Les modalités de perception visuelle et auditive: Différences conceptuelles et répercussions sémantico-syntaxiques en espagnol et en français 9783110944884, 9783484523395

The study focuses on the correlations existing between the conceptual properties of the modalities of visual and auditor

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French Pages 339 [340] Year 2007

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Les modalités de perception visuelle et auditive: Différences conceptuelles et répercussions sémantico-syntaxiques en espagnol et en français
 9783110944884, 9783484523395

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BEIHEFTE ZUR ZEITSCHRIFT FÜR ROMANISCHE PHILOLOGIE B E G R Ü N D E T V O N GUSTAV G R Ö B E R HERAUSGEGEBEN VON GÜNTER HOLTUS

Band 339

RENATA E N G H E L S

Les modalites de perception visuelle et auditive Differences conceptuelles et repercussions semantico-syntaxiques en espagnol et en fran^ais

MAX NIEMEYER VERLAG T Ü B I N G E N 2007

Bibliografische Information der Deutschen Bibliothek Die Deutsche Bibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.ddb.de abrufbar. ISBN 978-3-484-52339-5

ISSN 0084-5396

® Max Niemeyer Verlag, Tübingen 2007 Ein Imprint der Walter de Gruyter G m b H & Co. K G http://wmv.niemeyer.de Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Das gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Verarbeitung in elektronischen Systemen. Printed in Germany. Gedruckt auf alterungsbeständigem Papier. Satz: Johanna Boy, Brennberg Druck: A Z Druck und Datentechnik G m b H , Kempten Einband: Norbert Klotz, Jettingen-Scheppach

«Pourquoi croyez-vous que je m'en prends ä votre oui'e? Pas seulement parce que c'est legal; surtout parce que c'est celui des sens qui presente le moins de defenses. Pour se proteger, Γ (til a la paupiere. Contre une odeur, il suffit de se pincer le nez, geste qui n'a rien de douloureux, meme ä long terme. Contre le gout il y a le jeüne et l'abstinence, qui ne sont jamais interdits. Contre le toucher, il y a la loi: vous pouvez appeler la police si l'on vous touche contre votre gre. L a personne humaine ne presente qu'un seul point faible: l'oreille. C'est faux. II y a les boules Quies. Oui, les boules Quies: la plus belle invention de l'homme.

Je vous disais que l'etre humain est une citadelle et que les sens en sont les portes. L'ou'ie est la moins bien gardee des entrees: d'oü votre defaite». (Amelie Nothomb, Cosmetique

de l'Ennemi,

39-40)

V

Remerciements

Ce livre, une revision de ma these de doctorat, a pu se realiser grace ä l'aide et aux efforts de certaines personnes auxquelles je veux exprimer ma reconnaissance infinie. En tout premier lieu, je tiens ä remercier le professeur E . Roegiest pour la confiance qu'il m'a temoignee des le tout debut de ce travail. J e lui suis tres reconnaissante de son interet pour cette etude, de sa (ses) lecture (s) attentive (s) du manuscrit ainsi que d'avoir «attise» davantage mes interets linguistiques. J e remercie aussi les membres du jury de ma these, et en particulier les professeurs R. Kailuweit, G. Bossong et D. Willems, pour la lecture attentive de mon texte et pour les remarques critiques mais eclairantes. Un grand merci ä Elke Weylandt, Luc Debie et Kathelijne Den Turck pour avoir bien voulu relire certains chapitres de ce texte, et ä Martine Haerens pour son appui sur differents plans. J e tiens ä remercier egalement ma famille pour leur support de tous les instants: les visites pendant le week-end etaient toujours une distraction bienfaisante! Pour terminer, il y a trois «individus» auxquels ce livre est dediee: Cleo et Arthur, merci de rester - litteralement - ä cöte de moi pendant les annees doctorales; Frederik, merci pour tes mots reconfortants mais surtout pour ta confiance infinie!

VI

Table des matieres

Remerciements

VI

Table des matieres

VII

Liste d'abreviations

XIII

Partie I Les modalites de perception - Differences conceptuelles et consequences semantiques 1.

2.

3.

ι

Introduction generale: les verbes de perception et l'approche cognitive 1.1. Premiere rencontre avec les verbes de perception 1.2. Cadre theorique: l'approche cognitive 1.2.1. Principes de base de la Grammaire Cognitive 1.2.2. L'approche cognitive et les VdP 1.3. Organisation de l'etude

3 3 6 6 8 10

Le champ semantique de la perception: panorama et caracteristiques generates 2.1. D e la psychologie ä la linguistique, de la perception ä la langue 2.2. Perception directe et perception indirecte 2.3. Perception volontaire et perception involontaire 2.4. Les modalites de perception 2.4.1. Caracteristiques prototypiques des cinq modalites 2.4.2. Perception visuelle vs. perception auditive 2.5. Conclusion: la nature variable de la perception

13 13 16 22 24 24 26 32

La relation entre le percepteur et le stimulus: la transitivite des verbes de perception 3.1. La transitivite, une notion fort discutee 3.1.1. Les deux faces de la transitivite 3.1.2. Transitivite syntaxique vs. transitivite semantique: une relation iconique? 3.1.3. La decomposition de la transitivite 3.2. L'evenement transitif prototypique

35 35 35 37 39 40 VII

3-2.1. L e proto-agent/sujet 3.2.2. L e proto-patient/OD 3.2.3. Conclusion: schema de l'evenement transitif

4.

40 49

prototypique 3.3. La transitivite des V d P

51 52

3.3.1. Transitivite syntaxique vs. transitivite semantique des V d P 3.3.2. L e sujet percepteur: un proto-agent? 3.3.3. L ' O D stimulus: un proto-patient? 3.4. Conclusion: le processus de perception, un transfert d'energie?

53 62 66

L e deroulement interne des processus de perception: l'aspect lexical des verbes de perception 4.1. Definition de l'aspect

69 69

52

4.1.1. Aspect lexical vs. aspect compositionnel 4.1.2. Classification linguistique ou classification extralinguistique? 4.1.3. L'aspect lexical des V d P dans la litterature 4.2. L'aspect lexical des VdP: une tentative de classification 4.2.1. Aspect de base ou aspect compositionnel? 4.2.2. Perception et [± dynamicite] 4.2.3. Perception et [± agentivite] 4.2.4. Perception et [± duree] 4.2.5. Perception et [± telicite]

69

4.2.6. Conclusion: une classification aspectuelle heterogene . . . . 4.3. La structure evenementielle des processus de perception 4.3.1. L a structure interne des evenements 4.3.2. L a structure interne des evenements de perception volontaire

91 94 94

4.3.3. L a structure interne des evenements de perception involontaire 4.3.4. Les classifications aspectuelles des VdPinvoiontaire: quelques exemples 4.4. Conclusion: l'aspect lexical des V d P et les modalites de perception

72 73 76 76 77 83 86 88

95 96 98 102

Conclusion partie I L e s modalites de perception - Differences conceptuelles et implications semantiques 105 Partie II A la recherche d'indices syntaxiques - L a structure interne du complement infinitif 5.

109

La perception directe d'un evenement: proprietes syntaxiques et semantiques de la construction infinitive VIII

111

5·ΐ. L a CI: une structure de perception directe? HI 5.1.1. Structure syntaxique de la CI hi 5.1.2. Valeurs semantiques de la CI 112 5.1.3. L a CI: une structure heterogene 118 5.2. Caracteristiques syntaxiques de la CI 119 5.2.1. L a negation dans la CI 119 5.2.2. L a restriction de passivisation 123 5.3. Caracteristiques semantiques de la C I 126 5.3.1. L a simultaneite temporelle 126 5.3.2. L a presence de predicate statiques 128 5.3.3. L a presence de verbes modaux et d'adverbes de phrase . . 130 5.3.4. Quelques proprietes logiques 132 5.3.5. L a perceptibilite du stimulus 133 6.

7.

L a structure interne du complement infinitif: les analyses proposees 6.1. L e Cinf: une proposition ou non? 6.2. L a CI en tant que structure simple: l'analyse attributive 6.3. L'analyse non propositionnelle du Cinf: SNi + VdP + [SN2] + [Inf] 6.4. L'analyse propositionnelle du Cinf: SNi + VdP + [SN2 + Inf] . . . 6.4.1. L a nature unifocale de la perception 6.4.2. L e type de proposition 6.4.3. Les operations de montee 6.5. L'incorporation de l'infinitif: SNi + [VdP + Inf] + SN 2 6.5.1. Definition de l'incorporation 6.5.2. L'incorporation dans la construction factitive 6.5.3. Les VdP et l'incorporation 6.6. L a complementarite des analyses proposees 6.6.1. Confrontation des trois solutions 6.6.2. Perception visuelle objectale vs. perception auditive evenementielle 6.6.3. L'incorporation de l'evenement de perception et de l'evenement pergu 6.6.4. Les marques syntaxiques des fonctions grammaticales . . . L a position syntaxique du participant subordonne SN2 7.1. Definition du probleme: la position syntaxique du SN2 7.1.1. Introduction: la position du SN2 dans le Cinf 7.1.2. L'expression du SN2 dans notre corpus 7.1.3. Hypothese: la correlation entre la position du SN2 et sa fonction syntaxique 7.2. L'ordre des mots dans la CI: etat de la question 7.2.1. Les parametres proposes par Danell (1979) 7.2.2. Survol des parametres retenus par d'autres auteurs

137 137 138 141 143 143 146 147 149 149 150 153 156 156 158 159 161 165 165 165 166 169 171 171 172

IX

7-3- Parametres morphosyntaxiques: la complementation du SN2 et de l'infinitif 7.3.1. Les facteurs morphosyntaxiques pertinents 7.3.2. L a validite des criteres morphosyntaxiques en espagnol.. 7.3.3. L a validite des criteres morphosyntaxiques en franijais... 7.3.4. Conclusion: la pertinence des facteurs morphosyntaxiques 7.4. Parametres discursifs: la definitude et l'identifiabilite du S N 2 . . . 7.4.1. L'objectif d'une approche discursive 7.4.2. Les facteurs discursifs pertinents 7.4.3. L'identifiabilite et les predeterminants du SN2 7.4.4. L a validite des criteres discursifs en espagnol 7.4.5. L a validite des criteres discursifs en franijais 7.4.6. Conclusion: la pertinence des parametres discursifs 7.5. Parametres cognitifs: l'iconicite de la structure syntaxique 7.6. Parametres semantico-conceptuels: le degre de dynamicite du stimulus 7.6.1. L'objectif d'une approche semantico-conceptuelle 7.6.2. L a nature semantique du SN2 7.6.3. L a nature semantique de l'infinitif 7.6.4. Conclusion: la pertinence des parametres semantico-conceptuels 7.7. L a position du SN2 et la nature lexicale de l'infinitif 7.7.1. L'objectif d'une classification lexicale 7.7.2. Les classes lexicales distinguees 7.7.3. L'incorporation et la routine perceptuelle 7.7.4. L'incorporation et les classes lexicales non routinieres . . . 7.7.5. Conclusion: la pertinence des classes lexicales 7.8. Conclusion: les facteurs qui gouvernent la position du SN2 7.8.1. L a pertinence des parametres retenus 7.8.2. L a position du SN2, sa fonction grammaticale et la structure interne du Cinf 8.

L e marquage casuel du participant subordonne SN2 8.1. L a tripartition nominatifvs. accusatifvs. datif 8.1.1. Les indicateurs du cas en espagnol et en f r a ^ a i s 8.1.2. Hypothese: la correlation entre le marquage casuel du SN2 et sa fonction grammaticale 8.2. L e marquage casuel du SN2 dans la CI incorporee 8.2.1. L e datif en tant que marque de l'OI dans la structure incorporee 8 . 2 . 2 . L e s VdPvisueiie et l ' i n c o r p o r a t i o n

X

173 173 176 182 186 188 188 189 191 192 194 196 197 199 199 199 209 223 226 226 226 228 231 233 234 234 236 239 239 239 241 244 244 245

8.2.3. L e s VdPauditive et l ' i n c o r p o r a t i o n

247

8.2.4. Conclusion: le marquage casuel et l'incorporation

249

8.3· Accusatif et datif dans la C I 8.3.1. L e s marques «exceptionnelles» du datif: l'accusatif prepositionnel et le leismo 8.3.2. L'hypothese de l'iconicite 8.4. L e marquage casuel et l'agentivite du sujet principal 8.4.1. Presentation de l'hypothese 8.4.2. L e cas du SN2 et l'agentivite du percepteur 8.5. L e marquage casuel et la dynamicite de l'objet 8.5.1. Presentation de l'hypothese 8.5.2. Les proprietes inherentes de l'objet et son marquage casuel 8.5.3. L e cas du SN2 et son degre de dynamicite inherente 8.6. L e marquage casuel et la structure argumentale 8.6.1. Presentation de l'hypothese 8.6.2. L e cas du SN2 et la dynamicite du Cinf 8.7. L e cas du SN2 en tant qu'indice de sa fonction grammaticale . . . 8.7.1. Valeurs semantico-conceptuelles des cas accusatif et datif 8.7.2. L e marquage casuel et les modalites de perception 9.

250 250 252 253 253 254 255 255 256 259 265 265 266 270 270 272

L'accord verbal dans la construction infinitive pronominalisee 9.1. L a construction pronominale: une structure heterogene

275 275

9.1.1. Introduction: les valeurs du clitique se 9.1.2. Construction passive vs. construction impersonnelle 9.2. L'accord dans la construction pronominale et la fonction du SN 9.3. L'accord dans la C I pronominalisee 9.3.1. L a C I pronominale: passive ou impersonnelle? 9.3.2. L'accord et la structure interne du Cinf 9.4. Conclusion: l'accord verbal en tant qu'indice de la structure interne du Cinf

275 277 280 283 283 285 290

Conclusion partie II L e s modalites de perception - Differences conceptuelles et incidences syntaxiques

293

Conclusion generale L e s modalites de perception, differences conceptuelles et repercussions linguistiques

295

Bibliographie

303

Index

321

XI

Liste d'abreviations

ABSTR ABU AC ANIM BDS Cadv CDE CH CI Cinf compl CREA DS Ε EH EM EN EP F GLOSSA HUM ILP INAC INAN INAN DYN INAN NON D Y N INERG Inf INTR IP LA LM LN MM Ν ην. OD ΟΙ PD

abstrait Association des bibliophiles universels (La Bibliotheque Universelle)* L'acacia (Simon, Cl.) anime Base de datos sintäcticos del espanol actual complement adverbial Corpus del espanol (Davies) Les champs d'honneur (Rouaud, J.) construction infinitive complement infinitif complement Corpus de referenda del espanol actual (Real Academia Espanola) Diario Sur (2002) evenement El Hereje (Delibes, M.) El Mundo (2002) Cosmetique de l'ennemi (Nothomb, A.) El Pais (1999) Ficciones (Borges, J. L.) GlossaNet (2003-2004) humain individual level predicate inaccusatif inanime inanime dynamique inanime non dynamique inergatif infinitif intransitif El jinete polaco (Munoz Molina, A.) Las ataduras (Martin Gaite, C.) Le Monde (1994; 1997-1998) La Nacion (2002) Los misterios de Madrid (Munoz Molina, A.) nom non valable objet direct object indirect perception directe

Les explications en italique referent aux sources de notre corpus.

XIII

PI Po Prev Pron PRON quant. RBR S Sinf SLP SN SN 2 SOL SV TR V VdP VdPauditive VdPinvolontaire VdPvisueiie VdPvoiontaire X #

XIV

perception indirecte (SN 2 ) postverbal (SN2) preverbal (SN2) pronominal (verbe) pronominal quantificateur Rouge Bräsil (Rufin, J-Ch.) sujet sujet de l'infinitif stage level predicate syntagme nominal syntagme nominal subordonne Spanish Online syntagme verbal transitif verbe verbe (s) de perception verbe (s) de perception auditive verbe (s) de perception involontaire verbe (s) de perception visuelle verbe (s) de perception volontaire (SN2) varie nombre d'exemples

Partie I Les modalites de perception Differences conceptuelles et consequences semantiques

ι.

Introduction generale: les verbes de perception et l'approche cognitive

i.i.

Premiere rencontre avec les verbes de perception

L'acte de perception est tellement preponderant dans la vie humaine qu'il preoccupe toutes les sciences humaines. E n effet, d'un survol de la bibliographie il ressort que la psychologie, la philosophie autant que la linguistique s'interrogent sur la notion de perception. Nous entendons nous concentrer exclusivement sur les proprietes semantiques et syntaxiques des verbes de perception (VdP) en espagnol et en frangais, et encore serons-nous contrainte ä nous limiter ä certains aspects linguistiques. Tout d'abord, quant aux proprietes semantiques des verbes de perception, il y a lieu de distinguer plusieurs types en fonction du critere pris en consideration. Premierement, d'apres le degre d'agentivite du sujet percevant - que nous appellerons le percepteur1 - les verbes de perception volontaire (VdP v o | o n . t a i r e ) ( J ) s'opposent aux verbes de perception involontaire ( V d P j n v o i o n t a j r e ) (2). 2 Deuxiemement, ä l'interieur de ces deux categories, la semantique de chaque verbe change suivant la modalite de perception, visuelle (1-2), auditive (3), gustative (4), olfactive (5) ou tactile (6): (ia) (ib) (2a) (2b) (3a) (3b) (4a)

1

2

Juan Jean Juan Jean Juan Jean Juan

mira a Maria. regarde Marie. vc a M a r i a . voit M a r i e . o y c / c s c u c h a la c a n c i o n . e n t e n d / e c o u t e la c h a n s o n . n o t a cl s a b o r d c sal cn la s o p a .

L e p e r c e p t e u r d ' u n acte de p e r c e p t i o n i n v o l o n t a i r e sera aussi a p p e l e Γ « e x p e r i e n t » , suivant l ' c c o l c t y p o l o g i q u c p a r i s i c n n c , r e p r e s e n t e e p a r c n t r e a u t r c s La/.ard, F c u i l l e t et B o s s o n g ; le p e r c e p t e u r d ' u n acte de p e r c e p t i o n v o l o n t a i r e s ' a p p e l l e r a e g a l e m e n t l'«obscrvatcur». II faut m e n t i o n n e r u n t r o i s i e m e t y p e de V d P - q u i n'entrera t o u t e f o i s p a s e n ligne de c o m p t c d a n s c c t t c e t u d e - d e n o t a n t la p e r c e p t i o n d c s c r i p t i v c , c o m m c parecer/paral-

tre (i), sonar/sonner

(ii), saber a/avoir le gout (iii), oler a/seiitir (iv). Le sujet de ces

V d P copulatil's ( V i b e r g 1984) I b n c t i o n n c c o m m c le s t i m u l u s dc la p e r c e p t i o n : (i) C e t h o m m e parait plus v i e u x q u e s o n äge.

(ii)

L a trompcta suena

desatinada.

(iii) L a s o u p e a le gout t r o p sale. (iv) E s t e p e r f u m e huele a (lores.

3

(4b) (4c) (5a) (5b) (6a) (6b)

Juan Jean Juan Jean Juan Jean

p r u c b a la sopa. goüte la soupe. huclc cl p e r f u m e . sent le p a r f u m . sicntc/toca la tela. sent/touche le tissu.

L e d i a g r a m m e suivant situe les V d P espagnols et f r a r ^ a i s ä l'interieur du champ semantique esquisse:

tactile

tocar/toucher

sentir/sentir

olfactif

oler/sentir

oler/sentir

gustatif

probar/goiiter

notar/goiiter

auditif

escuchar/ecouter

oir/entendre

visuel

mirar/regarder

ver/voir

volontairc

involontairc

F i g u r e 1.1 C h a m p s e m a n t i q u e des V d P

L a presente etude se concentrera sur les V d P representant les deux modalites de perception dominantes, ä savoir les verbes de perception visuelle (VdP vi _ sueiie)

et

l e s verbes de perception auditive ( V d P a u j j t j v e ) : ver/voir,

mirar/regarder

et

oir/entendre,

escuchar/ecouter.

Syntaxiquement, la nature complexe de l'acte de perception se traduit par une g a m m e etendue de c o m p l e m e n t s . L'on distingue traditionnellement le complement nominal (7), la relative (8), le gerondif (9), la completive (10) et l'infinitif (11). Surtout les V d P i n v o l o n l a i r e ver/voir et oir/entendre

apparaissent

dans un nombre eleve de constructions; les V d P v o l o n l a i r c mirar/regarder, char/ecouter

escu-

et les verbes des autres modalites semblent beaucoup moins pro-

ductifs du point de vue s y n t a x i q u e ^ (7a) (7b)

3

Je vois la maison. O i g o al p c r r o .

N o t o n s q u e mirar/regarder sc construit aussi a v e c d e s c o m p l e m e n t s p r e p o s i t i o n nels: (ia) M i r a hacia al'ucra. (ib) II r e g a r d e p a r la fenetre. P o u r une description plus d e t a i l l e c des p r i n c i p a l e s p r o p r i e t e s s c m a n t i q u e s ct synt a x i q u e s de ces c o m p l e m e n t s , voir entre autres B a r r o n (1999), B e r m a n (1996, 1998), B l u m e n t h a l (2002a), D i k / H c n g c v c l d (1991), D i r v c n (1989), G i r a r d (1998), H o r i e (t993)· M i l l e r / L o w r e y (2003), M ö n n i c h (1992, 1999), R o d r i g u e z E s p i n e i r a (2000), Schiile (1996, 2000) et V a n der M e e r (1994).

4

(8a) (8b) (9a) (9b) (10a) (10b) (na) (11b)

Vco a Juan que comc una manzana. J'entends Jean qui chante une chanson. Vco a Juan cru/.ando la callc. 'Je vois Jean travaillant. 4 Vco que ticnes razon. J'entends que Marie a ecrit un livre Vco llcgar un cochc. J'entends Jean parier.

L a these selon laquelle I n t e r p r e t a t i o n des V d P depend du type de complement qui suit est un lieu commun dans la litterature. E n espagnol et en frangais tout comme dans d'autres langues d'ailleurs - certains complements traduisent prototypiquement des actes de perception directe ou des processus de perception indirecte. L e s constructions avec un complement nominal ou infinitival, le gerondif et la relative traduisent une relation de perception directe entre le percepteur et le stimulus; la structure VdP + completive represente generale ment un acte de perception indirecte. Pour des raisons qui seront explicitees au cours de cette etude, nous nous orienterons essentiellement vers la complementation denotant la perception directe d'un evenement, ou la structure infinitive SNj percepteur

VdP 4- SN2 participant permit '^fi^^tf evenement perqu·

L a classe verbale des V d P a suscite deux controverses ä l'egard de ses caracteristiques semantiques: s'agit-il de verbes transitifs qui denotent un transfert d'energie? Quel est leur aspect lexical: statique ou dynamique? L o r s q u e l'on essaye de se frayer une voie ä travel's les nombreuses publications touchant ces points de discussion, deux tendances principales sautent aux yeux: 1. les chercheurs se concentrent essentiellement sur l'opposition entre les VHP pt Ιρς vVHP v u 1 u 1 volonlairc involonlairc 2. les V d P v j s u e u e se profilent comme les prototypes de la classe semantique de la perception et servent de modele ä la description des autres VdP. L'objectif principal de notre contribution est d'explorer plus ä fond la portee des approches existantes. C e qui nous semble meriter une attention particuliere et qui, ä notre connaissance, n'a jamais ete examine de maniere approfondie, e'est Texistence de rapports privilegies entre les diverses modalites de perception et le comportement syntaxique des V d P correspondants. D a n s l'analyse qui va suivre, les V d P ne sont plus simplement etudies du point de v u e de la dichotomie horizontale volontaire vs. involontaire, mais aussi ä partir de la dimension verticale visu el vs. auditif {cf. figure 1 . 1 ) . L h y p o t h e s e d'une correlation entre la perception et la langue est la cle de voüte de notre reflexion: la fagon dont Thomme pergoit l'univers influence sa fa£on de referer ä cet univers. Pareillement, l a p p r o c h e cognitive, qui part de l'hypothese selon laquelle les structures langagieres font transparaitre la struc-

4

En frangais, la construction VdP + gerondif appartient ä un langage plus archa'fsant. 5

turation d'autres d o m a i n e s cognitifs, situe la relation langue/perception au centre de sa theorie. Aussi, le lecteur notera-t-il que les premiers postulate de cette etude s'inscrivent dans le cadre theorique de la G r a m m a i r e Cognitive.

1.2. Cadre theorique: l'approche cognitive i . 2 . i . Principes de base de la G r a m m a i r e Cognitive 5 L a G r a m m a i r e Cognitive surgit dans les annees '80 c o m m e reaction contre le paradigme generatif dominant. E n tant qu'alternative ä la conception auton o m e de la l a n g u e , 6 elle part du principe d ' u n e g r a m m a i r e integree qui se fonde sur les processus experientiels et cognitifs. L e s principes fondamentaux de cette theorie se resument en trois concepts: symbolisation, integration et observation. S e l o n un des premiers postulate, la syntaxe, la semantique, le lexique et la morphologie d'une langue constituent un continuum de structures symboliques: « C o g n i t i v e g r a m m a r , by contrast, claims that lcxicon, m o r p h o l o g y , and syntax form a c o n t i n u u m of symbolic units serving to structure c o n c e p t u a l content for expressive p u r p o s e s » ( L a n g a c k c r 1987, 35).

L a G r a m m a i r e Cognitive observe des rapports entre la structure syntaxique et semantique d'une part, et entre la structure semantique et pragmatique de l'autre. Premierement, les limites de l'organisation syntaxique d'une langue sont imposees par la composante semantique. Autrement dit, les categories syntaxiques sont motivees semantiquement et les constructions grammaticales ont une signification. Pour donner un exemple concret, les restrictions de selection entre une classe verbale particuliere et une structure syntaxique determinee, sont etudiees sous l'angle de l ' m f o r m a t i o n semantique que le verbe vehicule par rapport ä ses arguments. D e u x i e m e m e n t , c o m m e aucune expression linguistique n'est independante de son contexte discursif, la composante semantique

5

L e but de la p r e s e n t e s e c t i o n n'est a u c u n e m e n t de d o n n e r u n s u r v o l c o m p l e t des f o n d c m c n t s dc la G r a m m a i r e C o g n i t i v e , mais s c u l c m c n t dc justificr notrc c h o i x dc travailler essentiellement ä l'interieur de ce c a d r e t h e o r i q u e . A u s s i nous limiteronsnous ä synthctiscr les trois p r i n c i p a u x postulate en function dc notrc objet d ' c t u d c . D e plus, notre choix de situer la presente contribution d a n s le c a d r e cognitif ne doit p a s cxclurc a priori les e t u d e s r c a l i s c c s d a n s d'autres c a d r e s t h c o r i q u c s , v u qu'cllcs apportent souvent des d o n n e e s importantes. It s'ensuit que notre m e t h o d e de travail nc sc vcut non s c u l c m c n t c o g n i t i v e mais d a n s unc c c r t a i n c m c s u r c aussi «cclcctique».

6

L a c o n c c p t i o n a u t o n o m e s c p a r c la s y n t a x e d c la c o m p o s a n t c s e m a n t i q u e dc la l a n g u e . L a s y n t a x e est d e f i n i e c o m m e le d o m a i n e d u r e g u l i e r , la s e m a n t i q u e est d c l i n i c c o m m e la c o m p o s a n t c linguistiquc dc l'irrcgulicr.

6

est liee ä la composante pragmatique. Voilä pourquoi la Grammaire Cognitive est egalement une theorie linguistique basee sur l'observation de la langue. L e deuxieme principe - qui decoule d'ailleurs logiquement de Fhypothese de l'iconicite de la syntaxe - pose que la langue fait partie integrante de la cognition humaine. II en resulte que la configuration linguistique ne peut etre comprise que dans le contexte plus large du fonctionnement cognitif humain. Concretement, les structures grammaticales refletent l'organisation d'autres domaines cognitifs tels que la memoire, le systeme moteur et en particulier, la perception. Des lors, Fetude de la langue nest autre chose qu'une hypothese concernant sa representation cognitive dans Fesprit humain. Jackendoff (1983, 16) introduit ä ce propos la contrainte cognitive: «There must be levels of mental representation at which information conveyed by language is compatible with information from other pcriphcrical systems such as vision, nonverbal audition, smell, kinaesthesia, and so forth». 7

L e schema propose ci-dessous reproduit l'interaction des differentes charnieres lors de Finterpretation et lors de la generation des actes linguistiques. L e s composantes syntaxique, phonetique et morphologique de la langue sont liees ä l'organisation conceptuelle par le biais de la composante semantique. L a structure cognitive meme est conditionnee par les facultes humaines extralinguistiques:

-perception -systeme moteur -memoire -systeme cmotib

structure yconceptuelle)

'composante semantique ,

structure syntaxique (morphologic)

Figure 1.2 L a relation

langue/cognition

L'interdependance de la langue et de la cognition ne doit pas rendre la description linguistique vague et imprecise. 8 E n effet, la Grammaire Cognitive est un

7

8

Plus tard, Jackendoff (1994, 186) niera Fhypothese d'une relation entre la langue et la cognition: «So differences in grammar do not reflect differences in the character of thought; the f o r m of thought must be distinct f r o m the linguistic garb in which it is clothed». Un des premiers objcctifs dc notrc etude est dc demontrer qu'cffcctivement, la relation langue/cognition existe. E n contrastc avee cc que suggcrc par cxcmplc Willems (1997, 23): «[...] D e r eigentlichen A u f g a b e des Wissenschaftlers - und so auch des Sprachwissenschaftlers, versteht er sich nun als Hcrmcncutikcr, L o g i k e r oder Biologe nähmlich dort Unterscheidungen zu treffen und zu sein, wo die Realität auf die nichtwissenschaftlichc Einstellung einen undifferenzierten, verschachtelten Eindruck macht, weil alles mit allem zusammenzuhängen scheint, dieser A u f g a b e kann nicht dadurch eine neue Richtung verliehen werden, daB man den Wissenschaftler sozusagen dazu

7

m o d e l e b a s e sur Tobservation d u langage ( B a r l o w / K e m m e r 2002) et p r e c o n i s e l'approche inductive (bottom-up

approach).

D ' o ü l ' i m p o r t a n c e d'un va-et-vient

e n t r e la t h e o r i e et les d o n n e e s e m p i r i q u e s . L a c o m b i n a i s o n d e la m e t h o d e i n t r o s p e c t i v e et de la m e t h o d e e m p i r i q u e p e r m e t au linguiste d'arriver ä u n e d e s c r i p t i o n c o h e r e n t e et precise de la structure de la l a n g u e .

