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French Pages [196]
Émile Jalley, normalien, agrégé de philosophie, professeur émérite de l'université Paris XIII, épistémologue, psychologue et philosophe français, est l'auteur de 39 ouvrages individuels, 41 collectifs, 24 volumes d'édition plus 5 autres, soit 109 titres.
ISBN : 978-2-343-17068-8
20 €
Émile Jalley
La Bible serait le livre le plus lu et le plus traduit au monde. L’histoire de sa composition aurait pu commencer voici près de 3 000 ans dans un petit pays habité alors par une population d’environ 50 000 habitants. La Bible et son histoire intéressent les théologiens, mais tout autant les historiens, qu’il s’agisse de l’histoire des religions, de celle de la culture aussi bien que de l’histoire générale. Comme également les croyants juifs, chrétiens, musulmans, tout aussi bien que les incroyants. Cependant, dans le champ de l’histoire, très peu d’historiens de la philosophie se sont intéressés à ce que l’histoire de leur discipline ait pu commencer à Jérusalem, peut-être 500 ans avant de se poursuivre à Athènes, puis à Rome, enfin à Paris, Oxford, Bologne, Francfort, et encore bien après à Kœnigsberg, Iena, Berlin. En réalité, outre le fait qu’il a existé une authentique philosophie juive des premiers siècles jusqu’à nos jours, et que la Bible a inspiré la philosophie chrétienne médiévale, la Bible a aussi été la source originelle, pour l’ensemble de la philosophie occidentale, de ses champs d’objets (le moi, le monde et Dieu), ainsi que de toute la procédure de la pensée paradoxale et dialectique qui l’a animée jusqu’aujourd’hui.
L’histoire de la Bible et la philosophie
L’histoire de la Bible et la philosophie
Émile Jalley
L’histoire de la Bible et la philosophie Jérusalem, Athènes, Rome
L’histoire de la Bible et la philosophie
É Émile Jalleey
L’’histoiire de la Bib ble et la pphilosophiee Jérusalem J m, Athènnes, Romee
© L’Harmattan, 2019 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-17068-8 EAN : 9782343170688
Pour PIERRE JALLEY, notre fils BÉNÉDICTE JALLEY-MEURISSE, mon épouse Et GISÈLE PONCHARD-BONNARD, ma mère En hommage aussi à mes deux psychanalystes Madame le Docteur Anny Cordié Et Monsieur le Docteur Jean Gillibert
En hommage déférent enfin au Pape François De la part d’un ancien élève du Collège des Jésuites de Dole Créé par Philippe II d’Espagne en1582
« Bientôt seront tous morts ceux qui savaient de quoi il est question » Philippe Sollers, France-Culture du 1er août 2010
Le modèle de l’arbre de la circularité dialectique des savoirs Le savoir humain est comme un arbre1, dont les racines puis le tronc sont les savoirs sur l’esprit inconscient2 et conscient3, les branches qui sortent de ce tronc4 étant les sciences formelles, les sciences de la nature et les sciences de l’homme5, le feuillage de l’arbre se formant alors de l’entrelacement de leurs applications techniques et pratiques particulières.
1 Descartes,
Hegel. Image fr.123rf.com. Lacan et col. 3 Wallon, Piaget, Gesell et col. 4 Descartes, Hegel, Freud, Wallon, Piaget. 5 Hegel, Marx et col. 2 Freud,
Sommaire L’HISTOIRE DE LA BIBLE ET LA PHILOSOPHIE JÉRUSALEM, ATHÈNES, ROME Chapitre 1 : Il a fallu mille ans Chapitre 2 : Une histoire un peu plus courte Chapitre 3 : Intérêt de l’histoire de la Bible pour la philosophie Chapitre 4 : Nécessaires mais exclus 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. Profil d’Émile Jalley Bibliographie d’Émile Jalley 7
9 27 59 87 87 89 110 120 128 130 134 135 138 142 151 161
Principales références thématiques aux ouvrages d’Émile Jalley 173 Tableaux et cartes 181-186 Références 187
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Chapitre 1 Il a fallu mille ans Il aurait fallu presque 1000 ans pour composer l’Ancien Testament, de -900 à -200 à peu près av. J.C., sans parler du temps encore nécessaire pour y ajuster le Nouveau Testament, ce qui demandera une période allant jusqu’à 300 ap. J.-C. environ. Telle est la thèse de Richard Elliott Friedman (Qui a écrit la Bible ? 1997, 2012). L’histoire de l’écriture biblique intéresse le plus vaste cercle de chercheurs imaginable : histoire des religions certes, mais aussi histoire locale d’Israël, histoire générale de la culture et des civilisations, également histoire de la philosophie dont on va avoir à reparler, de même que croyants Juifs, chrétiens, protestants et catholiques, aussi bien qu’incroyants. La Bible est le livre le plus lu et le plus traduit au monde. Ceci étant, il est extraordinairement étonnant qu’un pareil chef-d’œuvre, de plus de 4 millions de 9
caractères, ait pu être produit « au cœur d’un minuscule royaume, très prosaïque », habité par une si petite population. Jérusalem, Athènes, Rome. La plupart des gens ayant une bonne culture historique savent, ou au moins pressentent que ces trois noms désignent les lieux majeurs dont est issu le grand bouquet des idéologies occidentales, parmi lesquelles l’histoire de la philosophie occidentale. À ceci près que les histoires de la philosophie de langue française commencent toujours avec la philosophie grecque ionienne (VIe siècle av. J.-C.), pour passer progressivement à la philosophie chrétienne, médiévale, classique puis moderne, sans jamais s’intéresser à la source hébraïque, à la fois un peu plus reculée et contemporaine de l’espace hellénique (du Xe au IIe siècle av. J.-C.), ceci à une exception près : L’Histoire de la philosophie de la Pléiade (Gallimard, 1973), coordonnée par Yvon Belaval. J’ai moi-même repris les données qui y sont exposées dans un de mes ouvrages : Psychanalyse et psychologie (2008-2010). Interventions sur la crise, Tome 1, Paris, L’Harmattan, 2010, pages 148, 196-202. Il m’a paru intéressant de reprendre à nouveau cette question sous un aspect élargi après avoir fait la rencontre de deux livres écrits par de bons spécialistes, et qui attirent l’attention aussi bien par leurs convergences que par leurs divergences. La question de l’émergence et de l’histoire du monothéisme est une question d’importance centrale, et même cruciale, pour toute l’histoire des 10
idéologies, religieuses aussi bien que philosophiques, dans l’aire occidentale. D’autant que, comme l’a bien vu Hegel, la religion est l’une des sources – il y a aussi la science – de la philosophie. Il existe déjà un monothéisme, certaines formes de monothéisme bien repérables dans la philosophie grecque dès le VIe siècle (Xénophane) puis le Ve siècle (Platon, Aristote), et encore au-delà (Cosmos et Providence des Stoïciens), puis dans les philosophies romaine (Marc-Aurèle, Plotin) et chrétienne évidemment. On croit savoir, au moins chez les gens quelque peu instruits de ces choses, que la source judaïque du monothéisme occidental est un peu plus reculée que la source grecque. Cependant l’histoire de l’écriture de la Bible, un livre qui aurait mis, soupçonne-t-on, plusieurs centaines d’années avant de trouver sa forme définitive dans la période alexandrine (mis à part le Nouveau Testament) pose à cet égard de redoutables problèmes. D’autant que le terrain des études bibliques paraît de soi revendiquer la prétention légitime d’être le champ réservé des théologiens, voire des historiens des religions, dans la posture spontanée de contester aux philosophes le droit d’y intervenir. Or une telle prétention est sans fondement sérieux, et l’histoire de la philosophie peut faire valoir son droit à l’investigation d’un tel terrain, tout aussi bien que toute autre forme de discipline historique, y compris l’archéologie, puisque c’est aujourd’hui la mode au pays d’Israël. 11
Or, à adopter cette perspective, toute l’histoire de la philosophie – antique, classique et moderne – aurait probablement beaucoup à gagner. La philosophie moderne et, avant elle, la classique sont reliées sans rupture de principe avec la philosophie chrétienne, et celle-ci avec la philosophie grecque puis romaine, et enfin la religion judaïque. Hegel, qui a tout compris, ou presque, soutenait que la philosophie grecque avait duré 1000 ans (-500 av. J.-C. – 500 ap. J.-C.), la philosophie chrétienne autant (500-1500), et que la philosophie moderne (identifiée par lui à germanique) avait commencé avec Descartes (1636). Ne craignant pas de faire de Descartes le premier philosophe allemand. Un carrefour essentiel à cet égard serait le symbole de Nicée (325), qui, en posant le paradigme trinitaire, résume toute la philosophie antique et la religion judaïque. C’est dans ce texte que se reflètent à la fois aussi bien la structure ternaire de la pensée humaine (dans son mouvement allant de l’universel via le particulier vers le singulier) que le paradigme des trois grands Objets de la philosophie occidentale : le Moi, le Monde et Dieu (l’Idéal du moi) (Suárez, Descartes, Kant, Hegel). Telle est lecture que, selon Alain Badiou (Théorie du sujet, 1982) le protestant d’Aquin Hegel aurait fait de ce résumé fondamental de la philosophie chrétienne. La formule trinitaire Père-Fils-Esprit exprimée par le Credo serait la matrice du tripode philosophique Dieu-Monde-Moi, traduite par Hegel dans les trois moments de son Encyclopédie Logique12
Nature-Esprit (Badiou 1982). Chez Freud, cela deviendrait Surmoi-Ça-Moi, et chez Lacan : Symbolique-Réel-Imaginaire. Or de tels éléments existent déjà manifestement dans la source hébraïque. Dans la Genèse, Dieu crée d’abord le Monde, puis l’Homme, voilà donc le ternaire de base qui offre la source du paradigme des Trois Grands objets de la philosophie occidentale à peu près tout entière, au moins jusqu’à HegelMarx. Par ailleurs, on croit savoir que l’idéologie hébraïque distinguait trois régimes distincts de l’activité spirituelle, du fonctionnement psychique : âme vitale (nephesh), âme humaine (rouah), esprit (neshama). Qui ne verrait que cela ressemble déjà beaucoup à la distinction aristotélicienne des trois formes d’âme « bottom-up » (végétative, sensitive, intellectuelle) ? Sans parler des trois « âmes » de Platon, etc.6 Voici donc ces deux livres, dont les propos qui suivent présentent une forme de compte rendu commenté. Du second, nous nous sommes autorisé à citer directement d’assez larges extraits, ce dont nous nous excusons auprès de l’auteur et de son éditeur. Mais cela nous a paru le seul moyen et le plus économique pour ne rien perdre de la riche et très nuancée substance de son contenu. Richard Friedman : Qui a écrit la Bible ? La prodigieuse quête des auteurs de l’Ancien Testament, Éditions Exergue, 1997, 2012, 319 pages. 6
Émile Jalley : Critique de la raison philosophique, Tome 3, Paris, L’Harmattan, page 353.
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Israel Finkelstein, Neil Asher Silberman : La Bible dévoilée, Paris, Gallimard, 2001, 2002, 558 pages. Ces deux livres sont l’un et l’autre traduit de l’anglais. Le premier ouvrage présente une bibliographie de 111 titres anglais, 6 allemands, 3 latins, 1 français, et un index de 311 noms et matières. Sans négliger les données archéologiques, il applique surtout une méthode plutôt traditionnelle de critique historique et comparée des textes. C’est celui qui, malgré le paradoxe d’un appareil scientifique moins érudit, nous a paru développer les conclusions les plus riches et les plus intéressantes, du moins au point de vue chronologique. On va voir plus loin en quoi et pourquoi. Le second présente une bibliographie de 296 titres anglais, 34 français, 3 allemands, et un Index de 408 noms. Muni d’un appareil scientifique d’une étendue apparente plus vaste, il s’appuie par ailleurs de façon bien plus importante sur les fouilles menées sur le terrain, à partir de quoi il propose des conclusions bien plus restreintes et plus prudentes. Ce n’est pas celui qui nous a le plus intéressé des deux, au moins du point de vue de l’histoire longue. On va voir aussi plus loin en quoi et pourquoi. Commençons donc par le premier dont on reproduira le contenu très suggestif de la Quatrième de couverture. « Depuis des siècles, des érudits s’interrogent sur cette question. Récemment, grâce aux progrès des études textuelles et archéologiques, une réponse 14
est devenue possible. Richard Friedman, bibliste de renom, nous dévoile le résultat stupéfiant de cette recherche sur l’histoire de la rédaction de l’Ancien Testament. Il nous guide sur une piste semée d’énigmes et d’indices jusqu’à la découverte de l’époque, du statut social, parfois de l’identité des auteurs et des rédacteurs auxquels on doit la Bible que nous connaissons aujourd’hui. Cet éblouissant pèlerinage aux sources historiques de la Bible est aussi l’occasion d’exposer une fresque vivante de l’antique Israël : sa politique et ses guerres, sa culture et sa foi, ses acteurs et leurs rivalités. L’enquête vise principalement le Pentateuque – les cinq premiers livres attribués à Moïse par la tradition –, qui forme la Torah hébraïque et soutient tout l’édifice biblique. Mais elle fait aussi parler l’ensemble des livres historiques et des livres prophétiques, pour dévoiler les forces et les personnalités qui composent la Bible, âme de l’Occident. Richard Friedman a réussi le rare exploit de proposer un ouvrage qui soit à la fois une importante contribution académique et une lumineuse introduction à la quête des origines de la Bible. On apprécie d’autant mieux un livre qu’on connaît quelque chose de son auteur et du monde dans lequel il vivait. Or, aucun livre n’a eu autant d’influence sur notre civilisation que la Bible. Peuton se désintéresser de ses auteurs ? En rendant accessible au grand public les découvertes de mes confrères et de moi-même, j’ai souhaité faire mieux 15
connaître et aimer la Bible, faire découvrir l’expérience humaine qui lui donné a naissance et comment cette expérience imprègne le texte. » Richard Friedman, né en 1946 et de nationalité américaine, est titulaire d’un doctorat d’Harvard et professeur d’hébreu à l’université de Californie à San Diego. Il enseigne à Oxford et Cambridge. Il est actuellement en mission archéologique en Israël. On nous dit d’abord que les Israélites sont déjà présents en Palestine depuis les années –1200 environ, répartis à peu près déjà dès cette époque en deux populations d’importance territoriale, économique et démographique très inégale : « grosso modo » l’une « nordiste » formant Israël (9 tribus), l’autre « sudiste » réduite à la minorité de Juda (4 tribus). De façon paradoxale, c’est ce territoire sudiste de Juda qui, à la suite d’un premier exil de la population du Nord en Assyrie (-722 av. J.-C.), va progressivement organiser et centraliser le destin idéologique, spirituel et théologique dont sortira le monothéisme hébraïque, en lien avec la très longue composition de la Bible (près de 1000 ans, sans parler de plusieurs siècles encore pour l’ajout chrétien du Nouveau Testament). À l’encontre, I. F. et N.A. S. parleront d’une période d’environ, ce qui se comprend puisqu’ils font commencer la véritable composition de la Bible sous le règne de Josias (-639 – 609) plutôt que sous ceux des tout premiers rois au Xe siècle av. J.-C. De fait, Juda subira lui-même un exil en Babylonie (de -586 à -538 env. av. J.-C.), 16
dont le prélude et le postlude vont jouer un rôle important dans la composition finale du Pentateuque (les 5 premiers livres fondateurs de l’Ancien Testament). D’après R. Friedman, la très longue composition du Pentateuque – Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome – se serait organisée en cinq strates principales : J, E, D, P, R. J fut composé en Juda et E en Israël dans une période comprise entre -848 et -722 (date du premier exil) pour J, entre -922 et -722 pour E. L’auteur de E est certainement un membre masculin du clergé lévite de Silo, tandis que J pourrait avoir été composé par une femme (6). La source D concerne le Deutéronome plus les six livres qui suivent : Prophètes antérieurs (Josué, Juges, Samuel 1 et 2, Rois 1 et 2). L’auteur, lié au clergé moshite de Silo, pourrait en être, sous le roi de Juda Josias (-639 – -609 av. J.-C.), le prophète Jérémie. L’archéologie a même retrouvé le sceau matériel de son scribe nommé Baruch ! La source P connaît bien JE, elle émane d’un groupe sacerdotal partisan d’Aaron contre Moïse, et fut produite à la cour du roi de Juda Ézéchias (-727 – -698), le grand-père de Josias. Le moshite Jérémie n’apprécie visiblement pas trop ce courant. Juda subsiste donc seul en Palestine (sources P aaronienne puis D moshite) pendant 136 années entre le premier exil à Ninive en Assyrie (-722) et le second exil à Babylone plus à l’est (-586). Or en -538, les Perses (Cyrus le Grand) conquièrent les 17
Babyloniens. Cyrus laisse alors les Juifs regagner la Judée cinquante ans après le début du second exil. Quatre-vingts ans plus tard le prophète Esdras, prêtre aaronien et scribe, revient de Babylone (-458). Il serait le Rédacteur (R) de la synthèse finale des trois parties (Torah ou Pentateuque, Prophètes, Écrits) de l’Ancien Testament. En résumé, l’alternative sacerdotale aaronienne P aurait été composé après J et E, « peut-être un siècle plus tard », en contraste avec JE. Le prêtre aaronien R (Esdras) intervient en se référant à la source sacerdotale P « environ deux cents ans plus tard » encore (au Ve siècle av. J.-C.). L’empilement des composantes de l’Ancien Testament se présenterait donc comme une juxtaposition de zones contrastées. P, rédigé sous Ezéchias (-727 – -698), fait contraste avec le bloc lui-même contrasté J et E (Juda/Israël). Puis D, la première synthèse effectuée par Jérémie entre J et E, sous le petit-fils du précédent, Josias (-639 – 609), fait contraste avec P. Enfin R est la synthèse finale produite par Esdras (après -459) en suivant l’ancienne source P comme fil conducteur. Dans cette succession interfèrent les deux traditions opposées relevant soit de Moïse soit de son frère rival Aaron. Le site religieux de Silo en Israël, à la frontière de Juda, est le lieu privilégié où se confrontent à diverses époques ces deux traditions : IsraëlMoïse/Juda-David, Ézéchias-Aaron/ Josias-Moïse.
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L’auteur prend grand soin de toujours marquer les « contradictions », mais sans que soient exclues les « similarités », par exemple polarités entre J et E (Yahvé/Elohim ou Dieu), ou encore traditions sacerdotales Moïse/Aaron, optique cosmique/terrestre (249), Dieu personnel/universel (260-261), juste (plus en P) mais clément (plus en J, E et D)(262263), courroucé/aimant (264), tout comme la pratique des inversions de langage (dans P comme dans D). Il souligne comment Esdras œuvre à déplacer, à ajouter, à « réconcilier des sources contradictoires » (254-255), tout en laissant subsister « un seuil acceptable de contradictions » (249). Il nous dit que, « sur plusieurs points les récits J et E se contredisent… tantôt se recoupent et tantôt se contredisent » (53-54) ; parle de « l’antagonisme profond entre les prêtres qui s’identifiaient à Moïse… et ceux qui s’identifiaient à Aaron », visible parfois en E (82) ; marque aussi « la similarité de J et E » (90) ; contradictions et similarités qui vont motiver « la combinaison de J et E » dans la nouvelle « source D » [par Jérémie sous Josias] « après deux cents ans de division » [-800 – -600 env.] (94-95) ; il parle aussi de nouvelles contradictions dans D tenant au fait du rajout après la mort de Josias des « quatre derniers rois » qui précèdent « la chute de Juda » [-609 → -586] (118-119) ; puis de l’opposition entre « Dieu national » et « Dieu universel » (169) ; des « inversions de langage » pratiquées par Jérémie (D) à l’égard de P qu’il « connaît » tout en y étant « hostile » (184-185) ; puis de l’opposition entre la vue plus « terrestre » de J à la vue plus « cosmique » de P 19
(249) ; puis des « évidentes similitudes et des flagrantes différences » entre les « deux récits du déluge » (250) ; ceci encore : J, E et D peignent « Dieu de façon très personnelle », alors que le Dieu de P « reste au-dessus et au-delà » (260), est « plus transcendant, plus distant » ; si bien qu’en définitive plus tard la rédacteur R « a superposé deux images différentes de Dieu [et] a « établi un nouvel équilibre entre les qualités personnelles et transcendantes de la déité » (261). De la sorte, les deux religions hébraïque et chrétienne « se sont développées autour d’une Bible qui peignait Dieu comme un parent aimant et fidèle mais parfois courroucé » (264). La Bible nous dépeint « une déité souvent déchirée entre la justice divine et la compassion divine. La Bible est parcourue par une tension entre les forces qui disent « punis » et les forces qui disant « pardonne » » (29). E vient d’« Israël, par un défenseur de la famille ecclésiastique de Silo, et sans doute descendant de Moïse, et J de Juda, par un défenseur de la famille royale de David » (266). « P est une alternative sacerdotale à l’œuvre JE, qui reflétait une vision différente, concurrente de Dieu, de l’histoire, et particulièrement de leur ancêtre Aaron. Leurs adversaires dans la fonction sacerdotale, le clergé siloïste (peut-être moshite) vit son tour arriver à l’âge du roi Josias » avec Jérémie et Baruch, et alors deux éditions successives de D, dont l’une postérieure à la mort de Josias (266). 20
À remarquer également la série de fortes oppositions binaires qui structure la composition de la composante P : lumières/ténèbres, jour/nuit, mers/ continent, « firmament »/corps célestes (260). Concernant la composition contradictoire du concept de la déité, on note que « la qualité anthropomorphique de J est presque entièrement absente de P » (64), où Dieu est décrit comme le Dieu cosmique d’un grand univers ordonné (209). Dans le registre anthropomorphique, Dieu est soumis à des affects opposés. Moïse supplie Dieu de se montrer clément, et Dieu y est réticent (75) ; il supplie Dieu de pardonner l’offense de son peuple et de ne pas le détruire (76) ; la colère de Yahvé s’enflamme (83) ; dans l’ardeur de sa colère, il prend en dégoût son autel, en horreur son sanctuaire (202) ; il est possédé de jalousie (221-222). En P, Dieu est juste, mais en rien compatissant, lui sont étrangers « pitié », « grâce », « fidélité », « repentir » (214) ; mais c’est tout le contraire dans JE : Dieu est alors tendresse, pitié, lent à la colère, riche en grâce et fidélité, tolère faute, transgression et péché (214215). En langage « hégélien », on dirait que J et E comportent une « différence-similarité », que P marque par rapport à JE une nouvelle différence, puis que D, marquant une nouvelle différence à l’égard de P, offre une première synthèse de JE, mais comportant elle-même une différence interne (vu les deux éditions de D), enfin que R produit la synthèse finale, au moins d’une partie de l’ensemble 21
de la Bible : celle formée par la Torah (le Pentateuque) et les Prophètes antérieurs (c’est-à-dire la première partie de la deuxième grande partie de la Bible : les Prophètes), restant alors en suspens la Troisième partie (les Écrits) (voir page 182). On prêtera attention au fait que l’auteur qui produit la première synthèse (D : Jérémie) le fait du point de vue de Moïse, alors que celui qui produit la seconde (R : Esdras) le fait du point de vue d’Aaron (R : Esdras). Comme aussi sont moshite E et par ailleurs aaroniens J et P. Que l’on ne nous impute pas de projeter sur la lecture de la Bible une grille empruntée à l’Encyclopédie de Hegel (1770-1831). Mais c’est bien ce qui est formulé en fait sinon de façon explicite dans le livre de Richard Friedman. Mais quoi d’étonnant pour ceux qui savent que Hegel, le protestant d’Aquin selon les mots de Richard Kroner, avait suivi au Stift de Tübingen une formation de pasteur luthérien, dans la tradition du théologien Johann Albrecht Bengel (1687-1752). L’auteur nous dit encore que « la Bible fut la première tentative d’écrire l’histoire… c’est globalement excellent… il s’agit de la première écriture de l’histoire » (253). Que « la Bible est plus que la somme de ses parties, qu’elle est plus grande que les individus qui l’ont écrite… synthèse d’histoire et de littérature, parfois en harmonie, parfois en tension, mais totalement inséparables » (264, 266-267).
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Il souligne le caractère curieusement hégélien des premiers chercheurs bibliques romantiques allemands : « Julius Wellhausen (1844-1918) acceptait le schéma de Wilhelm Vatke (1806-1882), à savoir une religion d’Israël se développant en trois stades, et il acceptait le schéma de Karl Heinrich Graf (1815-1869) c’est-à-dire des documents écrits sur trois périodes distinctes. Il opéra donc la fusion des deux schémas » (24). En fait, le schéma que dégage progressivement l’auteur d’une totalisation par reprises progressives en cinq étapes contrastées, en même temps qu’enveloppantes, ferait volontiers songer à la fameuse synthèse fichtéenne en cinq points. Mais le schéma d’une dialectique plus élémentaire – comme « à la Hegel » – est tout aussi évident, sans du tout forcer les faits. E(lohim) J(aweh) P
Israël -922 – -722 Moïse +/Juda -848 - -722 Aaron +/Juda -727 – -698 Aaron Ézéchias (id.) Aaron
D
Juda ap. -622 Moïse Josias (-639 - -609) Jérémie
R
Juda Aaron Esdras (après -449) 23
Hypothèse des couches d’oppositions (E et J) et de synthèses (D et R) dans la composition historique de la Bible d’après Richard Elliott Friedman.
L’inspection de ce schéma montre à quel point Hegel a découvert les sources profondes de sa pensée dialectique dans le judéo-christianisme. Ce sur quoi on va revenir à l’instant. Les deux exils se situent en -722 en Assyrie et -586 à Babylone, le retour du second exil à partir de -538. Toujours à propos de Hegel, et de la sorte connivence, de l’espèce de connaturalité entre sa méthode dialectique selon les trois moments : Universel, Particulier, Singulier d’une part, et l’approche trinitaire propre à la perspective judéo-chrétienne d’autre part, voici un exemple tiré du Nouveau Testament, au moins pour qui sait lire : « Un Pharisien demanda à Jésus pour le mettre à l’épreuve : « Maître, quel est dans la Loi le plus grand commandement ? » Jésus dit : « Tu aimeras le seigneur ton Dieu [Universel] de tout cœur, de toute ton âme, de toute ta pensée [trois points : nephesh, rouah, neshama ?]. Voilà le premier et le plus grand commandement. Et voici le second qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain [Particulier] comme toi-même [Singulier]… » (Matthieu 22 : 39). On n’a jamais rien trouvé et on ne trouvera rien d’une telle subtilité dans le Coran.
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Dans la tradition de sa double lignée franciscaine et jésuite, le Pape François, presque à la fin de sa dernière Encyclique « Loué sois-tu (Laudato si) retrouve le même fil en tenant le propos suivant : « Le saint franciscain [François d’Assise] nous enseigne que toute créature porte en soi une structure proprement trinitaire, si réelle qu’elle pourrait être spontanément contemplée si le regard de l’être humain n’était pas limité, obscur et fragile [Freud (refoulement) ; Sartre (mauvaise foi)]. Il nous indique ainsi le défi de lire la réalité avec une clé trinitaire… Tout est lié » (page 184). Sont impressionnants aussi, toujours dans le même esprit, les propos ci-après du même auteur : « Le temps est supérieur à l’espace… L’unité est supérieure au conflit… La réalité est supérieure à l’idée » (pages 141, 156, 158). Or, d’un autre côté, de l’autre côté de la sortie du tunnel, il est clair que la dialectique hégélienne débouche directement – remise sur ses pieds bien entendu – sur la dialectique marxiste : la même mais différente, différente mais la même. C’est d’avoir su tenir en même temps ces deux bouts de la chaîne qui fait l’importance particulière de Hegel, ce grand phare de l’histoire de la philosophie et plus largement, de toute la culture occidentale. C’est ce qu’un Louis Althusser ne savait pas voir, ne voulait pas voir. Et nul n’a jamais su exactement pourquoi.
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On reviendra plus loin sur ce problème, d’une importance cardinale, pour notre sujet, de la dialectique. Quitte à nous redire, par rapport au tableau présenté ci-dessus, on peut encore résumer ainsi les moments de la véritable dialectique alternante présidant à la gestation progressive de cette création idéologique majeure : La filière Aaron enferme les trois moments impairs : 1 (J), 3 (P), 5 (R), tandis que la filière Moïse enferme les deux moments pairs 2 (E) et 4 (D). C’est la filière Aaron qui conduira la synthèse finale sous la tutelle d’Esdras, tandis que la filière Moïse aura clôturé la première synthèse partielle sous la tutelle de Jérémie deux cents ans plus tôt. En fait E (2) serait sensiblement plus ancien que 1 (J) (voir page 33).
