Les instruments de musique en Irak: Et leur rôle dans la société traditionnelle [Reprint 2020 ed.] 9783112321348, 9783112310175


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French Pages 258 [276] Year 1980

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Table of contents :
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION
APERÇU SUR LES CADRES GÉOGRAPHIQUE ET ETHNIQUE
PREMIÈRE PARTIE. INSTRUMENTS DE MUSIQUE. Description, répartition
CHAPITRE I. IDIOPHONES
CHAPITRE II. MEMBRANOPHONES
CHAPITRE III. AÉROPHONES
CHAPITRE IV. CORDOPHONES
CHAPITRE V. RÉPARTITION DES INSTRUMENTS DE MUSIQUE
DEUXIÈME PARTIE. MUSICIENS
CHAPITRE VI. LE MUSICIEN
TROISIÈME PARTIE. FONCTIONS SOCIALES
CHAPITRE VII. INSTRUMENTS DE MUSIQUE AUX PRINCIPALES ÉTAPES DU CYCLE DE LA VIE
CHAPITRE VIII. LES PRATIQUES MAGIQUES
CHAPITRE IX. INSTRUMENTS DE MUSIQUE DANS LES CÉRÉMONIES ISLAMIQUES
CHAPITRE X. INSTRUMENTS DE MUSIQUE CHEZ LES YÉZIDI
CHAPITRE XI. INSTRUMENTS DE MUSIQUE DANS LES ÉGLISES ORIENTALES LOCALES
CONCLUSION
ANNEXES
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET DES PHOTOS
TABLE DES MATIÈRES
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Les instruments de musique en Irak: Et leur rôle dans la société traditionnelle [Reprint 2020 ed.]
 9783112321348, 9783112310175

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LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN IRAK

ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

CAHIERS DE L'HOMME Ethnologie - Géographie - Linguistique NOUVELLE

SÉRIE

XXI

MOUTON ÉDITEUR • PARIS - LA HAYE - NEW YORK ÉDITIONS DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

SCHÉHÉRAZADE QASSIM HASSAN

LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN IRAK et leur rôle dans la société traditionnelle

MOUTON ÉDITEUR - PARIS - LA HAYE - NEW YORK ÉDITIONS DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

CET

OUVRAGE

A

ÉTÉ

PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU

CENTRE

NATIONAL

DE

LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DU DE

MINISTÈRE

IRAKIEN

LA C U L T U R E

ET

DE

L'INFORMATION

IL

EST

ISSU

D'UNE

THÈSE

DE DOCTORAT DE 3 CYCLE SOUTENUE

A

L'UNIVERSITÉ

PARIS V

ISBN : 2-7132-0701-0 (EHESS) 2-7193-0467-0 (Mouton éditeur, Paris) 90-279-7827-1 (Mouton Publishers, The Hague) © 1980 by Mouton Éditeur and École des Hautes Études en Sciences Imprimé en France

sociales

AVANT-PROPOS Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à tous ceux dont l'aide et les conseils m'ont permis de réaliser cet ouvrage. Mes remerciements s'adressent, en particulier, à tous les informateurs irakiens (musiciens, luthiers, chanteurs, hommes religieux, écrivains et connaisseurs de traditions) trop nombreux pour être cités; au Centre folklorique et à son directeur M. L. al-Khouri, à tous ceux qui travaillent au Centre de musique traditionnelle de Radio-Bagdad. Je veux aussi exprimer ma gratitude au peintre Dhia al-Azzawi qui a bien voulu réaliser la plus grande partie des dessins et à M. Khaled Sald. Les concours dont j'ai bénéficié en France ont également été nombreux et divers. Ma reconnaissance s'adresse au professeur Jacques Berque dont les cours au Collège de France m'ont familiarisée avec la sociologie du monde arabe et qui a dirigé mes recherches. Je remercie spécialement M. Gilbert Rouget, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique, qui, avec une bienveillance inlassable, a accompagné de ses critiques et de ses suggestions l'élaboration de cet ouvrage. J'exprime aussi ma gratitude à M. André Schaeffner qui n'a cessé de s'intéresser à mon travail et de m'encourager, à Mme Geneviève Taurelle-Dournon qui a apporté les éclaircissements nécessaires à l'élaboration de la partie organologique de l'ouvrage. Mes remerciements vont également au département du Proche-Orient du Musée de l'Homme et aux assistants du Laboratoire de graphique du professeur Jacques Bertin dont l'aide a été efficace et chaleureuse. Je suis redevable à tous les amis qui m'ont aidée à rédiger cet ouvrage dans une langue qui n'est pas la mienne et à M. B. Aubert, pour le temps qu'il a bien voulu me consacrer. Ce livre doit sa parution à la bienveillance de M. Tarek Aziz, ministre irakien de l'Information, qui a joint son concours à celui du Centre national de la recherche scientifique pour en assurer matériellement la publication.

INTRODUCTION La présente étude est consacrée à la description des instruments de musique traditionnels que l'on rencontre actuellement en Irak et à leurs fonctions au sein de la société qui en fait usage. Des multiples éléments qui composent la réalité musicale, nous avons retenu les seuls instruments de musique, mais nous avons étendu notre enquête à l'ensemble du territoire irakien. C'est ce double choix qu'il convient en premier lieu de justifier. Nous ne pouvions espérer présenter le phénomène musical irakien sous plusieurs aspects, et a fortiori dans son ensemble, pour au moins deux ordres de raisons qui tiennent d'une part à l'insuffisance de notre information, d'autre part à l'extrême diversité ethnique, linguistique et religieuse des populations du pays, qui rendrait pareille tentative démesurée. Notre connaissance de la musique irakienne souffre de nombreuses lacunes. Seule, la musique vocale citadine de Bagdad a fait périodiquement l'objet d'ouvrages bien intentionnés mais peu scientifiques, rédigés en général par des interprètes renommés 1 . En dehors de quelques allusions éparses dans divers articles généraux, nous n'avons rien sur les musiques des Bédouins, des Kurdes, des Noirs, des Yézidi ou des sectes ésotériques, pour ne prendre que quelques exemples. Une autre difficulté provient de la diversité des ethnies et des religions. Lorsqu'on oppose musique arabe citadine et musique bédouine, on fait appel à des critères de différenciation socio-économiques ; le critère est d'ordre ethnique lorsqu'on parle de musiques arabe, kurde ou des Noirs, et d'ordre religieux lorsqu'il est question de musiques yézidi ou chrétienne. Or, comme on le verra dans notre « Aperçu sur les cadres géographique et ethnique », ces différents niveaux de différenciation ne coïncident pas entre eux : ainsi, certains Arabes

1. Tel est le cas des ouvrages de H. al-Ridjab (1961); A. K. al-Allaf (1963) ; S. I. Khalil (1963); D. al-Hanafi (1964); H. al-Wardi (1964) qui ont en commun de ne présenter qu'un aspect de la musique classique citadine, à savoir la musique vocale de Bagdad. Notons au passage qu'en matière d'instruments, ces travaux se bornent à citer, sous forme d'allusions rapides, les instruments qui accompagnent les chants des makàmdt. 9 565061 6

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Introduction

sédentaires sont Musulmans sunnites comme les Arabes bédouins et la majorité des Kurdes, tandis que les autres sont Chiites comme les Kurdes failites. Ainsi, la double nécessité d'entreprendre un inventaire des domaines encore inconnus de la musique irakienne et de surmonter les difficultés liées au choix de critères de classement non musicaux nous a conduite à choisir un aspect précis de la réalité musicale irakienne et à l'étudier dans l'ensemble de ses contextes socioculturels. C'est donc une sorte de tableau systématique qu'espère offrir le présent ouvrage, qui prend pour objet les instruments de musique traditionnels et leur insertion dans la société irakienne. Le choix des instruments de musique s'est imposé à nous pour plusieurs raisons : d'abord, la grande diversité présentée, aux plans linguistique et religieux, par les populations de l'Irak, qui aurait constitué, pour une étude de la musique vocale par exemple, une difficulté supplémentaire, offrait pour un premier travail un obstacle sensiblement moindre. Ensuite, et surtout, il nous est vite apparu que dans la lutte que se livrent en Irak, depuis ces dernières années, musique traditionnelle et musique « à l'Occidentale », lutte qui tourne trop souvent à l'avantage de cette dernière, c'étaient les instruments de musique, tant dans leur nature que dans les conditions de leur emploi, qui étaient — et d'assez loin — les plus menacés : certains ont déjà disparu, d'autres sont en voie de disparition, plusieurs enfin voient leur facture modifiée pour diverses raisons. Certes, les instruments ne sont pas les seuls éléments constituants de la musique à être ainsi menacés, mais il est facile de constater que la musique vocale et ses formes résistaient mieux, sans parler même des textes chantés dont la conservation est en partie assurée par la publication de très nombreux recueils de poésies populaires. Il y avait donc urgence à dresser un inventaire, sinon exhaustif du moins aussi complet que possible, qui puisse servir de point de départ à des études ultérieures. Cet inventaire revêtira la forme d'une description synchronique qui ne fera que secondairement appel à la perspective historique, lorsque celle-ci apportera des éléments d'appréciation indispensables et aussi, naturellement, dans le cas des instruments fraîchement disparus. On peut regretter ce parti pris, surtout à une époque où les travaux conjugués des assyriologues et des musicologues permettent d'entrevoir ce que pouvait être la plus antique musique mésopotamienne 2 , faisant ainsi reculer de plus de deux millénaires l'apparition de nos premières sources écrites, jusqu'ici arabes 3 , et invitant parfois à des hypothèses séduisantes et hardies sur d'éven-

2. Voir en dernier lieu A. D. Kilmer (1971), qui reprend et amende les travaux antérieurs (de M. Duchesne-Guillemin entre autres) et donne la bibliographie utile. On ajoutera S. A. Rashid : Les instruments de musique dans l'Irak ancien, Beyrouth, 1970. 3. Les théories classiques sur la musique arabe et islamique ont été formulées dans de très nombreux traités, tous écrits essentiellement par rapport à l'instrument 'ud. Pour se limiter aux seuls théoriciens irakiens, citons Ibn-il-Munnadjim (ix e siècle), le seul représentant de l'ancienne école arabe de musique, al-Kindi (ix e siècle), l'un des philosophes qui ont introduit les théories

Introduction

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tuelles filiations, en Mésopotamie proprement dite et même dans les pays voisins. On admettra pourtant que pareille démarche était prématurée, et largement incompatible avec notre propos. Nous excluons en outre de ce travail sur des instruments tout ce qui touche à leur son en tant que réalité acoustique, à la musique qu'ils produisent, considérée sous l'angle des rythmes, des échelles 4 et des mélodies, enfin aux considérations d'ordre esthétique et psychologique. Nous ne voulons pas dire que ces divers aspects ne peuvent être pertinents, mais nous devions nous limiter. Nous avons donc choisi de mettre l'accent sur les instruments de musique en tant qu'objets techniques et moyens de production sonore, d'une part, et sur leur contexte socio-culturel d'autre part, ces deux aspects étant, nous l'avons dit, les plus menacés de modifications profondes. Nous avons donc essayé, dans la mesure où les limites et les lacunes de notre information nous le permettaient, de placer ce travail dans le cadre de l'ethnomusicologie, sans pour autant prétendre illustrer toutes les possibilités de cette jeune discipline. *

Cet ouvrage comporte deux ensembles d'importance sensiblement égale : le premier (Première partie) est constitué par la description des instruments de musique, le second par les conditions de leur emploi. Le second ensemble se divise lui-même en deux parties consacrées l'une (Deuxième partie) aux musiciens et aux formations musicales, l'autre (Troisième partie) aux fonctions essentiellement sacrées des instruments. En principe, tous les instruments décrits dans la première partie voient leurs emplois étudiés dans la deuxième ou la troisième partie. Il reste cependant un petit nombre d'instruments, généralement d'importance ou de diffusion très restreintes, dont les emplois sont décrits dans la partie organologique. Dans cette première partie, les instruments ont été classés selon le système Sachs-Hornbostel, adopté dans ses grandes lignes, tout en tenant compte des récents travaux, encore inédits, élaborés par un groupe de travail du Comité international des Musées et Collections d'Instruments de Musique (CIMCIM) auprès du Conseil international des Musées (ICOM-UNESCO). L'inventaire des instruments de musique comporte des objets producteurs de son ou de bruit qui ne sont pas des instruments de musique au sens habituel du terme. Dans notre contexte ethnomusicologique, nous prenons comme critère de définition des instruments le fait d'être utilisés avec une intention consciente grecques, enfin Safi-il-Din Abd-il mu'min al-Baghdadi (xm e siècle). On pourra se référer à l'ensemble de l'œuvre de H. G. Farmer, parue entre 1925 et 1958, et particulièrement à ses ouvrages sur les instruments de musique arabes. On pourra aussi consulter, dans le Dictionnaire de la musique arabe de Hussein Ali Mahfûz, 1964 : 17-531, la partie consacrée à la terminologie relative aux instruments et aux musiciensinstrumentistes et qui se fonde sur des ouvrages anciens ainsi que sur certains termes courants dans le monde arabe. 4. Nous avons traité ce problème dans notre mémoire de maîtrise Analyse mélographique des systèmes de tons, appliquée à la musique irakienne, Prague, 1966 (en tchèque). 1 a.

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Introduction

de produire du son. Ce n'est donc pas l'apparence de l'instrument qui le définit comme tel, mais sa fonction socio-musicale. Par ailleurs les musiques corporelles, telles que claquements de mains, frappements du visage et de la poitrine, qui, typologiquement, pourraient être considérées comme idiophones ne sont pas classées parmi les objets. Néanmoins, ils sont traités au cours de notre étude comme des instruments de musique. La majorité des descriptions se fondent avant tout sur des instruments que nous avons vus sur le terrain, sur ceux que nous avons achetés pour la collection du Centre de musique traditionnelle au sein de Radio-Bagdad 5 , sur la collection du Musée ethnographique de Bagdad, mathaf-il azïa-il-sha'bia, sur celles du Centre folklorique et de la section des Arts populaires, toutes deux au ministère de l'Information, enfin sur des collections privées comme celle de la famille al-Djawahiri à Kazimain, dans la banlieue de Bagdad, et celle de la famille Abboud al-Sa'di à Basra. Il est toutefois évident que chacun des instruments décrits peut connaître une foule de variantes, phénomène habituel pour toute création populaire et artisanale, dont nous n'avons pu rendre compte. Dans la Première partie, outre la description morphologique, nous traitons des techniques du jeu, de l'usage et des dénominations, le cas échéant de la fabrication. En ce qui concerne la dénomination, nous avons gardé la plus grande partie des termes vernaculaires que nous avons pu enregistrer au cours de nos enquêtes, tout en sachant que certains méritent d'être revus. On ne s'étonnera pas de voir qu'un terme peut désigner plusieurs instruments différents : quelles que soient les régions, les habitants distinguent rarement entre les termes s'appliquant à différents instruments lorsque ceux-ci appartiennent à une même famille organologique. Avec la Deuxième partie commence la partie plus directement sociologique de notre travail. Précisons d'emblée que cette étude n'a pas été conçue pour démontrer des hypothèses ou pour illustrer des théories sociologiques ou ethnologiques particulières. Dans un domaine où nous n'avions le plus souvent aucun devancier, nous nous sommes essentiellement attachée à l'observation des faits, notre souci restant de rassembler le maximum de données précises. Le caractère inédit des faits que nous rapportons, s'ajoutant à la nécessité de caractériser le cadre sociologique où prennent place les instruments de musique, explique la présence de nombreux détails dont les relations avec les instruments peuvent paraître indirectes ou lointaines : c'est le cas en particulier des scènes de possession (VIII. 2), au sujet desquelles nous manquons de documentation. Enfin, il faut constamment garder présents à l'esprit les chiffres et évaluations donnés ci-après sur les diverses ethnies et religions de l'Irak, afin de se faire

5. Le Centre de musique traditionnelle au sein de Radio-Bagdad a été créé en février 1971. En 1975, la conférence internationale de la musique arabe, qui a eu lieu à Bagdad, a conclu ses travaux en recommandant la création d'un centre international des musiques traditionnelles à Bagdad. C'est ainsi que le Centre de musique traditionnelle de Radio-Bagdad est devenu le Centre international. Il a été inauguré le 1 e r octobre 1977 et est placé sous la tutelle du ministère de la Culture.

