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French Pages 176 Year 2017
Dans la même collection : La consciences en images, 2017, ISBN : 978-2-7598-1766-5 La philosophie des sciences en images, 2017, ISBN : 978-2-7598-2096-2 La linguistique en images, 2017, ISBN : 978-2-7598-1768-9 Les fractales en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1769-6 Les statistiques en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1770-2 L' infini en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1771-9 Stephen Hawking en images, 2016, ISBN : 978-2-7598-1966-9 L' intelligence artificielle en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1772-6 Les mathématiques en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1737-5 La génétique en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1767-2 La logique en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1748-1 La relativité en images, 2015, ISBN : 978-2-7598-1728-3 Le temps en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1228-8 La théorie quantique en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1229-5 La physique des particules en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1230-1 La psychologie en images, 2014, ISBN : 978-2-7598-1231-8
Translation from the English language edition of: "Introducing Newton: a graphic guide", © William Rankin Traduction : Alan Rodney - Relecture : Gaëlle Courty Imprimé en France par Présence Graphique, 37260 Monts Mise en page de l’édition française : studiowakeup.com ISBN (papier) : 978-2-7598-2097-9 ISBN (ebook) : 978-2-7598-2182-2 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences, 2017
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« Qui, par son génie, a surpassé tous les hommes »
L
a chapelle de Trinity College, à l’université de Cambridge, abrite une statue d’Isaac Newton. Le poète Wordsworth, contemplant la statue la tête sur son oreiller, au clair de lune, a écrit…
« … Newton, avec son visage prismatique et silencieux, Témoin en marbre d’un esprit qui éternellement Voyage sur les mers étranges de la Pensée, seul. » 3
À l’époque de Wordsworth, Newton avait déjà été métamorphosé totalement, passant d’une créature en chair et en os à une sorte de demi-dieu impassible qui présidait à la révolution industrielle. « Une suite continue de travail, patience, humilité, tempérance, douceur, humanité, bienfaisance et piété sans la moindre trace de vice. » – John Conduitt.
La route est longue entre l’écolier effacé qui grava son nom sur le rebord d’une fenêtre et l’homme qui a marqué à jamais les siècles suivants. Il nous faut remonter aux commencements de la civilisation pour trouver les sources de la révolution scientifique qui allait changer le monde. 5
C’est la pensée qui compte Notre récit débute dans de simples activités pratiques du quotidien.
Des nombres, pour quantifier sa prise.
Des superficies de terres cultivées.
Des volumes de grains.
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C’est de l’arithmétique.
C’est de la géométrie.
Le plus important est de disposer d’un alphabet et de quelqu’un capable de tout noter.
Sur les rives du Nil Mesurer pour construire et naviguer.
Le jour divisé en 24 heures.
Des calendriers pour prédire les saisons.
C’est de la trigonométrie.
Les Égyptiens entretenaient des rapports intimes avec les cieux et dépendaient des inondations saisonnières du Nil pour fertiliser leurs champs. Ces champs étaient taxés en fonction de leur superficie. Chaque année, il s’avérait nécessaire de vérifier si du limon avait été emporté, afin d’établir le niveau approprié de taxes pour les riverains.
Un système de numérotation s’est développé.
= 3,616 Le papyrus de Rhind (ci-dessus) donne des solutions à de tels problèmes mathématiques et comprend une valeur du rapport de la circonférence d’un cercle à son diamètre. 7
Dans les eaux de Babylone Sur les terres fertiles irriguées par le Tigre et l’Euphrate a prospéré une civilisation qui a enregistré les mouvements du ciel pendant des milliers d’années. Les Babyloniens disposaient d’un système de nombres reposant sur une base 60, qui permettait des calculs avec de très grands nombres. Nous en gardons des traces encore aujourd’hui : une minute comprend 60 secondes et un cercle 360 degrés.
La méthode de calcul des Babyloniens était assurément plus sophistiquée que celle des Égyptiens, mais ne représentait qu’un ensemble de règles et prescriptions pour calculer des aires, sans aucune preuve. Il n’existait pas d’approche logique applicable à de nouveaux problèmes au fur et à mesure de leur apparition. Pour voir arriver un système déductif basé sur des preuves, il faudra attendre le retour sur l’île grecque de Samos d’un homme qui a erré trente-quatre ans durant parmi les prêtres et les mages. Cet homme a transformé les nombres, passant d’outil efficace à principe central de la vie. Il a donné à cette nouvelle philosophie le nom de μαθηματικη (mathématiques). Huit cents individus ont abandonné leur foyer et leur famille pour le suivre après la présentation de ses idées sur une montagne. 8
Tout est nombre Il a étudié les mystères en Égypte.
Et chez les Mages de Chaldée.
Il y a des hommes, il y a des dieux, puis il y a des êtres comme moi.
Pythagore, 572–480 avant J.-C.
Le ciel tout entier est nombre et harmonie.
Pythagore a découvert le rapport entre les nombres et la musique, à savoir que la hauteur d’une note dépend de la longueur de la corde qui la produit et du poids attaché à cette corde (la tension).
Il est le fils du dieu Apollon. Non, en réalité son père est ce riche citoyen, Mnésarque.
P
ythagore était un mélange d’Einstein et de Maharishi. Il prônait une religion basée sur la transmigration des âmes et le péché de manger des haricots. Il a prêché aux animaux
Toutes choses portant en elles la vie doivent être traitées en égales. Y compris les femmes.
Et les chats ?
Dans la société que Pythagore a fondée, hommes et femmes étaient égaux, la propriété était partagée et même les découvertes mathématiques étaient collectives.
Les sons émis par les planètes en se déplaçant rapidement à travers l’espace se combinent pour produire une musique, « l’harmonie des sphères ». Cette harmonie allait bientôt être perturbée de l’intérieur. 9
Un nuage d’infini Ce que nous continuons d’appeler des nombres pairs ou impairs, ou lorsque nous parlons de nombres élevés au carré ou au cube, cela est dû à Pythagore. Mais il est connu surtout pour le théorème de Pythagore. Ce dernier devait mettre à fin à son ordre.
Le carré de l’hypoténuse
Le carré de la longueur de l’hypoténuse d’un triangle rectangle est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés. 32 (3 élevé au carré) + 42 (4 élevé au carré) = 9 + 16 = 25.L’hypoténuse = — √25 (la racine carrée de 25). Donc l’hypoténuse = 5.
Un pythagoricien du nom d’Hippase de Métaponte, lors d’un voyage en bateau, a pensé que la recherche de la valeur de la diagonale d’un carré constituerait un passe-temps inoffensif. 12 (1 au carré) + 12 (1 au carré) = 1 + 1 = 2. — La diagonale = √2 (racine carrée de 2). Mais quelle est la valeur de la racine carrée de 2 ? Toutes les tentatives pour exprimer la racine carrée de 2 comme une fraction (le rapport entre deux nombres entiers) ont échoué. Un tel rapport n’existe pas, car la racine carrée de 2 est irrationnelle. Voilà quelque chose qui devait être un nombre car il possède une longueur, et qui ne pouvait pourtant pas être écrit. Hippase a été jeté par-dessus bord et la fraternité contrainte à garder le secret, mais le mal était fait. Tout est nombre, mais tous les nombres ne sont pas des nombres (entier). Pairs et impairs à la fois, les nombres irrationnels ont détruit l’harmonie des sphères. 10
Un nombre irrationnel n’est pas un vrai nombre, mais il est caché dans un nuage d’infini. Michael Stifel, Arithmetica Intigra, 1544
Mais pourquoi voudrait-on transformer un cercle en un carré ?
La quadrature du cercle
La question des nombres irrationnels fut évitée en traitant tous les nombres comme Avec des longueurs, mais la racine seulement carrée de 2 n’était pas une règle et le seul problème auquel un compas. les Grecs faisaient face. La crème de l’intelligence hellénique a consacré en vain Le problème consiste à déterminer plusieurs siècles à le rapport de la circonférence d’un cercle sur son diamètre. essayer de résoudre la Ce rapport est appelé π. quadrature du cercle. En dépit des efforts répétés des meilleurs mathématiciens grecs, aucun n’y est parvenu, ni aucun autre pendant les 2 000 ans qui ont suivi. Il y a un siècle, il a finalement été démontré que c’était impossible.
Qu’est-ce que l’étude de la géométrie va m’apporter ?
Esclave, donnez donc un drachme à ce garçon, puisqu’il doit profiter de son apprentissage ici. Euclide, 300 avant J.-C.
Les Grecs méprisaient l’utilitaire, et Platon, en effet, pensait que le métier dégradant de commerçant était un crime punissable. Ils ne ménageaient habituellement pas leurs efforts pour cogiter sur des problèmes impossibles. L’un de leurs sous-produits était une série de courbes inutiles, qui résultaient de coupes de cônes à différents angles.
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Les sections coniques
circonférence rayon centre
Cercle Délimité par une ligne (circonférence) qui, en tout point, se trouve à la même distance (rayon) d’un point fixe (centre).
foyer
foyer
Ellipse Courbe décrite par un point qui se déplace de sorte que la somme de ses distances par rapport à deux points fixes (foyers) est constante. directrice foyer
Parabole Courbe décrite par un point qui se déplace de sorte que la distance qui le sépare d’un point fixe (foyer) est égale à sa distance par rapport à une droite donnée (directrice).
Hyperbole Courbe décrite par un point qui se déplace de sorte que la distance qui le sépare d’un point fixe a une valeur toujours plus grande que celle de sa distance par rapport à une droite donnée (directrice). 12
Jusqu’à l’épuisement À propos d’effets secondaires, plus de réflexion a soulevé un problème encore plus terrifiant : l’infini. Antiphon le Sophiste (environ 430 avant J.-C.) essayait de déterminer l’aire d’un cercle en le remplissant de triangles. Il pouvait alors additionner les aires des triangles pour obtenir celle du cercle. Il inscrivait d’abord un premier triangle. Puis il remplissait les espaces restants avec un nombre croissant de triangles, de plus en plus petits, jusqu’à ce que l’aire du cercle soit « épuisée ». Il ne subsistait qu’un seul problème. Inscrire d’abord un triangle dans le cercle.
Puis remplir les espaces restants avec des triangles de plus en plus petits jusqu’à ce que l’aire soit épuisée.
Il ne sait simplement pas quand s’arrêter.
Rien d’immense n’entre dans la vie des mortels sans y apporter aussi un fléau.
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Plus ça change Zénon d’Élée, un disciple de Parménide et de sa doctrine sur le un, s’est évertué à démontrer la non-existence du nombreux. On lui coupa la tête pour trahison, mais il avait proposé auparavant une série de paradoxes immortels. L’un d’entre eux était celui d’Achille et la tortue.
Les paradoxes étaient des efforts de jeunesse, dérobés et publiés sans mon consentement. Zénon d’Élée, 495–435 avant J.-C.
Comment une série infinie de divisions, par définition inépuisable, peut-elle être épuisée ?
Moi, je suis inépuisable !
Achille, le coureur le plus rapide de son époque, essaie de rattraper une tortue, mais le temps qu’il atteigne le point de départ de la tortue, celle-là a avancé. Et le temps qu’Achille parvienne à cet autre point, la tortue aura encore avancé, et ainsi de suite ad infinitum. La distance qui sépare Achille de la tortue ne cessera de diminuer, mais elle ne sera jamais réduite à néant. Le plus lent ne sera jamais rattrapé par le plus rapide. À tout moment de mon vol, je suis immobile. Achille et la tortue et d’autres paradoxes de Zénon ont déconcerté les Grecs, paralysés par l’« horreur de l’infini », jusqu’à ce qu’Archimède vienne à leur secours. 14
Les grandeurs infinies étonnent notre cerveau, qui ne mesure que 15 centimètres de long, 13 de large et 15 de profondeur dans les têtes les plus grosses. Voltaire, 1694–1778
Contourner l’obstacle Eurêka !
Archimède, 287–212 avant J.-C.
On se souvient surtout d’Archimède courant nu dans les rues après avoir trouvé ses lois sur les corps flottants.
L’épuisement débute par un polygone inscrit dans un cercle.
Il a contourné le problème de l’infini, non pas en ayant recours à des nombres infiniment petits, mais en s’arrêtant quand le nombre considéré devenait « aussi petit que souhaité ». Il a combiné épuisement et compression, et en doublant successivement le nombre de côtés d’un polygone jusqu’à 96, il a estimé que la valeur de π devait être inférieure à 3 et 1/7 et plus grande que 3 et 10/71.
La compression met un polygone en dehors du cercle.
Je suis content comme tout avec ce résultat.
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La géométrie entre en jeu
Donnez-moi un point d’appui et je pourrai soulever le monde.
Archimède était le fils de l’astronome Phidias et l’ami intime de Hiéron, roi de Syracuse. Il est devenu célèbre de son vivant pour ses inventions merveilleuses, telles que les systèmes à leviers et poulies. Il pouvait déplacer le plus lourd des vaisseaux de Syracuse, pleinement chargé, d’une seule main. « Bien qu’il n ’ait pas daigné laisser de travaux écrits sur ces sujets, et considérant comme ignoble voire sordide la mécanique et toute autre forme d ’art qui ne viserait que le besoin et le profit, il a placé toutes ses ambitions dans ces spéculations, dont la beauté et la subtilité sont exemptes de quelque mélange que ce soit de nécessités de la vie. » Plutarque
En l’an 212 avant J.-C., les légions romaines, commandées par Par la multitude de Marcellus, ont assiégé Syracuse. missiles qu’il Les Romains sont restés à nous envoie l’extérieur des murs de la ville, simultanément, bloqués par des engins de guerre il surpasse astucieux conçus par Archimède. les géants aux cent bras de la Il s’était servi de grands miroirs Marcellus mythologie. paraboliques afin de concentrer les rayons du Soleil sur la flotte Simples ennemie et y mettre le feu. variantes pratiques qui mettent en jeu la géométrie.
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La fin de la pensée originelle La flotte romaine a fait semblant de battre en retraite, mais elle est revenue secrètement et a fait un trou dans le mur lors d’une fête en l’honneur de la déesse Diane. Syracuse avait dévoué entièrement ce jour au vin et au sport. « Archimède oubliait souvent sa nourriture et négligeait sa personne, à tel point que lorsqu’il se forçait à prendre un bain ou faire oindre son corps, il avait l’habitude de tracer des figures géométriques dans les cendres du feu et des diagrammes avec l’huile sur son corps, tellement il était absorbé par ses préoccupations. » – Plutarque Ignorant que Syracuse s’était rendue, Archimède était en pleine réflexion quand une ombre passa sur ses dessins. Derniers mots célèbres
Épargnez mes cercles !
Il s’agit de la seule apparition d’un Romain dans toute l’histoire des mathématiques. Les théoriciens grecs, de par leur amour pour les sciences abstraites, furent remplacés par les Romains plus pragmatiques dans la domination de l’Europe. Le soldat romain qui a tué Archimède symbolise la mort de la pensée originale que Rome a occasionnée au monde hellénique. « Aucun Romain n’a jamais perdu la tête parce qu’il était absorbé par la contemplation d’un diagramme mathématique. » – Whitehead
Bertrand Russel
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La Nature et les lois de la Nature, étaient cachées dans les ténèbres : Dieu dit : « Que Newton soit ! » et toute la lumière fut. Alexandre Pope, 1688–1744
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Si petit à la naissance Minuit venait de sonner, le jour de Noël, en 1642, quand Isaac Newton vint au monde prématurément au manoir de Woolsthorpe, dans le Lincolnshire.
J’étais tellement petit à la naissance que mes parents auraient pu me glisser dans un petit pot à lait et tellement faible que j’ai failli ne pas survivre une journée.
C’était l’année de la mort du physicien polémique italien Galilée. C’est faux !
Nous les Britanniques préférons être en désaccord avec le Soleil plutôt que d’accorder du crédit au pape.
De tout temps !
Dans une Italie progressiste, c’était déjà le 4 janvier 1643 ! Le pape venait d’introduire un nouveau calendrier, plus précis. Mais les Anglais n’en voulaient absolument pas. 19
C’est quel jour déjà ? Le problème résidait dans le fait que dans le calendrier julien, une année comportait 11 minutes et 12 secondes de trop. Dans les années 1500, l’équinoxe de printemps accusait dix jours de retard, et Pâques s’éloignait et glissait vers l’été.
C’est moi qui l’ai introduit et juillet est mon mois.
Un médecin napolitain avait une solution.
Je propose de supprimer l’année bissextile au tournant du siècle, sauf quand l’année est divisible par 400.
Luigi Lilio, mort en 1576
Jules César, 100–44 avant J.-C.
Très bien ! C’est mon calendrier, je vais commencer par supprimer dix jours dès cette année. On n’édite plus les calendriers comme avant ! Aucun pape ne va m’ôter des jours !
Le pape Grégoire XIII
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Truanderie papale !
Si c’était assez bien pour Jules César, c’est assez bien pour moi !
Le nouveau calendrier « grégorien » n’a été accepté en Allemagne, au Danemark et en Norvège qu’en 1700, en Angleterre et en Suède qu’en 1743, au Japon qu’en 1873, en Chine qu’en 1912, en Russie qu’en 1918 et en Grèce qu’en 1923.
Isaac enfant L’enfance de Newton fut maudite. Son père, Isaac, « un fou, extravagant et faible d’esprit » paysan propriétaire, mourut avant la naissance de son fils. Quand Newton eut 3 ans, sa mère Hannah se remaria. Son nouvel époux était Barnabas Smith, 63 ans, pasteur de North Witham, et elle alla vivre dans sa paroisse. Je vous ferai brûler vifs et votre maison avec !
Isaac est resté à Woolsthorpe pour y être élevé par sa grand-mère maternelle. Si son père avait été vivant, il est probable qu’il n’aurait jamais reçu une éducation. Nous, les Je vois Ayscough, sommes que ton oncle une bonne famille, Bill a été nommé alors qu’aucun Newton pasteur de Burton n’a jamais su écrire Coggles. son nom. Quand je serai grand, je leur montrerai de quoi je suis capable. Barnabas Smith est décédé quand Isaac avait 10 ans. Il va falloir que je construise une bibliothèque.
Bonjour Isaac. Je suis revenue à la maison. Hannah, pas tout à fait 1 an
Benjamin, 3 ans
Mary, 6 ans
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L’école
À l’âge de 12 ans, Newton fut envoyé dans une école de Grantham. La Free Grammar School du roi Édouard VI avait été fondée au xive siècle. Les écoles de grammaire étaient appelées ainsi car c’est principalement ce qu’elles enseignaient, la grammaire latine.
Ce sera peut-être utile un jour. Le latin est une langue…
…morte de chez morte…
… qui a d’abord tué les Romains…
… et qui est en train de me tuer aussi.
Isaac a démontré sa capacité à rattraper son retard en mathématiques tout seul, mais sans le latin il aurait été handicapé à vie. Le latin était la langue internationale de l’enseignement européen ; toutes les œuvres majeures étaient écrites en latin. Sa maîtrise du latin, que Newton vint à lire et écrire aussi couramment que l’anglais, lui permit d’assimiler tous ces livres et, plus tard, de communiquer ses propres découvertes en Europe. 22
Moulins à vent À l’école, Newton faisait des progrès notables dès lors qu’il se concentrait sur ses études. Mais il les négligeait souvent pour d’étranges inventions et faisait preuve d’« un extraordinaire penchant pour les travaux mécaniques », y compris le jour du sabbat.
Je sais que je ne devrais pas mais…
« Il avait de petites scies, des hachettes, des marteaux et toute une panoplie d’outils, qu’il maniait avec une grande dextérité. » 23
La nature et l’art Deux livres l’ont inspiré, et qui, d’ailleurs, allaient avoir une influence permanente sur lui. Le premier était The Mysteries of Nature and Art [Les mystères de la nature et de l’art] de John Bate. L’approche qu’il encourageait – expérimentation pratique, compétences artisanales, chimie, analyse, organisation catégorielle – a accompagné Newton le reste de sa vie.
Le second était vierge et il s’agissait d’un carnet de notes, acheté au prix de 2,5 pence. Newton y inscrivait des notes empruntées à Bate d’un côté, et de l’autre dressait des listes alphabétiques de mots sous différentes rubriques : les techniques, les oiseaux, les vêtements, etc. De telles organisation et répartition soigneuses des informations recueillies allaient devenir typiques du Newton mature. Ce premier cahier, le premier sur plusieurs milliers d’autres, décrivait, entre autres, comment construire un cadran solaire. 24
Quelle heure est-il ? Derrière l’orgue de l’église de Colsterworth, enchâssée dans le mur, se trouve une pierre.
« Newton, âgé de 9 ans, a gravé ce cadran à l’aide d’un canif. »
À Grantham, Newton logeait chez le pharmacien du village, M. Clarke. Il remplissait la maison de cadrans solaires. « Dans la cour de la maison, il avait planté des piquets pour marquer les heures et les demi-heures indiquées par l’ombre, qu’il avait progressivement, par des années d’observations, rendues très précises, et n’importe qui savait l’heure qu’il était grâce aux cadrans d’Isaac. »
Newton allait éprouver une fascination pour les mouvements du Soleil toute sa vie. Même à un âge avancé, quand on lui demandait l’heure, il se référait à une ombre plutôt que regarder une horloge. Il est temps que j’aille chez le coiffeur.
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Feux d’artifice
Comment faire des Dragons cracheurs de feu. Prenez un morceau de tissu en lin, de un mètre de long ou davantage, il doit être découpé selon la forme d’un carreau ; attachez-y deux bâtons légers en croix pour tendre la toile ; badigeonnez le tout avec un mélange d’huile de lin et de vernis, sinon trempez-le dans une solution de salpêtre, et fixez au coin le plus pointu une mèche préalablement traitée au salpêtre à laquelle vous pouvez attacher des pétards ; entre chacun d’eux, attachez un nœud en papier qui améliorera le vol ; puis nouez finalement un fil suffisamment long pour faire voler le tout à la hauteur que vous voulez, tout en en contrôlant le vol…
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D’étranges inventions … puis allumez la mèche et faites voler le cerf-volant contre le vent dans un champ ouvert ; la mèche en feu va tour à tour allumer les pétards, produisant diverses explosions en l’air ; lorsque le feu aura atteint la toile du cerf-volant, cela enflammera le tissu, qui brillera de façon menaçante
La nuit venue, Isaac se faufilait dehors et faisait voler son cerf-volant explosif au-dessus du village… « … effrayant merveilleusement tous les voisins pendant un certain temps, et faisant jaser les campagnards les jours de marché, devant leurs chopes de bière. »
Et je te dis que ce sont des extraterrestres.
Et puis quoi encore, bientôt ça sera d’inexplicables cercles dans les blés.
Moi, je pense que ce sont les moutons qui font des bêtises.
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Un garçon sérieux, silencieux et réfléchi La belle-fille du pharmacien, Mlle Storer, déclara plus tard avoir eu une amourette avec Newton alors adolescent, qui avait fabriqué des maisons de poupées pour elle et ses amies. C’était un garçon sérieux, silencieux et réfléchi, qui ne jouait pas beaucoup, à ce que l’on dit, avec les autres garçons. Toutefois, Newton n’était pas efféminé. Elle se souvenait d’une dispute entre son frère Arthur et le jeune Isaac. « Bien que moins bagarreur que son adversaire, il a fait preuve de tant de courage et de détermination qu’il l’a battu. Isaac l’a traîné par les oreilles et a raclé son visage sur le côté de l’église, pour le traiter de lâche et lui frotter le nez contre le mur. » Je devrais Une extrême minutie peut-être inventer l’aérosol. dans la poursuite d’un différent allait rester chez lui une caractéristique durable. Mais son comportement habituel lorsqu’il était face à un mur était de dessiner dessus. Des oiseaux, des hommes, des bateaux, des plantes, John Donne, le proviseur Stokes, des cercles et des triangles, le roi Charles Ier. 28
Première expérimentation Mais il n’y a pas de roi.