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Chapitre 2 Une histoire un peu plus courte On passe maintenant à l’analyse du second ouvrage qui en arrive à des conclusions beaucoup plus mesurées quant à la dimension temporelle. En ce sens, l’ouvrage est moins audacieux et moins intéressant. Cependant, l’un de ses intérêts est d’apporter des renseignements nouveaux sur la démographie ancienne du peuple juif, faisant état d’une population autochtone relativement, et même de façon spectaculaire, très faible. Donc pour les deux autres auteurs de ce second livre, la rédaction de la Bible aurait commencé environ 200 ans plus tard, plus exactement sous le règne du roi de Juda Josias (-639 – -609). Et voici tout d’abord le contenu de la Quatrième de couverture de l’ouvrage : « Israël Finkelstein, Neil Asher Silberman : La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l’archéologie. Quand et pourquoi la Bible a-t-elle été écrite ? Que savons-nous des premiers patriarches ? Quand 27
le monothéisme est-il apparu ? Comment le peuple d’Israël est-il entré en possession de la Terre promise ? Jérusalem a-t-elle toujours été le centre de l’ancien Israël ? Pour la première fois, il est possible de répondre à ces questions avec un haut degré de certitude. Car les auteurs, Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, puisent leurs arguments dans les découvertes archéologiques les plus récentes, entreprises en Israël, en Jordanie, en Égypte, au Liban et en Syrie. Loin de sortir désenchanté de cette mise à plat historique du Livre des livres, le lecteur est d’autant plus fasciné par ces nomades et ces agriculteurs d’il y a trois mille ans, qui ont su fabriquer, en des temps de détresse ou de gloire, un récit dont la fécondité n’a cessé d’essaimer au-delà de ce peuple. Israël Finkelstein, archéologue israélien né en 1949, dirige l’Institut d’archéologie de l’université de Tel-Aviv ; il est coresponsable des fouilles de Megiddo. Neil Asher Silberman, anthropologue, archéologue et historien américain né en 1950, est directeur historique au Centre Ename pour la présentation de l’archéologie et de l’héritage public de Belgique. » L’ouvrage d’I. F. et N. A. S. débute alors ainsi : « Le monde dans lequel fut composée la Bible n’avait rien d’un royaume mythique parsemé d’opulentes cités et peuplé de héros sanctifiés. La Bible naquit au cœur d’un minuscule royaume, très prosaïque, dont la population se forgeait un avenir 28
en luttant avec des moyens parfaitement humains contre les peurs et les calamités engendrées par la guerre, la misère, l’injustice, la maladie, la disette et la sécheresse. » En fait, « la saga historique que nous conte la Bible – depuis la rencontre entre Dieu et Abraham, qui incita ce dernier à émigrer vers Canaan, jusqu’à la libération des enfants d’Israël du joug de la servitude, sous la conduite de Moïse, suivie de l’émergence et de la chute des royaumes d’Israël et de Juda – ne doit rien à une quelconque révélation miraculeuse » ; elle serait « le brillant produit de l’imagination humaine. Comme le suggèrent de récentes découvertes archéologiques, elle a été conçue pour la première fois, en l’espace de deux ou trois générations, il y a environ 2 600 ans [donc -600 av. J.-C.]. Elle prit naissance ; au sein du royaume de Juda. » Or, « c’était, à l’époque, une contrée à la population clairsemée, composée pour l’essentiel de pâtres et de fermiers, gouvernée à partir d’une cité royale excentrée, nichée au cœur d’une région de collines, et perchée, de façon précaire, sur une étroite crête rocheuse cernée de profonds ravins. » En fait, « vers la fin du VIIe siècle av. J.-C., au cours de quelques décennies, qui furent témoins à la fois d’un ferment spirituel sans précédent et d’une intense agitation politique, une coalition des plus hétéroclites rassembla des fonctionnaires de la cour judéenne, des scribes, des prêtres, des fermiers et des prophètes du royaume de Juda. » Alors, « ensemble, ils initièrent un nouveau mouvement, dont 29
l’élan puisait son inspiration dans une écriture sacrée, dont le génie spirituel et littéraire demeure sans égal. Cette saga épique se composait d’une collection, fabuleusement riche, de récits historiques, de souvenirs, de légendes, de contes populaires, d’anecdotes, de textes de propagande royale, de prédictions et de poèmes antiques. » Par ailleurs, « ce chef-d’œuvre de littérature – moitié composition originale, moitié adaptation de versions antérieures – connut un certain nombre de réajustements et d’améliorations avant de servir de point d’ancrage spirituel, non seulement aux descendants du peuple de Juda, mais aussi à d’innombrables communautés humaines dans le monde entier » (13-14). Les auteurs présentent alors leur hypothèse précise concernant l’origine du monothéisme judaïque « au temps du roi Josias » : « Par « monothéisme », nous entendons le culte, ordonné par la Bible, d’un Dieu unique en un lieu unique – le Temple de Jérusalem – auquel était accordée une sainteté particulière… Nous suggérons qu’un mouvement décisif en direction du monothéisme moderne s’est opéré durant le règne de Josias [-639 – -609], sous l’influence des conceptions deutéronomiques [s’agissant donc de ce que le livre de R. F. nous a présenté comme étant la source D] » (15). « Il nous semble important d’insister sur le fait que, même si certaines notions fondamentales qui caractérisent le Deutéronome ont peut-être été formulées vers la fin du VIIIe siècle av. J.-C. [Ce qui 30
pourrait être une allusion à la source P dont Richard Friedman a situé l’origine sous le roi Ézéchias (-727 – -698), le grand-père de Joas], elles ne sont cependant arrivées à maturité qu’à la fin du VIIIe siècle, au moment où les textes du Deutéronome et l’histoire deutéronomiste ont été compilés dans la forme que nous leur connaissons » (370). Plus tard, les deux auteurs nous reparleront de « la grande réforme » (-639 – -586 av. J.-C.), en intégrant au règne de Josias (+ 609), ceux des quatre derniers rois de Juda avant le second exil babylonien de -586 : Joachaz, Joaiqim, Joiakïn et Sédécias, tous des « apostats [responsables] de la période de déclin continu, [ayant mené] à la destruction inévitable de l’État judéen » (409, 433). Selon les deux auteurs, « contrairement au royaume du Nord, décrit en termes négatifs tout au long du texte biblique – de Jéhu (-842 – -814) à Osée (-732 – -724) –, Juda est toujours présenté comme globalement bon » (330, 347), ce qui n’a rien de surprenant, l’initiative de la rédaction du texte ayant toujours été entre les mains des sudistes Judéens. L’hypothèse d’Israël Finkelstein et de Neil Asher Silberman est donc bien plus restrictive dans le champ temporel que celle de Richard Friedman. Ils écrasent sur la source D (dès -622) les sources antérieures pour Richard Friedman J, E, et P – situées par lui entre -922 et -698, donc un bond tout de même énorme de 3 siècles –, n’évoquent pas le rôle important pour R. F. de Jérémie sous Josias, 31
n’accordent pas à Esdras le même rôle rédactionnel important que R. F., dont ils mentionnent pourtant l’opinion (460). Ils signalent pour mémoire seulement, sans s’y attarder, les époques postérieures d’élaboration des textes de la suite de la Bible jusqu’au IIe siècle, telles que reconnues par la majorité des historiens. De fait, ce qui les intéresse, c’est la composition de l’ancienne Bible, comportant seulement le Pentateuque et « l’histoire deutéronomiste » incluant les Prophètes antérieurs jusqu’à l’exil de -586, soit à peu près le premier quart (398/1638 pages) de l’édition moderne de la Bible. Le caractère en partie légendaire des origines historiques des peuples juifs n’aurait rien, notons-le au passage, de si étrange. Sont dépeintes dans une brume tout aussi mythologique, à une époque avoisinante, les origines d’Athènes (vers -800) et de Rome (-753). Parmi les rois de Juda, nous dit-on, 8 seulement sur 20 sont déclarés « bons », ce qui représente une performance somme toute moyenne : Asa (911870), Josaphat (870-846), Joas (836-798), Amasias (798-769), Ozias/Azarias (785-733), Yotam (759743), Ézéchias (727-698), Josias (639-609) (42-43, 354-355, 405). Le même livre toujours aborde le débat touchant les fameuses composantes J, E, D, P, R, mais en termes bien plus brefs, moins précis, plus flous et moins engagés que le livre précédent. Pour finir par annoncer qu’il s’intéressera essentiellement, à propos de celles-ci, à la composante D rédigée à 32
l’époque de Josias (417). Nous nous sommes sentis obligés, dans un but de clarté, de citer d’assez larges extraits du livre. « L’emploi de termes géographiques et de symboles religieux différents, ainsi que les rôles joués par les tribus, dans l’une et l’autre source, convainquirent les savants que le texte J exprimait le point de vue de la monarchie unifiée, ou du royaume de Juda, et qu’il avait été composé à Jérusalem, probablement vers la fin du règne du roi Salomon (env. 970-930 av. J.-C.) ou aussitôt après [848-722 selon R. F.]. » Et, « de la même manière, le texte E devait exprimer le point de vue du royaume d’Israël et avait dû être composé dans le Nord, durant les années d’indépendance de ce royaume (env. 930-720 av. J.-C) [922-722 selon R. F.]. Quant au Deutéronome, au message et au style très particuliers, il leur apparut comme un document indépendant, qu’ils classèrent sous la lettre D. » Par ailleurs, « certaines sections du Pentateuque, que l’on ne pouvait attribuer à J, à E ou à D, contenaient nombre de passages qui traitaient du rituel. Ceux-ci finirent par être considérés comme provenant d’un long traité auquel fut attribuée la lettre P (pour Prêtre), car il manifestait un intérêt particulier pour tout ce qui touchait à la pureté, au culte et aux lois du sacrifice [Ces propos sont moins précis que ceux de R. F.] ». En d’autres termes, « les savants en vinrent petit à petit à la conclusion que les cinq premiers livres de la Bible tels que nous les connaissons aujourd’hui 33
résultaient d’un processus éditorial complexe au cours duquel les quatre sources principales de documents – J, E, P et D – avaient été habilement mélangées et reliées entre elles par des scribes compilateurs, appelés Rédacteurs, dont on distingue les empreintes littéraires (que plusieurs savants appellent les passages R) dans certaines phrases qui servent de transition ou dans des notes rajoutées ». Dans ce cadre, « la dernière de ces rédactions date de la période postexilique [Ceci également est moins précis]. Au cours des récentes décennies, l’opinion des savants sur les dates de composition et sur les auteurs de ces sources indépendantes a considérablement varié. » Ainsi, « certains affirment que ces textes furent composés et publiés d’abord durant la période de l’union monarchique [Saül-DavidSalomon, 1025-931, voir page 183], puis pendant celle des royaumes d’Israël et de Juda (entre 931 et 586 av. J.-C [date du 2ième exil]). » Par contre, « d’autres soutiennent que leur composition fut plus tardive ; d’après eux, ils auraient été rassemblés et publiés par des prêtres et des scribes durant l’exil à Babylone [586-538 av. J.-C.] et le retour en Israël (au cours des VIe et Ve siècles), voire plus tard, au cours de la période hellénistique (entre le IVe et le IIe siècle). » Cependant, « tous s’accordent sur le fait que, loin de résulter d’une composition continue et sans couture, le Pentateuque est au contraire un patchwork [En fait, une double synthèse effectuée
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de façon plutôt adroite par Jérémie puis Esdras selon R. F.], assemblé à partir de sources variées, et dont les diverses pièces furent écrites durant des circonstances historiques dissemblables, pour exprimer des points de vue religieux ou politiques différents. » Ceci qui suit encore : « Les deux versions de l’histoire tardive d’Israël : [Josué→Rois2, Chroniques 1-2]. Les quatre premiers livres de la Bible – la Genèse, l’Exode, le Lévitique et les Nombres – résultaient, semblait-il, d’un habile amalgame des sources J, E et P [Ce n’est pas tout à fait l’avis de R. F.]. Il n’en était pas de même, en revanche, pour le cinquième livre, le Deutéronome. » De fait, « il emploie une terminologie particulière, qu’il ne partage avec aucune autre source ; il condamne sans appel le culte d’autres divinités ; Dieu y apparaît sous une vision nouvelle et transcendante ; il prohibe absolument l’offrande de sacrifices au Dieu d’Israël en d’autres lieux que le Temple de Jérusalem. » Or, « depuis longtemps, les savants envisageaient la possibilité d’une relation entre le Deutéronome et le très mystérieux livre de la Loi, découvert par le grand prêtre Hilqiyyahu dans le chantier de rénovation du Temple, sous le règne de Josias, en 622 av. J.-C. Selon les Rois (2 R 22,8-23,24), ce document aurait inspiré une réforme religieuse d’une sévérité sans précédent. » Ceci étant, «l’influence du Deutéronome sur le message ultime de la Bible hébraïque déborde largement le cadre strictement légal. Le fil conducteur 35
historique qui relie les livres qui suivent le Pentateuque – Josué, les Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois – est si étroitement lié au Deutéronome, tant sur le plan linguistique que théologique, que, depuis le milieu des années 1940, les savants l’appellent l’histoire deutéronomiste [Les 6 livres des « Prophètes antérieurs » allant de Josué à Rois 2, voir page 182]. » Celle-ci « forme le deuxième grand volet de l’histoire d’Israël dans la Bible [le premier étant le Pentateuque seulement de 1 à 4, allant de la Genèse à l’adieu de Moïse]. Poursuivant le récit avec la description de l’évolution d’Israël depuis la conquête de la Terre promise jusqu’à l’exil à Babylone [-586], elle exprime l’idéologie qui se profile derrière un nouveau mouvement religieux qui émerge au sein du peuple d’Israël à une période relativement tardive. » D’ailleurs, « cette œuvre a fait, elle aussi, l’objet de plus d’un remaniement. Certains savants affirment que sa compilation eut lieu pendant l’exil [de -586 à -538] et qu’elle s’inscrivait dans une tentative désespérée de préserver l’histoire, la culture et l’identité de la nation vaincue après la destruction de Jérusalem. » Tandis que « d’autres savants suggèrent que le plus gros de l’histoire deutéronomiste aurait été composé sous le roi Josias [639-609 av. J.-C.], pour servir son idéologie religieuse et ses ambitions territoriales, et qu’elle fut révisée et achevée en exil quelques décennies après » [-586] » (31-34). À l’égard de de ce qu’ils viennent de rapporter plus haut touchant la littérature relative aux composantes J, E, P, D et R, les deux auteurs I. F. et N. A. 36
S. prennent, on en a déjà parlé, une position personnelle très différente de celle de R. F. : « Le texte J du Pentateuque [daté par R. F. entre -848 et -722] et l’histoire deutéronomiste [D + Prophètes antérieurs, voir p. 182] furent l’un et l’autre composés au VII siècle av. J.-C, au royaume de Juda, à Jérusalem, à une époque où Israël, le royaume du Nord, n’était plus. Les idées, les épisodes essentiels, les personnages des deux compositions devaient être largement connus. » De ce point de vue, « la source J décrit la protohistoire d’une nation ; l’histoire deutéronomiste se penche, elle, sur des événements plus récents et insiste surtout sur l’idée panisraélite, sur la protection divine dont bénéficie la lignée de David et sur la centralisation du culte au Temple de Jérusalem. » En fait, « tout le génie des auteurs du VIIe siècle, créateurs de cette épopée nationale, réside dans l’habileté avec laquelle ils ont tissé les histoires antérieures, sans les priver ni de leur humanité ni de leur originalité distinctives. » Ainsi, « Abraham, Isaac et Jacob sont à la fois des êtres vivants, dotés d’une haute spiritualité, et les métaphoriques ancêtres du peuple d’Israël. Les douze fils de Jacob ont été introduits dans la tradition comme des frères cadets qui viennent compléter la généalogie. » Et « tout l’art du récit biblique est de nous présenter les fils d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, comme les membres d’une seule et même famille. » Donc « le pouvoir d’évocation de la légende les a réunis pour l’éternité, de façon beaucoup plus profonde que 37
n’aurait pu le faire le récit d’aventures éphémères de quelques individus historiques qui menaient paître leurs troupeaux dans les hautes terres de Canaan » (82-83). En ce qui concerne la source P, les deux auteurs I. F. et N. A. S. prétendent qu’elle a été rédigée pour l’essentiel lors de période postexilique [après -538], donc au VIe siècle, même si certains savants la situent plutôt au VIIe siècle (74). Pour son compte, R. F. pense que P a été produit sûrement entre -722 et -609, mais plus probablement encore à la cour du roi Ézéchias (-727 – -698). Toujours à suivre le propos d’I. F. et N. A. S., dans les Prophètes, la deuxième grande partie de la Bible, Les Prophètes antérieurs « narrent l’histoire du peuple d’Israël de la traversée du Jourdain au second exil de -586 (voir page 183). Les seconds Prophètes – au nombre de 15 d’Isaïe à Malachie – auraient été composés sur une période d’environ trois siècles et demi, entre le milieu du VIIIe siècle et la fin du Ve siècle av. J.-C. » (22). « Enfin viennent les Écrits [la partie finale de l’Ancien Testament qui] paraissent avoir été composés plus récemment, [certains après -586, mais la plupart] entre le Ve siècle et le IIe siècle av. J.-C., au cours des périodes perse et hellénistique » (24). Dans le cadre de ces Écrits, « Les Chroniques – le troisième volet historique de la Bible, consacré à l’Israël préexilique [À partir d’Adam jusqu’à l’exil de -586] – furent composées seulement vers le Ve ou le IVe siècle av. J.-C., donc plusieurs siècles après 38
les événements qu’elles décrivent. Soucieuses de mettre en valeur les prétentions historiques et politiques de Jérusalem et de la dynastie davidique, elles passent quasiment sous silence les événements relatifs au royaume du Nord » et, « sous bien des aspects, les Chroniques reflètent essentiellement l’idéologie et les espérances du Second Temple de Jérusalem [reconstruit après le retour du second exil en - 538]; elles se contentent de reformuler une saga historique qui avait déjà été couchée par écrit. » Dans ces conditions, « dans cet ouvrage, nous ferons rarement référence aux Chroniques. Nous nous concentrerons essentiellement sur les débuts du Pentateuque [La Genèse et l’Exode] et sur l’histoire deutéronomiste, d’origine plus ancienne » [de Josué au second exil de -586] (34) (pages 182183). « Cet ouvrage est consacré, pour l’essentiel, aux œuvres dites historiques de la Bible, en particulier la Torah et les premiers prophètes, qui racontent la saga du peuple d’Israël depuis ses débuts [des Juges vers -1200] jusqu’à la destruction du Temple de Jérusalem (-586 av. J.-C). Nous comparerons ces récits avec la manne de données archéologiques rassemblées au cours des dernières décennies » (24). Dans cette perspective, « nous verrons, au cours des prochains chapitres, que l’archéologie propose un nombre suffisant de preuves qui étayent l’assertion que le noyau historique central du Pentateuque et de l’histoire deutéronomiste [des Juges vers -1200 jusqu’au second exil de -586] fut composé, dans ses grandes lignes, au cours du VIIe siècle 39
av. J -C. » À cette fin, « nous nous pencherons sur le royaume de Juda, de la fin du VIIIe siècle [Ézéchias (727-698 av. J.-C.)] à la fin du VIIe siècle [Sédécias (596-586 av. J.-C.)]. Cette époque fut témoin des débuts enthousiastes de cet élan littéraire. Ainsi, « nous démontrerons que, pour l’essentiel, le Pentateuque fut une création de la monarchie tardive, destinée à propager l’idéologie et les besoins du royaume de Juda, et qu’il est, de ce fait, étroitement lié à l’histoire deutéronomiste » et, « nous soutiendrons les savants qui affirment que l’histoire deutéronomiste fut compilée, en grande partie, sous le règne de Josias [639-609 av. J.-C.], afin de servir de fondement idéologique à des ambitions politiques et à des réformes religieuses particulières » (34-35). Donc ce qui est identifié et visé ici par le second ouvrage, c’est pour une part « l’histoire deutéronomiste » lié à la composante D [+ Prophètes antérieurs], décrivant la saga du peuple israélien de Josué et des Juges (1220-1200 : époque du Fer 1) jusqu’au second exil de Babylone (-586), supposant que cette composante ait été rédigée sous l’époque de Josias (639-609) et un peu après, mais identifié et visé aussi toute la durée antérieure impliquant les périodes archéologiques étalées du bronze ancien (3 5002200), intermédiaire (2200-2000), moyen (20001550), récent (1550-1150), jusqu’aux Fer 1 (1150900) et Fer 2 (900-586), en finissant par les périodes babylonienne (586-538) et enfin perse (538-333) (42). S’agissant essentiellement d’interroger les résultats produits par les méthodes de « l’archéologie
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touchant la question de la véracité historique de la Bible » (35). Les données archéologiques mettent en évidence plusieurs « vagues d’implantation territoriale dans les hautes terres » – avec d’étranges trous entre elles –, une première au bronze ancien entre -3500 et -2000, et une seconde au bronze moyen entre 2000 et -1550, et enfin une troisième au Fer 1. Mais c’est en vain qu’on y chercherait les traces d’Abraham, et de ses ascendants ainsi que de ses descendants. Pas plus que celles d’un exode en Égypte suivie d’un retour sous la conduite d’un dénommé Moïse. La troisième vague vers -1200 est celle des premiers Israélites, « comprenant environ 45 000 individus répartis sur 250 sites, pour atteindre, à l’apogée de cette période d’occupation, au VIIIe siècle av. J.-C., à la suite de la fondation des royaumes d’Israël et de Juda [après -931] plus de 500 sites abritant une population d’environ 160 000 personnes » (181-182). On nous dit que l’ensemble des territoires variés de la Palestine, « à l’époque biblique, servait largement de tampon entre les deux grandes civilisations de l’Égypte et de la Mésopotamie » (37), que l’ascension du royaume d’Israël, sous les Omrides (à partir de - 884), « coïncidait avec le renouveau du commerce de la Méditerranée orientale ; les cités portuaires de la Grèce, de Chypre et du littoral de la Phénicie étaient de nouveau engagées dans le commerce maritime » (294). Également que la composition des armées israélites n’exclut pas « la présence probable de mercenaires grecs », ceci de manière 41
identifiable à l’époque de Josias (pp. 425, 506). Que « des Judéens servaient dans l’armée égyptienne à l’époque monarchique tardive » (509). La question des « influences » a toujours représenté un problème très difficile en histoire des idées. J’ai montré autrefois, dans Freud, Wallon, Lacan. L’enfant au miroir, Paris, EPEL, 1998 (pages 353378), qu’il existait toutes sortes de types de circulation des informations en histoire des idées, qui ne se réduisent pas au processus de l’influence consciente et directe. On sait depuis longtemps qu’il existe des idées, comme on dit, dans l’air du temps. De plus, la reprise d’une source peut être plus ou moins fidèle, déformée, que l’auteur de cette reprise en soit ou non conscient. Le repérage des analogies thématiques entre deux champs de pensée est alors souvent une question de flair, ou encore d’« esprit de finesse », comme disait Pascal. Dans cet ordre d’idées, I. F. et N. A. S. suggèrent que « le Deutéronome [env. -622] n’est pas sans rappeler non plus la littérature grecque primitive, dans l’expression de l’idéologie au sein de discours programmatiques », voulant sans doute évoquer les synthèses proposées juste à la même époque par les premières cosmogonies ioniennes [Thalès (-640 – -548) passait pour venu de Phénicie] (416-417). Dans de telles conditions, ce n’est pas une hypothèse absurde de conjecturer que le paradigme monothéiste, à prendre une consistance définitive dans le texte D écrit sous Josias (-639 – -609) ait pu 42
comporter des anastomoses avec d’une part le monothéisme primitif original tel que formulé par le Pharaon Akhénaton (1377-1358, page 493), avec d’autre part les vues des Grecs Xénophane de Colophon (580-485) sur le « Dieu vrai », comme d’Anaxagore de Clazomènes (500-497 – 425) sur l’Esprit (Noûs), tout comme avec le mazdéisme perse de Zarathoustra (vers -560 en correspondance absolument exacte avec la période du second exil à Babylone de -586 – -538). Pratiquant un régime économique mixte alliant l’agriculture sédentaire et le nomadisme pastoral, la plupart des Israélites sont comme prédisposés à la gestion des contradictions sur le plan idéologique et spirituel. À cet égard, l’épistémologie se doit de demeurer attentive au fait que la dynamique de la contradiction se tient selon les cas aussi bien dans le réel que dans l’esprit. Examinons un peu en détail, tel que rapporté par nos deux auteurs, le catalogue des registres variés de la contradiction qui ont affecté l’histoire du peuple juif « Dès que la sécurité et les conditions économiques s’améliorent, le processus contraire se met en branle. Des communautés sédentaires se forment, que rejoignent d’anciens nomades, qui assument ainsi un rôle spécial dans une société dimorphe : un segment de cette société se spécialise dans l’agriculture, tandis que l’autre poursuit
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l’élevage traditionnel des chèvres et des moutons » (185). L’histoire d’Israël s’est entretenue quasi dès l’origine (après Salomon (970-931)) de l’existence de « deux royaumes distincts et rivaux : au nord, celui d’Israël, et au sud, celui de Juda » (27). Dans la Bible, « le pouvoir du Dieu d’Israël ne cesse de grandir à la suite de la chute de Juda et de l’exil des Israélites. Loin d’être anéanti par la destruction de son Temple (-722, -586), le Dieu d’Israël apparaît au contraire comme doté d’un pouvoir incommensurable » (28). Dans le progrès d’une histoire presque millénaire, « les souvenirs et les aspirations des deux royaumes finirent par se combiner au sein d’une seule tradition scripturaire, laquelle, plus que tout autre document jamais écrit de la main de l’homme, a façonné – et continue de façonner – le visage de la société occidentale » (49). Les jumeaux de Rébecca, Ésaü et Jacob, « se révèlent dotés de caractères violemment antagonistes ; leurs descendants [Édomites et Ismaélites], se livreront une guerre perpétuelle pendant des siècles » (57). Les généalogies successives des descendants de Jacob sèment la confusion ; elles sont même « franchement contradictoires » (64). En Égypte, « plus on rendait à Israël la vie dure, plus il croissait en nombre et surabondait » (Ex 1, 12) (86).
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Le processus historique vrai est à l’opposé de celui que décrit la Bible : « l’émergence d’Israël fut le résultat, non la cause, de l’effondrement de la culture cananéenne. La plupart des Israélites ne venaient pas de l’extérieur de Canaan ; ils étaient indigènes. Il n’y a pas eu d’exode de masse en provenance de l’Égypte. » Et « le pays de Canaan n’a pas été conquis par la violence. La plupart de ceux qui ont constitué le premier noyau d’Israël étaient des gens du cru, ceux-là mêmes qui peuplaient les hautes terres durant les âges du Bronze et du Fer (3500-1150). Les premiers Israélites étaient – comble de l’ironie – d’origine cananéenne ! » (186187). On bute sur « sur ce qui est, peut-être, la contradiction la plus perturbante entre les découvertes archéologiques et la Bible. S’il n’y a pas eu d’Exode, ni de conquête, ni de monarchie unifiée, que devons-nous penser de l’aspiration biblique à l’unification ? Que signifie cette relation, longue et conflictuelle, entre Juda et Israël, pendant presque deux siècles [entre la mort de Salomon en -931 et le premier exil assyrien en -722] ? » En fait, « nous avons de bonnes raisons de croire que deux entités distinctes ont toujours divisé les hautes terres, que la partie méridionale fut toujours plus pauvre, moins peuplée, plus rustique et moins influente – jusqu’au jour où elle atteignit à son tour une prospérité soudaine et spectaculaire, après la chute du royaume nordiste d’Israël » (232).
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« L’historien deutéronomiste transmet au lecteur un double message, plutôt contradictoire. D’un côté, il dépeint Juda et Israël comme des États jumeaux ; de l’autre il les décrit comme férocement antagonistes » (257) [Abel et Caïn]. « Dans sa totalité, l’histoire du royaume du Nord portait la marque indélébile du péché, génératrice de misère et de destruction. Plus le passé d’Israël avait été prospère, plus la Bible couvre ses rois de mépris et d’abjection. En réalité, sous les Omrides [après -884], Israël avait atteint un niveau remarquable de puissance militaire, accompli d’incontestables exploits architecturaux et (autant que l’on puisse en juger) établi une administration d’une grande complexité. Omri [-884 – -873] et ses successeurs se sont attiré la haine de la Bible précisément en raison de leur force, précisément parce qu’ils étaient parvenus à transformer le royaume du Nord en un pouvoir régional d’envergure, qui faisait de l’ombre à ce pauvre royaume de Juda au sud, marginal et rural » (296). La théologie joue un rôle important dans « la description biblique de l’histoire de Juda. La vengeance de Dieu y était tout aussi prompte et implacable. Sous le règne de rois impies, lorsque l’idolâtrie sévissait à Jérusalem, le châtiment ne tardait pas à tomber : Juda subissait des revers militaires. En revanche, lorsque des rois justes gouvernaient Juda et que le peuple restait fidèle au Dieu d’Israël, le royaume prospérait et son territoire s’agrandissait. Contrairement au royaume du Nord, 46
décrit en termes négatifs tout au long du texte biblique, Juda est présenté comme globalement bon. En nombre, les bons rois égalent les mauvais, mais leur règne n’est pas de même durée. Les bons rois dominent la plus grande partie de l’histoire du royaume du Sud » (346). Le second ouvrage fait apparaître, tout comme déjà le premier, à quel point cette dynamique de la contradiction affecte la représentation de Dieu dans la Bible. Tout d’abord, étant admis que Dieu a créé l’homme à son image, la représentation anthropomorphique fréquente de Dieu dans le texte biblique fait comprendre, sans besoin de longs détours, à quel point c’est plutôt le contraire qui est tout aussi vrai, que c’est Dieu qui est représenté à l’image de l’homme, et que somme toute la divinité n’est guère autre chose qu’une forme de Moi idéal, voire d’Idéal du moi, ceci étant apparent tout autant dans le texte biblique que dans la mythologie grecque, par exemple dans le texte homérique, composé à peu près à la même époque. On aura à revenir sur ce point d’importance. Le livre des Juges par exemple « illustre en permanence un thème unique : celui d’une relation houleuse entre Dieu et son peuple. YHWH est dépeint comme un dieu amer et colérique » (190). Lorsque Saül (-1025 – -1005) viole les lois du culte, Dieu lui retire sa bénédiction, alors qu’il l’avait pourtant oint, et David (-1005 – -970) est proclamé roi sur tout Israël (233). 47
Lorsqu’Achab se montre indigne de l’aide divine en épargnant la vie de son ennemi en échange de bénéfices temporels, à savoir « le droit d’ouvrir des bazars à Damas », il aura à le payer de sa vie (264). Roboam (-931 – -914) « irrite la jalousie de Yahvé » (359), Manassé (-698 – -642) « a fait ce qui lui déplaît et a provoqué sa colère » (450-451). Mais cette description d’un Dieu sujet aux passions humaines ordinaires, comme les dieux de l’Iliade et de l’Odyssée, est corrigée de façon opposée par l’émergence d’un Dieu enfin transcendant, comme celui qui se fait jour à partir du Deutéronome sous Josias et déjà auparavant dans P. Projection qui dissimule, mais sans en effacer le principe, l’origine contingente d’une telle représentation d’un Hyper-sujet ou encore Surmoi, Idéal du moi dans la propre image de soi que se produit l’homme à luimême, mécanisme dont on sait qu’il offrira le prétexte de la critique de Ludwig Feuerbach (1845). On a vu plus haut que l’ouvrage de Richard Friedman notait déjà les mêmes caractéristiques à propos de la dynamique de la contradiction, aussi bien dans l’ensemble de l’exposé du texte biblique que dans l’aspect plus particulier qui concerne la représentation contradictoire de Dieu. Richard Friedman ne semble pas douter de l’existence historique réelle des « rois » d’Israël et de Juda à partir des environs de l’an -1000, pas plus que l’histoire officielle ne doute de la généalogie des pharaons de l’Égypte vers une époque bien plus 48
reculée. En revanche, Finkelstein et Silberman tendent à se ranger plutôt du côté des « minimalistes historiques » qui n’ont « pas hésité à déclarer que David et Salomon, la monarchie unifiée [entre 1025 et -931], en réalité l’entière description biblique de l’histoire d’Israël, n’étaient rien de plus que des montages idéologiques, habilement élaborés, effectués par les différents cercles sacerdotaux de Jérusalem, durant la période postexilique [retour d’Esdras en -459 et de Néhémie en -445], voire hellénistique… » Selon eux, « la lecture attentive de la description biblique du règne de Salomon démontre clairement qu’il s’agit de la peinture d’un passé idéalisé, d’une sorte d’âge d’or, nimbé de gloire » (201). Cependant, « de toute évidence, la maison de David était connue dans la région » (204). « Au Xe siècle av. J.-C., sur un total d’environ 45 000 personnes qui vivaient dans la région montagneuse, au moins quatre-vingt-dix pour cent d’entre elles occupaient les villages du Nord. Cela laissait environ 5 000 habitants éparpillés entre Jérusalem, Hébron et une vingtaine de villages de Juda, sans compter quelques groupes épars de seminomades » (223). « Que ce soit pour l’agriculture, les travaux publics ou la guerre, il est difficile d’évaluer de façon précise la population du royaume d’Israël au IXe siècle av. J.-C., mais l’exploration sur une large échelle entreprise dans l’ensemble de la région indique qu’au VIIIe siècle av. J.-C. – soit un siècle après la disparition des Omrides [-884 – -800] – la 49
population du royaume du Nord devait atteindre environ 350 000 habitants. » Ainsi, « à cette époque, Israël était sans doute l’État le plus peuplé du Levant, avec un nombre beaucoup plus important d’habitants que Juda, Moab ou Ammon » (293). Le nombre de personnes déportées lors du premier exil en Assyrie (Ninive) se serait élevé à 13 500. Des colons assyriens seraient venus les remplacer (327). « À la fin du VIIIe siècle [donc après l’exil du Nord en -722], Juda comptait environ 300 agglomérations de dimensions variées, depuis la métropole de Jérusalem jusqu’aux plus humbles des fermes, là où, peu de temps auparavant, ne se trouvaient que quelques villages et de modestes bourgades. » Ainsi, « la population, qui stagnait depuis longtemps autour de quelques dizaines .de milliers d’âmes, comptait maintenant 120 000 habitants » (366). Un peu plus tard, « au VIIe siècle avant notre ère, l’aire bâtie de Jérusalem couvrait tout au plus une superficie d’une soixantaine d’hectares, ce qui représenterait la moitié de l’actuelle vieille ville de Jérusalem. » Alors, « sa population, qui totalisait environ quinze mille habitants, la faisait ressembler à n’importe quelle bourgade du Moyen-Orient, tapie à l’abri de ses remparts et de ses portes, avec son bazar et ses masures, entassés à l’ouest et au sud d’un palais royal de fort modestes dimensions et du complexe du Temple. » Cependant, « auparavant, Jérusalem n’avait jamais atteint une telle dimension. Au VIIe siècle, la ville débordait de fonctionnaires 50
royaux, de prêtres, de prophètes, de réfugiés et de paysans privés de terre. » Et « rares ont été les cités, toutes périodes comprises, qui ont fait preuve d’une telle intensité dans la prise de conscience de leur identité historique et religieuse, de leur destinée et de leur relation privilégiée avec Dieu » (16). Vers la fin du même siècle, « le règne de Josias [-639 – -609], roi de Juda, représente l’apogée de la monarchie israélite – en tout cas, c’est ainsi qu’il dut apparaître aux yeux de ses contemporains. Pour les historiens deutéronomistes [avec la rédaction de D par Jérémie], de toute évidence, le règne de Josias fut un moment métaphysiquement à peine moins important que l’alliance entre Dieu et Abraham, l’Exode, ou la promesse divine faite au roi David. » Ainsi, « le roi Josias n’était pas simplement considéré comme le digne successeur de Moïse, de Josué et de David : en réalité, les traits de ces grands personnages – tels que nous les dessine le récit biblique – semblent avoir été dépeints en fonction de Josias, sorte d’idéal vers lequel tend, dirait-on, toute l’histoire d’Israël » (408). « L’analyse des découvertes archéologiques révèle que c’est seulement deux siècles et demi [après l’époque de David et Salomon au Xe siècle av. J.-C., donc] à la fin du VIIIe siècle av. J.-C. [à partir d’Ézéchias], que le royaume de Juda – et tout particulièrement Jérusalem – présentera les caractéristiques d’un État pleinement constitué : une alphabétisation répandue… » De ce point de vue, « les archéologues sont à même de prouver que la Torah et 51
l’histoire deutéronomiste portent des marques distinctives qui permettent de dater de façon indubitable leur compilation initiale au VIIe siècle av. J.C… » Ainsi, « nous allons voir combien le récit biblique doit aux espoirs, aux craintes et aux ambitions du royaume de Juda, qui atteignit son apogée sous le roi Josias, à la fin du VIIe siècle av. J.-C. Nous tenterons de démontrer que le cœur historique de la Bible s’est développé dans des circonstances politiques, sociales et spirituelles précises, et qu’il doit tout au génie inventif et visionnaire de femmes et d’hommes exceptionnels. » Or, « le plus gros de ce que l’on tient généralement pour authentique – les histoires des patriarches, l’Exode, la conquête de Canaan, la saga de la glorieuse monarchie unifiée de David et de Salomon – est, en réalité, l’expression de l’élan créatif d’un puissant mouvement de réformes religieuses, dont l’éclosion a eu lieu dans le royaume de Juda durant l’âge du Fer récent. » Et, « même si ces récits se sont greffés sur un tronc initial historique, ils reflètent, pour l’essentiel, l’idéologie et la vision du monde de leurs auteurs. » Ainsi, « nous montrerons comment le récit de la Bible a été reconstruit de manière à favoriser la réforme religieuse et les ambitions territoriales du royaume de Juda durant les décennies dramatiques sur lesquelles s’est achevé le VIIe siècle av. J.-C. » (47-48). De la sorte, « les VIIIe et VIIe siècles av. J.-C. ont été une période particulièrement active de composition du récit des patriarches » (69). 52
En particulier, les passages formant ce que l’on appelle « les généalogies [venus par exemple de la source P] durent être composés et introduits entre la fin du VIIIe siècle et le VIe siècle av. J.-C. » (74). « La Bible nous propose une interprétation rétrospective des événements, et non une description exacte du passé » (369). « Le récit traditionnel des patriarches doit être considéré comme une sorte de « préhistoire » pieuse d’Israël, dans laquelle Juda joue un rôle central » (79). En tout cas, Josias va imposer un monothéisme rigoureux à une époque où semblaient encore avoir subsisté, à l’occasion, des sacrifices humains : plus d’un « faisait passer son fils ou sa fille par le feu en l’honneur de Molek [le Moloch de Carthage dans Salammbô de Flaubert]… Manassé fit passer son fils par le feu… Tous les prêtres des hauts lieux [à l’écart du Temple] qui étaient là furent immolés par Josias sur les autels et il y brûla les ossements humains » (379, 412, 414). Thème auxquels sont liés le sacrifice d’Isaac, et même, d’une certaine manière, le rite de l’Eucharistie, il faut bien le dire. On aura à y revenir. Dans ce contexte d’apogée, « La Bible proposait une histoire profondément optimiste… Le livre du Deutéronome contient des codes éthiques et des clauses en faveur du bien-être social qui n’ont aucun parallèle ailleurs dans la Bible. Le Deutéronome plaide pour la protection de l’individu, pour la défense de ce que nous appellerions aujourd’hui les 53
droits de l’homme et de la dignité humaine. Ses lois expriment un souci nouveau en faveur des faibles et des indigents à l’intérieur de la société judéenne » (422-423). « Dans ses grandes lignes, sous Josias, le royaume de Juda ressemblait à celui de Manassé. Sa population ne devait pas excéder 75 000 habitants, avec une occupation relativement dense dans les zones rurales des collines judéennes, un réseau d’implantations dans les zones arides de l’est et du sud, et un peuplement clairsemé dans la Shefelah. » De fait, « c’était en quelque sorte une cité-État densément peuplée, dont la capitale regroupait près de vingt pour cent de la population – soit 15 000 et une autre quinzaine de mille peuplant probablement les terres agricoles environnantes. La vie urbaine de Jérusalem atteignit un niveau qui ne sera égalé qu’à la période romaine. » Assurément, « l’État était aussi bien organisé et hautement centralisé qu’à l’époque de Manassé. Mais, pour ce qui concerne son développement religieux et l’expression littéraire de son identité nationale, l’ère de Josias a marqué une nouvelle et radicale étape dans l’histoire de Juda » (429, 454). Josias, qui est mort au combat devant le pharaon Neko II à Meggido (-609), atteint d’une flèche dans l’œil, passait pour une sorte de messie, comme anticipant le vrai Messie. Lors du second exil de -586, « le nombre total d’exilés doit se situer « entre quelques milliers et peut-être 15 à 20 000 au maximum… [chiffre qui] 54
représenterait au maximum un quart de la population de l’état judéen. 75 % de la population continuait donc à peupler le pays » (454). Lors du retour du second exil de Babylone (-538), reviendrait une liste d’environ « 50 000 » personnes – nombre très exagéré à resituer autour de 30 000 – qui posent les fondations d’un nouveau Temple. Quelques années plus tard, une deuxième vague d’exilés revient à Jérusalem. La construction du Temple se termine en l’an -516. Ainsi débute dans l’histoire du judaïsme, la période dite du Second Temple, avec le retour un peu plus tardif d’Esdras (-459) puis de Néhémie (-445) (443, 456). En tout état de cause, ce serait « une population d’environ 30 000 qui représentait la communauté postexilique à l’époque d’Esdras et de Néhémie, qui jouera un rôle essentiel dans la formation du judaïsme ultérieur » (456). Pour comparaison, à l’apogée d’Athènes, aux environs du Vème siècle av. J.-C., son territoire s’étendait sur 2650 kilomètres carrés, et on pense que 250 000 à 300 000 personnes y habitaient, dont 100 000 hommes libres : c’était alors la plus peuplée et la plus étendue des cités antiques. Mais l’ensemble de la Grèce représentait davantage, 2 000 000 d’habitants dont un bon tiers d’esclaves au Ve siècle av. J.-C., enfin 3 000 000 au début du 1ier siècle ap. J.-C. La population de Rome à l’époque de la République romaine (IVe – IIIe siècle av. J.-C.) représentait environ 200 à 250 000 personnes, plus 750 000 55
alliés italiens, soit en tout 292 000 hommes en état de porter les armes sur un territoire de 132 000 km2. Mais Rome s’accroît bien plus avec l’extension croissante de l’Empire, 500 000 au temps d’Auguste, 1 250 000 à l’époque impériale postérieure. Plus tard, l’ensemble des habitants de l’Empire romain aurait été de 55 000 000 dont 6 millions en Italie au début du 1ier siècle ap. J.-C., et 80 millions dans sa période finale, et ceci avec 10 % de Juifs, donc de 6 à 8 000 000, dans la diaspora, ce qui représente un chiffre énorme comparé à celui cidessus cité à l’époque d’Esdras et Néhémie, comme aussi aux chiffres originels relativement très petits suggérés par les fouilles contemporaines. Il faudrait admettre que dès les temps les plus reculés, les Juifs auraient été implantés hors et loin du territoire de Judée. Mais l’exil vers l’Assyrie en -722, n’aurait emporté qu’un assez petit nombre de personnes. Il y a là des données qui échappent. Dès le milieu du Ve siècle, « la monarchie ne jouant plus aucun rôle, le Temple devint le centre de l’identité du peuple de Yehoud. Ce fut l’un des tournants les plus cruciaux de l’histoire juive » (459). « Les mesures prises par Esdras et Néhémie dans la Jérusalem du Ve siècle av. J.-C. jetèrent les fondements du judaïsme du Second Temple par l’établissement d’une frontière claire entre le peuple juif et ses voisins, et par l’imposition très stricte des lois deutéronomiques » (446). « L’idée de la centralité de Juda, de sa supériorité sur ses voisins, devait trouver un écho au sein de 56
la communauté hiérosolymitaine de la fin du VIe siècle. Mais d’autres circonstances – tels le déclin de la maison de David et l’appartenance à un vaste empire – contraignirent les auteurs postexiliques à reformuler les anciennes notions » (461). « Les Judéens, ou Juifs, commençaient à être renommés, dans le monde méditerranéen, comme une communauté soudée par une dévotion unique à son Dieu » (466). Il y a déjà là des éléments pour comprendre la genèse des mécanismes d’une certaine impopularité ayant fourni les bases de l’antijudaïsme qui s’est développé dans les siècles ultérieurs. Mais c’est là un autre sujet. « En termes purement historiques, nous savons maintenant que l’épopée de la Bible a émergé dans un premier temps en réponse aux pressions, aux difficultés, aux défis et aux espoirs vécus par le peuple du minuscule royaume de Juda, pendant les décennies qui ont précédé son démantèlement, ainsi que par la communauté encore plus réduite du Second Temple de Jérusalem, pendant la période postexilique. » À cet égard, « la plus grande contribution offerte par l’archéologie à une meilleure compréhension de la Bible est peut-être celle-ci : que des sociétés aussi réduites et isolées relativement pauvres, comme l’étaient le royaume de Juda de la monarchie tardive et le Yehoud postexilique, ont été capables de produire les grandes lignes de cette épopée éternelle en un laps de temps aussi court. Une telle compréhension est fondamentale » de fait, 57
« ce n’est qu’à partir du moment où nous percevons quand et pourquoi les idées, les images et les événements décrits dans la Bible en vinrent à être tissés ensemble avec une telle dextérité que nous pouvons enfin apprécier le véritable génie et le pouvoir constamment renouvelé de cette création littéraire et spirituelle unique, dont l’influence fut tellement considérable dans l’histoire de l’humanité » (470).
