La Guinée de Sékou Touré: Pourquoi la prison du camp Boiro ? 2343026033, 9782343026039

Ce qui frappe dans l'étude de l'histoire récente de la Guinée, à partir de 1945, c'est que les adversaire

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French Pages 344 [337] Year 2014

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La Guinée de Sékou Touré: Pourquoi la prison du camp Boiro ?
 2343026033, 9782343026039

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Sidiki Kobélé Keita

LA GUINÉE DE SÉKOU TOURÉ Pourquoi la prison du camp Boiro ?

Préface de Kaïmba KONDE Avant-propos de Jean-Jacques de VERN

La Guinée de Sékou Touré

Sidiki Kobélé Keita

La Guinée de Sékou Touré Pourquoi la prison du camp Boiro ?

Préface de Kaïmba KONDE Avant-propos de Jean-Jacques de VERN

© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-343-02603-9 EAN : 9782343026039

Sommaire

PRÉFACE .................................................................................................. 7 En guise d’avant- propos .......................................................................... 13 Avertissement ........................................................................................... 17 Chapitre I Nécessité de collecte de témoignages et d’approfondissement de la recherche documentaire............................................................................ 23 Chapitre II De la nécessité d’un rappel historique (1945-1958)................................. 41 Chapitre III Les conséquences immédiates du « Non » du 28 septembre 1958 (29 septembre - 12 décembre 1958) ......................................................... 51 Chapitre IV France et Guinée : deux déterminations absolues .................................... 69 Chapitre V Le SDECE organise et dirige les premiers complots contre la Guinée sur instructions expresses du gouvernement français (1959-1960) ............... 87 Chapitre VI Les autorités françaises encouragent et exploitent les premières contradictions internes guinéennes (1961-1965).................................... 101 Chapitre VII Le président Houphouët-Boigny finance deux complots organisés par la section ivoirienne du FLNG contre la Guinée (1966-1969) .................. 129 Chapitre VIII Une opération suicidaire, l’agression du 22 novembre 1970, ................ 147 Chapitre IX Le mercenariat guinéen : naissance et déclin ......................................... 197 Chapitre X La découverte de la tentative de « renversement du régime » de 1976 ...... 205

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Chapitre XI La révolte d’un groupe de femmes du marché M’Balia Camara à Madina (Conakry), les 27 et 28 août 1977 .......................................................... 215 Chapitre XII Les derniers soubresauts (1980-1984).................................................... 221 Chapitre XIII Le procès des complots (1959-1971) ..................................................... 233 Chapitre XIV Le SDECE et la PIDE assassinent deux leaders des mouvements de libération africains afin de compromettre Ahmed Sékou Touré ............ 259 CONCLUSION ...................................................................................... 273 ANNEXES ............................................................................................. 277 ABREVIATIONS .................................................................................. 337

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PRÉFACE

« Il ne s’agit pas d’en rester sur des événements de caractère public, mais de réétudier l’histoire et de condamner ce qui a donné naissance à la torture, c’est-à-dire le régime colonial ».

Henri Alleg «La Guinée d’Ahmed Sékou Touré (1959-1984) : pourquoi la prison au sein du camp Boiro a existé? ».C’est le titre du nouvel ouvrage qui est aujourd’hui proposé à ses lecteurs par Sidiki Kobélé Kéïta, enseignant-chercheur. L’homme n’est plus à présenter à cause de son courage moral et intellectuel, s’agissant de ses prises de position irréprochables face aux événements tragiques ayant secoué la Guinée-Conakry depuis l’accession à la souveraineté nationale et internationale de cette ancienne colonie française le 2 octobre 1958. Nous savons en effet qu’à cause de son vote historique du 28 septembre 1958, notre pays, la Guinée-Conakry, est devenu la cible principale de l’ancienne puissance coloniale française et de ses alliés occidentaux, africains, américains, entre autres. Il s’agissait de passer par tous les moyens (déstabilisation politique, économique et culturelle) pour empêcher le nouvel État de fonctionner normalement. Pour ce faire, il lui fut imposé une guerre non déclarée par le biais des services spéciaux français, portugais, allemand de l’Ouest, américain, etc. Des chefs d’État africains, en particulier les présidents Houphouët-Boigny, Léopold Sedar Senghor et Albert Bongo, alliés à la France du Général Charles de Gaulle à l’époque, s’impliqueront à leur tour dans le combat contre la Guinée-Conakry, coupable à leurs yeux, de la désintégration et de la disparition des empires coloniaux européens sur le continent africain dont, entre autres, la fameuse « communauté franco-africaine » si chère au Général Charles de Gaulle, notamment. Nous savons que de 1959/1960 à 1983/1984, tout fut mis en œuvre pour faire « danser sur de la braise » notre peuple et ses dirigeants avec à leur tête le premier Président de la République, Ahmed Sékou Touré, pionnier de la liberté africaine. Face à des adversaires aussi déterminés, la Guinée-Conakry n’avait d’autre choix que d’organiser une résistance aussi déterminée pour sauvegarder sa souveraineté nationale et internationale si chèrement acquise en octobre 1958. C’était une question de survie pour les Guinéens, et pour l’Afrique. Certains compatriotes guinéens de l’intérieur comme de l’extérieur (toutes origines ethniques confondues) ayant pris fait et cause pour l’ancienne puissance

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coloniale française contre l’indépendance nationale de leur pays, il était devenu logique et nécessaire pour celui-ci d’envisager toutes les mesures ou dispositions utiles pour traiter les cas de trahison constatés de la part de ses fils et filles ainsi concernés. Il s’agissait de punir les traîtres ainsi démasqués dans des maisons d’arrêt ou prisons politiques spécifiques dont la plus connue en Guinée-Conakry fut celle désignée sous le nom de « prison du Camp Boiro ». Le cas du général de Gaulle face aux collabos français a souvent été invoqué par les cadres guinéens : il a appelé à la résistance le 18 juin1940 au lieu de négocier avec les Allemands alors qu’après avoir tenté en vain de faire admettre ses propositions au comité de rédaction de la constitution de la Communauté, Ahmed Sékou Touré avait, à plusieurs reprises, tenté de négocier les accords de coopération entre la France et la Guinée. Il essuya des refus méprisants. Pour revenir à la prison de Boiro et à titre de rappel, il faut dire ici que le nom « Boiro » donné à ladite prison, sise au camp de la garde républicaine à Camayenne, date de 1969/1970 pour immortaliser et honorer la mémoire du martyr, feu Mamadou Boiro, inspecteur de police chargé de convoyer de Labé à Conakry des parachutistes mutins appréhendés dans cette tentative de coup d’État Kaman-Fodéba de 1969. On sait qu’après avoir désarmé et assassiné l’inspecteur Boiro, ces parachutistes avaient largué le corps sans vie de leur victime de l’avion en plein vol à 2 000 mètres d’altitude. C’était l’occasion pour les autorités de donner son nom à la prison du Camp Camayenne en précisant que ce serait dans ces lieux désormais que les cas de trahison seront traités (une prison anti-trahison nationale). Les premiers cas connus du genre après 1969 furent les prisonniers pris dans l’agression portugaise du 22 novembre 1970 et autres entreprises semblables contre l’indépendance nationale guinéenne. On sait que depuis le fameux et triste coup d’État des colonels du 3 avril 1984 survenu après le rappel à Dieu d’Ahmed Sékou Touré le 26 mars 1984 à Cleveland (États-Unis d’Amérique), ce sont les nouvelles autorités politicomilitaires du pays qui ont cherché à donner une autre coloration au camp Boiro en le présentant comme une sorte d’épouvantail, alors que la réalité était toute autre. C’était plutôt le lieu de pénitence des comploteurs et assimilés de tous poils qui y séjournaient. C’était une simple prison politique (anti-trahison) comme on peut en trouver un peu partout ailleurs dans le reste du monde. Faute de l’avoir renversé de son vivant et n’ayant aucun reproche sérieux à lui faire au sujet de sa gestion économique, socio-humaine, etc.…, il fallait chercher à nuire à la mémoire du premier Président de la République, Ahmed Sékou Touré (paix et salut sur lui). Des associations fantômes, telles que celle dite des « victimes ou des enfants des victimes du Camp Boiro », ont été autorisées à manifester un peu partout à Conakry avec la bénédiction du CMRN (Comité militaire de redressement national) pour se gargariser avec des slogans creux en faveur des traîtres présentés comme des « victimes » sinon des « héros » qu’ils sont loin d’être. Comme il le souligne dans des ouvrages précédents et dans celui qui nous

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concerne ici, Sidiki Kobélé Kéïta a mis le doigt dans la plaie en dénonçant les gesticulations puériles d’éléments arrogants sinon insolents et tricheurs. C’est l’occasion de citer, avec son autorisation, les réflexions d’Ibrahima Fofana, avocat à la Cour, un ancien prisonnier politique, qui a passé six ans au camp Boiro, sur les résultats de recherche de Sidiki Kobélé Keita. « C’est toujours sur le mode de la conspiration, du complot, que commence, puis se conçoit et se réalise une entreprise de déstabilisation, de renversement d’un régime politique, tel que celui instauré par le parti démocratique de Guinée (PDG). Lorsqu’un régime politique a su répondre aux aspirations d’un peuple dont il a, de ce fait, réussi à acquérir la confiance et le soutien et lorsque, en dépit de cette confiance et de ce soutien, des adversaires résolus de ce régime, pour des motifs qui leur sont propres, mais qu’ils savent ne pas être partagés par le peuple, dans sa masse, décident d’en découdre et d’en finir avec ce régime, si celui-ci est contraint d’assurer sa défense et sa survie par tous les moyens, y compris la force, la répression, le seul recours dont disposent ses adversaires, pour parvenir à leurs fins, est la lutte armée. Mais la lutte armée a ses exigences et ses contraintes propres, qui requièrent, de ceux qui s’y engagent, foi en leur cause et à son issue victorieuse, abnégation, courage, endurance et sacrifice de toutes sortes. Or, il semble que ce ne soit pas cette voie royale, mais escarpée, qui a eu la faveur des adversaires du régime guinéen de Sékou Touré et de ses compagnons de lutte, dès les premières années de l’indépendance ; bien que de sérieuses tentatives d’implanter des maquis au Fouta aient été enregistrées avec, entre autres, la découverte, en 1960, par le Gouvernement guinéen, le long de la frontière guinéo-sénégalaise, de caches d’importantes quantités d’armes de guerre et de munitions. Il est donc indéniable que dès l’indépendance de la Guinée, il y a eu volonté et tentatives de déstabilisation, de renversement du régime guinéen. La publication de l’ouvrage de l’historien Sidiki kobélé Keïta, Des complots contre la Guinée de Sékou Touré de 1958 à 1984, est venue montrer que s’il y a eu Camp Boiro, c'est-à-dire la répression, c’est parce qu’il y a eu d’abord et nécessairement complots, pour tenter de renverser un régime politique instauré par la volonté du peuple de Guinée. C’est cette filiation indiscutable que la « littérature de douleur » a invariablement et constamment tenté d’occulter ou d’escamoter. Et c’est sur cette filiation que Sidiki kobélé Keïta revient pour faire entendre mieux qu’il ne saurait y avoir de fumée sans feu, qu’il n’y a pas d’effet sans cause. Il est remarquable que depuis la publication de son premier ouvrage sur les complots, il ne s’est trouvé personne, absolument personne, qui ait entrepris de le réfuter, à la manière du Professeur Samba Diarra, auteur d’un ouvrage, Les faux complots d’Houphouët-Boigny ; de mettre en doute la pertinence des

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sources, sur le fondement desquelles Sidiki Kobélé Keïta a su mettre à nu la réalité des complots. Cette réalité, Sidiki Kobélé Keïta n’est pas le seul ni le premier amené à la dire. Il y a eu Jean-Faragué Tounkara ; il y a eu un auteur, qu’on ne saurait soupçonner de sympathie pour le régime de Sékou Touré : Amadou Diallo, auteur du Livre : La mort de Diallo Telli. Dès l’introduction, il écrit : « Des différents complots en République de Guinée, je dirai qu’ils ont un fond de réalité. C’est à partir d’un fond de réalité que Sékou Touré a monté de toutes pièces de grandes machines qui ont broyé tous ceux, qu’à tort ou à raison, il imaginait être des opposants actifs ou passifs… ». Que cette affirmation de Amadou Diallo ait ou non un fondement, cela ne change rien au fait que l’auteur de La mort de Diallo Telli, sans contrainte, autre que celle que lui a dictée sa conscience, a été amené à dire que les différents complots ourdis en Guinée « ont un fond de réalité », c'est-à-dire ont été réels. Il témoigne ainsi, en le montrant sans détour, avec minutie et application, par la marque de sa propre et réelle participation à un complot. S’agissant de cette participation, il a lui-même – et c’est tout à son honneur – tiré « au clair ce qui fut d’une part la réalité et de l’autre l’affabulation grandiloquente et meurtrière du Chef de l’État guinéen ». Les six premières pages du chapitre, intitulé « Mon arrestation », sont consacrées à cette clarification. Elles sont une remarquable illustration de ce qu’un fils, issu de la chefferie qui sera déchue, est capable de dévouement et… de « générosité », aux dépens des deniers de l’État dont il travaille à la ruine pour assurer le triomphe d’une cause, dont on sait qu’elle s’identifie à l’irrépressible tentative de revanche sur le régime guinéen, de ceux des fils de cette chefferie qui « ne pardonneront jamais à Mr. Sékou Touré d’avoir, en supprimant la chefferie, destitué leurs pères… ». Qu’on ne s’y trompe pas: tout le monde sait – et les adversaires du régime guinéen mieux que quiconque – que c’était aller au suicide, que l’entreprise de ces adversaires était d’avance vouée à l’échec, s’ils engageaient l’épreuve de force de manière frontale, à visage découvert. Et pour cause ! D’importantes réformes politiques et administratives avaient été accomplies par le Conseil de gouvernement de Guinée, sous le régime instauré par la loi-cadre de 1956, notamment la suppression de la chefferie coutumière et la mise en place d’institutions démocratiques pour la conduite des affaires publiques. Sans ces réformes, seraient rendus impossibles, à la fois le choix historique fait par le peuple de Guinée le 28 septembre 1958 et son soutien effectif au régime politique instauré le 2 octobre 1958. Ces réformes ont profondément affecté d’une mutation les rapports structurels existants dans la société guinéenne en général, au Fouta en particulier. Aussi, le profond déséquilibre des rapports de forces qui en a résulté en faveur du nouveau régime explique le fait que les tentatives récurrentes de renversement du régime par des Guinéens, issus de toutes les composantes ethniques de la population, étaient marquées, toutes, du sceau de l’impuissance, de l’échec et du désespoir, et n’avaient quelque chance de réussir que si elles avaient été appuyées du secours de l’étranger, plus

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précisément des services spéciaux, communément appelés services secrets, des puissances occidentales, la France coloniale en tête. Comme l’implantation des réseaux de ces services a eu lieu dès les premiers temps de l’indépendance, elle a été, de ce fait, faible au départ et inégalement répartie, d’une part entre les quatre régions naturelles du pays et, d’autre part, en leur sein même. La particularité de cette implantation réside en ceci que les services spéciaux, notamment français, le SDECE en particulier, rendaient cette implantation sélective et tributaire du degré d’hostilité au régime guinéen, supposé exister au sein des populations de telle ou telle région naturelle. D’autre part, les directives n’émanant que des états-majors de ces services, ayant tous leur siège à l’extérieur de la Guinée, la règle d’or pratiquée par les réseaux était le secret, la conspiration et le cloisonnement de leurs activités. Voilà pourquoi tous ces participants à ces complots pouvaient vivre dans l’anonymat, une vie parfaitement normale, dans la même ville, dans la même région naturelle de la Guinée, sans se connaître et se faire connaître, sans avoir de contact les uns avec les autres, hormis le cas de régions naturelles où, au fil du temps, l’implantation était devenue progressivement massive et où, pour la conjuration, la chute du régime était devenue inéluctable et imminente. Ce cloisonnement, voulu dans l’organisation et l’activité de ces réseaux, avait été poussé à un si haut degré de perfectionnement que les états-majors des services spéciaux étaient les seuls, ainsi que de rarissimes cadres guinéens expatriés à leur solde, à connaître les cadres guinéens qu’ils avaient recrutés et auxquels ils avaient confié la direction des réseaux à l’intérieur et à l’extérieur de la Guinée. De telle sorte que si le chef d’un réseau ou un agent quelconque de ce réseau venait à être démasqué, sa mise en état d’arrestation ne pouvait mettre en péril l’existence de l’ensemble des réseaux implantés en Guinée. Ceux des guinéens qui, aujourd’hui, préfèrent porter témoignage sur les effets plutôt que sur la cause de la répression, consécutive à la découverte d’un complot, tentent de se donner une virginité, en occultant leur propre participation à une conspiration. La répression, le camp Boiro, c’est forcément la partie visible de l’iceberg. Et le grave défaut de cette visibilité est qu’elle s’accompagne toujours d’une importante charge affective. Sous l’empire de celle-ci, on en vient à perdre de vue que les crimes commis contre l’État guinéen constituent la partie immergée de l’iceberg. De ce fait, elle est celle que les fauteurs de complots sont invariablement plus prompts à rendre sujette à caution. Toute cette floraison d’une « littérature de douleur » n’a qu’un but : masquer, sous l’empire et à la faveur de la douleur produite par la narration de faits atroces, de règlements de compte abominables, que toute conscience réprouve naturellement, le lien étroit qui existe entre l’entreprise destructrice de ceux qui étaient, en vérité et résolument, hostiles à l’indépendance de la Guinée, et la défense résolue et implacable, par le régime guinéen, de cette indépendance. Ils sont rares ceux qui, une fois démasqués, puis ayant recouvré la liberté, ont eu le courage et l’honnêteté de reconnaître leur participation à un complot et, partant,

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la pertinence de leur mise en état d’arrestation et du châtiment qui leur a été infligé. Cela permet à cette « littérature de douleur » d’être, par excellence, une littérature de la dénégation et aussi de la condamnation du régime guinéen. Parce que réflexion faite, il est plus facile, mais moins honorable, de dénoncer, après coup, par la parole ou l’écriture, les bavures d’un régime ; il est plus facile de ne pouvoir compter que sur le secours de l’étranger, pour tenter d’abattre le régime guinéen, au lieu de pouvoir compter sur ses propres forces. Par contre, il est de notoriété publique qu’aucun opposant au régime guinéen n’a jamais fait état d’un palmarès de succès remportés dans sa lutte contre ce régime ; aucun adversaire du régime guinéen, face aux échecs répétés de tous les complots, au lieu de s’entêter dans une stérile conjuration, n’a jamais osé poser l’ultime acte héroïque, seul capable d’abattre le régime guinéen, un régime qui aurait, bien entendu, perdu le soutien du peuple : prendre le maquis et organiser la lutte armée, sur le terrain, en Guinée ». Cette longue citation d’un ancien prisonnier du Camp Boiro prouve à suffisance que certains cadres emprisonnés étaient de bonne foi dans leur opposition au régime de la première République. Ceux qui ont persisté à le combattre le faisaient pour d’autres raisons. « La Guinée d’Ahmed Sékou Touré (1959-1984) : pourquoi la prison au sein du Camp Boiro a existé ? » -voilà un ouvrage qui perce l’abcès en le vidant de son contenu visqueux et nauséabond. C’est un ouvrage qui va dans les détails pour informer tous et chacun sur ce que l’histoire contemporaine de notre pays nous enseigne, sur le rôle de chacun et de tous. C’est un livre qui répond à la question de savoir pourquoi la prison au sein du camp Boiro a existé, pourquoi et pour quelle raison, ceci, sans dire ni plus ni moins C’est un livre à lire et à garder comme livre de chevet. Tous les lettrés ne sont pas des intellectuels. Cet ouvrage-là, c’est pour l’usage des intellectuels vrais. Entende qui a des oreilles, comme dirait Mathieu Oussia Boiro. Qui se sent morveux se mouche.

Kamsar, le 05 juin 2013 Kaïmba KONDE Administrateur civil (à la retraite)

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En guise d’avant- propos

Conakry, le 21 juillet 2013

Mon cher ami, Je voudrais d’abord te souhaiter un prompt retour du Maroc, bien rétabli et en forme pour mener victorieusement ton combat pour « la réconciliation nationale sur la base de la vérité historique et de la justice ». Je te fais tenir l’exemplaire de ton manuscrit que tu m’avais remis pour « lecture sévère » avant mon retour en France après un agréable séjour dans ton beau pays. En plus des annotations portées en marge ou sur la page de gauche, voici mon appréciation sur l’ensemble du travail. Dans l’avertissement, tu dis répondre aux demandes de jeunes lecteurs te pressant d’être plus pédagogique. Je ne sais pas ce qu’ils entendent par là et donc si tu as réussi. Mais pour moi qui connais un peu les événements pour avoir séjourné en Guinée entre 1970 et 1984, m’être intéressé à la vie politique, avoir assisté à certaines manifestations nationales, et t’avoir souvent lu, il m’apparaît clairement que ce travail est vraiment la deuxième édition, mieux présentée et enrichie d’informations nouvelles, de tes premières recherches sur les complots contre la Guinée entre 1959 et 1984. Il m’apparaît clairement aussi que tu fais ressortir la continuité de l’entreprise : se débarrasser à tout prix de Sékou Touré et du PDG-RDA, son parti libérateur. Les complots ne sont pas séparés les uns des autres ; c’est tout un enchaînement au long de ce quart de siècle de l’existence de la Première République dès la proclamation de l’indépendance jusqu’à la mort du Président. Tu expliques les raisons de cet acharnement de la France, de ses alliés et des Guinéens dont certains étaient vraiment des traîtres à leur patrie. Cette situation de pays en état de siège, intérieur et extérieur, est une des causes du frein mis au développement de ton pays. Peut-être faudrait-il que ce soit développé, mais bien sûr ça entraînerait trop loin. Et c’est pourquoi il y a longtemps que je déplore que personne des intellectuels guinéens ne se soit attaché à mettre à jour (en évidence) les

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réalisations de la Première République. Malgré l’accumulation de difficultés. Parce qu’enfin, il y a bien eu des acquis par rapport à la situation coloniale. Il est vrai que la disparition des archives importantes que tu signales vient compliquer la recherche et l’établissement de ses acquis. Ce qui épouvante cette lecture, c’est de prendre conscience de l’ampleur des trahisons, à l’intérieur du gouvernement et du PDG. Il y a une analyse à faire que je qualifierais volontiers de sociologique pour expliquer l’acharnement de certaines couches sociales contre le gouvernement. Tout un chacun voulant s’emparer du Pouvoir et de l’Économie. Et le peuple n’étant pas leur préoccupation première. Quant à toi, tout se passe comme si tu avais fait le serment de consacrer tes capacités de recherche à découvrir, à expliciter, à mettre en évidence des réalités que d’aucuns persistent à occulter et à nier. En ce sens, l’interview de l’officier portugais est un chef-d’œuvre. En arrivant là de ma réflexion (et sans doute parce que je ne suis pas aussi optimiste que toi), je me dis qu’ils sont nombreux en vie, et au plus haut niveau, ceux qui ne parleront pas. Et je ne sais pas si l’actuel Président œuvrera pour que se tiennent ces assises de la vérité et de la réconciliation. Et les années passeront, les protagonistes disparaîtront et l’oubli se fera, Mais il n’empêche qu’il te faut continuer ce combat impérativement. Une question : qu’est-ce que ça a donné en Afrique du Sud, ces assises ? Mais la situation était différente ; c’était plus un problème raciste, Noirs contre Blancs. Mais tout de même social et économique. Y croire ou ne pas y croire, « la lutte des classes » est une réalité, un fait social (et pas un objet de croyance). Qu’elle se présente sous des formes différentes, au cours du temps dans les différentes civilisations et sociétés, sous toutes les latitudes. Depuis le début de la formation des groupes humains. Pour ce qui est du combat que tu mènes, je me dis que tu auras peut-être donné à quelques-uns (ou unes) le goût des études historiques puisqu’un jour les ARCHIVES s’ouvriront et qu’on pourra enfin comprendre tous les événements. Donc tu travailles pour la postérité et c’est une lourde responsabilité…Je suis certain que tu le sais. Même si je pense que tout cela est d’un point de vue politique, s’y mêle par la force des choses un point de vue très subjectif : j’ai pratiqué le Président Ahmed Sékou Touré et j’ai de l’estime pour lui, pour ce qu’il a fait pour son pays et pour l’Afrique malgré toutes les difficultés qui lui ont été créées. Sékou Touré doit être rétabli dans sa GRANDEUR. Il fut un homme politique d’envergure. À part son ami de combat Kwamé Nkrumah, aucun chef d’État africain n’a pu l’égaler jusqu’à présent. Il fut un génie politique. C’est à travers tes travaux qu’on peut le comprendre. Et tous ces nains, qu’ils soient guinéens ou français ou autres, devront s’y faire. Aucun responsable africain n’aurait résisté à tant d’assauts.

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Et il ne s’agit pas de culte de la personnalité, mais de l’analyse des événements dans leur déroulement. Et ici, je fais allusion à la façon dont le PDG-RDA et uniquement par les urnes (et pas par les armes) a conquis le pouvoir… jusqu’à la semi-autonomie avec la réforme la plus emblématique qu’a été la suppression de la chefferie de canton sur toute l’étendue du territoire. Et c’est bien ce processus, au fil de quelques années, qui a pu conduire Sékou Touré et la Guinée à dire non à De Gaulle et à faire proclamer l’indépendance à une écrasante majorité. Rappelle-toi (ce qu’a rapporté Suret-Canale) comment Sékou Touré a été en froid avec Khrouchtchev qui estimait qu’il avait eu tort de proclamer l’indépendance ! Belle preuve que ce chef d’État soviétique ne connaissait rien à la façon dont s’était déroulée toute cette maturation politique dont il faudra bien reconnaître que Sékou Touré y était pour beaucoup (je n’oublie pas les autres camarades, les Saïfoulaye Diallo, Lansana Béavogui, Mafory Bangoura, etc. que j’ai connus et pratiqués pendant mon premier séjour en Guinée). Et l’indépendance, les gens du BAG et autres partis espéraient bien s’en emparer à leur profit. D’où leur allégeance, leur alliance avec les dirigeants de cette France colonisatrice qui n’acceptait pas sa défaite et la trahison de certains Guinéens. Et Sékou Touré les a tenus en échec un quart de siècle. Merci encore pour ton travail, merci de l’amitié et de l’honneur que tu me fais. Mes amitiés à la maisonnée.