L’enfance de Newton se passa sous le règne d’un dictateur militaire – celui de Cromwell et sa Nouvelle Armée idéale de puritains, connus sous le nom de Têtes rondes. Ils s’étaient battus pour que le droit de détenir le pouvoir suprême revienne au Parlement et non à la monarchie. Mais ayant battu les Cavaliers royalistes lors de la guerre civile, Cromwell a dissous le Parlement !
Oliver Cromwell, 1599–1658
Emmenez-moi cette babiole d’idiot, la masse. On n’entendait même pas un chien aboyer.
Le jour de la mort de Cromwell, une grande tempête a balayé l’Angleterre. Les paysans disaient que le Diable en personne chevauchait cette tempête pour venir chercher l’âme de Cromwell. Isaac, quant à lui, sautillait mais pas de joie. Il mesurait la force de la tempête, en sautant alternativement dans le sens du vent puis contre lui.
C’est 25 centimètres plus fort que jamais auparavant !
« Ses camarades de classe n’étaient généralement pas des plus tendres avec lui. Il était bien trop malin pour eux pour tout. Celui qui comprenait le mieux était le moins considéré . » Pour comble de malheur, sa mère le retira définitivement de l’école. 29
Sous-employé À l’âge de 17 ans, sa famille voulait qu’il devienne fermier. Je ne peux quand même pas accepter des emplois aussi subalternes.
Les jours de marché, il soudoyait son domestique pour gérer les affaires et se retirait dans la maison du pharmacien où étaient entassées des piles de livres. Les livres avaient été laissés là par le Dr Clarke, le frère du pharmacien, un étudiant de Henry More à Trinity College, à Cambridge. Il abandonnait son serviteur et ses chevaux, préférant des piles de livres.
Il a même eu un casier judiciaire.
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C’était pour lui un festin, sans rapport avec le déjeuner.
Nous vous condamnons à une amende de 3 shillings et 4 pence pour avoir laissé votre mouton paître sur 4,6 km de chaumes, et 1 shilling de plus pour chacun des deux faits suivants, pour avoir laissé votre cochon pénétrer sans autorisation dans des champs de blé, et pour ne pas avoir réparé en temps utiles votre barrière.
Le chouchou du prof Isaac devenait de plus en plus distrait, grincheux et querelleur. Finalement, son oncle William et le proviseur Stokes ont persuadé la mère d’Isaac de le ramener à l’école de Grantham afin de préparer son admission à l’université. Il n’est prêt que pour aller à l’université et rien d’autre. Youpi ! Hourr
a !
Lors de son dernier jour d’école, il fut présenté comme le parfait modèle à suivre. Son génie monte rapidement et éclate au grand jour avec encore davantage de force. Il est particulièrement doué pour faire des rimes. Il découvre une application dans tout ce qu’il entreprend et, ce faisant, démontre une pertinence qui dépasse de loin les espérances les plus optimistes que j’avais pu placer en lui.
Snif
Une vraie plaie, celui-là !
Bon débarras !
Fayot !
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La Restauration anglaise Longue ! Pendant les derniers mois d’Isaac vie au Ding à Grantham dans le Lincolnshire, roi Do les cloches des églises avaient ng ! annoncé la restauration de la monarchie. La politique républicaine s’était éteinte avec Cromwell. On était parvenu à un arrangement entre marchands des villes et propriétaires terriens, et la monarchie fut rétablie avec le sacre du fils de Charles Ier, devenu Charles II. Mais les pouvoirs du roi étaient très restreints désormais. Par exemple, le roi n’était plus autorisé à imposer ses propres taxes ou à ordonner des arrestations arbitraires.
Charles Ier, roi de droit divin.
Charles II, avec la bénédiction des propriétaires et des marchands.
La plupart des gens étaient ravis de voir la fin du règne puritain…
Pour ma part, j’hésite à porter un jugement.
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Cambridge dans la tourmente Isaac quitta le calme rural du Lincolnshire pour Trinity College, à Cambridge. Il y découvrit une université dans la tourmente. Elle avait été le berceau du puritanisme, tout comme Oxford était celui du monarchisme. Sous Cromwell, tous les dirigeants et universitaires royalistes avaient été évincés. À présent, ils étaient de nouveau bien vus et les bonnets ronds puritains furent rapidement remplacés par le traditionnel mortier.
1659 Ils ont résolu un très vieux problème mathématique.
1660
Comment ça ?
Parce que, Milady, ils ont résolu la quadrature du cercle.
Comment cette université allait-elle accueillir le jeune homme de 18 ans destiné à devenir l’étudiant le plus illustre de son histoire ? 33
Sizar Isaac fut inscrit comme sizar de Humphrey Babington. Babington était le frère de Mme Clarke, la femme du pharmacien de Grantham. C’était un homme puissant, l’un des huit universitaires qui dirigeaient Trinity College.
M. Newton, vous êtes désigné comme étant mon sizar.
Et avec ça, quand est-ce que j’aurai le temps d’étudier ?
Les sizars, de pauvres étudiants, étaient considérés comme la forme la moins évoluée de la vie universitaire. Ils accomplissaient des tâches de valets et de serviteurs. Les autres étudiants préféraient ne pas être vus en train de communiquer avec eux, sauf pour donner des ordres. Dans le réfectoire, ils n’avaient droit de manger que les restes.
Une vie de chien si je comprends bien.
Par chance, Babington n’occupait son logement de fonction que cinq semaines dans l’année, laissant ainsi à Isaac assez de temps pour se perfectionner. Cependant, ses études étaient perturbées par un colocataire indiscipliné. À l’âge de 18 ans, Isaac avait quatre ans de plus que l’étudiant moyen, qui passait le plus clair de son temps à faire la fête. 34
Les copains Nichols Wickins décrit ainsi les premiers jours de son père John à Trinity College et une rencontre d’importance capitale. « Le premier camarade de chambre de mon père étant fort désagréable à son égard, un jour il sortit se promener dans les allées, où il tomba sur Newton, seul et dépité. En discutant l’un avec l’autre, ils ont découvert que la cause de leur isolement était identique, cela les a décidés à se débarrasser de leurs compagnons actuels, ce qu’ils ont mis en œuvre dès qu’ils ont pu et sont restés copains aussi longtemps que mon père a résidé à Trinity. »
Les deux amis ont partagé la même chambre pendant vingt ans. On sait peu de choses sur Wickins, à l’exception du fait qu’il a été un atout inestimable pour Newton. Il s’occupait non seulement des tâches ménagères, mais il aidait aussi à mener des expériences et rédigeait des rapports propres. Et bien qu’Isaac ait vécu à Trinity pendant vingt-huit ans, Wickins était son seul véritable ami. S’étant installé dans son logement, Isaac pouvait se concentrer sur ses études. 35
Le programme d’études officiel Le programme d’études officiel de Cambridge était une nouveauté quand il avait été établi par loi un siècle auparavant. Il débutait par de la logique (aristotélicienne), de l’éthique (aristotélicienne) et de la rhétorique (aristotélicienne) comme fondements pour l’étude de la philosophie aristotélicienne et se terminait par les discussions aristotéliciennes – citant de préférence Aristote dans sa propre langue.
Cela me paraît très correct.
Aristote de Stagire, 384–322 avant J.-C.
Très rapide
Assez rapide
Mais en 1661, Cambridge n’était plus avancée. La philosophie européenne avait progressé et l’avait dépassée. Dans ce trou perdu intellectuel, les cours n’étaient pas pris sérieux. Quelques-uns des enseignants prenaient même la peine de donner des cours particuliers.
Vendu !
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Poule mouillée !
Du bon sens La vision du monde avancée par Aristote avait 2 000 ans – et était erronée. La raison pour laquelle elle avait survécu par rapport à la pensée des Grecs de l’Antiquité qui étaient plus proches de la vérité est qu’elle semblait être plus logique. La Terre tourne autour du Soleil.
Balivernes ! La Terre est immobile et elle est le centre de l’Univers.
Aristarque l’héliocentriste, 310–230 avant J.-C.
Aristote
Quelques bribes de l’histoire ont accidentellement échappé au naufrage du temps. Et tout comme les épaves et déchets flottants, les idées les plus légères flottent à la surface, tandis que tout ce qui est solide et en vaut la peine coule. Et puisque personne n’avait été catapulté dans l’espace, les gens pensaient qu’Aristote devait forcément avoir raison. Surtout quand il confirma ses idées avec une théorie complexe du mouvement. Ce qui fait bouger les choses, affirmait-il, c’est leur désir d’occuper « leur propre place »… Francis Bacon, 1561–1626, vicomte de St Albans et expert dans ce domaine.
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La physique Le mot physique provient du grec physis qui signifie nature, mais pas au sens où nous l’entendons. La nature d’une chose est sa finalité, la raison pour laquelle elle existe. Sont ainsi naturelles les choses qui par mouvement continu, émanant d’un principe interne, parviennent à une certaine réalisation de quelque chose. Je fais simplement ce que je suis censé faire.
C’est dans sa nature de me manger.
Quand un chien s’empare d’un os, le chien se déplace tandis que l’os reste immobile, et le mouvement a un but : satisfaire la physis ou la nature du chien. Être mangé par un chien est la nature de l’os. L’Univers se compose de deux règnes distincts. En dessous, dans la sphère dite sublunaire, le mouvement naturel correspond à une ligne droite dirigée vers le centre de la Terre. Par exemple, un boulet de canon lorsqu’il est tiré partira en ligne droite jusqu’à ce qu’il soit épuisé (mouvement violent), puis il tombe à la verticale pour chercher sa place naturelle (mouvement naturel). Ce qui monte doit nécessairement descendre.
38
Les sphères de cristal Dans les cieux se trouvent les planètes, les étoiles, le Soleil et la Lune. Leur mouvement naturel est circulaire, parfait, continu et infini. Chaque planète est fixée sur une sphère de cristal en rotation, qui tourne autour de la Terre immobile. Ce sont les combinaisons des sphères à l’intérieur d’autres sphères qui tournent dans différentes directions qui produisent les trajectoires complexes des planètes observées dans le ciel. … comment construire, déconstruire Pour sauver les apparences, comment revêtir la Sphère de Cercles concentriques et excentriques, de Cycliques et d’épicycles, d’Orbes dans les orbes…
Si seulement Dieu m’avait consulté avant d’entreprendre la Création, j’aurais pu recommander quelque chose de plus simple.
Alphonse X, 1221–1284
L’Athènes du temps d’Aristote était une démocratie, mais pas pour tout le monde. Les citoyens pouvaient s’adonner à la culture étant donné que des esclaves faisaient tout le travail à leur place. Cela a favorisé un préjudice. Les choses pratiques, telles que les expérimentations, étaient réservées aux classes les plus basses. Le rejet des observations et des mesures minutieuses séparait les « philosophes naturels » anciens des « scientifiques naturels » nouveaux, dont les opinions étaient en vogue à Cambridge quand Newton y fut admis, même si elles n’étaient pas encore au programme.
Copernic, qui a initié ce nouveau mouvement, était lui-même sans aucun doute plutôt de l’ancienne école.
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Des étoiles errantes Rien que quelques épicycles ne puissent arranger. Claudius Ptolémée, 120–190 Saturne Jupiter Vénus
Mercure
Le mot planète provient du grec qui signifie « errer ». Et, effectivement, les planètes errent, ralentissant parfois dans leur dérive générale vers l’est, suspendues à l’arrêt, voire faisant marche arrière (mouvement rétrograde) en suivant d’étranges trajectoires en boucle.
Mars
À Alexandrie, Ptolémée a perfectionné la cosmologie grecque avec un modèle qui permettait aux astronomes de « sauver les apparences » et avec un système complexe de roues à l’intérieur de roues qui produisait les trajectoires erratiques des planètes uniquement avec des cercles. 40
Un agencement raisonnable Je me suis souvent demandé s’il n’existait pas une disposition plus raisonnable de ces cercles. Nicolas Copernic ne se satisfaisait pas du fait que les planètes dans le système ptoléméen se déplaçaient à vitesse variable. Il était d’accord avec Aristote sur le fait que les planètes devaient se déplacer à vitesse constante sur des cercles parfaits.
Nicolas Copernic, 1473-1543
L’astronome polonais n’était pas un scrutateur d’étoiles. Il n’atteignait même pas une moyenne d’une observation par an. Pendant son séjour à l’université de Bologne, il avait entendu parler de la théorie d’Aristarque selon laquelle la Terre se déplaçait autour du Soleil. Tous les écrits d’Aristarque ont disparu, mais ses idées ont survécu car Aristote n’a pas ménagé sa peine pour les réfuter. Si toutes les planètes tournaient autour du Soleil et non autour de la Terre, leurs mouvements rétrogrades pouvaient plus facilement être expliqués, mais pour faire coïncider ce système avec les observations, encore fallait-il que Copernic fasse un usage généreux des épicycles et déférents de Ptolémée. On ne peut guère dire que son nouveau système était simplifié car il exigeait 46 cercles pour expliquer le ballet des planètes au lieu de 27 pour Ptolémée. On ne peut pas dire non plus qu’il était héliocentrique, le centre de l’Univers se trouvant au centre de l’orbite de la Terre, c’est-à-dire à une certaine distance du Soleil. Cependant, il allait en inspirer d’autres pour trouver la vraie réponse. 41
Les mouvements de Mars Ce serait comme verser de l’eau propre et fraîche dans un puits rempli de saletés, les saletés ne seraient que remuées et l’eau propre serait perdue. Effrayé à l’idée de se trouver au centre d’une controverse, Copernic a mis son manuscrit sous clef pendant trente ans. Mais la rumeur se répandit. En 1539, un jeune professeur allemand de mathématiques et d’astronomie nommé Rheticus s’est présenté au domicile de Copernic à Frombork pour voir par lui-même. Aux extrémités les plus lointaines de la Terre. Georg Joachim Rheticus, 1514–1576
Rheticus fut autorisé à lire le manuscrit. Il mit dix semaines pour en venir à bout, méthodiquement. Le cas de Mars s’avérait être particulièrement déroutant. Rheticus pria pour que le Ciel lui vienne en aide. Un ange apparut, le saisit par les cheveux et le frappa à la tête alternativement au plafond et au sol, en lui disant : « Voilà les mouvements de Mars. » Secoué mais déterminé, Rheticus entreprit de publier le manuscrit à Nuremberg, mais la brigade des mœurs s’en empara à mi-chemin. Ah ! La perversion italienne.
42
Voilà ce qui arrive quand on étudie de trop près les œuvres grecques.
À propos des révolutions La publication fut reprise par le cofondateur du luthérianisme, Osiander, qui ajouta sa propre préface – « Que personne n’attende des choses certaines en astronomie à moins de quitter cet ouvrage plus idiot qu’en l’ouvrant. » Copernic était sur son lit de mort quand il reçut le premier exemplaire du livre de la part des imprimeurs. Cette introduction n’a pas contribué à améliorer sa santé, il ne quitta pas uniquement l’étude de l’astronomie, mais aussi le monde, simultanément. La peur qu’avait Copernic de la publication et d’une controverse avait été inutile, la première édition ne s’est jamais complètement vendue. La théorie n’avait pas perturbé le pape, mais elle avait quand même offensé le bon sens de Luther.
Martin Luther, 1483–1546
Un nouvel astrologue veut prouver que c’est la Terre qui se déplace et tourne, et non le ciel, le Soleil et la Lune. Comme si quelqu’un en mouvement dans un carrosse affirmait qu’il restait immobile pendant que la Terre et les arbres marchaient et se déplaçaient. Ridicule !
Il vient de formuler et rejeter la théorie de la relativité.
On the Revolutions of Heavenly Spheres [Des révolutions des orbites célestes] n’était pas un livre révolutionnaire ; Copernic n’avait pas essayé de rejeter les thèses d’Aristote et Ptolémée, mais de les sauver. Cependant, de façon significative, il était le premier à avancer un système cohérent par rapport à une Terre en mouvement, même s’il était erroné. 43
La clef L’un des rares savants ayant réellement lu le livre de Copernic était un astronome allemand.
Je pense avoir trouvé la clef de l’Univers.
Johannes Kepler, 1571–1630
Johannes Kepler était né prématurément et il devint un enfant maladif atteint de myopie et polyopie. Il était perclus de douleurs, avait des problèmes d’estomac et de vésicule biliaire permanents, des hémorroïdes, des éruptions cutanées, la gale et des vers. Enfin, il se prenait pour un chien.
Juste ciel !
L’intérêt de Kepler pour les astres a commencé tôt. Avant ses 9 ans, il avait vu une comète et une éclipse de Lune. Il se demandait souvent pourquoi il n’y avait que six planètes et le 9 juillet 1595, il en découvrit la raison. 44
Les solides parfaits Pythagore a découvert comment assembler les figures du cosmos.
Il les appelait les « solides parfaits », dont les faces sont toutes identiques et régulières. Les lois de la géométrie limitent leur nombre à cinq.
Étant parfaitement symétrique, un solide parfait peut reposer à l’intérieur d’une sphère, avec chacun de ses sommets s’appuyant sur la surface interne.
De la même manière, un solide parfait peut contenir une sphère qui repose sur le centre de chaque face. Kepler était fasciné par l’idée qu’il pouvait insérer ces cinq solides entre les orbites des six planètes. 45
Ça correspond À l’âge de 26 ans, Kepler résolut le mystère de l’Univers et publia ses conclusions dans l’ouvrage Mysterium Cosmographicum [Le mystère du Cosmos].
Ça correspond Ça correspond
Ça correspond
Ça correspond
Ça correspond
Presque Presque
Un astronome de la vieille école se serait reposé sur une illusion aussi élégante et fructueuse. Mais Kepler voulait poursuivre minutieusement et de manière moderne, afin de confronter sa théorie à la réalité par une observation précise. 46
Bizarre, bizarre. Les figures de Copernic ne correspondent pas, il doit y avoir des erreurs.
Rencontre avec Tycho En 1598, Kepler fut chassé d’Autriche lors d’une purge de protestants. Sans emploi, il accepta sans hésiter une invitation à venir vivre chez le noble astronome danois Tycho Brahe qui habitait le château de Benatek dans les environs de Prague, notamment parce qu’il avait besoin des observations de Tycho pour perfectionner son Mysterium.
Prague, dont la puanteur a repoussé même les Turcs. Mme Barbara Kepler
Je sais ce qu’il cherche. Mille fois bienvenue C’est moi qui vous dis mille mercis.
Tous mes problèmes disparaîtront, dès lors que j’aurai eu accès à ses chiffres.
Je sais ce qu’il cherche.
Je sais ce qu’il cherche.
Jeppe, le nain clairvoyant.
Vous devez vous focaliser sur Mars. Vous êtes trop aimable. J’aurai terminé d’ici huit jours.
Tycho disposait des meilleures observations et avait donc accès au matériel pour construire le nouvel édifice. Il ne manquait plus que l’architecte capable d’y découvrir la vérité profondément cachée. On assigna à Kepler la planète la plus ardue, Mars, pour laquelle Copernic avait eu besoin d’utiliser sept épicycles. Il promit de trouver la solution en huit jours et alla jusqu’à prendre des paris là-dessus. En réalité, il devait se battre avec Mars pendant huit ans. 47
Supernova Quand il était encore un adolescent scrutateur d’étoiles, Tycho avait été dévasté en découvrant que l’autorité en matière de mouvements planétaires, les Tables alphonsines, avaient un écart d’un mois complet et que Copernic s’était trompé de plusieurs jours. Il décida alors de rassembler des observations précises, à jour et en continu. J’ai construit les premiers instruments véritablement précis et je rédigerai mes propres tables.
Il est capable de faire ses observations au pif et n’a besoin d’aucun autre instrument.
Tycho avait perdu son nez lors d’un débat avec un mathématicien bien armé, il en avait donc fabriqué un nouveau avec du métal. Tycho Brahe, 1546–1601
Ursus, son grand rival.
En 1572, Tycho remarqua une nouvelle étoile dans la constellation de Cassiopée, si brillante qu’elle était visible en plein jour. Il n’en croyait pas ses yeux.
Vous voyez ce que je vois ?
Je prédis toutes sortes de fléaux, du mauvais temps, la peste et l’arrivée des Français.
48
La dernière fois remonte à je ne sais quelle année.
En réalité, c’était en 125 avant J.-C.
Des étoiles observées de près À travers l’Europe, les astronomes de premier plan appliquaient les techniques les plus précises dont ils disposaient…
Prenez un fil de coton.
Tenez-le à bout de bras.
Alignez-le avec les étoiles voisines.
Restez immobile quelques heures. Observez si le fil se déplace.
Du fil ! Mon quadrant fait 11,58 mètres de large, il est fait de laiton et de chêne.
Un seul des instruments de Tycho vaut plus que toute la fortune de ma famille.
Et alors ? Aristote enseignait que les étoiles fixes étaient parfaites et, de ce fait, immuables. Croissance et déclin ne pouvaient avoir lieu que dans la sphère dite sublunaire, entre la Lune et la Terre. Pourquoi Tycho était-il si excité ? Parce que si l’on démontrait que la nouvelle étoile se trouvait parmi les étoiles fixes, cela impliquerait que les cieux avaient changé et contredirait le dogme d’Aristote. L’année suivante, il publia un livre intitulé De Stella Nove [La nouvelle étoile]. Des pages et des pages de « faits tangibles et tenaces » établissaient sans aucun doute l’existence d’une nouvelle étoile. 49
Parfaite et immuable En 1577, il porta un autre coup à Aristote en démontrant que la grande comète de cette année-là n’était pas un phénomène sublunaire, mais se situait à « au moins six fois » la distance Terre-Lune. La seule constante qui vaille est le changement.
Si l’esprit de Tycho était triomphant, sa chair était en revanche faible. Sa vessie éclata pendant un banquet mémorable en 1601. Il mourut en délirant, répétant tout au long de la nuit « Qu’il me soit permis de ne pas avoir vécu en vain. » Kepler s’appropria immédiatement l’énorme masse d’observations de Tycho. Il lui succéda également en tant que mathématicien impérial auprès du saint empereur romain Rodolphe II, héritier de Charlemagne.
Ce faisant, j’ai fondé l’optique moderne.
À part quelques pauses pour bâcler des horoscopes pour la noblesse pragoise, Kepler pouvait désormais aller de l’avant pour développer les trois lois relatives aux mouvements planétaires qui, par la suite, serviraient de base aux lois de Newton. Kepler était le premier à expliquer correctement comment fonctionnent les yeux. Et moi aussi.
Et comment je fonctionne. Et nous aussi.
Camera obscura
De plus, il établit la loi en carré inverse de la lumière. Mais sa vie entière aura été dominée par Mars… 50
Le somnambule Le problème de Mars m’a tellement obsédé que j’ai failli perdre la raison. Failli seulement ?