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Chapitre 3 Intérêt de l’histoire de la Bible pour la philosophie Si on nous a bien lu, on a pu constater que le processus compliqué de l’histoire de l’écriture de la Bible met en œuvre les procédés de base de ce qu’il y a lieu de qualifier comme une « pensée complexe » : pensée binaire ou par couples ou par contrastes, soit encore adversative, oppositive, contradictorielle, contrariétale, pensée par relation ou dépassement, en un mot une pensée dialectique, qui représente somme toute le régime normal de la pensée naturelle puis réflexive (scientifique et idéologico-philosophique), ainsi que l’ont démontré l’ensemble des résultats de la psychologie développementale moderne depuis environ un siècle (Freud, Winnicott, Wallon, Piaget)7 . J’y reviens un peu plus loin. Or c’est la première fois que cela se produit dans l’espace occidental. Les œuvres poétiques : les 7
Émile Jalley : Critique de la raison philosophique, Tome 4 : La preuve par la psychologie, Paris, L’Harmattan, 2017.
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poèmes homériques, dont le texte semble s’être fixé entre le VIIIe et le VIe siècle, donc justement au même moment historique que la Bible ancienne, l’œuvre d’Hésiode, datée elle aussi du VIIIe siècle, semblent relever d’un type de procédure cognitive et de formulation rhétorique assez différentes, qu’il faudrait étudier de plus près, pensée plus associative que dialectique. La logique d’Aristote produit pour la première fois la description des « oppositions » au sein desquelles il distingue les « contraires » (négation forte) et les « contradictoires » (négation faible). C’est Pascal qui utilise pour son propre compte la notion de « contrariété ». Or, de tels procédés, on les voit fonctionner avec évidence dans l’écriture de la Bible, au moins telle qu’elle nous est rapportée par les deux livres que nous avons analysés (d’où leur considérable intérêt pour notre investigation) : oppositions originaires (entre J et E, puis au sein de P), donnant lieu à des synthèses successives et reprises (Jérémie en D, Esdras en R), dans un procès global de totalisation progressivement amplifiée. Voilà pour nous l’intérêt d’une analyse de la composition et de l’écriture de la Bible. Sans parler du Projet de base que fournit la Genèse du Plan général d’étude de toute la philosophie occidentale (le Moi, le Monde et Dieu) tel que formulé dans les textes classiques de Suárez (1597), Kant (1781) et Hegel (1817). Il faudrait vraiment être aveugle pour ne pas le voir. 60
Revenons, quitte à lasser, sur un propos précédent. Le caractère résolument anthropomorphique du Dieu Biblique fait entrevoir sans aucune ambiguïté le point de départ de son émergence dans la matière même du Moi humain fini. On en dirait tout autant des dieux de la mythologie grecque, si peu surhumains par la vivacité de leurs passions « humaines, trop humaines » (Nietzsche). Or l’indexation d’une telle origine de la figure divine dans le Moi prélude déjà de façon paradoxale, mais directe, à la critique de la religion faite par Ludwig Feuerbach 2 500 plus tard (1845), ainsi bien entendu qu’à l’annonce faite par Frédéric Nietzsche que « Dieu est mort » (1882). La Bible nous annonce donc l’apparition d’un Dieu unique en même temps, par paradoxe, que la perspective de sa disparition, de son évanouissement (fading) dans l’humanisme athée moderne (Henri de Lubac 1944 : Feuerbach, Marx, Comte, Nietzsche, Freud), après s’être déjà beaucoup volatilisé dans l’esprit du piétisme puis du kantisme issu de celui-ci, réduisant la « réalité » divine à un ensemble de représentations. Redisons-le également. Quand la Genèse nous dit que l’homme est fait à l’image de Dieu, les habitués du paradigme de la dialectique et de la pensée psychanalytique entendent tout aussi bien le renversement d’une telle formule dans sa réciproque (Freud : renversement du sujet et de l’objet, Umkehrung), à savoir que Dieu est fait de l’image de l’homme, projeté comme une image magnifiée de 61
l’homme, en réalité son « Idéal du moi », comme indiqué par ailleurs également par Fichte (Ichidéal, 1794). Il reste clair que la Bible n’est pas une œuvre philosophique, pas plus qu’une œuvre purement littéraire. Plutôt un livre d’Histoire, en même temps, c’est certain, qu’un Bréviaire religieux, mais à usages multiples, pour les Juifs, les diverses variétés de chrétiens – catholiques, protestants, orthodoxes, sans parler des dérives coraniques. Mais c’est là une autre question, qui ne retire en rien le droit qu’a l’histoire de la philosophie d’avoir son mot à dire dans ce débat. J’ai annoncé plus haut devoir revenir sur la question de la pensée complexe, paradoxale, ou encore dialectique. Il ne s’agit en aucune manière d’une digression dont il serait loisible de se passer. Au contraire, cette petite excursion paraît indispensable pour bien comprendre rétrospectivement les propos précédents sur la première émergence d’une dialectique naturelle du fonctionnement de l’esprit – de ce que l’on appelle aujourd’hui « processus cognitifs » – dans la composition du texte biblique, si caractéristique par l’enchaînement des oppositions et de leurs dépassements synthétiques qui y sont mis en œuvre. La notion de processus dialectique a été très décriée depuis les années 1960, dans le cadre du procès qui était alors intenté à des auteurs qui tenaient alors la vedette des références les plus nombreuses :
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Hegel, Marx et Freud8. La pensée associative vulgaire qui tenait le fil de ce procès suicidaire tenait Hegel et surtout Marx comme les responsables des excès de l’est-totalitarisme et des excroissances monstrueuses du bureaucratisme stalinien. D’abord ce n’est pas démontré, sauf à sauter de nombreux maillons dans la chaîne du raisonnement, qui de ce fait ne repose guère sur autre chose qu’ un mode d’argumentation affectif, sentimental, et même passionnel. Ensuite, les critiques de l’est-totalitarisme ne voyaient pas, absolument pas, que se profilait du côté de l’ouest un autre ennemi tout au moins aussi dangereux, s’agissant justement d’un ouest-totalitarisme, qu’introduisaient les premières importations de manifestes exposant la pensée néolibérale : la Théorie de la valeur de Gérard Debreu (1959), presque aussitôt démarqué par le Traité d’économie de Raymond Barre (1960). Sans parler des premières traductions françaises du germano-américain Friedrich Hayek déferlant surtout à partir de 1980. Ignares en économie politique, aimantés par un conservatisme politique de plus en plus prégnant, les philosophes de l’époque, surtout ceux dits les « nouveaux philosophes », mais sans exclure leurs prédécesseurs plus illustres de la génération tout juste antérieure, se sont montrés totalement aveugles à la prise de conscience de cet engluement dans la pensée libérale, d’ailleurs devenus incapables – par ignorance de l’histoire de la philosophie classique, en particulier anglaise – de critiquer l’hyper8
Émile Jalley, Critique de la raison philosophique, 2016, tome 1, p. 205.
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empirisme traditionnel (Hobbes, Locke, Berkeley, Hume, Smith, J. Mill, J. S. Mill, Spencer) qui en offrait le socle philosophique déjà dès les XVIIIe et XIXe siècles. En revanche, leur hostilité croissante envers les modèles traditionnels de la dialectique – patente chez Lévi-Strauss, Althusser, Foucault, Deleuze – ne débouchait sur rien d’autre que sur la dénégation létale pour la philosophie, et pour la culture en général, y compris la pédagogie scolaire dans son désastre contemporain, du mécanisme fondamental sous-tendant les processus cognitifs à l’œuvre dans le fonctionnement naturel de l’esprit humain, tant dans la forme du raisonnement naturel que dans sa forme scientifique et réflexive, en particulier philosophique. Dans l’article « Nouveaux philosophes » Wikipédia donne la liste de « ces auteurs issus pour la plupart de la gauche maoïste française, en rupture de ban [ralliés en fait à un conservatisme petitbourgeois] et engagés dans la critique du totalitarisme : André Glucksmann, Bernard-Henry Lévy, Christian Jambet, Guy Lardreau, Jean-Paul Dollé, Gilles Susong, etc., auxquels s’associent Jean-Marie Benoist et Maurice Clavel, issus d’univers différents. » Nous n’allons pas ici entreprendre de présenter à nouveau les résultats fussent-ils résumés de nos travaux antérieurs sur le paradigme de la dialectique antique et moderne.
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J’ai déjà développé l’idée que le « noyau rationnel de la dialectique » (NRD) était démontré par les différents modèles de la psychologie développementale (Freud, Winnicott, Wallon, Piaget), et je n’y insisterai pas davantage9. On peut décrire le noyau rationnel de la dialectique comme un dispositif de la contradiction de type genèse/figure, histoire/structure, transformation/état, déplacement/condensation, métonymie/métaphore (voir Émile Jalley, ici page 155). Pour Wallon, selon ses propres termes en plusieurs endroits, la dialectique se définit par la connexion des contraires, l’induction réciproque des contraires, la loi des contraires ou de l’ambivalence (1938), le principe un en deux/deux en un, la pensée par couple puis par relation (1945), l’unité solidaire à travers les diversités et oppositions, l’unité faite de contrastes et de conflits (1947). Il existe deux modes dialectiques dans la formation de la pensée naturelle observable chez l’enfant. – La pensée oppositive ou dialectique simple ne mobilise que deux termes opposés ou connexes (D2) : chez le tout jeune enfant, Winnicott a décrit la pensée paradoxale, et Wallon le phénomène semblable qu’il appelle pensée par couple. Freud souligne le mécanisme primitif de la pensée qu’est le « double sens » (Zweideutigkeit, Doppelsinn) (Émile Jalley, Encyclopaedia universalis, 1989, tome 19, 179, 181). Il décrit parfois aussi le mot 9
Émile Jalley, ibid., 2016, Tome 4.
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d’esprit selon le mécanisme binaire du dépassement des deux termes d’une opposition (l’exemple fameux du famillionaire). Ce que l’on appelle couramment un paradoxe illustre une structure fondée sur l’opposition de deux termes. – La pensée oppositive ou dialectique complexe mobilise en outre l’émergence d’un troisième terme (D3), qui représente dans le meilleur des cas une tentative de « synthèse » entre les deux termes de l’opposition binaire de base – sans forcément qu’il s’agisse dans tous les cas d’une réussite. Wallon l’appelle pensée de relation, dont il décrit l’apparition progressive à partir de l’école élémentaire (5 ans). Il existe des formes très variées d’oppositions binaires et de dépassement ternaire. Les auteurs classiques sur ce sujet (Aristote, Logique de PortRoyal, Hegel, Marx) n’en ont décrit que les formes typiques. Une chose est encore à ajouter sur ce point. C’est que les prodromes biologiques des processus cognitifs dialectiques s’observent vraiment comme à l’œil nu dans certains faits classiques connus de la psychologie expérimentale, en particulier dans le champ de la perception – humaine et animale. La psychologie de la forme ou Gestaltpsychologie a mis en évidence depuis les premiers travaux de Max Wertheimer (1880-1943), Wolfgang Köhler (1887-1967) et Kurt Koffka (1886-1941) le fait que la perception en général est structurée par 66
l’opposition cardinale de la figure et du fond, avec des possibilités éventuelles de renversement dans le cas des figures dites ambigües (Gilbert Simondon : Cours sur la perception, 1964-1965). On est bien là en présence d’une organisation pré-dialectique des processus de la sphère cognitive. Situation en laquelle les psychologues expérimentaux du tout-venant, et formés dans la haine de toute formation philosophique depuis Paul Fraisse (1911-1996), ne voient à cet égard que du feu. Une autre donnée bien connue depuis longtemps en psychologie animale est le fait que la perception animale ne se rapporte pas à des qualités absolues, mais à des oppositions couplées de degrés qualitatifs. Ainsi, on peut dresser des animaux, même assez éloignés des mammifères dans l’échelle évolutive, par exemple des poules, à picorer des grains toujours sur la partie la plus grise des deux secteurs d’un champ perceptif, comportement dont la forme binaire se transpose sans problème quand on fait varier les deux qualités absolues des gris. L’animal perçoit non des qualités absolues, mais des relations entre degrés couplés de qualités : g+ ↔ g(Gilbert Simondon, ibid.). Ce cas encore nous met en présence d’une prédialectique naturelle des processus cognitifs. Beaucoup d’autres faits également en psychologie expérimentale et en éthologie intéressent des notions d’une importance cardinale, découverts antérieurement dans la philosophie par sa propre voie. C’en est même une banalité.
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Ainsi, à propos de la dialectique dominancesoumission dont on parlera plus loin en en référant la paternité philosophique à Hegel, il faut savoir qu’il existe toutes sortes de faits de cet ordre dans le vaste domaine des « hiérarchies animales ». Par exemple, toujours chez les poules, il existe un ordre selon lequel chacune se laisse attaquer par une première, mais sans réciprocité de sa propre part, et se risque à attaquer une autre, toujours sans réciprocité de la part de cette dernière. Et ainsi de suite tout au long d’une hiérarchie sociale du poulailler. C’est l’ordre hiérarchisé des « coups de bec » appelé pecking-order (Thorleif Schjelderup-Ebbe, 1921). Ces faits de dominance-soumission sont répandus chez d’innombrables espèces animales, vivant en groupes ou en sociétés. Et on peut à bon droit estimer qu’ils ont un intérêt considérable, au moins analogique, pour la compréhension des comportements humains, probablement non réductibles à une approche strictement sociologique, qui exclurait sans précautions la base biologique des conduites. Un autre aspect de la psychologie, dans le registre social cette fois, susceptible d’intéresser notre investigation, consiste dans l’ensemble des réactions d’attraction/répulsion/indifférence mises en évidence dans la psychologie intra-groupale par Jacob Levy Moreno (1889-1974, 1934), à partir desquelles il avait élaboré sa technique des sociogrammes. Dans la psychologie dynamique de Kurt Zadek Lewin (1890-1947, 1935) également avec son système des « valences » positives et négatives.
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Mais de telles réactions existent aussi dans la psychologie inter-groupale, auxquelles Moreno s’est moins intéressé, mais qu’a révélées depuis longtemps l’anthropologie sociale. Chaque culture, chaque société, chaque macro-groupe se définit par un ensemble de valeurs positives à l’égard desquelles tout système de valeurs étrangères apparaît le plus souvent comme hostile. Mais ce n’est pas toujours le cas : existent aussi des effets de curiosité. On a rapporté par exemple que le mot « Eskimo » signifie homme, à l’exclusion de tous les autres êtres humains. Cette « xénophobie » originaire serait très répandue. C’est là encore l’un des effets de la conformation dialectique originaire de l’esprit, débouchant sur le clivage originaire entre les couples de valeurs cognitives, affectives et sociales, entre autres l’amour de soi et la haine de l’autre. Dans leur propre perspective, Machiavel et Hobbes pensent déjà dans le même sens. Pour ne pas parler de Freud et de son école. À l’encontre, certains auteurs pensent différemment les passions originaires : la sympathie pour Adam Smith et la pitié pour J.-J. Rousseau. Ces effets négatifs sont habituels en matière de contacts entre visions religieuses du monde. On comprend facilement que la nouvelle religion chrétienne se soit définie en opposition à l’égard de la religiosité juive, dont elle est pourtant issue. Ainsi s’expliquent également les guerres de religions entre catholiques et protestants au XVIe siècle, les chasses aux sorcières jusqu’en plein XVIIe siècle, 69
l’opposition actuelle de l’Islam à l’égard de tous les « infidèles », et même entre chiites et sunnites. Alors que prévalent aussi à l’encontre des attitudes d’œcuménisme. L’antisémitisme a été le pendant, surtout à partir du Moyen Âge (fin du XIe siècle), de la montée en puissance et de l’excès de suffisance du vaste continent de la Chrétienté, ceux des Croisades, et par la suite de la Conquête espagnole et aussi de la Contre-Réforme. Évidemment, les philosophes actuels, toujours ralliés en moutons de Panurge derrière la bannière obscurantiste de l’antipsychologisme brandie par les structuralistes des années 1960, ignorent tout de l’existence au plus haut point intéressante dans le champ de la psychologie des faits plus haut cités touchant une pré-dialectique cognitive. Cependant que les psychologues, au moins ceux qui connaissent encore ces faits, n’ont aucune idée que de tels processus puissent avoir un rapport assez évident avec la structure d’une dialectique philosophique. Bien au chaud dans leur asile de l’ignorance – asylum ignorantiae disait Spinoza, les uns et les autres y paradent, dans la détestation de l’autre camp, tels des coqs, des paons, des ânes, chacun choisissant son espèce. La rédaction définitive de l’Ancien Testament s’achève au IIe siècle à l’époque hellénistique. Restera, après la traduction de l’hébreu en grec appelée Septante vers -270 av. J.-C., l’ajustement postérieur 70
du Nouveau Testament à l’Ancien qui se réglera par le concile de Rome en 382, confirmé aux synodes régionaux de Carthage de 397 et de 419. Paraîtra à peu près à la même époque la version latine de la Bible, dite Vulgate, traduite par Jérôme de Stridon (Saint Jérôme, l’un des Pères de l’Église), entre 390 et 405, directement depuis le texte hébreu pour l’Ancien Testament et du texte grec pour le Nouveau Testament. Ceci dit, l’époque postérieure verra se développer une tradition continue de la pensée judaïque qui se manifestera comme animée par la même dynamique d’un mode d’élaboration cognitive de type paradoxal/dialectique – par oppositions enchaînées successives – que celui que nous avons précédemment repéré dans l’écriture de la plus ancienne partie de l’Ancien Testament produite, comme on l’a vu, entre le Xe et le Ve siècle av. J.-C. La liste à travers les âges des philosophes juifs ayant œuvré à une philosophie que l’on peut qualifier de juive – c’est-à-dire relevant de la philosophie juive, ou alors à une œuvre personnelle dégagée de ce contexte strict est fort longue. Il y a lieu de bien distinguer le fait d’être un philosophe d’origine juive, et le fait de développer une philosophie de caractère juif, insérée dans la longue tradition de la philosophie juive. De toute manière, les deux types de produits relèvent bien du « tribunal », comme eût dit Kant, de l’histoire de la philosophie : Dans mon livre cité plus haut (PP1, 2010, 196202), ont été déjà rapportés environ 25 noms et références étalés entre la période alexandrine (Philon) 71
jusqu’au milieu du XVIe siècle environ (Isaac Louria). Ces données y proviennent, reprises par moi, d’un long chapitre sur « la philosophie juive médiévale », rédigé par André Néher dans l’Histoire de la philosophie de la Pléiade (tome 1) sous la direction de Brice Parain, 1969). Le même auteur (A. N.) a également rédigé un chapitre sur « la philosophie juive moderne » dans le même ouvrage (tome 3 sous la direction d’Yvon Belaval, 1974), repartant du milieu du XVIe siècle (Hayim Vital) jusqu’à l’époque contemporaine (38 noms). La réunion de ces deux sous-ensembles produit une liste globale de 77 noms (21+56) Sans parler des noms incontournables de Spinoza (1632-1677) ; Edmund Husserl (1859-1938) ; Henri Bergson (1859-1941) ; Walter Benjamin (1892-1940) ; Vladimir Jankélévitch (1903-1985) ; Hannah Arendt (1906-1975) ; Emmanuel Levinas (1906-1995) ; Simone Weil (1909-1943) [77 + 7=84], voici ces noms illustrant une « philosophie juive » proprement dite : Philon d’Alexandrie (20 ?-50 ? av. J.-C.) ; Siméon bar-Yohaï (IIe siècle) ; le Talmud (IIe-IXe siècles) puis la Cabale, le Sefer Yetsira (ou Livre de la Création, Ve-VIIe siècle) ; Saadia Gaon (882942) à Bagdad ; ben Joseph Saadia (880-940) ; Salomon Ibn Gabirol (1058-1070) à Malaga ; Bahya Ibn Paqûda (Xe ou XIe en Espagne ou au Levant) ; Juda Hallévi (1080-1145) à Cordoue, Moïse 72
Maïmonide (1135-1204) ; les Hassidim rhénans (fin du XIIe-XIIIe siècle) ; Lévi Ben Gerson (12881344) ; le Zohar (Le Livre de la Splendeur, seconde moitié du XIIIe siècle en Espagne) ; Joseph Albo (1370-1444) ; Samuel le Hasid (XIIe s.) ; Juda le Hasid (+ 1207) ; Isaac Abranavel (1437-1509) ; Profiat Duran (1350-1415) ; Hasdaï Crescas (1340-1410) ; Abraham Aboulafia (1240-1290) ; Salomon Molko (né en 1532) ; Joseph Karo (1488-1575) ; Jacob Berab (1474-1546) ; Moïse Cordovero (1522-1570) ; Isaac Louria (1534-1572) palestinien ; Hayim Vital (1542-1620) ; Jean Amos Comenius (1592-1670) ; Israël Baal-Shem-Tov (1698-1760) ; Sabbataï Zevi (1629-1676) ; Levi de Berditchev (1740-1810) ; Nahman de Bratslav (1772-1810) ; Shneur Zalman de Liadi (1745-1813) ; Juda Ben Bezaël Rawi Loeb (1512-1609) ; Isaïe Horowitz (1565 ?-1630) ; Moïse Mendelssohn (1729-1786) ; Salomon Maïmon (1753-1800) ; Salomon Formstecher (1808-1889) ; Samson Raphael Hirsch (1808-1888) ; Samuel Hirsch (1815-1889) ; Nahman Krokmal (18751840) ; Ludwig Steinheim (1789-1866) ; Samuel David Luzzato (1800-1875) ; Moritz Lazarus (18241903) ; Élie Benamozegh (1823-1900) ; Pinsker (1821-1891) ; Kaufmann Kohler (1843-1926) ; Salomon Schechter (1847-1915) ; Theodor Herzl (1860-1904) ; Jacob Gordin (1853-1909) ; Hermann Cohen (1842-1918) ; Martin Buber (1878-1965) ; Franz Rosenzweig (1886-1929) ; Nahman Syrkin (1868-1924) ; Ber Borochov (1881-1917), Aaron David Gordon (1856-1922) ; Abraham Isaac Kook 73
(1865-1935) ; Isaac Breuer (1883-1946) ; Franz Rosenzweig (1886-1929) ; Reinhold Niebuhr (18921971) ; Shimon Ravidivits (1897-1957) ; Mordecaï M. Kaplan (1881-1983) ; Hugo S. Bergmann (18831975) ; Yeshayahu Aviad-Wolfsberg (1893-1957) ; Ernst Simons (1899-1988) ; Will Herberg (19011977) ; Yeshayahu Leibovits (1903-1994) ; Abraham Heschel (1907-1973) ; Nathan Rotenstreich (19141993) ; Oscar Goldberg (1885-1952) ; Dante Lattes (1876-1965) ; Élie Munk (1900-1981) ; Alexandre Safran (1910-2006) ; Léon Askenazy (1922-1996) ; André Neher (1914-1988) ; Éliane Amado LévyValensi (1919-2006) ; Jean Halperin (1921-2012). Il est parfois très difficile de faire passer la frontière entre les auteurs qui se réclament explicitement du judaïsme religieux, ceux qui s’y rattachent en présentant un caractère plus universaliste (Martin Buber), et ceux qui ont pris nettement distance visà-vis de la tradition judaïque (Bergson, Husserl, Weil, Arendt). On réfère volontiers à la tradition médiévale de la pensée juive (Rivaud, Bréhier, Parain et Belaval) la technique intellectuelle consistant à tenter de concilier, à partir d’une distinction bien choisie, deux thèses en apparence incompatibles – matrices de la future antinomie kantienne – et qui lui aurait été reprise d’abord par certains théologiens chrétiens médiévaux (Pierre Lombard, Pietro Lombardo, Magister sententiarum, 1100–1160). Cependant, à la même époque un Abélard, professeur de dialectique en titre, (1079– 1142), pouvait 74
développer cet art jusqu’au niveau d’une virtuosité parfois gratuite, qui l’avait fait surnommer lui et ses disciples « cornificiens », ou « faiseurs de cornes », au prétexte que, si on n’a pas perdu de cornes, et que l’on possède ce que l’on n’a pas perdu, alors on a des cornes. Ce sophisme semble avoir été repris par Abélard de l’École de Mégare dont il sera question plus loin. Serge Poliakov tient un certain nombre de propos d’un ton plutôt critique, où cette dialectique juive apparaît justement comme un art à la limite de la prestidigitation verbale. Sous l’influence du vaste courant d’idées qui culmina sous l’égide du prestigieux Maïmonide (1135-1204), l’idée aurait fini par se répandre en Espagne fut que la Torah peut être prise au pied de la lettre par les simples, mais n’est qu’une allégorie pour les sages (le système de la « double vérité ») (136). Selon lui également, « l’intérêt de l’Inquisition fut éveillé par le contenu du Talmud. Cet immense et peu accessible traité, rédigé aux IVe-VIe siècles à Babylone, contient un peu de tout, et il est paradoxal de constater que ce sont les disciples de Maïmonide qui recommandaient de faire une distinction entre ses deux parties, Halakha ou la Loi proprement dite, de valeur dogmatique, et Haggada, mélange touffu de contes et paraboles, de préceptes moraux, de superstitions et de recettes médicales, tandis que les orthodoxes se penchaient sur chaque
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mot et sur chaque virgule du texte sacré avec une égale révérence » (263-264). On rencontre ici la distinction entre l’essence et le phénomène – évidemment de la nature d’une contradiction dialectique – et qui d’ailleurs n’est pas neuve (Parménide, Platon). Enfin, toujours d’après Poliakov, « la science tal-
mudique, la connaissance des innombrables règles, sentences et raisonnements datant de la Babylone parthe ou de l’Europe des Croisades, mais aussi l’habileté à les appliquer aux nouvelles conditions données, atteignit dans la Pologne du XVIe siècle un développement incomparable. Pilpoul (littéralement poivre), ainsi s’appelait la dialectique épicée consistant à trouver deux textes talmudiques qui, en logique formelle, se contredisent, et, après en avoir clairement établi l’incompatibilité, à parvenir à les concilier à l’aide de quelque subtil sophisme, fallût-il pour cela couper les cheveux en quatre, huit ou seize. Les tournois de pilpoul, à l’occasion des foires, marchés et réunions politiques, devinrent le divertissement national des Juifs polonais. Comment cette gymnastique mentale, à première apparence stérile, assouplit l’esprit, comment elle décuple la puissance de travail intellectuel, n’est accessible qu’à ceux qui s’y sont eux-mêmes exercés, car aux cervelles non entraînées le raisonnement talmudique réserve généralement des difficultés insurmontables. Aussi bien est-il difficile d’en fournir un échantillon. Rares sont les auteurs qui sont parvenus à rendre l’esprit du Talmud accessible au public cultivé occidental » (394).
