Lettres aux amis des frères et des soeurs de Saint Jean, n° 26, Octobre 1992 Marie, Mère et Reine de tous les hommes


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Lettres aux amis des frères et des soeurs de Saint Jean, n° 26, Octobre 1992 
Marie, Mère et Reine de tous les hommes

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LETTRE AUX AMIS DES FRÈRES ET DES SŒURS DE SAINT JEAN

N° 26

TRIMESTRIEL

Octobre 1992

DES VÉRITÉS DIFFICILES À TRANSMETTRE

VIII - MARIE, MÈRE ET REINE DE TOUS LES HOMMES (17 avril 1988)

La perspective de ces conférences est celle d’une pédagogie familiale. Une s’agit donc pas ici d’un * cours magistral ».

Dans la conférence précédente, nous avons parlé de la médiation maternelle de Marie, Mère de Dieu et Mère de l’Église. Aujourd’hui, nous allons regarder Marie comme la Mère et la Reine de tous les hommes. Cette universalité de la maternité de Marie rejoint sa régence. On pourrait presque dire qu’elle est reine parce qu’elle est mère de Dieu et mère de l’Eglise, et que sa maternité s’étend à tous les hommes parce qu’elle est reine. Il y a là des connexions voulues par la sagesse de Dieu, qu’il est important de bien comprendre. MARIE, REFUGE DES PÉCHEURS Nous allons donc essayer d’entrer progressivement dans ce grand mystère, qui est un mystère de foi. Quand on dit que Marie est mère de tous les hommes, cela ne veut pas dire que tous les hommes croient en elle et la reçoivent comme mère ; cela veut dire qu’elle connaît tous les hommes, qu’elle les aime tous et n’en exclut aucun. C’est là son grand mystère de mère et de reine. Au cun homme n’est exclu du cœur de Marie. C’est pour cela qu’il faut toujours, même quand on est en face de cas désespérés, de personnes qui s’opposent violemment à l’Église ou au Christ, se tourner vers Marie. Il faut leur faire regarder Marie, parce que très souvent le lien avec Marie demeure encore. Il n’est pas rare, en effet, que ceux qui vivent en dehors de l’Église et qui, apparemment, sont loin de Dieu, aient gardé un contact avec Marie. Ét invoquer Marie (dans les litanies) comme « Refuge des pécheurs » signifie quelque chose de très profond : cela veut dire que, dans son cœur maternel, elle abrite tous les hommes. Une mère a toujours une tendresse particulière pour ceux qui ont été pour elle occasion des plus grandes souffrances, des plus grandes douleurs ; elle les aime avec une tendresse unique. Il y a quelque chose de semblable dans le cœur de Marie.

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« Elle ne m’a rien dit, mais j’ai tout compris. » C’est un exemple merveilleux de la manière dont Marie enveloppe ceux qui résistent, ceux qui officiellement sont considérés comme des « rationalistes militants », comme des athées qui rejettent tout de la foi, du mystère du Christ, du mystère de l’Eglise. Marie les enveloppe et les prend quand elle le veut. « MAINTENANT ET À L’HEURE DE NOTRE MORT » Je ne sais pas ce qui se passe au moment de la mort, et vous non plus ; mais nous savons une chose : c’est que constamment, nous prions dans YAve Maria, nous demandons à Marie d’être présente à « l’heure de notre mort ». En disant cela nous pensons bien sûr au versant de la terre ;mais à « l’heure de notre mort », c’est aussi le moment où notre âme se sépare de notre corps. Ce doit être curieux, les premiers pas d’une âme séparée ! On a besoin d’une mère à ce moment-là. Si, pour les premiers pas d’un enfant qui commence à marcher, il faut que la mère soit là pour le porter et l’empêcher de tomber, on peut se demander si, pour les « premiers pas » spirituels d’une âme séparée, il ne faut pas la tendresse de Marie. Avant que nous soyons en présence de Jésus comme Juge, comme Grand Prêtre, n’y a-t-il pas Marie ? La délicatesse extrême de Jésus, dans son amour pour Marie, n’est-elle pas de la laisser passer devant lui ? N’estce pas Marie qui nous recevra ? Nous ne pouvons pas l’affirmer, mais nous pouvons en être pratiquement sûrs. Et ne serait-ce pas là que nous pourrions comprendre le mieux la maternité de Marie sur tons les hommes ? Les femmes saintes ont des ruses mystérieuses (pensons à Rebecca2, ou à Judith ’...) qui viennent de la sagesse de Dieu. Et comme Marie est la Femme des femmes, comme elle est la nouvelle Eve, n’a-telle pas, dans sa sagesse, découvert à quel point les hommes sont faibles et à quel point, sur la terre, ils sont conditionnés ? L’Evangile du jour4 nous le montre : même les disciples d’Emmaüs n’arrivent pas à dépasser l’information de droite et de gauche, l’information pieuse des saintes femmes. Cette information les inquiète, les remue, mais ils n’arrivent pas à la dépasser. Marie n’est-elle pas là pour recevoir ceux qui, sur la terre, auront été les esclaves de l’information ? Ce sont là, en effet, les nouveaux esclaves : esclaves de la télévision, des journaux, de toutes les informa­ tions, ils n’arrivent pas à dépasser cela dans une foi profonde qui leur permettrait de « toucher » Jésus, qui n’est pas présent dans les infor­ mations, car il est au delà. Marie ne sera-t-elle pas là pour recevoir tous ceux qu’elle n’a pas pu atteindre sur la terre (tous ceux qui ne se sont pas laissé atteindre par elle) ? Il est permis, durant l’année mariale, de comprendre cela, d’avoir cette audace à l’égard de notre Mère que nous

