avait reçu l'ordre de rassembler des témoignages patristiques sur l'adoration et le culte des images, cela n'implique pas qu'il les ait lui-même utilisés pour composer l'ouvrage en cause. Char lier n'a pas assez tenu compte de la présence du même ouvrage dans la partie remontant au 9e siècle du manuscrit P, parmi d'autres écrits dont l'attribution à Agobard ne soulève pas de problème (99 ). Cette présence ne saurait s'expliquer par une simple affinité de sujet. La même faiblesse se rencontre dans l'argumentation développée par P. Bellet en faveur de Claude de Turin, argumentation dont E. Boshof n'a pas eu de peine à démontrer la fragilité, voire l'invraisemblance (100 ). Nous commencerons par noter à ce propos la différence de ton entre le De picturis et imaginibus, généralement modéré dans ses expressions, et l'Apologeticum composé par l'évêque de Turin, ouvrage que l'on serait tenté de qualifier d'iconoclaste. De cet Apologeticum, dont Bellet croit qu'à l'origine il n'aurait fait qu'un avec le Liber, il ne nous reste, en fait, qu'un Excerptum qui aurait été rédigé sur l'ordre de l'empereur Louis, et qui a servi de base aux réfutations composées par Dungal et par Jonas d'Orléans (101 ). La discussion étant centrée sur les parallèles qui existent entre les deux ouvrages, il convient d'examiner tout d'abord leurs relations mutuelles. Et, pour le dire tout de suite, je crois qu'il faut abandonner la thèse de Boshof selon laquelle l' Excerptum aurait été la source du Liber (102 ), et, sans pour autant faire nôtre son argumentation, prendre en considération l'idée de W. Delius qui a, lui, proposé la relation inverse (103 ).
(98) Cf. n° 9, XXI; voir plus haut, p. xrv, note 3 3. (99) De modo regiminis ecclesiastici (n° 2 3) et De dispensatione ecclesiasticarum rerum (no 7). (100) Cf. BosHOF, pp. 147-155. (101) Texte d'après E. DüMMLER (MGH Epp. IV, pp. 610-613) dans BELLET, pp. 164-169: Apologeticum atque rescriptum Claudii episcopi aduersus Theutmirum
abbatem. - DuNGAL, Responsa contra peruersas Claudii Taurinensis episcopi sententias, PL 105, 465-530. - JONAS, De cultu imaginum libri tres, PL 106, 305-388. (102) Cf. BosHOF, p. 15 5: "Eines ist sicher: der Verfasser des Liber de imaginibus hat aus dem Exzerpt geschopft"; c'était aussi l'opinion de E. Dümmler (MGH Epp. IV, p. 148, note 40). ( 103) Cf. W. ÜELIUS, Die Bilderfrage im Karolingerreich, Diss. Halle 1928, p. 38, avec le raisonnement aprioriste: "Agobard von Lyon hat wohl vor Claudius von Turin gegen die Bilder geschrieben, wofür die literarische Abhangigkeit der Schrift des Turiner Bischofs, der literarisch unselbstandig ist, ein Beweis ist".
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D'après Boshof la cohérence logique de l' Excerptum se serait, dans le Liber, perdue, et ses éléments se seraient étalés sur plusieurs chapitres, se mettant même, ainsi, tout au moins partiellement, au service d'un autre contexte. Mais, si l'on suppose qu'il en est ainsi, il reste des questions insuffisamment résolues. C'est le cas, par exemple, dans la phrase qui constitue le début des textes communs. D'un côté (105 ), elle est libellée comme suit: Cum enim distincte dicatur non f aciendam similitudinem omnium ; de l'autre (106 ): Nam cum distincte dicatur, non faciendam similitudinem omnium. Il s'agit d'une explication (enim; Nam) qui se rapporte à une citation de l'Exode (20, 4) commentée par saint Augustin (107 ). Or, si l'on trouve ce texte biblique et son commentaire dans le Liber, l'un et l'autre font défaut dans l'Excerptum. Comment, dès lors, admettre la priorité de l'ouvrage moins complet? Ou bien l'auteur du De picturis et imaginibus a connu la version intégrale de l'Apologeticum, et non pas seulement son résumé; ou bien Claude a puisé dans le Liber; ou bien tous deux ont utilisé une même source. Ces trois hypothèses sont également plausibles; mais, en tout état de cause, le Liber forme un tout dont la logique et l'ordonnance sont irréprochables, tandis que l'extrait de Claude ne permet pas d'en retrouver le schéma originel. D'autres passages parallèles doivent encore être examinés, qui montreront que la thèse de Boshof n'est pas à l'abri de toute critique. Ce sont les suivants: Excerptum III (108) a) Dicunt isti, contra quos Dei Ecclesiam defendendam suscepimus: 'Non putamus imagini quam adoramus, aliquid inesse diuinum, sed tantummodo pro honore eius, cuius effigies est, tali eam ueneratione adoramus'. b) Cui respondemus, quia, si imagines sanctorum hi, qui daemonum cultum reliquerunt, uenerantur, non idola reliquerunt, sed nomina mutauerunt. c) Je ne cite pas le texte ici (voir Bellet, p. 165). d) Certe si adorandi fuissent homines, uiui potius quam mortui adorandi esse debuerunt, id est, ubi similitudinem Dei habent, non ubi pecorum, uel, quod uerius, lapidum uel lignorum, uita, sensu et ratione carentem. e) Ex qua re summopere pensandum est, quia si opera manuum Dei non sunt adoranda et colenda, quanta magis opera manuum hominum non sunt adoranda et colenda prorsus, nec in honore eorum, quorum similitudines esse dicuntur. (104),
(104) Cf. BosHOF, p. 152. ( 105) Excerptum lia d'après la division de BELLET, p. i.6-5 ; cf. MGH Epp. IV, p. 610, 33. (106) N° 9, I, 12-13. (107) Cf. aussi BELLET, p. 171. (108) BELLET, p. 165; MGH Epp. IV, pp. 610-61I.
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f) Quia si imago quam adorat, Deus non est, nequaquam ueneranda est pro honore sanctorum, qui nequaquam diuinos sibi adragant honores. et Liber de picturis et imaginibus (n° g) XIX, p. r68. Selon Boshof, l'antériorité de l'Excerptum apparaît dans le fait que la phrase de style direct qu'il contient: "Dicunt isti ... : Non putamus ... " (IIIa), est reprise en style indirect dans le Liber: "Dicit forsitan aliquis non se putare ... " (XIX, r) (109). L'inverse me paraît plus probable. A bon droit, en effet, Jonas a reproché à Claude de n'avoir pas observé les règles grammaticales en faisant suivre le pluriel Dicunt isti du singulier Cui (respondemus) (110). Or cette faute n'existe pas dans le Liber. Plutôt qu'à une correction de l'Excerptum par l'auteur de l'autre ouvrage (111 ), on croira à une méprise de Claude. Il aura voulu adapter un argument impersonnel aux circonstances concrètes de sa propre querelle (112), et il aura perdu de vue qu'il lui fallait modifier en conséquence la suite du texte. Mais celle-ci soulève également des problèmes. Si les mots Cui respondemus (IIIb) sont parallèles à Cui facile respondetur (Liber, XIX, 3), le contenu de la réponse n'est plus le même. Selon les partisans du culte des images, la vénération dont on entoure cellesci s'adresserait en réalité à ceux qu'elles représentent; elle n'impliquerait pas qu'on leur reconnaisse le caractère d'une divinité quelconque. A cet argument, le Liber répond que les saints ne s'arrogent pas des honneurs dus à Dieu seul, et que par suite leurs images ne doivent pas être vénérées (XIX, 3-6). A l'appui de cette réponse, l'auteur peut citer d'autres passages de son œuvre (113). Il mentionne ensuite l'exemple des premiers convertis d'Alexandrie, qui détruisirent tous les temples et les idoles de leurs faux dieux et peignirent partout }e signe de la croix. De cet épisode raconté par Eusèbe (Hist. eccl., rr, 29), il tire cette conclusion, exprimée sous une forme très nuancée (114), que ces chrétiens ne faisaient que se conformer à la volonté de Dieu. S'ils avaient vénéré, à côté de la croix, des images de saints, ils auraient eu l'impression d'avoir passé d'une idolâtrie à une autre, et de n'avoir pas vraiment renoncé au culte des faux dieux (Liber, XIX, 7-17).
( 109) Cf. BosHoF, p. 1 5 5. ( 110) Exc. III b; JONAS, De cultu imaginum (PL 106, 32 5) : ... banc dictionem
uitiosam tuam, quae apud grammaticos soloecismus per numeros uocatur ... ( 111) Pour BELLET, p. 174, le Cui est acceptable; il traduit: "a la cual cosa respondemos' '. ( 112) Le aliquis est devenu le parti qu'il combattait lui-même: isti, contra quos Dei Ecclesiam defendendam suscepimus (Exc. IIIa). ( 11 3) Liber, XIX, 6 : sicut multis iam supra testimoniis est ostensum; on peut comparer en effet par exemple les témoignages de saint Augustin, IV, 11 (Tune nobis etc.), les chapitres VIII, XII, XIII. (114) cf. Liber, XIX, 16: puto quod ...
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INTRODUCTION
Or, dans l'Excerptum (IIIb), cette conclusion a été détachée de son contexte pour devenir une réponse dénuée de toute nuance (115), qui reste à côté de la question posée en IIIa (=Liber, XIX, 1-3), concernant la différence à établir entre l'adoration due à Dieu et l'hommage que l'on peut rendre à des créatures. La vraie réponse à cette question se trouve dans le Liber en XIX, 3-6. Dans l'Excerptum, elle est renvoyée à la fin du paragraphe III (f), où elle ne joue plus le même rôle et n'a plus la même signification. Ces observations, je crois, suffisent à démontrer que le De picturis et imaginibus existait déjà au moment où Claude de Turin composait son Apologeticum. Mais il y a encore d'autres indications qui vont dans le même sens. En voici quelques-unes qui résultent également de la comparaison de passages parallèles. a) Dans le Liber, XIX, 5, on lit les mots quasi pro honore sanctorum. Le mot quasi manque dans l' Excerptum (III, f); or il n'est pas sans importance pour la signification du passage en cause. b) Jonas a reproché à Claude d'avoir écrit adorandi esse debuerunt et ratione carentem (Excerptum, IIId) (116 ). Il est remarquable que ces incorrections soient absentes du texte du De picturis et imaginibus (XXVIII, 12-14): Certe si adorandi fuissent homines ... et ratione carentium (117 ). c) Dans les mêmes passages, on note encore une autre différence: Certe si adorandi fuissent ho mines, uiui potius quam mort u i adorandi ... (Excerptum, IIId) - Certe ... uiui magis quam picti ... (Liber, XXVIII, 12). Comme l'a fait remarquer Bellet, le mot mortui pourrait impliquer que l'auteur rejette la vénération des reliques (118 ) ; ce qui ne s'accorderait pas avec la suite du texte, où il n'est question que de représentations. Et c'est bien là ce qu'entend le Liber, avec le mot picti. d) On comparera aussi Excerptum IIIe: Ex qua re summopere pensandum est, quia si opera manuum Dei ... et colenda prorsus, nec in honore eorum, quorum similitudines esse dicuntur, et Liber, I, 27-31: In qui bus u e r bis summopere notandum est, quia, si opera manuum Dei ... et colenda, nec in honore Dei, ... et colenda, nec in honore eorum, quorum similitudines esse dicuntur (texte
( 11 5) Cette adaptation explique bien les différences frappantes entre les textes IIIb et Liber, XIX, 15-17: une fois le contexte du Liber écarté, Claude ne pouvait plus garder les mêmes termes nuancés. A tort BELLET, p. 175, parle de "ligeros cambios". (II6) JONAS, De eu/tu imaginum (PL 106, 326): Vt ponere debueras adorandi fuissent, aut certe adorari debuerant. - Vt ponere debueras carentium similitudinem habent. ( 117) Pour BELLET, p. 176, note 16, la forme carentem n'est pas nécessairement fautive puisqu'elle peut correspondre à similitudinem. Néanmoins, la forme du Liber reste la meilleure. (II8) Cf. BELLET, pp. 176-177.