Jean-Jacques de Vern

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Avertissement

« Allons-nous rejeter tous les historiens dont la vision et les conclusions seraient différentes des nôtres ? Position intenable ». André Picciola « Nous refusons de jeter un regard critique sur notre histoire, même récente, c’est pourquoi nous n’avons pas l’intelligence du présent et nous ne pouvons pas projeter dans l’avenir ». Sidiki Kobélé Keita

Pourquoi le titre de cet ouvrage ? Parce qu’il n’y a pas de fumée sans feu. La prison politique au sein du camp de la Garde Républicaine a une histoire: contrairement à ce qu’affirment ses ennemis historiques, elle n’a pas été «créée pour broyer les opposants réels ou supposés » de Sékou Touré. Après avoir été aménagée pour recevoir provisoirement les navétanes devant retourner dans leurs villages avec les moyens de production commandés à l’étranger, la zone du camp de la Garde républicaine retenue pour ce projet a fini par comporter des « cellules construites vers les années 1960 par Fodéba Keita »(1) et par devenir une prison où on enferma des Guinéens et des étrangers accusés d’avoir participé à des complots ou mouvements subversifs organisés contre la Guinée sous la Première République , même si tous ceux qui y ont été emprisonnés n’étaient pas tous des comploteurs. L’ensemble du camp a fini par s’appeler Camp Boiro après l’Agression du 22 novembre 1970 contre la Guinée, du nom de l’inspecteur de Police Mamadou Boiro, jeté, le 26 février 1969, de 2000 m d’altitude, après avoir été assassiné, par des militaires accusés de complot Kaman-Fodéba, militaires qu’il convoyait à Conakry. C’est dire que la prison a fini par exister au sein du camp Boiro parce qu’il y a eu des complots et des mouvements subversifs contre la Guinée. La liaison dialectique est évidente. 1

CMRN. Commission de rédaction du Livre Blanc.op .cit. Fodéba Keita, né le 19 février 1921, instituteur, fondateur des ballets africains, ministre dans divers gouvernements guinéens entre 1957-1969. Selon Jean Suret-Canale « c’est lui qui avait monté l’appareil répressif …dont il a été ensuite luimême victime » (Pascal Bianchini. Suret-Canale de la Résistance à l’anti-colonialisme. Paris, l’esprit frappeur, 2011, p.102. Selon Maurice Robert, le « ministre de l’Intérieur Keita Fodéba, un homme d’une férocité extraordinaire », p.110

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Tant que la pénible situation qu’a vécue le peuple de Guinée de 1958 à 1984 n’a pas été éclaircie, nous continuerons à le faire en publiant des ouvrages de caractère documentaire pour mettre les Guinéens au même niveau d’information actualisée. C’est pourquoi devant l’intensification de la campagne de négation ou de falsification des faits historiques établis, organisée à travers des ouvrages et des interviews radiophoniques et télévisuelles mensongères et indigestes, de nombreux lecteurs, surtout des jeunes de la diaspora qui n’ont pas vécu les faits incriminés, nous ont demandé, et nous l’avons accepté, de faire le point des témoignages accessibles sur la réalité et l’authenticité desdits complots, à l’origine de l’arrestation de Guinéens et d’étrangers. Ils insistent particulièrement sur l’actualisation et la nécessité de donner plus de précisions sur les faits déjà analysés dans nos précédents ouvrages. « Je vous ai beaucoup lu et je dois reconnaître que j’ai beaucoup appris en vous lisant sur l’histoire récente de notre pays. Vos écrits ont véritablement un caractère scientifique. Vous m’avez ainsi permis d’aller aux sources que vous indiquez dans vos écrits, pour vérification. Ceux qui ont abordé ou abordent les mêmes problèmes ne nous parlent que de règlements de compte, de dénonciations calomnieuses, de torture. Sans exclure le règlement de comptes, vous démontrez que ce sont les complots qui ont provoqué tout cela. J’ai aussi lu, sur certains sites, vos propositions pour la solution des différents contentieux. La réaction du Doyen Bah de France à cette proposition m’a également plu. Je comprends mieux à présent les raisons de l’hostilité dont vous êtes injustement victime. L’édition que nous vous demandons, et qui sera la deuxième de toutes vos premières publications sur les complots, mes camarades et moi, doit mieux présenter les différentes opérations de déstabilisation dénoncées contre la Guinée entre 1958 et 1984, surtout celles abordées dans « Des complots contre la Guinée d’Ahmed Sékou Touré (1958 et 1984) » ; elle doit donc être plus complète parce qu’actualisée; avoir un caractère pédagogique afin de permettre à ceux qui ne connaissent que partiellement ou partialement les faits qui se sont passés sous la Première République soient en mesure de participer effectivement à tout éventuel débat sur ce que vous appelez les « contentieux » de la Première République. Nous tenons d’autant plus à cette édition que nous sommes quelque peu déçus d’avoir constaté au Salon du livre à Paris que l’Harmattan- Guinée ne présente que des ouvrages qui critiquent la Première République ; des témoignages très subjectifs et parfois apparemment très mensongers. Nous pensons que ce que vous nous avez rapporté au cours de notre dernière rencontre soit la vraie raison: «L’Harmattan-Guinée ne publie que ce qu’il reçoit et il ne reçoit que de tels écrits ». Un vrai ghetto littéraire risque de s’imposer en Guinée, une littérature de vengeance » (2).

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Berlin-Paris, le 28 septembre 2012.Almamy Amadou Camara. Dossier Entretiens avec des jeunes guinéens au cours de mon séjour en Allemagne-France du 15 septembre au 14 décembre 2012.

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C’est que la première édition Des complots contre la Guinée de Sékou Touré (1958-1984), par exemple, publiée en mai 2002 par la SOGUIDIP-Conakry avait eu un tel succès que mille exemplaires avaient été volés dans les magasins de l’éditeur et rapidement vendus par des commerçants ambulants véreux; elle nous avait même valu un procès injuste retentissant qui nous avait été injustement imposé par madame Aminata Barry et qui avait participé à la popularité de cette édition. « Un procès » qualifié à l’époque de « stupide », par Ba Mamadou qui nous reprocha de ne l’avoir pas cité comme témoin puisque c’est son nom que nous avions cité dans notre ouvrage incriminé. Mieux : un ancien prisonnier du camp de la Garde républicaine, l’avocat Ibrahima Fofana, arrêté dans le cadre des « Menées subversives des enseignants et des marxistes en 1961 », qui avait purgé la peine de cinq ans qui lui avait été infligée (7 décembre 1961-2 octobre 1966), n’avait pas hésité à publier, en février 2003, une brochure imprimée de 57 pages intitulée « Lettres à Sidiki Kobélé Keïta , historien, à propos Des Complots contre la Guinée d’Ahmed Sékou Touré(1958-1984 » dans lesquelles il nous approuvait et nous encourageait à poursuivre le travail de recherches documentaires sur les complots dénoncés à cette époque . Les contentieux nés de ces complots n’ ayant toujours pas fait l’objet de débat national, public et contradictoire afin d’établir la vérité historique et face à différentes tentatives de noyer cette vérité , nous sommes déterminés , quoi qu’il nous en coûte , à nous atteler à ce travail scientifique souhaité par des citoyens afin de rendre plus claire et plus précise notre approche , de continuer à mettre les Guinéens au même niveau d’information documentaire ; la perception « affabulatrice » de certains autres Guinéens qui se font passer aujourd’hui pour des héros ayant tendu depuis le 3avril 1984 à tronquer des faits pourtant avérés et à se « blanchir » doit être démentie par des témoignages vérifiables. En effet, n’eussent été les aveux et témoignages des acteurs , instigateurs et agents des services spéciaux étrangers , et de certains Guinéens qui ont eu le courage de s’assumer, les négationnistes desdits complots auraient réussi à nous imposer leur point de vue et à convaincre les naïfs que toutes les actions de déstabilisation organisées et dénoncées sous la première République et dont les conséquences sont à l’origine de l’anarchie et du pourrissement politique que nous vivons depuis le 3 avril 1984 sont fausses , inventées par Sékou Touré pour éliminer des adversaires politiques. Ils continuent, malgré tout, à s’opposer à tout débat public contradictoire sur les faits incriminés, parce que depuis le 3 avril 1984, le Guinéen fuit la vérité et préfère vivre dans le mensonge. Aidée en cela par Radio France Internationale (RFI) qui profite de toute occasion pour nous abreuver de mensonges alors que des documents français contredissent ses journalistes qualifiés souvent par nombre d’auditeurs guinéens de journalistes alimentaires ou d’espions officieux ou de «nouveaux genres »dont certains avaient été éliminés par le Président Mobuto quand il finit par en découvrir.

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Or, comme pour reprendre Ernest Nolte, 1958-1984 est « un passé qui ne veut pas passer ». Il continue à être le nôtre. C’est dire que tant que nous continuerons à refuser ce débat, à payer des journalistes pour falsifier des faits avérés parce qu’avoués par des services secrets occidentaux, les confusionnistes et les haineux auront beau jeu de continuer leur sale besogne : diviser les Guinéens en nous abreuvant de mensonges. On a beau organiser des séances de lecture du Coran ou de la Bible, des concerts de musique, des carnavals, des réunions-spectacles au Palais du Peuple, des marches pour la paix, diffuser des sermons ou homélies contradictoires et parfois inutiles ou produire des CD sur l’unité, la paix, nous perdrons certainement le temps, nous gaspillerons sûrement de l’argent qu’on aurait pu utiliser pour la tenue de ce débat, mais les Guinéens ne se réconcilieront pas. D’autant que des structures associatives nationales et internationales financées par des pays impliqués non seulement nous divisent , mais empêchent le renforcement de toute action qui unit les Guinéens ; elles s’agitent à travers des séminaires et ateliers qui ne sont d’aucun intérêt ; c’est pourquoi elles militent effectivement contre ce débat en suggérant des réhabilitations furtives et le payement de « compensations financières» qu’elles se partageraient avec ceux qui s’affirment plus victimes que la famille de Mamadou Boiro, que les 365 personnes assassinées et les centaines de blessés par les agresseurs du 22 novembre 1970,etc. Par ailleurs, ce travail d’actualisation et de mise à jour des témoignages et aveux nous semble d’autant plus utile que la Guinée est le seul pays où ceux qui se disent victimes continuent à avoir peur d’en savoir un peu plus sur ce qui s’est réellement passé, savoir pourquoi des Guinéens ont été arrêtés, condamnés et d’autres exécutés ou libérés à l’expiration de leur peine ?Pourquoi leurs parents membres du Bureau Politique National du PDG, ministres, ambassadeurs, gouverneurs, préfets, etc., ont été victimes du système répressif qu’ils avaient mis en place et avaient fini par en être victimes ? Pourquoi deux seuls des anciens prisonniers du camp Boiro, Jean-Faragué Tounkara et Ibrahima Fofana, ont révélé et reconnu la cause véritable et le bien-fondé de leur arrestation ? Il est même regrettable que l’attitude de Jean-Faragué Tounkara ait provoqué l’expulsion de ses enfants de l’ « association des victimes du camp Boiro » dont la ligne de bataille est que tous les complots sont faux. Or, de même qu’aucun enfant ne peut et ne doit répondre des actes de ses parents, de même aucun enfant ne doit se charger de défendre à tout prix le comportement de ses parents : ils n’ont pas vécu les contradictions qui ont pu opposer ceux-ci à d’autres personnes. Seule la répression, conséquence des opérations de déstabilisation dénoncées, est mise en exergue et condamnée, alors que des faits de trahison et de collusion avec l’ennemi -, en l’occurrence la France, ancienne puissance coloniale et le Portugal, qui agressait déjà la Guinée par les frontières -, et qui

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sont à la base des arrestations ne font l’objet d’aucune analyse, s’ils ne sont pas niés. On ne se pose jamais la question de savoir pourquoi certains qui n’étaient pas inquiétés et qui n’avaient rien à se reprocher avaient fui leur bureau pour se voir coincés à la frontière. En un mot pourquoi le camp Boiro a existé ? Au lieu de ces questions, la plupart des anciens prisonniers se contentent, depuis le 3 avril 1984, de dire ou d’écrire: « Voici ce qui se passait au Camp Boiro ».Ils ne disent jamais pourquoi ils furent envoyés dans la prison de ce camp et quand ils le disent, ils se complaisent dans le mensonge. Mais deux faits continuent à choquer particulièrement certains Guinéens et des observateurs étrangers :tous ceux des anciens prisonniers qui ont écrit ne l’ont fait qu’après le 3 avril 1984 et même récemment, c’est -à- dire quand ceux qui peuvent les contredire ont été assassinés par les auteurs du coup d’État du 3 avril 1984 ou sont décédés depuis lors; aucun de ceux qui ont été libérés avant 1984 n’est sorti à l’étranger du vivant des leaders incriminés pour livrer ses témoignages à travers des ouvrages, sauf Jean Paul Alata (3).Le deuxième reproche est qu’on ne parle jamais des vraies victimes de ces complots, ceux qui en ont souffert dans leur chair et perdu leur vie ; on fête la journée du 25 janvier 1971 sans en expliquer la cause. On estime même normal, par exemple, que les 365 Guinéens aient été assassinés par des agresseurs du 22 novembre 1970 ; mais on n’hésite pas à affirmer publiquement que rien ne justifie l’exécution par pendaison de ceux qui ont été accusés à tort ou à raison d’avoir favorisé cesassassinats. Heureusement que l’accord est unanime aujourd’hui pour soutenir que c’est le « non » de la Guinée le 28 septembre 1958 avec l’effondrement de l’ Empire colonial français et le soutien multiforme du peuple de Guinée aux mouvements africains de libération nationale qui sont à l’origine du malheur de la Guinée, la cause fondamentale de tous les complots ourdis contre elle par la France et le Portugal, aidés de leurs alliés avec utilisation effective de certains Guinéens qui se prétendaient opposants. L’abondante documentation faite d’aveux et de témoignages écrits ou parus sous forme de films, le confirme ; certains excités et experts en mensonge ont même fini par reconnaître du bout des lèvres, il est vrai, la véracité et la réalité des complots dénoncés, cause réelle de l’emprisonnement de certains Guinéens au Camp Boiro ou dans d’autres prisons « politiques » par les autorités guinéennes de la première République. On n’a pas besoin d’être un grand chercheur pour savoir que participer à ces complots, c’était aller à l’aventure. Or, comme l’a dit l’ancien ministre Alioune Dramé devant le Tribunal Suprême chargé de juger les accusés du 22 novembre 3

Jean Paul Alata, fonctionnaire français, naturalisé guinéen par décret n° 234 du 23 août 1960, a milité dans la DSG jusqu’en 1958, inspecteur général des finances. Prison d’Afrique, 5 ans dans les geôles de Guinée. Paris, éd. Seuil, 1976.

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1970, « aller à l’aventure, c’est jouer quitte ou double : on gagne totalement ou on perd totalement ». Cette évidence est niée par ceux-là que la vérité gêne et qui estiment que la posture de trahison est normale. Or, comme dit Sénèque, « le mal est sans remède quand les vices se sont changés en mœurs » (4). Voilà pourquoi la réconciliation sur la base de la vérité et de la justice paraît difficile.

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Sénèque.Lettre XXXIX.

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Chapitre I Nécessité de collecte de témoignages et d’approfondissement de la recherche documentaire

L’étude de notre histoire doit avoir un caractère démonstratif. Or, certains se contentent d’affirmations et de qualificatifs mensongers, d’injures grossières dès l’instant que vous rejetez leurs argumentaires subjectifs. Or, comme l’affirme Hervé Bourges, « rien n’est pire que le mensonge ; rien n’est pire, dans une démocratie, que de vouloir cacher les choses». Sidiki Kobélé Keita

Une recherche efficiente suppose une bonne documentation. Or, le drame de notre pays procède de ce que le Comité Militaire de Redressement National(CMRN) et ses gouvernements successifs (1984-2008),outre le fait qu’ils ont liquidé diverses infrastructures, l’industrie nationale naissante laissée par la Première République en les bazardant et en abandonnant la politique de substitution aux importations , sous la pression du FMI, mais il a détruit aussi le patrimoine documentaire national qui aurait pu nous aider à mieux lire objectivement cette période: les archives de la Présidence de la République, celles, essentielles, d’Ahmed Sékou Touré, du Secrétariat Permanent du Bureau Politique du PDG-RDA, des services de Sécurité, des départements ministériels , du camp Boiro et des autres prisons politiques, des différentes unités de production, des archives scolaires et universitaires, etc. Ce crime culturel n’a fait l’objet d’aucune explication, d’aucune plainte. Le même problème se poserait aux archives de la RTG où nombre de fourreaux de films sur les évènements de la première République ont été vidés de leurs contenus. Heureusement que d’autres archives écrites existent : sans elles la tentative de falsifier l’histoire récente de notre pays aurait réussi, parce qu’il aurait été presque impossible de prouver la réalité et la véracité des complots, par exemple. Cette situation était d’autant plus critique que l’ Armée a pris le pouvoir sans aucun objectif de développement sérieux , sans aucune vision, donc sans aucun plan de développement ; elle a compté sur l’opposition intérieure et extérieure d’où le discours du 22 décembre 1985 lu par le président Lansana Conté, mais rédigé par une équipe d’opposants dirigée par Jean Claude Diallo, secrétaire d’État aux Guinéens de l’étranger qui a coopté des éléments de la

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diaspora dont le plus déterminé Ba Mamadou ; l’équipe était encadrée par le « marabout blanc », Bernard Vatrican, conseiller français du Président de la République ; cette opposition s’est associée avec l’occident dont l’objectif était de faire disparaître toute trace de réalisation de la première République parc que faite avec l’ aide du monde socialiste: d’ou les mesures radicales prises sur le plan économique et financier, le renvoi des travailleurs avec les conséquences humaines dramatiques, la privatisation des banques et la disparition des fonds de la Banque Centrale avec la confiscation de tous les avoirs des clients, la dilapidation des richesses naturelles et le développement de la corruption entretenus « par un État mafieux sous la houlette de militaires corrompus , autistes et incapables de sortir la population de sa misère », affirme, à juste titre, François Soudan (5); le comble c’est que le bilan de l’ ajustements structurel qui couronne cette politique de destruction qu’organisa et que dirigea la Banque Mondiale n’est toujours pas fait. C’est pourquoi, en attendant de retrouver, de regrouper et d’analyser toutes les sources détruites et d’avoir accès aux archives nationales de certains pays ou de certains services étrangers particulièrement français et portugais, nous avons procédé au signalement de certains documents étrangers pour éviter que l’on doute de l’authenticité et de la validité des renseignements donnés ;ils sont à lire ou à visionner pour se faire une idée plus conforme à la réalité historique vécue par le Peuple de Guinée et aux difficultés qu’il a eu à surmonter pour garder sa verticalité et sa dignité de peuple libre et souverain de 1958 à 1984. Depuis le 3 avril 1984, tout a été fait et tout est encore fait pour que la majorité des Guinéens ne les connaisse pas. Or, les publications et témoignages de la plupart des anciens prisonniers procèdent de simples allégations ; les faits allégués auraient tous eu lieu au sein de cette prison. Or, l’identité d’aucun tortionnaire que l’on pourrait interroger n’est citée dans ces documents. Une conspiration du silence règne sur ce qui a pu amener précisément tel à se trouver dans cette prison plutôt que tel autre. Seuls Jean-Faragué Tounkara et l’avocat Ibrahima Fofana ont reconnu la raison et le bien-fondé de leur arrestation. Alors convaincu que la prison du camp Boiro n’ a pas été créée sans raison et du fait que presque tous les anciens prisonniers guinéens et étrangers continuent à nier la réalité des complots, cause véritable de la création de cette prison, nous avons décidé d’approfondir nos recherches documentaires dans notre quête de vérité, de déceler et d’analyser plus d’aveux et de témoignages des acteurs étrangers et des mercenaires qui ont organisé ou participé à ces opérations ; nous tenons à aller plus loin dans toutes les recherches menées aussi bien par des spécialistes étrangers que parles Africains. Car, l’étude de l’histoire récente de la Guinée doit avoir un caractère informatif objectif. (5) La Revue, n°35 de septembre 2013.

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C’est pourquoi nous avons enrichi la liste des documents écrits, décrypté les interviews de ceux qui ont organisé ou participé à ces complots, signalé des films documentaires facilement accessibles à la consultation et dont les auteurs ont plus ou moins participé aux opérations de déstabilisation contre la Guinée entre 1958 et 1984:

1.-Documents imprimés Général Aussaresse. Je n’ai pas tout dit. Ultimes révélations au service de la France. Entretiens avec Jean-Charles Deniau... Paris, Édition du Rocher, 2008. Général Aussaresse explique, entre autres, pourquoi tout a été tenté pour « déstabiliser » le régime de Sékou Touré et comment tout cela a échoué. Jacques Baulin. La politique africaine d’Houphouët-Boigny, 3e édition. Paris, Édition Eurafor-Presse, 1985. Cet ouvrage, troisième édition du condensé d’une thèse de doctorat en histoire soutenue le 25 juin 1973 par l’auteur, d’origine arménienne et sous son patronyme de Jacques Batmanian, analyse la responsabilité d’HouphouëtBoigny dans la persistance de la « balkanisation » de l’Afrique, dans ses échecs, dans les tentatives de « déstabilisation du régime ghanéen », dans « la mise en quarantaine de la Guinée », la formation et le financement du FLNG, des complots organisés contre la Guinée, dans la désintégration « de l’unité nigériane », « la manipulation des États francophones », « l’OUA (organisation de l’unité africaine), la fin du rêve unitaire ». Conseiller personnel, voire confident du président Houphouët-Boigny, du président Hamani Diori et directeur du centre d’information et de documentation ivoirien à Paris, Jacques Batmanian alias Jacques Baulin a eu accès à d’importantes sources documentaires et participé à nombre d’entretiens privés entre les deux chefs d’État et leurs visiteurs. Son témoignage est donc de première main. La thèse d’où cet ouvrage est extrait porte le titre suivant : Jacques Batmanian, La politique africaine de la Côte-d’Ivoire, de son accession à l’indépendance, à la fin de la guerre civile au Nigeria. Paris, université de ParisI, thèse de doctorat (texte et annexes). Philippe Bernert, SDECE service 7. L’extraordinaire histoire du colonel Le Roy-Finville et de ses clandestins. Paris, Éditions Presse de la cité, 1980. Ce livre révèle les confidences de l’un des maîtres-espions français les plus appréciés des services alliés et des plus redoutés dans les ex-pays socialistes : le colonel Le Roy-Finville. Celui-ci dirigea le service 7, un organisme ultra clandestin du SDECE auquel la grande centrale française d’espionnage dut « 90% de ses résultats ». Philippe Bernert, journaliste-écrivain auquel Le RoyFinville confie ses souvenirs, décrit les services spéciaux, raconte la vie et l’activité des agents d’espionnage français à travers le monde.

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Alpoim Calvaô. De Conakry a o MDLP, dossier secreto. Lisboa, Intervençâo, 1976. Le capitaine Alpoim Calvaô, officier portugais qui a dirigé l’agression du 22 novembre 1970, «Mar verde », nom de code de cette opération contre la Guinée, raconte, dans cet ouvrage en Portugais comment cette opération a été préparée politiquement et militairement, les objectifs assignés aux différents groupes mixtes formés et embarqués le 21 novembre 1970 dans six navires (Orion, Dragon, Cassiopea, Montante, Bombarda et Hidra) , les résultats et les raisons de l’échec partiel de cette agression ; il révèle enfin l’identité de certains assaillants guinéens.

Une bonne partie de l’ouvrage est traduite en français dans le journal Horoya–hebdo, n°2249,21-27 novembre 1976. Le Canard enchaîné, n°28, juin-juillet, 1988.Espionnage, le polar et la manière… Le journal résume, dans ce dossier, les difficultés rencontrées par les services secrets français dans leur fonctionnement. Il décrit leurs activités (victoires et échecs), l’état de leurs relations avec les autres services étrangers (CIA, BND et PIDE) qui avaient fini par s’associer au SDECE contre la Guinée. Patrice Chairoff. Dossier B… comme barbouzes. Paris, Éditions Alain Moreau, 1975. Patrice Chairoff, un ancien agent des polices parallèles où il assuma certaines responsabilités, met à nu, dans ce livre, « des affaires criminelles retentissantes étouffées sur ordre » ; se fondant sur des documents authentiques et des témoignages d’autres agents actifs ou en retraite, il « démontre qu’il existe une France parallèle avec ses structures, son appareil logistique, ses énormes moyens financiers, ses troupes de choc » qui, depuis 1958, sèment la terreur, déstabilisent les régimes étrangers à travers le monde, en particulier dans les anciennes colonies françaises d’Afrique et tuent des dirigeants progressistes, etc. L’auteur précise, à propos de la mission confiée à Jacques Foccart, qu’«après le 13 mai 1958, il apparaît indispensable de faire participer, de gré ou de force, les territoires français d’Afrique à la grande communauté naissante. On ne lésinera pas sur des moyens et l’on n’est pas trop regardant sur les méthodes employées. Le sens de l’intrigue et le goût du secret de Jacques Foccart sont appréciés par la présidence de la République française. Foccart collabore étroitement avec Constantin Melnik, conseiller pour la sécurité et le renseignement auprès du premier ministre, Michel Debré, et avec d’autres membres de cabinets ministériels, les Jacques Patault, administrateur des affaires d’outre-mer, Daniel Pougot, journaliste très proche du SDECE, Alex Prat, chargé des liaisons entre le ministère de l’Intérieur et le service d’action civique, et les inévitables Collet et Morichot-Beaupré, inséparables de l’action de Jacques Foccart en Afrique noire ». Les réseaux Foccart améliorent au fur et à mesure leur implantation, tout en utilisant au passage certains éléments du SDECE, devenus très dociles après l’infiltration d’anciens éléments du Bureau Central de

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Renseignement et d’Actions (BCRA) de la France libre et de quelques « honorables correspondants » comme Antoine Lopez et Robert Dengent, implantés dans des compagnies aériennes. Ginette Cot. « Bénin, dossier de l’agression. Toute la vérité », in Afrique-Asie, n° 138, 27 juin 1977. Ginette Cot présente les conclusions des enquêtes béninoises sur l’agression du 16 janvier 1977. Confirmés par les commissions d’enquêtes internationales, les résultats sont étayés par des preuves irréfutables trouvées dans la caisse d’archives du colonel Gilbert Bourgeaud (alias colonel Maurin, Bob Denard) de l’armée française, conseiller technique à la présidence de la République du Gabon et commandant l’opération aéroportée du 16 janvier 1977 contre le Bénin. Quelles furent les sources et modalités de financement ? Comment se sont effectués le recrutement, la constitution de l’armée des mercenaires, sa formation, le rôle joué par les mercenaires guinéens, etc. ? Telles sont les questions auxquelles répondent les documents.