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prions tant, et que nous ne prions pas seulement pour nous. Quand on récite le chapelet, on le récite pour tous les hommes d’aujourd’hui ; autrement, on ne s’adresserait pas en vérité à Marie, et elle ne nous écouterait pas. Quand on s’adresse à Marie en excluant les autres ou certains autres, elle tourne la tête, elle n’écoute pas, parce qu’elle veut que ses enfants aient un cœur ouvert à tous les hommes. Et plus ils sont misérables et pauvres, plus Marie les regarde avec amour, avec tendresse.

LES SAINTS INNOCENTS DU MONDE D’AUJOURD’HUI Nous avons tous des expériences, nous avons tous entendu des té­ moignages qui montrent que le mystère de Marie dépasse l’Eglise visible, l’Église hiérarchique. Il y a un dépassement mystérieux de Marie Mère et Reine de tous les hommes, et Reine de tout l’univers. Il est important pour nous de le savoir. Souvenons-nous de ce que disait Marthe Robin, quand elle pensait à tous les enfants qui sont les « Saints Innocents » du monde d’au; ourd’hui, tous ces petits qu’on tue par l’avortement : Marthe disait qu’une Mère était là pour les recevoir. Si le désir que la mère a du baptême tient lieu de baptême pour les tout-petits qui meurent avant d’être baptisés, le désir de Marie à la Croix, dans son mystère de Compassion, n’est-il pas là pour recevoir toutes ces petites victimes du monde d’aujourd’hui, ces victimes du matérialisme, de la dégradation d’une culture chrétienne (dégradation pire qu’une culture païenne, parce que c’est le fruit d’un refus du Christ) ? Marie est la Mère de ces pauvres petits, elle a prié pour eux à la Croix. Ne disons pas qu’ils échappent au regard de Marie, ce ne serait pas vrai. Marie les a pris dans son cœur douloureux à la Croix, où elle est la Mère de tous les hommes. MARIE DEVIENT MÈRE DES HOMMES À LA CROIX

Dépassant les témoignages, essayons d’entrer dans le mystère même de la maternité universelle de Marie. Tout le mystère de la maternité divine de Marie repose sur son unité avec Jésus à la Croix. Nous l’avons déjà dit, mais il est nécessaire d’y revenir pour saisir, dans un regard de foi, au delà de tous les témoignages, ce mystère si profond de Marie Mère et Reine de tous les hommes et de tout l’univers. Présente à la Croix, debout au pied de la Croix, Marie vit, dans sa foi, son espérance et son amour, tout ce que Jésus vit dans la plénitude de son amour. Marie achève — et c’est pourquoi Jésus l’appelle « Femme » 5 —, elle achève dans son cœur « ce qui manque à la Passion du Christ » ‘.