INTRODUCTION
XXIX
répété sous une forme légèrement modifiée en XXVIII, 1-5: In qui bus beati pape ... uerbis ... nec in honorem Dei, ... nec in honorem eorum, quorum similitudines esse dicuntur). On voit que dans l'Excerptum ont été omis les mots nec in honore(m) Dei. Ils constituent pourtant un élément contrastant avec les mots nec in honore(m) eorum; élément, sinon nécessaire, du moins très utile pour le sens et pour l'équilibre de la phrase. De plus, ces explications du Liber se rapportent chaque fois à une citation très précise (ici de la Bible, là du pape Léon Ier), tandis que le texte de l'Excerptum ne paraît pas se référer explicitement à ces autorités, ni même à un texte préexistant: Ex qua re, dit-il. e) Comme je l'ai signalé plus haut (119), Boshof, pour affirmer que l'auteur du Liber et Jonas d'Orléans auraient eu sous les yeux un exemplaire semblable de l'Excerptum, s'est fondé sur l'édition incorrecte de Migne (120 ). Le manuscrit P nous montre qu'il n'y avait pas d'omission dans le texte du Liber (121 ), et que, par conséquent, celui-ci pouvait être, au contraire, la source des deux autres. Point n'est besoin de supposer que le copiste de la version de l'Apologeticum qui nous est parvenue a complété la phrase en cause (122 ); il faut penser plutôt à une omission dans l'exemplaire dont Jonas a disposé (l 23). f) Si l'on suppose, comme le fait Boshof, que l'Apologeticum est antérieur au Liber de picturis et imaginibus, on se trouve en présence d'un problème de datation. Il est en effet tout à fait vraisemblable que le Liber a fait partie des travaux préparatoires au synode qui devait se tenir à Paris en novembre 825, et où la question des images était inscrite à l'ordre du jour (124). Mais l'ouvrage de Claude, lui, n'a certainement pas été composé avant 824 (125 ). Il faudrait dès lors admettre que l'ouvrage destiné à préparer le synode aurait été composé et achevé dans le plus bref délai. Ceci n'est assurément pas impossible (126 ). Les marges
(119) Cf. supra, p. v. (120) Il s'agit des mots uel qu; sub terra qui se trouvent dans l'Excerptum, mais qui manquent dans la citation Exode 20, 4 dans l'édition du Liber, PL 104, 199,
17 et chez JoNAS, De eu/tu imaginum, PL 106, 318. (121) N° 9, I, 14. (122) Ainsi BosHOF, p. 156. (123) Ce ne serait d'ailleurs pas la seule incorrection dans les citations de l'Excerptum chez Jonas; cf. BELLET, p. 170. (124) Cf. BüSHOF, pp. 156-157. (125) Cf. BosHOF, p. 145. L'ouvrage fut occasionné par la critique que Théodemir, abbé de Psalmody, publia vers 824-82 5 à propos du commentaire de Claude sur les Épîtres aux Corinthiens; cf. BELLET, pp. 154-15 6. (126) Cf. BosHoF, p. 157.
XXX
INTRODUCTION
deviennent toutefois moins étroites si l'on admet qu'il faut situer le Liber avant l' œuvre de Claude (127 ). Disons pour conclure que la parenté entre les deux ouvrages peut s'expliquer de deux façons: ou bien Claude a fait des emprunts au Liber, ou bien les deux auteurs ont fait usage l'un et l'autre d'une documentation partiellement semblable. J'opte décidément pour la première hypothèse. Mais même si l'on regarde, comme je le fais, ce point comme acquis, la question reste entière de savoir qui est le véritable auteur du Liber de picturis et imaginibus. Selon Bellet, en effet, nous aurions dans l' Excerptum un résidu délibérément déformé du Liber, et celui-ci ne ferait qu'un avec l'Apologeticum. Il faudrait donc l'attribuer à Claude de Turin (128 ). A cette thèse, Boshof a déjà opposé deux arguments de poids. D'abord, la position privilégiée de Claude auprès de l'empereur Louis n'aurait pas permis que se nouent contre lui des intrigues hostiles chez les théologiens chargés d'examiner sa doctrine. D'autre part, les questions qui tiennent le plus de place dans l'Excerptum n'obtiennent qu'une attention mitigée et parfois divergente dans le Liber (129 ). A ces objections, je voudrais ajouter d'autres remarques.
( 127) Il y a une remarque à faire au sujet de la relation entre le Liber et le Libe!!us .rynodalis du concile de 825 (MGH Conc. II, 2, pp. 480 et suiv., d'après l'unique manuscrit Paris, Bib. Nat., lat. 1597A du 9e siècle). Plusieurs citations patristiques sont presque identiques. Mais, comme le dit Boshof (p. 157), cette ressemblance n'implique pas nécessairement une affinité plus étroite entre les deux compilations: le sujet même, la méthode de travail et la connaissance commune des textes justificatifs devaient aboutir à des résultats analogues. On constate en tout cas que certaines allégations se présentent dans le Liber sous une forme plus prolixe que dans le Libel!us synoda!is (à comparer par exemple: Liber XI et Libe!!us .rynoda!is XL VI ; la collection du synode qui nous est conservée n'est d'ailleurs pas complète: voir MGH Conc. II, 2, p. 520, note 3). En outre, il est certain que les deux ouvrages se basaient sur des témoins manuscrits différents; on peut comparer la citation de saint Jérôme, Epist. 109, 1 (CSEL 55, p. 352) dans le Liber de picturis et imaginibus (X, 4-10) et le Libe!!us .rynoda!is (XL VII, p. 496, 20-24). Le texte du Libe!!us synodalis correspond à celui que les éditeurs modernes ont homologué, mais on aurait tort de corriger le Liber de picturis et imaginibus, puisque les apparats critiques attestent les variantes qu'il offre. L'auteur du Liber a su faire usage de sa documentation d'une manière indépendante et parfois plus correcte. Les citations du De ciuitate Dei X, 3-4 et X, 19 sont inversées dans le Libe!!us .rynoda!is (XXXVIII!= AvG., De ciu. Dei X, 19 suivi de AvG., De ciu. Dei X, 3-4, avec la mention fautive Et post pauca), le Liber les transmet plus amplement. Toutefois, l'existence de sources communes ne peut être exclue: dans les deux ouvrages le chapitre LV du De uera re!igione de saint Augustin a été résumé de façon semblable, avec une omission de plusieurs lignes (Liber, XIII, 17-26 / Liber .rynoda!is XL V). (128) Cf. BELLET, p. 164. ( 129) Cf. BosHoF, pp. 15 3-15 5.
INTRODUCTION
XXXI
Ce que nous avons dit précédemment a démontré que le résumé qui nous reste de l'œuvre de Claude présente des indices d'un remaniement maladroit, celui d'un texte dans lequel il faut vraisemblablement voir le Liber. Si ce remaniement est l' œuvre du même auteur, il faut dire que celui-ci se souvenait mal de ce qu'il avait écrit auparavant; s'il s'agit d'une déformation malveillante opérée par des adversaires (130 ), on doit leur attribuer sans preuve une impudence inouïe. Avouons-le: il est difficile de se défendre de l'impression que la thèse de l'attribution du Liber à Claude prend parfois pour point de départ ce qui, au fond, reste à démontrer. Parlant, par exemple, de la critique formulée par Jonas contre la méthode suivie par son antagoniste, parce que celui-ci n'avait cité qu'un texte tronqué de l'Exode (131 ), Bellet estime que Jonas se trompe, puisque la citation est complète dans le Liber, et devait donc l'être aussi dans l'Apologeticum (132 ). N'est-ce pas là inverser l'argumentation? De même, là où l'on constate certaines discordances, les rédacteurs del' Excerptum ou le scribe du Liber en sont rendus responsables, et c'est à ce dernier encore que l'on attribue l'omission de tout ce qui concerne la Croix et les pèlerinages à Rome (133). Ce sont là hypothèses toutes gratuites, qui peuvent êtres évitées, avec un gain certain pour la solution de plusieurs problèmes, si l'on renonce à supposer qu'à l'origine le Liber était identique à l' A pologeticum. La comparaison, par exemple, de Excerptum IIIb et de Liber XIX (134 ) nous a appris que le premier avait adapté et isolé de son contexte une seule phrase de l'autre: rien n'est moins étonnant, puisque ce contexte du Liber formulait sur le symbolisme de la Croix des idées qui n'allaient nullement dans le sens des opinions exprimées par Claude (135). On pourrait donner encore d'autres exemples de la fragilité dont souffre la thèse de Bellet et des a priori qui affectent d'une façon regrettable la valeur de ses argumentations. Mais je ne veux pas être trop long, et je me contenterai de conclure en disant qu'à mon avis Claude n'a pas pu écrire le Liber de picturis et imaginibus, mais qu'il l'a utilisé pour écrire son Apologeticum; et c'est là de quoi témoigne l' Excerptum qui seul nous en a été conservé. (130) Cf. BELLET, pp. 15 8-159; p. 176. Dungal en tout cas était persuadé que Claude avait lui-même écrit l' Excerptum (cf. PL 10 5, 467: accepta scedula a Claudio Taurinensi episcopo composita ... de libro quem ille Apologeticum uocat); il en critique d'ailleurs la forme (cf. ibid. : Licet autem incondito ac rustico, utpote ab homine doctrinalis experte scientiae, sit haec edita contextu epistola ... ). (131) Cf. Excerptum IIa, BELLET, p. 165. (132) Cf. BELLET, p. 172. ( 1 33) Cf. BELLET, p. 175, à propos de la comparaison entre Excerptum IIIe et Liber XX et XXIII; p. 178, à propos de Excerptum IIIf et Liber XIX. ( 1 34) Voir plus haut, pp. xxvn-xxvm. ( 1 35) Cf. Excerptum VI-VII.
XXXII
INTRODUCTION
Reste à savoir qui est le véritable auteur du Liber. Pour en refuser la paternité à Agobard et l'attribuer à un clerc anonyme de l'Eglise de Lyon, Boshof se fonde sur ce qu'il appelle "le caractère insignifiant" de la compilation que constitue cet ouvrage, compilation "dont on n'a vraisemblablement jamais fait usage" (136 ). Quant au dernier point, je crois avoir établi quel' ouvrage avait pu servir de source à Claude de Turin. L'autre objection demande un examen plus approfondi. Disons d'abord que le Liber n'est pas dépourvu d'une certaine structure logique, structure qu'on ne retrouve pas dans l'Excerptum. Aussi le P. Bellet a-t-il pu montrer qu'elle n'est pas aussi boiteuse qu'une première impression le ferait croire (137 ). Admettons cependant qu'elle laisse à désirer, et que l'auteur n'ait guère fait autre chose que de transcrire et mettre à la suite l'un de l'autre les témoignages qu'il avait recueillis. Y a-t-il là un motif d'en refuser la paternité à Agobard? Je ne le crois pas. Dans plusieurs autres de ses traités, l'évêque de Lyon se montre tout aussi peu original et peu apte à tirer un parti personnel des données qui lui étaient fournies par ses sources. A propos du traité n° 23 (De modo regiminis ecclesiastici), Boshof constate que l'effort fait par l'auteur pour coordonner le plus possible de citations bibliques a nui à la clarté del' exposé (138 ). Dans son introduction au n° 5 (Aduersum dogma Felicis), Agobard lui-même avoue que son œuvre ne consiste guère qu'en un recueil de testimonia (139). On en dira autant de la dernière partie du De diuinis sententiis contra iudicium Dei (n° 3), dans laquelle on ne trouve guère que des citations accompagnées-et encore, pas toujours !-des notes fort concises. Point n'est besoin, en conséquence, de refuser à notre auteur la paternité d'un écrit, modeste, certes! mais probe, et qui, ne l'oublions pas, figure dans la partie la plus ancienne d'un manuscrit qu'on doit regarder comme formant la base d'une édition critique de ses œuvres (140 ). Il est possible aussi que les. circonstances expliquent la pauvreté relative de ce traité: s'il s'agit, comme on peut le croire, d'un document de pure consultation demandé par les organisateurs du synode de Paris de 825 (141 ), l'évêque a dû, vraisemblablement, se limiter à rassembler des textes, sans pouvoir donner à son travail une couleur personnelle et vraiment originale. ( 1 36) Cf. BosHOF, p. 157: "Der unbedeutende Charakter der Schrift" " Arbeit, von der wohl auch kein Gebrauch gemacht worden ist". (137) Cf. BELLET, p. 173, note 9. (138) BosHoF, p. 303. ( 1 39) N° 5, prol. 5-7: opuscu/um ... Quod edidi, ue/ potius coiiegi; cf. BosHoF, p.
