Musae reduces: anthologie de la poésie latine dans l'Europe de la Renaissance: textes choisis [2]


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Musae reduces: anthologie de la poésie latine dans l'Europe de la Renaissance: textes choisis [2]

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MVSAE REDVCES Anthologie de la poésie latine dans l'Europe de la Renaissance Textes choisis, présentés et traduits par

PIERRE LAURENS chargé d'enseignement à la Faœlté des Lettres de Poitien 0

avec la collaboration de CLAUDIE BALAVOINB

maître-assilltant à la Faculté des Lettres de Poitiers.

Tome II

B.J. BRILL LBIDBN

(0 E. J. Brill, Lc:iden 1975. Tous droits réservés

L'EUROPE ORIENT ALE HONGRIE, POLOGNE

L'humanisme s'est développé très tôt en Hongrie, favorisé par les visées centralisatrices de la maison des Hunyadi, qui créent le besoin de fonctionnaires et diplomates hautement qualifiés, pourvus du bagage culturel le plus moderne. Amorcée par Sigismond, qui invite Pier Paolo Vergerio à sa Cour, cette politique, poursuivie sous la régence de Janos Hunyadi, atteint son apogée lors du règne de Mattias Corvin (1458-1490); elle est relayée sous les Jagellons (14901526) par le mécénat des cours ecclésiastiques. Directement ou indirectement par l'entremise de la Croatie (Janos Vitez, Janus Pannonius sont d'origine Croate), la nation hongroise s'est mise à l'école de l'Italie, mais bientôt elle est initiatrice à son tour et sa culture rayonne vers les pays limitrophes, en particulier la Pologne. La création de la Sodalitas hungariana, puis, à Vienne, de la Sodalitas Danubiana, attestent la vitalité des liens culturels établis avec l'Allemagne et la Tchécoslovaquie. C'est l'époque où Janus Pannonius est salué comme le plus grand poète de langue latine en dehors de l'Italie. Ce brillant épanouissement d'une culture renaissante est malheureusement compromis, sinon enrayé, par les grandes catastrophes historiques du premier quart du xvi9 siècle : la défaite de Mohacs en 1526, puis, en 1541, la prise de Buda par les Turcs, qui étendent leur conquête à la région centrale de la Hongrie, conduisent au morcellement du reste du pays : tandis que les provinces occidentales, avec le trône royal, passent aux mains des Habsbourg, se crée à l'est une principauté transylvanienne indépendante. En même temps que la Cour de Buda a cessé d'exister, la propagation rapide de la Réforme a pour résultat la disparition des centres épiscopaux. Cela ne signifie pas, comme on l'a pensé longtemps, l'épuisement de l'humanisme en Hongrie. L'historiographie est en plein essor et l'activité philologique se poursuit, comme l'attestent l'œuvre et la réputation de Joannes Sambucus. Néanmoins, le phénomène a changé de nature : les années 1526-1570 sont dominées par l'influence de la Réf orme et par la montée intellectuelle de la bourgeoisie des bourgades, parmi lesquelles la ville de Kolozsvar joue un rôle éminent ; il faut attendre la fin du siècle pour voir se dessiner un retour de la

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renaissance de Cour. Dans la même période les échanges intellectuels avec les pays voisins n'ont pas cessé, mais le mouvement est inversé : ce sont les Hongrois qui vont chercher leur nourriture spirituelle et culturelle en Allemagne, en France, en Italie, et aussi en Pologne, surtout depuis que l'élection du Prince transylvanien Stephan Batory au trône de Pologne lie intimement les destinées des deux pays. Bien différente est l'évolution de la culture humaniste en Pologne. D'abord, bien que des contacts aient déjà eu lieu avec l'Italie lors des grands synodes catholiques, le mouvement des esprits n'est guère sensible avant le dernier quart du xve siècle. Il est dû en premier lieu à l'influence d'hôtes illustres : Philippe Buonacorsi, dit Callimachus, élève de Pomponius Laetus, humaniste et poète, exilé d'Italie, d'abord accueilli par l'archevêque Grégoire de Sanok, puis précepteur des enfants de Casimir IV, et après sa mort le conseiller le plus écouté de Jean Albert ; Conrad Celtis, venu en Pologne de 1488 à 1490, et qui fonde la Sodalitas Vistulana, avant de poursuivre sa route vers la Hongrie. Parmi l'élite polonaise, un rôle décisif est joué par les évêques modernistes : Grégoire de Sanok, l'ami de Callimaque, Jan Dlugosz, auteur d'une Historia Polonorum en douze volumes, un peu plus tard les évêques Tomicki, Laski, Krzycki, le cardinal Olesnicki... Sous leur impulsion s'ouvrent partout des écoles de tout niveau. Au début du XVIe siècle, une commission composée de grands dignitaires de l'Eglise, Tomicki, Laski, et Konarski, est chargée de réformer avec l'accord du Pape l'enseignement de l'Université de Cracovie. Celle-ci jouit alors d'une réputation européenne, avec des étudiants comme Copernic et Bebel, des professeurs comme Laurentius Corvinus (Rabe) et Aesticampianus (Jean Roeck de Sommerfeld); les humanistes affluent, attirés par le riche patriciat de Cracovie. L'autre foyer de culture renaissante est la Cour royale elle-même, surtout depuis le mariage de Sigismond r• avec Bona Sforza, dont la présence personnifie l'influence de l'Italie. C'est dans cet entourage que l'on voit fleurir le premier groupe de poètes néo-latins proprement polonais: Paul de Krosno, Jean de WisJika, Jan Dantyszec.k, surtout l'évêque courtisan Crzycki - et son protégé, modeste fils de paysan, Clément J anicki. Malgré une certaine décadence de l'Université de Cracovie, la deuxième moitié du siècle ne dément pas les promesses de ces débuts. Depuis 1518, le luthérianisme a fait de rapides progrès et surtout, depuis 1540, le calvinisme. Mais c'est dans un climat de tolérance à peu près unique en Europe. D'ailleurs, la contre-attaque catholique qui s'organise autour du cardinal Hosius, auteur d'une Confusio fidei catholicae (1553) finira par regagner une grande partie du ter-

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rain perdu. Après la mort de Sigismond Il (1549-1572) et le bref intermède d'Henri de Valois, la noblesse a porté au pouvoir le prince transylvanien Stephan Batory. Son bras droit, Jan Zamoyski (15411605), grand capitaine, mécène et distingué humaniste, faute de pouvoir créer à Cracovie un Collège royal à l'exemple de celui de François r·, persuade le roi d'ériger en université le collège Jésuite de Wtlno (1579), et lui-même fonde dans sa ville de Zamosc une académie dont le privilège sera confirmé en 1601 par Sigismond m. Il est lié avec les poètes Kochanowski,Klonowicz, Simon Szymonowicz (Simonides), le « Pindare latin », qui célèbre le héros national dans

son Aelinopaean. On sait que le premier d'entre eux, Kochanowski, est salué surtout comme le père de la littérature polonaise : désormais, en effet, la littérature en langue nationale va prendre le relai, mais enrichie par la tradition de culture antique. Il reste que pendant près d'un siècle la poésie latine a porté témoignage de l'âme polonaise. A l'aisance italienne, tôt acquise, comme en témoignent déjà les poèmes de Krzycki, et qui s'est encore affinée dans les Foricoenia de Kochanowski, elle ajoute en effet des traits originaux : avant tout, un profond sentiment national inspire aussi bien la satire politique, que le lyrisme patriotique ou encore, chez Hussanovius ou Klonowicz, la grande poésie de la terre polonaise. L'essor de la langue vulgaire ne signifie d'ailleurs pas la mort de la poésie en latin, car au même moment le triomphe de la Contre-Réforme et l'installation des Jésuites favorisent l'éclosion d'une esthétique latine baroque dont le plus beau représentant est Maciej Sarbiewski. ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE L ÉTUDES GÉNÉRALES

HISrOIRB : A. JOBERT, Histoire de la Pologne, Paris 19S3, rééd. 196S ; S. KIENœWICZ, dir., Histoire de la Pologne, trad. fr. revue par J. LB GoPP,Vanovie 1971. ; H. BoooAN,Histoire de la Hongrie, P.U.F., Paris 1967. HUMANISME ET POÉmE LATINE. En Pologne: J. KALLENBACH, Les humanistes polonais, Fribourg 1891 ; M. KASTERKA, Les poètes latins polonais, Fribourg 1891 ; C. MORAWSKI, Histoire de l'Université de Cracovie, trad. fr. de P. Rouo1ER, Paris-Cracovie 1900-1903 ; A. JOBERT, L'Université de Cracovie et les grands courants de pensée du XVJe siècle, in c Revue d'Hist. mod. et cool >, I, 1954, p. 213-22S; K. KUMANIECICI, La poésie latine en Pologne à l'époque de la Renaissance (1460-1620), in c Bull. Ass. G. Budé > XX (1961), p. S80-593; S. KoT, L'humanisme et la Renaissance en Pologne, c.r. des publications des années 1939-19S2, in c Bibl. Hum. et Ren. > XIV (19S2), p. 348-373 et XV (19S3), p. 233-238 ; M. CYTowsKA, Poetae Polono-

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latini qui renascentium litterarum aetate floruerunt quo modo poesiam Augusti temporis compositam imitati sint (en polonais, rés. en latin), c Meander >, XI (1956), p. 182-191 ; K. LEPSZV,La Renaissance en Pologne et ses liaisons internationales, Varsovie 1962; V. S. Kovacs, Forschungsprobleme des Humanismus der lage/lo-Zeit vom Gesichtpunkt der vergleichendenliteraturgeschichte, c Acta Litteraria Academiae Scient. Hungar. >, V (1962), p. 399 ss. En Hongrie : T. KARDOS,A Magyar orsz.agi humanismus kora (L'époque de l'humanisme en Hongrie), Budapest 1955 ; m., A Magyar humanismus kerdései (Les questions de l'humanisme hongrois), in c A Magyar Tudomanyos Akademia > 1, t. IV (1953), p. 149-179; A Magyar humanismus olasz. Kapesolataina/c alakulasa és jellege (La formation et le caractère des relations italiennes de l'humanisme hongrois), ibid., t. XVII (1961), p. 113-138; ANTE KADIC, Croatian Renaissance, in c Stud. in the Ren. >, VI (1959), p. 28-35, ID., The Croatian Renaissance, in c Slavic Rev. >, XXI (1962), 65-88; Tibor KLANICZAY, La Renaissance hongroise, in c Bibl. Hum. et Ren. > XXVI (1964), p. 439-475 ; Raban GERÉZDI,Janus Pannoniust61 Balassi Bdlintig Tanulmlmyok (De J. P. à Valentin Balassa : études [sur les poètes humanistes hongrois des XV" et xvl" siècles]), Ak. K.iad6 Budapest 1968 (en hongrois; importante bibliographie, p. 513-520); V. GORTANet VI. VRATONIC, The basic characteristics of Croatian latinity, in c Human. Lovan. >, XXI (1971), p. 37-73. Enfin, l'histoire de la Bohême étant étroitement liée à celle de la Pologne et de la Hongrie, on pourra voir également : H. RuPPRICH, An/iinge des Humanismus in Bohmen, in Die Frühz.eit des Humanismus und der Renaissance i11Deutschland, Leipzig 1938, p. 7-18; 1. KRoKOWSKI, L'humanisme tchèque (en polonais), c Eos >, XLIX, 2 (19571958), p. 244-248 ; R. SVOBODA,Culture antique et culture tchèque depuis la Renaissance jusqu'à la première Guerre mondiale, Prague 1957; J. HRABAK, Dejiny Ceské Literatury (Histoire littéraire de Bohême), Starsi ceskà literatura vol. I, Prague 1959, p. 281-379 : Fr. SVEJKOWSKI, (Histoire de la littérature latine des années 1470-1620); Rukovét humanistického Basnictvi, Enchiridion Renatae Poesis, Prague 1966 (inventaire commencé par A. TRUHLAlet C. HRDINA,poursuivi par J. HEJNIC et J. MARTfNEK),4 vol. 2. ANTHOLOGIES Johannes PHILIPPOPARENS, Delitiae poetarum Hungarorum, Francfort 1619 : J. G. BoHME, Poetarum Polonorum carmina pastoralia, 2• éd., Altenbourg 1779 ; T. K.ARDOs,A Renaissance Magyarorsz.agon (La Renaissance hongroise), Budapest 1961, 686 p. (œuvres des humanistes hongrois, et notamment de Janus Pannonius). 3. COLLECTIONS

Corpus antiquissimorum poetarum Poloniae latinorum usque ad 1. Cochanovium, Cracovie 1887 ss. (vol. 2, 3, 4, 5 publiés); Hrvatski Latinisti (Latinistes Croates. Voir analyse dans Ante Kadic, art. cit.); également Stari Pisci Hrvatski (Vieux écrivains croates), vol. XXI, Zagreb 1954 : La Davidias de Marko Marulic (1450-1524) d'après le ms. découvert à Turin par C. DIONISETTI,

IANVS PANNONIVS (1434-1472)

Né en 1434, JANOSKEslNCEI (Janus Pannonius) est le neveu du chancelier hongrois Janos Vitez. Celui-ci, désireux d'en faire plus tard un haut dignitaire, l'envoie étudier à Ferrare, où il est l'élève du célèbre Guarino de Vérone, et à Padoue, où il apprend le droit canonique. Nommé à son retour évêque du diocèse de Pecs, il est l'ami et le confident du chancelier et du roi. Mathias Corvin le nomme vicechancelier, le désigne pour une ambassade en Italie en 1465. Mais bientôt des dissentiments politiques opposent l'oncle et le neveu à un souverain trop autocrate à leurs yeux. Tous deux participent à la conjuration qui devait mettre sur le trône le prince Casimir de Pologne. Mais ils échouent. Janos Vitez, éloigné dans une forteres.,e, ne survit pas à son incarcération. Pannonius organise d'abord à Pecs la .-ésistance armée aux troupes royales, mais doit s'enfuir. Sa santé, usée par la tuberculose, ne résiste pas à ces événements et il meurt à son tour en 1472, lgé de trente-huit ans.

Dans son Panégyrique de Guarino, à la fois pieux hommage rendu au maître et adhésion fervente aux grands mythes culturels de la Renaissance, Pannonius déclare avec fierté qu'il sera le premier à faire venir les Muses des rives du Pô en Hongrie. La Renaissance italienne est en effet la source première de sa poésie. Sa production à l'époque de Ferrare et de Padoue ne diffère en rien des meilleures productions italiennes du xve siècle. C'est vrai notamment des Epigrammes, commentaire spirituel des faits quotidiens de la vie du poète : amitiés et brouilles, amours platoniques et aventures légères, joutes poétiques ... Cette peinture vive d'une petite société de jeunes humanistes s'élargit par la satire d'actualité : des flèches acérées criblent la papauté cupide, les aubergistes voleurs qui vont s'enrichir à l'occasion du Jubilé de 1450. Le poète a été formé à bonne école : toutes ces pièces, qui gardent l'allure - et ta saveur - de l'improvisation, ont toutes les qualités de la vraie épigramme : vivacité, énergie, brillant, netteté. Pannonius n'abandonnera pas le genre épigrammatique après son retour dans son pays (de cette époque datent même quelques-unes de ses pièces les plus agréables, comme la délicieuse évocation d'un amandier fleuri au milieu des frimas de Hongrie). Mais il donne alors surtout de fort belles élégies : sur la mort de sa mère, sur sa maladie, au sommeil, à son âme ... La forme est des plus classiques. Trop alourdie de souvenirs mythologiques pour égaler les poèmes de Stace ou de Jean Second sur le même sujet, l'élégie au Sommeil contient cependant quelques merveilleux coups d'archet. Mais le vers élégiaque n'a pas seulement pour fonc-

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tion de muer la tristesse en musique : il ouvre la pente à la r6flexion, à la méditation, il est instrument d'analyse. Le poète malade et vieillissant traverse-t-il une crise spirituelle? C'est ce que donne à croire le divorce évident entre les consolations chrétiennes dont il berce sa douleur dans l'élégie sur la mort de sa mère, et le pessimisme panthéistique d'un poème comme l'inondation; ou l'élégie à son âme, peut-être sa méditation la plus haute, où l'aspiration, platonicienne et plotinienne, de l'âme, à regagner sa patrie originelle, se conclut sur le souhait étrangement désespéré de ne jamais renaître sous la forme humaine.

TEXTE : Iani Pannonü Opera, multo quam antea et auctlora et emendtztloraln lucem edlta, BAie, s.d. •• ; lani Pannonii Poemata quae uspiam reperiri potuerunt (l'" éd. crit.), Traject. ad Rhcn., 1784 ••• ; J. Pannonius, Poèmes et lplgrammes, Zagreb, 19Sl (c Hrvatski Latinisti :., vol. Il); Jani Pannonü o,,.ra lat. et hungar. vivae memoriae J. P., Budapest, Renaiss. Inst. of the Acad., 1972, 600 p. ; Jani Pannonii carmina selectiora ••, par Tibor KAJmos,venioll française de J. RoussELOT,M. MANoLL, P. CHAULOT,Budapest, 1973.

ETUDES : R. GERBZDI, Eine Mitttleuropaischer Dichttr u. Humanut : /. P., in c Acta litteraria Academiae Scicntiarum Hungaricae •• V, 1962, p. 384 ss; P. SANTAllCANOEU, Un umanista magiaro : Giono Pannonio nel quinto centenario della morte, in c Atene c Roma :., N.S. xvm (1973), p. 154-165.

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I VI THRENOS DE MORTE BARBARAE MATRIS

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... Nec uero illorum quisquam neget esse gemendos Interitus, uitae quis mora longa fuit. Syncerus nullos affectus computat annos, Quicquid ames, nunquam consenuisse putes. Tene ego, post duodena licet quinquennia raptam, Non fletu et lacrymis prosequar alma parens ? Tu me conceptum genitali in sede tulisti, Exigeret menses dum uaga luna decem Forsitan et duri rupissent uiscera partus, Ni tibi nitenti Iuno tulisset opem. Exin progenitum gestasti mollibus ulnis, Ac tua sunt labris ubera pressa meis. Tu me complecti, tu me, uelut unicus essem, Comere, tu blando sueta fouere sinu. Longe Liuor eat : geminos me praeter habebas, Sed tamen ambobus charior unus eram. Omen inest genitis, et habent praesagia matres, An magis in sera stirpe moratur amor ? Hinc ubi iam certo fixi uestigia gressu, Desiit et blaesos frangere lingua sonos, Protinus ingenuas docilem transmittis ad artes Ocia nec pateris ducere lenta domi. Quicquid lana tibi, quicquid tibi tela lucelli Attulerat, merces erudientis erat. Imbiberam tenerae uix prima elementa Mineruae Nec mala uenturi iam documenta dabam, Cum tuus Ausonias tradit me frater ad oras, Longinquo et Musas quaerere in ore iubet. Illius impensa Venetas celebrauimus urbes, Dum sol undecies per sua signa redit. Quod desyderium tanto tibi tempore nostri ? Quanta inter dubios gaudia saepe metus ? Ast postquam patriae me reddidit ltala tellus, Obtigit et iuueni pontificalis honos, Non fuit ulla tuae sedes tam grata senectae, 1

VI Eegia tertia B41e s.d.

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I VI CHANT FUNÈBllB POUR SA MÈRE

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... Personne n'osera prétendre qu'on ne doit pas pleurer la mort de ceux qui ont eu une longue vie. Une affection sincère ne tient pas le compte des ans et on ne voit pas vieillir ce qu'on aime. Pouvais-tu m'être enlevée, même après douze lustres de vie, sans que je t'accompagne de mes larmes, ô ma mère ? C'est toi qui m'as conçu et porté dans ton sein jusqu'à ce que la lune ait accompli dix mois dans sa course et peut-être un dur accouchement eQt-il déchiré tes entrailles si Junon ne t'avait aidée en tes efforts. Phis tard, tu m'as porté dans tes tendres bras et tu as pressé ton sein contre mes lèvres. Tu m'as toujours cajolé, paré, tenu sur tes genoux comme si j'étais ton fils unique. Au loin l'Envie I Tu avais deux autres enfants et pourtant je t'étais plus cher que les deux autres. Y a-t-il des enfants prédestinés et les mères ont-elles des pressentiments, ou bien l'amour maternel s'attache-t-il davantage au dernier né ? Dès que mes pas sont devenus assurés et que ma bouche a cessé de balbutier des sons inarticulés, aussitôt tu m'as envoyé étudier les arts libéraux, ne voulant pas que je reste à paresser à la maison ; et le peu d'argent que te rapportait la laine que tu filais, la toile que tu tissais, était employé à payer mon précepteur. Ma jeune intelligence venait tout juste d'assimiler les rudiments et on pouvait bien augurer de mon avenir quand ton frère m'envoya en Italie et me conseilla d'aller à la rencontre des Muses sur ce sol étranger. C'est à ses frais que je séjournai dans les villes de Vénétie tandis que le soleil parcourait dix fois le zodiaque. Comme tu a dû soupirer après moi pendant tout ce temps I Que de joies venaient compenser ta crainte anxieuse! Mais quand la terre italienne m'eut rendu à ma patrie et que, malgré ma jeunesse, la prélature m'eut été confiée, aucun séjour ne parut plus agréable à ta vieillesse que le modeste

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Quam prope me modicoa incoluiae Lana. Hic modo delicias nobis studiosa parabas, Nunc trepida nebas linea texta manu, Donec fila tibi torquere nouissima Clotho Coepit, et extremos annumerare dies. Conuenit audito tristis uicinia casu, Nec capiunt densas atria lata nurus. Flebant cognatae, nuper tua cura, pucllae, Clausura et uisus filia moesta tuos : Ast ego blanditiis animum solabar anilem. Tristitiam uultu diMimulante tcgens, Scilicet augeret mea ne tibi cura dolorcm, Anxia neu fieres anxietate mea. At tu nec tanto genitricem oblita periclo, Dolce tibi aiebas, me superantc, mori. Quaerebant nostros iam caligantia uultus Lumina nec nomen deerat in ore meum, Cum subito in uacuas discedens spiritus auras, Destituit tepido frigida membra thoro. Mater io cur me rerum inter prosperalinquil? Hoc tibi uiuendum tempore, mater, erat : Cum me florentem, cum me spectare beatum, Cum poteras omni commoditate frui. Pupillae, et certe nondum nupsere, sororcs, Turba magisteriis instituenda tuis. Ouarum quis molles nunc imbuet artibus annos? Quis tenerae custos uirginitatis erit? Accipe chara parens nostri monumenta doloris, Non ampla artifici structa sepulcra manu, Nec Mausolei pendentis in acre motem, Nec ruiturarum culmina Pyramidum, Psallentum sed rite choros, sed thuris odorcs, Sed cum flebilibus uerba tremenda modis... XI AD SOMNYII

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Cimmeria seu ualle iaces, seu noctis opacae Axe sub occiduo motlia strata premis, Seu tua gentili madidum te nectare Lemnos P~itheae tepido detinet in gremio, Seu louis ad mensas resides conuiua supemas, Inter siderei numina sancta poli, 1 XI B8/e.

eleaia duodecima &fk 1.tl. Tlt. Ad Somnum, cum dormlre Deqlliœt

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logis où tu vins auprès de moi. Là, ton unique souci était de me rendre la vie heureuse. Je te revois tissant le lin de tes mains tremblantes jusqu'au jour où Ootho commença, filant pour toi les derniers fils, à compter les jours qui te restaient à vivre. A cette funeste nouvelle les voisines émues accoururent et ma vaste demeure ne pouvait contenir toute cette foule. Les jeunes parentes dont tu avais pris soin étaient tout en larmes, tout en larmes ta fille qui s'apprêtait tristement à te fermer les yeux. Moi, cependant, je m'efforçais par de douces paroles de consoler ton âme, ma pauvre vieille maman, masquant ma tristesse et composant mon visage afin que ton angoisse ne s'augmentât pas de mon souci et que tu ne fusses pas inquiète en voyant mon inquiétude. Mais toi, dans un si grand péril, tu n'oubliais pas que tu étais mère : c Il m'est doux, disais-tu, de mourir en te sachant vivant. > Tes yeux qu'envahissaient les ténèbres de la mort cherchaient mon visage et ta bouche répétait mon nom lorsque ton âme tout à coup, s'envolant au ciel, sur le lit tiède abandonna tes membres glacés. Ma mère, hélas! pourquoi me laisses-tu en pleine réussite? C'est maintenant qu'il te fallait vivre, maintenant que tu pouvais voir ton fils honoré et heureux, maintenant que tu pouvais jouir de ces avantages. Et mes jeunes sœurs non encore mariées, qui maintenant façonnera leurs jeunes années, qui sera le gardien de leur virginité ? Reçois, chère mère, le monument de ma douleur. Ce ne sera ni un imposant tombeau érigé par un artiste, ni la masse d'un Mausolée suspendu dans les airs, ni le faîte de Pyramides promises à la ruine, mais le chœur rituel chantant les Psaumes, mais les parfums de l'encens, mais ce chant funèbre dit d'une voix tremblante sur une musique plaintive... XI AU SOMMEIL

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Que tu gises en la vallée cymérienoe ou qu'à l'Occident tu reposes mollement dans l'épaisseur de la nuit, que ta chère Lemnos, humide de nectar, te retienne sur le sein tiède de Pasithée• ou que tu sois assis là-haut, à la table de Zeus, au milieu des divinités du ciel étoilé - peut-on en effet t'imaginer,

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Nam quis tam mitem crudelibus inserat umbris, Orci qua fauces horrida monstra tenent ? Huc ades, o hominum simul et rex, Somne, deorum, Huc ades et placidus languida membra leua ! Septima iam fulget pulsis aurora tenebris, Pectora ut in duro uoluimus aegra thoro. Multum equidem morbus, sed plus insomnia torquet, Ante diem uires obruit illa meas. Quod modo corpus erat, nunc est cutis ossibus haerens, Nunc tantum larua est, qui modo uultus erat. Comprimo saepe genas, et lentum inuito soporem, Nec tamen in pressas labitur ille genas : Tantum dira meis monstra obuersantur ocellis, Queis nasi ingentes, et Stygiae effigies, Qualeis Alcmaeon, quales cemebat Orestes, Qualeis tu caeso, Romule maeste, Remo. Immites Superi, facileis per littora phocas Stemitis, et gliri tota cubatur hyems. 1am pecudum uobis maior quam cura uirorum, At genus hoc uestrae semina stirpis habet. Si tamen Endymion triginta dormüt annos, Causa erat ut Lunae gaudia longa forent. Huc ades, o hominum simul et rex, Somne, deorum, Huc ades et placidus languida membra leua f Te Lethaea parens ad lumina progenuit Nox Cyaneos multo sidere picta sinus : Praebuit et plantis alas, et comua fronti, Ac ferrugineam ·texuit ipsa togam. Addidit et comites totis tibi moribus aptos, In quibus est segnis Torpor et uda Ouies. Sunt et mordaces pulsura Obliuia curas, Sunt testudineos Otia nacta pedes ; Muta sed in primis tibi adesse Silentia iussit Assidue murmur quae procul omne fugant. His tu quicquid agis semper stipare ministris, His quicquid toto uiuit in orbe domas. Huc ades, o hominum simul et rex, Somne, deorum, Huc ades et placidus languida membra leua f Serus ab obscuris te suscitat Hesperus antris, Oarus in atra iterum Lucifer antra fugat. Luce uacas ipsiue tibi, dulciue Lyaeo, Facta e nigranti fulcra premens hebeno. 47

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dieu si doux, au milieu des ombres cruelles, là où des monstres horribles gardent l'entrée des Enfers? -, viens, Sommeil, roi des hommes et des Dieux et de ta douce main délasse mon corps fatigué. Déjà, la septième aurore de sa lueur a chassé les ténèbres : sept jours que je me tourne et retourne, malade, sur ma couche dure. Quoique la maladie me tourmente, je souffre encore plus de l'insomnie, c'est elle qui prématurément use mes forces. Au lieu de mon corps d'hier, je n'ai plus maintenant qu'un squelette desséché, un masque mortuaire a remplacé mon visage. La joue pressée contre l'oreiller, j'appelle en vain le repos, il refuse de glisser sur ma joue. Je ne réussis qu'à faire surgir des visions de cauchemar, monstres aux becs horribles, figures échappées de l'Enfer, comme en vit Alcméon • ou Oreste •, ou toi encore, malheureux Romulus, après le meurtre de Rémus. Dieux cruels, vous voulez que les phoques sur le rivage gotltent l'abandon du sommeil, que le loir dorme tout l'hiver. Vous vous souciez plus des bêtes que des hommes, et pourtant, notre race tient sa semence de la vôtre. Endymion, il est vrai, a dormi trente années, mais c'était pour satisfaire plus longtemps le caprice de Diane. - Viens, Sommeil, roi des hommes et des Dieux et de ta douce main délasse mon corps fatigué. Tu es fils de la Nuit porteuse d'oubli, la Nuit dont le sein bleu est constellé d'étoiles : elle a muni d'ailes tes talons, orné ton front de cornes et t'a tissé un vêtement couleur de fer. Elle fa adjoint des compagnons bien accordés à toi, la Torpeur alanguie et le Repos rafraîchissant, et aussi l'Oubli qui chasse les soucis mordants et le Loisir à la démarche paressc:use. Mais surtout elle a ordonné que tu sois toujours escorté du Silence qui tient à l'écart tous les bruits. Telle est la suite des serviteurs qui t'assistent dans tout ce que tu fais. C'est avec leur aide que tu domptes tout ce qui vit dans le monde. - Viens, Sommeil, roi des hommes et des Dieux et de ta douce main délasse mon corps fatigué. Vesper t'éveille sur Je soir et t'arrache à ton antre obscur, le brillant Lucifer t'y renvoie quand il met en fuite les astres. Le jour tu te délasses ou tu te livres à la douce ivresse, étendu

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In tenebria uolitas, et latum spargis in orbem Lecta soporiferis grana papaucribus, 0uae postquam in terras ceciderunt, oppida et urbcs, Aequoris et fluctus, et nemora alta silent. Tu potes et patulo luctanteis aere ventos, Tu potes et rapidi sistere solis equos ; Si libeat, stabunt iam fusi nubibus hymbres, Haerebunt medio fulmina torta polo. Te quondam custos aurati uelleris Hydrus Sensit et anguineis torua Medusa comis. Dum tibi uicta fouet Tithonum longius Eos, In louis officium nox geminauit iter. Huc ades, o hominum simul et rex, Somne, deorum, Huc ades et placidus languida membra leua ! Non ingratus ero, uiridi de caespite surget Fumatura tuis baud semel ara sacris. Hic tibi ponetur tenerum iecur anseris albi, Altera cristatus uictima gallos erit. Haec super adüciam flaui duo cymbia mcllis, Ac totidem lactis cymbia mixta mero. Aime pater rerum, miserae pars optima uitae, Mens simul et corpus quo recreante uigent, Index uenturi, superas qui mittis ad oras Somnia per geminas illa uel illa fores : Sit tibi parua dies, et sit nox annua semper, Nec desit longae copia desidiae, Sic sine fine tuo facilem se praestet amori Inter Acidalias maxima Naiadas. Huc ades, o hominum simul et rex, Somne, deorum, Huc ades et placidus languida membra leua ! XII AD ANIMAM SVAM

A. MCCCCLXVI

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Mens, quae lactiferi niueo de limite circi, Fluxisti bas nostri corporis in latebras Nil querimur de te, tantum probitate refulges, Tam uegeto polies nobilis ingenio. Nec te, dum porta Cancri egrederere calentis, Lethaeae nimium proluit humor aquae. Mystica qua rapidum tangit Cratera Leonem. 7S uicta 1784 : iuncta B.U.. 1 XII Eleaia quattuordecbna B8le s.d.

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sur ton lit de noire ébène. Tu voles à travers les ténèbres et sèmes sur toute la surface du globe les graines du pavot qui endort. Et, lorsqu'elles sont tombées sur la terre, citadelles et cités, mers et rivières, les hautes forêts enfin demeurent silencieuses. Tu as le pouvoir d'apaiser les vents qui se combattent dans l'immensité des airs ou d'immobiliser dans leur course les chevaux du Soleil. Si tel est ton désir, les pluies resteront suspendues dans les nuages et les éclairs zigzaguants se fixeront au milieu du ciel. Il ont senti autrefois ta puissance, le dragon • gardien de la Toison d'Or et Méduse • aux cheveux emmal& de serpents. Et tandis que, se faisant ta complice, l'Aurore s'attardait dans le lit de Tithon, pour complaire à Jupiter, la nuit a déroulé une seconde fois son cours. Viens, Sommeil, roi des hommes et des Dieux et de ta douce main délasse mon corps fatigué. Je ne serai pu ingrat. Je t'édifierai un autel de vert gazon qu'auréolera souvent la fumée des sacrifices. J'y poseraipour toi le foie tendre d'une oie immaculée, j'y sacrifierai un coq à la belle crête. J'y disposerai aussi deux jattes de miel blond et encore deux jattes de lait mêlé de vin pur. Père nourricier, seule part heureuse d'une vie infortunée, grAce à qui le corps et l'esprit se régénèrent, prophète du futur, qui fais apparaître les visions des songes par la porte de corne ou la porte d'ivoire, puisse le jour se raccourcir pour toi et la nuit durer une année entière, puisses-tu goOter longuement le repos et, si tu réponds à mes vœux, puisse la plus belle des Naïades d' Acidalie • répondre 6temellement à ton amour. - Viens, Sommeil, roi des hommes et des dieux et de ta douce main délasse mon corps fatigué.

XII À SON ÂME

(écrit en 1466)

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0 mon Ame qui, née aux blanches frontières de la voie lactée, t'es glissée dans les ténèbres de mon corps, je n'ai pas de reproche à te faire : âme bien née, tu brilles si loyalement, tu vivifies si bien mon esprit de ta vigueur ! Au moment où tu franchissais les portes du Cancer brOlant, tu n'as pas bu à l'excès de l'eau d'oubli, dans cette région du ciel où la Coupe fabuleuse touche le Lion dévorant. Cest depuis ce point qu'une ligne

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Vnde leuis uestrum linea ducit iter. Hinc tibi Saturnus rationem, luppiter actum, Mars animos, sensum Phoebus habere dedit Affectus Erycina pios, Cyllenius artes, Augendi corpus Cynthia uim tribuit, Cynthia, quae mortis tenet et confinia uitae, Cynthia sidereo subdita terra polo. Carnea prae coelo sed si tibi testa placebat, Hac melior certe testa legenda fuit. Nec me staturae, uel formae poenitet huius, Sat statura modi, forma decoris, habet. Poenitet infirmos teneri quod corporis artus, Molle Promethea texuit arte lutum. Nam mala temperies discordibus insita membris, Diuersis causas dat sine fine malis. Continua ex udo manat pituita cerebro, Lumina nescio quo saepe fluore madent. Efferuent renes, et multo sanguine abundat Sub stomacho calidum frigidiore iecur. An te forte ideo gracilis compago iuuabat, Vt saperes tenui carcere clausa magis ? Sed quid in aegroto sapientia pectore prodest ? Non ego cum morbo Pittacus esse uelim. Nec molem Atlantis cupio, roburue Milonis, Sim licet exilis, dummodo sospes agam. Aut igitur commissa diu bene membra foueto, Aut deserta, cito rursus in astra, redi. Verum ubi millenos purgata peregeris annos, Immemoris fugito pocula tarda Jacus. Tristia ne priscis reddant te obliuia curis, Neu subeas iterum uincla reposta semel. Quodsi te cogent immitia fata reuerti, Quidlibet esto magis quam miserandus homo. Tu uel apis cultos lege dulcia mella per hortos, Vel leue flumineus concine carmen olor. Vel siluis pelagoue late; memor omnibus horis, Humana e duris corpora nata petris.

10 Phoebus abunde dedit Bâle. 43 latens B4k.

18 modi

modum B4k.

ÉLÉGIES

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légère trace ta route. En chemin, Saturne t'a douée de raison, Jupiter d'énergie, Mars de courage, Phoebus de sensibilité. Erycine • t'a accordé les affections tendres, le dieu de Cyllène • le don des arts, Cynthie • la force de croissance, Cynthie qui se tient aux frontières de l'éternel et du périssable, Cynthie, placée au plus bas de la voOte céleste. Mais, puisque tu as préféré à la demeure céleste celle d'un vase de chair, tu aurais dO en choisir un plus robuste. Certes, je ne me plains ni de ma taille ni de mon apparence : je suis grand et non sans beauté. Mais je me plains de mon manque de force. Prométhée m'a pétri d'une argile trop tendre. Mes membres constituent un mauvais alliage et je suis sans cesse la proie de maux multiples. Mon front moite ruisselle de sueur, mes yeux s'emplissent souvent de je ne sais quelle humeur malsaine, une douleur cuisante tenaille mes reins et sous mon estomac glacé mon foie brOlant se congestionne. Peut-être souhaitais-tu d'habiter un organisme si chétif pour que la fragilité même de ta prison te permît d'avoir encore plus de sagesse. Mais de quoi sert la sagesse dans une poitrine malade? Je ne voudrais pas, au prix de la santé, être même un Pittacus •. Je ne désire pas non plus la carrure d'Atlas ou la force de Milon. Je m'accommoderais d'avoir le corps grêle pourvu que ma santé soit ?réservée. Donc, ou bien préserve ce corps dont tu as depuis longtemps la charge, ou bien alors retourne vite vers ces astres que tu as abandonnés. Mais, quand tu te seras purifiée en traversant des millénaires, prends garde de ne pas boire l'eau languissante du lac qui abolit la mémoire afin que le funeste oubli ne te rende pas à tes soucis d'antan, afin de ne pas te retrouver prisonnière des chaînes dont tu t'étais libérée. Et si un sort cruel te forçait à revenir ici-bas, sois n'importe quoi plutôt qu'une misérable créature humaine; sois une abeille qui butine, pour faire son doux miel, les fleurs des jardins, ou un cygne qui chante doucement sur le fleuve, ou bien encore choisis la retraite des forêts ou de la mer ; mais souvienstoi à chaque instant que le corps de l'homme est né du dur rocher.

EPIGRAMMATA VII AD MARTEM, PRECATIO PRO PACE

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Gradiue, quinti clare dominator poli, Spargens coruscas luce sanguinea iubas, Ionone magne genite, Saturni nepos, Tutela caeli, summe Titanum timor, Gaudens tropaeis, pacis ac belli arbiter, Decorator hominum, consecrator Numinum, Gradiue ferro tecte semper fulgido, Vastator agrum, dissipator urbium, Vacuator orbis, Tartari impletor trucis, Potor cruorum, deuorator corporum, Lues uirorum, mulierum execratio, Ditator inopum ; pauperator diuitum, Osor quietis, genitor obscenae famis, Auctor pauorum, concitor formidinum : 1am parce fessis, quaeso, Pannoniis, Pater ! XXVIII DB AMYGDALO IN PANNONIA NATA

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Quod nec in Hesperidum uidit Tirynthius hortis, Nec Phaeaca lthacae dux apud Alcinoum, Quod fortunatis esset mirabile in aruis, Nedum in Pannoniae frigidiore solo : Audax per gelidos en ! floret amygdala menses, Tristior et ueris germina fundit hyems. Progne, Phylli, tibi fuit expectanda ; uel omnes Odisti iam post Demophoonta moras ? LUI DB PAVLO SVMMO PONTIFICE

Sanctum non possum, patrem te dicere possum, Cum uideo natam, Paule seconde, tuam.

EPIOJtAMMATA

hau

om11ia prim11m habet 1784.

ÉPIGRAMMES VII

À MAU, PIUèllB POUll LA PAIX

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0 Gradivus, illustre chef du cinquième ciel, qui verses une lumière sanglante sur les casques étincelants, fils de la grande Junon, petit-fils de Saturne, protecteur des cieux, suprême effroi des Titans, toi que réjouissent les trophées, qui décides de la paix ou de la guerre, qui glorifies l'humanité et sanctifies la divinité, ô Mars toujours vêtu d'airain resplendissant, toi qui dévastes les campagnes et anéantis les cités, qui dépeuples la terre pour peupler le cruel Tartare, toi qui bois notre sang et te repais de notre chair, qui assassines les époux et que les épouses maudissent, toi qui enrichis les pauvres et appauvris les riches, ennemi de la quiétude, père de la hideuse famine, toi qui fais naître la terreur et déchaînes la panique, désormais, Père, épargne, je t'en prie, la Pannonie épuisée•.

XXVIII SUR. UN AMANDIERNÉ EN PANNONIE

s

Ce qu'Hercule n'a pas vu dans le jardin des Hespérides, ce que le roi d'lthaque n'a pas vu chez Alcinoos en Phéacie, ce qui serait déjà merveilleux en une contrée bénie, à plus forte raison sur le sol glacé de la Pannonie, voyez-le : un amandier audacieux se couvre de fleurs au milieu des frimas et le triste hiver déploie les grâces du printemps. Phyllis •, tu aurais d0 attendre Procné • ; mais sans doute tout retard t'est-il odieux depuis Démophoon? \ LIii

SUR LE PAPE PAUL

Quand je vois ta fille, Saint Père, que te dire ? Saint, assurément pas ; père, certainement.

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JANVS P ANNONIVS

CCXIV DE SIGISMVNDOMALATESTA, TYRANNO AR.IMINI

Vrbis Arimineae modicus Malatesta tyrannus Caesaribus summis maior in orbe sonat. Sic e formica faciunt elephanta poetae, Cogunt et muscas fulmina ferre louis. CCXLVIII DERIDET EVNTES ROMAM

AD IVBILEVM

Hispani, Galli, Sclauini, Teutones, Hunni, aauigeri petitis limina sancta Petri. Quo ruitis, stulti, Latios ditare telonas ? Saluari in patria siccine nemo potest ?

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louis dubitanter ego : Joui 1784.

ÉPIGRAMMES

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CCXIV

SUR SIGISMOND MALATEST A, TYRAN DE RIMINI •

Le nom de Malatesta, dérisoire tyran de Rimini, fait plus de bruit dans le monde que celui des illustres Césars. Ainsi, les

poètes muent les fourmis en éléphants et font brandir aux mouches les foudres de Jupiter. CCXLVIII OÙ L'AUTEUR SE MOQUE DE CEUX QUI VONT À ROME POUR LE JUBILÉ •

Espagnols, Français, Esclavons, Allemands, Sarmates. vous vous dirigez vers le seuil sacré de Pierre porteur des clés. Pauvres fous, pourquoi venir remplir les caisses du Latium ? Ne peut-on faire son salut dans sa propre patrie ?

IOHANNES SAMBVCVS (1531-1584)

N, en 1531 à Tymau d'une riche famille patricienne. loHANNU S.uaucua a fnquent6 trà jeune les universités d'Allemagne, puis de France, où il s'est 1~ avec Lambin, Turnèbe, Dorat; il se fait recevoir en 1555 licencié en mMecine à Padoue, visite a1111ile reste de 11talie et fait la connaissance des principaux érudits do ce pays. parmi lesquels Achille Boschius, qu'il appelle son père spirituel. Fulvio Orsini, Paul Manuce. Au cours de ces voyages qui durèrent vingt-deux ans, il put recueillir un grand nombre de mMailles antiques et de manuscrits d'anciens auteurs. (On lui doit la découverte de plus de huit cents lettres des Pères de l'Eglise. d'un fraamentde Pétrone, des Dionysiaques de Nonus ...) Il retourna ensuite, par les Pays-Bas, en Autriche : l'empereur Maximilien II le nomme historiographe de la maison des Habsbourg, emploi qu'il conservera sous Rodolphe Il. Mais il meurt d'apoplexiele 13 juin 1584 à cinquante-trois ans. lépant sa collection de manuacrita et de m"1ailles à la Bibliothèque impériale de Vienne.

L'activité, l'œuvre, la réputation européenne de Sambucus sont une des meilleures preuves de la vitalité des études humanistes en Hongrie après 1526. Sambucus est avant tout un érudit, son œuvre poétique elle-même est de caractère didactique : Carmina ethica, Icones, ou épigrammes destinées à illustrer les portraits gravés de médecins célèbres, anciens et modernes; surtout les Emblemata (à la suite desquels Sambucus avait reproduit une série inédite de médailles antiques) : mais ici s'affirme la volonté d'enfermer en quelques vers et dans l'image qui les illustre une pensée non seulement savante, mais même hermétique : c Ils ne voient pas bien ce que c'est que l'emblème, ceux qui regardent comme tels toute maxime ou histoire, ou légende arcbiconnue, illustrée par une figure qui se home à répéter l'idée, ou encore n'importe quel mot célèbre, pourvu d'un titre : qui, en effet, n'est pas capable de figurer de cette façon des dictons poétiques ou des récits légendairet, ou des épisodes de l'histoire, ou des proverbes, ou des apophtegmes ? Cest comme si je montrais une vigne à demi émondée pour signifier la négligence du maître, ou une mouche attaquant un éléphant, pour signifier la témérité, ou la toilette d'une brique, pour la peine perdue, le dévouement de Curtius, l'exploit d'Horace, pour le courage, et pareils exemples du même genre tirés de Valère-Maxime et autres, et qui traînent partout. Mais s'il ne s'y ajoute quelque allusion et énigme cachée, qui pourrait y voir merveille et en faire louange ? Donc, les embl~mesdevront être choisis et hermétiques, de façon à stimuler l'esprit au m&ne titre que les symboles mystérieux et tout à fait singuliers des

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lOHANNES SAMBVCVS

Egyptiens et des Pythagoriciens. Et ce n'est pas tant au nombre des images ni à l'art du graveur qu"à cette puissance de signification que nous estimons ces compositions. Aussi, il convient de posséder un savoir encyclopédique quand on veut exprimer convenablement des pensées piquantes : quel que soit le sujet, il importe d'en connaître et la forme et les causes et les propriétés et la symbolique, si l'on désire être lu et mériter de passer à la postérité : et l'estomac n'y doit rien trouver qui ne flatte le go-Ot...> La conception exprimée ici est d'un grand intérêt pour la définition du genre emblématique : car, au lieu d'insister, comme on le fera, sur la valeur pédagogique de la delectatio par l'image, elle met en valeur le caractère énigmatique de l'emblème, qu'elle rapproche ainsi, d'un côté, de l'écriture hiéroglyphique, qui en est une des origines, de l'autre, de cette c ponderacion misteriosa > grâce à laquelle Balthazar Gracian, au début du siècle suivant, peut présenter le genre de l'emblème comme une des formes privilégiées de l' c agudeua >. Malheureusement, la réalisation n'est pas toujours à la hauteur de la théorie : l'obscurité de Sambucus n'est souvent que maladresse involontaire; et les meilleures de ses épigrammes sont encore celles où s'exprime un symbolisme clair et sans mystère. TEXTE : Emblemata, cum aliquot nummis antiqui operis, I. Sambuci opera, Anvers, 1564 •• (189 emblèmes) ; altera editio, Anvers, 1566 ••• (24S emblèmes).

ETUDES : Sur le genre de l'emblème, voir notre bibliographie s.n.

ALCIAT.

EMBLEMATA XVIII

NIMIVM SAPERE

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Cominus aduersum qui spectat lumine Phoebum, Nititur et radiis uincere, caecus abit. Vane, quid affectas caelestibus addere lucem, Ardentemque oculis sollicitare Deum? Sola potest magni hoc ales praestare Tonantis, Haec quoque uisum acuit, non superare solet. Alta nimis lingue, et donata sorte beatum Te die, quodque uelis esse, fuisse puta. Non tibi conueniunt Phaëton tibi regna suprema, lcarus optatis decidit atque polis. LXII MENS IMMOTAMANET

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Dicitur interna ui Magnes ferra mouere, Perpetuo nautas dirigere inque uiam. Semper enim stellam firme aspicit ille polarem : lndicat bac boras nos uarieque monet. Mens utinam in caelum nobis immota maneret, Nec subito dubiis fluctuet illa malis. Pax coeat tandem, Christe, unum claudat ouile, Lisque tui uerbi iam dirimatur ope. Da, sitiens anima excelsas sic appetat arces, Fontis ut ortiui ceruus anhelus aquas. LXXXII

OTIVM SORTEM EXPECTAT

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Colle molendinum paruo statuere parentes, Ventus ut exagitet, farra terantque molae. Omnibus ut uitam auxiliis ars protegat ometque, Opprimat incautos ne diuturna fames. Ast ratio melior quum suppetit unda perennis, Flabraque dum desunt, ne rota cesset iners. Ventisona ignauis similes, quibus otia cordi, Dum sortem sperant, ingenioque uacant.

EMBLÈMES XVIII LA PRÉTENTION DE SAVOIR

Qui affronte le Soleil face à face, en s'efforçant de soutenir victorieusement son éclat, devient aveugle. Pourquoi prétendre en vain ajouter de la lumière aux astres, et défier du regard le dieu étincelant? Ce privilège n'appartient qu'à l'oiseau de Jupiter tonnant : au lieu d'en être émoussé, son regard n'en devient que plus perçant. Renonce quant à toi aux ambitions trop hautes, déclare-toi satisfait du sort qui t'est échu, dis-toi que tu as réalisé tous tes vœux. Le royaume céleste est bien trop élevé pour toi, Phaéton, Icare déjà est tombé du ciel où il désirait s'élever.

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LXII

L'ÂME QUI NE DfVIE PAS

L'aimant a, dit-on, une force cachée qui attire le fer et maintient les marins sur la bonne route : car il regarde toujours l'étoile polaire, sans dévier. Par là, il indique aussi l'heure, et fournit encore d'autres enseignements. PIOt au ciel que notre âme ellemême fOt toujours fixée sur le ciel, et non livrée soudain aux hasards des flots mauvais. Que la paix nous unisse enfin, qu'elle rassemble, Christ, tes brebis dans un seul et même enclos, que la discorde périsse par la force de ton Verbe. Fais que notre âme assoiffée de désir se tourne vers le séjour céleste comme le cerf haletant quête l'eau de la source.

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LXXXII LA PAB.ESSE S'ABANDONNE AU HASARD

Nos ancêtres juchaient leurs moulins sur de petites collines, pour que, le vent agitant leurs ailes, les meules écrasent le blé : l'ingéniosité humaine fait tout pour protéger et embellir la vie et écarter la menace des longues famines. Mais un moyen plus efficace consiste à s'en remettre à l'eau intarissable : ici, quand le vent vient à manquer, la roue ne s'arrête pas. Les moulins à vent sont pareils aux paresseux, amoureux du loisir : attendant le bon plaisir du hasard, ils donnent congé à leur esprit.

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JOHANNES SAMBVCVS

CV

DU COEPT A SECVNDANT

In terram pila quae iacitur connisa resultat

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Et leuat in medium se aera, prona redit. Excipit banc densis quae apparet nubibus apta In caelum et rapiunt conscia uota manus. In Superis quisquis solitus spem ponere curae Audeat, en coeptis protinus astra fauent. CXCII ARGVIT FORTVNA VlllVM, AD D. JOAN. BAPTIST AM BE BER. PllOCANCELLARIVM

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In pelago quaerunt Lygures corrallia quaeque, Ac primum uiride apparet, liquidumque uidetur. Dumque recens trabitur pretio non aestimat ullo Mercator, donec poliatur, firmet et aër. Aetbere nam solidum fit mox, gratumque colore, Et pretio crescit manibus dum tractat auarus. Arguit et fortuna uirum, durique labores, Non domus aut modicis quaesitum patribus aurum. Non latitas igitur, uirtutum exempla probando, Sollicitus semper qui tanta negocia uersas, Caesaris et rebus seruis, secreta tueris. Laudabunt igitur praesentes te atque nepotes.

CV

cxcu

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comusa 1564. Hoc carmen non prtubet 1564.

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EMBLÈMES

CV LES DIEUX FAVORISENT LES ENTREPRISES

La balle qu'on lance à terre avec force rebondit et s'élève au milieu des ain, puis retombe. Mais de l'épaisseur des nuages sort une main qui fort à propos s'en saisit et porte jusqu'au ciel les vœux que nous avions formés. Qui a pris l'habitude de s'en remettre au ciel du succès de ses espérances, il n'a qu'à oser : voilà qu'aussitôt les astres favorisent ses projets.

cxcn LA FORTUNE

S

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RÉVÈLE

LE MÉRITE

C'est au fond de la mer que les pêcheurs liguriens vont chercher le corail, de couleur verdâtre au début, et de consistance souple; le marchand n'en fait nul cas quand il vient de sortir de l'eau, avant que l'air ne lui donne brillant et dureté. Car au contact de l'air il se solidifie et prend une belle couleur : son prix augmente, entre les mains cupides qui le touchent. L'homme aussi, c'est la Fortune et les épreuves qui le révèlent, non l'ombre de la maison natale et le modeste héritage de ses parents. Tu n'es pas de ceux qui restent cachés, toi qui donnes des traits si éminents de vertu, qui, d'un labeur acharné, traites des affaires capitales, au service de César, dont tu partages les secrets. Et c'est pour cela que tu seras loué par nos contemporains comme par nos descendants.

ANDRÉ KRZYCKI (Andreas Cricius) (1482-1537)

N6 en 1482, KRzvco appartient à une famille de bons gentilshommes; de plus, iJ est le neveu de Tomicki, évêque, puis chancelier et l'un des plus brillants ministres de Sigismond. Après des études en lta1ie (il est à Bologne l'élève d'Antonio Un::eo Codro et de Philippe Béroa1de), il gravit rapidement l'échelle des honneurs : il est chanoine et prébendier de l'église de Poznan dès 1504, chancelier du chapître en 1507, et c'est en cette qualité qu'il accompagne son évêque dans la mission diplomatique conclue en 1512 par le mariage de Sigismond avec Barbara Zapolya. D sera le poète de cour et le chancelier de la nouvelle reine. A la mort de Barbara, la reine Bona lui est éga1ement favorable : il est nommé en 1522 évêque de Przemysl et acc~e ainsi au rang sénatorial ; de brillantes négociations avec Albert de Brandebourg le font considérer comme un spécialiste des questions allemandes. Bientôt cependant une cuisante déception O'évêché de Poman qu'il convoitait est donné à un rival) le jette dans une semi-opposition : du monastère de Saint-Florian où il s'est retiré, il se livre à une petite guerre d'intrigues et d'épigrammes diffa. matoires - non sans poursuivre son ascension : en 1527 il échange Przemysl contre Plock et en 1535 devient enfin primat et légat-né de Pologne. Mais après avoir assist6, malade, à la Diète de 1.536 où l'attiraient de nouvelles intrigues, il memt à Cracovie le 10 mai 1537.

Avec André Crzycki apparaît pour la première fois en Pologne (après Callimachus) le type européen de l'humaniste-courtisan à la mode de la Renaissance. En dépit de la multiplicité des formes (du grand discours d'apparat aux courts poèmes), la plupart de ses compositions se rangent dans la catégorie des poésies de circonstances : par suite, elles reflètent fidèlement la physionomie de cet évêque jouisseur, intrigant et cynique, elles en accusent les dons et les séductions, en même temps que les limites. On chercherait en vain la moindre chaleur dans les poèmes religieux qui ouvrent - dignité oblige - le recueil de Morawski. Les meilleurs poèmes d'amour eux-mêmes ne sont que de brillants exercices de rhétorique. Mais les poèmes de cour ont de l'éclat : esprit, habileté gracieuse dans le compliment; ampleur décorative dans l'évocation des cérémonies, des cortèges, des fastes de la Renaissance que la Pologne, à la suite de 11talie, découvre avec émerveillement. Nous citons un fragment de 1'6pithalame de Sigismond le Vieux et de Barbara Zapolya (1512), où le poète triomphe aisément, par la richesse de l'ornementation, dans le tournoi poétique où s'affrontent également Paul de Krosno, Jan de Wislika et Jan Dantyszek; il recommencera quelques années plus tard à

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ANDRÉ KRZYCKI

l'occasion du remariage de Sigismond avec la princesse italienne Bona Sforza (1518) : mais, si bien accordées qu'elles soient à ce sens de la fête qu'ont eu les hommes de cette époque, on mesurera ce qui manque à ces compositions en les comparant au poème de portée nationale, et non plus seulement dynastique, qu'est l'épithalame de SigismondAuguste, écrit plus tard par Janicki, magnifique éloge de la Pologne à l'époque de la Renaissance. A côté de cette veine courtisanesque, une veine satirique authentique s'exprime soit dans les vives épigrammes, traits empoisonnés et cuisants dont l'ambitieux déçu crible ses ennemis personnels, sans épargner la reine qu'il avait d'abord encensée - soit dans les éloges sarcastiques dont, catholique zélé, il accable la personne et les partisans de Luther. Pour compléter l'image du poète, il faut enfin faire une place à un nombre, trop considérable peut-être, de pièces ou simplement légères, ou licencieuseset même effrontément obscènes. L'éloge de la bière polonaise, irrévérencieuse parodie de la salutation à la Vierge, en est un des exemples les plus innocents. TEXTE : A. Cricü carmina, ed. C. MoRAWSKI •••, in lat. >, vol. III, Cracovie, 1888.

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Corp. Antiq. poet. Pol.

ETUDES : Cl. BAŒVIS, Un poète latin de la Pologne humaniste, A. Crr.yki, in c Latomus >, 1947, p. 45-67; A. JEucz, Die Dichtung des A. Cricius, in c Renaissance und Humanismus in Mittel- und Osteuropa >, Berlin, 1962, t. Il, p. 131-138.

CARMINA REGALIA EPITHALAMION SIGISMVNDI llEGIS ET BARBARAE llEGINAE POLONIAE

... Sed quidnam uideo ? Quis tantus in urbe tumultus ?

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Quodue paratur iter ? Quem cogimur ire sub axem ? Die age Calliope, simul hic quis pectora clangor Nostra ferit, resonant pariter mare, sidera, montes ? Cemo praeire uiros et tympana ferre tubasque, Cristatos pueros auro gemmisque micantes Innumerosque equites miro splendere paratu ; Tot torques, bullas, segmenta, monilia cemo, Quot nequit aut calamus uelox aut lingua referre. Has autem iuuenum fulgentes undique turmas Nauiger en sequitur spumante sonipede Lucas, Paene puer, celso sed iam spectandus honore, Principis in solio magnis dat iura Polonis, Ingenio praestans, opibus, probitate, fideque. Parte alia morum specimen, uirtutis imago Christifer, aurato gemrnatum calce coruscus Exhortatur equum, referens grauitate Catonem, Nestora consilio, mensa dapibusque Lucullum. Quique Patroclus erat, fidus qui semper Acbates Principis et rerum custos aulaeque magister, Nunc apices regni, nunc fasces scandit auitas. Hos inter medius ceu surgens oceano sol Magnanimo portatur equo et monstratur ab omni Splendor pontificum, nostri laus prima senatus, Piniger antistes, sub cuius gratia uultu Multa nitet rutilo residetque in lumine Cypris. Cui dedit ingenium uirgo Tritonia et artes, Diuitias Iuno, sacrum caelestis honorem Iuppiter atque caput ueterum Prudentia rerum. Huic utinam similes ferrent Lecheia plures Regna senatores : aures dormiret in ambas Rex pius et nullos sentiret patria casus. His est doctorum fautor, uirtutis amicus Et famae eximius nunquam morientis amator ...

... At iam Pegaseum suffundit Musa liquorem, Tandem concipio magnorum arcana deorum. 60 Threncia Pannoniis arx est sublimis in oris, Altaque uerticibus tangentes sidera turres,

CHANTS ROYAUX ÉPITHALAME DU ROI SIGISMOND ET DE BARBARA, REINE DE POLOGNE •

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... Mais que vois-je ? Quelle est cette agitation dans toute la ville? De quelle expédition sont-ce les apprêts? Vers quels ciels inconnus sommes-nous entraînés ? Dis-moi, Calliope, quelles sont ces fanfares qui font vibrer nos poitrines, résonner la mer, les astres, les monts? Je vois s'avancer d'abord des musiciens, portant tambours et trompettes, des jeunes gens couronnés d'or et scintillant de pierreries, des cavaliers innombrables, resplendissant d'un somptueux appareil. Je vois plus de colliers, de bulles, de bracelets, de chamarrures, que la plume ou la langue la plus rapide n'en peut décrire. Et voici que, derrière ces escadrons étincelants de jeunes gens, s'avance, sur son palefroi écumant, Lukas •, dont l'écu est orné d'un navire, Lukas très jeune encore, mais déjà élevé aux plus hautes dignités, puisque, sur les degrés mêmes du trône royal, il rend la justice aux fiers Polonais, brillant au milieu de tous par son intelligence, sa fortune, son intégrité, sa loyauté. Et voici d'autre part Christophe •, miroir des mœurs, parangon des vertus ; caracolant, il presse de ses éperons d'or un cheval dont le caparaçon ruisselle de diamants. Grave comme Caton, sage autant que Nestor, l'égal de Lucullus par le luxe de sa table, il fut longtemps le Patrocle, le fidèle Achate de notre prince, l'intendant de ses biens, le maître du palais : il gravit à présent les plus hauts échelons du royaume et accède aux dignités assumées avant lui par ses ancêtres. Au milieu d'eux, beau comme le soleil se levant sur l'Océan, monté sur un magnifique coursier, point de mire de la foule tout entière, la splendeur des pontifes, l'orgueil de notre Sénat, l'évêque Lubranski •, dont la famille porte un pin sur ses armoiries : son visage rayonne de toutes les grâces, Cypris a élu domicile dans ses yeux, Minerve lui a donné son esprit et ses talents, Junon, ses richesses, Jupiter, les honneurs sacrés ; il doit sa grande sagesse à sa connaissance des choses du passé. Pl0t au ciel que la Pologne e0t davantage de sénateurs comme celui-là : notre prince pourrait dormir sur ses deux oreilles, notre patrie serait à l'abri des malheurs. Il est en outre le protecteur des savants, l'ami de la vertu, l'amant passionné de la ~Joire immortelle ... ... Mais voici que la Muse a fait sourdre pour moi la liqueur de Pégase, voici que je pénètre enfin les secrets desseins des dieux. Sur la terre de Hongrie se dresse, haut dans le ciel, un château dont les tours, de leurs créneaux, vont toucher les astres :

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AND.RÉ KRZYCKI

Clara domus Stephanum clarisque referta trophaeis, Cui non gaza Midae, non Croesi diuitis arcae Aequari possunt opibus, nec Persa nec Iodi. Hac sata nutritur forma praestante puella, Sed probitate magis, castoque decora pudore, Virgo Polonorum ueteri quoque sanguine regum Prodita, matemae referens primordia stirpis. Hanc sibi proposuit thalamo sociare iugali Sismundus princeps sacroque addicere nexu, Cum qua uenturos et dulces exigat annos. Sic uisum est Superis, sic tres sua fila sorores Voluunt, aetemum genus hoc regnet in aeuum. Hinc delecta sui mittit tria culmina regni, Quo firment stabili Papbiae solacia uerbo Et sponso optatam properent adducere sponsam Haec est causa uiae, tantique haec causa para tus... CARMINA SATIRICA IN SERPENTEM BONAE, REGINAE POLONIAE

Si sub rupe draco conclusus hiante cauerna Vrbis, Cracce, tuae magna uorago fuit, Quid mirum quod, in arce sedens rerumque poùtus Solus, inexpleto uiscere cuncta uorat ? IDEM

Quando sub arce fuit, Cracouia sola peribat Cum sit in arce draco, patria tota perit. ENCOMIA LVTHERI I IN IMAGINEMLVTHERI

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Ille Lutherus ego, toto iam notus in orbe, Cui uulgi improbitas nomina tanta dedit. Quicquid enim dictum damnatumque exstitit ante_ Nunc renouans, iactor spiritus esse Dei. Conciliis, patribus, mori contraria scribo, Actus et hue consto non ego saepe mihi. Mystica scripta uolo, cum res mea postulat, esse, ENcOMJA LVTHERI

sic libellus inscribitur 1524.

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c'est Threnczin •, siège de l'illustre maison des Stephane •, rempli de trophées glorieux, éclipsant de ses richesses et les trésors de Midas, et les coffres de l'opulent Crésus, et tout ce que possède le Perse et l'indien. Là est née et a grandi une jeune fille d'une beauté incomparable, plus remarquable encore par son honnêteté et par sa pudeur : issue également de l'antique sang des rois de Pologne •, elle a gardé toutes les vertus de sa race maternelle. C'est à elle que le roi Sigismond a décidé de s'unir par les liens sacrés du mariage, avec elle qu'il a résolu de partager les années à venir. Telle est la volonté des dieux, tel est le décret des trois fileuses, soucieuses de perpétuer éternellement notre royale lignée. C'est pour cela qu'il a délégué les trois plus hauts dignitaires de son royaume, avec mission de lui assurer par un ferme accord les contentements de Vénus. Eux se hâtent, pour ramener au fiancé la fiancée de son choix : telle est la raison de ce départ d'un si brillant cortège...

POÈMES SATIRIQUES SUR LE SERPENT DE BONA *, REINE DE POLOGNE

Si déjà, quand il logeait au pied du rocher, dans sa caverne béante, le dragon fit maints ravages dans ta ville, Craccus •, quoi d'étonnant qu'aujourd'hui, où il loge sur l' Acropole et gouverne en maître absolu, il dévore tout sans pouvoir assouvir son insatiable appétit ? SUR LE ~MB

Quand il logeait au pied de !'Acropole, seule Cracovie périssait; maintenant qu'il loge sur l' Acropole, c'est la patrie tout entière qui périt. LOUANGES DE LUTHER

I SUR UN PORTRAIT DE LUTHER

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Je suis le fameux Luther, connu du monde entier, et dont la tourbe malhonnête a fait la popularité. J'habille de neuf toutes les vieilles hérésies condamnées, me prétendant l'inspiré de Dieu. Mes écrits contredisent les conciles, les anciens, l'usage établi, et au point où j'en suis je ne suis pas toujours d'accord avec moimême. J'invoque le sens caché des textes quand cela m'arrange,

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ANDlŒ DZYCKI Nuda cadem, cum. rcs exigit, esse uolo. Nil credens seruansque nihil Christi effcro lcges, Praetextu quarum carpere cuncta licet. Non mea dicta ulli ceu sancta ac recta probantur, In sacra et sanctos sed maledicta placent His ualeo, quamuis ualeat lymphaticus omnis ; His demptis inerit non mihi mica salis. Pontifices, reges impura uellico lingua, Defoedo et nidum quo fruor ipse meum. Hinc me nemo probus nisi cui mens perdita tractat, Has nisi lactucas congrua labia petunt. Hinc me sed merito praefert mea patria Christo, Nempe magis titulo nobilitata meo. Pingit et banc faciem, radios sanctamque columbam, Sit licet explosum nomen ubique meum. Atque bine qualis ego poteris cognoscere, cum sit Acceptus patriae nemo propheta suae. Il CONDICIONES BONI LVTHERANI

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Die male sacrificis, Superos contemne, probatis Moribus obtrecta, ieiunia sacra precesque Ride, concilüs obsta, patrumque relictis Ritibus illude ac uenias, anathemata, uota Non assis facias, absit confessio culpae, Absit religio, cedant delubra popinis. Plus persuade tibi de te quam sit deceatque, Pontifices, reges prae te ceu stercora pendas, Scripturasque sacras ut uis intellege, priscos Doctores, leges, sanctorum et gesta negato, Sis bonus impostor, sis ad conuicia doctus, Praefectos traduc populo, retinacula rumpe Ordinis et fidei, cieasque per omnia turbas. Sic age, sectator qui uis probus esse Lutheri. Nunc mihi papistam, quo uerbo salsus habetur, Pingere si uolet, hune qui ritus, iura fidemque Seruat quique pios patres in dogrnate Christi Noscendo sequitur quaeque alma ecclesia sanxit, Non quae cerrito confundit apostata sensu, Pingat et humanis uitiis aconita coloret, Scilicet ipse nouus uiuens sine labe propheta, Ingerat et maledicta suae dona ampla Mineruae : Plus accepta mihi sua quam benedicta uidebit, Quandoquidem tanta uitium est a peste probari.

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le moque quand cela me dérange. Ne croyant à rien, ne respectant rien, je mets en avant les préceptes du Christ, à seule fin de tout critiquer. Nul ne croit à la sainteté ni à la vérité de mes dires, mais on goftte les médisances dont j'accable l'Eglise et les saints. Voilà où j'excelle (il est vrai que ceci est à la portée du premier venu) ; à part cela, je n'ai pas un gramme d'esprit. Pontifes, monarques, je les malmène de ma langue impure, je souille jusqu'au nid où je suis né. Aussi, point d'honnêtes gens parmi mes lecteurs : seulement des esprits égarés : ma salade ne convient pas à toutes les bouches. Néanmoins, mes compatriotes me préfèrent au Christ, à bon droit, car j'ai fait plus que lui pour leur gloire. Aussi me représentent-ils sous ces traits, avec les rayons et la sainte colombe (bien que mon nom soit hué partout) : grâce à eux, tu pourras me contempler au naturel. Et l'on dit que nul n'est prophète en son pays 1

II LBS COMMANDEMENTS D"uN BON LUTHÉRIEN

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M6dis des sacrements, méprise les saints, calomnie les bonnes mœurs, ris du jeftne et de la prière, insulte les rites transmis par nos pères, fais fi des indulgences, des offrandes, des vœux, refuse la confession des péchés, refuse le service du culte - aux temples préfère les tavernes. Fie-toi à tes propres lumières, plus qu'il n'est raisonnable et permis. Quant aux pontifes, aux monarques, consid~e-les, en comparaison, comme du fumier. Interprète à ta guise les textes sacrés, réfute les anciens docteurs, les commandements, les actes des saints ; sois rompu à l'imposture, passe maître dans l'art de l'insulte, rompts les liens de l'ordre et de la foi, en tout et partout sème le trouble : voilà ta règle de conduite, si tu veux et:reun bon disciple de Luther. Et maintenant, s'il veut brosser le portrait du papiste (par ce nom qui lui a acquis une réputation d'esprit, il désigne le chrétien qui observe fidèlement les rites, les lois, la foi ; qui interprète les enseignements du Christ suivant la tradition de nos pères vénérés et les décrets de la sainte Eglise, et non suivant les aberrations d'un apostat à l'esprit dérangé) - eh bien, qu'il nous brosse ce portrait, qu'il dépeigne à sa guise ce poison violent, infecté de tous les vices de l'humanité, notre nouveau prophète à la vie sans tache ; qu'il entasse toutes les médisances dont son esprit est si fertile : il me verra les accepter plus volontiers que ses louanges, car rien n'est plus compromettant qu'un éloge, prononcé par la bouche d'un tel scélérat.

CARMINA AMATORIA ET LVDICRA AD PVELLAM

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Depereo, dum te demens contemplor, habere Te tamen aspiciens lumina mille uelim. Depereo, quotiens uerbum mihi reddis amicum, Mille tamen totiens auribus esse uelim. Depereo, imponis nostro dum bracchia collo, Vinctus perpetuo sic tamen esse uelim. Depereo, roseis captas dum labra labellis, Iuncta tuis semper sic tamen esse uelim. Denique depereo lecto dum iungimur uno, Et tamen aeternum sic iacuisse uelim. 0 superi ! Quis me uiuit dementior alter ? Hoc sequor, hoc cupio, quo pereo assiduo.

12 usiduo : et uideo Moraw,ld.

POÈMES AMOUREUX ET BADINS À SA MAÎTRESSE

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Je me meurs, quand je contemple, éperdu, ton visage ; et cependant pour te voir je voudrais un millier d'yeux. Je me meurs, chaque fois que tu me dis un mot tendre ; et cependant je voudrais avoir mille oreilles pour l'entendre. Je me meurs, quand tu jettes tes bras autour de mon cou ; et cependant je voudrais que tu m'enchaînes ainsi pour toujours. Je me meurs, quand tu effleures mes lèvres de tes lèvres de rose ; et cependant je voudrais que nos lèvres soient toujours ainsi jointes. Enfin je me meurs quand sur la même couche nous sommes unis ; et cependant je voudrais éternellement reposer ainsi. - 0 dieux, est-il existence plus insensée que la mienne? Je poursuis, je désire ce par quoi, sans cesse, je meurs!

CLÉMENT JANICKI (1517-1542 ou 43)

Né le 17 novembre 151ti, CLÉMENT JANICSI est le fils d'un paysan du village de Janusztowo, prà de Znin. Son père l'envoie d'abord à l'kole de Oniemo, _puis au collège de Poman, où ses dons le d~ignent à l'attention du fondateur, l'éveque Lubranski. Il est protégé par Crzycki, puis par Kmita, voïvode de Cracovie. Ce dernier l'envoie parfaire son éducation en Italie. Il est à Padoue l'élève de Lazaro Bonamico, est remarqué par Bembo, reçoit en 1538 le laurier poétique des mains du comte palatin Contarini. Mais une grave maladie l'oblige à rentrer en Pologne, oà 10n ~re vient de mourir. Lui-m&me meurt en 1543, âgé seulement de vingt-sept am. - Au terme de sa brève carrière poétique, il laisse un livre d'Eligies (1542), un livre de Tristes (1542), un livre d'Epigrammes (1542), ainsi que des poèmes politiques : Quere/a Reipublicae (1538), Ad proceres Polonos (1538), ln Polonld vestitus varietatem et inconstantiam dialogus (1541-1542); et des Epithala,na (de Sigismond r", de Sigismond Auguste ...).

On représente volontiers Janicki comme une sorte de Du Bellay polonais. A l'opposé de Crzyclci, poète de cour et de culture, voici en effet le lyrique-né, pour qui la poésie est d'abord la langue naturelle du sentiment. Emerveillement du voyageur découvrant le ciel et la civilisation de l'Italie, amoureuse nostalgie des paysages de la Pologne, gotlt de l'amitié, tristesse et souffrance de la maladie et pressentiment de la mort précoce : voilà, bien plus que l'amour, traité de façon beaucoup plus conventionnelle, les thèmes abordés avec bonheur dans les Elégies et dans les Tristes. L'expression la plus complète de cette poésie de confidence personnelle est son Elégie autobiographique, modelée sur Ovide, à qui il reprend également le titre de son second livre. Mais en dépit du charme (et de la qualité) indéniable de ces vers douxcoulants, on aurait tort d'enfermer le poète dans l'image d'un élégiaque plaintif. Même les Elégies et les Tristes laissent apparaître nettement un aspect plus viril de son tempérament poétique : il y a de la force dans la longue plainte adressée au Danube sur le sort de la Hongrie ravagée par les troupes de Soliman II le Magnifique. Le même sens patriotique lui inspire les pieuses Epigrammes sur les anciens rois et prélats de Pologne ; c'est lui qui, élevant le poème de circonstance bien au-dessus d'un brillant exercice de style, fait de l'Epithalame de Sigismond un vibrant éloge de la Pologne au temps de la Renaissance. Il inspire également mainte satire d'actualité : l'égoïsme des nobles est fustigé dans ces cinglantes invectives que sont la Plainte du royaume et les Remontrances à la noblesse de Pologne. Enfin - et ce n'est pas l'aspect le moins

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CLÉMENT JANICKI

inattendu de son talent - une verve caustique, aristophanesque, anime un dialogue comique (en distiques) entre le vieux roi Iagello et le fou de la cour : c'est le ln Polonici vestitus varietatem et inconstantiam, où les modes vestimentaires de la Pologne contemporaine, tournées en dérision, sont dénoncées comme le signe de l'abâtardissement moral de la nation. - Par ces dernières pièces, le poète, mort trop jeune, se rattache au grand courant d'inspiration politique et nationale qui est un des plus puissants et des plus originaux de cette poésie polonaise en langue latine dans la première moitié du xv1•siècle. l"EXTE : Cl. Ianitii Poloni poetae laureati Poemata, in unum lilHllum collecta..• curante I. B. Boehmio, Leipzig, 1155 •• (contient : Tristium Liber, Yar. eleg.

Liber, Vitae princ. Pol., Vitae archi-episc. gner.n., Epigr. Liber, Epithalamion) ; Cl. Janicii Carmina, cd. L. Cwiklinski ••• in c Corp. antiquiss. poet. Poloniae latin. >, vol. VI, Cracovie, 1930 ; Klemens Janicki, Carmina, Dziela, Wszystt.ie ed. Jerzy Kaœowsn et al., Wroclaw, Warsaw., Cracow Inst. Badan literackicb Polskiej Atademü

ETUDES :

Nauk, 1966, 293 p.

MASLOWSD, De vita et scriptis Cl. J., diss. inaug., Vratislaviensis, 1857; L. Cwm.INSU, Klemens Janicki, poeta uwiencr.ony (De Clemente Janicio), Cracovie, 1893 ; K. KUMANIE Haec sat erunt. - Ad te, nostri studiose, rouertor. Vt de uita habeas omnia nota mea. Inualidum mihi corpus erat uiresque pusillae, Frangeret exiguus quasque repente labor. Forma decora satis, uultus non tristis, in ore Non dubia ingenui signa pudoris erant. Linguae usus facilis, uox clara, coloris imago Candida et ad iustum facta statura modum. Impatiens animus contemni et pronus ad iram, Durauit multos quae mihi saepe dies. Gessi inimicitias non dissimulanter apertas, Nunquam illis causam materiamque dedi. ludicio lectos colui constanter amicos, Hos tantum ueras credere doctus opes. Si reditus nobis amplos fortuna dedisset, Me, puto, splendidior nemo futurus erat Munificusque magis ; laudare bine illa solebam Romani uere regia uerba ducis : Nil hodie dedimus cuiquam, prodegimus ergo Istam, quod pudeat, perdidimusque diem. > Cor subitum ad lacrimas, misereri molle gerebam, Sed quale in pauido pectore ceruus habet. Hinc habui inuisum teli genus omne, grauisque Pallados, in bellum dum ruit, hostis eram. Munditiem cura muliebri prorsus amaui Ad uitium in cultu, uestibus atque cibis. Vnguibus a teneris mihi bis decimum usque sub annum Cruda exstinguebat nil nisi lympha sitim. Vnde malum iecori, credo, accersiuimus, et nunc Illa uetus uitam strangulat unda meam. In Venerem effusum male me plerique meorum Decepti externis asseruere notis, Vel quia me citharae cantusque salesque iuuabant, Vel quia paene puer scriptor amoris eram, Leucorrhode siquidem primum meliorque priore Alphesiboea elegis cura fuere meis. Quo tabor ille abiit, si forte requiris : in ignem, Multa alia ingenii sunt ubi signa mei, Digna breui uitae modulo, ut quodcumque iuuentae

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étrangère. Et vous, à qui la mort de votre ami va arracher bien des larmes, toi, Cromerus •, ou toi, Rotundus •;quand mon corps sera étendu sous la dalle, pourrez graver en lettrés capitales cette inscription : c Délivré de l'espoir comme de la crainte, je repose sous ce marbre et connais enfin la vraie vie ; quant à toi, mort improprement appelée vie, adieu pour toujours. > Il suffira de ces mots. Mais je reviens à vous, qui désirez me connaître, pour vous livrer tout de moi. J'avais un corps gracile et peu vigoureux, épuisé par le moindre effort, mais non sans beauté : le visage avenant, une physionomie où se lisait la délicatesse de mes sentiments ; une langue déliée, la voix claire, un teint blanc, une taille tout à fait convenable ; au moral une fierté ombrageuse et une propension à la colère, qui souvent a duré chez moi plusieurs jours ; je fus franc et loyal dans mes inimitiés, que je n'ai jamais rien fait pour provoquer. Les amis que j'avais choisis après môre réflexion, je les ai aimés fidèlement, instruit à les regarder comme les seules vraies richesses. Si le destin m'avait donné des revenus considérables, nul, je crois, n'eOt été plus généreux, plus munificent que moi. Aussi m'arrivait-il souvent de louer ces paroles vraiment royales d'un empereur romain • : c Aujourd'hui, je n'ai rien donné à personne : voilà donc, pour ma honte, une journée inutilement gaspillée et perdue. > J'avais un cœur prompt aux larmes et sensible à la pitié, mais aussi craintif que celui de la biche effarouchée ; j'avais donc en horreur toutes les armes, je détestais la Pallas guerrière, acharnée au combat. En revanche, j'ai aimé, avec une passion toute féminine et presque maladive, le raffinement dans la toilette, le vêtement, la table. Depuis ma plus tendre enfance jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, seule l'eau pure a étanché ma soif. C'est ainsi, je pense, que j'ai abîmé mon foie, et aujourd'hui encore cette habitude ancienne met ma vie en danger. La plupart des miens ont cru que j'avais une fâcheuse propension aux choses de l'amour : ils étaient abusés par les apparences : mon goOt pour la musique, le chant, les propos badins, ou les vers d'amour auxquels je m'adonnai pour ainsi dire dès l'edfance; puisque Leucorrhodé, la première, puis Alphésibée, son heureuse rivale, furent les héroïnes de mes élégies. Où sont ces premiers travaux, demande-t-on peut-être ? Au feu, avec bien d'autres de mes compositions, vouées à une existence éphémère comme

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Ambitio stolidac praecipilauit opus. Nunc cum quinta meos aetatis olympias actae Ad maiora animos tollerct, ecce uocor Et pereo ante diem, nec iam, mea patria, possum, Qualibus optaui, te celebrare modis Et populi uetera acta tui regumque tuorum Et de temporibus non reticenda meis, Augusti in primis thalamos, quos destinat illi Cum Ferdinando rege paratque pater. Hoc alii post me poterunt tamen; ipse, quod unum Nunc possum, ut uincas, ut ualeasque precor. Vos quoque lanicü memores ualeatis amici, Ire meum cuncti iamque paretis iter. Antonine, uale, uale, Antonine ! tuumque Te saluo saluum floreat omne genus 1 Hei mihi ! Nulla unquam quod iam tibi parte probabo, Quae mens erga te sit mea, quantus amor. Nec potero uiuis testari, id namque uolebam, Sanandi fuerit quae tibi cura mei. Quod licet, ad Manes cum uenero, meque piorum In numerum accipient agmina laeta suum, Te loquar et - si quae forte rogauerit umbra, Corporis aspiciens ad simulacra mei, Qui tam corrupto splenis iecorisque uigore Tamque uenenatis membra repletus aquis Protraxi uitam ulterius, quam ferre soleret Istius rabies exitiosa mali Esse homines inter medicum narrabo potentem Quod potuit Lycii filius ante dei. me tamen semel Hippolytum reuocauit ab Orco, Me tumulo totiens extulit iste meo Imperiumque diu Parcarum elusit et iras, Distulit in longam nostraque fata diem. Nam mihi quod nequiit primam instaurare salutem, Est factum inuicti condicione mali. Morborum uincunt homines genus illud et illud, Hydropis uictor qui nisi Christus erat ? Montanus certe simul et Cassanus, uterque Maximus, Euganei lumen uterque soli, Non potuere buius restinguere uirus Echidnae ; Tune tamen exoriens illa recensque fuit Inuasit ·sero monstrum Antoninus adultum Cum uictore auidas conseruitque manus, Vicissetque sui, puto, sedulitate laboris : Humanae sed enim non erat illud opis.

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toute œuvre échappée à l'impatience d'une folle jeunesse. Et maintenant qu'entré dans ma cinquième olympiade je tournais mon âme vers de plus grands projets, voici que Dieu me rappelle, que je meurs avant l'heure, qu'il m'est interdit, ô ma patrie, de te célébrer sur les rythmes que je désirais, de chanter la geste ancienne de ton peuple et de tes rois •, et les faits mémorables dont nos contemporains ont été les témoins. Et plus que tout, le mariage • de Sigismond Auguste, conclu entre le roi son père et le prince Ferdinand. Mais d'autres le feront après moi. Tout ce que je puis encore faire, c'est te souhaiter, prince, un règne victorieux et une longue vie. Longue vie à vous aussi, mes amis, n'oubliez pas votre Janicki, mais tous, préparez-vous à faire un jour le même chemin que moi. Longue vie à toi, Antoninus •, longue vie à toi ; et autant qu'à toi, santé et bonheur à tous les tiens. Hélas! Je n'aurai jamais plus l'occasion de manifester la profondeur des sentiments, la force de l'amour que je te porte ; ni de faire connaître aux vivants, comme j'en avais l'intention, le dévouement avec lequel tu m'as soigné. Simplement, une fois descendu chez les Mânes, quand les cortèges des bienheureux m'accueilleront dans leurs rangs, je leur parlerai de toi, et, - si quelque âme me demande, voyant mon corps fantomatique, comment j'ai pu, avec une rate et un foie en si piteux état, avec des chairs gonflées d'humeurs corrompues, prolonger ma vie au-delà de ce qu'autorise d'ordinaire la violence mortelle de cette maladie - je dirai qu'il y a chez les hommes un grand médecin capable de rééditer les antiques miracles du dieu lycien •. Encore celui-là ne rappela-t-il qu'une seule fois Hippolyte des Enfers : celui-ci m'a arraché cent fois à la tombe, longtemps il a déjoué la volonté des Parques irritées, pendant de longs mois il a différé pour moi l'issue fatale. Et s'il n'a pas été en son pouvoir de me guérir, il faut en accuser la nature de ce mal incurable. Il y a des maladies dont l'humaine médecine peut venir à bout : mais l'hydropisie, qui peut se flatter de l'avoir vaincue, à part le Christ? Montanus et Cassanus, tous deux lumières de Padoue, n'ont pas pu, à eux deux, éteindre le venin de cette vipère : pourtant le mal n'était encore qu'à ses débuts. C'est seulement plus tard qu'Antoninus s'attaqua au monstre déjà grand ; d'une poigne énergique il engagea la lutte avec une ennemi déjà vainqueur ; je ne doute pas que sa ténacité en fOt venue à bout, si un tel exploit eOt été à la mesure

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Adde quod esse meo generi fatale uidetur Sic cadere ; interiit sic pater ante mibi. Nil igitur mirum, si inter tot tela, tot hostes, Et tantos medicae succubuere maous. Haec et plura loquar de te, mea uita 1 (quid autem Te potius, quam quod das mihi saepe, uocem?) Ipse etiam praesens, olim cum ueoeris illo Anoosus, propriis auribus ista bibes, Nam ueoies ad nos, uenient quoscumque relinquo ; Hic nulli aeternam fata dederc domum. IN POLONICI VESTITVS VARIETATEM ET INCONSTANTIAM . DIALOOVS

Collocutores : lagello rex, Stan. morosophus

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Rex : Pannooas et V alachos deuicit Turca, propinqua est, Vt uideo, regno maxima flamma meo. Surgo igitur tumulo, rebus si forte meorum Consilio aut alia subueniamus ope. Stan. : Audio : Rex hic est, Rex tertius arma minatur, Sed non fert, sic gens tota Polooa facit. Moris homo nostri, nisi quod fulcitus ouilla Pelle togam. - R. : Turcas uincere maius erit Quam Prussos. - S. : Prodit propria se uoce : lagello est. Accedam. Quo, Rex, tendis et unde uenis ? R. : Ad uos e tumulo. - S. : Quid causae ? - R. : Turca. [S. : Quid illi Tu facias? Valida est belua. - R. : Saepe tamen Victa. - S. : Ad patronos res nostra abit ergo sepultos ? Viui an non reges sunt duo ? Sintque, precor ! R. : Impare di gaudeot numero. - S. : Meretrix quoque. - R. [Utrique Sunt sacra cum Turcis foedera, nulla mibi. S. : Foedera ? Sed taceo. Quos autem armabis ? - R. : Eorum Natos, qui Prussos me domuere duce.

IN POLOCOO VEST. Vil. : hanc ,atiram, ut El,g. Xll, crun Varlar. Eht1. Llb. 7 fulcitus CwUdlnski (,x cod. Zahuclano) : fulciuit Boelsm. conlunx. Bo,hm 9-10 haec wrba ngi d,dit Cwiklinslcl, cod. Zal. #CUIIU : Stan. moro,oplto d,dlt Bot!hm.

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des forces humaines. Ajoute que cette maladie mortelle semble chez moi héréditaire, que mon père lui-même en est mort avant moi•. Rien d'étonnant, donc, à ce que, au milieu de tant de traits, de tant d'ennemis puissants, le bras du médecin ait finalement succombé ? Je pourrais en dire bien davantage à ton sujet, ô ma vie (pour te désigner par le bien que tu m'as maintes fois donné). Mais j'aurai l'occasion de te remercier face à face quand, devenu bien vieux, tu m'auras rejoint ici : car tu m'y rejoindras, comme m'y rejoindront tous ceux que je laisse : le destin n'a encore concédé à personne de demeurer éternellement ici-bas.

DU DISPARATE INCOHÉRENT DE LA MODE POLONAISE DIALOGUE

Le roi Jagellon •, le bouffon Stanislas

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Le roi Jagellon : Le Turc a mis en déroute Hongrois et Valaches • : le fort de l'incendie menace de près les frontières de mon royaume. Je sors donc de ma tombe, pour voir si je ne puis venir en aide aux miens, par mes conseils ou par tout autre moyen. Stanislas : J'entends : c'est un roi, un troisième roi menace de prendre les armes ... sans en rien faire : toute la nation se conduit ainsi. Celui-ci est bien des nôtres, à part la peau de mouton qu'il a jetée sur sa robe. R. : Il y aura plus de gloire à vaincre les Turcs, que les Prussiens. S. : Il s'est désigné par ces mots : c'est Jagellon. Je vais l'aborder. Noble sire, où vas-tu et d'où viens-tu? R. : le sors de ma tombe, pour venir à vous. S. : Et quelle raison t'amène ? R. : Le Turc. S. : Que prétends-tu faire contre lui? C'est une bêto puissante. R. : Souvent vaincue toutefois. S. : Notre cause est donc remiae aux mains de nos maîtres disparus ? N'avons-nous pas deux rois vivants ? (Que Dieu les pr&erve 1) R. : Les dieux préfèrent le chiffre impair. S. : La courtisane aussi. R. : Tous deux respectent le trait6 passé avec le Turc, pas moi. S. : Quel traité ? Mais taisons-nous. Quels soldats vas-tu armer? R. : Les fils de ceux qui, sous mes éteudards, ont soumis les

Prussiens.

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S. : Ulam aspice [turbam 1 R. : Tota peregrina est turba ea, mitte iocos 1 Et nunc, quaeso, mibi quam primum ostende Polonos 1 S. : Quando reuiuiscent. - R. : Nunc uolo. - S. : Nunc et ego Ostendo quales habeo. - R. : Deludis, an iste Est cultus gentis, stulte, habitusque meae ? S. : Tu potius stultus, qui nescis tempore multo Omnia mutari. - R. : Jam scio, at una tamen Forma rei remanet mutatae. Hic mille figuras Ex una ueteri cemo meosque nego E.sse istos : fuit omatus, fuit una meorum Formula uestitus et fuit unus amor. Inter aues istas uariat pluma, unde putandum est, Quam uarient animi. Nam simile ad simile Et Deus et Natura trahit. 1am frangitur omnis Vincendi Turcas spes animusque mihi, Si bellum ista geret, quam monstras, turba. Quid autem Turcis missas hic ego cerno togas ? Aut hosti turba ista fauet, quia gaudet amictu Illius, aut omen res habet ista malum. S. : Immo forte bonum : spolia haec ex hoste feremus Vtemurque suis rebus et exuuils. R. : Di faxint ! Quid ? qui a collo arrexere bicomem Pannum Pannonico more supra usque caput ? S. : Si fugiant uentusque ruat posticus in illos, Hoc uelo poterint accelerare fugam. Sed nunquam fugient, prohibet nam calceus alto Subnixus ferro, ni sibi crura uolent Frangi, dum fugiunt. Sic nostra ciconia, ut isti, Ambulat et librat sic per aquosa pedes. R. : Condoleo rniseris, quod compede sponte ligarint lpsi se. - S. : Assuescunt uincula posse pati. R. : Calcar praeterea adiungunt cubitale sonorum. S. : Nernpe locus pugnae si Japidosus erit, Desilient ab equis strepitumque bis calcibus edent Terrebuntque hostes, sicut arator aues. R. : Aspice longipedes hos curta ueste, quid illi ? S. : Nomen militiae curta ea uestis habet : S. : Visne uidere istos ? -

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R. : Opus est. -

33 frangitur Cwiklinski (ex cod. Zal.) : funaitur Boehm. 47 ilti Cwlldln.rkl (ex cod. Za/.) : iste Boehm. 53 bis Cwlklin.rld (ex cod. Zal.) : hic Boehm.

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S. : Tu veux les voir ? R. : C'est indispensable. S. : Jette les yeux sur cette foule. R. : C'est une cohue d'étrangers. Assez plaisanté! A présent, s'il te plaît, montre-moi enfin des Polonais! S. : Attends qu'ils ressuscitent. R. : Je l'exige à l'instant même. S. : Pour l'instant, je te les fais voir tels que je les ai. R. : Tu te joues de moi ? Ou sont-ce là, fou que tu es, les coiffures et les costumes de mon peuple ? S. : Fou toi-même, si tu ignores que tout change à la longue. R. : Je le sais bien, mais au sein du changement même, la forme reste unique. Au lieu qu'ici, à la place de l'unique figure ancienne, j'en vois mille nouvelles. Non, je refuse de reconnaître les miens. Les miens avaient tous la même allure, le même vêtement, le même amour. Ici, autant d'oiseaux, autant de plumages, et on peut en déduire : autant de sentiments différents. Car Dieu et la Nature poussent le semblable vers le semblable. Je n'ai plus désormais ni courage ni espoir de vaincre le Turc, s'il faut guerroyer avec la foule disparate que tu me fais voir. Mais pourquoi aperçois-je ici des robes venues de Turquie ? Ou ce peuple a des sympathies pour l'ennemi, ou il faut voir là un pr6sagc funeste. S. : Bon présage au contraire : signe que nous prendrons ses hardes à l'ennemi, et par droit de conquête nous arrogerons ses dépouilles. R. : Que les dieux t'entendent. Mais qu'est ceci? Ces cols relevés au-dessus de la nuque, plus haut que la tête, de chaque côté? S. : S'ils venaient à fuir, et que le vent les pousse par-derrière, cette voile leur permettrait de fuir beaucoup plus vite. Mais ils ne fuiront jamais, empêchés qu'ils sont par leurs chaussures à hauts talons - à moins qu'ils ne veuillent se casser les deux jambes dans leur fuite. Les cigognes de chez nous ont la même démarche quand elles se balancent sur leurs pieds dans les marais. R. : Je plains ces malheureux de s'être ainsi eux-mêmes mis des entraves. S. : Ils s'habituent ainsi aux fers. R. : Mais ils ont ajusté à leurs talons des éperons sonnants. S. : C'est pour pouvoir, si le champ de bataille est rocailleux, sauter de leurs chevaux et faire tinter leurs bottes, pour effrayer les ennemis, comme le paysan avec les oiseaux. R. : Regarde ceux-là, avec leur courte tunique sur de longues jambes. S. : Cette tunique courte est appelée c militaire > ; les Grecs

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Graeculus ut quidam prohibet, c stratiotica > graece Dicta est. Militibus conuenit · ergo bonis. Bracchia non onerat, non impedit arma ferentes, Commoda, transiri flumina si sit opus. R. : Germanos, ltalos, Gallos quot conspicor ? - S. : At nil His populis hello clarius orbis habet. R. : Denique nullum hominum genus arbitror esse, quod isti Permistum turbae non uideatur. - S. : Agas Jure Deo grates : Regi diuersa Polono Natio nunc paret. multus et est pooulus Ex uno natus populo. Sic grana papauer Ex uno (diuum munere) mille facit. R. : Grana tamen mille illa suae conformia matri Sunt, at in bis ueterum quae nota, quaeso, patrum est ? S. : Mutarunt uestem, non pectora. Visne Senatum Nunc etiam ? Ad laeuam respice I Quid lacrimas ? R. : li quoque degenerant, ut plebs, uariantque. Senatus Non uariat Venetus. Purpura longa tegit Omnes, ut narrant. Ergo respublica nunquam morum uariat, longa eademque manet. At uestri proceres ! Incisus calceus illi est, Leuiter huic thorax, hic tunicam, hic caligas Consecuit, pueros quod uix decuisset in ipsa Mileto genitos. - S. : Asper et acer homo es. Et temere damnas, quod nescit quid sit. Vt ergo Noris : ii uestes consecuere suas, Vt uulgo ostendant, se propter publica regni Commoda conscindi uelle priusque mori Atque ita concerpi, ut uestes, quam admittere quicquam lndignum patria, religione, fide. R. : Spem reuocas animumque mibi. Quid colla superbis Torquibus et gemmis irradiata manus ? S. : Garrulus et prolixus homo es. Ouin quaeris ab ipsis Caetera ? Ego interea temporis est quod agam. R. : Verbum unum 1 - S. : Sine me ! Vis est haec ! Mitte tuisque Luctam cum laruis instrue, bella gere ! R. : Die, quis homo es ? - S. : Miles. - R. : Prima hoc ego [fronte notaui : De hello atque armis dicere multa potes. Quod nomen ? - S. : Miles. - R. : Non miles uestibus. - S. : [Et tu

munere CwUclln&kl(a cod. Zal.) : nomine aoelun. 79 decuisset Cwl1cllnskl (ex cod. Zal.) : docuisaet BtHlun. 68

MODB POLONAISE

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la nomment c stratiotique >, comme je le tiens de l'un d'eux. Elle convient donc aux bons soldats. Elle ne charge paa les bras, ne gêne pas le port des armes, elle n'entrave pas les mouvements s'il faut passer un fleuve à la nage. R. : Combien voia-je d' Allemands, d'italiens, de Français ? S. : Le monde n'a pas produit de guerriers plus fameux que ces peuples. R. : En somme, je crois qu'il n'y a pas une seule race humaine qui ne soit représentée dans cette foule. S. : Rends-en grâces à Dieu : toutes les nations du monde obéissent aujourd'hui au roi de Pologne ; d'un peuple unique est née toute une diversité. Ainsi, par la grâce divine, se multiplie par mille la graine de pavot. R. : Oui, mais du moins, ces graines multipliées par mille sont-elles encore identiques à leur mère. Mais ceux-ci, dis-moi, quel trait distinctif ont-ils conservé de leurs ancêtres ? S. : Leurs habits ont changé, non leur cœur. Veux-tu voir aussi tes sénateurs ? Regarde à gauche. Pourquoi pleures-tu ? R. : Eux aussi, à l'instar du peuple, dégénèrent et s'affublent d'habits disparates. Point de disparate au Sénat de Venise : tous portent la longue robe pourpre : aussi, point de disparate non plus dans leur République, qui reste depuis toujours fidèle à elle-même. Mais regardez vos princes ! L'un porte un brodequin finement entaillé ; l'autre, c'est son pourpoint ; l'autre sa chemise ; l'autre ses bottes, raffinements qui seraient à peine admissibles chez les petits jeunes gens de la luxueuse Milet. S. : Tu es sévère et brutal ; et condamnes à la légère ce que tu ne comprends pas. Afin que tu le saches bien, ils ont taillé ainsi leurs vêtements pour montrer au peuple qu'ils se feraient tailler en pièces pour le bien de l'Etat, et aimeraient mieux mourir et être dépecés comme leurs vêtements, plutôt que de commettre un acte indigne de la patrie, de la religion, de la foi. R. : Tu me rends l'espoir et la vie. Mais pourquoi leurs cous scintillent-ils de colliers magnifiques et leurs mains de pierreries ? S. : Tu es un incorrigible bavard. Que ne demandes-tu le reste aux intéressés ? Pendant ce temps, j'ai affaire. R. : Un seul mot. S. : Laisse-moi tranquille ! Mais tu me retiens de force 1 Laisse-moi donc, vaque à tes préparatifs de guerre et va-t'en livrer bataille avec tes fantômes. R. : Mais dis-moi : qui es-tu ? S. : Un soldat. R. : Je l'ai vu du premier coup d'œil. Car tu es intarissable sur le chapitre de la guerre et des armes. Comment t'appelles-tu ? S. : Un soldat. .

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Pellibus iis non rex. - R. : Sobria nonne placent Vestimenta tibi sine luxu in rege ? Sed et tu V estitus causam iam mihi redde tui ! A collo tibi per scapulas dependet onustus Aut lana aut feno saccus - et hocce nouum est S. : Muniui hoc clipeo dorsum. - R. : Num uera loquentes A uestris baculum praemia ferre soient ?

101-102 Num Cwlklbuki (ex cod. Zal.): nam Boehm, qui Stan. morosopho hMc quoque uerba dedlt.

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R. : Mais tu n'es pas vêtu comme un soldat. S. : De même que cette peau de mouton est fort peu royale.

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R. : Un vêtement simple et sans luxe ne te plaît donc pas chez un roi ? Mais à ton tour explique-moi la raison de cet accoutrement ! Car, pendant de tes épaules sur ton dos, descend un sac bourré de laine ou de foin : ceci aussi est nouveau pour moi. S. : C'est un bouclier dont je protège mon dos. R. : Est-ce que chez vous l'homme qui dit la vérité est récompensé par le port d'un hochet ?

JEAN KOCHANOWSKI (1530-1583)

JEAN KOCHANowsu est né à Sycyna en 1530 (ou 1532) du second mariage de son père, gentilhomme et juge à Sandomierz, avec Anne Odrowonz de Bialoczow, qui appartenait à l'une des meilleures familles de Pologne. Il s'inscrit en 1544 à l'université de Cracovie, où il reste, semble-t-il, jusqu'en 1549, puis il voyage : en ISS2 en Italie, à Padoue, où il se lie d'amitié avec Paul Manuce, puis en France, à Paris et à la cour d'Henri II, en 1555-1556, époque de la gloire de Ronsard, salu6 dans une de ses 61égies. De retour en Pologne, il mène d'abord la vie d'un noble de province, puis fréquente de grands personnages : en 1562 il est introduit au cblteau de Nicolas Firley, puis à la cour de Padniewski, évêque de Cracovie, chancelier et ministre, puis de Mysz.kowski, et enfin à la cour de Sigismond-Auguste. Quand le prince français Henri de Valois succède à Sigismond en 1572, Kochanowski krit une ode en son honneur, mais bientôt, déçu, l'attaque dans plusieun pikes satiriques. Il sera au contraire un partisan enthousiaste du roi Stefan Batory. Entre-temps, il s'est retir6 à la campagne, marié, et il meurt à Lublin en 1S84.