Les seuls calculs d’orbite de Mars occupent 900 feuillets d’écriture minuscule. Kepler était en pleine confusion, commettant même des erreurs qui s’annulaient entre elles, donnant des explications erronées aux erreurs et s’aventurant des années durant dans des impasses avant de tomber par hasard sur la vérité, dans ce qu’Arthur Koestler décrit comme « la performance de somnambule la plus étonnante de l’histoire des sciences ». Qu’est-ce qui fait que Kepler, le mystique des mystères cosmiques, soit si tatillon ?
Il avait introduit les causes et effets physiques réels dans la géométrie abstraite des cieux.
51
Les calculs facilités La solution pour ces calculs astronomiques était à portée de main.
Un baron écossais a eu l’excellente idée de transformer n’importe quelle multiplication ou division en une addition ou soustraction.
Il n’est pas convenable pour un professeur de mathématiques de manifester une joie enfantine simplement parce que les calculs sont rendus plus faciles.
Professeur de mathématiques de Kepler, Michael Mästlin, 1550–1631
Les logarithmes avaient fait l’affaire, développés par le baron de Merchiston pendant ses vingt années d’isolement dans son château près d’Édimbourg. Le principe consiste à apparier une série arithmétique (ligne du haut) à une série géométrique (ligne du bas). 0 1 2 3 4 5 6 7 8 … 1 2 4 8 16 32 64 128 256 … Pour multiplier 8 par 32, on convertit les valeurs de la ligne du bas en valeurs de la ligne du haut. Le 8 devient un 3 et le 32 devient un 5. On additionne le 3 et le 5, soit 8. On reconvertit le 8 de la ligne du haut. La réponse à 8 fois 32 est 256. John Napier, huitième baron de Merchiston, 1550–1617
Napier lui-même estimait que son travail le plus important était le livre intitulé A Plaine Discovery of the Whole Revelation of Saint John [Une simple découverte de l’entière Révélation selon Saint Jean]. Je démontre dans le style d’Euclide que le pape est l’Antéchrist et que la fin du monde surviendra en 1688 ou 1700.
52
Réglettes de calcul, connues sous le nom d’os de Napier.
La forme de l’Univers
Quelle tête de linotte j’ai été !
L’orbite de Mars est ovale – une ellipse avec le Soleil placé à l’un des foyers. D’un seul coup, Kepler réduisit les sept épicycles de Copernic à une élégante courbe.
Après huit ans de calculs, Kepler parvint à la conclusion que la trajectoire de Mars n’était tout simplement pas circulaire.
Kepler comparait le fait de débarrasser l’astronomie des épicycles au nettoyage par Hercule des écuries d'Augias. Il n’a laissé « qu’un tas de fumier » – l’ellipse.
Copernic avait enlevé la Terre de sa position centrale et l’avait envoyée errer au milieu des autres planètes, mais seul Kepler allait défier la croyance d’Aristote selon laquelle les planètes parfaites ne pouvaient se déplacer que sur des cercles parfaits. Kepler a changé la forme de l’Univers.
L’Univers selon Ptolémée
L’Univers selon Copernic
L’Univers selon Kepler
53
La deuxième loi de Kepler Kepler avait rejeté également l’autre affirmation principale de Copernic, selon laquelle les planètes se déplacent à vitesse constante. Il avait remarqué que lorsqu’une planète s’éloigne du Soleil, elle ralentit et que lorsqu’elle s’en approche, elle accélère. Convaincu qu’il devait exister une relation harmonieuse, Kepler s’était rendu compte enfin qu’en dépit de la vitesse variable, l’aire balayée par la planète en un temps donné était constante.
Le vecteur radial de n’importe quelle planète balaiera des aires égales sur des périodes de temps égales.
Il m’est venu l’idée que la somme de ces distances est contenue dans l’AIRE de l’orbite. Car je me suis souvenu qu’Archimède aussi avait divisé l’aire d’un cercle en un nombre infini de triangles.
La même méthode me permet de calculer le volume des tonneaux à vin. Le livre de Kepler The New Solid Geometry of Wine Barrels [Une nouvelle géométrie des solides des tonneaux à vin] avait fait sensation, car l’auteur y traite avec une totale liberté la question des nombres infinitésimaux.
54
L’Harmonie du monde
Les mouvements célestes ne sont rien qu’un chant continu pour plusieurs voix.
En guise de notation pour cette « musique des sphères », Kepler n’a pas hésité à comparer chaque attribut, recherchant n’importe quelle relation harmonique entre les cinq planètes. Noyé au milieu de ces notes musicales se trouvait un curieux rapport. Il semble que les carrés des périodes de révolution (τ) de deux planètes sont identiques aux cubes de leur distance moyenne au Soleil (r). Orbite (r)
r au cube
Année (τ)
τ au carré
Mercure
0,2408
0,0580
0,388
0,0584
Vénus
0,6152
0,3785
0,724
0,3795
Terre
1,0000
1,0000
1,000
1,0000
Mars
1,881
3,5378
1,524
3,5396
Jupiter
11,862
140,71
5,200
140,61
Saturne
29,457
867,72
9,510
860,09
Cela devait devenir la troisième loi de Kepler – bien qu’il ne le sût pas lui-même. C’est la clef de la stabilité du système solaire car elle indique comment les mouvements des cinq planètes sont interdépendants mathématiquement. Le livre la comprenant fut très largement ignoré. Trois jours après l’achèvement de The Harmony of the Worlds [L’Harmonie du monde], la guerre de Trente Ans éclata. 55
Les Tables rudolphines Après avoir étendu ses lois sur Mars aux autres planètes et à leurs satellites (propre terme utilisé par Kepler), établissant grossièrement la carte du système solaire tel que nous le connaissons aujourd’hui, il restait à Kepler à accomplir une dernière tâche – présenter les observations de Tycho sous la forme d’un tableau.
Qu’il me soit permis de ne pas avoir vécu en vain.
Le travail sur les Tables rudolphines, nommées en l’honneur de l’empereur Rodolphe II, s’est éternisé. Désormais à Linz, il essayait d’achever son œuvre d’une vie, tandis que les catholiques et les protestants livraient bataille sur le toit de son imprimerie.
Il dut prendre un congé pour se transformer en avocat de la défense et sauver sa mère âgée de 73 ans d’une mort au bûcher pour sorcellerie. Promets-moi simplement de ne pas changer le juge en crapaud.
56
Mon fils, j’ai été enchaînée pendant 14 mois.
Kepler trépasse Ce livre perdurera pendant des siècles !
Les imprimeries prirent feu et son livre fut détruit, mais Kepler réussit à s’échapper avec le manuscrit. Il déménagea à Ulm pour un autre essai. Les Tables rudolphines furent achevées finalement à temps pour le Salon du livre de Francfort de 1627. Kepler y occupa un stand et le vendit lui-même. Il comprend la gravité de la situation.
En 1629, il invente la science-fiction. Somnium est l’histoire d’un voyage sur la Lune, en accord parfait avec les lois de la physique. Il décrit la forte accélération nécessaire pour s’arracher à la Terre, les attractions terrestre et lunaire égales en plein vol… en apesanteur. Kepler accusait désormais un arriéré de salaire de 11 817 florins. Il entreprit alors un voyage à cheval (et à pied car il souffrait d’hémorroïdes) pour tenter de rassembler l’argent qui lui était dû. Après quelques semaines sur la route, il tomba malade et mourut trois jours plus tard, pointant du doigt alternativement sa tête et le ciel.
Son esprit s’en est allé au ciel, son corps repose ici-bas sous terre. 57
Le querelleur Pendant ce temps-là, en Italie, un professeur de mathématiques de Pise, Galilée, était déterminé à s’élever au-dessus de sa condition. Il avait été un étudiant fatigant et obstiné, ce qui lui avait valu le surnom de « Querelleur ». Il quitta les bancs de l’université sans diplôme, plus en raison de sa personnalité agressive que de sa scolarité. Il dut même complètement quitter la Toscane après un différend avec un membre de la famille Medici au pouvoir.
À l’âge de 17 ans, il découvre le principe du pendule lors d’un office dans la cathédrale de Pise.
Voici la lampe qui a inspiré Galilée en 1581. Elle avait été installée en 1577.
Alors encore dans la vingtaine, Galilée s’était rendu compte qu’un corps dix fois plus lourd ne tombe pas dix fois plus vite, comme l’avait enseigné Aristote.
Galilée, 1564–1642
En 1586, j’ai publié la preuve que les corps lourds et légers tombent à la même vitesse.
Jan de Groot La tour de Pise, de laquelle Galilée n’a jamais laissé tomber de boulet de canon.
58
Le père du télescope Galilée était si impressionné par les nouvelles découvertes scientifiques réalisées en science qu’il décida de se les approprier. Il fit fortune en fabriquant et en vendant un compas militaire.
Je me le suis approprié et j’ai chassé le propriétaire.
Ensuite, il jeta son dévolu sur le télescope. J’ai inventé le télescope en 1600
Johannes Lilippershey (Pays-Bas)
Je l’ai inventé en 1589
Giovanni Battista della Porta (Italie)
Eh bien ! moi je l’ai vendu au doge de Venise pour 3 000 scudi* en 1609
* grosse pièce de monnaie en argent.
En réalité, il avait été inventé en Allemagne, cinquante ans auparavant.
Galilée, beau-père du télescope
Quand il fut contraint d’admettre qu’il n’avait pas inventé le télescope, Galilée rétorqua que n’importe quel nigaud pouvait avoir découvert le télescope accidentellement mais que lui seul, Galilée, l’avait découvert par le raisonnement, ce qui requiert bien plus d’ingéniosité ; par conséquent, le mérite de l’invention lui revenait. 59
Le messager des étoiles La Lune, observée à travers cette nouvelle invention du télescope, était visiblement imparfaite. C’était une fois de plus un coup pour la vision aristotélicienne de la « perfection cristalline » des cieux. Après avoir enseigné vingt ans durant la cosmologie aristotélicienne, Galilée commença à s’y opposer.
La Lune n’est pas revêtue d’une surface lisse et polie.
Dessin de la main de Galilée.
La Lune est en réalité rugueuse et inégale, couverte partout, tout comme la surface de la Terre, de grandes montagnes, de profondes vallées et de cratères.
Mais, j’ai déjà dit tout cela.
Thomas Harriot (Grande-Bretagne)
En 1610, Galilée publie ses observations sous forme de livre. Écrit en latin, il était élégant, spirituel, sensationnel et court. La première édition du Sidereus nuncius [Le Messager des étoiles] s’est vendue entièrement en quelques jours. Le nom de Galilée s’est répandu dans tous les foyers. Il est même devenu la coqueluche des religieux intellectuels à Rome. Un homme promis à un avenir certain, le cardinal Maffeo Barberini, ne tarissait pas d’éloges à son égard. 60
Premier et seul Galilée a étonné le public (et d’autres astronomes) en revendiquant une série de découvertes saisissantes. Les quatre satellites de Jupiter
Observés pour la première fois par Simon Marius.
La forme triple de Saturne
Les phases de Vénus
Prédites par Castelli.
La galaxie spirale dans la constellation d’Andromède
Saturne ressemble à ceci.
Des idiots munis de télescopes, que je ne leur ai pas vendus, pensent que Saturne ressemble à ceci. C’est absurde !
Observée pour la première fois par von Greenhausen.
Les taches solaires
Que Dieu m’en soit témoin, il n’en réchappera pas !
Observées pour la première fois par Christoph Scheiner (Compagnie de Jésus).
61
Premier avertissement De plus en plus impressionné par sa propre importance, Galilée était en train de se faire de redoutables ennemis parmi les jésuites. Il a essayé ensuite de faire rentrer dans le crâne de l’Église le système héliocentrique de Copernic.
Ce n’est pas ma faute s’il m’a été accordé de découvrir seul tous ces phénomènes nouveaux dans le ciel, et à personne d’autre.
… mais Galilée veut réécrire la Bible pour y incorporer sa propre vision du monde.
Copernic, pour ce qui est de la théorie, c’est bien…
Parce qu’il ne pouvait pas apporter la preuve que la Terre tournait autour du Soleil, Galilée a défié l’Église de prouver le contraire ! Le cardinal inquisiteur Bellarmin, qui avait condamné au bûcher Giordano Bruno pour hérésie en 1600, fut chargé d’instruire le cas de Galilée.
Discourir de façon hypothétique comme l’a fait Copernic n’est que le fruit d’un bon sens excellent et ne fait courir absolument aucun risque… S’il existait une preuve réelle, nous aurions à réinterpréter les Saintes Écritures, mais aucune preuve ne m’a été apportée.
Cardinal Robert Bellarmin, mort en 1621
62
Galilée fut officiellement interdit de considérer comme étant vrai ou d’enseigner le système copernicien, à moins d’en apporter la preuve.
Deux grands systèmes En 1623, l’admirateur de Galilée Barberini devint le pape Urbain VIII. Un vent libéral frais souffla sur Rome. Galilée put bénéficier de six audiences avec le nouveau pape et fut encouragé à écrire sur Copernic, à condition de se limiter à la théorie. Le pape trouva même le titre.
Galileo, tu peux m'embrasser.
Le livre, en italien familier, a été écrit sous la forme d’un dialogue, tout comme celui de son père, Dialogues on Ancient and Modern Music [Dialogues sur la musique ancienne et moderne]. Il comprend trois personnages. Salviati, un brillant savant qui expose les théories de Galilée. Sagrado, un profane raisonnable qui, assez raisonnablement, est convaincu par les arguments de Salviati. Simplicio, un simple idiot, qui défend Aristote ; on lui montre invariablement qu’il a tort. Les conversations se déroulent sur quatre jours. Le Premier jour reprend les réfutations de la vision aristotélicienne du cosmos et de l’incorruptibilité des cieux. Le Deuxième jour est dédié à contrer les objections relatives au mouvement de la Terre. Le diagramme ci-contre démontre qu’aucun corps, quel que soit son poids, ne peut être expulsé définitivement de la surface de la Terre en raison de la rotation de celle-là, quelle que soit la vitesse. 63
Tourner en rond Le Troisième jour décrit la supériorité du système de Copernic sur celui de Ptolémée. Toutefois, le système que Galilée décrit admirablement n’est pas celui de Copernic mais une supercherie grossière. Il semble n’avoir jamais lu On the Revolutions of the Heavenly Spheres [Des révolutions des orbes célestes].
Ptolémée est malade et c’est Copernic qui détient le remède.
Ptolémée
Copernic
Galilée est convaincu, tout comme Copernic et Aristote, que la seule trajectoire possible est le cercle. Le mouvement naturel est circulaire car il retourne toujours à son point de départ et peut par conséquent continuer. Le mouvement en ligne droite est par nature infini. Il est impossible qu’un objet, quel qu’il C'est juste soit, possède par nature le principe de se déplacer que les cercles sont si grands sur une ligne droite, autrement dit d’aller vers une que nous ne destination impossible à atteindre. voyons qu'un petit morceau Si les planètes restent sur des orbites parfaitement qui semble circulaires, c’est parce que les objets ne peuvent droit. se déplacer que circulairement. N’importe quel objet qui ne se déplace pas de manière circulaire est nécessairement fixe, seuls le repos et le mouvement circulaire convenant à la préservation de l’ordre. Qu’une étrange influence quelconque provenant du Soleil puisse affecter les trajectoires des planètes (comme Kepler le croyait) est une absurdité superstitieuse. Parce qu’elles ne suivent pas des trajectoires circulaires, les comètes sont bannies. Galilée déclara qu’elles étaient des illusions optiques causées par des effets atmosphériques. Il les appelait les planètes singes de Tycho. 64
Une preuve concluante Les idées
Le Quatrième jour affirme que les de Kepler tendent plutôt à minimiser la doctrine de marées résultent de la rotation de Copernic qu’à l’asseoir. la Terre. L’explication juste donnée par Kepler publiée sept ans auparavant, selon laquelle les marées sont provoquées par l’influence de la Lune, est tournée en dérision. Je lui prédis une triste fin.
Grrr ! Kepler me surprend. Il a prêté une oreille attentive et approuvé l’emprise de la Lune sur les eaux, les propriétés occultes et de telles puérilités.
Les marées résultent des mouvements de la Terre – et puisqu’il y a des marées, c’est que la Terre se déplace.
Galilée a tout faux au sujet des marées et son raisonnement est erroné. Mais il s’agit de son arme ultime, la preuve concluante que la Terre bouge. Le pape avait essayé de lui faire remarquer la faiblesse de son argument, en disant qu’il n’était ni juste ni concluant.
Comment puis-je démontrer que la Terre se déplace dès lors que ceux que je dois convaincre se montrent incapables d’assimiler le plus simple et le plus facile des arguments ?
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La famille d’abord Le livre débute mal. Le frontispice gravé par Stefano Della Bella met en scène trois personnages qui discutent des mérites de leurs systèmes respectifs. Sur la gauche, se trouve le vieux maître Aristote ; au centre, son disciple Ptolémée qui porte dans ses bras un ensemble de sphères géocentriques imbriquées ; et sur la droite, Copernic tenant un symbole de son propre univers héliocentrique. Mais la mauvaise surprise se trouve au sol, à leurs pieds. S’étend un blason avec trois poissons qui se mordent la queue les uns les autres. On pouvait y reconnaître immédiatement une parodie des trois abeilles sur les armes de la famille Barberini et une allusion à peine voilée au népotisme cher au Pape, qui était en bonne voie pour transformer le Vatican en un commerce de famille, attribuant des postes clefs à des membres de sa famille. Maffeo Barberini, pape Urbain VIII.
Tu m’accordes…
… une faveur. … je te rendrai la pareille…
Les abeilles des Barberini.
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Le cardinal Francisco Barberini, le neveu du pape.
Le cardinal Antonio Barberini, le frère du pape.
Qui dépasse l’entendement Galilée avait obtenu la permission d’écrire en promettant un traitement impartial de chaque facette de l’argument. Néanmoins, quand Dialogue est paru, il était plutôt orienté contre ceux qui n’étaient pas du même avis que Galilée.
Ce sont de petites têtes, qui ne méritent pas d’être appelées des humains.
Mais si le livre débute par un ricanement, il se termine avec fracas. Le Quatrième jour s’achève avec la doctrine d’une personne très éminente et instruite devant laquelle il convient de se taire. Simplicio s’adresse ainsi à l’alter ego de Galilée, Salviati…
C’est impartial ?
« Je dois admettre que votre hypothèse sur les flux et reflux des marées est de loin la plus ingénieuse de toutes celles que j’ai entendues jusqu’ici ; toutefois, j’estime qu’elle n’est ni juste ni concluante, mais je sais que si on vous demandait si Dieu dans Sa puissance infinie et Sa sagesse pourrait conférer à l’élément eau le mouvement réciproque de toute autre manière, vous répondriez qu’il peut le faire de nombreuses manières, dont certaines dépassent l’entendement. »
Même si le mouvement de la Terre expliquait les marées, il ne s’ensuivait pas que les marées prouvaient le mouvement de la Terre. Dieu pouvait avoir créé les marées par bien d’autres moyens qui dépassent notre entendement. C’était d’ailleurs cet argument qu’avait avancé le pape au cours des audiences ayant précédé l’ouvrage. Galilée le fit rapporter par Simplicio, l’homme qui avait toujours tort. Les premiers exemplaires de Dialogue arrivèrent à Rome en août 1632. En l’espace de quelques heures, le pape découvrit que son amitié avait été trahie.
Galilée m’a trahi, MOI !
Urbain VIII était peut-être à présent le plus égoïste des mégalomanes d’Italie, après Galilée lui-même. C’était cet homme qui avait fait fondre les plafonds en bronze du Panthéon. Celui de qui on disait : « Ce que n'ont pas fait les barbares, les Barberini l'ont fait. » C’était une insulte personnelle. Il n’allait pas se laisser faire. 67
Un procès Galilée comparut devant l’Inquisition le 12 avril 1633. Sa tentative de défense montre davantage le mépris qu’il a envers l’intelligence de ses détracteurs. En tant que débatteur compulsif, il essaye de convaincre l’Inquisition que le livre dit exactement le contraire de ce qu’il dit. Il maintient que le livre prouve la thèse opposée de celle copernicienne, en démontrant que les arguments de Copernic sont faibles et peu concluants.
Est-ce qu’il est devenu fou ?
Après une vie où tout lui a été épargné, Galilée se rend compte peu à peu que les petites têtes n’allaient pas être influencées par sa brillante rhétorique. Son sentiment d’invincibilité le quitte. Il panique et propose aux juges de réécrire entièrement le livre. Il nie publiquement avoir jamais cru Copernic. Il n’avait certainement pas l’étoffe d’un martyr.
Je n’ai jamais soutenu ou défendu l’idée que la Terre se déplace.
Mais c’est une farce ou quoi ?
Il fut traité avec une courtoisie circonstanciée et respect pendant le procès et occupait une suite luxueuse de cinq pièces avec des serviteurs. Mais il était inévitable qu’il allait être reconnu coupable et que Dialogue serait proscrit. Galilée fut condamné à faire de la prison et à réciter sept psaumes de pénitence par semaine. Cependant, il lui avait été accordé que ses filles récitent les psaumes à sa place (les deux étaient devenues nonnes) et avait été autorisé à regagner son domicile. 68
Deux nouvelles sciences Au bout de vingt ans passés au cœur de violentes polémiques, Galilée fut finalement muselé et assigné à résidence. Il était enfin libre de terminer l’ouvrage qu’il avait promis depuis longtemps. Dialogues on Two New Sciences [Dialogues sur deux nouvelles sciences] a été publié en 1638. Salviati, Sagredo et Simplicio refont une performance de quatre jours. Le Premier jour traite de la résistance des corps à la fracture.
Cela me paraît familier. Oresme
Le Deuxième jour est consacré aux causes de la cohésion.
Le Quatrième jour décrit le mouvement violent et celui des projectiles.
Le Troisième jour est dédié au mouvement uniforme et au mouvement naturellement accéléré. Bonaventura Cavalieri soumit une idée à Galilée pour avoir son avis. C’était une preuve mathématique que la courbe suivie par un projectile serait celle d’une section conique, à savoir une parabole. Galilée était d’avis que Cavalieri devait attendre un moment plus propice pour la publier. En réalité, Galilée aimait tellement l’idée que le moment et le lieu opportuns seraient précisément le Quatrième jour de ses propres dialogues. 69
Le doigt L’Église devait nous dire comment aller aux cieux et non pas comment ils vont.
Si Galilée n’a jamais connu l’intérieur d’une cellule de prison, n’a pas été torturé et n’a pas défié les autorités, il n’a pas lancé de boulet de canon du haut de la tour de Pise et n’a inventé ni le télescope ni même le thermomètre, qu’a-t-il donc fait de son vivant ? Francis Bacon compare la quête de la science à une campagne militaire où la force n’est pas suffisante mais doit être soutenue par la ruse. La politique de Galilée « Tue tes frères et vole leurs objets de valeur » pouvait être considérée comme criminelle, mais elle était nécessaire pour bâtir l’empire des sciences. Si les différentes découvertes qu’il avait rassemblées étaient restées dispersées auprès de leurs auteurs, elles n’auraient pas pu contribuer à l’avancement général de la science expérimentale. Raffaele Caverni dans History of the Experimental Method [Histoire de la science expérimentale] fournit plusieurs métaphores bien tournées sur le sujet. « En élaguant sans merci l’arbre des sciences, Galilée a concentré la sève nutritive provenant de toutes les racines souterraines vers un seul bourgeon, à savoir lui-même. »
L’index droit de Galilée est exhibé au Musée d’histoire de la science à Florence, 1 Piazza dei Guidici. Ouvert les lundis, mercredis et vendredis de 14 h 00 à 17 h 00.
