Les fondements de la détermination des structures moléculaires 9782759821525

Cet ouvrage introduit les bases pour l’utilisation des méthodes de spectroscopie (IR, UV, NMR), de spectrométrie et de d

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French Pages 180 [177] Year 2017

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Les fondements de la détermination des structures moléculaires
 9782759821525

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Les fondements de la détermination des structures moléculaires Original English language edition by

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Simon Duckett Bruce Gilbert Martin Cockett Original English language edition by

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Traduction : Maurice Cosandey

Original English language edition by

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“Foundations of Molecular Structure Determination”, 2nd Edition, was originally published in English in 2015. This translation is published by arrangement with Oxford University Press. EDP Sciences is solely responsible for this translation from the original work and Oxford University Press shall have no liability for any errors, omissions or inaccuracies or ambiguities in such translation or for any losses caused by reliance thereon. © Simon Duckett, Bruce Gilbert and Martin Cockett 2015. Les auteurs ont fait valoir leurs droits moraux.

Imprimé en France ISBN (papier) : 978-2-7598-2100-6 - ISBN (ebook) : 978-2-7598-2152-5 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2017

Préface de la première édition anglaise

Ce livre est écrit essentiellement pour les étudiants en première année de chimie à l’université, ou ceux qui se préparent à le faire. Il est conçu de manière à tenir compte des avancées récentes les plus significatives dans l’emploi des méthodes de spectroscopie et de diffraction, ce qui a permis non seulement d’analyser les éléments et les groupes présents dans une molécule, mais aussi d’établir l’arrangement de ses atomes constituants. Ces développements ont entraîné une forte augmentation des connaissances scientifiques en chimie et en biologie moléculaire, et ceci a permis d’élucider la structure et la fonction d’une vaste étendue de composés, incluant les médicaments, les protéines, les enzymes et les acides nucléiques. Il est important qu’un tel travail trouve sa place dans le programme d’études, et qu’il aide l’étudiant en chimie à maîtriser les principes essentiels et leurs applications les plus variées. Il montre aussi comment se développe l’habileté à résoudre les problèmes et à les appliquer à la recherche et à l’environnement industriel. Nous espérons aussi transmettre tout le plaisir et la satisfaction que procure une analyse spectrale réussie. Nous avons ajouté la spectrométrie de masse et la diffraction des rayons X aux techniques spectroscopiques traditionnelles. La première de ces techniques constitue la méthode par excellence pour déterminer la masse et la formule d’une molécule. La seconde fournit des détails sur la structure moléculaire, en plus de ceux obtenus par les spectroscopies IR, RMN et UV-visible. Nous introduirons les principes physiques de base pour chaque méthode, à l’aide de plusieurs exemples d’analyse spectrale et de quelques problèmes. Mais nous recommandons d’approfondir ces domaines par davantage de lecture et d’exercices. Nous avons adopté les unités SI, ainsi que la nomenclature IUPAC ; les noms triviaux sont donnés entre parenthèses. Les données précises de masse sont tirées de Mass and Abundance Tables for Use in Mass Spectrometry de J. H. Beynon et A. E. Williams, Elsevier, Amsterdam. 1963. Les schémas de fragmentation sont tirés de Compilation of Mass Spectral Data, de A. Cornu et R. Massot, Heyden, Londres, 1966. Nous aimerions remercier tout particulièrement les personnes suivantes, qui nous aidés à enregistrer les spectres : Kin Mya Mya, Anthony Crawshaw, Zygmunt Derewenda, Guy Dodson, Chris Hall, Reuben Girling, Rod Hubbard, Robert Liddington et Ted Parton. Nous remercions la Royal Society pour la permission d’utiliser la figure 6.19. Nous sommes particulièrement reconnaissants pour les avis pertinents émis par les maîtres de niveau lycée que sont David Bevan, Michael Cane, Peter Gradwell, Geoff Liptrot, Bill Pickering et George Walker. Enfin,

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Les fondements de la détermination des structures moléculaires

nous remercions tout spécialement David Waddington et Barry Thomas pour leur enthousiasme et leurs encouragements, ainsi que Sue Street et Adrian Whitwood pour leur assistance lors de la rédaction du manuscript, S.B.D. et B.C.G. York 1999

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Préface de la deuxième édition anglaise

Lors de la préparation de cette seconde édition, nous avons été très conscients de notre engagement initial à refléter les développements les plus récents de l’emploi des méthodes de spectroscopie et de diffraction X, pas seulement pour analyser les éléments et les groupes présents, mais aussi pour établir l’arrangement des atomes constituants. Ce but reste notre objectif majeur, en mettant l’accent sur la manière dont ces approches fournissent une meilleure compréhension de la structure moléculaire, et aussi, bien sûr, comment leur application aide les étudiants de première année à apprendre et à développer leur habileté en analyse structurelle. Comme précédemment, nous avons choisi d’inclure des chapitres sur la spectrométrie de masse et la diffraction (X, neutrons et électrons), aussi bien que sur les méthodes spectroscopiques (IR, UV, RMN) pour illustrer les informations cruciales qu’elles apportent à l’analyse structurelle (par exemple sur les masses moléculaires, sur les formules empiriques et structurelles, en deux et en trois dimensions). En révisant ce texte et son contenu, nous nous sommes efforcés de fournir des occasions d’approfondissement, à l’aide d’exercices résolus, de suggestions de travail personnel, et de questions à choix multiples en ligne. Notre but est d’encourager la pratique des manipulations de base, avant de progresser avec des exemples plus avancés. Nous avons ajouté des nouvelles sections, comme les spectroscopies Raman, micro-onde et infrarouge, la diffraction des neutrons et celle des électrons, à côté de celle des X. Nous avons aussi amélioré notre traitement des méthodologies basées sur l’emploi des technologies informatiques. En particulier, en traitant la spectroscopie IR et Raman, nous avons mis plus de poids sur les populations des états énergétiques, sur les règles de sélection et sur les transitions, sur les paramètres géométriques comme les longueurs de liaison, et sur ceux utilisés dans la reconnaissance d’une structure. Nous avons aussi porté une attention particulière aux effets que la symétrie moléculaire, la taille et la phase jouent en déterminant les sortes d’informations disponibles, et comment employer une méthode spécifique de manière optimale. Le domaine d’application de ces techniques a été étendu, en particulier vers les systèmes biologiques et médicaux, et par exemple vers le développement de l’imagerie médicale par résonance magnétique. Nous avons aussi tenu compte de la demande de modifier l’instrumentation médicale, jugée trop coûteuse et impossible à opérer dans un cabinet médical ordinaire. Il en est de même des spectromètres haut de gamme ou même de ceux appelés à fonctionner dans un environnement hostile (par exemple sur d’autres planètes). Mais notre principal

v

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

souci reste d’aider les étudiants dans leur capacité de comprendre et d’interpréter les signaux que leur apportent les instruments. Nous sommes persuadés que la maîtrise de ces problèmes conduit le lecteur au cœur des méthodes employées, et le stimulera à entreprendre des études et des applications plus avancées. Nous remercions spécialement ceux qui nous ont aidés en nous fournissant des commentaires utiles, ou des spectres, ou les deux, grâce à l’accès à leurs publications dans la littérature originale. Notre gratitude va également à nos collègues Ian Fairlamb, Brendan Keeley, Jason Lynam et Peter O’Brien, ainsi que John Moore et Derek Wann pour des discussions utiles. Nous sommes aussi reconnaissants envers Adrian Whitwood pour ses commentaires utiles, pour l’accès à ses publications et ses dossiers sur ordinateur, et pour son assistance on line. Nous aimerions encore remercier Lyndsay Muschamp et de Katie Scott, pour le soin et l’expertise qu’elles ont manifestés lors de la production des manuscrits, et à toute l’équipe du OUP, en particulier Alice Roberts, pour son expertise, sa patience et son appui. S.B.D., B.C.G. et M.C.R.C. York 2015

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Sommaire

Préface de la première édition anglaise

iii

Préface de la deuxième édition anglaise

v

1.

Vue d’ensemble des niveaux d’énergie et du spectre électromagnétique

1

1.1. Introduction 1 1.2. Niveaux d’énergie, transitions entre eux et spectre électromagnétique 2

2.

Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

7

2.1. Introduction 7 2.2. Spectroscopie rotationnelle 7 2.3. Niveaux d’énergie rotationnels 8 2.4. Spectroscopie rotationnelle pure des molécules

diatomiques dans le domaine des ondes millimétriques et des micro-ondes 10 2.5. Spectroscopie en micro-ondes et en ondes

millimétriques de molécules triatomiques linéaires 14 2.6. Spectroscopie rotationnelle des molécules polyatomiques non linéaires 17 2.7. Méthodes expérimentales en spectroscopie d’onde millimétrique et de micro-onde 19 2.8. Spectroscopie rotationnelle Raman 20 2.9. Méthodes expérimentales en spectroscopie rotationnelle Raman 24 2.10. Spectroscopie vibrationnelle 25 2.11. Spectroscopie infrarouge 27 2.12. Spectroscopie vibrationnelle Raman 31 2.13. Spectroscopie de vibration-rotation 33 2.14. Vibrations de groupe, caractérisation chimique et analyse 41 2.15. Exemples de spectres infrarouges de molécules organiques 46 2.16. Modes des groupes carbonyle dans les complexes métalliques inorganiques 49 2.17. Résumé 50 2.18. Exercices 52 2.19. Lectures supplémentaires 54

vii

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

3.

Spectroscopie d’absorption électronique (ultraviolet–visible)

55

3.1. Introduction 55 3.2. Changements d’énergie électronique 56 3.3. Spectroscopie d’absorption électronique des molécules organiques 57 3.4. La relation entre lmax ou emax et la structure 60 3.5. Quelques applications de la spectroscopie d’absorption UV et visible 65 3.6. Résumé 69 3.7. Exercices 69 3.8. Autres lectures 70

4.

Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

71

4.1. Introduction 71 4.2. L’expérience RMN 71 4.3. Spectre RMN 1H des molécules organiques 74 4.4. Exemples de spectres montrant un éclatement spin-spin 83 4.5. Autres sortes d’informations structurelles données par la RMN 89 4.6. RMN d’autres noyaux 92 4.7. Spectromètres RMN pulsés 93 4.8. Méthodes RMN à deux dimensions 100 4.9. Imagerie de résonance magnétique IRM 103 4.10. Résumé 104 4.11. Exercices 104 4.12. Lectures supplémentaires 106

5.

Spectrométrie de masse

107

5.1. Introduction 107 5.2. L’expérience de base en spectrométrie de masse 107 5.3. Mesure des masses atomiques et moléculaires relatives 110 5.4. Spectrométrie de masse des molécules : un exemple détaillé 111 5.5. Analyse d’un spectre de masse 112 5.6. Applications de la spectrométrie de masse 125 5.7. Résumé 133 5.8. Exercices 133 5.9. Lecture supplémentaire 135

viii

Sommaire

6.

Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

137

6.1. Introduction 137 6.2. Introduction à la méthode de diffraction des rayons X 137 6.3. Cristallographie 143 6.4. Détermination de structures 146 6.5. Détermination de structure pour les molécules 152 6.6. Diffraction des neutrons 156 6.7. Diffraction des électrons – Méthode et détermination de structure 156 6.8. Résumé 159 6.9. Exercices. Analyse des diagrammes de diffraction X des cristaux 160 6.10. Davantage de lecture 161

Glossaire

163

ix

1

Vue d’ensemble des niveaux d’énergie et du spectre électromagnétique

1.1. Introduction Les molécules présentent une variété déconcertante de forme et de taille, et varient beaucoup en complexité structurelle. Depuis la plus simple molécule homonucléaire diatomique comme H2 jusqu’aux macromolécules comme l’hémoglobine, qui contiennent des milliers d’atomes, la complexité d’une molécule provient du grand nombre de noyaux dont elle peut être constituée, du type de liaisons qui les relient entre eux, et de la manière qu’adoptent les atomes pour créer des structures symétriques. Bien que l’univers semble avoir été créé pour favoriser le désordre maximum, la nature a pris l’habitude de créer des molécules où règnent la symétrie et un ordre structurel considérable. En fait, il semble bien qu’on puisse établir une corrélation entre l’efficacité chimique d’une molécule et la manière avec laquelle elle intègre l’ordre et la symétrie et même la beauté dans sa structure. La liaison moléculaire est un concept absolument fondamental pour tous les aspects de la chimie. C’est la nature des interactions fortes et faibles qui existent entre les noyaux qui définit le type de structure qui peut être construit à partir des blocs atomiques. Notre compréhension de la structure chimique dérive en grande partie de la théorie de la liaison chimique, et en particulier du développement de la théorie et de la mécanique quantique au début du xxe siècle. Cependant, elle dépend aussi de notre habileté à déterminer les structures moléculaires par l’expérience. Ce livre présente un grand nombre de stratégies expérimentales utilisées pour déterminer l’arrangement géométrique des atomes qui forment une molécule particulière. Le choix de la technique à utiliser dépend d’un grand nombre de facteurs, comme la nature solide, liquide et gazeuse de la molécule, ou sa taille, ou sa symétrie, ou si nous avons besoin de connaître les longueurs et les angles de ses liaisons. Dans les cas où nous recherchons une information plus générale sur la structure, nous pourrions nous intéresser seulement à la relation structurelle entre les groupes fonctionnels d’une grosse molécule organique et l’arrangement des ligands autour d’un centre métallique dans un complexe d’un métal de transition, ou dans la manière avec laquelle un médicament cardiovasculaire peut se lier avec la cavité protéique de l’hémoglobine. La plupart des méthodes décrites dans ce livre reposent sur l’interaction d’un photon ou d’un électron avec la molécule d’intérêt. Ceux

1

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Il vaut la peine de noter que la spectrométrie de masse utilise une grande variété de méthodes d’ionisation autres que l’impact électronique. Elles comprennent par exemple le bombardement d’atomes rapides, l’ionisation chimique, l’ionisation par électro-spray, la désorption et ionisation par laser, et les plasmas couplés par induction. De la même manière, les expériences de diffraction ne sont pas limitées aux rayons X, mais peuvent être effectuées avec des neutrons.

qui utilisent les photons exploitent une région particulière du spectre électromagnétique qui est la plus appropriée pour étudier l’un des domaines suivants : les degrés de liberté rotationnel, vibrationnel ou électronique qu’on exploite dans la spectroscopie respectivement rotationnelle, vibrationnelle ou électronique, l’interaction des moments magnétiques nucléaires avec les champs magnétiques externes dans la spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) ; ou la diffraction des rayons X. Les deux méthodes qui emploient des électrons les utilisent soit pour transférer de l’énergie afin d’ioniser et de fragmenter une molécule, soit pour exploiter la dualité onde-particule et observer leur diffraction dans un gaz ou une phase condensée.

1.2. Niveaux d’énergie, transitions entre eux et spectre électromagnétique La lumière visible constitue la partie du spectre électromagnétique qui nous est la plus familière, simplement parce que nous sommes équipés d’un détecteur capable de la détecter avec précision. Mais elle ne forme qu’une très petite tranche du spectre complet de la lumière. La lumière visible possède une importance historique particulière dans le développement de la spectroscopie, parce que la lumière solaire nous offre une source pratique de radiations avec lesquelles on peut facilement observer certains phénomènes. Les lignes sombres découvertes dans le spectre de la lumière solaire en 1802 par Wollaston, et redécouvertes 15 ans plus tard par Fraunhofer sont dues à l’absorption de la lumière solaire par les régions externes du Soleil. Quand les scientifiques ont réalisé que le spectre discret des lignes spectrales provient d’états quantiques discrets, ils en ont déduit que la position de ces lignes fournit un moyen d’identifier les atomes qui ont émis cette lumière, ce qui a posé les bases de l’identification spectroscopique des gaz, non seulement dans le Soleil, mais aussi dans l’atmosphère et dans nos laboratoires. De la même façon, mais en utilisant l’émission et non l’absorption, on peut utiliser la couleur pour identifier un élément particulier vaporisé grâce aux tests de flamme. Par exemple, la couleur jaune caractéristique de la flamme du sodium, qu’on observe en plaçant un morceau de sel dans une flamme, correspond précisément à l’une des lignes sombres de Fraunhofer, ce qui prouve qu’il y a du sodium dans le Soleil. Le développement de la théorie quantique, puis de la mécanique quantique, forme la base de ce que nous savons concernant la relation entre la position des lignes dans le spectre et les différences d’énergie entre les différents états quantiques. La radiation électromagnétique est formée de champs électriques et magnétiques oscillants qui se propagent dans l’espace. Dans le vide, toutes les radiations électromagnétiques se déplacent avec la même vitesse, 2,997 × 108 m s–1. Les oscillations associées avec les différents types de radiations électromagnétiques peuvent être décrites soit par leur longueur d’onde (distance entre deux pics successifs dans l’onde) ou par leur fréquence (nombre

2

1. Vue d’ensemble des niveaux d’énergie et du spectre électromagnétique Grande longeur d’onde, basse fréquence

Petite longueur d’onde, haute fréquence

Figure 1.1 La radiation électromagnétique peut être caractérisée par sa longueur d’onde ou par sa fréquence. La longueur d’onde est la distance séparant deux pics ou deux creux de l’onde. La fréquence est le nombre de longueurs d’onde complètes passant à un point donné par seconde. L’énergie de la radiation est proportionnelle à la fréquence.

de longueurs d’onde passant par seconde en un point donné). La relation entre la longueur d’onde l et la fréquence n est donnée par c = l n (1.1) où c est la vitesse de la lumière en m s–1. La longueur d’onde l s’exprime en unités de longueur, m, et la fréquence n s’exprime en inverse de temps, s–1 ou Hz (Hertz). La figure 1.1 montre comment la longueur d’onde et la fréquence sont interreliées. La relation entre la fréquence de la lumière et sa capacité à changer l’état énergétique de la matière a été établie par Planck au début du xxe siècle, quand il a proposé de relier la fréquence à l’énergie E par la relation

La constante de Planck est si petite qu’elle a échappé à l’observation pendant très longtemps. Cela explique pourquoi la quantisation de l’énergie a elle-même échappé à l’observation pendant près d’un siècle.

E = h n (1.2) où h est la constante de Planck, 6,626 × 10–34 J s. Effectivement, l’énergie est délivrée en paquets discrets, hn, que nous appelons soit des quantas, soit, pour suivre la suggestion de G.N. Lewis, des photons. Ainsi la spectroscopie concerne l’absorption, l’émission ou la dispersion des photons par les atomes et les molécules, et, avec ces procédés, elle fournit des informations directes sur les changements d’état quantique interne. L’énergie E d’un photon est exactement égale à la différence d’énergie entre les deux états impliqués. Voir la figure 1.2. Les états d’énergie d’un atome isolé sont définis uniquement par l’interaction entre les électrons en orbite et le noyau chargé positivement. La liberté de mouvement d’un atome dans l’espace n’a pas d’états quantiques, parce que les atomes sont libres de se déplacer dans l’espace, sans restrictions. Les états quantiques de l’atome résultent du fait que le mouvement de l’électron est influencé par le noyau. En conséquence, les états excités résultent de la promotion d’un électron d’une orbite vers une autre. En première approximation, le spectre d’absorption d’un atome a une structure simple, formée d’une série de lignes,

En Absorption Em

n hν

Émission m

En – Em = ΔE = hν

Figure 1.2 La transition entre les états désignés par m et n requiert que la lumière soit absorbée ou émise avec une énergie exactement égale à la différence d’énergie entre les deux états.

3

Les fondements de la détermination des structures moléculaires En pratique, les spectres atomiques peuvent être très complexes, en particulier dans les atomes polyélectroniques. Cette complexité est le résultat des interactions entre les moments angulaires orbitaux et de spin des électrons, lesquelles s’ajoutent aux interactions entre les moments angulaires des électrons et ceux des noyaux.

Le nombre d’ondes ν a une unité, le cm–1. Le nombre d’ondes est simplement l’inverse de la longueur d’onde exprimée en cm. Elle est souvent utilisée par les spectroscopistes dans certaines parties du spectre électromagnétique. Le nombre d’ondes est proportionnel à l’énergie d’une transition. L’unité énergétique utilisée pour décrire une transition est parfois exprimée en cm–1. La raison de ce choix est souvent d’origine historique.

4

dont la séparation décroît rapidement si l’électron devient de moins en moins associé au noyau. Les raies convergent en un continuum au point d’ionisation. Dans une molécule diatomique, en plus de la contrainte imposée aux électrons, c’est le mouvement de translation des deux noyaux qui est limité par l’espèce de « colle » électronique que crée la liaison chimique. Certes, la molécule peut se déplacer sans contrainte dans l’espace, et ce mouvement, comme celui de l’atome isolé, n’est pas soumis aux restrictions quantiques. Mais le mouvement des deux noyaux l’un par rapport à l’autre, conduit à deux types de mouvements additionnels : la rotation autour d’un axe perpendiculaire à l’axe internucléaire, et le mouvement d’éloignement ou de rapprochement des atomes le long de leur axe internucléaire. Le premier de ces mouvements est connu sous le nom de degré de liberté rotationnel, et le second sous le nom de degré de liberté vibrationnel. De plus, quand certains noyaux sont placés dans un champ magnétique externe, leurs niveaux d’énergie sont démultipliés d’une manière qui dépend du champ magnétique. Mais cet éclatement est très faible, et requiert des énergies dans la bande des fréquences radio pour être observé. C’est la base de la spectroscopie RMN. Ces principes s’appliquent aux molécules de toute forme et toute taille. Elles ont toutes un spectre de lignes discrètes, provoqué par les contraintes imposées aux mouvements de leurs noyaux et de leurs électrons, sans parler des champs extérieurs. On peut avoir une idée des relations existant entre l’espacement des niveaux d’énergie rotationnels, vibrationnels et électroniques en les rapportant au spectre électromagnétique, présenté en fonction de la longueur d’onde, du nombre d’ondes ou de la fréquence. Voir la figure 1.3. Examinons donc l’ensemble de ce spectre, afin de nous y orienter, et de repérer quel type de lumière excite tel type particulier de degré de liberté de la molécule. La lumière visible s’étend de 390 à 770 nm, ce qui en termes de fréquence va de 7,7 × 1014 à 3,9 × 1014 Hz (donc de 770 à 390 THz). Avec des nombres aussi élevés, on comprend que les spectroscopistes préfèrent travailler en unités de nombre d’ondes, donc en cm–1, car la même région va de 26 000 à 13 000 cm–1. La lumière visible sert en général à produire des transitions entre niveaux électroniquement excités, typiquement ceux dans lesquels se meuvent les électrons de valence. En se déplaçant vers les longueurs d’onde plus élevées, donc les énergies plus basses, nous nous trouvons dans la région de l’infrarouge, qui va de 770 nm à 1000 mm. En fréquence, ce domaine va de 390 THz à 300 GHz, ou en nombre d’ondes de 13 000 à 10 cm–1. La lumière infrarouge est utilisée pour exciter les transitions entre niveaux d’énergie vibrationnels, et entre niveaux d’énergie rotationnels pour les molécules les plus légères. En allant vers les plus grandes longueurs d’onde, nous arrivons d’abord dans la région des ondes millimétriques (1 à 10 mm, ou 300 à 30 GHz) et ensuite dans le domaine des micro-ondes (1 à 30 cm, ou 30 à 1 GHz), qui toutes deux sont utilisées en spectroscopie de rotation. Les longueurs d’onde les plus élevées

1. Vue d’ensemble des niveaux d’énergie et du spectre électromagnétique Rayons X Rayons γ Ionisation

Longueur d’onde / m

Visible Micro-onde Ultraviolet

Diffraction

Infrarouge

Électronique Vibrationnel

Radio Rotationnel

RMN

10–13

10–11

10–9

10–7

10–5

10–3

10–1

10

10–11

10–9

10–7

10–5

10–3

10–1

10

103

10–4

10–2

1

102

104

106

108

1010

109

107

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103

10

10–1

10–3

1011

109

107

Longueur d’onde / cm

Longueur d’onde / nm

Nombre d’ondes / cm–1 1011

Fréquence / s –1 1021

1019

1017

1015

1013

Figure 1.3  Le spectre électromagnétique s’étend depuis les rayons g et X à l’extrémité des longueurs d’onde les plus courtes et des énergies les plus hautes, jusqu’au micro-ondes et aux ondes radio qui ont les plus grandes longueurs d’onde et les plus petites énergies. La figure montre que la région visible recouvre une très étroite tranche du spectre total.

nous amènent dans la région des ondes radio (30 cm à 10 m, ou 1 GHz à 30 MHz) qui sont utilisées en radioastronomie, pour les transitions de rotation les plus faibles, et en spectroscopie RMN. Chacun connaît le danger des surexpositions au soleil (coup de soleil). Le fait que les dentistes se protègent par un tablier de plomb lors des radiographies dentaires aux rayons X, aussi brèves soient-elles, montre que les radiations les plus courtes sont les plus énergiques, donc plus pénétrantes et plus susceptibles d’endommager les tissus humains. En parcourant le spectre à partir du visible vers les longueurs d’onde les plus courtes, on trouve d’abord l’ultraviolet proche (env. 200 nm ou 50 000 cm–1), puis l’ultraviolet lointain, ou ultraviolet du vide (qui s’étend jusqu’à 10 nm ou 106 cm–1), pour arriver ensuite dans le domaine des rayons X et des rayons  g. L’ultraviolet proche sert à la spectroscopie électronique. L’ultraviolet du vide sert à étudier les états électroniques très excités et en spectroscopie photoélectronique. Les rayons X servent surtout à la diffraction X. La diversité des outils à notre disposition illustre le fait que nous pouvons adopter de nombreuses approches pour obtenir des informations sur la structure moléculaire. En observant un spectre de rotation, on peut imaginer comment les masses sont distribuées dans la molécule.

5

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Un chromophore est un groupe d’atomes présents dans une molécule et qui est responsable de sa couleur.

6

En observant un spectre vibrationnel, on peut estimer la taille de la molécule et se représenter comment les groupes fonctionnels sont reliés au reste de la molécule. En observant un spectre électronique, on peut comprendre à quel point les liaisons sont affaiblies dans la molécule par l’excitation de ses électrons fixés dans les chromophores. Une molécule peut être brisée en deux ou plusieurs fragments, et nous pouvons mesurer leurs masses pour identifier leur nature. On peut aussi diffracter des rayons X ou des électrons, pour obtenir un aperçu de la structure de la molécule cible. Et finalement nous pouvons utiliser l’interaction des champs magnétiques avec les spins nucléaires pour connaître l’environnement chimique d’un noyau donné. Prise seule, aucune de ces techniques décrites dans ce livre ne fournit une solution universelle pour connaître la structure d’une molécule. Mais utilisées ensemble et de manière complémentaire, elles fournissent des outils essentiels dans l’arsenal du chimiste. Nous avons choisi d’organiser ce livre en commençant au chapitre 2 par les techniques spectroscopiques de haute résolution. Les spectroscopies micro-ondes, infrarouge et Raman fournissent des déterminations très précises des paramètres moléculaires comme les longueurs de liaisons. Nous verrons ensuite, dans les chapitres 2 et 3, comment les spectroscopies infrarouge et électronique permettent d’identifier des groupes fonctionnels ou des chromophores, et comment elles informent sur les propriétés de symétrie de ces molécules. Dans le chapitre 4, nous discuterons de la RMN et de sa capacité à décrire l’environnement des noyaux magnétiques. Dans le chapitre 5, nous étudierons comment la spectrométrie de masse permet de définir la masse d’une molécule et de comprendre comment ses principaux fragments étaient reliés entre eux avant leur rupture. Tant la spectrométrie de masse que la RMN peuvent donner des informations sur les molécules, des plus petites aux plus grandes. Dans le dernier chapitre, nous verrons comment les méthodes de diffraction permettent d’élucider les structures des molécules les plus complexes. Dans chaque chapitre, nous présenterons des exemples d’application de chaque technique dans des domaines aussi divers que la radioastronomie, l’analyse chimique, la science des matériaux, la biologie et la médecine.

2

Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

2.1. Introduction Toutes les molécules sont formées d’une collection d’atomes liés entre eux. Pour les molécules les moins soumises à des contraintes comme il en existe dans l’état solide, il n’est pas déraisonnable de penser que nous pouvons apprendre quelque chose en rapport avec l’arrangement de leurs atomes en étudiant comment la molécule se comporte en tournant ou en vibrant. On peut faire une analogie facile dans la vie courante, en considérant un patineur qui tourne toujours plus vite sur lui-même en rapprochant ses bras du corps, ou en comparant le son d’un violon à celui d’un piano. Ces deux concepts peuvent être exploités à l’échelle moléculaire quand la lumière interagit avec les niveaux d’énergie associés aux degrés de liberté de rotation et de vibration. Ce chapitre va introduire les spectroscopies rotationnelle et vibrationnelle, en commençant par expliquer comment la spectroscopie purement rotationnelle peut servir à déterminer la géométrie moléculaire d’une part, et à décrire la forme des grandes molécules d’autre part. En deuxième partie, nous étudierons comment la spectroscopie vibrationnelle permet de mesurer les paramètres géométriques des molécules en phase gazeuse, et de tirer d’autres informations sur la structure et la forme des molécules en phase condensée. Enfin elle permet de jouer un rôle dans l’analyse et la caractérisation d’une substance organique nouvelle, en collaboration avec la spectrométrie de masse et de RMN.

2.2. Spectroscopie rotationnelle Tout propriétaire de chien sait qu’un bâton déséquilibré lancé en l’air tourne de manière irrégulière. Si le centre de masse du bâton est éloigné de son centre géométrique, la manière de le jeter dépend de l’extrémité choisie. Il n’effectuera pas la même trajectoire si on le lance par l’extrémité la plus lourde que par celle qui est la plus légère. De la même façon, le premier joueur de tennis venu sait qu’il est facile de faire tourner une raquette en la faisant tourner comme une toupie autour de l’axe du manche, et que c’est beaucoup plus difficile de la faire tourner autour d’un autre axe. Ces deux exemples illustrent bien le principe de la spectroscopie rotationnelle. La manière avec laquelle une molécule tourne dans l’espace

7

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

La diffusion de la lumière se produit quand un rayon lumineux dévie de sa trajectoire en ligne droite à travers la matière à cause d’une irrégularité rencontrée lors de sa traversée du milieu. Ce phénomène peut être dû à une collision avec une particule comme un atome ou une molécule. S’il se produit, la diffusion est dite élastique si le rayon conserve la même énergie après le choc. Elle est dite inélastique, si le rayon perd ou gagne un peu d’énergie dans la collision.

est caractéristique de sa forme et de sa structure. Au niveau de la mécanique quantique, ce comportement dépend de la structure des niveaux d’énergie rotationnels, que la molécule franchit quand elle passe d’un niveau à un autre. Nous verrons dans les sections qui suivent que, si la molécule est petite et symétrique, on peut calculer très précisément ses paramètres géométriques. Si la molécule est plus grande, on tire moins d’informations générales sur sa forme. L’étude de la structure des niveaux d’énergie rotationnels d’une molécule se base sur deux principes spectroscopiques. L’un emploie la loi usuelle d’absorption optique de la lumière. L’autre se base sur la diffusion inélastique de la lumière. Les niveaux d’énergie rotationnels sont très rapprochés les uns des autres. Pour produire des transitions entre eux par absorption optique, la radiation doit se situer dans la région du spectre électromagnétique recouvrant les micro-ondes et l’infrarouge lointain (30 cm à 1000 mm, ou en fréquence de 1 à 300 GHz). Ceci constitue la base de la technique dite spectroscopie micro-onde (ou spectroscopie sous ondes millimétriques, si le domaine de travail est de 1 à 10 mm ou 300 à 30 GHz). Cette technique a été développée un peu après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les spectroscopistes se sont mis à recycler les klystrons mis au point pendant la guerre pour faire des appareils Radar. La deuxième approche est un peu contre-intuitive, car elle utilise des photons du visible, dont l’énergie est beaucoup plus grande que ce qu’il faut pour passer d’un état rotationnel à un autre. Cette technique est dite spectroscopie Raman rotationnelle. Elle se base non sur l’absorption de la lumière, mais sur des collisions inélastiques, dans lesquelles la molécule cible change d’état rotationnel en cédant ou en absorbant une petite partie de l’énergie du photon. Tant la spectroscopie microonde que la spectroscopie Raman rotationnelle fournit de magnifiques spectres détaillés, dont on peut extraire des paramètres structurels de haute précision. Le haut de la figure 2.1 montre à droite un spectre micro-onde, et le bas de cette même figure montre un spectre Raman rotationnel, dont nous pouvons tirer des paramètres géométriques comme la longueur et l’angle de liaison.

2.3. Niveaux d’énergie rotationnels La présence de lignes discrètes dans un spectre d’absorption (comme en haut et à droite de la figure 2.1) nous donne des informations sur la structure des niveaux d’énergie de la molécule, et sur les transitions entre eux qui sont à l’origine du spectre. Nous allons commencer par traiter le cas le plus simple, celui d’une molécule diatomique. Le modèle le plus simple d’une molécule diatomique est celui du rotor dans lequel les deux noyaux sont des points de masse m1 et m2, séparés par une distance r. Voir la figure 2.2. Classiquement leur énergie de rotation E est donnée par 1 E =  Iw2 (2.1) 2

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2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

Échantillon en phase gazeuse

500

ν/GHz 750

1000

Absorption optique

Lumière

Diffusion Raman

–100

0 Δν/cm–1

100

Figure 2.1 Le changement de l’état rotationnel peut être créé soit par l’absorption de la lumière dans le domaine des micro-ondes ou dans l’infrarouge proche (pour des molécules polaires, en haut) ou par la diffusion inélastique de la lumière visible (en bas de la figure). Ce dernier procédé est appelé diffusion Raman.

r m1

où w est la vitesse angulaire et I est le moment d’inertie, lequel est relié aux deux masses des noyaux et à leur séparation par l’expression I=

m2

Figure 2.2 Le modèle le plus simple d’une molécule diatomique est celle d’un rotateur rigide.

m1m2 2 r (2.2) m1 + m2

Cependant, selon la théorie quantique, l’énergie en Joules d’un rotateur rigide moléculaire ne peut pas prendre n’importe quelle valeur arbitraire. Elle ne peut prendre que certaines valeurs discrètes données par l’expression h2 J ( J + 1) (2.3) 8π2I

où J est le nombre quantique de rotation, qui peut prendre les valeurs 0, 1, 2, 3, etc. et h désigne la constante de Planck (6,626 × 10–34 J s). Nous voyons que l’énergie prend des valeurs discrètes qui augmentent de manière quadratique avec J. L’espacement entre deux niveaux adjacents augmente vite sur l’échelle des énergies. Voir la figure 2.3. Arrivés à ce point, vous penserez peut-être que, si l’espacement entre niveaux est relié au moment d’inertie, et que ce moment dépend de la distance interatomique, alors la mesure de ces transitions énergétiques permettra de calculer les distances interatomiques. Si vous pensez ainsi, vous aurez raison, et ce raisonnement fournit la base sur laquelle se fonde la détermination des structures moléculaires.

5

Énergie

E=

J

4

3 2 1 0

0

Figure 2.3  Les niveaux d’énergie d’un rotateur rigide augmentent de manière quadratique en fonction du nombre quantique de rotation, J.  

9

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

2.4. Spectroscopie rotationnelle pure des molécules diatomiques dans le domaine des ondes millimétriques et des micro-ondes

Figure 2.4 La projection du dipôle d’une molécule hétéronucléaire en rotation dans une direction donnée varie avec la même fréquence que la molécule elle-même. Nous avons effectué la transformation d’une expression des niveaux d’énergie rotationnels en une expression de termes rotationnels tout simplement parce que l’unité spectroscopique des nombres d’ondes est d’un emploi plus commode quand on s’occupe de très petites quantités d’énergie comme on en trouve dans la spectroscopie de vibration et de rotation. Par exemple, la constante de rotation de H35Cl vaut 2,065 × 10–22 J. Exprimée en nombres d’ondes, elle vaut 10,4 cm–1, ce qui est plus maniable.

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Selon la physique classique, la lumière est émise par l’oscillation rapide d’un moment dipolaire. Dans le cas de la molécule en rotation, l’émission lumineuse ne peut se faire que si la molécule possède un moment dipolaire perpendiculaire à l’axe de rotation. Et si la molécule est diatomique, les noyaux doivent être différents si on veut que la molécule possède un moment dipolaire dirigé le long de l’axe. Si donc la molécule tourne autour d’un axe perpendiculaire à son propre axe, alors la projection de ce dipôle va varier avec la même fréquence de rotation que la molécule. Voir la figure 2.4. Classiquement, une molécule en rotation émettra un rayonnement dont la fréquence est égale à sa propre fréquence de rotation. L’inverse doit être vrai : les molécules dipolaires peuvent absorber de la lumière si sa fréquence correspond à l’une des fréquences rotationnelles de cette molécule. Ce principe s’applique au monde quantique, sauf que, dans ce cas, l’énergie rotationnelle d’une molécule hétéronucléaire ne peut changer que si la molécule absorbe ou émet un photon dont l’énergie est exactement égale à la différence d’énergie entre deux niveaux rotationnels. Si on divise la relation (2.3) par les deux constantes h et c, où h est la constante de Planck et c est la vitesse de la lumière en cm/s, on obtient une nouvelle manière de décrire les niveaux d’énergie rotationnelle, qui ne se mesure pas en Joule, mais en cm–1. Le résultat est ce qu’on appelle un terme rotationnel F(J) : F (J) =

E h = J ( J + 1) = BJ ( J + 1) (2.4) hc 8π2Ic

La constante B est appelée constante rotationnelle de la molécule, et elle est parfois appelée moment d’inertie inverse. B =

h (2.5) 8π2Ic

Règles de sélection L’état d’énergie de rotation d’une molécule change quand elle absorbe ou émet une radiation dont l’énergie est égale à la différence en énergie entre deux niveaux rotationnels. La différence en nombre d’ondes entre deux niveaux est donnée par ν = F ( J ′) − F ( J ′′) = BJ ′( J ′ + 1) − BJ ′′( J ′′ + 1) (2.6) où F(J’) est la valeur du terme du niveau rotationnel supérieur, et F(J″) est la valeur du terme du niveau rotationnel le plus bas.

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

En pratique, une molécule ne peut pas effectuer un saut d’énergie entre n’importe quels états rotationnels. Les règles de sélection impliquent que J ne peut changer que d’une unité à la fois, ce qui s’écrit

J 5

30B

∆ J = ±1 (2.7)

 F(J″ + 1) – F(J″) = B(J″ + 1)(J″ + 2) – BJ″(J″ + 1) = 2B(J″ + 1) (2.8) ν = où J″ peut avoir n’importe quelle valeur entière 0, 1, 2, 3, etc. Dans la pratique, on laisse tomber le double prime, ce qui forme l’expression simplifiée  2BJ(J + 1) ν =

(2.9)

ce qui prédit un spectre dont les lignes sont également espacées de deux fois la constante rotationnelle B. Voir la figure 2.5. Les règles de sélection pour une molécule diatomique peuvent être résumées ainsi : • la molécule doit avoir un moment dipolaire permanent (µ ≠ 0) ; • ∆ J = ±1.

Transmittance en %

La première de ces conditions n’est satisfaite que pour les molécules diatomiques hétéronucléaires, ou pour des molécules polyatomiques non symétriques. Par exemple, les molécules comme H2, N2, O2, Cl2, n’auront pas de spectre rotationnel pur, mais HF, NO ou CO en auront un. Voir le spectre rotationnel de CO en figure 2.6, et son analyse dans les exemples résolus 2.1 et 2.2. De la même manière, CO2 qui est une molécule linéaire symétrique, n’a pas de dipôle permanent et n’aura pas de spectre rotationnel pur, tandis que HCN et HCCF sont tous deux polaires et auront le spectre rotationnel classique d’une molécule linéaire. Les molécules diatomiques hétéroatomiques de la première

19 17 J=1

15

10B Énergie/hc

Pour l’absorption d’un photon, nous pouvons encore préciser que ∆ J = J’ – J″ = +1, et dans ce cas, l’équation (2.6) peut être réécrite ainsi

20B

4 8B 3

12B 6B

2

6B 4B 2B 0

1 0

2B

ν

Figure 2.5 Les transitions d’absorption entre niveaux rotationnels pour un rotateur rigide sont gouvernées par la règle de sélection ∆ J  = +1. Cela fournit un spectre de raies également espacées de la valeur 2B.

La transmittance T est le rapport de l’intensité de la lumière transmise I sur la lumière incidente Io, selon T = I / Io.

13 3

11 5 20

7

9 40

60

80

Nombre d’ondes/cm –1

Figure 2.6  Le spectre rotationnel de CO apparaît dans l’infrarouge lointain, et possède la structure rotationnelle classique d’une molécule linéaire. La séparation entre des lignes adjacentes est égale à deux fois la constante rotationnelle B. Note : J se réfère à J″, qui est le nombre quantique identifiant le niveau rotationnel le plus bas.

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Les fondements de la détermination des structures moléculaires

ligne du tableau périodique ont une masse faible et donc un faible moment d’inertie (équation (2.2)), donc leur constante rotationnelle B sera assez élevée (équation (2.5)), et leur spectre rotationnel s’étendra jusque dans l’infrarouge lointain (15 à 1000 mm, ou 20 THz – 300 GHz). La plupart des molécules polyatomiques linéaires ont au contraire un grand moment d’inertie, donc un B faible : elles absorberont dans la région des ondes millimétriques ou des micro-ondes.

Exemple résolu 2.1 Question. La distance moyenne séparant deux lignes adjacentes du spectre rotationnel de 12CO présenté en figure 2.6 est de 3,833 cm–1. Calculer la longueur de liaison de CO, en utilisant les équations (2.9) et (2.5). Réponse. Selon (2.9), l’espacement entre deux lignes adjacentes dans le spectre rotationnel pur d’une molécule linéaire vaut 2B. Donc la constante rotationnelle vaut 1,917 cm–1. En réarrangeant l’équation (2.5), on peut exprimer le moment d’inertie I en fonction de la constante rotationnelle B I =

h (2.10) 8π2Bc

Et nous savons aussi que I = mrCO2 où µ=

m1m2 (2.11) m1 + m2

est connu sous le nom de masse réduite. Il s’ensuit que rCO =

h (2.12) 8π2Bµc

La masse réduite de CO vaut, en unités molaires : µ=

m1m2 12×16 = = 6, 857  g mol–1 m1 + m2 12 + 16

La masse réduite d’une seule molécule CO s’obtient en divisant par le nombre d’Avogadro, ce qui donne : µ = 1,139 × 10–23 g = 1,139 × 10–26 kg

En première approximation, l’espacement entre les lignes rotationnelles adjacentes est égal. Pourtant, si on augmente J, on augmente aussi l’énergie de rotation, donc la fréquence de rotation. On peut se douter que ce fait risque d’augmenter aussi la longueur de la liaison, donc la valeur de B. Voir l’exercice 2.3.

12

Si maintenant nous substituons cette masse réduite et la valeur de B = 1,917 cm–1 dans l’équation (2.12), on obtient la valeur suivante pour la longueur de la liaison CO : rCO =

6, 626 ×10 −34 J s

8π 2

× 1, 917cm−1 × 1139 , × 10 −26 kg × 2, 997 × 1010 cm

s −1

      = 1,132 × 10–10 m = 0,1132 nm = 1,132 Å. Note. Comme nous le verrons plus tard dans la section 2.13, la longueur de liaison calculée par cette méthode n’est pas la vraie longueur de liaison à l’équilibre re, parce que la mesure a été faite avec une molécule au niveau vibrationnel zéro et pas au minimum absolu d’énergie

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

potentielle. La différence entre r0, la longueur moyenne de la liaison au point zéro, et re est très petite. Néanmoins, il faut savoir que la longueur de la liaison calculée à partir du spectre rotationnel pur au point zéro fournit une approximation de re si on tient à la précision la plus élevée.

Intensités L’examen du spectre rotationnel de CO présenté dans la figure 2.6 montre que les intensités des lignes rotationnelles augmentent quand on s’élève dans l’échelle des niveaux d’énergie, et quand on se déplace de la zone des petits nombres d’ondes vers celle des nombres d’ondes plus élevés, mais qu’elles redescendent pour les nombres d’ondes les plus élevés. L’intensité de la transition de chaque ligne spectrale dépend en partie de la probabilité de transition, qui se calcule comme le carré d’une quantité mathématique dite intégrale du moment de transition. Cependant elle dépend aussi du nombre de molécules présentes dans chacun des états rotationnels initiaux, et ceci est déterminé par le fait que l’échantillon de molécules étudié est en équilibre thermique. Or, en spectroscopie rotationnelle, les états quantiques sont très proches les uns des autres ; l’énergie thermique suffit pour peupler un grand nombre d’états, selon la température, ce qui entraîne qu’un spectre rotationnel présente un grand nombre de raies. Selon la loi de Maxwell-Boltzmann, le nombre de molécules situées dans un état quantique donné est proportionnel au facteur de Boltzmann e–E/kT, où E est l’énergie d’un niveau particulier au-dessus de l’état le plus bas, k est la constante de Boltzmann, et T est la température en Kelvin. Dans le cas des niveaux d’énergie vibrationnels d’une molécule diatomique, dont on discutera en section 2.10, où il n’y a pas de dégénérescence à l’intérieur de chaque niveau, la population Nν du n-ème niveau vibrationnel au-dessus du point le plus bas, ou point zéro, est donnée par Nv = e − Ev / kT (2.13) N0 Cette formule présuppose que la très grande majorité de la population est concentrée dans le niveau quantique le plus bas, avec une population dans les niveaux supérieurs qui décroît de manière exponentielle avec l’élévation des niveaux. Ce n’est pas le cas dans les niveaux d’énergie rotationnelle, où il faut tenir compte de la dégénérescence en 2 J + 1 qui existe sur chaque niveau rotationnelle. Il faut tenir compte de ce fait pour exprimer la population relative qui occupe chaque niveau. Ainsi, la population Nj du jème niveau rotationnel rapportée à celle du niveau le plus bas N0 est donnée par NJ = (2J + 1) e − E J / kT (2.14) N0 Le facteur 2 J + 1 de l’équation (2.14) croît avec J, tandis que l’exponentielle décroît. Le résultat est que Nj  / N0 commence par augmenter jusqu’au moment où l’exponentielle décroît plus vite que J croît. Donc

Si deux états d’un système mécanique ou plus ont exactement la même énergie mesurable, on dit qu’ils sont dégénérés. Un bon exemple, qui vous paraîtra plus familier, est l’idée que les trois orbitales atomiques 2p d’un atome de la première période ont exactement la même énergie. La seule différence est leur orientation dans l’espace. Et en l’absence d’une direction privilégiée, les trois orientations doivent être considérées comme équivalentes.

En absence d’un champ électrique ou magnétique extérieur, une molécule diatomique en rotation n’a pas de direction privilégiée dans l’espace ; donc les niveaux d’énergie rotationnels ne sont associés qu’à l’énergie rotationnelle du système, et ne dépendent pas de l’orientation de l’axe de rotation par rapport à l’observateur. Par contre, si nous appliquons un champ extérieur, les états d’énergie varient selon l’orientation du dipôle par rapport à celle du champ électrique (voir figure 2.4). Selon la mécanique quantique, il y a 2 J + 1 façons possibles d’orienter une molécule en rotation par rapport à un axe défini arbitrairement. Cela entraîne que chaque niveau rotationnel possède une dégénérescence d’un facteur 2 J + 1 en l’absence d’un champ extérieur. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter de ces détails qui dépassent le niveau de ce livre, mais il est important de savoir que, dans le monde quantique, la quantification des propriétés physique est une conséquence inévitable des contraintes appliquées au système.

13

Les fondements de la détermination des structures moléculaires En considérant la population d’un état rotationnel initial particulier, on doit aussi tenir compte d’autres processus qui peuvent contribuer à la population de cet état. La plus importante contribution est celle due à la distribution thermique. Mais la population de chaque niveau peut être influencée par une absorption ou une émission de lumière, qui peut modifier la population d’un niveau particulier. En première approximation, ces facteurs additionnels peuvent être ignorés, sans être oubliés complètement.

r12 m1

m3

Figure 2.7 Le modèle habituel d’un rotateur rigide à trois atomes alignés est décrit par deux paramètres de structure, r12 et r23, qui définissent deux longueurs de liaisons. Mais il n’y a qu’un seul moment d’inertie.

Arrivés à ce point, nous n’avons considéré que l’absorption optique dans laquelle l’énergie apportée par le photon propulse la molécule vers un état d’énergie rotationnel supérieur. Or les molécules excitées peuvent émettre des radiations quand elles reviennent à un niveau rotationnel inférieur. Ces deux processus sont gouvernés par les mêmes règles de sélection, et sont considérés l’un comme étant l’inverse de l’autre. L’avantage, c’est que, dans le domaine de l’émission des micro-ondes et d’ondes millimétriques d’objets très éloignés, on n’a pas besoin de se préoccuper de la radiation d’excitation.