Jean Kochanowski est le créateur de la poésie polonaise moderne, c'est à ce titre qu'il doit sa célébrité. Néanmoins ses premières œuvres furent composées en latin et même dans sa maturité il continua à s'exprimer, parallèlement, dans les deux langues. La variété de son œuvre latine n'a donc rien de surprenant. On y trouve des poésies légères, comme les élégies amoureuses à Lydia, poèmes enflammés et charmants, trahissant l'influence de Properce et d'Ovide, en fait le premier ensemble de ce genre en Pologne depuis Callimachus ; ou comme les vives épigrammes réunies sous le titre de Foricoenia, qui nous introduisent dans le cercle des amis du poète. Plus ambitieuses sont les Odes du Lyricorum Liber, écrites, à la manière d'Horace et même de Pindare,dans les dernières années de sa vie. Mais comme chez beaucoup de ses compatriotes, les poèmes les plus intéressants sont les poèmes politiques, ceux où l'on peut saisir un écho des grands événements d'actualité : panégyriques, épinicies, comme le Pan Zamchanus ou l'Ode Solennelle composée en l'honneur de Stefan Batory (la deuxième, écrite en 1583, fut chantée au château royal de Wavel par le musicien du roi); ou au contraire pamphlets poétiques, comme la fable satirique que nous citons ci-après et dont la verve gouailleuse s'égaie du départ précipité d'Henri de Valois, roitelet vite

élu, plus vite détrôné.

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JEAN ltOCHANOWSICI

TEXTE : Ioan. Cochanouil Eleglarum libri IV, eiuadem Foricoenlo, siue Epigrammatum libellu.r•••, Cracovie, 1584 ; Zl!Nol!a, Deux manuacritl ~ bourgeoü du poûies de J. K •••, Saint-P~tersbourg, 1905; Jan Kochanowski, Carmina latina, emend., argum. et notis instr. J. Paznoaowm, Varsovie, 1884. E'IUDES : J. LANouoE, J. K. : l'homme, le penseur, le poile lyrique, 1932; S. WINDALŒWICZ, J. K., 1947; J. K. l.œwENPEu>, J. K. und •IM lateinische Dichlun.gen, 1877; K. BllOND:OWSla, 0 Foricoenlach J. K., 1888.

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Non ita solliciti sulcant Neptunia nautae Aequora, cum caeca sydera nocte latent ; Nec fugiente die tanto moerore uiator Errans in sylua carpitur Hercynia, Quantis nostra soient tabescere -pectora curis, Cum fugis ex oculis, Lydia dura, meis. Tom mihi necquicquam caelestia porrigat Hebe Pocula, nequicquam pulset Apollo lyram : Omnia sunt ingrato tuo sine, Lydia, amore, Omnia sunt luctus, omnia sunt lacrymae. Perfidus ille meo quicumque inuidit amori, lratos habeat, quicquid aget, superos. Non incerta loquor : saeuo nunc ille dolore Saucius, indomitis nauigat aequoribus. lngratique diu poenas perpessus amoris, Anticyram tandem per freta uasta petit. 0 Neptune, tui si sunt rapida aequora iuris, Cyaneis illam fige ratem scopulis. Fige : uel in medias luctantem coniice Syrtes, Alueus infidum continet ille caput. Me Venus edocuit quosuis sufferre labores, Et mihi iampridem nil in amore nouum est. Edidici hybemis pluuiam fundentibus Austris Dormire ingratas frigidus ante fores ; Et mihi promissas potiori cedere noctes, Et lacrymas siccis dissimulare genis. Lydia, te propter nihil est, quod ferre recusem, Seu faueas, seu tu sis inimica mihi. En agedum, saeuo mea pectora diuide ferro, Si merui, et si te mea uulnera iuuant. Si neque ego merui, nec tu quoque sanguine gaudes, Quid me sollicitum tenta perire sinis ?

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Moins angoissé est le marin, sillonnant les plaines de Neptune, quand les étoiles se cachent au fond de l'aveugle nuit; moins épouvanté est le voyageur, égaré dans la forêt hercynienne, et surpris par la fuite du jour - que je ne suis moi-même dévoré de soucis quand tu te dérobes à ma vue, Lydie, mon inhumaine. Bien vainement alors Hébé m'offrirait le nectar des dieux, vainement Apollon toucherait sa lyre : loin de ton amour qui me torture, Lydie, je ne trouve partout qu'affliction et larmes. Ah ! Puisse le jaloux qui a jeté un sort à mon amour éprouver en toutes ses entreprises la colère des dieux ! Je sais ce que je dis : déjà, navré d'une cruelle blessure, il vogue sur les flots déchaînés ; après avoir enduré tous les supplices d'un amour non partagé, il gagne, au-delà de l'Océan immense, le rivage d'Anticyre •. 0 Neptune, s'il est vrai que tu commandes à la violence des flots, fracasse son navire sur les écueils des Symplégades • ; ou bien abandonne, en perdition, au milieu des Syrtes •, cette coque qui emporte à son bord un être aussi perfide. Pour moi, Vénus m'a instruit à endurer toutes sortes d'épreuves, il y a bien longtemps qu' Amour n'a plus rien de nouveau pour moi. J'ai appris, quand les vents d'hiver déversaient la pluie, à dormir glacé sur le seuil d'une cruelle ; à voir un rival heureux jouir des nuits qui m'étaient promises, et à sécher mes joues pour cacher mes larmes. Lydie, il n'y a rien que pour toi je refuse de souffrir, que tu me sois clémente, ou hostile. Allons, si tu veux, ouvre ma poitrine avec le fer, si je l'ai mérité et si mes souffrances te font plaisir. Mais si je ne l'ai pas mérité et que tu ne prennes aucun plaisir à voir couler mon sang, pourquoi me laisses-tu mourir de souci ?

FORICOENIA,

SIVE EPIGRAMMA1VM LIBELLVS AD SODALES

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Hic, o amici Dum patiuntur Fata, bibendum est. Nulla apud Orcum Vinea floret, Nulla Lyaeo Dolia feruent. Flumina tristi Sulfure manant ; Pallida ripas Taxus inumbrat. Hic, o amici, Hic et amandum est. Nam simul atque Ruperit atrox Stamina Clotho, Te, Crocali, et te, Phylli, relicta, Per Styga nigro Lyntre feremur : Haud nebularum Absimiles, quas Aequore surgens Dissipat Eurus. DE NBAERA

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Thebana bella tu quidem Cantas, et ille Troica, Ego mea infortunia. Me non eques, me non pedes, Aut classis ulla perdidit, Sed syderibus certantia Dulcis Neaerae lumina.

IN TVMVLVMPR.ANC. PETR.AllCRAB

Si memor ipse sui est animus post funera, culte Petrarcha, et cineri uiuit inustus Amor,

PETITS VERS POUR TABLE D'HÔTE À SES COMPAGNONS

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C'est ici, mes amis, qu'il faut nous enivrer, profitant d'un sursis : on ne voit chez 0rcus ni la vigne fleurir, ni le vin écumer au ventre des barils ; là-bas coule le fleuve aux sinistres vapeurs, des cyprès pâlissants en ombragent les rives. C'est ici, mes amis, ici, qu'il faut aimer : à la minute même où l'affreuse Ootho aura coupé le fil, adieu, ma Crocalis, adieu aussi, Phyllis ! Nous serons emportés par les ondes du Styx dessus la barque noire, pareils à des nuages, que dissipe l'Burus se levant sur la mer. SUR NÜRE

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Toi, tu chantes les guerres de Thèbes, un autre la guerre de Troie, moi je chante mes propres désastres. Ma défaite, je la dois, non à des fantassins, ni à des cavaliers, ni à des navires ennemis, mais aux yeux de ma douce Néère, à ses yeux rivaux des étoiles. SUR. LB TOMBEAUDB PfTllARQUB

Si l'Ame garde quelque souvenir après la mort, 616gantP6trarque,

et si l'amour vit encore, intact, dans la cendre, alon, tu as moins

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Certe non tantum cepisti morte dolorem, Quam gaudes Laurae nunc comes ire tuae. Quae, fati inuidia primis oppressa sub annis, Te summo in luctu liquerat, et lacrymis. Nunc uos Letheae spaciantes margine ripae, Elysii spectat plebs numerosa fori. Felices animae, quarum dissoluere foedus Mors quoque et extremi non potuere rogi ! DE PHILENIDB

Petrarcham uates Nasica Philenide coram Laudabat : c Dantem malo ! >, Philenis ait. AD FABVLLVM

Tarde procedunt foricoenia nostra, Fab1llle. Quid mirum ? Coenat semper poeta domi. AD NAEVOLVM

Scribere me semper foricoenia, Naeuole, cupis, Inuitas nunquam : sic domicoenia erunt. FABVLA AD MAGNIPICVMNICOLAVMFIRLEY DB ELECTIONB, CORONATIONE ET PVGA GALLI

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Non est fabula quod canem creatum Regem Pannoniis feront in oris Atque hune Sidonio cubantem in ostro (Dum pictis parum habet uorare caudis Pauones, acipenseres, placentas, Sed micas etiam caducaque ossa Mensis persequitur uorax relictis) Caesum a chironomo aurea machaera, Quod, gemmis licet et niteret auro, Seruaret tamen impudens caninos Mores, ingenium beluinum : Huic non absimile est, amice Firley, Nuper quod rigida accidit sub Arcto, Augusto ad superum domos uocato. Nam Gal!um uolucrem frequens senatus, Plebe instante scientibusque turmis Armatorum equitum, boum feracis

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souffert de mourir que tu n'as de joie, à présent, à côtoyer ta Laure bien-aimée. Frappée toute jeune par un sort jaloux, elle t'avait laissé en proie au désespoir et aux larmes. Mais aujourd'hui, le peuple innombrable du séjour élyséen vous voit cheminer, enlacés, au bord des rives du Léthé. Ames bienheureuses, dont l'union a résisté à la mort même, et à la flamme du bOcher! SU& PHILÉNIS

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Le poète Nasica louait Pétrarque en présence de Philénis. c J'aime mieux Dante ! > (celui qui donne), dit-elle. À FABULLUS

Je te fais attendre mes petits vers de table d'hôte, Fabullus. Quoi d'étonnant ? Ton poète dîne souvent chez lui. À NÉVOLUS

Tu exiges toujours de nouveaux vers de table d'hôte, Névolus ; mais tu ne m'invites jamais : ce seront donc des vers de dîneur solitaire.

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AU TiœSNOBLE NICOLAS FIRLEY, LE COURONNEMENT ET LA FUITE DU COQ GAULOIS

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Ce n'est pas une fable, l'histoire de ce chien couronné naguère roi de Hongrie : couché sur la pourpre, il ne se contentait pas de dévorer paons à la queue bigarrée, esturgeons, galettes, mais abandonnait la table royale pour rafler les miettes et les os tombés à terre. Un danseur le poignarda fort à propos, car, tout couvert qu'il était d'or et de pierreries, il avait conservé, le rustre. ses habitudes de chien, son caractère bestial. Or, une aventure à peu près semblable, mon cher Firley, est arrivée tout récemment sous le ciel glacé de l'Ourse, aprk que notre prince eut été rappelé chez les dieux. Ici, c'est un coq gaulois • que le Sénat unanime, poussé par le peuple et avec l'assentiment de notre chevalerie, avait appelé à régner sur les bœufs de la riche Pologne.

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Regem Sarmatiae renuntiauit. Hic ergo simul induit coronam Et cristam rutilo implicauit auro Deiectam feriens identidem alam Ungui terrifico, aureamque caudam Respectans oculo inquietiore, Augustam tumidus subibat aulam ; Vt uero in medio patrum resedit, Gemmis fulgidus et nitente cocco, Cum multa in medium forent, uti fit, Prolata, et patriae quid expediret Iactaretur ab his itemque ab illis, Iussus dicere rex quoque et per omnes Iniunctum omnibus angulos silere ; Hic se attollere, leuigare plumas Et caudam tenero fricare rostro Auersus : sed ubi satis uenustus Omatusque sibi elegansque uisus, Plumis totus inhorruit remissis Floccosque horridus excutit reuulsos ; Arrectis stupet auribus Polonus Reclusoque stilum tenet libello Excepturus : at hic repente pennis Mensam strenuus inuolat citatis, lnf estaque latus bis et ter ala Concussit, cecinitque ualde acutum, Auroram quod equosque dormientes Possit purpurei excitare Solis : Risus plurimus inde consecutus Et tota immodicis domus cacbinnis Late personuit. Tenere rbonchos Praeco Marticolas iubet Quirites lntentatque minas uibratque sceptrum Nequicquam ! Magis ac magis cachinni Crudescunt : neque pubis atriensis Desunt sibila, regia insolenti Completur strepitu. Pauet fugamque Spectare incipit alifer tyrannus ; Exclususque fore, occupat fenestram Penna praepete, mox leues in auras Maiorem ueritus fugit tumultum.

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A peine eut-il reçu la couronne et passé sa crête dans le réseau d'or fauve, que, baissant une aile, il se met à la gratter furieusement à grands coups d'ongles, tout en louchant sur sa queue d'un œil inquiet ; puis, gonglé d'importance, il entre dans le palais du gouvernement. Mais quand il fut assis au milieu des Sénateurs, ruisselant de bijoux, drapé dans son manteau d'écarlate, voilà qu'on débat, comme à l'ordinaire, d'une foule de questions ; et chacun ici et là, de prôner des solutions utiles à la patrie. Le roi est invité à parler à son tour, et l'on ordonne à tout l'hémicycle de faire silence. Alors il se lève, lisse ses plumes, et tournant la tête, lustre délicatement sa queue avec son bec ; puis, quand il pensa être assez beau, assez paré, assez élégant, il se hérissa de toutes ses plumes redressées, s'ébroua et en se secouant fit tomber quelques duvets. L'oreille dressée, les Polonais stupéfaits tiennent leur plume en l'air, prêts à recueillir ses propos : mais lui, soudain, prenant un vigoureux élan, saute sur la table, puis se bat les flancs deux et trois fois à grands coups d'ailes, et... pousse un cocorico des plus clairs, capable de réveiller l'Aurore et les chevaux endormis du Soleil éclatant. Un immense fou rire s'ensuivit, dont retentit le palais tout entier : en vain l'huissier intimait-il à la valeureuse assemblée de cesser ses ricanements, en vain luimême menaçait-il en agitant son sceptre : le rire devient de plus en plus énorme, la foule qui est dans la salle y ajoute ses sifflets, le palais est rempli d'un vacarme inaccoutumé. Notre tyranneau ailé prend peur et commence à envisager la fuite. On lui barre la porte : il gagne lestement la fenêtre et de là, par crainte de plus grands chahuts, s'éclipse par la voie des airs!

NICCOLO HUSSOVIANVS

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Oo sait trà peu de choses sur NICCOLOHussoVIANUS, dont il est difficile d'établir même le cognomen polonais, originaire de Hussow, en Lituanie. Il a passé ses années de jeunesse dans la forêt natale, avant d'être admis à la cour d'Erasme Ciolek, abbé de la cathédrale de Vilna et secrétaire du roi Alexandre, plus tard évlque de Plock. Lettré et mécène, ce prince de l'Eglise est en relation avec les cercles humanistes de Bologne et de Rome, où il accomplit plusieurs voyages au titre d'ambassadeur d'Alexandre, puis de Sigismond 1••. Hussovianus l'accompagne lors de son dernier voyage, entre 1518 et 1522. Destiné à agrémenter le don à Léon X d'une peau de bison empaillé offerte par son protecteur, le Carmen de bisonte ne sera achevé qu'après la mort du pape et de Ciolek lui-même, lors du retour de l'auteur en Pologne (1523). Le poète en quête de nouveaux protecteurs le d6die à la reine Bona. C'est le seul fruit vraiment original de sa Muse par ailleurs assez modeste : on ne mentionnera que pour mémoire son élégie sur la victoire remportœ par Sigismond sur les Turcs (1524), et un poème épique sur la vie et les actes de saint Hyacinthe, moine polonais (1529).

Conçu à Rome dans l'entourage d'un pape fervent de chasse (Dianae quam ~inervae aptior, selon l'expression de Michel Humelberg, citée par Morawski}, le Chant du bison se rattache, comme on l'a montré, à la vogue des poèmes néo-latins sur la chasse qui fleurissent dans les cercles princiers de la Renaissance, et notamment à la cour de Léon X (là-dessus, voir déjà Burckardt, La civilisation de la Renaissance, troisième partie, chapitre X} ; on y relève aussi l'influence des Cynégétiques de Gratius et de Némésianus, dont Sannazar apporte le manuscrit à Naples en 1503 et dont le texte a certainement circulé avant d'être édité par les Alde en 1534. Ces influences indiscutables n'effacent pas l'impression d'originalité et de véracité produite par ce long poème. Servis par un style de mouvement, les épisodes de la chasse proprement dite sont narrés avec la précision et souvent le pittoresque de choses vues ; et la description de la bête, celle des immenses forêts couvertes de neige sont d'une beauté puissante. L'auteur a su à un degré éminent unir la forme latine (et les influences antiques et italiennes} à la thématique nationale : cette authenticité lui assure une place singulière, sur le fond de cette poésie latine de Pologne souvent artificielle et courtisanesque, entre les descriptions analogues de Conrad Celtis (que Morawski paraît oublier dans son excellente étude} et la Roxolania de Klonowicz ou le Pan Tadeusz, l'épopée nationale du grand poète de langue polonaise Adam Mickiewicz.

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NICCOLO HUSSOVIANVS

TEXTE : Niccolai Hussoviani Carmina•••, I. PELCZAll,Cracovie, 1894.

ed., praef. imtr., adnot. illustr.

ETUDE : J. Krokowski, Il c Carmen de bisonte • dl N.H., Cracovie, 1923, • le •• upirar.ionl italiane e antiche, in c Il mondo antico nel Rinucimento •• Florence, 1956, p. 93-105.

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... ma quidem primum leuibus uiolata sagittis : Pendebant summa spicula mi~a cute. Quo facto furibunda uiros prospexit in omnes, Difflans horrendos, nare tremente, sonos. Tum subitos obuersa gradus saltusque citatos Impulit et celerem tentat inire fugam : Currentemque equites sublata uoce sequuntur Alta repercussus sidera clamor agit. Sed dum praecipiti cursu peruenerat illuc, Qua circumiecta mole tenetur iter, Excipitur trepido uulgi clamore : repulsa Stat meditans, quanam parte retorta ruat. Missa fuit rursus stridens in uulnus arundo, Vt magis efferuens ardeat ira ferae. 1am tum fixa uidens ferro sua membra uolucri In subitam rabiem soluitur atque furit. 1am uenatores toruo grauat aspera uisu, Attendens, qua se densius agmen agat. Exercet primas latrantum bellua caedes, Seque uiris infert strage cruenta canum. Diffugiunt iuuenes et equos in deuia torquent Siluaque clamosis uocibus alta tremit. Nemo fugam sperare potest, si cursibus instet Rectus : in obliquum flectere tuta fuga est. Sic furor ipse grauem procul et celer impetus aufert, Vt nequeat tanto corpore torta sequi; Et cum tam multis equitum circumdata currat, Quemlibet insequitur seque tenere nequit. Praecipites agitans saltus et corpore maior Cursibus extenso murmura nare tonat. Horrendas quatit aura iubas et utrumque refundit In latus. Hac specie, turbida, grandis, atrox, Per loca saeptorum caeca uertigine saltat, Exquirens irae pabula dira suae... Stat geminus late paries deductus in artum Ad cunei formam fronte patente locum. Conduntur media robusta repagula mole, Quae uiridi pinus fronde resecta tegit. Cuncta latent circumpositis abscondita ramis, Praesentire dolos ne fera cauta queat. Tandem ueste rubens aliquis simul ense coruscans

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... La bête, pour commencer, avait été touchée par des flèches légères, dont les hampes pendaient, accrochées au cuir. Mise en fureur, elle foudroie du regard la troupe des chasseurs et pousse des grognements effrayants qui font trembler ses naseaux. Puis, soudain, elle fait volte-face et prend la fuite, en bonds précipités. Les cavaliers s'élancent sur ses talons en poussant de grands cris, dont l'écho se répercute jusqu'aux astres. Mais au terme d'une course folle elle se heurte à un barrage qui lui ferme la route : accueillie par une clameur d'épouvante, stoppée net, elle reste immobile, se demandant dans quelle direction elle va s'élancer. A nouveau une flèche siffle et va se planter dans la blessure, exacerbant encore la bouillante colère de l'animal. Maintenant qu'il voit son corps criblé de dards ailés, il s'abandonne à une explosion de rage déchatnée. Farouche, dardant sur les chasseurs son regard torve, le monstre tâche de repérer l'endroit où la troupe est la plus compacte, puis il fonce, fait un carnage des chiens et, tout sanglant de ce massacre, se rue sur les chasseurs. Les jeunes gens se dispersent, entraînant leurs chevaux hors de son chemin. Leurs cris stridents font trembler les hautes futaies. Pas de fuite à espérer si on court droit devant soi, mais on peut s'échapper en zigzaguant : emportée par la fureur et par l'élan, la lourde masse dépasse son but, incapable d'infléchir sa route. Environnée d'une multitude de cavaliers, elle court en tous sens, s'en prenant à tous successivement, impuissante à se maîtriser, piquant tête baissée, en bonds désordonnés, le corps tendu et plus monstrueux encore dans la course, tirant de son mufle des rugissements tem'bles, battant l'air de sa formidable crinière. qui retombe ensuite sur ses flancs. Tel est son aspect, quand, affolée, gigantesque, ivre de carnage, elle tourbillonne en bonds aveugles, dans l'espace où elle est acculée, cherchant une victime sur laquelle assouvir sa soif de vengeance...

... On dresse sur une bonne distance une double paroi qui va en se rétrécissant en forme de coin ouvert à l'avant. Au milieu, on cache de solides barres de clôture, que l'on recouvre de branches vertes coupées sur un pin. Tout cela est bien dissimulé sous le feuillage, afin que la bête méfiante ne puisse flairer le piège. Enfin, un homme vêtu de rouge et faisant de grands gestes avec son épée se promène à bonne distance sous les yeux de

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Ambulat irata conspiciente procul. Ilia furore calens rapido ruit excita cursu Virque suam uersat per loca nota fugam, Donec ad insidias peruenerit ante paratas Et fugit interius terga premente fera, Et quam nec rapidae iam possent sistere flammae, Labitur in medios praecipitata dolos. Peruius ille uiro tantum fuit angulus : ipsa Pressa manens retro uertere terga nequit. E latebris alti surgunt tensisque coartant Restibus astrictam duraque membra premunt, Inüciuntque simul pedicas, spumantia loris Ora ligant, toto corpore uincla rigent... ... Vixque neci tandem coepit matura uideri Sensibus : exbausit singula membra furor Et sudore fluens crebro quatit ilia pulsu Spum.aque iam toto corpore densa cadit. Implicat ambiguos pedibus uelut ebria gressus ; Aspice, quam subita sit peritura nece. Nam satis ut uisa est animo cepisse furoris, Desiliunt equites et remouentur equi. Solis more suo gladiis accincta iuuentus Prodit, ut haec ferro cominus icta cadat. Arboribus lectis mira ui pectoris astant Expositi ad saeuam laudis amore necem, Enseque fulgenti tenui cum uoce coruscans Pro se quisque trucem prouocat arte feram. Ocior et uento conspectum fertur in hostem, Qui retro prosiliens arbore tectus abit. Haec petitur summoque gradu magnique recessus lmpete, ut ardentem fulmineumque putes. Soluuntur tactique cadunt ex arbore rami Et fragmenta suae pondera mortis habent Tune opus est animo uigiles intendere sensus, lgnauis minime conuenit iste locus. Vidi ego, dum simili casu uir fortis et acer Ensem dimisit deriguitque metu : Et nisi subsidium misero fortuna tulisset, In subitae lapsus uincula mortis erat ma quidem niuibus suspensis canduit arbor, Maxima quae ramis pinus et ampla fuit Duraque : cum sonitu quam primum robore frons est Impacta et rami contremuere graues,

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l'animal irrité. Excité par sa vue, Je monstre, bouillant de fureur, fonce à toute vitesse; l'homme s'enfuit en suivant l'itinéraire repéré, jusqu'au lieu où a été tendue ]'embuscade; il s'élance dans le piège, serré de près par Ja bête qui arrive si vite qu'un mur de flammes ne saurait J'arrêter. La tête la première, elle se rue en plein dans le piège. L'angle du fond a été aménagé de façon à ne livrer passage qu'à J'homme seul. El1e, b]oquée, enfermée, ne peut p]us faire marche arrière. Alors ]es autres, sortant de leurs cachettes, jettent sur elle des cordes soJidement tendues, emprisonnent ses membres monstrueux, entravent ses pattes, ligottent son mufle écumant : tout son corps est impitoyablement garrotté ...

... A grand-peine enfin, on commence à penser qu'elle est prête à recevoir le coup de grâce. La violence de sa colère a épuisé ses forces, ses flancs haletants ruissellent de sueur, tout son corps est couvert d'une bave écumante. Elle vacille sur ses pattes et titube, comme ivre. Et voyez comme elJe va mettre peu de temps à mourir. Dès qu'ils estiment l'avoir suffisamment exaspérée, les cavaliers sautent à bas de leurs chevaux, qu'ils mettent à l'abri. Puis, armés seulement de leurs épées, selon leur coutume, ]es jeunes gens s'avancent pour estoquer la bête face à face. Ils choisissent des arbres, devant lesquels ils se tiennent, avec un courage admirable, risquant, par amour de la gloire, une mort affreuse. L'épée au clair, provoquant la bête de la voix et du· geste, ils défient le fauve redoutable. Celui-ci, dès qu'il en voit un, plus vite que le vent, fonce sur lui. L'autre bondit en arrière et se met au couvert de l'arbre. L'animal vient frapper le tronc de toute sa vitesse et avec l'é]an que lui donne le recul : on croirait voir s'abattre le trait ardent de la foudre. Les branches fracassées tombent : leur chute a la Jourdeur de ]a mort. C'est alors qu'il convient d'avoir tous les sens en éveil ; aucune pJace non plus pour les lâches : j'ai vu de mes yeux, une fois, un homme vaillant et intrépide, placé dans cette situation, lâcher son épée et demeurer paralysé d'épouvante. Et si un hasard miraculeux ne l'avait pas secouru, il était voué à une mort instantanée. Mais l'arbre était tout blanc d'une épaisse calotte de neige - c'était un pin immense, à la vaste ramure et au tronc r&istant. Au premier choc retentissant donné par cette lourde masse, les rameaux tremblèrent, la neige rudement secouée

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Nix commota ruens densauit in aëre nubem Inuoluitque tegens arboris ima uirum. Corporis hic subito uires animumque recepit Et rapuit celerem nube tegente fugam. Hoc socii magno facinus risere cachinno, Tanquam sit morti cedere turpe nefas, Et uelut aequatas habeant certamina uires, Alterius semper quae nece partis eunt...

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s'écroula, véritable nuage qui enveloppa le pied de l'arbre en dissimulant le chasseur. Celui-ci recouvre alors l'usage de ses forces et reprend ses esprits, et, encore enveloppé par le blanc nuage, prend ses jambes à son cou. Ses compagnons saluèrent l'exploit par de grands éclats de rire : comme si c'eût été un crime déshonorant de fuir devant la mort et comme si les adversaires étaient d'égale force dans ce combat où l'un des deux est sOr de mourir...

SÉBASTIEN FABIEN KLONOWICZ (Acemus)

( 1545-1608)

KLONOWICZ, qui doit son surnom à la racine du mot désignant l'~rable, klon (en latin acern,u), est né un 20 janvier, jour de la tete de Sébastien et de Fabien, à Sulmierzyce, grand marché du ~l, en Pologne occidentale, près de la Silésie : Nasoni patria est Sulmo, Sulmirc1a Acerni. Il appartient à la classe moyenne. Son ~re, riche meunier, lui fait faire les meilleures études à l'université jagellonienne de Cracovie, où il apprend le droit. Après un voyage d'une année en Ukraine, qui inspirera plus tard son poème de Roxolania, il s'installe (peut-atre vers 1560 ?) à Lublin, cité de l'Est de la Pologne, alors en plein développement économique et démographique. La Diète y tient souvent des sessions, et le transylvanien Stefan Batory en a fait, après son avènement, le siège de la cour d'appel de la Petite Pologne. Klonowicz y commence une ascension rapide, devient président du tribunal civil et bourgmestre de la ville. Calviniste convaincu, il combat l'influence des jésuites et de la Contre-réforme. Sa compétence en matière d'enseignement est telle que le chancelier Jean Zamojsk.i l'invite à organiser les études dans son académie de Zamosc. Par la suite, cependant, ruiné par les prodigalités de sa femme, il doit trouver refuge à l'hôpital de la ville où il meurt le 29 aoOt 1608.

Avant de composer sa Roxolania, Klonowicz avait écrit un poème en langue polonaise Flis, récit du voyage d'un batelier sur la Vistule de Cracovie à Dantzig. Tout en se rattachant à une tradition littéraire dont la Moselle d' Ausone constitue l'archétype et la Cycnea Cantio de John Leland (avec son vol de cygnes remontant la Tamise) une adaptation moderne particulièrement poétique, l'idée, déjà en germe dans les Elégies de Conrad Celtis (cf. notamment Amores I, 15 ; Il, 13...) est des plus réalistes : le fleuve est en effet à cette époque l'artère vitale d'un pays; drainant l'essentiel du transport des hommes et du commerce des marchandises, voyant sur ses rives se bâtir et se développer les villes, il assure le lien réel, il maintient l'unité originelle entre des régions souvent diverses : le batelier lui-même incarne le rôle du peuple travailleur dans la production de la richesse économique. La même intelligence des réalités et il faut ajouter : le même amour du terroir inspire, avec plus d'ampleur, la Roxolania, description pittoresque de l'Ukraine ou Russie Rouge, des richesses et des promesses de ses immenses espaces vierges, de la puissance de ses forêts millénaires, de ses prairies aux hautes herbes, où disparaissent les gras troupeaux, de ses plaines à blé, grenier de l'Europe, de son industrie du bois, de ses villes saintes, fières de leur ancienneté, de ses villes nouvelles, en plein essor, dans cette région frontalière de l'Europe harcelée par les

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raids tartares et menac6e par l'avance turque, mais où l'auteur pressent que sont les forces vives de son pays. c Si canimus siluas, siluae sunt dignae consule > : comme l'indique l'épigraphe, c'est Virgile qui est ici le modèle, ou du moins la référence, au-delà du Carmen de bisonte d'Hussovianus, avec lequel le poème p~ sente des analogies, au-delà du premier livre des Elégies de Celtis, consacré à la Germanie orientale, c'est-à-dire aux pays de la Vistule. Aux laudes ltaliae du début du chant II des Géorgiques font écho, aux quatre coins de l'Europe de la Renaissance, de tels éloges de la terre des ancêtres : par l'ampleur du traitement, la richesse du détail, fondé sur l'observation personnelle et sur une connaissance approfondie du folklore, et aussi par la ferveur, qui fait oublier quelques maladresses de forme, celui-ci est un des plus convaincants et un des plus beaux. TEXTE : Roxolania Seb. Sulmyrcensis Acemi, ciuis Lublinensis, Cracovie, 1578 •••.

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Dicite Russorum felicia pascua Musae Et fortunati rura beata soli. Dicite muneribus felix Cerealibus aruum, Glebas, quae nunquam fallere uota soient. Ne quoque siluarum, Diuae, sileatis honorem, Siluae diuitias bac regione ferunt. Stipitibus passim promuntur mella cauatis, Quercus summa scatet glandibus, ima fauis. Dicite Russigenas Arctoi sideris urbes, Quas Helice gyro transmeat alta suo. Atque Leontopolim sacram moresque Rutenum, Quadrupedum pingues et sine labe greges. Dicite quod surgit coelo arridente Zamoscum, Dicite, nam uobi.s nascitur illa domus. Ardua templa, arces, lambentes sidera turres, Augustas canimus magnificasque domos. Castae Pierides, pauido succurrite uati, Demonstrate mihi deuia tesqua precor. lngenium uos Argolicis si detinet oris, Ingenii tellus est quoque nostra ferax. Forte iuuant uiui, reserat quos ungula, fontes, Atque adeo dulces Bellerophontis aquae. Sunt etiam nobis uiua scaturigine lymphae, Sunt gelidi latices, unda perennis adest. Non desunt Russo scindentia flumina campos, Et uarius fluuiis incola piscis inest. Forsitan arridet scenis Pamassus opacis, Culmine laurifero frondea serta gerens. Ne dubita, Dea, sunt nostri.s sua Maenala terris, Atque suos Alpes Russia nostra uidet. Ecce Leonini montis f erit aethera uertex, Illius arx pendet conspicienda iugo. Oum pluuiis fusco densantur nubila coelo, Nubis et elatae dum coalescit aqua, Diuidit humentes nebulas nimbosque sonantes Mons ac deciduas culmine scindit aquas, Vertice fulmineas lites et proelia findit, Ignea tela louis nec metuenda timet. Hoc habitare, Deae, merito sub monte potestis, Donec propositum perficiamus iter. Hic etiam praeses radiis pertingit Apollo, Annorum gratas efficit ipse uices. Non hiemes urgent semper nec bruma Rutenos,

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Chantez, Muses, les gras pâturages de notre Russie, les prairies opulentes de cette terre bénie des dieux. Chantez les plaines à labour, prodigues des dons de Cérès, les glèbes qui ne déçoivent jamais l'espoir des paysans. Et ne taisez pas, déesses, la gloire de nos forêts : les forêts sont la richesse de notre pays. Partout, au creux des troncs, se logent des rayons de miel : au sommet des chênes, abondance de glands, au bas, multitude d'abeilles. Chantez les villes de Russie situées sous le pôle : la Grande Oursce les survole en accomplissant sa révolution tout en hautdu ciel. Chantez la sainte Lvov • et les mœurs de Ruthènes, leurs troupeaux de vaches grasses et irréprochables. Chantez Moscou, surgissant sous un ciel radieux, chantez - car c'est pour vous que s'édifie ce séjour, ses temples sublimes, ses flèches, ses coupoles, qui vont toucher les astres ; chantons la beauté altière de ses palais. Chastes Piérides, venez au secours de votre poète désemparé, guidez-moi, je vous prie, à travers les steppes immenses où m'engage mon sujet. Si les dons exceptionnels de la Grèce vous retiennent, sachez que notre terre aussi est comblée de dons. Peut-être aimez-vous les sources vives, que fait jaillir le sabot d'un cheval, les eaux de Bellérophon, à la douceur tant vantée : nous aussi nous avons, surgissant partout, des eaux vives, de frais ruisseaux, des sources intarissables ; tandis que de grands fleuves sillonnent nos campagnes, peuplés de mille espèces de poissons. Peut-être est-ce le Parnasse qui vous sourit, avec ses berceaux d'ombrages et sa couronne de feuillage sur sa crête plantée de lauriers : ne doute pas, déesse, que notre terre aussi possède son Ménale • ; des chaînes pareilles à celles des Alpes se voient aussi dans notre Russie. Voilà la cime du Lemberg qui touche les astres, une citadelle splendide accrochée à ses pentes. Quand les nuages gros de pluie s'amoncellent dans le ciel sombre, que se condense dans les hauteurs l'eau des nuées, sa crête divise les nuages gonflés d'eau et résonnant des roulements du tonnerre, la montagne élève sa tête au milieu de la nuée liquide, elle se dresse, imperturbable, au milieu des combats et des empoignades de la foudre, sans craindre les coups épouvantables du feu de Jupiter. C'est là, au pied de ce mont, que vous pourriez sans déroger, déesses, vous 6tablir, tandis que j'achève la route commencée. Chez nous aussi, Apollon bienveillant dispense ses rayons, et distn"bue agréablement les saisons. Les frimas de l'hiver ne pkent pas toujours sur le pays des Ruthènes •, il n'y règne pas



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Nec semper saeuit frigus Hyperboreum, Postquam delicuere niues, Aquilonibus Euri Succedunt, tellus aurea dona refert. Sic tepidam, Borea cedente, Fauonius auram Efficit, a rapido frigora sole cadunt. Aegoceros glaciem generans hiemesque sonoras Efficit horrendas terribilesque niues. Exoriens Taurus praegnantia temperat arua Veris et exortu tempora grata facit. Sed Leo Sarmaticum et succendit Carcinus orbem, Maturas fruges flauaque farra facit. Automnique parens minitatur frigora Ubra, Anni spe frueris, dite colone, penu. Ergo Fama soror taceat malesuada Gigantum, Affingens nostro frigora dura solo. Mentitur si quidem nostras canescere terras, Prataque continuo diriguisse gelu. Mentitur steriles inimico frigore sulcos Constrictos nullo uomere posse coll. At nos per rapidos fruges demittimus amnes, Per mare, per terras munera nostra fluunt. Vlterior nostra fruitur Germania messe, Oceanus dorso deuehit ista suo. Laetaque pascuntur uirides armenta per agros, Nutritur nostro terra remota boue. Haec non aetemo constrictis frigore campis Proueniunt, tepidi dona sed ista soli. Mnemosynes igitur carissima pignora, Musae, Visum iam nostras accelerate plagas.••

155 .•. Princlpiosiluas, iam ne dubitate sorores, Atque loci genium condidit ipse Deus. Non fuerant urbes, tenuerunt omnia siluae, Non homo natus erat, siluaque nata fuit, Silua prius stabat, quam Russia nomen haberet, 160 Quamque uocata fuit Russia, prima fuit... ... Nullos anfractus regio nullasque salebras Intus habet, tellus undique plana iacet. 195 Arboribus uariis uastissima silua redundat Et uarios fructus materiasque parit. Hic patulae quercus, tenta pinguedine pinus, Hic platani crescunt, fraxinus, alta larix, Hic uirides taxi, tremulaeque alnique palustres, 200 Cognatumque ferunt uema salicta siler.

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toujours un froid hyperboréen. Après la fonte des neiges, les Eurus succèdent aux Aquilons, la terre généreuse répand alors ses dons à foison. Zéphyr, chassant Borée, attiédit l'air, le froid disparaît sous la morsure du soleil. Certes, le Bélier, père des glaces et des ouragans assourdissants, provoque de terribles, d'épouvantables chutes de neige. Mais bientôt, le Taureau se lève: il attiédit les glèbes en gésine et son apparition ramène l'agréable saison du printemps. Puis le Lion et le Capricorne réchauffent le monde Sarmate •, font mfuir les moissons et blondir le blé. Et quand la mère de l'automne, la Balance, nous menace du retour des grands froids, tu jouis, riche laboureur, des espoirs de l'année, que tu as engrangés. Donc, que la Renommée, sœur mal inspirée des Géants, se taise : qu'elle cesse de raconter qu'un froid inexorable règne sur notre terre. Il n'est pas vrai que nos plaines soient toujours blanches de neige, que nos prés soient continuellement gelés ; il n'est pas vrai que nos sillons soient stériles, que, raidis par le froid ennemi, ils refusent de s'ouvrir sous le soc de la. charrue. Au contraire, nous faisons descendre nos moissons sur nos fleuves rapides ; sur les mers, sur les terres, naviguent, voyagent nos produits. La Germanie occidentale profite de nos moissons que l'Océan a porté sur son dos. Et parce que nos prairies engraissent de beaux troupeaux, des peuples lointains se nourrissent de la chair de nos bœufs. Toutes ces richesses ne sauraient provenir de plaines paralysées par Je froid : ce sont bien les présents d'une contrée tempérée. Donc, filles de Mnémosyne, ô Muses, hâtez-vous de venir visiter ce séjour...

... Au commencement -

n'en doutez pas, Muses-, Dieu luimême créa nos forêts : c'est le cadre naturel de notre pays. Point de villes encore, mais partout la forêt. La forêt existait alors que l'homme n'était pas né. La forêt se dressait déjà, que la Russie n'avait pas encore de nom, qu'elle ne s'appelait pas encore la Russie (...) Notre pays n'a ni vallons, ni collines à l'intérieur de ses frontières : la terre est plate à l'infini. Et la forêt immense abonde en essences des plus variées : ici poussent des chênes au large couvert, des pins au tronc souple et huileux, là des platanes, des frênes, et le haut mélèze ; là des cyprès toujours verts, des trembles, des aulnes au bord des marais ; les saussaies printanières accueillent l'espèce voisine de l'osier ; ici croît l'érable,

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Hic acer est, arbor dolabris leuibus apta, (Haec arbor nobis nomina grata dedit), Populeae frondes, immitibus arbuta pomis, Hic tenues coryli duraque cornus adest, Robora cum tiliis, uerrentes aethera fagi, Aptaque materiis arbor et omnis erat. Hic albent betulae rubra uibice minaces, Et socias omos flexilis ulmus habet. Hinc stiuam burimque agrestis turba recidit, Hinc flectit celeres, arte domante, rotas. Hinc poliunt Rossi stridentia plaustra bipenni Atque leues currus rustica turba facit. Non facile inuenias ferrato haerentia clauo Plaustra, facit ligni cuncta ministerium. Arboreis Rossi compangunt omnia gomphis, Ferro eget, ast ligni prodiga terra boni est. Ferratisque carere rotas mirabere canthis, Efficiunt ferri ligna coacta uicem... ... Quid si grande canam in siluis (mirabere) gramen, In quo luxurians bucula pasta latet. Exsuperant herbae flauentia terga iuuencum, Vix pecoris pastor comua celsa uidet. Arboris incuruae ramosa cacumina caprae Depascunt frondes exspoliantque nouas. His etiam frondes dulcissima praeda salignae, Cum cytiso glaucis populus alta comis. Quin etiam Rosso permagnus nascitur hircus Bellaque cum saeuis iungit aperta lupis. Barba sub ingenti pendet longissima mento, Foetida colla fouent totaque terga iubam... ... Noctes atque dies, hieme aestatisque sub igne, Non redit in domini bucula pasta domum. Silua gregis stabulum est, gregis incuoabula siluae, Pastor et armenti sub loue semper agit. Villa congestae faciunt magalia frondes, Haec pecoris diues tecta magister babet. Pasta domum redeunt dominumque armenta reuisun\ Tum, cum sunt iugulos exhibitura suos... ... Tu quoque magna Ducum quondam Kiiouia sedes, Multa uetustatis quae monumenta uides. Antiquum rudus et lateres uisuntur in aruis Atque ruinosis herba profunda locis.

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qu'on attaque à la hache légère - c'est à lui que je dois le nom que je porte -, et la frondaison des peupliers, l'arbousier aux fruits sauvages ; là de tendres coudriers, et le dur cornouiller ; des rouvres et des tilleuls, des hêtres dont la cime balaie le ciel - tous aptes au travail du charpentier ; ici, blanchissent les bouleaux, marqués d'inquiétantes stries rouges, et les ormes flexibles voisinent avec les frênes. Ces bois, une fois taillés, fournissent à nos paysans les manches de leurs charrues et de leurs herses; habilement recourbés, les jantes des roues rapides ; façonnés à la hache, ils donnent au peuple russe ses chariots grinçants et ses traîneaux légers. On aurait du mal à trouver ici un chariot ajusté avec des clous de fer : c'est le bois qui sert à tous les usages. Nos artisans assemblent tout avec des chevilles de bois : notre terre manque de fer, mais l'excellent bois y vient en abondance; tu serais surpris de voir que les roues elles-mêmes ne sont pas cercl6es de fer : c'est le bois travaillé qui remplit le même usage... ... Dirai-je (tu auras peine à me croire) les hautes herbes qui viennent dans ces forêts ? Les vaches, qui en font leurs délices, y disparaissent complètement ; l'herbe monte plus haut que l'échine blonde des jeunes taureaux: c'est tout juste si le bouvier aperçoit le haut de leurs cornes. Les chèvres broutent le bout des rameaux de l'arbre qui se penche, les dépouillant de leurs feuilles nouvelles ; elJes apprécient aussi les frondaisons de la saussaie, le cytise, et la feuille du peuplier élancé à la cbevelure glauque. En Russie vient également un bouc de très grande taille, capable d'affronter en face les loups sauvages. Une longue barbiche pend à son puissant menton, son cou à l'odeur forte et son dos tout entier sont couverts d'une épaisse toison ( ...) De nuit comme de jour, en hiver comme durant l'été torride, la vache ne retourne pas à l'étable après la pâture. La forêt est l'étable du troupeau, la forêt est son bercail, et le bouvier lui-même vit continuellement à la belle étoile : quelques rameaux de feuillage lui font une hutte rudimentaire, voilà où loge le surveillant du riche troupeau ; et les bêtes ne reviennent à la maison et ne revoient le maître que pour tendre leur gorge au couteau ... •.. Toi aussi tu fus jadis le siège de nos Grands-Ducs, Kiev, anoblie par de nombreux vestiges de l' Antiquité. On trouve dans tes champs des restes de blocage et de briques, mais l'herbe s'est infiltrée profondément dans les ruines. Selon une croyance

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Plures esse putant PhrygiaeuestigiaTroiac, Sed mihi non uulgi fabula uana placet 1305

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Die, ubi flumina sunt rufas causantia Janas, Vt tua, Xante, greges pota colorat aqua ? Da fontes ldae mihi, da Simoentides undas, Queis uicina fuit Troia uetusta locis. Tu Tartaros proprio suffers, K.iiouia, tergo, Saepe pharetratos proteris ipsa Scythas; Saepe tuis praesens insultat moenibus hostis Perque tuos campos barbara turba furil Armatus serit, armatus metit arua colonus, Assuetumque premit plena pbaretra latus. Agricolae reuehunt uenali sanguine messes, Sanguine conuectas atque tuentur opes. Saepius assueto dirimuntur prandia bello, Hostibus et coxit saepe colona dapes. Deformes Tartari, mata gens, assueta rapinis, Crebros excursus in tua rura facit. Assueuere uado transire Borysthenis undam, Quae speciem iusti praebuit alta maris. lgnibus exurunt uillas et arundine figunt, Actas aut morbus quos uetat arma sequi. Velocesque feruntur equis, ita spicula uitant, Quoue pedes ducunt, quoue procella rapil Turpiter attonso uolitat coma uertice monstris, Rasaque cultellis colla rubere soient. Non secus ac raris crinito uertice fibris Cepa rubet, reliquo corpore glabra manens, Sic quoque caesariem succinctam, barbare, nutris, Rara quatit raso uertice situa comam. His alitur gemino discrimine pendula mystax, Porrigitur longus partem in utramque pilus. Hisque genae leues, tonsa lanugine mentum, Imberbes Tartaros saepe putabis anus. Practerea nigro tanti Kiiouia Russo est, Quanti Christicolis Roma uetusta fuit. Quippe etiam Russo sua non miracula desunt, Quaeque sua merito iactet in urbe, dabit. Est ibi scrobs ingens terris hypogaea sub altis, Hic uideas ueterum prisca sepulcra Ducum. Heroumque stupenda solo Libitina sub imo, Indubia seruat corpora tota fide. Quae nulla carie consumi posse uidentur, Quae praetensa uitro saecula longa uident ...

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répandue, ce serait là les restes de Troie la Phrygienne, mais je n'ajoute pas foi à cette légende sans fondement. Où sont en effet, dites-le moi, les eaux qui rougissent la laine, puisque tes ondes, ô Xanthe •, avaient le pouvoir de teindre la toison des moutons ? Montrez-moi aussi les sources de l'lda •, et le cours du Simois, dont l'antique Troie était voisine ? Toi, Kiev, tu vois passer sur ton dos les Tartares ; souvent, à ton tour, tu écrases les Scythes • armés du carquois. Que de fois l'ennemi est là, qui galope sous tes murs; sillonnant tes campagnes, la horde barbare se déchaîne. Le laboureur est armé quand il sème, armé encore quand il récolte ; à toute heure, à son côté, pend un carquois rempli de flèches. Les paysans payent de leur sang pour rentrer leur moisson, ils versent encore leur sang pour la défendre, une fois rentrée. Souvent, les repas sont troublés par ces attaques quotidiennes, souvent la paysanne a préparé la nourriture pour les ennemis. Les affreux Tartares, peuple féroce, entraîné au brigandage, multiplient les incursions dans tes campagnes. Ils traversent à gué le Dnieper, pourtant aussi impressionnant que la mer quand il est en crue. Ils brOlent les fermes, transpercent de leurs flèches ceux que l'âge ou la maladie a empêché de prendre les armes avec les autres. Emportés sur leurs rapides chevaux, plus vite que les traits, ils foncent où leurs coursiers les mènent, ou la tempête les entraîne - affreux à voir : un toupet de cheveux volette sur leur crâne hideusement rasé, leur cou, tondu au couteau, est tout rouge. Comme l'oignon rosit, avec une poignée de crins au sommet de sa tête poilue, le reste étant lisse, ainsi, barbare, tu ramasses ta chevelure, une mince touffe de cheveux s'agite sur ton crâne poli. Ils nourrissent en outre de chaque côté de la bouche une moustache tombante, dont les longs poils descendent de chaque cpté ; leurs joues sont lisses, leur menton rasé, et souvent un Tartare imberbe a tout l'air d'une vieille femme. Autrement, Kiev est aussi chère au cœur du Russe noir que l'antique Rome au peuple des chrétiens. C'est que le Russe aussi possède ses merveilles, et chaque ville te montrera les siennes avec orgueil. Or il y a ici, dans les profondeurs de la terre, un immense hypogée : c'est là qu'on peut voir les antiques sépulcres de nos premiers ducs. Au cœur de la terre, Libitina • conserve avec une piété sans défaillance, les corps merveilleusement conservés de nos héros : nulle décrépitude ne paraît devoir les consumer ; derrière leurs cercueils de verre, ils voient se succéder maints siècles...

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La poésie néo-latine se développe aux Pays-Bas dans un contexte historique dramatiquement troublé, qui oriente le destin des écrivains et marque souvent leur œuvre. Pourtant, durant la première moitié du xvt siècle, la domination espagnole s'étend sans heurt aux dix-sept provinces, réunies en 1548. Les Gouvernantes successives, Marguerite d'Autriche qui meurt en 1530, puis Marie de Hongrie, respectent les institutions primitives; les Conseils jouent un rôle important, les provinces conservent leurs traditions, et l'humanisme y trouve un terrain favorable. Fondé au XW- siècle, l'ordre des « Frères de la vie commune • avait, par son influence sur l'enseignement, amené les esprits vers une religion plus approfondie et plus tolérante et prêché le retour à l'Evangile. L 'humanisme chrétien reçoit un élan vigoureux du célèbre collège trilingue de Louvain fondé en 1517 et qui doit à la présence d'Erasme un rayonnement européen. Malgré les résistances de la scolastique traditionnelle et l'esprit souvent conservateur des autorités locales, l'étude des textes anciens prend un essor décisif. Le libéralisme des cours, la sympathie marquée de Marguerite de Hongrie pour les humanistes chrétiens, concourent à créer un climat stimulant où se développe l'érasmisme. La bourgeoisie d'affaires ou de robe participe activement à ce mouvement de renaissance intellectuelle. L'œuvre d'un Jean Second, fils du président du Grand Conseil de Malines, montre la réceptivité des esprits de cette génération à la source antique. L'équilibre et la luminosité de sa poésie, l'attention portée à la forme, la présence très discrète de l'histoire qui reste allusion laudative, témoignent d'une certaine sérénité des Pays-Basen ce début du xvt siècle. Mais le progrès des idées réformistes, encouragé par la tolérance de Marguerite d'Autriche, va provoquer la riposte de l'Espagne, lançant les Pays-Bas dans une lutte violente et indécise. Dès 1520, les livres de Luther sont traduits en néerlandais et la nouvelle doctrine se répand. Charles-Quint riposte et les exécutions se multiplient, visant luthériens, anabaptistes et bientôt calvinistes. Néanmoins le nombre des réformés va croissant La situation s'aggrave avec Philippe II, qui à l'intolérance religieuse ajoute le

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mépris des libertés politiques. Marguerite de Parme, qui succède en 1559 à Marie de Hongrie, trouve un pays beaucoup moins docile à l'autorité espagnole. Elle se heurte à l'opposition déclarée du chef de la noblesse, le stadhouder Guillaume d'Orange. Désirs d'autonomie et de liberté religieuse se rejoignent. La fureur des iconoclastes, qui en ao0t et septembre 1566 se livrent à de regrettables excès, provoque la riposte. Philippe II confie la répression au d~c d'Alhe. La guerre est désormais ouverte. Le prince d'Orange dispute au duc d' Albe, puis à son successeur don Luis de Requesens, les villes une à une. Guerre difficile marquée par l'héroïque résistance de Leyde (1574) dont les Espagnols finirent par lever le siège. Mais le nouveau gouverneur, Alexandre Farnèse, prince de Parme, obtient par d'habiles concessions la soumission des provinces wallonnes en 1579. Guillaume d'Orange, qui gardait l'espoir de réunir les dix-sept provinces, est assassiné en 1584. Les Espagnols reprennent Bruxelles, Malines, Anvers ... Mais la résistance va trouver en Maurice de Nassau, à peine âgé de dix-huit ans, un stratège remarquable. Soutenu par Olden-Barnevelt, politique de premier ordre, il obtient l'appui de la France et remporte une série de victoires. L'Espagne se décide à négocier et une trêve de douze ans est signée en 1609. Philippe Il reconnaît la République des Provinces Unies comme état indépendant. Désormais la rupture entre le Nord protestant et le Sud catholique qui reste soumis à l'Espagne, est consommée. La guerre reprendra en 1621. Frédéric Henri de Nassau, qui devient stadhouder en 1625, lui donne une nouvelle vigueur et s'allie avec la France. En 1648 le traité de Munster confirme l'indépendance de la République. La « guerre de quatre-vingts ans » avait pris fin. La poésie néo-latine répercute ces troubles, ces oppositions. Catholiques et protestants réagissent avec une passion aussi vive aux épisodes de cette longue lutte et l'histoire prend facilement forme épique. Ainsi se développe le « Geschichtliches Epos », souvent témoignage précieux, tel Je récit par Gislain Bulteel de la prise d'Ypres par les réformés. Mais les héros ne sont pas les mêmes, ni les thèmes du lyrisme : à Guillaume et Maurice de Nassau chantés par Baudius et Grotius, les catholiques, comme un Lernutius ou un Bulteel, opposent Philippe Il, Alexandre Farnèse et Albert d'Autriche; à l'enthousiasme pour la liberté répond l'éloge de la fidélité et de la foi. La reddition d'Ostende inspire chant de triomphe ou de désespoir. Tous néanmoins se rejoignent pour célébrer la paix de 1609, malgré les rancunes que les Pays-Bas espagnols conservent à l'égard du Nord tenu pour responsable de leur misère matérielle. Si !'Histoire pénètre la poésie latine de la fin du xvi- et du début du xv1i- siècle, elle n'exclue pas d'autres sources d'inspiration, depuis longtemps vivantes dans le lyrisme des Pays-Bas. C'est ainsi que la

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sensibilité aux problèmes moraux se manifeste dans une abondante production didactique ; que la gravité religieuse fait naître des centaines de carmina sacra et de cantiques ; que l'attention à la vie quotidienne permet à un courant réaliste de se faire jour, évoquant la précision de la peinture hollandaise. Quant à la veine amoureuse, si brillamment inaugurée par Jean Second, elle semble moins étroitement liée au tempérament nordique ; aussi dévie-t-elle vers le jeu littéraire, appliqué chez Lemutius, mais raffiné chez Heinsius et brillant chez Eyndius. Souvent, enfin, ces poètes sont philologues et érudits. Le fait culturel important du dernier quart du siècle est la fondation, en pleine guerre, de l'Université de Leyde (1575), dont le premier recteur est Jean Dousa, héros de la défense de la ville, et poète fécond. Son fils, qui meurt prématurément, laisse également une œuvre impressionnante. Les plus célèbres professeurs de l'Université, Juste Lipse, et surtout Joseph Scaliger, fils de Jules César, qui succède à Lipse en 1593, cultivent la muse latine. Ils formeront des étudiants comme Hugo Grotius et Daniel Heinsius, qui seront dans leur maturité des savants et des poètes d'égale distinction, faisant de Leyde, qui éclipse La Haye, Utrecht et Deventer, le grand centre protestant d'où rayonne, en cette aube du siècle d'or, Ja culture humaniste. ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE I. EnJDP.S GéNÉRALBS

HISTOIRE : H. PIRENNE, Histoire de la Belgique des origines à nos jours, nouvelle édition, Bruxelles, 1948-1952, 4 vol. ; A. HENNE, Histoire du règne de Charles Quint en Belgique, Bruxelles, 1858-1865, 10 vol. ; H.A.E. V AN GELDER,Histoire des Pays-Bas, du xvl" siècle à nos jours, Paris, 2• édition, 1949; P. GEYL, The Revoit of the Netherlands against Spain, Londres. s• édition, 1966 (cf. aussi Espagne). HUMANISME : L VAN DER EssEN, L'Université de Louvain 1425-1940, Bruxelles, 1945; H. DE Voc:HT, History of the foundation and the rise of the Collegium Trilingue Lovaniense 1517-1550, Louvain, 1951-19531954-1955, Humanistica Lovaniensia, 10-11-12-13 ; G.D.J. ScHOTEL, De Academie te Leiden in de 16de, J7d" en lll'W eeuwen Haarlem, 1875; L MÜLLER,Geschichte der klassischen Philologie in den Niederlanden. Mit einem Anhang über die /ateinische Versification der Niederliinder, Leipzig, 1869 ; J. A. VAN DoRSTEN, Poets, patrons and prof essors : Sir Philip Sidney, Daniel Rogers, and the Leiden Humanists, Leyde, The Univ. Press, Londres, Oxford U.P., 1962; G. J. HoooE.WERFF, Lo sviluppo dell'wnanesimo in Ola11dofino alla fondazione dell'Universlta di Leida, in Gli studi Romani nel mondo III, Rome, 1936; A. RoERSCH, L'Humanisme belge de la Renaissance à la lumière des plus récents travaux, Bulletin de l'Institut hist. belge de Rome (Bruxelles) XVIII, 1937, p. 5-26; M. DELCOURT, Humanisme et Renaissance aux PaysBas, in Histoire illustrée des Lettres Françaises en Belgique, Bruxelles, 1958.

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BIOGRAPHIE·:P. HoPMAN-PEERLKAMP, Uber de uita, doctrina et /acultate omnium Belgarum qui carmina Latina composuerunt, 2e édition, Haarlem, 1838; F. LEcOUVET,Hannonica Poetica ou les poètes latins du Hainaut, Tournai, Casterman, 18S9.

PO~IE

LATINE : A. ROERSCH, L'Humanisme belge à l'époque de la Renaissance, Etudes et portraits, 2• série, Louvain 1933 (1re édition 1910) G. ELLINOER,Geschichte der neulateinischen Litteratur Deutschlands im XVI Jahrhundert : Ill, Geschichte des neulateinischen Lyrik in den Niederlanden, vom Ausgang des XV• bis :zum Beginn des XVIr Jahrh., Berlin-Leipzig, 1933 (inachevé); A. GERLO, Les humanistes et les poites nio-latins belges à l'époque de la Renaissance, Mélanges G. Smets, 19S2; A. GERLO,Humanistes et poètes néo-latins belges, in Revue belge de Philologie et d'Histoire, XLI, 1963, p. 807-808 ; L BAKELANTS, La vie et l'œuvre de Gislain Bulteel d'Ypres, 1555-1611, Contribution à l'histoire de l'humanisme dans les Pays-Bas, éd. Guy Cambier, collection c Latomus >, XCVII, Bruxelles, 1968.

BIBLIOGRAPHIE : A. GERLO et E. LAUF, Bibliographie de l'humanisme belge, précédée d'une bibliographie générale concernant l'humanisme européen, Bruxelles, Presses Universitaires, 196S ; A. GERLO et H. VER· VLIET, Bibliographie de l'humanisme des anciens Pays-Bas, avec un répertoire bibliographique des humanistes et poètes néo-latins, Bruxelles, Presses Universitaires, 1972.

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RECUEILS DE TEXTBS

JANGRUTER(RANunus GHERUS),Delitiae CC Batauorum et Germanorum Poetarum huius superiorisque aetatis illustrium, 16 vol., Frankfurti, 1612; Delitiae C. Belgicorum Poetarum ..., 1 vol., Frankfurti, 1614.

ÉRASME (1469 env. - 1536)

Fils illégitime d'un citoyen de Gouda qui entra dans les ordres, Erasme naquit à Rotterdam vers 1469. De santé fragile, il est d'abord enfant de cbœurau chapitnl d'Utrecht, puis fréquente l'école des Frères de 1a Vie commune de Deventer, un des foyers de l'humanisme aux Pays-Bas et qui cherche à concilier littérature antique et christianisme. Après la mort de ses parents, il est envoyé à Bois-le-Duc, où il perd son temps. De retour à Gouda, il entre en 1487 au couvent des chanoines augustins de Steyn. Il est ordonné en 1492, mais quitte bientôt le couvent et se rend à Paris en 1495. Déjà célèbre, il y vit cependant chichement, jusqu'au jour où son élève, William Mountjoy, l'emmène en Angleterre où il rencontre Thomas More et John Colet. De retour sur le continent, il publie les Adages (1500), l'Enchiridion ou Manuel du soldat chrétien (1503), puis l'Encomium Moriae (1511). Prêchant le retour aux sources, il est le penseur chrétien le plus révolutionnaire de son temps. Mais en 1524 il se démarque clairement de Luther en publiant le De libero arbitrio, où sa position sur la Grâce est conforme à l'orthodoxie. Aussi, Bâle passant à la Réforme, est-il obligé de quitter en 1529 une ville où il venait de vivre huit ans. Citoyen de la République des Lettres, il parcourut l'Europe, vie active et curieuse, dont sa Correspondance nous a gardé le pittoresque témoignage. On retrouve la m&me spontanéité et 1a m&me vigueur dans ses Colloquia familiaria, réédités tout au long de sa vie. n meurt à BAieen 1536.

Sans rien ajouter à la gloire d'Erasme, les poésies latines ont le mérite, par leur ingénuité même, d'éclairer la physionomie spirituelle du grand humaniste. « Poesis docta ac sacra > : la poésie est pour !'écrivain le chant de l'âme religieuse. Son indulgence à l'égard des maîtres latins ne l'empêche pas de s'irriter du paganisme de beaucoup de ses contemporains, qui suivent Catulle, Tibulle et Ovide, plutôt que Paulin, Prudence, David et Salomon. Pour lui, passés les premiers exercices d'écolier, le choix est fait: il s'exprime dès 1489, à la fin du Dialogue avec Cornélius : Omet Musa stylum, Scriptura paret tibi sensum et dans une lettre de la même époque : « uerum tamen nihil posthac ... condere statui, quod non aut sanctorum praeconia aut sanctitatem ipsam redoleat > (Ep. 28 - 1489? -, 8 ss.). Se détournant des sujets mondains, Erasme se tourne vers les sujets édifiants : d'où un petit groupe de satires moralisantes, à côté des poèmes purement religieux, et d'ailleurs d'ambition souvent modeste : une traduction versifiée du catéchisme de Colet, où s'exprime sa conception d'une d6votion simple et pure ; une version métrique du Salve Regina, en vers 616giaques; des louanges à saint Michel et aux autres anges ; à sainte

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Anne ; un péan à la Vierge, des ven sur la crèche ; un carmen uotiuum, remerciements à sainte Geneviève après avoir guéri de la fièvre... Exercices de l'Ame dévote, dont jamais l'élégance ne contredit la simplicité et même la naïveté. Il y a pourtant de la force dans le Carmen heroicum où, après l'italien Mucius (1499), les Allemands Mathias Funck (1514) et Eoban Hesse (1517), Erasme évoque, sur le mode épique, la Descente du Christ aux Enfers et sa victoire sur la Mort : le thème, dont la source se trouve dans l'Evangile apocryphe de Nicomède, a été utilisé très tôt enlatin et en vulgaire, et notamment dans le De Paschade Venantius Fortunatus. Si les sujets religieux représentent la part de la prière, la m6ditation inspire les pièces plus proprement lyriques. Le plus bel exemple en est le Carmen de Senectute, dont une lettre à Servantius Rogerus, citée par Reedijk (p. 281 ), éclaire le sens profond : c Ego id etiam atque etiam in anJmo uerso, quemadmodum possim id quod mihi superest aeui... totum pietaû, totum Christo impertire. > Telle est, en effet, la signification spirituelle de ce c Carmen equestre uel potius alpestre >, dont le premier brouillon fut jeté sur le papier alon que l'écrivain, âgé d'un peu moins de quarante ans, franchissait à cheval le col du mont Cenis, Ion de son premier voyage en Italie (aoOt 1506). Une vitalité rebelle à tout découragement transparaît, en dépit du thème, dans l'étonnement incrédule, dans la chaleur des souvenirs, dans la vigueur radicale de la conversion finale. La rhétorique, sereine et fleurie, s'accorde avec franchise le plaisir de la redondance : On retrouve, dans les poèmes d'Erasme, l'enchantement naïf de l'écolier qui s'initie aux élégances du langage, c dum rhetorum colores blandaque mellifluae deamo figmenta poesis... > (Carmen de Senectute), et qui ne s'est jamais lassé de ce jouet merveilleux. TEXTES : Opera omnia Des. Erasmi Roterodaml ••, ed. J. F'llOBBN & N. EPrscoPIUS, 7 vol., BAie, 1540. - Opera omnia emendatiora et auctiora •••, ed. J. Ls CI.Bile, 11 vol., Leyde, 1703-1706 - The poems of Desiderius Erasmus ••, introduced and editod by C. REEDIR. Leiden, Brill, 19S6. ETUDES : 1. HUIZINOA,Erasmus, Haarlem-New York, 1924. - J. C. MAllooUN, Erasme par lui-mime, Paris, 196S. - ID., Bibliographie ,rasmi•nne (1936-1949), Paris, 1969. - Sur la descente du Christ aux Enfers : J. KRoLL, Gott und Rolle, der Mythos vom De.scensuskümpfe, Leipzig-Berlin, 1932. - Sur le chant alpestre : K. A. MEISSINGER, Erasmus von Rotterdam, Züricb, 1942, p. 113 sq., 372 sq. - 1. C. MARGOLIN, Li! chant alpestre d'Erasme, poème sur la vieillesse, Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, XXVIl, 1965, p. 37-79.

CARMEN HEROICVM DE SOLEMNITATE PASCHALI ATQVE DE TRYVMPHALI CHRISTI RESVRGENTIS POMPA ET DESCENSV EIVS AD INFEROS

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Est specus extremum barathri deuexa sub antrum Immensumque cahos tetris sine lumine flammis Aetnae more ealens, tormenta ubi dira perenni Igne ferunt animaeque luunt sua cri.mina sontes Bis tantum in praeceps tantumque sub infera tendens Quantus syderei suspectus ad ardua coeli. Ocyus hue omnis denso ruit agmine facto Luciferi tremefaeta cohors, neque tanta ferentes Fulgura mobilibus mire uibrantia flammis : Vitro sulphureis sese immersere cannnis. Ille autem placido per inania regna meatu Arduus ineedit uasti sedes et Auerni Squallentes legit bine illineque stupentibus umbris. Tum facili Phlegetonta gradu fiammantibus undis Horrentem piceoque tumentem gurgite uictor Transilit et summam barathri citus adstat ad oram. At dirae subita deprensae luce sorores Praecipites imam ualido cum turbine abyssum Vitro petunt alta seseque uoragine condunt. Hi uero, quos iam tormenta et uineula captos Longa fatigarunt, ut primum lumine tanto Aduentasse Deum didicere sub infera summum, Spem frustra eepere animis gemituque represso Nequicquam aetema torpentia lumina nocte Attollunt praebentque arrectas ocyus aures Si metam, si forte modum daret ille malorum. Grande sed horrisono iustissimus arbiter ore Desuper increpitans stolidissima pectora quondam lntonat et meritos cepisse haec omnia pandit. Inde patente ferum Dominos uerbo alligat hostem, Alligat, et ualido pauitantem saueiat ictu Ferrea captiuis innectens uincula collis, Posthac mortiferum tentet ne spargere uirus In famulos famulasque Dei, faueesue cruentas Imbuat effuso laniatae sanguine praedae. Haec ubi compleuit graue olentia limina Jinquit Rursus et illusis spes mentibus excidit omnis, Et moesti posuere caput, gemituque resumto Tota simul tristi complebant tartara uoce, Incipit et grauius late increbrescere planctus. Sic tibi, sic uisum, dux inclyte Christicolarum,

POÈME ÉPIQUE SUR LA ff:TE DE PÂQUES, LE CORTÈGE TRIOMPHAL DU CHRIST RESSUscrm ET SA DESCENTE AUX ENFERS

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Il est un trou béant qui conduit jusqu'au fond de l'ab"lDle infernal, un immense chaos brûlant comme l'Etna au milieu des ténèbres de flammes effroyables où les âmes damnées, pour expier leurs péchés, souffrent d'affreux tourments dans un feu éternel, qui plonge dans le sol à une profondeur au moins deux fois égale à la hauteur du ciel. C'est là qu'en toute hâte, se jette en rangs serrés la cohorte apeurée du démon Lucifer, tous ceux qui ne sauraient supporter des éclairs l'éclat miraculeux et les flammes mouvantes ; dans les brasiers de soufre, sans demander leur reste, ils se sont replongés. Mais lui, d'un pas serein, traverse, solennel, l'empire du Néant, de l'Averne désert les demeures arides. Les Morts avec stupeur le regardent passer. Et lui, d'un pied léger, il franchit en vainqueur l'horrible Phlégéton aux ondes enflammées, aux remous ténébreux, et son élan le porte à l'orée de l' Abîme. Alors, les noires Sœurs, surprises et chassées par cet éclat soudain, se jettent sans attendre au plus profond du gouffre aux eaux tourbillonnantes et vont chercher refuge au sein de ses remous. Mais les âmes damnées, que tortures et chaînes depuis longtemps épuisent, à peine savent-elles, par ces flots de lumière, l'arrivée aux Enfers du Seigneur Tout-Puissant, qu'elles sentent renaître une folle espérance et cessant de gémir, en vain lèvent leurs yeux à moitié aveuglés par la nuit éternelle et tendent leur oreille : peut-être - pensent-elles - va-t-il à leurs malheurs mettre enfin une borne, enfin une mesure. Mais le juge suprême alors laisse tomber, de sa bouche terrible, un verdict sans pitié contre ces insensés, qui ont bien mérité le châtiment subi. Ensuite le Seigneur, par le pouvoir du Verbe, emprisonne de liens son féroce ennemi tout tremblant de terreur, l'emprisonne et le blesse, de sa droite puissante, liant son cou captif d'une chaîne de fer pour qu'il ne crache pas son funeste venin contre les serviteurs et servantes de Dieu, et qu'il n'abreuve pas son gosier ruisselant du sang dégoulinant de la proie déchirée. Après cette victoire, il revient sur ses pas, laissant ces lieux puants ; les damnés ont perdu l'espoir qu'ils nourrissaient. Ils ont laissé tomber leur tête tristement, et reprenant leur plainte, ils ont fait à nouveau retentir le Tartare de leur chœur désolé, et les gémissements n'ont fait que redoubler.

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Vt uideant doleantque magis ; iam reddere charis, Cbriste, tuis, uideant laeti et suspiria ponant. Ocyus ergo recurrit iter quo uenerat, et iam Limioa prima tenet Erebi sedesque supremas. Hic quos a prima oascentis origine mundi Ipsos recta quidem Moysique edicta sequentes Patria sub noctem detraxit culpa profundam Spe longa labefacti animis ingentibus usque Fletibus ora rigant, necnon suspiria moesto Pectore longa trahunt umbroso carcere clausi Dum ueniat tandem tenebris qui morte soluta Tristibus eripiat superasque educat in auras. Vt primum ergo crucis uictricia signa choruscae Molibus aduersisque domus portis et ahenis Obiecit, cecidere fores, et car ceris ingens Machina terrifica sonuit concussa ruina. Detectae patuere domus, patuere cauemae Mox et discussis nox atra euanuit umbris. Hic primum ille sacer populus dilata serenum Conspexit post uota diem, post nubila solem, Laetus et optatum uiderunt lumina lumen. Quae tum, quae subitas rapuerunt gaudia mentes ? Quem tum laetitiae trepidis, quem plausibus illic Rere fuisse modum ? Tandem, o post tristia tandem Vota datum admotis coram qui saluet ocellis Cemere uictorem, iam non sub imagine, Iesum : Iesum, quem ueterum cecinerunt prouida uatum Carmina, quem sacri nascens ubi coeperat orbis Vsque adeo ardenti clamabant pectore patres. Nec mora multa fuit, mox ferrea claustra resoluit, Rumpit et indignis circumdata uincula collis. Libera scandentis sequitur post terga magistri Candida turba ducis comitans uestigia tanti ...

DE SENECTVTE

CARMEN

AD GVLIELMVMCOPVM MEDICORVMERVDITJSSIMVM

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Nunc mihi iam raris sparguntur tempora canis, Et albicare mentum Incipiens, iam praeteritis uernantibus annis, Vitae monet cadentis

LA DESCBNTB DU CHRIST AUX ENFERS

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Tel fut. Prince glorieux des fidèles du Christ, tel fut ton jugement : tu voulais qu'ils te voient et souffrent davantage ; mais tu es désormais rendu à tes élus ; qu'ils te voient avec joie, et cessent de gémir! En hâte il s'en revient par le même chemin, et déjà le voici debout devant le seuil des demeures placées au plus haut de l'Erèbe. U se trouvent tous ceux qui dès l'aube du monde, à sa prime naissance, ont suivi la justice et la loi de Moise, mais qu'avait condamnés à la nuit des Enfers le péché paternel. Leur oœur est épuisé par un trop long espoir, et les larmes sans fin ruissellent sur leurs joues ; prisonniers de cette ombre, ils tirent des soupirs de leur triste poitrine, appelant le moment où Il viendra enfin, le vainqueur de la mort, qui les arrachera aux ténèbres hideuses, et les ramènera à la lueur du jour. Or, dès qu'il présenta le signe victorieux de la croix éclatante aux remparts ennemis et aux vantaux d'airain, les portes s'effondrèrent, et de cette prison l'immense construction s'écroula sous le choc avec un bruit terrible. Alors s'ouvrit au jour la maison infernale, s'ouvrirent les cavernes ; l'ombre se dissipa, la nuit s'évanouit. Pour la première fois, le peuple des élus, après si longue attente, eut le bonheur de voir le jour resplendissant, les rayons du soleil succédant aux nuages, et les yeux lumineux-purent jouir enfin de la chère lumière. Quelle joie tout à coup s'empare de leurs âmes! Penses-tu qu'ils aient pu borner leur allégresse? qu'ils aient compté alors leurs battements de main? Car, enfin, après tant de vaines espérances, enfin leur est donné de contempler en face, et non plus dans leurs rêves, Jésus victorieux, venu pour les sauver; Jésus qu'ont annoncé les écrits inspirés des prophètes anciens, que les Justes depuis l'origine du monde, n'ont cessé d'appeler des vœux les plus ardents. Sans tarder maintenant, il s'empresse d'ôter les lourds verrous de fer, et de briser les chaînes aux cous des innocents. Libre enfin, sur les pas du Maître qui remonte, la foule immaculée suit son guide divin...

POÈME SUR LA VIEILLESSE AU TRÈS SAVANT MÉDECIN WILLIAM COP

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Déjà quelques cheveux s'argentant sur mon front, les poils de mon [menton Qui commence à blanchir, M'avertissent que sont désormais disparues les années de [printemps De ma vie qui s'en va,

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Aduentare hyemem gelidamque instare senectam. Eheu fugacis, ohe, Pars ueluti melior, sic et properantior aeui, 0 saeculi caduci Flos nimium breuis et nulla reparabilis arte, Tenerae o uiror iuuentae, 0 dulces uni, o felicia tempora uitae, Vt clanculum excidistis, Vt sensum fallente fuga lapsuque uolucri Furtim auolastis ; ohe, Haud simili properant undosa relinquere cursu Virideis fluenta ripas, lmpete nec simili fugiunt caua nubila, siccis Quoties aguntur Euris. Sic sic effugiunt tacitae uaga somnia noctis Simul auolante somno, Quae desyderium curas et praeter inaneis Sui nihil relinquunt. Sic rosa, quae tenero modo murice tincta rubebat, Tenui senescit austro. Atque ita, me miserum, nucibus dum Judo puellus, Dum literas ephebus Ardeo, dum scrutor pugnasque uiasque sophorum, Dum rhetorum colores Blandaque mellifluae deamo figmenta poesis, Dum necto syllogismos, Pingere dum meditor tenueis sine corpore formas, Dum sedulus per omne Autorum uoluor genus, impiger, undique carpo Apis in modum Matinae, Paedias solidum cupiens absoluere cyclum, Sine fine gestienti Singula correptus dum circumuector amore, Dum nit placet relinqui,

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Que l'hiver se rapproche, et que l'âge glacé précipite son pas. Hélas ! de notre vie Eph6mère, ô combien ! les moments les meilleurs sont aussi les [plus courts. 0 des ans fugitifs Trop brhe floraison, que jamais aucun art ne pourra prolonger, 0 verdeur du jeune âge, 0 mes douces années, ô bonheur de ma vie, comme à la dérob6c Vous vous êtes enfuis, Et comme à mon insu, d'un glissement ailé, vous avez doucement Pris votre envol : hélas ! Les rapides torrents mettent moins grande hâte à laisser derrière [eux Les rives verdoyantes, Les nuages gonflés ne s'enfuient pas si vite, quand les chasse [d'Eurus Le souffle desséché. Ainsi, ainsi s'enfuient les songes vagabonds de la nuit silencieuse, A l'envol du sommeil, Ne laissant derrière eux rien subsister d'eux-mêmes, sinon un [vain regret Et de vaines alarmes. Ainsi fane la rose, que teignait doucement une rougeur pourprée, Sous la brise légère. Las! mon sort est pareil : tandis que jeune enfant je joue avec [des noix, Tandis qu'adolescent, Je brOle pour les Lettres, et regarde, attentif, les joutes des [savants; Tandis que je m'éprends Des couleurs des rhéteurs, des douces inventions des poètes de [miel, Et noue les syllogismes ; Tandis que je m'applique à donner une forme à des idées [abstraites ; Tandis que plein d'ardeur, Sans oublier personne, je vais d'une œuvre à l'autre, et butine, [inlassable, Abeille apulienne, D&ireux d'accomplir de mon éducation le cycle tout entier; Tandis que transporté D'un amour enflammé, que rien ne peut lasser, je m'attache aux

[détails, Ne voulant rien laisser;

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Dumque prophana sacris, dum iungere Graeca Latinis Studeoque moliorque, Dum cognoscendi studio terraque marique Volitare, dum niuosas Cordi est, et iuuat et libet ereptare per Alpeis, Dulceis pararc amicos Dum studeo, atque uiris iuuat innotesccredoctis, Furtim inter ista pigrum Obrepsit senium et subito segnesccreuircis Mirorque sentioque, Vixque mihi spatium iam defluxisse ualentis Persuadeo iuuentac. •

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Velis dehinc equisque Et pedibus manibusque et totis denique neruis Nitendum ut anteacti Temporis, ut studio iactura uolubilis aeui Vigilante sarciatur Dum Iicet ac dum tristis adhuc in limine primo Consistimus senectae, Dum noua canicies et adhuc numerabilis et dum Pilis notata raris Tempora dumtaxat spatium effluxisse uirentis Tam clamitant iuuentae, Nec tam praesentem iam testificantur adesse Quam nunciant citatum Ferre gradum et sterilem procul aduentare senectam. Cuiusmodi uidetur Tum rerum facies, quum autumni frigore primo 1am uemus ille pratis Decessit decor ac languescunt lumina florum, 1am iam minus nitenteis Herbas affirmes Boreasque geluque nocentis 1am praetimere Brumae. Ergo animus dum totus adhuc constatque uigetque Et corporis pusillum

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Tandis que je m'applique et m'acharne à unir le profane au sacré Et le grec au latin, Que l'amour du savoir, et sur terre et sur mer, me ferait [m'envoler, Et qu'il donne à mon cœur Le goOt et le désir de faire l'ascension des Alpes enneigées ; Tandis que je poursuis De douces amitiés, et aime conquérir l'estime des savants, Cependant, en secret, La vieillesse pesante en mon corps s'est glissée, et soudain, [stupéfait, Je sens faiblir ma force Et j'ai beaucoup de peine à croire que déjà s'est écoulé le temps De ma belle jeunesse.

A partir d'aujourd'hui, Forçons voile et monture, et des pieds et des mains, de tous nos [nerfs enfin, Faisons tous nos efforts, Pour que du temps passé, de la vie déroulée, par un soin vigilant, La perte soit comblée, Tant que nous le pouvons, que nous sommes encore à peine sur [le seuil De la triste vieillesse, Tant que nos cheveux blancs, apparus récemment, et encor [dénombrables, Nos tempes dégarnies A peine grisonnantes, nous disent clairement que s'est déjà enfuie Notre verte jeunesse Et nous signifient moins la présence déjà de l'âge improductif, Qu'ils n'annoncent son pas Qui se fait plus rapide, et sa proche venue qui pointe à l'horizon. La nature nous offre Un spectacle pareil, quand dès les premiers froids de la saison [d'automne, La beauté printanière A déserté les prés, que déjà s'alanguit la lumière des fleurs, Et que déjà, déjà, L'herbe est moins éclatante et semble redouter la bourrasque et [le gel De l'hiver meurtrier. Donc tant que mon esprit a toute sa conscience et toute sa [vigueur, Que des ennuis physiques,

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Detrimenta nocent, age iam meliora sequamur. Quicquid mihi deinceps Fata aeui superesse uolent, id protinus omne Christo dicetur uni, Quo, cui uel solidam decuit sacrarier, ut cui Bis terque debeatur, Principio gratis donata, bine reddita gratis Totiesque uindicata, Huic saltem pars deterior breuiorque dicetur. Posthac ualete nugae Fucataeque uoluptates risusque iocique, Lusus et itlecebrae. Splendida nobilium decreta ualete sopborum, Valete syllogismi, Blandae Pegasides animosque trabentia Pithus Pigmenta flosculique. Pectore iam soli toto penitusque dicato Certum est uacare Christo. Hic mibi solus erit studium dulcesque Camoenae, Honos, decus, uoluptas, Om.nia solus erit neque quicquam ea cura (quod aiunt) Mouebit Hippoclidem, Terrea si moles compagoque corporis huius Marcescet obsolescens, Mens modo pura mibi scelerumque ignara per ilium Niteat floreatque, Donec summa dies pariter cum corpore mentem Ad pristinum nouata Conuictum reuocabit et bine iam uere perenni Pars utraque fruetur. Haec facito ut rata sint, uitae exorabilis autor Vitaeque restitutor, Quo sine nil possunt unquam mortalia uota et Vires labant caducae. (hn. dact. cum dlm. lamb. cal.)

238 niteat RMdlllc : lliteatque 1S40, 1S9S, 1703, contra nwtnun. readtutor 1S9S, 1703 : uinclfcator Rl,dl/lc.

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L'atteinte est bien légère, allons, suivons dès lors une route (meilleure Et le reste de vie Prévu par les destins, qu'il soit sans plus tarder consacré tout [entier A nul autre qu'au Christ, Lui à qui j'aurais dû vouer mon existence; car nous la lui devons Au moins deux et trois fois, Vie qu'il nous a donnée, et nous a redonnée, sans exiger salaire, Vie qui lui appartient, Qu'au moins lui soit vouée la part la plus mauvaise et la plus [menacée! Et de ce jour je dis : Adieu futilités, trompeuses voluptés, ris et plaisanteries, Jeux et tentations ; Adieu les conclusions à l'éclat trop flatteur des fameuxphilo[sophes, Adieu les syllogismes, Les Muses séduisantes, les couleurs et les fleurs de la Persuasion Qui entraînent les oœurs. Désormais, c'en est fait, et de toute mon âme, à lui seul consacrée, Je m'abandonne au Christ. A lui seul il pourra être à la fois pour moi étude et douces Muses, Honneur, gloire et plaisir ; Seul il sera mon tout, et rien de cet amour, ne pourra comme on [dit, Détourner Hippoclide • ; Quand la masse d'argile, dont mon corps est construit, [commençant à pourrir, Se décomposera, Que mon esprit du moins, resté pur et sans tache, grâce à Lui [resplendisse Et connaisse la Gloire, Jusqu'à ce jour dernier qui régénérera mon corps avec mon âme, Et les ramènera A leur ancienne union, jour à partir duquel, d'un printemps [éternel Ils jouiront l'un et l'autre. Je prie pour que ces vœux soient par Toi exaucés, Toi notre [Créateur, Toi notre Rédempteur, Toi qui seul donnea sens aux prières humaines et peux seul [relever Nos forces chancelantes.

JEAN SECOND (1511-1536)

JEANEVDAEJlTSnaquit à La Haye en 1511, d'une famille estim6e pour l'aninente valeur de ses jurisconsultes. Son ~re, Nicolas, président du Grand Conseil de Malines, le destinait, naturellement, au barreau. Mais il eut pour pré«pteura Jacques Volcard et Rumold Steene-Meulen, qui le formèrent à la technique du vers latin et dévelop~rent un penchant déjà marqué pour la poésie. Au début de l'ann6e IS32, son ~re l'envoie à Bourges suivre les cours de droit d'André Alciat. ll revient à Malines en 1533 avec le titre de docteur. Mais entre-temps, la mort de son ~re, les conseils de Salmon Macrin, l'exemple de ses frères, Adrien Marius et Nicolas Grudius, poètes de mérite, l'ont détourné de la carrière juridique. Il se consacre aux lettres. En mai 1534, il part retrouver en Espagne son frère Nicolas. Son talent le fait distinguer par le cardinal Tavera, archevêque de Tolède, qui le prend comme secrétaire, et par Charles Quint qui rave d'en faire son poète officiel. Il l'emmène en 1535 au siège de Tunis. Mais tombé gravement malade, Jean Second regagne l'Espagne, puis quelques mois plus tard, la Belgique. Un instant rétabli, il devient sec~taire de l'iv&pJe d'Utrecht, mais il meurt brusquement en 1536. D n'avait pu vingt-cinq ans.

Célèbre de son vivant pour son talent poétique, Jean Second pourtant n'avait rien publié. Ses œuvres paraîtront après sa mort : d'abord en 1S39, séparément, Basia et alia quaedam, puis en 1S41 l'édition complète de ses poèmes qui révèle une fécondité méthodiquement exploitée. A part l'épopée, tous les genres sont représentés. Simples gammes, semblet-il, pour les Funera, le livre d'Odes et les Epigrammes ; déférence à une tradition humanistique pour les Lettres, en distiques ou hexamètres, qui ne manquent d'ailleurs ni de vie ni de chaleur. Les Silves offrent, par contre, d'éclatantes réussites, comme !'Epithalame qui unifie l'influence de Catulle et de Claudien dans la voluptueuse alacrité de l'hendécasyllabe pontanien, et la rêverie moins connue ln Vicissitudinem rerum, où l'adonique traité en longue séquence à la suite de Boèce, prête à l'évocation de ce glissement perpétuel sa fragilité furtive. Conformément au goOtdu quattrocento néo-latin, la place prépondérante revient aux Elégies. Un premier livre constitue la monobiblos de lulia, où l'imitation de Properce et d'Ovide, aggravée par l'amplification rhétorique, noie souvent les inventions heureuses. Quelques pièces cependant se distinguent par la fraîcheur d'un élan plus simple. Ainsi le c jeu du vert > (El. I, 4), la lettre à Pierre Leclerc (El. I, 9), qui garde l'émotion naturelle de la confidence, ou Somnium (El. I, 10), qui du thme convenu de l'apparition en songe de la bien-aim~, donne une exécution vibrante de juv6-

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Dile ardeur. Le livre II offre une élégante variation sur la boule de neige enflammant l'amoureux (El. II, 4), et une prière au sommeil (El. II, 9, ~omnum), ott certains fléchissements, dus à trop de prolixité, ne disSipent pas le charme vaporeux d'une intimité tendrement sensuelle. Le livre III regroupe des pièces de circonstance de moindre séduction. Mais en regard du recueil des Baisers, toute cette production apparaît comme une suite d'exercices, parfois brillants, où l'élève bien doué cherche et essaie sa maîtrise technique. Le recueil présente de fait, en ses dix-neuf pièces, un véritable échantillonnage métrique. Distiques, hendécasyllabes, strophes lyriques, séquences de glyconiques ou de pbérécratéens, opposent leurs tonalités, ardente ou anacréontique, agressive ou éthérée, variété stimulante et parfois déroutante. Aucun projet de variation systématique, en effet, n'apparaît avec évidence dans ces poèmes qui semblent appartenir à des courants d'inspiration différents, secondairement emmêlés pour donner à l'ensemble la complexité harmonieuse et contrastée d'un bouquet composé. La tradition critique accepte cependant l'hypothèse d'une conception initialement cyclique et voit dans les Basia le livre de l'espagnole Néère dont il faudrait opposer l'écriture sensuelle à la délicatesse plus innocente des Elégies à Julie. Mais il peut paraître fragile de chercher l'unité et l'origine d'une œuvre dans une aventure réel1e1 supposée fonder la fiction littéraire, alors qu'elle en est simplement déduite. Le recueil s'organise en fait plus essentiellement autour de deux pôles, la tentation ludique et l'aspiration mystique. Les Carmina S et 7 de Catulle stimulent, à travers les variations de Sannazar (Epigr. I, 61), le jeu verbal. Rhétorique qui conjugue le verbe c numerare > dans le B. YI, addition de mùltiplications qui lance le B. VII, éparpillement des images dans le B. XVI pour suggérer l'infini. Au lieu de renchérir sur l'exigence catullienne, Second parfois renverse l'addition en soustraction : c cum te rogabo ter tria basia, tu deme septem ... > (B. IX). Du compte au décompte, le jeu littéraire est devenu jeu érotique. Si le B. IX organise l'insatisfaction pour stimuler le désir, le B. X calcule autrement le plaisir : « qualia sed sumes, numquam mihi talia redde ,· diuersis uarium ludat uterque modis ... >, et la multiplicité est préférée à la multiplication. Mais cette distance que tout jeu implique, n'est qu'une modalité transitoire de la relation amoureuse, et les Baisers cherchent aussi à abolir toute séparation. Le rêve d'union emprunte aux élégiaques latins les images d'enlacement végétal, d'éternité élyséenne (B. li). Mais Second interprète la tradition classique, faisant de la bouche aimée source de vie et de mort douce. Déjà Pantano avait renchéri sur l'érotisme latin en donnant au baiser le pouvoir de fondre la distance, de nier l'altérité, vertige où l'identité se perd. De l'échange des souffles à l'échange des âmes, facile était le glissement, que l'ambiguïté même du mot anima favorise. Une épigramme attribuée à Platon, un poème cité par AuluGetle, un court passage d'Achille Tatius, faisaient déjà, sur les lèvres

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des amants, errer une âme qui pouvait se cueillir. Plus qu'à ces résurgences poétiques, c'est à la théorie ficinienne que Second doit, semble-t-il, le langage de ce désir de fusion, où l'un vit dans l'autre, et l'autre vit dans l'un, où chacun meurt en lui-même pour ressusciter dans l'aimé. En enrichissant la sensualité d'un Pontano de cette mystique de l'amour, en incarnant la conception néo-platonicienne dans la réalité chamelle du baiser, Jean Second donne à l'union amoureuse sa plus complète définition poétique : c unica de gemino corpore uita fluet > (B XIII). Les Baisers eurent un retentissement considérable. Les recueils de Ba.ria se multiplient : Dousa, père et fils, Lemutius, s'appliquent à la variation. Théodore de Bèze et Muret dans leurs luuenilia, Bonnefons dans sa Pancharisdoivent à Second leur plus heureuse inspiration. Ronsard dans ses Odes, Baïf dans ses Amours, Du Bellay dans ses Poemata, Belleau dans ses Bergeries, le tranposent, le citent, le traduisent. Au xv1r siècle, Grotius le met au premier rang des poètes. Le xv111• ne l'oublie pas ; Mirabeau traduit les Baisers. Les éditions du petit recueil se succèdent. Mais imitateurs et traducteurs semblent avoir été plus fascinés par l'originalité extérieure du cycle que sensibles aux dissonances voulues, qu'ils édulcorent, au travail métrique, qu'ils banalisent, surtout à l'émergence d'une mystique du corps, qu'ils ignorent, et qui reste unique. TEXTES : Ioannis Secundi HagiensiaBasia et alla quaedam, Lugduni, 1S39••. - Ioannis Secundi Hagiensis Opera, nunc primum in luct>m t>dlta,Traiecti Batauorum, 1S41 ••. - loannis Secundi Hagiensis poetae elegantissimi Opera, nunc secundum in lucem edita, Parisiis, 1S61 •••. - loaMis Secundi opera, accurate recognita, L(ugduni) B(atauorum) 1631 (2• 6dition donnée par Sauvmuus avec les ltineraria). - loaMis Nicolai Secundi Hagani Opera omnla emendatius et cum notis adhuc ineditis Petri Burmanni Secundi denuo edlta cura PETlll BoSSCHA,Lugduni Batauorum, 1821, 2 vol. - Ioannes Secundus, Basia, hrsg. von G. ELLINOER, mit einer Auswahl aus den Vorbildem u. Nacbahmem, Berlin, 1899, Lateinische Litteraturdenkmiiler des xv• und XVI° Jahrunderts, XIV. - Jean Second, Les Baisers et l'Epithalame, suivis des odes et des élégies, traduction nouvelle avec introduction et notes de M. RAT,Paris, Garnier, 1938. - F. A. Wuœr, The Love Poe,ru of loanM• Secundu.r, New York, 1930. : A. SamoETEll, Beitrdge :ur Geschkhte der neulateinischen Poesie Deutschlantû und Ho/lands, Berlin, 1909, p. 16S sqq. - D. CRANE,Johannes Secundus, his life, work and influence on English Litt>rature,Leipzig-London, 193J. - E. WEDECJC, A mt>diaeval Catullus : loannes St>cundus in c Pbilological Quaterly >, XIX, IV, October, 1940, p. 400 sqq. - G. Joos, Eenige griehch-latijn.:rche en italiaan.:rchRenaissance imploeden op de Basia van Jan,u Secundu.s, in c Revue belae de Pbiloloaie >, 1941, p. S-14.

ETIJDES

BASIORVM LIBER 1

Cum Venus Ascanium super alta Cythera tulisset, Sopitum teneris imposuit uiolis, Albarum nimbos circumfuditque rosarum, Et totum liquido sparsit odore locum. Mox ueteres animo reuocauit Adonidis igneis, Notus et irrepsit ima per ossa calor. 01 quoties uoluit circumdare colla nepotis 1 0 1 quoties talis dixit Adonis erat 1 Sed placidam pueri metuens turbare quietem, Fixit uicinis basia mille rosis. Ecce calent illae, cupidaeque per ora Diones Aura, susurranti flamine, tenta subit. Quotque rosas tetigit, tot basia nata repente Gaudia reddebant multiplicata deae. At Cytherea, natans niueis per nubila cycnis, Ingentis terrae coepit obire globum ; Triptolemique modo, foecundis oscula glebis Sparsit, et ignotos ter dedit ore sonos. Inde seges felix nata est mortalibus aegris ; Inde medela meis unica nata malis. Saluete aetemum, miserae moderamina flammae, Humida de gelidis basia nata rosis. En ego sum, uestri quo uate canentur honores, Nota Medusaei dum iuga montis erunt, Et memor Aeneadum, stirpisque disertus amatae, Mollia Romulidum uerba loquetur Amor.

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Vicina quantum uitis lasciuit in ulmo, Et tortiles per ilicem Brachia proceram stringunt immensacorymbi, Tantum, Neaera, si queas In mea nexilibus proserpere colla lacertis, Tali, Neaera, si queam Candida perpetuum nexu tua colla ligare, Iungens perenne basium, Tune me nec Cereris, nec amici cura Lyaei, Soporis aut am.abilis, 1

5 reuocauit : reuocabat1539. Adonis erat • Rat.

c talis

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LES BAISERS 1

Vénus emporta Ascagne endormi en haut de Cythère,

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Le coucha dessus les tendres violettes, Fit autour de lui naître une nuée de roses neigeuses, Et imprégna l'air d'un parfum subtil. Mais voici bientôt qu'en son cœur renaît l'amour d'Adonis, L'ardeur bien connue se glisse en ses veines. Que de fois elle eut désir d'accoler son jeune neveu! Que de fois se dit : « Tel fut Adonis > ! Mais comme elle hésite à troubler l'enfant au sommeil si calme, De mille baisers couvre alors les roses. Voici que ces fleurs s'animent soudain, et leur souple haleine En sa bouche avide, en bruissant se glisse, Et de chaque rose alors effleurée, naissaient des baisers Qui multipliaient sans fin son plaisir. Et puis Cythérée, voguant dans les nues sur ses cygnes blancs, Commença le tour de la terre immense ; Comme Triptolème, sema de baisers la glèbe féconde, Et trois fois lança un cri inconnu. Ils devaient donner moisson de bonheur aux mortels souffrants, Donner à mes maux l'unique remède. 0 soyez bénis, pour l'éternité, baume à ma brOlure, Humides baisers, nés des roses fraîches ! C'est moi qui serai le chantre inspiré de votre puissance, Tant que durera l' Atlas pétrifié, Et qu'en souvenir des chers Enéades, Amour parlera Des anciens Latins la tangue harmonieuse. Il

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Comme à l'orme la vigne étroitement s'enlace, Comme à l'yeuse élancée, S'enroulent les longs bras des corymbes flexibles, Si tu pouvais, Néère, Te glisser contre moi pour étreindre mon cou, Si je pouvais, Néère, D'une éternelle étreinte enfermer ton cou blanc, Et t'embrasser sans fin, Alors, ma Vie, Cérès, ni l'aimable Bacchus, Ni le divin Sommeil,

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Vita, tuo de purpureo diuelleret ore ; Sed mutuis in osculis Defectos, ratis una duos portaret amanteis Ad pallidam Ditis domum. Mox per odoratos campos, et perpetuum uer, Produceremur in loca, Semper ubi, antiquis in amoribus, Heroinae Heroas inter nobileis Aut ducunt choreas, alternaue carmina laetae In ualle cantant myrtea, Qua uiolisque, rosisque et flauicomis narcissis Umbraculis trementibus, Illudit lauri nemus et crepitante susurro Tepidi suaue sibilant Aetemum Zephyri ; nec uomere saucia tellus Foecunda soluit ubera. Turba beatorum nobis assurgeret omnis ; Inque herbidis sedilibus, Inter Maeonidas prima nos sede locarent Nec ulla amatricum louis Praerepto cedens indignaretur honore, Nec nata Tyndaris loue. (hex. dact. cum dlm. lamb.)

III

« Da mihi suauiolum, dicebam, blanda puella. >

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Libasti labris mox mea labra tuis. Inde, uelut presso qui territus angue resultat, Ora repente meo uellis ab ore procul. Non hoc suauiolum dare, Lux mea, sed dare tantum :&t desiderium flebile suauioli. IV

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Non dat basia, dat Neaera nectar, Dat rores animae suaueolenteis, Dat nardumque thymumque cynnamumque Et mel, quale iugis legunt Hymeti, Aut in Cecropiis apes rosetis, Atque bine uirginei~ et inde ceris Septum uimineo tegunt quasillo : Quae si multa mihi uoranda dentur, Immortalis in ils repente fiam, n 13 dcfectos : defunctos JSJ9. rv 7 quasillo : in antro 1539.

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Ne pourraient m'arracher à ta bouche pourprée; Mais, mourant enlacés, Tous les deux nous irions, sur la même nacelle, Vers la pâle Demeure. Là, des champs parfumés, un éternel printemps Accueilleraient nos pas, Dans ces lieux, où sans fin, les grandes amoureuses, Et les nobles héros, Mènentjoyeusement les danses et les chœurs, Dans la vallée myrteuse : Là, violettes et roses, narcisse aux blonds cheveux, Oui font vibrer leur ombre, Chltoient sous les lauriers, et les tièdes Zéphyrs Vont murmurant sans cesse Une douce musique ; là, le soc n'ouvre pas Les flancs lourds de la terre. Les héros bienheureux se lèveraient pour nous ; Sur un trône de fleurs, Près des reines d'Homère, ils nous feraient asseoir ; Les amantes de Zeus, Sans marquer de dépit, nous céderaient la place, Et la divine Hélène.

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III c

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Donne-moi, disais-je, un joli baiser, ô ma douce amie! > Tes lèvres à peine ont frôlé mes lèvres ; Puis comme on bondit, frappé d'épouvante, au tact d'un serpent, Tu soustrais soudain ta bouche à ma bouche. Ce n'est point donner, ma Belle, un baiser, mais c'est seulement Donner du baiser le poignant regret. IV

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Un baiser de toi, c'est un pur nectar, C'est une rosée, le parfum d'une âme, C'est l'odeur du nard, du thym, du cinname, Le miel butiné sur le mont Hymette Ou sur les rosiers du pays attique ; Dans la cire vierge avettes l'enferment, A l'abri dedans la ruche d'osier. Si tu m'en donnais mille à dévorer, J'entrerais soudain chez les Immortels

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Magnorumque epulis fruar deorum. Sed tu munere parce, parce tali, Aut mecum dea fac, Neaera, fias : Non mensas sine te uolo deorum, Non, si me rutilis praeesse regnis, Exeluso loue, dii deaeque cogant. V

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Dum me mollibus bine et bine lacertis Astrictum premis, imminensque toto Collo, pectore, lubricoque uultu, Dependes bumeris, Neaera, nostris, Componensque meis labella labris, Et morsu petis, et gemis remorsa, Et linguam tremulam bine et inde uibras, Et linguam querulam bine et inde sugis, Aspirans animae suauis auram Mollem, duleisonam, humidam, meaeque Altricem miserae, Neaera, uitae, Hauriens animam meam caducam, Flagrantem, nimio uapore coctam, Coctam pectoris impotentis aestu, Eludisque meas, Neaera, flammas, Flabro pectoris baurientis aestum, O iucunda mei caloris aura, Tune dico : c Deus est Amor deorum, Et nullus deus est Amore maior ; Si quisquam tamen est Amore maior, Tu, tu sola mibi es, Neaera, maior. > VII

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Centum basia centies, Centum basia millies, Mille basia millies, Et tot millia millies, Quot guttae Siculo mari, Quot sunt sidera coelo, Istis purpureis genis, Istis turgidulis labris, Ocellisque loquaculis, Ferrero continuo impetu, O formosa Neaera v 9 suauis : fragrantis1539.

18 tune : iam 1539.