Mamadou Dia. - Mémoires d’un militant du Tiers-Monde…. Paris, Édition Publisud, 1985. - Lettre d’un vieux militant. Contribution à la révolution démocratique, Dakar. (Imprimé à compte de l’auteur). Le témoignage de Mamadou Dia contenu dans ces deux ouvrages est également important. Dirigeant du bloc démocratique sénégalais (BDS), parlementaire, vice-président du conseil du gouvernement sénégalais jusqu’en décembre 1962, date de son arrestation par Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia a connu Sékou Touré pendant la période de la lutte contre le colonialisme français et a collaboré avec le général Charles de Gaulle à la mise en place de la communauté française. Aussi, le dirigeant guinéen fit-il souvent appel à lui en vue de faciliter la reprise du dialogue entre la France et la Guinée sur un pied d’égalité. L’auteur aborde les complots de 1959 et 1960 à la préparation desquels le Sénégal a servi de base principale, signale la participation de Siradiou. Roger Faligot. Guerre secrète contre la Guinée (In : Sous la direction de Roger Faligot et de Jean Guisnel). Histoire secrète de la IVe République. Paris, Ed. de la découverte, 2006. Roger Faligot explique comment tout a été entrepris de 1958 à 1973 par la France coloniale pour déstabiliser la Guinée, parle des guérillas sur les frontières et explique comment le franc guinéen a été transformé en monnaie de singe par les autorités françaises, comment les services secrets portugais avaient volé au secours du SDECE pour la liquidation définitive du régime guinéen. Roger Faligot et Pascal Krop. La Piscine. Les services secrets français, 19441984.Paris, Éditions du Seuil, 1985. Roger Faligot, écrivain-journaliste, et Pascal Krop, journaliste, après plusieurs années de recherche, retracent « l’histoire globale des services secrets

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français (…) de la libération jusqu’à l’arrivée des socialistes au pouvoir ». Grâce à des documents et aux révélations d’agents secrets, ils ont pu accéder à des informations inédites sur la « Piscine », nom familier du SDECE. Ils permettent ainsi aux lecteurs de pénétrer les labyrinthes de cette importante institution française et de découvrir ses réussites, ses revers, ses structures, son organisation, ses chefs, son action, ses conflits. Les informations sur les opérations tentées contre la Guinée depuis 1958 et sur le bien-fondé de certains passages des dépositions des accusés guinéens se passent de tout commentaire. C’est le lieu de préciser que c’est la publication de cet ouvrage qui a fait disparaître la commission du Livre Blanc mise en place par le CMRN pour démontrer que tous les complots dénoncés sous la Première République étaient inventés par Sékou Touré : tous les membres qui l’avaient lu s’étaient rendu compte qu’on voulait les manipuler alors que les faits historiques sont têtus, par ce que avérés. Jacques Foccart Foccart parle, un entretien avec Philippe Gaillard, t.1 (1995).T.2 (1997). Paris, Éditions Fayard /Jeune Afrique : - Tous les soirs avec De Gaulle. Journal de l’Élysée, t .I. 1965-1967. Mis en forme et annoté par Philippe Gaillard, 1997. - Dans les bottes du Général. Journal de l’Élysée, t. III. 1969-1971. Mis en forme et annoté par Philippe Gaillard et Florence Hachez-Leroy, 1999. - La France pompidolienne. Journal de l’Élysée, t. IV. 1971-1972. Mise en forme et annoté par Philippe Gaillard avec la collaboration de Florence Hachez-Leroy, 2000. - La fin du gaullisme. Journal de l’Élysée, t .V, 1973-1974, 2001. Les archives personnelles de Jacques Foccart, qui sont désormais accessibles, aux Archives nationales de Paris permettent de vérifier ses vérités. Déjà, des témoignages d’officiers des services spéciaux qu’il a utilisés le contredisent sur certains aspects importants de ses « révélations ». On remarquera aussi que Jacques Foccart se montre embarrassé quand il aborde les complots organisés contre la Guinée. Robert Julienne. Vingt ans d’institutions monétaires ouest-africaines, 19551975, Mémoires. Paris, Éditions, L’Harmattan, 1988. Robert Julienne, inspecteur général des Finances, était chargé de la « gestion de la monnaie ouest-africaine » de 1955 à 1975. Acteur dynamique, il livre son témoignage sur le fonctionnement de la zone franc, sur « l’Afrique de l’Ouest francophone pendant les dernières années de la colonisation », « les premières années de vie des nouveaux États », « certains problèmes controversés, comme les débuts de l’indépendance guinéenne, les grandes concertations qui ont abouti à la création de l’Union monétaire ouestafricaine », etc.

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Pierre Lunel. Bob Denard, le roi de fortune. Paris, Édition n° 1, 1992. Bob Denard, le célèbre mercenaire français, confie à l’écrivain Pierre Lunel, l’essentiel de ses exploits à travers le monde en insistant sur ses victoires et ses échecs en Afrique, continent qui « reste le terrain de prédilection des mercenaires, et pour lui particulièrement, le champ d’actions privilégiées ». Le même Bob Denard est l’auteur d’un livre intitulé : Bob Denard, Corsaire de la République. Paris, Éditions Robert Laffont, 1998. Il reprend et précise dans ce livre toutes les actions de déstabilisation qu’il a organisées de par le monde. Constantin Melnik. Un espion dans le siècle. La diagonale du double. Paris, Plon, 1994. L’auteur parle du complot « Charogne », 1960, du mécontentement du général de Gaulle suite à l’échec de l’opération et de la volonté de Jacques Foccart de renverser Sékou Touré. Pierre Messmer. Après tant de batailles. Mémoires. Paris, Éditions Albin Michel, 1992. Pierre Messmer évoque une partie de sa vie de soldat (1940-1945), d’administrateur des colonies (1946-1959), de ministre des Armées (1960-1969) et de premier ministre de Georges Pompidou (1972-1974). À propos de « la fin de l’Afrique occidentale française », il assume, en termes non équivoques, sa part de responsabilité dans les mesures de représailles prises contre la Guinée au lendemain du référendum du 28 septembre 1958 : transfert frauduleux du stock de francs CFA à Dakar, retrait des fonctionnaires français ; il déroute les enseignants revenant des vacances et un bateau de vivres vers les autres colonies de l’Afrique de l’Ouest qui ont voté « oui ». Les Blancs s’en vont. Récits de décolonisation. Paris, Éditions Albin

Michel, 1998. Comme l’indique le sous-titre, ce sont des récits de décolonisation et les réflexions de l’auteur sur la situation propice à la recolonisation du continent ; il évoque le cas guinéen et parle de Sékou Touré avec lequel, affirme-t-il, il entretenait des relations exécrables. Il explique pourquoi Jacques Foccart a monté les premiers complots (1959-1960) contre la Guinée. Pourquoi l’échec de l’opposition hétéroclite contre Sékou Touré. Sa déception devant l’échec des complots. Myriam Makéba et James Hall. Une voix pour l’Afrique. Abidjan-DakarLomé, Les Novelles éditions africaines, 1988. L’ouvrage est une autobiographie dans laquelle Myriam Makéba parle de sa vie difficile et mouvementée de chanteuse nationaliste d’abord en Afrique du sud et dans certains pays, depuis son exile, du combat qu’elle a mené contre l’apartheid. Pour ce qui concerne la Guinée, elle parle de l’accueil militant et amical qu’elle y a reçu, de l’affection et de la considération dont elle était entourée. Elle

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donne son témoignage du sacrifice consenti par le peuple de Guinée en faveur des mouvements de libération nationale africains ; elle disposa non seulement des documents officiels de la Guinée, mais elle fit partie de sa délégation à l’ONU, où elle a été chargée de lire au cours d’une session de l’assemblée générale les discours de la Guinée portant sur divers problèmes dont la condamnation de l’Apartheid. Elle a même été victime de la mésentente Sénégal-Guinée : invitée au Sénégal pour quatre représentations, elle n’a pu faire la troisième, ayant été expulsée pour avoir chanté des chansons guinéennes. Invitée une seconde fois par un groupe d’artistes sénégalais, « à peine descendue de l’avion que l’on me tend une lettre signée du Premier ministre Abdou Diouf, qui vient d’être élu, dit que j’ai été déclarée persona non grata au Sénégal. Je n’ai pas le droit de quitter l’aéroport ». Elle a enfin été témoin d’un certain nombre d’opérations de déstabilisation contre la Guinée : l’attentat de Tidjane Keita en juin 1969, l’agression du 22 novembre 1970, l’attentat à la grenade le 14 mai 1980 au Palais du Peuple, le coup d’État du 3 avril 1984. Pierre Péan. L’Homme de l’ombre. Éléments d’une enquête autour de Jacques Foccart. Paris, Éditions Fayard, 1990. Qui est Foccart ? Quel rôle a-t-il joué auprès du général de Gaulle depuis la Seconde Guerre mondiale, au sein de la résistance, du Rassemblement du peuple français (RPF), des services spéciaux et en qualité de secrétaire général de la communauté et des Affaires africaines ? Voilà les questions auxquelles Pierre Péan, journaliste-écrivain, tente de répondre après plusieurs années d’enquête. Alain Peyrefitte. C’était de Gaulle. t.II. La France reprend sa place dans le monde. Paris, Éditions de Fallois/Fayard, 1997. Cet ouvrage d’un autre proche collaborateur du général de Gaulle comporte également des informations utiles sur la période 1962-1963, des relations francoguinéennes. Maurice Robert. « Ministre » de l’Afrique. Entretiens avec André Renault. Paris, Seuil, 2004. Un témoignage capital. Le colonel Maurice Rober parle d’abord de son recrutement au SDECE, où il effectue plusieurs stages avant d’être nommé comme chef du sous-secteur Afrique de ce service à Paris ; il est ensuite affecté à Dakar comme chef de Poste de l’Afrique de l’Ouest avec siège à Dakar couvrant la Guinée, les colonies lusophones, anglaises et portugaises ; il rejoint son service en 1955 et explique comment s’est effectué le recrutement des Guinéens à Dakar par le SDECE. II évoque sa première mission en 1956-1958 à travers les territoires de son ressort, le voyage du général de Gaulle le 25 août 1958 en Guinée qu’il avait déconseillé, cite les Peuls parmi les opposants irréductibles de Sékou Touré, expose le plan de déstabilisation de la Guinée établi en 1959 et décrit les actions de déstabilisation engagées contre ce pays ; il

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parle de l’introduction de la fausse monnaie en Guinée, de la création d’un maquis au Fouta-Djalon, de son affectation à Paris comme Directeur du secteur Afrique du SDECE ; il précise le rôle d’Houphouët-Boigny et de Léopold Sedar Senghor, etc., dans cette lutte acharnée contre Ahmed Sékou Touré et la Guinée. Jean Seignard. Un week-end à Conakry. Paris, L’Harmattan, 1990. « Maintenant que Sékou Touré est mort, je peux dire ce que je sais sur un événement qui s’est déroulé en Guinée en 1970 ». C’est par cette phrase que s’ouvre le témoignage romancé de Jean Seignard sur l’agression du 22 novembre 1970 contre la Guinée. Jean Seignard est un marin pêcheur qui aurait sillonné les mers africaines et parcouru le continent « en tous sens au volant d’un camion ». Il raconte, dans Un week-end à Conakry :

-Comment, un aventurier, Jean Marie Lecorre, à la recherche d’un trésor aurait été amené à transporter par bateau les armes et une partie des mercenaires guinéens qui ont participé, en compagnie de militaires portugais, à l’agression du 22 novembre 1970 contre la Guinée. -Pourquoi cette opération a échoué et quelles en furent les conséquences ? Georges Starckmann. Noir Canon, mémoires d’un marchand d’armes. Paris, Éditions Pierre Belfond, 1992. Georges Starckmann, agent secret français (nom de code, Geost), évoque ses trente ans de vie de marchand d’armes à travers le monde et son rôle dans les préparatifs de l’opération de 1970 contre la Guinée -Conakry et le parti africain pour l’indépendance de la Guinée portugaise et des îles du Cap-Vert (PAIGC). M. X et Patrick Pesnot. Les dessous de la Françafrique. Paris, Nouveau Monde, 2008. Le chapitre VI intitulé : « L’homme à abattre » est particulièrement intéressant dans lequel l’auteur explique que « tout sera mis en œuvre pour se débarrasser de Sékou Touré », mais en vain.

2.-Interviews d’acteurs En plus de ces écrits et films facilement consultables, l’auteur a eu la chance d’interviewer, Le capitaine Alpoim Calvaô, le 10 août 2004 Bissau (annexe 1). Le mercenaire Alpha Oumar Bah, le 16 mai 2003 à Conakry. Il est le seul mercenaire guinéen arrêté lors de l’Agression contre le Bénin (annexe 2). Le mercenaire Mamadou Bérété dit John, le 27 mars et le 11 avril 2005 à Dapompa (Conakry). Le témoignage de ces acteurs, dont deux étaient des mercenaires guinéens, sur les opérations tentées contre la Guinée porte sur toutes les formes et méthodes employées pour renverser le régime et assassiner, au besoin, le président Ahmed Sékou Touré, ses compagnons de lutte et explique la cause de

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leur échec. Nous n’en citons, en annexe, que deux sur des faits qui ont eu des retentissements internationaux. Il aurait été bien sûr intéressant et même honorable qu’au lendemain du 3 avril 1984, les Guinéens accusés informés nous livrent des aveux ou témoignages objectifs, crédibles et vérifiables donc utiles à la manifestation de la vérité. Cela aurait fait passer leurs auteurs pour des héros. Mais toutes les tentatives pour des collectes de témoignages ont échoué, même la promesse de ne les diffuser que sur autorisation des intéressés ont essuyé le même refus. Seuls deux anciens prisonniers ont osé dire pourquoi ils ont été arrêtés ; les autres ne sont prolixes que sur ce qui se serait passé au camp Boiro et dont ils sont les seuls témoins. Aussi, avons-nous assisté à une débauche de dénégation ou de négation et d’affabulation abondamment radiodiffusée et télévisée depuis le 3 avril 1984. Ces émissions furent vivement encouragées par le CMRN qui avait besoin de justifier , par la diabolisation de l’ ancien régime , son criminel coup d’État télécommandé : certains de ses membres qui avaient toujours participé à divers complots sans être découverts , désormais fortement convaincus d’intelligence avec l’ennemi, n’ont dû leur salut qu’au décès de Sékou Touré ; aussi, ont-ils précipité le coup d’État sur injonction et avec l’appui de chefs de délégations étrangères . C’est pourquoi le général Facinet Touré, ancien membre important dudit CMRN, à une question de Radio Djoliba, a répondu qu’ « ils faut qu’ils demandent à ceux qui les ont aidés à prendre le pouvoir s’ils peuvent dire leur nom ». C’est l’occasion de noter le rôle décisif attribué dans le déclenchement du 3avril 1984, au général Moussa Troré , chef de l’État malien qui aurait retardé son retour après les obsèques de feu Ahmed Sékou Touré sur insistance de deux chefs de délégations occidentales, afin qu’il convainque les officiers guinéens d’agir immédiatement, de leur servir de conseiller en leur garantissant l’appui de ces pays ; en récompense de cette aide , le chef de l’État malien obtint, pour son ambassadeur, le domicile de l’ancien Premier ministre Lansana Béavogui dont la famille sera vite expulsée ; ce diplomate s’impliquera intimement dans les travaux du CMRN. Il faudra l’intervention de cadres maliens pour que Moussa Traoré finisse par le rappeler. La même campagne contre la première République est facilement reprise aujourd’hui sous forme d’ouvrages mensongers et soutenue par une publicité outrancière grâce à des officines sous couvert de la défense des droits de l’homme; d’anciens prisonniers utilisés à l’époque par les agents du SDECE dans les structures du PDG pour le détruire de l’intérieur , PDG où ils assumaient des responsabilités politiques suite à des élections démocratiques, se disent aujourd’hui innocents , victimes de règlement de compte , alors que c’étaient des responsables politiques zélés.

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3.-Des films documentaires à visionner Des films documentaires ont été également diffusés par les télévisions françaises pour éclairer l’opinion publique ; on peut citer sept qui complètent les écrits sus-indiqués ; leurs auteurs, avec la participation de certains agents et chefs de cellule du SDECE ont accepté de reprendre certains renseignements décisifs : - 1. Le jour où la Guinée a dit Non - 2. Jacques Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique - 3. Françafrique - 4. L’assassinat de Moumié. L’Afrique sous contrôle - 5. Colonisation et décolonisation. Le cas français - 6. Afrique. Une histoire du 20e siècle : a)1945-1964 b) Le règne des partis uniques Ces sources étaient ignorées de nombreux Guinéens jusqu’en 1993. Dès que nous avons commencé à en parler à partir de cette date (alors que certains ont paru bien avant 1984), nous avons été l’objet d’attaques vulgaires, insensées, irresponsables et ethnocentriques. Au lieu de s’en prendre aux témoins cités, aux auteurs des documents signalés, tels Foccart, Jacques Baulin, Jacques Batmanian, Maurice Robert, etc., nous fûmes l’objet d’injures grossières et de traitement ignoble pour les avoir révélés aux Guinéens et aux Africains. Nous sommes même accusés de justifier la répression. Personne ne s’en est ainsi pris , par exemple, au chef de Poste du SDECE à Dakar couvrant la Guinée de la première République , Maurice Robert, de peur que l’auteur ne fût plus explicite en révélant d’autres noms de Guinéens utilisés par le SDECE ou d’autres services de sécurités étrangers ou en apportant des précisions sur le rôle néfaste des Guinéens dénoncés ; celui-ci a publié son témoignage en octobre 2004 et est mort le 9 novembre 2005, ce fut le même silence durant cette période. Depuis lors, personne, Guinéen comme étranger, ne l’a dénoncé. Que des cadres compromis dans des opérations organisées contre la Guinée aient bavé sur nous, dans notre quête de vérité historique, voilà qui nous honore.

4.-Des éléments de la diaspora doivent nécessairement témoigner Enfin, s’il est plus difficile d’établir nommément les témoins guinéens de l’intérieur, nous devons continuer à demander aux cadres guinéens de la diaspora s’ils sont encore vivants, d’accepter de contribuer à éclairer le peuple guinéen sur les événements auxquels ils ont participé comme acteurs ou témoins, en particulier les mercenaires connus.

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Si ceux-là acceptaient de témoigner ou de participer à un débat national, public et contradictoire ils permettraient d’esquisser des réponses appropriées aux « nombreuses interrogations qui subsistent encore » et que le journaliste Abdoulaye Top Sylla a, par exemple, bien résumé dans son article « tout innocent est un coupable qui s’ignore » : « tous ceux qui ont été exécutés, embastillés des années durant à Boiro, avaient-ils quelque chose à y voir ? Sékou Touré en a-t-il profité pour se débarrasser d’ennemis réels ou supposés ? Quels sont les Guinéens qui ont pris part à la conception et au déroulement du débarquement ? » (6). Des interrogations qui mériteraient d’être débattues afin que la réconciliation soit effective, parce que fondée d’abord sur la vérité et la justice et, ensuite, sur le pardon. C’est pourquoi le chef de Cabinet militaire de la Présidence se servit d’un mercenaire guinéen de la diaspora en 1996 pour situer certains de ses compagnons encore vivants. Celui-ci dressa une liste non exhaustive de certains qui auraient participé à différentes opérations de déstabilisation contre la Guinée entre 1958 et 1984 et dont les survivants n’ont jamais réagi à la première publication de cette liste. Nous continuons à espérer qu’ils finiront par réagir si leur lutte contre Ahmed Sékou Touré avait un caractère patriotique et non ethnique ou autre.

A.- Des « Guinéens de Bob Denard » aux Comores La direction nommée par Siradiou Diallo 1 – Diallo Siré Lariah (Mohamed), présentement à Paris, fonctionnaire à la Mairie de Paris, membre fondateur du PRP ; 2 – Bah Mamoudou Founé (Mahmoud), ingénieur chimiste, beau-frère de Siradiou Diallo, présentement à Paris (PRP) ; 3 – Zoumanigui Bakary (J.P. Diaye), présentement à Conakry, Conseiller du Premier ministre, Secrétaire général de l’UFR ; 4 – Barry Bagou (Bagou), présentement à Dakar, membre fondateur du PRP ; 5 – Nabé Pharmacie, à Conakry, propriétaire pharmacie Nabé à Mafanco, membre Djama ; Les chefs militaires nommés par Siradiou Diallo 6 – Sy Savané Abdoulaye, à Conakry, Présidence de la République de Guinée; 7 – Camara Sékou, présentement en France ; 8 – Bah Attawoulaye (Ben), déserteur du RGE en 1976, rentre en Guinée, ancien époux de Kadiatou Siton (Fille de Saifoulaye Diallo), à Conakry 9 – Saleh Traoré, à Bamako ; 6

In : L’Indépendant, n°358, 25 novembre 1999, p.11.

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10- Kadjal Barry, à Dakar, membre PRP (section sénégalaise) ; 11- Barry Bodhé, déserteur de l’armée guinéenne en 1976, déserteur du RGE en 1978, présentement officier de l’armée de l’Air à Conakry ; Contingent venu de France 12- Bah Thierno Amadou (A. Tidiane), présentement Conseiller d’Alpha Amadou Diallo (Etoile Guinée), son beau-frère ; 13- Bah (Julien), en France, cousin de Thierno Amadou Bah ; 14- Diallo Boubacar (208), ingénieur à Djéké (Société SIPA), ancien membre UFR ; 15- Baldé Souleymane, professeur en Côte d’Ivoire ; 16- Diallo Lamine, ingénieur, à Conakry, membre UNR ; Contingent venant de Dakar 17- Diallo Karamoko, mort au camp Boiro en mission pour le compte de Siradiou Diallo en 1978 ; 18- Diallo Bailo (Daoud) à Conakry, ancien employé au Lynx, ancien UFR ; 19- Diallo (journaliste), à Conakry ; Contingent venant de la Côte d’Ivoire 20- Bah Amadou Bailo notaire, à Conakry, membre de Djama, représentant du parti à la CNE ; 21- Diallo Hassimiou (Hassim), professeur, membre du PRP, section Côte d’Ivoire (Abidjan) ; 22- Bah Boubacar Sadio, entrepreneur, à Paris, (UFR ? PRG ?) ; 23- Diallo Siré, professeur, aux USA, membre PRP ; 24- Barry Abass (Hamza), professeur, membre UFR, représentant du parti à la CNE ; 25- Diallo Tidjane (Lemy), libraire à Labé, membre du PRP, frère de Siradiou Diallo ; 26- Diallo Moustapha, à Abidjan ; 27- Diawara (Abi Taleb), déserteur de l’armée guinéenne en 1976, à Abidjan ?) ; 28- Sidiki Kéita, professeur, (en Côte d’Ivoire ?) ; 29- Mohamed Bérété (John), à Conakry, agent de service de gardiennage privé ; 30- Roger (Loua Doré), parent de Doré Lambert ; 31- Camara (Abdel Wahab), mort de cancer à Paris ; 32- Nabé (Ben), frère de Nabé Pharmacie, à Conakry, membre Djama ; 33- Diallo Souleymane, journaliste, patron du Lynx, ancien membre de l’UFR ; 34- (Dem Youssouf), à Conakry, ancien ami du clan Diarra Traoré en 1985 ;

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35- Diallo Kolon (Tall), professeur, à Conakry, ancien membre de l’UFR ; 36- Barry Souleymane (docteur), à Paris ; 37- Diallo Ibrahima Sory (Bappa Sory), à Dakar, membre PRP section Sénégal ; 38- Bah Bano (Bappa Bano), à Conakry frère de Bah Bano, ancien ministre ; 39- Abdoulaye Kéita, démarcheur, à Conakry ; 40- Diallo Ibrahima (J), journaliste, présentement Directeur de l’Imprimerie Lumumba, membre du PUP ; 41-Prosper (Loua), ami de Roger et de Lambert Doré ; 42- Diallo Mouctar (Bagnan), à Dakar ; Contingent des épouses aux Comores ; elles ont suivi des cours de Karaté dispensés par Diallo Kolon (Tall) : 43- Diallo Fatoumata (épouse de Siré Mohamed Lariah) ; 44- Mme Zoumanigui (épouse de Zoumanigui Bakary) ; 45- Mme Nabé (épouse de Nabé Pharmacie) ; 46- Mme Moustapha (épouse de Moustapha) ; 47- Docteur Zaytoun (comorienne, épouse de Kadjal Barry) ; 48- Mme Roger (épouse Roger Loua Doré) ; 49- Mme Sidiki (épouse Sidiki Keïta), ivoirienne ; 50- Mme Hassim (épouse Hassimiou Diallo) ; 51-Mme Bagou (épouse Barry Bagou) 52 : Loua Doré « x » : ami de Prosper (Doré)52 : Loua Doré « x » : ami de Prosper (Doré) Mercenaires blancs 1 – Capitaine Guilson (français), formateur militaire de tous les contingents guinéens ayant vécu aux Comores ; 2 – Robert Denard (Bob) connu seulement des chefs militaires nommés par Siradiou Diallo ; 3 – Quatre autres amis de (Bob) étaient partis à l’arrivée des contingents guinéens. Certains noms qui figurent sur cette liste sont des pseudonymes. Ils ont mis entre parenthèse. Vu l’éloignement des faits relatés (20 ans), on oublie parfois des noms, voire même ce qu’ils sont devenus.