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Cependant, le véritable héritage de Galilée pourrait être seulement ses disciples, harassés, exploités, mais fidèles… Cavalieri, Torricelli, Castelli, Aggiunti, Viviani, Borreli, Paolo et Candido de Buono. Ce sont eux qui ont contribué à créer le mythe de l’homme.
Comme sur des roulettes
La nature est un automate.
René Descartes, France, 1596–1650
Descartes, comme Galilée, pensait que le livre de la nature était écrit en langage mathématique. Mais il a risqué le tout pour le tout en déclarant que la nature n’était qu’une machine. On dit souvent que la physique cartésienne est mécaniste, ce qui signifie qu’elle n’utilise pas d’autres principes pour expliquer que ceux qui traitent de mécanique (la science du comportement de la matière soumise à une force). Descartes a attribué son propre sens, c’està-dire qui peut être copié dans un modèle mécanique. Les animaux sans âme ne peuvent éprouver des sentiments.
La matière ne peut affecter la matière que par collision.
Les organismes vivants ne sont que des machines complexes.
Donc carte blanche pour la vivisection.
Cela vaut également pour les plantes.
Un médecin n’est autre qu’un mécanicien.
Aïe ! De toute évidence, Descartes n’a jamais eu affaire à des moutons. Ce sont des bêtes fourbes !
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Les principes de la philosophie Je jugeai que je pouvais prendre pour règle générale que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies ; mais qu’il y a seulement quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement.
Cela n’a pas de sens de demander à une machine quel est son but, elle n’en a aucun autre que celui fixé par son fabricant. Quand Newton arriva à Cambridge, « il trouva une forte agitation au sujet de Descartes, certains se moquant ouvertement de lui et interdisant la lecture de ses œuvres comme s’il avait offensé l’Évangile même. Et il y avait une tendance générale de la majeure partie de l’université à l’utiliser ». La matière ne peut affecter la matière que par collision, donc une fois armés des lois exactes du mouvement et des impacts, nous devrions pouvoir prévoir tout ce qu’il se passe dans la nature et l’expliquer. L’ouvrage de Descartes intitulé Principia Philosophiae (1644, Les Principes de la philosophie) était un triomphe de l’imagination fantastique qui, malheureusement, ne comporte aucune explication exacte. Mais Descartes a bel et bien fondé un édifice philosophique totalement nouveau, à partir de zéro, chose que personne n’avait tenté de faire depuis Aristote.
Descartes
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Newton n’en a fait qu’une bouchée car voici que quelqu’un offrait une manière d’échapper au système d’Aristote. Aristote était tout simplement hors sujet ; Descartes représentait un sujet d’attaque.
Les tenants et les aboutissants Il existe plusieurs manières de considérer le mouvement… Pourquoi un corps se déplace-t-il ?
Pour trouver sa juste place.
Aristote
Comment un corps se déplace-t-il ?
S=
(V1 + V2 )T 2
Galilée
Pourquoi les objets s’arrêtent-ils ?
Bonne question !
Descartes
La tendance à maintenir le mouvement est une tentative pour continuer le mouvement uniforme en ligne droite. 73
Les tourbillon La deuxième loi de la nature de Descartes énonce : « Un corps tend à rester à l’état de repos ou à continuer son mouvement uniforme en ligne droite. » Il s’ensuit que la trajectoire naturelle d’une planète est une droite, et non le cercle de Galilée. Une planète bifurquerait si une autre influence ne la forçait à dévier de sa trajectoire naturelle. C’est la pression des tourbillons qui maintient une planète sur son orbite courbe.
Cela n’a pas de sens d’affirmer que le mouvement circulaire est supérieur au mouvement en ligne droite.
Voici la trajectoire d’une comète secouée par son passage à travers les tourbillons.
Descartes avait imaginé un univers entièrement composé de matière et de mouvement. Les gros morceaux de matière originelle créée par Dieu se frottaient les uns contre les autres, produisant des fragments de trois tailles différentes. Des éclats de la deuxième matière (céleste) devenaient des conglomérats (le Soleil et les étoiles) par centrifugation d’immenses tourbillons de particules primaires les plus fines de matière subtile (l’éther). La troisième plus grossière, des scories, forme la Terre et les planètes. La pulsion centrifuge vers l’extérieur de la matière céleste tourbillonnante est renvoyée en tant que gravité. La pression de la matière céleste est observable par la lumière émise par le Soleil et les étoiles. 74
Le mouvement perpétuel Newton était intrigué, si ce n’est pas totalement convaincu, par les explications de Descartes. Il commença à les contester systématiquement. Si la lumière est produite par pression, « nous devrions pouvoir voir de nuit comme de jour, voire mieux que le jour », conclut-il. Les tourbillons présentent des Un homme difficultés.
avançant ou courant pourrait voir de nuit.
Si les tourbillons de Descartes existent réellement et si la gravité résulte de la descente de matière subtile… … alors les rayons de la gravité pourraient être arrêtés en étant reflétés ou réfractés, et le mouvement perpétuel pourrait être généré.
Tandis que Descartes pensait que l’espace était entièrement rempli de matière, le plenum, Newton était d’accord avec Gassendi, Lucrèce et Démocrite qui estimaient que l’espace est désert, le vide au sein duquel se déplacent les atomes. 75
Le livre de la nature Dans la fresque L’école d’Athènes de Raphaël, Platon montre le ciel et ses formes idéales tandis qu’Aristote montre la terre pour souligner l’importance d’apprendre en observant la nature. Aristote était alors perçu comme le plus progressiste des deux, puisqu’il était plus jeune de quarante-cinq ans et qu’il avait été son élève. Au Moyen Âge, la physique enseignée par Aristote avait été bénie par Thomas d’Aquin (1225–1274) et était devenue le dogme de l’Église. Il y eut des réactions. Aristote, qui représentait le réalisme et le contact au plus près de la nature pour les générations antérieures, commença à être perçu comme un philosophe de la vieille école, qui était dépassé. Galilée avait résumé la philosophie néoplatonicienne ainsi : « La philosophie est écrite dans ce grand livre, l’Univers, qui est constamment ouvert à notre contemplation. Mais le livre ne peut être compris que si l’on a appris auparavant le langage et que l’on peut déchiffrer les lettres dont il est composé. Il est écrit en langage mathématique et ses personnages sont des triangles, des cercles et d’autres figures géométriques, sans lesquels il est humainement impossible d’en saisir le moindre mot ; sans ces derniers, on erre comme dans un labyrinthe plongé dans l’obscurité. » 76
C'est la quantité qui compte.
Platon, 429–347 avant J.-C.
Non, c’est la qualité la meilleure.
Aristote, 384–322 avant J.-C.
Newton fut mêlé au cercle des néoplatoniciens de Cambridge. Ils étaient déterminés à remplacer l’influence étouffante d’Aristote par celle de Platon, plus mathématique. La figure de proue du groupe était Isaac Barrow, le professeur lucasien de mathématiques. « Que vos yeux aident vos oreilles ! Faites de l’expérimentation le compagnon de la raison ! » – Barrow
Une philosophie universelle Les néoplatoniciens estimaient que Descartes était allé trop loin en éliminant le spirituel comme l’immatériel du monde physique, n’y laissant que la matière et le mouvement. À la différence de Descartes, les alchimistes trouvaient leurs idées en interrogeant directement la nature – par l’expérimentation.
« Descartes a inversé l’ordre de la réflexion philosophique, il lui semblait bien de ne pas apprendre à partir de choses, mais d’imposer ses propres lois aux choses. Il rassembla d’abord des vérités qu’il estimait appropriées. Des principes qu’il avait formulés sans consulter la nature. » « L’alchimie est le seul art qui pourrait être capable de compléter et d’éclairer non seulement la médecine, mais aussi une Philosophie universelle. » Isaac Barrow, 1630–1677
Barrow est le meilleur savant d’Angleterre Charles II
Newton a appris de Barrow que la philosophie alchimique équivaut aux mathématiques et que l’expérimentation alchimique équivaut à l’anatomie ou la botanique. Il a appris d’un autre membre du groupe, Henry More, le respect pour la littérature antique et ésotérique, et a acquis la conviction que les vrais secrets y sont cachés. 77
L’esprit de la nature Henry More était né à Grantham et avait été le tuteur du Dr Clarke, l’apothicaire. Newton avait déjà pris connaissance de la position philosophique de More dans la « grosse pile de livres » de Clarke.
Descartes ne voudra pas entendre raison.
Le simple impact d’une particule sur une autre ne peut rendre compte de tous les phénomènes de la nature, mais un Esprit de la Nature dirigeant, le grand quartier-maître général de la Providence, doit avoir besoin d’intervenir.
Henry More, 1614–1687
More a accueilli à l’origine la philosophie cartésienne comme étant « la plus sobre et la plus fidèle du monde chrétien ». Mais avec le temps, ses soupçons grandirent sur le fait que la séparation totale entre matière et esprit de Descartes allait mal se terminer. More entretenait une correspondance vaine avec Descartes pour que ce dernier explicite sa position. Ses critiques de la Mekanik cartésienne étaient contenues dans le livre Immortality of the Soul [De l’immortalité de l’âme], 1659. Au fil du temps, les implications des théories mécaniques commencèrent à émerger. Les pires craintes des néoplatoniciens s’incarnèrent en la personne de Thomas Hobbes. 78
Vilaine, brutale et courte La bête noire des néoplatoniciens était cet archi-matérialiste de Thomas Hobbes, qui était engagé dans d’âpres débats mathématiques avec Barrow.
Homo…
J’ai réussi la quadrature du cercle. Hobbes considérait les hommes comme des êtres totalement dépourvus d’un sens du bien ou du mal. N’ayant pas la capacité de progresser, ils ressemblaient autant à des automates que les rouages d’une horloge. Étant donné que les hommes étaient incapables de prendre des décisions morales, celles-là devaient être prises pour eux. Il proclamait cette philosophie dans l’ouvrage Léviathan. « À l’état sauvage, il n’existe ni propriété, ni justice ou injustice, seulement la guerre. Et une guerre comme si chaque homme est contre tout homme. Force et fraude sont les deux vertus capitales. Les hommes sont obligés de coopérer pour des raisons de pur égoïsme. La loi et la moralité ne sont rien de plus que de la violence organisée. La pulsion dominante de l’Homme est sa survie et se manifeste essentiellement par la peur, la peur permanente et le danger d’une mort violente, et une vie solitaire, pauvre, vilaine, brutale et courte. »
Thomas Hobbes, 1588–1679
… De Homine…
… Lupus.
Les théories de Descartes promettaient clairement des conséquences dangereuses. Mais elles offraient à l’époque l’unique moyen de rompre avec la mainmise d’Aristote. 79
Une étoile flamboyante En novembre 1664, une grande comète apparut dans le ciel, d’une teinte pâle, terne et languide, et avec son mouvement très lourd, solennel et lent, présageant quelque jugement, lent mais sévère, terrible et effrayant. Il semblait que la comète passait directement au-dessus de la ville de Londres et si près des habitations que de toute évidence, elle apportait quelque chose de particulier à cette seule ville.
Début décembre, deux hommes, apparemment français, moururent de la peste dans le haut de Drury Lane. La peste bubonique, connue auparavant comme la mort noire, était de retour. Un cinquième de la population de Londres succombera avant que l’épidémie ne cesse. Et cinq fois plus de chats.
Quarante mille chiens furent abattus. 80
Rapide & furieuse Sur ses talons vint une autre comète, celle-là flamboyante, rapide et furieuse. Elle promettait une autre punition brûlante pour la ville. La commission convoquée par le Parlement pour déterminer les causes de la peste sut sur qui jeter le blâme. Dieu était évidemment assez contrarié par la publication des travaux de Hobbes.
Remède utilisé par Newton contre la peste…
Dorénavant, les livres de Hobbes sont interdits.
Les affaires étaient complètement bloquées. La Cour abandonna la ville. Ceux qui le pouvaient fuirent à la campagne. En 1665, la peste arriva à Cambridge. Par conséquent, l’université ferma et devait le rester pendant encore deux ans. Newton retourna chez lui à Woolsthorpe, à présent libéré des contraintes du programme d’études aristotélicien. 81
Un livre insignifiant L’université fermée, Isaac pouvait se livrer comme bon lui semblait à l’exploration de divers champs de connaissances. Il plongea tout d’abord dans les mathématiques. Platon conseillait de commencer par les mathématiques car c’est une science qui avance avec beaucoup de précaution et qui n’admet rien d’établi tant qu’une preuve rigoureuse n’a pas été apportée.
Tout comme le jeune cheval fougueux doit d’abord être débourré dans des terres labourées et des chemins les plus accidentés et escarpés, faute de quoi il ne connaîtra aucune limite.
L’intérêt de Newton avait été éveillé à l’origine à la foire de Stourbridge.
Il y achète un livre sur l’astrologie, mais est incapable de projeter l’une des figures dedans. Alors, il achète Géométrie d’Euclide, cherche les théorèmes dont il a besoin dans l’index – et les trouve évidents. Son appétit pour la géométrie s’aiguisa, il commença à dévorer Schooten, Oughtred, Wallis et Descartes. 82
Latitude (intensité)
La grandeur de la qualité Hipparque (161–126 avant J.-C.) avait été le premier à définir des points sur une carte au moyen de coordonnées (latitude et longitude).
Ligne d’intensité Aire = grandeur de la qualité Longitude (extension) Mouvement uniforme
tion
éra
Vitesse
él Acc
Distance parcourue Temps Mouvement uniformément variable
S=
(V1 + V2 )T 2
Nicolas Oresme appliqua cet outil graphique au problème du Moyen Âge de l’intensité et la rémission des formes. Cette méthode pour traiter la diminution ou l’augmentation de l’intensité était appelée Calculationes. Elle était appliquée à des variables comme la température, la luminosité, le poids et même l’amour. Mais la qualité qui se prêtait le mieux à ce traitement était le mouvement. Oresme, en considérant la vitesse instantanée comme la latitude et le temps comme la longitude, obtint le diagramme pour le mouvement uniformément variable. La distance couverte est donnée par l’aire produite. Un exemple de mouvement qui varie régulièrement est l’accélération d’un corps en train de tomber. Oresme proposa que la distance parcourue pendant un mouvement qui varie uniformément en un temps donné soit égale à celle parcourue par un mouvement uniforme pendant le même laps de temps à une vitesse qui correspond à la moyenne des vitesses.
Je l’inventerai en 1632.
Nicolas Oresme, 1323–1382, évêque de Lisieux.
Galilée
83
En épuisant l’imagination La géométrie euclidienne est trop liée aux figures, elle ne peut exercer notre compréhension qu’au prix d’un épuisement considérable de notre imagination.
Descartes
En géométrie, les courbes étaient bien connues des Grecs mais seulement de par leurs méthodes de construction. Il n’existait pas de manière uniforme de les manipuler, ni de manière générale d’exprimer les caractéristiques d’une ligne courbe. Pendant ce temps-là, l’algèbre selon Descartes était « pleinement confuse et obscure, faite pour embarrasser ». Ne l’oublions pas, la fin du monde surviendra en 1688 ou 1700.
Descartes a combiné le meilleur des deux dans la géométrie analytique. N’importe quelle équation pouvait non seulement être représentée de manière géométrique, mais les classes de courbes écrites sous forme d’équations semblaient correspondre aux classes d’équations. Cette alliance de la géométrie et de l’algèbre avait déjà été utilisée, mais c’est seulement avec Descartes que ce nouveau système fut largement connu. Napier s’était servi d’une courbe pour mettre en évidence le lien entre les logarithmes et les nombres. Cette courbe était une hyperbole, mais il s’avérait impossible d’en faire la quadrature par exhaustion. Afin de calculer les nombres irrationnels (comme la base des logarithmes), il a fallu les étendre sous forme de suites infinies dont on pouvait additionner les termes un à un jusqu’à obtenir le degré de précision voulu.
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Le silence éternel de ces espaces infinis me terrifie. Pascal avait montré que les coefficients d’un développement pouvaient s’obtenir à partir d’un tableau connu aujourd’hui encore comme le triangle de Pascal, dans lequel chaque nombre correspond à la somme des deux nombres les plus proches dans la rangée au-dessus. Plusieurs développements utiles étaient déjà connus. Newton était familiarisé avec la suite infinie de John Wallis pour approcher π, que l’on trouve dans son livre Arithmetica Infinitorum.
Développement
Blaise Pascal, 1623–1662 : inventeur de la montre-bracelet, de la seringue, de la calculatrice et de l’omnibus.
Le livre de Wallis est une mine de symboles. Thomas Hobbes
Après Wallis, Newton commença à son tour à compléter les espaces vides dans le triangle de Pascal. Finalement, il a imaginé une méthode générale pour déterminer les coefficients d’une suite infinie sans l’aide du triangle, y compris pour des termes négatifs ou fractionnels. Appelée désormais la formule du binôme de Newton, sa formule ressemble à ceci :
L’extraction de racines est nettement raccourcie avec cette méthode.
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Hyperbole Cette opération peut être poursuivie à volonté ; plus vous irez loin, mieux ce sera.
Isaac s’attaqua ensuite à l’hyperbole : 1 y =— (1-x) et au moyen de la suite infinie ainsi obtenue, il commença à calculer des logarithmes avec une précision allant jusqu’au 50e chiffre après la virgule.
J’ai honte de vous dire jusqu’à combien de chiffres après la virgule j’ai porté ces calculs, n’ayant pas grandchose d’autre à faire à l’époque. Les suites infinies n’étaient plus simplement des moyens d’approximation, mais étaient totalement équivalentes à des fonctions finies. La formule du binôme a légitimé le recours à l’infini. L’horreur de l’infini, qui avait hanté les mathématiciens depuis Zénon, était proscrite et le calcul différentiel libéré. Quels que soient les résultats obtenus avec l’algèbre classique, ils peuvent aussi s’obtenir par des suites infinies. Moins d’un an après s’être plongé pour la première fois dans la lecture d’Euclide, Newton avait assimilé le corpus tout entier des mathématiques de son temps. À partir de ce moment-là, il était tout seul. 86
Un état de flux Archimède, Oresme, Kepler, Galilée et Descartes, tous avaient calculé des aires en additionnant des surfaces infinitésimales. Newton considérait les aires comme étant générées par un mouvement continu de points, de lignes et de plans, prenait l’augmentation instantanée de l’aire à un point de référence puis, à partir du taux de variation, calculait l’aire en question. Déterminer les aires sous des courbes avait été exploré en profondeur par les anciens. Mais les problèmes mettant à l’épreuve les mathématiciens modernes – lentilles, miroirs courbés, distorsion atmosphérique, orbites des planètes et le mouvement de la Lune pour localiser les navires en mer – sont des problèmes de tangentes.
Newton se rendit compte que les problèmes de tangentes et d’aires étaient identiques, mais inverses l’un de l’autre. Il procéda donc à une fusion. Une théorie générale d’équations, de tangentes, de suites infinies et d’aires. Une sorte de solution universelle pour toutes les courbes. Newton avait inventé le calcul différentiel. Il l’appela fluxions. Le mot provient de l’idée de flux. La grandeur mathématique variable générée par le mouvement est une fluente et son taux de variation une fluxion.
Le calcul est l'art de compter et de mesurer exactement une chose dont l'existence ne peut être conçue.
Voltaire
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La chute Si la Terre tourne, pourquoi la pomme tombe-t-elle vers le sol et non de côté ou vers le haut, comme l’avait prédit Aristote ?
m!
bou
Au fait, j’y pense, il faut que je donne à manger au chat.
Un corps en mouvement circulaire s’efforce constamment de s’éloigner du centre du cercle, comme une pierre attachée à une corde que l’on fait tourbillonner. Seule la force exercée par la corde l’empêche de bifurquer. Afin de calculer la force nécessaire pour garder un corps sur une trajectoire circulaire, Newton calcule la force requise pour que le corps retourne à son point de départ en le faisant rebondir sur les côtés d’un carré. La même relation est maintenue au fur et à mesure que l’on double progressivement le nombre de côtés. Ainsi, si un corps était réfléchi sur les côtés d’un polygone équilatéral circonscrit avec un nombre infini de côtés (c’est-à-dire un cercle), le rapport des forces de réflexion sur la force du mouvement du corps est le même que celui de la somme des segments (c’est-à-dire la circonférence) sur le rayon.
Au moyen d’un pendule, Newton trouva que la force exercée par la rotation de la Terre pour nous envoyer dans l’espace n’est que de 1/350 fois celle de la force de gravité qui nous colle à sa surface. 88
Presque Il lui apparaît que la puissance de la gravité (qui fait que la pomme tombe de l’arbre vers le sol) n’est pas limitée à une certaine distance du sol, mais que cette puissance doit s’étendre bien plus haut qu’il n’avait été imaginé jusqu’alors.
Pourquoi pas jusqu’à la Lune ; si c’est le cas, cela doit influencer son mouvement et la retient peut-être sur son orbite. Il se demande quelle serait l’effort de la Lune pour s’éloigner du centre de la Terre. Il calcule qu’il s’élèverait à 1/4 000 de la force de gravité à la surface de la Terre. Et lorsqu’il remplace la force de rotation par la troisième loi de Kepler dans sa nouvelle formule, il découvre que…
Les efforts pour s’éloigner du Soleil seront l’inverse des carrés des distances au Soleil.
« Tout comme ma loi en carré inverse pour la lumière. »
Kepler
La même valeur pour la Lune de 1/4 000 n’était qu’indicative, mais s’approchait de la valeur de 1/3 600 à laquelle il s’attendait en prenant la distance Terre-Lune équivalant à 60 fois le rayon de la Terre. Comme l’a dit Newton lui-même, il concorde « presque » mais ce n’est pas suffisant, il décide donc de mettre ce problème de côté pour plus tard.
« Seul homme depuis Adam qui a pu se débattre Avec une chute ou avec une pomme. »
Lord Byron
89
La chaire lucasienne De retour à Cambridge après l’éradication de la peste, Isaac gravit vite les échelons. En 1667, Newton est élu membre du conseil de Trinity College avec un revenu annuel de 13 livres, 6 shillings et 8 pence ; il est l’une des rares personnes pouvant y rester. En 1669, Isaac Barrow démissionne de la chaire lucasienne en faveur de Newton. Newton occupe désormais le plus haut poste de l’université, mis à part le doyen luimême, et perçoit 100 livres par an.
Sa fonction consiste à donner un cours magistral par semaine. Son avenir est garanti. « Tant que je peux éviter crime de lèse-majesté, hérésie, schisme, homicide, vol qualifié, adultère, parjure ou négligence intolérable. »
Mais il est en grande partie ignoré. Barrow rapporte que quand le jeune professeur enseignait, « si peu d’étudiants allaient l’écouter et encore moins le comprenaient que parfois, faute d’auditoire, il s’adressait aux murs ».
Je souhaite aborder avec vous aujourd’hui la théorie des couleurs.
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Un simple passe-lacet En 1665, Robert Hooke publia son Micrographia. Il comprenait d’excellents dessins de puces de Christopher Wren, mais il ne s’agissait pas seulement d’un livre sur le microscope. Il avançait une théorie complète de la lumière basée sur la philosophie mécanique de Descartes. Isaac était curieux de tester les conclusions de Hooke.