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Et je prendrais place aux tables des dieu. Je t'en prie, épargne, épargne tes doœ, Ou deviens, Néère, avec moi, déesse : Sans toi, point ne veux du festin des dieux, Point ne veux régner sur le rouge Olympe - Même si les dieux chassent Jupiter. V

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Quand tes bras aimants se ferment sur moi, Que tout près de moi je vois ton visage, Ton cou et tes seins, doux comme satin, Que tu mets tes mains sur mes deux épaules, Et joignant, Néère, ta bouche à ma bouche, Tu mords la première et geins à ton tour, Te plais à darder ta langue craintive, Te plais à sucer ma langue plaintive, M'offrant de ton âme au parfum suave, La caresse douce, harmonieuse et fraîche, Qui nourrit, Néère, ma vie misérable, Aspirant mon âme au bord de mes lèvres, Ame trop brfilée d'ardente chaleur, Brfilée par le feu d'un cœur passionné, Quand tu peux, Néère, apaiser ces flammes, Souffler sur ce feu l'air frais de ton cœur, Brise délicieuse et rafraîchissante, Alors je m'écrie : c Amour est un dieu, Et aucun des dieux n'est plus fort qu'Amour; Si pourtant quelqu'un est plus fort qu' Amour, Toi seule, Néère, toi seule es plus forte 1 > VII

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Des baisers par centaines, Des baisers par milliers, Et par mille fois mille, Et autant de fois mille, Que gouttes d'eau en mer, Qu'étoiles au ciel, Sur tes joues empourprées, Sur tes lèvres gonflées, Sur tes yeux malicieux, J'en mettrai sans relâche, 0 belle Néère 1

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Sed dum totos inhaereo Conchatim roseis genis, Concbatim rutilis labris, Ocellisque loquaculis, Non datur tua cemere Labra, non roseas genas, Ocellosque loquaculos, Molles nec mihi risus Qui, uelut nigra discutit Caelo nubila Cynthius Pacatumque per aethera Gemmatis in equis micat, Flauo lucidus orbe, Sic nutu eminus aureo Et meis lacrymas genis, Et curas animo meo, Et suspiria pellunt. Heu ! quae sunt oculis meis Nata proelia cum labris ! Ergo ego mihi uel Iouem Riualem potero pati? Riuales oculi mei Non ferunt mea labra. (glyc. cum p'hnecr.)

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Quis te furor, Neaera,

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Inepta, quis iubebat Sic inuolare nostram, Sic uellicare linguam Ferociente morsu ? An, quas tot unus abs te Pectus per omne gesto Penetrabiles sagittas, Parum uidentur, istis Ni dentibus proteruis, Exerceas nefandum Membrum nefas in illud, Quo saepe sole primo, Quo saepe sole sero, Quo per diesque longas, Noctesque amarulentas, vm 15 longas : totos 1539, Ionaos Bosch. meamoue vitam : meum leuamen 1S39.

18 iniqua : Neaera 1539.

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Mais lorsque je m'attache, Pareil au coquillage, Au rose de tes joues, Au rouge de tes lèvres, A tes yeux malicieux, Je ne peux voir alors Ni lèvres ni joues roses, Ni tes yeux malicieux Ni ton doux sourire : Pareil au dieu du Cynthe, Chassant les noires nues, Et brillant dans l'air pur Sur ses chevaux perlés, Orbe au fauve éclat, Ton sourire doré De loin peut effacer Les larmes de mes joues, Les peines de mon cœur, Les soupirs aussi. Las ! quel combat mes yeux Livrent à mes lèvres ! Moi qui ne peux souffrir Un rival, fOt-ce un dieu, Mes yeux sont devenus Rivaux de mes lèvres ! VIII

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Mais quelle folie t'a prise ? Pourquoi donc, petite sotte, Te jeter ainsi sur moi? Déchirer ainsi ma langue, D'un sauvage coup de dent ? Toutes ces flèches pointues, Que tu m'as plantées au cœur, Moi, ton unique victime, Seraient donc trop peu de chose, Si tes dents audacieuses N'outrageaient - quel sacrilège 1 Un organe aussi sacré ? Souvent au soleil levant, Souvent au soleil couchant, Tout le long des jours sans fin Et de mes nuits d'amertume,

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Laudes tuas canebam 1 Haec est, iniqua, nescis ? Haec illa lingua nostra est, Quae tortileis capillos, Quae poetulos ocellos, Quae lacteas papillas Quae colla mollicella, Venustulae Neaerae, Molli per astra uersu, Vitra louis calores, Caelo inuidente, uexit ; Quae te meam salutem, Quae te meamque uitam, Animae meaeque florem. Et te meos amores Et te meos lepores, Et te meam Dionen, Et te meam columbam, Albamque turturillam, Venere inuidente, dixit. An uero, an est id ipsum, Quod te iuuat, superba, lnferre uulnus illi, Quam laesione nulla, Formosa, posse nosti Ira tumere tanta, Quin semper hos ocellos, Quin semper haec labella, Et, qui sibi salaceis Malum dedere denteis, Inter suos cruores Balbutiens recantet ? 0 uis superba formae 1 (plNNer.)

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Non semper udum da mihi basium, Nec iuncta blandis sibila risibus : Nec semper in meum recumbe Implicitum morlbunda collum. Mensura rebus est sua dulcibus : Vt quodque menteis suauius afficit, Fastidium sic triste secum Limite proximiore ducit. IX

2 iuncta

1539.

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Il célébrait ta beauté ! Tu ne sais donc pas, ingrate, Que c'est elle, oui, ma langue, Qui bravant l'ire de Zeus, Porta aux nues dans ses vers Tes beaux cheveux tout bouclés, Tes jolis yeux effrontés, Et ta poitrine laiteuse, Et la gorge délicieuse De la gracieuse Néère, A rendre les cieux jaloux ; C'est elle aussi qui te nomme Mon salut, ma renaissance, Toi la rose de mon âme, Qui t'appelle mon désir, Qui t'appelle mon plaisir, Qui t'appelle ma Dioné, Toi ma douce colombelle, Toi ma blanche tourterelle, A rendre Vénus jalouse 1 Est-ce là, est-ce donc là Ce qui t'a poussée, cruelle, A blesser ainsi ma langue ? Pourtant nulle meurtrissure, 0 ma belle, tu le sais, Ne peut l'irriter assez Pour la faire renoncer, A chanter toujours tes yeux, A chanter toujours ta bouche Et ces coquines de dents, Qui lui ont fait tant de mal Et l'ont mordue jusqu'au sang, L'obligeant à balbutier. 0 pouvoir de la Beauté 1 IX

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N'offre pas toujours une bouche humide, Et renonce un peu au rire excité, Ne joue pas toujours les mourantes, En t'abandonnant dans mes bras. Il faut une borne aux plus doux plaisirs : Trop vive émotion qui touche votre âme, Amènera vite avec elle Un bien amer écœurement.

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Cum te rogabo ter tria basia, Tu deme septem, nec nisi da duo, Vtrumque nec longum, nec udum : Qualia teligero Diana Dat casta fratri, qualia dat patri Experta nullos nata cupidines. Mox e meis lasciua ocellis Cw-re procul natitante planta. Et te rcmotis in penetralibus, Et te latebris abdito in intimis, Sequar latebras usque in imas, In penetrale sequar repostum. Praedamque uictor feruidus in meam Vtrinque heriles iniiciens manus, Raptabo, ut imbellem columbam Vnguibus accipiter recuruis. Tu deprecanteis uicta dabis manus, Haerensque totis pendula brachiis Placare me septem iocosis Basiolis cupies, inepta. Errabis : illud crimen ut eluam, Septena iungam basia septies, Atque hoc catenatis lacertis lmpediam, fugitiua, collum Dum persolutis omnibus osculis, Iurabis, omneis per ueneres tuas, Te saepius poenas easdem Crimine uelle pari subire.

("'· •·> X

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Non sunt certa meam moueant quae basia mentem. Vda labris udis conseris, uda iuuant. Nec sua basiolis non est quoque gratia siccis : Fluxit ab bis tepidus saepe sub ossa uapor. Dulce quoque est oculis nutantibus oscula ferre, Auctoresque sui demeruisse mali : Siue genis totis, totiue incumbere collo, Seu niueis humeris, seu sinui niueo, Et totas liuore genas, collumque notare, Candidulosque humeros, candidulumque sinum 16 natitante planta : pede mollicello 1SJ9. 18 abdito omn'1 •dd. : abditam Rat. 24 recuruis : proteruis 1SJ9. 2S dabis : feres ISJ9. 31 hoc : bine 1SJ9. x 4 uapor : calor /SJ9. 7 totiue : totoque 1539, totique Bosch.

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Si je veux avoir trois fois trois baisers, Enlèves-en sept, n'en donne que deux, Mais ni trop longs, ni trop humides, Comme en donne à son frère archer La chaste Artémis, en donne à son père L'enfant qui jamais ne connut l'amour. Puis loin de moi, pour mieux me plaire, Envole-toi d'un pied dansant. Tu peux t'en aller dans une cachette, Tu peux te cacher au fond d'un abri, Je te suivrai dans ton abri, Je te suivrai dans ta cachette. Je m'emparerai, maître de plein droit, En ardent vainqueur, de ma tendre proie : L'épervier aux serres aiguës Prend ainsi la pauvre colombe. Vaincue, tu tendras tes mains suppliantes, En te suspendant autour de mon cou, Pour m'apaiser, tu voudras, sotte, Me donner sept jolis baisers. Tu feras erreur : pour laver ce crime, Je te donnerai sept fois sept baisers, Et dans les chaînes de mes bras Prendrai ton cou, ma fugitive : Et quand tu auras payé ces baisers, Tu feras serment, par toutes tes grâces, De vouloir bien, pour ce péché, Subir souvent pareille peine. X

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Quels sont les baisers qui troublent mon Ame? Je ne saurais dire. Ta bouche est humide ? Humides soient-ils. Mais des baisers secs ont aussi leur charme : ils vous font couler, Jusqu'au fond des os, une onde brOiante. Il est doux aussi de mettre un baiser sur des yeux vaincus, D'attendrir un peu ces jolis bourreaux, Ou bien de rester penché à baiser, sans fin, joues et cou, Epaules de neige et gorge de neige ; D'imprimer partout une meurtrissure, aux joues et au cou, A la blanche gorge, aux blanches épaules,

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Seu labris querulis titubantem augere linguam, Et miscere duas iuncta per ora animas, loque peregrinum diffundere corpus utramque, Languet in extremo cum moribundus amor. Me breue, me longum capiet, Jaxumque tenuque, Seu mihi das, seu do, Lux, tibi basiolum. Qualia sed sumes, nunquam mihi talla redde Diuersis uarium ludat uterque modis. At quem deficiet uarianda figura priorem, Legem submissis audiat banc oculia, Vt, quot utrinque prius data sint, tot baaia solus Dulcia uictori det, totidemque modis. XIII

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Languidus e dulci certamine, Vita, iacebam Exanimis, fusa per tua colla manu. Omnis in arenti consumptus spiritus ore, Flamine non poterat cor recreare nouo. Jam Styx ante oculos, et regna carentia sole, Luridaque annosi cymba Charontis erat, Cum tu suauiolum educens pulmonis ab imo, Afflasti siccis irriguum labüs, Suauiolum, Stygia quod me de ualle reduxit, Et iussit uacua currere naue senem. Erraui : uacua non remigat ille carina, Flebilis ad manes iam natat umbra mea. Pars animae, mea Vita, tuae hoc in corpore uiuit, Et dilapsuros sustinet articulos. Quae tamen impatiens in pristina iura reuerti Saepe per arcanas nititur aegra uias. Ac nisi dilecta per te foueatur ab aura, Jam cotlabenteis deserit articulos. Ergo, age, Jabra meis innecte tenacia labris, Assidueque duos spiritus unus alat, Donec, inexpleti post taedia sera niroris, Vnica de gemino corpore uita fluet.

11 xn te 22

querulis : tremulis 1539. tS capiet : rapiet 1539. 16-19 Sic praebet 1539 : Vaque per arcanas nititur aeara uias lamque, nlsi per nota foueatur ab aura Collabescentes deserat articulos. fluet : fluat co". Bosch.

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Ou bien de sucer, doucement plaintif, ta langue tremblante, Et nos êtres fondre en joignant nos lèvres ; De laisser chacun notre âme s'enfuir dans un autre corps, Quand l'amour se pâme, et nous fait mourir. 15 Que soit ton baiser rapide ou plus long, léger ou profond, Donné ou reçu, il me ravira. Mais ne t'en va pas me rendre un baiser sans rien inventer : Plaisons-nous tous deux à varier le jeu, · Et que le premier, surpris à manquer d'imagination, 20 Ecoute ma loi, la tête baissée : c Au vainqueur du jeu il donnera seul autant de baisers Qu'il s'en est donné, d'autant de manières. > XIII

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Le corps épuisé par un doux combat, je gisais, ma Vie, Pâmé, et ma main errait sur ta gorge ; Dans ma bouche en feu, mon souffle brOlant ne parvenait plus A rendre à mon cœur une vie nouvelle ; Déjà je voyais le Styx et l'empire où règne la nuit, Et du vieux Charon la barque livide ; Mais, puisant alors, au fond de ton cœur, un baiser humide, Tu le fis glisser sur mes lèvres sèches, Baiser qui me fit sitôt revenir du monde infernal, Obligeant Charon à naviguer seul. Non, il n'est pas seul en train de ramer dans un bateau vide : Mon ombre éplorée vogue vers les Morts. Un peu de ton âme, ô ma Vie, demeure au-dedans de moi, Et soutient mon corps prêt à défaillir. Mais n'y tenant plus, la pauvre souvent, par des voies secrètes, Cherche à recouvrer ses droits de naguère ; Si ton souffle aimé ne lui donne pas un peu de chaleur, Elle fuit mon corps déjà défaillant. Alors, je t'en prie, joins étroitement ta bouche à ma bouche, Que ton souffle seul nous maintienne en vie, Jusqu'au jour lointain, où lassés enfin sans être assouvis, Nos corps confondus rendront l'âme ensemble.

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Quid profers mihi flammeum labellum ? Non te, non uolo basiare, dura Duro marmore durior Neaera. Imbelleis faciam, superba, uestras, Vt, neruo toties rigens supino, Pertundam tunicas meas, tuasque, Et desyderio furens inani, Tabescam miser, aestuante uena? Quo fugis ? remane, nec hos ocellos, Nec nega mihi flammeum labellum. Te iam, te uolo basiare, mollis Molli mollior anseris medulla. XVI

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Latonae niueo sidere blandior, Et stella Veneris pulchrior aurea, Da mi basia centum Da tot basia quot dedit Vati multiuolo Lesbia, quot tulit · Quot blandae Veneres, quotque Cupidines Et labella pererrant Et genas roseas tuas : Quot uitas oculis, quotque neceis geris, Quot spes, quotque metus, quotque perennibus Mixta gaudia curis Et suspiria amantium. Da, quam multa meo spicula pectori Inseuit uolucris dira maous dei : Et quam multa pharetra Conseruauit in aurea. Adde et blanditias uerbaque publica Et cum suauicrepis murmura sibilis, Risu non sine grato, Gratis non sine morsibus. Qualeis Chaoniae garrula motibus Alternant tremulis rostra columbulae, Cum se dura remittit Primis bruma Fauoniis; Incumbensque meis, mentis inops, genis, Huc, illuc, oculos uolue natatileis, Exsanguemque lacertis Die te sustineam meis : XVI

25 nataliles : rotatiles 1539.

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Pourquoi m'offres-tu tes lèvres pourprées? Non, je ne veux pas t'embrasser, Néère, Plus dure pour moi que le marbre dur. Ces baisers de rien, j'en fais tant de cas, Oui, de tes baisers, ma belle cruelle, Que, à chaque fois, je bande tout raide A crever ma robe, et même la tienne ; Puis furieux de voir mon désir frustré, Las ! je me dessèche, et ma verge brule. Où vas-tu ? Demeure ! Donne-moi tes yeux, Donne-moi aussi tes lèvres pourprées ! Oui, je veux, je veux, t'embrasser, ma douce, Plus douce pour moi que doux duvet d'oie. XVI

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Toi plus douce que l'astre neigeux de Latone, Plus belle que l'étoile dorée de Vénus, Donne-moi cent baisers, Oui, autant de baisers Que Lesbie en donna à l'exigeant Catulle, Que je vois de Vénus et de doux Cupidons, Qui dansent sur tes lèvres, Et sur tes joues de rose, Autant que ton œil lance et de vies et de morts, Et d'espoirs et de joies et de craintes mêlées De peines éternelles, Et d'amoureux soupirs ; Autant que dans mon cœur a planté de sagettes L'inexorable main de Cupidon ailé, Et autant qu'il en reste En son carquois doré. Ajoute à ces baisers, les mots et les caresses, Et les soupirs mêlés au doux cris du plaisir, Et ce rire que j'aime, Ces morsures que j'aime. Comme on voit roucouler en se prenant le bec, Les jolies tourterelles aux ailes frémissantes, Quand, sous le Favonius, La brume se déchire. Allonge-toi sur moi, ma belle possédée, Laisse errer, égaré, ton regard qui chavire, Dis-moi de te serrer Entre mes bras, pAmée :

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Stringam nexilibus te, te, eao, bracbüs, Frigentem calido pectore comprimam, Et uitam tibi longi Reddam afflamine basü, Donec succiduum me quoque spiritus lstis roscidulis linquet in osculis, Labentemque lacertis, Dicam, collige me tuis. Stringes nexilibus me, mea, brachiis, Mulcebis tepido pectore frigidum, Et uitam mihi longi afFlabis rore suauil. Sic aeui, mea Lux, tempora floridi Carpamus simul ; en iam miserabileis Curas aegra senectus Et morbos trabet et necem. (Str. tuelq.

B)

IN VICISSITVDINEM RERVM FORTVNAM

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Omnibus boris Nemo beatus, Lubrica fors est, Nescia certa Sede morari. Cum stat in imo Tendit in altum, Cum stat in alto Tendit ad imum. Phoebe remotas Pronus in undas Sidis, et idem Tramite sueto Aurea notum Plaustra retorques Gratus ad ortum. Per te ubi laetis Candida terris Reddita lux est, Proxima furuis Torua tenebris Nox manet aegrum 39 Jonp : tune 1S39.

INSTABILEMOVE

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Et je t'enlacerai, ma chère, étroitement, Serrant ton corps glacé sur ma chaude poitrine, Et par un long baiser Je te rendrai la vie... Mais perdant, à mon tour, mon âme en tes baisers De si douce rosée, je te dirai, mourant : Soutiens-moi, je défaille, Serre-moi dans tes bras ; Et tu m'enlaceras, ma chère, étroitement, Ranima.nt mon corps froid sur ta tiède poitrine : La rosée d'un baiser M'insufflera la vie. Cueillons, ô ma Lumière, les fleurs de la jeunesse, Car voici la Vieillesse et son triste cortège : Misérables Soucis, Maladies et Trépas.

SUR L ~TERNEL

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RETOUR DES CHOSES ET L'INSTABILITÉ DE LA FORTUNE

Nul ne peut connaître Un bonheur parfait, Le Sort inconstant Ne sait pas rester A la même place : Quand il est en bas, Il cherche à monter, Quand il est en haut, Il cherche à descendre. Phébus, tu déclines, Et tu vas plonger Dans les eaux lointaines ; Mais pour notre joie, Par la même voie Tu fais revenir Au point de départ Ton char lumineux. Quand tu as rendu La blanche lumière Aux terres en liesse, Bientôt la nuit fourbe, De noires ténèbres, Va couvrir le monde,

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Scilicet orbem. Quae simul atque Ingruit, uno Cuncta colore

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Aera, syluas, Flumina, ripas, Praedia, colles, 1am meditatur Ferre soporis Lumina terris, Vecta coruscis Nuncia Phoebi AuRora quadrigis Bruma ubi nigris Horrida uentis, Abstulit omnes Vndique flores, Abstulit agris Gramina caluis, Misit iniquas Dira pruinas, Reddidit altis Montibus aequas Grandine ualles, Et glacialem Marmore texit Frigida portum, Dulce redit Ver, Et redit aestas Tincta uirentes Rore capillos, Cincta caducis Tempora spicis Restituitque Flamine molli Gramina campis, Et spoliatis Reddere gaudet Tegmina syluis. Sedula pictos Omat apricis F1oribus hortos : s~mcet ut sit Q•1odfera rursum

llETOUll DBS CHOSES ET INSTABILITÉDB LA FORTUNE

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Oui se sent mourir. Dès qu'elle a surgi, Noyant l'univers Dans la confusion D'un gris uniforme, Lumières et bois, Rivières et berges, Domaines et cimes, D6jà se prépare A rendre le jour Au monde endormi L' Aurore debout Sur son char brillant, Annonçant Phébus. Quand l'Hiver rugueux, Aux noires tempêtes, A partout sur terre Arraché les fleurs, Dans les champs pelés Arraché toute herbe, Envoyé, cruel, Les frimas funestes, Fait rivaliser Les vallées gelées Et les hauts sommets, Et dans sa rigueur, Recouvert de marbre L'océan glacé, Revient le Printemps, Et revient l'Eté, Ses cheveux vivaces, Mouillés de rosée, Ses tempes cernées D'épis alourdis; De son souffle tiède, Il redonne aux champs Leurs brins d'herbe verte, Et se plaît à rendre Aux bois dépouillés, Leur toit de verdure. Il orne avec soin Les jardins brillants De fleurs lumineuses Et tout ça, bien stlr, L'Hiver de retour,

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Perderepossit Bruma reuertens. 70

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Cum Zephyri stant, Cumque sereno Turbida mouit Nubila caelo Clarus Apollo : 1am Boreas, iam lamque proteruus Auster, Orionque lmminet udus. Perpetuum nil Cuncta recurrunt Ordine certo. Gaudia luctus Occupat amens : Seque superbis Funera mïsce"t Saeua triumphis. (Adon.)

RETOUR.DES CHOSES ET INSTABILITÉ DE LA FOllTUNE

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Le fera, cruel, Périr à son tour. Soufflent les Zéphyrs, S'6claire le ciel, Quand Phébus, radieux, Chasse les nuages, Porteurs de tempates : Aussitôt on voit Menacer Borée, L' Auster effronté Et l'humide Orion. Rien n'est éternel; Le monde respecte Un cycle immuable. Une peine folle Brise nos bonheurs, Et les deuils cruels Viennent se meler Aux joies triomphantes.

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IANVS LERNVTIVS (1545-1619)

JEANLDNour appartenait à Ja riche bourgeoisie catholique de Brupa. n eut ainsi le loisir d'étudier à Gand et à Anvers, puis de passer plusieurs annœa à voyager. Il fit à Paris un séjour important où il rencontra en 1565 Janus Dousa. Stimulé par cet exemple et la traduction de l'Anthologie grecque, il conçoit le projet de aea deux cycles poétiques, les Ocelli, qui paraîtront dans 1'6dition des Carmina de 1579, et les Ba.ria, qui seront ajoutés en 1614. Pour fuir les troubles de son pays, il voyage en Italie et ne revient à Bruges qu'en 1574. Malgré son d6sir de se tenir à 1'6cart de Ja vie publique, il est nommé échevin de sa ville natale. En 1587, cette vie de notable lettré, père de famille nombreuse, est brusquement bouleversée : tomb6 entre les mains de la garnison anglaise d'Ostende, il est incarcéré, puis emmené en Angleterre, où il restera cinq ans en prison. Il ne recouvrera sa liberté qu'au prix d'une rançon considérable. Epuisé physiquement et moralement par sa captivité, il se trouve de surcroît dans une situation matérielle difficile jusqu'à Ja victoire du duc Albert en 1596. Il peut alors préparer la dernière édition de ses Poemata qui paraît en 1614 chez les Elzevier, augmentée de poésies religieuses (Initia, Idyllla .racra), ou historiques (Trophaea Austrlaca, Pa:x Belgica). Il meurt à Bruaeaen 1619.

Lemutius fut un homme de paix et de tradition. A la trêve de 1609 il consacre tout un cycle d'élégies solennelles et exaltées. Ses deux livres d' Epigrammes expriment en courtes sentences, simples et fermes, un idéal de vertu et de travail ; il ne quitte cette pondération, parfois un peu terne, que pour célébrer la grandeur de Dieu (Preces ad Dominum Deum Redemptorem generis humani), ou s'indigner contre l'hérésie (Ep. 1, 15 ; I, 84). Son hostilité profonde à tout changement, son attachement de grand bourgeois aux valeurs établies et aux puissances consacrées en font un héraut de la fidélité. Toute rébellion est pour lui coupable, et combattre l'Espagne, c'est combattre Dieu. Aussi a-t-il la même ferveur pour chanter la puissance du Créateur (Initia) et pour acclamer Albert d'Autriche. Ce partis pris rend parfois un peu gênante la lecture des Trophaea Austriaca qui célèbrent la prise de Calais (El. IV), la reddition d'Ostende (Heroicum Triumphale), autant d'échecs pour les partisans de la résistance. Mais cette exaltation épique n'est que le reflet d'une conviction catholique, intransigeante sans bassesse. Lemutius ne se départ pas entièrement de cette raideur dans l'ol>Bssance quand il cultive une muse plus lé~re. Ses cycles amoureux sont un peu figés dans une r6serve bien pudique, et un respect bien timide de ses modèles. Ses Basia se situent dans l'étroite dépendance de Second,

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IANVS LERNVTIVS

influence multipliée par la pr6œdente émulation de Janus Dol1Sa.Cette fidQit6 n'exclut pu la surpnie d'une idée piquante mais le domaine, en se transmettant, s'est peu à peu vidé de sa sève pour devenir motif à broderies. Quant aux Ocelll, ils ne tiennent pas la promesse poétique de leur titre. L'épigramme parfois fixe avec bonheur une image précieuse ou insolite (IV, XXVI, XXXVI). Mais la rhétorique supplée le plus souvent à l'invention, sans toujours accepter de jouer ûanchement de ses ressources. Plus qu'un créateur, Lernutius est une figure, celle du grand bourgeois lettré qui, en ce tournant de l'histoire des Pays-Bas, cherche une voie nouvelle. L'exemple de Second reste encore trop proche pour que l'expression amoureuse puisse s'affranchir de cet héritage difficile. D'où les redites. Mais surtout !'Histoire est trop douloureusement présente pour ne pas entrer dans cette po6sie. Une veine s'épuise, qui autrement renaîtra. Une autre s'impose, que la paix aeulo tarira. TEXTES : lani Lemutü Carmina, Antwerpiae,ex officina Cbriltophori Plantrni, 1579. - lani Lemutü Initia, Basia, Oc•lli, •t alia p. Baudius ne pouvait mieux résumer les options de sa propre création. L'horreur du mensonge, fût-il de pure convention littéraire, s'exprime dans ses vers avec une insistance qui dépasse, par son obstination même, le cadre du lieu commun moralisateur. C'est en elle que se fonde sa foi et son apologie de la tolérance. c Fidei et pietatis augusta sedes est in intimo recessu mentis et in ipsis penetralibus animorum. Vis et minae non efficiunt Christanos sed hypocritas purpurae cultores, non ueri Numinis. N'thil est tam uoluntarium, tam suae spontis, tam impatiens dominationis quam religio quae si cogitur non amplius est religio sed fucus et inane simulachrum. > (De induciis Belli Belgici, praefatio.) Ethique et poétique se confondent chez Baudius. Cette exigence de vérité est en effet le ressort d'une écriture énergique et directe, reflet des enthousiasmes et des dépits d'une nature entière, dans ses contradictions mêmes. La langue est en accord avec cette spontanéité. Baudius traite le latin avec la désinvolture vivante et parfois négligée que l'on réserve à l'expression quotidienne. Cette relation instinctive l'amène à puiser dans toute l'étendue du lexique sans discrimination, voire à fabriquer lea mots qui lui manquent. Ce même naturel se retrouve dans la sim-

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DOMENICVS BAVDIVS

plicité de la syntaxe, une certaine rudesse qui fuit les ornements, c nos Belgica de gente simplices sumus > (lamb. 1). Le relief est donné par la vigueur volontiers satirique et pittoresque du vocabulaire, l'usage souvent agressif de la première et de la deuxième personne. Les sentiments, de même, sont sans détour. L'admiration est étonnement ébahi plus que flatterie, qu'elle s'émerveille devant Elisabeth d'Angleterre (Strena ad Augustam Elisabeth.am Angliae reginam) ou devant l'œuvre de Rubens (Y arior. Poem. Sylua, 2). La haine aussi est sans nuance : il souhaite à Philippe une mort horrible (lamb. III, 10), fustige Jean Châtel dans une série de poèmes consacrés à l'assassinat manqué d'Henri IV. Sur sa vie, ses confidences sont d'une naîveté brutale et parfois comique. Il avoue avec une rage rancunière sa déception devant le peu d'avantages mat6riels que rapporte la culture (lamb. 1, 4), quitte à s'émouvoir dans le poème suivant, en évoquant le pouvoir grisant du professeur. Soucieux de sa position et de ses intérêts - bien des épîtres en vers qui datent de son séjour en France s'adressent à d'influents protecteurs - il met aUS1isa verve au service de plus grandes causes. Opposant résolu à la domination espagnole et à l'intolérance religieuse, il appelle à la r6sistance armée, non sans tempérer cette intransigeance d'une solide prudence : Vir mentis acer, masculique pectoris Non prouocat pericla prodigua sui... (lamb. Gnom. 1, 31) Ces qualités de sincérité, d'énergie et de bon sens, pour sympathiques qu'elles soient, maintiendraient cette poésie dans la platitude si Baudius n'avait su choisir le mètre susceptible de leur donner le charme de l'improvis6. Plus que le distique élégiaque où il se montre trop raide, ou le sénaire trochaïque excessivement prosaïque, le sénaire iambique, en effet, s'adapte avec bonheur à une pensée simple et qui cherche l'efficacité plus que la profondeur. Ce rythme nerveux propulse le discours, donnant vie et saveur à des épîtres qui fréquemment comptent plus de cent vers. Il sauve aussi les Iambes gnomiques de l'insipidité, mais il faut avouer qu'il sait moins bien que le distique donner équilibre et rigueur à une sentence. Vers de mouvement, et non de réflexion, il réussit aux excès de l'enthousiasme ou de l'acharnement. Il n'assouplit pas l'expression mais la dirige et l'aiguise. C'est cette valeur balistique du sénaire iambique qui explique sa s6duction sur un esprit avant tout désireux de marquer et d'agir, et qui fait la séduction de cette poésie. TEXTES : Domenici Baudii Poematum noua editio, LuaduniBatauorum, 1607. D. Baudii Poematum noua edltio tertia parte nunc locuplata et ln concinniorem ordinem redacta, Lugduni Batauorum, 1616. - D. Baudii Poemata, noua edltio et prioribus auctior, Amstelodami, 1640 •••. - D. Baudii lamborum liber... dictus... Carolo Borbonio cardinali, Caesaroduni Turonum, 1591 ••. D. Baudii... carmen heroicum dictum honori et maiestatl Jacobi 1 Magni, Magnae Brltanniu Hgi6, sub nomine Ynitarum Belgii Prouincüuum, Leyaae in Batauia, 1611. - D. Baudii Amoru, eclente PBn.o ScluvEalo, Amatelodami, 1638.

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ETUDES : Dr. P.LM. GllOOTl!NI. Domenic,u Baudi,u, een lnenuc#Ntl ldt Ml ùlbt Humanûtenmilie111561-1613, Utrecht, 1942. - J. A. VAN Doun!N, Poeu, Patrons and Profes,or,, sir Philip Sidney, Daniel Rogers, and the Lelden Hwnanuts, l..eiden-London, 1962. - V. L. SAULNIEll,Les dir années fronçai.ru de Dominique Baudier (1591-1601), étude sur la condition humanûte 1111temps des gue"u clvilu, Bibl. Hum. et Ron. VII, 1945, p. 139-204. ID., Deux plices lnldltu de Dominique Baudier (1603-1605),NeopbilolOIIJI33, 1949, p. 172-180.

IAMBICORVM

LIBER I I PllAEFATIO

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LECTOREM

Benigne lector, si redundas otio Manumque nugis admouere non piget, Hoc te pudenter author oratum cupit Ne crimineris, neu sinistrorsum trahas Si quid uel baud satis pudice, uel nimis Scriptum licenter forsan occurret tibi. Nos Belgica de gente simplices sumus, Quibus pudoris absque iactura licet Scapham scapham uocare, parsimus tamen Verbis, honorem queis opus praefarier. Oermana uirtus, mosque maiorum placet, Rem quamque priuo qui notant agnomine : Sed hacce fini censeo utendum iocis Facetiisque ne quid incestum pias Conspurcet aures, aut probrum aspergat probis ; Obscoena dicta moribus frugi nocent Tenerque sensus inde noxiam trahit, Quae post modo latenter in mores abit Partesque sanas in mali assensum rapit. Tanti satinas uocularum non emo, Famaeque fumos ut praeoptem perdere Veterem sodalem, quam recens dicterium... IV AD MICHAELEM HVRALTVM, HOSPITALEM FAYVM

NAVARllABCANCELLAllIVM, BT ANNONAB IN BXERCITV RBGIO PllABFECTVM

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lte o iuuentus et labore inutili Arate littus hocce litterarium, Platonicisque dediti sermonibus Mollite cultu liberali pectora : Virtutis aedem scandite aerumna graui, Laudumque culmen Herculis magni modo. Nempe ut iuuenta cum uirens effluxerit, Pro messe paruam colligatis lauream, Famaeque fumos fertiles inanüs. 0 cassa uota, spesque fallaces meas ! Hoc fme totne deuoraui taedia

ÏAMBES

LIVRE I I

PIŒPACE

Ami lecteur, si de ton temps tu es prodigue,

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Si tu veux bien jeter les yeux sur ces balises, L'auteur émet le vœu discret que tu ne sois Pas disposé à réprouver, ou à mal prendre Une expression, jugée par toi, sait-on jamais, Un peu osée, ou franchement dévergondée : Nous sommes Belge, et notre esprit est sans détour ; Chez nous on peut abandonner toute pudeur, Et appeler, un chat, un chat; mais nous n'usons Jamais de mots qui ont besoin d'être excusés; Vertu native et tradition nous font donner A chaque objet l'appellation qui lui est due. Mais jeux de mots, plaisanteries, doivent garder Une limite : que la verdeur ne souille pas La chaste oreille, les mots honteux, l'honnêteté. L'obscénité porte une atteinte aux bonnes mœurs, Et fait subir à l'âme tendre un préjudice Qui peu après, sournoisement, gâte les mœurs Et donne même, aux parties saines, le goOt du mal. Je ne paie pas si cher un filon de bons mots, Et les fumées de la gloriole, au point de perdre Un vieil ami pour le plaisir d'un trait nouveau... IV

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MICHEL HURAUT DE L'HOSPITAL, CHANCELIER DE NAVARRE ET PIŒPET DE L'ANNONE DANS L'ARMÉE ROYALE•

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Allez, ô jeunes gens, et sans aucun profit, Cultive-zce désert de la littérature, Plongez-vous dans Platon, lisez ses dialogues, Affinez votre esprit aux sources du Savoir, Gravissez à grand mal les marches du Mérite, Au faîte de la gloire, hissez-vous comme Hercule : Quand vos vertes années se seront envolées, En guise de moisson, vous pourrez récolter Minces lauriers, gloire en fumée, vanité pure. 0 désirs chimériques ! espérances trompeuses ! C'est pour en venir là, que j'ai tout avalé,

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Fallente amore leniter molestiam ? Volui reuolui perdius pemox llbros, Famem sitimque, frigus atque aestum ferens, Insanientem dum colo scientiam ? Abi, Camoena, debeo tibi nihil ! Sordes tuas auerre cum puluisculo Lauri corollas, eruditae praemium Pretiumque frontis, sibilum famae leuem Ditesque tantum naenias penurla... V

AD IACOBVM GRVfBllVM

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Narro tibl, Grutere mi, nimis iaces; N'unis iaces, aequumque praeter ac bonum Sortem sine omni gratia culpas tuam. Ten' arbitrari uile munus aut )eue Tenella corda ductilis puertiae Doctas per artes fmgere ad recti decus ? Ferosque mores cicurare et horridos Dum mollis aetas indolesque mobilis Oemente tractu qualibet flecti potest ? Si ueritate ponderamus simplici Momenta rerum, non inani splendido Spartam tueris neutiquam paruae rei Sed dignitatem non habere quis tibi Persuasit auctor ? Nempe praui persequens Vulgus, sinister moris interpres boni, Sartor satorque nequiorum partium ; Rem si uidebis nube pulsa inanium Seorsim ab isto mox loquare sentias Vitii patrono. Nonne et usu commodum Et fama honestum, et dignitate amplum putas, Quod spes parentum, flos iuuentae, ciuium Nouella proies, patriae nascens honor, Seges nepotum creditur curae tuae ? Hoc ciuitatum stat status fundamine Ex hoc adulta seminario uirum Surgit propago, qui scientia graues Olim capessantpubllcae summamrei. Sed ut superbaturrium fastigia Miratur omnia, at latent fundamina Tegitque tellus ima radicum, quibus 6

rmaere : fiecten

JS91, 1607 :

JS91.

rlOIiunentae

9 Oecti : ducti 1S9J. 1640 contra mttrum.

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no.iuuentae

ciuium

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IAMBES

Passant sur mes dégotta par amour de l'étude ? Qu'à lire et à relire, j'ai passé nuit et jour, Souffrant de faim, de soif, de froid et de chaleur, Tout à la dévotion d'un savoir insensé ! Muse, va-t'en, je ne te dois aucun merci! Reprends tes dons crasseux, balaie-moi tout cela, Couronnes de lauriers, salaire et récompense Offerts au docte front, vain murmure de gloire, Berceuse qui ne sait apporter que misère ...

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V

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À JACQUES GRUTEll

Crois-moi, mon cher Oruter, tu es trop pessimiste ; Tu es trop pessimiste et tu passes les bornes En accusant ton sort, sans la moindre indulgence. Penses-tu que ce soit tâche sans importance, D'avoir à modeler la douceur de l'enfance, De redresser son âme à force de culture, D'adoucir sa nature encor fruste et sauvage, Tant que le caractère est souple et malléable Et peut, avec douceur, s'infléchir comme on veut? Si, pour juger des choses, nous prenons pour critère La pure vérité, et non un faux brillant, Nous comprendrons, alors, la vraie grandeur de Sparte. Mais qui a pu te persuader que ton métier Est sans prestige ? Sinon le peuple dépravé, Critique malveillant d'une vie vertueuse, Fortifiant et semant les plus mauvais penchants ; Si tu ouvres les yeux, dissipant l'illusion, Tu cesseras bientôt de voir et de parler Comme cet avocat du vice. Ne crois-tu pas Qu'il est plaisant, et respectable, et prestigieux, D'avoir entre nos mains l'espoir d'une famille, La fleur de la jeunesse, les hommes de demain, Promesse de héros, moisson de l'avenir ? C'est notre enseignement la base de l'Etat, C'est lui la pépinière où vont s'épanouir Ces esprits en croissance, qui, riches de savoir, Accéderont un jour aux plus hautes fonctions. De même que chacun en regardant les tours, Admire leur noblesse, sans voir leurs fondations, Et que profondément sont enfouies les racines

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Innixa substat arborum proceritas, Sic istud omne ui recondita magis Sesc tuetur quam nitore euanido ... X ILLVSTRISSIMO PRINCIPI ET FORTISSIMO HEROI MAVRICIO A NASSAV, ETC •

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... Hac re tu nos beabis et feros Arcebis hostes patriae a ceruicibus. Sic auguramur, banc fouere spem iubent Quae signa nobis monstrat aetheris fauor. Tot lustra iam labuntur ex quo maxumum Regem duellis atque uictrici mora Fatigat exeditque tabis in modum Quod Belgica de gente relliquum super Mordere fraenos et pati iugum dolet. Non est Philippo, non Brabantorum duci Res est inermo barbarorum cum grege Qui se necandos ut stupens metu pecus Crudis lanistarum obtulerunt ensibus. Est cum uiris certamen, est cum ciuibus, Qui seruitutem peste saeuius timent, Qui pro focis arisque bellari putant Dulce et decorum, nec recusant emori Bonoque uitam deuouere publico Si fata poscant. Sed perire sic iuuat Vt quod loquantur posteri, manu patrent Ante occubandum neue inertem spiritum Fundant inulti. Sentit bostis efferus Quanto lacessat in dies periculo Batauum leonem. Non Philippi temnimus Porrecta latis regna terrarum locis, Sed nec pauemus : aequa causa dat mares Animos et ultor arrogantiae Deus Viris secundas addit infirmo gregi Contra minas opesque regum, qui fidem Fasque omne rumpunt. Sit Philippus quam potest Late tyrannus at tyranna uis nequit Durare longum...

ÏAMBES

Sur lesquelles s'appuie la majesté des arbres, C'est la force cachée, non l'éclat passager, Qui donne à toute chose une assise solide... X AU PRINCE ILLUSTRE ET AU VAILLANT HÉROS, MAURICE DE NASSAU•

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Tu nous feras ce don précieux, et chasseras De notre nuque un ennemi des plus cruels. Nous l'augurons, et cet espoir est confirmé Par des présages, où apparaît le choix de Dieu. Depuis longtemps le roi d'Espagne est harcelé Par nos combats victorieux, et il subit, Comme un cancer, l'exténuante opposition Des survivants du peuple belge, impatients, Rongeant leur frein, et gémissant dessous le joug. Le roi Philippe et le régent de la Belgique • N'ont point affaire à un troupeau d'êtres bornés Et sans défense, à un bétail muet de peur, Prêt à s'offrir aux épées nues des mercenaires. Leur adversaire, en ce combat, ce sont des hommes, Des citoyens qui fuient le joug plus que la peste ; Et de lutter pour leurs foyers, pour leurs autels, Leur semble doux et honorable. Ils sont tout prêts A sacrifier leur propre vie pour leur pays Si les Destins l'exigent d'eux.Mais il leur plaît De ne mourir qu'après avoir, jusqu'à la fin, Porté des coups, dont l'avenir garde mémoire, Et chèrement vendu leur vie. Notre ennemi Sent ce qu'il risque à harceler de jour en jour Le Lion batave. Nous sommes loin de mépriser L'empire immense et colossal du roi Philippe, Mais il ne nous fait pas trembler. La juste cause Arme les cœurs, et Dieu punit l'outrecuidance : Il favorise et il soutient les opprimés Contre la force et le courroux de rois qui n'ont Ni foi ni loi. Libre à Philippe, autant qu'il veut, D'étendre au loin sa tyrannie; mais ce pouvoir, Qu'ont les tyrans, est éphémère..•

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VARIOR.

POEM. SYLVA Il

AD CLAIUSSIMVMET ORNATISSIMVMVlllVM D. PETRVM RVBENSVMPRINCIPEM PICTORVMHVIVS AEVI

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Artis Magistrae dum stupenda contuor Exempta quae sic exprimit tuus labos Vt ipsa se Natura uinci gestiat Ab hoste tali : pectus expleri nequit, Oculisque praesens ipse uix credo meia, Nec est semel lustrasse talia haec satis ; Iuuat morari, plusque simplici uice, Plus triplicique (numerus baud capit modum) Contemplor horrens non sine instinctu sacra Monumenta nullis sat loquenda uocibus. Dlic Ephebum raptat uncis unguibus louis satelles et minister fulminis. Puer pauens anhelat exanguis metu, Trepidare uisus. At canes latratibus Auras fatigant, et suum spectant herum Vlulante quaestu; nescit haec pius Pater. Heic rostro adunco uultur immanis fodit Iecur Promethei, nec datur quies malis, Sic usque et usque rabidus ales imminet Foecunda poenis appetcns praecordia. Non est eo contentus infandae dapis Pastu, sed ungue laniat insuper fero Hinc ora palpitantis, bine femur uiri ; Ipse inuolaret in necem spectantium Ni uincla tardent. Quod potest unum tamen Flammata torqucns hue et illuc lumina, Terret timentes. Pectore ebullit cruor Et parte ab omni qua pedes signant notam Trucesque flammas uibrat acies luminum Rapidae uolucris. Hanc moueri, banc tu putes Quassare pennas. Horror adstantes habet. Parte alia Adonis et Cupidinum Parens ... Sed plura non attexo, sistamus pedem. Non est mihi uox digna tantarum decus u hoc carmm dttn 1607.

POÈMES VARIÉS Il

À L'ILLUSTRE ET DISTINGUÉ PIERRE RUBENS, LE PLUS GRAND PEINTRE DE CE TEMPS

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Quand, de ton art divin, je contemple, ébloui, Ces exemples frappants * où ta main a si bien Surpassé la Nature, qu'elle accepte avec joie D'être vaincue par toi, je ne peux m'en lasser, Et j'ai même du mal à en croire mes yeux ; Il ne me suffit pas de les voir une fois : J'aime à m'y attarder, à faire un autre tour, Puis un troisième encor - sans pouvoir m'arrêter. Je regarde, saisi d'une émotion sacrée, Ces _œuvres que les mots ne sauraient égaler. Ici l'oiseau de Zeus, le gardien de la Foudre, Enlève Ganymède en ses serres crochues ; L'enfant épouvanté suffoque, blanc de peur ; On croit le voir trembler ; ses chiens poussent des cris A fatiguer les cieux, et regardent leur maître, En hurlant leur chagrin : Jupiter reste sourd. Là, de son bec crochu, le vautour monstrueux Fouaille sans répit le foie de Prométhée ; Et l'oiseau acharné tourmente sans arrêt Ce sein qu'il déchiquette et qui renaît toujours. Mais l'horrible repas ne peut le contenter : D'une serre féroce, il lacère à la fois Du héros palpitant le visage et la cuisse ; Je crois bien qu'il fondrait sur ceux qui le regardent, S'il n'était enchaîné. Mais il peut malgré tout, Dardant autour de lui ses prunelles de feu, Terrifier les peureux. Le sang, en bouillonnant, Jaillit de la poitrine, et des chairs labourées ; Le regard acéré de cet oiseau de proie Brille d'un feu farouche. On dirait qu'il remue, Qu'il va bouger les ailes. On regarde, horrifié. Sur un autre tableau, Adonis et Vénus... Je renonce à poursuivre; arrêtons-nous ici. Ma voix est impuissante à louer dignement

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DOMENICVS BAVDIVS

Aequare laudum; res uoluminis foret Referre uersu persequique singula. Non ista Zeuxis, non Apelleus labor Aequauit unquam, quos ad astra laudibus Effert uetustas. Nemini concesseris, Tecumque certes absque riualis metu ; Heic non mouendus haerct ille terminus, Quem tendere ultra uix queat mortalitas ...

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De pareilles merveilles; il faudrait un volume Pour les décrire en vers dans les moindres d6tails. Jamais la main d'Apelle, ou celle de Zeuxis, Dont pourtant le Passé porte aux nues le talent, N'a pu faire aussi bien. Nul ne peut t'égaler; Tu n'as d'autre rival à craindre que toi-même: Tu as atteint un point qu'il sera difficile A un autre mortel, de faire reculer...

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IACOBVS EYNDIVS (1575 ?-1614)

JACOB VAN DEN EYNDE naquit à Delft vers 1S7S. Seigneur de Haemstcde. bour1 d'une île ulandaise, n suivit la carrière militaire et servit comme capitaine de cavalerie dans le camp de Maurice de Nassau. De cette campagne il a Jau une version épique, Flandrici Belli libri Il. Il semble avoir quitté les armes lors do la tr&ve de 1609, pour se retirer dans son château de Haemstede où il s'adonne aux belles-lettres. Il écrivit une chronique de Zélande en cinq livres, et un recueil de poàncs publié en 1611, qui contient, outre son épopée, Martis exulis prophasis, Siluarum liber, des Epigrammes, un livre de NugM où ae multiplient les floaes funèbres d'animaux familiers, et un cycle érotique, Hydropyricon Liber. D meurt dans sa retraite en 1614.

On pouvait attendre de ce centurio Batauus un témoignage prâ sur la guerre des Flandres, une chronique versifiée comme en 6crivirent Lernutius, Bulteel, et bien d'autres. Or son Flandricum Bellum, rencW. rissant sur le modèle virgilien, abonde en interventions divines ou allégoriques. Prières et prophéties donnent au récit une dignité intemporelle. Maurice de Nassau acquiert l'emphase détachée d'une figure mythique. Ici, les lois antiques du genre sont respectées avec insistance pour mieux, semble-t-il, dégager l'histoire de la multiplicité confuse de l'événement. On retrouve cette même recherche de la distance, ce même désir de confier à la forme poétique une fonction d'épuration, dans un recueil d'une tout autre veine, le livre des Hydropyriques. Des cinquante-cinq épigrammes qui constituent ce cycle, toute référence anecdotique est bannie. Eyndius ne se préoccupe guère d'accréditer la fiction sentimentale; d'une expérience amoureuse ne transparaît aucune forme d'émotion. Mais cette abstraction même, avec son développement systématique, constitue dans son radicalisme le sujet et l'intérêt de cette poésie. Les métaphores de l'eau et du feu, avec leurs corollaires, froid et glace, chaleur et étincelles, remontaient certes à une bien lointaine tradition, revivifiée par les go0ts littéraires de l'époque, qui redécouvrait l'Anthologie grecque et n'ignorait point les prouesses élégantes du Syrien Méléagre, ni celles de ses disciples de la première épigramme érotique latine. Le pétrarquisme avait marqué la poésie amoureuse, et chez les néo-latins, Pontano et J. C. Scaliger avaient joué sur ce thème. Eyndius, bien sfu-, puise à ces sources. Mais chez lui la métaphore n'est plus des-

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IACOBVS EYNDIVS

tinée à donner au langage de l'amour le raffinement d'un code précieux.

Eau et feu ne sont plus des symboles, ils ne renvoient plus qu'à euxmêmes. Ils retrouvent leur indépendance première d'éléments, et c'est la fiction amoureuse qui paraît ornement. C'est précisément dans cette substitution de l'image à la réalité que se situe le passage de la préciosité au baroque. Cette indépendance une fois acquise tous les jeux deviennent ~ibles : conciliation, antagonisme, interaction, tels sont les schémas auxquels la mythologie, souvent, prête son amplification, avec une ingéniosité bizarre. Ainsi Eyndius se plaît-il à faire plusieurs variations sur le couple irréconciliable d'un Etna bouillonnant et d'une Niobé glacée (29, 30, 31). Mais cet éclatement de l'image se trouve dépassé dans l'épigramme 8, où, en trois distiques, on passe des larmes au déluge, et de l'étincelle du cœur amoureux à une conflagration cosmique! De tous les cycles poétiques, qui fleurissent à la suite des Basia de Jean Second, les Hydropyriques est peut-être le plus réussi. Lemutius dans les Ocelli, et surtout Eufrenius dans c La Chevelure >, Coma, ont eu le tort d'appliquer la froide subtilité de la rhétorique à des sujets moins riches en effets à cet égard, et dont le titre laissait malheureusement espérer une vibration plus sensuelle. Un parti pris systématique est incompatible avec le maintien d'une émotion. Reprocher leur intellectualisme à ces poètes serait une inconséquence. Mais on peut leur reprocher d'être restés en deçà de leur propos, et trouver précisément à la sèche fantaisie d'Eyndius la séduction d'un jeu formel à l'état pur. TEXTES : lacobi Eyndü ab Haemstede, centurionis Bataui, Poemata, Lugduni Batauorum, 1611 •• •. ETUDES : Etudes générales sur te pétrarquisme à ta Renaissance : C. YPES, Petrarca in de Nederlandsche lerterkunde, Amsterdam, 1934. - L. FoU'1'81l, The lcy Fire, Five studies in European Petrarchùm, Cambridp Univenity Press, 1969. - Sur Eyndius : P. J. MEERTENS, Letterkundig leven in Zeeland, Amsterdam, 1943, p. 44-45, 444 445.

HYDROPYRICON LIBER 2 AD PONTES MVSAllVM

Non ego Pegaseo tinxi mea labra liquore, Non hausi fontes Castalis unda tuos : Si tamen hoc merui, uestris in fontibus, illa Quae mihi nunc urit pectora, flama fuit. 7 DB BADEN (LVCIA)

5

Lucia dans rutilos uentis diffundere, crines, Crispantes flamae sunt simulacra comae, Sed quoties niueam detexit Lucia frontem, Intactam iures eminus esse niuem. Nec tamenhic audent communi pace ligatae Laedere nix flamam, aut laedere flama niuem. 8 AD BANDEM

.

5

Te uidere oculi ; exarsit cor ; corde calente Edita sunt geminis flumina luminibus. LuminÙm aquis iterum sed cordis flama renata est ; In me aqua sic ig:riemgignit, et ignis aquam. lgne et aqua periisse iuuat ; sic tota peribit Haec mundi series igne, periuit aqua. · 11 AD EANDEM, DE IACTV ~IVIS

5

Cum niue me peteres, summi de culmine tecti, Lucia, nec fugeres quin mihi uisa fores, Candida nix imbre et pluuüs constricta pruinis In me candentis fulminis instar üt; · Velatas niue dum faculas sic, Lucia, mittis, Accensas mittis dumque niues faculis ; Das uno hoc iactu gratas in frigore flamas, Et das in flamis frigora grata mihi. 15 DB AMORE SVO

FJama fouet flamam, geminato crescit ab igne Ipis, in immensos et solet ire focos.

LES HYDROPYRIQUES

2 AUX FONTAINES DES MUSES

Pour moi, je n'ai point, dans l'eau d'Hippocrène, rafraîchi mes

[lèvres, Ni bu à ta source, onde castalienne : Si j'ai bien, pourtant, eu ce privilège, alors dans votre eau Se cachait le feu qui brOie mon cœur.

7 LUCIE

5

Quand Lucie permet aux vents de jouer dans ses cheveux d'or, Ses mèches bouclées ont l'éclat des flammes; Mais lorsque Lucie dégage son front, aussi blanc que neige, De loin on dirait neige immaculée ; Et pourtant entre eux l'entente est profonde : car la neige n'ose Offenser le feu, ni le feu la neige. 8 LUCIE

5

Dès que je te vis, mon cœur s'embrasa; ce feu en mon cœur A fait, de mes yeux, jaillir deux ruisseaux ; Mais l'eau de mes yeux a régénéré le feu de mon cœur ; En moi eau et feu s'engendrent l'un l'autre. J'aime cette mort par l'eau et le feu : l'univers aussi Dut sa mort aux eaux, la devra au feu.

11 À LUCIE QUI LUI JETA DB LA NEIGE

5

Quand tu me jetas, du haut de ton toit, Lucie, de la neige, Et te dérobas (en te laissant voir), La neige nacrée, qui condense pluies et frimas humides, Me brOia autant que la foudre ardente. En lançant, Lucie, ces boules de feu, enrobées de neige, En lançant la neige embrasée par elles, Tu donnes ensemble une chaleur douce à mon cœur transi, Une fraîcheur douce à mon cœur en feu.

15 SUll SON AMOUR

Le feu est nourri par un autre feu ; un double foyer Attile la flamme et la multiplie.

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IACOBVS EYNDIVS

Haec mea ab aequali sed eliditur igne ; Fitque mihi hic ignis dulce refrigerium. 23 DB NAllCISSO

Hune arsit quondam Dryadum pulcberrima, Nympbae Frigidus ad flamas, fonti aqua incaluit.

29 AD LVCIAM

5

l0

Vror, ut in flamis displosa Typhoidos Aetnae Saxa crepant, quae mons f ulminat in Superos Vel quantum in summa flagrat Tirynthius Oeta, Inscia dum praebet Deïanira necem. Nec uolo, nec possim certe moderatius uri, Hoc rogo te tantum mutuus ardor agat. Non uis, non possis : friges, ut saxa Promethei Semper in aeterno niuium pelago, Vel quantum riget aeterno Niobe obruta fletu Dum luget saeuae tela Gemelliparae.

36 AD LVCIAM

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Vt cum sole nouo campos irrorat Baus, Rore suo gratus, gratus et igne suo est, Sic amor illuxisti mihi primus, Lucia, miscens Ignif eris oculis oscula f rigidula. Sed ueluti medio cum sol altissimus axe est, Et grauis, arentes aestus hiulcat agros ; Sic mihi saeuus amor nunc figis in ossibus ignes Ex oculis, et das oscula nulla mihi. 0 utinam rapidas uelut excipit humida flamas Solis et umbroso nox tegit in gremio, Eximere bas olim possit mihi, Lucia, flamas Quae mors aetemo frigore me feriet.

39 AD BANDEM

Contrahit opposito a Pboebo Iunonia densam Iris aquam, quamuis ignea, in aërea Suspendit regione poli, ludibria uentis, Si . calor abscedat, soluitur in pluuiam. AD BANDIIM 2 quamuia lpea

1611 : quam, uia lanea Gruter

LES HYDROPYIUQUES

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Mais ma flamme à moi s'apaise en sentant un feu identique, Feu qui est pour moi bien douce fraîcheur. 23 NARCISSE

Pour lui s'enflamma la plus belle Nymphe : il resta de glace ; C'est l'eau d'une source, qui le fit bniler.

29 À LUCIE

5

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Ma. flamme est égale au feu de l'Etna, qui fait éclater Les pierres sifflantes, menaçant les dieux ; Je brOle du feu qui dévore Hercule en haut de l'Oeta, Mort que, sans savoir, cause Déjanire. Je ne veux, ni peux, sentir moindre ardeur : ce que je demande, C'est qu'un feu égal anime ton âme. Tu ne veux, ni peux, car tu es glacée plus que le Caucase, Toujours recouvert de neige éternelle ; Tu es pétrifiée comme une Niobé pleurant à jamais Les traits sans pitié des jumeaux cruels. 36 À LUCIE

5

1O

Comme le matin, au soleil levant, arrose les champs, Offrant sa rosée, offrant sa chaleur, Ainsi quand brilla l'aube de l'amour, tu mêlais, Lucie, Au feu de tes yeux, l'eau de tes baisers. Mais quand le soleil atteint son zénith et brOle la terre, L'ardeur fait s'ouvrir les champs assoiffés ; Ainsi, dur Amour, le feu de tes yeux embrase mes os Et je n'ai plus droit à un seul baiser ... O si la nuit fraîche accueille en son sein le feu dévorant Du soleil et va le plonger dans l'ombre, Puisse un jour la mort éteindre, Lucie, le feu qui me brOle En me pétrifiant d'un froid éternel. 39 À LUCIE

Si Phébus l'éclaire, Iris dont pourtant le corps est de feu, Rassemble en faisceau l'eau en suspension, Tout en haut du ciel l'accroche aux nuages, caprice des vents ; Si l'astre se cache, elle fond en pluie.

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10

lACOBVS EYNDIVS

Acœdas ; Pboebum tua lumina, Lu~ ocelli lrim, et mi referunt aëra corda mca. Hic etenim uariae suspendit imaginis umbras Cura tui, luctu gaudia mixta ferens. Discutiunt molli mox baec suspiria flatu; Sed si abeas, totus differor in lacrimas.

42 DE LVCIA

Ipsa aqua Phoebeis radiis attacta, rotundo Causa uitro, flamas elicit ex stipula. Ah miseros oculos ! quos cum fax urat Amoris, Non possunt gelidae pellere frigus Herae.

45 AD LVCIAM

Frigidius nihil est silice, et nil durius, illa Semina flamarum sic tamen intus habot. Frigidula et dura es, tamen bine mihi, Lucia, spes est, Scintillas aliquot corde latcre tuo.

49 AD BANDBM

5

Heu I nihil est quod te nostri miserescere dicas Ouin quoque te nostris illacrimasse malis. Hae lacrimae fomenta meae sunt maxima flamae, Vt si Palladius stillet in igne liquor. Flama opus immensa est, hos qua restinxeris ignes : Maiore obruitur ignis ab igne minor.

LES HYDROPYIUQUES

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Quand tu viens vers moi, ton regard, Lucie, semble un vrai Soleil, Mes yeux sont Iris, et mon cœur, le ciel. En lui, en effet, mon amour mêlé de joies et de peines Accroche un reflet de son inconstance ; Mes soupirs, bientôt, d'un souffle léger, font trembler l'image ; Mais si tu t'en vas, je suis pluie de larmes. 42 LUCIE

L'eau que tient enclose un verre bombé peut faire jaillir, Si Phébus l'effleure, le feu de la paille. Las ! mes pauvres yeux peuvent recevoir tous les feux d' Amour : Ils ne vaincront pas le froid de ma belle. 45 À LUCIE

Non rien n'est plus froid, plus dur que silex; pourtant, en son sein, Il tient enfermés les germes des flammes. Tu es froide et dure; pourtant, ma Lucie, je garde l'espoir Qu'en ton cœur se cache un peu d'étincelles.

49 À LUCIE

S

Las ! pourquoi dis-tu que tu as pitié de notre destin ? Que tu as pleuré sur notre malheur ? Ces flammes ne font que nourrir encor l'ardeur de ma flamme, Liqueur de Pallas versée sur le feu. Il faut, au contraire, une flamme immense afin de l'éteindre : Ce feu ne périt que par un feu pire.

DANIEL HEINSIVS (1580-1655)

DANIELffEINs1usnaquit à Gand en 1580. Son ~re prend nettement position pour le protestantisme et la famille est obligée de partir pour l'Angleterre en 1583. Elle s6joume ensuite à Delft puis à La Haye. Heinsius, à dix ans, compose ses premiers vers latins. Il manifeste pour le droit, que son ~re veut lui voir étudier, une répugnance marquée. Par contre, il se prend de passion pour le grec et entre à l'université de Leyde où il sera l'élève admiratif de J. J. Scaligcr et de J. Dousa qui le distinguent. A dix-huit ans, il est attaché à l'université pour l'explication des classiques latins et grecs. Il est nommé professeur en 1602 et occupe en 1605 la chaire d'histoire et de politique. En 1607 il devient bibliothécaire de l'Académie de Leyde. Sa réputation lui attire de nombreux élèves et des sollicitations de l'étranger qu'il refwie. Les Etats de Hollande le récompensent en le nommant leur historiographe. En 1618, par fidélité calviniste, il accepte d"atre secrétaire du Synode de Dordrecht qui devait condamner Grotius. Il se réjouira pourtant de son évasion de Loevestein. Il se consacre ensuite à des éditions critiques de Théocrite, Hésiode, ~uc le Tragique, Horace, etc., sans cesser d'écrire des pœmcs latins dont il remanie les éditiooa successives. Il meurt en 1655.

Si Heinsius, professeur et historiographe, rivalisa de passion philologique avec son maître J. J. Scaliger, tout en pouvant opposer son histoire du siège de Bois-le-Duc (Rerum ad Syluam Ducis... anno 1629 gestarum historia, Leyde, 1631) aux annales des Dousa, Baudius, Grotius et autres, il n'en voulut pas moins se définir avant tout comme poète. Il publia un recueil de vers hollandais et un cycle d'épigrammes grecques, Peplus Graecorum epigrammatum..., mais cultiva surtout la muse latine. Les remaniements que, de 1603 à 1649, il fait subir à ses poèmes variantes importantes, pièces ajoutées ou reléguées, répartition différente - témoignent d'un intérêt soutenu pour le travail poétique. La nature d'Heinsius le vouait plus particulièrement à l'inspiration amoureuse. Bien que sa tragédie Auriacus siue libertas saucia (1602) qui met en scène l'assassinat, en 1594, de Guillaume d'Orange prouve sa sensibilité aux drames de son pays, les premières élégies proclament, non sans provocation dans ce contexte historique, la supériorité inconditionnelle de l'Amour. La dernière édition reprend le thème (El. I, 3 ; I, 4 ...) et s'ouvre sur une série de courts épithalames (Sylv. I), conservant également l'élégie Ad Maxaemilianum Vrientium où Heinsius avoue sans ambiguïté sa répugnance pour toute violence et son désir de rester à l'écart. Et, de fait, les échos de l'histoire sont à peine perceptibles dans ces poèmes, ou dévient en flatteries, s'estompent en lointains décors. L'actualit6 ne peut d'ailleurs avoir que peu de prise sur un univen

180

DANIEL HEINSIVS

imaginaire clos sur lui-même, qui recrée, en puisant surtout à la source grecque, une nature de fantaisie, refuge de douceur. Aussi, dans cette perspective, est-il naturel - et non choquant - de voir Heinsius, dans les cycles qu'il consacre à la mort de ses maîtres, Maries Scaligeri, Mana Lipsiani, Manes Dousiaci, s'évader vers les fleurs ou les étoiles, développant pour elles-mêmes des images qui lui restituent une réalité plus douce et plus harmonieuse. Le jeu rhétorique (les abeilles de Lipse évoquent les guêpes du tombeau d'Hipponax) devient un instant rêverie libérée, qui ne consent qu'à regret, semble-t-il, à revenir s'enfermer dans les limites du sujet. D'où la platitude parfois, et comme l'incongruité des derniers vers. On retrouve, dana les plus belles des élégies amoureuses, ce meme art de creuser le cadre convenu d'un genre (paraclausitburon, Monobiblos, D; éloge de l'aimée, ibid. X) pour le remplir d'images fluides et lumi• neuses, scènes souvent de repos alangui (ibid. Il, XIII) de balte apaisante (ibid. X). Heinsius se crut obligé, hélas I de renier en partie cette inspiration amoureuse. Il rejette avec une sévérité ostentatoire . Plus que dans cette ambitieuse entreprise ou dans l'Herodes lnfanticida, la vocation spécifique d'Heinsius se traduit dans la minutie avec laquelle il reprend les élégies les mieux accordées à son talent, distribuant avec une profusion calculée les dulcis, mollis, suauis qui définissent son climat poétique. Dans cette évocation de douceur voilée, de fraîcheur délicate, de lascivité élégante, Heinsius excelle, égalant Second pour l'harmonie du vers, d'une émotion moins soutenue, mais d'un abandon plus facile à une volupté naturelle et heureuse. TEXTES : Danielis Heinsii Poematum editio noua auctior emendatiorque, Luaduni Batauorum,1606 ••. - Danielis Heinsii Poematum edltio tertia, Lugduni Batauorum, 1610 ••. - Danielis Heinsii Poematum editio noua, Lugduni Batauorum, 1621 ••. - Danielis Heinsii Poemata auctiora, editore NICOLAO HE1Ns10, Lugduni Batauorum, 1640 ••. Danielis Heinsü Poematum editio noua longe auctior, editore NICOLAOHEJNSIO,Danielis filio, Amstelodami, 1649 ·••.

ETUDE : D. J. M.

TBR HORST,

Daniel Heinsius 1580-1655, Utrecht, 1934.

SYLVARVM

LIBER

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VI LVSVS AD APJCVLAI

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Mellificae uolucres, Ouae per purpureas rosas Violasque amaracumque Tepidique dona ueris Legitis suaue nectar, Tenerae ciues Et seduli coloni Et incolae beati Hortorum redolentium ; Gens diuino Ebria rore Agite, o meae uolucres, age, gens uaga nemorum, Agite, bine abite cunctae, Et tumulum magni cingite Lipsiadae. Illic domum laresque Vobis figite, figite, Illic uestri Copia mellis Hereditasque fertur ad uos denuo Debita, quam uobis quondam sublegerat ille. At inuidos malosque, Et quem non Venus aurea, Quem non amat Cupido, Quem non amant lepores, Quem non amat uenustas Quem non amat Suada, Illos acutis protinus Figite cuspidibus : Vt si quis malus impiusque tendat Mel illud roseumque nectar, illas Caeli delicias cibosque diuum lmpio male uellicare morsu ; Protinus undique et undique et undique et undique punctus Calamisque uocibusque Et eruditis morsibus Concidat extincto uictima Lipsiadae. (dltlsy,.)

6 tenerae : teaeri 1610, 1621. 1610. 34-35 BI wr.nu ÜIUIII

1 aeduli : aurei 1610. 1610.

29 teDdat: poecat

SYLVES

LIVRE

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VI

AUX ABEILLES

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Donatrices ailées du miel, Qui sur roses pourprées, Violettes et marjolaine, Dons du tiède printemps, Cueillez le suave nectar, Douces citoyennes, Ouvrières zélées, Habitantes heureuses Des jardins parfumés, Peuple enivré De rosée divine, Allez, jolies abeilles, allez, vagabondes des bois, Partez toutes ensemble Et allez entourer la tombe du grand Lipse •. FIXez là votre demeure, Fixez là vos lares ; U vous retrouverez L'abondance de miel Et le bien qu'il vous doit Pour vous l'avoir ravi autrefois. Et les envieux, les méchants, Ceux que n'aime pas Vénus toute d'or, Que n'aime pas Cupidon, Que n'aiment pas les Grâces, Que n'aime pas la Beauté, Que n'aime pas la Séduction, Transpercez-les aussitôt De vos dards acérés : Oui, si un méchant, un impie, cherche A profaner ce miel, ce nectar de rose, Ces délices du ciel, ces nourritures divines, En y portant une dent impie, Alors surgissez de partout, partout, partout, partout, Piquez-le de vos dards, de vos bourdonnements, De vos morsures savantes, Et qu'il tombe, victime offerte aux mânes de Lipse.

MANES DOVSICI V

AD SIDBRA

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Dulces alumni noctis, ignei fratres, Paruae cohortes, aurei poli ciues, Qui per serenos aetheris uagi campos Molles choreas ducitis leui planta, Cum membra nostra molliter reclinata Victosque sensus occupat sopor lenis Ouid nunc, ut ante, per domum poli pictam Et e latebris fomicisque inaurati Puris fenestris tollitis sacrum uultum : Abite tandem. non uidebitis Dousam.

MONOBIBLOS Il

Dum sua nocturno deducit lumina caelo

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Cynthia, dux tacitis addita sideribus, Astraque uoluuntur tacito palantia mundo, Totaque suppresso murmure languet humus, Heinsius infelix, crudeli tactus ab igne, Ad dominae perdit dulcia uerba fores. Tu niueo primos exhalans pectore somnos, Languida sopito lumine, Rossa, iaces Innocuis perfusa soporibus, inscia rerum, Pectora non ullis saucia uulneribus ; Oualiter Assyrio iam deJassata marito, Vicinas Cypris deficit in uiolas, Dulci uicta sopore, nec ullis saucia curis, Nec iam uel nati uel memor ipsa sui : Aut matutino fessae sub sidere Nympbae, Postquam nocturnos instituere choros, 10 tandem : rursus 1606, 1610, 1621. 6 dulci4 : mollia 1610. 11-12 Sic pl'tllNt 1606 : ... qualiter in solis secedens Dela syluis uicta sopore suas labitur in uiolas solis ... syluis : solas syluas 1610, 1621. 13-14 Hl wnw 1621. lS fessae : trepidae 1606, 1610, 1621. AD SIDDA

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thsunt 1606, 1610,

LES MÂNES DE DOUSA • V AUX éTOILl!S

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Douces enfanta, nées de la Nuit, sœurs flamboyantes, Troupe charmante,et colonie des cieux dorés, Oui à travers les champs sereins de l'air mouvant, D'un pied léger, menez la danse, ronde gracieuse, Quand notre corps se laisse aller, abandonné, Et que nos sens cèdent, vaincus, au doux sommeil, Pourquoi encor, comme naguère, dans le ciel peint, Sortir de l'ombre et par les trous étincelants De l'arche d'or, montrer votre tête divine ? Rentrez chez voua : vous ne pourrez plus voir Dousa r

LE LIVRE UNIQUE Il

Tandis que Cynthie, dans le ciel nocturne, prom=e son disque, Entraînant saos bruit le troupeau d'étoiles, Que roulent sans bruit les astres errants, dans un ciel muet, Que s'endort la terre, silencieusement, 5 Le pauvre Heinsius, atteint en son cœur par un feu cruel, A l'huis de sa belle, en vain ces mots chante : c Déjà en dormant, ta gorge de neige exhale un soupir, Et Rose alanguie tu fermes les yeux, Baignée d'un sommeil qui n'est que douceur, privée de conscience, Le cœur protégé de toute blessure, 10 Semblable à Cypris, épuisée d'amour, s'étendant auprà De son Assyrien, sur les violettes, Pour s'abandonner à un doux sommeil, le cœur sana souci, Oublieuse d'elle, oubliant son fils ; 1S Ou semblable encore aux Nymphes lassées, quand paraît l'aurore, Pour avoir conduit les danses nocturnes ;

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DANIEL HEINSJVS

Secreto in nemore, aut occulti in gramine campi Qua lapsa e gelida rupe susurrat aqua, Omnes procubuere, fatigataeque per herbas lngenuos passim constituunt tbalamos. Hic zonae tunicaeque, arcusque, leuesque pbaretrae E tremulis pendent undique corticibus. At procul insano percurrens deuia passu, Pan furit in uoces, Pan furit in calamos, Antraque cuncta uago pede perreptauit, et umbra Syluaque uocalem sensit adesse Deum. Ast illae gelidis sub frondibus inclinatae, Laxatis recubant molliter uberibus. Virgineos somnos e pectoribus spirantes ; Huic procul assultant littoraque et nemora. Talis ego, mea Vita, tuo percussus ab igne, Languidus, ignoto uulnere tactus, eo. Te nec noster amor tristesque ad limina uoces, Nec toties fusae sollicitant lachrymae ; At me pallida mors magis atque magis languentem Opprimet hic ipsum dum moror ad tbalamum. X

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At uos desertas ignoto sidere terras, Et rupeis omnes curritis et pelage, Si qua ibi deliteat uestro medicina furori, Et semper cupidam pascat auaritiem ; Nos pulchris dominae complexibus immorientes, Exercet semper una eademque uia. Nam modo formoso erramus spirantis in ore, Oris purpureae cum patuere fores ; Nunc malas circumuehimur, quas ipsa Dione Incolit, et multa cum face lustral Amor ; Nunc uicti collo pendemus, et omnia Diuum Munera defixo cernimus intuitu ; Astrorum nunc riuales habitamus ocellos, Et pariter mente abducimur atque animo Ceu quondam patriis extorris finibus erro Expertas ausus non prius ire uias 17 Sic prt11bent1606, 1610, 1621 : 1610, 1621 : molliter occultis in gramiru'bus profusae 18 lapsa : 1euia 1606, procul 1610, 1621. 20 inpnuos : innocuos 1606, 1610. 17 gelidis : leuibus 1606. 18 molliœr : suauila', 1606, 1610, 1621. JO sic praebent 1606, 1610 :

huic uaga respondent pascuaque et nemora 31 perCUIIUS : depremus 1606, 1610. littoraque : pascuaque 1621. magis atque mqis languentem : magis et mqis elanguentem 1606, 1610. dum moror : leniter 1606, 1610.

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Dans un bois secret, ou une prairie à l'abri des yeux. Où chante reau n6e d'un rocher glacé, Toutes sont couchées; leurs corps alanguis, çà et là sur l'herbe, Font de la nature une chambre ouverte : On voit pendre là ceintures et robes, arcs et fins carquois, Accrochés partout aux branches tremblantes. Et au loin courant, par monts et par vaux, d'un pas égaré, Pan crie comme un fou, Pan joue comme un fou ; D'un pied vagabond, il s'est introduit dans toutes les grottes ; La forêt ombreuse reconnaît le Dieu. Mais à l'abandon, sous les frais ombrages, les Nymphes toujours Mollement reposent, la poitrine offerte, Et dans leur sommeil, de leur gorge échappe un souffle de vierge ; Cependant qu'au loin il fait tressaillir rivages et bois. C'est ainsi de moi, depuis que, ma Vie, je brfile pour toi D'un mal inconnu, je m'en vais sans forces. Mais ni mon amour, ni ma triste voix, chantant à ta porte, Ni ces pleurs versés, n'émeuvent ton âme ; Je sens peu à peu mes forces faiblir et la pâle mort Me prendra ici, au seuil de ta chambre. X

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Peut-être aimez-vous, sous un ciel nouveau, courir l'aventure, Traverser déserts, monts et océans, Pour trouver enfm un apaisement à votre folie Et calmer la soif qui toujours vous pousse ; Nous qui nous pâmons entre les beaux bras de notre maîtresse, Nous ne voulons pas changer notre cap. Tantôt nous errons sur sa jolie bouche à la douce baleine, Quand s'ouvrent pour nous tes portes vermeilles ; Tantôt nous voguons autour de ses joues où règne Dioné, Et brille l'Amour de tout son éclat ; Tantôt nous posons, vaincu, nos deux mains autour de son cou, Contemplant sans fm tous ces dons du ciel ; Ou dans ses doux yeux, rivaux des étoiles, élisons demeure, Quittant à la fois raison et sentir : Ainsi l'exilé, obligé d'errer loin de sa patrie, De s'aventurer sur des voies nouvelles,

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DANIEL HBINSIVS

Per nemora omnia fertur, et omnia amoenauiarum, Demens in patriae totus amore auae. Tum si inter ramos olli penitusque sub umbra Fons sylua sese prodidit in media, Qui nemus undique reddit et undique 1n:,nen-. uiarum Omnia, gemmanti candidior glacie : Heic multa percussus imagine uanus inbaeret, Et syluae effigiem cernit et omne nemua; Dum pellustranti defessis sensibus nmol•, Defessis torpor sensibus incubuit. Sic oos errantes trcmulos dominae per ocelloa Mon captos sola bine ducet et abripiet.

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Traverse égaré de belles forêts, un beau paysage, Tout à son amour du pays natal; Mais s'il voit alors, à travers les branches, tout au creux de l'ombre, Briller une source au milieu du bois, Qui reflète en elle toute la forêt, tout le paysage, Par sa pureté de cristal glacé, L'image multiple alors le retient ; éperdu, il voit La beauté des bois, toute la forêt ; Tandis qu'épuisé par sa longue errance, il sent le sommeil Envahir soudain son corps épuisé. J'erre moi aussi, pour me laisser prendre à tes yeux vibrants, Charme que la mort peut seule abolir.

HVGO GROTIVS (1583-1645)

Hooo DE GaOOT appartenait à une famille bourgeoise de Delft. Son ~re était bourgmestre et curateur de la nouvelle université de Leyde. Fin lettré lui-mame. il encouragea les dons précoces de l'enfant. Celui-ci composait des vers latins à huit ans ; il entra à onze ans à l'université de Leyde où il fut pendant trois ans l'élève de J. J. Scaliger. Puis il part pour la France où Henri IV lui fait un accueil flatteur, saluant en lui c le miracle de la Hollande >. A quinze ans il obtient à Orl6ans son doctorat en droit. Un an plus tard, en 1599, il est avocat à La Haye. En 1601 les Etats de Hollande le nomment historien officiel. En 1607 il devient avocat fiscal général de Hollande et de Zélande et il écrit son traité sur la liberté des mers, Mare liberum. Il ne néglige pas pour autant ses fonctions d'historien : il publie en 1610 De antiquitate reipublicae Batauicae, et en 1612 il a achevé les Annales et Historiae de rebus Belgicis (1568-1609). En 1613 il est conseiller pensionnaire de Rotterdam et envoyé en mission diplomatique en Angleterre. Mais le parti qu'il prend en faveur d'Arminius suscite contre lui de dangereuses antipathies : malgré ses efforts de conciliation, il se heurte aux Gomaristes, qui, par leur hostilité ouverte contre l'Espagne, ralliaient la sympathie de Maurice de Nassau. Grotius et son ami Olden Bameveld sont arrêtés et jugés par le synode de Dortrecbt (1618-1619). Barneveld est décapité, Grotius condamné à la prison perpétuelle au chlteau de Loevestein. Il put heureusement disposer de sa bibliothèque. Il écrit en hollandais quelques poèmes sacrés, son traité De la vérité de la religion chrétienne. Grâce au dévouement de sa femme, il réussit à s'évader en se cachant dans une caisse de livres. Réfugié à Paris, il vit d'une pension et écrit le De iure belli et pacis traduit dans la plupart des langues de l'Europe. En 1631 il revient à Rotterdam, mais les vieilles inimitiés se réveillent. Il est à nouveau proscrit. Il accepte d'être un temps l'ambassadeur en France de la reine de Suède. Mais la diplomatie convient mal à sa nature entière. Fatigué et déçu, il part pour l'Allemagne où il meurt en 1645, quelques jours apffil son débarquement à Rostock.

Grotius suivit avec un soin jaloux la première édition de ses œuvres. Il supprima sévèrement ce qui lui semblait de moindre qualité, et son Adam Exul, qui pourtant devait inspirer Milton pour son Paradis perdu, ne trouva pas grâce à ses yeux. Cette édition était déjà pour lui son testament poétique. II se désintéressera des suivantes et cessera d'ailleurs pratiquement d'écrire des vers latins. Peut-être ces poèmes doiventils à la jeunesse de leur auteur cette qualité de chaleur qui rayonne d'une syntaxe pourtant très travaillée, et poussant parfois, sous l'influence probable de Juste Lipse, la concision jusqu'à l'obscurité. Mais la tension du style, cette Sprachgewalt (Ellinger), l'élan d'une rhétorique épurée qui soutient sans faiblir la progression du discours, la soumission fluide des images au mouvement, la maîtrise des rythmes, partout sensible et capable d'opérer seule un miracle d'émotion, comme le prouvent les Anapaesti in

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morbum /ratris, concourent à unifier puissamment une poésie qui puise aux sources essentielles du lyrisme, la foi, le patriotisme, la tendresse. La hiérarchie de cette triple inspiration, et la place éminente accordée par Grotius à la poésie religieuse, est marquée par l'ordre des trois livres de Silves qui ouvrent le recueil : I in quo Sacra, II in quo Patria, Ill qui habet Nuptialia. En outre, les sujets de ses trois pièces de théâtre sont empruntés à l'Ancien et au Nouveau Testament (il publie en 1617 Christus patiens et Sophompaneas). Le mode est à la fois dramatique et hiératique, révélant un désir de célébration. Il s'agit de toucher les esprits par l'émotion et non par la démonstration. Dans la sylve sacrée, Eucharlstia, l'analyse et la connaissance théologique se transcendent en prim-e. La poésie devient alors le moyen privilégié d'éviter la tentation dangereuse de l'analyse rationnelle pour ce qui doit être avant tout objet de foi et d'amour. La rhétorique vient effacer l'argumentation sous l'évidence des mots qui se relancent, stylistique biblique fréquente dans les litanies de l'époque, mais qui répond ici au désir d'accéder par une espèce d'équivalence esthétique à la révélation divine. Il ne saurait être alors question de polémique partisane. Grotius, disciple fervent de Jale. Arminius, est convaincu que la vérité chrétienne est une : c Hostis non sum nisi eorum dogmatum, quae credo noxia aut pietati aut societati

humanae. > La même adhésion passionnée se retrouve dans les poèmes écrits à la gloire du peuple hollandais, poèmes de foi plus que d'histoire, où la Patrie est vénérée religieusement : c Quae te digna canam, sanctum et uenerabile nomen, Patria? > (De Patria). Dans la Mathematica Principis Mauritü, l'éloge du prince éclairé cède la place à un hymne triomphant à la puissance hollandaise. Là encore, un lyrisme exalté peut seul rendre compte de la dignité rayonnante du sujet : c Videbor exteris res nostraspaullo latius extulisse, iis praesertim qui earum magnitudinem non intellegunt > (praefatio). Grotius reconnaît que son enthousiasme a pu l'entraîner à une démesure un peu agressive à l'égard de l'Espagne. Mais il s'en justifie : c Erat is hostis cum quo non de gloria aut propagandis imperii finibus certamen habebamus sed de uita, et quod uitae proximum, antiqua libertate > (ibid.). Les odes d'anniversaire sont soutenues par la même ferveur. Ce parti pris héroïque explique la forme volontiers dramatique que prennent les épisodes de la guerre des Flandres : discours prononcé par le bourgmestre de Leyde, Adrian van des Werff, aux citoyens affamés (Silv. II, 3) ; exhortation de l'amiral Heemskerck à ses troupes (Silv. II, 7) ; prosopopée de la ville d'Ostende (Epigr. I, 40). La fougue de cc tempérament marque aussi les autres registres. Les Nuptialia portent à un point de perfection Je genre de l'épithalame, fort cultivé par les poètes néo-latins que stimule l'exemple de Oaudien. L'Epithalamium Borii (Silv. III) n'a rien à envier à la sensualité brillante des Noces d'Honorius. Ses élégies à ses amis, et surtout à Heinsius qui pourtant le trahira, ses épicèdes en l'honneur de ses maîtres, comme

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Juste Lipse et Arminius, ont été jugées d'une flatterie de commande. On y retrouve, en fait, l'élan d'une admiration entière, excessive avec dignité. La tendresse s'abrite parfois derrière l'écran sophistiqué de la mythologie (Far. Il, 2, ln morbum fratris) ou le plaidoyer didactique (Silua Sacra. Ad Fredericum Augustum Thuanum), quand il rend hommage au dévouement héroïque de son épouse. Mais cette pudeur s'accorde à la gravité de l'émotion. Avec l'édition de 1617, s'achève pratiquement l'activité poétique de Grotius. On peut supposer que l'enthousiasme convaincu qui anime ces vers, maîtrisé et exalté par la contrainte de la forme, ne pouvait souffrir les redites de la variation. La poésie semble avoir été pour Grotius, plus que jeu de lettré, acte de foi, et ce désir d'engagement devait l'amener à chercher une action plus directe. Ses tentatives pour jouer un rôle dans la cité échouèrent, mais ses traités marquèrent durablement la pensée de son temps, promouvant, avec plus d'efficacité qu'une poésie difficile, cette féconde alliance de la passion et de la raison. TEXTES : Hugonis Grotü Poemata collecta et magnam partem nunc primum edlta a fratre Gulielmo GRO'IlO, Lugduni Batauorum, 1617 ••. Hug. Grotii Poemata per Guill. GROTIUMdenuo edita, aucta et emendata, Lugduni Batauorum, 1639 (Londres, 1639 ; Leyde, 1645 ; Amsterdam, 1670 •••). - Hugonis Grotii Sacra in quibus Adamus exul tragoedia... Hagae, 1601. - B. L. MEULEN• BROEK. De Dichtwerk van Hugo Grotius, Oorspronkelijke dicbtwerken : tweede deel pars IA B, Assen/Vangorcuni, 1972-1973.

+

ETUDES : W. S. M. KNloHT, The life and works of Hugo Grotius, The Grotius Society Publications 4, London, 1925. - R. W. LEE, Hugo Grotius. Annual master-mind lectures, proceedings of the britisb Academy, London, 1930, p. 219-279. - L. MULLER, Hugo Grotius ais Latijnsch dichter, 1867. A. ScHROETER, Beitriige r.ur Geschichte der neulateinischen Poesie Deutchlands und Hollands, Berlin, 1909, p. 223 sq. - E. H. BoDJUN,The Minor Poetry of Hugo Grotius, Transactions of the Grotius Society, vol. XIII, London, 1928, p. 95-118. - O. KLUGE, Die Dichtung des Hugo Grotius im Rahmen der neulateinischen Kunstpoesie, Leiden, Brill, 1940. - A. HALLEMA, Hugo de Groot, het del/tsch oraJcel (1533-1645), Gravenhage, 1946. - TER MEULEN &: DIER.MANSE. BiblioRraphie des écrits imprimés de Hugo Grotius, La Haye, 1950.

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LIBER I VIII

EVCHARISTIA

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Te nunc precamur, optimumque et maximum Qui solus unus atque simplex es, quod es, 0 causa causarum et soluta necessitas Quies suprema, motus unde omnis uenit, Nihil ipse patiens, cuncta agens, primum ultimum Mediumque, uitae uita, lux lucis, bonum Verum boni, natura natura prior, Semper et ubique totus, immutabilis Vitra supraque mundum, at in quo mundus est, Aeterna tua mens hoc, quod est, intelligens, Sapientiam progenuit aequaleril sibi, Se mensa, quanta est compari sub imagine. At bine uidentem colligans uisumque Amor Processit, in se uim repercutiens suam Vnumque tria sunt : nam quod es, scis, uis, idem est. Oramus ergo, qualis existis tibi, Talera ipse te per opera nobis exhibe : Amorque primum, sancte purgans Spiritus, Odii repelle uirus et qui nos Deus Amore amaris inde sensum mentibus Fac istum Amorem nos amemus mutuo, Vt igne natus ignis ignem nutriat. At tu, suprema maximi pietas Patris, Verbumque primum, ratioque et sapientia Quem monstrat ille tectus in nobis amor Quique ex amore facta nos propter caro es, Sine patre homo, sine matre qui fueras Deus ; Homo mortuus es, ut uinceres mortem Deus. Mors, nata falsi : uita tu et ueri parens. A te fluens nos imbuat sapientia, Vox uera, uox iustifica, uox exsuscitans Via ad salutem qua tuam sapientiam Sapiamus omnes : ergo tenebras disiice, Vt lux ab ipsa luce lucem proferat. At tu parens ingenite, fons substantiae Tua ipse origo, mens coaeternis prior, Ad quem tua illa nos rapit sapientia 203

amaris : amarit 1617.

SILVES LIVRE I VIII L'EUCHARISTIE

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C'est toi que nous prions, Dieu très bon et très grand, Toi qui seul, simple et un, es parce que tu es, Cause de toutes causes, nécessité sans loi, Pure immobilité, d'où naît tout mouvement, Qui agis sans subir, début, milieu et fin, Toi qui es vie de vie, lumière de lumière, Seul vrai bien et nature antérieure à Nature, Toujours et en tout lieu, entier et immuable, Qui règnes sur le monde, et qui contiens le monde, Ton esprit éternel comprend ce qui existe, Et il a engendré sagesse à lui égale, Aux justes dimensions de son propre reflet. Amour de là procède, unissant ce qui voit, Avec ce qui est vu, se renvoyant sa force, Et les trois ne font qu'un : être, savoir, vouloir. Donc nous t'en supplions, tel que tu es pour toi, Montre-toi à nos yeux, à travers tes ouvrages. Et toi d'abord Amour, Saint-Esprit purifiant, Chasse de notre esprit le poison de la haine, Et nous aimant d'amour, fais que d'un même amour, Nous aimions cet Amour, sensible à notre cœur Comme on voit, né du feu, le feu nourrir le feu. Et toi, que tant chérit le Père Tout-Puissant, Verbe avant toute chose, et Raison, et Sagesse, Toi que révèle en nous l'amour qui nous habite, Qui par amour pour nous as voulu t'incamer, Homme conçu sans père, et Dieu conçu sans mère, En homme tu es mort, pour vaincre, en Dieu, la mort. La Mort naît de l'erreur : de toi, Vie, naît le vrai. Laissons-nous imprégner des flots de ta sagesse, Parole juste et vraie, Parole stimulante, Chemin vers le salut, pour que nous soyons tous Sages de ta sagesse. Dissipe les ténèbres : Qu'elle même éclairée, cette lumière éclaire. Et toi, père incréé, source de toute essence, Et ta propre origine, éternité première, Toi vers qui nous conduit cette tienne sagesse,

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A te profecta ; quique amoris spiritu Permotus omne hoc esse iussisti tuo Sapiente uerbo, quod prius fuerat nihil, Hominemque rursus, aliter effectum nihil, Reuocasti ad esse motu eodem spiritus, Per idemque uerbum, toile quodcumque est mali Bonusque summo fac bono simus boni, Nostrum esse ab esse ut esse concipiat tuo Deus unus, unus in tribus, fac nos ita Amare et intelligere et esse unum ut simul Fiamus alter alteri, atque unum tibi.

SILVARVM LIBER II IV MATHEMATICA PRINCIPIS MAVRITII

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At nunc auriferum uelis arcessimus Indum, Sinarumque plagas, dum uota fugacibus auris Credimus et dubio deponimus aequore uitam ; Nulla remota satis sunt littora, quaque cucurrit Lyncibus Eois ingens ululatibus Buan, Et qua pacatis statuit diuortia terris Maximus Alcides neque gentibus ultima Tbule. 1am sacra Parrhasü secreta reteximus Axis Arctoumque chaos, pereunt ubi terra tenebris, Vnda gelu nebulisque dies et noctibus anni : Tantum tristis hyems et cano gurgite Tethis Regna tenent habitata feris, Boreaeque furenti Peruia. Victores quo peruenere Bataui, Non potuit sol ipse sequi, naturaque rerum Interit a nostris nondum deserta carinis. Ouin etiam oppositum patriis sulcauimus aequor Fluctibus, atque tua puppim religauimus ora, Quae Libyen Asiamque simul, quae uirginis aequas Littus Agenoreae, rerum pars maxima, seu tu Cecropiae fueras Atlantica terra senectae, Seu procul atra fugis nostrae contagia uitae Hactenus antiqui saeclo seruata metalli, Et uel adhuc ignota fores, nisi dira libido Baetin et abstrusi sitis insatiabilis auri

SYLVES

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Emanée de toi-même, toi qui obéissant A l'&prit de l'Amour, as décidé que soit, Par la vertu du Verbe, ce qui n'existait pas; Et par le même :Esprit, et par le même Verbe, As rendu l'existence à l'homme qui, sans toi, N'était plus que néant, - délivre-nous du mal; Dieu bon, dans ta bonté, guide-nous vers le bien, Pour que notre être sache être issu de ton être. Dieu unique, un en trois, donne-nous de pouvoir Aimer, comprendre et être, pour ne plus faire qu'un, Les uns avec les autres, et chacun avec toi. SYLVES

LIVRE II IV

[LA HOLLANDE À LA CONQU@TE DBS MERS •]

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Aujourd'hui, nos voiliers nous ont ouvert le cours de l'lndus aurifère, et les ports de la Chine ; depuis que nous confions nos vœux aux vents fuyants et que nous remettons le soin de notre vie à la mer indécise, nul rivage ne semble hors de notre portée, que ce soit le pays que le grand Dionysos, avec ses lynx d'Asie, parcourut en poussant les hurlements rituels, le détroit par lequel le brillant fils d' Alcée sépara pour toujours les terres pacifiées ou l'île de Thulé, sise aux confins du monde. Nous avons dévoilé les mystères du Pôle, l'immensité arctique, là où l'obscurité nous dérobe la terre ; la glace, l'océan ; les nuages, le jour, et les nuits, les années ; où le lugubre Hiver partage avec Thétis, aux vagues blanchissantes, ce royaume habité par les bêtes sauvages, étendue balayée par les vents déchaînés. Là où sont parvenus nos marins triomphants, on a vu le soleil renoncer à les suivre, et là où la nature a cessé d'exister, on voit encore voguer les vaisseaux hollandais. · Mais nous avons, de plus, sillonné l'océan à l'autre bout du monde, et nous avons ancré nos nefs devant tes côtes, ô pays sans rival, aussi grand que l'Asie, jointe avec la Ubye, ou que le continent de l'enfant d' Agénor, qui, pour être - qui sait ? l'Atlantide chantée par les Grecs d'autrefois, ou pour avoir su fuir l'horrible contagion des mœurs qui sont les nôtres, vis encore aujourd'hui au temps de l'âge d'or, toi qui serais toujours une terre inconnue si ta cupidité et la soif, insatiable, de l'or que tu cachais n'avaient précipité les gens de la Bétique dans les gouffres marins, comme tu aimerais, aujourd'hui, Amérique. mou-

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Ferret in abruptum. Quam nunc America uelles Indomita ceruice mori ! quam pondera clauae ln dominum sociis cuperes librare Batauis ! Nec tantum qua regnat Iber, sed feruida terrae Oaustra Magellano nomen debentia nautae Perfregere rates et mundi foedere rupto Aduersi coiere poli : stetit aequore classis Nostra suum mirata diem, stupuitque reuersam Temperiem, et patrios alieno cardine soles. Signiferi flammae dextros referuntur in ortus, Et paria baud pariter nobiscum sidera surgunt ...

FARRAGINIS LIBER I IX DB PATRIA

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Quae te digna canam, sanctum et uenerabile nomen, Patria ? uincis enim laudum fastigia, totos Virtutum complexa choros : tibi copia fundit Ruris opes, orbesque nouos trans aequora pandit Arcano natura sinu; miramur oliuae Munera uitrices inter tibi serpere laurus ; Tu decus armorum, tu pignora certa triumphi N assauios sortita duces : bine aurea mala Hesperidumque bortos tibi mystica tradit Eleusis. Sic Latium sua pila dedit, sed iuncta maniplo, Imposuit cui sancta parens concordia nexus. Stat uirtus comes, et superi stat conscia mundi Relligio, non quae ritu bacchata profano, Simplice sed cultu coeli meritura fauorem. Te quoque uenturos audax irrumpere casus Tarda gradu sequitur prudentia, tutaque hello, Sed belli secura quies, reuerentia casti Iuris, et alma fides, et quanquam augusta potestas Blanda tamen, tua tota cobors. Gensne ulla reperta est Quae uictos seruire uetet ? Tu legibus aequas Quos superas hello, regnataque pectora donas Iure sui. Pars prima boni, quo nascimur omnes, Libertas, et in boste placet. Constantia magni Quanta animi, quod te nimium non prospera tollunt, Non aduersa premunt : quod maior clade resurgis

SILVES

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rir la tête haute! et comme tu voudrais t'allier aux Bataves pour écraser enfin celui qui t'asservit! Mais nos vaisseaux n'ont pas pénétré seulement là où règne l'ibère, ils ont franchi aussi le détroit bouillonnant qui a reçu son nom du marin Magellan ; transgressant l'interdit, ils ont mis en contact les deux parties du monde, séparées par les dieux : sur la mer inconnue, s'est immobilisée notre flotte étonnée de revoir sa lumière, un climat aussi doux, et sous un autre pôle, un soleil identique ; les astres du Zodiaque remontent vers l'Orient, et des constellations analogues aux nôtres, d'un autre mouvement, se lèvent dans le ciel...

MÉLANGES

LIVRE I IX SUR SA PA TRIE

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Quel chant puis-je trouver qui soit digne de toi, ô Patrie, nom sacré et combien vénérable? Car tu restes toujours supérieure aux louanges, fOt-ce les plus extrêmes, dût-il y défiler tous tes nombreux mérites. L'abondance pour toi fait naître à profusion les richesses du sol; et au-delà des mers, Nature ouvrant pour toi son sein mystérieux, t'offre un monde nouveau; nous voyons, étonnés, les lauriers victorieux s'enlacer pour ta gloire aux rameaux d'olivier ; le destin t'a donné, honneur de tes armées, sOrs garants de victoire, les Princes de Nassau• pour mener tes combats ; c'est ainsi qu'Eleusis, aux célèbres mystères, t'a donné les fruits d'or des filles d'Hesperus • ; et le Latium aussi t'offrit ses javelots, mais unis en faisceaux, liés par la Concorde, notre mère sacrée. Près de toi sont debout Mérite et Religion, qui connaît les secrets du monde supérieur : son culte n'offre pas de profanes excès, mais la simplicité que le ciel récompense. A pas comptés te suit la Prudence audacieuse, qui sait barrer la route au malheur qui s'approche ; et la Paix que la guerre a toujours protégée sans la mettre en péril, le respect du bon Droit, et la Foi souveraine, et le Pouvoir sacré mais pourtant débonnaire. Est-il autre nation capable d'interdire aux vaincus d'être esclaves ? Ton droit traite en égaux ceux qu'écrasent tes armes ; et à des cœurs conquis tu accordes le droit de disposer d'eux-mêmes. Le bien le plus précieux, que l'on tient de naissance, la liberté, te plaît, même chez l'ennemi. Et quelle force d'âme : pas plus que le succès n'exalte ton orgueil, ne t'accable

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Cum fatis saeuirc uacat ? Vuct ardua qualis

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Palma sub irriguam Iordanis consita ripam, Pondera felices multum torquentia ramos lndignata sequi. Veteres tibi reddit Athenas lngeniis rediuiuus honos : non ulla tot artes Praestat humus : nosterque fidem tibi sacrat Apollo.

LIBER II Il ANAP AESTI IN MORBVM PRA TRIS FRANCISCI GROTII

EX QVO OBIIT

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Quanquam auxilium medicina negat, Quodque supremum miseris, uix iam Sperare licet, si forte tamen, Si respiciat nos alma Salus, Et placato numine Pean Aegrum melius seruet atumnum, Vnumque caput tribuat Musis, Mitique fauens Panacea gradu Comitem secum ducat hygiam ; Praecipe Somno iure parentis Veniat facilis, fessosque malo Mulceat artus, et Cimmerio Genitum saxo oocturno ferat Virga papauer, tingatque leui Tempora succo, quantum ex illo Furata dies, tantum requies Blanda reponat. Pellat tumidos Pectoris aestus, et uesanos Animi fluctus, sopor ut reddat Mite serenum. Vires illi Reparare datum, solique licet Vincere durae tela sororis. Dormi, dormi, frater, et acris Saltem sensum lucrare mali. Quamcumque feret tranquilla quies Haec supplicüs bora peribit. Pars cruciatus uigilare fuit, Leuiusque dolent quos torpor habet. Preme securo lumioe somno,

MÉLANGES

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l'échec. Quand le destin renonce à redoubler ses coups, plus forte tu renais, grandie par la défaite, comme croît sur la rive irriguée du Jourdain le palmier élancé, refusant, indigné, de subir la pression qui fait ployer les branches. L'honneur rendu aux arts ressuscite chez toi l' Athènes d'autrefois : aucune autre contrée n'offrant plus de talents, Apollon, notre dieu, te consacre sa foi.

LIVRE II Il

ANAPESTES SUR LA MALADIE DE SON FRÈRE FRANÇOIS GROTIUS QUI LUI FUT FATALE

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Jà les médecins refusent leur aide Et même l'espoir, ce dernier recours, Nous est disputé ; pourtant, si jamais La douce Santé revenait vers nous, Si Péan pouvait apaiser les dieux Et mieux secourir son enfant malade En rendant aux Muses cette tête unique, Et si Panacée, avec bienveillance, Se glissait furtive, amenant Hygie... Obtiens du sommeil, au nom de la Nuit, Qu'il vienne, indulgent, pour détendre un corps Que le mal épuise ; que sur sa baguette Il mette un pavot, né sur un rocher Du mont Cimmérien, qu'il baigne ton front De ce léger baume, et qu'autant le jour T'aura diminué, autant le repos Te redonne vie ; qu'il chasse le feu Bouillant de ton cœur, et de ton esprit Le flux délirant, pour que, les yeux clos, Tu trouves le calme : Il a le pouvoir De rendre les forces. Seul il a le droit De vaincre les traits de sa sœur cruelle. Dors, dors, ô mon frère, et savoure au moins Un instant l'oubli de ce mal aigu; La trêve que t'offre un calme repos Pourra échapper à tous ces tourments. Tu souffris aussi de ne pas dormir, Et on a moins mal quand on s'assoupit. Laisse un sommeil sOr fermer tes paupières ;

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Totumque oculis expellere diem ; Et cum certae nuntia lucis Cristas iterum subriget ales, Artus nullo torpore graues Exue somno ...