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LA CROIX, HOLOCAUSTE D’AMOUR

Comprenons bien : il ne manque rien à la Passion de Jésus du point de vue de la justice, ni de la vérité, ni de l’amour. Jésus nous aime à la Croix avec un amour infini. A cet amour infini on ne peut rien ajouter ni en intensité, ni en qualité d’amour. Jésus glorifie le Père, et il nous aime en offrant toute sa vie. C’est à l’intérieur d’un holocauste d’amour que Jésus glorifie le Père. C’est le grand mystère de la sagesse chrétienne : l’amour de Jésus pour le Père se sert de la Croix, de toutes les souffrances de la Croix, pour montrer au Père et à tous les hommes que cet amour est victorieux de la mort, parce que c’est un amour substantiel, un amour divin, l’amour éternel du Fils bien-aimé pour le Père. C’est le Fils bienaimé qui a assumé la nature humaine. Dans son cœur d’homme, il y a ce feu brûlant d’amour qui brûle tout en lui et fait de l’holocauste de la Croix un holocauste de pur amour : la mort est transformée, toutes les douleurs, toutes les souffrances de la Croix sont transformées du dedans et deviennent un holocauste qui glorifie le Père éternellement. Actuel­ lement, dans l’éternité, l’amour qui est dans le cœur de Jésus est le même que celui de la Croix. Et c’est cet amour que nous recevons dans l’Eucharistie. C’est le même amour, cet amour capable de brûler la mort, de transformer toutes les souffrances et toutes les douleurs, et capable de transformer notre cœur humain, notre cœur de chair, en un cœur semblable au cœur de Jésus, qui glorifie le Père et sauve les hommes. CE MYSTÈRE S’ÉTEND SUR MARIE... Cet amour, qui a une intensité unique, peut réclamer de Marie, et de tous les croyants à la suite de Marie (et même de tous les hommes « de bonne volonté »), de vivre le même mystère, pour compléter ce mystère non pas dans l’ordre de la qualité et de l’intensité de l’amour, mais dans l’ordre de Y extension. Quand Simon de Cyrène porte la croix à côté de Jésus, il peut très bien se faire que Simon n’allège rien, pour Jésus, du poids de la Croix ; mais Jésus permet qu’étant là présent, Simon soit tout proche de lui et reçoive de lui une grâce d’amour. C’est très souvent ce que fait Jésus : il « fait semblant » d’être aidé, alors que, en réalité, il porte tout ; mais pour nous donner son amour il permet la proximité, il permet qu’on soit tout proche de lui. J’ai toujours la même impression quand le Saint-Père nous permet d’être proches de lui. Nous ne l’aidons pas beaucoup ! Il continue de porter seul avec Jésus et en Lui, avec Marie et en elle ; mais il nous permet d’être proches de lui et de l’« aider » de cette manière. C’est comme cela, la coopération avec Jésus et avec les saints !

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... GRÂCE À SA FOI ET À SON ESPÉRANCE

Marie va donc coopérer au mystère de la Croix. Tout le mystère d’amour qui brûle le cœur de Jésus va brûler le cœur de Marie, le transformer, et permettre à l’amour du Christ de s’étendre et de prendre possession de la nature humaine dans sa totalité, homme et femme. Puisque Dieu « les a créés homme et femme » 7, il faut que le mystère de la Croix s’empare du cœur de Marie en tant qu’elle est la Femme par excellence. Il faut que le mystère de la Croix s’empare de cette petite créature, la plus fragile, la plus vulnérable de toutes, parce que la plus aimante. Marie, comme créature, vit le mystère d’amour de la Croix dans la foi et l’espérance. Et parce qu’elle le vit dans la foi et l’espérance, le mystère qui brûle au plus intime du cœur de Jésus peut brûler non seulement le cœur de Marie, mais aussi son intelligence ; car par la foi, l’intelligence de Marie peut être totalement offerte et totalement brûlée, à l’unisson du cœur de Jésus. Selon la grande vision des Pères de l’Église et des grands théologiens, les sommets de l’intelligence humaine du Christ sont dans la vision béatifique, et donc ne peuvent pas connaître l’immolation, l’état victimal de Jésus à la Croix. Marie, elle, est dans la foi ; et, comme petite créature tout aimante, elle peut offrir ce qu’il y a de plus radical dans son intelligence pour que ce soit complètement « brûlé », pour que, en elle, l’intelligence humaine soit totalement donnée. C’est peut-être par là que Marie est mère de toute notre vie intel­ lectuelle, puisqu’elle a tout offert à Dieu. Son intelligence connaît donc à ce moment-là une pureté unique. Une intelligence brûlée par l’amour, c’est la mer de cristal telle que l’Apocalypse nous la montre8, entière­ ment transformée par l’amour. Quand une intelligence est toute brûlée par l’amour, elle a une qualité de pénétration unique ; étant toute au service de l’amour, elle va bien plus loin.