Introduction

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une idée suffisamment exacte de l'importance relative, sur le plan quantitatif, des faits rapportés que, par nature, un tableau synchronique tend à présenter sur un pied d'égalité. Les musiciens qui jouent dans les cérémonies religieuses n'ayant pas, comme nous le verrons, le statut de musiciens, notre Deuxième partie s'attache essentiellement à la condition des musiciens profanes, qu'il s'agisse d'instrumentistes isolés ou de membres d'un ensemble, et à la description des divers types d'ensembles profanes qu'on peut rencontrer dans le pays tout entier. Les emplois des instruments de musique à des fins religieuses sont incomparablement plus nombreux et plus divers que ne le sont leurs emplois profanes, et ils sont en outre beaucoup plus mal connus. Aussi notre Troisième partie est-elle tout entière consacrée à la description de ces emplois au sein des diverses communautés religieuses de l'Irak. Cette Troisième partie traitera d'abord du « cycle de la vie » (chap. VII) où se mêlent de manière indissociable aspects profanes et aspects religieux, ces derniers relevant le plus souvent d'un niveau de religion comparable à celui des phénomènes magiques et animistes décrits dans le chapitre VIII. Nous nous acheminons vers des formes religieuses plus évoluées, sinon encore orthodoxes, avec les cérémonies des Musulmans chiites (chap. IX. 1) et celles des confréries exotériques et ésotériques (chap. IX. 2). Ce dernier chapitre occupe une position centrale entre les développements consacrés au syncrétisme religieux des Noirs (chap. VIII. 2) et aux Yézidi (chap. X) qui, de différentes façons, touchent les uns et les autres à l'Islam. Les églises orientales illustrent seules l'emploi des instruments au sein d'une orthodoxie religieuse, faute de pouvoir consacrer une enquête particulière à l'Islam orthodoxe, qui d'une façon générale bannit de ses cérémonies les instruments de musique. Le travail se fonde sur des enquêtes effectuées sur le terrain entre janvier 1970 et novembre 1973. D'abord nous avons établi un questionnaire portant sur les divers types d'instruments actuellement en usage ou l'ayant été dans un passé récent, sur leurs dénominations vernaculaires et sur leur lieu de fabrication. Le but du questionnaire était d'établir ce qui existe en Irak. Il a été envoyé dans les chefslieux des seize départements (mubàfadât) ainsi que dans de petites villes et quelques villages de chaque département. Nous n'avons pu l'adresser aux musiciens locaux parce que nous ignorions leur identité. Nous l'avons envoyé aux écoles primaires et secondaires, dont les professeurs et les élèves ont rédigé les réponses. Moins de la moitié de nos questionnaires ont reçu des réponses. Celles-ci nous ont fourni cependant une première idée de la répartition des instruments et de leur variété. Ainsi renseignée, nous avons entrepris plusieurs voyages dans les régions et les centres les plus représentatifs des diverses ethnies et religions, où nous avons essayé d'assister à certaines cérémonies. Ce sont les informateurs locaux qui ont fourni la majorité des indications relatives aux fonctions sacrées. Sans eux, la Troisième partie n'aurait pu être écrite. Car d'une façon générale les pratiques religieuses non orthodoxes s'entourent de la plus grande méfiance.

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Introduction

Par ailleurs, dans chacun de ces voyages, des documents sonores ont été enregistrés, toujours avec l'approbation des musiciens. Ils ont été complétés par les archives de Radio-Bagdad.

APERÇU SUR LES CADRES GÉOGRAPHIQUE ET ETHNIQUE 1 Géographie L'Irak est le plus oriental des pays islamiques arabes. Il est entouré à l'est par l'Iran, au nord par la Turquie, à l'ouest par la Syrie et la Jordanie, au sud par l'Arabie Saoudite et le Golfe. D'une superficie totale de 438 446 km 2 (AAS, 1975 :13) 2 , le pays comprend trois grandes régions naturelles : du nord-ouest à l'est du pays, le long des frontières syro-turque et iranienne, s'étend la région des montagnes (157 370 km 2 ) (AAS, ibid.) où les pluies permettent la culture des céréales et l'arboriculture. La seconde région est constituée par les bassins moyen et inférieur des deux grands fleuves, le Tigre, Djla, et l'Euphrate, Al-Furât, qui traversent tout le pays du nord-ouest au sud-est et se réunissent, peu avant Basra, pour former une grande voie d'eau navigable, Chatt-il-Arab, qui se jette dans le Golfe. Cette immense plaine (93 000 km 2 ) (AAS, ibid.) qui englobe la Mésopotamie antique, est irriguée par l'eau des fleuves, répartie par un réseau de canaux. Là où la salinité des sols n'est pas excessive, il est possible de pratiquer diverses sortes de cultures, des céréales au palmier-dattier. Au sud-est de cette région, entre Amara et Basra, se situe la région des Marais, Al-Ahwàr, dont les populations vivent de la pêche, de la culture du riz et des roseaux (S. M. Salim, 1970). Enfin, la troisième région, qui représente environ la moitié de la superficie totale du pays, est constituée par le vaste ensemble de steppes et de déserts (270 000 km 2 ) (AAS, ibid.) qui occupe tout l'ouest du pays. On appelle Al-Bàdla

1. Parmi les ouvrages généraux sur l'Irak citons : B. Vernier (1963), P. Rondot (1973), A. alHassani (1971) et pour l'anthropologie de l'Irak, H. Field (1951, 1952,1956). Les chiffres concernant les superficies, les divisions géographiques ainsi que la répartition de la population sont tirés de la publication officielle irakienne Annual Abstract of Statistics de l'année 1975 (abrégé en AAS). Mais comme les statistiques officielles ne se mêlent pas de recenser les diverses ethnies ni les communautés religieuses, les chiffres que nous donnons à ce propos sont tirés des ouvrages cités de Vernier (1963) et de Rondot (1973). 2. Ce chiffre inclut la région de transition entre les montagnes et les plaines.

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Les instruments de musique en Irak

la partie située entre l'Euphrate et l'Arabie Saoudite; celle qui se situe entre les deux fleuves, au sud et à l'ouest de Mossoul, est appelée Al-Djazïra.

Ethnies La population actuelle de l'Irak est évaluée à environ 11 124 000 âmes (AAS, 1975 : 34). Le dernier recensement officiel, celui de 1965, donnait les chiffres suivants : 8 097 230 habitants, dont 3 935 124 vivaient à la campagne et 4 162 106 dans les centres urbains (AAS, 1973 : 63). Les Arabes représentent, selon des évaluations non officielles, environ 70 % de la population totale. Les Bédouins 3 , qui sont des Arabes nomades, vivent dans les steppes d'Al-Bàdïa et Al-Djazïra, tandis que les Arabes sédentaires occupent la partie centrale du pays, le nord-ouest ainsi que le sud. Les Kurdes représentent environ le quart de la population. Ils occupent la partie montagneuse du pays, de l'est du Tigre jusqu'au nord-est de Bagdad. Ils se répartissent en Kurdes bahdinans, qui vivent au nord de Mossoul, entre le Tigre et le Zab supérieur, Kurdes soranites installés depuis le Zab supérieur jusqu'aux régions de Sulaimania, Erbil et Kirkouk, enfin Kurdes failia, ou Kurdes du sud, qui vivent dans la région de Khanakin, au nord-est de Bagdad. La population noire, qui doit compter une centaine de milliers de personnes, est concentrée à Basra. Les Turkmènes sont évalués à environ 75 000 âmes, On les trouve surtout à Kirkouk et dans ses environs, ainsi qu'à Tallafar, à l'ouest de Mossoul, et dans la région d'Erbil. On compte enfin des minorités arméniennes, juives et tcherkesses.

Langues L'arabe et le kurde sont les langues dominantes. L'arabe se répartit en plusieurs dialectes régionaux : dialectes des Bédouins, du moyen Irak, du sud, de Bagdad et du nord de la région de Mossoul. Les trois dialectes kurdes : bahdinan, soranite et failite, sont voisins mais différents. Quant aux Turkmènes, ils parlent une variété de turc. Les Noirs parlent l'arabe, mais incluent dans leurs cérémonies des mots de leur langue d'origine, le bambasi, langue africaine qu'ils ont oubliée de longue date.

3. Pour les monographies sur les différentes populations d'Irak, nous nous référons à l'étude de A. D. al-Tahir (1970) sur les tribus, à l'œuvre de Minorsky (1968) sur les Kurdes, à une étude historique sur l'origine des Noirs et leur soulèvement au IXe siècle de F. al-Samir (1971). En outre le livre de I. al-Sammarâ'i sur la répartition géographique des langues en Irak (1968) nous a été utile.

Aperçu géographique et ethnique

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Le persan est utilisé dans les centres religieux chiites comme Karbala et le Nadjaf. Religion

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Selon des estimations non officielles, la religion musulmane est celle de 95 % de la population totale. Les Chiites (51 %) (Rondot, 1973) sont un peu plus nombreux que les Musulmans orthodoxes sunnites (45 %) (ibid.). Les Chiites se répartissent en Chiites duodécimains et en sectes hétérodoxes. Les Chiites duodécimains sont en majorité des Arabes : du sud de Bagdad jusqu'à Basra, la population de l'Entre-deux-Fleuves, arabe et noire, est chiite. Les Kurdes failites et quelques minorités turkmènes forment des sectes hétérodoxes, essentiellement soufis. Chez les Sunnites, les Kurdes, bahdinans et soranis, sont sensiblement plus nombreux que les Arabes. Les Arabes sunnites sont les Bédouins et les habitants de la région comprise entre les deux fleuves, du nord de Bagdad à la frontière syro-turque. En outre, la grande majorité des Turkmènes sont Sunnites. Les 5 % (Rondot, 1973) environ représentés par la population non musulmane comprennent : les Chrétiens (environ 3 % de la population totale), répartis en plusieurs églises, locales et non locales, et installés surtout dans les départements de Mossoul et de Dhok; les Sabéens ou Mandéens, qui vivent dans les Marais du sud; les Yézidi, tant kurdes qu'arabes, qui vivent dans le département de Mossoul.

4. Plusieurs monographies sur les différentes sectes ont été publiées, parmi lesquelles figurent l'ouvrage de A.A. al-Sarraf (1954) sur les Shabak, ceux de L. Drawer (1969) et de A. al-Hassani (1970) sur les Sabéens, de S. S. al-Ahmad (1971) et de A. al-Hassani sur les Yézidi.

PREMIÈRE PARTIE

INSTRUMENTS DE MUSIQUE Description, répartition

CHAPITRE PREMIER

IDIOPHONES

I. 1. IDIOPHONES PAR ENTRECHOC

I. 11.

Cuillères

H s'agit de cuillères de cuisine en métal ou en bois. L'appellation khawâshïg ou khawâshïlf, est connue dans tout le pays. Les cuillères sont tenues dos à dos : l'une entre le pouce et l'index, l'autre entre l'index et le médium. On pose la cuillère du bas contre la cuisse gauche et la main gauche va frapper la cuillère du haut. Ainsi les deux cuillères sont entrechoquées pour accompagner les chants mais elles peuvent aussi être jouées en solo. Nous avons vu employer à des fins musicales ces cuillères dans certaines parties du département de Mossoul et à Kirkouk chez les Yézidi, Turkmènes et les Assyriens. Il n'est pas exclu que leur utilisation soit connue dans d'autres parties du pays. I. 12.

Cymbales

Ce sont deux disques de cuivre ou de bronze, dont le diamètre et l'épaisseur varient. Le centre, bombé, est percé de deux orifices par lesquels passe la lanière de préhension. Le nom générique arabe de cymbales, gandj (pl. snüdj) et ses dérivés sont connus de toutes les ethnies et de toutes les sectes. Ces termes peuvent désigner indistinctement cymbales et cymbalettes. Dans les villes chrétiennes du nord, ces instruments sont désignés par les termes syriaques snûdja, snüdji, ou sisla. Chez les Kurdes, ils sont appelés §anàdjaf et chez les Chiites de Bagdad et du moyen

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Les instruments de musique en Irak

Euphrate zandj. Les noms génériques sont employés dans l'armée, l'église, et pour le cortège d'un défunt jeune, ainsi que lors de certaines fêtes religieuses telles que la naissance du Prophète (maivlûd). Le nom et l'emploi de l'instrument varient d'une population à l'autre. Parfois le nom est fonction de l'usage qu'on fait de l'instrument. Le terme khalïlïa, qui nous semble emprunté au turc halila (Mauguin, 1968 : 424), est en usage dans les confréries arabes. Le terme halila est lui-même d'origine arabe, }iâl étant l'état mystique en langue arabe. tchantchâna, appellation bagdadienne, correspond à la fonction populaire et profane des cymbales et, parfois, désignerait aussi une sorte de cymbale épaisse. C'est le facteur ethnique qui entre en jeu dans l'appellation zïl, litt. « son », en usage chez les Turkmènes, qui désigne les cymbales de la confrérie rufaïte d'Erbil comme d'ailleurs des confréries mawlawides de Turquie (cf. Encyclopédie de l'Islam, 481). Ce même terme, prononcé zïr, se retrouve dans le dialecte de Bagdad, où il désigne les cymbales employées dans les ensembles populaires. Il est probable que le mot fut emprunté jadis aux confréries turques de Bagdad. D'autres appellations s'expliquent par la forme de l'instrument : pas, « bouclier de guerrier », tâsa (pl. tus), « bol » 1 , sont employés surtout dans les villes chiites 2 comme Karbala et Nadjaf. Ce terme se retrouve également chez les Turkmènes d'Erbil sous la forme tâza ma'rûf3. I. 13. Claquettes

en

bois

Il s'agit d'une paire de plaquettes de bois carrées (10 X 10 cm) ou rectangulaires (6 X 10 cm), au centre desquelles est attachée une poignée de bois. Le nom de cet instrument, gargî'an, dérive du verbe garga'a, qui signifie littéralement : « produire du bruit par entrechoquement ». Cette appellation est propre à l'instrument utilisé dans une fête populaire religieuse, lors d'une nuit du mois de Sha'bàn et d'une nuit du mois de Ramadan. Les deux nuits portent le nom de nuits de gargî'an. Les claquettes sont connues à Nasiria, Basra et Amara chez les jeunes gens des villes. Chez les paysans et les Bédouins, leur usage n'est pas attesté (al-Mulla, 1971 : 33). I. 14. Cymbalettes

ou

crotales

Toujours joué par paires (une ou deux), l'instrument se compose de coupelles bordées d'un rebord plat, souvent ciselé, en cuivre, en bois ou en ivoire, de

1. tâsa sébille.

désigne en arabe un bol pour boire de l'eau et que les mendiants utilisent comme

2. A Bahrain, les cymbalettes sont appelées tasi (OCR, 4 2 ) ; s'agit-il d'une influence chiite? 3. Nous n'avons p u déterminer si le mot ma'rûf rosité » sollicitée par les mendiants.

est un nom propre ou s'il signifie la « géné-

Description et répartition des instruments de musique

21

4 à 5 cm de diamètre. Le centre de chacune d'elles est muni d'un anneau dans lequel le joueur introduit le pouce et l'index de chaque main. Elles sont généralement connues sous le nom de tchumpâra (pl. tchumpârât) d'où dérivent aussi tcharpâlât et tcharpârât 4 , ainsi que parpârât (Madjalat al-Arab, 1914 : 493). Jadis, à Bagdad, les Chrétiens les nommaient tchâfçât, de tchâk qui désigne le noyau d'un fruit (Madjalat al-Arab, ibid.) Un dérivé probable de ce terme, tchaJcwâna, se trouve chez les Turkmènes d'Erbil 5 . Nous avons trouvé dans le sud d'autres appellations : à Amara, c'est le satchàbigh, et dans la même région, les Tziganes utilisent le terme suffâgât, « claqueurs », de safga, « claquement de mains » 8 . L'emploi des cymbalettes est réservé aux femmes : outre les Tziganes, qui en font un usage bien connu, les danseuses de cabaret, les femmes, lors des festivités, et aussi les clowns efféminés.

I. 2. IDIOPHONES PAR PILONNAGE OU PERCUSSION I. 21.

Marmites

Divers ustensiles ménagers peuvent servir de tambour : pots de cuivre ou de bronze utilisés pour la cuisine, kidr, ou dans les bains comme récipients, lagan ou salabtcha, à Mossoul, sièges de bain, ka'âda, à Mossoul également, amphores en terre cuite, bastûga, utilisées pour conserver des produits liquides ou visqueux. Retournés, les pots métalliques sont joués avec les mains ou, éventuellement, avec une baguette; on dépose parfois des pièces de monnaie dont le tintement s'ajoute aux sonorités de la percussion. Les amphores en terre sont frappées sur les bords du col à main nue ou avec une ou deux baguettes. L'emploi des marmites comme tambours est très répandu lors du bain de la mariée et chez les marins du port de Basra. Chez les Bédouins, on frappe al-pandjarïa lorsqu'un malheur arrive; chez les Kurdes, mandjal lors d'une éclipse. I. 22. Plateau

frappé

A Karbala et à Nadjaf, centres religieux des Chutes, l'emploi des instruments de musique est très limité. Comme substitut on emploie le plateau de métal

4. Dans le Badhdadiat, vol. I, 1967, "Aziz Djasim al-Hidjia voit pour ce mot une origine persane. Selon lui, tcharpâlât est une déformation de deux mots, tchahâr et parât, qui signifient « quatre pièces ». 5. Dans le Dictionnaire de la musique arabe, 1964 : 40, Mahfûz parle de sunùdjil-açâbi, « les cymbales des doigts », ainsi que de fkalshât, mais il n'indique ni où ni quand ces terminologies ont été en usage. 6. Ce terme était connu sous les Abba9sides (Madjalat al-Arab, 1914 : 493).