EPIGRAMMATVM

LIBER I XL OSTENDA LOQVITVR

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Area parua ducum, totus quam respicit orbis, Celsior una malis, et quam damnare ruinae Nunc quoque fata timent, alieno in littore resto. Tertius annus abit : toties mutauimus hostem : Saeuit hyems pelago, morbisque furentibus aestas, Et minimum est quod fecit lber. Crudelior armis In nos orta lues, nullum est sine funere funus, Nec perimit mors una semel. Fortuna quid haeres ? Qua mercede tenes mixtos in sanguine manes ? Quis tumulos moriens hos occupet hoste peremto, Quaeritur, et sterili tantum de puluere pugna est.

LXV AD PACEM

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Mitis filia maximi Tonantis, Cuius iam Bataui cruenta ..septem Per quinquennia nesciere nomen, Da nobis ueniam, quod ille alumnus Bellorum populus, sati sub armis Et quorum clypei fuere cunae, Externis toties dolis petiti, Quorum non meminisse tam suaue est Quantum obliuia sunt periculosa, Securique diu timore solo. Quam mens tota cupit petitque, nondum 6

minimum 1617 : nimium 1640.

MÉLANGES

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Chasse de tes yeux la moindre lumière, Et quand à nouveau l'oiseau messager Des rayons du jour dressera sa crête, Alors que ton corps sorte du sommeil, Uger et dispos ...

ÉPIGRAMMES

LIVRE I XL PROSOPOPÉE D'OSTENDE •

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Arène dérisoire observée par le monde, Je tiens tête au malheur. Les destins n'osent pas Me livrer à la ruine. Sur un rivage hostile, Je demeure. En trois ans, j'ai eu tant d'ennemis : La tempête l'hiver, l'épidémie l'été, Sans compter l'Espagnol. Plus que l'épée cruelle, La peste nous décime, ajoutant deuil à deuil; La mort frappe en série. Que tardes-tu Destin ? Que fais-tu miroiter à ces ombres sanglantes ? Quel mourant restera maître d'un cimetière, C'est la seule question. L'enjeu n'est que poussière.

LXV À LA PAIX•

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Souriante enfant du grand Jupiter, Cinq fois sept années de combats sanglants Ont fait oublier ton nom aux Bataves. Mais pardonne-nous : ce peuple a grandi Au milieu des guerres ; né sous les drapeaux, C'est un bouclier qu'il eut pour berceau, Tant il fut en butte aux dols ennemis, Dont il serait doux de perdre mémoire, Si un tel oubli n'était pas funeste ; Et c'est à sa peur qu'il doit son salut. Toi que notre esprit désire et recherche,

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Audemus tamen inuocare pacem. At tu semina disparata mundi Certo foedere quae uetas perire Belgis redde finem, soloque fruges, Ciues moenibus, amnibusque merces Aut nondum bona tanta si meremur, ruos uincere da benigna, hello Qui belli sibi quaesiere finem ; IDos da, dea, pessime perire Qui per foedera quaesiere bellum.

ÉPIGRAMMES

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Paix, nous n'osons pas encore t'invoquer. Mais toi qui défends par un sfir traité Au monde éclaté d'aller à sa perte, Rends leur terre aux Belges, au sol ses moissons, Aux murs leurs soldats, leurs bateaux aux fleuves ; Ou si de tels biens nous sommes indignes, Permets, s'il te plaît, que soient victorieux Ceux qui par la guerre ont cherché la paix ; Permets, ô déesse, que soient écrasés Ceux qui, en traitant, ont cherché la guerre.

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LE PORTUGAL ET L'ESPAGNE

La période des grandes découvertes fut aussi une des plus brillantes de l'histoire culturelle au Portugal. Tandis que l'ouverture sur de nouveaux continents stimule la curiosité scientifique, les Lettres reçoivent de l'influence italienne une impulsion décisive qui s'impose à des esprits repliés, jusqu'alors, sur des préoccupations essentiellement morales et religieuses. Déjà D. Alfonso V avait été à l'école des maîtres italiens ; sous D. Joio Il, la Florence des Médicis exerce sur l'élite intellectuelle portugaise une fascination qui se traduira dans l'enseignement, la poésie, la réflexion. C'est ainsi que viennent suivre les leçons de Politien Arias Barbosa, qui sera à Salamanque le professeur vénéré de nombreux Portugais, dont André de Resende, et sera chargé ensuite de l'éducation des infants D. Alfonso et D. Henrique; Luis Teixeira Lobo, futur maître de D. Joao III; Henrique Caiado, un des poètes néo-latins les plus admirés de son temps. Leâo Hebreu, dans ses Dialogues d'Amour, adapte la philosophie finicienne ... Au début du XVf siècle, ce n'est plus seulement Florence, mais Salamanque, Louvain et surtout Paris qui attirent les « boursiers du roi », initiative de D. Joao II, encouragée par D. Joao III. Ainsi voit-on, dès 1500, les Portugais prendre l'habitude de venir achever leurs études à l'Université de Paris. Certains jouent même un rôle de premier plan dans la vie intellectuelle française, comme les Gouveia, véritable dynastie : Diogo le Vieux dirige le Collège de SainteBarbe ; Marcial est professeur à Poitiers, et poète latin comme Ant6nio; André est jugé par Montaigne, qui l'a connu comme doyen du collège de Guyenne, à Bordeaux, « le plus grand principal de France ». Au Portugal même, l'Université de Lisbonne possède, dans le premier quart du xvi• siècle, un noyau de latinistes humanistes qui luttent contre une tradition encore très pesante ; mais c'est à Coïmbre que se développe le mouvement de la Renaissance, au monastère de Santa Cruz dès 1530, à la nouvelle Université inaugurée, en 1537, par André de Resende dans un esprit d'ouverture érasmienne, et au collège des Arts, dirigé par André de Gouveia qui fait venir auprès de lui le poète écossais George Buchanan.

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L'exemple italien avait fait naître le culte de !'Antiquité, le godt de la forme, de l'art pour l'art, dont témoigne l'œuvre de Caiado; l'érasmisme d'André de Resende, qui appartient à la génération suivante, montre l'influence prédominante, quoique malheureusement éphémère, de l'humanisme du Nord. Comme le Portugal, l'Espagne des rois catholiques (1474-1516) entre de plain-pied dans la Renaissance. Cette époque féconde voit la création de l'Etat, l'unification nationale fondée sur l'unité de la foi, la reconquête du pays sur l'envahisseur maure. En même temps, l'Espagne s'ouvre largement sur le monde extérieur, partant à la découverte du Nouveau Monde, et rattachant à la couronne d'Aragon le royaume de Naples (1504). Ces contacts avec l'Italie sont une des causes déterminantes du nouvel essor des langues anciennes, alors que la littérature nationale est déjà très florissante. Isabelle de Castille apprend le latin sous la direction de Beatriz Galindo ; deux Italiens, Antonio et Alessandro Geraldini sont chargés de l'éducation des infantes ; leurs compatriotes, Lucio Marineo Siculo et Pietro Martir d' Anghiera, sont invités à venir s'installer en Espagne. C'est en Italie que les grands maîtres de l'Université de Salamanque, Antonio de Nebrija et Arias Barbosa ont acquis leur formation. Fondée au début du xvi- siècle, sous l'impulsion du cardinal Cisneros, l'université d'Alcala, d'où naîtra le collège de Saint-Ildefonse, encourage le retour aux textes anciens, et dispense l'enseignement des trois Langues. Mais le but essentiel est désormais l'étude de la Bible et des Pères de l'Eglise. Dès 1502, le cardinal Cisneros conçoit le projet d'une Bible Polygotte, achevée en 1517, gloire d' Alcala dans les annales de l'humanisme. Le terrain était favorable aux progrès de l'érasmisme, qui ne rencontre d'abord aucune opposition. L'archevêque de Tolède, Fonseca, et l'archevêque de Séville, Manrique, le Grand Inquisiteur, se rattachent à ce mouvement ; vers 1522, Vivès pense que l'Espagne tout entière accueille la pensée d'Erasme; les théologiens, réunis à Valladolid en 1527, se refusent à condamner l'œuvre du maître; au cours des années suivantes, les livres d'Erasme jouissent en Espagne d'une popularité et d'une diffusion en langue vulgaire, sans équivalent en Europe. Cette pénétration était favorisée par l'union dynastique avec les Pays-Bas, et par le conflit qui opposa Charles Quint au Pape Cément VII. Mais les deux souverains se réconcilient. Charles Quint, obligé de faire aux luthériens d'Allemagne des concessions importantes, entend protéger l'Espagne des dangers de la pensée nouvelle. Dès 1537, la lecture dec; œuvres d'Erasme en vulgaire est interdite, son texte Jatin, expurgé. En quelques années, l'Espagne, qui s'était

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si généreusementouverte aux idées du siècle, se referme sur ellemême, se fige dans une orthodoxie pointilleuse, contrôlée par une gigantesque machine répressive, qui rend même longtemps difficile l'implantation de la Compagnie de Jésus, fondée par Ignace de Loyola en 1534. Cette méfiance s'accuse sous Philippe II. On écrivit néanmoins en Espagne, tout au long du xvt siècle, des milliers de vers latins. La majeure partie de cette production considérable est restée inédite, et les éditions mêmes en sont difficilement accessibles. Les œuvres que l'on peut lire permettent, cependant, de dégager certaines dominantes. Si tous les genres sont à peu près représentés, poésie épique, didactique, descriptive, lyrique et dramatique, satirique même, l'inspiration religieuse reste prépondérante. Elle atteint avec Arias Montano une dignité convaincue et exclusive. D'autre part, on voit, au milieu du siècle, se dessiner une rupture de style entre les poètes qui s'enferment en Espagne, et dont l'écriture se durcit, et un diplomate comme Verzosa, rompu aux cours étrangères, qui donne à cette poésie néo-latine sa plus fine élégance. ORIENTATION

BIBLIOGRAPHIQUE

PORTIJGAL

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BIOGRAPHIE

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LE PORTUGAL ET L'ESPAGNE

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HENRIQUE CAIADO (1465? - 1509 ?)

La vie de ce poète portugais reste assez mystérieuse. Son œuvre permet de reconstituer son itinéraire intellectuel. Il reçut d'abord à Lisbonne l'enseignement de Gonçalo Rombo et de Cataldo Parisio Siculo. Puis, appuyé par son père qui avait un certain crédit auprès du roi, il part pour l'Italie, en principe pour apprendre le droit, éont il est très vite dégof1té, en fait attiré par la renommée d'Ange Politien, qui, malheureusement, meurt en 1494. Cayado se rend alors à Bologne où il suit les cours de Philippe Béroalde. Il donne une première édition partielle de ses poèmes à Bologne en 1496. En 1501 paraît le volume qui contient son œuvre poétique complète : neuf longues églogues, trois sylves et deux livres d'épigrammes. En 1509 il fit, à Rome la connaissance d'Erasme qui lui rend hommage dans son Ciceronianus, et lui attribue, dans l'adage Yinaria angina, une mort parc oenancie >.

Caiado connut de son vivant un étonnant succès. Il fut salué dans les villes italiennes du nom, qui le flatta, de c Theca Apollinaris > ; on mit en scène, à Bologne, son Eglogue V, qui conquit tous les lettrés. Ses contemporains furent surtout sensibles à la pureté de son latin. Son maître Philippe Beroalde porte sur lui un jugement de technicien, d'une élogieuse perspicacité : c Est Hermicus Lusitanus... elegans, florulentus ... Sunt illi uerba Latina, .. . uersus emuncti. > La fluidité du discours est en effet ce qui donne aux Eglogues le charme de la facilité et du naturel. La pastorale, il est vrai, exigeait une certaine simplicité en accord avec la fiction littéraire. Caiado respecte rigoureusement les lois du genre : il s'est mis ouvertement à l'école de Virgile, à qui, par déférence, il le cède d'une églogue. Les célèbres leçons de Politien, sur Virgile et Hésiode, ne sont probablement pas étrangères à cette vocation bucolique. Mais Caiado prétend, en outre, dans une lettre à Diego de Sousa, avoir cherché, au contact des bergers de Florence, la vérité d'une sensibilité et d'un langage : c Ad uicinos agricolas me conferebam... pertinaci diligentia animaduertebam sermones in quos congregati plerunque incidebant, ut, si quando opus esset, rusticae orationis colores seruare facile possem >. Conformément à la tradition virgilienne, Caiado ouvre l'églogue aux problèmes les plus actuels et les plus divers. Politiques, la première, qui évoque à travers les angoisses des paysans les ravages de l'invasion française en Italie, et la sixième qui interrompt un échange rituel de compliments par l'évocation triomphante du retrait de Charles VIII ; Eloges, que la troisième en l'honneur d'un jeune poète portugais et la

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HE~'RIQL'E CAJAOO

septième, qui a pour protagonistes les trois fils du ebarulier de Jean Il ; la seconde prés..::nte le p&te lui-même, Hermicus, à travers l'admiration passionnée des bergers de ~n pays, et fait, avec une complaïsanœ trà narcissique, le récit d'une baignade dramatique ; la quatrième rompt avec la convention du dialogue buco!ique pour oous faire entendre Bermicu., solus dans un éloge de la campagne, d'une inspiration par contre des plus classiques. La cinquième loue r Angleterre, et la huitième met en scène, sous un déguisement champêtre, Contarini qui fut ambassadeur de Venise en France et Agostino Barbarigo, doge de Venise : confidences bourgeoises et sagesse de patriarche. Le recueil s'achève sur un tow:ooi poétique. Le souci de la forme reste très présent dans une poésie qui se situe d'emblée dans la tradition contraignante d'un genre nettement codifié. Il se retrouve dans la structure soignée des Epigrammes en distiques, et doublement, puisque nombre d"entre elles évoquent le problème de la relation aux modèles (Epigr. I, 35 ; I, 45, etc.). La technique de l'épigramme est assez heureusement servie par la clarté d'une pensée toujoun simple et directe et par une syntaxe vigoureuse. Dans l'élogieuse mention qu'il lui réserv..::dans son Ciceronianus,, Erasme reste insensible à la grke des églogues, mais salue l'habileté de l'intelligence c neminem noui praeter Hermicum quemdam in epigrammatibus felicem, in oratione soluta promptum ac felicem, ad argumentandum dexterrimae dicacitatis >. De plus, l'épigramme satisfait un certain goût pour la fragmentation qui apparait dans les églogues, où les couplets sont trait6s pour eux-mêmes, et clos souvent par une réflexion morale, une formule plus brillante. Dans l'Eglogue Il, s'insère même un fragment de poème étranger au poème (v. 48-53), auto-citation qui fait un instant éclater le cadre. D'oà une impression parfois de bigarrure, plus proche de l'esthétiquerenaissante que de l'unité virgilienne. Caiado témoigne de la puissance d·attraction, en cettefin du XV- si&:le, de l'humanisme italien sur le Portugal où pourtant la langue nationale connait, à la cour royale, une nouvelle floraison. A travers l'exemple des poètes néo-latins du quattrocento, c'est une étroite émulation avec l'antiquité retrouvée qui suscite l'élan poétique. Rivalité féconde sans laquelle l'art n'aurait plus d'histoire, rivalité justifiée puisque Virgile ne fut pas inférieur à Homère. c Nam si picturae studiosus quisquam simulachrum obtuerctur cui nihil et naturae et elegantiae accomodatum deesse perspiceret, consimilisque tabulae simulandae omni spe prorsus destitueretur, nec quicquam eniti tale auderet, nimirum picturae dignitas decresceret. .. nec fuisset imitatus Homerum Vugilius. .. >

TEXTES : Aeglo,:ae et Syluae et Epigrammala Hermki,

Bonoaiae, lSOt •••. Corp:1.r iUustrium T'Ol·tarum Lusitanorum qui latine scrif)8erunt, I, ed. A. DOS REYS, Lisbonne, 1745 ... The Eclogues of Henriq,u Cayado, ed. W.P. MUITARD, Baltimore, 1931 •• (Studies in the Reraissance Pastorale VI).

HENRIQUE CAIADO

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AEGLOGA SECVNDA SIMILVS ET BATTVS

Battus

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Simile, pastoris nostras peruenit ad aures Fama tui ; quis enim pastorem nescit lberum ? Delitias patriae, socios fratremque reliquit, Atque ipsos quibus est imprimis cbarus amicos, Visurus nostros agros et pascua nostra, Quanuis fertilior patria, et cum foenore semper Semina maiori reddantur iacta colonis, Et quanuis pecoris maior sit copia, grexque Compleat extensos glomeratus in agmine campos. Diues ab bis heros rediit Tirynthius oris Tergeminum claua pastorem aggressus, et inde Exitium Caco tulit ignem ex ore uomenti. Fabula nota satis Romana colentibus arua. Durior baud igitur rerum commouit egestas Nec dulcis patriae decessit finibus exul. Fesulea sed enim audierat sub rupe canentem Pulitium terrae cultus uitamque beatam. Illius extremum uoces perduxit ad axem Nuntia praecipiti gestorum Fama uolatu.

Similus

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Quid mihi fortunam narras pastoris, et unde Venerit Italici cultus uisurus aratri? Aduentus causam iam saepe recensuit ipse ; Hanc ego sub fagi cantantem tegmine uidi. Ex bis quae mira recinebat carmina uoce Auribus arrectis intentus pauca notaui. Verba audire potes, numeros quis uerba sonabant Non ego, non Pan ipse deus tibi dicere posset; Tantus uocis honos, et gratia tanta canendi. Battus

Quaeso, morere nihil, diuinaque carmina saltem (Si mihi fas audire) refer, quae pauca notasti.

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Similus c Ausonü Saturne soli memorande colonis, Contigit arua manu sacra bene cuita uidere. Expleui, Saturne, sitim ; iam uictor adibo (Vnde tuli gressus) annosis ardua syluis

DEUXIÈME ÉGLOGUE SIMILUS ET BATTUS

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Battus Nous savons, Similus, le renom de ton pâtre Qui donc ne connaît pas le berger d'lbérie ? Quittant son doux pays, ses parents et son frère, Et même ses amis, qui l'aiment plus que tout, Il voulut visiter nos champs et nos prairies ; Sa patrie a pourtant un terrain plus fertile, Et les graines semées rapportent davantage ; Le bétail est plus riche, et l'armée des moutons Se presse, en rangs serrés, dans les plaines immenses. Le héros Tirynthien en revint enrichi, Quand il eut assommé le monstre tricéphale ; Puis il tua Cacus, qui vomissait du feu. La fable est bien connue des paysans romains. Il n'est donc point venu, chassé par la misère, Ou comme un exilé, banni de sa patrie. Mais il avait appris qu'au pied du mont Fiésole, Politien * célébrait l'heureuse vie des champs : Renommée qui dit tout, d'un rapide coup d'aile. A l'autre bout du monde, en amena l'écho. Similus Pourquoi me raconter le destin du berger, Et ce qui l'amena vers la glèbe italique ? Lui-même a bien souvent retracé cette histoire. Je l'ai vu la chanter sous la voOte du hêtre ; J'écoutais, attentif, les vers qu'il récitait, D'une voix admirable; mais j'ai peu retenu. Je peux te rapporter les mots, mais la musique, Ni moi, ni le dieu Pan, ne pourrions te la rendre. Tel était de sa voix le charme merveilleux. Battus Je t'en prie, redis-moi - si tu m'en juges digne Le peu que tu retins de ces divins poèmes.

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Similus « Saturne, que chérit l'habitant d'Ausonie, J'ai vu les beaux sillons faits par ta main divine. J'ai étanché ma soif. Je peux m'en retourner Sur mes plateaux herbeux aux forêts centenaires.

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HENRIQUE

CAIADO

Pascua, uentus equas ubi cursu fulminis instar Concitat, atque uterum ueloci semine complet. > Caetera, ceu nunquam nobis audita fuissent, Quae claris adimunt Jucem, quae nubibus atris Vndique caligant, obliuia mente fugarunt

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Crudeles Parcae saeuaque potentia Mortis, Laurigeri Pboebi nisi nomina blanda fuissent, Priuassent uita penitus nigrisque dedissent Manibus altiloquum (pro dira pericula) uatem. Tune spes in patriam redeundi protinus omnis Fallax (sed Superi melius uoluere) perisset. Tellurem medio iam sol lustrabat ab axe Aduersoque umbras faciebat lumine paruas, Dum pecori perdulce sitim compescere lymphis, Frigida dumque soient pastores antra subire Et placidae multo defessa labore quieti Tradere membra, graues et sic deponere curas. Hermicus ecce uenit, lentis et passibus altum Ascendit montis cliuum, pecorumque magistros Qui tune forte aderant solito de more salutat. Hinc se uicina ad quaedam uiuaria confert. Vt loca laudauit nitidosque in gurgite pisces, Aestus optauit gelido restinguere fonte. Haud mora robustos (illum sua fata trabebant) Artus nudat et optatas petit inscius undas. Tune se praecipitat saxo, tune motibus ipsas Vertit aquas crebris spumasque relinquit eundo. Non secus, ingenti uenit cum flumine torrens, Vidimus aut timidos damas ceruosue uolucres Nymborum furias celeri uitare natatu Et loca celsa metu et tutos conscendere montes. It riuo uelox altemaque brachia iactat Nunc imis mersus, summis nunc uisus in undis. Ergo ubi saepe pedes mouit mouitque lacertos Atque instar mergi totum sese obruit amne, Frigoris impatiens rediit, subitoque tremore Correptus totum coepit pallescere corpus ; Labraque non uiolis unquam cedentia rubris Accipiunt quem mora ferunt matura colorem. Paulatimque caput penetrat penetratque cerebrum Et titubare facit missis iam uiribus artus . Nausea languentes, uersatque per omnia sensus. 95

rapuisse : rupisse Dos Rt'ys.

DEUXIÈME éGLOGUE

Où le vent, dans la course, excite les juments,

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Vite comme la foudre, et d'un trait les féconde... > Du reste je n'ai plus le moindre souvenir : L'oubli l'a effacé, lui qui obscurcit tout, Et qui jette sur tout un voile de ténèbres.

Battus

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Si les Sœurs sans pitié, la Mort inexorable Et Phébus couronné n'avaient été cléments, Ils auraient achevé et livré aux Ténèbres - ô quel affreux danger - le poète inspiré. L'espoir de revenir bientôt dans sa patrie Lui eOt été ravi. - Mais les dieux ont veillé. Le soleil au zénith illuminait la terre, Et l'ombre projetée se faisait plus étroite, A l'heure où les bergers vont donner aux troupeaux La fraîcheur de l'eau claire, et au creux d'un rocher, Offrir au doux repos leurs membres fatigués Par un trop dur labeur, quittant les lourds soucis. Et voici Hermicus : il gravit lentement Les pentes escarpées, salue comme toujours Les maîtres des troupeaux qu'il rencontre au passage ; Puis dirige ses pas vers un vivier tout proche. Il admire l'endroit et les poissons brillants, Et veut se rafraîchir à la source glacée. Sans délai il dénude un corps souple et musclé Et - c'était son destin - gagne l'eau désirée. Il plonge d'un rocher et nage avec vigueur, Brassant l'eau et laissant un sillage d'écume. Ainsi quand un torrent déborde impétueux, On voit le daim timide ou bien Je cerf ailé Fuir la fureur des eaux d'une nage rapide, Et chercher, effrayé, refuge en haut des monts. Il avance en lançant ses bras l'un après l'autre, Avec vélocité, plongeant, reparaissant. Donc après avoir mO ses membres en cadence Et pareil au plongeon s'être immergé sous l'onde, Il revient, pris de froid. Un tremblement soudain Saisit alors son corps qui commence à blêmir. Ses lèvres dont l'éclat ne le cédait jamais A la rouge violette ont la couleur des mOres. Peu à peu le malaise envahit son cerveau Et fait trembler son corps, soudain privé de forces. Il ressent un vertige, et finit par tomber,

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HENRIQUE

CAJADO

Mox tandem procumbit bumi sine uoce ; putares Funesta rapuisse manu sua fila Sorores. Aegroto medica subuenit Caesius arte Inter Apollineos longe celeberrimus ...

DEUXIÈME ÉGLOGUE

9S

Sans voix, sur le rivage : on dirait que les Sœurs Ont de leur main funeste arrêté son destin. Cesius •, le plus connu dans l'art apollinien, Apporte au malheureux sa science médicale ...

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ANDRÉ DE RESENDE (1500? - 1573)

N6 en 1500 (ou selon d'autres en 1497 ou 1498) à Evora, RESENDE était de noble origine. Sa m~re, veuve de bonne heure, confia son éducation aux dominicains dont il prit l'habit dès son enfance. Il poursuivit ses études à l'académie d'Alcala où enseignait Antonio de Nebrija ; puis à l'université de Salamanque, où il fut 1'61èved'Arias Barbosa. Il passa ensuite près de deux ans à Aix-en-Provence et à Maneille où il reçut les ordres sacrés, puis il vint suivre les cours de l'université de Paris. La gloire naissante de l'académie de Louvain l'attire alors. Reçu à Bruxelles par l'ambassadeur du Portugal, il l'accompagne en 1529 dans l'expédition contre les Turcs et passe l'année suivante en Hongrie. A la mort de sa mère, il retourne à Evora où il devient gouverneur des infants. Il est, à sa demande, relevé de l'obligation de porter l'habit religieux. Il travaille à la réforme des études et ouvre lui-même une école qui devient célèbre. Lié avec les plus grands humanistes de son temps, Antonio de Nebrija, Nicolas Clénard, Jean Vasée, Damiios de G6is..., il participe étroitement au courant érasmiste qui se développe au Portugal entre 1525 et 1545. Il consacre la fin de sa vie à l'étude et à la recherche des antiquités. Il meurt à Evora en 1573. Ses œuvres furent réunies dans l'édition de Cologne de 1600. Le premier volume contient les textes historiques et le second les poèmes. Certains de ICI ouvrages sont rest6s inédits.

La poésie de Resende offre une tout autre image de l'humanisme portugais. Différence de génération, mais surtout radicale opposition d'inspiration et d'options. L'influence italienne est chez Resende peu marquée ; le désir de faire œuvre d'art, peu explicite. Il est vrai qu'à cette époque, le rayonnement des foyers intellectuels de l'Italie se voit concurrencé par l'éclat de Louvain et la gloire d'Erasme, incitations à la réflexion, plus susceptibles de séduire un esprit religieux. Le catholicisme le plus soumis, et l'ouverture à la pensée érasmienne, inspirent en effet l'œuvre de ce dominicain, sans toujours parfaitement s'accorder. Au premier on doit, entre autres, un poème héroïque en deux livres, Vincentius, Leuita et Martyr, et une ode violente, Ad Deum Patrem ob calamitatem sectarum, qui, après un tableau sans concession des divisions de l'Eglise, célèbre la croisade contre les Musulmans. Quand le lyrisme religieux s'épure, il devient vibrante prière : ainsi Ad Deum Maximum crucifixum. Mais c'est l'enseignement d'Erasme qui donne à l'homme et à son œuvre la noblesse d'un engagement et d'un témoignage. La célèbre Oratio pro rostris, prononcée en 1534, pour l'ouverture de l'université de Lisbonne, reprend les thèmes de la propagande érasmienne : il faut tourner le dos à la scolastique et développer au Portugal l'enseignement

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ANDRÉDE RESENDE

du grec, négligé jusqu'alors. Si la prose applique la nouvelle doctrine, la poésie l'exalte. Plus nettement que l'Encomium urbis et academiae Louaniensis, le long Encomium Erasmi,. acte de foi et d'espérance, proclame, avec une éloquence souvent fleurie d'érudition, et un style travaillé qui évoque Lucain, le prestige du maître à penser, ses qualités d'écrivain, son efficacité, ses efforts décisifs pour l'exégèse des textes sacrés et l'effacement des superstitions ; il rassure aussi Erasme sur son audience au Portugal, malgré les vives attaques dont il est objet. Celui-ci, qui pourtant s'avouait las « d'être comparé au soleil et à la lune >, fut touché de l'éloge, et le fit publier. Après la mort d'Erasme, qui lui inspire un thrène d'un sobre désespoir, Resende se tut, découragé peut-être par les progrès de l'inquisition, installée au Portugal depuis 1536, et qui pourchasse les partisans d'un penseur accusé d'hérésie. Il cède un moment aux tentations de la cour, sur lesquelles il est pourtant sans illusion (Ad Damianum a Goes de Vita aulica), puis il se réfugie dans l'histoire et l'archéologie. TEXTE : Andrea Resende Eborensis, Antiquitatum Lusitaniae et de municipio Eborensi Lib. V, orationes item, epistolae historicae et poemata omnia, nunc primum edita, Coloniae Agrippinae, 1600.

ETUDES : O. SAUVAGE, L'itinéraire érasmie11d'André de Resende (1500-1573), Paris, 1971. - M. BATAILLON, Erasme et l'Espagne. Recherches sur fhistoire spirituelle du XVI• siècle, Paris, 1937.

DES. ERASMI

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R01ERDAMI

ENCOMIVM

... Si parua licet componere mago.is, Nos etiam omnino non infelicibus orti Auspiciis, fas esto mihi non uana referre; In patriis laribus, tua quum legeremus, auebat Mens, pungebat amor famae immortalis, Erasmum Noscere iam coram et sua dantem oracula Phoebum Auribus bis baurire nouum et dicentis hiare Ad maiestatem ; nec spes mibi plurima deerat Compellandi etiam ; nam praeter caetera quae te Orbi immortalem fecere, adcessit et illud, Quod qui te norunt memorant : nil comius esse Te nec amabilius. Decies deciesque beati, Hoc fortuna quibus decus baud inuidit auara Adloquioque tuo dulcique fruuntur amore. Ergo ita quum adficerer, patriis diuellor ab oris, Flaua nihil metuens animosi marmora Nerei, Conlustrans iam mente uaga, mea praemia Erasmum Louanique arces : banc te tum fama ferebat Vrbem babitare et erat iam tum mihi cara. Minantis Quot salis aerumnas tulerim, quae incommoda saeui Oceani, quoties (pro formidabile uisu !) Irati steterit supra caput unda tridentis ! Ille dies picea obductus ferrugine, et orae Vos mibi Callaciae testes quas naufragus hospes Maestus, egensque diu tenui. Nec dira profundi Coeptum iter auertit rabies, me litore lbero Exposuit quamuis, Louania prendimus arua Atque tenemus adbuc. Nullo sed numine uecti Namque aberas et te felix Basileia fouebat. Sorsne deusne mibi inuidit ? Non obtigit illa Libertas uitae male quam prodegimus olim, Rerum et inexperti et pueri. Fors nostra tulisset Persequerer quocunque fugis : sed mollit aestum Hune tuus hic meritoque mei Goclenius una pars Animi, debet multum cui Belgica tellus. Da ueniam fasso, Gocleni dulcis amice ; Quamuis te miror stupeoque coloque nec usquam Vidi aequale, meum tantummodo praeter Areion, Non tamen iste tuus Permesside purior amnis Quit desiderium magni restinguere Erasmi. Huc te rumor erat uenturum, en tertia demum Bruma abiit nullusque uenis. Valeas modo, ut opto. Sat Lusitano dabitur, si qualiacunque baec

ÉLOGE D'ÉRASME ... Si l'on peut comparer petite chose aux grandes, nous sommes nés aussi sous une heureuse étoile, permets-moi de le dire; lorsqu'à notre foyer, nous lisions tes ouvrages, notre esprit s'enflammait, et nous poignait l'envie d'une gloire immortelle : connaître enfin Erasme, et le voir face à face ; en personne écouter ce nouvel Apollon édicter ses oracles, et rester bouche bée, devant la majesté de ce noble orateur. Même je nourrissais quelque espoir de pouvoir, moi aussi, lui parler; car aux dons qui t'ont fait par le monde immortel, s'ajoute le rapport de ceux qui t'ont connu : tu es plus que tout autre accueillant et affable. Heureux et bienheureux, ceux à qui la Fortune a généreusement accordé cet honneur, qui goiltent ta parole et ta douce amitié. Ecoutant cet espoir, je me suis arraché aux bords de ma patrie, au mépris de Nérée, si souvent irascible, et de ses flots dorés. Mon imagination, déjà, offre à mes yeux ma récompense, Erasme, et les murs de Louvain. Le bruit courait alors que tu l'avais choisie et déjà je l'aimais. Ce que j'ai supporté comme tribulations, sur la mer menaçante, et comme affreux tourments sur l'océan cruel! Que de fois j'ai pu voir - spectacle épouvantable ! - au-dessus de mon front, les vagues soulevées par Neptune en colère! Vous m'en êtes témoins, jour au ciel obscurci par une poix noirâtre et vous, sol de Galice, où pauvre naufragé, j'ai dft pendant longtemps souffrir du dénuement. Mais la rage acharnée de l'océan profond ne m'a pas détourné du voyage entrepris. Elle a pu me jeter sur la côte ibérique, mais nous avons atteint les plaines de Louvain, et y sommes encore. Hélas I nous n'étions pas guidé par un bon ange, car tu étais parti et à l'heureuse Bâle accordais ta présence. Fut-ce le sort ou Dieu qui m'envia cette joie? Je n'ai pu disposer librement de ma vie, et je l'ai gaspillée, inconscient que j'étais. Si notre destinée l'avait autorisé, je te suivrais partout où tu peux t'en aller ; mais ton cher Goclenius, qui possède à bon droit une part de mon cœur, a calmé cette ardeur, lui à qui la Belgique a tant de redevance. Donne-moi, Goclenius •, doux ami, ton pardon : je t'admire et t'honore, et je suis ébloui, et jamais je n'ai vu personne t'égaler, à la seule exception de mon maître Arias •. Mais le son de ta voix a beau couler plus pur que le fleuve Permesse, il ne peut apaiser mon regret du grand homme. Le bruit avait couru que tu allais venir ; mais bientôt trois hivers se seront écoulés, et tu n'es pas venu. Puisses-tu aller bien, c'est mon plus cher désir. Et je serai comblé, Portugais que je suis, si mes vers, quoi qu'ils vaillent - fussent-ils éphémères -, pouvaient atteindre au seuil auguste

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ANDRÉ DE .RESENDE

Carmina contigerint, uel mox peritura, tuarum Musarum augustum leimen. Sic namque perire Me iuuat et cupio : tentassemque ante, sed ipsa Improba quorumdam improbitas uacuumque cerebrum Intra pelliculam mihi me cohibere suasit Atque silere. Pudet, pudet, a meminisse catellus Quae latrauit lber iterum iam dente sine ullo Et piget insulsi articulos memorare libelli ! Quae quia tune acta fuerant nugaeque recentes, Seposui calamum, ueritus ne crimen Iberum In Lusitanum caderet caput. Inclyte Erasme, Non tibi Lusiadae infensi. Te noster adorat Diuus Ioannes fraterque Alphonsus et ipsam Effigiem certe miro uenerantur amore Et uoluunt studio libros auroque decorant...

AD NICOLAVM CLENARDVM

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Oenarde, si quem maeror occupat grauis, Et impotens premat dolor, Dolor querelarum obstruit leues fores, Oauditque sermonis uias, Mentemque cogit languidam obstipescere. Vtcumque qui potest queri, Miti dolore adspergitur praecordia Factura questibus modum. Erasmus ille, ille, ille Erasmus, hei mihi, Erasmus ille obit diem. Tuba illa, uastum audita per mundum, silet ; Silet tuba illa multiplex. Et tu, recenti sauciatum uulnere Versu lacessis non semel, Senisque magni manibus iubes plis Tristem dicare naeniam. Satis dolentem, amice, parcas, obsecro, Exulcerare adhuc magis. Vix aegra mens sensum priorem colligit, Dandusque lacrimis locus. Permitte dulces luminum impetus meis Paulisper effluant genis. Funus meum est, curabo ego fuous meum Efferi quo que~ modo. (sen. et quat. iamb.)

ÉLOGE D'ÉRASME

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de tes Muses. Mourir alors me serait doux et désirable. J'aurais écrit plus tôt, si l'injuste injustice et la stupidité de gens que je connais ne m'avaient persuadé de me tenir tranquille et de rester muet. J'ai honte, oui j'ai honte en me ressouvenant des aboiements sans fin du roquet ibérique enfin privé de dents, et rougis d'évoquer les divers arguments d'un libelle insipide. Emu dernièrement par ces péripéties, et ces mesquineries, j'ai préféré me taire, pour ne pas attirer sur un Lusitanien la colère ibérique. Mais, ô glorieux Erasme, tu n'as pas d'ennemis dans notre Portugal. Notre divin roi Jean, et Alphonse, son frère •, vénèrent ton génie, et d'un amour extrême adorent ton image ; en lecteurs passionnés, ils dévorent tes livres, qu'ils font rehausser d'or ...

A NICOLAS CLÉNARD •

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Oénard, si l'âme est accablée d'un lourd chagrin, Ecrasée de folle douleur, La douleur clôt la porte mince de nos plaintes, Barre la route du discours, Contraint l'esprit, à bout de force, à l'hébétude. Celui qui peut encore se plaindre, C'est que son cœur est assailli de faible peine Et saura modérer ses plaintes. Le grand Erasme, hélas ! hélas ! le grand Erasme, Le grand Erasme a rendu l'âme ; La Voix se tait, qui ébranlait le vaste monde ; Se tait la Voix inépuisable. Mais insensible à la douleur qui me déchire, Tu me harcèles sans répit, Et tu m'enjoins d'offrir aux Mânes du grand homme Un chant funèbre désolé. Je souffre assez, ami, pitié, épargne-moi, N'avive pas encor mon mal. A peine peut mon cœur dolent se ressaisir Donnons aux larmes libre cours. Laisse-les assaillir mes yeux de leur douceur, Et se répandre sur mes joues. Ce deuil est mien. J'essaierai seul, à ma manière, De vivre un deuil qui m'appartient.

AD CHRISTVM OPT. MAX. CRVCIFIXVM

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Quur sic despectus, rigido de stipite pendes ? Et faciem liuor, pallidaque ora notat ? Quur tenerum saeuo maculauit uerbere corpus ? Transfixitque tuas plebs uiolenta maous ? Quur latus, et cemo perfossas cuspide plantas ? Quur cerebrum transiit spina cruenta tuum.? Quur, quur haec pateris sanctorum maxime ? quae nec Famosusue latro, praedoue ferre solet ? Quod scelus admissum ? quidue in te criminis unquam ? Quod sic, hem, fixus, sic cruciatus obis ? Die hominum ante omneis longe pulcherrime natos, Forma ubi ? uultus ubi ? die ubi sancte decor ? Hei mihi, tu pro me, pro me, haec non digna tulisti, Qui mereor Stygias uiuus adire domos. Me me haec impurum mitissime Christe decebant, Hac ego debueram morte perire sacer. Verum tu immeritus quo numquam purior alter, In cruce sic moreris ne crucifigar ego. Frende, Sathan; freme, Munde; Caro, fore; Mors fera, saeui : Christus enim uictor sceptra patema tenet.

AU CHRIST EN CROIX

Pourquoies-tu là, offert au mépris, sur ce bois si dur ?

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D'où viennent ces bleus sur tes joues exsangues? Pourquoi ces sauvages, de leur fouet cruel, ont-ils lacéré Cette chair si douce et cloué tes mains ? Pourquoi transpercer ton flanc et tes pieds avec une pointe ? Traverser ton front d'épines sanglantes ? Pourquoi, ô pourquoi souffrir tous ces maux, Seigneur tout[puissant, Que n'endurent point larron ni voleur? Quel est donc ton crime ? Qu'a-t-on pu trouver à te reprocher ? Pour quelle expiation ces clous, cette croix ? Dis-moi, toi qui fus, de tous les mortels, le plus ravissant, Où est ta beauté, tes traits, et ta grâce ? Hélas ! c'est pour moi, pour moi que tu as souffert ce scandale, Moi dont les péchés méritent l'Enfer. C'est moi, doux Jésus, c'est moi qui devais subir ce supplice, Moi qui aurais dtl mourir à ta place. Et toi qui pourtant es pur et sans tache, tu meurs sur la croix, Pour que je ne sois jamais crucifié. Grince donc Satan; gronde, Monde; et toi, Chair, crie; Mort [enrage! Le Christ vainqueur tient le sceptre du Père.

ANTONIO SERON (1512? - 1568 ?)

La vie de

SERON

est mal connue. D'après N. Antonio, il fut prête et poeta lau-

reatus. En s'appuyant sur les allusions biographiques que contiennent ses œuvres,

dont une partie est restée inédite, on peut avancer les dates suivantes : il serait né en 1512 à Calatayud où son père fut longtemps vicaire. Après sa mort en 1530, Je jeune homme fut dépouillé de sa fortune par des tuteurs indélicats. Il fit en Espagne des études humanistes et suivit à Valence les cours de Jaime Falco et de Miguel Angel Gonzalez. En butte à de vives attaques d'une origine assez obscure (jalousie?), il fut accusé de sorcellerie et obligé de s'enfuir. Il s'embarqua pour l'Italie, et d'après la Silua JO il aurait été capturé et emmené à Constantinople, d'où il finit par s'évader. Il rentre en Espagne. Il est obligé, pour vivre, d'enseigner la littérature ancienne dans diverses villes, en particulier à Xerez de la Frontera. On l'appelle aussi à Alcala de Henares et à Saragosse (El. 9). En 1567 il occupait la chaire de rhétorique à Lérida (Silua 11). Puis, après vingt ans d'absence, il serait retourné à Calatayud. Doit-on supposer que la mort l'empkha d'achever le livre III de son épopée dont le manuscrit porte la date de 1568 ?

L'œuvre poétique d' Antonio Seron ne fut éditée qu'en 1781, grâce à Don Ignacio de Asso qui découvrit le manuscrit à la bibliothèque royale de Madrid. La clarté de la langue et la simplicité du style ne suffisent pas à sauver de la monotonie le poème héroïque en hexamètres Aragoniae Libri Ill (respectivement écrits en 1566, 1567 et 1568) qui énumère, sans beaucoup de relief, les origines et les exploits des rois d'Aragon jusqu'au règne de Don Ramiro II (1134-1137). On y chercherait en vain un épisode violemment dramatique ou une description attachante de l'Espagne. La géographie ici est aussi incolore que l'histoire. La Sylve IV, Bellum ciuile Bilbilitanum est plus animée, sans avoir cependant la force convaincante d'un témoignage direct, puisque l'épisode se situe en 1519. Les qualités propres à Seron apparaissent plus nettement dans la variété vivante des Elégies ou de certaines Sylves. Certes l'héroïde (El. VII) ou l'élégie autobiographique (El. IX) ressortissent à des genres bien fixés, et Seron en respecte la forme. Mais on sent, à travers le moule du vers classique, affleurer une inspiration plus populaire : la Sylve VI reprend l'histoire célèbre des amants de Teruel; la Sylve X, avec pirates, captures et évasion, tient du récit d'aventures ; l'Elégie IX, avec ses vingt-deux pages, donne à la confidence les dimensions et les rebondissements d'un roman à épisodes. Enfin l'béroïde, intercalée dans

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ANTONIO SERON

la classique succession des élégies inspirées par une belle, transforme ce qui pourrait n'être qu'un pastiche décoloré de Properce, en un roman par lettres, où la simplicité outrancière des déclarations et des plaintes atteint parfois à une saveur de mélodrame. A être jugé en référence aux poètes néo-latins italiens, Seron, comme Jaime Falco dont il fut l'élève, paraît un maladroit apprenti. En fait il témoigne, comme son maître, de l'originalité de la veine espagnole qui sait concilier, quand l'exemple italien justement n'est pas trop contraignant, l'élégance d'une forme classique épurée jusqu'au schématisme, avec le goOt de l'excès et un certain dramatisme. Poésie qui manque de liant et de nuance, mais qui tire précisément sa séduction propre de cette vigueur un peu brutale. TEXTES : Antonü Seronis : Aragoniu Poemation, Elegiarum Liber, Si/uae, cd. lgnacius de Asso DEL Rio, Amstelacdami, 1781. ETUDES : DoN FELIX DE I.ATASSA, Biblioteca nueva de los escritoru Aragonu que florecieron desde el allo de 1500 hasta 1599, Pamplona, 1798, t. I, p. 2S025S. - J. GUILLEN, Un gran poeta latino del Siglo XVI, Antonio Seron, Bilbilitano, 1512-1569, Helmantica 68, Salamanca, Mayo-Agosto 1971, p. 209-272.

ELEGIARUM LIBER VII EPISTOLA CYNTHIAE AD SERONEM

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Hanc tibi moesta satis, quam mallet ferre, salutem Cynthia Seroni mittit arnica suo. Quid facis Antoni ? die, qua regione moraris ? Quae te conspectu fata tulere meo? 0 meritis ingrate meis, sic, Sero, puellam Deseris in luctu, Bilbilitane, tuam? Nec quae circumstent me deinde pericula cemis? Nec quibus immerser, dulcis amice, malis? Cur ego perpetior tantos, mea Vita, labores ? 0 utinam uenias, aura seconda, mihi ! Me Venus hestema solata est nocte querentem, Atque ait : ecce redit, Cynthia, Sero tuus. Mota fui dictis, dederam ter brachia circum, Amplectens uultus, impie Sero, tuos ; At tenues tua forma tamen discessit in auras, Et sedeo tristi peruigil inde toro. Quo fugis, exclamo, quid me, mea uita, relinquis ? 0 nunquam uotis, Sero, repulse meis 1 Dii tibi dent cursus faciles, uentosque secundos, Et petat optatum parua carina solum. Auguror, et timeo, ne, mea Vita, sepultam Inuenias ; corpus soluitur igne meum. 0 propera, ne te spatiosas differ in boras, Eripe me bis tantis, Bilbilitane, malis ! Si quaeris quid ago, lacrymo, fleo, lugeo, ploro, Maereo, lamentor, maceror, excrucior ; Soluitur in multos, Sero, tua Cynthia luctus, Sed te praesenti, laeta redibo. Veni.

ÉLÉGIES

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La triste Cynthie t'envoie un bonjour, mon très cher Seron, Qu'elle aimerait mieux porter elle-même. Que fais-tu, Antoine? Dis, dans quel pays peux-tu t'attarder? Quel sort te retient si loin de mes yeux ? 0 de ma faveur amant trop indigne, tu laisses ainsi, Seron, ta maîtresse à son désespoir ? Ne vois-tu donc pas quels dangers me guettent, ô mon doux ami? Ni de quels malheurs je suis submergée ? Pourquoi, ô ma Vie, dois-je supporter toutes ces souffrances ? 0 souffle pour moi, brise favorable l Vénus est venue, dans la nuit d'hier, consoler ma peine. c Cynthie, me dit-elle, ton Seron revient. > Emue par ces mots, par trois fois j'avais embrassé une ombre, Cherchant ton visage, Seron sans parole l Mais ta silhouette, dans l'air impalpable, s'est évanouie, Et je reste là, sur mon lit sans joies. Où vas-tu? criai-je, pourquoi donc, ma Vie, m'abandonnes-tu, Seron, qui toujours occupes mon oœur ? Que le ciel t'accorde un retour facile, des vents favorables, Que ton frêle esquif touche enfin au port. Je crois pressentir, et crains, ô ma Vie, que tu ne me trouves Déjà enterrée : mon corps se consume. 0 dépêche-toi ! Ne repousse pas l'heure du départ r Sauve-moi, Seron, de ce grand malheur ! Tu veux le savoir? Ma vie n'est que larmes, pleurs, cris et sanglots. Tristesse, affliction, souffrance et torture ; Ta Cynthie, Seron, risque de périr de ce désespoir. Mais si tu es là, je revivrai : viens.

ARIAS MONTANO (1527-1598)

Ce savant espapol naquit à Frexenal en 1527. D'une grande curiosité linguistique, il approfondit sa connaissance du latin, du grec et de l'hébreu, et s'intéressa aussi aux langues de l'Europe. Après avoir pris part au concile de Trente, 011 il accompagna l'évêque de Ségovie, il se retira en Andalousie pour se consacrer à l'étude. Le cardinal Cisneros fait appel à lui en 1568 pour diriger les travaux de la Bible polygotte royale qui paraît à Anvers, chez Plantin, en 1572. A l'occasion de son séjour aux Pays-Bas, Arias Montano se lie avec son imprimeur (qui éditera ses poèmes), Juste Lipse, et d'autres humanistes. D'après une étude récente, il aurait alors subi l'influence de la famille de la Charité et, de retour en Espagne, il aurait joué un rôle important dans le post-érasmisme espagnol sans être, comme on l'a pc~ndu, le héros de la Contre-réforme. Il refusa l'évêché que lui offrait Philippe Il et se contenta d'une pension et d'une place de chapelain du roi. Son prestige et sa disnité lui permirent de sortir indemne de la violente polémique suscit~ par son édition de la Bible. Il mourut à Séville en 1598.

Le nom d' Arias Montano est attaché avant tout à la réalisation de la Bible polyglotte d'Anvers. Selon B. Rekers, Montano, en tant que maître d'œuvre, se serait conformé aux normes fixées avant sa collaboration et n'aurait personnellement rédigé que les traités de la partie VII. Quoi qu'il en soit, Arias Montano reste une grande figure de cet &asmisme espagnol, qui se manifeste alors dans le biblisme. Plus radical encore qu'Erasme, il tourne Je dos non seulement à la scolastique du Moyen Age, mais même aux Pères de l'Eglise. Ce parti pris d'exépe littérale et d'agnosticisme métaphysique, que souligne M. Bataillon, donne à son œuvre poétique son unité philosophique et sa couleur stylistique. L'inspiration en est essentiellement biblique. Les Humanae salutis monumenta (1571), sont à cet égard démonstratifs. Ils s'organisent, en effet, suivant la chronologie même de l'Ancien et du Nouveau Testament, les deux sources divisant le recueil en deux parties à peu près égales. Les poèmes, le plus souvent en mètres lyriques, n'excèdent pas les dimensions de la page, et s'accompagnent, dans l'édition de Plantin, d'une gravure en regard projetant la scène précise (passage de la mer Rouge, figures de prophètes, épisodes de la vie du Christ, etc.) dont ils sont le commentaire ou plutôt la version poétique. Le texte n'apporte pas ici, comme dans la technique de l'Emblème, le dévoilement d'un sens symbolique, il est réaction émotive au tableau; d'où le titre de chaque pièce, ln tabulam...,. tableau réel ou mental, le rapport chronologique entre le

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ARIAS MONTANO

texte et l'image importe peu ici. Arias Montano donne à voir et à méditer, sans tirer l'exemple vers la glose ou le sermon. Le recours à la stylistique biblique de l'image reste mesuré dans les Humanae salutis monumenta, peut-être en raison de la proximité concurrente de la gravure. Mais il constitue fréquemment la progression des Hymni et Secula (1593). La méditation s'abandonne là à plus d'ampleur, mais le même souci de fidélité à l'Ecriture et de clarté d'exposition se retrouve dans le choix des sujets et leur présentation. Les six livres des Secu/a conduisent, à travers les strophes lyriques de leurs poèmes successifs, de la création du monde à la mort de Jésus, évoquant au passage les sacrements, les fêtes, les tentations et les devoirs de l'âme chrétienne. Les Hymni, plus soucieux de dogme, sans devenir théologie, adressent leurs longues prières aux trois éléments de la Sainte Trinité, et n'oublient pas anges et archanges. Les mêmes qualités de forme et de pensée soutiennent ce lyrisme, puissant et rigoureux, qui cherche plus à communiquer une foi qu'à convaincre, éloquence sacrée, que la concision des Monumenta porte peut-être à sa plus forte expression. TEXTES : Hllmanae salutis monumenta B. Ariae Montani studio constructa et decantata, Antuerp., 1571 •••. - Benedicti Ariae Montani Hispalensis Poemata in qllatuor tomos distincta, Antuerpiae, ex offic. Plantini, 1589. - Benedicti Ar. Montani Hymni et secula, Antuerpiae, ex officina Plantiniana, 1593. : T. GoNZALEZCAllVAJAL,Elogio historico del Doctor Benito Arias Montana, Memorias de la Real Academia de la Historia, t. VII, Madrid, 1832, p. 1-199. - P. U. GONZALEZDE LA CALLE, Arias Montana Umanista, Revista del Centro de Estudios Extremenos, 1928, Il, p. 17-170. - D. J. A. VASQUEZ, Arlas Montana, Madrid, 1949. - B. REKEllS, Benito Arias Montana, 1527-

ETUDES

1598, Studie over een groep spiritualistische humanisten in Spanje en de Nederlanden, op grond van hun briefwisseling, Groningen, 1961. - DoN Luis MOllALESOUVEll, Avance para la bibliografia de A rias Montano, Badajoz, 1928. - J. I..6PEZ DE Toao, Benito Arias Montana, Poeta laureatus, Revista de Archivas, Bibliothecas y Museos, Torno LX, 1, 1954, p. 166-188. M. BATAILLON, Erasme et l'Espagne, Paris, 1937.

HVMANAE

SALVTIS MONVMENTA

IN TABELLAM CHRISTI

APOSTOLOS LEGANTIS

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Saeclorum ueterum, praescripto ex ordine, finem Cena Deo uoluentibus annis Tempora protulerant ; hominum quoque magna per orbem Strata seges matura iacebat ; Agricolam iam cana suum cum terra uocaret, Et falcem expectaret acutam, Redderet ut foetas seruandi farris aristas Sed culmos quoque rursus inanes : Tune Domini messis natus summusque minister Orbis imago, auctorque nouandi, Selectorum operi tanto, duodena uirorum Ora tuens, sic fatur amice : 0 mihi praechari comites, socüque laborum Arcanique sacraria magni, Non uos parua manent discrimina, uertere missos Terrarum moremque modumque : Queis maris horrisoni fluctus ac dura uiarum Sunt adeunda pericula saepe : Non ut Erythraeas gemmas, ostrumque superbum, Nummorumue paretis aceruos, Sed magis ut nudi atque inopes patriaque remoti Vexati, instabilesque uagique Vulpibus infestisque lupisque rapacibus, agni Imbelles, blandaeque columbae Sitis, lux tenebris nimiumque furentibus aegris Fomentum medicique fideles. Ite igitur fortes et me duce et auspice magni Consilium curate parentis. Aetbereas sperate et opes, aetemaque sedis Sceptra meae et conuiuia mensae. (hex. cum dec. ale.)

IN TABVLAM CHRISTI

DE CRVCE DEPOSITI

ODE TRICOLOS TETRASTROPHOS

Qualem reuulsis frondibus ai.:sculum. Quam saeua ucntis bruma niualibus

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LES CHEMINS DE LA RÉDEMPTION SUR UNE IMAGE DU CHRIST DÉLÉGUANT LES APÔTRES

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Suivant rordre établi depuis l'aube des temps, le jour était venu, Sur les ans déroulés, De la fin du Seigneur. La moisson des mortels se couchait sur la Immense et déjà m0re. [terre, Déjà la terre blonde appelait son faucheur, déjà elle attendait Le fer bien aiguisé, Pour séparer le grain gonflant les beaux épis, en laissant après lui Une balle stérile. Alors le fils de Dieu et le grand moissonneur, symbole, initiateur Du monde rénové, Regardant dans les yeux les douze serviteurs choisis pour ce Leur dit avec douceur : [travail, c O mes chers compagnons, associés à ma tâche, et des secrets Futurs dépositaires, [de Dieu Grands seront vos périls : vous êtes envoyés pour changer la figure Et la face du monde ; Il vous faudra souvent affronter les remous de la mer mugissante, Et les dangers des routes, Et non pour ramener les gemmes d'Erythrée, ou la pourpre Ou l'or à profusion, [éclatante, Mais plutôt pour aller, nus et privés de tout, loin de votre patrie, Sans port et sans attache ; Pour être aux loups cruels, aux renards affamés, des agneaux sans Et de tendres colombes, [défense Lumière dans la nuit, et pour ceux que torture un mal impitoyable, Un baume, et sOr remède. Allez, et soyez forts : après moi, avec moi, achevez le dessein De mon Père divin : Vous pourrez espérer, avec les dons des cieux et le sceptre éternel, Une place à ma table. >

SUR UNE IMAGE DU CHRIST DÉPOSÉ DE LA CROIX ODE ALCAÎQUE LXIII

Quand le chêne a perdu son feuillage arraché Par le cruel hiver aux bourrasques de neige

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Orbauit umbroso nitore Terra parens doluit uidendo Quam post remissis frigoribus breuis Horae recepto robore uiuidam Ramosque crescentem priores Sperat auens bene prodituram ; Namque illa firmis indita stirpibus, Vires tenaci cespite protulit, Qua uiua subiecti caloris Vis penetrat, recreatque terras Talem dolenti pectore et intimis Perculsa Virgo uisceribus, truci Demissa ligno membra nati Conspiciens, gemit atque fulcit Quem culpa nostri sanguinis et nefas Omni carentem crimine presserat, Floremque delectum parenti Contuderat furiata turba : Ast efficaci numine compotem Vitae ualentem munera mortuis Praebere membris, et remotam Corporibus reuocare lucem, Tantisper almus dum ueniat dies, Et cedat atris nubibus obsita Nox illa, defunctum labore Certa fide genitrix manebat. (str. ale.)

LES CHEMINS DE LA RÉDEMPTION

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Et sa splendeur ombreuse, En le voyant gémit la terre maternelle ; Mais elle espère aussi, que passés les frimas De la saison d'hiver, retrouvant sa vigueur Et son élan vital, Il pourra de nouveau déployer sa ramure ; Car prenant dans le sol profondément racine, Il offrait son écran au gazon vigoureux, Tamisant du soleil Les rayons vivifiants qui raniment les terres. Ainsi le cœur brisé, frappée dans ses entrailles, Quand on eut de son fils arraché le cadavre A la croix sans pitié, La Vierge, en gémissant, reçoit sur ses genoux Le juste qui jamais n'avait commis de faute, Et que seul notre crime a conduit au trépas, Fleur chérie de sa mère, Anéanti de coups par la foule en furie ; Lui qui de son vivant, par l'effet de sa grâce, Avait eu le pouvoir de redonner la vie Aux membres déjà morts, Et de rendre à des yeux la lumière perdue ; En attendant le jour de la résurrection Qui chassera la nuit aux nuages obscurs, Voyant tout accompli, La Mère, avec confiance, à présent attendait.

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JUAN VERZOSA (1523-1574)

JUAN Vl!llZOSAnaquit à Saragosse en 1523. A quinze ans, il vint à Paris et y enseigna le grec. La guerre entre l'Espagne et la France oblige les Espagnols à sortir du royaume. Verzosa sc rend alors à Louvain où ses cours connaissent, malgré son jeune lgc, un prodigieux succès. Charles Quint, peu après, le fait venir à Ratisbonne. Il sc rend à Trente à l'époque du concile. Il devient le secrétaire de Don Diego de Mendoza. ambassadeur de Charles Quint, et l'accompagne à Rome, où il devait rencontrer Paul III. Il le suit aussi à Sienne où Mendoza avait ét6 nommé gouverneur de Toscane. Puis il passe en Angleterre à l'époque du mariage de Philippe II avec Marie Tudor (1554). Il retient l'attention de Don Gonzalo Perez, secrétaire de Philippe II. par l'étendue de ses connaissances politiques et son habileté. A la mort de Marie Tudor en 1558, il suit à Rome Don Francisco de Vargas, ambassadeur de Philippe auprès du pape Paul IV. Il y restera plusieurs années, comme secrétaire des ambassadeurs successifs, attaché à l'étude des archives du Vatican pour démontrer les droits de Philippe sur certains Etats. Cet érudit et fin politique, qui parlait avec la même aisance le latin, le grec, l'italien, lo fran• çais. l'allemand et l'anglais, suscitant partout l'admiration, meurt en 1574.

Deux courants prédominent dans la production poétique de Juan Ver7.058 : une recherche formelle d'épuration épigrammatique de l'expérience, qui inspire le recueil Charina siue Amores, exhumé par Ignacio de Asso, et un désir de faire entrer la diversité vivante des événements dans le cadre plus lâche de l'épître, qui nourrit les Epistolarum Libri IV (1575), rééditées en 1946. Cette facilité d'accès et leur valeur plus documentaire qu'esthétique nous autorise à écarter ces dernières. Elles ne sont point pour autant indifférentes. Le désordre de leur succession, la liberté de l'expression qui ne recule ni devant la syntaxe plus nonchalante du style parlé, ni devant la familiarité plautinienne du vocabulaire, la souplesse de l'hexamètre, brisé parfois jusqu'à adopter le naturel d'une prose rythmée (cf. Ad seruum I, 43) donnent une impression souvent plaisante d'improvisation. Le maître, bien sOr, est ici Horace, bien que Verzosa, qui n'hésite pas à souligner sa dette bien moins évidente à l'égard d'un Cicéron ou d'un Vugile, ne l'ait jamais avoué. Les confidences s'égrènent au fil de ces 148 lettres, d'un destinataire presque toujours différent, où l'on retient l'amour de l'Espagne natale (Ad Patriam I, 18), l'écœurement de la vie de cour (Ad Petrum Ximenem 1, 32), thèmes traditionnels à l'époque, dont la préoccupation moralisatrice n'est pas absente. Verzosa définit ainsi cette œuvre : c Je suis avare de publications, mais je ne pourrai éviter de faire une exception pour les Epistolae, tant on me presse de

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JUAN UERZOSA

tous côtés. Elles doivent certainement avoir quelque mérite puisqu'elles plaisent à toutes sortes de gens ; car étant morales, et traitant des choses de la vie, elles touchent l'âme. > A côté de ces mémoires en vers, qui nous donnent le reflet des préoccupations de la maturité, les Amores apparaissent comme une œuvre de jeunesse, reniée par le courtisan prudent qui songe à sa carrière. Or, leur qualité révèle un talent original. L'inspiration amoureuse n'est d'ailleurs pas chez Verzosa simple concession à une mode poétique; une lettre à Zurita qui accompagne le poème Cupido navigans, avoue une philosophie toute don juanesque : c Pour ce qui est des dames, ce ne fut pas dans un seul pays, mais en France, en Allemagne, en Italie, de sorte que je ne fus pas inconstant, car qui changeait de ciel pouvait bien changer d'amour. > Quant au poème qui date de 1555, il n'aurait pas été retouché : c Excusez-moi, ces vers sortent tels de ma poche et viennent d'être écrits. > Quelques répétitions négligentes accréditent cette rapidité d'écriture, mais la drôlerie gracieuse de l'idée témoigne de la vivacité de l'imagination comme d'une spirituelle distance à l'égard de la préciosité. Les Amores relèvent d'une technique plus élaborée. Point ici de jeu d'imagination, point non plus de recherche artificielle du trait. Ces épigrammes aboutissent souvent à une formule serrée, mais toujours logiquement déduite. La finesse est préférée à l'ingéniosité, et la pertinence à la surprise. L'antithèse devient équivalence stylistique du conflit psychologique, la rhétorique se fait instrument d'analyse. La préciosité renonce à simplement séduire et l'esprit fouille le cœur. L'art de Verzosa se manifeste et se définit dans cette justesse élégante, légère mais non superficielle, rigoureuse sans froideur. TEXTES : Epistolarum Libri Ill, Palermo, 1515 (œuvre posthume); Alcala, 1577. - Ioannis Verzosae Charina siue Amoru, ed. I. de Asso DEL Rio, Amstelaedami, 1781 Epistolas de Juan Verzosa, estudio, traducci6n y notas de J. L6nz DE ToRo ; Clasicos Espaiioles Il, Consejo superior de investigaciones cientificas, Madrid, 1945.

°•. -

E'IUDES : Don Felix DE LATASSA, Biblioteca nueva de los escritore.rAragoneses que florecieron el ano de 1500 hasta 1599, Pamplona, 1798, t. 1, p. 301-309. - J. L6PEZ DE TOllO, op. cit.

CVPIDO NAVIGANS

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1am uastum lacrymis meis Currebam pelagus, cum Veneris puer Defessus iaculis latus Laeuum figere crebris, spatium suis Et tempus furiis dabat. Non flabat Boreas, nec Notus impotens Verum aurae Zephyri leues Spirabant placidis undique flatibus. Captus tempore maris, Captus lenibus auris, memor artium Matris Cyprigenae, immemor Alarum uolucrum, de pharetra leuem Lembum conficit ; aureo Malum de iaculo forte superstite : Vitta ex purpurea rati Non iam caecus amor carbasa commodat ; Confestim tenero genu Arcu e flexibili remigium parat Et neruo reticula. Vis o summa Dei, nauigat et uolat, Alis uenit, abit trabe : Seruatus lacrymis sic ego sum meis, Et concham putat is iocum, Nec cum matre Gnidon iam petit, aut Paphon. (glyc. uel pherecr. et asclep.)

CHARINA SIVE AMORES II DE SVA MAESTITIA AC NATVRA AMORIS

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Me ducat miserum nemo, quod tristis ubique Conspicior ; nulli sit mea poena grauis. Nemo ullis lacrymis lacrymas comitetur amantis, Sed sinat in propria uiuere maestitia. Ne me inopem quisquam mentis putet esse, quod orba Mente, mihi e tristi pectore uerba cadunt. Gaudia namque latent in tanto summa dolore, Et mens in medio sana furore mca est.

LA BARQUE DE CUPIDON

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J'errais sur l'océan Immense de mes larmes, quand l'enfant de Vénus, Fatigué de cribler Mon flanc de mille traits, fit enfin une trêve Et mit fin à sa rage. Borée ne soufflait plus, ni le furieux Notus, Mais le Zéphyr léger, Au souffle caressant, murmurait alentour. Séduit par l'accalmie Et par ces douces brises, enviant les talents De sa mère Cypris, Et oubliant ses ailes, de son carquois il fait Une frêle nacelle ; Le grand mât, d'un trait d'or qui restait par hasard. De son bandeau de pourpre, Amour naguère aveugle, arrange la voilure ; Sur son tendre genou, Il redresse son arc pour en faire une rame ; Le nerf devient écoute. 0 puissance du Dieu : il navigue et il vole ; D'un coup d'aile il arrive, Il part d'un coup de rame, et mes larmes me sauvent. Lui se rit de la conque, Et ne suit plus sa mère à Gnide ou à Paphos.

CARINE OU LES AMOURS II SUR. SA TRISTESSE ET LA NATURE DE L'AMOUR.

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N'allez pas penser que je suis à plaindre, en me voyant triste, Et que mon chagrin n'afflige personne. N'allez pas vous croire obligés de joindre à mes pleurs les vôtres ; Qu'on laisse l'amant jouir de sa tristesse. N'allez pas juger que je perds la tête, voyant mon délire Et ces mots dictés par le désespoir : Car si grand chagrin dissimule en fait un profond plaisir, Et en plein délire, j'ai la tête froide.

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XVII DE CORDE ET LINGVA

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Cor iubet ut dicam cupio quod dicere : iussis Cum se lingua parat, muta repente silet. Cor linguam incusat, proprium quod deneget usum Cum sit sermonis nata ministerio. Lingua refert se uelle loqui, sed corde uetari, Quod sibi nescio quos obiicit usque metus. Verbaque, si loquitur, nil proficientia fundit, Cordeque uirtutem debilitante cadit. Sic dum cor linguae, cordi dum lingua repugnat, Quotque tuli, taceo tot mala, quotque fero. XXXII DE SE

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Qualis eram, cum non noram quidnam esset amare ? Qualis eram ? Arbitrii certe ego uictor eram. Victor eram, et moderata mihi quodcumque uoluntas Dictabat, factu perfacile illud erat. Nunc neque quid cupio scio, nec quid denique possum, Nec quid difficile est, nec scio quid facile. Sed scio quod capitur quoties mihi parua uoluptas Anteit et simul est, subsequiturque dolor. XL

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Cum te conspicio nigris infixus ocellis, Nec uolo quod cupii, nec uolo quod cupiam, Laudo astus Veneris, certosque Cupidinis ictus, Et laudo uitae prouida fata meae, Et laudo uigiles curas saeuosque dolores, Illorumque ingens hoc capio pretium, Et laudo quod te fuerim compulsus amare, Sis quamuis saxo durior et chalybe. LVI

VBIQUE SIBI PRAESENTEM ESSE CHARINAM

Effigiem Antipheron propriam cernebat ubique, Mi propria occurris cbarior effigies. Appulus aestiuo catulus quem dente momordit, In solis illi se fcra monstrat aquis.

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XVII CŒUR ET LANGUE

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Cœur m'enjoint de dire ce que je veux dire : à lui obéir Langue est toute prête, mais soudain se tait. Cœur accuse Langue, de ne pas vouloir faire son travail C'est elle en effet l'agent du discours. Langue lui répond qu'elle veut parler mais que Cœur l'empêche En lui insufflant une vague crainte. Veut-elle parler, les mots prononcés restent sans effet, Cœur la décourage : elle s'interrompt. Et pendant le temps qu'ensemble ils se battent, je laisse à penser Les maux que j'ai pu et peux endurer. XXXII SUR LUI-MftME

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Quel était mon sort tant que j'ignorais ce que c'est qu'aimer? J'étais maître au moins de mes décisions; J'en étais le maître; ce que me dictait une volonté Bien tenue en bride était fait sans peine. Lors je ne sais plus ce que je désire, ce que je puis faire, Ce qui est fac ile ou bien difficile. Je sais seulement que toujours la peine à la fois précède, Accompagne et suit le moindre plaisir. XL

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Quand je te contemple, et me noie au fond de tes beaux yeux noirs, Privé de désirs, comme de regrets, Je bénis alors les tours de Vénus, et de Cupidon Les traits assurés, je bénis Je cours De ma destinée, les soucis tenaces, les douleurs cruelles, Dont un grand bonheur me paie à usure, Je bénis le sort de m'avoir poussé à t'aimer ainsi, Aurais-tu un cœur de pierre et d'acier. LVI QUE CARINE S'OFFRE PARTOUT À SES YEUX

Si Antipheron croyait voir partout sa propre effigie, Je crois voir la tienne, plus chère à mes yeux. Celui qu'a mordu au cœur de l'été un chien d' Apulie, Dans l'eau seulement aperçoit Je fauve.

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Ast ego dente tui rabioso morsus amoris, Te uideo in terris, te uideo sub aquis. LX DE SVA DIFFICVLTATE

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Possem si cuperem, cuperem si rumpere possem Hos laqueos, uerum nec queo nec cupio. Et latet an nolim, an nequeam ; nam saepe nequire, Saepe, licet possim, nolle mi uideor. Ecquis in bas Syrteis me compulit, unde retrorsum Nec misero regredi, nec procul ire licet? LXVI AD CHAIUNAM

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Grata prius fuerat te propter uita, placebat Te propter, dulce est quidquid in orbe mihi. Despexi reliquas te propter, ut una medullis Vna fores nostris indita uisceribus. Spes nunc ira meas postquam affecit inanes, Candorisque mei ducor in inuidiam, lngrata est uita haec, et negligor omnibus unus, Tuque manes nostris indita uisceribus.

CARINE OU LES AMOURS

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Mais moi, qu'a mordu comme un enragé cet amour de toi, Je te vois sur terre et te vois dans l'eau. LX SUR SES DIFFICULTÉS

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Si je voulais rompre, je pourrais le faire, et vice versa : Mais je ne le peux ni ne le désire. Et je ne sais pas si manque la force ou la volonté : Force et volonté tour à tour j'accuse. Quel vent m'a jeté contre ces écueils? Je ne peux, hélas 1 Ni m'en arracher, ni aller plus loin. LXVI

À CARINE

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De ma vie, naguère, tu faisais le charme : tu rendais pour moi A tous les plaisirs leur vraie séduction. J'ai laissé pour toi le reste du monde, pour que tu sois seule Au fond de mon âme, au fond de mon oœur. Mais quand ta colère a marqué la fin de mon espérance Et que j'ai maudit ma candeur première, Ma vie a perdu pour moi tout son charme, on m'a délaissé, Mais tu es toujours au fond de mon cœur.

LA FRANCE

La France, qui a été le centre de rayonnement de la culture aux xu• et xni- siècles, mais dont l'élan s'était peu à peu bien affaibli, se réveille à l'aube du xvi- siècle grâce aux contacts établis avec l'Italie par les voyages, les guerres (six expéditions de Charles VII à François r,, mais aussi le commerce, la banque, le séjour en France de diplomates, de professeurs, d'artistes. L'Université de Paris se transforme la première, sous l'impulsion de personnalités marquantes : le recteur Guillaume Fichet fait installer en 1470 à la Sorbonne la première imprimerie ; avec son disciple et successeur Robert Gaguin, il développe l'enseignement de la rhétorique; des Italiens, Béroalde, Fausto Andrelini, Lascaris, Aléandre, sont invités à expliquer les classiques latins et grecs. Des religieux comme Nicolas Barthélemy, des ecclésiastiques comme Germain de Brie, des théologiens comme Lefèvre d'Etaples, formé à l'école de Ficin et de Pic de la Mirandole, de grands bourgeois, hauts fonctionnaires, comme Guillaume Budé, des nobles comme Guillaume et Jean du Bellay, grands mécènes lettrés, sont les artisans de la nouvelle culture, humaniste et chrétienne. Bordeaux est fière de son Collège de Guyenne, rival des collèges parisiens de Boncourt ou de Coqueret ; Lyon, où séjourne la Cour, de ses ateliers d'imprimerie ; Toulouse, Bourges, où enseigne Alciat, de leurs Facultés de droit, Montpellier, de sa Faculté de médecine. Les cours ecclésiastiques, comme celle d'Agen, où réside Scaliger, sont d'actifs foyers d'italianisme. Enfin le roi François r•, « père des lettres >, ouvre la bibliothèque de Fontainebleau et surtout en 1530, exauçant le vœu de Budé, fonde le collège des lecteurs royaux, la « trilingue et noble académie > (Marot), futur Collège de France. De l'Italie, qu'on veut égaler, on répudie en général le paganisme, mais on se forme à la science italienne, en même temps qu'on regarde vers Erasme. Ce sérieux même du premier humanisme français rend le conflit inévitable entre une Faculté de théologie restée fidèle à la méthode scolastique et les « évangélistes > qui prônent le retour au pur texte et l'esprit de libre examen. Après la condamnation des thèses de Luther, la Bible française de Lefèvre est livrée aux flammes et lui-même doit s'exiler, Louis Berquin, traducteur d'Erasme, est

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LA FRANCE

brûlé en 1529, Dolet, Marot sont inquiétés. La création du Collège royal est accueillie comme une victoire sur l'obscurantisme, et les poètes néo-latins, un Nicolas Bourbon, un Visagier, témoins et acteurs de la partie qui se joue, ne manquent pas d'en tirer les conséquences pour les lettres, mais aussi pour l'épuration de la foi. La cause des Lettres est gagnée en effet : d'où peut-être le ton plus détendu des œuvres qui naissent vers le milieu du siècle, et qui sont marquées d'une qualité nouvelle : l'élégance. Ainsi des Odes et des Hymnes de Salmon Macrin, salué comme « l'Horace français » ; ainsi des Iuuenilia de Marc-Antoine Muret ou de Théodore de Bèze, que les éditeurs de l'époque associent volontiers aux productions légères des Italiens ou de Jean Second. Mais dans le domaine spirituel, après l'affaire des Placards (1534), la conciliation entre la science et la foi, voulue par l'évangélisme, s'avère impossible. Tandis que le calvinisme définit sa propre doctrine en 1536, le parti de l'orthodoxie, soutenu désormais par le ·roi, se raidit dans son intransigeance. Dolet est brOlé en 1546. Pendant la deuxième moitié du siècle, de 1560 (conjuration d'Amboise) à 1598 (édit de Nantes), la France de Charles IX, Henri Il, Henri m, Henri N est déchirée par la guerre civile. Les poètes ont pris parti : Dorat dans le camp catholique, Bèze dans le camp protestant ; les épîtres latines de Michel de l'Hospital expriment l'angoisse d'un grand honnête homme de l'époque en face de l'esprit d'intolérance. Autre fait capital de cette deuxième moitié du siècle : en 1549 Joachim du Bellay publie sa Défense et Illustration de la Langue française ; les Odes de Ronsard paraissent en 1550 : c'est l'annonce du triomphe de la jeune école poétique de langue française. Mais il est notable que les nouveaux poètes puisent leur sève aux mêmes sources que les néo-latins. C'est Dorat qui a formé Ronsard, dont Muret commente les Amours. Prenons garde aussi que les néo-latins ont souvent été, comme Dolet, parmi les plus ardents partisans de la langue nationale. Inversement, les poètes de la Pléiade, Baïf, Belleau, Ronsard, du Bellay lui-même, relâchant de l'intransigeance du premier programme, se piquent de composer en latin. Théodore de Bèze excelle dans les deux langues. Non seulement le latin demeure la langue de l'humanisme savant, mais il sert encore la littérature militante et tient sa place dans les livrets des entrées triomphales. Il restera longtemps un moyen naturel d'expression pour la haute bourgeoisie et la noblesse de robe, et son ornement : en témoignent, au tournant du siècle, les œuvres de Jacques-Auguste de Thou ou de Nicolas Rapin, ou de Jean Bonnefons, dont les délicieux poèmes sont aussitôt transposés en vers français par son ami Gilles Durant.

LA-FRANCE

ORIENTATION

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BœUOGRAPHIQUE

L BTODESomœaALES

HISTOIRE ET CIVIUSATION: B. LAVISSE, Histoire de France; t. V 1 (Lu gue"a d'Italie. La France sous Charla VIII, Louis XII et François 1•r) et V• (La France sous Henri Il) par H. LEMONNIER, Paris, 1911; t. VI 1 (La Réforme et la ligue) par J.H. MARŒJOL, Paris, 1911. J. BABBLON, La dvUisation française de la Renaissance, Tournai-Paris, 1961.

BIOGRAPHIES: Scévole de SAINTE-MARTHE, Gallorum doctrlna illustrlum qui nostra patrumque memoria floruerunt elogia, 1602 ; Dom ÜllON, Bibliothèque générale des auteurs de France, 1. 1, 1719; DESBSSAllTS, Lei siècles littéraires de la France, ou nouveau dictionnaire historique, critique et bibliographique de tous les écrivains français jusqu'à 1800, Paris, 1803 (7 vol.) ; E. PICOT, Le, français italianisants au l&i s., Paris, 1906. HUMANISME : A. LBPRANc, Hilloire du Collège de France depuu 1u origines jusqu'à la fin du premier Empire, Paris 1893 ; J. PACQUŒll, L'Université de Paris et l'humanisme au début du XVI" siècle : Jér8me Aléandre, in c Revue des questions historiques >, 1898-1899; A. RENAUDET, Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d'Italie (1494-1517), Paris, 1916, rééd. 1953; m.• Humanisme et Renaissance, Genève, 19S8; L FÈVRE,Au cœur religieux du xvt siècle, Paris, 1957 ; Pensée humaniste et tradition chrétienne aux XV° et xvt siècles, Colloque international du C.N.R.S., Paris, 19S0; J. BAHATB. Budé und Calvin, Studien :z:urGedanlcerrwelt des Fran:z:osischenFrühhu.manismus, Graz. 1950 ; F. SIMoNB,Il Rinascimento francese, Studl e ricerche (Bibli. di st. francese, 1), Turin, 1961. LITTÉRATURE NOO-LATINE : D. MUllAllASU,Les poètes néo-latins et la Renais.rance des lettres antiques en France (1500-1549), Paris, 1928; A. HuuJBEI, Virgile en France au XVI• siècle, in c Rev. du xvt siècle >, XVIII, 1931 ; m.• L'églogue en France au XVI" siècle, époque des Valois (1515-1589), Paris, 1938; R. I...BBÈOUE, Horace en France pendant la Renaissance, in c Humanisme et Renaissance >, IV (1937), p. 141, 289, 384; P. BAllRIÈRE,La littérature française de langue latine, in c Lettres d'Humanité >, VI (1946), p. 167-189; M. MORRISON, Catullus ln the neo-latin poetry of France before 1550, in c Bibl. d'Hum. et Ren. >, XVII (1955), p. 365-394 ; F. JoUKOVSKI, La gloire dans la pouie française et néo-latine du xvt siècle (Des Rhétoriqueurs à Agrippa, d'Aubigné), Genève, 1969 ; ID., Tombeaux et offrandes rustiques chez les poètes français et néo-latins du xvt siècle, in c Bibl. d'Hum. et Ren. >, XX.VII (1965), p. 226 à 247; J. IJSEWIJN, Le latin des humanistes français : évolution et étude comparative, Colloque international de Tours (14• stage), c De Pétrarque à Descartes > XXIX, Paris, 1973, p. 329-342. 2. RECUEILS DB TEXTES (RANvnVs GHBRVS), Delitiae poetarum Gallonun, Francfort, 1609 (3 vol.); Amoenltates poeticae, siue Th. Be:z:ae,M. Â. Muretl et J. Secundi Iuuenilia: tum J. Bonefonil Panchari1, J. Bellai Amoru, etc., Lyon, 1779.

JAN GRUTER

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ROBERT GAGUIN (1425 ?-1501)

N6 à Colline-sur-Lys, près de B6thune, ROBERT GAGUINfait ses premières 6tudcs au monastère de Pr6avins (où il mourra) ; il entre chez les Trinitaires qui l'envoient à Paris étudier la théologie. A l'université de Paris il étudie le droit canon et les belles-lettres avec l'italien Tifemas et le Français Guillaume Fichet. En 1464 il succède à ce dernier dans la chaire de rhétorique, enseigne aussi le droit canon et devient doyen de la Faculté. En 1475 il est nommé général de son ordre. Louis XI, Charles VIII le chargent de diverses ambassades, en Allemagne, à Rome, en Angleterre. On lui donne peut-être la charge de bibliothécaire royal, en tout cas le soin des Antiquités nationales, et on le consulte sur les affaires politiques. Son importance est grande dans le mouvement des idées et de la culture : il a contribué à discréditer les disputes scolastiques. Son œuvre historique, le Compendium supra Francorum gestis a Pharamundo rege usque ad annum 1491 (Paris, 1492), souvent r66dité, servira de base à bien des travaux historiques. Ses Lettres et Harangues sont précieuses pour la connaissance de l'homme et de ses préoccupations. Gaguin a composé aussi des traités et des poèmes religieux, comme la Decantatio contra Vincentium ... de intemeratae Virginis conceptu (Paris, s.d.) et le Carmen de Puritale Conceptionis B. Virginis Mariae. La part de l'humaniste est représentée par des commentaires de César, une 6dition de Lucain, un Glossarium latinum, adressé à Louis XI, et par un traité sur l'Ars uersificatoria. Il meurt en 1501.

Dans la lettre dédicace de l' Ars uersificatoria adressée à Charles II d'Anjou, Oaguin assignait pour but à la poésie de servir Ja morale et la foi. Bien plus, donc, que le badinage anodin Sur une hôtesse de Vérone, c'est le Poème sur l'immaculée Conception, la plus importante de ses compositions religieuses, qui est caractéristique et de la personnalité de Oaguin et, par le débat qu'il introduit, de la spiritualité de son époque. Rappelons rapidement les termes de ce débat : Ja bulle lneffabilis Deus a mis fin, en 1854, à des siècles de discussions passionnées, combat de la raison et du sentiment, où celui-ci finit par l'emporter. Le dogme de l'immaculée Conception est inconnu en effet des premiers et même des seconds chrétiens : on n'en trouve trace ni dans les Evangiles, ni chez les premiers Pères : tout au plus saint Augustin admet-il que le corps de Marie ait pu être purifié au moment de la conception de Jésus. Néanmoins, les théologiens du Moyen Age, portés par le courant de piété populaire, crurent pouvoir faire remonter cette purification à l'époque même de l'animation, puis de la conception de Marie. En vain saint Bernard, comme Innocent III, dénoncent-ils comme superstitieuse la fête de la Conception, venue s'ajouter à la fête de la Nativité : dès le x1vesiècle,

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ROBERT GAGUIN

le franciscain Dun Scot (le Docteur subtil) défend la nouvelle croyance contre les dominicains. Au début du xve siècle, à la suite de Gerson, la plupart des théologiens français et le concile de Bâle inclinent à y voir une c vérité récemment révélée > ; mais c'est dans la trente-sixième ses-sion du Concile, quand celui-ci, après l'anathème d'Eugène IV, a perdu son caractère œcuménique. L'opposition entre c maculistes > et c immaculistes > reste vive en Allemagne ; en Italie aussi, où le dominicain Vincenm Bandello, plus tard général de son ordre, publie deux opuscules (1475 et 1481), procès-verbal d'une discussion, défavorable à la thèse, tenue à Ferrare sous la présidence d'Hercule d'Este. Voilà l'adversaire que réfute Gaguin dans son Carmen de puritate Conceptionis.Le poème se recommande par sa forte armature logique, par la précision des détails, qui a scandalisé ceux qui n'ont pas compris le vrai fond du débat ; mais aussi par des mérites littéraires qui le mettent bien au-dessus des simples ouvrages polémiques. Le sérieux du théologien s'allie à la passion du croyant et n'exclut pas l'ornement de l'homme de lettres. Ses raisons de sentiment, l'auteur les présente avec force, parfois avec grâce, dans une langue parfois obscure par sa technicité, et qui fait regretter l'absence d'un bon dictionnaire du latin théologique. Mais le vers est déjà remarquable par sa fermeté. Ces qualités font du De puritate un document précieux sur ce qu'on appelle l'humanisme de la théologie monastique et plus largement sur la culture intellectuelle de la fin de ce xvesiècle français qui n'est pas encore la Renaissance,bien qu'on puisse discerner les signes d'un réveil prochain. TEXTES : R. Gaguini, Opuscula uaria et Carmen de puritate Conceptionis B. Virginis Mariae, Paris, 1498 •••; Ars uersificatoria et carmina diuersa, Paris. 1.d.; L'lmmaculle Conception de la Vierge Marie, pœme de R. Gaguin, suivi de poésjes diverses, traduction et texte latin en regard, par A. BoNNEA.v, Paris, 1885 ••. DE VAISSIÈRE, De Rob. Gaguini, ministri generali1 ordinis Sanctae Trlnitatû, uita et operlbw, Austrici Camutum, 1896 (u-e).

E'IUDES : P.

CARMEN DE PVRITATE CONCEPTIONIS BEAT AE VIRGINIS MARIAE 155 « Prae facto res est, precedunt uasa liquorem : Ergo praeit lucl sanctificanda parens ; Ergo Maria priusquam lumine clara niteret, Fusca fuit labe carnis originee. > In cyrpo nodum et festucam in stramine queris, 160 Queris et in liquido lumen et astra polo. lngens artificis suspendit gratia le_gem, Purius ut matrem fingeret etheream. Principio tota (laxa caligine) fulsit, Et plene irradians praeualuit nebulis. 165 Haud aliter fulgor, suppulsa nube, choruscus Promicat, et pura lampade lustrat humum. Aspice dum mentem carni Deus indit ab alto, Et creat et fundit uiuificatque simul : Sic uitam et lumen, uno spiramine, Matri 170 Contulit, instantis nulla minuta sequens. Extrema dum gente petunt connubia reges, Nonne uides prompte libera multa dari ? Nuntius it prepes, qui flumina, castra, meatus, Regine expandat, tota tributa uetet. 175 Plebs omnis festiua canit, uacat ipse Senatus, Vna omnes nuptam plausibus excipiunt. Stans naui exactor non instat querere naulum, Non hyat ad stippem ianitor edituus. Preterit interea immunis regina tributum, 180 Libera fit sponsi munere tota sui. Haud minus adscitam tbalamis regalibus, Anne Progeniem rerum machina leta colit. Serua Dei Natura audit quaecumque iubetur, Et tremit egra caro, se retegente Deo. 185 Callidus et culpe coluber suggestor inique Temperat occultis prodere se latebris. Hoc more exurgens terris liberrima Virgo, Exuperat tenebras sydere fulgidior. Vlla nec infecit gignendam feda libido : 190 Qua prurire patres qui potuere sacri ? Cur neget alma fides sudoris more liquari Semina posse uiris, dum pia uota gerunt ? Atque equidem credo, salua pietate, Mariam Pruritu nullo germinis esse satam. 195 Si potis est iactum stertenti abducere semen lncubus, et fetus inde fouere nouos,

L'IMMACULÉE 155

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CONCEPTION

Le sujet précède l'acte, le vase préexiste à la liqueur : donc, la mère préexiste à la lumière sanctifiante, donc Marie, avant de briller d'une radieuse clarté, fut offusquée par la tache originelle de la chair. > Mais tu cherches là des nœuds dans l'osier, des brins de paille dans la litière, des astres étincelants dans la nuit claire ! Car la grâce infinie du Créateur a pu suspendre la loi universelle afin de créer plus pure la mère céleste. C'est dès le premier instant qu'elle resplendit, sans la moindre ombre, lumineuse, et des nuages victorieuse. Ainsi le soleil, dissipant les nuées, darde-t-il ses rayons, quand, de son pur flambeau, il visite la terre. Et quand Dieu, du haut du ciel, fait descendre l'âme dans la chair, d'un même geste, tu le vois, Il façonne la créature et lui insuffle l'âme et la vie. De même, la vie et la lumière furent données à Marie d'un même souffle, sans le moindre intervalle. Quand les rois envoient quérir une épouse en pays éloigné, ne vois-tu pas tous les privilèges dont elle jouit aussitôt ? Un messager la précède, qui ouvre à la future reine les fleuves, les places, les routes, sans qu'elle ait à payer tribut. Le peuple tout entier entonne des chants d'allégresse, le Parlement se met en vacances, tous, applaudissant, viennent au-devant de l'épousée. Debout sur le navire, le contrôleur n'exige pas le prix de la traversée, au temple le sacristain ne lui demande pas son offrande, cependant qu'elle s'avance, exonérée, totalement libérée par la grâce de son époux. - A plus forte raison la fille d'Anne, appelée à la royale couche, est-elle honorée par l'univers en liesse. Servante de Dieu, la Nature est docile à tous ses ordres, la chair corrompue tremble quand Dieu se découvre dans sa majesté ; quant au serpent, malin tentateur, il se garde bien de sortir des ténèbres de sa cachette. Voilà comment se leva sur la terre la Vierge libre de tous liens, voilà comment elle éclipse les ténèbres et brille d'un éclat plus pur que l'étoile. D'ailleurs aucun désir honteux ne souilla sa conception. Comment ses parents auraient-ils pu ressentir rien de tel en leur sainte union? Pourquoi la foi nierait-elle que, comme la sueur, la semence peut se sécréter chez l'homme pendant qu'il nourrit de saintes pensées? Je crois, quant à moi (sauve la piété), que Marie n'est pas née d'un prurit séminal. Car si l'incube est capable de soustraire sa semence à un homme endormi pour en former c

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ROBERT GAGUIN

Cur hominis uirtus, usu firmata pudico, Necnon et iugi trita labore caro, Non sese excutiat dum format semine prolem, Et reddit casto debita iura thoro ? Assit praesertim si magni iussio Regis, Qualis in amplexu cum tulit Anna uirum. Die uacat noxa, nec stat pollutus Oseas, Castus in assumpta dum meretrice coit. Stat uirtus Domini fortis disrumpere celos, Et te nubifragis perdere fulguribus. Ecce adeo egrotum crucians agit ignea febris, Afflicto ut maneat nullus in ore sapor ; Et fidei plerosque calor pietasque perurit, 1am nudo ut prunas spemere calce queant. Cantauit Daniel flammis circumdatus hymnos ; Num cratem martir pertulit intrepidus? Gratia cur nequeat, arctato fomite luxus, Claudere dissuetis regna libidinibus ? Stoycus exacte scrutatus plurima, certat Munere uirtutis sistere sic animos, Vt nullo insultu titubent. Tanti ualet usus, Suetus et a teneris uincere dura labor. Sopit et ars camem quam scindere durus aliptes Audeat ; illa nichil sentit, abitque dolor. Adde quod et patulo spectamus lumine multa, Extasis bec eadem cemere sepe negat, Constitit ad modulas ceu saxum immobile nupta, Nec dulci fracta est carmine Cecilia. Non titillat odor spirans opobalsama nares, Cum male mundus olet, et bene Christus olet. Tangimus, olfacimus, audimus, uescimur, atque Possumus illesi cemere criminibus. Quid cause dicas, cur non domet ignea uirtus Lasciuum in membris atque petulca liget ? Sacro igitur compluta caro diuinitus imbri, Dans operam gnatis, non cupit et generat. Non dederim cunctis hoc munus, sed quibus alget Mens uicio, et totam spiritus intus alit. ..

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afflicto : afflicte 1498.

L'IMMACULÉECONCEPTION

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des fœtus, pourquoi la force de l'homme, accrue par une vie chaste, macérée par la pratique de l'ascèse, ne se sublimerait-elle pas quand, de la semence, elle crée un enfant et rend au chaste lit le devoir conjugal ? Surtout si c'est la volonté du Roi toutpuissant, comme lorsque Anne reçut dans ses bras son époux ? Osée est exempt de faute et reste pur de souillure quand, chaste, il prend la prostituée et la féconde. La vertu du Dieu fort peut fracasser les cieux et te foudroyer de son tonnerre briseur de nuages. Voici qu'une fièvre brûlante tourmente à tel point un malade que sa bouche n'est plus sensible à la moindre saveur; pour maints autres, l'ardeur de la foi et de la piété les brfile si fort qu'ils peuvent, les pieds nus, fouler les charbons ardents ; Daniel, au milieu des flammes, chante des hymnes ; un intrépide martyr • n'endura-t-il pas le gril ? Pourquoi la grâce ne pourraitelle pas, étouffant le feu de la luxure, bannir du cœur de l'homme toute concupiscence. Le stoïcien, qui a étudié tout cela fort minutieusement, soutient que l'âme acquiert, grâce à la vertu, une telle fermeté qu'aucun assaut ne saurait l'ébranler : tant a de pouvoir l'ascèse, et l'application mise dès l'enfance à surmonter l'adversité. L'art lui-même endort la chair, pour que le chirurgien implacable ose l'amputer. Ajoute que dans notre état normal nous voyons beaucoup de choses que le dévot en extase affirme ne pas apercevoir. Exposée aux séductions de la musique, l'épousée reste aus.,i froide qu'une statue ; la vertu de sainte Cécile n'est pas entamée par les blandices du chant : les parfums les plus odorants ne chatouillent pas les narines, quand le monde sent mauvais et que le Christ sent bon. Ainsi nous pouvons toucher, sentir, entendre, go0ter, sans contracter de souillure : pourquoi, dans ces conditions, l'étincelle divine de la vertu serait-elle incapable de dompter et d'enchaîner les penchants voluptueux de notre chair? Concluons donc que la chair, saintement arrosée de la pluie sacrée, et attentive seulement à procréer, engendre sans souillure. - Je ne crois pas, il est vrai, que cette grâce soit donnée à tous : elle est le privilège des Ames réfractaires au vice, des âmes entièrement nourries par le souffle de l'esprit. ..

JULES-CÉSAR SCALIGER (1484-1558)

Si l'on suit, comme incline à le faire le dernier biographe de ScAUGER, au lieu des allégations malveillantes de Gaspard Schoppe (Scioppius, Scaliger Hypobolimaeus, Mayence, 1607), le récit de Joseph-Juste (Epistola de Vetustate et splendore gentis Scaligerae, Leyde, 1594; Confutatio stultissimae Burdonum fabulae, Leyde, 1608), notre poète serait né en 1484 de la famille des Della Scala, princes dépossédés de Vérone : d'abord page de Maximilien, puis protégé d'Alphonse d'Este, il aurait servi vaillamment la France dans le nord de l'Italie - tout en faisant de solides études de lettres et de médecine. Antoine de la Rovère, nommé év&iue d'Agen, l'emmène dans cette ville en qualité de médecin personnel. Scaliger va s'y fixer pour toujours, retenu par les charmes de la très jeune Andiette de la Roque, qu'il épouse après avoir obtenu ses lettres de naturalisation sous le nom de Lescale, et à qui il donnera quinze enfants, dont l'un est presque plus célèbre que lui. Il ouvre à Agen une école de médecine, où viendra un moment Rabelais ; il est un des premiers à défendre la méthode expérimentale et compose le premier traité de botanique moderne ; le roi de Navam, le nommera bientôt son médecin ordinaire. Il fréquente la petite cour de Costanza Rangona, veuve d'un diplomate génois tué au service de François 1••, qui a fait don à la famille du château de Bazens. Il est aussi lié avec Buchanan et les Gouvea. Mélanchton lui rend visite. Sa polémique contre le Ciceronianus d'Erasme a établi sa réputation de philologue (il s'en prendra plus tard aussi vivement au traité De subtilitate de Cardan) ; il donne la première grammaire latine scientifique, les Lois du Latin ; pendant les dernières années de sa vie, il travaille aux sept livres de sa Poitique, publiée après sa mort, survenue en 1558. Les poésies latines, dont plusieurs recueils avaient paru de son vivant (Noua Epigrammata, 1533 ; Poemata ad lllustrissimam Constantiam Rangoniam, 1548), ont été réunies et publiées par son fila Joseph-Juste (Poemata omnia, 1574).

Si Gaguin, par sa formation, sa position, et la nature même de son

œuvre, repr6sente bien les possibilités de fécond renouvellement de l'humanisme parisien monastique, Scaliger (comme un Callimachus en Pologne) représente le ferment, à bien des égards décisif, de l'apport italien. Italien lui-même, il a passé la meilleure partie de sa vie à l'ombre de la cour épiscopale la plus italianisée de France, déjà illustrée par la présence de Matteo Bandello, auteur des fameuses Nouvelles (et un instant évêque de la ville) ; entretenant des relations avec la cour de Nérac, où Marguerite de Navarre compose son Heptaméron, à l'imitation de Boccace ; avec le collège de Guyenne, à Bordeaux, où enseignent Buchanan et Gouvea ; et aussi avec les grands juristes de l'université de Tou-

lome. De .ce foyer brillant Scaliger est la figure la plus 6minente. L'orgueil dâneaur6,l'autorlt6 tyrannique de ce c dictateur des Lettres > (Erasme

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JULES-CÉSARSCALIOER.

l'appelle c Tranche-montagne >) ne saurait faire méconnaître son envergure. Médecin,botaniste, polémiste, th6oricien, critique, poète, il est aussi grand, et plus complet que son fils Joseph-Juste. Par son ouvrage capital, la Poétique, en sept livres, il exercera une influence considérable sur la formation de l'idéal classique, fondé sur Aristote, les règles, l'imitation des Anciens; le livre VI ou Hypercriticus, examen critique des poètes latins anciens et surtout modernes, en même temps qu'il montre une connaissance remarquable de la production poétique de son temps, annonce la méthode et les thèses de Malherbe : c'est le triomphe de l'ars et du judicium : après lui, et pour deux siècles, la poésie sera soumiso au jugement et à la raison, philosophique, grammaticale et logique. C'est bien ce qui apparaît dans son œuvre poétique, et notamment dans les pièces qui ressortissent au genre épigrammatique, dont, avant Batteux et Lessing, il a esquissé la théorie. Il serait vain de chercher dans les épigrammes amoureuses (comme on l'a fait parfois naïvement) trace d'un roman (voire platonique) et même de sentiment. Scaliger ne fait que porter à ses ultimes conséquences une tradition qui remonte à Mél&gre et aux premiers érotiques latins, continuée en Italie par le dernier Pontano et plus rkemment par Navagero et Angeriano : thèmes, images, concepts y sont les éléments conventionnels de combinaisons rhétoriques inédites, où la dialectique résout logiquement les illogismes du cœur, où l'investigation des analogies entre l'âme et la nature sert constamment le paradoxe

(Thaumantia). En fait, il n'y a pas de différence essentielle entre ces poèmea d'amour et un recueil comme les Heroes ou Herolnae. Le titre est repris d'Ausone, l'idée même de la série devait séduire cet esprit systématique qui, d'aprês ce premier couple, compose encore des Diui, et des Diuae, pendant chr6tien des premiers, avant d'enchaîner sur ses Urbes. Cette fois, c'est le destin des êtres d'exception (au nombre desquels il se met) qui est analysé en formules brillantes, suite de sententiae qui, pour la forme (antithèses, paronomases, etc.) comme pour le fond (tension stoïcienne, présence du couple Virtus-Fortuna...), poussent jusqu'à l'exaspération un des styles fondamentaux de l'historiographie et de la rhétorique latines. Comme le monde sentimental et moral, à son tour le monde mat6riel s'ordonne selon les lois de la rhétorique : exercices de définition, les Enigmes découvrent la logique interne dans l'objet ou dans l'él6ment (eau, feu, cendre, glace ...), saisi par l'analyse comme unit6 de contradictoires. Tout cela suppose une conscience aigua des propriétés du langage : à la limite, en effet, c'est le langage à l'état pur qui intéresse le poète, dans ses éléments constitutifs, les mots, et les structures phoniques. L'attention portée à ce niveau fait découvrir nex dans senu et opposerars l Mars. Les Logogryphes représentent l'aboutissement de cet effort méthodique pour rendre compte de l'univers à travers les structures organisatrices du langage. Traiter ceci comme un pur jeu de rb6teut serait m6cc)n..

JULES-cÉSARSCALIGER

naitre et la portée philosophique de ce travail de réflexion sur la matière du discours et sa valeur poétique de révélation : les titres choisis (Thaumantia, .A.enigmata •..) disant assez que le but essentiel de l'œuvre du poète est la production de la surprise. TEXTES : J.-C. Scaligeri Nouorum Epigrammatum liber unicus; eitudem hymni duo; eiusdem diua Ludou. Sabaudia, Paris, 1533 ; J.-C. Scaligeri Poemata ad illustrlssimam Con.stantiam Rangoniam, Lyon, 1546 (contient : Hymni, Noua epigrammata, Nemesis, Thaumantia, Sidera, Diui, Lacrymae, Diuae, Nymphae indigenae, Heroes, Manes Catullianae, Heroïnae, Excessus, Urbes) ; Poenuua omnia in dUIU partu diuisa (beaucoup encore in~ts, dont les Logogryphi), a.l., 1574.

ETUDF.S : VERNON HALLJr., Life of J.-C. Scaliger, in c Trans. of the Am. philos. Soc. >, n.s. XL (1950), p. 85-170; Y. Rl!NouAllD,Les Italiens dans le sud-ouest tk la France au XVJ• siècle, in c Revue de l'Agenais >, 1951, I, p. 123-131 (numéro spécial consacré à l'humaniste) ; K. P0MER0Y-HAJUUNGT0N, Scalige,,• Manes Catu/liani, in c Class. Joum. > 27 (1931-1932), p. 696-710); F. J. NICHOLS, The literary relation.ship of tlie poemata of J.-C. Scaliger, diss. New-York, 1967. 250 p. (micro-film).