POUR TOUS LES HOMMES... Marie, à la Croix, connaît cet holocauste, et cela pour tous les hommes, puisque Jésus est l’Agneau qui porte toute l’iniquité du monde. Jésus a porté le péché de Judas, il a porté la jalousie des grands prêtres à son égard, il a porté le reniement de Pierre, la lâcheté des autres apôtres ; il a porté les fautes d’orgueil de toute l’humanité. Jésus n’a pas fait de tri en disant : « Je meurs pour les gens bien » ’. Non, « ce sont les malades qui ont besoin du médecin », il le dit lui-même 10. Ce sont les grands malades qui ont besoin du médecin, et devant eux les médecins n’ont pas le droit d’abdiquer. Jésus est venu pour sauver les hommes et sauver tous les hommes ", parce qu’il les aime tous. C’est pour cela que Jésus peut dire

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en toute vérité : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » ”. Le monde, c’est tous les hommes, y compris les pécheurs, évidemment ; y compris ceux qui sont à la remorque de la Bête de la terre et de la Bête de la mer ”. Ceux-là, les gens « bien-pensants » n’aiment pas beaucoup les fréquenter ; mais Jésus est mort pour eux, il les a pris, et il a pris sur lui tout le poids de leur iniquité. ... ELLE OFFRE SON INTELLIGENCE ET SON CŒUR Marie, la Femme, la femme pauvre à la Croix, porte dans son mystère de compassion tout ce que Jésus a porté, mais d’une autre manière que lui. Jésus porte toutes les fautes de l’humanité dans l’intensité infinie de son amour pour le Père et pour les hommes. Marie « porte » pour toute l’iniquité du monde dans sa foi, avec l’amour que Jésus lui donne, certes, mais dans sa foi. Or les péchés d’orgueil, s’ils sont bien en premier lieu dans la volonté et dans le cœur, s’étendent dans l’intelligence. L’intelligence contaminée par l’orgueil est une intelligence qui aime être proclamée intelligente. Marie, vivant le mystère de la Croix du Christ, connaît à ce moment-là dans sa foi un holocauste pour tous les hommes, et très spécialement pour l’orgueil des hommes. D’autre part, dans son espérance, elle peut offrir les désirs les plus profonds du cœur de l’homme, ces désirs que le cœur de l’homme n’exprime pas, les désirs les plus cachés. Marie a tout porté et tout offert ; les désirs les plus profonds de son cœur, par l’espérance, sont offerts au Père, brûlés pour le Père. Parce qu’il est Fils de Dieu et que sa nature humaine subsiste dans le Verbe de Dieu, Jésus a, au plus intime de son âme, une plénitude de grâce qui le met au delà du mystère de la foi et de l’espérance ; tandis que Marie, créature fragile, faible, vulnérable, connaît la foi et l’espérance, et par là elle peut offrir au Père les désirs les plus profonds du cœur de l’homme. Elle les offre tous, et c’est pour cela qu’elle est si pauvre. A la Croix elle n’a plus aucun désir humain : tout est brûlé. Ses désirs humains, qui connaissent à ce moment-là une profondeur unique, sont brûlés divinement ; ils sont donc encore présents, mais totalement transformés du dedans. Tous les désirs des hommes, Marie les porte pour qu’ils soient purifiés. Les désirs bons et les désirs mauvais, Marie les a tous portés. Toutes les jalousies, Marie les a portées. Elle a porté cela au plus intime de son cœur, à la Croix.