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B.- Des Guinéens en formation à Pô (Burkina Fasso) contre la tenue de l’OUA 1984 en Guinée Contingent venant de France 1 – Diallo Siré Lariah (Mohamed), à la Mairie de Paris, membre fondateur du PRP, ancien comorien ; 2 – Diallo Sory Sérindé, avocat à la Cour de Conakry, membre fondateur du PRP ; 3 – Diallo (Saliou) à Paris ; Contingent venant de Dakar 4 – Barry Bagou, à Dakar, membre fondateur du PRP, ancien « comorien » ; 5 – Barry Kadjal, à Dakar, membre fondateur du PRP, ancien « comorien » ; 6 – Bah Oury (mauritanien), domicile inconnu. Contingent venant d’Abidjan 7 – Diallo Tidjane (Lemy), jeune frère de Siradiou, à Labé, libraire, ancien « comorien » ; 8 – Sy Savané Abdoulaye, à Conakry, à la Présidence de la République, ancien « comorien » ; 9 – Diallo Kolon (Sofoya Kodjal), professeur, entraîneur d’arts martiaux, ancien « comorien » ; 10- Mohamed Bérété (John), à Conakry, agent au service de gardiennage privé, ancien « comorien » ; 11- Bah Bano (Bappa), à Conakry, démarcheur, ancien « comorien » ; 12- Barry Boubacar (Jean Bossa), à Conakry, agent de banque à la BICIGUI ; 13- Doumbouya Mohamed (Doum), à Conakry, entrepreneur ; 14- Camara Kader (Kader), à Conakry, agent de banque à la Banque Centrale de Conakry ; 15- Bah Boye (petit Bah), à Conakry, agent de banque détaché à la Banque Centrale de Guinée, ancien Président des Etudiants guinéens en Côte d’Ivoire ; 16- Baldé (Béléry), déserteur de la marine nationale en 1980, mort de maladie ; 17- Diallo Alpha, chauffeur, mort de maladie ; 18- Bah Mamadou (Goukouni), à Conakry (Koloma II), marchand de pacotilles ; 19- Ousmane Bah, à Labé, garde de corps de la famille Siradiou Diallo ; 20- Bah Alimou, à Conakry, vendeur de café noir ; 21- Diallo Abdoulaye, orpailleur en Sierra Léone, domicile inconnu ; 22- Bah Ismaël, orpailleur en Sierra Léone ; 23- Diallo Mouctar, tailleur à Conakry ;

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24- Bah Yéro, chauffeur, fait partie de l’équipe qui lança les grenades au Palais du Peuple, domicile inconnu ; Contingents de mercenaires ouest - africains 25- Boiro Koly (Boiro), ancien militaire du PAIGC, à Bissau ; 26- Maïga Ahmed, malien « Foninké » en Côte d’Ivoire, domicile inconnu ; 27- Abdourahmanbe Koné, malien, vendeur de brochettes en Côte d’Ivoire, domicile inconnu ; 28- Arthur Zerbo (Arthur), burkinabé, cuisinier en Côte d’Ivoire, domicile inconnu ; 29- Gueï James (Man), libérien, mécanicien en Côte d’Ivoire, domicile inconnu (7). Il faut noter aussi des informations parues dans le journal Horoya-hebdo (8) en 1977, intitulées: « Documents saisis sur les ennemis de l’Afrique, relatifs au recrutement des mercenaires pour l’agression en préparation contre la République de Guinée ». Il s’agit des Guinéens qui ont bénéficié d’un saufconduit signé à Dakar par « Balla Sy, directeur de la Police des Étrangers et des Titres de voyage », le 29 septembre 1976, pour l’Ambassade de France en vue du visa qui leur fut délivré pour se faire recruter en France: 1-Ba Bano, Économiste N° 365 2-Diallo Sory, Juriste 366 3-Diallo Cellou, Professeur 367 4-Ba Lamine, Professeur 368 5-Ba Mamadou, Professeur 369 6-Dougouno Mohamed, Professeur 370 7-Melle Doukouno née Amalaman Djal, Secrétaire 371 8-Diallo Mamadou, Professeur 372 9-Koné Kalilou, Professeur 373 10-Diallo Mamadou, Professeur 374 11-Mme Diallo née Ba Fatoumata, Secrétaire 375 12-Diallo Ibrahim, Professeur 376 13-Kaba Abdourahmane, Professeur 377 14-Mme Kaba née Barry Adama, Professeur 378 15-Kaba Lamine, Professeur 379 16-Oularé Mamadou, Professeur 380 17-Diawara Ali, Technicien radio 381 7

Signé : le Professeur mercenaire (Guinéen recruté parmi les Guinéens de la diaspora et qui a établi cette liste pour le Président Lansana Conté).Cabinet militaire de la présidence de la République, 1992. 8 Horoya-hebdo, n°2264, 6-12 mars 1977.

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18-Sall Thierno, 19-Diallo Amadou 20-Barry Mamadou, 21-Kéïta Abdoulaye, 22-Barry Abasse, 23-Baldé Amadou, 24-Diallo Taslima, 25-Diallo Cellou, 26-Nabé Mohamed, 27-Kaba Lamine, 28-Diallo Ibrahima,

Dr. Vétérinaire Professeur Professeur Professeur Professeur Économiste Dr. Vétérinaire Instituteur principal Aide-ingénieur A.M Professeur Professeur

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Chapitre II De la nécessité d’un rappel historique (1945-1958)

« Ahmed Sékou Touré continuera à évoquer dans la conscience africaine l’idée de refus, de dignité et de courage politique ». Sidiki Kobélé Keita

Les truquages électoraux de 1945 à 1955 Mais il est nécessaire de revenir sur la période immédiate d’avant le 28 septembre 1958 pour mieux comprendre l’acharnement de la France coloniale et de ses hommes liges guinéens depuis le « Non » guinéen. Jusqu’en 1955, l’administration française truquait toutes les élections pour empêcher l’élection de tout candidat susceptible de mettre le système colonial en cause et de pouvoir l’exposer publiquement. D’où l’élection régulière de Yacine Diallo de 1945 à 1954 et de Diawadou Barry de 1952 à 1958, des hommes politiques qui n’ont jamais contesté l’état de domination coloniale en Guinée : ce dernier n’affirma-t-il pas au cours d’un meeting de son parti en 1956 que les « Africains ne sont pas encore mûrs pour l’indépendance » ? (9) et n’ont donc jamais soutenu une grève. Ils n’ont été que de simples parlementaires élus grâce à l’appui de l’administration coloniale. Le cas de Yacine Diallo qui n’a ’été qu’un député administratif de 1945 à 1954, donc n’a jamais mis le système colonial en cause, est encore plus flagrant, comme le témoignent les affirmations que voici : - Il reprochera, en ces termes, aux grévistes cheminots guinéens (10 octobre 1947-19 mars 1948) venus solliciter son appui politique : « vous avez déclenché la grève sans consulter vos députés qui, partant, ne peuvent 10 rien pour vous » ( ). 11 - « Yacine Diallo, candidat du gouverneur » ( ). 9

Archives de Nantes. Fonds AOF Dakar. Fonds 92.Conférence publique 19 mars 1956 au cinéma Vox à Conakry par le BAG. Rgts n°837/ 332 du 20 mars 1956. 10 Mamadou Madéira Keita..Retour en Guinée. Le député Yacine Diallo et le gouverneur Terrac ont tenté de briser la grève (In :Réveil ,n°290 , mars 1949). 11 Gérard Vieira. Sous le signe du Laïcat. Église catholique Guinée t. 2 Le temps des prémices 1945-1958 ; Conakry, Archevêché, P.346.

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- « Yacine Diallo, l’œil de Béchard et de Meignant » ( ). - « Le député socialiste Yacine Diallo, en Guinée a bénéficié jusqu’à sa mort du soutien de cette administration, ce n’était pas un secret. Et jusqu’en 1956, il y a constamment eu de vives contestations en Guinée concernant la régularité des opérations électorales, avec d’autres manifestations- et 13 d’autres morts… » ( ) . Malheureusement pour elle, malgré toutes sortes de pression, le canton de Beyla élira, le 2 août 1953, un conseiller territorial PDG-RDA en la personne de Sékou Touré, l’homme politique qu’elle redoutait le plus. Et elle s’était également aperçue que les truquages ont plutôt rendu le PDG très populaire, que l’implantation de ce parti dans les plus petits hameaux s’était accentuée ; la chefferie sur laquelle elle comptait était violemment combattue, décriée et son pouvoir effrité ; elle n’était plus écoutée et ses consignes étaient régulièrement contestées. Mais c’est le tripotage des résultats des élections législatives partielles du 27 juin 1954 qui mettra le feu aux poudres : les militants du PDG-RDA qui étaient victimes des truquages toujours dénoncés, mais ne s’étaient jamais découragés, ni plaints violemment, en avaient assez cette fois et avaient décidé de manifester publiquement leur mécontentement en dénonçant l’administration et la formation bénéficiaire du truquage, le BAG. Le truquage de juin 1954 était tellement évident qu’il fallut cinq mois de tractation à l’Assemblée nationale pour les valider. Le ministre de la France d’outre-mer, à l’époque, Robert Buron, finit même par le reconnaître après diverses vérifications, en ces termes : « Il est évident, écrit-il, parlant de ce scrutin, que la dernière élection a été honteusement truquée pour provoquer l’élimination de Sékou Touré» (14). La chefferie de canton, instrument de ces truquages, qui avait exagéré cette fois, sera donc violemment dénoncée. Le commandant de cercle, Lantier, cite cet exemple : les chefs « assis dans le bureau de vote, à côté de l’urne, distribuaient le bulletin de vote de Barry Diawadou » (15) et Sékou Touré de préciser que « l’année 1955 fut marquée par un impétueux développement contre elle(chefferie) » (16).Même le Gouverneur Parisot confirme dans un rapport que : « Les troubles actuels sont la suite normale du climat de tension existant depuis la fin de juillet 1954 qui a été ravivé par les réactions verbales imprudentes des partisans de Barry Diawadou » (17). 12

Fondation et Institut Charles de Gaulle. Guinée I et Guinée II. Henri Prost Lettre du 8mai 1950 à Jacques Foccart. 13 Yves Benot.Massacres coloniaux Paris, Éd. La Découverte, 1994, P.79. 14 Robert Buron. Les dernières années de la Quatrième République, carnets politiques, 2 novembre 1954, P.139 15 Guinée Française. Guéckédou. Lettre du 29 janvier 1956 au gouverneur de la Guinée Française 16 Sékou Touré .L’ Afrique et la Révolution 2eédition. Conakry, BPN, sd, P.62. 17 Archives de Nantes (France). Les évènements 1954-1955.2143/9.

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En fait, c’est la lutte syndicale (grève des PTT en 1945, grève pour l’augmentation du SMIG en juin 1950, grève de 1952 pour le vote du code de travail d’outre-mer), qui avait imposé, au cours de cette période , Sékou Touré sur le plan politique. Aussi ces truquages convainquirent-ils les militants anticolonialistes de la nécessité de fusionner le syndicat et le PDG-RDA pour en faire des instruments de lutte anticolonialiste ayant le même dirigeant; d’autant que Sékou Touré, secrétaire général de la CGT , syndicat leader à la base de toutes les grèves contre le patronat , venait d’être élu cumulativement secrétaire général du PDGRDA. La grève que ce syndicat organisa avec d’autres syndicats en 1953, connue sous le nom de la grève des 72 jours, pour l’application effective du Code de la France d’outre-mer, imposa Sékou Touré comme le personnage décisif de la lutte anticoloniale. Le cours du combat anticolonialiste prit un tour plus radical.

Le réalisme politique de l’administration coloniale à partir de 1956 S’étant rendue compte que les hommes politiques sur lesquels elle comptait n’avaient en fait aucune base sociale en dehors de son appui à travers la chefferie, et s’étant aperçue que les différents truquages électoraux avaient plutôt rendu le PDG-RDA plus populaire que jamais auprès des masses, l’administration coloniale recommanda désormais la neutralité effective à toutes ses structures de commandement, au commandement africain en particulier (chefferies de canton et de village).

Le SDECE à la recherche d’hommes politiques manipulables Aussi, le SDECE dut-il envoyer, dès 1955, l’un de ses fins limiers, le colonel Maurice Robert qui devint son chef de poste avec siège Dakar et couvrant la Guinée ; celui-ci entreprit aussitôt ,1956-1958, un périple dans sa sphère d’autorité en se faisant passer pour un officier attaché à l’ État-major du hautcommissaire de l’ AOF, Gaston Cusin ; il travailla en étroite collaboration avec le chef de Cabinet de celui-ci, Michel Robert : il était en fait chargé, dit-il, de surveiller les mouvements indépendantistes et évaluer leur audience auprès des populations , en particulier « repérer les Africains susceptibles de jouer à terme un rôle politique dans leur pays en distinguant ceux favorables à la France afin de nouer rapidement des relations de confiance avec eux » (18). S’étant rendu compte que Sékou Touré, la personnalité la plus décisive, était irrécupérable, Maurice Robert tenta de s’assurer l’amitié des dirigeants des partis que l’administration soutenait, le BAG et la DSG. Mais ceux-là n’exprimant pas les aspirations profondes des populations avaient été écartés démocratiquement de toutes les institutions élues (Assemblée territoriale, le Grand Conseil de 18

Maurice Robert . « Monsieur » l’ Afrique. Entretiens avec André Renault, Paris , Edition du Seuil, 2004, P.80

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l’AOF, conseillers municipaux, etc.). La situation politique au point de vue représentativité des hommes et des formations politiques s’était clarifiée : en une seule année, 1956, le PDG-RDA avait obtenu 2 députés sur 3 malgré le truquage, dirigeait désormais les cinq mairies de plein exercice (Conakry, Kindia, Mamou, Nzérékoré et Kankan), 7sur 9 mairies de moyen exercice.

Pourquoi l’institution de la semi-autonomie par la Loicadre du 23 juin 1956 ? Par ailleurs, des événements décisifs avaient également convaincu les autorités françaises que le glas du système colonial français avait sonné et qu’il fallait lâcher du lest : - La défaite de l’Armée française à Diên Biên Phu le 7 mai 1954 obligea la France à se retirer de l’Indochine par les accords de Genève du 20 juillet 1954. - La guerre d’Algérie (1954-1962) fut fatale à l’IVe République. - Après de nombreux troubles et contestation de l’autorité coloniale française, la Tunisie et le Maroc avaient obtenu leur indépendance en 1956. - La création des maquis au Cameroun par l’UPC et le développement prodigieux des mouvements de contestation dans les autres colonies africaines, la Guinée en particulier, inquiétèrent également la France. Pour empêcher la disparition de son système colonial par la multiplication des foyers de guerre, la France décida d’accorder la semi-autonomie aux colonies. D’où la Loi-cadre du 23 juin 1956, dite Gaston Defferre, du nom du ministre de la France d’outre-mer, loi destinée à régler définitivement, selon les autorités françaises, le problème colonial en Afrique sous domination française. En fait cette loi était finalement destinée à empêcher tout regroupement de territoires africains.

Utilisation de la Loi-cadre du 23 juin 1956 par le PDGRDA Les élections organisées pour l’application de cette loi sont remportées le 31 mars 1957 par le PDG-RDA ; celui-ci obtient 57conseillers sur 60 ; le BAG est éliminé de l’Assemblée territoriale : il n’eut aucun conseiller ; or, c’est au parti vainqueur que revenait le droit de constituer le gouvernement semi- autonome présidé par le gouverneur du territoire. Dans le cas guinéen, ce fut le PDG-RDA qui forma un conseil de gouvernement de 12 membres présidé par le gouverneur du Territoire; tous les 11 autres membres de ce gouvernement furent de ce parti ou ses sympathisants. Ce qui a fait écrire au commandant de cercle de Labé , Georges Brouin, à Jacques Foccart qui comptait sur la victoire des partis administratifs, que « le

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BAG est en déconfiture » et que « la DSG n’a pas grand avenir »(19); aucun membre de ces partis ne fera partie de ce gouvernement afin que le PDG-RDA ait les coudées franches pour l’application effective de son projet de société de la semi-autonomie dont la suppression de la chefferie de canton. Le parti inaugura, à partir de cette période, pour renforcer la lutte contre l’ethnocentrisme et le régionalisme, une pratique qui sera courante : les délégations ministérielles n’étaient jamais composées des éléments de l’ethnie dominante de la région ; ainsi une délégation ministérielle formée de membres soussous n’est jamais envoyée dans une région soussou. Toute délégation était composite, hétéroclite. La Guinée seule utilisa, en outre, tous les aspects positifs de cette loi pour la rendre insuffisante et même dépassée ; ce qui heurta profondément le gouvernement français. Le Conseil de gouvernement prit en particulier deux décisions qui firent comprendre aux autorités françaises que le PDG était déterminé à ne pas se contenter de la semi-autonome.

Vers l’indépendance Les commandants de cercle en participant, à la conférence des 25 au 27 juillet convoquée par le Conseil de gouvernement, croyaient que des décisions seraient prises qui désorganiseraient l’administration territoriale. Aussi, après avoir dépeint la situation de leurs cercles, ont-ils presque tous fini par soutenir que la chefferie était inutile ; tous croyaient que la décision serait aussitôt prise de la supprimer. Ce qui provoquerait l’anarchie et créerait des problèmes sérieux de gestion au gouvernement. Or, la seule décision prise fut de ne pas remplacer les chefferies vacantes, car le Conseil de gouvernement tenait à empêcher tout désordre administratif.

La restructuration administrative Il s’attaqua d’abord à la mise en place d’une nouvelle structure administrative en prenant les premières mesures de décentralisation territoriale en Guinée : par un arrêté du 26 décembre 1957 qui sera en vigueur jusqu’au 29 septembre 1959, le territoire est désormais divisé en circonscriptions (anciens cercles), postes administratifs, communes urbaines, communes rurales et villages au lieu de cercles et de subdivisions. Cette décision heurta le gouvernement français. D’où le télégramme officiel du 23 janvier 1958 du ministre de la France d’outre-mer, Gérard Jacquet, au gouverneur de la Guinée, Jean Ramadier : « Je vous invite, en votre qualité de représentant du gouvernement, à me saisir immédiatement, conformément à l’article 12 du décret 57-460 et par l’intermédiaire du Haut-commissaire, d’une demande d’annulation de l’arrêté 57-231du 26 décembre 1957portant 19

Fondation et Institut Charles de Gaulle. Paris. Guinée I et II. Georges Brouin, commandant de Labé. Lettre du 26 janvier 1957.

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organisation de l’administration territoriale de la Guinée. Les dispositions de cet arrêté excèdent, à mon avis, les pouvoirs du Conseil de gouvernement ».

Le gouverneur Jean Mauberna qui reçut ce télégramme et qui connaissait la situation politique du pays, ne répondit pas et n’entreprit rien de contrariant contre les décisions du Conseil de gouvernement de peur de créer un conflit avec Sékou Touré.

La suppression de la chefferie de canton La deuxième décision fut la suppression de la chefferie de canton par arrêté 57-233 du 31 décembre 1957 ; elle privait l’administration coloniale de son instrument d’exploitation et d’oppression des masses paysannes en particulier et les partis administratifs de leur base sociale. Les intéressés ne purent réagir pour éviter toute invective populaire imprévisible. Si cet instrument politique de l’administration coloniale n’avait pas été liquidé à temps, l’administration l’aurait utilisé pour truquer le référendum et faire voter « Oui » le 28 septembre 1958, comme elle le fit au Niger où la SAWABA ne l’avait pas faite. Une décision que les féodaux guinéens en général et leur progéniture ne pardonneront jamais au PDG-RDA. Elle continue encore à conditionner l’attitude politique de certains cadres qui en sont issus.

Domination politique du PDG-RDA Le PDG-RDA dominait déjà démocratiquement la vie politique guinéenne et ses consignes étaient appliquées parfois avec violence ; il avait - 2/3 députés, - 222/355 Conseillers municipaux - 57/60 conseillers territoriaux, - 5/5 Conseils municipaux de plein exercice (Conakry, Kindia, Mamou, Kankan, Nzérékoré) - 7/9 conseils municipaux de moyen exercice - 5/5 grands conseillers de l’AOF. - 11/12 ministres du Conseil de gouvernement Cette domination démocratique fut confirmée, avant le 25août1958, date d’accueil du général de Gaulle Conakry, par des élections administratives de conseillers de village de février à avril 1958 et de conseillers de circonscription le 18 mai 1958, toujours supervisées par l’administration coloniale ; ces scrutins consacrèrent le leadership du PDG-RDA : Conseillers de village Conseillers de circonscription PDG-RDA : 39.902 sur 40.000 494 sur 526 PRA-Guinée : 98 sur 40.000 3 2 sur 526 Les 25 conseils de circonscription (ancien cercle) furent dirigés par les représentants du PDG-RDA.

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Enfin, un encadrement politique et administratif systématique complétait cette domination et empêchait toute réaction subversive de l’opposition.

La position minoritaire du PRA-Guinée En raison de sa position minoritaire remarquée par tous les participants au congrès constitutif du PRA à Cotonou, la délégation de la Section guinéenne du PRA ne sera pas prise au sérieux. En effet, entre temps, la surenchère politique battait son plein : le Parti du Regroupement Africain (PRA), concurrent du RDA, et dont le PRA-Guinée était l’une des sections, se réunit à Cotonou du 25 au 27 juillet 1958 ; à l’issue des débats enrichissants, l’indépendance immédiate des colonies fut exigée. Une décision unanimement prise. Mais précisant l’attitude politique de certaines délégations, Léopold Sédar Senghor révèle dans une interview (20) que dans la discussion générale, le PRAGuinée, le PRA-Gabon et le PRA-Haute Volta s’étaient opposés à l’indépendance immédiate; cette option, votée par le congrès, finit cependant par s’imposer à tous les participants. C’est certainement pourquoi des auteurs guinéens de la littérature dite « de douleur» qui tiennent à se venger par l’écriture, dénaturent ou falsifient les faits, sans s’apercevoir de leur contradiction : ainsi, Alpha Abdoulaye Diallo Portos écrit en 1961 « le Parti, entendez celui-là même qui a mené la Guinée à l’indépendance : le Parti Démocratique de Guinée (PDG) » (21) ,mais il n’ a pas hésité de dire dans son ouvrage mensonger de vengeance (22) : « Diawadou Barry et Barry III ont préconisé le non avant lui » (Sékou Touré) et « sans eux l’indépendance n’aurait pas été possible »;or, ces deux hommes politiques n’étaient pas seuls au congrès de Cotonou ;ils faisaient tout simplement partie de la délégation du PRA-Guinée avec Karim Bangoura, Sékou Diop, Tibou Diop et Ibrahima Touré qui auraient dû être cités également par Alpha Abdoulaye Diallo Portos. Mais l’ethnocentrisme, quand tu nous tiens ! En réalité au moment de l’arrivée du général de Gaulle à Conakry, le 25 août 1958 à Conakry, le PDG-RDA seul exerçait à la fois le pouvoir officiel et le pouvoir réel démocratiquement conquis sous la supervision de l’administration coloniale. Ce que confirme le gouverneur du territoire en réponse au général de Gaulle : « Eh bien, monsieur le gouverneur, que pensez-vous des résultats du référendum ici ? ». Jean Mauberna ne biaise pas : « La réponse sera celle que voudra Sékou Touré. Il n’y a ici qu’une force. Quelle que soit la décision du leader, elle entraînera une majorité de 95% » (23). 20

In : Perspectives africaines. Synthèses politiques et économiques, 1er septembre 1958, p.2. In : Recherches Africaines, n°2, avril-juin 1961, p.50. 22 Alpha Abdoulaye Portos Diallo. La vérité du ministre.Op.cit. 23 Jean Lacouture dans Les cinq hommes et la France, p.349 et Georges Chaffard dans le Carnet secret de la décolonisation, t.2 p.195. 21

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Le BAG et la DSG, regroupés au sein de l’Union des Populations de Guinée, étaient totalement minoritaires. D’où cette réflexion de Gil Dugué en voyant la délégation de cette section au congrès de Cotonou : « en Guinée, le PRA a fort à faire avec Sékou Touré en face de lui » (24). Par ailleurs, le BAG et la DSG ne seront ni consultés pour la rédaction des discours du 25 août,1958de Saïfoulaye Diallo et de Sékou Touré, ni même invités par le PDG à la conférence du 14 septembre 1958 à l’issue de laquelle la décision avait été prise par les sous-sections de ce parti de voter non le 28 septembre 1958. Il leur sera même interdit de tenir une réunion publique pour exposer leur position face au référendum, bien qu’ils aient fini par opter pour le Non. Ils ne seront autorisés à publier un communiqué pour l’annoncer qu’à l’issue de leur rencontre avec une délégation du PDG, le 17 septembre 1958.

Le ralliement du PRA à la position du PDG-RDA Section du Parti de Regroupement Africain(PRA), l’UPG, formée le 6 février 1958 par le BAG et la DSG pour combattre le PDG-RDA, dut se résoudre, comme l’attestent les extraits des télégrammes officiels suivants (25) à se rallier au PDG-RDA pour le non: 1.- France. Ministère d’outre-mer. Service chiffre. 3467 à 3415. Télégrammearrivée. Gouverneur Conakry à France outre-mer, 31.8.58, N°251 à 257. « Par ailleurs, primo : Il m’est signalé que Barry Diawadou aurait demandé Sékou entrevue en vue collaboration (et) donc vraisemblablement avec ralliement aux positions de celui-ci » face à l’intransigeance du clan Koumandian keita tenant à manifester isolement leur option pour le non. 2.- Ministère de la France d’outre-mer.Cabinet.Télégramme-arrivée.4092 C2.télégramme. Arrivée. Conakry France outre-mer. 18/9/58, N°375. Département 375. Communique Dakar.585.0 « Hier soir 16 septembre 21 heures délégation PRA comprenant député Barry Diawadou, Barry 3, Diallo Abdoulaye et Kane ont été reçus par Sékou Touré chez lui. Stop. Cette réunion où Sékou a convoqué Saïfoulaye Diallo, président Assemblée territoriale et Damantang Camara, ministre Fonction publique a eu pour objet examen proposition PRA mener avec RDA campagne Référendum. Stop. Décision doit être prise ce jour en comité RDA ». 3.- GG Dakar à Ministre France d’Outre- Mer. 29 .9.58.N° 3.100/GcS/AOF/2. Objet : situation Guinée au 21 septembre 1958. « Par suite ralliement section territoriale PRA à position Sékou Touré réponse négative au référendum paraît désormais certaine en Guinée… ».

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Gil Dugué. Vers les États-Unis d’Afrique.Paris, Éd. Lettres africaines, 1960, p. 9 3,97-98, 101. Aix-En Province (France). Centre d’archives d’outre-mer : Cart. 2181 dos. 6. T .276-277 du 6 septembre 1958. Car.2199 dos.3. Situation Guinée, 21 septembre 1958, n°3100 /BCS :AOF/2.

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Il ne fallait donc plus compter sur les leaders du PRA pour le oui. En effet, au cours de la réunion du 17 septembre 1958 à l’ Hôtel de Ville entre une délégation PDG et une délégation de la section PRA, celle-ci a sollicité et obtenu le concours financier et matériel du PDG-RDA pour participer à la campagne pour le « Non » ; elle sera envoyée en Moyenne Guinée où elle avait mené une farouche campagne de dénigrement contre le conseil de gouvernement et le PDG-RDA (26) : un véhicule à Labé, un véhicule à Dalaba, de l’ essence pour le véhicule de Ibrahima Barry III, de l’essence pour le véhicule de Barry Diawadou furent donnés par le PDG. Finalement, le peuple de Guinée rejeta le système colonial oppresseur dans l’unité.

Pourquoi le Ralliement du PRA-Guinée alors que ses leaders ont été toujours soutenus par l’administration ? Se sachant incapables de changer le cours des évènements, la situation politique du Niger étant totalement différente de celle de la Guinée où l’encadrement politique et administratif du territoire par le PDG-RDA était total et ne voulant pas être isolés et négligés comme ce fut le cas entre le 9 mai et le 28 septembre1958, les dirigeants du PRA-Guinée évitèrent surtout de se suicider politiquement ; ils finirent par rejeter toutes les propositions du gouvernement français d’opter pour le « Oui ».Ils étaient convaincus que même l’envoi prévu des parachutistes pour les soutenir éventuellement n’aurait pas empêché les Guinéens de voter majoritairement Non ; cela aurait plutôt aggravé leur propre situation politique sans réussir à convaincre la très grande majorité de Guinéens d’opter pour le « Oui ». Ayant accepté l’adhésion individuelle des militants du PRA (BAG et DSG), le PDG devint un parti unique de fait.