NOVA EPIGRAMMATA XVIII NOCTVRNVM SVSPICIBNS CABLVM

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Caetera quae uestro fulgent uaga Sidera Mundo Extulit ex alto nox tacituma mari. At mihi iam misero silet omni sidere Caelum, Lumina dum pholoae lucida somnus habet. Lucifer aurati pecoris cordate Magister Coge gregem : numerum non habet ille suum. XLIII CVM BXORIBNTB SOLE COMPARAT AGBRILLAM IN OCCIDBNTB

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Mons ubi Garumnae pemicibus imperat undis Iuraque perpetuas in sua cogit aquas, Aurea purpureo surgens Aurora cubili, Dum siccat madidas rosida Diua comas, Quam stupet aetherio perfusos Jumine colles, Exortumque alio quam stupet orbe diem ! 0 dea quid geminas miraris candida flammas, Eoaeque facis, Hesperiaeque Deae ? Ecce tibi grauiora mei spectacula fati, Qui gemina, duplici in lumine, nocte premor. LVIII VVLNBRATAB CBRVAB SB COMPARAT

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Sicubi Threicia grauiter Fera fixa sagitta est, Letiferae fugiens ultima fata manus, Appetit ignoto Dictamum ubi Sidere surgens Purpureo tepidam gramine carpit humum. Ast ego flammato moriens Lampteros ocello, Vnde legit uotis spicula dira meis, Haud minus uno eodem quaero sub uulnere uitam, Nec mi alibi raptos est reparare dies.

xvm

4 S 8 faces Lvm 2 XLIII

PhoJoe JS!J!J. aethereoIS!J!J. 6 exortum no, : extortum IS!J!J,1546, 1600. JSJ!J. 9 araviora : maiora IS!J!J. 10 duplici lumine laetiferae 15JJ - ultima : barbara /SJJ.

IS!J!J.

NOUVELLES ÉPIGRAMMES XVIII :NOCTURNE

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Tous les astres épars qui brillent sur votre monde, la Nuit silencieuse les a fait monter du vaste sein de la mer. Mais pour moi, maJheureux, le ciel reste muet et privé d'étoiles, à présent que de Pholoé les lumières transparentes sont closes par le sommeil. Lucifer, berger avisé du troupeau lumineux, rassemble tes bêtes : tu verrasque le compte n'y est pas. XLIII LA BELLE MATINEUSE

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U où le mont domine les ondes rapides de la Garonne et réduit à ses lois le fleuve intarissable, toute dorée, l' Aurore, surgie de son lit de pourpre, en séchant ses cheveux imprégnés de rosée, est surprise de voir les collines déjà baignées de pure lumière, un autre jour se lever à la rive opposée. Radieuse déesse, pourquoi t'étonner de ce double incendie, qu'allume ici la nymphe d'Orient, là celle d'Occident? Vois un prodige plus pénible encore : ma condition à moi, qui, en face de ce double soleil, suis affligé d'une double nuit.

LVIII LA BICHE BLESSÉE

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Quand la biche, blessée grièvement par la flèche Thrace, fuit la mort, décochée d'une sauvage main, elle cherche, sous un ciel étranger, rendroit où pousse le dictame, y broutant l'herbe que son sang tiède rougit. Moi, que fait trépasser l'Œil flamboyant où mon Astrée puise les dards mortels pour mes désirs, je cherche mon salut auprès de celle-là même qui m'a blessé : elle seule et nulle autre est capable de me rendre la lumière qu'elle m'a ravie.

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JULES-CÉSARSCALJGER LXVII AD R.OSAM

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Aemula succinctis ridenti luce labellis, Die, Rosa : sidereus unde coloris bonos ? Numquid ubi ignigenis admota es naribus illas Traxisti flammas subdola agente anima ? Aut, ubi flammigeri tibi luxuriantur ocelli, lnsedit strictus igne comante rubor ? Ast uitae cum solicitam Sol reddat, et unus, Qui uitae Soles restituunt gemini ? Me miserum, me quem nec Sol nec Sirius urit lgnibus ingestis : uno oculo pereo. HEROES, HEROINAE AIACJS

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Cessantem ad naues qui praestitit unus Achillem, Cunctorum et cunctis praestitit unus opem, Hectoris e manibus seruatis mille carinis, Qui Graiis reditus commoda tuta dedit, Non redit ipse, hosti inuictus se uicit : et hic nunc Hostica sic etiam mortuus arua premit. ALEXANDER MAGNVS

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Materies ego Virtutis, mihi ut illa uicissim Fomes inexpleto, qui loue natus eram. Nec hello formidaui, nec pace quieui. Nec sensisse necis horrida tela putes : Vestro isto sed enim orbe mihi cedente priore, Alter hic a terris iam capiendus erat. PYRRHVSREX

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Robo1r. nulli, nulli animis, nulli arte secundus, Magno ter tanto maior Achille meo, Veras quaero acies, et ueri proelia Martis. Qui petat imbelles, malumus esse domi. Aut totum, aut nihil. At paruum nihilo est minus, illud Dedecet Aeacidas, progeniemque louis. Nolim, exprobretur tenuis uictoria Pyrrho Vinci a Romanis uincere pene fuit. 5 ubi : cum 1533 7 ast •.. reddat : sed ... reddit J511 miserum, quem non Centenus adurit Apollo 1511.

LXVII

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NOUVELLES ÉPIGRAMMES

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LVII

LA llOSB

Rivale des lèvres qu'entrouvre un lumineux sourire, dis, rose, 5

d'où tiens-tu la beauté de ce teint éclatant ? Est-ce qu'en t'effleurant de son souffle tiède elle t'a communiqué le feu subtil de son haleine ? Ou bien lorsque ses yeux dardent leurs vives étincelles, jaillie de l'astre mouvant, une flamme s'est-elle posée sur toi? Mais quoi ? un seul soleil suffit à menacer ta vie, et deux soleils peuvent te rendre à la vie ? Moi, hélas ! que cent Soleils, déchaînant leun feux, ne sauraient brOler, un seul Œil me fait trépasser. HÉROS,

HÉROINES

TOMBEAUD' AJAX

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Le héros qui à lui seul remplaça Achille absent auprès des vaisseaux, qui à lui seul se substitua à tous pour le salut de tous, en sauvant des mains d'Hector des milliers de navires, celui qui assura le retour des Grecs, mais ne connut pas lui-même de retour, nul ennemi n'a pu le vaincre : il fut son propre vainqueur. Et aujourd'hui, même mort, il pèse de tout son corps sur la terre ennemie. ALBXANDllELE GllANJ>

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Je fus l'aliment de la Vertu, qui à son tour fut la flamme de mon ambition sans limite - comme il convient au fil de Zeus. Intrépide dans la guerre, infatigable dans la paix, ne pense pas que j'aie succombé au trait effroyable de la Mort : mais une fois votre monde rangé à mes lois, il me restait à partir à la conquête de l'autre. PYJUUIUS,ROI D'ÉPIRE

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Sans rival pour la force, ni pour le courage, ni pour le talent, et par ces trois vertus supérieur à mon ancêtre Achille, je cherche de vrais adversaires, de vrais champs de bataille. Qui s'attaque à des faibles, j'aime mieux qu'il reste chez lui. Pour moi, c'est tout ou rien : mais peu, qui est moins que rien, est indigne des Eacides, descendants de Zeus. A Dieu ne plaise qu'on reproche à Pyrrbus un triomphe mesquin. Mais une défaite infligée par Rome n'est pas loin de valoir toutes les victoires. ·

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JULES-CÉSAR SCALIGER

SPAllTANA

Vitae, non patriae memorem Damatrion hausit, Ferro trux nec trux, orba nec orba parens. c Da mibi, quam dederam, patriae ut bene reddere uelles > Dentibus infrendens, c banc > ait illa c animam >. 5 Non mater natum, non foemina nosco uirum te, Sed Lacedaemonia non Lacedaemonium. DES. ERASMO ROTERODAMO

S

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Tune etiam moreris ? Ah quid me linquis, Erasme, Ante meus quam sit conciliatus amor ? Tune etiam? cui tam paruus fuit orbis, ut altae Expleres mentis fulmina torua tuae. Ergo sidereis postquam est subuecta quadrigis, Atque Dei laeto lingua recepta sinu, Ille ego, qui insanae ridebam uulnera mortis, Conditaque Aetnaea tela trisulca manu, Ad quoduis stupeo momentum, ac territus asto, Maxima cum uideam posse numina mori. AENIGMATA IGNIS

Crescens deficio, ingratus matrisque uorator. Mors tamen illius morte parata mea est. Saxa domus secreta, palam uel nocte uidebis. Inuenisse tamen caecus et ipse queat. AQVA

S

A me ipsa, ad me ipsam egredior remeoque, eademque Atque alla, praeceps, prona, supina, manens, lnstabilis, constans, mutans, mutata, relinquens Quae repetam, repetens linquere quae aggrediar. Nulla mihi facies, facies tamen omnis, amara Et dulcis, facili difficilique modo. Multisona, at multi populi sum mater. Inani Consilio efficiam qui metuunt ut ament. CINIS

Quod rectum et curuum, quod transuersum atque adamussim, Et uiride et siccum, sum nihil, ante fui. AENJGMATA

:

deest hic libellus 1546.

HÉROS, HtR01NES

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LA MÈRE SPAllTIATE

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Démétrion avait préféré sa vie à sa patrie : sa mère lui plongea une épée dans le corps, crime non criminel, qui lui enlevait un fils qu'elle n'avait plus. « Rends-moi, dit-elle en grinçant des dents, la vie que je t'ai donnée à charge d'en faire don à la patrie. Je ne suis plus une mère devant son flls, ni une femme devant un homme, mais une Spartiate devant un traître à la cause de Sparte. À fRASME DE ROTTERDAM

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Quoi, tu meurs toi aussi ? Ah ! Pourquoi me quitter, Erasme, avant que nous ayons pu sceller notre amitié ? Toi aussi ? Alon que le monde était trop petit pour contenir la terrible foudre de ton sublime esprit ! Hélas ! depuis que ta parole, emportée sur le char des étoiles, s'est envolée dans le sein bienheureux de Dieu, moi-même, qui me riais jadis des traits mortels de la mêlée furieuse, comme du triple éclair forgé par la main des Cyclopes, à chaque instant, je tremble, et suis saisi d'effroi, voyant que même les plus grands dieux sont sujets à la mort.

ÉNIGMES LB FEU

De ma force naît ma faiblesse. Ingrat, je dévore ma mère, mais

sa mort entraîne la mienne. Bien que je me cache dans une demeure de pierre, chacun peut me voir, fAt-ce au cœur de la nuit. Et même un aveugle n'aurait aucun mal à me trouver. L'EAU

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Je me quitte et me rejoins, et reviens, identique et différente, courante et stagnante, souterraine et résurgente, capricieuse et égale, source et lieu de métamorphoses, ne m'éloignant que pour revenir, et ne revenant que pour essayer de m'éloigner. Sans forme et multiforme, amère et douce, calme et violente, je fais bien du bruit, mais je nourris bien des peuples. De ceux qui me redoutent à tort, je saurai faire mes amis. LA CBNDU

Droit, courbe, oblique, rectiligne, vert, sec : tout ce que je fus, je ne le suis plus.

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JULES-CaAR

SCALIOER

PVTBVI

Ventris inexhausti purissima uiscera cemis Aluo ima captus redditur ore cibus. OLACIBS

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Sto, quae currebam ; sed non tego, quae tego. Mater Olim, nunc sterilis, rursus eroque parens. Ouae constat facies, non constitit ; borridus illam Iuppiter instabilem sed tamen esse dedit. Aufugio tamen, et uellcs me forte tenere, Aut tota aut sensim subtrabo me minuens.

LOGOGRYPID MARS

Deme fero galeam : reteget placabilis artcm.

AVIS

Exempto medio fit totum : et crcdere possis ?

SENEX

Est, non est, quod cauda trahit, sed sentiet illud.

SCALIGER

Quo scandas tu, quoque uoles, gerit unus et idem. MORS

Omnia quae peremit, nil de se gignere possit. CAPER

Comua mi, sed si caput aufers dente nocebo. LooooaYPRJ: dffn Ide llHll,u 1'46.

m!IGMES

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LB PUITS

Tu vois les entrailles si pures de ce gouffre inépuiaable : tirée du fond du ventre, l'élément de vie sort par la bouche. LA GLACE

5

Je courais, je m'immobilise; et je couvre sans couvrir; nagu~e nourrissante, aujourd'hui, stérile, et bientôt à nouveau fertilisante, j'ai une forme et une consistance, moi qui n'en avais pas, mais l'âpre hiver ne me l'a donnée qu'à titre précaire. Je me dérobe cependant et, veut-on me saisir, je glisse soudain, ou me dissous peu à peu et m'évanouis.

LOGOGRYPHES MARS, ARS

(Mars, art} Ote son casque à Mars farouche : pacifique, il dévoilera l'art. AVIS, AS

(Oiseau, as} Privé de milieu il devient entier : est-ce croyable ? SENBX, NBX

(Vieillard, mort} La chose qu'il porte dans sa queue est là sans être là, mais il l'éprouvera bientôt. SCALIGER, SCALA, ALA, GERO

(Scaliger, échelle, aile, je porte} Un seul homme t'offre le moyen de t'élever et celui de t'envoler. MORS

(Mort} Celle qui détruit tout ne saurait engendrer rien. CAPER, APER

(Chèvre, sanglier} J'ai des cornes, mais si tu me coupes la tête, gare à ma dent.

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JULES-C~AR

SCALIGER

BOS

Caput abscindas,non deerit quod mihi deerit.

OVIS

lmbellis tota est : caput exime, uis erit illi.

OSCVLVM

Ex nitido et foedo quod constat, tradis amicae ?

NAVIS

Cum capite et capite amisso fert ocior alas. Idque babet in cauda, quod ouïs quoque cauda reponit.

INTBLLECTVS

Qui paucis datus est, omnes sed babereputant se, Dimidium tollit, quod toto significatur.

CVLTELLVS

Officio nostro poteris exponere terram. Ne iungas caput ad caudam, prohiberis ab illa.

LOGOGRYPHES

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BOS, OS

(Bœuf, visage) Coqpe-moi la tête : je posséderai ce qui me manquera. OVIS, VIS

(Brebis, force) Entière, elle est sans défense : mais ôte-lui la tête, et la force lui reviendra. OSCULUM,

OS, CULUM

(Baiser, visage, cul) Un composé de beau et d'obscène, n'est-ce pas ce que tu donnes à ton amie? NAVIS, AVIS, VIS

(Bateau, oiseau, puissance)

Avec ou sans tête il file à tire-d'aile ; et il a dans sa queue la force que le mouton y recèle aussi. JNTELLECTUS, LECTUS

(Esprit, lit) Je suis donné à fort peu, quoique beaucoup s'en estiment pourvu. Ma moitié abolit ce que représente mon tout. CUL TELLUS, TELLUS, CULUS

(Couteau, terre, cul) Grâce à moi tu pourras détacher la terre : c'est elle qui t'empêche de joindre ma tête à ma queue.

ÉTIENNE DOLET (1509-1546)

Né à Orl&ns en 1509, ETIENNE DoLl!.T est mort à Paris en 1546, brfilé sur la place Maubert. Humaniste formé à Paris, puis à Padoue, il s'est passionné pour Océron, a pris violemment pani contre Erasme en faveur des c cicéroniens », ce qui n'empêchera pas J .-C. Scaliger de se ranger parmi ses eMemis ; surtout il a préparé pendant de longues années les deux volumes de ses Commentalru de la Langue /mine, parus à Lyon en 1536-1538 et offerts à François 1••; enfin il a déployé une grande activité d'éditeur : publiant le Nouveau Testament, Ica

Ellgances de Valla, les Chroniques de Gargantua et de Pantagrue/, les œuvres de Marot... Mais son caractère orgueilleux et emporté lui a fait des ennemis imc:onciliables et l'a mis en conflit avec l'autorité et même avec la justice : à Toulouse, il est emprisonné et expulsé ; à Lyon, en défendant sa vie, il tue un peintre nommé Campanini : il est à nouveau emprisonné, puis élargi. Ses adversaires l'attaquent sur son orthodoxie : en réponse il a publié en 1538 son Cato christianus, opuscule tWologique, qui contient un exposé de sa foi. On l'accuse de publier des livra entachés d'hérésie, et ce grief lui vaut d'être enfermé à la Conciergerie. Piene Duchitel, évêque de Tulle, le fait libérer, mais treize ouvrages composés ou imprimés par ses soins sont condamnés aux flammes le 14 février 1543. Au lieu de suivre l'exemple d'Henri Estienne et de Marot, et de quitter la France, il a l'imprudence de revenir à Lyon pour y faire imprimer son Second En/ er, récit de son incarcération. Arrêté au commencement de janvier 1544, il est condamné le 4 novembre de la m&ne année, comme c athée relaps >, pour sa traduction de ce pauage de l'Axiochus de Platon : c Après la mort, tu ne seras plus rien du tout. » Sentenceexécut6ele 9 aoOt 1546, jour de la fête de son saint patron.

Qui est Dolet? Le c martyr de la Renaissance > (Copley-Christie), le c martyr de la pensée libre > (Boulmier), ou le c martyr d'Etienne Dolet lui-même > (Lucien Fèvre)? Les contemporains ont laissé à son sujet une série de témoignages contradictoires où tantôt l'amitié passionnée, tantôt l'hostilité haineuse domine. Et sans doute faut-il faire la part de ce formidable orgueil qui lui a aliéné beaucoup de ses anciens amis. Pourtant, qui ouvre les Commentaires à l'article c Litterae > y trouve le rêve hardi d'une soci~ transfigurée et pacifiée par la culture et par l'idéal humaniste ; à l'article c Humanitas >, cette définition : c facilitas, lenitas, mansuetudo, comitas, urbanitas, morum suavitas >. On aimerait citer le très beau passage des Orationesoù, à propos du supplice infligé au régent Jean de Cadurce, bnllé vif à Toulouse en juin 1532, il crie sa haine des persécutions inhumaines et inutiles : texte d'une véritable et rare liberté d'esprit, opposant au christianisme persécuteur le Christ de mansuétude et de paix qu'un humaniste pouvait espérer concilier avec les grands enseignements de l' Antiquité.

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ÉTIENNE DOLET

Parmi ses poésies, les meilleures, les plus fortes aussi et les plus vibrantes, sont écrites dans cette langue maternelle pour laquelle il a ardemment plaidé. Les poésies latines ne sont pas négligeables pour autant : elles aussi offrent de l'homme une image qui force le respect. Servi par la tension du style, un idéal de vertu stoïque s'y exprime, que ce soit dans le poème à Oément Marot, où il encourage le poète exilé et s'encourage lui-même à supporter les coups du sort; dans l'ode (prémonitoire ?) sur le mépris de la mort, où la condamnation de tout bonheur terrestre lui inspire des accents d'une poignante amertume; dans l'ode sur les temps présents, d'une lucidité désespérée ; ou enfin dans le Genethliacon, écrit pour la naissance de son fils, somme de maximes d'une morale pure et élevée, mais aussi sévère et austère, où les leçons de Sénèque s'accordent, en les durcissant, avec les préceptes de la foi chrétienne. TEXTES : Orationu dlllle ln Tholosam ; eiusdem epistularum Ubri 11, carmlnum libri 11, Lyon, 1534 ; Carminum librl IV, Lyon, 1538 ••• ; Genethliacon

Cl. Doleti, St. D. fllii, Liber uitu communi ln primu utllis et necusari,u, autore patre, Lyon, 1539 •••.

ETUDES : J. Bom:.MIEll, Et. Dolet, sa vie, son œuvre, son martyre, Paris, 1857 ; R. CoPLEY-CmumE, Et. Dolet, le martyr de la Renaissance, trad. frse STRYIÉNSKI, Paris, 1886; o. GALTIER, Et. Dolet, Paris, 1907; L. DUVAL• AllNouLD, Dolet, un prétendu martyr de l'athéisme au XVI• siècle, extrait de la Quinzaine, ao(h 1898 ; E. O. DouEN, Et. Dolet, ses opinions religieusu, in c Bull. de la soc. pour l'hist. du protest. >, Paris, 1881 ; M. CHAssAiœœ, Et. Dolet, portrait et documents inédits, Paris, 1930; L FèVRE, Dolet, propagateur de l'Evangile, in c Hum. et Renaiss. > VI (1944), repris dans Au cœur religieux du XVI• siècle, Paris, 1968 (p. 172-224 : Un cas désesplré : Dolet, propagateur de l'Evangile) ;H. WEBER, La pensée d'Etienne Dolet et le combat humaniste, in c L'Humanisme lyonnais >, P.U.G. 1974.

GENETHLIACVM AD FILIVM

PRAECEPTA NECESSARIA

VITAE COMMVNI

Viue Deo fidens : stabilis fiducia Diuum Tristitia uitae immunem te reddet ab omni 1• Viue timore omni uacuus : non anxia somnum Ambitio, non liuor edax tibi tardet ; et ira A te absit, uitiumque animi plus morte sinistra Oderis omne ; tibi dominetur nulla uoluptas, Nulla libido tt"bimentem praestringat •. Fortunae ambiguae spemes ludibria, tanto Roboreuallatus ; nec tristi tempore uultum Nec laeto assumes alium, quam mascula Virtus, Virtus inconcussa omni gerit ordine rerum •. Ad morum cultum Literas adiunge : iuuabunt Perficientque ut notum habeas, quid Terra, quid Aer, Ouid Pontus uariis causis generetue feratue. His nolis securus ages, nec territus ullo Portento, credes generari cuncta sagacis Naturae ui praestante, imperioque stupendo, Naturaeque eiusdem dissolui omnia iussu. Felicem nimium, rerum si noueris ortus Et causas tam multiplices, quibus horrida multa Subiicias pedibus, fremitumque tonantis Olympi •. Hic tamen ut nimius prohibetur splendor, auari Nomen sic borre, misere nec sordidus aegram Conficias uitam. Modus est in rebus honestus. :Est uero taus magna (Deique hominumque ferarumque Applausu) tenueis inopesque iuuare tuorum Vi cumulisque bonorum. Sit tibi semper egenus Cbarior aere : iuua, poteris quoscumque, petenteis A te subsidium. Sic, sic decet esse benignos In mortale genus mortaleis. His datur actis Aeterni sperare Dei radiantia regna Et uitare tenebras formidabilis Orci •.

1.

V.

7-1.

2.

V.

11-15.

3. v. 21-24.

4.

V.

27-36.

S. v SS-65.

POÈME

POUR LA NAISSANCE

DE SON FILS •

MAXIMES DE VIE EN SOCIÉTÉ

Toute ta vie, aie foi en Dieu : cette foi inébranlable te mettra à l'abri de toutes les tristesses de la vie.

Et puis, libère-toi de la crainte : ni les angoisses de l'ambition ni les monures de l'envie ne doivent t'empêcher de dormir. TAche d'ignorer la colère, de haïr le vice plus qu~ la mort, de n'etre ni esclave du plaisir, ni aveuglé par le désir. Ainsi cuirassé tu te riras des outrages de l'instable Fortune. Aux joun d'affliction comme aux joun de liesse, tu n'offriras pas d'autre visage que celui qu'offre en toutes circonstances la mâle Vertu, la Vertu impassible. A la pureté des mœun, ajoute l'étude des Bonnes-Lettres : elles t'aideront en te faisant connaître les productions et les populations de la terre, de l'air et de la mer. Ce savoir te procurera la paix intérieure : au lieu de trembler devant des prodiges, tu sauras que tout ce qui naît est d0 à l'action souveraine, au pouvoir merveilleux de l'intelligente Nature, que rien non plus ne meurt que par son ordre. Heureux mortel! Fort de cette connaissance des origines et des causes, tu fouleras aux pieds les moostres de la supentition et tu te riras des grondements du ciel en colère. Tout en évitant un luxe excessif, fuis la réputation d'avarice, ne perds pas ta vie misérablement dans des économies sordides. II y a toujoun une juste mesure à garder. En revanche, tu auras une conduite méritoire, digne de l'applaudissement des dieux, des hommes et de tout ce qui respire, en ptetant l'appui de tes ressources aux humbles et aux indigents. Aime le pauvre plus que l'or. Vieos en aide, chaque fois que tu le peux, à ceux qui implorent ton assistance. C'est un devoir, un devoir absolu, que la charité envers son prochain. Voilà la conduite qui nous donne le droit d'espérer etre accueilli au royaume lumineux de l'Eternel, et d'échapper aux ténèbres de l'épouvantable Hadès.

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ÉTIENNB DOLET

Fac tibi concilies cunctos, nec laeseris ullum Seu dicto, seu facto : ita conquiruntur amici. Sed tamen, ut multis libatis floribus, haerent In meliore fauifluae apes, sic pluribus ante Perspectis, rarum leuiter tibi iunge sodalem 1• Quod si forte tibi urbani mandentur honores Atque magistratus, et praesis pluribus unus, Non splendore nouo occaeceris, et inde proteruum Assumas fastum, fluxoque nitore tumescas. Vna eademque animi maneat constantia : munus Ex rectoque bonoque gere ; ac te nulla cupido, Nulla sitis nummi, doniue placentis, ab aequi Abducat studio 11• Non Romae quondam Eurippo maiore subactus Martius auditur Campus, quam fluctibus Aula Ebullit subitis. Qui clauum in puppe tenebat Mox huic uix in sentina est locus : omnia parois Momentis surguntque ruuntque, ita mobilis Aula est •. Sola dedit scutum nobis interrita Virtus Ac animus prudens, quo tela infesta minacis Fregimus lnuidiae, et morsus elusimus omneis, Vt solida undanteis elidunt saxa procellas. Inuidiam sola supera Virtute : crepabunt Hostes disrupti, tantis si uiribus obstes. De reliquo : cum Mors pallens, aetate peracta, Instabit, non aegro animo communia perler Fata : nihil nobis damni Mors inuehit atrox, Sed mala cuncta aufert miseris, et sydera pandit. Tu ne crede animos una cum corpore lucis Priuari usura. In nobis caelestis origo Est quaedam, post cassa manens, post cassa superstes Corpora, et aetemo se commotura uigore 4 •

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J.

V.

72-76.

2. v. 131-138.

3.

V.

190-194.

4.

V,

219-232.

POÈME POUR LA NAISSANCE DE SON FILS

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Attire-toi la sympathie de tous, ne blesse personne par tes paroles ou par tes actes : c'est ainsi qu'on acquiert des amis. Mais comme les abeilles distilleuses de miel butinent un grand nombre de fleurs avant de s'attacher à la meilleure, toi aussi, tAche d'6prouver plus d'un compagnon avant d'en faire l'élu de ton cœur.

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Si d'aventure tu accèdes à une charge municipale, à une magistrature, à une fonction d'autorité, ne te laisse pas éblouir par cette splendeur nouvelle, n'étale pas un faste arrogant, ne te gonfle pas d'importance pour un lustre passager. Sache conserver une parfaite égalité d'âme, assume ta fonction selon le droit et le bien, sans que jamais la cupidité, la soif de l'argent ou des pr&ents te détournent de ta volonté de justice.

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Le Champ-de-Mars à Rome ne fut pas plus vite submerg6 naguà'e par les eaux de l'Euripe •, que la Cour n'est sujette à de brusques raz de marée. Celui qui tenait le gouvernail à la poupe, l'instant d'après trouve à peine une place au fond de la cale : en une minute, tout monte ou descend : telle est l'instabilité de la Cour.

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Notre seul bouclier, c'est, associée à la Sagesse, la Vertu que rien n'intimide. Sur elle se brisent les traits menaçants de !'Hostilité et de l'Envie ; la dent des méchants ne mord pas plus sur elle que les flots déchaînés sur la pierre du rocher. Dompte l'Envie par ta seule Vertu : tes ennemis voleront en pièces si tu leur opposes cette force. Pour le reste : quand la pâle Mort, au terme de ta vie, te fera signe, résigne-toi sans chagrin au sort commun. La mort n'est pas effrayante, elle n'est porteuse d'aucun mal : au contraire elle nous délivre de toutes nos misères et nous ouvre le ciel. Ne crois pas en effet que l'âme soit privée de la lumière en matne temps que le corps. Il y a en nous une étincelle divine qui subsiste, qui survit à la destruction du corps, et qui, ranimée, retrouvera une énergie éternelle.

CARMINVM

LIBER I XV AD CLAVDIVM COTTERAEVM, EXPETENDAM ESSE MORTEM

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Cum morte uitam quis, nisi plane iners, Et mente nulla, uel stupidum pecus Mutare nolit ? Quis leuari Corpore, quis miserum arbitretur ? An usque eo insanimus, ut opprimi Semper uelimus carcere squallido ? Aut, ut carina Austro furente, Hic uariis subigi procellis ? Heu heu ! nimis ridendum hominum genus ! Quid non mali adfert posterior dies ? Quid non molestiae ac acerbae Sollicitudinis undique addit ? Cuiquam benigne luppiter omnia Concedat : ut uult, res cupido fluant ; Quem porro titillat uoluptas, Mollibus illecebris liquescat. Eccui tamen tum sors sua non graui Fastidio fit? Peruigiles trahit Noctes auarus : huic recursat Immoderata libido semper. Sed nec uoluptas mollicie sua Plus grata primo est, plus quoque blandiens, Quam noxia ad extremum, et aegra, Plenaque tabifici doloris. Exoptet annos, fluxaque secula Annis retexi perpetuis senex, Mustum ac nouum toties regustet, Rex Pylius quoties bene hausit : Illi senectus longa quid adferet, Praeter colorem dissimilem sui, Frontemque turpi ruga hiulcam, Atque genas carie sepultas ? Quid, praeter effoetum, occiduum et tremens Corpus, caputque ? Quid, nisi sensibus Truncum carentem ? Ac patati, lngenii, et Veneris stuporem ? Nunc ergo uitam quo insipiens cupis?

POÈMES

LIVRE I XV

À CLAUDE COTTEREAU •, LA MORT EST DéslllABLE

Qui d'autre, qu'une bate stupide, privée de sens et de raison, ne voudrait khanger la vie contre la mort ? Qui, oui, qui regarderait comme un malheur d'être allégé de son corps ? 5 Serions-nous assez fous pour désirer étouffer toujours dans une prison sordide ; ou, comme un bateau cbass6 par l'Eurus furieux, courir au gré de toutes les tempêtes ? 10 Hélas ! dérisoire, trop dérisoire humanité I Quel malheur ne nous réserve pas le lendemain ? Quelles douleurs, quels soucis cuisants n'amasse-t-il pas de toutes parts ? Mais admettons que Jupiter accorde à chacun tout ce qu'il 15 d&ire : que l'avare voie les richesses couler à flots; que le voluptueux nage dans les délices des plaisirs : En est-il un que son sort ne lasse et n'afflige? L'avare passe des nuits sans sommeil, parce que son d6sir effréné ne laisse pas 20 son esprit en repos ; Et la douceur de la volupté n'est pas si délicieuse d'abord et séduisante, qu'elle n'est nuisible à Ja fin, et pleine de souffrance qui vous consume. 25 Le vieillard peut souhaiter de longues années, et désirer recommencer indéfiniment d'autres vies ; il peut goOter le vin nouveau autant de fois que le roi de Pylos • : 30 Que lui apportera le grand Age, sinon un teint mkonnaissable, un front sillonné d'affreuses rides, des mAchoires tombant en pourriture? Sinon une tête et des membres épuisés, moribonds, tremblants ; 35 une chair privée de sensations ? Un palais, un cerveau, un sexe engourdis? Dès lors, pourquoi, insensé, t'attacher encore à la Tie ? Pour-

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ÉTIENNEDOLET

Quo corpus optas omnibus obuium Morbis, malisque ? quo precare Perpetuas tibi, stulte, poenas ? Ne mortis horre spicula, quae dabit Sensu carere : uel melioribus Locis tegi, et statu esse laeto, Elysü est nisi spes inanis. (stroph. alcaic.)

LXII AD IACOBVM TVSANVM

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Optanda o nimium tempora, tempora, Lugenda heu nimium tempora, tempora, Pallas docta quibus plus satis emicet : Et Pallas quibus algeat. Nulla actas memorat tantam operam datam Humanis studiis, nec magis agnitas Arteis ullo atauum tempore : sed deest Nunc regnum studiis suum; Mecoenasque deest, qui ingenia excitet Et donis, ueluti cuspide, languidos Vates commoueat, ne abiiciant onus, Aut foede iaceant pigri. Est quod praeterea frangat alacrium Conatus, reuocetque a studio baud parum Multos. Quo si quidem quisquam erit auctior, Et cultus magis artibus : Hoc plus inuidia conspicias premi. Graecum si profiteri audeat, heu miser : Vulgi iudicio proximus haeresi Dicetur, uel iniquior. Lugenda heu nimium tempora, tempora, 1am, iam impune quibus non Jicet assequi Artes, aut operam impendere litteris lnstanti absque periculo ! (Stroph. ascl1p. A)

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quoi désirer un corps exposé à toutes les disgrâces ? Pourquoi, imbécile,implorer dans tes prières un supplice à perpétuité ? N'aie pas peur du trait de la mort : ou bien il te délivrera de toute sensation, ou il te logera dans un royaume meilleur et dans un état de béatitude - si notre espérance du Ciel n'est pas vaine. LXII À JACQUES TOUSSAINT*

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Heureuse époque, ô combien heureuse ! Malheureuse époque, hélas ! ô combien malheureuse, où Pallas brille d'un éclat sans pareil, mais où Pallas grelotte de froid. Aucun siècle antérieur n'a consacré tant d'énergie aux études humanistes, jamais les arts n'ont joui d'un tel prestige. Pourtant les études ne sont pas mises au rang royal qui leur est dO. Pourtant il manque un mécène, pour stimuler le talent et par l'aiguillon des présents raviver l'ardeur faiblissante des poètes inspirés, les empêcher de renoncer à leur tâche, de s'enliser dans une paresse honteuse. En revanche, voici des conditions propres à briser l'effort des plus ardents, propres à décourager bien des vocations : plus on enrichit et orne son esprit par la pratique des beaux-arts, et plus on est en butte à la malveillance ; Et si quelqu'un, d'aventure, ose entendre le grec, malheur à lui : peu s'en faut qu'il ne passe, aux yeux du vulgaire, pour hérétique, ou plus coupable encore. Malheureuse époque, hélas! ô combien malheureuse, où il n'est plus possible de cultiver les arts et de consacrer ses soins aux bonnes lettres, sans encourir les plus grands périls !

NICOLAS BOURBON L'ANCIEN (1503- ? )

Né en 1503 à Vandœuvre, en Champagne, fila d'un maître de for1es, réputé de bonne heure pour ses vers faciles, NrcoLAS Bo\JllBON a enseigné à Amiens, Troyes et Langres; en 1529, Marguerite de Navarre l'accueille et lui confie l'éducation de Jeanne d'Albret, sa fille, mère du futur Henri IV. li publie en 1533 à Paris et à BAie son recueil de Nuga~, dont certaines audaces lui valent d'être jeté en prison. Le Parlement le rellcbe en mai 1534, après l'intervention de Marguerite et du cardinal de Lorraine et sur l'ordre exprès du roi. Par prudence O'affaire des Placards date des 17 et 18 octobre 1533), il va passer quelque temps en Angleterre. Engagé dans la clientèle d'Anne Boleyn, il est le précepteur de jeunes aristocrates et a la chance d'être portraituré par Holbein. De retour en France, il se retire bientôt à Cande, sur les confins de l'Anjou et de la Touraine, où on lui a accordé un bénifice. La date de sa mort est incertaine : elle se place vraisemblablement après 1548.

c Un de ces enfants des Muses défraîchies > : ainsi l'exécute L. Fèvre dans son terrible chapitre intitulé c Les bons camarades >. Sans avoir un talent exceptionnel, cet homme a cependant gagné l'estime de Pasquier et d'Erasme. On ne lit pas sans intérêt sa première composition, Ferraria,. qui contient des confidences sur sa jeunesse pauvre ; ni surtout le recueil des Bagatelles (NugQI!). La modestie du titre est, certes, en partie justifi~ : Bourbon y reprend, sans grande originalité et avec un mince talent, des thèmes conventionnels de la poésie précieuse ; il joue avec des motifs catulliens et horatiens, traduit ou adapte des épigrammes de l'Anthologie de Planude ; de courtes pièces de circonstance brossent un tableau varié de sa vie, de ses amitiés, de ses lectures : en dépit de leur qualité littéraire médiocre, elles constituent un document précieux sur la classe intellectuelle. - Mais souvent le ton s'élève, pour célébrer le Christ, dont le nom revient avec insistance, écrit en lettres capitales ; pour exprimer l'amour de la patrie, de la poésie, des humanités ; érasmien, il compose un éloge fervent du maître, et aussi de Budé, d'Alciat. Son ode sur la fondation du Collège royal par François r•, retirée de la deuxième édition et remplacée par une ode à la Vierge Marie, est une dénonciation, courageuse jusqu'à l'imprudence, de l'obscurantisme romain, en même temps qu'un acte de foi enthousiaste dans le triomphe des idées et des études nouvelles. Le poète appartient en effet à la génération des espoirs et des luttes. Il est le premier néo-latin, rappelons-le après d'autres, à avoir employé le terme de c: renaissance des lettres > pour désigner la grande aventure spirituelle qui le dépasse, mais à laquelle il a, modeste-

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NICOLAS BOURBON L'ANCIEN

ment, consacré sa vie : c Moi qui ai tant souffert jusqu'ici, et souffre, et suis prêt à souffrir, pour l'amour des lettres renaissantes > : Qui tam multa tu1i usque adhuc et ecce Qui tam multa fero et feram libenter Renascentium amore litterarum ... De tels accents devraient suffire à lui assurer notre sympathie. TEXTES : Borbonii Vandoperani Nugae: eiusdem Fe"arla, Paris, 1533 ••• ; Nugarum Libri VIII ab auctore recens aucti et recogniti, Paris, 1S38 •• (édition augmentée et expurgée); Les Bagatelles de Nicolas Bourbon, pr&entées et traduites par V. L SAVLNIER, Paris, 194S ••. ETUDES : G. CARRÉ, De uita et scriptis N. Borb. Yand. (tbàe), Paris, 1888; L DE SANTI,Rabelais et Bourbon, in c Revue du xvi- siècle >, 1922, p. 170175; L FÈVlt.E, Le problème de fincroyance au XVI' siècle, Paris, 1942; 1962 ; D. MUllAllASU, La polsie néo-latine et la Renaissance des Lettres antiques en France (lS00-1549), Paris, 1928.

NVGAE IN LAVDEM DEI OPTIMI MAXIMI ODE

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Christus humani generis misertus Perditum tandem reparauit orbem Et sua nostras ueniens fugauit Luce tenebras : Non uidet nemo quibus in salebris Vsque uersati sumus et uagati, Tandiu fungi fuimus, nihilque Egimus omnes Antehac caeci, ducibusque caecis Viximus, duri tamen et superbi, Numinis Jaesi magis ut magisque Cresceret ira. Nil tenebamus nisi syllogismos Arte contortos, uariosque nodos, Frigidas nugas, mera uerba, fumos, Stercora, floccos. Vulgus indoctum, stolidi sophistae, Barbari, crassi, scioli, loquaces, Milites Orci, pelagusque plane Flagitiorum ; Tanta nullius memoratur aeui Seruitus, quanta sumus usque pressi, Hoc mali inuexit lupa purpurata, Lerna malorum. Totius reges proceresque mundi Subditos fecit sibi, poculoque Strauit erroris, triplici refulgens Hydra tiara. Inde doctrinis hominum subortis Languit uerus periitque cultus, Litterae sacrae quasi consepultae Obticuerunt : Impii passim populum necabant Vinculis legum, decimis, tributis, Gens rapax, uecors, et amica uentris, Perdita luxu : Veritas ferro rapidisque flammis Comprimebatur fideique sermo, Inter et sese grauiter gerebant Bella monarchae. IN LAUDEM

D.O.M. deest hoc carmen 1538.

BAGATELLES LOUANGES À DIEU TOUT-PUISSANT

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Christ a pris en pitié nos misères, enfin il a régénéré notre monde perdu. Il est venu à nous et sa lumière a chassé nos ténèbres. Il n'est personne qui ne voie à travers quelles rocailles nous avons erré au hasard ; pendant si longtemps nous avons végété, inactifs, aveugles, conduits par des aveugles ; pleins de brutalité et d'orgueil pourtant, au point d'exaspérer la colère vengeresse de la divinité. Tout notre savoir consistait en syllogismes spécieux, en sophismes compliqués, froides inepties, pure logomachie : fumée, fumier, fétus. Un peuple ignorant, des docteurs imbéciles, ignares, bavards, armée infernale, marée déferlante de vices. Nulle époque n'avait connu esclavage pareil à celui que nous avons subi. Ce fléau, c'est la louve vêtue de pourpre, hydre de malheur •, qui l'avait jeté sur nous. Tous les rois et les puissants de ce monde, elle les a soumis et couchés à ses pieds, soûlés à la coupe de l'erreur, aveuglés par l'éclat de la tiare à trois étages. Supplantée par des doctrines purement humaines, la vraie religion agonise et meurt, les saintes Ecritures, pour ainsi dire ensevelies, se sont tues. Les impies, de par le monde, assassinaient le peuple garrotté par les lois, les décimes, les impôts : race rapace, fourbe, dévouée à son ventre, perdue de luxure. Cependant, le langage de la Vérité et de la Foi était étouffé par le fer et par la flamme dévorante, les monarques se livraient des guerres acharnées.

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Saxeis stabant simulacra templis Sacra deis falsis et item deabus : Vnde diuersis uariisque sectis Cuncta frcmebant. In statis poni pietas diebus, In cibis certis preculisque coepta est : Nuptiis mire uetitis libido Foeda reuixit. Ista iam uero cecidere monstra, Et modis Virtus redit illa miris Illa, qua Christum dominum deumque Credimus unum. Artium passim studiis bonarum 1am senes iuxta iuuenesque flagrant Atque linguamm, uenit hoc ab alto Lumen Olympo : Seculum nunquam celebr~tur ullum Faustius tali meliusque nostro. Sermo pennatae sacer ille currit More sagittae. Sunt adhuc quidam tamen inquinati, Ebrii mundo, uigilesque laruae, Qui suis lucris metuunt, necantque Vera locutos. Hoc nihil mirum, fore nempe Christus Saepe praedixit Deus ipse uatum Haereses, lites, odiumque ueri Et crucis hostes. Noster hic o quam procul est ab illis Ante FRANC1scvs bene natus omneis : Rege quo sensim rediere terris Omnia laeta. Publice doctos alit allicitque Et scholam primus statuit trilinguem, Quo nihil certe nihil instituto Pulchrior extat. Hune Dei donum ueneremur omnes, Tam pium Regem precibus iuuemus, Et diu regnet, sub coque felix Gallia uiuat ! Laus DEO patri, dominoque CHRISTO, Spiritu cuius bona cuncta fiunt : Adsit is nobis, fideique robur Augeat et spem ! (Stroph. sapph.)

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Dans les temples de pierre on dressait des statues consacrées à de faux dieux et à de fausses dée~ses ; le monde était ébranlé par le pullulement de sectes ennemies. On se mit à placer la piété dans le respect de certains jours, de certaines nourritures, de certaines formules ; la règle du célibat des prêtres fit revivre de façon stupéfiante la débauche et la luxure. Mais désormais ces monstres sont terrassés et - miracle ! l'antique Vertu nous est rendue, celle qui nous fait croire dans le Christ, notre Seigneur et Dieu unique. Désormais les jeunes gens comme les vieillards brfilent du désir d'étudier les belles-lettres et les langues ; du ciel est descendue sur nous cette lumière. Pas un des siècles de l'histoire ne peut se vanter d'une telle félicité. Le Verbe sacré court à la vitesse d'une flèche empennée. Il y a bien encore quelques œurs pleins d'ordures, ivres du monde, morts vivants, qui tremblent pour leurs bénéfices et tuent ceux qui proclament la vérité. Cela n'a rien d'étonnant : le Christ lui-même a souvent annoncé des hérésies, des querelles, il a prédit la haine contre la vérité, les ennemis de la Croix. Combien diffère de ces misérables notre FRANÇOIS, béni entre tous, qui, sous son règne, a ramené sur terre toutes les félicités ! Il emploie les deniers de l'Etat à nourrir et attirer les savants ; le premier, il a créé le Collège trilingue •, la plus belle institution qui soit au monde. Adorons tous ce don de Dieu, aidons de nos prières un prince si pieux : qu'il vive longtemps ; puisse la France connaître sous son règne le bonheur de vivre ! Loué soit DIEU et le CHRIST, notre Seigneur, qui inspire tous ces heureux changements! Qu'il nous vienne en aide, qu'il fortifie notre foi et raffermisse notre espérance !

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NICOLAS BOUllBON L'ANCIEN

AD DES. ERASMVM

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Quam fulgent hodie diuina humanaque scripta, Quam fulgent studio, Roterodame, tuo l Huc docti indoctique, senes iuuenesque uenite. : Aspera quae fuerat, plana et amoena uia est. Has gemmas olim scioli calcare, fuerunt Barbarieque ausi dedecorarc sua ; Polluerant foedi tam sacra rosaria porci ; Putruerat longo lingua latina situ. Reddita res uerbis et rebus reddita uerba : Omnia sunt claro lucidiora uitro. Prisca bonis rediit uirtus et gratia libris. 0 quantum haec actas debet, Erasme, tibi l Sis fclix, uenerande sencx, coelestia cuius Scripta docent doctos erudiuntque rudes !

4. Horrebat saxis, quae modo plana via est ISJJ.

BAGATELLES

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À DIDIER éllASME

S

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De quel 6c1atbrillent aujourd'hui les textes antiques et sacrés ! Quel 6clat ils doivent à tes travaux, Erasme de Rotterdam ! Accourez, savants et ignorants, vieillards et jeunes gens : la route jusqu'ici était rude, elle est désormais plane et facile. Ces pierres pr6cieuses, des ignares naguère les ont foulées aux pieds, ont 086 les souiller de leur barbarie ; des porcs dégoOtants avaient d6posé leurs ordures dans les saintes roseraies ; la langue latine, au terme d'une longue décomposition, tombait en pourriture. Mais les mots ont retrouvé les choses, et les choses les mots : tout est d&ormais plus transparent que le cristal. Les bons auteurs ont retrouvé leur force et leur beauté de jadis. 0 combien ce siècle, Erasme, te doit de reconnaissance ! Béni sois-tu, vieillard vénéré, dont les divins 6crits instruisent les savants et rendent les ignorants moins ignorants !

SALMON MACRIN (1490-1557)

JEANSALMON. surnommé Maigret (Macrinus). naquit à Loudun en 1490 de Pierre Salmon, qu'il perdit de bonne heure, et de Louise (ou Nicole) Tyrel, qui soigna son éducation et lui fit suivre à Paris les leçons de Le Fèvre d'Etaples. Ami de Germain de Brie et de Jean du Moulin, secrétaire du roi, il est d'abord le protégé d'Antoine Bohier, archevêque de Bourges, puis passe au service de René, bâtard de Savoie, qui lui confie ses deux fils. François 1er l'admet finalement au nombre de ses valets de chambre, charge qui lui sera renouvelée par Henri II. A cette époque il perd en quelques jours sa mère et ses deux sœurs, victimes d'une épidémie. Mais il épouse en 1428, alors âgé de trente-huit ans, une jeune fille de Loudun, Guillonne Boursault. celle qu'il chantera sous le nom de Gélonis. Elle lui donne onze enfants, dont l'aîné, Charles, est tué lors du massacre de la SaintBartbélémy. Partageant son temps entre la cour et le Loudunais. Macrin donne, entre 1530 et lSSO, le meilleur de sa production poétique. La fin de sa vie est assombrie par la perte de six de ses enfants et de sa femme (14 juin lSS0). Luim&me meurt en 1557 dans sa ville de Loudun.

Voici, aux dires des contemporains, « !'Horace français > : l'hommage va à celui qui a su populariser en France les mètres lyriques. Autrement, qu'a de commun Horace avec cette Muse abondante, facile, et même prolixe, mais menue, et même gracile, comme ces ruisseaux du Loudunais, · qu'il a chantés d'une plume attendrie et quelque peu fleurie ? Les poèmes à Gélonis se recommandent par des qualités toutes morales : honnêteté des sujets, délicatesse du sentiment, pudeur de l'expression; mais, à la différence de Pontano, autre poète de l'amour conjugal et de la famille, trop souvent l'imagination piétine. Même les Nénies, composées après la mort de la jeune femme, atteignent rarement à un grand pouvoir d'émotion. Un enthousiasme modéré anime les pièces politiques, ou plutôt officielles. Dans ses poèmes religieux, les plus nombreux, et qui sont comme la respiration naturelle d'une âme sincèrement chrétienne, mais non mystique, les images bibliques donnent du moins un support et un élan au lyrisme. Toutefois, le talent de Macrin est trop mesuré pour que ce nom de lyrique lui convienne parfaitement. Il semble que 1. D. Mac Farlane l'ait bien jugé lorsqu'il voit en lui c un méditatif et un élégiaque, quoiqu'il n'ait pas fait du vers ovidien son moyen d'expression préféré >. TEXTF.S : Carmlnum libellus (1528); Carmlnum llbrl IV (1530); Lyrlcorum

libri 11, Epithalamiorum liber 1 (1531); Hymnorum libri VI (1537) •••;

Oda-

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SALMON MAClllN

rum libri YI (1537) ; Septem psalmi in lyrlcoa IIIUMIW wni, Paet.lllMIlibrf W (1538) ; Hymnorum selectorum librl Ill (1540) ; De reb,a ln Gallia belp:a nuper gutis carmen (1545); Ele,u,rum trlumphallum liber (s.d.); Otlanan librl Ill (1546) ; Epigrammatum Ubrl Il (1548) ; Naenianlm librl Ill (1550) •••. ETUDES : J. BoUUtlEll, Jean Salmon Macrin, rHoroce frt111Çt1U,Paria, 1872; Jean Salmon Macrin (1490-1557), in c Bibl. d'Hnmanimne L D. MAc FARLANB, et Renaissance >, 21 (1959), p. SS et 311; 22 (1960), p. 72-89; O. Soual!ILLB, Le thème de la source chez. Horace et chez Salmon Macrin, in c Pallas > (Annales Univ. de Toulouse) XX (1973), p. 59-74; De,u lpl,ramma ,,..,.,,._ crites de Salmon Macrin, ibid. XXII (1975, IOUI preae).

NAENIARVM LIBER I X AD CAMILLAII PILIAM

Tu me in lacrymas Camilla soluis, Moeroremque meum integras uidendo, lustas, heu ! renouans mihi querelas : Sic nanque exprimis ore, amore, gestu, 5 Ince~u, atque habitu modestiore, Flauis criniculis ocellulisque, Malrem dulciculam tuam Gelonin, Illam dico uenustulam Gelonin, Matronale decus, puellularum 10 Viuum exemplar et elegantiarum, Quas uitae uia iuuit integellae : Gutta ut non similis sit ipsa guttae, Cuo ouum mage, lac magisue lacti. Proin dum te aspicio, haesito dolendum 15 Laetandum potius ne sit, Camilla, Spectanti mihi candida ora matris ln te ipsa, et tenerum genas rubentes Repraesentat enim exprimitque formam Maternam, species Camilliana 20 Sic, mecum ut tacitus subinde mu~m Pr~o murmure, et insusurrem amicis : Sic uultum atque oculos ferebat illa Mellita usque adeo et placens Gelonis. Gratum id, uerum eadem quod absit angor, 25 Quae te comere munditer solebat, Necnon pectere, uestibusque raris Luce omare decentius celebri. Quae te plus aliis suis amabat Formae ergo, ingenii uigore et acris ; 30 Quae crebras dabat osculationes, Ac te molliculo in sinu fouebat, Informans teneram, insciamque rerum, Doctrinaeque elementa prima tradens, Summa non sin.e recreatione, 35 Et desyderio tuos uidendi Profectus, legeres uel ipsa si quid Doctrinae utilibus sacrae libellis, Vel telas sueres acu Batauas.

NÉNIES

LIVRE 1 X

À SA FILLE CAMILLE

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Tu me fais fondre en larmes, Camille, tu ravives mon chagrin chaque fois que je te vois, et je redouble alors mes justes plaintes. Car tout en toi, visage, tendresse, gestes, démarche, maintien pudique, et tes jolis cheveux blonds, et tes yeux, tout cela me rappelle tellement ta mère, la si gracieuse, la si délicieuse Gélonis, perle des mères, vivant miroir des jeunes femmes honnêtes, de celles qui ont choisi la voie d'une vie irréprochable - que deux gouttes d'eau ne sont pas plus semblables entre elles, ni deux œufs, ni deux jattes de lait. Dès lors, quand je te regarde, je ne sais si je dois plutôt m'affliger ou me réjouir de retrouver sur ton visage et la pureté de son teint et l'incarnat léger de ses joues. La Camille que je contemple offre une image si fidèle de la beauté de sa mère que souvent je me murmure à moi-même ou chuchotte à l'oreille de mes amis : c Oui, c'est ainsi qu'elle portait la tête, ou posait son regard, ma Gélonis, mon miel, mes délices. > J'y trouve du plaisir, mais en même temps je souffre de ne pas la voir à tes côtés, occupée soit à te parer, soit à te peigner et à t'habiller coquettement les jours de fête. Car elle t'aimait plus que les autres, à cause de ta beauté, et aussi pour la vigueur et l'acuité de ton intelligence ; et elle te baisait souvent, te serrait tendrement sur son sein, tandis qu'elle instruisait ta jeunesse, ton inexpérience, te transmettait les premiers élmients de la connaissance, avec un enjouement extrême, et un tel désir de voir tes progrès, soit qu'elle te fît lire une page des Saintes Ecritures, ou faire de la dentelle, ou broder de plusieurs

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SALMONMACRIN

Et sudaria pingeres colore baud Vno Setaba, Sericisque filis, Mauritania quae sueuit arto . Peplum inscribere lineum scienter Maeandris uariis, et implicare Formis mille nouis sinus fluenteis. Ilia eheu illa obüt magistra dulcis, lndulgensque tibi parens, Camilla. Nec tu iam amplius aut tuae sororea Conspicabimini abditam sepulcbro, an Admissam magis aethera in coruscum ? Sancto ut cum grege uiuat Angelorum, lmmortaliter Indigesque regnet Aspectu Triados beata diae. (Iamb. ,rau.)

HYMNORVM LIBER 1 XIV AD DEVM PATREM PRECES VESPERTINAE

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Hanc commendo animam tibi atque uitam, 0 mitis Deus, et benigne custos, Affususque solo reposco supplex A morte ut tueare me perenni Christi nomine, uita quique lux est, Resurrectio et una mortuorum : Vt caecas abigens opacitates Huius mox tenebras chaosque mentis Diae lumine gratiae serenes. (h•ndtttU.)

XXXIX DE PERICVLO VITAE ALLEGORIA

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De rupis specula supinioris Conspexi fragilem meam phasellum Huc illuc tumidis agi procellis Tantum non decimo et perire fiuctu. Nam remis sine ductilique clauo Ventis oppositis proculque portu Spes fallacior infidelis aurae, Et caecus dubü fauoris aestus

NÉNIES

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couleurs de fins mouchoirs avec des fils de soie, à la façon des artisans du Maroc, traçant leurs arabesques sur leurs manteaux de lin et couvrant tous les plis du vêtement d'un entrelacs de formes originales. Hélas ! Camille, la voilà morte, ta douce institutrice, ta mère affectionnée ; et ni toi ni tes sœurs ne la verrez plus jamais : la tombe nous la dérobe- à moins plutôt qu'elle ne se soit envolée au ciel étincelant pour y vivre au milieu du chœur des anges et y régner, nouvelle élue, pendant l'éternité, bienheureuse, dans la contemplation de la Sainte Trinité.

HYMNES

LIVRE I XIV PRJàllE DU SOIR

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Je te recommande mon Ame et ma vie, Dieu de bonté, gardien plein de sollicitude, et, en me prosternant devant toi, je te supplie à genoux de me préserver de la mort éternelle, au nom du Christ, qui est la vie, la lumière et la résurrection des morts : dissipe l'épaisseur des ténèbres, et dans ce chaos obscur de mon Ame, répands la clarté de ta grâce divine.

ALLéooRIE

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XXXIX DES PâRILS DE LA VIE

Du haut d'un rocher élevé j'ai vu ma fragile barque emportée, de çà, de là, par les tourbillons de la mer en tempete, et sur le point d'être engloutie à chaque vague plus violente. Sans rame ni gouvernail, livrée aux vents contraires, loin de tout port, l'espoir trompeur d'une brise inconstante, les gonflements aveugles d'une faveur incertaine la ballottaient, en perdition, en plein océan.

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SALMON MACRIN

lactabat mare naufragam per altum. 10 Sublatis oculis ad ipsa sed tum Caeli caerula : c Summe Rector > mquam c Hanc nauim in loca tutiora subduc, Syrenis neque cantibus dolosis, Quae discriminis huius una causa est, 15 Auferri in scopulos sinas malignos. > (lumdecu.)

LIBER VI X AD SE IPSVM

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Syrenum illecebris captus inamôus, Vatum et melliflua uaniloquentia, Ceu Circes biberis pocula noxia lndulges modo fabulis. Indulges, oculos heu nec ad aetbera Sustollis, nec agis quae placeant Deo, Dauides ueluti uaticinus sacra Caelesti enucleans lyra. Quid uerbosa tibi proderit Dias, Pellacisue duplex cursus Vlyssei ? Quid regnum in Latium Anchisiadae manu Latos Dardaniae deos ? Vites quae posuit mollis Horatius, Lasciua et nimium musa Propertii, Tu Nasonem aliis et Cythereias Prudens linque agedum faces. Verba Euangelii sint tibi cantio Amplectanda magis, Christus et optimus, Qui Patris solio missus ab aureo In terras hominem induit ; Aluo qui Mariae uirginis editus, Affixusque cruci, morte uicaria Humani generis crimina sustulit, Et caelo asseruit pios. Culto nec sileas carmine martyres, Argutaue chely, qui Dominum Ducem Sectati, accipiunt iure perennia Fusi praemia sanguinis. N"unirum bis studiis, bis bone cantibus In doctas hominum peruenies maous, Sudoresque fauens respiciet tuos Alto CHRISTUS ab aetbere.

HYMNES

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Alors, levant les yeux vers les plages azurées du ciel : c Pilote tout-puissant, dis-je, ramène mon navire à l'abri, et ne laisse pas les chants fallacieux de la Sirène, seule et unique responsable de ce grand péril, l'entraîner contre les dangereux récifs. >

LIVRE

VI

X À LUl-dMB

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Séduit par les chants captivants des Sirènes, par les phrases vides, mais mélodieuses, des poètes, comme si tu avais bu les coupes de l'empoisonneuse Circé, tu n'as de complaisance que pou1 les fables : trop de complaisance hélas! au lieu d'élever ton regard vers le ciel et de choisir un langage qui plaise à Dieu, tel David, prophète inspiré, expliquant les mystères sacrés sur sa lyre divine. A quoi peut te servir l'lliade verbeuse et la double course du perfide Ulysse ? Et que le fils d' Anchise • ait transporté dans le Latium les dieux Dardaniens ? Evite les vers du voluptueux Horace, la Muse trop folâtre de Properce, laisse sagement à d'autres Nason et les torches de Cythérée. A leur place, c'est le texte de l'Evangile qu'il te faut chérir, et le Christ souverain, que du haut de son trône doré le Père a envoyé sur terre pour revêtir notre dépouille mortelle ; qui fut enfanté par le sein de la Vierge Marie et cloué sur la croix afin de racheter par son sang les péchés de l'humanité et d'ouvrir aux justes la route du ciel. Et n'oublie pas de chanter, en vers bien travaillés, sur ta lyre sonore, les martyrs qui, ayant pris le Christ pour guide, jouissent à bon droit de la récompense éternelle de leur sacrifice. C'est par de tels travaux, ami, et de tels chants, que tu te feras lire des hommes doctes, et que, bénissant tes sueurs, Je Christ jettera un regard sur toi du haut du ciel.

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SALMON MACRIN

LIBER VI XXXII GRATVLATIO IN HOSTIVM FVGA, SVMPTA EX DAVIDB

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A nisi nobis Dominos stetisset, Nunc dicant Franci, nisi et affuisset, Cum ferox in nos rabido tumultu Surgeret hostis, Nos quidem saeuo prope dente uiuos Turba glutissent inimica sontum, Cum flagrauisset furibundus in nos Ardor eorum. Tune inundasset miseros aquarum Alta uis, torrens animamque nostram Amne transisset super incitato, Omnia mergens. Gratiae CHRISTO, bonitate cuius Non dati in praedam sumus ac rapinam Hisce qui nostros iugulos minaci Dente petebant. Ecce uenantum e laqueo perinde ac Passer erepta est anima ecce nostra, Estque contritus laqueus, trucemque e Vasimus hostem. Nomine est robur Domini omne nostrum, Perque laetantes agitamus ilium Qui mare et terram et rutili creauit Sydera caeli. (Stroph. tUClep. A.)

HYMNES

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LIVRE VI XXXII ACTIONS DE GRÂCES POUR LA D!ROUTE DES ENNEMIS, D'APRÈS DAVID

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Dites, Français : c Si le Seigneur n'avait pas été avec nous, s'il n'avait pas été là, quand nos ennemis féroces, dans un déchaînement de rage, se jetaient sur nous, sans nul doute leur horde criminelle nous eftt engloutis et dévorés vivants, tant ils étaient enflammés contre nous d'une folie meurtrière. Alors nous aurions croulé sous des trombes d'eau, c'est un torrent débordant qui nous eftt passé dessus, noyant tout sur son passage. Grâces soient rendues au Christ, dont la bonté nous a épargné de devenir le gibier et la proie de ceux dont les crocs nous visaient à la gorge. Voici que, pareille au moineau, notre âme a été arrachée au collet du chasseur, que la maille du filet a cédé, que nous avons échappé à un ennemi impitoyable. Toute notre force est dans le nom du Seigneur, notre bonheur dépend uniquement de Celui qui a créé la mer, la terre et les astres du ciel étincelant. >

MICHEL DE L'HOSPITAL (1507-1573)

MICHELDE L'HOSPITALest né à Aigueperse, en Auvergne, en 1507. Son père, m6dccin du connétable de Bourbon, qui a embrassé contre François 1•• le parti de Charles Quint, suit son maître en exil. Michel, étudiant à Toulouse, est arr&té, puis relâché, et rejoint son père en Italie : à Padoue, où il finit son droit, en m&me temps qu'il se perfectionne en grec et en latin, puis à Rome, où il devient auditeur de la Rote. Quand il rentre en France, ses biens sont toujours confisqués, mais la fille du lieutenant-criminel Jean Morin lui apporte en dot une charge de conseiller au Parlement. Sa compétence, son intégrité lui ayant gagné l'appui du chancelier Ollivier, il est pendant seize mois - expérience décevante - ambassadeur du concile de Trente à Bologne. Cependant, François 1.. , qui s'opposait à son avancement, cède la place à Henri Il. L'Hospital, qui a la faveur de Marguerite de Valois et du cardinal de Lorraine, est nommé chef et surintendant des Finances du roi en la Chambre des Comptes : il réagit contre les abus de l'administration, plaide pour la réforme de la justice. D accède à la charge de chancelier au moment où s'exaspèrent les querelles religieuses. Sa politique d'équilibre et de tolérance (il fait proclamer la liberté des cultes), ses sages mesures, ses appels à la modération n'empêcheront pas la guerre civile ; mais, comme il gêne les deux partis, on organise sa chute. Il se retire en sage dans sa propriété de Vignay ; la Reine le fait protéger lors de la SaintBarthélémy. Mais ces cruels événements achèvent de l'user et il meurt en se lamentant sur l'avenir de son pays le 13 mars 1573.

La poésie n'est pas son unique passion : elle vient en plus, mais elle l'accompagne toute sa vie, comme un ornement délicieux, plus tard comme une consolation, mais surtout comme la confidente, la dépositaire fidèle de ses plus intimes p~nsées. Le genre de l'épître lui convient donc fort bien : il y tient le journal de ses amitiés, de ses goOts, de ses préoccupations ; y consigne les méditations d'une âme riche et généreuse, profondément idœliste, sur les événements d'une époque particulièrement dramatique, sur la politique, la religion, la morale ; il y trace les linéaments de sa sagesse de stoïcien chrétien et humaniste. Entre la première et la dernière de ces compositions, l'homme a mOri, l'écriture a gagné en authenticité et en beauté. Aux thèmes un peu conventionnels du début correspondait un style un peu trop fleuri et douxcoulant : il s'est dépouillé à mesure que le poète aborde les problèmes de la politique et de l'éthique. L'épître tend vers le discours, et il serait intéressant d'en comparer la rhétorique à celle des Haranguesen langue française prononcées par le Chancelier dans l'exercice de sa charge. Cependant, même le registre grave admet une grande variété de tons : de

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MICHEL DE L'HOSPITAL

la noble autorité des maxime.s policiquf.j ou chrétiennes, au souffle de la grande éloquence, à l'indignation puissante, à la Bossuet - ou aux réflexions désenchantées sur le train du monde. Sans rien perdre de sa fermeté, le style s'adapte aux oscillations, aux mouvements de l'âme de ce grand honnête homme, dont les Epîtres nous livrent le portrait moral en même temps que le testament spirituel. TEXTES : Mich. Hospitalü Galliarum canœllarü Epistolarum seu .rermonum librl YI, Paris, 1585 ••• ; Œuvres complète• de M. de l'Hospital, chancelier de France, ed. DVPEYde l'YONNE,Paris, 1824-1825 (3 vol.)••. TRADUCTIONS : Essai de traduction de quelques épîtres et autre.r poésiu ladnu de M. de fHo.rpital, par J. M. L CoUPé,Paris, 1778; Poésies complète• du chancelier tk fHo.rpital, premi~re traduction annotée par Louis BANDY de NAÙCBB, Paris, 1857.

ETUDES : M. C. BUTLER,Essai .sur la vie de M. de l'Hospital, Londres, 1814; V. ScHRoEDBR, Qu/4 de morlbus, studiü et latine scribendi genere M. H. u eiusd.em carminibu.r concludi possit, Paris, 1899 (th~); A. BUIS80N,M. tk l'Hospital, Paris, 1950; M. JA.aDONNET, M. de l'Hospital, poite néo-latin et humaniste, Clermont-Ferrand, 1958.

EPISTVLAE SEV SERMONES

Nec tam fortis amet dici quam iustus, et armis Parta per humanas fugiat cognomina caedes. Tardus et ad poenam dubüs, idem acer apertis Criminibus uindex, rigidus legumque minister.

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Nec tamen ille suos, nec quos respublica nummos Suppeditat, demens alios conuertet in usus, Nec dabit indignis, nebulonibus aut parasitis, Sed bonus ut tutor, qui se rationibus olim Cogitat adstrictum, summa pietate fideque Rem geret, atque noui resecabit inania luxus Imtrumenta. Ergo paucorum fidei mandabitur arca Publica ; nam ualde est custodia lubrica nummi. Ipsi custodes custodis egere uidentur. At noster faciles aditus uenientibus ultro Praebebit populis,oblatos ipse libellos Accipiet manibus, lacrymosas ipse querelas Audiet, et responsa dabit poscentibus ipse. Ne sit rex igitur uel iners uel mollis et oti Atque uoluptatum caeno demersus in alto. Regem namque uolo, non fucum inducere regis. Nec sibi plus sument comites, quam legibus aequum, Quam mos et ratio, quam rex concesserit illis. Rex igitur primis noster iam discal ab annis Quae tanto imperio dignum se reddere possint 1•

Dissidium namque hoc animorum credere stultum est Componi gladüs, aut ferro posse micanti. De numero demes aliquot, foecunda malorum Terra dabit plures, illo perfusa cruore. Perficies etiam reliqui ne forsitan ausint 1. LIB. V, Serm. 1 (DB SACli PJIANCISCIIl GALLIAaVM DOIS lNl114110NE UONJQUJI IPSIVS ADMINJSTUNDI PaVDEN11A SJ!RMO), V. 14-lS ; 22-23 ; 61-67; 93-95 ; 166-169 ; 198-202;

235-236.

ÉPITRES

OU DISCOURS MORAUX

POllTllAIT D'tJNBON PRINCE*

Qu'il aime à entendre vanter sa justice plus que sa bravoure et n'aille pas chercher sur les champs de bataille les surnoms qu'on acquiert en ve~t le sang humain.

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Qu'il soit lent à punir les fautes non démontrées, mais impitoyable pour les crimes patents : car c'est lui l'inflexible garant des lois.

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Un roi sage ne doit détourner de leur destination ni les deniers de la couronne ni ceux de l'Etat pour en gratifier des infâmes, des intrigants ou des parasites, mais, comme un bon tuteur qui n'ignore pas qu'il lui faudra rendre compte de sa gestion, il administrera son bien avec sagesse et intégrité et mettra un frein aux inutiles recherches du luxe de ce siècle. La charge des deniers publics doit être confiée à un fort petit nombre d'hommes intègres : car la garde de l'argent est bien hasardeuse et les gardiens eux-mêmes auraient besoin de surveillants.

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Le prince selon notre cœur sera pour ses sujets d'un abord facile ; il recevra leurs suppliques de sa propre main, prêtera l'oreille à leurs doléances et à leurs larmes et répondra lui-même à leurs demandes. Un roi ne doit être ni oisif, ni efféminé, ni livré aux honteux excès de la débauche. Car je demande un roi, non un simulacre de roi. Et que son entourage ne prenne pas plus d'autorité que ne lui en accordent les lois, les usages, la raison et le souverain lui-même. Bref, que mon roi apprenne dès ses jeunes années tout ce qui peut le rendre digne du trône sur lequel il est assis. POUll LA TOÛllANCE

C'est absurde de penser qu'on puisse réconcilier les esprits divisés par l'éclat et le tranchant du glaive : ainsi tu décimeras les rebelles, mais la terre fécondée par leur sang les reproduira au centuple. Tu réussiras peut-être à fermer leurs assemblées, à interdire leurs cérémo-

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MICHEL DE L'HOSPITAL

Conuentus agitare suos, et obire sacella Interdicta palam. Sed pressus et abditus ignis 1 • Post quoque maiores ruet usque ad aideraftamrnss Quid uero, quid tu hos pullo qui uestis amictu Aut alio quouis, nec enim color omnibus unus, Quum tristi facie intendunt lacrymantia caelo Lumina, seque uiam clamant monstrare salutis In mediisque cient uerborum fulmina templis : Quidnam agitare putas animo, quo tendere cursum, Et quid propositi, quam spem mercedis habere? Diuitias aurumque petunt, et publica f1Sco Aera dari et magnis cum fructibus aurea templa : Ouae simul ambitione sua studioque tulere Dilapsos uideas pictis excedere templis, Ex illaque die conscendunt pulpita nunquam, Vocem edunt nullam ad populum, nisi ut, aucupis instar, Auribus et reges capiant et regis amicos. At tetram ingluuiem ganeis infamibus expient, Vino, deliciis, foedaque libidine pleni •.

. . . . . Est qui non ueritus superos asciscere testes Quorum sacra gerit : mutata in ueste sacerdos Saeuus ad arma uocat populum, mox nomina profert Designatorum ad caedem perscripta libello ; Bt nisi uis plebem diuina exerceat, omni In regione fluant humano sanguine riui. Tantus am.or caedis, uindictae tanta cupido. Scilicet illa Dei uobis praecepta reliquit Filius. Haec suprema suos scandentis Olympum Vox fuit ad comites ut non credentibus ultro Vim facerent, armisque sibi ferroque pararent Imperium. Non sic non Paulus et omne profectum A Christo tercentum annis uoluentibus agmen : Persuadere fuit proprium, non cogere nostris Semper, et oblatum constanter adire periclum •.

1. LIJI. V, F.pist. IV (AD CilOLVM CODINALEM LOfllAIUINVI(),v. 5-12. 2. Lo. V, Serm. Il (SUMO), v. 55-70. 3. Lm. VI, Epist. X (AD BU.TH. PAJVM, INQIJISfflONVI( POU nnttœN),

v. 50-64.

ÉPÎTllES OU DISCOURS MORAUX

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nies : mais le feu, d'abord couvert et caché, l'instant d'après se déchaînera à nouveau et les flammes du brasier monteront jusqu'aux astres. INDIGNITÉ DU CLERGÉ

Et ces hommes à robe noire, ou d'une autre couleur (car elle n'est pas la même pour tous), qui lèvent au ciel un visage contrit et des yeux pleins de larmes, qui proclament qu'ils montrent le chemin du salut et font retentir les temples du tonnerre de leurs paroles, quelles sont leurs pensées secrètes, leurs projets, leurs espérances? L'or, les richesses. Ils les demandent au trésor public, réclament des temples superbes et de riches bénéfices. Et quand ils sont, à force d'intrigues et d'acharnement, arrivés à leurs fins, ils s'évanouissent, abandonnent leurs églises tendues de riches draperies, ne montent plus dans leurs chaires, cessent d'adresser au peuple leurs avertissements, quittes, plutôt, à s'insinuer dans les oreilles des rois et des princes. Ils assouvissent enfin leurs infâmes passions, se gorgent de vins et de délices et se vautrent dans la plus infâme débauche.

. . . . J'en connais qui n'hésitent pas à invoquer le ciel dont ils sont les ministres. Le prêtre change d'habit, ce forcené appelle aux armes le peuple et lui désigne les victimes dont il a dressé la liste. Et si la puissance divine n'arrêtait la populace, les ruisseaux de ce pays seraient rougis de sang humain : si grande est la soif de carnage et le goQt des représailles. Sont-ce là les enseignements que vous a laissés le fils de Dieu ? Lorsqu'il remonta au ciel, son dernier mot fut-il pour nous commander d'user de violence envers les infidèles et d'imposer notre loi par le sabre et par le biicher ? Non, ce ne fut point là la doctrine de saint Paul et des chrétiens des trois premiers si~les : notre arme, alors, était non point la force, mais la persuasion, mais le courage tranquille devant le péril.

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MICHEL DE L'HOSPITAL

Me circumstantes regem tigrisque lupique Regia gaza cauis rapiunt qui condita fiscis, Otia quique timent nec tuto uiuere pace Posse putant, omnes quibus est uel denique cordi Et curae sua res, qui regem et publica temnunt Tanquam noctumos uisus et nomen inane, Externo neque rege suum discernere regem Norunt, limitibus reuulsis omnia miscent ; Nec referre putant affixane lilia portis Et muris uideant, an lberae insignia gentis : lsti, inquam, suasorem omnes me pacis et oti, Custodem legum uigilem, me furta furentem Eiicere loco ; nunc omnia turpiter audent Sublato custode, putantque impune licere Omnia, tanquam olim capta solet bostibus urbe 1•

Gratia regum Instar apis uolitat quae circum florida rura, Nunc huic, nunc alii blandos adspirat amores, Floribus et notis post paulo inimica resedit. 0 spes qui posuere suas in regibus olim, 0 stulti nimium, quorum fuit omne placendi Auribus atque oculis studium ! Fugit illa uoluptas Et delatorum satias subit ; ipse recurrens Saepe sonus citharae lassatas afficit aures. Quin etiam interdum sese rex colligit alto Experrectus uti somno qui perfricat ora Et ueris fictos secemere discit amicos ; Odit quos etiam dilexerat ante, dolosae Compertos fraudis, nec ludificarier ultro Se patitur. Melius qui pulchra et plena salutis, Libertate sua moderate et comiter usi, Consilia in medium proponere regibus audent. Non illi meritis ueniunt ad praemia semper Digna suis : raro quoniam uel fortia reges Consilia accipiunt uel libera mentibus aequis 1 •

..

]. LIB. VI, Epist ffl (AD VACCAM ITAWM), V. 159-172. '2. Lm. VI, Epist. 1 (AD VDMI PADVM), v. 2-21.

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ÉPÎTRES OU DISCOURS MORAUX

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LA FRANCE AU PILLAGE

Les loups et les tigres qui entourent le roi, qui puisent à pleines mains dans les caisses de l'Etat, qui redoutent le repos et la paix, où ils ne pourraient pas vivre, qui ne pensent qu'à leur intérêt, méprisent le roi et la patrie comme de vains songes et d'inutiles épouvantails, qui ne distinguent même pas leur souverain d'un prince étranger : supprimant les frontières, ils mêlent tout, peu importe à leurs yeux que les portes et les murs de nos villes soient marquées des fleurs de lys ou des armes de la Maison espagnole - ces gens-là m'ont chassé parce que je défendais la cause de la paix et de la tranquillité, parce que je veillais au respect des lois, parce que je ne tolérais pas leurs dilapidations ; à présent, ils donnent libre cours à leurs penchants criminels, il n'y a personne pour les en empêcher, et ils pensent pouvoir tout se permettre, comme les soudards au pillage d'une ville prise d'assaut. RÉFLEXIONS SUR LA DISGRÂCE

La faveur des rois est semblable à l'abeille, qui voltige dans la campagne et se pose amoureusement sur une fleur, puis l'autre; l'instant d'après elle déteste et délaisse celle qu'elle paraissait le plus aimer. Bien fou qui fonde ses espérances sur l'amitié des rois, et croit la concilier en charmant leurs yeux et leurs oreilles. Il ne plaît pas longtemps et la flatterie finit par importuner. Le son trop continu de la harpe est un fléau. Un roi se réveille parfois du profond sommeil où il était plongé, il se frotte les yeux et apprend à distinguer ses vrais amis des faux, à détester ceux qu'il chérissait et dont les manœuvres coupables lui apparaissent, à ne plus souffrir d'être leur jouet. Mieux valent ceux qui, dans les limites d'une sage liberté, osent donner aux rois de généreux conseils ; ils ne reçoivent pourtant pas toujours le juste salaire de leur courage, car les rois écoutent à contrecœur les avis des hommes fiers et indépendants.

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MICHEL DE L HOSPITAL

Quamquam uir fortis nunquam iacet : altius imo Erigitur contra, pressusque resurgit, ut arbos, Texuntur Graecis uictoribus unde coronae. Nam quem nullus honos, quem gloria nulla superbum Altius euexit, nec fors contraria pellet Deücietue gradu, sed utrisque uidebitur idem Temporibus, neque re sapiens mutabitur ulla. Nec uero metues salsae conuicia linguae Non magis irato quam si canis adlatret ore 1 •

Haec me dulcis aruor patriae plorare coegit •. Ipse bona rex praeditus indole, mater Regni et regis amans : sed in illo spemitur aetas, Sexus in bac ; quando procerum ad se quisque supremam Vim trahit imperii, caedemque malumque minantur, Nos miseri, quibus infirmae ad certamina uires, libertatem animi uocisque tenemus : at ipsa Virtus paucorum scelere est uitioque ligata •.

Ergo ne schola nos sapientum fallat inanis, Ne bene dicendi studium : sapientia mundi Vana tumet, uera et solida est sapientia caelo '. Illa putemus Denique uera Dei uitae promissa futurae Caetera praetereunt, siccis ut saepe uidemus Purpureos anni flores arescere pratis •.

1. 2. 3. 4. S.

Ibid., v. 94-102. Lœ. VI, Epist. X (AD BilTH. FAJVM), v. 86. Lm VI, Epist. 1 (AD VJDVM, FABtVM), v. 110-116. Lœ. VI, Epist. li (AD IACOBVM COUINELLVM), V. 146-148. Ibid., v. 186-189.

ÉPÎTllES OU DISCOURS MORAUX

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Mais pourtant l'homme fort n'est jamais abattu; il relève la tête plus haut que jamais et plus on l'accable, plus il se tient droit, comme l'arbre dont les Grecs prenaient le feuillage pour tresser les couronnes des vainqueurs. Celui que la gloire et les honneurs n'ont point enorgueilli, la disgrke ne saurait l'émouvoir ni l'abaisser : il reste le même partout et toujours; car rien ne change le sage ; et les outrages d'une langue venimeuse n'ont pas plus d'importance à ses yeux que les aboiements d'un chien en colère. IMPUISSANCE

Si je pleure ces calamités, c'est que j'aime ma patrie.

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Le roi est bon ; sa mère aime le royaume et chérit le roi ; mais on dédaigne la jeunesse de l'un et le sexe de l'autre ; tous les grands cherchent à accaparer le pouvoir et y emploient l'infamie et le meurtre ; et moi, malheureux, trop faible pour me mesurer à eux, je garde indépendance de jugement et de langage ; mais la vertu même est ligotée par une poignée d'infimes criminels. PENSW

CHIŒTIBNNES

Ne nous laissons pas tromper par les sophismes et par la passion du bien dire : la sagesse de l'homme n'est qu'une vaine boursouflure, la vraie et solide philosophie est dans les cieux.

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Ne doutons pas des promesses de Dieu concernant la vie future ; tout le reste s'en va et se dessèche comme les fleurs pourprées dans les champs, aprèsla saison.

THÉODORE DE BÈZE (1519-1605)

Né à Vézelay le 24 juin 1S19, élevé à Paris chez son oncle Nicolas, conseiller au Parlement, THÉODORE DE BÈZE a étudié les lettres, puis le droit à Orléans, où il lie amitié avec son maître Melchior Volmar, un des premiers à introduire les idœs de la Réforme en France, et avec Jean Dampierre, autour duquel s'est groupé un petit c sodalicium > d'humanistes. En 1S48, pourvu du prieuré de Lonjumeau et d'une riche abbaye léguée par son oncle, il se marie et embrasse la religion réformée. Par Genève, il rejoint à Tubingue Volmar, à qui est dédiée la première édition de ses poésies. Il passe ensuite dix ans à Lausanne, comme professew de langue grecque. Sa tragédie d'Abraham sacrifiant, traduite en latin, est répandue partout, ainsi que sa version du Nouveau Testament. Il prend part aux querelles politiques avec une apologie du supplice de Servet, condamné au b0cher comme hérétique par les magistrats de Genève le 17 octobre 1SS3; en 1S58 il se rend auprès du roi de France pour intercéder en faveur des protestants. A partir de cette date, il enseigne la théologie à la nouvelle académie de Genève ; mais de nombreuses missions l'appellent et le retiennent au-dehors : à Nérac, où il est chargé de convertir le roi de Navarre, puis, en 1S61, au colloque de Poissy; en 1570 au synode de La Rochelle; puis en Allemagne. Il perd sa femme en 1S88 et se remarie; et meurt le 13 octobre 160S.

En publiant en 1548 chez Conrad Badius l'élégant volume des ~oemata, dédié à Volmar et résultant d'un tri judicieux et même sévère des compositions de la jeunesse, Bèze établissait sa réputation dans les ,tEenrespoétiques les plus divers : épigrammes, sylves, icones ou portraits, églogues, élégies, épitaphes... Les Epigrammes qui en forment l'introduction nous ont paru aussi constituer la section la plus brillante : élégance et, ce qui est plus rare, force dans la louange, malice et vigueur dans le trait satirique, inventions charmantes, humour, préciosité frôlant parfois la mièvrerie : la diversité des sujets et des tons annonce déjà celle du recueil tout entier. Bèze s'y révèle comme un des maîtres du distique élégiaque, tandis qu'il procède dans l'hendécasyllabe phal6cien à des recherches de rythme qui, plus qu'elles ne doivent à Pontano, préfigurent les meilleures réussites de Jean Bonnefons. Des épigrammes variées, l'auteur a tenu à séparer la série homogène des Icones, suite de distiques élogieux, où les figures de quelques modernes s'introduisent à la suite des grands personnages de la légende et de l'histoire de l'Antiquité. Exercice typique de poète humaniste, cette œuvre, d'ailleurs fort courte, n'est ni la première, ni la dernière d'une longue lignée : mais elle en représente la réussite la plus pure, à égale distance de la rhétorique excessive de Scatiger et de l'absence de struc-

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THÉODOREDE BèzE

ture des distiques composés plus tard par un Boissard ou un Pasquier. Ici, la simplicité de ligne s'allie à la concentration de l'id6e : chaque destin se stylise en une formule impeccablement frappée. Les recueils ultérieurs confirmeront l'estime dont jouit notre poète, sans beaucoup y ajouter. On lira néanmoins avec intérêt les Emblimu chrétiens : depuis Alciat, le sujet de l'emblème s'est particularisé, la part de l'érudition s'est réduite, au profit des allusions à l'actualité ; ici encore, l'exécution a gagné en simplicité et en clarté. Nous empruntons pour finir au recueil d'inédits publié par Aubert. Doussard et Meylan le fragment final de la description en hexamètres du Jugement dernier, œuvre de jeunesse, beaucoup mieux toutefois qu'un exercice scolaire : des images saisissantes, inspirées de Lactance et du texte biblique, un mouvement et un souffle épiques nous font regretter l'absence d'un grand poème protestant, équivalent latin des Tragiques d'Agrippa d'Aubigné. TEXTES : Th. Bozae Vezelü Poemata luuenilia, a.l.n.d. •• ; Poemata, Paris, 1548 •• (contient : Syluae, Elegiae, Epitapb.ia, Icones, Epigrammata) ; 2- et 3• 6d. augm. 1569, 1576 (H. Estienne); Icones, id est uerae Imagines..., Gen~e, 1580; Poemata uaria (Syluae, Elegiae, Epitapbia, Epigrammata, Icones, Emblemata, Cato cen.,orius, Abraham sacrificans, Cant. Cantic.), omnia ab ipso lUICtorein unum corpus collecta et recognita, Gcn~ve, 1599 ••; us Juvenilla de Théodore de Bèze, texte latin complet avec la traduction des épigrammes et des épitaphes, et des recherches sur la querelle de Juvenilia, par A. MA· CHAllD, Paris 1879 ; Un premier recueil de poésies latines de Th. tk Bèze, textes inédits, publiées et annotés par F. AUBEllT,J. BoossAJtDet H. MEY, LAN, Gen~ve, 1954 •• (extrait du t. XV, 1953, de c Bibl. Hum. et Ren. »; il s'agit du ms. 1674 de la Bibliothèque d'Orléans).

ETUDES : L. MAtoaoN,De Th. Ber.ae l"'ematis, thàe, Lyon, 1898.

EPIGRAMMATA XXI DB FRANCISCO R.ABBLABSO

Qui sic nugatur, tractantem ut seria uincat, Seria quum faciet, die, rogo, quantus erit? XXVI AD CL. MAROTVM

Tam docte Venerem diuinus pinxit Apelles, Illi ut credatur uisa fuisse Venus. At tantam sapiunt Venerem tua scripta, Marote, Vt tibi credatur cognita tota Venus. XXXIII AD MVSAS

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Si rogat Cereremque Liberumque Vitae sollicitus suae colonus ; Si Mauortis opem petit cruentus Miles, sollicitus suae salutis : Quidni, Calliope, tibi tuisque Iure sacra feram, quibus placere Est unum studium mihi, omnibusque Qui uatum e numero uolunt haberi ? Vobis ergo ferenda sacra, Musae. Sed quae uictima grata ? Quae Camoenis Dicata hostia ? Parcite, o Camoenae : Noua haec uictima, sed tamen suauis Futura arbitror, admodumque grata. Accede, o tinea, illa quae pusillo Ventrem corpore tam geris uoracem. Tene Pieridum aggredi ministros? Tene arrodere tam sacros labores? Nec factum mihi denega : ecce furti Tui exempta, tuae et uoracitatis Tu fere mihi passerem Catulli, Tu fere mihi Lesbiam abstulisti. Nunc certe meus ille Martialis Ima ad uiscera rosus usque languet, XXI

deest 1599.

1599. XXXllI Tit. AD MUSAS, TINlil :UOJPICIVM UJDl (1526-1585)

Né à Muret (près de Limoges) le 12 avril 1S26, donc Limousincomme Dorat, parent, dont l'autorité s'impose à toute la jeunesse studieuse, encouragé par J.-C. Scaliger qu'il appelle son propre père, MAR.c-ANToINE MUllET est, dès l'Age de dix-huit ans, précepteur dans la maison de l'archev!que d'Auch, puis chez un ton

riche marchand de Villeneuve-d'Agen. Il exercera à Poitiers les modestes fonctions de répétiteur au collège Sainte-Marthe, puis obtient une chaire au collège de Guyenne à Bordeaux (1547) : Montaigne, dans ses Essais, I, 25, se flatte d'avoir interprété ses trag6dies. C'est enfin Paris, où il paraît devoir se fixer. Maître admiré, il fait déjà autorité dans les genres les plus divers : théologien, il prononce en l'église Saint-Bernardin une oraison c De dignitate et praestantia studii tbeologici > ; au collège du cardinal Lemoine, un public brillant suit ses leçons de philosophie et de droit civil. Lié d'un côté aux érudits (Dorat, Buchanan, Tumèbe, Antoine de Gouvea, connu à Bordeaux, Passerat), il l'est aussi avec les poètes de la nouvelle génération : Du Bellay, rencontré à Poitiers, Baïf, son frère d'alliance, Belleau, Olivier de Magny, Jodelle; il assista avec Ronsard à la fameuse pompe du bouc. En 1552, âgé de vingt-six ans, il publie à la fois un Commentaire de l'Ethique d'Aristote, les Commentaires des Amours de Ronsard, et les Iuuenilia, recueil de poèmes latins. - Ses succès éveillent l'envie : accusé de sodomie, il est incarcéré au Châtelet, d'où ses amis le font élargir. Retiré à Toulouse, où il donne des conférences de droit romain, il est accusé à nouveau du tname vice et condamné, avec son présumé complice, à être brOlé vif comme sodomite et hérétique, selon l'arrêt par contumace des Capitouls de 1554. Prévenu, Muret se réfugie en Italie, où il est accueilli à bras ouverts par les savants de Venise : Loredano, Contarino, Bembo, les Manuce. Le cardinal Hippolyte d'Este le presse de venir grossir sa petite cour littéraire. A Rome, où Pie V l'accueille, il donne un cours d'éloquence et de philosophie, puis de droit civil : Grégoire XIII, juriste luim8me, lui décerne le titre de citoyen romain et l'appelle c le flambeau et la colonne de l'école romaine > : on peut dire en effet que les fondements de la rhétorique qui sera enseignée par les jésuites ont été posés par lui. Quand Etienne Batory, roi de Pologne, lui offre un traitement de 500 écus d'or pour se l'attacher, Grégoire double la somme. Depuis deux ans, Muret est rentré dans les ordres. D compose pour un neveu rinstitutio puerilis, et meurt à Rome le 4 juin 1485.

La gloire de Muret et son influence durable reposent avant tout sur son activité de professeur et de théoricien humaniste. Mais sa gloire ne souffre pas, il s'en faut, de la publication de ses poésies latines, en particulier des luuenilia, élégant livret paru en 1553, où un jeune auteur de vingt-sept ans faisait la preuve de sa virtuosité dans tous les genres simultanément : tragédie, élégie, satire, épitre, ode, épigramme. Le genre de l'épigramme convient particulièrement à son goOt de la clarté : on y retrouve les thèmes madrigalesques, servis par une rhétorique qui, à la différence de Scaliger, reste pure de toute complication. Il eOt triomphé, s'il eOt voulu, dans l'épigramme satirique, et notamment

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MARC-ANTOINE

MURET

dans le distique, où se joue son ironie un peu sèche, son sens du trait rapide, spirituel. La tragédie de Jules César, en dépit de son canevas un peu mince et d'une action plutôt statique, a attiré à juste titre l'attention de tous ceux qui ont étudié la naissance du théâtre classique. La figure du dictateur qui fascinait déjà Pétrarque est au centre des grands débats politiques et éthiques de la Renaissance. L'exaltation de la vertu héroïque, la méditation sur le pouvoir absolu et sur la liberté, ces thèmes républicains et stoïciens revêtent tout naturellement l'éclat d'une superbe rhétorique ; les thèses s'affrontent et se stylisent en formules bien frappées ; à la tension de l'âme correspond la tension du style : le théâtre est école d'éloquence; le Cinna de Corneille, dont le sujet est voisin, marquera le point d'aboutissement de cette esthétique. TEXTES : M. A. Mureti luuenilia, Paris, 1552 ••• ; M. A. Mureti, i.e. et ciuis Rom. Hymnorum sacrorum liber; eiusdem alia quaedam pematia,Paris, 1576 •••; Opera omnia, ed. RuHMŒN,Lyon, 1789, 4 vol.; d'après le précédent, ed. Ch. H. FaoSCHEJt,Leipzig, 1834-1841, 3 vol.; Scripta selecta, ed. J. FllEY, Leipzig, in c Bibl. script. lat. rec. aet. >, 2 tomes en 1 volume, 1871-1873; 1887-1888. TRADUCTION : Poésies de M. A. Muret, mises en vus français par M. P. MollET, Paris, 1682, 184 p. (édition bilingue).

ETUDES : C. Dwoa, M. A. Muret, thèse, Paris, 1881 ; m., L'influence du concile de Trente sur la littérature, 1884; Fr. DELAGE, M. A. Muret, poile français, Limoges, 1905 ; 1910; m., Un humaniste limousin du xvr siicle, M. A. Muret, in c Bull. soc. arch. et hist. du Limousin >, LV (1936), p. 147 ss (extrait du pr6cédent); G. A. G. CoLLISCONA, J. Grévin's Tragôdie c Caesar :t in ihrem Verhaltnis zu Muret, Voltaire und Shalcespeare,Marbourg, 1885.

IVLIVS CAESAR

Tragoedia ACTVS PRIMVS

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1am tota pene terra Romanos timct, Et qua rcsurgens aurcisPhoebus comis Indos propinqua subditos tingit face, Et qua cadentes pronus inflectens equos Gratae sorori cedit alternas uices, Patruique lasso stagna crispat lumine. Quacunque Nereus margines terrae premit, Reges uel ipsi Caesaris nomen timent. Numerent triumphos cum uolent alii suos, Seque a subactis nominent prouinciis : Plus est uocari Caesarem : quisquis nouos Aliunde titulos quaerit, is iam detrahit. Numerare ductu uis meo uictas plagas ? Percurrito omnes. Ipsa uictrix gentium Mihi Roma cessit. Ille tam magnus gencr, Vt pene nomen duceret iam impar sibi, Terra marique fusus agnouit meas Praestare uires : quemque noluerat parem, Tulit priorem : Thessali caede bostium Maduere campi : principum membris canes, Auesque pastae : ductor ipse exterritus, Fugare suetus, fugit, et notos petens, Sensit manere raram in aerumnis fidem. Quid ergo restat, quidue dignum Caesare Subacta tellus exbibere ultra potest ? Caelum petendum est : terra iam uilet mihi. Supreme rector, qui uerendo fulmine, Iratus, orbis utrunque perterres polum, Si uerus esse sanguis Ascanii putor, Generisque nostri tu ipse princeps auctor es, Regni me in aliquam recipito partem tui, Auos ut inter splendidum sidus meos, Matris Diones proximam aspiciam facem. 1am uel mihi, uel patriae uixi satis : Quid teneor ultra ? 1am mihi exactum est, geri Sago togaque quicquid eximium potest. Hostes perempti, ciuibus leges datae, Digestus annus, redditus sacris nitor,

JULES CÉSAR Tragédie ACTE PREMIER César

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Désormais Rome se fait craindre d'un bout à l'autre de l'univers, aussi bien dans les pays où Phébus aux cheveux d'or se lève, et brunit de sa torche toute proche les Indiens basanés, que dans ceux où, penché sur l'encolure de ses chevaux, il amorce la descente pour céder la place à sa sœur, qui lui en sait gré, et laisse sa lumière affaiblie jouer sur les vagues ourlées de Neptune. Et partout où Nérée borde les continents, les rois eux-mêmes tremblent devant le nom de César. Que d'autres, s'il leur plaît, énumèrent leurs triomphes, qu'ils tirent leurs surnoms des provinces par eux conquises : le nom de César éclipse tout cela, chercher ailleurs un titre supplémentaire serait déchoir. Veut-on faire le compte des régions que mes soldats ont soumises? Qu'on parcoure alors tous les continents 1Rome elle-même, Rome, qui a vaincu le monde, s'est inclinée devant moi. Et mon gendre, dont la grandeur excédait, peu s'en faut, le surnom qu'il portait, défait et sur terre et sur mer, a dQ confesser ma supériorité : lui qui n'avait pas voulu faire de moi son égal, il a dQ m'accepter pour son maître. Les plaines de Thessalie ont ruisselé du sang de mes ennemis, les hyènes et les vautours se sont repus des cadavres d'officiers illustres ; pris de panique, leur chef, qui avait mis en fuite tant d'armées, à son tour dut prendre la fuite et chercher refuge chez des amis, éprouvant à cette occasion qu'il en est peu qui restent fidèles dans le malheur. Que puis-je attendre désormais? L'univers dompté peut-il encore m'offrir une entreprise digne de César? Non, c'est le ciel qu'il me faut viser : désormais la terre n'a plus de prix à mes yeux. Dieu souverain, qui gouvernes le monde, qui, de ta foudre redou- . table, fais trembler devant ta colère l'un et l'autre pôle, si c'est l'authentique sang d'Ascagne qui coule dans mes veines, comme on le dit, s'il est vrai que tu es en personne l'ancêtre et le fondateur de ma race, alors, fais-moi une place dans ton royaume : que, changé en étoile, je brille au milieu de l'assemblée des miens, et contemple de près l'astre de ma mère Dioné. J'ai bien assez vécu, tant pour moi que pour la patrie. Pourquoi m'attarder? Tout ce qu'on peut réaliser d'extraordinaire, aussi bien sous l'habit du soldat que sous la toge du citoyen, je l'ai accompli. J'ai anéanti nos ennemis, donné des lois aux citoyens, réformé le calendrier, rendu leur éclat aux cultes délaissés, pacifié le monde : impossible

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Compostus orbis : cogitari nec queunt Maiora cuiquam, nec minora a me geri. Viuam ociosus ? ad id quidem uix uiuere est. Nec sol quietem, nec bonus princeps capit. Cum uita partes muneris functa est sui. Mors propera nunquam, sera nonnunquam uenit. Mihi multa uates dira minitantur quidem, Suadentque amicis ut meum stipem latus At enim timere Caesaris nunquam fuit, Ignaua mens rebusque non exercita Vereatur atrae mortis incertum diem : Generosus animus, quique se nullo uidet Scelere impiatum, semper est liber metu.

EPIGRAMMA TA XXIV

Poma suis tantum, Memmi, substernit amicis Verum, at nulli unquam Poma inimica fuit. XXV

Quam malus est, quisquis dicit te, Porna, superbam ! Quid ? Tu te pueris subiicis ipsa tuis ! XXXV

Mulciber incessu, capite Aeolus, ore Lyaeus, Tres uno diuos corpore solus habes. XXXVII

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Nil immundius est tuis libellis, Nil obscenius, impudiciusque : Et uis te tamen ut putemus esse Numa, Fabricioque sanctiorem ! At sententia nostra ea est, Noalli Quisquis uersibus exprimit Catullum, Raro moribus exprimit Catonem. XLIX

Cur tibi cauta dedit corpus natura pusillum ? Viderat hoc ipso plus satis esse mali.

JULES CÉSAR.

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désormais ni à personne de concevoir de projets plus grandioses, ni à César de se résigner à de plus modestes. Finirai-je donc ma vie dans l'inaction ? Mais peut-on appeler cela vivre ? Le bon prince, pas plus que le Soleil, ne connaît de repos. Quand la vie a été employée à accomplir les tâches auxquelles on était destiné, la mort ne vient jamais trop tôt, quelquefois au contraire elle se fait attendre. Les prêtres, il est vrai, me font part de maint présage inquiétant, ils engagent mes fidèles à me faire un rempart de leur corps. Mais la crainte n'a jamais été le défaut de César. Laissons le lâche, que les épreuves n'ont pas aguerri, appréhender l'heure incertaine où la noire Mort le saisira. L'âme bien née, l'homme dont la conscience est sans tache, quant à lui, est bien au-delà de la crainte.

ÉPIGRAMMES XXIV

Catin, Memmius •, ne se donne qu'à ses amis. C'est vrai, mais... on ne lui a jamais vu d'ennemis. XXV

Catin, il faut avoir mauvais esprit pour te dire fière toi qui te mets au-dessous de tes domestiques ?

fière,

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Les jambes de Vulcain, la tête d'Eole, l'haleine de Bacchus à toi seul tu réunis trois dieux en une personne ! XXXVII

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Rien de plus infâme que tes petits livres, rien de plus indécent, de plus impudique : et tu veux qu'on te croie plus pur que Numa et que Fabricius. Mais, pour te dire le fond de ma pensée, Noallius, celui qui écrit les vers d'un Catulle a rarement les mœurs d'un Caton!

XLIX

Pourquoi la nature prévoyante t'a donné, Lygdus, un tout petit corps? Elle avait bien vu que c'était assez de mal comme cela.

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LI

Aurea caesariem, praedulci argentea uocc, Hei mihi, cur duro ferrea corde manes ? LVI

Cur tua uix unquam sint salsa epigrammata, quaeris ? Diluis haec nimio, Pontiliane, mero. LXXVIII

Fama est hoc anno morituros esse poetas : Quid metuis ? Nil te, Gaure, timere decet. LXXXIV

Das mihi lactucas, centum sed mutua poscis : Desine : lactucas, Paule, minoris emo. LXXXVIII

Hos tibi quid iuras factos ex tempore uersus ? Pagina, si taceas, id satis ipsa probat. ALIA

QV AEDAM POEMA TA AMOR.

Niuibus hiems exuberat, uer floribus, Aestas aristis affluit, lacrumis amor. BASIVM IULIAB

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Cum roseam inflectens ceruicem ad basia torques, Et tibi iam paeti molle natant oculi, Prae desiderio prope tum mi anima ipsa liquescit, Vixque potest tanti uim tolerare boni. Post, ubi iam licet, admotis utrinque labellis, Ambrosium suauis sugere florem animae, Twn mihi, tum uideor Diuorum accumbere mensis, Atque haurire auide nectareos latices. Iulia flos aeui cum, quae sunt proxima summis, Tam facilis dones, cur modo summa negas ? An metuis, Deus efficiar ne forte fruendo, Et sine te sedes euolem ad aetherias ? Pone metum, formosa : tuos quaecumque tenebit Ora oculos, semper caelum erit illa mihi.

tPIGRAMMES

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Cheveux d'or, voix d'argent .... hélas! pourquoi un cœur de fer? LVI

Tu veux savoir pourquoi tes épigrammes manquent de sel ? Tu les noies, Pontilianus, dans trop de vin ! LXXVIII

Le bruit court que cette année sera fatale aux poètes. Pourquoi t'alarmer, Gaurus? Tu n'as aucune crainte à avoir. LXXXIV

Tu me donnes des laitues, mais tu exiges cent cadeaux en échange. Assez : les laitues, Paulus, me coOtent moins cher 1 LXXXVIII

Pourquoi jures-tu que tu as improvisé ces vers ? Même si tu te taisais, la page le prouve bien assez.