1.2.2. L ' a p p r o c h e c o g n i t i v e et les V d P C o m m e n t les trois p o s t u l a t e c o m m e n t e s c i - d e s s u s s'integrent-ils d a n s n o t r e a n a l y s e d e s V d P ? P r e m i e r e m e n t , le p r i n c i p e de la n a t u r e s y m b o l i q u e de la syntaxe selon lequel la structure syntaxique n'est pas arbitraire mais represente de f a g o n i c o n i q u e la c o m p o s a n t e s e m a n t i q u e de la l a n g u e , n o u r r i t n o t r e t h e s e qui dit que les d i f f e r e n c e s s y n t a x i q u e s entre les V d P v i s L l e l l c et les V d P a L l d i l i v c font t r a n s p a r a i t r e les d i f f e r e n c e s s e m a n t i q u e s entre ces d e u x classes v e r b a l e s . D e u x i e m e m e n t , le p r i n c i p e d i n t e g r a t i o n selon l e q u e l les structures l a n g a g i e res refletent l'organisation d u systeme c o n c e p t u e l h u m a i n soutient notre these que les d i f f e r e n c e s s e m a n t i q u e s entre les V d P v i s u e u e et les VdP a u c ]j t j v e sont, ä leur tour, c o n d i t i o n n e e s p a r les p r o p r i e t e s c o n c e p t u e l l e s des m o d a l i t e s de perception. A u t r e m e n t dit, les caracteristiques s e m a n t i c o - c o n c e p t u e l l e s 9 des V d P d e t e r m i n e n t leur c o m p o r t e m e n t s y n t a x i q u e :

PERCEPTION J

;

pcrccption de Γunivers determine la i'agon de rei'erer ä eel univers Γ L A N G U E

proprietes conceptuelles modalites de pcrccption

proprietes semantiques VdP

F i g u r e 1.3 L a r e l a t i o n

proprietes syntaxiques VdP

perception/langue

F i n a l e m e n t , la v e r i f i c a t i o n de c e s p o s t u l a t s t h e o r i q u e s se f e r a ä p a r t i r d ' o b servations e m p i r i q u e s . L e c o r p u s - i n v o q u e surtout dans le d e u x i e m e volet de c e t t e a n a l y s e - est c o n s t i t u e d ' e x e m p l e s dont la p r o v e n a n c e est s p e e i f i e e dans le t a b l e a u suivant: 1 0

9

Iu

a u f f o r d e r t , k e i n W i s s e n s c h a f t l e r i m v o l l e n B c w u B t s c i n d e r M c t a s p r a c h l i c h k e i t sein e r T ä t i g k e i t z u s e i n u n d s t a t t d e s s e n e i n e o b e r f l ä c h l i c h e [...] A b b i l d t h e o r i e z u e n t w i c k e l n . [...] D i e s e k r i t i s c h e B e o b a c h t u n g [...] i m p l i z i e r t , d a B die k o g n i t i v e L i n guistik angesichts bestimmter linguistischer Fragestellungen offenbar G e f a h r läuft, daB ihre G r u n d t h e s e eine aporctischc Gestalt aufweist». D a n s c e t t e e t u d e le t e r m e semantico-conceptue! o u semantico-cognitif d e s i g n e r a les p r o p r i e t e s c x t r a l i n g u i s t i q u c s d e s m o d a l i t e s de p c r c c p t i o n ainsi q u e les p r o p r i e t e s semantiques des V d P qui en decoulent. L ' a n a l y s c c f f c c t u c c d a n s la p r e m i e r e p a r t i c sc b a s c r a c s s c n t i c l l c m c n t sur d e s e x e m -

8

corpus cspagnol litterature

Ficciones (Borges, J. L). El Hereje (Delibes,

Las ataduras Gaite, C).

M.).

(Martin

Los misterios de Madrid (Munoz Molina, Α.). El jinete polaco (Μιιηοζ Molina, corpus journalistique

corpus varic

corpus frangais

F

Cosmetique de Vennemi (Nothomb, Α.).

EN

EH

Les champs d'honneur (Rouaud, J.).

CH

LA

Rouge Bresil J-Cli.).

RBR

MM

L'acacia (Simon,

(Rufin,

AC

CI.).

JP Α.).

El Pais (1999)·

EP

Le Monde (1994), (1997-1998).

LM

El Mundo

(2002).

EM

G FOSSA

Diario Sur (2002).

DS

La Nacion 2003).

FN

GlossaNet Le progres Liberation, Heure, La Belgique,...

(1997-

CREA Corpus de referenda del espanol actual (Real Accidentia Espanola). Corpus del (Davies).

espanol

CDE

Base de datos sintcicticos del espanol actual.

BDS

Spanish

SOI.

OnLine.

(2003-2004): de Lyon, La Derniere Libre

ABU

Association des Bibliophiles Universels (La Bibliotheque Universelle).

Tableau ι.τ Composition du corpus

D e ces b a s e s de d o n n e e s , les phrases avec un c o m p l e m e n t infinitif s u b o r d o n n e a u x q u a t r e p a i r e s d e V d P ver/voir, ecouter

oir/entendre,

mirar/regarder

et

escuchar/

ont ete distillees, ce qui revient ä u n e n s e m b l e de 3925 e x e m p l e s espa-

g n o l s et 2995 e x e m p l e s f r a n g a i s o u e n v i r o n 7000 c a s au t o t a l . 1 1 V u la c o m p l e x i t e

11

pics qui nc proviennent pas d'unc base dc d o n n c c s cmpiriquc, mais qui nous sont fournis par la litterature concernant les VdP, et sur des exemples que nous avons construits nous-mcmcs. C o m m c nous s o m m c s bicn conscicntc dc la nature dclicatc d'une telle methode de travail, nous recourrons uniquement ä des exemples - choisis judicicuscmcnt - dont la grammaticalitc nc pose pas dc problcmcs. Pour des renseignements supplementaires, voir la bibliographic. L a constitution du corpus sera prccisec davantagc au cours dc l'ctudc. L a diffcrcncc cn nombrc d'exem-

9

des faits linguistiques, l'analyse e m p i r i q u e d o n n e r a lieu n o n ä des u n i v e r s a u x absolus, m a i s ä c e r t a i n e s t e n d a n c e s statistiques. L ' o n v e r r a e n e f f e t que b e a u c o u p de p h e n o m e n e s linguistiques sont graduels et que les categories langagieres ne sont pas discretes, mais o r g a n i s e e s autour d ' i n s t a n c e s p r o t o t y p i q u e s . L e s V d P e s p a g n o l s c o n s t i t u e n t le p o i n t de d e p a r t de notre a n a l y s e , m a i s les resultats seront - dans la m e s u r e du p o s s i b l e - c o m p a r e s avec le f r a n g a i s . 1 2 E n e f f e t , la m e t h o d e c o m p a r a t i v e nous p e r m e t t r a de verifier si la c o r r e s p o n d a n c e entre les p r o p r i e t e s des m o d a l i t e s de p e r c e p t i o n et le c o m p o r t e m e n t linguistique des V d P n e s t pas d u e a u x traits s p e c i f i q u e s d ' u n e l a n g u e mais se m a n i f e s t e aussi ailleurs, et suggere ainsi des e x t r a p o l a t i o n s . 1 3

1.3.

Organisation de l e t u d e

A v a n t de p r o c e d e r ä une description plus detaillee de la structure de l'ouvrage, nous tenons ä signaler que l'organisation des d o n n e e s etait l'une des täches les plus delicates. N o u s nous s o m m e s e f f o r c e e de p r o p o s e r les informations approp r i e e s ä Tendroit a p p r o p r i e , mais le l e c t e u r t i e n d r a c o m p t e d u « c o n t i n u u m » ä t r a v e l s le texte. E n e f f e t , plusieurs t h e m e s sont e t r o i t e m e n t lies: la transitivite des V d P et leur a s p e c t lexical, la transitivite et la p o s i t i o n s y n t a x i q u e des constituants, la transitivite et le m a r q u a g e casuel des Constituante,... L a notion de d y n a m i c i t e p a r e x e m p l e sera d e f i n i e dans le chapitre sur la transitivite des V d P (chapitre 3), mais j o u e r a un röle f o n d a m e n t a l dans la discussion a u t o u r de la structure s y n t a x i q u e du c o m p l e m e n t infinitif (chapitre 7 - 9 ) . N o t r e etude c o m p r e n d d e u x parties. L a p r e m i e r e (chapitre 2 - 4 ) presentera de f a g o n critique le c h a m p s e m a n t i q u e des V d P . II sera d e m o n t r e q u ' u n e prise en c o n s i d e r a t i o n des dissimilitudes c o n c e p t u e l l e s entre les m o d a l i t e s de perc e p t i o n p e r m e t de voir c e r t a i n s points c h a u d s relatifs ä la s e m a n t i q u e des V d P sous un n o u v e l angle. C e t t e p a r t i e se veut u n e a p p r o c h e plutöt t h e o r i q u e des proprietes des V d P ainsi que des notions telles que la transitivite, l'agentivite, la dynamicite et l'aspect lexical. B i e n que la majorite des exemples proviennent de l'espagnol et du frangais, nous s o m m e s d'avis que la theorie d e v e l o p p e e ici s'app l i q u e aussi a u x V d P dans d'autres l a n g u e s . C ' e s t aussi la r a i s o n p o u r l a q u e l l e

12

13

pies entre l'espagnol, notre principal objet d'etude, et le frangais est purement accidcntcllc. L'cxistcncc dc bases dc donnccs clcctroniqucs ctcnducs pour l'espagnol - comme C'REA et CDE - nous a permis de trouver un nombre plus eleve d'exemples. Par contre, les bases de donnccs l'rangaiscs - commc ABU-conticnncnt souvent des textes plus anciens, done non representatifs pour la langue moderne. Lc frangais nc pourra pas ctrc invoquc ä tous les instants et sera relegue au second plan dans le chap. 8 qui traite du marquage casuel du participant subordonne et dans lc chap. 9 qui examine l'accord verbal dans lc passif pronominal. L'etude comparative mettra ä jour non seulement des differences mais aussi des correspondences cntrc l'espagnol ct lc trangais, deux langues d'aillcurs apparcntccs. Ccs ressemblances recevront une attention particuliere puisqu'elles pourraient indiquer l'cxistcncc dc schcmas cognitil's plus gcncraux. 10

les verbes espagnols et frangais seront essentiellement etudies ensemble. Dans la deuxieme partie (chapitre 5 - 9 ) , essentiellement empirique, nous partirons ä la recherche de phenomenes syntaxiques qui temoignent de Tinfluence des qualites semantico-conceptuelles de la perception visuelle et auditive sur le comportement grammatical des V d P espagnols, en comparaison avec les V d P frangais. L'etude des caracteristiques syntaxiques de la construction infinitive revelera que la structure interne du complement subordonne est dans une large mesure conditionnee par le type de V d P principal. Lobjectif du chapitre 2 est de reconstruire la definition de la perception telle quelle nous guidera tout au long de notre analyse. Apres avoir insiste sur la contribution de la litterature interdisciplinaire ä cette definition, nous passerons ä l'examen de trois dichotomies qui traversent le champ semantique de la perception, ä savoir perception directe vs. indirecte, perception volontaire vs. involontaire et perception visuelle vs. auditive. Nous montrerons que ces notions «primitives» meritent des definitions plus rigoureuses. L e chapitre 3 offrira une premiere illustration de l'influence hypothetique de la composante conceptuelle sur la semantique des VdP. L a caracterisation des processus de perception visuelle et auditive, volontaire et involontaire - etablie dans le deuxieme chapitre - aidera ä mesurer le degre de transitivite des VdP. Apres avoir parcouru les traits des deux composantes qui constituent l'evenement transitif prototypique, ä savoir le proto-agent et le proto-patient, nous rangerons les verbes verlvoir, oir/entendre, mirar/regarder et escuchar/ecouter sur Pechelle de la transitivite. L e chapitre 4 proposera une nouvelle analyse pour un deuxieme point de discussion, ä savoir l'aspect lexical des VdP. L e s tests syntaxiques avances dans la litterature afin de pouvoir distinguer les quatre categories vendleriennes ne suffiront pas pour determiner Taspect des VdP. II sera argumente que les V d P ne s'inserent pas dans une seule categorie aspectuelle mais que leur classification depend du contexte d'emploi et de la modalite de perception. L e chapitre 5 touche au noyau de la partie empirique: la structure interne du complement infinitif. Dans un premier temps nous passerons en revue les principales proprietes semantiques et syntaxiques de la construction infinitive. Dans le chapitre 6 nous discuterons les differentes solutions proposees, ä savoir l'analyse propositionnelle, l'analyse non propositionnelle et rincorporation. II sera argumente que ces trois analyses ne s'excluent pas mais sont complementaires. L'ensemble des constructions infinitives ne constitue pas un bloc homogene, mais leur structure interne depend de la modalite du V d P principal et des proprietes semantiques du complement infinitif meme. A f i n de demontrer cette these, nous effectuerons une analyse experimentale - surtout en espagnol mais egalement en f r a ^ a i s - de trois phenomenes syntaxiques: la position syntaxique du participant subordonne SN 2 (chapitre 7), son marquage casuel (chapitre 8) et l'accord verbal entre le V d P et les constituants subordonnes dans la construction infinitive pronominale (chapitre 9).

11

2.

L e champ semantique de la perception: panorama et caracteristiques generales

«By their very nature, different senses impose different requirements on perception» (Kirsner/Thompson 1976, 233).

L a perception est un processus cognitif fondamental dans la vie des etres animes et plus particulierement des humains. Aussi la thematique de la perception a-t-elle suscite une abondante litterature interdisciplinaire. Notre etude porte en premier lieu sur la traduction langagiere de la perception mais, afin de reconstruire sa definition plus generale, nous decrirons brievement quelques theories psychologiques et philosophiques. D e plus, nous montrerons que, comme la langue sert en premier lieu ä communiquer de l'information relative aux entites pet^ues dans le monde exterieur, la langue et la perception sont deux facultes cognitives profondement imbriquees (2.1). D a n s les sections subsequentes, nous analyserons plus en detail les oppositions qui marquent le champ semantique des VdP, e'est-a-dire la dichotomie perception directe vs. indirecte (2.2), la distinction perception volontaire vs. involontaire (2.3) et les cinq modalites de perception (2.4). Trop souvent, ces classifications sont presentees dans la litterature comme primitives et sont done donnees comme telles. II sera argumente que ces notions necessitent des definitions plus nuancees qui, ä leur tour, permettront d'expliquer un certain nombre de questions non elucidees.

2.1.

D e la p s y c h o l o g i e ä la l i n g u i s t i q u e , de la p e r c e p t i o n ä la l a n g u e

Comme le pose Wierzbicka (1980, 106), la perception est un processus cognitif particulier par lequel des entites animees, generalement humaines, ressentent des stimuli externes, qui leur fournissent des renseignements sur le monde exterieur: «[...] one must mention an initial stimulus coming f r o m the external world and causing some part of the body to send a message to the owner of that body, thereby causing him to have some information about the part of the world which acted as the initial stimulus».

Un premier survol de la bibliographie nous apprend qu'autant la psychologie que la philosophie et la linguistique ont tente de repondre ä la question centrale: qu'est-ce que la perception?

13

P r e m i e r e m e n t , en dehors de la m e m o i r e , de l i m a g i n a t i o n , du r a i s o n n e m e n t et des e m o t i o n s , la p e r c e p t i o n est T u n des p r o c e s s u s m e n t a u x e t u d i e s p a r la P s y c h o l o g i e c o g n i t i v e . 1 C e t t e d i s c i p l i n e e x a m i n e la r e l a t i o n e n t r e Vinput

de

stimuli c o m p l e x e s et Voutput de ces stimuli sous la f o r m e d'un systeme c o n c e p tuel stable:

stimulus

systeme conceptuel du percepteur Figure 2.τ L'acte dc perception

A u t r e m e n t dit, la p s y c h o l o g i e cognitive etudie la f a g o n dont le c e r v e a u h u m a i n t r a n s f o r m e les i m a g e s sensorielles d e s o r d o n n e e s en u n e p e r c e p t i o n c o n s c i e n t e d u m o n d e . A i n s i il y a u n n o u v e l e l e m e n t qui s'ajoute ä la definition de b a s e - p r o p o s e e au debut de ce p a r a g r a p h e - ä savoir, l ' i m p o r t a n c e de l'interpretation des d o n n e e s percues. L o r s de I n t e r p r e t a t i o n des stimuli enregistres p a r l e s sens, d e s c o n n a i s s a n c e s et d e s e x p e r i e n c e s p r e a l a b l e s i n t e r v i e n n e n t . L a p e r c e p t i o n se definit plus r i g o u r e u s e m e n t c o m m e l'interaction de la r e c e p t i o n de d o n n e e s , de p r i n c i p e s i n n e s et de c o n n a i s s a n c e s p r e a l a b l e s . II en resulte que l'acte de p e r c e p t i o n ne consiste pas en une simple r e p r o d u c t i o n des stimuli e x t e r n e s , m a i s qu'il i m p l i q u e un p r o c e s s u s actif d ' o r g a n i s a t i o n des d o n n e e s : «The quality of our perceptual experience depends only in part on the stimuli that impinge on o u r sense organs and the signals directly i n d u c e d by these stimuli. E q u a l l y important is the structure imposed on these peripheral events at more central levels of processing in accordance with current expectations and the available inventory of perceptual and interpretive routines. Perception is not a passive phenomenon, but an active process that is reasonably regarded as a kind of problemsolving activity» ( L a n g a c k e r 1987, TOT).

D e u x i e m e m e n t , d e p u i s A r i s t o t e j u s q u ' ä n o s j o u r s , des q u e s t i o n s c o n c e r n a n t l'origine de la p e r c e p t i o n ( O i l et c o m m e n t les p r o c e s s u s de p e r c e p t i o n se p r o duisent-ils?), l'objet de notre p e r c e p t i o n ( Q u ' e s t - c e que j e p e r g o i s ? ) et les prop r i e t e s i n h e r e n t e s de n o t r e p e r c e p t i o n ( E s t - c e que m a p e r c e p t i o n est

fiable?

D a n s q u e l l e m e s u r e m e s p e r c e p t i o n s sont-elles p e r s o n n e l l e s ? L e s caracteristiques de m a p e r c e p t i o n sont-elles u n i v e r s e l l e s ? ) ont p r e o c c u p e les p h i l o s o p h e s . 2 V e n d l e r (1967, 120) p a r e x e m p l e insere la p e r c e p t i o n dans la classe des « s p e c i m e n s p h i l o s o p h i q u e m e n t r e n o m m e s » et r e s u m e 1 e n i g m e de la p e r c e p tion en:

1

2

Pour une etude de la perception du point de vue de la psychologie cognitive, voir par exemple B o u r n e (1979), Castanedi (1977), Goldstein (1996), M a r c e l (1983), Matlin (1983, T988), Savage (1978), V a n G e e r t (1983) et Monsell/Driver (2000). Pour line approche plus philosophiquc de la perception voir entre autres A l v a (2002), A u s t i n (1962), Classen (1993), D e H a a n (1998), Johansen (1998), L a n d e s m a n (1993), Merleau-Ponty (1945), Plomer (1991), Scan (s.d.) ct Yolton (1984).

14

«What happens when we pcrccivc, and what is it that makes it happen?»

Notre etude ne concerne pas ces questions philosophiques, bien qu'elles jouent sans aueun doute un röle important dans l'approche linguistique de la perception: «Yet the problems related to perception that philosophers have been addressing themselves to are to a large extent linguistic: they are, or can be, f o r m u l a t e d as questions about meaning» (Wierzbicka 1980, 99).

E n effet, la traduction langagiere de nos perceptions (Comment pouvons-nous decrire nos perceptions?) est ä la fois un objet d'etude philosophique et linguistique. L a correlation entre la perception et la langue est le point de depart de bon nombre d'etudes linguistiques. E n postulant que: «The impression that perception and language are closely related may stem from a feeling that people use language primarily to talk about the world they perceive».

Miller/Johnson-Laird (1976, 1 1 9 ) justifient le titre de leur ouvrage celebre Language and Perception. L e lien etroit entre la perception et la langue derive effectivement du principe que la langue sert en premier lieu ä communiquer des donnees sur le monde que l'on pergoit. Dans le meme ordre d'idees, Franckel/ L e b a u d (1990) se demandent si la phenomenologie de la perception d'une culture donnee est a f f e c t e e par le fonctionnement des V d P dans la langue correspondante ou si par contre, l'analyse linguistique est surdeterminee par la culture philosophique de la perception. Plus recemment, D u p a s (1997) a examine le lien entre les actes perceptifs et les actes de langage en s'appuyant sur Thypothese que Textraordinaire souplesse semantico-syntaxique des V d P est une illustration parfaite des rapports qui existent entre l'experience et le langage. Finalement, comme nous l'avons dejä annonce dans le chapitre introductif, la Grammaire Cognitive situe la relation langue/perception, et en particulier la relation langue/perception visuelle, au centre de sa theorie. 3 L e lien perception/langue justifie en meme temps notre etude qui porte essentiellement sur l'interdependance du fonctionnement semantico-syntaxique des V d P et des proprietes conceptuelles des modalites de perception visuelle et auditive. A i n s i nous esperons fournir une reponse ä la question de Jackendoff (1983, 3):

3

D'apres Cifuentes Honrubia (s.d.), la langue et la perception visuelle partagent trois caracteristiques principales, ä savoir la coherence dans l'inventaire conceptuel, la coherence ä l'interieur de la scene pergue ct la coherence ä travel s le temps. Primo, la perception d'une entite est effectuee par l'association avec d'autres objets du paradigmc. Ccttc association se realise de la meme fagon que la classification conccptuelle d'une structure linguistique. Secundo, la structure ordonnee que la perception visuelle impose ä une scene obscrvee chaotiqucment est semblablc ä la coherence structurelle qu'impose la langue. Tertio, la coherence temporelle de la perception visuelle resscmble ä la structuration mcthodique du discours linguistique. 15

«What docs the grammatical structure of natural language reveal about the nature of perception and cognition?»

II sera demontre que les caracteristiques extralinguistiques des modalites de perception influencent le comportement grammatical des V d P et que, d'une fa5on plus generale, langue et perception sont deux notions profondement imbriquees.

2.2.

P e r c e p t i o n d i r e c t e et p e r c e p t i o n i n d i r e c t e

L a premiere opposition semantique qui marque le champ de la perception est celle qui separe la perception directe de la perception indirecte. L o r s d'un processus de perception directe, les stimuli externes fournissent au percepteur immediatement des informations sur le monde exterieur. E n revanche, lors d'un acte de perception indirecte, le percepteur obtient ces donnees par un raisonnement deductif et par des calculs ä partir de ce qu'il pergoit. Cette distinction entre la perception directe et la perception indirecte remonte ä la philosophie phenomenologique et plus particulierement ä Husserl (1913) qui a introduit l'opposition entre la perception directe de proprietes perceptuelles et la perception indirecte de proprietes abstraites. L e s deux notions apparaissent dans presque chaque etude linguistique traitant des VdP, mais souvent elles se confondent avec d'autres termes. Schiile (1999) par exemple utilise les couples physique vs. cognitif, concret vs. abstrait et epistemiquement neutre vs. episteinique pour renvoyer ä la perception directe et indirecte. Cependant, ces concepts ne sont pas des synonymes parfaits de direct et indirect. L e but de la presente section est de definir plus explicitement cette serie de notions. Willems (1983, 155) note dejä que la bifurcation direct νs. indirect ne recouvre pas entierement l'opposition physique vs. cognitif. L a perception cognitive equivaut ä un acte de connaissance en ce sens que voir que quelqu'un α raison revient ä savoir que cette personne α raison. Par consequent, la perception cognitive est toujours indirecte puisqu'elle implique une deduction (1). L a perception physique par contre, concerne le monde concret et materiel. L e s exemples montrent toutefois quelle peut etre directe (2) ou indirecte (3): (1) (2) (3)

Je vois que tu as raison. J e tc vois partir. Je vois (ä tes yeux) que tu es malade.

Hierarchiquement, la dichotomie physique vs. cognitif eat subordonnee ä la dichotomie direct vs. indirect. A premiere vue, la perception directe est toujours perception physique (2), 4 la perception indirecte peut etre physique (3) ou cognitive (1):

4

Nous verrons dans la suite de cette section que cette affirmation necessite quelques precisions.

16

perception dircetc physique

perception indircete (3) physique

(i)

cognitif

Figure 2.2 Physique vs. cognitif Nous n'utiliserons done pas les termes perception physique et perception cognitive en tant que synonymes de perception directe et perception indirecte. Neanmoins, ils nous permettront de sous-specifier le type de perception indirecte: perception indirecte physique ou perception indirecte cognitive. Barwise/Perry (1983) introduisent les notions epistemiquement neutre (epistemically neutral) vs. epistemiquement chargee (epistemically loaded) pour renvoyer aux deux types de perception. L a perception epistemiquement neutre ne depend pas de 1 etat cognitif ni des croyances du sujet percepteur tandis que la perception epistemiquement chargee implique des processus cognitifs d'inference. D a n s Tanecdote suivante citee par B a r w i s e / P e r r y (1983, 1 7 9 ) le premier acte de perception commente est epistemiquement neutre, le deuxieme est epistemiquement charge: «If you, as spccial prosecutor, had to convinec the jury that Nixon saw Rosemary Woods erase the crucial part of the Watergate tape, you would have a pretty good idea of the sort of cvidcncc you would need. You would need to prove that Rosemary Woods did indeed erase the crucial part of the tape and that Nixon saw it. For example, a Olm of Nixon watching Miss Woods erase that part of the tape would be pretty good evidence. But what if you had to prove that Nixon saw that Rosemary Woods erased the crucial part of the Watergate tapes? Your old cvidcncc will no longer suffice, since Nixon could claim that he didn't know it was the Watergate tape, or that he didn't know that she was erasing it, or that he knew she was erasing a part but didn't know it was the crucial part. To prove the first (and weaker) claim, one has to show that Nixon had his eyes open and functioning, and that an event of a certain sort was taking place before him. To prove the stronger claim, one needs to prove something about what he rccognizcd and what thoughts were going through his mind». B a y e r (1986, 44) insiste sur la difficulte de delimiter les deux notions: «It is surprising how long it took philosophers to realize the difference between cpistcmically neutral and epistemically loaded perception». et les definit autrement comme perception et perception d'un fait (fact-perception):

d'un evenement

(event-perception)

«The shift from event-perception to fact-perception becomes dramatically clear in cpistcmically neutral and cpistcmically loaded perception reports: the mother heard her baby cry (but she didn't realize that it was HER baby) vs. the mother heard that her baby cried (''but she didn't realize that it was HER baby)» (Bayer T986, 10). C o m m e ces termes recouvrent le domaine de l'opposition perception directe vs. perception indirecte, nous accepterons la notion de perception epistemiquement neutre comme synonyme de perception directe et la notion de perception epistemiquement chargee c o m m e synonyme de perception indirecte: 17

perception dircctc

t

perception epistemiquement neutre

perception indircctc

t

perception epistemiquement chargee

Figure 2.3 Epistemiquement neutre vs. epistemiquement charge

Lopposition entre la perception pritnaire et la perception secondaire constitue le troisieme couple qui pose des problemes terminologiques. D i Tullio (1998) utilise ces termes en tant qu'equivalents de direct et indirect alors que Barwise/ Perry (1983), Dik/Hengeveld (1991) et Rodriguez Espifieira (2000) les utilisent pour distinguer deux sous-types de la perception indirecte. L a perception indirecte primaire correspond ä Tacquisition de connaissances par la perception suivie d'un raisonnement deductif (4), et se separe d'un deuxieme type de perception encore plus indirecte - et done secondaire - qui consiste en l'acquisition de connaissances par la perception suivie d'un raisonnement deductif et «augmented by what one knows» (Barwise/Perry 1983, 194) (5). C'est dans ce dernier sens que nous utiliserons les termes primaire et secondaire'. (4) (5)

J e vois (ä vos yeux) que vous etes fatigue. J e vois (ä vos yeux) que vous etes rentre tard.

Dans Texemple (4) la perception physique des yeux me permet de conclure que vous etes fatigue. Dans (5) la perception physique des yeux me permet de conclure que vous etes fatigue et que vous etes done probablement rentre tard. Dans les deux cas la perception d'un indice physique me permet de tirer ces conclusions de sorte que la perception est necessairement indirecte et physique. Neanmoins, le processus d'inference est plus elabore dans (5): ä l'observation que vous etes fatigue s'ajoutent mes connaissances preliminaries que quelqu'un qui est fatigue n'a pas assez dormi parce qu'il est rentre tard, et comme je sais que vous avez l'habitude de rentrer tard,... Des lors, la perception indirecte primaire et la perception indirecte secondaire peuvent etre considerees comme des sous-classes de la perception indirecte physique: perception directe

physique

perception indirecte

physique

primaire

cognitif

secondaire

Figure 2.4 Primaire vs. secondaire

L a derniere dichotomie qui merite notre attention est celle de la perception concrete vs. perception abstraite. Trop souvent concret est confondu avec direct et abstrait avec indirect. Si nous definissons abstrait comme: 18

« [ . . . ] qui n'cxistc q u e sous f o r m e d ' i d c c »

et concret comme: « [ . . . ] qui c x p r i m c q u c l q u c c h o s c d c m a t e r i e l , d c s e n s i b l e » 5

nous sommes apte ä conclure que la dichotomie concret vs. abstrait traverse ä la fois le champ de la perception directe et celui de la perception indirecte: (6) (7) (8) (9)

J e vois J e vois J e vois crete) J c vois

a r r i v c r les cnl'ants. ( p e r c e p t i o n d i r e c t e , c o n c r e t e ) le t e m p s s ' a p p r o c h e r . ( p e r c e p t i o n d i r e c t e , a b s t r a i t e ) (ä vos y e u x ) q u e v o u s c t c s r c n t r c tard. ( p e r c e p t i o n i n d i r e c t e , conque vous avez raison, (perception indirecte, cognitive, abstraite)

Dans (6) et (8), des stimuli materiels - les enfants (6) et les yeux (8) - engendrent une perception directe (6) ou indirecte (8). Dans (7) et (9) aucun referent concret ne peut etre pergu: dans (7) le percepteur exprime son idee de voir le temps s'approcher; dans (9) il apergoit que quelqu'un d'autre a raison. Compte tenu de ces exemples, nous introduirons dans la categorie de la perception directe, ä part la perception directe physique concrete (6), un type de perception directe plus abstraite (7). L a perception indirecte concrete recouvre le domaine de la perception indirecte physique (8); le domaine de la perception indirecte abstraite correspond grosso modo ä la perception indirecte cognitive (9). 6 Notons que la differentiation entre la perception directe concrete et la perception directe abstraite se definit en termes d'un saut caracterise par la metaphore et par la metonymie. Quelqu'un peut affirmer je vois le temps s'approcher- apres avoir jete un coup d'oeil sur l'horloge qui est fixe au mur. C o m m e l'idee d'une deduction est absente, cette phrase represente un acte de perception directe. Or, le temps ne denote pas un referent reel perceptible par les sens mais une entite abstraite. L a metaphore consiste ä utiliser le V d P denotant normalement la perception d'une entite concrete dans un contexte abstrait par substitution analogique. L'on observe le meme procede de langage dans la phrase he visto la fe obrar milagros, qui pourrait par exemple etre prononcee dans le contexte ou un malade guerit suite ä l'imposition des mains d'un pretre. Neanmoins, comme aucun acte de perception n'est independant de notre systeme cognitif, il nous faut reconnaitre qu'au niveau de la perception directe abstraite, la frontiere entre la perception directe et la perception indirecte est vague et peut done etre mise en question. L a perception directe abstraite doit encore etre distinguee de la perception directe mentale. Dans les exemples ( i o - n ) , l'idee d'inference est absente, le stimulus de la perception est concret, mais il n'est pas pergu physiquement au moment de l'enonciation meme:

5 6

D e f i n i t i o n s r e n c o n t r e e s d a n s L e N o u v e a u Petit R o b e r t ( 1 9 9 3 ) . Toutcl'ois, «cognitif» 11'cst pas un s y n o n y m e p a r f a i t d'«abstrait». L a perception cognitive equivaut ä un acte de c o n n a i s s a n c e tandis que la p e r c e p t i o n abstraite c o r r e s p o n d ä la p e r c e p t i o n d ' u n s t i m u l u s i m m a t e r i a l .