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In : Sidiki Kobélé Keita. Ahmed Sékou Touré, l’homme et son combat anticolonial, Annexe11 pp.353-354 compte auteur voir SOGUIDIP, Conakry,1988.

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Chapitre III Les conséquences immédiates du « Non » du 28 septembre 1958 (29 septembre-12 décembre 1958)

« L’indépendance est à la disposition de la Guinée ; elle peut la prendre le 28 septembre en disant « Non ». La Métropole n’y fera pas d’obstacle. Elle en tirera, bien sûr, des conséquences.» Général de Gaulle

En prévision de la victoire du "NON", les Autorités françaises avaient mis en place, avec l’approbation du général de Gaulle, une politique de représailles systématiques et immédiates dont les modalités d'application furent l'objet d'une réunion qui regroupa, à Paris, Pierre Messmer, Bernard Cornut-Gentil et Houphouët-Boigny. Les mesures de rétorsion arrêtées furent appliquées avec 27 minutie, obstination et "une hâte qui tient de la hargne" ( ), précise Claude Wauthier. Elles le furent dès que les résultats du référendum furent connus: le gouvernement français, qui connaissait la situation catastrophique dans laquelle il laissait le pays, après soixante ans d’exploitation et de répression, était convaincu que le nouvel État n’allait pas résister longtemps et serait incapable de trouver les solutions urgentes que nécessitait cette situation brusquement aggravée par des mesures tant intérieures qu’extérieures. Une autre décision fut également prise aussitôt que l’indépendance a été proclamée : le gouverneur du Sénégal Lami a, le 6 octobre 1958 réuni, autour de lui le directeur de la douane, le chef de l’armée et le chef de la gendarmerie pour « étudier la réorganisation de la surveillance aux frontières à la suite de l’option 28 de la Guinée en faveur de l’indépendance » ( ). À l’issue de cette rencontre, furent créés dans les villes sénégalaises proches de la Guinée de nouveaux postes de douane, des escadrons de gendarmerie chargés de renseignements et d’action psychologique avec intensification des tournées de brousse. 27

Claude Wauthier.Quatre présidents et l’Afrique .De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterand. Quarante ans de politique africaine .Paris, Éd. Seuil, 1995, p.84. 28 Archives de Nantes. Fonds. AOF.Dossier 43.PVn°623/CBA/MILIS/ S en date du 6 octobre 1958.

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I.- Mesures intérieures Mesures administratives L’essentiel des cadres de direction, de contrôle et de l’enseignement de la colonie était composé de fonctionnaires français et presque tous quitteront leurs services. Ce fut d'abord le départ massif des techniciens et de tous les fonctionnaires français "des services fédéraux », c’est-à-dire les douanes, la police des frontières, la sécurité maritime et aérienne, etc. ; ceux qui tenaient à revenir en Afrique étaient affectés dans d’autres colonies. « Principalement les enseignants 29 dirigés vers Conakry à l’issue de leurs congés » ( ). Selon, les documents officiels, 85% des 450 fonctionnaires non enseignants avaient déjà quitté le territoire, le 30 novembre1958. Les services d’État momentanément épargnés (le personnel français de l’Institut d’Émission, la Mission d’Aménagement Régional, le Trésor, de la Sécurité aérienne et de la Sécurité maritime) subiront le même sort. Quant aux Guinéens de ces services, ils devaient être relevés de leur fonction dès le 1er octobre 1958 ; ils avaient à choisir entre demeurer en Guinée, mais ne plus percevoir leur salaire à partir du 1er décembre 1958, ou se faire affecter dans un autre territoire africain de la Communauté. Pour encourager les fonctionnaires français au départ, il fut indiqué que le payement du personnel des services territoriaux devait cesser le 30 novembre 1958 et que les agents français auront à choisir entre rester en Guinée, donc être payés par les nouvelles autorités guinéennes, et partir soit en France, soit dans un autre territoire ayant voté « oui » le 28 septembre 1958, donc être payés par la France. Les fonctionnaires rapatriés emportèrent, avec eux, archives et matériels, détruisirent les installations sanitaires. Poursuivant son action de sape, la Mission française de liquidation procéda au dernier déménagement des archives le 5 décembre 1958 ; elle conserva certains documents de moindre importance au Palais du gouverneur, transféra les plus importants à Dakar et Paris, et détruisit ou incinéra le reste.

Les mesures scolaires Le secteur de l’enseignement, après les services financiers, est le secteur qui a le plus souffert des mesures de rétorsion prises par les autorités françaises contre la Guinée à la suite du « Non » au référendum du 28 septembre 1958. Les dates d’ouverture des classes étaient déjà fixées au 15 octobre 1958 pour les écoles primaires et au 1er novembre 1958 pour les écoles secondaires.

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Pierre Messmer. Après tant de batailles…Paris, A. Michel, 1992, p.212-214.

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Or, dès que le résultat du référendum fut connu, le Ministère de la France d’outre-mer s’opposa au retour des enseignants à l'issue de leurs congés ; il favorisa le retour massif en France de ceux qui étaient encore en Guinée et des inspecteurs primaires firent pression sur des parents d’élèves français pour qu’ils n’envoient pas leurs enfants à l’école à la rentrée. Le gouvernement semi-autonome présidé par Sékou Touré ayant engagé de nombreuses constructions de classes pour la rentrée, la France supprima les crédits du FIDES qui étaient consacrés aux nouvelles constructions scolaires. Toutes les mesures dans un secteur si crucial pour l’avenir de la Guinée indépendante, où le retard de la Guinée française était si criard par rapport aux autres colonies françaises, avaient pour objectif de montrer que sans la France la Guinée ne pourra rien faire, que le nouveau pouvoir ne disposait d’aucun moyen pour faire face aux urgences scolaires et culturelles. Le gouvernement français a même continué à pourchasser tout enseignant français persistant à venir aider la Guinée dans la formation de ses cadres. Le professeur Jean Suret-Canale venu en avril 1959, sans l’accord de son gouvernement, avait été aussitôt rayé des cadres de l’éducation ; menacé de déchéance de la nationalité française, il dut abandonner et rentrer en France en 1962.

Les mesures sanitaires Sur le plan sanitaire, à la tête de chaque circonscription militaire, correspondant à une circonscription administrative, se trouvait un médecin militaire qui, non seulement refusait d’avoir un adjoint africain, mais encore refusait d’en former ; or, le personnel français partit aussitôt que les autorités coloniales décidèrent le départ des Français. Par ailleurs, jusqu’ à la semi- autonomie, la Guinée n’avait qu’un seul hôpital, Hôpital Ballay, où existaient certaines spécialités ; l’évacuation des malades de l’intérieur vers cet unique centre plus ou moins équipé était d’autant plus difficile que les routes étaient presque toutes impraticables ; il n’exista, par ailleurs, aucune nouvelle création d’un second hôpital, ni de création de nouvelles spécialités avant la mise en place du Conseil de gouvernement semiautonome à partir de 1957. Les laboratoires de Dakar, aux mains des Français, refusèrent de fournir les vaccins contre différentes maladies agro-pastorales. Enfin, les formules de fabrication de la quinine disparurent de la Station de Sérédou ; à Beyla, les médecins s'emparèrent des véhicules neufs du centre sanitaire et des stocks de médicaments dans des hôpitaux et les acheminèrent vers la proche Côte d'Ivoire.

Les mesures financières Les services financiers souffrirent particulièrement de ce départ massif des fonctionnaires français.

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Le cas de l’Enregistrement était flagrant puisque tous ses cadres étaient composés de Français et les nouvelles autorités guinéennes durent arrêter, un moment, tous les travaux ; il a même fallu signer , pour le cas du trésor , un accord avec les autorités françaises afin que la clôture des comptes de gestion soit correctement exécutée ; le Trésor guinéen ne fut créé et ne débuta ses travaux qu’à partir du 1er janvier 1959, des fonctionnaires français continuant ainsi à assurer les opérations de la Trésorerie jusqu’au 31 décembre 1958 avec tous les détournements découverts seulement après leur départ. Au service des contributions directes ce fut le ralentissement des travaux, donc de « l’émission des rôles », les inspecteurs, les contrôleurs, presque tous les cadres étaient des Français. À la douane, au 31 décembre 1958, au moment de passer le service à la Guinée, toute la direction, la marche des bureaux de poste, les brigades importantes étaient tenues par les Français ; tous partirent. Mais ce qui choquait dans ce service et dans d’autres, et qui fut aussitôt dénoncé, c’est que les Guinéens étaient, tout au long de la domination française, systématiquement écartés de tous les postes de responsabilité. Un autre constat amer : célèbres pour le retard dans les paiements des soldes, les services financiers de la Guinée française, tous dirigés par les Français, détruiront beaucoup d’états de salaires pour camoufler les doubles emplois. Enfin, un autre méfait desdits services à noter : les nouvelles autorités guinéennes durent s’acquitter des milliards de FCFA, sommes contractées par le budget territorial au budget du FIDES et à celui de l’ex-AOF alors que les réalisations étaient déjà programmées. Les autorités donnèrent ensuite des instructions pour que les sommes déjà encaissées par le Trésor ne soient, à aucun cas, remises aux nouvelles autorités guinéennes et que le reste des milliards se trouvant dans les caisses de la Banque soit incinéré. Ce qui fut fait. Fut supprimé également, sur le plan financier: l’apport de la métropole de près quatre milliards de francs CFA par an pour le développement économique et le fonctionnement de l’administration entre 1946 et 1958, de même que l’avance de trésorerie d’un milliard pour la période de la semi-autonomie ; en fait, toutes les opérations du FIDES en cours ou prévues furent arrêtées. Tous les avoirs de la Guinée furent en outre gelés en France, en particulier les pensions des anciens combattants; les bourses des étudiants guinéens furent également supprimées ; il en fut de même des bourses fédérales aux étudiants guinéens. Les fonds dégagés pour la réalisation du barrage sur le Konkouré furent transférés au profit de projets concurrents au Cameroun. Les autorités françaises emportèrent même le dossier technique dudit barrage. Les banques n'accordèrent plus de crédit; les virements vers la France s'accentuèrent au point que, selon Robert Julienne, même les banquiers

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signalèrent, « le 18 septembre, que le rythme pris par les transferts de fonds les amènera à fermer s'ils ne reçoivent, de l'Institut d'émission, un concours 30 exceptionnel" ( ). Un autre fait à noter : le gouverneur général de l'A.O.F. , Pierre Messmer, déterminé à "ramener à Dakar les caisses" de milliards de francs CFA en billets neufs "déposés à la Trésorerie de Conakry par l'institut d'émission", utilisa la manière forte pour vider lesdites banques de leurs réserves: il envoya à Conakry, dès le 25 septembre 1958, à bord d'un navire de la marine nationale, une compagnie de parachutistes dans laquelle un solide commando a l'ordre écrit et signé de sa "main de faire remettre les milliards et de les transporter aussitôt à bord du navire qui les ramènera à Dakar" (31),écrit-il. Ce qui se fit sans obstacle : trente caisses en bois de 1.400 kg contenant au moins quatre milliards, furent ainsi embarquées sous bonne escorte à destination de Dakar. Enfin, le seul aspect positif des mesures financières prises contre la Guinée fut la réalisation de gros bénéfices réalisés sur les postes de dépense.

Mesures économiques Les mêmes autorités françaises, de façon presque concomitante, procédèrent à des mesures tout aussi draconiennes dans le domaine économique en général ; elles commencèrent par le détournement des bateaux de vivres et de médicaments vers Dakar et Abidjan, dont le navire "ATLAS" transportant du riz provenant de la Chine continentale; à la coupure de téléphone jusque dans le Palais du gouverneur - futur siège du gouvernement de la Guinée indépendante et à la destruction de meubles dans les bureaux, etc. Le cordon douanier à établir entre la Guinée et les territoires voisins fut mis à l’étude ; en attendant, la franchise douanière des produits guinéens à l’entrée de la France fut supprimée, de même les licences en monnaies étrangères et les avances du Trésor. Les travaux d'équipement en voie de réalisation furent annulés. Les grues du port de Conakry disparurent. Seul l’aménagement du port minier destiné à Fria n’a pas été interrompu étant donné la participation des compagnies françaises au financement. Les commerçants français exigèrent désormais le payement au comptant; c’est pourquoi, en moins d'un an, "les stocks s'épuisent et se renouvelleront avec difficulté. Un blanc sur trois a quitté le pays, et le chiffre d'affaires des magasins… en souffre" (32). L'on offrit par ailleurs aux planteurs français en Guinée les mêmes avantages, en particulier l'augmentation des crédits du FIDES, s'ils acceptaient de 30

Robert Julienne. Vingt ans d’institutions monétaires ouest-africaines, 1955-1957. Mémoires, Paris, l’Harmattan, 1988, p.109. 31 Pierre Messmer. Op.cit., p.241. 32 Fernand Gigon, op.cit., p.1.

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poursuivre leurs activités en Côte d'Ivoire; ce qu’ils firent et qui explique en partie la prospérité agricole de ce pays sous Houphouët-Boigny ; enfin, les autorités locales "s'appliqueront à détruire ou à rendre inutilisables les 33 installations et les plantations" ( ) de ceux qui quittèrent la Guinée.

Mesures judiciaires La justice cessa aussitôt de fonctionner telle qu’elle était avant le référendum du 28 septembre 1958. Mais des dossiers disparurent, incendiés ou transférés dans les archives du Sénégal.

Mesures militaires et de sécurité Il avait été fixé que l’armée et la gendarmerie seraient repliées en deux mois, mais le gouvernement français traînera les pieds pour d’éventuels remous qu’il préparait insidieusement contre le nouvel État. Ayant saisi les intentions machiavéliques françaises, le nouveau gouvernement laissa le désengagement se poursuivre comme les autorités françaises le souhaitaient. Les militaires guinéens évoluant dans l’armée eurent à choisir : s’ils étaient sous le drapeau en Guinée, entre rester en Guinée et partir avec la France ; s’ils étaient sous le drapeau hors de la France entre le rapatriement en Guinée et rester dans le pays d’accueil. Ainsi, sur les 4.000 militaires guinéens stationnés en Guinée, 392 suivirent l’armée française. Beaucoup des 4.500 militaires se trouvant en Afrique du Nord et des 3.000 dans divers territoires de l’AOF optèrent pour le retour en Guinée ; ceux qui voulaient continuer à servir la France, et dont la plupart participeront aux complots réprimés, en particulier ’agression du 22 novembre 1970, contre la Guinée, iront en France et dans d’autres pays africains de la Communauté, essentiellement au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Pour ce qui concernait des militaires guinéens devenus officiers, les autorités françaises distinguèrent également entre ceux qui étaient volontaires et ceux qui ne l’étaient pas au moment du recrutement dans l’armée : les premiers pouvaient continuer dans l’armée française en le manifestant par écrit, les seconds, s’ils ont acquis leurs droits de retraite doivent le faire valoir ou démissionner de l’armée française s’ils n’ont pas obtenu lesdits droits. Enfin, la décision, prise le 17 octobre 1958, de renvoyer des écoles militaires préparatoires en Afrique et en France, tous les enfants de troupe d’origine guinéenne et se trouvant dans ces écoles fut strictement et effectivement appliquée. Dirigeant l’armée française en Guinée, le colonel Farret, quitta définitivement Conakry le 21 novembre 1958. Mais avant son départ, et sur "ordre", les militaires français évacuèrent la plupart des camps dès le 15 novembre 1958, 33

Guy de Bossecher. Les deux versants de l’histoire. T2. Perspectives de la décolonisation, Paris, Ed.A.Michel, 1969, p.187.

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tout en les dépouillant de leurs matériels et les militaires guinéens de leurs effets personnels, brisant tout ce qu'ils ne pouvaient emporter. Les mêmes mesures avaient été prises et appliquées dans de nombreux camps militaires de l’intérieur du territoire. Ainsi, à Dalaba, les paras firent même sauter à la dynamite et incendièrent les bâtiments administratifs. Seul le camp Mangin (le camp actuel Almamy Samory à Conakry) avait été retenu pour le regroupement avant le départ des contingents français de la capitale. Les autorités françaises espéraient qu’une révolte populaire interviendrait, entre temps, due aux nombreuses difficultés résultant des conséquences immédiates de leur option, et nécessitant une intervention militaire. Mais les Guinéens, sachant ce qui se manigançait, refusèrent de répondre aux nombreuses provocations dont ils étaient l’objet. Des conciliabules durent s’ouvrir. Finalement, le programme conclu la veille fut exécuté le 9 janvier 1959 à 8 h du matin : une cérémonie au cours de laquelle le détachement français et celui de la gendarmerie rendirent les honneurs en musique guinéenne au Camp Mangin. Gaston Boyer, qui remplaça Risturicci depuis le 30 novembre 1958, informa les autorités guinéennes que tous les militaires et tout le reste du personnel s’embarqueront le 21 janvier 1959 sur le paquebot « Joffre ». Ce qui se fit effectivement et qui renforça la libération effective de la Guinée . Enfin, la Mission française de liquidation tenta de minorer le nombre de gendarmes en établissant une liste de 120 gendarmes pour toute la Guinée ; ce que rejetèrent les nouvelles autorités guinéennes préférant prendre des dispositions appropriées pour accueillir tous les gendarmes originaires de la Guinée, et dont certains étaient affectés dans d’autres colonies, sans provoquer de perturbation financière escomptée. Par ailleurs, il semble que n'eût été le refus des autres membres de l'O.T.A.N., le gouvernement français avait même préconisé l'occupation militaire, au nom de cette organisation, des Iles de Loos face à Conakry , en raison de sa position stratégique importante ; il évoqua le traité de 1904 par lequel la Grande-Bretagne aurait cédé lesdites îles à la France et non à la Guinée française contre les établissements français de la Gambie; on devine l'intention machiavélique des milieux revanchards français, aucun texte administratif existant ne certifiant ce rattachement à la France.

Attitude de responsabilité et de dignité du peuple guinéen Contrairement à ce que la France espérait, les autorités guinéennes surent garder leur calme et maintinrent une atmosphère de bonne collaboration avec les agents français de liquidation durant toute la période d’application des mesures internes de rétorsion. Aussi, dans son compte rendu confidentiel, le HautCommissaire de l’AOF, Pierre Mesmer, fut-il obligé de reconnaître qu’ « aucune objection ne fut pourtant élevée à l’encontre de nos décisions » : la Guinée avait

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su utiliser la loi-cadre du 23 juin 1956 pour mettre les structures d’accueil de l’indépendance en place « et jouissait, depuis plusieurs mois, d’une quasiautonomie appuyée sur des structures politiques très ramifiées dans tout le pays et tous les secteurs qu’il lui a suffi de substituer à notre encadrement 34 administratif » ( ),ajoute Pierre Messmer. Une campagne effrénée de dénigrement, de menaces et d'intimidation accompagna pourtant toutes ces mesures afin d'empêcher toute reconnaissance du jeune État par les autres pays ; il fallait rassurer les dirigeants des territoires qui avaient voté "OUI" et les milieux colonialistes français violemment opposés au PDG et à Sékou Touré et qu’ils sachent que les autorités françaises de l’époque tenaient à la liquidation du régime guinéen en place et que le retour de la Guinée, dans le précarré français, était une question de jours, au plus de semaines.

C’est dire que le gouvernement français mena, parallèlement, sur le plan extérieur, un combat soutenu contre la reconnaissance du nouvel État par la communauté internationale.

II.- Le refus de la France de parrainer la Guinée à l’ONU La rigidité du gouvernement français envers la Guinée Si tout ce que la Guinée entreprit pour une entente avec les autorités françaises, toutes ses démarches en vue d'une reprise des relations avec la France sur une base associative échouèrent, ce fut surtout le refus de reconnaître l’indépendance de la Guinée et de soutenir sa candidature à l’ ONU qui prouva davantage aux pays étrangers que la France était particulièrement hostile au nouveau régime guinéen ; cela explique la constance de certains d’entre eux dans leurs relations avec la Guinée et Ahmed Sékou Touré. Pourtant, selon Mamadou Dia, "de Gaulle n'était pas aussi rigide qu'il le faisait paraître. Quand il disait non, ce n'était jamais son dernier mot, sauf dans 35 le cas de la Guinée" ( ).

La politique de la main tendue à la France En effet, dès la proclamation de l'indépendance de la Guinée le 2 octobre 1958, Sékou Touré envoya un télégramme au président de la République française, René Coty, et un autre au général de Gaulle, président du Conseil de gouvernement, dans lesquels il proposait la reprise des relations de la France et 36 de la Guinée sur la base de l'article 88 de la Constitution ( ). N'ayant reçu, en guise de réponse, qu'un simple accusé de réception, il mit, le 4 octobre 1958, les autorités françaises en garde contre toute méprise sur les intentions réelles du 34

Pierre Messmer. Compte rendu au ministre de la France d’outre-mer, décembre 1958. Mamadou Dia. Mémoires d’un militant du Tiers-Monde.Paris, Publisud, 1985, P.90. 36 L’article 88 du titre XIII stipule « La République ou la Communauté peuvent conclure des accords avec les États qui désirent s’associer à elle pour développer leurs civilisations » 35

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nouvel État: le peuple de Guinée a rejeté un texte et non la France qu'il a toujours considérée comme sa partenaire privilégiée; mais, précisait Sékou Touré, "si, malgré nous, nous ne trouvions pas le partenaire auquel nous faisons appel, nous serions obligés, à ce moment, et à ce moment-là seulement, 37 d'envisager une autre attitude" ( ) . En attendant, et pour prouver la bonne foi des Guinéens et marquer leur solidarité avec leur président du Conseil, les autres membres du gouvernement guinéen, à l'unanimité, approuvèrent la poursuite des démarches engagées par le leader guinéen; celui-ci alla jusqu'à retarder la publication des premières reconnaissances de jure afin que la France fût considérée comme le premier État ayant reconnu la Guinée indépendante. C'était sans compter avec la rancune tenace du général de Gaulle. Qu'à cela ne tienne. À peine installé aux commandes du nouvel État, Sékou 38 Touré envoya, le 9 octobre 1958 ( ), au gouvernement français, un autre télégramme reprenant les termes du premier message et lui demandant d'engager les négociations "en vue d’une libre association de nos deux Républiques" et la reconnaissance du nouvel État. Sékou Touré reçut du général de Gaulle un télégramme - réponse non signée et sans en-tête affirmant en particulier qu’ « il s’agit en premier lieu , pour le gouvernement , de connaître vos intentions notamment en ce qui concerne les demandes que vous croirez formuler quant à ce qui pourrait être un accord d’association » ; qu' « il s'agit pour lui, d’autre part, de recueillir les preuves que l'actuel gouvernement de la Guinée pourrait, quant à ses possibilités, assurer effectivement les charges et les obligations de l'indépendance et de la souveraineté. Il s’agit pour lui, enfin, de consulter les organes de la Communauté quand ils seront mis en place, sur le sujet des rapports à établir avec l’actuel gouvernement de la Guinée ». Il est évident que cette correspondance avait été envoyée sous la pression des chefs d’État africains, Houphouët-Boigny en particulier, qui, informés des tentatives qui se préparaient contre la Guinée, avaient cherché à retarder l’examen de la requête de la Guinée ; or, celle-ci ne nécessitait aucune précision. Il est aussi vrai que le général de Gaulle s’affairait, entre temps, à la mise en place des institutions de sa communauté. Aussi la réaction du Président du conseil guinéen ne se fit pas attendre : Sékou Touré envoya un autre message le 15 octobre 1958 dans lequel il dénonça les tentatives d'étouffement du nouvel État.

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Sékou Touré .In : Le Monde, 4 octobre 1958. Pour l’échange de correspondances, lire Evolution des rapports franco-guinéens. Conakry, Bureau de Presse de la présidence, RDA n° 193,2e édition, 1982, 38

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L’attitude de mépris du gouvernement français irrite les Guinéens En Guinée, l'opinion publique commença à s'irriter; elle porta des accusations de tentatives néocolonialistes contre la France; aussi, des voix s'élevèrent-elles pour recommander le renoncement à la politique de la main tendue à la France et la nécessité de diversifier les partenaires et de se passer d'elle. En France même certains milieux de la droite qui, il y a à peine un mois, encourageaient le général de Gaulle à sévir contre la Guinée, n'hésitaient plus à stigmatiser l'entêtement et l'acharnement du gouvernement français; ils le mirent en garde contre les conséquences nuisibles à la présence française non seulement en Guinée, mais dans toute l'Afrique contre une politique aveugle d'étouffement. "Maintenir un moment sous l'eau la tête de M. Sékou Touré est compréhensible, c'est l'exemple indispensable à l'égard des territoires qui ont voté OUI. Mais laisser se noyer le leader guinéen et la Guinée, ce serait pire qu'une faute, car il se trouverait quelqu'un d'autre pour lancer la bouée, et alors nous aurions perdu 39 sur tous les plans", lit-on ( ). Cet avertissement ne reçut aucun écho favorable. Au contraire, c'est une note verbale du 21 octobre 1958, sans en-tête et signée par le directeur de Cabinet du président de la République française, qui énuméra les avantages et les obligations de la zone franc au cas où la Guinée tiendrait à demeurer au sein de celle-ci. Et comme pour dissiper tout espoir de conciliation immédiate, le général de Gaulle déclara le 23 octobre 1958 au cours d’une conférence de presse à l'Hôtel Matignon à Paris, que pour lui, "la Guinée est un devenir; nous ignorons lequel. Nous observons ce qu'elle va être et faire, sous son actuel Conseil de gouvernement, au point de vue de sa capacité d'État, s'il arrive qu'un État s'y constitue réellement. Nous établirons nos rapports avec la Guinée, en fonction de ce qui se passera dans ces différents domaines. Nous le ferons sans acrimonie, mais sans avoir, je dois le dire, la certitude que ce qui est aujourd'hui pourra persister demain". Ainsi, pour De Gaulle, Sékou Touré et son équipe n'étaient pas capables de créer un État en Guinée; il soutint même que même si cela se réalisait un jour, il n'était pas certain qu'ils en fussent les dirigeants pour longtemps, surtout s'ils s'avisaient de "fréquenter" le monde socialiste. En réalité, les autorités françaises avaient entrepris, de façon simultanée, d'autres formes de combat contre le régime qui se mettait en place, en Guinée ; Sékou Touré devait échouer parce que son "mauvais exemple était en train de 40 pourrir l'Union Française" ( ). Excédé, le leader guinéen décida de prendre l'opinion publique nationale et internationale à témoin. Au cours de sa première conférence de presse tenue le 39 40

In : Le Figaro 17 octobre 1958). Philippe Bernert.op.cit. , p.248.