AUTRES

POÈMES

AMOUR

En hiver, neiges à foison, fleurs au printemps, épis en été, larmes en amour. LE BAISER DE JULIE

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Quand tu courbes ta nuque rose pour l'offrir à mes baisers, et que tes yeux chavirent, doucement pâmés, peu s'en faut que mon âme se fonde de désir : c'est presque plus qu'elle n'en peut supporter. Puis, quand tu me laisses, joignant mes lèvres aux tiennes, respirer la fleur d'ambroisie de ton âme si douce, alors, oui alors il me semble être assis à la table des dieux et puiser à longs traits le nectar. Julie, fleur de ton âge, si tu m'accordes de si bonne grâce les faveurs qui préludent aux derniers dons, pourquoi me refuser ceux-là? Aurais-tu peur que d'aventure l'excès de plaisir ne fit de moi un dieu et que je te laisse pour m'envoler vers les demeures éthér6es? Rassure-toi, ma toute belle : là où seront tes yeux, là sera toujours pour moi le paradis. 12

JOACHIM DU BELLA Y (1522-1560)

D'une famille célèbre par ses hommes de guerre et ses diplomates, JOACHJM DU né au château de la Turmelière, en Anjou, en 1S22. Orphelin, obligé de renoncer à la carrière des armes et voulant se tourner vers l'état ecclésiastique, il étudie le droit à la faculté de Poitiers, où il connaît Muret, Macrin, Jacques Peletier du Mans; vers 1S47 il rejoint à Paris Ronsard et Baïf et suit avec eux les leçons de Dorat au collège de Coqueret. C'est lui qui publiera le manifeste de la jeune école poétique : la Défense et Illustration de la langue française (1S49). La m&ne année paraît son premier recueil de sonnets, L'Oiive. Sa santé est précaire, il ressent les premières atteintes de la surdité. Le cardinal Jean du Bellay consent à se l'attacher et l'emmène à Rome en avril 1SS3. Il se croit un moment appelé à une carrière diplomatique, mais ne reçoit que la charge d'intendant. Tout en ruminant sa déception, il compose ses chefs-d'œuvre : les Antiquités de Rome, les Regrets, les Jeux rustiques, et aussi les Poemata, tous publiés à son retour en France en 1SS8. Mais sa surdité s'est aggravée, il est aux prises avec des ennuis domestiques. Découragé et vieilli avant l'lge, il meurt d'apoplexie le t •• janvier 1S60, ig6 de trente-sept ans. BELLAY est

Des thèmes et des images des Antiquités et des Regrets : Rome, l'exil, traités avec une orchestration plus large - et une musique moins subtile ; de fort spirituelles épigrammes ; des épitaphes ; enfin une suite de pièces assez vives, inspirées par les épisodes d'un petit roman vécu, dont l'héroïne fut une jeune romaine nommée Faustine : l'ensemble, réuni sous le titre de Poemata et publié en 1558, fait honneur à la Muse latine de du Bellay. Il est piquant toutefois que l'auteur de ces vers soit le champion de la jeune école nationale, celui qui, huit ans plus tôt, appelait les jeunes poètes à délaisser les vers latins pour se vouer à la c défense et illustration de la langue française >. A quoi attribuer cette volte-face? A l'influence du genius loci, du cercle des amis de son oncle, des lettrés romains qu'il fréquente journellement ? Au dépit de n'être toujours, parmi les poètes français, que le brillant second ? A une coquetterie d'humaniste, soucieux de démontrer, en passant, son savoir-faire? Dans son Introduction aux Jeux rustiques, qui datent de la même époque et marquent, d'une autre façon, un recul par rapport au programme de 1550, V. L Saulnier revendique pour le poète le « droit de trahir >. La bataille est gagnée désormais : c La langue sauvée ou sur le point de l'être, on avait le droit d'enlever un instant son casque. > Jeux, donc, aussi, les Poemata? Sans doute, mais rien moins que rustiques.

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JOACHIMDU BELLAY

TEXTES : Poemata allquot, Odarum I. Ill, Paris 1546 ; Elegia •• cum allquot epigrammatis, Paris 1558 ; Poematum libri IV, qulbus contlnentur elegia, uorla epigrammata, amores, tumuli, Paris, 1558 •••; Xeniorum liber, Paris, 1569; Les poésies de Joachim du Bellay, ed. E. CouuET .. , Paris, 1919, t. Il. (La grande 6dition de MAlllY•LAVEAux ne comprend pas les Poemata.)

TRADUCTION : THIERRYSANDu, Les Amours de Faunine, Amiens, 1923. ETUDES : L de BoUlloo, De Joach. Bellaii latinis poematis, thèse, 1903; H. CHAMAllD, Joachim du Bellay, Lllle, 1900; p. 358-361; m., Histoire de la Plllade, cbap. xvm, § 8 : Du Bellay et Faustine; M. SMim, Joachim du Bellay• velled victim, with an edition of the c Xenia, seu illustrium quorundam nominum allusiones >, c Etudes de Philologie et d'Histoire >, 27, Genhe, Droz, 1974.

ELEOIAE VII PATRIAE DESIDERIVM

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Quicumque ignotis lentus terit ocia terris, Et uagus extemo quaerit in orbe domum ; Quem non dulcis amor, quem non reuocare parentes, Nec potuit, si quid dulcius esse potest : Ferreus est, dignusque olim cui matris ab aluo Hyrcanae tigres ubera praebuerint. Non mihi saxea sunt, duroue rigentia ferro Pectora, nec tigris, nec fuit ursa parens, Vt dulci patriae durus non tangar amore, Totque procul menses exul ut esse uelim. Quid nanque exilium est aliud, quam sidera nota, Quam patriam et proprios deseruisse lares ? Annua ter rapidi circumacta est orbita solis, Ex quo tam longas cogor inire uias ; Ignotisque procul peregrinus degere tectis, Et Lyrii tantum uix meminisse mei, Atque alios ritus, aliosque ediscere mores, Fingere et insolito uerba aliena sono. At quid Romana, dices, speciosius aula, Aut quisnam toto pulchrior orbe locus ? Roma orbis patria est, quique altae moenia Romae Incolit, in proprio degit et ille solo. Forsan et est Romae (quod non contingere cuiuis Hic solet extemo) uiuere dulce mihi. Est qui purpurei patruus pars magna senatus, Atque idem Aonii pars quoque magna chori, Qui nostras ometque bonus foueatque Camoenas, Arceat a nostro pauperiemque lare. At quoties studia antiqua, antiquosque sodales Et memini charam deseruisse domum, Quondam ubi sollicitas Persarum temnere gazas Et foelix paruo uiuere doctus eram, Ipsa mihi patriae loties occurrit imago, Et toties curis torqueor usque nouis. Vtque nihil desit, nobis tamen omnia desunt, Dum miseris noto non licet orbe frui, Nec Ligeris ripas, saltus, syluasque comantes Cemere, et Andini pinguia cuita soli, 9 dulci 1558 : dulcis Courb,t. qui Co11rb,t : cui 1558.

21 quique 1558 : quisque Co11rb,t.

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ÉLÉGIES VII

REGRETSDE LA PATRIE

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Quiconque peut s'attarder à loisir sur un sol inconnu, et, voyageur sans attaches, désirer s'établir sous des cieux étrangers, sans que le doux amour de ses vieux parents, ou d'autres attachements, plus doux encore, le ramènent au pays - celui-là est de fer, celui-là pourrait avoir tété le sein d'une tigresse d'Hyrcanie. Je n'ai, quant à moi, ni cœur de pierre, ni une poitrine bardée de fer, je n'eus pour mère ni une tigresse ni une ourse, pour être si peu touché par le doux amour de ma patrie, que je désire m'exiler durant de si longs mois. L'exil est-il en effet autre chose que cet abandon de sa terre, de sa maison natale, de ses astres familiers? Par trois fois le soleil rapide a accompli sa grande révolution, depuis que j'ai été contraint d'entreprendre un si long voyage, de m'installer, loin de chez moi, chez des hôtes inconnus, de perdre jusqu'au souvenir de mon Liré, pour apprendre d'autres usages, d'autres mœurs, et parler une langue inconnue. Mais, diras-lb, est-il rien de plus brillant que la Cour romaine ? Est-il lieu au monde qui renferme plus de beauté? Rome n'est-elle pas la patrie du monde entier, et habiter dans ses murs, n'est-ce pas fouler le sol de son propre pays? Oui, sans doute le séjour romain n'est-il pas pour moi sans douceur (c'est un privilège de bien peu d'exilés) : j'ai ici un oncle, qui est un des personnage.c;les plus considérables du Sénat vêtu de pourpre, un des plus considérables aussi parmi le chœur des poètes : plein de bonté pour moi, il distingue et protège ma Muse, et met mes jours à l'abri de la pauvreté. Pourtant, lorsque je repense aux études d'autrefois, aux compagnons d'autrefois, à la douce demeure que j'ai quittée, à toute cette époque où, méprisant les trésors inquiets des Perses, je savais trouver le bonheur dans une vie modeste - alors me reviennent en mémoire les images de ma patrie, alors je suis en proie à des tourments renouvelés. Alors même qu'il ne me manque rien, tout me manque, tant qu1télas ! je ne puis jouir du pays où je suis né, ni voir les bords du Loir, ses bocages, ses bois chevelus, les riches pâturages de la terre angevine, qui en lait comme en vin, ou en

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JOACHIM DU BELLAY

Ouae lacte et Baccho, flauentis et ubere campi Antiquae certant laudibus ltaliae. Ast lthacus, licet ipsa foret Laertia tellus Et Bacchi et Cereris muneribus sterilis, In patriam redüt : reditum nec pulchra Calypso, Nec pulchra Alcinoi detinuit soboles. Felix qui mores multorum uidit et urbes, Sedibus et potuit consenuisse suis t Ortus quaeque suos cupiunt, extema placentque Pauca diu, repetunt et sua lustra ferae. Quando erit, ut notae fumantia culmina uillae, Et uideam regni iugera parua mei ? Non septemgemini tangunt mea pectora colles, Nec retinet sensus Tybridis unda meos. Non mihi sunt cordi ueterum monumenta Quiritum, Nec statuae, nec me picta tabella iuuat. Non mihi Laurentes Nymphae, syluaeque uirentes, Nec mihi, quae quondam, florida rura placent. Ipsae etiam, quae me primis docuere sub annis Ad citharam patrio flectere plectra sono, Heu ! fugiunt Musae, refugitque auersus Apollo, Et fugiunt digitos mollia plectra meos. Aulica dum nostros gestaret turba libellos, Et tereret manibus carmina nostra suis, Dumque meos Regis soror, illa, illa inclyta ui.rgo Afflaret sancto numine uersiculos, Margaris inuicti Regis soror, aurea uirtus Inter mortales cui dedit esse Deam. Tune licuit totum foecundo pectore Phoebum Concipere, et pleno pandere uela sinu. Nunc miseri ignotis caeci iactamur in undis, Credimus et Latio lintea nostra freto. Hoc Latium poscit, Romanae haec debita linguae Est opera, hue genius compulit ipse loci. Sic teneri quondam uates Praeceptor Amoris Oum procul a patriis finibus exul agit, Barbara (nec puduit) Latiis praelata Camaenis Carmina non propriam condidit ad citharam. Carmina principibus gaudeot, plausuque theatri, Quique placet paucis, displicet ipse sibi.

58 plectra Eltg. : uerba 1558.

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moissons blondissantes, rivalisent avec les richesses de l'antique Italie. La tette d'lthaque était aussi pauvre en blé qu'en vignobles, et pourtant Ulysse y est revenu, sans se laisser retenir par la belle Calypso ni par la belle Nausicaa, fille d'Alcinoos. Heureux qui a vu les villes et les coutumes de maint peuple de la tette, et ·a pu retrouver son foyer et y fmir ses jours. Tout être désire revenir à ses sources, même les bêtes regagnent leurs tanières, il est peu d'exils qui plaisent longtemps. Quand reverrai-je le toit fumant de ma maison familière et les quelques arpents qui sont mon royaume? Les sept collines ne touchent plus mon cœur, l'onde du Tibre n'attache plus mes sens, les monuments des anciens Romains ne m'émeuvent plus, statues et tableaux ont cessé de me plaire, et ne me séduit plus ce qui me séduisait naguère, nymphes de Laurente, forêts verdoyantes, campagnes fleuries. Même les Muses me fuient, elles qui m'avaient appris, en mes tendres années, à marier à ma lyre les vocables de mon pays, elles me fuient, hélas ! et Apollon lui-même me tcurne le dos et s'enfuit, et fuit entre mes doigts la lyre harmonieuse. Du temps que mes poèmes se lisaient à la Cour, qu'on se les passait de main en main, du temps que la sœur du roi, illustre entre toutes les femmes, honorait mes vers de sa sainte protection, Marguerite •, sœur du roi invincible, dont la vertu parfaite a fait une déesse sur la terre - en ce temps-là mon cœur inspiré par Phébus put concevoir toutes les ambitions et voguer à pleines voiles. Aujourd'hui, ballotté, aveugle, sur une mer inconnue, je confie mon esquif aux ondes latines. Le pays latin exige de moi cet effort, je dois cet hommage à la langue de Rome, le génie du lieu m'y oblige. Ainsi jadis le maître en tendres Amours •, exilé lui aussi loin de sa patrie, dut, sans rougir, préférer à la Muse latine la Muse barbare, et accompagner son chant d'un plectre qui n'était pas le sien : la poésie ne s'épanouit qu'à la cour, au milieu des applaudissements du public; qui n'a l'oreille que d'un petit nombre, n,. charme pas non plus sa propre oreille.

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ROMAE VETERIS

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Montibus e septem totum diffusa per orbem, Sidera sublimi uertice Roma tuli. Sub pedibus terras utroque ab littore pressi, Athlantem tenuit dextra, sinistra Scytham. luppiter bos etiam disiecit fulmine montes, Et tumulos iussit corporis esse mei. Incubuit capiti rupes Tarpeia nostro, Pressa Quirinali pectora nostra iacent. Crura Palatinus, geminos bine inde lacertos Collis Auentinus, Vimineusque tegunt. Exquiliae bine surgunt et surgit Coelius illinc : Haec quoque sunt pedibus facta sepulchra meis. Sic quae viva sibi septem circumdedit arceis, Mortua nunc septem contegitur tumulis. XVII CVIVSDAM CANIS

Latratu fures excepi, mutus amantes : Sic placui domino, sic placui dominae. LIV IPSIVS

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Clara progenie et domo uetusta (Quod nomen tibi sat meum indicarit) Natus, contegor bac, uiator, uma. Sum Bellaius et poeta. 1am me Sat nosti, puto. Num bonus poeta, Hoc uersus tibi sat mei indicarint. Hoc solum tibi sed queam, uiator, De me dicere : me pium fuisse, Nec laesisse pios. Pius si et ipse es, Manes laedere tu meos caueto.

TOMBEAUX 1 TOMBEAU DE LA ROME ANTIQUE

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Née de ces sept collines, j'ai grandi jusqu'à embrasser le monde entier; mon front s'est haussé jusqu'à porter les astres, mes pieds ont foulé les pays des deux côtés de la mer, de ma main droite j'ai tenu l'Atlas, de la gauche, les montagnes de la Scythie. Mais Jupiter de sa foudre a renversé jusqu'à mon berceau, des collines qui m'ont vu naître il a voulu faire mon tombeau. Je sens sur ma tête le poids de la roche tarpéienne, ma poitrine est écrasée par le Quirinal ; le Palatin recouvre mes jambes, Aventin et Viminal mes bras ; ici se dresse l'Esquilin, là le Caelius : eux aussi font peser la terre sur mes pieds. Ainsi les sept citadelles qui ceinturaient Rome vivante, aujourd'hui qu'elle est morte, sont devenues ses sept tombeaux.

XVII TOMBEAU D'UN CHIEN

J'ai aboyé après les voleurs, et me suis tu pour les amants ainsi ai-je plu à mon maître, sans déplaire à ma maîtresse. LIV TOMBEAU DU POÈTE

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C'est l'enfant d'une illustre race, le fils d'une antique maison (mon nom en porte témoignage), qui gît, passant, au creux de cette urne. Je suis Bellay et poète : je t'en ai assez dit, je pense. Si je fus bon poète, mes vers te l'indiqueront ; quant à moi, passant, je ne puis et ne veux ajouter que ceci : j'ai vécu pieusement, sans jamais offenser âme pieuse. Si tu l'es toi-même, garde-toi d'offenser mes mânes.

RÉMY BELLEAU (1528-1577)

N6 en 1528 à Nogent-le-Rotrou, prot6g6 par l'abb6 Christophe de Choiseul, a pu suivre au collège de Boncourt, en dme temps que Jodelle, les leçons de Muret et de Buchanan. Il s'attache bientôt et pour toujours à la maison de Lorraine, sert dans la cavalerie de René. marquis d'Elbeuf, qu'il accompagne dans son exp6dition de Naples (1557), devient précepteur de son fils Charles, est logé au château de Joinville (1563-1566) ; il mourra à l'hôtel de Guise au cours d'un de ses séjours à Paris. Ses amis Baïf, Desportes, Ronsard, l'inhument dans la chapelle du couvent des Grands-Augustins. Avec eux Belleau a participé au mouvement de la jeune po6sie. Bon he116niste il a publié en 1556 une traduction en vers des Odes d'Anacréon, suivie des Petites Hymnes de son invention. Sa Bergerie, pastorale poétique d'une composition très m&l6e, est publi6e en 1565, rééditée en 1572, grossie de nombreuses poésies, dont un cycle de baisers à la manière de Jean Second. Un an avant sa mort, il avait confié aux presses ses Amours et nouveaux échanges de pierres précieuses, sans doute son œuvre la plus originale. Les po6sies latines ne représententqu'un aspect tmi secondaire de sa production. BELLEAU

Quelques vers latins, non réunis, mais restés disséminés au milieu des poésies en langue française, laissent penser que Belleau, s'il edt voulu, eOt été, dans cette langue aussi, un poète d'une grande distinction. La meilleure preuve : sa traduction de six sonnets de sa Bergerie, choisis, il est vrai, parmi les plus ardemment sensuels, où il rivalise de bonheur non seulement avec lui-même, mais avec le modèle plus lointain, Jean Second. Contraste avec ces esquisses délicieuses le très curieux Dictamen metrificum, poème macaronique de 230 vers, de ton burlesque, où Belleau dénonce les excès des bandes armées qui ravageaient alors la France au nom de la religion. Amusement de lettré supposant une pleine conscience et expérience du latin humanistique, le latin macaronique avait été illustré en Italie par Tifi Odasi (Maccharonea, 1470) et surtout par Teofilo Folengo ou Merlin Cocaie, dont le chef-d'œuvre est le Baldus, épopée burlesque en vingt-cinq livres (4 éditions différentes : 1517, 1524, 1540, 1544) ; un poète allemand, sous le pseudonyme de Griphaldus Knickk.nacldus,écrira dans le même style la Flohiade (Floh : la puce), parue en 1593. Le poème de Belleau, moins connu, nous a paru mériter au moins une courte citation. TEXTES : Poema macaronicum de Hllo huguenotico, stampatus in stampatura stampatorum, 1670 ••; Dictamen metri/icum de bello huguenotico et reistronun piglmnine, s.l. 1723 ••; us œuvres poétiques de Rémy Belleau, Paris, 1578 •••, 2 vol. (voir t. Il, fol. 61-64; 72-74; 102-103); 2- 6d., Paris, IS85.

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Blaesa illa mollicella uerba et blandula Risusque lenes languidique ocelluli Tecum osculis dum luctor altercantibus (Elicere caelo sola quae possent Iouem) Papillulaeque turgidae, quae ]ilium Candore uincunt lacteo, Jabellaque Minio rosisque et purpurae certantia Comaeque flauae, ebumeusque dentium Aequalis ordo - macerant me perdite. Sed summa puro lingua rore perlita Vinctique nexu blandiore spiritus Duplicisque linguae impressiones mutuae, Hinc inde lenis cursitans anhelitus, Meam omnibus foelicitant mentem modis. Nam seu retortos diuidam capillulos, Tremulasue fugam basiando pupulas, Animamque labris sentiam errantem tuis, Tabesco et ossa pauidus occupat tremor, Vultumque sudor salsus inficit meum, Animusque dulci amore perculsus stupet. DICTAMEN METRIFICVM DB BELLO HVGVBNOTICO BT REISTRORVM PIGLAMINB, AD SODALBS

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Ah pereat, cito sed pereat miserabilis ille Qui menat in Françam nigra de gente diablos, Heu pistolliferos Reistros, traistrosque uolores Qui pensant nostram in totum destrugere terram ; Nunquam uisa fuit canailla brigandior illa : Egorgant homines, spoliant, forçantque puellas, Nil nisi forestas (domicilia tuta brigantum) Cherchant luce, tenent grandes sed nocte caminos, Blasphemare deum primis didicere parollis, Arrestant homines, massacrant, inque riuieras Nudos deiiciunt mortos, pascuntque grenouillas. Pistollisque suis faciunt tremblare solieros

Tlt. PoBMA M.\CilONIC\IM DB BELLO HVOVBNO'ffCO 1670.

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BERGERIE BAISER.

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Ces mots entrecoupés, doux et câlins, ces fous rires charmants, ces yeux à demi pâmés, quand nous luttons à qui prendra le plus de baisers, des baisers à faire descendre à eux seuls un dieu du ciel, ces jeunes seins gonflés, d'une pureté laiteuse, plus blancs que lys, ces lèvres rivales du corail, des roses et de la pourpre, ces cheveux, or fauve, l'ivoire de ces dents admirablement rangées - tant de douceur m'achève et me laisse sans forces. Mais la pointe de ta langue, mouillée de pure rosée, nos deux souffles unis dans l'enivrement du baiser, les attouchements de nos deux langues complices, les soupirs pressés qu'échangent nos bouches, de mille façons portent mon esprit au comble de la félicité. Car soit que je plonge la main dans tes cheveux, ou que je mette en fuite sous mes baisers un sein apeuré, ou que je cueille sur tes lèvres ton âme en train de s'envoler, je fonds de plaisir, un frisson de peur agite ma poitrine, la sueur couvre mon visage, mon esprit navré par la douceur d'aimer, ne sait plus où il en est.

MÉTRIFIQUE

CONTION

SUR LA GUERRE HUGUENOTIQUE ET LES HORRIFICQUES DIREPTIONS DES MILICES, À SES AMIS

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Qu'il décède de mature mort, ce flagitiose nebulon qui dimitte es Pénates Gaulois ces diaboliques nepotes d'Orcus, ces furuncules pistolifères, ces traîtres prédateurs, qui espèrent destruger entièrement notre terre. On ne vit oncques tourbe plus grassatrice : ils jugulent, spolient, constuprent les puelles, ne cherchent d'autre gîte durant le diucule que les silves, tutissimes recesses de ces larrons ; mais au crépuscule, ils obsèdent les vies et quadrivies, assuétés à contumélier le supernel astripotent dès les premières vocules, ils interceptent les viateurs, les trucident, dejicent leurs corpores nus dans les amnes pour en nutrir les rane12.Avec leurs dextres

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RÉMY BELLEAU

Stellarum, mata razza uirum, bona salsa Diabli. Semper habent multo nigrantes puluere barbas, Semper habent oculos cotera, uinoque rubentes, Lucentes bottas multa pinguedine lardi, Et cum bandiera longos sine fine capellos, Nigra quibus pendet castrati pluma caponis. Non guardant unquam dritto cum lumine quemquam, Sed guardant in qua magazinum parte gubemet, Siue ferat bursa, pourpointo, siue bragueta. Relliquias rapiunt, mitras, crossasque doratas, Platinasque, crucesque, adamantas, iaspidas, aurum, Veluceas cappas, et totum mobile Christi De magnis festis, de uiuis deque trepassis. Altaros, Christum spoliant, calicesque rapinant, Eglisas sotosopra ruunt, murosque ruinant, Petra super petram uix una aut altra remansit. Omnia sanctorum in piessas simulacra fracassant, Permingunt fontes, benedicta, ciboria, missam, Incagant pretris, monstrantque culamina Christo. Dicam ego suspirans, oculis lacrymantibus, omnes Horribiles casus, quos in sacagamine uidi? Vidi Sampietros, Cruxifixos, Virgomarias, Sebastianos, laceros crudeliter ora, Ora manusque ambas, populataque tempora raptis Auribus, et truncas inhonesto uulnere nares. Heu pietas, heu heu sacris compassio rebus ! Omnia diripiunt, unglisque rapacibus ipsa Condita de chassis brulant ossamina ruptis Aut pro caresmo canibus rodenda relinquunt. Vt solet incautos laniare famelicus agnos Dente lupus, gaudetque satur de caede recenti, Coillones sacros pretris monachisque reuellunt, Deque illis faciunt andouillas atque bodinos, Aut ceruelassos pratiquo de more Milani, Taillant auriculas, collo faciuntque catenas, Et sine rasouero raclantque lauantque coronas, Quam marquam uocitant maior quam bestia fecit, Vnctos escoriant digitos, merdantque breuierum, Et foecunda premunt tractis genitoria cordis, Vt dicant ubi scutorum requiescat aceruus Factus de missis, de uespris, deque matinis, De Christo, altarisque bon~ de messe coactus ... 68 altaris 1670. 72 desideratur hic uerms 1670. 7S sacaiamine1670. 84-85 desiderantur hi uers11s 1670. 86 testiculos 1670. 1670. 90 rasoiiero 1670. 96 coactis 1670.

80 heheu 1670. 88 pratico

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fulminantes ils font contremiscer les stelles. Leurs barbes sont squalides de pulvère, leurs yeux érubescents d'ire et de crapule, leurs caligules splendides de pinguitude lardique ; une fasciole vinct leurs capillules longissimes, empennés d'une plume fusque de chapon émasculé. Ils n'avisent jamais personne adversement, mais perscrutent en quelle part gît son pécule, si c'est dans sa marsupie, sa tunique ou ses braies. Ils expilent les reliques, les mitres, les crosses auratées, les pénules de velvète et tout le suppellectile du Christ, des solennes féries, des vifs et des défunts ; conspilent les altares, furettent les calices, destrugent les monstiers, ruinent les pariètes, laissent à peine l'une sur l'autre deux lapides. Quant aux simulacres des saints, tous à un ils les perfringent, item compissent les fonds baptismaux, les bénitiers, les calices, la misse, conchient les prêtres, exposent leurs nates au Christ. Dirai-je, en suspirant et fondant des lacrymes, tous les horribles cas que j'ai vus en ces direptions? J'ai vu des Saint-Pierre, des Crucifiés, des Vierge-Marie, des Sébastien, leurs faces et leurs mains déshonestées par de crudèles mutilations, leurs auricules horriblement tronquées. Hé, piété, hé pitié des choses saintes ! Exspoliant tout, ils rompent les capses, et de leurs unguicules furacissimes extorquent )es ossicules des saints, les comburent ou les concèdent à la gent canine, à roder pour le carême. Et comme le loup famélique lacère les agnelles incautes et se délecte, saturé de strage, ils extirpent ès prêtres et monaches leurs sacrosaints testicules, et de iceux font farcimines et botelles, ou tomacules à la mode de Milan ; amputent leurs auricules et en font des catènes pour leurs cols, et sans novacule rodent et lavent leurs tonsures, qu'ils vocitent la note de la grande beste. Escoriant leurs digites immondes, ils conchient leurs bréviaires et, contractant des funicules, oppriment leurs génitoires, pour qu'ils vocitent les Iocules où requiescent les acerves de pécune congérés es misses, vêpres, matines, Christ et belles messes de ségètes sacrés ...

JACQUES-AUGUSTE DE THOU (1553-1617)

N6 à Paris le 8 octobre 1553, JACQUES-AuousnDE THou est élevé au college de Bourgogne, suit les leçons de Lambin au Collège de France, va étudier le droit à Orléans, à Bourges et à Valence sous Cujas ; revenu à Paris au moment de la Saint-Barthélemy, il entre dans la carrière eccl&iastique à laquelle le destinait son rang de cadet ; attaché à Paul de Foix, ambassadeur en Italie, il visite savants et bibliothèques, rencontre à Rome Muret, Paul Manuce, Fulvio Orsini; de retour en France après l'avènement d'Henri III il se lie avec les frères Pithou et avec Claude Dupuy. La mort de son frère ne le décide pas tout de suite à quitter l'Eglise pour la magistrature où on lui promet un brillant avenir : en 1580, fuyant la contagion à Paris, il voyage en Touraine, Normandie et Bretagne ; accepte des fonctions judiciaires en Guyenne, une mission à Nérac auprès d'Henri de Navarre. En 1584 il est nommé maître des requetes, se marie. La Journée des barricades et la fuite d'Henri III (1588) le déterminent à suivre la cour à Chartres ; récompensé par le titre de conseiller d'Etat, il s'emploie à rapprocher le roi de France du roi de Navarre : quand Henri III est assassiné, il suit le second dans les camps pendant cinq ans. Il prendra une part active aux négociations de Suresnes, préparant l'entrée d'Henri IV à Paris (mars 1594), et c'est lui qui négocie la soumission des Guise. Depuis la mort d'Amyot, il est grand-maître de la Librairie du roi; nommé pr&ident à mortier, il fait enregistrer l'édit de Saint-Germain, préludant ainsi à l'œuvre de sa carrière, l'édit de Nantes. Après la mort d'Henri IV, il négociera encore le traité de Sainte-Ménehoud, entre Condé et la cour. Il est alors membre du Conseil des Finances. Son Histoire, commencée en 1591, et dont la première partie a paru en 1604, suivie de trois autres, est interrompue par sa mort, survenue à Paris le 7 mai 1617. Outre l'histoire cle son temps, Hlstorlarum mi temporù, il laisse des Mémoires, également en latin, et un grand nombre de po&ies latines, publiées de son vivant ou restées inédites.

Avec plus de trente titres publiés et de nombreuses pièces en manuscrit, Jacques-Auguste de Thou était connu de son vivant pour ses compositions latines, alors qu'on ne possède de lui qu'un poème en français. Plusieurs de ces œuvres sont de quelque étendue, comme la description de l'Art de Fauconnerie, en trois livres, coup d'essai de la jeunesse, ou les poèmes religieux de la maturité, paraphrases de la Bible et tragMie chrétienne inspirée du Prométhée enchaîné ; ou les poèmes sur les plantes et les fleurs de la dernière période. Plus peut-être que ces œuvres méditées à loisir, les pièces de circonstance montrent à l'évidence que le vers latin a été toute sa vie un moyen naturel d'expression ; et par là même elles constituent un commentaire poétique de la vie de l'auteur, dont elles reflètent fidèlement la physionomie morale et les grandes options. Le poème A la Posthité, un des plus fameux et des plus souvent reproduits, jette une

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précieuse lumière sur les intentions de l'historien; d'autres traduisent les réactions du citoyen et de l'homme public devant la situation politique de la France : satire douce, comme la Classis Hispanae profligatio, compte rendu ironique de la délibération du Conseil Privé d'Henri m à l'approche de l'invincible Armada ; argumentation sévère contre les Rgicides ; Ode triomphale sur les récentes victoires d'Henri IV, où il prédit la destruction de la Ligue et la défaite de l'Espagne, son alliée ; quelques-unes de ces chroniques d'actualité (Aura ueni, Aula uale) unissent de façon très heureuse le lyrisme personnel à l'expression de préoccupations et sentiments plus largement patriotiques. Les Scar.ons au ch8teau de Maillé (que nous donnons ici) illustrent assez bien, quoique sur le mode mineur, le charme de telles improvisations. Les circonstances de la composition sont rappelées dans les Mémoires O. I, p. 71 dans 1'6d. de 1714); comme dans l'Eloge des jardins du cMteau de Nérac, écrit un peu plus tard, comme certaines compositions analogues de l'Hospital ou de Rapin, mais déjà du cardinal Jean du Bellay (Ode à quelques amis venus le visiter alors qu'il était occupé à planter des lauriers), le plaisir de l'amitié ou de la simple courtoisie entre gens lettrés du même monde, le godt de la nature peignée, de la belle campagne reposante, opposée aux tracas de la ville, inspirent un lyrisme modéré et un peu fleuri, dont la source se trouve sans doute chez Horace, et dont on suit aisément la trace jusqu'au :xvnr siècle, le chef-d'œuvre du genre étant peut-être l'Ep'ître de Boileau Au conseiller Lamoignon. La pièce de de Thou a paru pour la première fois dans les Plaisirs du Gentilhomme campagnard (1581-1583) de Nicolas Rapin, qui l'a fait suivre d'une agréable version française de sa main. TEXTES : J. A.T., Carmlnum liber, s.l.n.d.; J. A.T., Poemata sacra, Paris, 1599. - Pour la pib que nous donnons. c I.A.T. Sen. Par. > In arcem Mallianam, acazon > in [Nicolas Rapin] Les Plaisirs du Gentilhomme campagnard, Paris, 1581, 1583 •••; Jacobi Augusti Thuani, c ln Mallianam arcem scazon >, in l'EsToJLE, Mémoires-Journawc, vol. XI, p. 388-390, Paris, 1876 ••. - Pour rensemble de l'œuvre, publiée et inédite, voir l'ouvrage capital de S. KlNsBR. The worb of J. A. de Thou, c Archives Internationales d'histoire des idlu >, 18 (The Hague, 1966). : H. DCN'rzER,J. A. de Thous Leben, Schriften u. historische Kun.st, Dannstadt, 1837 (pour les pœsies latines, p. 4S-S4).

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0 quae minaci quaque despicis fronte Circum iacentes uberis soli glebas, Arx Mallianae maximum decus gentis, Cui uerticoso Ligeris aluo torrens Cedente rapidum sistit impetu cursum, Cui Caris ipse Ligeris unicum pignus, [Turinidumque laus honorque Nympharum,] Musco uirentem pectit uuido barbam, Pomariis tu fontibusque bacchoque Distincta cuita sub Turonico caelo Et otiosa ordinata Lauretis, Immota sedeas ardua licet rupe, Percurris alto liberoque prospectu, Non Auster hic morbosus, et gelu miti Per summa Boreas errat innocens arua, Leuique baccas spiritu arborum stringit; Non hic Leone finditur aeonaeo Siticulosa non ager cane arescit ; Sed temperatus hiemis hic tepor uemat, Et leuis aestas et salubris Automnus, Et annum Aprilis unus occupat totum. Hinc inde collis cingit, ille deuexo Reflexa solis spicula explicit cliuo ; Hinc occidentem terga uersus obuertit. Sed banc sibi Natura uindicit partem : Sors plura tribuit annuens piis uotis. Tuus ille dominus, ille sanguis heroum, Tuis in ulnis in tuoque complexu Vitalis aurae spiritum recens hausit, Pioque credulam ore risit ad matrem. Hic ille primum dicit auream lucem Vidisse, primos edidisse uagitus, Colloque matris dulce onus pependisse. Et nunc memor gratusque se tibi grate Debere profitetur ore natalem. 0 clara salue principis tui cunis Regina late totius potens orae ! Tuo hic beatus in sinu, tuo in nido 6 Cboeris ipsa Est. 7 deest hic uersus 1$81, 1$83. 8 musco uirentes uuido comas pectit Est. 14 morbosus Est. : morbosos 1$81, 1$83. 18 siticu1oso Est. 19 hiems Est. 20 lenis Est. 23. deftexa... excipit En. 30 prope credulam ore Est. 33 collo matris En. 34 arato Est.

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Toi qui, de part et d'autre, toises d'un front menaçant les glèbes de la plaine fertile qui s'étend alentour, château qui portes haut la gloire des Maillé, pour qui le fleuve Loire, aux eaux tourbillonnantes, bride l'impétuosité de son cours, pour qui le Cher • luimême, son précieux gage, ornement et honneur des Nymphes tourangelles, peigne sa barbe verte aux algues mouillées du rivage - que de terres cultivées, où contrastent vergers, moissons et vignes, sous le ciel de Touraine, que de rangées de lauriers oisifs tu embrasses d'en haut, d'un vaste coup d'œil, immobile au sommet de ta roche ! Ici point d'Auster malsain, et c'est à peine si Borée inoffensif effleure de son gel la surface des champs, et ride d'un souffle léger les baies des arbres ; ici les sillons ne se crevassent pas sous le Lion d'Hercule, ils ne se dessèchent pas sous l'effet du Chien assoiffé. Mais l'hiver y a une tiédeur modérée et printanière, l'été y est doux, l'automne sain, et toute l'année n'est qu'un mois d'avril. Des deux côtés, des coteaux te cernent : l'un reçoit sur ses pentes les rayons du soleil qu'il réverbère ; l'autre oppose sa croupe à l'Occident. De l'agrément du site tu es redevable à la Nature; mais la Fortune bienveillante a fait plus en exauçant un vœu pieux : car dans ton sein, entre tes bras, ton jeune maître, né du sang des héros, a puisé naguère le souffle de vie, riant, tendrement, à sa mère confiante ; c'est ici, dit-il, qu'il a vu pour la première fois la lumière dorée, qu'il a poussé ses premiers cris, qu'il s'est suspendu, doux fardeau, au cou de sa mère ; aujourd'hui encore, plein de gratitude, il te remercie de lui avoir donné le jour. Salut, ô demeure illustrée par la naissance de ton seigneur, salut, reine puissante de toute la contrée ! Heureux en ton sein, en ton nid, en tes bras qui m'ont généreusement accueilli, tandis

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Tuoque gremio liberaliter fotus (Dum feriatur curia et lues gliscit Nullique parcens obuiam metit plebem) Multos notaui lactea dies gemma. Amoenitate captus est et tua uenit, Pronusque genium stupuit et loci numen Obliteratae rigidus ille uirtutis Cultor fideque iuris arbiter cana Musis amicus Delioque Perrotus ; Omneisque Veneres et Cupidines omneis, Suos lepores et suas uenustates, (His innocentem uocis adde Sirenem), Et elegantes adtulit sales secum. lamque aureum ter condidit, ter erexit 1am plena cornu, quarta nunc redit Phoebe, Ex quo ociosus absque taedio, et curis Liber solutis, improbi et fori uinclis Praeter merum rus oil crepo, et meras syluas Vmdemiator durus ex Senatore, et Venator acer, exigoque tranquillum Securus aeuum : seu reciprocis girls Lepus ruentis impetum canis fregit, Dorcas Laconem seu fefellit instantem, Aperue teretes fumidus plagas rupit. Non una diris siue retibus perdix Simplex adhaesit, uentre uel piger turdus, Et usque uiduus compare turtur elato ; Seu iuuit ima fluminis tui ripa Captum dolosa trahere Jinea piscem, lactumque retis emere nummuli iactu. Tum si laborem fessa membra detrectant, Aut imminentes illice caua nimbos Praesagiente uoce nunciat comix, A sole et imbre tutus, arboris densae Opacor umbra, fistulaque inaequali Agreste pango carmen, annuit quercus, Motaque longum sibilat coma fagus; Et uox prof undis ua11ibus repercussa, Viciniaeque castaneta respondent. lpsa inficeti plena ruris Euterpe Syluosa sacri lustra deserit Pindi, Et amoena Delphici ambulacra Pamassi, 45 obliteratae Est. : o litteratae 1581 oblitarere 1583. 53 plena : pene Est. 62 plagis Est. 63 siuc : uel E.rt. 69 dc1rectant Est. : delractant 1581, J581. 77 uiciniaequc 15Rl : uiciniaquc 1583, uicinaque Est.

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que le Parlement est en vacances et que la peste, qui se répand, moissonne sans pitié le petit peuple sans défense - j'ai coulé ici bien des jours marqués de pierres blanches. Un autre a succombé à ton charme et est venu ici, émerveillé par les traits originaux, par la séduction de ton paysage : c'est Perrot •, servant incorruptible de la vertu trop oubliée, Perrot qui arbitre avec la loyauté antique tous les problèmes du droit, ami aussi des Muses et de Phébus; il a apporté avec lui toutes les Vénus et tous les Amours, ses grâces et ses courtoisies, et la Sirène - sans artifice - de sa voix. Déjà la lune a caché et élevé trois fois son disque d'or, et le quatrième croissant revient, depuis que, de loisir, loin des ennuis, libre, délivré des liens des soucis et des chaînes du forum malhonnête, je ne jure plus que par la vraie campagne, la vraie forêt ; que, de magistrat que j'étais, fait rude vendangeur et chasseur endurci, je mène ici des jours tranquilles : soit qu'en mille détours le lièvre brise l'élan du chien qui le pourchasse, soit que la biche déjoue le molosse qui la serre de près, ou qu'un sanglier fulminant rompe le piège aux mailles bien serrées ; soit qu'un vol de perdrix naïves vienne se prendre aux lacs impitoyables, ou la grive paresseuse, ou la tourterelle, veuve inconsolable, quand d'aventure son compagnon lui a été ravi. A moins qu'il ne me plaise, sur la rive de ton fleuve, au bord de l'eau, de ferrer le poisson au bout de ma ligne trompeuse, ou d'acheter au pêcheur le jeter d'un filet par un jet de quelques écus. Puis, si mes membres fatigués refusent l'effort, ou que, du creux d'une yeuse, la corneille, de son chant prophétique, annonce le mauvais temps, cherchant un abri contre le soleil et la pluie, je me mets au couvert d'un arbre épais, et, sur mon chalumeau inégal compose une chanson rustique ; les chênes approuvent de la tête et, agitant leurs chevelures, les hêtres émettent un long sifflement; ma voix se répercute au creux de la vallée et les châtaigneraies du voisinage lui font écho. Euterpe en personne, se faisant rustique, déserte les bosquets du Pinde sacré et les ombrages plaisants du Parnasse, les bois où elle

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Patriosquc lucos Aoniumque secessus, Et rustico calore pectus accendit Nec non et ipse Musici chori Princeps Inuitus olim qui minauit armenta Amphrysum ad amnem magnus ex deo pastor, Rursus pusilli nunc sponte gregis custos (Quanquam baud Pheraei, sed tamen gregis custos) Mecum iacere fontis ad caput gaudet. Sic mens solutis fit quietior curis, Et mente corpus fit salubrior sana. Foelix nimis, ni rursus ad reuoluendum Diu uolutum nunc reuoluerer saxum. Humana sed sic fata sunt : diem uoluit Dies, sequensque imminet mensi, Et annus anno uoluitur reuertente, Annique uersis saeculis reuoluuntur Sic uita uoluit uoluiturque mortalis. (lamb. ,mz.)

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est née et les retraites des Muses, et s'éprend d'amour pour la campagne. Et même le chef du chœur des Muses, celui qui jadis, par contrainte, fit paître les troupeaux au bord de l' Amphryse •, le dieu devenu berger, à nouveau, de lui-même, se fait gardien d'un petit troupeau - ce n'est pas celui du roi de Phères, mais c'est un un troupeau tout de même -, et il lui plaît de s'allonger ici au bord de la source. Ainsi je délasse mon esprit, et avec mon esprit mon corps retrouve la santé. Trop heureux si la pierre que je roule à présent il ne me fallait pas la rouler à nouveau après l'avoir roulée déjà longtemps. Mais tel est le destin de l'homme : le jour roule le jour, et le mois pousse le mois, et roulent les années, à mesure que d'autres reviennent, sans cesse, et avec la ronde des années, les siècles. Ainsi de notre vie mortelle : elle roule et est roulée à l'infini.

JEAN BONNEFONS (1554- ? )

Auvergnat, né à Clermont en 1554 d'une famille de robe, JEANBoNNBFOMS fait droit à Bourges, sous Cujas, le œlèbre professeur et jurisconsulte. Il a parmi ses amis le fils de Cujas, qui disparait prématurément, et Gilles Durant, sieur de la Bergerie, Clermontais comme lui et qui cultive les Muses françaises. Les deux jeunes gens partent ensemble pour Paris, où Bonnefons compose ses hendécasyllabes, que Gilles Durant adapte en heptasyllabes de la Pléiade. La première 6dition de la Pancharis paraît en 1587, accompagnée d'une deuxième partie en vers français intitulée : c Imitations tirées du latin >, sans nom d'auteur. Trois ans plus tôt, en 1584, Bonnefona avait acquis la charge de lieutenant général de Bar-sur-Seine. Il se marie fort jeune et dès tors cesse d'6crire des vers amoureux. .tea études de

Il appartient donc à un jeune poète de vingt-trois ans de clore, avec beaucoup de distinction, un siècle de poésie latine dans la France renaissante.Pas la moindre vulgarité ici : rien qu'une élégance raffmée. Un art d'aimer qui consiste d'abord en un art de plaire et de dire : de soupirer, mais aussi de surprendre et de flatter. Le reproche s'y retourne en compliment, la plainte s'y achève en déclaration, la souffrance s'y mue en délices. Au service de ces rites de la galanterie les clichés précieux s'offrent spontanément, prenant leur source, au-delà de l'Italie, dans la tradition alexandrine et byzantine ; mais Bonnefons les plie à de nouvelles combinaisons, les enrichit d'inventions exquises. Si une évidente part de jeu vient tempérer l'emphase de quelques déclarations, inversement la parade, la coquetterie sentimentale n'excluent pas la sincérité, la tendresse et parfois, en dépit de la joliesse de l'exécution, l'ardeur et la violence contenue. De là ce subtil équilibre entre la simplicité et la rhétorique, l'excès et la délicatesse de touche, le naturel et l'artifice : il n'est que de relire le délicieux Bonjour, refait sur Marolle d'après une suggestion de Ronsard, et où la simplicité nue de la trame syntaxique se combine avec la recherche précieuse des antithèses successives. La grlce d'autre part se marie à une jeune sensualité. Soupirant précieux et tendre, Bonnefons est aussi un amant voluptueux et audacieux. Les charmes de Pancharis sont évoqués, exaltés plutôt avec une complaisance et parfois une hardiesse qui ne doivent pas choquer après des siècles de littérature ultra-voluptueuse : les auteurs de Blasons n'ontils pas dévoilé, sans vergogne, toutes les parties, même les plus intimes, du corps féminin ? Les descriptions-caresses, où le regard convoite avec

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une amoureuse ivresse le corps désiré, s'arrêtant sur les lèvres, les boutons des seins, parties sexuellement privilégiées; où l'âme, surexcitée par les privations, s'abandonne à ses délires imaginatifs, alternent donc avec l'évocation exaltée des menues privautés qu'on lui accorde - ou de celles qu'il aime mieux dérober, en des ébats que la complicité teinte d'érotisme. Mais ici encore la sensualité ne s'égare jamais et même dans ses vers licencieux le poète sait, par une pirouette, rester... homme du monde. Ce lyrisme est servi par la mobilité, le dynamisme du style : danse des diminutifs (ces ocelluli, ces papillulae qui se multiplient comme des caresses, en des orgies de catullianisme sensuel) ; avant tout, élan de l'hendécasyllabe, qui est, comme l'heptasyllabe, vers impair aussi, par excellence le vers de mouvement : rythmé par les doublets et par les chiasmes, scandé par les reprises, allégé par l'allure de l'improvisation, il mime et transpose avec vivacité les mouvements du cœur, ici tendre insistance, et là mouvements contrariés de la passion. Ces jeux antithétiques, ces volte-face incessantes, les oscillations du rythme, jeux formels et gracieux correspondant aux caprices du sentiment, commandent la structure et, d'un point de we strictement formel, constituent la raison d'être de plus d'un de ces poèmes : soit que le désir renaisse de l'affolement qui succède au désir, ou que la célébration se renverse en anathème ou l'exaltation en dépression. Le dynamisme du style se combine alors avec une composition rigoureuse. Un subtil équilibre domine les incohérences de la passion. Vers parallèles ou antithétiques, effets de reflets et de miroirs, reprises littérales ou enrichies de variations, soulignent avec bonheur l'exactitude parfaite de la composition ; ou bien le retour obsédant d'un refrain, la réduplication d'un accord final, transforme le poème en ritournelle ou en chanson. TEXTES : Pancharis Jo. Bonefonü Aruemi, Paris, 1587 ••; 1588 •••; Jo. Bonefonii patris Aruerni Opera omnia, tam latino quam gallico idiomate ab Aegidio Durant donata, ed. noua, prioribus emendatior, cum pluribus fragm. nondum editis, Amsterdam, 1725 •• ; la Pancl1aris de J. B. avec les imitations françaises de Gilles Durant (notice, trad. et notes de P. BLANCHEMAIN), Paris, 1878: J. B., la Pancharis, publiée et traduite d'après le texte de 1587, par A. BBIUlY et B. VALÈS, Paris, 1944.

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Die, Acus, mihi, quid meae puellae Illa candidula, illa delicata Albis candidior maous ligustris ; Quid laeues digiti tenellulique Tantum commeruisse uel pattasse Possunt, ut toties et hos et illam Configas stimulo ferociente ! Ah ! ne molliculas maous, inepta, Ne laeues digitos et immerentes, At pectus stimulo acriore punge, Pectus durius omnibus lapillis, Durius scopulisque rupibusque. Hic stylum altius altiusque fige, Hic acuminis experire uires. Quod si mollieris meam puellam, Dii, quantam bine referes superba laudem l Hac te cuspide uulnerasse pectus, Quod nullis potuit Cupido tells. V

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Quis, Barbatule, quis tuam, Catelle, Non tibi inuideat beatitatem ; Quem mulcere manu solet nitenti, Et solet tenero sinu fouere Illa lux animi Diana nostri ! Cui tot blanditias, tot usque et usque Lusus ingeniosa factitare ; Quem sic deperit impotente cura \'t siue illa domi quieta degat, Seu foris paret ambulationem, Vnum te socium domi forisque, Vnum te comitem uiae requirat? Et cum sese epulis parauit illa, Tu conuiua Deae aduocaris usque ; Tum dapes tibi delicatiores Hinc et inde legit, tibique lectas Blanda porrigit et ministrat uni. Mox ubi est epulis fames adempta, IV

Tit. BASJVM Il 172.'i. BASIVM III 1725.

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Dis-moi, Aiguille, quel crime, quel forfait ont donc commis cette jolie main blanche, plus blanche que lys immaculé, et ces doigts lisses et effilés, pour qu'à tout coup tu les piques, doigts et mains, d'une pointe cmelle ? Ah, sotte, laisse donc ces douces mains, ces doigts, ils sont innocents, et perce plutôt son cœur, ce cœur plus dur que toutes les pierres, plus dur qu'écueils et que rochers : c'est là qu'il faut piquer en profondeur, là qu'il faut éprouver l'acier de ta pointe. Et si tu réussis à entamer la dureté de mon amie, Dieu, quel légitime orgueil tu en pourras concevoir, ayant blessé de cet aiguillon un cœur sur lequel se sont brisées les flèches de Cupidon !

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Barbichon, gentil petit chien, à qui ton bonheur ne ferait-il pas envie ? Toi que caresse de sa main blanche, que tient blotti sur son tendre sein Diane, lumière de ma vie ; pour qui elle invente sans cesse mille cajoleries et mille et mille agaceries ; qu'elle aime d'un amour si effréné que, si elle reste tranquillement à la maison ou s'habille pour une promenade, dedans comme dehors elle ne veut que toi pour compagnon, que toi pour escorte ; et quand elle s'apprête à dîner, chaque fois tu es invité à la table de ma déesse : les mets les plus exquis, à droite et à gauche elle te les choisit, puis te les tend gentiment, faisant le service pour toi seul ; es-tu rassasié de bonnes choses, elle tâche de te

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Nouis deliciis beare certat. Nunc te lacteolae inscrit papillae, Nunc humentibus admouet labellis, Et tot prodiga basationes Vni nectareo propinat ore, Quot nec Lesbiolam suam poposcit, Vates multiuolus Catullus ille, Catullus pater osculationum. Quid beatius, o tener Catelle, Quid bis amplius expetisse possis ; Auarus licet improbusque uoti ? At beatius ampliusque quiddam, Dat Diana tibi, dat illa quiddam Quod sperare licet Diis nec ipsis. Adsciscit socium thori Diana, Et te uirgineo locat cubili. Felix o nimis et nimis Cate1le, Amate usque adeo meae puellae, Quis, Barbatule, quis, Catelle, tantas Non tibi inuideat beatitates, Queis sperare nefas beatiores ? VII

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Quo mi sic animus repente fugit ? Fugit, quod reor, ad meam puellam, Ad illa aurea uincla conuolauit. Ah I quo in exitium ruis, miselle ? Hi quos aureolos putas capillos, Quae tibi aureolae comae uidentur, Non sunt aureolae comae aut capilli, Sed sont uincula, compedes, cathenae, Sed sunt retia nexilesque casses, Quibus si semel occupatus haeres, Peribis, moneo, ah ! miser, peribis, Nec ad me poteris, miser, redire. Vsque ab unguiculis meam pererres, Totam denique Pancharin retractes~ Illius licet ebrius lepore Incubes oculis, labris, papillis, Verum cautius inuola capillis. Nam praedico iterumque tertiumque : His si retibus occuperis unquam Peribis, miser, ah ! miser, peribis, Nec ad me poteris, miser, redire. VII

Tlt. 8ASIVMV 112S.

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combler par de nouveaux plaisirs : tantôt te plonge entre ses deux seins de lait et tantôt t'approche de ses lèvres humides et n'offrant qu'à toi le nectar de sa bouche elle te prodigue autant de baisers qu'en demandait à sa Lesbie le voluptueux Catulle, tu sais bien, Catulle, l'inventeur des mille baisers. Quelle faveur plus douce ou plus insigne, gentil petit chien, pourrais-tu encore désirer, si excessif, si immodéré que tu sois en tes désirs ? Or Diane t'accorde une faveur encore plus douce et plus insigne, faveur que même les dieux ne sauraient espérer : Diane te convie à partager son lit et t'installe à côté d'elle sur sa couche virginale. Heureux petit chien, trop heureux, d'être aimé à ce point par mon amie I A qui, Barbichon, à qui, petit chien, tant de bonheur ne ferait-il pas envie ? Désirer plus serait impie.

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Où mon âme s'est-elle soudain enfuie? Elle a fui, je pense, auprès de mon amie, oui, c'est du côté de ses tresses dorées qu'elle a pris son vol. Malheureuse, où cours-tu ? Sftrement à ta perte, car ce que tu prends pour ses cheveux dorés, ce qui te semble sa toison dorée, ce n'est ni cheveux ni toison dorée, mais bien liens, lacs et chaînes, mais réseaux, rets et filets, au point que si jamais tu t'y laisses prendre, c'en est fait de toi, pauvrette, je t'en avertis, c'en est fait, et plus question alors de me revenir jamais I Aussi veux-je bien que tu visites ma Pancharis jusqu'au bout des doigts et effleures son joli corps tout entier ; grisé par sa beauté pose-toi tant que tu veux sur ses yeux, sur ses lèvres, sur la pointe de ses seins, ... pourvu que tu te gardes bien de ses cheveux : car je te le prédis une deuxième et une troisième fois : si jamais tu es prise dans ce réseau-là, c'en est fait de toi, malheureuse, pauvrette, c'en est fait de toi, et plus question alors de me revenir jamais l

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JEAN BONNEFONS IX

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Amabo, mea lux, mei lepores, Meum mellicolum, mei furores, Hos meique animi meique cordis Sine exosculer illices ocellos ; Sine exosculer aureos et illos Quos Apollinis aureisque Bacchi Ausim crinibus anteferre crines. Quid tu ingrata nimis, nimisquedura, Id tu praemioli tuo poetae, Id solatioli negas amanti ? An mi delicias facis iocosa ? Quodque plus eupis, hoc negas roganti, Inuita ut uideare mi dedisse ? Inuitam licet ergo te praehendam, Et collo inüeiam manus, et ora Conseram oribus, et labella labris ; Et neges licet usque pemegesque, Lueterisque mihi, et mihi mineris, Vsque ad basia mille basiabo. Tum me morsibus bine et inde figas, Et os unguibus bine et inde uellas, Nec morsus metuam unguiumue sulcos ; Quin quanto altius unguibus notaris, Quanto fixeris acriore morsu, Tanto basia pressiora figam, Tanto et ipse premam arctiore nexu. 0 mellitula proelia ! 0 suaues Dcntium morsicationes 1 Vts, o Panchari, me beare ? Semper Mihi basia pernega roganti, Semper ut rapiam fruarque raptis. X

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Salue, melque meum atque amaritudo, Otiumque meum, negotiumque ; Meus Phosphorus Hesperusque, salue1 Salue luxque mea et meae tenebrae Salue, errorque meus meusque portus. Salue, spesque mea et mei pauores. Salue, nilque meum, meumque totum 1 Sed quid pluribus ? 0 ter ampliusque, Tota Paneharis Aeharisque, salue 1 IX

x

Tit. Tlt.

8AslvM BAsIVM

VII 1725. VIII 1725.

9 Salue tota Acharisque Pancharisque 1587.

PANCHAIUS

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IX

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S'il te plaît, ma lumière, mon plaisir, mon doux miel, mon délire, laisse-moi baiser ces jolis yeux qui m'ont séduit, cœur et âme, laisse-moi baiser ces cheveux d'or, que j'oserais mettre au-dessus des cheveux d'or d'Apollon et de Bacchus! Quoi, ingrate, quoi, cruelle, tu refuses cette petite récompense à ton poète, à ton amant cette douce consolation ? Ou bien n'est-ce que pour me taquiner, par jeu, et ce que tu désires le plus, tu le refuses à ma prière pour paraître ne me l'accorder que contre ton gré? Eh bien, contre ton gré je vais t'attraper, et jeter mes bras autour de ton cou, et unir ma bouche à la tienne, mes lèvres à tes lèvres, et tu auras beau dire et redire « non ! >, et te débattre, et me menacer, je te prendrai à la file un millier de baisers; oui, tu pourras bien chercher à me mordre ici ou là, me griffer le visage de tes ongles, ni morsures, ni coups de grüfes ne sauraient m'intimider, au contraire : plus cruellement tu me grifferas de tes ongles, plus durement tu me marqueras de tes dents, et plus audacieux se feront mes baisers, plus étroitement je t'enlacerai. 0 tendres joutes, morsures délicieuses I Veux-tu, ma Pancharis, me combler ? Refuse-moi toujours les baisers que je te demande, pour que je te les ravisse toujours et jouisse de te les ravir !

X

5

Bonjour, mon miel et mon amertume, mon repos et mon agitation ! Mon étoile du matin et mon étoile du soir, bonjour I Bonjour, ma lumière et mes ténèbres! Bonjour, mes courses errantes et mon port d'attache! Bonjour, mon espérance et mes terreurs! Bonjour, mon rien et mon tout! Pourquoi en dire plus? Trois et quatre fois bonjour, toute ma Grâce et toute ma Disgrke !

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Ergo, floscule, tu meae Puellae Hoc florente sinu usque conquiesces ? Ergo tu Dominae meae papillis Beatus nimis insidebis usque ? 0 si, floscule, mi tua liceret lsta sorte frui, et meae puellae lncubare sinu, atque desidere Hos inter globulos papillularum, Non sic lentus inersque conquiescam, Non sic insideam otiosus usque ; Sed toto spatio inquietus errem Et feram sinui, feramque collo Mille basia, mille et buic et illi Impingam globulo osculationes. Nec mihi satis haec putes futura; Namque et discere curiosus optem Quid discriminis inter hune et ilium : Et quantus tumor huius illiusque ; Quantum albedine praestet hic uel ille ; Quantum duritie hic uel ille uincat ; Sinisteme globus, globusne dexter Figura placeat rotundiore ; An dexter globus, an globus sinister Papilla rubeat rubentiore. Explorem quoque quo beata ducat Ilia semita quae globos gemellos Sic discriminat, et subesse clamat Mellitum magis elegansque quiddam. lndagem quoque quicquid est latentis, Et tabar tacitus ferarque sensim Vsque Cypridis ad beata regna. At mi Pancharidis meae papillas Nec summo licet ore suauiari, Nec leui licet attigisse palma, 0 sortem nimis asperam atque iniquam 1 Tantillum illa negat mihi petenti, Tantillum illa negat mihi scienti, Quae tantum huic tribuit nec id petenti, Quae tantum huic tribuit nec id scienti.

XIII

Til.

BASIVM

XI 1725.

PANCHARIS

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XIII

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15

Donc, petite fleur, tu vas paresser à loisir sur le sein en fleur de ma jolie maîtresse, tu auras donc le bonheur d'être logée entre ses seins? Ah ! petite fleur, s'il m'était donné de jouir de ton sort, d'être couchée en son giron, de séjourner au creux de sa jeune gorge gonflée! Je n'y resterais pas, comme toi, insensible et immobile, non, je ne m'alanguirais pas en ce séjour, mais j'irais, impatient, de tous côtés, donnant mille baisers à sa gorge, et mille à son cou et en picorant encore mille ici et là, sur chaque sein. Et ne crois pas que je m'en tiendrais là: car je serais curieux d'apprendre quelle différence il y a entre l'un et l'autre, de comparer leur galbe, de savoir lequel des deux l'emporte en blancheur, lequel surpasse l'autre en fermeté ; si c'est le gauche ou le droit qui a la rondeur la plus parfaite, et si c'est le droit ou le gauche qui a le bouton le plus vermeil. Je chercherais aussi où mène le bienheureux sentier qui sépare les rondeurs jumelles et révèle qu'il y a, plus bas, un lieu encore plus doux et plus exquis ; je crois que je chercherais ce qui s'y cache, je me laisserais glisser sans rien dire et emporter insensiblement jusqu'au bienheureux royaume de Cypris. Hélas, Pancharis ne me permet pas, à moi, de baiser même du bout des lèvres, sa gorge délicate, ni même de l'effleurer du bout des doigts : ô sort cruel et injuste ! Cette toute petite faveur, elle me la refuse, à moi qui l'en supplie, à moi qui en sais le prix, et elle en accorde une si grande à cette fleur qui ne s'en soucie ni n'en connaît le prix !

392 XIX

Dooec pressius incubo labellis Et diduco auidus tuae, puella, 5

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Flosculœ animae suaueolentei, Vous tum uideor mihi Deorum, Seu quid altius est beatiusue. Mox ut te eripis, ecce ego repente Vous qui Superum mihi uidebar, Seu quid altius est beatiusue, Orci mi uideor relatus umbris, Seu quid inferiusue tristiusue.

XIX

Tit. BASIVM XVI 1725.

PANCHARIS

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XIX

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Tant que je baise ardemment tes lèvres, puisant à longs traits, ma chérie, l'haleine de ta bouche, fleur parfumée, je me crois transporté en paradis, ou, s'il en est, en plus haut et plus heureux séjour. Mais voici que tu t'arraches à moi et aussitôt, moi qui croyais déjà siéger en paradis, ou s'il en est, en plus haut et plus heureux séjour, je me crois renvoyé au fond des ténèbres d'enfer, ou, s'il en est, en plus profond et malheureux séiour.

ANGLETERRE, ECOSSE

Au cours du xvi- siècle, nombreux sont les écossais qui, étudiants ou professeurs, répandent dans toute l'Europe la réputation de leur pays. Paris surtout les attire, en raison de l'alliance traditionnelle avec la France. Jérôme Aléandre, qui y enseigne le grec de 1508 à 1513, a fait l'éloge du groupe de jeunes gens réunis autour de John Major et de David Cranston; Erasme a connu Hector Boèce au collège de Montaigu avant d'accompagner le fils naturel de Jacques IV, Alexander Stewart, dans son tour d'Italie. Florence Wilson, le premier de ces écossais errants à s'acquérir une réputation de poète, est professeur au collège de Carpentras, fondé par Sadolet ; William Hagate deviendra principal au collège de Guyenne. Mais cet exil volontaire, s'il fournit à l'Eglise et au gouvernement écossais des cadres hautement qualifiés, ne favorise pas le développement des universités nationales, d'Edimbourg ou de Saint-Andrews. En Ecosse même l'humanisme tarde à s'enraciner. Autre obstacle : les querelles religieuses qui en trente ans, de 1527 (exécution de Patrick Hamilton, le premier martyr protestant d'Ecosse) à 1560 (réunion du Reformation Parliament), font basculer le pays, du catholicisme intransigeant et de l'alliance française, au protestantisme et bientôt, avec le propre fils de Marie Stuart, Jacques VI, à l'union dynastique avec l'Angleterre. Ces vicissitudesde l'histoire sont reflétées fidèlement dans l'œuvre du plus génial des « wandering Scots >, George Buchanan, dont la longue carrière (1506-1582) s'ouvre et s'achève presque avec le siècle. Quand Buchanan revient définitivement en Ecosse, la paix et l'ordre sont peu à peu restaurés, la jeunesse s'inscrit plus nombreuse à la nouvelle Université d'Edimbourg ; le transfert de la Cour à Londres en 1603 n'empêchera pas la formation au début du siècle suivant d'un cénacle littéraire très actif, où les poètes en langue écossaise comme William Drummond et Sir William Alexander côtoient les néo-latins, Sir Robert Ayton, Arthur Johnston et John Leech, le plus distingué de tous. L'animateur de ce groupe est Sir John Scot of Scotstarvet, qui consacre sa vie à la réunion des Delitiae poetarum Scotorum communément attribuée à son ami Johnston. Si l'humanisme tarde à s'implanter en Ecosse, en Angleterre

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ANGLETERRE, ÉCOSSE

même, une pléiade de savants donne au début du règne d'Henri VIU Tudor (1509-1547) un très vif éclat. Il est vrai que ce n'est pas un humanisme littéraire : la poésie latine en particulier mettra longtemps à se mettre au diapason du reste de l'Europe. Mais à la fin du siècle et au début du siècle suivant elle connaîtra un très brillant développement. Pas plus que leurs amis et inspirateurs du Continent, dont Erasme est le plus illustre, les premiers grands humanistes anglais, Linacre, Colet, More, Lily, n'obéissent à des soucis littéraires ou esthétiques. Educateurs, hommes d'Etat, théologiens, éminents en d'autres domaines que la littérature, ils consacrent leurs efforts à la religion et à l'éducation : procurent de nouvelles éditions de la Bible, ouvrent ou réorganisent des écoles, composent des grammaires, comme la Breuissima Institutio seu ratio grammatices cognoscendae de Lily, composée avec l'aide d'Erasme pour Saint-Paul's et en usage pendant deux siècles à Eton et dans les autres écoles anglaises. Cette attitude explique leur méfiance à l'égard des néo-latins d'Italie, la prudence avec laquelle sont utilisés les classiques eux-mêmes, Cicéron, Sénèque et Virgile exceptés. Le résultat : malgré une familiarité de plus en plus grande avec la langue et avec les mètres latins, l'esprit de !'Antiquité exerce une influence très faible sur leurs vers. Les épigrammes de Thomas More ne décèlent point la trace des épigrammes de 1'Anthologie dont lui et Lily ont pourtant traduit une partie ; à Horace, un Constable ou un Wittington n'empruntent guère que les strophes lyriques. Cette analyse est encore valable pour les hommes de la génération suivante : Packhurst, Haddon, Asham, Chaloner, les poètes du milieu du siècle, sont encore très proches des premiers humanistes. Seul parmi eux John Leland, dans son De quibusdam nostri saeculi poetis, laisse paraître une connaissance sympathique des néo-latins d'Italie. Ce n'est que sous le règne d'Elisabeth (1558-1603) que les conditions changent rapidement. Alors, l'objection morale étant levée, le niveau de la culture latine s'élève soudain. Les universités d'Oxford et de Cambridge, avec la place qu'elles réservent désormais dans leur enseignement à la composition en vers (le fameux gradus ad Parnassum), l'usage qui s'établit des Anthologies commémoratives, de visites ou d'événements de la Cour, sont d'actifs foyers de poésie latine : Cambridge produit Fletcher et Harvey, et Oxford Gager, ancien élève de Westminster. Virgile, Horace, Ovide deviennent alors vraiment des modèles, le dernier surtout, auteur des Amours, mais aussi des Métamorphoses : son influence se combine chez Thomas Watson à celle de Pétrarque et chez Thomas Campion à celle de Martial. Cultivée par des esprits aussi divers que Charles Fitzgeffrcy, Sir John Stradling, Andrew W'illet, Saltmarsh, l'épigramme sera un

ANGLETERRE,

écossE

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des ornements de l'époque jacobéenne. John Owen est le plus beau représentant de l'épigramme satirique, dans la veine de Martial, tandis que George Herbert et Richard Crashaw donnent un lustre inégalé à l'épigramme emblématique et sacrée. Grâce à eux, l'entrée dans le XVIf siècle et l'âge baroque se fait sous le signe de réussites indiscutables, dont on comprend que l'Angleterre soit restée longtemps enivrée. ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE 1, ÉTUDES GÉNÉlALES

BIOGRAPHIES: Th. DEMPSTER, Historia ecclesiastlca gentis Scotorum, siue de scriptoribus Scotis, Bologne, 1627; F. J. K.ELLAS JOHNSTONE et A. W. ROBERTSON, Bibliographia Aberdonensis, Aberdeen, 1929-1930; J. BALE, Index Britanniae scriptorum, Oxford, 1902. HISTOIRE ET HISTOIRE DE L'HUMANISME : O. R. ELTON,England under the Tudors (1485-1603), Londres, 1955, réimpr. 1963 ; P. MEISSNER, England im Zeitalter von Humanismus, Renaissance und Reformation, Heidelberg, 1952; R. WEISS, The Renaissance and English humanism, Univ. of Toronto Pr. 1957; H. A. MASON, Humanism and poetry in the early Tudor period, an essay, Londres, 1959; H. OPPEL, Der englische Humanismus im Zeitalter Elizabeths, Mayence, 1947; J. DURCAN, The beginnines of humanism in Scot/and, s. d. POÉSIE NéO-LATINE : W. MANN,Lateinische Dichtung in England vom Ausgang des Frühhmanismus bis zur Regierungsantritt Elizabeths, Untermchung zur nationalen und religiosen Grundlegung des englirchen Ilumanismus, Halle, 1939: L. BRADNER, Musae Anglicanae, Â history of Anglo-latin poetry (1500-1925), Londres, 1940; W. F. BoLTON, Â history of Anglo-latin literature, 1, Princeton, 1967 ; J. W. BINNs, The latin poetry of english poets, Londres-Boston, 1974; J. KINsLEY (éd.), Scottish Poetry, Londres, 1955 (cbap. 111 par J. W. L ADAMS : excellente revue de la poésie néo-latine écossaise). 2.

RECUEILS DE TEXTES

JoHNSTON, Delidae poetarum Scotorum, Amsterdam, GEODES et W. K. LEAsJC,Musa Latina Aberdonensis,

1642; Sir W. D. Aberdeen, 1892, 1895 et 1910 (3 vol.); Musae Anglicanae, Londres, 1692, 2• éd. (J. ADDISON), 1699, 1714, 1721 : 5• éd. (W. Boume), 1741, 1761; E. POPBAJI, Selecta poemata Anglorum l.Atina, 2• é~. Bath. 1774-1776 (3 vol.). A.

GEORGE BUCHANAN (1506-1582)

BUCHANAN est né à Killem (Ecosse) en 1506. Ap~ des études à Saint-Andrews et à l'université de Paris, il devient professeur au collège Sainte-Barbe (1529); puis précepteur du fils du comte de Cassilis, qu'il suit en Ecosse. La publication de son poème Le Franciscain lui vaut d'être accusé d'hérésie et jeté en prison (1539) : il s'échappe, gagne la France et professe au coJlège de Guyenne à Bordeaux, où il est associé à Gouvéa, Vallée, Teyve et Tastaeus. Après un nouveau passage à Paris au collège du cardinal Lemoine, où enseignent déjà Muret et Tumèbe, il gagne le Portugal sur l'invitation de Gouvéa, fondateur de l'université de Coïmbra. Mais à la mort de Gouvéa l'inquisition le fait emprisonner. Relâché, il arrive en France en 1553, devient régent du collège de Boncourt, puis précepteur du fils du maréchal de Brissac, jusqu'en 1560. Il rentre enfin en Ecosse, comme précepteur de la reine Marie, puis, après la disgrâce et l'exil de celle-ci, de son fils Jacques VI, auquel il dédie son De jure regni apud Scotos. La dernière partie de sa vie est occupée par la réflexion politique et la composition de son Histoire d'Ecosse, publiée l'année de sa mort, qui survient le 28 septembre 1582 à Edimbourg.

« Le seul homme de génie que son pays ait produit >, selon Samuel Johnson ; c Poetarum nostri saeculi facile princeps >, écrit Etienne

sur la page de titre de la première édition de la Paraphrasedes Psaumes. En effet, après les grands néo-latins d'Italie, il est douteux que l'Europe ait produit un talent à la fois aussi viril et aussi complet. Satire, épigramme, ode, épithalame, tragédie... : de toutes ces formes traditionnelles, Buchanan s'empare sans effort, pour les faire servir à l'expression d'un tempérament vigoureux, d'une riche expérience, d'une noble et hautaine pensée. Un authentique génie satirique se révèle, moins, à notre avis, dans les invectives, catulliennes et horatiennes, contre le personnage conventionnel de la Leaena, que dans les terribles coups de boutoirs des Fratres Fraterrimi, et surtout dans l'ample réquisitoire du Franciscain, satire d'un ordre monastique dont les membres, infidèles au message du fondateur, avaient substitué à l'esprit de dépouillement l'esprit de rapine, à l'esprit de joie et à l'amour ardent, le désir de puissance, la ruse et l'ambition secrète. Les humanistes ne les ménagent donc pas : certains les égratignent spirituellement, comme Erasme, d'autres les marquent du ricanement de la satire : Thomas Mumer dans la Conjuration des Fous, Hutten dans les Epist1Jlàeobscurorum uirorum, Dunbar dans son pamphlet How Dunbar was disherit to be ane fryer. Les deux tons se retrouvent dans le Franciscain,où à côté de pauvres hères jus-

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GEORGEBUCHANAN

ticiables de la dérision érasmienne, est bross6e la terrible peinture d'un être profondément, fondamentalement vicieux, parce que lucide et cynique et extrêmement redoutable. La satire atteint à une puissance saisissante grâce à un procédé simple : Buchanan a confié au moine le plus vieux et le plus roué de la troupe le soin d'exposer, à l'intention des jeunes· novices, les ficelles du métier : long sermon ou catéchisme cynique, dont chaque précepte vient compléter l'autoportrait. Il va sans dire que l'ironie mordante de l'auteur n'épargne pas au passage les dogmes les plus discutés : libre-arbitre, miracles, et même la transsubstanciation : cette critique d'essence luthérienne, qui a inspiré tant d'amertume aux commentateurs catholiques, laisse intacts ces deux fondements de la foi, que sont les écrits pauliniens et. .. la raison. Peut..atre faut-il rappeler que l'année 1S36, date vraisemblablement du Franciscain,voit, en même temps que la mort d'Erasme, la publication de l'Institution chrétienne de Calvin. La satire du Franciscainest encore cependant une œuvre de jeunesse. Les poèmes de la maturité, bien que souvent de cara~re officiel ou semiofficiet, confirment avec éclat la stature poétique de Buchanan. L'homme du xv1•siècle n'est pas, on l'a vu, un savant en chambre : sa plume est mise au service de l'Eglise, de l'Etat ou d'un haut idéal. Or, Buchanan a été l'éducateur des grands, il a vécu dans la familiarité de personnages considérables, a été lié à plusieurs monarques, a pris part aux affaires de l'Etat. Rien d'étonnant à ce que le poème de circonstances ait été pour lui souvent l'occasion de définir son idéal éthique et politique : c'est le cas des épinicia composés pour la prise de Vercelles par Brissac ou de Calais par Guise ; l'exaltation de la vertu infrangible, développée dans le premier et qui est un des thèmes majeurs de l'œuvre, trouvera un splendide couronnement dans les premiers vers de l' épicède sur la mort de Calvin. D'allure plus didactique, le Genethliacon, écrit pour la naissance du roi James, contient un exposé des vues antimachiavelliennes de l'auteur sur l'essence de la royauté. La plus belle de toutes ces compositions est sans doute l'Epithalame composé pour le mariage de Marie Stuart et de l'héritier du trône de France. Au-delà de l'union dynastique, cet événement cimente l'union, que le poète rêve éternelle, entre deux peuples également chers à son cœur, l'un par naissance, l'autre par élection. Aussi, rarement poème de circonstance a vibré d'un enthousiasme plus sincère. Au centre et au cœur de l'épithalame, c distillant la quintessence de plusieurs siècles d'histoire >, les pages éloquentes disant les vertus du peuple d'Ecosse, et oît « l'enthousiasme de l'expatrié pour son pays s'exprime en termes éclatants, en termes qui sont devenus une part chérie de l'héritage littéraire de l'Ecosse > (Bradner). C'est cette aptitude naturelle du poète à s'élever jusqu'au point de vue éthique et philosophique qui, plus que le talent d•exposition ou d'ornementation, donne sa valeur au poème didactique et scientifique de la Sphère, et le distingue notamment de l'Uranie de Pontano. On en

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jugera par le court extrait que nous en donnons, méditation d'une frémissante grandeur sur un thème du Songe de Scipion. Nous avons fait pour finir une place à l'inspiration chrétienne, représentée par la Paraphrase des Psaumes (1566), écrite pendant l'emprisonnement au Portugal : œuvre considérable, qui embrasse la totalité des 150 Psaumes, traduits en 28 formes métriques différentes; la majesté du modèle biblique, l'ardeur de la foi protestante qui anime l'auteur, l'éclat du style, la virtuosité de la versification donnent au recueil de Buchanan une place exceptionnelle parmi les nombreuses paraphrases de la même époque, et explique les vingt-six rééditions réalisées en l'espace d'un siècle et demi. TEXTES : G. B. Scoti Psalmorum Davidls Paraphrasls poetica, nunc primum ediia ; eiuadem ... lephtes, s.l. 1566 •• ; G. B. Scoti Franciscanus; uaria eiusdem authoris poemata, s.1. 1566 •• ; G. B. Scoti poetarum nostri saec. facile principis Elegiarum /. I, Syluarum /. I, Hendecasy/laborum l. I, eiusdem ... Baptistes siue Calumnia, Paris (H. Estienne), 1579 ; G. B .. Scoti Franciscanus et Fratres, Eleg. l. I, Silv. l. I, Hend. l. 1, Epigr. I. I, de Sphaera fragmentum, s.1. 1584 •• ; Sphaera G. B. Scoti, poeta nostri saeculi facile princeps ... Herbornae, 1586 •• ; Opera omnia, ed. Ruddimann, Edimbourg 1714-1715 •••; nouv. éd. avec notes de P. Burmann, ibid., 1125 ; en préparation, à l'université de Saint-Andrews {Ecosse), l'édition du quatrième centenaire de la mort du poète, sous la direction de J. K. Cameron, I. D. Mc Farlane, W. Beattie, D. D. D. Owen et Mr. R..G. Cant. ETUDES GENER.ALES : G. M. Fr. VAUTIUER,De Buchanan/ uita et scriptis, thèse, Toulouse, 1886; P. H. BlloWN,G. Buchanan, humanist and reformer, Edimbourg, 1890; G. Buchanan, a memorial, 1505-1906, contrib. by various writers, compiled and edited by D. A. Millar, St. Andrews, 1907; R. LEBÈOUE, G. Buchanan, son influence en France et au Portugal, Coïmbre, 1931 ; D. M. G. DOS SANTOS, B. e o ambiente coimbrao no seculo XVI, in c Umanitas >, Coïmbra, XV-XVI (1963-1964), p. 261-327. ETIJDES SUR. LES POESIES LATINES : W. L. GRANT,The shorter latin poems of G. B., in c aass.Joum. > XL (1944-1945), p. 331-348; J. R. NAmEN, The Sphere of Buchanan (c.r. dans c Latomus > XI, 1953, p. 224); Virginia Miles CHANCY,The elegies of G. B. in relation to those of the roman elegists and to the latin elegies of J. Milton in c Dissert. Abstracts >, XXII (1962), p. 2383; I. D. Mc FARLANE,Notes on the composition and reception of G. Buchanan's Psalm Paraphrases, in c Forum of Mod. Lang. Stud. >, VII (1971), p. 319-360.

PSALMORVM PARAPHRASIS

LIBER 1 PSALMVS 22 (DEVS, DEVS MEVS, RESPICE IN ME, ETC.)

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Cur me relinquis, o Deus ? Deus meus, Cur me relinquis ? Irrita Heu uerba fundo : luce seu terras dies Retegit, uocantem me dies Frustra intuetur ; siue nox silentibus Terram tenebris obruit, Nox me uocantem nulla non audit, meo Nox nulla questu non sonat. Tu sanctus ille ciuitatis incola es Sanctae : Isaci nepotibus Tu carmen es : tu fida spes maioribus Nostris : salutem qui suam Tibi credidere, a te salutis compotes Abiere, salui gratias Egere ; duris qui tuam in malis opem Petiere, qui tuam in fidem Se dedidere, non tulere dedecus, Non hostium ludibria. At uermis ego sum, non homo ; sum fabula Vulgi, infimorum opprobrium. Nam turba nostris obuia illudit malis, Nutatque, nictatque et caput Motat, labella exporrigit, ludibria Verbis acerbat asperis : En ille Domino carus, en fiducia Securus ille numinis ! Nunc seruet ilium, nunc periclis eruat, Quem tanto amore amplectitur ! 0 Domine, tu me protinus susceperas Aluo parentis editum. De te pependi spe, parentis pendulus lnfans adhuc ad ubera. Abusque partu Tu Deus meus, tuus Ex matris aluo me fauor Est prosecutus : ultimo in discrimine Iam ne recede longius. Discrimen instat ultimum, mortis metu Cessere amici territi,

PARAPHRASE

DES PSAUMES

LIVRE I PSAUME

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(Ô DIEU, Ô MON DIEU, TOURNE LES YEUX VERS MOI, ETC.)

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Pourquoi m'abandonnes-tu, ô Dieu ? Mon Dieu, pourquoi m'abandonnes-tu? C'est en vain, hélas, que je t'adresse ces paroles : car soit que le jour revienne découvrir le monde baigné de lumière, le jour me voit t'implorer en vain ; soit que la nuit recouvre silencieusement la terre de son ombre, chaque nuit entend ma prière, chaque nuit résonne de mes plaintes. Et pourtant tu es le Saint habitant de la cité sainte, tu vis dans les louanges des fils d'Isaac, tu es la ferme espérance de nos pères. Ceux qui t'ont confié leur salut s'en sont allés, ayant trouvé en toi leur salut. Ceux qui dans le malheur ont imploré ton secours, sauvés par ta main, t'ont rendu grâces. Ceux qui se sont remis à ta loi n'ont pas eu à supporter l'opprobre ni la dérision de leurs ennemis. Mais moi je suis un ver de terre, non un homme ; je suis la fable du vulgaire, la risée de la populace ; la foule que je rencontre se gausse de mes maux : on branle la tête, on ricane, on fait la moue, on aiguise contre moi d'amères plaisanteries : c Le voilà, celui qui est cher au Seigneur, celui qui s'assure en la foi du Seigneur. Que son Dieu le garde à présent, qu'il le sauve du danger, puisqu'il l'entoure de tant d'amour ! > 0 Seigneur, tu m'as accueilli au sortir des entrailles de ma mère; l'espoir en toi m'a soulevé quand j'étais encore suspendu au sein nourricier. Tu es mon Dieu depuis ma naissance ; dès le berceau ta faveur m'a accompagné : ne t'éloigne pas au moment du péril suprême. Epouvantés par les menaces de mort,

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GEORGE BUCHANAN

Tauri efferati, tauri obesi me undique Circumdedere, faucibus Hiant, leonum more ruaïentium, Quos incitat spes et fames. Riui cruoris corpus omne perluunt Exsangue, laxat artuum Compago nexus, pectus intra liquitur, Vt sole cera, cor meru. Exaruere testae ad instar coctilis Defecta membra uiribus; Rigens adhaesit lingua siccis faucibus, 1am sto sepulchri ad aggerem. Me rabidi ab omni parte latraru canes Vrgent, peruntque dentibus. Mihi pessimorum saeua conspiratio Manusque fodit et pedes ; Et ossa numerant, ossa tralucentia Per corporis tensi cutem ; Tormenta postquam cuncta consumpsit furor, Animus adhuc ira rumens Se pascit, oculos satiat, et fruitur meis Laeto in malis spectaculo. Partiti amictus sunt meos, runicae meae Fecere sortes arbitras. Tu, Domine, saltem ne recede, ne malis In ultimis me desere. Tu robur unus, Tu mea es potentia : Accurre, festinus meae Succurre uitae, destirurum ab omnibus Defende, saeuorum hostium Ferrum cruenrum pelle, uim rabidam canum Inhibe, leonum spumeos Compesce rictus, comua unicornium Confringe, serua supplicem. Tum morte uicta, sospes auxilio ruo, Narrabo fratribus ruum Nomen, piorum praedicabo coetibus Robur, fidem, constantiam. 0 mente pura qui Deum colitis, Deum Laudate puris cantibus. Semen Iacobi, magnitudinem Dei Celebrate festis laudibus, Erga fideles numinis clementiam Agnosce, proies lsaci Non spreuit inopis ille solitudinem,

PARAPHRASB DES PSAUMES

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mes amis se sont éloignés. Des taureaux furieux, des taureaux monstrueux m'enveloppent de toutes parts, ils ouvrent leurs gueules béantes et rugissent comme des lions affamés, excités par l'espoir du carnage. Des ruisseaux de sang inondent mon corps exsangue, mes membres sont disloqués, je sens ma poitrine se dissoudre et mon cœur se fondre de crainte comme la cire sous le soleil. Mes membres privés de forces sont secs comme des tessons, ma langue raide reste collée au fond de ma gorge sèche, je m'avance déjà tout au bord du sépulcre. Des chiens enragés me cernent de leurs aboiements, en cherchant à me mordre, une bande de vauriens m'assaille, ils me lient les mains et les pieds ; et ils comptent mes os, mes os qu'on voit saillir sous la peau de mon corps émacié. Et après que leur fureur a épuisé sur moi tous les tourments, leur âme encore gonflée de haine se repaît, et rassasie ses yeux, et se délecte du plaisant spectacle de mes maux. Ils ont partagé entre eux mes habits et tiré au sort mes vêtements. Mais Toi, Jahvé, Toi, du moins ne t'éloigne pas, ne m'abandonne pas au fort de mon malheur. Toi seul es ma force, Toi seul ma puissance. Viens vite à mon aide, sauve ma vie, préserve ton enfant abandonné de tous, repousse l'épée sanglante de mes féroces ennemis, contiens la rage des chiens, musèle les gueules écumantes des lions, brise les cornes des unicornes, délivre ton fils suppliant. Alors, la mort vaincue, sauvé grâce à toi, j'annoncerai ton nom à mes frères, dans l'assemblée des fidèles, je louerai ta force, ta fidélité, ta constance : c Vous qui d'un cœur pur honorez Dieu, glorifiez-Le dans vos purs cantiques. Race de Jacob, célèbre dans tes pieuses louanges la grandeur de Dieu. Reconnais, desdance d'Isaac, la clémence du Seigneur envers ceux qui croient en Lui. Il n'a point méprisé le pauvre en sa solitude, Il n'a point

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GEORGE BUCHANAN

Non pauperum fastidio Auertit ora, me uocantem exaudiit, Vitaeque dulci reddidit. 26 Ergo per oras ultimas mundi tuas Sonabo laudes, gentibus Te praedicabo, uota te timentium Praeseote soluam Ecclesia. 27 Edet modesta turba, fraudis nescia, Vocata sacras ad dapes, Epulisque functa, ac satura dulci nectare, Laudabit auctorem Deum, Deum sooabit, qui uigore flammeo ln corda se quaerentium Se tantus infert, mortis ut procul metu Perenne uiua gaudeant. 28 Ergo excitata tam nouo spectaculo Tellus ab oris ultimis, Quacumque colitur, colla sub Domini iugum Submittet, illi seruient, Pronaeque Domino supplicabunt omnium Omnes familiae gentium. 29 Nam sempitemo iure Domino competit Regnum triformis machinae. Ille uniuersis imperabit gentibus. 30 Rerum potentes illius Mensae accubabunt, et sacri conuiuü Dapibus referti sub iugum Cedent uolentes, flectet illi poplitem Pauper sepulchri in limine, Qui membra fessis artubus languentia Fugiente uita uix trahit. 31 Illumque longa posteri propagine Cotent, suisque posteris Per longa deinceps nuociabunt saecula In me fauorem numiois. 32 Hoc semen illi seruiet, gens illius ln posterum baec censebitur.

27 uiua ut IS66.

PARAPHRASEDES PSAUMES

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dédaigné le misérable ni détourné de lui sa face ; mais, invoqué par moi, Il m'a écouté et m'a rendu à la douceur de la vie. > Aussi, jusqu'aux extrémités du monde je ferai sonner tes louaqges, je t'annoncerai aux nations, j'accomplirai mes vœux devant la grande assemblée de ceux qui te craignent ; et la foule des pauvres, innocente de tout crime, viendra manger à ta sainte table, et après le repas, rassasiée de doux nectar, elle chantera le Dieu créateur, elle louera le Seigneur, qui embrase avec une telle violence l'âme de ceux qui le cherchent, qu'elles vivent à jamais, délivrées de la crainte, promises à une éternité de joie. En sorte que, réveillée par un spectacle si inouï, la terre habitée, jusqu'aux plus lointaines frontières, courbera sa nuque sous le joug du Seigneur ; devant Lui, soumises, se prosterneront toutes les familles des nations, car de toute éternité le triple royaume du monde appartient à Dieu de plein droit. Il commandera à l'ensemble des nations, les puissants de la terre viendront s'asseoir à sa table et, rassasiés des mets du saint banquet, se courberont volontier sous son joug; devant Lui s'agenouillera le pauvre parvenu aux portes du tombeau, et qui sent la vie l'abandonner, tandis qu'il traîne péniblement son corps épuisé. Et la longue suite de nos descendants L'honorera, enseignant à son tour à ses neveux tout au long des siècles la grâce que m'a faite le Seigneur. Ici est la semence de ses serviteurs, ici, la race qu'à l'avenir on dira Sienne.

SILVARVM LIBER I IV FRANCISCI VALISII ET MAR.IAB STVAR.TAE llEGVM FR.ANCIAE BT SCOTIAB EPITHALAMIVM

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Ilia pharetratis est propria gloria Scotis, Cingere uenatu saltus, superare natando Flumina, ferre famem, contemnere frigora et aestus ; Nec fossa et muris patriam, sed Marte tueri, Et spreta incolumem uita defendere famam; Polliciti seruare fidem, sanctumque uereri Numen amicitiae, mores, non munus amare. Artibus bis, totum fremerent cum bella per orbem, Nullaque non leges tellus mutaret auitas Externo subiecta iugo, gens una uetustis Sedibus antiqua sub libertate resedit. Substitit hic Gothi furor, hic grauis impetus haesit Saxonis, hic Cimber superato Saxone, et acri PerdomitoNeuster Cimbro.Si uoluere priscos Non piget annales, hic et uictoria fwt Praecipitem Romana gradum : quem non grauis Auster Reppulit, incultis non squalens Parthia campis, Non aestu Meroë, non frigore Rhenus et Albis Tardauit, Latium remorata est Scotia cursum : Solaque gens mundi est, cum qua non culmine montis, Non rapidi tipis amnis, non obüce siluae, Non uasti spatüs campi Romana potestas, Sed muris fossaque sui confinia regni Muniuit : gentesque alias cum pelleret armis Sedibus, aut uictas uilem seruaret in usum Seruitii, hic contenta suos defendere fines Roma securigeris praetendit moenia Scotis : Hic spe progressus posita, Carronis ad undam Terminus Ausonii signat diuortia regni. Neue putes duri studiis assueta Gradiui Pectora mansuetas non emollescere ad artes, Haec quoque, cum Latium quateret Mars barbarus orbem, Sola prope expulsis fuit hospita terra Camoenis.

SILVES LIVRE I IV ÉPITHALAME DE FRANÇOIS DE VALOIS ET DE MARIE STUART, ROIS DE FRANCE ET D'ÉCOSSE

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Quant aux Ecossais porteurs de flèches, voici leurs titres de gloire : cerner les bois avec des cordons de chasseurs, franchir les fleuves à la nage, endurer la faim, mépriser le froid aussi bien que la chaleur torride, compter, pour défendre le sol natal, sur la vaillance, bien plus que sur les murs et les fossés, préférer à la vie une renommée sans tâche ; ajoute le respect de la foi jurée, la religion de l'amitié, l'amour de la vertu mis au-dessus de l'amour des présents. Forts de tout cela, quand la guerre faisait rage dans tout le reste de l'univers, que partout ailleurs on reniait les lois des ancêtres pour se soumettre au joug de l'étranger, seul notre peuple a conservé la terre de ses pères et sauvegardé son antique liberté. Ici est venue se briser la fureur des Goths, ici s'est arrêté l'élan des hordes saxonnes, celui des Cimbres, après la défaite des Saxons, et des Neustres, après l'écrasement des troupes farouches des Cimbres. Enfin qui voudra consulter les antiques annales apprendra que la Victoire des Romains a dft borner ici son élan irrésistible : leur course conquérante, que n'avait pu endiguer les souffles brOlants de l'Auster, que n'avaient pu ralentir ni les steppes désolées de la Parthie, ni les chaleurs étouffantes de Méroé •, ni les glaces du Rhin et de l'Elbe, l'Ecosse, elle, l'a arrêtée. Notre pays est même le seul au monde contre lequel la puissance romaine ait cru devoir garantir ses frontières, non pas seulement par la barrière d'une montagne ou le cours impétueux d'un fleuve, ou l'écran d'une région de forêts, ou encore par une vaste étendue désertique, mais par une ligne de fortifications. Elle qui partout ailleurs chassait brutalement les peuples de leurs territoires, ou les réduisait, après la défaite, à la condition infâmante de l'esclavage, avec nous, réduite à défendre ses propres frontières, elle oppose des murs à la hache des guerriers écossais ; arrivée jusqu'ici, elle renonce à sa soif de conquête et les eaux du Carron • marquent la borne où s'achève l'empire ausonien. Et ne crois pas qu'accoutumées aux rudes travaux guerriers nos âmes n'aient pas su s'affiner au contact des arts de la civilisation. Au contraire : quand les Huns barbares ébranlaient le monde romain tout entier, notre pays fut à peu près la seule

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Hinc Sophiae Graiae, Sophiae decreta Latinae, Doctoresque rudis formatoresque iuuentae Carolus ad Celtas traduxit : Carolus idem, Qui Francis Latios fasces, trabeamque Quirini Ferre dedit Francis, coniunxit foedere Scotos : Foedere, quod neque Mars ferro, nec turbida possit Soluere seditio, aut dominandi insana cupido, Nec series aeui, nec uis ulla altera, praeter Sanctius et uinclis foedus propioribus arctans. Tu licet ex illa numeres aetate triumphos, Et coniuratum cunctis e partibus orbem Nominis ad Franci exitium, sine milite Scoto Nulla unquam Francis fulsit uictoria castris, Nulla unquam Hectoridas sine Scoto sanguine clades Saeuior oppressit : tulit haec communiter omnes Fortunae gens una uices : Francisque minantes Saepe in se uertit gladios. Scit belliger Anglus, Scit ferus hoc Batauus, testis Phaëthontias unda, Nec semel infaustis repetita Neapolis armis. Hanc tibi dat coniux dotem, tot secula fidam Coniunctamque tuis sociali foedere gentem, Auspicium felix thalamis concordibus, armis lndomitos populos per tot discrimina, felix Auspicium bellis, uenturaeque omina palmae. DE SPHAERA

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Hune etiam auricomum, qui prospicit omnia, Solem Adspice : qui quanto maior sit corpore terrae, Post tibi perspicuis clarabimus argumentis. 1s tam mole ingens, tam claro lumine purus Cum nitet, et nulla nubis caput occulit umbra, Non multo apparet nobis pede longior uno. Ergo is tantillum cum sese ostendat, in axem Ipse suum Phoebus si te super aethera tollat, Inque diem Phaethonteas tibi cedat habenas, Quantula de coeli spectanti uertice celso Terra uideretur ? si coeli e uertice terra Vila uideretur : iam quantula portio coeli Ipse sui Sol est ? Solem quoque qui uehit orbis 651-2 si coeli... uideretur om. 1586.

655 multesima : millesima 1586.

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terre d'asile pour les Muses exilées ; les préceptes de la sagesse grecque et latine, les docteurs et les professeurs d'une jeunesse encore tendre, c'est ici que l'empereur Charles• est venu les chercher pour en enrichir la Celtique. Or ce même Charles, qui remit aux Francs les faisceaux romains et la trabée de Quirinus, les unit à nous par un traité d'alliance : un traité que ne pourraient abolir ni les armes de Mars, ni les troubles de la sédition, ni l'ambition effrénée du pouvoir, ni la suite des temps, ni aucune puissance au monde - excepté un nouveau pacte d'alliance, les unissant par des liens encore plus étroits et plus saints. Si depuis cette époque tu fais le compte des triomphes de la France et aussi des moments où le monde entier s'était conjuré pour sa perte, jamais victoire n'a brillé dans votre camp sans la présence de l'armée écossaise, jamais désastre n'a accablé la race d'Hector • sans que f0t versé le sang écossais. Notre nation est la seule qui ait partagé avec vous toutes les vicissitudes de la fortune, et plus d'une fois elle a détourné sur elle les glaives qui vous menaçaient. Ils le savent, I'Anglais belliqueux et le farouche Hollandais, elles en témoignent, la mer Tyrrhénienne et Naples, attaquées et menacées plus d'une fois. Voilà donc la dot que t'apporte ton épouse : une nation amie et alliée de la tienne depuis des siècles, heureux présage d'une union parfaite ; un peuple indompté à travers tant d'épreuves, présage heureux pour la guerre et gage de toutes les victoires à venir ...

LA SPHÈRE

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... Porte à présent les yeux sur l'astre rayonnant, le Soleil qui voit tout. De combien sa grosseur l'emporte sur la Terre, je te le montrerai plus loin par des preuves évidentes. Or cette masse énorme, quand elle brille d'un pur éclat, qu'aucun nuage ne la dissimule, c'est à peine si elle nous paraît mesurer plus d'un pied. Et puisque nous le voyons si petit, imagine que Phébus lui-même t'enlève sur son char au sommet du ciel, que pour un jour il te prête les rênes comme à Phaéton, quelle taille crois-tu qu'aurait la Terre, vue du haut des cieux ? - si seulement on peut encore l'apercevoir. Or qu'est-ce que le Soleil lui-même en proportion

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Quantulus est cum stelligero collatus Olympo ? Terra igitur cum sit multesima portio Solis; Pars orbis Sol parua sui ; qui continet orbis Solem, stelligeri exilis sit portio coeli : Stelligero tellus si componatur Olympo, Nulla queat numeris ratio comprendere, tellus Pars quota sit uasti, qui continet omnia, mundi. Haec illa est hominum sedes, haec illa ferarum Et uolucrum domus : hoc angusto e carcere quantum Surripit Oceani terrae circumfluus humor ? Quique per Herculeae irrumpens diuortia metae, Europam Libycis late seiungit ab oris ? Adde hue claustra Arabum, quaeque arctant aequora campos Hyrcanos ; hue adde lacus laxasque paludes, Et quae praecipiti labefactant flumina montes Vortice, uel pigris stagnant immota lacunis. Dumque haec ui rapiunt, haec orbem gurgite mergunt, Conditur exiguae sub aquis pars maxima terrae. Quod superest, magno uelut insula parua profundo lnnatat : haec etiam quantum uel squalet arenis ? Vel tumet in uastos sine fruge, sine arbore montes? Vel nimiis ardet flammis? uel frigore torpet? Vel iacet humano indocilis mansuescere cultu? Vel foecunda malis animantum in funera 111ccis? 0 pudor ! o stolidi praeceps uesania uoti ! Quantula pars rerum est, in qua se gloria iactat, Ira fremit, metus exanimat, dolor urit, egestas Cogit opes, ferro, insidüs, flamma atque ueneno Cemitur, et trepido feruent humana tumultu !

EPIORAMMATA LIBER I XII IN ZOILVM

Frustra ego te laudo, frustra me, Zone, laedis Nemo mihi credit, Zone, nemo tibi.

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jactat : tollit 1586.

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: scilicet 1586.

LA SPHÈRE

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du cercle qui le porte ? Ce cercle lui-même, que représente-t-il en comparaison de la sphère étoilée? Donc, si la grandeur de la Terre n'est qu'une infime partie de celle du Soleil, si celui-ci à son tour est une faible partie de l'orbe qu'il décrit, cet orbe un point négligeable en regard de la sphère étoilée, compare la Terre à cette dernière : aucun nombre ne saurait exprimer le rapport qui unit les dimensions de notre planète à celles de l'univers. Voilà pourtant la demeure des hommes, des bêtes et de la gent ailée. Encore, de cet étroit cachot, quelle portion est occupée par les eaux de l'Océan qui entourent la Terre et, s'ouvrant un passage à hauteur des colonnes d'Hercule, viennent encore séparer Europe et Afrique ? Ajoute à cela le golfe d'Arabie, la mer Noire, ouverte au beau milieu de la Roumanie ; ajoute les lacs, les marais, les fleuves qui descendent en torrents des montagnes ou s'endorment paresseusement dans les méandres de leur lit. Bref, qu'elles emportent le sol ou qu'elles l'engloutissent, une grande partie de la Terre, déjà petite, est enfouie sous les eaux ; le reste est comme un minuscule îlot flottant à la surface du gouffre liquide. U-dessus, combien de régions appartiennent aux sables arides des déserts ? ou se hérissent en montagnes sans végétation ni culture ? ou se dessèchent sous un soleil torride ? ou se figent sous le gel ? Gisent, étendues de steppes stériles ? regorgent de poisons meurtriers ? 0 pudeur ! 0 folie aveugle de nos vœux insensés ! 0 dérisoire petitesse de ce canton de l'univers où la gloire se pavane, où la colère gronde, où la peur paralyse, où la souffrance consume, où l'indigence amasse ses trésors - où décident le fer, les pièges, l'incendie, le poison, où s'agite fiévreusement la fourmilière humaine ...