62. (140) Voir aussi H. LowE dans W. WATTENBACH-W. LEVISON, Deutsch/ands Geschichtsque//en im Mittelaiter 3, Weimar 19 57, p. 311. (141) Cf. BosHOF, pp. 140-141.
INTRODUCTION
XXXIII
Il n'existe donc, à mon sens, aucun argument qui nous oblige à amputer le corpus d'Agobard du traité en cause: De picturis et imaginibus. 3° Il me faut encore justifier la présence dans cette édition du traité n° 25: Contra libros quatuor Amalarii. Dans le manuscrit Paris, Bibl. Nat., nouv. acquis. lat. 329 (142), manuscrit ayant appartenu personnellement à Florus (143 ), le texte du Liber officialis d' Amalaire est accompagné de notes marginales qui, selon C. Charlier, refléteraient les sentiments éprouvés par le diacre tandis qu'il lisait une édition remaniée de cet ouvrage, alors que son auteur résidait à Lyon (ca. 836-838) (144 ). Dom Cappuyns semble voir dans ce fait une raison parmi d'autres d'attribuer au même Florus le Contra libros quatuor Amalarii, œuvre que le manuscrit Lyon 618 met pourtant sous le nom d' Agobard (145). Boshof rejette l'attribution à Florus, en se fondant sur le fait que le traité en question ne contient aucune allusion aux polémiques qui divisaient alors l'Eglise de Lyon (146 ). Il existe néanmoins une relation indéniable entre les notes marginales dont nous venons de parler et le livre dont nous discutons ici l'authenticité. On peut le prouver en comparant une des remarques de Florus (147 ) avec le commentaire que renferme le Contra libros du même passage du Liber officialis (I, 40, 6), passage libellé comme suit : V enit in uento uehementi, ut ostenderet se excussurum esse ab apostolorum cordibus omnem cupiditatem terrenam. Florus écrit (148 ):
Contra libros ... , VII, 2-rr:
Die rogo [ cum spiritus uenit J in uento ue[hementi J si adhuc discus[surus J erat ab apostolis [ cupi Jditates terr[ enas J quando hoc fec[it] numquid non i[am] reliquerant [ omnia Jet secuti f uera[ nt J dominum.
M anifestum tamen est, quod in eo quod dicit: "V enit in uento uehementi ... ", obiciendum illi sit: Si eadem hora, quando repleti sunt Spiritu sancto, adhuc decutiende erant ab apostolorum cordibus omnes cupiditates terrene, quid operatus in eis est ... mediator Dei et hominum ... ?
( 142) Le manuscrit porte le sigle N dans HANSSENS, Amalarius II. (143) Cf. CHARLIER, Manuscrits, p. 83. (144) Cf. CHARLIER, Florus, pp.516-517; on trouve le texte de ces notes dans WILMART, Un lecteur ennemi, pp.317-329 et HANSSENS, Amalarius II, pp. 568-5 80. ( 14 5) Cf. M. CAPPUYNS, art. F lorus, dans Dictionnaire d'Histoire et de Géographie ecclésiastiques XVII, Paris 1970, pp. 65 1-652. Déjà \X'ru1ART, Un lecteur ennemi, p. 327, considérait Florus comme l'auteur de ce traité. (146) BosHoF, p. 286: " ... damit verbietet sich im Grunde schon eine Zuweisung an Florus von selbst". (147) Cf. HANSSENS, Amalarius II, p. 570. ( 148) Reconstruction de HANSSENS; celle de WILMART, Un lecteur ennemi, p. 321 s'en écarte quelque peu.
XXXIV
INTRODUCTION
... Numquid non erant iam utres noui, parati et capaces ad recipiendum ... Spiritum sanctum ... ? Le deuxième texte revêt une forme plus élaborée - ce qui est normal puisqu'il ne s'agit pas d'une simple glose-, mais les deux versions coïncident dans le contenu de la critique qu'elles formulent. Quelle aurait donc été l'intention de l'annotateur? Selon Wilmart, "ces remarques pouvaient devenir ensuite le point d'appui d'une discussion ou d'un traité" (149). Dans le cas que je viens de citer, ce serait donc Florus qui, dans un ouvrage dirigé contre Amalaire, aurait développé la réplique qu'il avait déjà esquissée en lisant ce passage du Liber ofjicialis. Il en irait de même des autres annotations: quoiqu'elles soient souvent réduites à de brèves exclamations et ne laissent nullement entrevoir l'argumentation contenue dans le Contra libros (150 ), elles représenteraient l'ébauche d'un commentaire encore à rédiger. A la thèse suivant laquelle ce commentaire ne serait autre que l'ouvrage refusé à Agobard, nous ferons les objections suivantes. Tout d'abord, il est impossible que seules les notes de N ( = Nouv. acquis. lat. 329) soient à l'origine du traité contre Amalaire, celui auquel nous avons donné le n° 25. N ne renferme que les trois premiers livres du Liber officialis, tandis que le dit traité commente aussi des textes du quatrième livre. Dans N, certains passages des livres I et III d'Amalaire n'ont pas été annotés par Florus. Or ils sont critiqués dans le traité n° 25 (151 ). D'autre part, là où les observations contenues dans N correspondent, en fait, à tel ou tel paragraphe du traité, il arrive souvent que le point précis sur lequel porte la critique soit différent (152 ). Enfin, le ton mordant et les propos souvent injurieux de Florus (153) contrastent avec la modération dont fait généralement preuve l'auteur du traité (154 ). Tout en admettant, donc, une certaine parenté entre les annotations en cause et notre n°25, je pense qu'elle reste difficile à définir, et qu'elle ne fournit aucune preuve décisive en faveur de l'attribution à Florus. De plus, il faut noter que les ouvrages de Florus (149) Cf. WrLMART, Un lecteur ennemi, p. 320. ( 1 5o) Par exemple : Insanissima falsitas quae multum aberra! a ueritate euangelica. -
Locutio ista labor et do/or. - 5 tultissimum mendacium. - Mira uanitas et execrabilis dementia. - Male. ( 151) Par exemple Lib. off. I, 12, 3 3 -cf. n° 25, X, 1-4; Lib. off III, 2 3, 6-7-cf.
n° 25, XI, 1-7. ( 152) Par exemple: la note de Florus Mira uanitas et execrabilis dementia se rapporte à l'expression ille qui suscipit ilium, offendere (cf. n° 25, V, 18); le no 25 par contre vise tout le passage I, 40, 1-4 du Liber officialis, et en particulier la phrase Quando christus recordatur unctionem crismatis sibi adesse, tune potissimum recolit debere se esse sub disciplina Spiritus sancti (cf. n° 25, V, 22-24; 34-36). (153) Cf. WrLMART, Un lecteur ennemi, p. 325, note 1; p. 326. (154) Cf. BosHoF, p. 284.
INTRODUCTION
XXXV
concernant le même conflit ne révèlent pas davantage de rapports étroits avec l'écrit que nous éditons. Dans les Opuscula aduersus A malarium (155), on ne trouve qu'un seul paragraphe d' Amalaire (I, 37, 9) qui soit également attaqué dans notre n° 25 (I, 21-27; II, 37-48) (156 ); dans l'Inuectio canonica Martini papae in Amalarium officiographum (157 ), dont Wilmart prétend qu'elle suit une méthode identique à celle du Contra libros (158 ), aucun des passages traités ne peut être rapproché de ceux qui sont critiqués par l'auteur de l'ouvrage en cause. Ces observations nous permettent de nous poser cette question: Pourquoi ne pourrait-on pas supposer que Florus, ayant lu les critiques formulées dans le Contra libros, les aurait utilisées pour annoter l'exemplaire qu'il possédait du Liber officialis? Cette hypothèse expliquerait bien les ressemblances qu'on trouve entre ces notes et notre traité; celle, par exemple, que j'ai relevée plus haut (159): la note sur Amalaire I, 40, 6 serait un résumé du commentaire qu'on trouve dans le Contra libros, et celui-ci aurait pu inspirer également telle ou telle exclamation indignée dans les marges de N. Le manuscrit 618 de Lyon (L) donne clairement Agobard pour auteur de l'ouvrage en cause. Quoiqu'il n'admette pas les conclusions de Charlier et de Wilmart (160), Boshof conteste cependant, lui aussi, la valeur de ce témoignage; il penche pour un auteur anonyme .. Ses arguments méritent assurément la plus grande considération; ils ne me paraissent toutefois pas décisifs. Le premier est que l'écrit en question ne se trouve pas dans le manuscrit P; or, de l'avis de tous, ce manuscrit rassemble presque toute l'œuvre de l'évêque de Lyon (161 ). Nous ferons à ce propos quelques remarques. La filiation des manuscrits du traité De priuilegiis et iure sacerdotii (n° 4) nous montre que L est indépendant de P. De même, ce dernier n'est pas non plus à l'origine de M en ce qui concerne le texte du De fidei ueritate (n° 17) (162 ). Quoique ces pièces se trouvent dans P, il existait donc une voie de tradition divergente (163). ( 1 5 5) PL 1 19, 71-96. A propos del' ordre dans lequel on doit lire le texte, voir W1LMART, Un lecteur ennemi, p. 327; MANITIUS I, p. 565. ( 1 56) Dans la lettre Contra falsiloquas adinuentiones Amalarii (PL 119, 7 5, ligne 6-13); cf. HANSSENS, Amalarius l, p. 389. ( 1 57) Attribuée à Florus; voir les remarques de BosHOF, p. 282, note 119; p. 287, note 134. Cf. HANSSENS, Amalarius l, pp. 367-387. ( 1 58) Cf. WrLMART, Un lecteur ennemi, p. 32 7. ( 159) Voir p. xxxm. (160) Voir plus haut, p. XXXIII. (161) Cf. BosHoF, p. 286. (162) Voir pp. LVI et LVII. (163) Un éventuel modèle commun n'avait pas nécessairement déjà la forme du recueil P; le cas du traité De quorundam inlusione signorum (n° 1 5) nous révèle
XXXVI
INTRODUCTION
On peut d'ailleurs expliquer d'une façon plausible l'absence du Contra libros quatuor Amalarii dans le recueil principal. Le dernier ouvrage que l'on puisse attribuer sans hésitation à Agobard est la lettre De antiphonario (n° 24), qui date de 835-838, et qui se rapporte, elle aussi, à la controverse liturgique survenue à Lyon (164). Or cet écrit se trouve bien dans P, mais seulement dans la partie du manuscrit qui appartient au roe siècle, partie qui contient aussi une pièce inauthentique, le De diuina psalmodia. Il n'est pas inconcevable qu'un recueil des œuvres d'Agobard, qui a constitué la collection du 9e siècle et qui forme les pages I à 212 de P, ait été formé avant la parution des œuvres ayant pour objet la dispute avec Amalaire; disons: avant la fuite de Lyon de notre auteur en 834. On peut donc penser que, si le Contra libros manque dans ce manuscrit, c'est que, d'une part il n'appartenait pas au noyau primitif et que, d'autre part, il ne figurait pas dans le recueil - partiellement faux - qui a servi de modèle au copiste du roe siècle. Il est d'ailleurs certain que P ne transmet pas tous les écrits d' Agobard. Abstraction faite du poème acrostiche Agobardo pax sit, conservé dans un autre témoin (Pc), il reste la question des lettres et des traités auxquels l'auteur fait allusion et qui ne nous ont pas été conservés (165); P non plus ne les contient pas; ils ont pourtant existé. L'autre objection de Boshof consiste dans les "défaillances" qu'il croit avoir constatées "dans l'argumentation" (166). Mais, une fois de plus, je ne vois pas pourquoi on n'aurait le droit d'attribuer à Agobard que des ouvrages parfaitement achevés. Boshof luimême admet qu'il ne s'agit, en l'occurrence, que d'un travail préparatoire (167). Si nous sommes, de fait, en présence d'une première ébauche, celle-ci ne doit pas nécessairement être attribuée à un inconnu. Je ne prétends pas pour autant que l'attribution du traité Contra libros quatuor Amalarii à Agobard soit certaine. Je crois seulement que l'attribution qui en a été faite, soit à Florus, soit à un anonyme, ne l'est pas davantage, et que le témoignage du
d'autres possibilités: le texte de Pf (indépendant de P) se base sur une petite liasse envoyée par Amolon à Thibault, évêque de Langres. Voir la description des manuscrits, p. LIV. ( 164) Je laisse tomber le poème problématique Agobardo pax sit et le De modo regiminis ecclesiastici, dont la datation reste trop incertaine. (165) Voir les exemples dans BosHOF, pp. 102-103, note 1, et p. 316. (166) Cf. BosHOF, p. 286: "Wenn man dann noch die charakterisierten Mangel in der Argumentation berücksichtigt, so spricht ein sehr hoher Grad von Wahrscheinlichkeit dafür, dasz die Anmerkungen zum Liber Offtcialis nicht aus der Feder Agobards stammen". ( 167) Cf. ibid.