Micrographia signifie de petits dessins.
« J’introduis un passe-lacet entre mon œil et l’os, aussi loin que possible vers l’arrière de l’œil et en pressant l’œil avec la pointe, plusieurs cercles foncés et colorés apparaissent, lesquels sont les plus unis quand je continue de frotter mon œil avec la pointe. »
Isaac ne s’épargne pas en recherchant le phénomène de couleur. Mettant en pratique ce que les néoplatoniciens prêchaient, son expérimentation pratique est poussée jusqu’à fixer le Soleil au point d’en devenir presque aveugle et enfoncer des aiguilles émoussées derrière son globe oculaire pour en voir les effets.
Il détermine que Hooke, et en réalité tous les autres d’Aristote à Descartes, a mal interprété la nature fondamentale de la lumière.
Pour récupérer, je me suis enfermé dans ma chambre dans la pénombre trois jours durant. J’ai commencé à recouvrer l’usage de mes yeux au bout de trois ou quatre jours. 91
Obscurité et lumière À cette époque, on pensait que la couleur résultait d’un mélange de lumière et d’obscurité. Le rouge était de la lumière blanche mélangée à un peu d’obscurité. La dernière étape avant l’extinction complète de la lumière par l’obscurité était le bleu.
Prenons un livre. Le mélange du texte noir avec la page blanche devrait apparaître coloré et pas gris, au fur et à mesure qu’on l’éloigne… ??
La preuve expérimentale…
Descartes a fait passer un rayon de lumière à travers un prisme de verre et a examiné le résultat sur une feuille de papier distante de 5 centimètres. Hooke a fait passer un rayon de lumière à travers un bécher en verre rempli d’eau et a projeté l’image sur une feuille de papier distante de 50 centimètres. Newton a projeté un rayon de lumière à travers un prisme sur un mur distant de presque 7 mètres !
Selon Descartes, il aurait dû y avoir deux points, l’un rouge et l’autre bleu. Mais Newton découvre un spectre continu. Un arc-en-ciel de couleurs de 12 centimètres de long. 92
Une affirmation paradoxale Les couleurs sont simples, le blanc est un mélange.
Les couleurs ne sont pas produites en troublant de la lumière blanche pure. Car Newton découvre que ce sont les couleurs qui sont pures. Elles sont perçues non pas en modifiant la lumière blanche, mais en la séparant en ses composants. Je me convaincs que cette affirmation paraît paradoxale par rapport aux autres, et qu’elle n’est admise qu’avec la plus grande difficulté.
D’après les découvertes de Newton, le spectre des couleurs est séparé de l’échelle de gris allant du foncé vers le clair. Quand des corps colorés reflètent la lumière sur une feuille blanche, le papier prend la même couleur. Si Newton a raison, le papier devrait paradoxalement apparaître blanc, non noir, dans la lumière réfléchie par un corps noir brillant.
Et c’est vrai !
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Des défauts dans le verre Violet Indigo Bleu Vert Jaune Orange Rouge
Pour s’en assurer, il allait avoir besoin de démontrer que le spectre observé n’était pas produit par des défauts dans le verre. Il acheta donc d’autres prismes à la foire de Stourbridge de 1668. Il plaça un second prisme tête-bêche derrière le premier. De cette manière, les changements produits par n’importe quelle éventuelle irrégularité du verre seraient dédoublés, tandis que des effets dus à la forme triangulaire du prisme devraient s’annuler. L’image résultante était un parfait rond blanc de lumière, comme si elle n’était pas passée à travers un prisme. De la lumière blanche pouvait donc être recréée en mélangeant toutes les couleurs de l’arc-en-ciel. Le spectre n’était donc pas simplement un effet du hasard produit par la nature du verre, mais devait être lié à la nature de la lumière elle-même. Après de nombreuses années d’expérimentation afin d’éliminer toute l’ombre d’un doute, Newton améliore sa méthode dans ce qu’il appelle, en écho à Francis Bacon, l’Experimentum Crucis. 94
Le cœur de la matière
Intrigué par les couleurs dans les bulles de savon et dans d’autres couches minces, Newton mit au point une expérience pour les mesurer. En appuyant une lentille de verre de courbure connue sur une feuille de verre, il généra l’apparition d’une série de cercles colorés, aujourd’hui connus comme les anneaux de Newton. « Les corps », disait Newton, « sont composés de particules transparentes, l’épaisseur desquelles détermine les couleurs qu’elles réfléchissent, tout comme l’épaisseur de la couche d’air entre la lentille et le verre détermine la couleur des anneaux. »
*1 pouce = 0,0254 cm.
En fixant des planches munies de petits trous, il pouvait isoler un rayon d’une couleur au choix dans le spectre. Ce rayon d’une seule couleur était inchangé en passant au travers du second prisme. Un rayon bleu restait bleu. Un rayon rouge restait rouge, mais était légèrement dévié.
Les mesures de Newton, réalisées à l’œil nu, sont précises au centième de pouce près*.
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Réflexion faite
Au xviie siècle, les télescopes atteignaient jusqu’à 60 mètres de long, mais les franges de couleur produites par réfraction à travers leurs lentilles limitaient leur efficacité. Les lentilles présentaient des surfaces sphériques, Newton essaya donc des verres correcteurs avec diverses autres courbures pour se débarrasser des couleurs non désirées. Ses essais le convainquirent que c’était impossible, il abandonna donc sa verrerie. Il réalisa vraiment que la réflexion se ferait sans ces couleurs aberrantes, puisque la lumière était réfléchie par le matériau et ne passait pas à travers. Tout bien réfléchi, je préfère le miroir. Les lentilles sont une aberration. Newton commença alors à assembler un télescope autour d’un miroir au lieu d’une lentille. 96
Le télescope Le télescope réflecteur ne mesurait que 15 centimètres de long mais grossissait jusqu’à quarante fois, ce qui était plus qu’un télescope réfracteur conventionnel de 2 mètres de long.
Quand on lui demandait qui le lui avait fabriqué et d’où provenaient ses outils…
Si j’avais attendu que d’autres personnes me fabriquent mes outils et objets, je n’en aurais jamais rien tiré. 97
Moins connu Les années 1660 sont les plus créatives de la vie de Newton. Il est seul en mathématiques et en optique, et il est sur le point d’achever sa plus belle création, la loi universelle de la gravitation. Le fait que tout cela doit passer inaperçu, même quand il le proclame depuis l’estrade, ne semble pas le déranger. Newton n’aspire rien de plus qu’à la paix et au calme pour poursuivre ses études. Mais dans les années 1670, le monde extérieur commence à s’immiscer… Monsieur Newton, ils veulent publier un compte rendu de vos fluxions.
Même pas la plus infinitésimale partie.
John Collins, impresario mathématique
Gottfried Wilhelm Leibniz, 1646–1716
Barrow
Je ne vois pas ce qu’il y a de désirable dans l’estime publique. Cela pourrait peut-être accroître ma notoriété, ce que je cherche surtout à éviter.
Newton
Newton accorde à Collins à contrecœur le droit de publier sa formule de calcul des redevances annuelles, mais seulement sous le couvert de l’anonymat. 98
Oups ! Ne dites pas à Newton que je vous ai montré ses fluxions.
Ne vous inquiétez pas, Herr Collins, je n’avais pas l’intention d’en parler à qui que ce soit.
Rendre public Newton n’était pas le premier à faire face à un tel dilemme… J’ai emporté les secrets de mes machines de guerre dans la tombe.
Je ne communiquais qu’oralement et seulement aux initiés.
Pythagore
J’ai remis mon manuscrit à plus tard pendant des années.
Copernic
Archimède
… et ne sera pas le dernier. Quand vous publiez, vous devez prendre en considération les éventuelles retombées !
Einstein
Newton serait torturé le reste de sa vie, tourmenté par le fait de rendre publiques, ou non, ses découvertes. 99
L’avancement des connaissances The Royal Society for the Promotion of Natural Knowledge [Société savante royale pour l’avancement des connaissances naturelles], créée à Londres en 1660, approuvait sans réserve la nouvelle science. En 1671, elle avait entendu parler du télescope réflecteur de Newton et demandait à le voir. Le roi en personne était impressionné par l’utilité de l’instrument.
« Ingénieux, n’est-ce pas ? »
« Je propose que nous élisions M. Newton. »
Seth Ward Sam Pepys
J’espionne un corps divin… M’dame Portsmouth.
Le roi Charles II
Newton fut élu membre de la Royal Society en janvier 1672. 100
Nous devons protéger cette invention de l’usurpation par des Oldenburg, étrangers. secrétaire perpétuel de la Royal Society
Une étrange découverte En reconnaissance de l’honneur qui lui avait été fait, Newton offre à la Royal Society ce qui sous-tendait le télescope, sa théorie de la lumière et des couleurs. Elle est bien accueillie, à l’exception de Robert Hooke, le curateur des expériences. Hooke déclare avoir fabriqué un petit tube de 2,5 centimètres de long qui permet un meilleur agrandissement que celui d’un télescope de 16 mètres. Mais il était bien trop occupé par les conséquences du grand incendie de Londres pour le développer. Quant à la théorie des couleurs de Newton, la majeure partie se trouve dans Micrographia. Newton, qui décrit sa théorie des couleurs ainsi : « la découverte la plus étrange sinon la plus considérable jamais faite jusqu’ici sur le fonctionnement de la nature », laisse exploser sa colère.
Newton a simplement terminé certains travaux que j’avais moi-même initiés.
Robert Hooke, 1635–1703
Hooke était l’un des personnages clefs dans la reconstruction de Londres après le grand incendie. Il était « malhonnête et de petite taille » et devenait en vieillissant de plus en plus difforme, avec un œil « vitreux et exorbité ». La théorie de Hooke est non seulement insuffisante, mais incompréhensible.
Il s’agissait de la première d’une série d’âpres disputes impliquant Newton tout au long du demi-siècle suivant. Il ne supportait pas la critique, même quand elle était justifiée, et quand elle ne l’était pas…
À quoi vous attendiez-vous avec une enfance comme la mienne ?
101
Esclave de la philosophie Mais Hooke ne constituait pas le seul problème. Des lettres d’objections à la théorie des couleurs de Newton commençaient à affluer de partout en Europe. Les expériences menées par M. Newton sont fausses comme on peut le voir sans même devoir essayer de les reproduire.
M. Newton n’a pas mis en évidence la nature ni la différence des couleurs.
Christiaan Huygens (Pays-Bas), 1629–1695
Linus, Lucas et Gascoines, les jésuites anglais de Liège qui allaient continuer de harceler Newton pendant plus de dix ans.
Il devenait distrait de frustration et de rage. Avec ses nerfs mis à rude épreuve, il admettait que… Dans ma quête d’une ombre, j’ai sacrifié ma paix intérieure, un élément de consistance réelle. Cela a pris quatre ans de discussions exaspérantes avant que la Royal Society arrive à reproduire ses expériences pour confirmer ses conclusions. Newton oscille entre crises de rage phénoménales et silence absolu, déclarant souvent qu’il ne veut plus être impliqué dans « l’avancement de la philosophie ». 102
Car je constate qu’un homme doit se résoudre à ne pas rendre public quelque chose de nouveau ou à devenir esclave pour le défendre.
Mis dehors Furieux, Newton plaide sa cause auprès du secrétaire de l’académie : « Je désire que vous fassiez en sorte que je ne sois plus membre de la Royal Society. » « J’ose espérer que vous ne trouverez pas malvenu de ma part de refuser d’y contribuer davantage… et que vous empêcherez les objections ou les lettres qui pourraient me concerner. » Après des années de querelles, Newton écrit un livre majeur sur l’optique pour asseoir sa théorie et régler une fois pour toutes le différend. Il est sur le point de l’achever lorsqu’il sort un matin de mars 1678 pour se promener, laissant une bougie allumée sur sa table.
Le seul sujet sur lequel Newton daignera correspondre avec Oldenburg est le cidre ! Laquelle boisson j’aimerais, avec votre aide, voir répandre partout en Angleterre.
Henry Oldenburg, 1616–1677
Me voilà soulagé. Je vais juste sortir pour prendre l’air.
103
Totalement perdu « Lorsque M. Newton revint de la chapelle et vit ce qui venait de se produire, tout le monde a cru qu’il allait devenir fou ; il était tellement troublé qu’il n’a pas été lui-même un mois durant. » – Abraham de la Pryme.
Le manuscrit « a eu le malheur d’être anéanti et complètement perdu ». C’est la goutte qui fait déborder le vase. Isaac abandonne complètement l’optique. Mais il avait d’autres choses en tête. Non content de ses travaux en mathématiques, physique, astronomie et philosophie, Isaac s’est aventuré en alchimie et théologie – révélant non seulement les forces de la nature mais aussi, en secret, l’histoire de l’église.
Parce que mes croyances sont franchement hérétiques !
Pourquoi en secret ?
Si je l’avais su, je l’aurais jeté dehors ! Barrow, désormais doyen de Trinity College
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De subtils esprits Ses expériences sur la lumière l’ont progressivement détourné de la description que donne Descartes de la réalité physique, du système standard mécanique de la nature. Il n’a jamais été satisfait de sa séparation de la pensée et du corps, de son élimination de l’esprit. Cela évoquait un monde ennuyeux, sans sons, odeurs, couleurs ou sentiments.
Sa philosophie hermétique en raison de sa nature expérimentale présentait une meilleure base que les théories de Descartes. De subtils esprits pourraient simplement orienter le cartésianisme dans la bonne direction.
On rapporte que Newton est « absorbé par les études et pratiques chimiques, et commence à penser que les spéculations mathématiques vont au minimum croître et s’arrêter, voire devenir arides ».
Sir Isaac a poursuivi ses investigations très loin vers l’infiniment petit, vers les composants ultimes de la matière, mais aussi vers l’infiniment grand dans les étendues incommensurables de l’espace.
Newton avait besoin d’expliquer le comportement des plus petits corps afin de compléter son système universel. En traitant des substances, des essences, des âmes et des vertus plutôt que de la matière en mouvement, Isaac, l’Alchimiste, ne recherchait pas moins qu’une explication de la structure de l’Univers. 105
Au-delà de l’art humain Newton se couchait rarement avant deux ou trois heures du matin, parfois pas avant cinq ou six heures, dormant environ quatre ou cinq heures par nuit… Quel que soit son but, je suis incapable de le percevoir, mais sa peine et sa diligence à ce moment me font penser qu’il recherche quelque chose au-delà de l’art* humain et de l’industrie.
Humphry Newton, sans lien de parenté
Ceux qui recherchent la pierre philosophale sont contraints à mener une vie stricte et religieuse.
* à l’époque, « art » avait le sens de technique, comme dans « les arts et métiers » de nos jours.
Isaac s’y plonge avec sa rigueur typique et sa ferveur expérimentale. Il étudie l’alchimie ancienne comme personne avant lui (ou depuis). Ses écrits sur l’alchimie dépassent finalement le million de mots (ils sont analysés encore de nos jours). Il goûte une grande variété de métaux lourds et d’autres produits toxiques au cours de ses expériences. « Hmm, c’est délicieux ça. »
106
Cela ne m’étonnerait pas que ces produits aient déséquilibré son esprit.
Prisca sapientia
C’est quoi cette drôle d’odeur ?
Son laboratoire se trouvait dans le jardin, relié à sa chambre par un escalier. Ses fourneaux brûlaient pendant des semaines jour et nuit sans pratiquement jamais s’éteindre, surtout au printemps et à l’automne. Parfois, mais pas souvent, Newton consultait un vieux livre tout moisi.
Newton croyait fermement à l’existence d’une prisca Les actions sapientia, une sagesse originelle délivrée aux anciens. de la nature sont Il croyait que Dieu avait, aux tous premiers temps, végétales ou purement confié à quelques privilégiés les secrets d’une mécaniques. philosophie naturelle et d’une vraie religion. Cette connaissance originelle avait été perdue par la suite, mais des traces pouvaient encore être cachées dans des mythes, où elles passaient inaperçues aux yeux du petit peuple. De nombreux mystères avaient été volontairement dissimulés afin de les protéger d’esprits non convenables pour les accueillir. Newton se tourna vers le livre d’alchimie le plus ésotérique qui soit, dans lequel il pensait découvrir que les vrais secrets se cachaient. 107
La Terre, ce légume De l’alchimie, Newton avait saisi le principe selon lequel la Nature n’est pas un mécanisme mais un être vivant. Toutes les choses se décomposent et toutes les choses renaissent. « La Nature est un travailleur circulaire parfait. » Telle est la vision des choses d’Isaac…
Cette Terre ressemble à un gros animal ou plutôt à un légume inanimé, il puise dans le souffle d’éther sa boisson quotidienne et son ferment vital, et transpire par ailleurs par grosses exhalations.
L’alchimie l’a conduit à se pencher sur certains étranges phénomènes… Pourquoi est-ce que je ne me mélange pas à l’eau…
Huile
alors que moi, je peux le faire ?
Vin
Pourquoi suis-je absorbé par le bois et non par le métal…
Eau
alors que je pénètre le métal mais pas le bois ?
Mercure
Et comment expliquer que j’arrive à marcher sur l’eau sans me mouiller les pattes ?
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Asociabilité Il doit y avoir quelque principe secret à l’œuvre ici !
Pourquoi certaines substances se sociabilisent, alors que d’autres se méprisent ? Voici une question à laquelle la philosophie mécanique ne peut répondre.
Descartes, tout comme Galilée, pensait que les attractions du magnétisme et de la gravitation étaient trop magiques pour être abordées sérieusement – elles faisaient partie du monde mystique crépusculaire duquel s’étaient libérés les nouveaux scientifiques. Selon les tenants de la pensée mécanique, des fragments de matière ne pouvaient se déplacer et s’influencer que par contact direct les uns avec les autres. Et le milieu grâce auquel ils communiquaient était l’éther (substance mythique qui, selon les sages de l’Antiquité, emplissait l’espace vide autour Je suis tellement fin de (et dans) la matière). Qu’est-ce qu’il y a entre nous ?
que vous ne pouvez ni me voir, ni même sentir ma présence, mais pourtant je suis là.
C’est trop subtil pour moi !
L’éther était supposé être le cinquième et le plus parfait des éléments, et occuper tout l’espace et les corps. Cela paraissait sensé… 109
Action à distance …mais par une série d’expériences avec le poids d’un pendule de 4 mètres de long rempli de sable, de métal ou de bois, Isaac s’assure que l’éther, une nécessité pour les philosophes mécaniques, n’existe pas.
L’éther n’a aucune consistance.
Newton est sûr à présent que les particules peuvent et effectivement s’attirent et se repoussent les unes les autres sans contact physique. Et que ces attractions et répulsions se propagent à travers l’espace vide sans aucun agent physique intermédiaire. C’est l’action à distance.
Les philosophes mécaniques œuvraient pour débarrasser le monde des forces occultes, des attractions et des répulsions ; l’alchimiste voyait en elles le reflet du fonctionnement de la nature. 110
Une lettre
En 1679, Isaac fut appelé. Il se dépêcha de rentrer afin de soigner sa mère malade. Elle mourut en juin et Isaac l’enterra dans un linceul de laine blanche. Il resta ensuite six mois dans le Lincolnshire pour s’occuper d’affaires de famille. Puis, vers la fin de l’année, une lettre interrompit inopinément son chagrin.
Oh non, pas ça ! Hooke veut que je lui fasse ses calculs !
Oldenburg décédé, Robert Hooke était devenu secrétaire perpétuel de la Royal Society. Hooke voulait accomplir ce que Galilée n’avait pu faire, démontrer le déplacement de la Terre. Sa lettre mentionnait l’orbite d’une planète composée « d’un mouvement direct tangentiel et d’un mouvement attractif vers le corps central ». Il se demandait quelle serait la forme de cette orbite. Newton lui répondit en déclarant que sa passion pour les mathématiques était passée… « À tel point que j’ai longtemps rouspété au sujet du temps que j’y ai passé, à moins que ce ne fût à mes heures perdues parfois pour me distraire. »
Et malgré que Hooke revienne à la charge, Newton continuait à feindre un manque d’intérêt. Et supposant qu’il s’était débarrassé du bon docteur, il pouvait alors retourner à des études vraiment importantes, telles que « Où se trouve Dieu ? » 111
Un véritable culte Dieu est partout… Enfin, presque partout, sauf dans l’Église établie.
N’étant pas homme à faire les choses à moitié, Isaac passe des années à assimiler et systématiser toute l’histoire religieuse enregistrée, aussi rigoureusement et rationnellement que lorsqu’il poursuivait ses recherches scientifiques. Il parvient à la conclusion que la chrétienté n’est qu’une ramification récente d’une vraie religion originelle, et corrompue qui plus est.
La Bible n’est qu’une source parmi de nombreuses autres.
Isaac identifie que la première vraie religion est le culte de Vesta. Il rendait grâce au dieu de la nature dans un temple censé représenter le système solaire. « Dans un temple qui est comme le reflet de Dieu. »
Les anciens connaissaient le plan de l’Univers par révélation et l’avaient incorporé au plan de leur temple. L’astronomie géocentrique n’était pas seulement fausse, elle était blasphématoire. 112
Le temple de Vesta, édifice circulaire bâti autour d’un feu central éternel, entouré de sept lampes, représentant le Soleil et les sept planètes.
Fausse Bible Il passa des années à étudier le plan du temple de Solomon à Jérusalem, plus ancien que tout autre. Il croyait que c’était le plan du paradis.
Temple de Solomon, Jérusalem
Isaac est convaincu que le vrai culte prit fin lorsque les Égyptiens ont lancé une mode en créant de faux dieux à partir de leurs ancêtres.
Il apprend l’hébreu et retraduit la Bible à partir des textes d’origine.
Moïse le Législateur, le plus grand prophète de l’histoire.
Il découvre qu’au ive siècle, pendant une lutte de pouvoir sanglante au sein de l’Église chrétienne, des passages clefs de la Bible ont été dénaturés par Athanase. Le texte falsifié élève le Christ au même rang que Dieu et le Saint-Esprit dans la doctrine de la Sainte-Trinité. Newton découvre que le Christ est simplement un autre prophète comme Moïse, et que l’adoration du Christ comme l’égal de Dieu est de l’idôlatrie.
Donc Isaac n’était pas chrétien du tout. Son rejet de la Trinité doit rester secret, car la doctrine n’est pas essentielle uniquement pour les catholiques romains, mais également pour les anglicans. 113
Une fausse religion infernale L’aversion de Newton à l’encontre de l’Église avait dû rendre la cohabitation avec Wickins insoutenable. John était un homme très croyant, attendant avec impatience la prêtrise. Isaac pouvait difficilement partager une chambre avec quelqu’un qui adorait « la Bête & son image ». Tu peux y aller sans moi.
Isaac, je m’en vais aux classes d’ordination, tu viens ?
Si quelqu’un adore la Bête et reçoit sa marque, il devra boire le vin de la fureur de Dieu.
Wickins
Pour occuper un poste convenable dans l’Angleterre du xviie siècle, vous deviez être un bon chrétien, c’est-à-dire de l’Église anglicane orthodoxe. Pour obtenir un poste à l’université, vous deviez même être ordonné pasteur anglican, un sort que Newton refuse de subir. Quand il devint membre de Trinity College, il ne croyait même pas à la Sainte-Trinité. Au fur et à mesure que l’ordination approchait, il commençait à préparer sa démission. Je ne suis pas convaincu qu’il a l’étoffe d’un pasteur
Je comprends, moi non plus.