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Jmax =

( kT2B )

1/ 2

1 − (2.15) 2

Exemple résolu 2.2 Question. Calculer Jmax à 298 K de CO à partir de l’équation (2.15) et de la constante rotationnelle B tirée de l’exemple résolu 2.1. Comparer votre résultat avec la valeur Jmax tirée du spectre de la figure 2.6. Réponse. La constante rotationnelle B de 12CO vaut 1,917 cm–1. À 298 K, kT vaut 4,114 × 10–21 J = 207,1 cm–1 Si on insère B et kT dans (2.15), on en tire la valeur suivante de Jmax Jmax =

,1 ( 2 ×2071, 917 )

1/ 2



1 = 6, 85 ≈ 7 2

La ligne la plus intense dans le spectre rotationnel de la figure 2.6 est la 8e, et donc elle correspond au niveau rotationnel de J = 7. Ce résultat est parfaitement en accord avec le spectre mesuré à température ambiante.

r23

m2

le tout décroît. Ce point est atteint à une valeur critique Jmax de J donnée par

2.5. Spectroscopie en micro-ondes et en ondes millimétriques de molécules triatomiques linéaires Vu sous l’angle de l’observateur extérieur, le rotateur associé à une molécule polyatomique linéaire ne diffère pas de celui d’une molécule diatomique en rotation. Dans les deux cas, le dipôle est dirigé le long de l’axe internucléaire. Donc les molécules di- et triatomiques ont un seul moment d’inertie, dont la valeur dépend de la masse réduite du système, qu’on confond parfois avec la masse effective dans les molécules à plus de deux noyaux. Le modèle du rotateur rigide d’une molécule triatomique linéaire (voir la figure 2.7) est construit en alignant trois masses ponctuelles m1, m2 et m3 séparées par des distances égales aux longueurs de liaisons r12 et r23. Le problème que présentent ces molécules est que leurs spectres rotationnels ne peuvent fournir qu’une seule constante rotationnelle et un seul moment d’inertie, et cependant nous disposons de deux longueurs de liaisons pour décrire correctement la géométrie de la molécule. Nous allons illustrer comment traiter ce problème en considérant l’histoire du premier spectre de rotation d’un ion moléculaire. Lors d’une expérience conduite en 1970 avec le télescope de 36 pieds de l’Observatoire national de radioastronomie d’Arizona, on a détecté une forte émission d’ondes millimétriques à 89 190 MHz en provenance de plusieurs nuages interstellaires. Voir la figure 2.8. À l’époque, cette ligne mystérieuse était inconnue dans les expériences de laboratoire. Faute de mieux, les scientifiques de l’époque l’ont attribuée à une espèce inconnue appelée X-ogène. On a suggéré

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

un certain nombre de molécules comme responsables de cette raie, comme H2S et HNC, qui ont des raies à proximité de 89 190 MHz. Mais ce n’est que cinq ans plus tard que l’on a découvert que cette raie est due à du CO protonné. Dans ces expériences en laboratoire, on a fabriqué HCO+ en faisant éclater une décharge dans un mélange d’hydrogène et de monoxyde de carbone à des températures proches de celles de l’azote liquide. La ligne absorbée dans ces expériences apparut à 89 188,545 ± 0,020 MHz, et fut attribuée à la transition J = 0 → 1 de l’ion HCO+. Voir figure 2.9.

Température d’antenne

8.00 Orion

6.00 4.00

En dépit de la nature accidentelle de cette observation astronomique, cette découverte s’est révélée très importante, car on a fini par s’apercevoir que HCO+ est la molécule clé qui intervient pour expliquer que les molécules interstellaires se forment par réaction ion-molécule dans l’espace interstellaire. L’abondance des ions moléculaires dans les nuages interstellaires provient du flux élevé des rayons cosmiques et d’électrons rapides, qui, une fois émis, persistent à cause de la très basse densité moléculaire de ces nuages.

2.00 0.00

–2.00 –60.00 –40.00 –20.00

0.00 20.00 40.00 Vitesse radiale

60.00

80.00 100.00

Absorption, unités arbitraires

Figure 2.8  Spectre d’émission d’ondes millimétriques en provenance du nuage moléculaire d’Orion, détecté à 89 190 MHz en utilisant le télescope de 36 pieds de l’Observatoire national de radioastronomie d’Arizona. Reproduit de D. Buhl et L. E. Snyder, Nature 228, 267 (1970) avec la permission des auteurs.

89,190.5

89,188.5 Fréquence

Figure 2.9  Enregistrement de la transition de J = 0 à 1 due à HCO+ observée dans une décharge à l’intérieur d’un mélange H2 + CO refroidi à l’azote liquide et maintenu à 10 mTorr. Le spectre a été enregistré dans un spectromètre à micro-ondes en utilisant la modulation de fréquence. Reproduit à partir de R.C. Woods, T.A. Dixon, R.J. Saykally et P.G. Szanto, Physical Review Letters 35, 1269 (1975). Copyright (1975) American Physical Society.

15

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

L’analyse du spectre en ondes millimétriques de HCO+ ne peut fournir qu’un seul moment d’inertie et donc qu’un seul paramètre de structure. Comment faut-il faire pour obtenir les deux distances interatomiques d’un tel spectre expérimental ? On peut contourner ce problème en utilisant le fait que les longueurs de liaison ne dépendent que de la structure électronique de la molécule, et pas de la masse des noyaux. Donc les variétés obtenues en effectuant une substitution isotopique à HCO+ auront les mêmes longueurs de liaison que H12CO+. C’est le cas de DCO+ ou H13CO+. Comme leurs moments d’inertie sont différents, on pourra combiner leurs spectres pour obtenir les deux distances interatomiques.

Exemple résolu 2.3 Question. La transition J = 0 → 1 de HCO+ est observée à 89 188,5 MHz. Alors que celle de DCO+ l’est à 72 039,3 MHz. Calculer la constante rotationnelle B et le moment d’inertie I de ces deux ions. En tirer les longueurs de liaison HC et CO. Réponse. Le moment d’inertie d’une molécule triatomique linéaire s’exprime à l’aide de l’expression suivante : I=

1 (m m r 2 + m1m3 r132 + m2 m3 r232 ) (2.16) M 1 2 12

où M est la masse totale de la molécule. La fréquence de la transition J = 0 → 1 tant pour HCO+ que pour DCO+ fournit les constantes rotationnelles B valant respectivement 44 594,25 et 36 019,64 MHz. Si on insère ces valeurs B dans I=

h 8π2B

en se rappelant que nous travaillons en Hz et non en cm–1, nous obtenons les deux moments d’inertie suivants : IHCO+ = 1,882 × 10–46 kg m2 IDCO+ = 3,330 × 10–46 kg m2 Arrivés à ce point, il est plus pratique de convertir ces moments d’inertie en unités atomiques. Cela donne : IHCO+ = 11,3328 u Å2 IDCO+ = 14,0306 u Å2 où u désigne l’unité de masse atomique, et Å est l’unité de longueur atomique. Si on introduit chacun de ces moments d’inertie dans l’équation (2.16), et qu’on remplace les paramètres de masse par leurs valeurs numériques exactes, on obtient une paire d’équations simultanées. IHCO+ = 11, 3328 =

16

1 (12, 094r122 + 16,125r132 + 192r232 ) u Å 29, 008

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

IDCO+ = 14, 0306 =

1 (24,168r122 + 32, 224r132 + 192r232 ) u Å 30, 014

A priori c’est un système de deux équations à trois inconnues, donc c’est insoluble. Mais en réalité on peut le réduire à un système à deux inconnues, en posant que r13 est la somme de r12 et r23. Dans ce cas, le système précédent se transforme et devient : IHCO+ = 11, 3328 =

1 2 + 16,125 r + r 2 u Å2 12, 094r12 ( 12 23 )2 + 192r23 29, 008

(

)

(2.17)

IDCO+ = 14, 0306 =

(2.18) 1 2 + 32, 224 r + r 2 u Å2 24,168r12 ( 12 23 )2 + 192r23 30, 014

(

)

Avec un peu de jonglage mathématique, on peut résoudre ce système. Voir l’exercice 2.6, page 37.

2.6. Spectroscopie rotationnelle des molécules polyatomiques non linéaires Jusqu’ici nous avons considéré que les molécules diatomiques et triatomiques linéaires n’avaient qu’un seul moment d’inertie. En réalité, toute molécule possède trois moments d’inertie, quelles que soient sa forme et sa complexité, chaque moment étant associé à un degré de liberté rotationnel autour d’un des trois axes cartésiens mutuellement perpendiculaires. Dans le cas d’une molécule linéaire, l’un de ces moments est nul (celui qui décrit la rotation autour de l’axe internucléaire) et les deux autres sont égaux. C’est donc ce moment d’inertie qui détermine la structure des niveaux d’énergie rotationnelle de la molécule.

L’unité de masse atomique est l’unité standard pour indiquer les masses des atomes et des molécules. Cette unité, désignée par u, est le 1/12 de la masse d’un atome de carbone-12 non lié. Sa valeur numérique est 1,660538782(83) × 10–27 kg, et c’est approximativement la masse d’un proton et d’un neutron. L’unité atomique de longueur est l’Angström, Å, qui vaut 10–10 m. C’est donc un dix-milliardième de mètre. Et attention, lorsqu’on calcule les moments d’inertie, on doit prendre les masses des isotopes considérés, et non la masse moyenne des abondances naturelles, telle qu’elles sont publiées dans les tableaux périodiques. Ainisi mH = 1,0078 u, mD = 2,0141 u, mO = 16,00 u.

z (a)

x (c)

x (c) y (b)

H

C

N

z (c)

z (a)

y (b)

On classifie les molécules en différents types, selon les valeurs relatives de leurs moments d’inertie les uns par rapport aux autres. Si deux de ses principaux moments de symétrie sont égaux et le troisième est non nul, la molécule est dite « top symétrique ». De plus, si Ia est inférieur à Ib = Ic, la molécule est dite prolate, comme dans CH3Cl. Par contre si Ic est supérieur à Ia = Ib, la molécule est dite oblate, comme dans le benzène. Une molécule dont les trois moments de symétrie sont différents est dite « top asymétrique ». Un exemple classique est la molécule d’eau.

x (a) x (c)

y (b) y (a)

z (a)

z (b)

y (c) x (b)

17

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Une liaison halogène dérive de l’interaction faible impliquant un atome d’halogène en tant qu’accepteur de densité électronique. Une liaison halogène peut alors être écrite sous la forme D···X-Y, où D est un donneur d’électron (base de Lewis), X est un halogène (acide de Lewis), Y est un atome de carbone, d’azote ou d’un autre halogène. L’analogie avec la liaison hydrogène (D···H-Y) est immédiate, puisque H joue le rôle de l’accepteur d’électron. La liaison halogène explique certaines structures cristallines, comme celles que l’on trouve dans les cristaux liquides et le stockage de l’hydrogène. Une étude récente a montré que c’est la liaison halogène qui préside à l’auto-assemblage des cristaux., ce qui a poussé les chercheurs à étudier les liaisons halogène simples que l’on rencontre lorsqu’une base de Lewis comme l’eau interagit avec un iodoalcane halogéné dont l’halogène est riche en électron.

18

Cependant, l’expérience montre que de nombreuses molécules asymétriques ont deux moments d’inertie presque égaux, auquel cas elles sont traitées comme des rotateurs presque symétriques et prolates si Ia est beaucoup plus petit que Ib et Ic, et des rotateurs presque symétriques oblates, si Ia et Ib sont presque égaux et beaucoup plus petits que Ic.. Un rotateur sphérique a trois moments d’inertie identiques. C’est le cas de SF6 et du méthane. Il peut paraître surprenant de discuter des molécules symétriques dans un cours de spectroscopie rotationnelle, puisque par définition un rotateur sphérique n’a pas de moment dipolaire permanent, donc n’aura pas de spectre de rotation. C’est vrai pour SF6. Mais ce n’est pas le cas pour le méthane. En effet, la rotation autour d’un axe passant par une liaison C–H produira une légère extension des trois autres liaisons par la force centrifuge, et la molécule aura un léger spectre rotationnel. Une discussion détaillée de la structure des niveaux d’énergie pour chaque type de rotateur n’entre pas en considération dans le cadre de ce livre. Nous allons nous contenter de voir quelles informations le spectre rotationnel nous permettra d’obtenir au niveau de la structure moléculaire. Pour les molécules top symétriques, deux des trois moments d’inertie sont égaux. Donc le spectre rotationnel fournira deux constantes de rotation, l’une associée à la paire des moments égaux, et la deuxième à l’autre moment d’inertie. En conséquence, nous ne pourrons jamais déterminer que deux paramètres géométriques à partir des deux constantes rotationnelles d’une molécule top symétrique. Dans le cas d’une molécule asymétrique, il y aura trois constantes rotationnelles ; mais dans un rotateur asymétrique plan comme le formaldéhyde, le moment hors du plan est égal à la somme des deux autres, et par conséquent trois constantes rotationnelles ne fourniront que deux paramètres géométriques. En résumé, il est clair qu’un spectre rotationnel a beau fournir des informations spectrales finement résolues, la spectroscopie de rotation seule ne peut pas décrire la structure des molécules ayant plus de 2 noyaux. Cependant, comme nous l’avons vu dans l’Exemple résolu 2.3, on peut recourir à la substitution isotopique pour obtenir un plus grand nombre de paramètres géométriques. En déployant des efforts considérables, on peut obtenir la description complète de grosses molécules. Mais en général, on se borne à utiliser le spectre pour déduire le type de structure, oblate ou prolate, et on recourt à la substitution isotopique pour révéler les paramètres géométriques individuels. Un bon exemple de cette dernière approche est illustré par une étude récente du complexe lié par halogène H2O···ICF3. Dans cette étude, le spectre micro-onde de quatre isotopologues de H2O···ICF3 a été enregistré entre 7 et 18 GHz. En comparant le spectre expérimental avec des simulations, les auteurs ont pu montrer que la molécule d’eau se lie par une liaison halogène entre l‘iode et l’oxygène de l’eau, et que l’eau est située à califourchon sur l’axe C-I, avec les atomes H repoussés de l’autre côté. Ils ont alors pu montrer que la distance séparant O et I valait 3,0517 ± 0,0018 Å, et que l’angle f séparant l’axe de rotation d’ordre 2 de l’eau et l’axe de rotation d’ordre 3 de ICF3 valait f = 34,3° ± 0,2°. Voir la figure 2.10.

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

F

r (S/O. . .I) φ C

Axe C2 de H2O ou H2S a

I

Domaine temporel

H F

Exp

Transformée de Fourier

Sim

Domaine de fréquence

10130

10140

10150

Fréquence en MHz

Figure 2.10  Partie utile du spectre micro-onde de H2O···ICF3. Le spectre simulé (en bas) utilise les paramètres géométriques déterminés pour H2O···ICF3. Reproduit de S.L. Stephens, N.R. Walker et A.C. Legon, Phys. Chem. Chem. Phys., 13, 21093 (2011) avec la permission des auteurs.

2.7. Méthodes expérimentales en spectroscopie d’onde millimétrique et de micro-onde Un spectromètre d’onde millimétrique ou de micro-ondes, comme ceux qui ont servi à enregistrer les spectres précédents, exige une source de radiation monochromatique ajustable, un guide d’onde agissant comme une cellule pour l’échantillon, et un détecteur. Les radiations microondes vont de 1 à 30 GHz (300–10 mm), et les ondes millimétriques vont de 30 à 300 GHz (10 à 1 mm). Le spectre est obtenu en enregistrant l’intensité de la radiation transmise en fonction de la fréquence. Pendant les premières années de la microscopie micro-onde, donc peu après la Seconde Guerre mondiale, la source de radiation micro-onde la plus fréquente était le klystron, qui avait été développé pour servir de radar pendant la guerre. Un klystron est une cavité sous vide, à travers laquelle un faisceau d’électrons est accéléré puis réfléchi par un réflecteur maintenu sous haute tension. Les oscillations électromagnétiques qui apparaissent dans la cavité modulent le faisceau d’électrons et les électrons se groupent par paquets. Ces paquets d’électrons régénèrent et amplifient la radiation micro-onde à une longueur d’onde adaptée aux dimensions de la cavité. La fréquence du klystron peut être modifiée par un ajustage électrique sur quelques dizaines de MHz, tandis

Figure 2.11  Un spectromè­ tre micro-onde à trans­for­ mée de Fourier fonctionne en exposant l’échantillon à une impulsion brutale de radiation micro-onde à l’intérieur d’une cavité adaptée. L’impulsion fait que toutes les molécules de l’échantillon tournent en phase et avec la même fréquence. À la fin de l’impulsion, l’émission micro-onde qui accompagne la décroissance de cette polarisation collective (dite aussi décroissance d’induction libre) est enregistrée. Et on en tire un spectre de domaine de fréquence en appliquant une opération mathématique dite transformée de Fourier sur le signal temporel. Ce principe ressemble à celui utilisé en spectroscopie RMN, décrite dans le chapitre 4. L’impulsion micro-onde est une bande très étroite, ce qui signifie que chaque impulsion va échantillonner des transitions rotationnelles dans une fenêtre de fréquences étroite. Le spectre complet s’obtient en ajustant la cavité pas à pas à travers le domaine de fréquence qui nous intéresse.

19

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

(a)

(b)

Figure 2.12  (a) Une expérience conventionnelle à transformée de Fourier utilise une impulsion à fréquence constante. La fréquence micro-onde ne change presque pas entre le début et la fin de l’impulsion. (b) Une impulsion à fréquence croissante est conçue pour que la fréquence à la fin de l’impulsion soit bien plus grande que celle du début de l’impulsion. Ce type d’impulsion a l’avantage de permettre l’acquisition d’un spectre en une seule opération, ce qui abrège énormément le temps nécessaire pour enregistrer un spectre complet.

20

qu’un ajustage plus grossier peut être obtenu en déformant la cavité mécaniquement. Les ondes millimétriques sont d’un usage moins fréquent en spectroscopie rotationnelle, mais elles peuvent être créées avec le même équipement en utilisant des multiplicateurs de fréquence, qui génèrent des harmoniques des radiations micro-ondes de longueur d’onde maximum. En 1960, on a découvert on a découvert une source de micro-ondes plus pratique, que l’on a appelée l’oscillateur d’onde retour. Cette source est reliée au klystron, mais elle a l’avantage de pouvoir être ajustée électroniquement sur un plus grand domaine de fréquences, ce qui évite l’ajustage mécanique et électrique du klystron. Bien que le principe général soit assez simple, il y a de nombreuses difficultés techniques à maîtriser : les quanta de lumière utilisés sont de si faible énergie qu’il est bien plus difficile de les détecter que les quanta visibles ou infrarouges. De plus la section efficace d’absorption moléculaire est très petite dans la région des micro-ondes, ce qui signifie que la perte d’énergie provenant de l’absorption dépasse rarement 0,1 % de l’intensité de la lumière transmise. Enfin, la population des niveaux d’énergie rotationnels est si peu différente qu’il peut être contre-productif d’augmenter la puissance de la radiation, à cause du risque de saturation. Et il y a encore le problème de l’élargissement Doppler et l’effet de la pression. Toutes ces difficultés font que la spectroscopie micro-onde repose beaucoup plus que d’autres sur la fiabilité de l’appareillage électronique permettant de séparer le signal utile du bruit de fond. Les développements ultérieurs de la spectroscopie micro-onde ont employé des sources micro-ondes pulsées combinées avec des techniques de transformées de Fourier pour augmenter la résolution et la sensitivité. De plus, on utilise la technique des jets moléculaires supersoniques dans le vide pour refroidir les échantillons à quelques Kelvins, ce qui permet de concentrer la population rotationnelle dans les plus bas niveaux rotationnels. De là vient l’usage de la spectroscopie rotationnelle pour étudier les interactions faibles dans les amas gazeux (voir l’exemple en section 2.6). Enfin le développement prodigieux de l’électronique moderne pendant ces dix dernières années a permis le développement des cascades d’impulsions micro-ondes à fréquence croissante, ce qui augmente la sensibilité et la résolution dans les techniques de transformées de Fourier.

2.8. Spectroscopie rotationnelle Raman En dépit du fait que les molécules diatomiques homonucléaires et les molécules polyatomiques linéaires et symétriques n’ont pas de spectre rotationnel, tout espoir n’est pas perdu. Toutes les molécules sont polarisables, même si elles ne possèdent pas de dipôle permanent, quand elles sont placées dans un champ électrique extérieur. Un champ électrique extérieur F induit un moment dipolaire mind, où le noyau positif est déplacé dans un sens et les électrons dans l’autre. Voir la figure 2.13.

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

La grandeur du dipôle induit dépend de la force du champ électrique, de la distribution des charges, mais aussi de l’orientation de la molécule par rapport au champ. Nous pouvons utiliser cela à notre avantage en exploitant le fait que la lumière a une composante électrique (d’où le préfixe électro du mot électromagnétique) qui fluctue en grandeur avec la même fréquence ν que la lumière. Si nous soumettons la molécule à un tel champ, le dipôle oscillant induit va irradier avec la même fréquence que la lumière incidente. Cette radiation est alors appelée rayonnement de diffusion de Rayleigh. Il est formé de photons diffusés élastiquement après leur collision avec une molécule, donc sans perdre de leur énergie originelle. Comme suggéré plus haut, la grandeur du dipôle induit dépend de l’orientation de la molécule par rapport au champ électrique. Donc la polarisabilité, qui mesure la sensibilité de l’électron par rapport au champ électrique, dépend aussi de l’orientation. Par conséquent la polarisabilité varie avec le mouvement de rotation de la molécule. Cela entraîne que la molécule va réémettre une radiation sous trois fréquences différentes : la fréquence de Rayleigh ν, aussi bien que ν – 2nrot et ν + 2nrot. Les deux fréquences additionnelles, ν – 2nrot et ν + 2nrot, correspondent à la lumière diffusée de manière inélastique, c’est-à-dire que la lumière a, soit perdu, soit gagné de l’énergie. Si elle a perdu de l’énergie, la diffusion est dite Stokes, et si elle en a gagné, elle est dite anti-Stokes. Voir la figure 2.14. La diffusion inélastique est connue sous le nom d’effet Raman. La technique qui exploite cet effet est appelée spectroscopie rotationnelle Raman. Voir la note en marge. Le résultat de la diffusion Raman est que nous nous attendons à trouver deux raies de part et d’autre de la raie Rayleigh, à une distance de 2 nrot. Si on utilise le langage de la mécanique quantique, la diffusion inélastique laisse la molécule linéaire dans un état rotationnel plus élevé ou moins élevé, en suivant les règles de sélection ∆ J = 0, ±2

+ve

Nuage d’électrons attirés par la plaque +ve

–ve

Noyaux attirés par la plaque –ve

Figure 2.13 L’application d’un champ électrique à une molécule non polaire induit un dipôle électrique, dont l’intensité dépend de l’intensité du champ et de l’orientation de la molécule par rapport au champ.

Quand la lumière visible ou ultraviolette interagit avec la molécule, le noyau ne peut pas répondre assez vite au champ oscillant produit par la composante électrique de la lumière. Le dipôle induit n’est dû qu’à l’oscillation des électrons et pas des noyaux.

(2.19)

La transition avec ∆J = 0 correspond à la diffusion Rayleigh, et celles avec ∆ J = ± 2 correspondent aux lignes Stokes et anti-Stokes. Voir la figure 2.15. Le déroulement de ce processus pourrait a priori apparaître semblable à l’absorption et l’émission optique. La différence essentielle est que la diffusion Raman se produit pour n’importe quelle fréquence de lumière incidente, pour autant que l’énergie incidente soit supérieure à 2 nrot. En général, la diffusion Raman est conduite avec des photons visibles, donc dont l’énergie est de beaucoup supérieure à l’écart d’énergie entre deux niveaux rotationnels adjacents. Comme avec la spectroscopie rotationnelle discutée plus haut, les transitions Raman peuvent se produire à partir de n’importe quel état rotationnel peuplé, mais toujours avec la condition de ∆ J  = 0, ± 2. Comme il y a plusieurs nrot différentes qui peuvent se combiner à la raie Rayleigh, un spectre rotationnel Raman contient plusieurs lignes distribuées des deux côtés de l’intense raie Rayleigh.

La diffusion inélastique des photons est analogue à l’effet Compton pour les rayons X. Elle fut découverte en 1920 par un jeune physicien indien, Chandresekhara Venkata Raman, à l’Université de Calcutta. Sa technique est appelée spectroscopie Raman, et est surtout connue pour ses applications en spectroscopie vibrationnelle (voir la section 2.12), mais le processus en cause est le même dans les deux applications.

21

Les fondements de la détermination des structures moléculaires J 6

hν – ΔE



hν + ΔE 5

E′ E′′ Anti-stokes

Stokes

Figure 2.14 Dans l’effet Raman, les photons incidents peuvent être diffusés de manière élastique sans perte d’énergie (effet Rayleigh) ou de manière inélastique ; et dans ce cas, le photon perd de l’énergie (diffusion Stokes) ou gagne de l’énergie (anti-Stokes). Le résultat est que (i) la molécule peut rester dans le même état quantique, et c’est le scénario le plus probable, (ii) la molécule est portée vers un état quantique plus élevé, (iii) la molécule est portée vers un état quantique plus bas. Les flèches cidessus indiquent les trois transitions ainsi produites.

Tableau 2.1  J

 cm–1  |ν| /

0

5,300

1

8,833

2

12,366

3

15,900

4

19,433

5

22,966

6

26,499

7

30,033

8

33,566

9

37,099

22

4 3 2 1 0

Stokes

ν˜

Anti-stokes

Figure 2.15  Dans une expérience rotationnelle Raman, les transitions sont gouvernées par la règle ∆ J = 0±2. La ligne épaisse du milieu du spectre est la ligne de Rayleigh qui a la même énergie que la radiation incidente. Les lignes de gauche sont les lignes de Stokes et celles de droite sont les lignes anti-Stokes.

La grandeur de l’écartement en nombre d’ondes tant pour les transitions Stokes que pour les anti-Stokes est donnée par l’expression :  F(J + 2) – F(J) = B(J + 2)(J + 3) – BJ(J + 1) ν =

= 4BJ + 6BJ = 4B(J + 3/2)

(2.20)

où J se réfère à l’état inférieur. Cette formule montre que la première ligne Stokes et la première anti-Stokes, pour lesquelles J = 0 dans les deux cas, sont éloignées de la raie centrale Rayleigh d’une distance de +6B et –6B, respectivement. Les lignes suivantes apparaissent à des intervalles de 4B. Cette caractéristique est clairement visible dans le spectre rotationnel Raman de 19F2 présenté dans la figure 2.16. Une caractéristique inattendue du spectre présenté en figure 2.16 est l’alternance des intensités des lignes rotationnelles. L’explication de ce phénomène dépasse le niveau de cet ouvrage. Mais il provient du fait que le noyau de 19F a un spin nucléaire de ½, et que l’interaction des spins nucléaires de deux noyaux 19F produit deux isomères de spin, ce qui provoque des différences dans l’occupation des différents niveaux J. Voir aussi le chapitre 4. En conséquence, les transitions partant d’un J impair sont trois fois plus intenses que ceux partant d’un J pair.

Exemple résolu 2.4 Question. Les positions des 10 premières lignes de la branche Stokes du spectre rotationnel Raman de 19F2 sont données dans le tableau 2.1. Utiliser l’équation (2.20) pour trouver B et en tirer la longueur de liaison r de 19F2.

Intensité en unités arbitraires

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

–100

0

100

–1 ν/cm ˜

Figure 2.16  Le spectre rotationnel Raman de 19F2. La ligne très intense à 0 cm–1 est la ligne Rayleigh, avec les lignes Stokes à gauche et les anti-Stokes à droite. Le premier membre de chaque série est séparé de 6B de la raie Rayleigh, tandis que les autres apparaissent à des intervalles de 4B.

Réponse. Selon l’équation (2.20), la grandeur de l’éloignement de la transition Stokes, exprimée en nombre d’ondes, est donnée par ν = 4BJ + 6B. Ainsi, si on reporte le nombre d’ondes en fonction de J, on doit obtenir une droite avec une pente de 4B et une valeur à l’origine de 6B. Ce graphique est donné en figure 2.17. La pente de cette droite donne 4B = 3,533 cm–1. Et donc la constante rotationnelle B vaut 0,833 cm–1. À partir de là, nous pouvons suivre la même démarche que dans l’exercice 2.1. 40 35

–1 ν/cm ˜

30 25 20 15 10 5 0

2

4

6

8

10

J

Figure 2.17  Présentation de la position en nombre d’ondes des lignes de rotation de la branche Stokes du spectre rotationnel Raman de 19F2.

23

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Avec la constante rotationnelle ainsi déterminée, on tire la longueur de la liaison de F2 à partir de r=

h 8π2Bµc

En introduisant la valeur mesurée de B et la masse réduite de tire : r=

6, 626 ×10 −34 J s

8π 2

× 0, 883 cm−1 × 1, 578 ×10−26 kg× 2, 997×1010 cm

19F , 2

on

s −1

  = 1,418 × 10–10 m = 1,418 Å

2.9. Méthodes expérimentales en spectroscopie rotationnelle Raman Les exigences expérimentales de la spectroscopie Raman sont relativement banales, mais la méthode présente un certain nombre de défis techniques liés à l’extrême faiblesse du signal diffusé par la diffusion Raman Stokes et anti-Stokes. L’inefficacité du processus doit être contrebalancée par l’emploi d’une source de lumière monochromatique très intense, et par une détection dans la direction perpendiculaire au rayon pour éviter qu’une partie de la radiation incidente n’atteigne le détecteur. Dans les premières expériences Raman, les sources les plus intenses de radiation monochromatique étaient des sources d’émission atomiques, en isolant une ligne choisie dans le visible ou l’ultraviolet par un filtrage optique. La source intense la plus commune était la lampe à vapeur de mercure qui émet trois lignes intenses à 253,7 nm, 404,7 nm et 435,8 nm. On envoyait ces radiations dans des cellules d’absorption placées entre miroirs sphériques, de manière à ce que la radiation traverse plusieurs fois l’échantillon, et ainsi maximalise l’intensité de la diffusion Raman. Voir la figure 2.18. Laser

Échantillon

Lumière diffusée

Spectromètre

Figure 2.18  Cellule d’absorption à passage multiple dans un spectromètre Raman.

24

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

À partir de 1970, on a remplacé les lampes à vapeur de mercure par des lasers. Leur lumière est plus intense, plus cohérente et les lignes spectrales sont plus étroites, ce qui permet une meilleure résolution. Les lasers les plus utilisés sont ceux à hélium-néon (632,8 nm) et à argon (514,5 nm) dans le domaine visible, et ceux à Nd-YAG dans l’infrarouge proche (1064 nm), si l’échantillon à analyser est coloré. Bien que la diffusion de la lumière visible soit plus importante que celle dans l’infrarouge, le visible est d’un emploi plus difficile, car les molécules qui absorbent dans le visible ont tendance à émettre de la fluorescence, ce qui noie le signal Raman. On compense la faiblesse du signal infrarouge en recourant aux transformées de Fourier (décrites plus haut dans la spectroscopie micro-onde) appliquées à la spectroscopie infrarouge et en employant des détecteurs infrarouges à semi-conducteurs qui sont bien plus sensibles.

2.10. Spectroscopie vibrationnelle Toutes les molécules, quelles que soient leur taille ou leur complexité, possèdent des fréquences de vibration de résonance naturelles, exactement comme les cordes d’une guitare qui vibrent avec leur fréquence propre, ou comme la cloche de Big Ben de la tour de Westminster qui a sa propre fréquence de résonance bien connue des Londoniens. En fait, notre perception des sons émis par un instrument de musique varie beaucoup selon la salle d’où ils sont émis. La même musique produit un effet différent si elle est émise dans une cathédrale ou dans une salle de bains. De la même façon, nous pouvons utiliser les modes de vibration d’une molécule pour connaître sa construction, sa forme et sa géométrie. Les molécules diatomiques simples, qui sont formées de deux noyaux et d’une liaison, ne possèdent qu’une seule fréquence de résonance naturelle, qu’on appelle mode normal de vibration. Pour les molécules polyatomiques non linéaires, le nombre de modes de vibration est égal à 3N – 6, si N est le nombre de noyaux. Ainsi, l’eau, avec ses trois noyaux, a 3 modes de vibration normaux. Le méthane en a 6 et le benzène 30. Les modes normaux de vibration peuvent être considérés comme associés avec le déplacement nucléaire le long d’une coordonnée interne. Dans le cas de l’eau, deux des trois modes normaux peuvent être décrits comme des élongations des liaisons O–H, dont l’un est l’élongation et la contraction simultanée des deux liaisons (élongation symétrique) et l’autre est l’extension de l’une des liaisons pendant que l’autre se contracte (élongation asymétrique). Le troisième mode est la déformation donc le changement de l’angle entre les liaisons. Voir la figure 2.19. o H

ν1

o H

H

ν3

Le nombre de modes de vibration d’une molécule donnée à N atomes s’obtient en soustrayant le nombre de degrés de liberté de translation (qui vaut 3 pour toutes les molécules) et le nombre de degrés de liberté de rotation (qui vaut 2 pour une molécule linéaire et 3 pour toutes les autres), du nombre total de degrés de liberté, soit 3N. Une molécule linéaire n’a que deux degrés de liberté de rotation, car la rotation autour de l’axe internucléaire n’a pas de moment d’inertie.

o H

H

ν2

H

Figure 2.19 Les trois modes normaux de vibration de l’eau n1, n3 et n2, sont communément appelés élongation symétrique, élongation asymétrique et déformation.

25

Les fondements de la détermination des structures moléculaires 20 kHz = 2 × 104 Hz = vingt mille Hz 20 MHz = 2 × 107 Hz = vingt millions de Hz 20 GHz = 2 × 1010 Hz = vingt milliards (ou billions) de Hz 20 THz = 2 × 1013 Hz = vingt trillions de Hz

Les molécules linéaires ont une particularité, en ce qu’elles ont un mode de vibration de plus que leur équivalent non linéaire. Ainsi CO2 possède 3N – 5 = 4 modes de vibration. Mais elle n’a que 3 fréquences de vibration, parce que deux de ses modes ont la même fréquence, c’est-à-dire qu’ils sont dégénérés. Quand nous pensons aux fréquences de vibration, il arrive que nous fassions intuitivement des analogies avec notre perception des sons. Notre oreille nous permet de percevoir des sons qui vont de la fréquence la plus basse aux alentours de 20 Hz (tuyau d’orgue), à la plus haute vers 20 kHz (sifflement d’un moustique en vol). Par contre les molécules vibrent à des fréquences qui dépassent l’imagination. Par exemple, la molécule d’azote N2 vibre à une fréquence de 7,1 × 1013 Hz, soit soixante-dix mille milliards de vibrations par seconde. Nous pouvons convertir cette fréquence en longueur d’onde en divisant par la vitesse de la lumière c, ce qui donne 3896 nm, et cette longueur d’onde est associée avec la lumière infrarouge. Quand on étudie les vibrations moléculaires, l’habitude est d’utiliser l’unité de nombre d’ondes, le cm–1. Avec cette unité, la fréquence de vibration de N2 est donnée par son nombre d’ondes qui vaut 2558 cm–1. Plus généralement, les liaisons moléculaires vibrent à des fréquences qui dépendent de la force de la liaison, laquelle dépend de la constante de force k, et aussi de la masse qui oscille pendant la durée de la vibration, selon νi =

1 ki –1 s (2.21) 2π mi

Ici, ni est la fréquence de vibration dans un mode particulier de vibration, donné par i, ki est la constante de force, et mi est la masse effective de l’objet en vibration. De manière générale, les molécules vibrent à des nombres d’ondes qui vont de 200 cm–1 à 3600 cm–1. Comme nous l’avons dit plus haut, la manière avec laquelle les molécules vibrent dépend de l’arrangement des noyaux dans l’espace, de leur masse, et de la force des interactions qui les relie. De même, comme les fréquences de vibration de ces molécules sont semblables aux fréquences de vibration de la lumière infrarouge, l’un devrait interagir sur l’autre et on devrait pouvoir en tirer des informations sur la structure de la molécule. Et en fait, le champ électrique contenu dans la lumière électromagnétique fait varier le dipôle moléculaire, ce qui produit l’absorption de cette radiation et l’excitation d’un mode spécifique de vibration. Si nous irradions la molécule avec une lumière infrarouge à large bande, il y a beaucoup de chances que nous puissions exciter plusieurs modes de vibration, et que, pour chaque mode de vibration ainsi excité, on observe une réduction de l’intensité de la lumière à des longueurs d’ondes discrètes correspondant aux fréquences de vibration de ces modes. Ceci forme la base de la spectroscopie infrarouge.

26

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

2.11. Spectroscopie infrarouge L’oscillateur harmonique et les niveaux d’énergie vibrationnels Pour introduire les rotations moléculaires dans la section 2.3, nous avons commencé par construire un modèle simple de rotateur formé d’une molécule diatomique, dont les deux noyaux étaient considérés comme des points de masse m1 et m2, séparés par une distance r. Pour aborder les vibrations moléculaires, nous allons admettre que chaque mode normal de vibration est un oscillateur harmonique indépendant. Classiquement, un oscillateur harmonique suit la loi de Hooke, qui dit que la force nécessaire pour étendre ou comprimer un ressort est proportionnelle au déplacement par rapport au point d’équilibre. Voir la figure 2.20. La conséquence de cette loi est que l’énergie potentielle varie comme le carré du déplacement. Ainsi, pour une vibration simple d’élongation, l’énergie potentielle V(x) est décrite par :

V(r)

re

r

Figure 2.20 Énergie potentielle d’un oscillateur harmonique classique avec re comme longueur de liaison à l’équilibre.

1 V(x) =  kx2 (2.22) 2

1 G(ni ) = wi (ν + ) cm–1 (2.23) 2 où wi est appelé le nombre d’ondes de vibration du i-ème mode normal de vibration, et c’est effectivement la fréquence de vibration exprimée en cm–1. ωi = ν i =

νi 1 = c 2πc

Énergie/cm –1

où x = r – re est le déplacement hors de la position d’équilibre le long d’une coordonnée interne appropriée, et k est la constante de force. La mécanique quantique contraint l’énergie vibrationnelle à prendre des valeurs discrètes G(ni ) données par l’expression

Δv = +1 7ω 2 5ω 2 3ω 2 1ω 2

ω ω ω

v=3 v=2 v=1 v=0

ω cm–1

Figure 2.21 Les niveaux d’énergie dans un oscillateur harmonique sont également espacés.

ki cm–1 (2.24) mi

Et mi est la masse effective du mode. C’est la masse qui est déplacée pendant la vibration. Le nombre quantique de vibration ni peut prendre toutes les valeurs ν = 0, 1, 2, 3, etc. Introduit dans (2.23), il fournit un nombre infini de niveaux d’énergie également espacés dans un potentiel symétrique, comme en figure 2.21. Nous tirons de l’équation (2.23) que les niveaux adjacents sont tous séparés par ω. Le niveau le plus bas, de nombre quantique ν = 0, est appelé le niveau du point zéro. C’est l’énergie vibrationnelle que possède la molécule au zéro absolu. Quand une molécule absorbe une radiation infrarouge, elle passe d’un niveau vibrationnel bas (et en général c’est le niveau du point zéro) vers un niveau vibrationnel plus élevé. Mais cette transition ne se produit que si l’énergie du photon incident possède exactement la différence d’énergie entre les deux états. Si cette exigence est satisfaite ET si la transition est accompagnée par un changement du dipôle de la molécule, alors le photon est absorbé et la molécule est excitée.

En mécanique quantique, un oscillateur harmonique n’est jamais au repos. Les noyaux ne sont jamais stationnaires. Donc même au zéro absolu, les molécules possèdent une petite énergie cinétique vibrationnelle. Cette énergie s’appelle l’énergie au point zéro, et le niveau d’énergie correspondant est le niveau du point zéro.

27

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Dans l’approximation harmonique, les règles de sélection limitent les transitions possibles à celles dont le changement de nombre quantique est de ±1. Cela s’écrit Dν = ±1. Cette règle oblige toutes les transitions vibrationnelles à avoir le même nombre d’ondes ω, quel que soit le niveau de départ de cette transition. Voir la figure 2.21.

L’oscillateur anharmonique, la fondamentale et ses harmoniques Dans la réalité, une vibration moléculaire ne peut être harmonique qu’au bas de la courbe du potentiel, à proximité de la séparation à l’équilibre. Si on comprime cette liaison, l’énergie potentielle va croître plus rapidement que ce que suggère l’oscillateur harmonique. De l’autre côté du point d’équilibre, l’extension de la liaison va affaiblir la liaison. La courbe du potentiel va s’aplatir et conduire asymptotiquement vers une valeur qui correspond à l’énergie de dissociation de la liaison. La courbe du potentiel résultant n’est plus celle du potentiel harmonique symétrique mais celle du potentiel anharmonique asymétrique. Voir figure 2.22. La valeur du terme vibrationnel de l’oscillateur anharmonique est donnée par : 1 1 1 G(ν) = we(ν + ) − wexe (ν + )2 + weye(ν + )3 + L 2 2 2

(2.25)

où we désigne le nombre d’ondes de la vibration, et où wexe et weye sont les constantes d’anharmonicité, dont la valeur est rapidement décroissante. L’énergie au point zéro s’obtient en posant ν = 0 dans l’équation (2.25). 1 1 1 G (0) = ωe − ωe x e + ωe y e + … (2.26) 2 4 8

V(r) D0

De

r

Figure 2.22  Pour un oscillateur anharmonique, la courbe de l’énergie potentielle s’aplatit aux valeurs élevées de r, ce qui a pour conséquence que les niveaux d’énergie vibrationnels se rapprochent.

28

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

À la différence de l’oscillateur harmonique, les niveaux d’énergie convergent vers la limite de la dissociation lorsque la courbe s’aplatit. Au-dessus de ce niveau, les noyaux ne sont plus considérés comme liés, ils sont libres, et leur énergie n’est plus quantifiée. L’énergie de dissociation De est la différence entre le niveau de la dissociation et le fond de la courbe de potentiel. Cette grandeur échappe à la mesure. Ce qu’on mesure est la différence Do entre le niveau de la dissociation et le niveau vibrationnel le plus bas. L’existence de l’anharmonicité provoque une modification des règles de sélection, qui deviennent : Dν = ±1, ±2, ±3…

(2.27)

Pour les transitions partant du point zéro (ν = 0), la transition caractérisée par : • Dν = +1 est connue sous le nom d’absorption fondamentale ; • Dν = +2 est connue sous le nom de seconde harmonique ; • Dν = +3 est connue sous le nom de troisième harmonique.

Énergie/cm –1

Et l’intensité des lignes associées à ces harmoniques diminue très rapidement. En pratique on les ignore le plus souvent, et le spectre infrarouge est dominé par les transitions fondamentales (Dν = +1), qui sont de loin les plus intenses. Ces lignes servent à caractériser un mode de vibration particulier. Il vaut la peine de remarquer que les harmoniques supérieures impliquent des transitions à si haute énergie qu’elles quittent le domaine de l’infrarouge et atteignent le visible. Voir la figure 2.23. Jusqu’ici, nous avons vu que l’absorption de la lumière infrarouge fait passer la molécule d’un niveau vibrationnel qui est en général celui où ν = 0, vers le niveau où ν = 1. Dans une molécule diatomique, il n’y a qu’un mode de vibration, celui d’élongation. Mais il n’y a pas toujours absorption. Pour que la lumière soit absorbée, il faut qu’elle cause une variation de dipôle. Or une molécule diatomique homonucléaire n’a

Δv = +1, +2, +3, ...

ωe 2ωe 3ωe cm–1

Figure 2.23 Dans l’oscillateur anharmonique, les harmoniques sont possibles mais elles décroissent très vite d’intensité.

29

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Dans le contexte des niveaux d’énergie moléculaires, le terme de dégénérescence s’applique au cas où deux ou plusieurs états possèdent la même énergie. C’est ce qui se produit avec la vibration de CO2 où la fréquence de déformation naturelle ne dépend pas de la direction dans laquelle on observe cette molécule.

o

c

o

Pas de moment dipolaire

o

c

c

o

o

o

c

o

c o

o

Figure 2.24 Les modes normaux où le moment dipolaire varie sont dits actifs IR.

o

pas de dipôle, donc elle n’a pas de spectre infrarouge non plus. Par contre une molécule diatomique hétéronucléaire en aura un. Il faut encore remarquer que certaines molécules non polaires peuvent absorber l’infrarouge. Ainsi une molécule linéaire comme CO2 présentera un spectre infrarouge si on parvient à exciter un mode de vibration qui crée un dipôle. De tels modes sont appelés actifs infrarouges. Dans CO2, il y a 4 modes de vibration, l’élongation symétrique, dans laquelle les deux atomes O s’éloignent de C et se contractent en même temps, puis l’élongation antisymétrique, où l’une des liaisons C–O s’étend quand l’autre se contracte, et enfin une paire de modes de déformation dégénérés, dans lesquels l’angle O-C-O varie. Il y en a deux car cette vibration peut se faire dans deux plans mutuellement perpendiculaires. L’examen de la figure 2.24 montre que l’excitation de l’élongation symétrique dilate ou contracte la molécule, mais ne change pas son moment dipolaire. Par contre, l’excitation de l’élongation antisymétrique et du mouvement de déformation crée un moment dipolaire variable pendant la vibration. On en conclut que tant la déformation que l’élongation antisymétrique sont des modes actifs infrarouges, et que l’élongation symétrique est un mode inactif infrarouge. Le spectre infrarouge de CO2 est présenté en figure 2.25. On y voit deux bandes. La plus intense, à 2364 cm–1, est due à la transition antisymétrique de ν = 0 à ν = 1. Cette forte intensité est due à l’importance du changement de dipôle que produit la vibration. La deuxième ligne, plus faible, est située à 670 cm–1 ; elle est due au mode de déformation qui produit un changement nettement plus faible du moment dipolaire. La vibration d’élongation symétrique n’apparaît pas dans le spectre, puisqu‘elle ne fait pas varier le dipôle. Le nombre d’ondes élevé de l’élongation et celui assez bas de la déformation reflètent le degré de « mollesse » de chaque vibration. Il faut en général une plus grande énergie pour étendre les liaisons que pour faire varier leurs angles.

3000

2500

3000

2500

2000

1500

1000

500

2000

1500

1000

500

0

Nombre d’ondes/cm –1

Figure 2.25 Le spectre infrarouge de CO2 n’a que deux raies, ou bandes. La bande avec le nombre d’ondes le plus élevé est due à la vibration d’élongation antisymétrique, tandis que l’autre est due à la paire dégénérée de modes de déformation.

30

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

2.12. Spectroscopie vibrationnelle Raman La ligne de Rayleigh dans un spectre vibrationnel Raman sert à fixer le point de nombre d’ondes zéro, et sert de référence pour définir les positions des lignes vibrationnelles apparaissant aux nombres d’ondes les plus bas. Cependant, à haute résolution, on s’aperçoit que la raie Rayleigh centrale est constituée d’une fine ligne centrale entourée d’une série de fines raies très voisines, dues au spectre rotationnel Raman décrit dans la figure 2.16 et discutée en détail au paragraphe 2.8.

Rayleigh hν – ΔE Δv = +1

hν hν v=1 v=0

Δv = –1

hν + ΔE v=1 v=0

Stokes Anti-Stokes

–700

0

Énergie/cm–1

Intensité en unités arbitraires

La spectroscopie vibrationnelle décrite ci-dessus est un exemple de l’absorption optique classique, dans laquelle il faut un photon d’une énergie bien définie pour effectuer la transition vibrationnelle. Cependant, comme dans la spectroscopie rotationnelle décrite dans la section 2.8, on peut aussi effectuer une transition vibrationnelle par diffusion Raman, si on envoie un photon qui perd un peu d’énergie (diffusion de Stokes) ou gagne un peu d’énergie (diffusion anti-Stokes) par collision. La seule différence est que dans la diffusion Raman vibrationnelle, le photon gagne ou perd une quantité beaucoup plus grande d’énergie que dans la diffusion Raman rotationnelle, parce que la différence d’énergie entre les niveaux est bien plus grande pour les vibrations que pour les rotations. Ce plus grand espacement entre les niveaux d’énergie vibrationnels fait que l’immense majorité des molécules sont situées dans le niveau vibrationnel le plus bas, et donc que les raies anti-Stokes sont en général inexistantes. Voir figure 2.26. En conséquence, un spectre Raman vibrationnel ne présente que des raies Stokes situées du même côté de l’intense raie Rayleigh. Une transition Stokes ou anti-Stokes peut se produire sur n’importe quelle vibration pour autant qu’elle produise une variation de la polarisabilité de la molécule. De tels modes sont appelés actifs Raman, exactement de la même manière que les modes de vibration qui produisent une variation du moment dipolaire sont appelés actifs infrarouges. Ainsi, malgré la grande différence d’énergie entre les deux techniques, on peut dire que, pour qu’un mode soit actif, la règle de sélection Dν = ±1, ±2, ±3, etc. est la même dans les deux cas. Donc, en Raman comme en infrarouge, on peut aussi bien observer la transition fondamentale que celles vers les harmoniques supérieurs. Voir la figure 2.27.

700

ν˜ /cm–1

Figure 2.26  Le spectre vibrationnel Raman de F2. La forte ligne Rayleigh à 0 cm–1 correspond à la lumière diffusée de manière élastique, donc qui n’a ni gagné ni perdu d’énergie. Les bandes adjacentes et situées des deux côtés de la raie de Rayleigh sont dues aux lignes Raman rotationnelles de type Stokes et antiStokes. Voir la figure 2.16. Les bandes à +893 cm–1 et –893 cm–1 sont les lignes vibrationnelles Raman de type Stokes et anti-Stokes, respectivement.

cm–1

Figure 2.27 Transition fondamentale et quelques harmoniques résultant de la diffusion vibrationnelle Raman.

31

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

O=C=O

Figure 2.28 Un centre d’inversion est une propriété de symétrie qu’on rencontre dans les molécules qui possèdent à la fois un axe de symétrie rotationnel d’ordre 2 ET un plan de réflexion perpendiculaire à cet axe.

Pour des molécules de symétrie élevée, il arrive que certains modes actifs Raman soient inactifs infrarouges, et vice-versa que certains modes actifs infrarouges soient inactifs Raman. Cette différence a pour conséquence que les deux techniques prises ensemble permettent une bien meilleure compréhension de la structure moléculaire que les deux prises séparément. C’est grâce à cette complémentarité que les spectroscopies vibrationnelles ont une puissance sans égale pour déterminer les structures moléculaires. Si nous revenons à l’exemple de CO2, on peut montrer qu’aucun des modes actifs infrarouges ne modifie la polarisabilité de la molécule pendant la vibration. Par contre, le mode inactif infrarouge, donc l’élongation symétrique, produit un tel changement. En conséquence, le spectre Raman CO2 montre une raie unique, due à l’extension symétrique, alors que les deux bandes observées dans le spectre infrarouge manquent dans le spectre Raman. Ceci est un cas d’exclusivité mutuelle entre les spectres IR et Raman. Et cela provient du fait que la molécule possède un centre d’inversion. Voir figure 2.28. Un centre d’inversion est une propriété de symétrie qui existe dans les molécules qui possèdent à la fois un axe de symétrie d’ordre 2 (c’està-dire un axe autour duquel une rotation de 180° laisse la molécule inchangée) ET un plan de réflexion perpendiculaire à cet axe. De telles molécules sont le siège de ce qu’on appelle le Principe d’exclusion mutuelle qui dit que : « si une molécule possède un centre d’inversion, les transitions fondamentales qui sont actives dans le spectre Raman sont inactives dans le spectre infrarouge, et celles qui sont actives dans le spectre infrarouge sont inactives dans le spectre Raman ».