Plus loin : « Le déchirement de l’exil s’étant estompé, [se produit] la transformation de la dialectique de l’Exil et de la Terre promise en un exercice purement théorique » (459). La question de la dialectique, on vient de le dire, a un rapport étroit avec celle de la distinction entre 76
les deux opposés que forment la réalité et l’apparence, l’essence et le phénomène, d’où l’émergence d’un double des choses (Freud de son côté, on l’a vu, parlera à ce sujet de Zweideutigkeit, Doppelsinn) : Poliakov continue : « Même en ce qui concerne la
vie de l’esprit, certains penseurs juifs subissaient l’empreinte des influences chrétiennes : en pendant au mysticisme allemand du XIIIe siècle [Maître Eckhart], un mysticisme juif surgit en Rhénanie, qui trouve son expression dans les écrits d’un Judah le Hassid ; ses élèves, et en particulier Eleazar de Worms, développent la méthode qui consiste à attribuer un sens ésotérique à la valeur numérique des textes sacrés (Kabbale pratique) ; c’est l’époque où Juifs et Chrétiens s’adonnent avec une ferveur égale (mais avec des résultats fort divergents) aux interprétations symboliques et allégoriques de l’Ancien Testament. En sens contraire, les influences juives marquent vigoureusement la pensée chrétienne : tandis que les premiers aristotéliciens se nourrissent de Maïmonide, un Nicolas de Lire se met à l’école de Rachi ; or, « si Lyranus non lyrasset, Lutherus non saltasset », et ces contacts entre Chrétiens et Juifs aux XIIe et XIIIe siècles furent essentiels pour le mouvement d’idées qui, trois siècles plus tard, aboutissait à la Réforme. En fait, on peut dire que, malgré la tension qui règne entre eux et qui va croissant, Juifs et Chrétiens font encore partie d’une seule et même société, d’une seule et même civilisation » (279-280).
Cette virtuosité du Pilpoul à la limite de l’artifice existait déjà en Grèce chez certains disciples de Socrate formant l’École de Mégare : Euclide (-450 ? – -480 ?), Eubulide de Milet (-384 ? – -322 ?), Stilpon (+ -280 ?), formulant des sophismes fameux, où la pensée se nie elle-même à être forcée de dire à la fois oui et non. Ainsi le fameux sophisme du menteur, dont une autre présentation est celle dite 77
d’Épiménide le Crétois : si tu dis que tu mens, et si tu dis vrai, tu mens. Bien entendu, tout cela va se retrouver dans la logique de l’identité-contradiction de Hegel. Chez Sartre aussi, qui envisage son « pour-soi » sur le mode de n’être pas ce que je suis et d’être ce que je ne suis pas. Comme dans toutes les conceptions « modernes » dont le principe consiste à se représenter le sujet comme vide, comme un « vide » (l’éclipse ou fading de Lacan). La Cabale (s’écrit aussi Kabbale) est une tradition ésotérique du judaïsme qui prospère depuis les l’origine du Talmud (dès le IVe siècle) jusqu’à aujourd’hui en plein XXe siècle avec Gershom Scholem et l’école israélienne. Or il existe un rapport entre la Cabale rhénane juive du 13ème au 16ème siècle avec les vues du théologien dominicain Eckhart von Hochheim – Maître Eckhart – (1260–1328), comme avec celles du théosophe et mystique protestant Jacob Boehme, dit aussi le « philosophus teutonicus » (1575–1624). Mais ces trois références essentielles s’insèrent plus largement aussi dans le vaste courant qualifié de « théologie négative », lequel existe de manière continue depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours à peu près tout au long de la lignée suivante : Platon (427 – -347), Denys de l’Aréopage (1ier siècle ap. J.C.), Numenius d’Apamée (2ème s. ap. J.-C.), Plotin (203–270), Proclus (410-484), les gnostiques (Marcion entre autres, 85-160), Grégoire de Nysse (335– 394), Jean Scot Érigène (810-876), Robert Pulleyn d’Oxford (1080-1150), Moïse Maïmonide (1135– 78
1204), Albert le Grand (1206-1280), Maître Eckhart (1267–1327), la Cabale rhénane juive du 13ème au 16ème siècle, Nicolas de Cues (1401-1464), Pic de la Mirandole (1463–1494), Johann Reuchlin (14551522, 1517) Charles de Bouillé (1470-1553), Robert Fludd (1575-1637), Paracelse (1493-1541), Valentin Weigel (1533-1588), Jacob Boehme (1575-1624), Giordano Bruno (1548-1600), Tommaso Campanella (1568-1639), Baruch Spinoza (1632-1677), Gottfried Wilhelm Leibniz (1746-1716), Georg Friedrich Hegel (1770-1831), etc. selon le thème de pensée « grosso modo » que « Dieu est un pur néant » (ein luter nicht, ose dire le dominicain Eckhart). Hegel, le protestant d’Aquin, l’inventeur de la Négativité moderne, a curieusement qualifié un jour le noyau dialectique défini par l’identité des contraires par les termes de « principe protestant ». Il faut savoir qu’un certain rapport existe, probablement par le biais du piétisme (Spener, 16351705), entre la spiritualité protestante et un très ancien courant spiritualiste du judaïsme qualifié d’ hassidisme. André Néher (in Parain-Belaval, tome 1, pages 50-82, et 1006-1048) voit les premières étapes d’un tel courant, sur une très longue période étalée depuis la Bible des Psaumes (- 7ème siècle), à travers les Esséniens (- 2ème siècle – + 70 env.), dont la communauté de Qumran, les Évangiles (entre 65 et 110), puis le Talmud (2ème – 9ème siècles), courant qui pour l’essentiel met l’accent sur la vie intérieure, l’austérité morale, l’ascèse, la technique de la veillée nocturne en prière et en méditations, et insiste aussi sur la vocation particulière du peuple juif. On mentionne ensuite les Hasidim rhénans de la fin du XIIe 79
et du XIIIe siècle, installés dans les ghettos de Worms et de Mayence, connus par une compilation de leur « éthique piétiste » portant le nom de Sefer Hasidim. On retrouve enfin les Hasidim jusque dans la Pologne moderne. Dans un esprit déjà très proche de celui des formes évoluées du rigorisme protestant des Lumières, la tradition hassidique soutient que le service de Dieu est un combat, comme celui du chevalier, qui doit se faire sans autre salaire que l’honneur, avec un sens absolu du désintéressement (Kant). Ils considèrent aussi que l’homme est dans la prière comme s’il n’était plus, anéantissant sa propre personne pour s’ouvrir au secret divin. Cette relation établie entre la pensée judaïque très élaborée d’une éthique très austère et le protestantisme extrême lié au piétisme ne devrait pas étonner outre mesure si l’on considère que le principe exégétique du protestantisme consiste à revenir à la textualité du message biblique. Les propos précédents pourront paraître quelque peu rapides, voire même superficiels. J’en avais déjà informé le public à travers mes travaux précédents (voir mes Principales références thématiques), notamment dans un texte intitulé « Le thème du négatif dans la pensée freudienne et la tradition des philosophies du néant », formant le chapitre 8 de mon livre cité plus haut (PP1, 2010, pages 187-206, 258-259). Le principe, l’idée de ce texte m’avaient été demandés par Robert Samacher pour servir de Préface à son livre intitulé Sur La pulsion de mort. Création et 80
destruction au cœur de l’humain (Éditions Hermann, 2009). Apparemment l’éditeur ne lui a trouvé aucun intérêt et l’a écarté du projet final du livre, sans même que j’en aie reçu la moindre information. Ce qui certes n’est pas aimable, mais inquiète encore bien davantage sur le conformisme contemporain à l’égard d’un certain prototype prégnant de la « pensée unique ». En tout cas, les remarques précédentes feront peut-être comprendre à certains que l’influence – je préfèrerais dire le pouvoir de diffusion au lieu de ce mot que je n’aime guère – du paradigme judaïque de l’Ancien Testament et de la Bible en général sur la culture occidentale moderne a été immense, d’une portée incommensurable, et qui échappe encore aujourd’hui pour une large part à la portée des meilleures tentatives d’évaluation. L’histoire de la Bible ne concerne pas seulement le temps long de sa composition, qui s’achève vers le IVe siècle ap. J.-C., si on tient compte de l’intégration du Nouveau Testament dans son corpus. Elle concerne également le temps de sa diffusion, dont on vient de voir qu’il se prolonge, tout d’abord du côté juif, par la longue tradition d’une pensée juive, d’une pensée qui n’est pas seulement de caractère religieux et/ou mystique, mais encore philosophique, d’une pensée investie dans une véritable philosophie juive, reconnue comme telle par les ouvrages les mieux informés en matière
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d’histoire de la philosophie (op. cit., Parain-Belaval, 1969, 1974). Cependant, la diffusion de message biblique ne va pas seulement se faire de manière neutre, seulement du côté juif, mais aussi du côté chrétien, en donnant naissance à une première pensée chrétienne qui va s’établir en dialogue adversatif avec le paradigme juif. Dans cette perspective, il y a lieu tout d’abord de prendre en considération l’appropriation du message biblique dans un rapport de rivalité, par Juifs et Chrétiens, dès la fin de l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge. C’est à ce niveau que vont poindre tout d’abord les premières pousses de l’antijudaïsme. De ce point de vue, l’expérience ordinaire montre qu’il est souvent très difficile entre Juifs et Chrétiens (goyim) de parler ensemble de la signification de l’Ancien Testament. Tout de même que du Nouveau Testament. La plupart des Juifs cultivés tendent à nier toute la question relative à l’existence d’un Christ historique. Tout d’abord, ce sont les Juifs qui produisent la traduction de la Bible hébraïque en grec sous la forme dite Septante à Alexandrie vers -270 av. J.-C. Ce sont encore eux qui produiront le Talmud, on l’a vu, entre le IIe et le IXe siècle comme commentaire de l’Ancien Testament. De leur côté, les Chrétiens vont s’occuper à donner une nouvelle traduction de la Bible à partir de l’hébreu pour l’Ancien Testament et du grec pour le Nouveau Testament en latin, entre 390 et 82
405, ceci sous la forme dite Vulgate de la main de Saint Jérôme de Stridon (331 ?-420) En 1454, Gutenberg réserve à la Vulgate l’honneur d’être le premier livre imprimé ; on parle de « Bible à 42 lignes » (par page). C’est à l’époque approximative de la deuxième traduction de la Bible, la Vulgate latine, qu’interviendront les auteurs dénommés Pères de l’Église et qui travailleront dans la période comprise entre 325 et 451 environ pour la plupart. Appartenant, pour la plupart (pas tous), aux écoles théologiques soit d’Antioche, soit d’Alexandrie, ils vont œuvrer à élaborer les fondements théologiques et philosophiques de la doctrine chrétienne officielle définitive. Leur liste comprend également un petit nombre de noms rattachés à d’autres lieux et plus tardifs aussi, jusqu’en plein Moyen Âge. Ils seraient au nombre de 73 (Wikipédia), mais dont nous produisons ici, par ordre alphabétique, les noms de ceux qui sont identifiés par les ouvrages d’Histoire de la Philosophie les mieux informés (Chevalier 1966 ; Parain-Belaval 1969) (57). Alexandre d’Alexandrie (250 ?-326) ; Ambroise de Milan (339 ?-397)* ; Aristide l’Athénien (?- 134) ; Athanase d’Alexandrie (295 ?-373)* ; Athénagore d’Athènes (133-190) ; Augustin d’Hippone (354430)* ; Basile de Césarée (330-379)* ; Bernard de Clairvaux (1090-1153)* ; Boèce (470 ?-525 ?) ; Jean Cassien (360 ?-435) ; Clément d’Alexandrie (150216) ; Clément de Rome (35- ?) ; Cyprien de Carthage (200 ?-258) ; Cyrille d’Alexandrie (380 ?83
444)* ; Cyrille de Jérusalem (313-386)* ; Denys le Grand (?-265) ; Didyme l’Aveugle (313-398) ; Diodore de Tarse (+ 394) ; Épiphane de Salamine (315 ?-403) ; Eusèbe de Césarée (265 ?-339) ; Eustathe d’Antioche ( ?-338 ?) ; Germain de Constantinople (637-733) ; Grégoire le Grand (540 ?-604)* ; Grégoire de Nazianze (329-390)* ; Grégoire de Nysse (335-394) ; Hilaire de Poitiers (315-367)* ; Hippolyte de Rome (170 ?-235 ?) ; Ignace d’Antioche (35-108) ; Irénée de Lyon (130-202) ; Isidore de Séville (560 ?- 636)* ; Jacques d’Édesse (640708) ; Jean Chrysostome (345-407)* ; Jean Damascène (674-675 ? - 749)* ; Jean Scot Erigène (810 ?870 ?) ; Jérôme de Stridon (331 ?-420)* ; Justin (100 ?-165 ?) ; Lactance (260 ?-325 ?) ; Léon le Grand (406-461)* ; Maxime le Confesseur (580 ?662 ?) ; Méthode d’Olympe (250-311) ; Origène (185-254) ; Minucius Félix (200 ?- ?) ; Papias d’Hériapolis (70-163) ; Paulin de Nole (354-431) ; Photius de Constantinople (820-891) ; Polycarpe de Smyrne (69 ou 89 ?-155 ?) ; Pseudo-Denys l’Aréopagite (fin Ve siècle) ; Rufin d’Aquilée (340 ?-410) ; Sévère d’Antioche (465-538) ; Sulpice Sévère (363425) ; Tatien le Syrien (120 ?-173 ?) ; Tertullien (155 ?-220 ?) ; Théodore de Mopsueste (350-428) ; Théodore Studite (759-826) ; Théodoret de Cyr (393 ?-460 ?) ; Théophile d’Antioche (IIe siècle ap. J.-C.) ; Vincent de Lérins (?-450 ?). Parmi ces noms, certains sont rangés parmi les théologiens (Ambroise, Augustin), d’autres parmi les philosophes (Boèce), d’autres enfin recevant les
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deux qualifications (Jean Scot Érigène), d’autres encore étant appelés « apologistes » (Lactance). Par ailleurs, certaines personnalités (36) ont été qualifiées, par décisions de papes entre les XIIIe et XXIe siècles, plus particulièrement de Docteurs de l’Église, dont toutes ne figurent pas sur la liste précédente. Les Docteurs de l’Église qui sont par ailleurs Pères de l’Église ont été munis sur celle-ci d’un astérisque (15). Mais il existe encore d’autres Docteurs de l’Église qui, sans être des Pères de l’Église, sont néanmoins connus des ouvrages d’Histoire de la philosophie bien informés (13). Ce sont Bède le Vénérable (672/3-735), Anselme de Cantorbery (1033-1109), Albert le Grand (1193-1280), Bonaventure de Bagnorea (12211274), Thomas d’Aquin (1225-1274), Catherine de Sienne (1347-1380), Jean d’Avila (1499-1569), Jean de la Croix (1542-1591), Robert Bellarmin (15421621), François de Sales (1567-1622), Thérèse d’Avila (1515-1582), Alphonse de Liguori (16961787), Thérèse de Lisieux (1873-1897). C’est l’ensemble du premier courant originaire de la Patristique (57) qui va contribuer, pour une bonne part, à transporter la Révélation biblique, où s’exprime d’abord la pensée judaïque, en la convoyant à travers les pensées grecque, puis hellénistique, enfin romaine, puis à travers le « j’erre » (fallor) d’Augustin, jusqu’aux « Je pense » de Descartes (Cogito), puis de Kant (Ich denke), jusqu’à l’Esprit collectif de la Réconciliation (Befriedigung) hégéliennne. Ni plus ni moins.
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Pour être plus convaincant, notre développement aurait dû examiner le contenu des doctrines de ces philosophes juifs jusqu’à nos jours, de ces premiers philosophes chrétiens, de ces représentants de la théologie négative à travers les âges. Effectivement, c’est un travail qui est fait en large partie et sur des centaines de pages par les titres que nous avons indiqués (Chevalier 1966, Parain-Belaval 1969-1974), mais que nous ne pouvions reprendre à notre compte sans sortir de notre sujet et sans faire exploser le cadre matériel de notre petit livre.
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Chapitre 4 Nécessaires mais exclus 1 Restent en suspens d’autres questions. S’il est surprenant qu’une ethnie si réduite en nombre que le peuple juif ait pu faire preuve de la puissance créatrice nécessaire à la production d’un monument d’écriture d’une pareille ampleur et d’une telle importance pour l’ensemble de la culture, il n’en reste pas moins surprenant, choquant, et même scandaleux qu’un tel peuple ait eu à encourir de l’Antiquité jusqu’à nos jours un pareil déluge d’hostilité, une telle déferlante de détestation. Cette situation est, parmi d’autres, l’une des grandes hontes de l’histoire de l’Occident. Disons qu’elle ne fait pas honneur au genre humain. C’est la signification même du sens des valeurs liées à l’humanisme universel, voire au destin éthique de l’humanité tout entière, qui est ici en question. De ce point de vue, nous entrons dans un domaine de connotation très inquiétante, et même fort sombre. Se trouve en cause ce que Kant appelait le 87
mal radical (ewiges Böse), Freud la pulsion de destruction, de mort, la tendance au néant, et enfin Mélanie Klein l’« envie » (envy), entendue par elle comme la pulsion pour le sujet primitif à détruire le « bon sein » justement parce qu’il est bon. Ce sont ces forces du mal qui ont abouti au cours du sinistre XXe siècle à rendre possible la Shoah. La tradition germanique connaît depuis longtemps le grand thème du pacte de Faust avec le Diable (Goethe, 1808, 1832). Il n’est pas question ici pour nous de nous engager sur la voie frayée par le grand livre de Serge Poliakov sur l’Histoire de l’antisémitisme (2 vol., 1955, 1961, 1981), qui est un tout autre sujet, bien qu’il touche aussi incontestablement à celui dont nous avons traité. Freud se préoccupe de façon obsédante, sur la fin de son parcours, des origines de l’antisémitisme, dans Moïse et l’origine du monothéisme (1939), qu’il rattacherait au meurtre de Moïse par le peuple élu, ayant généré une culpabilité requérant et anticipant la punition. Dans le même ouvrage, il rattache le culte christique au rite archaïque du repas totémique commémorant le meurtre du père primitif, le totem ayant été déplacé du père sur le fils, probablement pour amortir la culpabilité du meurtre originel du premier. Intuition probablement très profonde, dont on a déjà parlé et dont on reparlera.
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Freud a formulé également que les deux interdits primitifs de l’humanité touchent aux deux motifs de l’inceste et du meurtre. Dont les mentions de la pensée freudienne oublient très souvent le second. Nous allons pour le moment laisser cette question en la réservant pour la fin de nos considérations. Bien entendu, ce grave problème entretient un rapport avec notre sujet concernant l’histoire de la Bible et la philosophie. Mais un autre aspect important et préalable pour l’éclaircissement de notre recherche est constitué par la trajectoire historique particulière du peuple Juif, de l’Antiquité jusqu’à l’époque récente, dans la mesure où celle-ci est conditionnée de façon très étroite par la forme aussi bien que par le contenu du message biblique. L’Histoire d’aucun peuple n’aura dépendu autant du message contenu dans un livre-manifeste d’auto-histoire, rédigé avec autant de ténacité que de subtilité, tout au long du premier millénaire de son trajet historique, par ailleurs d’une étendue si considérable et d’une telle variété de perspectives. 2 Ceci dit, il est compréhensible que la diffusion de l’idéologie judaïque à travers le tissu d’ensemble des idéologies européennes – tant religieuses que philosophiques – ne puisse être bien comprise que par le biais de l’étude de la diaspora du peuple Juif en général. Certes, nous avons conscience qu’en 89
abordant ce thème, nous sortons quelque peu de notre sujet, mais il le faut pour y gagner en compréhension rétrospective. Pendant près de 3 000 ans l’histoire des Juifs a été marquée par le paradoxe de la dispersion à l’extérieur et de la cohésion à l’intérieur. Ceci malgré l’autre paradoxe que, du fait d’une activité idéologique très prolixe, les Juifs ont toujours entretenu entre eux de multiples divisions. Suite au second exil à Babylone (-586) sous la domination du souverain perse Nabuchodonosor (-604 – -562), et après la conquête du Nouvel empire babylonien (-539) par Cyrus II, roi des Mèdes et des Perses, celui-ci accorde le retour de l’exil (-538), cependant que la Palestine fait désormais partie du Grand Empire perse. La reconstruction du Second Temple est achevée en -516. Le retour partiel d’exilés se poursuit. Sous Esdras (revenu en -459) et Néhémie (-445), s’installe un nouvel ordre politique et religieux : restauration des remparts (-445 – -443), réinstallation de compatriotes, annulation des dettes, interdiction de mariages entre Juifs et étrangers. « Une loi promulguée par Esdras en -430, dite « loi sacrée » ou « loi des prêtres » fonde la religion formaliste (« La Loi est un don de Dieu »). Toute la vie est réglée par la Loi. Il est nécessaire de la connaître, de l’interpréter et de l’expliquer : d’où l’importance des lettrés dans les synagogues. »10 10
Kinder (Hermann) et Hilgemann (Werner). : Atlas historique, DTV 1964, Paris, Stock, 1968, pages 33, 35, 151, 337, 479.
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C’est la base politique d’un judaïsme du Second Temple. Un grand prêtre est à la tête de la communauté religieuse de Jérusalem. Les Juifs subissent d’abord alors la domination des souverains perses : Cambyse, les Darius (I, II, III), Xerxès (I, II, III) et Artaxerxès (I, II, III), avant de tomber sous celle d’Alexandre le Grand (-336 – -323), puis de ses successeurs les diadoques Lagides (Ptolémées d’Égypte) (-323 – -198) puis Séleucides établis à Antioche (-197 – -142). Ces invasions et occupations successives par ces dynastes rivaux ptolémaïques et séleucides encouragent une émigration constante des Juifs dans l’ensemble du monde méditerranéen. Non sujets à des restrictions et dotés d’un statut favorable confirmé plus tard par les empereurs romains, la plupart voyagent librement jusqu’à l’introduction de restrictions consécutives à la christianisation de l’Empire. Sous Alexandre le Grand, « les Samaritains se séparent des Juifs et élèvent leur propre sanctuaire sur le Mont Garizim » (-330 – -108) : c’est le « schisme de Samarie ». Le Pentateuque devient leur Écriture sainte. À partir de la traduction de l’Ancien Testament en grec, appelée la Septante (-270), un nouveau centre du judaïsme se forme à Alexandrie. « L’introduction de l’hellénisme provoque une scission entre le parti helléniste et le parti fidèle à la Loi. » En -168, se produit la Révolte des Asmonéens, à l’instigation de Mathias et de ses fils, surtout Judas 91
Macchabée, contre les Séleucides pour obtenir la liberté politique et religieuse : c’est la « Guerre sainte ». En -142 intervient la reconnaissance de la souveraineté séleucide en échange d’une large indépendance politique. En -140 av. J.-C., un État juif indépendant apparaît sous Simon l’Asmonéen, frère de Judas Macchabée. Sous le royaume des Asmonéens (-140 – -37), on assiste à la formation de divers nouveaux groupes religieux. Les Pharisiens ou « Séparés » se déclarent fidèles à la Loi. Les Sadducéens forment un groupe conservateur où l’on croit à une survie après la mort. Les Esséniens se préoccupent de la formation d’un royaume messianique par l’ascèse et des rites purificateurs, ainsi que par une existence monacale communautaire. Leur existence a été découverte à partir de 1947 dans le Ouadi Qoumran. Les Romains interviennent dans le déclin du monde politique hellénistique dès -230 – -220. Puis ils annexent progressivement la Macédoine (-146), puis la côte occidentale de l’Asie Mineure, la Cyrénaïque, la Crète, la Bithynie, le Pont, la Cilicie, la Syrie et Chypre. En -63, Pompée met fin à la domination séleucide et conquiert la Judée qui devient un protectorat assujetti à un tribut. De -39 av. J.-C. à 4 ap. J.-C., « Hérode le Grand, nommé roi des Juifs par le Sénat romain, extermine les Asmonéens avec la tolérance des Romains. » Après la prise de Jérusalem en -37, Hérode partage le royaume entre ses trois fils : la Judée, la Samarie et l’Idumée étant confiées à Archélaüs ; l’Iturée à
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Philippe ; la Galilée et la Pérée à Hérode Antipas ; c’est sous le gouvernement de ce dernier que se produit le meurtre de Saint Jean Baptiste. Archelaüs est finalement banni en 6 ap. J.-C., et remplacé par Ponce-Pilate, gouverneur romain. La Judée devient province procuratorienne de 6 à 41. L’apparition de Jésus se produit comme l’annonce de l’avènement du règne de Dieu. Il est crucifié en 33 après condamnation pour blasphème. Des réunifications éphémères d’un royaume juif surgissent avec Agrippa I, petit-fils d’Hérode le Grand (41-44), puis Agrippa II (61). Après la mort de ce dernier, cet État est gouverné à nouveau par des procurateurs romains. Situation dont résulte une tension nationaliste, politique et religieuse accrue qui, en 66, culmine avec un soulèvement généralisé : la guerre des Juifs. Le prétexte direct en est l’introduction du culte de l’empereur et la construction d’un sanctuaire impérial à Jérusalem »11. De ce fait « un gouvernement insurrectionnel prend le contrôle de Jérusalem. Vespasien, puis son fils Titus, après de longs combats, comme déjà dit, enlèvent le Temple en l’an 70. Trois ans après, la forteresse de Massada, sur la mer Morte, place forte des derniers rebelles, tombe à son tour. » Par la suite encore, « l’intention probable de l’empereur Hadrien de faire de Jérusalem une cité païenne dédiée à Jupiter Capitolin provoque en 132 une nouvelle 11
Encyclopaedia Universalis : Le Grand Atlas de l’Histoire mondiale, « Les Juifs et la diaspora », Paris, Albin Michel, 1991, page 102-103.