22

Les instruments de musique en Irak

sur lequel on présente nourriture et boisson; on l'utilise de la façon suivante : on frappe les bords avec les mains, ce qui a pour effet d'ébranler verres et cuillères, dont le tintement s'ajoute à la percussion. I. 23. Mortier

et

pilon

L'usage à des fins musicales du mortier et du pilon est lié au pilage du café; il est spécifique des tribus arabes. Chaque cheikh emploie pour cette fonction un spécialiste qui pile le grain selon un rythme spécifique qui identifie le chef et la tribu. Les sons du pilage constituent en fait une invitation du cheikh aux membres de la tribu pour prendre le café et pour discuter les problèmes du jour. Une anecdocte significative rapporte que dans un village chrétien, Tallaskaf, un étranger venu un jour piler le café usa d'un rythme semblable à celui de la famille dirigeante et provoqua un tollé dans tout le village. Il dut en être expulsé. Les mortiers, très variables par leur forme et leur taille (de 30 à 50 cm), sont taillés dans un bois monoxyle, sculptés et très souvent ornés de clous dorés. Le pilon, également en bois, long de 50 cm, a l'extrémité supérieure en forme de fuseau. Mortiers et pilons sont fabriqués dans les villes proches du désert. I. 24. Bidon

percuté

On utilise des bidons d'essence en guise de tambours (photo 1, h.t.). Deux des parois, dont celle sur laquelle on frappe, sont incurvées à dessein, et pour éviter que le bidon ne bouge pendant la percussion, on le remplit souvent de pierres. Dans les départements du sud, notamment à Nasiria, le tanaka peut faire partie des ensembles de joueurs divâgïg qui offrent leurs services pour les divertissements. Le bidon peut être frappé à main nue ou avec deux baguettes en bois de palmier. Le terme général est tanaka, « bidon », mais on trouve tànkï à Karbala et dans le moyen Euphrate et pâto chez les populations noires de Basra. On emploie le bidon dans les cas suivants : comme substitut du tambour par les enfants, par les femmes, dans les centres religieux du moyen Irak comme Karbala et Nadjaf où presque tous les instruments sont considérés comme illicites. Dans ces deux cas, l'emploi du bidon traduit un geste d'improvisation spontanée pour accompagner le chant, et même la clarinette comme à Mossoul. Dans le sud, à Basra, chez les populations noires, le bidon est un instrument important qui existe à côté des tambours. Il fait partie d'un ensemble noir dit haywa (cf. chap. VIII. 2). Lors des éclipses, dans le pays tout entier, les bidons figurent parmi les objets métalliques les plus recherchés pour la percussion. I. 25. Anneau

métallique

frappé

A Bagdad, de nos jours, les vendeurs d'essence signalent leur passage en frappant sur un grand anneau métallique qui repose sur un bâton fixe, pro-

Description et répartition des instruments de musique

23

duisant des sons très semblables aux grandes cloches nâkûs. Chaque vendeur frappe selon un rythme qui lui est propre. Cet instrument n'a reçu aucun nom. I. 26. Cloches

et

clochettes

De taille et de forme très variables (fig. 1), les cloches sont en bronze ou en fer. Elles sont munies d'un ou deux battants internes kalb, « cœur ». Les cloches sont pourvues soit d'une poignée pour l'usage manuel, soit de pattes de suspension, comme c'est le cas pour les clochettes d'animaux qui tintent au gré des mouvements de l'animal. Pour les grandes cloches d'église, des cordes sont fixées aux battants, qui sont ainsi mis en mouvement manuellement. Nous avons entendu parier d'une grande cloche d'église qui fut accrochée, dans la région des montagnes, à un tronc d'arbre et frappée avec un morceau de bois constituant un battant externe. Les clochettes peuvent être enfilées en colliers, khalta, à Bagdad (al-Hidjia, 1968 : 78) ou en séries de grandeur variable disposées verticalement. Dans les caravanes, l'animal de tête est souvent porteur d'une cloche haute d'environ 30 cm. Les animaux domestiques portent des clochettes au cou, à la fois comme décoration et comme signal à l'intention des piétons, dans des villes où entrent vaches et chameaux, et aussi pour éviter que les bêtes ne se perdent dans les chantiers de construction. Les dénominations des cloches sont d'ordre générique, ethnique ou régional. Elles n'impliquent ni la forme, ni la taille (à l'exception de la grande cloche i}â]fûs). djaras (pl. adjarâs) sont les termes génériques arabes qui désignent les cloches de taille petite ou moyenne. La grande cloche est appelée nâJcûs en arabe, nâlfoskâ en syriaque. Chez les Kurdes, zang, zangûla ou zangal — ces deux derniers termes étant des diminutifs signifiant « clochettes » ou « grelots » — sont des termes génériques 7 . Les Turkmènes usent les termes zîl et kankâwar, et l'on emploie zâga chez les Syriaques, et drâgh chez les Arabes du sud.

I. 3.

IDIOPHONES PAR SECOUEMENT

I. 31. Hochets

et grelots

(fig. 1 et 2)

Nous pouvons distinguer trois types de hochets : hochets fonctionnels et musicaux, jouets d'enfants et hochets bijoux. La plupart se trouvent dans le

7. Les grelots sont appelés djanàdjil, mais parfois aussi djaraç, « petite cloche ». La distinction entre cloches et grelots n'est pas systématiquement observée.

24

Les instruments de musique en Irak

nord du pays, et ils sont connus sous le nom générique de khirkhâsha, khashusha à Mossoul, kharkhushta en syriaque. Les autres dénominations sont onomatopéiques. - Hochets fonctionnels et musicaux. Dans le nord de l'Irak, on emploie une boîte en carton ou un sac plein de cailloux, appelé khashasha en arabe dialectal de Mossoul, ou une boîte métallique qui renferme une quantité de cailloux, appelée fçarlçashtïa en syriaque. Les paysans secouent ces hochets pour effrayer les oiseaux lors des semailles, et les bergers pour faire marcher leurs troupeaux. Les chanteurs dans le moyen et le sud de l'Irak utilisent une boîte d'allumettes peu remplie qu'ils tiennent dans la main gauche et qu'ils frappent du bout des doigts de la main droite. Dans les tribus bédouines, une hampe surmontée d'un pommeau métallique creux contenant des grains fonctionne comme hochet lorsque la hampe est brandie et agitée. Cet objet, beîragh, « étendard », est utilisé lors de grands événements comme le combat. Les fidèles chiites s'en servent également au cours des défilés dans les cérémonies du deuil de Hussein. - Hochets jouets. Ces hochets sont le type le plus répandu dans le pays. Ils sont faits soit par les enfants eux-mêmes, soit par les adultes pour les enfants. Leur matière et leur forme sont très variables. Les hochets confectionnés par les enfants sont d'une très grande variété. Nous citons le shafrshajca, qui est une boîte métallique renfermant des cailloux, et le wighwâgha, qui est une boîte d'allumettes remplie de noyaux de fruits. Les hochets fabriqués par les adultes sont naturellement plus élaborés. On en trouve de presque toutes les matières : métal bon marché, argent travaillé, or pour les enfants riches. Ils sont actuellement supplantés par l'invasion des hochets de matière plastique, importés ou de fabrication locale. Les courges — kharnaïk dans le dialecte du nord, kharnùb en arabe littéraire, dans le sud gfïn dialectalement, yagfin en arabe littéraire — peuvent être aussi utilisées comme hochets. A Hammam al-'Alil, près de Mossoul, et à Tuzkhirmatu, près de Kirkouk, ce sont les paysannes qui fabriquent des hochets de forme variée à l'aide de tiges de blé assouplies dans l'eau pendant un à trois jours, puis tressées. On y enferme des grains et des cailloux. - Hochets bijoux. On connaît deux types de hochets qui servent d'ornement aux femmes et aux enfants, et qui ont parfois une fonction magique : a. al-djardjar est un cylindre creux qui renferme du sable. Il constitue la partie centrale d'un collier très connu jadis à Mossoul. b. al-khalkhâl en arabe, kharkhar en kurde, est un anneau creux en or ou en argent, rempli de petits cailloux, qui entoure les chevilles de la femme et bruit au gré de ses mouvements. - Grelots. D'or ou d'argent, de forme variable, ils peuvent être enfilés en série ou avec des objets différents. Ils apparaissent dans les bijoux féminins des mains, des pieds, du corps et de la tête. Un grelot unique se porte sur le front des enfants ainsi que sur le sexe des jeunes garçons choyés. Les grelots sont également portés par les animaux favoris.

Description et répartition des instruments de musique

25

1. Clochette 2. Grelots 3. Hochet en paille tressée; A : face; B : profil

L 32.

Sonnailles

I. 321. Ceinture sonnailles. Il s'agit d'un assemblage de sabots de moutons ou de chèvres, cousus avec des fils de nylon ou de boyau à un tissu en forme de jupe ouverte dans sa partie antérieure (photo 2, h. t.).

26

Les instruments de musique en Irak

Cette jupe est connue seulement de la population noire, qui l'appelle mandjûr à Basra et habbüb à Bagdad 8 . Elle apparaît dans un ensemble rituel noir appelé nûbàn (cf. chap. VIII. 2), où elle est accompagnée de la lyre et des timbales. Les sons des sabots entrechoqués sont provoqués par les mouvements du bassin, tandis que le reste du corps demeure immobile. I. 322. Sonnailles en grappes : chaînes. Il s'agit d'une grappe de chaînes métalliques appelées zandjïl (pl. zanâdjïl), attachées à une poignée de bois, de métal, ou même d'argent (photo 5, h. t.). Le nombre des chaînes, leur longueur, ainsi que le nombre des anneaux zard sont variables. On les évalue généralement à leur poids, qui varie entre 250 g et 2 kg ». On obtient le son en tenant la poignée par la main et en frappant les chaînes sur le dos au rythme des cymbales. C'est ainsi que se mortifient les Chiites lors des cérémonies religieuses et populaires qui commémorent la mort de Hussein. I. 323. Sonnailles attachées. Les sonnailles attachées ou enfilées sont d'une très grande variété quant à leur forme. Elles sont faites en or, en argent, en métal ordinaire ou en pierre (photo 5, h. t.). Sonnailles-bijoux et grelots sur anneaux peuvent être des grelots en séries comme c'est le cas pour le djandjal (pl. djanâdjil) ou encore djaljal (pl. djalâjil), où plusieurs grelots d'or et d'argent s'attachent à un anneau de même matière. al-masbaka, chapelet en pierre, en matière plastique ou autre, est utilisé par les hommes comme passe-temps. Il sert, dans le sud et le moyen Irak, à des fins musicales. Pour ponctuer leur chant, les chanteurs le jettent d'une main dans le creux de l'autre ou le mettent sur un plateau dont ils frappent le bord. Le djandjal est d'ordinaire réservé aux enfants qui commencent à marcher, non seulement comme ornement mais surtout comme signal d'alerte sonore pour la mère. D'autres types de sonnailles-bijoux sont réservés aux femmes : colliers, bracelets, colliers pour le front, en pièces de monnaie, pièces métalliques, petits objets, grelots, etc., sont suspendus ou attachés à des chaînes ou à des cordelettes. Ornements et signes extérieurs de prospérité de la femme, ils sont souvent offerts, sous forme de dot ou de cadeaux, ou achetés par la femme ellemême.

8. Selon le Dictionnaire de la musique arabe, le babbûb n'est pas la ceinture mais la personne qui la porte (Mahfuz, 1964 : 17). Cette approximation peut, croyons-nous, s'expliquer par le fait que cette dénomination a été donnée par des Bagdadiens non noirs. 9. L'une des chaînes que nous avons mesurées avait 42 cm de longueur et se composait de treize chaînes.

Description et répartition des instruments de musique

27

I. 324. Sonnailles sur disque. Il s'agit de sonnailles du culte chrétien, composées de deux disques, en argent ou en or, d'un diamètre d'environ 30 cm, plaqués l'un contre l'autre et fixés au niveau de la circonférence par une lame métallique repliée. Les grelots sont attachés autour des disques. Leur hampe en bois est recouverte dans sa partie supérieure par une gaine d'argent ciselé et surmontée d'une sphère à motifs godronnés (photo 4, h. t.). Les deux disques sont ornés et ciselés sur chaque face de façon à représenter l'image d'un ange. Le murmure des anges est symbolisé par le son des grelots qui frappent le bord des disques 10 . Cet instrument est appelé mrwajia en arabe, mrwafyto ou mrwaho en syriaque. Le sens d'« éventail » s'explique parce qu'il s'agissait originellement d'un véritable éventail chasse-mouche dépourvu de grelots. On l'appelle parfois djanâjil, « grelots », en raison des grelots qui l'entourent. De nos jours, l'emploi de cette variété de flabelle devient plus rare en Irak, surtout dans les grands centres comme Bagdad. Jadis, les ilabelles étaient utilisées dans toutes les fêtes, le dimanche et lors des grand-messes. Les sonnailles sur disques sont employées par paires. Leur fabrication est généralement locale, et très coûteuse. Elles sont offertes à l'église par des individus et des familles, surtout en mémoire d'un défunt. I. 33.

Sistres

Ils se composent d'objets, identiques ou non, enfilés autour d'une ficelle ou d'un cordon, qui se heurtent les uns les autres (photo 3, h. t.). On connaît en Irak deux types de sistres : l'un, destiné à attirer l'attention d'un bébé, se compose d'objets, sonores ou non, enfilés et attachés aux deux extrémités du lit de l'enfant. Le seul sistre qui ait une fonction rythmique explicite est celui que l'on emploie dans les « maisons de force », zûrkhâna, où l'on pratiquait naguère encore à Bagdad une sorte de gymnastique d'inspiration religieuse. Ce sistre, appelé gabbàda, se compose d'un arc en métal et d'une chaîne qui s'attache aux deux extrémités de cet arc. La chaîne est composée d'un nombre variable de maillons. Sur chaque maillon sont alternativement enfilés deux ou trois anneaux métalliques d'un diamètre de 5 cm. Le centre de l'arc et de la chaîne sont interrompus par des poignées. Tous les gabbàda sont de même taille, mais leur poids varie entre 3 et 50 kg. Celui que nous avons vu pesait 8 kg et sa longueur était de 115 cm. L'écartement entre la chaîne, tendue au maximum, et l'arc était de 77 cm.

10. Il semble que les disques puissent parfois être entourés de clochettes et de cymbalettes (Janin, 1955 : 367-377). Nous n'avons personnellement pas vu ce genre de flabelles en Irak.

28

Les instruments de musique en Irak

L'exercice quotidien du zùrkhâna se compose de différents jeux, et chacun des jours de la semaine est consacré à un seul type de gymnastique : le gabbâda est utilisé uniquement le mercredi, et vers la fin de l'entraînement, car il est considéré comme l'instrument le plus difficile à manier. L'entraînement sur le gabbâda dure d'une heure à deux heures; il est accompagné par le rythme du tambour en poterie, zarb : sans l'accompagnement du zarb, en effet, le gymnaste, pahlawàn, ne peut manier le sistre plus de vingt fois ; avec son aide, au contraire, il peut continuer jusqu'à cinq cents fois, en le secouant de gauche à droite ou de haut en bas. Les petits anneaux de chaque maillon se heurtent alors les uns les autres, produisant une sonorité qui s'ajoute au rythme du tambour et aux chants.

CHAPITRE

II

MEMBRANOPHONES

II. 1. MEMBRANOPHONES ACTIONNÉS PAR PERCUSSION D I R E C T E II. 11. À une

membrane

II. 111. À caisse ouverte : tambours tubulaires. Les tambours tubulaires à membrane unique et à caisse ouverte varient par leurs formes, leurs dimensions et leur matériau. Les matériaux les plus employés sont la terre cuite, le bois et le métal. Deux noms génériques désignent en Irak ces instruments : pabla, dérivé de pabl, « tambour », est surtout employé à Bagdad, et dumbuk, qui est à l'origine de la quasi-totalité des dénominations régionales, et qui est considéré comme étant d'origine persane. Chez les Kurdes occidentaux, les bahdinans de Zakho proches de la Turquie, ce tambour est appelé tumpalak 1 ; chez les Turkmènes, dumbalatch, dans le moyen Euphrate et le sud, dumbarka ou dunbarka 2 . Dérivent probablement de la même source dmga ou drnka, noms de ce tambour chez les Bédouins non sédentaires (qui, d'ailleurs, emploient rarement cet instrument). Ces mêmes appellations se retrouvent à Bagdad, où cet instrument figure dans l'ensemble de musique classique al-tchâlghi al-bagl)dâdi, l'ensemble des musiciens de Bagdad. Curieusement, là où l'influence iranienne est forte, à savoir chez les Kurdes soranites des alentours de Sulai-

1. dumbalak en Turquie (Mahfûz, 1964 : 33). 2. On croit que dunbarka est composé de deux mots persans : donba ¿are, < la culotte-grasse (de mouton) » (R. 'Isa, 1914 : 454-461).

