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French Pages [225] Year 2017
LES F O N D E M E N TS D E L A C U LT U R E LE P O U VO I R D E L ' A R T
M O N I C A G AT T I N G E R Traduit de l'anglais par Denis Lessard
LES F O N D E M E N TS DE LA C U LT U R E LE P O U VO I R DE L’A R T Les soixante premières années du Conseil des arts du Canada
McGill-Queen’s University Press | Montreal & Kingston | London | Chicago
© McGill-Queen’s University Press 2017 isbn 978-0-7735-5162-6 (relié toile) isbn 978-0-7735-5267-8 (epdf) Dépôt légal, quatrième trimestre 2017 Bibliothèque nationale du Québec Imprimé au Canada sur papier non acide
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 153 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts, which last year invested $153 million to bring the arts to Canadians throughout the country. Photographie de la page vi : La Banque d’art du Conseil des arts du Canada. Avec l’aimable permission de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Gattinger, Monica, 1970– [Roots of culture, the power of art. Français] Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art : les soixante premières années du Conseil des arts du Canada / Monica Gattinger ; traduit de l'anglais par Denis Lessard. Traduction de: The roots of culture, the power of art. Publié en formats imprimés et électroniques. isbn 978-0-7735-5162-6 (couverture rigide).– isbn 978-0-7735-5267-8 (epdf) 1. Conseil des arts du Canada – Histoire. 2. Aide de l’État aux arts – Canada – Histoire. 3. Art – Politique gouvernementale – Canada – Histoire. 4. Art et société – Canada – Histoire. I. Titre. II. Titre: Roots of culture, the power of art. Français nx750.c3g3814 2017
306.4'70971
c2017-906005-8 c2017-906006-6
À Roxanne, qui a cru en moi À Cameron, qui a cru au pouvoir de l’art
TA B L E D E S M AT I È R E S Introduction Le Conseil des arts du Canada : Déjà soixante ans, ou à peine soixante ans ? | 3
1 L’histoire de l’origine du Conseil des arts du Canada : Comment est-on parvenu à ce modèle distinctif de conseil des arts ? A-t-il résisté à l’épreuve du temps ? | 19
2 Le passé comme prologue : Des fondements de la culture au pouvoir de l’art : Le modèle a évolué, mais le mandat demeure | 41
3 Le Conseil des arts du Canada et le(s) visage(s) changeant(s) de l’art : Des « disciplines » aux inter-arts, à l’équité, aux arts autochtones et au-delà | 72
4 Trop proche ou trop loin du gouvernement ? Le Conseil des arts du Canada, société d’État : Le leadership, l’argent et les enjeux politiques et bureaucratiques | 100
5 Une place à la table : Le Conseil des arts du Canada, plus qu’un organisme subventionnaire des arts | 135 Conclusion Le Conseil des arts du Canada à soixante ans : Retour sur le passé, regard vers l’avenir | 167 Remerciements | 183 Crédits photographiques | 189 Notes | 195 Bibliographie | 203 Index | 211
LES F O N D E M E N TS D E L A C U LT U R E LE P O U VO I R D E L ' A R T
0.1 Le Conseil des arts du Canada est le principal locataire du Performance Court, une tour à bureaux de vingt-et-un étages respectueusement nichée entre deux immeubles patrimoniaux. Le logo du Conseil apparait en évidence sur le toit à pignon situé au-dessus de l’entrée principale.
Introduction Le Conseil des arts du Canada : Déjà soixante ans, ou à peine soixante ans ?
Lorsqu’on se dirige vers les bureaux du Conseil des arts du Canada à Ottawa, on ne peut s’empêcher de percevoir le vent de changement. L’immeuble Performance Court n’est pas une tour de bureaux ordinaire. Mélange soigné d’éléments historiques et contemporains, d’expérimentation et de tradition, l’espace est magnifique du point de vue artistique et architectural. L’entrée principale, habillée de verre teinté de bleu, s’élève sur quatre étages et affiche bien en vue le logo du Conseil des arts au sommet d’un toit à pignon. Située sur la rue Elgin, dans un quartier animé et branché en bordure est du morne centre-ville d’Ottawa, la tour est nichée entre deux immeubles patrimoniaux : à gauche, la Maison Grant, en briques et composée de deux étages et demi, de style Second Empire, construite en 1875 par le Dr James Grant, industriel et membre du Parlement. À droite, la Première église baptiste, construite en calcaire dans le style néogothique et datant de 1877–1878. Toutefois, plutôt que d’écraser les immeubles patrimoniaux, la tour Performance Court est située en retrait derrière eux, et son volume augmente proportionnellement pour atteindre sa hauteur totale de vingt-et-un étages. Il en résulte un effet de respect du passé, en même temps qu’une avancée à grand pas vers l’avenir – un sentiment qui traduit de manière évocatrice les grands changements ayant cours au Conseil. Le mélange harmonieux de l’ancien et du nouveau se poursuit et s’épanouit alors qu’on pénètre à l’intérieur. L’atrium du rez-de-chaussée est lumineux, spacieux et tout en courbes. La lumière naturelle entre par les panneaux de verre qui s’étendent du plancher au plafond haut de deux étages et demi, caressant les murs qui ondulent élégamment, le grand escalier tournant et les volutes argentées qui
0.2 L’atrium en verre est baigné de lumière naturelle et englobe l’arrière de la Maison Grant, un bâtiment historique élégamment converti en restaurant et bar à vin haut de gamme.
0.3 L’atrium des bureaux du Conseil au Performance Court comporte une tour vidéo de neuf mètres de hauteur, qui présente des œuvres multimédia et des renseignements sur l’immeuble. L’installation interactive de Rafael Lozano-Hemmer, intitulée The Year’s Midnight, est visible sur la photographie.
0.4 Ci-contre Âjagemô, la salle d’exposition de mille mètres carrés située dans le hall des bureaux du Conseil des arts du Canada. Âjagemô (mot algonquin signifiant « carrefour ») est ouverte quotidiennement au public, et présente des expositions commissariées d’art contemporain d’artistes canadiennes et canadiens, incluant des œuvres de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada (on voit ici l’exposition Land Reform(ed), commissariée par Stanzie Tooth).
serpentent capricieusement sur le plancher. D’entrée de jeu, le regard est attiré par la tour vidéo, haute de neuf mètres, qui s’élève contre le mur de l’atrium à droite. Composée de grands panneaux vidéo interactifs allant du plancher jusqu’au plafond, avec des silhouettes de gratte-ciel au sommet, elle diffuse des nouvelles et des renseignements sur l’immeuble (ses locataires, son histoire, son promoteur, etc.). Elle est également utilisée pour la présentation d’œuvres multimédia. The Year’s Midnight, par l’artiste montréalais d’origine mexicaine Rafael Lozano-Hemmer, était exposée lors de l’inauguration officielle des nouveaux bureaux du Conseil des arts du Canada, à l’occasion de son Assemblée publique annuelle en 20141. Les ascenseurs menant au bureau de réception du Conseil des arts situé au deuxième étage sont adjacents au mur vidéo, mais la curiosité entraîne les visiteurs plus loin dans le hall de l’édifice, vers les œuvres d’art contemporain présentées dans la salle d’exposition Âjagemô, un espace de mille mètres carrés ouvert quotidiennement au public. Les passants peuvent voir des expositions commissariées d’œuvres canadiennes, souvent tirées de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada, la plus grande collection active d’art contemporain canadien au monde. Le mot algonquin Âjagemô, qui signifie « carrefour », incarne avec élégance l’hommage de l’édifice à la tradition et à la contemporanéité, et témoigne de la présence de cette structure sur le territoire non cédé des Algonquins. Un petit canot en écorce de bouleau, avec ses minuscules pagaies, est exposé sur le
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Introduction
beau mur curviligne situé au fond de la salle Âjagemô. Fabriqué à la main par l’aîné algonquin Daniel « Pinock » Smith, le canot d’enfant a été acquis par la Banque d’art du Conseil des arts du Canada; il est exposé en permanence dans l’édifice, en reconnaissance et en hommage à l’art, à la culture et au savoirfaire autochtones2. Une visite au Conseil des arts du Canada représente une expérience au sens le plus littéral et profond du terme. On ne peut qu’être ému par la beauté architecturale et artistique du lieu, par la juxtaposition stimulante de l’historique et du contemporain, de même que, fondamentalement, par l’intangibilité du pouvoir de l’art. On comprend que les visiteurs soient habités par un sentiment de possibilité3. On ressent la même impression dans les bureaux du Conseil. Les hauts dirigeants sont pleins d’énergie et d’enthousiasme; ils sont manifestement optimistes quant à l’avenir de l’organisation. Leur regard s’éclaire lorsqu’ils parlent sur un ton animé de transformation, de dynamisme et de possibilités d’action. Ceci est surprenant dans un contexte économique, social et de politique publique qui questionne couramment – et de plus en plus – la pertinence et la nécessité de soutien public pour les arts. En effet, la quête de pertinence a toujours constitué un impératif au Conseil des arts du Canada tout au long de ses soixante années d’existence. L’organisation n’est comparable à aucune autre agence fédérale, dans le sens qu’elle doit continuellement s’efforcer de justifier son existence même. Peu de gens mettent en doute la nécessité de maintenir des organisations fédérales pour soutenir l’économie, la défense, l’environnement, la santé et la sécurité du pays, mais plusieurs interrogent la nécessité d’une structure fédérale de soutien des arts. D’après les critiques, les arts sont un luxe, un embellissement inutile, qui n’est pas digne d’être soutenu par les contribuables. Pourquoi soutenir les artistes et les organismes artistiques s’ils et elles ne peuvent se soutenir eux-mêmes ? Si leurs œuvres ne sont pas acquises par la société, pourquoi le gouvernement devrait-il payer la note ? Il s’agit simplement d’aide sociale sous un autre nom. Ou du moins c’est la teneur des critiques. Les motifs de ce genre de critiques ne cessent de s’accroître. En ce vingt-etunième siècle, les contenus culturels se multiplient sur une quantité étourdissante de plateformes. Avec le rythme accéléré des changements technologiques, les goûts culturels sont en constante mutation, et la définition même de l’art évolue rapidement. Les distinctions entre créateur culturel, présentateur et consommateur sont de plus en plus floues – certains diraient qu’elles sont en train de disparaître complètement. Si les Canadiennes et les Canadiens peuvent écrire, composer de la musique, peindre, sculpter, danser ou chanter, diffuser et promouvoir leur travail sur YouTube, Twitter, Facebook, Instagram, XLibris, et davantage, le Canada a-t-il encore besoin d’investissements publics dans les arts ?
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
Le pays a-t-il toujours besoin du Conseil des arts du Canada ? Le présent ouvrage répond affirmativement à la question, mais non pas de manière inconditionnelle. Le Canada est une fédération géographiquement vaste et diverse sur les plans culturel, linguistique et régional. Sa population est restreinte, et la grande majorité de ses habitants vivent dans les centres urbains le long d’une frontière étendue, partagée avec la puissance économique, militaire et culturelle que représente les États-Unis. Le reste de la population vit surtout dans des communautés éloignées et isolées. Dans ce contexte, le soutien gouvernemental aux arts est essentiel. Comment les Canadiennes et les Canadiens vont-ils faire connaissance, comprendre et être conscients de leurs histoires collectives, de leurs cultures, des défis communs et des perspectives d’avenir, et de leur capacité innée d’expression originale, sans le soutien public aux arts ? Bien entendu, il serait possible de créer de l’art sans fonds publics, mais étant donnés l’échelle du pays, sa diversité, sa population relativement petite et son rapport asymétrique avec les États-Unis, la quantité d’art produite, la diversité des œuvres en question, la viabilité financière des artistes et des organismes artistiques, et le degré d’accessibilité des Canadiennes et des Canadiens à l’art des artistes canadiens n’atteindraient vraiment pas des résultats socialement acceptables. Le prix des places pour les arts de la scène serait plus élevé, les organismes seraient moins disposés à prendre des risques et moins tentés de présenter de nouvelles œuvres canadiennes ou des pièces plus exigeantes, moins d’artistes pourraient se consacrer à leur art, et les incitations du marché donneraient la priorité aux goûts traditionnels et conventionnels, étouffant la créativité, l’innovation et la prise de risques. Les Canadiennes et les Canadiens seraient probablement moins exposés à l’art des artistes au Canada exempt d’influences occidentales, notamment l’art autochtone et l’art créé par les différentes communautés ethnoculturelles du Canada. Les formes d’art non traditionnelles émergentes, telles que l’art interdisciplinaire et multidisciplinaire, les arts du cirque, l’art des artistes sourds ou handicapés, auraient probablement moins de chances de se développer et de rejoindre les Canadiennes et les Canadiens. À quoi devrait ressembler le soutien public ? Qui et quoi devrait-on soutenir ? Pour quelles raisons devrait-on offrir un soutien, et quelles formes devrait-il prendre ? Autant de questions fondamentales qui doivent être abordées par le Conseil des arts du Canada alors qu’il prépare son avenir.
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Introduction
Déjà soixante ans et à peine soixante ans L’organisation peut célébrer son histoire avec fierté à l’occasion de son soixantième anniversaire, mais elle ne peut se reposer sur ses lauriers. Le contexte du financement des arts en 2017 est très différent de ce qu’il était à l’époque de la fondation de l’organisation en 1957. Le mandat du Conseil, « favoriser et […] promouvoir l’étude et la diffusion des arts ainsi que la production d’œuvres d’art », est toujours aussi pertinent en 2017 qu’en 1957, mais l’interprétation qu’en fait le Conseil, comment il pondère ses divers éléments – favoriser versus promouvoir, étudier versus diffuser versus production – et les met en action, a évolué au cours des années. Et il doit, par nécessité, continuer d’évoluer en réponse aux changements dans la société, l’économie, la politique, la technologie et la pratique artistique. Comme l’affirme ce livre, l’histoire de l’organisation en est principalement une d’évolution, et non de révolution. Assurément, il y a eu des périodes de profonds changements, mais le Conseil des arts du Canada a généralement évolué de manière graduelle, en partie parce qu’il est particulièrement bien ancré dans les diverses communautés artistiques du pays, qui sont éloignées les unes des autres. Par les liens directs entre les agents de programmes, les artistes et les organismes artistiques, par son système bien développé de comités d’évaluation par les pairs, qui implique des artistes et des administrateurs des arts de partout au pays afin d’évaluer les demandes de financement, et par son conseil d’administration, qui comprend des membres de différents horizons et différentes régions du pays, l’organisation détient une capacité impressionnante de rester vraiment à l’écoute et réceptive face au milieu artistique. Et le Conseil a utilisé ce lien étroit pour évoluer en harmonie la plupart du temps avec la communauté artistique canadienne. Une grande familiarité comporte toutefois une part de danger. Dans ce cas-ci, le danger n’est pas que la familiarité engendre le mépris (bien que cela puisse arriver de temps à autre), mais plutôt que les rapports du Conseil avec la communauté artistique deviennent symbiotiques sans que ce soit utile, se figeant pour former des œillères organisationnelles qui restreignent sa ligne de visée aux seuls besoins, intérêts et aspirations des artistes et des organismes artistiques, plutôt qu’aux besoins, intérêts et aspirations de la société canadienne dans son ensemble. Bien entendu, ces deux points centraux – les artistes et les Canadiennes et Canadiens – ne sont pas incompatibles, mais le Conseil doit trouver un équilibre entre le fait de servir les besoins des artistes et ceux de la société. Autrement, il risque d’être perçu au mieux comme étant fermé et partial, ou non pertinent et inutile, au pire. Un tel équilibre n’est pas facile à atteindre. Mais la pertinence du Conseil – son existence même, diraient certains – en dépend. Si les Canadiennes et les Canadiens, et par extension, les gouvernements, ne voient pas la pertinence du travail du Conseil, le
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moment du budget fédéral pourrait représenter une période très malheureuse pour l’organisation. Mais le défi ne s’arrête pas là. Comme il sera décrit en détail plus bas, en plus de servir la communauté artistique et la société canadienne dans son ensemble, le Conseil doit également atteindre un équilibre entre plusieurs autres tensions fondamentales dans son travail : entre « l’art pour l’art » et la poursuite d’objectifs économiques et sociaux plus larges par le biais des arts; entre les formes d’art émergentes non traditionnelles et celles établies de longue date; entre « leadership » et « followership »; entre l’autonomie et la collaboration avec le gouvernement en place et les autres organismes publics. Les points d’équilibre choisis par le Conseil sur ces plans depuis les soixante dernières années constituent le sujet de ce livre. Ils reflètent clairement comment l’organisation a défini sa pertinence au fil des ans, en réponse aux préoccupations changeantes sur les plans politique, économique, technologique et démographique. Prospectivement, le Conseil fait face à un milieu de plus en plus complexe et exigeant. En période de prudence économique, la position par défaut en ce qui a trait à l’intervention gouvernementale, est de ne pas entreprendre d’action publique. La justification du soutien gouvernemental aux arts est une priorité constante au Conseil. Que ce soit un bien ou un mal, les temps sont révolus où l’on pensait que les gouvernements devraient soutenir « l’art pour l’art ». Pareillement, le fait de se concentrer sur la seule attribution de subventions – indépendamment de l’efficacité et du professionalisme du processus – n’est plus un argument irréfutable pour justifier l’existence d’un conseil des arts, si jamais cela l’a déjà été. Ceci ne veut pas dire que le Conseil perçoit son rôle en des termes aussi réducteurs, mais qu’il y a plutôt un accent toujours croissant – comme dans tous les secteurs de la politique publique – sur un exposé clair, rigoureux et persuasif des raisons justifiant le soutien gouvernemental aux arts. En outre, les politiciens, les hauts fonctionnaires et le grand public recherchent de plus en plus l’incidence et les résultats. Cela ne suffit plus de dire : « Nous avons soutenu X mille artistes et organismes artistiques par des subventions totalisant X millions de dollars. » Aujourd’hui, on se concentre sur l’incidence avec une précision de laser. Quelle est l’incidence des subventions, non seulement pour les artistes et les organismes artistiques, mais pour l’ensemble de la société ? Dans ce contexte, le Conseil des arts du Canada ne peut se permettre de considérer les artistes et les organismes artistiques comme la principale « clientèle » qu’il « sert ». Tandis que l’organisation est enracinée profondément à travers le pays, de par ses relations avec les communautés artistiques, le « client » ultime, en quelque sorte, c’est le public canadien. Pour parler sans ambages, le Conseil des arts du Canada doit fournir une réponse convaincante à la question : « Qu’avez-vous accompli récemment pour la société canadienne ? » Si les arts
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touchent directement les Canadiennes et les Canadiens, comme ils l’ont toujours fait, s’ils contribuent à la qualité de la vie, à l’identité canadienne, à la participation communautaire, à la culture canadienne, et davantage, la nécessité de rendre explicite, évidente et mesurable la valeur de cette contribution a gagné en importance. Au même moment, tel que mentionné plus haut, le milieu artistique est dynamique et change rapidement, tandis que de nouvelles formes d’art et de nouveaux organismes artistiques voient le jour constamment. Les demandes de financement sont toujours plus nombreuses; elles croisent de plus en plus les frontières entre les disciplines, proposant des activités qui n’avaient pas été envisagées par les programmes de subventions, et demandent du soutien pour des organismes aux modèles non conventionnels de gouvernance. Il y a toujours davantage de chevilles carrées qui logent difficilement ou pas du tout dans les trous ronds de la programmation traditionnelle du Conseil, basée sur les disciplines artistiques. Dans ce contexte, le Conseil des arts du Canada a entrepris la plus importante transformation des politiques et de programmes de son histoire. C’est le directeur et chef de la direction Simon Brault qui mène la charge; le dynamique et infatigable membre fondateur et ancien président de Culture Montréal a travaillé pendant plus de trente ans à l’École nationale de théâtre du Canada, dont les deux dernières décennies à titre de directeur général et chef de la direction. Brault a adopté les médias sociaux (il a plus de six mille abonnés sur Twitter et envoie des messages en tout temps) et il a écrit un véritable traité sur l’importance de la culture et des arts dans la société, son livre acclamé par la critique, Le Facteur C : l’avenir passe par la culture4. Dans son « nouveau modèle de financement », annoncé en 2015, le Conseil a condensé plus de cent-quarante programmes disciplinaires en six programmes thématiques sans disciplines spécifiques (par exemple, création artistique, rayonnement, engagement dans la communauté, et ainsi de suite). Comme pour tout changement, cette restructuration des activités du Conseil comporte des risques. En élargissant son attention des artistes et organismes artistiques à la société canadienne dans son ensemble, l’organisation s’expose à être accusée d’instrumentalisation des arts afin de poursuivre d’autres objectifs politiques – au mieux, l’identité nationale et les objectifs sociaux; au pire, la propagande et la manipulation sociale. Ce sera difficile mais essentiel de trouver le bon équilibre. La transformation soulève également le risque de la mise en péril du critère traditionnel d’excellence artistique au Conseil. L’élargissement des limites de l’incidence, de manière à inclure non seulement l’incidence sur les artistes et l’art des artistes au Canada, mais aussi sur les Canadiennes et les Canadiens, ainsi que sur la société canadienne, se fera-t-il aux dépens de l’excellence artistique ? Les changements apportés aux programmes pour les rendre plus ouverts aux formes d’art autochtone, non traditionnelles, non occidentales et non fondées sur des
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disciplines, vont-ils redéfinir l’excellence en des termes qui compromettent la compréhension de l’excellence dans les disciplines établies ? La transformation du Conseil va-t-elle mettre en danger les liens étroits qu’il a toujours eus avec les artistes et les organismes artistiques partout au pays, d’une part, et son autonomie en tant que société d’État indépendante, d’autre part ? Ces questions – et plusieurs autres – habitent les dirigeants du Conseil, les observateurs, les praticiens, les artistes et les professionnels des arts. Elles constituent également les grandes préoccupations qui ont guidé le Conseil tout au long de son histoire.
Les cinq tensions persistantes dans l’histoire du Conseil des arts du Canada Cinq tensions centrales animent le travail du Conseil. Premièrement, tel que noté ci-haut, la tension entre « l’art pour l’art » et la poursuite d’objectifs économiques et sociaux plus larges par le biais des arts. Dans un contexte démocratique, les artistes doivent avoir la liberté de création. Il s’agit d’une des principales raisons de l’autonomie du Conseil des arts du Canada par rapport au gouvernement, afin de s’assurer que les critères politiques partisans n’empiètent pas sur l’excellence artistique dans la prise de décision. La deuxième tension corollaire dans le travail du Conseil se situe entre le fait de servir les besoins de la communauté artistique et ceux de la société canadienne dans son ensemble. À ses débuts, le Conseil s’est principalement concentré sur l’offre artistique, c’est-à-dire le soutien à la production d’œuvres artistiques, de pair avec l’infrastructure culturelle pour les développer et les présenter. Il en était de même pour les premiers efforts du Conseil au chapitre de l’éducation postsecondaire, qui attribuait des subventions de capital aux universités et des subventions de recherche aux universitaires et aux étudiants. Considérant l’état de la vie artistique et l’état de l’enseignement postsecondaire sous-développé du Canada de l’après-guerre, il était tout à fait normal de se concentrer principalement sur la composante production du mandat du Conseil. Mais une fois que les racines de la production canadienne se sont développées, il est devenu possible – impératif, selon certains – de mettre davantage l’accent sur d’autres composantes du mandat – notamment la promotion et la diffusion. Les transformations en cours actuellement au Conseil s’inspirent de cette perspective. La troisième tension se place entre les formes d’art établies et les formes d’art, pratiques et structures organisationnelles émergentes. Pendant la majeure partie de son existence, le Conseil a organisé ses programmes de soutien en fonction des « disciplines » (danse, théâtre, musique, etc.), avec un accent particulier sur les
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genres et les formes d’art occidentales, et une compréhension de l’aspect « professionnel » dérivé de la pratique artistique en Europe occidentale : des artistes qui se consacrent à temps plein à la création, qui sont formés par des « maîtres » dans les « meilleures » écoles, et choisis par leurs « pairs » pour présenter leur travail dans les « meilleurs » lieux. Si le Conseil continue et continuera à soutenir les formes d’art traditionnelles influencées par l’Occident, au fil des années, il a développé des priorités, des programmes et des processus de financement en réponse aux courants émergents dans le(s) milieu(x) de l’art et dans la société en général. Ceci comprend notamment l’élargissement des priorités de financement aux formes artistiques non occidentales, aux artistes de la diversité, à un nombre plus important de femmes artistes, aux artistes et pratiques artistiques autochtones, aux arts médiatiques, aux arts interdisciplinaires et multidisciplinaires et, plus récemment, à l’art des artistes sourds ou handicapés. Ces changements ont rarement été faciles. Ils étaient accompagnés de débats énergiques – parfois de batailles acharnées – sur des bases esthétiques, idéologiques et pécunières. La nouvelle pratique est-elle vraiment de l’art ? Est-ce que les artistes correspondent à la définition de « professionnel » ? Le Conseil est-il en train d’abandonner l’excellence artistique en faveur de la rectitude politique ? Inversement, pourquoi le Conseil devrait-il privilégier les formes d’art européennes occidentales blanches et laisser les autres formes d’art à elles-mêmes ? La quatrième tension se joue entre dirigeants et dirigés. Le « followership » est l’envers du « leadership », et renvoie au fait de suivre quelqu’un ou quelque chose d’autre. Dans le cas du Conseil des arts du Canada, cela peut vouloir dire s’inspirer des artistes et des organismes artistiques, d’autres conseils des arts à l’échelle provinciale ou territoriale, ou du gouvernement en place, pour sa direction. Le Conseil est très bien ancré dans la communauté artistique et la communauté plus large de la politique des arts au Canada. Il prend le « pouls des arts » et peut être très réceptif aux besoins, intérêts, préoccupations, changements et possibilités d’action du secteur. Cette vue d’ensemble procure au Conseil une capacité inégalée d’exercer le leadership, que ce soit dans ses priorités et approches du financement, son rôle visà-vis des conseils des arts provinciaux et territoriaux, ou des autres organisations fédérales, ou encore à propos de son engagement dans le milieu international. Mais le leadership comporte également des risques. Si le Conseil est déphasé par rapport aux artistes et aux organismes artistiques, il risque de s’aliéner la communauté qu’il sert le plus directement. De même, le fait de prendre une position de leadership dans le domaine des organisations artistiques fédérales, provinciales et territoriales prête le flanc à l’accusation qu’ « Ottawa » essaie de mener le jeu dans un secteur de compétences constitutionnelles partagées. Le leadership comporte également des risques pour les relations du Conseil avec le gouvernement fédéral s’il mène dans des secteurs où le gouvernement a été réticent ou lent à s’engager, ou
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s’il s’oppose à l’action du gouvernement. En revanche, trop de « followership », si cela signifie de suivre continuellement les souhaits des récipiendaires actuels de financement, peut faire en sorte que l’organisation évolue lentement et qu’elle réduit trop ses objectifs et priorités. À l’extrême, la menace ultime d’un « followership » excessif est le manque de pertinence. La dernière tension se situe entre l’autonomie organisationnelle et la collaboration avec le gouvernement en place et les autres organismes fédéraux. En tant que société d’État, le Conseil jouit d’une autonomie considérable – parmi les plus élévées de tous les organismes fédéraux au pays – et s’est parfois battu farouchement pour sauvegarder son autonomie par rapport à l’ingérence politique. Il doit cependant veiller à ne pas s’isoler ou se distancier inutilement de la « famille fédérale » plus large des ministères, organismes, conseils et commissions. Les gouvernements s’attendent à ce que toutes les organisations fédérales fassent progresser leurs objectifs de politiques généraux. Cela signifie qu’il faut trouver un équilibre entre la collaboration avec le gouvernement en place et la préservation de l’autonomie nécessaire pour effectuer son travail d’une manière crédible. Cela signifie également que le Conseil doit réfléchir soigneusement à l’interprétation de la partie de son mandat centrée sur la promotion des arts. La promotion des arts implique-t-elle une défense des arts et de la communauté artistique directement et publiquement auprès du gouvernement fédéral, ou une défense à l’interne, empruntant les voies de la « diplomatie discrète » ? Ces cinq tensions – entre « l’art pour l’art » et les objectifs économiques et sociaux plus larges; entre les besoins de la communauté artistique et ceux de la société canadienne dans son ensemble; entre les formes d’art établies et émergentes; entre « leadership » et « followership »; entre l’autonomie organisationnelle et la collaboration – ont été et demeureront au cœur des grandes priorités décisionnelles du Conseil. Les points d’équilibre qu’il a trouvés au fil des ans traduisent clairement les convictions de ses dirigeants à propos des orientations de travail de l’organisation afin de maximiser et démontrer sa pertinence. Lorsque l’équilibre était rompu, le Conseil en a rapidement et matériellement subi les conséquences, que ce soit en provenance du gouvernement en place, de la communauté artistique, ou même de son propre personnel. Les chapitres qui suivent explorent comment ces tensions se sont manifestées à différentes époques. Notre analyse se base sur la littérature scientifique et la littérature grise (non scientifique), sur la documentation originale en provenance du Conseil, sur la couverture de presse et de longues interviews avec des dirigeants et des membres du personnel passés et actuels du Conseil, avec des observateurs attentifs de l’organisation et de la politique culturelle en général, et avec des figures de proue de la communauté artistique (artistes et praticiens des arts). Les premières
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années du Conseil sont bien documentées par les chercheurs, les praticiens et les critiques culturels éminents de l’époque, qui se sont basés sur des documents d’archives, des publications et sur leur expérience personnelle pour « raconter l’histoire » de l’organisation. Il s’agit, entre autres, de l’historien primé J.L. Granatstein, du directeur adjoint du Conseil Frank Milligan, du haut fonctionnaire fédéral de la culture Bernard Ostry, du directeur fondateur du Conseil Albert Trueman (mémoires), du célèbre écrivain George Woodcock, et du critique d’art et spécialiste de la culture Max Wyman5. De plus, les auteurs Mailhot et Melançon ont publié une histoire des vingt-cinq premières années du Conseil6. Il est intéressant de noter que ce degré d’attention porté au Conseil par les chercheurs et les praticiens (une attention qui a grandement facilité la recherche pour l’analyse des premières décennies du Conseil dans le cadre du présent ouvrage), ne s’est pas poursuivi au cours des années suivantes. Les recherches sur la politique culturelle, et l’attention au Conseil des arts du Canada en particulier, ont décliné. Le présent ouvrage apporte un correctif à cette tendance et, de ce fait, puise abondamment dans la documentation originale du Conseil et les interviews à partir des années 1980. L’histoire du Conseil est relatée à travers le prisme des cinq tensions qui sont au centre de son existence, et l’ample courbe allant des fondements de la culture au pouvoir de l’art au fil du temps. Les chapitres 1 et 2 se concentrent principalement sur les deux premières tensions : entre « l’art pour l’art » et des objectifs plus larges, et entre les besoins de la communauté artistique et ceux de la société canadienne dans son ensemble. Le chapitre 1 explore les origines du modèle unique de conseil des arts prévalant au Conseil des arts du Canada, un modèle qui allie les approches britannique, américaine et française en matière d’investissement public dans les arts.7 Le texte met en lumière les principaux jalons et idées ayant conduit à la création, au mandat et à la structure organisationnelle du Conseil. Comment le Canada en est-il venu à se doter d’un conseil national des arts qui conjugue l’approche organisationnelle britannique fondée sur l’autonomie et centrée sur le culte du beau, avec le modèle de financement américain dominé par les fondations privées, et le style humaniste français qui inclut l’éducation ? Ce modèle a-t-il bien servi l’organisation durant ses soixante premières années ? Le chapitre étudie cette question en apportant une attention particulière aux moteurs des principaux changements apportés au modèle au cours des années. Ce modèle est-il approprié pour les soixante prochaines années ? La conclusion du livre se penche sur cette question, en recherchant ce que les moteurs actuels de changement révèlent sur la pertinence de conserver ce modèle dans l’avenir. Le chapitre 2 examine en profondeur comment le Conseil a compris son rôle au fil de son histoire, notamment comment ses dirigeants ont pondéré les différentes
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composantes de son mandat. L’idée centrale du chapitre reflète le thème principal de ce livre : la transition effectuée par le Conseil des arts du Canada depuis l’attention portée à ses débuts sur la consolidation des fondements de la culture en élargissant l’offre et l’infrastructure de l’art et de l’éducation au Canada, vers une emphase plus importante accordée au pouvoir de l’art dans la société. Notre analyse identifie les facteurs qui régissent cette transformation, dont la multiplication du contenu et des infrastructures artistiques (soutenus en grande partie par les activités du Conseil des arts du Canada à ses débuts), des programmes en art instaurés par d’autres ministères fédéraux, ainsi que des conseils des arts et programmes en art à l’échelle provinciale, territoriale et municipale. Durant ses soixante premières années, le Conseil représentait presque la seule possibilité de financement des arts, pour devenir un des nombreux acteurs dans ce domaine. C’est ce qui a déclenché la transition des fondements de la culture au pouvoir de l’art, de pair avec d’autres changements dans le contexte artistique et politico-économique. Si cette transformation comporte des bénéfices, elle s’accompagne également de risques et périls. Le chapitre se termine en attirant l’attention sur certains de ces défis, qui seront traités plus en détail dans le chapitre final. Le troisième chapitre se concentre sur les troisième et quatrième tensions, pour examiner le « leadership » et le « followership » au Conseil, selon le(s) visage(s) changeant(s) de l’art : depuis les disciplines fondatrices originales couvertes par le financement du Conseil jusqu’à l’inclusion proactive des artistes de la diversité culturelle, de l’art autochtone, des arts médiatiques, multidisciplinaires, interdisciplinaires et des pratiques inter-arts. Le développement des programmes du Conseil dans chacun de ces secteurs est un récit captivant de leadership prospectif et de changement déstabilisant, souvent marqué par des débats énergiques et des tensions difficiles mais saines. Ces tensions forment un microcosme de dialogues au sein du (des) milieu(x) artistique(s) et de la société au sens plus large, à propos des définitions changeantes de l’art et des pratiques artistiques, des normes sociétales et de la culture. Elles incluent des dimensions esthétiques, idéologiques et pécuniaires. Jamais ce ne fut facile d’atteindre le bon équilibre, et ce ne saurait être plus facile dans l’avenir. Le chapitre 4 traite également de « leadership » et de « followership », mais du point de vue du Conseil des arts du Canada en tant que société d’État qui négocie la tension entre l’autonomie et la collaboration dans les domaines politique et bureaucratique. On dit souvent que le Conseil a eu la chance d’avoir le bon leadership au bon moment8: des présidents et des chefs de la direction qui ont maintenu le cap lorsque nécessaire, qui ont innové au moment opportun, et qui ont tenu leur position face au gouvernement, aux parlementaires et à la communauté artistique, lorsque nécessaire. Au cours de ses soixante premières années, le Conseil a dû
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s’adapter à des budgets changeants – parfois considérablement réduits – alors que changeaient les priorités du gouvernement en matière fiscale et en matière de politiques. Il a parfois dû compter exclusivement sur sa dotation initiale, et parfois exclusivement sur des crédits parlementaires. Il a dû s’adapter à un contexte administratif de plus en plus centré sur l’obligation de rendre compte, la vérification continue et l’optimisation des ressources, tout en conservant son statut d’organisme indépendant. Il a également dû défendre des décisions liées à des subventions face aux critiques des parlementaires, de la communauté artistique et du grand public. Le Conseil est-il trop près ou trop loin du gouvernement ? La réponse à cette question dépend du moment auquel elle est posée, à qui elle est posée, et sur quelle base (trop près ou trop loin de quoi ?). Le chapitre 5 revient aux deux premières tensions, au vu des transformations actuelles ayant cours au Conseil. En élargissant ses préoccupations des fondements de la culture au pouvoir de l’art, l’organisation a développé un nouvel objectif audacieux : obtenir « une place à la table » dans les débats, le dialogue et la prise de décision au sujet de questions politiques et de questions sur les politiques, au-delà des arts. Le Conseil possède une perspective, une expérience et une expertise uniques en matière de gouvernance canadienne. Non seulement le Conseil représente un microcosme de la communauté artistique pancanadienne (le seul microcosme qui transcende les communautés artistiques provinciales et territoriales), c’est un microcosme de la société, de la politique et des valeurs canadiennes en général, comme un phare, capable de percevoir les nouveaux sujets, défis et courants alors qu’ils émergent – souvent avant qu’ils soient inscrits aux programmes de politiques et aux programmes politiques nationaux. Ceci place le Conseil dans une position unique pour contribuer au débat et au dialogue sur les sujets d’actualité. La veille tenue à la galerie Âjagemô à la suite des attaques terroristes de Paris, décrite plus bas, concrétise cette nouvelle philosophie, tout comme les nouveaux programmes soutenant le processus de réconciliation entre les populations autochtones et non autochtones du Canada. Ces dernières années, le Conseil a également dressé le bilan de l’ensemble de ses activités au-delà du financement des arts, afin de développer des synergies entre ses différentes activités. Ceci comprend le travail du Conseil en éducation, en recherche et en diplomatie par l’entremise de la Commission canadienne pour l’unesco, le programme Killam pour la recherche, les Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques, ainsi que le programme et la Commission du droit de prêt public (dpp). Le chapitre final se tourne vers le futur, pour évaluer les principaux défis et possibilités d’action du Conseil des arts du Canada dans les années à venir.
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Des fondements de la culture au pouvoir de l’art : un exemple frappant Le 13 novembre 2015, le monde entier était horrifié à la nouvelle des attaques terroristes en série, en provenance de Paris. Des Parisiennes et des Parisiens, dont plusieurs jeunes, ont été abattus lors d’attaques éhontées, commises de sang-froid dans la salle comble du populaire Bataclan, ainsi que dans des restaurants et des cafés à travers la ville. Des attentats suicides ont eu lieu à l’extérieur du stade de France, où se déroulait un match de soccer entre la France et l’Allemagne, auquel assistaient près de quatre-vingt mille personnes, dont le président français François Hollande. Tandis que l’étendue choquante des attaques devenait claire, et qu’apparaissaient dans les actualités et sur Internet de plus en plus de photographies poignantes, de séquences vidéo et d’interviews en direct, de tweets et de messages Facebook au sujet des attentats, le monde entier était ébranlé. Il était impensable que des gens ordinaires – des familles, des amis, des adolescents, des amoureux – qui s’amusaient un vendredi soir puissent être les victimes d’attaques aussi brutales. Cent trente personnes furent tuées et plus de trois cent cinquante personnes furent blessées dans les attaques les plus meurtrières en France depuis la Seconde Guerre mondiale. La vague de sympathie fut immédiate et immense, tandis que des millions de messages de solidarité, de réconfort et de condoléances affluèrent de partout dans le monde. Les gens sentirent le besoin de se rassembler pour pleurer, partager, commémorer et présenter leurs respects à celles et ceux qui étaient affectés par les attaques. Les principaux dirigeants du Conseil des arts du Canada ne firent pas exception. C’est plutôt ce qu’ils choisirent de faire qui est exceptionnel. Travaillant rapidement pendant le week-end – ses bureaux étant fermés, et le personnel en famille à la maison – le Conseil organisa une veille pour le lundi matin à l’espace Âjagemô. Les dirigeants du Conseil invitèrent la ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly, qui venait d’être nommée moins de dix jours auparavant par le gouvernement libéral de Justin Trudeau, nouvellement élu depuis à peine un mois. Il est incroyable que les hauts dirigeants du Conseil aient pu réaliser ceci en termes logistiques et politiques; ils organisèrent la veille en moins de quarante-huit heures, s’assurèrent de la présence d’une ministre – toute nouvelle, en plus – dans des délais très courts, et rédigèrent un discours éloquent, sincère et touchant prononcé lors de l’événement par Simon Brault, directeur et chef de la direction. La veille, à laquelle ont assisté près de trois cents personnes, est un exemple frappant du désir qu’a le Conseil d’utiliser le pouvoir de l’art pour le bien de la société. Brault a parlé de l’importance de la liberté d’expression, de l’unité et de ne pas céder à la peur. Son discours ne traitait pas des arts, mais des valeurs,
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de la culture et de la paix – autant de concepts fondamentaux et propres aux arts. Si l’idée d’une veille tenue par un conseil des arts à la suite d’une attaque terroriste peut sembler incongrue, le lien devient clair lorsque l’événement est perçu d’un point de vue de l’expression créatrice comme une valeur fondamentale de la société démocratique. Le nouveau gouvernement a fait cet autre lien : dans son allocution, la ministre Joly a affirmé l’engagement du gouvernement à amener des réfugiés syriens au Canada9, soulignant que le Canada est une société inclusive qui accueillerait ces nouveaux arrivants. zxzxz
La création d’un lien entre les arts et des questions sociales et politiques actuelles constitue une importante transformation des objectifs du Conseil au cours des soixante dernières années : un déplacement s’est effectué, de la priorité accordée à l’offre artistique – le développement des fondements de la culture en termes artistiques et organisationnels – vers une vision élargie qui s’appuie sur le pouvoir de l’art dans le but d’améliorer et de contribuer à la politique publique, à la société et à l’économie au sens large. Ceci comprend une contribution au débat et au dialogue sur des grandes questions actuelles et le développement de liens plus étroits entre les arts et les domaines de politique publique apparentés (par exemple, la santé, l’éducation et la recherche, ou la réconciliation avec les peuples autochtones du Canada). Le présent ouvrage retrace cette évolution importante dans la perception que le Conseil a de lui-même, explorant les raisons qui ont mené à cette évolution, les conséquences pour ses activités et sa pertinence, ainsi que les critiques et vulnérabilités auxquelles il s’expose dans ce processus. Les soixante premières années de l’existence du Conseil ont été marquées par la transition entre les fondements de la culture et le pouvoir de l’art. Qu’est-ce qui définira les soixante prochaines années ?
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1 L’histoire de l’origine du Conseil des arts du Canada Comment est-on parvenu à ce modèle distinctif de conseil des arts ? A-t-il résisté à l’épreuve du temps ?
Notre principal objet en recommandant l’établissement du Conseil des arts du Canada, c’est de fournir de l’assistance aux universités, aux arts, aux humanités et aux sciences sociales, ainsi qu’aux étudiants dans ces domaines, sans chercher le moindrement à régir leur activité ni porter atteinte à leur liberté […] J’ai confiance que l’intention que nous avons de rendre le conseil pleinement indépendant et de lui donner une grande autonomie sera évidente dans les méthodes proposées en vue de financer son travail. Premier ministre Louis St-Laurent Discours à la Chambre des communes annonçant la création du Conseil des arts du Canada 18 janvier 1957
C’est ce que proclamait le premier ministre Louis St-Laurent dans un discours passionné à la Chambre des communes le 18 janvier 1957, alors qu’il présentait la législation créant le Conseil des arts du Canada. Certains auraient trouvé ironique que St-Laurent ait prononcé une allocution aussi enthousiaste : le premier ministre St-Laurent, comme son prédécesseur William Lyon Mackenzie King avant lui, ne tenait pas à l’idée de soutien fédéral pour les arts. Il avait besoin d’être convaincu. La communauté artistique demandait un conseil des arts depuis le début des années 1940, et même si la création d’un tel organisme figurait parmi les recommandations majeures de la Commission royale d’enquête sur le développement des arts,
des lettres et des sciences au Canada de 1949–1951 (la Commission MasseyLévesque1), St-Laurent n’a donné suite à cette recommandation qu’en 1957, principalement grâce à une manne de cent millions de dollars en droits de succession sur la fortune de deux riches hommes d’affaires. Bénéficiant d’une entrée importante et inattendue de capitaux, préoccupé par la situation financière de plus en plus désastreuse des universités canadiennes, St-Laurent fut finalement poussé par les membres de son entourage qui l’imploraient de créer un organisme fédéral pour soutenir les arts et l’éducation. Ce faisant, le gouvernement fédéral créait un modèle de conseil des arts unique au monde : cinquante des cent millions de dollars furent consacrés à une caisse de dotation dont les recettes soutiendraient le financement des arts et de la recherche postsecondaire, et les cinquantes millions restants seraient affectés à des subventions de capital pour les universités sur une période de dix ans. Ce modèle est un hybride administratif de l’approche d’indépendance du conseil des arts public britannique et du style américain de financement des arts basé sur la dotation d’une fondation privée. Le Conseil des arts du Canada possède également un mandat unique, apparenté à l’attitude humaniste française envers les arts, qui inclut les domaines connexes de l’éducation, de la science et de la culture. À ses débuts, le Conseil subventionnait non seulement la recherche en sciences humaines et sociales en plus des arts, mais il hébergeait également la Commission canadienne pour l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (unesco). Alors que le financement de la recherche scientifique a été détaché du Conseil en 1977, avec la création du Conseil de recherches en sciences humaines (crsh), la Commission canadienne pour l’unesco mène toujours ses activités au sein du Conseil, un autre arrangement administratif à la canadienne : plusieurs autres commissions nationales pour l’unesco sont placées sous les auspices des ministères de l’éducation ou des affaires étrangères. Comment est-on parvenu à ce modèle distinctif de conseil des arts ? Le présent chapitre répond à cette question, en se penchant sur les jalons, les initiatives, les personnes et les idées importantes ayant mené à la création, au mandat et à la structure organisationnelle du Conseil des arts du Canada. C’est le récit captivant de la manière dont le désir naissant d’autodétermination d’une jeune communauté artistique a finalement trouvé un terrain fertile dans le contexte politique des premières années d’après-guerre, marqué par des préoccupations sur les dangers du communisme et de la propagande étatique, d’une part, et riche de la promesse d’édification de l’infrastructure intellectuelle et artistique d’un jeune pays, d’autre part. Le chapitre examine ensuite à quel point le modèle a résisté à l’épreuve du temps. À première vue, on pourrait dire qu’il en fut ainsi. À quelques exceptions près, le mandat et les structures organisationnelles du Conseil sont identiques à ce
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qu’ils étaient à l’origine. Sans doute, la nature hybride de l’approche canadienne au financement fédéral des arts emprunte le meilleur des structures de financement britanniques, françaises et américaines : le principe britannique d’autonomie, comme protection contre l’interférence politique dans le domaine des arts; la conception française des arts, plus anthropologique, qui habilite le Conseil à s’engager dans des domaines au-delà des arts; la perpétuité et la stabilité du financement américain par dotation du type de la fondation. Ce modèle canadien permet à l’organisation d’être flexible, réceptive et proactive, s’adaptant et manœuvrant dans les milieux artistique, politique, économique, technologique et social en constante évolution. Ceci étant dit, des changements ont été apportés au modèle avec les années, notamment l’ajout de crédits budgétaires annuels en 1965, et le détachement de la plupart des subventions pour la recherche en sciences humaines et sociales en 1977. Au départ, les crédits annuels devaient compléter les fonds provenant de la caisse de dotation, mais avec le temps, elles en sont venues à représenter la part du lion dans les revenus du Conseil. Quant à l’élimination des subventions postsecondaires du mandat de l’organisation, des demandes visant la création d’une organisation fédérale distincte pour le soutien des sciences humaines et sociales se firent plus nombreuses dans les premières années suivant la création du Conseil, et les avantages potentiels d’une approche globale du soutien fédéral aux arts et aux sciences humaines et sociales ont été supplantés par la compétition – réelle ou perçue – pour le financement et l’attention entre les deux domaines. Des demandes de changement sont également survenues, notamment de la province de Québec, qui a préconisé le transfert du financement fédéral des arts à la province. Toutefois, de telles demandes n’ont pas été acceptées : les dirigeants successifs du Conseil et les différents gouvernements fédéraux ont maintenu leur engagement envers l’idée que le Canada a besoin d’un organisme de soutien des arts à l’échelle fédérale.
La longue route vers le Conseil des arts du Canada Les artistes canadiens s’unissent : La Conférence de Kingston C’était le 26 juin 1941 : l’Allemagne envahissait l’Union soviétique, le RoyaumeUni allait bientôt conclure une alliance militaire avec les Soviétiques, et les tensions montaient rapidement dans le Pacifique. Alors pourquoi un important groupe d’artistes visuels était-il réuni à l’Université Queen’s de Kingston ? Qu’est-ce qui avait incité d’éminents artistes états-uniens comme le peintre de la Scène américaine Thomas Hart Benton à faire le voyage depuis Kansas City, au Missouri, jusqu’au lointain Canada pour discuter des aspects techniques de la peinture murale et du
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1.1 La Conférence de Kingston, organisée en 1941 par le peintre André Biéler, réunit d’éminents artistes canadiens tels que Walter Abell, JeanPaul Lemieux, Jack Shadbolt et des membres du Groupe des Sept. La conférence marqua les débuts d’une voix collective pour les artistes canadiens.
rôle de l’artiste dans la société ? Et pourquoi la Corporation Carnegie, une fondation américaine, finançait-elle l’affaire ? Les antécédents de cette rencontre remontent à plusieurs décennies. Des fondations américaines, principalement les fondations Rockefeller et Carnegie, avaient soutenu des activités artistiques, scientifiques et culturelles au Canada depuis le tournant du siècle. La fondation Rockefeller soutenait le film, la recherche en sciences humaines, le théâtre et l’écriture, et pas moins de cent vingt-cinq bibliothèques Carnegie avaient été construites au Canada, surtout en Ontario2. Ces deux fondations ont également attribué de généreuses subventions à plusieurs universités à travers le pays3. Le soutien canadien aux arts existait déjà, mais la largesse américaine contribuait de manière significative à soutenir le développement culturel naissant, tel que la Commission Massey-Lévesque allait l’exposer en détail, non sans inquiétude, dans son important programme de recherche, dix ans plus tard. Le but de la rencontre de Kingston, organisée par André Biéler, artiste et professeur à l’Université Queen’s, était d’apprendre les aspects techniques de la peinture murale – d’où la participation de Thomas Hart Benton, dont les murales évocatrices à propos du quotidien américain jetaient un nouveau regard sur la vraie vie de la classe ouvrière –, de discuter du rôle de l’artiste dans la société et de permettre à des artistes de partout au pays d’échanger idées et points de vue4. L’événement réunissait pour la première fois près de cent cinquante artistes, enseignants, conser-
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vateurs et critiques, dont Jack Shadbolt en provenance de la Colombie-Britannique, Jean-Paul Lemieux du Québec, des membres du Groupe des Sept, et Walter Abell de la Nouvelle-Écosse. Les réponses des artistes au programme officiel de l’événement furent mitigées, mais il ne fait aucun doute que la Conférence de Kingston ait marqué les débuts d’une voix collective pour les artistes canadiens, une voix utilisée avant tout pour demander du soutien public pour les arts au gouvernement fédéral. Le groupe a recommandé au gouvernement la création d’un programme d’arts de guerre, l’amélioration de l’éducation artistique et des expositions d’art des artistes au Canada, de même que la tenue de recherches sur des sujets importants en arts, dont le statut économique de l’artiste5. Plus important encore, la rencontre donna lieu à la création de la Fédération des artistes canadiens, une alliance sans précédent des communautés artistiques de partout au pays, dont le mandat était de « réunir tous les artistes canadiens, les travailleurs dans le milieu des arts et les membres intéressés du grand public en vue de se soutenir mutuellement dans la promotion d’objectifs communs : le principal consiste à faire des arts un facteur de création dans la vie du Canada, et de l’artiste, une part intégrante de la société6. » Grâce à un soutien récurrent de la Corporation Carnegie, la fédération se dota d’un secrétariat et d’un budget modestes pour plaider en faveur du financement gouvernemental des arts au Canada. Mais ce premier travail de plaidoyer ne porta pas fruit, même s’il fut crucial en marquant la création du premier groupe national de défense des arts. L’attention du gouvernement fédéral était essentiellement focalisée sur la guerre, et le financement des arts était loin d’être une priorité. Un nouvel élan : La restauration d’après-guerre, le nationalisme culturel et la Marche sur Ottawa Ce n’est que vers la fin de la guerre, lorsque le gouvernement tourna son attention vers la restauration d’après-guerre, que la Fédération des artistes canadiens commença à connaître plus de succès avec leurs efforts. En 1942, le gouvernement du premier ministre William Lyon Mackenzie King établit le Comité spécial de la restauration et du rétablissement de la Chambre des communes (le Comité Turgeon) afin d’étudier et de faire des recommandations sur la restauration de l’économie et de la société canadiennes au lendemain de la guerre. La fédération vit le Comité Turgeon comme une occasion rêvée pour plaider sa cause. Alliée avec quinze autres groupes artistiques, la fédération tint une réunion stratégique à Toronto, à laquelle assistaient près de cinquante artistes bien en vue. Le groupe soumit son mémoire collectif au comité le 21 juin 1944, lors de la fameuse « Marche sur Ottawa » (en réalité, tel que l’auteur et haut fonctionnaire fédéral de la culture Bernard Ostry le fait remarquer, il n’y eut pas à proprement parler de « marche » sur Ottawa, mais
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plutôt une petite délégation arrivée de Toronto en autobus)7. Ce moment fut néanmoins central dans les premiers efforts de défense de la communauté artistique : les artistes établirent une position bien coordonnée, soigneusement structurée, largement soutenue et bien affichée en faveur du soutien financier fédéral pour les arts. Le mémoire du groupe soulignait le rôle potentiellement important des arts dans l’avancement de l’image internationale du Canada et de la qualité de vie de ses citoyennes et citoyens, et recommandait au gouvernement la création d’un organisme national de financement des arts, l’établissement d’un réseau de centres d’art communautaires à travers le pays et la promotion de l’art des artistes canadiens à l’étranger. La présentation fut accueillie chaleureusement par les membres du comité; dans son rapport final de 1944, le Comité Turgeon appuyait les recommandations des artistes. Mais le gouvernement n’a pas suivi ses conseils. Malgré l’inaction du gouvernement, l’idée que le Canada ne possédait pas d’infrastructure culturelle, artistique et scientifique qui convienne à son statut de pays de plus en plus autonome et bien en vue commençait à faire son chemin. Remontant aussi loin que le tournant du siècle et les années suivant la Première Guerre mondiale, une élite intellectuelle et culturelle en plein essor, composée d’universitaires, de hauts fonctionnaires et d’importants leaders d’opinion bâtissait l’infrastructure organisationnelle et conceptuelle de développement culturel et intellectuel qui allait se concrétiser des décennies plus tard, avec la création du Conseil des arts du Canada. Ceci comprenait la création de diverses associations bénévoles nationales telles que l’Association des clubs canadiens (1903) et l’Institut canadien des affaires internationales (1928), ainsi que la participation active des sociétés savantes telles que la Société royale du Canada (1883) et l’Association canadienne de science politique (1912). En accord avec son époque, ce groupe était « principalement masculin, blanc et de classe moyenne8 », mais il incluait plusieurs individus qui allaient devenir des acteurs principaux dans l’histoire des origines du Conseil des arts du Canada : Jack Pickersgill, conseiller principal du premier ministre King, qui devint membre du cabinet sous Louis St-Laurent; l’avocat Brooke Claxton, qui devint ministre de la défense dans le gouvernement de King; Vincent Massey, nommé haut-commissaire du Canada en Grande-Bretagne puis premier gouverneur général du Canada d’origine canadienne; le professeur Norman MacKenzie, devenu recteur de l’Université de la Colombie-Britannique; Hilda Neatby, professeure d’histoire à l’Université de la Saskatchewan, et Georges-Henri Lévesque, doyen fondateur de la Faculté des sciences sociales à l’Université Laval. Les quatre dernières personnes furent nommées à la Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada, qui a recommandé la création du Conseil des arts du Canada, et les deux premières allaient jouer un rôle central dans la décision du gouvernement de créer la commission royale, puis le Conseil. Claxton allait devenir le premier président du Conseil.
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Les artistes de l’époque se plaignaient des défis auxquels ils devaient faire face afin de poursuivre leur art au Canada. L’écrivain Hugh MacLennan parlait de la « mentalité coloniale » qui régnait dans l’écriture et l’édition au cours des années 1940, une mentalité qui percevait les ouvrages publiés seulement au Canada comme étant « automatiquement inférieurs »9. L’écrivain George Woodcock déplorait le « désert » dans lequel vivaient les auteurs canadiens des années 1940 : les arts étaient « perçus comme des curiosités, tolérés peut-être, mais rarement admirés » par des « pionniers à l’esprit pratique »10. Cet état de choses allait changer à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Canada sortait de la guerre comme un participant clé dans la victoire des forces alliées; comparativement à l’Europe déchirée par la guerre, le pays se portait bien. La contribution essentielle du Canada à l’effort de guerre ne passa pas inaperçue auprès des Canadiennes et des Canadiens, marquant le début d’une période de fierté sans égale au pays11. Malgré l’émergence progressive d’un nationalisme intellectuel et culturel canadien, ce n’est qu’en 1949 que le gouvernement fédéral porta sérieusement son attention aux arts et à l’éducation. Le premier ministre King était resté indifférent à la passion et à l’énergie de ceux qui, dans les premières années d’après-guerre, l’imploraient de financer les arts ou de créer une commission royale pour analyser la situation des arts et de l’éducation au pays. Claxton, alors ministre de la défense nationale, Pickersgill, alors conseiller principal du premier ministre, et Lester B. Pearson, qui devint ministre des affaires étrangères en 1948, prièrent le premier ministre de mettre sur pied une commission royale, mais ce fut en vain. Même Vincent Massey, alors revenu au Canada après son mandat de haut-commissaire à Londres, n’arriva pas à convaincre King, qui aurait qualifié l’idée d’une commission royale comme étant « ridicule »12. Enfin de l’influence : La Commission Massey-Lévesque Il a fallu attendre que Louis St-Laurent devienne chef du Parti libéral et qu’il remplace King en tant que premier ministre, pour que l’idée fasse son chemin. Les efforts de Claxton, Massey, Pearson et Pickersgill ont finalement été récompensés. St-Laurent mit sur pied la Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada en 1949, avec le mandat d’étudier et de préparer des recommandations sur plusieurs sujets relatifs aux arts, à la culture et à l’éducation : la politique fédérale de radiodiffusion; le soutien fédéral à la recherche; la gouvernance et le financement national d’institutions culturelles nationales comme l’Office national du film, la Bibliothèque du Canada et les musées nationaux; les relations du Canada avec l’unesco, et les relations du gouvernement fédéral avec les organisations bénévoles nationales.
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1.2 Le très honorable William Lyon Mackenzie King félicite Louis St-Laurent et son épouse Jeanne St-Laurent à l’occasion de l’élection de St-Laurent comme chef du Parti libéral en août 1948. St-Laurent fut élu premier ministre le 15 novembre 1948 et mit sur pied la Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada, qui recommanda la création d’un conseil fédéral pour soutenir les arts, les relations culturelles internationales et la recherche universitaire.