« UNE » AVEC JÉSUS Il faut bien saisir que le mystère de sa maternité, de sa médiation maternelle à notre égard, ne peut se comprendre qu’à partir de son unité

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avec Jésus dans le mystère de la Compassion. Dans ce mystère elle est « une » avec Jésus, et elle l’est tellement qu’elle ne refuse aucune souf­ france, aucune douleur. Elle porte toute l’iniquité du monde, l’iniquité des plus grands pécheurs ; elle porte toute cette iniquité dans le cœur du Christ, avec lui, pour pouvoir coopérer au salut de tous les hommes. C’est pour cela que nous pouvons dire (comme l’ont fait les Pères de l’Église) que lorsque Jésus dit « Femme » à Marie, elle est la nouvelle Ève et source de grâce pour tous les hommes. Elle les a tous portés, comme une mère porte son enfant ; elle les a tous portés dans sa foi, dans son espérance et son amour, elle les a tous reconnus comme étant ses enfants. Elle les a choisis dans le cœur du Christ. Comme le Christ les a choisis, comme le Christ les a aimés, Marie les choisit et les aime : « Femme, voici ton fils » '■'. A travers Jean, c’est tous les hommes que Marie a pris au plus intime de son cœur. Elle les a offerts, et c’est pour cela qu’on peut dire que les enfants qui meurent sans baptême, ces tout-petits qui sont immolés, rejetés de la communauté des hommes (on profite de leur fragilité et de leur petitesse, de leur pauvreté, pour les supprimer), Marie ne peut pas les abandonner. Elle reçoit ces petits innocents, elle les prend, et elle reçoit aussi et prend la mère qui les rejette, qui accepte qu’ils soient tués alors qu’ils sont à son égard dans une proximité extrême, cette proximité faite pour la communication de la vie et qui devient possibilité de rejet et de mort... MARIE ENTEND TOUTES LES ANGOISSES Le petit enfant appartient à sa mère, il est son bien, mais il est encore plus le bien de Dieu :« Unefemmeoublie-t-ellel’enfantqu’ellenourrit ? Cesse-t-elle de chérir le fils de ses entrailles ? Même s’il s’en trouvait une pour l’oublier, moi je ne t’oublierai jamais », dit Yahvé à Israël ’5. Il peut arriver qu’une mère ne puisse plus supporter le cri de son enfant, comme Agar au désert de Bersabée ; mais Yahvé l’entend toujours “. Ce qui est vrai de l’ancienne alliance est infiniment plus vrai de la nouvelle. Marie ne peut pas ne pas entendre les cris d’un petit, elle ne peut pas ne pas entendre l’angoisse de beaucoup, que le monde n’entend plus. Quand on est angoissé, on prend des remèdes : c’est plus facile. Certes l’angoisse est difficile à porter ; mais ce que je veux dire, c’est qu’aucune angoisse n’est étrangère au cœur de Marie, comme aucune angoisse n’est étrangère au cœur de Jésus. Ces maladies si difficiles à porter aujourd’hui — et l’angoisse est la plus terrible de toutes, parce qu’elle est au niveau psychique —, toutes ces maladies, toutes ces souffrances, ces tristesses, Marie les a portées. C’est pour cela que Jésus peut lui dire : « Femme » — comme si une femme qui ne voudrait pas accepter la souffrance et la

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douleur pour sauver son enfant ne pouvait plus être femme. Refuser de sauver son enfant, c’est peut-être la pire des mutilations, celle qui mutile la mère, la femme, en ce qu’elle a de plus précieux, de plus « elle-même » : son cœur.