En retour, si on observe que deux raies différentes s’excluent l’une l’autre entre les spectres Raman et infrarouge, on peut en conclure que la molécule possède un centre d’inversion. Une circonstance malheureuse avec CO2 est que, quand bien même il possède un centre d’inversion, et qu’il devrait donc fournir un exemple parfait du principe d’exclusion mutuelle, le spectre Raman contient deux bandes alors que nous devrions raisonnablement nous attendre à n’en trouver qu’une. Voir la figure 2.29. Il se trouve que le niveau d’énergie correspondant à l’absorption d’un photon dans l’élongation symétrique (à 1350 cm–1), correspond exactement à l’absorption de deux photons dans l’absorption de déformation (2 × 670 cm–1 = 1340 cm–1). Ceci constitue un cas dit de résonance de Fermi, qui fournit une paire de lignes très proches. La première harmonique de la déformation est autorisée en Raman ; en effet, bien que l’excitation par un seul photon de la déformation ne produise pas de changement dans la polarisabilité de CO2, l’absorption de deux photons y parvient. Et, malgré le fait que la première harmonique de déformation soit active Raman, on devrait s’attendre à ce que son intensité soit faible. Mais ce n’est pas le cas, à cause de la résonance de Fermi, qui fait que cette harmonique supérieure emprunte de l’intensité au mode d’extension fortement autorisé, et les deux signaux ont une intensité comparable dans le spectre Raman.

32

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle 3000

2500

2000

1500

1000

500

O O

C

C

0

IR O

O

C O x2 O O

3000

2500

C

O

2000

Raman

1500

1000

500

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.29 Les modes actifs de CO2 dans l’infrarouge sont inactifs dans le spectre Raman, et les modes actifs Raman sont inactifs infrarouges. Cette exclusion mutuelle est une caractéristique des molécules possédant un centre d’inversion (voir figure 2.28). Ainsi l’élongation antisymétrique et la déformation fondamentale n’apparaissent que dans l’infrarouge.

2.13. Spectroscopie de vibration-rotation Les spectroscopies infrarouge et Raman vibrationnelle sont utilisées dans la pratique pour analyser les substances liquides et solides. Dans ce cas, il se produit une association entre les bandes vibrationnelles et les modes de vibration, qui sera étudiée en section 2.14 et le spectre paraît formé de bandes élargies et presque amorphes. Par contre, en phase gazeuse, les molécules peuvent plus facilement entrer en rotation sans se gêner entre elles. On peut citer en exemple le spectre infrarouge présenté dans la figure 2.30, qui a été effectué sur un échantillon de gaz sortant du tuyau d’échappement d’une voiture. On y voit une structure faite d’une multitude de raies très fines attribuées à H2O, CO, CO2, CH4 et d’autres hydrocarbures, sans l’étalement qu’on rencontre dans les spectres de la matière condensée. La nuée de raies fines ressemble à celles qu’on voit dans le spectre Raman de F2 dans la figure 2.26, et elle est de nature rotationnelle, bien entendu. Chaque niveau vibrationnel est donc associé à toute une série de niveaux rotationnels. Voir la figure 2.31. Nous avons vu dans les sections 2.4 et 2.8 qu’il est possible d’observer des transitions entre niveaux rotationnels du même niveau vibrationnel, soit par absorption ou émission d’ondes millimétriques ou de micro-ondes, soit par diffusion inélastique de lumière visible en spectroscopie Raman. Nous observons des transitions entre niveaux vibrationnels par absorption de lumière infrarouge. Mais quand nous faisons la même chose en phase gazeuse, nous pourrons observer des transitions entre une grande quantité de niveaux rotationnels distincts associés chacun à un niveau vibrationnel donné. En conséquence, nous pourrons établir la structure rotationnelle fine associée à chaque niveau vibrationnel.

33

Les fondements de la détermination des structures moléculaires 100 90

Transparence/%

80

Carburant

70 60

CH4

50

H2O

CO

40 30 20 CO2

10 0

3000

2500 2000 1750 Nombre d’ondes/cm –1

1500

Figure 2.30  Spectre infrarouge d’un gaz d’échappement de voiture. J 8 v

J 4 8 J

4

8 J

3

4

8 J

4

2

4

8

1

4 0

Figure 2.31  Les différents niveaux d’énergie de vibration-rotation.

Rappel : on appelle terme la valeur de l’énergie d’un niveau particulier, s’il est exprimé en unité de cm–1.

En principe, chaque transition vibrationnelle peut être accompagnée par un changement d’énergie de rotation. En effet, nous avons vu dans les équations (2.1) et (2.2) que l’énergie de rotation est reliée au moment d’inertie, et que le moment d’inertie est relié au carré de la longueur de la liaison. Or quand une molécule absorbe ou émet de l’infrarouge, la longueur de sa liaison augmente ou diminue, et cela modifie l’énergie de rotation. À l’état condensé, les molécules ont de la peine à effectuer des rotations, donc le spectre de vibration-rotation ne s’observe bien qu’à l’état gazeux et à basse pression. Les valeurs du terme T décrivant l’énergie totale tant vibrationnelle et rotationnelle sont données par la somme des termes vibrationnels G(ν) et des termes rotationnels Fν(J), selon l’équation (2.28) T = G(ν) + Fν(J) 1 1    = we(ν + ) – wexe(ν +  )2 + … + Bν J (J + 1) 2 2

34

(2.28)

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

Pour la plupart des molécules diatomiques et quelques molécules polyatomiques linéaires, les règles de sélection rotationnelles relatives aux transitions entre deux paquets de niveaux sont données par ∆ J = ± 1, et on distingue deux branches : la branche R où ∆ J = +1, et la branche P où ∆ J = –1. Chaque transition est désignée R(J) ou P(J), où J représente la valeur de J du niveau le plus bas, J‘’. L’une des conséquences de cette règle de sélection est que la transition ∆ J = 0 n’existe pas. Voir la figure 2.32. Cependant l’endroit où elle devrait apparaître est appelé le centre de la bande, et on le désigne par wo. Comme c’est le cas avec n’importe quelle forme de spectroscopie optique, les lignes qui apparaissent dans le spectre sont dues à des transitions entre différents niveaux d’énergie en accord avec les règles de sélection. Donc leurs énergies sont égales aux différences entre les énergies des deux niveaux impliqués dans la transition. Au début de cette section, nous avons dit qu’une molécule devrait pouvoir changer J′ 9 8 7 6 5 V

4 3 2 1 0

R(0) R(1) R(2) R(3) R(4) R(5) R(6) R(7) R(8)

P(1)

P(9) P(8) P(7) P(6) P(5) P(4) P(3) P(2)

1

J″ 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0

0

Nombre d’ondes

Figure 2.32 Diagramme des différents niveaux d’énergie montrant les transitions responsables de la structure fine d’une bande de vibration - rotation pour une molécule diatomique.

35

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

simultanément d’énergie vibrationnelle et rotationnelle. Cependant, dans un premier temps, nous allons considérer que dans une transition vibrationnelle partant de l’état fondamental où ν = 0 vers le premier état excité où ν = 1 (transition qu’on écrit ν = 1-0), la constante rotationnelle B1 associée au 1er état excité vibrationnel est approximativement la même que celle B0 associée au niveau fondamental, ce qui peut s’écrire B1 ≈ B0 = B Si nous procédons ainsi, le nombre d’ondes des lignes de la branche R du spectre de vibration-rotation pour lequel ∆ J = +1 sera  ν(R(J)) = w 0 + B(J + 1)(J + 2) – BJ(J + 1) = w0 + 2BJ + 2B (2.29) Pour la branche P, on obtiendra  ν(P(J)) = w 0 + BJ(J – 1) – BJ(J + 1) = w0 – 2BJ

(2.30)

où w0 est la position en nombre d’ondes du centre de la bande correspondant à la transition purement vibrationnelle, pour laquelle ∆ J = 0.

Exemple résolu 2.5 Question. L’intervalle de bande zéro est défini comme la différence qu’on observe au centre du spectre de vibration–rotation entre le premier membre R(0) de la branche R, et le premier membre P(1) de la branche P. Voir la figure 2.32. Montrer, en utilisant les équations (2.29)   et (2.30), que l’intervalle de bande zéro, à savoir ν(R(0)) – ν(P(1)), vaut 4B, et que l’espacement entre des lignes adjacentes vaut 2B, aussi bien dans les branches P que dans R. Réponse. L’intervalle de bande zéro est donné par :   ν(R(0)) – ν(P(1)) = w 0 + (2B × O) + (2B – (w0 – 2B × 1)

= 2B – (–2B) = 4B (2.31)

La distance séparant deux lignes adjacentes de la branche R vaut :   ν(R(J + 1)) – ν(R(J)) = w 0 + 2B(J + 1) + 2B – w0 – 2BJ – 2B

= 2B(J + 1 – J) = 2B (2.32)

Et dans la branche P, on a :   P(J + 1)) = w0 – 2BJ – w0 + 2B(J + 1) ν(P(J)) – ν(

= 2B(– J + J +1) = 2B (2.33)

Il devrait être clair que le spectre de vibration-rotation peut être utilisé de la même manière que le spectre de rotation pure si on veut obtenir la constante de rotation B donc le moment d’inertie et la distance interatomique d’une molécule diatomique. Si on utilise l’une des équations (2.31) à (2.33), nous admettons que la constante rotationnelle est la même dans l’état vibrationnel supérieur et dans l’état vibrationnel inférieur. Ce faisant, nous trouverons une longueur de liaison qui est presque égale à la longueur de liaison au point zéro r0, obtenue à partir du spectre rotationnel pur.

36

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

Exemple résolu 2.6

Tableau 2.2 

2050

2100

2150 Nombre d’ondes/cm–1

R(16) R(18) R(20) R(22)

R(14)

R(12)

R(6) R(8) R(10)

R(2) P(1) R(0)

P(23) P(21) P(19) P(17)

P(15)

P(3)

P(13)

R(4)

P(11) P(9) P(7) P(5)

Le spectre de vibration-rotation de CO est indiqué en figure 2.33. Mais voir aussi le spectre infrarouge des gaz d’échappement vu en figure 2.30.

2200

Figure 2.33  Le spectre de vibration-rotation de CO.

Les positions en nombre d’ondes des dix premières lignes de part et d’autre de la bande centrale sont données dans le tableau 2.2. Question. (a) Utiliser les valeurs du tableau 2.2 pour trouver la valeur en nombre d’ondes de la transition vibrationnelle pure, et donc pour en tirer ensuite la constante de force k de la liaison CO. (b) Calculer la séparation moyenne des lignes adjacentes dans les branches P et R. En tirer la constante rotationnelle B. (c) En tirer la longueur de la liaison CO.

Ligne

Nombre Δ/cm–1 d’ondes/cm–1

R(9)

2179,8

3,5

R(8)

2176,3

3,5

R(7)

2172,8

3,6

R(6)

2169,2

3,6

R(5)

2165,6

3,6

R(4)

2162,0

3,7

R(3)

2158,3

3,7

R(2)

2154,6

3,8

R(1)

2150,8

3,8

R(0)

2147,0

7,6

P(1)

2139,4

3,9

P(2)

2135,5

3,9

P(3)

2131,6

4,1

P(4)

2127,5

3,8

P(5)

2123,7

4,0

P(6)

2119,7

4,0

P(7)

2115,7

4,1

P(8)

2111,6

4,2

P(9)

2107,4

4,1

P(10)

2103,3

-

Note. Ces valeurs numériques sont obtenues par l’expérience. Elles sont sujettes aux incertitudes habituelles que l’on associe aux erreurs expérimentales.

Réponse. (a) Le nombre d’ondes de la transition vibrationnelle pure est approximativement à mi-chemin entre les lignes R(0) et P(1). Comme R(0) vaut 2147,0 cm–1, et P(1) vaut 2139,4 cm–1, la moyenne w0 vaut (2147,0 + 2139,4)/2 = 2143,2 cm–1. Le nombre d’ondes w0 et la constante de force k sont reliés par la relation (2.24), c’est-à-dire : ω0 =

1 2πc

k  cm–1 µ

(2.34)

Ici, nous avons remplacé la masse effective mi définie pour le ième mode de vibration d’une molécule polyatomique, par la masse réduite µ, qui dans le cas de CO s’écrit : µCO =

mC mO mC + mO

37

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Le nombre d’ondes de vibration pure wo correspond à la différence d’énergie entre le niveau où ν  = 0, J’ = 0 et celui où ν  = 1, J’ = 0. Si notre molécule était un oscillateur harmonique, cette quantité donnerait directement la fréquence de vibration classique de l’oscillateur harmonique. Il faut garder à l’esprit que w0 n’est pas tout à fait égal à we tiré de l’équation (2.25). Dans le présent contexte, on considérera que ces deux valeurs sont approximativement égales. Un nombre d’ondes de 2 143 cm–1 correspond à une fréquence de vibration classique de 6,42 × 1013 Hz, donc de 64 trillons de vibrations par seconde.

La masse réduite de CO a été calculée dans l’exemple résolu 2.1, et vaut 1,139 × 10–26 kg. Si on l’introduit dans (2.34), on en tire la constante de force k : k = µCO(2pcw0)2 = 1855,2 N m–1. (b) Si on utilise les valeurs ∆ des 18 paires de lignes adjacentes tirées du tableau 2.2, autant dans la branche P que dans la R, on en déduit que la séparation moyenne est de 3,83 cm–1. L’exemple 2.5 a montré que cette séparation moyenne vaut 2B. Donc la constante rotationnelle vaut : B = 1,915 cm–1. (c) En suivant la même démarche que dans l’exemple 2.1, on trouve que la longueur de la liaison de CO vaut : rCO =

6, 626 × 10−34 J s

8π2 × 1, 915 cm−1 × 1139 , × 10−26 kg × 2, 997 × 1010 cm

s −1

= 1133 , × 10 −10 m = 1133 , Å Nous constatons que cette valeur est très légèrement supérieure à celle trouvée à partir du spectre rotationnel pur, qui était 1,132 Å. Ceci s’explique si on se rappelle que la longueur de la liaison dans un état excité est légèrement plus grande que celle dans le niveau du point zéro. Pour conclure, on peut se demander si un spectre infrarouge de vibration-rotation offre plus d’informations que le spectre rotationnel pur. En fait, l’examen comparatif des branches P et R montre que les séparations ∆ sont plus grandes dans la branche P. Donc le spectre publié en figure 2.33 n’est pas aussi symétrique qu’il n’y paraît. Cela vient du fait que les deux constantes rotationnelles B0 et B1 associées à chacun des deux niveaux vibrationnels ne sont pas identiques, comme on l’a admis pour établir les équations (2.29) et (2.30). Pour bien faire, il faudrait calculer les valeurs de Bo et B1 séparément, et les combiner pour trouver la constante rotationnelle hypothétique Be correspondant au minimum de la courbe du puits de potentiel. Donc à la longueur de liaison re.

Variation sur le thème des différences entre re, r0 et r1 Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas vraiment considéré à quel point la longueur d’une liaison dépend de la technique expérimentale utilisée. Par exemple, le spectre rotationnel pur nous donne une valeur rO qui est la longueur de liaison moyenne de CO au niveau du point zéro. Le spectre de vibration-rotation nous donne une longueur de liaison qui est la moyenne de deux états vibrationnels de CO, en supposant que ces deux états vibrationnels ont même constante rotationnelle. Et nous avons aussi défini la longueur de la liaison à l’équilibre re, sans tenir compte du fait que c’est un concept hypothétique au niveau quantique. Pour obtenir cette valeur re, il faut prendre une constante rotationnelle qui varie avec le niveau vibrationnel. Et chaque état vibrationnel a sa propre longueur de liaison r1, r2, r3, etc. que l’on tire de la constante rotationnelle associée à chaque niveau vibrationnel. La valeur exacte de re se trouvera par extrapolation à partir de ces valeurs.

38

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

Nous allons illustrer cette approche en n’utilisant que les deux premiers niveaux vibrationnels, pour lesquels nous obtiendrons deux constantes rotationnelles B0 et B1. La méthode que nous allons utiliser pour trouver B0 et B1 est dite méthode des différences de combinaison. Elle est basée sur le fait que deux transitions différentes entre le même état élevé ont des nombres d’ondes qui diffèrent, mais leur différence n’est due qu’aux propriétés des états inférieurs. De même, les transitions entre le même état inférieur et divers états excités ont des nombres d’ondes qui ne dépendent que des propriétés de l’état excité. Par exemple, on peut se référer à la figure 2.32 et noter que les transitions R(0) et P(2) ont en commun l’état de J’ = 1, tandis que les transitions R(2) et P(2) ont en commun l’état J″ = 2. En général, les transitions qui ont en commun le même état supérieur J ont des nombres d’ondes qui ne dépendent que de la constante rotationnelle B″ de l’état le plus bas, selon : 1   ∆F″(J) = ν(R(J – 1)) – ν(P(J + 1)) = 4 B″(J + ) (2.35) 2 où dans cet exemple, B″ = B0. De la même manière, les différences entre les transitions ayant le même niveau de J inférieur, ne dépendent que de la constante rotationnelle B’ de l’état supérieur, selon : 1   ∆F″(J) = ν(R(J)) – ν(P(J + 1)) = 4 B’(J + ) (2.36) 2 où B’ = B1.

Exemple résolu 2.7 Question. Utiliser les équations (2.35) et (2.36) pour trouver B0 et B1 de la molécule CO, et donc déterminer les longueurs de liaisons r0 et r1 dans chacun des deux états vibrationnels. Réponse. Si on reporte ∆F″(J) en fonction de (J + ½), on devrait obtenir une droite dont la pente vaut 4 B0. Les transitions avec le même niveau supérieur sont R(0) et P(2), R(1) et P(3), R(2) et P(4), etc. Leurs différences figurent dans le tableau 2.3. Les valeurs de ∆F″(J) en fonction de (J + ½) forment une droite : 80

ΔF″ (J)

70

Tableau 2.3 J′

ΔF “(J)/cm−1

1

R(0)−P(2) = 11,5

2

R(1)−P(3) = 19,2

60

3

R(2)−P(4) = 27,1

50

4

R(3)−P(5) = 34,6

40

5

R(4)−P(6) = 42,3

30

6

R(5)−P(7) = 49,9

20

7

R(6)−P(8) = 57,6

10

8

R(7)−P(9) = 65,4

9

R(8)−P(10) = 73,0

0 0

2

4

6

8

10

J+½

39

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Tableau 2.4 J″

ΔF’(J)

1

R(1)−P(1) = 11,4

2

R(2)−P(2) = 19,1

3

R(3)−P(3) = 26,7

4

R(4)−P(4) = 34,5

5

R(5)−P(5) = 41,9

6

R(6)−P(6) = 49,5

7

R(7)−P(7) = 57,1

8

R(8)−P(8) = 64,7

9

R(9)−P(9) = 72,4

La pente vaut 7,655 cm–1 = 4B0. On en tire que B0 = 1,914 cm–1, et que r0 = 1,133 Å, ce qui est en excellent accord avec la valeur de 1,132 Å obtenue dans l’exemple résolu 3.1 qui traitait du spectre rotationnel pur. Les transitions avec le même niveau inférieur sont R(1) et P(1), R(2) et P(2), R(3) et P(3), etc. Leurs différences sont reportées dans le tableau 2.4. Si on reporte ∆F″(J) en fonction de (J + ½) pour cette série de transitions fournit une constante de rotation B1 = 1,896 cm–1, donc une valeur r1 = 1,139 Å. L’exemple résolu 2.7 montre clairement que la constante rotationnelle de CO dépend du niveau vibrationnel. Lorsque le niveau vibrationnel augmente, la liaison s’allonge un peu, ce qui augmente le moment d’inertie et diminue la constante rotationnelle. La dépendance vibrationnelle de B est donnée par : 1 Bν = Be – ae(ν + ) (2.37) 2

Dans les expériences de diffraction (électron, X ou neutron), les longueurs de liaison mesurées sont des valeurs moyennes obtenues sur les différents états d’excitation vibrationnelle. Donc ces longueurs de liaison diffèrent des valeurs obtenues par spectroscopie. On peut cependant corriger ces valeurs expérimentales issues de la diffraction en utilisant un modèle de potentiel anharmonique, et en tirer des valeurs de longueurs de liaison à l’équilibre.

40

où Be est la constante rotationnelle à la longueur de liaison correspondant à l’équilibre hypothétique, et où ae est la constante d’interaction entre la vibration et la rotation. Si on reporte Bν en fonction de ν + ½ en utilisant les deux données précédentes, on obtient une pente de ae de 0,018 cm–1 et une ordonnée à l’origine de Be = 1,923 cm1, d’où on tire finalement que la longueur de liaison à l’équilibre re de CO vaut 1,131 Å. Cet exercice fournit matière à discussion dans deux directions. D’un côté, nous nous sommes donné beaucoup de peine pour calculer la longueur d’une liaison à partir de trois approches différentes, pour nous apercevoir que les résultats de calcul ne diffèrent pas beaucoup de la valeur obtenue à partir de la spectroscopie rotationnelle pure, qu’on a calculé dans l’exemple résolu 2.1. En fait, tout dépend du niveau de précision qu’on désire obtenir. La deuxième considération nous amène à nous demander ce que signifie exactement la notion de longueur de liaison. Nous avons toujours parlé de longueur de liaison à l’équilibre. Mais cette expression n’a pas de sens en mécanique quantique, puisque la molécule ne peut jamais se trouver au bas de la courbe de potentiel. Donc, il vaudrait mieux considérer que la longueur de liaison est définie par r0. Le fait que r0 > re ne provient pas du fait que la molécule a une énergie vibrationnelle non nulle au zéro absolu, mais elle provient du fait que le potentiel est anharmonique, et qu’il tend à s’étendre plus qu’il ne tend à se compresser. Cette tendance est encore renforcée si la molécule est excitée vibrationnellement, puisque nous avons trouvé que r1 > r0, dans le cas de la molécule CO.

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

2.14. Vibrations de groupe, caractérisation chimique et analyse Les spectres infrarouges deviennent très vite compliqués quand on passe des molécules diatomiques aux triatomiques puis aux polyatomiques, puisque le nombre de vibrations augmente très vite avec le nombre d’atomes liés. Il y a 3N-6 modes de vibration pour une molécule non linéaire, et 3N-5 pour une molécule linéaire. Une molécule aussi simple que le fluorobenzène possède 30 modes de vibration, dont 27 sont actifs dans l’infrarouge, et il faut compter avec les harmoniques ainsi que les combinaisons possibles, de fréquences comme n2 + n3 ou n2 – n3. Il devient donc de plus en plus difficile de définir une coordonnée interne pour chaque vibration, surtout si la molécule possède une symétrie relativement basse. En conséquence, le spectre infrarouge devient difficile à interpréter, quand le nombre d’atomes croît. Une analyse complète du spectre infrarouge n’est possible que pour quelques molécules simples et à haut degré de symétrie. Néanmoins il est souvent possible d’obtenir des informations utiles sur la structure des molécules complexes à cause de quelques caractéristiques qu’on associe à des particularités de structure. Les spectres vibrationnels contiennent fréquemment des bandes qu’on peut associer à un groupe fonctionnel particulier, même s’ils contiennent de nombreuses bandes qu’on ne sait pas expliquer. En général, un mode de vibration implique le déplacement de tous les atomes de la molécule. Mais il arrive que certaines vibrations se localisent sur peu d’atomes. Ces modes de vibration sont appelés vibrations de groupe, et ils se produisent dans deux situations typiques : • quand la constante de force entre deux atomes d’une chaîne est très différente de celles liant entre eux les autres atomes de la chaîne ; • quand il existe une grande différence de masse entre les atomes d’un groupe situé en bout de chaîne. Nombre d’ondes/cm –1 2200

C

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

600

C

C

C C

C

Figure 2.34 Le spectre infrarouge du 2-méthyl-1-butène-3-yne présente des bandes à 1250, 1620 et 2120 cm–1 qu’on peut attribuer à une élongation de la liaison C–C dans les alcanes, alcènes et alcynes. La constante de force de ces liaisons est si forte que l’excitation d’une vibration d’une de ces liaisons est largement découplée du reste de la molécule, et les liaisons vibrent indépendamment les unes des autres.

41

Les fondements de la détermination des structures moléculaires CH3

CH2 HC

42

Un bon exemple de ce premier cas est fourni par la molécule de 2-méthyl-1-butène-3-yne, où une liaison simple C–C est située entre un alcène C=C et un alcyne C≡C. Les constantes de force pour les trois groupes sont assez différentes les unes des autres pour qu’on puisse exciter chacune d’entre ces vibrations indépendamment des autres. Et les bandes d’absorption de chaque vibration apparaissent bien séparées et à des endroits bien différents les unes des autres. Voir la figure 2.34. Il existe des cas particuliers. C’est celui des groupes terminaux où les noyaux ont des masses très différentes, comme dans les groupes –OH ou –CH3. Voir la figure 2.36. Ici, l’atome H est si léger par rapport à O et C que H est pratiquement seul à se déplacer dans la vibration d’élongation de O–H ou C–H. On peut comparer leurs mouvements respectifs à celui d’un mur attaché à une balle qui rebondit contre elle. Comme la fréquence de vibration (ou son nombre d’ondes) est proportionnelle à la racine carrée de la masse effective de la vibration, et que la masse effective (ou masse réduite) de la vibration est presque égale à celle de l’atome H, les modes de vibration d’élongation de C–H et O–H doivent s’observer à des valeurs élevées, supérieures à 2000 cm–1. Et en effet, l’élongation O–H s’observe entre 3590 et 3650 cm–1, tandis que celle de C–H apparaît entre 2950 et 3300 cm–1, selon le reste de la molécule. On peut faire un raisonnement similaire avec les intensités des bandes mesurées, qui dépendent de la valeur du dipôle qui se produit dans la vibration. Par exemple, le mode d’élongation de la triple liaison CC dans le 2-méthyl-1-butène-3-yne est de très faible intensité dans la figure 2.34, parce que le moment dipolaire correspondant est faible, tandis que l’élongation des liaisons polaires CH et C=O donnent une absorption très forte. La région dite des groupes fonctionnels va de 1500 à 3700 cm–1. Les absorptions aux nombres d’ondes les plus bas sont souvent associées à des couplages entre élongations et déformations de chaînes latérales et d’anneaux. Leur aspect est propre à la molécule tout entière. C’est pourquoi cette région est souvent appelée zone des empreintes digitales. La constance et la stabilité en position et en intensité des bandes associées à certains groupes fonctionnels particuliers permettent à la spectroscopie vibrationnelle de caractériser certaines molécules. Si la substance est liquide, on en place une goutte entre deux disques de KBr qui est transparent aux rayons infrarouges. Sinon, on la dissout dans un solvant comme CCl4 ou CHCl3, et on soustrait du spectre mesuré celui du solvant pur. Cette opération peut se faire dans un spectromètre à double faisceau, dont l’un ne traverse que le solvant et l’autre la solution. Si l’échantillon est un solide insoluble, on le broie avec de la paraffine, pour faire une pâte qu’on presse entre deux disques de KBr. L’avantage avec un échantillon liquide est que les rotations sont empêchées, donc que la structure fine rotationnelle n’existe pas et ne se superpose pas au spectre vibrationnel, qui est déjà assez complexe, à cause des modes fondamentaux, des harmoniques et de leurs combinaisons et différences.

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

5000

3000

2000

Nombre d’ondes/cm–1 1500 1000

700

Région des empreintes digitales O H N H C H

C≡C C≡N

élongations

C=C C=O C=N N=O élongations déformation N–H

C–C C–O C–N élongations

C–H (déformation aromatique et des alcènes)

déformation CH

Figure 2.35 Quelques absorptions typiques observées dans différentes parties du spectre infrarouge des molécules organiques.

L’analyse du spectre infrarouge d’un composé inconnu se base sur les absorptions typiques que l’on rencontre dans les différentes parties du spectre. La figure 2.35 donne la position de quelques vibrations typiques de molécules organiques. Comme vu plus haut, la valeur en nombre d’ondes d’une vibration croît avec la constante de force de la liaison correspondante et décroît avec la masse effective (qui est la masse réduite pour une molécule diatomique). Par exemple, la diminution du nombre d’ondes, donc de l’énergie dans l’élongation le long de la série liaison triple > liaison double > liaison simple est directement reliée à l’enthalpie de liaison, et donc à la constante de force. De même, les élongations de C–H. N–H et O–H sont associées à des nombres d’ondes élevés, puisque la masse réduite est petite. Par contre les extensions des liaisons C-Br absorberont à des nombres d’ondes assez bas, puisque la masse réduite est grande. Et on observe aussi que les modes de déformations apparaissent à des nombres d’ondes plus bas que les élongations correspondantes. Un des avantages de la spectroscopie infrarouge est que la position d’une bande infrarouge associée à une vibration particulière dépend légèrement de l’environnement de cette liaison dans la molécule. Il y a ici une sorte d’analogie avec la notion de déplacement chimique que l’on observe dans le spectre RMN (voir le chapitre 4). C’est la sensibilité à l’environnement chimique qui donne toute sa valeur à la méthode. Les effets de cet environnement sur les bandes du tableau 2.5 vont maintenant être étudiés en détail. (i) Liaisons C–H. Les modes d’élongation CH dans les groupes méthyle (CH3) et méthylène (CH2) absorbent tous deux dans la région 2850-2950 cm–1. Il y a trois modes d’élongation dans CH3 et deux dans CH2. Ces modes de vibration peuvent être distincts ou au contraire si proches que leurs bandes se chevauchent partiellement, ce qui leur donne un aspect asymétrique. Les déformations de la liaison C–H se produisent aux environs de 1450 cm–1. Dans le cas de la molécule de propanone, décrite en figure 2.36, on observe les élongations des C–H juste en dessous de 3000 cm–1, et les déformations le sont aux environs de 1400 cm–1.

43

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Tableau 2.5 Absorptions caractéristiques dans l’infrarouge pour quelques molécules* organiques. Molécule ou groupe

Type de vibration

Nombre d’ondes/cm–1

Groupe alcyle (CH3, CH2, CH)

élongation C–H déformation C–H

2850–2960 1370–1460

Alcanal (-CHO)

élongation C–H

2700–2900

Alcyne (C≡CH)

élongation C–H

3270–3300

Alcène (C=CH2)

élongation C–H déformation C–H

3075–3095 890–990+

Arène

élongation C–H déformation C–H : dans le plan déformation C–H : hors du plan

3010–3040 1000–1300 650–900+

Alcanol (-OH)

élongation O–H élongation C–O

3590–3650∆ 1050–1200

Amine et amide (NH2)

élongation N–H

3300–3500∆

Cétone aliphatique (R2CO)

élongation C=O

1700–1740

Aldéhyde aliphatique (RCHO)

élongation C=O

1720–1740

Cétone aromatique (Ar2CO)

élongation C=O

1680–1700

Acide alcanoïque (RCO2H)

élongation C=O

1700–1725

Chlorure d’alcanoyle (RCOCl)

élongation C=O

1790–1815

Ester alcanoate (RCO2R’)

élongation C=O élongation C–O

1730–1750 1050–1300

Ether ou alcoxy (R2O)

élongation C–O

1070–1150

Transparence/%

* Certaines de ces bandes peuvent être décomposées en plusieurs composantes. + Variations selon la nature du substituant. ∆ Ces valeurs peuvent être fortement modifiées par les liaisons hydrogène.

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

élongation C–H

3000

élongation C=O

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.36  Spectre infrarouge de la propanone (CH3)2CO en film liquide.



44

Les élongations C–H des alcanals peuvent apparaître aussi bien à 2700 cm–1 qu’à 2900 cm–1. L’élongation C–H des alcynes (3300 cm–1), des alcènes (3075 – 3095 cm–1) et arènes (3010 à 3040 cm–1) apparaissent toujours à un nombre d’ondes plus élevé que les élongations C–H des groupes alcyle, et alcanal, ce qui est dû à leur structure plus rigide, contre laquelle les atomes H viennent vibrer. Les déformations hors du plan des atomes d’hydrogène des arènes et des alcènes se produisent entre 650 et 900, puis 890 et 900 cm–1 respectivement.

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

La figure 2.37 montre le spectre infrarouge du benzène. L’élongation C–H se produit à 3000 cm–1, et la déformation de C–H hors du plan à 680 cm–1. La déformation C–C dans le plan se produit à 1040 cm–1. Et l’élongation C–C se reconnaît à 1480 cm–1. Si le benzène était substitué, ces valeurs seraient quelque peu modifiées. (ii) Liaisons O–H, C–O. Les groupes hydroxyle OH donnent une forte bande d’élongation entre 3590 et 3650 cm–1. Si le groupe OH est lié par un pont hydrogène, le signal subit d’habitude un élargissement, et un glissement vers les bas nombres d’ondes. On peut citer en exemple le cas de l’éthanol, dont le spectre infrarouge est présenté en figure 2.38. On voit que les élongations de C–H et O–H apparaissent à 2900 et 3300 cm–1 respectivement, que la déformation aliphatique C–H est vers 1400 cm–1, et l’élongation C–O vers 1050 cm–1. La position et la forme de la bande d’élongation O–H sont dues aux liaisons hydrogène. Les alcools, esters et éthers montrent d’habitude une forte absorption due à la liaison simple C–O dans la région de 1300 à 1050 cm–1. (iii) Liaisons N–H. Les liaisons N–H, comme les liaisons O–H, une bande d’absorption située à des nombres d’ondes élevés (3500 - 3300 cm–1), et les liaisons hydrogène causent le même élargissement et le même glissement vers des valeurs inférieures. (iv) Liaisons C=O. Les composés ayant un groupe carbonyle C=O présentent une absorption forte et caractéristique entre 1600 et 1800 cm–1. Les cétones et aldéhydes simples absorbent à 1725 cm–1. Voir la figure 2.36. Cette position tend à être augmentée pour les esters, chlorures et anhydrides, tandis qu’elle est diminuée pour les amides, et dans le cas où le groupe C=O est adjacent à un alcène (C=C–C=O) ou à un groupe phényl, ou s’il est impliqué dans une liaison hydrogène (voir les chapitres 3 et 4).

Transmittance /%



100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

600

Nombre d’ondes/cm–1

Transmittance/%

Figure 2.37  Spectre infrarouge du benzène C6H6 (film liquide). 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3500

3000

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

Nombre d’ondes/cm –1

Figure 2.38  Spectre infrarouge de l’éthanol CH3CH2OH (film liquide).

45

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

2.15. Exemples de spectres infrarouges de molécules organiques Les exemples suivants illustrent comment les spectres infrarouges varient avec la structure moléculaire.

Hexane, CH3(CH2)4CH3

Transmittance/%

Le spectre infrarouge de l’hexane est indiqué en figure 2.39. Il montre l’élongation caractéristique du C–H aliphatique juste sous 3000 cm–1. Comparer avec le spectre infrarouge des gaz d’échappement de la figure 2.30. Les modes de déformation apparaissent aux alentours de 1500 cm–1. Et il n’y a aucune autre bande dans le spectre. Les faibles signaux apparus tout à droite sont probablement des vibrations du squelette carboné. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.39  Spectre infrarouge de l’hexane, CH3(CH2)4CH3 (film liquide).

Pent-1-ène, CH3(CH2)4CH=CH2

Transmittance/%

Le spectre du pent-1-ène (figure 2.40) montre des similitudes avec celui de l’hexane avec les modes d’élongation C–H à presque 3000 cm–1 ainsi que les déformations C–H à environ 1400 cm–1. La bande d’absorption

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000

1800

1600 1400 1200

1000

800

600

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.40  Spectre infrarouge du pent-1-ène, CH3(CH2)2CH=CH3 (film liquide).

46

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

à 3080 cm–1 est due à l’élongation C–H d’un carbone alcénique. La bande de 900 cm–1 est une déformation C–H hors du plan modifiée par la présence d’un groupe fonctionnel nouveau. La bande à 1640 cm–1 est due à l’élongation C=C. Si la double liaison C=C était en position non terminale, le spectre en dessous de 1000 cm–1 donnerait des signaux typiques de la configuration cis ou trans.

Méthylbenzène C6H5CH3

Transmittance/%

Le spectre du méthylbenzène (figure 2.41) montre, en plus d’une bande d’élongation C–H aromatique à 3050 cm–1 et d’une aliphatique à 2900 cm–1, la déformation C–H aliphatique à environ 1500 cm–1, et la déformation C–H aromatique hors du plan à 700 cm–1. L’aspect particulier du signal à 700 cm–1 est typique des dérivés monosubstitués du benzène. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

600

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.41  Spectre infrarouge du méthylbenzène C6H5CH3 (film liquide).

Acide éthanoïque (acide acétique) CH3COOH (film liquide fin)

Transmittance/%

Le spectre de la figure 2.42 montre les vibrations de déformation typiques de C–H à environ 1400 cm–1, et les vibrations du groupe carbonyl à 1720 cm–1. La très large bande d’absorption vers 3000 cm–1 est typique des groupes liés par des liaisons hydrogène. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.42  Spectre infrarouge de l’acide éthanoïque CH3COOH (film liquide).

47

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Éthanoate d’éthyle (acétate d’éthyle) CH3COOC2H5 Le spectre de la figure 2.43 montre clairement l’absorption caractéristique du groupe C=O à 1740 cm–1, ce qui est un peu plus haut que ce qu’on observe pour les cétones. L’absorption à 1240 cm–1 est due à l’élongation C–O qui est caractéristique des esters.

Transmittance/%

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.43 Spectre infrarouge de l’éthanoate d’éthyle CH3COOC2H5 (film liquide).

Diéthylamine (C2H5)2NH

Transmittance/%

La faible bande de 3300 cm–1 dans le spectre de la diéthylamine (figure 2.44) indique la présence du groupe NH, qui est élargi par la présence d’une liaison hydrogène. La forte absorption à 1140 cm–1 est une élongation de liaison C–N. 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000 1800 1600 1400 1200 Nombre d’ondes/cm –1

1000

800

600

Figure 2.44  Spectre infrarouge de la diéthylamine (C2H5)2NH (film liquide).

Amides et liaison peptidique La figure 2.45 montre le spectre infrarouge d’un film nylon-6.6, qui est un polymère formé par la copolymérisation de l’acide hexanedioïque et de l’hexane-1,6-diamine. On reconnaît l’élongation C–H à 2900 cm–1, celle de C=O des amides à 1600 cm–1, et celle de N–H à 3300 cm–1. Il faut noter que la liaison peptidique CO–NH est plane, et qu’il y a donc une déformation N–H hors du plan aux environs de 700 cm–1.

48

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle O

O

CCH2CH2CH2CH2CNCH2CH2CH2CH2CH2CH2N

Transmittance/%

H

H

n

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 3500

3000

2500

2000

1800

1600

1400

1200

1000

800

Nombre d’ondes/cm–1

Figure 2.45  Spectre infrarouge du nylon-6,6.

2.16. Modes des groupes carbonyle dans les complexes métalliques inorganiques L’application de la spectroscopie infrarouge en chimie organique pour établir une structure moléculaire repose avant tout sur la présence de bandes d’absorption typiques d’un groupe fonctionnel particulier. Comme ces molécules sont en général de basse symétrie, le degré de finesse du raisonnement qu’on fait pour établir une structure dépend beaucoup de connaissances préalables reliant l’environnement et la position d’une bande d’absorption dans le spectre. Dans un tel cas, les déductions qu’on fait proviennent essentiellement de comparaisons avec le spectre de molécules connues. Par contre, quand on s’occupe de molécules de haute symétrie, comme c’est le cas en chimie inorganique, où les ligands s’arrangent de manière symétrique autour d’un centre métallique, on peut exploiter les relations entre la symétrie et les règles de sélection vues en spectroscopie infrarouge et Raman, pour déduire la disposition dans l’espace des ligands quand il y a plusieurs possibilités. Dans l’étude des complexes métal-carbonyle, la bande d’absorption d’élongation de CO est d’une importance primordiale. Voir aussi l’exercice 2.14. La forte intensité de la bande d’élongation de CO et sa position isolée dans le spectre infrarouge par rapport aux autres bandes facilitent son emploi dans l’analyse structurelle. En effet, l’activité des modes d’élongation du carbonyle, et le nombre de bandes distinctes d’élongation CO dépendent avant tout de l’arrangement des ligands autour de l’atome. Par exemple, le complexe Mo(CO)4L2 (où L est un ligand qui ne brise pas la symétrie du reste de la molécule) contient quatre ligands CO, et deux L qui sont en position cis ou trans l’un

49

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

1950

2000

2050

Nombre d’ondes/cm –1

Figure 2.46 Le spectre infrarouge du cis-Mo(CO)4L2 (en haut) montre quatre bandes d’élongation de CO, tandis que celui du trans-Mo(CO)4L2 (en bas) n’en a qu’une.

par rapport à l’autre. Dans les deux cas, les quatre ligands CO possèdent quatre modes d’élongation de CO, mais leur activité, le degré de dégénérescence et l’aspect du spectre infrarouge dépendent de l’arrangement des ligands. L’isomère cis a la symétrie la plus basse, et présente quatre modes d’élongation actifs dans l’infrarouge avec quatre fréquences différentes. En conséquence, son spectre infrarouge montre quatre bandes fines dans la région de l’élongation CO. Voir la figure 2.46 (en haut). L’isomère trans ne montre qu’une seule bande fine, à cause de sa symétrie élevée. Voir la figure 2.46 (en bas). Dans ce cas, seuls deux des quatre modes d’élongation CO sont actifs infrarouges, et les deux autres, qui sont dégénérés, ne sont actifs qu’en spectroscopie Raman. Et, comme la molécule est le sujet du principe d’exclusion mutuelle discuté précédemment, ces deux modes n’apparaissent pas dans l’infrarouge.

2.17. Résumé Ce chapitre a montré comment la spectroscopie peut constituer un outil de haute résolution pour déterminer la structure des molécules simples à l’état gazeux, ou pour compléter les données par d’autres techniques comme le RMN ou la spectrométrie de masse. Nous avons vu comment calculer les longueurs de liaison avec une très haute précision, en se basant sur la structure des niveaux d’énergie rotationnelle

50

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

tirés des spectroscopies de rotation et de vibration/rotation, par le biais du calcul des moments d’inertie. Dans les phases condensées où les mouvements de rotation sont restreints, les spectroscopies infrarouge et Raman fournissent les nombres d’ondes vibrationnels associés aux différentes résonances naturelles d’une molécule, qu’on appelle aussi modes normaux de vibration. Dans le cas des grosses molécules, certains de ces modes peuvent être associés à des groupes fonctionnels. Les bandes qui apparaissent dans les spectres infrarouges ou Raman peuvent alors signaler la présence de ces groupes dans la molécule. La symétrie joue aussi un rôle important pour déterminer l’arrangement des noyaux dans la molécule. C’est particulièrement important en phase gazeuse pour les spectroscopies de rotation et de vibration/rotation, mais aussi, et quelle que soit la phase utilisée, dans la spectroscopie de vibration, où les molécules de haute symétrie présentent dans l’infrarouge une plus forte sélectivité dans l’activité des différents modes que dans le spectre Raman. Dans un tel cas, ces deux techniques s’avèrent complémentaires. Nous espérons que, à la fin de ce chapitre, le lecteur aura apprécié et compris les éléments clés suivants. • La relation entre l’espacement des niveaux d’énergie rotationnelle et vibrationnelle et les régions du spectre électromagnétique capables d’effectuer les transitions correspondantes. • Les différences entre les spectroscopies d’absorption et d’émission, ainsi que les techniques permettant d’effectuer ces changements d’états quantiques. • Comment obtenir une constante rotationnelle à partir d’un spectre rotationnel, et comment en tirer une longueur de liaison. • L’appréciation des différences séparant re, r0 et r1, et la manière de calculer ces trois paramètres. • Comment la spectroscopie rotationnelle peut fournir des informations sur les grandes molécules. • L’origine de la quantification de l’énergie vibrationnelle pour un oscillateur harmonique, ainsi que les règles de sélection. • L’effet de l’anharmonicité sur les niveaux d’énergie et les règles de sélection dans les spectroscopies infrarouge et Raman. • En quoi les spectroscopies infrarouge et Raman diffèrent ? • Les degrés de liberté vibrationnels d’une molécule polyatomique et les modes normaux de vibration. • L’importance de la symétrie dans les déterminations structurelles, ainsi que le principe d’exclusion mutuelle dans les molécules ayant un centre d’inversion. • Les vibrations de groupe et leur importance tant en chimie organique qu’en chimie inorganique.

51

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

2.18. Exercices Les solutions détaillées de ces exercices sont disponibles sur les ressources en ligne.

2.1. La constante rotationnelle B tirée du spectre rotationnel pur de H35Cl est de 10,4 cm–1. Calculer la longueur de liaison r de H35Cl, en utilisant les équations (2.2) et (2.5). 2.2. Utiliser l’équation (2.8) pour calculer la position en nombre d’ondes des quatre premières lignes du spectre rotationnel de H35Cl. Les exprimer ensuite en s–1, en GHz ou THz au choix. À quelle région du spectre électromagnétique appartiennent-elles ? 2.3. Dans l’exercice résolu 2.1, on a calculé que la longueur de liaison de CO était de 1,132 Å, en se basant sur la séparation des lignes adjacentes des 20 premières lignes du spectre rotationnel. Si on n’avait utilisé que les huit premières lignes de la figure 2.6, on aurait obtenu une valeur un peu plus courte, à savoir 1,131 Å. Suggérer une raison qui fait que le recours à un grand nombre de lignes produit une augmentation de la longueur de liaison. 2.4. Suggérer une origine au très faible signal qui apparaît entre 20 et 60 cm–1 dans la figure 2.6.

Transmittance en %

2.5. Le spectre de CO dans l’infrarouge lointain enregistré à très basse température présente l’allure suivante.

Les longueurs de liaison obtenues à partir de ces premières expériences de diffraction électronique ont été utilisées plus tard lors de la recherche de la transition rotationnelle J = 1 → 2 dans le spectre micro-onde de 16O12C34S. Cette ligne a finalement été localisée en 1947, et le spectre microonde correspondant a permis d’obtenir des longueurs de liaison très précises pour OCS. Voir P.C. Cross et L.O. Brockway, J. Chem. Phys. 3, 821, (1935), et T.W. Dakin, W.E. Good et D.K. Coles, Phys. Rev. 71, 640 (1947).

52

20

40 60 Nombre d’ondes en cm –1

80

Utiliser le spectre et l’équation (2.15) pour déduire la température du gaz. Note : La constante de Boltzmann vaut k  = 0,695 cm–1, et la constante rotationnelle vaut B = 1,917 cm–1. 2.6. Étant donné que les deux équations (2.17) et (2.18) contiennent deux termes chacune qui ne diffèrent que par un facteur mD/mH, résoudre les équations (2.17) et (2.18) pour montrer que, dans HCO+, r12 = rCH = 1,088 Å, et que r23 = rCO = 1,110 Å. Note : mD = 2,0141 u, et mH = 1,0078 u.

2. Spectroscopie rotationnelle et vibrationnelle

2.7. Les longueurs de liaison de la molécule linéaire OCS ont été déterminées en 1935 par diffraction électronique (voir le chapitre 6). On a trouvé : rCO = 1,16 Å, et rCS = 1,56 Å. Utiliser ces valeurs pour prédire la position approchée en MHz de la transition rotationnelle pour chacune des espèces 16O12C32S et 16O12C34S. Note. Voici une expression utile pour calculer les constantes rotationnelles B à partir des moments d’inertie I exprimés en unités de u·Å2 : 505379,006 B/MHz =  I / uÅ 2 2.8. Calculer le nombre de modes de vibration dans les molécules suivantes : ammoniaque  éthyne  phénol  tryptophane   C60. 2.9. Utiliser l’équation (2.21) pour calculer la fréquence d’élongation fondamentale de la liaison C–H, sachant que les atomes vibrent indépendamment des autres groupes fixés sur l’atome de carbone, et avec une constante de force de 480 Nm–1. On supposera que la masse effective me de ce mode est égale à la masse réduite µ d’une liaison indépendante C–H. 2.10. Utiliser l’équation (2.37) et les valeurs de Be et ae tirées de l’exercice résolu 2.7. pour calculer les constantes rotationnelles B10, B20 et B30 de CO. Puis en tirer le pourcentage d’augmentation de la longueur de la liaison dans chacun des 10, 20 et 30 premiers niveaux vibrationnels, comparé à celui de ν = 0. 2.11. Expliquer pourquoi le mode d’élongation symétrique C-D apparaît à 2280 cm–1 dans le benzène deutéré, alors qu’il n’apparaît qu’à 3050 cm–1 dans le benzène non deutéré. 2.12. Un film fin du polymère dit Plexiglas® présente de fortes absorptions à 2950, 1730, 1450 et 1200 cm–1. Utiliser le tableau 2.5 pour en déduire la structure de ce polymère.

Transparence/%

2.13. La figure suivante montre le spectre IR d’un composé dont on reparlera dans l’exercice 4.4 de la page 106 et dans l’exercice 5.3 de la page 134. Est-ce que les spectres R confirment les déductions faites dans ces deux exercices ? 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

3000

2500

2000

1800 1600 1400 1200 Nombre d’ondes/cm –1

1000

800

600

53

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

2.14. Le spectre IR du fer-carbonyle Fe2(CO)9 présente des bandes d’élongation de CO à 2020 et 1830 cm–1. Or le monoxyde de carbone libre absorbe à 2146 cm–1 et les composés carbonyle ont des élongations tabulées au tableau 2.5. Utiliser toutes ces données pour suggérer une structure probable pour ce complexe métallique.

2.19. Lectures supplémentaires L. M. Harwood et T. D. W. Claridge, (1997) Introduction to Organic Spectroscopy, Oxford Chemistry Primers, Oxford University Press, Oxford. D. H. Williams et I. Fleming, (1995) Spectroscopic Methods in Organic Chemistry, 5th Edition. McGraw Hill, London. J. Michael Hollas, (2004) Modern Spectroscopy, 4th Edition, Wiley, New York.