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guerre, où les Juifs sont commandés par Bar Kocheba : après trois années d’indépendance reconquise (132-135), la Judée est de nouveau vaincue par Rome. » Dès lors, les Juifs sont interdits de séjour à Jérusalem sous peine de mort. Un nouveau centre religieux est créé sous le nom de Jamnia au encore Aelia Capitolina. L’État national juif, comme nation religieuse, disparaît avec la perte de son centre politique et religieux. Pour la communauté juive, c’est l’accélération brutale de la Diaspora (dispersion), relayant l’ancienne migration séculaire, avec, comme centre spirituel, la synagogue, comme lieu où s’assemble la communauté. À cette époque, la Palestine aurait compté 3 millions d’habitants, la plupart juifs. Il y en aurait eu 1 million en Égypte, chiffres que l’on a un certain mal à entendre, si l’on accepte les 30 000 habitants de Jérusalem à l’époque du retour d’Esdras au Ve siècle av. J.-C. « Le déplacement des Juifs à partir des principales contrées où ils étaient installés (Palestine, Asie Mineure, Babylonie, Égypte) vers l’Europe commence à la fin de la période hellénistique » (-323 – -30). En fait, « il est accéléré par l’intégration de la Judée dans l’Empire romain. Au milieu du 1ier siècle av. J.-C., des Juifs vivent déjà à Rome, d’où ils essaimeront dans le sillage des légions romaines [vers les marges de l’Empire]. On estime, comme déjà dit, que les Juifs représentent 10 % de la population de 94
l’Empire romain. Ils jouent un rôle dans la vie culturelle et religieuse, et jouissent de privilèges légaux qui leur permettent de pratiquer leur religion. » En réalité, « la résistance du judaïsme, après la défaite de 70 ap. J.-C., peut s’expliquer en partie par l’évolution de la religion juive déjà à la suite de la destruction du premier Temple, en -586 av. J.-C : un système reposant sur un temple et des sacrifices est alors complété par la création de la synagogue et d’un corpus de prières. Ces nouvelles formes religieuses rendent influents les interprètes de la Loi biblique. Les doctrines philosophiques qui en résultent varient », comme évoqué ci-dessus. Dans la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C, un groupe de lettrés, les pharisiens ont pris de l’importance dans la fonction d’exégètes. « Après la destruction du second Temple de Jérusalem, en 70, les pharisiens deviennent les rabbins. Le second facteur important est la codification de la loi juive, civile et religieuse, élaborée en Palestine vers 200 ap. J.-C. par le patriarche Rabbi Juda, dans la Mishna. » De fait, « ce code constitue le fondement d’une étude permanente dans les écoles en Palestine et en Babylonie : le commentaire de la Mishna, la Guemara, et la Mishna elle-même constituent le Talmud, sur lequel s’appuient les pratiques et les croyances juives. » Les dates de la rédaction du Talmud varient quelque peu selon les présentations, du IIe ou IVe siècle au IXe siècle. Caracalla accorde aux Juifs le droit de cité (212) comme à tous les autres habitants de l’Empire. Dans l’espace de l’Empire, ils s’établissent partout, 95
surtout par le Nord en Asie Mineure, dans les Balkans traversés jusqu’à l’Italie, et par le Sud, en passant par l’Égypte, en Afrique du Nord et en Espagne, remontant ensuite jusqu’en France, puis en Angleterre, et dans les confins germaniques. L’antisémitisme naissant dès cette époque de l’apogée de l’Empire est « attribué par les écrivains romains à leur religion séparée, à l’exclusivité exigée par Yahvé, au fait aussi que leur adoration se passe d’images divines ainsi qu’à leurs préceptes rituels de purification. » L’adoption du christianisme comme religion officielle de l’Empire romain, au IVe siècle, par Constantin (272-337) du fait de l’édit de Milan (313), conduit l’État romain à combattre idéologiquement le judaïsme. La condition des Juifs, dès lors, se dégrade progressivement davantage. « Une législation restrictive est édictée vers la fin de l’Empire et les États qui lui succèdent, comme l’Espagne wisigothique (418-711), où le judaïsme est finalement proscrit. Les lois juives des empereurs Constantin, Théodose (417, 423) et Justinien (534) font des Juifs des citoyens de classe inférieure. » À l’écart de l’Empire romain vers l’Est, en Mésopotamie, de nombreux émigrés à Babylone sont parvenus à améliorer leur sort par le commerce. Sous les Perses Sassanides (224-651), ils sont persécutés par la caste des mages, mais leur situation va s’améliorer sous la domination arabe. De Babylone, les Juifs se répandent également sur l’Afghanistan, la Perse, l’Inde, l’Arménie et dans la région du Caucase, pays où ils échapperont du 96
fait opportun de la géographie à la domination chrétienne. La conquête musulmane en 711 apporte un répit également en Espagne, qui se traduit par « l’âge d’or » également du judaïsme espagnol. Les Juifs ont des relations relativement apaisées avec les habitants de l’Espagne, chrétiens aussi bien que musulmans, comme avec les musulmans d’autres pays (Bagdad). En particulier, il existait en Espagne jusqu’à la Reconquista une élite juive, d’un statut social élevé, et qui était très appréciée des princes aussi bien arabes au sud que catholiques plus au nord pour ses remarquables qualités de gestionnaires administratifs et financiers. Un point d’entente entre Arabes et Juifs est leur « religion du livre », comportant la particularité d’un sévère et rigide monothéisme, excluant la notion chrétienne de Trinité (Dieu un et trine). Jusqu’à l’effondrement de l’Empire romain (476), « les activités économiques des Juifs ne sont pas très différentes de celles des autres groupes nationaux. Mais un changement d’orientation intervient vers le VIe siècle, où l’on commence alors à identifier les Juifs au commerce régional et international. » Celui-ci « s’explique par des facteurs intérieurs et extérieurs, comme la vaste dispersion des Juifs dans les pays musulmans et à travers l’Europe chrétienne, leur solidarité de groupe, leur facilité d’échanges linguistiques, et un système uniforme de législation commercial qui s’appuie sur le Talmud. 97
En outre, « la nouvelle tendance s’accentue du fait de l’exclusion croissante des Juifs de la propriété du sol, en particulier dans le nord de l’Europe, de la consolidation du système féodal (env. dès le Xe siècle), du risque permanent d’expulsion et de la confiscation de leurs biens. » Dès le Haut Moyen Âge, les Juifs de l’Europe sont tolérés pour des raisons économiques, mais soumis à des restrictions, et souvent persécutés par la population. Un contingent assez important va se déplacer entre 500 et 800 de l’Italie centrale et méridionale vers la Provence, le Dauphiné, la Savoie, la France du Nord-Est puis les pays allemands. Disposant du droit de pratiquer leur religion et de s’administrer eux-mêmes, les Juifs de l’Europe médiévale forment deux groupes principaux : les Séfarades (en hébreu, Sefarad, Espagne) et Askhénazes (en hébreu Askhenaz, Allemagne). Les établissements juifs les plus importants au cours de cette expansion juive commencée dès le IIe siècle seront Fez, Alger, Tunis au Maghreb, Syracuse, Palerme, Tarente, Naples, Rome, Sienne, Milan en Italie, Séville, Cordoue, Grenade en Espagne, Tours, Orléans, Paris en France, Metz, Mayence, Worms, Cologne, Magdebourg, Ratisbonne en Allemagne, Lublin en Pologne, Vilna et Kiev en Lituanie. Grégoire le Grand (590-604) inaugure une certaine orientation positive (mais ce ne sera pas toujours la seule) de la politique juive des papes au 98
cours du Moyen Âge : « il repousse le baptême forcé et veut gagner les Juifs à force d’avantages. Considérés comme étrangers sans soutien, les Juifs doivent se placer sous la protection personnelle du souverain (protection spéciale des particuliers). » Cela commence avec Louis le Pieux (814-840). « Les autorités carolingiennes (dès 751), conscientes du rôle des Juifs dans le commerce international, leur délivrent des chartes particulières, leur garantissent une protection, leur accordent privilèges commerciaux et le droit de se gouverner eux-mêmes selon leur propre loi ». Même, « au VIIe siècle, à la suite de la conversion du souverain Bulan, le puissant royaume des Khazars (entre la mer Noire et la mer Égée), devient pour quelques siècles un Royaume juif, face à l’Empire byzantin. » Les rois allemands qui succèdent à Louis le Pieux accordent également des privilèges aux Juifs. Cependant, l’Église interdit aux chrétiens de prêter contre intérêt, et les Juifs se voient obligés de faire le commerce de l’argent en tant que prêteurs. Cette particularité, tout comme les pogroms qu’entraîne la première croisade (1096-1099), rendent nécessaires la promulgation de lois qui les protègent en tant que non chrétiens, et non seulement comme marchands et habitants des villes. « Aux Xe et XIe siècles, des communautés juives, tout d’abord composées manifestement de marchands, s’installent dans la vallée du Rhin. Plus tard, elles s’étendent vers l’est », de 1100 à 1400 vers la Pologne et la Lituanie, de 1150 à 1450 plus au sud-Est vers les pays balkaniques, de 1450 à 1500 99
et encore au-delà vers l’Ukraine, la Crimée et la Russie. Cependant, « la prédominance des Juifs dans le commerce décline avec l’apparition d’une classe de marchands chrétiens et la politique de monopoles instituée par les guildes du Nord de l’Europe. Les Juifs en sont réduits au seul secteur du crédit (que ne peuvent pratiquer les chrétiens, du moins en théorie, à cause de l’interdiction de l’Église), où ils tiennent un rôle essentiel, mais non exclusif, en particulier dans le nord de la France, en Angleterre, en Allemagne et dans le nord de l’Italie. » Comme tels, « ils sont irremplaçables, souvent comme source de prêts modestes pour les nécessiteux des villes dans le besoin, et, toujours, comme contribuables pour les rois, les princes et les villes, qui continuent de leur accorder des chartes garantissant aussi bien la sécurité des personnes et des biens que la pratique du culte et le droit de s’administrer eux-mêmes. » Par ailleurs, « ces conditions permettent ainsi le développement de la Loi et des institutions juives, le maintien de la tradition et l’évolution de la vie intellectuelle et spirituelle. Au même moment, l’Église adopte une attitude délibérément plus hostile [que celle d’abord adoptée à l’époque primitive de Grégoire le Grand (590-604)] – en particulier lors des troisième et quatrième conciles de Latran, en 1179 et 1215. » De plus, « les sermons enflammés des moines des ordres mendiants excitent les passions populaires et la condition des Juifs se détériore. Ils sont frappés d’impositions arbitraires, de dures restrictions économiques ; on les oblige à porter un signe distinctif (rouelle) et à vivre entassés dans des 100
quartiers spéciaux, les ghettos (ghetti) – terme appliqué pour la première fois au quartier juif de Venise, en 1516, bien que l’institution en soit antérieure. » Cependant, lorsqu’en 1103, l’Empereur Henri IV décrète la Paix impériale de Mayence : « parmi les personnes amnistiées on trouve des Juifs à côté de clercs, de femmes et de commerçants. Ils ont droit à être protégés puisqu’ils ne portent pas d’armes, mais, n’en portant pas, ils ne sont pas considérés comme libres. » C’est donc entre 1096 et 1215, à l’époque des croisades que vont s’établir les premières grandes persécutions : on accuse principalement les Juifs de sacrilège (profanation d’hosties), de meurtres rituels, et d’empoisonnement des puits (ce dernier point, notamment, lors de la peste noire de 1347-1352). « Ce mélange de haine sociale, économique et religieuse, allié au sentiment que les Juifs sont un corps étranger dans la société chrétienne, entraîne de nombreuses expulsions. » Bien qu’ils soient souvent rappelés, parfois à bref délai par l’inconséquence des autorités, vu que leur départ désorganise la vie économique, les Juifs deviennent moins indispensables lorsqu’apparaissent de nouvelles sources de financement (les banquiers lombards, les importations d’or du Nouveau Monde) et que se développent les économies occidentales. Le registre des accusations diverses portées contre les Juifs organise un nœud de représentations archaïques inconscientes que mobilise une hostilité généralisée, croissante et de plus en plus vive, secrétée par la société chrétienne, surtout à partir de la 101
période des Croisades, commençant à la fin du XIe siècle. On aura plus loin à revenir sur le contenu de ces accusations, dans une perspective très intéressante pour notre investigation. En 1215, lors du 4ième concile du Latran, les Juifs se voient interdire toutes charges et doivent porter des vêtements particuliers. Néanmoins, en 1236, « l’Empereur Frédéric II désigne les Juifs comme étant servi camerae nostrae (valets de notre Maison). La conception de l’Église qui fait des Juifs des inférieurs dans les pays allemands prend une forme juridique sous l’influence du droit romain : personnellement et économiquement, les Juifs dépendent de l’empereur. » En fait, un peu plus tard, « un à un, les souverains d’Europe occidentale les expulsent de leurs royaumes respectifs : l’Angleterre en 1290, la France en 1306 et définitivement en 1394 (aux exceptions de la Provence, du Dauphiné, et d’Avignon), l’Espagne en 1492 (début de la diaspora séfarade), le Portugal en 1496 (en réalité, une conversion forcée massive des Juifs du Portugal fut perpétrée en 1497, et il n’y eut pas d’expulsion effective). Les Juifs sont aussi chassés de bien des villes allemandes (diaspora ashkénaze). » Les Juifs expulsés d’Angleterre gagnent la France et l’Allemagne. Chassés de France, ils gagnent l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Chassés d’Espagne, ils gagnent le Portugal, les régions de Gênes, Rome et Naples, celles de Fez, Alger et Bizerte, repartent même jusqu’au Caire, en Palestine, 102
gagnent Tyr et Alep, Thessalonique, Constantinople, et même en remontent jusqu’en Moldavie et en Lituanie. Chassés du Portugal, ils gagnent Amsterdam et même le Brésil (Pernambouc). Au mieux, et quand les persécutions ne tournent pas à la violence, les pouvoirs soufflent sur les Juifs le froid et le tiède, le premier davantage que le second. En Espagne, la lutte contre les Juifs durera un siècle entier (1391-1492) pour s’achever sous l’égide du Grand Inquisiteur Torquemada. S’y rencontrera le problème posé par « les masses de nouveaux chrétiens, dits par dérision marranes, des pays de la péninsule ibérique et de leurs possessions américaines : l’Inquisition les pourchasse pour leur observance clandestine du judaïsme. » Pendant l’expansion de la peste (la Peste noire 1347-1352), 350 communautés juives sont anéanties par des pogroms. Les Juifs avaient commencé à émigrer vers l’Est dès les premières croisades. Dans les régions où ils s’établissent, ils emportent leur parler yiddish, et leurs vêtements discriminatifs, qui demeureront par la suite ceux du Moyen Âge. De la sorte, après 1497, année de la conversion forcée au Portugal, « la population juive diminue. Les centres de peuplement et de vie culturelle juifs [les plus actifs] se situent désormais dans le nord de l’Italie, dans quelques villes [rares de l’Empire allemand dont ils n’ont pas été chassés : Cologne, Mayence, Prague], dans l’Empire ottoman, en Pologne et en Lituanie. » 103
Pendant la période de l’Humanisme et sous la Réforme, « à cause de sa connaissance de l’hébreu, Johannes Reuchlin (1455-1552), philosophe et théologien allemand non-juif, devient le porte-parole des Juifs, en lutte contre les dominicains et Johannes Pfefferkorn (1469-1524), polémiste Juif converti qui réclame que le Talmud soit brûlé. Pour Reuchlin, la Synagogue n’est plus l’esclave vaincue de l’Église, mais sa sœur. » Dans l’« Augenspiegel » (1511), il tente de revenir à l’esprit primitif du droit romain (les Juifs sont les sujets de l’empire) et du droit ecclésiastique (les Juifs sont les « Prochains »). Cependant la Réforme n’améliore pas la situation des Juifs, que Luther défend d’abord : (« Que N.-S. Jésus-Christ est né Juif », 1523). Mais son espoir de les convertir ne se réalisant pas, il rédige le pamphlet « Des Juifs et de leurs mensonges » (1542). Il faut attendre les XVIIe et XVIIIe siècles, avec l’influence du rationalisme, des échanges commerciaux et du Siècle des lumières, pour que les Juifs puissent revenir en Angleterre, en France et aux Pays-Bas. L’émancipation juridique, pas toujours acceptée par tous, est obtenue en Occident à la fin du XVIIIe et au XIXe siècle. Aux XVIIe-XVIIIe siècles, le prince aura souvent recours à des financiers juifs, par exemple Samuel Bernard (1651-1739) sous Louis XIV. « L’émancipation des Juifs, leur passage de l’état de minorité tolérée, aux droits restreints, à celui de citoyens aux droits égaux se prépare chez les puritains américains fortement influencés par l’Ancien 104
Testament, et pendant le Siècle des lumières. » En Allemagne, ses pionniers sont Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781) : « Les Juifs » (1749), « Nathan le Sage » (1779), puis le conseiller Christian Wilhelm von Dohm (1751-1820) qui, dans « De l’amélioration civique des Juifs », explique que les défauts reprochés aux Juifs sont dus à leur sujétion et qu’en leur accordant des droits égaux on ferait d’eux de bons citoyens. « Le philosophe juif allemand Moïse Mendelssohn (1729-1786), dans son traité « Jérusalem ou du pouvoir religieux et du judaïsme », établit une distinction entre l’attitude spirituelle de la religion juive (monothéisme dans toute sa pureté) et le judaïsme, ensemble de préceptes et de lois précises » (la révélation du Sinaï fondant l’origine de la nation). Avec la « Déclaration des droits de Virginie » (1776) et la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (1789) débute l’égalité des droits pour les Juifs. En 1791, l’Assemblée nationale française attribue le droit de citoyenneté aux Juifs qui prêtent le serment de civisme. « La religion juive est reconnue comme une autre religion, les Juifs perdant leur caractère « national ». » 1807 voit en France la Réunion du Grand Sanhédrin pour consulter les communautés juives. Furtado, Juif d’origine portugaise, demande l’assimilation au sein de la nation française. En 1808 paraissent deux décrets : « les Juifs doivent prendre un nom de famille, et, pour exercer un commerce, ils doivent obtenir une autorisation 105
du préfet attestant qu’ils n’ont pas pratiqué l’usure. Les Juifs de Paris, du Midi, et d’Italie n’ont pas à demander l’autorisation. » Le culte juif est directement subventionné par les communautés. En Europe occidentale, les Juifs obtiennent presque partout l’égalité des droits (Portugal, 1910). En Europe orientale (Pologne et Russie), l’oppression se poursuit dans nombre de pogroms. En Russie interdiction est faite aux Juifs d’être agriculteurs, et une restriction de leur nombre est imposée à l’entrée dans les universités. En Europe du Sud-Est, existe de la tolérance, à l’exception de la Roumanie et de la Turquie. En 1917, l’égalité des droits est reconnue en Russie soviétique, puis dans les nouveaux États de l’Est. À la suppression des ghettos spirituels, succède celle des ghettos urbains, d’où assimilation (décadence de la tradition et adoption des valeurs culturelles du pays d’accueil) et mouvement réformateur (libéralisme religieux). « Après la première guerre mondiale, le contact des juifs occidentaux et de ceux qui habitent les anciennes parties, devenues indépendantes, de l’empire russe, provoque une révision du formalisme traditionnel juif : Martin Buber (1878-1965). » En 1870, le décret Crémieux accorde la citoyenneté française aux israélites d’Algérie. L’émancipation juridique des Juifs aux XVIIIe et XIXe siècles s’est produite dans un vaste ensemble de pays, selon l’ordre historique suivant : États-Unis (1776), France (1791), Grèce (1830), Belgique (1831), Pays-Bas (1848), Danemark (1849), 106
Angleterre (1858), Autriche (1866), Hongrie (1867), Galicie (1868), Italie (1870), Suède (1870), Allemagne (1871), Suisse (1874), Norvège (1891). « L’antisémitisme traditionnel est dirigé contre les Juifs non contre les Sémites ; ses causes sont religieuses, politiques, et économiques. Au XIXe siècle, apparaît l’antisémitisme raciste. » Les Précurseurs en sont en France le comte de Gobineau (1853-1855), qui proclame la supériorité de la race aryenne dans son Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855), et où toute l’histoire est considérée du point de vue raciste. Mais de telles spéculations sur les sources aryennes de la culture européenne, et par ailleurs sur la supériorité de la race germanique (Fichte), apparaissent déjà dans l’Allemagne romantique antérieure (Schlegel, Adelung, Rhode, Grimm, Lassen, Müller). L’assimilation aryen = germanique = allemand trouve son origine à ce moment-là, pour exercer distance future une influence incontestable sur les doctrines officielles du Troisième Reich12 . Un autre auteur notoire à cet égard sera l’écrivain racialiste Houston Stewart Chamberlain (18571927), Anglais de naissance, et Allemand d’adoption. À la suite des pogroms russes de 1881-1882, « un médecin d’Odessa, Léo Pinsker, réclame dans son « Auto-émancipation » (1882) un foyer national Émile Jalley : La doctrine de la science 1794 de Johann Gottlieb Fichte. Naissance de et devenir de l’impérialisme allemand, 2016, pp. 61, 106, 191, 240. 12
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pour les Juifs opprimés. Après 1882, les associations « Hovevei Tsion » (les Amants de Sion), auxquelles adhère Pinsker, veulent coloniser la Palestine. » Sous l’influence de l’affaire Dreyfus (1894), Théodore Herzl (1860-1904) publie « L’État Juif » (1896) et crée le mouvement sioniste, indépendant de mouvements précédents de l’Est de l’Europe. La question juive se transforme ainsi en problème dont la solution dépend des Juifs eux-mêmes. Au premier Congrès mondial sioniste de Bâle (1897), se produit la création d’un organisme politique. Le Programme de Bâle prévoit la création d’un foyer juif de droit public en Palestine. « Le sionisme culturel a pour objectif de faire de la Palestine, grâce à un travail de colonisation et de civilisation, un centre spirituel dont le rayonnement guide le judaïsme mondial pour qu’il réalise son unité intérieure, afin que les Juifs puissent attendre la réalisation de l’État que le sionisme politique exige dans l’immédiat. » Chaim Weizmann (1874-1952) s’efforce de faire la synthèse des deux tendances, d’où fondation d’un « Office sioniste palestinien » à Jaffa (1907) et d’une université hébraïque (1918). En 1905 paraissent les « Protocoles des Sages de Sion », document apocryphe publié en Allemagne par le capitaine Ludwig Muller von Hausen (18511926), ami d’Erich Ludendorff (1865-1937), et constituant une réaction haineuse devant le sionisme. En 1917, la Déclaration Balfour se prononce pour « la création d’un foyer national juif en Palestine « dans le respect des droits des populations locales ». » 108
Il est intéressant de citer pour repères des estimations numériques dont on dispose sur la population juive en Europe en 1930 (Atlas historique Stock) : de 0 à 0,5 % en Irlande du Sud, France, Italie, Espagne, Portugal ; de 0,5 à 1 % en Irlande du Nord, Angleterre, Belgique, Allemagne, Yougoslavie, Bulgarie ; de 1 à 3 % aux Pays-Bas, en Tchécoslovaquie, URSS, Grèce ; de 3 à 6 % en Autriche, Hongrie et Lettonie ; de 6 à 10% en Roumanie et Lituanie ; de 10 à 11 % en Pologne. Les villes comprenant plus de 100 000 Juifs étaient Paris en France, Londres en Angleterre, Berlin en Allemagne, Vienne en Autriche, Budapest en Hongrie, Varsovie et Lodz en Pologne, Moscou, Kiev et Odessa en URSS. Les villes comprenant de 20 000 à 100 000 Juifs étaient Berditchev, Bobrouïsk, Jitomir, Minsk, Nicolaiev, Poltava, Vinnitsa, Vitebsk (8) en URSS ; Bucarest, Cernauti, Jassy, Kichinev, Stanislav (5) en Roumanie ; Hambourg, Francfort et Breslau en Allemagne (3) ; Leeds et Manchester en Angleterre (2) ; Istanbul et Smyrne en Turquie (2) ; Amsterdam aux Pays-Bas ; Anvers en Belgique ; Prague en Tchécoslovaquie ; Riga en Lettonie ; Kovno en Lituanie ; Salonique en Grèce. En Allemagne, les Juifs représentaient seulement 1 % de la population, qui par ailleurs auraient détenu 7 % du revenu national (Serge Poliakov).
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3 Le livre célèbre de Serge Poliakov sur l’Histoire de l’antisémitisme (tomes 1 et 2) livre les notations suivantes, qui concernent notre sujet. Un certain nombre de noms importants ont toujours reconnu avec équité et même parfois non sans une certaine admiration les qualités du peuple juif. Léon Poliakov cite les suivants : En France l’humaniste et théologien protestant Théodore de Bèze (1419-1505), le magistrat hébraïsant Gilbert Gaulmin (1585-1665), le diplomate calviniste Isaac de Lapeyrère (1594-1676), l’oratorien Richard Simon (1638-1712), le philosophe et jurisconsulte Jean Bodin (1519-1596), le théologien Jean Calvin (1509-1564) – et ceci tout à l’opposé du réformateur thuringien Martin Luther (1483-1546), également les écrivains et philosophes Montesquieu (1689-1755), et Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) – tout à l’opposé de Voltaire (1694-1778), ainsi que l’écrivain Charles Péguy (1873-1914) ; en Allemagne Frédéric Nietzsche (1844-1900), le théologien luthérien Spener (1635-1705) fondateur du piétisme ; en Angleterre le romancier écossais Tobias Smolett (1721-1771). Chez beaucoup d’auteurs célèbres, et certains inattendus sur ce point (Kant, Fichte, Vigny, Victor Hugo), il existe des propos antisémites, disons plutôt antijudaïques, occasionnels, en accord avec l’atmosphère générale de toute une époque, sans que pour autant l’on puisse parler de position doctrinale et militante antisémite déclarée, comme cela 110
existe par contre chez certains auteurs (Charles Maurras (1868-1952), Léon Daudet (1867-1942), Édouard Drumont (1844-1917)). Dans l’ouvrage de Poliakov, on relève encore les remarques suivantes qui touchent à notre investigation. L’auteur tient un propos qui, pour n’être pas tout à fait faux à être resitué dans son contexte historique adéquat, peut nous sembler totalement paradoxal compte tenu de la situation contemporaine. Il prétend que le christianisme soutient dès l’origine une civilisation plus conquérante et plus agressive que l’Islam. Or, cela a pu être vrai jusqu’à une certaine époque où la vérité, dirons-nous, s’est retournée. Pendant une très large période de l’histoire, l’Islam n’exigeait pas la conversion des Infidèles. Pas plus aujourd’hui où la prévalence du courant wahhabite ne leur réserve que l’anéantissement terrestre suivi de l’Enfer éternel. On sait que le succès historique de la Conquête islamique est dû en grande partie au fait que les Arabes laissaient aux peuples vaincus une large autonomie administrative et n’exigeaient d’eux que le paiement d’un tribut annuel. Ce qui a été également le cas des Mongols dans l’immense Empire de Gengis Khan. L’Espagne est restée pendant plusieurs siècles le « pays des trois religions » catholique, juive et musulmane (Poliakov, 1, 97-228). Le christianisme au contraire s’est d’emblée posé comme universel (« catholique »), envoyant les apôtres vers toutes les nations – au contraire du judaïsme –, et a cautionné la Chrétienté politique dès 111
l’époque de Constantin et pour de longs siècles par la suite, venant à l’appui des Croisades, puis dès l’époque des Grandes découvertes, de la Conquête espagnole, des tentatives d’emprise idéologique en Inde, en Chine et au Japon, pour ne pas parler de la Contre-Réforme, de la Guerre de Trente ans, des Guerres de religion en France, de la condamnation de Galilée, des Dragonnades et de l’abolition de l’Édit de Nantes par Louis XIV, du Syllabus de Pie IX (1792-1878). Ce n’est qu’à une époque tout à fait récente que le catholicisme se montre œcuménique, ce qui est tout à fait autre chose. Donc selon Poliakov : « À cette originalité foncière de l’Islam de la grande époque, on peut facilement trouver des explications terre à terre, et invoquer les pressantes raisons qui poussaient les conquérants arabes à protéger les existences et les cultes des dhimmis, laborieux agriculteurs ou artisans, piliers de la vie économique du califat : état de choses qui a fini par recevoir une consécration idéologique. Mais je préfère mettre l’accent sur l’autre aspect de la question, et qui, peut-être, recouvre une vérité plus profonde : à savoir, que les doux préceptes du Christ ont présidé à la naissance de la civilisation la plus combative, la plus intransigeante qu’ait connue l’histoire humaine, tandis que l’enseignement belliqueux de Mahomet a fait naître une société plus ouverte et plus conciliante. Tant il est vrai, encore une fois, qu’à force de trop exiger des hommes, on les soumet à d’étonnantes tentations, et que qui veut trop faire l’ange fait la bête... » (1, 64).