MÈRE DE TOUTES LES DOULEURS Marie, qui est femme d’une manière unique dans le regard de Dieu, la Femme par excellence, (on ne peut pas comprendre ce qu’est la femme sans regarder Marie), n’a exclu de son cœur aucune de ces souffrances. C’est parce qu’elle est la Mère de toutes les douleurs qu’elle est la Mère de tous les hommes. Qu’est-ce qui permet de sonder la profondeur du cœur d’une mère ? C’est ceci : dans quelle mesure accepte-t-elle de souffrir pour ses enfants ? Si elle n’accepte plus de souffrir, si elle fait tout pour éviter la souffrance, son cœur de mère se dessèche, ou risque de se dessécher. Je dis « risque » parce qu’il faut garder une prudence, une prudence divine inspirée par l’Esprit Saint. Il faut quelquefois soulager, aider à porter, diminuer (comme onlepeut)la souffrance pour permettre à l’amour d’aller plus loin ; mais permettre à l’amour d’aller plus loin est bien la seule raison qui permette de diminuer la souffrance. Si on atténue la souffrance, ce n’est pas pour une neutralité, ni pour le plaisir de ne pas souffrir. Depuis la Croix du Christ, depuis le mystère de la Compassion de Marie, la souffrance est devenue quelque chose de sacré. Et parce qu’elle est devenue quelque chose de sacré, le chrétien, comme chrétien, n’a pas le droit de la rejeter automatiquement, systématiquement. Il doit d’abord la recevoir ; et s’il n’en peut plus, il doit demander qu’on le soulage, dans la mesure où on peut le faire, pour aimer plus, pour aller plus loin dans l’ordre de l’amour. Le mystère delà Compassion de Marie, Mère de tous les hommes, doit être pour nous cette très grande lumière. Être la Mère de tous les hommes, c’est accepter d’être la mère qui porte la douleur de tous les hommes ; c’est accepter d’être la mère de toutes les tristesses, de toutes les souffrances... MATERNITÉ D’AMOUR ET DE MISÉRICORDE

Il faut que nous regardions souvent Marie dans cette maternité qui s’étend à tous les hommes sans en exclure aucun. Regarder l’humanité à partir du cœur de Jésus et en lui, c’est bien plus beau que de regarder la terre à partir de la lune ! Quand on regarde l’humanité à partir du cœur blessé de Jésus, on la voit tout enveloppée de la miséricorde maternelle de Marie. Tous les hommes sont enveloppés de cette maternité d’amour. C’est une maternité d’amour et de miséricorde, parce qu’elle prend toutes les souffrances des hommes et les fait siennes. C’est pour cela

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qu’on peut dire qu’aucune souffrance de l’humanité n’est étrangère au cœur de Marie : elle les fait siennes, elle les vit avec une intensité plus grande que nous-mêmes ne les vivons, parce qu’elle aime plus, et que c’est en raison même de l’intensité de l’amour qu’on est capable de porter davantage la souffrance. C’est quand les hommes n’aiment plus qu’ils deviennent incapables de souffrir. C’est dans la mesure où on aime qu’on est capable de porter la souffrance, parce qu’elle est alors transformée par l’amour. Marie porte toutes les souffrances et par sa prière, par son intercession, elle fait tout ce qu’elle peut pour soulager, pour aider, pour accompagner ceux qui souffrent et leur permettre d’aller jusqu’au bout de leur offrande.

MARIE REINE Voilà le rôle de Marie comme reine : Dieu la fait reine pour lui permettre d’aller plus loin dans sa maternité miséricordieuse. En effet, pour être vraiment miséricordieux, il ne faut pas seulement prendre la misère de l’autre dans son cœur, il faut aussi tout faire pour la soulager. Il faut donc être intelligent et efficace pour aider, pour soutenir, pour enlever les obstacles, pour créer un milieu — tout ce qu’une mère fait spontanément quand elle voit son enfant pleurer. Elle devient inventive pour essayer de sécher ses larmes, elle fera n’importe quoi pour créer un nouveau milieu aidant l’enfant à ne plus pleurer. Marie est inventive comme mère, pour nous aider à porter notre souffrance, pour nous aider à aller le plus loin possible dans l’offrande de tout nous-mêmes et dans l’offrande de nos souffrances afin de rejoindre l’offrande du Christ à la Croix. C’est là qu’il faut comprendre comment elle est reine. Le Père a remis toute autorité à Jésus parce qu’il est le Fils bien-aimé 17, et parce qu’il est celui qui a accepté d’aller jusqu’au bout de l’obéissance dans le mystère de la Croix18. Il y a deux fondements théologiques de la royauté du Christ : il est roi parce qu’il est le Fils bien-aimé du Père, parce qu’il est Dieu (en tant que Dieu fait homme il a toutes les qualités de l’homme et donc la dignité de roi), et il est roi parce qu’il a sauvé les hommes, il leur a redonné une capacité de bonheur, une capacité d’amour. Le fondement de la royauté du Christ, c’est le mystère de son Incarnation en Marie, en dépendance de l’Esprit Saint, et c’est le mystère de la Rédemption, donc la Croix. On peut dire la même chose pour Marie : elle est reine parce qu’elle est la Mère de Dieu, et elle est reine parce qu’elle compatit à la Croix. Elle reçoit donc de Jésus (comme Jésus reçoit du Père toute son autorité royale) son autorité de reine, parce qu’elle est pleinement mère.