Le préambule du décret du Conseil établissant la commission reflétait l’état d’esprit nationaliste de l’époque, déclarant qu’il « importe que les Canadiens connaissent, le plus possible, leur propre pays, qu’ils soient renseignés sur son histoire et ses traditions, et qu’ils soient éclairés sur la vie et sur les réalisations collectives de leur propre nation. Il est dans l’intérêt national d’encourager les institutions qui expriment le sentiment de la collectivité, favorisent la bonne entente, et apportent de la variété et de l’abondance à la vie canadienne, tant dans les régions rurales que dans les centres urbains13. » Il est à noter que les facteurs ayant incité St-Laurent à mettre sur pied la commission étaient moins liés aux arts et à la culture qu’à ses préoccupations sur la radiodiffusion, car la Société Radio-Canada était dans une situation financière désastreuse, et à propos des universités, qui allaient connaître d’importants manques
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à gagner, alors que les inscriptions augmentaient et que diminuaient les subventions d’après-guerre pour les frais de scolarité des anciens combattants. Ceci était visible non seulement dans le mandat de la commission royale – qui ne mentionnait pas explicitement les arts, ni la création possible d’un organisme fédéral de financement des arts –, mais également dans les nominations à la commission. Aucun des cinq commissaires n’était un artiste important ou un expert reconnu du domaine des arts. Vincent Massey était chancelier de l’Université de Toronto, et tandis qu’il avait un vif intérêt personnel et une expérience dans les arts, il n’était ni un artiste professionnel, ni un spécialiste des arts. Le père Georges-Henri Lévesque, Norman MacKenzie et Hilda Neatby étaient des universitaires, alors que Arthur Surveyor était un ingénieur civil de Montréal. Comme le relate Woodcock, l’intérêt premier de St-Laurent résidait dans la composante éducative du mandat de la commission, et particulièrement dans l’identification d’un mode d’intervention du gouvernement fédéral dans l’éducation, qui ne « causerait pas de problèmes » auprès des provinces, étant donné leur compétence constitutionnelle en matière d’éducation14. Il est probable que St-Laurent ait été surpris que la commission recommande fortement la création d’un conseil des arts fédéral, mais pas Claxton ni les autres. Ils savaient que le premier ministre ne tenait pas tellement au financement fédéral des arts, évitant donc d’aborder explicitement la question dans le mandat de la commission15. La Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada entreprit l’étude la plus complète des arts, des lettres et des sciences de toute l’histoire canadienne. Le groupe commanda quarante études de recherche, tint des audiences publiques dans seize grandes villes du pays, et analysa plus de quatre cent cinquante mémoires écrits en provenance de groupes allant du Conseil canadien des arts (un groupe de pression nouvellement formé, réunissant les organismes artistiques qui avaient rédigé le mémoire adressé au Comité Turgeon), à la Conférence nationale des universités canadiennes, et à l’Association canadienne des bibliothèques. Le rapport de la commission, publié en 1951, représenta un point tournant dans l’histoire des arts, de l’éducation et de la culture au Canada : il comprenait une analyse exhaustive de la situation des arts et de l’éducation au pays, et des recommandations détaillées sur la politique et l’administration du gouvernement fédéral dans ces domaines. Ses recherches documentaient la relative pauvreté du développement artistique et culturel au Canada, de même que le degré considérable de soutien et d’influence des États-Unis sur le plan de l’activité et de l’infrastructure culturelle et intellectuelle du pays. Les commissaires soulignèrent l’importance de la production et de l’infrastructure artistique, culturelle et intellectuelle dans la civilisation : « Si nous nous inquiétons de notre défense, qu’est-ce donc que nous voulons défendre ? Nous
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1.3 Les membres de la Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada (la Commission Massey-Lévesque), qui recommandèrent la création par le gouvernement fédéral d’un Conseil canadien pour l’encouragement des arts, lettres, humanités et sciences sociales. De gauche à droite : Arthur Surveyor, le père Georges-Henri Lévesque (debout), Hilda Neatby (debout), Vincent Massey (au centre) et Norman MacKenzie, 1951.
voulons défendre la civilisation, la part qui nous en revient; l’apport que nous avons pu lui faire. Or notre enquête porte justement sur tout ce qui donne à cette civilisation son caractère et sa valeur. Ce serait un paradoxe que de nous apprêter à défendre une richesse que nous ne voudrions ni accroître ni faire fructifier, et que nous laisserions, au contraire, se désintégrer16. » De toute évidence, les commissaires avaient à l’esprit le rôle des arts dans une civilisation démocratique. Citant l’exemple de la Grande-Bretagne, ils firent remarquer que « [l’]intervention étatiste n’a pas attenté à la liberté de l’artiste et de l’écrivain. Les gouvernements britanniques qui se sont succédés n’ont eu garde en effet d’oublier l’avertissement de lord Melbourne: “Que Dieu protège le ministre qui se mêlerait des arts17 !” » Les recommandations les plus durables et agissantes de la commission étaient dirigées vers la nécessité d’un financement fédéral pour encourager les arts, la culture et l’éducation, incluant la création d’un organisme fédéral pour soutenir ces
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efforts. Le rapport Massey-Lévesque accordait une attention particulière aux structures administratives du financement fédéral des arts, et se tournait vers la Grande-Bretagne, où les décisions relatives au financement sont indépendantes des politiciens, grâce au Conseil des arts de Grande-Bretagne (acgb)18. Les commissaires ajoutaient : « Au cours de notre analyse de l’œuvre et des travaux du Conseil des arts de Grande-Bretagne, nous avons remarqué avec un intérêt particulier que cet organisme semble pleinement conscient du danger que présente, pour les arts, les lettres et la culture d’un pays, tout système de subventions gouvernementales19. » La commission citait le président du acgb, qui affirmait à ce sujet : « Nous sommes les administrateurs de fonds octroyés par la Trésorerie; mais nous avons une liberté d’action complète. […] les arts sont soutenus financièrement par l’État sans être soumis à ses ordres20. » La commission accorda une attention considérable au mandat du Conseil. Le Canada devrait-il adopter une approche du financement des arts par un seul organisme (comme c’était le cas en Grande-Bretagne), du financement des sciences humaines et sociales par un autre organisme (comme c’était le cas au Canada, à l’époque, pour les sciences naturelles et en génie, avec les subventions octroyées par le Conseil national de recherches), et des relations culturelles internationales, incluant les relations avec l’unesco, par un autre organisme21 ? Le rapport de la commission royale indiquait clairement que ces diverses activités étaient étroitement liées et auraient avantage, en termes administratifs et en termes de fond, à être coordonnées par une seule entité. En traitant du rôle proposé pour le conseil en regard des sciences humaines et sociales, les commissaires énoncèrent : « La très importante fonction qui consiste à encourager ces études […] serait le mieux remplie, à notre avis, par une organisation que ses autres fonctions forceraient à se tenir au courant des manifestations culturelles du Canada et de l’étranger, et à rester en contact très étroit avec les universités22. » Ils recommandèrent donc « [q]ue soit créé un organisme désigné sous le nom de Conseil canadien pour l’encouragement des arts, lettres, humanités et sciences sociales en vue de stimuler et d’aider les sociétés bénévoles dont l’activité s’exerce dans ces domaines; d’intensifier les relations culturelles entre le Canada et les pays étrangers; de remplir le rôle d’une commission nationale de l’UNESCO ; et d’élaborer et de mettre en œuvre un régime de bourses d’études23… » Après Massey-Lévesque : Patience, persévérance et heureux hasards Toutefois, tel que mentionné, le gouvernement ne donna pas immédiatement suite à la recommandation. St-Laurent demeurait peu enthousiaste à idée du financement fédéral des arts. En réponse au conseil de Claxton sur la création d’une commission
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royale, il déclara que le gouvernement ne devrait pas « subventionner le “ballet” »24. Il répugnait également à engendrer tout nouveau conflit avec le Québec, où le gouvernement Duplessis, dans son autonomie, se méfiait plus que jamais de l’ingérence fédérale. Or les principaux partisans de cette idée – notamment Claxton, Massey et Pickersgill – avaient travaillé fort pour en arriver là, et ne se laissèrent pas dissuader facilement. Massey continua d’insister sur la création du Conseil, mais moins publiquement, une fois nommé gouverneur général en 195225. Les autres recrutèrent de nouveaux appuis dans des postes clés, dont John Deutsch, secrétaire du Conseil du Trésor, et Maurice Lamontagne, conseiller économique au Conseil privé, qui allait devenir responsable du Conseil des arts du Canada une fois nommé Secrétaire d’État26. Malgré les efforts du groupe, il fallut attendre cinq bonnes années avant que St-Laurent accepte finalement de créer le Conseil – et encore, la motivation fut moins à propos des arts que de l’éducation, et le succès rendu possible seulement grâce à un afflux imprévu de revenus pour le gouvernement. Au milieu des années 1950, Sir James Hamet Dunn et Izaak Walton Killam, deux riches industriels de la Côte Est, décédèrent l’un après l’autre (en 1955 et 1956 respectivement). Les droits de succession dûs au gouvernement atteignaient la somme énorme de cent millions de dollars, l’équivalent de près d’un milliard de dollars soixante ans plus tard27. Tel que relaté par l’historien Jack Granatstein, Deutsch et Pickersgill (devenu ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) avaient conçu le plan financier ayant mené à la création du Conseil, lors d’une promenade tranquille jusqu’à leurs bureaux28. Plutôt que de verser les droits dans les recettes générales du gouvernement, les deux hommes pensèrent : pourquoi ne pas les utiliser pour créer le Conseil des arts du Canada ? La moitié pourrait aller aux besoins urgents de capitaux des universités, et l’autre moitié pourrait être utilisée pour créer une caisse de dotation dont les recettes soutiendraient les arts et la recherche en sciences humaines et sociales. Ils en parlèrent à Lamontagne qui travaillait, comme par hasard, à un discours que le premier ministre devait adresser à la Conférence nationale des universités canadiennes. Le premier ministre ne savait pas exactement ce qu’il voulait dire dans cette allocution. L’annonce de la création du Conseil des arts du Canada était parfaite – non seulement pour le premier ministre, qui était compatissant face à la situation critique des universités, et qui savait combien la nouvelle serait chaudement accueillie, mais également pour ceux qui avaient fait des pieds et des mains pour l’établissement du Conseil. Grâce à ces astucieuses démarches, les partisans du Conseil obtinrent finalement l’appui du premier ministre. La loi établissant le Conseil fut présentée par St-Laurent à la Chambre des communes le 18 janvier 1957. Le premier ministre prononça un discours passionné traitant de la nécessité, du raisonnement et de l’appui répandu pour la création d’un Conseil des arts du Canada pour l’encouragement des arts, des
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1.4 Brooke Claxton, l’un des principaux défenseurs de la création du Conseil des arts du Canada, alors qu’il était ministre sous King et St-Laurent. Claxton allait devenir le premier directeur du Conseil.
1.5 Jack Pickersgill, un autre personnage important de l’histoire des origines du Conseil des arts du Canada, d’abord comme conseiller principal des premiers ministres King et St-Laurent, puis à titre de ministre du Cabinet St-Laurent. Avec John Deutsch, secrétaire du Conseil du Trésor sous St-Laurent, il allait concevoir le plan de création du Conseil, en utilisant les droits de succession de Sir James Hamet Dunn et Izaak Walton Killam.
humanités et des sciences sociales. Il fit remarquer : « Jusqu’à maintenant, il y a eu relativement peu de contributions financières au Canada de la part des gouvernements ou de mécènes pour l’encouragement des arts, des humanités et des sciences sociales. Sans amoindrir le vif intérêt de quelques particuliers et l’aide apportée par des fondations privées, il faut admettre que jusqu’à maintenant la principale source de ces encouragements au Canada était dans des pays étrangers29. » De toute évidence, il voulait dire les États-Unis. St-Laurent avait également à l’esprit le lien entre le travail du nouveau Conseil et la question de la paix : « plus on nous fait discerner l’importance de la confraternité intellectuelle, plus nous sommes aptes à conclure que les conflits entre les
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1.6 John Deutsch, qui joua un rôle clé en incitant le gouvernement St-Laurent à créer le Conseil des arts du Canada, alors qu’il était secrétaire du Conseil du Trésor.
1.7 Maurice Lamontagne joua un rôle dans la décision par le gouvernement St-Laurent d’établir le Conseil des arts du Canada. À titre de conseiller économique au Bureau du Conseil privé, il savait que le premier ministre serait disposé à annoncer la création du Conseil dans un discours adressé à la Conférence nationale des universités canadiennes.
nations sont réellement inutiles30. » Pour lui, il était primordial que le gouvernement soutienne les arts et l’éducation, sans les contrôler : « Les gouvernements doivent, à mon sens, appuyer l’essor culturel du pays, mais ne pas chercher à le régir31. » La loi accordait un large mandat au Conseil : « développer et favoriser l’étude et la jouissance des arts, des humanités et des sciences sociales, de même que la production d’œuvres s’y rattachant32. » Ceci incluait, entre autres, l’attribution de bourses, de subventions et de prêts à des individus ou à des groupes; le soutien aux expositions, publications, manifestations artistiques et travaux de recherche; la collaboration avec des organisations aux vues similaires, et des échanges avec d’autres pays. Ce faisant, le gouvernement réagissait très directement aux recommandations de la Commission Massey-Lévesque en créant un organisme responsable du financement des arts et de l’éducation en sciences humaines et sociales, et des relations
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culturelles du Canada à l’étranger. La Loi sur le Conseil des arts du Canada prévoyait également la création d’une caisse de subventions de capital pour soutenir des projets de construction dans les universités, et stipulait que le gouvernement pourrait assigner au Conseil des attributions à l’égard de unesco. Cette dernière clause s’écartait des recommandations de la commission royale, qui étaient claires sur ce point. Cependant, tel qu’analysé dans le chapitre suivant, la Commission canadienne pour l’unesco fut créée en bonne et due forme par le Conseil – mais en tant qu’entité dotée d’une grande autonomie, plutôt qu’une fonction totalement intégrée à la structure de gestion et aux activités de l’organisation. D’un point de vue administratif, la loi établissait la caisse de dotation selon les plans de Pickersgill et Deutsch, et situait clairement le Conseil sans lien de dépendance au gouvernement. Bien que le vérificateur général du Canada allait auditer ses états financiers, le Conseil n’était pas créé en tant que société de la Couronne et conserverait une autonomie considérable quant à ses activités. Tel qu’énoncé par St-Laurent, « Nous voulons que le Conseil des arts du Canada soit soustrait à la régie de l’État dans la mesure où il est prudent de soustraire à cette régie quiconque se voit confier des deniers publics. […] seul le Conseil lui-même sera comptable au Parlement de l’utilisation des fonds mis à sa disposition de façon que l’ensemble du pays en retire tous les avantages possibles33. » Comme le résume habilement Granatstein, avec sa caisse de dotation et son statut indépendant, le Conseil « était, d’une certaine manière, un organisme public et, d’une autre manière, une fondation privée – c’était un hybride typiquement canadien34. » Ainsi débuta enfin l’existence du Conseil des arts du Canada, il y a une soixantaine d’années. Mais le modèle a-t-il résisté à l’épreuve du temps ?
Le modèle a-t-il résisté à l’épreuve du temps ? Les soixante premières années « Quel constat ferait Vincent Massey aujourd’hui ? », demandait Robert Sirman, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada (2006–2014) au colloque annuel Walter-Gordon sur les politiques publiques, tenu au Collège Massey de l’Université de Toronto en 2014. L’événement célébrait l’héritage du fondateur du collège, Vincent Massey – le même Vincent Massey qui fut une figure centrale dans l’histoire de la création du Conseil –, qui avait établi l’institution cinquante ans auparavant, en 1964. Les participants au colloque – des artistes, des praticiens des arts, des représentants du gouvernement, des professeurs, ainsi que les chercheurs et les étudiants du Collège Massey – remplissaient l’auguste bibliothèque supérieure à pleine capacité, presque aussi serrés que les milliers de volumes contenus dans les étagères en bois du pourtour de la pièce. La cadre était propice pour poser
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1.8 Robert Sirman, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada (2006–2014), consacra une grande partie de ses trois dernières années en poste à la supervision de la conception des nouveaux bureaux et espaces publics du Conseil. Sirman est photographié dans l’atrium de l’immeuble, devant la tour vidéo interactive, et considère ce travail comme l’une de ses contributions les plus durables.
la question : au Collège Massey, on ne peut s’empêcher d’être habité par un sentiment de l’histoire, d’époques révolues, d’anciennes traditions culturelles, et des liens historiques profonds entre le Canada et la Grande-Bretagne. L’architecture du collège d’inspiration néogothique et wrightienne, avec ses planchers et boiseries à grains grossiers, ses murs intérieurs et extérieurs en brique décorative et ses colonnes habillées de calcaire, le majestueux foyer de la salle commune et les rangées de longues tables rustiques en bois dans la haute salle à manger médiévale, témoignent tous de l’histoire et des liens tangibles et intangibles du présent avec passé35. L’allocution de Sirman proposait une analyse étoffée et créative des recherches approfondies et des recommandations de la Commission Massey-Lévesque, demandant « Quel constat ferait Vincent Massey aujourd’hui ? » s’il passait en revue le développement des arts depuis le rapport final de la commission en 195136. Sirman était d’avis que Massey déplorerait la disparition de la Conférence canadienne des arts (l’organisation de défense des arts ayant succédé au Conseil canadien des arts), la capacité affaiblie de la Société Radio-Canada, et le degré de domination des
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impératifs économiques sur le développement social et culturel, plutôt que la recherche d’un équilibre entre les deux. Il croyait que Massey se réjouirait de constater l’explosion d’activité artistique, culturelle et scientifique au Canada avec les années, de même que « [l’]acceptation par le monde politique du principe d’autonomie37. » Le discours n’abordait pas explicitement ce qu’aurait pensé Massey de l’évolution du Conseil des arts du Canada – après tout, ce n’était pas le sujet du colloque – mais comme il était un des principaux bâtisseurs du Conseil, il aurait été très intéressant de le savoir. Massey déplorerait-il la séparation des subventions accordées aux arts de celles accordées aux sciences humaines et sociales, avec la création du crsh en 1977 ? S’inquièterait-il du fait que des crédits parlementaires annuels aient remplacé les recettes de la dotation pour former la majeure partie du budget du Conseil ? Alors qu’il est impossible de connaître les vues de Massey, il aurait probablement déploré la réduction du mandat du Conseil, mais il n’aurait peut-être pas perdu espoir devant l’évolution des structures de financement de l’organisation – pourvu que le principe d’autonomie soit respecté. Après tout, la Commission Massey-Lévesque n’avait pas recommandé la création d’une caisse de dotation pour le Conseil, mais proposé plutôt le financement direct du gouvernement à une organisation (autonome), suivant l’approche britannique. La caisse de dotation avait été un coup du sort, et son utilisation, un habile jeu politique de Pickersgill et Deutsch afin de s’assurer l’appui du premier ministre, plutôt qu’une caractéristique institutionnelle dont avait besoin l’organisation pour remplir son mandat efficacement, de manière crédible. Les crédits annuels : « Tant de choses à faire, si peu de temps et si peu d’argent » Ainsi discourait le Conseil dans l’introduction de son deuxième rapport annuel : Après deux années au service des arts, des humanités et des sciences sociales au Canada, le Conseil des Arts est à même de comprendre toute la justesse du vieux dicton latin, « ars longa, vita brevis. » Il y a tant de choses à faire et si peu de temps pour les faire et (il faut l’avouer) si peu d’argent pour les mener à bien ! Cela ne veut pas dire que le revenu annuel de la Caisse de dotation ($2,750,000) soit négligeable. Loin de là ! Mais, quand l’on considère toute l’aide qu’il faudrait apporter aux organisations et aux particuliers qui représentent la variété infinie des arts, des humanités et des sciences sociales au Canada, on se rend compte combien la somme de $2,750,000 est insuffisante38.
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Il était à prévoir que le Conseil allait demander du financement supplémentaire. La première demande fut soumise au gouvernement Diefenbaker en novembre 1960, à peine trois ans après la création de l’organisation39. Les recettes de la caisse de dotation étaient déjà réservées aux subventions pour les artistes, les organismes artistiques et les chercheurs. Le demande d’une contribution gouvernementale additionnelle à la caisse de dotation par les dirigeants du Conseil fut rejetée, sous prétexte que plusieurs millions de dollars supplémentaires auraient été nécessaires afin de produire des recettes suffisantes pour de nouvelles subventions. Il fallut attendre l’arrivée au pouvoir des libéraux de Pearson en 1963 pour que le gouvernement fédéral accueille favorablement l’attribution de ressources additionnelles au Conseil. Toutefois, le financement supplémentaire de la caisse de dotation n’était pas au rendez-vous, excédant de beaucoup ce que le gouvernement était prêt à investir. Le Conseil obtint plutôt un budget annuel, d’abord par une somme forfaitaire de dix millions de dollars en mars 1964, puis sous la forme de crédits parlementaires récurrents, à compter de 1965. Ceci marqua les débuts d’un passage de l’approche américaine de type fondation au Conseil des arts du Canada, vers un plus grand alignement sur le modèle britannique de conseil des arts. Cette transition a progressé au fil des ans, à tel point que les recettes de la caisse de dotation du Conseil ne forment plus qu’une fraction des revenus totaux (5,6 pour cent de 194,7 millions de dollars en 2014–201540). En fait, le Conseil n’a jamais réussi à augmenter considérablement sa dotation à l’aide de contributions supplémentaires. S’il gère plusieurs legs affectés à des prix et bourses spécifiques, comme le programme Killam (traité dans le chapitre 5), et que les comités de placements des années 1980 et au-delà ont fait croître la dotation en y investissant de nouveau une part des recettes obtenues, la possibilité d’importantes contributions privées à sa dotation initiale de cinquante millions de dollars ne s’est jamais concrétisée au fil des années. Ceci s’expliquait en partie par le fait que les dirigeants du Conseil ne voulaient pas faire concurrence à la communauté artistique pour du financement en provenance du secteur privé, des fondations ou des philanthropes. C’était également dû à la faiblesse relative de la philanthropie au Canada, en comparaison avec les États-Unis. Le Canada n’a jamais eu la culture ou l’histoire philanthropique qui caractérise le financement des arts41 – et de plusieurs autres domaines – aux États-Unis. Tandis que les Américains ont plus confiance au marché qu’au gouvernement et qu’ils se tournent vers le secteur privé pour l’aide aux causes sociales, les Canadiens ont davantage confiance au gouvernement et ont tendance à se tourner vers le secteur public pour obtenir du soutien. Ceci étant dit, il y a toujours eu un engagement soutenu et cohérent envers le principe d’autonomie, en matière de soutien gouvernemental fédéral à la création
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artistique et à l’activité scientifique. Lors des premiers crédits parlementaires, le fait de recevoir du financement directement du gouvernement, pouvant compromettre l’indépendance de l’organisation, inquiétait beaucoup les dirigeants du Conseil. Toutefois, ces premiers crédits n’étaient pas assortis de conditions, ou du moins celles-ci n’étaient pas très contraignantes. Le gouvernement ne spécifiait pas comment ces nouvelles sommes devaient être dépensées, ni comment le financement devait être distribué. À part quelques exceptions, cette tolérance a caractérisé l’approche des gouvernements successifs en termes de financement du Conseil au cours des années. Plusieurs controverses très médiatisées ont éclaté entre le gouvernement et le Conseil, au sujet de l’autonomie de l’organisation – un directeur a même affirmé avoir été renvoyé pour cette raison (chapitre 4) –, mais le gouvernement a généralement compris, accepté et respecté le principe d’autonomie. Sur ce point, Massey serait probablement content. Une approche cloisonnée : La séparation des arts et des sciences humaines et sociales Massey n’aurait probablement pas été heureux de la séparation entre les arts et la recherche en sciences humaines et sociales. Des suggestions visant à séparer le financement de la recherche de celui des arts étaient apparues au milieu des années 1960, avec la parution du rapport de la Commission Bladen sur les universités, créée par la Fondation des universités canadiennes dans le but d’évaluer les futurs besoins financiers des universités et les moyens d’y subvenir42. Les recommandations du rapport incluaient la création d’un organisme distinct pour financer la recherche postsecondaire. Le gouvernement ne donna pas immédiatement suite à la proposition, mais le premier ministre Pearson laissa entendre qu’il pourrait y avoir une séparation. En mars 1965, dans son allocution à la Chambre des communes annonçant la contribution spéciale de dix millions de dollars au Conseil, le premier ministre fit remarquer : « on a proposé la division du Conseil des Arts de manière à constituer un nouvel organisme spécial qui s’occuperait des humanités et des sciences sociales. C’est une question qui exige l’examen le plus soigné43. » À la fin des années 1960, le Conseil avait dépensé les cinquante millions de dollars de subventions de capital pour les universités; dans la première décennie des activités du Conseil, la proportion de financement accordée aux arts versus à la recherche postsecondaire était de l’ordre de dix pour un. Mais à mesure que se multipliaient les programmes universitaires et les inscriptions, le nombre de professeurs et d’activités de recherche croissait, de pair avec les demandes d’augmentation du financement des sciences humaines et sociales auprès du Conseil. Ce dernier employa ses nouveaux crédits parlementaires pour répondre à ces besoins
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parallèlement à ceux des arts; au début des années 1970, le financement des arts et les subventions pour la recherche postsecondaire atteignaient des niveaux similaires (environ dix millions de dollars chacun annuellement). Les pressions sur le gouvernement continuaient pour la création d’un organisme distinct de financement des sciences humaines et sociales. La Fédération canadienne des sciences humaines, principal organisme de défense dans le domaine, recommandait avec insistance la création d’une organisation distincte pour servir les besoins et intérêts uniques de la recherche en sciences humaines et sociales. Au même moment, les pressions se multipliaient en vue de l’établissement d’une organisation distincte pour attribuer des subventions dans les domaines des sciences naturelles et du génie, alors financés par le Conseil national de recherches du Canada. Ces appels furent finalement entendus par le gouvernement libéral de Pierre Elliott Trudeau (1968–1979), avec la création en 1977 du Conseil de recherches en sciences humaines, afin « de promouvoir et de soutenir la recherche et l’érudition dans le domaine des sciences humaines; […] de conseiller le ministre, en matière de recherche, sur les questions que celui-ci a soumises à son examen44. » Ceci nécessita une modification de la Loi sur le Conseil des arts du Canada, qui fut amendée pour retirer les parties de son mandat traitant du soutien à l’éducation postsecondaire. Désormais, le Conseil des arts du Canada allait concentrer ses efforts sur les arts et les organismes artistiques, et sur son travail dans le cadre de la Commission canadienne pour l’unesco. Ce changement apporté au modèle du Conseil des arts du Canada aurait sûrement préoccupé Massey, dont la conception du soutien fédéral pour les arts et l’éducation plaçait les deux domaines en étroit parallèle. En effet, ce changement représentait un éloignement du Canada par rapport à l’approche humaniste française, avec sa vision globale des activités artistiques et de la recherche pour former un champ d’action unifié, vers une approche cloisonnée qui séparait les arts et l’éducation en deux domaines d’intérêt distincts. Il importe toutefois de noter que le soutien aux arts et aux sciences humaines et sociales, même si placé sous un même toit au début des opérations du Conseil, était administré pour l’essentiel par les dirigeants du Conseil comme deux secteurs d’activités distincts; la création du crsh ne fit que clarifier la situation pour tous. Cette vision administrative – plutôt que substantielle – du rapport entre les arts et la recherche en sciences humaines et sociales refit surface au cours des années 1990, lorsque le gouvernement planifiait de fusionner à nouveau les deux organisations par souci d’efficacité. Un ardent plaidoyer contre cette mesure amena cependant le rejet de la loi habilitante par le Sénat, tel que décrit au chapitre 4. Cela dit, après la création du crsh, le Conseil allait conserver un lien étroit – du moins en théorie, sinon dans la pratique – avec le milieu universitaire et la
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recherche, par le biais de la Commission canadienne pour l’unesco, ainsi que des prix Killam et Molson. Massey aurait certainement apprécié le maintien de la ccu au sein du Conseil, puisque le soutien parallèle des arts et de l’éducation au pays, et le rôle du Canada sur la scène internationale par l’intermédiaire de l’unesco, faisaient partie intégrante de la réflexion de la Commission Massey-Lévesque. Massey aurait probablement été déçu, toutefois, du fait que la ccu ait opéré principalement de façon autonome, sans beaucoup d’interaction au sein du Conseil (le chapitre 5 contient plus de détails à ce sujet). Les dirigeants du Conseil n’ont pas adopté la vision globale, selon la commission, du rôle de l’organisation et de ses activités sur le plan des rapports entre la culture et l’éducation, au pays et à l’international. Le maintien des prix Killam et Molson au Conseil, probablement dû aux strictes exigences légales de leurs dotations respectives (voir chapitre 5), constitue le dernier vestige des subventions à la recherche savante dans l’organisation. zxzxz
Somme toute, le modèle du Conseil des arts du Canada est devenu davantage britannique au cours de ses soixante premières années : financièrement, les crédits annuels en sont venus à définir l’organisation beaucoup mieux que ne l’avait fait sa dotation initiale; administrativement, le principe d’autonomie sous-tend sa relation avec le gouvernement en place; en ce qui a trait à son mandat, le Conseil a réduit l’objectif de son approche humaniste initiale à la française, pour se concentrer presque exclusivement sur les arts, comme c’est le cas au Royaume-Uni. Cette évolution a été propulsée en partie par les grands bouleversements économiques, socioculturels, artistiques et technologiques des soixante dernières années (le chapitre suivant contient plus de détails à ce sujet). Les demandes croissantes de financement adressées au Conseil ont dépassé la capacité de la caisse de dotation à suivre le rythme, et les crédits annuels sont devenus le moyen le plus indiqué et financièrement réalisable pour résoudre le problème. La croissance des universités et de la recherche en sciences humaines et sociales a produit des demandes visant à séparer le soutien à la recherche scientifique des subventions aux arts. Toutefois, en l’absence d’une vision globale des arts et de l’éducation au Conseil, peu de voix s’élevèrent pour s’opposer à ces demandes. Dans l’ensemble, toutefois, pendant les soixante premières années du Conseil, les gouvernements fédéraux successifs ont continué à défendre l’existence d’un organisme pancanadien autonome de soutien aux arts. C’est tout un exploit, étant donné l’ampleur des changements survenus depuis les six dernières décennies. Le tissu social, économique et gouvernemental du Canada s’est transformé durant l’après-guerre, et le Conseil a évolué avec celui-ci. Si le modèle du Conseil est
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devenu plus britannique, son mandat s’est avéré très durable. Les dirigeants successifs du Conseil ont cependant interprété différemment ce mandat au fil du temps, le principal changement étant le déplacement de priorité de l’établissement des fondements de la culture dans les premières années, au développement du pouvoir de l’art, plus récemment. Le chapitre qui suit retrace cette transformation.
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2 Le passé comme prologue Des fondements de la culture au pouvoir de l’art : Le modèle a évolué, mais le mandat demeure
Le Conseil des arts du Canada existe pour répondre aux besoins pressants et aux possibilités du pays, tels que nous les entrevoyons. Il sera jugé au vu de ses accomplissements. Il excellera le mieux en aidant les gens, les personnes, à mieux utiliser leurs capacités […] parce que l’avenir de notre pays dépend des gens, dans tous les domaines, et dans celui-ci en particulier. Nous espérons que le Conseil des arts du Canada sera perçu comme une organisation pour les gens, au service des gens et de l’enrichissement de la vie au Canada. Brooke Claxton, premier président (1957–1965) Conseil des arts du Canada
J’ai fait carrière dans le domaine des ressources naturelles. Mais j’ai toujours affirmé que notre ressource renouvelable la plus précieuse réside dans les personnes et dans leur talent. Je dirais même que l’inspiration humaine est notre plus grande ressource. Au Canada, nous pouvons être fiers du riche talent artistique qui nous inspire et nourrit notre âme. […] le Conseil procède actuellement à une transformation majeure pour accroître son impact dans le domaine des arts et sur la vie de tous les Canadiens. Pierre Lassonde, président (2015– ) Conseil des arts du Canada
Voici deux hommes qui parlent à soixante ans d’intervalle exactement, et qui transmettent des messages étonnamment similaires à propos de l’importance des gens pour le Canada – leur inspiration, leurs capacités, leurs contributions –, et de l’importance du Conseil des arts du Canada pour le pays. Brooke Claxton fut le premier président du Conseil, le vice-président et directeur général de la compagnie d’assurance-vie La Métropolitaine pour le Canada, et l’un des défenseurs indéfectibles de la création d’un conseil des arts fédéral, il y a bien des années. Il parlait lors d’un événement conjoint du vénérable Empire Club of Canada et du Canadian Club of Toronto, en octobre 1957. Pierre Lassonde, fondateur de la FrancoNevada Mining Corporation1 et philanthrope intrépide de la culture, livrait son discours inaugural à l’Assemblée publique annuelle du Conseil des arts du Canada en 2016, à la suite de sa nomination comme président du Conseil en 2015. D’une part, il n’est pas surprenant que ces deux hommes soulignent la valeur des personnes pour le Canada et la valeur du Conseil des arts du Canada dans la vie canadienne. Après tout, le point focal du Conseil, ce sont les personnes, puisqu’il soutient l’expression créatrice des artistes, qu’il finance la recherche des chercheurs scientifiques et qu’il facilite l’accès des Canadiennes et des Canadiens aux œuvres qu’elles et ils produisent. Étant donné le statut d’organisme public du Conseil, les dirigeants tels que Claxton et Lassonde doivent inévitablement souligner la contribution du Conseil au pays. D’autre part, il est frappant que les deux hommes aient exprimé le rôle et la contribution du Conseil en des termes aussi semblables : les personnes sont la clé du succès du Canada, le Conseil contribue au développement du pays et de la vie de ses citoyennes et citoyens par des moyens fondés sur les arts, mais qui vont bien au-delà des arts pour atteindre la vie personnelle et la vie du pays dans leur ensemble. Les deux hommes ont également parlé de l’importance de l’impact du Conseil sur les arts, sur le Canada ainsi que sur les Canadiennes et les Canadiens. La similitude est d’autant plus frappante lorsqu’on tient compte de l’étendue des changements dans la société, la culture, l’économie et la politique au cours des six dernières décennies. À certains égards, c’est à peine si celles et ceux qui étaient au crépuscule de leur vie durant les années 1950 reconnaîtraient le Canada d’aujourd’hui. Le pays est plus que jamais urbain, diversifié, cosmopolite et branché mondialement; le nationalisme québécois s’est affirmé et s’est développé, le multiculturalisme est devenu une réalité de la vie canadienne, et les peuples autochtones du pays ont obtenu plus de reconnaissance et de droits. Les citoyennes et citoyens ne font plus confiance aux institutions publiques et privées, et ne s’inclinent plus devant l’autorité et l’expertise comme auparavant, et la technologie s’intègre plus que jamais dans l’économie, la société et l’administration publique. Le paysage de l’activité artistique et de la recherche s’est aussi transformé, depuis ce que l’écrivain George Woodcock décrivait comme ses origines « désertiques », vers un écosystème
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2.1 Brooke Claxton, président inaugural du Conseil des arts du Canada (1957–1965).
2.2 Pierre Lassonde, président du Conseil des arts du Canada (2015– ).
en plein essor, débordant de vie artistique et scientifique. À l’échelle internationale, l’intégration et l’interdépendance économiques se sont intensifiées, la géopolitique mondiale s’est transformée avec la chute du mur de Berlin, et la « mondialisation » est devenue la norme. Certaines choses n’ont toutefois pas changé depuis 1957 ou sont réapparues sous des formes familières. Le Canada est toujours une fédération dotée d’une population relativement restreinte, dispersée sur un vaste territoire géographique et culturel. C’est toujours une nation commerçante qui dépend largement de ses exportations vers les États-Unis, un pays avec lequel il entretient une relation de longue date et mutuellement profitable, mais fondamentalement asymétrique. Si la menace du communisme de l’après-guerre a disparu, elle a été remplacée par une nouvelle menace pour les valeurs démocratiques, la paix et la sécurité, soient le terrorisme et l’extrémisme violent. La liberté d’expression, le respect des
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différences, et l’importance des protections contre le contrôle étatique de la culture sont de nouveau des priorités au début du vingt-et-unième siècle, comme c’était le cas au milieu du vingtième. Le chapitre précédent retraçait les origines du modèle unique du Conseil en termes administratifs et fondamentaux. Comme nous l’avons vu, le modèle est devenu davantage britannique avec le temps, avec l’ajout des crédits parlementaires annuels et le retrait du soutien à la recherche en sciences humaines et sociales. La partie du mandat traitant des arts est demeurée : « favoriser et […] promouvoir l’étude et la diffusion des arts ainsi que la production d’œuvres d’art2. » Toutefois, les dirigeants successifs du Conseil ont interprété ce mandat différemment, soupesant le « quoi » des activités du Conseil (l’étude versus la diffusion versus la production, etc.) de diverses façons, en définissant la portée de ses activités de différentes manières (« l’étude » signifie-t-elle le soutien aux chercheurs en art ? la formation des étudiantes et des étudiants en arts ? l’éducation des Canadiennes et des Canadiens à propos des arts ? autre chose encore ?), donnant effet au « comment » de ses opérations de différentes façons (comment le Conseil « favorise et promouvoit-il » ? à l’aide de subventions ? de partenariats ? de leadership intellectuel ? autre chose encore ?). Le présent chapitre porte sur les manières d’interpréter le mandat du Conseil ayant eu cours au fil des ans. Il est centré sur le thème général de ce livre : l’évolution des priorités, au Conseil, depuis les fondements de la culture vers le pouvoir de l’art, au cours de ses soixante premières années. Bien entendu, ces changements ne sont pas survenus par hasard. Ils ont été façonnés par les changements plus globaux mentionnés ci-haut. Le présent chapitre décrit le contexte général du changement depuis six décennies, et la manière dont les dirigeants successifs du Conseil ont interprété et opérationnalisé le mandat de l’organisation au fil des ans. Ils ont progressivement déplacé l’accent depuis les fondements de la culture vers le pouvoir de l’art et, ce faisant, ont élargi plus consciemment son objet depuis la production artistique (l’offre), à la diffusion et à l’engagement du public envers les arts (la demande). Qu’en sera-t-il des soixante prochaines années ? Prospectivement, le modèle fédéral de conseil des arts développé au Canada est-il approprié pour le futur ? Le fait de se centrer sur le pouvoir de l’art aura-t-il du sens dans l’avenir ? Mettre l’accent sur le pouvoir de l’art s’avère très prometteur, mais cela expose l’organisation à de nouveaux risques dans ses relations avec les artistes, les organismes artistiques, la communauté artistique plus large, les citoyennes et les citoyens canadiens, et le gouvernement en place. Les dirigeants du Conseil devront être vifs, habiles et prudents pour traverser les années à venir, tout comme ceux qui défendaient la création du Conseil il y a plus de soixante ans.
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De 1957 à 2017 : D’un océan à l’autre, puis d’ouest en est… au nord Les soixante dernières années ont connu des changements considérables dans les contextes artistique, intellectuel, social, culturel, politique, économique, géopolitique et technologique au sein desquels travaille le Conseil. Tout d’abord, les arts et l’éducation postsecondaire ont fleuri. Les artistes canadiens sont connus à travers le monde. Le Conseil des arts du Canada a commencé par attribuer moins de cent bourses et subventions à des artistes, des éducateurs en arts et des étudiants en arts, et trente-cinq subventions à des organismes artistiques au cours de sa première année d’opération3, passant à 2 055 bourses pour artistes et 2 219 subventions à des organismes artistiques en 2015–20164. Les universités ont augmenté en nombre et en calibre, et plusieurs d’entre elles sont de niveau international, se classant invariablement parmi les deux cents meilleures universités dans le palmarès de la revue Times Higher Education. La recherche en sciences sociales et humaines s’est également développée, en partie grâce à l’accroissement des subventions de recherche en provenance d’abord du Conseil des arts du Canada, puis du Conseil de recherches en sciences humaines. Les « études canadiennes » sont apparues comme domaine de recherche valable et prioritaire dans les années 1970 et au début des années 19805. Les gouvernements provinciaux sont devenus de plus en plus actifs dans les domaines des arts et de l’éducation durant les années d’après-guerre; presque toutes les provinces ont mis sur pied un conseil des arts et un ministère de la culture ou lié à la culture, afin de soutenir les arts6 et donner la priorité au financement et à l’accès à l’éducation et à la recherche postsecondaire. Les municipalités soutiennent de plus en plus les artistes et les organismes artistiques au niveau local, à tel point que le financement provincial et municipal représente aujourd’hui la part du lion dans l’ensemble des dépenses gouvernementales allouées aux arts7. En somme, le Conseil, auparavant presque le seul organisme de financement des arts, figure maintenant parmi plusieurs subventionnaires des arts. La société et la culture canadienne au sens plus large ont aussi beaucoup changé depuis la création du Conseil des arts du Canada. Avec la montée du nationalisme québécois à partir des années 1960, le financement fédéral des arts et les relations culturelles avec la province de Québec sont devenus des sujets de plus en plus controversés. Le premier ministre St-Laurent avançait avec précaution lorsqu’il créa le Conseil, mais ses successeurs furent confrontés à un Québec de plus en plus confiant, tourné vers l’indépendance, d’abord avec la Révolution tranquille et la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme des années 1960, puis avec le référendum (infructueux) sur la souveraineté en 1980, le refus par le Québec de signer l’accord de rapatriement de la constitution canadienne en 1982, la reconnaissance de la province lors des accords rejetés du lac Meech (1987)
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2.3 Charles Gagnon, Espace-écran #4 / Screenspace #4, 1974. Charles Gagnon est l’une des plus importantes figures de l’art québécois et canadien au vingtième siècle. Né à Montréal dans les années 1930, il a travaillé le film, la photographie, le cinéma et la peinture. Sa pratique artistique en évolution, qui alliait l’art disciplinaire et interdisciplinaire à des intérêts pour la philosophie, les mathématiques, les sciences, la politique, la religion et l’histoire, s’étend sur la majeure partie des soixante premières années du Conseil.
2.4 Des partisans de la souveraineté du Québec lors du référendum provincial de 1980, mis sur pied pour déterminer si le gouvernement du Parti Québécois devrait poursuivre la sécession du Québec du Canada. Les résultats du référendum révélèrent qu’une majorité de Québécois rejetaient la proposition du gouvernement (59,6 pour cent opposés; 40,4 pour cent en faveur).
2.5 Le premier ministre Jean Chrétien prend la parole lors d’un rallye pro-Canada en faveur du « non » dans sa circonscription de Shawinigan, au Québec, avant le référendum du gouvernement du Parti Québécois sur la séparation du Québec du reste du Canada, en 1995. La proposition fut rejetée de justesse (50,6 pour cent opposés; 49,4 pour cent en faveur).
et de Charlottetown (1992), et le second référendum (infructueux) sur la souveraineté en 1995. Pendant ce temps, le fédéralisme canadien a traversé des phases successives de coopération, de compétition et de collaboration, les différents premiers ministres abordant les relations fédérales-provinciales et Ottawa-Québec avec divers degrés de centralisation (par exemple, dans le cas de Pierre Elliott Trudeau), de collaboration (Jean Chrétien, Justin Trudeau), et de décentralisation (Brian Mulroney, Stephen Harper)8. La société canadienne est de plus en plus diversifiée culturellement. L’immigration a contribué à bâtir le pays, mais les premières vagues de nouveaux arrivants venaient principalement d’Europe occidentale, notamment de la France et de la Grande-Bretagne. Le bassin de pays d’origine s’est considérablement élargi avec l’immigration d’après-guerre, avec des cohortes toujours plus nombreuses en provenance d’Europe de l’Est, d’Asie et d’Afrique. Lors du recensement de 1951, la population du Canada se situait un peu au-dessus des quarante millions de personnes, et presque 80 pour cent étaient d’origine britannique (48 pour cent) ou française (31 pour cent)9. À l’occasion du recensement de 2011 (les plus récentes données disponibles), le portrait était beaucoup plus complexe et diversifié : la population du Canada avait atteint 31,2 millions de personnes provenant de plus de deux cents origines ethniques; près de la moitié des Canadiennes et des Canadiens (41 pour cent) donnaient plus d’une origine ethnique, et les minorités visibles, qui comprenaient 16 pour cent des Canadiennes et des Canadiens, constituaient le segment de la population dont la croissance est la plus rapide, et vivant presque exclusivement dans les villes (96 pour cent dans les régions métropolitaines de recensement, comparé à 68 pour cent de la population générale)10. Les gouvernements ont répondu à ces changements démographiques de différentes manières, notamment avec la création de la « politique du multiculturalisme » du gouvernement fédéral de 1971, suivi de la Loi sur le multiculturalisme canadien de 1988, qui visait à intégrer les nouveaux Canadiens à leur société d’accueil, tout en leur permettant de conserver leur héritage culturel d’origine. Cette approche des politiques, de même que l’enchâssement de la Charte canadienne des droits et libertés dans la Loi constitutionnelle de 1982, ont soulevé des tensions – et parfois d’âpres conflits – au sujet du juste équilibre entre les droits de la majorité et ceux des minorités, incluant les droits des groupes fondateurs du Canada (les Autochtones, les Français et les Britanniques) par rapport aux droits des populations subséquentes d’immigrants11. De plus, on a vu une reconnaissance croissante des torts causés aux peuples autochtones dans le passé, au Canada, par les gouvernements, les Églises, ainsi que les Canadiennes et les Canadiens non autochtones12. Des traités n’ont pas été respectés, les conditions de vie dans les réserves peuvent être épouvantables, le système des pensionnats a enlevé les enfants autochtones à leurs familles, ce système les a privés de leur culture et il a été caractérisé par de multiples actes de violence
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2.6 Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau regarde la reine Élisabeth II signant la proclamation constitutionnelle du Canada à Ottawa en 1982, donnant lieu au rapatriement de la constitution canadienne du Royaume-Uni. Désormais, le Canada pouvait amender sa constitution sans l’accord du RU, et y enchâsser la Charte des droits et libertés. La province de Québec n’a jamais approuvé ces changements.
abjects, la discrimination contre les peuples autochtones a été forte, de longue date et, dans plusieurs cas, systémique. Les communautés autochtones se sont fait de plus en plus entendre, elles sont de plus en plus organisées et efficaces en vue de l’obtention de meilleures conditions pour leurs populations et de la reconnaissance de leurs droits inhérents et spécifiques, que ce soit par l’intermédiaire de vives protestations, parfois violentes, de contestations judiciaires, de la négociation d’ententes de revendications territoriales (des traités modernes), d’une plus grande participation au système politique, ou du développement de compétences en matière d’éducation, de gouvernance et de commerce. Cette reconnaissance accrue s’accompagne d’une attention croissante à repenser les relations entre Canadiennes et Canadiens autochtones et non autochtones13. Les gouvernements se sont orientés – trop lentement, selon certains – vers une reconnaissance proactive des droits des peuples autochtones. La section 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 a formellement reconnu et enchâssé les droits des peuples autochtones, et la section 25 de la Charte des droits et libertés stipule que les droits de la Charte ne portent pas atteinte aux droits autochtones. Les gouvernements
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2.7 Cette image emblématique d’un guerrier mohawk et d’un soldat canadien évoque la difficile confrontation armée survenue à l’ouest de Montréal en 1990, à propos de la décision de la ville d’Oka d’agrandir un terrain de golf situé sur un territoire contesté de la communauté mohawke de Kanesatake. Lorsqu’une fusillade avec la police provinciale s’est terminée par la mort d’un policier, le gouvernement provincial a demandé l’intervention de l’armée canadienne, qui a envoyé un contingent de près de huit cents soldats. Ce conflit, qui aura duré près de trois mois, fut finalement résolu par l’annulation de l’agrandissement.
ont également conclu des traités modernes avec diverses communautés autochtones. C’est par ce processus que le Nunavut a été créé en tant que troisième territoire nordique en 1998, avec une capacité d’autogouvernance qui rapproche son statut de celui d’une province (le gouvernement fédéral a également délégué des pouvoirs au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest). Ce changement des mentalités se reflète dans le fait que les références à l’étendue du territoire canadien sont passées de l’image ouest-est originale, « D’un océan à l’autre », à une image ouestest-nord. Parmi les autres moments décisifs dans les relations autochtones, on retrouve la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996, mandatée pour recommander des solutions aux difficultés dans les relations entre les peuples autochtones, le gouvernement fédéral et la société canadienne. Malheureusement, les gouvernements fédéraux successifs n’ont pas mis en œuvre la totalité des 440
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recommandations de la commission. Les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation (cvr) de 2008–2015 sur le système des pensionnats indiens, qui a apporté un espace sécurisant permettant aux survivants des pensionnats de partager leurs expériences, ont connu un sort comparable lorsqu’elles furent présentées au gouvernement fédéral de Stephen Harper (2006–2015) en juin 2015, mais le gouvernement libéral de Justin Trudeau (2015– ), qui a suivi, s’est engagé à mettre en œuvre tous les appels à l’action de la cvr. L’avenir nous dira si le gouvernement respecte cet engagement. Des changements déterminants dans les valeurs sociales s’ajoutent à ces transformations de la société canadienne. On assiste à une baisse de la confiance publique envers les gouvernements, l’industrie et les experts dans les pays occidentaux industrialisés14, de même qu’une baisse du respect de l’autorité15. Au même moment, les gens sont de plus en plus préoccupés par les risques provoqués par les humains16, et souhaitent s’engager davantage dans les processus décisionnels publics qui les affectent. Au fil des années, les valeurs sociétales sont également devenues plus individualistes que communautaires ou axées sur le groupe, et l’on connaît
2.8 Le mouvement populaire Idle No More (Jamais plus l’inaction), a été fondé en 2012 dans le but de résister au néocolonialisme, d’affirmer les droits et la souveraineté des autochtones et d’établir une relation de nation à nation entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada. Des milliers de personnes ont participé à cette manifestation tenue à Ottawa en 2013.
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une critique grandissante des grandes entreprises et de l’impact sur la planète du développement industriel à grande échelle17. Les effets de ces changements peuvent être d’une grande portée : les citoyennes et citoyens auront moins confiance en la capacité des gouvernements à prendre des décisions justes et impartiales, et manqueront de confiance en l’opinion des experts et la preuve scientifique utilisés dans les processus décisionnels publics; l’« ouverture » des processus de décision peut produire des tensions réelles et perçues entre la démocratie participative (la participation citoyenne) et la démocratie représentative (les représentants élus qui prennent les décisions); les gens pourraient accorder plus de poids aux intérêts individuels/locaux, qu’aux intérêts nationaux/de groupe, et pourraient préférer des projets locaux à petite échelle, plutôt que des initiatives à grande échelle, soutenues par des entreprises; les perceptions du risque pourraient éclipser les réalités du risque et l’atténuation des risques dans les domaines public, de la politique et des politiques. En somme, tandis que le Conseil célèbre son soixantième anniversaire en 2017, la gouvernance et la prise de décisions politiques sont beaucoup plus ardues et nettement moins évidentes qu’elles ne l’étaient au moment de sa création en 1957. Or l’ampleur du changement ne s’arrête pas là. Depuis les soixante dernières années, le contexte économique national et international s’est transformé, avec la libéralisation progressive du commerce international, d’abord par les négociations successives de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (gatt) de 1947, puis par l’intermédiaire de l’organisme ayant succédé au gatt, l’Organisation mondiale du commerce (omc), créée en 1995. Des blocs commerciaux régionaux se sont développés, notamment au sein de l’Union européenne, en Amérique latine, en Asie, en Afrique et ici, en Amérique du Nord. Le terme « mondialisation » est apparu pour décrire ces changements18, qui ont conduit à l’élimination graduelle des obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce, au développement des connexions transplanétaires et à l’émergence des problèmes mondiaux comme le changement climatique, qui requièrent des réponses concertées à l’échelle mondiale. Ces transformations ont été accompagnées d’importants débats controversés sur le rôle de l’État ainsi que la souveraineté et la culture nationales dans un monde toujours plus intégré19. Le Canada a ressenti très nettement ces transformations lors des négociations de l’Accord de libre-échange canado-américain (ale) durant les années 1980, théâtre de virulents conflits entre les soi-disant nationalistes économiques et culturels d’une part, et d’autre part, les partisans du libre-échange, en provenance principalement du secteur privé20. L’élection fédérale de 1988, surnommée l’élection du libreéchange, portait principalement sur la mise en œuvre de l’accord par le Canada. Le gouvernement progressiste-conservateur Mulroney (1984–1993), qui avait négocié l’ale, fut réélu et l’accord, qui comprenait l’exemption culturelle visant à préserver
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2.9 Les négociations et la ratification de l’Accord de libre-échange canado-américain par le gouvernement conservateur Mulroney représentaient le point culminant de la controverse canadienne sur la libéralisation du commerce. On voit ici le premier ministre Brian Mulroney tenant un exemplaire de l’accord de libre-échange durant la campagne électorale fédérale de 1988.
la capacité du Canada à soutenir ses industries culturelles, fut passé. Les années suivant l’ale virent une intégration croissante des économies canadienne et américaine, et l’élargissement de l’accord pour inclure le Mexique en 1994, avec l’Accord de libre-échange nord-américain (aléna). Ces années connurent également d’amers différends avec les États-Unis au sujet des mesures politiques canadiennes visant à soutenir les industries culturelles21, dont l’apogée fut le cas notoire du Sports Illustrated à la fin des années 1990. Ce cas se rapportait aux magazines à tirage dédoublé diffusés au Canada en provenance des États-Unis. Ces magazines publient en grande partie le même contenu rédactionnel au Canada qu’aux ÉtatsUnis, mais les publicités ciblent les consommateurs canadiens. Les États-Unis attaquèrent une série de mesures fédérales visant à soutenir l’industrie canadienne devant la compétition pour les revenus publicitaires des magazines à tirage dédoublé. Malgré l’exemption des industries culturelles, le Canada perdit finalement le différend commercial déclenché par les États-Unis dans le cadre de l’omc, dont l’accord ne contient pas de pareille exemption. La nature des économies mondiale et canadienne a évolué depuis soixante ans, les industries de service venant à jouer un rôle plus important aux côtés des secteurs primaires et manufacturiers. Des concepts tels que « l’économie du savoir » et « l’économie créative » sont apparus pour décrire cette transformation et pour attirer l’attention sur l’importance grandissante de l’éducation, du capital intellectuel, de l’innovation et de la créativité dans le développement économique22. Dans le secteur culturel, une reconnaissance accrue du rôle joué par les arts et la culture de par leur soutien à la créativité, leur capacité à attirer des travailleurs talentueux et à stimuler le développement économique – illustré par les travaux de Richard
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Florida sur la « classe créative23 » – a été positive dans l’ensemble, mais cela fait craindre que les arts et la culture ne deviennent qu’un simple instrument destiné à des fins économiques. La perspective de l’instrumentalisation des arts s’est également intensifiée avec les changements radicaux dans la manière de penser le rôle du gouvernement dans la société et dans l’économie. Les années 1950 à 1970 furent marquées par le développement de l’État providence, les dépenses publiques anticycliques de type keynésien dans le but de stimuler la croissance durant les crises économiques, et la perception de l’intervention gouvernementale, dans l’ensemble, comme une force positive pour le bien commun. L’apparition de la « stagflation » dans les années 1970 – la présence simultanée de stagnation économique, de chômage et d’inflation – mit en doute la pertinence du modèle économique keynésien et conduisit aux politiques économiques monétaristes, qui utilisent l’offre de monnaie et les taux d’intérêt pour contenir l’inflation et stimuler la croissance économique, plutôt que d’employer les dépenses et emprunts gouvernementaux afin de relancer l’économie lorsque les temps sont durs. Ceci a conduit à des évaluations beaucoup plus critiques du gouvernement comme une force souvent inutile – plutôt que positive – dans la société et l’économie. Les positions sceptiques sur le rôle de l’État se sont précisées sous la bannière idéologique du néolibéralisme. Partant du principe que les États de plus petite taille sont plus propices au développement économique et à la liberté individuelle, les politiques néolibérales ont réduit l’ampleur et la portée de l’intervention gouvernementale au moyen de la déréglementation, de la privatisation, de la libéralisation du commerce, de la sous-traitance et de l’élimination ou de la réduction substantielle des déficits et de la dette gouvernementale. Tandis que les États continuaient de s’impliquer dans l’économie et la société, ils mettèrent beaucoup plus l’accent sur l’articulation claire et sur la mesure du rendement, à l’aide d’une gestion axée sur les résultats. Cette dernière approche de l’administration gouvernementale, illustrée par la première ministre Margaret Thatcher au Royaume-Uni, le président Ronald Reagan aux États-Unis, et le premier ministre Brian Mulroney au Canada, est désormais connue sous le nom de Nouvelle gestion publique (également appelée Nouveau management public)24. Pendant que se déroulaient ces changements sociaux, économiques et idéologiques, on assistait à de grands bouleversements géopolitiques. La chute du mur de Berlin en 1989 a marqué fortement le virage de l’ordre mondial d’après-guerre, caractérisé par la bipolarité de la Guerre froide Ouest versus Est, communisme versus capitalisme, vers le monde actuel multipolaire des économies émergentes et des variétés de capitalisme25. La menace relativement stable et centralisée du communisme n’est plus la principale ligne de faille en géopolitique mondiale; elle a été
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remplacée par un environnement beaucoup plus complexe, décentralisé et toujours changeant26. À l’heure actuelle, le terrorisme et l’extrémisme violent représentent l’une des principales menaces à la paix et à la sécurité mondiales. Ceci indique une transformation dans la nature des menaces mondiales : des menaces étatiques à emplacement précis aux menaces non étatiques et asymétriques, dans le cadre desquelles les attaques offensives peuvent survenir presque n’importe quand et n’importe où, requérant pour leur exécution un petit nombre d’individus et de modestes ressources, tel que les attentats monstrueux de Boston, Paris, Bruxelles, Nice et Berlin l’ont clairement indiqué. Des transformations sans précédent dans les technologies de l’information et des communications, et les coûts à la baisse du transport des personnes et des marchandises ont suscité ou accéléré plusieurs des développements qui viennent d’être décrits. Les soixante dernières années ont vu l’invention des ordinateurs personnels et l’accroissement exponentiel de leur puissance informatique, le développement et l’utilisation du téléphone cellulaire et des autres technologies sans fil, et la plus grande transformation de toutes, l’Internet. Les peuples du monde entier sont plus connectés que jamais entre eux, et sont plus mobiles que jamais, grâce à la baisse des coûts de transport. zxzxz
Au moment où il célèbre son soixantième anniversaire, le Conseil des arts du Canada évolue dans un monde beaucoup plus diversifié démographiquement, intégré économiquement et technologiquement connecté que celui de ses débuts. Son contexte actuel est plus fragmenté socialement, incertain, complexe et effréné; l’intervention gouvernementale est généralement perçue comme un dernier – plutôt qu’un premier – recours. Comment le Conseil des arts du Canada s’est-il comporté dans le contexte d’aussi vastes changements ? Comment les dirigeants du Conseil ont-ils défini la pertinence de l’organisation au fil des années ? Comment ont-ils interprété son mandat législatif ? Comment ont-ils fait l’équilibre entre les grandes tensions inhérentes à son travail ? Le reste de ce chapitre explore ces questions en retraçant la transition du Conseil, depuis un accent original sur les fondements de la culture, vers une vision élargie qui tient davantage compte du pouvoir de l’art, et qui consacre plus d’énergie à poursuivre des objectifs plus globaux par l’intermédiaire des arts et de l’impact des arts sur – et de leur contribution à – la société canadienne dans son ensemble. En cours de route, l’organisation a exercé un leadership croissant au sein de la communauté artistique et au-delà. Chose intéressante, à certains égards le Conseil s’est positionné à soixante ans en des manières qui rappellent l’approche
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originale qu’il a faite de son mandat en 1957. En somme, le passé pourrait servir de prologue en regard des transformations mentionnées par le président du Conseil Pierre Lassonde dans ses observations citées au début de ce chapitre.
Des fondements de la culture au pouvoir de l’art La progression du Conseil, depuis les fondements de la culture vers le pouvoir de l’art, peut être retracée à travers quatre périodes successives de son développement : la concentration sur l’offre pendant l’éveil et l’effervescence culturelle des années 1950 et 1960; l’élargissement de la représentativité de son financement, des années 1970 au milieu des années 1980; le plaidoyer répété de l’organisation contre les coupures de financement au cours des années 1990 et, finalement, le recours au réinvestissement, à la réinvention et au renforcement de la gouvernance du Conseil et des organismes artistiques dans les années 2000. Ces périodes témoignent d’une évolution – plutôt que d’une révolution – dans la compréhension du mandat du Conseil par ses dirigeants organisationnels, et sont en général cumulatives et progressives, plutôt que cloisonnées. Au seuil de la septième décennie du Conseil, les interprétations de la raison d’être de l’organisation par ses dirigeants sont très similaires à celles de sa première décennie. La différence se situe au niveau de leur mise en œuvre par l’organisation. Éveil et effervescence culturelle, de 1957 aux années 1960 : Des racines d’Europe occidentale pour les fondements de la culture canadienne Durant les premières années de son existence, le Conseil a mis l’accent sur l’offre : le soutien et l’accroissement du nombre et de la diversité des organismes artistiques et des infrastructures culturelles (théâtres, compagnies de danse, orchestres symphoniques, maisons d’édition, etc.) d’un bout à l’autre du pays, les projets de construction dans les universités grâce à la Caisse de subventions de capital, et l’attribution de bourses et subventions aux artistes, chercheurs et étudiants, pour leur permettre de créer, d’effectuer des recherches et d’étudier. C’était une époque grisante : une période où l’on bâtissait le pays et la culture, marquée par d’importants moments de fierté nationale et d’appui fédéral à la culture et aux arts, illustrée par Expo 6727 et par les célébrations du centenaire du pays en 1967. À ce stade, la priorité accordée à l’accès des citoyennes et des citoyens aux arts s’est intensifiée pour connaître un sommet au début de la période suivante, avec la politique culturelle fédérale de démocratisation et de décentralisation, sous le Secrétaire d’État Gérard Pelletier.