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26 octobre 1958 au cinéma Vox à Conakry, abordant les rapports francoguinéens, il rendit fidèlement compte de toutes les tentatives de son gouvernement pour une reprise desdits rapports sur des bases de réciprocité d'intérêts; "nous pensons avoir fait le maximum pour prouver nos intentions amicales à l'égard de la France », conclut-il. Malgré le silence méprisant du gouvernement français, Sékou Touré transcenda les aspects mineurs et subjectifs des contradictions qui se développaient entre les deux pays et relança les démarches. Sur ses instructions spéciales, l'ambassadeur Nabi Youla remit, le 29 octobre 1958, en mains propres, au président du Conseil français pour le général de Gaulle, alors Président de la République, un message en réponse à sa note verbale et au mémorandum sur la zone franc: en attendant que s'engagent les négociations, il demandait la reconnaissance "de jure" du nouvel État par la France. La réponse sans en-tête, ni cachet du gouvernement français à ce message, parvint le 6 novembre 1958 au gouvernement guinéen: il y était précisé que les conditions de la négociation ont été communiquées verbalement à l'ambassadeur Nabi Youla. Ainsi, plus d'un mois après la proclamation officielle de l'indépendance de la République de Guinée, Paris n'avait toujours pas reconnu le nouveau régime; il tentait, au contraire, de l'asphyxier économiquement et de l'isoler sur le plan diplomatique. Pour faire échouer ce plan, Sékou Touré chargea, le 12 novembre 1958, l'ambassadeur Boubacar Telli Diallo de transmettre le dossier de candidature officielle de la Guinée à l'O.N.U. ; la protection et les appuis de cette institution s’avéraient nécessaires pour la survie du nouvel État. Mais cela n'empêcha nullement Sékou Touré de poursuivre les démarches auprès du gouvernement français. Il exprime, dans une lettre convoyée par Nabi Youla, le 14 novembre 1958, le désir de la Guinée de demeurer dans la zone franc et de rechercher des solutions contractuelles aux problèmes qui se posaient à la Guinée et à la France. Daignant répondre cette fois, le général de Gaulle précisa, dans une note datée du 22 novembre 1958, que "c'est sur la base des accords conclus que la question de reconnaissance de jure de la République de Guinée pourrait être résolue". Il n'était donc toujours pas question de reconnaître le nouvel État sans condition, deux mois après le référendum. Mais Sékou Touré insista. Le lendemain, d'Accra (Ghana), où il effectuait son premier voyage officiel à l'étranger, il envoya une lettre au Président français dans laquelle il demandait que la France assurât le parrainage de la candidature de la Guinée aux Nations Unies. Il ne reçut aucune réponse.

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La réaction contre l’attitude de mépris de la France Il ressort donc de cette analyse qu’avant et après la proclamation de l'indépendance, le gouvernement guinéen, malgré la profonde hostilité du gouvernement français soutenu par les forces hostiles de la droite et de certains leaders africains, ne ménagea aucun effort en vue de l'établissement de relations fondées sur une base d'égalité absolue entre la Guinée et la France. Certains cadres du PDG reprochèrent à Sékou Touré de faire preuve de trop de patience et de volonté de dialogue face à l'attitude hautaine et au rejet répété par le général de Gaulle de toute entente entre la France et la Guinée. Ainsi des députés: Moussa Sanguiana Camara: "Nous en avons assez dit au gouvernement français"; Samba Lamine Traoré: "Notre gouvernement a beaucoup fait et je dirai même un peu trop"; Ansoumane Condè: "Si nous continuons à agir ou à collaborer avec la France, ce sera à notre détriment… Sans la France nous pouvons continuer notre 41 chemin" ( ). Aussi, l'Assemblée nationale, à l'issue de la séance plénière du 27 novembre 1958 consacrée à l'examen des rapports entre la République de Guinée et le gouvernement français" et à l'exposé général de la politique extérieure", réaffirma-t-elle " sa totale cohésion et sa parfaite identité de vues avec le gouvernement de la République de Guinée " et approuva sans réserve la 42 politique extérieure et intérieure" du même gouvernement ( ). Malgré cette opposition justifiée de certains députés et à cause, en partie, de l’appui de l’Assemblée nationale constituante, Sékou Touré poursuivit avec plus d'optimisme ses démarches officieuses et officielles; il ne considérait pas le rejet de la Constitution gaulliste comme un acte d'hostilité à l'égard du peuple français dont il était convaincu de la sincérité, de l'amitié à l'égard du peuple de Guinée. Mais "habitué à une obéissance inconditionnelle, le général de Gaulle s'irritera puérilement de la résistance guinéenne et refusera de reconnaître le 43 nouvel État indépendant" ( ). Il continua à rejeter, avec arrogance et mépris, toutes les avances faites par Sékou Touré et ne voulut surtout pas admettre que "la Guinée indépendante constituât, en Afrique noire, un fait auquel doit 44 s'adapter la politique française" ( ).

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In : Journal officiel de la République de Guinée, n° 1, janvier 1959, pp.9-10.). Idem. 43 Guy Bossechère . Op.cit. p.187. 44 Léon Feinx. La Guinée et la France (In: L’Humanité, 2 octobre 1958). 42

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Quand la France présente des exigences inacceptables Aussi, présenta-t-il d’autres conditions inacceptables parce qu’humiliantes pour les dirigeants guinéens et juridiquement infondées: le gouvernement guinéen devait faire preuve de sa capacité à constituer un État durable et les autres membres de la Communauté devaient être consultés sur les propositions de négociation faites par le gouvernement guinéen: "il faut que nous autres États 45 membres de la Communauté soyons consultés" ( ). Cette deuxième exigence imposée par Houphouët-Boigny dénotait tout simplement une volonté délibérée de violer les principes juridiques internationaux pourtant connus des autorités françaises. En effet, "en s'abritant… derrière le principe d'une communauté qui n'existe pas et qui n'existerait pas avant cinq mois (article 91 de la constitution) pour refuser de reconnaître le gouvernement guinéen, le gouvernement français commettait une erreur juridique qui n'échappe à personne", écrit Gilbert Gantier qui poursuit: "En droit international, la reconnaissance peut être accordée ou refusée. La subordonner à l'accord d'un organisme juridique interne n'a aucun sens. Même lorsqu'elle existera, la communauté ne sera pas, en effet, une personne de droit international. Telle semble être, en tout cas l'opinion des 46 juristes consultés à la chancellerie et au ministère des Affaires étrangères" ( ). En fait, il s'agissait de ne pas mécontenter les hommes politiques africains qui avaient fait voter "OUI" et juré de faire échouer l'entreprise guinéenne. Houphouët-Boigny, le plus acharné des adversaires de Sékou Touré, "a été très éprouvé par la prise de position de Sékou Touré. Il m'a déclaré, précise Pierre Messmer, qu'il était indispensable de l'abattre en le privant dès le 29 septembre 1958 de toute aide métropolitaine et en entreprenant vigoureusement 47 une campagne en Guinée" ( ). Houphouët-Boigny n'avait-il pas déjà mis les autorités françaises en garde contre les conséquences d'une éventuelle reconnaissance de la Guinée indépendante ? (48). Il insista de nouveau: " la France et la Communauté doivent savoir tirer les leçons du vote négatif de la 49 Guinée" ( ). Mais les Guinéens savaient à quoi s’en tenir puisque c’est en toute connaissance de cause que la très grande majorité choisit l’indépendance avec toutes « ses conséquences ». Ils les supportèrent et affirmèrent leur volonté de se dresser de toute leur verticalité ; aussi, ne manifestèrent-ils aucun signe de mécontentement contre le gouvernement guinéen. D’où cette constatation désabusée du premier affameur du peuple de Guinée, Pierre Messmer : « La 45

In : Fraternité matin, 29 mai 1958 Gilbert Gantier. Puissance et faiblesse de la Guinée (In : La Nef, novembre 1959, p.44. 47 CAOM. Bobo Dioulasso.TO.au ministre de la FOM, 16 septembre 1958) 48 Félix Houphouët-Boigny (In: Carrefour, 15 octobre 1958). 49 In : Marchés tropicaux et méditerranéens, n°673, octobre 1958 . 46

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politique de rigueur suivie depuis le référendum n’a pas entraîné les catastrophes 50 que d’aucuns prophétisaient » ( ). Et qu’espéraient les autorités françaises, oublie-t-il d’ajouter.

III. La France s’oppose à l’entrée de la Guinée aux Nations Unies La solidarité des forces progressistes africaines et européennes En effet, face à cette intransigeance du général de Gaulle et de ses séides africains, Sékou Touré sollicita et obtint l'aide et le soutien des autres États souverains. La solidarité des forces progressistes africaines et européennes en particulier se manifesta sous diverses formes et à travers le monde et fit échouer la politique d’obstruction du gouvernement français : parvinrent, à Conakry, des messages de félicitation, de soutien et d'encouragement; de nombreuses demandes d'étudiants, de professeurs, d'ingénieurs, de médecins, de techniciens, d'enseignants et même d'ouvriers désireux de venir en aide au jeune État; nombre de cadres africains et européens , venus parfois à leurs frais, contribuèrent à consolider les bases du jeune État dans tous les domaines. Par ailleurs, grâce à une politique extérieure dynamique et hardie, le nouveau gouvernement réussit à desserrer l'étau autour de la Guinée et fit échouer lamentablement toutes les tentatives d'isolement pratiquées par Paris: du 2 octobre au 27 novembre 1958, plus de soixante pays reconnurent l'indépendance de la Guinée; celle-ci signa, avec la République Démocratique Allemande, les premiers accords culturels, le 17 novembre 1958 ; un protocole d'accord avec la République de Tchécoslovaquie le 21 novembre 1958 , etc. Le rayonnement du nouveau régime ne pouvait que heurter la France et décourager les pays africains membres de la Communauté.

Le prétexte fallacieux du gouvernement français Étant informé des intentions malveillantes du gouvernement gaulliste, qui avait décidé d'empêcher ou de retarder l'admission de la Guinée à l'ONU, Sékou Touré estima qu’il fallait lui couper l’herbe sous le pied. Aussi, le gouvernement entreprit-il les démarches nécessaires pour cette admission immédiate à l’ONU dès la proclamation de l'indépendance, le 2 octobre ; une intention déjà exprimée par Sékou Touré dans son discours du 30 septembre 1958. Pour arriver à leur fin - empêcher ou retarder l'admission de la Guinée à l’ONU -, les autorités françaises évoquèrent des raisons qui ne convainquirent heureusement ni leurs alliés, ni la très grande majorité des membres de l’ONU. Entre autres : La Guinée n’avait ni constitution, ni assemblée nationale, ni budget, ni administration, ni armée, ni diplomatie, etc. Elle n’avait surtout pris 50

Pierre Messmer . Compte rendu au ministre de la France d’ Outre –mer.1.12.1958.

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aucune disposition juridique garantissant le sort des étrangers sur son territoire. Des précédents historiques - cas de la Finlande en 1920- étaient même évoqués pour soutenir que l’admission de la Guinée n’urgeait pas ; l’on pouvait, estimait le gouvernement français, se contenter de constater l'indépendance de la Guinée, mais se donner le temps nécessaire de vérifier la réalité d’État souverain pour l'admettre définitivement au sein de l’organisation internationale. Cet argumentaire spécieux n’eut aucune prise directe sur les membres de l’ONU ; tous avaient fini par se rendre compte que ce n’était qu’un simple subterfuge pour ajourner l’admission pourtant inéluctable de la Guinée indépendante, d’autant que le chef de l’État guinéen ne cessait d’exprimer le souhait que la France parrainât sa candidature à l'ONU.

Comment la Guinée réussit-elle à déjouer les manigances de la France ? Entre temps, l’Assemblée territoriale élue le 31 mars 1957 avait été érigée en Assemblée nationale constituante; la nouvelle constitution avait été adoptée à l’unanimité le 10 novembre 1958et promulguée par ordonnance du 12 novembre 1958 ; le gouvernement d’union nationale avait été définitivement constitué, composé de membres du PDG, du BAG et de la DSG ; l’administration qualifiée ; des ambassadeurs itinérants Guinéens sillonnaient divers pays et plusieurs gouvernements avaient déjà reconnu le nouvel État, etc. Pour embarrasser davantage les alliés de la France et déjouer les coups fourrés de celle-là, Sékou Touré avait adressé, dès le 3 octobre 1958, une demande de reconnaissance et de coopération à la Reine Elizabeth d'Angleterre, et le 13 octobre 1958 une demande d’établissement de relations diplomatiques au premier ministre britannique, Mac Milan ; après consultation, les États-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni reconnurent conjointement la Guinée le 4 novembre 1958, suivis par tous les autres pays occidentaux, sauf la France. Le gouvernement français refusa non seulement de parrainer le nouvel État, mais il s’obstina malgré tout dans sa position; il tenta même de faire pression sur ses alliés les plus influents, les États-Unis et le Royaume-Uni, pour différer l’admission de la Guinée à la session de 1959, le temps pour lui de mieux structurer la communauté franco-africaine et d’empêcher la Guinée de participer au vote sur l’Algérie ; il se persuada même un moment que sa stratégie avait réussi et que le gouvernement britannique était sur le point de cautionner sa position aux Nations Unies. C’était sans compter avec la détermination et l’habileté des autorités guinéennes : Sékou Touré dépêcha, du Ghana où il se trouvait en visite, Telli Diallo à Londres, le 23 novembre 1958 ; reçu le 25 novembre 1958 au Foreign Office, au Commonwealth Relations Office et au Colonial Office, l’envoyé du Président du conseil guinéen embarrassa vivement ses interlocuteurs tant par la clarté de son exposé que la pertinence des arguments présentés ; mais il lui fut poliment signifié le refus de la GrandeBretagne d’appuyer la candidature de la Guinée à l’ ONU au cours de la session

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de 1958 : l’on espérait que d’ici là les deux gouvernements , français et guinéen , auront résolu leur contentieux. L’annonce officielle de la création de l’Union Ghana-Guinée et l’octroi, au gouvernement guinéen, de dix millions de livres par le gouvernement ghanéen déterminèrent les autorités britanniques à revoir leur position d’autant que l’intransigeance du général de Gaulle et l’action efficace de l’URSS et des pays socialistes en faveur de l’admission immédiate de la Guinée avaient fini par rallier la très grande majorité des membres de l’ONU à cette position. Excédés par l’acharnement injustifié du gouvernement français, les gouvernements britannique et américain décidèrent d’appuyer la candidature de la Guinée.

L’échec diplomatique de la France À court d’arguments, la France se trouva devant un dilemme : poser son veto à l’admission du nouvel État, c’était montrer que le choix qu’elle avait offert à ses colonies le 28 septembre 1958 n’était pas sincère ; voter pour son admission, risquait de froisser les leaders africains qui avaient renoncé à l’indépendance pour la Communauté franco-africaine. Finalement, le projet de résolution sur l’admission de la Guinée présenté par l’Irak et le Japon fut examiné et adopté, le 9 décembre 1958, par la 842e session du Conseil de Sécurité par dix voix et une abstention, celle de la France ; la 789e séance (de nuit) de l’Assemblée générale admit la Guinée le 12 décembre 1958 ; seule la France rancunière s’abstint sur instructions du général de Gaulle. Cet échec diplomatique heurta le général de Gaulle qui estimait ne pas comprendre pourquoi cette reconnaissance hâtive de la Guinée par la communauté internationale. Or, ses alliés s’énervaient que l’Union soviétique devienne populaire auprès des jeunes Nations par la faute de la France qui avait pourtant offert librement l’indépendance à ses colonies.

Les conséquences de la reconnaissance de l’indépendance guinéenne L’impact de l’admission de la Guinée aux Nations Unies et de son entrée à l’Assemblée générale de cet organisme sur le processus de la décolonisation, témoigne Jean Foyer, fut très grand ; elles « ont exercé un effet décisif sur l’évolution qui a conduit à l’indépendance de tous les autres États dans l’année qui a suivi. Je le dis à la suite d’une confidence que m’a faite il y a presque vingt ans déjà par le Président Tsiranana qui, en tant que ministre conseiller, était, en même temps que le Président Houphouët-Boigny, membre de la délégation française à cette session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Ils avaient été, tous les deux, assis au banc de la délégation de la France et de la Communauté, les témoins de l’accueil véritablement triomphal fait à Sékou Touré. «Rentrés à notre hôtel, le soir, me rapportait le président Tsiranana, j’ai dit au Président Houphouët – Bobigny : nos populations ne comprendront pas

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plus longtemps que nous restions au stade de l’autonomie et que nous ne devenions pas indépendants ». D'autant qu'ils s'apercevront aussi qu'alors que "le prestige international de Sékou Touré ne fait que grandir, Paris, même s'il ne cache pas son hostilité, le respecte plus que ceux qui ont "bien" voté". À preuve, entre le 1er et le 7 janvier 1959, deux voyages de l'ambassadeur Nabi Youla, porteur de message de Sékou Touré au général de Gaulle et de la réponse de celui-ci aboutirent à un compromis : la France reconnut le nouvel État le 2 janvier 1959. Elle signa le 7 janvier de la même année trois protocoles d'accords relatifs aux modalités d'appartenance à la zone franc, à la coopération technique et administrative et aux échanges culturels. Les deux gouvernements procédèrent, ensuite, à un échange d'ambassadeurs: à Paris, Nabi Youla; à Conakry, Francis Hil qui "a la redoutable mission d'installer, écrit Georges Chaffard, une représentation diplomatique et de rassurer la colonie française en Guinée, tout en sachant pertinemment que son gouvernement est hostile à Sékou 51 Touré et souhaite sa chute" ( ). En effet, en plus des mesures de rétorsion immédiates sus-analysées et du fait de leur inefficacité, les autorités françaises ne donnèrent aucune chance de survie au nouvel État puisque trois mois après le vote, révèle un espion français, Jean Baptise C., des hommes ont "été chargés d'appliquer le "plan Alby" visant au renversement de Sékou Touré… L’application des mesures de rétorsion n’ayant pas réussi à dompter le nouveau régime guinéen, la France va choisir les grands moyens : « pendant plus de dix ans les complots vont succéder aux complots pour tenter de renverser 52 celui qui osa défier le général de Gaulle » ( ); et cela, en application d’instructions officielles que les jeunes doivent connaître et maîtriser, mais auxquelles la Guinée résista victorieusement.

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Georges Chaffard, op.cit. T.2, p.236. Pierre Péan. Op.cit.P.271.

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26 au 28 octobre 1959. Ahmed Sékou Touré séjourne à Washington et se rend aux Nations Unies.

Chapitre IV France et Guinée : deux déterminations absolues

« Une donnée politique de première importance est là qu’il serait vain d’occulter le régime de feu Sékou Touré, qui a été le cauchemar de la France pendant près de trente ans, a fait la démonstration qu’il est prêt à coopérer avec le vaillant peuple de France mais pas avec ses gouvernants, lesquels ont toujours posé des conditions inacceptables …». Ibrahima Fofana Avocat à la Cour, Conakry ancien prisonnier politique (1961-1966)

Position du problème La Guinée ayant voté seule pour son indépendance parmi les treize colonies françaises sollicitées et réussit en deux ans à faire disparaître le système colonial français en 1960, la France coloniale décida de faire échouer son entreprise afin qu’elle ne soit citée et ou prise en exemple par un autre pays africain indépendant; les anciens territoires coloniaux étant désormais néo-colonisés devaient se tenir coi ; celui qui se hasarderait à vouloir s’échapper du précarré français serait politiquement et économiquement puni et son président remplacé. Le renversement et l’assassinat du président Sylvanus Olympio du Togo le 13 janvier 1963 devait servir d’exemple à tous. Pour ce qui est de la Guinée, ses nouveaux dirigeants avaient également juré que leur pays ne sera plus colonisé et qu’ils s’opposeront par tous les moyens à toute tentative de néo-colonisation.

Exigence de loyauté conseillée aux protagonistes français et guinéens Le périodique, Marchés coloniaux et méditerranéens, reflétant l’opinion des milieux coloniaux et capitalistes avait conseillé la loyauté, dès 1959, aux autorités gouvernementales françaises : « La France en Guinée est dans une situation si ambiguë qu’elle ne trouvera sa voie que par la plus stricte loyauté…Soyons loyaux et exigeons la loyauté. Tout autre terrain est trop

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mouvant. Alors peut-être une confiance, que de part et d’autre, on s’est appliqué à détruire, pourra renaître » (53). Malheureusement, il ne sera pas écouté avant le 14 juillet 1975 (54) ; d’ici là, les consignes données devaient être strictement appliquées parce que la France coloniale croyait en leur efficacité: liquider Sékou Touré et remplacer le régime politique guinéen d’indépendance effective qui se met en place ; empêcher tout développement original socio-économique de la Guinée; amener ce pays à résipiscence ; voilà les objectifs essentiels des différents gouvernements gaullistes, des réseaux Foccart et de leurs hommes liges africains, en général, et guinéens en particulier ; ceux-là n’épargnèrent aucun appui aux adversaires du régime guinéen. Et au fur et à mesure que la Guinée rayonnait et s’affirmait comme une nation unie et respectée, leur colère, leur hargne et leur obstination se radicalisaient à travers des opérations de déstabilisation de plus en plus meurtrières.

Les raisons de l’attitude d’hostilité de la France Selon Maurice Robert, chargé, au SDECE, d’abord à Dakar, puis à Paris, de l’application de la politique de déstabilisation définie contre la Guinée , deux raisons justifieraient l’attitude politique de la France coloniale envers la Guinée indépendante : le danger de l’infiltration communiste dans les pays voisins à partir de la Guinée du fait de la coopération avec l’URSS et des pays socialistes, et la tentative des États-Unis d’Amérique de se substituer à la France en Guinée. Mais s’il est vrai que ces appréhensions ont un fondement, elles risquent cependant d’occulter la préoccupation majeure de la France : la sauvegarde de son statut de grande puissance dont une des composantes essentielles était constituée par son système colonial. Une telle sauvegarde passe nécessairement, pour la France, par le maintien de ce système en lui apportant sans doute quelques aménagements imposés par l’air du temps, mais sans jamais prendre en compte les aspirations profondes à l’indépendance des peuples coloniaux. Or, la demande qui a été faite à ces peuples d’avoir à se prononcer le 28 septembre 1958 sur un projet d’association qui liait le destin de la France à celui des peuples coloniaux, offrait à ceux-ci la possibilité réelle d’acquérir l’indépendance par une voie pacifique unique. En s’engageant, seule de toutes les colonies françaises en Afrique, dans cette voie, la Guinée recouvra non seulement son indépendance politique, sa liberté de mouvement et de décision, mais elle accéléra aussi la désintégration du système colonial français largement entamé par les guerres d’Indochine et d’Algérie. La France ne lui pardonnera jamais cela.

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In:Marchés tropicaux et méditerranéens, n°695, 7 mars 1959, p.603. Communiqué franco-guinéen du 14 juillet 1975.

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Les avertissements de Sékou Touré Sékou Touré avait pourtant averti lors de sa mise au point à la Radio Dakar, en réponse au discours du 8 août 1958 du général de Gaulle devant le comité consultatif constitutionnel, que les conséquences du non à la nouvelle constitution pouvaient « être aussi françaises ». On se moqua de lui, mais la suite des événements lui donna raison, puisqu’en moins de deux ans, toutes les colonies françaises obtinrent leur indépendance, en 1960, appelée année de l’Afrique. Ainsi, personne ne devait se méprendre, d’une part sur la détermination des gouvernements gaullistes de récupérer la Guinée, de l’autre sur la volonté tout aussi affirmée de Sékou Touré et de tous les patriotes guinéens de sauvegarder, par tous les moyens, l’indépendance chèrement acquise.

La mission assignée au SDECE En effet, nous avons déjà indiqué que l’objectif majeur assigné par les gouvernements gaullistes aux services de renseignements français qui l’ont révélé était précis : « désormais, tout sera mis en œuvre pour se débarrasser de Sékou Touré» (55), affirment Monsieur X et Patrick Pesnot ; et «tout sera fait » pour le rendre « vulnérable et faciliter la prise de pouvoir par l’opposition … Nous devons isoler le président et profiter du mécontentement général pour amener l’opposition à l’évincer du pouvoir et à rompre avec les pays de l’Est », mais aussi « veiller à ce que les Américains n’empiétassent pas, notamment au plan économique, sur notre zone d’influence », renchérit Maurice Robert (56). La Guinée devait donc, à tout prix, revenir dans le pré - carré français. Leur mission leur ayant été ainsi précisée par Jacques Foccart, le Service recherche du SDECE et son secteur Afrique établirent un plan général de renversement du régime politique en Guinée ; ils obtinrent également la collaboration de certains services spéciaux étrangers et africains pour son exécution correcte et la participation effective de cadres guinéens qui s’affirmaient déjà opposés au nouveau régime.

Le rôle du général de Gaulle Le général de Gaulle en était-il informé ? Certains ont feint d’en douter. Or, c’est lui qui, compte tenu de l’importance de l’Afrique dans la politique étrangère de la France décida, dès son retour au pouvoir, de faire relever désormais les affaires africaines et malgaches du domaine de la Présidence de la République. C’est encore lui qui nomma Jacques Foccart, cumulativement avec ses fonctions de conseiller technique, chargé des relations avec les services spéciaux, d’abord adjoint de Raymond Jamot, secrétaire général à l’Élysée pour 55 Monsieur x et Patrick Pesnot .Les dessous de la Françafrique. Paris, Nouveau Monde éditions, 2008, p.95. 56 Maurice Robert. Op.cit., p.110 et 111.