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REINE POUR ÊTRE PLEINEMENT MÈRE

Cette autorité de reine, Marie l’accepte avec joie pour la mettre au service de sa maternité à l’égard des hommes. A l’égard de Jésus, elle n’avait pas besoin d’être reine : elle était la petite servante. A l’égard des hommes, elle a besoin d’être reine pour pouvoir exercer sa maternité, sa médiation maternelle, jusqu’au bout—puisque, pour être miséricordieux, il faut aider, soutenir, libérer celui qui souffre, l’accompagner jusqu’au bout. Marie, comme reine, reçoit de Jésus toute autorité. Elle reçoit de Jésus une puissance unique : la puissance que Jésus lui-même possède est remise à Marie. On comprend alors comment Marie Reine peut exercer sa maternité miséricordieuse sur tous les hommes. Elle sait que les hommes qui ne croient plus, qui ont rejeté Dieu de leur vie, ont besoin de certaines marques d’amour pour les réveiller. Elle sait que les hommes qui ne regardent plus Jésus se replient très vite sur eux-mêmes, dans un égocentrisme terrible. Elle le sait et elle est là pour exercer sa maternité royale, afin d’éveiller dans le cœur des hommes un amour victorieux de tout égocentrisme, de tout repliement. Elle est là pour permettre aux hommes de redécouvrir le sens de leur vie. LES SILENCES DE MARIE

Il est très important de comprendre ce rôle si vigilant de Marie à l’égard de tous les hommes : elle ne détourne son regard d’aucun, sauf lorsque les hommes, volontairement et librement, refusent sa miséricorde, ne veulent pas de son intervention. Alors Marie se tait. Il y a des silences de Marie qui sont impressionnants, et tout à fait semblables aux silences de l’Esprit Saint. Quand on résiste au Saint-Esprit, il se tait ; quand on résiste à Marie, elle se tait. Mais Marie se rattrapera après la mort, parce que dans son cœur de Mère elle ne peut pas accepter que les hommes, ses enfants pour qui elle a tant souffert dans le mystère de la Compassion, se perdent. Marie a vu toutes les souffrances de son Fils pour les hommes ; et c’est à cause de ces souffrances de son Fils qu’elle aime tant les hommes et qu’elle ne peut pas accepter que, comme le disait saint François d’Assise, « l’Amour ne soit pas aimé », et qu’elle ne peut pas accepter que le sang du Christ soit inefficace. Étant mère, elle ne peut pas accepter que ce mystère de la Croix n’ait pas sa plénitude d’efficacité. « HORS DE L’ÉGLISE, PAS DE SALUT » ?

On comprend alors son rôle de mère et de reine qui veut rassembler dans son cœur tous ceux qui tournent le dos à Jésus, tous ceux qui s’écartent de l’Église, parfois à cause de tel ou tel prêtre, de tel ou tel

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chrétien qui, d’une manière ou d’une autre, ont trahi. Elle ne peut pas accepter ces éloignements dont les motifs sont purement humains et qui ne s’élèvent pas jusqu’au mystère de la Croix. C’est peut-être là que nous devrions comprendre la signification de cette parole : « Hors de l’Église, pas de salut. » L’Église, c’est premièrement l’Église que nous voyons, l’Église hiérarchique, mais c’est aussi, et plus profondément, le Corps mystique du Christ. Toute l’Église hiérarchique est en vue du Corps mystique. Selon Vatican II, c’est le Corps mystique qui est l’analogie la plus parfaite pour découvrir le mystère de l’Église. Or, dans ce mystère, Marie a une place toute particulière. C’est pour cela qu’il faut dépasser le regard que l’on pourrait avoir sur l’Église visible, l’Église hiérarchique, pour découvrir quelque chose de plus mystérieux : l’Église plus parti­ culièrement unie à l’état victimal de Jésus, Agneau de Dieu portant l’iniquité du monde. L’Église, en Marie, a une profondeur mystérieuse, unique. Marie est pleinement d’Église ! et on aimerait dire que l’Église est pleinement en Marie.