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On nous dit encore que « la constitution d’une bourgeoisie proprement chrétienne fut en Espagne tardive et lente. Celle-ci ne s’accélérera qu’au XIIIe siècle ; et en fin de compte, les quelque trois cent mille Juifs que comptait la Péninsule ibérique au siècle suivant (XIVe) ne formaient plus qu’un quart ou un cinquième de la population urbaine globale » (1, 131). De fait, il existait beaucoup de « villages ou hameaux juifs, sous la protection directe du prince ». Cette occupation de caractère rural n’avait encore rien à voir avec ce que seront plus tard les ghettos dans d’autres pays. Plus loin, on nous dit qu’ « en vertu d’une implacable dialectique… des inquisiteurs prétendaient que les Juifs étaient rituellement tenus de se parjurer, de tuer chaque jour un Chrétien, etc. À ce stade, les imaginations étaient suffisamment excitées pour que le mythe d’une conspiration mondiale juive prît racine. On saisit en l’espèce avec une netteté particulière le passage de la haine confessionnelle à la haine raciale. C’est en vain que les souverains pontifes du temps et des prélats espagnols sensés mettaient en garde contre les atteintes à l’universalisme chrétien ; c’est en vain que le pape Nicolas V (1397-1455, élu en 1447 et surnommé le « pape humaniste »), dans sa bulle « Humani generis inimicus » (1449), et l’évêque Alonso de Cartagena, dans sa « Défense de l’unité chrétienne », rappelaient que la rédemption est également ouverte à toutes les âmes humaines. Que peuvent les théologiens contre les passions ? » (161). 113
On nous explique donc qu’à un certain moment, l’Église semble avoir tenu un double discours, ce qui n’est pas pour étonner ceux qui connaissent la double nature, « dialectique » au sens vulgaire, du message chrétien : le discours du clergé subalterne et des prédicateurs populaires s’opposant à celui du Haut Clergé et de certains princes. Plus loin on nous fait état d’une étrange contradiction au sein des Lumières en France : « Vint ensuite le Siècle des Lumières, et « écrasons l’infâme ». Rien de plus révélateur pour notre sujet que la confusion qui s’installe alors dans les esprits des philosophes, les uns (et Montesquieu sera leur chef de file) plaidant au nom de la justice et de la raison la cause des victimes traditionnelles des superstitions, les autres (et Voltaire en est le premier exemple) s’acharnant au nom de cette même raison contre la race mystificatrice venue de Chanaan » (352). Dans la théologie finale de Luther, « par un retournement dialectique inéluctable, la doctrine de la liberté totale mène à l’asservissement total » (372). Ceci encore : « C’est un phénomène que nous allons rencontrer à maintes reprises au cours de notre étude, et qui s’explique aisément. Les tueurs, en règle générale, n’en veulent que davantage à leurs victimes : les simples témoins se disent qu’il doit bien y avoir une raison pour laquelle on tue ; les profiteurs enfin, les pillards, petits ou grands, redoutent le retour des rescapés. À ce point de vue, les massacres de 1096 [en Espagne] marquent le point de départ de la détérioration progressive de la condition des Juifs. Du reste, un autre enchaînement 114
causal, lui aussi lié aux croisades, agit dans le même sens : la route de l’Orient une fois ouverte aux Européens, les marchands italiens [Venise, Hanse] de plus en plus supplantent les Juifs dans leur position de commerçants par excellence, et la montée de la bourgeoisie des villes [banquiers lombards], qui sont en plein essor, aura le même effet » (251). « Il s’agira dorénavant d’un véritable cercle vicieux qui, à l’époque, ne fait que s’amorcer seulement » (278). « L’animosité à l’égard des Juifs se nourrit des massacres mêmes [1096, 1347] qu’elle a suscités : on les tue d’abord, et on les déteste ensuite. Ce principe (quelle qu’en soit la précise explication psychologique) se trouve assez régulièrement vérifié par l’expérience. À partir de la deuxième moitié du XIVe siècle, les haines antijuives atteignent une telle acuité que nous pouvons hardiment dater de cette époque la cristallisation de l’antisémitisme sous sa forme classique, celle qui conduisait plus tard un Érasme à constater : « S’il est d’un bon Chrétien de détester les Juifs, alors nous sommes tous de bons Chrétiens. » » (302-303). Mécanisme qu’a fortement contribué à éclairer la pensée freudienne : la rationalisation. Ceci encore : « Cette fameuse ambiguïté juive qui veut que l’argent soit surestimé parce que, sans lui, la mort ou l’expulsion vous guette » (276). « Le XIVe siècle, le siècle du diable, fut sans doute le siècle européen le plus fertile en crises et
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catastrophes de toute espèce ; peut-être, un jour le comparera-t-on au nôtre... » (283-284). « La peste noire, catastrophe qui, en l’espace de trois années, de 1347 à 1350, faucha un tiers, peutêtre davantage, de la population de l’Europe… Les conséquences de la grande panique des années 1347-1350 furent capitales… L’année 1347 peut être comparée à l’année 1096, car les répercussions de l’épidémie furent de deux sortes : effets immédiats, consistant dans la décimation des Juifs à travers l’Europe, et effets lointains, à savoir l’arrivée à maturation du phénomène spécifique que représente l’antisémitisme chrétien » (291-292). « À la fin du XIXe siècle, Édouard Drumont ne traitait-il pas les protestants français de demiJuifs ? [Propos qui sans le savoir cache une vérité philosophique profonde dont on a parlé plus haut]. Aussi bien, d’une manière générale, les haines antijuives se mettent-elles en veilleuse [jusqu’aux fureurs des pogroms russes (1905) puis de la peste nazie au XXe siècle], lorsque d’autres passions violentes agitent le corps social. Hérétiques, Turcs ou autres Infidèles, ou simplement un ennemi héréditaire en période de conflit : les substituts, au cours des siècles, furent variés et nombreux » (344). Ceci encore à propos de Pascal : « Le grand penseur était troublé par le rôle extraordinaire et capital qu’assigne aux Juifs l’eschatologie chrétienne, et de leur bizarre situation « contraire » il s’efforçait de tirer une preuve de plus… » (352). 116
Ceci encore, d’un grand intérêt pour la psychanalyse sociale, touchant le fait étrange de l’existence de souvenirs collectifs inconscients subsistant à très long terme, même sans événement externe explicite pour les raviver entre temps : « Les Juifs avaient été expulsés d’Angleterre en 1290. Le souvenir, cependant, en demeurait vivace, et il serait facile de se livrer à une enquête semblable à celle que nous avons entreprise pour la France, et de montrer comment leur fantôme continuait à troubler les imaginations longtemps après leur départ » (353). « Ce sont des appréhensions plus brumeuses, d’obscures craintes ancestrales qui remontent à la surface, à la seule pensée de voir des membres de la race déicide admis à exercer la plénitude des droits de l’homme et du Chrétien » (452-453). « Comment, à travers les siècles, ont pu être nourries et fortifiées ces représentations ? » (338). « Tant il est vrai que les sensibilités survivent des générations durant aux structures dont elles sont issues, et, ce faisant, font subsister certaines séquelles de ces structures » (435). C’est exactement le même problème que Freud pose dans Moïse et le monothéisme. « Cette haine qu’on a pour eux [les Juifs] est extraordinaire, s’étonnait Madame de Sévigné » (2, 21). Mais d’où vient cette puanteur qui confond tous les parfums ? – C’est sans doute que l’incrédulité et l’ingratitude sentent mauvais comme la vertu sent bon... Je sens de la pitié et de l’horreur pour eux, et 117
je prie Dieu avec l’Église qu’il leur ôte le voile qui les empêche de voir que Jésus-Christ est venu... » (lettre du 26 juin 1689) (2, 21). On reparlera plus loin de ce texte étonnant. Au XVIIe siècle, « voici venue l’époque où, d’une île déshéritée qui était à l’Europe ce que l’Irlande était par rapport à elle, l’Angleterre se transforme en impératrice des mers : quelles furent les raisons de sa subite prépondérance ? » Et « voilà de quoi exercer pendant longtemps encore la sagacité des historiens ; mais il est certain que la mutation n’est pas sans lien avec l’aspect particulier qu’y revêtit la Réforme… contrairement à l’enseignement du docteur Martin Luther – lequel s’en prenait aux Juifs avec une violence inégalée… la doctrine proprement réformée [issue du calvinisme] est caractérisée par une bienveillance marquée à leur égard. » Serait-ce « parce que le calvinisme, rompant définitivement avec la tradition romaine, implique une morale d’action plus énergique que le luthéranisme, et qu’il a pris les héros de l’Ancien Testament pour ses maîtres à penser et à agir ? Est-ce parce qu’il laissait le champ libre aux sectes, lesquelles, fidèles à la lettre à l’enseignement biblique, se constituaient en communautés d’hommes égaux, éliminant le clergé intercesseur ? … » Ainsi, « dès le début du XVIIe siècle, certains puritains, allant aux conséquences extrêmes, judaïsent et se font circoncire ; d’autres, par la parole et par la plume, réclament le rappel des Juifs » (354355). 118
Selon Luther, « « [Il faut] que nous autres Allemands sachions ce que c’est qu’un Juif... Car il est aussi facile de convertir un Juif que de convertir le Diable. Car un Juif, un cœur Juif sont durs comme un bâton, comme la pierre, comme le fer, comme le Diable lui-même. Bref, ils sont enfants du Diable, condamnés aux flammes de l’Enfer... » » Puis « il oppose ensuite les évangiles apocryphes des Juifs, spécieux et faux, aux quatre évangiles canoniques dont la véracité est évidente » (367). Ceci encore : « On pourrait qualifier Luther de déséquilibré de génie, et rechercher chez lui d’étonnantes anticipations freudiennes » (369). À entendre certains représentants du hassidisme, « en un certain sens, un psychanalyste de nos jours qui connaît son métier ne procède pas autrement » (407). Il a fallu « près d’un millénaire [après Jean Chrysostome (IVe siècle) pour parvenir] à l’élaboration par le Saint-Siège du dogme de la transsubstantiation ou « présence réelle » du Christ, sang et chair, dans l’hostie consacrée » (413). Selon le chevalier Dupaty à l’époque des Lumières : « Chose étrange ! On persécute les Juifs d’embrasser le christianisme afin de l’accroître ; et si la persécution réussissait, le christianisme serait détruit. La foi du Chrétien a besoin de l’incrédulité du Juif. » Si « on demande : Quand les Juifs se convertiront-ils donc au christianisme ? » Je demande : Quand les Chrétiens se convertiront-ils donc à la tolérance ? » (475). 119
« Voltaire est le grand prophète de l’anticléricalisme moderne » (2, 20). « Au temps où, réfugié à Montmorency, Rousseau disait ne vouloir plus rien lire, il consentit à faire exception pour le Phédon de Mendelssohn, « parce que c’est l’œuvre d’un Juif »… à Moïse le législateur, Rousseau porte une admiration infinie » (2, 42-43). À propos de l’usage dévoyé de la mauvaise dialectique binaire : « Le philosophe allemand Christophe Meiners (1747-1810) croyait avoir découvert l’existence de deux races humaines : la race « claire et belle », et la race « foncée et laide », contrastant entre elles comme la vertu et le vice » (2, 59). Les préludes du racialisme germanique sont bien implantés dès le romantisme allemand. Wilhelm Marr (1879-1904) fondait en Allemagne en 1879 une « Ligue antisémite » (2, 274). « En Allemagne, l’antisémitisme fut surtout l’affaire des Luthériens, comme il est l’affaire des catholiques en Autriche et en France » (2, 274). « Charles Péguy (1873-1914) est le prophète qui, le premier en Europe, défendit, souvent contre les Juifs français eux-mêmes, « le droit d’Israël à la différence » » (2, 304). La triade Marx-Freud-Einstein domine encore notre culture contemporaine (2, 360). 4 Situons-nous maintenant à un niveau intéressant davantage la psychologie des profondeurs. 120
Notre parcours précédent nous fait clairement rencontrer la question du meurtre dans l’histoire de la Bible : meurtre d’Abel par Caïn, d’Isaac par Abraham (probablement accompli selon la source E). Cependant, le texte de la Bible nous en apprend davantage, dont il est rarement question dans le débat ordinaire : Yahvé intervient pour interdire l’immolation de victimes humaines par le feu, notamment à l’avantage du dieu Molek [Moloch], condamnant les sacrifices des fils par les pères (même des rois l’avaient fait ! Par exemple Manassé), plusieurs fois mentionnés. Le vertueux roi Josias luimême va jusqu’à immoler de sa main les prêtres adonnés à de telles pratiques. Ces mœurs violentes pourraient s’être développées dans les contrées de grande sécheresse, en vue d’échanger avec les dieux le sang contre la promesse de la pluie, comme cela s’est vu avec une fréquence quasi-pathologique dans certaines civilisations précolombiennes, notamment chez les Aztèques. Mais de tels faits ne semblent pas avoir été jamais mentionnés dans l’histoire de l’Égypte, bien moins inhumaine à cet égard comme à d’autres aussi – ainsi qu’en témoignent par exemple les confessions de l’âme prescrites par les Livres des morts, incontestablement assez proches des dix articles du Deutéronome. Mais la Grèce archaïque et sa mythologie ne sont pas exemptes de ces faits (le sacrifice d’Iphigénie). Il ne nous est rien dit d’explicite dans la Bible sur le fait de savoir si ces pratiques de meurtres rituels étaient suivies ou non d’anthropophagie, comme chez certains Amérindiens préhispaniques. 121
Tout de même, un texte assez étrange du Deutéronome (28 : 53) autorise le cannibalisme sur ses propres enfants en certaines circonstances : « Tu mangeras le fruit de tes entrailles, la chair de tes fils et de tes filles que t’auras donnés Yahvé ton Dieu, pendant le siège et dans cette détresse où ton ennemi te réduira. » Une situation de détresse pourrait se présenter comme la circonstance commune où quelqu’un en vienne à immoler son fils par le feu, et par ailleurs à le cannibaliser. Aucun texte de l’Ancien Testament n’établit de rapport explicite entre les deux actes, bien qu’un lien associatif assez prégnant existe sans conteste entre eux. Une fois que l’on a eu le cœur s’immoler son fils par le feu, disons qu’il n’y a plus grand effort à faire pour le manger. On parlera plus loin des suggestions de Freud sur ce sujet. Or la Pâque juive donnait prétexte à la consommation d’un agneau, dont les Chrétiens feront l’agneau mystique identifié au Christ. La dernière Cène du Christ n’a pas eu en réalité d’autre prétexte que la célébration de cette cérémonie juive traditionnelle. Or lorsque le Christ propose à ses disciples de manger son corps et de boire son sang sous la forme du pain et du vin, il est très difficile de ne pas admettre que le fait de leur proposer ce cérémonial ne ferait aucune référence fût-ce implicite aux sacrifices humains, éventuellement suivis de consommation anthropophagique, auxquels il est fait allusion comme répréhensibles à partir de la grande réforme de Joas (dès -639). Et en ce cas, il 122
est indécidable au niveau du texte même de savoir si le Christ parlait ou non de façon métaphorique. La tradition chrétienne l’aurait probablement vu d’abord comme une métaphore, puisque le dogme de la transsubstantiation affirmant la présence réelle du corps du Christ dans la matière de l’hostie n’a été admis par la papauté qu’au Concile de Trente en 1551. C’est dire qu’auparavant le Christ n’était pas réellement dans le pain de l’hostie, que l’hostie n’était pas vraiment le corps du Christ, mais au plus une sorte de symbole. Et pourquoi pas ? L’écho de ces discussions apparaît dans l’une des scènes célèbres décrites par le peintre Raphaël dans les appartements pontificaux du pape Jules II sous le nom de « La messe de Bolsena ». La scène représente la messe d’un prêtre qui doutait de la véracité de ce dogme, récemment adopté, et qui, au moment de la fragmentation sous ses doigts de l’hostie la voit saigner, ceci en présence du pape Jules II évidemment, agenouillé pieusement devant lui, ainsi que ses gardes, représentés dans des costumes de velours magnifiques, la main sur le pommeau de leurs épées. La même équivoque à l’égard de la véracité primitive d’un dogme établi apparaît dans le dogme de l’Immaculée Conception, proclamé seulement par le pape Pie IX en 1854 : Marie aurait été conçue « sans péché » dès le sein de sa mère, la brave Sainte Anne. Préparatif prophylactique utile à la seconde conception sans péché du Christ dans son sein par l’effet de l’Esprit – un géniteur de fait impeccable, ne 123
s’agissant que d’une colombe. Mais sait-on jamais ? L’affaire de Léda et de son cygne était probablement moins innocente. Les sacrifices humains à destination religieuse subsisteront encore bien après dans l’Empire romain, sans parler du goût violent des Romains pour les spectacles sanglants du cirque impliquant la victime humaine : Octave fera immoler, sur les autels de Pérouse, 300 sénateurs et chevaliers le jour anniversaire de la mort de César. Les Romains étaient assez coutumiers des pratiques sanglantes en dehors des nécessités strictement militaires. Mais en réalité, en dehors des jeux du cirque, après la victoire militaire proprement dite, il était courant de massacrer les prisonniers faits au combat, puis de sacrifier un contingent important de la population, probablement pour incliner le restant à la soumission sans discussion. Une autre partie était versée dans la réserve indispensable d’esclaves nécessaires au fonctionnement de l’économie ordinaire. La colonne Aurélienne à Rome montre une file de prisonniers, les bras liés derrière le dos, attendant le tour de leur exécution. César ne donne pas trop de détail sur ses propres pratiques dans la Guerre des Gaules, en dehors du fait qu’il avait pris la décision de rayer de la carte la population rebelle des Éburons. Peut-être 2 millions sur les 7 millions de Gaulois existant alors, au moins selon certains, auraient subi un génocide. D’autres parlent de seulement 1 million.
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L’inauguration du Colisée en 80 par Titus aurait donné à des Jeux continus pendant trois mois au cours desquels auraient succombé 1 000 gladiateurs et 9 000 animaux sauvages. Il semble que la pratique de la décimation en guise de punition militaire (l’exécution d’un soldat sur dix pris au hasard) représente la forme atténuée de ces pratiques barbares, encore que l’on puisse rester stupéfait d’apprendre qu’elle se soit poursuivie jusque dans la Première Guerre mondiale et même la seconde – du fait d’un général italien (Wikipédia). Ces considérations sont intéressantes eu égard au réel sujet qui nous intéresse ici, qui est le prétexte sous lesquels les Juifs auraient été persécutés par les Chrétiens, surtout à partir du XIIIe siècle : on les accusait de crimes tournant autour du meurtre d’enfant, de l’usage dévoyé du sang en résultant, et de la profanation du corps christique. De telles accusations faisant vraisemblablement résurgence à partir de l’ancien thème biblique de la victime sacrifiée en vue d’incorporation anthropophagique – mais motif curieusement ravivé de la part des Chrétiens, s’ajoutant, dans le cas de la profanation de l’hostie, au fait qu’il s’agit également de la violation d’un corps humain, d’une « chair » où s’incarne par surcroît la nature divine. Autrement dit encore, les Juifs furent régulièrement accusés bien entendu d’être historiquement et métaphysiquement responsables de la mort du Christ, par ailleurs anticipée depuis toujours comme 125
la condition du salut de l’humanité. Mais la question n’était pas seulement là. L’imagination populaire les accusait plus précisément, à la fois par déplacement et condensation, d’assassiner des enfants, d’en utiliser le sang à des fins vulgaires (soins médicaux ou ingrédients alimentaires), et d’avilir l’hostie. Ces trois thèmes apparemment disjoints étant en réalité liés, comme le font comprendre les propos précédents. L’assassinat sanglant de l’enfant et la profanation du corps divin à travers l’hostie ne font que réitérer la mort du Christ sur la croix, bienfait attendu depuis toujours par l’humanité pécheresse, mais perpétré par la faute des Juifs. La suite naturelle de cette chaîne de représentations collectives inconscientes consistait en pogroms organisés de préférence pendant la semaine de Pâques, et où les Juifs étaient sacrifiés eux-mêmes comme victimes expiatoires. Par ailleurs, cette incorporation anthropophagique du corps et du sang, du corps sanglant, du Christ – reprochée par déplacement latent aux Juifs – les Chrétiens l’accomplissent eux-mêmes depuis les origines du christianisme, lorsqu’ils viennent à la Sainte Table, renouveler la dernière Cène de Jésus. Il n’y a que les Juifs qui n’ont pas le droit d’assassiner l’enfant et de mettre en valeur son sang, en incorporant les saintes espèces, pas plus que de profaner l’hostie, par exemple en en livrant la sainte matière à leur ingestion digestive, ainsi qu’il est permis aux Chrétiens. Somme toute, les Chrétiens accusaient les Juifs de manière projective des actes ambivalents – consommer le corps divin de façon destructive – qu’ils 126
s’autorisent à perpétrer eux-mêmes à longueur de messes dominicales. Cette forme d’« injustice » est intéressante au plus haut point à être examinée du point de vue de la psychanalyse sociale. Ce qui encore intéressant du point de vue de la psychanalyse sociale, c’est que de telles accusations, suivies de massacres de masse plus ou moins importants sont d’abord apparues de manière isolée dans le Nord de l’Espagne vers la fin du XIe siècle, que ces apparitions locales et sporadiques étaient suivies de larges rémissions, mais susceptibles d’être reprises, exactement avec le même contenu, à de longues distances de temps et d’espace. Comme si elles étaient gérées par une forme de mémoire collective inconsciente (Poliakov). En outre, ces accusations ont été le plus souvent le fait du bas clergé et entretenues par des prédicateurs surtout franciscains particulièrement virulents. Cependant, par une singulière ambivalence de l’ensemble du corps institutionnel, les autorités supérieures, temporelles et religieuses se sont souvent préoccupées de modérer ces passions collectives jugées malsaines par elles pour la gestion de l’ordre public. Dans bien des pays, les Juifs ont été, on l’a déjà dit, de façon très ambivalente, exclus puis rappelés tant ils étaient nécessaires à l’ordre économique et financier. C’est en Angleterre et aux États-Unis que les Juifs ont été le moins maltraités. C’est en Allemagne et dans le reste de l’Europe de l’Est que leur condition a été la pire. Les pires pogroms, avant les pratiques nazies, ont eu lieu en Russie, annoncés et 127
préparés et gérés par la presse pour la période des fêtes pascales annuelles. 5 Il pourrait n’être pas malvenu d’appliquer à la compréhension des tribulations du peuple juif le scénario célèbre inventé par Hegel sous le nom de Dialectique du Maître et de l’Esclave. Un large public de culture honorable en connaît le dessein général. De deux adversaires en lutte pour la reconnaissance, l’un d’eux l’emporte sur l’autre qui se soumet à son vouloir, sous l’effet de la crainte de perdre la vie. En échange de la vie, le vaincu promet au vainqueur de lui livrer le fruit de son travail. Il en résulte que le vaincu transforme le Monde et produit la Civilisation, cependant que le vainqueur poursuit une vie inutile dans l’oisiveté, même s’il engendre l’illusion, pour lui-même et pour les autres, de tout maîtriser. La Dialectique du maître et du valet (Knecht, valet est mieux qu’esclave), ou maîtrise et servitude, s’applique aux diverses situations historiques qu’ont représentées l’esclavage antique, la servitude médiévale, et le rapport capital-travail des temps modernes. Le maître dénie à l’autre la dignité dans l’ordre des valeurs, tout en requérant l’existence en tant que producteur de profit extorqué de l’esclave, du serf, du prolétaire. Mais que produisent les Juifs rejetés dans l’indignité éthique ? Outre le fait que leurs ancêtres ont fait à l’humanité le cadeau inestimable de la 128
Bible, les Juifs génèrent tout simplement l’argent, dont tout le monde a toujours besoin à l’époque médiévale, aussi bien les petites gens que les grands de ce monde. Mais d’où leur vient d’abord cet argent ? C’est assez simple : exclus progressivement de la possession du sol, les Juifs, menant par ailleurs une vie frugale, se montrent adroits, et économes dans les domaines de l’artisanat et du commerce qui s’y annexe. Puis ils en viennent à prêter à usure, endossant le rôle forcément détestable de Shylock dans le Marchand de Venise de William Shakespeare (1597). On connaît le reste de l’histoire. Le Juif génère l’argent nécessaire à la relance de l’économie, tout comme le prolétaire génère le surprofit, la plus-value, captés par le capitaliste au bénéfice soit de sa jouissance personnelle et/ou du réinvestissement dans le Capital – ce qui est son affaire. Et ils sont l’un et l’autre indispensables et méprisés. L’argent prêté par le Juif est d’abord le produit de son travail, tout comme la plus-value l’est du travail du prolétaire. Ce sont des situations non pas entièrement similaires (on voit bien la différence), mais à tout le moins comparables. Le Juif médiéval qui prête le montant des économies de son travail est son propre autoentrepreneur – ce que n’est pas le prolétaire –, annonçant d’une certaine manière le premier bourgeois dirigeant de la fabrique précapitaliste, qui y investit le montant de son épargne mais en y faisant travailler les miséreux sans ressources.
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6 Pour finir, faisons mention des opinions de Freud touchant les questions qui nous ont occupés. Cela devrait nous permettre d’approfondir encore un peu Dans Totem et tabou (1912, page 177), Freud soutient que « la communion chrétienne… ressuscite l’ancien repas totémique dans lequel les frères réunis goûtent de la chair et du sang du fils, et non du père, afin de se sanctifier et de s’identifier à lui. » Propos repris par lui dans Moïse et le monothéisme (1939, page 130), où il est dit que « la Sainte Communion par laquelle le croyant s’incorpore la chair et le sang du Rédempteur ne fait que répéter l’ancien repas totémique, en perdant il est vrai, tout caractère agressif pour ne reproduire que la tendresse et l’adoration. » Ceci dans un cadre « où la religion du fils se substitue à la religion du père (Totem et tabou, page 177). » Cette doctrine freudienne semble toucher à ces passages de l’Ancien Testament, dont on a parlé, où il est question de ces sacrifices humains par le feu en l’honneur de Molek, certes sans allusion explicite à un rituel anthropophagique subséquent, mais probable. La communion chrétienne pouvant bien être la restitution de ces mœurs archaïques : on a tué, on va tuer encore et toujours le Christ, la victime christique certes ressuscitée, mais dont on consomme la chair et le sang, la tuant ainsi à nouveau, pour apaiser la colère de son père contre ses créatures. Alternance incessante de la vie et de la mort dans la réserve d’énergie d’un rédempteur à vrai dire désormais inusable. 130
En réalité, l’ingestion du corps et du sang du Christ propre à la communion chrétienne condense une double signification : en un premier sens, elle reproduit le meurtre sacrificiel de la victime (le fils, l’enfant-Dieu, l’agneau), mais en même temps elle dépasse et relève (Aufhebung) cet acte hostile par identification incorporative, et de ce fait sublimatoire et « rédemptrice », pour les fidèles. La colère des Pères dans les temps bibliques pouvait être très rude. Ainsi, le roi Hérode le Grand (de -37 à -4 av. J.-C.), mélange de l’Ogre et du Barbe-Bleue de Perrault, par exemple avait fait étrangler deux de ses fils, Alexandre et Aristobule, qu’il avait eus de Mariamne I, une épouse elle-même mise à mort. En perpétrant des meurtres rituels sur des enfants, en en utilisant le sang à des fins impies, et en outre en profanant l’hostie, les Juifs auraient pris le droit injustifiable de répéter pour eux-mêmes une sorte de caricature de l’eucharistie. Eux qui par ailleurs étaient coupables d’avoir perpétré le meurtre du Christ, celui-ci ayant de toute manière été prophétisé comme nécessaire au rachat de l’humanité. Dans Moïse et le monothéisme (1939), Freud admet, entre plusieurs autres choses, la relation directe entre le monothéisme juif et la religion antérieure d’Akhénaton, pour ce qui est de la forme la plus pacifique du Dieu juif, cependant que la forme colérique de son caractère serait venue de l’importation d’une autre modèle religieux, en l’occurrence un
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Yahvé venu des Midianites ou Madianites – habitants de la région moderne d’Akaba. Quitte à nous répéter et à engendrer la satiété du lecteur, il nous paraît intéressant de reprendre la question du catalogue des reproches faits aux Juifs surtout à partir de l’ère chrétienne, mais envisagés cette fois du point de vue inhabituel de la psychopathologie des groupes, soit encore la psychanalyse sociale, ou encore la psychologie collective de l’inconscient. Ces expressions étant pour nous à peu près synonymes, au point où nous en sommes de notre démarche. La psychopathologie classique inspirée de la psychanalyse (laissons les errances des DSM d’origine atlantique…) répartit les troubles psychiques en 12 principales catégories tombant sous trois registres principaux : – Névroses : hystérie (5 à 6 ans), névrose phobique (4 à 5 ans), névrose obsessionnelle (3 à 4 ans). – États limites ou borderline ou encore narcissique : caractériels (de parenté névrotique), pervers (de parenté psychotique) (2 à 3 ans). – Psychoses : paranoïa (1 à 2 ans), mélancolie (6 à 12 mois), schizophrénie (naissance à 6 mois). Ces niveaux reflètent des degrés de profondeur variables de l’échelle génétique du développement pulsionnel – celle-ci illustrant ce l’on appelle de façon classique « l’équation étiologique » de Freud (1905, 1916-1917). Les âges figurant ici représentent des points de repère approximatifs de la genèse psychique, en même temps que des lieux de fixation susceptibles de favoriser l’éclosion d’un syndrome
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psychopathologique en cas d’accident du développement favorisant une régression. Ce modèle est étranger à l’École lacanienne, hostile à toute perspective génétique – sans vouloir pour autant lui jeter la pierre. Il exprime plutôt les vues de Jean Bergeret de l’École de Lyon (1972, 1974, 1979, 1985). On voudra bien nous excuser d’être si bref sur ce sujet important, et de ne pas pouvoir revenir sur des développements qui ont été produits ailleurs dans les ouvrages indiqués par notre Bibliographie (GP2, 2008, pp. 838 ; passim). Dans l’Antiquité, les Juifs se voient reprocher leur isolement culturel et leur particularisme religieux sans concession. Mais il va s’agir de tout autre chose à partir du Moyen Âge (à partir de la fin du XIe siècle environ). Les Chrétiens, au niveau du discours social courant, vont reprocher aux Juifs de s’être accaparé – en fait progressivement et parce qu’exclus de toute autre profession – le contrôle de la gestion de la finance (avant la concurrence plus tardive des banquiers lombards et hanséatiques dont tous ne sont pas juifs), bref d’être des gens d’argent, des usuriers nés, les suppôts et les prêtres du Veau d’or. Les Chrétiens, au niveau du discours religieux plus officiel et plus engagé, vont reprocher aux Juifs de porter la responsabilité de la mort du Christ, celle-ci étant programmée par ailleurs comme une nécessité pour le salut et la rédemption de l’humanité.
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Les Chrétiens vont enfin, au niveau social quasidélirant, accuser les Juifs de crimes tels que les meurtres rituels d’enfants, l’usage dévoyé du sang des victimes, la profanation des hosties (qui saignent aussi à l’occasion, comme dans la messe de Bolsena peinte par Raphaël). Étant à bien saisir ici que les Juifs sont accusés de perpétrer contre le droit l’immolation de victimes du fait d’actes que les Chrétiens ont le droit d’accomplir eux-mêmes, eux qui consomment la chair et le sang du fils de Dieu. Le Juif est criminel là même où le Chrétien se pose comme juste et saint. Il semble bien que les différentes variétés du discours social illustrant de tels reproches renvoient à tels des registres psychopathologiques distingués tout juste ci-dessus. 7 Dans l’Antiquité, c’est un discours social luimême narcissique, produit dans le registre borderline, qui accuse les Juifs de narcissisme culturel. L’accusation de connivence avec la gestion de l’argent touche au registre de la névrose obsessionnelle. On rappellera ici les équivalences établies par Freud entre l’argent, le cadeau fécal, et le stade sadique-anal comme espace de fixation de la névrose obsessionnelle (entre 3 et 4 ans). L’imputation hypocrite de responsabilité faite aux Juifs pour la mort du Christ, par ailleurs requise par les Prophètes, est de l’ordre de la perversité, liée au niveau borderline (2 à 3 ans). L’attitude perverse 134
consistant ici à acculer l’autre à une contradiction insoluble, néantisant a priori toute tentative de réponse. C’est l’esprit des grands procès communistes de la Guerre froide. Enfin le discours consistant à cliver le même objet selon les deux côtés d’une antinomie : ce qui est le Bien pour l’un est projeté en tant que mal pour l’Autre, ce discours relève clairement de la paranoïa (1 à 2 ans). On a développé ailleurs l’idée que la psychologie des profondeurs, ou psychologie de l’inconscient, soit encore la psychanalyse, offre les racines de l’arbre des savoirs. L’exemple que nous venons de donner montre à notre avis que cette affirmation est pleinement justifiée. En effet, elle nous paraît illustrer assez clairement l’utilité dont cette perspective est susceptible dans une tentative d’investigation renouvelée sur une question rebattue. La pile Wonder ne s’usant que si l’on s’en sert, encore à condition de savoir s’en servir. 8 Il est également possible d’appliquer au contenu du message biblique un autre modèle d’interprétation, celui disons d’une analyse structurale du discours. Freud, rappelons-le, nous informe que les deux prescriptions fondamentales qui délimitent le genre humain, l’instituent, l’inscrivent dans la loi, seraient l’interdit du meurtre et l’interdit de l’inceste.
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Le fait que cet immense découvreur ait été juif, et l’ai même souligné à plusieurs reprises, devrait nous avertir qu’à cet égard, il se pourrait qu’il ait touché juste en formulant une intuition profonde concernant le contenu du message biblique. Il se pourrait que l’un des contenus importants – pas le seul – du message biblique touche à l’interdit du meurtre, en particulier sacrificiel, dont les victimes étaient couramment des enfants, et même des « fils ». Dans l’Ancien Testament, le sujet du message est Dieu qui prononce cet énoncé de l’interdit du meurtre sacrificiel des fils. À ceci près que s’il interdit ce meurtre à l’ensemble des Juifs et même à leurs rois (Manassé), il tolère le meurtre sacrificiel des prêtres impies (qui persistaient à pratiquer de tels sacrifices ?) – déplacement de l’objet – de la part du roi vertueux Josias. Or voici ce qui se produirait dans le discours accusateur des Chrétiens à l’égard des Juifs à partir du Moyen Âge. Le sujet du discours subit un déplacement – La loi de Yahvé est devenue l’Ordre chrétien, la loi du Dieu nouveau –, cependant que le contenu du discours – le reproche de meurtre rituel touchant les enfants – et son destinataire – les Juifs – est demeuré le même. Voyons cela un peu mieux. En effet, les Chrétiens reprochent aux Juifs, outre le fait d’avoir sacrifié le Fils de Dieu, de persister dans le meurtre rituel des enfants (jusque dans la profanation de l’hostie équivalant à la présence réelle du Fils de Dieu), cependant qu’eux-mêmes s’accordent comme un mérite le fait de perpétuer, 136
sous une forme dépassée et sublimée, l’immolation du corps même (sa chair et son sang) du Fils de Dieu, dans le cadre de la communion en tant que commémoration d’un repas totémique – (le totem étant devenu un jour le Fils au lieu du Père, alors consommé en place du Père mort, ainsi que le soutient le scénario proposé par Freud). La culture judéo-chrétienne – dont Hegel concevait déjà l’unité réelle et profonde, et concept par ailleurs admis depuis Vatican II et aujourd’hui mobilisé par exemple dans les Encycliques du Pape François13 – subit avec l’avènement de la Chrétienté une scission dialectique profonde selon deux moments de sa conscience, représentant respectivement le Bon Objet (la conscience chrétienne) et le Mauvais Objet (la conscience juive), ceci bien entendu du point de vue désormais dominateur de la Chrétienté. Les deux moments clivés de cette conscience judéo-chrétienne forment en réalité le battement de cette « conscience malheureuse » (Hegel) poursuivant les dépouilles de ses propres origines dans la judaïcité à travers la folie collective des Croisades. Ces deux moments transparaissent aussi dans ce merveilleux texte de la marquise de Sévigné, cité plus haut, où la bonne conscience chrétienne s’éprouve, sur un mode quasi-fraternel, comme remplie de pitié et de commisération à l’égard des difformités et des mutilations de la conscience juive. Pape François : Loué sois-tu (Laudato si’) Encyclique Sur la sauvegarde de la maison commune, Paris, Bayard Cerf Mame, 66. 13
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Un tel texte représente une qualité d’esprit digne de celle de Pascal dans un contexte politique aussi intransigeant que celui du XVIIe siècle. 9 La Bonne et la Mauvaise conscience, le Bien et le Mal, font clivage et contradiction constitutifs dès les fondements du texte biblique. Dieu voit que tout est bon dans ce qu’il a créé. Donc l’Homme est bon, et sa Femme, du moins en principe. Mais si l’Homme est bon, pourquoi lui interdire la connaissance de la différence entre le Bien et le Mal, en goûtant du fruit de l’arbre [des savoirs] ? Parce que c’est la connaissance de la différence qui introduit le négatif dans l’unité primitive de la création ? Le Péché – l’inquiétude de l’Esprit (Unruhe des Geistes) – tiendrait à la prise de conscience, à la prise en compte, à l’assomption de la négativité : c’est ce que nous dira un jour en définitive Hegel. Si l’Homme est bon à l’origine, alors pourquoi Abel et Caïn ? Pourquoi le genre humain devient-il tout entier si mauvais que Dieu veut l’anéantir totalement ? Car il n’y va jamais de main morte le Dieu des Juifs. L’Homme Moïse doit souvent le supplier – c’en est même souvent comique – de ne pas être trop cruel dans ses punitions à l’égard des grosses bêtises de son Peuple. Tellement humain que sa mort comme Dieu transcendant est déjà comme proclamée au moment même où il surgit dans son unité, dans sa suprématie exclusive et monotone à l’époque glorieuse, et si 138
précaire aussi du roi Josias, dans le déclin de la phase finale de la multi-centenaire monarchie juive. Le Repas Pascal des Juifs ordonnancé par la consommation de l’agneau, et repris dans la dernière Cène de Jésus avant sa mort, n’est probablement pas autre chose, ainsi que le suggère l’intuition géniale de ce Juif que s’avoue Freud, que la commémoration du repas totémique voué à l’ingestion identificatrice à ces Fils, dont Yahvé avait jadis interdit le meurtre rituel. Du reste le Fils de Dieu va à son tour subir le même meurtre rituel, répété à la façon de ceux des anciens temps, ceux qu’interdisait Yahvé aux gens du commun tout en les autorisant cependant à un roi d’exception sur un objet certes déplacé – les prêtres impies, et en l’exigeant luimême, comme Roi de l’univers, à propos de son propre Fils. Qui a jamais infligé chose pareille à son Fils ? Pierre le Grand assassinant le sien propre sous la torture dans la forteresse Pierre-et-Paul ? On voit bien que ce scénario s’empêtre comme à plaisir dans un jeu furieux et quasi-délirant des identifications contradictoires, des contradictions identificatoires. Mais ainsi va la vie, c’est ainsi, es ist so, disait Hegel devant l’absurdité des choses qu’il prétendait par ailleurs être de l’ordre du « rationnel ». Un mot sur l’autre interdit fondateur de l’humanité selon Freud, pour dire que l’inceste n’est pas une chose tout à fait absente de la Bible : entre Adam et Ève pour commencer, puisque celle-ci est sa propre sœur, extraite de l’une de ses côtes, entre 139
leurs enfants, frères et sœurs bien contraints de se marier entre eux, puis entre Abraham et Sara (paraît-il sa sœur), entre Loth et ses deux filles. Il en existerait plusieurs autres exemples. Les unions entre frères et sœurs étaient admises de façon courante dans la coutume matrimoniale des pharaons de l’Égypte. Même Cléopâtre avait été mariée avec un frère qu’elle a fait par la suite assassiner. Avançons encore un peu. Certains Chrétiens continueraient à reprocher aux Juifs de gérer l’argent du monde. Une certaine partie de l’argent du Monde, de la Finance internationale. Nul ne sait exactement quelle proportion ni combien, sur les 35 à 40 banquiers internationaux qui comptent. C’est une question qu’il est désormais interdit de poser dans le débat public depuis la Shoah. On n’insistera pas. Que les Juifs aient été jadis responsables de la mort d’un rabbi juif nommé Jésus, c’est là une question qui ne passionne plus guère la postmodernité. Qu’il faille imputer aux Juifs toutes sortes de crimes imaginaires du genre des meurtres d’enfants, de la profanation des hosties, et tout ce falbala mythomaniaque, cela ferait plutôt rire aujourd’hui dans une série télévisée, à peu près autant que les films de vampires qui s’insèrent en réalité dans le même thème. C’est comme si un fabliau d’inspiration chrétienne avait dénoncé dans le Juif une figure du Diable [thème de Luther] s’approchant de la Sainte 140
Table pour y engouffrer le corps saignant du Fils de Dieu. L’histoire de Nosfératu le Vampire raconte en réalité de manière déplacée la même chose. Cependant, on n’a jamais reproché aux Juifs d’être « intelligents », très intelligents, assez intelligents – la plupart tendent à l’admettre comme sans preuve et les envient pour cela – assez intelligents pour avoir accouché d’une œuvre de littératureidéologie-philosophie aussi massive tout au moins que la pyramide de Chéops. À ceci près que la pyramide de Chéops reste muette sur ses secrets, alors que la Bible continue à parler à la Culture universelle, probablement bien plus encore que les Veda puis le Bouddha hindous, les recueils de sentences des Chinois Confucius et Lao-Tseu, de l’iranien Zarathoustra. À ceci près également que ce monument colossal de l’Esprit ait pu être maçonné avec un acharnement séculaire par une petite communauté qui habitait une contrée au climat ingrat et guère plus étendue que l’Auvergne ou la Provence. Ne parlons même pas du Coran dont les tenants n’ont jamais été capables de compter du chiffre « un » jusqu’à « trois », dont la seule mention leur fait horreur. Comment peut-on autour d’un pareil démarquage désertique de l’Ancien Testament, d’un pareil mouroir pour la mobilité mentale, allumer le ralliement enthousiaste d’une certaine jeunesse en quête paraît-il d’Idéal ? On ne se rend même pas compte que la quête d’un Idéal externe, en dehors du Sujet, hors sujet, c’est là qu’est l’aliénation. 141
Rien n’est pensable à partir du seul Un, celui déjà qui figeait la pensée de Parménide (-540 ? – -450 ?). Il faut toujours au moins répéter deux vers trois (Propos de Badiou, in : Séminaire Lacan). Le paradigme de la triangularité représente l’essence même de toute espèce de fonctionnement mental. Le dénier, c’est passer entièrement en dehors de la question pour aller errer dans le désert. D’ailleurs, la question de l’Islam est loin de se limiter au Coran, comme tendrait à le croire et à le faire croire une certaine forme d’illettrisme contemporain. Il a existé une philosophie musulmane, très active jusqu’au XVe siècle environ, mais avec des résurgences, en général ignorées, jusqu’à l’époque moderne, et qui a entretenu un dialogue intéressant avec la philosophie juive surtout pendant la période médiévale, ainsi que cela est rapporté par les ouvrages bien informés en matière d’histoire de la philosophie (Chevalier 1966 ; Parain-Belaval 1969). Il conviendrait d’examiner de plus près de quelle manière la philosophie arabe, de ses origines jusqu’aujourd’hui, a su et pu s’articuler à son texte fondateur qui est Coran. Ce n’est pas la rusticité du wahhabisme en vogue qui nous aidera. Par ailleurs, il s’agit d’un autre plan et d’une autre perspective de travail que ceux qui nous ont intéressé ici et nous intéressent encore. 10 La question de la Bible et de son histoire touche à l’« intérêt » de la philosophie depuis ses origines 142
grecque et chrétienne jusqu’à nos jours. Cet « intérêt » n’étant pas le seul bien entendu, restant légitimes mais séparés les intérêts respectifs de la théologie et des différents registres de l’histoire – dont fait tout de même partie l’histoire de la philosophie. Ceci étant, on peut soutenir que l’Ancien Testament est le premier texte, dans l’histoire de l’Occident, à offrir à la philosophie occidentale, de l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne, le projet fondamental de l’articulation ultérieure de ses différents champs d’objets (Suárez, Kant, Hegel), c’est-à-dire : – Dieu (moi idéal) → theologia, soit encore meta-psychologia, mega-psychologia, – le Monde → cosmologia ou physique, – Moi → psychologia. Premièrement, Fichte est le premier à avoir compris, bien avant Feuerbach, et écrit que Dieu, mot qu’il n’utilise pratiquement jamais, se réduit à un « moi idéal » (das ideale Ich) (Doctrine de la Science, 1794, page 222-223)14. C’est pourquoi, il a été soupçonné et même imputé à juste raison d’athéisme. Mais Kant, et même Descartes et aussi Spinoza, auraient pu l’être avant lui, et Hegel après lui. Pour ne pas parler de Marx et de Freud. La laïcisation de la théologie, autrement dit l’athéisme fondé en raison sont inscrits dans le projet fondateur d’émancipation propre à toute espèce de philosophie authentique. Il n’y a pas à se payer de mot à cet égard. 14
Johann Gottlieb Fichte : La doctrine de la science 1794 de Johann Gottlieb Fichte, nouvelle traduction de Marc Géraud et annotations d’Émile Jalley, ibid., 2016, 248 pages.