Les instruments de musique en Irak

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mania, ie nom du tambour ne correspond pas à dumbuk ou à ses dérivés; le terme utilisé est dholek, « petit dhol », de dhol, qui désigne le tambour circulaire à deux peaux. Les autres dénominations, moins courantes, du tambour sont en rapport plus ou moins direct avec le matériau utilisé. Chez les Tziganes, Tableau 1. Dénomination des tambours tition géographique Tlkaif

dumbuk

Zakho

tumbalak

Centres turkmènes

dumpalatch

Erbil

dumbuk

Sulaimania Centre

Bagdad

leur répar-

dumbuk tabla dumbark drnkajdrnga (chez les Bédouins sédentaires) bb (chez les Tziganes)

Basra

khshba

Amara

pabla

Kout

fabla

Tableau 2. Dimensions de (en cm)

quelques « pabla » appartenant

Bagdad

Longueur

selon

dholek

Moyen Euphrate

Sud

à une membrane

-

Hilla

à différentes

Mossoul

régions

Tuxkhirmatu

35

33,5

30

Diamètre de la membrane

17

11,5

11

19,5

Diamètre du côté ouvert

14,5

10,3

12,2

13

Description et répartition des instruments de musique

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le terme hb, « cruche à eau » (pl. hbùb) désigne un tambour de terre cuite; dans le sud, khishba, « morceau de bois », est le nom d'un instrument en bois, mais ce terme a pris une valeur générique et désigne des tambours faits de toutes sortes de matériaux. Le tambour en terre cuite peut recevoir d'autres dénominations selon sa fonction; ainsi, dans les zùrkhàna, « maisons de force », d'origine persane où l'on manipule des massues au rythme du tambour, les instruments de musique ont conservé leur nom persan : zarb, connu seulement des gymnastes, et gilsoir, dérivé probablement de gil, « boue, argile », en persan. Les musiciens préfèrent les tambours en terre car cette matière leur permet de produire des centaines de nuances de couleur contrairement aux seuls tik et dum des tambours métalliques. Tous ces tambours portatifs sont joués à mains nues. II. 1111. Tambours portatifs. - En terre cuite et à membrane collée (fig. 5). Ce sont, de loin, les tambours les plus répandus en Irak; on les trouve sous une grande variété de formes : cintrée, tronconique, presque tubulaire. Certains sont munis de poignées (cf. illustrations). C'est par des différences, même minimes, de forme que les instrumentistes situent l'origine des tabla : c'est ainsi qu'on distingue entre un tabla de Bagdad, al-tabla l-baghdàdia, celui de Hilla (dans le moyen Euphrate), alhillâwïa, et celui de Huwaiza, propre aux régions du sud, autour d'Amara, al-huwaîzàwïa. Leurs différences, trop subtiles pour être commodément décrites, sont perceptibles sur nos illustrations. Les dimensions de la caisse en terre cuite sont également très variables. La membrane en peau de mouton est très répandue, surtout pour les instruments ordinaires. Pour les instruments de qualité supérieure, réservés aux professionnels, on préfère la peau des aisselles ou des testicules de moutons dépourvue de toute graisse. La peau de chèvre et celle de vache sont utilisées en raison de leur solidité. Ailleurs, les limites de la faune locale imposent d'autres choix : dans les Marais, les peaux de deux oiseaux aquatiques, le pélican, na'idj-il-mây, et le héron cendré, shhaibï, sont en usage, bien qu'on les évite parfois en raison de leur odeur forte. Les membranes en peau de poisson sont également populaires : la meilleure est celle du silure, djirri (Silurus triostegus), qui vit dans les eaux des deux fleuves de l'Irak. Cependant, les musiciens professionnels préfèrent utiliser la peau d'un poisson marin importé d'Egypte. Toutes ces variétés de membranes sont posées humides sur l'orifice, et sont utilisées pour toutes les variétés de fabla, quels que soient leur matière et le type de fixation de leur membrane. Les fabla de terre cuite sont parfois peints d'une couleur vive unique : rouge, vert ou turquoise. Le corps entier de l'instrument peut aussi être recouvert d'un tissu coloré. Le tambour en terre cuite est l'instrument essentiel de la musique populaire. Dans les régions rurales, il accompagne les chants en diverses circonstances. Les ensembles tziganes comprennent un ou plusieurs tabla. 9 565061 6 03

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Les instruments de musique en Irak

4. Tambour en terre cuite à membrane lacée (percussion

directe)

5. Tambour en terre cuite à membrane collée (percussion

directe)

6. Tambour à boules fouettantes

(percussion

indirecte)

Des tabla, de petite taille figurent dans les cortèges, lors de certaines manifestations religieuses. De semblables instruments réduits sont utilisés par les fillettes lors des réjouissances féminines. Le prix très modique de ces instruments explique qu'ils soient répandus et vendus partout. Lorsqu'ils sont invités à jouer, les musiciens en achètent plusieurs à la fois, les Tziganes parce qu'ils en cassent en raison de leurs déplacements constants, et d'autres instrumentistes professionnels parce qu'ils les cassent souvent sur leur tête au moment de l'extase.

Description et répartition des instruments de musique

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- En terre cuite et à membrane lacée (fig. 4). Un tabla de même type, mais plus grand, plus cher, peint en noir et avec une peau lacée, est utilisé dans certains ensembles instrumentaux citadins. Ce système de laçage n'est cependant pas répandu en Irak : il provient de la région d'Alep, en Syrie. - En bois et à membrane collée. Nous distinguons deux types de tabla de bois selon le mode de fixation de leur membrane, qui peut être collée ou chevillée. Le fabla à peau collée est connu sous le nom de khishba, « morceau de bois ». C'est le tambour de bois le plus connu. Il a la forme d'un sablier étroit d'une longueur d'environ 30 à 35 cm. Le haut de la caisse comporte une partie cylindrique en léger retrait sur laquelle la peau du mouton est rabattue, puis collée. Le diamètre de la membrane varie de 6 à 11 cm. Les bois utilisés sont le citronnier, le grenadier, l'abricotier, le mûrier et le saule pleureur. Le corps de ces tambours est décoré : tantôt, c'est le bois lui-même qui est travaillé — un motif courant est celui du bateau des Marais, mashhuf — tantôt le corps entier est orné de clous dorés ou argentés. Les tambours de bois se trouvent surtout chez les Tziganes, dans les régions du sud, mais la télévision les a fait connaître à Bagdad. De nos jours, ils sont souvent remplacés, pour des raisons économiques, par des tabla en terre cuite. - En bois et à membrane chevillée. Dans la région de Basra, nous avons trouvé cette variété de tabla de bois, dont la forme est également celle d'un sablier, mais plus massif. Le corps est importé des îles du Golfe où ce type d'instrument est bien connu. La fixation de la membrane s'effectue en Irak, d'une façon très semblable à celle qui est utilisée pour les tambours africains, connus de la population noire. Des chevilles de bois, passant dans les fentes pratiquées sur les bords de la membrane, sont plantées dans des orifices creusés sur le pourtour de la caisse. Une lanière tordue entoure les chevilles, encerclant ainsi la table de résonance. On appelle parfois ce tambour kâsùra, « celle qui casse », ce qui indique qu'ils jouent un rôle rythmique bien défini dû à leur sonorité particulière. Ce tambour fait partie de l'ensemble haywa de la population noire. - En métal et à membrane collée et/ou vissée. Au début du XXe siècle, les ensembles de musique classique, surtout à Bagdad, remplacèrent le tabla de terre cuite par un instrument semblable en métal, sans doute d'origine syrienne. La membrane est ici tendue par l'un des deux systèmes de fixation suivants : elle peut être collée directement sur l'ouverture du corps métallique (comme c'était le cas pour le fabla en terre cuite) ; ou bien elle peut être fixée par l'intermédiaire d'un cercle de métal et de trois ou quatre paires de vis de serrage. Ce dernier procédé fut introduit tardivement, probablement sous l'influence des instruments de musique militaire. On connaît des cas où ces deux modes de fixation sont utilisés simultanément sur un même instrument. - En métal à membrane clouée (photo 8, h. t.). Le corps de ce tambour, semblable à celui d'un zarb persan, est en aluminium. Un lien de cuir, attaché à deux anneaux métalliques, sert à porter l'instrument sur l'épaule, quand le musicien joue debout. S'il joue assis, il tient le tambour obliquement sur son genou gauche, tandis que le bras gauche repose sur la caisse. Il frappe la membrane de 2.

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Les instruments de musique en Irak

ses deux mains nues. Le seul exemplaire que nous ayons vu de ce tambour appartenait à un karatch, c'est-à-dire un Tzigane kurde, qui habitait le village d'Aïn Khàwa, dans le département d'Erbil. Ailleurs, il ne semble pas connu. Ce tambour n'est pas doté d'un nom particulier : on l'appelle simplement dumbuk. II. 1112. Positifs à membrane chevillée. Les tambours que nous allons décrire sont probablement d'origine africaine. Ils sont d'ailleurs exclusivement utilisés par les populations noires de Basra. - Tambour tronconique vertical. On l'appelle msondo en langue bambasi (photo 7, h. t.). Il est fait d'un tronc de palmier évidé ou en bois de noyer; de nos jours, on trouve aussi des exemplaires en métal. La membrane, en peau de vache, est tendue sur l'ouverture et rabattue sur le pourtour du fût, où elle est fixée par des chevilles de bois; des fentes formant boutonnières sont découpées sur le bord de la peau pour laisser passer les chevilles. La fixation est consolidée par une lanière de peau qui ceinture la caisse en faisant une boucle autour de chaque cheville. Les dimensions du msondo sont variables (cf. tableau 3).

Tableau 3. Dimensions de quatre « msondo » (en cm) 106

124

Diamètre de la membrane

27

Diamètre de l'ouverture

14

Hauteur

87,5

65,6

28

30

18

14

16

10

Les plus petits sont souvent pourvus d'une poignée. Les exemplaires les plus grands sont connus sous le nom de jatânka ou katângo, car ils font partie d'un ensemble qui porte le même nom. La membrane est frappée avec les paumes des deux mains. Le joueur, debout, place l'instrument obliquement entre ses jambes écartées, la base reposant sur le sol. Un lacet, qui entoure le tambour au-dessous de la membrane est attaché à la ceinture du joueur. On trouve le msondo dans les trois types d'ensembles instrumentaux des Noirs, où il assure le rôle de premier tambour. - Tambour sur socle. On l'appelle pipa en langue bambasi (photo 6, h. t.). Il s'agit d'une caisse d'une hauteur de 75 cm creusée dans un tronc de palmier ou faite en bois de mûrier ou de djâwî. En forme de calice, elle se rétrécit pour former une section de cylindre qui sert de base. Le diamètre de la membrane est de 40 à 45 cm, celui de la base est de 20 cm. Sur le bord de la membrane, en peau de vache ou de cou de chameau, sont découpées des fentes qui permettent le passage des chevilles. Cette fixation est consolidée par une lanière de cuir qui entoure les chevilles et le sommet de la caisse. Ce tambour s'appuie

Description et répartition des instruments de musique

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obliquement sur un support, constitué de nos jours par une petite table renversée mais qui était autrefois une simple branche fourchue plantée dans le sol. Le joueur, assis, frappe la membrane avec deux baguettes droites qui sont bien souvent remplacées de nos jours par des segments de tuyaux de caoutchouc. Aux dires des musiciens, cette matière abîme moins la membrane. A cette famille de tambours appartient une variété aujourd'hui disparue, dont nous avons pu voir un exemplaire, considéré comme vieux d'une centaine d'années, et conservé sans sa membrane. Ce tambour présente la particularité d'être complètement monoxyle, c'est-à-dire que le socle tripode et la caisse de forme cylindrique, étranglée vers le bas, sont creusées dans un même tronc de palmier. Un rebord en relief marque la partie inférieure de la caisse proprement dite; la partie supérieure de cette caisse est percée d'orifices dans lesquels sont plantées les chevilles de bois qui assurent la fixation de la peau. Cet instrument, qui ne possède pas de dénomination propre, est considéré comme le tambour le plus ancien par la population noire, qui est la seule à s'en être servi. II. 112. À caisse fermée : timbales. Les timbales sont connues en Irak sous le nom générique de nakkàra, dérivé du verbe nakara, « picorer, becqueter ». A Mossoul, nafckàgha désigne la timbale simple qu'on joue dans les maisons lors des réjouissances. Au nord-est du pays, les Kurdes soranites appellent nakra zhen la timbale employée par les confréries. Dans les centres religieux chiites comme Karbale et Nadjaf, nakkàra est le nom des timbales qu'on frappe au cours des cérémonies commémoratives du martyr de Hussein 3 . Les autres dénominations connues des timbales font appel au nom du tambour, {abl 4 . Des sources anciennes mentionnent l'existence d'une petite timbale métallique simple, frappée avec un morceau de cuir, et connue sous le nom de (abl bàz (Farmer, 1944 : 44), et parfois simplement bàz. D'autres sources appellent fabl bàz la timbale qui réveille le dormeur (Mahfûz, 1964 : 41). D'autres encore attribuent l'origine de ce terme à la Perse, où cette timbale devait être utilisée dans les cérémonies commémoratives du martyr de Hussein (Daoud al-Tchalabi, 1960 : 135). Les timbales du type pabl bàz se trouvent surtout dans les confréries sunnites, qui considèrent Abdul Kader al-Gayiâni, fondateur de l'ordre Kadérite comme le « pôle », kupub, de tous les ordres exotériques, et, à ce titre, lui attribuent dans les dhikr le nom bàz, « aigle ». Il nous paraît donc très probable que {abl bàz signifie la timbale d'Abdul Kader al-Gaylani, ou toute timbale de dhikr. D'autres appellations relèvent des critères ethnique ou régional : ainsi dombliaz chez les Turkmènes de Kirkouk, et kouenda (pl. kouendât), en langue bambasi, chez les Noirs du sud. Certains termes sont empruntés à d'autres langues, tel kudum qui désigne une paire de timbales de dimensions inégales chez les confréries turques Mawlawia (Mauguin, 1968 : 424). Ce terme est rare à Bagdad, où il est usité par la classe sociale qui était en 3. L'Iran connaît une timbale double appelée nagàra (Rezvani, 1962 : 22). En Éthiopie, negarit désigne une timbale simple (Music, Dance, Drama, Éthiopia, 1968 : 14-15). 4. Au Maghreb, la timbale double s'appelle (Schaeffner, 1951 : 60).

(bailàt. Au Niger, la population utilise le tabula

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Les instruments de musique en Irak

contact avec les Turcs ottomans, mais pour désigner une timbale double quelconque, sans tenir compte de sa fonction. Enfin, nous avons entendu dans les confréries de Bagdad la timbale nommée pâbûria, « tabouret », en dialecte arabe de Bagdad, en raison de sa forme. La membrane utilisée pour les timbales n'est pas différente de celle des tabla, on peut utiliser la peau de vache — solution préférée par la population noire — de veau, la peau de mouton, très répandue, ou, moins fréquemment, les peaux de chèvre, de chameau ou de poisson. II. 1121. Timbale simple. - En métal et à membrane lacée. La caisse de cette timbale présente la forme d'une cuvette. Quelle que soit sa nature, la membrane est tendue sur l'ouverture et déborde largement sur la cuvette. La tension est assurée par une lanière en boyau qui passe alternativement dans chacune des fentes incisées sur le bord de la membrane et dans l'unique anneau fixé sur la base de la caisse, formant ainsi un laçage en forme de V (photo 9, h. t.). La timbale est frappée avec deux baguettes qui peuvent être fendues à leur extrémité inférieure et couvertes de rubans de tissu, pour éviter de heurter trop vivement la membrane. On trouve aussi des baguettes courtes, dont l'extrémité est nue. Les baguettes sont traditionnellement faites de bambou, khaizarân; mais on utilise de plus en plus le bois de l'oranger amer, nârindj. L'instrumentiste joue habituellement debout. Une bande de cuir attachée aux deux extrémités du diamètre de la membrane lui sert de licol; une autre courroie, également en cuir, lui entoure la taille et sert à maintenir l'instrument, qui repose sur le torse à hauteur de poitrine et partiellement aussi sur le ventre. Le nakkàra est en usage dans les festivités populaires, comme la fête de halày, où il figure au sein de l'ensemble de tambours dammâmât. Cet ensemble joue également lors des cérémonies qui marquent la mort d'une personne jeune. Pendant lé mois de Ramadan, on joue du nakkàra avant le lever du soleil, avec la prière musulmane de l'aube, pour signaler aux fidèles le début du jeûne. Ces mêmes timbales participent aussi aux cérémonies commémoratives du martyr de Hussein, au mois d'Ashûra : ici encore, elles figurent dans un ensemble, appelé {akhum nakkàra, « ensemble de nakkàra » (cf. IX. 1). - En métal et à membrane chevillée (photo 10, h. t.). Le corps de ces timbales, de forme curvi-tronconique, est en bronze; il est parfois incisé d'inscriptions énonçant des versets du Coran. On en trouve de tailles différentes : nous avons vu des membranes de 15, 16, 19.5, 21.3, 22.8 et 35 cm de diamètre. Le système de fixation de la membrane est le suivant : on perce des œillets sur le bord de la membrane et on y introduit de petites chevilles de fer fixées tout autour de la caisse. Un mince cercle de bois consolide cette fixation. La base de la timbale est munie d'un petit anneau à travers lequel on introduit un doigt de la main gauche, qui tient l'instrument. La main droite frappe l'instrument à l'aide d'une bande de cuir ou de caoutchouc. Selon certains informateurs, on peut tenir cet instrument entre les cuisses, en position assise, et le frapper à main nue.