ÉPIGRAMMES LIVRE I XII CONTRB ZOÎLE

Sans cesse je fais ton éloge, toi mon procès : peine perdue ! Je ne convaincs personne, Zoïle, ... ni toi non plus!

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GEORGE BUCHANAN XX IN AMICVM QVEMDAM

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Vnus eras, memini, quondam de plebe, nec alter Te minus in tota turgidus urbe fuit. Nunc te alium credis, ueteremque baud noscis amicum, Splendidus in Tyria quod spatiere toga. Falleris : banc et ouis, qua tu nunc ueste superbis, Ante tulit, nec adhuc est aliud, nisi ouis. XXVI AD NEAERAM

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Qualiter ad solem foliis morientibus arent Candida uirginea lilia secta manu, Paulatim lento sic maceror igne, Neaera, Vt primum radii me tetigere tui. At mihi dum roseis tractim das oscula labris, Sentit et attactus debilis umbra tuos, Mens redit, et uigor ignescit, uelut herba resurgit, Cum leuis arentem recreat imber humum. Ergo quando oculis pereuntem me oscula sanant, Et mea in arbitrio uitaque morsque tuo est, Perde, neca, ut uisum est ; sed dum pereo, oscula iunge Saepe ut sic uiuam, sic uolo saepe mori. XXXI

DE NEAERA

Ilia mihi semper praesenti dura Neaera, Me, quoties absum, semper abesse dolet. Non desiderio nostri, non moeret amore, Sed se non nostro posse dolore frui. FRA TRES FRA TERRIMI X IN PIVM PONTIFICEM

Vendidit aere polum, terras in morte relinquit : Styx superest Papae, quam colat, una Pio. XII IN PAVLVM PONTIFICEM

Paulus ab Hebraeo scis quantum distet Iuda? Hic coeli Dominum uendidit, ille domum. XXVI

9 osclua 1584.

iPIGRAMMES

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XX

À UN AMI

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Tu étais, je m'en souviens, un homme du commun, il n'y avait pas plus modeste dans toute la ville. A présent que tu te pavanes dans un manteau de pourpre, tu te crois un autre homme, tu ne reconnais plus tes amis. Tu t'illusionnes : cette laine, dans laquelle tu fais le beau, une bête l'a portée avant toi ; une bête la porte encore. XXVI À NÉÈRE

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Comme au soleil, feuilles moribondes, sèchent les lys blancs qu'une main virginale a coupés; moi-même, à petit feu, Néère, je me consume, depuis que les rayons de tes yeux m'ont blessé. Mais quand, de tes lèvres de rose, tu me donnes un long baiser, que mon âme alanguie perçoit cette caresse, la conscience me revient, ma vigueur renaît, tout ainsi que se redresse l'herbe quand une pluie légère rend la vie à la terre desséchée. Puisqu'un baiser de toi guérit la blessure mortelle de tes yeux et que tu disposes souverainement de ma vie et de ma mort, tue-moi, achève-moi, maîtresse, à ta guise ; mais rappelle-moi de la mort par un baiser. Ah ! Pour ainsi souvent revivre, je veux ainsi souvent mourir ! XXVIII À PROPOS DE NÉÈRE

Suis-je près d'elle? Néère n'a que rigueurs pour moi. M'éloigné-je? Elle s'afflige de mon absence. Ce n'est pas le regret qui la tourmente, ni le désir : seulement le dépit de ne pouvoir jouir de ma douleur. LA FRATERNELLE

CONFRÉRIE

X CONTRE LE PAPE PIE •

Le ciel, il l'a bradé ; la terre, il l'a quittée en mourant : reste l'enfer, seul endroit où le pape Pie puisse se reloger! XII CONTRE LE PAPE PAUL•

Paul, Judas : de l'un à l'autre, quelle différence ? L'un a vendu le Seigneur, l'autre la maison du Seigneur 1

FRANCISCANVS

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•.. Discit componere grCAus, Cancellare maous, caput inclinare sinistrum, Versus humum spectare, oculis defigere limis Omnia, pallori similem confingere uultum, Sulphuris affuso circum os et tempora fumo ; Effugere occursus hominum, compescere risum Si quis adest, coram reticere, interque precandum Inuitis oculis lacrymas simulare, boatu Rancidulo in templis natiuum frangere cantum Cum bibitur, calicem digito cobibere sinistro, Conceptis uerbis aperire et claudere portas, Conceptis uerbis de somno surgere, mensam Ponere, adire, referre, iubere, orare, salutem Dicere, conceptis urinam reddere uerbis : Scire quibus nodis, et quot distinguere funem Fas sit, ubi facilis pateat uenatio praedae, Quo pueros fallas, quo tu sermone puellas In Venerem accendas, uiduas quae retia captent : Quo regum teneas aures, quae munera placent Terrarum dominos, quo uulgus mobile fuco Decipias, quibus aegrotos in limine uitae IDaquees uerbis, et testamenta resignes.

•.. Cum tibi crediderit uirgo, quod credere matri,

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Quod socius socio, quod nolit nupta marito, Tum pete securus quiduis, tum uincula captis Iniice, tune humeris quemuis superingere fascem, Nam semel arcanae tibi qui penetralia mentis Nudauit, penitusque alto sub corde repostos Detexit sensus animi, timet, horret et odit, Quamuis dissimulet : sed mens male conscia pallet, Ne commissa tegas male uino liber, et ira Commotus, magnoque satis non munere C\Ütus. Hoc ubi fertilior praeda est deprensa capistro, Posce, iube, rape, stringe, omnem dum spongia succum Egerat ; exhaustumque penum in tua congere claustra . ... Si matrona potens, uel praedae uictima opimae

332 super aggere 1566,

334 nudarit 1566,

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securae1566,

LE FRANCISCAIN L'APPRENTISSAGE

... Il apprend à marcher gravement, à cacher ses mains, à garder la tête penchée, à baisser les yeux, à ne regarder qu'à la dérobée ; à se donner un teint blafard en se frottant les joues et les tempes de noir de fumée, à fuir les assemblées, à se retenir de rire en public, à faire jaillir des larmes hypocrites dans la prière, à psalmodier dans le chœur d'une voix éraillée ; à l'offertoire, à cacher le calice de la main gauche, à marmonner des formules de piété chaque fois qu'il ouvre ou ferme une porte, chaque fois qu'il se lève, met la table, va quelque part, rapporte quelque chose, ordonne ou demande, dit bonjour, satisfait un besoin naturel; à savoir quelle sorte de nœuds coulants et combien il faut passer au cou d'une facile proie, par quel langage on abuse les jeunes garçons, on déniaise les jeunes filles, quels sont les rêts où se prennent les riches veuves ; les flatteries qui captent l'oreille des princes, les cadeaux appréciés des maîtres du monde, les couleurs dont on abuse le peuple versatile, les traquenards que l'on tend aux moribonds pour qu'ils révisent leurs testaments ...

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LA CONFESSION

... Quand la vierge t'aura confié ce qu'elle cache à sa propre mère, l'ami à son ami, l'épouse à son mari, alors, demande hardiment ce que tu veux, Jigote solidement ta victime, impose-lui toutes tes exigences, car le pécheur qui t'a une fois révélé les replis secrets de son âme, qui a dévoilé les pensées enfouies tout au fond de son cœur, celui-là désormais a peur, il te redoute et te voue une sourde haine : la conscience coupable, il tremble que tu ne divulgues ses secrets sous l'effet du vin, ou de la colère, ou de la déception causée par des présents trop modestes. Quand tu auras ainsi piégé une riche proie, exige, ordonne, plume, écorche, fais rendre à l'éponge toute son eau, vide son gardemanger afin de garnir le tien . ... Si c'est une riche bourgeoise, victime de premier choix, qui

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lncidit in casses, cautus confinge petendi Mille nouas artes : caries annosa columnas Diruerit, sacram Boreas nudauerit aedem, Claustra latus magna pandant adaperta ruina : Desint ligna foco, nemorum si diues abundet : Si Iocuples agri est, atrum corrodere panem Finge tuos fratres, languescant pocula uappa : Rustica cortis aues, agnos, hoedosque petulcos Mittat : ab urbanis sacrae pete stragula mensae, Posce sacras, quodque oras ambiat aurum, Quod calicem fractum instauret, quod lignea pingat Signa, quod in uitreis possit splendere fenestris : ... Et quoniam tenerae nequeunt donare puellae Munera, dent quod habent, quod secure dare possunt : Quae data non pereunt, quae frustra non data perdunt. Segnior in Venerem si qua est, accende monendo, Pande uoluptatisque modos, formasque latentes, Quaerendoque doce Veneris quem nesciat usum. Talia quaerenti facilem quae commodat aurem, Sit licet antiquis magis illa seuera Sabinis, Nosse uolet, notum quod posse iuuare putabit. Interdum tanquam copias reprehendere luxum Vestis, et accensum gemmis quod fulgurat aurum, Lacteolas furtim dextra constringe papillas, Inque gradum fractos digito compone capillos, Et pede tange pedem, dextram dextra, oribus ora : Sic, dices, rides, sic molliter oscula iungis, Oscula commissas inter luctantia linguas : Sic te tractandam praebes, tractataque gaudes, ... Quod si quis sanctae fugiat commercia sectae. Sentinamque tuae nolit mandare cloacae, Illius ancillas, f amulosque arcesse loquaces : Inquire in mores, passim sere crimina, in aurem Omnibus obganni secreta piacula : quod si Criminibus non ulla locum fortuna ministret, Actaque sincere constet pars maxima uitae, Haereticum clama nitidum praetexere fucum Occulti sceleris maculis tacitoque ueneno. Arbitror et uobis notum, quod contigit olim Burdegalae, nec (si ignotum est) narrare pigebit. Obfuit exemplum patn'bus, fortasse nepotes 390 accene 1566.

LE FRANCISCAIN

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est tombée dans tes filets, montre-toi habile, invente mille prétextes pour solliciter : la décrépitude a fait crouler les piliers de ton église, la tempête a emporté la toiture, le mur s'est écroulé, le cloître est ouvert à tous vents. Elle possède des hectares de forets ? Alors votre foyer manque de b0ches. A-t-elle des champs ? Raconte-lui que tes frères rongent du pain noir, qu'au fond de vos verres languit une mauvaise piquette : qu'elle vous fasse porter ses volailles, ses agneaux, ses chevreaux pétulants. A celle de la ville demande des nappes d'autel, des habits de messe, de l'or, pour en rehausser la frange, ou pour restaurer le calice brisé, ou pour orner les statues de bois, ou encore pour donner plus d'éclat aux vitraux. ... Quant aux plus jeunes, qui n'ont pas les moyens de telles générosités, qu'elles donnent ce qu'elles ont, ce qu'elles peuvent donner sans crainte, ce qui ne périt pas une fois donné et au contraire est perdu pour rien s'il n'est pas donné. S'il en est une plus naïve aux choses de l'amour, tâche de l'enflammer sous prétexte de la mettre en garde, apprends-lui ainsi les formes et les degrés du plaisir et par un questionnaire bien mené fais son éducation sur un sujet qu'elle ignore. Elle prêtera une oreille attentive à ton enquête et, fftt-elle plus sage que les antiques Sabines, elle brOiera bientôt de goftter à ce dont elle pensera retirer du plaisir. En même temps, sous prétexte de lui reprocher le luxe de sa mise, la richesse de son collier, pince-lui en douce le bout des seins, arrange du bout des doigts sa chevelure en désordre; touche son pied, tâte sa main, approche ta bouche de la sienne. c Ah! c'est ainsi, diras-tu, que tu souris, que tu te laisses prendre des baisers, et des baisers fougueux encore, où les deux langues se livrent bataille ; c'est ainsi que tu te fais caresser et jouis des caresses... > ... Si l'une d'elles refuse d'avoir commerce avec notre ordre sacré, qu'elle répugne à diriger ses eaux sales dans ton égout, alors fais venir ses domestiques les plus bavards, prends-t'en à ses mœurs, sème en passant la calomnie, ressasse à l'oreille de chacun des fautes cachées. Et, si sa condition ne lai~e aucune place pour la médisance, que toute sa vie soit d'une pureté exemplaire, clame que c'est un beau semblant, un fard hérétique, qui cache des tares secrètes et un poison sournois. UNE MÉSAVENTUREINSTRUCTIVE

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Je suppose que vous connaissez tous l'histoire qui s'est passée récemment à Bordeaux ; si vous ne la savez pas, je me f crai un

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Instruet. Eximia quidam pietate probatus Frater erat, quo non quaestus studiosior alter, Nec magis edoctus laqueo implicuisse tenaci Pinguiculas uiduas, stupidoque imponere uulgo. Hic ubi iam multos praedator callidus annos Santonicos lustrasset agros, et utrumque Garumnae Littus, et antiquae felicia rura Tholosae : Tandem Burdegalam fatis urgentibus intrat Cum. consorte uiae, nouies cui turgida pleno Orbe diem admorat partus Lucina propinqui. ma,rudis miles, tumidi dum crimina celat 1am matura uteri, colluctaturque dolori, Audet iter longosque uiae perferre labores, Nec timet irato sese committere ponto : Tantus amor sacrae penitus se addicere sectae. Ecce autem pronum dum findit puppe Garumnam, Fluctuat et tumidis pinus uexata procellis, Heu ! bene celati patefecit damna pudoris, Dum timor introrsus gemitusque et uerba retentat, Dum labor in ueras cogit prorumpere uoces, Editus in mediis infans euagiit undis. Pars facti nouitate stupet, quodque audiit ipsa Vix audisse putat : petulantior altera risu Personat : ast alius tumida succensus ab ira, In mare praecipitem monachum, et cum proie parentem Proturbare iubet, lethoque abolere nefandum Dedecus, et monstro miseram releuare carinam : Hinc tumidos fluctus, pontoque furente procellas, Ventorumque minas, et apertam Numinis iram. Si quis adest animi pius, et moderatior irae, Occultare cupit facinus, parcitque benignus Errori, humanos prudens expendere lapsus, Agnoscitque suas alieno in crimine uires. Ergo dum trepidant discordia pectora uulgi, Nautarumque fremit per littora rauca tumultus, lnfelix frater turbae sese insinuans clam Tramitibus caecis elabitur, oraque uelans Vertice demisso peregrinas exul ad urbes Moestus abit, poenasque domi, famamque sinistram Formidans, miseramque gemens cum proie puellam.

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plaisir de vous la conter. Elle a servi d'exemple pour vos aînés et pourra encore instruire les jeunes. Il y avait un moine renommé pour sa piété exemplaire, âpre au gain comme pas un, n'ayant pas son pareil pour embobiner Jes veuves bien nanties et pour 485 éblouir la foule stupide. Il avait pendant de longues années ratissé consciencieusement la Saintonge, les deux rives de la Garonne et les riches campagnes de l'antique Toulouse, quand son destin 490 l'amena à Bordeaux. Il y arrive avec sa compagne dont l'accouchement était imminent car elle touchait au terme des neufs lunaisons. Toute novice qu'elle était, et bien qu'il lui fallOt cacher sa faute et son ventre gonflé et qu'elle luttât déjà avec la dou495 leur, elle n'hésite pas à s'exposer aux fureurs de la mer : si grand, si profond était son attachement à notre sainte confrérie. Mais voilà qu'au moment où le bateau fend les flots de la Garonne, où il commence à tanguer sous l'effet de la houle, hélas ! se découvre 500 sa faute jusqu'alors si bien cachée. Car si la crainte lui fait retenir les gémissements et les cris dans un moment où le travail arrache aux femmes des plaintes irrépressibles, l'enfant né au milieu des eaux se met à vagir. Une partie des passagers s'ébahit d'un fait si rare et n'en croit pas ses oreilles ; d'autres, meilleurs SOS compagnons, éclatent de rire. Un autre entre dans une grande indignation, exigeant qu'on jette à la mer moine, mère et enfant : si la mort ne vient laver pareil crime et purifier le navire d'une telle monstruosité, on peut s'attendre à une mer démontée, à une 510 tempête furieuse, au déchaînement des vents, bref à la colère du ciel. Il est cependant des âmes pieuses et moins promptes à céder à la colère pour conseiller de cacher le crime, plus enclines qu'elles sont à pardonner à l'erreur, à traiter avec indulgence les faiblesses humaines, à reconnaître dans la faute d'autrui leur propre nature 515 pécheresse. Ainsi, profitant du désordre créé par l'affrontement des opinions diverses, tandis que se répercutent sur le rivage les cris de l'équipage, notre malheureux frère se glisse parmi la foule et trouve une secrète issue : se cachant le visage, tête baissée, il s'enfuit tristement et cherche refuge dans des cités étrangères, 520 redoutant des représailles, craignant pour sa réputation et regrettant la malheureuse fille et son enfant.

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Sed me praeteritacsua11iasirna mentio uitac Loogius ac uolui tenuit. Pars maxima rerum Restat adhuc, saoctae columen, caput, anchora sec:tae_ Nam uaga sub certas comprendere crimina formas, Et se prodentes aoimi pcmoscere mores Artis opus modicae est, celerique addiscitur usu, loque pcragrandis sola est industria uillil. At uero e celsae sublimem sede cathedrae Mille oculos in se intentas auresque tenere, Et uelut iniectis tot circumflectere frenis Ora hominum, et resides animos turbare tumultu, Et molli alloquio trepidos compooere motus, Magnae mentis opus, cui sit solertia prudens, lngeoiumque capax, proiecta audacia, promtus Sermo, pudor oullus, firmum latus, acer in ore Cui uigor, et uocis sonus aspcr, lenis, acerbus, Vt res cunque feret ; cui uultus cereus, omnes Transire in formas docilis, mens subdola, fallax, Et recti prauique tenax ; pro tempore fmgat, Dissimulet, simulet, praesens ubi postulat usus. Haec quotus in turbae quisque est tot millibus unus Oui praestare potest ? nisi si cui forte benignus Deucalion raro finxit praecordia saxo. Nec tameo exspectet quisquam dum Rhetora fingens Diuitis eloquii prima incunabula pandam ; Et uulgata scbolis passim praecepta recludam, Tradere quae possit triuialis cura magistri : Vos, o Calliope, precor aspirate canenti, Maius opus moueo : sed nec per deuia Tulli, Aut Fabii longos te circumducere tractus, Aut pcr Aristotelis spineta asperrima conor : Commodius patefiet iter, qua nulla salebra Offendet pulsata pedem, qua semita nostris Trita rotis noto deducet limite gressus, Mollia cliuosi dirimens compeodia prati. Primum iter ingressus tenerum de fronte pudorem Excute : nec uacuae est unquam pudor utilis aluo, Nec decet audacem nisi ficta modestia scurram. Ouodsi naturae uitio male firma ruborem Frons trahit, et subitas confundit purpura malas, Tum tibi uel frictus, uel Bacchi Jargior usus, 600 reuoluam 1566.

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Mais le plaisir d'évoquer le passé m'a entraîné plus loin que je ne voulais. L'essentiel reste à dire : c'est la colonne maîtresse, la clé de voOte, l'ancre et l'amarre de notre pieuse confrérie. En effet, établir une hiérarchie précise des fautes difficiles à classer, sonder les sentiments d'un cœur qui se livre lui-même, demande un savoir-faire limité ; c'est un art qui s'apprend vite et la seule chose à faire consiste à aller de maison en maison. Mais du haut de la chaire concentrer sur soi l'attention d'un millier d'yeux et d'oreilles, gouverner avec les rênes de l'éloquence autant de visages, savoir déchaîner une foule pacifique ou inversement apaiser ses tumultes par la magie du discours, cela exige un esprit d'envergure qui réunisse une astuce consommée, un talent supérieur, une audace peu commune, une langue bien pendue, une totale absence de pudeur, des poumons solides, de l'énergie dans l'élocution, une voix qui porte, tantôt de la douceur, tantôt de l'âpreté, selon le besoin ; un visage mobile, apte à exprimer toutes les émotions, un esprit subtil et roublard, obstiné dans le faux comme dans le vrai, entraîné à feindre, à dissimuler, à simuler selon que les circonstances l'exigent. Est-il un homme qui réunisse toutes ces capacités ? Il faut être celui que Deucalion, dans un accès de bonté, a formé d'une pierre rare ! Mais n'attendez pas que pour former mon orateur j'expose ici les principes élémentaires de la belle éloquence, que j'énonce les préceptes enseignés partout dans les écoles et qu'on peut apprendre du maître le plus vulgaire : Calliope, inspire-moi ! j'entreprends une tâche plus ambitieuse. Je ne veux pas pourtant vous entraîner dans les sentiers tortueux de Cicéron, les chemins interminables de Quintilien ou les broussailles d'Aristote•. Je suivrai une route plus facile, où nulle aspérité ne blesse le pied, route bien frayée, où il n'y a qu'à suivre l'ornière et qui ouvre un facile raccourci entre des prés en pente douce. Tout d'abord, et dès le départ, bannis de ton front toute pudeur : celle-ci a toujours été nuisible à un ventre vide et seule une modestie de commande peut servir l'effronterie d'un bouffon. Donc si ton front, par suite d'un défaut naturel, manque d'assurance, s'il est sujet à rougir et tes joues à s'empourprer, il faut user de frictions ou faire honneur à Bacchus, ou encore tâcher

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Curaque et assiduae meditatio garrula rixae Durabit solidum rubicunda per ora cruorem. Nec te grammaticas opus est ediscere nugas Et tetricis languere scholis, tantum elige gnomas Priscorum e libris paucas : tria commata Tulli, Virgilii totidem uersus, uel carmen Horati Dimidium : haec omnis ceu condimenta loquelae Semper habe in promtu, sic crescet opinio, surget Hinc decus, et stupidi magna admiratio uulgi. Ncui ego, qui tantum ter quinque Latina teneret Verba, sed ingenii sic dexteritate ualebat, Vt quocunque loco, de re quacunque, parata Semper et ad nutum posita in statione teneret, raût' a:raµe1!36µev0e;.Nec te uox barbara turbet, Aut temere erumpens lingua titubante soloecus : Tot sanctos oppone patres : mysteria sacra Turpe est grammaticis submittere colla capistris. ... Cura sit in primis tibi linguam armare ueneno Verborum, Aetna animas, animas tibi torreat Hecla, Tartara sulphureis uoluant incendia fumis Mixta, tibi nigris Phlegethontias unda cerastis Bulliat, et miseras Jacerent cacodaemones umbras, Donec fracta crcpent longis sub dentibus ossa. Nec minus horrcndos purgatrix flamma uapores Euomat, aetemo nisi quod non aestuet igne, Sed precibus uinci queat, et lustralibus undis Exstingui, Bullis minui, Missisque leuari. Hic ager est diues, nostrique colonia Papae : Nectaris hic fons est, haec ucctigalia nostri Ordinis, haec fatuo tenduntur retia uulgo. Ista relegatos coelesti a 1imine manes Contineat sedes, donec mercede soluta Extrahat e calida excoctos fomace sacerdos. Is musset Missas, ueniis uenetur, et undis Irrorans magicis findat caua busta susurris : Sed tantum dites cruciatu liberet umbras. lsta tibi ad populum clamanti silua ministret Tela : nec ut desint metuas, dum scripta manebunt Virgilii, dum Lombardi rhapsodia, Thusci Nugae Antonini, sacri commenta legentur Gregorii, uel mendici mendacia Thomae. Neue ruant lapsis tam ditia tccta columnis, Quae super aeternam posita est Ecclesia petram, 620 Tullii / 566.

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d'entretenir des pensées coléreuses et agressives afin de maintenir une rougeur constante sur ton visage congestionné. Et point besoin d'apprendre la grammaire - bagatelles 1 - ni de t'étioler dans des écoles sinistres. Contente-toi de choisir un petit nombre de sentences prises dans les œuvres des anciens : trois phrases de Cicéron, autant de vers de Virgile, la moitié d'une ode d'Horace. Mais sache les utiliser en toute occasion pour en épicer, si je puis dire, tous tes discours. Tu verras ainsi ta renommée s'étendre, ta réputation grandir ; tu seras admiré par la foule imbécile. J'en ai connu un qui possédait en tout et pour tout quinze mots latins mais qui faisait preuve d'une telle agilité intellectuelle qu'en toute occasion, sur n'importe quel sujet, il les avait à sa disposition, prêts à servir au moindre signe, en sorte quïl n'était jamais pris de court. Et ne va pas t'émouvoir pour un malheureux barbarisme ou solécisme échappé par inadvertance à ta langue, oppose à tes critiques l'usage des Pères : il est déplacé d'asservir les mystères sacrés au joug des grammairiens . ... Mais prends soin avant tout d'armer ta langue de venin. Fais rôtir les âmes dans les feux de l'Etna et de l'Hécla •, fais voir le Tartare vomissant des flammes mêlées de vapeurs de soufre, les eaux bouillonnantes du Styx crachant de noires vipères, et les démons torturant les damnés jusqu'à ce que leurs os brisés craquent sous leurs longues dents pointues. Les flammes du purgatoire vomiront des fumées tout aussi épouvantables, à ceci près que leur feu n'est pas éternel mais qu'on peut le vaincre par des prières, l'éteindre avec de l'eau bénite, l'atténuer avec des bulles, l'adoucir avec des messes. C'est un riche filon, la colonie de notre père le pape, une fontaine de nectar, inépuisable source de revenus pour notre ordre, ce sont les filets qu'il faut tendre au peuple imbécile. Ce lieu, diras-tu, enferme les âmes exclues du Paradis jusqu'à ce que, moyennant finances, le prêtre les arrache, toutes recuites, à la brulante fournaise. Il marmonnera des messes, fera donner les Indulgences et, avec quelques aspersions et quelques formules magiques, il ouvrira les tombeaux ; mais, n'oublie pas, seules les âmes riches pourront être délivrées de Jeurs tortures. Lorsque tu tonneras aux oreilles du peuple, cette forêt te fournira plus d'un trait, et ne crains pas d'en manquer tant que nous aurons les écrits de Virgile •, la rhapsodie de Lombardus •, les niaiseries du toscan Antoninus •. tant qu'on lira ks inventions de saint Grégoire • ou les mensonges de saint Thomas • le mendiant. Et pour empêcher que tout ce bel édifice ne s'écroule, fonde-le sur saint Pierre, puisqu'il est la pierre éterneJle qui

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Tu Petrum super aedifica, qui claudere coelum, Tartara qui solus possit, nec tartara tantum Soluere, sed loculos fatuorum, arcae sed auarae Vincula..• Haec qui sacrilegis ausit conuellere uerbis Scbismaticus sit et Haereticus, sit torris Auemae Ollae, opifex scelerum, Furiarum filius, Orci Germen, et in mentem quicquid tibi splendida bilis Suggeret; bue omnes tonitrus, hue fulgura linguae Congere, proque focis hic depugnetur et aris. Frigida tu Christi et comitum praecepta seueris Linque scbolis : aut si quis adhuc antiqua requirat Antiquarius, et ueterum ieiunia patrum, Tu, mihi crede, tuae semper memor esto culinae. ... Res tamen haec populo longe est gratissima, quando Ordo sacerdotum est acri perfusus aceto : Nec locus est alius foecundior, ut neque in ulla Parte magis uitae regnante libidine tetra. Hic et crassorum licet abdomen monacborum Arripere, hic luxum coeloque minantia tecta Pontificum, fractique malis alimenta popelli In fumum et cinerem conuersa, domestica castra Scortorum, scelerum artifices, mollesque cinaedos, Lenones, scurras, balatrones, psallere doctos Semiuiros, gestire manu, pede plaudere terram, Et condire nouis exotica fercula succis : Praesulis haec sancti quando est non ultima uirtus Maiorum a magna non degenerare culina. Interea fac stet mendicus ad ostia Christus, Imploretque fidem uinosi antistitis algens, Et sitiens, saniemque uni non ulcere stillans, Nec fcrat ullus opem, nisi forte canicula blanda Et saturo domino clementior ulcera lambat. Hic poteris totum Bemaidum effundere, manes Ex Acheronte ciere, animaeque audire querelas Implorantis opem. Sed quid numeramus arenam Littoris ? hic nunquam, mihi crede, oratio deerit, Dum Papa omnipotens Capitoli immobile saxum Accolet, imperiumque Pater coleatus habebit. Ne nimium Sodomam tamen infamemque Gomorram lngere, doctores ne culpa redarguat ipsos. Hac ubi iam fueris sat debacchatus arena. Et proceres licuit populo laniare secundo, Collige paullatim tete, proceresque iacentes Erige : sint sontes, et nullo a crimine puri ;

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soutient notre Eglise : seul il a le pouvoir de fermer le Ciel et d'ouvrir l'Enfer, et pas seulement l'Enfer mais la bourse des riches et les coffres verrouillés par l'avarice ... Et si quelqu'un ose railler ces discours en termes sacrilèges, déclare-le schismatique et hérétique, traite-le de tison de l'Enfer, de parangon du crime, engeance démoniaque, suppôt de Satan et tous les qualificatifs qu'une noble colère te fera venir aux lèvres, déchaîne ici tous tes tonnerres, toutes les foudres du discours, car tu livres combat pour nos foyers et nos autels. Quant aux froids préceptes du Christ et de ses disciples, laisseles donc aux sévères leçons de l'école ; et si quelque amateur de vieilleries regrette les mœurs antiques et la vie de pénitence et de jeOnes des premiers Pères, toi, écoute-moi bien : aie l'âme en ta cuisine. ... Mais voici sans doute le sujet le plus apprécié du public : c'est quand l'acide de ta critique s'en prendra à l'ordre sacerdotal lui-même : il n'y a pas de matière plus riche, attendu que nulle part ailleurs la concupiscence ne règne aussi souverainement. Ici tu peux fustiger les panses rebondies des moines, le faste et les palais orgueilleux des pontifes - c'est le pain du peuple souffre-douleur qui s'envole ainsi en fumée -, les régiments de putains entretenues à domicile, les hommes de main, les mignons, les entremetteurs, les bouffons, les joueurs de fl6te, les efféminés instruits à toucher la lyre, à gesticuler, à danser, à agrémenter de sauces nouvelles des plats exotiques : puisque ce n'est pas une des moindres vertus d'un saint prélat que de se montrer à la hauteur de la table somptueuse de ses ancêtres. En même temps montre le Christ mendiant à la porte, grelottant et implorant le secours d'un évêque éméché, mourant de soif, couvert de plaies purulentes : personne ne lui porte secours, si ce n'est la petite chienne de la maison qui, plus accessible à la pitié que son maître bien repu, vient lécher ses ulcères. Arrivé là, tu peux faire donner tout saint Bernard •, faire revenir ses mânes de l'Achéron, faire entendre les plaintes de son âme implorant le secours. Mais pourquoi vouloir compter les grains de sable du rivage? Jamais, crois-moi, un tel sujet ne te laissera court, tant que le Pape tout-puissant habitera sur le roc inébrantable du Capitole, oui, tant que régnera sur le monde chrétien le Père-couillon •. Cependant ne parle pas trop des turpitudes de Sodome et Gomorrhe car nos docteurs eux-mêmes pourraient être un peu compromis. Quand tu te seras bien déchaîné sur ce terrain et qu'avec pleine licence tu auras fustigé nos dignitaires pour le plus grand plaisir du peuple des fidèles, reprends-toi peu à peu et relève ceux que tu viens d'abaisser: ils sont coupables,soit, et charg&

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Non tamen bis cuiuis fas obgannire, nec arcto . Soluere colla iugo, quamuis moderetur habenas Sacrilegus Judas, Romanaque templa gubernet, Trudat et innumeros ad pallida tartara manea, Priuato mutire nefas : rapiatque feratque, Et laceret totum conuulso cardine mundum : Tu tacitus specta (dices) mundique ruentis Vindictam permitte Deo : citiusque parentis Inualidi iugulum ferro reclude, profana Quam uioles dextra rasi male sanus bonorem Verticis; uxorem quamuis manifestus adulter, Et natos natasque tuas compresserit, et te : Sed nube, atque tace potius, nullumque recuaes Flagitium, quam traducas quos unctio sanctos Et rasura facit, sacraeque licentia Bullae.

Campus erat late incultus, non floribus horti Arrident, non messe agri, non frondibus arbos, Vix sterilis siccis uestitur arena myrieis, Et pecorum rara in solis uestigia terris : Vicini Deserta uocant. lbi saxea subter Antra tegunt nigras Vulcania semina eautes Sulphureis passim concepta incendia uenis Fumiferam uoluunt nebulam, piceoque uapore Semper anhelat humus : caecisque inclusaeauernis Flamma furens, dum luctando penetrare sub auras Conatur, totis passim spiracula campis P-mdit, et ingenti tellurem pandit hiatu : Teter odor, tristisque habitus faciesque locorum. Illic saepe animas torqueri Langius, illic Saepe queri et longas in fletum ducere uoces Audiit, aut uoluit credi audiuisse frequenter, Et uitulabundos cacodaemonas, et per arenas Caudarum longos sinuatim ducere tractus. Saepe etiam infemae, quoties ieiunus adibat Antra, sibi uisus nidorem haurire culinae. His ubi iam uulgi stolidas rumoribus aures Imbuerat, parat Exorcismum : circulus ingens Ducitur, hune intra spatio breuiore minores. In medio stabat palus, iuxtaque catinus Plenus aquae, sed cui cineremque salemque sacerdos Addiderat multo cum murmure, nec sine anhelis Flatibus. Hoe postquam scena est instructa paratu, Langius ipse pater sacro uenerandus amictu,

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de tous les crimes, mais il n'est pas permis à n'importe qui d'aboyer après eux, pas plus que de secouer le joug ; et, bien que l'impie Judas en personne tienne les rênes et gouverne l'Eglise romaine, expédie ad patres quantité d'innocents, un particulier n'a pas le droit d'en murmurer. Il peut voler, piller, mettre le monde à feu et à sang, toi, diras-tu, regarde sans mot dire et laisse à Dieu le soin de venger le monde déchiré. Il vaudrait mieux égorger ton vieux père que d'attenter, dans un acte de folie, à la dignité d'un crâne tonsuré ; l'eusses-tu pris en flagrant délit d'adultère, e0t-il déshonoré ton épouse, tes filles et tes fils et toi-même, voile-toi la face et tais-toi, endure tous les opprobres plutôt que de dénoncer un homme sanctifié par l'onction et la tonsure et qui détient tout pouvoir d'une Bulle sacrée.

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Il y avait un terrain inculte, que n'égayaient ni les flews des jardins, ni les épis des moissons, ni le feuillage d'une forêt. A peine quelques broussailles sèches couvraient le sol ; peu de traces d'animaux sur cette lande solitaire que les gens du pays appelaient Le Désert. Là, au fond d'une grotte, la roche sombre est couverte d'un dépôt de soufre ; le feu, s'allumant de lui-même un peu partout, fait tournoyer des nuages de fumée et toujows le sol exhale des vapeurs noirâtres. La flamme, qui fait rage dans sa prison souterraine, en luttant pour se frayer un chemin vers le jour, provoque par endroits des craquelures et ouvre dans le sol une immense crevasse. On y respire un air fétide, le paysage est sinistre. C'est là que L .. entendait - ou croyait entendre - les Ames des damnés se plaindre, éclater en longs gémissements ; il disait même avoir entendu les cris effrayants des démons et vu sur le sable la trace sinueuse de leur queue. Souvent aussi, quand il s'approchait à jeun de la caverne, il lui avait semblé humer des odeurs qui ne pouvaient monter que des cuisines infernales. Quand il a bien rebattu de ces histoires les oreilles du peuple stupide, il prépare un exorcisme : il trace un grand cercle, et à l'intérieur de celui-ci, d'autres cercles plus petits. Au centre il plante un poteau et juste à côté une bassine pleine d'eau, dans laquelle il avait versé de la cendre et du sel, avec force marmonnements et une respiration entrecoupée. Quand la scène est fin prête, notre curé, dans la pompe de ses vêtements sacerdotaux,

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Circum omnem irrorat setosi aspergine sceptri, Verbaque praecipiti contortuplicata rotatu Conuoluens, coelum ac terras adiurat et undas, Et tremefacta imis Acberontia regna cauemis. Et iam nox aderat secreti conscia sacri, Iamque e uicinis populos conuenerat agris, Mattes atque uiri, pueri innuptaeque puellae, Scire auidi quo tanta cadant promissa : nisi ille Conscia secreti formidans lumina et aures, Esse procul magna iussisset uoce profanas, Quiue sacerdoti non illa luce diserte Cuncta susurrasset tacituram crimina in aurem : Laica ne trepidi fugiant commercia manes, Neue inhians praedae uel ieiunus cacodaemon Inuolet, et laceret sceleratorum unguibus artus. Ducitur ad palum uelut hostia rusticus ipse, Ficta quidem gnarus cuncta, at formidine tanta Attonitus, quam si Stygia egressurus ab aluo Aspiciat nudas mandentem Cerberon umbras ; Siue animo timor a puero conceptus, aniles Fabellae baud modicus pueris plorantibus horror, Siue locus fumo et caeca caligine opacus, Et uelut infemae terrebat imago culinae. Caetera submoto clam cuncta peracta popello : Sed tamen audiri gemitus, uocesque minantis Daemonibus, mixtaeque prcces, nulloque rogante Interdum responsa dari : nunc tollere uultus In coelum, nunc figere humi, nunc plangere pectus Langius, et sacra templum conspergere lympha, Donec auis lucis praenuntia spectra moneret Cedere, et in ueterem se denuo condere nidum. Tum templo egressi, dicenda tacenda referre Langius, umbrarum poenas, flammae rapidam uim Lustralis : quot carnifices cacodaemones ollas Admoueant, uerubus quot figant, fluctibus ombras Quot mersent gelidis, quot Missis cuique leuetur Poena, uelut ciuis Stygio uixisset Auemo, Ordine cuncta recensebat : neque credula deerat Turba homini : purgatricis rediuiua fauillae Gloria crescebat, multum indignante Luthero : Et creuisset adhuc, nisi uel formidine captus, Vel pretio uictus, uel uino, rusticus ille Anormis comes, exorcismi proditor, eheuf 865 e : et 1566.

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aspergel'enceinte avec son goupillon et débitant à toute vitesse un galimatias incompréhensible, il adjure ciel, terre et ondes, ainsi que les épouvantables royaumes souterrains de l' Achéron. Déjà la nuit tombait, apportant sa complicité à la cérémonie ; le peuple était accouru des alentours, épouses et maris, jeunes garçons et jeunes vierges, avides de voir ce qui sortirait d'un début si prometteur. Lui, craignant l'indignation d'yeux trop pénétrants ou d'oreilles trop fines, intime aux profanes l'ordre de se tenir à l'écart; il fait éloigner tous ceux qui n'avaient pas ce jour-là confessé leurs péchés à l'oreille d'un prêtre : car les âmes effrayées refuseraient certainement tout contact profane et l'on pouvait craindre qu'un démon excité ou affamé ne volât jusqu'à eux pour déchirer de ses ongles les membres des pécheurs. Alors il conduit jusqu'au poteau, comme une victime expiatoire, le propriétaire du champ qui, bien qu'il sOt que tout ceci était de pure mise en scène, était aussi terrorisé que si, en descendant de la barque de Charon, il eût vu de ses yeux Cerbère en train de dévorer les corps nus des damnés : terreur acquise dès l'enfance - car les contes de bonne femme ne sont pas peu propres à épouvanter les enfants qui pleurent - ou influence du lieu qui, avec ses fumées et ses ténèbres, était à l'image des cuisines infernales. Tout le reste se fit loin des yeux de la foule. Celle-ci entendit cependant des gémissements, des voix qui menaçaient les démons, des prières, des réponses à des questions qu'on n'entendait pas. Et L ... tantôt levait le visage vers le ciel, tantôt fixait le sol, tantôt se frappait la poitrine et faisait des aspersions d'eau bénite, et cela dura jusqu'au moment où l'oiseau annonciateur de l'aurore avertit les âmes qu'il était temps de se retirer et de regagner leur gîte habituel. Alors on quitta les lieux. L... raconte des choses incroyables : les supplices des âmes, la violence du feu purificateur ; il dénombre les marmites que remuent les démons-bourreaux, les broches dont ils transpercent leurs victimes, les bassins d'eau glacée dans lesquels ils les plongent; il dit combien de messes il faut pour alléger le supplice de tel ou tel, comme s'il avait passé toute sa vie aux Enfers. Il faisait une relation complète et détaillée. Et il ne manquait pas de naïfs pour le croire. La croyance au Purgatoire renaissait dans toute sa gloire, au grand dam de Luther. Et elle aurait grandi encore si le propriétaire du champ, effrayé, acheté ou fin saoul, si le complice d'occasion, trahissant les secrets de l'exorcisme, n'eOt révélé toute la supercherie. Adieu, envolés,

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Cuncta reuelasset taciti mendacia sacri. Ex illo fluere, et retro sublapsa referri Spes praedae, et nimium uiuacis gloria ueri Crescere. Quapropter, moneo, dehinc fmgite parce Somnia, noctumos lemures, miracula, ni fors Aut apud extremos fieri dicantur Iberos, Americosue, aut Aethiopas, calidoue sub axe, Et caput ignotis ubi Nilus condit arenis, Unde aderit nemo, qui testis dicta refutet •..

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les espoirs de butin ! Au contraire la cause de la vérité reprenait vie, regagnait du terrain. Aussi suivez mon conseil : soyez très prudents, lorsque vous inventerez des visions, ou des apparitions de fantômes, ou des miracles, à moins d'affirmer qu'ils ont eu lieu aux fins fonds de l'Espagne ou des Amériques, en Ethiopie ou dans la zone torride où le Nil cache sa source : au moins il n'y aura personne pour venir vous réfuter 1

THOMAS MORE (1477 ?-1535)

N6 à Londres en 1477 ou 1478, THOMASMou

reçoit, comme Erasme ou

Rabelais,une .tucation scolastique à l'école Saint-Antoine à Londres ; il fait ses humanités à Oxford, où il étudie Aristote et ses commentateurs scotistes, et s'initie au grec ; puis étudie le droit. Ses dons exceptionnels, qui l'ont déjà signalé à l'attention du cardinal Morton, arcbeveque de Canterbury, vont lui assurer une promotion rapide dans sa profession : avocat, puis membre du conseil des avocats, puis lecteur à Furnivall's Inn, membre du Parlement, sous-shérif de Londres et avocat des marchands de la cité, maître des requetcs, membre du Conseil privé, enfin, à la disparition du cardinal Wolsey, chancelier du royaume (1529-1532). Les honneurs ont accompagné cette ascension vers les plus hautes responsabilités et entretemps le bourgeois Thomas More est devenu chevalier. Mais sa démission du poste de chancelier (mai 1532), son refus de paraître au couronnement d'Anne Boleyn (1533) et de reconnaître Henri VIII comme chef supr!me de l'Eglise d'Angleterre (1534), en attestant son inflexible fidélité à sa conacience de chrétien, vont précipiter sa chute : il meurt sur l'échafaud le 6 juillet 1S3S.

Parallèlement à l'homme d'action et de gouvernement s'était épanoui en More l'humaniste et l'krivain admiré par l'Europe. Sa rencontre avec Erasme marque les débuts d'une communion intellectuelle qui coïncide avec les plus belles années de l'humanisme chrétien. On retrouve chez More la même passion encyclopédique que chez Pic de la Mirandole (dont il traduit la vie et quelques traités vers 1504) ; il est un des grands latinistes de l'Angleterre ; avec William Lily, futur directeur de SaintPaul's School, il a perfectionné sa connaissance du grec ; traduit avec lui des épigrammes de l'Anthologie de Planude, ainsi que des dialogues de Lucien ; il fait une série de conférences (perdues) sur la Cité de Dieu de saint Augustin, compose son Histoire de Richard Ill, qui inspirera Shakespeare, et surtout en 1616 l'Utopie, digne pendant du Gargantua et de l'Eloge de la Folie. L'émergence de Luther met fin à la période humaniste de More qui devient alors le def ensor fidei de l'Angleterre, avec une série de traités (Aduersus Lutherum, 1523, etc.) qui lui assurent une place éminente dans l'histoire de la pensée religieuse de son siècle. La publication des Epigrammes latines de Thomas More constitue, comme on l'a souligné, un document précieux sur les débuts de l'humanisme en Angleterre, et cela moins peut-être par l'ouverture dont elles témoignent à l'égard des formes de la culture antique redécouverte, que par les résistances qu'elles laissent paraître à la pénétration en profondeur de cette culture.

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En même temps que les épigrammes proprement dites, l'auteur avait fait imprimer, à la suite de la deuxième édition de son Utopie, sous le titre de Progymnastica, une série de traductions latines de l'Anthologie de Planude dont la publication datait de 1494 : il est alors, avec son ami William Lily, un des premiers à pratiquer cet exercice d'assouplissement qui devient très vite familier aux poètes humanistes, comme le montre dès 1529 le recueil collectif publié par Cornarius. Malgré ce patronage grec, confirmé dans le recueil lui-même par la présence de nouvelles traductions dont une partie seulement porte la mention c e graeco >, on ne retrouve pas dans les Epigrammata latina l'esprit de l'Anthologie, sinon dans ses parties les plus sérieuses, satiriques et didactiques. A la place, des thèmes religieux et moraux (Vitam hominis nihil esse, Ad contemptum huius uitae...), une satire assez vive de l'ignorance ou de l'indignité du clergé, de la superstition des fidèles ; quelques pi~s, trop rares selon L. Bradner, son dernier éditeur, sur sa vie privée, sa femme... : la présence de quelques facéties, c merry jests >, qui respirent plutôt l'esprit des fabliaux, robuste et sain, n'ôtent rien à l'impression générale de sévérité. C'est ce que saisit bien Beatus Rhenanus dans sa lettre-préface à Pirkheimer, quand il oppose le sérieux de More à la légèreté des Italiens, Pontano ou Marolle : c ••• at dispeream si non tantundem in hoc est naturae, utilitatis uero plus >. De ces épigrammes, la partie la plus originale et la plus intéressante nous a paru constituée par les pièces politiques sur la royauté et la tyrannie. Certes, les idées exprimées sont souvent les lieux communs de la réflexion classique (et aussi médiévale) sur le bon et le mauvais gouvernement. Mais c'est la première fois que ces thèmes entrent dans l'6pigramme, en assez grand nombre en tout cas pour constituer à eux seuls une petite section ; on ne saurait non plus oublier que ceci s'krit et s'imprime sous le règne d'Henri VIII. Si la part de l'utopie est représentée par le long poème 182 sur l'état idéal, si la morale politique se définit en maximes pleines de fermeté, - la réalité de la tyrannie, le danger physique permanent qu'elle fait courir à chaque citoyen, est sans cesse présent dans ces pages. Le choix de certaines images, le fr6missement vengeur de certains vers, sont le signe d'un engagement personnel qui fait largement contrepoids aux compliments du poème d'ouverture à Henri VIII et à Catherine ; et telle réflexion sur l'humeur changeante et les caprices cruels des principes prend, après coup du moins, une étrange valeur de pressentiment.

TEXTES: Epigrammata Tl1. Mori pleraque e graecis uersa, BAie, 1518; ts20 •••, Londres, 1638; The latin epiflrams, cd. L. BRADNER et C.A. LYNCH,Chicago, 1953 ... ETUDES: CHAMBERS,Thomas More, 1935; RotJTH, Sir Th. More and hls frlends, 1934; surtout : G. MARC'HADOUR, L'Univers de Thomas More, Paris, 1963 ;

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du m&ne, Thomas More et la Bible, Paria, 1969 ; Moreana, amit:i Thomae Mori, Anaen, trimestriel depuis 1963; A. PRÉVOST, Th. More et la crise de la pensée européenne, Paris, 1969. - F. et M. P. SuLLJVAN, Moreana 1478-1945, Los Angeles, 4 vol., 1964-1968.

EPIGRAMMATA XCI QVID INTER TYllANNVM BT PlllNCIPEM

Legitimus immanissimis Rex hoc ~rannis interest : Seruos tyrannus quos regit, Rex liberos putat suos. XCII SOLLICITAM ESSE TYilANNI VITAM

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Magna diem magnis exhaurit cura tyrannis, Nocte uenit requies, si tamen ulla uenit. Nec tamen hi pluma requiescunt mollius ulla, In dura pauper quam requiescit humo. Ergo, tyranne, tibi haec pars felicissima uitae est, In qua mendico par tamen esse uelis. XCIII BONVM PRINCIPBM BSSB PATREM, NON DOMINVM

Princeps pius nunquam carebit liberis : Totius est regni pater. Princeps abundat ergo felicissimus Tot liberis quot ciuibus. XCIV DE BONO RBGB BT POPVLO

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Totum est unus homo regnum, idque cohaeret amore : Rex caput est, populus caetera membra faciL Rex quot habet ciues (dolet ergo perdere quenquam} Tot numerat partes corporis ipse sui. Exponit populus sese pro rege, putatque Quilibet hune proprii corporis esse caput XCV

BONA NON COGNOSCI, NISI DVM AMITTVNTVR

Perdendo bona nostra fere cognoscimus omnes : Dum possidemus, spernimus. Sic populo quoque saepe malus sed sero benignum Commendat haeres principem.

ÉPIGRAMMES XCI LB PRINCE BT LB TYR.AN

Le bon prince diffère en ceci de l'odieux tyran : ceux que l'autre

gouverne en esclaves, lui les regarde comme ses enfants.

XCII LA VIB DU TYllAN BST PLBINB DB SOUCIS

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La journée du tyran s'épuise en mille soucis; la nuit lui apporte le repos, quand il veut bien venir. Encore ne dort-il pas mieux sur son lit de plumes que le gueux, couché à même le sol. Donc, tyran, les meilleurs moments de ton existence sont ceux qui t'égalent au dernier de tes mendiants.

XCIII LE BON PRINCE EST UN PÈRE ET NON UN MAÎTRE

Le bon prince ne manquera jamais d'enfants : il est le père

de tout son royaume. Père comblé et entre tous fortuné, dont la famille s'étend à l'ensemble de ses sujets.

XCIV LE BON PRINCE ET LES CITOYENS

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Un royaume est semblable au corps humain, dont toutes les parties sont unies par l'amour. Le prince est la tête, le peuple le corps et les membres. Le prince, qui regarde les citoyens comme autant de parties de lui-même, s'afflige dès qu'un seul d'entre eux vient à manquer. Et quand le peuple des citoyens s'expose pour son roi, il n'en est pas un qui ne croit défendre sa propre tête. XCV ON CONNAÎT SON BIEN QUAND ON LE PERD

On ne connaît son bien qu'au moment où on le perd : jusque-là on le dédaigne. Ainsi du peuple : c'est souvent le mauvais successeur qui fait regretter le bon roi.

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THOMAS MORE XCVI TYRANNVMIN SOMNO NIHIL DIPPERRB A PLEBEIO

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Brigit ergo tuam insane superbia cristam Quod flexo curuat se tibi turba genu, Quod populus nudo surgat tibi uertice, quod sit Multorum in manibus u.itaque morsque tuis. At somnus quoties artus adstringit inertes, Haec tua iam toties gloria die ubi sit ? Tune ignaue iaces trunco non impar inani Aut paulo functis ante cadaueribus. Quod nisi eonclusus timide intra tecta lateres. In cu.iusque foret iam tua u.ita manu. XCVII DB PRINCIPE BONO ET MALO

Quid bonus est princeps ? Canis est custos gregis, inde. Qui fugat ore lupos. Quid malus ? lpse lupus. CIi REGEM NON TVRBA SATELLITVM

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Non timor inuisus, non alta palatia regem, Non compilata plebe tuentur opes. Non rigidus uili mercabilis aere satelles, Qui sic alterius fiet ut huius erat. Tutus erit, populum qui sic regit, utiliorem Vt populus nullum censeat esse sibi.

POPVLVS

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SBD VIRTVS REDOIT TVTVM

CIII CONSENTIENS REGNVM DAT ET AVFERT

Quicumque multis uir uiris unus praeest, Hoc debet bis, quibus praeest : Praeesse debet neutiquam diutius, Hi quam uolunt quibus praeest. Quid impotentes principes superbiunt ? Quod imperant precario ? CXLIV

AD AVLICVM

Saepe mihi iactas faciles te ad principis aures Libere et arbitrio ludere saepc tuo. · CXLIV

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ludere saepe tuo : ludis ut ipse tuo 1518.

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XCVI UN TYRAN ENDORMI NE VAUT OUÈRE MIEUX QU'UN ROTURIER

Insensé, tu dresses orgueilleusement ta crête parce que la 5

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foule s'agenouille devant toi, parce que le peuple se lève et se découvre quand tu parais, parce que tu as droit de vie et de mort sur tout un royaume. Mais chaque fois que le sommeil paralyse tes membres et te réduit à l'impuissance, que devient, dis-moi, toute cette gloire ? Sans grandeur tu gis, différant à peine d'une souche de bois ou d'un cadavre encore chaud. Et si tu ne te barricadais pas peureusement dans ton palais, ta vie serait à la merci du premier venu.

XCVII BON ET MAUVAIS PRINCE

Qu'est-ce que le bon prince ? Le chien de berger, qui chasse le loup en montrant ses crocs. Et le mauvais ? Le loup, précisément. CIi LA S'ÛRETÉ DU ROI NE DÉPEND PAS DU NOMBRE DE SBS GARDES

Qui protège le roi? Ni un régime de terreur, ni la hauteur du palais, ni les richesses amassées aux dépens des faibles, ni la brute casquée, vil mercenaire qui servira un autre maître comme il a servi celui-ci - mais un gouvernement tel que le peuple n'en puisse pas désirer un meilleur.

CUI C'EST LE CONSENTEMENT POPULAIRE QUI PAIT LBS ROIS ET LES DÉPOSE

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Qui a seul autorité sur la multitude lui doit de se retirer quand elle n'admet plus son autorité. D'où vient donc l'orgueil effréné de nos monarques? De ce pouvoir, qui n'existe que par délégation?

CXLIV AU COURTISAN

Tu te vantes volontiers d'avoir les oreilles du prince et de plaisanter librement et sans contrainte avec lui. Ainsi joue-t-on

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Sic inter domitos sine noxa saepe leones Luditur, ac noxae non sine saepe metu. Infremit incerta crebra indignatio causa Et subito mors est, qui modo ludus erat. Tuta tibi non est, ut sit secura uoluptas : Magna tibi est, mihi sit, dum modo certa, minor.

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dans la gueule du lion apprivoisé, sans être mordu, mais non sans crainte de la morsure. Et plus d'une fois, pour un oui, pour un non, il entre dans une terrible colère : au jeu innocent succède un dénouement tragique. Lors même que tu jouerais sans arrière-pensée, ce ne serait pas sans danger. Donc, jouis, si tu veux, de ce plaisir rare, et laisse-m'en de plus vulgaires et de moins risqués.

THOMAS CAMPION (1567-1620)

THOMAS CAMPION est n6 le 12 f6vrier 1567 à Londres. Son ~re meurt en 1S76; sa mère, remari6e, meurt à son tour en IS80, et c'est son beau-~re qui adlèvo son 6ducation. Il entre à Peterhouse, Cambridge, mais n'obtient pas de diplôme, 6tudie le droit à Gray's Inn; de 1591 à 1592 il sert sous Sir Robert Carey dans l'oxp6dïtion de Norman Essex qui devait aider Henri IV contre l'Eglise catholique. Il a commencé à composer des chansons pour les fêtes de la cour, donne la première édition de ses Poemata (1594), puis A book of Ayres (1601) et des Observations in the art of English Poesie (1602), oi:l, disciple do Sir Philip Sidney, il d6fend contre la rime une métrique quantitative. Samuel Daniel répondra l'ann6e suivante par A defense of Ryme (1603). Vers 1602 Campion est passé en France oà il reçoit sa licence de médecine à l'université de Caen ; il revient ensuite pratiquer à Londres. Peut-être est-ce à ce moment qu'il se convertit au catholicisme. En 1613 paraissent Two books of Ayres, puis, en 1617, The Third and Fourth Boolce of Ayres; l'auteur compose entre-temps des Masques pour la cour. En 161.S, il est soupçonné de complicité, puis innocenté dans le meurtre de Sir Thomas Overbury ; l'ann6e suivante, on l'autorise à soigner son ami Thomas Monson, emprisonné à la Tour de Londres pour ce meurtre. Les Epigrammatum libri Il sont publi6s en 1619, l'ann6e qui précède sa mort o•• mars 1620).

Poète et compositeur, artiste et théoricien, donnant en alternance ses chansons anglaises et ses poésies latines (sa deuxième et sa dernière composition), Campion doit à la variété de ses dons d'occuper une place originale dans l'histoire de la littérature anglaise. En même temps, par son esthétique, il est éminemment représentatif de ce moment, longtemps différé, de la culture de l'Angleterre, où l'amoureuse connaissance des classiques latins, enfin autorisée, non seulement inspire des œuvres latines d'une grande qualité formelle, mais même influence profondément les créations en langue nationale. Entre ses poésies anglaises et ses poésies latines, il n'y a point de rupture. Certes, sa tentative pour adapter, après Sir Philip Sidney, la langue anglaise, fondée sur l'accent, aux lois quantitatives de la po6sie antique, vient après son heure et reste sans lendemain. On aurait tort cependant de mépriser ce traité étrange, mais subtil, et dont les fruits sont préservés dans les réussites musicales souvent exquises de ses livrets de chansons. Sa conception même de la chanson lyrique, courte, simple et spirituelle, est de son propre aveu directement influencée par l'épigramme : c Wbat epigrams are in Poetrie, the same are Ayres in Musicke > (To the Reader, Preface to A Book of Ayres, 1601) : ici et là, en effet, même grâce, même poli de la diction, même ironie légère,

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ou parfois caustique, qualités que l'on retrouve avec plus de complexité dans les Elégies, placées sous le patronage du maître de Martial, Ovide. Autre trait distinctif de l'œuvre, l'utilisation décorative et symbolique du mythe permet de découvrir une parenté analogue entre les Masques (ou mascarades) écrits pour la cour, divertissements complets où le texte anglais, la musique, la danse, le décor et les costumes s'unissent pour célébrer un événement mondain en en dégageant les significations politiques, psychologiques, voire cosmiques - et les grandes compositions latines : aussi bien le fragment épique Ad Thamesin, sur la défaite de l'invincible Armada (où l'essentiel du poème est constitué par la machine allégorique inspirée du Tasse), que l'épyllion érotique d'Umbra, dont nous avons isolé un fragment. Le canevas de cette dernière œuvre est simple : dans les demeures souterraines de Proserpine, la nymphe Iolè, abusée par Phébus dans son sommeil, met au monde un fils, Mélampus, aussi beau qu'Amour, quoique noir de peau. Morphée, voyant un jour l'adolescent endormi, s'éprend de lui à son tour et, après bien des tentatives sans succès, le gagne en lui faisant voir en rêve une femme d'une merveilleuse beauté. Quand l'enfant s'éveille, cherchant en vain la vision du rêve, il se consume d'amour et devient une ombre errante. Le mythe, qu'on a rapproché du conte d'Amoret et Belphoebé de Spenser au livre III de la Faerie Queene, vaut déjà par sa qualité architecturale : fondé sur les relations croisées entre le monde souterrain (froid, humide, sombre, femelle), avec ses possibilités non éveillées, et le monde d'en haut (sec, lumineux, chaud et mâle), sur la nécessité de leur union, leur désir ou refus de se joindre, et la fécondité ou la stérilité qui en résultent, il donne figure poétique au processus éternel de la nature créatrice. Le thème érotique, par ses implications cosmiques, prend valeur d'archétype (W. R. Davis). La musique, pour autant, ne perd pas ses droits : c'est la musique ovidienne; on retrouve ici les meilleures qualités de l'hexamètre des Métamorphoses, qui, à la souplesse harmonieuse du vers héroïque, unit la légèreté spirituelle, la transparence, les échos subtils du distique élégiaque. Et c'est bien en effet Ovide, le mélodieux, le malicieux, le profond Ovide, dont l'exemple, déterminant déjà sur les formes imaginatives, commande, en outre, les exigences et suggère les bonheurs d'une écriture portée à un haut degréde civilisation et de raffmement. TEXTES : Thomae Campiani Poemata, 1595 ; Tho. Campiani Eplgrammatum libri Il, 1619: Campion's Worh, ed. PERCIVAL VIVIAN, Oxford Clar. Press, 1909; The works of Thomas Campion, complete sonp, Masquesand Treatbes. with a selection of the latin verse, ed. with-an intr. and notes by W. R. DAVIS. New York, 1967 •••.

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Est in uisceribus terrae nulli obuia uallis, Concaua, picta rosis, uariaque ab imagine florum ; Fontibus irrorata et fluminibus lapidosis : Mille specus subter latitant, totidemque uirenti Stant textae myrto casulae, quibus anxia turba Nympharum flores pingunt, mireque colorant. Nec minus intenta est operi Berecynthia mater, Instituens natos frutices quo syderis ortu Aerio credant capita inconstantia coelo. Admonet immaturae byemis, gelidaeque pruinae, lmbriferumque Austrorum, horrendisonumque Aquilonum ; Grandine concussum Rhodopen, Taurumque niualem, Concretosque gelu prohibet transcendere montes. Tantum qui placido suspiras ore, Fauoni, Arboreos tibi commendat dea sedula foetus. Fraga, rosas, uiolasque iubet latitare sub umbris. Forma rosis animos maiores indidit, ausis Tollere purpureos uultus, et despicere infra Pallentes odio uiolas, tectasque pudore. Diua rosas leuiter castigat, et admonet aeui Labilis ; aspiceres foliis prodire ruborem, Et suspendentes ora annutantia flores. Accelerant Nymphae properata ex ordine matri Pensa ostentantes, quarum pulcherrima Iole Asportat gremio texturas mille colores. Hanc olim ambierat furtim speciosus Apollo ; Muneribus tentans et qua suasisse loquela Posset ; saepe adhibet placidam uim, saepe et amantum Blanditias cupidus, sed non cupiente puella. Bracchia circumdat collo, simul illa repellit ; Instat hic, illa fugit ; duplicant fastidia flammas ; Ardet non minus ac rutilo Semeleia proies Cum curru exciderat, totumque incenderat orbem. Spes sed ut illusas uidit deus, et nihil horum Virginis auersam potuisse inflectere mentem, Dira subinde uouet peruertens fasque nefasque ; Illicitumque parat spreto medicamen amori, Lactucas humectantes gelidumque papauer, Cyrceiaeque simul stringit terrestria mala Mandragorae, condens sudatos pixide rores. Nox erat, incedit nullo cum murmure Phoebus, Nulli conspiciendus adit spelaea puelJae; Illa toro leuiter roseo suffulta iacebat,

UMBRA Il existe dans les entrailles de la terre un vallon inaccessible, encaissé, émaillé de roses et de toutes les variétés de fleurs, irrigué de sources vives et de rivières coulant sur des lits de gravier. Mille grottes s'ouvrent dans la roche : autant de petites maisons aux murs tendus de myrte verdoyant, où s'affaire la troupe des nymphes, occupée à peindre les pétales des fleurs, qu'elles teignent de merveilleuses couleurs. Non moins active qu'elles, la Bérécynthienne enseigne aux jeunes pousses à distinguer sous quelle constellation elles peuvent sans risque exposer leurs fragiles calices aux souffles du ciel. Elles les met en garde contre les hivers précoces, les gelées blanches, contre les Austers chargés de pluie et l'Aquilon au souffle effrayant. Elle leur interdit l'accès du Rhodope secoué par la grêle, du Taurus blanc de neige, et des autres montagnes enchaînées par les glaces. Il n'y a qu'à toi, zéphyr, et à ton souffle délicat, que la déesse attentive veuille confier ses jeunes bourgeons. Aux fraises, aux roses, aux violettes, elle enjoint de rester bien caehées· à l'ombre de la terre. Les roses, qui conçoivent quelque orgueil de leur beauté, relèvent leur visage empourpr~ et toisent les violettes piles de jalousie et toutes honteuses. Mais la déesse les reprimande gentiment en leur rappelant combien leur existence est éphémère : on croirait voir la rougeur se répandre sur leurs pét~es, tandis qu'elles inclinent la tête en signe d'approbation. Les nymphes tour à tour courent vers leur mère pour lui faire admirer, à peine sèche, l'œuvre de leurs diligentes mains. La plus belle d'entre elles, Iolè, lui apporte une brassée de fleurs multicolores. Le bel Apollon l'avait courtis6e naguère, en cachette, tâchant de la séduire par des présents et de beaux discours ; il y avait employé tantôt une douce violence, et tantôt d'amoureuses caresses, sans réussir toutefois à exciter le désir de celle qu'il désirait. S'il jetait ses bras autour de son cou, aussitôt elle se dégageait ; s'il la pressait, elle fuyait. Les dédains ne font que redoubler sa flamme : il ne brûle pas plus, le fils de Sémélé, quand il tombe de son char enflammé, incendiant l'univers tout entier. Mais quand il voit ses espoirs déçus et comprend que rien de tout cela ne peut fléchir l'aversion de la jeune fille, le dieu éclate en malédictions, ne sait plus distinguer ce qui est permis et ce qui ne l'est pas : c'est par des voies interdites qu'il essaie de porter remède à son amour méprisé : il cueille des laitues humides, des pavots glacés, ainsi que le fruit de la mandragore de Circé, et il en exprime le suc, qu'il enferme dans un coffret. 11faisait nuit ; Phébus s'approche à pas de loup. Sans être vu, il s'introduit dans la grotte de la jeune fille : celle-çi était mol1e-

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Sola struens flores uaria quos finxerat arte. Candida lucebat fax, banc primum infecit atra Nube ; deinde linit medicati aspergine succi Puluillosque leues et picti strata cubilis; Terque soporiferas demulcet pollice cordas Plectripotens, nectitque Hecateio carmine somnos. Virgineos oculos uapor implicat, excipit artus Alta quies, et membra toro collapsa recumbunt. Vidit et obstupuit deus ; inter spemque metumque Accedit, refugitque iterum ; suspirat ab imo Pectore; nec pietas, nec siderea ora puellae Piura sinunt, sed ineffraenata libido Quid castum in terris intentatumue relinquit ? Oscula non referenda serit, tangitque, premitque ; ma (quod in somnis solet) ambigua edidit ore Murmura, ploranti similis nec digna ferenti; Saepe manu urgentem quamuis sopita repellit. Nequidquam, raptor crebris amplexibus haeret, Vimque per insidias fert, indulgetque furori. Iamque puer, tacite praeter labentibus annis, Paulatim induerat iuueniles corpore uultus ; Qui, quamuis nullo uariantur membra colore, Multus inest tamen ore lepos, tinctosque per artus Splendescit mira nouitate illecta uenustas. Si niger esset Amor, uel si modo candidus ille, Iurares in utroque deum ; non dulcior illo Ipsa Venus, Charitesque, et florida turba sororum. Huic olim nymphae nomen fecere Melampo, Lucentesque comis gemmas, laterique pharetram Aptarunt, qualem cuperet gestare Cupido. Ille leuem tenera sectatur arundine praedam Aurorae ut primo rarescit lumine coelum ; Mox, feruente aestu uiridantes occupat umbras, Aut ab euntis aquae traducit murmure somnum. Tempus erat placidis quo cuncta animalia terris Soluerat alta quies, solita cum Morpbeus arte (Somnia uera illi nulto mandante deorum) Florigeram penetrat uallem, sopitaque ludit Pectora nympharum, portentaque inania fmgit, Horribilesque metus ; mox laetis tristia mutat, Inducitque leues choreas, conuiuia, lusus,

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lllent allongée sur un lit de roses, seule, disposant autour d'elle les fleurs que sa main avait artistement façonnées. Une torche donnait de la lumière : le premier soin du dieu est de l'envelopper d'un noir nuage. Puis, il fait pleuvoir quelques gouttes de la drogue enchantée sur le doux oreiller et sur la couche fleurie ; par trois fois il touche de son plectre les cordes qui versent l'hypnose et prononce une formule magique qui enchaîne ses yeux par le sommeil. Aussitôt, un brouillard s'étend sur les yeux de la jeune fille, une profonde langueur s'empare de ses membres, son corps détendu s'abandonne au milieu du lit. Le dieu la contemple, ébloui ; partagé entre l'espoir et la crainte, il s'approche, pour reculer aussitôt. De profonds soupirs s'échappent de sa poitrine. La pureté de la jeune fille, son visage céleste ne lui en permettent pas davantage : mais est-il rien au monde que ne souille ou ne tente de souiller le désir effréné? II sème des baisers qu'on ne lui rendra pas, il la touche, la serre dans ses bras. Elle, comme il arrive fréquemment dans le sommeil, laisse échapper des gémissements confus, comme les plaintes de quelqu'un qu'on maltraite. Souvent, tout endormie qu'elle est, elle repousse de la main le corps qui la presse - en vain : son séducteur la serre de plus en plus près ; enflll, profitant de la ruse, il la prend de force et assouvit sur elle son désir. Maintenant, peu à peu, à mesure que glissaient silencieusement les années, le corps de l'enfant avait revêtu l'apparence d'un tendre adolescent ; et bien que sa peau ffit d'une couleur absolument uniforme, son visage était plein de grâce et sur ses membres basanés brillait un charme d'une étrange nouveauté. Si Amour avait eu la peau noire ou que cet enfant e0t eu le teint blanc, on n'aurait su dire lequel était le dieu. Moins douce que lui était Vénus elle-même, et les Charites, et toute la troupe des nymphes en fleur. Naguère, celles-ci lui avaient donné le nom de Mélampos ; elles avaient attaché à ses cheveux des diamants étincelants et suspendu à son flanc le carquois qu'aimait à porter Cupidon. Et lui, avec ses minces flèches, poursuivait ses proies légères, quand le ciel s'éclaircissait aux premières lueurs de l'aurore. Puis, aux heures torrides, il gagnait l'ombre du vert feuillage ou se laissait bercer par le murmure d'une eau courante. C'était le moment ob un profond sommeil avait détendu tous les êtres sur la terre pacifiée. Morphée se livrait à ses artifices coutumiers (les dieux ne lui accordaient point de songes véridiques) ; pénétrant dans le vallon fleuri, il se joue dans les cœurs endormis des nymphes, y façonne de vains prodiges et aussi d'effrayants cauchemars ; puis il mue la tristesse en joie, introduit des danses gracieuses, des festins, des jeux, de galants larcins, d'imagi-

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Secretosque toros, simulataque gaudia amoris ; Saepe alias satyro informi per deuia turpes Tradit in amplexus, alias tibi, pulcher Adoni, Aut, Hyacinthe, tibi per duJcia uincula nectit. Sic deus effigies uarias imitatus, opaca Dum loca percurrit, sopitum forte Melampum Cernit odorato densoque in flore iacentem : Accedit prope, spectanti dat Cynthia lumen, Et c Quid > ait c mira nostram dulcedine mentem Percellit ? Mene illudis, formose Cupido ? Sideream nigra frontem cur inficis umbra ? 1am placet iste color ? Vilescunt lilia ? Sordent Matemi flores ? Sed ubi nunc arcus et auro Picta pharetra tibi ? Cui tu, lasciue, sororum Hac struis arte malum? Tua quem noua captal imago? At si non Amor es, quis es ? An furtiua propago Atrigenae Noctis? Num crescit gratia tanta E tenebris, iucunde, tibi ? Tam uiuidus unde Ridct in ore lepos ? Tale et sine lumine lumen ? Vt decet atra maous, somno quoque mollior ipso, Qui te leuiter tangi sinit, aptus amori ! 0 utinam quae forma tuos succenderet ignes Cognorim ! Puer illa foret, seu foemina, seu uir, Quam cupide species pro te mutarer in omnes ! Vtcumque experiar, spes nulla sequetur inertes 1 > Induit ex illo facies sibi mille decoras ; Versat et aetates sexumque, cuilibet aptans Omatus uarios : nequicquam, immobilis haeret Spiritus, et placido pueri mens dedita somno est. ..

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naires plaisirs d'amour. Souvent, il livre des nymphes à l'étreinte dégoOtante d'un affreux satyre au milieu des fourrés ; et d'autres, c'est à toi, bel Adonis, ou à toi, Hyacinthe, qu'il les enchaîne par de doux nœuds. Ainsi, le dieu parcourt-il les royaumes de l'ombre en prenant les formes les plus variées. Et voici que le hasard lui fait apercevoir Mélampos endormi, étendu sur un épais coussin de fleurs odorantes. Il s'approche; Cynthie lui prête sa lumière : c Quelle vision, dit-il, touche mon cœur d'une si étrange douceur? Est-ce que tu te joues de moi, charmant Cupidon? Pourquoi ton front lumineux est-il couvert de cette ombre noire? Cette couleur te plaît-elle tant à présent, que tu méprises les lys et fasses fi des fleurs préférées de ta mère ? Mais où sont passés et ton arc et ton carquois rehaussé d'or? Quelle est celle des nymphes que vise ton manège, qui cherches-tu à prendre par cet étrange déguisement? Et si tu n'es pas Amour, qui es-tu? Un fils bâtard de la Nuit ténébreuse? Mais les ténèbres, bel enfant, peuvent-elles enfanter tant de grâce? D'où vient donc le charme si vif qui sourit sur ton visage ? Et un tel éclat, sans éclat pourtant ? Que de grâce dans une main noire, plus douce que le sommeil luimême, le sommeil propice à l'amour, puisqu'il permet qu'on te touche, mais doucement. Ah ! si je savais quelle beauté est capable de t'enflammer : enfant, femme ou homme, avec quel plaisir je prendrais toutes ces apparences ! Hélas ! Quoique je hasarde, je désespère de l'émouvoir r > Alors il revêt mille formes séduisantes, changeant d'âge et de sexe, et ornant chacune de ces apparences des grâces qui lui conviennent; en vain : l'âme de l'enfant reste insensible, son esprit reste enfoui dans la paix du sommeil.

JOHN MILTON (1608-1674)

Né en 1608 au oo:ur de la cité de Londres, d'un père tabellion et puritain intègre, fait ses études à Saint-Paul's, puis à Christ's College à Cambridge. De cette époque datent ses élégies latines et son premier grand poème anglais, l'Ode au matin de la Nativité (1629) ; retiré chez lui dans le Buckinghamshire, il cultive la poésie d'inspiration pastorale, composant l'Allegro et le Penseroso (1631-1632), Comus (1634), masque allégorique écrit pour le comte de Bridgewater, et l'églogue latine de Lycidas, dédié à son ami Edward King, étudiant à Cambridge, mort dans un naufrage (1637). En 1638 il entreprend un grand voyage en Europe : séjourne en France et en Italie, où il est l'hôte du marquis de Villa. dédicataire de son Mansus ; il allait passer en Grèce quand la guerre civile le rappelle. Il est un des chefs du parti presbytérien, contre les évêques anglicans qui soutiennent le parti de Laud et de Charles r•. Entre 1641 et 1660 il écrira vingt-neuf libelles ou pamphlets. Apr~ la décapitation de Charles 1.. (qu'il justifie dans son opuscule c Du pouvoir des rois et des magistrats >), il est nommé secrétaire aux langues étrangères, mais bientôt s'inquiète du réalisme de Cromwell. Sa première femme, épousée dix ans plus tôt, meurt en 16S2 après lui avoir donné trois filles : il se remarie en 1656, mais sa deuxième femme meurt en couches; et en 1663. La même année 16S2 il est devenu aveugle. La royauté est restaurée en 1660. Milton se retire dans la poésie et compose le Paradis perdu, qui paraîtra en 1671 avec le Paradis retrouvé et la tragédie biblique de Samson Agonistes. L'incendie de 1666 a épargné sa maison de Londres. Il y vit à l'écart et pauvrement, visité par quelques amis, dont Dryden et Marvell. Décédé le 8 novembre 1674, il repose dans la cité de Londres en l'église Saint-Giles. MILTON

Bien qu'il les ait publiées en 1645, à l'âge de trente-sept ans, quand il est un des chefs du mouvement puritain, les poésies latines appartiennent à la jeunesse de Milton, à la période de ses études, de ses premières amitiés, de ses voyages. Les influences subies sont donc aisément discernables, et l'on est loin, certes, des grands poèmes religieux de la vieillesse. Pourtant, même les Elégies du collège laissent apparaître un tempérament poétique original : une sève vigoureuse renouvelle le genre ovidien par un heureux dosage des thèmes sensuels de l'amour et des thèmes naturistes des chansons de printemps. A plus forte raison aimerat-on les Silves, parmi lesquelles se distinguent la pièce Ad patrem sur sa vocation poétique, l'Epithalamium Damonis sur la mort de son ami intime Diodati, surtout peut-être le Mansus, poème de remerciement écrit en l'honneur de son hôte napolitain Gian-Battista Manso, marquis de Vifla, ami et protecteur du Tasse qui lui rend hommage dans le vingtième

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livre de sa Jérusalem délivrée : ... Fra cavalier magnanimi e cortesi risplende il Manso... · Tout en sacrifiant aux règles du panégyrique, le jeune Milton y exprime des confidences précieuses sur son ambition poétique, présente une défense chaleureuse des Muses anglaises, définit ses projets d'épopée nationale ; il y a de l'élévation dans la belle apostrophe où il définit les rapports privilégiés du génie et du mécène ; le poème tout entier monte vers la splendide conclusion exprimant les espoirs du poète et dévoilant, c sur un ton exubérant et presque marlowien > (L. Bradner), la vision de sa récompense finale. La maîtrise de l'hexamètre, le vers qui lui convient le mieux, parce qu'il s'accorde à son don de l'envolée, à son ample respiration, donne à cette composition une harmonie formelle qui, jointe à la sincérité du sentiment et à la noblesse de la pensée, en fait une œuvre poétique au sens plein du terme, et non pas seulement un exercice d'école ou une pièce de commande sur un thème obligé. TEXTES : Poems of M. J. Milton, both English and Latin, composed at sevn-al times, Londres, 1645; Poems, etc., upo,i severol occa.sions, by J. Milton. both English and Latin, Londres, 1673 •••; Milton's Poems upon several occasions, english, italian and latin..., with notes critical and explanatory, by Th. WnTON, Londres, 1785 •• ; The latin poems of J. Milton ed. with an english transi. by W. Mc KELLAll, c Comell stud. in Engl. XV >, Newhaven, Yale Univ. Pr., 1930 ••. ETIJDES : E. K. RAND,Milton ln rusticatlon, in c Stud. in Philol. > XIX (1922); J. H. HANFoRD, The youth of Milton, in c Studies in Shakespeare, Milton, Donne >, Univ. of Michigan Publications, Language and Literature, vol. I, 1925 ; K. C. M. SILLS, Milton's latin poems, in c Class .Joum. > XXXII (1937), p. 417-423 ; Don Cameron ALLEN, Milton as a latin poet, Los Angeles, Univ. of Calif. William Andrews Clark Memorial, 1965; Ralph W. CoNDEE,Mansus and the pa11egyricaltradition, in c Stud. in the Renaiss. >, 1968, p. 174-192; G. DuCKWORTH,Mihon's hexameter patterns: virgi/ian or ovidian? in c Amer. Journ. of Philo!. > XXIII (1971), p. 52-60. - Voir aussi R. PARŒR, Milton : a hioRrapl,y, 2 vol., Indiana, 1967. - Enfin les communications de J.R.C. MARTYN, F. J. N1cuoLS, H. Sx:uLSLEY,au t•• Congr~s d'études œo-laûnes, 1971, (voir c Acta Conventus ... > supra cil.).

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Haec quoque, Manse, tuae meditantur cannina laudi Pierides, tibi, Manse, cboro notissime Phoebi ; Quandoquidem ille alium baud aequo est dignatus honore, Post Galli cineres, et Mecaenatis Hetrusci. Tu quoque, si nostrae tantum ualet aura Camoenae, Victrices hederas inter laurosque sedebis. Te pridem magno felix concordia Tasso Iunxit, et aetemis inscripsit nomina cbartis : Mox tibi dulciloquum non inscia Musa Marinum Tradidit ; ille tuum dici se gaudet alumnum, Dum canit Assyrios diuum prolixus amores Mollis et Ausonias stupefecit carmine nymphas. Ille itidem moriens tibi soli debita vates Ossa, tibi soli supremaque uota reliquit ; Nec manes pietas tua chara fefellit amici ; Vidimus arridentem operoso ex aere poetam. Nec satis hoc uisum est in utrumque, et nec pia cessant Officia in tumulo ; cupis integros rapere Orco, Qua potes atque auidas Parcarum eludere leges Amborum genus, et uaria sub sorte peractam Describis uitam, moresque et dona Mineruae ; Aemulus illius, Mycalen qui natus ad altam, Rettulit Aeolii uitam facundus Homeri. Ergo ego te, Clius et magni nomine Phoebi, Manse pater, iubeo longum saluere per aeuum, Missus Hyperboreo iuuenis peregrinus ab axe, Nec tu longinquam bonus aspemabare Musam, Quae nuper gelida uix enutrita sub Arcto, Imprudens ltalas ausa est uolitare per urbes. Nos etiam in nostro modulantes flumine cycnos Credimus obscuras noctis sensisse per umbras, Qua Thamesis late puris argenteus umis Oceani glaucos perfundit gurgite crines : Quin et in bas quondam peruenit Tityrus oras. Sed neque nos genus incultum, nec inutile Phoebo, Qua plaga septeno mundi sulcata Trione Brumalem patitur longa sub nocte Booten. Nos etiam colimus Phoebum, nos munera Pboebo, Flauentes spicas, et lutea mata canistris, Halantemque crocum, perhibet nisi uana uetustas, Misimus, et lectas Druidum de gente cboreas.

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Encore un chant qu'à ta gloire composent les Muses, Mansus, favori du chœur de Phébus, distingué entre tous les mortels depuis la mort de Gallus et de Mécène, le chevalier étrusque. Toi aussi, si ma Muse me donne assez de souffle, tu siégeras au milieu des lierres et des lauriers vainqueurs du temps. Une amitié parfaite te lia jadis à l'illustre Tasse, elle inscrivit vos noms sur des pages éternelles; plus tard la Muse avisée te confia Marin au charmant parler ; il lui plaît d'être présenté comme ton disciple •, tandis qu'il chante éloquemment les amours assyriennes des dieux • et ravit les nymphes d'Ausonie par la grâce voluptueuse de son chant. Mourant à son tour il ne laissa à nul autre le soin de recueillir et ses os et ses dernières volontés : et ta piété ne déçut pas les Mânes de ton ami, puisque le bronze bien travaillé • nous rendit le sourire du poète. Mais même alors tu ne crus pas avoir assez fait pour eux et ton zèle pieux ne s'est pas satisfait des honneurs funèbres : voilà que tu veux les arracher tout entiers à Orcus et dans la mesure de tes forces déjouer l'impitoyable loi des Parques. De tous deux, tu dis la naissance, la vie aux aléas divers, le caractère, les dons • : te faisant l'émule de cet autre• qui, né près des rochers de Mycale, narre avec talent la vie d'Homère l'Eolien. Aussi, au nom de Clio et du puissant Phébus, ô vénérable Mansus, reçois les souhaits de longue vie d'un jeune poète étranger venu du Nord, et dont ta bonté n'a pas dédaigné la Muse lointaine ; ma Muse qui, à peine formée naguère sous le ciel glacé du pôle, fut assez téméraire pour s'envoler vers les villes de l'Italie. Cest que nous aussi, sur les rives de notre fleuve, nous croyons entendre les cygnes chanter dans les ténèbres de la nuit, là où la Tamise, renversant son urne d'argent, répand ses eaux limpides sur les cheveux glauques du vaste océan. Mais que dis-je ? Même Tityre • est venu autrefois hanter ces bords. Nous non plus, nous ne sommes pas une nation barbare, ni étrangère à Phébus, sur cette terre placée sous le cercle de Septentrion et dominée, durant de longues nuits, par rourse hivernale. Nous aussi, nous honorons Phébus •, nous aussi, si notre tradition est véridique, envoyâmes à Phébus des présents, épis dorés, pommes couleur de safran, à pleines corbeilles, et le crocus odorant, et l'élite des chœurs de la nation druidique. Voué au culte des dieux, ce peuple antique des druides

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Gens Druides antiqua, sacris operata deorum, Heroum laudes, imitandaque gesta canebant ; Hinc quoties festo cingunt altaria cantu, Delo in herbosa, Graiae de more puellae, Carminibus Iaetis memorant Corineida Loxo, Fatidicamque Upin, cum flauicoma Hecaërge, Nuda Caledonio uariatas pectora fuco. Fortunate senex, ergo quacumque per orbem Torquati decus et nomen celebrabitur ingens, Claraque perpetui succrescet fama Marini, Tu quoque in ora frequens uenies, plausumque uirorum, Et parili carpes iter immortale uolatu. Dicetur tum sponte tuos habitasse penates Cynthius, et famulas uenisse ad limina Musas At non sponte domum tamen idem et regis adiuit Rura Pheretiadae coelo fugitiuus Apollo, Ille licet magnum Alciden susceperat hospes ; Tantum ubi clamosos placuit uitare bubulcos, Nobile mansueti cessit Chironis in antrum, Irriguos inter saltus, frondosaque tecta, Peneium prope riuum : ibi saepe sub ilice nigra, Ad citharae strepitum, blanda prece uictus amici Exilii duros lenibat uoce Jabores. Tum neque ripa suo, barathro nec fixa sub imo Saxa stetere Joco ; nutat Trachinia rupes, Nec sentit solitas, immania pondera, situas ; Emotaeque suis properant de coJJibus orni, Mulcenturque nouo maculosi carmine lynces. Diis dilecte senex, te Jupiter aequus oportet Nascentem, et mihi lustrarit lumine Phoebus, Atlantisque nepos ; neque enim, nisi charus ab ortu Diis superis, poterit magno fauisse poetae. Hinc Iongaeua tibi lento sub flore senectus Vemat, et Aesonios lucratur uiuida fusos, Nondum deciduos seruans tibi frontis honores, Ingeniumque uigens, et adultum mentis acumen. 0 mihi si mea sors talem concedat amicum, Phoebaeos decorasse uiros qui tam bene norit, Siquando indigenas reuocabo in carmina reges, Arturumque etiam sub terris bella mouentem ! Aut dicam inuictae sociali foedere mensae Magnanimos heroas ; et, o modo spiritus adsit, Frangam Saxonicas Britonum sub Marte phalanges ! Tandem ubi non tacitae permensus tempora uitae, Annorumque satur, cineri sua iura relinquam,

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chantait les louanges des héros et leur geste exemplaire : aussi chaque fois que les jeunes filles grecques, selon le rite, entonnent leurs chants de fête autour des autels de l'herbeuse Délos, elles rappellent, dans leurs chants joyeux, et Loxo •, fille de Corine, et Upis •, la prophétesse, ainsi qu'Hécaergè • aux blonds cheveux, la poitrine dénudée, les seins empourprés de fard calédonien. Heureux vieillard, ainsi donc, partout où on célébrera le nom et la gloire immense du Tasse, partout où grandira l'éclatante renommée de l'immortel Marin, ton nom aussi sera sur toutes les lèvres, à toi aussi ira l'applaudissement des peuples, d'un même vol tu t'enlèveras sur les chemins de l'immortalité. On dira que, de lui-même, le dieu du Cynthe • est venu habiter ta demeure, et les Muses, ses servantes, visiter ton seuil. Et pourtant ce n'est pas de son plein gré que jadis il visita le royaume d' Admète, qui avait déjà été l'hôte d' Alcide : mais quand il avait envie de fuir la compagnie des bouviers criards, il se retirait dans l'antre fameuse du doux Chiron, au milieu des gorges aux eaux vives, sous un toit de feuillage, au bord des rives du Pénée ; et là, sous le sombre couvert d'une yeuse, accédant à l'aimable prière de son ami, il faisait vibrer sa cithare et adoucissait par le chant les dures épreuves de l'exil. Alors, et les pierres de la rive et celles qui reposaient au fond du lit du fleuve, se mettaient à bouger ; les collines de Trachine • basculaient et ne sentaient plus, comme à l'accoutumée, le poids écrasant des forêts, les ormes se mettaient en mouvement, impatients de descendre des collines où ils avaient pris naissance ; et les lynx tachetés cédaient au charme étrange de ce chant. Vieillard chéri des dieux, il faut, je pense, que Jupiter dans sa bonté, et le lumineux Phébus, et le neveu d' Atlas •, aient présidé à ta naissance : car protéger un grand poète ne saurait échoir qu'à un mortel béni du ciel dès son berceau. En retour, puisse une vieillesse avancée, après une longue floraison, te voir reverdir, et filer pour toi une vie aussi longue que celle d'Eson, conservant intacte ta chevelure, honneur de ton front, et l'énergie de ton caractère, et la plénitude de ta vive intelligence. Ah ! si le sort pouvait m'accorder un tel ami, un ami qui sût aussi bien que toi honorer les serviteurs de Phébus, quand je ressusciterai dans mes vers les rois de mon pays, et Arthur, rêvant nouvelles batailles • jusque chez les morts, - que je dirai les chevaliers au grand cœur unis par le serment de la Table invincible, et, si j'ai assez de souffle pour cela, les phalanges saxonnes brisées par la framée bretonne ! Quand enfin, arrivé au terme de ma vie de poète, rassasié d'ans, je laisserais la mort réclamer ma cendre, il serait à

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Ille mihi lecto madidis astaret ocellis, Astanti sat erit si dicam, sim tibi curae ; Ille meos artus, liuenti morte solutos, Curaret parua componi molliter uma : Forsitan et nostro ducat de marmore uultus, Nectens aut Paphia myrti aut Pamasside lauri Fronde comas, at ego secura pace quiescam. Tune quoque, si qua fides, si praemia certa bonorum, lpse ego caelicolum semotus in aethera diuum, Quo labor et mens pura uebunt, atque ignea uirtus, Secreti haec aliqua mundi de parte uidebo, Quantum fata sinunt ; et tota mente serenum Ridens, purpureo suffundar lumine uultus, Et simul aethereo plaudam mihi laetus Olympo.

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mon chevet, les yeux pleins de larmes, et il suffirait que je lui dise : c Prends soin de moi. > Il aurait à cœur de déposer pieusement dans une petite urne mes membres défaits par la mort livide ; peut .. être même m'élèverait-il un buste de marbre, ceignant ma chevelure du myrte de Paphos ou du laurier du Parnasse, tandis que je reposerais en paix. Lors, si ce n'est pas une fable, que les bons sont assurés d'une récompense. emporté dans l'éther qu'habitent les dieux immortels, là où nous élèvent le travail créateur, la pureté du cœur et la vertu, étincelle divine, je contemplerai, si les destins le permettent, les choses d'ici-bas d'un angle éloigné de l'univers, riant, l'âme inondée d'une joie sereine, le visage rayonnant de lumière, applaudissant à mon bonheur sur les hauteurs sublimes de l'Olympe.

JOHN OWEN (1564-1622)

JOHNOwEN naquit en 1564 à Uarnamon (pays de Gallos). Il était le troisième ffls de Thomas Owen of Plas DO, shérif du Carnavonshire et neveu de Hugh Owen, le conspirateur qui mourut à Rome en 1618 (peut..etre l'oncle qui le déshérita à cause d'une épigramme contre l'Eglise catholique). Issu de ce milieu de petite noblesse, il fit ses premières études à Winchester, puis ses humanités à Oxford (New College), dont il devint c compagnon > en 1584. Il y étudie le droit civil jusqu'en 1590, mais ne pratiqua pas, préférant enseigner, d'abord à Tulleck, dans le Monmouthshire, puis à Warwick, où il devint directeur de la King Henry VIIl School. Sa vie ne fut marquée par aucun év,foement d'importance. Il ne se maria jamais. I.e premier volume de ses Epigrammes, dédié à Lady Neville, ne parut pas avant 1606; mais encouragé par le succès immédiat, Owen fit paraître dès l'année suivante un second volume, dédié à une Stuart ; les troisième et quatrième volumes parurent en 1612 et 1613, portant les noms d'illustres protecteurs : en tout dix livre.'! d'Epigrammes dont l'édition d'ensemble sera publiée en 1622, l'année m!me de sa mort. Son parent, l'archev!que Lord-keeper John Williams, qui l'avait aidé aénéreusement pendant les dernières années de sa vie, obtint qu'il fOt enterré dans la cathédrale Saint-Paul, à ~té de son contemporain William Shakespeare.

Il est difficile d'imaginer aujourd'hui la vogue dont jouirent pendant deux siècles les Epigramm~s d'Owen. Aussitôt traduites dans toutes les langues d'Europe, eUes firent saluer leur auteur comme le Martial anglais, Martial ressuscité, le second Martial. Il y a de l'exagération dans ces éloges. Plus exclusivement intelJectuel, Owen n'eut jamais la richesse de dons du poète latin : ni son puissant réalisme, ni inversement sa grâce et sa tendresse, ni ses raffinements d'artiste. Mais dans un domaine volontairement restreint, celui de la satire morale, et dans le cadre étroit du distique, son instrument privilégié, il porte l'épigramme à un point d'achèvement qui ne devait plus être dépassé. Son propos est exclusivement d'un moraliste. Observateur fin et spirituel du train du monde, il livre son expérience en une multitude de traits caustiques qui fusent dans toutes les directions : égratignant les caractères et les âges, insistant sur les travers de quelques professions et conditions (juristes, médecins, théologiens, courtisans) ; quelques traits acérés contre le sexe faible et les inconvénients du mariage pourraient le faire soupçonner de misogynie si le sujet était original. En tout cela nulle illusion, mais nulle méchanceté ; pas d'attaque personnelle, seulement les déffluts universels de la nature humaine. Quelques remarques sont plus directement inspirées par des sujets d'actualité : loyal sujet

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anglais à l'époque du complot de la poudre à fusil, Owen décoche quelques pointes à l'adresse de l'Eglise catholique, il intervient malicieusement à propos de la querelle du vide. Une sagesse ironique se dégage de son livre, qui fait comprendre aisément l'influence qu'il exerça sur l'âge classique, habitué à privilégier l'analyse morale. Au reste, jamais l'épigramme n'a été aussi proche de la maxime au sens que lui donnera bientôt notre La Rochefoucault. Elle en a la densité, le brillant, la netteté. C'étaient déjà les qualités que Scaliger assignait au genre épigrammatique, mais en cela Owen l'emporte sur ses rivaux de toutes les époques. Bien des vérités familières reçoivent ainsi un tour neuf et aiguisé, mises en valeur ici par la justesse neuve d'une image, là par un rapprochement inattendu qui fait trait. On peut laisser de côté les prouesses purement verbales et anagrammatiques pour lesquelles Owen montre un goût qui nous semble excessif. Dans les meilleures de ses épigrammes l'analyste saisit quelque contraste inattendu qui devient le support du mot d'esprit. Un dialecticien de premier ordre excelle à opposer les aspects antithétiques de la réalité. Cette mise en formules du réel est servie admirablement par la structure du distique : opposant l'hexamètre au pentamètre, l'hémistiche à l'hémistiche, Owen tire parti en virtuose des parallélismes, des chiasmes, des symétries ; cependant qu'une stricte économie de mots, un sens parfait de leur place et de leurs valeurs réciproques, font que chacune de ces brèves compositions s'impose à la mémoire avec la netteté lumineuse d'une équation. TEXTES : Epigrammatum Joan. Owen Cambro-Brittanni Ubri Ill ad ill. D. Mariam Neville, ed. ult. prioribus emendatior. 1613 ••; Eplgrammatum Joan. Owen Cambro-Britanni Oxonie,isis quae hactenus prodierunl libri X, Leipzig, s.d. ••• (contient : Epigr. I. III ad ill. ber. D. Mariam Neville ; Epigr. ad D. Arbellam Stuart lib. unus [ 1622) ; rnonosticha ethica et politica ; Epigr. ad Henricum, princ. Walliae I. Ill (1622); Epigr. ad tres Maecenates l. Ill)1. ETUDES : J.H. JONES, John Owen the epiRrammatist, in c Greeœ and Rome >, 1941, p. 65-73; Axel LtNDQUIST, Die Motive und Tendenten des deutschen Epigrams im 17 Jahrhundert, in Das Epigram (ed. Pfohl), 1969, p. 287-351 (traduction allemande d'un article paru dans Goteborgs Hogs/colas Arakrlft LV (1949), p. 1-62; E. URBAN, Owenus und die deutschen Epigrammatiker des XVIII Jahrhunderts.

t. l.es trois recueils successifs de trois livres sont distingués ci-ap?M par les exposants

1, 1 , 3 •

EPIGRAMMA TA AD LECTOllEII

Exuo Narcissum, quoties epigrammata scribo Exuat hune, quisquis carmina nostra legit. (Il

1,

100) DE VITA ET MORTE

Ad mortem sic uita fluit, uelut ad mare flumen · Viuere nam res est dulcis, amara mori. (1 1, 32)

AD QVEMDAMNOBILEM ADOLESCENTEM

Quisque senectutem, mortem tibi nemo precatur : Optatur morbus, non medicina tibi. (1 1, 20)

AD AMICVM DIVITEM

Inconstans fortuna breues mutatur in boras : Nascitur inde mibi spes, metus unde tibi. ()ib. un. 147)

IN QVEMDAMSENEM

Ex nigro mentum senio mutatur in album ; Candida quae fuerat mens tibi facta nigra est. (1 1, 88)

IN QVEMDAMHYPOCRITEM

Nescit, ais, mea laeua maous quid dextera donet. Credo, quod omnino dat tibi dextra nihil. (1 1 , 46)

LOCATIO BENEPICII

Quod bene fit puero, perit : obliuiscitur ille. Decrepito quod fit, non perit : ipse perit. (1 1 , 49)

ERRORVM PLENA SVNT OMNIA (CIC.)

Aegrotant medici, fraudantur iure periti ; Descendunt multi in Tartara theiologi. (II '• 96)

ÉPIGRAMMES AU LECTEUR

Je dépouille Narcisse, chaque fois que fécris des épigrammes. Mais que le lecteur, de son côté, en fasse autant.

LA VIE ET LA MORT

Notre vie s'écoule jusqu'à la mort comme un fleuve se jette dans la mer : autant il est doux de vivre, autant mourir est amer.

À UN JEUNE NOBLE

On te souhaite toujours de vieillir, et jamais de mourir souhaiter la maladie sans le remède.

c'est te

À UN AMI BIEN NANTI

La Fortune est capricieuse et change de face en un clin d'œil espoir s'alimente à la même source que ta crainte.

mon

CONTRE UN VIEILLARD

Ton poil noir, en vieillissant, a blanchi ; autant qu'a noirci ton âme candide.

CONTRE UN HYPOCRITE c Ma main droite, dis-tu, ignore ce que donne ma main gauche. Je le crois bien : puisqu'elle ne donne jamais rien.

>

UN BIENFAIT itS'l' lJN PLACEMENT

Un bienfait, adressé à un enfant, est perdu : il l'oublie. A un vieillard, il n'est pas perdu : c'est le vieux qui meurt. TOUT U! MONDE PEUT SE TROMPER

Plus d'un médecin tombe malade, plus d'un juriste se fait voler ; en enfer descend plus d'un théologien.

470

JOHN OWEN

AD MEDICOS ET IVRISCONSVLTOS

Vlceribus, Galene, uales tantummodo nostris : Stultitia nostra, Iustitiane, sapis. (1 1, 15)

NON OCCJDES ; NON FVRABERIS

Furtum non facies : iuristae scribitur haec lex. Haec : non occides, pertinet ad medicum. (1 ', 11)

AESCVLAPIVS TRIFRONS

Intrantis medici facies tres esse uidetur Aegrotanti : bominis, daemonis atque dei. Quam primum accessit medicus, dixitque salutem ; c En deus ! > aut c Custos Angelus > aeger ait. Cum morbum medicina fugauerit : c Ecce homo r > clamat. Cum poscit medicus praemia : c Vade Satan ! > (1 1, 95)

MEDICVS

Accipit oblatum medicus, dare non solet, aurum ; Pharmacos dat medicus, non solet accipere. Ordonner medicos, aegros or-donner oportet : Alterius sic res altera poscit opem. (1 1, 53)

AVLICVS

Si bonus es, melior, non maior tempore fies. Si magnus, maior tempore, non melior. (1 1, SS)

AVLA Quisquis in ambigua se non accomodat aula Omnibus ingeniis, non habet ingenium. (li

1,

7)

AD AMICVMAULICVM

Arrisit tibi Rex ? Ridebit et assecla magni Regis, ut ad motum corporis umbra mouet.

tPIORAMMES

471

MÉDECINS ET JURISTES

C'est grâce à nos maladies que tu es en bonne santé, Galien; et toi, Justinien, tu serais moins sage sans notre sottise.

TU NE TUERAS POINT;

TU NE VOLERAS POINT

Tu ne voleras point : ce commandement s'adresse aux gens de justice ; tu ne tueras point : voilà pour les médecins.

ESCULAPE AUX TROIS VISAGES

Il semble qu'un médecin ait trois visages aux yeux du malade : homme, démon, et dieu tour à tour. Quand il apparaît, avec l'ordonnance salvatrice : c Voici mon divin sauveur, mon ange gardien! > s'écrie-t-il. Une fois que le remède a chassé le mal, il dit : c Voilà notre homme 1 > Et quand l'autre réclame son salaire : c Arrière, Satan 1 >

LE MÉDECIN

Le médecin prend de l'argent, il n'en donne pas; inversement, il donne des remèdes, il n'en prend pas. Aux médecins d'ordonner, aux malades d'or-donner I C'est une société de secours mutuel.

LE COURTISAN

Es-tu bon ? Alors tu deviendras meilleur encore, mais pas plus grand. Es-tu grand? Alors tu seras encore plus grand, mais pas meilleur.

LA COUR

Qui ne sait, dans ce milieu versatile, avoir l'esprit de tous, celui-là n'a point d'esprit.

À UN COURTISAN DE SES AMIS

Le Prince a-t-il souri ? A toi, les sourires de la cour, qui le suit aussi fidèlement que l'ombre fait Je corps. Il a froncé le sourcil? Les voilà qui se rembrunissent, comme s'efface J'ombre au départ du soleil.

472

JOHN OWEN

Perfricuit frontem Rex ? Aulicus illico uultum Contrahit, ut, cum sol occidit, umbra fugit. IN AVLVM, NOBILEM IGNOBILEM

Degener, Aute, tuis maioribus omnia debes; Debebit, credo, nit tibi posteritas. (11, 11)

RELIGIOSVS

Quod benefit, male fit, nimium si fiat aperte. POLITICVS

Occulte dum fit, quod male fit, benefit. (Il•, S4)

DE STATV HOMINVM

Deprimitur nisi pes alter, non tollitur alter Sic casu alterius tollitur alter homo. (lib. un. 2S5)

AD LINVY

Est tibi librorum, Line, copia ; doctior esses Si tibi Jibrarum copia tanta foret. (l

1,

19) AD D.T.