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Deuxièmement, la cosmologie n’est retenue qu’un bref moment dans les filets de la philosophie, ainsi dans le Timée de Platon, dans la Physique d’Aristote – tout comme celles de Démocrite, d’Épicure, des Stoïciens, de Lucrèce. Troisièmement, dans ces conditions, la philosophie n’a plus réellement d’autre champ réel que le Moi et le Moi idéal, autrement dit la Psychologie, avec pour tâche de ramener à son propre champ l’objet aliéné en dehors d’elle-même qu’est son propre Moi idéal, exhaustion parasite de son Moi qui tombe d’abord comme étranger en dehors d’elle. C’est ce qui paraît arriver, au moins pour ceux qui veulent bien y regarder de près, avec le Cogito cartésien, le Ich denke (Je pense) kantien, le Geist (Esprit) hégélien. Or, Dieu, la création du Monde, puis celle de l’Homme (doté d’un Moi), tel est le programme parcouru par le récit primordial de la Genèse dans le Pentateuque. Tout cela étant raconté, avec un peu plus de détails, dans les scènes successives du plafond de la Chapelle Sixtine peint par Michel-Ange, comme chacun sait. Dieu puis le Monde tombant, ne reste plus que le Moi, et la Psychologie, qui est le discours qui en parle. Ce n’est pas pour cette raison qu’il faille soutenir que la philosophie en soi se réduit à une Psychologie. Mais toute philosophie commence toujours et dure toujours un certain temps sous forme d’une 144
psychologie. Car toute entreprise philosophique commence toujours par un Je qui décide et entreprends de penser. La psychologie (enfermant la psychologie des profondeurs) s’invite toujours comme un personnage de rang majeur à la table des philosophes, même à côté d’autres invités incontournables (la religion, la science), que cela plaise ou non. Mais mieux vaut toujours le savoir. Ceci reste vrai même si, du point de la dialectique matérialiste, la Pensée doive être entendue comme une forme subtile, disons un repli réfléchissant, réflexif, sur elle-même, de la matière inorganique puis organique. Mais cela ne suffit encore pas. Comme on a pu s’en rendre compte en examinant le procès historique de composition de l’Ancien Testament, celuici nous offre la première manifestation dans l’histoire occidentale d’un procès cognitif illustrant la dialectique propre au raisonnement naturel, s’agissant d’une structuration du discours selon une structure de base de type métaphoro-métononymique (voir le schéma de la page 23). Si tout ce qui précède est vrai, on devrait comprendre l’effroyable sottise qu’a perpétrée, avec des conséquences indélébiles jusqu’aujourd’hui, le travail de déconstruction poursuivi par la génération des grandes vedettes du structuralisme des années 1960, acharnée à pourfendre le psychologisme aussi bien que la dialectique hégélo-marxienne.
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D’ailleurs, c’était le même combat, car les grands psychologues de la culture mondiale (Freud, Wallon, Piaget) sont également d’éminents représentants du paradigme dialectique. Cet acharnement de la génération des années 1960 contre la « psychologie » et sa grande sœur la « dialectique », redoublé par la suite avec le tintamarre des « nouveaux philosophes » contre la bureaucratie totalitaire, ne nous apparaît rétrospectivement que comme une forme de suicide collectif de la philosophie française. Pourquoi ? Parce que celui-ci lui était réclamé de façon in(consciente) par l’implantation progressive sur le sol national du libéralisme économique, dont l’idéologie appropriée était alors propulsée par les ouvrages de Gérard Debreu (1959), Raymond Barre (1959), et Friedrich von Hayek (1980, 1981, 1983, 1985, 1986, 1993, 1994). Le pistolet sur la tempe sans même le savoir, ignorant même l’existence et l’influence insidieuse de tels ouvrages, ces bouffons gambadaient sur la scène médiatique, et se rengorgeaient dans les séminaires des universités américaines, à débiter leurs « Contes de ma mère l’oye »15 contre de confortables rémunérations. Resterait à parler du Nouveau Testament et de l’impact considérable de cette partie de la Bible sur l’ensemble de la philosophie occidentale ultérieure, touchant en particulier le registre des valeurs 15
Charles Perrault : Contes de ma mère l’oye, 1697.
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éthiques dont se fondent tous les modèles de l’humanisme traditionnel. Mais ce serait là encore un autre sujet. Les valeurs de la morale chrétienne sont sous-jacentes à toutes les formules expressives de l’éthique personnelle comme de la démocratie collective occidentale. Pour finir, une réflexion d’appoint, à faire une brève excursion dans le champ de l’éthologie animale, pourrait peut-être nous aider à mieux approcher, au moins de manière analogique, métaphorique, ce qui se produisait, dans l’histoire archaïque, au niveau de ces faits de sacrifices de fils, d’enfants, d’« agneaux ». Chez les mammifères carnassiers, on a relevé deux ordres de faits opposés. Tout d’abord, les conduites d’inhibition de l’agressivité intra-spécifique qui, autrement, mettraient la survie de l’espèce en péril. On sait par exemple que chez les loups, les animaux dominés tendent leur gorge en signal de soumission à l’adresse de l’animal dominant. Au contraire, dans certaines espèces (lions, ours), il est fréquent que les mâles adultes attaquent les petits encore nourris par les femelles, qui du reste ressentent très bien ce danger et savent s’en prémunir en conséquence, en cachant leur portée. Parmi les espèces animales, l’espèce humaine est la plus sociable, bien qu’elle soit également le prédateur le plus redoutable, comme le montre bien le fait qu’elle soit capable de mettre en péril son environnement de survie qu’est l’équilibre écologique de la planète. 147
Le fait de sacrifier les fils, et en général les enfants, la jeune génération, pourrait avoir comme signification d’éliminer pour les pères des rivaux potentiels. C’est dans cette perspective qu’agissait probablement le roi Hérode, dont il a été question plus haut comme étranglant ses fils. Dans l’Empire ottoman, il était de pratique courante d’étrangler tous les frères de l’héritier présomptif du pouvoir absolu. À la cour des empereurs chinois, de même du reste que chez les Ottomans, la castration d’un certain nombre d’individus avait pour fonction de les réduire à un état de servitude absolue inscrite dans le corps même, tout en préservant de façon paradoxale leurs compétences éventuelles au profit du pouvoir. On sait par exemple que le plus grand amiral chinois connu de l’histoire, Zheng He, était un castrat. Chez les Ottomans le destin des castrats, des eunuques, était celui plus modeste de gardiens du sérail (Bajazet de Racine). Dans nos sociétés démocratiques modernes existe le fait étrange, colporté depuis un certain temps et sans réflexion sociologique approfondie, par la presse et autres médias, que la jeune génération pourrait bien avoir un avenir matériel moins aisé que celui des parents. Le fait que les pogroms, particulièrement en Russie où ils étaient extrêmement violents avant la Révolution d’Octobre, avaient lieu de préférence pendant la semaine de Pâques, indique assez clairement que les Juifs – ces suppôts de Satan, répétant
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la mort du Christ (par les meurtres d’enfants), prétendant au surplus accéder de manière impie à la Sainte Table (en profanant l’hostie) – étaient perçus également, de manière surdéterminée, comme des victimes expiatoires destinées à renouveler le sacrifice même du Christ – tout ainsi que la Communion chrétienne. Les pogroms étaient pour la masse ignare du peuple chrétien ni plus ni moins que des moments de Communion collective. Du reste, le clergé orthodoxe russe passait pour particulièrement inculte (Serge Poliakov). Les pogroms étaient également des manifestations de vengeance jalouse à l’égard de ces détenteurs d’argent qu’étaient les Juifs, en particulier les prêteurs. La police russe était connue publiquement, même des plus hautes autorités, comme particulièrement corrompue eu égard à l’argent des Juifs, dont on les dépouillait fréquemment, en dehors des pogroms mêmes, à la faveur de razzias improvisées à domicile (idem).
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Profil d’Émile Jalley Émile Jalley (né en 1935) est un enseignant chercheur français qui a produit ses travaux dans les trois champs de l’histoire et de l’épistémologie de la psychanalyse et de la psychologie, et de la philosophie. Professeur émérite de psychologie clinique et d’épistémologie à l’Université ParisNord, il est ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de philosophie, psychologue diplômé d’État. Entre les années 1980 et 2006, il s’est fait d’abord connaître comme un chercheur spécialisé dans les études historiques surtout sur Wallon en même temps aussi que Freud et Piaget, de même que sur l’histoire de la psychanalyse et de la psychologie en France (1981, 1982, 1990, 1998, 2006, 2006). Ces travaux ont abouti en 2015 à la publication de 7 volumes d’« Œuvres de Henri Wallon » comprenant une grande partie de l’œuvre jusqu’ici non republiée d’Henri Wallon et de son épouse Germaine Wallon-Rousset (Œuvres 1 à 7, soit environ 3200 pages). Entre 2004 et 2014, il s’est consacré au vaste projet d’une Critique générale de la psychologie scientifique et des neurosciences contemporaines, menée en vue d’une défense argumentée de l’importance de la psychanalyse dans les sciences humaines et la culture françaises et européennes (28 volumes : 2004, 2006, 2007, 2008, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015). Il est intervenu également de manière très active dans la confrontation avec l’événement Onfray dans la période
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2010-2011 (5 volumes parus depuis juin 2010, soit 980 pages), mais en élargissant cette question d’aspect local vers l’analyse d’une configuration de crise plus vaste et multiforme : opposition d’une contre-université à l’université officielle, débat sur le statut de la psychanalyse au sein des sciences humaines et des autres sciences, conflit social et politique larvé, avec divergence déjà fort sensible entre une tendance plus populaire et une autre plus traditionnelle de la culture. Cependant, il s’est agi toujours aussi pour lui, encore bien au-delà, de continuer à toujours prendre en compte l’actualité d’autres questions tout aussi urgentes, dans la crise française en cours des champs pédagogique, culturel, idéologique et philosophique, scientifique, biomédical, institutionnel et politique. De ce point de vue, sa critique s’est dirigée en particulier contre le Rapport Inserm 2003, le Livre Noir de la psychanalyse (2004), les nouvelles modalités de l’évaluation en psychologie (2009), les deux pamphlets de Michel Onfray sur Freud (2010), les législations néfastes dressant la nouvelle psychiatrie contre la psychanalyse universitaire (2010, 2011), la polémique sur la question de l’autisme (2012). Il a commenté et traduit (2011) les Nouveaux Manifestes paru contre le DSM et la psychiatrie réductionniste (Paris, Italie, Espagne, Argentine, Brésil). Puis il s’est orienté, à partir d’une reprise de l’histoire de la philosophie moderne (de Kant à Hegel, 2013), vers la question de la crise générale de la philosophie en France depuis les années 1980 (2013, 2014), de même que la prise en compte de certaines questions d’actualité dans ce champ (le phénomène Lacan, 2014 ; le débat français sur la théorie du genre, 2014 ; l’irruption du météore Piketty, 2014), sans parler de son intérêt pour l’histoire de la psychanalyse et de l’actualisation de ses textes (Sándor Radó, 2014 ; le Congrès de Marienbad 1936).
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La traduction et le commentaire de l’œuvre de Karl Bühler sur « Le développement psychologique de l’enfant » (1918) font découvrir un champ très étendu de la psychologie allemande, en partie antérieur aux travaux francophones en ce domaine (Wallon, Piaget) (2015). La traduction et le commentaire de l’œuvre de J. G. Fichte sur « La doctrine de la science » (1791) sont un moyen de bien saisir le problème de philosophie politique et économique posé par l’existence contemporaine d’une Pangermanie (2015). La crise de la philosophie comme celle des sciences humaines s’insèrent dans le cadre d’une crise sociale généralisée dont dépend celle du système éducatif, à laquelle se relie la question de la réforme du collège (2015). Ouvrages individuels (39), collectifs (41), environ 13 80016 pages, éditions (24 volumes, 6300 pages), et autres (5) soit 109 titres pour plus de 20 00017 pages depuis le début de sa carrière en 1961, en réalité l’une des œuvres les plus importantes en volume dans le champ des disciplines psychologiques et épistémologiques depuis une trentaine d’années. [email protected] Malgré tout, les quelques tentatives faites par Émile Jalley pour produire le concernant une notice Wikipédia se sont très longtemps heurtées, jusqu’à une date plutôt récente (avril 2017), à une fin de non-recevoir venue de Big Brother.
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13 806. 20 156.
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Le texte ci-après, après avoir d’abord paru pendant un certain temps dans Wikipédia, – dans la rubrique concernant les « Travaux » – en a été radié ultérieurement pour être remplacé par un texte beaucoup plus bref et convenant aux critères déclarés d’admission de tels textes, tels que déclarés et mis en œuvre par les administrateurs. Biographie Né le 10 mai 19351 à Nance, dans le Jura2, Émile Jalley a étudié au Collège des Jésuites de Dole (créé par Philippe II d’Espagne en 1582), au Lycée Henri-IV, à l'École normale supérieure (promotion L 1955)3, passe son agrégation de philosophie, puis devient psychologue diplômé d'État en 1968 et docteur en psychologie en 19865. Il est professeur de psychologie clinique et d'épistémologie à l'université Paris-XIII en 1988, et depuis 2000 professeur émérite. Travaux Émile Jalley travaille dans trois champs : l'histoire de la psychanalyse et de la psychologie, leur épistémologie, et la philosophie. Entre les années 1980 et 2006, il est chercheur spécialisé dans les études historiques, principalement sur Henri Wallon, sur lequel il écrit sa thèse en 1986, et dont il a plus récemment édité une série de 7 volumes d’Œuvres de Henri Wallon, avec introductions, commentaires et annotations (2015). Il a publié aussi sur Sigmund Freud, et Jean Piaget, ainsi que sur l'histoire de la psychanalyse et de la psychologie en France. En outre, en 2013 il présente le résultat d'assez longues années d'études dans son livre La crise de la philosophie en France au XXIe siècle, D’Héraclite et Parménide à Lacan. Il y décrit comment le paradigme de la dialectique, d'origine judaïque et passé par les philosophies grecque, chrétienne, française et germanique, s’est dévitalisé dans l’empirisme britannique classique, ce dernier prolongé jusque
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dans les diverses philosophies anglo-américaines modernes. La pression de ce facteur, conjugué avec les effets du fixisme structuraliste, a incité les philosophes français dès les années 1960 à une position « antidialectique », qui expliquerait le désintérêt progressif touchant la pensée hégélienne, puis marxiste, ainsi que la psychanalyse. Seul Lacan a su résister dans une certaine mesure à cet entraînement en maintenant dans un relatif équilibre les deux composantes (métaphore-métonymie : algèbre-topologie) du paradigme hégélomarxien de la dialectique (Badiou, Théorie du sujet, 1982)6,7. Parue en 2017, La Critique de la raison philosophique (5 vol.) vérifie le paradoxe d'un « rayonnement déclinant de la pensée française » (Thomas Brisson) depuis les années 1960 8. La démarche de l'auteur est de tradition dialectique9. C’est de ce point de vue que la psychologie, la psychanalyse et la philosophie se présentent comme des champs de savoirs à la fois indépendants et interdépendants10. Il s'attache notamment à décrire le noyau rationnel de la dialectique (NRD), dispositif de la contradiction de type genèse/figure, histoire/structure, transformation/état, métonymie/métaphore. Il précise qu'il est observable dans le développement de la pensée naturelle (Freud, Wallon, Gesell, Piaget), tout comme dans de nombreux systèmes de la pensée réfléchie (histoire de la philosophie, des sciences de la nature et de l'esprit)11. À cet égard, les formes contemporaines dérivées12 de l'empirisme associationniste anglo-saxon13 représentent des formules affaiblies de la rationalité dialectique de source européenne14. Une « science de l'inconscient » (Assoun)15 est susceptible de définir le profil d'une logique des conflits (Robion)16 adaptée à un « nouvel encyclopédisme » (Simondon)17. Des applications devraient découler de telles approches au plan des sciences pédagogiques18 économiques et politiques19. Ses recherches récentes (2018) envisagent les points suivants : 1. Le psychanalyste Lacan, dont l’importance comme philosophe mérite en fait d’égaler celle qui lui est reconnue
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comme psychanalyste, encourt cinq critiques principales : avoir réduit la pensée au langage, avoir évincé de la « structure » sa condition historique, avoir installé une antinomie de principe entre la psychanalyse et la psychologie, avoir mis en question le principe de toute forme de transmission enseignante en particulier universitaire 20, avoir limité l’intervention psychothérapeutique au seul champ du préconscient (Robion) 21. 2. Des tendances nouvelles de la psychanalyse ont pour visée de la rapprocher des neurosciences 22 , mais à l’inverse aussi et de façon paradoxale d’approfondir son enracinement du côté de la philosophie fondamentale (Aristote, Hegel, Marx) 23, tout autant que de la philosophie sociale 24. En somme, les travaux de Jacques Robion, Marie-France Castarède et Samuel Dock sont à reconnaître comme parmi les rares à produire des avancées réelles dans la psychanalyse depuis la disparition de Jacques Lacan. 3. La psychanalyse aussi bien que la philosophie avaient formé à un moment en France la partie majeure de la représentation mondiale, réalisant alors l'exception française. Il serait question aujourd'hui de ressaisir le nœud des relations essentielles entre la psychanalyse, la psychologie et la philosophie. Marquée un temps par l’importance décisive de Lacan, la psychanalyse aurait pour son compte à poursuivre son progrès en liaison avec l’ensemble de la culture. Mais, à côté également, d’autres lignes de recherche ont à se développer du côté du côté de la critique idéologique, dans les champs de la philosophie, de la pensée économique, et de l’évolution historico-sociale en cours 25. Réception Lucien Sève le retient parmi les intellectuels d'inspiration marxiste27 ayant joué un rôle « considérable » dans « l'évolution de la pensée psychologique et pédagogique en France »28. Les critiques portant sur ses ouvrages s'avèrent positives, comme pour Wallon lecteur de Freud et Piaget : trois
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études suivies des textes de Wallon sur la psychanalyse et d'un lexique des termes techniques29 : « Il faut donc féliciter tout particulièrement Émile Jalley » affirme Évelyne Laurent dans Le Monde. Pour Wallon et Piaget : pour une critique de la psychologie contemporaine30, Manuel Tostain des Cahiers de Psychologie Politique précise qu'« il convient vivement de le recommander ... à tout honnête étudiant en psychologie du développement ». Quant à La psychologie scientifique est-elle une science ? Critique de la raison en psychologie31, Marie-Claude Lambotte de la revue Essaim estime que « cet ouvrage, directement axé sur la critique de la psychologie dite scientifique, fait suite – parmi un très grand nombre de publications d’É. Jalley sur la psychologie – à trois autres très importants ouvrages que nous citons à la fois pour leur grand intérêt et pour leurs conclusions qui justifient le thème qui nous occupe : La crise de la psychologie à l’université en France en deux tomes, Paris, L’Harmattan, 2004, La psychanalyse et la psychologie aujourd’hui en France, Paris, Vuibert, 2006, et La psychanalyse française en lutte. La guerre des psys continue, Paris, L’Harmattan, 2007 ». PierreHenri Castel, dans la Revue d'histoire des sciences humaines, fait de son côté l'éloge de Freud, Wallon, Lacan : l'enfant au miroir32. Cinq de ses ouvrages ont été traduits en espagnol, portugais, japonais et vietnamien (ci-après). D'autres traductions sont en cours en allemand. Traductions et éditions à l'étranger – Freud, Wallon, Lacan. L'Enfant au miroir, traduction portugaise : A Criança no espelho (Brazil, 2011). – Henri Wallon, La Vie mentale, avec présentation et commentaires d'E. J.: traductions en espagnol (La Vida mental, Barcelona, 1985), en japonais (fragments : Seishin-tekina seikatsu , Tokyo, 1992) et en basque (fragments : Haurtzoaren psikologia, Psychologie de l'enfant, Bilbao, 2018). – Henri Wallon, L'Évolution psychologique de l'enfant, avec Introduction et annotations d'E. J. : traduction en espagnol (La
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evolucion psicologica del nino, Barcelona, 1976), en vietnamien (Qua trinh phat triem tam ly cua, 2014) et en basque (fragments : op. cit.). – Henri Wallon, Oeuvres 5 (fragments : n° 207, 221, 227) en espagnol (Psicologia del nino. Una comprension dialectica del desarollo infantil, Madrid, 1980) et en basque (op. cit.). – Louis Althusser et quelques autres, Hyppolite, Badiou, Hegel,Marx, Alain, Wallon. Notes de cours 1959-1960, 2013, 390 pages, réédité University of Toronto. Notes et références 1. ↑ a et b Notice BnF. 2. ↑ Emile Jalley, Un Franc-comtois à Paris: un berger du Jura devient universitaire, L'Harmattan, 2010 3. ↑ Recherche [archive] sur archicubes.ens.fr. 4. ↑ « Revue des travaux et ouvrages d'Emile Jalley », sur www.editionsharmattan.fr (consulté le 16 juin 2017). 5. ↑ Sous la dir. de Roland Doron, Wallon et la psychanalyse (thèse de doctorat en psychologie), Paris, université Paris-V, 1986. 6. ↑ Revue Bulletin de psychologie [archive], sur le site cairn.info. 7. ↑ Robert Samacher, « Jalley (Émile), La crise de la philosophie en France au XXIe siècle. D’Héraclite et Parménide à Lacan », Paris, L’Harmattan, 2013, compte rendu in : Bulletin de psychologie, 2014/2 (Numéro 530), p. 183. 8. ↑ Christophe Charle & Laurent Jeanpierre: La vie intellectuelle en France. II. De 1914 à nos jours, Seuil, 1995, pp. 779-802. 9. ↑ Lucien Sève : Avec Marx aujourd’hui. Tome II : « L’Homme » ?, La Dispute, pp. 312-314. 10. ↑ Alain et Sophie de Mijolla et col.: Psychanalyse, PUF, 1996, pp. 237-261, 693-703. 11. ↑ Alain Badiou : Théorie de la contradiction : Maspero, 1976, pp. 2782 ; Le noyau rationnel de la dialectique, Maspero, 1978, pp. 23-24 ; Jean Piaget : Six études de psychologie, Gonthier, 1964, pp. 166-181; Le structuralisme, P.U.F, 1968, pp. 101-124; Les formes élémentaires de la dialectique, Gallimard, 1980, pp. 213-249; Lucien Sève : Une introduction à la philosophie marxiste, Éditions sociales, 1980, pp. 81, 211, 269, 436, 442, 504, 534, 539. 12. ↑ Eric Aeschimann : « Penser en 2013. Le tour du monde contemporain des idées », Nouvel Observateur n° 2531 du 9/5/2013, pp. 7081. 13. ↑ Gérard Deledalle : La philosophie peut-elle être américaine ? Jacques Grancher, 1995, pp. 286-294.
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14.
15. 16. 17.
18. 19.
20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. 28. 29.
↑ Charles Zarka et col. : « La philosophie en France aujourd’hui » : (1) Cités 56, 2013, 11-50 ; (2) Cités 58, 2014, 13-39 ; François Cusset : French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze et Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux États-Unis, 2005, 130, 174 ; Lucien Sève : Marxisme et structuralisme, Éditions sociales, 1984, 19-71. ↑ Paul-Laurent Assoun : Lacan, P.U.F., 2003, pp. 78-79, 122-123. ↑ Jacques Robion : Pour une Psychanalyse dialectique, Cassiope Éditions, 2009, 143, 146, 148. ↑ Gilbert Simondon : Sur la technique (1953-1983), Seuil, 2014, pp. 100, 104-110, 155, 173 ; Sur la psychologie (1956-1967), id., 2015, pp. 273-275, 361-368, 495-496 ; Sur la philosophie (1950-1980), id., 2016, pp.199, 219, 418 . ↑ Anny Cordié : Les cancres n’existent pas. Psychanalyse d’enfants en échec scolaire, Paris, Seuil, 1993, pp. 9-26, 297-300 ; Malaise chez l’enseignant. L’éducation confrontée à la psychanalyse, Seuil, 1998, pp. 397-439. ↑ Régis Debray : Critique de la raison politique ou l'inconscient religieux, Gallimard, 1981, pp. (11-21) ; Edgar Morin : « Débat entre Jean Daniel et Edgar Morin », Nouvel Observateur n° 2659 du 2228/10/2015, pp. 77-81 ; « Propos recueillis par Marion Rousset », Nouvel Observateur n° 2695 du 23-29/6/2016, pp. 82-83 ; François Morin : L’Économie politique du XXIe siècle, Lux/Humanités, pp. 7-32. ↑ E. Jalley : La psychanalyse aujourd’hui. Entretiens avec Jacques Robion, L’Harmattan, 2018, pages 195-208. ↑ Jacques Robion : Les réparations thérapeutiques, L’Harmattan, 2017, pages 29, 33, 49. ↑ Jacques Robion : ibid., pages 9-30. ↑ E. Jalley : ibid., page 189. ↑ Marie-France Castarède, Samuel Dock : Le nouveau malaise dans la civilisation, Plon, 2017, 54-61, 207-266. ↑ E. Jalley : Site L’Harmattan, Articles et contributions sur les thèmes : Critique de la philosophie, Critique de l’économie, Déclin de la France ?, Pensée libérale. ↑ Jacqueline Nadel, « Wallon (Henri), Ecrits de 1926 à 1961, psychologie et dialectique, présentés par Émile Jalley et Liliane Maury », Enfance, vol. 45, nos 1-2, 1991, p. 171-173 ↑ Hégélienne et freudienne. Emile Jalley; Trajectoires. Autobiographie intellectuelle, Paris, L'Harmattan, 2017. ↑ Lucien Sève, « Questions de méthode », Nouvelles Fondations, vol. 3, nos 3-4, 2006, p. 110-114. ↑ Éveline Laurent, « Trois figures majeures », sur lemonde.fr, 15 mai 1981.
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Olivier Douville et col. : Psychologie clinique tome 2. La psychologie clinique en dialogue, débats et enjeux, Émile Jalley : Janet, Paris, Dunod, 2001, 303 pages, pp. 52-57, 6 pages. Henri Wallon : L’Évolution psychologique de l’enfant, Texte introduit par Émile Jalley, Paris, Armand Colin, 2002, pp. 1-32, 182-187, 40 pages. CPUF1, CPUF2, La crise de la psychologie à l’université en France, tome 1 : Origine et déterminisme, tome 2 : État des lieux depuis 1990, Paris, L’Harmattan, 2004, 531 et 515 pages. [2433]. PPAF, La psychanalyse et la psychologie aujourd’hui en France, Paris, Vuibert, 2006, 396 pages. WP, Wallon et Piaget. Pour une critique de la psychologie contemporaine, Paris, L’Harmattan, 2006, 497 pages. GPC, La guerre des psys continue. La psychanalyse française en lutte, Paris, ibid., 2007, 513 pages. CRP, Critique de la raison en psychologie. La psychologie scientifique est-elle une science ? ibid., 2007, 512 pages. GP1, La guerre de la psychanalyse. Hier, aujourd’hui, demain, ibid., 2008, 450 pages. GP2, La guerre de la psychanalyse. Le front européen, ibid., 2008, 547 pages. FCP, Un Franc-Comtois à Paris. Un berger du Jura devenu universitaire, ibid., 2010, 453 pages. PP1, PP2, Psychanalyse et psychologie (2008-2010). Interventions sur la crise, tome 1 : propositions de base, questions d’actualité, repères historiques, pour l’équilibre des deux psychologies à l’université, tome 2 : psychanalyse et neuroscience, la vérité de la science, la querelle de l’évaluation en psychologie, ibid., 2010, 299 pages et 313 pages. [6413]. AO1, Anti-Onfray 1, Sur Freud et la psychanalyse, ibid., 2010, 185 pages. AO2, Anti-Onfray 2, Les réactions au livre de Michel Onfray, débat central, presse, psychanalyse théorique, 2010, 322 pages. AO3, Anti-Onfray 3, Les réactions au livre de Michel Onfray, clinique, psychopathologie, philosophie, lettres, histoire, sciences sociales, politique, réactions de l’étranger, le décret scélérat sur la psychothérapie, ibid., 2010, 352 pages. DP1, DP2, Le débat sur la psychanalyse dans la crise en France, tome 1 : Onfray, Janet, Reich, Sartre, Politzer, etc.; tome 2 : (In)culture, (dé)formation, aliénation, ibid., 2011, 261 pages et 244 pages. SM1, Six Manifestes contre le DSM, tome 1 : Présentation et commentaires, ibid., 2011, 228 pages. SM2, Six Manifestes contre le DSM, tome 2 : Suite des commentaires : Censure, Crise de l’enseignement, ibid., 2011, 234 pages.