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la communauté, puis secrétaire général des Affaires africaines. C’est encore lui qui fut surpris, selon Jacques Foccart, que le deuxième complot contre la Guinée « n’ait pas réussi » (57). Le colonel Maurice Robert, ancien directeur du Secteur Afrique du SDECE de 1960 à 1973, après avoir été chef de poste du même service à Dakar de 1955 à 1960, est formel : le général était parfois l’initiateur des actions de déstabilisation contre la Guinée ; il était en tout cas régulièrement informé de celles qui étaient entreprises ; Jacques Foccart l’avait en tout cas saisi très tôt « dans les grandes lignes » du plan de déstabilisation; en outre, précise-t-il, « j’étais le seul à travailler en prise directe avec l’ Élysée…Notre action en Afrique consistait à traduire dans les faits, fidèlement et sans état d’âme , la politique africaine de la France définie par le général de Gaulle…Les orientations, consignes, remarques, demandes de compléments et, parfois, critiques du général de Gaulle m’arrivent sans filtrage, ni détour » (58). Le SDECE eut, en outre, dans chacun des pays africains membres de la Communauté, sa propre antenne de renseignements en rapport permanent avec l’opposition guinéenne et participa à la mise en place d’« un poste de liaison et de renseignements » (PLR) qui constitua le service de renseignements du pays utilisé; il eut ainsi deux sources de renseignements lui permettant d’obtenir des informations plus ou moins fiables et crédibles par recoupement et dont l’exploitation judicieuse devait assurer la sauvegarde des intérêts français et la conquête d’autres champs d’occupation ou de sabotage en Guinée. Il fallait donc « fragiliser » Sékou Touré pour l’évincer du pouvoir. Les services secrets français, sur instruction de leurs dirigeants, s’attaqueront dès lors à tous les secteurs guinéens de développement, emploieront tous les moyens pour aboutir à ce résultat, aidés en cela par des Guinéens, à l’intérieur et à l’extérieur du pays. C’est dire que les complots organisés contre la République de Guinée à partir de son « non » au référendum le 28 septembre 1958 ressortaient d’instructions officielles précises et d’une planification méthodique. Mais l’élaboration du plan général de déstabilisation et sa mise à jour constante et régulière supposaient un capital de données recueillies en Guinée et à l’étranger sur la Guinée. Ce fut l’une des préoccupations immédiates d’un des premiers et constants ennemis du Peuple de Guinée, Pierre Messmer, alors Hautcommissaire de l’AOF à Dakar; il avait ressenti le « non » guinéen comme un échec personnel : il ne le pardonna pas à Sékou Touré puisqu’il continua à déblatérer contre ce dernier, chaque fois qu’il en avait l’occasion jusqu’à son décès, en fin 2007.

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Jacques Foccart parle, un entretien avec Philippe Gaillard. Paris, Fayard/Jeune, Afrique tome 1, 1995 pp214. 58 Maurice Robert, op.cit., p111.

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Le rôle du Haut-Commissaire de l’ AOF Les premières mesures de rétorsion n’ont pas tardé. Pierre Messmer avait d’abord fait « ramener, à Dakar, par des commandos militaires qu’il avait organisés à cet effet » (59), les caisses de milliards de franc CFA déposées à la Trésorerie de Conakry ; il crut ensuite en l’efficacité de l’arme alimentaire en détournant les bateaux de vivres vers d’autres pays dès que la Guinée rejeta la constitution gaulliste : cette opération provoquerait une révolte qui justifierait une intervention militaire de la France. Toutes ces mesures ayant été improductives, il participa activement à la mise en place d’un système efficace de collecte de renseignements devant permettre une application conséquente du plan établi. À cet effet, il fit parvenir, de Dakar, ses instructions aux chefs des territoires du Sénégal, du Soudan (actuelle République du Mali) et de la Côte d’Ivoire dans une correspondance « secrète » datée du 8 novembre 1958, soit quarante-et-un jours après le « non », et dont la teneur est sans ambiguïté. Dans un premier temps, les bureaux d’études de chacun des territoires suscités, en association étroite avec les chefs de circonscription des régions frontalières, les fonctionnaires européens des services d’État appelés à travailler soit à la frontière de la Guinée, soit avec la douane, la Sûreté et l’armée de ce pays devaient collecter et transmettre les informations pouvant servir à l’élaboration d’actions ciblées susceptibles d’atteindre les objectifs planifiés. Prenons la monnaie, le franc guinéen que les Autorités guinéennes venaient de créer pour affirmer davantage l’indépendance de la Guinée et échapper à l’étranglement économique qui s’organisait contre leur pays: le directeur général du SDECE, le général Grossin, n’avait-il pas donné, par exemple, au colonel Maurice Robert, chef de poste de son service à Dakar , des « instructions et les précisions nécessaires à « l’ opération persil » consistant en l’impression des faux billets guinéens à l’imprimerie du SDECE et à leur introduction en grande quantité dans le pays « dans le but, précise-t-il, de déséquilibrer l’économie » guinéenne (60) ? Le franc guinéen devint très vite une « monnaie de singe ». Sur l’effet de ce sabotage, Maurice Robert écrit : « cette opération a été une véritable réussite et l’économie guinéenne, déjà malade, a eu du mal à s’en remettre ! » et « de Gaulle pensait qu’au bout de deux à trois mois de blocus, Sékou Touré » tomberait. Le chef du sous-secteur Afrique du SDECE constate amèrement que « cela n’a pas été le cas » (61). Dans le second temps, intensifier le recrutement des agents et honorables correspondants guinéens et étrangers, renouveler ou créer, à l’intérieur du territoire, des agents ou organismes appropriés de recherche de renseignements et de sabotages divers. Ces directives seront complétées au fur et à mesure que la 59 Pierre Messmer. Après temps de batailles…Mémoires. Paris, Albin Michel, 1992, p.241. 53 Maurice Robert.Op.cit., p. 107. 61 Idem.

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lutte contre le régime prendra de l’ampleur ; il s’agira surtout d’empêcher le développement de la Guinée afin que les autres ne s’en inspirent. Pour faciliter cette mission, Pierre Messmer précisait la méthode et ciblait les catégories sociales à contacter à l’extérieur et à l’intérieur de la Guinée. À l’ extérieur, les fonctionnaires ou agents du secteur public repliés ou expulsés, les Africains non guinéens chassés de la Guinée : ceux-là constituaient la catégorie de sources épisodiques de renseignements ; les transporteurs européens, les dioulas (commerçants) surtout ceux qui ont eu « à pâtir du changement intervenu en Guinée » et les exilés guinéens ayant maintenu des attaches dans le pays ; ceux-là, « de par leurs occupations, sont appelés à passer régulièrement la frontière » ; ils constituaient la catégorie de sources permanentes de renseignements. À l’intérieur de la Guinée, les renseignements parviendront d’une part «de personnes demeurées en Guinée », parmi lesquelles il faudra recenser celles qui ont des relations épistolaires régulières avec l’étranger et qui pourraient être des informateurs ou accepteraient d’« orienter leurs correspondances selon les indications qui leur seraient données » ; de l’autre, les agents des sociétés de commerce et des entreprises industrielles, les établissements ayant des intérêts en Guinée devraient être particulièrement entrepris. Pour la transmission des collectes, Pierre Messmer recommandait d’éviter autant que possible les voies normales. Étant donné l’importance des compagnies de transport aérien et maritime dans l’acheminement des courriers confidentiels, il insistait sur le fait que de bonnes relations devraient être entretenues avec les agents et les directions territoriales desdites compagnies. Certains hommes d’Église, comme le père Kerloc, curé de la mission de Kindia, de 1959-1962, n’hésiteront pas de passer par leur hiérarchie pour communiquer aux Autorités françaises les renseignements qui leur paraissaient utiles : « Actuellement, écrit-il dans son rapport au Supérieur général, il n’ya pas mal d’étrangers en Guinée, en particulier des Tchèques. La Tchécoslovaquie vient de livrer à la Guinée du matériel militaire, dont 8000 fusils. Un général tchèque et quelques officiers séjournent en ce moment à Kindia où ils apprennent aux 800 soldats de la garnison le maniement du nouveau matériel. La Russie aurait demandé 250 visas d’entrée pour ses ressortissants » (62). Enfin, un questionnaire de six pages intitulé « Plan de recherche sur la Guinée » était joint à la correspondance de Pierre Messmer. Destiné à faciliter le travail des informateurs, il touchait tous les domaines (politique, administration, diplomatie, économie, culture, éducation, armée, police, gendarmerie, etc.). Prenant l’exemple du discours du 28 septembre 1959 d’Ahmed Sékou Touré, il suggérait que l’investigation devait « tenir compte de l’affirmation fondamentale » du document : la « vocation de la Guinée à faire partager aux 62

Gérard Vieira. L’Église catholique en Guinée à l’épreuve de Sékou Touré (1958-1984). Paris, Editions Karthala, 205, pp.24-25.

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autres pays de l’Afrique de culture française sa conception de l’indépendance » et s’orienter vers l’étude des formes et méthodes de lutte ou de propagande que le gouvernement guinéen utilisera pour atteindre cet objectif. Pour ce qui est, par exemple, de l’armée, l’informateur devait connaître le mode de recrutement, l’encadrement, les effectifs prévus, les unités à créer et leurs implantations, le type d’arme et le pays d’origine, la quantité, etc. Il s’agissait, en un mot, d’obtenir « tous les renseignements qui pourront permettre de connaître les possibilités de durée et d’essor de la République guinéenne », conclut Pierre Messmer.

L’affinement du plan de déstabilisation contre la Guinée Ce plan de lutte contre la Guinée ainsi établi fut enrichi et affiné par le SDECE au fil des ans. Pour son exécution, les différents gouvernements gaullistes mirent tous les moyens à la disposition des structures commises à cette tâche, sollicitèrent tous les concours nécessaires tant des entreprises économiques et financières que des services spéciaux étrangers ; les méthodes et formes furent variées ; de nombreux agents et honorables correspondants recrutés dans tous les milieux émargeant dans des officines ou compagnies françaises, jouirent de toutes les facilités ; des responsables d’organisation d’« opposants » guinéens devinrent des recruteurs de mercenaires guinéens pour des opérations contre la Guinée et les forces progressistes africaines. Dans la pratique, les milieux guinéens ciblés et utilisés par le SDECE et les autres services spéciaux occidentaux à l’extérieur étaient: les civils installés dans divers pays bien avant l’indépendance du fait de l’émigration interterritoriale volontaire et naturelle ; des adversaires politiques ou syndicaux ayant fui la Guinée suite à des émeutes ou à la veille de l’indépendance ; des condamnés de droit commun, qui avaient réussi à fuir la Guinée ; des cadres soupçonnés de malversation qui avaient préféré prendre la tangente ; des étudiants ayant terminé leurs études et qui, à la recherche d’agrégation ou de doctorats divers, même avec les recommandations bienveillantes des services spéciaux, évoquent des prétextes fallacieux, pour refuser de rentrer en Guinée et se mettre à la disposition de leur pays dont les divers plans de développement étaient confectionnés en fonction de leur retour prévu et programmé; les fonctionnaires missionnaires ou permissionnaires de passage dans certaines capitales, Paris en particulier ; des cadres affectés dans des ambassades ou au sein d’organisations internationales extérieures sans qu’ils ne soient l’objet d’aucune menace ; des Guinéens qui n’ont pas pu supporter les difficultés du moment ou qui ont été encouragés dans l’espoir de trouver une vie meilleure ailleurs ; les élèves et étudiants encouragés à fuir l’école guinéenne pour se rendre soit à Dakar ou soit en Côte d’Ivoire où ils sont pris en mains par l’opposition guinéenne évoluant

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dans l’administration des deux pays ; les militaires ayant choisi de rester dans l’armée française, en France (camp de Rivesaltes, en particulier, près de Perpignan, où beaucoup seront transférés) et à Dakar après la proclamation de l’indépendance (environ cinq cents hommes) ; des militaires et policiers déserteurs de l’armée et de la Police guinéennes, pour des raisons diverses, etc. À l’intérieur du territoire, le recrutement se faisait parmi d’anciens chefs de canton et leurs descendants ; les éléments conservateurs privés de leurs privilèges injustifiés ; les commerçants, planteurs, transporteurs mécontents ou ayant peur d’être coupés du commerce international ; d’anciens membres des partis administratifs (BAG et DSG), vaincus démocratiquement à l’issue de différentes élections avant l’indépendance (1956-1958) et qui s’étaient ralliés, à contre -cœur, à la décision prise par le PDG de voter « Non » ; des membres des syndicats cléricaux (CFTC) ; les milieux religieux, catholiques en particulier , en raison de la politique de laïcisation du nouveau régime et sa volonté d’africanisation des cadres de l’ Église guinéenne; des intellectuels récemment rentrés de leur formation à l’étranger , se croyant , de par leur formation, mieux indiqués pour gérer le pays et éprouvant peu de considération pour les dirigeants politiques non universitaires ; au sein même du PDG et du gouvernement ceux des cadres qui n’approuvaient pas les choix politiques, ou qui reprochaient à Sékou Touré de s’être accaparé tous les pouvoirs à travers le cumul de postes (secrétariat général du parti et Présidence de la République) et qui estimaient qu’il fallait procéder à une meilleure répartition des postes de responsabilité par la séparation du Parti et de l’ État, avec deux responsables se répartissant les tâches inhérentes à la fonction , donc avec la possibilité d’activer, à tout moment, une contradiction entre les deux responsables, au profit de leur objectif politique, la liquidation du régime. Quant aux européens résidents, nombre d’entre eux furent contactés par le SDECE et la plupart finiront par accepter d’être soit des agents, soit d’honorables correspondants, les plus déterminés participant effectivement aux opérations engagées contre la Guinée. « Après avoir obtenu le feu vert du général Grossin, le directeur général du SDECE, pour l’engagement d’une opération globale sur la Guinée, je mets tout en œuvre pour atteindre le double objectif d’isolement du pays et de déstabilisation de Sékou » (63), affirme Maurice Robert.

L’exécution des ordres de déstabilisation de la Guinée parle chef de poste du SDECE à Dakar Pour atteindre cet objectif, le chef Secteur Afrique du SDECE fut surtout « chargé de recruter des proches ou membres du gouvernement guinéen pour tenter d’influer sur la politique guinéenne en faveur de la France ». Ce qu’il réussit dès le début de l’indépendance grâce à l’action efficace du capitaine 63

Maurice Robert .Op.cit. , p.107.

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Bourreau-Mitrecey, représentant du SDECE au sein de la Mission française à Conakry ; il recruta, entre autres, Karim Bangoura, le général Noumandian Keïta, NabyYoula, etc., selon Roger Faligot et Pascal Krop et Maurice Robert (64). Les agents ou honorables correspondants guinéens se montrèrent particulièrement entreprenants. Ainsi, NabyYoula, premier ambassadeur de la Guinée en France, « honorable correspondant très coopératif » et « de haut niveau … communiquait des renseignements d’ambiance sur la Guinée ». C’est certainement pourquoi l’une des décorations généralement accordées aux fournisseurs bénévoles des renseignements ou de documents aux autorités françaises, la Légion d’honneur, lui fut attribuée, le 14 juillet 1998, au cours de la réception à la Résidence de l’Ambassadeur de France à Conakry en signe de récompense pour services rendus à la France. Les deux télégrammes que voici étayent les dires de Maurice Robert (65): -To n°957Conakry 19 décembre 1958 du cabinet M.944 à Risterucci par Boyer cf. Mission Bargues : « Nabi Youla vient de me téléphoner pour m’informer que si une réponse de Paris concernant négociation en cours, n’est pas parvenue Conakry dans la journée d’aujourd’hui, la situation est susceptible de se détériorer. Stop. Ce sont ses propres termes. Stop. Un Conseil de ministres se tient actuellement et déclaration doit être faite devant Assemblée nationale à 11heures ce matin par le Chef de l’État ». - To n°166 du 21 décembre 1958, AFOM Paris n°601 à Haussaire à Dakar pour information n°962/963 : « Nabi Youla a dit jeudi après-midi que mesures avaient été déjà décidées par gouvernement guinéen pour le cas où les négociations avec la France ne seraient pas menées à bonne fin. Ces mesures seraient dans l’immédiat. Primo, déclaration présidentielle rejetant la responsabilité de la rupture sur la France et annonçant entrée prochaine Guinée dans la zone sterling. Secondo : reconnaissance provisoire de la République algérienne. Toutefois le gouvernement guinéen n’a fait jusqu’à présent aucun communiqué sur l’échec de la négociation. Peut-être réserve-t-il la primeur aux délégués du PDG à Conakry». Par ailleurs, mis à contribution, les hommes d’affaires français restés en Guinée sabotèrent l’économie locale en refusant l’exportation des produits guinéens et l’importation des marchandises françaises. D’où cette réaction de Sékou Touré au cours du meeting du 28 février 1960 à Kindia sur la situation de la Guinée : il accusa les sociétés de commerce de vouloir asphyxier l’économie du pays dont la circulation fiduciaire avait baissé de moitié ; il leur reprocha

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Roger Faligot et Pascal Krop. La Piscine. Les services secrets français, 1944-1984. Paris, Éditions du Seuil, 1985, p.246, notes 1et 2. Voir aussi Maurice Robert.Op.cit,p 100. 65 In : Archives nationales Conakry. Non encore traité.

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aussi d’avoir refusé de participer à la campagne d’achat de la production agricole. Peut-on alors s’étonner que de nombreux étrangers aient été démasqués et arrêtés et condamnés, suite à l’Agression du 22 novembre 1970, en particulier ?

Maurice Robert renouvelle le personnel du SDECE de Guinée Il faut noter que l’efficacité des agents de sécurité guinéens formés par les services secrets tchécoslovaques inquiéta très tôt les services spéciaux français ; aussi, Maurice Robert se rendit-il, dès la seconde quinzaine d’octobre 1958, à Conakry pour rassurer ses agents et honorables correspondants, se débarrasser des éléments repérés ou affolés, tel le directeur de l’ Hôtel de France, en recruter d’autres et renouveler les structures opérationnelles en place depuis quelques années et préciser leurs nouvelles missions. Venu en homme d’affaires et sous un nom d’emprunt, il put évoluer sans être soupçonné ; il réussit ainsi à faire ouvrir la boutique de presse et de souvenirs de cet hôtel pour espionner les ressortissants de l’Est (russes, allemands, chinois, etc.) ; il y plaça un officier du SDECE pour collecter et fournir des renseignements sur les experts des pays socialistes qui y logeaient. « La boutique se révélera être un bon poste d’observation et d’écoute » (66), indique-t-il. Il quitta Conakry après avoir complètement réorganisé le dispositif d’espionnage ; il procéda au remplacement, en décembre 1958, de « l’officier du SDECE en poste à Conakry, un jeune capitaine sous couverture d’attaché culturel à la Représentation française »: l’intéressé pensait « avoir été repéré » (67), dit-il par les services de sécurité guinéens qui n’attendaient qu’une bonne occasion pour le prendre en flagrant délit. Une autre preuve de mise en place d’agents efficaces : c’est, selon Monsieur X et Patrick Pesnost, l’introduction du faux billet par la France contre le franc guinéen. En effet, l’introduction de la fausse monnaie suite à la mise en circulation de la nouvelle monnaie, le 1er mars 1960, par les nouvelles autorités guinéennes, prouva que la France avait « de nombreuses complicités» en Guinée » et que les services secrets français disposaient, dans ce pays, « d’un véritable réseau d’agents coordonnés et commandés par l’Élysée, via Jacques Foccart » (68) ; aussi, cette pratique aura-t- elle des conséquences désastreuses pour l’économie guinéenne, qui sera vite fragilisée et surmontera difficilement les sabotages que la Guinée affrontera pendant vingt-six ans (1958-1984) . Les agents étaient également désignés par numéro et n’avaient pas tardé à se mettre au travail. C’est ainsi que l’agent « 100 »,un Sénégalais, qui travaillait à la Compagnie Minière « en qualité d’aide chimiste » et qui percevait un salaire 66

Maurice Rober.Op.ci. p.104. Idem. 68 Monsieur X et Patrick Pesnost.Op.cit, p.95. 67

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de 35.000 FCFA par mois », fait un rapport sur la composition de l’armée guinéenne qui avait défilé le 28 septembre 1959 en précisant le nombre, le type et l’origine des armes (russe et tchèque), et les tenues des soldats ; il avait même remarqué , et le signala à « 105 », dans la tribune officielle, la présence de l’officier français de réserve en tenue militaire qui avait « participé activement à la campagne contre le « non » en Guinée. Que lisons-nous encore dans un des livres de Jacques Foccart (69) ? Quand il dit au général de Gaulle, les 27 et 28 octobre 1966 : « Une menace pèse sur les intérêts français en Guinée », celui-ci, tout en le sachant, lui répond : « Je ne vois pas pourquoi vous vous acharnez à penser qu’il y a quelque chose à faire avec la Guinée tant qu’il y aura Sékou Touré : aussi longtemps, ajoute-t-il, que ce régime durera, il n’y a aucun espoir pour nous ». Comme pour lui dire : tâchez de nous débarrasser de Sékou Touré, c’est tout ce que je vous demande et vous verrez que tout ira bien pour la consolidation de nos intérêts en Guinée.

Les sources de financement des complots Mais cette entreprise de liquidation du régime rebelle de Conakry nécessitera des moyens financiers considérables. C’est pourquoi, en plus des sociétés et succursales chassées de la Guinée à partir de l’indépendance et qui tenaient à y retourner, presque toutes les sociétés et entreprises françaises étaient sollicitées, -beaucoup étaient installées dans les États africains de la Communauté-, de même que certains chefs d’État africains, pour faire face soit à l’achat des armes pour les mercenaires, soit à leur équipement, à leur salaire, etc. Le livre blanc sur l’agression contre le Bénin élaboré par le gouvernement béninois est très illustratif à ce sujet. Mais il suffit de parcourir le rapport du juge Éva Joly pour se rendre compte que la société pétrolifère Elf sera la grande source financière de toutes les opérations françaises de déstabilisation organisées contre les régimes progressistes africains.

Le rôle des journalistes alimentaires Le rôle des journalistes alimentaires et aux ordres ne fut pas négligé: les difficultés économiques de la Guinée seront exposées, montées en épingle en raison de l’indépendance totale du pays afin que les autres États africains ne suivent pas cet exemple. Il s’agit de faire croire que rien ne va en Guinée depuis que ce pays est devenu indépendant. Toute aide occidentale devait désormais lui être refusée. Nombre de ces journalistes furent recrutés et payés : cinq millions neuf cent soixante-dix-sept(5.977.000) francs leur furent ainsi versés en 1966, année de création du FLNG par Houphouët-Boigny (70). Ils servaient de relais aux détracteurs du régime guinéen : chefs d’État africains, services spéciaux 69 Jacques Foccart. Tous les soirs avec De Gaulle, Journal de l’Élysée, 1966-1967, Paris Fayard/Jeune Afrique 1977, p.499. 70 FNLG, Front national de libération de la Guinée, créé en mars 1966 à Abidjan.

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occidentaux, ambassades étrangères, l’opposition guinéenne dont les interviews diffamatoires étaient sollicitées et diffusées à longueur de journée ; tous les petits faits, toutes les rumeurs, très souvent inventées sur la Guinée, étaient amplifiés à dessein. N’importe quel agitateur guinéen, qui se faisait passer pour un ancien dirigeant politique ou administratif, alors qu’il n’a jamais été fonctionnaire en Guinée ou exercé une fonction politique dirigeante, était pris au sérieux : James Soumah, dit « Yémy », qui était conseiller municipal de Drancy (France) et délégué de la Fédération socialiste de la Seine-Saint-Denis, fut ainsi présenté au congrès du parti socialiste à Nantes, le 15 juin 1977, comme un ancien secrétaire d’État aux Affaires sociales alors qu’il n’a jamais été membre d’un gouvernement guinéen, ni occupé une place au sein d’une structure dirigeante du parti : selon le journal guinéen Horoya-hebdo des 12-18 juin 1977, il exerça, d’abord, le métier de pêcheur à Fotoba (Iles de Loos) jusqu’en 1952 ; il émigra ensuite en France de 1952 à 1957 ; de la fin 1957 au début 1959, il rentra en Guinée et devint moniteur auxiliaire au centre de rééducation de Ratoma ; il émigra de nouveau, depuis février 1959, en France où il se fit passer pour un opposant irréductible au régime guinéen. Et le mensonge de James Soumah a été d’autant plus pris au sérieux qu’il sera repris vingt-deux ans après par le conseiller des Affaires africaines du président François Mitterrand de 1981 à 1986, Guy Penne dans son livre paru en 1999 (71). Il fallait, à l’époque, mentir, diaboliser le régime guinéen pour impressionner et bénéficier du titre d’émigré ou de séjour en France et même de diplôme universitaire, en particulier Doctorat et professorat. L’opinion publique fut ainsi désinformée sur la Guinée et beaucoup de Français de la Métropole crurent, sur la foi d’articles de presse de journalistes véreux, que l’Agression du 22 novembre 1970 ou les tentatives d’assassinat de 1976 et de 1980, par exemple, ont été inventés par Sékou Touré pour éliminer ses adversaires politiques réels ou supposés. C’est pourquoi il n’a pas été difficile à celui-ci de ridiculiser nombre de ces journalistes lors de son voyage en France en septembre 1982.

Le SDECE recrute et utilise certains éléments de la diaspora guinéenne Tous les témoignages sur les complots concordent sur un fait : les différents gouvernements et services spéciaux étrangers ayant tenté de renverser le régime politique guinéen et de destituer Sékou Touré entre 1958 et 1984 comptaient essentiellement sur des cadres guinéens en général, tous luttant pour le remplacer au pouvoir , sur « les Peuls, en particulier, (qui)s’engagent dans une

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Guy Penne. Mémoires d’Afrique, 1981-1990.Entretiens avec Claude Wauthier. Paris, Éditions Fayard, 1999.

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opposition de plus en plus active, opposition qui s’étend à toute la région du Fouta-Djalon, à la frontière du Sénégal et du Mali » (72), précise Maurice Robert. C’est pourquoi, chaque fois qu’une volonté de réconciliation entre la France et la Guinée se manifestait, l’opposition guinéenne, aidée par les chefs d’État africains que la France utilisait contre la Guinée et certains services spéciaux occidentaux, fomentaient un complot. Les cadres mercenaires réussirent ainsi à tromper en particulier des éléments ethnocentriques de la Moyenne Guinée qui s’illustrèrent particulièrement sur les champs d’entraînement en vue d’une attaque armée contre la Guinée: ils furent majoritaires parmi les agresseurs du 22 novembre 1970 contre la Guinée ; parmi les mercenaires formés par Bob Denard et envoyés aux Comores et au Bénin pour se faire la main; au sein des troupes qui se préparaient dans certains pays limitrophes, en particulier le Burkina Fasso, contre la tenue du vingtième sommet de l’ OUA à Conakry en mai - juin 1984.