Barrow
Le roi Charles II
Il bénéficia juste à temps d’une dispense royale le libérant de l’obligation d’entrer dans les ordres. Cela fut négocié par Barrow, l’aumônier royal. Mais Isaac fut contraint de garder ses véritables croyances secrètes toute sa vie. Après avoir partagé une chambre pendant vingt, il rompit avec Wickins. 114
Le pari
Nous suspectons tous qu’une loi en carré inverse gouverne les mouvements des astres, mais personne ne peut le prouver.
Wren & Halley Quelle serait la forme de la courbe décrite par une planète si la force d’attraction en direction du Soleil était la réciproque du carré de sa distance par rapport à lui ?
Une ellipse, assurément.
Puis-je examiner la preuve ?
Moi si, mais c’est un secret.
Halley, Wren et Hooke misent quarante shillings dessus et Halley rend visite à Newton pour avoir son avis. Et comment le savez-vous ?
Eh bien, je l’ai calculé.
Newton envoie à Halley un traité de neuf pages exposant ses calculs. Halley lui suggère de le publier, mais Newton, toujours aussi sensible quand il s’agit d’être publié, répond : Elle doit être ici, quelque part.
Maintenant que je travaille sur le sujet, j’aimerais l’explorer à fond avant de publier mes travaux.
Ainsi, dès l’automne 1684, Newton se lança dans le travail qui fera de lui le plus grand scientifique de l’histoire du monde. 115
Une histoire de poissons Le livre qui a fait date – trois volumes écrits dans un latin abscons – a failli ne jamais être imprimé du tout ! Les caisses de la Royal Society étaient vides, tout l’argent disponible ayant L’histoire été écoulé pour la production d’une des poissons. extravagante édition de De Historia Piscium de Francis Willughby.
La Royal Society sera très heureuse de publier vos Principia.
« Miam-miam, j’en prendrai bien trois exemplaires. »
Je sens que je vais devoir régler les frais moi-même.
Edmond Halley, 1656–1742 Fils aîné d’un fabricant de savon. Premier astronome à cartographier les étoiles de l’hémisphère sud.
Pendant ce temps-là, dans un café à Londres, Hooke continue d’accuser Newton de plagiat. « Il a volé mon idée, la plus grande découverte dans la nature depuis la Création. »
Oooh !
116
Wow !
M. Aubrey
M. Lodwick Dr Hooke
Petites têtes Newton eut vent de la fraternité secrète de Hooke et rétorqua… Je crois que le Dr Hooke n’est pas en mesure d’accomplir ce qu’il prétend. Qu’il en apporte les preuves. Je sais qu’il ne maîtrise pas assez la géométrie pour y arriver.
En réalité, si je veux, je peux le faire. Mais je m’y refuse.
Hooke n’a jamais fourni en effet de preuve. Néanmoins, Newton craignait d’être plongé à nouveau dans des échanges qui l’entraîneraient dans une controverse chronophage et émotionnellement pénible, comme cela avait été le cas pour la théorie des couleurs. Il avait rédigé à l’origine le troisième volume des Principia dans un style populaire, pour que ses conclusions importantes soient relativement faciles à suivre. Mais quand les attaques de Hooke reprirent, il menaça d’abord d’arrêter la publication, puis se ravisant, décida de réécrire complètement le volume III de sorte qu’il serait facilement compris par ceux « qui les premiers étaient devenus maître en matière de principes établis dans les livres précédents ». Pour éviter d’être provoqué par des petites têtes en mathématiques, je ne dois pas lésiner sur la complexité.
Cela constituait clairement un reproche à Hooke et Newton insista en effaçant toute référence à son adversaire dans les Principia. 117
Les meilleurs morceaux Copernic. Garder l’héliocentrisme. Rejeter les orbites circulaires et les épicycles.
Galilée. Garder le comportement des corps qui chutent et sont projetés. Rejeter l’inertie circulaire, les orbites circulaires, les marées.
118
Kepler. Garder les trois lois, les marées et la gravitation. Rejeter son idée du Soleil emportant les planètes comme un balai.
Descartes. Garder l’inertie rectiligne. Rejeter les tourbillons, les marées, le plenum.
119
Définitivement L’ouvrage Principia commence par poser le fondement inébranlable sur lequel l’édifice des trois volumes reposera. Masse, force et mouvement sont définis, tout comme Euclide a préfacé ses Éléments en définissant les points, les lignes et les aires. Le tout est construit selon le style euclidien, avec une structure logique rigoureuse de définitions, axiomes (lois), propositions, lemmes (suppositions), corollaires et scholies (notes explicatives). Définition I. La quantité de matière est donnée par sa mesure, résultant de sa densité et de sa masse conjointement.
Définition V. Une force centripète est la force par laquelle les corps sont attirés ou propulsés, de quelque manière que ce soit, d’un point vers le centre. La force centripète, c’est moi.
120
Par opposition, la force centrifuge est celle exercée sur un corps et qui l’éloigne La force du centre. centrifuge, c’est celle que je sens.
Absolument Un projectile s’envolerait en ligne droite, s’il n’y avait pas la force de gravité pour le ramener vers la Terre.
Si un boulet de canon est tiré du sommet d’une montagne face à la mer, il y tombera assez loin. Plus la vitesse avec laquelle il est projeté est grande, plus il ira loin, jusqu’à ce qu’il atteigne, au final, une certaine vitesse, qui le mènera directement autour de la Terre, revenant à son point de départ par l’arrière. Il est entré en orbite. S’il va encore plus vite, il s’envolera dans l’espace.
Scholium IV
Les mouvements relatif et absolu se distinguent par cet exemple de seau rempli d’eau.
Lorsque l’on fait tournoyer le seau au bout d’une corde, la surface de l’eau s’élève sur les bords. Bien que l’eau soit au repos par rapport au seau, vous pouvez dire d’après sa surface courbée qu’elle est en rotation par rapport à l’espace absolu.
121
Axiomes…
Axiome I. Tout corps reste dans son état de repos ou poursuit son mouvement uniforme en ligne droite, à moins d’être contraint de quitter cet état par des forces qui s’exercent sur lui.
Axiome II. La variation du mouvement est proportionnelle à la force motrice exercée.
Axiome III. Pour toute action, il y a toujours une réaction équivalente et inverse : autrement dit, les actions mutuelles de deux corps l’un sur l’autre sont toujours égales et dirigées en sens opposés. 122
… du mouvement Corollaire I. Tout corps qui agit selon deux forces simultanément décrira la diagonale d’un parallélogramme dans le même temps qu’il décrirait ses côtés par ces forces séparément.
C’est le parallélogramme des forces.
Dans la scholie, Newton décrit ses expériences pour confirmer l’axiome III. En se servant d’un pendule de trois mètres, il observe le comportement de billes d’acier, de verre et de liège. Et même des pelotes de laine.
Sa théorie concorde parfaitement avec l’expérience.
Des descendants de ce dispositif peuvent être vus sur des bureaux de directeurs sous la forme d’un pendule de Newton.
123
Premier et dernier rapports Dorénavant, la méthode mathématique qui sous-tend les Principia est établie par une série de lemmes. Afin d’éviter les controverses, Newton choisit de démontrer ses propositions avec un soutien géométrique plus solide que dans ses Fluxions. Le rejet des mathématiques cartésiennes représentait un autre pas vers l’élimination de toute trace de Descartes.
Lemme I. Les quantités et les rapports de quantité qui, dans un temps fini, convergent continuellement vers l’égalité et qui, avant la fin de ce temps, s’approchent plus les uns des autres que par aucune autre différence donnée, deviennent en fin de compte égaux.
Nous les rectangles devenons en fin de compte une courbe lisse.
« La méthode des anciens est de loin plus élégante que celle de Descartes. Son calcul différentiel algébrique s’il était transposé en mots s’avérerait si fastidieux et embrouillé qu’il provoquerait des nausées et ne serait peut-être même pas compris. Mais ils l’accomplissaient avec de simples proportions. »
Newton élude l’infini en ne parlant pas de quantités indivisibles, mais de quantités divisibles évanescentes* ; pas de sommes et de rapports d’éléments divisibles mais toujours de limites de sommes et de rapports ; pas de rapport ultime limite mais de limite vers laquelle il tend.
Je me sens mal.
On trace les courbes à partir de points en mouvement sur de courts instants. Lorsque cet instant raccourcit, Newton note la valeur…
… pas avant qu’il disparaisse, ni après, mais au moment où il disparaît.
Cependant, cette nouvelle méthode des Premier et dernier rapports était très moderne ; Euclide aurait été choqué de voir ce qu’il était * Évanescent : qui est sur le point de disparaître. advenu de sa géométrie. 124
Une proposition Proposition I. Newton démontre que le mouvement sous l’influence d’une force principale est soumis à la loi des aires. Il commence par en faire la démonstration pour le mouvement en ligne droite. Une ligne entre un corps en mouvement (qui suit la trajectoire A, B, C) et un point fixe (S) balaie des aires différentes en des temps égaux.
Ma deuxième loi.
Kepler
Ensuite, il fait dévier le mouvement rectiligne par une série de coups. En se servant du parallélogramme des forces, il découvre que la loi des aires est toujours respectée.
ABS = BCS = CDS, etc. Si l’on augmente le nombre de triangles et si l’on diminue à l’infini leur largeur, la trajectoire finale du mouvement devient une courbe. Si un corps est attiré continuellement vers un point, sa trajectoire sera courbée et son mouvement obéira à la deuxième loi de Kepler sur les aires. Proposition IV. Soit n’importe quelle figure curviligne et soit un point S à l’intérieur, vers lequel une force centripète est dirigée continuellement, cette loi de la force centripète peut être déterminée, par laquelle P sera dévié continuellement d’un parcours rectiligne et, appartenant au périmètre de cette figure, décrira le même par une révolution continuelle.
… au fur et à mesure que Q et P s’approchent l’un de l’autre…
125
Dans des cônes excentriques Trajectoire elliptique, c’est ma première loi.
Ayant établi le comportement général du mouvement suivant une courbe quelconque, Newton examine le cas particulier du mouvement selon une trajectoire elliptique.
Kepler
Proposition XI. Il trouve que la force centripète nécessaire pour maintenir un corps sur une trajectoire elliptique dépend du carré de la distance SP. Cela signifie que la force d’attraction sur un corps en mouvement qui suit une trajectoire elliptique varie selon l’inverse du carré de sa distance au foyer de l’ellipse.
126
Proposition XII.
La même relation s’applique à la parabole.
Mais aussi aux projectiles.
L’erreur choquante sur le billet de une livre Le billet de banque d’une livre émis par la Banque d’Angleterre en 1978 porte un portrait d’Isaac Newton au verso. Newton est assis sous un pommier à Woolsthorpe avec son télescope réflecteur et un prisme placés sur la table de jardin derrière lui. Sur ses genoux, Principia est ouvert à la Proposition XI. Mais sur le diagramme qui domine le dessin, le Soleil n’occupe pas la bonne place !
Le billet a été retiré de la circulation en 1984.
127
Des corps sphériques « Il se peut qu’un rapport qui s’avérerait assez précis pour de grandes distances soit loin de la réalité près de la surface de la planète, où les distances entre particules sont inégales et leurs situations dissemblables. »
Dans le cas de corps très distants l’un de l’autre, leurs diverses parties peuvent être considérées comme équidistantes et les effets des forces sur leurs diverses particules parallèles.
La situation d’un corps qui se situe seulement à environ un mètre au-dessus de la surface de la Terre est évidemment bien différente. La pomme sera attirée vers le bas, mais aussi sur le côté.
Proposition LXX. Newton a considéré les forces individuelles résultant des particules infiniment nombreuses de deux sphères creuses. Il démontre que les forces entre deux sphères augmentent ou diminuent proportionnellement à la distance qui sépare leurs centres. C’est comme si toute la masse de la Ce constat sphère était concentrée en un point, mérite notre en son centre. attention. Il s’ensuit que les propositions précédentes sur les mouvements en coniques autour d’un point d’attraction sont par conséquent également vérifiées quand la sphère attractive est placée au foyer. 128
Des milieux résistants Newton avait analysé, au moyen de pendules, le plenum de Descartes, « un milieu éthéré extrêmement rare et subtil, qui se répand librement dans tous les corps ». Il aurait dû produire quelques effets mesurables. Newton n’est parvenu à en trouver aucun, la résistance est « soit nulle soit complètement insensible ».
Sans oublier de prendre en compte la résistance du fil, qui est certainement assez considérable.
Les expériences sont réalisées avec des pendules dans l’air, sous l’eau, dans du mercure et même dans de l’huile chaude.
Il laisse tomber des globes en verre remplis d’air ou de mercure du haut des 67 mètres de la cathédrale Saint-Paul. Les résultats sont terribles pour Descartes.
Descartes avait assimilé la transmission de la lumière, par contact mécanique entre les particules, à un aveugle qui sent un objet avec sa canne. C’est tout à fait plausible si les particules sont disposées en ligne droite.
Dans le cas contraire, la lumière s’éparpillerait et se perdrait.
Où suis-je ?
Perdu dans l’espace Le comportement des tourbillons de Descartes était en violation avec les lois de Kepler, d’autant qu’ils ralentiraient au fur et à mesure que leur énergie est « perdue et engloutie » par l’espace.
« … il en résulte que l’hypothèse des tourbillons est totalement irréconciliable avec les phénomènes astronomiques, elle nous rend plutôt perplexes que d’expliquer les mouvements célestes. Comment ces mouvements sont exécutés dans l’espace libre sans tourbillon peut être compris grâce au premier livre ; et je devrais traiter maintenant la question plus en profondeur dans le livre suivant. »
130
C’est la fin de moi !
Le système du monde
« Dans les livres précédents, j’avais établi les principes de la philosophie ; principes qui ne sont pas philosophiques mais mathématiques. Il reste qu’à partir des mêmes principes, je vais à présent démontrer le cadre du système du monde. »
En observant les quatre satellites de Jupiter, Newton découvre que leurs périodes orbitales sont proportionnelles à la puissance 3/2 de leur distance au centre de la planète. Les lunes de Jupiter obéissent à ma troisième loi. Kepler
Dessin de Jupiter par Isaac Newton.
Les satellites de Saturne obéissent aussi aux lois harmoniques et des aires de Kepler.
Ma troisième loi s’applique aux cinq lunes de Saturne, dont j’ignorais l’existence. Dessin de Saturne par Christiaan Huygens.
131
Divers phénomènes… Newton retourne à ses calculs de gravité sur la Lune datant des années de la Grande Peste. À l’époque, il s’était servi d’une mauvaise valeur du diamètre de la Terre provenant de Galilée. Maintenant, avec une nouvelle valeur, il détermine que la force est égale exactement à 1/3 600 celle sur Terre. Les errances fantasques de la Lune s’expliquent par les forces qui diffèrent de la Terre et du Soleil au fur et à mesure que les distances entre eux varient. Le problème à trois corps.
Galilée a dit que les marées étaient dues à la rotation de la Terre sur ellemême…
… Descartes à la pression du tourbillon.
Newton explique les marées par les forces d’attraction combinées de la Lune et du Soleil.
Newton considérait les effets de trois corps (le Soleil, la Lune et la Terre) sur un anneau de particules. Avec un anneau de fluide égal au rayon de la Terre, il a pu calculer les mouvements des marées.
132
… expliqués
Pendant que Halley était sur l’île de Sainte-Hélène, observant les cieux, il constata que son horloge retardait. Newton expliquait que la Terre, en raison des forces générées par sa rotation sur elle-même, était aplatie aux pôles et bombée à l’équateur. La force de gravité exercée sur le pendule de l’horloge de Halley était moindre à l’équateur qu’à Londres, parce qu’il se trouvait 27,36 kilomètres plus loin du centre de la Terre.
Depuis au moins l’an 129 avant J.-C., les astronomes savaient qu’en plus de sa rotation quotidienne, le ciel étoilé accusait une dérive lente régulière. Ce phénomène fut appelé précession des équinoxes et restait inexpliqué. Newton démontra qu’il était dû à la forme de la Terre et à l’inclinaison de son axe. Il n’y aurait aucun effet sur une Terre parfaitement sphérique. En l’état actuel des choses, l’attraction du Soleil essaie de redresser la Terre écrasée, tandis que la Lune essaie d’aligner le renflement de l’équateur sur sa propre orbite. L’effet conjugué sur l’axe incliné de la Terre fait qu’elle tourne lentement, un cercle complet prenant 26 000 ans. 133
La queue « Et maintenant que nous avons décrit le système du Soleil, de la Terre, de la Lune et des planètes, il nous reste à ajouter quelque chose à propos des comètes. »
Newton conçut une méthode pour déterminer la trajectoire d’une comète à partir de trois observations seulement. Il prit pour exemple la Grande Comète de 1680–1681. Il traça la trajectoire de la comète à la main avec règle et compas à une échelle de 41,48 centimètres pour le rayon de l’orbite de la Terre. Son dessin concorde avec les calculs modernes à 0,0043 centimètre près. Il découvrit que la comète suivait une parabole (conformément à la première loi de Kepler) et balayait des aires proportionnelles au temps (deuxième loi de Kepler). Je crois pouvoir en déduire que la queue n’est qu’une très fine vapeur émise par la tête (ou noyau) de la comète sous l’effet de la chaleur, qui s’accroît après être passée au voisinage du Soleil. 134
Newton
Universelle À partir de la preuve des phénomènes, Newton conclut que la force de gravité existe bien et que cette même force… Fait que les corps retombent sur Terre. Crée les marées. Maintient la Lune en orbite autour de la Terre. Maintient les satellites en orbite autour de leurs planètes. Maintient les planètes en orbite autour du Soleil. Elle dirige même les comètes, qui sont seulement de simples visiteurs, donc elle s’applique également en dehors du système solaire. Partout, les mêmes lois s’appliquent, par conséquent cette force est la gravité universelle.
Tous les corps quels qu’ils soient sont dotés du principe de la gravitation mutuelle. Tout couple de corps sont attirés l’un l’autre proportionnellement à leurs masses respectives et à l’inverse de leur distance l’un de l’autre.
Ainsi, cher lecteur, tandis que le champ gravitationnel de la Terre vous plaque contre votre fauteuil et fait peser ce livre dans vos mains, votre propre champ gravitationnel attire le livre et la Terre, tandis que le livre lui… 135
Le livre des Principes a été écrit en environ 17 ou 18 mois, dont deux furent consacrés à des déplacements, et le manuscrit a été envoyé à la Royal Society au printemps de 1686 ; et vu le peu de temps que j’ai mis pour l’écrire, je n’ai pas honte d’avoir commis quelques fautes.
Les critiques furent élogieuses…
… Comme celle-là – Halley l’a rédigée lui-même. 136
Le monde de la loi
« A
ucun autre ouvrage dans toute l’histoire des sciences ne peut rivaliser avec Principia, que ce soit par l’originalité et la puissance de sa pensée, ou par la majesté de sa réalisation. Aucun autre n’a autant transformé la structure de la science, car les Principia n’ont pas de précurseur dans la révélation de la profondeur d’une parfaite compréhension de ce que l’on peut atteindre par la physique mathématique. Aucun autre n’a approché son autorité en faisant valoir la vision mécaniste de la nature, qui est très largement étendue et prise en exemple dans toutes les autres parties de la science. Il ne pouvait y avoir qu’un seul moment où l’expérimentation et l’observation, la philosophie mécanique et les méthodes mathématiques avancées pouvaient être rassemblées pour offrir un système de pensée à la fois fort cohérent en lui-même et vérifiable par tous les tests empiriques disponibles. On ne pouvait apporter de l’ordre à la physique céleste qu’une seule fois, et c’est Newton qui a apporté cet ordre. Son monde est celui de la loi.
»
– A. Rupert Hall, From Galileo to Newton [De Galilée à Newton].
Isaac ressent à juste titre que le quart de siècle qu’il a passé cloîtré dans sa tour d’ivoire a été bien employé. À l’âge de 45 ans, sa place dans l’histoire est assurée. Quand il lève les yeux de ses papiers, il découvre qu’il y a autre chose dans la vie que les livres. 137
Combattre la Bête En 1685, Jacques II fut proclamé roi. Il commença immédiatement à resserrer son emprise sur le pays. Dans le cadre d’une partie d’un programme visant à rendre les universités catholiques, il ordonna l’admission à Cambridge d’un moine bénédictin, le père Francis. Isaac avait des avis assez tranchés sur la plupart des sujets, mais il haïssait par-dessus tout les moines. Il sortit de sa réserve habituelle et défia publiquement le roi Jacques. Il était le porte-parole de la résistance à Cambridge. Il persista à s’opposer à cette nomination sur des fondements juridiques, malgré les avertissements sans appel du roi et du juge Jeffreys surnommé « Bloody Assize »* qui, l’année précédente, avait ordonné 300 pendaisons pour rébellion. Vous pouvez refuser, mais à vos risques et périls.
Newton mit sa carrière et même sa vie en danger. Il échappa à une triste fin uniquement par le débarquement du roi Guillaume d’Orange à Torbay.
Le roi Jacques II, 1633–1701
George Jeffreys de Wem, 1645–1689
* assises ensanglantées
138
Newton, vous êtes un être pernicieux et obstiné. Je vous conseille de passer votre chemin et de ne plus commettre de péchés, faute de quoi, un sort bien plus terrible vous attend.
La Glorieuse Révolution En 1688, les deux partis politiques traditionnellement opposés l’un à l’autre, les whigs et les tories, ont temporairement enterré la hache de guerre afin d’arrêter le roi Jacques. Ils ont invité le beau-fils de Jacques, un prince hollandais protestant, à envahir l’Angleterre et expulser le roi. Le mot whig désignait à l’origine des voleurs de chevaux en Écosse !
Cette révolution sans effusion de sang a donné aux whigs le contrôle de l’appareil étatique central.
Et les tories étaient des voleurs de rue en Irlande.
Mais les hobereaux tories se sont accrochés à la gouvernance locale dans les districts de campagne. Ensemble, ils m’ont fait monter sur le trône – bien que je ne parle que néerlandais ! Newton fut récompensé pour sa position anticatholique par l’octroi d’un siège au Parlement qui fixa le Règlement révolutionnaire. Il affichait un relevé de votes impeccable, mais n’a pris la parole qu’une seule fois. Ressentant un courant d’air, il avait demandé à un huissier de bien vouloir fermer la fenêtre.
Guillaume d’Orange, 1650–1702 Le roi Guillaume III, 1689
Il commençait à passer le plus clair de son temps à Londres. Il déjeunait avec le nouveau roi, se fit connaître d’éminentes personnalités tel le philosophe John Locke et jouissait de l’admiration d’un cercle de jeunes scientifiques. 139
Les amis John Locke devient un ami intime. Tous deux échangent leurs points de vue sur les sujets qui sont chers à Newton – la science, l’économie, la politique… L’état de nature a une loi de la nature pour le gouverner.
Newton
Des hommes qui cohabitent selon la raison, sans avoir de supérieur commun ici-bas, ayant autorité pour les juger, tel est l’état de nature.