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2.10 Réunion inaugurale du personnel et des membres du conseil d’administration du Conseil des arts du Canada, 30 avril 1957, sur la Colline du Parlement, à Ottawa. Première rangée : Eugène Bussière, directeur associé (premier à gauche), Père Georges-Henri Lévesque, vice-président (cinquième à gauche), Brooke Claxton, président (sixième à gauche), Norman MacKenzie, membre du conseil d’administration (troisième à partir de la droite) et Albert Trueman, directeur inaugural (premier à droite).
À ses débuts, la justification des activités du Conseil et la compréhension de son mandat étaient enracinés dans l’identité canadienne, le développement culturel du pays et l’importance de la souveraineté culturelle, notamment face aux États-Unis. On s’entendait généralement sur le « quoi » des activités du Conseil – encourager l’offre des œuvres artistiques et des travaux de recherche – mais les premiers dirigeants du Conseil cherchaient « comment » poursuivre cet objectif. Le Conseil devait-il augmenter le calibre de l’offre existante en attribuant des subventions aux organismes et créateurs établis, ou étaler le financement à travers tout le pays, pour aider de nouveaux groupes et artistes ? Si en fin de compte les deux objectifs ont
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2.11 Scène tirée de Casse-Noisette, présenté par le Ballet national du Canada en 1956, montrant David Adams (vêtu de blanc) avec des artistes du Ballet. Adams fut le premier danseur principal du Ballet national ; il joua un rôle important dans la fondation de la compagnie.
été poursuivis, on a accordé la priorité à l’élévation de la qualité du travail des compagnies de répertoire traditionnel et des artistes établis – dont la plupart étaient dans les grands centres urbains, tout particulièrement dans le centre du Canada –, incluant du soutien à la diffusion depuis la métropole vers les régions, afin d’augmenter l’accès des Canadiennes et des Canadiens aux arts. Cette approche a suscité plusieurs critiques, dont certaines en provenance du Conseil lui-même. Norman MacKenzie, recteur de l’Université de la ColombieBritannique, membre de la Commission Massey-Lévesque et membre fondateur du Conseil, écrivit une lettre au premier directeur du Conseil Albert Trueman à l’automne 1957, déplorant la « concentration de l’intérêt sur Toronto et le Canada central28. » Il affirma abruptement : « Le fait que Toronto reçoive la majeure partie de nos subventions jusqu’à ce jour – tandis que pas un cent n’est octroyé à l’ouest de Winnipeg – contribuera assurément à faire naître de l’amertume et des critiques instantanées29. » Un autre poids qui fit pencher le financement du Conseil vers le Canada central était ses rapports avec la province de Québec qui, comme le fait remarquer Woodcock, est une province « pas comme les autres » en ce qui a trait à la
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culture, et où la culture est perçue comme un véhicule à des fins politiques30. Le premier ministre du Québec Maurice Duplessis (1936–1939; 1944–1959), dont l’administration avait adopté une approche non coopérative par rapport au gouvernement fédéral au sujet des compétences provinciales, n’était pas en faveur de la création du Conseil, mais ne fit rien pour s’y opposer. À ses débuts, le Conseil tenta de « courtiser » les artistes du Québec au moyen de subventions, mais prit soin de le faire de manière à ne pas déclencher des tensions entre l’Ontario et le Québec, ce qui accentua la tendance existante à accorder plus de soutien aux arts du Canada central31. Lorsque les libéraux de Jean Lesage accédèrent au pouvoir en 1960, le nouveau gouvernement créa le premier ministère de la culture de la province en 1961 (le ministère des Affaires culturelles) et adopta, sous la direction de son premier ministre, Georges-Émile Lapalme, l’approche humaniste française de la culture, avec sa conception anthropologique et politique de ce domaine32. Ceci marqua les débuts d’un engagement beaucoup plus proactif du gouvernement québécois dans le secteur de la culture. Lorsque le Conseil étendit son soutien de manière à créer de nouvelles offres de production artistique au-delà des initiatives existantes et de la région du Canada central, il eut tendance à le faire d’une façon décrite par les observateurs de longue date du Conseil comme un saupoudrage de « poussière de fée » sur la tête des artistes et sur les organismes artistiques choisis à travers le pays33. Tel qu’expliqué dans le chapitre 5, il fallut un certain temps avant que le Conseil établisse son vaste système d’évaluation des demandes par les pairs, un système parmi les plus complets qui soient au monde. Il est à noter que, même si le Conseil faisait des efforts pour élargir son soutien, le domaine des « arts » se limitait surtout, à l’époque, aux formes d’art et pratiques artistiques de la tradition européenne occidentale. Mais à mesure que l’activité artistique et la recherche se développaient et prospéraient, le Conseil se trouvait devant un groupe important et croissant de récipiendaires actuels et potentiels de ses subventions. Il se trouvait également devant une communauté artistique de plus en plus diverse, qui exigeait une représentation accrue dans les processus de décision du Conseil et la répartition de ses subventions. Le Canada lui-même devenait plus diversifié, le nationalisme québécois était en plein essor, l’égalité des sexes et les droits des femmes devenaient des questions politiques et des questions de politique publique importantes; avec le rapatriement de la constitution canadienne et l’enchâssement dans le texte des droits des minorités et des autochtones, les demandes adressées au Conseil dans le but d’élargir sa définition des arts se firent plus nombreuses. Comme on l’a vu précédemment, ceci incita l’organisation à demander du financement supplémentaire au gouvernement et, tel qu’esquissé plus bas et exposé en détail dans le chapitre suivant, les dirigeants du Conseil commencèrent à se pencher sérieusement sur les questions de la représentation et de l’équité. Ce tournant
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correspondait au début de la seconde période de développement de l’organisation dans les années 1970. De la poussière de fée à l’équité, des années 1970 au milieu des années 1980 : L’élargissement de la représentativité et de l’accès à l’art Au long des années 1970, le Conseil continua de se concentrer sur l’offre, mais commença à accorder plus d’attention aux questions de représentativité dans son travail, principalement aux genres et aux disciplines au-delà des formes d’art et des pratiques artistiques de la tradition européenne occidentale. De plus, il commença à donner plus l’importance à l’accès à l’art pour les Canadiennes et les Canadiens. Cette insistance sur l’équité et l’accès était en accord avec les politiques culturelles fédérales de démocratisation (soutenir l’accès aux arts et à la culture pour tous les Canadiens) et de décentralisation (régionaliser les processus de décision à travers le pays) mises de l’avant par le Secrétaire d’État Gérard Pelletier, et reflétées plus concrètement au Conseil par la création du programme Explorations, de l’Office des tournées, et de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. Le programme Explorations, créé en 1973, subventionnait les artistes et les organismes artistiques de différentes disciplines qui voulaient proposer conjointement des activités interdisciplinaires ou multidisciplinaires, incluant des projets avec des membres de la communauté (jeunes, aînés, groupes communautaires, etc.), et développer de nouvelles pratiques artistiques et formes d’art. Ce programme, examiné plus en détail dans le chapitre suivant, était évalué par des jurys régionaux, afin d’augmenter l’accès des demandeurs et sa capacité à répondre à des intérêts et des préoccupations régionales. Le programme Explorations était très apprécié par la communauté artistique, en raison de la liberté qu’il offrait de créer et d’explorer en dehors des catégories et des approches disciplinaires conventionnelles, et pour le soutien qu’il accordait aux artistes et aux organismes émergents. Plusieurs artistes ont décrit les bourses obtenues par l’entremise de ce programme comme ayant été déterminantes pour leur développement et leur carrière artistique. L’Office des tournées, quant à lui, fut constitué en 1973–1974 et se concentrait sur l’accès. Il offrait du soutien permettant aux artistes et aux organismes artistiques de faire circuler leurs productions plus largement que dans le passé, afin d’augmenter l’accès des Canadiennes et des Canadiens aux arts et l’accès des publics internationaux aux créations canadiennes à l’étranger. Le personnel de l’Office des tournées contribuait également à la formation des diffuseurs artistiques locaux en les aidant à développer leur capacité à diffuser les œuvres en question. La Banque d’art fut établie en 1972, avec comme mandat d’acquérir des œuvres d’art contemporain des artistes du Canada, destinées à être louées et présentées
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2.12 La Banque d’art du Conseil des arts du Canada a été créée en 1972, pour stimuler le marché de l’art contemporain d’artistes canadiens et rendre les œuvres disponibles à des fins de location et d’exposition, d’abord dans les bureaux gouvernementaux, puis désormais dans de nombreux organismes des secteurs public et privé (la photographie date de 1973 environ). La plus grande collection d’art contemporain d’artistes canadiens au monde, elle compte plus de dix-sept mille œuvres, dont la valeur est estimée à 71 millions de dollars.
dans les édifices gouvernementaux. Conçue par des dirigeants du Conseil des arts du Canada et des haut-fonctionnaires fédéraux, la Banque aidait à stimuler le marché canadien des arts visuels et le rapport des fonctionnaires fédéraux, des parlementaires, des Canadiennes et des Canadiens avec l’art des artistes du Canada. La Banque a toutefois connu des critiques et des crises, tel qu’exposé en détail dans les chapitres à venir. Cette transformation en faveur de l’accès, de la représentativité et de l’équité a été déclenchée par plusieurs facteurs. Elle résultait des demandes croissantes et des attentes par rapport au Conseil en provenance d’une communauté artistique en
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plein essor, dynamique et de plus en plus diversifiée. Les programmes fédéraux des années 1970, tels que Perspective jeunesse, qui soutenaient des individus et des groupes pour des activités socialement bénéfiques, comprenaient plusieurs expériences de travail dans le domaine des arts et de la culture, contribuèrent à former une nouvelle génération qui allait poursuivre des carrières dans les arts. La transformation était également en phase avec les changements dans la société et les valeurs, incluant une plus grande diversité culturelle et une reconnaissance accrue de la langue française et des droits des minorités et des femmes. Les rapports de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (la Commission Laurendeau-Dunton, 1963–1969) mirent en lumière la dualité linguistique et culturelle du Canada et les défis auxquels étaient confrontés les Canadiens francophones autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la province de Québec. Les politiques sur le multiculturalisme commençaient également à se développer à l’échelle fédérale et provinciale (surtout en Ontario), et le rapatriement de la constitution canadienne en 1982 enchâssait la Charte canadienne des droits et libertés. Les jurys du Conseil ne pouvaient plus être exclusivement composés d’hommes provenant surtout du Canada central : il fallait tenir compte de la représentativité des genres, des races et des régions. La transformation était également conforme aux politiques culturelles fédérales de démocratisation et de décentralisation du Secrétaire d’État Gérard Pelletier. Cette période d’expansion et d’engagement soutenu du gouvernement fédéral envers les arts et la culture n’allait toutefois pas durer. La pensée néolibérale, centrée sur les résultats, la libéralisation économique, et la réduction de l’intervention et des dépenses de l’État, progressait rapidement, et allait balayer le secteur de la culture et mettre tous les organismes sur la défensive, y compris le Conseil des arts du Canada. Cette transformation annonçait la phase suivante de compréhension et de mise en œuvre du mandat du Conseil : l’organisation devait concentrer plus que jamais son attention sur le choix de ses priorités de financement et sur la défense de ses activités dans un secteur public de plus en plus centré sur les résultats, l’impact, la croissance économique et les politiques gouvernementales de laissez-faire. Sur la défensive, du milieu des années 1980 aux années 1990 : Le Conseil plaide sa cause sans relâche La période allant du milieu des années 1980 aux années 1990 figure parmi les plus difficiles pour le Conseil, tandis que les justifications et l’appui fédéral des politiques culturelles, incluant le cas du Conseil, étaient plus que jamais scrutés au microscope. Au milieu des années 1990, le déficit et la réduction des dettes amoin-
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drirent le financement du Conseil au maximum, et l’organisation dut défendre ses activités de nouvelles manières, souvent fondées sur l’économie. Au même moment, les demandes en provenance de la communauté artistique pour une meilleure représentation dans le processus décisionnel et le financement du Conseil se poursuivirent et s’étendirent à l’équité raciale et aux peuples autochtones. Le Service des arts médiatiques fut créé durant cette période, en reconnaissance du fait que davantage d’artistes travaillaient en dehors des catégories disciplinaires existantes, au moyen de nouveaux outils technologiques. En 1986, un fonds interdisciplinaire non récurrent doté d’un budget d’un million de dollars fut mis en place. Sous la direction de Joyce Zemans (1988–1992), le Conseil mit sur pied des comités consultatifs sur l’équité raciale et les peuples autochtones; tel qu’exposé en détail dans le chapitre suivant, l’organisation opta pour une plus grande reconnaissance et un soutien accru de ces deux groupes, notamment au sein des comités d’évaluation par les pairs. Collectivement, ces changements furent fondamentaux pour une meilleure représentativité et un accès accru au soutien du Conseil pour un plus grand nombre d’artistes canadiens, et signalèrent le passage de la démocratisation de la culture (l’accès) à la démocratie culturelle (la représentativité). Ces changements provoquèrent et reflétèrent les débats ayant cours au sein de la communauté artistique à propos des limites changeantes de ce qui est reconnu ou non dans la pratique artistique professionnelle. Ces développements ne se firent pas sans susciter la controverse, tel qu’analysé dans le chapitre suivant. Le facteur prépondérant de cette période demeure cependant le changement idéologique qui a touché l’ensemble des démocraties occidentales industrialisées. Le néolibéralisme s’implantait fermement au Canada comme partout ailleurs, avec une suite de nouvelles politiques et de réflexions sur le rôle de l’État, instituées par le gouvernement Mulroney (1984–1993). On assistait à la privatisation de sociétés d’État comme Air Canada et Petro-Canada, ainsi qu’à une vague de dérèglementation dans les secteurs des télécommunications, des transports et de l’énergie; la libéralisation du commerce était en tête des priorités du gouvernement, avec l’Accord de libre-échange canado-américain et les négociations commerciales multilatérales dans le système gatt/omc. Des pressions grandissantes visaient le démantèlement des politiques mises en place au cours des années afin de protéger, soutenir et préserver les industries canadiennes face à la compétition internationale, y compris dans le secteur culturel. Les industries culturelles organisèrent une solide campagne finalement couronnée de succès, afin d’exclure le secteur des dispositions de l’ale 34. Malheureusement, le temps allait révéler les limites de l’exemption : durant les années 1990, les États-Unis contestèrent avec succès les politiques fédérales pour appuyer le secteur des magazines par le biais de l’Organisation mondiale du commerce, au sein de laquelle le Canada n’avait pas d’exemption. En fin de
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compte, les appels à la souveraineté culturelle et au développement culturel du Canada, qui avaient été si importants dans le contexte des travaux, de la réflexion et des recommandations de la Commission Massey-Lévesque, commençaient à ne plus être entendus. À la même époque, les gouvernements canadiens tournaient de plus en plus leur attention vers le déficit et la réduction des dettes. La période du début des années 1990 fut vivement marquée par l’éternel refrain du chef du Parti réformiste, Preston Manning : le gouvernement fédéral doit « éliminer le déficit »; l’opinion des dirigeants et du public se tourna à l’époque vers la nécessité de prêter attention aux finances publiques fédérales. Le déficit et la dette atteignaient des niveaux records, et les agences d’évaluation du crédit faisaient planer la menace d’une collision avec un « mur de la dette » si le pays ne prenait pas de mesures sérieuses : une indication certaine qu’il fallait faire quelque chose. Ce « quelque chose » fut l’Examen des programmes institué en 1994–1995 par le gouvernement libéral Chrétien, qui réduisit les dépenses gouvernementales de plus de dix milliards de dollars en trois ans, avec des coupures dans presque tous les ministères et organismes gouvernementaux, dont certains perdirent la moitié de leur financement. Le Conseil ne fit pas exception : ses crédits parlementaires passèrent de 99 millions de dollars en 1994–1995 à 91 millions en 1997–199835. Ceci s’ajoutait aux coupes budgétaires imposées avant l’Examen des programmes : le financement du Conseil s’élevait à 108 millions de dollars en 199236. Les dirigeants du Conseil réagirent en doublant la mise sur ce qui était perçu à l’époque comme le cœur de ses activités, soient les subventions aux artistes et aux organismes artistiques des secteurs traditionnels. Comme il est expliqué au chapitre 4, le niveau des subventions fut maintenu, mais le personnel du Conseil – et les services de renforcement des capacités qu’il offrait aux artistes et aux organismes artistiques – subirent les conséquences des mesures d’économie budgétaire : au cours des années 1990, la moitié du personnel quitta le Conseil (plusieurs prirent une retraite anticipée ou furent réaffectés). Plusieurs programmes et approches, notamment le programme Explorations, très apprécié, le soutien à la tournée et les jurys régionaux furent réduits ou complètement éliminés, tel que décrit au chapitre 4. Mais le défi ne s’arrêtait pas là. Le néolibéralisme apporta avec lui une insistance sur le rendement, la performance et la gestion axée sur les résultats, à un niveau jamais atteint. Sous le couvert de la nouvelle gestion publique, le gouvernement exigea de tous les organismes fédéraux qu’ils passent des mesures de rendement basées sur les extrants, à des mesures basées sur les résultats. Il ne suffisait plus de compter le nombre de subventions accordées à des artistes ou à des organismes artistiques, le nombre de nouvelles œuvres acquises par la Banque d’art, ou la valeur totale des paiements
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2.13 Entre le milieu des années 1980 et la fin des années 1990, les gouvernements connurent des pressions budgétaires croissantes, et les idéologies concernant le rôle du gouvernement placèrent davantage l’accent sur la croissance économique et l’efficacité. La justification du soutien gouvernemental aux arts se concentra surtout sur les arguments économiques, tel que démontré dans cette page du rapport annuel du Conseil en date de 1995–1996.
effectués dans le cadre du Programme du droit de prêt public. Le Conseil devait traduire sa performance – et, en fin de compte, sa pertinence – en termes d’impact. Quels étaient les impacts de ces subventions ? De ces acquisitions ? De ces paiements ? Il était très difficile de répondre à ces questions : l’impact de l’intervention gouvernementale dans le secteur culturel est souvent qualitatif, à long terme, et « chaud et doux37 ». L’élaboration d’indicateurs – sans parler de leur application – est un défi de taille. Il ne faut donc pas s’étonner, dans ce contexte qui privilégiait fortement les justifications économiques plutôt que sociales ou culturelles de l’intervention gouvernementale, que plusieurs organismes culturels, dont le Conseil des arts du Canada, optèrent pour des arguments de type économique. Les priorités du plaidoyer passèrent de la « souveraineté culturelle » et du « développement culturel du pays » à la « contribution économique », les arts étant un moyen de contribuer à l’activité économique, soit en eux-mêmes, soit pour stimuler la créativité ailleurs dans l’économie. Réinvestissement, réinvention et renforcement durant les années 2000 : La gouvernance, l’engagement du public et la voie vers la transformation Le tournant du siècle annonçait une meilleure période financière pour le Conseil. Tandis que le gouvernement Chrétien (1993–2003) sortait de l’austérité fiscale des années 1990, et que les surplus budgétaires devenaient la norme, le soutien aux arts et à la culture s’est affermi considérablement. Le Conseil reçut du nouveau financement à la fin des années 1990 (vingt-cinq millions de dollars en 1997 et dix millions en 1999); il reçut un soutien continu beaucoup plus important dans les années 2000. Sous la direction énergique de la ministre du Patrimoine canadien, Sheila Copps (1996–2003), le gouvernement investit la somme énorme d’un demi-milliard de dollars en cinq ans dans le secteur culturel. Le programme phare Un avenir en art, lancé en 2001 en grande pompe, avec éclat et faste lors d’un spectacle spécial au Centre canadien de radiodiffusion de Toronto, s’accompagnait d’un « complément » annuel très bienvenu de vingt-cinq millions de dollars pour le Conseil. Ceci fut suivi de l’engagement du premier ministre libéral, Paul Martin (2003–2006) à doubler le financement du Conseil, mais, tel qu’expliqué au chapitre 4, la perspective du redoublement s’évanouit rapidement lorsque les libéraux furent défaits par les conservateurs de Stephen Harper lors de l’élection fédérale de 2006. Le gouvernement Harper (2006–2015) augmenta le financement du Conseil, notamment en rendant permanent le complément de vingt-cinq millions de dollars, en versant des montants forfaitaires en 2007 (vingt millions) et en 2008 (trente millions), et en rendant permanents les trente millions en 2008, mais il était hors de question de doubler le crédit parlementaire de l’organisation. Les arts et la culture
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n’occupaient pas une place importante parmi les priorités des conservateurs, et les surplus budgétaires furent vite épuisés lorsque survint la crise financière et le ralentissement économique de 2008–2009. Mais ceux et celles du secteur culturel n’oublièrent pas l’idée du doublement, et lors de l’élection fédérale de 2015, le Parti libéral, sous la direction de Justin Trudeau, s’engagea de nouveau à doubler le budget du Conseil. Cette fois, les libéraux remportèrent l’élection et purent tenir la promesse : dans le premier budget suivant leur succès lors de l’élection, ils s’engagèrent à verser progressivement 180 millions de dollars supplémentaires en financement annuel au Conseil en cinq ans, une injection de capitaux sans précédent et une reconnaissance par le gouvernement de l’importance du travail de l’organisation. Tout récemment, en plus d’obtenir plus de financement pour ses activités, le Conseil a également travaillé à renforcer sa gouvernance et sa capacité organisationnelles tant à l’interne qu’à l’externe. Le renforcement de la capacité de gestion des organismes recevant des subventions du Conseil fut l’une des grandes priorités du directeur John Hobday (2003–2006). Devant les nombreuses crises financières très médiatisées, survenues dans d’importants organismes des arts de la scène, il craignait que la perception publique des mauvaises pratiques de gestion ne compromette l’obtention d’augmentations au crédit parlementaire du Conseil. L’expérience concrète de Hobday dans les organismes artistiques, et comme bailleur de fonds pour les arts à la Fondation de la famille Samuel et Saidye Bronfman, lui avait démontré l’importance pour les organismes artistiques de bâtir leur capacité de gestion en termes financiers, en ressources humaines, en communications et en termes opérationnels. Son successeur Robert Sirman (2006–2014), donna la priorité au renforcement de la capacité de gouvernance interne du Conseil – au niveau du conseil d’administration, dans et entre les différentes composantes de l’organisation (notamment la Commission canadienne pour l’unesco, le Programme et la Commission du droit de prêt public, et la Banque d’art), et au moyen d’exercices consultatifs détaillés de planification stratégique. Ces efforts ont été payants : le Conseil a remporté des prix prestigieux pour son site Web et la gouvernance de son conseil d’administration, et a reçu un excellent rapport du Bureau du vérificateur général, à la suite d’un examen spécial. Ces démarches ont certainement influencé les décisions du gouvernement quant à l’attribution de financement supplémentaire à l’organisation. Les années 2000 ont également marqué un virage vers une augmentation des partenariats au Conseil. L’organisation a développé des partenariats avec d’autres organismes subventionnaires des arts au niveau provincial et municipal, par l’entremise du réseau des Organismes de soutien public des arts au Canada, et par le biais d’arrangements à trois niveaux entre les organismes de financement des arts fédéral, provinciaux, municipaux et privés. Des partenariats au niveau international
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2.14 Scène tirée de La jeune fille et la mort, par Stephan Thoss, présenté par Les Grands Ballets Canadiens de Montréal, 2017. La compagnie des Grands Ballets est l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses au Canada; elle incarne le pouvoir de l’art, notamment par son travail de pointe en dansethérapie et en santé, qui intègre la recherche clinique, la formation et les services en thérapie.
ont aussi été établis durant cette période, par l’intermédiaire de la Fédération internationale des conseils des arts et des agences culturelles (ficaac). Ces initiatives importantes sont exposées en détail au chapitre 5. La caractéristique dominante de cette période est toutefois l’évolution des priorités du Conseil, depuis les fondements de la culture vers le pouvoir de l’art. Ceci a débuté avec le président du Conseil, Joseph Rotman (2008–2015), et le directeur et chef de la direction, Robert Sirman, qui étaient décidés à mettre l’organisation sur une assise de gouvernance solide, à la protéger des coupes budgétaires durant la crise financière et le ralentissement économique, et – peut-être le plus important – à rajuster le plaidoyer en faveur de l’investissement gouvernemental dans les arts. Les deux dirigeants étaient résolus à transformer la pensée sur la proposition de valeur
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du Conseil, depuis le service des artistes (un secteur particulier décrit comme « le client ») vers le service des citoyennes et citoyens du Canada comme un tout (les arts et l’investissement public dans les arts comme contribution à la société). Lors d’une présentation au 6e Sommet mondial sur les arts et la culture en 2014, Sirman affirmait : « Les conseils des arts s’épanouiront seulement dans la mesure où le public considérera l’investissement dans les arts comme un bien public; et c’est à nous qu’il incombe de faire de cette corrélation une évidence38. » Au cœur de ces changements se trouve une insistance beaucoup plus grande sur « l’engagement du public » envers les arts. Ce concept se place au-delà de la compréhension habituelle de l’accès citoyen aux arts (la démocratisation), qui tend à considérer les citoyennes et citoyens comme des « récepteurs » passifs des arts, vers un engagement beaucoup plus grand envers les arts et les artistes. Si l’engagement du public était au centre de programmes comme Explorations, dès les années 1970, l’insistance plus récente sur la participation correspond à la transition du Conseil, depuis l’accent d’abord mis sur « l’offre » artistique dans ses premières années (favoriser la « production ») vers une attention toujours plus soutenue à la variable de la « demande » dans l’équation (favoriser la « diffusion »). De plus, cette insistance témoigne d’un mouvement vers une approche plus explicite, globale et stratégique de la réflexion sur le rôle des arts dans la société et sur les relations entre les diverses composantes du Conseil des arts du Canada. Tout récemment, le Conseil entreprenait de transformer son approche des programmes, depuis le financement basé sur les disciplines, vers des programmes de financement multidisciplinaires et interdisciplinaires basés sur les activités, en accordant plus d’attention à l’équité, avec notamment les nouveaux programmes pour l’art des artistes sourds ou handicapés, et beaucoup plus d’importance aux arts autochtones. La transformation a mené au lancement du nouveau modèle de financement du Conseil en 2015, sous le directeur et chef de la direction, Simon Brault (la nouvelle approche comprend six programmes : Créer, connaître et partager : Arts et cultures des Premières Nations, des Inuits et des Métis; Explorer et créer; Inspirer et enraciner; Appuyer la pratique artistique; Rayonner au Canada, et Rayonner à l’international). À en juger par la réponse principalement positive de la communauté artistique et par le solide témoignage de confiance du gouvernement envers le Conseil, manifesté par l’engagement à doubler son crédit parlementaire, ce dernier semble avoir trouvé un juste équilibre entre les différentes tensions inhérentes à son travail. Est-ce que cela continuera d’être le cas à l’avenir ? Le pouvoir de l’art est-il la bonne position pour le futur de l’organisation ? Le modèle canadien de conseil des arts est-il approprié pour les soixante prochaines années ? La section suivante et le chapitre de conclusion se penchent sur ces questions.
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Le passé comme prologue : Le modèle a évolué, mais le mandat demeure Au tournant du siècle, Stephen Clarkson, l’un des plus éminents politicologues et des plus fervents nationalistes culturels canadiens, affirmait avec assurance que le Canada mérite une place plus importante dans l’économie politique internationale – non pas parce que le pays est une grande puissance économique, militaire ou politique, mais parce que « La réalité politique, sociale et économique du Canada a été un terrain d’essai pour les tendances mondiales bien avant qu’elles ne deviennent clairement observables ailleurs39. » Le pays est l’exemple même de plusieurs des changements socioculturels, politiques et économiques de l’après-guerre, décrits plus haut : sa structure fédérale protège le caractère distinctif des régions, sa constitution enchâsse les droits des minorités, ses politiques cherchent à respecter les différences culturelles, le pays fait face à ses conflits historiques et le désir d’autogouvernance des peuples autochtones, son économie ouverte dépend largement du commerce international. Dans l’ensemble, le Canada s’efforce de trouver l’équilibre, l’unité et la cohérence dans un contexte de fragmentation, de décentralisation et de différences. On peut affirmer que le Conseil des arts du Canada a fait exactement la même chose au long de ses soixante premières années. Dans ses premières décennies, il a travaillé à bâtir et à affermir les fondements de la culture, pour ensuite élargir leur représentativité en reconnaissant et en appuyant des formes d’art émergentes ou historiquement marginalisées (les pratiques de la diversité culturelle, l’art autochtone, l’art multi- et interdisciplinaire, etc.) Dans la foulée, il a recherché l’équilibre et l’harmonie dans un contexte de différence et de fragmentation. Cependant, tel que suggéré précédemment, ce processus a aussi restreint progressivement la ligne de visée de l’organisation à la communauté artistique, et l’a conduit à concevoir les artistes et les organismes artistiques comme son secteur de service – plutôt que « les personnes », « le pays » et « la vie au Canada », tel que le premier président, Brooke Claxton l’a exprimé avec tant d’éloquence en 1957. Il est vraiment remarquable que Pierre Lassonde, le successeur de Claxton soixante ans plus tard, allait décrire l’objet de l’organisation en des termes aussi semblables, mais c’est tout à fait en accord avec les récents déplacements de priorités au Conseil, pour aller plus clairement au-delà de la production artistique vers la diffusion publique. Maintenant que le paysage artistique et culturel du Canada est peuplé de nombreux organismes, formes d’art et artistes, les dirigeants du Conseil tournent leur attention – avec un plus grand sérieux que dans le passé – vers le développement du pouvoir de l’art. Ils peuvent mettre plus d’insistance sur la partie du mandat du Conseil qui relie l’art et la société canadienne, et « la vie de tous les Canadiens », comme l’affirmait Lassonde. L’art peut favoriser la guérison, l’unité,
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l’apprentissage, la découverte, la paix, la réconciliation et d’autres impératifs politiques actuels. En ce sens, le Conseil s’est adroitement positionné au cœur de la gouvernance du vingtième siècle. Qu’en est-il des soixante prochaines années ? Prospectivement, le modèle canadien de conseil des arts fédéral est-il approprié pour l’avenir ? La priorité accordée au pouvoir de l’art sera-t-elle pertinente dans le futur ? Le chapitre de conclusion explore ces questions en profondeur. Pour le moment, il est clair que les créateurs du Conseil ont élaboré un mandat durable. Il est suffisamment directif pour conseiller adéquatement les dirigeants du Conseil, mais laisse suffisamment de place à l’interprétation pour permettre à l’organisation de conserver sa pertinence et de demeurer réceptive au fil des ans – ce qu’elle a très bien accompli à ce jour. On peut en dire autant des plans dressés par les bâtisseurs du Conseil pour sa structure administrative. Leur approche hybride procure à l’organisation l’autonomie et la flexibilité nécessaires pour maintenir en équilibre les cinq tensions qui sont au cœur de son existence : entre l’art pour l’art et la poursuite d’objectifs plus larges par le biais des arts; entre la réponse aux besoins des artistes et à ceux de la société canadienne; entre les formes d’art établies et émergentes; entre « leadership » et « followership »; entre l’autonomie organisationnelle et la collaboration avec d’autres entités publiques. À savoir si la promotion du pouvoir de l’art demeurera la recette du succès dans les décennies à venir dépendra beaucoup de la capacité qu’aura l’organisation à réconcilier ses tensions fondamentales, de manière à recueillir l’acceptation sociale et le soutien des communautés artistiques, des gouvernements fédéraux successifs, et des Canadiennes et des Canadiens. À coup sûr, ce sera un équilibre délicat à atteindre.
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3 Le Conseil des arts du Canada et le(s) visage(s) changeant(s) de l’art Des « disciplines » aux inter-arts, à l’équité, aux arts autochtones et au-delà1
Nous croyons qu’une approche non axée sur les disciplines pour l’octroi de subventions, c’est-à-dire une approche fondée sur les interventions, les processus et les répercussions artistiques plutôt que sur les disciplines, sera plus avantageuse pour les artistes, les organismes artistiques et les différents publics. Par conséquent, avant la fin de 2016, le Conseil des arts du Canada passera de 147 programmes de subvention à 6 programmes nationaux non axés sur les disciplines, qui engloberont tous les domaines de la pratique artistique. Simon Brault, directeur et chef de la direction Conseil des arts du Canada (2014– ) Blogue du Conseil des arts du Canada, 3 juin 2015
En juin 2015, le Conseil des arts du Canada annonçait son nouveau modèle de financement. Cette approche fait passer le nombre de ses programmes de subvention de cent quarante-sept, principalement structurés selon les disciplines artistiques, à seulement six, structurés thématiquement plutôt que par discipline. Cette transformation constitue la plus importante restructuration des programmes de toute l’histoire de l’organisation, et marque un changement de paradigme, dans la façon qu’a le Conseil de penser son travail et le soutien financier qu’il apporte aux arts. Durant ses soixante premières années, l’organisation a principalement abordé ses programmes de financement sous l’angle des « disciplines » (la danse, les arts médiatiques2, la musique, le théâtre, les arts visuels, les lettres et l’édition). Plusieurs
innovations multidisciplinaires, interdisciplinaires et non disciplinaires furent mises en place au cours des années, mais en grande partie parallèlement – et parfois malgré les protestations – des « disciplines ». Le nouveau modèle de financement inverse cette approche : les résultats des programmes constituent désormais le principe directeur, les disciplines étant soutenues dans un contexte plus large de thèmes programmatiques; ce qui était jadis marginal et marginalisé (par exemple, l’art autochtone) a été mis au premier plan comme jamais auparavant. Comment cette transformation est-elle survenue ? Quels furent les moteurs du changement ? Quelle est l’histoire derrière la décision du Conseil, à ses débuts, d’aborder les arts selon une perspective disciplinaire ? Comment les nouvelles formes d’art, pratiques et communautés en sont-elles venues à être reconnues et soutenues par les programmes du Conseil avec le temps ? Ce chapitre explore cet aspect, en portant une attention particulière au degré de « leadership » ou de « followership » du Conseil en constatant, puis en soutenant le(s) visage(s) changeant(s) de l’art, et comment il a équilibré son soutien aux formes d’art émergentes et établies en cours de route. Il s’agit d’un captivant paysage historique, parsemé d’importants moments de leadership à l’interne et à l’externe, avec des changements dans la société, dans la politique et dans la technologie, changements qui ont influencé les pratiques et les sensibilités artistiques, en plus d’un engagement résolu de la part du Conseil envers l’excellence artistique, la pertinence organisationnelle et la continuité du soutien apporté à une communauté artistique toujours croissante et plus diversifiée.
Les premières disciplines Lorsque le Conseil ouvrit ses portes en 1957, il rendit compte de ses activités et de son financement des arts selon des axes disciplinaires (ballet, littérature, musique, opéra, théâtre, arts visuels, etc.) et thématiques (festivals, tournées). Tel qu’analysé au prochain chapitre, les dirigeants et les membres du conseil d’administration du Conseil étaient directement engagés dans les décisions de financement des premières années – le système complet d’évaluation par les pairs que le Conseil allait mettre en place n’était pas encore élaboré. Durant la première décennie, les programmes de subvention et les structures du Conseil n’étaient pas officiellement organisés par « services » et par « disciplines », comme ce devint le cas à partir des années 1960, mais les dirigeants du Conseil concevaient clairement le financement des arts comme étant réparti entre les disciplines artistiques, et ils étaient conscients de la nécessité de maintenir l’équité entre le ballet, la littérature, le théâtre, les arts visuels, l’opéra et la musique. Cette approche découlait en partie de la loi habilitante du Conseil, qui établit que la définition des arts « s’entend de l’architecture,
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des arts de la scène, de la littérature, de la musique, de la peinture, de la sculpture, des arts graphiques et de toute autre activité semblable de création et d’interprétation3. » Cette liste reflétait la pensée dominante de l’époque, qui identifiait et structurait l’expression artistique en référence à l’Europe occidentale. L’approche des activités du Conseil selon l’angle disciplinaire découlait également de la compréhension qu’avaient les premiers dirigeants des spécificités des formes d’art individuelles, chacune comportant son lot de défis, de questions et de possibilités d’action. Ceci est bien démontré par un examen succinct du ballet et du théâtre au cours des premières années du Conseil. Dans le cas du ballet, comme Granatstein le fait remarquer, les trois plus importantes compagnies de l’époque – Les Grands Ballets Canadiens, la National Ballet Guild of Canada et le Royal Winnipeg Ballet – étaient tous déficitaires; le Ballet national était au bord de la faillite et implorait le Conseil de le remettre à flot4. Plutôt que de voler à la rescousse – sachant que les organismes artistiques en difficulté financière leur feraient de telles demandes et que les dirigeants du Conseil devaient répondre judicieusement –, ils prirent le temps d’étudier la demande du Ballet national. En fin de compte, ils accordèrent une subvention, à condition que le Ballet national comble son déficit, qu’il lance une importante campagne de financement et qu’il s’engage à organiser une tournée canadienne. Ceci n’était toutefois que le début des défis continuels auxquels le ballet allait faire face jusque tard dans les années 1960. Les revenus étaient constamment inférieurs aux dépenses, et les trois grandes compagnies se débattaient pour joindre les deux bouts, tout en améliorant la diversité et le calibre de leur offre. Le Conseil commanda plusieurs études afin d’analyser la situation et recommander les mesures appropriées. Devrait-il soutenir les trois principales compagnies à l’échelle nationale ? Dans l’affirmative, le soutien devrait-il être réparti également entre elles ? Inversement, devrait-il viser à réunir les trois compagnies ? Ou devrait-il concentrer son soutien sur une seule compagnie, en vue de l’atteinte d’un statut de niveau international ? Ces questions de fond allaient au cœur de l’interprétation du mandat du Conseil et de la compréhension de son rôle dans un pays aussi vaste géographiquement, démographiquement dispersé, et culturellement et linguistiquement diversifié que le Canada. Finalement, tel que mentionné dans le dernier chapitre du livre et analysé plus en détail dans le chapitre qui suit, les dirigeants du Conseil optèrent de concentrer surtout leurs énergies de financement en « haussant » les organismes établis et importants, tout en « étalant » l’accès au ballet des Canadiennes et des Canadiens par du soutien à la tournée pour les trois compagnies. Ce choix fut influencé en grande partie par la nature de cette forme d’art, qui nécessite par définition de nombreuses ressources : une compagnie nombreuse de danseuses et danseurs, un effectif de musiciennes et de musiciens équivalent à un orchestre, des décors et des costumes recherchés, des coûts de tournée considérables, etc. Les
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3.1 Pierre Collin dans le rôle d’Harpagon, dans la production de L’Avare de Molière par le Théâtre du Nouveau Monde en 2001. Cette production fut de nouveau présentée par le Théâtre du Nouveau Monde, presque cinquante ans jour pour jour après l’inauguration des activités de la compagnie avec la mise en scène de L’Avare (Jean Gascon, cofondateur et premier directeur artistique du TNM, assurait la mise en scène et interprétait le rôle principal d’Harpagon dans la production de 1951).
moyens financiers de l’organisation ne permettaient tout simplement pas de soutenir plusieurs compagnies de ballet à travers le pays. Par ailleurs, dans le cas du théâtre, le Conseil a priorisé « l’étalement » au cours de ses premières années, en favorisant le développement d’un réseau de compagnies régionales de théâtre partout au pays5. Il existait très peu de compagnies professionnelles en 1957 : à Montréal, le Théâtre du Nouveau Monde et Théâtre du Rideau Vert avaient seulement six et neuf ans respectivement, le Festival Stratford existait depuis seulement quatre ans, et le Festival Shaw n’avait pas encore été créé. Les Canadian Players, établis en 1954 afin de permettre aux actrices et acteurs de Stratford de faire une tournée canadienne en dehors de la tenue du Festival, était probablement le seul contact de la majorité des Canadiennes et des Canadiens avec le théâtre professionnel à l’époque. L’École nationale de théâtre, qui allait voir le
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jour en 1960 grâce au financement du Conseil des arts du Canada6, n’était pas encore mise sur pied. Tout au long des années 1960, le soutien du Conseil a donné naissance à des théâtres régionaux à Vancouver, Calgary, Edmonton, Regina, Winnipeg, Toronto, Montréal, Halifax et Fredericton, et des festivals à Charlottetown, Stratford et Niagara-on-the-Lake. Toutefois, la scène théâtrale en pleine croissance ne coïncidait pas toujours avec le développement d’un répertoire, de dramaturges et de metteurs en scène canadiens. Il sera davantage question de ce défi au chapitre suivant. La littérature, la musique et les arts visuels avaient aussi leurs propres spécificités disciplinaires, mais le développement des « services » disciplinaires au Conseil des arts du Canada, chacun étant doté de son chef de service et de son personnel de gestion de programmes, ne commença à prendre forme qu’à la fin des années 1960. Les rapports annuels de l’époque contenaient les premières listes de subventions et de développements importants selon les principales activités disciplinaires : la danse, la musique, l’opéra, le théâtre, les arts visuels et les lettres. Si plusieurs changements furent apportés à cette liste dans les années intermédiaires – le ballet fut associé à la danse en 1968–1969, l’opéra et la musique s’allièrent en 1971– 1972, le cinéma et la photographie apparurent en 1970–1971 (rejoints par la vidéo en 1974–1975; la photographie passa aux arts visuels en 1975–1976), et les lettres s’adjoignirent l’édition en 1972–1973 (la traduction fut ajoutée en 1974–1975) – cette structure disciplinaire principale prédomina au Conseil durant cinquante ans. Les grands changements dans la technologie, la pratique artistique, les valeurs et la société, évoqués au chapitre précédent, commencèrent toutefois à exercer une pression croissante sur cette approche disciplinaire de l’organisation des activités du Conseil. Avec le temps, la nécessité de faire quelque chose est devenue de plus en plus claire, et sur plusieurs fronts…
Des disciplines à … Explorations, Arts médiatiques, Inter-arts : Glisser entre les mailles disciplinaires, puis les célébrer et les transcender Le premier secteur dans lequel le Conseil des arts du Canada étendit officiellement son financement et ses programmes au-delà des disciplines originales fut celui des arts multidisciplinaires, interdisciplinaires et communautaires7. Ce développement peut se diviser en quatre grandes périodes8. La première – et la plus longue – s’étend des années 1970 au milieu des années 1990. Elle débuta avec la création en 1974 du programme déterminant, Explorations, dont le mandat était d’encourager les
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initiatives qui ne pouvaient bénéficier des autres programmes du Conseil (les nouvelles pratiques artistiques, les nouvelles disciplines, l’amalgame d’approches traditionnelles, etc.)9. Comme l’expliquent Mailhot et Melançon dans leur histoire des vingt-cinq premières années du Conseil des arts du Canada, le programme avait succédé au programme Horizons canadiens et à d’autres initiatives spéciales du Conseil à la fin des années 1960 et au début des années 1970, dans le but d’approfondir la connaissance qu’ont les Canadiennes et les Canadiens de leur pays10. Ces initiatives spéciales, entreprises à la grande époque du sentiment nationaliste canadien et de l’apparition des études canadiennes, soutenaient la recherche et l’appréciation du Canada en des termes accessibles et souvent régionaux (histoires locales et régionales, biographies, matériels pédagogiques, etc.). Les boursières et boursiers étaient principalement des universitaires, mais certaines activités artistiques ont également bénéficié de ce financement. Le programme Explorations, pour sa part, visait exclusivement les arts, et soutenait les arts multi- et interdisciplinaires, « les travaux d’expérimentation à cheval sur les frontières conventionnelles entre les disciplines ou défiant celles-ci » et, fait à remarquer, il aidait les artistes, les pratiques artistiques et les organisations émergentes11. Avec un budget annuel inaugural d’un million de dollars (environ cinq millions en dollars de 2016), Explorations était le parent pauvre des disciplines, dotées cette année-là d’un budget total de 18,3 millions de dollars (près de quatrevingt-dix millions en dollars de 2016). Mais le programme avait fait plus que sa part financière : pas moins de trente-et-une pages étaient consacrées à Explorations dans le rapport annuel du Conseil en 1974–197512, et la totalité des photographies du rapport – incluant la page couverture – célébrait les activités des boursières et boursiers d’Explorations dans divers domaines, allant des artistes dans les écoles aux arts communautaires, en passant par la photographie documentaire. Explorations figurait parmi les programmes du Conseil préférés des artistes, en raison de la liberté d’exploration qu’il offrait, chose qui aurait été difficile – sinon impossible – dans les programmes disciplinaires. Le programme fut essentiel au développement artistique de plusieurs artistes, leur permettant de créer sans les contraintes des structures disciplinaires. En effet, dans une étude produite en 2000 pour le Conseil des arts du Canada sur l’incidence des bourses du Conseil sur la carrière des artistes, plusieurs affirmaient que le programme Explorations leur avait procuré « un cadre pouvant intégrer toutes les nouveautés13. » Le progamme Explorations fut suivi en 1977 par la création du programme Multidisciplinarité et performance. Ce nouveau programme était centré principalement sur le soutien à la vidéo et à l’art de la performance. Moins de dix ans plus tard, le Service des arts médiatiques fut créé séparément du Service des arts visuels. Son mandat inaugural de 1984 était résolument transdisciplinaire : « reconnaître
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3.2 La performance Mullusk de la Evelyn Roth Moving Sculpture Company de Vancouver, avec les interprètes Gail Haddad et Raila Katona, a obtenu un financement du programme Explorations en 1974–1975. Roth est devenue une artiste communautaire de réputation internationale, dont les événements et les expositions traitent de questions environnementales.
et […] appuyer les activités de recherche menées par des artistes professionnels endehors [sic] des limites des catégories actuellement acceptées14. » Ce développement reflétait l’émergence et la croissance des médiums artistiques basés sur la technologie, comme la vidéo, la robotique et l’holographie. En 1986, le Conseil créa également un Fonds interdisciplinaire non-récurrent doté d’un budget d’un million de dollars, constitué par des contributions de tous les Services à même leur budget de fonctionnement. Malgré ces initiatives et la popularité d’Explorations, plusieurs pratiques en art interdisciplinaire continuaient de glisser entre les mailles du filet. Comme on le faisait remarquer dans un important document de discussion du Conseil des arts du Canada datant de 1984 : Le Conseil est structuré en fonction des formes d’art pur. À l’intérieur de cette structure, les programmes sont créés et les critères d’admissibilité et les processus d’évaluation sont fixés, afin de promouvoir les intérêts de la discipline. Par ailleurs, les jurys et les conseillers reflètent la nature de leur forme d’art et empreignent leur travail d’un sentiment de responsabilité à l’égard de leur discipline ou de leur support. Cette structure fonctionne relativement bien pour les artistes qui choisissent de s’en tenir à une seule forme d’art. Pour les artistes qui préfèrent les arts multidisciplinaires, la structure du Conseil est trop inflexible. Les projets et les artistes réunissant deux formes d’art ou plus posent des difficultés particulièrement graves pour le Conseil ou, plus exactement, le Conseil pose de grandes difficultés pour eux15.
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Ces défis persistèrent et furent exprimés en des termes similaires cinq ans plus tard, dans un rapport de 1989 : « Un grand nombre d’activités ne peuvent pas bénéficier facilement du soutien financier des programmes existants, particulièrement lorsque l’œuvre proposée dépasse les limites des formes d’art ou les formes reconnues par les programmes du Conseil [ … ] Le Conseil se débat avec ce problème depuis plus de dix ans sans être parvenu à une solution satisfaisante16. » Même si le Conseil ne relevait pas pleinement le défi, cette période est néanmoins perçue par plusieurs comme « l’âge d’or » de la prise de risque artistique au Conseil, en dehors des limites disciplinaires traditionnelles, principalement par le biais du programme Explorations. Les structures n’étaient pas parfaites, et le Conseil reconnaissait qu’il fallait en faire bien davantage, mais Explorations répondait à certains besoins clés de façon novatrice. Il est à remarquer que ni Explorations, ni la création du Service des arts médiatiques ne remettaient en cause l’approche du financement basée sur les disciplines au Conseil : Explorations se situait en dehors des Services disciplinaires, et le Service des arts médiatiques avait été créé à l’image d’un Service disciplinaire, parallèlement aux autres. Il fallut attendre quelques décennies pour que le Conseil commence par combler les vides entre les disciplines, pour finalement les transcender par des approches non-disciplinaires. La deuxième période est relativement courte – du milieu à la fin des années 1990 –, alors que le Conseil mettait fin au programme Explorations dans un contexte de très grandes restrictions budgétaires. Lorsque survint l’Examen des programmes au milieu des années 1990, et que le Conseil dut subir des compressions de plusieurs millions de dollars, ses dirigeants choisirent de supprimer Explorations et de répartir son financement parmi les différentes disciplines. Plusieurs artistes et observateurs du Conseil déplorent ce choix, encore aujourd’hui. Mais le programme avait ses faiblesses. Une série d’évaluations attiraient l’attention sur son coût élevé et l’intensité de main-d’œuvre – il comportait des jurys régionaux
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3.3 Christopher Neil Wortley dans Tremolo, interprété par la Anna Wyman Dance Theatre Company de Vancouver, 1981–1982. Wortley fut membre fondateur de la compagnie puis devint codirecteur aux côtés de la fondatrice et directrice artistique Anna Wyman.
3.4 Ci-contre La production Doing Leonard Cohen du One Yellow Rabbit Performance Theatre de Calgary, dans une adaptation et une mise en scène de Blake Brooker, en 1997. Les textes de la pièce sont tous tirés des poèmes et des romans de Leonard Cohen, alliés au mouvement et à la danse. La photographie montre Michael Green et Denise Clarke.
(dans le Nord également) et les agents de programme se déplaçaient régulièrement vers les régions. Le programme a été critiqué aussi pour son manque de rigueur et le financement d’un maximum de trois projets par candidat, après quoi il n’existait pas de processus pour continuer le soutien financier des activités ou des artistes participants. Si l’attention aux esthétiques, aux besoins et aux pratiques artistiques régionales constituait l’un des points forts du programme, sa gestion était relativement coûteuse. Explorations a également été critiqué comme étant trop éloigné des disciplines : le programme semblait faire cavalier seul, avec peu de liens entre ses agents de programme et ceux des Services disciplinaires. Ce manque de liens et d’enracinement organisationnel signifiait que l’expérience, l’expertise et les connaissances des agents du programme Explorations
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ne se transmettaient pas aux disciplines, accentuant le manque de liens réel ou perçu entre les deux. Le fait d’intégrer le financement d’Explorations à celui des disciplines lors de l’Examen des programmes signifiait que le Conseil était en mesure « de tenir les divers Services au courant des mutations de toutes les formes d’art vers une nature de plus en plus multidisciplinaire et transdisciplinaire et de permettre aux pratiques “avant-gardistes” de se frotter au courant dominant, de l’influencer et même parfois d’y pénétrer constitue un avantage important de la restructuration de 1996. Il ne fait aucun doute que, sous cette nouvelle structure, la perception d’un “manque de liens” entre le programme Explorations et les Services des diverses disciplines a été éliminée17. » Tout au long de cette deuxième période, la pression s’est intensifiée en faveur d’un soutien plus étendu et flexible pour les activités artistiques laissées pour compte dans l’approche de financement du Conseil, basée principalement sur les disciplines. Le processus de l’Examen des programmes permit d’identifier plusieurs secteurs nécessitant un soutien stratégique, dont l’art interdisciplinaire18. En 1997, l’organisation dirigea un programme pilote en arts communautaires, qui prouva la nécessité d’en faire davantage pour soutenir les projets reliant les artistes professionnels et les communautés. Face à cette constatation, le Conseil commanda un
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3.5 Le Comité consultatif sur l’interdisciplinarité et l’art de la performance de 1999. De gauche à droite : Haruko Okano, Ahasiw Maskegon-Iskwew, Ron Burnett (non visible sur la photographie), Claude Schryer (consultant en arts), Rita McKeough, Robert Faguy, Paul Couillard, Danielle Boutet et Joanne Morrow (directrice de la Division des arts), juillet 1999, Ottawa.
examen des programmes en arts interdisciplinaires de la Division des arts dans son ensemble. Cet examen révéla que plusieurs artistes en art de la performance ne se sentaient pas compris, et que leur art, souvent engagé politiquement, ne s’alignait pas sur les structures existantes du Conseil. Selon un refrain devenu familier, le rapport mentionnait : « Les limites rigides qui séparent les disciplines artistiques se sont, à toutes fins utiles, dissipées, mais les structures de financement du Conseil n’ont pas su évoluer au même rythme19. » Pour être juste, il faut ajouter que les Services disciplinaires répondaient aux pratiques artistiques changeantes dans le cadre de leurs mandats respectifs : « les divers Services aux arts ont eux-mêmes démontré à maintes reprises leur capacité de répondre aux demandes d’assouplissement et d’élargissement des programmes conçus pour reconnaître le caractère hybride et les pratiques nouvelles et émergentes qui viennent brouiller les limites de leurs disciplines “de base”20. » Néanmoins, les activités du Conseil, les pratiques artistiques et une série d’études qui s’allongeait, confirmaient toutes la nécessité d’en faire davantage. Ceci marqua le début de la troisième période, avec en 1999 la création du Bureau Inter-arts bia. Cette démarche institutionnalisait, reconnaissait et valorisait officiellement le soutien du Conseil pour l’art multidisciplinaire, l’art interdisciplinaire et l’art engagé socialement. La première mission du bia, qui fut « de soutenir les approches multiples, hybrides et expérimentales dans les domaines de la création, de la recherche, de la production et de la diffusion de pratiques artistiques interdisciplinaires et non disciplinaires qui démontrent une attitude critique et/ou exploratoire21 » établit le bureau comme étant plus qu’un programme. Il avait des responsabilités de programme pour le financement des festivals multidisciplinaires, des arts interdisciplinaires, de l’art de la performance, du développement des publics et des publications22, mais il était aussi doté d’une capacité politique pour entreprendre de la recherche et du développement, tant à l’interne qu’à l’externe. Ceci habili-
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tait le bia à contribuer à façonner le débat, la discussion et la réflexion sur l’art qui traversait ou défiait les frontières conventionnelles entre les disciplines. Durant cette troisième période, toutefois, comme c’était le cas des périodes précédentes, et malgré la création du Bureau Inter-arts, le Conseil des arts du Canada a continué de « penser » ses activités surtout en relation à des approches disciplinaires. Il fallut attendre la quatrième période, qui a débuté au milieu des années 2000 et mené au nouveau modèle de financement en 2015, pour que la compréhension qu’avait le Conseil de son financement et soutien aux arts arrive à transcender la pensée basée sur les disciplines et conçoive ses activités organisationnelles en fonction de thèmes et d’activités. L’important rapport préparé par Rachel Van Fossen pour le bia en 2007 privilégiait la transition depuis l’idée de « discipline » vers l’idée de « multi-arts », une expression qui ne fait pas « référence à l’aspect disciplinarité pour les définir23. » Le rapport Van Fossen commentait : « À l’échelle nationale et internationale, on remarque une tendance manifeste des organismes de financement des arts à reconnaître et à soutenir les arts multidisciplinaires, de même qu’à concevoir des programmes de financement moins axés sur la discipline24. » À la suite du rapport, le bia restructura ses programmes de financement selon deux grands axes : arts intégrés pour les artistes individuels et arts intégrés pour les organismes (le Bureau devint également le seul subventionneur des arts du cirque contemporains, précédemment financés conjointement par le Service du théâtre et le bia). Tout ceci ne doit pas laisser croire que l’histoire de la reconnaissance progressive des arts multidisciplinaires, interdisciplinaires, engagés socialement et, finalement, des arts intégrés, fut sans heurts. Comme l’exprime Claude Schryer, premier coordinateur du Bureau Inter-arts (1999– ), « Inter-arts est le champ de nombreuses voix émergentes et marginales25. » Dans un article de quotidien datant des années 1970, le journaliste, éditeur, critique culturel et essayiste renommé Robert Fulford écrivait à propos d’Explorations : « De tous les programmes du Conseil, seul Explorations est à l’avant-scène, encore un peu suspect, encore vaguement farfelu aux yeux de certains. C’est parce que le programme Explorations a été conçu pour accomplir toutes les choses que le reste du Conseil ne fait pas. Ces choses sont, presque par définition, pas très respectables26. » Et tandis que le Conseil est en contact avec les communautés artistiques et s’efforce de répondre aux besoins en évolution, il entend davantage parler, selon Schryer, « celles et ceux qui ont la capacité d’influencer – si bien que l’accès de celles et ceux qui n’ont pas voix au chapitre tend à être limité. Ceci veut dire que l’accent est généralement porté sur les formes d’art traditionnelles. » En tant que coordonnateur du bia, Schryer entretenait des relations régulières et suivies avec les Services disciplinaires, mais il fait remarquer ceci : « Les structures disciplinaires ont leur particularité. Nos réunions
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3.6 Les Robes de Sainte-Anne de Circus Stella (Jay Ruby, directeur artistique). Sur la photographie : Julie Duguay (debout) et Marie-Christine Simoneau. Circus Stella est une association à but non lucratif qui fait la promotion des arts du cirque au Nouveau-Brunswick en offrant de la formation, en créant et en produisant des spectacles, et en collaborant avec d’autres organisations pour développer des expertises et des liens entre des artistes du cirque acadiens, canadiens et internationaux.
comportaient une pensée critique profonde, mais peu de collaboration. Les gens protégeaient les frontières [disciplinaires] et ne reliaient pas les points. » Commentant sur le processus de reconnaissance des formes d’art émergentes et nouvelles, qui traversent ou transcendent les catégories disciplinaires, il ajoute : « Il faut être prêt à engager des conversations difficiles. » Lorsqu’on demande à Schryer quelle a été sa plus grande réalisation au Conseil, il affirme d’un ton neutre : « Travailler à ce que le Bureau Inter-arts n’ait plus sa raison d’être. »
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L’équité : « Le Conseil devait changer » Autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Conseil des arts du Canada, l’histoire d’Inter-arts a plusieurs liens en commun avec les transformations menant à la reconnaissance et au soutien des formes d’art et traditions non eurocentriques, dont l’art des artistes de diverses cultures et l’art des peuples autochtones. Tel que le faisait remarquer le Comité consultatif pour l’égalité raciale dans les arts en 1999 : « [les artistes des communautés ethno-culturelles] comprennent bien les pratiques artistiques “interdisciplinaires et multidisciplinaires”; ils ont une expérience différente et plus longue de ces pratiques que la plupart des autres artistes27. » Toutefois, l’histoire de l’équité ne peut être relatée sans évoquer le nom de Joyce Zemans. La professeure Joyce Zemans est une éminente spécialiste de la politique culturelle, ainsi qu’une pédagogue et praticienne parmi les plus en vue au Canada et sur la scène internationale. Elle a abondamment publié sur la politique culturelle canadienne selon la perspective nationale et comparative; elle fut la première femme à occuper le poste de doyen de la Faculté des beaux-arts de l’Université York, et elle a été nommée membre de l’Ordre du Canada en reconnaissance de son importante contribution aux arts et à la culture du pays. Zemans fut également directrice du Conseil des arts du Canada, de 1989 à 1992. Elle est dotée d’une intelligence formidable, d’une prodigieuse mémoire et d’une personnalité pragmatique. Il n’est pas question de la traiter à la légère. Elle ne tergiverse pas en situation de conflit et a du mal à supporter la sottise : Joyce appelle les choses par leur nom et ne craint pas les vérités dérangeantes. En même temps, elle est chaleureuse, accueillante et d’un grand soutien pour celles et ceux qui l’entourent; son regard pétillant donne à penser que travailler avec elle est un grand plaisir. Demandez aux gens de décrire l’époque de Joyce Zemans au Conseil des arts du Canada, et ils diront : « équité ». C’est sous sa direction que le Conseil commença à prendre au sérieux l’égalité raciale et l’art autochtone (dont il sera question plus bas). Zemans se souvient : « Peu de temps après ma nomination au Conseil, quelqu’un me conseilla de ne pas prendre de décisions importantes avant quelques mois. » Elle consulta plutôt : « Je fis des sondages à l’interne et à l’externe, mais je savais que le Conseil devait évoluer. En danse il y avait le jazz, le ballet et la danse moderne, mais rien pour les pratiques de la diversité culturelle. Mon mari et moi vivions à Toronto et nous étions témoins du visage changeant de l’art et des arts, avec une augmentation des artistes et des créations issus de diverses communautés culturelles. Il fallait que le Conseil mette sur pied un programme inclusif28. » Les appels au changement venaient aussi de la communauté externe, avec un plaidoyer toujours plus fort en provenance des artistes et des organismes artistiques de diverses cultures.