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MSL, Mes soirées chez Lacan. Préface : É. Jalley, pages 11-39, 29 pages. Interviews à : Ch. Melman, M. Czermak, M. Drazien, Cl. Lanzmann, J.-J. Tyszler, M.-Ch. Cadeau. Par le soin de : C. Fanelli, J. Jerkov, D. Sainte Fare Carnot. Roma, Editori Inter) nazionali Riuniti 2011. [8007]. CPF21, La crise de la philosophie en France au XXI e siècle. De Parménide et Héraclite à Lacan, ibid., 2013, 388 pages. LAQA, Louis Althusser et quelques autres. Hyppolite, Badiou, Hegel, Marx, Alain, Wallon. Notes de cours 1959-1960, Paris, L’Harmattan, 2013, 390 pages. VKBH, Richard Kroner, De Kant à Hegel (1921-1924), 2 vol., 395, 338 pages, traduction par Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (Tome 1, pp. 7-18, 12 pages), ibid., 2013. BALA, Badiou avec Lacan. Roudinesco, Assoun, Granon-Laffont, ibid., 2014, 204 pages. TGDF, La « théorie du genre » dans le débat français. Butler, Freud, Lacan, Stoller, Chomsky, Sapir-Whorf, Simondon, Wallon, Piaget, ibid., 2014, 150 pages. ACF, Sándor Radó : L’angoisse de castration chez la femme, trad. Marc Géraud, Préface par Émile Jalley, 9-27, 19 pages, ibid., 2014, 120 pages. TPFM, Thomas Piketty « Marx du 21e siècle ? » ibid., 2014, 278 pages. TPMIF, Thomas Piketty : la mécanique des inégalités en France, injustice fiscale, crise de l’enseignement, contre-réforme sociale, (dé)colonisation, ibid., 2014, 280 pages. HW, Henri Wallon : Œuvres 1 : Délire d’interprétation, Psychologie pathologique, Principes de psychologie appliquée, Les mécanismes de la mémoire ; Œuvres 2 1903-1929 ; Œuvres 3 1930-1937 ; Œuvres 4 1938-1950 ; Œuvres 5 1951-1956 ; Œuvres 6 1957-1963 ; ibid., 2015, 3130 pages. GW, Germaine Wallon : Les notions morales chez l’enfant, 1949, ibid., 2015, 250 pages. API, Association psychanalytique internationale : Bergler, Bibring, Fenichel, Glover, Laforgue, Nunberg, Strachey : Le Congrès de Marienbad 1936. Un rendez-vous manqué avec Lacan, traduction de Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (55 pages), ibid., 2015, 148 pages. KB, Karl Bühler : Le développement intellectuel de l’enfant, Iena, Fischer, 1918 traduction par Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (165 pages), ibid., 2015, 507 pages, 2015. HSR, Hermann Samuel Reimarus : Fragments de l’anonyme de Wolfenbüttel édités par Gotthold Ephraim Lessing, traduction par Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (89 pages), ibid., 2015, 370 pages.
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RCQVM, La réforme du collège. Sauver l’école, une question de vie ou de mort, ibid., 2015, 238 pages. DSF1, Johann Gottlieb Fichte : La doctrine de la science 1794 de Johann Gottlob Fichte, nouvelle traduction de Marc Géraud et annotations d’Émile Jalley, ibid., 2016, 248 pages. DSF2, Émile Jalley : La doctrine de la science 1794 de Johann Gottlieb Fichte. Naissance et devenir de l’impérialisme allemand, ibid., 2016, 264 pages. EK, Elsa Köhler : La personnalité de l’enfant de trois ans, traduction par Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (65 pages), ibid, 2016, 119 pages. PPAL1, Émile Jalley : La psychanalyse pendant et après Lacan. Tome 1 : Bion, Blanco, Gaddini, Kohut, Kernberg, Stoller, Robion, ibid, 2016. PPAL2, Émile Jalley : La psychanalyse pendant et après Lacan. Tome 2 : Robion. Remarques sur Jacques Lacan, ibid, 2016, 474 pages. CRPH1, Émile Jalley : Critique de la raison philosophique. Première partie (tome 1) : La preuve par l’ordre et la mesure, ibid, 2017, 285 pages CRPH2, Émile Jalley : Critique de la raison philosophique. Deuxième partie (tome 2) : La preuve par l’histoire de la philosophie, ibid, 2017. CRPH3, Émile Jalley : Critique de la raison philosophique. Deuxième partie (tome 3) : La preuve par l’histoire de la philosophie, ibid, 2017, 454 (234 + 220) pages. CRPH4, Émile Jalley : Critique de la raison philosophique. Troisième partie (tome 4) : La preuve par la psychologie, ibid, 2017, 251 pages. CRPH5, Émile Jalley : Critique de la raison philosophique. Quatrième partie (tome 5) : La preuve par l’espace médiatique, ibid, 2017, 314 pages. HER, Herbart Johann Friedrich, La psychologie comme science, traduction par Marc Géraud, postface par Émile Jalley, en préparation. EMGS, Émile Jalley : En mémoire de Gilbert Simondon. Philosophe et psychologue français (1924-1989), ibid., 2017, 268 pages. TRA, Émile Jalley : Trajectoires. Une autobiographie intellectuelle, ibid., 2017, 260 pages. PHE, Hegel Georg Wilhelm Friedrich, Phénoménologie de l’esprit de Hegel, 1807, Nouvelle traduction par Marc Géraud, Postface par Émile Jalley, Logique et structure dans le plan de la Phénoménologie de l’esprit et dans l’œuvre de Hegel, ibid., 2017, 473 pages, 51 pages. PA, La psychanalyse aujourd’hui. Entretiens avec Jacques Robion, ibid., 2018, 20 pages.
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HB, L’histoire de la Bible et la philosophie. Jérusalem, Athènes, Rome, ibid., 2018, 168 pages. HER, Herbart Johann Friedrich, La psychologie comme science, traduction par Marc Géraud, postface par Émile Jalley, en préparation.
Encyclopédies « Wallon Henri » : Encyclopaedia Universalis, tome 23, Paris, 1985, 807-808, 2 pages. « Wilfred Bion » : ibid., tome 4, 1989, 182-185, 6 pages. « Concept d’opposition » : ibid., tome 16, 1989, 956-965, 10 pages. « Psychanalyse et concept d’opposition » : ibid., tome 19, 1989, 179-186, 8 pages. « Psychologie génétique » : ibid., tome 19, 1989, 232-238, 7 pages. « Les stades du développement en psychologie de l’enfant et en psychanalyse » : ibid., Symposium, 1989, 895-902, 8 pages. « Les grandes orientations de la psychologie actuelle » : Encyclopédie médicochirurgicale, Paris, Éditions techniques, 1989, 37030A10, 110, 10 pages. « Psychologie clinique » (en collaboration) : ibid., 1991, 37032A10, 1-6, 6 pages. « La psychologie moderne » : Les origines de la psychologie moderne. Les paradoxes de la psychologie. La psychopathologie. La psychologie clinique. La psychanalyse. La psychologie cognitive. Les domaines de la clinique. Les tendances actuelles, in : Les Lois de la Pensée, Philosophie, Linguistique, Sociologie, Religion, Principes fondamentaux de la vie mentale, Clartés, L’Encyclopédie, 1996, 16041-16043, 50 pages. « Wallon Henri 1879-1962 » : Encyclopédie philosophique universelle. Dictionnaire : Paris, Presses universitaires de France. 1992, 2 pages.
Articles divers « Le thème du miroir dans l’histoire de la philosophie » : L’Unebévue, Paris, EPEL, n° 14, Hiver 1999, 35 pages. « Données pour un panorama bref, partiel et provisoire de la structure institutionnelle de la psychologie française aujourd’hui » : Psychologie clinique, Paris, L’Harmattan, n° 11, 2001, pp.185-217, 33 pages. « État de la psychologie en France : déontologie, publications, gestion des carrières », Le Journal des psychologues, n° 184, février 2001, pp. 14-18, 5 pages. « La psychologie, une science fondée sur l’éthique ? », ibid., n° 188, juin 2001, pp. 8-9, 2 pages.
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Loi Faure (1968) et décret Savary ( 1984) : histoire d’un naufrage institutionnel, Connexions 2002/2 (no78), 47-75. 29 pages. « La psychologie est-elle en crise ? », ibid., n° 213, déc. 2003-janv. 204, pp. 10-15, 6 pages. À propos du débat sur Le Livre noir de la psychanalyse, Le Journal des psychologues 2006/2 (n° 235), 27-33. 7 pages. « Le retour de Wallon et Piaget », ibid., n° 244, fév. 2007, pp. 58-63, 6 pages. « État des lieux de la psychologie et de la psychanalyse à l’université », ibid., n° 280, sept. 2010, pp. 37-41, 5 pages. Freud, Wallon, Piaget, Journal français de psychiatrie 2016/2 (n° 44), 73-78. 6 pages. Émile Jalley, La crise de la philosophie en France au XXIe siècle. De Parménide et Héraclite à Lacan, Paris, L’Harmattan, 2013, 388 p. ; 3 résumés pour : Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Gilbert Simondon, Sur la psychologie, préface de Bernard Balan, Paris, Presses universitaires de France, mars 2015, 515 p., Revue philosophique, 2016/4, Tome 141, 636-637. Également : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Melman (Charles) Mes soirées chez Lacan. Préface : É. Jalley, pages 11-39, 29 pages. Interviews à : Ch. Melman, M. Czermak, M. Drazien, Cl. Landman, J.J. Tyszler, M.-Ch. Cadeau. Par le soin de : C. Fanelli, J. Jerkov, D. Sainte Fare Garnot. Roma, Editori Internazionali Riuniti, 2011 ; 4 résumés pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Jalley (Émile) Louis Althusser et quelques autres. Hyppolite, Badiou, Hegel, Marx, Alain, Wallon. Notes de cours 1959-1960, Paris, L’Harmattan, 2013. Ce livre est écrit en jumelage avec un second intitulé La crise de la philosophie en France au XXIe siècle ; 4 résumés pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Kroner (Richard), De Kant à Hegel (1921-1924), 2 vol., traduction par Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (Tome 1, pp. 7-18), Paris, L’Harmattan, 2013, 395 p., 338 p. ; 3 comptes rendus pour : Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Jalley (Émile), Badiou avec Lacan. Roudinesco, Assoun, Granon-Laffont, Paris, L’Harmattan, 2014, 204 p. ; 3 résumés pour : Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Jalley (Émile), La « théorie du genre » dans le débat français. Butler, Freud, Lacan, Stoller, Chomsky, Sapir-Whorf, Simondon, Wallon, Piaget, Paris, L’Harmattan, 2014, 149 p. ; 2 résumés pour : Psychologie clinique, Revue philosophique.
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Radó (Sándor) L’angoisse de castration chez la femme, trad. Marc Géraud, Préface par Émile Jalley, Paris, L’Harmattan, 2014 ; 5 comptes rendus pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique, Œdipe.org. Jalley (Émile) Thomas Piketty « Marx du 21e siècle ? », Paris, L’Harmattan, 2014 ; 4 résumés pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Jalley (Émile) Thomas Piketty : la mécanique des inégalités en France, injustice fiscale, crise de l’enseignement, contre-réforme sociale, (dé)colonisation, Paris, L’Harmattan, 2014 ; 4 résumés pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Association psychanalytique internationale : Bergler, Bibring, Fenichel, Glover, Laforgue, Nunberg, Strachey : Le Congrès de Marienbad 1936. Un rendez-vous manqué avec Lacan, traduction de Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (55 pages), Paris, L’Harmattan, 2015 ; 4 comptes rendus pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique, Œdipe.org. Bühler (Karl) Le développement psychologique de l’enfant, Iena, Fischer, 1918 traduction par Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley (165 pages), Paris, L’Harmattan, 2015 ; 4 comptes rendus pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Lessing (Gotthold Ephraim), Reimarius (Hermann Samuel) Fragments de l’anonyme de Wolfenbüttel, traduction par Marc Géraud, Introduction par Émile Jalley, Paris, L’Harmattan, 2015 ; 4 comptes rendus pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Wallon (Henri) Œuvres 1 : Délire d’interprétation, Psychologie pathologique, Principes de psychologie appliquée, Les mécanismes de la mémoire ; Œuvres 2 19031929 ; Œuvres 3 1930-1937 ; Œuvres 4 1938-1950 ; Œuvres 5 1951-1956 ; Œuvres 6 1957-1963 ; 2841 pages, Paris, L’Harmattan, 2015 ; 4 comptes rendus pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Wallon (Germaine) Les notions morales chez l’enfant, 1949, Introduction d’Émile Jalley, Paris, L’Harmattan, 2015, 295 p ; 4 comptes rendus pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Jalley (Émile), En mémoire de Gilbert Simondon. Philosophe et psychologue français (1924-1989), Paris, L’Harmattan, 2017, 4 résumés pour : Bulletin de psychologie, Psychologie clinique, Journal des psychologues, Revue philosophique. Castarède (Marie-France), Dock (Samuel), Le nouveau malaise dans la civilisation, Paris, Plon, 2017, Bulletin de psychologie, tome 71 (1), janvier-
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Principales références thématiques aux ouvrages d’Émile Jalley Sur la crise de l’enseignement CPUF1, CPUF2 : en totalité. CRP, 57-83, 385-421, GP1, 107-142, FCP, 213-369, PP1, 49-64, 121-144, 243-244, 265-280, PP2, 131-290, AO3, 331-339, DP2, 13-154, SM2, 93-158, PAM, ch. 4, 5, 6, 7, 131-260. TPKMF, ch. 4, 161-177, TPMIF, ch. 2,3,4,5, 71-200, HW1-6 & GW, RCQVM, CRPH4, CRPH5 EMGS. TRA, PA. Sur la crise de la recherche en psychologie CRP, 57-83, CPUF1, 203-490, WP, 349-424, PP1, 37, 109-144, PP2, 131-190, DP1, 129-157; DP2, 175-234, CPF21, 373, LAQA, BALA, HW1-6 & GW
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EMGS. TR, PA. Sur le caractère occulte des institutions académiques et autres canaux sociaux CPUF1, 161-202, CPUF2, 109-182, 275-472, 497-514, WP 416-424, GP1, 107-142, GP2, 906-942, CPF21, 365-385, CPF21, 365-385, PP1, 65-107, PP2, 131-290, SM1, TPFM, 245-259, TPMIF, ch. 1, 35-70. RCQVM, CRPH5 TRA. Sur la critique des idéologies et de la philosophie PPAF, 9-52, 381-430, CRP, 85-147, 355-383, GPC, 377-416, CRP, 13-56, GP1, 183-379, GP2, 461-775, PP1, 11-48, 145-215, AO1, AO2, AO3, DP1, DP2, SM1, SM2, CPF21, LAQA, VKBH, BALA, TGDF, TPFM, 215-259, HW1-6 & GW, HSR, RCQVM, DSF1 et 2 CRPH 1, 2, 3, 4, 5 EMGS.
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TRA, PA. HB. Sur la critique de la philosophie nord-américaine CRP, 355-383, SM1, 191-224, CPF21, 2014, 59-66, CPF21, LAQA, BALA, TGDF, TPFM, 215-244, HW1-6 & GW, KB, RCQVM, DS, CRPH 1, 2, 3, 4, 5 PPAL1 et 2 EMGS. TRA. Sur la crise des sciences cognitives CPUF2, 359-391, PPAF, 381-430, WP, 387-424, GPC, 351-376 ; 441-456, CRP, 323-354, GP1, 143-181, GP2, 883-906, PP2, 11-107, SM1, 19-190, SM2, 11-219, TGDF, TPFM, 215-244, HW1-6 & GW, RCQVM. EMGS. TRA, PA. Sur la crise de la psychanalyse GPC, 13-350, 417-440, 457-474, GP1, 19-106, 381-417, GP2, 916-920,
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DP1, DP2, SM1, 19-190, SM2, 11-219, CPF21, 199-324 LAQA, TGDF, BCL, TPFM, 215-244, HW1-6 & GW PPAL1 et 2. TRA, PA Sur la psychanalyse comme science fondamentale GP2, 777-881 PP2, 111-129, MSL, 11-39, CPF21, BALA, TGDF, API, EK, PPAL 1 et 2, CRPH 4 et 5, PA. Sur la Police culturelle et la cybercensure PP2, 217-280, AO3, 326-339, DP2, 234-240, SM2, 39-92, CPF21, 365-385. RCQVM, DSF 1 et 2. TRA.
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Sur les coordonnées présentes et passées de la crise sociale PP1, ch. 3, 4 PAM, ch. 8, 9, TPKMF, TPMIF, HW1-6 et GW, RCQVM, DSF2, CRPH 1, 2, 3, 4, 5 TRA, PA. HB. Histoire et présentation de textes et de thèmes de la philosophie, de la psychologie et de la psychanalyse WLPF, Wallon lecteur de Freud et Piaget, Paris, Éditions sociales, 1981, 561 pages. VM, Wallon : La Vie mentale, présentation, Paris, Éditions sociales, 1982, 416, pp. 7-108, 373-416, 147 pages. FWL, VKBH, BALA, ACF, API, KB, HSR HSR, KB, API, HW, GW, DS1, DS2. EK. EMGS. PHE. De même : Henri Wallon : La vida mental, Introducción y edición de Émile Jalley, Editorial Crítica, Grupo editorial Grijalbo, Barcelona, 1985, pp. 7-24, 253-290, 57 pages. Henri Wallon : Psychologie et dialectique (avec L. Maury), présentation, postface d’Émile Jalley : « Une dialectique entre la nature et
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Tableaux et cartes
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Références La Sainte Bible, traduite en français sous la direction de l’École biblique de Jérusalem, Éditions du Cerf, Paris, 1961, 1678 pages. Badiou (Alain): Théorie du sujet, 1982. Chevalier (Jacques) : Histoire de la pensée, 4 vol., Paris, 1966 Encyclopaedia Universalis : Le Grand Atlas de l’Histoire mondiale, Paris, Albin Michel, 1991. Finkelstein (Israel), Silberman (Neil Asher) : La Bible dévoilée, Paris, Gallimard, 2001, 2002, 558 pages. Freud (Sigmund) : Totem et tabou, 1912, Payot, 1965. Freud (Sigmund) : Moïse et le monothéisme, 1939, Gallimard, 1948. Friedman (Richard) : Qui a écrit la Bible ? La prodigieuse quête des auteurs de l’Ancien Testament, Éditions Exergue, 1997, 2012, 319 pages. Jalley (Émile) : Critique de la raison philosophique, tome 1 : La preuve par l’ordre et la mesure, 285 pages ; tomes 2 et 3 : La preuve par l’histoire de la philosophie, 454 pages ; tome 4 : La preuve par la psychologie, 251 pages ; tome 5 : La preuve par l’espace médiatique, 314 pages, Paris, L’Harmattan, 2017. Jalley (Émile) : Freud, Wallon, Lacan. L’enfant au miroir, Paris, EPEL, 1998, 390 pages. Jalley (Émile) : Psychanalyse et psychologie (2008-2010). Interventions sur la crise, Tome 1, Paris, L’Harmattan, 2010. Jalley (Émile) : Freud, Wallon, Lacan. L’enfant au miroir, Paris, EPEL, 1998, 390 pages.
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Kinder (Hermann) et Hilgemann (Werner). : Atlas historique, DTV 1964, Paris, Stock, 1968. Kuntzmann (Peter) et col. : Atlas de la philosophie, La Pochothèque, Le livre de poche, 1991, 1993, 1994. Pape François : Loué sois-tu (Laudato si’) Encyclique Sur la sauvegarde de la maison commune, Paris, Bayard Cerf Mame, 2015, 66. Parain (Brice), Belaval (Yvon) et col. : Histoire de la philosophie, Tome 1 coordonné par Brice Parain ; Tome 2 coordonné par Yvon Belaval, ibid., 1973 ; Tome 3 coordonné par Yvon Belaval, ibid., 1974, Paris, Gallimard, 1969. Perrault (Charles) : Contes de ma mère l’oye, 1697. Poliakov (Léon) : Histoire de l’antisémitisme, Tome 1 : L’âge de la foi ; Tome 2 : L’âge de la science, Paris, Calman-Lévy, 1955, 1961, 1981. Racine (Jean) : Bajazet, 1672. Simondon (Gilbert) : Cours sur la perception 1964-1965, Paris, P.U.F., 2006, 2013. Wikipédia : article « Génocide ».
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PHILOSOPHIE AUX ÉDITIONS L'HARMATTAN Dernières parutions L'APRÈS-MIDI SERA COURTE Plaidoyer pour le droit à l'euthanasie Nadia Geerts « Tout est bien » : telle était ma conviction profonde en accompagnant Maman dans sa demande d'euthanasie. Tout est bien quand la loi, comme en Belgique, reconnaît aux individus le droit de disposer de leur vie, jusqu' à y mettre fin. Car pourquoi notre vie devrait-elle être sacrée ? Il y a derrière la question de l'euthanasie un véritable enjeu de liberté individuelle, et donc de laïcité. C'est sous cet angle qu'il faut examiner le rôle du médecin : ni simple exécutant, ni volonté se substituant au malade, il s'agit de la main amie qui permet l'accomplissement de la volonté mûrement réfléchie et clairement exprimée de son patient, et ce dans des conditions de dignité. (Coll. Débats Laïques, 170 p., 18 euros) ISBN : 978-2-343-16181-5, EAN EBOOK : 9782140105609
RATIONALITÉ EN PHILOSOPHIE DES SCIENCES Une démarche zététique en épistémologie, logique et mathématiques Elie Volf, Michel Henry Préface d'Evariste Sanchez-Palencia, de l'Académie des Sciences Cet ouvrage vise à approfondir les fondements de la rationalité en philosophie des sciences pour montrer ce qu'une pensée rationnelle peut apporter à la démarche scientifique, pour mieux analyser un raisonnement ou les résultats d'une expérience. Il s'agit d'une étude des différentes méthodes de raisonnements. L'histoire des mathématiques fait l'objet d'un chapitre riche montrant l'évolution de la pensée logique. Par leur approche zététique et épistémologique, les auteurs ont souhaité que la pensée rationnelle ne s'efface pas sous l'attrait de certaines dérives contemporaines. (Coll. Ouverture Philosophique, 242 p., 25,5 euros) ISBN : 978-2-343-15576-0, EAN EBOOK : 9782140104763
LA SOCIÉTÉ ÉMANCIPATRICE Charles Maurice La culture humaine en ce début de XXIe siècle est marquée de profonds déséquilibres environnementaux et sociaux. La transformation radicale des sociétés sur des bases de justice sociale apparaît comme la condition pour que le genre humain poursuive son processus de libération et soit enfin fidèle à la démarche éthique qui le singularise. Pourtant, les révolutions ont toutes échoué. Les adversaires de l'exploitation de l'homme par l'homme sont affaiblis et désorientés. Ils ont du mal à s'opposer aux politiques libérales antisociales. Comment galvaniser les résistances ? Est-il possible de refonder l'idéal émancipateur ? Que devrait être une société émancipatrice ? (Coll. Ouverture Philosophique, 186 p., 19,5 euros) ISBN : 978-2-343-16150-1, EAN EBOOK : 9782140105159
L'ACTE DE PENSER L'impossible définition Thierry Aymès Préface de Lili Frikh « La pensée » n'est pas « le penser », et a fortiori, n'est pas « l'acte de penser » même. Il n'est que de se pencher sur la différence grammaticale qui existe entre un participe passé (bien que substantivé) et un verbe laissé à la vitalité, au souffle qu'il sous-entend. L'auteur s'est essayé à l'élucidation folle de ce problème philosophique aporétique en diable et qui contraint qui s'y colle à déborder du vase de réflexion classique. (116 p., 13,5 euros) ISBN : 978-2-343-16086-3, EAN EBOOK : 9782140104367
L'ANGE, LE MAL ET LA CONTINGENCE Jad Hatem Une philosophie de l'ange réfléchit sur l'individu le plus proche de la divinité. Proximité qui tient à trois facteurs : la génération, les multiples fonctions à remplir, les drames qu'il est susceptible de provoquer au ciel comme sur la terre. Cet essai est centré sur Suhrawardî, Qâshânî et la philosophie ismaélienne. Il donne également la parole à deux éminents mystiques, Hallâj et Ibn'Arabî sur le sujet de la tolérance religieuse. (Coll. La main d'Athéna/ Philosophie, 118 p., 15 euros) ISBN : 979-10-309-0180-1, EAN EBOOK : 9782140104954
HANNAH ARENDT ET LA CONDITION POLITIQUE Le réel dans la pensée philosophique du XXe siècle Beatrice Magni Cet ouvrage analyse l'enjeu crucial de la revendication - par la philosophe allemande naturalisée américaine HANNAH ARENDT (1906-1975) - d'une « théorie politique » contre une « philosophie politique », avec toutes les conséquences qui s'ensuivent: la volonté de réintégrer le réel dans la pensée philosophique; l'exploration du fondement anthropologique de l'existence humaine; un humanisme centré autour du concept de politique. (104 p., 13 euros) ISBN : 978-2-336-31235-4, EAN EBOOK : 9782140104831
EN CHEMIN AVEC NIETZSCHE Philippe Granarolo Voici rassemblés les principaux articles de l'auteur explorant l'oeuvre de Friedrich Nietzsche, auquel il a consacré toute son existence : du plus ancien, Le rêve dans la pensée de Nietzsche (1978) au plus récent, Le Surhomme : mythe nazi ou image libertaire ? (2016). Ces articles constituent les étapes d'une lecture originale et cohérente. Regroupés en cinq chapitres, « L'Imaginaire », « Le Corps », « Le Temps », « Le Futur » et « Le Retour Eternel », ces articles constituent une introduction à l'étude de l'oeuvre nietzschéenne. (Coll. La philosophie en commun, 254 p., 26 euros) ISBN : 978-2-343-15570-8, EAN EBOOK : 9782140102189
L'USAGE DE LA SUBJECTIVITÉ Foucault, une archéologie de la relation Mingjie Tang Les travaux de Foucault sur l'histoire de la subjectivité analysent la manière dont s'est formé et a fonctionné le concept d'homme : comment il a agrégé des éléments hétérogènes pour imposer son évidence dans notre modernité. La subjectivité s'établit dans le rapport à sa propre vérité comme « noeud » de la véridiction, de la gouvernementalité et de la spiritualité. C'est dans ce « jeu de la connaissance individuelle » que se mettent en place les dispositifs du sujet et leurs conditions, c'est dans l'archéologie de la relation avec la vérité, le pouvoir et le soi que l'on retrouve, peut-être, l'usage de notre subjectivité. (Coll. Quelle drôle d'époque !, 282 p., 29 euros) ISBN : 978-2-343-15461-9, EAN EBOOK : 9782140104138
UNE PHILOSOPHIE DE L'ÉCOUTE MUSICALE Bruno Deschênes Dans cet ouvrage, Bruno Deschênes met en parallèle la pensée musicale européenne et la pensée esthétique japonaise, une rencontre philosophique par laquelle il propose par transpropriation comment cette pensée venant d'Asie permettrait aux mélomanes d'approfondir leur appréciation de toute musique quelle qu'elle soit. (Coll. Ouverture Philosophique, 222 p., 23,5 euros) ISBN : 978-2-343-15835-8, EAN EBOOK : 9782140101991
QUELLE ÉTHIQUE POUR LE TRANSHUMANISME ? Des "hommes augmentés" et des "posthumains", demain, en Afrique ? Ebénézer Njoh Mouelle L'auteur déploie une analyse destinée à clarifier sa position sur divers aspects du transhumanisme. Il analyse des notions éthiques et met en relief des enjeux insoupçonnés, sur la difficile question de la régulation de l'exploitation des résultats des recherches convergentes des Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives. S'il met l'accent de manière appuyée sur la régulation destinée à protéger et à sauver l'espèce humaine de tout enfouissement dans des cyborgs, le philosophe camerounais se soucie tout autant du sort incertain qui pourrait être réservé aux catégories économiquement faibles face aux augmentations des capacités de toutes sortes sur d'autres continents. (Coll. Harmattan Cameroun, 102 p., 12,5 euros) ISBN : 978-2-343-15916-4, EAN EBOOK : 9782140103391
LE RENOUVEAU DE L'IDÉALISME Giovanni Dotoli, Louis Ucciani (sous la direction de) Cet ouvrage rassemble des textes qui s'interrogent sur ce que représente l'idéalisme aujourd'hui, en prenant appui sur la pensée d'Emmanuel Levinas et sa réflexion autour du problème de l'être et de l'identité. (Coll. L'Orizzonte, 200 p., 20 euros) ISBN : 978-2-343-15734-4, EAN EBOOK : 9782140103018
LE PROBLÈME DE LA COMMUNAUTÉ Marx, Tönnies, Weber Daniel Alvaro Traduit de l'espagnol (Argentine) par Pascale Henry. Préface de Jean-Luc Nancy Gemeinschaft ou la « communauté », est le fil conducteur de cet ouvrage, le nom d'un problème commun à toute une époque en Occident dont nous commençons à peine à entrevoir les limites, une époque où cette évidence de la vie en commun disparaît. Pourtant ce problème de la communauté demeure le nôtre. Pour analyser cette question, l'ouvrage recourt aux pensées de Marx, Tönnies et Weber. (Coll. La philosophie en commun, 260 p., 27 euros) ISBN : 978-2-343-13582-3, EAN EBOOK : 9782140103254
BOUDDHISME TIBÉTAIN ET PHILOSOPHIE DE L'EXISTENCE Michel Dion Dans le bouddhisme tibétain, tout moi est sans substance qui lui soit intrinsèque. Toute substance qu'il paraît avoir lui vient de liens d'interdépendance avec d'autres réalités qui lui sont extérieures : les autres, la société et la culture ambiantes, la Nature. Tout moi ne dure pas pour toujours, parce que les êtres vivants sont mortels, mais surtout parce qu'ils sont constamment en changement. Le projet, propre à la philosophie de l'existence, de devenir qui nous sommes, de Kierkegaard jusqu'à Sartre, est-il alors incompatible avec la philosophie du bouddhisme tibétain ? (784 p., 52 euros) ISBN : 978-2-343-15741-2, EAN EBOOK : 9782140102813
L'EUGÉNISME SOCIAL Configurations du pouvoir aux temps de la mort en vie Daniel Fränkel Traduit de l'espagnol par Valentine Le Borgne de Boisriou Cette recherche poursuit les travaux de Foucault, en considérant le dispositif asilaire comme le paradigme privilégié pour analyser des mécanismes par lesquels la société a traité la folie, mais également comme forme de compréhension du fonctionnement de la logique gouvernementale au sein des sociétés occidentales contemporaines. Ici, le concept d'eugénisme social définit une catégorie heuristique pour expliquer la logique interne qui régit le destin biopolitique des sociétés nées de l'expérience moderne. (Coll. La philosophie en commun, 180 p., 20 euros) ISBN : 978-2-343-15755-9, EAN EBOOK : 9782140102776
A LA RECHERCHE D'UNE HUMANITÉ DURABLE Michel Juffé Si les maux qui frappent la biosphère s'aggravent, ce n'est pas que l'effet de l'empire de la marchandise et de l'avidité du capitalisme. La volonté de toute-puissance est plus ancienne : elle commence avec les civilisations au IIIe millénaire avant notre ère et leurs dieux inventés pour justifier leurs ambitions. Si nous voulons un humanisme écologique, nous devons combattre les idéologies de « l'exception humaine » et la rage de posséder et de spolier. Si nous voulons protéger notre bien commun, nous devons réformer en profondeur nos croyances, institutions et modes de vie, en commençant par trouver notre véritable place dans la Nature. (194 p., 20 euros) ISBN : 978-2-343-15719-1, EAN EBOOK : 9782140102134
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Émile Jalley, normalien, agrégé de philosophie, professeur émérite de l'université Paris XIII, épistémologue, psychologue et philosophe français, est l'auteur de 39 ouvrages individuels, 41 collectifs, 24 volumes d'édition plus 5 autres, soit 109 titres.
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20 €
Émile Jalley
La Bible serait le livre le plus lu et le plus traduit au monde. L’histoire de sa composition aurait pu commencer voici près de 3 000 ans dans un petit pays habité alors par une population d’environ 50 000 habitants. La Bible et son histoire intéressent les théologiens, mais tout autant les historiens, qu’il s’agisse de l’histoire des religions, de celle de la culture aussi bien que de l’histoire générale. Comme également les croyants juifs, chrétiens, musulmans, tout aussi bien que les incroyants. Cependant, dans le champ de l’histoire, très peu d’historiens de la philosophie se sont intéressés à ce que l’histoire de leur discipline ait pu commencer à Jérusalem, peut-être 500 ans avant de se poursuivre à Athènes, puis à Rome, enfin à Paris, Oxford, Bologne, Francfort, et encore bien après à Kœnigsberg, Iena, Berlin. En réalité, outre le fait qu’il a existé une authentique philosophie juive des premiers siècles jusqu’à nos jours, et que la Bible a inspiré la philosophie chrétienne médiévale, la Bible a aussi été la source originelle, pour l’ensemble de la philosophie occidentale, de ses champs d’objets (le moi, le monde et Dieu), ainsi que de toute la procédure de la pensée paradoxale et dialectique qui l’a animée jusqu’aujourd’hui.
L’histoire de la Bible et la philosophie
L’histoire de la Bible et la philosophie
Émile Jalley
L’histoire de la Bible et la philosophie Jérusalem, Athènes, Rome