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Description et répartition des instruments de musique

- En terre cuite et à membrane lacée. Cette timbale est utilisée principalement par les populations noires, qui la désignent aussi bien par le terme bambasi kouenda (pl. kouendât) que par le nom arabe fabl. Le corps de la timbale est en terre cuite, parfois recouverte de bitume. Sa forme peut varier légèrement, car ces instruments sont fabriqués sur commande. De nos jours, la forme la plus courante est le tronc de cône; jadis, on en trouvait aussi en forme de cuvette. La membrane, le plus souvent en peau de vache, est fixée par un système de laçage semblable à celui décrit précédemment. Tableau 4. Dimensions de cinq « kouendât » de forme hémisphérique

(en cm)

Hauteur

20

17

18,5

17

17

Diamètre de la membrane

33

26,6

30

36

19

17

29

26

22

Diamètre de la base

L'exemplaire de kouenda en forme de cuvette que nous avons vu avait une membrane de 32,5 cm de diamètre. On frappe le kouenda à l'aide d'une seule baguette de palmier tenue avec la main droite, tandis que la gauche frappe la membrane directement. Le timbalier joue en position assise, il tient une jambe allongée, et l'autre pliée devant l'instrument. Il arrive aussi que l'on joue du kouenda sans baguette. II. 1122. Timbale double. - En métal ou en terre cuite et à membrane lacée (photo 11, h. t.). Il s'agit d'une paire de nakkâra liées l'une à l'autre. Leurs corps, en cuivre, aluminium ou en terre cuite, sont de tailles différentes. Afin de produire deux sons de hauteur différente, les deux membranes d'épaisseur identique sont tendues inégalement. Ce type de timbales doubles, de caractère populaire, a conservé le système de laçage traditionnel, décrit ci-dessus. De nos jours, il est concurrencé, pour des instruments plus élaborés, par le système de fixation à membrane vissée, décrit ci-après. La paire de timbales peut être placée horizontalement. On joue avec deux baguettes de bois droites. Si l'instrumentiste joue debout, il fait reposer la nakkâra supérieure sur son bras gauche, laissant ainsi la nakkâra inférieure dans le vide. - En métal et à membrane vissée. Ce type de fixation est une innovation qui date des années soixante. Il s'agissait initialement d'une expérience tentée par un musicien-fabricant de Bagdad. La fixation traditionnelle des nakkâra posait beaucoup de problèmes car elle n'assurait pas une tension permanente et par conséquent une hauteur de son constante. Ce fabricant, imité à présent par d'autres, a utilisé le même principe de fixation que dans les tambours circulaires à deux peaux. Ce procédé est encore peu répandu dans le pays. Les deux timbales,

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Les instruments de musique en Irak

de tailles différentes, ne sont pas en aluminium, mais en métal lourd, généralement en bronze. Chacune repose sur trois pieds métalliques fixés sur une planche de bois. Chaque nakkâra est munie d'une vis qui maintient un cerceau métallique autour du récipient, à la hauteur où la membrane déborde sur la paroi. Les baguettes sont faites dans les mêmes bois que précédemment : bambou, oranger amer, chêne, mais elles se terminent par une partie renflée. II. 113. Tambour sur cadre. Les tambours de ce type sont toujours circulaires; leur taille est variable (de 15 à 50 cm de diamètre); ils sont frappés à mains nues. Les tambours sur cadre sont généralement appelés d a f f ; on utilise aussi le terme daîra, « cercle ». Dans le sud de l'Irak, on les appelle târ, (pl. pîrân). Les Kurdes bahdinans emploient le terme 'arabâna 5. jakk peut indifféremment désigner un tambour sur cadre avec ou sans cymbalettes. zindjârî ou al-daff il-zindjâri désignent généralement le tambour sur cadre à cymbalettes. De façon générale, la terminologie populaire relative au daff est très confuse et imprécise. La plupart du temps, le cadre de ces tambours est constitué par le cadre d'un tamis domestique, munkhul 6 . Cependant, dans certains tambours populaires, le cadre est en métal : aluminium ou laiton. Dans les instruments plus raffinés, particulièrement dans ceux de la musique citadine, le cadre est fait par le charpentier en bois de saule, f i f e a f , de saule blanc, spindâr, de mûrier, tût, ou même de tout bois flexible. Dans certains cadres on ménage une encoche où l'instrumentiste place son pouce pour maintenir l'instrument. Comme c'est le cas de tous les membranophones d'Irak, la membrane peut être en peau de mouton, de gazelle ou de poisson. Suivant le type de l'instrument, la membrane est collée, clouée ou cousue. Avant chaque utilisation, la membrane doit être réchauffée au feu pour maintenir la tension désirée : dans les cérémonies du dhikr, par exemple, un feu reste allumé en permanence à cet effet. II. 1131. Tambour sur cadre simple (photo 12, h. t.). Le seul caractère spécifique de ce tambour est son cadre démuni de chaînes ou d'accessoires. Dénomination, taille, procédé de fixation de la membrane et technique de jeu sont semblables à celles des autres tambours sur cadre. On emploie cet instrument, à côté des tambours sur cadre à chaînes, dans les circonstances d'inspiration religieuse. II. 1132. Tambour sur cadre simple avec accessoires sonores. - Avec cymbalettes. On l'appelle d a f f , ou al-daff il-zindjâri; dans le sud, il est connu sous d'autres dénominations génériques comme par.

5. Selon nos informateurs de la région de Zakho, 'arabâna dériverait de 'arab. Ce terme aurait été appliqué à l'instrument parce que les derviches qui l'utilisaient venaient du territoire arabe. 6. En Égypte, des superstitions s'attachent au tambour-tamis. En Espagne, tamis et tambour circulaires sont utilisés par les Tziganes pour la divination (Schaeffner, 1964 : 182, 238-239). Nous n'avons pu jusqu'à présent découvrir en Irak des superstitions attachées à l'emploi du tamis.

Description et répartition des instruments de musique

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On en trouve en diverses tailles : les plus petits ont un diamètre de 21 à 26 cm ; le grand daff sacré des Yézidi atteint de 40 à 50 cm. Il est muni de cymbalettes, snùdj, de presque 5 cm de diamètre, réparties isolément ou par paires sur une ou deux rangées. Le nombre symbolique de cinq, si souvent évoqué dans les traités comme le nombre indispensable de cymbalettes, n'est en fait pas fixe. Nous avons vu des tambours sur cadre dont les cymbalettes étaient réparties en trois paires sur trois côtés de l'instrument, formant ainsi un triangle fictif; d'autres à quatre cymbalettes réparties symétriquement; ou encore un instrument des femmes noires de Basra, dont les quatre cymbalettes étaient réparties également, mais uniquement dans la partie supérieure du cadre. Dans le grand daff sacré des Yézidi, nous avons remarqué que non seulement la répartition des cymbalettes n'était pas égale, mais encore que leur taille et leur forme étaient variées. Les cymbalettes sont toujours en métal : laiton, aluminium, bronze ou simples capsules de bois. A titre d'exemple, voici comment se présentent les quatre paires de cymbalettes d'un daff yézidi provenant du village de Ba'shïka, que nous avons acheté pour le Centre de musique traditionnelle de Bagdad : la première paire est constituée de capsules de bouteilles de Pepsi-Cola, la deuxième associe une pièce de monnaie irakienne de quatre fils et une pièce non identifiée; la troisième est faite d'anneaux métalliques et la quatrième de rondelles de laiton. La membrane des tambours sur cadre de ce type est ainsi fixée : comme elle ne peut beaucoup déborder sur le cadre à cause des cymbalettes, la membrane est collée et, pour renforcer l'attache, on peut la clouer — c'est la technique utilisée dans les instruments populaires — ou la coudre une fois qu'on a percé des trous dans le bord du cadre (pour plus de détails sur ce type d'attaches, cf. ci-dessous). Le tambour est tenu de la main gauche; le pouce est introduit dans une encoche située au milieu de la partie inférieure du cadre. L'index s'appuie généralement sur la membrane, et parfois aussi le médium ou plusieurs doigts. La main droite frappe nue. Ce tambour est employé dans les fêtes populaires, les réjouissances familiales comme le mariage et la circoncision, et d'autres occasions de divertissement, ainsi que dans certaines cérémonies religieuses : ainsi, chez les Yézidi, où il forme avec la flûte yézidi le duo sacré (cf. chap. X). Chez les Musulmans, un instrument de ce type, appelé khâbût, figure à côté d'autres variétés de tambours, dans l'ensemble al-sâda, composé uniquement de femmes noires (cf. chap. VIII). - Avec sonnailles (photo 13, h. t.). Dans ce type de tambours sur cadre, des segments de chaînes métalliques, des pièces d'argent ou de petits grelots sont fixés sur la face intérieure du cadre. Jadis, à Bagdad, on appelait ce tambour dâîra, « cercle » 7 . Dans le nord de l'Irak, dans la région de Zakho, près de la frontière turque, nous avons trouvé le nom 'arabâna. De nos jours, le terme générique daff est d'un emploi courant. 7. En Iran, c'est le contraire : daire désigne le tambour sur cadre à cymbalettes (N. Caron et D. Safvate, 1966 : 182). 9 565061 6

03

Les instruments de musique en Irak

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Le nombre des chaînes ou des grelots attachés au cadre est tantôt arbitraire, tantôt de valeur symbolique. Dans ce dernier cas, toute chaîne doit se composer de quatre maillons, correspondant à chacun des quatre pôles d'un ordre soufi. La même tradition stipule, sans gêne apparente, que le nombre total des maillons doit atteindre 101, chiffre qui représente le nombre des attributs de Dieu (cf. chap. IX.2). Les accessoires sont cloués sur un fin cerceau de bois, qui n'est pas complètement fermé pour ménager la place de l'encoche; ce cerceau est ensuite cloué à l'intérieur du cadre. Sa présence empêche le cadre de plier, ce qui peut arriver en raison du poids des chaînes ou des grelots. La membrane est tendue sur le cadre, dont elle recouvre la face extérieure tout entière, et déborde même sur la face intérieure. Le bord du cadre est perforé, ce qui permet de coudre la peau. On peut jouer de ce tambour debout ou assis. Si le tambour est dépourvu d'encoche, on place le pouce sur la partie inférieure du cadre tandis que le quatre autres doigts entourent le cadre et appuient sur la face inférieure de la membrane. La technique du jeu varie selon la taille de l'instrument : pour les tambours de grande taille, on frappe la membrane avec la paume de la main ouverte ; dans le cas des daff de taille moyenne, le temps faible, tak, est frappé avec la partie inférieure de la paume de la main droite, et le temps fort, dum, avec les quatre doigts tendus ou pliés; pour jouer du petit daff, on frappe du bout des doigts le milieu de la membrane. Parfois, le seul cadre du tambour, dépourvu de membrane, peut suffire : on se contente alors de l'entrechoquement des anneaux métalliques. Ce daff est un instrument de caractère religieux : on en joue dans les cérémonies de dhikr, pour le matvlûd (jour de la naissance du Prophète et aussi, en Irak, jour anniversaire de sa mort), ainsi que pour accueillir les fidèles qui rentrent de pèlerinage. Dans le sud, ce type de tambour, appelé par, figure dans l'orchestre féminin noir al-sâda; dans ce cas, on ne l'appelle pas par mais ràdûm.

II. 12. Tambours

à deux

membranes

II. 121. À caisse cylindrique (photo 14, h. t.). On connaît actuellement en Irak quatre types de tambours à caisse cylindrique à deux peaux, l'un de ces types, le fabl, se présentant sous trois variantes. Ces quatre familles d'instruments se répartissent en deux catégories selon le mode de fixation de la membrane, qui peut être direct ou indirect. Dans toute la partie du pays qui parle arabe, le tambour à deux membranes est appelé pabl; chez les Kurdes, on utilise les appellations dhol, dhl, dhola, ou même fabl; dans les villages limitrophes des deux communautés, les deux appellations sont connues 8 . La population noire use, à côté du terme fabl, de prénoms spécifiques.

8. Les deux noms tabl et dhol sont également connus en Iran (Rezvani, 1963).

Description et répartition des instruments de musique

41

II. 1211. À fixation directe. - En forme de tonneau : mariam (photo 15, h. t.). C'est un tambour horizontal, long d'environ 80 cm. La caisse de résonance est faite dans un véritable tonneau de condiments, des mangues pimentées importées de l'Inde. Les deux membranes en peau de vache, de 41 cm de diamètre, sont attachées à des lacets en cuir qui passent directement dans les boutonnières et forment un lacis de deux lignes de Y qui se font face. En outre, les lacets s'entrecroisent en formant des ceintures circulaires parallèles. Au milieu de la longueur de la caisse, une poignée de cuir tressé est attachée au lacet, de façon à faciliter le transport. L'instrumentiste joue assis, le tambour placé sur une table très basse, et il frappe directement la peau avec les paumes des deux mains. Le tambour-tonneau est uniquement fabriqué et utilisé chez les populations noires de Basra, du moins dans l'état actuel de nos connaissances. Il figure dans deux ensembles seulement : l'ensemble jatânka où il est prénommé marïam, « mariam » et l'ensemble wâya, où on l'appelle al-rahmânï, « le miséricordieux », l'une des épithètes de Dieu (cf. chap. VIII. 2). - En forme de tonnelet : kâsar (photo 16, h. t.). Ce petit tambour, à caisse cylindrique longue d'environ 24 cm, est constitué par un tonnelet, peint en bleu turquoise. Deux membranes en peau de veau ou de chameau, de 24 cm de diamètre, sont attachées directement avec des lacets ordinaires, probablement de matière végétale, qui passent alternativement dans les boutonnières des deux membranes, en formant des X irréguliers. Une lanière transversale entourant le milieu du corps consolide les attaches. Une courroie permet la suspension de l'instrument à l'épaule gauche; placé obliquement, il touche le haut du buste si l'instrumentiste joue debout. En position assise, le tambour est placé obliquement sur les deux genoux. La main gauche repose sur la caisse; le bras gauche est étendu. La main droite frappe, à l'aide d'une baguette fine et droite de bambou, le centre de la membrane. L'instrument est connu seulement de la population noire de Basra. Il peut être joué par les femmes dans l'ensemble sâda, et par les hommes dans l'ensemble wâya. II. 1212. À fixation indirecte. - pabl. Quoique cette appellation ait un sens générique qui englobe tou3 les tambours à deux peaux, elle désigne particulièrement le tambour que nous allons décrire, qui est connu du pays presque entier. Ce tambour comprend une large caisse cylindrique, dont le diamètre varie entre 56 et 62 cm et dont la hauteur atteint presque 36 cm; elle est de préférence en bois de noyer ou de mûrier, mais tout autre bois peut être utilisé. Deux membranes, djilid en arabe et habbân en kurde, tendues de chaque côté de la caisse, ont des épaisseurs différentes : la membrane épaisse est constituée, par exemple, par une peau de vache et l'autre par une peau de mouton. 2 A.

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Les instruments de musique en Irak

Nous avons remarqué que ces peaux, mince ou épaisse, peuvent être librement tendues sur l'un quelconque des côtés, selon le côté où l'instrumentiste préfère suspendre le tambour. Les deux baguettes sont donc de grosseur différente pour correspondre aux différences d'épaisseur de la peau. La baguette la plus épaisse, tchôgân en arabe et kôpâl en kurde, est recourbée, tandis que l'autre, shibil en arabe et shakkak en kurde, est droite. La lanière, kayyâsa en arabe et kâyish en kurde, en cuir ou en tissu, est attachée à deux anneaux fixés sur le cadre; elle permet la suspension de l'instrument autour de l'épaule du musicien. Si ce dernier joue debout, le tambour est en position latérale ou oblique au niveau de la moitié du corps. S'il joue assis, la bretelle passe autour du bras, formant un demi-bracelet. Le tambour repose sur le genou droit ou sur le gauche selon la suspension. Les deux mains fonctionnent différemment : celle qui porte la baguette épaisse est plus libre. Elle marque le temps fort; le battement se réalise en faisant un mouvement d'aller et retour de tout le bras. Le bras porteur de la baguette mince repose sur le cadre du tambour et reste immobile. Seuls les quatre doigts fonctionnent pour actionner la baguette mince.

Tableau 5. Nomenclature de tambours circulaires à deux membranes deux régions Bagdad

Dliok

Membrane

djilid

habbân kâkûl

Caisse

badan

dàr târ

Cerceau

ibrim

tchambar

Lacets

djanib, khneiçri

sharit

Lanière

kayyâsa

kayish

Baguette épaisse

tchôgân

kôpâl

Baguette mince

shibil

shakkak

dans

La fixation indirecte de la membrane peut se réaliser selon les trois procédés que voici : a. Deux cerceaux, ibrîm en arabe, tchambar en kurde, en bois, entourent la caisse à l'endroit où les membranes touchent le cadre. Des lacets, khneisrî ou djanib en arabe, sharïf en kurde, où des lanières végétales tressées de poils de chèvre passent alternativement du cerceau supérieur au cerceau inférieur,

Description et répartition des instruments de musique

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formant ainsi des Y doubles, qui sont barrés par une lanière circulaire ceinturant le milieu de l'instrument; b. Des lanières sont attachées à une saillie annulaire, collée au corps sans le dépasser en longueur. Aux deux saillies sont juxtaposés deux cerceaux qui les consolident. Chaque saillie est munie de boutonnières à travers lesquelles s'enfile la lanière alternativement de la saillie supérieure à la saillie inférieure, formant un Y. Un lacet médian circulaire passe immédiatement au-dessus d'un des cerceaux pour renforcer les attaches. Ce tambour est muni d'un ou deux (voire plusieurs) timbres watar c'est-à-dire d'un fil en boyau ou de lacets en matière végétale, tendu diamétralement contre la face externe d'un seul côté et joué avec l'index; c. Certains de ces {abl 9 circulaires et cylindriques sont importés. A l'origine, ils furent introduits par les Anglais. Ils se caractérisent par une fixation de peau effectuée par l'intermédiaire des cinq ou six tringles métalliques munies de vis de serrage qui maintiennent solidaires deux épais cadres de bois qui entourent les membranes. Ce tabl compte parmi les instruments les plus répandus dans le pays tout entier. II participe aux diverses fêtes et réjouissances populaires des différentes ethnies ou sectes. Il est habituellement inséparable du hautbois zurna, avec lequel il forme le fameux duo tabl uia zurna, en arabe, et dhol wa zurna, en kurde, « tambour et hautbois ». Dans les villes, ces tambours ne sont connus, en dehors de l'armée, qu'à Bagdad, où ils font partie des ensembles populaires al-djawlf-il-baghdâdî ou al-mazika-l-baghdâdia, qui animent la quasi-totalité des festivités, comme le mariage et la circoncision. - mrwâsî (photo 17, h. t.). C'est un tambour à deux peaux, à caisse cylindrique en bois de petite taille : 13 à 15 cm de longueur, 11,7 à 13,4 de diamètre. La caisse, peinte de couleurs vives, est très souvent importée des pays du Golfe tandis que les membranes de peaux de mouton sont montées à Zubair, en Irak. Le système d'attache est indirect : deux fins cerceaux enserrent la peau aux deux extrémités de la caisse. Il s'y ajoute des lacets, attachés d'une façon très irrégulière. Le coude du joueur repose sur son genou; il tient l'instrument de sa main gauche, posant la membrane inférieure sur la paume de la main. Il frappe de sa main droite, nue et étendue, sur une seule membrane. On nous a cependant parié d'un instrument de même type, appelé ganbaz, que l'on jouerait en utilisant les deux membranes, mais nous n'avons pu le voir. Le tambour mrwâsî n'existe en Irak qu'à Zubair, près de Basra. Au moins deux tambours jouent ensemble pour accompagner le chant appelé fann-il §awt « l'art de la voix ». Ceci s'explique par le fait que la musique du sud est de caractère polyrythmique. Un instrument doit marquer le rythme de base, le deuxième improvise en variations sur ce rythme.