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3.7 Joyce Zemans, directrice, Conseil des arts du Canada (1989–1992). Le travail de Zemans au Conseil des arts du Canada est souvent associé à ses efforts visant à élargir la représentativité des programmes et des subventions aux communautés autochtones et à celles de la diversité culturelle.
Pour faire face à cette situation, Zemans commença par organiser une réunion avec tout le personnel du Conseil. « Le personnel savait ce qui se passait et que le Conseil devait changer », dit-elle. La question était de savoir comment créer l’accès, incluant l’accès du public aux œuvres des artistes de la diversité culturelle. Elle mit sur pied le Comité consultatif pour l’égalité raciale dans les arts afin de lancer un vaste processus de consultation pour mettre en lumière les questions clés et identifier les moyens de les aborder. « Les artistes n’aimaient pas le terme “multiculturalisme” », se souvient-elle, « elles et ils voulaient plutôt employer l’expression “diversité raciale”. Elles et ils voulaient également repenser la définition de l’artiste professionnel et redéfinir les programmes de manière à les rendre inclusifs. » Le changement est rarement chose aisée. Zemans dut user d’une grande diplomatie pour faire avancer les choses au niveau du conseil d’administration et du personnel cadre. Elle travailla en étroite collaboration avec les membres du conseil d’administration afin de s’assurer qu’elles et ils comprennent que « ce n’était pas une question personnelle, mais bien une question institutionnelle, qui devait être traitée. » Les chefs de Service disaient qu’elles et ils pourraient élargir l’accès à leurs programmes avec du financement supplémentaire, mais comme Zemans se remémore sur un ton sévère, « cela devait être fait même en l’absence de nouveaux fonds. » Elle ajoute cependant : « Lorsque tous les chefs de Services se concertèrent et comprirent que les parts du gâteau n’allaient pas être plus nombreuses, elles et ils firent preuve d’une générosité d’esprit incroyable. »
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3.8 Alison Sealy-Smith dans The Adventures of a Black Girl in Search of God, une coproduction du Nightwood Theatre et de la compagnie de théâtre noir Obsidian de Toronto, 2002. Cette pièce écrite et mise en scène par Djanet Sears est une comédie dramatique à propos de la foi, du deuil et de l’acceptation de la mort.
3.9 France Geoffroy, Thomas Casey, Maxime D.-Pomerleau et Georges-Nicolas Tremblay dans Quadriptyque, de Corpuscule Danse, 2016 (choréographie de Deborah Dunn). La compagnie québécoise Corpuscule Danse a été fondée par France Geoffroy en 2000 en vue du développement de la danse intégrée.
3.10 Howie Tsui, Bipolar, 2006. L’artiste de Vancouver Howie Tsui est né à Hong Kong et il a grandi à Lagos, Nigeria et au Canada (Thunder Bay, Ontario). En 2005, il a obtenu le prix Joseph-S.Stauffer du Conseil des arts du Canada pour les jeunes artistes au talent exceptionnel.
Le travail sur l’équité se poursuivit après le départ de Zemans, mais fut délaissé en partie à cause des compressions budgétaires croissantes au Conseil pendant les années 1990. Le poste de coordonnateur de l’équité et la création d’une structure officielle, le Bureau de l’équité, survinrent au cours des années suivantes. Au fil du temps, le Bureau de l’équité a étendu le nombre et la gamme des pratiques artistiques soutenues par le Conseil, incluant plus récemment l’art des artistes sourds ou handicapés, un secteur artistique en plein essor, important, distinctif et peu reconnu jusqu’à maintenant. La Banque d’art du Conseil des arts du Canada apporta également son soutien aux œuvres des artistes de la diversité culturelle. En 2008, la Banque d’art fit un achat spécial en vue de l’équité. Elle lança un appel de propositions et, comme le
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relate Victoria Henry, directrice de la Banque d’art à l’époque : « Nous avons repéré toutes les organisations qui travaillaient avec les nouveaux Canadiens et les nouvelles Canadiennes29. » Quatre-vingt-dix candidates et candidats répondirent à l’appel spécial, et la mesure d’acquisition comprit des œuvres stimulantes d’Erika DeFreitas, Sunil Gupta, Will Kwan, Sanaz Mazinani, Abdi Osman et Howie Tsui. Selon Henry, « L’acquisition rendit la collection plus significative. Les œuvres de ces artistes ne figuraient pas encore dans la collection. À l’époque, [l’acquisition] était perçue comme controversée. Historiquement, ce fut un moment important : les œuvres des artistes de la diversité culturelle étaient mal connues30. » L’acquisition suscita la controverse. Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada d’origine haïtienne, fit exposer plusieurs des œuvres acquises à Rideau Hall, résidence des gouverneurs généraux. L’exposition intitulée diasporart souleva une vive controverse publique entre plusieurs membres de la communauté des arts visuels et Marc Mayer, le directeur du Musée des beaux-arts du Canada. Dans une interview à propos de l’exposition à l’émission The National sur la chaîne cbc, Mayer fit des déclarations perçues par plusieurs artistes et commissaires comme étant méprisantes par rapport au travail des artistes issus de la diversité culturelle. L’incident déclencha un débat véhément sur « l’excellence » – ce qui constitue l’excellence artistique, comment et par qui est-elle jugée – et démontra clairement le type d’échanges enflammés qui peuvent survenir à propos de ce qui « compte » comme de l’art, et qui définit – et comment – ce qui compte au fil du temps31. « Marc n’a pas du tout aimé ce que nous avions fait », se souvient Henry. Cependant, une fois les œuvres dans la collection, les clients s’arrachèrent les pièces stimulantes qui continuent de se ranger parmi les plus populaires de la collection de la Banque d’art. Les arts autochtones : « Premier art / Dernier reconnu32 » « C’est le premier chemin à votre gauche sur la colline. Il y a quatre inuksuks près de mon entrée. » C’est ainsi que Louise Profeit-LeBlanc guide les visiteurs vers sa maison située dans le pittoresque village de Wakefield, au Québec. Joliment blotti le long de la rivière Gatineau, le petit village abrite plusieurs artistes, la salle de spectacle renommée du Black Sheep Inn et l’historique Moulin Wakefield, converti en 2000 en hôtel de luxe et centre de congrès. Wakefield est également situé sur un grand territoire revendiqué par les peuples algonquins. Profeit-LeBlanc n’est pas algonquine; elle est membre de la Première Nation Nacho Nyak Dun du Yukon, et elle est très engagée envers les peuples autochtones au Canada et sur la scène internationale. Elle est avant tout une conteuse, mais aussi une écrivaine, une éducatrice culturelle, une choréographe et une bâtisseuse d’institutions. Elle est cofondatrice du Festival international des conteurs du Yukon, membre fondatrice de la Society
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3.11 Will Kwan, Endless Prosperity, Eternal Accumulation, 2009. Endless Prosperity, Eternal Accumulation est une série de quatre-vingts images de hongbao (enveloppes chinoises utilisées pour offrir des sommes d’argent lors d’événements spéciaux) produites par de grandes sociétés financières transnationales. Cette série explore, d’une part, l’appropriation de symboles culturels pour créer une image de marque et, d’autre part, les aspirations de compagnies visant à transcender les différences temporelles et culturelles.
of Yukon Artists of Native Ancestry, et impliquée de près dans la présentation à Ottawa de l’installation Walking with Our Sisters, en mémoire des femmes autochtones portées disparues ou assassinées. Elle est également une survivante du système des pensionnats indiens. Profeit-LeBlanc est une force de la nature : c’est une femme énergique et forte, sans aucune tolérance pour l’injustice, le manque de respect et les dessous sans pitié
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de la bureaucratie. Profeit-LeBlanc n’est pas inaccessible pour autant. Avec son esprit généreux de conteuse, elle relate ses expériences à la direction du Secrétariat des arts autochtones du Conseil des arts du Canada (2001–2012). « J’avais travaillé pendant quinze ans à la direction du patrimoine du Yukon […] Je me suis aperçue que je voulais travailler sur le plan national », explique-t-elle. « J’ai consulté le site Web du Conseil des arts du Canada, pour constater qu’on cherchait quelqu’un pour le Secrétariat autochtone. » Elle posa sa candidature et décrocha l’emploi, mais ce fut loin d’être facile : « J’étais tout à fait novice en informatique, je n’avais jamais géré un budget important et je n’avais aucune expérience en gestion et en administration à l’échelle nationale », se souvient-elle. « J’avais voyagé partout à travers le monde, mais j’étais chez moi au Yukon – là où se trouvaient mon soutien et ma famille33. » Fidèle à elle-même, Profeit-LeBlanc ne se découragea pas pour autant. Lorsqu’on lui demande les obstacles auxquels les peuples autochtones ont dû faire face lorsqu’ils recherchaient du financement du Conseil des arts du Canada, elle saisit un étui à crayons rectangulaire sur le comptoir de cuisine, le jette de nouveau du haut des airs sur le comptoir, dessine un cercle avec son doigt à une certaine distance autour de l’étui, et dit sur un ton sérieux : « Si l’étui représente le financement du Conseil des arts du Canada, les artistes autochtones se situent ici, autour », en faisant allusion à son doigt. Les programmes de subventions du Conseil ont longtemps désavantagé les artistes autochtones : plusieurs critères, définitions et approches les ont exclus. Dans les communautés autochtones, explique Profeit-LeBlanc, « L’art sert à honorer la famille, à embellir les célébrations. Pour les artistes autochtones, l’art est une occupation désintéressée, qui n’est pas tournée vers le profit. Les artistes sont motivés, mais ce n’est pas une “profession” comme dans l’approche occidentale. » Si « l’artiste professionnel » est défini par le fait qu’il se consacre à temps plein à son art, qu’il expose et diffuse son travail ou se produit dans des lieux artistiques officiels (des galeries et des centres d’expositions, des salles de spectacles, des contrats avec des éditeurs, etc.), alors plusieurs artistes autochtones sont exclus « par définition » des critères d’admissibilité des programmes. Il est difficile de répondre à ces critères pour un artiste auquel incombe d’importantes responsabilités de subsistance (faire la chasse, la pêche, gagner un revenu minimum). De plus, dans les petites communautés, on trouve rarement des salles de spectacles et autres lieux correspondant aux critères conventionnels du Conseil des arts du Canada en matière d’expositions et de diffusion artistique. « Comment les gens peuvent-ils exposer, lorsque les seuls espaces publics sont les écoles et les postes de police ? », demande-t-elle pour la forme. Pour les artistes vivant dans les communautés éloignées, l’accès à l’infrastructure des grands centres est un obstacle difficile, sinon impossible à surmonter.
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3.12 Marianne Nicolson, Portrait of Yaxa’tlanis, 2001. Marianne Nicolson (‘Tayagila’ogwa) est d’origine écossaise et de la Première Nation Dzawada’enuxw de la côte pacifique du nord-ouest, en Colombie-Britannique. L’artiste a recours à la peinture, à la photographie et aux installations pour explorer les récits et la politique autochtones, dans une perspective de préservation culturelle et de développement durable.
Les processus de demande et d’évaluation du Conseil peuvent également s’avérer problématiques. Qu’en est-il des artistes qui ne peuvent – ou ne peuvent facilement – communiquer par écrit en anglais ou en français ? Qu’arrive-t-il si les comités d’évaluation n’incluent pas de représentants autochtones ? Qu’en est-il du processus d’évaluation lui-même, qui « juge » l’art selon une perspective enracinée dans la culture occidentale, qui ne correspond pas à la compréhension collective de l’art et de la vie sociale dans les cultures autochtones ? Qu’advient-il des processus requérant des bénéficiaires de subventions qu’elles et ils produisent des « rapports » sur les activités subventionnées, faisant se sentir mal à l’aise les artistes autochtones, qui pourraient percevoir ces processus comme une obligation de « se vanter » ? Et que dire des formes d’art autochtones ? Les paniers traditionnels micmacs en frêne noir, est-ce de « l’art » ? Et les mocassins ? Les pirogues ? Les contes ? Les murales ? Ou est-ce (simplement) de « l’artisanat », comme ce fut souvent l’interprétation et la catégorisation implicites ou explicites de l’art autochtone par des institutions comme le Conseil des arts du Canada, enracinées dans des approches artistiques occidentales ? Assurément, ces questions et d’autres encore furent soulevées bien avant l’engagement de Profeit-LeBlanc par le Conseil. Tel que l’explique Steven Loft, le successeur de Profeit-LeBlanc, le paysage artistique et la place qu’y occupe l’art autochtone étaient en transformation depuis le milieu des années 1960. Les grands jalons incluaient le Pavillon des Indiens du Canada à Expo 67, qui présentait « des artistes avant-gardistes pour l’époque », le Groupe indien des Sept (Jackson Beardy, Eddy Cobiness, Alex Janvier, Norval Morisseau, Daphne Odjig, Carl Ray et Joseph Sanchez); le déploiement d’attention accordée à l’œuvre de Norval Morrisseau à compter des années 1960; la création du premier centre d’artistes autogéré autochtone au début des années 1980; les grandes expositions comme indigena (1992) et Terre, esprit, pouvoir (1992), présentées respectivement au Musée canadien des civilisations et au Musée des beaux-arts du Canada à la suite de la crise d’Oka (1990), et finalement, la Commission royale sur les peuples autochtones (1996)34. Malgré la montée de l’art et des artistes autochtones à compter des années 1960, il fallut attendre la fin des années 1980, sous la direction de Joyce Zemans, pour une pleine reconnaissance du fait que les programmes du Conseil devaient soutenir plus adéquatement l’art autochtone. Tel que mentionné plus haut, Zemans accorda la priorité aux changements qui allaient permettre au Conseil de se « rattraper » et de rester en phase avec le dynamique paysage artistique et culturel. En plus de créer le Comité consultatif pour l’égalité raciale dans les arts, Zemans mit sur pied le Comité consultatif des Premiers Peuples. Elle se souvient que le comité était composé de « personnes extraordinaires qui étaient prêtes à investir du temps35 », entreprendre des consultations et scruter les pratiques de financement
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au-delà des frontières canadiennes, à l’échelle internationale, notamment en Australie, où un conseil des arts distinct a été créé pour soutenir l’art autochtone. Au Canada, bien que le mandat du Conseil soit le financement de l’art contemporain, les artistes autochtones souhaitaient que le Conseil soutienne autant la pratique artistique traditionnelle que contemporaine, qu’il révise la définition de l’artiste professionnel, et qu’il redéfinisse ses programmes de manière à les rendre inclusifs, explique Zemans. Pour cette dernière, l’inclusion impliquait aussi de longues discussions avec le directeur des nominations du premier ministre Brian Mulroney, au sujet de la nécessité d’une représentation autochtone sur le conseil d’administration du Conseil. Le jalon significatif suivant fut la nomination de Lee-Ann Martin, co-commissaire de indigena, comme coordonnatrice de l’équité des Premiers Peuples du Conseil en 1994. La création du Secrétariat autochtone suivit dans la même année. La mise sur pied d’une entité distincte – le Secrétariat – centrée sur l’art autochtone facilita la mise en lumière des questions clés et permit la représentation par une voix unique au Conseil. Le Secrétariat organisa un important congrès national en 1995, auquel prirent part près de trois cents personnes, dont plusieurs qui souhaitaient la formation d’un conseil des arts autochtone, mais Martin avait créé un climat de confiance entre les artistes et organismes artistiques autochtones et le Conseil, si bien que l’idée d’un organisme subventionnaire distinct ne fut pas poursuivie. Le Conseil s’est plutôt engagé à embaucher des agents de programme autochtones dans chacune des disciplines, un engagement qu’il a mis en œuvre pendant les années qui suivirent. Cette décision fut marquante et contribua à renforcer les relations du Conseil avec les communautés artistiques autochtones. Louise Profeit-LeBlanc fut embauchée dans cette structure en 1999. Comme elle le relate, « J’ai perçu mon rôle comme celui d’une éducatrice […] Je me suis employée à me lier d’amitié avec le personnel et je me suis fait un devoir de rencontrer le plus de personnes intéressées à faire progresser la présence autochtone. À chaque réunion du conseil d’administration, je m’asseyais près d’un administrateur différent36. » Elle présenta également des expositions d’art autochtone lors de plusieurs réunions du conseil d’administration, de manière à ce que les membres du conseil d’administration du Conseil se familiarisent avec les œuvres. Elle fit une de ses plus frappantes démonstrations dans son rôle d’éducatrice, lorsqu’elle arriva à une réunion du conseil d’administration avec quatre rubans : un ruban blanc, un jaune, un noir et un très long ruban rouge. Elle les étala sur la table du conseil, en laissant le ruban rouge traîner sous la table et par la porte, pour continuer bien au-delà des autres rubans. Elle voulait signifier par cela que des gens de différentes couleurs avaient habité le Canada depuis bien des années, mais que certains – les peuples autochtones, représentés par le ruban rouge – étaient là bien avant les autres, et ils avaient pratiqué leurs arts au Canada pendant tout ce temps.
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Comme ses prédécesseurs et ses successeurs, elle a travaillé comme agent de changement des programmes : « À chaque fois que survenait un gros blocage [par rapport à des artistes ou groupes autochtones qui demandaient du financement], je m’employais à le débloquer : les personnes qui ne sont pas capables d’écrire devraient pouvoir présenter leur demande de financement sous la forme d’une vidéo ou d’un enregistrement sonore; on ne devrait pas empêcher les personnes unilingues [parlant une langue autochtone] de soumettre une demande. » Elle allait également repousser les limites des activités de financement, comme les coordonnateurs de l’équité des Premiers Peuples l’avaient fait avant elle : par exemple, offrir de modestes contributions financières, tirées de budgets discrétionnaires, pour des activités qui ne recevraient pas normalement de financement du Conseil. ProfeitLeBlanc allait notamment offrir du soutien pour des cours de murale et de peinture adressés aux femmes autochtones dans le quartier centre-est de Vancouver, donnés par une artiste autochtone ayant vécu dans ce quartier, et du soutien pour une initiative basée au Yukon, afin d’enseigner aux jeunes autochtones à risques l’art, les chants et les récits de leur peuple tout en fabriquant une pirogue. Profeit-LeBlanc a également consacré beaucoup de temps et d’efforts au développement des compétences en administration des arts pour les communautés artistiques autochtones, et financé un congrès annuel en administration des arts en divers endroits à travers le pays. Les rencontres se déroulèrent dans les communautés locales et intégraient les pratiques, les cérémonies et les endroits locaux. Louise se souvient avec émotion : « une des rencontres se tint dans une immense tente, avec un poêle à chaque bout, et de l’épinette, alors ça sentait bon […] Chaque communauté apportait sa nourriture, ses chants, ses artistes et ses familles. » Pendant que Profeit-LeBlanc travaillait à sensibiliser et à réviser les programmes et les activités du Conseil – entre autres, en organisant régulièrement des cérémonies de purification par la fumée dans les bureaux du Conseil (elle ironise : « au début, le Conseil craignait que nous déclenchions les gicleurs, mais finalement il n’y avait pas de problème ! ») – d’autres personnes faisaient également leur part au sein du Conseil et à l’extérieur. Suzanne Rochon-Burnett fut la première membre autochtone du conseil d’administration, siégeant de 1998 à 2004. Tom Hill, un artiste, commissaire et administrateur des arts, Iroquoien de la réserve Six Nations à Brantford, en Ontario, créateur d’une murale extérieure en céramique pour le Pavillon des Indiens du Canada à Expo 67, et membre du conseil d’administration du Conseil de 2004 à 2012, travailla en étroite collaboration avec le président du Conseil Joseph Rotman dans le but d’améliorer sa compréhension de l’art et des cultures autochtones. Victoria Henry, ancienne directrice de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada, spécialiste de l’art autochtone et directrice fondatrice de la galerie Ufundi d’art autochtone avant sa nomination à la Banque d’art, consacra beaucoup d’efforts à améliorer la représentation et la diffusion de l’art
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autochtone dans la collection de la Banque d’art. Ceci se traduisit notamment par un achat spécial d’art autochtone en 2003–2004, qui allait enrichir la collection par des œuvres de certain des plus importants artistes de l’époque (et au-delà) : Mary Anne Barkhouse, Bob Boyer, Rande Cook, Walter Harris, Marianne Nicolson, Annie Pitsiulak, Arthur Renwick, Connie Watts et plusieurs autres. Fait à remarquer, le jury de cet achat spécial se composait presque exclusivement de membres autochtones. Ces œuvres devinrent parmi les plus populaires de la collection; en 2007, Henry organisa une exposition spéciale de plusieurs d’entre elles au Museum of the American Indian à Washington, D.C., avec un voyage à Washington en compagnie de plusieurs des artistes. Ces jalons décisifs ont ouvert la voie aux changements encore plus importants qui allaient suivre. L’artiste multidisciplinaire Steven Loft, d’origine mohawke (Six Nations) et juive, lauréat de la prestigieuse fondation Trudeau (2010–2012) et ancien conservateur en résidence pour les arts autochtones au Musée des beaux-arts du Canada, était d’une certaine manière un choix inattendu pour succéder à Louise ProfeitLeBlanc. Son art, ses intérêts et ses recherches s’efforcent de développer un dialogue critique sur l’art, la culture et l’esthétique autochtones de manière à défier la catégorisation de l’art autochtone en des termes occidentaux et à « développer un nouveau langage de l’histoire de l’art enraciné dans les cultures autochtones, [et qui produit] des discours radicaux, critiques et culturellement dynamiques répondant et participant à une souveraineté culturelle autochtone37. » Le fait d’accepter un poste au Conseil des arts du Canada n’a pas été un choix facile pour Loft. Comme il l’indique, « Ce fut une transformation majeure, qui a changé ma relation avec la communauté [autochtone]. L’histoire de la fonction publique n’est pas positive pour les autochtones : ils prennent les meilleurs et les plus brillants et ils les cooptent pour les empêcher de devenir des activistes38. » Loft était toutefois convaincu qu’il pouvait apporter du changement au Conseil – et il le fit, plus rapidement qu’il ne l’avait imaginé. À l’époque de sa nomination, il s’est produit un changement fondamental de pensée sur l’art autochtone au Conseil. Selon Loft, ce fut un changement depuis « une attitude bornée, du type “voici un problème que nous devons résoudre” – malgré les bonnes intentions, cela demeure un rapport de pouvoir avec “les nécessiteux” – vers un rapport de nation à nation, avec l’autodétermination, la souveraineté culturelle, l’autorité et la compétence, [et dans lequel] les programmes autochtones sont développés parallèlement à tous les autres programmes39. » Le nouveau modèle de financement du Conseil comprend seulement six programmes, dont un centré exclusivement sur l’art autochtone : Créer, connaître et partager : Arts et cultures des Premières Nations, des Inuits et des Métis. L’admissibilité de ce programme est élargie, si bien que les artistes n’ont pas besoin de correspondre aux définitions conventionnelles du « professionnel » au Conseil : ainsi, un aîné qui est
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conteur dans une communauté autochtone sera admissible à du financement. Même avant l’annonce du nouveau modèle de financement, le Conseil entreprenait d’importants changements dans cette direction, avec des programmes comme {Ré}conciliation (en partenariat avec la Fondation de la famille J.W. McConnell et le Cercle sur la philanthropie et les peuples autochtones au Canada), qui soutient la création et la présentation d’œuvres de collaboration entre artistes autochtones et non autochtones. La nomination de Loft en tant que premier directeur autochtone au niveau ex (exécutif) de toute l’histoire du Conseil représentait aussi un changement décisif. En outre, il est fait spécifiquement mention du Conseil des arts du Canada dans les Appels à l’action du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, en date de 2015. La commission a demandé au Conseil « d’établir, en tant que priorité de financement, une stratégie visant à aider les artistes autochtones et non autochtones à entreprendre des projets de collaboration et à produire
3.13 Connie Watts, Play, 2001. Connie Watts, de descendance nuu-chah-nulth, gitxsan et kwakwaka’wakw, est designer et artiste de techniques mixtes. Elle a présenté ses œuvres lors d’expositions individuelles et collectives au Canada et aux États-Unis. On peut voir sa sculpture d’oiseau-tonnerre, Hetux à l’aéroport international de Vancouver.
des œuvres qui contribueront au processus de réconciliation40. » Le fait de nommer le Conseil reflétait la stratégie globale de la commission visant à demander aux organismes publics fédéraux de contribuer au processus de réconciliation41. Cette mention fut perçue par les dirigeants du Conseil comme une reconnaissance significative du rôle que peut jouer le Conseil des arts du Canada dans la société canadienne au sujet de cette importante question politique. Plusieurs diraient que le Conseil a mis beaucoup de temps à reconnaître et soutenir pleinement l’art autochtone. « Il leur a fallu cinquante ans pour s’ouvrir les yeux », dit Profeit-LeBlanc. Maintenant que le Conseil a les yeux ouverts, l’organisation pourrait être à l’avant-scène parmi les organisations fédérales, avec son approche des relations autochtones au Canada. Lorsqu’on lui demande si le Conseil peut être un chef de file, Loft affirme : « Oui, il le peut, dans un rapport de nation à nation. Nous devons créer ce rapport et réaliser la conciliation. » zxzxz
On dit souvent que les organisations comme le Conseil sont pareilles à des microcosmes des communautés qu’elles représentent et servent, ou des tendances dans leur champ d’action. Si cela est vrai pour le Conseil à certains égards – comme on l’a vu dans ses efforts pour composer avec les tensions et les dynamiques entre les artistes, les formes d’art et les organismes établis et émergents. À d’autres égards, le Conseil est beaucoup plus que cela. Étant le seul conseil des arts pancanadien, le Conseil a la capacité unique de « voir » l’écosystème des arts au Canada dans son ensemble, et de comprendre et développer ce qui fait que cet écosystème est plus que la somme de ses parties régionales, linguistiques, culturelles et disciplinaires/ interdisciplinaires/inter-arts. Par le biais de ses décisions de programmes et de financement, le Conseil pose des gestes signifiants pour la situation passée, présente et future des arts au Canada. Le nouveau modèle de financement, qui transforme les structures de programme du Conseil, d’une base disciplinaire à une base non disciplinaire, et qui réduit considérablement le nombre de programmes de financement, représente un geste décisif à propos de l’évolution et de l’avenir des arts au Canada, et du rôle de l’organisation à cet égard. La nouvelle approche accorde la première place aux activités et thèmes artistiques. Ceci est exprimé clairement dans les noms des nouveaux programmes de financement, qui décrivent des activités plutôt que des disciplines : Créer, connaître et partager : Arts et cultures des Premières Nations, des Inuits et des Métis; Explorer et créer; Inspirer et enraciner; Appuyer la pratique artistique; Rayonner au Canada, et Rayonner à l’international. Ce changement souligne aussi le genre d’impacts que l’organisation cherche à créer, plutôt que de
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préciser les formes d’art qui reçoivent du financement; il est conforme à la transition, au Conseil, des fondements de la culture (le développement de la production et de l’offre, et la consolidation des disciplines) au pouvoir de l’art (le développement de la diffusion et de la demande, et l’impact des arts sur la société). Il n’était pas certain que le Conseil allait arriver à ce lieu de transformation. Jusqu’à maintenant, le chemin a été sinueux et parsemé d’embûches, avec des hauts et des bas en cours de route. Le changement organisationnel n’est jamais facile, notamment lorsque des bénéficiaires de longue date dépendent – souvent étroitement – de ces sommes. L’élargissement du nombre et de la gamme d’activités subventionnées pose un défi sur le plan politique, car celles et ceux qui se croient perdants, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’organisation, pourraient s’opposer fortement au changement pour des raisons d’ordre pécunier ou esthétique, craignant que de nouvelles approches ne réduisent leur financement, « n’affaiblissent » leur discipline ou ne réduisent les concepts mêmes de « l’art », de « l’excellence » ou de « l’artiste professionnel ». La persistance du Conseil malgré la résistance réelle ou potentielle témoigne de son désir de rester pertinent dans le contexte des changements technologiques, démographiques et socioculturels, de même que son enracinement dans, et sa compréhension des frontières et des pratiques en constante évolution de la communauté artistique. Sans nul doute, le processus n’a pas été parfait. Le Conseil a parfois été lent à répondre au besoin de changement (tel qu’en témoigne, par exemple, le délai à adapter les programmes devant l’émergence et l’évolution des pratiques multidisciplinaires et interdisciplinaires), et les changements n’ont pas toujours été introduits de manière à concorder avec les structures existantes (tel que dans les structures de programmes comme Explorations, qui fonctionnait isolément des Services disciplinaires). Néanmoins, l’organisation est demeurée en phase avec les visages changeants des arts au Canada – et de la société canadienne – au fil du temps, guidant le changement de façon à maintenir l’équilibre entre les formes d’art, les artistes et les organismes émergents et nouveaux, et celles et ceux qui sont établis et traditionnels, et à s’efforcer d’évaluer l’excellence par des critères d’importance sur les plans culturel, régional et esthétique.
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4 Trop proche ou trop loin du gouvernement ? Le Conseil des arts du Canada, société d’État : Le leadership, l’argent et les enjeux politiques et bureaucratiques
L’homme d’études et l’artiste, comme l’investigateur scientifique, exigent les larges horizons de la liberté comme la seule frontière à l’intérieur de laquelle ils puissent faire leur meilleur travail. Les organismes et les particuliers ont besoin d’aide et d’encouragement dans les tâches déjà en cours. C’est cet encouragement à exécuter les tâches déjà en cours que nous devrions viser à fournir, mais sans aucune ingérence indue. Annonce par le premier ministre Louis St-Laurent de la création du Conseil des arts du Canada à la Chambre des communes 18 janvier 1957
Le Conseil des arts appuie le principe de la responsabilité entière envers le gouvernement, le Parlement et le peuple canadien, mais il s’oppose à ce que le gouvernement reçoive de nouveaux pouvoirs sur le Conseil. Timothy Porteous, 1984 Directeur, Conseil des arts du Canada (1982–1985)
La relation d’autonomie n’est pas un obstacle, mais plutôt une base pour les rapports avec le gouvernement. Joyce Zemans, 27 mars 2015 Directrice, Conseil des arts du Canada (1989–1992)
Lorsque le Conseil des arts du Canada fut créé en 1957, comme nous l’avons vu précédemment, ce fut en vertu du principe d’autonomie par rapport au gouvernement. Le raisonnement était clair : tel que mentionné par le premier ministre Louis St-Laurent dans son discours à la Chambre des communes annonçant la création du Conseil : « Les gouvernements doivent, à mon sens, appuyer l’essor culturel du pays, mais ne pas chercher à le régir1. » Si les gouvernements successifs sont demeurés engagés par rapport au principe de base de l’autonomie, l’interprétation du concept par le gouvernement en place et le Conseil lui-même a varié. Certains dirigeants du Conseil ont ardemment défendu l’autonomie et l’indépendance de l’organisation – en des manières qui éloignaient trop le Conseil du gouvernement, selon certains critiques –, alors que d’autres dirigeants du Conseil ont adopté des rapports de collaboration beaucoup plus étroits avec le gouvernement – de trop près, selon certains. Le Conseil devrait-il se percevoir comme faisant partie de la « famille fédérale », contribuant aux grandes priorités gouvernementales ? Ou devrait-il défendre son autonomie afin de déterminer ses orientations stratégiques, ses activités et ses décisions de financement, indépendamment des orientations du gouvernement ? Devrait-il tenter d’emprunter ces deux avenues à la fois ? Quels sont les dangers d’être trop proche ou trop loin du gouvernement ? Et surtout, pourquoi devrait-on se soucier de répondre à ces questions ? À première vue, ces préoccupations peuvent sembler purement académiques au mieux, et politico-bureaucratiques avec un « p » minuscule, au pire. Selon cette dernière perspective, les discussions sur l’autonomie du Conseil ne sont que de simples balivernes, d’insignifiantes querelles internes entre le gouvernement et les dirigeants du Conseil à propos de territoires, de ressources et de prestige, animées davantage par les égos, la pensée de somme nulle et les intérêts personnels, que par les principes. Or ces questions sont bien plus que des querelles sémantiques ou des critiques malveillantes. Elles touchent au cœur même de la démocratie : si le Conseil est trop proche du gouvernement, il risque d’ouvrir la porte à l’influence politique partisane sur ses opérations, ou à des tentatives d’instrumentalisation de ses activités à des fins politiques plus larges. Comme l’affirmait le premier ministre St-Laurent, les gouvernements devraient soutenir le développement culturel, et non le contrôler. Lorsque les gouvernements essaient de contrôler la culture et les arts, ils mettent en danger les valeurs fondamentales de la démocratie – la liberté d’expression, la liberté de conscience, la liberté de pensée, de croyance et d’association; l’égalité sans considération de la race, de la nationalité, de l’ethnicité, de la couleur, de la religion, du genre, de l’âge ou du handicap. La lutte pour ces valeurs, droits et libertés a été ardue et chèrement gagnée, notamment durant la Seconde Guerre mondiale, le terrible contexte international de l’histoire des origines du Conseil. Il est rare que celles et ceux du domaine des arts et de la culture qui défendent le principe d’autonomie le fassent pour des raisons futiles. En définitive, elles et ils
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Trop proche ou trop loin du gouvernement ?
le font pour défendre des droits et libertés fondamentaux, parfois à des coûts personnels ou organisationnels élevés. En fin de compte, cependant, le Conseil des arts du Canada est un organisme public financé par l’argent des contribuables. Il ne peut se concevoir comme étant complètement détaché du gouvernement. Il doit trouver un équilibre entre la préservation de son autonomie et son rapport au gouvernement au sujet de plusieurs intérêts et priorités partagés, complémentaires ou divergents. Où se situe la bonne distance par rapport au gouvernement ? Le juste équilibre est une décision fondée sur le contexte politique et administratif d’une part, et sur les perceptions qu’ont les dirigeants du principe d’autonomie, d’autre part. Si les controverses au sujet d’œuvres d’art soutenues par des bourses du Conseil des arts du Canada ont déclenché des altercations très médiatisées avec des politiciens – « L’argent des contribuables a subventionné ça ?! » –, les disputes au sujet de l’interprétation du principe même d’autonomie ont aussi provoqué des échanges musclés. Ceux-ci ont même conduit au départ très publicisé d’un directeur du Conseil au milieu des années 1980, un fait marquant relaté plus bas. Ces dernières années, toutefois, le Conseil a adopté une approche beaucoup plus collaborative avec le gouvernement. Il n’y a pas eu de controverses très médiatisées – à tout le moins dans le domaine public – et l’organisation semble chanter la même partition (ou du moins dans le même recueil de chants) que le gouvernement, et vice versa. La confiance du gouvernement envers le Conseil et en l’importance de ses activités fut soulignée clairement en 2016, lorsque le gouvernement libéral Trudeau s’engagea à doubler le crédit parlementaire du Conseil, une augmentation sans précédent du financement de l’organisation. Comment cette approche collaborative est-elle survenue ? Témoigne-t-elle d’une maturation progressive de la compréhension du principe d’autonomie par le Conseil et le gouvernement ? Ou s’agit-il de la confluence de visions et d’intérêts communs aux deux parties, alliée à une heureuse absence de controverse au sujet des subventions du Conseil ? À l’avenir, y a-t-il des risques si le Conseil est trop proche du gouvernement ? Peut-il conserver l’autonomie dans sa prise de décision ? Ou devra-t-il tenir de plus en plus compte des priorités gouvernementales globales ou partisanes, plutôt qu’artistiques ? Le présent chapitre aborde ces questions à la lumière des expériences du Conseil en tant que société d’État au cours de ses soixante années d’histoire. Le chapitre étudie le rapport entre le Conseil et le gouvernement au fil du temps, en analysant les interprétations du principe d’autonomie, le degré avec lequel le Conseil perçoit son rôle en tant que « défenseur » des arts (et dans pareil cas, s’il plaide « à l’intérieur » ou « à l’extérieur » du système gouvernemental), et le degré de collaboration – étroite ou non – avec le gouvernement. Cette histoire est riche et vivante, et souligne les nombreux facteurs qui ont façonné la nature des rapports entre le
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
Conseil et le gouvernement : les niveaux de financement du Conseil et sa gouvernance organisationnelle; les nominations et orientations gouvernementales dans le domaine des arts et de la culture en général, et l’attention accrue que porte le gouvernement à la responsabilité financière, à l’incidence et au contrôle pendant les dernières décennies.
Les enjeux politiques et bureaucratiques : Entre l’autonomie et la collaboration La Loi sur le Conseil des arts du Canada conférait au gouvernement l’autorité de nommer le directeur du Conseil, de même que son président et son conseil d’administration; elle stipulait que ses états financiers annuels devaient être vérifiés par le Bureau du vérificateur général du Canada, et elle obligeait l’organisation à soumettre un rapport annuel sur ses activités au Parlement, par l’entremise d’un ministre désigné du Cabinet. Le pouvoir de nomination était fondamental. Le leadership du Conseil a un impact déterminant sur sa direction organisationnelle, ses orientations et son fonctionnement. Le choix du vérificateur général était également très important pour la vérification. Au lieu de conférer la responsabilité de la vérification de la comptabilité du Conseil au gouvernement lui-même, par le biais du Conseil du Trésor ou d’un autre organisme de vérification interne, la loi responsabilisait un organisme parlementaire indépendant – le même organisme qui vérifiait les finances du gouvernement pour les parlementaires. Le Conseil doit préparer un rapport annuel sur ses activités et le soumettre au ministre responsable, qui le dépose au Parlement. Ces arrangements continuent à ce jour, et sont complétés par plusieurs autres. En effet, le Conseil a plusieurs points de contact et canaux d’interaction avec le gouvernement, indépendamment de la teneur et de la dynamique de ses rapports avec les dirigeants politiques à tout moment. Plus important encore, maintenant que les revenus de la caisse de dotation du Conseil constituent une faible proportion de son budget annuel, le gouvernement décide effectivement des niveaux annuels de financement du Conseil par l’attribution des crédits parlementaires. Cet état de choses a une incidence très importante sur les activités de l’organisation – en fin de compte, le Conseil a besoin d’argent pour financer ses opérations, et l’importance de cette incidence est directement liée au financement. L’ancienne ministre fédérale de la culture Flora MacDonald a déclaré sans ambages que le gouvernement pouvait modifier sa relation d’autonomie avec les organismes culturels en procédant à une augmentation ou une diminution de leur financement2. Le gouvernement affecte également le Conseil par le biais du ministre et du ministère responsable de la culture et des arts (au moment de la rédaction, il s’agissait du
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4.1 Michael Snow, Bees Behaving on Blue, 1979. Michael Snow est un sculpteur, photographe, peintre, musicien et cinéaste torontois qui explore des approches créatives de représentation du temps et de l’espace. Snow a créé Bees Behaving on Blue lorsqu’il a découvert des centaines d’abeilles mortes en revenant à sa cabane de Terre-Neuve et Labrador au printemps. Son travail a été présenté lors d’expositions individuelles et de rétrospectives au Canada et sur la scène internationale, notamment à la Biennale de Venise et au Centre Pompidou à Paris.
ministre et du ministère du Patrimoine canadien), et par les organismes centraux dotés de mandats administratifs et politiques pour l’ensemble de la fonction publique, comme le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé. Sur les questions d’importance politique plus large, ou lors de controverses publiques impliquant le Conseil, le gouvernement interagit directement avec l’organisation à l’échelon du ministre, du cabinet et même du premier ministre. L’existence de ces points de connexion est tout à fait justifiée – après tout, le Conseil est un organisme public. Il faut cependant savoir s’ils ont été utilisés de manière à compromettre l’autonomie de l’organisation et sa capacité à remplir son mandat à l’abri de toute ingérence politique. Dans l’ensemble, tel que démontré
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plus bas, le gouvernement a respecté le principe d’autonomie du Conseil. Ceci étant dit, on a observé plusieurs moments cruciaux lors desquels le gouvernement aurait pu tenter – et a parfois tenté – d’influencer indûment les activités du Conseil. Si l’on a remarqué un nombre relativement restreint de confrontations publiques avec le gouvernement, les querelles publiques retenaient beaucoup l’attention de la communauté artistique et au-delà. Toutefois, les confrontations avec le gouvernement ont généralement été des affaires privées, menées à huis clos, à l’insu des médias ou du public. Rétrospectivement, tel que relaté ci-dessous, plusieurs de ces conflits penchaient davantage vers le tragicomique que vers le tragique, et celles et ceux qui racontent ces événements le font avec exubérance, et même avec euphorie. Outre leur aspect divertissant, individuellement et collectivement, ces incidents ont orienté la compréhension et l’interprétation du principe d’autonomie par le Conseil et le gouvernement au fil des années. D’autres facteurs ont également influencé les conceptions du principe d’autonomie. Dans le cas du gouvernement, il s’agit du profil des dirigeants qu’il nomme au Conseil, du niveau de financement qu’il alloue à l’organisation, de l’orientation et du degré d’attention qu’il accorde aux arts et à la politique culturelle. Dans le cas du Conseil, en plus de la perception qu’ont les dirigeants du principe d’autonomie, la capacité et l’efficacité de la gouvernance interne de l’organisation informent également sa conception du principe d’autonomie et son approche générale face au gouvernement. Finalement, la tendance de l’administration publique à une plus grande centralisation et une plus grande responsabilité en matière de gestion et de prise de décision depuis les années 19803 influence aussi les rapports entre le Conseil et le gouvernement, de même que leurs interprétations du principe d’autonomie. Avec le temps, l’effet cumulatif de ces facteurs contribue à expliquer pourquoi le Conseil a pu aborder en toute confiance le développement de relations plus étroites et collaboratives avec le gouvernement ces dernières années. Les premières années (de 1957 à la fin des années 1960) : Tout se passe assez bien Pendant plus d’une décennie après la création du Conseil, le gouvernement n’a pas essayé d’influencer indûment son travail. Frank Milligan, employé de longue date au Conseil et directeur adjoint pendant les années 1970, a publié des articles savants faisant l’analyse critique de l’organisation. Il explique en partie l’intérêt limité des politiciens pour le Conseil à ses débuts, parce qu’il ne recevait pas de crédits annuels du gouvernement à l’époque. Milligan fait remarquer : « en l’absence de demandes annuelles relatives au budget des dépenses publiques, ou de quoi que ce soit qui puisse susciter des débats parlementaires, les politiciens avaient peu de raisons de s’intéresser aux opérations du Conseil, dont le fonctionnement, de 1957
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à 1965, correspondait essentiellement à celui d’une fondation privée4. » Lorsque le Conseil commença à demander du financement supplémentaire au début des années 1960, et que le gouvernement répondit d’abord par un paiement forfaitaire, puis par des crédits annuels (voir chapitre 1), les dirigeants du Conseil s’inquiétèrent du fait que l’obtention de financement directement du gouvernement pourrait donner lieu à de l’ingérence politique. L’organisation garda cependant le contrôle sur l’affectation de ces fonds. Le directeur fondateur Albert Trueman commenta ainsi le premier paiement forfaitaire : « à ma grande surprise, le Gouvernement proposa un crédit de dix millions de dollars, et laissa le Conseil libre de le dépenser en une seule année, ou pendant autant d’années qu’il le souhaitait5. » Toutefois, lorsque les crédits annuels firent partie de l’équation, le Conseil dut soumettre des prévisions annuelles de dépenses au Conseil du Trésor afin de justifier ses demandes de financement. Comme l’affirme Milligan, les fonds alloués à l’organisation étaient versés à condition que « le Conseil du Trésor accepte le droit absolu du Conseil de déterminer comment le crédit serait dépensé6. » La seule exception était la distribution des dépenses entre la recherche scientifique et les arts, le Conseil du Trésor ayant le dernier mot sur la répartition du financement entre les deux secteurs. Le Conseil du Trésor calculait les montants relatifs à chaque objet en étudiant les crédits annuels versés d’une part au Conseil des recherches médicales et au Conseil national de recherches (pour le financement aux sciences humaines et sociales) et, d’autre part, à la Société Radio-Canada, à l’Office national du film, au Centre national des Arts et aux musées nationaux (pour le financement aux arts). Il ne faudrait pas en conclure que les relations furent toujours fluides ou complètement dénuées de partisanerie. À la suite d’une décision qui pourrait étonner les lecteurs d’aujourd’hui, le premier ministre progressiste-conservateur Diefenbaker (1957–1963) limita une augmentation de salaire pour le premier directeur Trueman à un millier de dollars, parce que Trueman avait des allégeances libérales. Le premier ministre expliqua comme suit sa décision à Douglas Weldon, président du Conseil à l’époque (1961–64) : « Trueman est un Grit [libéral], son fils Peter est un Grit, et Peter écrit des chroniques dans le Star de Montréal où il me critique, moi et mon gouvernement. Pourquoi devrais-je augmenter le salaire de Trueman7 ? » Diefenbaker songea également à remplacer Norman MacKenzie comme membre fondateur du Conseil, en raison de ses liens avec le Parti libéral et le chef de l’opposition d’alors, Lester B. Pearson. Le député conservateur de Colombie-Britannique Leon Ladner déconseilla cependant le premier ministre d’agir ainsi, l’informant que MacKenzie, alors recteur de l’Université de la Colombie-Britannique, ne s’entendait pas bien avec le premier ministre créditiste de la Colombie-Britannique, W.A.C. Bennett (un avantage), mais qu’il était bien apprécié des conservateurs de la Colombie-Britannique à Ottawa (un autre avantage)8.
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4.2 Albert W. Trueman, premier directeur du Conseil des arts du Canada (1957–1965). Dans les premières années du Conseil, avant l’application de l’évaluation par les pairs à tous les programmes, les membres du Conseil et le directeur étaient impliqués personnellement dans l’évaluation des demandes de subventions.
D’un autre côté, les nominations du Conseil furent critiquées durant cette période par les membres des communautés artistiques et universitaires sur la base du mérite ou du manque de mérite. Si les premiers membres du conseil d’administration du Conseil possédaient une expertise et une expérience solides – dont les commissaires de la Commission Massey-Lévesque, Georges-Henri Lévesque et, comme on vient de le mentionner, Norman MacKenzie –, la composition des membres du conseil d’administration a varié avec le temps. Milligan écrit : « Il y avait parfois une fâcheuse tendance, parmi les ministres, à baser leurs nominations sur aucun motif autre que de récompenser la fidélité politique9. » Le président du Conseil Claude Bissell (1960–1962) ira jusqu’à décrire avec tact le Conseil du début des années 1960 en ces termes : « Honnêtement, je ne peux dire que le Conseil dans son ensemble est aussi avisé et informé qu’il est charmant et aimable10. » Si les nominations gouvernementales au Conseil étaient loin d’être parfaites au cours des années suivantes, le processus de nomination s’est grandement professionnalisé,
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priorisant le choix de membres du conseil d’administration qui, en plus d’être représentatifs de la diversité des régions, des langues, des cultures, des sexes et des disciplines au pays, correspondaient également aux exigences organisationnelles en matière de compétences, d’expertise et d’expérience. Ce point sera analysé plus en détail ci-dessous. Dans la tourmente : Des années 1970 au milieu des années 1980 L’autonomie de financement du Conseil a changé au début des années 1970, au moment où le gouvernement a commencé à réserver des fonds alloués à l’organisation. Dans certains cas, comme la création de la Banque d’art en 1972 et le soutien à l’édition canadienne, la demande de fonds affectés à des fins spécifiques provenait du Conseil, et n’était donc pas perçue par ses dirigeants comme étant problématique. En d’autres cas, cependant, le gouvernement identifiait lui-même les objectifs des fonds mis en réserve, incluant des fonds de propulsion (thrust funds) en 1977, pour apporter une aide spéciale aux sciences humaines et sociales « afin de corriger les déséquilibres régionaux, soutenir les efforts multidisciplinaires, ou traiter des problèmes d’envergure nationale11. » Cette même année, le gouvernement invita également le Conseil à proposer des activités artistiques pour appuyer l’unité nationale. Ces initiatives furent entreprises dans le contexte des tensions croissantes entre les régions et à l’échelle fédérale-provinciale, notamment avec la province de Québec, tensions qui aboutirent au référendum provincial (infructueux) sur la souveraineté en 1980. Tandis que le Conseil administrait les fonds de propulsion et proposait des activités de programmes pour appuyer l’unité nationale, les actions du gouvernement préoccupaient sérieusement les dirigeants du Conseil. Dans le rapport annuel de l’organisation pour 1977–1978, la présidente d’alors, Gertrude Laing (1974–1978), exprimait sans détour l’importance pour le Conseil d’un financement sans contraintes politiques – et, par extension, d’un soutien sans contraintes aux artistes : « Se montrer libéral envers les arts lorsqu’ils servent la cause de l’unité nationale, mais leur ménager les crédits en d’autres circonstances : voilà une attitude qui, en matière de politique culturelle, m’inquiète profondément12. » Laing poursuivait : « Expression de l’esprit et de la liberté humaine, l’art ne peut en effet trouver son plein épanouissement que dans un climat où les jugements de valeur, et les dispositions financières qui en découlent, sont exclusivement fondés sur des critères artistiques interprétés par des connaisseurs13. » Elle faisait clairement référence au processus d’évaluation par les pairs au Conseil. Le gouvernement chercha également à orienter le financement du Conseil en 1979–1980, lorsqu’il retira du financement à la Banque d’art pour de nouvelles acquisitions. En réaction, le Conseil réaffecta des fonds en provenance d’autres programmes, afin de continuer à soutenir le
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programme d’acquisitions – incluant une partie du financement supplémentaire reçu pour l’unité nationale14. Ce fut loin d’être la dernière confrontation entre le Conseil et le gouvernement au sujet du concept d’autonomie. En fait, la plus grande bataille restait à venir. Elle est effectivement venue au début des années 1980, lorsque le gouvernement chercha à placer le Conseil sous l’autorité de la Loi sur la gestion des finances publiques (lgfp). Ce changement administratif apparemment inoffensif déclencha l’affrontement public le plus important entre le gouvernement et le Conseil au cours de ses soixante ans d’existence. Il marquait aussi un tournant dans la compréhension et la mise en œuvre du principe d’autonomie. À la fin des années 1970, la proportion du financement du Conseil représentée par les recettes de sa dotation avait baissé à seulement 15 pour cent : les crédits
4.3 Germaine Koh, HIGH NOON, ou « une rencontre ritualisée dans le quartier central des affaires à Toronto », performance in situ à l’intersection de University Avenue et Front Street, le 13 mai 2004 à midi, d’une durée de vingt minutes. Jade Rude (à gauche) et Germaine Koh (à droite) sont arrivées en provenance de deux directions distinctes sur le site, une aire bétonnée, entourée de piquets et de chaînes métalliques. Elles se sont affrontées pendant trois rondes.
parlementaires ne totalisaient pas moins de 85 pour cent du financement du Conseil15. Toutefois, le financement total du Conseil était relativement modeste par rapport à l’ensemble des dépenses gouvernementales. Le président du Conseil Mavor Moore (1979–1983) l’exprima clairement dans un discours à l’occasion d’une tournée des Canadian Clubs en 1981: « Au Canada, et partout dans le monde, la seule façon de permettre aux arts de remplir le rôle qui leur convient particulièrement, c’est de leur fournir les outils et d’arrêter de revenir sur les coûts relativement modestes. Même à l’heure actuelle, le budget entier de soutien aux arts du Conseil des arts du Canada est inférieur au coût d’un seul avion de combat16. » Cependant, l’attention du gouvernement se tournait sérieusement vers le contrôle et l’administration financière à la suite des crises énergétiques des années 1970, qui avaient provoqué la hausse fulgurante du prix du pétrole, plongé l’économie dans la stagflation et mené finalement à une dette et à des déficits croissants à l’échelle fédérale. La gestion et la limitation des dépenses devenaient les mots d’ordre de l’époque; au début des années 1980, les gouvernements mirent en place une série de mesures visant à renforcer la gestion et le contrôle financier. Parmi ces mesures, figurait la décision de placer les sociétés d’État sous l’autorité de la Loi sur la gestion des finances publiques. Cette loi énonce les pouvoirs du Conseil du Trésor en ce qui a trait aux ressources financières et humaines, ainsi que les pouvoirs et responsabilités des ministères et organismes gouvernementaux sur des questions telles que la vérification interne, les contrats, les dépenses et la dette. La partie X de la loi, qui s’applique aux sociétés d’État, fut mise en place par le gouvernement libéral Trudeau (1980–1984) en 1984, en raison de « défaillances majeures et de crises financières au sein des sociétés d’État17. » Le Conseil n’était pas au nombre des mauvais joueurs, mais il fut néanmoins pris dans le filet. Le directeur du Conseil à l’époque, Timothy Porteous (1982–1985), devint un opposant déclaré de ce changement proposé, qui devait s’appliquer à toutes les sociétés d’État, dont le Conseil des arts du Canada et d’autres organismes culturels fédéraux comme le Centre national des Arts (cna), la Société Radio-Canada et Téléfilm. Porteous dénonça publiquement le projet de loi C-24, qui proposait des révisions à la Loi sur la gestion des finances publiques. Il avait de nombreuses réserves, détaillées dans un document d’information du Conseil des arts du Canada en date de 1984, portant son nom : Le Conseil des arts appuie le principe de la responsabilité entière envers le gouvernement, le Parlement et le peuple canadien, mais il s’oppose à ce que le gouvernement reçoive de nouveaux pouvoirs sur le Conseil. […] Le Projet de loi C-24 accroîtra considérablement les pouvoirs du gouvernement sur le Conseil, supprimant ainsi l’indépendance du Conseil voulue par le Parlement. L’autorité essentielle sur les politiques, programmes, priorités et
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4.4 Timothy Porteous, directeur du Conseil des arts du Canada, 1982–1985. Porteous est reconnu comme l’ardent défenseur du principe d’autonomie du Conseil des arts du Canada face au gouvernement.
budgets passera du Conseil aux hauts fonctionnaires et ministres du gouvernement. Il s’ensuivra une détérioration de la qualité des jugements portés sur les besoins et priorités dans le domaine des arts et, peut-être, une importante diminution de la protection contre les interventions politiques et bureaucratiques. C’est cette absence d’intervention qui a fait du Conseil un organisme de subvention des arts efficace et digne de confiance18. Plus loin, le document signalait : rien dans la loi n’empêche le gouvernement de modifier la structure de décision du Conseil et de faire du système d’évaluation par des confrères un mécanisme consultatif auquel aurait recours quelque autre autorité, ou qui serait subordonné à des contraintes prépondérantes de politique. Le Conseil n’a aucune assurance que le gouvernement ne fera pas usage des pouvoirs
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décrits dans le Projet de loi, et tout engagement à ne pas les appliquer au Conseil ne lierait en rien les gouvernements futurs. La seule protection sûre contre l’imposition de ces pouvoirs est l’exclusion du Conseil des arts du Projet de loi19. Les hauts fonctionnaires auraient averti Porteous de ne pas se prononcer contre le projet de loi C-24, mais il alla de l’avant et fut soutenu dans ses efforts par la présidente du Conseil Maureen Forrester et la présidente du cna Pauline McGibbon, qui témoignèrent conjointement devant le Comité permanent de la radiodiffusion, des films et de l’assistance aux arts de la Chambre des communes, et menacèrent de démissionner si le Parlement imposait de nouvelles contraintes financières à leurs organisations20. Finalement, le plaidoyer porta fruit : dans la version finale du projet de loi devenu loi, le Conseil des arts du Canada, le cna, Téléfilm Canada et la Société Radio-Canada furent tous exemptés de la Partie X de la lgfp. Dans les années qui suivirent, à l’exception de certaines mesures liées aux ressources humaines, à la tenue de livres et à la vérification, ces organismes demeurèrent exemptés de la loi21. En effet, la nécessité de protéger les organismes culturels comme le Conseil du contrôle gouvernemental direct fut bien acceptée par le gouvernement. Tel que mentionné dans un examen du cadre de gouvernance des sociétés d’État, publié en 2005 par le Secrétariat du Conseil du Trésor : « La variation la plus fréquente par rapport au système uniformisé de gouvernance, de contrôle et de responsabilisation de la lgfp consiste à soustraire la société à l’obligation de présenter un plan d’entreprise annuel et de le faire approuver par le gouvernement. Cette mesure, qui s’applique principalement à plusieurs sociétés à vocation culturelle, a été adoptée dans le but de protéger contre les possibilités d’ingérence politique le mandat que le Parlement a explicitement confié à l’organisation22. » Des personnes proches du Conseil reconnaissent que Porteous a payé très cher ses actions. Ses frictions avec le gouvernement continuèrent bien au-delà de l’adoption du projet de loi C-24 et se prolongèrent après l’élection du gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney à l’automne 1984. L’année suivante, le 2 juillet 1985, il démissionna en tant que directeur du Conseil, déclarant que le gouvernement projetait de mettre fin à son emploi23. Dans un discours préparé, livré lors de l’annonce de cette nouvelle, il critiqua Marcel Masse, ministre des Communications à l’époque, pour ne pas avoir suivi l’avis du Conseil et ne pas avoir rencontré sa présidente pour discuter de l’avenir de l’organisation24. Il s’est aussi déclaré vivement préoccupé par le niveau de financement du Conseil – qui avait connu de réelles baisses la décennie précédente – et par le financement direct des organismes artistiques par le gouvernement. Porteous mentionnait : « La question véritable n’est pas une réduction du financement des arts. Elle porte sur la manière dont les réductions ont été faites. Or, au moment même où les budgets des
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organismes artistiques ont été réduits ou gelés, les fonds destinés aux arts que le ministre gère directement ont augmenté25. » En effet, tel qu’analysé au chapitre 2 et plus en détail ci-dessous, le gouvernement fédéral est devenu de plus en plus actif dans le domaine des arts et de la culture à compter de la fin des années 1960. Ceci comprenait les célébrations d’Expo 67, les démarches du Secrétaire d’État en matière de développement culturel (notamment la politique culturelle fédérale de démocratisation et de décentralisation de Gérard Pelletier), la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, le développement de la politique du multiculturalisme, la création d’autres organismes culturels comme Téléfilm et de nouveaux musées nationaux, la mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion et les exigences de contenu canadien. Le Comité d’étude de la politique culturelle fédérale de 1980 (le Comité ApplebaumHébert) témoignait également de l’intérêt croissant du gouvernement pour la politique culturelle. Le rapport final du comité, publié en 1982, soulignait l’importance que revêt toujours le statut autonome du Conseil des arts du Canada. Vu l’intérêt et l’attention grandissante portée aux arts et à la culture par le gouvernement fédéral, il était probablement inévitable que le Conseil allait entrer en conflit – ou du moins vivre des tensions – avec le gouvernement. Il n’était pas cependant inévitable que l’organisation allait lutter pour, et réussir à conserver son statut autonome. Cette époque est déterminante à cet égard. Toutefois, ce n’était pas la fin des défis pour l’organisation, loin de là. Si le Conseil était sorti de cette période sans perdre son autonomie, il allait être mis à très rude épreuve sur le plan financier. Du milieu des années 1980 à la fin des années 1990 : Rafales, lames de fond et accalmies dans les relations entre le Conseil et le gouvernement Durant les quinze dernières années du vingtième siècle, la relation entre le Conseil et le gouvernement au sujet du principe d’autonomie fut beaucoup moins houleuse que pendant la décennie précédente. Les coupures de financement monopolisèrent plutôt l’attention de l’organisation. La situation financière du Canada devint encore plus désastreuse au cours des années 1990, avec un accroissement des coupures de financement du Conseil année après année. La figure 1 présente les crédits parlementaires du Conseil et les revenus provenant de sa dotation, en dollars constants et en dollars courants, et au prorata de la population à tous les cinq ans durant les soixante années de son existence. Comme cette figure le démontre, les crédits parlementaires ont connu une hausse constante, à l’exception notable des coupes budgétaires des années 1990 décrites plus bas. Les recettes de la caisse de dotation ont augmenté lentement au cours des années, et connu une certaine variabilité due au rendement des marchés, mais dans l’ensemble, elles ont représenté une
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part de plus en plus petite du financement du Conseil. À la fin des années 1960, les recettes de la caisse de dotation étaient à égalité avec les premiers crédits parlementaires alloués au Conseil, mais l’écart entre les deux s’est élargi rapidement à compter des années 1970. Durant les années 1980, les revenus de la dotation totalisaient environ 15 pour cent du budget du Conseil; à partir des années 1990, ils représentaient moins de 10 pour cent du financement de l’organisation. Pendant les années 2000, ce chiffre a chuté à environ 5 pour cent; avec la promesse de doubler le crédit parlementaire du Conseil entre 2016 et 2020, il tombera à son point le plus bas à ce jour. Tandis que la figure 1 suggère un accroissement des revenus en dollars courants comme en dollars constants, si le financement du Conseil est calculé en dollars constants au prorata de la population, le tableau est un peu moins encourageant. Le financement par habitant est passé de 2,51 $ en 1969–1970 à un sommet de 6,11 $ en 1989–1990. Il a diminué considérablement avec les coupures des années 1990, pour remonter au cours des années suivantes, sans toutefois revenir au sommet de 1989–1990. Bien sûr, la bonne nouvelle est que si le gouvernement respecte son engagement de doubler le crédit parlementaire du Conseil entre 2016 et 2020, ceci aura pour effet d’augmenter son financement à un niveau sans précédent au cours des années à venir. La figure 1 présente le financement par le Conseil aux cinq ans. Un examen du financement du Conseil année après année, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, révèle que l’organisation a subi des coupures totalisant près de quinze millions de dollars durant cette période. Ceci a forcé l’organisation à réduire ses programmes et à fermer ses bureaux régionaux. Toutefois, le sommet de la réduction des dépenses déferla avec l’Examen des programmes du gouvernement Chrétien en 1994–1995. Tel que mentionné au chapitre 2, l’Examen des programmes réduisit la totalité des dépenses du gouvernement fédéral de plus de dix milliards de dollars en l’espace de trois ans, avec des coupures dans presque tous les ministères et organismes, qui perdirent dans certains cas la moitié de leur financement. Le Conseil ne fit pas exception; il dut prendre part au processus. À l’époque, le directeur était Roch Carrier, l’auteur adulé du Chandail de hockey, le célèbre livre pour enfants qui raconte l’histoire d’enfance de Carrier, né dans un village au Québec, qui reçoit malheureusement un chandail de hockey des Maple Leafs de Toronto commandé à l’aide du catalogue Eaton, au lieu du maillot des Canadiens de Montréal, qu’il attendait. Le conte met en scène les tensions entre anglophones et francophones, la passion commune des Canadiennes et des Canadiens pour le hockey, et comment c’était de grandir à la campagne au Québec, au milieu du vingtième siècle. Bien entendu, Carrier n’a pas été choisi pour diriger le Conseil à cause de ses talents de conteur. Il fut nommé par le gouvernement libéral Chrétien en raison de sa solide réputation de gestionnaire, et parce qu’il avait une expérience directe
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Millions de dollars
Dollars, crédits parlementaires par habitant
Budget du Conseil des arts du Canada (1957–2015)
Figure 1 Notes : Les chiffres reflètent le mandat actuel du Conseil des arts du Canada. Les montants alloués aux sciences humaines et sociales n’apparaissent pas dans les données. Les montants des crédits parlementaires et de la caisse de dotation sont tirés des rapports annuels publiés pendant l’année civile en question (i. e., 1965 correspond au Rapport annuel 1964–1965, publié en 1965). Cela étant, les crédits parlementaires débutent en 1970 seulement (le premier crédit a été octroyé durant l’année fiscale 1965–1966). À compter de 2000, les intérêts et dividendes sur la dotation comprennent les dotations autres que le fonds d’origine de 50 millions de dollars, comme la dotation Killam (les rapports annuels ne font plus de distinction entre les différentes dotations depuis 2000). Les montants en dollars constants de 2016 ont été calculés à l’aide de la feuille de calcul de l’inflation de la Banque du Canada, disponible en ligne : http://www.banqueducanada.ca/taux/renseignements-complementaires/feuillede-calcul-de-linflation/. Sources : Crédits parlementaires : Conseil des arts du Canada, Crédits parlementaires accordés et financement des arts par le Conseil des arts, de 1957–1958 à 2014–2015, [n.d.] Disponible en ligne : http://chiffreshistoires.conseildesarts.ca/_pdf/2014/FR/SS_Parlam_Appropriation_2014-15_FR.pdf. Revenus de dotation : Conseil des arts du Canada, Rapports annuels. Données sur la population : Statistique Canada, Estimations de la population, selon le groupe d’âge et le sexe au 1er juillet, Canada, provinces et territoires. Annuel. CANSIM, Tableau 051–001. Disponible en ligne : http://www5.statcan. gc.ca/cansim/a26?id=510001&lang=fra.