Locke
… mais Newton ose révéler pour la première fois des idées qu’il a tenu secrètes pendant vingt ans. Il parle de son rejet de la Sainte-Trinité (connu sous le nom d’arianisme) et de ses découvertes de falsifications dans la Bible. Locke offre son aide pour la publication de An Historical Account of two Notable Corruptions of Scripture [Un compte rendu historique de deux falsifications notables des textes sacrés]. Newton décide de sortir une édition en français aux Pays-Bas, bien que rendre publiques ses croyances arianistes signifierait une fin immédiate de sa carrière politique et académique, voire le forcerait à s’exiler. Il prend le risque car il est persuadé qu’un projet C’est bien la de loi garantissant une tolérance totale en matière première fois que de religion sera votée par le Parlement. l’on me paie pour En réalité, les catholiques et les ne pas publier un livre. arianistes en sont exclus. Newton s’empresse désespérément de récupérer le manuscrit aux Pays-Bas où il est sur le point d’être publié sous Jean Le Clerc son propre nom. Le fait que Newton accepte en premier lieu de prendre un tel risque témoigne avec éloquence du changement qui s’était opéré en lui. Heureux, confiant, ouvert, savourant sa toute nouvelle renommée. 140
Un jour d’été, lors d’une assemblée à la Royal Society, Newton fit la connaissance d’un mathématicien suisse âgé de 25 ans. Westphall rapporte : « l’attirance mutuelle entre les deux hommes fut instantanée ». Newton est l’homme le plus honnête et le mathématicien le plus capable qui ait jamais vécu.
Fatio était un cartésien brillant et dévoué. Groupie matheux, il parcourait l’Europe à la recherche de gens célèbres. En 1689, il visitait Londres en compagnie de Huygens. À l’automne, il était un ex-cartésien. Pendant quatre ans, lui et Newton entretinrent une correspondance régulière. Fatio commença à rédiger sa propre version des Principes, qu’il pensait être meilleure que l’originale. Bien que Halley et Newton rissent des idées extravagantes de Fatio, ce dernier était gâté comme un enfant.
Nicholas Fatio de Duillier, 1664–1753
Newton encourageait les jeunes mathématiciens et scientifiques ; il se démenait pour faire avancer leur carrière et les aidait même financièrement. Mais il n’y a aucune preuve d’un quelconque penchant homosexuel chez Newton. Il y avait toutes sortes de raisons pratiques pour lesquelles Newton était facilement accessible à des collègues plus jeunes. Il les employait pour copier et éditer des manuscrits, les tâches dont Wickins s’était acquitté à Cambridge. Ils servaient de messagers, traducteurs, défenseurs lors des querelles intellectuelles et pouvaient même publier les idées de Newton sous leur propre nom. Même les ennemis de Newton se sont abstenus de faire des commentaires. On n’a rien à lui reprocher sur ce point.
Hooke
Puis, l’enthousiasme de Fatio s’est estompé, il admit qu’il abandonnait les mathématiques. Il avait rencontré un nouvel ami avec qui il comptait monter une affaire de brevets de médecine et faire fortune. Des amis de Newton se sont aperçus d’un changement soudain chez lui… 141
Infortuné Pepys
Locke
Je l’aurais embrouillé avec des femmes ?
Est-il devenu fou ?
Monsieur, Je n’ai ni bien mangé, ni bien dormi ces douze derniers mois et je n’ai plus ma cohérence d’esprit d’avant. Je me vois dans l’obligation de me retirer de vos connaissances et de ne plus vous revoir ni aucun de mes amis. Is. Newton
Monsieur, Convaincu que vous avez voulu m’embrouiller avec des femmes, lorsque l’une d’elles m’a dit que vous souffriez et ne vouliez plus vivre, j’ai répondu que ce serait effectivement mieux si vous étiez mort… Je vous avais pris pour un hobbiste. Votre très humble & infortuné serviteur, Is. Newton
La dépression de Newton avait été attribuée à plusieurs facteurs… C’est clairement un cas d’empoisonnement au mercure.
N’avait-il pas des tremblements ou perdu des dents ?
Ou est-ce Il n’a dû à l’incendie jamais eu déclenché par son de chien. chien Diamond ?
Quelle qu’en soit la cause, l’euphorie qui avait suivi les Principia cède la place à la dépression. Newton saborde ses projets de publication de ses travaux sur l’optique et les mathématiques, commence à bloquer la publication de la seconde édition des Principia et, par désillusion, abandonne finalement l’alchimie. Il quitte Cambridge pour de bon pour s’installer à Londres. 142
Plus personne ne paie Un haut dignitaire compatissant et ancien élève offre à Newton une sinécure à la Royal Mint, un travail, en principe, ne demandant pas plus de présence qu’il ne pouvait en donner. Je ne pourrais pas supporter l’idée qu’une lampe qui a donné tant de lumière manque d’huile. Charles Montagu, comte de Halifax, chancelier de l’Échiquier, 1661–1715
Mais à cette époque, la monnaie britannique est en proie au chaos. Plus de 20 % des pièces frappées sont contrefaites. Seulement la moitié des pièces restantes affichent le bon poids en raison de la pratique criminelle répandue consistant à « carotter » de petits morceaux des pièces de monnaie. Les pays étrangers se mettent à refuser les pièces britanniques.
La monnaie continue à se raréfier. Une telle pénurie que des tumultes sont redoutés tous les jours. Plus personne ne paie en monnaie ni n’en reçoit.
John Evelyn, 1620–1706. Un mémorialiste contemporain.
La situation économique du pays est si grave que le Trésor est sur le point de s’effondrer et menace d’emporter avec lui la Glorieuse Révolution. Ce qui entraînerait une nouvelle restauration de la monarchie des Stuart. 143
L’État menacé Newton n’acceptant aucune demi-mesure, il se jette à corps perdu dans son nouveau poste avec le même zèle qu’il applique à tout ce qu’il entreprend.
Il met au travail 300 ouvriers et 50 chevaux 20 heures par jour.
La production hebdomadaire passe de £15 000 à £120 000.
En trois ans, Newton a refrappé 6,5 millions de livres. La partie est finie, Gibbons !
144
Le double des pièces frappées au cours des trente dernières années !
La contrefaçon constitue une telle menace pour la survie de l’État qu’elle est décrétée acte de haute trahison. Sa vie menacée, Newton poursuit sans relâche les criminels, les confrontant sur leur propre terrain dans les tavernes et les prisons de Londres. La pègre n’avait jamais connu un tel assaut organisé.
Complicité, abus et fraudes L’adversaire le plus redoutable de Newton était William Chaloner. Un vernisseur en vêtements usés jusqu’à la corde, déchirés et bariolés, il est devenu monnayeur et, en peu de temps, a revêtu l’habit d’un gentleman.
Chaloner était le Moriarty des monnayeurs ; il en a fabriqué pour plus de 30 000 guinées*. Il a envoyé plusieurs innocents à la potence pour toucher des récompenses. Il a échappé lui-même au même sort cinq fois, dont deux en étranglant des témoins. Mais après une carrière couronnée uniquement de succès, il a commis l’erreur de s’attaquer à Isaac Newton. J’accuse Monsieur Isaac Newton, gardien de la Monnaie de Sa Majesté, ainsi que plusieurs officiers d’être des complices de nombreux abus et fraudes commis.
* 1 guinée = 1 livre et 1 shilling.
Hi hi !
Chaloner accusa publiquement la Royal Mint d’incompétence et proposa une solution. Son plan consistait simplement à nommer son homme de main Holloway en charge de la chasse aux faux-monnayeurs et se nomma lui-même superviseur de la Royal Mint ! Le Parlement fut dupé et donna à Chaloner la permission d’examiner de près la machinerie secrète de la Royal Mint. Newton refusa catégoriquement et débuta inexorablement une collecte de preuves qui piégerait Chaloner. Deux ans plus tard, le dossier de Newton à l’encontre de Chaloner était aussi bien étayé que n’importe quelle proposition dans Principia. Il ordonna l’arrestation de Chaloner. Cette fois, il n’y aurait pas d’échappatoire. 145
L’arbre de Tyburn
La justice, qui avait souvent été bernée par lui dans le passé, était prête à présent à le réduire en miettes avec ses mains de fer.
En 1679, on dénombrait 19 exécutions à Tyburn pour des crimes relatifs à la monnaie. Newton en a expédié en tout 28 à la potence. Était-il un sadique vindicatif ? Incapable de se débarrasser de cette obligation de Il s’est nourri sa fonction… il n’est pas du sang des faux évident que Newton accordait monnayeurs et des plus d’attention à cet « carotteurs ». aspect de son travail qu’aux autres.
146
Frank E. Manuel
Richard S. Westfall
S’il avait laissé la Royal Mint et le Gouvernement tranquilles et était retourné à ses affaires de fausse monnaie, Chaloner serait peut-être encore de ce monde.
147
Le président Vers la fin du xviie siècle, Hooke tomba malade et sans son influence pratique, la Royal Society dépérit. Elle était dans un triste état comparée à son âge d’or au début des années 1670. C’est devenu un club Peu de pour jaser pour les membres assistent philosophes naturels* aux assemblées. désintéressés ! Wren
Sloane
Hooke mourut en 1703, aveugle, isolé et pauvre. La pression à la Royal Mint s’était largement réduite, à tel point que Newton se retrouvait avec du temps libre. Il reporta son attention sur la Royal Society.
* cette expression désignait à l’époque les physiciens
Élu président, un poste qu’il allait garder pour le restant de sa vie, Newton s’est mis à donner un nouveau souffle à l’académie, mais auparavant il avait un compte à régler…
Brûlez-moi ce portrait de Hooke ! Il avait un Plan pour établir la Royal Society.
La philosophie naturelle consiste à découvrir le cadre et les fonctionnements de la nature, et à les réduire, dans la mesure du possible, à des règles ou lois – en établissant ces règles au moyen d’observations et d’expérimentations, et déduisant ainsi les causes et les effets des choses.
Tandis que les présidents précédents ne prenaient pas la peine de venir en séance hebdomadaire, Newton n’en a manqué que trois sur les vingt années suivantes. Afin de ranimer l’intérêt des membres et d’augmenter le nombre d’adhésions, il demanda qu’une expérience pratique soit menée à chaque assemblée, en commençant par la pompe à air de Francis Hauksbee. 148
Officiellement reconnu comme le scientifique le plus éminent de la ville, et Hooke étant hors d’état de nuire, Newton se sentait finalement capable de publier Opticks. Afin d’éviter les controverses, j’avais jusqu’ici reporté la publication et j’aurais même dû la reporter davantage, n’était-ce l’importunité d’amis qui m’avaient persuadé.
Rédigé en anglais, le livre décrivait toutes les recherches en optique de Newton. C’est l’un des grands livres les plus faciles à lire de l’histoire des sciences modernes et il a eu un impact considérable, pas uniquement à l’époque mais également tout au long du xviiie siècle. Ce livre a révélé aussi une autre facette de Newton – celle du savant interrogateur qui ne possède pas toutes les réponses, même s’il a posé toutes les questions… Il s’interroge sur la chimie, la pneumatique, la physiologie, la circulation du sang, le métabolisme et la digestion, la sensibilité animale, la vision, la Création, le Déluge, la méthode expérimentale, le raisonnement inductif, les causes et effets, la relation entre la philosophie naturelle et la morale… et que reste-t-il ? 149
Dieu est espace « Qu’y a-t-il dans les endroits presque exempts de matière ? »
« D’où viennent tout l’ordre et la beauté du monde ? »
« L’œil a-t-il été conçu sans compétences en optique et l’oreille sans connaissance des sons ? » « Comment se fait-il que la Nature ne fasse rien sans raison ? »
« Pourquoi les étoiles ne tombent-elles pas les unes sur les autres ? »
L’espace infini n’est-il pas le sensorium d’un être incorporel, vivant, intelligent, omniprésent ?
« Quel est le but des comètes ? »
Newton changera d’avis quant à la révélation de sa conception de l’espace infini et rappela le livre pour supprimer et remplacer la page correspondante. Cependant, quelques exemplaires de l’édition originale s’échappèrent. 150
Le mal de tête de Newton Newton avait désespérément besoin d’observations plus précises de l’orbite de la Lune pour améliorer sa théorie lunaire, qui était toujours incomplète… C’est la seule chose qui m’ait jamais fait mal à la tête.
Il y avait un astronome royal chargé de calculer les positions de la Lune et des étoiles, mais il n’a jamais rien produit pendant 30 ans.
r pou te ê ède Rem ux de t on a t m w e s le c. N e avec M. Is têt u’à ce e Par r vot e jusq urdi. o r dez Ban jarretiè oit engte en ut s it la tê lation une a h u le id que refro la circ .D. Cela issant ang. C.Q.F t n du s rale
John Flamsteed, le premier astronome royal, commença à réaliser des observations en 1676, depuis le nouvel observatoire situé à Greenwich. Les fonds pour le bâtiment ont été levés en vendant de la vieille poudre à canon décomposée.
Flamsteed, perclus de goutte, irascible et sur la défensive, refusa de se défaire de ses observations, car il s’agissait de biens privés. Je me suis servi de mes propres instruments !
Flamsteed
Vos résultats sont la propriété de la Couronne et appelezmoi Sir quand vous vous adressez à moi.
Sir Isaac, anobli en 1705, le premier scientifique à être honoré de la sorte.
151
L’anneau d’or Newton paya Flamsteed £180 pour calculer des positions de la Lune. Mais Flamsteed dépensa l’argent en relevant des positions d’étoiles fixes, ce qui n’était d’aucune utilité pour Newton. Quand Flamsteed fut obligé finalement de se séparer de ses observations, Newton découvrit qu’elles étaient truffées d’erreurs ! Comment pouvez-vous imaginer que ces erreurs étaient intentionnelles ?
Flamsteed profitait de chaque occasion pour rabaisser Newton… Faire bien a toujours été ma règle de vie, mais pas lui. Newton est un grand vaurien, il m’a volé deux étoiles !
Ça alors !
Thomas Weston
John Flamsteed
… ou pour lui faire obstacle, voire l’accuser de mal faire. Newton est un grand vaurien. Il a travaillé avec le minerai que j’ai extrait.
Si ce chien de Flamsteed a bien extrait le minerai, moi j’ai fabriqué l’anneau d’or.
Furieux, Newton lut attentivement Principia et effaça toute référence à Flamsteed. Et pour faire bonne mesure, il le fit renvoyer de la Royal Society pour non-paiement de sa cotisation. 152
Le sextant
Regiomontanus, 1436–1476
Newton savait qu’une horloge précise permettrait de trouver la position du bateau, mais comme il disait : « une fois la valeur de la longitude en mer perdue, aucune montre ne permet de la retrouver ».
Regiomontanus fut le premier à suggérer de se servir de la position de la Lune pour déterminer la position des bateaux en mer. Mais il subsistait le problème de la précision de cette mesure. En 1707, par une erreur de navigation, la flotte britannique menée par l’amiral Shovel heurta les rochers des îles Scilly. Deux mille hommes, dont l’amiral, et un trésor furent perdus. C’est ce naufrage qui a alerté les autorités.
La méthode de la distance lunaire nécessitait que le navigateur mesure la distance entre la Lune, une étoile fixe et l’horizon pour une précision de 2 minutes d’arc maximum. Newton avait lui-même fabriqué un sextant à double miroir qui permettait des observations sur la Lune, y compris depuis le pont d’un bateau qui tangue. Il le présenta à la Royal Society en 1699, mais l’abandonna car Hooke revendiquait en avoir fabriqué un trente ans auparavant. En 1714, Sir Isaac fut désigné par le Parlement pour diriger un comité pour rechercher le meilleur moyen de « Découvrir sa longitude en mer ». La récompense s’élevait à £20 000. Newton passa les années suivantes à traiter une avalanche de suggestions excentriques
Le prix fut attribué finalement à l’horloger John Harrison pour son chronomètre qui navigua avec le capitaine Cook. (Le sextant fut réinventé indépendamment en 1731 aux États-Unis et en Angleterre.) 153
Chagrin et colère mortelle Le conflit avec Flamsteed était mineur et irritant comparé à la querelle entre Newton et Leibniz, une dispute violente qui dura deux décennies et continua hors de la tombe du philosophe allemand.
Tout commença en 1684, quand Leibniz publia sa découverte du calcul différentiel sans faire mention des progrès accomplis par Newton sur le sujet.
Leibniz, l’un des cerveaux suprêmes de tous les temps, en tant qu’être humain, était loin d’être admirable. Bertrand Russell
Newton aurait pu laisser courir si Leibniz n’avait pas cessé de revendiquer être le seul inventeur du calcul différentiel. Les amis de Newton s’indignèrent… C’est Leibniz qui a volé le calcul différentiel à Newton.
Isaac, tes idées circulent à l’étranger sous la signature de Leibniz.
John Wallis
… et finalement, Newton, furieux, autorisa la publication des textes entiers des lettres qu’ils avaient échangées à partir de 1676 – avec pour résultat que Leibniz a tout nié en bloc ! L’Allemand, tout en encensant Newton en public, commença à lancer des attaques vicieuses anonymement dans des revues scientifiques. Newton répliqua de la même manière… Les grands hommes sont comme des femmes qui n’abandonnent jamais leurs amants sauf avec le plus grand chagrin et une colère mortelle. Et voilà, Messieurs, où vos opinions vous ont conduits. Caroline d’Ansbach, 1683–1737. Reine consort.
154
Empirique Cette querelle n’a pas pris fin avec le décès de Leibniz. Il s’est avéré que Collins, l’éditeur, lui avait montré les Fluxions de Newton à Londres en 1676 – un fait que Newton avait commencé à subodorer. Tu es un criminel !
Et toi, tu caches au monde le calcul différentiel depuis 30 ans !
Chacun des adversaires rallia ses partisans et la dispute perdura jusqu’au xixe siècle, causant une scission qui allait couper les mathématiciens britanniques du courant dominant des progrès du continent pendant un siècle et leur refuser l’usage d’un élément qui n’appelait aucune controverse, le système de notation supérieur inventé par Leibniz. Les notations dx, dy et ∫, dont nous nous servons aujourd’hui, ne sont arrivées en Grande-Bretagne qu’un siècle plus tard. La querelle au sujet de l’antériorité de la découverte ne constituait pas l’unique point de contestation entre ces deux géants intellectuels. Newton était une figure de proue du mouvement philosophique appelé empirisme britannique. Newton tire des conclusions relativement modestes à partir d’une vaste étude des faits…
Leibniz, quant à lui, construit un gigantesque édifice de déductions basé sur un tout petit principe logique.
Il peut corriger une erreur sans entraîner d’effondrement total…
La structure de Leibniz est instable et la moindre erreur la fait s’écrouler.
155
Chronologie En plus de ces querelles, Newton fut obligé de passer un temps infini au cours des dernières années de sa vie à remanier ses travaux théologiques dans le but de masquer son arianisme ! La princesse Caroline eut vent de sa préoccupation au sujet de l’histoire des religions et demanda à voir une copie de ses écrits. Craignant d’être ruiné si la vérité éclatait, Newton produisit un extrait de ses travaux en excluant toutes les allusions de son anti-Trinité. Mais quand une édition pirate de l’extrait apparut à Paris, cela provoqua une vague de critiques, exigeant une réponse de Newton. Il se trouva dans l’obligation de tout réécrire. Mais une fois l’arianisme effacé, que reste-t-il ? L’innovation la plus surprenante de Newton était la datation astronomique. Il compara des descriptions de la voûte céleste dans la littérature ancienne et, en se servant de la précession des équinoxes, calcula les dates à partir des positions des étoiles, raccourcissant les chronologies admises de 500 ans. Il data le voyage des Argonautes en 937 avant J.-C.
Le but de Newton était de démontrer que la civilisation juive était plus ancienne que celle grecque.
Cela fit l’effet d’une bombe dans le monde guindé des historiens des temps anciens. Voltaire se demandait si ce n’était pas accorder trop d’honneur à un seul homme d’avoir perfectionné la physique, les mathématiques et l’histoire en même temps… « Ce serait une forme de souveraineté universelle difficile à accepter par fierté personnelle ! »
Voltaire
156
Newton n’a pas vécu assez longtemps pour voir la publication de la version complète amendée Chronology of Ancient Kingdoms Amended [Chronologie des anciens royaumes amendée].
Prophéties Il n’a pas non plus survécu jusqu’à la publication de ses Observations upon the Prophecies [Observations sur certaines prophéties] – un sujet qui l’intéressait depuis les années 1670. Mais il n’était pas pressé de les publier car la fin du monde n’était Newton pas imminente ! annonce que le monde disparaîtra en l’an 2132.
Au début de l’année 1725, Newton déménagea à Kensington pour des raisons de santé. « Sir Isaac vit un peu à l’écart à la campagne. Il est extrêmement aimable et prêt à rendre service, mais il est très diminué et n’est plus capable de faire autant de choses que par le passé. » – Conduitt Lors d’une tentative pour le convaincre de se rendre à l’église à cheval plutôt qu’à pied… Sers-toi de jambes & aie des jambes ! Newton commençait à donner de l’argent et brûla quelques textes. Au mois de mars, on lui diagnostiqua un calcul dans la vessie, expliquant sa mauvaise humeur. 157
La fin Sur son lit de mort, Newton révéla enfin la conviction qu’il avait gardé secrète pendant cinquante ans, il refusait de recevoir le dernier sacrement. Il devint insensible le dimanche 19 mars 1727 et mourut le lendemain à une heure du matin.
« La douleur avait atteint un tel seuil que le lit sous lui et même la chambre étaient ébranlés par son agonie, à la stupeur de ceux présents. Cette grande âme a livré une lutte terrible avant de quitter son tabernacle terrestre. » 158
Lettres sur l’Angleterre Newton était parti mais il laissait une marque indélébile sur la société anglaise. Tous là-bas voyaient le monde à travers les yeux de Newton ; ce qui était assez différent du continent où Descartes exerçait toujours son emprise.
À Paris, la Terre a la forme d’un melon.
À Londres, elle a la forme d’une citrouille.
Voltaire
Le philosophe français, exilé en Angleterre au moment des funérailles de Newton, fut impressionné par le climat intellectuel là-bas. Il décrivit diverses croyances et facettes de la vie anglaise dans son livre, Les Lettres philosophiques. Il dépeint l’Angleterre comme le pays de la liberté, de la tolérance et du progrès, ce qui contraste avec la tyrannie féodale superstitieuse régnant outre-Manche. Publié en France en 1734, son livre fut immédiatement interdit. De par son influence sur la pensée sociale, économique et politique, Les Lettres philosophiques s’est avéré l’un des livres les plus influents du siècle et, de plus, un ingrédient essentiel du mélange explosif qui couvait en France. Les triomphes scientifiques de Newton avaient préparé le terrain à la philosophie démocratique de Locke qui, à son tour, allait aider à déclencher des révolutions de par le monde, à commencer par l’Amérique en 1776, et finirait par se retrouver dans la plupart des constitutions des temps modernes.
« À une époque qui produit l’incomparable M. Newton, il suffit à mon ambition d’être employé comme un sous-ouvrier pour défricher un peu le terrain et déblayer quelques détritus qui jonchent la route vers la connaissance. » – John Locke
159
Les droits de l’Homme Un gouvernement n’est pas libre de faire ce qui lui plaît. La loi de la nature, telle que révélée par Newton, demeure une règle éternelle pour tous les Hommes.
Locke
Le libéralisme a conçu les droits inaliénables de l’Homme. En 1776, ils furent écrits dans la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique pour lancer la révolution américaine. C’est Euclide.