19

(το) (11)

Je les entends dejä sc p l a i n d r c . Je m e vois encore entrer d a n s le bätiment, qui plus tard serait detruit par les terroristes.

L'evenement est pergu mentalement, dans les pensees: ou bien le pereepteur s'imagine un evenement posterieur (10), ou bien il se rappelle un evenement anterieur ( n ) . Holierhoek (1980) et Willems/Defrancq (2000) utilisent respectivement les notions de probabilite

et d'eventualite

p o u r designer le premier

type. V u la presence dans la phrase d'une entite reellement perceptible par les sens, la perception directe mentale se range, par rapport ä la perception directe abstraite, ä un niveau plus eleve sur Techelle qui s'etend entre les poles de la perception [± direct]:

perception directe

perception indirecte

physique

cognitil'

concret

abstrait

F i g u r e 2.5 C o n c r c t vs. abstrait

Finalement, A u s t i n (1962, 1 6 - 1 7 ) introduit un type de p e r c e p t i o n indirecte particulier, caracteristique de la perception auditive, par lequel le sujet percevant regoit des informations d'une source intermediaire: «The most natural sense of , of course, is that of being told somet h i n g by an i n t e r m e d i a r y [...]».

C e type de perception indirecte sera appele perception phrase telle que j'entends

que vous etes malade,

reception7

votre see 11 r ni'a

D a n s une telephone,

l'entite penjue est de nature linguistique et il y a une personne intermediaire (votre saeur) qui fonctionne c o m m e la source d'information. L a p e r c e p t i o n reception se presente egalement dans le champ du visuel mais y est beaucoup moins frequente: Je vois que vous etes malade, je l'ai lu dans l'attestation medecin.

du

L a haute frequence de la perception reception dans le domaine de

l'auditif s'explique par l'extension semantique prototypique perception

audi-

tive/communication^ D e s p a r a g r a p h e s precedents il ressort non seulement que les differentes notions introduites au depart ne sont pas des synonymes parfaits, mais aussi que la bipartition entre la perception directe et la perception indirecte n'est pas toujours rectiligne. L'on eprouve quelquefois des difficultes ä situer une

7 8

T e r m e de D i k / H e n g e v e l d (1991). Sur cette extension semantique, voir aussi la note 25 dc cc chapitrc.

20

construction avec un V d P par rapport ä cette dichotomie. D'apres nous, la cause principale de la confusion entre la perception directe et la perception indirecte est qu'en fait - comme il a ete demontre par les psychologues cognitivistes - tout acte de perception s'accompagne d'un processus deductif. Cette fusion des processus cognitifs et perceptifs est clairement decrite par G e e (1975, 200): 9 «[...] there is often no strict borderline where perception ends and recognition or realization based on perceptual evidence begins - the two are often mixed to various degrees and in subtle ways». Cette these s'oppose ä l'idee defendue par Schlile (1999, 5) que les processus de perception et les processus cognitifs se separent nettement: «in sum, we do not necessarily recognize or identify the objects or events we perceive. fn other words, perceiving docs not automatically involve cognitive processing». Nous adherens au point de vue de G e e (1975) et de Kirsner/Thompson (1976, 8) qui definissent le contraste entre la perception directe et la perception indirecte en termes d'un continuum: «The contrast between direct perception and deductions from something perceived, is like other linguistic contrasts a matter of degree». 1 " L e schema ci-dessous reprend notre conceptualisation finale des domaines de la perception directe et de la perception indirecte: - direct]

• direct]

perception directe

physique

concrct

mental

abstrait

perception indirecte

physique

reception

cognitif

concrct

concrct

abstrait

primairc

sccondairc

Figure 2.6 Perception directe vs. indirecte: un continuum

Pour d'autres remarques ä ce propos voir Cristca (1986, 245), D e Gccst (1970), Holierhoek (1980) et Miller/Lowrey (2003). Cc melange dc perception dircctc et dc perception indircctc aura des repercussions sur l'etude semantico-syntaxique des complements des VdP. 11 expliquera dans unc large mcsurc les dilTicultcs que nous cprouvcrons lors dc la classification dc la construction infinitive comme structure de perception directe ou indirecte, cf. infra 5.1. La Cf: unc structure dc perception dircctc? 21

D a n s la suite de c e t t e a n a l y s e les V d P seront e t u d i e s d a n s les c o n t e x t e s de p e r c e p t i o n directe. L a prise e n consideration des actes de p e r c e p t i o n indirecte nous c o n d u i r a i t vers la p r o b l e m a t i q u e de la p o l y s e m i e des V d P et nous eloig n e r a i t trop de l ' o b j e c t i f central de c e t t e e t u d e qui consiste ä d e m o n t i e r que les d i f f e r e n c e s c o n c e p t u e l l e s entre les m o d a l i t e s de p e r c e p t i o n i n f l u e n c e n t les p r o p r i e t e s s e m a n t i c o - s y n t a x i q u e s des V d P .

2.3.

P e r c e p t i o n volontaire et p e r c e p t i o n involontaire

L e s e x p e r i e n c e s de p e r c e p t i o n d i r e c t e se r e p a r t i s s e n t e n c o r e en d e u x g r o u p e s : o u bien le sujet p e r c e p t e u r s'oriente a c t i v e m e n t vers le stimulus afin d'en saisir c e r t a i n s aspects, o u bien le stimulus a p p a r a i t ä l'experient et s'impose ä sa c o n s c i e n c e . L a v a r i a t i o n entre ces d e u x m o d e s de p e r c e p t i o n a ete d e f i n i e en t e r m e s de p e r c e p t i o n agentive passive

vs. non agentive

( W i l l e m s 1983), active vs. cognitive

aperception

( G r u b e r 1967), agentive

( R o g e r s 1974) et perception

( K r e f e l d 1998). C o m m e les notions agentif,

actif, passifet

vs. vs.

cogni-

tif ont fait l'objet d ' u n e discussion c o n c e r n a n t le d e g r e d'agentivite d u p e r c e p t e u r , 1 1 n o u s r e c o u r r o n s a u x t e r m e s plus n e u t r e s de perception perception

involontaire.

les v e r b e s mirar/regarder,

volontaire

et

C i - d e s s o u s la p e r c e p t i o n v o l o n t a i r e - r e p r e s e n t e e p a r escuchar/ecouter

- est c o m p a r e e avec la p e r c e p t i o n

i n v o l o n t a i r e - e x p r i m e e p a r les v e r b e s ver/voir,

oir/entendre

- sur b a s e d e s

c a r a c t e r i s t i q u e s p r o t o t y p i q u e s du sujet p e r c e p t e u r , d u stimulus et de l'acte de perception meme. L e sujet d ' u n acte de p e r c e p t i o n v o l o n t a i r e est u n o b s e r v a t e u r qui s'oriente a c t i v e m e n t v e r s les stimuli: il p e r g o i t v o l o n t a i r e m e n t p a r ses o r e i l l e s o u p a r ses y e u x des p h e n o m e n e s visuels o u auditifs. L e sujet p e r c e p t e u r i n v o l o n t a i r e p a r contre est un e x p e r i e n t qui subit un p r o c e s s u s de p e r c e p t i o n qui survient ä l'insu de son plein g r e : les p h e n o m e n e s visuels et auditifs « s ' o f f r e n t » ä ses oreilles o u ä ses y e u x sans qu'il n e f a s s e d ' e f f o r t p o u r les p e r c e v o i r . 1 2 C e n'est qu'ä p a r t i r du m o m e n t 011 le stimulus m e r i t e l'attention d u sujet p e r c e p t e u r que la p e r c e p t i o n v o l o n t a i r e se realise. II y a done souvent u n e raison p o u r initier o u p r o l o n g e r la p e r c e p t i o n : le c a r a c t e r e attrayant o u saillant d u stimulus, son Statut p a r r a p p o r t ä d'autres s t i m u l i , . . . E n r e v a n c h e , le stimulus de la p e r c e p t i o n i n v o l o n t a i r e s ' i m p o s e ä la c o n s c i e n c e de l'experient et ne p r e s e n t e pas n e c e s s a i r e m e n t des traits s p e c i f i q u e s . A c e l a s'ajoute q u e la p e r c e p t i o n v o l o n t a i r e ne se f a i t q u e d'entites de p r e m i e r o r d r e , c'est-ä-dire d'objets c o n c r e t s qui existent dans le t e m p s et dans l'espace (12), tandis que la p e r c e p t i o n i n v o l o n t a i r e s e l e c t i o n n e e g a l e m e n t des objets plus abstraits (13):

"

CI', infra 3.3.2. L c sujet pcrccptcur: un proto-agent?

12

11 sera toutefois argumente plus loin que le percepteur involontaire n'est pas entiercmcnt passil'.

22

(T2) (13)

R c g a r d c r un h o m m c , c c o u t c r la radio,... V o i r u n h o m m e , entendre la radio, voir une evolution, entendre la peur dans la voix dc q u e l q u ' u n , . . .

F i n a l e m e n t , ä l'encontre de la p e r c e p t i o n involontaire, le sujet p e r c e p t e u r volontaire attend la survenue du stimulus et peut anticiper sa perception; la duree du stimulus doit etre suffisamment longue afin qu'il soit pergu. L a perception volontaire consiste en une activite contrölee par le sujet percevant: escuchar/ecouter

signifie 'tendre l'oreille afin de savoir s'il y a quelque

chose ä entendre et preter attention aux stimuli auditifs'; mirar/regarder se traduit par 'ouvrir et orienter les yeux afin de savoir s'il y a quelque chose ä voir et identifier les stimuli visuels'. E n revanche, la perception involontaire correspond ä un processus mental qui etablit un lien entre un experient conscient et un phenomene experimente: ver/voir et oir/entendre

correspondent respecti-

vement ä l'irruption d'un evenement visuel ou sonore dans le champ perceptif du sujet. Par consequent, le processus de perception volontaire emane du sujet percevant alors que la perception involontaire provient du stimulus. D e plus, Facte de perception volontaire est plus complexe que la perception involontaire, c o m m e l'affirment Kirsner/Thompson (1976, 226): «[...] agentive p e r c e p t i o n necessarily suggests a more c o m p l e x and potentially more t i m c - c o n s u m i n g event than s i m p l e p e r c e p t i o n a l o n e . T w o distinct p r o c e s s e s a r c involved: (i) the d i r e c t i n g of attention, (ii) the perceiving».

U n e autre difference entre les deux modes est que la perception volontaire est quasi toujours perception directe alors que la perception involontaire peut etre directe ou indirecte. 1 3 Finalement, la p e r c e p t i o n involontaire est perfective et neutre alors que la perception volontaire est imperfective et neutre quant ä la reussite. Plusieurs auteurs ( G r u b e r 1967, Holierhoek 1980, Miller 2003a, R o g e r s 1974, Shyldkrot 1989) deduisent de cette dissemblance que regarder n'implique pas voir et qu'ecouter n'implique pas entendre. A u t r e m e n t dit, le sujet percepteur peut projeter son regard ou son ecoute vers le stimulus sans qu'il y ait p e r c e p t i o n e f f e c t i v e de l'entite en question. L e p e r c e p t e u r visuel par exemple peut orienter et ouvrir les y e u x sans qu'il arrive ä voir quelque chose: «The first e x a m p l e is in f a c t that b l i n d m e n are, rather o r d i n a r i l y said to l o o k at things, but, of c o u r s c , d o not sec them, and generally k n o w n they c a n n o t see them, so c o u l d not intend to» ( R o g e r s r974, 28).

13

11 s'ensuit que mirar/regarder et escuchar/ecouter sont m o i n s productifs syntaxiquemcnt ct apparaissent d a n s un n o m b r e de constructions bien plus limitc que ver/voir et oir/entendre. E n general, les V d P ¥ 0 i 0 n t a i r e ne selectionnent pas le c o m p l e m e n t qui d e n o t e p r o t o t y p i q u e m e n t des a c t c s dc p e r c e p t i o n indirectc, ä savoir la c o m p l e t i v e . D e plus, les V d P i n v o i o n t a i r e sont susceptibles d'etendre leur c h a m p semantique plus q u e les v e r b e s c x p r i m a n t la p e r c e p t i o n volontaire.

23

L e schema suivant synthetase les differences principales entre la perception volontaire et la perception involontaire: perception involontaire percepteur [experient]

·< perfective

stimulus [neutre]

perception volontaire percepteur [obscrvatcur]

impcrrectivc

>- stimulus I sail lant |

Figure 2.7 Perception volontaire vs. perception involontaire

2.4.

L e s modalites de perception

2.4.1. Caracteristiques prototypiques des cinq modalites 1 4 A part l'opposition entre la perception volontaire et la perception involontaire, la lac on dont chaque sens nous fournit de l'information sur le monde exterieur est aussi ties differente. Chaque mode perceptif est lie ä un organe recepteur specifique qui transforme les stimuli en une experience subjective. L e s proprietes differenciatrices sont: la nature du stimulus, la distance et le contact entre le stimulus et le percepteur, la localisation et la duree de la perception, l'identiflcation et la modification du stimulus par le percepteur. L e stimulus prototypique de la perception visuelle est la lumiere. A f i n que la perception reussisse, la lumiere doit etre suffisamment forte et refleter la configuration spatiale de Tobjet percu. L a vision nous fournit de l'information concernant la forme, la dimension, Torientation, la couleur et la distance de l'objet. L e s ondes sonores sont les stimuli de la perception auditive. Comme dans le cas de la perception visuelle, les sons sont enregistres dans le n e o c o r tex, oil se situent la plupart des aptitudes intellectuelles ainsi que la faculte langagiere. Suite ä un contact entre la peau et une entite exterieure, les interruptions mecaniques produisent des impulsions nerveuses et causent un processus de perception tactile. L e s stimuli de la perception olfactive sont des molecules volatiles ou des odeurs. Linformation obtenue est projetee dans la

14

Aristote a ete le premier ä synthetiser les distinctions fondamentales entre les cinq modalites pcrccptucllcs. L e present paragraphe s'inspirc du chap. 5 - intitule «Perception, the senses and our language» - d'Ibarretxe (1999a). L a description des modalites que Ton trouvc dans ccttc etude est toutct'ois asscz differente dc la notrc en ce sens qu'elle traite plus en detail les trois modalites de perception secondaires, ä savoir le gout, le tact ct l'odorat. Notrc but est dc rcsumcr les proprictcs principales de ces trois modalites mais surtout d'approfondir les caracteristiques du visuel et dc rauditif.

24

region limbique du cerveau, aussi appelee le «cerveau de Femotion», de sorte que les odeurs re5oivent immediatement une valorisation positive ou negative. Tout comme l'odorat, le goüt est egalement une perception de nature chimique, causee par Texcitation des papilles gustatives localisees dans la langue. L e degre de proximite et de contact entre le stimulus et le percepteur oppose les sens ä distance, la vue et l'oui'e, 15 aux sens ä contact, le toucher et le goüt. E n effet, l'homme entend des bruits ä quelques kilometres, sa vue couvre des distances encore plus grandes mais, pour que les perceptions gustative et tactile se produisent, le stimulus doit etre en contact direct avec le percepteur. L'odorat se trouve entre les deux extremes: d'une part, le stimulus doit etre assez proche du percepteur, d'autre part, le contact n e s t pas requis. L e facteur [± distance] range les cinq sens selon la hierarchie suivante:

[- distance]

[+ distance]


goüt/touchcr



ved > escuchad

> oid p o u r -

rait e g a l e m e n t r e f l e t e r que le d e g r e de c o n t r o l e d u p e r c e p t e u r est plus e l e v e dans le d o m a i n e de la p e r c e p t i o n visuelle en c o m p a r a i s o n avec la p e r c e p t i o n auditive. 2 3 D e plus, la v i t e s s e avec l a q u e l l e la p e r c e p t i o n se d e r o u l e s ' e x p r i m e plus f a c i l e m e n t avec les V d P v i s u c l l e qu'avec les V d P a L l d i l i v c . L a p h r a s e (35a) est acceptable dans la situation oil le p e r c e p t e u r visite rapidement une m a i s o n afin

23

Des analyses statistiques plus poussees de l'emploi de l'imperatif avec les VdP - ce qui n'entre toutcfois pas dans lc cadre dc la prcscntc etude - devront verifier cette these. Notons encore que les VdP ä l'imperatif peuvent fonctionner comme des marqucurs discursil's. Comme l'ccrit Dostie (1998, 86), les formes regarde (i) ct ecoute (ii) servent ä demander au destinataire de porter attention ä ce que l'on va dire ou ä structurcr la conversation: (i) Qu'est-ce que tu penses? Ecoute, moi ä ta place, je ne lui en parlerai pas. (ii) Jc derange? Non, mais e'est parcc que... Regarde, si t'as envie de parier tu me le dis et je vais arreter ga lä. En cspagnol, ce sont surtout les unites lexicales mira (iii) ct oye (iv) qui rcmplissent ces fonctions pragmatiques; l'imperatif du VdP ¥0 i 0ntairt . a u jj t i v e escucha apparait plus raremcnt dans cc contextc: (iii) jCono, mira que llegas a ser burro! ( C R E A , Marse J. 2000) (iv) Oye, que es una broma, tio, que cs una broma, para, que es una broma, tio. ( C R E A , Mojate 9/10/1995) L'emploi different cn cspagnol ct cn frangais des VdP utilises comme des marqucurs discursifs est un objet d'etude interessant qui merite certainement une analyse plus profondc.

57

de Facheter ou de la louer. D a n s ce contexte le degre d'agentivite du VdP in _ volontaire augmente. L'exemple avec le V d P . l u j i t i v e (35b) nous semble b e a u c o u p moins acceptable: (35a) (35b)

V e i a r ä p i d a m e n t e una casa. r ä p i d a m e n t e un c o c h c .

?Oia

C e t t e these semble se c o n f i r m e r e g a l e m e n t par un bref e x a m e n du c o r p u s C R E A . Nous avons observe plusieurs phrases oü les V d P v i s u c l l c ver (35c), ainsi que mirar (35d), se combinent avec Tadverbe (35c)

(35d)

räpidamente:

E l 4 N o r t e verä r ä p i d a m e n t e el M o a i de Isla de P a s c u a en las a f u e r a s del M u s c o A r q u c o l o g i c o de la S o c i e d a d F r a n c i s c o F o n c k , casi o c u l t o p o r los ä r b o l e s desde L i b e r t a d . ( C R E A , L u x G . 1997) M i r o un m o m e n t o su c o p a y v o l v i o a mirar r ä p i d a m e n t e al pintor, c o m o si eon aquel movimiento de los ojos tan solo hubiera pretendido poner a prueba la ateneiön de su oyente. ( C R E A , C h a m o r r o Ε . T992)

A u c u n exemple avec les

VdP

a u [ i i t

j

v e

dans ce contexte n'a ete releve. 2 4

A l'interieur du champ de la perception volontaire, le pereepteur visuel a un contröle physique et mental sur l'acte de perception, alors que le contröle est uniquement mental pour le pereepteur auditif. C e t t e difference entre le pereepteur visuel et le pereepteur auditif se reflete linguistiquement - en dehors de la construction syntaxiquement transitive - dans la possibilite ou non du v e r b e de se construire avec un c o m p l e m e n t prepositionnel qui e x p r i m e un ' m o u v e m e n t perceptuel'. E n effet, selon la representation p y t h a g o r i e n n e de la vision, il y a une transmission d'energie emanant des y e u x du pereepteur qui se dirige vers les stimuli. D a n s cette optique, G r u b e r (1967) compare les V d P v i s u c l l e aux verbes de mouvement: John sees the cat serait une extension metaphorique de John goes to the cat. L a n g a c k e r (1987) postule que voir est toucher

et que la relation entre le pereepteur et le stimulus correspond ä une

'route perceptuelle' ('perceptual path'). E n espagnol ce sens directionnel n'est pas explicite pour ver mais p o u r mirar, verbe qui exprime un mouvement des yeux. A i n s i mirar se construit facilement avec les complements prepositionnels indiquant une direction: (36a)

M i r a hacia a f u e r a .

A cause de Femploi double de la preposition a c o m m e introducteur d'un O D 2 5 ou d'un complement prepositionnel, Fexemple (36b) hesite entre un emploi transitif (mirar + OD) et intransitif (mirar + complement

prepositionnel)

du

V d P C e t t e ambigu'ite disparait avec les stimuli inanimes (36c): (36b) (36c)

24

25

M i r a a Juan. M i r a a (= hacia) la casa.

U n e fois de plus, des r e c h e r c h e s plus a p p r o f o n d i e s d e v r a i e n t p e r m e t t r e d ' a v a n c e r ccttc these avec plus dc c c r t i t u d c . P o u r plus de d o n n e e s c o n c e r n a n t Faccusatif p r e p o s i t i o n n e l , v o i r infra chap. 8 L e m a r q u a g c casuel du participant s u b o r d o n n e S N 2 .

58

C e sens directionnel de la perception se retrouve plus difficilement aupres d'un VdPvo|ontajre

aujitive>

ce

Ψ^ constitue un indice supplementally en faveur de la

nature moins contrölee de la perception auditive: 2 6 (36d)

E s c u c h a r hacia la radio.

L a base de donnees C R E A ne fournit qu'un seul exemple oü escuchar

s'accom-

pagne d'une preposition directionnelle. E n outre, dans la phrase (36ε) - qui constitue une instruction pour les acteurs d'un j e u de theatre - escuchar

hacia

denote le mouvement de la tete de l'acteur plutot que de ses oreilles: (36c)

D e s p u e s de e s c u c h a r hacia la i z q u i e r d a , le trae al p r i m e r t e r m i n o . ( C R E A , B u c r o V a l l c j o A . 1989)

Tout bien considere, le trait [± contröle] n'oppose pas exclusivement la perception volontaire ä la perception involontaire mais aussi la perception visuelle ä la perception auditive: dans le champ de la perception visuelle, le contröle est physique et mental, dans le c h a m p de la perception auditive, le contröle est essentiellement mental. C e t t e opposition conceptuelle transparait egalement ä travels le champ lexical de la perception. L'analyse de la definition lexicographique des substantifs de perception tels que vista/vue,

mirada/regard

mon-

tre un nombre eleve d'expressions indiquant le contröle du percepteur sur son experience visuelle: 2 7 (37a)

al/.ar, l c v a n t a r la vista, la m i r a d a / l c v c r lcs y c u x ; b a j a r la vista/baisscr lcs y e u x ; a p a r t a r la v i s t a / e c a r t e r les y e u x ; sostener, clavar la vista/ne p a s quitter d e s y c u x , garder ä v u e ; suivre des y c u x ; dirigir la vista, la m i r a d a ; p a s a r la m i r a d a en; tender, e x t e n d e r la m i r a d a ; ouvrir de grands y e u x ; f e r m e r les y c u x sur q u c l q u c c h o s c , . . .

L e nombre de structures decrivant le contröle du p e r c e p t e u r sur son experience auditive est b e a u c o u p plus restreint. N o u s n'avons pu relever que les expressions suivantes: (37b)

agu/.ar, aplicar el oido/tendre l'orcillc; scr t o d o oidos/ctrc tout orcillcs; term e r l'oreille; preter une oreille attentive.

E n outre, c o m m e l'illustrent les locutions sous (38), la perception visuelle peut etre a c c o m p a g n e e d'une activite supplementally, telle que manger,

devorer

ou avaler.2S N o u s n'avons pas trouve d'exemples semblables p o u r la perception auditive: (38)

26

27

28

c o m e r s e c o n la vista, d e v o r a r c o n la vista, tragarse c o n la vista,...

E n n c c r l a n d a i s et cn anglais la p r e s e n c e d ' u n c preposition d c r r i e r c lcs V d P v o l o n l a i r c a u d i t i v e s'observe plus r e g u l i e r e m e n t , c o m m e d a n s luisteren naar de radio/listen to the radio. P o u r l ' e s p a g n o l n o u s avons utilise le Diccionario de uso del espanol, p o u r le frangais Le Nouveau Petit Robert. P o u r plus de r c n s e i g n c m c n t s sur c c s o u v r a g e s , voir la bibliographic. II s'agit bien sür d'un emploi m c t a p h o r i q u c dc c c s verbes.

59

F i n a l e m e n t , la c o m p a r a i s o n des locutions (39) et (40) c o n f i r m e que la perception visuelle est concue c o m m e une projection ou c o m m e un mouvement sortant des yeux, alors que la perception auditive «tombe» ou «entre» dans les oreilles du percepteur: (39a) (39b) (39c) (40a) (40b) (40c)

Ses y e u x t o m b e n t sur la lettre. E c h a r una m i r a d a a/jctcr un c o u p d'ocil sur, p o r t e r la v u c sur. L e s y e u x lui sortent de la tete. C c n'est pas t o m b c d a n s l'orcillc d'un sourd. L l e g a r una cosa a oidos de alguien. C c l a lui cntrc p a r unc orcillc ct lui sort p a r l'autrc.

3.3.2.2. Conclusion: le degre d'agentivite du sujet percepteur D e l'etude qui precede, il ressort que le sujet des V d P n'est pas aussi eloigne du proto-agent qu'il est regulierement suggere dans la litterature: il s'agit d'un participant individualise, autonome, anime et de preference humain. D e plus, le sujet des V d P v o l o n l a i r c est la cause directe de l'evenement perceptif, ainsi qu'un participant volitif, intentionnel et contrölant. M e m e le sujet des VdP in _ voiontaire

n e s

t P a s une entite entierement passive: dans des contextes determi-

nes - c o m m e celui de la visite - il peut ä la fois percevoir volontairement et intentionnellement et contröler son acte de perception. E n effet, il est le locus de l'experience mentale mais aussi la source d'energie indispensable ä sa realisation. Bien que le sujet percevant ne fagonne pas l'objet avec lequel il etablit un contact mental, son experience demeure personnelle et depend de sa propre perspective sur le monde. C e t t e activite mentale du sujet apprehendeur est decrite par M a l d o n a d o (1999, 54) de la fa£on suivante: «Por otra p a r t e , el e x p e r i m e n t a n t e es a c t i v o d a d o que genera la a c t i v i d a d c o g n o scitiva n c c c s a r i a p a r a c r c a r unc r c p r c s c n t a c i o n interna del tenia ο p a r a c s t a b l c c c r c o n t a c t o m e n t a l c o n u n o b j e t o p e r c e p t u a l ο mental».

A u s s i les preuves linguistiques a v a n c e e s ci-dessous soutiennent-elles notre h y p o t h e s e du caractere agentif de la p e r c e p t i o n , p r o p o s e e dans le chapitre precedent. 2 9 E n effet, la perception - voiontaire ou involontaire - est un type d'activite resolutoire de problemes. L e sujet percepteur n'est pas simplement un recipient passif d'impressions externes mais, en fonction de ses desirs et de ses objectifs, il part activement ä rencontrer et ä examiner le monde: «[...] the ability to s e a r c h m a k e s p e r c e p t i o n a u s e f u l m o d e of a c q u i r i n g i n f o r m a tion. It is search more than a n y t h i n g else that m a k e s p e r c e p t i o n an active p r o c c s s , not a passive registration of e n e r g i e s i m p i n g i n g willy-nilly on the receptors. W h e n a p e r s o n is task-oriented, he searches for things n e e d e d in the task; w h e n he is not task-oriented he searches for things that interest h i m , that have p e r s o n a l v a l u e for him» ( M i l l c r / J o h n s o n - L a i r d 1976, 132).

29

CI', supra 2.1. D c la p s y c h o l o g i c ä la linguistique, dc la p e r c e p t i o n ä la l a n g u c .

60

D e plus, le p e r c e p t e u r i m p o s e u n e o r g a n i s a t i o n a u x s t i m u l i et l e u r d o n n e u n sens. A i n s i , c o m m e l ' a f f i r m e D u p a s (1997, 179), la p e r c e p t i o n est u n p r o c e s m e n t a l actif de verification d ' h y p o t h e s e s c o n c e r n a n t les stimuli, p a r l'activation d e p r o c e d u r e s et d e p r i n c i p e s c o g n i t i f s i n n e s : «[...] le m o i envoie p e r i o d i q u e m e n t d a n s le systeme de p e r c e p t i o n des petites quantities d'invcstisscmcnt g r a c c a u x q u c l l c s il d c g u s t e lcs stimuli c x t e r i e u r s p o u r apres c h a c u n e de ces incursions t ä t o n n a n t e s se retirer ä nouveau». 3 " U n e d e u x i e m e o b s e r v a t i o n f o n d a m e n t a l e est q u e les q u a t r e t y p e s de sujets se caracterisent par des degres differents d'agentivite:

traits proto-agent

mirar/regarder

cscuchar/ccouter

vcr/voir

oir/cntcndrc

[+ individualise]

+

+

+

+

[+ existence autonome]

+

+

+

+

[+ a n i m c ]

+

+

+

+

[+ cause directe]

+

+

[+ responsable]

+

+

+

+

[+ volitif]

+

+

±

-

[+ intentionnel]

+

+

±

[+ contrölc]

+

+

+

±

T a b l e a u 3.2 L c p c r c c p t c u r : un p r o t o - a g e n t ?