54

3

Spectroscopie d’absorption électronique (ultraviolet–visible)

3.1. Introduction Une molécule peut absorber des quantités bien définies d’énergie pour augmenter son énergie vibrationnelle et rotationnelle, mais elle peut aussi augmenter l’énergie de ses électrons. Mais dans ce cas, l’énergie absorbée est beaucoup plus grande que celle qui excite les vibrations et rotations (décrites dans le chapitre précédent) : elle correspond à des radiations situées dans l’ultraviolet (avec des longueurs d’onde l de 200 à 400 nm), et dans le visible (avec des longueurs d’onde l de 400 à 750 nm). Il peut être utile de se souvenir que pour une longueur d’onde l de 400 nm, la fréquence correspondante n est de 7,5 × 1014 Hz, et le quantum d’énergie h n est de 5 × 10–19 J. Ceci est l’énergie absorbée par une molécule si elle absorbe un photon de lumière violette. Si on considère une mole de ces molécules (dans laquelle le nombre de molécules est le nombre d’Avogadro N), l’énergie totale absorbée par ces N photons correspond à (5 × 10–19 J) × (6 × 1023), ce qui fait 300 kJ, et cette énergie est de l’ordre de grandeur des énergies et des enthalpies de liaison moléculaires habituelles. On comprend pourquoi l’absorption de la lumière solaire peut produire des réactions chimiques impliquant des ruptures de liaison. Ces procédés sont appelés réactions photochimiques. Le présent chapitre va traiter de la manière avec laquelle l’énergie des rayons de la région UV-visible est absorbée par les électrons des molécules possédant des doubles liaisons. Nous étudierons ensuite quelques exemples de molécules organiques, dont les spectres d’absorption sont typiques et peuvent être associés à des caractéristiques moléculaires comme l’aromaticité et la conjugaison. Nous étudierons ensuite comment déterminer lmax, comment le relier à la structure moléculaire, et comment calculer la quantité de radiation absorbée à une longueur d’onde donnée, en utilisant le coefficient d’extinction molaire ε, la concentration de l’échantillon et la structure moléculaire. On montrera ensuite l’effet de la conjugaison par des exemples, en référence avec les propriétés des indicateurs. D’autres exemples illustreront comment utiliser la spectroscopie UV-visible dans l’analyse structurelle et quantitative. Ce chapitre se terminera par l’étude de quelques systèmes inorganiques ou ceux qui revêtent une importance particulière en biologie et en médecine.

55

Changement d’énergie dans la région de l’ultraviolet et du visible

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

v=3 v=2 v=1 E1

Changement d’énergie dans la région de l’infrarouge E0

v=0

v=3 v=2 v=1 v=0

J 0,1,2, etc.

Figure 3.1  Représentation des niveaux d’énergie électronique, vibrationnelle et rotationnelle.

3.2. Changements d’énergie électronique E = Eelec + Evib + Erot (3.1)

56

L’énergie totale d’une molécule est la somme des contributions des énergies électronique, vibrationnelle et rotationnelle, données dans l’équation (3.1), où Evib et Erot ont des valeurs qui ont été discutées au chapitre 2. Voir aussi la figure 3.1. Dans un échantillon d’une substance stable à température ordinaire, toutes les molécules sont au niveau E0, qui est l’état électronique fondamental. Mais elles peuvent avoir des valeurs de n et J différentes de 0, comme on l’a vu au chapitre 2. Si on irradie une telle molécule avec une radiation assez énergique, elle peut être excitée sur un niveau électronique de plus haute énergie comme E1, qui a également des sousniveaux d’énergie vibrationnelle et rotationnelle. Dans ce cas, l’électron est envoyé sur une orbitale moléculaire de plus haute énergie, exactement comme c’est le cas pour les électrons atomiques, et en particulier ceux de la flamme du sodium (page 2, section 1.1). Ce type d’absorption explique pourquoi certaines substances sont colorées : elles absorbent une énergie pour la transition E0 → E1 qui est située dans la région visible. Les substances qui absorbent dans l’ultraviolet ne sont pas colorées, sauf si elles absorbent aussi dans le visible. Les phénomènes voisins dits de fluorescence et de phosphorescence sont associés à la réémission de la lumière absorbée quand la molécule revient de l’état E1 à E0, mais ils ne seront pas traités dans cet ouvrage.

3. Spectroscopie d’absorption électronique (ultraviolet–visible)

3.3. Spectroscopie d’absorption électronique des molécules organiques L’expérience L’approche de cette problématique ressemble à celle employée pour la spectroscopie infrarouge, et il existe une grande variété d’instruments dans le commerce à différents niveaux de sophistication. La source est une lampe fournissant des radiations dont la longueur d’onde varie en continu dans la région UV et visible, comme une ampoule électrique à filament de tungstène. Il faut en général deux lampes, une pour le visible et l’autre pour l’UV. Dans un spectromètre dispersif, on envoie un faisceau de lumière sur un prisme ou un réseau qui dévie et sépare les constituants de la lumière selon leurs longueurs d’onde. On sélectionne ensuite un rayon de longueur d’onde choisie et on l’envoie sur une cellule photoélectrique (photomultiplicateur) qui émet un signal électrique. On mesure alors la diminution du signal que produit l’introduction d’un échantillon coloré dans le faisceau incident. La majorité des investigations se font avec des échantillons liquides où le constituant à analyser est dissous dans un solvant. Pour corriger l’effet du solvant, les spectromètres modernes utilisent un système à double faisceau, dans lesquels on dispose de deux faisceaux identiques de lumière dont l’un traverse la solution et l’autre le solvant pur. La différence des deux signaux donne l’effet du soluté. Il est important que le solvant soit transparent au rayonnement utilisé. En général, on utilise le tétrachlorométhane, l’hexane, le cyclohexane ou l’éthanol comme solvant, et les solutions sont contenues dans ces cuvettes en verre de quartz conçues pour que le rayon lumineux traverse une épaisseur de 1 cm de liquide (ce qu’on appelle le trajet optique). La plupart des spectromètres enregistrent l’absorption en faisant varier automatiquement la longueur d’onde. Dans les spectromètres manuels, l’opérateur mesure l’absorption aux différentes valeurs de longueur d’onde qu’il choisit. Un colorimètre est encore plus simple, car il ne travaille qu’à une seule longueur d’onde, choisie à l’aide d’un filtre. Dans un spectromètre à arrangement de photodiodes, on travaille différemment. On ne sélectionne pas une longueur d’onde particulière. On irradie l’échantillon avec la lumière blanche (qui contient donc toutes les longueurs d’onde du domaine UV-visible). Puis le rayon ainsi atténué est envoyé sur un prisme ou un réseau, pour dévier et séparer les longueurs d’onde individuelles. On envoie le tout sur une grille de photodiodes dont chacune mesure simultanément l’intensité de la lumière d’une longueur d’onde particulière. Cette technique permet de mesurer très rapidement un spectre complet (donc une mesure de l’absorption en fonction de la longueur d’onde). Et ceci a des applications multiples dans les techniques de test biologique ou médical.

57

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Exemples de spectres Source lumineuse lo

Détecteur I

Cellule de l’échantillon lo A = log 10 — I

Les figures 3.2 à 3.4 présentent les spectres d’absorption électronique de trois molécules organiques : la propanone, le benzène et l’indicateur méthylorange, en faible concentration. Ces spectres reportent l’absorbance A sur Oy en fonction de la longueur d’onde l (en nm) sur Ox. L’absorbance (ou densité optique) est le logarithme du rapport de l’intensité initiale Io sur celle de la radiation transmise I. Il faut noter que certains chimistes reportent plutôt la transparence T (ou transmittance) qui est le rapport I / Io, à la place de l’absorbance. Un pic dans le spectre à une longueur d’onde donnée correspond à un maximum d’absorption d’énergie par les molécules de soluté à cette longueur d’onde. Il y a parfois plusieurs zones de forte absorption, comme on le voit dans les figures 3.2 et 3.3. À la présence d’un pic visible au milieu du spectre s’ajoute une zone de forte absorption dans la région inaccessible de σ → π∗ ≈ π → σ* > π → π* ≈ n → σ* > n → π* Dans l’UV-visible, on n’observe que les trois dernières transitions de cette série, car les précédentes demandent des énergies beaucoup plus élevées. Cela explique pourquoi seules les molécules ayant des électrons π ou n absorbent dans l’UV et le visible. Les alcanes par exemple n’absorbent pas dans cette région. L’éthanol non plus et peut donc servir de solvant en spectroscopie UV et visible. Nous allons maintenant étudier quelques molécules organiques contenant des chromophores et qui absorbent dans la région UV-visible. Le tableau 3.1 résume les valeurs mesurées de emax et de lmax.

61

Les fondements de la détermination des structures moléculaires σ* Orbitales anti-liantes vides

π*

σ* π*

σ*

n

n π

π

π*

π*

σ*

σ

σ

n

Orbitales non liantes remplies

π Orbitales liantes remplies σ

Figure 3.5  Niveaux d’énergies relatives approximatives pour des électrons situés dans différentes sortes d’orbitales moléculaires (non à l’échelle).

Par exemple, pour la propanone (voir la figure 3.2), le pic situé à l = 188 nm, pour lequel ε = 90 m2 mol–1, est responsable de l’absorption à l’extrémité gauche du spectre, et le pic à 279 nm (ε = 1,5 m2 mol–1) est aussi bien visible. Ils sont dus à des transitions impliquant la double liaison C=O de type π  →  π* et les électrons non partagés de l’atome d’oxygène (n → π*), respectivement. Les valeurs de l et ε varient un peu d’un solvant à l’autre. Les caractéristiques d’absorption ne dépendent pas sensiblement de l’existence de substituants alkyle attachés au groupe carbonyle. Ainsi les cétones et aldéhydes aliphatiques en solution dans l’hexane ont presque toutes les mêmes valeurs de l et ε. pour la transition n → π*. Exemples : butanone (279 nm, 1,6 m2 mol–1), cyclohexanone (285 nm, 1,4 m2 mol–1), éthanal (293 nm, 1,2 m2 mol–1), propanal (290 nm, 1,8 m2 mol–1). Par contre si les groupes carbonyle font partie d’une autre fonction, ester par exemple, les absorptions diffèrent. Voir le tableau 3.1. Quand une double liaison carbone-carbone est présente, on observe une absorption π → π*. Le tableau 3.1 donne les valeurs relatives au pent-1-ène. Voir aussi le diagramme en page 61. On relèvera les valeurs très élevées de ε, ce qui se produit souvent quand la transition se produit entre états ayant une similitude, comme π et π*. On dit alors que la transition est permise, ce qui n’est pas le cas de la transition n → π*. Quand deux chromophores sont adjacents (ou conjugués) dans une molécule, on observe que le pic d’absorption se déplace vers les l élevés, et le coefficient e augmente.

62

3. Spectroscopie d’absorption électronique (ultraviolet–visible) Tableau 3.1  Caractéristiques des absorptions des composés organiques dans l’UV-visible. a) Molécules avec un seul chromophore

Solvant

lmax (nm)

Type de transition

emax (m2 mol–1)

Propanone

(CH3)2CO

hexane

188 279

n→π* p→π*

90,0 1,5

Éthanoate d’éthyle (acétate d’éthyle)

CH3COOCH2CH3

eau

204

n→π*

6,0

Pent-1-ène

CH3CH2CH2CH=CH2

hexane

190

p→π*

1000

Nitrométhane

CH3NO2

hexane

278

n→π*

1,7

Buta-1,3-diène

CH2=CH–CH=CH2

hexane

217

p→π*

2100

Buténone

CH2=CH–CO–CH3

éthanol

219 324

n→π* p→π*

360 2,4

Benzène

C6H6

hexane

184 203 255

tous p→π*

6000 740 20

Acétophénone

C6H5COCH3

éthanol

199 246 279 320

tous p→π*

2000 1260 100 4,5

Nitrobenzène

C6H5NO2

hexane

252 280 330

tous p→π*

1000 100 12,5

b) Molécules conjuguées

Ceci se produit dans les molécules ayant deux doubles liaisons conjuguées, comme dans le buta-1,3-diène. Voir le tableau 3.1 et le diagramme de la page suivante, qui montre la diminution de la séparation entre les orbitales π et π*. Le même effet se produit pour la conjugaison entre les groupes C=C et C=O, comme le montre le cas de la buténone du tableau 3.1, par rapport à la propanone. L’effet est particulièrement marqué pour le benzène et les autres composés aromatiques, qui ont des systèmes cycliques π plus étendus. Ils ont aussi plusieurs transitions π → π* possibles, et donc plusieurs orbitales π et π*. Quand un cycle benzénique et un autre chromophore sont conjugués, alors l’absorption est déplacée vers les grandes longueurs d’onde, comme on le voit dans la figure 3.6 donnant le spectre de l’acétophénone, dont on a déjà parlé dans l’exemple résolu 3.2, il y a même une très faible absorption à une longueur d’onde encore plus grande. Voir le tableau 3.1. Il faut aussi noter que la substitution de groupes alkyle sur un noyau aromatique produit une légère augmentation de lmax.

63

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

π∗

π∗ π - π∗

E

π

π

Orbitales p et p* dans le buta-1,3-diène, montrant la première transition p→p*.

L’augmentation de l’absorption pour les molécules conjuguées (donc quand les chromophores sont conjugués) peut produire une absorption dans le visible, s’il y a beaucoup de ces chromophores conjugués. Ceci se produit, par exemple, dans les composés aromatiques contenant des cycles fusionnés, ou dans certaines 1,2-dicétones (qui sont jaunes), et pour de plus grandes molécules ayant des électrons π délocalisés, qu’on utilise comme indicateurs. Et dans ce cas, la conjugaison, donc la couleur dépend de l’ionisation de certains groupes de la molécule. Enfin cela se produit aussi dans les molécules contenant des chaînes de doubles liaisons.

1.8 1.6

Absorbance

1.4 1.2 1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

225

300 250 275 Longueurs d’onde/nm

325

Figure 3.6 Spectre d’absorption électronique de l’acétophénone C6H5COCH3 (en solution dans l’hexane).

64

3. Spectroscopie d’absorption électronique (ultraviolet–visible)

Par exemple, le β-carotène, présent dans les carottes, est de couleur orange, avec lmax = 450 nm et ε = 15 000 m2 mol–1. Quand le coefficient ε est très élevé, comme c’est le cas ici, le spectre ne peut être déterminé que dans des solutions extrêmement diluées. Et la technique devient une méthode très sensible pour détecter ces substances. Par exemple, une solution ne contenant que 0,01 mg de β-carotène est encore détectable. Me Me Me

Me

Me

Me Me

Me

Me

Me

3.5. Quelques applications de la spectroscopie d’absorption UV et visible Analyse de structure La spectroscopie d’absorption électronique permet de reconnaître la présence de chromophores ou de groupes de chromophores dans les molécules organiques, grâce aux mesures de lmax et de emax des pics observés. Cette information permet de déterminer le type de la molécule étudiée, et peut aider à la détermination de la structure moléculaire exacte. Cette branche de la spectroscopie a été particulièrement utile dans l’analyse des stéroïdes, qui sont des molécules importantes en biologie. C’est par exemple le cas de la testostérone, dont la structure est reportée en marge. L’absorption à 241 nm, avec ε = 1600 m2 mol–1 est caractéristique de doubles liaisons C=C et C=O adjacentes, dans ce type de structures. La spectroscopie UV permet donc d’assurer certaines caractéristiques moléculaires. On verra dans la section 4.7 que le spectre RMN du 13C fournit davantage d’informations sur la structure d’une molécule voisine, l’acétate de cholestérol.

OH CH3 CH3

O

Analyse quantitative (spectrophotométrie) La loi de Beer-Lambert permet de déterminer la concentration d’une substance dont on connaît ε, même si cette concentration est très petite. On peut ainsi suivre la variation de la concentration dans le temps, si la substance subit une réaction chimique. Voici quelques applications. (i) Investigations cinétiques. La plupart des spectromètres actuels enregistrent l’absorbance en fonction de l, mais peuvent aussi reporter l’absorption à une longueur d’onde donnée en fonction du temps.

65

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Ceci permet de suivre la disparition progressive d’un réactif ou l’apparition d’un produit final en solution. Donc le spectromètre fournit à la fois des informations vitales sur la nature du ou des produits d’une réaction, mais il permet aussi d’étudier la cinétique d’une réaction, donc le mécanisme de la réaction concernée. O

O

C

C

CH2

H3C

O H 3C

C

H

C H

céto CH3

O C

énol CH3

(ii) Tautomérie céto-énol. Autant le spectre UV (figure 3.7) de l’acétylacétone ou pentane-2,4-dione CH3COCH2COCH3 que son spectre RMN (qui sera discuté plus tard en section 4.5) montrent que cette molécule n’existe pas simplement comme la formule le suggère, avec deux groupes cétoniques indépendants et non conjugués. La molécule existe sous deux formes différentes en équilibre l’une et l’autre : ce sont les formes des tautomères céto et énol. Ce phénomène est dit tautomérie. La figure 3.7 montre l’absorption des solutions d’acétylacétone à 10–4 mol dm–3 dans l’hexane, l’éthanol et l’eau. L’importance de l’absorption suggère que la transition n’est pas simplement due à une structure carbonyle. En effet, la transition n → π* de la propanone (vue en figure 3.2) demande une concentration bien plus élevée pour avoir la même absorbance. Il semble plus probable que la transition soit de type π → π* associée à une structure conjuguée. De plus la variation de l’absorbance en fonction du solvant ne se produit pas pour une simple cétone. On explique ces particularités en considérant que l’absorption à l = 270 nm est due à la forme énol de la molécule. Voir les absorptions des composés de type C=C–C=O en tableau 3.1. D’autre part, la spectroscopie RMN (section 4.5) montre que, à l’équilibre et en solution 0,1 mM dans l’éthanol, l’acétylacétone est à 73 % sous forme énol et 27 % sous forme céto. Dans l’eau, il y a une beaucoup plus petite proportion de molécule sous forme énol. Dans l’hexane par contre, c’est l’inverse, la proportion en énol est plus élevée, car l’hexane favorise la formation d’une liaison hydrogène intramoléculaire (signalée par un trait pointillé), qui stabilise la forme énol. Dans l’eau et l’éthanol, le solvant forme des liaisons hydrogène intermoléculaire entre le carbonyle et l’eau, ce qui stabilise la forme céto. 1.4 1.2

Absorbance

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0

225

250 275 300 Longueur d’ondes/nm

325

Figure 3.7 Spectres d’absorption de solution 10–4 mol dm–3 de pentane-2,4dione, CH3COCH2COCH3, dans l’hexane (-), l’éthanol (···) et l’eau (---). La cellule a un trajet optique de 1 cm. Voir aussi l’exercice 3.2.

66

3. Spectroscopie d’absorption électronique (ultraviolet–visible)

Indicateurs La figure 3.8 montre comment varie le spectre d’absorption de l’indicateur rouge de méthyle quand on fait varier le pH. L’indicateur est rouge en milieu acide (lmax = 520 nm, voir aussi figure 3.4), et jaune en milieu basique (lmax = 425 nm). Ceci indique que les formes acides et basiques n’ont pas le même degré de conjugaison. À pH 1, l’indicateur est essentiellement sous forme acide HA. À pH 13 il est sous forme basique A–. Aux pH intermédiaires, les deux formes HA et A– coexistent simultanément, et leurs quantités dépendent du pH de la solution et du pKa de l’indicateur. En mesurant la hauteur du pic « acide » à l = 520 nm et celle du pic « basique », on peut calculer la concentration de HA et de A– à n’importe quelle valeur de pH (l = 425 nm). On peut donc en tirer la constante d’équilibre Ka. De même, si Ka est connu, alors la mesure des concentrations de HA et A– donne la valeur du pH. Ces mesures permettent de quantifier la technique opératoire de celui qui fait un titrage et doit décider à l’œil quand l’indicateur a changé de couleur, donc quand la prédominance de HA devient la prédominance de A–. On notera aussi que le point isosbestique est la longueur d’onde où l’absorbance d’une espèce est égale à celle de l’autre, et où l’absorbance totale ne dépend pas du pH. CO2– N

Me2N

+

NH

CO2– –

OH

H+

N

Me2N

Forme acide

N

Forme basique

0.6

pH 3

Absorbance

0.5 pH 4

0.4 0.3

pH 5

0.2 pH 6

0.1

pH 8 0.0

350

400

500 450 Longueur d’ondes/nm

550

600

650

Figure 3.8  Spectre d’absorption électronique de solutions aqueuses de rouge de méthyle en concentration de 4 mg dm–3 dans l’eau et pour différentes valeurs de pH.

Ions métalliques et complexes La spectroscopie d’absorption UV-visible permet aussi de déterminer les maximum d’absorption et le coefficient d’extinction des ions inorganiques des éléments de transition, comme l’ion permanganate

67

Les fondements de la détermination des structures moléculaires CH3

H3C 2

C

C N

HO

N

OH

Ni2+ H3C

CH3 C

C HO

N



N

O

N

OH

Ni –

O

N C

H3C

C CH3

MnO4– qui est violet, ou l’ion dichromate Cr2O72– qui est jaune. Ces valeurs numériques peuvent servir à déterminer leurs concentrations en solution. De plus ces ions très colorés peuvent être formés par une réaction chimique d’oxydation à partir d’une solution incolore contenant des quantités indétectables d’ions Mn(II) et Cr(III). Ces ions permettent donc de détecter de très faibles quantités de Mn et Cr en solution. Cette approche sous-entend bien sûr l’application traditionnelle des célèbres tests de couleur ou « tests à la touche », où on décèle la présence qualitative d’un ou plusieurs éléments dans un échantillon inconnu, ainsi que sa quantité en appliquant la loi de Lambert-Beer. Un bon exemple est l’emploi de la diméthylglyoxime qui révèle la présence de quantités minimes de nickel par la formation d’un complexe de couleur rouge caractéristique insoluble dans l’eau, mais soluble dans l’éthanol. On peut déterminer la quantité de nickel présent en filtrant le précipité et en le pesant. Il existe des réactifs qui sont à la fois très sensibles et très réactifs à un ion spécifique, et à ce seul ion. C’est le cas du réactif coloré suivant qui fixe spécifiquement l’ion sodium à l’intérieur d’un éther cyclique contenant 4 atomes O et 1 N. Ce cycle ne contient pas de chromophore, mais il est accroché aux chromophores que forment une série de liaisons conjuguées. La présence d’ion Na+ dans le cycle modifie le spectre d’absorption du chromophore ainsi attaché. La couleur orange passe au jaune en présence de sodium Na+.

Orange

Jaune

O R N

O N O

O

+

Na+

O O

R N N

Na+

– Na+ O

O

R = Re(CO)3(2,2-bipyridine)

De plus, l’analyse détaillée des spectres d’absorption des complexes de métaux de transition permet d’élucider la structure électronique de ces métaux, et des transitions électroniques où interviennent des électrons de type d.

Applications biologiques et médicales Les applications de la spectroscopie UV-visible en biologie sont si nombreuses qu’elles ne peuvent pas être toutes traitées dans cet ouvrage. Nous nous bornerons à noter par exemple que l’ADN et l’ARN peuvent être reconnus par leur absorption aux alentours de 260 nm, lorsqu’ils sont associés avec les bases conjuguées puriniques et pyrimidiques. Il en est de même des protéines, dont les aminoacides aromatiques se détectent par l’absorption à 280 nm. On peut encore citer le test du biuret qui produit une coloration caractéristique en présence de protéines, par une réaction de complexation, ou l’étude cinétique de réactions enzymatiques à une longueur d’onde caractéristique lmax.

68

3. Spectroscopie d’absorption électronique (ultraviolet–visible)

Parmi les applications médicales, on peut citer la détermination des porphyrines dans l’urine et de l’hémoglobine dans le sang. On peut aussi mentionner les immunoessais dans lesquels un marqueur de tumeur (ou tout autre macromolécule de la classe des antigènes, qui est souvent une protéine) se détecte par la liaison spécifique qu’il forme avec un anticorps, qui lui-même a été attaché à un chromophore. Et ce chromophore signale la présence de cette liaison, ce qui permet la détection et la mesure de l’antigène. Il existe enfin des tests colorimétriques cliniques, basés sur les liaisons enzymatiques, qui permettent de mesurer la teneur en insuline dans les cas d’hypoglycémie, et les antigènes spécifiques de la prostate qu’on utilise dans le diagnostic du cancer de la prostate.

3.6. Résumé Si vous avez bien suivi le contenu de ce chapitre, vous devriez être capable d’apprécier les principes sur lesquels se basent la théorie et les applications de la spectroscopie d’absorption électronique et son usage dans l’analyse structurelle et quantitative. Vous devriez en particulier être capable de : • prédire les types de molécules dont les transitions électroniques n → π* et π → π* donnent lieu à une absorption dans la région de l’UV-visible ; • comprendre les grandes lignes des relations entre lmax (et emax) et la structure ; • utiliser la loi de Lambert-Beer pour calculer la concentration de substances absorbantes d’après les mesures d’absorbance ; • utiliser la spectroscopie UV-visible pour résoudre des problèmes structurels en conjonction avec les spectroscopies RMN et de masse. Vous devriez aussi être capable d’apprécier l’usage potentiel de la spectroscopie UV-visible dans les analyses biologiques et médicales.

3.7. Exercices 3.1. La figure 3.3 représente le spectre d’une solution de benzène dans l’hexane en concentration 0,6 g dm–3, avec une cellule de 1 cm. Calculer le coefficient d’extinction molaire du benzène sur le pic de l = 255 nm.

Les solutions détaillées des exercices sont disponibles dans les Ressources en ligne.

3.2. (a) Calculer le coefficient d’extinction molaire à lmax du pentane2,4-dione dont le spectre fait à la concentration dans l’éthanol est de 10–2 g dm–3 est en figure 3.7.

(b)  On estime à 73 % le pourcentage de pentane-2,4-dione qui est sous forme énol en solution dans l’éthanol. Utiliser la figure 3.7 pour calculer ce même pourcentage dans les solutions dans l’hexane et dans l’eau.

69

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

3.3. Expliquer pourquoi l’aniline ou phénylamine C6H5NH2 montre deux maxima d’absorption avec des lmax à environ 230 et 280 nm (ε = 860 et 143 m2 mol–1), tandis que le cation anilinium ou phényl-ammonium C6H5NH3+ absorbe à 200 et 250 nm (ε = 750 et 16 m2 mol–1). 3.4. Utiliser la figure 3.8 pour estimer la constante de dissociation acide Ka du rouge de méthyle.

3.8. Autres lectures L. M. Harwood et T. D. W. Claridge, (1996), Introduction to Organic Spectroscopy, Oxford University Press, Oxford. D. H. Williams et I. Fleming, (2007) Spectroscopic Methods, 6th Ed., McGraw-Hill, London.

70

4

Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

4.1. Introduction Depuis la première expérience de résonance magnétique nucléaire RMN en 1946, cette technique spectroscopique est devenue si puissante qu’elle joue un rôle essentiel dans la recherche moderne. On peut dire que la RMN (en anglais NMR) et la spectroscopie de masse (décrites dans le chapitre suivant) sont sans rivales, car leur application est devenue une routine pour élucider des structures complexes. Sous la forme de l’imagerie de résonance magnétique, la RMN a quitté le domaine de la recherche pour fournir un outil de diagnostic essentiel en médecine. Ce chapitre va tout d’abord introduire le concept de spin nucléaire, et donc celui des moments magnétiques nucléaires. En utilisant le proton 1H comme exemple le plus simple, nous allons montrer l’origine de cette résonance, puis décrire le fonctionnement d’un spectromètre RMN de base. Ensuite nous utiliserons un certain nombre de molécules organiques pour illustrer l’effet des différents groupes substituants sur la position du signal du proton envisagé. L’importance du découplage spin-spin sera expliquée en fonction de la nature des protons du voisinage, ce qui fournit un supplément d’information structurelle. L’occasion de s’entraîner à cette pratique sera offerte par des exemples résolus et de nombreux problèmes. Les exemples de tautomérie, de liaison hydrogène et d’effets dynamiques à l’intérieur des molécules seront aussi décrits. Nous discuterons ensuite du développement des instruments à transformées de Fourier et de leur application en spectroscopie RMN, en citant des exemples d’autres noyaux magnétiques comme le 13C, le tout appuyé par de nombreux problèmes d’application. Dans la dernière section, nous discuterons du développement de la RMN en deux dimensions, ainsi que de celui de l’imagerie médicale IRM.

4.2. L’expérience RMN Au centre de chaque expérience RMN, il y a le noyau d’un atome. Un atome peut être imaginé comme une mer d’électrons chargés négativement entourant un noyau chargé positivement, formé lui-même de protons chargés positivement et de neutrons.

71

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Il est utile de se rappeler qu’un moment magnétique (et aussi un champ magnétique) est associé à un corps chargé en mouvement. On se rappellera que le mouvement des électrons dans un fil crée un champ magnétique autour du fil. Il s’ensuit que le noyau de l’atome 1H tourne comme une toupie sur lui-même.

Les noyaux contenant un nombre impair de protons ou un nombre impair de neutrons (ou les deux à la fois) possèdent une propriété supplémentaire que l’on peut démontrer par l’expérience. Ils ont un moment magnétique, et se comportent donc comme de minuscules barreaux aimantés. Cette propriété est démontrée si on met cet atome entre les pôles d’un aimant extérieur. Les interactions de répulsion et d’attraction entre eux ressemblent à celles qui se produisent quand on approche deux barreaux aimantés. L’atome d’hydrogène 1H possède un proton unique dans son noyau. Dans un champ magnétique extérieur, le moment magnétique est un vecteur qui peut adopter deux positions. Soit il se place parallèle au champ, soit il adopte une position opposée. Pour les atomes plus complexes comme 13C, les orientations permises sont plus complexes. Les deux alignements possibles du moment magnétique du noyau de l’hydrogène 1H sont représentés par des flèches vers la droite ou vers la gauche dans la figure 4.1. Ces deux alignements ont des énergies différentes. Il faut fournir une certaine énergie pour faire tourner l’aimant et le porter en sens opposé au champ extérieur. Pôle Sud

Pôle Nord

Figure 4.1 Les deux alignements possibles du moment magnétique nucléaire d’un atome d’hydrogène dans un champ magnétique extérieur.

β

E

ΔE

BO

α

La différence d’énergie entre un état de spin α et un de spin β dépend de l’importance du champ magnétique B0.

72

Un moment magnétique est un vecteur qui peut se placer soit dans la direction du champ (auquel cas, il est appelé par +µ ou α) ou en direction opposée au champ extérieur (auquel cas il est désigné par –µ ou β). Si on appelle B0 la densité du flux magnétique extérieur, l’énergie de ces deux états aimantés vaut +µB0 ou –µB0. Et il faut donc fournir une énergie égale à 2 µB0 pour inverser l’orientation des moments magnétiques des protons, c’est-à-dire pour les faire passer de l’état d’énergie basse vers celui d’énergie élevée. La condition exacte s’écrit ainsi : ∆E = h n = 2mB0 (4.1) Cette équation relie le moment magnétique du proton µ, la densité de flux magnétique B0 et la fréquence ν de la radiation qu’il faut utiliser pour inverser le moment magnétique du proton. Cette fréquence dépend du champ appliqué, mais pour des applications habituelles, elle est de l’ordre des fréquences radio du spectre électromagnétique. On la désigne par R.f. (pour radiofréquence). Cela signifie aussi que les valeurs de ∆E appropriés à la RMN sont beaucoup plus petites que celles qui produisent des changements rotationnels, vibrationnels et électroniques discutés dans les chapitres 2 et 3. La manière la plus simple de faire une expérience de RMN est d’irradier un atome avec une radiation de fréquence constante et de varier le champ magnétique jusqu’à ce qu’on observe une absorption de cette radiation, ce qui indique que le moment magnétique a été inversé.

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire Oscillateur R.f.

Pont R.f.

Enregistreur

Échantillon

Un des pôles de l’aimant

Autre pôle de l’aimant

Figure 4.2  Principe de base d’un spectromètre RMN à onde continue.

Dans ce type d’expérience, on utilise un oscillateur de fréquence radio pour produire une radiation de fréquence fixe, et un électroaimant qui fait varier le champ magnétique. Voir figure 4.2. Quand la grandeur du champ appliqué est telle que la radiation est absorbée (donc à la résonance), il se produit un déséquilibre dans le pont de radiofréquence. Le signal résultat est amplifié et envoyé à un enregistreur qui enregistre l’absorption en fonction de la fréquence. Pour enregistrer un signal aussi fin que possible, il faut faire varier le champ magnétique très lentement. Si on utilise une fréquence de 60 MHz, il faut appliquer un champ magnétique de l’ordre de 14 000 gauss ou 1,4 Tesla, ce qui peut être obtenu dans n’importe quel laboratoire bien équipé. Pour un spectromètre moderne, travaillant à 400 MHz, il faut un champ magnétique de 9,4 Tesla, ce qui exige l’emploi d’un électroaimant à supraconducteur. En pratique, les signaux peuvent être facilement détectés pour l’atome H avec de petites quantités de liquide pur (environ 0,5 cm3) ou avec des solutions de substances hydrogénées faites dans un solvant dépourvu d’atomes 1H comme les solvants deutérés (qui n’absorbent pas dans cette région). Les signaux peuvent être détectés sur des substances présentes en très faibles concentrations (moins d’une millimole par litre), ce qui signifie qu’un spectre RMN peut être enregistré avec seulement quelques milligrammes de matière. Dans un échantillon hydrogéné typique, il existe un très grand nombre de noyaux 1H. En présence et en l’absence d’un champ magnétique, ils sont tous distribués sur les deux niveaux α et β. Le rapport du nombre de noyaux sur le niveau supérieur Nβ sur le nombre de noyaux sur le niveau inférieur Nα est décrit par l’équation de Boltzmann (4.2) où T est la température absolue et k est la constante de Boltzmann. Cette relation s’applique en général à la distribution statistique des particules entre les différents niveaux d’énergie possibles, quel que soit le type d’énergie considéré. Elle dit par exemple que, si la différence d’énergie ∆E entre deux états voisins est grande par rapport à l’énergie thermique kT, le niveau inférieur est beaucoup plus peuplé que le niveau supérieur, ce qui est le cas des niveaux vibrationnels et électroniques discutés au chapitres 2 et 3. Mais ici, la différence d’énergie entre les niveaux α et β est beaucoup plus petite que kT. Donc le rapport Nβ/Nα

Nβ = Nα e-∆E/kT

(4.2)

73

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

est très proche de 1, donc il y a presque autant d’atomes H dans un état que dans l’autre. Sur un million d’atomes H, il y en a à peine quelquesuns de plus dans l’état inférieur. Quand on irradie l’échantillon à la fréquence de résonance, les transitions se passent dans les directions vers le haut et vers le bas. Donc il y a absorption et émission simultanée. Il en résulte une absorption globale, à cause du léger excès de noyaux dans le niveau inférieur. Plus le rapport Nβ/Nα est grand, plus le niveau inférieur est peuplé, donc meilleure est la sensibilité. Donc plus le champ appliqué B0 est grand, plus l’appareil est sensible. On verra plus loin qu’un champ élevé améliore aussi la résolution des pics, donc leur séparation les uns des autres. La technique du champ variable décrite ci-dessus a un désavantage. Elle est très lente. Il faut beaucoup de temps pour balayer tout le domaine du champ magnétique. Aujourd’hui elle a été remplacée par la méthode des transformées de Fourier. Elle sera discutée dans la section 4.7.

4.3. Spectre RMN 1H des molécules organiques

Intensité

Les paragraphes précédents ont montré que la RMN est un phénomène nucléaire, qui ne devrait donc pas être affecté par l’environnement électronique. C’est vrai en première approximation, et il existe de nombreuses molécules qui absorbent de l’énergie pour la même valeur de B0. Cependant ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, quand on enregistre le spectre de l’éthanol dans un spectromètre à basse résolution, on trouve trois résonances à trois valeurs très légèrement différentes de B0. Les différences entre les positions des pics sont beaucoup plus petites que B0. Le spectre de l’éthanol est montré en figure 4.3. Les surfaces sous les pics sont dans les rapports de 1:2:3, ce qui nous porte à conclure que le seul H de OH, les 2 H de CH2 et les 3 H de CH3 ont des résonances différentes.

Champ magnétique croissant Figure 4.3  Spectre RMN 1H de l’éthanol CH3CH2OH.

74

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

On fait des observations semblables pour d’autres molécules. Par exemple, le spectre du 2-méthyl-propan-2-ol (t-butyl alcool, (CH3)3COH) présente deux pics d’intensité relative 9:1, et le spectre du diéthyl éther CH3CH2OCH2CH3 contient deux pics de rapport 3:2. Dans ce cas, les deux groupes méthyle ont des environnements identiques, et les deux groupes méthylène (CH2) ont un environnement différent de celui des groupes méthyle. La figure 4.4 montre le spectre à deux pics de l’éthanal ou acétaldéhyde CH3CHO, et illustre aussi la courbe d’intégration des surfaces de pics en partant de gauche. La hauteur de chaque palier est proportionnelle à la surface du pic de résonance, et donc au nombre d’atomes H de chaque groupe.

Hauteur relative 3

1

CH3

CHO Champ magnétique croissant

Figure 4.4  Spectre de basse résolution de l’éthanal CH3CHO, montrant les résonances et la courbe d’intégration.

Par exemple, le rapport est 1:3, ce qui correspond aux résonances séparées des atomes H de CHO et de CH3, respectivement. Si des atomes d’hydrogène subissent des absorptions d’énergie à des valeurs de champs différents, on dit qu’ils ont des déplacements chimiques différents, et que cet effet dépend de l’environnement des atomes voisins.

Déplacements chimiques Le fait que, dans l’éthanol par exemple, les trois types d’atomes H absorbent à des valeurs différentes du champ magnétique appliqué suggère que ces atomes H ne sont pas soumis au même champ magnétique. La pratique montre que le champ magnétique principal B0 induit de petits champs magnétiques locaux Bloc. Donc chaque noyau est soumis à un champ effectif Beff donné par : Beff = B0 + Bloc Le champ local Bloc est proportionnel à B0, et vaut donc σB0. Donc on peut écrire : Beff = B0(1 + σ)

75

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Direction du champ magnétique externe Champ magnétique généré par la rotation des électrons

Figure 4.5  Production d’un champ local dû à la rotation induite des électrons.

Champ magnétique induit

BO H H

H H

H H

Figure 4.6 Circulation in­ duite d’électron dans le benzène par un effet de courant annulaire.

La valeur de σ est une mesure du déplacement chimique. Elle détermine la valeur du champ qui permet de réaliser la résonance, selon l’équation : hν = 2mBeff. On peut montrer que les champs locaux sont dus aux perturbations des électrons provoquées par le champ appliqué. Il faut alors distinguer deux cas de figure. (i) La figure 4.5 indique le sens de la rotation d’un électron autour d’un noyau qui est induit par le champ magnétique externe, dans le cas d’un nuage électronique sphérique, ce qui est le cas d’un électron sur l’orbitale 1s de l’atome H. Cette rotation électronique crée un champ magnétique induit qui est dirigé dans le sens opposé à celui du champ principal. Le résultat est que le noyau ressent un champ effectif plus petit que B0. On dit que le noyau est blindé par rapport au champ principal. Et il faut produire un champ magnétique plus élevé pour atteindre la condition de résonance. Dans le cas de CH3CH2OH, l’importance du blindage varie d’un type d’atomes H à l’autre, car la densité électronique n’est pas la même pour CH3, CH2 et OH. Dans le cas de OH, la densité électronique autour du noyau H est faible, à cause de l’attraction du noyau d’oxygène. Mais pour CH2 et CH3, cet effet est de moins en moins fort, et la densité électronique croît autour de H. L’atome H de CH3 résonne donc à un champ plus élevé. Voir en figure 4.3. En général, il est possible de relier le champ magnétique nécessaire à la résonance d’un atome H particulier à la structure de la molécule, et en particulier aux propriétés d’attraction des électrons des atomes présents. (ii) Un second type de circulation des électrons peut être induit dans les molécules possédant des doubles liaisons C=C, donc de molécules ayant des électrons p. C’est particulièrement le cas lorsqu’il y a délocalisation dans un cycle aromatique. Cet effet est illustré dans le benzène de la figure 4.6. Quand la molécule de benzène est orientée perpendiculairement au champ appliqué, une circulation électronique est induite dans les orbitales  p qui se recouvrent en orbitales π dans le cycle. Ceci crée des champs magnétiques locaux autour de la molécule. Et ces champs locaux augmentent le champ appliqué aux atomes H. Donc ces protons résonnent à des champs appliqués plus faibles. Les atomes H sont dits déblindés. L’agitation moléculaire fait que ces molécules ne restent pas longtemps dans cette orientation. Mais néanmoins la contribution du courant annulaire est un effet dominant, et il est un critère facile à appliquer pour distinguer les groupes aromatiques. Ce type d’effet contribue aussi au déplacement chimique des atomes H proches de groupes carbonyle et alcynes.

Mesure du déplacement chimique Le déplacement chimique ne se mesure pas en unités de champ, parce que l’écart entre deux pics dépend de la valeur du champ appliqué (équation (4.1)).

76

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

On procède différemment. On commence par choisir un composé de référence qui n’a qu’une seule résonance, et dans une région qui n’interfèrera pas avec d’autres signaux : le tétraméthylsilane ou TMS, Si(CH3)4. Quand on veut mesurer un spectre RMN d’un composé nouveau, on ajoute un peu de TMS. On mesure la différence de champ ∆B qu’il y a entre l’absorption d’un noyau H de l’échantillon et celui de la référence. Le rapport ∆B/B0 définit le déplacement chimique δ et il est indépendant du champ appliqué B0. La différence est très petite et s’exprime en général en parties par million, ou ppm. δ (ppm) =

∆B × 106 B0 TMS Champ élevé Blindage Déblindage

10

9

8

7 6 5 4 3 2 Déplacement chimique/δ

1

0

Figure 4.7  Échelle des déplacements chimiques δ.

Ceci mène à une échelle des déplacements chimiques avec δ = 0 pour le TMS, et où la plupart des noyaux d’hydrogène ont un δ compris entre 10 et 0 (figure 4.7). Par exemple, le déplacement chimique de H dans le benzène est de δ 7,25. Dans l’éthanol, ces déplacements valent approximativement δ 5,2, 3,65, et 1,2, respectivement. Les déplacements chimiques, exprimés en valeurs δ, sont caractéristiques d’un type d’atome H, et sont indépendants du spectromètre utilisé. Ils ne dépendent que très rarement du solvant, et de la température, sauf s’il y a des processus d’échange chimique, où on observe alors des variations complexes, qu’on verra en section 4.5. Ils ne dépendent pas non plus du choix du champ et de la fréquence radio utilisée, quoique on a toujours avantage à utiliser des hautes valeurs de champ et de fréquence, comme on le verra en section 4.2.

Relations entre le déplacement chimique et la structure moléculaire La valeur de δ dépend de l’importance des champs locaux créés par la circulation électronique décrite plus haut. Par exemple même si le groupe CH3 d’un alcane a un δ de 0,9 environ, cette valeur augmente si on substitue un H par un groupe qui a un effet inductif négatif, ce qui diminue la densité électronique autour de l’atome H.

77

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Tableau 4.1 Déplacements chimiques δ des atomes H dans les halogénométhanes CH3F

4,25

CH3Cl

3,05

CH3Br

2,70

CH3I

2,25

Cette augmentation de δ est spécialement marquée si le substituant est électronégatif. Ainsi, dans la série des halogénoalcanes CH3X (avec X = F, Cl, Br, I), le déplacement chimique du H du groupe méthyle augmente progressivement (voir le tableau 4.1). Le δ le plus élevé se rencontre dans le fluorométhane, ce qui indique que l’atome H de CH3F est le moins blindé de tous. C’est logique, car le fluor est le substituant qui attire le plus les électrons. L’effet est encore plus prononcé quand il y a plusieurs éléments électronégatifs, comme dans CHCl3, où on mesure δ = 7,29. Puisque le déplacement chimique d’un atome H dépend de son environnement immédiat dans la molécule, on peut utiliser les positions de résonance (valeurs d) pour diagnostiquer une structure moléculaire ; voir les valeurs typiques données dans le tableau 4.2. L’augmentation des valeurs de δ dans la série CH3-C, CH3-N, CH3-O dans les alcanes, les amines et les éthers méthyliques, reflète à nouveau l’augmentation de l’effet inductif négatif produit par le substituant. Tableau 4.2  Déplacements chimiques pour les atomes H dans certains composés organiques Groupe

Type de composé

Déplacements chimiques δ *

H3C–C

alcane

0,9

C–CH2-C

alcane

1,3

H3C–C=C

alcène

1,6

ester et acides

2,0

cétone

2,1

H3C–N

amine

2,3

H3C–O

éther méthylique

3,3

ester méthylique

3,7

H2C=C

alcène

4,7

H-C

arène

7,3

H-CO-

aldéhyde

9,7

O H3C

C

O

O H3C

C

O H3C

O C

*Valeurs données à ±0,1. Mais des effets de substituants peuvent augmenter le δ donné.

Les esters méthyliques des acides alcanoïques RCO2CH3 ressemblent aux éthers de méthyle, et ont des δ de 3,7 ± 0,1. En revanche, quand un groupe CH3 est lié à un groupe CO, l’atome H adopte le δ de 2,0 qui est caractéristique des acétates et méthylcétone.

78

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

Les groupes qui ont un effet inductif mais qui ne sont pas des voisins directs ont un effet moindre mais pas nécessairement nul. Dans l’éthanol par exemple, les H du groupe méthyle voient leur δ passer de sa valeur prévisible de 0,9 à 1,2, à cause de l’effet lointain de l’oxygène. L’effet est bien plus fort pour le CH2 central qui est en contact direct avec l’atome d’oxygène. Son δ passe de 1,3 nominal à plus de 3,0. Les atomes d’hydrogène de type méthylène –CH2– ont des valeurs de δ voisines de 1,3, ce qui est légèrement plus élevé que leur équivalent méthyle. Un atome H attaché à un atome de carbone inclus dans une double liaison C=C a une valeur δ plus élevée (environ 4,7) que dans les analogues saturés. Ceci est dû à l’hybridation du carbone alcénique auquel l’atome H est lié. On peut donc dire avec une grande chance de succès qu’un pic vers δ = 5 correspond à une structure H-C=C. Pour le benzène et les autres composés aromatiques, l’effet de courant d’anneau (voir la figure 4.6) explique les valeurs anormalement élevées de δ, voisin de 7. Les très basses valeurs de δ, proches de 2,0, qu’on observe pour les alcynes, résultent aussi d’une circulation électronique, autour de l’axe moléculaire porteur de la triple liaison. Ceci produit un effet de blindage de l’atome d’hydrogène, et cet effet est dirigé en sens inverse de ce qu’on observe dans le cas du benzène, à cause de la position axiale de l’atome H dans l’alcyne. Quand un composé inconnu est analysé par RMN, la position des absorptions, donc les valeurs δ, donne une indication claire sur l’environnement local de chaque type d’atome H dans la molécule. Voir le tableau 4.2. De plus, on se rappellera que les courbes d’intégration donnent une information supplémentaire sur le nombre relatif d’atomes H dans un groupe donné. Le spectre RMN du 1,4-diméthylbenzène ou p-xylène, donné en figure 4.8, fournit un bon exemple d’analyse structurelle. Car, en plus du pic à δ = 0 dû au standard TMS ajouté, on observe deux pics, dont les surfaces sont dans le rapport 2:3. Le pic à δ 2,29 caractérise les H d’un groupe méthyle attaché à un cycle benzénique. Donc la structure est confirmée. Notons aussi qu’il y a deux sortes d’atomes H dans cette molécule et seulement deux.

TMS

7

6

5

4

3

2

1

ppm

δ

Figure 4.8  Spectre RMN 1H du 1,4-diméthylbenzène 4-CH3C6H4CH3.

79

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Bien que l’information sur le nombre d’atomes H et leur environnement soit importante pour élucider une structure moléculaire, on peut obtenir davantage d’informations si on enregistre un spectre à haute résolution.

Couplage spin-spin et splitting Si on prend soin de maintenir le champ magnétique bien homogène à travers l’échantillon, on obtient des conditions dites de haute résolution et les pics précédents apparaissent comme dédoublés ou démultipliés en plusieurs composants très proches. Nous avons eu une première idée de ce phénomène quand nous avons vu que l’interaction d’un aimant dans un champ magnétique produit des forces aussi bien attractives que répulsives. La même situation se produit quand deux noyaux magnétiquement actifs sont voisins l’un de l’autre. À titre d’exemple, on va présenter le spectre RMN de l’éthanal déjà décrit en figure 4.4. À haute résolution, son spectre est décrit en figure 4.9. On voit que le pic du CH3 à δ 2,21 a une surface égale à 3, mais qu’il est dédoublé en deux pics de même intensité, formant ce qu’on appelle un doublet. On voit aussi que le pic de CHO à δ 9,80 est démultiplié en un quartet, dont les quatre lignes ont des intensités relatives 1:3:3:1. Les surfaces mesurées sous les deux groupes de lignes (ou multiplets) sont encore dans les rapports 3:1, comme le montre la courbe d’intégration. Quand les protons de CH3 sont adjacents à ceux de CHO, il y a deux directions possibles pour le champ magnétique local créé par le proton de CHO. L’une augmente et l’autre réduit le champ magnétique principal. Il y a donc deux valeurs numériques possibles pour que le champ extérieur B0 produise la résonance de H de CH3, qui elle se produit toujours à la même valeur du champ total. Ces deux orientations possibles font que le signal unique de H de CH3 est dédoublé en un doublet par l’interférence de CHO. Direction du champ appliqué Bo Deux orientations possibles pour le champ dû au proton de CHO

Deux conditions de résonance pour les protons de CH3

ou

HC

80

CH3

9.85

9.80

2.25

2.20

ppm

Figure 4.9  Spectre de l’éthanal CH3CHO fait à haute résolution.