Nous considérons les vérités suivantes…
… comme étant évidentes en ellesmêmes…
Jefferson
160
Extrait du Traité du gouvernement civil de Locke.
… tous les Hommes sont créés égaux ; ils sont dotés par leur créateur de certains droits inaliénables…
Franklin
Les Français se révoltent L’idéal démocratique de l’égalité s’avérait être la pierre d’achoppement pour Louis XVI, qui a mené à la Révolution française de 1789. Vous pouvez avoir une presse libre, un libre-échange, une réforme de l’impôt et une réforme agraire, mais je ne suis pas votre égal. Un point c’est tout.
Louis XVI, 1754–1793
Les Français ont insisté sur le fait qu’eux aussi étaient nés égaux et possédaient des droits inaliénables. La déclaration des droits de l’Homme et du citoyen fut adoptée en 1789. Le pape l’a condamnée comme étant impie.
« J’ai tourné mon regard vers les écoles et universités d’Europe et là, au-delà du métier à tisser de Locke qui crache son tissu ravageur, lavé, rincé par les effluves des moulins à eau de Newton… »
William Blake
Locke, ce semeur de graines diaboliques qui, germant dans la boue chaude de Paris, a produit le monstre révolutionnaire qui a dévoré l’Europe. »
161
De la vertu républicaine Selon J. K. Galbraith, pour un citoyen ordinaire, acheter un manteau au xviiie siècle est comparable à l’achat d’une voiture, voire une maison, aujourd’hui. Dans ce contexte, la production de masse de tissus bon marché était démocratique et révolutionnaire. C’était cet esprit de la nouvelle technologie qui allait servir la révolution américaine.
Rien n’est bon ni beau, mais dans une certaine mesure, c’est utile. L’invention d’une machine, ou l’amélioration d’un outil, est plus importante qu’un chef-d’œuvre de Raphaël.
L’architecture, la sculpture et les tableaux ont conspiré contre les droits de l’humanité.
John Adams, 1735–1826. Deuxième président américain. Benjamin Franklin, 1706–1790.
L’opinion était divisée quant aux effets que l’application des sciences, par l’industrialisation, pouvait avoir sur la vertu d’une société républicaine naissante.
« Que nos ateliers demeurent en Europe. Les foules des grandes villes soutiennent autant le gouvernement pur que les plaies la force du corps humain. » 162
Thomas Jefferson, 1743–1826. Troisième président américain.
Des inepties sur échasses Les droits de Locke et Newton avaient été l’Homme, une ineptie ; peut-être les saints patrons les droits inaliénables séculiers des révolutions politiques, de l’Homme, des inepties mais la révolution technologique sur échasses. qui a suivi avait oublié le respect de Newton pour la nature. Les industriels recherchaient des idées plus profitables. Enfin quelqu’un avec un peu de bons sens.
Hobbes
L’arithmétique, et non le calcul différentiel, a constitué l’outil fondamental de la révolution industrielle. Si les profits et pertes étaient appliqués à la morale et à la politique, le bonheur et la douleur pourraient être additionnés. Soustrayez la douleur au bonheur brut, il reste le bonheur net. L’individualisme hobbesien, l’homme à l’appétit sans borne, un état permanent de guerre, une concurrence libre en économie et culture étaient à l’ordre du jour. De plus, les effets secondaires de cette lutte effrénée étaient bénéfiques pour toute la race.
Jeremy Bentham, 1748–1832. L’« Auto Icon », son corps momifié, est conservé dans une armoire à l’University College de Londres.
Les millionnaires sont un produit de la sélection naturelle.
William Graham Sumner
163
Révolutions célestes Mais assez parlé des révolutions terrestres. Les théories de Sir Isaac allaient être sérieusement examinées dans les cieux. Il subsistait des anomalies célestes qu’il avait été incapable d’expliquer, fournissant ainsi des munitions à ses opposants. Par exemple, « l’action à distance »… « C’est en effet s’en remettre à des qualités occultes et, ce qui est pire, inexplicables. On devrait renoncer à la philosophie et à la raison, pour ouvrir un refuge pour l’ignorance et la paresse. »
Leibniz
« Le principe de l’attraction me paraît absurde. Et dire qu’il s’est donné toute cette peine à entreprendre tant d’expériences et de calculs difficiles qui ne reposent sur aucun autre fondement. »
Huygens
Sous l’influence de Voltaire, les scientifiques des Lumières en France abordèrent Newton et suivirent ses théories jusqu’à leurs propres conclusions. « Si quelqu’un était suffisamment bête pour croire à de la matière créée par un mouvement de vis, nous dirons qu’il est cartésien ; s’il croit aux monades, qu’il est leibnizien. Mais il n’existe pas de newtonien. C’est le privilège de l’erreur de donner son nom à une secte. » Gabrielle Émilie, marquise de Châtelet, 1706–1749. Traductrice des Principia en français.
164
Les Lumières
En Laponie, un degré de longitude mesure 1949 mètres ; en France, environ 1936 mètres.
Pierre Louis Moreau de Maupertius, 1689–1759.
Dans sa Mécanique céleste, Laplace répondait à la question : « le système solaire est-il stable ? » En dépit de toutes les perturbations des planètes les unes sur les autres, il montre que c’est le cas.
En 1736, Maupertuis voyagea jusqu’en Laponie afin de mesurer un degré de longitude proche du pôle. Les résultats confirmèrent les prédictions de Newton. Un degré de longitude était en effet plus long à Tornio. La Terre était aplatie vers les pôles. Le mathématicien Lagrange a ajouté la dimension du temps à l’espace tridimensionnel cartésien, créant ainsi l’espace-temps à quatre dimensions. À l’âge de 28 ans, il a résolu le problème des trois corps, prouvant que la Lune obéissait bien à la loi de Newton.
Un siècle après la mort de Newton, Laplace disait de ses lois : Chaque nouvelle difficulté qui survient devient en cela un sujet de triomphe – une circonstance qui est la caractéristique la plus sûre du véritable système de la nature.
Pierre-Simon de Laplace, 1749–1827
165
Eppur si muove* À l’intérieur du Panthéon, en 1871, Foucault réussit finalement là où d’autres avaient échoué. Il démontra de manière concluante que la Terre se déplace. Il a suspendu une sphère de cuivre de 60 kilos au bout d’un fil de 68 mètres de long au sommet du dôme. Une fois son oscillation mise en place, une aiguille attachée à la sphère traçait un trait dans du sable fin répandu sur le sol.
* « Mais pourtant, elle tourne bien. » Phrase attribuée à Galilée, mais qu’il n’a pas prononcée lors de son procès.
Un pendule ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé ?
Galilée
Les lignes tracées par les balancements successifs montraient que le pendule dérivait. Au bout de cinq minutes, l’écart entre le début de la première ligne et celui de la dernière ligne était de plusieurs centimètres. En réalité, le pendule oscillait dans le même espace, mais la Terre tournait sous lui, d’ouest en est. 166
La limite Sur le front mathématique, il y avait d’incessantes critiques. Mais que sont ces fluxions ? Des vitesses d’incréments évanescents. Et que sont ces incréments évanescents ? Ils ne sont ni des quantités finies, ni des quantités infiniment petites, encore moins rien. Pourquoi ne pourrions-nous pas les appeler les fantômes de quantités disparues ?
Évêque Berkeley, 1685–1753
Le paradoxe d’Achille de Zénon demeurait problématique. « Est-ce qu’une variable qui tend vers une limite l’atteindra jamais ? » En 1872, Wilhelm Weierstrass a finalement exorcisé Zénon en abordant le calcul différentiel uniquement sous l’angle numérique, excluant totalement la géométrie. L’idée de courbes générées par des points en mouvement était erronée. Weierstrass affirmait que la limite n’implique absolument pas la notion d’approche, mais qu’elle est statique. Mais, juste au moment où ce calcul était établi, enfin, sur une base logique rigoureuse, le monde de la géométrie fut ébranlé. Le talon d’Achille d’Euclide était le postulat des parallèles. Euclide n’avait jamais démontré que des lignes parallèles ne se rencontrent jamais. D’autres géométries non euclidiennes pouvaient être La géométrie construites. euclidienne n’est pas plus vraie que celles non euclidiennes.
Bernhard Riemann, 1826–1866
Une pseudosphère, où tous les triangles sur sa surface se conforment à des lois vérifiables.
167
La planète perdue En 1781, William Herschel découvrit une nouvelle planète, Uranus. Mais tandis que son orbite était déterminée au cours des années suivantes, le mathématicien Bouvard fut déconcerté par sa trajectoire. Il en conclut que les lois de Newton ne s’appliquaient pas à de telles distances du Soleil.
U. J. J. Le Verrier n’avait pas perdu la foi.
Je prédis, en me basant sur les lois de Newton, que cette perturbation est due à une planète inconnue.
Le Verrier calcula la position de cet objet inconnu. Galle chercha dans le ciel où Le Verrier avait dit qu’il devait se trouver. En 1846, il découvrit Neptune. La découverte de Neptune constituait peut-être la confirmation la plus spectaculaire des lois de Newton, presque 200 ans après qu’Isaac avait commencé à calculer les mouvements du ciel, dans le verger de pommiers de sa mère à Woolsthorpe.
Enhardi par ce succès, Le Verrier prédit l’existence d’une autre planète pour rendre compte de la petite dérive inexplicable de l’orbite de Mercure. Il nomma cette nouvelle planète Vulcan. 168
Urbain Le Verrier, 1811–1877
Je crains que la vérité ne soit un peu plus compliquée.
Einstein
En essayant d’expliquer l’orbite traînante de Mercure, Einstein examina pourquoi des corps de poids différents tombaient à la même vitesse. Il avait le sentiment que la gravité devait dépendre de la structure de l’espace et du temps. En s’efforçant de calculer les propriétés de l’espace-temps, il découvrit que la géométrie existait déjà, créée par Riemann. La Lune est maintenue sur son orbite autour de la Terre par la courbure de l’espacetemps.
Afin de tester sa théorie, Einstein prédit que la trajectoire d’un rayon de lumière devait être courbée sous l’effet d’un champ gravitationnel. Un effet mesurable devrait alors être observable pendant une éclipse de Soleil. En 1919, la Royal Society envoya une expédition vers l’île de Principe, au large de la côte ouest de l’Afrique. Eddington découvrit en effet que la lumière se courbait ! L’espace absolu immuable de Newton avait cessé d’être.
Pardonnez-moi, Newton. Vous avez trouvé le seul chemin possible pour un homme doté d’une puissance intellectuelle et d’une créativité des plus grandes. Les concepts que vous avez créés dominent encore notre façon de penser en physique.
169
Nature duale Tandis qu’Einstein mettait fin au concept de l’espace absolu de Newton, il réaffirma ses théories sur la dualité de la lumière et l’existence des atomes, les deux ayant été discréditées. À la fin du xixe siècle, personne ne croyait à l’existence des atomes.
Les atomes sont une invention provenant d’une imagination faible. Gottfried Wilhelm Leibniz
Boltzmann, le dernier de la vieille école, fut poussé au suicide par le mépris de jeunes intellectuels modernes, partisans d’Ernst Mach. Avec sa publication sur le mouvement brownien, Einstein donnait une preuve concrète de l’existence des atomes.
Newton traitait la lumière tantôt comme une onde, tantôt comme une particule. Après que des générations ont considéré qu’il s’agissait d’une tentative artificielle pour sauver une théorie agonisante, cette conjecture de Newton se révèle être l’exemple suprême d’une intuition de génie. Avec sa publication sur l’effet photoélectrique, Einstein démontra que la lumière était à la fois une onde et une particule. Les corps bruts et la lumière ne sont-ils pas commutables entre eux ?
Cela rappelle E = mc2
Face à cette nature duale de la matière, une nouvelle sorte de mécanique était évoquée. En mécanique quantique, la matière interagit et les forces sont transmises par des quanta (paquets d’énergie) qui s’agitent d’avant en arrière. L’alchimie avait amené Newton à penser que l’énergie et la matière peuvent se convertir l’une en l’autre et que le quantum de lumière est le photon. Il est généralement admis qu’il existe quatre forces dans la nature. L’électromagnétisme sous-tend toute la chimie ; son quantum est le photon. La force forte lie les éléments constitutifs de l’atome ensemble ; son quantum est le gluon. La force faible donne lieu à la désintégration radioactive ; son quantum est le boson. La plus faible de toutes, la gravité, a pour quantum le graviton, sans masse. Il y eut diverses tentatives vaines d’intégrer ces différentes forces en une grande théorie du tout. Einstein a passé la seconde moitié de sa vie à essayer de réconcilier la mécanique quantique avec la gravité en une théorie du champ unifié. 170
À distance Sommes-nous sur le point de comprendre ce qu’est la gravité ? S’il existe des gravitons, il doit aussi y avoir des ondes gravitationnelles. Des détecteurs extrêmement sensibles ont été construits, mais jusqu’ici aucune onde gravitationnelle n’a été enregistrée. La gravité résiste à la quantification et n’est encore définie que comme une conséquence de la courbure de l’espace-temps. D’autre part, en mesurant la gravité dans une mine en Australie, Ephraim Fischbach est parvenu à la conclusion qu’il existe une cinquième force dans la nature appelée l’hypercharge. Cette force antigravitationnelle serait ressentie jusqu’à 200 mètres de distance et aurait pour effet de faire chuter une plume plus vite qu’une brique dans le vide !
Une supercorde, très agrandie.
Green
Schwarz
La théorie des cordes explique les forces non pas comme des particules interagissant comme des points, mais comme des cordes unidimensionnelles infiniment petites qui s’enroulent et frisent. Mais quoi que l’avenir nous réserve… Que personne ne suppose toutefois que le formidable travail accompli par Newton puisse être facilement supplanté par la relativité ou n’importe quelle autre théorie. Ses grandes et lucides idées conserveront leur importance unique pour toujours comme fondement de toute notre structure conceptuelle moderne dans le domaine de la philosophie naturelle. Einstein
171
Un œil perçant
L’une des raisons de la méprise répandue quant au caractère de Newton peut provenir du fait que les portraits de lui en circulation le faisaient paraître rigide et inhumain avec un air de poisson mort, ou au mieux comme un mouton vertueux illuminé ; lui qui est décrit comme étant « heureux et vigoureux, avec un œil vif et perçant ». Il existe d’excellents portraits à voir, tous de Godfrey Kneller. L’un, réalisé quand Newton avait 45 ans, du temps des Principia, est à Portsmouth. Un autre très bon de 1702 est exposé à la National Portrait Gallery à Londres. Même les portraits de Newton âgé réalisés par Kneller sont pleins d’énergie ; l’un d’entre eux magnifique se trouve à Varsovie. Un peintre médiocre ne peut que créer un portrait trompeur. Frank Manuel a tiré quelques conclusions assez approfondies du caractère et de la santé de Newton à partir de peintures de Vanderbank lorsque les portraitistes britanniques tendaient à peindre des personnes en mauvaise santé. Évitez tout portrait de Vanderbank, Seeman ou Thornhill, mais faites attention aussi aux copies. La Reine en personne possède une copie du chef d’œuvre de Kneller de 1689.
Merci à Stephen Croall. Sans sa contribution, ce livre n’aurait jamais été lancé. S’il y a des plaisanteries, elles sont sans doute de lui ; les parties ennuyeuses sont de moi seul. Merci à Bill Brown d’avoir insisté pour que je lise The Sleepwalkers* et merci au personnel du service de réanimation de l’hôpital Laennec pour avoir sauvé la vie de ma femme, sans qui le livre n’aurait jamais pu être terminé. – Paris, printemps 1993 * Les Somnambules, essai du journaliste britannique Arthur Koestler sur l'histoire de la science astronomique dans le monde occidental.
172
Lectures recommandées par l’auteur Pour avoir un aperçu général de l’histoire du changement de vision de l’Univers de l’Homme avant Newton, rien ne vaut la lecture de The Sleepwalkers d’Arthur Koestler. Édité pour la première fois par Hutchinson en 1959 et disponible en livre de poche chez Penguin. La biographie standard de Newton s’intitule Never at Rest de Richard S. Westfall, parue en 1980 chez Cambridge University Press et qui ne risque pas d’être dépassée. Il existe une autre sorte de biographie, A Portrait of Isaac Newton, de Frank E. Manuel, publiée chez Muller. Si vous pensez que Newton a découvert les lois de la gravité parce qu’il était attiré fortement par des personnes éloignées, son père décédé et sa mère absente remariée, alors ce livre est fait pour vous. Il offre un historique complet fascinant. L’autobiographie de Newton se trouve dans Principia, la traduction de Motte revue par Cajori, deux volumes publiés par University of California Press. Son ouvrage Opticks, le plus abordable, est disponible chez Dover Books, de même que Two New Sciences de Galilée et La géométrie de Descartes. I. B. Cohen a édité Isaac Newton’s Papers & Letters on Natural Philosophy publié par Harvard University Press. Cette collection rassemble tous les autres textes publiés par Newton qui étaient lus de son vivant. Il s’agit de facsimilés qui donnent vraiment un aperçu de ce que cela devait faire de découvrir ces idées à l’époque. Concernant le néoplatonisme et comment il a influencé la naissance de la pensée moderne, The Foundations of Newton’s Alchemy de Betty Jo Teeter Dobbs est disponible chez Cambridge University Press, de même que From Paracelsus to Newton, Magic and the Making of Modern Science de Charles Webster. Si vous voulez seulement des faits, The Newton Handbook de Derek Gjertsen, publié par Routledge & Kegan Paul, vous les offre sur un plateau. C’est un ouvrage de référence avec cinq cents entrées par ordre alphabétique qui couvrent tous les aspects de la vie et des travaux de Newton. Bien écrit et très utile, indispensable pour tous les newtoniens. Journey Through Genius, de William Dunham, chez Penguin, ne se contente pas de vous expliquer la découverte par Newton du théorème binomial, mais explique tous les grands théorèmes mathématiques depuis Hippocrate jusqu’à Cantor et son domaine transfini. L’indispensable A History of Greek Mathematics (1921) de Sir Thomas Heath, en deux volumes, est disponible chez Dover, de même que Euclid’s Elements avec une analyse de Sir Thomas. Recommandés également chez Dover, The History of Calculus and its Conceptual Development de Carl B. Boyer et The Origins of the Infinitesimal Calculus de Margaret E. Baron qui contient des schémas particulièrement beaux. 173
Pourquoi un chien ? Quel intérêt peut-il y avoir à représenter Kepler sous les traits d’un chien, à part le fait qu’il se prenait souvent pour un chien ? Les deux portraits de Kepler ci-dessous sont typiques, mais plus vous connaissez sa vie, moins sa coiffure est plausible.
Avant l’émergence de la photoreproduction, les tableaux de portraits étaient surtout connus à travers les reproductions gravées largement répandues. Ces portraits prenaient vie, mais ils devenaient de moins en moins fidèles au fur et à mesure des reproductions. Ici, le point de départ est un portrait qui n’a jamais ressemblé initialement à Kepler et s’est métamorphosé, selon la mode, en ce à quoi devait ressembler un astronome allemand. Les timbres représentant Einstein affichent aussi un effet relativiste similaire, dans la mesure où ils semblent tenir compte des caractéristiques raciales du pays qui émet le timbre. Ouaf, ouaf !
À gauche, un portait plus vraisemblable de Kepler ; cet aspect canin reflète bien au moins son caractère. 174
des timbres
175
Index A
Alchimie 106, 107 Algèbre 84 Antiphon le Sophiste 13 Archimède 14-17, 99 Arianisme 140, 156 Aristarque 37, 41 Aristote 36, 49-50, 76
B
Bacon, Francis 37, 70 Barberini, M. 60, 63, 66-67 Barrow, I. 76-77, 90, 104, 114 Bentham, Jeremy 163 Bible, falsification 113, 140 Brahe, Tycho 47-50
C
Cadrans solaires 24-25 Calcul différentiel 87, 154, 167 Calendrier 19-20 Chaloner, William 145 Comètes 80-81, 134 Copernic 41-44, 62, 64 Corps sphériques 128 Couleur 91-95, 101 Courbes, théories des 87
D
Datation astronomique 156 Descartes, René 71-75, 92, 105, 129-130, 159 Développement de nombres 7 Dieu 150 espace infini 150 études de Newton 111-114 Duillier, N. Fatio de 141
E
Einstein, Albert 99, 168-171 Empirique 155 Espace absolu 168-170 Espace et matière 75 Éther 109-110 Euclide 82, 84, 167
F
Fischbach, Ephraim 171 Flamsteed, John 151-153 Fluxions 87, 155 Force 121 Foucault, J. B. L. 166
G
Galbraith, J. K. 162 Galilée 58-70, 118 Géométrie 16, 82, 84 Gravité 133, 135, 171 découverte 88-89 voir aussi Marées Grecs et mathématiques 11 voir aussi Pythagore
176
H
Hall, A. Rupert 137 Halley, E. 115-116, 133 Herschel, W. 168 Hobbes, Thomas 79 Hooke, Robert 81-82, 101, 111, 116 décès 147 Hyperbole 12, 86 Hypercharge 171
I
Infini 13-15, 124 Inventions 23-27
K
Kepler, Johannes 44-47, 50-57, 65, 118, 131 première loi 53 deuxième loi 54 troisième loi 66, 89
L
Lagrange, J. L. 165 Laplace, P. S. 165 Le Verrier, U. J. J. 168 Leibniz, G. W. von 98, 154 Lune et gravité 89 Locke, John 139-140 Logarithmes 52, 84 Lumière 91-95, 170 Lune 60, 132, 151-153 et gravité 89 Lunes de Jupiter 131 Lunes de Saturne 131 Luther, Martin 43
M
Marées 65, 67, 132 Mars 42, 47, 51, 53 Mathématiques 82-87 des anciens 7-17 cartésiennes 124 Maupertuis, P. L. M. 165 Mécanique quantique 170 Mercure 169 More, Henry 77-78 Mouvement 73, 83, 88-89, 121 lois du 122-123, 125-126 circulaire 64 des planètes 40-42 lois 50 Musique 9, 55
N
Napier, John 52, 84 Nature 108, 112 Neptune découverte 168 Newton à l’université 33-36 anneaux de 95 critiques 164
décès 158 décès de sa mère 111 école 22, 29, 31 malade 142 naissance 19 nommé professeur 90 rejette la chrétienté 113-114 s’oppose au roi Jacques 139 Nombre irrationnel 10
O
Opticks 149 Oresme, Nicholas 83
P
Pascal, Blaise 85 Peste 80-81, 132 Pi 11 Platon 76 Principia 116-137 critiques de 136-137 Prisca sapienta 107 Ptolémée 40 Pythagore 8-10, 45, 99
R
Réflexion 96-97 Résistance 129 Royal Mint 143 Royal Society 100-103, 148 Russell, Bertrand 17, 154
S
Série infinie 86 Sextant, invention 153 Soleil 37, 41 Système de notation 155
T
Tables rudolphines 56 Télescope 59, 96-97 Terre, mouvement 62-64, 67, 166 Théorème binomial 85 Théorie des cordes 171 Trinité, Newton s’oppose à la 113, 140
U
Univers 105 Descartes 74 forme 53 mouvement 38-43 Uranus découverte 168
V
Voltaire 157, 159, 164 Vortex 130
W
Wallis, John 85 Wickins, Nicholas 35, 114