Seruus discipuli cum sis, dominique magister, lnuideo titulis et miseresco tuis. (1 1, 144)

EPITAPHIVM A.THEi

Mortuus est, quasi uicturus post funera non sit ; Sic uixit, tamquam non moriturus erat. (1 1, 28)

IN DVOS ABBATIS SPVRIOS

In templo orantes reliquis cum fratribus uoa, Vos duo non fJCtedicitis c Abba Pater >. (l

1. 77)

ÉPIGRAMMES

473

CONTRE AULUS, NOBLE IGNOBI.E

Aulus, tu déshonores tes ancêtres auxquels tu dois tout ; à toi, en revanche, tes descendants ne devront rien.

L'HOMME DE DIEU

Un bienfait est mal fait, s'il est fait sans discrétion. LB POLITIQUE

Un méfait est bien fait, s'il est fait avec discrétion.

AINSI VA LE MONDB

Il faut poser le pied droit pour lever le gauche : Ainsi des hommes : l'abaissement de l'un fait l'élévation de l'autre.

À LINUS

Tu as beaucoup de livres dans ta bibliothèque, Linus : si tu en avais autant dans ton coffre, tu passerais pour plus savant.

AU DOCTE T.

Esclave de ton élève et précepteur de ton maître et je te plains.

j'envie tes titres

ÉPITAPHE D'UN ATHÉE

Il est mort sans espoir de revivre ; et il a vécu comme s'il ne devait pas mourir.

CONTRE DEUX BÂTARDS D'UN ABBÉ

Vous deux qui priez dans l'église avec vos frères, vous êtes bien fondés à dire c notre Père l'Abbé >.

474

JOHN OWEN

IN GYMNICVMPASTOREJI

Pascis oues uerbis, te, Gymnice, grex alit berbis : Scis decimare agrum, non medicare gregem. (Il

1,

93)

SACERDOS ET POPVLVS

Presbyteri labiis orant, laicique laborant. Plebs, dum pro populo presbyter orat, arat. (I •, 76)

IN IVLIVM PSEVDO-MONACBVM

Iulius in mundo non est : at mundus in illo est. (1 1 , 75)

DE PAPA ET LVTHERO

Papa pater multas indulgentissimus unus Ex purgatiuo liberat igne animas. Martinus Papis pater indulgentior unus Omnibus est : omnes eximit inde Luther. (111, 18) AN PETRVS PVER.IT R.OMAB

An Petrus fuerit Romae, sub iudice lis est. Simonem Romae ncmo fuisse negat. (I •, 8)

ZODIACVS CHRISTIANVS

Coetus apostolicus, caelestia sidera bis sex : Zodiacusque Fides, Sol mihi Christus erit. (111 , 91)

DE FVR.TO, PR.OBLEMA AD IVR.JSTAS

Qui domino inuito rem contractauerit est fur. Quid si hoc inuita non faciat domina ? (1 1, 160)

IN PONTIAM

In mare comutos iaciendos Pontius inquit. Pontia respondit : disce natare prius. (1 1, 63) IN POHTJAM

Til. : In Potcntiam 1613.

47S

ÉPIGRAMMES CONTRE LE PASTEUR GYMNICUS

Tu repais tes brebis de tes chants; elles te nourrissent de leurs champs; et quand tu devrais les soigner, tu ne fais que les saigner. LE PdTRE

ET LE PEUPLE

Le prêtre dit son miserere ; le paysan, lui, crie c misère >. A chacun son activité : oratoire pour l'un, pour l'autre, aratoire. CONTRE LE PAUX MOINE JULIUS

Julius a quitté le monde, mais le monde ne l'a pas quitté. LE PAPE ET LUTHER

Notre père le Pape, qui est l'indulgence même, libère bien des âmes du feu du purgatoire. Mais notre père Martin, plus indulgent que tous les papes, les en libère toutes.

PIERRE EST-IL VENUÀ ROME?

Pierre est-il venu à Rome, ou non, la question est pendante. Mais que Simon y soit venu, là-dessus tout le monde est d•accord. ZODIAQUE CHRÉTIEN

Les douze apôtres seront les douze constellations, la Foi, le Zodiaque, et le Christ sera mon soleil. PROBLÈME POUR LES JURISTES

Voleur, qui prend un bien sans le consentement du maître : oui, mais s•iJ a l'agrément de la maîtresse? CONTREPONTIA

A la mer les cocus! > dit un époux; alors l'épouse d'abord à nager J > c

c

Apprends

476

JOHN OWEN IN GALATEAII

Ceruus, uti perbibent, mutat ramosa quotannis Cornua : quottidie uir, Galatea, tous. (1 •, 96)

LIMAX, EMBLEMATICVM

Limaces male conuenientes sunt uir et uxor : Non habitant unam femina masque domum. (1 1, 26)

PRODIGIVM

Penelopea fides inter prouerbia quondam ; Nunc in prodigiis possit habere locum. (lib. un. 93)

IN GELLIAM

Dissimiles licet inter se tibi sint duo nati, Est similis patri natus uterque suo. (lib. un. 77)

VXOR Vl(N)cT A

Vincitur nisi lingua prius, non uincitur uxor. Vxorem solos qui super-il: superat. (li

1,

66)

IN ALANVM, JAM SENEM

Vxoris cubito cubitum coniungit Alanus, Et solet hune dulcem dicere concubitum. (1 1, 61) AD LIGVRINVM

Vxorem, Ligurine, tuam cotit Artius : alter Sementem fecit ; sed tua messis eril (JI, 10) IN COTTAM

Totus es uxoris, non solus, Cotta, Camillae ; Sola tua est, at non tota Camilla tua est. (1 1, 91)

tPIGRAMMES

477

CONTRE GALATÉE

On dit que le cerf change de bois tous les ans : ton mari, Galatée, c'est tous les jours !

L'ESCARGOT, SYMBOLE

Un couple désuni est à l'imagedes escargots : les époux font chambre à part.

PRODIGE

La fidélité de Pénélope comptait au nombre des proverbes, au temps jadis ; aujourd'hui, ce serait au nombre des prodiges.

CONTRE GELLIA

Il n'y a aucune ressemblance entre tes deux fils ; et pourtant, chacun d'eux est le portrait du père!

OUI (P)LIERA?

A moins de lier la langue de ta femme, tu ne saurais la faire plier. Il n'y a qu'un moyen d'avoir le dessus : être dessus.

CONTRE ALANUS, DÉJÀ VIEUX

Alanus prend le bras de son épouse : c qu'il est doux de la prendre ! > dit-il.

À LIGURINUS

Artius laboure ta femme, Ligurinus : l'un sème, et l'autre récolte.

CONTRE COTTA

Ta femme t'a tout entier, Cotta, mais elle n'a pas que toi. Toi, tu n'as qu'elle, mais pas tout entière.

478

JOHN OWEN AMO, VOCIS PASSIVAE; AMOR, ACTIVAE

Quisquis amat, seruit : dominatur, quisquis amatur. Quisquis amat, patitur; quisquis amatur, agit. (1 1 , 74)

IN QVAMDAM

Res tibi in immensum quam paruo tempore creuit 1 0 mega nunc, annos o micron ante duos. (l

1,

153)

IN PHILLIDA

Sicut equo iaculans Parthus fugit et ferit hostem, Phyllis amatorem sic fugiendo capit. (1 1, 98) DE SPECVLO AMATORI A SPONSA DONATO

In quo me uideam speculum mihi, Paula, dedisti In quo te possim cernere malo dares. 0ib. un. 234)

EPISTOLA AMATORIS

Nullus amor sine spe, dubius qua uiuit amator, Nulla placet sine re spes mihi, res sine te. (Il

1,

87)

AMOR

Libertas, carcer, pax, pugna, dolenda uoluptas, Spes metuens, mel, fel, seria, ludus : Amor. (11 1, 5)

IN MARCVM

Esse in natura uacuum cur, Marce, negasti? Cui tamen ingenii tam sit inane caput. (l

1,

23)

IN MAGNVMCLERICVM

Plurima degustat stomachus, nil concoquit aeger, Sic tu scis, fateor, multa, nihilque sapis. (li

1,

120)

IN QV AMDAM

1 tibi immensum 1613.

479

fPIGRAMMBS

AMO, VOIX PASSIVE; AMOR, VOIX ACTIVE

L'amant est l'esclave et l'aimé, le maître. Donc aimer est passif, être aimé, actif.

HISTOIRE D'O

Ton truc s'est agrandi démesurément en bien peu de temps : omicron il y a deux ans, mais aujourd'hui o mega 1

CONTRE PHYLLIS

Cest en fuyant que le cavalier Parthe décoche sa flèche mortelle ainsi procède Phyllis : elle caoture ses amants en les fuyant.

SUR. UN MIROill OFFERT

PAR UNB JEUNE FILLE

À SON FIANCÉ

Paule, tu m'as donné ce miroir pour y contemoler mon visage : j'aurais mieux aimé y voir le tien.

LETTRE D'AMOUR

Je ne veux pas aimer sans espoir, ni espérer sans jouir, ni jouir sans toi.

AMOUR

Liberté et prison, paix et guerre, volupté douloureuse, espérance craintive, miel et fiel, jeu et gravité, voilà l'Amour.

CONTRE MARCUS

Pourquoi soutiens-tu, Marcus, que le vide n'existe pas, quand ta tête prouve le contraire ?

CONTRE UN CLERC

Comme un estomac malade ingurgite beaucoup et ne digère rien, tu sais beaucoup de choses, mais de sagesse, point.

480

JOHN OWBN

QVOD I.ARVM, NON CARVM. PAI.ADOXON

Commune est uitium, tamen est nit carius illo. Res uilis Virtus, rara sit usque licet. (Ill

1,

70)

CORNICVLA. ANSER

Cornicula : Altera me in terris non est facundior ales.

Anser : Tu me plus loqueris; plus ego scribo tamen. (III

1,

198)

DE VIVA VOCE ET SCRIPTIS

Sit uerbum uox uiua licet, uox mortua scriptum, Scripta diu uiuunt, non ita uerba diu. (Ill

1,

208)

IN LINVM

Te mihi deuinxi, credebam cum tibi nummos ; Me tibi deuinctum uis ? mihi redde meum. (lib. un. 34)

IN LITIGJOSVMDEBITOREM

Quae tua nequitia est, quod debes, non mihi soluis ; Soluis causidico, quae tua stultitia est. (lib. un. 80)

IN EVMDEM

Sollicitum te cura tenet, non quomodo soluas Quomodo non soluas, maxima cura tua est. (lib. un. 81)

FVNBBRES CONCIONES

Laedimus insontes uiuos, laudamus eosdem Defunctos : o mors candida, uita nigra 1 (lib. un. 135)

IN LINVM

Vt bona uina bonum faciunt (ut fertur) acetum, Ingeniosior es quo, Line, peior eo es. (lib. un. 220)

ÉPIGRAMMES

481

LA RAllBTÉ NE PAIT PAS LE. PRIX

Rien de plus commun que le vice : pourtant, rien de plus coûteux. La vertu, elle, ne coûte rien, bien qu'elle soit fort rare.

DIALOGUE

La corneille : Il n'y a point sur terre d'oiseau plus éloquent que moi. L'oie : Tu parles plus, il est vrai; mais j'écris davantage.

LA PAROLE ET L'ÉCRIT

La parole est un discours vivant et l'écrit, langue morte ce sont les écrits qui survivent, et non les paroles.

pourtant

CONTRE LINUS

Tu es mon obligé, depuis que je t'ai prêté de l'argent Veux-tu que je devienne le tien. Rends-le-moi !

CONTllE UN DÉBITEUR RÉCALCITRANT

Tu es trop malhonnête pour me payer ce que tu me dois ; mais assez bête pour le payer à ton avocat.

CONTRE LE

dME

Comment payer n'est pas ce qui te préoccupe : ton grand souci c'est comment ne pas payer.

ORAISONS FUNÈBRES

Nous louons morts ceux que nous calomniions vivants : il faut passer de vie à trépas pour que le noir devienne blanc.

CONTRE LINUS

Comme les bons vins font les bons vinaigres, plus tu as de l'esprit, Linus, et plus tu es méchant. 16

482

JOHN OWEN

IN LABIENVMTACITVRNVM

Si sapis, es stultus, cum nil, Labiene, loquaris : Siue, quod est, stultus sis, Labiene, sapis. (Ill

1,

5)

IN ALANVMDECOCTOREM CHYMISTAM

Chymicus ex auro non-aurum fecit Alanus : Aurum ex non-auro non potuit facere. (1 1, 12)

QVID NOVI?

Nil ait esse nouum Salomon sub sole : Columbus In ueteri mundum repperit orbe nouum. (1 1, 21)

DE ORTV ET OCCASV

Sole oriente, tui reditus a morte memento Sis memor occasus, sole cadente, tui. (1 1 , 39)

IANVSBIPllONS

lngenü uirtus reminiscen.diquefacultas,

Ista quod a tergo est, illa quod ante, uidet. (II

1,

43)

DELTOTON

Humanae uitae scopulos ante omnia Deltas Tres fuge : Diuitias, Daemona, Delicias. (I •, 66)

AD GERMANICVM

Mitto tibi carmen, Germanice, muneris instar. Mitte mihi munus : carminis instar erit. (1 1, 142)

AD LECTOREM

Qui legis ista tuam reprehendo, si mea laudas

Omnia, stultitiam ; si nihil, inuidiam. (11, 2)

ÉPIGRAMMES

483

CONTRE UN TACITURNE

Si tu es sage, Labienus, c'est sottise de te taire ; mais si tu es sot (comme je le crois), alors c'est sagesse.

FAILLITE DE L'ALCHIMISTE ALANUS

L'alchimiste Alanus n'avait jamais réussi à changer le plomb en or : mais avec de l'or il vient de faire du plomb.

QUOI DE NEUF ?

« Rien de nouveau sous le soleil >, disait Salomon. Or Colomb, sur notre vieille terre, a découvert un nouveau monde.

AUBE ET CRÉPUSCULE

A chaque lever de soleil, pense à ta propre résurrection, et à chaque coucher, pense à ta propre mort.

JANUS À DEUX 1iTES ,

Faculté d'imaginer et pouvoir de se souvenir, l'une fait voir derrière soi. l'autre devant.

DELTA

Fuis avant tout les trois « D > de la vie humaine : les Deniers, les Démons et les D6lices.

À GERMANICUS

Je t'envoie, Germanicus, des vers, en guise de cadeau moi un cadeau, en guise de vers.

toi, envoie•

AU LECTEUR

Lecteur, si tu me loues sans réserve, je blâme ta sottise ; et ta mal• veillance, si rien ne trouve grâce à tes yeux.

GEORGE HERBERT (1S93-1633)

Né à Montgomery Castle le 3 avril 1593, quat~me fils de Sir Richard Herbert, GEOllOEffEJtBERT a ét6 élevé par sa mùe qui l'emmène à Oxford où elle tient la maison de son fils aîné. D fréquente à douze ans Westminster School, puis Trinity College, où il devient minor, f.UÎS major fellow, puis sublector. Sa bonne formation classique lui ouvre la camère universitaire, son talent poétique attire rattention de Lancelot Andrews, év&que de Winchester. Il compose des poèmes en l'honneur du prince Henri et de la reine Anne, des ven satiriques contre l'Anti-Tami-Cami-Categoria de Melville (attaque contre l'Université hostile aux puritains au début du regne de Jacques J-'); devenu en 1618 prélecteur à l'école de rhétorique, puis orateur public de Cambridge, il est en relations suivies avec les ministres, le chancelier Bacon, le roi lui-m!me ; mais la mort du roi et de ses principaux patrons compromettent son espoir d'avancement à la cour ; d'autre part sa vocation religieuse s'est réveillée : il résigne sa fonction à Cambridge ; menacé de tuberculose, il se retire chez son frère, tombe amoureux de Jane Danvers, qu'il épouse en 1628. Avec l'aide de Nicolas Ferrar, qui deviendra son fidèle ami, il a restauré à ses frais l'église de Lighton Bromswold ; Charles J•• le nomme recteur de Fugglestone with Bemerton, Wiltshire. Il y vit dans la dévotion, écrivant ses poèmes sacrés. Mais il est emporté par une recrudescence de la maladie et enterré sous l'autel de son église le 3 mars 1633.

C'est essentiellement par les poésies anglaises du Temple et du Church Militant que George Herbert a retenu l'attention des critiques qui, à la suite de T. S. Eliot, ont reconnu l'importance des poètes métaphysiques anglais; et il est rare qu'on s'appuie sur l'étude des poésies latines pour enrichir la défmition de ce c metaphysical wit > qui a paru constituer depuis la condition nécessaire de la qualité poétique. Or. même si nous négligeons, provisoirement, les pièces polémiques -:antre Melville (parmi lesquelles on devrait Ure cependant l'ode alcaique De musica sacra, défense de la musique d'église), et même les Parentalia, écrits à la mémoire de sa mère, force est de considérer l'intérêt exceptionnel de deux séries de courts poèmes religieux intitulés respectivement Passio discerpta et Lucus (le Déchirement de la Passion et le Bois sacré). Le premier consiste en une suite de courtes méditations sur des éléments dramatiquement isolés de la Passion du Christ ; le second est d'inspiration plus libre, comme suggère le titre, inspiré des Silves, mais la gravité du propos et la ferveur de l'âme religieuse lui donnent son unité de ton. Dans les deux recueils, la démarche est assez proche de l'emblème, par l'habitude du poète de s'attacher à un objet symbolique : l'encre, le fer, la couronne, le fouet, la croix, dans la Passio discerpta; à plus

486

GEORGE HERBERT

forte raison, dans le Lucus, le cadran solaire ou le corail (qu'on retrouve, avec une autre signification, chez le Hongrois Sambucus). Mais à la différence de l'emblème (du moins dans les meilleurs de ces poèmes), au lieu d'une vérité générale, ce qui est traduit ici, c'est la propre expérience du pécheur, qui ne perçoit la vérité que pour la retourner contre lui-même, non sans délectation, avec un plaisir masochiste, par un désir de flagellation, de mortification qui, ajouté au plaisir verbal et à la beauté de l'image, est source de volupté. D'autre part, Herbert n'est pas un esprit rigoureux, ni logique. Si on le compare à Crashaw, on est frappé par la fragilité, la ténuité du rapport entre l'objet et la pensée, par la façon, naïve, si l'on veut, mais surtout intuitive et pour ainsi dire émotive de traiter l'image. Cest l'aspect le plus visuel, le plus superficiel qui déclenche le processus analogique : l'encre, liquide noir, lui semble adaptée au péché : tant pis si elle sert aussi à écrire les louanges du Seigneur; de même dans l'évocation du fer qui transperce le flanc du Christ, on a l'impression que la fascination de la souffrance l'emporte décidément sur la logique. Rien, donc, de moins démonstratif : mais c'est cela même qui donne sa vibration au poème, né à la pointe extrême où se rejoignent intelligence et sensibilité; cela même qui, jusque dans l'excès, préserve l'effusion naïve de l'âme (cf. le titre : Private ejaculations),sans exclure, il s'en faut, la rhétorique, si tant est qu'on peut parler, comme on l'a fait à propos des poèmes anglais, d'une c rhétorique de la sincérité >. TEXTES : The works of G. Herbert, ed. by F. E. HUTCHINSON, Oxford Clar. Pr., 1941 ; The latin poetry of G. Herbert, bilingual ed. by M. Mc Kl.osKEY et P. R. MullPHY, Athens, Ohio Univ. Pr., 1965 •••; L. BllADNEll, New poems of G. Herbert : The Cambridge latin gratulatory A.nthology of 1613. ETUDES : A. J. FESllJGIÈllE, George Herb,m, po;te, saint, anglican, Paris, 1971 ; - Sur les poésies latines : E. BLUNDEN, G. Herberfs latin PMms, in c Essays and Studies >,Oxford Clar. Pr., 1934, p. 29-39; R. J. WlCDNIIE.ISBll, Poetae Responsoriae, A study of G. Herbert's latin poems and their relationship to his English poems, Diss. Abstr. 32, juil. 1971, 406-7 A (Min.). - Voir aussi T. S. ELIOT, George Herbert, Londres, 1962; J.F. BENNET,Five metaphysical poets (Donne, Herbert, Vaugbam, Crashaw, Marwell), New York, Cambridge, 1964.

PASSIO DISCERPTA 1. AD DOMJNVMMORIENTEM

Cum lacrymas oculosque duos tot uulnera uincant, Impar et in fletum uel resolutus ero, Sepia concurrat, peccatis aptior humor, Et mea iam lacrymet culpa colore suo. IV. IN LATVS PERPOSSVM

Christe, ubi tam duro patet in te semita ferro, Spero meo cordi posse patere uiam. VI. IN CORONAM SPINEAM

Christe, dolor tibi supplicio, mihi blanda uoluptas, Tu spina miscre pungeris, ipse rosa. Spicula mutemus : capies Tu serta rosarum, Qui Caput es, spinas et tua membra tuas. IX. IN PLAGELLVM

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Christe, flagellati spes et uictoria mundi, Crimina cum turgent et mea poena prope est, Suauiter admoueas notum tibi came flagellum : Sufficiat uirgae saepius umbra tuae. Mitis agas : tenerae duplicant sibi uerbera mentes, I psaque sunt ferulae mollia corda suae. XV. INCLINATO CAPJTE

(Joh. 19)

Vulpibus antra feris, nidique uolucribus adsunt, Quodque suum nouit stroma, cubile suum. Qui tamen excipiat, Christus caret hospite : tantum In Cruce suspendens, unde reclinet, babet. XVI. AD SOLEM DEFICIENTEM

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Quid hoc ? Et ipse deficis, Caeli gigas, Almi choragus luminis ? Tu promis Orbem mane, condis uesperi, Mondi fidelis clauiger; At nunc fatiscis. Nempe Dominus aedium Prodegit integrum penu, Quamque ipse lucis tesseram sibi negat, Negat familiae suae.

LE DÉCHIREMENT DE LA PASSION 1. AU CHlllST MOURANT

Puisque tant de blessures lassent les yeux et les larmes, que même si je me fondais en pleurs mon deuil ne serait pas assez grand, aide-moi, encre, liquide mieux adapté à mes péchés ; pleurez, mes fautes, désormais teintes de la couleur qui est vôtre. IV. LE FLANC TRANSPERCÉ

Christ, si le fer impitoyable peut s'ouvrir un chemin en toi, j'espère qu'à mon cœur aussi s'ouvrira la voie. VI. LA COURONNE D'ÉPINES

Christ, c'est la douleur qui te supplicie, moi, c'est le plaisir et les délices. Tu es déchiré par les épines et moi par les roses. Faisons l'échange : prends les couronnes de roses, Toi qui es la tête; et à nous, tes membres, laisse les épines. IX. LA FLAGELLATION

5

Christ, espoir de victoire pour le monde flagellé, alors que mes crimes s'accumulent et que l'heure de mon châtiment est proche, applique-moi avec douceur les verges que tu as éprouvées dans ta chair : en bien des cas il devrait suffire de montrer l'ombre de ton fouet. Sois clément : un cœur non endurci se flagelle deux fois plutôt qu'une, un cœur sensible est à lui-même son propre bourreau. XV. SA ttTE

INCLINÉE

(Jean 19)

Les renards sauvages ont leurs gîtes, les oiseaux leurs nids, toute créature sait où s'étendre, où se coucher. Seul le Christ n'a personne pour l'accueillir : suspendu à la Croix, il peut seulement laisser aller sa tête sur sa poitrine. XVI. L'ÉCLIPSE

5

DU S01.EIL

Qu'est ceci? Toi aussi tu défailles, géant du Ciel, chorège de la souveraine lumière ? Toi qui, chaque matin, dévoiles l'Univers, pour l'ensevelir chaque soir, gardien fidèle du monde, à présent tu manques de forces. Certes, le Maître de la maison a épuisé toutes ses provisions, et la part de lumière qu'il se refuse à lui-même, il

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GEORGE HERBERT

Carere discat uema, quo summus caret Paterfamilias lumine. Tu uero mentem neutiquam despondeas, Resurget occumbens Herus : Tune instruetur lautius radiis penu, Tibi supererunt et mihi. XVIII.

TERRAE MOTVS

Te fixo uel Terra mouet : nam cum Cruce totam Circumferre potes, Sampson ut ante fores. Heu stolidi, primum fugientem fixite Terram, Tune Dominus clauis aggrediendus erit.

LVCVS 1. HOMO, STATVA

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Sum, quis nescit, Imago Dei, sed saxea certe Hanc mihi duritiem contulit improbitas. Durescunt propriis euulsa corallia fundis : Haud secus ingenitis dotibus orbus Adam. Tu, qui cuncta creans, docuisti marmora flere, Haud mihi cor saxo durius esse sinas. JI. PATRIA

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Vt tenuis flammae species caelum usque minatur, Igniculos legans, manscrit ipsa licet : Sic mucronatam reddunt suspiria mentem, Votaque scintillae sunt animosa meae Assiduo stimulo camem Mens ulta lacessit ; Sedula si fuerit, perterebrare potest.

XXXI. IN SOLARIVM

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Coniugium Caeli Terraeque haec machina praestat Debetur Caelo lumen, et umbra solo. Sic Hominis moles animaque et corpore constat, Cuius ab oppositis fluxit origo locis. Contemplare, miser, quantum terroris haberet Vel sine luce solum, uel sine mente caro.

LE DÉCHIREMENT DE LA PASSION

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la refuse aussi aux domestiques. Que les serviteurs apprennent à se passer d'un luxe , dont se passe le chef de famille. Cependant, ne perds pas courage : le Fils mourant se relèvera, et alors le cellier sera plus richement garni que jamais, et toi et moi serons abreuvés de rayons.

XVIII. TREMBLEMENTDE TERRE

Toi cloué sur la croix, même la terre se met à trembler. Car avec la Croix, tu peux la secouer tout entière, comme jadis Samson les portes du temple. Insensés! Tâchez donc d'abord de retenir la terre qui se dérobe : ensuite, vous pourrez menacer le Seigneur avec vos clous ! LE BOIS SACRÉ I. HOMME, STATUE

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Je suis, chacun le sait, fait à l'image de Dieu, mais l'image est de pierre : le péché est cause de cette dureté. Comme les coraux se pétrifient quand on les arrache à leurs fonds originels, ainsi Adam a-t-il perdu son innocence première. Mais puisque, en créant le monde, tu as appris au marbre à pleurer, ne permets pas, Seigneur, que mon cœur soit plus dur que la pierre. II.

5

LA PATRIE

Comme la petite langue de la flamme est pointée sans cesse vers le ciel, et laisse partir de fines étincelles, sans pouvoir elle-même s'arracher à sa base, ainsi mes soupirs s'élancent-ils à la pointe extrême de mon âme, tandis que mes vœux ardents sont mes étincelles : d'un aiguillon incessant l'esprit fouaille la chair ; s'il y met assez d'ardeur, il peut percer le mur de sa prison. XXXI. LE CADRAN SOLAIRE

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Cette machine figure le mariage du Ciel et de la Terre. Du ciel vient la lumière, comme l'ombre du sol. De même le composé humain, fait de l'âme et du corps, tire son origine de deux patries contraires. Songe, malheureux, dans quelle terreur nous jetterait la terre sans la lumière, ou la chair sans l'esprit.

· RICHARD CRASHAW (1612-1649)

Né en 1612 à Londres, d'un père pasteur, pr6dicateur et pol6miste puritain, fait ses études à l'école des chartreux, dJrigée par Robert Brook, RICHAllDCR.A.sHAw puis, à vingt ans, est admis comme f ellow à Cambridge, d'abord à Pembroke Hall, eD1111ite à St. Peter College (1535). Il reçoit l'ordination en 1539 et est attaché comme ministre du culte à la petite chapelle de Sainte-Marie, où l'on admire la beauté de ses sermons. Quand éclate le conflit entre le roi et le Parlement, Crashaw, qui s'est rangé dans le camp royaliste, voit bientôt sa position menacée : en 1M3 il doit quitter Cambridge, dont il sera exclu officiellement l'année suivante, en m&me temps que plusieurs de ses collègues. Après un passage en Hollande et peut-atre un bref retour en Angleterre, à Oxford, on le retrouve à Paris, pratiquant la foi catholique, et jouissant de l'amitié de Cowley et de la protection de la comtesse de Denbi&h et de la reine Henrietta Maria. De là il part pour Rome, auprès du pape, auquel le recommande une lettre de la reine. Ceci ne l'emp&che pas d'attendre longtemps un subside et il vit dans une grande gêne avant d'entrer dans la suite du cardinal Palotto, qui lui procure une modeste dignité à la cathédrale de Santa Casa de Loreto. I.e poète meurt le 2 t aollt de la marne année (1649). Les Epigrammata sacra ont paru à Cambridge en 1634 ; Steps to the Temple, recueil de i:,œmes sacr& en langue ang]aise, et The Delights of the Muses, pœmea anglais et latins, à Londres en 1646; un nouvelle édition, augmentée, de ces deux recueils, sera publiée à Londres en 1648; les Sacred Poems paraissent à Paris, en 1652, d6di& à la comtesse de Denbigh. I.e ms. Sancroft de la Bodleienno (Tanner 465) conserve de nombreux poèmes en manuscrit.

Par l'envergure et l'unité de son œuvre, l'élévation de sa pensée, l'éclat de son style poétique, mais aussi par l'éminente contribution qu'il apporte à l'Baboration du nouvel esprit baroque, Richard Crashaw nous a paru le plus digne de clore notre rapide revue des pœtes anglais de langue latine et en même temps notre Anthologie. Des poésies latines, seules considérées ici, mais qu'on gagnerait à lire parallèlement aux poésies anglaises, nous avons retenu d'abord deux compositions profanes. Le Pygmalion, oà un jeu d'esprit se poursuit à travers une forme strophique irrégulière, apparentée à l'antique dithyrambe ou au madrigal italien, n'est peut-être qu'une prouesse métrique; mais dans la Bulle, longue suite de glyconiques, tous les prestiges du style, une gamme inépuisable de variations, une étourdissante génération d'images, sont employés à dire l'incertitude des couleurs, l'évanescence des formes, les métamorphoses de l'éphémère, les figures de l'inconstance et du mensonge : splendeur de l'apparence et néant de la réalité. Ces images (et symboles) d'un monde illusoire ont fasciné un Sponde, un Fiefmelin, un de Porchères 1 : il n'est pas certain qu'aucun d'eux ait fait preuve d'une aussi délicate virtuosité.

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RICHARD CRASHAW

Mais l'ensemble le plus cohérent et sans doute le plus significatif est constitu6 par les Epigrammes sacréq. Un aspect de l'épigramme chré,. tienne, à peine effleuré par Ambroise et Prudence, repris, non sans maladresse, par Jes poètes latins du Moyen-Age (Rusticus Helpidius, Alcuin), trouve enfm, en cette première moitié du xvne siècle, son parfait achèvement. Sous l'impulsion des écrivains jésuites, ambitieux de produire un corpus de vers latins chrétiens capables de combattre l'influence de la poésie latine païenne, se multiplient les recueils chrétiens d'Emblèmes,, ou d'Epigrammes célébrant les fastes du nouveau calendrier ou les événements de l'Ancien et du Nouveau Testament. Si la mode est venue du continent, le premier recueil anglais de ce type, et le chef-d'œuvre du genre, est celui de Crashaw. Chaque épigramme ou quatrain est le commentaire poétique d'un passage du texte évangélique cité en référence. La dévotion profonde de l'auteur lui rend naturel de méditer avec émotion sur les incidents de la vie du Christ et de la Passion. D'autre part, son sens de la technique poétique le conduit à faire valoir sa pensée avec tous les artifices de la rhétorique : apostrophes, questions, exclamations, procédés propres à dramatiser le texte biblique, voisinent donc avec un emploi hardi des figures : images, antithèses, jeux de mots, paradoxes. Effort, comme on l'a dit, pour traduire la Bible en Ovide? Bien plus qu'Ovide, le modèle nous parait être, cette fois, avec un certain nombre d'épigrammes épidictiques grecques, Martial, le c prince de l'agudezza > aux yeux d'un Tesauro, d'un Balthazar Gracian, ces théoriciens de l'esthétique baroque, que son autorité et son exemple conduisent à privilégier l'épigramme comme le lieu idéal de la surprise ou comme on dit alors, comme c il pien teatro della meraviglia >. Point de gratuité, d'ailleurs, dans ces fêtes de l'intellect. En dépit de l'esprit et de l'ingéniosité parfois excessive, le ton est passionné, l'art sert à provoquer chez le lecteur une réponse religieuse à une situation dramatique de l'Evangile. Et surtout, contrastes et paradoxes, chez ce poète dévot, transposent sur le plan rhétorique la conviction fondamentale que la vie, du Christ et du chrétien selon sa foi, est un constant paradoxe : le premier paradoxe de tous étant qu'un dieu toutpuissant ait envoyé son fils pour souffrir sur la terre à seule fin de racheter les hommes. C'est peut-être en dernière analyse cet accord profond entre le sujet et le style qui fait des Epigrammes sacrées une réussite incontestable, où se réconcilient la doctrine et le sentiment, l'esprit et la

poésie.

TEXTES : Epigrommatlan IIIICl'Onlm U&,r, Cambridge, 163-4•••; Steps to tlu! Temple, 60Cred pomu, witli the Deligltts of the Muu, 2- '4., Londtes, 1648 •••; Rich. Crashawi Poemata et Epigrammata Latina et Gra.ca, ed. 1ee. Cambridge, 1674; Cramaw's Poetical work.r, ed. L C. MilTIM, ~ ~-, Oxfonl, 1957 •• ; The complm poetr, of Richard Crailuzw, ed. O. W. Wn.uANs, New York. 1970.

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ETUDES : AUSTIN WAIUlEN, Cra.rhaw's Epigrammata aacra, in c Journ. of Engl. and Oenn. Philol. », XXXII (1934), p. 233-239 ; ID., R. Crashaw, Ann Harbour, 1939; ro., R. Crashaw, A study in baroque sensibility, 1957, 259 p.; O. W. WILLIAMS, Image and symbol ln the sacred poetry of R. Crashaw, Columb. Univ. of South Carol. Pr., 1963 ; M. PJUZ, R. Crashaw, Rome, 1964 (cf. le brillant article du marne dans The Flaming Heart); M.F. MER· TONASCO, Crashaw and tire baroque, Univ. of Alabama Pr., 1971. Voir aussi Am EscH, Englische Religiôse Lyrik des 17 /ahrh., Tübingen, 1955; P. LAURENS, Un grand poète latin baroque : La c Bulle • de R. Crashaw, in c Vita Latina •• n• 57, mars 1975, p. 22-33.

1. Voir J. Rousset, Anthologit' de la polsit' baroque française, Paris, 1961.

EPIGRAMMATA SACRA PHAlllSAEVS ET PVBLICANVS (Luc. 18)

En duo templum adeunt (diuersis mentibus ambo) rue procul trepido lumine signat humum : lt grauis hic, et in alta ferox penetralia tendit. Plus babet hic templi, plus babet ille Dei. CHRISTVS AD THOMAM(Joann. 20)

Saeua fides r uoluisse meos tractare dolores ? Crudeles digiti r Sic didicisse Deum ? Vulnera, ne dubites, uis tangere nostra : sed eheu, Vulnera, dum dubitas, tu grauiora facis. AETHIOPS LOTVS

(Act. 8)

Ille niger sacris exit (quam lautus !) ab undis Nec frustra Aethiopem nempe lauare fuit. Mentem quam niueam piceae cotis ombra fouebit ! 1am uolet et nigros Sancta Columba lares. PVBLICANVS PROCVL STANS PERCVTIEBAT PECTVS SVVM

(Luc. 18. 13)

Ecce bic peccator timidus petit aduena templum ; Quodque audet solum, pectora moesta ferit. Fide miser, pulsaque fores bas fortiter : illo Inuenies templo tu propiore Deum. OBOLVM VIDVAE (Marc.

12. 44)

Gutta breuis nummi (uitae patrona senilis) E digitis stillat non dubitantis anus : lstis multa uagi spumant de gurgite census. lsti abiecerunt scilicet, illa dedit. NON SOLVM VINCIRI SED ET MORI P ARATVS SVM

(Act. 21. 13) c

Non modo uincla, sed et mortem tibi, Christe, subibo >, Paulus ait. Docti callidus arte doli Diceret hoc aliter : c Tibi non modo uelle ligari, Christe, sed et solui nempe paratus ero. > NON SOLVM VINCIRI

etc

2 Sic inttrpunxi, Std pos/ « doli » 1634, M.artin.

ÉPIGRAMMES

SACRÉES

LE PHAIUSIBN ET LE PUBLICAIN (Luc

18)

Tous deux, ils vont au temple, mais d'un cœur bien différent. L'on se tient à l'écart, abaissant sur le sol un regard tremblant; l'autre, compassé, s'avance, et silr de lui va prendre place au pied de l'autel : il est plus près de l'autel, mais le premier est plus près de Dieu. LB CHRIST À THOMAS (Jean

10)

Foi impitoyable, il t'a fallu toucher mes plaies ? Doigts cruels, c'est ainsi que vous connaissez votre Dieu? Pour lever ton doute, tu veux sentir mes blessures : mais, malheureux, par ce même doute, tu les ravives. LE JŒGRE BLANCHI

(Actes 8)

Ce nègre sort de l'eau lustrale tout purifié : blanchir un nègre est donc possible I Aussi blanche que neige est cette Ame qu'abrite une peau aussi noire que la poix. Désormais, la Sainte Colombe ne d6daignera pas un noir logis. LE PUBLICAIN, SB TENANT À L'ÉCAllT, FRAPPAIT SA POITRINE

(Luc 18. 13) Le pécheur que voici se rend au temple en tremblant et comme un étranger; et tout ce qu'il ose faire, c'est frapper sa poitrine en signe de contrition. Aie confiance, malheureux ! et frappe hardiment à cette porte : elle t'ouvre un temple plus proche, où tu trouveras Dieu. L'OBOLE DB LA VEUVE (Marc

12. 44)

Une petite goutte d'argent (soutien de sa vieillesse) perle au doigt de l'aïeule, qui la donne sans hésiter. Chez d'autres, quantité d'écume déborde des cuves d'une fortune qu'ils ne peuvent compter. Eux, n'ont fait que rejeter, elle, a donné. JE SUIS PRIT À SUBIR NON SEULEMENT LES LIENS, MAIS LA MORT

(Actes 21. 13) Pour mon Christ, je subirai non seulement les chaînes, mais la mort >, disait Paul. Plus versé dans les finesses du langage, il eOt dit : c Pour toi, mon Christ, j'affronterai non seulement ta captivité, mais la délivrance. > c

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RICHARD CRASHAW

VIDVAE FILIVS

E FERETRO

MATRI REDDITVR

(Luc. 7)

En redeunt, lacrymasque b~ues noua gaudia pensant : Bisque illa est, uno in pignore, facta parens. Felix, quae magis es nati per funera mater ! Amisisse, iterum cui peperisse fuit. AD

s.

ANDREAM PJSCATOREM

(Marc. 1. 16)

Quippe potes pulchre captare et fallere pisces ! Centum illic discis lubricus ire dolis. Heus bone piscator ! Tendit sua retia Christus : Artem inuerte, et iam tu quoque disce capi.

(Matth. 2) Fundite ridentes animas ; effundite caelo : Discet ibi uestra (o quam bene!) lingua loqui. Nec uos lac uestrum et maternos quaerite fontes : Quae uos exspectat lactea tota uia est. AD INFANTES MARTYRES

AD VERBVM DEI SANATVR CAECVS

(Marc. 10. 52)

Christe, loquutus eras (o sacra licentia uerbi !) Iamque nouus caeci fluxit in ora dies. 1am, credo, nemo est, sicut Tu, Cbriste, loquutus : Auribus ? Immo oculis, Christe, loquutus eras.

(Matth. 11) Esse leuis quicumque uoles, onus accipe Christi : Ala tuis humeris, non onus illud erit. Christi onus an quaeris quam sit graue ? Scilicet, audi, Tam graue, ut ad summos te premat usque polos. ONVS MEVM LEVE EST

IN BEATAE VIRGJNIS VERECVNDIAM

In gremio, quaeris, cur sic sua lumina Virgo Ponat ? Ubi melius poneret illa, precor ? 0 ubi, quam caelo, melius sua lumina ponat ? Despicit, at caelum sic tamen illa uidet. IN CICATRICES QVAS CHRISTVS HABET IN SE ADHVC SVPERSTITES

(Joann. 20)

Quicquid spina procax, uel stylo clauus acuto, Quicquid purpurea scripserat hasta nota, AD VERBVM

001 etc Tit. ÛNV!I MEVM LEVE EST 3

Marc. Martin : Matth. 1634. sit Martin

(t!:X

1670) : est 1634.

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ÉPIGRAMMES SACRÉES LE PILS DE LA VEWE EST RAPPELÉ DU TOMBEAU ET RENDU A SA IŒllE (Luc 7)

La joie revient, tellement inouïe qu'elle compense les larmes éphémères. Par deux fois cette femme s'est trouvée mère, mais d'un seul et même enfant. Bienheureuse, dont la maternité s'est accrue par la mort de son fils ! Pour qui le perdre a été l'enfanter de nouveau! A SAINT ANDRÉ PêCHEUR (Marc 1. 16)

Comme tu sais bien attirer le poisson dans tes pièges ! Habile à ce métier tu en apprends tous les tours. Ecoute, pêcheur : Jésus aussi tend ses filets : inverse donc les rôles, et apprends à te laisser capturer à ton tour. AUX SAINTS INNOCENTS

(Matthieu 2)

Mourez joyeux et rendez votre âme au ciel : là-haut votre bouche apprendra à parler, et quel langage! Et ne regrettez pas le lait du sein maternel : car vous trouverez là-haut une voie toute de lait.

A LA

PAROLE DlJ SEIGEUR L'AVEUGLE EST GUÉll

(Marc 10. 52)

Christ, tu as parlé (ô pouvoir miraculeux du Verbe!) et à nouveau la lumière est descendue sur les yeux de l'aveugle. Maintenant je le crois : personne, Christ, n'a jamais parlé comme toi : car tu n'as pas parlé aux oreilles, mais aux yeux. MON FARDEAU EST LOOBR

(Matthieu 11)

Toi qui veux être allégé, prends le Christ sur tes épaules : Il te donnera des ailes, bien loin de t'accabler. Tu t'enquiers du poids de ce fardeau ? Ecoute : il est assez lourd pour t'élever jusqu'aux cieux. SUR LA PUDEUR DB LA VIERGE

Tu demandes pourquoi la Vierge abaisse ainsi les yeux sur son sein ? 00 les poserait-elle mieux que là, je te prie ? 00, mieux qu'au Ciel, poserait-elle son regard ? Elle baisse les yeux, c'est vrai, et pourtant elle voit le Ciel. SUR LBS CJCATRICES ENCORE FRAICHES DU CHRIST (/

ean 20)

Toutes les cicatrices laissées par l'épine cruelle ou par la pointe acérée des clous, toutes celles qu'a imprimées ta lance, en marques

500

RICHARD CRASHAW

Viuit adbuc tecum : sed iam tua uulnera non sunt : Non, sed uulneribus sunt medicina ·mèis. QVID TVRBATI ESTIS ? VIDBTE MANVS MEAS BT PBDES

QVIA BOO IPSB SVM

(Luc. 24. 39)

En me, et signa mei, quondam mea uulnera ! Certe, Vos nisi credetis, uulnera sunt et adhuc. 0 nunc ergo fidem sanent mea uulnera uestram : 0 mea nunc sanet uulnera uestra fides. CHRISTVS

VITIS

AD VINITOREM

PATREM (Joann.

15)

En serpit tua, purpureo tua palmite uitis, Serpit et (ah !) spretis it per bumum foliis. Tu uiti succurre tuae, mi Vinitor ingens : Da fulcrum, fulcrum da mihi. Ouate ? - Crucem. IN AQVAM BAPTISMI DOMINICI

(/oann. 3)

Felix o, sacros cui sic licet ire per artus ! Felix ! dum lauat hune, ipsa lauatur aqua. Gutta quidem sacros quaecumque perambulat artus, Dum manet bic, gemma est ; dum cadit bine, lacryma. SI FILIVS DEI BS, DBIICB TB

(Matth. 4)

Ni se deiiciat Christus de uertice Templi, Non credes quod sit Filius ille Dei. At mox te humano de pectore deücit : beus tu, Non credes quod sit Filius ille Dei? FILIVS

B FERETRO

MATRI REDDITVR

(Luc. 1. 15)

Ergone tam subita potuit uice flebilis horror In natalitia candidus ire toga ? Quos uidi, matris gemitus hos esse dolentis Credideram : gemitus parturientis erant. PISCATORES VOCATI

(Matth. 4. 19)

Ludite iam pisces secura per aequora : pisces Nos quoque (sed uaria sub ratione) sumos. Non potuisse capi, uobis spes una salutis ; Vna salus nobis est, potuisse capi. Ptscuolll!S

VOCATI

Til. 4. Martin (~x nu.) : 6. 1634.

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ÉPIGRAMMESSACRÉES

rouges, elles vivent ~ncore : mais elles ne sont plus tes blessures, non, mais le remède de mes propres blessures. POURQUOI VOUS TROUBLEZ-VOUS? VOYEZ MES MAINS BT MES PIEDS, CAR. JE SUIS BIEN CELUI QUE VOUS CHERCHEZ (Luc 24. 39)

Me voici, et voici aussi mes blessures, auxquelles vous me reconnaissez. Certes, si vous n'avez pas la foi, ce sont encore de vraies blessures. Aussi puissent mes blessures guérir votre manque de foi, et puisse votre foi guérir mes blessures. LE CHltIST VIGNE AU PÈRE VIGNERON (Jean 15)

Vois comme elle rampe, ta Vigne aux bourgeons vermeils ; elle rampe, hélas, et se traîne à terre, ses feuilles à l'abandon. Viens au secours de ta Vigne, ô mon tout-puissant Vigneron : donne-moi un tuteur, c'est un tuteur que je réclame. Lequel? -La Croix. L'EAU DU BAPtlME DE JÉSUS (Jean 3)

Eau bienheureuse, qui peut couler sur le corps du Seigneur. Oui, bienheureuse, puisqu'en le lavant elle est lavée. Et chaque goutte répandue sur le corps du Seigneur, tant qu'elle reste, est une perle, quand elle tombe, une larme. SI

ru

ES LE PILS DE DIEU, JETTE-TOI DANS LE vmE

(Matthieu 4)

Si Jésus ne se précipite pas du haut du Temple, tu ne croiras pas, dis-tu, qu'il est le fils de Dieu. Mais sous peu, c'est toi qu'il précipitera [du haut] du cœur de l'homme : malheureux, refuseras-tu alors de croire qu'il est le Fils de Dieu? LE PILS EST RAPPELÉ DU TOMBEAU ET RENDU À SA MÈRE

(Luc 1. 15) Ainsi, par un retournement si soudain, l'horreur du deuil s'est changée en l'habit de fête des naissances. J'ai vu gémir cette mère, mais ce que je prenais pour les gémissements d'une affligée étaient en fait ceux d'une accouchée. LES PlCHEURS ÉLUS

(Matthieu 4. 19)

Désormais, poissons, ébattez-vous sans crainte dans les flots : nous aussi nous sommes poissons, quoique d'une autre manière : car votre seul espoir de salut est de ne pas atre pris, notre seul espoir à nous, c'est de l'être.

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RICHARD CRASHAW

DATE CAESARI

(Marc. 12)

Cuncta Deo debentur : habet tamen et sua Caesar : Nec minus inde Deo est, si sua Caesar habet. Non minus inde Deo est, solio si coetera dantur Caesareo, Caesar cum datur ipse Deo. AD IVDAEOS MACTATORES S. STEPHANI

(Act. 7)

Quid datis (ah miseri !) saxis nolentibus iras ? Quid nimis in tragicum praecipitatis opus ? In mortem Stephani se dant inuita : sed illi Occiso faciunt sponte sua tumulum. IN LACTBNTES MARTYRES

(Matth. 2)

Vulnera natorum qui uidit, et ubera matrum, Per pueros fluuiis (ah !) simul ire suis ; Sic pueros quisquis uidit, dubitauit, an illos Lilia caelorum diceret, anne rosas. AQVAB IN VINVM VBRSAB

(Joann. 2)

Vnde rubor uestris et non sua purpura lymphis? Quae rosa mirantes tam noua mutat aquas ? Numen (conuiuae) praesens agnoscite Numen : Nympha pudica Deum uidit, et erubuit. COEPIT

LACRYMIS RIGARE PEDBS EIVS BT CAPILLIS

(Luc. 1. 37)

Vnda sacras sordes lambit placidissima : flauae Lambit et banc undam lucida flamma comae. llla per bas sordes it purior unda ; simulque Ille per bas lucet purior ignis aquas. BGO VICI MVNDVM

(loann. 16. 33)

Tu contra mundum dux es meus, optime Jesu ? At tu (me miserum !) dux meus ipse iaces. Si tu, dux meus, ipse iaces, spes ulla salutis ? lmmo, ni iaceas tu, mihi nulla salus. AD IVDAEOS etc Tlt. Act. 7 Martin : Act. 8 1634.

EXTERGEBA1'

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ÉPIGRAMMESSACRÉES

RENDEZ À CÉSAR (Marc

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Nous devons tout à Dieu : César a toutefois sa part ; et la part de Dieu n'est pas diminuée si César a la sienne. Non, la part de Dieu n'est pas diminuée, si le reste va au trône de César, quand César lui-même va à Dieu. AUX J.UIFS MEURTRIERS DE SAINT STÉPHANE

(Actes 7)

De quelles colères, malheureux, chargez-vous les pierres, malgré elles ? Pourquoi les destinez-vous à cette œuvre de mort ? A con-

tre-oœur elles se prêtent au meurtre de Stéphane : mais, lui mort, c'est de leur plein gré qu'elles lui font un tombeau. SUR LE MASSACRE DES INNOCENTS (Matthieu 2)

Qui a vu couler les blessures des nouveau-nés et les seins des mères mêler à ce sang enfantin, hélas ! leurs ruisseaux de lait, qui a vu ce spectacle s'est demandé s'il fallait les appeler les lys ou les roses du ciel L'EAU CHANGÉE EN VIN (Jean 2)

D'où vient cette rougeur, cette pourpre étrangère à l'élément liquide ? Quelle roseur surnaturelle colore cette eau qui s'émerveille ? Dieu est là, convives, reconnaissez la présence de Dieu : la nymphe a vu son Dieu, et de pudeur elle a rougi. ELLE SE MIT À INONDER SES PIEDS DE LARMES ET ELLE LES ESSUYAIT AVEC SA CHEVELURE (Luc 1.

37)

L'eau de ses larmes effleure doucement les souillures du Christ, et à son tour l'eau est effleurée par la flamme brillante de sa chevelure d'or. Or voilà que cette eau sort purifiée de ces souillures, et que ce feu brille d'un éclat plus vif au contact de cette eau. J'AI VAINCU LE MONDE (Jean

16. 33)

Toi que j'ai pris pour guide contre le monde, divin Jésus, voilà, hélas, que toi, mon guide, tu gis à terre. Si toi, mon guide, tu gis à terre, quel espoir de salut? Au contraire, si tu n'étais pas à terre, alors, je n'aurais nul espoir.

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RICHARD CRASHAW CAECVS NATVS

(loann. 9)

Felix, qui potuit tantae post nubila noctis (0 dignum tanta nocte) uidere diem : Felix ille oculus, felix utrinque putandus; Quod uidet, et primum quod uidet ille Deum. LEPROSVS DOMINVM IMPLORANS (Matth. 8)

Credo quod ista potes, uelles modo : sed quia credo, Christe, quod ista potes, credo quod ista uoles. Tu modo, tu faciles mihi, Sol meus, exere uultus ; Non poterit radios nix mea ferre tuos. IN D. PAVLVM ILLVMINATVMSIMVL ET EXCAECATVM(Act.

Quae, Christe, ambigua haec bifidi tibi gloria tell est, Quod simul huic oculos abstulit, atque dedit ? Sancta dies animi, bac oculorum in nocte, latebat ; Te ut possit Paulus cemere, caecus erat. MVNDVM DEVS, VT FILIVM. M.ORTI TRADERET

SIC DILEXIT

(Joann. 3. 16)

Ah nim.is est, Ilium nostrae uel tradere uitae : Guttula quod faceret, cur facit oceanus ? Vnde et luxuriare potest, habet bine mea uita ; Ample et magnifice mors habet unde mori. THE

DELIGHTS

OF THE

MUSES

IN PYGMALIONA

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Pacnitet Artis Pygmaliona suae, Quod felix opus esset lnfelix erat artifex. Sentit uulnera, nec uidet ictum. Quis credit ? Gelido ueniunt de marmore flammae. Marmor ingratum nimis Incendit autorem suum. Concepit hic uanos furores ; Opus suum miratur atque adorat. Prius creauit, ecce nunc colit m:mus, Tent:,.ntes digitos molliter applicat ; .

IN PYGMAUONA

.

1/oc et seq11e11scarmen in alt,ra ed. ( /648) addltwn.

9)

ÉPIGRAMMES SACRÉES

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L'AVEUGLE DE NAISSANCE (Jean 9)

Heureux qui, au terme d'une si longue nuit, et si épaisse, a pu voir le jour, un jour digne compensation d'une si longue nuit. Heureux ces yeux, oui, heureux à un double titre : parce qu'ils voient et parce que le premier objet qu'ils voient est leur Dieu. LB LÉPREUX IMPLORE LE SEIGNEUR (Matthieu

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Je crois que tu peux me guérir, si tu veux; et parce que je crois que tu le peux, je crois que tu le veux. Daigne seulement, ô mon Soleil, tourner vers moi ton doux visage : ma neige ne pourra soutenir l'éclat de tes rayons. SUR SAINT PAUL, ILLUMINÉ EN MhlE

TEMPS QU'AVBUGLÉ (Actes 9)

Quelle est, Christ, la glorieuse ambivalence de ton trait à double dard, qui tout ensemble lui a enlevé les yeux et les lui a donnés ? La sainte lumière de l'âme était cachée dans ces ténèbres des yeux, et Paul n'était aveugle que pour pouvoir te contempler. DIEU A TANT AIIŒ LB MONDE QU'IL A LIVRÉ POUR LUI SON FILS À LA MORT (Jean 3. 16)

C'est trop de l'offrir, Lui, fOt-ce pour nous rendre à la vie. Oui, pourquoi l'Océan, quand une goutte aurait suffi ? - Pour que ma vie y trouvât une source inépuisable de vie ; pour que ma mort y trouvât une mort somptueuse et glorieuse. LES DÉLICES

DES MUSES

SUR PYGMALION

Pygmalion maudit son propre génie : de la grâce de l'œuvre est née la disgrâce de l'artiste. Il sent la bleuure, sans voir le coup. Qui peut le croire ? Du marbre glacé jaillissent des dammes, le marbre ingrat embrase son ouvrier. Lui, épris d'une vaine passion, admire, adore son ouvrage. La main qui l'a créé à présent le vénère. De ses doigts il l'effleure, doucement la frôle, la fermeté

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Decipit molles caro dura tactus. An uirgo uera est, an sit ebumea, Reddat an oscula quae dabantur, Nescit. Sed dubitat, sed metuit, munere supplicat, Blanditiasque miscet. Te, miser, poenas dare uult, hos Venus, hos triumphos Capit a te, quod amorem fugis omnem. Cur fugis heu uiuas ? Mortua te necat puella. Non erit innocua haec, quamuis tua fingas manu, lpsa heu nocens erit nimis, cuius imago nocet. BVLLA

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Quid tu ? quae noua machina, Quae tam fortuito globo In uitam properas breuem ? Qualis uirgineos adhuc Cypris concutiens sinus, Cypris iam noua, iam recens, Et spumis media in suis, Promsit purpureum Jatus Concha de patria, micas, Pulchroque exsilis impetu ; Statim et mi11ibusebria Ducens terga coloribus Euoluis tumidos sinus Sphaera plena uolubili Cuius per uarium latus, Cuius per teretem globum Iris lubrica cursitans Centum per species uagas Et picti facies chori arcumregnat et undique ; Et se Diua uolatilis Iucundo leuis impetu Et uertigine perfida Lasciua sequitur fuga Et pulchre dubitat ; fluit Tam fallax toties nouis Tot per reduces uias Erroresque reciprocos Spargit uena coloribus Et pompa natat ebria. Tati militia micans BVLLA

9 sic intvpunxi, ttd post « latus • 1648, Hrinsiu,, Martin.

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de cette chair, sous sa douce caresse, l'abuse : est-ce une femme? Est-ce une statue? Lui rend-elle les baisers qu'il lui donne? Il ne sait, mais il doute, mais il tremble, et tente de la fléchir par des présents, par de douces paroles. Malheureux! C'est Vénus qui veut te punir, Vénus qui triomphe de toi, parce que tu es rebelle à l'amour. Hélas! Pourquoi fuyais-tu les vivantes? Cette beauté sans vie te tue. Elle ne t'épargnera pas, bien qu'elle soit l'œuvre de tes mains. Elle ne te tourmentera que trop, celle dont l'image déjà te tourmente ! LA BULLE

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Qui es-tu ? Etrange architecture, sphère née du pur hasard, qui te hâtes vers une existence éphémère? Telle Cypris secouant l'eau de son sein virginal, Cypris toute neuve, toute jeune, au milieu de l'écume, dresse son flanc de rose hors du coquillage qui lui donna naissance, telle, étincelante, tu bondis d'un élan superbe, et aussitôt t'arrondis, ivre de toutes les couleurs du prisme, faisant tournoyer ton sein gonflé, sphère mouvante, en ta rondeur parfaite, tandis que sur tes flancs changeants, tandis que sur ton ventre lisse, Iris, qui glisse et court à travers cent reflets mouvants, figures d'un ballet chatoyant, partout à la fois mène la ronde : légère, la déesse ailée, dans un élan plaisant à l'œil, dans un tournoiement trompeur, en même temps se fuit elle-même et se poursuit, jeu ambigu et ravissant où elle se perd ; tant de fois, fuyante, elle s'échappe, en tant de volte-face, en tant de revirements, dans un ruissellement de nouvelles couleurs, emportée par le flot du cortège ivre. On croirait voir manœuvrer sous le soleil les divi-

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Agmen se rude diuidit Campis quippe uolantibus Et campi leuis aequore Ordo insanus obambulans Passim se fugit et fugat, Passim perdit et inuenit. Pulchrum spargitur hic Chaos. Hic uiua, hic uaga flumina Ripa non propria meant, Sed miscent socias uias, Communique sub alueo Stipant delicias suas : Quarum proximitas uaga Tam discrimine lubrico, Tam subtilibus arguit Iuncturam tenuem notis, Pompa ut florida nullibi Sinceras habet uias, Nec uultu niteat suo, Sed dulcis cumulus nouos Miscens purpureos sinus Flagrat diuitiis suis, Priuatum renuens iubar. Floris diluuio uagi, Floris sydere publico Late uer subit aureum, Atque effunditur in suae Vires undique copiae. Nempe omnis quia cernitur, Nullus cernitur hic color, Et uicinia contumax Allidit species uagas. Illic contiguis aguis Marcent pallidulae faces ; Vndae hic uena tenellulae, Flammis ebria proximis, Discit purpureas uias, Et rubro salit alueo ; Ostri sanguineum iubar Lambunt lactea flumina ; Suasu caerulei maris Mansuescit seges aurea; Et lucis faciles genae 52 purpureos Heinsius : purpureus 1648.

1648.

53 flagrat Heinsius

flagrant

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sions d'un armée inexpérimentée : sur un terrain volant en plein ciel, sur une plaine liquide, des bataillons en désordre courent de tous côtés, partout se fuient et se mettent en fuite, partout se perdent et se retrouvent. C'est l'éclatement d'un Chaos splendide : des ruisseaux vivants, des ruisseaux errants quittent leurs rives pour mêler et unir leur cours et dans un même lit confondre lems délices : association mouvante dont la frêle liaison se devine à une frontière si fugitive, à des indices si ténus, que ce cortège fleuri n'a nulle part de chemin distinct, ne montre nulle part un seul visage ; mais une délicieuse confusion, mêlant sans cesse de nouvelles vagues de couleur, s'embrase de toutes ses richesses et refuse à chacune de briller de son éclat propre. En un déluge de fleurs éparses, en une constellation de fleurs, se déploie un printemps miraculeux, qui de toutes parts prodigue les trésors de son opulence. Comme on voit ici toutes les couleurs, on n'en distingue vraiment aucune, leur promiscuité rebelle oblitère les formes mouvantes. Là, au contact des eaux, s'alanguissent des feux pâlis, ici un filet d'eau limpide, ivre des flammes voisines, apprend à se nuancer de rose et bondit dans un lit de carmin ; L'astre Sanglant de la pourpre baigne dans des fleuves laiteux; l'or des moissons s'adoucit par la douceur persuasive d'une mer d'azur ; des yeux brillants de lumière s'étonnent à l'approche de

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Vanas ad nebulas atupent; Subque uuis rubicundulis Flagrant sobria lilia; Vicinis adeo rosis Vicinae inuigilant niues, Vt sint et niueae rosae, Vt sint et roseae niues, Accenduntque rosae niues, Extinguuntque niues rosas. Illic cum uiridi rubet, Hic et cum rutilo uiret Lasciui facies cbori. Et quicquid rota lubrica Caudae stelligerae notat, Pulchrum perdit in ambitum. Hic caeli implicitus labor, Orbes orbibus obuü ; Hic grex uelleris aurei, Grex pellucidus aetheris, Qui noctis nigra pascua Puris morsibus atterit; Hic quicquid nitidum et uagum Caeli uibrat arenula Dulci pingitur en ioco. Hic mundus tener impedit Sese amplexibus in suis : Succinctique sinu globi Errat per proprium decus. Hic nictant subitae faces, Et ludunt tremulum diem ; Mox se surripiunt sui et Ouaerunt tecta supercili; Atque abdunt petulans iubar, Subsiduntque proteruiter. Atque haec omnia quam breuis Sunt mendacia machinae ! Currunt scilicet omnia Sphaera, non uitrea quidem, (Vt quondam Siculus globus) Sed uitro nitida magis, Sed uitro fragili magis, Et uitro uitrea magis. Sum uenti ingenium breue, 81 roseae Helnsi11s: rosae 1648. Heinsius : in 1648.

89 in Heinsius : et in 1648.

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vains nuages ; sous des grappes vermeilles s'embrasent les sobres lys. Si près des roses voisines veillent les neiges voisines, que les roses deviennent neigeuses, et les neiges rosées ; que les roses allument les neiges et les; neiges éteignent les roses ; et les rouges se colorent de vert, et les verts, de rouge, diaprures d'un ballet voluptueux ; et toutes les teintes qui constellent la queue changeante du paon, se déploient ici dans une roue splendide. Ici s'embrouille le mouvement des cieux, les mondes vont à la rencontre des mondes; ici le troupeau à la toison d'or, le troupeau lumineux de l'éther, de pures morsures broute les noirs pâturages de la nuit ; ici une myriade de grains de sable lumineux et mouvants scintille sur les plages du ciel : autant de tableaux que nous offre un jeu charmant. Ici, tout un monde délicat s'entrave daQS ses étreintes, et, à la surface du globe qu'il revêt, s'égare à travers ses propres prestiges. Ici clignotent, en un éclair, des feux, jeux de lumière tremblotante, qui aussitôt se dérobent et se cachent sous leur sourcil baissé, voilant l'audace de leur éclat, avec une discrétion provocante. Or, tout cela n'est que les mensonges d'une architecture si éphémère ! Car toutes ces images se meuvent à la surface d'une sphère, non pas même de cristal (comme jadis le globe de Sicile), mais plus brillante que le cristal, mais plus fragile que le cristal, bref, plus cristalline que le cristal ! - Je suisl'éphémère esprit du vent, je suis, oui, la fleur de

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Flos sum, scilicet, aeris, Sidus, scilicet, aequoris ; Naturae iocus aureus, Naturae uaga fabula, N aturae breue somnium ; Nugarum decus et dolor; Dulcis, doctaque uanitas ; Aurae filia perfidae Et risus facilis parens. Tantum gutta superbior, Fortunatius et lutum. Sum fluxae pretium spei ; Vna ex Hesperidum insulis, rormae pyxis, amanuum Oare caecus ocellulus ; Vanae et cor leue gloriae. Sum caecae speculum Deae, Sum Fortunae ego tessera, Quam dat militibus suis ; Sum Fortunae ego symbolum, Quo sancit fragilem fidem Cum mortalibus ebriis, Obsignatque tabellulas. Sum blandum, petulans, uagum, Pulchrum, purpureum, et decens, Comptum, floridulum, et recens, Distinctum niuibus, rosis, Vndis, ignibus, aere, Pictum, gemmeum, et aureum, O sum scilicet o nihil ! (glycon. xa.-rA(-rxovo)

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l'air, et aussi bien l'astre de l'eau, jeu brillant de la Nature, pur fantasme de la Nature, rêve éphémère de la Nature, gloire et martyre du frivole, exquise prouesse du Néant, fille de la brise perfide et mère du rire facile ; seule la goutte est plus orgueilleuse et la boue plus heureuse. Je suis le prix de l'espoir fugitif, l'une des nes Hespérides, écrin de beauté, œil des amants, aussi brillant qu'aveugle, oœur léger de la gloire vaine. Je suis le miroir de la déesse aveugle, Je jeton que la Fortune donne à ses soldats, je suis le cachet dont elle scelle le pacte fragile qu'elle fait avec les mortels enivrés, et dont elle signe ses traites. Je suis douce, vive, vagabonde, belle, pourpre, gracieuse, élégante, fleurie, et toute neuve, rehaussée de neiges, de roses, d'ondes, de feux, d'air, bariolée, gemmée, dorée, je suis, avouons-le, oh !... Rien !

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NOTES

EUROPE ORIENTALE HONGRIE, POLOGNE IANVS PANNONJVS

Chant funèbre pour sa mère Titre : Barbara, morte à 60 ans, le 10 décembre 1463 dans la maison de son fila, à Pécs. Au Sommeil v. 4. Pasithée ou Aglaia : une des Grâces. v. 21. Alcm6on : poursuivi par les Erinyes après avoir tué sa mère, responsable de la mort de son père Amphiarius. Oreste : devenu fou après le meurtre de sa mère. v. 73. Le dragon : dernière épreuve dont triomphe Jason (Ovide, Mét. VII, 149 ss.); Méduse : endormie quand Persée lui coupe le cou (Ovide, Mét. IV, 773 ss.). v. 108. Acidalie : source de Béotie, consacrée à Aphrodite, et où se baignaient les Grâces. A son lùne v. 11 et 12. Erycine : Vénus; le fils de Cyllène : Mercure; Cyntbie, c'est-à-dire Diane : la Lune. v. 30. Pittacus : un des sept Sages de la Grèce. A Mars pour la paix v. 15 : peut~tre écrit entre 1469 et 1471, quand la Hongrie est en guerre contre la Bohême. Sur un amandier v. 7. Phyllis : fille de Lycurgue, roi de Thrace ; Jassed'attendre le fils de Thésée, Démophoon, qui avait promis de revenir, elle voulut se donner la mort, mais fut chang6e en amandier (Ovide, Hér. 2; Pline, 16, 108; Hygin, Fab. S9; 243). Procné : le l'OISignol,et par suite le prin-

tempa. Sur Sigismond Malatesta Titre : tyran de Rimini (1417-1468). Sur ceux qui vont au Jubilé Titre : les Papes avaient repris d~ 1300 la coutume des jubilés de l'Ancien Testament, célébrant par des fêtes la fondation du Christianisme ; d'abord centenaires, puis cinquantenaires, ces f~es eurent bientôt lieu tous les trente-trois ans et avaient surtout pour but d'enrichir la Papaut6.

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EUROPEOlllENTALE ANDll CllZYCKI

Eplt"""'1M. TJtrc : Sigismond I• dit le Vieux devait q,ouseren premières noces, en février 1512, Barbara Zapolya, fille de Stephan de Zapoly&. seigneur de lbrcnczin, puissant noble hongrois. v. 23. Lucas de Gorka, chevalier polonais. capitaine aénaal de la Grande-Pologne. v. 28. Christophe Szydlowiccki, élevé dans la suite du roi Casimir et de aes fila, promu par Sigismond, encore duc de GJoaov, au rang de praefect,u aulae, puis, après l'accession au trône de Sigismond, en Uvrier 1511. à celui de vice-chancelier. v. 36. Jean de Lubranski. évêque de Posnan, protecteur de Krzycki. v. 60. Threnczin : cf. note au titre. v. 68. La mère de Barbara était la fille de Premislai II, duc de Thressnin et d'Anne, de la famille des ducs de Masovie. Elle &it donc issue de l'antique maison dea Piastr. Sur le serpent de Bona Titre : Bona Sforza, princesse italienne devenue reine de Pologne en ~t en secondes onces Sigismond le Vieux (1518). v. 2. Craccus : fondateur de Cracovie. CLOONT

JANICKI

Elégie à la Postérité (1541) v. S. Snena (Znin) : ville de la Grande-Pologne, à cinquante kilom~ de Gniezno; Januskowo : village près de Znin, d'après Je nom d'un lanuszek ou lanusczlco. v. 15. 17 novembre 1516; Barbara Zapolya, première 6pouse de Sigismond, était morte le 2 octobre 1515. v. 29. Jean de Lubranski, évêque de Posnan. v. 67. Krzycki : le poète (voir notice), mort le 10 mai 1537. v. 73. Cmita, voïvode de Cracovie, accueille Janicki dès la fin du mois de mai. v. 78. L'Université de Padoue. v. 86. Martin Cromer, l'historien, alors chanoine de Cracovie; Augustin Rotundus (Micleski), né à Cracovie, secrétaire du roi, puis avocat à Vilna, très aimé du roi Sigismond-Auguste. v. 108. Titus (Suétone, Vit. Tit. 8, 1). v. 135. Il s'agit probablement des Vitae Regum Polonorum qu'il acheva en 1542, peu de temps avant sa mort. v. 138. Le mariage de Sigismond Auguste et d'Elisabeth, fille du roi Ferdinand, fut célébré en mai 1543; peu avant de mourir, Janicki acheva te fameux épithalame que Jean Antoninus (voir note suivante) et Augustin Rotundus firent imprimer. v. 143. Jean Antoninus, d'origine hongroise, après des études de médecine à Cracovie et à Padoue, exerça son art à Cracovie ; il était aussi 1'ami d'Erasme. v. 158. Esculape, fils d'Apollon et de Coronis, ressuscita Hippolyte fils de Thésée. v. 176. En cette même année 1541.

EUROPE ORIENTALE

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Dialogue

Titre : sur cette bigarrure de la mode vestimentaire polonaise, cf. B. Castiglione, Il Corteggiano, II. 26. - Le roi Jagellon : sans doute I.adïslaa Jagellon, fondateur de la dynastie lithuanienne qui a donné maint souverain à la Pologne et à la Hongrie du xiv- au ~ siècle. v. 1. allusion à la prise de Buda par les Turcs (septembre 1S41). v. 80. Milet, réputée dans l'Antiquité pour le luxe efféminé de ses mœurs. JEAN KOCHANOVSKI

Elégies, li, 5 v. 16. Anticyre : ville de l'ancienne Phocide, sur le golfe de Corinthe. v. 18. Symplégades ou Cyanées : îlots rocheux du Pont-Euxin, à l'entrée du Bosphore de Thrace; ils s'entrechoquaient au passage des navires. v. 19. Syrtes : deux golfes sur la rotede Tripoli.

Fable Titre : Nicolas Firley, seigneur de Bieck ; le coq gaulois : Henri de Valois, le futur Henri m, élu roi de Pologne, et qui s'enfuit de Cracovie, à la grande colère de ses sujets, en juin 1574. SÉBASTIEN KLONOWICZ

L'Ukraine v. 11. Lvov, Léopol ou Lemberg : ville de Pologne en Galicie, près de Poltew. v. 29. Ménale : montagne d'Arcadie. v. 43 : Ruthènes, Petits Russes ou Petits Russiens : peuple slave, répandu en Galicie : du nom d'un ancien peuple répandu de la Baltique au Nord du Pont-Euxin. v. 1306. Xanthe : fleuve de Troade. v. 1307. Ida: montagne de Mysie, voisine de la plaine de Troie; Simois : rivière de l'ancienne Troade. v. 1310. Les Scythes : nom d'anciens peuples barbares et pour la plupart nomades, du nord-est de l'Europe ; les Tartares, ou Tatars, appartiennent aux familles ethniques les plus diverses, turque, mongole, finnoise ; les Tartares de Crimée, vassalisés par les Turcs sous le règne des Khans de la dynastie des Girey, apparaissent comme des envahisseurs dangereux, harcelant sans cesse les territoires frontaliers de la Couronne polonaise comme ceux du Grand-duché de Lithuanie. v. 1343. Libitïna : déesse de la volupté et de la mort, assimilée à Vénus; présidait aux funérailles.

PAYS-BAS ÉRASME

Poime sur la vieillesse

v. 234. Hippoclidem mouebit : cf. Hérodote 6, 127-129, Erasme, Adage 912 c Non est cura Hippoclidi •· Allusion à la réponse du roi Hippocleïdès d'Athènes à Clisthène, tyran de Sicyone. Le jour de son mariage avec la fille de Clisthène, Hippocleidès, fils de Teisandros, se mit à jouer de la flQte et à danser. Clisthène, offensé, s'écria : c Fils de Tei-

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PAYS-BAS

sandros, ta danse t'a fait manquer ton mariage ! répondre : c Hippocleidès n'en a cure 1 >

>

et l'interpellé de

IANVS LBRNVTIVS

Chant de triomphe Titre : En 1601, l'archiduc Albert investit Ostende qui fournissait aux Hollandais, maîtres de la mer, un point d'appui pour leun entreprises en Belgique. Maurice de Nassau, qui avait chargé Sir Vere de la défense de la place, fit en 1602 une diversion dans Je Brabant septentrional et y prit Grave. En 1603, le célèbre Spinola vient presser les opérations du siège d'Ostende qui résistait avec un courage héroïque. Maurice, en aoOt 1604, s'empare du port de l'Ecluse, mais ne peut empêcher la chute d'Ostende. v. 44. Monde morinien : Lea Morins sont un peuple de Belgique. Cf. César, G., 2, 4, 9. v. 62. Campagne grudienne : cf. les Oroudes, autre peuple de Belgique, César, G., 5, 39. Les Yeux, XXXI v. 7. Aenaria : ile volcanique à l'entrée du golfe de Naples, aujourd'hui Ischia. DOMBNICVS BAUDIVS

Iambes I, 4 Titre : Michel Huraut de l'Hôpital, petit-fils de Michel de L'Hospital, nommé ambassadeur par Henri IV. Iambes I, 5 Titre : Jacques Gruter, œlèbre philologue éerlandais, 1560-1627. Professeur dans diverses universités. Fit de nombreuses &litions de poètes latins. On lui doit surtout les recueils intitulés Delitiae. Iambes I, 10 Titre : Maurice de Nassau, 1567-1625, deuxième fils de Guillaume d'Orange. Après la mort de son père, en 1584, il est mis à la tête du Conseil suprême qui prit en main Je gouvernement des Provinces unies. Après le départ de Leicester, il commence aussitôt à remporter une série de succès militaires, prenant Breda, Zutphen, Nimègue, Nieuport ... v. 171. Le chef de la Belgique. En 1S98, les Pays-Bas furent attribua à Isabelle, fille de Philippe Il, qui épousa Albert. membre de la branche allemande des Habsbourg. Le principal objectif des archiducs fut de reconquérir les provinces rebelles. Poimes variés, .silve Il v. 2 sq. Des tableaux de Rubens décrits par Baudius, le deuxième est probablement le Prométhée vendu par le peintre en 1618 à Sir Dudley Carleton, qui appartient au Philadelphia Museum of Art. Cf. E. Panofsky, Essais d'iconologk, Paris, 1967, p. 300-301, 311, fig. 161.

PAYS-BAS

519

DANIEL IIBINSIVS

Sylves Ill, 6 v. 14. Lipse : 1547-1606. Philologue et historien belge. En 1S79 il accepte une chaire d'histoire à Leyde où il restera treize ans ; puis à Louvain. où il enseigne jusqu'à sa mort.

Les mines de Dousa Titre : Dousa : 1S4S-1604. Philologue, historien et poète.

n défendit avec courage Leyde, assiég~ par les Espagnols, et fut nommé ensuite curateur de la nouvelle université. RVOO OROTIVS

Silve II, 4 La Hollande à la conquête des mers. La fin du xvf siècle voit plusieun expéditions maritimes hollandaises. Après la conquête du Portugal par Philippe II en 1580, les Hollandais décident d'aller eux-mêmes jusqu'aux Indes. Trois expéditions eurent lieu pour contourner l'Europe et l'Asie par le nord en 1594, 1595, 1586-1597 ; à la même époque, d'autres navigateurs contournent l'Afrique. Olden-Bamevelt provoque en 1601 la formation de la Compagnie réunie des Indes orientales. Un de ses marins, Henry Hudson, découvre la rivière d'Hudson en 1609. Le Maire fonde en 1614 une Compagnie du Sud et découvre au sud de la Terre de Feu le détroit qui porte son nom.

Mllangu I, 9. Sur sa patrie v. 8. Les princes de Nassau : Guillaume d'Orange, 1533-1584, fondateur de la première république de Hollande; Maurice de Nassau, 1567-1625, son fils, cf. note à Baudius, lamb. I, JO. - Les fruits d'or des filles d'Hespérus, et, plus loin, les faisceaux du Latium : allusion probable aux armes des Nassau, qui offrent une branche de sinople po* en fasce fruit~ de pommes de gueule et deux touffes de jonc de sinople mouvant de la fasce. Epigr. 1, 4-0. Prosopopée d'Ostende Titre : cf. supra, note à Lemutius, Heroicum triumphale, titre. Epigr. 1, 65. Â la paix Titre: Une trêve de douze ans est conclue entre les Pays-Bas et l'Espagne en 1609 sous l'influence d'Olden-Bameveldt malgré les reticencea de Maurice de Nassau.

PORTUGAL BBNRIQVB CAIADO

Eglogue Il v. 34. démie notice v. 96.

Politien (1454-1494), un des membres les plus brillants de l'acaflorentine, fut professeur de grec et de latin à Florence. Voir (t. 1). · Cesiua : D'après la suite de l'églogue, célèbre médecin napolitain.

520

PORTUGAL

ANDRÉ DB RBSENDB

Eloge d'Erasme v. 186. Goclenius : Conrard Goclenius, philologue allemand (1455-1535). Publia divers travaux érudits ; connu surtout pour l'active correspondance qu'il entretint avec Erasme. v. 190. Arias : Arias Barbosa, poète et savant portugais mort en 1530. Après avoir étudié à Florence, il revint en Espagne où il enseignavingt ans à Salamanque, donnant un puissant essor aux études classiques. A son retour au Portugal, il fut chargé d'instruire les deux princes Alphonse et Henri. v. 201. Le roquet ib&ique : g6néralement identifié comme étant Diego Lopez de Zuiiiga, théologien de l'université d'Alcala, qui publia deux smes de notes contre Erasme et contre Lefèvre d'Etaples. D'après O. Sauvage qui se rallie à· M. Silva Dias, il s'agirait de Fr. Luis de Carjaval. v. 208. Jean et Alphonse : Jean III, roi du Portugal de 1521 à 1557. Son frère est le cardinal-infant D. Alfonso. A Nicolas CUnard

Titre : Nicolas Cl6nard (Cleynarts), 1493-1542. Etudes à Louvain. Enseigna au coll~ge la grammaire grecque et la grammaire h&raique. Apprend le chaldéen et l'arabe. Passe deux ans à Salamanque et reste au Portugal jusqu'en 1538.

FRANCE ROBERT GAOUIN

L'lmmacu1'e Conception v. 203. Osée : l'un des douze petits prop~ h&reux. Il exerça son activité en Israè1, sous Jéroboam II et ses successeurs (750-730). Son mariage avec une prostituée est raconté dans le Livre d'Osée (1, 2-3). v. 211. Daniel : l'un des quatre grands prop~ (VII" siècle avant J.-C.), personnage principal du livre biblique du même nom. Emmené à Babylone en exil, il y resta fidèle à la Loi. Sa science des songes lui permit d'obtenir une place importante à la cour. v. 212. Saint Laurent, diacre, martyr en 258. Selon la légende, il fut placé sur un gril de fer que chauffaient des charbons ardents. v. 224. Cécile : vierge et martyre romaine. Décapitée vers 232 sous Alexandre Sévère. Une phrase mal interprétée de ses Actes lui a valu de devenir la patronne des musiciens : cantantibus organis, Caecilia Domino decantabat. On a conclu de ces mots qu'elle chantait les louanges de Dieu en s'accompagnant d'un instrument de musique : or les instruments sont ceux de la musique profane exécutée aux noces de Cécile. ê:rœNNB DOLET

Poime pour la naissance de son fils Titre : Claude Dolet, ni en 1539.

FRANCE

521

Poèmes

I. 1S. Titre : Claude Cottereau, juriste et homme d'Bglise né à Tours ; auteur d'un De jure et privilegiis müitum et d'un De ofliclo imperatoris, ainsi que d'une traduction française de Columelle. Le premier de ces ouvrages fut imprimé à Lyon en 1S39 par Dolet. I, 62. Titre : Jacques Toussaint, célèbre helléniste, né en Champagne; un des professeurs du Collège royal. NICOLAS BOURDON

Louanges à Dieu tout-puissant v. 24. La Louve, l'Hydre : Rome. v. 74. Le Collège royal, créé par François I"', sur les conseils de Budé, en mars 1S30. MICHEL DE L'HOSPITAL

Portrait d'un bon prince Titre : ce diacours s'adresse à Françoia II, sacré et couronné à Reims le 18 septembre 1S59 par le cardinal-archev~ue Charles de Lorraine. TIŒODORE DE Bm

A Callartius. Titre : juriste orléanais. JEAN DORAT

A Pie"e de Ronsard v. 4. Pise : ville d'Blide, non loin d'Olympie. v. 11. Le chant pindarique : les quatre premiers livres des Odes de Ronsard ont paru en 1S50. v. 24. Amyclée : ville de Laconie. v. 88. Loir : affluent de la Loire. Ronsard est né en Vend&moia. v. 100. Dircé : fontaine près de Thèbes. MARC-ANTOINE MURET

Epigrammes ep. 24, v. 1. Memmius : il s'agit du jeune Frémiot (L Memmius Fremiotus, d'après le lemme d'une autre épigramme), él~e de Muret à Toulouse, et comme lui condamné pour sodomie à être brOié. JOACHIMDU BELLAY

Regrets de la patrie v. 6S. Marguerite, sœur du roi. v. 73. Le poète des tendres amours : Ovide, exilé à Tomes, sur les bords de la mer Noire, oà il mourut après avoir krit les Tristes et les Pontlques, et, comme il le confie lui-même, composé quelques poèmes en langue barbare.

522

FRANCE

JACQUBS-AUOUSTE DE THOU

Au château de Maillé, scaz;on Titre: ce Maillé ne doit pas être confondu avec le château de

ÉCOSSE ET ANGLETERRE GEORGEBUCHANAN

Epithalame de François de Valois et de Marle Stuart Titre : le mariage avec le dauphin de France eut lieu en 1548 et Marie Stuart ne revint en Ecosse qu'en 1560, après la mort de son époux. v. 190. Méroé : une des plus anciennes villes d'Ethiopie, résidence des pharaons. v. 200. Le Carron : fleuve d'Ecosse. v. 208. L'empereur Charles : Charlemagne. v. 219. La race d'Hector : les Français, qu'une tradition faisait descendre du fils d'Hector, Francus. La fraternelle confrérie Ep. 10. Contre le pape Pie : Pie IV (Medici), pape de 1559 à 1565. Rappelons que le recueil de Buchanan a été publié en 1566. Ep. 12. Contre le pape Paul : vraisemblablement Paul IV (Caraffa), pape de 1555 à 1559. Le franciscain _ v. 604-605 : Cicéron, auteur du De Oratore, de l'Orator, du Brutus, des Partitiones oratoriae; Quintilien, auteur de l'Institution oratoire; Aristote, auteur d'une Rhétorique. v. 634. Etna, Hécla : volcans; le premier, de Sicile; le second, du sud de l'Islande. v. 657. Les écrits de Virgile: à cause du livre VI de l'Enéide (la descente aux Enfers); Pierre Lombard, évêque de Paris, appelé Magister sententiarum parce qu'il avait écrit quatre livres de Sententiae. v. 658. Antonin, archevêque de Florence au xv• siècle, auteur d'une Summa theologica en quatre volumes et d'une Summa historica. v. 659. Grégoire : Grégorius Arminensis, qui avait écrit, au XIV" siècle, des commentaires sur les Sentences de Pierre Lombard. On l'appelait

ÉCOSSEET ANGLETER.RE

523

le Doctor authenticus. - Saint Thomas d'Aquin, le Doctor angelicus a vécu au xnt siècle, est l'auteur de la Summa theologica. • v. 700. Saint Bernard : adversaire d'Abélard, fondateur de l'abbaye de Clairvaux, canonisé en 1173. v. 705. Le Père-couillon : depuis l'épisode de la papesse Jeanne, qui avait accédé au pontificat vers 855 en se faisant passer pour un homme on s'assurait de la virilité du futur pape en le faisant asseoir sur u~ chaise perforée. JOHN MILTON

Mansus v. 10. Ton disciple : Marin a pratiqué la poésie dans l'académie des Otiosi, dont Manso était l'un des fondateurs. v. 11. Allusion au poème li Adone. v. 15. Le bronze bien travaillé : le monument de Marin à Naples, élevé par Manso avec la contribution de l'académie des Humoristi. Le chevalier était mort à Naples en 1625. Cf. la Vie de Marin par F. Ferrari, Venise, 1633. v. 18-20 : Le Tasse a loué Manso au vingtième livre de sa Jérusalem, mais aussi dans son dialogue, Il Manso, overo Dell'amiciva, Naples, 1596 : outre le titre et la dédicace, cinq sonnets lui sont adressés et Manso est l'un des interlocuteurs. Manso, en échange, écrivit une Vie du Tasse, publiée en 1621, et, à ce qu'il semble, une Vie de Marin. v. 21. Cet autre : Plutarque, qui écrivit une Vie d'Homère, et qui était né en Béotie, où Mycalé est une montagne. v. 34. Tityre : selon certains, allusion à Chaucer, qui a voyagé aussi en Italie, et qui, dans les églogues de Spencer, est constamment appelé Tityre. v. 36. Nous aussi nous honorons Phébus : Selden, dans Polyolbion, rappelle qu'Apollon était vénéré en Grande-Bretagne et que les druides l'honoraient. Sur le caractère poétique des druides, César, Bell. Gall., VI, 4, magnum numerum versuum ediscere dicuntur. v. 45-46. Loxo, Upi, Hécaergé : Milton convertit en nymphes bretonnes les trois jeunes filles hyperboréennes qui portaient des fruits à Apollon ·de Délos (Callimaque, Hymne à Délos, 292). v. 54. Le dieu du Cynthe : le poète suit, non Ovide, pour qui le dieu aurait été amoureux d'Admète (Mét. II, 684 ; Hér. V, 151 ; Fast. II. 239; cf. Callimaque Hymne à Apollon, 49), mais Euripide (Alceste, v. 6) : Apollon est forcé de servir Admète par Jupiter qui le punit du meurtre des Cyclopes. v. 65. Les collines de Trachis : le Pélion, dont les orni sont mentionnés deux fois par Valérius Flaccus (B. I. 406; 11,6). v. 72. Le neveu d'Atlas : Mercure, dieu de l'éloquence. v. 80. L'idée d'un poème épique sur Arthur est encore exprimée dans l'Epitaphium Damonis, v. 162. Selon les anciens_ bardes, A~ur, après sa mort était emporté dans le royaume souterram de la Féene ou des Esprits, 'où il continuait à régner, et d'où il devait revenir en ~gleterre pour reconstruire la Table Ronde et se venger de ses enneD11S.

TABLE DES MATIÈRES du second volume

L'EUROPE ORIENTALE: HONGRIE, POLOGNE

Introduction et orientation bibliographique JanusP ANNONJVS Introduction Elegiae I, VI Threnos de morte Barbarae matris XI Ad somnum XII Ad animam suam Epigrammata VII Ad Martem, precatio pro pace XXVIII De amygdalo in Pannonia nata LIii De Paulo, summo pontifice CCIV De Sigismundo Malatesta, tyranno Arimini CCXL VIII Deridet euntes Romam ad Iubileum

7 7

11 11 14 16

20 24 24 24

26 26

Johannes SAMBvcvs Introduction Emblemata XVIII Nimium sapere LXII Mens immota manet LXXXII Otium sortem expectat CV Dii coepta secundant CXCII Arguit fortuna uirum

29 29

AndréKRzvCD Introduction Carmina regalia Epithalamion Sigismundi regis et Barbarae reginae Poloniae Carmina satirica In serpentem Bonae, reginae Potoniae Idem Encomia Lutheri I In imaginem Lutheri II Condiciones boni Lutherani Carmina amatoria et ludicra Ad puellam

37 37

Clément JANICltl Introduction

49 49

32 32 32 34 34

40

42 42 42 44 46

526

TABLE

DES MATIÈRES

Tristium Uber VII De se ipso ad posteritatem, cum in summo uitae discrimine

uersaretur, quod tamen euaserat In Polonici uestitus uarietatem et inconstantiam dialogus

52 60

Jean KOCHANOWSKI Introduction

69 69

Elegiarum

Liber Il, El. V

72

Foricoenia, siue Epigrammatum libellus Ad sociales De Neaera

In tumulum Franc. Petrarchae De Philenide Ad Fabullum Ad Naeuolum Fabula ad magnificum Nicolaum Firley de electione, coronatione et fuga Galli Niccolo HUSSOVIANUS Introduction

74 74 74 76 76 76

16

81 81

De bisonte carmen 523-556; 781-800; 833-870 Sébastien Fabien Introduction

Kl.ONOWICZ

84 91 91

Roxolania v. 1-72; 155-161 ; 194-218; 307-332; 1299-1346

94

LESPAYS-BAS (par Claudie Balavoine) Introduction et orientation bibliographique

103 103

ER.AsME

107 107 110 112

Introduction

Carmen heroicum de solemnitatePaschali (v. 143-215) De senectute carmen (v. 65-114 ; 190-245) Jean SECOND Introduction Basiorum Uber 1

II III IV V VII VIII

121 121 124 124 126 126 128 128 130

TABLE DES MATŒRES

527

X Xlll XIV XVI ln uicissitudinem rerum instabilemque fortunam

132 134 136 138 138 140

Œ

lanus LB.RNVTIVS Introduction Trophaea Âustriaca Heroicum triumphale de subacta Ostenda (v. 41-80) Ocelli X XXXVI Domenicus BAVDIVS Introduction Iambicorum liber I I Praefatio ad lectorem IV Ad Michaelem Huraltum, Hospitalem Fayum Nauarraecancellarium et annonae in exercitu regio praefectum V Ad Iacobum Gruterum X Illustrissimo principi et fortissimo· heroi Mauricio a N assau, etc. Variorum poematum sylua II Ad clarissimum et ornatissimum uirum D. Petrum Rubensum principem pictorum huius aeui

147 147 150 1~ 152

155 155

158 158 160 162 164 169 169

Jacobus EYND1vs Introduction Hydropyrica Il Ad fontes Musarum vn De eadem (Lucia) VIII Ad eandem XI Ad eandem, de iactu niuis X De amore suo XXID De Narcisso XXIX Ad Luciam XXXVI Ad Luciam XXXIX Ad eandem XLII De Lucia XLV Ad Luciam XLŒ Ad eandem

172 172 172 172 172 174 174 174 174 176 176 176

Daniel HEINSIVS Introduction

179 179

528

TABLE DBS MATIÈRES

Syluarum liber m m Lusus ad apiculas Manes Dousici V Ad sidera Monobiblos Il X

Hugo GROTIVS Introduction Syluarum Uber 1, vm Eucharistia Liber Il, IV Mathematica Princlpis Mauritii Farraginis Uber 1, IX De patria Liber Il, II Anapaesti in morbum fratris Francisci Grotii ex quo obiit

182 184 184 186 191 191 194 196 198 200

Epigrammatum

Liber I, XL Ostenda loquitur LXV Ad pacem

202 202

(par Claudine Balavoine) Introduction et orientation bibliographique

207 207

Henrique CAIADO Introduction Aegloga secunda (v. 18-97)

211 211 214

André de RESENDE

221 221 224 226 228

LE PORnJGAL

ET L 'EsPAGNE

Introduction Des. Erasmi Roterdami encomium Ad Nicolaum Clenardum Ad Christum opt. max. crucifixum Antonio SERON Introduction Elegiarum liber VII Epistola Cynthiae ad Seronem

Arias MONTANO Introduction

231 231 234 237 237

Humonae salutis monumenta

Ode XL vm In tabellam Christi apostolos legantis Ode LXIII In tabulam Christi de cruce depositi

Juan VERZOSA Introduction

240 240 245 245

TABLE DES MATŒRES

Cupido nauigans

S29 248

Charina siue Amores

II De sua maestitia ac natura amoris XVII De corde et lingua XXXII Dese XL LVI Ubique sibi praeserlem esse Charinam LX De sua difficultate LXVI Ad Charinam

248 250 250 250 2SO 252

252

LA FRANCE

255

Introduction et orientation bibliographique

255

Rober 0AGUIN Introduction

259 2S9"

Carmen de puritote conceptionis beatae uirginis Mariae (v. 15S-

n-0

2~

Jules-CésarScALIGBR Introduction

267 267

Noua epigrammata XVIII Noctumum suspiciens caelum XLIII Cum exoriente sole comparat Agerillam in accidente LVIII Vulneratae ceruae se comparat LXVII Ad rosam

270 270 270

272

Heroes, Heroinae Aiacis Alexander magnus Pyrrhus rex Spartana Des. Erasmo Roterodamo Aenigmata Ignis Aqua

Cinis Puteus Glacies Logogryphi Mars Auis Senex Scaliger Mors Caper Bos Ouis

272 272 272 274 274 274

274 274

276 276 276 276 276

276 276 276

27& 278

530

TABLEDES

MATŒRES

Osculum Nauis Intellectus Cultellus Etienne DoLBT Introduction Genethliacum (v. 7-8;

278 278 278 278 281 281

11-15; 21-24; 27-36; 55-65; 72-76; 131-138; 190-194; 219-232) Carminum

284

Liber 1, XV Ad Oaudium Cotteraeum, expetendam esse morten LXII Ad Iacobum Tusanum

288 290

Nicolas BOURBONL'ANCIEN Introduction Nugae In laudem Dei optimi maximi ode Ad Des. Erasmum

293 293

Salmon MACRIN Introduction Naeniarum Liber 1, X Ad Camillam filiam Hymnorum Liber 1, XIV Ad Deum preces uespertinae XXXIX De periculo uitae allegoria Liber VI, X Ad se ipsum XXXII Gratulatio in hostium fuga, sumpta ex Dauide

303 303

296 300

306 308

308 310 312

Michel de L'HOSPITAL Introduction Epistulae seu sermones Ex libris V et VI fragmenta uaria

315 31 S

Théodore de BÈZE Introduction Epigrammata XXI De Francisco Rabelaeso XXVI Ad a. Marotum XXXIII Ad Musas LXVIII Ad fibulam Candidae LXXXVI Callartio iurisc.

327 327

318

330 330 330 332

334

Icones Hercules Oeteus Pythagoras Xenophon Tbemistocles

334 336 336 336

TABLE DES MATŒRES

Lucretia Cicero Vugilius Erasmus Emblemata I Circulus II Circulus cum centro et duplici bine inde diametro VI Phoenix intra flammas XIV Homines duo adverso itinere incedentes, unus antecedentem, alter a tergo umbram habens XL Piena luna soli aduersa XLI Luna soli opposita et interiectu terrae deficiens XLII Luna soli subiecta, lumen illius terris eripiens Syluae IV Descriptio poetica supremi iudicii

531

336 336 336 336 336 338 33g 338 338 340 340 340

Marc-Antoine MURET Introduction

345 345

Julius Caesar,tragoedia Actus primus : Caesar

348

Epigrammata XXIV XXV

XXXV XXXVII XLIX LI LVI LXXVIII LXXXIV LXXXVIII Alia quaedam poemata Amor Basium Iuliae Joachim du BELLAY Introduction Elegiae VII Patriae desiderium Tumuli I Romae ueteris XVII Cuiusdam canis LIV Ipsius

Rémy BELLEAU Introduction

350 350 350 350 350 352 352 352 352 352 352 352 355 355 358 362' 362 362 365 365

532

TABLE DES MATIÈRES

Basium 366 Dictamen metrificum de hello huguenotico et reiatrorum piglamine ad sodales 366

Ad arcem Mallianam, acawn

371 371 374

Jean BoNNBPONS Introduction

381 381

Jacques-Auguste de THou Introduction

Pancharis N V VII IX X

xm XIX

3M 3M 386 388 388 390

392

ANGLBTERU,EcossB

395

Introduction et orientation bibliographique

395

George BUCHANAN Introduction

399 399

Psalmorum Paraphrasis Liber I, Psalmus XXII Siluarum Liber I, N Francisci Valesii et Mariac Stuartae, regum Franciae et Scotiae, epithalamium De Sphaera Liber 1, v. 641-682 Epigrammata Liber 1, XII in Zoilum XX In amicum quemdam XXVI Ad Neaeram XXXI De Neaera Fratres fraterrimi X In Pium Pontificem XII ln Paulum Pontificem Franciscanus 238-258 ; 329-341 ; 348-360; 363-379 ; 388-396; 479-521 ; S1S-632; 636-67S; 681-726; 832-911

416

Thomas MoRB Introduction

43S 435

402 408

410 410 412 412 412 412 412

TABLE DBS MATIÈRES

533

Epigrammata XCI Quid inter tyrannum et principem XCII Sollicitam esse tyranni uitam XCIII Bonum principem esse patrem, non dominum XCIV De bono rege et populo XCV Bona non cognosci, nisi dum amittuntur XCVI Tyrannum in somno nihil differre a plebeio XCVII De principe bono et malo CIi Regem non turba satellitum sed uirtus reddit tutum CIII Populus consentiens regnum dat et aufert CXLIV Ad aulicum

438 438 438 438 438 440 440 440 440 440

Thomas CAMPION Introduction Vmbra (v. 17-78; 202-252)

445 445 448

John MILTON Introduction Siluae Mansus

455 455

John OwEN Introduction Epigrammatum libri XII Ad lectorem De uita et morte Ad quemdam nobilem adolescentem Ad amicum diuitem In quemdam senem In quemdam hypocritem Locatio beneficü Errorum plena sunt omnia (Oc.) Ad medicos et iurisconsultos Non occides, non furaberis Aesculapius trifrons Medicus Aulicus Aula Ad amicum aulicum In Aulum, nobilem ignobilem Religiosus, politicus De statu bominum Ad Linum

458 465 465 468 468 468 468 468 468 468 468 470 470 470 470 470 470 470 472 4 72 472 472

Mn~

~2

Epitapbium atbei ln duos abbatis spurios

472 472

534

TABLE DES MATIÈRES

In gymnicum pastorem Sacerdos et populus In Iulium pseudo-monachum De papa et Luthero An Petrus fuerit Romae Zodiacuschristianus De furto, problema ad iuristas In Pontiam In Galateam Limax, emblematicum Prodigium In Gelliam Uxor ui(n)cta In Alanum, iam senem Ad Ligurinum In Cottam Arno, uocis passiuae; amor, actiuae In quamdam In Phillida De speculo amatori a sponsa donato Epistola amatoris Amor ln Marcum In magnum clericum Quod rarum, non carum, paradoxon Comicula, anser De uiua uoce et scriptis In Linum In litigiosum debitorem In eumdem Funebres conciones In Linum In Labienum tacitumum In Alanum decoctorem chymistam Quid noui? De ortu et occasu Janus bifrons Deltôton Ad Germanicum Ad lectorem George HERBERT Introduction

474 474 474 474 474 474

474 474 476 476 476

476 476 476 476 476 478 478 478 478 478 478 478 478 480 480 480 480 480 480 480 480 482 482 482 482 482 482 482 482 485 485

Passiodiscerpta I Ad dominum morientem

488

TABLE

DES MATŒRES

IV ln latus perfossum VI ln coronam spineam IX In flagellum XV Inclinato capite (loh. 19) XVI Ad solem deficientem XVIII Terrae motus Lucus I Homo, statua IIPatria XXXI In solarium Richard CRASHA w Introduction Epigrammatasacra Pbarisaeus et publicanus (Luc. 18) Christum ad Thomam (loann. 20) Aethiops lotus (Act. 8) Publicanus procul stans percutiebat pectus suum (Luc. 18.13) Obolum uiduae (Marc. 12.44) Non solum uinciri sed et mori paratus sum (Act. 21.13) Viduae filius e feretro matri redditur (Luc. 7) Ad uerbum dei sanatur caecus (Marc. 10.52) Ad infantes martyres (Matth. 2) Ad uerbum dei sanatur caecus (Marc 10.52) Onus meum leue est (Matth. 11) In beatae uirginis uerecundiam In cicatrices quas Christus babet in se adhuc superstites (loann. 20) Quid turbati estis ? Videte maous meas et pedes quia ego ipse sum (Luc. 24.39) Christus uitis ad uinitorem patrem (loann. 15) In aquam baptismi dominici (loann. 3) Si filius dei es, deiice te (Matth. 4) Filius e feretro matri redditur (Luc. 7.15) Piscatores uocati (Matth. 4.19) Date Caesari (Marc. 12) Ad Iudaeos mactatores s. Stephani (Act. 7) In lactentes martyres (Matth. 2) Aquae in uinum uersae (loann. 2) Coepit lacrymis rigare pedes eius et capillis extergebat (Luc. 7.37) Ego uici mundum (loann. 16.33) Caecus natus (loann. 9) Leprosus dominum implorans (Matth. 8) In d. Paulum illuminatum simul et excaecatum (Act. 9)

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TABLE DBS MATŒllBS

Sic dilexit mundum, ut filium morti traderet (loann. 3.16) The Dellghts of the Muses In Pygmaliona B~a Notes du second volume

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