C o m m e le m o n t r e le t a b l e a u c i - d e s s o u s : 1.

l e p e r c e p t e u r v o l o n t a i r e s e r a p p r o c h e p l u s d u p r o t o - a g e n t q u e le p e r c e p t e u r involontaire;

2.

ä l i n t e r i e u r d e c e t t e o p p o s i t i o n , le p e r c e p t e u r v i s u e l se r a p p r o c h e p l u s d u p r o t o - a g e n t q u e le p e r c e p t e u r a u d i t i f .

A i n s i nous aboutissons ä 1 echelle suivante:

3(1

C e t t e o b s e r v a t i o n m e n e D u p a s (1997) ä p r o p o s e r u n m o d e l e oscillatoire qui represcntc un va-ct-vicnt cntrc d ' u n c p a r t , Taction du m o n d c qui s ' i m p o s c au sujet passil' et d'autre p a r t , l'orientation active d u p e r c e p t e u r vers le m o n d e exterieur. L a perception negative (Je rientends rien), interrogative (Tu as vu qa?) et la c a p a c i t c dc p e r c e p t i o n (Je penx voir la voiture arriver) temoignent d'une c e r t a i n e distanciation, d'un e n g a g e m e n t et done d ' u n c agentivite du sujet p c r c c p t c u r .

31

L a m a r q u e [ ± ] signifie que le trait se presente d a n s c e r t a i n s c o n t e x t e s s e m a n t i q u e s d e t e r m i n e s , c o m m e celui dc la visile d a n s lc cas de la p e r c e p t i o n visuelle. 61

[- proto-agcnt]

[+ proto-agcnt]


-

S involontaire auditif < S involontaire visuel •

Ο auditif volontairc < Ο auditif involontairc « Ο visucl volontairc < Ο visucl involontairc escuchar/ecouter oir/entendre mirar/regarder ver/voir Figure 3.7 Degres de prototypicalite du stimulus

3.4. Conclusion: le processus de perception, un transfert d energie? Les auteurs qui attribuent aux VdP un aspect statique assument que la perception se caracterise par l'absence de kinesisA5 Cette these a ete contestee par de nombreux linguistes qui soutiennent que tout evenement de perception implique un transfert d'energie. L'analyse precedente a prouve qu'il nest pas legitime de citer la categorie des VdP comme contre-exemple de la transitivite semantique sans rendre compte des caracteristiques propres de chaque VdP. La decomposition en traits proto-agentifs du percepteur et en traits proto-patients du stimulus demontre que les VdP se caracterisent par des degres divers de transitivite. Ce qui determine la classification des verbes en premier lieu, c'est l'opposition entre les modalites volontaire et involontaire, mais l'opposition visuel vs. auditif joue un role tout aussi important. C'est l'omission de cette derniere dichotomie qui cause, d'apres nous, l'image faussee que les VdP ne sont pas semantiquement transitifs. Toutefois, les continuums proposes pour le caractere agentif du percepteur et le caractere [± patient] du stimulus ne pointent pas vers la meme echelle. Cette divergence s'explique par le fait que pour chacune des deux composantes, il y a une hierarchie des traits distinctifs: il faut distinguer les caracteristiques dominantes des proprietes secondaires. Ainsi, ce qui nous semble le plus important pour le caractere proto-agentif du percepteur, c'est le degre de [± contröle] qu'il exerce sur l'acte de perception. En effet, ce trait semantique n'oppose pas seulement le sujet des VdP vo ] ont . lire ä celui des VdP invo ] on _ t a j r e , mais aussi le sujet des VdP v i s u e l l e ä celui des VdP ; l u d i t i v e . Du domaine du proto-patient nous retenons le trait [± cause directe], puisqu'il permet de distinguer les O D des quatre modalites de perception. L e s V d P v o l o n l a i r e v ; suc ii c mirar/regarder se caracterisent par le nombre le plus eleve de traits positifs: le percepteur contröle la perception et le stimulus n'est pas forcement la cause directe de Facte de perception. Comme le stimulus des VdP V0 j 0Iltaire au ji t j ve escuchar/ecouter est necessairement dynamique, done la cause directe, ces verbes se trouvent ä un echelon de transitivite plus bas. Dans le cas des VdPj n v o , o n U l i r e visuelle ver/voir, le percepteur contröle l'evenement de perception mais moins

35

Pour unc analyse plus dctaillcc dc l'aspcct, voir lc chapitrc suivant. 66

intensivement que lors d'un acte de perception volontaire. Son contröle disparait completement dans le domaine des V d P j n v o | o n t a j r e

au( ji t i ve

oir/entendre.

A cela s'ajoute que le stimulus sonore est prototypiquement dynamique, done la cause directe de 1 evenement de perception:

mirar/

traits p r o t o t y p i q u c s participants

cscuchar/ ecouter

vcr/voir

regarder

+

+

pcrccptcur

[+ c o n t r ö l c ]

+

stimulus

[- c a u s e d i r e c t e ]

±

oil'/ entendre

±

T a b l e a u 3.6 Transitivitc des V d P

Voici l'echelle finale, representant le degre de transitivite des VdP. L a validite de cette echelle sera verifiee au cours de cette etude: 3 6 [- t r a n s i t i f ]

[+ t r a n s i t i l ]




V involontaire auditive < V involontaire visuelle

phases intcrmcdiaircs d e r o u l e m e n t de p e r c e p t i o n succession de maisons F i g u r e 4.9 V d P v i s u e j l e en tant qu'aetivite

C o m m e dans (qoa-c), le trait de la constitution participative [+ agentif] est present: le percepteur dirige consciemment son systeme visuel vers les stimuli. L e s trois proprietes [+ duratif], [- telique] et [+ agentif] menent ä la conclusion que dans la phrase (41a), l'aspect du V d P i n v o l o n t a i r e visuelle

denote une activite. Paral-

lelement, dans (41b) et (41c) il s'agit d'une perception auditive prolongee qui est en realite c o m p o s e e d'une succession d'evenements perceptifs minimaux. Cependant, contrairement ä ce que l'on observe dans (4oa-c), la suite n'est pas ordonnee et ne contient pas de limite interne. L a preuve de l'irruption ou de la verite dans chaque segment 3 3 montre qu'ä chaque moment de l'evenement perceptif le percepteur a pergu le stimulus et peut affirmer he oido coches

ou

he oido hablar a Juan: oir c o c h e s oir hablar E ; / Cj / Cj / Cj / Cj / Cj /e n / ...

p h a s e initiale debut de p e r c e p t i o n p r e m i e r bruit

phases intermediaires succession de p e r c e p t i o n s m i n i m a l e s succession de bruits

F i g u r e 4.10 V d P a u d i l j v c e n tant qu'aetivite

32

33

L e c o n t c x t e non m a r q u e dc c e t t c p h r a s e est c c l u i oil un p e r c e p t e u r sc p r o m c n c d a n s u n e rue et voit une m a i s o n apres l'autre. N o u s ne t e n o n s p a s c o m p t e ici de la situation oil il o u v r e ct f c r m c les y c u x , ct voit en une s c c o n d c plusieurs m a i s o n s ä la fois. D a n s ce cas-ci. le V d P denoterait u n a c h e v e m e n t p o n c t u e l . CI', la definition du p a r a d o x e i m p c r f e c t i f , note 23 du m e m e chapitrc.

100

Toutefois, comme en temoignent les exemples (42) la structure interne des evenements de perception visuelle et auditive n e s t pas toujours identique: (42a) (42b)

A traves del matorral el cazador vio poco a poco un zorro. 34 E n cl matorral cl cazador oyo poco a poco un zorro.

?

L e contraste entre la perception visuelle plus agentive et la perception auditive moins controlable fait que la perception visuelle admet plus naturellement une lecture graduelle et progressive que la perception auditive. D a n s (42a), le VdP v i s u c [ l c denote un accomplissement: le percepteur n'entrevoit d'abord qu'un aspect du renard avant de percevoir l'animal entierement. U n e telle lecture n'est pas applicable au V d P a u j i t j v e dans (42b): ou bien le percepteur entend le renard ou bien il ne l'entend pas, il ne peut pas entendre «un aspect» du renard. Autrement dit, le contröle du percepteur sur sa perception auditive n'est pas tel qu'il penjoit d'abord une partie et ensuite le tout de l'objet. L a nature inherente du stimulus de perception est done responsable du degre different d'acceptabilite. L e renard est une entite stable qui existe de fagon permanente dans le monde exterieur. II est done possible d'en voir d'abord une partie et de le percevoir ensuite entierement. E n revanche, on n'entend pas le renard meme mais le bruit qu'il produit, et un bruit ne peut pas se percevoir petit ä petit: on l'entend et il disparait immediatement. 3 5 Notons encore qu'au cas 011 on accepterait quand meme la presence de l'adverbe progressif dans la phrase (42b), la progression decrirait l'approche du renard et non la progression de l'evenement auditif (42b'). D a n s le cas de la perception visuelle, la progression a trait ä l'evenement visuel meme: (42b') E l cazador oia un zorro acercändose poco a poco.

Voici la visualisation de la structure interne des deux evenements perceptifs: pereeption involontairc visuelle

/

Ε

/

non perception perception limitcc

/c, /c, / C, / c4 / c5 / Cf, / IcJ perception progressive

perception totale

perception involontairc auditive

/

Ε

/

non perception ; perception ! totale Figure 4 . 1 1 Perception visuelle progressive vs. perception auditive ponctucllc

34

35

Notons que dans ccttc phrasc-ci, ver sc laissc facilcmcnl rcmplaccr par un autre VdP, ä savoir distinguir: A traves del matorral el cazador distinguia poco a poco un zorro. Cl. supra 2.4.2.2. DilTcrcnccs entre perception visuelle et perception auditive.

101

L e test f o r m e l avec casi/presque que vu le renard,

quand...

soutient notre these. L a p h r a s e II avait

pres-

signifie o u b i e n qu'il a e n t r e v u le r e n a r d m a i s pas

e n t i e r e m e n t (il n'a pas p u l'identifier t o t a l e m e n t ) , o u b i e n qu'il ne l'a pas v u du tout. E n revanche, II avaitpresque

entendu

le renard implique toujours qu'il n'a

r i e n entendu. 3 6 O r , n o u s savons q u e l'ambigui'te avec casi/presque

caracterise

les a c c o m p l i s s e m e n t s : l ' a d v e r b e f o c a l i s e o u b i e n l'evenement i n t e r m e d i a i r e (le become-event)

o u bien le Stade final. D a n s le cas des achievements, l ' a d v e r b e

f o c a l i s e l o g i q u e m e n t la p h a s e initiale de l ' e v e n e m e n t qui est en m e m e t e m p s la p h a s e finale. II n'y a done pas d'ambigu'ite possible. L ' o p p o s i t i o n entre la p e r c e p t i o n v i s u e l l e p o t e n t i e l l e m e n t progressive et la p e r c e p t i o n auditive plus p o n c t u e l l e t r a n s p a r a i t aussi ä travers d'autres p h e n o menes du c h a m p lexical des V d P . D a n s le d o m a i n e de la perception visuelle, les dictionnaires - le Diccionario Petit Robert

de uso del espanol

p o u r l'espagnol, Le

Nouveau

p o u r le f r a n g a i s - signalent l'existence d ' u n v e r b e signifiant 'ver

u n a c o s a n o c o n claridad', 'voir ä demi: indistinctement ou trop rapidement' o u e n c o r e 'avoir une idee imprecise', ä savoir entrever/entrevoir. h o m o l o g u e en e s p a g n o l serait entreoir,

L e v e r b e auditif

m a i s n'a p a s de p e n d a n t en frangais.

D e plus, la signification que le Diccionario

de uso del espanol

lui attribue -

'oir a m e d i a s , oir una c o s a sin e n t e n d e r l a b i e n ' - i n d i q u e q u e le v e r b e s'utilise plus f r e q u e m m e n t dans le c o n t e x t e de la p e r c e p t i o n c o g n i t i v e (dans le sens de comprendre)

que d a n s celui de la p e r c e p t i o n physique. D e plus, dans la b a s e

de d o n n e e s C R E A le v e r b e entreoir

n'apparatt pas; entrever p a r c o n t r e surgit

786 fois. U n e r e c h e r c h e plus generale sur l'Internet 3 7 c o n f i r m e cette t e n d a n c e : entrever a p p a r a i t e n v i r o n 153 000 fois, c o n t r e s e u l e m e n t 142 o c c u r r e n c e s p o u r entreoir. D ' a u t r e s v e r b e s qui indiquent la p e r c e p t i o n visuelle p a r t i e l l e en espag n o l sont vislunibrar

et divisor,

d a n s le d o m a i n e de la p e r c e p t i o n a u d i t i v e

a u c u n v e r b e c o r r e s p o n d a n t n'a p u etre releve.

4.4. Conclusion: l'aspect lexical des V d P et les modalites de perception D e tout ce qui p r e c e d e , il nous s e m b l e qu'il faut retenir d e u x c h o s e s essentielles. P r e m i e r e m e n t , YAktionsart

des V d P est dans une large m e s u r e conditionne

p a r les p r o p r i e t e s d'autres constituants de la p h r a s e et surtout p a r le t y p e de c o m p l e m e n t qui suit, done p a r le stimulus de p e r c e p t i o n . C e t t e o b s e r v a t i o n ne doit pas s u r p r e n d r e p u i s q u ' e n a c c o r d avec le p r i n c i p e de la simultaneite, 3 8 les

36

37 38

Vliegen ( 1 9 8 6 , 1 0 5 ) exclut meme la possibilite des VdP i l l v o i o l l t a i r e a u c i j t j v e de se construirc avee l'adverbe presque: «Bei hear I'chlt im Vcrglcich zu see gänzlich die Möglichkeit, das Verb in einer solchen Situation zu verwenden: "John almost heard the symphony». A l'aide de Google·, http://www.google.be (consulte le 7/9/2004). CI', infra 5.3.1. La simultaneite temporcllc. 102

evenements de perception directe se caracterisent par une coincidence temporelle obligatoire entre Tevenement de perception et Tevenement pei^u. Cette contrainte implique que lorsque 1 evenement percu se produit dans le present, Facte de perception se deroule aussi dans le present; si 1 evenement stimulus se produit dans le passe, le processus de perception se deroule aussi dans le passe,... L'extension de cette contrainte mene vers la conclusion que la composition interne du stimulus determine aussi la structure inherente de l'evenement perceptif: la perception d'un accomplissement est elle-meme un evenement progressif, la perception d'un achevement est elle-meme un evenement ponctuel,... Les VdPj n v o i o n t a i r e selectionnent - ä part les complements [- duratif, + telique] {flash, ruido, caer) qui declenchent l'aspect d'achevement - des complements contenant les traits semantiques [+ duratif] et [- telique], C o m m e le montrent les representations de leur composition sous-evenementielle, l'adjonction du trait [+ duratif] explique la classification sous l'accomplissement; l'adjonction des traits [+ duratif] et [- telique] declenche la classification d'activite. E n d'autres termes, la telicite inherente ou non du stimulus (pelicula, chanson, cruzar la calle vs. casas, coches, hablar) determine la classification aspectuelle des VdP. Deuxiemement, les proprietes conceptuelles des modalites de perception memes influencent egalement l'aspect lexical des verbes correspondants. L'analyse des actes de perception en termes d'evenements ä structure composee permet de comprendre la classification aspectuelle hybride des VdP. D e plus, les differences relatives ä la structure interne de ces evenements expliquent certaines restrictions de classification. E n fin de compte, les proprietes des evenements perceptifs reels se trouvent refletees dans leur representation linguistique.

103

Conclusion partie I Les modalites de perception Differences conceptuelles et implications semantiques

L'analyse des caracteristiques conceptuelles des quatre evenements perceptifs - visuel, auditif, involontaire et volontaire - a demontre que l'experience humaine varie en fonction des proprietes du percepteur, du stimulus et du processus de perception meme. Cette observation nous a amenee ä soupgonner que les oppositions entre les quatre modalites de perception ne fonctionnent pas independamment mais «interagissent» et que par-lä ne sont pas discretes mais graduelles. Qui plus est, pour certaines proprietes, la dichotomie visuel vs. auditif semble dominer l'opposition involontaire vs. volontaire tandis que pour d'autres traits, la modalite de perception parait subordonnee au degre de perception volontaire. Tout d'abord, il a ete argumente que le percepteur d'un acte de perception volontaire est plus agentif que l'experient d'un processus de perception involontaire, visuelle ou auditive. E n outre, le percepteur visuel a plus de contröle sur 1 evenement perceptif que le sujet de la perception auditive, qui est moins agentif. L'union de ces donnees a montre que, quant au degre d'agentivite du percepteur, l'opposition volontaire vs. involontaire domine la distinction entre la perception visuelle et la perception auditive: [- percepteur agentif]

[+ percepteur agentif]

< involontaire auditif 1 air/entendre

>
Τε perception n e garantit pas que la duree de la perception suffira pour reconnaitre la nature de l'activite. L a granularite G fournit l'intervalle de temps minimal indispensable ä la reconnaissance du processus, si bien que la condition de simultaneite doit se formaliser comme TEperception > TGh· per^u. Si le processus percu denote un accomplissement (J'ai vu Jean traverser la rue), l'evenement doit etre pergu jusqu'ä son terme. A f i n que la perception reussisse, le sujet doit percevoir la limite finale du processus telique ainsi qu'une phase anterieure suffisamment etendue. II en resulte que la nature des differents types de processus decrits par l'infinitif joue un role important. 2 1 5.3.2. L a presence de predicate statiques L'interdependance entre l'evenement de perception directe et l'evenement penju determine encore les traits aspectuels de l'infinitif subordonne. A plusieurs reprises, il a ete remarque que la construction de perception directe est incompatible avec les predicats d'etat (54a-54b). 2 2 E n effet, la perception directe implique toujours la perception d'un changement d'etat et done d'un evenement dynamique. E n revanche, la contrainte sur la presence des statiques ne vaut pas pour les actes de perception indirecte (55a-55b): (54a) (54b) (55a) (55b)

"Je vois cct hommc vivrc prcs dc scs cnl'ants. O i g o a J u a n saber ingles. J c vois que cct hommc vit prcs dc scs cnl'ants. Oigo que J u a n sabe ingles.

B a y e r (1986, 2) note toutefois que les infinitifs statiques tels que sit, stand et lie se comportent dans certains contextes comme des verbes dynamiques. Accompagne d'un SN-, inanime, ils denotent des proprietes permanentes (56a); en presence d'un SN 2 anime ou humain par contre, ils denotent des proprietes temporaires. Ainsi dans (56b), le Cinf represente un changement d'etat, perceptible directement: (56a) (56b)

21

22

"We saw the building stand on the corner. Wc saw John stand on the corncr.

L a contrainte de la simultaneite - telle qu'elle a ete formulee par Miller/Lowrey (2003) - confirmc notrc hypothese proposcc plus haut dans ccttc etude scion laqucllc les proprietes temporelles du stimulus influencent largement l'aspect lexical des VdP. CI', supra 4.3. L a structure cvcncmcnticllc des processus dc perception. Fernandez Lagunilla (1992. 4 0 0 - 4 0 1 ) montre toutefois qu'en ancien espagnol, l'apparition dans Ic Cint d'un vcrbc statiquc n'ctait pas cncorc cxcluc: (i) Y o veo otras muchas creer a ti. parlera. (ii) Vcycndo estar con cllos cl hombrc que fucra sano, non lo podicn contradc/.ir.

128

Neale (1988, 314) insiste sur l'influence de facteurs pragmatiques lors de l'insertion des verbes statiques. L a phrase (57) est parfaitement acceptable dans les circonstances suivantes: supposons que lors d'un jeu de poker, des bijoux, des voitures et des maisons changent de proprietaire c h a q u e minute. M o i , en tant que surveillant, je p e u x faire le bilan de la soiree en affirmant j'ai vu Psmith posseder

line maison trois fois. L e contexte attribue au verbe statique

une interpretation dynamique, compatible avec la perception directe: (57)

I saw Psmith o w n a house.

A f i n d'expliquer la presence de certains verbes statiques dans le C i n f , Felser (1999, 43) recourt ä la distinction entre les predicate episodiques (stage level predicates,

S L P ) et les predicate permanents (individual

level predicates,

ILP).

C o m m e il a ete affirme dans le chapitre precedent, 2 3 les I L P denotent des proprietes inherentes ou des etats permanents tandis que les S L P representent des changements d'etat ou des etats episodiques. L a u t e u r argumente que les S L P sont les seuls predicate qui peuvent surgir dans les constructions de perception directe parce qu'ils fournissent un argument evenementiel controlable par le V d P C e t argument evenementiel est absent dans la structure argumentale des ILP. A i n s i dans son exemple (58a), be a nuisance

denote un c o m p o r t e m e n t

temporaire de John - perceptible directement - alors que (58b) signale une propriete permanente du sujet; il s'agit done d'un vrai etat: (58a) (58b)

W c saw John be a nuisance. Jean est grand, vs. "J'ai v u Jean etre grand.

L a notion de granularite est au centre de l'analyse des predicats statiques de Miller/Lowrey (2003). V u sa nature homogene et permanente, le temps necessaire p o u r p e r c e v o i r un etat serait necessairement non fini:24 l'etat ne peut done jamais etre pergu directement. L e s auteurs mentionnent toutefois deux contextes oil les predicats statiques sont exceptionnellement utilises c o m m e des predicats episodiques. Premierement, certains modificateurs tels que de plus en plus peuvent forcer une interpretation oil l'etat est en cours de changement (59a). D e u x i e m e m e n t , dans (59b) l'objet de la perception directe n'est pas l'etat en tant que tel, mais le fait d'atteindre un certain niveau sur l'echelle mesurant l'intensite de cet etat: (59a) (59b)

O n le v o y a i t r e s s e m b l e r de plus e n plus ä s o n p e r e . ( M i l l e r / L o w r e y 2003,182) [...] o n l'avait r a r e m e n t e n t e n d u s o n n e r aussi l e g e r e m e n t . ( M i l l e r / L o w r e y 2003, 186).

Notons encore que les constructions de perception directe mentale se caracterisent par une reduction des contraintes syntaxiques qui caracterisent la C I .

25 24

V o i r supra 4.2.2.1. D e f i n i t i o n du trait a s p e e t u c l [± d y n a m i c i t e ] . E n d'autres termes, la f o n c t i o n TGrimuiariti appliquee ä u n etat aboutit ä u n intervalle de temps non borne qui ne pourrait j a m a i s satisl'aire la eontraintc de simultaneite.

129

A i n s i , en contraste avec la C I «canonique» - representant les actes de perception directe physique et concrete - l'insertion de predicate statiques ainsi que d'adverbes temporeis n'est pas bloquee: (60)

Je ne vois pas encore Marie connaitre toute la matiere la semaine prochaine.

D a n s notre ensemble des C I , certains verbes statiques - tels que vivir (61a) ou sentarse (61b) - apparaissent regulierement dans la C I . Pour d'autres verbes - tels que connaitre (61c) ou se hair (6id) - nous n'avons trouve que des cas isoles: (61a) (61b) (61c)

(6id)

Hay gente a la que nunca le pasa nada. Soy una de ellas. Miro vivir a los otros. (CDE, Lopez N. 1954). Al tiempo que avanzaba hacia la piscina, vio a una muchacha sentarse junto a la que el habia cscogido y hablar con ella afcctuosamcntc, pasandolc cl brazo por los hombros. (SOL, Marse J. 1967) Une attitude qui dement au passage les espoirs du ministcrc du travail dc voir le CIP connaitre, par ces conventions, «un grand developpement». (LM, 29/3/1994) [...] Hatzfeld a passe des mois ä regarder les etres humains se hair, s echarper, tucr et sc faire tucr dans ccttc cx-Yougoslavic qu'il a parcouruc en tous sens pendant deux ans, [...]. (LM, 25/2/1994)

Notons que seuls les exemples (61a), (61b) et (6id) denotent des actes de perception directe. D a n s (61c) le V d P est utilise pour topicaliser le C I P ou pour eviter l'emploi d'une completive. 2 · 5 A u s s i la moderation de la contrainte sur les statiques s'accompagne-t-elle d'une reduction semantique du V d P principal. D e plus, nous n'avons trouve que des exemples ou l'infinitif statique est subordonne ä un V d P v i s u c l l e ; les VdP a L l d i l i v e semblent se combiner plus difficilement avec des infinitifs non dynamiques. Cette discordance entre les deux modalites de perception sera explicitee au cours des chapitres suivants.

5.3.3. L a presence de verbes m o d a u x et d'adverbes de phrase D e u x caracteristiques semantiques 2 6 ne sont mentionnees que tres sporadiquement dans la litterature, ä savoir les contraintes sur Tinsertion de verbes m o d a u x et d'adverbes de phrase dans le Cinf. Premierement, les verbes m o d a u x indiquant une possibilite/capacite/ permission (62), obligation (63) ou disposition (64), ne peuvent pas modifier le ("inf. 2 7 E n revanche, les m e m e s verbes apparaissent sans difficulte dans la completive (65):

25

26 27

11 n'est en fait pas I'acilc dc rcmplaccr lc Cinf par unc completive: (61c') Une attitude qui dement au passage les espoirs du ministere du travail que le CIP connait, par ccs conventions, «un grand developpement». Qui ont ete confirmees par une recherche empirique dans notre corpus. Schülc (1999) signalc toutcfois que dans quelques contcxtcs particulicrs lc vcrbc modal pouvoir peut apparaitre dans le Cinf: Je ne I'ai jamais vu pouvoir manger tant de bonbons que ce jour-la. 130

(6aa) (62b) (63a) (63b) (64a) (64b) (65a) (65b)

*Hcmos visto a Juan podcr bailar. Nous avons v u J e a n pouvoir danser. *Hcmos visto a Juan dcbcr bailar. Nous avons v u J e a n devoir danser. *Hcmos oido a Juan querer ir al eine. Nous avons entendu J e a n vouloir aller au cinema. He visto que Juan queria bailar. J ' a i v u que J e a n voulait danser.

L e s auteurs consultes n'avanccnt pour cette contrainte que des explications de nature semantique. Willems (1983, 149) par exemple affirme que la presence d'un verbe modal dans la subordonnee infinitive rend l'evenement non dynamique, et: «[...] scules les situations dynamiques paraissent compatibles avee la perception directe».

Dans le meme ordre d'idees, Bayer (1986, 6) definit les verbes modaux comme des Operateurs qui eliminent l'aspect evenementiel du Cinf, et il ajoute que: «It is impossible to perceive directly, i.e. without any epistcmic commitment, a disposition, an obligation or an intention».

Finalement, la these de Schule (1996, 4) selon laquelle: «Events depend on their embedding perception verb regarding tense-aspect modality ( Τ Α Μ ) marking and negation [...]».

implique que l'infinitif ne peut pas etre modifie par un verbe modal independamment du V d P principal. E n ce qui concerne les adverbes de phrase, qui expriment l'attitude du locuteur envers le contenu de la phrase entiere (66), la regle generale pose qu'ils ne peuvent pas modifier le Cinf independamment du verbe principal (67). lis surgissent sans difficulte en position initiale de la C I (68) et dans la construction avec completive (69). L a presence d'adverbes qui modifient l'infinitif plutöt que le Cinf entier est egalement grammaticale (70): (66a) (66b) (67a) (67b) (68a) (68b) (69a) (69b) (70a) (70b)

Probablcmcntc, Pablo mato a su csposa. Probablement, Paul a tue sa femme. J u a n vio a Pablo probablcmcntc matar a su csposa. 'Jean a v u Paul probablement tuer sa femme. Probablcmcntc, J u a n vio a Pablo matar a su csposa. Probablement, J e a n a v u Paul tuer sa femme. Juan vio que Pablo probablcmcntc mato a su csposa. J e a n a v u que Paul a probablement tue sa femme. Juan vio a Pablo matar brutalmcntc a su csposa. J e a n a v u Paul tuer brutalement sa femme.

?

Comme dans le cas des verbes modaux, 1'explication la plus commune est que les adverbes de phrase infirment l'aspect evenementiel du Cinf et le rendent de la sorte incompatible avec la perception directe.

131

5·3·4· Quelques proprietes logiques Barwise/Perry (1983, 1 8 1 - 1 9 2 ) proposent une serie de proprietes logiques, indispensables ä notre apergu des caracteristiques semantiques de la CI. Le principe de veridicite: si Xperqoit E, alors E. L'emploi de la CI implique la veridicite du rapport perceptuel et Texistence de 1 evenement pergu: si je vois Jean partir, Jean part effectivement. Le principe de substitution: si Xperqoit Y(VT) et yT=y2, alors Xperqoit Y(v2). Le principe de substitution pose que les CI sont referentiellement transparentes. Le SN y l de la CI peut etre remplace par un autre SN y2 avec le meme referent, sans que le sens de la phrase change: si je vois le ministre se promener dans le pare et si Jean est le ministre, alors je vois Jean se promener dans le pare. Le principe de la conjonction ou disjonction distributionnelle: si Xperqoit [Y et/ou Z], alors X perqoit [Y] et/ou X perqoit [Z], La perception simultanee (Y et Ζ) ou potentielle (Y ou Ζ) de plusieurs participants impliques dans un evenement entraine la perception de chaque participant individuel effectuant l'evenement: si je pergois Marie et/ou Jean arriver, je pergois Marie arriver et/ou je pergois Jean arriver. Finalement, il faut mentionner encore la restriction des «pluriels nus» («bare plurals») avancee par Felser (1999, 51-52). En anglais, ces pluriels nus regoivent ou bien une lecture generique ou bien une interpretation existentielle. La phrase (71a) par exemple signifie ou bien que tous les chiens aboient (generique) ou bien qu'il y a des chiens particuliers qui aboient (existentiel ou specifique). C e p e n d a n t , dans la CI ces SN 2 ne peuvent etre interpretes qu'existentiellement. La phrase (71b) implique toujours qu'il existe des chiens qui aboient: (71a) (71b)

Dogs bark. We hear dogs bark.