INTRODUCTION
XXXVII
manuscrit L doit peser sérieusement dans la balance (168). C'est pourquoi on trouvera cet opuscule dans la présente édition. (168) Bien que ce témoignage (Liber uenerabilis Agobardi archiepiscopi Lugdunensis contra libros quatuor Amalarii abbatis) ne soit pas à l'abri de toute critique. Voir WrLMART, Un lecteur ennemi, p. 327, note 7: "le titre évidemment suspect", mais également BosHOF, p. 283, note 124 et p. 286: "DieAufschriftim Codex ... , wobei die falsche Benennung Amalars als Abt nicht sehr ins Gewicht fallt".
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INTRODUCTION DATATION ET CLASSEMENT DES TRAITÉS
Dans leurs éditions respectives, Masson et Baluze ont classé les divers traités selon la disposition qu'ils avaient trouvée dans le manuscrit P. Dans sa sélection des ouvrages rédigés sous forme de lettres, Dümmler, lui, a appliqué le principe de l'ordre chronologique. On a tenté aussi de répartir par thèmes les écrits de l'évêque de Lyon, et il faut admettre que cette manière de les grouper et de les classer conviendrait bien à une nouvelle édition. Malheureusement, les normes que l'on a suivies en l'occurrence sont assez arbitraires et ne peuvent pas s'appliquer à tous les cas (169). Boshof, par exemple, a bien montré que certains traités que l'on place parfois sous la rubrique "polémique contre les superstitions" ne peuvent être compris que dans la perspective politique de l'unité de l'Empire, perspective qui s'inspire de l'idée du Corpus Chri·sti (170). En pareil cas, on se trouve aux confins de la théologie, de la morale et de la politique, et il est difficile de faire un choix. J'ai cru dès lors préférable de suivre le classement chronologique de Dümmler; ou plutôt, j'ai essayé de le faire, car les problèmes de datation sont multiples et ont suscité des propositions très divergentes. Je vais signaler celles d'entre elles qui m'ont paru les plus importantes. En marge de cet examen, on trouvera également des remarques sur le choix des titres et sur le caractère de quelques écrits (171 ). r) De grandine et tonitruis. Un point de repère nous est ici fourni par Agobard lui-même. Il fait en effet allusion à une mortalité du bétail qu'il situe ante hos paucos annos. On s'accorde généralement à penser que, selon toute vraisemblance, cette allusion se rapporte à la désastreuse maladie bovine qui sévit en Sm, au cours du conflit qui opposa Charlemagne au duc Grimaud de Bénévent et qui fut réglé en 812 (172 ). La mention qui est faite dans ce traité de Charlemagne pourrait bien suggérer que l'auteur écrivait après la ( 169) Sous toutes réserves, BRESSOLLES, pp. 6 3-66 a proposé sept catégories: œuvres théologiques; œuvres liturgiques; traités contre les superstitions; traités contre les juifs; œuvres pastorales; écrits politiques; œuvres poétiques. (170) Cf. par exemple BosHOF, pp. 41-49, à propos des traités n° 2 (Aduersus legem Gundobadi) et n° 3 (De diuinis sententiis contra iudicium Dez). BRESSOLLES, pp. 63-64, note 2 avait déjà fait des suggestions au sujet de ce caractère flottant des divers genres. ( 171) J'ai repris dans l'apparat critique les diverses désignations, parfois assez longues, que présentent les manuscrits et les éditions. Quoiqu'il soit quasi certain qu'aucune de ces indications ne provient d' Agobard lui-même et quoique, à l'exception de celles de Dümmler, elles ne résument pas toujours l'ensemble du contenu (cf. BosHOF, p. 201, note 24), j'ai essayé de respecter et de réconcilier dans mes propositions de titres plus concis les éléments caractéristiques de la tradition existante dans les éditions et dans les études historiques. (172) Cf. n° 1, XVI, 1-5; cf. CABANISS, Agobard, p. 100 et BosHOF, p. 170.
INTRODUCTION
XXXIX
mort de l'empereur (814). On ne voit pas très bien pourquoi Cabaniss, se fondant sur la phrase initiale, veut placer l'ouvrage en question à l'époque où Agobard n'était encore que chorévêque (173 ). Rien pourtant ne s'oppose formellement à ce que l'on admette cette hypothèse, à moins qu'on ne préfère celle de Boshof, qui situe la composition du traité au cours des premières années de l'épiscopat d'Agobard, donc peu après août 816 (174). En parlant des années 815-817, je crois pouvoir réconcilier les divers points de vue et ne pas m'écarter de la limite tracée par les mots ante hos paucos an nos. Boshof a fait remarquer, d'autre part, que l'écrit en cause se présente comme un sermon ou un discours plutôt que comme un véritable traité (175). 2) Aduersus legem Gundobadi. Nous ne disposons pas de données suffisantes pour nous permettre de dater d'une manière précise cette lettre adressée à Louis le Pieux. Elle paraît cependant inspirée de l'esprit de l'Ordinatio imperii de 817 (Aix-la-Chapelle). Le terminus ad quem est certainement 822, année où Agobard tomba en disgrâce auprès de la cour impériale. Dümmler (176 ) et Cabaniss (177 ) disent: ca. 817. Je retiens, avec Boshof (178 ), la marge de 817-822. 3) Les historiens modernes d' Agobard ont insisté sur le fait qu'il faut rapprocher, quant au contenu et aux circonstances, le De diuinis sententiis contra iudicium Dei de la lettre précédente, dont il représente une sorte de complément et de justification (179). On lui donnera donc la même datation approximative de 817-822, étant bien entendu que cet opuscule se situe de toute façon après la lettre contre la loi Gambette. Ces deux pièces ont retenu l'attention des historiens en raison de la prise de position, nettement en avance sur son temps, de leur auteur contre l'emploi des "jugements de Dieu", qu'on n'avait jusqu'alors presque jamais mis en question (180 ). Les critiques formulées par Agobard témoignent d'une maturité de jugement et d'un courage intellectuel qui tranchent sur les idées sous-jacentes aux décisions des conciles et sur l'opinion généralement répandue à son époque. Il n'est pas seul, cependant. On trouve les mêmes
( 1 73) CABANISS, Agobard, pp. 1 oo- 1 or. ( 174) Cf. BosHOF, p. 170. (175) Cf. BosHOF, p. 170; ceci contredit l'assertion de CABANrss, Agobard, p. 77 : "Only one of his sermons is extant". (176) DüMMLER, p. 158. (177) CABANISS, Agobard, p. 101. ( 178) BosHoF, p. 41. (179) Cf. BRESSOLLES, p. 95; CABANISS, Agobard, p. 101; BosHOF, p. 43. La lettre Aduersus legem Gundobadi traite spécialement du duel judiciaire tandis que l'autre écrit discute le problème plus général des ordalies. (180) Cf. BRESSOLLES, p. 89.
XL
INTRODUCTION
critiques dans un Carmen de Timone comite (181 ) écrit vraisemblablement à Freising. La correspondance des idées entre les deux écrits ne doit pas être fortuite. Déjà J. Grimm avait mis en relief les liens qui avaient existé entre les deux régions (182). Le prédécesseur d'Agobard sur le siège de Lyon, Leidrade, était originaire de Freising (183). Nous savons aussi que des copistes bavarois s'étaient installés dans le sud de la France (184 ). Des traces de ces relations se devinent également dans l'existence même des manuscrits Ma (Passau) et A (Admont) du De antiphonario (n° 24). Ces manuscrits sont tardifs, mais, en ce qui concerne l'écrit d'Agobard, ils peuvent remonter à une source assez indépendante des autres éléments de la tradition (185 ). 4) La date que l'on attribue au De priuilegio et iure sacerdotii dépend pour une large part du caractère qu'on reconnaît à cet écrit. Dümmler (186 ) suggère, sans chercher à justifier son opinion, la période 822-829; ce qui s'accorderait bien avec le jugement de Cabaniss (187), ou avec celui de Bressolles, qui considère ce traité comme "proprement pastoral" (188 ). Pour Boshof, il se rapporte à la réforme annoncée en 817 (189 ). C'est là l'opinion la plus plausible; elle implique qu'on date l'écrit des années 817-822. Quant au titre, je m'en suis tenu à la désignation traditionnelle. S'appuyant sur le manuscrit L, Bressolles, lui, préfère appeler ce petit ouvrage: De sacerdotii dignitate (190 ). 5) Aduersum dogma Felicis. Ce traité fait mention d'un billet de Félix, découvert après sa mort, qui date de 818, billet par lequel l'évêque d'Urgel désavouait la profession de foi qu'il avait faite au concile d'Aix-la-Chapelle de 799. On admet aujourd'hui que la réplique d' Agobard à ce libelle hérétique, d'ailleurs perdu, date des années 818-819 (1 91 ). Viennent ensuite les cinq écrits dirigés contre les Juifs (6, ro, II, (181) Je remercie M. le Professeur B. Bischoff de m'avoir fait remarquer ce parallèle. Cf. F. BRUNHOLZL, Geschichte der lateinischen Literatur des Mittelalters I, Munich 1975, pp. 367 et suiv.; p. 560. (182) Cf. J. GRIMM, Deutsche Rechtsaltertümer II, Leipzig 19224, pp. 564-565 (Carmen de Timone comite, 69-78). (183) Cf. BRUNHOLZL, op. cit., p. 367. ( 184) Cf. B. FISCHER, Bibeltext und Bibeirejorm unter Karl dem Groszen, dans Karl der Grosze. Leber.swerk und Nachleben II: Das geistige Leben, herausgegeben von B. BiscHOFF, Düsseldorf 1966 2 , p. 168. ( 18 5) Voir le chapitre sur la relation des manuscrits, pp. XLVIII; LI; LVIII. (186) Cf. DüMMLER, p. 203. (187) Cf. CABANrss, Agobard, pp. 103-104: "ca. 826 or early 827". ( 188) BRESSOLLES, p. 123, ne propose aucune datation précise. (189) Cf. BosHoF, p. 76. (190) Cf. BRESSOLLES, p. 123. ( 191) Cf. BRESSOLLES, p. 69, note 1; CABANrss, Agobard, pp. 40 et 101; BosHOF, pp. 59-60. Cette datation est plus précise que celle de DüMMLER, P. 1 53 : paulo post S16.