Les dédoublements, qu’on appelle parfois en utilisant le terme anglais de splitting, peuvent être expliqués en considérant d’abord le cas du H du groupe CH3. Les protons des H de CH3 réagissent dans le champ magnétique local de l’atome H du CHO voisin, de manière à s’aligner dans le sens du champ ou dans le sens opposé. Donc les atomes H de CH3 sont plongés dans un champ magnétique supplémentaire qui soit augmente soit diminue le champ principal. En d’autres termes, la condition de résonance des H de CH3 peut être obtenue de deux façons, selon que le champ local dû à CHO augmente ou diminue le champ extérieur appliqué. On estime que la moitié des groupes CHO augmente le champ extérieur, et l’autre moitié le diminue. Par conséquent, la résonance sera dédoublée par l’interaction du H de CHO. On observera non pas un, mais deux pics pour la résonance de CH3, et ces deux pics sont

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

séparés par ce qu’on appelle la constante de couplage spin-spin. Enfin les deux composants du doublet ont la même surface, puisque les deux états sont pratiquement également peuplés. Un tel dédoublement se produit chaque fois qu’un ou plusieurs atomes H identiques (comme ici dans CH3) se trouvent adjacents à un unique atome H voisin. Nous allons maintenant établir le schéma de fragmentation lorsqu’il y a plus de 1 atome H voisin, comme cela se produit avec des groupes voisins comme CH2 ou CH3. Éclatement dû à deux atomes H. Considérons le spectre du diéthyléther (CH3CH2)2O (figure 4.10), qui a deux absorptions principales, à savoir celle des H de CH3 et celle des H de CH2. Les deux ensembles terminaux d’atomes H de CH3 sont soumis au même champ local dû aux deux H des CH2 adjacents. Il faut donc définir comment les deux champs locaux vont s’orienter l’un par rapport à l’autre, et chacun par rapport au champ principal. Les moments magnétiques des deux atomes H de CH2 peuvent être alignés dans une direction (ce que l’on représente par ) ou les deux en sens inverse () ou en sens opposés ( ou  ). Ceci donne trois valeurs possibles pour le champ local, où on voit aussi que l’arrangement en opposition ( et  ) peut être obtenu de deux façons différentes. Il sera donc deux fois plus fréquent que les autres. Donc la fragmentation du signal de CH3 de l’éther se produit selon un schéma 1:2:1, donc produit un triplet. Éclatement dû à trois atomes H. Dans les deux exemples précédents (CH3CHO et diéthyléther), il nous reste à expliquer comment le signal du H de CHO est affecté par le groupe CH3 voisin, et comment les signaux des deux groupes CH2 du CH3CH2OCH2CH3 (à δ 3,4) sont modifiés par les trois H des CH3 voisins. Nous devons donc examiner comment se combinent les trois moments magnétiques d’un groupe CH3. Voir ce développement en marge. Il y a donc quatre valeurs de champs magnétiques résultants, dont deux peuvent être obtenus de trois façons différentes chacun. Ainsi un groupe CH3 fait éclater la résonance d’un noyau voisin en un ensemble de 4 lignes (un quartet) dont les intensités relatives sont 1:3:3:1. Cette déduction se trouve confirmée par l’éclatement de l’absorption de CH2 à δ 3,4 dans la figure 4.10, et celui de l’absorption de CHO à δ 9,8 dans la figure 4.9.

3.5

3.0

Figure 4.10  Spectre RMN

2.5 1H

2.0

1.5

1.0

Il y a quatre manières d’arranger les deux spins nucléaires d’un groupe CH2. Ces quatre arrangements produisent trois valeurs du champ magnétique total, ce qui transforme en triplet la résonance des atomes H adjacents.

Il y a en tout huit façons d’arranger les trois spins nucléaires des H de CH3. Mais ces huit arrangements produisent quatre différents champs magnétiques locaux, ce qui fait éclater la résonance des atomes H adjacents en un quartet.

ppm

du diéthyléther CH3CH2OCH2CH3.

81

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Plus que trois atomes H. Dans le fragment –CH2-CH-CH2-, l’atome H central interagit avec quatre atomes H équivalents, si les deux groupes CH2 sont équivalents. Le résultat global est un quintet 1:4:6:4:1. Nous laissons au lecteur le soin de retrouver ce résultat en arrangeant les spins de ces quatre atomes H. S’il y a cinq atomes H voisins équivalents, l’éclatement produit un signal 1:5:10:10:5:1, et s’il y a six atomes H équivalents, comme dans le fragment (CH3)2CH–, la résonance crée une schéma 1:6:15:20:20:15:6:1. Ces schémas d’éclatements dus au grand nombre de protons équivalents voisins définissent une série numérique qu’on retrouve dans les coefficients du triangle de Pascal. Voir ci-après. On observera que dans chaque ligne, le coefficient qu’on trouve est la somme des deux coefficients immédiatement supérieurs. Nombre d’atomes H causant l’éclatement

Schéma de l’éclatement produit (intensité relative des lignes)

1

1 1

2

1 2 1

3

1 3 3 1

4

1 4 6 4 1

5

1 5 10 10 5 1

6

1 6 15 20 15 6 1

Récapitulation. Usage des déplacements chimiques, des intégrations et des éclatements en analyse Avant d’aller plus loin, il vaut peut-être la peine de rappeler les différentes étapes dans l’analyse d’un spectre RMN complexe par référence à celui de CH3CHO. Tout d’abord, à basse résolution, on observe deux absorptions de surface relative 3:1 (mesurée par intégration) et dues aux atomes H de CH3 et CHO, respectivement. Ces groupes ont des déplacements chimiques différents (valeurs δ) qui dépendent de leur environnement chimique. Ensuite, sous haute résolution, on observe l’éclatement de chaque signal dû à la perturbation des H voisins. Ainsi les trois H de CH3 sont identiquement perturbés par le H du groupe CHO voisin, ce qui transforme leur signal en un doublet 1:1. Symétriquement parlant, l’absorption du H de CHO est transformé en un quartet 1:3:3:1 par les trois atomes H du CH3 voisin. Voir la figure 4.9.

Davantage d’informations sur l’éclatement La séparation entre les pics d’un multiplet est une mesure de l’énergie de l’interaction magnétique entre les deux types de protons (CH, CH3) et elle est la même pour les deux résonances. Ce couplage est en général désigné par JHH, et on l’exprime en unité de fréquence, donc en Hz.

82

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

Il est indépendant tant du champ magnétique extérieur utilisé, que de la radiofréquence utilisée. Nous allons maintenant établir la relation entre le déplacement chimique et la constante de couplage. Le séparation entre deux pics d’un multiplet Dδ se définit par : ∆δ =

∆B × 106 B0

Et on tire de l’équation (4.1) ∆B ∆ν = ν B0 ce qui permet de tirer : ∆ν =

ν ∆δ 106

Dans le cas de CH3CHO, la séparation entre les lignes, tant pour 1:1 que pour 1:3:3:1 est égale à 0,0075 δ avec un spectromètre de 400 MHz, qui est le type standard dans ce chapitre. Cette séparation correspond à 3 Hz, et restera à 3 Hz, quel que soit le spectromètre utilisé. La séparation mesurée en tant que Dδ est de 0,03 sur un spectromètre de 100 MHz. On la désigne par le symbole 3JHH, ce qui caractérise un éclatement dû à deux H séparés par trois liaisons. Le type d’information que fournissent ces constantes de couplage sera développé dans la section suivante. L’analyse des schémas d’éclatement en RMN est d’habitude assez facile, car il n’y a que les voisins immédiats qui interfèrent magnétiquement avec un H donné. L’effet magnétique devient vite négligeable avec l’éloignement et le nombre de liaisons. Ceci fait que cette technique est très efficace pour distinguer les structures allyliques, branchées ou non. Voir à cet effet l’exemple résolu de la section 4.4. Il faut aussi savoir que deux hydrogènes identiques n’interagissent pas l’un sur l’autre. Il n’y a pas d’éclatement entre les 3 H d’un groupe méthyle, par exemple. Comme ils ont le même déplacement chimique, ils n’ont pas de champ local fixe. Il faut aussi remarquer que dans un doublet 1:1 et un multiplet comme 1:3:3:1, il arrive que les pics soient un peu plus grands dans la direction de la résonance de l’autre groupe responsable de l’éclatement. Voir les figures 4.10, 4.11, et 4.16. Cette distorsion devient plus prononcée si la différence entre les déplacements chimiques diminue.

Avec un spectromètre habituel de 400 MHz, donc où ν = 400 × 106 Hz, 1δ est équivalent à 400 Hz. Si le spectromètre est à 100 MHz, 1δ est équivalent à 100 Hz.

4.4. Exemples de spectres montrant un éclatement spin-spin a) Butanone (méthyl éthyl cétone) CH3COCH2CH3 Le spectre RMN, présenté en figure 4.11, contient un pic unique provenant du groupe méthyle adjacent à CO, et avec un déplacement

83

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

2.6

2.5

2.4

2.3

2.2

2.1

2.0

1.9

1.8

1.7

1.6

1.5

1.4

1.3

1.2

1.1

ppm

Figure 4.11  Spectre RMN 1H de la butanone CH3CH2COCH3.

chimique de δ 2,15, ce qui est conforme au tableau 4.2. Ce pic n’est pas éclaté, puisque il n’y a pas d’atomes H sur le carbone adjacent. Les autres pics appartiennent au groupe CH2 pour le signal de δ 2,55, et à l’autre groupe CH3 pour δ 1,05. Le pic de CH2 a une valeur δ élevée, à cause de l’effet du CO adjacent, et il est éclaté en un signal 1:3:3:1 à cause de l’interaction du groupe CH3 voisin. Quant à la résonance du CH3 à δ 1,05, elle est éclatée en un triplet 1:2:1 par les atomes H de CH2. On peut aussi voir dans la figure 4.11 que la courbe d’intégration donne le nombre d’atomes H sur chaque groupe d’atome ayant un déplacement chimique donné.

b) 1,3- Dibromopropane BrCH2CH2CH2Br Le spectre RMN, montré en figure 4.12, consiste en deux groupes de résonances, dont les nombres d’atomes sont le double l’un de l’autre, comme on le voit en comparant les paliers des courbes intégrées. Il y a évidemment les deux H du groupe CH2 central et les quatre H des deux autres groupes CH2. Ces derniers absorbent à un δ très élevé, à cause de la proximité de l’atome Br voisin, et ils sont éclatés en un triplet à cause des deux atomes H du CH2 voisin.

3.6

Figure 4.12  Spectre RMN

3.5 ppm 1H

2.4

2.3

ppm

du 1,3-dibromopropane.

La résonance centrale du CH2 est éclatée en un quintet 1:4:6:4:1, à cause de la proximité des quatre atomes H voisins.

84

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

c) Bis(1-méthyléthyl)éther, ou éther di-isopropylique (CH3)2CHOCH(CH3)2 Le spectre de la figure 4.13 indique la présence de deux types différents d’atomes H, dont le nombre est dans un rapport de 1 à 6. Le groupe CH3, à δ 1,1, est éclaté en un doublet, à cause de la présence d’un seul H sur l’atome C voisin. Bien que ce ne soit pas facile à voir, on peut observer que la résonance de CH à δ 3,6 est éclatée en un septet, à cause de l’interaction avec les six atomes H voisins.

3.7

3.6

Figure 4.13  Spectre RMN

ppm 1H

1.2

1.1

ppm

du bis(1-méthyléthyl)éther.

7.4 7.2 7.0 ppm

2.4 2.2 ppm

Figure 4.14  Spectre RMN 1H du 1-méthyl-4- ou p-bromotoluène (4-CH3C6H4Br).

d) 1-méthyl-4-bromobenzène (p-bromotoluène), 4-CH3C6H4Br Le spectre, en figure 4.14, enregistré en solution dans CCl4, montre clairement les résonances des atomes H aliphatiques en δ 2,3, et les aromatiques en δ 7,0–7,4. Le signal du groupe méthyle n’est pas éclaté, à cause de l’absence d’atome H sur le carbone voisin. Par contre, les atomes aromatiques forment deux paires non équivalentes : le Ha à δ 7,35 et le Hb à 7,02. Ces signaux sont tous deux des doublets à cause de l’éclatement provoqué par l’atome H voisin (JHH 9 Hz). Ce signal à 4 lignes est typique d’un benzène substitué en para avec des substituants différents.

CH3 Ha

Ha

Hb

Hb Br

Dans le p-bromotoluène, il y a deux paires d’atomes H chimiquement équivalents mais magnétiquement non équivalents.

85

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Importance de l’éclatement Dans certains cas, la connaissance de la valeur de l’éclatement J donne des informations intéressantes. L’éclatement entre deux atomes H situés sur des liaisons CH adjacentes est dû à une interaction transmise par les électrons de la liaison, et, en général, elle est approximativement proportionnelle à cos2q, où q est l’angle dièdre entre les liaisons C–H. L’exemple suivant, présenté dans les structures 4.1 et 4.2, montre la différence entre les deux interactions possibles existant entre deux liaisons CH dans le cyclohexane, donc entre les CH axiaux et équatoriaux. Ceci illustre l’emploi de tels éclatements pour déterminer la géométrie conformationnelle. On notera aussi que la conformation complète, à trois dimensions, de l’anneau du cyclohexane, est illustrée en page 158, section 6.7. Hax Hax

JHH 10–12 Hz (θ 180°)

Heq Hax

H C

C

C

C

H H H Geminal: 1–3 Hz Cis: 8–10 Hz

86

(4.1)

JHH 2–5 Hz (θ 60°)

(4.2)

Il y a aussi d’importantes différences entre les interactions dans les alcènes, dans lesquels les atomes H ne sont pas équivalents. S’ils l’étaient, ils auraient tous la même valeur δ et donc pas d’éclatement observable. Donc les éclatements suivants, reportés en marge, sont typiques de ces alcènes. La connaissance de ces différences permet de faire un H choix entre plusieurs structures d’isomères possibles. Par C C exemple, dans le cas de l’acide trans-3-phénylpropénoïque H (ou acide cinnamique, C6H5CH=CHCOOH), les deux proTrans: 14–17 Hz tons de type alcène résonnent à δ 7,83 et 6,46 avec un couplage JHH de 17 Hz. De même l’éclatement entre les deux H voisins dans le benzène est de 7 Hz, comme dans les cis-alcènes. La figure 4.15 montre le spectre RMN 1H du phényléthène ou styrène. C’est un cas plus compliqué, car il y a trois atomes H non équivalents : HA, HB, HC., comme on peut le voir dans le haut de la figure 4.15. Et il y a donc trois différents éclatements, entre AB, AC et BC, avec des valeurs J chaque fois différentes, mais données en marge. Il faut noter que quand l’absorption d’un atome H subit l’interaction de deux protons non équivalents, il se produit un éclatement double, avec formation d’un doublet de doublets. On relèvera aussi que la région aromatique entre δ 7,3 et 7,5 est assez complexe, et sera analysée dans l’exemple 4.2. Il existe des cas où le couplage spin-spin et même les résonances que vous attendez sont absents. Ceci se produit quand les protons sont échangeables avec ceux du solvant comme ceux des groupes OH. L’observation d’un tel comportement est le signal d’un échange chimique et sera discuté plus tard dans la section 4.5.

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

HA

HA

HC

C6H5

HB

HB

JAB

JAB JAC

7.5

7.4

7.3 ppm

6.80

HC

6.75 ppm

JBC

5.82 5.80

ppm

JAC JBC

5.30 5.28 ppm

Figure 4.15  Spectre RMN 1H du phényléthène ou styrène C6H5CH=CH2.

Exemples résolus Arrivé à ce point, le lecteur est encouragé à essayer d’attribuer une structure qui correspond à chacun des spectres 4.16–4.18, pour lesquels la formule moléculaire est donnée. Ces exemples sont suivis d’une discussion qui donne les réponses avec quelques brèves explications complémentaires. On se rappellera que les spectres donnent trois sortes d’information vitales : le déplacement chimique, la courbe d’intégration (la hauteur des paliers est proportionnelle au nombre d’atomes H présents), et l’éclatement, qui dépend du nombre d’atomes H dans les groupes adjacents.

6.0

5.5

5.0

4.5

4.0

3.5

3.0

2.5

2.0

ppm

δ

Figure 4.16  Spectre RMN 1H de l’exercice résolu 4.1, de formule C2H4Cl2.

87

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

7.3

7.0

7.2

6.5

6.0

Figure 4.17  Spectre RMN nance, à grande échelle.

4.5

7.1 ppm

4.0

1H

5.5

2.9

5.0

4.5

2.8 ppm

4.0

1.3

3.5

3.0

1.2 ppm

2.5

2.0

1.5

ppm

de l’exercice résolu 4.2, de formule C9H12, avec le détail des trois zones de réso-

3.5

3.0

2.5

2.0

1.5

1.0

ppm

Figure 4.18  Spectre RMN 1H de l’exemple résolu 4.3 de formule moléculaire C3H7NO2.

Discussion 4.1. La figure 4.16 présente le spectre du 1,1,-dichloroéthane. Il y a clairement deux types d’atomes H, leur nombre étant dans le rapport des intensités intégrées (3:1). Ceci suggère la présence de CH3 et de CH, ce qui est confirmé par l’éclatement 1:3:3:1 (du groupe CH perturbé par les trois H voisins) et 1:1 (doublet du groupe CH3 perturbé par le H voisin). La valeur δ élevée (5.9) de l’atome H seul reflète l’effet inductif des deux atomes Cl. 4.2. La figure 4.17 présente le spectre d’un composé aromatique, à en juger par l’absorption caractéristique vers δ 7,2. La partie aliphatique de la molécule (δ 1,2 et 2,8) a deux types d’atomes H, dans un rapport de 1 à 6, selon la courbe intégrée. Le pic de droite

88

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

est typique de C–CH3. Donc la structure partielle –CH(CH3)2 est à envisager. L’étude de l’éclatement confirme cette hypothèse. Car on voit que l’absorption des CH3 est un doublet provoqué par le CH voisin. D’autre part, cet H unique est transformé en un septuplet 1:6:15:20:15:6:1. Et puisque le rapport des atomes H aromatiques sur ceux des H aliphatiques est de 5 à 7, la structure doit être le (1-méthyléthyl)benzène, qu’on appelle aussi isopropylbenzène ou cumène, C6H5CHMe2. 4.3. La figure 4.18 montre la présence du groupe propyle CH3CH2CH2–. En effet, le signal à δ 0,95, d’intensité 3, est typique d’un groupe méthyle situé dans un alcane. Et il y a deux absorptions d’intensité 2. À gauche, le pic CH2 est éclaté en un triplet par le CH2 voisin. Par contre le multiplet du milieu est un CH2 perturbé à la fois par CH3 et par CH2, ce qui forme un sextuplet 1:5:10:10:5:1. Nous avons donc le spectre du nitropropane CH3CH2CH2NO2 ou éventuellement du nitrite de propyle CH3CH2CH2ONO. Pour trancher entre ces deux possibilités, il faut comparer les valeurs δ des nitrites et des nitroalcanes, ou recourir à d’autres données spectroscopiques (UV, IR) ou avoir des informations d’origine chimique.

La région aromatique (vers δ 7,2) est aussi montrée en agrandi, bien que difficile à interpréter. Les cinq protons aromatiques correspondent à deux paires chimiquement distinctes et un proton seul. Cela forme un ensemble complexe à cause de la similitude des déplacements chimiques. Voir aussi l’exercice 4.5 et la figure 4.15.

Les figures 4.16 à 4.18 démontrent clairement l’efficacité de la spectroscopie RMN 1H pour distinguer entre des groupes d’isomères comme les groupes CH3CH2CH2– et CH(CH3)2.

4.5. Autres sortes d’informations structurelles données par la RMN a) Liaison hydrogène Les solutions de phénol C6H5OH, dans le tétrachlorométhane (tétrachlorure de carbone) présentent un déplacement chimique δ de l’atome H de OH qui varie beaucoup avec la concentration. Cette observation peut s’expliquer si on tient compte de l’environnement de l’atome H. À faible concentration, chaque molécule est entourée par des molècules CCl4 qui n’interagissent pas beaucoup avec le groupe OH. Mais à haute concentration en phénol, les molécules s’associent par liaison hydrogène. Il se produit une attraction entre l’atome d’oxygène (électronégatif) d’une molécule de phénol et l’atome H polarisé positivement du groupe OH d’une autre molécule. Par contraste, si une liaison hydrogène intramoléculaire est possible, alors l’atome H d’une liaison OH sera moins perturbé par un changement de concentration. C’est ce qui se produit dans le 2-nitrophénol (4.3), où il se forme une liaison hydrogène entre l’atome H fixé à l’atome O phénolique et un des atomes d’oxygène du groupe nitro. Dans cette molécule le δ de OH varie très peu avec la concentration. Il existe aussi des molécules où la position de la résonance dépend du pH. Cette propriété sera utilisée en imagerie médicale pour différencier les types de tissus et le diagnostic des maladies. Voir la section 4.9.

O

H

O– N

+

O (4.3)

89

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

b) Tautomérie cétone-énol. Démonstration et estimation quantitative O

O 3.5

C

C

CH2

CH3 2.1

CH3 2.1

(4.4)

H O C CH3 2.0

15.4 O C

C H 5.4

CH3 2.0

Il est possible d’utiliser un spectromètre RMN pour déterminer les quantités relatives des constituants d’un mélange. Voir par exemple le cas de la penta-2,4-dione pure (acétylacétone, CH3COCH2COCH3 en solution dans le chloroforme deutéré (figure 4.19). Le spectre montre bien que le composé existe sous deux formes tautomères (4.4) et (4.5). Ce phénomène est appelé tautomérie. La forme énol se reconnaît par l’absorption typique des H des alcènes à δ 5,5. Le pic élargi à 15,4 caractérise un atome H d’un groupe hydroxylée. La valeur élevée de δ traduit l’effet des deux atomes d’oxygène : l’atome H de OH est lié par une liaison hydrogène à l’atome O du groupe carbonyle, et il disparaît si on dissout le produit dans D2O. Le pic à δ 3,55 est caractéristique du groupe CH2 situé entre deux groupes carbonyle de la forme cétonique (4.4).

(4.5)

16

15

Figure 4.19 Spectre RMN CH3COCH2COCH3).

5 1H

4

de

2.5

la

2.0

ppm

pentane-2,4-dione

(acétylacétone

La comparaison des intégrations des pics de δ 1,95 et 2,15 conduit à un rapport énol-cétone de 4,75:1 pour les quantités relatives des tautomères énol et cétone, avec donc 83 % d’énol. L’effet du solvant et de la température sur le rapport des tautomères est étudié au chapitre 3, page 66, et dans l’exercice 3.2. Ce type d’information ne peut être déterminé que par des mesures spectroscopiques, car les deux tautomères se convertissent aisément l’un en l’autre, de sorte qu’il n’est pas possible d’isoler l’un d’eux, pour estimer leur pourcentage relatif.

c) Effets dynamiques L’addition d’une trace d’acide à un alcool pur produit un échange rapide d’atomes H liés à OH, ce qui supprime l’éclatement possible

90

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

entre le OH et l’atome H fixé sur le carbone adjacent à ce groupe OH. Ce type d’effet est dit dynamique, et il n’est pas limité aux réactions rapides d’échange d’atomes H. Il peut aussi se produire dans certains processus intra-moléculaires. Par exemple, considérons le spectre RMN de la N,N-diméthylméthanamide (N,N-diméthylformamide) (4.6) à température ambiante. Voir la figure 4.20a. On constate d’abord que les groupes méthyle ne sont pas équivalents, à cause de la différence entre leurs déplacements chimiques. Ceci doit être dû à un empêchement de rotation autour de l’axe central N-C, qui a un caractère de liaison double partielle. CH3 :N

+ N

C

CH3

O–

CH3

O

H

CH3

H

C

(4.6)

À plus haute température, la molécule possède davantage d’énergie. La barrière de rotation s’atténue, et les groupes méthyle finissent par être équivalents et donc ne montrer qu’un seul pic. La figure 4.20b montre comment le spectre RMN change avec la température. Il existe une vitesse de rotation critique, pour laquelle les deux pics séparés se rejoignent en un seul pic et cette vitesse de rotation est approximativement égale à la différence entre les deux absorptions séparées exprimées en unités de fréquence, donc en Hz. Dans le cas présent, Dδ vaut 0,13, qu’il faut convertir en Hz. Comme le spectromètre opère à 500 MHz, Dν vaut 0,13 × 500, soit environ 70 Hz (voir la section 4.3, page 83). Donc quand les lignes fusionnent à environ 120 °C, la vitesse de rotation est de l’ordre de 70 Hz. Au-dessus de cette température, on n’observe qu’une seule ligne moyenne pour les deux groupes méthyle. (a)

(b)

Augmentation de la température 8.2 8.0

2.8 2.6 ppm

2.8

2.7

ppm

Figure 4.20  Spectres RMN 1H de la N,N-diméthylméthanamide (N.N.-diméthylformamide) (a) à 298 K, et (b) à des températures croissant jusqu’à 423 K, illustrant l’influence de l’effet dynamique sur la forme du signal quand la température s’élève.

91

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Dans cet exemple, les deux groupes dont les positions dans le spectre sont interconverties possèdent des valeurs δ différentes. Le même phénomène se produit quand un éclatement JHH disparaît à cause d’un échange rapide. C’est ce qui se produit dans l’éthanol, où l’atome H du groupe OH a un éclatement de 5 Hz dû au CH2 voisin (avec un schéma 1:2:1). Quand une trace d’acide est ajoutée, l’atome H de OH subit un rapide échange catalysé par l’acide. L’éclatement disparaît, et les trois lignes du signal triplet subissent ce qu’on appelle une coalescence. Ce point de coalescence correspond à une vitesse d’échange de 5 Hz. Si la vitesse d’échange croît, on n’observe plus qu’une seule ligne sans éclatement. L’analyse détaillée de la forme du signal dans des cas pareils permet de mesurer la vitesse d’échange ou celle de rotation à différentes températures. Puis, une courbe d’Arrhénius permet d’estimer l’enthalpie d’activation, donc la barrière énergétique pour ce phénomène. Dans le cas de la N,N-diméthylméthanamide, la barrière de rotation est d’environ 30 kJ/mol. En résumé, le spectre RMN à basse température, ou en l’absence de réactifs causant un échange rapide de protons, peut révéler des détails de structure qui sont nivelés à haute température, comme le mouvement moléculaire. Cela peut fournir des informations structurelles par exemple sur les conformations préférées.

4.6. RMN d’autres noyaux À part l’hydrogène 1H, il existe d’autres noyaux dotés d’un moment magnétique, comme 2H, 11B, 13C, 14N, 19F, 31P, 35Cl, 37Cl, 79Br et 81Br. Ces noyaux donnent naissance à des éclatements dans le spectre RMN de 1H. Malheureusement, ces éclatements ne sont pas toujours observables, et en particulier il est très rarement possible d’observer des éclatements dus à 14N ou aux isotopes du chlore et du brome. Il est aussi possible de régler les spectromètres RMN pour qu’ils travaillent à des fréquences ν et des champs B très éloignés de ceux qui font résonner 1H, et qu’ils détectent les résonances des atomes cités ci-dessus. Par exemple, on peut détecter la résonance de 19F dans les molécules fluorées en utilisant une fréquence de ν = 400 MHz et un champ B0 de 10 T (alors qu’il fallait 9,4 T pour 1H). De cette façon, le champ d’application de la spectroscopie RMN s’est beaucoup élargi. Par exemple, le spectre RMN de 19F dans ClF3 est formé de deux absorptions principales à des déplacements différents, et avec des intensités 2:1, et des éclatements 1:1 et 1:2:1. Cela nous indique comment les atomes de F sont situés autour de Cl en ne formant ni un plan ni une pyramide. Disons d’abord que l’atome de chlore n’a pas d’effets sur le spectre, et que les éclatements F-F sont gouvernés par les mêmes règles que pour 1H. La molécule a probablement une forme de T, avec deux atomes F équivalents et un atome F séparé, suite à l’interaction avec les deux paires d’électrons non liants de l’atome Cl.

92

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

Le spectre RMN de 11B dans le diborane B2H6 montre une résonance simple avec un éclatement important de type 1:2:1, ce qui implique l’interaction de B avec deux atomes H, et un autre éclatement 1:2:1, qui implique une interaction plus faible de l’atome B avec deux autres atomes H. Les deux atomes B doivent donc avoir des environnements identiques, puisqu’il n’y a qu’un seul déplacement chimique du signal de Bore. Et chaque atome de bore doit interagir avec deux paires différentes d’atomes H. Ainsi, le spectre RMN correspond à la structure pontée symétrique suivante pour la molécule B2H6. On notera que la diffraction électronique, étudiée au chapitre 6, permet la mesure des angles et des longueurs de liaison. H

H

H B

B

H

H H

(4.7)

Le spectre RMN 1H de B2H6 montre deux résonances dans le rapport de 2:1, ce qui indique qu’il y a deux types d’atomes H, les quatre atomes terminaux et les deux servant de ponts. Il est particulièrement désirable de pouvoir enregistrer les signaux RMN du 13C, qui est présent en très petite proportion dans le carbone naturel, car il possède un moment magnétique, contrairement à 12C. Une telle possibilité permettrait de fournir des informations sur le squelette de carbone, et des confirmations sur la présence de groupes CO et CN par exemple. Il y a beaucoup de difficultés qui ont contrarié la détection du 13C, en particulier l’extraordinairement basse sensibilité de la détection du 13C, qui est 104 fois plus basse que pour le 1H (et ceci n’est dû qu’en partie à l’abondance de 13C, qui n’est que de 1,1 %). De plus, les déplacements chimiques sont très importants, de l’ordre de 300 ppm, ce qui fait que le balayage de tout le champ prend un temps considérable. De plus, la présence de couplage C–H produit des éclatements complexes. Néanmoins ces problèmes peuvent être et ont été résolus, comme on va le voir dans la prochaine section.

4.7. Spectromètres RMN pulsés Nous avons vu que la spectroscopie RMN peut souffrir de la limitation que le signal détecté est extrêmement faible, parce que la population des noyaux détectés est faible. Par exemple, les signaux de 13C sont très difficiles à détecter. Heureusement, ces problèmes ont été résolus grâce à la mise au point de spectromètres pulsés, qui ont permis de détecter tous les noyaux actifs en RMN. Ces machines ont révolutionné le domaine de la RMN, en permettant d’accéder à des noyaux comme 13C.

93

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Ces instruments fonctionnent avec un champ magnétique fixe, mais en fournissant au noyau visé toute une gamme de fréquences différentes et simultanément. Ceci s’obtient en irradiant l’échantillon avec une courte impulsion de radiation électromagnétique, telle que le petit domaine de fréquences appliquées excite la région où on s’attend à trouver les résonances de l’échantillon. Par exemple, si le spectromètre employé pour enregistrer un spectre RMN de 13C a un champ magnétique de 9,4 T (ce qui correspond à la fréquence de résonance de 1H sous 400 MHz), la fréquence de l’impulsion (c’est-à-dire la fréquence de résonance appropriée à 13C dans un tel champ) est 100 MHz, et l’extension du domaine de fréquence autour de cette valeur (dite aussi largeur de bande Dν) est typiquement de 30 kHz. L’effet de cette impulsion de radiation est d’exciter tous les noyaux 13C dont la fréquence de résonance est comprise à l’intérieur du domaine Dν. Après l’impulsion, ces noyaux 13C retournent en quelques secondes à leur état d’équilibre ; mais pendant ce temps, un signal décroissant peut être détecté qui contient de l’information sur toutes les fréquences qui ont été excitées (donc les fréquences de résonance). On appelle ceci la Décroissance de l’Induction Libre (Free Induction Decay en anglais, ou FID – voir page 20). Le signal analogique mesuré est converti en un signal digital, et stocké dans la mémoire de l’ordinateur. On répète ce processus d’impulsion en additionnant les données stockées, ce qui permet d’augmenter l’importance du signal par rapport au bruit de fond, avant sa conversion en spectre RMN. Comme ce procédé augmente le rapport signal-bruit, il améliore la qualité du spectre final, et il permet la mesure de signaux très faibles, comme ceux émis par le 13C. Cette approche est aujourd’hui utilisée en routine pour enregistrer les spectres de 1H et de n’importe quel autre noyau actif. Ensuite, on effectue la transformation de Fourier (décrite dans le chapitre 2) pour convertir le signal stocké dans l’ordinateur en un spectre qui est le spectre final RMN. Exprimé de manière simplifiée, ce procédé recueille le mélange complexe de fréquences détecté après l’impulsion et le sépare en ses composants. Cela ressemble un peu à l’action d’un prisme sur la lumière blanche. À la sortie du prisme, les couleurs sont toutes séparées comme dans un arc-en-ciel. En d’autres termes, la transformation de Fourier sépare le signal original en ses éléments constitutifs. Le spectre résultant est reporté de la même façon que précédemment, avec des déplacements chimiques reportés sur une échelle de δ, relatifs au standard de tétraméthylsilane. Un exemple de spectre RMN obtenu par transformée de Fourier est celui de l’éthanol donné sur la figure 4.21. On voit en haut à gauche (a) les fréquences de battement des signaux combinés issus des divers protons (qui forment la Décroissance de l’Induction Libre). Plus bas, de (b) à (d), on voit les signaux des fréquences séparées de chaque atome H, qui sont exprimées en valeurs δ dans la partie droite. Et tout en haut à droite, les fréquences individuelles sont additionnées pour donner le spectre de l’éthanol. Comparer avec la figure 4.3, de la page 74. À haute

94

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire Spectre RMN 1H

Décroissance de l’induction libre Ethanol

(a)

1

2

sec

(b)

5

4

3

2

ppm

5

4

3

2

ppm

5

4

3

2

ppm

5

4

3

2

ppm

HC

1

2

sec

(c)

HB

1

2

sec HA

(d)

1

2

sec

Figure 4.21  Transformée de Fourier du spectre RMN 1H de l’éthanol obtenu à basse résolution (a) avec tous les composants (b) – (d) avec les protons séparés.

résolution, l’éclatement spin-spin peut être résolu, et donne le même spectre que celui obtenu par les méthodes précédentes.

Autres noyaux Nous avons déjà vu dans la section 4.6 que d’autres noyaux ont un moment magnétique, comme 2H, 11B, 13C, 14N, 19F, 31P, 35Cl, 37Cl, 79Br et 81Br. Ces noyaux interagissent avec le champ magnétique, et peuvent donc présenter leurs propres conditions de résonance, si on choisit les valeurs appropriées de B et de ν. Comme les valeurs des moments magnétiques m varient beaucoup d’un noyau à l’autre, les fréquences de résonance des divers noyaux sont en général bien séparées. Ceci est bien illustré dans la figure 4.22. On y voit que la fréquence de résonance d’un atome de fluor 19F se détecte à une fréquence qui vaut les 94 % de celle de 1H. En ajustant les caractéristiques du circuit émetteur de rayonnement dirigé sur un échantillon, on peut choisir une valeur de ν et trouver la résonance, pour détecter un seul noyau. Ce processus est similaire à la recherche des meilleures conditions d’écoute sur un poste de radio. Il signifie que plusieurs expériences de RMN peuvent être effectuées en changeant la fréquence sur le même

95

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

échantillon placé dans un champ magnétique fixe. On peut donc simultanément détecter plusieurs noyaux actifs comme 2H, 13C, 19F et 31P par exemple, en utilisant plus d’une fréquence à la fois. Cette technique permet d’enlever l’effet d’un type de noyau pendant qu’on observe un autre, comme on le verra dans le paragraphe suivant. Les expériences habituelles de RMN exigent que les molécules puissent se mouvoir librement, comme dans une solution fluide. Avec un solide, on peut simuler cette liberté en faisant tourner très vite le tube contenant l’échantillon. Le spectre à haute résolution peut être atteint avec une vitesse de rotation dite « angle magique ». 1H 19F

31P

400 376

162

13C

100

ν/MHz Figure 4.22  Fréquences de résonance relatives pour différents noyaux, si la fréquence de 1H est fixée à 400 MHz.

Spectroscopie RMN du 13C Comme dit précédemment, il est extrêmement important de pouvoir enregistrer les signaux émis par la très petite proportion des noyaux 13C présents dans le carbone naturel, puisque l’isotope majoritaire 12C n’a pas de moment magnétique. Ceci devrait nous fournir des informations sur le squelette carboné, ainsi que sur la présence de groupes fonctionnels comme CO et CN. Le spectre du Carbone-13 ne présente jamais d’éclatement 13C–13C, à cause de l’extrême rareté de cet isotope, dans la nature. Le pourcentage de molécules qui possèdent deux atomes 13C adjacents est très faible. Par contre il y a des interactions entre les noyaux 13C et les protons de la molécule, ce qui causera un éclatement comme dans les couplages 1H–1H. Cependant le résultat donne en général un schéma très compliqué formé d’une forêt de pics car le couplage peut provenir d’atomes H lointains. Heureusement, il est possible de simplifier le spectre et d’éliminer tous ces couplages en découplant simultanément tous les protons de l’échantillon soumis à une impulsion analysée par transformée de Fourier. Pour y parvenir, on irradie l’échantillon dans un domaine de fréquence plus large, de façon à exciter la résonance des protons en même temps que celle des noyaux 13C. L’absorption de cette radiation supplémentaire fait que chaque proton ne produit plus un champ magnétique local statique qui pourrait interagir avec le noyau de l’atome de carbone voisin. Au contraire, il change rapidement d’un spin à un autre. L’effet qui normalement cause l’éclatement est sans cesse inversé, et donc en moyenne nul. La figure 4.23 montre le spectre RMN

96

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

du 13C de la butanone CH3COCH2CH3 obtenu de cette façon. On comparera avec le spectre RMN de 1H vu en figure 4.11. Ce spectre 13C a été obtenu en additionnant les signaux de 32 impulsions successives, séparées par un intervalle de 3 secondes. On voit que chaque atome de carbone de la butanone donne son propre pic étroit, et son propre déplacement chimique. C’est l’étude comparative des déplacements chimiques, plus la simplification gagnée par le découplage qui est particulièrement utile dans l’analyse des grosses molécules comme les protéines, les alcaloïdes et les stéroïdes. Par exemple, la stéroïde dite acétate de cholestérol, dont la structure est donnée en marge en (4.8), donne un spectre 1H très complexe et très touffu, CH3 car tous les fragments alkyle ont presque le même déplacement chimique, et l’éclatement dû aux protons adjacents cause un recouvrement considérable. CH3CO2 Au contraire, le spectre présenté en figure 4.24 montre des différences significatives entre les déplacements chimiques. Et on parvient à distinguer les résonances des 29 atomes de carbone. Dans le cas du spectre RMN du 13C, la hauteur des pics n’est pas proportionnelle aux nombres relatifs d’atomes de carbone de la molécule. Donc on ne procède pas à l’intégration du signal. Par contre la hauteur des pics sert souvent de guide pour connaître les abondances relatives.

210 200 190 180 170 160 150 140 130 120 110 100

Figure 4.23  Spectre RMN du

170

160

150

140

13C

130

90

80

70

60

H3C

CH

CH3

CH2

CH CH2

CH3 CH3

(4.8)

50

40

30

20

ppm

complètement découplé de la butanone CH3COCH2CH3.

120

110

100

90

80

70

60

50

40

30

20

ppm

Figure 4.24  Spectre RMN complètement découplé du 13C de l’acétate de cholestérol.

97

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Déplacements chimiques de 13C Les déplacements chimiques de 13C peuvent servir pour diagnostiquer une structure. La figure 4.25 montre quelques déplacements chimiques typiques pour des composés et des groupes fonctionnels. Ces déplacements sont gouvernés par les mêmes facteurs dont on a parlé plus haut au sujet des protons.

Cétones, aldéhydes (C=O) Acides, amides, ester, anhydrides (C=O)

Nitriles (CN)

Hétéroaromatiques Arènes Alcènes

Alcynes Alcools, éthers Amines Alcanes

220

200

180

160

140

120

100

80

60

40

20

0 ppm

Figure 4.25  Déplacements chimiques en RMN du 13C.

35 30 25 20 15 10

ppm

Figure 4.26 Spectre RMN du 13C, complètement découplé, d’un composé inconnu C3H6I2.

150

100

50

ppm

Figure 4.27  Spectre RMN du 13C (entièrement découplé) d’un composé inconnu C3H6O2.

98

Il est en général facile de distinguer les groupes carbonyle, les carbones aromatiques, les alcènes et les fragments alkyle. Par exemple, dans le spectre de la butanone en figure 4.23, l’absorption à δ 210 est typique du groupe CO d’une cétone. De même, en figure 4.24, les atomes de carbone des doubles liaisons C=C de l’acétate de cholestérol sont caractérisés par des pics à δ 140 et 120. Et la haute résolution utilisée pour découpler le spectre 13C montre que pour les arènes, par exemple, tous les atomes de carbone aromatiques peuvent souvent être distingués, ce qui n’est pas le cas pour les protons aromatiques, à cause de leur mutuel recouvrement. Arrivé à ce point, le lecteur est encouragé à essayer d’identifier les composés dont les spectres sont donnés en figures 4.26 et 4.27. Dans la première de ces structures, il n’y a que deux types d’atomes 13C, avec un pic à peu près double de l’autre. Cela milite en faveur de la molécule ICH2CH2CH2I, car les alternatives CH3CH2CHI2 et CH3CHICH2I auraient chacune trois résonances différentes.

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

La seconde de ces molécules contient trois atomes C différents. Le pic à δ 172 est typique d’un carbonyle appartenant à un ester ou un acide. Il s’agit donc de CH3COOCH3

Détermination de la multiplicité carbone-proton Le principal désavantage du processus de découplage complet est que l’information structurelle fournie par l’éclatement du signal C–H est perdue. Heureusement, il est possible d’enregistrer un spectre RMN de 13C qui emploie un découplage partiel, tel que l’éclatement entre l’atome C et le proton qui lui est attaché soit réalisé, mais de façon à ce que les autres couplages soient effacés. On appelle cela un découplage « hors résonance ». Le nombre de lignes dans le spectre est gouverné par les mêmes règles que celles vues pour le couplage H-H, et le triangle de Pascal donne leurs hauteurs relatives. Par exemple, le spectre de la butanone enregistré de cette façon est présenté en figure 4.28, qu’on peut comparer au spectre complètement découplé de la figure 4.23. Il faut relever que les résonances du carbone du groupe méthyle à δ 28 et δ 7 sont maintenant découplées en quartets de hauteurs approximativement 1:3:3:1, ce qui indique qu’il y a trois protons attachés à chaque carbone. La résonance du carbone de CH2 à δ 36 est un triplet 1:2:1, tandis eu la résonance à δ 207 appartient à C=O et n’a pas d’éclatement, puisque le carbone n’est lié à aucun proton. Cette approche a maintenant été largement remplacée par une série d’expériences de haute sensibilité, qui permettent de déterminer la multiplicité du signal carbone-proton par simple inspection. Il s’agit de la méthode dite de « l’édition spectrale ». Dans ce cas, on utilise une série complexe d’impulsions de radiofréquence, qui constitue une technique appelée aussi Amélioration sans distorsion du transfert de polarisation (Distorsionless Enhancement of Polarization Transfert, DEPT). Cette série d’impulsions appliquée à l’échantillon détermine la phase du signal produit par la multiplicité carbone-proton. Le terme de phase indique ici la nature du signal qui peut être positif, donc au-dessus de la ligne de base, ou négatif, donc au-dessous de la ligne de base.

210

ppm

50

45

40

35

30

25

20

15

10

5

ppm

Figure 4.28  Spectre RMN de 13C (découplé hors résonance) de la butanone.

99

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

i

Tous les atomes C

ii

Seulement les CH

iii

CH3 et CH vers le haut CH2 vers le bas 40 30 20 10 ppm

Figure 4.29  Spectres RMN de 13C de la butanone par DEPT (complètement découplés). Le carbone carbonyle a δ 210.

Normalement on enregistre quatre spectres découplés par des protons, à savoir un spectre normal 13C, un DEPT-45° (i), un DEPT-90° (ii) et un DEPT-135° (iii). Le premier spectre normal contient des signaux des groupes méthyle (CH3), méthylène (CH2), méthine (CH) et des atomes de carbone quaternaire (C). Les autres spectres ne contiennent que les signaux des atomes C ayant des protons attachés. Dans le cas (i), tous les atomes C attachés à des protons donnent des signaux positifs. Dans le cas (ii), les seuls signaux visibles proviennent de carbone de type méthine CH. Dans le cas (iii), les groupes méthyl et méthine apparaissent comme des signaux positifs, alors que les groupes méthylène donnent des signaux négatifs. Si on emploie ces quatre spectres collectivement, on en tire la multiplicité sans ambiguïté. La figure 4.29 illustre les spectres DEPT de la butanone. À vous d’en déduire la structure. En résumé, la spectroscopie RMN de 13C faite avec un spectromètre pulsé fournit une très grande quantité d’informations sur un échantillon inconnu, à savoir le nombre d’atomes C différents, leur environnement chimique, et aussi le nombre d’atomes H attachés à chaque atome. De plus, si on change la fréquence dans le même appareil, on peut aussi étudier un autre noyau comme 1H dans le même échantillon. Ceci permet de combiner les informations autant sur H que sur C, et donc de mieux déterminer la structure de la molécule. Des exemples de cette pratique seront présentés à la fin de ce chapitre.

4.8. Méthodes RMN à deux dimensions Le développement de la spectroscopie RMN a fait que cette technique est probablement la méthode la plus puissante pour déterminer une structure moléculaire. L’énorme quantité d’informations que donne la RMN du 13C (déplacements chimiques, spectres couplés et découplés) a conduit à l’exploitation du développement de l’électronique et des ordinateurs pour construire des spectromètres toujours plus sophistiqués. Dans bien des appareils commerciaux, l’opérateur peut choisir les fréquences de résonance pour détecter une variété de noyaux ayant des moments magnétiques comme 1H, 17O, 19F, 31P (voir la section 4.6, en page 92). D’autres développements ont facilité les relations entre ces résonances comme la RMN à deux dimensions. Mais comme les détails techniques et théoriques de cette approche sont au-delà du niveau de cet ouvrage, il vaut la peine d’en effectuer une brève description, pour en illustrer l’utilité. Dans les expériences 2D, on combine plusieurs impulsions. Après la première impulsion, le noyau excité (disons de 1H) commence à revenir lentement à l’état initial. Et c’est l’analyse de cette courbe de décroissance qui crée le signal qui sera analysé par transformée de Fourier. Mais si on envoie une seconde impulsion pendant ce processus de déclin, pour exciter soit 1H, soit 13C, alors nous pouvons étudier les interactions magnétiques qui apparaissent entre les noyaux excités, parce que ces interactions évoluent pendant cette période de déclin.

100

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

Cette nouvelle information est analysée comme dans une expérience ordinaire de transformée de Fourier. Mais la différence principale est que cette expérience est répétée plusieurs fois, en augmentant à chaque fois le retard entre les deux impulsions, ce qui produit une série de spectres RMN. Ces spectres peuvent être analysés à deux dimensions, en reportant par exemple un spectre RMN de 1H en fonction d’un autre spectre 1H, ou bien un spectre 1H en fonction d’un spectre 13C. Des exemples de ces types de spectres sont donnés dans les figures 4.30 et 4.31. La figure 4.30 présente le spectre RMN de 1H dans le styrène à deux dimensions. Les pics qui se trouvent dans la diagonale correspondent au spectre normal de 1H (figure 4.15), avec tous les déplacements chimiques et les éclatements prévus (lesquels apparaissent dans un spectre 1D sur les axes verticaux et horizontaux). Mais nous voyons aussi des pics situés hors de la diagonale dans le spectre 2D. L’analyse de la projection de ces points sur les axes indique avec quel autre atome le noyau interagit magnétiquement. Dans le cas du styrène, on voit une forte corrélation entre les atomes HA et HB, qui ont le couplage HH le plus fort. Ils sont entourés d’un carré dans le spectre 2D. La présence de ces pics croisés confirme que les protons HA et HB du styrène sont connectés par un couplage mutuel spin-spin JHH qui dans ce cas vaut 17,6 Hz (et qu’on mesure dans le spectre 1D). HA

HB

HC ppm

5.5

6.0

6.5

7.0

7.5

7.5

7.0

6.5

6.0

5.5

ppm

Figure 4.30  Spectre RMN COSY en 2D de 1H – 1H du styrène.

101

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

HA

HB

HC

ppm

115 120 125 130 135

7.4

7.2

7.0

6.8

6.6

6.4

6.2

6.0

5.8

5.6

5.4

5.2

ppm

Figure 4.31  Corrélation internucléaire 1H – 13C dans le spectre RMN à 2D du styrène.

Cette approche fournit une manière particulièrement nette pour contrôler les connectivités dans une molécule, donc d’établir quel atome H est adjacent à quel autre. Un telle technique est dite spectroscopie de corrélation, et la figure 4.30 est un bon exemple de ce qu’on appelle un spectre COSY. La figure 4.31 montre l’expérience hétéronucléaire à 2D dans le cas du styrène (phényléthène). On voit les deux spectres 1H et 13C reportés l’un en fonction de l’autre. Les pics indiqués permettent de savoir quel atome H est attaché à quel atome C, ce qui aide grandement l’opérateur qui doit établir ou confirmer la structure d’un composé inconnu. Dans le cas présent, on voit que les hydrogènes B et C sont reliés au même atome 13C dont δ = 114. Ces résonances sont entourées d’un carré. Le proton HA est relié au carbone de δ = 137. On peut aussi voir que les résonances 13C provenant du carbone benzénique (δ 126-128) sont reliées aux protons correspondants. Le carbone quaternaire, donc sans hydrogène attaché, n’est pas visible dans cette expérience. Il est aussi possible de réaliser d’autres expériences en utilisant des techniques pulsées qui mettent en évidence des interactions entre atomes proches les uns des autres dans l’espace, ce qui constitue l’effet Overhauser nucléaire. La combinaison des spectroscopies RMN de 1H et 13C avec l’augmentation de la résolution (possible si on élève la fréquence à 700 MHz) fournit une méthode qui permet d’analyser des molécules aussi complexes que les protéines et les enzymes. Cette technique permet aux chercheurs d’analyser les conformations en solution (ce qui complète bien l’étude des solides par rayons X, à voir au chapitre 6). Ces principes sont illustrés dans l’étude par RMN de l’hormone dite angiotensine II, dont la structure est reportée en section 5.6, en page 130. Voir à ce sujet N. Zhou, G. J. Moore, et H. J. Vogel, J. Protein Chem,

102

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

1991, 10, 333 et aussi G. A. Spyroulias, P. Nikolakopoulou, A. Tzakos, I. P. Gerothanassis, V. Magafa, E. Manessi-Zoupa, et P. Cordopatis, Eur J. Biochem, 2003, 270, 2163.

4.9. Imagerie de résonance magnétique IRM Le développement qui a connu le plus d’impact public est probablement l’imagerie de résonance magnétique, ou RMN du corps entier. Ceci implique de placer un échantillon très gros comme un corps humain ou un bras dans le champ magnétique, et d’utiliser une radiofréquence appropriée pour obtenir la résonance de noyaux comme 1H ou 31P, dans le cas où on s’intéresse aux molécules d’eau dans les cellules humaines ou de phosphate dans les enzymes musculaires. Les signaux issus de tissus sains diffèrent de ceux de tissus malades, et, avec l’aide des rayons X, on peut obtenir une image ou une carte de l’intérieur du corps. Dans une expérience de RMN de 1H, nous pourrions nous attendre à obtenir une résonance unique en provenance de H2O qui remplit le corps humain. Mais la concentration en H2O varie beaucoup d’un endroit à l’autre du corps. Cette variation peut être étudiée par RMN, si on irradie le corps avec une fréquence constante, et qu’on effectue des mesures qui encodent l’intensité du signal dans une représentation à 3D. En d’autres termes, pour chaque position particulière dans l’échantillon, le champ produit des résonances, et donc un signal qui est fonction de la concentration des protons en ce point. En répétant cette expérience, on peut cartographier la variation de la densité des protons à travers l’échantillon dans les trois dimensions. Comme avec les rayons X, on peut observer et distinguer les tissus mous des tissus durs. Voir par exemple la figure 4.32, qui représente les os de l’épine dorsale d’un patient. Ces études effectuées par RMN ont l’avantage par rapport aux rayons X d’être sans effet néfaste sur l’organisme.