de gestion dans le domaine de la culture, notamment en tant que membre du conseil d’administration puis président du Salon international du livre de Montréal, et secrétaire général du Théâtre du Nouveau-Monde. Carrier raconte comment il rencontra le premier ministre Chrétien pour la première fois suivant sa nomination au Conseil, lors d’une réception à la résidence du gouverneur général. Le premier ministre le prit à part et bougonna : « Roch, ou bien tu fais quelque
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4.5 La danseuse et chorégraphe indépendante Sarah Chase interprète sa pièce autobiographique muzz, présentée en tournée à travers le Canada et sur la scène internationale, 2001–2002.
chose au Conseil des arts ou bien je vous ferme !26 » Carrier avait entendu que le gouvernement était peu satisfait du Conseil, mais il savait maintenant à quel point la situation était grave. Il commença à étudier les finances de l’organisation et fut troublé de constater que les coûts administratifs étaient de l’ordre de trente cents pour chaque dollar de subventions attribuées. Il se fixa comme objectif de réduire les dépenses administratives afin d’habiliter l’organisation à « récupérer l’argent ». Avec comme tâche la réduction des dépenses du Conseil de plus de dix millions de dollars, Carrier, en collaboration avec la présidente du Conseil Donna Scott (1994–1998), aborda le défi dans la plus pure tradition de l’organisation, c’està-dire en consultant les artistes et les organismes artistiques à travers le pays. En décembre 1994, le Conseil organisa une tournée pancanadienne, avec des séances de discussion ouverte dans dix-sept villes canadiennes, en commençant par la Colombie-Britannique pour se déplacer vers l’Est. À l’époque, cette approche avait dû paraître tout à fait raisonnable aux dirigeants du Conseil. Après tout, quoi de mieux pour identifier comment gérer les coupures, qu’une consultation auprès de la communauté qu’elles affecteraient ? Et quoi de mieux pour habiliter le Conseil
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à « récupérer l’argent », qu’une tournée à travers le pays, avec une bonne visibilité médiatique ? Rétrospectivement, toutefois, le processus – malicieusement surnommé « The Roch and Donna Show » par certains critiques – fur un désastre total, du moins à court terme. Carrier se remémore : « J’ai commencé à Vancouver et après avoir commencé mon petit discours d’introduction – j’ai parlé à peu près une minute et demie – et quelqu’un s’est levé en faisant du bruit avec sa chaise, a traversé la salle, est sorti dehors en claquant la porte. Et j’ai appris plus tard à mon retour à Ottawa », poursuit-il avec un petit rire narquois, ses yeux chaleureux plissés dans un sourire espiègle, « qu’il avait téléphoné au ministre [des Communications Michel] Dupuy dans le temps pour demander ma démission ! » Il continue son récit, affichant une expression déconcertée : « Ça a été ma première rencontre, on a traversé le Canada, et ça c’était juste le commencement. C’était pire de rencontre en rencontre en rencontre », dit-il en éclatant de rire, « parce que l’information circulait ! » Carrier, en bon conteur, termine son histoire avec un grand coup, lorsqu’il raconte un dernier moment qui résume de manière comique à quel point les choses avaient mal tourné. « La dernière rencontre qu’on a eu, c’était à St-Jean, Terre-Neuve. On était dans un hôtel au bord de la mer. » Il ajoute : « La réunion à Terre-Neuve, là, c’était absolumment incroyable. C’était comme un ring de boxe mais avec des mots ! » Puis il raconte l’histoire : « Et tout à coup il y a eu un moment de silence »; il baisse la voix et dit lentement : « puis personne ne parle. » Il s’arrête, tourne la tête comme s’il regardait par la fenêtre, et se rappelle : « Et je tourne les yeux et je n’avais pas encore regardé la mer qui était juste là, de l’autre côté de la fenêtre et les icebergs et je dis, “Tout de même, les icebergs sont beaux ici”. » Il éclate de rire et poursuit : « Et il y a une dame qui dit », – il l’imite en train de crier d’une voix forte – «We are fed up here in Newfoundland with all you people from Ottawa coming to tell us that we have beautiful icebergs! We want money!!! » La voix de Carrier s’apaise, il termine son récit en disant lentement, d’une voix morne : « I want money too. » Si la tournée à travers le pays fut difficile et l’atmosphère, hargneuse, selon Carrier, elle atteignit l’objectif prévu : il avait une vision à long terme. À la suite du « Roch and Donna Show », Carrier fut contacté par des membres du Parlement et des sénateurs qui avaient entendu parler des coupures affectant le Conseil par leurs électeurs et, ce faisant, avaient pris conscience du soutien reçu de l’organisation par leurs communautés et régions. Ceci plaça avantageusement le Conseil sur le « radar » du gouvernement, le mettant en bonne position pour permettre à Carrier de « récupérer l’argent ». Le point culminant de l’approche à long terme de Carrier survint en 1997, à l’occasion du quarantième anniversaire du Conseil. Une cérémonie fut organisée sur la Colline du Parlement, à laquelle assista le premier ministre
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Jean Chrétien. Parmi les invités d’honneur, on trouvait le père Georges-Henri Lévesque (membre influent de la Commission Massey-Lévesque et premier vice-président du Conseil), le distingué pianiste canadien Jon Kimura Parker, la fondatrice du Ballet national du Canada Celia Franca, l’auteure et dramaturge québécoise Marie-Claire Blais, l’artiste visuel Takao Tanabe et le cinéaste Atom Egoyan. Cet événement s’avéra central pour l’obtention d’un « réinvestissement » de fonds dans le Conseil par le gouvernement Chrétien : vingt-cinq millions de dollars en 1997, et un autre montant de dix millions en 1999. À court terme, cependant, Carrier et Scott durent agir. Les résultats des consultations et des discussions internes du Conseil étaient reflétés dans le document Vers une nouvelle perspective, daté de mars 1995, qui présentait le plan de gestion des coupures par le Conseil. L’objectif principal était de maintenir les montants des bourses et des subventions pour les artistes et les organismes artistiques en réduisant les coûts au Conseil, incluant la fermeture de la Banque d’art, la réduction des coûts administratifs de près de 50 pour cent, le transfert de la responsabilité du financement de la formation pré-professionnelle au gouvernement fédéral et, tel que mentionné dans le dernier chapitre, la fermeture de l’Office des tournées et l’intégration du programme Explorations parmi les disciplines. La décision de fermer la Banque d’art fut finalement annulée, à la suite d’un tollé de la communauté des arts visuels affirmant la nécessité et la pertinence de ce programme, et de graves inquiétudes sur le fait que l’aliénation de l’importante collection de la Banque d’art inonderait le marché de l’art, dépréciant la valeur de l’art visuel canadien. Le Conseil engagea plutôt l’ancien directeur de la Banque d’art Luke Rombout, afin d’identifier d’autres moyens de corriger la situation. Ses recommandations comprenaient notamment la location d’espaces d’entreposage moins coûteux, la réduction du personnel et la diminution des activités de diffusion. Avec l’application de ce type de mesures, le déficit de fonctionnement annuel du programme passa de 2,1 millions de dollars à 450,000 $, et fonctionna par la suite sur le principe de la récupération des coûts (tel qu’analysée dans le chapitre de conclusion, cette approche opérationnelle de la Banque d’œuvres d’art a eu un impact durable sur sa capacité à développer des activités autres que la location d’œuvres d’art). Si la décision à propos de la Banque d’art fut annulée, le Conseil a maintenu les autres coupures annoncées. Le personnel fut particulièrement touché. Pour souligner au gouvernement (et à la communauté artistique) que l’organisation mettait l’accent sur le soutien aux arts, et non sur ses effectifs administratifs, en trois ans l’administration réduisit ses dépenses salariales de 11,7 millions à 9,1 millions de dollars; environ un membre du personnel sur trois fut congédié. Carrier se remémore gravement : « J’ai même dû prendre un cours pour apprendre, “How to fire people”. C’était une période dure. » Ces réductions de personnel s’ajoutèrent à celles
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4.6 Roch Carrier, directeur du Conseil des arts du Canada, 1994–1997 (à gauche) et Donna Scott, présidente, 1994–1998 (à droite), en compagnie du premier ministre Jean Chrétien, 1993–2003 (au centre), lors d’une cérémonie commémorant le 40e anniversaire du Conseil des arts du Canada en 1997. Carrier et Scott travaillèrent conjointement à mettre en œuvre les coupures exigées par le gouvernement Chrétien, mais réussirent à obtenir du financement supplémentaire lorsque la situation financière s’est améliorée.
effectuées à la suite des baisses de financement du début des années 1990. En tout, entre 1992–1993 et 1996–1997, le Conseil réduisit le nombre de postes de près de la moitié, soit de 268 à 13827. Au total, pendant les années 1990s, les crédits parlementaires du Conseil (en dollars courants) sont passés d’un sommet de 105,5 millions de dollars en 1991– 1992, à 99,3 millions en 1993–94, pour baisser à 97,9 millions en 1995–1996, et même encore plus bas, à 91,1 millions en 1996–199728. Ceci représente une coupure de près de 15 millions de dollars (14,2 pour cent) en cinq ans. En dollars constants (dollars de 2015–2016), la baisse est encore plus prononcée, à un peu plus de 20 pour cent (20,5 pour cent). En réalité, les vraies coupures en dollars constants dans le budget du Conseil datent de 1989–1990, lorsque les crédits parlementaires en dollars constants s’élevaient à 173,2 millions de dollars, pour diminuer à 128,3 millions en 1996–1997, une baisse de plus de 25 pour cent (25,9 pour cent). Toutefois, tel que mentionné plus haut, le Conseil fut « récompensé » pour sa performance financière lors de l’Examen des programmes, avec l’obtention d’un réinvestissement de 35 millions de dollars dans la seconde moitié des années 1990.
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Malgré l’animosité et les bouleversements organisationnels occasionnés par l’Examen des programmes et les coupures du début des années 1990, les rapports entre le Conseil et le gouvernement au sujet du principe d’autonomie furent moins tendus qu’ils ne l’avaient été dans les années 1980. Ces tensions ne furent pas réglées en public non plus. Ceci était dû en partie à la nouvelle direction du Conseil. Lorsque Joyce Zemans fut nommée directrice en 1989, elle s’employa à reconstruire les relations avec le gouvernement, à la suite du conflit sur le principe d’autonomie, au milieu des années 1980. Cela ne signifie pas que tout était calme dans les rapports entre le Conseil et le gouvernement durant cette période, ni que le gouvernement a complètement laissé le Conseil à lui-même, mais les choses se sont améliorées. Zemans décrit sa première rencontre avec Marcel Masse, ministre des Communications sous le gouvernement Mulroney. « Il m’a dit deux choses. Premièrement : “Vous savez que le concept d’autonomie n’est pas français.” Deuxièmement, il a dit : “Il y a devant ma porte des sacs de lettres plaidant pour le soutien du gouvernement aux arts – mais leur adresse de retour est celle du Conseil des arts”29. » Il semble que le Conseil aurait appuyé une campagne de revendication pour les arts et contribué financièrement aux frais de poste. Zemans poursuit : « Masse m’a dit : “Je suis à l’écoute des électeurs – mais pas de ce genre de pressions.” » Pour Zemans, « Ce fut une leçon importante sur les groupes de pression et sur la revendication. Le Conseil peut offrir des avis en matière de politiques et des avis basés sur la communauté artistique et les conseillers dans le domaine des arts, mais il ne devrait pas faire carrément du lobbying de cette manière-là. » Tel que mentionné dans la citation placée en exergue de ce chapitre, Zemans croyait que « la relation d’autonomie n’est pas un obstacle, mais plutôt une base pour les rapports avec le gouvernement. » Au sujet du gouvernement Mulroney, elle explique : « Nous avons réussi à établir de bonnes relations avec l’équipe [du ministre Masse]; ils appuyaient les arts dans leur ensemble, nous pouvions défendre notre point et il nous écoutait. » Néanmoins, les arts peuvent provoquer, offenser ou embarrasser. Ils l’ont effectivement fait, d’une manière plutôt malencontreuse mais humoristique, durant le mandat de Brian Mulroney comme premier ministre. À la fin des années 1980, le ministre des Communications Marcel Masse commença à fournir des augmentations supplémentaires annuelles de huit millions de dollars au financement de base du Conseil. Ce montant n’a toutefois jamais été ajouté de façon permanente au budget de l’organisation, si bien qu’il n’était pas garanti d’une année à l’autre. À un certain moment au début des années 1990, alors que le gouvernement n’avait pas encore confirmé son financement supplémentaire, l’artiste visuel et activiste politique canadien reclus Mendelson Joe dévoila sa série de peintures Liars, soutenue par le Conseil des arts du Canada, et représentant différentes figures politiques de
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4.7 L’artiste Mendelson Joe en 1992, avec son portrait du premier ministre Brian Mulroney (1984–1993) tiré de la série Liars, qui a obtenu un financement du Conseil des arts du Canada. Selon les rumeurs, le premier ministre aurait vu l’œuvre en question et décidé de ne pas accorder de financement supplémentaire au Conseil des arts du Canada cette année-là.
façon très peu flatteuse. Une des œuvres visait le premier ministre. Dans cette peinture qui donnait à voir la mâchoire carrée, le front et les cheveux sur le côté, caractéristiques de Brian Mulroney, le visage du premier ministre avait été remplacé par un anus béant et velu. John Goldsmith, qui était cadre supérieur au Conseil à l’époque, peut à peine se contenir lorsqu’il raconte cette histoire. « Mendelson Joe ! », commence-t-il en riant de bon cœur. Il poursuit avec des petits rires : « Il paraîtrait que Mulroney a vu un reportage sur cette peinture, via satellite, pendant qu’il était en vacances en Floride »; il s’interrompt, et termine : « Et ce fut la fin du financement supplémentaire pour le Conseil cette année-là30 ! » Les Prix littéraires du Gouverneur général ont également provoqué des tensions entre le Conseil et le gouvernement. Pendant la montée du mouvement nationaliste et séparatiste au Québec à la fin des années 1960 et durant les années 1970, plusieurs auteurs québécois, dont le romancier Hubert Aquin, le dramaturge Michel Garneau et le poète Fernand Ouellette, qui avaient remporté des prix, les ont refusés et ont fait des déclarations contre le gouvernement (l’intellectuel Fernand Dumont a accepté le prix en 1968, mais il a donné l’argent au Parti Québécois, d’allégeance séparatiste31). Leonard Cohen a notoirement refusé le prix en 1968,
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bien que les raisons précises de son refus n’ont jamais été tout à fait claires. Le gouvernement demanda au Conseil de ne choisir que les lauréats qui allaient accepter la distinction, mais l’organisation refusa, appuyant fermement le processus du jury mis en place pour reconnaître l’excellence littéraire, sans égard aux convictions politiques. Fait intéressant, avec les changements de positions et de contextes politiques, Ouellette et Garneau acceptèrent un prix du Gouverneur général dans les années qui ont suivi32. Le gouvernement avait aussi ses propres vues sur le Conseil et sur les meilleurs moyens d’organiser le soutien aux arts et à la créativité. Par exemple, en 1992, le gouvernement Mulroney proposa de « re-fusionner » le Conseil et le crsh (comme il sera décrit dans le chapitre suivant, le projet de loi fut finalement rejeté par le Sénat). Le gouvernement Chrétien, en plus d’imposer des coupures financières au Conseil – comme il le fit pour toutes les organisations fédérales – réduisit le nombre des membres du conseil d’administration du Conseil, de vingt-et-un à onze en 1994–95. Le gouvernement Chrétien devint également beaucoup plus actif dans le domaine culturel par l’intermédiaire du ministère du Patrimoine canadien, comme il en sera question dans la section suivante. La principale caractéristique des années 1990 demeurera néanmoins les coupes budgétaires. Le président du Conseil Jean-Louis Roux (1998–2003) surnomma les années 1993 à 1998, « la sombre période33. » Comme l’a décrit l’éminent critique culturel Robert Fulford, dans son commentaire sur les coupes financières au Conseil : « La quatrième décennie de l’histoire du Conseil des arts du Canada a été une période péniblement instructive, un temps d’esquives et de dérobades, où la simple survie est devenue une forme de triomphe. Toutes les personnes liées au Conseil avaient le sentiment de vivre un moment particulier de notre histoire culturelle, un moment qui a trouvé sa meilleure expression il y a 125 ans chez Lewis Carroll, lorsque la Reine dit à Alice, dans De l’autre côté du miroir : “[…] il faut courir de toute la vitesse de ses jambes pour simplement rester là où l’on est34.” » Les années 2000 et au-delà : Le vent dans les voiles ? Les quinze premières années du vingt-et-unième siècle ont marqué un changement important au Conseil des arts du Canada, vers une approche plus énergique, plus confiante et nuancée de ses relations avec le gouvernement. Ceci s’est déployé selon trois axes interreliés : les relations concernant les politiques et programmes du gouvernement dans le domaine des arts et de la culture; un plaidoyer modéré et discret en faveur d’un soutien financier plus important de la part du gouvernement, tout en composant avec la préoccupation croissante de ce dernier à propos du contrôle financier; et finalement, l’attention accrue du Conseil à la capacité de gouvernance
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interne et à l’incidence des programmes. Dans tous ces secteurs, les dirigeants du Conseil ont continué d’affiner leur compréhension du principe d’autonomie et de développer les moyens de le mettre en application. Ils ont notamment réussi à en envisager le principe d’autonomie d’une manière plus cohérente, tel que Joyce Zemans l’a fait remarquer avec perspicacité, non pas comme un obstacle, mais plutôt comme une base pour les relations du Conseil avec le gouvernement. En ce qui a trait au premier axe concernant les politiques et les programmes, lorsqu’on lui demande ce qui provoque la tension entre le Conseil et le gouvernement, l’ancien directeur du Conseil Robert Sirman (2006–2014) répond : « Les défis dans la relation du Conseil avec le gouvernement sont souvent liés au degré d’implication du gouvernement dans un travail délibéré sur la politique culturelle 35. » Au début des années 2000, le gouvernement fédéral fut beaucoup plus impliqué dans le domaine des arts et de la politique culturelle, par un engagement important sur le plan financier, politique et des programmes, avec le prestigieux programme Un avenir en art, créé en 2001. Un avenir en art était un « investissement » de 560 millions de dollars, réparti sur cinq ans, dans le domaine des arts et de la culture – ou plutôt, un réinvestissement, puisque les montants étaient similaires à ceux des coupures des années 1990 dans le même domaine36. Ces nouvelles dépenses comprenaient un paiement complémentaire annuel de vingt-cinq millions de dollars pour le Conseil des arts du Canada, soixante millions de dollars supplémentaires pour la cbc/Radio-Canada, du financement pour la formation en arts, pour l’édition et pour l’enregistrement sonore, et du nouveau financement pour soutenir les infrastructures culturelles, les festivals d’art et autres événements culturels, le contenu numérique, le commerce culturel et le patrimoine bâti. Fait à noter, plus de 70 pour cent des nouvelles dépenses (totalisant plus de quatre cents millions de dollars) étaient destinés au ministère du Patrimoine canadien, ce qui a suscité des craintes dans le domaine culturel et au-delà, à l’effet que le nouveau financement pourrait faire l’objet d’ingérence politique37. Du point de vue du Conseil, si le complément annuel de vingt-cinq millions de dollars était une bonne nouvelle, on s’inquiétait de la création de nouveaux programmes en arts, administrés directement par le gouvernement – entre autres le financement des festivals. Lorsqu’on demande à l’ancien directeur du Conseil John Hobday (2003–2006) s’il y a des occasions ratées ou des déceptions dans l’histoire du Conseil, il mentionne les festivals. « On aurait pu défendre le fait que le Conseil puisse remplir ce rôle avec du financement supplémentaire. On aurait pu confier les festivals non artistiques au ministère du Patrimoine canadien. Mais la ministre [Sheila Copps] y a vu une occasion incroyable lui permettant de rejoindre les publics38. » Robert Sirman, qui a succédé à Hobday, est du même avis : « Les relations [du gouvernement] avec le Conseil n’étaient pas très étroites durant cette
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période. Ils [le gouvernement] avaient l’ambition de donner directement des subventions. […] Le gouvernement n’était pas conscient de faire quelque chose qui entrait en compétition [avec le Conseil]. Ils étaient conscients de la visibilité à gagner en accordant directement des subventions, et tout particulièrement de la visibilité auprès de la communauté artistique39. » Hobday croit que si le Conseil avait pris la responsabilité des festivals, l’organisation aurait été perçue différemment par les Canadiennes et les Canadiens. Le Conseil ajusta plutôt ses opérations en se concentrant sur les tournées et la création, laissant les festivals au ministère du Patrimoine canadien40. Tandis qu’on s’inquiétait de ces décisions au Conseil, à propos de l’interprétation du principe d’autonomie par le gouvernement et du rôle qu’il entendait jouer auprès des arts, l’agitation provoquée par l’approche gouvernementale de l’argent et son administration – le deuxième axe – éclipsait ces craintes. La tendance qu’avait le gouvernement à porter une attention accrue à la responsabilité, au contrôle financier et, à l’occasion, à imposer des restrictions budgétaires s’est maintenue au cours des années 2000. En 2007, le gouvernement Harper (2006–2015) instituait le processus de l’Examen stratégique, dans le cadre duquel les organisations fédérales devaient faire l’examen de leurs opérations dans le but de réaffecter 5 pour cent de leur financement à des activités de priorité plus élevée, incluant des priorités à l’extérieur de l’organisation. Ceci voulait dire que certaines organisations risquaient de perdre leur financement en cours de processus. Le gouvernement choisissait annuellement un groupe d’organisations qui devaient entreprendre un Examen stratégique. Le tour du Conseil des arts du Canada arriva en 2009. Ceci soulevait une question épineuse : le gouvernement pouvait-il exiger de l’organisation qu’elle complète un Examen stratégique, vu son statut exonéré sous la Loi sur la gestion des finances publiques ? Afin de réfléchir sur le sujet, Sirman commanda un avis juridique, selon lequel : Le type de rapport produit dans le cadre de l’Examen stratégique, si le Conseil des arts du Canada accepte d’en préparer un, pourrait potentiellement fournir au Gouvernement les informations que ce dernier pourrait utiliser afin de décider spécifiquement de la manière dont le Conseil des arts du Canada devra dépenser ses crédits parlementaires dans l’avenir. Ceci est dû au fait que parmi les éléments clés de l’Examen stratégique figure l’exigence voulant que l’organisation présente une proposition de réaffectation de 5%. Nous avons remarqué que les documents gouvernementaux décrivent l’Examen stratégique en des termes qui ne semblent pas conformes au statut unique du Conseil des arts du Canada et son mode de fonctionnement indépendamment du contrôle gouvernemental41.
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L’analyse se terminait en concluant qu’il n’y avait « aucun pouvoir particulier dans la Loi sur la gestion des finances publiques qui obligerait le Conseil des arts du Canada à fournir les renseignements exigés par l’Examen stratégique42. » La réponse du Conseil au gouvernement marquait le début d’une approche plus collaborative au sujet de l’autonomie. Au lieu de se munir de l’avis juridique pour rejeter carrément l’ordonnance de compléter l’Examen stratégique, le Conseil confirma d’abord, à l’aide d’un avis juridique ultérieur, que sa participation volontaire n’affecterait pas son statut exonéré sous la lgfa, et procéda volontairement à un Examen stratégique. Il faut remarquer que l’examen ne conduisit pas à une réduction ou à une réaffectation de son financement. Le gouvernement affirma plutôt dans son Budget de 2010 que l’Examen stratégique démontrait que les programmes du Conseil étaient « bien harmonisés avec les priorités des Canadiens43. » Ceci marquait le début d’un tournant important dans l’approche du Conseil à ses relations avec le gouvernement. Le Conseil commença à adopter un style plus collaboratif, s’appliquant à devenir une bonne entreprise citoyenne et un bon membre de la « famille fédérale » – un membre doté d’un statut d’autonomie et d’un rôle uniques au sein du milieu canadien des arts. Toutefois, la collaboration n’est jamais chose facile. Dans un franc témoignage publié dans la Literary Review of Canada peu après la fin de son mandat, l’ancien directeur et chef de la direction Robert Sirman mentionne que l’atmosphère à Ottawa, pendant qu’il était en fonction (2006–2014), était davantage caractérisée par le secret et la gestion des risques que par la transparence et les conversations stratégiques de haut niveau44. Ceci se rapporte au troisième axe de relations plus collaboratives : les efforts du Conseil pour renforcer sa capacité de gouvernance interne dans le but d’affirmer sa bonne foi en tant qu’entreprise citoyenne de qualité, capable de remplir efficacement son mandat. Ces efforts furent déployés par le directeur et chef de la direction du Conseil Robert Sirman (2006–2014) et le président du Conseil Joseph Rotman (2008–2015), puis poursuivis par leurs successeurs Simon Brault (2014– ) et Pierre Lassonde (2015– ). Sirman consacra effectivement beaucoup d’énergie à développer la capacité de gouvernance interne du Conseil pendant son mandat de huit ans, au moyen de processus détaillés de planification stratégique, de vérification interne plus serrée et de la recherche d’une plus grande clarté dans les modalités de gouvernance au sein du Conseil, pour les programmes et entités semiautonomes comme la Commission canadienne pour l’unesco, le Programme et la Commission du droit de prêt public, ainsi que la Banque d’art (analysés dans le prochain chapitre). Conformément à l’attention accrue portée par le gouvernement à l’incidence et aux résultats au cours des années, le Conseil se consacra également à la définition et à la mesure de son incidence, tout en étant davantage proactif et positif dans ces démarches. Claire McCaughey, à l’emploi du Conseil pendant près de trente ans
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et directrice de la Recherche et évaluation (2008–2014), décrit dans un style évocateur l’orientation de l’organisation à ses débuts, en termes d’incidence économique : « Quand je suis arrivée [au Conseil], la collecte de données sur l’incidence économique était perçue par le personnel du Conseil comme un mal nécessaire45. » Avec le temps, l’organisation est devenue beaucoup plus proactive dans sa mesure de l’incidence artistique, économique, sociale et culturelle de ses programmes, consciente que la démonstration de son incidence est une manière significative d’affirmer sa pertinence et son importance auprès du gouvernement. L’évaluation présente toutefois un défi. Tel que le directeur inaugural Albert Trueman l’a écrit dans le troisième rapport annuel du Conseil, « Le mandat du Conseil lui enjoint de s’occuper presque exclusivement d’activités dont les résultats sont impondérables et qu’on ne peut évaluer au moyen de barèmes mathématiques46. » Afin d’évaluer son impact, le Conseil dut structurer ses programmes de manière à pouvoir le faire. Au début des années 2010, il renforça sa capacité d’évaluation, entreprenant un examen détaillé de ses programmes pour s’assurer que leurs objectifs étaient clairs, que des efforts étaient consacrés à déterminer comment mesurer les objectifs des programmes, et que les formulaires de demande et de rapport contenaient les renseignements permettant à l’organisation d’évaluer son incidence. On commença également à traiter de l’incidence en termes narratifs, incluant notamment les récits personnels des bénéficiaires de subventions, affichés sur des blogues et sous d’autres formes sur le site Web du Conseil. Ces efforts visant à promouvoir l’évaluation et l’impact du Conseil sont au cœur du nouveau modèle de financement de l’organisation, annoncé en 2015 et commenté au chapitre 3. Faisant allusion au nouveau modèle de financement, le directeur et chef de la direction du Conseil Simon Brault déclare : « Le résultat de cette transformation : que le Conseil soit capable de démontrer son impact47. » Rotman, quant à lui, fort d’une longue et fructueuse carrière dans le secteur privé, apporta avec lui une approche davantage entrepreneuriale pour la conduite des réunions et la gouvernance du conseil d’administration. Il souhaitait que le conseil d’administration soit actif et très impliqué dans les activités du Conseil sur le plan stratégique48. Ceci s’est traduit par des réunions plus courtes en recourant toutefois à des sous-comités et des groupes de travail plus nombreux, à de la formation sur la gouvernance dans le secteur public pour les membres du conseil d’administration, et en portant une attention accrue aux conflits d’intérêt49. Le choix des membres du conseil d’administration s’est fait dorénavant en accordant plus de poids à l’expertise et à l’expérience en dehors du domaine des arts; à l’occasion des nouvelles nominations, le Conseil informa le gouvernement des types d’expertise et d’expérience requis (dans les domaines financier, administratif, légal, artistique, etc.). Cette attention accordée à l’expérience est particulièrement importante, vu la taille du Conseil. Lors de la création de l’organisation, le directeur
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Trueman fait remarquer : « il y avait seulement vingt-et-un membres pour représenter l’ensemble du Canada50. » Soixante ans plus tard, il n’y a que onze membres au total. En outre, les processus gouvernementaux de sélection du directeur et chef de la direction du Conseil se sont considérablement formalisés au fil des ans, à commencer par des processus de nomination plutôt informels – Trueman s’est fait offrir le poste au téléphone par le premier ministre St-Laurent51, et Zemans reçut également un appel inattendu du bureau du ministre – pour en venir à des approches beaucoup plus formelles, incluant des comités de recrutement, des firmes en dotation et des entrevues structurées52. Lorsqu’il se penche sur ses années et ses priorités au Conseil, Sirman décrit ses efforts pour renforcer la capacité organisationnelle comme de la « planification basée sur les possibilités ». Le milieu des années 2000 correspondait à une époque de restrictions budgétaires à la suite de la crise financière mondiale et du ralentissement économique de 2008–2009. L’ancien directeur décrit le renforcement de la capacité de gouvernance comme « une préparation permettant de tirer parti du prochain programme politique. C’est une question de confiance, de crédibilité, de droiture, d’ouverture, de rôle consultatif, d’équité, de productivité et de rentabilité. Il faut se demander si l’on cadre dans la gamme des attentes en matière de valeurs, en ce qui a trait à la bonne gouvernance53. » Kelly Wilhelm, ancienne directrice de Politiques, planification et partenariats, décrit l’approche du Conseil en des termes similaires : « Le Conseil a travaillé très fort pour être un bon citoyen […] Il s’est soumis à des processus même lorsqu’il n’avait pas l’obligation de le faire – et nous faisons souvent meilleure figure que les ministères responsables […] La confiance est une question de saine gestion54. » Ces efforts ont été poursuivis sous Pierre Lassonde, successeur de Rotman à titre de président (2015– ), et sous le directeur et chef de la direction du Conseil Simon Brault (2014– ) qui, à titre de vice-président du Conseil de 2004 à 2014, a participé activement aux efforts de gouvernance interne et de gouvernance au sein du conseil d’administration. Ces deux dirigeants voient le Conseil comme faisant partie de la famille fédérale. Comme l’explique Brault : « J’ai une politique de “no surprises” (pas de surprises). Je garde le ministère et la ministre au courant de nos activités et de nos plans55. » De toute évidence, les efforts du Conseil ont porté leurs fruits, notamment avec l’obtention en 2013 du prestigieux prix d’excellence en gouvernance décerné par les Governance Professionals of Canada56, contre des concurrents de taille : les Entreprises Bell Canada, Telus et la Banque Royale du Canada. Le Conseil a également réussi haut la main un examen spécial rigoureux de ses pratiques de gouvernance et de gestion par le vérificateur général du Canada en 2008. Avant tout, c’est l’engagement par le gouvernement, en 2016, de doubler le budget du Conseil qui témoigne du succès de l’organisation à démontrer la valeur et l’importance de son travail. Le Conseil a discrètement plaidé pour des hausses budgétaires pendant des
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années. À la suite des coupures des années 1990, le gouvernement a progressivement réinvesti dans l’organisation à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Grâce à une série d’augmentations, les crédits parlementaires du Conseil sont passés de 91 millions de dollars en 1996–1997 à 127 millions en 2000–200157. Tel que mentionné ci-haut, il a ensuite obtenu annuellement 25 millions de dollars supplémentaires dans le cadre du programme Un avenir en art, établi en 2001. Ceci fut suivi par un financement supplémentaire non récurrent de 20 millions de dollars en 2006–2007, de 30 millions en 2007–2008, et d’un financement supplémentaire permanent et constant de 30 millions chaque année depuis cette date, portant le total des crédits parlementaires du Conseil à un peu plus de 180 millions de dollars, à compter de 2007–2008. La campagne visant à doubler le budget du Conseil a représenté le sommet des efforts de l’organisation pour augmenter ses crédits parlementaires. Celle-ci démarra sérieusement au milieu des années 2000, sous la présidence de Karen Kain (2004–2008) et la vice-présidence de Simon Brault (2004–2014; Brault allait devenir le directeur et chef de la direction du Conseil en 2014), avec un appui considérable en coulisses du directeur John Hobday (2003–2006), qui travailla en étroite collaboration avec le personnel cadre du Conseil et les hauts fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien dans le but de doubler le budget du Conseil. Karen Kain et Simon Brault furent cependant les visages publics de la campagne au Conseil. Kain est l’une des danseuses classiques les plus réputées au pays, reconnue et appréciée en tant que première danseuse au Ballet national du Canada, et renommée sur la scène internationale pour ses interprétations primées et ses prestations remarquées à titre d’artiste invitée pour plusieurs compagnies importantes en France, en Angleterre, en Autriche et en Russie. Nommée directrice artistique du Ballet national du Canada en 2008 (elle démissionna à titre de présidente du Conseil peu après avoir accepté ce rôle), elle est reconnue pour avoir mené la compagnie vers de nouveaux sommets. Karen Kain est l’incarnation de l’assurance gracieuse, de l’intelligence calme, de l’humilité élégante et de l’intention réfléchie. On sent que Mme Kain a finement développé la capacité de contrôler ses facultés physiques, intellectuelles et émotionnelles, pour les employer avec flair et précision afin d’atteindre ses objectifs. Lors d’une interview conjointe avec Simon Brault, Kain rappelle leurs efforts visant à doubler le financement gouvernemental du Conseil. « J’ai accepté le poste de présidence afin d’augmenter le budget du Conseil. Nous allions présenter la « grande demande » dans le contexte du 50e anniversaire du Conseil [à venir en 2007] […] La demande devait être assez importante et audacieuse pour être vraiment nationale, pour faire une différence, pour transcender les différences58. » Le soutien en provenance de la communauté artistique fut enthousiaste, étendu et fervent. La Conférence canadienne des arts travailla sur le dossier en étroite
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
4.8 Karen Kain, présidente du Conseil des arts du Canada 2004–2008 (à droite) et Simon Brault, viceprésident, 2004–2014 (à gauche), tenant une photographie qui les représente en compagnie de la ministre du Patrimoine canadien Liza Frulla, 2004–2006, lors de l’annonce, en 2005, du redoublement du budget du Conseil. Ce financement ne s’est pas concrétisé parce que le gouvernement est tombé peu de temps après, à la suite d’un vote de confiance, perdant le pouvoir au profit du Parti conservateur de Stephen Harper, qui ne donna pas suite à cet engagement.
collaboration avec la Coalition canadienne des arts, cette dernière ayant été créée dans le seul but d’exercer des pressions sur le gouvernement afin qu’il double le budget du Conseil. Kain poursuit : « C’était encourageant de voir comment le pays tout entier s’est mobilisé – tout le monde était d’accord sur ce point. » Conjointement avec Brault, elle approcha le gouvernement libéral minoritaire du premier ministre Paul Martin (2003–2006). Comme les surplus budgétaires devenaient la norme dans les années 2000, et vu l’engagement enthousiaste de la ministre du Patrimoine canadien Liza Frulla envers les arts et la culture (Frulla avait été la ministre de la Culture du Québec avant son entrée en politique fédérale, et elle est devenue présidente de Culture Montréal en 2016), le moment choisi par Kain et Brault était tout à fait propice. À l’automne 2005, les efforts portèrent leurs fruits : la ministre du Patrimoine canadien allait annoncer que le budget du Conseil des arts du Canada doublerait en l’espace de trois ans. Toutefois, comme c’est souvent le cas des décisions gouvernementales importantes, on dit souvent à
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Trop proche ou trop loin du gouvernement ?
4.9 Jamie Thompson et Christian Vezina dans The Heart Beats Ecstatic par Michele Moss, Decidedly Jazz Danceworks, 2002–2003.
ceux qui les attendent de « se dépêcher et d’attendre ». Il n’en fut pas autrement dans ce cas-ci : le Conseil apprit à la dernière minute que le gouvernement projetait de faire la grande annonce à Montréal. Kain commente : « J’ai fait mes valises aussi vite que j’ai pu et j’ai entraîné avec moi Albert Schultz [l’acteur canadien primé et le directeur fondateur de la compagnie de théâtre Soulpepper de Toronto] ! » Brault ajoute : « Certaines personnes n’étaient pas à Montréal, mais elles ont sauté dans leurs voitures et roulé aussi vite qu’elles pouvaient59 ! » Puis ce fut la catastrophe. Le gouvernement minoritaire fut défait en 2006 par une motion de non-confiance – la décision de doubler le budget du Conseil était
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
4.10 Celebration Box, érable piqué et noyer, Diane Gaudreau. L’artisane ébéniste primée Diane Gaudreau, basée à l’Île-du-Prince-Édouard, crée des objets domestiques et du mobilier de bureau en bois dur.
compromise. Si les libéraux ne remportaient pas l’élection suivante, il était peu probable que le nouveau gouvernement tienne les promesses de son prédécesseur. Comme nous le savons maintenant, les libéraux perdirent le pouvoir aux mains des conservateurs de Stephen Harper, et le nouveau gouvernement ne doubla pas le budget du Conseil. Il s’engagea plutôt à octroyer au Conseil une augmentation de cinquante millions de dollars répartie sur deux années; une somme certes considérable, mais très loin du montant attendu par la communauté artistique et le Conseil. Et si le gouvernement conservateur préserva le financement du Conseil à la suite de la crise financière mondiale et du ralentissement économique de 2008– 2009 – un exploit, si l’on considère que les budgets de plusieurs conseils des arts nationaux furent drastiquement réduits au cours de cette période – le gouvernement fut loin de doubler le financement du Conseil pendant ses dix années au pouvoir (2006–2015). Cependant, l’idée fit son chemin. La Coalition canadienne des arts et d’autres groupes en arts continuèrent d’exercer des pressions sur le gouvernement dans ce but, et lorsque les Canadiennes et les Canadiens retournèrent aux urnes en 2015, les libéraux de Justin Trudeau s’engagèrent à doubler le budget du Conseil dans
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Trop proche ou trop loin du gouvernement ?
leur programme électoral. Le député libéral et critique de la culture Stéphane Dion, de pair avec son conseiller (et ancien directeur de la Conférence canadienne des arts) Alain Pineau, contribuèrent largement à ces efforts. Lorsque les Canadiennes et les Canadiens élurent les libéraux avec une bonne majorité, le nouveau gouvernement tint sa promesse électorale dans son premier budget en 2016, et s’engagea à doubler les crédits parlementaires du Conseil sur cinq ans60. Le succès a mis dix ans à venir, mais ce fut un accomplissement de taille, compte tenu des sommes en cause. zxzxz
Au début de l’après-guerre, Vincent Massey publia On Being Canadian, son traité sur le nationalisme culturel canadien. Rétrospectivement, il n’est pas surprenant que Massey recommandait la création d’un conseil des arts fédéral. Massey faisait clairement état de la nécessité d’une intervention gouvernementale dans le domaine des arts et de la culture, mais du même souffle il exprimait clairement les dangers du contrôle de l’État sur « les choses de l’esprit ». Il écrivait : « De nos jours, aucun État ne peut esquiver une certaine forme de responsabilité dans le domaine des choses de l’esprit. Comme nous le savons trop bien, les gouvernements totalitaires ne négligent pas cette sphère. Leurs tactiques renforcent l’argument selon lequel les démocraties doivent être attentives et diligentes en ces matières61. » Les opinions de Massey sur l’importance du soutien – mais non du contrôle – du gouvernement dans le domaine de la culture et des arts se prolongèrent dans son travail pour la Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada (1949–1951). La Commission Massey-Lévesque recommandait explicitement la création d’un conseil des arts autonome, plutôt qu’un ministère au sens traditionnel, placé directement sous le contrôle et la responsabilité d’une ou d’un ministre. La responsabilité du Conseil comme organisme public en matière d’activités et de dépenses n’était pas remise en question, comme l’exprime clairement le rapport final de la commission : « […] nous jugerions malheureux que ce Conseil canadien devînt, en un sens quelconque, un département de l’administration, mais nous nous rendons compte que, puisque cet organisme dépensera des deniers publics, il doit être réellement responsable envers le gouvernement et, par conséquent, envers le Parlement62. » Cette responsabilité fut définie dans la législation créant le Conseil : comme détaillé ci-dessus, elle consista en des nominations par le gouvernement, rapports annuels, et les audits par le vérificateur général. Cependant, les créateurs du Conseil ne pouvaient savoir comment cette relation d’autonomie allait évoluer avec le temps, et comment elle serait interprétée, à la lumière de l’expérience acquise. Soixante ans plus tard, certaines choses se sont clarifiées. Premièrement, dans l’ensemble, l’engagement du gouvernement fédéral envers
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
le principe de base de la relation d’autonomie a été – et demeure – ferme. Pour l’essentiel, les gouvernements ont respecté l’autonomie et le statut indépendant du Conseil, indépendamment de leur allégeance politique. Deuxièmement, si l’on a vu des débats à propos de la relation d’autonomie – comme dans les cas de la Loi sur la gestion des finances publiques et de l’Examen stratégique – ceux-ci ont souvent été liés à de vastes initiatives gouvernementales dans lesquelles le Conseil est entraîné; les plaidoyers publics ou « discrets » du Conseil et de la communauté artistique ont généralement réussi à « rappeler » au gouvernement l’importance de l’autonomie et de son respect. Troisièmement, les gouvernements et les politiciens n’aiment pas être embarrassés sur la place publique – et certainement pas par un organisme du gouvernement fédéral, l’un des leurs –, si bien que le plaidoyer « discret » au sein du système fédéral est généralement le meilleur premier recours du Conseil. Quatrièmement, l’autonomie n’empêche pas la collaboration avec le gouvernement. Les dernières décennies, et notamment la sixième décennie du Conseil, ont démontré que l’organisation peut se percevoir comme faisant partie de la « famille fédérale » tout en préservant son autonomie en matière de programmation et de prise de décision. Cela est nécessaire si l’organisation souhaite prouver sa pertinence et son efficacité dans un contexte centré sur la responsabilité et l’optimisation des ressources. Toutefois, comme nous l’avons vu ces dernières années, ceci peut être accompli tout en préservant et en respectant l’autonomie du Conseil. De plus, une bonne gouvernance interne et un alignement compatible des perspectives, des orientations et des objectifs avec ceux du gouvernement facilitent une approche collaborative. Michelle Chawla, qui fut membre du personnel du Conseil pendant plus de deux décennies, pour atteindre le rang de secrétaire du conseil et de directrice générale, Stratégies et affaires publiques (1995–2015), résume succinctement la situation : « Nous essayons de protéger [l’organisation] lorsque l’autonomie est en jeu, mais pour le reste, nous pouvons aligner nos politiques administratives et financières sur celles du gouvernement63. » Cinquièmement, ceci étant dit, le prix de la liberté – ou dans ce cas-ci, de l’autonomie – est la vigilance éternelle. En tant qu’organisme subventionnaire des arts, le Conseil subventionne l’expression créatrice et, par extension, il est garant de valeurs démocratiques fondamentales : la liberté d’expression, la liberté de conscience, la liberté de pensée, de croyance et d’association; l’égalité sans considération de la race, de la nationalité, de l’ethnicité, de la couleur, de la religion, du genre, de l’âge ou du handicap. En vertu de son mandat et de sa législation habilitante, le Conseil a la responsabilité de faire en sorte que chaque décision de financement est fondée sur des critères artistiques, et non des bases politiques partisanes ou bureaucratiques. Si l’on se tourne vers le futur, les eaux politiques et bureaucratiques traversées par le Conseil dans les années à venir mettront sûrement ses prouesses de navigation à l’épreuve comme jamais auparavant. Une centralisation des processus
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Trop proche ou trop loin du gouvernement ?
gouvernementaux de prise de décision pourrait poser des défis plus nombreux à l’autonomie du Conseil. Avec le temps, un degré accru de collaboration avec le gouvernement pourrait créer une confusion entre la collaboration et l’ingérence politique. En outre, si le gouvernement réduit le budget du Conseil dans l’avenir – comme il le fera certainement si les finances deviennent chancelantes – l’organisation devra manœuvrer adroitement dans ces eaux agitées, avec un œil pour stabiliser la situation des arts au milieu des coupures, et l’autre pour préserver son autonomie à long terme. Le Conseil devra toujours se demander : « Sommes-nous trop près ou trop loin du gouvernement ?»
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
5 Une place à la table Le Conseil des arts du Canada, plus qu’un organisme subventionnaire des arts
Nous avons besoin d’un nouveau cadre dans lequel nous positionnerons l’importance des arts pour donner à la culture une place à la table de discussion. (Il s’agit de l’expression que j’utilise quand je parle d’un positionnement important à côté de représentants d’autres secteurs des politiques comme la santé, le commerce, l’environnement et la sûreté nationale). Et, ici, je veux dire « positionner à part égale », et non comme une « commodité qui offre certains avantages ». Joseph L. Rotman, président (2008–2015) Conseil des arts du Canada Remarques adressées à la Chambre de commerce de Calgary, 2011
Lorsqu’on entre dans les bureaux du regretté Joseph L. Rotman à la Roy-L Capital Corporation, dans le chic Midtown de Toronto, on est frappé par le décor, qui n’est ni ostentatoire, ni luxueux ou tape-à-l’œil, mais plutôt discret, modeste et sans prétention. Ceci pourrait surprendre, vu le succès de Rotman en affaires et sa place parmi les plus généreux philanthropes au Canada. Assis dans l’aire de réception, toutefois, on commence à voir les choses autrement. Est-ce une œuvre originale de Lichtenstein accrochée simplement au mur ? « Effectivement1 », confirme la veuve de Rotman, Mme Sandra Rotman, expliquant qu’elle et son mari ont rencontré Andy Warhol et Roy Lichtenstein au début des années 1960, alors que le couple vivait à New York. M. Rotman fréquentait l’école de commerce de l’Université Columbia, et Mme Rotman étudiait les beaux-arts au Barnard College. « Je possède
un Warhol qui m’a coûté cinq dollars », commente-t-elle d’un ton détaché, « une affiche qui vaut au moins cinquante mille dollars aujourd’hui. » Des œuvres magnifiques sont exposées en grand nombre dans les bureaux, ornant les murs de la salle du conseil, des couloirs et des salles de réunion. C’est un festin pour les yeux. « Nous avons toujours appuyé les arts », explique-t-elle. « Ils améliorent la vie des gens. » Elle et son défunt mari ont œuvré dans le milieu des arts pendant plusieurs années, à titre de philanthropes et de leaders culturels. Joseph Rotman a notamment servi comme administrateur (1991–2000) et président (1993–1996) du Musée des beaux-arts de l’Ontario et comme administrateur des prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle (1996–1998). Il a été nommé président du Conseil des arts du Canada en 2008 par le gouvernement conservateur Harper (2006–2015). « Nous étions très enthousiastes au sujet de cette nomination », confie Mme Rotman. « Joe souhaitait amener ses compétences en affaires à ce poste. » Tel qu’en témoigne l’exergue placée en début de chapitre, Rotman croyait fermement que les arts méritent « une place à la table » lors des débats sur la politique publique – que les arts peuvent apporter une contribution significative à la prise de décisions sur des questions d’importance nationale. Le thème d’une « place à la table » pourrait en effet constituer l’un des legs durables de Rotman au Conseil; cette expression est souvent utilisée par le directeur et chef de la direction Simon Brault (2014– ). Il ne s’agit pas de faire trop valoir ce que les arts peuvent apporter aux débats sur les politiques, mais plutôt de redéfinir la pensée sur les arts et la culture. Une organisation comme le Conseil des arts du Canada, en vertu de son expertise et de son expérience, peut apporter une perspective unique et précieuse aux débats sur les politiques d’importance nationale. Ce chapitre étudie cette proposition en termes actuels et historiques, en examinant comment le Conseil a contribué, et continue de le faire, aux domaines de politiques au-delà des arts au long de ses soixante années. Sont d’abord évoqués le statut unique du Conseil et son rôle en tant qu’organisation fédérale consacrée aux arts et dotée de responsabilités pancanadiennes dans un vaste pays diversifié sur le plan régional et culturel – organisation qui doit négocier des rapports – et des politiques – entre les paliers fédéral et provinciaux. Cette section s’attarde également au rôle des comités d’évaluation par les pairs dans le processus d’attribution des subventions, ainsi qu’au réseau impressionnant et à la source incroyable de légitimité, d’information, et d’échanges artistiques et culturels qu’ils représentent. L’analyse démontre que le Conseil des arts du Canada est non seulement un microcosme des arts au Canada, mais aussi un microcosme du Canada même – de ses cultures, de sa politique et de ses sociétés –, ainsi qu’une remarquable tribune non partisane permettant de résoudre de manière créative les tensions inhérentes à une fédération diversifiée et multidimensionnelle.
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
Le Conseil est plus qu’un organisme subventionnaire des arts. Ses activités couvrent une vaste gamme de questions liées aux arts et de domaines de politiques au-delà des arts, incluant l’éducation, la recherche scientifique et la diplomatie. En vertu de son positionnement unique dans la gouvernance canadienne, il s’apparente à un indicateur en ce qui a trait à l’état de la politique, de la culture et de la société canadiennes. Il est capable de distinguer les questions, les défis, les tensions et les possibilités d’avenir à mesure qu’elles apparaissent et prennent forme – dans plusieurs cas, bien longtemps avant qu’elles se manifestent de façon tangible dans la politique et les débats nationaux. Ce n’est pas un hasard si le Conseil des arts du Canada fut à l’avant-scène du processus de réconciliation avec les peuples autochtones du Canada. Le travail proactif sur ces questions dans le contexte des arts les a mises en lumière au Conseil, bien avant qu’elles ne soient mises de l’avant et suscitent des actions comme elles l’ont fait ces dernières années sur la scène politique plus large. Alors que le pouvoir devient de plus en plus multidimensionnel, décentralisé, balkanisé et complexe, ce genre d’expertise, de discernement et d’expérience pourrait s’avérer inestimable pour la gouvernance et l’élaboration des politiques canadiennes dans les années à venir. En effet, le Conseil des arts du Canada est particulièrement bien placé pour avoir une vision globale du pays dans toute sa diversité régionale, culturelle et sociale, et pour contribuer aux débats de politique publique sur des questions qui se situent au-delà des arts, comme l’éducation, la recherche, la diplomatie et la réconciliation. Le Conseil a développé cette expertise et cette compétence depuis soixante ans, par sa vaste gamme d’activités liées aux arts, par le biais de la Commission canadienne pour l’unesco (ccu) et le Droit de prêt public (dpp), et par le soutien, à ses débuts, de la recherche en sciences humaines et sociales. Les récents changements organisationnels survenus au Conseil afin de promouvoir et de clarifier les modalités de gouvernance interne des entités comme la ccu et la Commission du dpp ont non seulement renforcé le Conseil et ses composantes à part entière, mais ils ont également permis à l’organisation de miser davantage sur son expertise afin de participer aux débats nationaux « à part égale », et non comme une « commodité », tel que le revendiquait Joseph Rotman.