9. Une variété de ce tambour, de petite taille, est appelée ¡rumba, litt. « robinet à eau », ou même trumpet, « trompette », dans les ensembles populaires, et pbaila dans l'armée.

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Les instruments de musique en Irak

II. 122. Tambours à deux membranes sur cadre

10

.

II. 1221. Circulaire (photo 18, h. t.). Cet instrument, appelé tabl, comprend un cadre très étroit sur lequel sont tendues deux membranes. Celles-ci sont percées par des œillets à travers lesquels passent des lanières de cuir, qui relient les deux peaux par un laçage irrégulier. Une petite bretelle est attachée en deux points du cadre. Le joueur, debout, laisse passer son bras jusqu'au coude à travers la bretelle. Sa paume gauche s'étend sur le cadre pour le tenir. L'instrument, tenu obliquement, repose de l'autre côté sur le ventre du joueur. La main droite frappe avec une baguette recourbée en crosse. Nous avons pu voir un exemplaire de cet instrument qui n'est plus utilisé qu'à Zubair, au sud de Basra, ville qui conserve la tradition arabe de la Péninsule. Selon les habitants, ce tabl n'est plus en usage depuis la mort de son joueur. Plusieurs de ces instruments accompagnaient habituellement une ancienne danse guerrière appelée al-arda n . II. 1222. Polygonal (photo 19, h. t.). On l'appelle dammâm (pl. dammâmât)12, et al-dammâm-il-mudala', « tambour polygonal », ou encore, tout simplement fabl. Son cadre mince peut avoir cinq, sept ou huit côtés. Il existe en diverses tailles, ce qui implique une différence dans l'épaisseur du cadre. Nous avons mesuré des instruments dont le cadre était épais de 9,5; 10,5; 11,5 et 12,5 cm 13. Deux membranes en peau de mouton sont attachées directement. A travers des œillets pratiqués sur le pourtour de la membrane, passent de fines lanières de cuir qui forment un laçage en zig zag symétrique. Le laçage de la membrane est renforcé par une ceinture médiane qui entoure le cadre. Le dammâm se joue debout. Une courroie de cuir attachée au cadre passe sur l'épaule gauche du joueur. L'instrument est suspendu horizontalement, ou légèrement en oblique, au-dessus de la taille, sur le côté gauche du corps. La main gauche tient le cadre pour renforcer sa position horizontale tandis que la main droite frappe avec le dos d'une baguette recourbée en bambou, dont l'extrémité ou le milieu sont parfois entourés d'une lanière de tissu ou de matière plastique.

10. « Sur cadre » parce que la profondeur de la caisse ne dépasse pas la moitié du diamètre. 11. fann il-'arda : danse de guerriers, d'origine arabe, très ancienne. Elle est pratiquée lors des festivités ou des fêtes nationales, dans les rues ou les places publiques, jamais dans un lieu clos. Participants et instrumentistes sont debout ou à cheval. Les tambours accompagnent les chants de louanges, et ceux de menace contre l'ennemi. Dans les régions du moyen Irak, ce genre de cérémonie se nomme sâs. 12. Il est possible que l'origine de cette appellation soit persane, car les timbales de l'Inde, qui sont d'origine persane, sont appelées damama (Sachs, 1942 : 251). 13. Renseignements que nous avons recueillis dans la collection de la famille al-Djawahiri, à Kazamain-Bagdad.

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Description et répartition des instruments de musique

Le dammâm est employé uniquement dans les circonstances religieuses; dans les cérémonies d'Ashûra, il ajoute un timbre grave d'effet funèbre (cf. chap. I X . 1) et il est alors recouvert d'un tissu de plastique vert cloué sur le cadre. Il est parfois aussi utilisé pendant le mois de Ramadan pour réveiller à l'aube les fidèles et les inviter à prendre leur dernier repas avant le jeûne.

II. 2. M E M B R A N O P H O N E S A C T I O N N É S

PAR

PERCUSSION

INDIRECTE

Ce sont essentiellement des tambours d'enfants à boules fouettantes, appelés fabl ou tabla, dans le nord, dumbarka ou dunbarka, ou même nàkkàrra à Bagdad (fig. 6). Cet instrument comprend un cadre mince, circulaire ou ovoïde, en bois, en carton ou en papier épais. Les membranes, d'un diamètre de 7 à 8 cm, en peau de mouton ou en papier, sont collées. Deux ficelles, avec deux petites boules pendues à leur extrémité, sont attachées au cadre. Quand on fait tourner le manche, les boules, généralement faites de papier ou d'un anneau en verre percé, frappent alternativement les deux peaux. A Bagdad, ce tambour est vendu par les Pakistanais et les Indiens venus en pèlerinage.

II. 3. MEMBRANOPHONES ACTIONNÉS PAR FRICTION

Il s'agit d'un tambour à friction tournoyant, constitué d'une sorte de gobelet d'argile recouvert de papier, de tissu ou d'une membrane en peau de mouton ou de poisson collées. Quand les enfants fabriquent eux-mêmes ce tambour, ils utilisent une boîte de cirage. La partie de la peau qui recouvre l'ouverture du gobelet est traversée par des crins de cheval, eux-mêmes reliés à une baguette de palmier. Les dénominations de ce tambour sont onomatopéiques, et certaines d'entre elles sont analogues à celles usitées pour désigner le rhombe : wighâgha, waghwâgha, djizzâzza, ghargharra à Erbil, rawrawa chez les Kurdes soranites et furârra, « tournoyante », à Basra. L'enfant, tenant bien en main la baguette, fait tournoyer l'instrument d'un mouvement giratoire. Il a probablement été introduit en Irak par les pèlerins persans.

CHAPITRE

III

AÉROPHONES

De toutes les catégories d'instruments, ce sont les aérophones qui présentent, au niveau de l'origine de leurs appellations, la plus grande confusion. Une multitude de termes ont été notés, surtout dans le nord, où coexistent plusieurs ethnies. On remarquera que le même instrument peut recevoir plusieurs dénominations, souvent contradictoires, et qu'inversement un même terme peut s'appliquer à des instruments de type différent : on trouve ainsi parfois la même appellation appliquée à une flûte, une clarinette ou un hautbois.

III. 1. AÉROPHONES À AIR AMBIANT

III. 11. Diable

(et

instruments

du même

type)

Il s'agit d'un petit disque de métal, de matière plastique ou de terre cuite, qui, très souvent, peut être remplacé par un bouton de vêtement (fig. 7). Le disque est pourvu, en son milieu, de deux trous à travers lesquels passent des cordelettes ou, depuis peu, un élastique. La tension puis le relâchement des extrémités de la cordelette ont pour effet de faire tourner le disque. Il en résulte un vrombrissement.

Description et répartition des instruments de musique

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Le nom que reçoit cet instrument peut se référer : a. Au son produit par l'instrument, et l'on a affaire à une onomatopée véritable, comme djazzâzza 1 à Erbil, et furfurra à Mossoul; b. A un son voisin et suggestif, comme par exemple le bourdonnement de l'abeille : zanbûr-il (in, « la guêpe de terre cuite », à Basra et à Diwania; c. A la vitesse : dans le sud et dans le moyen Euphrate, où le diable, wadhâhha, est symbole de vitesse, comme en témoigne le proverbe « rapide comme le wadhahha » (Shakir Hadi al-Ghidab, 1972 : 210) ; d. A la forme, comme c'est le cas de pùl, « pièce de monnaie », chez les Kurdes. A Kirkouk, nous avons trouvé le nom fingaldïan, d'origine probablement arménienne, dont nous ignorons le sens. Le diable est uniquement un jeu d'enfants. III. 12.

Rhombe

Il est formé d'une planchette rectangulaire en bois (fig. 8); un orifice est percé à l'une des extrémités pour permettre le passage d'une cordelette grâce à laquelle on imprime à l'instrument un mouvement régulier de rotation. Le son produit, comparable à un vombrissement, a suscité des appellations onomatopéiques : bâdbâdak, bâd, signifie le vent, chez les Kurdes de Bahdinan ; rawrawa chez les Kurdes soranites ; warwara chez les Turkmènes d'Erbil où le rhombe est également appelé wighwàgha et gafgafa. Dans les autres régions du pays, l'instrument est connu mais ne possède pas un nom spécifique. Comme pour le diable, il s'agit d'un jeu d'enfants. III. 13. Toupies

sifflantes

Le corps de la toupie est taillé plus ou moins en forme de navet dans du bois plein de mûrier, tut, ou d'oranger amer, nârindj 2. Une toupie sifflante doit être percée d'un ou plusieurs trous qui sont pratiqués par le joueur luimême (fig. 9). La toupie est mise en marche au moyen d'un fil enroulé tout autour du corps de la toupie et tiré d'un mouvement sec. Un bon joueur doit être capable de faire passer la toupie déjà en mouvement sur la paume de sa main sans en arrêter la marche (Ahmed al-Soufi, 1970 : 68). Le passage de l'air dans les trous pratiqués sur le flanc de la toupie produit un son qui peut être sourd et aigu, phénomène qui explique les différents noms donnés à la toupie.

1. djazzâzza

désigne aussi un noyau percé.

2. Le choix du bois revêt une importance majeure, car c'est en fonction de leur poids que les toupies tournent plus ou moins longtemps, et donc sifflent plus ou moins longtemps.

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Les instruments de musique en Irak

7. Diable 8. Rhombe 9. Toupie sifflante

Une de ces toupies, al-naûrï, « le ronfleur », présente deux évidements : le grand trou, de 2 cm de diamètre, est appelé fils, d'après le nom de la plus petite pièce de monnaie irakienne, et parce qu'un vrai fils est collé sur le trou. Par le petit trou, zuruf, « le trou », on introduit de temps en temps de l'huile de lyciet, simsim, pour renforcer le ronflement (al-Hidjia, 1973 : 155-156). Dans la toupie al-wannânï, « le gémissant », le trou est percé vers la pique.

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Description et répartition des instruments de musique

Tableau 6. Dénominations

des toupies selon les régions

Région

Noms génériques *

Toupies à trous

Mossoul

mizgha dawwàmmï dama al-khadrûf

na'ûrî hadji laglagi

Centres turkmènes

mirzâh

Sulaimania

khrkhurrak farffarra gadgada

Bagdad

muçrac dauiuiâma

wannânl na'ùri al-shâkha

Moyen Euphrate

misra'

abul-shàkha

Basra

dawwâma

* Les noms génériques peuvent aussi désigner des toupies avec trous et des toupies sans trous.

III. 2. AÉROPHONES À INSUFFLATION III. 21. Trompes

à embouchure

terminale

Toutes les trompes en Irak ont une embouchure terminale; nous distinguerons donc, en fonction de leur matière, les trompes en métal, en corne et les trompes en conque. III. 211. Trompes en métal. Elles se composent d'un tuyau conique qui peut être rectiligne ou enroulé. III. 2111. La trompe al-fùafa. Elle se compose d'un tuyau de 122 cm de longueur, fait de plusieurs segments soudés (photo 23, h. t.) dont le dernier, plus évasé, constitue le pavillon, d'environ 17 cm de diamètre 3 . En raison de sa longueur, il est fait dans un métal léger.

3. Selon notre informateur, l'instrument devait jadis posséder une anche dont nous n'avons pu déterminer la nature.

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Les instruments de musique en Irak

La taille, la matière et l'emploi collectif du fûâfa imposent probablement la façon de le tenir. Il est toujours orienté obliquement vers le haut. Une main entoure l'embouchure, une autre soutient le tuyau dans son milieu. Comme tous les autres instruments du type des trompes et des cors, on le connaît sous le nom générique de buk. Mais il est également appelé tuâta, appellation qui fait référence à la sonorité de ce type d'instruments. La fabrication de cet instrument est confiée aux chaudronniers des centres religieux chiites du moyen Euphrate. Ailleurs, partout où se trouvent des Chiites, on importe cet instrument de ces centres, ou bien on le fabrique sur place, mais d'une taille plus petite. Sa présence est en effet indispensable pour les cérémonies du deuil de Hussein. Le son unique produit par l'instrument, ainsi que les couleurs jaune et rouge qui le recouvrent sont des symboles de dérision, car ils représentent l'armée des ennemis de Hussein (cf. chap. IX. 1). Dans ces manifestations religieuses, le fûâfa n'est jamais employé seul, mais dans un ensemble comportant une dizaine d'instruments, appelé firka bùkïa, « ensemble de buk ». III. 2112. Trompettes et cors (photos 20 et 21, h. t.). Ces instruments ont probablement une origine militaire et étrangère. Dotés d'une embouchure en cuvette, ils se présentent sous deux formes : a. En tuyau conique avec pavillon; une poignée de laiton, de même longueur que le tuyau, s'enroule; b. En tuyau enroulé, dont la courbure sert de poignée. Ces deux formes peuvent avoir des tailles variées. D'ordinaire, ils ne possèdent pas de clefs, et quand ils en possèdent, elles ne sont guère employées. Ils sont appelés buk en arabe, bûka en syriaque, shaypûr chez les Kurdes et barazân 4 dans les cérémonies religieuses des Chiites. L'introduction de ces instruments remonte à la période ottomane. Un modèle plus récent a été introduit dans les ensembles de l'armée qui en usent chaque soir, lorsqu'on amène les couleurs au coucher du soleil. Lorsqu'on les emploie pour l'appel des soldats, on les appelle bûk-il nawm, « buk du sommeil ». Les martyrs et les soldats morts sont enterrés au son du buk, jouant hazâïnï, sorte de marche triste. Scouts et écoliers en jouent également. L'usage populaire de ces instruments est plus varié. Jadis, à Kirkouk, on jouait d'un petit buk dans les cafés et dans les assemblées populaires. A Bagdad, des ensembles populaires de musique utilisent des instruments usagés, vendus par l'armée, à l'aide desquels ils animent les mariages, les fêtes qui marquent la circoncision, et toute autre festivité. Leur seul emploi religieux est celui des cérémonies de Ashûra, dans les centres chiites où le barazân fait partie des ensembles de musique religieuse (cf. chap. IX, 1).

4. barazân serait une déformation du turc bùrzan, qui désigne le joueur de buk appelé buki en Irak (Daoud ai-Tchalabi, 1960 : 23).

Description et répartition des instruments de musique

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III. 212. Trompes en corne. L'instrument est fait d'une corne de bovidé, de chèvre ou de brebis, sectionnée à l'extrémité supérieure de façon étroite pour constituer l'embouchure. Il conserve la courbure naturelle de la corne. On l'appelle garn ou karn en arabe, « corne », ainsi que sur, qui désigne le shôfâr hébraïque. L'usage des cornes comme instruments de musique semble avoir récemment disparu chez les Musulmans, où leur emploi était lié au chiisme : voici cinquante ans, dans les bazars, les derviches s'accompagnaient de la corne pour leurs récits de louanges religieuses madâih. Cette habitude perpétuait un usage du temps de Safavides, destiné à propager le chiisme. Certains informateurs nous ont assuré que l'on jouait également de la corne lors des cérémonies d'Ashùra. Ce serait dans ces mêmes lieux que les fakirs indiens et pakistanais, venus en pèlerins, en jouaient. On appelait leurs cornes karn il sabir, « corne du magicien ». Les cornes auraient été couramment utilisées par les Kurdes, surtout dans les batailles entre tribus des montagnes. Elles auraient, entre autres, servi de mode de ralliement 5 . De nos jours, c'est seulement dans le culte judaïque que le sur reste en usage. Nous avons pu observer que, pour contrôler le jeu de ses lèvres sur une embouchure assez large, le joueur introduit dans sa bouche un de ses doigts, ce qui évite la sortie de l'air en fermant la cavité buccale. III. 213. Trompes en conque de mer. Elles sont faites de coquillages marins, provenant du Golfe et dont on a sectionné la dernière spirale pour pratiquer une embouchure (photo 22, h. t.) Elle n'est utilisée que par la population noire de Basra, qui l'appelle pinka ou lâpinka en langue bambasi. Ce sont principalement les hommes âgés qui en jouent, pour rassembler les gens du quartier et les inviter à participer à la cérémonie wàya (chap. VIII. 2).