INTRODUCTION
XLI
12, 14). Leur chronologie a été établie par B. Simson dans ses ] ahrbücher des Jrankischen Reiches unter Ludwig dem Frommen, I (814-830), Leipzig, 1874, Excurs VII, pp. 393-396. Elle laisse subsister certaines incertitudes (192 ), mais elle est toujours valable dans son ensemble. 6) Pour ce numéro (193), Boshof a proposé l'année 823 (194). C'est, je crois, le meilleur compromis auquel on puisse s'arrêter entre les dates extrêmes de 821 et 826 (195 ): l'assemblée d'Attigny (août 822) paraît bien, en effet, être le terminus post quem; elle semble aussi avoir contraint Agobard à prendre position pour la première fois par rapport à la question juive. ro) La lettre à Wala et à Hilduin Contra praeceptum impium de baptismo I udaicorum mancipiorum se si tuerait dans l'année 826 (196). rr et 12) L'écrit De insolentia Iud(!,orum date d'un peu plus tard et annonce la lettre, écrite en collaboration avec Bernard de Vienne et Faof de Chalon, De I udaicis superstitionibus et erroribus (197 ). Bressolles, qui pourtant semble accepter, en général, les datations de Simson (198), met ces deux pièces en relation avec un concile tenu à Lyon en 829 (199). Cette datation tardives' écarte des autres suggestions qui ont été faites à ce propos (200 ). J'ai retenu l'hypothèse 826-827. 14) Le dernier traité contre les Juifs est la lettre à Nibridius, (192) Cf. les notes de BosHoF, pp. 102-103. (193) De baptismo mancipiorum Iudaeorum. J'ai raccourci le titre Consultatio et supplicatio Aj!,obardi episcopi ad proceres palatii de baptismo Iudaicorum mancipiorum et modifié l'expression Iudaicorum mancipiorum en mancipiorum Iudaeorum puisqu'il ne s'agit pas d'esclaves juifs mais des esclaves des juifs. Cf. infra, note 196. (194) BosHoF, p. 103. (195) A comparer: DüMMLER, p. 164: 822; BRESSOLLES, p. 103, note 1: 82282 5 ; CABANrss, Agobard, p. 102: 821-82 3; B. SrMSON avait proposé: "Ende 8212. 1.826" avec la préférence: "alsbald nach der Reichsversammlung zu Attigny vom August 822" (op. cit., p. 393), et 822-825 (op. cit., p. 396). (196) Cf. B. SrMSON, op. cit., p. 396: "wahrscheinlich noch von 826"; DüMMLER, p. 179; BRESSOLLES, p. 103, note 1; CABANISS, p. 103; BosHOF, p. 108. Ici je n'ai pas modifié, comme je l'ai fait dans le n° 6, le mot Iudaicorum du titre; le n° 10 paraît traiter des esclaves appartenant à la religion juive: n° 10, 121 3 (quandam Jeminam, ex iudaismo ... translatam), n° 10, 20 (mancipium Iudaicum); voir par contre n° 6, 24-2 5 (quid Jaciendum sit de mancipiis Iudçorum ethnicis). ( 197) La désignation traditionnelle de ce dernier traité, De Iudaicis superstitionibus, n'est pas adéquate (cf. BRESSOLLES, p. 11 3, et BosHoF, p. 121, qui, à tort, croit qu'elle provient de Baluze; elle se trouve déjà dans P). En m'inspirant de DüMMLER, p. 185 j'ai ajouté les mots et erroribus. (198) Cf. BRESSOLLES, p. 103, note I. (199) Cf. ibid., p. 112, note 4. (200) Cf. B. S1MSON, op. cit., p. 396 et DüMMLER, pp. 182 et 185: 826-827; CABANISS, Agobard,p. 104: ca. 827; BosHOF, p. 128: environ en même temps que la lettre à Nibridius (n° 14) de 827 ou de 828.
XLII
INTRODUCTION
évêque de Narbonne : De cauendo conuictu et societate I udaica. Il a dû suivre de près les traités II et 12, et est en tout cas antérieur à la mort de Nibridius. On peut penser aux années 827-828 (201 ). 7) Il est hors de doute que le Liber de dispensatione ecclesiasticarum rerum a été écrit après novembre 823 (202 ). L'argument mis en avant par Cabaniss pour le mettre au début de l'année 825 n'est pas décisif (203 ). Je me suis rangé à l'opinion de Dümmler : après novembre 823-824 (204 ). 8) La lettre à Ebbon, évêque de Reims, De spe et timore, se situe entre 816 et 835. C'est tout ce qu'on peut dire avec certitude (205 ). Les tentatives faites pour réduire cette marge ne concordent pas. Sans avancer une date plus précise, Bressolles croit qu'Ebbon "était alors au plus haut point de sa fortune" (206 ). C'est aussi l'avis de Boshof, qui déduit du ton respectueux de la lettre qu'à l'inverse la position d' Agobard devait être alors chancelante (207 ). Boshof n'exclut pas la période précédant 830 (208 ). Cabaniss a fait une suggestion plus concrète: selon lui, le terminus a quo serait 823, et c'est 826 qu'il faudrait préférer. Mais ses arguments non plus ne sont pas décisifs (209 ). Aux suggestions déjà faites je me permettrai d'ajouter la suivante. Le petit écrit en question constitue la préface d'un manuel ascétique, aujourd'hui perdu, qu' Agobard avait composé à la demande d'Ebbon. Celui-ci voulait en faire usage pour nourrir ses méditations, "aussi bien en montant à cheval qu'en en descendant" (210 ). Ces mots font sans doute allusion à de fréquents voyages et déplacements; et ce genre d'activité a surtout pris place dans la vie d'Ebbon à partir de 823, lors de ses multiples missions au Danemark (211 ). La datation "Post 823'' me paraît raisonnable. (201) Cf. B. SrMSON, op. cit., p. 396: "jedenfalls vor dem Ende des Jahres 828"; DüMMLER, p. 199: 826-828; BRESSOLLES, p. 103, note 1 reprend Simson; CABANlSS, p. 104: ca. 827; BoSHOF, pp. 128-129 propose 827-828 et rejette la note de Baluze (cf. les Notae ad Agobardum en appendice de son édition, pp. 4041) : "Hanc epistolam arbitror esse scriptam sub initium imperii Ludouici Pii, paulo post quam Agobardus factus est Archiepiscopus Lugdunensis". (202) Cf. BosHOF, p. 85. Au contraire de ce que dit Boshof (ibid., note 42), le titre se trouve dans le manuscrit P, dans la table des matières. (203) Cf. CABANISS, Agobard, p. 102. (204) Cf. DüMMLER, p. 166: 823-824. (205) Cf. BosHOF, p. 186. (206) Cf. BRESSOLLES, p. 125. (207) Cf. BosHoF, p. 187. ( 208) Cf. ibid., p. l 86. (209) Cf. CABANISS, Agobard, pp. 56 et 103. (210) Cf. n° 8, 9-13: ... secum semper habere de Scripturis diuinis aliqua, in quibus non solum in equm ascendens, sed etiam de equoque descendens, pro locis et temporibus ... meditareris die ac nocte. ( 211) Cf. B. SrMSON, op. cit. I, pp. 199 ; 209 et suiv. (p. 2 11 : "Noch wiederholt suchte Ebo den Norden auf'); p. 247; p. 265.
INTRODUCTION
XLIII
9) Le De picturis et imaginibus, dont l'authenticité a été discutée plus haut (212 ), doit probablement se situer dans le contexte plus large d'une préparation au synode qui devait se tenir à Paris en novembre 825 (213). 13) J'ai un peu raccourci le titre de l'Epistola ad Matfredum procerem palatii deploratoria de iniusticiis. Ce Matfred, auquel est adressée la lettre, était comte d'Orléans et par ailleurs un très puissant personnage. L'auteur s'élève contre la corruption qui régnait à la cour impériale: immoralité, intrigues de toutes sortes y rendaient impossible l'exercice d'une vraie justice. Le terminus ad quem de cet écrit est février 828, date à laquelle Matfred fut démis de ses fonctions (214 ). Comme terminus post quem, Dümmler a proposé 818 (215 ); mais Boshof a démontré qu'il faut le placer en 822 (216 ). Je fais confiance à son analyse pour situer cet écrit au cours d'une période où les préoccupations majeures d' Agobard étaient, d'une part la défense des biens ecclésiastiques contre les empiétements de la noblesse et, d'autre part, la situation privilégiée des Juifs à Lyon (217 ). Ces questions, l'évêque de Lyon les avait déjà abordées dans son traité De dispensatione ecclesiasticarum rerum (n° 7; après novembre 823) et dans ses lettres à Adalard, Wala et Hélisachar (n° 6; ca 823) et à Wala et Hilduin (n° ro; 826). Les destinataires n'avaient apparemment jamais renseigné l'empereur Louis sur ce qui concernait laquestion juive; et ceci avait dû rendre Agobard conscient de son impuissance. Les années 826 à 828 paraissent la datation la plus plausible de l'écrit que nous examinons. Elle s'accorde avec l'opinion de Cabaniss qui propose "ca. late 827 or early 828" (218 ). 15) C'est entre l'installation del' évêque Barthélemy à Narbonne en 828 et sa déposition en 834 qu'il faut placer le De quorundam inlusione signorum, écrit en collaboration avec Hildigise et Florus. On se ralliera facilement aux arguments de Cabaniss (219 ) et de Boshof (220 ) qui situent cette correspondance au cours des années 828-829. 16) Aucune tradition manuscrite ne nous garantit le titre de cette pièce. Celui que je lui ai donné: De diuisione imperii, tente de condenser les suggestions qu'on a faites à ce sujet, et j'ai bien conscience qu'il peut être critiqué. La datation, elle aussi, soulève
(212) Voir plus haut, pp. xxrv et suiv. (21 3) Cf. BRESSOLLES, p. 73, note 1; CABANrss, p. 102; BosHOF, pp. 140-141. (214) Cf. BosHOF, p. 1 34 d'après B. SrMSON, op. cit. l, p. 288. (215) (216) (217) (218) (219) (220)
Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf.
ÜÜMMLER, p. 201: 818-828. BosHOF, pp. 115 et 1 31. BOSHOF, p. l 32· CABANISS, Agobard, pp. 104-105. CABANrss, Agobard, p. 105: 829. BosHoF, p. 170: 828-829.
XLIV
INTRODUCTION
des problèmes. Dümmler a proposé 833 (221 ). Cabaniss préfère 831 (222 ). Mais l'argumentation la plus détaillée et la plus convaincante est celle de Boshof, qui date ce traité de 829 (223 ). 17) Une fois de plus on en est réduit à des conjectures quant à la date du sermon De fidei ueritate et totius boni institutione, sinon qu'il faut le situer durant la période où Agobard occupa le siège de Lyon (816-834). J'ai retenu la date proposée par Cabaniss: 829 ou 830 (224 ) ; elle ne s'impose pas absolument, mais on peut la choisir sans trop risquer de se tromper. E. Boshof l'a fait remarquer: ce sermon est comme un résumé des idées théologiques de son auteur (225 ); il est donc permis de supposer qu'Agobard l'a composé à un moment où il avait pu longuement réfléchir sur un bon nombre des problèmes qui avaient pesé et pesaient encore sur son activité pastorale. Certains des points qui y sont traités nous rappellent les étapes de son combat pour la foi: la lutte contre l'adoptianisme, dans les chapitres concernant la Trinité (226 ) et la divinité du Christ (227 ); la controverse avec les Juifs, là où il est question du Corpus Christi et de l' Antichrist (228 ), ou encore de la persécution exercée contre les fidèles qui veulent vivre dans l'unité de l'Eglise (229 ). On se rappellera aussi les traités De priuilegio et iure sacerdotii et De dispensatione ecclesiasticarum rerum, ou la lettre De iniusticiis, qui ont également pour but de défendre l'Eglise contre les dangers qui la menacent. L'écrit n° 17 paraît, de fait, devoir se placer au terme d'une longue série de réflexions et d'activité pastorale; il vaut mieux ne pas le situer trop tôt dans l'episcopat d'Agobard. 18) Contra obiectiones Fredegisi. Je n'ai pu découvrir aucune précision supplémentaire à l'appui de la date généralement admise: vers 830 (230 ). 19-20-21) La démonstration a déjà été faite que le premier éditeur, Papire Masson, avait eu tort de publier comme formant un tout et sous un seul titre (De comparatione utriusque regiminis ecclesiastici et politici et in quibus E cclesiae dignitas praefulgeat
(221) Cf. DüMMLER, p. 223. (222) Cf. CABANISS, Agobard, p. 105. (223) Cf. BosHOF, pp. 203-204. (224) Cf. CABANISS, Agobard, p. 77. (225) Cf. BosHoF, p. 184. (226) Cf. les chapitres III et suiv. (227) Cf. les chapitres VI-VIII. (228) Voir les chapitres XV et suiv.; cf. BosHoF, p. 183. (229) Voir le chapitre XII; cf. BosHOF, p. 117. (230) Cf. ÜÜMMLER, p. 210; MANITIUS I, p. 389; BRESSOLLES, p. 77, note 3; CABANISS, Agobard, p. 105; BosHOF, p. 189; ce dernier prend pourtant en considération une marge plus étendue : "wahrscheinlich auch noch in die Zeit vor 830 zu datieren".