Comparons ces exemples anglais avec les phrases homologues en espagnol et en frangais. E n espagnol, le bare plural correspond - ä part aux predeterminants indefinis pluriels linos ou algunos - ä l'absence d'un article; en frangais, il se traduit par Particle partitif: (72a) (72b) (73a) (73b)

Perros ladran. Oimos perros ladrar. D e s chiens aboient. Nous entendons des chiens aboyer.

La meme situation qu'en anglais surgit: en general, I n t e r p r e t a t i o n est generique ou existentielle/specifique (728-733), dans un rapport perceptuel seule la lecture existentielle/specifique subsiste (72b-73b).

132

5·3·5· L a perceptibilite du stimulus E n general, si X pergoit Υ, Υ existe et Υ est perceptible,2S E n accord avec la definition d'une construction de perception directe, le percepteur pergoit l'entite impliquee dans un evenement. C e p e n d a n t , le degre de perceptibilite du participant-initiateur n'est pas toujours aussi facile ä determiner. D a n s la majorite des cas, il est reellement perceptible (74), mais pas dans ( 7 5 - 7 6 ) : (74) (75) (76)

Je vois le train arriver. He visto la l'c obrar milagros. J'entends l'homme tuer ranimal.

E n effet, percevoir un evenement n'implique pas toujours que Ton percoit en meme temps l'entite responsable de l'evenement. D e u x cas sont ä distinguer. C o m m e nous l'avons vu dans la premiere section de ce chapitre, la C I sous (75) ne denote pas un acte de perception directe physique mais un acte de perception directe abstraite. L'objet de perception est l'evenement dans son ensemble ainsi que les effets qui en decoulent, plutot que le participant subordonne abstrait, non perceptible directement. 2 9 D a n s (76), la C I represente bei et bien un processus de perception directe physique mais le percepteur entend plutot r a n i m a l que Γ horn me. L e participant responsable de Facte de tuer ne produit normalement pas de bruits et n'est done pas perceptible auditivement; il declenche remission de sons ou de bruits par r a n i m a l . 3 0 C o m m e nous verrons plus loin dans cette etude, 3 1 ces exemples ont ete invoques pour defendre la these que le participant subordonne S N 2 ne fonctionne pas syntaxiquement comme l ' O D du VdP, mais qu'au contraire, l ' O D du V d P est le Cinf entier. A f i n de pouvoir rendre compte d'exemples tels que (74-76), nous distinguerons trois niveaux de perceptibilite. L a perception simultanee de l'evenement ( E ) et du participant-initiateur (Ρ) correspond au degre le plus haut de perception directe (I). A un niveau plus bas se trouve la perception d'un evenement sans perception directe du participant sujet (II) 3 2 Q u a n d ni l'evenement, ni le participant ne sont perceptibles directement, la perception est indirecte et ne se traduit pas par une C I (III):

2i
-

(I)

(II)

Ε [+ perceptible] Ρ [+ perceptible]

Ε [+ p e r c e p t i b l e ] Ρ [- p e r c e p t i b l e ]

(III) Ε [- p e r c e p t i b l e ] Ρ [- p e r c e p t i b l e ]

F i g u r e 5.2 L c s n i v c a u x dc perceptibilite

D a n s l'evenement decrit par (74), le participant train ainsi que l'evenement d'arriver sont perceptibles. L e Cinf se situe ainsi au niveau de perceptibilite le plus eleve. D a n s les exemples (75-76), le percepteur ne penjoit pas directement le participant-initiateur, mais l'evenement global; nous les rangeons de la sorte au niveau (II). D'apres notre hypothese, la perceptibilite ou non du participant-initiateur est e n c o r e c o n d i t i o n n e e p a r la m o d a l i t e de p e r c e p t i o n du v e r b e principal: visuelle ou auditive. E n effet, la relation entre l'evenement pergu et ses participants d i f f e r e dans le c h a m p de la p e r c e p t i o n visuelle et dans celui de la perception auditive. C o m m e nous l'avons a f f i r m e lors de l'etude des proprietes conceptuelles des modalites de perception,33 la perception visuelle saisit la presence d'une entite: quand je vois Jean par exemple, je le vois «quelque part» et je le localise dans l'espace. Par consequent, lors d'un acte de perception visuelle, le percepteur percoit generalement le participant-initiateur en meme temps que l'evenement global dans lequel il est implique: quand je vois Jean arriver par exemple, j e vois Jean, implique dans l'evenement d'arriver. 3 4 Nous appellerons ce type de perception: perception

objectale35

Tout au contraire, la

perception auditive saisit l'effet d'une presence: j e n'entends pas Jean directement, mais les sons qu'il emet. L o r s de la perception auditive d'un evenement, le percepteur entend le resultat du processus ou de Taction causee par l'entite: quand j'entends

Jean chanter, je n'entends pas Jean directement mais Taction

qu'il effectue en chantant. Par consequent, le percepteur auditif entend plutot l'evenement entier produit par le participant que le participant meme. N o u s appellerons ce type de perception: perception

evenementielle?6

A f i n d'illustrer davantage cette these, considerons la d i f f e r e n c e entre les evenements veo pasar un tren et oigo pasar un tren. Je n'entends le train que

33 34

CI', supra 2.4.2.2. D i l T c r c n c c s entre p e r c e p t i o n visuelle et p e r c e p t i o n auditive. L e s C I d e n o t a n t d e s a c t e s de p e r c e p t i o n d i r e c t e c a u s e e c o n s t i t u e n t b i e n sür d e s e x c e p t i o n s ä cette regle g e n e r a l e , c o m m e d a n s je vois Jean lancer la fusee au som-

met de la montagne. 35

36

Objectal signilic ici 'ce qui sc r a p p o r t c ä des entiles c o n c r e t e s ' ; lc t e r m e perception objectale renvoie done ä la p e r c e p t i o n de stimuli l o c a l i s e s d a n s l'espace. Evenementiel signilic ici 'ce qui sc r a p p o r t c ä un c v c n c m c n t cnticr"; la notion dc perception evenementielle renvoie done aussi ä la p e r c e p t i o n de stimuli passagers, localises d a n s lc temps.

134

par les bruits qu'il produit en passant; ma perception auditive du train n'existe pas independamment de l'evenement de passer. Cependant, ä cöte du fait que je peux voir le train lorsqu'il passe, je peux egalement voir le train sans que je me rende compte qu'il passe. La perception auditive se situe au niveau II de Techelle de perceptibilite (perception d'un evenement sans perception d'un participant) alors que la perception visuelle se situe generalement au niveau le plus eleve de perceptibilite (perception d'un evenement et du participantinitiate ur). L'elucidation des rapports qui existent entre les degres de perceptibilite des stimuli visuels et auditifs, la structure interne du Cinf et certaines proprietes syntaxiques de cette construction sera l'enjeu des chapitres suivants.

135

6.

La structure interne du complement infinitif: les analyses proposees

L a C I d e n o t e la p e r c e p t i o n d i r e c t e d ' u n e v e n e m e n t p a r un sujet p e r c e p t e u r ( S N , ) . L ' e v e n e m e n t p e r g u est c o m p o s e d ' u n p r o c e s ( I n f ) et d ' u n p a r t i c i p a n t r e s p o n s a ble de c e p r o c e s ( S N 2 ) . A u s s i la C I est-elle p r o t o t y p i q u e m e n t r e p r e s e n t e e p a r la c o n f i g u r a t i o n s y n t a x i q u e SN2 + VdP + SN, + Inf. C e t t e s t r u c t u r e a e v e i l l e u n e p o l e m i q u e a n i m e e a u t o u r du n o m b r e de c o n s t i t u a n t s qu'elle c o m p o r t e . S'agit-il d ' u n e c o n s t r u c t i o n s i m p l e o u c o m p l e x e ? L e C i n f s u b o r d o n n e m e m e , contientil u n o u d e u x c o n s t i t u a n t s ? Q u e l l e est la r e l a t i o n g r a m m a t i c a l e e n t r e le V d P et le S N 2 et e n t r e l ' i n f i n i t i f et le S N 2 ? A p r e s a v o i r e t a b l i le c a d r e t h e o r i q u e de c e t t e d i s c u s s i o n (6.1), n o u s p a r c o u r r o n s s u c c e s s i v e m e n t les d i f f e r e n t e s a n a l y s e s p r o p o s e e s , ä savoir l ' a n a l y s e n o n p r o p o s i t i o n n e l l e ( 6 . 2 - 6 . 3 ) , l ' a n a l y s e p r o p o s i t i o n n e l l e (6.4) et l ' i n c o r p o r a t i o n (6.5). A la fin d u c h a p i t r e c e s trois a p p r o c h e s s e r o n t e v a l u e e s . N o u s a v a n c e r o n s l ' h y p o t h e s e q u e les d i f f e r e n t e s a n a l y s e s ne s'excluent pas, m a i s qu'elles se presentent d a n s des c o n t e x t e s d i f f e r e n t s , en fonct i o n de la m o d a l i t e d u V d P et d u d e g r e d e d y n a m i c i t e d u s t i m u l u s p e r g u (6.6).

6.1. Le Cinf: une proposition ou non? L ' u n e d e s q u e s t i o n s les plus e p i n e u s e s q u e la c o n s t r u c t i o n VdP + Inf a suscit e e est c e l l e d e la c o m p o s i t i o n i n t e r n e d u C i n f : est-il un c o m p l e m e n t de n a t u r e p r o p o s i t i o n n e l l e o u n o n ? E n g e n e r a l , u n e p r o p o s i t i o n se definit: 1.

e n t e r m e s s e m a n t i q u e s , c o m m e la r e l a t i o n l o g i q u e q u i e x i s t e entre le sujet et s o n p r e d i c a t : d a n s Jean mange, p a r le v e r b e

Jean est la s o u r c e d e l'activite e x p r i m e e

manger,

2. en t e r m e s s y n t a x i q u e s , c o m m e la relation de d e p e n d a n c e f o r m e l l e qui existe entre le sujet et son predicat: le sujet i m p o s e sa p e r s o n n e et son n o m b r e au v e r b e . L e C i n f se c a r a c t e r i s e p a r la p r e s e n c e d ' u n S N 2 ä v a l e u r r e f e r e n t i e l l e d o n t la f o n c t i o n s e m a n t i q u e s e m b l e e t r e l i e e ä l ' i n f i n i t i f . E n e f f e t , d a n s ( i a ) et ( i b ) Jean/Juan

est l a s o u r c e d e l ' a c t i v i t e e x p r i m e e p a r l ' i n f i n i t i f . L a g r a m m a i r e

t r a d i t i o n n e l l e a s s i g n e ä c e t a r g u m e n t la f o n c t i o n de sujet l o g i q u e o u s e m a n t i que de l'infinitif:1

H a l l i d a y ( 2 0 0 4 ) p r o p o s e u n c v u c t r i p a r t i t e d c la n o t i o n d c s u j e t c n d i s t i n g u a n t lc

137

(la) (ib)

Je vois Jean travaillcr. V e o a Juan trabajar.

Toutefois, c o m m e il est generalement admis, l'une des caracteristiques de base d'un verbe en mode non fini2 est l'absence d'accord avec un sujet. Par consequent, faute de flexion dans l'infinitif, le sujet logique ne fonctionne pas comme le sujet grammatical de Pinfinitif. A cela s'ajoute que le sujet semantique est parfois marque d'une forme syntaxique qui correspond ä la fonction d'un objet - direct ou indirect

et non ä celle d'un sujet. II s'ensuit que le Cinf a souvent

ete denote par le nom d"accusativus cum

infinitivo.

A f i n de contourner la contradiction entre ces proprietes semantiques et syntaxiques, nous recourrons plutöt aux termes plus neutres de SN2 et infinitif

au lieu de sujet de l'infinitif

(Sinf) et accusativus

complement

cum infinitivo.

En

effet, il sera demontre au cours des chapitres suivants que la fonction du SN 2 dans le Cinf peut etre conceptualisee de trois fagons differentes: c o m m e Sinf, c o m m e O D du V d P ou c o m m e objet du predicat complexe VdP + Inf. L'on peut done conclure que le C i n f correspond ä la definition semantique mais n o n ä la definition syntaxique de la proposition. C e t t e divergence est ä l'origine de la vaste bibliographie consacree ä la structure interne du C i n f et, plus generalement, de la C I . D e u x points de v u e s'opposent: un premier groupe de linguistes deduit du non accord entre le SN 2 et l'infinitif la nature non propositionnelle du C i n f , le SN 2 etant analyse c o m m e l ' O D du V d P plutot que c o m m e le Sinf (6.3); un deuxieme groupe - plus nombreux - attribue ä l'ensemble SN2 + Inf les proprietes d'une phrase a u t o n o m e avec un sujet et un predicat, le Cinf etant analyse cette fois-ci c o m m e un seul constituant de nature propositionnelle (6.4). Finalement, ä l e c a r t de ces deux approches antinomiques se trouve l'analyse de l'incorporation qui pose que dans certains contextes, le V d P et l'infinitif s'unissent en un predicat complexe, le SN 2 fonctionnant c o m m e F O D de ce predicat complexe (6.5).

6.2. L a C I en tant que structure simple: l'analyse attributive L a g r a m m a i r e de la Real Academia

Espanola

(1973) assigne une structure

attributive au C i n f espagnol: le SN 2 subordonne est analyse c o m m e l ' O D du

2

3

sujet l o g i q u e , le sujet g r a m m a t i c a l et le sujet p s y c h o l o g i q u e . II attribue ä ces trois categories des functions dil'lcrcntcs: le sujet logique correspond ä l'agent du verbe, le sujet g r a m m a t i c a l dicte l'accord avec le v e r b e , et le sujet p s y c h o l o g i q u e c o r r e s p o n d au topique dc la phrase. A u s s i appele le « m o d e i m p e r s o n n e l » o u «non conjugue». Q u a n d le v e r b e apparait sous f o r m e d'un infinitif, d'un participc ou d'un g c r o n d i f , il est invariable quant ä la p e r s o n n e g r a m m a t i c a l e . C f . la p r e s e n c e ou l'absencc dc la preposition a devant le S N 2 en e s p a g n o l : Veo a Juan trabajar vs. Veo llegar un barco. C e p h e n o m e n e sera a n a l y s e plus en detail d a n s le chap. 8 L e m a r q u a g e casucl du participant s u b o r d o n n e S N 2 .

138

V d P et linfinitif est defini comme le complement predicatif ou Tattribut de cet objet. Une analyse semblable a ete proposee par Willems/Defrancq (2000) pour le Cinf f r a ^ a i s , par Den Hertog ( 1 9 1 5 - 1 9 1 9 ) pour le Cinf neerlandais et par Poutsma (1928) pour le Cinf anglais. Dans ces ouvrages, la C I (2a) et les phrases avec des attributs de l ' O D de nature nominale (2b), adjectivale (2c) ou prepositionnelle (2d) sont nominees d'un trait: (2a) (2b) (2c) (2d)

J c l'ai vu travaillcr. Je le vois dejä premier ministre. Nous avons vu la portc ouvcrtc. On le voit dejä ä la tete de son parti.

L a structure interne de la C I correspondrait ä celle d'une phrase simple et pourrait etre representee par le schema suivant: 4 Phrase

SN,

SV

je

V vois

SN2=OD Jean

SN

Inf=attribut O D travaillcr

Figure 6.1 L a CI en tant que structure simple

Bello/Cuervo (1970), Higginbotham (1983, 1984) et Chierchia (1988) argumentent que la nature de rinfinitif attributif est nominale. Fernandez Lagunilla/Lopez (1991, 224) contredisent cette these en montrant que rinfinitif n'a pas le meme comportement syntaxique qu'un SN, puisque nom et infinitif ne sont pas substituables Tun ä l'autre (3a-b): (3a) (3b)

Buscaba la solucion dcOnitiva. Buscaba solucionar definitivamente.

E n recourant au meme argument de la substitution (4), ainsi qu'ä celui de la coordination (5), ces auteurs refutent egalement l'analyse de Alarcos Llorach (1970) selon laquelle rinfinitif est de nature adjectivale:

4

Nous utilisons ccttc representation structuralc uniquement ä des (ins dcscriptivcs et n'adherons aueunement ä une analyse syntaxique transformationnelle ä plusieurs niveaux.

139

(4) (5)

M a r i a ha sido visto d c s c a l z a / * d c s c a l z a r s c . 5 ' D e j a b a al n i n o t r a n q u i l o y dormir.

Finalement, l'analyse de l'infinitif en tant qu'aUrihul de l ' O D en soi a ete critiquee ä plusieurs reprises. Aussi, dans les etudes plus recentes, l'analyse attributive de l'infinitif a-t-elle ete abandonnee. 6 Labelle (1996, 101-103) par exemple distingue nettement la construction attributive canonique du Cinf: la construction attributive est un predicat second decrivant le SN 2 objet de perception au moment oü il est pergu tandis que le C i n f evoque un evenement e n t i e r j C e t t e these est soutenue par un nombre de phenomenes semantiques qui illustrent la difference entre le Cinf et la construction attributive par excellence, ä savoir la relative: 8 1. le Cinf peut decrire un evenement prenant place dans un monde hypothetique tandis que l'attributive est restreinte ä decrire un objet au moment oü il est per^u: (6)

Tu le v e r r a s pleurer. vs. Tu le v e r r a s qui pleurera. ( L a b e l l e 1996. 102)

2. l'attributive decrit la perception unique d'un evenement tandis que le C i n f peut designer une pluralite d'occurrences: (7)

Habituellement/generalement j e le vois prendre le bus. vs. Habituellement/ g c n c r a l c m c n t , j e lc vois qui prend lc bus. ( L a b c l l c 1996, 102)

3. alors que la duree de l'evenement peut etre m e n t i o n n e e dans le C i n f , la construction attributive est toujours imperfective puisqu'elle porte sur l'objet au moment de la perception: (8)

Je Tai v u pleurer de trois ä cinq h e u r e s . vs. Je Tai entendu qui pleurait de trois ä cinq hcurcs. ( L a b c l l c 1996, 102)

D a n s la suite de cette etude, la C I sera analysee c o m m e une structure fondamentalement complexe, denotant deux evenements: l'evenement de perception et l'evenement pergu. U n e phrase telle que je vois Jean danser ne peut pas etre mise au m e m e niveau qu'une phrase telle que je vois Jean, puisqu'ä la complexite qui s'ajoute ä cause de la presence de l'infinitif, doit correspondre une plus grande complexite dans l'analyse. II en resulte que l'analyse en tant que phrase simple n'entrera plus en ligne de compte.

5

6 7

s

R a p p e l o n s qu'en general, la passivisation de la C I n'est pas possible. V o i r supra 5.2.2. L a restriction dc passivisation. A l'exception de B ä e z M o n t e r o (1990) et de W i l l e m s / D e f r a n c q (2000). Plusieurs autcurs rccourront ä Fargumcnt dc la «perception globale d'un evenement» p o u r d e m o n t r e r la nature p r o p o s i t i o n n e l l e d u C i n f . cf. infra 6.4.1. L a nature u n i f o cale de la p e r c e p t i o n . P o u r une description plus d e t a i l l e e d e s p r o p r i e t e s de ce c o m p l e m e n t et ses princip a l c s dil'fcrcnccs avcc lc C i n f , voir entre autres B l u m c n t h a l (2002a), C a d i o t (1976), C i n q u e (1995), G u a s t i (1993), Hatcher (1944), K l e i b e r (1988), L a b e l l e (1996), M u l l e r (1995), S c h w a r z c (1974), S u n c r (1978), V a n der A u w c r a (1985) et W i l m c t (1988).

140

6.3 ·

L'analyse non propositionnelle du Cinf: S N , + V d P + [ S N J + [Inf]

L e s auteurs qui proposent une analyse n o n propositionnelle p o u r le C i n f ( A k m a j i a n 1977, D i k 1981, G e e 1975, Rodriguez Espineira 2000, V a n der Meer 1994) s'appuient essentiellement sur l'argument de la nature bifocale de la perception. Plus particulierement, lors d'un acte de perception directe le percepteur ne projette pas globalement un evenement, mais focalise un participant pendant qu'il realise un proces: «[...] u n participante ha sido p e r c i b i d o r e a l m e n t e mientras realizaba algiin evento. N o b a s t a , p u c s , c o n q u e la c l a u s u l a d c i n l i n i t i v o d e s i g n e un e v e n t o : c s t c d e b e p o d c r a t r i b u i r s e a u n a e n t i d a d » ( R o d r i g u e z E s p i n e i r a 2000, 53).

D a n s cette optique, R o s e n b a u m (1967), Fiengo (1974) et H a r b e r t (1977) argumentent que syntaxiquement, le SN 2 est F O D du VdP, mais que du point de vue semantique il fonctionne c o m m e le Sinf. L e contrdle du sujet par l'OD9 Veffacement

de SN identiques

et

permettent d'expliquer ce comportement dou-

ble. D e plus, rinfinitif n'apparait plus ä l'interieur d'un SN 1 0 mais fonctionne c o m m e constituant autonome. L e resultat est une analyse du Cinf en tant que structure ä deux constituants: S N , + V d P + [ S N 2 ] + [Inf]

L e S N 2 remplit deux fonctions thematiques: il joue le role d'un patient dans l'evenement de p e r c e p t i o n et celui d ' u n agent dans l'evenement pcrcu. P a r consequent, par le phenomene du contröle l ' O D du V d P et le Sinf sont referentiellement identiques dans la structure profonde: SN, + V d P + [SN,

OD]

(|SN2

Sinf] + Inf)

Par le processus d ' e f f a c e m e n t de S N identiques, l'une des deux occurrences du S N 2 disparait de sorte que dans la structure de surface le S N 2 se profile c o m m e l ' O D du VdP: T T S N j + V d P + [SN2

O D ] + [Inf]

L e schema suivant illustre cette transformation:

9

"' 11

P o u r p l u s d c d o n n c c s c o n c c r n a n t la s t r u c t u r e ä c o n t r ö l c , v o i r p a r c x c m p l c L a n d a u (2000). C o m m e e'etait le c a s d a n s l ' a n a l y s e d c la C I cn tant q u e s t r u c t u r e s i m p l e . L e Statut s y n t a x i q u e de r i n f i n i t i f est p l u s d i f f i c i l e ä d e t e r m i n e r . L e s a u t e u r s q u i s o u t i e n n e n t l ' a n a l y s e n o n p r o p o s i t i o n n e l l e d u C i n f nc sc p r o n o n c c n t p a s n o n p l u s sur la q u e s t i o n . L ' o n p o u r r a i t s i m p l e m e n t d i r e q u ' i l s'agit d ' u n c o n s t i t u a n t a u t o n o m e q u i f o n c t i o n n c c n q u c l q u c s o r t e aussi c o m m c un o b j e t d u V d P .

141

Phrase

SN, je

SV

SN2=OD

SV

/\

vois

SN,=Sinf Jean

V=Inf travailler

Figure 6.2 A n a l y s e non propositionncllc du C i n f

T o u t e f o i s , c e r t a i n s p h e n o m e n e s p e r m e t t e n t d e c o n t r e d i r e u n e telle a n a l y s e . P r e m i e r e m e n t , le c o m p o r t e m e n t s e m a n t i q u e des V d P est a s s e z d i f f e r e n t de celui des v e r b e s de c o n t r ö l e p r o t o t y p i q u e s , ä savoir les v e r b e s i l l o c u t i o n n a i r e s tels que convaincre

o u conseiller.

E n g e n e r a l , l'evenement d e n o t e p a r le c o m -

p l e m e n t n'exisle pas i n d e p e n d a m m e n t de la relation de contröle. P a r e x e m p l e , dans je convaincs

Jean de partir, l'evenement de J e a n qui p a r t e f f e c t i v e m e n t ne

se produit pas i n d e p e n d a m m e n t de m o n acte de conviction. C e t t e n o n autonom i e de l ' e v e n e m e n t s u b o r d o n n e ne vaut pas p o u r la C I : m a l g r e la simultaneite obligatoire, l'evenement pergu se produit i n d e p e n d a m m e n t de Facte de perception. 1 2 D e u x i e m e m e n t , si l'analyse de contröle semble plausible p o u r les VdP v i _ suciic e U e

n e

p o u r j'entends (9)

l ' e s t P a s p o u r les V d P a u d i l i v c . II nous p a r a i t difficile de p r o p o s e r Jean demarrer

la voiture

u n e structure dans le sens de:

"J'entends Jean [Jean demarrer la voiture].

E n e f f e t , c o m m e il a ete a f f i r m e ä plusieurs r e p r i s e s , le p e r c e p t e u r n'entend o u n ' e c o u t e j a m a i s d i r e c t e m e n t le participant-initiateur m e m e , m a i s le bruit que celui-ci produit en e f f e c t u a n t u n p r o c e s . D a n s l ' e x e m p l e (9), Jean ne peut done pas etre l ' O D d u V d P : je ne p e n j o i s pas J e a n mais les sons qu'il produit en d e m a r r a n t la voiture. N o u s verrons au cours de cette partie empirique qu'etant d o n n e les proprietes c o n c e p t u e l l e s d i f f e r e n t e s des m o d a l i t e s de p e r c e p t i o n , la structure i n t e r n e du C i n f s u b o r d o n n e ä un V d P v i s L l c l l c est d i f f e r e n t e de celle du C i n f s u b o r d o n n e ä un V d P . l u j j t j v e : la o u l'analyse n o n p r o p o s i t i o n n e l l e p o u r r a i t s'appliquer a u x V d P v j s u e i | e , elle est plus d i f f i c i l e ä soutenir p o u r les V d P . l u j i t i v e .

12

A u t r e m e n t dit, ce n'est pas Facte de perception qui cause l'evenement pergu. Sur le degre d'autonomic du stimulus, cf. supra 3.3.3. L ' O D stimulus: un proto-paticnt?

142

6.4· L'analyse propositionnelle du Cinf: SN, + VdP + [SN 2 + Inf] 6.4.1. L a nature unifocale de la perception L e s auteurs qui analysent le C i n f c o m m e un seul constituant attribuent ä l'ensemble SN2 + Inf les traits d'une proposition complete. Jespersen (1937) semble avoir ete le premier ä considerer le SN 2 et l'infinitif c o m m e une unite ou un «noyau infinitif dependant» (dependent infinitival

nexus).

C e t t e unite fonc-

tionne comme l ' O D du V d P et, ä l'interieur du noyau, le SN 2 fonctionne comme le Sinf. L e s arguments proposes en faveur de cette analyse sont essentielle ment de deux ordres: d'une part, les chercheurs s'appliquent ä demontrer que le SN 2 ne fonctionne pas c o m m e T O D du V d P mais c o m m e le Sinf (6.4.1.1), d'autre part, ils soulignent que le groupe SN, + Inf constitue une unite syntaxique (6.4.1.2).

6.4.1.1. L a fonction sujet du SN 2 D e G e e s t (1970), Kirsner/Lhompson (1976) et Felser (1999) postulent que la fonction grammaticale du SN 2 n e s t pas en premier lieu O D du VdP, mais Sinf. L e u r s criteres, proposes d'abord p o u r l'anglais et pour le neerlandais, valent aussi pour l'espagnol 1 3 et pour le frangais: 1. parfois, l'experient percoit un evenement globalement, sans perception du participant-initiateur: 1 4 (10a) (10b)

H e m e s v i s t o al gas v e n e n o s o m a t a r a t o d a s las ovejas. Je vois Jean lancer une l'usee au s o m m e t de la m o n t a g n e .

2. dans certains cas, le participant ne peut simplement pas etre penju parce qu'il est abstrait: (na) (nb)

H c visto la tc o b r a r milagros. Je vois le t e m p s s'approcher.

3. il se peut que le pereepteur n'entende pas l'agent mais le patient de Taction exprimee par linfinitif: (12)

4.

J'entends l ' h o m m c tuer l'animal.

finalement,

dans les Cinf qui decrivent des phenomenes naturels, le parti-

cipant-cause est tout simplement absent: (13)

O i g o Höver.

C e s observations menent Kirsner/Thompson (1976, 210) ä conclure que:

13 14

P o u r une application de ces criteres ä l'espagnol, v o i r aussi C a m p o s (1999). C t . supra 5.3.5. L a p e r c c p t i b i l i t e du stimulus.

143

«[...] it is not the c o m p l e m e n t subject but rather the entire c o m p l e m e n t which must be c o n s i d e r e d the direct o b j e c t of the s e n s o r y verb».

L a perception implicite du SN 2 est definie c o m m e une consequence pragmatique des nombreuses situations oil la perception d'une action coincide avec la perception d'un agent: «[...] m a n y s e n s o r y v e r b c o m p l e m e n t sentences d o c o m m u n i c a t e that the referent of the c o m p l e m e n t subject is, itself, p e r c e i v e d in the m a n n e r specified by the sens o r y verb. B u t this t y p e of m e s s a g e , in o u r v i e w , reflects not t h e s t r u c t u r e of t h e l a n g u a g e but rather the l a n g u a g e user's k n o w l e d g e of the world» ( K i r s n e r / T h o m p son T976, 210).

A ces arguments de nature semantique s'ajoute qu'en portugais, l'infinitif s'accorde en personne et en nombre avec le SN 2 , sous certaines conditions: 1 5 (14a) (14b)

V i os c a v a l o s c o r r e r e m . vs. V i os c a v a l o s correr. ( D e c l e r c k 1982b, 165) A l b e r t o viu, num rclampago, surgirem ä tona söfregas bocas de peixes. ( R o c giest 1983, 278)

R o e g i e s t (1983) argumente que l'emploi de l'infinitif flechi est rare quand le V d P et l'infinitif se juxtaposent, c o m m e dans: (14c)

E i e s o u v i r a m sair os l a d r ö e s d o b a n c o . ( R o e g i e s t 1983, 278)

L a position syntaxique du SN 2 pourrait done etre liee au fonctionnement grammatical de ce constituant: sujet ou non de l'infinitif. L'hypothese d'une telle correlation sera developpee dans le chapitre suivant.