Figure 4.32  Exemple d’imagerie de résonance magnétique montrant les os de l’épine dorsale d’un patient. Ce dossier est protégé par la licence de Creative Commons Atribution-Share Alike 3.0 de Joshywills.

103

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

La collaboration entre médecins et spectroscopistes a permis de raffiner cette technique, d’en augmenter la sensibilité et le traitement de données, en utilisant parfois des agents de contraste paramagnétiques. Parmi les autres progrès de l’usage médical, on peut citer la capacité de suivre les vitesses d’irrigation et les niveaux d’oxygénation d’un organe spécifique. On peut aussi mesurer un spectre à haute résolution en un point spécifique du corps, ce qui permet de suivre l’évolution de la concentration d’un agent biochimique spécifique, comme le pyruvate, le lactate et la choline. La choline est un ion 2-hydroxy-éthyltriméthyl­ ammonium et c’est un aliment essentiel et un précurseur du neurotransmetteur acétylcholine. Les exemples qui décrivent le potentiel de ces diagnostics non invasifs incluent la cartographie de la distribution spatiale des métabolites dans le cerveau, ce qui permet d’explorer l’association possible entre le niveau (et le type) d’une tumeur et le niveau de choline, et le monitoring du pyruvate pour investiguer le cancer de la prostate.

4.10. Résumé Après avoir étudié le matériel présenté dans ce chapitre, le lecteur devrait avoir compris les principes de base de la spectroscopie RMN (résonance magnétique nucléaire), et ses applications dans la détermination des structures. Les points principaux à retenir sont les suivants : • L’existence des spins nucléaires, et leurs moments magnétiques associés, ainsi que l’identification des noyaux qui possèdent un moment magnétique. • Le principe de la résonance magnétique nucléaire, avec les caractéristiques des instruments employés pour produire un spectre. • La nature du déplacement chimique, dû à des effets électroniques, ainsi que celle de l’éclatement des signaux dans les appareils à haute résolution, ce qui permet de connaître les détails de la structure moléculaire. • Les cas particuliers qui se produisent dans les processus d’interconversions rapides, ou dans la production de spectres à deux dimensions. Le lecteur devrait avoir développé une certaine aisance dans l’emploi de la spectroscopie RMN pour résoudre des problèmes de structure (en conjonction avec d’autres techniques, comme les spectrométries IR, UV ou MS). Le lecteur devrait aussi avoir acquis une certaine compréhension de l’usage de la RMN en chimie et en biologie, en particulier dans l’imagerie de résonance magnétique et son potentiel en médecine.

Les calculs de résolution et les réponses de ces exercices sont disponibles sur les références en ligne.

104

4.11. Exercices 4.1. Identifier le composé de formule C3H8O dont les spectres 1H et 13C sont reportés en figure 4.33. Les expériences DEPT fournissent

4. Spectroscopie de résonance magnétique nucléaire

une information sur le nombre de protons attachés au carbone, et les résultats sont donnés entre parenthèses. 4.2. Identifier le composé de formule C4H8O2, dont les spectres 1H et 13C sont décrits en figure 4.34. Les expériences DEPT fournissent une information sur le nombre de protons attachés au carbone, et les résultats sont donnés entre parenthèses. (a)

3.5

3.0

2.5

2.0

1.5

1.0

ppm

(b)

(CH2)

65

(CH2)

60

55

50

45

Figure 4.33  Spectres de RMN de

40

1H

et

35

13C

30

25

(CH3)

15

20

ppm

d’un composé inconnu C3H8O (exercice 4.1).

(a)

4.0

3.5

3.0

2.5

2.0

1.5

(CH2)

(b)

170

160

150

140

130

120

110

100

90

80

70

60

50

ppm

(CH3)

40

30

20

(CH3)

ppm

Figure 4.34  Spectres de RMN de 1H et 13C d’un composé inconnu C4H8O2 (exercice 4.2).

105

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

4.3. Dans le spectre RMN de la butanone (figure 4.11), enregistré à 400 MHz, déterminer la séparation entre les pics 1:2:1 de la résonance du groupe méthyle à δ 1,05 ppm. Puis calculer le couplage Dν en Hz, entre les atomes H des groupes méthyle et méthylène dans le groupe éthyle. 4.4. Le spectre IR d’un composé est reporté dans l’exercice 2.13, page 53, et son spectre de masse est décrit dans l’exercice 5.3 en page 134.Quant au spectre RMN de 1H, il est formé d’un multiplet à δ 7,2 de surface 5, d’un singulet à δ 5,1 de surface 2, et d’un singulet à δ 1,95 de surface 3. Quelle structure pouvez-vous envisager pour cette molécule ? Utiliser le spectre de masse et IR pour donner une structure plus précise. Quel devrait être le spectre 13C d’une telle molécule ? 4.5. La figure 4.17 montre le spectre RMN de 1H du cumène (2-propylbenzène). Le signal complexe à δ 7,2 est quelque peu déformé, mais il correspond aux protons du groupe phényle. Cette zone est représentée en agrandi entre 7,1 et 7,3 ppm. Utiliser toutes les informations disponibles (déplacement chimique, éclatement et intégrations) pour attribuer chaque signal à un proton du cycle. 4.6. Le spectre RMN du cyclohexane enregistré sur un spectromètre de 500 MHz ne contient qu’une seule ligne de δ 1,44 à température ordinaire. Par contre si on le refroidit à –80 °C, il apparaît aux lignes 1:1 séparées de δ 0,48. Expliquer l’origine de ces deux absorptions, et expliquer pourquoi ces deux lignes se fondent en une seule à température plus élevée. 4.7. Essayer de prédire l’éclatement du spectre RMN de 31P et 19F dans la molécule PF3 qui a une géométrie pyramidale. Note : On trouvera davantage de problèmes, qui utilisent toutes les spectroscopies (spectrométrie de masse, UV-IR, et de RMN 1H et13C) à la fin du prochain chapitre (page 135).

4.12. Lectures supplémentaires L. M. Harwood et T. D. W. Claridge (1996), Introduction to Organic Spectroscopy, Oxford University Press, Oxford. Peter Hore, Jonathan Jones, and Stephen Wimperis (2015), NMR : The Toolkit, 2nd Edition, Oxford University Press, Oxford. D. H. Williams et I. Fleming (2007), Spectroscopic Methods, 6th Edition, McGraw-Hill, Maidenhead.

106

5

Spectrométrie de masse

5.1. Introduction La technique de spectrométrie de masse voit son origine remonter aux premières expériences du début du xxe siècle. Elle est maintenant reconnue comme une méthode remarquablement efficace pour déterminer les masses molaires, la formule et la structure des molécules. On va voir dans ce chapitre que son application permet de résoudre de nombreux problèmes de structure sophistiquée, le tout rapidement et avec très peu de matière. Elle se révèle particulièrement puissante si on l’utilise en conjonction avec la RMN et d’autres techniques. Elle trouve des applications croissantes en biochimie et en écologie. Ce chapitre va d’abord introduire les principes fondamentaux de la spectrométrie de masse, qui diffèrent de ceux rencontrés dans les spectroscopies décrites dans les précédents chapitres. Puis nous montrerons comment utiliser cette technique pour déterminer les masses moléculaires et les formules, et comment interpréter les schémas de fragmentation pour établir une structure. Nous fournirons quelques exemples résolus d’analyse structurelle, pour montrer comment cette technique aide à résoudre certains problèmes, et quelques exemples de spectres de composés inconnus, que le lecteur devrait résoudre. On montrera aussi comment combiner les techniques déjà vues (IR et RMN) avec la spectrométrie de masse pour résoudre certaines structures moléculaires. Et dans le dernier paragraphe, nous ferons un rapide survol des applications structurelles et analytiques de la spectrométrie de masse en chimie et en biochimie, en mettant en évidence son extrême sensibilité.

5.2. L’expérience de base en spectrométrie de masse Le principe de cette méthode consiste à obtenir un ion chargé positivement, qui soit caractéristique de la substance étudiée, et ensuite de déterminer la masse de cet ion en utilisant une approche proposée par J.J. Thomson pour mesurer le rapport charge : masse (z/m) des électrons. La technique implique l’emploi des champs électriques et magnétiques pour dévier les particules chargées. Thomson et son collègue Francis Aston, qui ont tous deux reçu le Prix Nobel pour cette découverte, ont utilisé un champ magnétique

107

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

pour dévier la trajectoire des ions positifs, obtenus par l’ionisation des atomes de néon. L’examen de la trace produite par les ions positifs jusqu’au moment où ils atteignent un détecteur montre qu’il y avait deux sortes d’ions, dus à deux isotopes du néon (20Ne et 22Ne), qui diffèrent en masse à cause de leur teneur différente en neutrons. Faisceau d’électrons

Entrée de vapeur

Création d’ions positifs Application d’un potentiel accélérateur

Aimant

Trajectoire des ions positifs Enregistreur

Figure 5.1  Schéma d’un spectromètre de masse simple, montrant comment les ions positifs de masse donnée se focalisent sur le détecteur.

Ionisation : M→ M+ + e–

zV =

mv 2 2

(5.1)

Bzv =

mv 2 R

(5.2)

m B 2R 2 = z 2V

(5.3)

108

Le montage d’un spectromètre simple est donné en figure 5.1. Une très petite quantité de matière sous forme gazeuse (obtenue par exemple en chauffant l’échantillon) est introduite dans la chambre d’ionisation à très basse pression (environ 10–4 N m–2). Cette vapeur est bombardée par des électrons de haute énergie. La collision entre un électron rapide et une molécule M (ou un atome) éjecte un électron de M, ce qui laisse un ion chargé positivement M+ selon un processus dit Impact électronique (abrégé EI). Les ions ainsi créés sont attirés par un potentiel électrostatique et sont accélérés vers la plaque négative. Ils traversent une fente dans cette plaque, puis leur trajectoire est déviée par un champ magnétique puissant, d’une quantité qui dépend de leur masse m et de leur charge z. La déviation est d’autant plus grande que la masse est plus petite et la charge plus grande. Ce type de spectromètre de masse est appelé instrument à secteur magnétique. Le calcul de la déviation peut se faire ainsi. L’énergie potentielle d’un ion de charge z, soumis à un potentiel V dans la chambre d’ionisation, vaut zV. Cet ion est accéléré à travers la fente, et dans ce processus, son énergie potentielle est transformée en énergie cinétique mv2/2, où m et v désignent la masse et la vitesse de l’ion, respectivement. Voir l’équation (5.1). Quand l’ion positif traverse le champ magnétique (de densité de flux magnétique B), il subit une force dirigée à angle droit de la direction de sa trajectoire et du champ magnétique. Cette force est égale à Bzv. L’ion est alors contraint de suivre un arc de cercle de rayon R, comme dans l’équation (5.2). La combinaison de ces équations conduit à l’expression importante (5.3) qui relie m, z, B, R et V. On voit que le rayon de courbure R d’un ion de masse m et de charge z est déterminé par B et V, donc par la valeur des champs électrique et magnétique. En pratique, R est fixe et déterminé par la géométrie de l’appareil, et la position du détecteur. On maintient V

5. Spectrométrie de masse

constant, et on fait varier B. La valeur de B permettant à un ion donné de toucher le détecteur est une mesure du rapport m/z de cet ion. La plupart des ions positifs créés ont juste perdu un électron, et ils sont toujours la même charge (égale et opposée à celle de l’électron). Cela signifie que si, dans une expérience, on fait varier B, les ions de différentes masses atteignent le détecteur et on peut parcourir et enregistrer successivement les masses de tous les ions possibles en faisant varier le champ B. Comme la masse de l’électron est très faible, la masse de l’ion détecté est égale à celle de la molécule parente. On détecte l’arrivée d’un ion à l’aide d’un multiplicateur d’ions positifs. L’arrivée d’un ion produit un signal. Cette façon de faire engendre ce qu’on appelle un spectre de masse ; c’est-à-dire un graphique reportant le nombre d’ions détectés en fonction de leur masse. Les premiers spectromètres de masse construits n’avaient qu’une faible résolution, et ne permettaient guère de faire mieux que séparer les deux isotopes du néon (20Ne et 22Ne). Les spectromètres modernes font mieux, grâce à l’emploi d’un système de focalisation formé d’un analyseur électrostatique ou d’un quadrupole, ce qui a permis d’obtenir des ions dont l’énergie était définie avec plus de précision. Une autre méthode pour améliorer la résolution recourt à la technique du temps de vol (Time-of-flight, TOF). Une fois que les ions ont été créés et accélérés, ils se déplacent dans une zone à champ nul où ils avancent avec des vitesses différentes. Voir l’équation (5.4), qui dérive de (5.1). Ces ions n’atteignent pas tous le détecteur au même instant (voir figure 5.2). Le temps de parcours dépend de leur masse. L’étude de leurs retards relatifs peut déterminer un spectre de masse. v=

2zV (5.4) m

Il existe aussi des spectromètres qui fonctionnent avec d’autres sources d’ions, et d’autres analyseurs de masses. Il arrive aussi que, en plus des ions moléculaires M+, on détecte des ions de la molécule protonée MH+. Une variante utilisée pour créer des ions positifs est le bombardement d’atomes ou d’ions rapides (par exemple des ions césium), permettant de volatiliser et d’ioniser des molécules inorganiques non volatiles. On peut aussi utiliser les spectromètres MALDI (anglais : Matrix Assisted Laser Desorption Ionization), dans lesquels la molécule à analyser est incluse dans une matrice de polymère, et soumise ensuite à l’action d’un faisceau laser (voir figure 5.2). Il existe aussi des spectromètres à ionisation à la pression atmosphérique (API en anglais), où une solution de la substance analysée est chauffée brutalement dans une décharge de type corona. On connaît encore des spectromètres à ionisation chimique (CI), dans lesquels on excite d’abord un gaz inerte comme CH4 qui effectue un transfert de protons au substrat, et des spectromètres de masse à ionisation par électrospray (ESI), dans lesquels on évapore des gouttelettes de solution (d’origine biologique) dans la chambre d’entrée ; la protonation de ces molécules donne des ions qu’on peut focaliser et détecter.

109

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Zone d’accélération

+

+

+

+ Matrice de l’échantillon

+

+

Région à champ nul

+ +

+

+

+

+

Faisceau laser Source d’ionisation

Analyseur de masse

Détecteur

Figure 5.2 Diagramme simplifié d’un spectromètre de masse à temps de vol, avec une source d’ions positifs de type MALDI.

Les exemples décrits plus bas démontrent la remarquable puissance des spectromètres de masse modernes, permettant d’obtenir une très haute résolution, donc de séparer des masses très voisines, le tout en un temps très court, et avec une grande sensibilité. On détecte ainsi des quantités de matière de l’ordre de 10–12 à 10–15 g. Et la mesure des masses se fait en routine jusqu’à la troisième ou la quatrième décimale.

5.3. Mesure des masses atomiques et moléculaires relatives Masses molaires relatives 14N

2

28,0062

12C16O 27,9949 12C 1H 28,0313 2 4

110

Les spectromètres de masse modernes peuvent être utilisés dans de nombreuses sortes d’études. Par exemple, ils peuvent servir à faire un balayage rapide des ions issus de nombreuses substances, comme dans les expériences dites à impact électronique. Dans d’autres cas, si la résolution est élevée, ils peuvent servir à séparer des pics de masses très proches, et fournir les masses atomiques et moléculaires avec précision. L’exemple qui suit montre une application de cette approche. Ainsi un pic de masse 28 peut très bien être dû à l’azote 14N2, au monoxyde de carbone 12C16O ou à l’éthène C2H4. Cependant ces trois molécules ont des masses très légèrement différentes, comme indiqué dans la note en marge (ces valeurs suivent la convention internationale attribuant la masse de 12 exactement à l’isotope 12C). Arrivé à ce point, le lecteur pourra aisément en tirer les masses atomiques exactes des atomes 1H, 14N et 16O. Le spectromètre de masse à haute résolution permet d’identifier facilement si un pic 28 appartient à l’une de ces trois molécules. De plus, si elles sont présentes simultanément dans le même mélange gazeux, les pics peuvent être séparés. Et si l’un d’entre eux est identifié sans risque d’erreur, sa masse peut servir de base pour calculer les masses des autres constituants.

5. Spectrométrie de masse

Les hauteurs relatives des pics enregistrés peuvent servir à don- Masse atomique Abondance ner des informations quantitatives. Par exemple, le spectre du néon relative relative (%) peut servir à déterminer exactement la masse de ses isotopes, mais 20Ne 19,9924 90,92 % aussi leur abondance relative. 21Ne 20,9940 0,26 % Il vaut la peine de rappeler la différence entre la masse atomique 22Ne 21,9914 8,82 % des isotopes qu’on détermine par la spectrométrie de masse, et la moyenne massique qu’on obtient par les autres méthodes chimiques. Par exemple, le 35Cl a une masse relative de 34,9688, et celle de 37Cl est de 36,9659 ; la masse atomique moyenne du mélange naturel des isotopes (75,53 % de 35Cl et 24,47 % de 37Cl) est 35,45.

5.4. Spectrométrie de masse des molécules : un exemple détaillé

Abondance relative/%

Quand un composé organique est introduit dans un spectromètre de masse standard, la molécule est ionisée par perte d’électron, et l’ion positif ainsi produit traverse le système de focalisation, et fournit un pic à la masse molaire relative appropriée. Mais le spectre de masse peut aussi donner des informations sur la fragmentation. Par exemple, la figure 5.3 montre le spectre de l’éthanol (CH3CH2OH). C’est un graphique reportant la hauteur du signal (proportionnel au nombre d’ions de m/z donné) en fonction des valeurs de m/z croissantes en abscisse. Cet axe correspond à l’échelle des masses si les ions ont la même charge, ce qui est en général le cas. La plupart des pics sont situés à des valeurs très proches de nombres entiers. À ce stade, on n’a pas toujours besoin de haute résolution. Les principaux pics observés avec l’éthanol seront décrits brièvement. Il peut y avoir des pics dus à des traces d’air, ce qui donne des pics aux masses 28 (N2) et 32 (O2), qui sont approximativement dans le rapport de 4:1. Ces pics peuvent servir à calibrer la position des autres pics. On exprime la hauteur des autres pics en pourcent de celui qui est le plus haut, et qu’on appelle le pic de base. Ici c’est celui où m/z vaut 31. 31

100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0

46 (M) (M+1) 10

20

30

40

50

m/z

Figure 5.3  Spectre de masse de l’éthanol.

111

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Le spectre montre le pic attendu à m/z 46, qui correspond à la molécule parente (dont la masse moléculaire relative est la somme de 2 C, 6 H et 1 O). Cet ion a pour formule [C2H5OH]+. Il y a aussi un très petit pic à m/z 47, qu’on appelle pic (M+1) : il correspond aux rares molécules d’éthanol contenant un atome 13C ou un atome 17O, ou un atome 2H, dont la masse molaire donne 47. L’abondance relative de 13C est de 1,1 %, celle de 17O est de 0,04 %, et celle de 2H est de 0,01 %. On parvient à détecter un pic encore plus petit à la masse 48. Ce pic est dit (M + 2), et il contient deux de ces atomes rares précédents. Les autres pics du spectre sont des fragments de la molécule d’éthanol qui se sont formés lors de l’ionisation initiale, par fragmentation de l’ion initial. En effet, les électrons ionisants possèdent une énergie suffisante pour non seulement ioniser mais aussi briser l’ion formé. Les fragments positifs sont accélérés, puis focalisés et enregistrés à leur valeur particulière de m/z. Le pic principal est à m/z 31, et correspond au fragment [CH2OH]+ et il est dû à la perte de CH3 du ion parent [CH3CH2OH]+. La structure de cet ion sera discutée plus tard, comme le sera le mécanisme expliquant cette fragmentation. Mais il paraît évident que ces pics contiennent des informations importantes sur la structure moléculaire. Il faut noter à ce point que les autres méthodes de produire des ions positifs (MALDI, API, ESI, CI) produisent souvent des spectres présentant moins de fragmentations que la technique EI présente.

5.5. Analyse d’un spectre de masse La masse moléculaire : Détermination des masses molaires relatives et des formules Formule

Masse molaire relative

C2H4O2

60,0211

C3H8O

60,0575

112

La plupart des molécules donnent un pic moléculaire bien visible. Et c’est en général le cas pour les molécules ayant des électrons π. Citons le cas du benzène qui donne un ion moléculaire important, puisqu’un de ses électrons peut être perdu sans que la structure moléculaire soit brisée. Cependant, il existe des cas où le pic moléculaire est absent. Il faut donc être prudent avant de considérer que la valeur m/z la plus élevée correspond au pic moléculaire. Arrivé à ce stade, il est possible de déterminer avec une grande précision la masse molaire relative de n’importe quel pic, y compris le pic moléculaire, si on travaille sous haute résolution. Mais comme les différents atomes ont des masses qui ne sont pas exactement des nombres entiers, et que les combinaisons qu’ils forment avec une masse similaire ne sont pas identiques (c’est le cas de C2H4 et N2), la connaissance de la masse moléculaire relative exacte (à 3 ou 4 décimales) devrait permettre de définir la formule moléculaire exacte, sans ambiguïté. Par exemple, si on détecte un pic moléculaire de m/z 60, on pourrait penser qu’il s’agit aussi bien d’acide acétique CH3COOH que de propanol C3H7OH. Le recours à

5. Spectrométrie de masse

la haute résolution permet de lever cette ambiguïté. Voir en marge. Pour prendre un autre exemple, si on détecte un pic de masse m/z 94,0419, on peut sans hésitation affirmer que ce composé est C6H6O. Si la haute résolution n’est pas disponible, on peut tout de même tirer parti des pics à M, (M + 1) et (M + 2). Par exemple, pour l’acide éthanoïque ou acétique C2H4O2, la hauteur du pic (M + 1) à m/z 61 est due principalement à 12C13CH4O2. Elle devrait être un peu plus de 2 % de la hauteur du pic de l’ion moléculaire m/z 60. Il y a en effet 2,2 % de chances pour que la molécule contienne un atome 13C. Et la probabilité de contenir 2H ou 17O est bien plus faible. Dans le cas de C3H8O, cette probabilité est juste supérieure à 3 %. Pour un composé qui contiendrait par exemple onze atomes C, les intensités relatives des pics M et (M + 1) seraient dans un rapport de 88:12, et ce résultat provient du calcul (100 – (11 × 1,1)) × (11 × 1,1). Il est donc clair que la mesure des hauteurs relatives des pics M et (M + 1), et parfois de (M + 2) permet d’établir un diagnostic utile. Il existe des tables de rapports M :(M + 1) :(M + 2) pour différentes formules moléculaires. Dans tous les cas, il suffit d’une très brève inspection pour prendre une décision : le pic (M + 1) a une hauteur qui vaut le N % du pic principal, où N désigne le nombre d’atomes C de la formule. Un pic (M + 2) plus important que d’habitude peut signifier que la formule contient un atome de soufre S, car le soufre naturel contient 4,22 % de l’isotope 34S. Cet effet isotopique est particulièrement frappant pour les atomes de chlore et de brome. La figure 5.4 par exemple montre le spectre de masse du chlorométhane, où les pics m/z 50 et 53 sont respectivement dus à CH335Cl et CH337Cl. On voit que leurs hauteurs relatives sont dans le rapport des abondances isotopiques de 35Cl et 37Cl (qui vaut approximativement 3:1. Pour le bromométhane de la figure 5.5, il existe deux pics de pratiquement même intensité, dus l’un à CH379Br et l’autre à CH381Br, car les deux isotopes du brome ont presque la même abondance naturelle.

100 90 Abondance relative/%

80

50 M (CH335Cl)

15

70 60 50 40

52 M (CH337Cl)

30 20 10 0 10

20

30

40

50

m/z

Figure 5.4  Spectre de masse du chlorométhane CH3Cl.

113

Les fondements de la détermination des structures moléculaires 100

15

M (CH379Br)

90 Abondance relative/%

80

94

M (CH381Br) 96

70 60 50 40 30 20 10 0

10

20

30

50

60 m/z

70

80

90

100

110

Figure 5.5  Spectre de masse du bromométhane CH3Br.

Un autre truc utile est le fait que si le m/z d’un ion moléculaire est un nombre impair, c’est qu’il contient très vraisemblablement un nombre impair d’atomes d’azote N. Chacun peut le vérifier avec des exemples de son choix, comme CH3NH2, CH3CONH2 ou C6H5NH2. Et rappelons pour terminer que le pic de m/z le plus élevé observé n’est pas nécessairement le pic moléculaire. Cela peut être un pic issu de la fragmentation de l’ion moléculaire, lequel donne un signal trop faible pour être détecté. Il vaut donc la peine d’interpréter un spectre de masse en le comparant aux autres données spectroscopiques, chaque fois que c’est possible.

Schémas de fragmentation des molécules organiques : diagnostic des caractéristiques structurelles Fragmentation M → M+ → P + + Q

114

Il existe plusieurs possibilités de fragmentation d’un ion moléculaire M+ et à chaque fois, la charge positive ne reste que sur un fragment. Et si par exemple la fragmentation de M+ forme deux fragments P+ et Q, il est possible que P+ subisse encore une fragmentation supplémentaire. La détermination des modes de fragmentation est dérivée de la pratique des spectres de molécules connues. Les déductions sont basées sur l’intuition chimique. On constate par exemple que les schémas de fragmentation ressemblent à ceux qu’on emploie pour comprendre la chimie des solutions. Par exemple, on cherche à déterminer lequel des deux fragments issu d’une fragmentation est le plus apte à porter une charge positive, et où se trouve la liaison la plus faible, et quelle espèce relativement stable est susceptible de se former. Premièrement, il faut compter les électrons et les charges, car presque toutes les molécules ont un nombre pair d’électrons. Donc l’ion moléculaire formé par ionisation doit avoir une charge et un nombre impair d’électrons. Cet électron non apparié et cette charge doivent se retrouver dans les produits de fragmentation.

5. Spectrométrie de masse

Les principaux types de fragmentation sont les suivants : (i) Clivage simple. Ce clivage correspond à la rupture d’une liaison simple dans l’ion moléculaire. Le spectre de l’éthanol fournit un bon exemple de ce type de rupture. Voir la figure 5.3. On voit que le pic moléculaire est à m/z 46, et le pic de base à m/z 31. Ce dernier correspond à un ion moléculaire qui a perdu la masse 15 avant d’être accéléré et focalisé : on l’appelle pic M–15 (ou M moins 15), et il est dû à l’ion CH2OH+ comme on le voit en marge. On notera que le point accolé à un atome désigne un électron non apparié. Le résultat de cette fragmentation forme le radical neutre méthyle ·CH3 et l’ion [CH2OH]+. Et comme la charge de cet ion est portée par l’atome de carbone, ce type d’ion est appelé ion carbonium ou carbocation, et écrit parfois +CH2OH. Le radical méthyle n’est pas chargé, donc il n’est pas détecté. Parmi les autres pics du spectre, on voit que les pics de m/z compris entre 27 et 29 sont typiques d’une molécule portant un groupe éthyle. De la même façon qu’un pic (M–15) est typique d’un groupe méthyle dans la molécule initiale. L’importance relative du pic m/z 31, dû à [CH2OH]+ s’explique en considérant qu’il est relativement stable par rapport aux autres possibilités que sont les ions [CH3]+ ou [CH3CH2]+, et cette relative stabilité provient du fait que l’atome d’oxygène a des paires d’électrons non liants, qui peuvent aider à stabiliser la charge positive portée par l’atome de carbone. Cela est possible, car il y a répartition ou délocalisation de la charge et des électrons entre le carbone et l’oxygène. Voir le schéma en marge. La double flèche indique que la structure moléculaire réelle se situe quelque part entre ces deux extrêmes. On peut expliquer de la même manière le pic m/z 45, attribué à l’ion +CH(CH )OH formé par la perte d’un atome H. Cet ion est plus stable 3 que CH3CH2O+, où la charge positive n’est répartie que sur l’atome O, Ce mode de fragmentation s’observe souvent quand un ion peut être produit avec une charge positive fixée à un carbone adjacent d’un atome porteur de doublet non partagé comme O, S ou N. On l’observe donc dans les alcools, les éthers, les amines et les thiols. Ce schéma de fragmentation typique permet de reconnaître un type de molécules. Il existe d’autres cas d’ions positifs relativement stables, comme le groupe phénylméthyle ou benzyle et les composés de type carbonyle. La figure 5.6 montre le cas particulièrement net du toluène (éthylbenzène). En plus du pic moléculaire à m/z 92, et du pic (M+1) à m/z 93 (dont l’intensité est de 8 % du pic moléculaire, correspondant aux 7 atomes C de la molécule – voir section 5.4), il y a un pic intense à m/z 91. C’est donc le pic de base et c’est (M – 1). Cet ion est issu de la perte d’un atome H et d’un électron dans la molécule de méthylbenzène, ce qui forme le cation stable phénylméthyle. Voir en marge. La raison de la stabilité du cation vient du très grand nombre de possibilités de délocaliser la charge positive, ce qu’on peut représenter par le schéma en marge.

m/z 46

CH3CH2OH CH3

CH2OH m/z 31

C2H5OH

C2H5O

H

m/z 45

C2H5OH

C2H5

HO

m/z 29

C2H5OH

H 2O

C2H4 m/z 28

C2H5

H2

C2H3 m/z 27

CH2 O H

CH2 O H

CH3

CH2 H m/z 91

CH2

CH2

CH2

CH2

115

Les fondements de la détermination des structures moléculaires 100

91

90 Abondance relative/%

80

92(M)

70 60 50 40 30 20 (M+1)

10 0

10

20

30

40

50 m/z

60

70

80

90

100

Figure 5.6  Spectre de masse du méthylbenzène C6H5CH3.

RR'C = O

R' R C = O RCO

R C R

CO

CH3COCH2CH3 CH3

CH2CH3

CH3CH2CO

CH3CO

m/z 57

O

Ce type de fragmentation, qui conduit à l’existence d’un pic à m/z 91, est caractéristique des composés de type C6H5CH2X, pour lesquels ce mode de clivage est favorisé. Le spectre de masse du méthylbenzène montre aussi quelques petits pics, qui indiquent d’autres modes de fragmentation. On voit par exemple des fragments contenant deux, trois et quatre atomes de carbone, et en particulier celui de m/z 51 qui correspond à [C4H3]+ provenant de la destruction du cycle aromatique. Mais la présence de ces pics n’est pas aussi utile que ceux issus de la fragmentation principale. Les composés contenant un groupe carbonyle RCOR’ tendent à se décomposer en donnant un ion fragment de type RCO+ où la charge positive est partagée entre le carbone et l’oxygène. Les autres pics sont dus d’abord à l’autre rupture formant le pic R’CO, et à la perte de CO par ces ions fragments. On illustre ces phénomènes en considérant le spectre de la butanone, ou méthyléthylcétone, en figure 5.7. On y voit le pic moléculaire en m/z 72, et les pics (M–15) à m/z 57 et (M–29) à m/z 43. Ces pics à 57 ou (M–15) et à 29 (M–43) correspondent à la perte de CH3 et de C2H5 de l’ion moléculaire. 43

100

m/z 43

90 Abondance relative/%

80 70 60 50 40 30 20

72 (M)

10 0

10

20

30

40 m/z

50

60

Figure 5.7  Spectre de masse de la butanone CH3COCH2CH3.

116

70

80

5. Spectrométrie de masse

Le spectre de la diméthylbutanone (méthyl t-butyl cétone), présenté en figure 5.8, montre fort bien le pic (M-43). L’ion diméthyléthyl ou t-butyl +C(CH3)3, de m/z 57, donne un pic particulièrement intense, à cause de la stabilité intrinsèque de l’ion carbonium tertiaire (donc avec trois groupes alkyle attachés au carbone porteur de la charge positive). Ce type de fragmentation est favorisé, parce qu’un ion carbonium tertiaire est plus stable qu’un ion carbonium secondaire, lequel est plus stable qu’un ion carbonium primaire. Cette propriété vient de l’effet donneur d’électrons que possèdent les groupes alkyle. En conséquence, la fragmentation se produit de préférence sur le point de branchage. (ii) Fragmentation avec réarrangement. Il arrive parfois que la fragmentation se produise selon un schéma plus compliqué que celui discuté dans le paragraphe précédent (i). Il se produit alors des réarrangements moléculaires. 100

57

90 Abondance relative/%

80 70 60 50 40 30

100 (M)

20 10 0

10

20

30

40

50

60 m/z

70

80

90

100

Figure 5.8  Spectre de masse de la diméthylbutanone (CH3)3CCOCH3.

À titre d’exemple, on peut citer le spectre de masse du butanoate de méthyle CH3CH2CH2COOCH3, qui est montré en figure 5.9. On devine à peine le pic moléculaire à m/z 102. Le clivage de la liaison C–O fournit le pic CH3CH2CH2CO de m/z 71 (par perte de OCH3) suivi de la perte de CO qui donne le pic du propyle de m/z 43. Le même clivage fournit aussi le pic CH3CO2 de m/z 59 (perte de propyle). On voit aussi que la perte de méthyle conduit au pic m/z 87. On distingue aussi le pic de l’éthyle à m/z 29. Par contre on ne comprend pas bien l’origine du pic de m/z 74, donc (M – 28). On pense qu’il s’agit du transfert d’un atome H depuis CH3 vers un atome d’oxygène pendant le processus de fragmentation. L’ion formé de m/z 74 correspond à la forme énol de l’acétate de méthyle CH3COOCH3. Voir à ce sujet la section 3.5. Il vaut la peine de noter que les fragmentations simples donnent des fragments de nombre impair. Ici par contre, la fragmentation (M – 28) correspond à la perte d’un fragment de masse paire, donc d’une molécule entière. Ceci est ce qu’on appelle un réarrangement de McLafferty. Il se produit chaque fois qu’un atome H se trouve très près d’un oxygène de

CH3CH2CH2 C

O OCH3

OCH3

CH2CH2CH3

CH3CH2CH2CO

CO2CH3

m/z 71

CH3CH2CH2

m/z 59

CO

m/z 43

117

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

type carbonyle. Il se produit particulièrement facilement quand il y a six atomes en chaîne, formant une boucle. 43

100 90

H2C

CH2 CH2

C H2

80

O C

O

H H2C

CH3

O C O

Abondance relative/%

H2C

H

CH3

70 60 50 40 30 20 10

102 (M)

m/z 74

0

10

20

30

40

50

60 m/z

70

80

90

100

Figure 5.9  Spectre de masse du butanoate de méthyle CH3CH2CH2COOCH3.

Quelques exemples de schémas de fragmentation

H

CHClCH3 m/z 63, 65

CH3

CH2Cl

Cl

CH2CH3

m/z 49, 51

CH3CH2Cl

m/z 29

HCl

C2H4 m/z 28

Les quelques règles énoncées plus haut devraient permettre d’élucider de nombreux spectres de masse. Les exemples suivants représentent tous une classe différente de composés organiques. Chloroéthane (figure 5.10). Le spectre de masse montre les deux ions moléculaires attendus de CH3CH235Cl et CH3CH237Cl, de m/z respectivement 64 et 66, et dans un rapport d’intensité de 3:1. La perte de H donne les pics à m/z 63 et 65, et la charge est portée par l’atome de carbone proche de celui de chlore (par analogie avec +CH2OH et +CH(CH )OH de la section 5.5). La perte de CH donne les pics de 3 3 m/z 49 et 51. La perte de Cl donne le pic m/z 29. Le pic m/z 28, dû à 64 M (C2H535Cl)

100

Abondance relative/%

90 80 70 60 50 40

66 M (C2H537Cl)

30 20 10 0

10

20

30

40 m/z

50

60

Figure 5.10  Spectre de masse du chloroéthane CH3CH2Cl.

118

70

80

5. Spectrométrie de masse

l’éthène, se produit par perte de la molécule HCl, ce qui implique un autre schéma de fragmentation. Diéthyl éther (ethoxyéthane) CH3CH2OCH2CH3. Voir figure 5.11. Le spectre montre l’ion moléculaire à m/z 74, et un pic (M-15) à m/z 59, ce qui indique la perte d’un groupe méthyle. Cela laisse le fragment ·CH2OCH2CH3, dans lequel l’atome d’oxygène exerce son action stabilisatrice de la charge. Les pics à m/z 45 (M-29) et 29, sont issus de la même rupture, à côté de l’atome d’oxygène, où la charge est portée tantôt par l’un des fragments, tantôt par l’autre. Le pic de m/z 31 est probablement dû à +CH2OH, qui se forme comme décrit en marge. Le pic de m/z 45 donc (M-29) doit se former par un mécanisme semblable. Cette fragmentation est favorisée par la production d’une molécule stable, l’éthène, et la rétention de la charge sur l’atome de carbone voisin d’un oxygène. 100

CH2 O CH2 H CH2 CH2OH

CH2

m/z 31

CH2

CH3CH O CH2CH3

CH3CHOH

CH2

m/z 45

CH2

31

90 Abondance relative/%

80 70 60 50 40 30

74 (M)

20 10 0

10

20

30

40 m/z

50

60

70

80

Figure 5.11  Spectre de masse du diéthyl éther CH3CH2OCH2CH3.

Diéthylamine (C2H5)2NH (figure 5.12). Cet ion moléculaire impair confirme la structure avec un atome d’azote, et un seul. La fragmentation conduit aux pics (M–1) de m/z 72, et de structure +CH(CH3)NHCH2CH3, ainsi qu’au pic (M–15) de m/z 58 dû à la structure +CH2NHCH2CH3. Dans ces deux structures, la charge positive est portée par l’atome de carbone voisin de l’atome d’azote, qui porte une paire d’électrons non liants. La perte d’un groupe éthyle donne le pic (M–29) de m/z 44. Ce pic pourrait être +NHCH2CH3. Mais il est plus probable qu’un réarrangement ait conduit vers l’isomère plus stable +CH(CH3)NH2, comme nous l’avons vu pour +CH(OH)CH3 dans l’exemple précédent.

119

Les fondements de la détermination des structures moléculaires 58

100 90 Abondance relative/%

80 70 60 50 40 30 73 (M)

20 10 0

10

20

30

40 m/z

50

60

70

80

Figure 5.12  Spectre de masse de la diéthylamine (CH3CH2)2NH.

Acétophénone. C6H5COCH3 (figure 5.13). Ce spectre de masse montre un pic moléculaire à m/z 120, et un pic (M–15) à m/z 105 caractéristique de la perte d’un groupe méthyle. La fragmentation de l’autre côté du groupe carbonyle se produit également et forme le pic (M–43) à m/z 77. H

H

100

O H

C H

CH3

80

H

H

H

H

H

H H

H

C O H

m/z 105

m/z 77

O C

H

CH3

CH3

Abondance relative/%

H

105

90

70 60 50 40 120 (M)

30 20 10 0

(M+1) 30

40

50

60

70

80 m/z

90

100

110

120

Figure 5.13  Spectre de masse de l’acétophénone C6H5COCH3.

H2C

H

O HC C C CH3 H3C H2

CH2

H

CH CH3

H2C

O C CH3

m/z 58

120

La détection d’un pic à m/z 77, et en général dans la région 75-77, est une preuve de l’existence d’un composé benzénique. C’est aussi vrai dans une certaine mesure pour les pics à m/z 50 et 51, qui sont dus à la rupture du cycle. 4-Méthylpentan-2-one (Méthyl isobutyl cétone) CH3COCH2CH(CH3)2. Voir figure 5.14. Dans cet exemple, les pics (M-15) à m/z 85, 43 et 57 (M-43) suggèrent la présence de CH3CO, de masse 43. Le pic de m/z 57 dû à +CH2CH(CH3)2 est peu beaucoup moins important que le pic +C(CH3)3 de même masse, observé dans la cétone isomère de la figure 5.8. Ceci s’explique par la faible stabilité

5. Spectrométrie de masse

de l’ion primaire à +CH2CH(CH3)2 par rapport à celle de l’ion tertiaire +C(CH ) . L’ion de m/z 58 (M-42) est produit par un réarrangement de 33 McLafferty, comme décrit dans la marge. 43

100

Abondance relative/%

90 80 70 60 50 40 30 20 100 (M)

10 0

10

20

30

40

50 m/z

60

70

90

80

100

Figure 5.14  Spectre de masse du 4-méthylpentan-2-one CH3COCH2CH(CH3)2.

Acide 4-chlorobenzoïque, 4-ClC6H4COOH. Voir figure 5.15. Ce spectre montre les caractéristiques attendues pour un composé ayant deux groupes fonctionnels. Les deux pics à m/z 156 et 158, avec leur rapport d’environ 3:1, sont caractéristiques d’un composé contenant un atome de chlore.

H

+

H O

Cl

100

139

C H

OH

H

90

Abondance relative/%

80

M

70

H

H +

C O

Cl

156

60

H

+

OH

H

m/z 139, 141

50 40 141

30

H

158

20 10

H +

Cl H

+

CO

H

m/z 111, 113

0

20

40

60

80

100

120

140

160

m/z

Figure 5.15  Spectre de masse de l’acide 4-chlorobenzoïque.

Le pic à m/z 75 (C6H3+) confirme la nature aromatique du composé. Les deux pics à m/z 139 et 141 qui sont du type (M-17) indiquent un ion chloré dû à la perte du groupe OH. Le chlore est aussi retenu dans les fragments de m/z 111 et 113, dû à la perte de COOH.

121

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Les spectres de masse des isomères 2- et 3- de ce composé devraient ressembler à celui de l’isomère 4-chloro. Par conséquent la spectrométrie de masse n’est pas capable de fournir des renseignements sur la position d’un substituant. Lorsqu’on étudie une structure nouvelle, on emploie en parallèle la spectrométrie de masse et d’autres techniques comme la résonance magnétique nucléaire, et la spectroscopie infrarouge. Normalement cela suffit pour établir une structure définitive. Arrivés à ce point, et avant de mettre ces connaissances en pratique, nous allons résumer les questions qu’il faut se poser pour établir la structure d’un composé inconnu à partir de son spectre de masse. • Est-il possible d’identifier l’ion moléculaire, et si possible de déceler la présence d’un atome de chlore ou de brome ? • Est-ce que l’ion moléculaire est un nombre impair, ce qui indiquerait la présence d’azote ? • Est-il possible de calculer le pourcentage (M+1) :M, qui indique approximativement le nombre d’atomes de carbone de la molécule ? Rappelons que l’abondance naturelle de 13C est de 1,1 % par rapport à celle de 12C. • Est-il possible de déterminer par inspection une formule moléculaire probable ? Ceci peut demander le recours à la haute résolution. • Est-ce que le rapport C :H peut donner une idée sur le degré d’insaturation de la molécule ? Cela pourrait indiquer le nombre de doubles liaisons ou de cycles. • Est-ce qu’il existe des pics à m/z caractéristiques, comme 77 pour le groupe phényle, 29 pour l’éthyle, ou 91 pour le groupe benzyle ? • Est-ce qu’il existe des pics correspondant à une perte d’un fragment de masse paire ? Cela signalerait un réarrangement de McLafferty, ou la perte de CO. En tenant compte de toutes ces données, il est souvent possible de suggérer une formule moléculaire et une structure appropriée à la substance analysée, et de tester ces prédictions en contrôlant la nature des pics caractéristiques.

Exemples résolus : déterminer la structure de molécules organiques Les figures 5.16 à 5.18 sont les spectres de masse de composés inconnus. L’ion moléculaire et le pic de base sont indiqués. Et on a représenté les dix plus importants pics de fragmentation. Arrivé à ce point, le lecteur devrait être capable d’identifier les composés, et de confirmer sa démarche. Et à chaque fois, on peut se demander sur quelle autre technique se baser pour confirmer cette structure. 5.1. La figure 5.16 est le spectre de l’éthylamine CH3CH2NH2. En effet le pic moléculaire est un nombre impair (45), ce qui indique la présence d’azote. De plus les pics les plus importants sont

122

5. Spectrométrie de masse

ceux de (M–1) et (M–15), à m/z 44 et 30, respectivement, qui indiquent une perte de H et de CH3 respectivement. De plus, il y a les pics typiques du groupe éthyl de 26 à 29, donc de [C2H2]+ à [C2H5]+ avec un maximum pour l’éthène à m/z 28. Ceci supporte la formule CH3CH2NH2, et pas CH3NO par exemple. Le recours à la haute résolution devrait confirmer ce choix. Le schéma de fragmentation observé dérive en partie de la capacité de l’atome d’azote à stabiliser un carbonium voisin. On observe aussi la perte d’une molécule stable (NH3). Notons que le spectre de masse permet de préciser que la molécule analysée n’est pas un isomère comme NH(CH3)2 par exemple, qui ne donnerait pas les pics de 26 à 29. Elle ne donnerait pas non plus le pic de m/z 30, car l’ion correspondant +NHCH3 n’est pas stabilisé. Par contre, l’éthylamine doit donner les pics caractéristiques de C2H5 en RMN de 1H, et deux pics différents en RMN de 13C, ainsi que la bande infrarouge de N–H.

+

+CH(CH )NH 3 2

CH3

+

+CH NH 2 2

NH3

+

C2H4 m/z 28

H CH3CH2NH2

+

m/z 44 m/z 30

+

30

100 90 Abondance relative/%

80 70 60 50 40 30 45 (M)

20 10 0

10

20

30

40

m/z

Figure 5.16  Spectre de masse de l’exemple résolu 5.1.

5.2. La figure 5.17 présente le spectre de masse d’une substance contenant du brome, à cause du double pic moléculaire, en presque égale abondance et séparés par deux unités de masse. C’est typique des molécules contenant le79Br et 81Br en abondance presque égale. Le pic m/z 29, accompagné des pics 26 – 28, suggère l’existence d’un groupe éthyle, ce qui mène à la structure de bromoéthane. Le brome lui-même donne les deux petits pics m/z 79 et 81, et les deux pics (M–15) à m/z 93 et 95.

123

Les fondements de la détermination des structures moléculaires 100

29

90 Abondance relative/%

80

M

70

108 110

60 50 40 30 20 10 10

0

20

30

40

60

70

80

90

100

110

m/z

Figure 5.17  Spectre de masse de l’exemple résolu 5.2.

Si on compare ce spectre avec celui du chloroéthane de la figure 5.10, on observe que ce dernier composé retient plus fortement les atomes d’halogène, ce que corrobore l’énergie de liaison C-Br plus faible que celle de C–Cl. Ici aussi, le spectre de RMN de 1H devrait confirmer la présence d’un groupe éthyle.

CH3CH2Br

Br

CH2CH3 m/z 29

CH2CH3

Br m/z 79, 81

CH3

CH2Br m/z 93, 95

5.3. À en juger par l’aspect de la figure 5.18, le composé analysé doit être aromatique, à cause du grand pic de m/z 77, typique de C6H5, et aussi des pics 50/51. La masse molaire est de 106, et il perd facilement un atome H, vu l’importance du pic m/z 105. Pour former le pic de m/z 77, il doit perdre une masse 29, qui pourrait être CHO ou C2H5. Si c’est C2H5, on devrait observer le pic du phénylméthyle à m/z 91. Voir la section 5.4 et la figure 5.5. Donc c’est de la benzaldéhyde. 100

77

90

106 (M)

H C6H5CHO

C6H5CO m/z 105 CO

CHO

C6H5 m/z 77

Abondance relative/%

80 70 60 50 40 30 20 (M+1)

10 0

20

30

40

50

60

70 m/z

80

Figure 5.18  Spectre de masse de l’exemple résolu 5.3.

124

90

100

110

5. Spectrométrie de masse

Si on voulait confirmer la structure C7H6O, on pourrait recourir à la technique de la haute résolution, et comparer la masse exacte ainsi calculée avec un tableau des masses exactes. Le lecteur peut facilement faire ce travail lui-même. En particulier, le spectre de RMN du 1H devrait confirmer les 5 protons aromatiques et le proton aldéhydique. Et le spectre RMN de 13C devrait confirmer ces données. Voir aussi le tableau 4.2 et la figure 4.25. De plus la vibration d’élongation du groupe carbonyle devrait être visible dans le spectre infrarouge. Voir le tableau 2.5.

5.6. Applications de la spectrométrie de masse Il existe une très grande variété de spectromètres de masse dans le commerce, et ils trouvent de nombreux usages, à cause de leur remarquable efficacité pour identifier une molécule et déterminer sa structure. Tous les spectromètres de masse travaillent avec les mêmes principes de base : source d’ionisation, analyseur de masse, et détection. Mais tous n’ont pas les dimensions élevées nécessaires pour la haute résolution, et pour analyser des molécules de masses moléculaires élevées. Il existe aussi des instruments miniaturisés capables de fournir rapidement le spectre à basse résolution de petites molécules. On peut utiliser ces instruments sur la table de travail ou même dans l’espace. On les a installés dans la station spatiale internationale, dans les missions Viking en direction de Mars, pour analyser l’atmosphère et la surface gelée de Titan, qui est un satellite de Saturne. D’autres applications seront décrites dans les sections qui suivent1.

Identification de structures La plupart des spectromètres de masse stockent sous forme digitale les spectres mesurés par ionisation électronique ou autrement. L’ensemble de ces spectres constitue une bibliothèque, qu’on peut compulser pour trouver des éventuelles correspondances entre un spectre inconnu et une référence. Ceci est utile si on analyse un mélange de plusieurs substances, particulièrement quand on ne dispose que de très petites quantités de matière. Cette approche possède de nombreuses applications dans le domaine des sciences forensiques, quand il s’agit par exemple de détecter des substances illégales dans les échantillons d’urine prise sur les athlètes.

1 Voir également l’article de A, King, Chemistry World, Analytical Special, March 2014, 1 Mass Spectrometry.

125

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

La spectrométrie de masse a pu aussi servir pour élucider certains mécanismes de réaction, grâce à l’emploi d’isotopes comme marqueurs. Le cas le plus connu est celui de 18O, qui a servi à déterminer si l’hydrolyse d’un ester comme l’acétate d’éthyle se produit par rupture de la liaison CH3CO-OCH2CH3, et de CH3COO-CH2CH3.