INTRODUCTION
XLV
imperiorum maiestati) un long texte (231 ) qu'il faut en réalité diviser en quatre pièces distinctes (232) : 19) Une lettre à Louis le Pieux dans laquelle Agobard adjure l'empereur de ne pas outrager l'autorité papale dans le conflit qui l'oppose à Grégoire IV (233 ). On doit situer cet écrit au temps pascal de l'année 833 (234 ). Le manuscrit P ne donne pas de titre. Celui qu'a forgé Masson a été repris par Baluze, mais il est vraiment trop prolixe. J'ai essayé de résumer le contenu de cette première pièce en l'intitulant De priuilegio apostolicae sedis. Vient ensuite la réponse de Grégoire IV aux évêques francs, qui lui refusaient le droit d'intervenir dans la querelle qui opposait l'empereur Louis à ses fils. Cette lettre n'est pas publiée ici. On trouvera les raisons de cette omission dans le chapitre consacré à l'authenticité (235 ). 20) Un manifeste que Baluze a encore édité comme formant un tout avec le numéro suivant (236 ), 21) qui est pourtant un écrit plus tardif. Je me réfère à B. Simson (237 ), à Bressolles (238 ), à Cabaniss (239 ) et à Boshof (240 ) pour justifier cette distinction. Len° 20 comprend les chapitres I à VI de l'édition Baluze. Il est de peu antérieur à la captivité de l'empereur Louis (Lügenfeld, 30 juin 833). Quant au n° 21 ( 241 ), il est postérieur de quelques mois à cet événement. Il faut le placer à l'automne 833, peut-être pendant la diète de Compiègne, qui s'ouvrit le rer octobre de cette année (242 ). Quant aux titres à donner à ces deux écrits, la tradition manuscrite ne nous est d'aucun secours. Bressolles a proposé d'appeler le premier 'Manifeste', et de réserver au deuxième le titre forgé par Baluze : Liber apologeticus pro filiis Ludouici Pii imperatoris aduersus patrem (243 ). Je me suis inspiré de ce dernier pour intituler, d'une façon plus brève, le n° 20: Liber apologeticus I, et le n° 21: Liber apologeticus II. On aurait pu, cependant, comme l'a fait Waitz dans son édition (244 ), joindre les deux ouvrages sous un seul titre: Libri duo pro filiis et contra Judith uxorem Ludouici Pii. (231) (232) (2 3 3) (234) (235) (236) (237) (238) (239) (240) (241) (242) (243) (244)
MASSON, pp. 3 54-377. Cf. BRESSOLLES, pp. 40-41. Pour les détails, voir BosHOF, pp. 217-218. Cf. DüMMLER, p. 226; CABANlSS, Agobard, p. 106; BosHOF, p. 217. Cf. pp. XXI-XXII. BALUZE II, pp. 61-72. Cf. B. SrMSON, op. rit. I, Excurs VIII, pp. 397-399. Cf. BRESSOLLES, p. 41. Cf. CABANISS, Agobard, p. 106. Cf. BosHOF, pp. 228-229. Les chapitres VII-XIII de Baluze. Cf. BosHoF, p. 241. Cf. BALUZE II, p. 61; BRESSOLLES, p. 41; CABANISS, Agobard, p. 106. MGH SS XV, 1, p. 274.
XLVI
INTRODUCTION
22) Comme le traité précédent, le numéro 22 se rapporte aux circonstances qui ont entouré la rencontre du Lügenfeld. Il constitue un des protocoles individuels qui devaient être remis à Lothaire par les évêques invités à prendre part à l'assemblée de Compiègne d'octobre 833. Il existe encore un résumé de ces rapports. M'inspirant de cette pièce (245 ) et de l'édition de A. Boretius et V. Krause (246 ), j'ai choisi le titre Cartula de Ludouici imperatoris poenitentia, de préférence à ceux qu'avaient créés Masson et Baluze (247 ). 23) Les avis sur la date du De modo regiminis ecclesiastici sont très vagues et très partagés. Dümmler écrit: "post a. 816" (248 ). Bressolles n'exclut pas cette même année 816, qui est celle de l'élévation d'Agobard à l'épiscopat (249 ); il se rapproche par là de l'estimation de Manitius (250 ). Cabaniss le croit contemporain du n° ro (Contra praeceptum impium de baptismo I udaicorum mancipiorum), qui a dû être écrit vers 826 (251 ). J'ai suivi Boshof, qui désigne l'époque passée en exil par Agobard (834-839) (252 ). 24) Cet écrit paraît bien se rapporter aux réformes liturgiques qu'en l'absence d'Agobard Amalaire avait essayé d'imposer à l'Eglise de Lyon. Bressolles croit que les traités liturgiques de notre auteur ont été rédigés après son retour (839), ou, au plus tôt, après le synode de Quierzy (8 38), qui condamna Amalaire (253 ). Il est pourtant plus probable que la polémique se situe à l'époque où Amalaire était en fonction à Lyon, c'est-à-dire entre 835 (synode de Diedenhofen) et 838 (synode de Quierzy) (254 ). On a considéré cet exposé comme le prologue d'un antiphonaire qu' Agobard lui-même aurait composé à l'usage de ses chantres, et qui se serait perdu; certains manuscrits parlent en effet de praefatio, ou de prologus (255 ). Toutefois, Boshof pense qu'il s'agit d'un épilogue plutôt d'un prologue (256 ), et je n'ai rien trouvé qui puisse contredire cette assertion. En tout état de cause, il
( 24 5) Episcoporum de poenitentia quam Hludowicus imperator projessus est relatio Compendiensis (MGH Capit. II, pp. 51-5 5). ( 246) ibid., p. 56: Agobardi cartu!a de poenitentia ab imperatore acta. (247) Respectivement: Pub!ica L. Imperatoris coram amplissimo episcoporum conuentu poenitentia Agobardo praeside (sic!) et Agobardi cartu!a porrecta Lothario Augusto in .rynodo Compendiensi anno DCCCXXXIII. (248) Cf. DüMMLER, p. 1 5 3. (249) Cf. BRESSOLLES, p. 124, note 1. (250) Cf. MANITIUS I, p. 381. (25 1) Cf. CABANISS, Agobard, p. 103. (252) Cf. BosHOF, pp. 301 et suiv.; p. 261; p. 305. (253) Cf. BRESSOLLES, pp. 83-84. (254) Cf. CABANISS, Agobard, p. 107 et surtout BosHOF, pp. 274 et suiv.; DüMMLER, p. 232 propose: c. 838. (25 5) Voir l'apparat critique. (256) Voir la discussion chez BosHOF, pp. 274-275.
INTRODUCTION
XLVII
convenait de choisir un titre neutre; et c'est ce que j'ai fait en appelant l'écrit en question: De antiphonario. 25) Nous daterons cet écrit des années 835-839, comme le précédent (257 ). Sur son authenticité, voir plus haut, p. xxxm. 26) Plusieurs dates doivent ici être prises en considération, à savoir: 816, 821 ou 840. Je me contente de renvoyer à l'article déjà cité: Notice sur le poème rythmique "Agobardo pax sit", dans Revue Bénédictine, 88, 1978, pp. 291-295. (257) Contre BRESSOLLES, pp. 83-86, mais en accord avec CABANISS, Ago-
bard, p.
107.
XLVIII
INTRODUCTION LES MANUSCRITS.
A
Admont, Stiftsbibliothek 162; en parchemin; 12e-13e siècle. On trouvera une description détaillée dans MGH Lib. de Lite II, p. 4 (par F. Thaner) et p. 298 (par E. Sackur). Voir aussi W. Wattenbach, Handschriften des Benediktinerstijtes Admunt, dans Archiv der Gesellschaft für altere deutsche Geschichtskunde ro, 1851, p. 635. Ce manuscrit contient surtout des décrets canoniques et des textes concernant la controverse sur les Investitures.L'ouvrage d' Agobard sur l' Antiphonaire (n° 24) se trouve (fol. 164r-166r) entre une collection de canons (f. 2v-139) que suit entre autres l'œuvre De sacramentis excommunicatorum de Bernold de Constance (fol. 160-163v), et la lettre de Pierre Damien au pape Alexandre contre les simoniaques (fol. 166r-167v; cf. PL 144, 222-223). Le manuscrit a omis une grande partie du texte d'Agobard (III, 1 X, 4); il n'y a pas de titre. F. Thaner, op. cit., p. 4, désigne cet extrait comme Agobardi liber de correctione antiphonarii, E. Sackur, ibid., p. 298, s'inspire de l'indication du copiste (fol. 166r: Explicit prologus Agobardi) en intitulant Agobardus de diuina psalmodia seu de correctione antiphonarii: huius operis tantum prologus (voir Boshof, p. 316, note 31, d). Ce codex Admuntensis (258 ) ne figure pas dans la liste de Bressolles (pp. 33-34).
D
Dijon, Bibliothèque publique 108 (77); en papier; 17e siècle. Ce manuscrit (décrit dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements V, 1889, p. 28) contient deux ouvrages: le traité contre Amalaire (n° 25) sous le titre Liber uenerabilis Agobardi archiepiscopi Lugdunensis contra libros quatuor Amalarii abbatis (fol. 1-8) et une critique de cette œuvre par le Jésuite Jean Ferrand (pp. 1-43: Exegeticae in librum Agobardi contra Amalarium P. ]o. Ferrandi, Soc. lesu, diatribae). Je suis persuadé que la première partie du manuscrit, qui provient de la bibliothèque des Jésuites de Dijon, est la copie du texte de Lyon 6r8 (L) faite par le Père P.F. Chifflet et prêtée à Baluze pour son édition de l'œuvre d'Agobard (259 ). Bressolles signale "pour mémoire" l'existence de ce témoin (p. 34, note 6); il est pourtant nécessaire d'établir avec certitude le rapport entre D et L. L'exemplaire de Dijon est pourvu de quelques notes philologiques ainsi que de quelques conjectures qui se basent sur la collation du texte d'Amalaire et sur la lecture d'autres sources (par exemple de Grégoire de Tours et des Conciles).
F
Fulda, Hessische Landesbibliothek Aa 20; en parchemin ; 9eroe siècle.
(2
58) A la fin du manuscrit on trouve la note du 1 ze siècle: Iste liber pertinet ad
sanctum Biasium Admunt.
(259) Voir la correspondance entre Baluze et Chifflet dans l'introduction de Baluze (p. [ 18]).