6.4.1.2. L'unite syntaxique entre le SN 2 et l'infinitif U n e d e u x i e m e serie d'arguments p r o p o s e s dans la litterature m e t en relief l'unite syntaxique entre le SN 2 et l'infinitif: 1. en espagnol (15a) et en frangais (15b), c o m m e en anglais (15c) et en neerlandais (i5d) d'ailleurs, le p r o n o m qui remplace le C i n f est normalement neutre. C e qui est pronominalise e'est done 1 evenement entier et non seulement le SN 2 : (15a) (15b) (15c) (J5d)

H e visto a M a r i a bailar y Juan t a m b i e n lo/ 'la ha visto. Je vois M a r i e danscr, ma sosur le voit aussi. P s m i t h saw M a j a leave, and E d saw it too. ( N e a l e 1988, 310) Ik heb Jan zicn w c g l o p c n , en Pict lieel't hct 00k gezicn. (Declerck 1982b, 163).

2. le genre neutre du pronom relatif introduisant une phrase explicative pointe vers la m e m e conclusion: (16a) (16b)

15

V i el b a r c o atracar e n el p u e r t o , lo que m e resulto sorprendente. ( D i T u l l i o 1998,202) J'ai v u M a r i e danser, ce qui m'a e t o n n e .

L'infinitif regoit alors la d e n o m i n a t i o n d'infinito (1986).

144

pessoal:

cf. entre autres K i y o s a w a

3· la dislocation de l'infinitif p a r rapport au S N 2 aboutit ä une phrase agrammaticale: (17a) (17b)

Leer una novela, (la) vi ayer a Maria. (Di Tullio 1998, 204) *Danscr, j'ai vu Marie.

4. la selection des pronoms interrogatifs montre que le S N 2 et l'infinitif forment une unite indissociable: (18a) (18b) (18c) (i8d) (i8e) (18I)

*/,A quicn has visto? He visto a Maria leer una novela. (Di Tullio 1998, 205) *Oui as-tu vu? J'ai vu Marie danser. 1 /.Como la viste a Maria? Leer una novela. (Di Tullio 1998. 205) 'Comment as-tu vu Marie? Danser. /.Que has visto? He visto a Maria leer una novela. Ou'est-ce que tu as vu? J'ai vu Marie danser.

5. la coordination de plusieurs Cinf montre que e'est le complement entier qui est subordonne au V d P : (19a) (19b)

Vio al eiego bajar por la ealle y al perro entrar en la easa. (Roegiest 2003, 314) J'ai vu Marie danser et Jean travailler.

6. l'infinitif ne peut etre separe du S N 2 par une pause: (20a) (20b) 7.

Vi varios borrachos, tambalearse. (Di Tullio 1998, 206) *J'ai vu Marie, danser.

finalement, D i Tullio (1998) pretend que le Cinf peut contenir n'importe quel sujet parce que ce sujet ne regoit pas de m a r q u a g e thematique du VdP.

Toutefois, nous verrons au cours de cette deuxieme partie que chaque mode de perception selectionne prototypiquement un certain type d'entite. A i n s i les VdP a L l d i l i v c selectionnent des entites qui produisent un bruit - done des S N 2 necessairement dynamiques (21) - alors que le S N 2 subordonne ä un V d P v i s u c ü c peut etre dynamique mais ne doit pas l'etre (22). 1 6 Autrement dit, les V d P a u j i l i v c selectionnent principalement des evenements dynamiques alors que les VdP v j _ sueiie selectionnent ou bien des evenements dynamiques ou bien des objets: (21a) (21b) (22a) (22b)

J'entends [Jean chuchoter]. *J'cntcnds [la maison], Je vois [Jean arriver]. Je vois [la maison].

E n guise de conclusion, l'analyse propositionnelle du Cinf peut etre visualisee de la fagon suivante:

lfi

Cf. aussi supra 2.4.2.2. Differences entre perception visuelle et perception auditive et 3.3.3. L'OD stimulus: un proto-patient? 145

Phrase

Cinl' = proposition

SN, = Sin Γ Jean

In Γ travaillcr

F i g u r e 6.3 A n a l y s e p r o p o s i t i o n n e l l e du C i n f

6.4.2. Le type de proposition La nature propositionnelle du Cinf ayant ete aeeepte par bon nombre de linguistes, un nouveau probleme se pose: de quel type de proposition s'agit-il? Guasti (1989, 1993) et Bennis/Hoekstra (1989) argumentent que les Cinf anglais sont des propositions flexionnelles ( f u l l inflection phrases) alors que les constructions homologues dans les langues romanes sont des propositions concordantes (agreement phrases). Felser (1999) rejette ces deux analyses en se basant sur l'absence d'accord dans le Cinf 1 ? et d'indices temporeis propres. D'apres cet auteur, la proposition infinitive se caracterise en tout premier lieu par sa nature aspectuelle (aspectualphrases). Neanmoins, l'analyse qui a ete defendue par le plus grand nombre d'auteurs (Bosque 1990a, Di Tullio 1998, Keyser/Roeper 1984, Martineau 1992, Safir 1993, Stowell 1983 et Van Voorst 1988) est celle des phrases reduites (small clauses), qui sont definies comme des unites de predication minimales n'ayant pas de flexion casuelle ni de temps propre. t S Concretement, dans la CI le predicat subordonne, done Tinflnitif, impose un röle thematique au participant SN 2 mais n'est pas susceptible de lui assigner un cas syntaxique. Par consequent, e'est le VdP meme qui doit conferer une marque casuelle au SN 2 subordonne. En d'autres termes, le SN 2 regoit le cas «de maniere exceptionnelle» du VdP (Marquage de Cas Exceptionnel, Exceptional Case Marking)·. «El v c r b o s c l c e e i o n a t c m a t i c a m c n t c la clausula p c r o le asigna c a s o a su sujeto (en una c o n f i g u r a e i o n de M a r c a d o E x c e p c i o n a l de C a s o ) » ( D i T u l l i o 1998. 201).

Ce phenomene du Marquage de Cas Exceptionnel montre que de Tune ou de lautre fagon, le SN 2 est regi par le VdP. Ainsi en espagnol (23a) et en frangais (23b) - comme par ailleurs en anglais (23c) et en neerlandais (23d) d'ailleurs

17 18

Sauf d a n s q u e l q u e s C i n f p o r t u g a i s . cf. supra les e x e m p l e s (14). P o u r plus d'inl'ormations c o n c c r n a n t les proprictcs s y n t a x i q u c s des phrases reduites et c o n c e r n a n t la discussion autour d u n o m b r e de constituants qu'elles c o m p o r t e n t voir aussi W i l l i a m s (1983) et R o t h s t c i n (1985).

146

- le cas du SN 2 pronominalise est l'accusatif - et parfois meme le datif - U J et pas le nominatif, ce cas lui etant done necessairement assigne par le V d P : (23a) (23b) (23c) (23d)

L o / 'el he v i s t o salir. Jc Γ il ai v u partir. 2 0 I saw him/"he leave. Ik zag hcm/*hij w e g g a a n .

II s'y ajoute qu'en espagnol, l'accusatif prepositionnel peut apparaitre explicitement avec les SN 2 nominaux: (24)

H e visto a Juan cru/.ar la callc.

mais pas toujours: (25)

O i g o abrirsc la p u c r t a .

6.4.3. L e s operations de montee L e comportement hybride du SN 2 en tant que Sinf d'une part, et O D du V d P de l'autre, a mene plusieurs linguistes - essentiellement structuralistes et partisans de l'analyse propositionnelle du Cinf - ä postuler des transformations syntaxiques qui convertissent la structure profonde avec un S N 2 en fonction de Sinf en une structure superficielle avec un SN 2 en fonction d ' O D du VdP. D e u x types d'operations se distinguent: 1. la montee du sujet (De Geest 1970, Kirsner/Thompson 1976, Miller/Lowrey 2003); 2. la montee du verbe (Bennis/Hoekstra 1989, D e c l e r c k 1982b). L a montee du sujet implique que dans la structure de surface, le SN 2 monte vers la principale oil il regoit la fonction et le cas d ' O D du VdP. Syntaxiquement, Pinfinitif perd son sujet parce que celui-ci est attire par le verbe principal mais semantiquement, le SN 2 reste le Sinf de sorte que le stimulus de la perception est 1 evenement denote par l'ensemble SN, + In f.11 II en resulte que la montee du sujet est une operation differente du contröle par l'objet: 2 2 1. en structure profonde, le SN 2 est d'abord le Sinf alors que dans l'analyse de contröle le SN 2 est en premier lieu l ' O D du V d P ; 2. dans les structures ä contröle, le S N 2 remplit d e u x röles thematiques, ä savoir patient et agent, tandis que dans les constructions ä montee, le SN 2 est uniquement l'agent de l'evenement denote par l'infinitif;

19

20

21

22

L a variation cntrc ccs d e u x cas sera c t u d i c c d a n s lc chap. 8 L c m a r q u a g c casucl du participant s u b o r d o n n e S N 2 . E n l'rangais, lc S N , p r o n o m i n a l i s e est cliticisablc sur lc V d P , cc qui montrc c g a l c ment que le S N 2 est de l'une o u de l'autre f a g o n regi p a r ce v e r b e . E n d'autrcs t c r m c s , lc S N 2 I'onctionnc c o m m c la s o u r c e stimulus ct lc C i n f cnticr c o m m e le stimulus de p e r c e p t i o n . CI', supra. 6.3 L ' a n a l y s e non p r o p o s i t i o n n e l l e du C i n f : S N j + V d P + [SN 2 ] + [Inf],

147

3· dans le cas de la montee du sujet, le SN 2 n'est pas un argument logique du VdP; 4. l'analyse de la montee du sujet soutient la nature propositionnelle du Cinf tandis que le phenomene du contröle par l'OD implique que le SN 2 et l'infinitif sont deux constituants dissocies dans la structure profonde. L e schema suivant visualise la montee du sujet en position d'objet: Phrase

SN, je

SV vois

proposition

SN 2 Jean

SV travaillcr

Figure 6.4 L a montee du sujet

Miller/Lowrey (2003) soulignent que les V d P anglais presentent les particularites des verbes ä montee du sujet tels que to expect (s'attendre a). Premiere ment, les structures ä montee se construisent avec le SN impersonnel it (26a). C e S N non referentiel apparait egalement dans les complements des V d P et fonctionne necessairement comme le Sinf et non comme l ' O D du verbe principal (26b): (26a) (26b)

We expect it to rain. 2 3 We saw it rain.

Deuxiemement, les expressions idiomatiques sans participants perceptibles s'attachent aux verbes ä montee prototypiques (27a) ainsi qu'aux V d P (27b). Une fois de plus, ceci serait un indice du fait que e'est 1 evenement dans son ensemble qui fonctionne comme l'OD du verbe principal: (27a) (27b)

We expect all hell to break loose. We saw all hell break loose.

D e Geest ( 1 9 7 0 , 1 9 7 5 , 1 9 8 0 ) , Declerck (1982b) et Bennis/Hoekstra (1989) argumentent qu'en neerlandais, Pinfinitif monte vers la principale oil il se combine avec le V d P pour former un predicat complexe. Par la montee du verbe, le S N 2 demeure seul, en position d ' O D du predicat complexe: «Verb raising leads to a situation in which the verb of an embedded sentential complement is adjoined to its matrix verb. Verb raising applies only if the embedded

23

Excmples inspires de Miller/Lowrey (2003, 1 6 1 - 1 6 2 ) .

148

complement is infinitival. [...] If the matrix verb is a modal verb or a perception/ causative verb, only verb raising is possible» (Bennis/Hoekstra 1989, 3 1 ) .

L a montee du verbe se schematise de la iacon suivante: Phrase

Figure 6.5 L a montee du verbe

Dans l'exemple propose, Tinflnitif travailler monte vers la principale ou il se joint au VdP voir pour former un predicat complexe; Jean est l'OD de ce predicat.

6.5. L'incorporation de 1 mfinitif: SN : + [VdP + Inf] + SN, 6.5.1. Definition de l'incorporation 24 L a structure de la montee du verbe a ete caracterisee en termes d'incorporation (Bello/Cuervo 1970, Guasti 1993, Fernandez Lagunilla 1992, Vet 1987), reanalyse (Guasti 1989), reduction propositionnelle (Aissen/Perlmutter 1983, Moore 1990), restructuration (Di Lullio 1998, Labelle 1996), fusion (Marantz 1984, Rosen 1989), union (Fauconnier 1983) ou composition (Miller/Lowrey 2003). Toutes ces notions denotent le meme proces, ä savoir celui: «[...] by which one scmantically independent word comes to be another» ( B a k e r 1988. 1).

Lincorporation consiste dans la combinaison d'un verbe principal et d'un predicat enchässe - normalement sous forme d'un infinitif - dans une unite predicative complexe. A la suite de cette fusion, les relations grammaticales des deux predicate se reorganisent en ce sens que le predicat complexe regit tous les complements du predicat enchässe.

24

V u la bibliographie extremement riche sur l'incorporation, nous nous limitons aux ouvrages pertinents p o u r l'incorporation dans le d o m a i n e des VdP. L ' a n a l y s e se f o n d e sur les etudes d ' A i s s e n / P e r l m u t t e r ( 1 9 7 6 ) , B a k e r (1988), C l e m e n t ( 1 9 6 9 ) , Declerck (1982b), D e Geest (1980), Fauconnier (1983), Guasti ( 1 9 8 9 , 1 9 9 3 ) , Marantz (1984), Masullo (1992), Moore (1990), Roegiest (1983, 1985, 1 9 9 1 , 2 0 0 1 a ) et R o s e n (1989).

149

L'analyse decrite ci-dessus implique l'existence de deux niveaux syntaxiques: le niveau profond ou les deux verbes fonctionnent independamment et le niveau superficiel ο ύ ces d e u x verbes constituent un predicat complexe. Neanmoins, la theorie de la G r a m m a i r e Cognitive - le cadre de notre etude - n'admet pas l'idee de structures sous-jacentes ä l'organisation linguistique. E n termes plus cognitifs, la generation d'un predicat compose s'explique par la combinaison de deux evenements autonomes en un evenement plus complexe: le processus subordonne s'integre dans le processus principal, de sorte que la construction c o m p o s e e denote un seul evenement plus elabore. Nous verrons dans la suite de cette deuxieme partie que l'incorporation se produit quand deux proces sont tellement proches conceptuellement qu'ils peuvent etre consideres comme les composantes d'un proces plus complexe. L'incorporation conceptuelle se manifeste sur le plan syntaxique par un certain nombre de proprietes que nous decrirons ä l'aide de la construction factitive.

6.5.2. L'incorporation dans la construction factitive Danell (1979) et Roegiest (1983, 1985, 1991) ont etudie en detail l'incorporation dans la construction factitive faire, laisser, voir, entendre + Inf. L e s auteurs notent que la cohesion ä l'interieur de cette structure fusionnee est susceptible de degres: l'union est quasi obligatoire en espagnol et en frangais avec hacer/ faire mais facultative avec dejar/Iaisser et les VdP. A f i n de pouvoir - dans les chapitres suivants - mesurer l'incorporation dans la C I , nous parcourons ci-dessous les marquages syntaxiques les plus importants qui temoignent de l'union imperative dans la construction causative hacer/faire + Inf.25 Premierement, dans la construction causative incorporee, le S N 2 se positionne necessairement derriere l'infinitif: (28a) (28b)

Hago salir a Maria, vs. "Hago a Maria salir. Je fais partir Marie, vs. "Je fais Marie partir.

A u c u n element - meme pas la marque de la negation - ne s'intercale entre les deux verbes fusionnes: 2 6 (29a) (29b)

"Hago no salir a Maria. "Je fais ne pas partir Marie.

A i n s i l'insertion du pronom reflechi se est egalement un obstacle ä l'union. E n espagnol, la presence d'un infinitif pronominal engendre presque toujours l'intercalation du S N 2 (30a); en frangais, la presence de se est evitee (30b):

25

26

En effet, les structures VdP + Cinf ont souvent ete comparees avec la construction verbe causatif + Cinf. Sur la construction causative voir par cxcmplc Guasti (1993) et Trevino (1994). Ecoutons ä cc propos Dcclcrck (1982b, 173): «[...] the complcx V node resulting from Verb Raising is a lexical island into which no grammatical formatives [...] can be introduced». 150

(3oa) (30b)

Hago a los ninos scntarsc. (Rocgicst 1983, 281) J e fais asseoir les enfants.

Deuxiemement, comme le predicat complexe regit les complements du predicat enchässe, les pronoms clitiques s'attachent ä ce predicat complexe et s'anteposent au verbe principal:2·? (31a) (31b)

L a hago salir. vs. Hago salirla. J c la fais partir. vs. "Je fais la partir.

Roegiest (1989) fait noter que dans la construction causative espagnole, les clitiques ne montent pas toujours. Cette observation renforce son hypothese selon laquelle la fusion est plus contraignante en frangais qu'en espagnol: (32)

M c hizo mirarla. vs. M c la hizo mirar.

De plus, comme le predicat complexe regit les complements du verbe incorpore, il attribue egalement un cas ä ces arguments. L'attribution des cas se fait en accord avec le principe de l'unicite stratale ou de la redondance fonctionnelle: une relation grammaticale ne peut s'etablir qu'une seule fois avec un predicat donne. En irancais. quand Tinflnitif est intransitif, le SN 2 est marque comme FOD du predicat complexe: (33a)

Je (la) S N 2 fais partir. (la = M a r i e )

Toutefois, quand l'infinitif s'accompagne d'un propre OD, le SN 2 est marque comme OI (33b) ou comme complement oblique introduit par par ou par ά (33b'):28 (33b) (33b')

Je la (lui) S N 2 fais ecrire. (la = la lettre; lui = Jean) J c la fais ccrirc (par J c a n ) S N 2 . (la = la lettre)

Lorsque l'infinitif transitif s'accompagne d'un OI, le SN 2 est egalement exprime par par ou pronominalise par le datif lui: (33c) (33c')

27

2S

Je fais ecrire (par J e a n ) S N 2 ä mon oncle. J c (lui) S N 2 fais ccrirc ä mon onclc. (lui = Jean)

C f . le principe du Highest Verb Clitic Placement propose par Aissen/Perlmutter (1976, 3 2 0 ) : «The rule of Clitic Placement attaches cach clitic to the verb of the highest clause of which it is dependent». S'il y a plusieurs clitiques dans la phrase, ils montent tous ensemble: (i) Se lo hago escribir. v s . ? L e hago escribirlo. (ii) J c la lui fais ccrirc. vs. *Jc lui fais la ccrirc. vs. " J c la fais lui ccrirc. Cf. le principe du Multiple Clitic Constraint propose par Moore (1990, 329): «If a verb has more than one clitic dependent, then cither all clitic dependents of that verb undergo Clitic Climbing or none do». Moore (1990) argumente encore que l'union peut sc produirc quand les clitiques ne montent pas. L'emploi variable de ces deux prepositions depend, selon Roegiest (1983, 1985), du degre d'agentivite potentielle que l'on attribue au sujet cnchassc. Par s'utilisc quand le sujet de l'infinitif se profile dans le processus factif comme un agent secondaire autonome, alors que la preposition a introduit des constituants moins agcntil's. 151

Finalement, quand l'infinitif s'accompagne d'un O D ainsi que d'un OI, le SN 2 est necessairement exprime par un complement oblique: (33d)

J e lui fais ecrire une lettre (par J e a n ) S N 2 . (lui = mon oncle)

E n espagnol, le SN 2 est marque comme l'OD du predicat complexe quand l'infinitif est intransitif, tout comme en frangais: (34a)

( L O ) S N 2 hizo salir. (lo = Juan)

Quand l'inflnitif s'accompagne d'un propre O D , le S N 2 est marque comme l'OI du predicat complexe: (34b)

( S C ) S N 2 la hago cscribir. (sc = lc = a Juan; la = la carta)

Toutefois, comme l'affirme Roegiest (1989, 1991), l'espagnol est plus vulnerable quant ä la collision de deux fonctions grammaticales, vu le rapprochement formel entre l'OI et l'OD humain. 2 9 Par consequent, la presence d'un S N 2 et d'un O D de l'inflnitif humains pose ä la construction causative espagnole des problemes semblables ä ceux de l'inflnitif accompagne d'OI en ii ancais. L a ou le f r a ^ a i s admet la succession d'un O D humain et d'un OI humain (34c), l'espagnol doit decomposer un enonce avec deux constituants humains (34c'): (34c) (34c')

J e fais ecrire mon ami ä mes parents. "Hago cscribir a mi amigo a mis padres, vs. H a g o (a mi a m i g o ) S N 2 cscribir a mis padres.

D e meme, la montee de deux pronoms qui renvoient ä des etres humains n'est pas acceptable en espagnol; les clitiques doivent etre eloignes l'un de l'autre: (34d)

' S e lo hago castigar. vs. ( L e ) S N 2 hago castigarlo. (le = a Juan; lo = Pedro)

Quand l'inflnitif s'accompagne d'un O D et d'un Ol, le SN 2 est necessairement represente par un complement oblique: (34c)

S c la hago cscribir (por J u a n ) S N 2 . (sc = lc = a mi tio; la = la carta)

Ensuite, dans la structure fusionnee, l'adverbe postpose se rapporte ou bien au sujet grammatical du predicat complexe ( S N J ou bien ä l ' O D du predicat complexe (SN,). E n effet dans les exemples (35a-b), e'est Marie qui part furieusement ou e'est moi, furieuse, qui la fais partir. Dans la structure non fusionnee, cette ambigu'ite ne se presente pas; dans (35a'-b') e'est Marie qui part furieusement:

29

(35a) (35b) (35a')

H a g o salir a Maria furiosamente. J c fais partir Marie I'uricuscmcnt. Dejo a Maria salir furiosamente.

(35h')

J c laissc Marie partir I'uricuscmcnt.

CI', infra 8.5.2. L e s proprieties inhcrcntcs dc l'objct ct son marquagc casucl.

152

Finalement, dans la construction passive pronominale espagnole d'une structure incorporee l'accord s'etablit entre le verbe causatif passivise et F O D du predicat complexe. Cet O D fonctionne alors comme le sujet grammatical de la construction passivisee: (36)

Se hacen construir muchas casas. vs. 'Se hace construir muchas casas. 3 "

6.5.3. Les VdP et lincorporation En espagnol et en f r a ^ a i s Tordre des mots dans la C I varie entre (a) et (b): 3T (a) (b)

SNj + V d P + S N , + Inf SN, + V d P + Ι11Γ+ SN 2

Plusieurs chercheurs 32 ont analyse la CI sous (b) comme une structure ä incorporation ou le VdP et rinfinitif constituent un predicat complexe. Quand un VdP et son infinitif fusionnent, les memes proprietes syntaxiques signalees ä propos de la construction factitive se presentent: 1. le SN 2 se positionne derriere rinfinitif et aucun element ne s'intercale entre le VdP et Pinfinitif. L'observation que l'intercalation du SN 2 entre le VdP et l'infinitif n'est quand meme pas agrammaticale conflrme l'hypothese de Roegiest (1985, 1989) et de Danell (1979) selon laquelle l'union est moins contraignante avec les VdP qu'avec les verbes causatifs: (37a)

V c o aparcccr una casa. vs. V c o una casa aparcccr.

(37b)

Je vois apparaitre une maison. vs. Je vois une maison apparaitre.

2. les p r o n o m s c l i t i q u e s s ' a n t e p o s e n t g e n e r a l e m e n t a u p r e d i c a t c o m p l e x e : (38a)

Las oigo decir a Juan; Se las oigo decir. (las = las tonterias, le = a Juan)

3. en accord avec le principe de l'unicite stratale, le SN 2 est marque comme l ' O D du predicat complexe quand l'infinitif est intransitif (39a-b); quand rinfinitif s'accompagne d'un propre O D , le SN 2 est marque comme 1ΌΙ ou comme un complement oblique (4oa-b): (39a) (39b)

y

31

32

L a veo comer, (la = Maria) Jc la vois manger, (la = Marie)

Cette phrase ne se laisse plus interpreter comme une construction pronominale passive mais comme unc construction rellcchic, oil le pronom se I'onctionnc comme le beneficiaire de Taction exprimee. En anglais et cn nccrlandais, l'ordrc des mots est plus (ixc: le SN 2 se trouvc toujours devant rinfinitif, cf. infra 7.1. Definition du probleme: la position syntaxique du SN 2 . Pour l'espagnol, nous avons trouve des indices chez D i Tullio (1998), Fernandez Lagunilla/Lopez (1991), Fernandez Lagunilla (1992), Rodriguez Espincira (2000) et Roegiest (1989, 1998b, 2003); pour le frangais, il convient de mentionner Achard (1998), Labellc (1996), Miller/Lowrcy (2003), Roegiest (1985, 1989) ct Vet (1987).

153

(40a) (40b)

L c oigo contar un chistc. J e lui entends raconter une blague. 3 3

4. Tinterpretation ambigue de l'adverbe dans la structure causative fusionnee ne se presente pas dans la structure incorporee des VdP; l'adverbe modifle Taction decrite par l'infinitif et non celle du VdP: (41a) (41b)

Veo salir a Maria furiosamente. J c vois M a r i e partir I'uricuscmcnt.

5. finalement, l'accord dans le passif pronominal s'etablit tantöt entre le V d P et le S N 2 (42a), tantöt entre le V d P et le Cinf entier (42b). L e S N 2 ne fonctionne done pas necessairement comme le sujet grammatical du predicat complexe passivise: (42a) (42b)

Sc [oyen contar] chistes. Se oye [contar chistes].

L a ou bon nombre de linguistes (Fernandez Lagunilla/Lopez 1991, Fernandez Lagunilla 1992, Labelle 1996, Miller/Lowrey 2003) se contentent de signaler l'existence de la structure fusionnee dans le champ des VdP, d'autres examinent sa raison d'etre. Les explications proposees se basent sur des parametres de nature syntaxique (Vet 1987), semantique (Rodriguez Espifieira 2000), cognitive (Achard 1998) ou lexicale (Di Tullio 1998, Roegiest 2003). Premierement, Vet (1987) pose qu'en frangais Tincorporation se produit en fonction de l'ordre des mots canonique SVO. Dans la structure decomposee (43a) l'ordre syntaxique SNT + VdP + SN2 + Inf ne correspond pas ä l'ordre de base SVO, mais ä l'ordre SVTOV2. Par Tincorporation, le V d P et l'inflnitif fusionnent en un seul predicat, ce qui declenche l'ordre SVT+2 Ο (43b): (43a)

Marie voit les enfants sortir.

(43b)

Marie [voit sortir] les enfants.

S s

Vj

Ο

VI+2

V2 Ο

Or, nous verrons dans le chapitre suivant que l'ordre des mots dans la C I est plus libre en espagnol qu'en frangais. Par consequent, l'explication de Vet - bien qu'elle se base sur une these acceptable pour le frangais - ne sera pas necessairement transferable ä la C I espagnole. Rodriguez Espifieira (2000, 7 1 ) soutient une analyse plus semantique de Tincorporation. Quand l'infinitif est intransitif et le complement nominal SN 2 a un referent inanime, les deux verbes sont facilement integrables en un seul predicat complexe (44a). Quand le referent est anime et Pinfmitif est transitif, les deux verbes se caracterisent par une plus grande autonomie, ce qui empeche la fusion (44b). Troisiemement, quand un SN 2 anime se construit avec un infinitif intransitif, Tincorporation est possible mais alterne avec la structure

33

Notons que la phrase Je l'entends

154

raconter une blague est tout aussi acceptable.

decomposee (44c). Finalement, la structure incorporee caracterise egalement les phrases generiques ou le SN 2 n'est pas explicit e (44d). L a validite de ces principes sera verifiee au cours des chapitres suivants: (44a) (44b) (44c) (44c') (44d)

Veo crecer las flores. Habia visto a una golpcar con un zapato dc tacon a los que salian cscopcteados de la (Tamara A g r a r i a . V c o bailar a Maria. Veo a Maria bailar. M c gusta oir contar chistcs.

Achard (1998) developpe une explication plus cognitive du phenomene d'incorporation. Α cöte du degre d'independance du Cinf par rapport au verbe principal, l'emploi des deux constructions VV (structure ä incorporation, 45a) ou VOV (structure sans incorporation, 45b) dependrait de quel element de la scene est congu comme initialement saillant, ä savoir le participant Ο ou le processus V dans lequel il est implique: (45a)

J e a n voit partir Marie.

(45b)

J e a n voit Marie partir.

V V

V

O

V

L a structure VOV construit la scene comme deux evenements autonomes, avec le participant principal du proces subordonne au centre de la perception: «In V O V , the m a i n participant in the subordinate process and that process as a whole arc both in profile, but the participant has initial salicncc, and is therefore recognized as the primary landmark of the profiled relation. The process that participant is involved in is recognized as a secondary landmark of that relation» (Achard 1998, 89).

L a structure VV par contre construit la scene comme un seul evenement. L e processus saisit d'abord l'attention du percepteur et par un reajustement focal, le participant devient Telement saillant: «[...] the particularity of V V is that the construction involves focal of the elements of the base. The process itself has initial salience, but the participant subsequently becomes salient».

Dans le meme ordre d'idees, nous essayerons de demontier dans les chapitres suivants que dans une structure ä incorporation la perception se concentre essentiellement sur l'entite responsable de levenement incorpore. L e processus subordonne s'integre dans le processus principal pour former un evenement complexe et le participant subordonne, en fonction d'OD, est focalise par cet evenement. Finalement, il est vrai que certains evenements - comme les actes de communication pour la perception auditive (46a-b) - favorisent la «routine perceptuelle» et facilitent l'incorporation du verbe principal et de l'infinitif subordonne:

155

(46a) (46b)

J'ai entendu cricr M a r i e . 'J'ai entendu cuisiner Paul. vs. J'ai entendu P a u l cuisiner.

D i Tullio (1998) et Roegiest (2003) signalent ä ce propos que les VdP a u c ]j t j v e fusionnent f r e q u e m m e n t avec les infinitifs appartenant ä une classe lexicale particuliere, ä savoir celle des verba dicendi.

L e s auteurs ajoutent que l'incor-

poration est moins habituelle avec les V d P v i s u e , l e .