Énergies d’ionisation et de liaison On peut aussi étudier ce qui se passe dans la chambre d’ionisation quand les électrons heurtent les molécules. On peut par exemple examiner à partir de quelle énergie électronique on voit apparaître tel ou tel pic. L’apparition du pic moléculaire donne l’énergie d’ionisation de la molécule, donc l’énergie minimum que doit posséder un électron pour arracher un autre électron sur une molécule touchée. L’apparition d’un pic fragment quand on augmente progressivement l’énergie des électrons donne l’enthalpie de dissociation de la liaison rompue. Mais il y a parfois un degré plus grand de fragmentation, car la molécule est fortement excitée vibrationnellement.

Applications quantitatives Jusque-là, nous nous sommes surtout intéressés aux aspects structurels de la spectrométrie de masse, avec les déterminations précises des masses et des formules. Mais les spectromètres peuvent aussi fournir des informations sur les quantités relatives de constituants, par exemple dans les concentrations de drogues, ou dans l’étude des métabolites des systèmes biochimiques, dans l’analyse clinique des marqueurs biologiques, ou dans les analyses de l’eau. Et les spectromètres de masse plus petits mais spécialisés peuvent servir à suivre la concentration en continu d’une substance choisie au cours d’une réaction chimique. On peut aussi les utiliser pour mesurer la teneur en gaz dans les poumons au cours de la respiration.

Spectrométrie de masse et chromatographie Nous avons démontré comment la spectrométrie de masse fournit une technique très sensible pour déterminer les formules moléculaires et les structures des molécules organiques. On peut coupler cette technique à la sortie d’un chromatographe où sont analysés des mélanges complexes de composés relativement volatils. On injecte une petite quantité du mélange à analyser dans un chromatographe en phase gazeuse (GC). Le chromatographe sépare les composés gazeux, qui se partagent entre le gaz porteur et la phase liquide non volatile fixée dans la colonne. Ces constituants sortent donc de la colonne de chromatographie dans le gaz porteur, mais séparés dans le temps (selon leurs temps de rétention propres). Chaque

126

5. Spectrométrie de masse

constituant pur est envoyé dans le spectromètre de masse (MS) et son spectre est rapidement mesuré. De cette manière, le chromatographe sépare les constituants et en détermine la concentration, en intégrant la surface du pic enregistré sur le chromatogramme. Puis le spectromètre de masse donne la formule et la structure de chaque constituant. La combinaison de ces deux techniques dite GC-MS fournit une méthode sensible et efficace pour suivre l’avancement d’une réaction chimique par exemple, ou pour analyser la composition d’un mélange biologique. La section suivante traite de la chromatographie de perméation de gel.

Étude de molécules biologiques. Applications au séquençage des peptides et des protéines Les spectromètres de masse sont de plus en plus employés pour étudier des molécules biologiques, bien que leur taille et leur faible volatilité les empêchent d’être vaporisées dans une chambre d’ionisation. Il faut recourir à des techniques pour créer les ions positifs, comme le bombardement par atomes rapides ou le procédé de désorption par rayon laser (voir MALDI en section 5.2). Des exemples seront fournis pour illustrer la manière de relever ces défis dans le domaine de l’étude des peptides et des protéines, qui sont non volatiles, pas toujours solubles dans l’eau et souvent disponibles en très petites quantités. Les techniques d’électrospray conviennent également pour générer des ions positifs. Les échantillons biologiques ont en général des schémas de fragmentation très complexes. Il faut alors recourir à une technique dite spectrométrie de masse en tandem (souvent appelée MS/MS), où les ions d’un m/z donné issus d’un premier spectromètre de masse sont envoyés directement dans un deuxième spectromètre, qui détermine le spectre de fragmentation du seul ion en question. Nous allons illustrer comment ces techniques permettent d’étudier les peptides et protéines, qui sont bien entendu caractérisés par la liaison peptidique joignant deux acides aminés, c’est-à-dire la liaison -CO-NH-. Le tableau 5.1 donne quelques-uns de ces acides aminés courants, avec leurs noms, leur code habituel, la structure du fragment –NH-CHR-COet leur masse, appelée souvent « masse résiduelle ». Une heureuse circonstance veut que le schéma de fragmentation des peptides et des protéines se fait par clivage de la liaison peptidique. L’un ou l’autre des deux fragments, ou les deux, ainsi créés sont particulièrement aptes à porter la charge positive, comme on l’a vu plus haut pour les molécules organiques simples. On illustre cette propriété dans le clivage d’un simple dipeptide, représenté dans la figure 5.19. La charge positive peut être portée soit par le groupe carbonyle d’un fragment, soit par l’atome d’azote de l’autre fragment.

127

Les fondements de la détermination des structures moléculaires Tableau 5.1 Structures des acides aminés courants formant les peptides et protéines NH2-CHR-COOH. Masse résiduelle (–NHCHRCO–)

Acide aminé parent

Code

R

Alanine (Ala)

A

–CH3

Arginine (Arg)

R

–(CH2)3NHC(=NH)NH2

156

Asparagine (Asn)

N

–CH2C(=0)NH2

114

Acide aspartique (Asp)

D

–CH2C(=0)OH

115

Cystéine (Cys)

C

–CH2SH

103

Acide glutamique (Glu)

E

–(CH2)2C(=O)OH

129

Glutamine (Gln)

Q

–(CH2)2C(=O)NH2

128

Glycine (Gly)

G

–H

Histidine (His)

H

71

57

NH 137

CH2 N

Isoleucine (Ileu)

I

–CH(CH3)CH2CH3

113

Leucine (Leu)

L

–CH2CH(CH3)2

113

Lysine (Lys)

K

–(CH2)4NH2

128

Méthionine (Met)

M

–(CH2)2SMe

131

Phénylalanine (Phe)

F

–CH2Ph

147

Proline (Pro)*

P

HO

Serine (Ser)

S

–CH2OH

Thréonine (Thr)

T

–CH(OH)CH3

C O

97

N H

87 101

CH2

Tryptophane (Trp)

186

W N H

Tyrosine (Tyr)

Y

Valine (Val)

V

CH2

–CH(CH3)2

* Il s’agit de la structure de l’acide aminé complet.

128

OH

163 99

5. Spectrométrie de masse NH2

CHR1 CO

NH

CHR2

CO2H

+H+ NH2

CHR1 CO

H N+ H

CHR2

CO2H

H+, Spectromètre de masse Fission donnant des ions de type b NH2

CHR1 CO+

Ion de type b focalisé et m/z déterminé

(+H+) Fission donnant des ions de type y +NH

3

CHR2

CO2H

Ion de type y focalisé et m/z déterminé

Identifier l’acide aminé N-terminal du dipeptide

Identifier l’acide aminé carboxyl-terminal du dipeptide

Perte de l’acide aminé carboxyl-terminal

Perte de l’acide aminé N-terminal

Figure 5.19 Représentation schématique de la fragmentation d’un dipeptide chargé positivement dans un spectromètre de masse, montrant les deux principales possibilités, qui donnent soit des ions b soit des y.

Dans le premier cas, le clivage forme un ion dit de type b ; la charge est portée par le carbonyle, et le spectre de masse montrera un pic correspondant à la valeur m/z du fragment de l’acide aminé porteur de l’azote terminal (mais sans son atome d’oxygène). Dans le second cas, l’ion formé est dit de type y, et la charge se trouve sur l’atome d’azote ; le fragment observé correspond à l’acide aminé situé à l’extrémité carboxyle de la chaîne. Pour un peptide donné, disons par exemple avec la série possible d’amino-acides ABCDEF, on pourra identifier une série de fragments comme A+, AB+, ABC+, ABCD+, etc. selon la liaison qui a été brisée, et encore F+, EF+, DEF+, etc., selon que la rupture forme un ion de type b ou y. Ces deux groupes de fragments (c’est-à-dire A+, AB+, ABC+, etc.) ont des masses qui diffèrent entre elles de la masse résiduelle des amino-acides B, C, D, etc., vue au tableau 5.1. Si on calcule ces différences et qu’on les relie à des fissions de type b ou y, on parvient à déterminer la séquence de ces acides aminés, comme nous allons le voir ci-après. Dans les exemples déjà élucidés, dont certains sont décrits plus loin, la chaîne de peptide ou de protéine contient beaucoup d’aminoacides, ce qui rend l’identification de la structure très complexe, donc de l’ordre des acides aminés individuels. Face à la myriade de pics qu’on risque d’obtenir, il faut recourir à l’aide de l’ordinateur pour démêler cet écheveau, et déterminer la structure complète avec l’ordre des acides aminés le long de la chaîne.

129

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Exemples résolus de séquences peptidiques (i) La figure 5.20 présente un spectre de masse obtenu par la méthode ES-MS/MS de l’angiotensine II, qui est un octapeptide. C’est une hormone peptidique, responsable de la vasoconstriction et de l’élévation de la pression sanguine dans le corps humain. Elle est produite à partir de son précurseur l’angiotensine I par l’action de l’enzyme ACE (Angiotensin Converting Enzyme). Les médicaments employés contre l’hypertension inhibent l’ACE et la rendent inactive. Le spectre de masse de la figure 5.20 montre aussi la relation entre certains pics, qui sont marqués selon les deux types de fragmentation b ou y. Il faut relever que l’ion moléculaire n’apparaît pas ici, probablement à une rapide fragmentation. Mais ce pic peut être mesuré dans une autre expérience et correspond à MH+ à m/z 1046, ce qui correspond à la structure C50H71N13O12 plus un proton. En analysant ce problème structurel complexe, on s’attachera à déterminer les séries de pics dont les valeurs m/z diffèrent entre elles de nombres qui correspondent à des acides aminés individuels, comme indiqué dans le tableau 5.1. 116 272 371 534 647 784 881 D

R

V

Y

I

H

P

F

931.5 y1-7

931 775 676 513 400 263 166

Abondance relative/%

100 80 676.3 y1-5

60 40

647.3 b1-5

371.2 b1-3 400.2 534.3 y1-3 b1-4

20

775.4 y1-6

784.3 b1-6

1028.5 b1-8

881.5 b1-7

0 300

500

700 m/z

900

1100

Figure 5.20 Spectre de masse de l’angiotensine II, de MH+ dont m/z vaut 1046, obtenu dans une expérience ES-MS/MS. Reproduit avec la permission de E. Buyukpamukcu, D. M. Goodall, C-E. Hansen, B. J. Keely, S. Kochhar, and H. Wille, J. Agric. Food Chem, 2001, 49, 5822. Copyright (2001) American Chemical Society.

Nous allons partir du pic de m/z 1028, en omettant les décimales. Il correspond à une perte de 18 unités de masse pour l’ion moléculaire. C’est une perte d’une molécule d’eau, ce qui laisse la charge sur le groupe final RCO+ à l’extrémité droite de la chaîne peptidique. C’est donc un ion de type b. Pour identifier le premier acide aminé de la

130

5. Spectrométrie de masse

chaîne, il faut chercher un pic associé avec une fission de type b, donc où la perte de l’acide aminé se fait à partir de l’extrémité carbonyle, et qui diffère de 1028 par une masse équivalent à l’une des masses résiduelles du tableau 5.1. Le pic 881 correspond à une perte de 147 par rapport à 1028, et cela correspond à la phénylalanine, ce qui suggère que le groupe terminal carboxylique est la phénylalanine. À partir de m/z 881, on observe que le pic de m/z 784 correspond à une différence de masse de 97, ce qui caractérise la proline, qui est donc le prochain acide aminé de la série. Donc le pic à 784 correspond à la perte d’un total de 147 + 97 = 244 unités de masse à partir de 1028. Ensuite, on observe que le pic de 647 correspond à une perte de 137 par rapport au pic 784, ce qui caractérise l’histidine, comme prochain acide aminé dans la chaîne. La prochaine perte est 113, pour arriver au pic m/z 534, ce qui indique que le prochain acide aminé est l’isoleucine. Mais il faut d’autres analyses pour montrer que ce n’est pas la leucine, qui a la même masse molaire. Le lecteur peut lui-même continuer cette investigation en descendant la série des types b pour trouver les prochaines pertes de masse, et contrôler son résultat avec la solution indiquée dans la figure 5.20. De la même façon, on observe que le pic de masse m/z 931 correspond à une perte de masse de 115 par rapport à l’ion moléculaire. Ceci permet d’identifier l’acide aspartique comme premier acide aminé présent à l’extrémité NH de la chaîne, à la suite d’une fission de type y. De même, les pics successivement à m/z 775, 676, 513, correspondent à des différences de masse de 156 (arginine), 99 (valine) et 163 (tyrosine). Le lecteur pourra sans autre trouver le prochain acide aminé de la chaîne, et vérifier que le résultat corrobore les déductions de l’analyse à partir de l’autre extrémité de la chaîne, donc des fragments de type b. En regroupant toutes ces informations, et en les contrôlant par examen à partir des deux extrémités, on obtient la structure suivante pour l’angiotensine II :    asp – arg – val – tyr – ileu – his – pro – phe (terminus amino)        (terminus carboxy) Cette structure complète est donnée dans la base de données ChemSpider de la Royal Society of Chemistry. Voir aussi les ressources en ligne et la section 4.8 pour le spectre RMN de cette substance. (ii) Cet exemple est extrait d’une publication d’un travail de recherche, référé dans la légende de la figure 5.20. Il illustre la sensibilité de cette technique et son emploi en conjonction avec l’analyse par chromatographie. Il est bien connu que l’arôme du chocolat est lié au processus de fermentation, de séchage et de grillage des fèves de cacao. On pense que la fermentation brise les protéines du cacao en peptides plus petits qui alors réagissent avec les sucres pour donner l’arôme du chocolat. Dans cette étude particulière, les fèves de cacao ont été d’abord dégradées

131

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

par fermentation. Puis les polypeptides résultants ont été séparés par GPC (gel permeation chromatography) et par la technique EPI-MS/MS de la spectrométrie de masse. Le but ultime de cette recherche était d’identifier les protéines responsables des peptides qui sont ellesmêmes à l’origine des constituants de l’arôme. Si on répète des expériences de cette sorte, on trouve un grand nombre de peptides, qui peuvent être analysés par clivage enzymatique sélectif. Leur structure peut aussi être établie par la méthode de Frederick Sager et ses collègues, qui ont utilisé la chromatographie sur papier pour établir la séquence des 51 acides aminés contenus dans l’hormone dite insuline. Un hexapeptide particulier a un spectre de masse présenté en figure 5.21, avec une série de pics identifiés, qui sont dus aux deux types de fragmentation (à partir de l’extrémité amino ou carboxyle). Le ion parent MH° possède une masse m/z 621,3. Pourvu de cette information, le lecteur devrait pouvoir identifier la séquence des acides aminés perdus dans chaque type de fragmentation, et donc suggérer une structure. 88

185

S

242

P 534

357

G 437

D

Abondance relative/%

265

F 166

456.1 b1-5

80

437.2 y1-4

60

20

V

380

100

40

456

357.2 b1-4

264.9 y1-2 241.9 b1-3

533.8 603.2 y1-5 b1-6

380.0 y1-3

0 200

300

400

500

600

Figure 5.21 Spectre de masse dérivé de l’étude en tandem MS (MS/MS) de l’ion moléculaire (MH+ m/z 621,3) obtenu à partir de l’hexapeptide, ellemême dérivée de la protéine viciline, extraite du cacao. Voir la légende de la figure 5.20. Reproduite avec l’autorisation de E. Buyukpamukcu, D. M. Goodall, C-E. Hansen, B. J. Keely, S. Kochhar, and H. Wille, J. Agric. Food Chem, 2001, 49, 5822. Copyright (2001) American Chemical Society.

Examinons d’abord la série des pics de type b, en commençant par le premier fragment de m/z 603. Comparé au pic moléculaire MH+ de 621, cela correspond à la perte de 18 unités de masse, donc à une molécule d’eau, arrachée à l’extrémité carboxylique du parent protoné. Ceci laisse le fragment RCO+. Le prochain ion fragment est 456, ce

132

5. Spectrométrie de masse

qui donne une perte de masse de 147, typique de la phénylalanine. Le prochain fragment concède une différence de 99, pour donner le pic à 357, typique de la valine. La perte suivante est de 115, jusqu’à 241,9 et correspond à l’acide aspartique. En faisant le même travail depuis l’autre extrémité, on note que le premier pic apparaît à m/z 533,8, donc à M-87, caractéristique de la sérine. Puis apparaissent les pics à m/z 437 et 380, indiquant une perte de proline (97) et de glycine (57). Le prochain fragment apparaît à m/z 264,9 ce qui indique une perte de masse de 115, donc due à l’acide aspartique. Ceci conduit à la structure suivante pour l’hexapeptide ser – pro – gly – asp – val – phe On trouvera dans l’exercice 5.4, à la fin de ce chapitre des données concernant un autre constituant de ce mélange, qui est un nonapeptide.

5.7. Résumé Le lecteur qui a étudié le matériel présenté dans ce chapitre devrait avoir compris les principes de base de la spectrométrie de masse et de ses applications dans la détermination des structures. Les principales notions acquises sont les suivantes : • les différentes manières de produire des ions positifs à partir de molécules, et de mesurer leur rapport charge : masse ; • la détermination des masses molaires relatives (ou masses molaires), ainsi que celle de la composition isotopique de ces ions moléculaires ; • les principes qui dirigent la fragmentation des ions, et leur utilisation pour établir la structure d’une molécule. Le lecteur devrait aussi avoir acquis une certaine habileté dans la résolution des problèmes de spectrométrie de masse pour résoudre des problèmes de structure, avec l’aide d’autres spectrométries comme la RMN. Il devrait aussi avoir apprécié l’extrême sensibilité de la spectrométrie de masse, donc la très petite quantité de matière nécessaire pour faire une analyse, et l’immensité des applications possibles de cette technique en chimie et en biologie, parmi lesquelles il faut citer l’usage des techniques GC-MS pour analyser les mélanges complexes.

5.8. Exercices 5.1. Identifier le composé dont le spectre de masse est reporté en figure 5.22. Le pic à m/z 61 a une hauteur valant approximativement 2 % de la hauteur du pic à m/z 60. Donner sa formule moléculaire et calculer la masse molaire précise.

Les solutions de ces exercices sont disponibles dans les ressources en ligne.

133

Les fondements de la détermination des structures moléculaires 43

100

Abondance relative/%

90 80 70 60 (M)

60 50 40 30 20 10

(M+1)

0

20

30

40

50

60

m/z

Figure 5.22  Spectre de masse de l’exercice 5.1.

5.2. Déterminer les intensités relatives et les m/z des ions moléculaires dans le spectre de masse de (a) le 1,1-dibromoéthane, (b) le dichlorométhane. 5.3. Identifier le composé de formule C9H10O2 dont le spectre de masse est reporté en figure 5.23. Le spectre RMN en 1H figure dans l’exercice 4.4, page 106, et le spectre IR dans l’exercice 2.13, en page 53. Comment s’y prend-on pour expliquer le fragment de m/z 108 ? 5.4. Nous avons discuté dans la section 5.6 de la séparation et l’identification des peptides responsables de l’arôme du chocolat, et identifié l’un des hexapeptides à titre d’exemple. 108

100 90 Abondance relative/%

80 70 60 50 40 150 (M)

30 20 10 0

20

40

60

80 m/z

100

120

140

160

Figure 5.23  Spectre de masse de l’exercice 5.3.

Cette étude mentionne aussi un nonapeptide de masse molaire relative 902,5 pour MH+, avec les pics suivants : 902,5, 884,3, 831,3, 737,2, 734,4, 638,2, 621,1, 534,1, 523,3, 466,3, 437,2,

134

5. Spectrométrie de masse

369,1. Lesquels de ces pics appartiennent à la série des types b et des y ? Utilisez le tableau 5.1 des masses résiduelles. Et trouvez l’ordre des acides aminés dans le peptide.

Exercices supplémentaires Les deux exercices suivants illustrent comment on peut combiner les déductions tirées des spectres étudiés jusque-là (UV, IR, RMN et MS) pour établir une structure. L’information fournie ici sera présentée sous une forme condensée ou tabulée, ce qui est typique de la présentation des résultats dans une publication scientifique. 5.5. Identifier un composé dont l’analyse C, H et O donne 62,0 % C, 27,6 % O, et 10,4 % H. Le spectre UV, mesuré dans l’hexane, a un pic à lmax 290 nm, dont ε vaut 1,8 m2 mol–1. Le spectre IR montre de fortes absorptions à 2950, 2700, 1720 et 1400 cm–1. Les dix pics les plus abondants du spectre de masse sont les suivants : m/z

29

58

28

27

57

18

41

39

15

55

Abondance 100 relative/%

83

82

57

26

8

7

6

5

4

Le spectre de RMN de 1H montre les résonances suivantes δ en ppm : à 1,05 (3H, triplet de J = 7 Hz), 2,45 (2H, quartet, J = 7 Hz, et doublet J  = 2 Hz), 9,86 (1H, triplet, J = 2 Hz). Le spectre 13C complètement découplé montre trois résonances à δ 204, 38 et 7. 5.6. Identifier le composé Y constitué de 90,5 % C et 9,5 % H. Le spectre UV montre une forte absorption à environ 200 nm et une absorption (avec une structure fine vibrationnelle) à environ 260 nm, ainsi qu’une absorption beaucoup plus faible dans la région 300-350 nm. Le spectre IR a de fortes bandes à 3050 et 2950 cm–1, et une à 750 cm–1. Les dix pics les plus abondants du spectre de masse sont les suivants : m/z

91

106

51

39

65

77

92

78

27

105

Abondance 100 relative/%

31

13

10

8

8

8

7

6

6

Le spectre RMN de 1H possède trois résonances principales aux valeurs δ/ppm suivantes : 7,1 (5H, complexe), 2,5 (2H, quartet, J = 7 Hz), 1,10 (3H, triplet, J = 7 Hz). Le spectre totalement découplé de 13C présente des résonances aux valeurs δ/ppm de 144,2, 128,3, 127,9, 125,7, 28,9 et 15,6.

5.9. Lecture supplémentaire L. M. Harwood et T. D. W. Claridge (2015), Introduction to Organic Spectroscopy, 2nd  Edition, Oxford Chemistry Primers, Oxford University, Press, Oxford.

135

6

Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

6.1. Introduction Les techniques de diffraction qui vont être décrites ici sont très éloignées des méthodes spectroscopiques et spectrométriques discutées auparavant. Ainsi, alors que les spectroscopies sont basées sur l’absorption de radiations de certaines longueurs d’onde, les techniques de diffraction emploient des radiations comme les rayons X qui ont une seule longueur d’onde (et qui sont donc appelées monochromatiques). La diffraction des rayons X, par exemple, se produit quand un faisceau de rayons X interagit avec la matière et puis est diffusé dans différentes directions sans absorption d’énergie. De même, les faisceaux de neutrons ou d’électrons de longueur d’onde bien définie peuvent donner des figures de diffraction typiques. Le principe de base de l’application des techniques de diffraction en chimie consiste à utiliser des ions ou des molécules comme un réseau de diffraction, et à examiner les figures de diffraction pour déterminer la distance entre les ions dans un cristal ou entre les atomes d’une molécule. Ce chapitre présentera d’abord une introduction à la diffraction des rayons X, avec les montages expérimentaux et l’interprétation des figures de diffraction produites par les cristaux, en utilisant l’équation de Bragg. On verra comment reconnaître le type de cellule élémentaire et ses dimensions, et comment résoudre les problèmes qui en découlent. Puis nous étudierons les informations qui peuvent décrire une molécule, avec quelques exemples d’importance biologique, comme les cartes de densité électronique et la détermination des coordonnées moléculaires. Dans la dernière section, on présentera brièvement les diffractions des neutrons et des électrons, et leurs applications à des problèmes de structure.

6.2. Introduction à la méthode de diffraction des rayons X Les premières expériences significatives ont été effectuées au début du xxe siècle, quand on a réalisé que les rayons avaient un caractère ondulatoire, et que les cristaux étaient formés d’un arrangement régulier d’atomes et d’ions. Von Laue a montré ainsi qu’un réseau cristallin se

137

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

comporte comme une grille de diffraction, et qu’il est possible de générer des figures de diffraction à partir d’un cristal. Dans sa première expérience, il a utilisé un faisceau de rayons X non monochromatique, dirigé contre un cristal ionique, et une plaque photographique pour détecter les rayons diffusés. On observe un ensemble régulier de taches sur la plaque, ce qui donne une indication claire du succès de l’expérience. Comme nous le verrons plus tard, le phénomène de diffraction peut être observé si la longueur d’onde de la radiation est du même ordre de grandeur que la distance entre atomes dans le cristal. Les rayons X remplissent cette condition, mais pas la lumière visible. La méthode a été développée pour fournir un moyen de déterminer les positions exactes des ions dans le cristal et dans les molécules. Donc elle permet de calculer les angles et les longueurs de liaison, même dans des molécules compliquées comme les protéines et les enzymes.

Intensité de la radiation

L’appareillage



0



0.05 0.10 0.15 Longueur d’onde/nm

Figure 6.1 Intensité de la radiation X en fonction de la longueur d’onde émise par une cible de cuivre.

138

Les rayons X sont produits lorsqu’un faisceau d’électrons accélérés frappe une cible de métal. Un électron d’une couche interne de l’atome se trouve éjecté, ce qui crée une lacune profonde, et un électron extérieur chute vers cette lacune pour la remplir. Le rayon émis a une énergie bien précise, donc une fréquence ν et une longueur d’onde l qui est dans la région des rayons X. Et comme de nombreuses transitions sont possibles, le faisceau résultant à ce stade contient des rayons de plusieurs énergies et donc de plusieurs longueurs d’onde. La figure 6.1 par exemple montre l’intensité de la radiation en fonction de la longueur d’onde, lorsque la cible est en cuivre. La raie Kα, qui correspond à l’énergie émise quand un électron passe de la couche L à la couche K (2p → 1s en termes d’orbitale), possède une longueur d’onde l de 0,154 nm. Il se trouve qu’une feuille de nickel constitue un bon filtre pour éliminer toutes les longueurs d’onde sauf la Kα. En fait, tous les rayons X de longueur d’onde inférieure au seuil d’absorption de 0,149 nm sont absorbés, car ils ont assez d’énergie pour vider la couche K du nickel. Donc la combinaison cuivrenickel fournit un faisceau monochromatique de radiation. Le faisceau monochromatique de rayons X est alors envoyé sur un échantillon solide (cristal ou poudre) du matériau examiné. Une poudre est formée de très nombreux petits cristaux, d’orientation quelconque, tandis que pour un cristal, il ne faut considérer qu’une orientation du solide à la fois. La détection des rayons X se fait en entourant l’échantillon avec un film photographique. L’impact d’un rayon X sur la plaque photo produit une tache noire, visible après développement de la plaque. Les figures 6.2a et 6.2b montrent l’arrangement expérimental pour prendre une « photographie » d’une poudre. Les figures 6.3 et 6.4 montrent les fines bandes de film déroulées, qui ont enregistré les figures de diffraction en provenance de deux métaux, le cuivre et le molybdène, respectivement. La figure 6.5 est le diagramme de diffraction du chlorure de sodium.

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

filament chauffé

électrons

cible de cuivre fenêtre de nickel

rayons X, de λ = 0,154 nm

film photographique

échantillon de poudre

rayons diffractés (a)

rayon non diffracté

(b)

Figure 6.3 Photographie des rayons X diffractés par une poudre de molybdène.

(3,1,1) (2,2,2)

Figure 6.4 Photographie des rayons X diffractés par une poudre de cuivre.

(1,1,1) (2,0,0)

(2,2,0) (3,1,1) (2,2,2)

(2,2,0) (1,1,1) (2,0,0)

(1,1,0)

(2,0,0)

(2,1,1)

(2,2,0)

Figure 6.2  (a) Schéma d’une caméra à rayons X travaillant avec des poudres. (b) Disposition du film pour photographier les « lignes » résultantes.

Figure 6.5 Photographie des rayons X diffractés par une poudre de chlorure de sodium.

139

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Les photographies montrent que les rayons X, après avoir frappé les poudres, sont diffractés en une série de cônes bien définis. L’origine de ce phénomène sera discutée dans la section suivante. Si on emploie un cristal unique, il est monté au centre d’un film cylindrique plus profond que celui employé pour les poudres. On place son axe principal en position verticale. La figure de diffraction est alors enregistrée, souvent avec une rotation simultanée du cristal autour de son axe. Le diagramme de diffraction présente une série de taches alignées. La figure 6.6 est la photographie de la diffraction des rayons X frappant un cristal unique de NaCl. L’exploitation de l’information qu’on peut tirer de ces figures de diffraction sera présentée après l’explication des principes de base, qui sera traitée dans la section suivante.

n=2 n=1 n=0 n=–1 n=–2

Figure 6.6  Photographie des rayons X diffractés par un cristal unique de chlorure de sodium, après rotation.

Dans les diffractomètres aux rayons X modernes, l’instrumentation a été perfectionnée, par exemple en employant des CCD (chargecoupled devices), basés sur la technologie digitale, pour détecter les rayons X diffractés, avec une collection de données contrôlée par ordinateur. De cette façon, de grandes quantités de données peuvent être collectées, analysées et présentées de manière à révéler la structure de molécules complexes, comme des protéines et des enzymes, comme expliqué dans la section 6.4, pour lesquels on a employé un synchrotron comme source de rayons X.

L’équation de Bragg L’étude détaillée de la diffraction des rayons X et les conditions exigées pour l’apparition des maxima d’intensité ont été développées par

140

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

W. L. Bragg en 1912, en utilisant les données amassées par son père W. H. Bragg. Bien que tous deux ont été récompensés par le Prix Nobel2, le premier a réalisé que, quand les rayons X frappent un cristal, certains sont réfléchis par les atomes de la couche supérieure, tandis que d’autres traversent cette couche et sont réfléchis par la couche suivante, etc. L’analyse de ce phénomène montre que les rayons réfléchis ne sont en phase que pour certains angles d’incidence des rayons X sur le cristal. Ceci est illustré dans la figure 6.7, qui montre la différence de parcours existant entre le rayon réfléchi par la première couche et celui réfléchi par la deuxième couche d’atomes, quand ils arrivent sur le détecteur. Pour que ces deux rayons se combinent et se renforcent l’un l’autre, ils doivent être en phase. Donc leur différence de parcours (2d sin q) doit être un multiple de la longueur d’onde (nl), où d est la distance séparant les deux plans, et l est la longueur d’onde des rayons X. Cette égalité est l’équation de Bragg (équation (6.1)) et elle décrit correctement qu’un rayon X ne sera observé que s’il y a interférence constructive, c’est-à-dire si le rayon X atteint le cristal sous un angle d’incidence q particulier. À d’autres angles d’incidence, les rayons issus des couches différentes subissent une interférence destructive et s’annulent l’un l’autre.

n l = 2d sin q

(6.1)

1 2

θ θ d A

C B

Figure 6.7 Réflexion des rayons X par la première et la deuxième couche d’atomes (ou ions) dans un cristal solide. Le rayon (2) effectue un trajet plus long de AB+BC = 2d sin q, où q est l’angle d’incidence et d est la distance séparant les plans.

Par exemple, si l = 0,154 nm, et d = 0,2 nm, la première réflexion (n = 1) se produira avec un angle d’incidence q tel que 2sin q = 0,154/0,2 = 0,77. Donc q vaut approximativement 23°. Cette condition peut également être satisfaite pour n = 2, 3, 4, etc. et donc pour des valeurs supérieures de q, mais d’habitude on se contente des réflexions de premier ordre.

2 Un excellent résumé du travail des deux Bragg est paru dans : A. Sella, Chemistry World, December 2013, p. 37.

141

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

La figure 6.8 illustre le cas d’un cristal très petit (dit cristallite) contenu dans une poudre et orienté de façon à ce que son plan d’atomes de surface fasse un angle q avec le faisceau de rayons X. Ligne produite sur le film Film 2θ

θ Rayon X arrivant sous l’angle de Bragg

Figure 6.8 Production d’une « ligne » sur le film photographique issue de la diffraction des rayons X arrivant sous l’angle de Bragg.

Si cette valeur de q satisfait l’équation de Bragg, pour les valeurs de l et q de l’expérience, le rayon sera réfléchi vers le film. Dans une poudre fine, où les cristaux sont entassés en désordre, il y aura toujours de nombreux cristallites orientés sous cet angle. Les rayons X frappant ces cristaux en seront réfléchis en formant un cône, ce qui noircit le film aux points indiqués dans les figures 6.2 à 6.5. En réalité, il y aura une série de cônes qui seront produits à cause des espacements différents d qui peuvent exister entre les divers plans d’atomes dans le cristal, et qui déterminent des valeurs différentes de q. Quand un cristal unique est utilisé, avec un axe vertical, l’ensemble des atomes d’un plan superficiel se comporte comme un réseau de diffraction (figure 6.9). Les alignements de points observés (voir la figure 6.6) correspondent simplement aux réflexions qui satisfont l’équation (6.2) pour l, d et n = 1, 2, 3, etc. Film n = 1 diffraction

φ n = 0 diffraction

n = –1 diffraction

Figure 6.9  Représentation schématique de la diffraction par un cristal avec un axe vertical. Les diffractions de n = 1, 0, etc., correspondent aux alignements de points visibles sur la figure 6.6.

n l = d sin j

142

(6.2)

Les alignements de points sont clairement discontinus, parce que pour certains points des alignements, il y a des interférences destructrices entre d’une part les réflexions qui satisfont l’équation (6.2) en

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

provenance de l’espacement vertical et d’autre part les réflexions provenant d’autres plans du cristal. Pour comprendre cette étrangeté, il faut se familiariser avec les types de cristal, qui seront décrits dans la section suivante.

6.3. Cristallographie Maille et système cristallin Un cristal consiste en une répétition de cellules unitaires (ou mailles élémentaires) formées d’atomes et d’ions dans les trois dimensions. Une maille élémentaire est caractérisée par la longueur de chaque côté (a, b et c), et des angles entre ces côtés (α, β et g). La figure 6.10 montre deux types de mailles ou de systèmes cristallins. Leurs propriétés de symétrie permettent de les empiler dans trois dimensions pour former le cristal. Les plans dont nous avons parlé ci-dessus sont des feuilles, qui contiennent une densité élevée de points de diffraction (atomes ou ions) qu’on observe sur la face externe du cristal. À l’intérieur de chaque maille, il peut exister de nombreux arrangements d’atomes ou d’ions qui tous préservent la symétrie globale. La figure 6.11 montre les trois possibilités qui existent pour une maille cubique, donc formée de côtés égaux et d’angles de 90°. On les désigne du nom de maille cubique primitive (ou simple), cubique centrée, et cubique à faces centrées. Elles forment ce qu’on appelle les réseaux de Bravais. Arrivé à ce point, il peut s’avérer utile d’observer des modèles en trois dimensions d’empilements de boules reliées par des tiges métalliques, et des fragments de réseaux pour apprécier les diverses possibilités de disposer les atomes et les ions dans les différents types de cristaux. On peut aussi se rendre compte que l’empilement cubique à faces centrées peut aussi être décrit comme un empilement compact. Cette structure très commune se produit quand on met un maximum de sphères en contact dans une première couche, puis qu’on empile une deuxième couche, et enfin une troisième en des positions qui ne correspondent pas à celles de la première couche, mais en des positions alternées ; la quatrième couche correspond à la première.

a=b=c α = β = 90° Cubique

a=b≠c α = β = γ = 90° Tétragonal

Figure 6.10  Deux systèmes cristallins.

Maille primitive

Maille cubique centrée

Maille cubique à faces centrées

Figure 6.11  Les trois mailles possibles dans le système cubique.

Réseaux dans les solides Les réseaux à étudier peuvent être de plusieurs types. (i) Atomes de métaux ou d’alliages. Par exemple, le césium métallique possède un réseau cubique centré comme le fer-α, tandis que le cuivre a un réseau cubique faces centrées. Il n’y a qu’un seul type d’atome dans la maille. (ii) Cristaux ioniques. Ces réseaux contiennent deux types d’ions (par exemple le chlorure de sodium, ou le chlorure de césium). Ainsi, le chlorure de césium CsCl est formé d’un arrangement d’ions Cs+

143

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

avec des ions Cl– au centre du cube, ou vice-versa. Cet arrangement est constitué de deux réseaux cubiques primitifs qui s’interpénètrent. Pour le chlorure de sodium, la structure cristalline est constituée de deux réseaux cubiques à faces centrées qui s’interpénètrent, comme on le voit dans la figure 6.12.

Figure 6.12  Maille du chlorure de sodium, NaCl. On peut voir un type d’ions (Na+ ou Cl–) au sommet du cube et au centre de chaque face. L’autre type d’ions occupe les espaces libres créées dans ce réseau, et il a lui-même la structure cubique à faces entrées. Reproduit à l’aide de la licence CC BY 3.0, © Ausis.

On notera que la représentation des atomes sous forme de boules reliées par des « tiges » n’est qu’un modèle pratique pour visualiser les plans et les mailles. L’empilement de sphères plus grandes qui se touchent produirait une image plus réaliste dans laquelle les nuages d’électrons des ions voisins sont en contact étroit. (iii) Molécules covalentes. Les substances covalentes forment aussi des cristaux, mais avec des molécules disposées dans les mailles, comme pour les atomes et ions.

Plans dans le cristal Il existe un procédé standard pour désigner la position d’un plan dans un cristal. C’est celui des indices de Miller. On l’illustrera par un exemple tiré du réseau à trois dimensions dont le plan xy est représenté horizontal dans la figure 6.13. L’axe z sort du papier. Chaque point représente une colonne verticale d’atomes. Les trois droites indiquées représentent trois plans que nous allons décrire.

144

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées y x

Plan 1 Maille

b

Origine

a

Plan 3 Plan 2

Figure 6.13  Représentation de trois différents plans dans un cristal.

Pour trouver ces indices, on procède ainsi : (i) Choisir un atome quelconque comme origine. (ii) Déterminer les points où le plan choisi coupe les axes x, y et z, et exprimer leur position en unités du côté de la maille (a sur Ox, b sur Oy, et c sur Oz). Ce point peut être à l’infini si le plan est parallèle à un axe. (iii) Déterminer l’inverse de ces interceptions, en laissant tomber toute référence à a, b et c. (iv) Si ces inverses sont des fractions, exprimer leurs valeurs en multiple de la plus petite valeur non nulle. On obtient alors les indices de Miller, désignés par h, k, et l. Tableau 6.1  Dérivation des indices de Miller (h, k et l) pour les trois plans de la figure 6.13. Étape (i) plan

(ii) interception

(iii) inverse

(iv) Indices de Miller

(1)

∞a, 1b, ∞c

1/∞, 1/1, 1/∞

(0, 1, 0)

(2)

2a, 2b, ∞c

1/2, 1/2, 1/∞

(1, 1, 0)

(3)

4a, 2b, ∞c

1/4, 1/2, 1/∞

(1, 2, 0)

Ainsi le plan (1) et tous ceux qui lui sont parallèles sont désignés par le terme plan (0,1,0). De même le plan (2) et ceux qui lui sont parallèles est désigné par (1,1,0). On peut aussi vérifier que cette dénomination ne dépend pas du point choisi comme origine. Pour résumer, a, b et c définissent la maille élémentaire si les angles sont connus ; et h, k et l sont des entiers qui définissent n’importe quel plan particulier du cristal. On peut les utiliser pour calculer la distance entre plans, c’est-à-dire le paramètre d de l’équation de Bragg. Incidemment, un cristal en croissance peut se développer avec des faces parallèles à n’importe lequel de ces plans.

Exemples choisis utilisant les indices de Miller Arrivé à ce stade, le lecteur est encouragé à se familiariser avec cette nomenclature en définissant les indices de Miller de quelques-uns de

145

Les fondements de la détermination des structures moléculaires z

y x

Figure 6.14 

Plans (0, 0, 2) Vue en projection

Figure 6.15 

ces plans. (i) Indiquer par exemple les indices de Miller des plans de la figure 6.14 (ii) Dessiner le plan (0,0,2). Pour visualiser un plan traversant le cristal, il est parfois utile de considérer plusieurs mailles voisines, ou mieux encore, de se référer à un modèle. Les réponses aux questions posées dont, de gauche à droite (0,0,1), (1,1,0) et (1,1,1), respectivement. Noter aussi que, dans le système cubique, les plans (1,0,0) et (0,1,0) sont équivalents au plan (0,0,1). Ils désignent les faces du cube. De même (1,0,1) et (0,1,1) sont les mêmes plans diagonaux que (1,1,0). Les plans (0,0,2) sont représentés en figure 6.15. Ces plans sont horizontaux et passent par le milieu de la maille cubique.

Liaison entre l’équation de Bragg et les indices de Miller Il est souvent nécessaire de décrire la distance perpendiculaire dhkl qui sépare les plans parallèles d’une maille dont les côtés sont a, b et c. Car c’est cette distance interplanaire qui apparaît dans l’équation de Bragg. Il suffit d’un peu de géométrie pour établir la relation suivante, valable pour tous les cristaux orthogonaux (dont les angles entre axes sont tous de 90°). h2 k 2 l 2 1 = 2 + 2 + 2 (6.3) 2 d hkl a b c Pour le système cubique, cette formule devient : d hkl =

a (6.4) h2 + k 2 + l 2

Cette formule peut servir à calculer d pour un ensemble de plans. Par exemple, la distance entre les plans (0,0,2) dans le système cubique vaut a/2, comme le montre la figure 6.15.

6.4. Détermination de structures Types de mailles et dimensions n l = 2d sin q ∴ sin2θ = ∴ sin2θ =

146

(6.1)

n 2λ 2 4d 2 n 2λ 2 2 2 2 (h + k + l ) 4 a2 (6.5)

L’analyse aux rayons X d’un cristal donné fournit un certain nombre d’angles q qui peuvent servir pour déterminer le type de maille de ce cristal. L’équation de Bragg, reliant les angles d’incidence q et les paramètres l et d, est à combiner avec la l’expression reliant les valeurs possibles de d et les dimensions de la maille (a, b et c). Dans le système cubique, dhkl est donné par l’équation (6.4), et sa combinaison avec l’équation de Bragg (6.1) donne l’équation (6.5). Il y a beaucoup de lignes dans une figure de diffraction. Donc il y a beaucoup de valeurs différentes de q, et donc beaucoup de valeurs possibles pour d. Or tout ensemble de plans est défini par des indices h, k et l, qui sont des nombres entiers. Si on considère les valeurs les plus

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

simples de h, k et l, on en tire les valeurs suivantes pour (h2 + k2 + l 2) consignées dans le tableau 6.2. Tableau 6.2  Valeurs de (h2 + k2 + l 2) pour quelques plans h, k et l. h, k, l

1, 0, 0

(h2 + k2 + l 2) 1

1, 1, 0

1, 1, 1

2, 0, 0

2, 1, 0

2, 1, 1

2, 2, 0

2, 2, 1 3, 0, 0

3, 1, 0

2

3

4

5

6

8

9

10

Ainsi, pour un réseau cubique, les différentes valeurs de sin2q sont à relier entre elles par une suite de nombres entiers 1, 2, 3, 4, etc. (la plus petite valeur de sin2q étant la réflexion sur le plan (1, 0, 0). La suivante désigne le plan (1, 1, 0), etc.). Et il ne doit pas y avoir de ligne correspondant au nombre 7, puisqu’aucune combinaison de carrés entiers ne donne 7. De même, on peut montrer qu’il n’y a pas de ligne correspondant aux entiers 15, 23 et 28. Les figures de diffraction obtenues avec un cristal cubique confirment cette analyse. Tout solide où la ligne numéro 7, 15, etc. est manquante, doit donc avoir une structure cubique. De plus, si on connaît la valeur de l, la mesure de sin2q pour n = 1 donne la valeur de a, le côté du cube de base. Ce type de calcul, qui détermine la forme et la taille de la maille, est ce qu’on appelle l’indexation de la photo du diagramme de diffraction X d’une poudre. Dans la méthode du cristal unique, les mesures faites avec chaque axe successivement en position verticale peuvent aussi donner la longueur de chaque maille sur cet axe. Voir la section 6.2.

Réseaux de Bravais Le type de réseau de Bravais (cubique centré ou cubique à faces centrées) peut aussi être déterminé à partir de la figure de diffraction. Considérons une structure cubique centrée, et essayons de visualiser ce qui arrive avec les réflexions issues de (1, 0, 0), ou sur les plans (0, 1, 0) ou (0, 0, 1). Pour le plan (1, 0, 0), la réflexion qui satisfait la condition de Bragg, avec une distance d100, contient maintenant un rayon supplémentaire qui s’est superposé, selon la figure 6.16. C’est le rayon qui est dû à la réflexion sur le plan formé par les atomes du centre de la maille. Mais ce rayon réfléchi n’est pas en phase avec celui issu des atomes du plan (1, 0, 0). La différence de parcours pour ce rayon supplémentaire réfléchi est exactement l/2. Il cause donc une interférence destructrice : la réflexion est alors absente. On parle alors d’une absence systématique. Par contre, les réflexions sur les plans (2, 0, 0), (0, 2, 0) et (0, 0, 2), séparés par d200, seront présentes, car leurs réflexions seront en phase. Il faut se rappeler que la distance d est maintenant la moitié de celle observée avec les plans (1, 0, 0). On observera un rayon réfléchi sous l’angle q correspondant. Comme le montre la figure 6.17, les réflexions sur les plans (1, 1, 0) devraient être présentes, puisqu’il n’y a pas d’atomes situés sur des plans compris entre les plans (1, 1, 0). Par

d100

Figure 6.16  Une structure cubique centrée.

Plans (1,1,0)

Plans (1,1,1) Figure 6.17 Une structure cubique centrée, avec des plans laissant entre eux des atomes interstitiels (1, 1, 1), et des plans ne laissant aucun atome interstitiel entre eux (1, 1, 0).

147

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

contre, les réflexions sur les plans (1, 1, 1) sont absentes, car il existe des atomes situés entre les plans (1, 1, 1). Pour la structure cubique à face centrée, on peut montrer que les réflexions (1, 0, 0) sont absentes, comme aussi les réflexions sur (1, 1, 0). Par contre les réflexions sur (1, 1, 1) existent. Le lecteur intéressé pourra le montrer lui-même. Le tableau 6.3 résume les réflexions observées pour les différents types de cristaux cubiques. Tableau 6.3  Réflexions autorisées pour des cristaux cubiques. Type de maille Cubique primitif Cubique centré

(h, k, l)

1, 0, 0

1, 1, 0

1, 1, 1

2, 0, 0

2, 1, 0

2, 1, 1

2, 2, 0





















√ √

Cubique à faces centrées





On peut résumer ce tableau en disant que le réseau primitif cubique simple n’a pas d’absences, tandis que le réseau cubique centré ne donne que des réflexions pour les plans dont la somme (h + k + l) est paire, et que le réseau cubique à faces centrées ne donne des réflexions que dans les cas où les trois paramètres h, k ou l sont tous trois soit pairs soit impairs. Cette information nous permet de considérer la série des sin2q issue d’un diagramme de diffraction, et de décider à quel type de réseau de Bravais il appartient. Si par exemple, les valeurs de q sont telles que les rapports des sin2q pour les trois premières réflexions sont des multiples de 3, 4 et 8, alors le réseau est de type cubique à faces centrées, car 3 est la somme des carrés de h, k et l dans le cas (1,1,1), puis 4 est la somme des carrés de h, k et l dans le cas (2,0,0), et 8 est la somme des carrés de h, k et l, dans le cas (2,2,0). On a intérêt à contrôler que la somme des carrés des réflexions suivantes vaut bien 11 et 12. Ces valeurs sont très différentes dans le cas des structures primitive et cubique centrée. Ce type de calcul peut être effectué sur les figures 6.3 et 6.4. Le lecteur peut vérifier que le molybdène a une structure cubique centrée, tandis que le cuivre a une structure face centrée. Les photographies ont été reproduites à l’échelle 180 mm = 180°. Donc la mesure de l’angle q en est facilitée, en se rappelant que l’angle entre une ligne et le centre du film vaut 2q. Chacun peut alors vérifier que les différentes valeurs des paramètres sin2q sont entre elles dans les rapports entiers prévus.

Cristaux ioniques La photographie de la poudre de cristaux de NaCl (figure 6.5, page 139) fournit un bon exemple de l’effet produit par la présence de plus d’un type d’ions sur le diagramme de diffraction. On voit que les réflexions (1, 1, 1) sont bien plus faibles que celles sur les plans (2, 0, 0). Ceci s’explique en considérant la nature de l’atome responsable de la diffraction. Les rayons X interagissent avec les électrons entourant le noyau,

148

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

et l’intensité des rayons X diffractés dépend du nombre d’électrons, qui n’est pas le même sur Na+ et sur Cl–. Pour les réflexions de type (2, 0, 0), tous les plans causant la réflexion contiennent des ions Na+ et Cl–, donc tous contribuent au renforcement du signal, et il y a trois plans (2, 0, 0) horizontaux, comme le montre la figure 6.12. Par contre, pour les plans (1, 1, 1) des ions sodium, il y a une couche d’ions chlorure entre eux. Voir la figure 6.18 : les rayons X diffractés par chaque couche sont exactement déphasés, mais ils ne s’annulent pas exactement à cause de leur différence d’intensité. La réflexion obtenue est simplement affaiblie. Pour le KCl, les deux ions ont exactement le même nombre d’électrons et ne peuvent pas être distingués par les rayons X. Quoique KCl et NaCl aient la même structure, la réflexion sur (1, 1, 1) manque avec KCl. La figure de diffraction aux rayons X ressemble donc à celle obtenue sur un réseau cubique dont la maille aurait la moitié de la dimension de la maille réelle. Nous espérons vous avoir convaincu par ces exemples que deux facteurs sont importants pour analyser un diagramme de diffraction X, à savoir la position (ou la valeur q) et l’intensité des rayons diffractés. L’analyse des valeurs q permet en général de reconnaître la maille élémentaire, le type de réseau et la dimension de la maille.

Figure 6.18  Vue de la cellule de chlorure de sodium mettant en évidence les plans (1, 1, 1) d’un type d’ions, et les plans interstitiels contenant les ions de signe opposé.

Les intensités des réflexions dépendent de la nature des ions présents, et ces intensités sont à la base de l’application des rayons X pour déterminer des structures cristallines, comme on va le voir dans les paragraphes suivants.