Le Conseil des arts du Canada : Un indicateur inestimable pour une fédération diversifiée et décentralisée L’expression par le Conseil des cultures, politiques et valeurs canadiennes dans toute leur richesse et leur diversité est rarement appréciée à sa juste mesure. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles cette organisation peut apporter des contributions significatives et originales aux grandes questions de politique publique et
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Une place à la table
5.1 Joseph L. Rotman, président du Conseil des arts du Canada, 2008–2015. Parmi les legs durables de Rotman au Conseil fut la décision de s’assurer « une place à la table » pour les arts, à part égale aux côtés des autres secteurs de politiques, dans les débats sur les grandes questions actuelles.
de gouvernance canadiennes. Cette capacité découle de quatre caractéristiques organisationnelles. Considérée individuellement, chacune de ces spécificités n’a peutêtre rien d’exceptionnel, mais lorsque combinées, celles-ci procurent au Conseil une perspective unique sur la gouvernance canadienne. Premièrement, la représentativité, ce principe fondamental de la politique canadienne, est ancrée profondément dans l’ADN du Conseil des arts du Canada. Tel qu’expliqué au chapitre 1, le Conseil fut établi en 1957 selon un modèle de financement unique : celui d’un organisme public fédéral avec une dotation apparentée à celle d’une fondation, pour attribuer des subventions aux arts et aux sciences humaines et sociales. Au fil des ans, l’organisation s’est davantage rapprochée du modèle britannique de conseil des arts indépendant, que de ses origines du type de la fondation américaine, mais un aspect n’a pas changé : le Conseil des arts du Canada est demeuré un organisme public fédéral. À ce titre, il ne peut – et ne pourrait jamais – agir comme une organisation privée soutenant des activités de création sans égard aux intérêts plus généraux du public. Il a nécessairement dû trouver un équilibre entre l’art pour l’art et les besoins de la société canadienne dans son ensemble. La représentativité et l’équité ont toujours été primordiales en regard des
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
5.2 L’artiste et chanteuse de gorge inuite Tanya Tagaq, 2015. Tagaq a remporté le Prix de musique Polaris pour le meilleur album canadien en 2014, avec Animism. Sa musique et ses paroles, qu’elle décrit comme « agressives », explorent avec force les droits des autochtones, les droits des femmes, les horreurs des pensionnats indiens et les dangers du changement climatique.
opérations du Conseil, et reflètent les principaux enjeux de la politique canadienne : l’équité et la représentativité des dimensions géographiques, régionales, de genre, linguistiques et, dernièrement, des dimensions ethnoculturelles, des autochtones, des personnes sourdes ou handicapées; l’équilibre entre d’une part, les particularités régionales et provinciales, et d’autre part, la recherche de l’unité nationale, du leadership, de la cohésion et de l’inclusion sociale; et, finalement, l’équilibre entre la géographie économique du pays, à prédominance nord-sud, et ses institutions politiques selon l’axe est-ouest2. De plus, l’histoire du Conseil en tant qu’organisme public fédéral est profondément marquée par ses efforts visant à identifier et à soutenir les intérêts pancanadiens qui ne sont pas appuyés par le mécénat privé ou par les conseils des arts infranationaux. Pour ce qui est du mécénat privé, Shirley Thomson, l’estimée directrice du Conseil des arts du Canada (1998–2002), résume succinctement la situation dans un article d’opinion publié par le Globe and Mail pendant son mandat :
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Une place à la table
« Fort heureusement, le Canada peut compter sur ses mécènes privés – dont la plupart font preuve de beaucoup de discernement – et nous serions chanceux d’avoir de plus nombreux mécènes. Toutefois, il demeure que le mécénat privé laisse des vides3. » Le soutien privé tend à se porter vers les courants dominants, les arts traditionnels (occidentaux) et les arts destinés au grand public, laissant souvent les arts émergents, les arts marginaux et les arts qui prennent des risques à des niveaux inférieurs de financement, une tendance décrite de manière provocante par l’éminent chercheur américain de la politique culturelle, Kevin Mulcahy, comme étant du « darwinisme culturel »4. En revanche, le mécénat public intègre des considérations liées à l’intérêt public plus large et à la société. Dans le contexte canadien, cela signifie surtout la représentativité, tel que mentionné plus haut et analysé en détail au chapitre 3. Deuxièmement, au cours de ses soixante années d’existence, le Conseil a développé une remarquable capacité de négocier les relations fédérales-provinciales avec adresse, nuance et collaboration – un facteur de réussite essentiel en politique canadienne. Le Conseil agit dans le contexte du fédéralisme canadien, avec toute sa complexité et sa diversité, ses défauts, ses caprices et ses subtilités. Les questions de compétences constitutionnelles relatives à la culture et aux domaines connexes comme l’éducation sont des points sensibles et imposent des paramètres explicites ou implicites sur le champ des activités du Conseil, exigeant de l’organisation qu’elle gère habilement et soigneusement ses relations avec les provinces et les territoires. Qui plus est, le Conseil s’est acquitté de cette tâche dans un environnement dépourvu d’une claire répartition des responsabilités constitutionnelles. Les arts et la culture représentent une sphère de compétences partagées : le terme « culture » n’est pas mentionné directement dans la constitution, et est généralement considéré comme une sphère de responsabilité partagée5. La compétence partagée a donné lieu à des conflits fédéraux-provinciaux dans le secteur culturel au fil des années, notamment avec la province de Québec, qui a demandé la dévolution du financement du Conseil à la province pendant les années 1960, alors que les subventions en arts augmentaient en nombre aux premières années de l’organisation6. Dans le cadre de ses relations avec le gouvernement fédéral en matière de culture, le Québec a conçu des lois et des règlements, des politiques, des programmes et des institutions pour affirmer et promouvoir son identité, sa langue et sa culture, souvent avec l’intention expresse de contrer, d’égaler ou de surpasser les interventions fédérales, en tout ou en partie7. De plus, la province a cherché activement à effectuer des changements constitutionnels dans le but d’affirmer sa compétence dans le secteur culturel, notamment lors de l’accord de Charlottetown en 1992, qui, s’il avait été adopté, aurait modifié la constitution pour donner aux provinces la compétence exclusive en matière de culture à l’intérieur de leurs frontières. Toutefois, malgré
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
ces questions constitutionnelles parfois épineuses, le Conseil a réussi à développer des relations généralement positives avec la province, comme on le verra ci-dessous. Contrairement à la culture dans la constitution canadienne, l’éducation est un domaine de compétence exclusivement provincial. Lorsque le gouvernement fédéral a soutenu l’éducation, ce fut surtout au niveau postsecondaire, utilisant son pouvoir de dépenser pour appuyer la recherche et les infrastructures (bourses pour les chercheurs, chaires de recherche, immeubles, laboratoires, équipements, etc.). Bien entendu, le Conseil des arts du Canada s’est tenu à une distance respectueuse des questions d’éducation dans ce contexte constitutionnel, à l’exception notable des cinquante millions de dollars en subventions de capital aux universités, déboursés pendant sa première décennie d’existence, et les subventions à la recherche en sciences humaines et sociales avant la création du crsh en 1977 (tel que commenté dans la section suivante, le Conseil des arts du Canada a conservé la gestion des prix Killam aux chercheurs éminents lors de la création du crsh). Ceci étant dit, comme on le verra ci-dessous, le Conseil a joué un rôle important dans l’éducation au Canada et sur la scène internationale, par l’entremise de la Commission canadienne pour l’unesco. Toutefois, ce n’est que récemment que des efforts ont été déployés pour bénéficier davantage des synergies entre ses activités et celles du Conseil. Troisièmement, le fait d’agir comme organisme subventionnaire national au sein d’un système fédéral signifie que le Conseil veille à maintenir l’équité dans la répartition de son financement entre les provinces et les territoires, sans recourir toutefois à des formules de financement afin de garantir les résultats – il s’efforce plutôt de préserver l’équité et la légitimité dans ses processus de prise de décisions. Le tableau 1 montre la répartition régionale du financement du Conseil au cours de la période allant de 2003–2004 à 2014–2015. Comme les chiffres l’indiquent, la province de Québec a généralement un taux de demandes et de succès plus élevé que ne le laisserait croire les seuls statistiques de population, tandis que l’Ontario, une grande partie de l’Ouest et le Canada atlantique ont eu des taux de participation et de subvention moins élevés que ne le suggère l’étendue de leur population. Ceci a parfois suscité des critiques – en provenance notamment de politiciens ou de membres des communautés artistiques des régions qui reçoivent relativement moins de soutien. La présidente du Conseil des arts du Canada Karen Kain (2004–2008) cite une anecdote cinglante. Une de ses premières rencontres avec le premier ministre Stephen Harper (2006–2015) fut lors d’une réception officielle : « Une fois qu’il prit conscience de qui j’étais, il agita son doigt devant mon visage et me rabroua : “J’exige que plus de cet argent-là aille à l’Alberta8 !” » Plutôt que d’imposer des formules de financement provincial et territorial sur la répartition des subventions, le Conseil a cherché à corriger les déséquilibres
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Une place à la table
Tableau 1 : Répartition régionale des subventions du Conseil des arts du Canada, 2003–2004 à 2014–2015, Années sélectionnées 2003–2004
Province/Territoire
2009–2010
Subventions % de la
% des
Subventions
% de la
% des
$ (% du
population
demandes de
$ (% du
population
demandes de
total can.)
can., 2003
subventions
total can.)
can., 2009
subventions
totales Alberta
7 789 789 (6,18)
ColumbieBritannique Île-du-PrinceÉdouard Manitoba
Brunswick Nouvelle-Écosse
et Labrador Territoires du Nord-Ouest Yukon
(0.26)
3,68
2,93
(4,53)
2,37
1,54
(1,39)
16,1
0.42
0,29
3,62
2,76
2,22
1,39
2,78
2,82
0,10
0,21
38,74
31,54
23,2
33,44
3,05
1,79
1,51
1,15
0,13
0,22
0,1
0,48
100
100
4 304 427 2,96
2,90
(2,97)
0,09
0,27
(0,32)
457 500 47 778 321 38,70
30,12
(32,98)
23,66
32,72
(31,93)
46 256 455 3 536 871 3,15
2,18
(2,44)
1,64
1,30
(1,15)
1 666 595 197 365 0,13
0,22
0,10
0,45
421 400
0.14% 524 510
125 957 452 (100)
13,2
2 015 550
157 665 (0,13)
7,82
6 568 630
1 350 063 (1,07)
10,93
379,245
3 071 446
(0,33) TOTAL
0,53
39 004 464
(2,44) Terre-Neuve
0,43
41 692 700
(30,97) Saskatchewan
(14,29)
311 095
(33,1) Québec
15,97
4 163 511
(0,25) Ontario
13,03
1 756 171 1,39%
(7,23) 20 704 507
6 107 718
(3,31) Nunavut
6,02
363 232 (0,29) (4,85)
Nouveau-
10 469 130 10,06
18 478 825 (4,85)
totales
(0,36) 144 859 106
100
100
(100)
Province/Territoire
Alberta
2014–2015 Subventions % de la
% des
$ (% du
population
demandes de
total can.)
can.
subventions
2014
totales
11,6
5,06
13,03
16,68
0,41
0,41
3,61
3,11
2,12
1,35
2,65
2,84
0,1
0,14
38,49
33,58
23,11
33,51
3,17
1,59
1.48
1.04
0,12
0,25
0,1
0,46
100
100
8 012 492 (5,65)
ColumbieBritannique Île-du-PrinceÉdouard Manitoba
20 166 897 (14,23) 336 634 (0,24) 6 739 427 (4,76)
NouveauBrunswick Nouvelle-Écosse
1 936 143 (1,37) 4 182 863 (2,95)
Nunavut
438 916 (0.31)
Ontario
47 411 300 (33,46)
Québec
47 130 969 (33,26)
Saskatchewan
3 103 716 (2,19)
Terre-Neuve et Labrador Territoires du Nord-Ouest Yukon
1 544 083 (1.09) 244 401 (0,17) 457 985 (0,32)
TOTAL
141 705 826 (100)
Notes : Les totaux excluent les paiements aux auteurs canadiens dans le cadre du Programme du droit de prêt public et les subventions accordées à l’extérieur du Canada. Sources : Conseil des arts du Canada. « Financement aux artistes et aux organisations artistiques : Aperçu à l’échelle nationale, Profils provinciaux et territoriaux », Aide accordée en 2009–2010, Aperçu à l’échelle nationale, « Tableau 5 : Le Conseil des arts du Canada subventions par province et territoire, 2009–2010 : Comparaison avec population, artistes, demandes de subventions et comités de pairs évaluateurs », p. 25, [n. d.] Disponible en ligne : http://conseildesarts.ca/recherche/repertoiredes-recherches/2014/10/financement-aux-artisteset-organismes-artistiques-apercu-a-l-echellenationale. Conseil des arts du Canada. Aperçu du financement du Conseil des arts et statistiques externes sur les arts, au 1er mai 2015. Disponible en ligne : http://chiffreshistoires.conseildesarts.ca/_ pdf/2014/FR/SS_Overview_Table_2014-15_FR.pdf Conseil des arts du Canada. Financement aux artistes et organismes artistiques : Aperçu à l’échelle nationale, Profils provinciaux et territoriaux 2012– 2013. Ottawa, Conseil des arts du Canada, 2013. Statistiques de la population : Statistique Canada, Estimations de la population, selon le groupe d’âge et le sexe, 1er juillet, Canada, provinces et territoires, annuel. CANSIM, Tableau 051–0001. Disponible en ligne : http://www5.statcan.gc.ca/ cansim/a26?id=510001&lang=fra.
régionaux de différentes manières au fil des années, notamment par des bureaux régionaux, de l’assistance accrue pour les candidats des régions moins subventionnées, le programme Explorations et des programmes de financement ciblés. Des bureaux régionaux furent établis dans les provinces atlantiques au début des années 1970; toutefois, comme on l’a fait remarquer dans le chapitre précédent, ces bureaux furent fermés au début des années 1990 dans le cadre des coupes budgétaires. Afin d’offrir une meilleure assistance aux organismes artistiques sans subir les coûts liés à l’ouverture de bureaux régionaux, le Conseil a créé le programme de la Brigade volante à la fin des années 1990, afin d’aider les organismes artistiques à renforcer leurs compétences en matière de gestion9. Ce programme ouvert à tous les organismes canadiens fut particulièrement utile à ceux situés dans les petites localités et les régions éloignées, où l’expertise en développement organisationnel est moins disponible. Le Conseil a également mis sur pied des programmes de financement ciblé. Il créa l’Initiative de développement créatif de l’Alberta pour cette province. Doté d’un budget annuel d’un million de dollars (financé en contrepartie par le gouvernement de l’Alberta, pour un total de deux millions), le programme triannuel de 2008 visait à augmenter les taux de demandes et de subventions de la province. Ce genre de mesures a réduit les déséquilibres en partie (quoique temporairement dans le cas de l’Alberta, comme le suggère le tableau), mais leur potentiel d’élimination permanente des asymétries comporte des limites réelles. Chaque province et territoire a sa propre histoire, sa culture et son approche distincte du soutien aux arts10. Les efforts déployés dans le passé par le Conseil afin de corriger les inégalités régionales, là où le financement provincial, territorial ou municipal est moindre et où le taux de demandes est faible, n’ont pas produit les résultats escomptés. En tant que tel, le Conseil s’efforce continuellement de garantir la légitimité de ses processus de prise de décision. Les comités d’évaluation par les pairs jouent un rôle crucial dans ces efforts. Avec le temps, au dire de l’ancien directeur et chef de la direction Robert Sirman (2006–2014), le Conseil a élaboré un processus d’évaluation « plus approfondi, complexe et sophistiqué que celui de nul autre organisme national de financement11. » Ces comités réunissent des représentantes et des représentants des communautés artistiques de tout le pays afin d’évaluer les demandes. En plus de permettre au Conseil d’entretenir des rapports étroits avec les artistes et les organismes artistiques, ce processus confère un sceau vital de légitimité aux décisions de financement du Conseil. Les candidates et candidats ont davantage confiance dans les décisions, sachant que leurs pairs ont évalué leurs projets sur la base du mérite artistique. Les personnes qui évaluent les demandes ne sont pas des employés du gouvernement peu familiers avec la réalité quotidienne des artistes et de leur pratique, ou qui pourraient substituer au mérite artistique des critères bureaucratiques, politiques ou partisans. Les comités d’évaluation offrent
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
aux artistes et aux organismes artistiques une occasion unique d’interagir autrement. Le processus du jury les réunit avec des collègues de partout au pays et les informe des tout derniers développements en matière de création. Dans un pays aussi vaste et aussi diversifié sur le plan régional, linguistique et culturel que le Canada, cet échange mutuel, cet apprentissage et cette compréhension représentent une dimension et une conséquence sous-estimées du processus d’évaluation par les pairs. Cela ne signifie pas que le processus est parfait – les comités et le personnel apportent leurs préférences et préjugés au processus. Comme l’affirme le directeur et chef de la direction Simon Brault (2014– ) : « Il n’existe pas de système parfait [pour évaluer les demandes], mais celui-ci est le moins imparfait d’entre eux12. » Toutefois, les demandes de subvention n’ont pas toujours été évaluées par des jurys. Pendant les premières années, le directeur, le conseil et les agents de programmes sont intervenus beaucoup plus directement dans les décisions de financement13. Comme l’écrit J.L. Granatstein : « dans les premières années, chaque demande de fonds devait avoir l’approbation du directeur inaugural Albert Trueman14. » Trueman a lui-même affirmé : « Dès le début, j’étais étroitement impliqué, non seulement dans l’administration générale, mais aussi dans le jugement des demandes15. » David Silcox, distingué critique d’art, historien de l’art, haut fonctionnaire de la culture et agent de programme en arts visuels au Conseil de 1965 à 1970, a décrit le processus en ces termes : « Les choses étaient souples à l’époque […] Nous essayions de baser nos décisions sur les œuvres elles-mêmes […] La majeure partie du travail [d’évaluation] était faite à l’interne16. » Il ajoute en riant : « Je me souviens que [le collectif d’art conceptuel vancouverois des années 1970] N.E. Thing Co. a reçu un chèque en l’espace de vingt-quatre heures ! » Silcox sourcille devant le caractère formel du système actuel : « Le Conseil est devenu très bureaucratique », dit-il. « Je me souviens des réunions du Conseil en ce temps-là », poursuit-il, « Il ne fallait généralement qu’une journée pour examiner toutes les demandes. » Puis avec un petit rire : « le président attendait après le repas du midi, quand tout le monde avait pris un verre de vin au Château [Laurier], avant de discuter de chaque demande. Ça fonctionnait mieux de cette façon ! » À compter des années 1980, les jurys sont devenus plus formels et systématiques, et à partir des années 1990, presque chaque programme de subvention était évalué par des jurys. Les agents de programme jouent un rôle essentiel dans ce processus en veillant soigneusement à l’équilibre et à la représentativité dans la composition des jurys, en termes notamment de répartition régionale, de genre, de présence autochtone, de variété linguistique et d’expertise. Les membres de jurys accomplissent leur tâche avec sérieux. Le directeur du Conseil Peter Roberts (1985–1988) en donne un aperçu : « Lorsque j’ai l’occasion d’assister à des délibérations de jurys en tant qu’observateur silencieux, je vois des artistes engagés qui déploient des efforts prodigieux afin de produire le meilleur jugement collectif
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Une place à la table
possible au sujet d’une œuvre d’art ou d’une prestation. Je perçois un niveau élevé de professionnalisme et d’intégrité. Je note une concordance remarquable entre les perceptions d’artistes qui ne se sont jamais rencontrés auparavant. J’entends les meilleures discussions sur la littérature, la musique et le théâtre17. » Les artistes apprennent beaucoup les uns des autres et en analysant les demandes. Le système de jurys confère une précieuse légitimité aux décisions du Conseil. Anna Porter, auteure primée, figure emblématique de l’édition canadienne et membre du conseil d’administration du Conseil des arts du Canada (2008–2016), affirme qu’une subvention du Conseil représente plus qu’un précieux soutien financier. « C’est un sceau d’approbation en provenance du pays. C’est extrêmement important18. » Quatrièmement, en tant que subventionneur national au sein d’un système fédéral, de plus en plus, le Conseil joue un rôle central comme leader d’opinion et mobilisateur dans ses relations avec les organismes subventionnaires publics, privés et à but non lucratif au niveau provincial, territorial et municipal – mais il s’efforce de jouer ce rôle d’égal à égal, et non comme un autocrate. À ses débuts, le Conseil était presque le seul subventionneur public des arts au pays, mais les décennies suivantes connurent l’entrée successive d’autres organismes de financement provinciaux, territoriaux, municipaux et fédéraux. En 2009–2010, année pour laquelle on dispose des plus récents chiffres, les dépenses gouvernementales au chapitre de la culture (les bibliothèques, le patrimoine, les industries culturelles et les arts) totalisaient 10,1 milliards de dollars courants, les dépenses des gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux représentant environ 60 pour cent du total (6 milliards de dollars) et celles du gouvernement fédéral représentant le reste (4,1 milliards de dollars)19. Pour la même année, le financement total du Conseil des arts du Canada s’élevait à 158,7 millions de dollars20, soit à peine 3,8 pour cent du total fédéral, ou 1,6 pour cent des dépenses gouvernementales au titre de la culture. Si les 10,1 millions de dollars comprennent les dépenses autres que les activités artistiques soutenues par le Conseil (par exemple, les bibliothèques, la radiodiffusion et certaines activités liées au patrimoine), la contribution financière du Conseil à l’ensemble du secteur des arts et de la culture représente cependant une part de plus en plus petite des dépenses gouvernementales au chapitre de la culture. Dans ce contexte, en plus de travailler à maximiser et à mesurer les effets de ses dépenses (tel qu’analysé au chapitre précédent), le Conseil a progressivement développé sa capacité de leadership d’opinion, travaillant en collaboration avec ses homologues provinciaux, territoriaux et municipaux afin de rassembler les dirigeants de partout au pays autour de préoccupations, de possibilités et de défis communs. Ceci a bonifié sa perception du pays, de même que sa capacité à regrouper les interlocuteurs fédéraux, provinciaux, territoriaux et municipaux de manière productive. Au centre de ces efforts figurent le réseau des Organismes publics de soutien aux arts du Canada (opsac) et les rencontres tripartites. En 2004, sous la direction de
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
John Hobday (2003–2006), le Conseil a collaboré avec ses homologues provinciaux et territoriaux dans le but de mettre sur pied l’opsac, le réseau qui regroupe et assiste les présidents et les chefs de la direction des conseils des arts fédéral, provinciaux et territoriaux. Il permet aux conseils des arts d’échanger de l’information, de travailler ensemble au renforcement des capacités internes et de collaborer dans des domaines d’intérêt commun. L’opsac tient des réunions plusieurs fois par année, à chaque fois dans une région différente du pays. Ces rencontres incluent des réunions annuelles des présidents et chefs de la direction, des rencontres annuelles de développement stratégique pour les chefs de la direction et des activités de développement professionnel pour le personnel des programmes. Le réseau de l’opsac permet aux conseils des arts fédéral, provinciaux et territoriaux de partager les meilleures pratiques, de repérer les tendances et les nouveaux développements en matière de niveaux, d’objectifs et d’approches de financement, et de travailler en collaboration pour identifier et relever les principaux défis et tirer parti des possibilités à court, moyen et long terme. Le Conseil des arts du Canada assure le secrétariat du réseau. Comme on pouvait s’y attendre, la dynamique et les tensions entre le fédéral et les provinces font partie intégrante de ces discussions – le Québec est reconnu pour aborder les réunions de l’opsac à la manière des relations internationales21. Toutefois, les participants ont généralement réussi à transcender les enjeux politiques tout en demeurant sensibles à l’environnement politique dans son ensemble; elles et ils ont travaillé à développer des relations solides, basées sur la collaboration et le partenariat, plutôt que sur la compétition22. Ceci est dû en partie à la façon dont le Conseil envisage les réunions; dès le début, sous la direction de John Hobday, il s’est efforcé de travailler en tant que pair, au lieu d’adopter une « attitude condescendante23. » Le Conseil s’est efforcé d’éviter les situations créées par les organisations fédérales et souvent critiquées par les gouvernements infranationaux : afficher une attitude paternaliste et autoritaire du type « Ottawa a raison », et ne pas être disposé à écouter. Les rencontres tripartites, qui ont débuté dans l’Ouest canadien dès les années 1970, réunissent les organismes publics et les fondations de financement des arts à l’échelle fédérale, provinciale et municipale afin que ces derniers puissent collaborer, arrimer et échanger de l’information sur des sujets d’intérêt commun. Au Nouveau-Brunswick, les rencontres tripartites regroupent des représentants du Conseil des arts du Canada, du ministère du Patrimoine canadien, du ministère du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture, d’artsnb (le conseil des arts provincial), de la Fondation des arts du Nouveau-Brunswick, de la Fondation Sheila-Hugh McKay et de plusieurs municipalités (notamment Saint-Jean, Moncton, Dieppe, Riverview, Sackville et Caraquet). Le réseau organise des rencontres plusieurs fois par année et donne aux membres l’occasion précieuse d’échanger sur les principaux
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Une place à la table
changements dans le domaine des arts, sur les défis auxquels sont confrontés les organismes et sur les occasions qui se présentent à eux. Bien que les rencontres tripartites sont dirigées et préparées par les provinces et les municipalités, le Conseil demeure un participant actif depuis leurs débuts. Fait à remarquer, le Conseil est le seul organisme participant à apporter un point de vue pancanadien à l’opsac (le ministère du Patrimoine canadien apporte un point de vue pancanadien aux rencontres tripartites). Ceci a facilité le développement d’approches pancanadiennes du financement des arts, dont la création en 2008 des Canadian Arts Data/Données sur les arts au Canada (cadac), une banque de données financières et statistiques sur les organismes artistiques qui font des demandes de financement auprès des organismes subventionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux24. À l’origine, cette initiative est un projet pilote des rencontres tripartites de Toronto [la Table ronde intergouvernementale des mécènes et des fondations en arts (iraff)]. Le Conseil en a introduit le concept à l’opsac et dans les réseaux tripartites, pour finalement se charger de l’administration de cadac sous la supervision d’un comité représentatif à l’échelle canadienne, composé d’organismes subventionnaires des arts. zxzxz
Le Conseil accorde une attention particulière à la représentativité et à l’équité, à la légitimité dans ses processus de prise de décisions, à la négociation des relations fédérales-provinciales de façon informelle mais efficace, et au leadership et à l’organisation du dialogue sur les nouveaux enjeux dans le contexte pancanadien. Ceci le place dans une position idéale pour identifier des possibilités ou des défis communs, et encourager les efforts concertés avec les organisations publiques, privées et à but non lucratif à l’échelle fédérale, provinciale, territoriale et municipale. Cette approche collaborative est exactement le genre de gouvernance préconisée au vingt-et-unième siècle. C’est effectivement devenu un impératif, notamment dans les systèmes politiques fédéraux. Les spécialistes du fédéralisme ont identifié le passage vers des degrés accrus de collaboration dans les relations intergouvernementales ces dernières années. Ils emploient l’expression de « fédéralisme collaboratif » pour définir cette approche, dans laquelle les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux travaillent d’égal à égal sur les objectifs communs dans des domaines où les compétences sont partagées ou se chevauchent25. C’est ainsi que Richard Simeon, vénérable doyen des spécialistes du fédéralisme, l’a affirmé : « l’interdépendance accrue des gouvernements aux prises avec des problèmes communs de politiques signifie qu’aucun palier ne peut les régler complètement par lui-même26. » Dans ce contexte, le Conseil des arts du Canada agit un peu comme un maître des politiques canadiennes, très bien placé pour contribuer à cette
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
approche en réseau de l’élaboration des politiques publiques – et, comme le recommandait Joseph Rotman, il mérite une place à la table.
Le Conseil des arts du Canada et l’éducation, la recherche et la diplomatie On conçoit généralement le Conseil des arts du Canada comme un organisme subventionnaire des arts, mais cette perception est étroite et simpliste. L’organisation est impliquée depuis longtemps dans des domaines au-delà des arts et de leur financement, dont l’éducation, la recherche et la diplomatie, notamment par le biais de la Commission canadienne pour l’unesco, de ses premières subventions en capital aux universités et de ses bourses pour les chercheurs, du Droit de prêt public, du maintien de certaines bourses de recherche dans le cadre du programme Killam, et des efforts pour soutenir la diplomatie culturelle et les échanges internationaux avec ses homologues à travers le monde. Ces efforts ont rarement été envisagés selon une vision globale et, comme il est mentionné plus bas, le rôle du Conseil sur la scène internationale a généralement été secondaire par rapport à ses activités au pays. Ce ne fut pas toujours le cas, cependant. Le rapprochement par le gouvernement, à l’origine, des arts, des subventions en capital aux universités et pour la recherche en sciences humaines et sociales, ainsi que l’engagement du Canada auprès de l’unesco, découlaient en grande partie des recommandations de la Commission Massey-Lévesque. Tel qu’expliqué au chapitre 1, la commission envisageait les arts, la recherche universitaire et les relations internationales dans le cadre de l’unesco comme une triade d’activités artistiques, universitaires et éducatives/scientifiques/ culturelles au pays et à l’étranger. Cette vision était partagée par l’élite culturelle et artistique de l’époque, comme il en a été question aussi au chapitre 1. En fait, la communauté artistique, par l’entremise du Conseil canadien des arts, a plaidé dès 1945 pour l’établissement de la Commission canadienne pour l’unesco 27. Au fil des ans, toutefois, le rapprochement des arts, de la recherche universitaire et de la culture s’est effrité : les financements en capital et les bourses de recherche furent écartées des activités du Conseil une fois dépensé le fonds en capital de cinquante millions de dollars, et après la mise sur pied du crsh en 1977; la ccu, pour sa part, a fonctionné d’une manière de plus en plus autonome. Lorsque furent créés, en 1986, le Programme et la Commission du prêt de droit public – qui aurait pu établir des liens solides entre le Conseil et le milieu de l’éducation –, ils fonctionnèrent eux aussi d’une façon de plus en plus autonome. C’est aussi le cas du programme Killam pour les chercheurs exceptionnels dans toutes les disciplines. Ce qui suit est un survol de l’engagement du Conseil dans la recherche, l’éducation et la diplomatie par l’intermédiaire de ces entités et activités. En raison des
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Une place à la table
contraintes d’espace, l’analyse sera forcément brève et ne rend pas justice à la richesse des histoires et à l’ampleur des activités dans chaque secteur. Il s’agit plutôt de souligner comment le Conseil a travaillé dans des domaines au-delà des arts et du financement des arts au cours des ans, tandis qu’on était peu conscient au Conseil, jusqu’au milieu des années 2000, que le tout pouvait être plus grand que la somme de ses parties. En toute franchise, à cause des réalités administratives et pratiques liées au renforcement des liens entre les différentes composantes de l’organisation, et à certaines périodes, d’autres préoccupations, telles que les coupures des années 1990, mobilisaient les énergies du Conseil. Ces derniers temps, la recherche d’une place à la table, l’augmentation de l’impact de l’organisation (tel que vu au chapitre précédent) et, plus généralement, l’attention portée au pouvoir de l’art, ont inspiré une pensée plus globale au Conseil. Le Conseil déploie d’importantes activités dans les domaines de l’éducation, de la recherche et de la diplomatie par l’entremise de la Commission canadienne pour l’unesco (à la ccu, on fait souvent référence à l’éducation en tant qu’« apprentissage », afin de réduire les tensions avec les provinces, en raison de leur compétence en matière d’éducation dans la Constitution du Canada). La loi originale établissant le Conseil des arts du Canada stipulait que « Le gouverneur en conseil peut assigner au Conseil les fonctions et attributions qu’il estime opportunes en ce qui concerne l’Organisation des Nations unies pour l’Éducation, la Science et la Culture28. » C’est ce que fit le gouvernement en 1957, lorsqu’il créa la Commission canadienne pour l’unesco la même année que le Conseil des arts du Canada. La ccu est placée sous l’égide du Conseil des arts du Canada, mais le gouvernement l’a instituée en vertu d’un décret distinct, et elle possède un acte constitutif, des règlements et une structure de gouvernance propres. Cette dernière inclut un comité exécutif de dix-sept membres composé de représentants gouvernementaux et non gouvernementaux, dont les cadres dirigeants de la commission et du Conseil des arts du Canada. De plus, la ccu a son propre président et un secrétaire général (comparables respectivement au président et au chef de la direction); elle fonctionne de façon autonome, mais de concert avec la délégation permanente du Canada auprès de l’unesco à Paris (dirigée par un ambassadeur nommé par le gouvernement). Dans le cadre de son mandat, la ccu coordonne les activités de programmes de l’unesco au Canada, prend des dispositions pour la participation du Canada aux activités des programmes de l’unesco à l’étranger, élabore des propositions pour de futurs programmes de l’unesco et fournit des conseils au ministère canadien des Affaires étrangères (au moment de la rédaction, il s’agissait du ministère Affaires mondiales Canada) sur diverses questions financières et administratives relatives à l’unesco 29. Pour accomplir ces tâches, la commission collabore étroitement avec ses membres, qui comprennent plus de trois cents participants individuels et institutionnels des milieux académiques, de la recherche, gouvernemen-
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
taux et de la société civile. Elle participe également aux délégations canadiennes auprès de la Conférence générale de l’unesco. Grâce à l’engagement important du Canada envers l’internationalisme et le système des Nations unies, la ccu a généralement été mieux financée et dotée en personnel que ses homologues à l’étranger30. Ceci permet au Canada d’avoir une place prépondérante dans le système de l’unesco, selon David Walden, secrétaire général de la commission de 1999 à 2013 : « D’autres pays se sont tournés vers les Canadiens, sachant qu’on avait plusieurs employés. On nous invitait toujours à nous joindre aux groupes de travail31. » Comme plusieurs pays ne peuvent se permettre de déléguer des membres de leur commission nationale à Paris pour suivre le fil de la gouvernance de l’unesco, « Par conséquent, nous avons établi des liens avec plusieurs personnes au Secrétariat [de l’unesco], ce qui nous a procuré accès et crédibilité. C’était un cercle vertueux. » Cela étant dit, Walden fait observer que l’unesco et la ccu n’ont pas toujours évolué comme elles auraient pu le faire. Tandis que l’impératif de paix se faisait moins présent durant les années suivant la Deuxième Guerre mondiale, « le plaidoyer pour la paix mondiale devenait de plus en plus redondant », dit-il, « cela suscitait de moins en moins d’intérêt […] Le mandat [de la ccu] convenait, mais il s’agissait plutôt de son interprétation. » Les tensions s’accrurent entre les personnes qui souhaitaient que l’organisation ait une vocation principalement académique, et celles qui la voulaient axée sur les résultats et plus visiblement pertinente au-delà du milieu académique, de par ses réseaux et ses activités. La ccu entreprit d’importants exercices de planification stratégique afin d’orienter son avenir, et mit l’accent sur une approche plus pratique dans ses plans stratégiques de 1999 et de 2014, pour inclure davantage d’interdisciplinarité, une attention plus soutenue à la culture, la communication et l’information, ainsi que le renouvellement de ses membres et de ses réseaux. Ceci coïncidait avec la revitalisation de l’unesco dans les années 2000, alors que le Royaume-Uni et les États-Unis redevenaient membres (en 1997 et 2003 respectivement), un événement important sur le plan symbolique et financier, puisqu’il allait hausser le budget de l’unesco 32. Cette dernière organisation augmenta également sa coopération au sein du système des Nations unies, et concentra ses efforts dans des secteurs où elle disposait d’un avantage comparatif, dont les objectifs du Millénaire pour le développement (pour répondre aux besoins des pays les plus pauvres dans le monde), l’Éducation pour tous (afin d’améliorer l’accès à l’éducation pour les enfants, les jeunes et les adultes), de nombreuses conventions sur la culture (patrimoine culturel subaquatique et immatériel, diversité des expressions culturelles), et plusieurs conférences mondiales, dont la Conférence mondiale sur l’éducation artistique. Walden reconnait que la commission « n’a pas vraiment réussi à s’affirmer au sein du Conseil des arts du Canada. » Katherine Berg, employée de longue date
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Une place à la table
5.3 Wanda Koop, Stack, 2008, de la série Green Zone, acrylique sur toile. Le travail de cette artiste winnipegoise explore l’urbanisation, l’industrialisation et l’intersection entre la technologie et la nature. De grands musées et des organisations privées, dont le Musée des beaux-arts du Canada, le Musée de Reykjavik, le Musée d’art moderne de Shanghai et la collection Caldic (Pays-Bas) possèdent d’importantes collections de son travail.
au Conseil et ancienne membre du personnel de la commission, précise que la collaboration entre le Conseil et la ccu s’est manifestée principalement dans les domaines de l’éducation artistique, de l’équité et des questions autochtones, ainsi que par l’entremise du bureau des partenariats du Conseil, mais cela « demande des efforts constants33. » L’ancienne coordonnatrice du Secrétariat des arts autochtones, Louise Profeit-LeBlanc (2001–2012), qui a travaillé sur plusieurs projets avec la commission, a confié que la ccu fonctionnait « comme un satellite loin loin loin du Conseil34. » Berg et l’ancien membre du personnel de la ccu Terry O’Grady décrivent la relation entre le Conseil et la ccu, avant le milieu des années 1990, comme une période de « négligence bénigne »35. Toutefois, un rapprochement est survenu à partir du milieu des années 1990, grâce aux efforts du Conseil et des dirigeants de la commission, dont Shirley Thomson (secrétaire générale de l’unesco
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Les fondements de la culture, le pouvoir de l’art
de 1985 à 1987 et directrice du Conseil des arts du Canada de 1998 à 2002), Max Wyman (membre du conseil d’administration du Conseil devenu président de la ccu en 2002), le secrétaire général David Walden et, plus récemment, les directeurs du Conseil Robert Sirman et Simon Brault. Outre son rôle dans l’éducation et la recherche par le biais de la ccu, historiquement, le Conseil a également été un acteur de premier plan dans le secteur de l’éducation postsecondaire. Il a fourni un soutien inestimable en capital pour construire l’infrastructure universitaire au Canada durant sa première décennie. Il a aussi octroyé des bourses de recherche en sciences humaines et sociales, qui ont non seulement renforcé la recherche au Canada, mais a aussi amélioré les connaissances sur le pays et soutenu le domaine naissant des études canadiennes, grâce à des programmes comme Horizons canadiens, tel que mentionné au chapitre 3. Toutefois, le Conseil n’était pas aussi en phase avec la communauté scientifique qu’il aurait pu l’être, et le mécontentement n’a cessé de grandir, au point que les chercheurs sentirent que leurs besoins seraient mieux pris en compte par une organisation distincte36. Comme nous l’avons vu au chapitre 2, le plaidoyer visant à séparer les subventions à la recherche universitaire de celles destinées aux arts fut finalement couronné de succès, avec la création du crsh en 1977. Cependant, au début des années 1990, dans un contexte de restrictions financières croissantes, les deux organisations devaient fusionner de nouveau. En 1992, le gouvernement Mulroney déposa le projet de loi C-93 dans le but de réunir à nouveau les deux Conseils, ainsi que le programme de Relations culturelles internationales du ministère des Affaires extérieures de l’époque. Cette décision fut controversée dans les communautés artistique et scientifique, et tout particulièrement pour le crsh et les chercheurs universitaires. Plusieurs chercheurs réputés et dirigeants d’organisations témoignèrent devant un comité du Sénat, s’opposant à ce changement. Malgré cela, les deux organisations commencèrent à se préparer en vue de la fusion, en louant notamment des bureaux partagés. Toutefois, la situation commença à changer lorsque le projet de loi atteignit le Sénat et fut finalement rejeté en 1993. Keith Kelly, alors directeur national de la Conférence canadienne des arts, était au cœur de l’action, et dit : « Le projet de loi fut rejeté par le Sénat le jour du départ de Mulroney [lors de sa retraite comme chef du parti progressiste-conservateur] […] Perrin Beatty [le ministre des Communications, à l’époque] est venu se plaindre dans mon bureau37 ! » L’idée de fusionner de nouveau les deux entités n’a pas refait surface depuis. Toutefois, le Conseil des arts du Canada soutient encore la recherche scientifique, notamment par l’intermédiaire du Programme Killam. Lorsque le crsh fut mis sur pied en 1977, ce programme demeura au Conseil. Les prix Killam ont été créés par Dorothy Killam, la veuve d’Izaak Walton Killam – l’homme d’affaires dont les droits de succession contribuèrent à la création du Conseil des arts du Canada en
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Une place à la table
5.4 Rita Letendre, Sunset, 1971. Rita Letendre est une peintre, muraliste et graveure originaire de Drummondville au Québec. Étroitement liée avec les Automatistes québécois et renommée pour ses murales, Letendre a exposé ses œuvres à travers le monde. Son travail a reçu de nombreuses distinctions et fait partie des collections des grands musées, et de collections privées et corporatives.
1957. Ces prix reconnaissent, récompensent et soutiennent les réalisations scientifiques exceptionnelles. Mme Killam avait clairement exprimé l’intention que ces prix soient administrés par le Conseil des arts du Canada. Avant son décès, elle prit grand soin d’établir les arrangements administratifs liés aux prix, et offrit même un don anonyme au Conseil pour tester sa capacité à gérer efficacement le programme38. De toute évidence, elle trouva la gestion du Conseil satisfaisante, et le désigna comme administrateur des prix, octroyant 4,5 millions de dollars supplémentaires (plus de 35 millions en dollars de 2016) au Conseil des arts du Canada, dans les années qui ont précédé son décès survenu en 196539. Le testament de Dorothy Killam constituait six fondations : cinq dans des universités et instituts canadiens, et un sixième au Conseil des arts du Canada pour la reconnaissance des réalisations scientifiques exceptionnelles. En tout, les fondations Killam valent environ 425 millions de dollars, et la composante du Conseil des arts du Canada est évaluée à quelque 55 millions de dollars40. Le Conseil des arts du Canada attribue annuellement cinq prix Killam d’une valeur de 100 000 dollars chacun, en reconnaissance des réalisations scientifiques exceptionnelles, et plusieurs bourses de recherche Killam (entre cinq et huit ces dernières années) d’une valeur de 70 000 dollars par année pendant deux ans, à des professeurs jouissant d’une réputation exceptionnelle dans leur domaine de recherche41. Ces prix et bourses figurent parmi les plus prestigieux au pays, et sont souvent remis lors d’une cérémonie à Rideau Hall, la résidence du gouverneur général. Le programme de bourses est le plus ancien des deux; près de six cents bourses ont été octroyées depuis sa mise en place à la fin des années 196042. Grâce au Programme Killam, le Conseil conserve un lien étroit – et une visibilité – avec la communauté universitaire dans toutes les disciplines, et non seulement dans les sciences humaines et sociales. Le Conseil conserve également des liens avec l’éducation en raison des rapports étroits entre le Programme du droit de prêt public et le réseau des bibliothèques publiques. Le Programme du dpp a été créé en 1986 afin d’appuyer les auteures et auteurs canadiens dont les livres se retrouvent dans les collections des bibliothèques publiques (différemment de la majorité des systèmes de dpp ailleurs dans le monde, les paiements canadiens sont destinés exclusivement aux auteures et auteurs canadiens). Le treizième de ces programmes dans le monde et le seul dans toutes les Amériques, il a été mis en place par le gouvernement Mulroney à la suite d’un important plaidoyer des associations d’auteures et d’auteurs, entre autres par les présidents de la Writers’ Union of Canada Andreas Schroeder, puis Matt Cohen (Schroeder allait devenir le président inaugural de la Commission du dpp). Le dpp reconnait de manière explicite que les auteures et auteurs ont droit à une indemnisation pour l’accès des lectrices et lecteurs à leurs livres par le biais des bibliothèques publiques. Même si les auteurs (incluant les illustrateurs et les
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5.5 Claude LeBouthillier, viceprésident de la Commission du droit de prêt public, et Andreas Schroeder, président, en compagnie de la ministre des Communications Flora MacDonald, en 1987, au moment d’émettre les premiers chèques aux auteurs à la suite de la création du Programme du droit de prêt public en 1986.
photographes) sont les bénéficiaires directs des paiements de dpp – elles et ils reçoivent un chèque annuellement –, la structure administrative qui soutient le programme met le Conseil en contact avec les bibliothèques publiques partout au Canada. Lorsque le dpp fut établi par un mémoire au Cabinet parrainé par le ministre de l’époque Marcel Masse, sa structure de gouvernance comprenait la création de la Commission du droit du prêt public, qui regroupe des représentants des diverses instances du milieu de l’écriture, de l’édition et du lectorat (auteurs, éditeurs, bibliothécaires, etc.), ainsi que le Programme du droit de prêt public, afin d’administrer cette initiative. Avec le temps, la commission a développé un niveau et un sens exceptionnels de l’autonomie par rapport au Conseil des arts du Canada. Ceci est dû en partie à l’existence même de la commission, dont la création laissait présager le statut indépendant du programme par rapport au Conseil. En fait, ceci était nécessaire pour assurer son fonctionnement efficace et harmonieux, vu la diversité et la complexité des intérêts en jeu. Tel que mentionné ci-haut, le programme était également financé séparément par le gouvernement, avec un budget initial de trois millions de dollars alloué au Conseil dans le but d’établir et d’administrer un programme et une commission du droit de prêt public. À cause du plaidoyer mené pour persuader le gouvernement de mettre le programme en place, de solides relations se sont développées entre ce secteur et le gouvernement, jusqu’au niveau ministériel. Les
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5.6 L’auteure canadienne de réputation internationale Margaret Atwood reconnait l’impact considérable du Conseil des arts du Canada sur sa carrière, au moment où elle débutait comme écrivaine professionnelle. En 1969, elle obtenait une bourse du Conseil des arts du Canada lui permettant de continuer à écrire, à une époque où elle n’aurait pas été en mesure de le faire.
membres de la commission avaient l’habitude de communiquer directement avec le ministre, au besoin, et lorsque les premiers chèques furent versés aux auteurs en 1987, l’occasion fut soulignée conjointement par les dirigeants de la Commission du dpp et la ministre des Communications de l’époque, Flora MacDonald. Toutefois, lorsque les compressions budgétaires de l’Examen des programmes survinrent au milieu des années 1990, une controverse publique éclata entre le Conseil et la commission. La haute direction du Conseil demanda au dpp de contribuer financièrement à l’exercice de réduction des dépenses. La réaction fut rapide, publique et forte. Peter Schneider, gestionnaire du programme et secrétaire général de la commission (2012– ), commente en ces termes : « Les auteurs cherchèrent à régler le conflit hors du Conseil et lancèrent un appel aux médias concernant les coupures financières. Les membres de la commission estimaient que cet argent appartenait aux auteures et auteurs. Les esprits s’échauffèrent, et Margaret Atwood dit que le Conseil ne devrait pas toucher à l’argent des auteures et auteurs. La direction du Conseil fut obligée de céder43. » À partir de ce moment, la commission devint une « patate chaude » au Conseil, mais l’incident était symptomatique du problème plus vaste de l’incertitude dans les relations entre le programme et le
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5.7 Leonard Cohen prononce son discours d’acceptation du prix Glenn-Gould 2012, attribué à tous les deux ans, en reconnaissance d’une contribution exceptionnelle à la condition humaine par le biais des arts. Cohen a donné son prix de cinquante mille dollars au Conseil des arts du Canada, en exprimant sa profonde gratitude envers l’organisation pour son soutien, sans lequel, a-t-il déclaré, il n’aurait jamais écrit The Favourite Game ou The Spice Box of Earth.
Conseil. La distance entre les deux entités était très claire sur le plan administratif, dans les ententes quadriennales signées par les deux parties, spécifiant les responsabilités de chacune, les « biens et services » administratifs fournis au programme par le Conseil (bureaux, lignes téléphoniques, fournitures, etc.), et à quel prix. Le dénouement survint lorsque le directeur et chef de la direction Robert Sirman (2006–2014) dut approuver une nouvelle entente administrative, hésitant à la signer, parce qu’aucun autre programme ne nécessitait de garantie quant à ses espaces de bureaux. Les vérificateurs internes du Conseil confirmèrent que le dpp était bien un programme du Conseil et qu’il n’avait pas d’identité juridique distincte, et que, comme le formule Sirman, « l’on ne peut conclure une entente avec soi-même44 ». L’ère des ententes administratives était révolue. Mises à part les faiblesses administratives, le programme, qui a généré environ 9,8 millions de dollars pour venir en aide à plus de sept mille auteures et auteurs
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en 2015–2016 (le Conseil prévoit augmenter cette somme de 50 pour cent en 2018–2019)45, joue un rôle essentiel dans les milieux de l’écriture et de l’édition, soulignant la valeur de la créativité des auteures et auteurs pour la société canadienne. Si la valeur moyenne et maximale des chèques annuels est modeste (le paiement moyen fut de 568 $, et le paiement maximum, de 3 556 $ en 2015–201646), le programme apporte un complément apprécié au revenu de plusieurs auteurs, de pair avec une importante reconnaissance de leur contribution à la vie culturelle au Canada. Le dpp contribue également à la visibilité internationale du Conseil, en raison de sa participation à des rencontres avec des entités similaires partout à travers le monde. Le Conseil des arts du Canada est également présent par lui-même sur la scène internationale. À ses débuts, tel qu’expliqué au chapitre 3, l’attention de l’organisation s’est principalement portée sur l’édification des fondements de la culture canadienne à l’intérieur du pays. À cette époque, toutefois, plusieurs artistes allaient chercher de l’inspiration au-delà des frontières. David Silcox décrit ces quelques premières années d’un ton sardonique : « À l’époque, il fallait quitter le pays pour obtenir une bourse, parce qu’on présumait qu’il n’y avait pas de culture ici47. » D’ailleurs, Leonard Cohen, icône culturelle du Canada, fut critiqué pour avoir utilisé sa première bourse du Conseil en 1958 pour voyager en Europe, où il rédigea son premier roman, The Favourite Game (Jeux de dames), en majeure partie dans une maison qu’il acheta sur l’île grecque d’Hydra48. En 2012, Cohen allait donner son prix Glenn-Gould de cinquante mille dollars au Conseil des arts du Canada, déclarant : « La vérité, c’est que sans l’aide et les encouragements du Conseil des arts, je n’aurais jamais écrit The Favourite Game ou The Spice Box of Earth […]. Je lui en suis profondément reconnaissant49. » Le Conseil a également joué un rôle à l’international par son soutien à la tournée et aux échanges artistiques. L’ancienne directrice Joyce Zemans explique : « Le Conseil n’était pas limité à des “pays prioritaires”. Nous pouvions aller là où c’était stimulant pour les artistes. Nous avions la possibilité de travailler avec le ministère des Affaires extérieures [à l’époque]. Le Conseil travaillait sur le plan artistique et le ministère, sur le plan des priorités gouvernementales50. » En outre, l’organisation prit des mesures visant à établir des relations internationales en créant des prix littéraires internationaux en collaboration avec des homologues et des organisations à l’étranger. Plusieurs de ces prix furent institués au cours des années 1970, mais supprimés au cours des années 1990, dont le Prix littéraire Canada-Belgique, le Prix littéraire Canada-Suisse, le Prix littéraire Canada-Australie, et l’Échange d’écrivains résidents Canada-Écosse (ces deux derniers furent établis en collaboration avec les conseils des arts de l’Australie et de l’Écosse). Les Prix littéraires Canada-Japon existent toujours et sont décernés à des Canadiennes et des Canadiens qui produisent des ouvrages sur le Japon ou qui favorisent la
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5.8 Les danseurs principaux du Royal Winnipeg Ballet Evelyn Hart et David Peregrine ont remporté les médailles d’or et de bronze lors du World Ballet Concours au Japon, en 1980. Dans cette photographie, ils interprètent Belong, 1980.
compréhension mutuelle entre le Canada et le Japon, rédigés en japonais ou traduits du japonais vers le français ou l’anglais. C’est notamment la directrice du Conseil Shirley Thomson (1998–2000) qui avait perçu la valeur de l’engagement international et travaillé à la création de la Fédération internationale des conseils des arts et des agences culturelles (ficaac), un réseau mondial des conseils des arts et ministères de la culture en provenance de plus de soixante-dix pays. Mise sur pied dans les années 2000 avec Thomson comme présidente fondatrice, la ficaac organise annuellement le prestigieux Sommet mondial sur les arts et la culture, ainsi que des sommets à petite échelle et des chapitres régionaux; l’organisation développe plusieurs outils de recherche, des nouvelles, des outils de sensibilisation et des activités en rapport avec les politiques
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sur les arts et la culture; elle travaille également au renforcement des capacités de gestion pour les organismes publics dans le secteur des arts et de la culture. L’engagement du Conseil envers le développement international fluctue cependant selon les priorités de ses directeurs et de son conseil d’administration, les niveaux de financement, les enjeux importants du moment et le degré d’engagement culturel du gouvernement fédéral sur la scène internationale. Il s’agit d’un secteur dans lequel le Conseil a manqué des occasions, parfois pour des raisons évidentes, et parfois sans raison évidente. C’est en partie à cause des occasions manquées et des synergies non concrétisées que l’organisation a commencé à examiner de plus près sa structure organisationnelle interne et ses modalités de gouvernance, dans le but de développer une approche plus globale de son travail.
Renouveau de la structure organisationnelle : Le tout est plus grand que la somme de ses parties (satellites) « C’était difficile au début51», confie Barbara Burley, lorsqu’on la questionne à propos de sa nomination au Conseil des arts du Canada en 2007. Elle s’installe sur sa chaise, expliquant : « Je n’étais pas une artiste, je n’étais pas connue. » Burley a passé la plus grande partie de sa carrière dans la fonction publique, et pris sa retraite du gouvernement de la Nouvelle-Écosse au rang prestigieux de sous-ministre adjointe (sma). D’entrée de jeu, on sent que Burley se présente bien, qu’elle est consciencieuse, avide de connaissances, qu’elle comprend vite, des caractéristiques qui lui ont bien servi dans la fonction publique – et pendant ses deux mandats au conseil d’administration du Conseil des arts du Canada (2007–2015). Barbara Burley est avant tout une organisatrice, une gestionnaire professionnelle qui fait avancer les choses, une personne à l’aise avec la gouvernance organisationnelle et le développement des compétences. Ce n’est toutefois qu’après sa retraite qu’elle mobilisa son énergie dans le secteur des arts et de la culture. « Durant ma carrière professionnelle, j’étais très prise par ma position de sma […] Je n’avais pas beaucoup de temps à consacrer au bénévolat. » Les choses évoluèrent lorsqu’elle prit sa retraite et quitta la Nouvelle-Écosse pour Saint Andrews, Nouveau-Brunswick : « Je voulais faire du bénévolat à l’extérieur de ma zone de confort. » Et c’est exactement ce qu’elle fit. Elle fut invitée à se joindre au Centre des arts et de la nature Sunbury Shores. Elle joignit ensuite la Fédération des chorales du NouveauBrunswick – « Ça m’a vraiment réchauffé le cœur ! », confie-t-elle. On l’invita ensuite à se joindre au Musée Ross Memorial d’arts décoratifs – peu après, elle devient la présente du musée, et travailla à renforcer les compétences du conseil d’administration. Par la suite, elle œuvra au sein des Jeunesses Musicales, un
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organisme qui soutient les jeunes musiciens et les jeunes publics en musique classique, et fonda des Jeunesses Musicales à Saint Andrews. Une fois nommée au Conseil des arts du Canada, il n’est pas étonnant qu’elle se soit attaquée à la gouvernance et au renforcement des capacités organisationnelles. Il y avait beaucoup à faire. Le directeur Robert Sirman (2006–2014) souhaitait améliorer la gouvernance organisationnelle du Conseil, et son attention s’est bientôt portée sur la Commission canadienne pour l’unesco, le Programme et la Commission du droit de prêt public, et sur la Banque d’art (commentée plus bas). Au cours des années, comme on l’a vu précédemment, la ccu et le dpp se sont détachés de plus en plus des activités principales du Conseil et ont été considérés, de pair avec la Banque d’art, comme des « organisations satellites », des « sous-unités », des « sous-marques » ou des « entités associées », par le personnel du Conseil et son entourage52. Bien que ces entités requièrent un degré d’autonomie qui fait parfois même partie de leur mandat légal quant à leur fonctionnement, cette distance empêchait le Conseil de tirer pleinement partie des synergies avec, et entre, les différentes composantes de l’organisation. En bref, on avait peu l’impression, au Conseil, que le tout pourrait être plus grand que la somme de ses parties. Sirman a entrepris de changer cette situation. Le changement est rarement chose aisée, toutefois. Cela demande beaucoup de soin, d’attention pour les détails et surtout, des dispositions pour la diplomatie, le tact et la collaboration. C’est là que Barbara Burley entre en scène. Le processus a débuté lorsque les vérifications internes de la ccu et du dpp ont révélé un manque de clarté en ce qui a trait aux rôles, aux responsabilités et à la reddition de comptes. Le Conseil a décidé d’entreprendre un examen légal des règlements et de la politique de gouvernance du Conseil, ainsi que de la constitution, des règlements et de la gouvernance de la ccu et du dpp. L’examen a révélé que les comités exécutifs de la ccu et du dpp, selon Burley, « fonctionnaient de façon tout à fait indépendante, même s’ils étaient placés sous la responsabilité du conseil d’administration du Conseil des arts du Canada. » L’examen de la gouvernance ne visait pas à retirer tout pouvoir à la ccu et au dpp. Burley explique : « Nous ne voulions pas prendre les organisations en charge. Nous voulions développer des relations de travail plus solides avec elles. » Elle ajoute : « Les deux groupes étaient inquiets lorsque nous avons avancé l’idée d’un examen de la gouvernance. Nous avons travaillé de façon concertée. » Burley et la secrétaire du conseil d’administration du Conseil ont rencontré les présidents et vice-présidents de la ccu et du dpp (séparément), et ont élaboré un cadre décisionnel qui précisait, pour chaque type de décision, « qui est responsable (qui approuve), qui endosse (au besoin), et qui doit être consulté ou informé. » Sur cette base, les règlements furent révisés et un cadre officiel de responsabilité fut annexé aux règlements de chaque entité. Burley
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5.9 Walter Ostrom, Fish Vase with Greek Pot, 1990. Ostrom est un artiste céramiste néoécossais qui a fait revivre les techniques anciennes de la céramique chinoise.
se rappelle que « [d]ans certains cas, des préoccupations furent exprimées quant à la perte de pouvoir et d’autorité; toutefois le processus de consultation et le langage utilisé garantirent que le Conseil n’était pas intéressé à prendre les organisations en charge, mais que [le changement] était nécessaire du point de vue légal afin de clarifier le siège de la responsabilité ultime […] Ce fut un processus empreint de respect. » Si la Banque d’art n’a jamais été constituée comme une organisation distincte dotée d’un conseil d’administration, d’un comité exécutif ou d’une commission comme la ccu ou le dpp, elle a fonctionné comme une entité séparée depuis l’Examen des programmes survenu au milieu des années 1990, lorsqu’elle commença à travailler en fonction du recouvrement des coûts53. Au final, si cela facilitait son administration financière, la Banque d’art demeurait l’un des nombreux programmes du Conseil des arts du Canada – quoique répondant à une finalité bien distincte. Dans le contexte de la transformation des programmes au Conseil
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et du déplacement de l’accent sur les fondements de la culture (l’offre) vers le pouvoir de l’art (la demande), la pensée organisationnelle autour de la Banque d’art a commencé elle aussi à se transformer. La justification originale de la création de la Banque en 1972 – la stimulation du marché de l’art contemporain des artistes canadiennes et canadiens et la mise à disposition des œuvres à des fins d’exposition dans les bureaux gouvernementaux – commençait à laisser place à une attention accrue à l’engagement du public et à l’élargissement de l’accès des Canadiennes et des Canadiens aux œuvres de la collection de la Banque d’art54. Ceci se traduisait entre autres par des expositions à l’espace Âjagemô, la galerie de mille mètres carrés située au rez-de-chaussée des bureaux du Conseil des arts du Canada à Ottawa. Afin de favoriser une meilleure synergie entre les éléments du Conseil centrés sur l’engagement public envers les arts, les prix (incluant les prix Killam), le Programme et la Commission du dpp, ainsi que la Banque d’art ont été placés sous les auspices d’une direction unique. Tara Lapointe, la directrice inaugurale sous cette nouvelle structure, décrit la situation ainsi : « Le défi consiste à savoir comment optimiser le dpp, la Banque d’art et les différents prix55. » Elle mentionne avec fébrilité la possibilité de relier les Prix littéraires du Gouverneur général (plgg), le dpp et Âjagemô (la galerie a effectivement servi à souligner le quatre-vingtième anniversaire des plgg en 2016). En fin de compte, l’objectif de cet examen et de cette restructuration de la gouvernance interne était double : clarifier, d’une part, les modalités de gouvernance et les responsabilités officielles et, d’autre part, travailler au renouveau de la structure organisationnelle du Conseil, permettant de voir le tout dans la somme de ses parties (précédemment satellites) et trouver de nouvelles synergies et possibilités entre ces composantes. C’est une initiative importante dans le contexte de la transformation plus globale des programmes, du financement et des modalités organisationnelles du Conseil, tel qu’analysé dans le présent chapitre, pour accorder aux arts une place à la table. Simon Brault (2014– ), successeur de Sirman, l’a clairement exprimé dans son rapport au Conseil, en date de l’automne 2015 : « La réorganisation du Conseil […] vise une finalité claire, explicite et partagée : que les arts soient systématiquement pris en compte dans toutes les politiques et décisions majeures qui façonnent le développement et le rayonnement du Canada56. »
Commencer par occuper tous les sièges, puis donner une place à la table Il est maintenant bien reconnu, parmi les organismes subventionnaires publics en arts, que s’il s’agit d’un indicateur significatif de la vitalité d’un organisme artistique, il ne suffit plus de compter les sièges occupés pour mesurer l’impact du
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5.10 Pour marquer le 50e anniversaire du Conseil en 2007, cinquante artistes canadiens éminents sont venus à Ottawa pour la Journée des arts sur la Colline Parlementaire, afin de souligner la valeur des arts pour le Canada. Première rangée, de gauche à droite : Marc Djokic, Mary Pratt, Micheline Beauchemin, Menaka Thakkar, Anita Majumdar, Antonine Maillet, Judith Marcuse, Marie-Josée Lord et Nicole Brossard. Deuxième rangée : John Murrell, John Estacio, Alanis Obomsawin, Simon Brault (vice-président à l’époque), Karen Kain (présidente à l’époque), Robert Sirman (directeur à l’époque), Walter Boudreau, Yann Martel et Yi-Jia Susanne Hou. Troisième rangée : Andrew Dawes, Howard J. Dyck, Takao Tanabe, Sara Diamond, Françoise Sullivan, Jean-Louis Roux, Arnaud Maggs, Albert Millaire, Roch Carrier, Dionne Brand et John Shnier. Quatrième rangée : Barry Doupe, Tracee Smith, Jean Grand-Maître, Stéphane Lemelin, Vera Frenkel, Gary Clement, Rudy Wiebe et Guillaume Labrie. Cinquième rangée : Lucie Idlout, Wendy Lill, Zacharias Kunuk, Jeffery Thomas, George Bowering et John Gray. Sixième rangée : Kim Barlow. N’apparaissent pas sur la photographie : Phyllis Lambert, Edith Butler, Martha Henry, Mavis Staines, John Alleyne, Marie Chouinard, Wanda Koop, Michael Ondaatje et Djanet Sears.
financement gouvernemental. Les organisations se tournent de plus en plus vers des façons différentes de mesurer l’impact et de contribuer à la société, à l’économie et à la politique. Le Conseil des arts du Canada ne fait pas exception. La différence réside dans son approche et le potentiel de ses nouvelles orientations. Le thème de la « place à la table » est d’importance, et mérite d’être pris en compte par celles et ceux qui « mettent la table ». De par son expérience, son expertise et ses orientations, le Conseil des arts du Canada est un indicateur unique de la politique canadienne. Sa vaste expertise en représentativité, en équité, en légitimité de la prise de décision, en relations fédérales-provinciales et en leadership d’opinion le place en bonne position pour s’orienter efficacement dans un univers politique toujours plus complexe. Plus qu’un organisme subventionnaire des arts, fort d’une expérience en éducation, en recherche et en diplomatie, le Conseil a commencé à se positionner pour mieux mettre à profit cette expérience et contribuer à la gouvernance canadienne au sens large. Le directeur et chef de la direction Simon Brault résumait clairement cette position lors de l’assemblée publique annuelle du Conseil en 2015 : [N]ous devons avoir une place à la table où se prennent les décisions qui façonnent l’avenir si nous voulons que l’immense pouvoir contributif des arts s’exerce et soit reconnu. Cette place à la table ne nous est pas acquise. Il faut la mériter. Parfois même, il faut que nous nous invitions en insistant poliment. Et quand nous sommes invités, nous devons contribuer en proposant une perspective éclairante pour tous grâce aux échanges quotidiens que nous avons avec les artistes de ce pays. Et c’est à ce prix — celui de la pertinence et de la générosité — que nous serons invités de plus en plus souvent et que le Conseil des arts du Canada sera investi de plus de responsabilités et doté des moyens de les assumer au bénéfice de la collectivité57.