6.6. L a complementarite des analyses proposees 6.6.1. C o n f r o n t a t i o n des trois solutions L e survol des differentes solutions observees dans la litterature montre que le C i n f a regu trois analyses syntaxiques fondamentalement differentes, qui accordent au SN 2 les fonctions syntaxiques les plus diverses. Premierement, selon l'analyse non propositionnelle du C i n f , le S N 2 fonctionne syntaxiquement c o m m e l ' O D du V d P et l'infinitif fonctionne c o m m e constituant autonome. L e resultat est une analyse du Cinf en tant que structure ä deux composantes. L e s chercheurs qui proposent une telle analyse s'appuient sur l'hypothese de la nature bifocale de la perception: un percepteur ne pergoit pas globalement un evenement, mais focalise d'abord le participant-causateur et ensuite le processus dans lequel il est implique. D e u x i e m e m e n t , l'analyse unitaire du Cinf se fonde sur l'idee que lors d'un acte de perception, le percepteur pergoit levenement stimulus integralement. Cette solution attribue au Cinf les caracteristiques d'une proposition complete qui fonctionne comme l ' O D du VdP. A l'interieur de la proposition meme, le SN 2 remplit la fonction du Sinf. Troisiemement, l'analyse incorporee de la C I presume que le V d P et l'infinitif se combinent en un seul predicat complexe qui attribue au SN 2 la fonction d'objet. L e v e n e m e n t pergu est integre dans le processus perceptif, si bien que la construction c o m p o s e e denote un seul evenement plus elabore. L e tableau suivant synthetise les elements principaux de chaque solution proposee:

type d'analyse

representation s y n t a x i q u e

nombre constituents

fonction SN,

perception primaire dc...

n o n propositionnelle

S N , + V d P + [ S N J + [Inf]

2

O D VdP

entite

propositionnelle

SN, + VdP + [SN,+Inf]

I

Sinf

evenement

incorporation

SN, + [VdP+Inf] + SN2

2

Ο pred. complexe

entite

T a b l e a u 6.1 E v a l u a t i o n d e s trois a n a l y s e s

156

Nous avons constate d'une part que chacune de ces trois analyses est soutenue par une serie de tests semantiques et syntaxiques, mais d'autre part que chacune est en meme temps infirmee par d'autres tests. II convient de conclure que les argumentations traditionnelles ne suffisent pas pour rendre compte de la structure interne du Cinf et qu'elles ne font done qu'animer une discussion sans fin. A cette incompatibilite entre les trois analyses observees s'oppose notre hypothese selon laquelle l'ensemble des Cinf derriere les V d P ne constitue pas un type de complement homogene. Autrement dit, ä notre avis, les differentes solutions proposees ne s'excluent pas, mais s'appliquent ä des contextes differents 3 4 L e s proprietes semantico-conceptuelles des modalites de perception - exposees dans la premiere partie de cette etude - determinent la structure interne du Cinf, en ce sens que chaque modalite, visuelle ou auditive, selectionne de preference un type de stimulus particulier. D e ce fait, chaque type de V d P se construit prototypiquement avec l'un des trois types de Cinf presentes ci-dessus. Dans la suite de ce deuxieme volet, nous verifierons - ä l'aide de donnees empiriques - les postulats suivants: 1. la perception visuelle etant de nature objectale, 35 cette modalite ne focalise pas un evenement globalement mais projette separement le participantinitiateur et le proces dans lequel il est implique. Par consequent, le Cinf subordonne ä un VdP v i s u e u e est prototypiquement de nature non propositionnelle; 2. la perception auditive etant de nature evenementielle, 36 la perception auditive est d'abord perception d'un evenement global, cause par une entite. Par consequent, le Cinf subordonne ä un VdP a L l d i l i v c est prototypiquement de nature propositionnelle; 3. les classes des VdP v i s L l c l l c et des VdP a L 1 j i l i v c admettent toutes les deux l'incorporation, mais vu la nature differente des deux modalites, rincorporation est caracterisee par une frequence et par un degre de fusion different. II convient d'insister ici sur le fait que d'apres l'approche prototypique de la langue, les categories linguistiques sont organisees autour d'instances centrales et que tous les membres d'une classe η'out pas forcement le meme Statut, certains etant plus representatifs que d'autres. Par consequent, notre hypothese n'implique pas que tous les Cinf subordonnes aux V d P v j s u e „ e soient de nature

34

35

36

Par consequent, l'objcctif dc l'ctudc qui va suivrc n'est pas dc rcl'utcr les theories anterieures, mais d'apporter de nouveaux arguments qui montrent que les differentes analyses ne s'excluent pas, mais qu'elles sont en 1'ait complcmcntaircs. Rappelons que la notion de «perception objectale» indique que la perception visuelle localise des stimuli localises dans l'espace; cf. supra 5.3.5. L a perccptibilitc du stimulus. L a notion dc «perception evenementielle» indique que la perception auditive sclcctionne des stimuli passagers, localises dans le temps, ä savoir des evenements et des bruits; cf. 5.3.5. L a perccptibilitc du stimulus.

157

non propositionnelle, ni que tons les C i n f subordonnes aux V d P a u d i l i v c soient de nature propositionnelle, mais que les correlations etablies entre la modalite du V d P principal et la structure interne du Cinf s'observent dans la majorite des cas analyses. E v i d e m m e n t , c o m m e nous le verrons, des exceptions ä ces correlations sont toujours possibles. 6.6.2. Perception visuelle objectale vs. perception auditive evenementielle A v a n t de passer ä l'apport de preuves syntaxiques en faveur de ces hypotheses, nous repetons brievement les principaux arguments qui soutiennent l'opposition entre la perception auditive evenementielle et la perception visuelle objectale. Lors de la description des differences conceptuelles entre ces deux modalites, 3 7 nous avons observe qu'en general la perception visuelle d'un stimulus resulte simplement de la presence d'une entite. D e plus, on ne voit normalement pas un evenement sans voir en m e m e temps les participants impliques dans cet evenement. Par consequent, la perception visuelle consiste de preference en la perception d'un objet, v u contre l'arriere-fond du processus dans lequel il est implique. C e p e n d a n t , r a f f i r m a t i o n que la p e r c e p t i o n visuelle est typiquement

proto-

de nature o b j e c t a l e , n'implique pas que la p e r c e p t i o n visuelle

consiste toujours en la perception directe d'un objet. D a n s des phrases denotant des actes de perception directe causee telles que hemos

visto αϊ gas

matar a todas las ovejas ou j'ai vu le vent bouger les feuilles,

venenoso

le percepteur ne

voit generalement pas le gaz ou le vent, mais l'evenement entier. II en est de meme pour les actes de perception directe abstraite, tels que je vois le temps s'approcher

ou he visto la fe obrar

milagros.

E n revanche, la perception auditive resulte de l'effet de la presence d'une source stimulus. E n general, on entend un evenement realise par un participant, sans que ce participant soit directement pergu. Q u a n d j'entends

Jean

arriver, j'entends d'abord le processus d'arriver et je pourrais en deduire que c'est Jean qui arrive. Autrement dit, je n'entends pas Jean directement, j e n'entends que les bruits et les sons qu'il produit. Par consequent, c'est l'evenement entier qui est focalise par la perception auditive. L a perception visuelle est done perception objectale; la perception auditive est prototypiquement de nature evenementielle. Si la perception visuelle est principalement de nature objectale, le participant subordonne SN 2 sera conceptualise c o m m e l ' O D du VdP. L e processus dans lequel il est implique - decrit par l'infinitif - est egalement pergu, mais secondairement. II s'ensuit que la structure interne du Cinf subordonne ä un V d P v i s u c l [ e sera prototypiquement38

de nature non propositionnelle:

S N j + V d P v i s u c l l c + [ S N , = O D V d P ] + [Inf]

37

38

CI", supra 2.4.2.2. D i f f e r e n c e s c n t r c p e r c e p t i o n v i s u e l l e et p e r c e p t i o n a u d i t i v e et 5.3.5. L a perceptibilite du stimulus. A t t e n t i o n ä la notion de «prototype», et. plus haut d a n s ce p a r a g r a p h e .

158

Si la perception auditive est de nature evenementielle, le participant subord o n n e S N , sera c o n c e p t u a l i s e c o m m e la source d y n a m i q u e de l'evenement pei^u globalement et recevra les marques du participant dynamique prototypique, ä savoir le proto-agent/sujet. 3 9 Par consequent, l'organisation interne du C i n f subordonne ä un V d P a u d i l i v c sera prototypiquenient

de nature propo-

sitionnelle: S N t + V d P a u d l l l v c + [ S N , = Sinf + Inf]

D'autres proprietes conceptuelles des modalites de perception semblent confirmer cette these. Lors de notre analyse du degre de transitivite des VdP, 4 ° nous avons constate que dans le cas de la perception auditive les stimuli doivent produire un bruit afin d'etre entendus et que les stimuli sont done necessairement dynamiques. D a n s le cas de la perception visuelle, le stimulus peut causer un changement d'etat, mais il peut egalement etre pergu malgre son comportement statique. Par consequent, la perception visuelle est perception objectale d'un stimulus neutre quant ä la dynamicite, tandis que la perception auditive est perception evenementielle d'un stimulus intrinsequement dynamique. U n raisonnement plus pousse mene ä la conclusion que voici: plus un participant et le processus dans lequel il est implique sont dynamiques, plus l'evenement entier est autonome; moins un participant et le processus sont dynamiques, moins l'evenement est autonome. D a n s Jean danse par exemple, Jean est la source dynamique du processus de danser. L'evenement entier est autonome et ne necessite aucune intervention de la part d'un participant exterieur. E n revanche, dans l'evenement la feui lie torn be, le participant inanime non dynamique la feuille ne peut normalement pas directement causer l'evenement de tomber; l'intervention d'un autre participant - le vent par exemple - est requise. II s'ensuit que l'evenement est moins autonome et depend d'un autre evenement, n o t a m m e n t celui du vent qui souffle. P a r consequent, le stimulus prototypique de la perception auditive est un evenement dynamique et autonome - qui prendra la forme d'une proposition - alors que le stimulus prototypique de la perception visuelle est un objet, dynamique ou non, ou un evenement moins autonome, done moins enclin ä la forme propositionnelle. A v a n t de passer aux implications syntaxiques d'une telle analyse (6.6.4), nous examinerons d'abord comment les differences conceptuelles entre la perception visuelle et auditive rendent compte de la structure ä incorporation.

6.6.3. L'incorporation de l'evenement de perception et de l'evenement penju A c h a r d (1998) affirme que l'incorporation se produit quand Taction subordonnee est congue par le percepteur comme «premiere borne» (primary

39 4"

landmark)

C f . supra 3.2.1. L e proto-agent/sujet. C f . supra 3.3.3. L ' O D stimulus: un proto-paticnt?

159

de la p e r c e p t i o n . P a r un r e a j u s t e m e n t f o c a l , le p a r t i c i p a n t d e v i e n t l ' e l e m e n t saillant. D e m e m e , nous avons dejä i n d i q u e p r e a l a b l e m e n t que dans u n e struct u r e ä i n c o r p o r a t i o n la p e r c e p t i o n se c o n c e n t r e essentiellement sur une entite, et est done p r o t o t y p i q u e m e n t de nature objectale. C e t t e analyse c o n f i r m e notre definition g e n e r a l e de l ' i n c o r p o r a t i o n selon l a q u e l l e le p r o c e s s u s s u b o r d o n n e s'integre dans le p r o c e s s u s p r i n c i p a l p o u r f o r m e r u n e v e n e m e n t c o m p l e x e , le p a r t i c i p a n t s u b o r d o n n e , en f o n c t i o n d'objet, etant l o c a l i s e p a r c e t e v e n e m e n t . S y n t a x i q u e m e n t , l ' i n c o r p o r a t i o n se traduit p a r la structure suivante: SN, + [VdP + Inl'] + |SN 2 = Ο prcd complcxc]

Si l ' i n c o r p o r a t i o n i m p l i q u e la p e r c e p t i o n p r i m a i r e d ' u n e entite, elle d e v r a se p r o d u i r e plus n a t u r e l l e m e n t avec les V d P v i s u e n e qu'avec les VdP. l u [ i i t i v e . O r , plusieurs linguistes ( D i Tullio 1998, R o d r i g u e z E s p i n e i r a 2000) signalent que Tinc o r p o r a t i o n est plus f r e q u e n t e avec oir qu'avec ver. N e a n m o i n s , d'apres nous, c o m m e les V d P a L l d i l i v c selectionnent des e v e n e m e n t s s u b o r d o n n e s d y n a m i q u e s et autonomes, la fusion entre ce type de V d P et le processus subordonne devrait etre moins f r e q u e n t e que dans le cas des V d P v i s u c l l c , qui selectionnent des entites o u des e v e n e m e n t s m o i n s d y n a m i q u e s et m o i n s a u t o n o m e s . A c e l a s'ajoute q u e d'apres la theorie

du liage (binding

theory)

de G i v ö n

(1980), l ' i n c o r p o r a t i o n est u n e n o t i o n g r a d u e l l e qui p e u t etre m e s u r e e ä l'aide de d e u x p a r a m e t r e s s e m a n t i q u e s : 1. le d e g r e de contröle qu'exerce le p a r t i c i p a n t sujet de la p r i n c i p a l e sur 1 even e m e n t de la s u b o r d o n n e e : u n p l u s haut d e g r e de c o n t r ö l e e n t r a i n e u n e m o i n d r e a u t o n o m i e de l ' e v e n e m e n t s u b o r d o n n e et u n d e g r e d ' i n c o r p o r a tion plus eleve; un m o i n d r e d e g r e de c o n t r ö l e entrainant u n e i n c o r p o r a t i o n moins contraignante; 2. l ' i n d e p e n d a n c e de l ' e v e n e m e n t s u b o r d o n n e par r a p p o r t ä l'activite princip a l e : u n e c a p a c i t e p l u s g r a n d e d'activite a u t o n o m e d u p a r t i c i p a n t subord o n n e entraine u n d e g r e d ' i n c o r p o r a t i o n plus bas; u n e m o i n d r e a u t o n o m i e d u participant s u b o r d o n n e entrainant u n e i n t e g r a t i o n plus rigide. O r , nous avons dejä a f f i r m e ä plusieurs reprises que le p e r c e p t e u r visuel a plus de contröle sur Facte de p e r c e p t i o n que le p e r c e p t e u r auditif, qui se caracterise p a r u n d e g r e d'agentivite m o i n s e l e v e . 4 1 P a r a l l e l e m e n t , il a ete d e m o n t r e que le stimulus auditif se c a r a c t e r i s e p a r u n d e g r e d'activite a u t o n o m e plus eleve p a r r a p p o r t au stimulus v i s u e l . 4 2 A u s s i l ' i n c o r p o r a t i o n d e v r a i t - e l l e etre plus c o n t r a i g n a n t e avec les V d P v i s u c l l c qu'avec les V d P a u d i l i v c . D a n s c e t t e o p t i q u e , le r a p p o r t entre le d e g r e de f u s i o n et les p r o p r i e t e s i n h e r e n t e s du p a r t i c i p a n t s u b o r d o n n e S N 2 et Celles de Pinfinitif m e r i t e c e r t a i n e m e n t une a n a l y s e plus p o u s s e e : les p a r t i c i p a n t s et les infinitifs n o n d y n a m i q u e s d e v r a i e n t f a v o r i s e r

41 42

Cf. supra 3.3.2. L e sujet percepteur: un proto-agent? Cf. supra 3.3.3. L ' O D stimulus: un proto-paticnt?

160

r i n c o r p o r a t i o n alors que la fusion devrait etre moins contraignante avec les participants et les infinitifs plus dynamiques et autonomes. N o u s montrerons au cours de cette deuxieme partie que dans la structure incorporee VdPvimeiie

+ infinitif, le SN 2 est effectivement marque c o m m e l ' O D

du predicat complexe. D a n s le cas de l'incorporation avec un V d P a u d i t j v e , le SN 2 est theoriquement aussi l ' O D du predicat complexe, mais sa dynamicite inherente lui c o n f e r e des marques typiques du participant, qui, en termes de dynamicite inherente, se situe ä un degre plus eleve que l ' O D (OD < ΟΙ < S), ä savoir done les marques de Γ Ο Ι .

6.6.4. L e s marques syntaxiques des fonctions grammaticales A f i n de verifier les h y p o t h e s e s p o s t u l e e s ci-dessus, selon lesquelles le C i n f subordonne ä un VdP v i s L l e l l c est de preference de nature non propositionnelle et le Cinf subordonne ä un V d P a u j i l i v c est prototypiquement de nature propositionnelle, nous devrons verifier si: 1. le S N 2 subordonne ä un VdP v i s L l c l l c regoit effectivement les marques d'un O D du V d P ; 2. le SN 2 subordonne ä un V d P a u j j t j v e prend les marques d'un Sinf; 3. le S N 2 dans la structure incorporee avec un V d P . l u j i t i v e recoil d'autres marques syntaxiques que le SN 2 dans la structure incorporee avec un VdP vj _ suelle* Trois phenomenes syntaxiques sont avances dans la litterature ( G i v o n 2001, K e e n a n 1976, L a z a r d 1998, Primus 1999), en tant qu'indicateurs formels des fonctions grammaticales (S, O D et O l ) , ä savoir: 1. l'accord ou non entre un SN et le predicat; 2. son marquage casuel; 3. sa position syntaxique. K e e n a n (1975) propose une hierarchie de ces trois indicateurs: le marquage casuel est precise c o m m e l'indice le plus liable de la fonetion d'un constituant, la position syntaxique est presentee c o m m e l'indice le moins fiable. Entre ces deux extremes se situe l'accord verbal: [


oir entendre

> > > >

ver regarder

> >

mirar voir

Figure 7.6 Dynamicitc SN 2 par V d P

C e qui saute aux yeux, e'est la predominance de l'opposition perception visuelle vs. perception auditive par rapport ä la dichotomie volontaire vs. involontaire: 205

la tendance ä selectionner des S N 2 dynamiques ou non n'oppose pas principalement les V d P v o l o n l a i r c aux V d P i n v o l o n l a i r c , mais les V d P a u d i l i v c aux V d P v i . 42 sucllc·

7.6.2.3. L a correlation type de SN 2 /position syntaxique Les donnees statistiques indiquant le nombre de SN 2 anteposes ou postposes pour chaque VdP (cf. supra tableaux 7.3 et 7.4 repris ci-dessous par les tableaux 7.31 et 7.32), ont devoile que le nombre de SN 2 anteposes est plus eleve pour les VdP a L l d i l i v c que pour les VdP v i s u c l l c , en espagnol: prev

po

total

#

%

#

%

#

/o

ver

213

19%

911

81%

1124

100%

oir

174

32,1%

369

67.9%

543

100%

mirar

15

26,3%

42

73-7%

57

100%

escuchar

77

51.3%

73

48.7%

150

100%

total

479

25.6%

•395

74-4%

1874

100%

Tableau 7.31 P r e v vs. P o (espagnol)

ainsi qu'en fran9ais: prev

po

total

#

%

#

%

#

%

voir

961

65,2%

512

34.8%

1473

100%

entendre

283

85%

50

15%

92

40.5%

135

ecoater

69 1404

80.2%

•7

59-5% 19.8%

333 227

100%

regarder

66.3%

714

33-7%

total

100%

86

100%

2119

100%

T a b l e a u 7.32 P r e v vs. P o (frangais)

V o i d Tarrangement des V d P d'apres leur tendance ä se construire avec un SN 2 preverbal ou postverbal: 4:!

42

43

L a representation sous f o r m e d'echelle ne sert pas ä reproduire exactement les chiffrcs d o n n c s dans les tableaux mais d ' i n d i q u c r les rapports internes entre les quatre verbes. N o t o n s encore que les VdP v i s u t .n e se earaeterisent p a r une hierarchie inverse cn espagnol (ver > mirar) p a r rapport au frangais (regarder > ver). II en rcssort que quant au degre de d y n a m i c i t e du participant s u b o r d o n n e , la m o d a l i t e visuelle ou auditive du V d P d o m i n e son caractcre volontairc ou involontaire. Tout e o m m e dans le p a r a g r a p h e p r e c e d e n t , la representation sous f o r m e d'echelle nc sert pas ä reproduire cxactemcnt les c h i f f r c s d o n n c s dans les tableaux mais d'indiquer les rapports internes entre les quatre verbes. N o t o n s encore que les verbes se earaeterisent p a r une hierarchic inverse cn espagnol (escuchar > oir ct mirar >

206

[antcposition]

escuchar entendre

[postposition]

> >

oir ecouter

>: > > ; >

mirar voir

> >

ver regarder

Figure 7.7 Position SN 2 par V d P

Cette hierarchie, avec l'opposition primaire entre les VdP v i s u e , l e et les VdP au _ correspond en gros ä celle que nous avons etablie dans le paragraphe precedent (cf. figure 7.6). Cette ressemblance nous mene ä entrevoir une correlation entre la tendance d'un verbe ä selectionner un certain type semantique de S N 2 et le penchant du meme verbe ä se construire avec un S N 2 antepose ou postpose: plus un V d P selectionne des S N 2 dynamiques, plus il se construit avec un S N 2 antepose et vice versa. L a tendance des VdP a u [ i i t i v e ä se combiner plus souvent avec un SN 2 preverbal que les VdP v i s u e u e pourrait ainsi s'expliquer par leur inclination pour les S N 2 dynamiques. Cette hypothese ne peut etre valable qu'ä condition que nos chiffres pointent egalement vers les correlations SN2 dynamique/anteposition et SN2 no η dynamique/postposition. L'examen attentif du rapport entre le degre de dynamicite du S N 2 et sa position syntaxique, nous apprend que les SN 2 dynamiques se rangent en effet plus frequemment devant l'infinitif (esp.: 3 2 , 1 % - fr.: 75,7%) que les S N 2 non dynamiques, qui sont plus souvent postverbaux (esp.: 9 0 , 1 % - fr.: 47,4%). Voici les donnees relevees pour l'espagnol: dilivc,

prev

DYN NON D Y N

po

#

%

#

%

434

32,1%

916

67,9%

38

9.9%

344

90,1%

Tableau 7.33 Dynamicitc/position S N 2 (cspagnol)

et pour le frangais: prcv

po

#

%

#

%

DYN

1013

75-7%

326

24,3%

NON D Y N

220

52.6%

198

47-4%

Tableau 7.34 Dynamicitc/position S N , (frangais)

ver) par rapport au frangais (entendre > ecouter ct voir > regard er). II en rcssort que quant ä la position du participant subordonne, la modalite visuelle ou auditive du V d P dominc son caractcrc volontaire ou involontairc.

207

L e c h e l l e suivante r a n g e les t y p e s de S N 2 d'apres leur t e n d a n c e ä se m e t t r e en p o s i t i o n p r e v e r b a l e o u p o s t v e r b a l e p a r r a p p o r t ä l'infinitif: [antcposition] < SN 2 dynamiquc

[postposition] SN 2 non dynamiquc

>>

Figure 7.8 Position SN 2 par dynamicite

7.6.2.4. C o n c l u s i o n : la c o r r e l a t i o n entre la m o d a l i t e de p e r c e p t i o n , la n a t u r e s e m a n t i q u e du S N 2 et sa p o s i t i o n s y n t a x i q u e L a nature semantique du S N 2 semble jouer un röle important dans son positionn e m e n t s y n t a x i q u e : les S N 2 d y n a m i q u e s se mettent plus f r e q u e m m e n t d e v a n t l'infinitif que les S N 2 n o n d y n a m i q u e s qui se r a n g e n t plus a i s e m e n t d e r r i e r e l'infinitif. A n o t r e avis, les S N 2 d y n a m i q u e s sont congus p a r le locuteur/perc e p t e u r c o m m e de v r a i s sujets de l ' i n f i n i t i f q u i , e n e s p a g n o l et e n fran£ais, o c c u p e n t de p r e f e r e n c e la p o s i t i o n p r e v e r b a l e . L e s S N 2 n o n d y n a m i q u e s sont c o n c e p t u a l i s e s plutöt c o m m e des o b j e t s - du V d P o u d u p r e d i c a t c o m p l e x e VdP + Inf - p r o t o t y p i q u e m e n t p o s t p o s e s . A i n s i n o u s a b o u t i s s o n s a u x config u r a t i o n s suivantes: (1)

V d P

(2)

[ V d P ]

+

| ( S N +

2

[Inf]

+ d y n a m i q u e

+

( S N ,

[VdP + Inl'l + (SN 2

_

)

sinf

+

d v n a m i q u c

_ djmamique)

Inl'l )

o d O D

VdP

pred.

compl.

E n outre, v u les c a r a c t e r i s t i q u e s i n h e r e n t e s des m o d a l i t e s de p e r c e p t i o n , les V d P . l u j i t i v e s e l e c t i o n n e n t plus f r e q u e m m e n t des S N 2 d y n a m i q u e s , a n t e p o s e s ä l'infinitif et en f o n c t i o n de sujet, q u e les V d P v j s u e l , e qui a d m e t t e n t f a c i l e m e n t des S N 2 n o n d y n a m i q u e s p o s t p o s e s , en f o n c t i o n d'objet: (1) (2)

vdP

j i a u d i t i v e + |(SN 2 [VdP vlSLlcllc ] + [Inf] + (SN 2 [VdP visue || e + In I] + (SN 2 _ +

y n a m

q u e

_

)

sinf

+

d y n a m i q u c

dynamique)

1°'] )

O D

O D

VdP

pred.

compl.

N a t u r e l l e m e n t , ces s c h e m a s ne representent que les t e n d a n c e s p r i n c i p a l e s et non des regies fixes: en e s p a g n o l par e x e m p l e les S N 2 p o t e n t i e l l e m e n t d y n a m i q u e s a p p a r a i s s e n t aussi f r e q u e m m e n t d e r r i e r e l'infinitif. D e plus, les s c h e m a s ne tiennent pas e n c o r e c o m p t e de l'influence potentielle des p r o p r i e t e s semantiques des infinitifs s u b o r d o n n e s , q u e nous e t u d i e r o n s ci-dessous.

208

7.6.3.

L a n a t u r e s e m a n t i q u e de l'infinitif

7.6.3.1.

L e critere pertinent: la d y n a m i c i t e de 1 e v e n e m e n t e x p r i m e par rinfinitif

7.6.3.1.1. L e s t y p e s d ' e v e n e m e n t s distingues A p a r t la d y n a m i c i t e d u p a r t i c i p a n t s u b o r d o n n e , la d y n a m i c i t e du p r o c e s s u s p e r g u p o u r r a i t i n f l u e n c e r la p o s i t i o n s y n t a x i q u e du S N 2 . L e s inflnitifs seront classes suivant le t y p e d ' e v e n e m e n t qu'ils d e n o t e n t et plus p a r t i c u l i e r e m e n t , suivant le d e g r e de transfert d ' e n e r g i e - et done de d y n a m i c i t e - qu'ils impliquent. L e s trois t y p e s d ' e v e n e m e n t s d i s t i n g u e s c o r r e s p o n d e n t : 1. au transfert d ' e n e r g i e entre le S N 2 et u n autre p a r t i c i p a n t (P); 2. ä r e m i s s i o n d ' e n e r g i e p a r S N 2 ; 3. ä la r e c e p t i o n d ' e n e r g i e p a r S N 2 . L e transfert d ' e n e r g i e entre d e u x p a r t i c i p a n t s r e p r o d u i t la chaine o u le modele

des bonles

de billard

actionnelle

decrit dans le chapitre 3 (cf. figure 3.1). L a

c h a i n e a c t i o n n e l l e r e p r e s e n t e u n flux d'energie qui passe de la s o u r c e d'aetivite au recipient. L a s o u r c e p r o t o t y p i q u e est u n a g e n t h u m a i n o u a n i m e qui initie v o l o n t a i r e m e n t une activite; le recipient m o d e l e est un patient i n a n i m e qui a b s o r b e l'energie et subit un c h a n g e m e n t d'etat interne. U n e x e m p l e classique de c e t t e transmission e n e r g e t i q u e est Jean mange une pomme.

L'energie

e n g e n d r e e p a r l'activite de m a n g e r g e n e r e un c h a n g e m e n t d a n s la s t r u c t u r e interne de la p o m m e :

energie

^V^y^

source agent

Jean

recipient patient

manger

pomme

F i g u r e 7.9 T r a n s f e r ! d'energie

N a t u r e l l e m e n t , tous les e v e n e m e n t s ne c o r r e s p o n d e n t pas ä la c h a i n e actionn e l l e p r o t o t y p i q u e . S o u v e n t il n'y a q u ' u n seul p a r t i c i p a n t i m p l i q u e d a n s le processus, ce qui rend le transfert d ' e n e r g i e impossible. L ' o n p e u t parier d ' u n e emission d'energie q u a n d ce p a r t i c i p a n t e n g e n d r e u n e activite dont l'energie n'est pas r e c u e i l l i e p a r un patient, c o m m e dans Jean

energie

danse:

>

source agent

Jean

danser F i g u r e 7.10 E m i s s i o n d'energie

209

Finalement, quand le seul participant implique dans un evenement subit un changement d'etat interne, il se profile comme le recipient de 1 energie, comme dans l'exemple type la brauche casse: energie recipient patient

brauche

>

casser Figure 7 . 1 1 Reception d energie

C e s trois types d'evenements se rangent hierarchiquement selon le degre de transfert d'energie qu'ils impliquent. Logiquement, un evenement est dynamique quand il implique un haut degre de transfert d'energie: [-dynamiquc]
-

reception

emission

casser

danser

transmission

manger

Figure 7.12 Degres de transfert d'energie

A f i n que l'on puisse mesurer le degre de dynamicite de l'evenement penju, il faut classer les infinitifs selon un critere plus formel, ä savoir leur valence verbale, transitive ou intransitive. D a n s le troisieme chapitre il a ete a f f i r m e que syntaxiquement, un verbe transitif ( T R ) se definit par la presence obligatoire d'un O D tandis qu'un verbe intransitif ( I N T R ) se caracterise par l'absence d'un deuxieme argument. Semantiquement, la transitivite est associee ä la transmission d'energie entre un proto-agent/sujet et un proto-patient/objet. U n verbe intransitif se definit par l'absence de transfert d'energie. D e l'application de la definition syntaxique aux trois types d'evenements distingues, il ressort que le verbe de (73) est transitif tandis que les verbes de (74a-b) sont intransitifs: (73) (74a) (74b)

Jean mange une pomme. Jean danse. L a branche casse.