III. 22.

Flûtes

On distingue deux grands types de flûtes : les flûtes tubulaires et les flûtes globulaires. Les premières se répartissent en deux catégories, selon la place de leur embouchure, terminale ou latérale. Enfin, les familles des flûtes globulaires et des flûtes tubulaires à embouchure terminale connaissent deux types d'embouchures, en biseau et en bec.

5. Selon le Centre de culture traditionnelle kurde de Bagdad.

52 III. 221. Flûte

Les instruments de musique en Irak tabulaire.

III. 2211. Flûte à embouchure terminale. III. 22111. Flûte à embouchure simple en biseau ou en arête : nây. On les trouve faites dans différentes matières : bois, roseau, métal. Elles comportent six à sept trous pour le jeu, plus un trou postérieur. Elles sont jouées obliquement vers le bas (photos 24, 25, h. t.). Tableau 7. Dénomination des flûtes obliques selon la région et la matière Région

Métallique

En bois

Erbil

shamshàl

blûl

shamshàl blûr

Sulaimania et Kirkouk

bluir

lula shamshàl

Mossoul

shabbâba blil

Bagdad Moyen Euphrate Basra

En roseau

nây nây

ma'adani này

- nây en bois tourné. Cette flûte est formée d'un tuyau cylindrique de longueur variable, d'un moyeu de 55 cm à sept trous plus un trou postérieur. Ce tuyau se rétrécit du côté de l'embouchure. Il peut être lisse ou mouluré. On en trouve en bois d'abricotier mishmish ou de hêtre blanc zân. Cette flûte est surtout connue dans le nord du pays : dans la région de Mossoul, le long de la frontière turque ainsi que du côté de la Syrie. Dans les régions de langue kurde, elle se nomme blîl ou shbïba; et shabbâba 6 ou nây dans les contrées arabophones. La flûte à tuyau lisse est surtout un instrument de berger. On en joue toujours en solo, dans un espace ouvert, surtout au cours des moissons ; elle n'accompagne ni la danse, ni quelque autre instrument. Chez les Yézidi, au contraire, la flûte à tuyau mouluré est l'instrument sacré. Elle forme avec le tambour sur cadre, instrument lui aussi sacré, un duo qui accompagne les cérémonies religieuses (cf. chap. X). Ce même instrument à tuyau mouluré peut être employé par d'autres ethnies que les Yézidi à des fins de simple divertissement.

6. Etymologiquement, « la jeune » ou « la petite » flûte. Ce terme arabe est parvenu jusqu'à Madagascar sobaba et en Espagne axebabo (Sachs, 1942 : 247).

Description et répartition des instruments de musique

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Pour jouer, l'instrumentiste presse légèrement et en biais l'embouchure contre ses lèvres. Il couvre les trois trous supérieurs à l'aide de sa main droite, et les quatre autres avec la gauche. - này en roseau. Il est constitué par un segment de canne à sucre kasab farisi de huit ou neuf internœuds. La longueur du tuyau varie entre 36 et 81 cm et plus. A une extrémité, les bords du tube, taillés en biseau, constituent l'embouchure. Six trous de jeu sont percés dans le tiers inférieur du tuyau, et sont disposés deux à deux sur les 2 e , 3 e et 4 e internœuds, indépendamment du nombre total de segments. L'espèce de roseau servant à la fabrication de la flûte n'étant pas jadis cultivée en Irak, on pense que l'instrument fut importé de Syrie. Depuis, il existe dans le nord du pays une fabrication locale, mais l'importation demeure importante. Dans le jeu, les doigts de la main droite couvrent les deux ou trois trous supérieurs, ceux de la main gauche les autres. La flûte de roseau est un instrument citadin; de tous les instruments à vent, elle est le seul à être utilisé dans la musique classique. Elle fait traditionnellement partie de l'ensemble al takht-il sharkï, « ensemble oriental », répandu dans le monde arabe. Dans cet ensemble, le này figure à côté du luth 'ûd, et de la cithare à cordes frappées kânùn. Cependant, cet instrument ne fait jamais partie de l'ensemble classique local al tchalghï-l baghdâdï, « ensemble de musiciens de Bagdad » 7 . - nây en métal (photo 24, h. t.). C'est un segment de tube en métal d'environ 33 à 41 cm de longueur, dont la section constitue une embouchure de 1,5 cm qui est rarement biseautée. Sept trous sont répartis sur le tuyau. Appelée blïl, blûr ou shamshâl8 dans la région kurde, où elle est très répandue, la flûte métallique est beaucoup plus rare dans les région du moyen Euphrate et du sud. Dans le moyen Euphrate, on l'appelle nây ma'danï, « nây métallique ». L'instrumentiste tient cette flûte obliquement vers sa gauche en couvrant les trous supérieurs avec les doigts de sa main droite, et les trous inférieurs avec ceux de la main gauche. L'usage du nây métallique est connu parmi les jeunes, et il peut être utilisé dans diverses circonstances joyeuses. III. 22112. Flûte à embouchure aménagée en bec. - En roseau (photo 26, h. t.). C'est pour cet instrument le matériau le plus répandu. Elle est découpée dans un internœud de bambou, de 27,5 cm de longueur et de 2,5 cm de diamètre, en conservant l'un des nœuds. Celui-ci, percé en son centre, se situe à la partie inférieure de la flûte. A l'extrémité supérieure, le bambou est traité obliquement, de façon à former le bec. Dans l'ouverture ainsi pratiquée, on introduit un bloc de bois de laurier rose difla, ou de

7. On tolère de nos jours l'emploi du nây pour accompagner les chants religieux, et même en solo pour des courts morceaux. 8. shamshâl

peut également désigner une flûte en roseau.

54

Les instruments de musique en Irak

saule blanc spindâr. Entre ce bloc et la paroi du bambou est ménagé un espace qui constitue le canal d'insufflation et qui débouche sur la fenêtre rectangulaire ouverte dans la paroi du bambou à 2,9 cm de l'embouchure.

Tableau 8. Dénomination

des flûtes à bec dans le département de Mossoul

Mossoul

mâsûl mâsulâ nây

Ba'shika (Yézidi)

dudak, mâsûl

Kabarii (Shabak)

shamshâl

Les flûtes à bec sont généralement appelées mâsûl (masc.) ou mâsûla (fém.) en arabe; ce terme signifie « sifflet ». A Ba'shika, la ville des Yézidi de langue arabe, on la nomme nây. Dans quatre départements du nord de langue kurde soranite, elle se nomme shamshâl, tandis que les Kurdes bahdinans l'appellent blûr. Pour jouer le mâsûl, les doigts de la main droite couvrent les trois trous supérieurs, ceux de la gauche les trois inférieurs et le pouce le trou postérieur. Chez les Arabes et chez les Kurdes, il est utilisé comme instrument de bergers et de divertissement. - en terre cuite. Il se vend sur le marché de Sulaimania de petites flûtes à bec de terre cuite, longues de 10 cm et munies de trois trous. Ces flûtes sont appelées mâsûla, « sifflets », et ne sont jouées que par les enfants. On relève également leur existence dans les régions du moyen Euphrate, dans la ville de Nadjaf, mais nous manquons de détails à ce propos. - en bois. On signale dans la région kurde de Mandali, à l'est du pays, l'existence d'une flûte à bec en bois de noyer. Nous ne possédons d'informations ni sur sa longueur, ni sur le nombre de trous, ni sur son emploi. D'après un document photographique elle nous a semblé plus longue que la flûte en roseau. Les flûtes à bec fabriquées dans les trois matériaux précités se trouvent surtout dans la partie nord du pays, à l'exception d'un cas signalé dans le moyen Euphrate. III. 2212. Flûte à embouchure latérale (ou flûte traversière en raison de la position de jeu). Elle est constituée d'un tuyau de 35 cm de longueur en bois tourné percé de sept trous, et ouvert à son extrémité inférieure. L'orifice circulaire est situé dans le tiers supérieur de l'instrument. A notre connaissance, elle se vend sur le marché de Sulaimania, aux confins de l'Iran, et, selon toute probabilité, elle proviendrait de cette région.

Description et répartition des instruments de musique

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III. 222. Flûte globulaire. Nous avons groupé dans cette catégorie différents instruments généralement désignés sous le terme de « sifflet ». On y trouve des instruments du type ocarina, et d'autres avec une embouchure du type à bec. Tous ces instruments sont joués par les enfants. Ils sont désignés par les termes génériques suivants : en arabe, mâsûla; en syriaque, zumbarpa-, en kurde soranite, fît fïta et fïkna. Ces instruments se présentant sous les formes et les matériaux les plus divers, on leur donne localement des noms en rapport avec leur matière : ainsi sfùrta en syriaque, qui devait être un sifflet fait d'un fétu de blé, ou pïk en kurde soranite, qui désigne un sifflet en bois ou en terre cuite. Nous classons ces instruments en fonction de la forme de l'embouchure qui leur est donnée : - sifflet constitué par une plaque de fer; - sifflet de terre cuite, en forme de bulbe ; l'orifice supérieur sert d'embouchure et le corps est percé de deux ou trois trous. On les trouve dans la région de Hilla à al-Kasim; - sifflet constitué par un noyau, généralement d'abricotier ou d'amandier, dont les fruits sont cueillis vers la fin de l'été. Les deux faces sont affinées par frottement contre une pierre. Deux trous identiques et opposés sont percés à l'aide d'une grosse aiguille; c'est par eux qu'on évide le noyau (fig. 11). Ce sifflet est appelé sûsàya à Mossoul, djazzâzza et sharakta dans le nord, chez les Assyriens. Ces sifflets sont fabriqués par les enfants, et aussi par les adultes. - sifflet à embouchure à bec: il s'agit d'instruments zoomorphes modelés dans l'argile; certains sont peints (fig. 10). - le sifflet de fer blanc à roulette est également connu : il est importé. III. 23. Instruments

à

anche

Parmi les instruments à anche, largement utilisés en Irak, on trouve la clarinette (anche battante simple), le hautbois (anche battante double). On mentionne l'existence de la cornemuse, instrument aujourd'hui disparu. III. 231. Instruments à anche battante simple. III. 2311. À tuyau unique. Au niveau de l'organologie, nous distinguons deux instruments à anche simple battante. Tous deux sont faits de la même matière, le roseau, kasab, et à peu près de même longueur (entre 16 et 25 cm). Le premier de ces instruments à tuyau simple est à quatre trous rectangulaires séparés par trois intervalles de 1,9-1,9 et 1,7 cm. La languette de l'anche s'ouvre ici vers le haut. Cette variété d'instruments étant vendue par les pèlerins indiens et pakistanais, nous sommes amenés à croire que la technique de la languette s'ouvrant vers le haut est une caractéristique importée.

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Les instruments de musique en Irak

10. Sifflets zoomorphes à embouchure à bec 11. Sifflet en noyau 12. Clarinette à tuyau simple 13. Clarinette à deux

unique

tuyaux

Le second de ces instruments a six trous ovoïdes échancrés au couteau (fig. 12). Il a ainsi les caractéristiques de la clarinette double, dont il forme un élément (cf. III. 2312). Ces deux types de clarinettes à un tuyau sont connus en Irak sous le nom de zummâra; on ajoute parfois l'adjectif mufrad, « simple », pour les distinguer de l'instrument à deux tuyaux. Les clarinettes simples sont des instruments d'enfants et d'adolescents.

Description et répartition des instruments de musique

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III. 2312. À deux tuyaux (clarinette double) (fig. 13.) La clarinette double est composée de deux tuyaux identiques; chacun d'eux se compose du tuyau proprement dit percé de six trous, et d'un petit chalumeau dans lequel est découpée l'anche. Les tuyaux sont généralement en roseau, mais on en trouve également en os de vautour, nisir. Selon un informateur fl, dans la région de Sindjar, les tuyaux sont faits avec le bois du figuier, mais nous n'avons pu vérifier ce renseignement. Quant aux petits chalumeaux, ils sont toujours en roseau. Les deux grands tuyaux, ouverts aux deux extrémités, ont une longueur qui varie entre 16 cm et 25 cm, pour un diamètre de 1,5 cm. Ils sont composés de deux ou trois internœuds de bambou, qui ne sont pas retouchés à l'extérieur. Les trous sont percés avec un poinçon rougi au feu. Ils sont disposés au même niveau. Toutes les clarinettes doubles que nous avons vues en Irak sont munies de six trous plus un trou postérieur. Quelques-unes, comme celles qui sont faites en os, ont un trou postérieur supplémentaire. Les deux tuyaux sont assemblés parallèlement, soit par une ligature, soit par une application de poix sur leurs différentes parties. Deux segments de roseau, de 7 cm de long et 0,9 cm de diamètre constituent les chalumeaux porteurs des anches. L'anche est dégagée au moyen de trois fentes, et s'ouvre vers la partie inférieure insérée dans le tuyau, la partie supérieure étant fermée par le nœud du roseau. Le joueur fait entrer les deux petits chalumeaux entièrement dans la bouche. Il souffle sans arrêt en prenant sa respiration par le nez. II s'ensuit que le timbre et la force du son ne peuvent être ni contrôlés ni altérés. Trois doigts de la main gauche couvrent les trois trous du haut, trois de la droite les trois trous du bas. Tableau 9. Dénomination

de la clarinette double selon la région

Mossoul

mizwidj mizmâr

Sulaimania

shabbàba djùzala dudak

Erbil

shabbàba

Zakho

dozala

Moyen Irak

zummâra

Nadjaf

mifbadj*

Basra

mipbatch

* Le milbadj n'est pas connu des Turkmènes d ' I r a k , mais il est r é p a n d u chez les populations arabes du sud de la Turquie. Dans ce pays, « il reste, même lorsqu'on lui donne une coloration folklorique turque, un élément étranger et secondaire » (Reinhard, 1969 : 122).

9. Sa'ïd al-Dajwatchî, auteur de plusieurs études sur la région.

Les instruments de musique en Irak

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Les chalumeaux porteurs des anches sont appelés plk chez les Kurdes, çàfira « sifflet » ou fannânat-il mifbadj, ou encore zabâna chez les Arabes. L'instrument proprement dit possède plusieurs dénominations, mais en tous lieux et dans toutes les langues, le terme mifbadj est connu. Le mipbadj est joué surtout dans les parties rurales du moyen Euphrate et aux confins du désert, ainsi que dans le nord-ouest du pays. Il est utilisé par toutes les ethnies, à l'exception des Turkmènes 10 . C'est un instrument de caractère profane, utilisé par les bergers, mais qui, dans les festivités populaires qui accompagnent le mariage dans le moyen et le sud Irak, accompagne le tambour à deux peaux fabl ou le tambour sur cadre d a f f . III. 2313. À tuyaux multiples avec réservoir : cornemuse. Nous parlerons pour mémoire de cet instrument, qui a pratiquement disparu d'Irak. Dans le nord du pays, on se souvient encore de son nom : narî hambàn ou balabân dans la région de Sulaimania et Erbil. D'après l'un de nos informateurs, l'instrument doit être encore en usage dans les régions de Shahrazun, Rania, Halabtcha et Hawraman. Selon une autre source, l'instrument a disparu, mais était encore récemment utilisé par les tribus de Zaidakia, dans le département de Mossoul. Un ouvrage sur le folklore kurde (Lakini Kaba, s.d. : 37) donne un croquis et une description sommaire de l'instrument, qui permettent de distinguer un tuyau cylindrique à six trous et un tube d'insufflation lié à un sac, le réservoir d'air. Ce même instrument était connu dans le sud où il s'appelait djirba ou kirba dans la région de Basra. De nos jours, il a complètement disparu de la pratique musicale. Cependant il subsiste encore au Kuwait et dans les pays du Golfe. III. 232. Instruments à anche double. III. 2321. Ruban. Chez les Kurdes, nous avons très souvent entendu parler d'un instrument appelé mûzïkï, formé de deux jeunes feuilles d'arbre ou de papier que l'on tient parallèlement entre deux doigts, ou entre les deux mains, juste devant les lèvres. C'est le souffle qui les fait entrer en vibration. III. 2322. Hautbois idioglotte. Dans le moyen Euphrate, on enroule en spirale une feuille d'un jeune palmier, la partie supérieure, plus étroite, est repliée pour constituer une sorte d'anche double. Cet instrument semble de nos jours peu répandu. Nous avons appris son existence grâce à l'écrivain Dj. al-Kalili, qui se souvient d'en avoir joué dans sa jeunesse, voici une quarantaine d'années.

10. mizwidj, dérivé de zawdj, « paire », a le même sens que djifti utilisé à Bahrain et dans le Golfe pour désigner cet instrument. De même, en persan, djuft signifie « paire ».

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Comme pour l'instrument précédent, il s'agit de créations éphémères qui fonctionnent tant que le végétal qui les constitue reste souple. L'un et l'autre sont confectionnés et utilisés par les enfants et doivent se retrouver dans d'autres régions du pays, constitués par des matières végétales variables.