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Conclusion Le Conseil des arts du Canada : Retour sur le passé, regard vers l’avenir
Tandis que le Canada célèbre le 150e anniversaire de la Confédération en 2017, et que le Conseil des arts du Canada célèbre son soixantième anniversaire, certains signes indiquent que la politique et la gouvernance pourraient subir de grands bouleversements. Par une décision qui a défié les attentes de ses dirigeants, le Royaume-Uni a voté son départ de l’Union européenne à la suite d’un référendum national. Par une décision qui a défié les attentes de la planète, les États-Unis ont élu Donald Trump comme président. Dans les deux cas, « les faits » semblaient importer peu dans les résultats, et les élites dirigeantes ont été choquées et profondément ébranlées. Comment les dirigeants politiques, les médias, les sondeurs d’opinion, les experts et les intellos ont-ils pu se tromper à ce point ? Ces développements signalent-ils un recul par rapport à la mondialisation, à la libéralisation du commerce, à la prise de décision fondée sur des données probantes et au pluralisme démocratique, vers « l’anti-mondialisation » généralisée, le protectionnisme économique, la politique « post-vérité » et le populisme nationaliste ? On ne pourra répondre à ces questions qu’avec le temps, mais il semble évident que la gouvernance et la politique deviennent de plus en plus fragmentées, décentralisées, imprévisibles, polarisées, incertaines et complexes. L’efficacité du leadership et de la prise de décision repose de plus en plus sur une attention soignée à l’équilibre, à l’établissement d’un consensus durable, à la légitimité dans les processus de décision (et non seulement les résultats), et à la capacité de déceler dès que possible les nouvelles tendances et courants politiques. La gouvernance nécessitera des « tables » de prise de décision beaucoup plus nombreuses, avec davantage de personnes, de points de vue et d’aptitudes. Il y aura
une forte demande de « passeurs de frontières », de connecteurs, de personnes qui transcendent les disciplines et de penseurs avec une approche globale et créative. Dans ce contexte, les efforts du Conseil des arts du Canada pour s’assurer d’une place à la table ne pourraient mieux tomber. Avec sa longue expertise et son expérience de longue date dans le domaine de la représentativité, son lien étroit avec l’expression et l’innovation créatrices de pointe, son approche collaborative et réseautée de la prise de décision, et l’expérience acquise en tant que leader d’opinion et rassembleur, le Conseil est solidement positionné pour contribuer aux grands débats politiques actuels. De plus, en tant que microcosme du Canada – sur le plan de la politique, de la culture, de la société et de la diversité –, il est un précieux indicateur des nouveaux courants, questions et défis. Le Conseil a développé ces aptitudes tout au long de sa riche histoire. Tel qu’en témoigne ce livre et le résumé ci-dessous, son histoire en est une d’évolution, et non de révolution, mais cela ne veut pas dire qu’il a fait preuve de complaisance ou d’inefficacité face aux défis placés sur sa route. Au contraire, il s’est constamment efforcé de créer un équilibre viable entre les cinq grandes tensions inhérentes à son travail. Ce n’est pas un mince exploit, compte tenu de l’étendue des changements survenus depuis soixante ans. Fait à remarquer, les dirigeants du Conseil interprètent son mandat, en 2017, d’une manière rappelant celle de leurs prédécesseurs en 1957, en accordant beaucoup plus d’importance à la contribution de l’organisation aux arts, à la société canadienne et à la vie du Canada dans son ensemble, selon une approche globale et intégrée des diverses composantes de l’organisation. S’il est trop tôt pour prédire les retombées de cette approche renouvelée, tel qu’expliqué plus bas, jusqu’à maintenant le Conseil a négocié adroitement cette transformation sans précédent. Ceci étant dit, l’organisation devra porter une grande attention à certaines questions fondamentales dans les années à venir.
Retour sur le passé : Le modèle a évolué, mais le mandat demeure : Des fondements de la culture au pouvoir de l’art Lorsque le gouvernement fédéral a établi le Conseil des arts du Canada en 1957, il a créé un modèle de conseil des arts unique à travers le monde : un hybride administratif des approches britannique (autonomie) et américaine (fondation privée) du financement des arts, avec un mandat apparenté à l’attitude humaniste française par rapport aux arts, incluant des domaines tels que l’éducation, la recherche, la science et la culture. Il n’est pas surprenant que le Canada ait repris les caractéristiques britanniques, américaines et françaises, puisque le pays a des liens étroits
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et une histoire commune avec ces nations. Le modèle canadien de conseil des arts emprunte le meilleur des systèmes britannique, français et américain : l’autonomie britannique comme protection contre l’ingérence politique, une conception française des arts davantage anthropologique, permettant à l’organisation de s’impliquer au-delà des arts, ainsi que la perpétuité et la stabilité d’une dotation à l’américaine. Pour l’essentiel, le modèle a résisté à l’épreuve du temps, sauf deux exceptions notables : le retrait de la recherche scientifique du mandat de l’organisation et l’ajout des crédits parlementaires à son financement. Cela dit, les dirigeants du Conseil et les gouvernements fédéraux successifs sont restés attachés à l’idée que le Canada a besoin d’une organisation autonome de financement des arts au niveau fédéral. Ceci est remarquable, vu l’étendue des changements sociaux, économiques, politiques et technologiques depuis les soixante dernières années, notamment la montée de l’action publique restreinte en matière de politiques, basée sur les résultats et les priorités économiques, qui a généralement les arts dans sa mire. En même temps, les arts et la recherche ont connu un plein essor au Canada; le Conseil, presque seul subventionneur à ses débuts, est devenu l’une des nombreuses organisations de financement; la société canadienne est devenue plus diverse, individualiste, cosmopolite et pluraliste; le nationalisme québécois est apparu et s’est développé; les peuples autochtones ont obtenu plus de reconnaissance et de droits; la mondialisation, la libéralisation du commerce et la privatisation sont devenues des réalités de la vie canadienne, et la géopolitique mondiale s’est transformée. En somme, le Canada serait méconnaissable pour les bâtisseurs et fondateurs du Conseil. Dans ce contexte, la survie et le succès d’un conseil des arts fédéral témoigne des efforts fructueux de ses dirigeants pour assurer la pertinence de l’organisation. Ces efforts sont surtout visibles dans les changements d’interprétation du mandat du Conseil par ses dirigeants, caractérisés principalement par la grande transition entre les « fondements de la culture » et le « pouvoir de l’art » au cours de ses six premières décennies. Cette transition s’est faite en partie grâce aux efforts mêmes du Conseil visant à stimuler la vie intellectuelle et artistique du Canada, mais également à cause de l’ampleur des changements dans la société, l’économie, la politique et les politiques canadiennes. Avec le temps, les dirigeants ont compris que le Conseil devait agir différemment. Leur regard s’est porté au-delà de la préoccupation initiale de l’organisation, axée sur la création artistique et les besoins des artistes et de la communauté artistique, et leur réflexion s’est portée sur des objectifs plus larges de politique publique et sur la société canadienne dans son ensemble. Durant l’éveil et l’effervescence de la culture au cours des années 1950 et 1960, le Conseil a porté son attention sur l’offre et affermi les fondements intellectuels et
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artistiques du Canada. À compter des années 1970, il s’est employé plus sérieusement à élargir la représentativité de ses bénéficiaires. Ces efforts se sont intensifiés à partir des années 1980, pour tenir compte des visages changeants de l’art et de la société au Canada. Pendant les années 1990, les dirigeants ont défendu l’organisation à plusieurs reprises contre les coupes budgétaires dans le contexte de restrictions financières, et modifié le plaidoyer pour le soutien gouvernemental aux arts et à la culture, passant du développement culturel et de la souveraineté culturelle à l’impact économique et aux résultats. Les années 2000 ont marqué un virage vers le réinvestissement, la réinvention et le renforcement de la gouvernance du Conseil et des organismes artistiques, ainsi qu’un élargissement du plaidoyer pour se concentrer plus explicitement sur l’engagement du public, la diffusion, et le pouvoir de l’art. L’histoire du Conseil peut se caractériser par une évolution – et non une révolution – de la compréhension de son mandat par ses dirigeants. Les périodes successives du développement de l’organisation sont cumulatives et additives, influencées et façonnées par les périodes précédentes. L’élargissement des objectifs de l’organisation pour mettre plus consciemment l’accent sur le pouvoir de l’art n’équivaut pas à délaisser les fondements de la culture, mais signifie plutôt un élargissement et une nouvelle formulation de la manière dont le Conseil « pense » son rôle et sa place dans la société canadienne. Cette évolution au fil des années témoigne également de la pertinence continue du mandat de l’organisation. Les bâtisseurs du Conseil lui avaient élaboré un mandat durable, qui rend l’organisation flexible, ouverte et proactive, s’adaptant au paysage artistique, politique, économique, technologique et social toujours changeant. Il va sans dire que, l’adaptation et le changement ne se font pas toujours aisément. Au cours de ses soixante premières années d’existence, les dirigeants du Conseil ont trouvé différents points d’équilibre entre les cinq tensions qui sont au centre de son travail, de façon à répondre aux besoins de la communauté artistique et à satisfaire les attentes du gouvernement. Le Conseil sera toujours au cœur des relations entre les arts et l’État, et il existera toujours de saines tensions entre les deux. Le directeur du Conseil Peter Dwyer (1970–1972) l’a formulé avec éloquence dans le rapport annuel du Conseil de 1968–1969 : « Le présent rapport s’adresse […] au Parlement, mais il intéresse aussi nos artistes et ceux dans la vie desquels l’art occupe une place importante […]. Nous avons donc à servir deux maîtres, et comme Janus, nous avons deux visages, l’un tourné vers le sentier montant de l’esprit, l’autre vers l’autoroute de l’efficacité1. » Au cours des soixante premières années du Conseil, cela s’est manifesté de manière évidente durant les coupures financières des années 1990. La priorité continue accordée ces dernières années à la reddition de comptes et à la responsabilité financière met en lumière des impératifs artistiques et bureaucra-
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6.1 Kent Monkman, Rebellion, 2003. Kent Monkman est de descendance crie. Il travaille la peinture, le film et la vidéo, la performance et l’installation. Son travail, souvent teinté de satire brillante et d’humour camp, porte un regard critique sur le passé colonial du Canada. Les œuvres de Monk ont été présentées dans le cadre d’expositions individuelles et collectives au Canada et sur la scène internationale; elles figurent dans les collections de plusieurs musées publics au Canada, aux États-Unis et en Europe.
tiques apparemment incompatibles. Ceci étant dit, les dirigeants du Conseil ont abordé ces tensions avec sérénité, et même avec optimisme, et ils ont adopté la position voulant que la solidité administrative et la bonne gouvernance inspireront une plus grande confiance et un soutien accru de la part du gouvernement. Cela semble porter généreusement ses fruits. Lorsque les dirigeants ont déplacé la priorité accordée, dans le mandat du Conseil, à l’aspect de l’offre ou de la « production » vers l’aspect de la « diffusion » ou de la demande, ils ont développé consciemment la réflexion sur la « clientèle » et les bénéficiaires de l’organisation, passant des artistes, des organismes artistiques
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et de la communauté artistique à l’ensemble de la société canadienne. Les premiers dirigeants du Conseil se sont concentrés avec raison sur l’édification de l’infrastructure artistique et intellectuelle du Canada au cours des premières décennies d’existence de l’organisation, mais à mesure que croissaient le nombre, la diversité et les demandes des communautés artistiques canadiennes en plein essor, il est sans doute compréhensible que l’organisation ait développé une approche axée sur le client et centrée surtout sur les besoins des artistes. La contribution des arts à la société canadienne n’a pas été mise en veilleuse, puisqu’après tout, les artistes et les arts créent des liens avec les publics, mais les besoins de la société canadienne étaient moins pris en compte. Ces derniers temps, les dirigeants du Conseil sont revenus à la pensée première de l’organisation en regard de la société et de la vie canadiennes, mais ils privilégient désormais la production ainsi que la diffusion dans la transformation de l’organisation, en raison de la vitalité de la scène artistique au Canada. Ils ont fait appel à leur jugement pour déterminer les points d’équilibre appropriés au fil des années, influencés par le contexte politique, social et artistique.
Des tensions persistantes, mais créatrices : Comment trouver un équilibre entre les besoins des différents publics pour renforcer la confiance dans le Conseil Entre « l’art pour l’art » et la poursuite d’objectifs économiques et sociaux plus larges par le biais des arts. Dans une société démocratique, les artistes doivent jouir de la liberté de création : leur art et leur processus créateur ne peuvent être instrumentalisés ou réprimés à des fins de partisanerie politique ou pour faire la propagande de l’État. C’est la raison principale pour laquelle le Conseil des arts du Canada a été mis sur pied en tant qu’organisme autonome dès le départ : si le financement des arts était directement placé sous le contrôle des politiciens, ces derniers pourraient être tentés de remplacer l’excellence artistique par des critères politiques partisans dans la prise de décisions. Ceci étant dit, il y a toujours des débats légitimes et sains au sujet des arguments justes en faveur du soutien public aux arts. Les artistes ont-ils droit au soutien de l’État, simplement parce que ce sont des artistes ? Le soutien de l’État est-il justifié seulement lorsque les arts servent l’intérêt public au sens large ? Si tel est le cas, quel est cet intérêt public, comment a-t-il évolué avec le temps, et quels sont les secteurs où il risque d’être opérationnalisé de manière à utiliser les arts à d’autres fins ? Cette tension est de plus en plus à l’avant-plan dans un contexte politique, social et administratif qui privilégie une intervention minimale de l’État, mesurable et axée sur l’impact. Au cours de ses soixante premières années, le Conseil s’est rapproché du deuxième terme de cette
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tension, en écho à la transition depuis les fondements de la culture vers le pouvoir de l’art. Faire le plaidoyer pour le travail du Conseil des arts du Canada d’une manière convaincante, sans exploiter les arts à d’autres fins, figure parmi les plus délicates questions d’équilibre auxquelles doit faire face l’organisation, aujourd’hui comme dans le futur. Entre les besoins de la communauté artistique et ceux de la société canadienne dans son ensemble. Durant les premières décennies du Conseil, la priorité fut accordée à l’offre artistique, par le soutien à la production d’œuvres en arts visuels, en arts d’interprétation et en littérature, et la création des infrastructures culturelles permettant de développer et de présenter les œuvres produites (des théâtres, des maisons d’édition, des écoles de formation, des salles de concert, etc.) Il en va de même pour les premières activités du Conseil dans le domaine de l’éducation postsecondaire, lorsqu’il octroya des millions de dollars aux universités pour des projets d’immobilisation et des bourses de recherche au corps professoral et aux étudiants. Il était parfaitement logique de donner la priorité à la production, vu le contexte artistique et postsecondaire canadien de l’époque. Toutefois, lorsque la production et les infrastructures artistiques et intellectuelles canadiennes connurent un essor et s’implantèrent, il devint possible, et même impératif, de mettre l’accent sur d’autres aspects du mandat, comme la promotion et la diffusion. Ce changement correspondit à une évolution progressive, tandis que les dirigeants successifs du Conseil accordaient plus d’importance à l’éducation artistique, au développement des publics et au renforcement des compétences. Cette transition atteignit son apogée en 2008, à la suite de la nomination de Joseph Rotman comme président du Conseil des arts du Canada. Comme président, M. Rotman demeura fidèle à sa vision déterminée, voulant que le Conseil, puisqu’il est financé par l’argent des contribuables, est là pour servir l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens, et pas seulement les membres de la communauté artistique, et que l’organisation devrait évaluer la totalité de ses activités dans cette optique. Les transformations ayant cours au Conseil actuellement s’inspirent clairement de cette approche. Entre les formes d’art, pratiques et structures organisationnelles établies et émergentes. Au cours des trente premières années de son existence, le Conseil s’est surtout concentré sur les arts et les pratiques artistiques marquées par l’Occident, avec une compréhension de l’aspect « professionnel » dérivée de la pratique artistique en Europe occidentale. La priorité a évolué avec le temps, en réponse aux formes d’art émergentes et aux transformations sociétales, afin d’atteindre une représentation équitable des femmes, des formes d’art non occidentales, des artistes de la diversité culturelle, de l’art autochtone et des arts multidisciplinaires et interdisciplinaires. Ces changements ont parfois suscité la controverse, étant donné qu’ils mettent en question et déstabilisent la compréhension de l’art, des
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pratiques artistiques et du rôle joué par le Conseil dans le(s) milieu(x) de l’art. Rétrospectivement, toutefois, ils furent indispensables pour permettre au Conseil de demeurer pertinent et à l’écoute des attentes sociétales et des pratiques artistiques en évolution. Entre l’autonomie et la collaboration organisationnelle. Le degré d’autonomie du Conseil des arts du Canada est un des plus élevés parmi ceux des organismes fédéraux. L’autonomie est essentielle à son travail : les décisions de financement du Conseil doivent être exemptes d’ingérence politique partisane. Cela dit, il est dangereux d’interpréter cette autonomie de manière à trop éloigner le Conseil du gouvernement en place et de la « famille fédérale » englobant les autres entités gouvernementales. Après tout, le Conseil est un organisme public soutenu par l’argent des contribuables, et il est légitime que le gouvernement s’attende à ce que toutes les organisations fédérales contribuent d’une certaine façon à faire progresser ses grands objectifs de politiques. Évidemment, cela ne signifie pas que le Conseil doive renoncer à son autonomie dans ses relations avec le gouvernement et ses priorités, mais cela implique la recherche d’un équilibre entre d’une part, la collaboration avec le gouvernement en place et les autres organisations fédérales, et d’autre part, le maintien de l’autonomie dont il a besoin pour opérer de manière crédible. Au fil des années, les dirigeants du Conseil ont atteint divers degrés d’équilibre entre l’autonomie organisationnelle et la collaboration avec le gouvernement. L’interprétation de l’autonomie du Conseil a évolué avec le temps, et l’on reconnait de plus en plus les possibilités de collaboration avec le gouvernement en place et les autres organisations fédérales sur des grandes questions reliées aux arts, à la politique publique et à l’administration, tout en maintenant son autonomie quant à ses priorités, à ses programmes et aux subventions qu’il attribue. La recherche d’équilibre signifie également que le Conseil doit faire preuve de pensée stratégique dans sa façon d’interpréter la dimension de promotion des arts inscrite dans son mandat. D’une certaine manière, la promotion correspond à la sensibilisation du public aux arts et à l’incitation de la population canadienne à s’engager envers les arts dans leur quotidien. D’une autre manière, cela peut être compris comme un plaidoyer pour les arts et la communauté artistique. Dans le dernier cas, le Conseil doit veiller à identifier soigneusement la cible de ce plaidoyer, qui devrait faire le plaidoyer, de quelle façon et par quels messages. À certains moments de son histoire, le Conseil a plaidé directement et publiquement en faveur des arts auprès du gouvernement fédéral. Bien que toutes les organisations fédérales s’adressent au gouvernement en place pour obtenir des ressources supplémentaires, un mandat élargi ou une importance accrue, ceci est habituellement accompli par les voies de la « diplomatie discrète », en dehors de la sphère publique. Le plaidoyer public devrait être une solution de dernier – et non de premier –
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recours. Dernièrement, le Conseil a rejeté le rôle de défenseur public des arts, en faveur de la diplomatie discrète et d’une plus étroite collaboration en coulisses avec le gouvernement et les autres organisations fédérales dans le but de faire progresser ses objectifs organisationnels. Entre « leadership » et « followership ». Le Conseil est bien ancré dans la communauté artistique et le milieu des politiques artistiques au Canada; il a une connaissance approfondie des besoins, des préoccupations, des courants et des possibilités dans le domaine des arts. Ceci lui confère une aptitude exceptionnelle pour le leadership éclairé. Toutefois, le leadership comporte toujours une part de risque. Si le Conseil adoptait des orientations qu’il estime servir les intérêts à long terme des arts, mais si en cours de route il allait à l’encontre de la vision des artistes et des organismes artistiques, il pourrait s’isoler inutilement de la communauté artistique. Il en est de même pour le leadership avec ses homologues provinciaux, territoriaux et municipaux, ainsi qu’avec le gouvernement en place. Pour les conseils des arts au niveau infranational, les rapports avec le gouvernement du Québec ont parfois été particulièrement épineux, lorsque la province a contesté la compétence fédérale en matière de culture à plusieurs occasions au fil des années, demandant même la dévolution du financement du Conseil des arts du Canada à la province. Pour ses relations avec le gouvernement fédéral en place, le Conseil doit faire preuve de prudence afin de ne pas trop devancer le gouvernement sur les questions sensibles. Inversement, le « followership » peut produire du clientélisme (le fait de se concentrer sur les besoins de celles et ceux qu’il sert le plus étroitement, au détriment de l’intérêt public au sens large), des approches rigides, un resserrement progressif des objectifs et des priorités organisationnelles – ou pire encore, l’absence de pertinence organisationnelle. Au cours de ses soixante années, le Conseil a fait preuve de leadership autant que de « followership ». Il a été un leader, dans le contexte canadien, sur des questions comme la réconciliation avec les peuples autochtones et la transformation qu’il a effectuée au sujet de sa programmation d’abord basée sur les disciplines, puis sur les activités. Il lui a fallu du temps, toutefois, pour se « rattraper » dans les années 1980 et 1990 à propos de la diversité ethnoculturelle croissante et des formes d’art qui traversent ou transcendent les pratiques et genres artistiques traditionnels (occidentaux). Le Conseil s’est orienté vers le clientélisme à mesure que s’intensifiaient ses relations avec les communautés artistiques, et il lui a fallu du temps pour rajuster sa réflexion. De la même manière, l’équilibre entre les formes d’art émergentes et établies a penché en faveur de ces dernières au début et à michemin de l’histoire du Conseil, tandis que l’organisation privilégiait les formes d’art et les organismes artistiques traditionnels. Dernièrement, l’accent a davantage été placé sur les formes d’art, les pratiques et les organismes artistiques émergents.
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6.2 Sanaz Mazinani, Woman Reading on Bus, Tehran, Iran, 2006. Sanaz Mazinani est originaire de Téhéran; elle vit à San Francisco et à Toronto. Elle travaille principalement la photographie, la vidéo et les installations de grand format; ses œuvres ont été exposées à travers le monde et sont présentes dans les musées publics et les collections privées au Canada et aux États-Unis.
Les nouveaux programmes de financement du Conseil sont en effet conçus pour venir en aide à celles et ceux qui n’en n’ont jamais bénéficié. Ce type de changement est rendu nécessaire pour assurer la pertinence de l’organisation. zxzxz
Les points d’équilibre atteints par les dirigeants du Conseil au cours des années reflètent leurs visions des priorités de l’organisation en termes de pertinence maximale et de soutien en provenance des artistes, des organismes artistiques et du gouvernement. Alors que le Conseil célèbre son soixantième anniversaire, sa trajectoire d’ensemble s’est rapprochée du deuxième terme des quatre premières tensions, et du premier terme de la cinquième tension. À en juger par le soutien accru du gouvernement au Conseil ces dernières années, cette approche est gagnante. Elle n’est pas sans risques, cependant. Lorsqu’on regarde vers l’avenir, plusieurs questions méritent une attention particulière.
Regarder vers l’avenir : Un modèle et une approche adaptés au futur ? Alors que le Conseil célèbre son soixantième anniversaire, l’interprétation par ses dirigeants de la raison d’être de l’organisation est remarquablement semblable à celle des débuts. Il n’est pas difficile d’imaginer une rencontre des esprits entre les dirigeants du Conseil de 2017 et leurs homologues de 1957 à propos des « grandes questions » de la contribution des arts à la vie du Canada, de l’importance des liens étroits du Conseil avec le système plus vaste de la politique et des politiques, et la valeur fondamentale du principe d’autonomie le régissant. Ils pourraient avoir des divergences au sujet de la transition entre les programmes disciplinaires et non disciplinaires, et sur l’accent placé sur les formes d’art, les artistes et les organismes artistiques émergents. Les premiers dirigeants du Conseil pourraient toutefois se rallier à ces décisions s’ils se rendaient compte de l’étendue des changements au paysage artistique, culturel et social depuis les six dernières décennies. Les premiers dirigeants déploreraient probablement le retrait de la recherche scientifique du mandat du Conseil, mais ils se réjouiraient certainement de la taille du budget de l’organisation : il est remarquable que le budget du Conseil soit passé de 3 millions de dollars par année en dollars de 1957 en recettes de la dotation, à l’engagement récent de l’injection graduelle de crédits parlementaires de 360 millions de dollars par année, sur cinq ans (plus de 40 millions en dollars de 1957). Quel changement ! Si l’on regarde vers l’avenir, vu les facteurs actuels de changement, le Conseil des arts du Canada possède-t-il un modèle et une approche adaptés au futur ? Le
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Canada a-t-il encore besoin d’une organisation autonome pour distribuer le financement, ou bien un ministère pourrait-il faire l’affaire ? Le Conseil a-t-il encore besoin de son fonds de dotation, ou subira-t-il des pressions pour le supprimer ? Qu’en sera-t-il de la transformation des programmes et du nouveau modèle de financement ? Ces mesures vont-elles échouer ? Pour ce qui est du principe d’autonomie, le démantèlement du Conseil et l’intégration de ses programmes de subventions, de ses activités et de ses entités, telles que la Commission du droit de prêt public et la Commission canadienne pour l’unesco, sous l’égide d’un ministère (au moment de la rédaction, ce serait le ministère du Patrimoine canadien), pourrait devenir plus efficace grâce à des économies d’échelle dues à l’administration ministérielle des programmes. Par contre, cette efficacité, qui risque d’être limitée, serait largement contrebalancée par la perte de confiance des communautés artistiques et du grand public en l’intégrité, la crédibilité, la légitimité et l’indépendance du processus de prise de décisions menant à l’attribution des subventions. Dans le cadre d’un ministère relevant directement d’un ministre, la prise de décisions pourrait être sujette à de l’ingérence politique; même si des mesures de protection étaient mises en place contre une telle ingérence, les doutes quant aux décisions de financement, aux acquisitions de la Banque d’art ou aux décisions du dpp et de la ccu faites sur des bases autres que le mérite ébranleraient le système pour toujours2. En définitive, la justification du statut autonome du Conseil est plus cruciale que jamais. En tant que subventionnaire des arts, le Conseil subventionne l’expression créatrice et défend, par extension, les valeurs fondamentales de la démocratie : la liberté d’expression, la liberté de conscience, la liberté de pensée, de croyance et d’association; l’égalité sans considération de la race, de la nationalité, de l’ethnicité, de la couleur, de la religion, du genre, de l’âge ou du handicap. Ces valeurs, ces droits et ces libertés furent acquis de haute lutte et durement gagnés; on conçoit qu’ils étaient en tête des enjeux lors de la création du Conseil au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ils représentent encore des priorités, au moment où l’organisation célèbre sa soixantième année en 2017. La liberté de parole et d’expression est menacée dans le contexte des problèmes de sécurité liés au terrorisme, au populisme nationaliste, à la cybersécurité, à la fragmentation sociale et aux capacités parfois réduites des gouvernements, en ce qui a trait au leadership et au maintien de la confiance publique au vingt-et-unième siècle. Les arts, qui de par leur nature même critiquent, contestent et interrogent le statu quo, sont particulièrement vulnérables à l’ingérence politique. Dans ce contexte, un organisme subventionnaire qui prend des décisions de financement et de programmes sur les bases de son mandat artistique et culturel – et non en fonction d’objectifs bureaucratiques ou de politique partisane – constitue un gardien essentiel des valeurs démocratiques fondamentales.
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En ce qui a trait à la dotation initiale du Conseil, d’une valeur de cinquante millions de dollars, vu la faible contribution des recettes de dotation à l’ensemble des revenus de l’organisation, et les contributions additionnelles relativement limitées à la dotation initiale au cours des années, le Conseil a-t-il encore besoin de cette dotation, ou devrait-il dépenser cet argent ou le transférer aux organismes artistiques sous forme de dotations plus modestes ? Il importe de rappeler que la dotation initiale fut un coup du sort, une habile manœuvre politique de la part des défenseurs de la création du Conseil des arts du Canada. Théoriquement, cette caractéristique institutionnelle n’est pas indispensable à la poursuite efficace et crédible du mandat de l’organisation. Compte tenu de l’engagement du gouvernement à doubler les crédits parlementaires du Conseil et du rendement plutôt faible des marchés ces dernières années, les dirigeants du Conseil auraient intérêt à préparer leur réponse, si des questions sont soulevées relativement à une meilleure utilisation des fonds de la dotation. S’il est impossible de dépenser les dotations gérées par le Conseil à la suite de legs (comme celles qui soutiennent les prix et bourses Killam, par exemple), la question est légitime quand il s’agit de la dotation initiale du Conseil. Ces sommes devraient-elles ou pourraient-elles être exploitées différemment, de manière à augmenter l’impact du Conseil – et celui du gouvernement – sur le secteur des arts ? Cette piste vaut la peine d’être explorée. Quand il s’agit de la décision prise par le Conseil de mettre l’accent sur « le pouvoir de l’art », avec la transformation des programmes et le nouveau modèle de financement qui l’accompagnent, il est encore trop tôt pour décrire les effets de ce changement, mais les premiers signaux laissent croire que les dirigeants de l’organisation ont mis au point une recette de succès. Cette approche est visiblement soutenue par le gouvernement (comme le suggère son engagement à doubler le financement du Conseil sur cinq ans) et elle a généralement reçu l’appui du personnel du Conseil, malgré certaines inquiétudes et appréhensions au départ3. À ce jour, elle bénéficie en général du soutien des communautés artistiques et de la société dans son ensemble. La Banque d’art du Conseil des arts du Canada offre un exemple poignant de l’impact du Conseil sur l’ensemble de la société. Au printemps 2015, la Banque d’art a collaboré avec les Forces armées canadiennes à l’Unité interarmées et au Centre intégré de soutien du personnel de la garnison de Petawawa, dans le but d’exposer des œuvres d’art conjointement avec les efforts pour venir en aide aux soldats malades ou blessés qui rentrent au Canada. « L’art a un puissant pouvoir de guérison sur l’âme, et fournit un bien-être indéniable aux humains », a déclaré Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada, lors de l’ouverture de l’exposition. « La collection de notre Banque d’art est un bien public et peut jouer un rôle dans plusieurs sphères de la société. Le Conseil est honoré de pouvoir rendre des œuvres disponibles de cette façon afin d’offrir
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Conclusion
6.3 Isabelle Hudon, présidente de la Financière Sun Life pour le Québec et membre du conseil d’administration du Conseil des arts du Canada, 2013–2017 (à gauche), la ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly, 2015– (au centre) et Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil, 2014– (à droite), lors de l’annonce de l’initiative Les arts et la culture accueillent les réfugiés. Cette initiative financée conjointement par le Conseil et la Sun Life a permis à des organismes artistiques recevant un appui du Conseil de donner aux réfugiés syriens venant au Canada un accès gratuit à leurs activités durant la crise des réfugiés syriens.
calme, pensées positives et inspiration aux soldats canadiens qui reviennent de zones de combat. » L’idée de cette installation spéciale d’œuvres d’art avait été élaborée principalement par Joseph Rotman, président du Conseil des arts du Canada (2008–2015). M. Rotman est décédé en janvier 2015, et l’exposition était dédiée à sa mémoire. Lors de l’ouverture de l’installation, la veuve de M. Rotman, Mme Sandra Rotman, a dit : « Comme passionnés et collectionneurs d’œuvres d’art, nous avons toujours cru que les arts pouvaient inspirer et motiver. Je suis ravie de savoir que, grâce à ce partenariat, des soldats recouvrant leur santé peuvent bénéficier de cette exposition. » De telles expériences positives peuvent susciter beaucoup d’enthousiasme, mais le Conseil s’expose à de nombreux risques dans le cadre de sa nouvelle approche. L’accent sur le pouvoir de l’art entrainera-t-il une exploitation progressive de l’art, des artistes et des organismes artistiques à des fins qu’ils désapprouvent ?
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Par exemple, la Banque d’art aurait de la difficulté à soutenir plusieurs projets comme celui de Petawawa, parce qu’elle opère selon un mode de recouvrement des coûts. Si les ressources viennent à manquer, l’organisation devra-t-elle choisir entre l’acquisition de nouvelles œuvres (les fondements de la culture) et utiliser sa collection actuelle pour exprimer le pouvoir de l’art? Il est à espérer que cette situation puisse être évitée. Le nouveau modèle de financement pourrait remettre en cause la capacité du Conseil à soutenir l’excellence artistique si l’on ajoute des critères sur la contribution sociale ou économique dans les directives des programmes de financement. L’intention louable d’accorder une plus grande part du nouveau financement reçu à l’occasion du budget de 2016 à des nouveaux bénéficiaires comporte aussi des risques en ce qui a trait au calibre des demandes reçues. En outre, certains membres de la communauté artistique s’inquiètent de la possibilité que le nouveau modèle de financement centralise davantage le pouvoir de décision entre les mains du personnel du Conseil. Si ces craintes étaient fondées, les artistes pourraient éprouver de la réticence à critiquer le Conseil ou ses priorités, de peur que ces critiques aient un impact sur les décisions de financement qui les touchent. De même, ce pourrait être un défi pour le Conseil de former des comités de pairs qui possèdent la diversité d’expertise et d’expérience permettant d’évaluer des demandes disciplinaires autant que non disciplinaires, en provenance d’une grande diversité de candidats. Une collaboration plus étroite avec le gouvernement risque-t-elle de compromettre peu à peu l’autonomie réelle ou perçue du Conseil ? Des niveaux accrus de collaboration avec le gouvernement en place pourraient brouiller la distinction entre la collaboration et l’ingérence politique. Ceci pourrait notamment poser problème si des gouvernements successifs ont des priorités et des vues de politiques qui s’accordent peu ou pas avec celles du Conseil. Sur le plan politique et institutionnel, il pourrait être difficile de faire des changements, une fois établie la culture de collaboration. Si la tendance à la centralisation de la prise de décisions se maintient au gouvernement, le problème pourrait s’amplifier. Dans ce contexte, il serait souhaitable de ne pas institutionnaliser – ou d’institutionnaliser très légèrement – les mécanismes et les voies de collaboration avec le gouvernement en place. En mettant l’accent sur le pouvoir de l’art, le Conseil sera-t-il empêché de voir les enjeux nouveaux ou existants qui requièrent son attention ? Il devra s’assurer que les nouvelles structures et approches organisationnelles soient flexibles, souples et capables d’adaptation. L’élargissement des opérations grâce à un nouveau financement de taille est un développement stimulant et positif, mais un changement organisationnel de cette ampleur pourrait s’accompagner d’étapes supplémentaires de bureaucratie et de contrôle, qui pourraient compromettre la capacité du Conseil à répondre de façon proactive aux circonstances et aux enjeux en constante évolution.
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Conclusion
Les dirigeants du Conseil ont le luxe de transformer l’organisation tout en bénéficiant d’importantes ressources financières. Toutefois, cela représente aussi un risque. Les sceptiques se demanderont si les billets de banque vont bâillonner la critique. Les membres de la communauté artistique préoccupés par la nouvelle approche du Conseil ou d’autres développements dans le domaine des arts vont-ils se taire, de peur que le gouvernement ne donne plus d’argent ? Les crédits parlementaires de l’organisation doivent doubler en l’espace de cinq ans. Selon le régime fiscal canadien, les crédits ne sont approuvés que sur une base annuelle, si bien qu’il n’existe aucune garantie que les sommes promises seront effectivement versées. Le Conseil, les communautés artistiques et l’ensemble de la société civile doivent demeurer vigilants à ce titre. Les coupes budgétaires futures pourraient causer de sérieux problèmes au Conseil et, par extension, à la communauté artistique. Advenant des coupures, les dirigeants du Conseil devront stabiliser adroitement la situation des arts en période de compressions budgétaires, tout en préservant l’autonomie de l’organisation. Qui plus est, les critiques soulevées dans le contexte de restrictions financières tendent à passer pour de l’amertume, plutôt que pour des préoccupations légitimes. Ironiquement, s’il y a des inquiétudes à soulever, c’est peut-être le meilleur moment de le faire à l’heure actuelle, durant la période favorable sur le plan financier. En plus, le Conseil et la communauté artistique ont l’écoute du gouvernement, un avantage qui n’est pas garanti dans le contexte de coupes budgétaires. Ces questions indiquent que les eaux politiques et bureaucratiques traversées par le Conseil ne deviennent pas plus calmes en raison d’un financement accru ou de ses relations positives avec le gouvernement : elles sont simplement différentes. Pour le moment, toutefois, le Conseil entame sa septième décennie avec force, confiance, optimisme et bien doté en ressources. Avec le doublement de ses crédits parlementaires, les attentes sont élevées de toutes parts. Le directeur Simon Brault commente : « Tu n’as pas d’excuses [si l’approche échoue] si tu as des ressources4. » Seul le temps confirmera la réussite de la nouvelle approche du Conseil. Une chose est certaine : au moment de célébrer sa soixantième année, le Conseil a déjà soixante ans, et à peine soixante ans; il évolue sans cesse dans un environnement dynamique, complexe et riche sur le plan artistique, social, politique et économique. Ses six premières décennies ont constitué un terrain fertile pour le développement d’une sagesse qui vient avec les années, d’une expérience et d’une maturité qui lui serviront à traverser avec succès, souplesse et confiance les soixante prochaines années et au-delà.
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Remerciements
La rédaction d’un livre est un long processus; comme pour élever des enfants, il faut tout un village pour bien accomplir cette tâche. J’ai été fort chanceuse d’avoir le privilège de travailler avec des personnes très talentueuses, extrêmement stimulantes et particulièrement dévouées, qui ont soutenu ce projet, depuis sa conception jusqu’à sa publication. La rédaction d’un livre peut donner l’impression d’une succession sans fin d’échéances – peut-être parce que ce l’est, effectivement –, mais le fait de pouvoir compter sur une équipe aussi exceptionnelle à chaque étape du projet fut une expérience unique. Les personnes ayant travaillé au Conseil des arts du Canada ou pour cette institution en conservent une estime et un attachement remarquables. Tout en gardant un esprit critique, elles éprouvent une sorte de loyauté envers le Conseil, souvent longtemps après la fin de leur lien direct avec l’organisation. En tant que chercheure et auteure, à certains égards ce projet représentait un défi de taille. Il n’est pas facile d’écrire l’histoire d’une organisation appréciée par tant de personnes : cela exige d’être équitable, méticuleuse, et critique, lorsque mérité. Le Conseil des arts du Canada a scrupuleusement respecté le principe d’autonomie et ma liberté académique pendant tout le processus : cela en dit long sur l’intégrité de l’institution. Il est difficile pour une organisation de laisser quelqu’un écrire son histoire sans avoir le contrôle sur ce qui est dit. Le Conseil a collaboré et soutenu le projet à chaque étape sans jamais chercher à contrôler le contenu du livre : cela témoigne du professionnalisme, du respect pour la liberté de création et de l’ouverture à la critique, qui sont inscrits dans l’adn de l’organisation. Plusieurs dirigeants et membres du personnel actuels et passés se sont surpassés pour soutenir ce projet. À commencer par l’ancien directeur et chef de la direction
Robert Sirman, qui s’est adressé à moi en 2013 pour me demander si je serais intéressée à rédiger une histoire du Conseil. En tant qu’universitaire, ma première question – stipulation serait plus juste – fut de m’assurer que j’aurais le plein contrôle rédactionnel du projet. Monsieur Sirman me confirma que ce serait le cas; lui-même, son successeur et tout le personnel du Conseil ont respecté ces arrangements sans exception. Monsieur Sirman et moi n’avons pas toujours été d’accord sur le contenu du livre, et nous avons eu des discussions stimulantes sur divers éléments du manuscrit, mais son soutien indéfectible (incluant de l’aide financière pour des assistantes de recherche, des déplacements et une décharge de l’enseignement) a été essentiel au succès du projet. Mes remerciements. Le successeur de Robert Sirman, Simon Brault, m’a également apporté une aide précieuse, en m’ouvrant sa porte à plusieurs reprises pour des interviews, en répondant à la vitesse de l’éclair à des courriels posant de petites ou de grandes questions, et en s’assurant que la traduction française du manuscrit rendait fidèlement le sens de la version anglaise. John Hobday et Joyce Zemans, anciennement à la direction du Conseil, ont également prêté beaucoup de leur temps, de leur expertise et de leur énergie au projet, en lisant attentivement l’ébauche du manuscrit et en offrant des commentaires sur le texte, en suggérant des documents ou des personnes à consulter, et en me joignant au téléphone ou par Skype – même de partout à travers le monde – pour débattre et discuter de leurs commentaires et critiques. Je remercie tout particulièrement Kathy Berg, John Goldsmith et Jocelyn Harvey pour les nombreuses heures passées individuellement et collectivement avec moi durant les premières étapes du projet, pendant que j’élaborais les arguments et thèmes principaux du livre. Lors de ce que j’ai surnommé affectueusement les « sessions JJK », John, Jocelyn et Kathy m’ont partagé leur vaste expertise et leur expérience au Conseil à l’occasion d’après-midis remplis de réflexions pénétrantes, d’anecdotes souvent très drôles et de précieuses recommandations à propos de personnes à qui m’adresser, où trouver des documents clés, et la meilleure manière de procéder au sujet de questions épineuses ou délicates. Leur lecture attentive du manuscrit et leurs commentaires détaillés ont considérablement enrichi le texte. Afin d’offrir un apport extérieur au projet de façon continue, j’ai demandé à Caroline Andrew, Stephen Blank et Jocelyn Harvey de siéger sur un comité consultatif pour donner des conseils sur le cadre analytique et le contenu du livre. La grande expertise et l’expérience de Caroline auprès de la communauté des sciences humaines et sociales, les connaissances de Stephen sur le Canada et sur le milieu de l’art au-delà des frontières canadiennes, ainsi que la connaissance intime de Jocelyn sur le Conseil donnèrent lieu à un groupe-conseil formidable, où chacun pouvait commenter le projet selon son point de vue. Leurs conseils sur le processus de recherche et le texte ont grandement amélioré le livre.
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Kelly Wilhelm, Terry O’Grady, Adam Meisner, Tara Lapointe, Francine Bercier et John Sobol ont tous fourni un apport et un soutien précieux à diverses étapes du projet; elles et ils m’ont aidé, ainsi que mes assistantes de recherche, à nous relier aux personnes, lieux et ressources appropriées, que ce soit pour trouver des documents, planifier des interviews, faire la mise en marché et la promotion du livre, organiser des interviews vidéo ou piloter les composantes administratives du projet à l’intérieur du Conseil. Merci en particulier à Kelly et à Terry qui ont contribué de façon importante et méticuleuse à mettre le projet en œuvre, de manière à fournir un soutien du Conseil au projet, tout en respectant le principe d’autonomie. Ceci fut crucial pour la réussite du projet. Merci également à Terry O’Grady et à Tara Lapointe pour leur lecture attentive et leurs commentaires sur le manuscrit. J’aimerais aussi remercier les réceptionnistes Johanne Laleye et Andrée Parent pour leur accueil amical et chaleureux lors de mes nombreuses visites aux bureaux du Conseil. Ce fut toujours un plaisir de les voir toutes deux. Les images ont constitué une part très importante de la production du livre. La localisation des photographies, des photographes, des artistes et des organismes artistiques, et les demandes de permissions pour l’utilisation des images dans le livre représentaient une tâche herculéenne, qui n’aurait pas été possible sans la collaboration soutenue de Rachel Conley au Conseil des arts du Canada et de Martha Young à la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. Rachel et Martha se sont sans doute habituées à recevoir de nombreux courriels de ma part et de celle de mon assistante de recherche, Acacia Paton-Young. Un merci sincère à Rachel et Martha pour leur professionnalisme, leur dévouement, leurs réponses rapides et utiles, ainsi que leur souci du détail en rapport aux images. Aucun mot ne peut exprimer ma gratitude envers mon assistante de recherche Acacia, pour toutes ses longues heures de travail, sa persévérance, ses suivis (et nouveaux suivis) afin d’obtenir des images à haute résolution pour le livre, et les permissions nécessaires de la part des photographes, des artistes et des organismes artistiques. Je n’aurais sincèrement pas pu accomplir tout ceci sans son aide. Merci, Acacia. Tu conviendras, je l’espère, que le produit final en valait la peine. Il a fallu beaucoup d’attention et de réflexion pour choisir une maison d’édition qui ralliait la presse savante et la presse générale. J’aimerais remercier Doug Gibson et Valerie Hussey pour nos conversations des débuts, qui m’ont aidé à choisir parmi les options. Des remerciements particuliers à Valerie pour m’avoir suggéré McGill-Queen’s University Press, et des remerciements tout particuliers au directeur exécutif de McGill-Queen’s, Philip Cercone, pour avoir saisi la nature du projet, pour y avoir cru et m’avoir engagée comme auteure. Ce fut exceptionnel de travailler avec mqup, tant sur le plan conceptuel que celui de la logistique. Conceptuellement, ils ont tout de suite compris la nature spéciale du projet,
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travaillé en étroite collaboration avec moi, et en consultation étroite avec le Conseil, afin de s’assurer que le produit final soit rigoureux, stimulant et attrayant sur le plan esthétique – la barre était placée très haut. Ce fut un plaisir de travailler avec l’équipe de McGill-Queen’s, et ce travail a infiniment contribué à la qualité du livre tout au long du projet. Merci à la chargée des projets spéciaux Julia Monks, qui m’a aidée à développer l’approche conceptuelle aux premières étapes de la recherche, ainsi qu’à la chargée des droits et projets spéciaux Natalie Blachere et au directeur de publication Ryan Van Huijstee, pour leur gestion compétente au long de l’examen par les pairs et de la production du livre. Natalie et Ryan, votre patience, votre dévouement et votre professionnalisme ont rendu agréables même les moments les plus difficiles. Un grand merci à Pat Kennedy pour sa révision linguistique soignée du manuscrit, et pour être demeurée en étroite consultation avec moi afin de s’assurer que j’étais d’accord avec divers éléments de style. Je suis reconnaissante envers Denis Lessard pour son travail exceptionnel de traduction du manuscrit, de même que pour son attention et ses efforts à relever les petites – bien qu’importantes – incohérences et imprécisions de la version anglaise. Merci également à Alexandra Peace qui a complété rapidement l’index du livre. Enfin, un grand merci à la directrice du marketing Susan McIntosh et à son équipe, qui ont travaillé de concert avec moi à la promotion du livre. À l’Université d’Ottawa, j’aimerais remercier mes étudiantes Laura Nourallah et Katherine Pietroniro, qui m’ont apporté une aide précieuse à titre d’assistantes de recherche, en constituant des bases de données sur des personnes, des faits et des chiffres, en proposant des images pour le livre, et en commentant différentes parties du texte. Finalement, j’aimerais remercier tous ceux et celles qui ont généreusement donné leur temps, leur expérience et leur expertise lors des interviews, incluant les interviews vidéo avec plusieurs dirigeantes et dirigeants du Conseil et du milieu des arts. Ces interviews constituent une riche ressource aujourd’hui et dans l’avenir, pour ceux et celles qui s’intéressent aux arts et à la politique culturelle du Canada. Je suis reconnaissante envers toutes les personnes interviewées, qui ont pertinemment et soigneusement relu le manuscrit. Je suis également redevable aux deux évaluateurs anonymes pour leurs critiques et leurs commentaires pertinents et pénétrants sur l’ébauche du manuscrit. Tous ces commentaires ont grandement renforcé le livre. Comme le veut l’usage, j’assume toute erreur de fait ou d’interprétation. Derrière chaque auteur, il y a tout un village de famille et d’amis, dont plusieurs ont vécu « le livre » comme un phénomène durant lequel leur mère, leur amie ou membre de la famille disparaissait de leur vue, au sens propre comme au sens figuré. J’aimerais remercier mes parents, ma sœur et mon fils cadet Gabriel, qui
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ont compris et accepté mes absences ces dernières années, que ce soit lorsque je disparaissais pour travailler sur « le livre » tard en soirée ou durant les week-ends, ou lorsque je fixais le vide en pensant « au livre ». J’aimerais également remercier mes voisins Alan et Carolyn Bowker qui ont compris mon manque de disponibilité pour les activités sociales et le jardinage ; merci à Alan d’avoir eu pitié de ma pelouse négligée et de l’avoir tondue. Merci à Stephen Blank … eh bien, tout le monde a besoin d’un Stephen. Merci du fond du cœur, cher ami, pour m’avoir épaulé ces dernières années. Tes conseils stratégiques ont été très précieux pour l’aboutissement de ce livre parmi plusieurs priorités concurrentes. En terminant, j’aimerais remercier mon fils aîné, Cameron Gattinger, pour nos captivantes discussions sur l’art et sa valeur depuis une dizaine d’années. Ce fut très inspirant d’être témoin du développement de tes propres idées sur les fondements de la culture et le pouvoir de l’art au fil des ans. Par-dessus tout, j’aimerais remercier Roxanne Carriere qui m’a soutenue sans relâche, qui m’a toujours encouragée et qui a cru en moi. Cela m’a porté lors des moments difficiles, plus que tu ne le sauras jamais.
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Crédits photographiques
0.1 Extérieur de Performance Court. Crédit : Photographe : Roy Grogan, 2015. 0.2 Intérieur de Performance Court, montrant la Maison Grant. Crédit : Photographe : Roy Grogan, 2014. 0.3 Intérieur de Performance Court, montrant la tour vidéo. Crédit : Photographe : Roy Grogan, 2014. 0.4 Intérieur de Performance Court, montrant l’espace Âjagemô. Crédit : Avec l’aimable permission de Heather McAfee / Conseil des arts du Canada, 2014. 1.1 La Conférence de Kingston, 1941. Crédit : Photographe : Hazen Sise / Bibliothèque et Archives Canada / pa –192885. 1.2 Le très honorable William Lyon Mackenzie King et Louis St-Laurent. Crédit : Office national du film du Canada. Photothèque / Bibliothèque et Archives Canada / c –023281. 1.3 Les membres de la Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada. Crédit : University of Toronto Archives, Document original n° a 1978–0041/015(22), Fichier d’accès ib 011, Image numérique n° 2001–77–189ms , Créateur : La Presse canadienne. 1.4 Brooke Claxton. Crédit : Photographe: Arthur Roy / Bibliothèque et Archives Canada / pa –047064. 1.5 Jack Pickersgill. Crédit : Photographe : Philip S. Shackleton / Office national du film du Canada. Photothèque / Bibliothèque et Archives Canada / e000756957. 1.6 John Deutsch. Crédit : Queen’s University Archives, Queen’s University Picture Collection, v 28–p –50–1. 1.7 Maurice Lamontagne. Crédit : Sénat du Canada.
1.8 Robert Sirman. Crédit : Photographe : Martin Lipman, 2014. 2.1 Brooke Claxton. Crédit : Canada. Ministère de la Défense nationale / Bibliothèque et Archives Canada / ecopy e010777180. 2.2 Pierre Lassonde. Crédit : Photographe : Laura Arsie, 2013. 2.3 Charles Gagnon, Espace-écran #4 / Screenspace #4, 1974. Crédit : Avec l’aimable permission de la succession de Charles Gagnon, Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. 2.4 Partisans de la souveraineté du Québec, 1980. Crédit : Photographe : La Presse canadienne / Ian Barrett. 2.5 Le premier ministre Jean Chrétien lors d’un rallye pro-Canada en faveur du « non », 1995. Crédit : Photographe : Reuters / Shaun Best. 2.6 Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau et la reine Élisabeth II, 1982. Crédit : Photographe : La Presse canadienne / Ron Poling. 2.7 Guerrier mohawk et soldat canadien. Crédit : Photographe : La Presse canadienne / Shaney Komulainen. 2.8 Manifestation du mouvement Idle No More (Jamais plus l’inaction). Crédit : Image reproduite avec l’autorisation du Ottawa Citizen, une filiale de Postmedia Network Inc. 2.9 Le premier ministre Brian Mulroney durant la campagne électorale fédérale de 1988. Crédit : Photographe : La Presse canadienne / Ron Poling. 2.10 Réunion inaugurale du Conseil des arts du Canada. Crédit : Fonds Duncan Cameron / Bibliothèque et Archives Canada / pa –144594. 2.11 David Adams avec des artistes du Ballet national du Canada, dans CasseNoisette. Crédit : Avec l’aimable permission des Archives du Ballet national du Canada. Photographe : Ken Bell, 1956. 2.12 La Banque d’art du Conseil des arts du Canada. Crédit : Avec l’aimable permission de la d’œuvres d’art du Conseil des arts du Canada. 2.13 Extrait du Rapport annuel du Conseil des arts du Canada, 1995–1996. Crédit : Avec l’aimable permission du Conseil des arts du Canada. 2.14 Les Grands Ballets Canadiens de Montréal, La jeune fille et la mort, 2017. Crédit : Photographe : Le Pictorium / Alamy Stock Photo. 3.1 Pierre Collin, dans la production de L’Avare de Molière par le Théâtre du Nouveau Monde en 2001. Crédit : Photographe : Yves Renaud. 3.2 Mullusk, Evelyn Roth Moving Sculpture Company. Crédit : Avec l’aimable permission d’Evelyn Roth. 3.3 Christopher Neil Wortley dans Tremolo, interprété par la Anna Wyman Dance Theatre Company de Vancouver. Crédit : Avec l’aimable permission de la Anna Wyman Dance Theatre Company (Photographe : Rodney Polden). 3.4 La production Doing Leonard Cohen du One Yellow Rabbit Performance Theatre de Calgary, 1997. Crédit : Photographe : Jason Stang, 1997.
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3.5 Le Comité consultatif sur l’interdisciplinarité et l’art performance de 1999. Crédit : Photographe : Tara Heft, 1999. 3.6 Les Robes de Sainte-Anne, par Circus Stella. Crédit : Photographe : Marykristn, 2014. 3.7 Joyce Zemans. Crédit : Avec l’aimable permission du mba Program in Arts, Media & Entertainment Management, Schulich School of Business, York University. 3.8 Alison Sealy-Smith dans The Adventures of a Black Girl in Search of God, une coproduction du Nightwood Theatre et de la compagnie de théâtre Obsidian. Crédit : Photographe : Cylla von Tiedemann. 3.9 Corpuscule Danse, Quadriptyque, 2016. Crédit : Photographe : Christine Bourgier, 2016. 3.10 Howie Tsui, Bipolar, 2006. Crédit : Bipolar, 2006 © Howie Tsui (Licence de Droits d’auteur Arts Visuels-carcc , 2017). 3.11 Will Kwan, Endless Prosperity, Eternal Accumulation, 2009. Crédit : Avec l’aimable permission de Will Kwan et de la Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. 3.12 Marianne Nicolson, Portrait of Yaxa’tlanis, 2001. Crédit : Avec l’aimable permission de Marianne Nicolson et de la Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada (Photographe : Martin Lipman). 3.13 Connie Watts, Play, 2001. Crédit : Avec l’aimable permission de Connie Watts et de la Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. 4.1 Michael Snow, Bees Behaving on Blue, 1979. Crédit : Avec l’aimable permission de Michael Snow et de la Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. 4.2 Albert W. Trueman, premier directeur du Conseil des arts du Canada (1957– 1965). Crédit : University of New Brunswick Archives & Special Collections – ua pc 1 n° 56b. 4.3 Germaine Koh et Jade Rude, HIGH NOON, 13 mai 2004, performance in situ à l’intersection de University Avenue et Front Street, Toronto. Crédit : Avec l’aimable permission de Germaine Koh (Photographe : Tracy Cocks). 4.4 Timothy Porteous, directeur du Conseil des arts du Canada, 1982–1985. Crédit : Ontario College of Art and Design Archives (Photographe : Casimir Bart). [ph 2277b/191_3_337_002]. 4.5 Sarah Chase dans sa pièce autobiographique muzz. Crédit : Avec l’aimable permission de Sarah Chase (Photographe : Debra Tier). 4.6 Roch Carrier, directeur du Conseil des arts du Canada, 1994–1997, et Donna Scott, présidente, 1994–1998, en compagnie du premier ministre Jean Chrétien. Crédit : Photographe : Marc Fowler.
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4.7 Mendelson Joe avec son portrait du premier ministre Brian Mulroney. Crédit : Getty Images (Photographe : Dick Loek / Toronto Star). 4.8 Karen Kain, présidente du Conseil des arts du Canada, 2004–2008, et Simon Brault, vice-président, 2004–2014, tenant une photographie qui les représente en compagnie de la ministre du Patrimone canadien Liza Frulla. Crédit : Avec l’aimable permission du Conseil des arts du Canada. 4.9 The Heart Beats Ecstatic par Michele Moss, Decidedly Jazz Danceworks. Crédit : Decidedly Jazz Danceworks (Photographe : Trudie Lee Photography). 4.10 Diane Gaudreau, Celebration Box. Crédit : Avec l’aimable permission de Diane Gaudreau (Photographe : Henry Dunsmore). 5.1 Joseph L. Rotman, président du Conseil des arts du Canada, 2008–2015. Crédit : Avec l’aimable permission du Conseil des arts du Canada (Photographe : Christian Lalonde). 5.2 Tanya Tagaq, 2015. Crédit : Avec l’aimable permission de Tanya Tagaq (Photographe : Shelagh Howard). 5.3 Wanda Koop, Stack, 2008. Crédit : Avec l’aimable permission de Wanda Koop, Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. 5.4 Rita Letendre, Sunset, 1971. Crédit : Avec l’aimable permission de Rita Letendre, Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada (Photographe : Yvan Boulerice). 5.5 Claude LeBouthillier, vice-président de la Commission du droit de prêt public, et Andreas Schroeder, président, en compagnie de la ministre des Communications Flora MacDonald, en 1987. Crédit : Image reproduite avec l’autorisation du Ottawa Citizen, une filiale de Postmedia Network Inc. (Photographe : Wayne Cuddington). 5.6 Margaret Atwood. Crédit : Alamy Stock Photo (Photographe : Jeremy SuttonHibbert). 5.7 Leonard Cohen. Crédit : Alamy Stock Photo (Photographe : Reuters). 5.8 Les danseurs principaux du Royal Winnipeg Ballet Evelyn Hart et David Peregrine, 1980. Crédit : Avec l’aimable permission des Canada’s Royal Winnipeg Ballet Archives (Photographe : David Cooper). 5.9 Walter Ostrom, Fish Vase with Greek Pot, 1990. Crédit : Avec l’aimable permission de Walter Ostrom et de la Art Gallery of Nova Scotia. 5.10 Pour marquer le 50e anniversaire du Conseil en 2007, cinquante artistes canadiens éminents sont venus à Ottawa pour la Journée des arts sur la Colline Parlementaire. Crédit : Photographe : Martin Lipman. 6.1 Kent Monkman, Rebellion, 2003 (92 × 122 cm, acrylique sur toile). Crédit : Avec l’aimable permission de Kent Monkman, Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada.
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6.2 Sanaz Mazinani, Woman Reading on Bus, Tehran, Iran, 2006. Crédit : Avec l’aimable permission de Sanaz Mazinani, Collection de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada. 6.3 Isabelle Hudon, membre du conseil d’administration du Conseil des arts du Canada, 2013–2017, la ministre du Patrimoine canadien Mélanie Joly, 2015– , et Simon Brault, directeur et chef de la direction du Conseil, 2014– . Crédit : Photographe : Frédérique Ménard-Aubin.