INTRODUCTION
IL
La description par K. Loffler, Die Handschriften des Klosters Weingarten dans Beihefte zum Zentralblatt für Bibliothekswesen 41, 1912, p. 95, reprise et commentée par Boshof, p. 317, note 31, e, est à compléter entre autres par les données que nous fournit l'ouvrage de H. Kollner, Die illuminierten H andschriften der H essischen Landesbibliothek Fulda I, Handschriften des 6. bis IJ. J ahrhunderts, (Bildband), Stuttgart 1976, p. XII et p. XIV (260 ). La deuxième partie du manuscrit (fol. ro6r-128v) (261 ) date du deuxième tiers du 9e siècle et provient de l'est de la France. L'ouvrage De antiphonario d'Agobard (n° 24) se trouve aux feuillets rr7r-126r (Incipit prefatio antiphonarii ecclesiae Lugdunensis). Il est précédé de la lettre de saint Jérôme Ad Paulinum de studio scripturarum (fol. ro6v-114r), d'une interprétation des quatre jours que Lazare a passé dans sa tombe (fol. rr4r-v) et - ce qui n'a jamais été signalé mais ce qui est important - de l'ouvrage De diuina psalmodia, édité par Masson et par Baluze parmi les œuvres d'Agobard et attribué maintenant le plus souvent à Florus de Lyon (fol. rr5r-rr7r). La lettre d'Agobard est suivie d'une petite notice (fol. 126r) sur l'enluminure. A part le manuscrit Pd, le témoin de Fulda nous offre la version la plus prolixe du traité De antiphonario (avec omission de XIV, 6 non - ro decet). Une deuxième main (F 1 ) a apporté quelques corrections qui semblent se baser sur un autre exemplaire du texte (voir le chapitre sur la filiation des manuscrits, p. LVIII. Bressolles n'a pas mentionné F dans sa liste des manuscrits (pp. 32-34).
L
Lyon, Bibliothèque municipale 6r8 (535); en parchemin; rze siècle. Ce recueil provient de l'abbaye de Bonnevaux (diocèse de Vienne). Il contient des lettres de saint Paulin, de saint Eucher, de saint Avit, ainsi que les ouvrages De priuilegio et iure sacerdotii (n° 4; titre: Epistola Agobardi episcopi Lugdunensis de sacerdotii dignitate ad Barnardum Viennensem archiepiscopum; fol. 189v-199r) et Contra libros quatuor Amalarii (n° 25; Incipit liber uenerabilis Agobardi archiepiscopi Lugdunensis contra libros quatuor Amalarii abbatis; fol. 199r-206v) d'Agobard. Dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, Départements, XXX, 1, Paris 1900, pp. 164-165, le manuscrit porte le numéro 618 (535); E. Dümmler (MGH Epp. V, p. 151) et U. Chevalier (qui esquisse l'histoire de ce témoin dans son édition des Œuvres complètes de Saint-Avit, évêque de Vienne, Lyon 1890, pp. LIII-
( 260) Le manuscrit appartenait déjà en 1628 à la bibliothèque du monastère de Weingarten (F59), bibliothèque qui au début du 19e siècle a été transférée partiellement à Fulda. ( 261) La première partie, qui date du commencement du 10e siècle et qui provient probablement de la région du Lac de Constance, contient trois livres du Liber offtcialis cl' Amalaire (fol. 1 v- 1o 5v).
INTRODUCTION
L
LV) lui donnent le numéro I I I ( 262 ). Il s'agit du codex Marnaesianus (cf. fol. 206v: Marnaesius) dont parle Baluze dans son édition d'Agobard (263 ). Je ne crois pas que E. Dümmler ait collationné lui-même le manuscrit de Lyon pour son édition du traité De priuilegio et iure sacerdotii (MGH Epp. V, pp. 203-206); l'inscription qu'il cite dans l'apparat critique (Epistola quoque eiusdem Agobardi de sacerdotii dignitate ad Barnardum V iennensem episcopum) ne correspond pas à celle de L. Ce témoin date du r2e siècle (Dümmler, MGH Epp. V, p. 151: saec. XIXII; p. 203: saec. X-XI).
M
Montpellier, Faculté de Médecine 404; sur vélin; 9e siècle. La plus grande partie de ce recueil (description: Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France, série in -4°, I, Paris 1849 [1968], pp. 443-444) est consacrée à quelques œuvres d'Alcuin. De cet auteur on y trouve l'ouvrage moral De animae ratione, l' E nchiridion (c.-à-d. les commentaires In psalmos poenitentiales, In psalmum CXVIII et In psalmos graduales) et une lettre Ad pueras S. Martini de confessione peccatorum. Après une traduction latine d'un traité d'Ephrem d'Edesse (De compunctione cordis) on lit une version incomplète du Sermo de jidei ueritate d'Agobard (n° 17) (fol. roor-rr5v) qui se termine sur le mot uigilantes du chapitre XXIV, ligne 14 de cette édition-ci. Le folio rr6r est vide. Le titre de ce traité, Incerti auctoris sermo asceticus ad monachos, ut opinor (Anonymi sermo asceticus dans le catalogue) provient du magistrat Jean Bouhier (1673-1746) qui était le propriétaire d'une bibliothèque considérable, dispersée plus tard (Fonds de Bouhier D79). Le manuscrit a appartenu à l'église de Saint-Oyan (Saint-Claude ou Condat) qui le reçut en don du prévôt Mannon (t 880). Il porte la même inscription que par exemple le florilège Paris, Bibl. nat., lat. 2832: Vota bonae memoriae M annonis liber ad sepulchrum sancti A ugendi° oblatus. Nous ne savons pas si, comme c'est le cas du recueil de Paris, le manuscrit de Montpellier a été la propriété de Florus de Lyon; C. Charlier (Florus, p. 83) ne le mentionne pas dans sa liste. A propos de la bibliothèque de Mannon de Saint-Oyan, voir L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits II, Paris 1874, pp. 409-4ro, ibid. III, Paris r88r, p. 385, et surtout A. Castan, La bibliothèque de l'abbaye de St-Claude du Jura, dans Bibliothèque de l'Ecole des Chartes 50, 1889, pp. 301-354 (p. 337, n° 77). Jusqu'à présent le témoin de Montpellier a été négligé dans l'étude de l'œuvre d'Agobard.
Ma
Munich, Bayerische Staatsbibliothek clm 16085; en parchemin; fin du rze-début du r3e siècle. Ce manuscrit provient du chapitre de St-Nicolas près de Passau. On en trouve une description dans le Catalogus codicum manu scriptorum (262) La méprise de M. MANITIUS I, p. 389, qui signale un manuscrit Leid. ciu.
s'explique par une confusion de Lugdunum (Lyon) et Lugdunum Batauorum (Leyde); voir BRESSOLLES, p. 34, note 6. (263) Cf. BALUZE, Préface, p. 12.
III,
INTRODUCTION
LI
bibliothecaeregiae Monacensis IV, 3, Munich-Wiesbaden 1878 [1969), p. 50 et dans H. Weisweiler, Un manuscrit inconnu de Munich sur la Querelle des Investitures, dans Revue d'Histoire ecclésiastique 34, 1938, pp. 245-269. Un recueil de canons et des passages de la lettre de Pierre Damien au pape Alexandre contre les simoniaques (voir le manuscrit Admont 162) forment, entre autres, le contexte de l'écrit d'Agobard sur !'Antiphonaire (n° 24; fol. 9or-92r). Ce témoin a beaucoup d'omissions (voir l'apparat critique); il n'est pas mentionné dans la liste de Bressolles, pp. 33-34.
P
Paris, Bibliothèque nationale, fonds latin 2853; en parchemin; qe- 1 oe siècle. Grâce à ce manuscrit découvert par l'humaniste Papire Masson chez un relieur lyonnais qui s'apprêtait à découper le livre, nous connaissons sinon l'ensemble, au moins la plus grande partie des œuvres d'Agobard (264). Il contient notamment, à côté d'une lettre du pape Grégoire IV et d'un traité De diuina psalmodia que nous n'avons pas repris (265 ), toutes les pièces qui se rencontrent dans la présente édition, sauf le Contra libros quatuor Amalarii (n° 25) et l'acrostiche Agobardo pax sit (n° 26). Ce témoin a été décrit par Ph. Lauer qui le date du me siècle (266 ), mais il a suscité aussi l'intérêt de plusieurs autres savants. W.M. Lindsay, S. Tafel et E. Lesne le datent - apparemment dans son ensemble - du 9e siècle (267 ). D'après E. Dümmler, qu'en général on suit maintenant, il faut attribuer la première partie (fol. 1-212) au 9e et l'autre (fol. 213230) au me siècle (268). Les 20 premiers cahiers (jusqu'au fol. 179v) sont numérotés de I à XX. Dans la partie du 9e siècle j'ai cru pouvoir distinguer au moins six mains: la première a écrit d'une manière aérée les feuillets 1-121v (20 lignes par page), les autres écritures sont plus serrées et moins soignées (33 à 34 lignes par page) (269).
(264) A propos de quelques ouvrages perdus, voir BosHOF, pp. 102-103, note et p. 316. ( 26 5) Voir le chapitre sur l'authenticité des textes pp. XXI-XXII. ( 266) Cf. Ph. LAVER, Catalogue général des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale de Paris III, Paris 1952, pp. 164-165. (267) Cf. W.M. LINDSAY, Notae Latinae. An Account of Abbreviation in Latin Mss of the Ear(y Minuscule Period (c. 700-J'Jo ), Cambridge 1915 (Hildesheim 1963), p. 472: "written ca. 840"; S. TAFEL, The Lyons Scriptorium, dans W.M. LINDSAY, Palaeographia Latina IV, Londres 1925, p. 54: "ninth century"; E. LESNE, Histoire de la propriété ecclésiastique en France IV (Les livres, "scriptoria" et bibliothèques du commencement du VIIIe à la fin du XIe siècle), Lille 1938, p. 109. (268) Cf. MGH Epp. V, p. 150; voir aussi BosHOF, pp. 280-281. Le fol. 212v ne contient que des essais de plume du 11e siècle; on en trouve le texte dans CABANISS, Agobard, p. 98. (269) La deuxième main commence à la page 122t, une troisième se dénonce dans les marges des folios 168r-172t, une quatrième au fol. 183V, une cinquième au feuillet 186r, une sixième au feuillet 201 v. l,
LII
INTRODUCTION
Le manuscrit provient indubitablement de Lyon (270 ). D'après C. Charlier il doit même figurer parmi les manuscrits personnels de Flo-
rus (271). Plus tard il est devenu la propriété de l'abbaye de Cluny( 272 ). Après sa découverte par Papire Masson, il fut donné par le frère de celui-ci à la Bibliothèque royale en 1618 (273 ). Au feuillet I v se trouve une table des matières incomplète qui date de la fin du 9e ou du début du roe siècle.
Pa
Paris, Bibliothèque nationale, fonds latin 1745; en parchemin; 9e-rre siècle. Ce manuscrit qui provient de St-Germain d'Auxerre est décrit par Ph. Lauer, Catalogue général des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale de Paris II, Paris 1940, p. 152. Il contient entre autres l'ouvrage De fide ad Gratianum de saint Ambroise (fol. 1 et suiv.), quelques lettres et le De haeresibus ad Quoduultdeum de saint Augustin (fol. 16 et suiv.), l'ouvrage d'Agobard sur l' Antiphonaire (n° 24; fol. 27v-3or) et un traité De haereticis Petragoricis du moine Heribertus (fol. 31). La désignation correctio antiphonarii dans la table du manuscrit, au feuillet 41v, et dans les marges supérieures date du 13e siècle. Le texte d' Agobard, écrit par deux mains, paraît être du roe siècle. Il y a beaucoup d'erreurs de copiste corrigées en grande partie par une main qui pourrait être celle du deuxième copiste. La version du traité d' Agobard est incomplète: les chapitres XVIII-XIX manquent. Dans leur livre Voyage littéraire de deux religieux Bénédictins de la Congrégation de saint Maur I, l, Paris 1717, p. 244, E. Martène et U. Durand mentionnent un manuscrit qu'ils ont vu au monastère de Taloire (diocèse de Lyon), contenant le texte d'Agobard adressé aux chantres de l'Eglise de Lyon. L'hypothèse de Bressolles (p. 34; voir aussi Boshof, p. 317, note 31, f) qu'il pourrait s'agir ici du témoin Pa ou peut-être du
(270) Voir W.M. LINDSAY, Notae Latinae (cf. note 267), p. 472 et S. TAFEL, The Lyons Scriptorium (cf.note 276), p. 54. E. LESNE semble laisser la question en suspens (op. rit. dans la note 267: p. 109, note 7: "Le ms. latin 28 5 3 du IXe siècle qui nous a conservé seul la plupart des œuvres d' Agobard, ms. chargé de fautes, n'est certainement pas l'original et nous ne savons où il a été copié d'après celui1a," . (271) Cf. CHARLIER, Manuscrits, p. 8 3; il ne peut alors s'agir évidemment que de la première partie, du 9e siècle. Selon CABANISS, Agobard, p. 98 il y aurait lieu de croire que les notes marginales et la ponctuation seraient de Florus lui-même; ceci contredit pourtant le résultat des recherches de CHARLIER, Manuscrits, pp. 82-83, l'assertion de DüMMLER, MGH Epp. V, p. 150, note 1: "adnotationes ... tempore posteriore additae", quelques remarques faites par BosHOF, par exemple pp. 15 3-154, avec la note 63, et la qualité peu convaincante de la ponctuation même. (272) Voir le chapitre sur les manuscrits perdus, p. LVI. (273) Cf. fol. I: "Haec Agobardi opera m(anu) s(cripta) a Papirio Massono in lucem edita ad maiorem illius editionis fidem Bibliothecae Regiae dono dedi ego Ioan(nes) Bap(tista) Massonus Regis Elemosinarius Papirii frater XVI lulii anno salutis millesimo sexcentesimo decimo octauo".