149

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Rayons ioniques La mesure du côté de la maille élémentaire peut aussi servir pour déterminer les rayons ioniques. Par exemple, dans NaCl, le côté de la maille est égal à la somme des diamètres des ions sodium et chlorure. Voir la figure 6.12, mais une analyse complète de ce cas sera discutée dans l’exercice résolu ci-après. Dans LiCl, dont la structure est du même type, les ions Li+ sont si petits que les ions Cl– se touchent le long de la diagonale d’une face. Voir la figure 6.12. L’analyse du diagramme de diffraction de ce composé donne une maille de dimension 0,51 nm. Un calcul simple donne la longueur de la diagonale d’une face, puis la dimension des ions Cl–. Ensuite, la connaissance de la longueur du côté de la maille de NaCl permet d’en tirer la dimension de l’ion Na+. Voir l’exercice 6.3.

Exemples résolus. Analyse structurelle de mailles élémentaires à partir de diagramme de diffraction sur des poudres Exemple résolu 6.1. Nous allons montrer comment exploiter le diagramme de diffraction d’une poudre de cuivre, présenté en figure 6.4, et comment en tirer le type de maille (cubique, centré, ou faces centrées) d’une part, et les dimensions de cette maille d’autre part. Le diagramme de la figure 6.4 a été enregistré avec des rayons X de longueur d’onde 0,154 nm, et le film est reproduit à l’échelle 1:1, où 1° est équivalent à 1 mm. Tout d’abord, il faut noter que les rayons diffractés par les mêmes faces d’un type de cristal donné forment un cône qui coupe le film en formant deux arcs, situés de part et d’autre du faisceau principal. L’angle entre ces deux arcs d’un cône peut être mesuré sur la figure et vaut 4q, si q est l’angle d’incidence du rayon X sur cette face particulière. Voir les figures 6.7 et 6.8. En effet, l’angle entre la position d’un arc et le centre du film vaut 2q. Ceci nous permet de déterminer les valeurs q en les mesurant sur le film en millimètres, que l’on convertit en degrés. Ensuite, nous calculons les valeurs de sin2q, et nous recherchons si leurs rapports respectifs peuvent être exprimés comme une fraction ordinaire de nombres entiers. Tableau 6.4  Analyse d’un diagramme de diffraction X d’une poudre de cuivre. q en degrés (tirés de la photographie)*

sin q

sin2q

Rapports entiers (h2 + k2 + l2)

h, k, l

22,0

0,3746

0,1403

3

1, 1, 1

25,5

0,4305

0,1853

4

2, 0, 0

37,3

0,6060

0,3672

8

2, 2, 0

45,0

0,7071

0,5000

11

3, 1, 1

47,8

0,7408

0,5488

12

2, 2, 2

* Voir la figure 6.4. L’angle entre le centre du film et la ligne correspond à 2q, et 1 mm = 1°.

150

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

Les calculs successifs sont reportés dans le tableau 6.4. On voit que les sin2q sont dans un rapport 3:4:8:11, qui correspondent aux solutions de l’équation (6.5). Pour un réseau cubique à faces centrées, avec des réflexions sur les plans dont les facteurs h, k et l sont (1, 1, 1), puis (2, 0, 0), (2, 2, 0) et (3, 1, 1). N’importe laquelle de ces valeurs de q et les valeurs associées de h, k et l, peut être utilisée pour calculer la dimension du cube de base de la maille élémentaire. On trouve que le côté du cube vaut 0,356 nm, ou 3,56 Å. Exemple résolu 6.2. Quand les rayons X de longueur d’onde de 0,154 nm frappent un cristal de NaCl, on obtient le diagramme de diffraction de la figure 6.5. Le lecteur voudra bien suivre l’analyse de ce diagramme, qui permettra de déterminer le type de réseau (cubique, centré, et faces centrées) et les dimensions de la maille. Le film est reproduit à l’échelle, donc avec 1° correspondant à 1 mm. Pour y parvenir, on procède comme avec le cristal unique de cuivre discuté précédemment. On détermine d’abord les valeurs de q, on en tire sin2q, et on combine ces valeurs pour que leurs rapports correspondent à des rapports de nombres entiers. Les résultats de ces calculs figurent dans le tableau 6.5. Tableau 6.5  Analyse du diagramme de diffraction X d’une poudre de NaCl. q en degrés*

sin q

sin2q

Rapports entiers (h2 + k2 + l2)

h, k, l

13,9

0,2402

0,0586

3

1, 1, 1

16,0

0,2756

0,0759

4

2, 0, 0

22,8

0,3875

0,1502

8

2, 2, 0

27,0

0,4540

0,2061

11

3, 1, 1

* Voir la figure 6.5. L’angle entre une ligne et le centre du film correspond à 2q, et l’échelle est de 1 mm = 1°. Les lignes fines sont associées aux réflexions sur les plans (1, 1, 1) et (3, 1, 1) et sont presque invisibles. Voir le texte.

On s’aperçoit que les sin2q sont dans des rapports 3:4:8:11. On peut même pousser l’analyse un peu plus avant, et chercher à prédire l’angle approprié à la prochaine ligne du spectre, puis chercher si cette ligne existe, et si elle est faible ou forte, et pourquoi elle l’est. La réponse est que la prochaine réflexion est associée avec le plan (2, 2, 2), ce qui donne (h2 + k2 + l2) = 12, d’où on tire que sin2q vaut 0,2250, et donc que q vaut 28,3°. Et effectivement, il existe une paire de lignes à q = 28,3° sur la figure 6.5. C’est même une réflexion forte, parce que les rayons issus des couches de Na et ceux issus des couches de Cl sont en phase. Voir la figure 6.18. Les plans (2, 2, 2) sont séparés entre eux par une distance qui est la moitié de celle qui sépare les plans (1, 1, 1).

151

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

6.5. Détermination de structure pour les molécules Dans un cristal où le réseau est occupé par des molécules covalentes, comme le sont les molécules organiques, il faut considérer la diffraction par chaque atome séparément. Les molécules elles-mêmes sont bien placées symétriquement les unes par rapport aux autres. Mais les atomes de la molécule ne sont plus seulement situés aux sommets et au centre des faces et du cube. Pourtant, il y a des « distances de répétition » dans la structure, ce qui cause le même type de diffraction qu’avec les corps simples déjà discutés. La théorie est la même. Mais on utilise alors la technique du cristal unique. On obtient un diagramme de diffraction très complexe, avec des intensités très variables. Voir un exemple en figure 6.22. Le problème est alors de partir de cette information pour établir une carte des densités électroniques à l’origine de la diffraction et à l’intérieur de la maille élémentaire. Le relevé des courbes de même densité électronique donne une image comme celle reproduite en figure 6.19 qui est celle que donne le benzène. On observera aussi que les pics des atomes H ne sont pas clairement observés, ce qui est dû au fait que l’atome H ne possède qu’un seul électron.

Figure 6.19  Courbes de mêmes densités électroniques du benzène. Reproduit de l’article suivant : E. G. Cox, D. W. J. Cruickshank and J. A. S. Smith, Proceedings of the Royal Society, 1958, 247A, p. 1.

Le recours aux ordinateurs modernes et les progrès dans l’instrumentation ont rendu ces analyses et cette présentation relativement courantes, bien que les détails des calculs à effectuer dépassent le niveau de cet ouvrage. La détermination d’une structure moléculaire fait aujourd’hui partie de la routine du laboratoire, tant en chimie organique qu’en chimie organo-métallique. On parvient donc à établir avec précision les longueurs de liaisons et les angles qui les séparent. Il faut toutefois noter que ce sont des valeurs moyennes, comme on l’a établi en page 40. Les deux exemples qui suivent illustrent la puissance de la diffraction X dans l’étude des molécules organiques et organo-métalliques., même si les autres méthodes de spectroscopie, comme la spectrométrie de masse, ont permis d’établir la masse molaire, la formule, et certains aspects de sa structure. La diffraction aux rayons X à partir d’un seul et

152

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

gros cristal a l’avantage de fournir une représentation de la molécule en 3 dimensions. Par exemple, l’oxydation du complexe de molybdène Mo(CO)3 (η5-C5H5) en présence de AgBr, couplée à la présence de 4-méthoxy6-méthyl-2-pyrone conduit à la formation d’un composé dont la structure est montrée dans la figure 6.20. Les mesures de spectroscopie comme la RMN de 1H et 13C, l’IR et la MS suggèrent une structure, qui a été confirmée par la diffraction X. On distingue très bien l’atome de métal central, entouré de trois groupes carbonyle, et du groupe cyclopentadiényl, auquel il est lié également à chacun des cinq atomes de carbone (ce qui forme des liaisons dites η). Et finalement l’anneau de pyrone est également lié au métal central par des liaisons η, grâce à l’atome d’oxygène attaché en C9. De plus l’analyse aux rayons X permet de mesurer les longueurs et les angles de liaison, ce qui révèle parfois des tensions et des empêchements stériques à l’intérieur de la même molécule. Les lecteurs intéressés par ce développement sont priés de se référer aux ressources en ligne (Online Resource). La diffraction aux rayons X est aussi particulièrement utile pour déterminer la stéréochimie absolue d’un stéréoisomère. Ceci est important lorsque les structures peuvent contenir différents isomères géométriques ou optiques qui dérivent de la présence de un ou plusieurs centres stéréogéniques. La figure 6.21 présente un exemple de structure complexe, dont la représentation spatiale est inédite. En regardant bien, on retrouve sans trop de peine la position de l’atome N et celle des groupes méthyle, éthyle et phényle, ainsi que la stéréochimie de chacun des trois atomes chiraux, qui forment le stéréoisomère (S,S,S). L’analyse de ce complexe est décrite dans les ressources en ligne.

H

Figure 6.20 Diagramme de structure ORTEP d’un complexe de molybdène contenant des ligands carbonyle, cyclopentadiényle et 2-pyrone. Reproduction autorisée par Organometallics, 2004, 23, 4964– 4969, I. J. S. Fairlamb, J. M. Lynam, I. E. Taylor and A. C. Whitwood.

CH2Ph CO2Et H

N H

Me Ph

CH2Ph

N

H

CO2Et Me

Ph

Figure 6.21  Structure cristalline vue aux rayons X du (2S)-3-phényl{(2S)-1-[(1S)1-phényléthyl]pipéridine-2-yl}propionate d’éthyl. Reproduction autorisée par J-P. R. Hermet, A. Viterisi, J. M. Wright, M. J. McGrath, P. O’Brien, A. C. Whitwood and J. Gilday, Org. Biomol. Chem., 2007, 5, 3614-3622.

153

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Études aux rayons X de molécules biologiques La diffraction des rayons X fournit aussi une excellente méthode pour étudier la structure des molécules biologiques qui contiennent des groupes chimiques répétitifs, comme les protéines et les acides nucléiques. L’un des premiers exemples de succès historique dans cette voie est la célèbre analyse aux rayons X de l’acide nucléique dit ADN. Les mesures aux rayons X de Rosalind Franklin et leur interprétation par James Watson et Francis Crick ont fait l’objet d’une publication devenue classique, dans le journal Nature en 1953. La figure de diffraction obtenue peut être interprétée comme si la molécule était formée d’une double hélice formée de la répétition de paires de bases. De plus on observe la répétition du même motif séparé du suivant par des distances de 0,34, 3,4 et 2,0 nm. Ces distances correspondent respectivement à la distance entre deux unités de la chaîne, au pas de l’hélice, et à la largeur de l’hélice. Cette série d’informations décrit les caractéristiques essentielles de l’ADN, et a permis à Watson et Crick d’en élucider la structure et d’en être récompensés par le Prix Nobel. Les programmes graphiques des ordinateurs actuels permettent de visualiser en trois dimensions les cartes de structure moléculaire et de densité électronique, et même de les faire tourner sur l’écran pour mieux révéler leur structure. Par exemple, la référence au site répertorié dans les ressources en ligne permet de découvrir la structure détaillée de l’ADN, avec ses groupes phosphate, ses sucres, ses bases puriques et pyrimidiques, ainsi que les paires de bases, les chaînes hélicoïdales. Le lecteur est même encouragé à étudier et à manipuler cette structure en 3D afin d’explorer la structure de cette remarquable molécule. Un autre exemple est présenté dans la figure 6.22. Il s’agit de la figure de diffraction des rayons X sur un cristal d’hémoglobine, et une vue latérale d’une partie de cette molécule reconstituée à partir de la carte de densité électronique. On voit fort bien l’anneau de l’hème, contenant un atome de fer lié à une molécule O2. On voit aussi les acides aminés de la chaîne de protéines qui sont les plus proches de l’hème, ainsi que les résidus histidine situés dessus et dessous le métal. Ce type d’information est aujourd’hui plus facile à obtenir en utilisant les rayons X issus des synchrotrons, et en traitant l’information par les techniques de l’informatique. C’est ce qui a permis d’élucider la structure de molécules complexes comme les protéines et les enzymes, d’où on part pour synthétiser les médicaments ciblés. Ces types d’application découlent du travail de pionnier effectué par Dorothy Hodgkin, avant la mise au point des ordinateurs perfectionnés actuels. Ce travail a nécessité des années de travail ingrat pour analyser les diagrammes de diffraction, et comparer les intensités de leurs taches. Son premier succès important dans ce sens fut l’analyse d’un dérivé de la pénicilline dans les années 1940, où on voit la présence d’une nouvelle structure de β-lactame, qui est un anneau à 4 membres, situé à un endroit où on pensait trouver un anneau thiazolidineoxazolone. La structure de cette molécule de pénicilline est reproduite

154

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

sur la couverture de ce livre. Elle a aussi établi avec succès la structure de la vitamine B12, pour laquelle elle a reçu le Prix Nobel en 1969, après 34 ans de recherches. Enfin, elle a établi la structure de l’insuline et de ses 51 acides aminés, dont la séquence avait été établie au préalable par Frédérick Sanger.

Figure 6.22  Diagramme de diffraction de l’hémoglobine (en haut), avec la structure de l’hème, l’atome de fer et les acides aminés associés.

Si on réfléchit à l’emploi de l’analyse structurelle, et la diffraction des rayons X en particulier, on ne peut faire mieux que conclure en citant les propos de Max Perutz, lui-même Prix Nobel, tels qu’ils sont rapportés dans l’ouvrage Max Perutz and the Secret of Life, Georgia Ferry, London, Chatto and Windus, 2008 : « Pourquoi l’eau bout à 100 °C et le méthane à –161 °C, pourquoi le sang est rouge et l’herbe verte, pourquoi le diamant est dur et la cire molle, pourquoi le graphite écrit sur du papier, pourquoi les glaciers s’écoulent, pourquoi le fer durcit quand il est frappé par un marteau, comment les muscles se contractent, comment la lumière solaire fait

155

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

pousser les plantes, et comment les organismes vivants évoluent vers une complexité croissante. Les réponses à toutes ces questions proviennent de l’analyse de structures.3 »

6.6. Diffraction des neutrons L’un des désavantages de la diffraction aux rayons X est que les atomes de numéros atomiques bas sont difficiles à localiser en présence d’éléments plus lourds, par exemple les atomes d’hydrogène en présence d’atomes de carbone, parce que l’intensité du rayon diffracté dépend du nombre d’électrons entourant le noyau. Si on veut déterminer la position précise des atomes d’hydrogène, par exemple dans l’étude des hydrures métalliques ou dans les sels hydratés, on peut alors utiliser la diffraction des neutrons. Dans cette technique, on emploie un faisceau de neutrons issus d’une pile atomique, et on les diffracte exactement comme on le fait avec les rayons X. On mesure l’intensité des neutrons diffractés dans les différentes directions de l’espace. Et comme cette diffraction est bien moins sensible au numéro atomique que la diffraction X, elle convient bien aux atomes H. Mais elle est plus difficile et plus coûteuse. On ne l’utilise donc guère que comme complément à une analyse complète faite aux rayons X.

6.7. Diffraction des électrons – Méthode et détermination de structure Presque au même moment que les scientifiques découvraient la diffraction des rayons X, d’autres chercheurs ont montré que les électrons ont aussi un caractère ondulatoire, et qu’ils peuvent provoquer des figures de diffraction. Par exemple, l’expérience montre que si on envoie un faisceau d’électron contre une très mince feuille d’or, il apparaît une figure de diffraction sous forme d’anneaux concentriques sur la plaque photographique placée derrière la feuille d’or. Ce type d’expérience n’a pas connu d’application, parce que la plupart des électrons sont absorbés, au lieu d’être diffusés par diffraction, sur des cibles de matière solide. Par contre la diffraction électronique trouve des applications avec les molécules gazeuses.

3 Il existe un excellent petit résumé de la révolution que les rayons X ont apporté à la biologie au cours des cent dernières années : Clare Sansom, Chemistry World, 26 August 2014.

156

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

Théorie et instrumentation L’échantillon à examiner est en général placé dans un vide poussé (environ 10–4 Pa), et le faisceau électronique est diffracté par le champ électrique que forme le noyau et les électrons de chaque atome. Un atome isolé diffuse le faisceau électronique dans toutes les directions. Si l’atome fait partie d’une molécule diatomique (voir en figure 6.23), les rayons diffusés par les deux atomes ne seront en phase que dans certaines directions, qui dépendent de la longueur d’onde l de l’électron, et de la différence de parcours d (AB), laquelle dépend de la longueur de la liaison AB et de l’angle existant entre la liaison et la direction du rayon incident. Voir l’équation de Bragg. Pour une grande collection de molécules, il y en aura toujours un grand nombre dont la liaison forme par hasard l’angle q par rapport à la direction du faisceau. Il se formera donc toujours un cône d’électrons diffractés, comme avec les rayons X diffractés par une poudre. Et comme il y a plusieurs valeurs qui créent cette diffraction, la plaque photographique enregistrera une série d’anneaux sombres et clairs. Voir la figure 6.24. La variation de l’intensité est souvent représentée sous la forme d’une courbe en fonction de l’éloignement du centre, qui peut être étudiée directement ou comparée à une fonction préétablie.

A

B

θ

Figure 6.23  Diffraction d’un faisceau électronique par une molécule diatomique.

Figure 6.24  Diagramme de diffraction électronique du tétrafluoroéthène.

Pour que cette expérience réussisse, il faut que le faisceau d’électron ait une longueur d’onde légèrement plus petite que la longueur de liaison AB. Or la longueur d’onde l associée à un électron dépend de sa masse me et de sa vitesse v selon l’équation (6.5) dite de de Broglie l = h/mev (6.5) La vitesse v des électrons peut être ajustée en variant le potentiel d’accélération V, décrit en section 5.2, page 108, de sorte que : ½ mev2 = eV (6.6)

157

Les fondements de la détermination des structures moléculaires

Si on combine ces deux équations, on tire : λ=h

1 (6.7) 2meeV

Si la tension est de 40 kV, la longueur d’onde l est de 0,006 nm, ce qui convient bien aux études de diffraction électronique.

Détermination de structure

Figure 6.25 Structure du cyclooctatétraène.

Figure 6.26 

Figure 6.27 

158

La diffraction électronique en phase gazeuse n’est guère étudiée que sur de petites molécules. La nécessité de cette simplification vient du fait que les cônes de diffraction proviennent de couples d’atomes liés et non liés de la molécule. Comme chaque cône forme un pic dans la distribution radiale, et que chaque séparation AB forme plusieurs cônes, il faut appliquer autant de fois l’équation de Bragg pour analyser la figure de diffraction et trouver les distances interatomiques. Un cas simple est celui de la molécule P4, qui forme un tétraèdre, donc qui n’a qu’une seule distance P-P causant la diffraction. On peut aussi citer la molécule I2, qui donne un diagramme de diffraction simple, d’où on tire la distance interatomique de 0,267 nm. Pour CO2, la courbe de distribution radiale donne deux distances internucléaires (C–O et O–O) dont l’une est le double de l’autre. Ce qui indique une molécule linéaire dont C et O sont séparés par 0,115 nm. Comparer cette valeur avec les données reportées en pages 12 (section 2.4), 17 (section 2.5), 18 (section 2.6), 23 et 24 (section 2.8) et 38 (section 2.13). Pour la molécule CCl4, on observe des diffractions sous certains angles, dues à la liaison C–Cl, mais aussi des paires Cl–Cl, qui forment un réseau de diffraction au même titre que les atomes O de CO2 le font. Comme il n’existe qu’une sorte de distances Cl-Cl, on en déduit que la molécule est tétraédrique et pas plan carré. La distance C–Cl mesurée ainsi est de 0,177 nm. Si la molécule est plus complexe, le nombre de séparations croît et l’analyse s’en trouve compliquée d’autant. Pour CF3Cl par exemple, les distances responsables de la diffraction sont C–Cl, C–F, F–Cl et F–F. L’analyse de la distribution radiale doit aussi tenir compte des différences d’intensité provoquée par les différents atomes. Mais en pratique l’analyse peut aussi être faite et donne des résultats avec une précision de l’ordre de 0,001 nm, qui confirment la forme moléculaire. Ce genre d’analyse confirme les résultats obtenus par spectroscopie infrarouge. Voir les sections 2.4, 2.6, 2.8, 2.13. Cette méthode peut aussi être étendue à des molécules plus compliquées. Par exemple, la diagramme de diffraction du benzène montre trois espacements C–C et quatre espacements C–H, ce qui est en accord avec la structure plane du benzène en hexagone régulier, où toutes les liaisons C–C ont la même longueur de 0,139 nm. Par contraste, la molécule de cyclooctatétraène peut être représentée par une forme de

6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

baquet avec des liaisons C–C longues alternant avec des liaisons C=C courtes, comme sur la figure 6.25. L’étude de la molécule de 1,2-dichloroéthane révèle la prédominance de la conformation trans, avec deux liaisons C–Cl faisant entre elles des angles de 180°, ce qui permet de minimiser les interactions entre les gros atomes de chlore. Un autre exemple notable est l’étude du cyclohexane par le Prix Nobel Odd Hassel, qui a démontré que la conformation du cyclohexane (figure 6.26) en forme chaise est favorisée par la nature, avec deux sortes de liaisons C–H, qu’on appelle aujourd’hui liaisons axiale et équatoriale. (Voir O. Hassel et H. Viervoll, Acta Chem. Scand. 1947, p. 147.) Les mêmes chercheurs ont confirmé la structure du buckminsterfullerène C60 (figure 6.27), dont l’existence avait été révélée par la spectrométrie de masse, mais qui avait échappé à l’analyse aux rayons X, du fait que ces molécules sont en rotation rapide même à l’état solide. D’autres applications récentes incluent le recours à l’analyse temporelle des impulsions et des électrons produits par une irradiation laser pulsée ultra-courte (femtoseconde) frappant une photocathode d’or. Ceci permet d’étudier la structure des radicaux et autres espèces de courte vie apparaissant à titre transitoire dans les réactions en phase gazeuse. Et les faisceaux d’électrons peuvent être utilisés dans des expériences de diffraction avec des solides, comme les rayons X, que ce soit en transmittance ou en réflexion sur des films très minces ou de très petits cristaux comme les poudres des nouveaux matériaux inorganiques à propriétés magnétiques .

Diffraction des électrons de basse énergie Cette méthode, dite LEED (Low Energy Electron Diffraction), est utilisée pour examiner la surface des solides. On utilise des électrons dont la longueur d’onde est comprise entre 0,5 et 0,05 nm, et donc dont l’énergie est plus basse que celle utilisée pour la diffraction en phase gazeuse. On dirige ces électrons sur la surface de solides comme des métaux. Ces électrons sont réfléchis par la couche superficielle des atomes et diffractés dans des directions conformes à la loi de Bragg, puis détectés sur un écran fluorescent. Le diagramme obtenu informe sur la structure en deux dimensions de la surface touchée. Cette méthode peut aussi être appliquée à l’étude de l’absorption de gaz sur les solides. On utilise cette technique pour analyser le mécanisme avec lequel certains solides agissent en catalyseurs de réactions gazeuses.

6.8. Résumé Au terme de ce chapitre, le lecteur devrait être capable de comprendre : • comment les rayons X sont produits et diffractés par un arrangement régulier d’atomes et d’ions dans l’espace ;

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Les fondements de la détermination des structures moléculaires

• comment on analyse les diagrammes de diffraction sur réseaux ioniques ou atomiques pour en tirer des informations sur la dimension et le type de maille, le réseau de Bravais (centré ou faces centrées) ; • comment on décrit les réseaux et les plans à l’aide des indices de Miller, et comment on les relie aux diagrammes de diffraction ; • comment on établit les cartes de densité électronique et les structures en 3 dimensions à partir des diagrammes de diffraction X, pour obtenir finalement tous les détails de la structure moléculaire, dont les angles et les longueurs de liaison (ce qui complète les conclusions obtenues par l’emploi des techniques spectroscopiques décrites précédemment dans cet ouvrage). Le lecteur devrait aussi être capable d’apprécier le rôle fondamental de la diffraction des rayons X pour révéler la structure des molécules très complexes, comme celles qu’on trouve en biologie (ADN et hémoglobine). Le lecteur devrait aussi avoir développé une certaine habileté pour analyser quelques structures relativement simples, grâce aux exercices résolus. Enfin, le lecteur devrait avoir acquis assez de connaissances pour apprécier les principes de base de la diffraction des neutrons et des électrons, ainsi que les différents domaines d’application de ces méthodes, comparées à celles des rayons X décrits précédemment.

6.9. Exercices. Analyse des diagrammes de diffraction X des cristaux Des exercices résolus sont disponibles dans les ressources en ligne.

6.1. La figure 6.3 représente la photographie aux rayons X d’une poudre de molybdène, enregistrée avec des rayons X de 0,154 nm de longueur d’onde. L’échelle du film est telle que 1° correspond à 1 mm. Utiliser les réflexions (2, 0, 0) pour calculer : (a)  l’angle de Bragg correspondant à cette réflexion ; (b)  la longueur de la maille du molybdène. 6.2. La figure 6.6 est la photographie (à l’échelle) du diagramme de réfraction des rayons X de 0,154 nm sur un cristal de chlorure de sodium, dont l’axe est vertical. La figure 6.8 et l’équation (6.2) décrivent l’origine de ces lignes. L’angle j correspondant à n’importe quelle ligne particulière peut être obtenu par tan j = y/R où R est le rayon du film (ici 29 mm), et y est la distance verticale séparant la couche n = 0 et la ligne de la couche étudiée. (a) Calculer j pour la couche n = 1, et en tirer la valeur a du côté de la maille. (b) Pourquoi les taches des couches n = 1 et n = –1 sont-elles plus faibles que celles dues aux couches n = 2 et n = –2 ?

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6. Diffraction des rayons X et méthodes dérivées

6.3. Le chlorure de lithium possède le réseau du type NaCl, avec un côté de maille égal à 0,153 nm. Si on admet que les ions chlorure se touchent sur la diagonale du cube, calculer le rayon ionique de l’ion Cl–. Utiliser cette valeur pour en déduire la dimension de l’ion Na+ si on sait que le côté de la maille de NaCl vaut 0,56 nm. 6.4. La photographie d’une poudre de LiCl montre des angles de réflexion q croissants tels que les sin2q sont dans des rapports 3, 4, 8, 11, 12, etc., comme NaCl. Mais, à la différence de NaCl, dont les réflexions associées à 3 et 11 étaient beaucoup plus faibles que les autres, toutes les réflexions observées avec LiCl ont à peu près la même intensité. Quelle en est la raison ? 6.5. Dans la diffraction électronique de AsI3 gazeux, on obtient des pics dans la courbe de distribution radiale correspondant à des distances internucléaires de 0,254 pour la liaison As-I, et 0,385, pour la séparation I-I. Quelle est la géométrie de la molécule AsI3 ? 6.6. Dans la diffraction électronique du 1-chlorocyclohexane en phase gazeuse, on observe que l’atome de chlore occupe toujours la même position axiale ou équatoriale. Quelle est cette position ?

6.10. Davantage de lecture W. Clegg (2015), X-Ray Crystallogrphy, 2nd edition, Oxford Chemistry Primers, Oxford University Press, Oxford.

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Glossaire Absence systématique. L’absence systématique de réflexions X se produit quand les réflexions produites par un plan situé à mi-chemin des plans principaux sont déphasées par rapport aux réflexions produites par les plans principaux. C’est le cas des atomes ou ions situés au centre de la maille du système cubique centré. Absorbance (A). L’absorbance est le logarithme du rapport de l’intensité de la radiation incidente Io sur celle de l’intensité transmise I dans une expérience d’absorption de lumière visible ou UV. Absorption fondamentale. Transition correspondant au passage de l’état fondamental vers le premier état excité vibrationnel, donc correspondant à v = 1. Actif infrarouge. Un mode vibrationnel est actif infrarouge si l’excitation de cette vibration produit un changement de moment dipolaire. Les absorptions fondamentales de ces modes peuvent alors apparaître dans le spectre infrarouge. Actif Raman. Un mode de vibration est actif Raman si sa polarisabilité change pendant le cours normal d’une vibration. Les transitions fondamentales de tels modes peuvent apparaître dans le spectre Raman. (∆H‡).

L’énergie d’activation décrit la barActivation rière énergétique observée dans une réaction à pression constante. Plus cette barrière est élevée, plus la vitesse de réaction croît avec la température. Analyseur électrostatique. Méthode permettant de séparer des ions de masses voisines dans un spectromètre de masse.

Asymétrique. Une molécule toupie asymétrique possède trois moments d’inertie différents. Barrière énergétique. Voir activation. Beer-Lambert (loi de). Loi exprimant la dépendance entre l’absorbance A d’une solution en fonction de la concentration c de cette solution, et de la longueur d du trajet optique dans cette solution. La loi de BeerLambert dit que A = ecd, où ε est le coefficient d’extinction molaire. Blindage. Effet du champ magnétique local créé par la circulation induite des électrons, qui s’oppose au champ magnétique appliqué. Bragg (équation de). Les interférences constructives des rayons X diffractés par une série de plans parallèles du cristal se produisent quand la différence des trajets effectués par des rayons diffractés par des plans différents est égale à un nombre entier de fois la longueur d’onde l. La longueur du trajet dépend de la distance d séparant les plans du réseau, et de l’angle d’incidence q de la radiation incidente. Cette relation est donnée par la loi de Bragg : nl = 2d sin q. Branche P. Ensemble de raies observées dans le spectre de vibration-rotation, et correspondant à ∆ J  = –1. Voir aussi Espacement. Branche R. Ensemble de raies observées dans le spectre de vibration-rotation, et correspondant à ∆ J  = +1. Voir aussi Espacement.

Analyseur de masse. Partie d’un spectromètre de masse où les ions de m/z différents se séparent.

Bravais (réseau de). Nomenclature utilisée pour décrire les différents types de réseaux à l’intérieur d’un type de maille élémentaire, et ayant la même symétrie globale. Par exemple, pour le système cubique, on distingue les réseaux simple, centré et à faces centrées.

Anti-liante. Une orbitale moléculaire est anti-liante si son occupation par des électrons affaiblit l’énergie de la liaison moléculaire.

CCD. Détecteur à charge couplée. Détecteur utilisé pour détecter et quantifier l’intensité de la radiation incidente X, dans les expériences de diffraction X.

Anti-Stokes. La diffusion de la lumière par effet Raman est dite anti-Stokes si la lumière incidente prélève de l’énergie de la molécule touchée, ce qui la laisse dans un état d’énergie inférieur.

Chromophores. Groupes d’atomes ayant une absorption optique caractéristique, par exemple les groupes C=O et C=C. Le groupe C=O absorbe à environ 280 nm par une transition n-π*, où n désigne une orbitale non liante, tandis que C=C absorbe à environ 180 nm par une transition π-π*.

API. Spectromètre de masse travaillant par ionisation à pression atmosphérique (Atmospheric pressure ionization). Arrangement de diodes. Juxtaposition de photodiodes voisines permettant de mesurer l’intensité des radiations UV/visibles issues d’un système dispersif (prisme ou réseau). Cette technique permet de mesurer les absorptions de toutes les longueurs du spectre simultanément. Arrhénius. Une courbe d’Arrhénius est obtenue en reportant le logarithme naturel de la constante de vitesse k en fonction de 1/T. La pente de cette courbe, –Ea /R, donne l’énergie d’activation Ea.

CI (Chemical Ionisation). Type de source de ions chimiques employé en spectrométrie de masse. Circulation. Mouvement des électrons dans le cycle du benzène qui, en présence d’un champ appliqué conduit à la production d’un petit champ magnétique local qu’on détecte par le déplacement chimique caractéristique des protons aromatiques en RMN. Coefficient d’extinction molaire, appelé aussi coefficient d’absorption molaire. Coefficient permettant de calculer l’importance de l’absorbance de la lumière absorbée par un soluté à une longueur d’onde donnée.

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Les fondements de la détermination des structures moléculaires Conformation. Type d’arrangement d’atomes dans une molécule qui résulte de la rotation autour d’une liaison simple C–C. Conjugaison. Phénomène qui se produit dans une molécule possédant des chaînes formées alternativement de simples et de doubles liaisons carbone-carbone (et parfois avec d’autres atomes, comme l’azote ou l’oxygène). Dans un tel système, les liaisons π sont délocalisées sur autant d’atomes de carbone qu’il y a d’atomes hybridés sp2. Dans l’éthène par exemple, la liaison π est localisée sur deux atomes de carbone, tandis que dans le buta-1,3-diène, elle est délocalisée sur quatre atomes de carbone. Constante de force. Constante k décrivant la rigidité d’une liaison chimique. Constante rotationnelle. C’est une constante qui est inversement proportionnelle au moment d’inertie. On lui attribue le symbole B dans les molécules diatomiques ou polyatomiques linéaires. COSY. Spectroscopie de corrélation. Terme utilisé pour décrire la présentation d’un spectre RMN en deux dimensions dans laquelle on utilise des impulsions multiples pour révéler les couplages de spin à travers des liaisons. Courbe de distribution. Courbe exprimant la variation de l’intensité des rayons X diffractés, en fonction de l’éloignement à partir du centre du rayon incident. Déblindage. Situation de spectroscopie RMN dans laquelle le champ local sur un noyau donné est augmenté par rapport au champ appliqué, ou si l’effet de blindage est diminué (voir blindage). Découplage. Technique de RMN dans laquelle l’éclatement d’un signal peut être supprimé en irradiant le second noyau pour lui faire subir des transitions rapides qui l’empêchent de créer un champ magnétique local fixe capable d’interagir avec le noyau voisin. Dégénérescence. Si deux, ou plus, états d’un système de mécanique quantique ont exactement la même énergie, ils sont dits dégénérés. Densité optique. Voir Absorbance. Déplacement chimique. Dans une expérience de RMN, le déplacement chimique d’un noyau est la différence entre son champ (ou sa fréquence) de résonance et celle d’un standard. Pour les protons, ce standard est le tétraméthylsilane ou TMS. Ce déplacement se produit parce que le champ magnétique appliqué induit une circulation d’électrons dans la molécule, et que cette circulation produit un petit champ magnétique additionnel. La force et le signe de ce champ induit dépendent de la structure électronique locale aux environs du noyau magnétique. DEPT (Distortionless Enhancement of Polarization Transfer). Augmentation du transfert de polarisation sans distorsion. C’est une technique qui permet de distinguer le nombre de protons fixés sur un atome de carbone donné dans les expériences de RMN du 13C. Diffusion élastique. Diffusion de la lumière dans un milieu dans lequel aucun échange d’énergie n’a eu lieu. Voir diffusion Rayleigh.

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Diffusion inélastique. Diffusion de la lumière dans laquelle de l’énergie est échangée au cours d’une collision entre le photon et une molécule. Voir Stokes et anti-Stokes. Diffusion Raman. Phénomène produit par la diffusion inélastique de la lumière par suite d’une collision entre un photon de lumière et une molécule qui prélève une petite partie de l’énergie du photon, ou au contraire qui lui cède une petite partie de son énergie. Diffusion Rayleigh. Phénomène produit par la collision entre un photon et une molécule, provoquant une diffusion de la lumière sans changement de longueur d’onde. Diffusion de Stokes. Diffusion inélastique de la lumière dans une expérience Raman, dans laquelle la lumière cède une partie de son énergie à une molécule qui se trouve ainsi portée à un niveau d’excitation plus élevé. Dipôle électrique. Mesure de la distance séparant des charges électriques positives et négatives dans un système de charges négatives. Dispersion. Séparation des différentes couleurs d’un rayon lumineux produite par un prisme ou un réseau, produisant un effet ressemblant à un arc-en-ciel. Édition spectrale. Méthode dans laquelle les techniques de découplage peuvent être utilisées pour faire un spectre simplifié et obtenir une information simplifiée sur l’origine du couplage en RMN. Énergie au point zéro. Énergie résiduelle que possède une molécule vibrante quand elle est au zéro absolu, et qui n’est pas nulle, selon la théorie quantique. ESI (Electrospray Ionization). Ionisation de gouttelettes d’un liquide pulvérisé éjecté très lentement d’un capillaire très fin, porté à un potentiel très élevé. Espacement de la bande zéro. Distance observée dans le centre du spectre de vibration-rotation, et qui sépare le premier membre de la branche R, donc R(0), du premier terme de la branche P, donc P(1). Exclusion mutuelle. C’est un principe selon lequel, dans les molécules ayant un centre d’inversion, les modes qui sont actifs dans l’infrarouge ne le sont pas en Raman, et les modes actifs en Raman ne le sont pas dans l’infrarouge. Focalisation magnétique. Système permettant de sélectionner un ion de m/z donné dans un spectromètre de masse grâce à l’application d’un champ magnétique. GC/MS. Technique d’analyse utilisant la chromatographie gazeuse et la spectrométrie de masse, pour séparer les constituants d’un mélange et en mesurer la masse. GPC/MS. Technique d’analyse utilisant la chromatographie de perméation de gel et la spectrométrie de masse, pour séparer les constituants d’un mélange et en mesurer la masse. Harmonique supérieure. Transitions vibrationnelles dans lesquelles la molécule est projetée du niveau vibrationnel le plus bas vers un niveau dont le nombre

Glossaire quantique est > 1. Dans le spectre infrarouge, les harmoniques vers v = 2 ou 3 sont très faibles. Indexation. Terme utilisé dans l’analyse des diagrammes de diffraction X des poudres, dans le but de relier les indices de Miller h, k et l à l’identification de la maille élémentaire (type et dimensions de la maille, réseau de Bravais). Infrarouge. Radiation électromagnétique dont la longueur d’onde va de 770 nm à 100 mm. Instrument secteur. C’est un instrument créant le champ magnétique qui sépare les ions de m/z différents dans un spectromètre de masse. Intégration (courbe d’). Courbe obtenue en intégrant la surface contenue sous le spectre RMN, où on voit des sauts brusques dont la hauteur est proportionnelle à l’abondance des atomes responsables de l’absorption. Ionisation. Procédé permettant de créer les ions par perte d’électron. IRM. Imagerie de résonance magnétique. Méthode de mesure d’un signal de RMN de 1H utilisant un champ magnétique pulsé lancé à travers un échantillon macroscopique. La méthode fournit des images à deux dimensions, qui sont des coupes à travers l’échantillon. On les combine ensuite pour former des images 3D, par exemple du cerveau d’un patient. J.  Nombre quantique de rotation, pouvant avoir les valeurs 0, 1, 2, 3, 4, etc. JHH. Constante de couplage spin-spin entre deux protons voisins non équivalents dans une expérience de RMN de 1H. Jmax. Nombre quantique rotationnel correspondant au niveau qui a la plus grande population à une température donnée. Jet supersonique libre. Expansion d’un gaz dans le vide à travers un petit orifice. Si le diamètre de l’orifice est plus grand que le libre parcours moyen des molécules de gaz, les collisions qui se produisent juste avant la sortie produisent un jet dense dont les vitesses moyennes sont presque égales, donc dont la température est très basse. Klystron. Source de radiation micro-onde. Liaison hydrogène. Attraction électrostatique entre une molécule contenant un atome H lié à un atome électronégatif et un autre atome électronégatif.

on n’aime pas envisager des masses sans dimension, elle est fréquemment donnée en « unité de masse atomique » ou en « unité Dalton ». Et on en parle souvent en utilisant le terme de « poids atomique » (ou moléculaire). Masse réduite. Masse d’inertie effective présente dans un système à deux corps. Cette masse peut être considérée comme une masse unique remplaçant un système d’objets reliés pendant un mouvement de vibration ou de rotation. Masse résiduelle. Masse de la partie centrale d’un acide aminé qui a perdu un H et un OH à ses extrémités, et qui correspond donc au fragment –HNCHRCO–. Cette masse résiduelle est utilisée dans l’analyse de la décomposition des peptides en spectrométrie de masse. Mécanique quantique. Aussi appelée physique quantique. Théorie qui fournit le cadre mathématique nécessaire pour traiter le concept de la dualité ondeparticule qui devient apparent au niveau des atomes et des molécules. Elle intervient dans toutes les formes de spectroscopie impliquant des interactions entre la lumière et la matière. Micro-onde. Radiation électromagnétique dont la longueur d’onde est comprise entre 10 mm et 30 cm. Miller (indices de) (h, k, l). Nomenclature utilisée pour représenter les différents plans d’un cristal. Il y a une correspondance entre la distance d séparant les plans et les valeurs de h, k et l qui décrivent ces plans. Mode normal. Mode de vibration naturel capable de résonance. Pour les molécules non linéaires de N atomes, il y a 3N-6 modes normaux. Et 3N-5 si la molécule est linéaire. Moment d’inertie. Paramètre permettant de calculer la force à appliquer à un corps rigide pour induire une rotation autour d’un axe donné. Moment magnétique nucléaire. Moment magnétique résultat du spin du noyau, s’il contient un nombre impair de protons ou de neutrons ou des deux. Monochromatique. Se dit d’une radiation ayant une seule longueur d’onde, mais peut-être une certaine largeur de bande. n  →  π*. Désigne une transition électronique passant d’une orbitale non liante vers une orbitale antiliante π*.

Maille. Motif géométrique qui se répète infiniment dans un cristal à trois dimensions.

v. Nombre quantique vibrationnel, qui peut prendre des valeurs comme 0, 1, 2, 3, etc.

MALDI (Matrix Assisted Laser Desorption Ionization). Production d’ions positifs par action d’un laser dirigé sur un substrat qu’il vaporise dans un spectromètre de masse.

NOESY. Technique de RMN à deux dimensions pour révéler les couplages de spin entre atomes non liés par des covalences.

McLafferty (réarrangement de). Procédé de formation d’ions positifs dans un spectromètre de masse par clivage β des molécules contenant un groupe carbonyle. Masse atomique (et moléculaire) relative. C’est la masse d’un atome ou d’une molécule exprimée par rapport à la masse de l’isotope 12C fixée à 12 par définition. Cette masse est sans dimension, mais comme

Nombre d’ondes vibrationnel, we. Constante spectroscopique approximativement égale à l’espacement entre le niveau du point zéro et le premier niveau vibrationnel excité. Il est souvent incorrectement assimilé à la fréquence de vibration.

 . Mesure de l’énergie qu’on utilise Nombre d’ondes, ν dans certaines régions du spectre électromagnétique et dont l’unité est le cm–1.

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Les fondements de la détermination des structures moléculaires Ondes millimétriques. Radiations électromagnétiques dont la longueur d’onde est comprise entre 1 et 10 mm. Ondes radio. Radiation élecromagnétique avec des longueurs d’onde situées entre 30 cm et 10 m. Overhauser. L’effet nucléaire Overhauser est une interférence qui se manifeste en RMN par une interaction magnétique entre protons à travers l’espace, et donc non à travers des liaisons. Oscillateur d’ondes en retour. Klystron utilisé comme source de radiation micro-onde en spectroscopie rotationnelle. Pic de base. C’est le pic le plus intense dans un spectre de masse. Pic M+. Pic de l’ion moléculaire en spectrométrie de masse. MH+.

Pic Pic de l’ion d’une molécule protonée en spectrométrie de masse. Pic M+1. Pic de l’ion moléculaire contenant un isotope plus lourd d’une unité, qui est dû par exemple à l’atome 13C. Pic moléculaire M. Pic du spectre de masse correspondant au ion moléculaire intact, avant sa fragmentation. p  →  π*. Désigne une transition électronique passant d’une orbitale liante π, en général dans une molécule conjuguée, et menant à une orbitale antiliante π*. Quadrupole. Ensemble de quatre barres cylindriques parallèles, sur lesquelles on applique un champ de fréquence radio entre les paires de barres. On l’utilise en spectrométrie de masse pour séparer les ions de masses différentes selon leurs trajectoires à travers le quadrupole. Rapport masse-charge m/z. Masse d’un ion divisé par sa charge. Si l’ion est chargé 1+, le rapport m/z est égal à la masse molaire relative de l’ion. Rayons X. Radiations électromagnétiques dont la longueur d’onde est comprise entre 0,01 et 10 nm. Région de champ nul. Région de l’espace où la trajectoire des ions accélérés en spectrométrie de masse n’est soumise à aucun champ ni électrique ni magnétique, et donc où les ions se déplacent à vitesse constante. Relaxation. Phénomène qui se produit quand un noyau situé dans un état excité revient dans l’état fondamental avec perte d’énergie. Réseau. Terme utilisé pour décrire l’arrangement régulier d’ions, d’atomes et de molécules dans un cristal. Réseau cubique. Structure à maille cubique, dans laquelle tous les côtés de la maille sont de longueur égale, et tous les angles sont droits. Réseau ionique. Réseau contenant au moins deux sortes d’ions aux points critiques du réseau. Résolution spectrale. Précision avec laquelle les différents états quantiques peuvent être distingués en spectroscopie. En spectroscopie optique, on obtient une résolution élevée en employant des réseaux

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gravés ayant une très grande densité de lignes, ou des sources optiques émettant dans des bandes très étroites. En RMN, on élève la résolution en stabilisant le champ magnétique au maximum. On peut alors observer le couplage spin-spin. Résolution de masse. Mesure de la précision avec laquelle les ions de masses voisines peuvent être distingués dans un spectromètre de masse. Résonances de Fermi. Résonance provoquée par la dégénérescence accidentelle du niveau fondamental d’un mode de vibration qui interagit avec une harmonique d’un autre mode de vibration. Le résultat est un doublet dans l’infrarouge avec deux lignes légèrement décalées de leur position originale. RMN. Résonance magnétique nucléaire. RMN à deux dimensions, ou 2D. C’est un ensemble de techniques comme COSY et NOESY, dans lesquelles on fait varier le temps entre deux impulsions RMN. Cette méthode permet de séparer des signaux qui normalement se superposent en RMN à 1 dimension. RMN en onde continue. Méthode pour détecter les signaux RMN dans laquelle la fréquence est maintenue constante et où on varie le champ magnétique. RMN pulsée. Expérience de RMN dans laquelle on envoie une impulsion très courte de radiation radiofréquence sur le noyau étudié, et où on analyse les diverses fréquences de résonance et leur décroissance dans le temps par transformation de Fourier pour trouver le spectre RMN. Séquençage. Détermination de l’ordre (ou de la séquence) dans lequel sont placés les monomères d’un polymère, et ici les acides aminés dans un peptide ou une protéine. Spectre électromagnétique. Domaine recouvrant toutes les longueurs d’onde des radiations électromagnétiques, en partant des ondes radio dans les longueurs d’onde les plus grandes jusqu’aux ondes gamma aux longueurs d’onde les plus courtes. Spectre de masse. Graphique représentant les intensités des ions positifs en fonction de leurs m/z. Spectroscopie rotationnelle. Technique spectroscopique basée sur l’absorption ou l’émission d’ondes millimétriques, de micro-ondes ou d’infrarouge lointain pour exciter les transitions entre niveaux rotationnels. La spectroscopie rotationnelle Raman utilise la diffusion inélastique de la lumière visible. Spectroscopie vibrationnelle. Spectroscopie basée sur l’absorption ou l’émission de radiations infrarouges et permettant des transitions entre niveaux vibrationnels. La spectroscopie vibrationnelle Raman emploie la diffusion inélastique de la lumière visible. SRM. Spectroscopie de résonance magnétique. Perfectionnement de l’IRM permettant de faire le spectre RMN de la substance située en un point donné de l’objet examiné (le cerveau humain par exemple). Stokes. Diffusion inélastique de la lumière dans une expérience Raman, dans laquelle la lumière cède une

Glossaire partie de son énergie à une molécule qui se trouve ainsi portée à un niveau d’excitation plus élevé.

Toupie sphérique. Une molécule est une toupie sphérique si ses trois moments d’inertie sont égaux.

Stéréochimie absolue. Structure à 3 dimensions d’une molécule, dans laquelle on distingue par exemple les formes R- et S-, ou D- et L- des molécules optiquement actives.

Toupie symétrique. Une molécule est une toupie symétrique si deux de ses moments d’inertie sont égaux. La molécule est prolate ou oblate selon la valeur relative du 3e moment d’inertie.

Supersonique (jet). Expansion d’un gaz dans le vide à travers un petit orifice. Si le diamètre de l’orifice est plus grand que le libre parcours moyen des molécules de gaz, les collisions qui se produisent juste avant la sortie produisent un jet dense dont les vitesses moyennes sont presque égales, donc dont la température est très basse.

Transformée de Fourier. Transformation mathématique servant à transformer un signal mesuré en fonction du temps en un autre signal exprimé en fonction des fréquences. Le résultat est un spectre de lignes exprimé en fonction des fréquences. Cette technique est utilisée en RMN dans le domaine des fréquences radio, et en spectroscopie micro-onde.

Tandem, ou SM/SM. Ensemble de deux spectromètres de masse en série, où les ions séparés par le premier se décomposent avant d’entrer dans le deuxième.

Transmittance. Fraction de la lumière incidente d’une longueur d’onde donnée qui traverse un échantillon dans une expérience d’absorption optique. Si Io désigne l’intensité de la lumière incidente, et I celle qui a traversé un échantillon, la transmittance est le rapport I/Io.

Terme. Valeur d’un niveau d’énergie s’il est exprimé en cm–1. TOF (de l’anglais Time-of-flight, qu’on traduit par « temps de vol »). Méthode d’analyse des ions en spectrométrie de masse, dans laquelle les ions acquièrent des énergies différentes en traversant un gradient de champ électrique, et donc mettent des temps différents pour traverser le tube de vol.

Ultra-violet. Radiations électromagnétiques dont la longueur d’onde varie de 200 à 390 nm. Vibration de groupe. Vibration due à une seule partie de la molécule, considérée comme indépendante du reste de la molécule.

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