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Notes
Introduction 1 The Year’s Midnight est une installation interactive étrangement ludique qui emploie des caméras vidéo numériques discrètement logées dans le mur vidéo afin de projeter à l’écran des images multiples du visage et des yeux des regardeurs. De la fumée noire et blanche s’échappe sinistrement des yeux qui apparaissent dans les images projetées pendant que le visage du spectateur flotte lentement vers le haut. Pendant ce temps, les globes oculaires extraits des images montrant les visages des regardeurs s’accumulent au bas de l’écran. 2 Le terme « autochtone » désigne les peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada. 3 La supervision de la conception des nouveaux bureaux et espaces publics du Conseil, les négociations avec le promoteur et la création de la galerie Âjagemô ont monopolisé l’attention du directeur et chef de la direction Robert Sirman (2006–2014) durant ses trois dernières années au Conseil; Sirman estime qu’il s’agit de l’une de ses contributions les plus significatives et durables pendant qu’il était en fonction. 4 Brault, Le Facteur C : l’avenir passe par la culture.
5 Granatstein, Canada 1957–1967; Milligan, « The Canada Council as Public Body »; Ostry, The Cultural Connection; Trueman, A Second View of Things; Woodcock, Strange Bedfellows; Wyman, The Defiant Imagination. 6 Mailhot et Melançon, Le Conseil des arts du Canada. 7 Pour une description d’étaillée de ces approaches, voir Gattinger et Saint-Pierre, Les politiques culturelle, 574–86. 8 À ma connaissance, l’auteur de cette phrase est John Goldsmith, qui a travaillé pendant plus de deux décennies au Conseil des arts du Canada, prenant sa retraite après avoir occupé le poste de directeur des Relations avec les partenaires. « Goldsmith », comme on l’appelle affectueusement, a la réputation bien méritée de tout connaître et de connaître tout le monde au Conseil. 9 Les attentats de Paris sont survenus pendant la guerre civile en Syrie, qui a fait affluer des millions de réfugiés syriens en Europe et au-delà. Plusieurs pays, dont le Canada, se sont engagés à faire entrer des réfugiés. À cause du lien entre les terroristes de Paris et le groupe militant islamique fondamentaliste Daesh, l’appui populaire à l’accueil de réfugiés en provenance du Moyen-Orient s’est effrité dans certains pays.
Chapitre un 1 À l’époque de la Commission royale, elle était désignée sous « la Commission Massey », d’après son président, Vincent Massey. Au fil du temps, plusieurs en vinrent à la désigner sous la Commission Massey-Lévesque, en reconnaissance de l’importante contribution du père Georges-Henri Lévesque à ses activités, et de la montée du fait français au Québec et au Canada. 2 Voir Tippett, Making Culture, 163; Brison, Rockefeller, Carnegie, and Canada; Beckman, Langmead et Black, The Best Gift. 3 Voir Canada, Commission royale, Appendice V. (1) Octrois de la Carnegie Corporation aux universités et institutions canadiennes. 2) Subventions de la Rockefeller Foundation à des institutions canadiennes. 4 Voir Tippett, Making Culture, 164. 5 Voir ibid., 165–166. 6 Smith, André Biéler, 192. 7 Ostry, The Cultural Connection, 6. 8 Litt, The Muses. 9 MacLennan, « Reflections on Two Decades », 48. 10 Woodcock, Strange Bedfellows, 46, 50. 11 Woodcock, Strange Bedfellows, 54; Litt, The Muses, 24. 12 Woodcock, Strange Bedfellows, 44. 13 Canada, Commission royale, « Décret du Conseil ». 14 Woodcock, Strange Bedfellows, 44. 15 Voir Litt, The Muses, 24–29. 16 Canada, Commission royale, Deuxième partie : Introduction. 17 Ibid. 18 Le financement par les conseils des arts au Royaume-Uni fut ensuite dévolu au pays de Galles, en Écosse, en Angleterre et en Irlande du Nord, par la création d’un conseil des arts dans chaque administration. 19 Canada, Commission royale, chapitre XXV. 20 The Arts Council of Great Britain, Fourth Report, 1948–1949, Appendice A, 24, cité dans ibid. 21 Le Canada n’avait pas encore établi une commission nationale pour l’unesco, commission 196
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qu’il s’était engagé à créer lors de la signature de l’Acte constitutif de l’unesco en 1945. Canada, Commission royale, chapitre XXV. Ibid. Souligné dans le texte original. Pickersgill, My Years with Louis St-Laurent, 139, tel que cité dans Litt, The Muses, 24. Woodcock, Strange Bedfellows, 55–56. Ibid. Calculés en dollars de 2016 à l’aide de la feuille de calcul de l’inflation de la Banque du Canada : http://www.banqueducanada.ca/ taux/renseignements-complementaires/feuillede-calcul-de-linflation/. Granatstein, Canada 1957–1967, 441. St-Laurent, « Le Conseil des arts du Canada », 409. Ibid., 412. Ibid., 413. Loi sur le Conseil des arts du Canada, 1957. St-Laurent, « Le Conseil des arts du Canada », 413. Granatstein, Canada 1957–1967, 445. Pour une comparaison très intéressante des approches architecturales des collèges Scarborough et Massey de l’Université de Toronto, voir Rybczynski, « A Tale of Two Colleges ». Sirman, « Quel constat ferait Vincent Massey aujourd’hui ? » Ibid. Conseil des arts du Canada, Le Conseil des arts du Canada. Deuxième rapport annuel. 31 mars 1959, 1. Voir Granatsein, Canada 1957–1967, 451– 452; Woodcock, Strange Bedfellows, 60–61. Conseil des arts du Canada, Conseil des arts du Canada, Rapport annuel, 2014–2015, 26. La caisse de dotation a généré 11 millions de dollars en 2014–2015, sur des ressources financières totales de $194,7 millions de dollars durant cette année (le dernier montant comprend les revenus totaux et les crédits parlementaires). Martel, De la culture en Amérique. Granatstein, Canada 1957–1967, 452. Pearson, « Hansard ». Loi sur le Conseil de recherches en sciences humaines.
Chapitre deux 1 Devenue la Franco-Nevada Corporation à la suite de l’acquisition de l’ancienne compagnie Franco par Newmont Mines en 2002, et des changements organisationnels ultérieurs menant à la création de Franco-Nevada et de sa première émission d’actions à la Bourse de Toronto en 2007. 2 Loi sur le Conseil des arts du Canada. 3 Voir Conseil des arts du Canada, Premier rapport annuel, 63–68. 4 Voir Conseil des arts du Canada, Rapport annuel 2015–2016, 9. De plus, 17 169 auteurs ont reçu un paiement du Programme du droit de prêt public. 5 Voir Symons et Page, Se connaître, 5. 6 Voir Gattinger et Saint-Pierre, Les politiques culturelles provinciales et territoriales du Canada. 7 Ibid., 28–39. 8 Voir Simeon, « Federalism and Intergouvernemental Relations », et Bickerton, « Deconstructing the New Federalism ». 9 Voir Statistique Canada, Tableau : Origines de la population. 10 Statistique Canada, La mosaïque ethnoculturelle du Canada. 11 Voir par exemple Kymlicka, La citoyenneté multiculturelle. 12 Voir par exemple King, L’Indien malcommode. 13 Voir Cairns, Citizens Plus. 14 Giddens, Consequences of Modernity. 15 Nevitte, The Decline of Deference et « The Decline of Deference Revisited ». 16 Giddens et Pierson, Making Sense of Modernity. 17 Voir par exemple Klein, Tout peut changer. 18 Voir Scholte, « Defining Globalisation ». 19 Voir par exemple Grande et Pauly, Complex Sovereignty. 20 Pour un excellent compte rendu de cette période, voir Doern et Tomlin, Faith & Fear. 21 Voir Acheson et Maule, Much Ado About Culture. 22 Le gourou du management Peter Drucker a forgé l’expression « économie du savoir » à la fin des années 1960 (voir Drucker, The Age of 197
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Discontinuity). Au sujet de « l’économie créative », voir Howkins, The Creative Economy. Florida, The Rise of the Creative Class. Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney. Au sujet des variétés de capitalisme, voir Hall et Soskice, Varieties of Capitalism. Held et McGrew, « The End of the Old Order? » Pour un historique passionnant et un reportage détaillé sur Expo 67, voir Fulford, Portrait de l’Expo. Cité dans Granatstein, Canada 1957–1967, 449. Ibid. Woodcock, Strange Bedfellows, 91. Ibid., 92. Ibid., 96 et Saint-Pierre, « Le Québec et ses politiques culturelles », 201. John Goldsmith employait cette expression lors d’une conversation animée entre l’auteure, Katherine Berg et Jocelyn Harvey au cours d’une des premières interviews exploratoires entreprises dans le cadre de la présente recherche. Pour une analyse détaillée de la voie menant à l’exemption des industries culturelles, voir Gattinger, Trading Interests, notamment le chapitre 5. Le Conseil des arts du Canada : 38 e Rapport annuel, 1994–1995 et Le Conseil des arts du Canada : 41 e Rapport annuel, 1997–1998. Le Conseil des arts du Canada : 36 e Rapport annuel, 1992–1993. Wake Carroll, « Some Obstacles to Measuring Results ». Sirman, « Les nouveaux défis du soutien aux arts et à la culture ». Clarkson, « The Multi-Level State », 502. Chapitre trois
1 Je remercie Jocelyn Harvey, membre du personnel du Conseil de 1978 à 1994, ayant occupé divers postes, dont ceux de secrétaire du conseil d’administration et directrice de la Division des arts, qui a éloquemment décrit l’histoire du Conseil comme « un apprentissage dans la manière de représenter/soutenir
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la diversité du pays sous tous ses aspects » tout au long de son existence. Harvey, « Notes », 1. Le Service des arts médiatiques fut établi en 1984 et constitue un important chapitre dans l’histoire de la reconnaissance des arts multidisciplinaires et interdisciplinaires, comme il est expliqué plus loin. Loi sur le Conseil des arts du Canada. Voir Granatstein, Canada 1957–1967, 454–463. Ce qui suit s’inspire de Allen, Theatre Advisory Committee. Au milieu des années 1990, le Conseil cessa son soutien aux activités préprofessionnelles, incluant les écoles de théâtre, qui furent dorénavant soutenues par le ministère du Patrimoine canadien, sous la bannière plus large de la formation dans le secteur des arts. Les définitions des arts multidisciplinaires et interdisciplinaires ont évolué avec le temps (voir Taler, Chronology of Inter-Arts Practices). Aux fins de la présente discussion, les arts multidisciplinaires font référence à « l’association de plusieurs disciplines, combinées sans toutefois être intégrées », et les arts interdisciplinaires désignent le processus « qui intègre et transforme différentes formes d’art » (Van Fossen, S’ouvrir, 4). Je remercie Claude Schryer, premier coordonnateur du Bureau Inter-arts (1999– ), en place depuis de nombreuses années, pour avoir identifié les grands jalons en arts multidisciplinaires, arts interdisciplinaires et inter-arts lors d’interviews (les 7 et 14 octobre 2015 à Ottawa), par ses suggestions utiles d’interviewés additionnels, et en me procurant d’importantes études et rapports à analyser. J’ai élaboré les quatre périodes décrites dans ce chapitre sur la base de ces informations. Voir 17e rapport annuel, Conseil des arts du Canada, 1973–1974, 78. Voir Mailhot et Melançon, Le Conseil des arts du Canada, 293–296. Van Fossen, S’ouvrir, 5. Le rapport comprenait 166 pages, à l’exclusion des renseignements financiers et des appendices.
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13 Wilner, L’incidence des subventions du Conseil des arts sur la carrière des artistes individuels, 18. 14 Van Fossen, S’ouvrir, 16. 15 Sherman et autres, Discussion Paper on Interdisciplinary and Related Subjects, cité dans Van Fossen, S’ouvrir, 14 (souligné dans l’original). 16 Eriks, Working Paper, cité dans Van Fossen, S’ouvrir, 14. 17 Van Fossen, S’ouvrir, 16-17. 18 Ibid. 19 Burnett, cité dans Schryer, Rapport final. Examen du Programme d’aide aux œuvres interdisciplinaires et de performance, cité dans Van Fossen, S’ouvrir, 11. 20 Van Fossen, S’ouvrir, 15. 21 Ibid., 17. 22 Voir Taler, Chronology of Inter-Arts Practices. 23 Van Fossen, S’ouvrir, 4. L’expression « multiarts » est traduite par « multidisciplinarité » dans la version française du rapport produite par le Conseil. 24 Ibid., 7. 25 Schryer, interview, 7 octobre 2015. 26 Fulford, cité dans History of the Canada Council. 27 Comité consultatif pour l’égalité raciale dans les arts, 16 (cité dans Van Fossen, S’ouvrir, 26). 28 Zemans, interview, 27 mars 2015. Toutes les citations suivantes proviennent également de cette interview. 29 Henry, interview, 23 août 2015. 30 Ibid. 31 Voir Gessell, « The Trouble with “Excellence” ». 32 Je tiens ce sous-titre de Louise Profeit-Leblanc, coordonnatrice du Secrétariat des arts autochtones (2001–2012), qui employa cette expression dans une interview le 8 octobre 2015. 33 Profeit-Leblanc, interview, 8 octobre 2015. 34 Loft, interview, 8 septembre 2015. 35 Zemans, interview, 27 mars 2015. 36 Profeit-Leblanc, interview, 8 octobre 2015. 37 Loft, « The Group of Who? » 38 Loft, interview. 39 Ibid.
40 Commission de vérité et réconciliation du Canada, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir, 11. 41 Wilson, interview, 13 octobre 2015. Chapitre quatre 1 St-Laurent, « Le Conseil des arts du Canada », 413. 2 MacDonald, « The Development of Cultural Policy. » 3 Voir Savoie, Thatcher, Reagan, Mulroney et Governing from the Centre. 4 Milligan, « The Canada Council », 274. 5 Trueman, A Second View of Things, 161. 6 Milligan, « The Canada Council », 275. 7 Trueman, A Second View of Things, 152. 8 Granatstein, Canada 1957–1967, 450–451. 9 Milligan, « The Canada Council », 285. 10 Cité dans Granatstein, Canada 1957–1967, 447. 11 Ibid., 277. 12 Conseil des arts du Canada, Conseil des arts du Canada : 21e Rapport annuel, 1977–1978, 7. 13 Ibid., 8. 14 Milligan, « The Canada Council », 278. 15 History of the Canada Council, 5. 16 Moore, cité dans Ibid., 10. 17 Good, The Politics of Public Money, 263. 18 Porteous, Le Conseil des arts du Canada et le Projet de loi C-24, 4. 19 Ibid., 9. 20 Jennings, Art and Politics, 187 (Jennings mentionne que le président du Conseil était à l’époque Mavor Moore, mais en 1984 Maureen Forrester était présidente, de 1983 à 1988). 21 Des sections additionnelles de la lgfp s’appliquent à Téléfilm Canada. 22 Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Répondre aux attentes des Canadiennes et des Canadiens, 13. 23 Conseil des arts du Canada, « Limogeage du directeur du Conseil des arts du Canada ». 24 Porteous, L’avenir du Conseil des arts du Canada.
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25 Ibid., 4. 26 Carrier, interview, 1er juin 2015. Les citations suivantes proviennent également de cette interview. 27 History of the Canada Council 1957–2008, 6–7. 28 Voir Conseil des arts du Canada, Crédits parlementaires accordés et financement des arts par le Conseil des arts. 29 Zemans, interview, 27 mars 2015. Toutes les citations de cette section proviennent également de cette interview. 30 Berg, Goldsmith et Harvey, interview, 21 janvier 2014. 31 Peritz, « Quebec Poet Rejects GovernorGeneral’s Award. » 32 Doherty, « Petitions, Rejections, Controversy. » 33 Conseil des arts du Canada, Conseil des arts du Canada : 43e rapport annuel, 1999–2000, Rapport du président. 34 Fulford, « Fostering Canadian Culture », cité dans History of the Canada Council 1957– 2008, 11. [Note du traducteur : Traduction de Lewis Carroll par Henri Parisot, dans Lewis Carroll, Tout Alice. Paris, Flammarion, 1979, 233.] 35 Sirman, interview, 5 février 2014. 36 Gattinger, « The Liberals’ “Reinvestment” in Arts and Culture. » 37 Ibid. 38 Hobday, interview. 39 Sirman, interview, 5 février 2014. 40 Durant cette période, le ministère créa également une division des affaires du portefeuille dans le but de coordonner les organisations, conseils et commissions formant le portefeuille du ministre du Patrimoine canadien (le Conseil des arts du Canada, cbc/Radio-Canada, Téléfilm, l’Office national du film, les musées nationaux, etc.). 41 Voir Perley-Robertson, Hill & McDougall, Canada Council for the Arts, 2. 42 Ibid., 4. 43 Canada, Ministère des Finances, Le Plan d’action économique du Canada, 2e année, 339. 44 Sirman, « Weathering the Storm. » 45 McCaughey, interview.
46 Conseil des arts du Canada, Le Conseil des arts du Canada : Troisième rapport annuel, 31 mars 1960, 1. 47 Brault, interview, 7 janvier 2015. 48 Burley, interviews. 49 Ces changements ne furent pas toujours appuyés à l’unanimité par les membres du conseil d’administration du Conseil. Anna Porter, membre du conseil d’administration du Conseil de 2008 à 2016, auteure primée, la fondatrice de Key Porter Books et une référence dans le domaine de l’édition au Canada, déplorait le fait que le conseil d’administration n’avait pas beaucoup de temps pour assimiler et analyser « la situation des arts à travers le pays ». Porter, interview. 50 Trueman, A Second View of Things, 140. 51 Ibid., 135. 52 Robert Sirman, directeur de 2006 à 2014, peut se vanter d’avoir connu le processus le plus formel de tous. Sa nomination a coïncidé avec une décision du gouvernement Harper, lors de son premier mandat minoritaire (2006–2008), de faire en sorte que les nominations aux organisations, conseils et commissions soient fondées sur le mérite. Dans une phase intérimaire du processus, le gouvernement demanda aux nouveaux directeurs, chefs de direction et présidents de sociétés d’État de comparaître devant un comité parlementaire – dans le cas de Sirman, ce fut le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes. Cette approche fut ensuite abandonnée lorsque le Parlement rejeta certains aspects du processus, et qu’il s’avéra irréalisable et politiquement maladroit d’exiger des candidats qu’ils rendent leur candidature publique avant toute nomination formelle. Sirman fut l’un des rares candidats retenus par le système fédéral à passer par ce processus avant qu’il ne soit aboli. 53 Sirman, interview, 5 février 2014. 54 Wilhelm, interview. 55 Brault, interview, 17 février 2015. 56 Anciennement la Canadian Society of Corporate Secretaries. 57 Conseil des arts du Canada, Crédits parlemen-
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taires accordés et financement des arts par le Conseil des arts. Kain et Brault, interview. Brault, interview, janvier 2014. Le programme électoral proposait de doubler le budget sur deux ans, mais le Budget étendit la période à cinq ans. Ceci permit à l’organisation d’appliquer les nouveaux fonds d’une manière plus graduelle. Massey, On Being Canadian. Canada, Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada, chapitre XXV. Chawla, interview, 28 septembre 2015. Chapitre cinq
1 Rotman, interview, 9 septembre 2015. 2 En raison de son mandat, comme on l’a vu au chapitre 3, le Conseil a également veillé à la représentativité disciplinaire et à la représentativité entre les organisations importantes et les artistes établis, d’une part, et les nouvelles organisations et les artistes émergents, d’autre part. 3 Thomson, « Why the Public Must Fund the Arts. » 4 Mulcahy, « Entrepreneurship or Cultural Darwinism. » 5 Williams, « Without Mysteries or Miracles. » 6 Milligan, « The Canada Council as a Public Body. » 7 Voir Saint-Pierre, « Le Québec et ses politiques culturelles. » 8 Kain, conversation, 26 mars 2014. 9 La Brigade volante débuta à la fin des années 1970 et au début des années 1980 pour venir en aide aux organisations de théâtre professionnel en difficulté. Il fut réintroduit dans le Service du théâtre en 1998, en tant que mécanisme proactif de développement organisationnel, et ouvert à toutes les disciplines en 2006. À la suite d’un examen en 2011, le programme fut supprimé en raison de l’évolution des besoins et des possibilités dans le domaine de la gestion, dont l’apparition de plusieurs outils de développement organisationnel en ligne et
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l’intérêt des artistes émergents et des nouveaux organismes artistiques pour les modèles alternatifs de gouvernance. Pour une analyse détaillée de l’origine et de l’évolution des politiques provinciales et territoriales dans le domaine des arts et de la culture, voir Gattinger et Saint-Pierre, Les politiques culturelles provinciales et territoriales du Canada. Sirman, interview, 5 février 2014. Brault, interview, 17 février 2015. Les concours en sciences humaines et sociales furent d’abord organisés par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et le Conseil de recherches en sciences sociales du Canada (Social Sciences Research Council of Canada) au nom du Conseil, mais le Conseil reprit ce rôle au début des années 1960. (Milligan, « The Canada Council as a Public Body », 286). Granatstein, Canada 1957–1967, 448. Trueman, A Second View of Things, 140. Silcox, interview, 1er mai 2015. Roberts, Allocution citée dans Conseil des arts du Canada, History of the Canada Council, 10–11. Porter, interview, 6 octobre 2015. Statistique Canada, Dépenses publiques au titre de la culture, 4. La série a été interrompue en avril 2012. Conseil des arts du Canada, Financement aux artistes et aux organisations artistiques 2012– 2013. Aperçu à l’échelle nationale, 35. Ce total inclut le Programme du droit de prêt public, le Programme d’acquisition de la Banque d’art, la Commission canadienne pour l’unesco et les Fonds spéciaux (les prix en dotation, les bourses de recherche et prix Killam, et le Fonds Japon-Canada). Wilhelm, interview, 5 mars 2014. Ibid. Schryer, interview, 7 octobre 2015. Afin de réduire le fardeau administratif des demandeurs de subventions, cadac permet aux organismes de soumettre des renseignements financiers et organisationnels à une source unique, en utilisant un seul jeu de formulaires.
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Ceci procure une précieuse banque de données pour les organismes subventionnaires publics et le secteur des arts, afin de mieux comprendre l’écosystème des organismes artistiques. Richard Simeon (2010), « Federalism and Intergovernmental Relations ». Ibid., 409. Walden, « L’œuf ou la poule ». « Loi instituant un Conseil canadien pour l’encouragement des arts, des humanités et des sciences sociales ». Voir Commission canadienne pour l’unesco, Acte constitutif et Règlements. La commission comptait une vingtaine de membres du personnel avant l’Examen des programmes, après quoi elle fut réduite à sept employés. Lorsque du nouveau financement gouvernemental devint disponible, le complément de personnel s’éleva à une douzaine de personnes. Walden, interview. Les États-Unis représentaient un cinquième de son budget, mais retirèrent leur contribution financière en conséquence de l’opposition américaine à l’admission de la Palestine comme membre à part entière de l’unesco en 2011. Berg, The Canadian Commission for UNESCO , 1. Berg, Goldsmith et Harvey, interview, 4 février 2014. Profeit-Leblanc, interview, 8 octobre 2015. Cette expression a été lancée en 1970 par Daniel Patrick Moynihan, conseiller en urbanisme à la Maison blanche, dans une note de service au président Richard Nixon, à l’effet que les questions raciales devraient connaître une période de « négligence bénigne ». Milligan, « The Canada Council as a Public Body », 286–287. Kelly, interview, 25 avril 2014. Trueman, A Second View of Things, 175–176. Ibid. Conseil des arts du Canada, « Programme Killam. Histoire du programme ». Ibid., « Programme Killam », « Prix » et « Bourses de recherche ». Le nombre de prix Killam a varié selon les années.
42 Conseil des arts du Canada, « Programme Killam. Histoire du programme ». 43 Schneider, interview, 27 juillet 2016; voir également Ross, « Writers Program in Power Struggle with Canada Council. » 44 Sirman, interview, 5 février 2014. 45 Conseil des arts du Canada, Rapport annuel, 2015–2016, 9, 23. 46 Conseil des arts du Canada, Programme du droit de prêt public, Rapport annuel, 2015– 2016, 19. 47 Silcox, interview, 1er mai 2015. 48 Guindon, Cohen and the Canadian Cultural Field, 41. 49 Conseil des arts du Canada, « Leonard Cohen donne son prix de 50 000 $ ». 50 Zemans, interview, 11 octobre 2014. 51 Burley, interview, 18 septembre 2015. 52 O’Grady, interview, 11 mars 2014. 53 Sirman, interview, 5 février 2014. 54 Comme il a été mentionné au chapitre 3, des acquisitions spéciales ont été faites à l’occasion, mais le mandat de recouvrement des coûts de la Banque d’art permet difficilement de soutenir de nouvelles acquisitions. 55 Lapointe, interview, 1er avril 2016. 56 Brault, Rapport du directeur, 6. 57 Brault, Allocution de Simon Brault. Conclusion 1 Conseil des arts du Canada, Rapport annuel, 1968–1969, 7. 2 En 2016, le Nouveau-Brunswick devait précisément faire face à ce problème. Le gouvernement a annoncé qu’il allait intégrer l’administration de artsnb, le conseil des arts provincial, à son ministère de la culture. La réponse de la communauté artistique fut rapide et énergique : les artistes, les organismes artistiques et les leaders culturels critiquèrent la décision à plusieurs reprises sur la place publique. Le problème n’était pas lié aux niveaux de financement – le gouvernement s’était engagé à ne pas réduire le financement des subventions –, mais à l’intégrité du processus et à de sérieuses inquiétudes à propos des décisions d’attribution de subventions, qui pourraient 202
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être fondées sur des motifs politiques plutôt qu’artistiques. 3 Le directeur du Conseil Simon Brault fait remarquer que très peu d’employés ont quitté l’organisation en raison des changements, et des sondages ont révélé que moins de 20 pour cent des membres du personnel manifestaient de la résistance au changement (Brault, interview, 18 août 2016). La secrétaire du conseil d’administration du Conseil, Michelle Chawla, expliquait ainsi la situation : « plusieurs membres du personnel avaient de la difficulté avec [la nouvelle approche], parce que leur système de valeurs privilégiait le soutien à des disciplines spécifiques » (Chawla, interview, 28 septembre 2015). 4 Brault, interview, 18 août 2016.
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Interviews Berg, Katherine, John Goldsmith et Jocelyn Harvey, interviews par l’auteure, 21 janvier et 4 février 2014, Ottawa, Ontario. Brault, Simon (vice-président, 2004–2014; directeur et chef de la direction, 2014– , Conseil des arts du Canada), interviews par l’auteure, janvier 2014, 7 janvier 2015, 17 février 2015 et 18 août 2016, Ottawa, Ontario. Burley, Barbara (membre du conseil d’administration du Conseil, 2007–2015, Conseil des arts du Canada), interviews par l’auteure, 24 juin et 18 septembre 2015, Ottawa, Ontario. Carrier, Roch (directeur et chef de la direction, Conseil des arts du Canada, 1994–1997), interview par l’auteure, 1er juin 2015, Montréal, Québec. Chawla, Michelle (secrétaire du conseil d’administration et directrice générale, Stratégies et affaires publiques, Conseil des arts du Canada, 1995– 2015; membre du personnel du Conseil dans différentes fonctions pendant deux décennies), interview par l’auteure, 28 septembre 2015, Ottawa, Ontario. Henry, Victoria (directrice de la Banque d’art du Conseil des arts du Canada, 1999–2015), interview par l’auteure, 12 août 2015, Ottawa, Ontario. Hobday, John (directeur, Conseil des arts du Canada, 2003–2006), interview par l’auteure, 30 mars 2015, Montréal, Québec. Jenkins, Amy (conseillère principale en arts visuels et gestionnaire, Banque d’art, Conseil des arts du Canada, 2011–2016), interview par l’auteure, 19 août 2015, Ottawa, Ontario. Kain, Karen (présidente, Conseil des arts du Canada, 2004–2008), en conversation avec l’auteure, 26 mars 2014, Toronto, Ontario. – (présidente, Conseil des arts du Canada, 2004– 2008) et Simon Brault (vice-président, 2004–2014; directeur et chef de la direction, 2014– , Conseil des arts du Canada), interview par l’auteure, 9 septembre 2015, Toronto, Ontario. Kelly, Keith (directeur national, Conférence canadienne des arts, 1989–1998; directeur, Affaires publiques, recherche et communications, Conseil
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des arts du Canada, 1998–2005), interview par l’auteure, 25 avril 2014, Ottawa, Ontario. Lapointe, Tara (directrice, Diffusion et développement des affaires, Conseil des arts du Canada, 2015– ), interview par l’auteure, 1er avril 2016, Ottawa, Ontario. Loft, Steven (coordonnateur du Secrétariat des arts autochtones, Conseil des arts du Canada, 2012– ), interview par l’auteure, 8 septembre 2015, Ottawa, Ontario. Lassonde, Pierre (président, Conseil des arts du Canada, 2015– ), interview par l’auteure, 17 novembre 2015, Ottawa, Ontario. McCaughey, Claire (directrice, Recherche et évaluation, Conseil des arts du Canada, 2008–2014; membre du personnel du Conseil dans différentes fonctions pendant trois décennies), interview par l’auteure, 3 février 2014, Ottawa, Ontario. O’Grady, Terry (membre du personnel du Conseil des arts du Canada dans différentes fonctions pendant près de deux décennies), interview par l’auteure, 11 mars 2014, Ottawa, Ontario. Porter, Anna (membre du conseil d’administration du Conseil, Conseil des arts du Canada, 2008– 2016), interview par l’auteure, 6 octobre 2015, Ottawa, Ontario. Profeit-LeBlanc, Louise (coordonnatrice, Secrétariat des arts autochtones, Conseil des arts du Canada, 2001–2012), interview par l’auteure, 8 octobre 2015, Wakefield, Québec. Rotman, Sandra (veuve du regretté Joseph L. Rotman, président, Conseil des arts du Canada, 2008–2015), interview par l’auteure, 9 septembre 2015, Toronto, Ontario. Schneider, Peter (gestionnaire du Programme du dpp et secrétaire général de la Commission du droit de prêt public, 2012– ), interviews par l’auteure, 27 juillet 2016 et 18 août 2016, Ottawa, Ontario. Schryer, Claude (coordonnateur du Bureau Interarts, Conseil des arts du Canada, 1999– ), interview par l’auteure, 7 octobre 2015, Ottawa, Ontario. Silcox, David (agent de programme en arts visuels, Conseil des arts du Canada, 1965–1970), interview par l’auteure, 1er mai 2015, Ottawa, Ontario. Sirman, Robert (directeur et chef de la direction,
Conseil des arts du Canada , 2006–2014), interview par l’auteure, 5 février 2014, Ottawa, Ontario. Walden, David (secrétaire général, Commission canadienne pour l’unesco, 1999–2013), interviews par l’auteure, 26 janvier 2016 et 31 mars 2016, Ottawa, Ontario. Wilhelm, Kelly (directrice, Politiques, planification et partenariats, Conseil des arts du Canada, membre du personnel du Conseil dans différentes fonctions liées aux partenariats entre 2005 et 2016), interview par l’auteure, 5 mars 2014, Ottawa, Ontario. Wilson, Marie (commissaire, Commission de vérité et réconciliation du Canada), interview téléphonique par l’auteure, 13 octobre 2015. Zemans, Joyce (directrice et chef de la direction, Conseil des arts du Canada, 1989–1992), interviews par l’auteure, 11 octobre 2014, Ottawa, Ontario, et 27 mars 2015, Toronto, Ontario.
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Les numéros de pages en italiques renvoient à des images. La lettre t fait référence à un tableau. Abell, Walter, 22, 23 accès des Canadiennes et des Canadiens aux arts, 42, 56, 58, 60–63, 69, 86 Accord de libre-échange canadoaméricain (ale), 52–53, 63 accord du lac Meech, 45 Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (gatt), 52 Adams, David, 58 The Adventures of a Black Girl in Search of God (Nightwood Theatre et Obsidian), 87 Âjagemô, 4–5, 5–6, 16, 17, 164 ale (Accord de libre-échange canado-américain). Voir Accord de libre-échange canado-américain Animism (Tagaq), 139 Anna Wyman Dance Theatre Company, 80 approche britannique du financement des organismes artistiques. Voir modèles de financement Appuyer la pratique artistique (Nouveau modèle de financement), 98 Aquin, Hubert, 121 arrangements administratifs du Conseil, 15, 20, 29, 71, 102–103, 109, 118, 124, 133, 157–158. Voir également Loi sur la gestion des
finances publiques (lgfp); modèles de financement; principe d’autonomie art autochtone, 12, 15, 63, 69, 85, 89–98, 173, 198 note 32 art des artistes sourds ou handicapés, 7, 12, 69, 88, 139 art interdisciplinaire, 7, 12, 15, 60, 72, 77–78, 81–84, 198 note 2, 198 note 8 arts médiatiques, 12, 15, 63, 72, 76, 79, 198 note 2 arts multidisciplinaires et interdisciplinaires, 60, 69, 73, 76–77, 82, 173, 198 note 2, 198 note 8 art performance, 77 artsnb, 147, 202 note 2 Association canadienne des bibliothèques, 27 Association canadienne de science politique, 24 Association des clubs canadiens, 24 attentats de Paris, 17–18, 195 note 8 Atwood, Margaret, 157 autonomie versus collaboration avec le gouvernement, 9, 13, 15, 71, 101–104, 133, 174, 181. Voir également principe d’autonomie Ballet national du Canada, 74, 128 Banque d’art, 61; acquisitions, 201 note 55; art autochtone dans la collection de la, 95–96; changements administratifs, 161–164;
création de la, 60–61, 108; décision de fermer la, 118; exposition en collaboration avec les Forces armées canadiennes, 179–180; Programme d’acquisition, 201 note 20; soutien aux œuvres des artistes de la diversité culturelle, 88–89 Barkhouse, Mary Anne, 96 Barlow, Kim, 165 Beardy, Jackson, 93 Beatty, Perrin, 153 Beauchemin, Micheline, 165 Bees Behaving on Blue (Snow), 104 Belong (Royal Winnipeg Ballet), 160 Bennett, W.A.C., 106 Benton, Thomas Hart, 21 Berg, Katherine, 151–152, 197 note 33 besoins des artistes et du milieu artistique versus besoins des Canadiennes et des Canadiens, 8, 11–16, 71, 169–170, 173 Biéler, André, 22 Bipolar (Tsui), 88 Bissell, Claude, 107 Blais, Marie-Claire, 118 Boudreau, Walter, 165 Boutet, Danielle, 82 Bowering, George, 165 Boyer, Bob, 96 Brand, Dionne, 165 Brault, Simon, 129, 165, 180; campagne visant à doubler le financement, 128–132; citations de, 72,
126, 127, 179–180, 182; directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada, 10, 125, 145, 153; et le Nouveau modèle de financement), 69; à propos de la réorganisation du Conseil des arts du Canada, 164, 166, 202 note 3 Brooker, Blake, 80 Brossard, Nicole, 165 Bureau de l’équité, 88 Bureau du Conseil privé, 104 Bureau Inter-Arts, 82–84 Burley, Barbara, 161–163 Burnett, Ron, 82 Bussière, Eugène, 57 cadac (Canadian Arts Data/ Données sur les arts au Canada), 148, 201 note 24 caisse de dotation, 36, 39, 113–114, 115, 178–179, 196 note 40 Caisse de subventions de capital, 33, 56 Canada, vue d’ensemble nationale de 1957 à 2017, 45–55. Voir également législation Canadian Arts Data/Données sur les arts au Canada (cadac), 147– 148, 201n24 The Canadian Club of Toronto, 42 Canadian Players, 75 Carrier, Roch, 114–118, 119, 165 Casey, Thomas, 87 Casse-Noisette (Ballet national du Canada), 58 ccu (Commission canadienne pour l’unesco). Voir Commission canadienne pour l’unesco (ccu) Celebration Box (Gaudreau), 131 Centre national des Arts (cna), 106, 112 Le chandail de hockey (Carrier), 114 Charte canadienne des droits et libertés, 48–49, 62 Chase, Sarah, 116 Chawla, Michelle, 133, 202 note 3 Chrétien, Jean, 47, 115, 118, 119 Chrétien (gouvernement), 64, 66, 114, 115, 118, 122 Circus Stella, 84 Clarke, Denise, 81 Clarkson, Stephen, 70 Claxton, Brooke, 24, 25, 30, 31, 41, 42, 43, 57, 70 Clement, Gary, 165 Coalition canadienne des arts, 129, 131
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Cobiness, Eddy, 93 Cohen, Leonard, 80–81, 121–122, 158, 159 Cohen, Matt, 155 Collège Massey (Université de Toronto), 34 Collin, Pierre, 75 colloque annuel Walter-Gordon sur les politiques publiques, 34 Comité Applebaum-Hébert (Comité d’étude de la politique culturelle fédérale), 113 Comité consultatif des Premiers Peuples/coordonnatrice de l’équité, 93–94 Comité consultatif pour l’égalité raciale dans les arts, 85, 86, 93 Comité consultatif sur l’interdisciplinarité et l’art performance, 82 Comité d’étude de la politique culturelle fédérale (Comité ApplebaumHébert), 113 comités de la Chambre des communes, 23, 112, 200 note 52 comités d’évaluation par les pairs/jurys, 8, 59, 63, 136, 144– 146, 181 Comité Turgeon (Comité spécial de la restauration et du rétablissement de la Chambre des communes), 23, 24 Commission Bladen sur les universités (Fondation des universités canadiennes), 37 Commission canadienne pour l’unesco (ccu), 20, 39, 137, 141, 149–153, 162, 201 note 20, 201 note 30 Commission de vérité et réconciliation du Canada (cvr), 51, 97–98 Commission du droit de prêt public (dpp). Voir programme et Commission du droit de prêt public (dpp) Commission Massey-Lévesque. Voir Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada (Commission Massey-Lévesque) Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (Commission Laurendeau-Dunton), 62, 113 Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada (Commission Massey-Lévesque), 19–20,
25–29, 28, 32–33, 35, 132, 149, 196 note 1 Commission royale sur les peuples autochtones, 50–51, 93 Conférence canadienne des arts, 34, 128–129, 153 Conférence de Kingston, 21–23, 22 Conférence mondiale sur l’éducation artistique, 151 Conférence nationale des universités canadiennes, 27 Conseil canadien des arts, 27 Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, 201 note 13 Conseil des arts de Grande-Bretagne (acgb), 29, 196 note 20 Conseil des arts du Canada, 57; de 1957 à la fin des années 1960, 105–108; des années 1970 au milieu des années 1980, 108–113; du milieu des années 1980 à la fin des années 1990, 113–123; des années 2000 à aujourd’hui, 122–132; changements de priorités : de l’accès, à la diversité, aux changements liés au financement, et à la gouvernance, 56–69; histoire de l’origine du, 19–40; mandat, 8, 32, 44, 62, 115, 133, 168–171, 200 note 2; en tant que microcosme du Canada, 16, 98, 136, 168; présence internationale, 159; en tant que société d’État, 11, 100–134. Voir également accès des Canadiennes et des Canadiens aux arts; Banque d’art; Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada (Commission Massey-Lévesque); directeurs; diversité, représentation de la; financement de l’éducation; gouvernance; modèles de financement; principe d’autonomie; prix; programme et Commission du droit de prêt public (dpp); structures de financement Conseil des arts du Canada, bureaux, 2, 4–5, 5, 34. Voir également Âjagemô Le Conseil des arts du Canada (Mailhot et Melançon), 14, 77, 195 note 6 Conseil de recherches en sciences humaines (crsh), 20, 35, 38, 45, 122, 141, 149, 153, 201 note 13 Conseil des recherches médicales, 106
Conseil national de recherches du Canada, 38, 106 Cook, Rande, 96 coordonnateur de l’équité, 88, 94–95 Copps, Sheila, 66 Corporation Carnegie, 22, 23 Corpuscule Danse, 87 Couillard, Paul, 82 crédits parlementaires : augmentation des, 67, 102, 128, 132; comparés à la caisse de dotation, 115t; dépendance financière vis-à-vis des, 16, 21, 39, 109–110, 169; diminution des, 64, 119; mise en place des, 36–38, 106. Voir également principe d’autonomie; structures de financement crise d’Oka, 50, 93 critère d’excellence artistique, 10–12, 73, 89, 99, 122, 172, 181 crsh. Voir Conseil de recherches en sciences humaines (crsh) Culture Montréal, 10 Daesh, 195 note 8 Dawes, Andrew, 165 Decidedly Jazz Danceworks, 130 DeFreitas, Erika, 89 démocratisation de la culture. Voir accès des Canadiennes et des Canadiens aux arts Deutsch, John, 30, 31, 32, 35 Diamond, Sara, 165 diasporart, 89 Diefenbaker, John, 106 Dion, Stéphane, 132 diversité, représentation de la, 60– 62, 85, 138–140, 145, 148, 173, 200 note 2. Voir également art autochtone; art des artistes sourds ou handicapés; Comité consultatif pour l’égalité raciale dans les arts; Zemans, Joyce Djokic, Marc, 165 Doing Leonard Cohen (One Yellow Rabbit Performance Theatre), 81 Doupe, Barry, 165 D.-Pomerleau, Maxime, 87 dpp. Voir programme et Commission du droit de prêt public (dpp) droits autochtones. Voir Peuples autochtones Drucker, Peter, 197 note 22 Duguay, Julie, 84 Dumont, Fernand, 121 Dunn, Deborah, 87 Dunn, Sir James Hamet, 30
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Index
Duplessis, Maurice, 30, 59 Dupuy, Michel, 117 Dwyer, Peter, 170 Dyck, Howard J., 165 Échange d’écrivains résidents Canada-Écosse, 159 École nationale de théâtre du Canada, 10, 75–76 économie du savoir, 53, 197 note 22 Éducation pour tous, 151 Egoyan, Atom, 118 Élisabeth II, reine, 49 Empire Club of Canada, 42 Endless Prosperity, Eternal Accumulation (Kwan), 90 Espace-écran #4 / Screenspace #4, 1974 (Gagnon), 46 établies versus émergentes (formes d’art, pratiques et structures organisationnelles), 9, 11, 13, 71, 73, 98, 99, 173, 175 Estacio, John, 165 Evelyn Roth Moving Sculpture Company, 78–79 Examen des programmes, 64, 79, 81, 114, 119, 120, 157, 201 note 30. Voir également structures de financement Examen stratégique, 124–125 excellence artistique, critères d’, 10– 12, 73, 89, 99, 122, 172, 181 Explorer et créer (Nouveau modèle de financement), 98 Expo 67, 56, 113 Le Facteur C: L’avenir passe par la culture (Brault), 10 Faguy, Robert, 82 le fait français, 196 note 1 The Favourite Game (Jeux de dames) (Cohen), 158, 159 Fédération canadienne des sciences humaines, 38 Fédération des artistes canadiens (fca), 23 Fédération internationale des conseils des arts et des agences culturelles (ficaac), 68, 160–161 Festival international des conteurs du Yukon, 89 festivals, 73, 76, 82, 123–124 Festival Shaw, 75 Festival Stratford, 75 financement de l’éducation : importance dès les débuts du Conseil, 11, 16, 20, 27, 30; financement des
institutions postsecondaires, 141, 149–161, 173. Voir également Commission canadienne pour l’unesco (ccu); programme et Commission du droit de prêt public (dpp) Fish Vase with Greek Pot (Ostrom), 163 Florida, Richard, 53–54 Fondation de la famille Samuel et Saidye Bronfman, 67 Fondation des universités canadiennes, 37 Fondation Rockefeller, 22 Fondation Sheila Hugh Mackay, 147 Fonds interdisciplinaire, 63, 78 formes d’art non occidentales, 7, 10, 12, 85, 173 Forrester, Maureen, 112, 199 note 20 Franca, Celia, 118 Franco-Nevada Mining Corporation, 42, 197 note 1 Frenkel, Vera, 165 Frulla, Liza, 129 Fulford, Robert, 83, 122 Gagnon, Charles, 46 galerie Ufundi d’art autochtone, 95 Garneau, Michel, 121 Gascon, Jean, 75 Gattinger, Monica, 197 note 34 Gaudreau, Diane, 131 Geoffroy, France, 87, 87 Goldsmith, John, 121, 195 note 7, 197 note 33 gouvernance, 112, 122–124, 125–127, 133, 161–162, 164 Granatstein, Jack L., 14, 30, 33, 145 Grand-Maître, Jean, 165 Les Grands Ballets Canadiens de Montréal, 68, 74 Grant, Dr James, 3 Grant (Maison), 3, 4 Gray, John, 165 Green, Michael, 81 Groupe des Sept, 22, 23 Groupe indien des Sept, 93 Gupta, Sunil, 89 Haddad, Gail, 78–79 Harper, Stephen, 51, 66, 141 Harper (gouvernement), 66, 124, 129, 131, 136, 200 note 52 Harris, Walter, 96 Hart, Evelyn, 160 Harvey, Jocelyn, 197 note 33
The Heart Beats Ecstatic (Moss), 130 Henry, Victoria, 89, 95–96 Hetux (Watts), 97 HIGH NOON (Koh), 109 Hill, Tom, 95 Hobday, John, 67, 123–124, 128, 147 Hollande, François, 17 hongbao, 90 Hou, Yi-Jia Susanne, 165 Hudon, Isabelle, 180 icebergs, 117 Idle No More (Jamais plus l’inaction), 51 Idlout, Lucie, 165 indigena, 93, 94 industries culturelles, 53, 63, 146, 197 note 34 infrastructure culturelle, 11, 15, 20, 24, 27, 56, 91, 123, 172–173 Initiative de développement créatif de l’Alberta, 144 Initiative Les arts et la culture accueillent les réfugiés, 180 Inspirer et enraciner (Nouveau modèle de financement), 98 Institut canadien des affaires internationales, 24 Jamais plus l’inaction. Voir Idle No More (Jamais plus l’inaction) Janvier, Alex, 93 Jean, Michaëlle, 89 Joe, Mendelson, 120–121, 121 Joly, Mélanie, 17–18, 180 Journée des arts, 165 Kain, Karen, 128–130, 129, 141, 165 Katona, Raila, 78–79 Kelly, Keith, 153 Killam, Dorothy, 153, 155 Killam, Izaak Walton, 30, 153 King, William Lyon Mackenzie, 19, 23, 24, 25, 26 Koh, Germaine, 109, 109 Koop, Wanda, 152 Kunuk, Zacharias, 165 Kwan, Will, 89, 90 Labrie, Guillaume, 165 Ladner, Leon, 106 Laing, Gertrude, 108 La jeune fille et la mort (Thoss), 68 Lamontagne, Maurice, 30, 32
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Index
Land Reform(ed) (Tooth), 4–5 Lapalme, Georges-Émile, 59 Lapointe, Tara, 164 l’art pour l’art versus les objectifs économiques et sociaux, 9, 11, 13– 14, 71, 138, 172–173 Lassonde, Pierre, 41, 42, 43, 56, 70, 125, 127 L’Avare (Molière), 75 « leadership » versus « followership », 9, 12–13, 15, 71, 73, 174–175 Le Bouthillier, Claude, 156 législation, 33, 38, 103, 110–112, 150, 153 Lemelin, Stéphane, 165 Lemieux, Jean-Paul, 22, 23 Lesage, Jean, 59 Letendre, Rita, 154 Lévesque, Georges-Henri, 24, 27, 28, 57, 107, 118, 196 note 1. Voir également Commission royale d’enquête sur le développement des arts, des lettres et des sciences au Canada (Commission MasseyLévesque) Liars (Joe), 121 Lichtenstein, Roy, 135 Lill, Wendy, 165 Literary Review of Canada, 125 Loi constitutionnelle, 48–49 Loi sur le Conseil des arts du Canada, 33, 38, 103, 150 Loi sur la gestion des finances publiques (lgfp), 109–111, 124– 125 Loft, Steven, 93, 96–98 Lord, Marie-Josée, 165 Lozano-Hemmer, Rafael, 4, 5, 195 note 1 MacDonald, Flora, 103, 156, 156 MacKenzie, Norman, 24, 27, 28, 57, 58, 106, 107 MacLennan, Hugh, 25 Maggs, Arnaud, 165 Mailhot, Laurent, 14, 77 Maillet, Antonine, 165 Majumdar, Anita, 165 Manning, Preston, 64 Marche sur Ottawa (21 juin 1944), 23–24 Marcuse, Judith, 165 Martel, Yann, 165 Martin, Lee-Ann, 94 Martin, Paul, 66, 129 Maskegon-Iskwew, Ahasiw, 82 Masse, Marcel, 112, 120, 156
Massey, Vincent, 24, 25, 27, 28, 30, 33, 34, 132, 196 note 1 Mayer, Marc, 89 Mazinani, Sanaz, 89, 176 McCaughey, Claire, 125–126 McGibbon, Pauline, 112 McKeough, Rita, 82 Melançon, Benoît, 14, 77 mesure/évaluation/estimation du rendement, 54, 64, 79–80, 125–126, 146, 165–166. Voir également comités d’évaluation par les pairs/jurys; Loi sur la gestion des finances publiques (lgfp) Millaire, Albert, 165 Milligan, Frank, 13, 105–106, 107 ministère du Patrimoine canadien, 104, 122, 123–124, 147–148, 198 note 6, 199 note 40 modèle de l’offre et de la demande, 44, 56, 69, 164 modèles de financement : américain, 14, 20–21, 168–169; approche britannique du conseil des arts public, 20–21, 29, 39–40, 168–169; approche humaniste française, 14, 20–21, 38, 39, 59, 168–169 mohawk (guerrier), 50 Monkman, Kent, 171 Moore, Mavor, 110, 199 note 20 Morrisseau, Norval, 93 Morrow, Joanne, 82 Moss, Michele, 130 Mulcahy, Kevin, 140 Mullusk (Evelyn Roth Moving Sculpture Company), 78–79 Mulroney, Brian, 52, 53, 54, 112, 120–121 Mulroney (gouvernement), 63, 94, 122, 153, 155 multiculturalisme, 42, 48, 62, 113 mur de Berlin, 43 Murrell, John, 165 Musée des beaux-arts du Canada, 93, 96 Museum of the American Indian, Washington, D.C., 96 muzz (Chase), 116 nationalisme québécois, 45, 47, 59, 121, 169 Neatby, Hilda, 24, 27, 28 néolibéralisme, 54, 62, 63, 64 N.E. Thing Co., 145 Nicolson, Marianne (‘Tayagila’ogwa), 92, 96 Nightwood Theatre et Obsidian, 87
Nouveau modèle de financement, 10, 72–73, 83, 96–97, 98, 126, 178, 181 Nouvelle gestion publique, 54, 64 objectifs du Millénaire pour le développement, 151 Obomsawin, Alanis, 165 Odjig, Daphne, 93 Office des tournées, 60, 118 Office national du film, 25, 106 O’Grady, Terry, 152 Okano, Haruko, 82 On Being Canadian (Massey), 132 One Yellow Rabbit Performance Theatre, 80–81 opsac. Voir Organismes publics de soutien aux arts du Canada (opsac) Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (unesco), 20, 25, 33, 196 note 21 Organisation mondiale du commerce (omc), 52, 63 Organismes publics de soutien aux arts du Canada (opsac), 67, 146– 148 Osman, Abdi, 89 Ostrom, Walter, 163 Ostry, Bernard, 14, 23–24 Ouellette, Fernand, 121 Parker, Jon Kimura, 118 Parti Québécois, 47, 121 Pearson, Lester B., 25, 37, 106 Pelletier, Gérard, 56, 60, 62, 113 Peregrine, David, 160 Performance Court, 2, 3 Perspective jeunesse, 62 Peuples autochtones, 42, 48–51, 137, 139, 169, 195 note 2, 197 note 12 Pickersgill, Jack, 24, 25, 30, 31, 33, 35 Pineau, Alain, 132 Pitsiulak, Annie, 9 Play (Watts), 97 Porteous, Timothy, 100, 110–113, 111 Porter, Anna, 146, 200 note 49 Portrait of Yaxa’tlanis [Nicolson (‘Tayagila’ogwa)], 92 poussière de fée, 59, 197 note 33 Pratt, Mary, 165 Première Nation Dzawada’enuxw, 92 Première Nation Nacho Nyak Dun, 89
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Index
premiers ministres du Canada. Voir Diefenbaker; King; St-Laurent; Trudeau principe d’autonomie : engagement du gouvernement envers le, 21, 36, 132–133, 169; établissement dès les débuts du Conseil, 33, 101, 132–133, 172; interprétation du, 102–103, 105, 123–124, 174; et lobbying, 120; manquement au, 107–113; nécessité du, 177–178. Voir également l’art pour l’art versus les objectifs économiques et sociaux; modèles de financement prix, 39, 88, 139, 153, 155, 158– 159, 164, 201 note 20, 201 note 41 prix d’excellence en gouvernance, 128 prix Glenn-Gould, 158–159 prix Joseph-S.-Stauffer, 88 prix Killam et autres formes de financement, 36, 39, 149, 153, 155 Prix littéraire Canada-Australie, 159 Prix littéraire Canada-Belgique, 159 Prix littéraire Canada-Suisse, 159 Prix littéraires Canada-Japon, 159160 Prix littéraires du Gouverneur général (plgg), 121–122, 164 prix Molson, 39 prix Polaris, 139 Profeit-LeBlanc, Louise, 89, 93, 94– 96, 152, 198 note 32 programme de la Brigade volante, 144, 200 note 9 programme et Commission du droit de prêt public (dpp), 137, 149, 155–159, 162–164, 201 note 20 programme Explorations, 60, 64, 76–77, 79–81, 83, 118 programme Horizons canadiens, 77, 153 programme Multidisciplinarité et performance, 77 programme Un avenir en art 66, 123, 128 Quadriptyque (Corpuscule Danse), 87 quartier centre-est de Vancouver, 95 Québec: subventions par province, 142–143t; relations avec le gouvernement fédéral, 30, 48, 58–59, 108, 147, 175; demande de dévolution du financement fédéral à la province, 21, 140. Voir également
Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (Commission Laurendeau-Dunton) rapport annuel, 65 Ray, Carl, 93 Rayonner à l’international (Nouveau modèle de financement), 98 Rayonner au Canada (Nouveau modèle de financement), 98 Reagan, Ronald, 54 Rebellion (Monkman), 171 recherche en sciences humaines et sociales, 37–39 {Ré}conciliation (Fondation de la famille J.W. McConnell, Le Cercle sur la philanthropie et les peuples autochtones au Canada), 97 réfugiés syriens, 18, 180, 195 note 8 Relations culturelles internationales, 153 rencontres tripartites, 146–148 rencontres tripartites de Toronto, 148 Renwick, Arthur, 96 répartition régionale des subventions du Conseil des arts du Canada, 142–143t responsabilité, 124 Révolution tranquille, 45 Roberts, Peter, 145–146 Les Robes de Sainte-Anne (Circus Stella), 84 « The Roch and Donna Show », 117 Rochon-Burnett, Suzanne, 95 Rombout, Luke, 118 Roth, Evelyn, 78–79 Rotman, Joseph, 68, 95, 125–127, 135–137, 138, 173, 180 Rotman, Sandra, 135–137, 180 Roux, Jean-Louis, 122, 165 Royal Winnipeg Ballet, 74, 160 Ruby, Jay, 84 Rude, Jade, 109 Salon international du livre de Montréal, 115 Sanchez, Joseph, 93 Schneider, Peter, 157 Schroeder, Andreas, 155, 156 Schryer, Claude, 82, 83–84 Schultz, Albert, 130 Scott, Donna, 116–117, 119 Secrétariat du Conseil du Trésor, 104, 106, 110, 112 Sealy-Smith, Alison, 87 Sears, Djanet, 87
Secrétariat autochtone, 94 Secrétariat des arts autochtones, 91 Shadbolt, Jack, 22, 23 Shnier, John, 165 Silcox, David, 145, 159 Simeon, Richard, 148 Simoneau, Marie-Christine, 84 Sirman, Robert, 34, 165; directeur et chef de la direction, 34, 153, 195 note 3, 200 note 52; priorité accordée à la gouvernance, 67, 125– 127, 162; Literary Review of Canada, 125; et le programme de dpp, 158; citations, 69, 123–124, 144 Smith, Daniel « Pinock », 6 Smith, Tracee, 165 Snow, Michael, 104 Société Radio-Canada (src), 27, 34, 106, 110, 112, 123 Société royale du Canada, 24 Society of Yukon Artists of Native Ancestry, 90 soldat, 50 Sommet mondial sur les arts et la culture, 68, 160 The Spice Box of Earth (Cohen), 158–159 Sports Illustrated, 53 src (Société Radio-Canada). Voir Société Radio-Canada (src) Stack (Koop), 152 St-Laurent, Jeanne, 26 St-Laurent, Louis, 19–20, 24, 26, 29–33, 45, 100, 101, 127 structures de financement au Nouveau-Brunswick, 202 note 2 structures de financement du Conseil : coupes budgétaires et baisses de financement, 64, 113–114, 118– 119, 122–123; graphique des sources de revenus, 115; non concurrence pour l’obtention de financement du secteur privé, 36; promesse de doublement du budget, 66, 102, 128–132, 200 note 60; en relation avec les gouverne-
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ments provinciaux et municipaux, 45, 67, 141, 142–143t, 144; pour la recherche, 37–38, 45; fonds de propulsion, 108. Voir également arrangements administratifs; cadac (Canadian Arts Data/Données sur les arts au Canada); caisse de dotation; crédits parlementaires; Examen des programmes; Examen stratégique; Loi sur la gestion des finances publiques (lgfp); modèles de financement; Nouveau modèle de financement; principe d’autonomie Sullivan, Françoise, 165 Sunset (Letendre), 154 Surveyor, Arthur, 27, 28 système des pensionnats, 48–49, 139 Tagaq, Tanya, 139 Tanabe, Takao, 118, 165 ‘Tayagila’ogwa (Nicolson, Marianne), 92 Téléfilm Canada, 112, 113 tensions, 11–16. Voir également autonomie versus collaboration avec le gouvernement; besoins des artistes et du milieu artistique versus besoins des Canadiennes et des Canadiens; établies versus émergentes (formes d’art, pratiques et structures organisationnelles), l’art pour l’art versus les objectifs économiques et sociaux; « leadership » versus « followership » Terre, esprit, pouvoir (Musée des beaux-arts du Canada), 93 Thakkar, Menaka, 165 Thatcher, Margaret, 54 Théâtre du Nouveau Monde, 75, 115 Théâtre du Rideau Vert, 75 Thomas, Jeffery, 165 Thompson, Jamie, 130 Thomson, Shirley, 139, 152–152, 160–161 Thoss, Stephan, 68
Times Higher Education (palmarès des deux cents meilleures universités), 45 Tooth, Stanzie, 4–5 tradition européenne occidentale en art, 12, 59–60, 74, 140, 173 Tremblay, Georges-Nicolas, 87 Tremolo (Anna Wyman Dance Theatre Company), 80 Trudeau, Justin, 17, 51, 67, 102, 131 Trudeau, Pierre Elliott, 38, 49, 110 Trueman, Albert W., 14, 57, 58, 106, 107, 126–127, 145 Tsui, Howie, 88, 89 unesco. Voir Commission canadienne pour l’unesco (ccu) Van Fossen, Rachel, 83 Vers une nouvelle perspective (Conseil des arts du Canada), 118 Vezina, Christian, 130 Walden, David, 151, 153 Walking with Our Sisters (collectif wwos), 90 Warhol, Andy, 135 Watts, Connie, 96, 97 Weldon, Douglas, 106 Wiebe, Rudy, 165 Wilhelm, Kelly, 127 Woman Reading on Bus, Tehran, Iran (Mazinani), 176 Woodcock, George, 14, 25, 27, 42– 43, 58 Wortley, Christopher Neil, 80 Writers’ Union of Canada, 155 Wyman, Anna, 80 Wyman, Max, 14, 153 The Year’s Midnight (LozanoHemmer), 4, 5, 195 note 1 Zemans, Joyce, 63, 85–86, 86, 93– 94, 100, 120, 127, 159