Si donc Marie joue ce rôle de mère au delà de ce qui est visible, elle peut exercer sa maternité aussi à l’égard de ceux qui, extérieurement, semblent tout abandonner, tout rejeter. Cela donne une espérance étonnante, en nous faisant entrer dans les profondeurs de la sagesse de Dieu qui se reflètent dans le cœur de Marie 19 ; et c’est à juste titre que la liturgie applique à Marie ce que l’Ecriture dit de la sagesse, car Marie « est » en quelque sorte la sagesse, puisqu’elle veut aller le plus loin possible dans l’ordre de l’amour. La sagesse que le Christ nous enseigne à la Croix20 est une sagesse d’amour qui nous montre comment l’amour va toujours le plus loin possible, parce que c’est son exigence propre. A ce moment-là, l’Église, dans ce qu’elle a de tout à fait premier, de tout à fait fondamental et de tout à fait ultime, c’est le cœur maternel de Marie. C’est le cœur de la Femme qui porte tout avec Jésus pour glorifier le Père et sauver les hommes.

fr. Marie-Dominique Philippe, o.p.

1 Voir Ap 6, 11 ; 14, 12. 2 Gn 27. 3Jdtl0àl3. 4 La conférence était donnée le troisième dimanche de Pâques, année A : Le 24, 35-48. 5Jnl9,26.

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6 Cf. Col 1, 24. 7Gn 1,27. 8 Ap 4, 6 et 15, 2. 9 Cf. ce que dit saint Paul : « A peine voudrait-on mourir pour un homme juste ; pour un homme de bien, oui, peut-être oserait-on mourir. Mais Dieu confirme ainsi son amour envers nous : c’est quand nous étions encore pécheurs que le Christ est mort pour nous » (Ro 5, 7-8). 10 Mt 9, 12 ; Mc 2, 17 ; Le 5, 31. 11 Cf. 1 Tm2, 4. 12 Jn 3, 16. 13 Ap 13. 14 Jn 19, 26. 15 Is49, 15. 16 Voir Gn 21, 14-20. 17Cf.Jn 3, 35;Mt28, 18. 18 Cf. Phi 2, 8-9. 19 Cf. Saint Louis-Marie GrigniondcMontfort, L’Amour de la Sagesse éternelle,

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7 juin - Pentecôte fr. JEAN-ANTOINE ( André LIDEC ) fr. MARIE-THÉOPHANE ( Bruno MOUSSÉ )

fr. EMMANUEL ( Emmanuel DURAND ) fr. DOMINIQUE-SA VIO ( Étienne DUMALET ) fr. FRANÇOIS ( François DAGUET ) fr. MARIE-DAVID ( François GAUDICUET ) fr. FRANÇOIS-RÉGIS (François-Régis PEILLON) fr. JEAN-FRÉDÉRIC ( Frédéric PLATEAUX )

fr. WENCESLAS ( Geoffroy de PONTAC ) fr. GIANCARLO ( Gian Carlo VENTURIN ) fr. JOHANNES ( Helmut LECHNER ) fr. JEAN-MARC ( Jean-Marc BARREAU ) fr. JEAN-NICOLAS ( Nicolas LAFFONT ) fr. PIERRE-THOMAS ( Pierre GOURLIN ) fr. PIERRE-VIANNEY (Pierre-Vianney DJEME) fr. MARIE-BRUNO ( Robert de La MOUSSAYE ) fr. JEAN de la CROIX (Thibault de BAZELAIRE)

1er Août à Laredo fr. JOHN-THOMAS ofthe SACRED HEART ( Russel CROCKER ) fr. YVAN-TERESA ( Yvan NUCHE )

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