III. 2323. Hautbois hétéroglotte. On en trouve deux espèces en Irak, sans doute d'origine différente : l'un, à tuyau conique, est muni d'une anche triangulaire plus large que haute; l'autre est un hautbois cylindrique à anche rectangulaire. III. 23231. A perce conique : zurna (photos 27 a et 27 b, h. t.). On distingue deux sortes de hautbois à perce conique : l'un à tuyau d'une seule pièce et il est connu des populations arabes et kurdes; l'autre, utilisé par la population noire, a un tuyau composé de plusieurs éléments. Le premier type était, aux dires du fabricant traditionnel, en bois de poivrier. Aujourd'hui, tous les zurna traditionnels sont fabriqués en bois d'abricotier; ceux joués dans les ensembles arabes modernes sont en bois d'olivier, ce dernier ayant l'avantage d'être plus gras que l'abricotier qui avait tendance à se dessécher. Le zurna est constitué traditionnellement par un tuyau en bois tourné long de 30 à 45 cm. Le zurna entier est connu comme badan ou djsim, « corps », haykal, « échafaudage ». Le tuyau al kôl s'élargit vers le bas formant un pavillon conique, kadah, « verre », râs, « tête », findjàn, « tasse », dont le diamètre est variable. Le zurna comporte généralement sept trous sur le tuyau, plus un trou postérieur. Plusieurs trous d'intonation sont en outre percés plus ou moins librement sur le pavillon. La partie supérieure de l'instrument se compose de l'anche et de son support. Le support comprend deux parties : o. Un tube, fa§la, fiska, lisân, « langue » ou dïtch, « coq », qui épouse la forme d'un U de bois cylindrique. Cette partie s'enfonce profondément (8 à 10 cm) dans le tuyau, mais elle est mobile : elle est en effet ainsi taillée qu'elle peut obturer à volonté les deux ou les trois trous supérieurs, ainsi que le trou postérieur. Quand les trous sont obturés le son a tendance à monter et vice versa; b. La pirouette, rondelle de métal, souvent une pièce de monnaie, ou de matière plastique; on l'appelle drga, kqpa-gh bulbul ou kapagh-il halfc. Le support de l'anche varie selon la facture de l'instrument. La partie métallique qui s'enfonce dans le corps ainsi que la pirouette sont appelées bulbul ou lula, «tuyau». La partie qui entre dans la bouche du joueur est l'anche. Elle se compose de deux plaques de roseau ligaturées dans leur base, qui s'enfoncent dans le support de bois. On l'appelle kâmish, kamlsh pïka, ou pîkâï chez les Kurdes et gusba, « roseau », rîsha, « plume », ou skindja chez les Arabes. La taille des anches — très variable — agit sur la hauteur du son. De grandes anches donnent des sons graves. Le second type est constitué par un tuyau composé de trois pièces, dont deux en bois de lentisque de Bombay, bâsurak.

60

Les instruments de musique en Irak

Il comprend en outre : - Un grand pavillon hàwan, « mortier », de 7 cm de longueur et 11 cm de diamètre ; - Une partie médiane, mtàko, de 25 cm de longueur, sur laquelle sont percés six grands trous plus un trou postérieur. Chez les Noirs de Basra, le quatrième trou est toujours obturé; - La partie supérieure, manâra, « minaret », qui est en métal, longue de 23 cm, est emboîtée dans le tuyau. Dans sa partie supérieure, elle contient l'anche et la pirouette métallique. L'anche est faite en tige de coco, matériau très rare en Irak. On s'en procure à bon compte en utilisant les nattes tissées en tige de coco que les marins Indiens jettent lorsqu'elles sont usagées. La tige de coco est en effet beaucoup plus résistante que celle du palmier, qu'il faut changer très souvent. Elle peut être faite aussi en tige de tamarin, matériau moins rare. Cet instrument a une sonorité grave et éclatante, contrairement aux zurnas connus dans les autres parties du pays. Tableau 10. Dénomination

du hautbois selon la région

Mossoul

zurna zurnâya zghnày zghnâya

Zakho

zrna

Bagdad

zurna,

Moyen Euphrate

zummâra

Basra

irnädj

zinnâra,

mizmâr

On rencontre donc en Irak trois tailles de zuma traditionnels, qui vont croissant du zurna arabe au zuma des Noirs, en passant par le zuma kurde et plus de six tailles de zuma modernes n . Les différences que l'on observe dans les dimensions des pavillons, des tuyaux et des trous, ainsi que dans les intervalles qui séparent ces derniers, expliquent les différences très sensibles de sonorité : toujours éclatante, celle-ci s'enrichit dans le grave selon la taille des instruments. L'instrumentiste respire par le nez, conservant dans ses joues continuellement gonflées une réserve d'air. Il peut donc jouer sans arrêt, mais sans pouvoir modifier l'ampleur de la sonorité. Le zurna est un instrument 11. Le plus ancien fabricant de zurna à Bagdad connaît trois tailles de l'instrument : le grand tanga qui est l'instrument de la population noire, le moyen djôra et le petit narwidja qui est utilisé a u Maghreb.

Description et répartition des instruments de musique

61

des plus anciens en Irak. L'aire de sa distribution couvre celle de l'Irak presque entier. Toutes les ethnies s'en servent : Arabes, Kurdes et autres, ainsi que toutes les sectes; toutefois, son usage est moins répandu dans les centres assyriens. Son jeu est presque toujours associé avec celui du fabl, tambour à deux peaux; tous deux forment le duo tabl wa zurna chez les Arabes, dhol wa zurna chez les Kurdes. Ce duo participe sans exception à toutes les festivités et aux événements d'ordre séculier et populaire, mais aussi aux fêtes de mariage et de circoncision. Les fêtes religieuses sont parfois célébrées à l'aide du zurna qui accompagne alors les danses collectives. Ici encore, il s'associe au tabl pour les funérailles des enfants et des jeunes gens, chez les Arabes et les Yézidi; dans les pèlerinages des Yézidi, et aussi pour célébrer le retour des pèlerins de la Mecque. Ainsi son usage est-il d'une grande souplesse. Nous donnerons les détails ci-après. Chez les Noirs de Basra, le srnâdj fait partie d'un ensemble appelé haywa (cf. chap. VIII. 2). L'instrument est fabriqué par les musiciens eux-mêmes, aidés des charpentiers et des tourneurs de bois. Dans le nord, à Sulaimania surtout, les zurna sont importés d'Iran; dans la partie occidentale du nord, la région de Mossoul, on importe parfois les tuyaux d'Alep, mais les anches sont fabriquées localement. Les zurna de la population noire de Basra sont importés des pays du Golfe ou fabriqués sur place. Dans les villes, les fabricants conservent jalousement leurs secrets de fabrication, surtout les plus âgés. Ils ont des normes traditionnelles de mesure, qui font appel à l'empan (les cinq doigts écartés) et aux quatre doigts serrés. La longueur des zurna, selon la tradition, doit être d'un empan et de quatre largeurs de doigts. Les intervalles entre les trous sont d'une épaisseur de doigt; entre le dernier trou et l'extrémité du pavillon, il faut six épaisseurs de doigts. Quant aux zurna actuels, ils sont faits aux mesures demandées par le musicien et imposées par la manière de jouer la plus récente. III. 23232. Hétéroglotte à perce droite : fcarnâta (photo 28, h. t.). Il s'agit d'un tuyau cylindrique d'une longueur de 30 cm, percé de sept trous plus un trou postérieur. L'anche, longue de 10 cm, est découpée dans un roseau aquatique qui pousse dans la région de Sulaimania. Il doit être préalablement trempé dans l'eau bouillante pour l'assouplir. Cette anche est directement insérée dans le tuyau. Elle est appelée pïk chez les Kurdes, kamïsh nây chez les Turkmènes de Kirkouk. Pour protéger l'anche double après le jeu, on l'entoure d'un anneau de bois appelé dozân. Cet instrument est appelé harnâfa à Erbil et à Kirkouk, balabân à Sulaimania ou même parfois improprement nây. II est employé surtout par les Turkmènes à Erbil et Kirkouk, et parfois à Sulaimania. Il produit une sonorité plus grave que celle du zurna, qu'il peut éventuellement remplacer.

CHAPITRE

IV

CORDOPHONES

Pour la classification des cordophones, nous avons retenu les critères suivants : 1. La structure de l'instrument : corps avec manche ou sans manche; 2. Le rapport entre les cordes et leurs supports : le plan des cordes est parallèle au plan de l'instrument ou non; 3. Le rapport entre les cordes : parallèles entre elles ou non. C'est ainsi que la famille de la cithare se caractérise par des cordes parallèles entre elles, dont le plan est parallèle au plan du corps de l'instrument, qui ne comporte pas de manche. La famille du luth et des vièles a des cordes parallèles entre elles, dont le plan est parallèle au plan de l'instrument qui est composé d'une caisse et d'un manche. Dans la famille des lyres, les cordes ne sont pas parallèles entre elles ; elles sont parallèles au plan de l'instrument, qui se compose d'une caisse et d'un manche divisé en deux branches divergentes.

IV. 1. CORDOPHONES À CORDES T E N D U E S P A R A L L È L E M E N T AU CORPS D E L'INSTRUMENT : CITHARE SUR T A B L E IV. 11. À cordes

frappées

Il se compose d'une caisse en forme de trapèze isocèle. Les cordes, tendues parallèlement aux bases du trapèze, reposent sur des chevalets de bois, et sont frappées à l'aide de deux baguettes de bois. La caisse de résonance, sandûlç, « la caisse », ou tchambar, se compose de deux plaques minces — la petite et la grande base — réunies par des côtés dont l'épaisseur varie.

Description et répartition des instruments de musique

63

Pour la table, le fond, ainsi que les côtés, on utilise du bois d'abricotier, mishmish, de noyer, djôz, d'oranger amer, nârindj, de hêtre blanc, zân, et d'autres bois solides et même du contre-plaqué. Les dimensions des différentes parties de la caisse varient selon l'instrument et sa taille (tableau 1). En principe, les instruments anciens sont plus épais que les modernes : 10 à 13 cm d'épaisseur pour un sanfûr ancien contre 8 cm pour un instrument de type moderne. Des ouïes, furar, dont la forme et le nombre diffèrent selon les constructeurs, sont pratiquées sur la table. Les cordes, avatar ou aslàk, étaient jadis en bronze. Actuellement, on emploie aussi le laiton, l'acier et le nylon, parfois en alternance. Leur nombre est de 23 groupes de cordes qui peuvent être triples ou quadruples, ce qui élève leur nombre total à 69 ou 92. Elles sont fixées de la manière suivante : chacune d'elles est fixée au moyen d'un nœud autour de clous, masâmïr, « clous », ou marâbif, litt. « attacheurs », solidement enfoncés dans le flanc gauche de l'instrument. Elles sont tenues à l'extrémité opposée par des chevilles en métal, mafâtïh, « clefs », ou malàwï. Il s'agit de clous de fer ordinaires, dont on coupe la tête, et dont on replie parfois l'extrémité pour éviter que la corde ne s'échappe. Les chevilles qui assurent la tension sont disposées en lignes parallèles sur le flanc droit de l'instrument. Elles sont constituées par des pièces de fer ou d'acier, de section cylindrique, pointues à leur extrémité qui s'enfonce dans la caisse, et aplaties à l'extrémité extérieure. Chacune d'elles est perforée, pour permettre le passage de la corde. La tension s'effectue au moyen d'une clef. Deux sillets constitués par des barres de bois rainurées sont disposés de part et d'autre de la caisse. Ils assurent le parallélisme des 23 cordes qui sont maintenues soulevées par les 23 chevalets, ghazâla (pl. ghazâlàt), litt. « gazelles », ou masnad (pl. masânîd), « dossier ». Les chevalets sont découpés dans du bois d'oranger amer, nârindj. Ils se composent d'un socle circulaire en forme de bobine dont la tête est sectionnée partiellement. La base circulaire repose sur la caisse. Dans la tête sectionnée est enfoncée une plaquette de métal, dans laquelle sont pratiqués trois (ou quatre) encoches qui permettent le passage des cordes. Les deux baguettes, madârib, « frappeurs », ou zikham, découpées à la main dans le même bois que le chevalet en chêne blanc, zân, sont des plaquettes recourbées dont les extrémités sont parfois recouvertes de tissu et présentent des formes variables. L'une des extrémités est aménagée pour faciliter la prise du musicien. Ce dernier joue assis, devant l'instrument posé sur une table ou une caisse basse. Le côté le plus large est disposé contre le musicien. D'ordinaire., les musiciens sont professionnels. Parmi les plus connus, plusieurs provenaient de la communauté juive de Bagdad. Le sanpûr est un instrument mélodique qui tient une place primordiale dans l'ensemble de musique classique citadine connu à Bagdad, à Mossoul et à Kirkouk. Il est en principe inconnu en pays kurde, turkmène (sauf Kirkouk), ainsi que dans le sud. 9 565061 6

03

3

64

Les instruments de musique en Irak

Tableau 11. Le « sanfûr » Santur ancien

?V a u

Santur moderne

grande base

80,5

86

86

89

91,5

90 36

petite base

41

31,5

31

41

31,5

a o

côté

45,5

48

48,1

49,3

49

a

03

cordes

S O z

uiatar (pl. awtàr) silk (pl. aslâk)

caisse

tchambar çanduk

côté

anf

Q

«m h 03 V ce a M

(pl.

adla (pl. ouïes

X 9 ed tH d S

mafdtih)

ghazâlât)

41 7,5

fakaràt)

masnad (pl. masânïd) dama (pl. damât)

dhili')

purra (pl. turar)

bois

noyer lisàn-al-pair

chevalets

oranger amer

oranger amer

chevilles

fer

laiton

baguettes

oranger amer

oranger amer, hêtre blanc

cordes

bronze

bronze, laiton, acier, nylon

« ?»

abricotier, noyer, hêtre blanc (contre-plaqué)

Description et répartition des instruments de musique

IV. 12. À cordes

65

pincées

C'est une cithare en forme de trapèze rectangle, dont les cordes sont tendues parallèlement à la base. Elles sont jouées par pincement. La caisse de résonance se compose de deux plaques minces réunies par des éclisses de 5 cm d'épaisseur. Plaques et éclisses sont en bois de noyer, chêne, ou de djàwï, « bois de Java ». La table se compose de deux parties : une partie triangulaire, en bois de résineux variables, sur laquelle on découpe plusieurs ouïes, furar, en forme de cercles, flammes et accolades ouvragées en forme d'arabesques. Sur la deuxième partie de la table est pratiquée une ouverture rectangulaire. Une membrane de même dimension, constituée par une peau de poisson de rivière du pays, est maintenue par un cadre de bois rectangulaire consolidé par des traverses qui délimitent cinq portions rectangulaires de la peau, ragma. Le chevalet multipode, fait dans une fine règle de bois, djisir, « pont », repose sur cinq pieds, ghazâlàt, qui s'appuient chacun directement sur une portion rectangulaire de la membrane. Les cordes, awtàr, jadis en boyau de mouton, sont depuis la Deuxième Guerre mondiale remplacées par des cordes de nylon, ou de nylon entouré de cuivre ou d'aluminium, ou par des cordes d'acier ou d'acier entouré d'aluminium. Leur nombre varie de 24 à 26 triples cordes. Les cordes sortent par des perforations percées dans la planchette qui fait fonction de cordier. Elles sont fixées dans sa face intérieure de sorte que leur fixation est invisible. De l'autre côté, les cordes s'enroulent autour des chevilles de tension, mafàtih, qui sont plantées en trois rangées parallèles dans un chevillier, lawhatil-mafâtîb, fait d'une épaisse planche de bois rapportée le long du côté oblique de la table. Entre le cordier et les chevilles, les cordes passent sur un sillet formé d'une barre de bois rainuré. Parallèlement au chevillier, un plancher, lawhat-il-yàyàt, est pourvu de quatre à neuf petites plaquettes métalliques, yàyà ou 'araba, amovibles, pour chaque triple corde. Ces plaques permettent de maintenir exacts les intervalles en modifiant la longueur de la corde vibrante au cours du jeu. Le musicien joue assis; il pose l'instrument sur une table basse, ou encore sur ses genoux, le côté large étant contre lui. Il pince la corde avec les index des deux mains, chacun étant coiffé d'une bague en fer dans laquelle est insérée un plectre en corne de bœuf ou en nylon. Tous les joueurs de kànûn sont des musiciens professionnels. Après une longue période de disparition, le kànûn a été introduit en Irak par les Turcs ottomans. L'usage du kànûn s'est d'abord développé dans les ensembles de cabarets de Bagdad où il accompagnait les danseuses comme instrument mélodique. Peu à peu, il en est venu à presque supplanter le sanfûr dans l'ensembe instrumental des makàmàt. Il figure dans l'ensemble al-takht il-sharki qui, à l'heure actuelle, comprend souvent kànûn, 'ûd, này et {cibla, assemblage typique de la musique classique du Proche-Orient. 3.

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Les instruments

de musique

en Irak

D e u x m o d è l e s , l'un égyptien, l'autre turc, sont fabriqués en Irak. Le kânûn égyptien, plus grand, correspond m i e u x à la tessiture de la voix telle qu'elle est utilisée dans la m u s i q u e traditionnelle irakienne (tableau 12).

Tableau 12. Le « kânûn »

S u a V