INTRODUCTION
LIII
manuscrit Paris, lat. 2315 (Pb) est peu acceptable: Martène et Durand parlent d'un "ancien antiphonaire", désignation qui n'est pas applicable aux deux manuscrits cités.
Pb
Paris, Bibliothèque nationale, fonds latin 2315; en parchemin; roe-rre siècle. On trouve une description de ce manuscrit dans Ph. Lauer, Catalogue général des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale de Paris II, Paris 1940, p. 400. Pb provient de l'abbaye de Moissac. Il contient l'ouvrage De ecclesiasticis officiis d'Isidore (fol. 1 et suiv.), un Sermo transfigurationis Domini d'Ephrem (fol. 28v et suiv.), des vers sur la transfiguration (fol. 31v) et, par une autre main, le traité ou plutôt une partie du traité d'Agobard sur l'Antiphonaire (n° 24; fol. 32r-v). Les feuillets qui nous intéressent datent du roe siècle; la datation de Bressolles (p. 34: "du XIIe siècle"; voir aussi Boshof, p. 316, note 31, b) est fausse. L'indication du catalogue (Liber de correctione antiphonarii) ne correspond pas à celle du manuscrit (Epistola siue decretum). Ce témoin nous offre des extraits de l'ouvrage cité d'Agobard; il présente pourtant beaucoup de variantes et de vraies adaptations. Il a aussi des omissions plus ou moins grandes ainsi qu'un changement dans la suite du texte resté d'ailleurs inachevé (les chapitres XII et suiv. manquent; voir l'apparat critique). Au feuillet 32v, à la fin du fragment d'Agobard, il y a une remarque: Quod hic desinit in antea inuenies in quarta pagina et hoc tibi signum 8. Ceci doit se rapporter à un manuscrit d'où a été enlevé ce texte d' Agobard et non au volume 2315 tel qu'il se compose maintenant.
Pc
Paris, Bibliothèque nationale, fonds latin 4841; en parchemin; ge siècle. Ce recueil à contenu très varié (géographie, histoire, grammaire etc.) a déjà retenu l'attention de plusieurs savants. Il se répartit en trois pièces. E. Dümmler a décrit plus en détail les feuillets contenant des poésies (entre autres une série d'épitaphes): Die handschriftliche Überliejerung der lateinischen Dichtungen aus der Zeit der Karolinger, dans Neues Archiv 4, 1879, pp. 87-159 (p. 149). L'acrostiche d'Agobard (n° 26) se trouve aux feuillets 54v-55r (écrit en lignes continues) après les Libri differentiarum d'Isidore de Séville et avant une collection de formules épistolaires. L'histoire du manuscrit est esquissée dans la communication de M. -Th. Vernet, Notes de Dom André Wilmart ( t) sur quelques manuscrits latins anciens de la Bibliothèque nationale de Paris, dans Bulletin d'information de l'Institut de Recherche et d'Histoire des Textes 6 (1957), Paris 1958, pp. 2829. D'après Wilmart, la première partie (fol. 1-69) date du premier tiers du 9e siècle. B. Bischoff s'approche de cette opinion; il place cette partie dans la troisième décennie de ce même siècle (voir Boshof, p. 321, note 47). Quant au lieu de provenance, B. Bischoff croit pouvoir proposer la Septimanie, peut-être Gellone (voir à ce propos Boshof, loc. cit.); A. Wilmart est resté beaucoup moins précis; il parle du "midi de la France, c'est-à-dire d'une région au sud de la Loire" (op. cit., p. 29).
LIV
Pd
INTRODUCTION
Paris, Bibliothèque nationale, fonds latin 8917; en parchemin; 12e siècle. Description: L. Delisle, Inventaire des manuscrits conservés à la Bibliothèque impériale sous les n° 8 8823-n503 du fonds latin, Paris 1863, p. 13. Ce recueil contient entre autres l'ouvrage De diuinis ofjiciis de Rupert de Deutz (fol. 1v-78r), une partie du 13e livre des Antiquités de Flavius Josèphe (fol. 79r-97v) et le texte d' Agobard sur l' Antiphonaire (n° 24; fol. 98r-ro1v; Incipit prejatio Agobardi Lugdunensis Ecclesiç archiepiscopi super antiphonarium). Les dernières lignes de ce traité (fol. ro1v, 1-4) sont presque illisibles. D'autres mains ont copié au feuillet ro1v un verset du Cantique des cantiques (7, 1, avec des neumes), une note sur la dévastation de la Hongrie en 1241 et une liste de décrets papaux. Bressolles n'a pas repris ce manuscrit dans son tableau synoptique (pp. 32-34).
Pe
Paris, Bibliothèque nationale, fonds latin 2n3; en parchemin; ne siècle. Le manuscrit qui provient du Puy (abbaye de Bénédictins; Le Puy-enVelay; Iste liber est ecclesie Podiensis, fol. rr) a été décrit par Ph. Lauer, Catalogue général des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale de Paris II, Paris 1940, p. 324. Le texte De antiphonario (n° 24) d' Agobard se trouve aux feuillets 247r253v sous le titre Incipit institutio episcoporum in Romana çclesia jirmata super antiphonarium. Dans une compilation de Quaestiones diuersae il est précédé d'un extrait d'une homélie de saint Jean Chrysostome (fol. 246r247r) et suivi d'une partie du traité de saint Jérôme sur l'Evangile de Mathieu (fol. 253v-254r). Suit alors (fol. 254r et suiv.) un Computus anni circuli qui se termine à l'année ro63 et qui est écrit de la même main que les textes déjà cités. La version de la lettre d'Agobard est incomplète et, à quelques différences près, identique à celle du manuscrit Pa qui n'en était pourtant pas le modèle. Une main ultérieure a apporté certaines modifications qui ne sont pas toujours des améliorations.
Pf
Paris, Bibliothèque de l' Arsenal 717; en parchemin; début du roe siècle. Description: H. Martin, Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de !'Arsenal II, Paris 1886, pp. 55-56. La partie principale de ce manuscrit de 9 feuillets ne contient que deux petits ouvrages: une lettre d'Amolon à Thibault, évêque de Langres (fol. rr-5r), et la lettre d' Agobard à Barthélemi de Narbonne De quorundam inlusione signorum (n° 15; fol. 5r-8r; sans titre). Au fol. 8v on trouve encore un texte sur la réglementation de la trêve des quatre jours, de date ultérieure; le feuillet 9 est vide. Les lettres d'Agobard et de son successeur Amolon portent sur le même sujet, notamment sur le problème de l'apparition de symptômes morbides, occasionnés par la superstition excessive du peuple encouragée par une partie peu scrupuleuse du clergé.
INTRODUCTION
LV
Le fait que les deux écrits se trouvent ensemble dan:c;ce manuscrit n'est pas un simple fait du hasard: la lettre d' Amolon à Thibault était originairement, à titre consultatif, accompagnée d'un exemplaire de celle d'Agobard à Barthélemi (274 ). Je crois qu'il s'agit ici d'une copie de cette missive d' Amolon.
V
Rome, Biblioteca V allicelliana B 58 ; en parchemin ; uariae aetatis; la partie qui nous intéresse date de la fin du me siècle. Description du contenu: Inuentarium omnium codicum manuscriptorum Graecorum et Latinorum Bibliothecae V allicellanae digestum a.D. MDCCXLIX, l, pp. 182-183. Sur la datation voir M. Pellegrino, Sulla tradizione manoscritta di Salviano di Marsiglia, dans Vigiliae Christianae 6, 1952, pp. 98-roo, qui corrige F. Pauly, Die handschriftliche Überlieferung des Salvianus, dans Sitzungsberichte der philosophisch-historischen Classe der Kaiserlichen Akademie der Wissenschajten 98, Vienne 1881, p. 40 ("Miscellancodex saec. XV"). Recueil en deux parties dont les premiers ro3 feuillets sont consacrés à la Summa dictaminis de Pierre de la Vigne. La seconde partie commence par la lettre De antiphonario (n° 24) d'Agobard (fol. rr-4v, ou ro4-ro8 du manuscrit entier): Agobardi episcopi Lugdunensis ad cantores eiusdem ecclesiae. Suivent entre autres des ouvrages ou des fragments de textes patristiques (par exemple d'Augustin, de Grégoire le Grand, d'Eucher de Lyon, de Salvien de Marseille) et des décrets conciliaires.
Va
Rome, Biblioteca Vallicelliana G93; papier; 17e siècle. Description du contenu : J nuentarium omnium codicum manuscriptorum Graecorum et Latinorum Bibliothecae V allicellanae digestum a.D. MDCCXLIX, II, p. 44v. Recueil qui contient surtout des sermons (par exemple de Paul Diacre et de saint Augustin). Len° 24 d' Agobard (la lettre sur l'antiphonaire aux chantres de Lyon) se trouve aux feuillets 53r-59v, entre un Sermo Leonis papae sur la passion du Seigneur et le livre De uirtutibus et uitiis d' Alcuin (275 ). Pour les rapports entre V a et V voir le chapitre concernant la relation des manuscrits, p. LIX.
Manuscrits perdus. A propos de la description du manuscrit Pa j'ai déjà attiré l'attention sur un témoin du texte d' Agobard sur l' Antiphonaire (n° 24), témoin que E. Martène et U. Durand ont vu au monastère de Taloire mais qui ne semble pas correspondre au manuscrit Pa ni à Pb (voir p. LII). Il faut encore signaler qu'au 12e siècle il y avait dans la bibliothèque de (274) Cf. BosHOF, pp. 313-314; MGH Epp. V, p. 368: Misimus uobis etiam exemplar epistolae praefati pii patris et nutritoris nostri ad iam dictum Narbonensem episcopum ... (275) Je n'ai pas consulté sur place les deux manuscrits de la Biblioteca Vallicelliana. Je remercie Madame D. Verhaeghe-Pikhaus d'avoir voulu copier à mon usage les renseignements de l' Inuentarium cité ci-dessus.
LVI
INTRODUCTION
Cluny deux manuscrits contenant des ouvrages d' Agobard. On en trouve la mention dans le catalogue de Cluny publié par L. Delisle, Le Cabinet des manuscrits II, Paris 1874, pp. 465 et 468. Len° 180 était un Volumen in quo continetur de antichristo, de decem cordis, catholica expositio in Pater noster et Credo in Deum, definitio ecclesiasticorum dogmatum, ordo Romanus, opusculum Agobardi, sermones de sancto Vincentio et inuentio eius. Je n'ai pu le repérer. Boshof (p. 316) est d'avis que l'opusculum Agobardi était la lettre sur l' Antiphonaire (n° 24). Le n° 273 de Cluny était un Volumen in quo continentur libri