E n e f f e t , du point de v u e purement f o r m e l , danser est un v e r b e intransitif puisqu'il se construit sans O D . Or, d'une perspective semantique, les verbes intransitifs ne constituent pas un groupe homogene mais denotent deux types d'evenements: ou bien ils representent une emission d'energie ou bien une reception d'energie. Suivant le degre de transitivite et de dynamicite qu'ils denotent, les trois types d'infinitifs se rangent de la fagon suivante: 4 4

44

Nous sommcs bien conscicnte du fait que tous les verbes syntaxiquement transitifs

210

[- dynamiquc]

[+ dynamiquc] >

intransitif (a) casser

intransitif (b) danser

transitif manger

Figure 7.13 Transitivitc et dynamicitc

7 . 6 . 3 . 1 . 2 . L e s v e r b e s i n t r a n s i t i f s : i n e r g a t i f s et i n a c c u s a t i f s P e r l m u t t e r ( 1 9 7 8 ) a e t e le p r e m i e r ä n o t e r q u e la c l a s s e d e s v e r b e s i n t r a n s i t i f s n'est p a s h o m o g e n e m a i s c o m p r e n d d e u x s o u s - c l a s s e s , ä s a v o i r la c l a s s e des i n a c c u s a t i f s ( I N A C ) ( t o m b e r , arriver, ( I N E R G ) (danser,

travailler,

parier,...).

apparaitre,...)

et c e l l e des i n e r g a t i f s

L a distinction e n t r e les v e r b e s inac-

c u s a t i f s et i n e r g a t i f s a r e £ u d e s i n t e r p r e t a t i o n s s y n t a x i q u e s , s e m a n t i c o - t h e m a tiques et a s p e c t u e l l e s . L a definition p r o p o s e e p a r P e r l m u t t e r ( 1 9 7 8 ) , B u r z i o ( 1 9 8 1 , 1 9 8 6 ) et R o s e n ( 1 9 8 4 ) est d ' u n c a r a c t e r e e s s e n t i e l l e m e n t s y n t a x i q u e . C e s a u t e u r s p o s e n t q u e les i n a c c u s a t i f s et les i n e r g a t i f s se d i s t i n g u e n t p a r des c o n f i g u r a t i o n s p r o f o n d e s f o n d a m e n t a l e m e n t d i f f e r e n t e s . L e sujet s u p e r f i c i e l d e s v e r b e s i n e r g a t i f s est e g a l e m e n t un sujet d a n s la s t r u c t u r e p r o f o n d e alors q u e le sujet d e s v e r b e s inaccusatifs fonctionne dans la structure p r o f o n d e c o m m e un objet. A u t r e ment dit, un v e r b e i n a c c u s a t i f n e p e u t p a s p r e n d r e u n o b j e t et lui a s s i g n e r le c a s a c c u s a t i f , d ' o ü l ' a v a n c e m e n t d e l ' o b j e t en p o s i t i o n d e sujet d a n s la structure de s u r f a c e : 4 5

45

ne sont pas necessairement plus dynamiques que les verbes intransitifs, et que par consequent la tripartition syntaxique transitif \ s. inergatifs s. inaccusatif ne rcprcsente pas toujours une degradation allant du plus dynamique ou moins dynamique. D c nombrcux verbes transitifs scmblcnt cn fait moins dynamiques que certains inergatifs. L'on pourrait par exemple dire que les verbes de connaissance (savoir). de volonte (vouloir) ou dc sentiment (aimer) sont moins semantiquemcnt transitil's que le verbe syntaxiquement intransitif courir. parce qu'ils impliquent un moindre degrc de transfer! d'energic. Ccpcndanl, ccs verbes denolenl gcneralcment des elals, el comme nous l'avons indique anterieurement (cf. 5.3.2. L a presence de predicats statiqucs) les infinitil's statiqucs n'apparaisscnt que ties rarcmcnt dans la C f . Par consequent, le probleme des verbes syntaxiquement transitifs mais semantiquement pcu transitifs ne sc pose pas dans notrc analyse. Ouoi qu'il cn soil, la division des infinitifs en trois types fournit un instrument qui nous permettra d'examiner plus facilcmcnt la correlation cntrc le type d'inlinitif subordonnc ct la position syntaxique du SN 2 . Rosen (1984) parle ä cc propos d'un avanccmcnt inaccusatif. Dans lc cadre dc la Grammaire Relationnelle, le sujet d'un verbe inaccusatif est appele un initial 2 tandis que lc sujet d'un verbe incrgatif est un initial 1. 211

inaccusatif

inergatif

F i g u r e 7.14 Inaccusatif vs. inergatif

A u t r e m e n t dit, le sujet syntaxique d'un verbe inergatif fonctionne c o m m e un vrai sujet tandis que le sujet d'un verbe inaccusatif a les proprietes d'un objet. G r i m s h a w (1990), Tenny (1994) et L e v i n / R a p p a p o r t (1995) appellent le sujet unique du verbe inergatif «l'argument externe» et le sujet de l'inaccusatif «l'argument interne». Celui-ci est directement gouverne par le verbe alors que celuila se trouve en dehors de la portee immediate du predicat. Parallelement, les deux classes d'intransitifs ont ete definies du point de vue semantico-thematique (cf. entre autres L a b e l l e 1990 et M e n d i k o e t x e a 1999a). L e sujet d ' u n verbe inergatif est l'entite activement responsable du changement denote par le verbe alors que le sujet d'un verbe inaccusatif est le locus du changement d'etat: les inergatifs ont des sujets typiquement agentifs tandis que les inaccusatifs se construisent avec des sujets moins agentifs. Pose autrement, le sujet d'un inergatif presente les traits du proto-agent alors que le sujet d'un inaccusatif se caracterise plutot c o m m e le proto-patient. D e plus, L e v i n / R a p p a p o r t (1995) et M e n d i k o e t x e a (1999a) ont note des tendances de certaines classes verbales ä s'associer ä l'inaccusativite ou ä l'inergativite. L e tableau suivant fournit quelques exemples:

1NAC -

INERG

v e r b e s d e n o t a n t d e s c h a n g e m e n t s d etat physique ou psychique de cause (lumber,

-

crotlre,

gonfler) (rouler,

monier,

corporels rire)

v e r b e s d emission de stimuli c o r p o r e l s

(puer,

briller) -

verbes de direction (descendre,

verbes denotant des processus i n v o l o n t a i r e s ( d o r m i r , lousser,

-

v e r b e s n o n a g e n t i f s de m o u v e m e n t sanier)

-

-

interne

verbes

agentifs

nager,

danser)

de

mouvement

(courir,

arriver) -

verbes d'existence (cxiswr.

vivrc)

-

v e r b e s d ' a p p a r i t i o n (apparaitre,

-

v e r b e s de d i s p a r i t i o n

surgir)

(disparatlre)

T a b l e a u 7.35 V e r b e s intransitifs et classes l e x i c a l e s

C e t t e definition et classification semantique sera ä la b a s e de l'analyse des infinitifs qui apparaissent dans notre corpus. Notons encore que recemment, 212

plusieurs chercheurs (McClure 1990, Sanz 2000,Tenny 1994, Van Valin 1990, Van Voorst 1988, Zaenen 1993) ont affirme que la dichotomie inaccusatif \s. inergaft/est due au type d'Aktionsart du verbe 46 Van Voorst (1988) note que le sujet d'un verbe inaccusatif fonctionne comme objet de delimitation de l'evenement et que par consequent, les inaccusatifs denotent necessairement des evenements teliques, ä savoir des accomplissements et des achevements. Vu l'absence d'un objet de delimitation dans la structure des inergatifs, ces verbes correspondent ä des evenements ateliques, ä savoir des activites. Sanz (2000) ajoute finalement que les etats sont prototypiquement representee par des inaccusatifs. Parallelement ä la discussion autour de la definition des intransitifs, un certain nombre de tests ont ete developpes pour decider du caractere inaccusatif ou inergatif d'un verbe. L e s deux diagnostics les plus importants - qui ont ete proposes d'abord pour l'italien (Rosen 1984, Burzio 1981, 1986) - sont: 1. les inaccusatifs se construisent avec le clitique partitif ne contrairement aux inergatifs: ne sono apparsi tre vs. "ne hanno dormiti tre\ 2. les verbes inaccusatifs se construisent avec l'auxiliaire essere tandis que les inergatifs selectionnent l'auxiliaire avere: e caduto vs. ha sorriso. Levin/Rappaport (1995) signalent qu'en anglais: 3. les inergatifs apparaissent facilement dans la construction X's way, ä l'encontre des inaccusatifs: he danced his way through the room vs. "he fell his way of the horse. E n neerlandais (Zaenen 1993): 4. les inaccusatifs n'admettent pas la construction du passif impersonnel, contrairement aux inergatifs: "in dat ziekenhuis wordt er gestorven vs. in dat huis wordt er gewerkt; 5. les inaccusatifs se construisent comme des participes perfectifs anteposes ä un SN ä l'inverse des inergatifs: de gevallen man vs. *de gewerkte man. Bien sür, ce qui nous interesse le plus, ce sont les tests proposes pour l'espagnol et pour le frangais. Labelle (1990) pose qu'en fran9ais: 6. les inaccusatifs admettent la construction impersonnelle alors que les inergatifs ne Tacceptent pas: il est arrive un homme vs. *il est travaille un homme; 7. les inaccusatifs admettent, contrairement aux inergatifs, la construction absolue, precedee d l i n e fois: une fois le ministre arrive vs. "line fois le ministre travaille; 8. les inaccusatifs peuvent etre Tobjet infinitival du verbe croire quand l'argument interne se relativise: le ministre que je croyais etre arrive vs. *le ministre que je croyais avoir travaille·,

46

S u r la notion d'Aktionsart

voir supra

4 . 1 . D e f i n i t i o n d c l'aspcct.

213

9- comme en italien, les inaccusatifs selectionnent l'auxiliaire etre tandis que les inergatifs se construisent avec avoir: le ministre est arrive vs. le ministre a travaille. E n comparaison avec d'autres langues, le nombre de diagnostics de l'inaccusativite proposes pour l'espagnol est relativement restreint. Belletti (1987), Mendikoetxea (1999a) et V a n h o e (2004) signalent quand meme que: 10. les inaccusatifs admettent des S N postposes sans determinant: Hegau coches vs. *trabajan personas; 1 1 . de certains verbes inaccusatifs Ton peut former un adjectif derive en -ble: les inergatifs ne donnent pas lieu ä ce type d'adjectif: variable, recomendable vs. "nadable, "gritable\ 12. les inaccusatifs s'inserent dans la periphrase subordonnee ä la construction participiale avec acabar. noticias acabadas de llegar vs. *hombres acabados de Irabajar·, 13. comme en frangais, les inaccusatifs apparaissent dans la construction absolue: Uegado el ministro vs. + trabajados los hombres; 14. les inaccusatifs se construisent avec l'adverbe temporel recien: recien Uegado vs. "recien trabajado: Ces tests nous aideront ä classer les infinitifs de notre corpus, bien qu'ils doivent etre utilises avec prudence. Kuno/Takami (2004) argumentent par exemple qu'en anglais Tacceptabilite du test avec X's way ne depend pas de la nature inaccusative ou inergative du verbe, mais que d'autres contraintes syntaxiques, et surtout fonctionnelles, interviennent. 4 ? L'on pourrait ajouter qu'en fait chaque diagnostic a sa validite bien qu'aucun ne soit exclusif. Zaenen (1993) signale par exemple que le test (4) avec le passif impersonnel ne selectionne que les inergatifs contrölables. L e s inergatifs denotant les processus corporels involontaires n'admettent pas le passif impersonnel, tout comme les inaccusatifs: (75)

"In dat huis wcrd cr gcstonkcn.

E n frangais, le test (6) avec l'impersonnel isole un type particulier d'inaccusativite, ä savoir les verbes d'existence, d'apparition et de disparition. L e diagnostic ne s'applique pas aux inaccusatifs designant des changements d'etat de cause interne (76a), ni aux verbes non agentifs de mouvement (76b): (76a) (76b)

'II est crü une fleur. I1 est saute unc fillc.

?

D e plus, en espagnol de nombreux verbes inaccusatifs n'admettent pas la constitution d'adjectifs en -ble ( 1 1 ) :

47

La meme hypothesc est dcl'enduc pour quatre autres tests, notamment: la construction avec there. la construction pseudo-passive, l'extraposition du NP sujet et le test avec l'objet interne (cognate object). 214

(77)

*aparcciblc, *cxistiblc, "crcciblc,...

L o r s de la classification des infinitifs du c o r p u s , nous t i e n d r o n s c e r t a i n e m e n t c o m p t e de ces tests, m a i s le role p r e p o n d e r a n t sera attribue au critere s e m a n t i c o - t h e m a t i q u e selon l e q u e l le sujet inaccusatif f o n c t i o n n e plutot c o m m e un patient alors que le sujet inergatif est plus agentif. D e M i g u e l (1992) p r o p o s e u n d e r n i e r test qui sera i m p o r t a n t p o u r notre e t u d e des f a c t e u r s qui d e t e r m i n e n t la position s y n t a x i q u e d u S N 2 : 15. les v e r b e s inaccusatifs tendent ä se construire avec un sujet postverbal tandis que les inergatifs se c a r a c t e r i s e n t p a r un sujet preverbal: llega Juan vs. Juan

trabaja.

II a d e j ä ete signale p r e c e d e m m e n t q u e les v e r b e s q u i m a r q u e n t Tentree en scene d ' u n p e r s o n n a g e (apparaitre), l'arrivee d ' u n e v e n e m e n t o u la succession de faits (arriver, passer) - done des verbes p r o t o t y p i q u e m e n t inaccusatifs - sont p r o p i c e s ä la p o s t p o s i t i o n de l e u r sujet (cf. D a n e l l 1 9 7 9 , D e l b e c q u e 1987 et L a m b r e c h t 1 9 9 5 ) . 4 8 T o r t o r a (1999) p r e s u m e que cet ordre des m o t s VS reflete l'ordre de la structure p r o f o n d e oil le sujet - qui est en r e a l i t e un o b j e t - surgit ä droite du v e r b e . D a n s le m e m e ordre d'idees, D i T u l l i o (1998) a f f i r m e que l'ordre des m o t s d a n s la C I e s p a g n o l e est sensible a u x p r o p r i e t e s de l'infinitif: les infinitifs i n e r g a t i f s s e l e c t i o n n e n t s o u v e n t des S N 2 p r e v e r b a u x tandis que les i n a c c u s a t i f s p r e f e r e n t les S N 2 p o s t v e r b a u x . L a validite de c e t t e these sera v e r i f i e e dans notre c o r p u s .

7.6.3.1.3. L e s infinitifs p r o n o m i n a u x : transitifs, i n a c c u s a t i f s o u inergatifs? A p a r t les v e r b e s transitifs et intransitifs, u n troisieme t y p e d'infinitif surgit dans n o t r e c o r p u s , ä savoir les infinitifs p r o n o m i n a u x ( P R O N ) du t y p e trarse/se rencontrer,

lavarse/se

laver, desmayarse/s'evanouir,.,.

encon-

U n v e r b e pro-

n o m i n a l se c o n s t r u i t p a r d e f i n i t i o n a v e c u n p r o n o m c o n j o i n t - la f o r m e d u clitique se ä la t r o i s i e m e p e r s o n n e - qui est de la m e m e p e r s o n n e que le sujet de la p h r a s e d a n s l a q u e l l e il a p p a r a i t . L a litterature a b o n d a n t e au sujet d e s c o n s t r u c t i o n s p r o n o m i n a l e s 4 9 s ' o c c u p e en p r e m i e r lieu de la m u l t i f o n c t i o n n a lite du clitique se et de son Statut p a r r a p p o r t ä la s t r u c t u r e a r g u m e n t a l e . O r , le but du present p a r a g r a p h e est de r e p o n d r e ä la q u e s t i o n a v a n c e e p a r Espin o s a G a r c i a (1995, 77):

48

•w

C f . supra 7.5. P a r a m e t r e s c o g n i t i f s : l ' i c o n i c i t e de la s t r u c t u r e s y n t a x i q u e . P o u r l ' c s p a g n o l il c o n v i c n t d c c i t c r les o u v r a g e s d c A l a r c o s L l o r a c h ( 1 9 7 0 ) , C a n o A g u i l a r (1981), D e M i g u e l (1992, 2000), E s p i n o s a G a r c i a (1995), M a l d o n a d o ( 1 9 9 9 ) , M a r t i n Z o r r a q u i n o (1979), M c n d i k o c t x c a (1999b), M o r c i r a Rodriguez/Butt (1996), N i s h i d a (1994), O e s t e r r e i c h e r (1992), S c h m i d t - R i e s e (1998) et P e r e g r i n O t e r o ( 1 9 9 9 ) ; p o u r lc I'rangais v o i r c n t r c a u t r c s M c l i s ( 1 9 9 0 ) , R u w c t ( 1 9 7 2 ) , W a l t c r c i t (2000) ct Wehrli (1986); p o u r des etudes plus generales des constructions pronominales, voir C c n n a m o ( 1 9 9 3 ) , R c i n h a r t ( 1 9 9 6 ) et S e l i g ( 1 9 9 8 ) .

215

«/,Quc rclacion manticnc la construccion pronominal con la transitividad c intransitividad?»

D e l'cxamen attentif des infinitifs p r o n o m i n a u x qui apparaissent dans le corpus, il ressort que le clitique se c o u v r e u n e g a m m e de v a l e u r s et d'emplois differents. A f i n de s t r u c t u r e r le vaste c h a m p o p e r a t i o n n e l de se, il c o n v i e n t de d i s t i n g u e r d e u x g r a n d e s c a t e g o r i e s suivant son Statut s y n t a x i q u e : o u b i e n se remplit une f o n c t i o n g r a m m a t i c a l e dans la p h r a s e , o u b i e n pas. Q u a n d se est substituable par un S N o u par un autre p r o n o m o b j e t , il remplit la f o n c t i o n d ' u n O D . L e p r o n o m r e f l e c h i dans (78a) p a r e x e m p l e p e u t etre r e m p l a c e p a r u n S N , ce q u i p o i n t e v e r s s o n f o n c t i o n n e m e n t e n tant q u O D (78b-d). E n outre, les sujets Jean et Marie interagissent: J e a n r e n c o n t r e M a r i e et M a r i e r e n c o n t r e Jean. D a n s c e t y p e de c o n s t r u c t i o n se f o n c t i o n n e c o m m e un pronom reciproque: (78a) (78a') (78b) (78b') (78c) (78c') (78d) (78d')

Juan y Maria se encuentran. Jean et M a r i e sc rcncontrcnt. Juan encuentra a Maria. Jean rcncontrc Marie. M a r i a encuentra a Juan. M a r i e rcncontrc Jean. Juan y Maria encuentran a unos amigos. Jean ct M a r i e rcncontrcnt des amis.

L e s p h r a s e s (79b-c) indiquent q u e dans (79a) se remplit e g a l e m e n t la f o n c t i o n s y n t a x i q u e d ' u n O D m a i s que, c o n t r a i r e m e n t ä c e que nous avons o b s e r v e ä p r o p o s de (78), le sujet n'agit pas sur un autre p a r t i c i p a n t mais sur lui-meme. L e sujet Jean et l ' O D se sont coreferentiels, d'oü la d e n o m i n a t i o n de construction r e f l e x i v e : 5 0 (79a) (79a') (79b) (79b') (79c) (79c')

Juan Jean Juan Jean Juan Jean

se lava. sc lave. lava el coche. lave la voiturc. lava sus manos. lave scs mains.

L a d e u x i e m e c a t e g o r i e e n g l o b e t o u t e s les c o n s t r u c t i o n s o ü se n e r e m p l i t p a s d e f o n c t i o n g r a m m a t i c a l e et n e r e n v o i e d o n e p a s ä u n d e u x i e m e p a r t i cipant, ä savoir la classe des p s e u d o - r e f l e x i f s l e x i c a u x . L e clitique se i n d i q u e

50

Waltcrcit (2000) distingue trois types dc constructions reflexives d'aprcs lc degre dc coreference entre le sujet et se, ä savoir: la construction reflexive directe dans laquelle les deux participants sont cntiercmcnt corel'ercnticls (i); la construction reflexive partitive dans laquelle le premier participant est en partie coreferentiel avec le deuxieme (ii); la construction reflexive mctonymiquc qui impliquc unc relation partic-tout entre le sujet et une deuxieme entite qui y est liee conceptuellement (iii): (i) Jean s'est enferme dans son bureau. (ii) Jean se rase. ( O n ne rase qu'une partie du visage, ä savoir le menton) (iii) Jean sc confcssc. (Jean conicssc scs crimes ou scs p c c h c s )

216

que le sujet est uniquement concerne par Taction sans qu'il y ait coreferentialite: desmayarse/s'evanouir, irritarse/s'irriter,... D e plus, le pronom reflexif peut ajouter une valeur inchoative ä des verbes de changement d'etat physique (iquemarse/se briiler), d'etat psychique (asustarse) ou de position (caerse). 5 T D e u x autres emplois du clitique se doivent encore etre mentionnes, ä savoir les constructions pronominales passive (80) et impersonnelle (81): (80) (81)

L a puerta se abre. Sc vivc bicn aqui.

L e s proprietes de ces deux constructions seront analysees en detail plus loin dans cette etude. 5 2 L e schema suivant resume la classification proposee pour les constructions pronominales:

/+/ reciproque

reflexif

encontrarse

lavarse

; : : :

sc: function grammaticalc?

"

pseudoreflexif desmayarse

/-/

valeur inchoativc abrirse

[passif]

[impersonnel]

X se abre

se vive bien

Figure 7.15 Classification des constructions pronominales

D ' a p r e s nous, les infinitifs pronominaux s'introduisent dans les trois classes d'evenements distinguees dans la section anterieure, ä savoir: 1. les transitifs qui denotent un transfert d'energie; 2. les inergatifs qui representent remission d'energie; 3. les inaccusatifs qui correspondent ä la reception d'energie. C o m m e les reciproques representent un transfert d'energie entre plusieurs participants, nous les classons p a r m i les transitifs: (82)

L o s vi besarse, no en la boca, que alivio, sino en las mcjillas, [...]. (JP, 347)

L a classification des infinitifs reflexifs est moins evidente. Certains auteurs les considerent comme des verbes transitifs (Mendikoetxea 1999b, Peregrin Otero 1999, Selig 1998), d'autres comme des inaccusatifs ( G r i m s h a w 1982, i g g o 5 i , Sportiche 1998, V a n Voorst 1988, Waltereit 2000 5 4 ). Or, nous nous rangeons

51

52 53

54

Notons que cct cmploi est plus rcpandu en cspagnol qu'en frangais, ou *se prendre peur et 'se tomber n'existent pas. Cf. chap. 9 L'accord verbal dans la construction infinitive pronominaliscc. Grimshaw (1990,154): «[···] reflexive cliticisation turns a verb with an external argument into a verb with no external argument: the syntactically expressed argument is the internal argument of the verb». Waltereit (2000, 268): «By its very nature, sclf-affcctcdncss as related to rcllcxivity

217

du cöte de H o p p e r / T h o m p s o n (1980) et de M a l d o n a d o (1999) qui situent les verbes reflexifs ä cheval sur les transitifs et les intransitifs. D ' u n e part, c o m m e Taction que l ' h o m m e e f f e c t u e sur lui-meme est moins energetique que Taction dirigee vers d'autres participants, il y a une reduction du degre d energie transmise par rapport aux transitifs prototypiques. 5 5 D'autre part, l'adjonction du clitique se, c o m m e dans lavarse, ne modifie pas radicalement la structure actancielle du verbe originairement transitif lavar. E n outre, ces verbes s'accompagnent souvent d'un O D explicitant le terme de l'energie; ainsi dans la phrase (83), Tinfinitif est clairement transitif: (83)

S e le o i r ä l a v a r s e los d i e n t e s a p a r a t o s a m e n t e y h a c e r g ä r g a r a s . ( C R E A , R c s i n o C . 1991)

C o m m e la categorie oü le reflechi se ne remplit pas de fonction grammaticale se caracterise par la presence d'un seul argument referentiel, les infinitifs p r o n o m i n a u x pseudo-reflexifs ou inchoatifs ne sont pas transitifs. L'association entre les verbes pseudo-reflexifs et l'inaccusativite n'est pas nouvelle. U n des arguments les plus f r e q u e m m e n t avances est qu'en frangais - c o m m e en italien d'ailleurs - les verbes intrinsequement reflexifs se construisent avec Tauxiliaire etre.56 Toutefois, le fait que les verbes p s e u d o - r e f l e x i f s proviennent d'une operation de reduction de deux arguments ä un seul ne signifie pas necessairement qu'ils soient inaccusatifs. A u s s i sommes-nous d'accord avec Peregrin O t e r o (1999, 1467) quand il a f f i r m e que les verbes en question ne sont pas tous inaccusatifs: «En p r i m e r lugar, [...] cs bicn sabido q u e cn a l g u n a s lenguas g c r m ä n i c a s los v c r b o s i n h e r e n t e m e n t e reflexivos se c o n j u g a n c o n el equivalente de haber, mientras que los inacusativos sc c o n j u g a n con cl e q u i v a l e n t e dc ser, [...]. E n s c g u n d o lugar, cxistcn v e r b o s i n h e r e n t e m e n t e reflexivos que se c o m p o r t a n c o m o intransitivos inergativos r c s p c c t o a a l g u n o s d i a g n o s t i c o s [...]. E n t c r c c r lugar, cs bicn sabido que la incrgatividad y la inacusatividad son ο p u e d e n ser p r o p i e d a d e s , no del v e r b o por si m i s m o , sino del p r c d i c a d o » .

M a l d o n a d o (1999) note encore que l'adjonction de se cause une augmentation du niveau d'energie des verbes originairement intransitifs. L'emploi de la forme caerse par exemple implique que Tevenement se produit malgre les attentes du sujet tout c o m m e la forme irse insiste sur Tacte volitif de partir de la part du sujet. D a n s les infinitifs proposes ci-dessous, se s'ajoute ä des verbes

55

56

focuscs on the result of the event b c c a u s c scll'-aftcctcdncss is a result of sclf-dircctcd action. B y the same t o k e n , the implicature of s e l f - a f f e c t e d n e s s f a d e s out the subject participant of the reflexive construction. O n l y one participant remains c o n c c p t u a l l y represented; the reflexive c o n s t r u c t i o n resembles therefore an u n a c c u s a t i v e intransitive verb». E n e f f e t , les v e r b e s r e f l e x i f s n'ont q u ' u n seul p a r t i c i p a n t et n o n d e u x c o m m e les transitifs p r o t o t y p i q u e s . N o u s avons v u d a n s 7.6.3.1.2. L e s v e r b e s intransitifs: inergatifs et i n a c c u s a t i f s que la c o n j u g a i s o n avee etre/essere est un diagnostic dc l'inaccusativitc.

218

originairement intransitifs, inaccusatifs et inergatifs. Nous classons les verbes de (84) denotant des changements progressifs mais non agentifs c o m m e des inaccusatifs; les infinitifs de (85) se construisent necessairement avec un sujet agentif et sont done inergatifs: (84) (85)

p u d r i r s c , a p r o x i m a r s c , m o r i r s c , ... rcirsc, d o r m i r s c , l a m c n t a r s c , q u c j a r s c , . . .

Voici une synthese des differents types d i n f i n i t i f s pronominaux: classification

inlinilil' p r o n o m i n a l

t y p e de c o n s t r u c t i o n rcciproque

encontrarse/se se

rellexive

renconlrer;

batirse/se

battre:

TR

matarse/

tuer

lavarse/se

Iciver; afeitarsc/se

reiser;

TR

encerrarse/

s'enfermer rcflcxivite inhercntc

(a) desmayarse,

(pseudo-rellexil',

(b) refrse,

aproximarse,

lamentarse.

romperse,

(a) I N A C

morirse

dormirse

(b) I N E R G

inchoatil)

T a b l e a u 7.36 Classification des infinitifs p r o n o m i n a u x

7.6.3.2. L a correlation type de VdP/nature semantique de Pinfinitif L e s tableaux 7.37/7.38 m a r q u a n t le rapport entre la m o d a l i t e du V d P et les t y p e s d'infinitifs s u b o r d o n n e s montrent qu'en e s p a g n o l et en frangais, les VdP v i s L l e l l e

verlvoir

et

se construisent principalement avec des

mirar/regarder

infinitifs inaccusatifs: (86a) (86b)

E s l a p r i m c r a v c / q u c v c o ( m o r i r ) I N A C a un liombrc. ( C R E A . M ä r q u e z J. 1 9 9 5 ) [...] je ne r e s t a i s p a s d a n s m o n p l u m a r d ä r e g a r d e r ( p a s s e r ) I N A C la v i e . ( G l o s s a , 16/10/2003)

Les VdPaujjtjve

et

olr/entendre

par contre selectionnent plus

escuchcir/ecouter

frequemment des infinitifs transitifs (87a) et inergatifs (87b): (87a) (87b)

C u a n d o oigo a B a r r i o n u e v o ( a r g u m e n t a r ) T R virtudes testiculares para defender a Saneristobal entiendo que lo tienen todo perdido. ( C R E A , Prensa r994) [...] on tentait d e g r a p p i l l e r q u e l q u e s b r i b e s d e r e p o n s e s en e c o u t a n t ( d i a l o g u e r ) I N E R G M i t t e r r a n d et M a n d e l a , sous le regard de C a v a d a . ( L M . 8/7/1994)

Voici les frequences observees pour l'espagnol: TR

INERG

INAC

total

#

/o

#

/o

#

%

#

/o

ver

72

6.4%

158

r4.r%

894

79-5%

Π24

roo%

oir

232

427%

205

37.8%

106

19.5%

543

100%

4

7.1%

•4

24,6%

39

68.3%

57

100%

84

56%

42

28%

24

16%

150

100%

mirar escuchar

T a b l e a u 7.37 D y n a m i e i t e de l'infinitil' (espagnol)

219

et pour le f r a r ^ a i s : TR

INERG

INAC

total

#

%

#

%

#

%

#

%

voir

389

26,4%

158

10,7%

926

62.9%

1473

100%

entendre

194

58.3%

112

33-6%

27

8.1%

333

100%

regarder

31

13.7%

42

18.5%

154

67,8%

227

100%

ecouter

49

57%

26

30,2%

11

12,8%

86

100%

Tableau 7.38 Dynamicite de Finfinitif (frangais)

L e classement des V d P selon leur tendance ä selectionner des infinitifs dynamiques montre e f f e c t i v e m e n t que les donnees pointent vers une d i f f e r e n c e primaire entre les V d P v i s u e l l e et les VdP a u d j t j v e :57 [Inf - D Y N ]

[Inf + D Y N ]



< ver regarder

<
-

SN stimulus accusatif

(Inf)

(II)

(iii) SN T pcrccptcur nominatif

Inf >

·