Les « Foccart africains » Enfin, trois chefs d’État africains s’illustrèrent dans ce combat permanent contre la Guinée pendant vingt-six ans, donc même après la réconciliation franco-guinéenne de 1975 : Houphouët- Boigny, de Côte d’Ivoire, Léopold Sédar Senghor, du Sénégal et Omar Bongo, du Gabon ; ils furent les trois instruments de la France, les « Foccart africains » contre l’Afrique progressiste. Omar Bongo participera surtout aux financements des opérations de déstabilisation et à l’entretien des opposants guinéens sur fonds gabonais ou par diverses sociétés françaises en particulier Elf ; son implication dans l’agression contre le Bénin est particulièrement flagrante comme l’attestent les Archives de l’agression abandonnées par les assaillants. Parlant d’Houphouët- Boigny et de Léopold Sédar Senghor, le 19 avril 1966, Jacques Foccart décrit le degré d’animosité de chacun d’eux envers le chef de l’État guinéen : « Senghor continue à manifester une grande hostilité contre Sékou Touré. Mais cela n’atteint pas les mêmes proportions que chez Houphouët. En effet, poursuit-il, le président de la Côte d’Ivoire est déchaîné contre celui de la Guinée et il monte une opération contre lui (73). Nous savons par exemple que le leader ivoirien utilisa les Guinéens en finançant la création du Front de Libération Nationale de Guinée (FLNG) à partir de 1966 contre la Guinée. Marchés tropicaux, de révéler que le Front de Libération Nationale de la Guinée « s’organise en silence tant hors de la Guinée qu’à l’intérieur du pays » contre le régime naissant (74). Action que le19è congrès de la FEANF condamna en ces termes : « L’impérialisme français, agissant par la main criminelle de

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Maurice Robert. Op.cit., p.105. Jacques Foccart. Tous les soirs avec de Gaulle.Op.cit p380 74 Marchés tropicaux et méditerranéens, n°1109, 11 février 1967. 73

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Houphouët-Boigny, suscite, finance et dirige un regroupement des Guinéens en exil (Front de Libération Nationale de la Guinée » (75). Les trois chefs d’État africains utiliseront tous les moyens, soutiendront tous ceux qui se déclareront opposés au régime guinéen. Mais en vain. Pourquoi de telles attitudes de leur part en dehors de faire payer aux Guinéens leur impertinence de voter seuls « non » lors du référendum du 28 septembre 1958 ? Si l’on en croit le colonel Maurice Robert, qui sait de quoi il parle, le chef de l’État ivoirien « redoutait l’influence grandissante de Sékou Touré dont l’action peut gêner la création d’un vaste ensemble de pays d’Afrique occidentale dont il espère prendre la tête » ; quant à Senghor, il craignait une forte pression subversive sur le Sénégal à partir de la Guinée ». Tous deux, ajoute l’ancien directeur du Secteur Afrique du SDECE, étaient « des alliés de poids dans les opérations de déstabilisation que les gouvernements français avaient décidé de « mener contre Sékou Touré » (76) ; le Sénégal abrita même un camp d’entraînement militaire à la guérilla, avoue Maurice Robert, pour les opposants guinéens, supervisé par le SDECE (77) ; les Guinéens qui se faisaient passer pour des opposants au régime guinéen étaient à l’aise en France, au Sénégal et en Côte d’Ivoire soit pour baver sur le régime guinéen, soit pour recruter des mercenaires devant organiser l’agression contre le Bénin et les Comores au compte de Bob Denard, via la France.

Les aveux d’Houphouët-Boigny À la prise du pouvoir par l’armée après la mort naturelle du président Ahmed Sékou Touré, le président Houphouët-Boigny a reçu une délégation du CMRN à Abidjan ; selon les textes de l’exposé restitués en partie par mesdames Fatoumata Binta Camara et Jeanne Pether, secrétaires à l’ époque , respectivement, aux ministères des Mines et au ministère des Affaires étrangères, le Chef de l’ État ivoirien a avoué le rôle négatif qu’il joua entre la France et la Guinée: - Tous les complots dénoncés sous l’ancien régime guinéen (1958-1984) seraient vrais ; il aurait participé à leur montage avec le Président sénégalais, Léopold Sédar Senghor. - Il se serait opposé à toute entente entre le général de Gaulle et Sékou Touré. - La Côte d’Ivoire se serait développée au détriment de la Guinée, de nombreux projets destinés à celle-ci ayant été détournés à son profit.

75

In : L’Etudiant. Guinéen, janvier 1967, p.11.Motion sur la Guinée. Maurice Robert ; Op.cit. p.106. 77 Idem. P.109. 76

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Raisons de l’implication des Alliés de la France La France n’était effectivement pas la seule puissance impérialiste à en vouloir au régime guinéen. Des puissances coloniales et leurs alliés en général, et du Portugal, en particulier, leur Cheval de Troie (78), reprochaient à la Guinée de soutenir les mouvements de libération nationale contestant leur tutelle. Le capitaine Alpoim Calvão l’a dit et écrit: en organisant l’Agression du 22 novembre 1970 avec l’opposition guinéenne à l’étranger et ses appuis à l’intérieur, la 5e colonne, le Portugal comptait mettre en place un gouvernement guinéen plus docile et plus favorable à l’Occident. En effet, Sékou Touré et ses compagnons de lutte estimaient que l’indépendance guinéenne serait incomplète s’il y avait encore des colonies étrangères en Afrique. D’où l’aide et toutes sortes de soutien que la Guinée apporta aux mouvements de libération africains. Le soutien financier fut même inscrit au budget national guinéen dès après la création de l’OUA en mai 1963.

Le choix d’une stratégie efficace par le PDG-RDA Face aux premières menées subversives de la France aidée de se alliés européens et des hommes liges guinéens et africains, de leurs tentatives de remettre son indépendance en cause ou d’entraver le processus de création et de consolidation de la Nation guinénne, d’empêcher son développement économique et social, le PDG-RDA et le Gouvernement ont dût appliquer une stratégie de lutte originale et efficace, qui aboutit à la création d’un État et d’une Nation, la Démocratie nationale, et à la mise en place de nouvelles structures économiques qui ont abouti à l’union nationale. Secret de la résistance du peuple à tous les assauts et de l’échec de toutes les déstabilisations contre de la Guinée de 1958 à1984. Il a fallu tenter, autant que possible, de taire toutes les contradictions internes, rassembler les différentes ethnies, couches et catégories autour de cet objectif d’unité pour éviter toute dispersion des efforts : associer toutes les énergies, toutes les bonnes volontés était devenu une nécessité vitale. La ligne politique était souple à l’intérieur et ferme à l’extérieur. « Cette tactique de souplesse à l’intérieur nous a permis, écrit Sékou Touré, de résoudre les problèmes qui découlaient des réalités négatives du tribalisme, du régionalisme, de la mystification religieuse, du fétichisme, de la discrimination de sexe et de l’infériorisation de la femme » (79). Mais le PDG-RDA et le gouvernement ne se faisaient aucune illusion sur les intentions réelles de certains de ses ennemis historiques et des gauchistes en son sein. 78

Le Cheval de Troie est un gigantesque cheval de bois que les Grecs avaient abandonné devant la ville de Troie. Les Troyens les introduisirent dans leur ville alors que les guerriers grecs s’y étaient cachés. Ce stratagème permit aux Grecs de s’emparer de Troie. 79 Ahmed Sékou Touré.T.XVI Le pouvoir populaire. Conakry, Impr.Patrice Lumba, sd.p156.

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L’attitude de refus des gauchistes Les gauchistes, substituant arbitrairement les phases les unes aux autres, sans tenir compte des réalités de la lutte, n’approuvaient pas le choix d’alliances des couches et catégories sociales ; ils avaient opté pour le principe de la lutte de classes et la proclamation immédiate de la voix socialiste du développement comme seule voix adéquate permettant à la Guinée de sortir rapidement du sousdéveloppement ; toute autre solution leur paraissait de l’ aventurisme politique et de la démagogie. Le Parti avait beau indiqué que les réalités de la lutte ne militaient pas , pour le moment, en faveur d’un tel choix, qu’une telle attitude politique et idéologique , dans un contexte d’adversité et d’hostilité évident, aurait de graves conséquences internes, étant donné l’épouvante que représenterait ce choix aux yeux des milieux religieux, des éléments conservateurs ou à vocation bourgeoise ; que la France en ferait une argumentation convaincante auprès des masses analphabètes non encore idéologiquement formées, les gauchistes ne voulaient rien comprendre ; comptant opportunément sur certains responsables syndicaux , de cadres se disant marxistes et des éléments du PAI, ils participeront alors activement à la dénonciation du régime en se fondant sur le comportement répréhensible de certains cadres dirigeants du PDG plus préoccupés de s’enrichir que de servir le peuple. Ils franchiront la limite acceptable en s’impliquant activement, en 1961, dans les menées subversives des enseignants, qui échoueront lamentablement.

L’attitude de refus de la droite La droite réactionnaire et conservatrice, qui s’organisait clandestinement, voudra profiter de l’échec de la gauche pour se lancer à l’assaut du pouvoir avec la bénédiction du SDECE. Composé des ennemis historiques du PDG (anciens chefs de canton privés de leurs prestiges injustifiés, d’anciens membres du BAG et de la DSG), des couches à vocation bourgeoise(commerçants, planteurs, transporteurs, etc.) et de quelques cadres du Parti, elle subissait plutôt les choix progressistes des Autorités politiques et administratives ; militant pour une économie libérale , ceux d’entre eux qui avaient participé au combat libérateur mené contre la domination française, espéraient remplacer les colons et continuer à exploiter les masses laborieuses à leurs seuls profits ; alliés objectifs de la France coloniale, ils ne refuseront pas de s’allier aux ennemis extérieurs de la Guinée pour arriver à leurs fins : instaurer un régime néo-colonisé. Ayant réussi à s’enrichir par détournement des deniers publics ou la trahison et à s’accaparer de quelques postes politiques importants au sein du Pari, ils s’organiseront pour noyer les structures politiques et saboter toutes les décisions du parti et du gouvernement afin de provoquer la révolte populaire permettant la chute du régime.

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Face à ces contradictions qui s’aiguisaient au sein du Parti et qui risquaient d’empêcher le Parti d’atteindre son objectif stratégique immédiat, l’union nationale, le régime réagit et sévit contre ses ennemis résolus à la lutte.

La détermination Les raisons

du

gouvernement

guinéen

Mais face à la France coloniale, les autorités guinéennes étaient également déterminées à défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Guinée. Ainsi, prévoyant cette obstination aveugle du gouvernement français et de ses alliés, Sékou Touré avait déclaré au cours de son premier meeting de l’indépendance, au cinéma Vox (Conakry), le 25 octobre 1958: « Soyez donc persuadés que nous avons une haute conscience de notre mission. Autant nous accepterons de notre vivant, tant que nous resterons des hommes conscients, la moindre atteinte à la souveraineté, à la dignité de la Guinée, autant nous nous opposerons farouchement, de la part de qui que ce soit, hommes ou femmes, petits ou grands, à la moindre attitude qui puisse compromettre la marche en avant de la Nation guinéenne» ; il soutint également, le 28 octobre 1958, que « de toutes les manières, plus jamais, dans l’histoire, la Guinée ne sera colonisée ; que cela soit connu une fois pour toutes » , et au président Tolbert il dira en 1959 : « nous voulons des partenaires et non des maîtres ». Il n’est donc pas étonnant que les autorités guinéennes, conscientes du danger mortel que le jeune État courait, aient considéré la lutte à outrance, et sous toutes les formes engagées contre ce pays aussitôt qu’elle a proclamé son indépendance comme une guerre non déclarée et sanctionnée comme telle.

La France, à l’origine de la rupture brutale L’on sait combien de messages avaient été envoyés au gouvernement français pour régulariser les rapports franco-guinéens sur une base égalitaire, dans le strict respect des souverainetés. Sékou Touré ne souhaitait pas, malgré tout, une rupture brutale avec la France sur le plan monétaire, en particulier; aussi, avait-il proposé, pour la Guinée, des aménagements qui correspondraient au régime d’un pays indépendant par rapport aux pays africains membres de la Communauté; ainsi, quand il s'est agi de choisir entre différentes solutions de sortie de crise, des membres du gouvernement, tels que Alioune Dramé et Lansana Béavogui, avaient approuvé sa proposition de choisir le régime de compte d'avance au sein de la zone franc, alors que d'autres, tels Ismaël Touré, Moussa Diakité, Ibrahima Barry dit Barry III, voulaient la rupture immédiate et totale. Ayant constaté le refus de la France de prendre en compte les propositions du gouvernement guinéen, la conférence du PDG, réunie du 25 au 27 février 1960 à Dalaba, décida de la réforme monétaire; le gouvernement se mit aussitôt à la tâche de préparer toutes les conditions nécessaires et c'est encore vers l'Occident qu'il se tourna; mais les autorités helvétiques, contactées, refusèrent l'offre en

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raison de l'amitié liant les deux pays, la France et la Suisse, et l' existence de l'accord de commerce entre eux. Aussi, face à l’hostilité de la France et de ses alliés, le Président Sékou Touré annonça-t-il, le 1er mars 1960, à 7 heures 30 du matin, à la Radio nationale, la création de la Banque centrale de Guinée, l'émission du franc guinéen non convertible et la création d'un office des changes (80). La réaction du gouvernement français, dirigé à l’époque par Michel Debré, ne tarda pas puisqu'il décida, dès le 8 mars 1958, de suspendre tout transfert de fonds entre les deux pays, de couper financièrement la Guinée de ses partenaires ouest-africains traditionnels. Il demanda à la délégation de Pierre Maetracci se trouvant en Guinée depuis le 3 mars de s'opposer à toute remise de l’encaisse au gouvernement guinéen. Que la création de maquis au Fouta-Djalon pour subvertir le jeune État guinéen ait été envisagée déjà, était, en soi, condamnable ; mais l’avoir entreprise effectivement et même tenté d’envahir la Guinée dès décembre 1959, soit quinze mois après le référendum, a paru tout simplement un acte de guerre prémédité tendant à violer la souveraineté nationale et à remettre en cause l’indépendance d’une Nation en formation. Cela parut d’autant plus choquant que les préparatifs de la seconde tentative de renversement du nouveau régime par les services secrets français étaient déjà très avancés. Aussi, le nouvel État trouva-t-il légitime de se défendre contre toutes les tentatives de déstabilisation et de remise en cause de son indépendance et de sévir contre tout Guinéen qui accepterait de collaborer avec les agents de l’Ambassade de France en Guinée. D’autant que le choix entre l’indépendance et l’adhésion à la communauté franco-africaine avait été librement offert aux ex-colonies françaises d’Afrique noire et de Madagascar. Pourquoi donc punir Sékou Touré et, avec lui, la Guinée, pour avoir choisi, librement, par 1.131.292 voix contre 56.959, son indépendance ?

80

Ordonnances n°s 09, 010,60 du 20 février 1960. Cf. aussi Robert Julienne. OP.cit. p40.

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Chapitre V Le SDECE organise et dirige les premiers complots contre la Guinée sur instructions expresses du gouvernement français (1959-1960)

« Je ne vois pas pourquoi vous vous acharnez à penser qu’il y a quelque chose à faire avec la Guinée tant qu’il y aura Sékou Touré : aussi longtemps que ce régime durera, il n’y a aucun espoir pour nous ». Charles de Gaulle

I.- Le « Plan Alby », décembre 1959 Fourberie de la France coloniale Ce complot fut, en particulier, une preuve que la France coloniale n’était pas sincère dans sa politique de collaboration avec le nouvel État : il s’était produit au moment où les négociations de coopération étaient déjà engagées entre les deux pays, après le « non » de la Guinée à la nouvelle formule néo-colonialiste mise en place, la Communauté française. Par ailleurs, les gouvernements français et guinéen étaient déjà en pleine négociation quand Jacques Foccart, ses réseaux et le SDECE, convaincus de la fragilité du régime naissant et profitant de la tournée qu’effectuait Sékou Touré à l’étranger (9 novembre-5 décembre 1959), montèrent, sous ce nom, « une grosse opération secrète pour [le] renverser»; Pierre Messmer précise qu’il s’agissait d’« une révolte armée dans le massif montagneux du Fouta-Djalon » et de l’ éclatement « d’un coup d’État à Conakry »(81). Il n’est pas étonnant que Jacques Foccart n’en dise mot dans le volume 2 de Foccart parle, respectant là une règle bien connue des Services secrets : « n’avouez jamais surtout vos échecs », révèle Pierre Messmer(82).

81

Pierre Messmer. Les blancs s’en vont, récits de décolonisation. Paris, éditions Albin Michel, 1968, p.219. 82 Idem, p.219

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Contexte trompeur Le moment paraissait favorable. La Guinée « rencontrait des difficultés. Le pouvoir d’achat avait baissé d’au moins 15% ; on murmurait dans les campagnes ; les anciens combattants s’aigrissent » en exigeant le payement de leurs pensions, pourtant suspendues par la France qu’ils ont servie durant les deux conflits mondiaux et dans les colonies, l’amélioration de leurs conditions « spéciales ». Ce qu’ils oubliaient, c’est que le peuple de Guinée ne leur doit pas son indépendance. Ce qui amené le secrétaire général du Parti à leur consacrer des passages suivants dans son rapport de politique général au cinquième congrès (14-17 septembre 1959) et leur tenir des propos vexatoires qui ont poussé certains d’entre eux à rejoindre le regroupement » qui se fait « en montagne dans le Fouta-Djallon » (83): « utilisés comme des mercenaires de l’armée française, les anciens militaires ont cru qu’ils pouvaient s’imposer au gouvernement de la République de Guinée en exigeant des conditions spéciales. Ils ont tenu des propos menaçants alors qu’ils ne jouaient aucun rôle dans la Révolution nationale. Bien au contraire, si nous avions été contraints de prendre les armes contre la France, jamais ils n’auraient été à nos côtés. Ils auraient été du côté de l’argent, uniquement parce qu’ils n’ont aucun sens national, aucun sentiment patriotique. … Ils sont travaillés, préparés pour agir ainsi ». Mais les milieux coloniaux n’étaient pas dupes : ces difficultés n’entamaient nullement la volonté d’indépendance des Guinéens. Aussi, ont-ils conclu et fait savoir au gouvernement français que « vain…serait de spéculer sur un effondrement de Sékou Touré»(84).

Caution officielle Mais Jacques Foccart avait réussi à obtenir le feu vert du général de Gaulle et l’annonça dans son bureau au général Paul Grossin, directeur du SDECE, et à Constantin Melnik, conseiller chargé, au cabinet du Premier ministre, Michel Debré, d’assurer la liaison avec les services de renseignements : « le général [de Gaulle] ordonne que vous fassiez tout pour renverser Sékou Touré…Il suffit de créer des maquis pour que le tyran soit balayé…Le détonateur des maquis entraînerait une résistance généralisée. Les parachutistes du service Action furent mobilisés » (85) à cet effet. L’opération fut confiée au directeur de la section Afrique du SDECE et ancien chef de poste du même service à Dakar, Maurice Robert, qui supervisa le recrutement au sein des militaires guinéens qui avaient décidé de rester dans l’armée française après le référendum du 28 septembre 1958, et dans les milieux des Guinéens qui avaient fui leur pays avant l’indépendance ; des hommes du Service Action dirigés par Bauer et du 11e bataillon entraînèrent l’ensemble de 83

Nantes.Fonds AOF.Dossier 43. Marchés tropicaux et méditerranéens, n°695, 7 mars 1959. 85 Constantin Melnic. Un espion dans le siècle. La diagonale du double. Paris, Plon, 1994, p. 84

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ces recrues et leur fournirent les armes et munitions , en plus de celles données par l’ Armée française.

Méprise sur les inquiétudes des Guinéens Les conditions intérieures de la Guinée paraissaient favorables au succès de l’action préparée : l’application des mesures de rétorsion prises par le gouvernement français commençait à faire sentir leur effet, d’où quelques inquiétudes et difficultés chez de nombreux Guinéens ; la prise en main des opposants par le SDECE s’organisait et renforçait la confiance des adversaires historiques et circonstanciels du PDG en une victoire imminente, d’où l’agitation fébrile constatée dans certains milieux, chez les anciens militaires en particulier.

Le rôle du Sénégal et de la Côte d’Ivoire « Nous agissions, précise Patrice Chairoff, sous les ordres d'Albert Arnaud, un proche, voire un intime de la "Foque" (Foccart). Il nous a été facile de regrouper à Dakar des officiers guinéens auxquels un entraînement spécial était donné par des hommes du 11e choc, mais, malgré la collaboration d'hommes politiques guinéens en exil, ce premier complot s'est soldé par un échec" (86). Le Sénégal était la base principale de préparation de cette opération pour les combattants guinéens, essentiellement recrutés au sein de la « Solidarité Africaine » ; celle-ci regroupait des Guinéens résidant au Sénégal et opposés au régime guinéen. Et si l’on en croit Maurice Robert, cela ne fut pas facile : ils ont dû exercer « une forte pression sur les autorités sénégalaises pour qu’elles abritassent, sur leur sol, une base d’entraînement de la guérilla » (87). En Côte d’Ivoire, Jacques Achard, chargé de mission à l’ambassade de France à Abidjan, supervisait les préparatifs à Abidjan, alors qu’à Conakry, le capitane Bourreau-Mitrecey assurait la liaison avec les opposants de l’intérieur. Un réseau de commerçants et d’industriels, composés de Guinéens et d’étrangers, était prêt à fonctionner et le SDECE était en contact par radio avec les maquis créés dans les montagnes du Fouta-Djalon (Moyenne Guinée). L’on tenta même d’opposer le Soudan français (actuelle République du Mali) à la Guinée en faisant courir le bruit que le gouvernement guinéen avait procédé à la fermeture des frontières entre les deux pays ; il a fallu que les autorités guinéennes publient un communiqué le 8 janvier 1960 démentant ce mensonge.

Objectif de l’opération Il s’agissait d’occuper le Fouta-Djalon par une insurrection armée et, concomitamment, de renverser Sékou Touré par un coup d’État militaire à Conakry ; en cas d’échec de cette seconde opération, provoquer la sécession de la Moyenne Guinée.

86

Patrice Chairoff. Dossier B…comme barbouzes.Paris, Ed.Albin Morceau, 1975, p.75. Maurice Robert, op. cit,p.109 .

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Selon Maurice Robert, les autorités sénégalaises, à travers le ministre de l’Intérieur, étaient « parfaitement au courant de [ces] opérations clandestines » (88).

Préparation de l’opération Les spécialistes des postes du SDECE au Sénégal et en Côte d’Ivoire entraînèrent et continuèrent à armer les recrues guinéennes dans les deux pays. « Une fois formés » les opposants « devaient, à leur tour, entraîner leurs compatriotes restés dans le Fouta-Djalon où des armes, fournies par la France et transitant par le Sénégal et la Côte d’Ivoire, étaient entreposées dans les caches »(89), avoue Maurice Robert.

Échec de l’opération L’opération échoua lamentablement : le comportement intempestif des officiers français commis à la sale besogne l’avait fait éventer et les services de sécurité sénégalaise, ignorant la complicité active de leurs chefs hiérarchiques, saisirent aussitôt les autorités compétentes, en l’occurrence leur ministre de tutelle, complice, en fait, de l’action envisagée. Par ailleurs, l’un des officiers instructeurs français des Guinéens recrutés, pris de remords, finit par révéler l’organisation du complot contre la Guinée dans sa confession à un père dominicain qui informa Albert Chambon (90), conseiller diplomatique du gouverneur général de l’AOF ; celui-ci, sans savoir que sa hiérarchie en était informée et était partie prenante de l’opération préparée, saisit à son tour le ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, qui sembla en ignorer l’existence ; rendu responsable de la fuite , Chambon fut rappelé à Paris et administrativement sanctionné. Enfin, grâce à divers canaux et méthodes de renseignements (recoupements des rumeurs, interception de documents, dénonciation par des acteurs pris de remords, etc.), les autorités guinéennes agirent à temps. Mais c’est l’information communiquée par Doudou Guèye (91) qui convainquit Sékou Touré de la réalité du complot. En effet, selon madame Doudou Guèye, quand le Haut-Commissaire de l’AOF fut informé que les préparatifs étaient achevés, il saisit les chefs de canton frontaliers du Sénégal par lettre convoyée par un gendarme muni d’un briquet : le messager devait détruire la correspondance dès après lecture par le destinataire. Son oncle, Modi N’Diaye, chef de canton de Yalocôtô 88

Maurice Robert .Op.cit.p.109. Ibidem, p.108. 90 Albert Chambon. Mais que font ces diplomates entre deux cocktails ? Paris, Pedone, 1983. 91 Témoignage de Madame Doudou Guèye, Dakar, le 29 mai 2003. Doudou Guèye était le responsable de la Section RDA du Sénégal que le PDG-RDA fera élire en Guinée comme Conseiller Territorial aux élections du 31mars 1957 et Grand Conseiller de l’AOF parmi ses cinq élus du 5 mai 1957. 89

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(Tambacounda) reçut effectivement la sienne ; il en informa aussitôt Doudou Guèye qui se rendit immédiatement, par avion, à Conakry. La véracité et la réalité de la tentative de déstabilisation ne faisaient plus l’ombre d’un doute. Le complot fut aussitôt dénoncé par Sékou Touré ; ce qui provoqua la panique chez les comploteurs : « les Peuls du Fouta-Djalon croient, à tort, qu’ils sont découverts ; au lieu d’entrer en insurrection, ils s’empressent de retourner… aux officiers du SDECE basés au Sénégal… les dépôts d’armes déjà constitués. Le complot de Foccart tourne en eau de boudin » (92), écrit Pierre Messmer.

II.- Deux complots se « télescopent », avril - mai 1960 On pouvait croire que les autorités françaises, leurs complices guinéens et africains, au vu des résultats lamentables de la première opération qui s’était soldée en particulier par des arrestations de cadres guinéens, auraient renoncé à l’utilisation de la violence pour mettre en place , en Guinée, une équipe politique favorable à la France ; rien n’y fit ; Sékou Touré devait disparaître et, avec lui, le régime politique en gestation qui, consolidé, deviendra particulièrement dangereux pour le précarré français. C’est pourquoi, quatre mois après le complot avorté, ce sont deux autres qui vont se « télescoper » (93), pour reprendre l’expression appropriée de Georges Chaffard. Entre temps, Pierre Messmer, avait été nommé, par décret du 15 février 1960, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé des Armées ; ennemi juré de Sékou Touré auquel il reprochait de l’avoir fait échouer en faisant voter non, il soutint activement, mais en vain, toutes les opérations de déstabilisation et tentatives de renversement du régime guinéen jusqu’à son départ du gouvernement. Les postes africains du SDECE n’avaient-ils pas commencé à agir contre la Guinée sur la base de ses instructions ?

Naissance avortée d’un Cheval de Troie, le Parti Progressiste de Guinée Ignorant certainement que la Direction centrale du SDECE préparait une seconde insurrection dans le Fouta-Djalon et, sans tenir compte du contexte politique conflictuel imposé au nouveau régime et du degré de vigilance qui animait désormais les populations guinéennes, un groupe d’opposants intérieurs manipulés par la cellule guinéenne du SDECE voulut profiter des difficultés du moment pour créer un comité clandestin ; dénommé « Comité de défense des libertés démocratiques en Guinée », il était chargé du recrutement, à travers le territoire en général et de la Guinée maritime en particulier , de membres d’un parti en gestation , le « Parti progressiste de Guinée »(PPG), qui devait être le Cheval de Troie français dès le début de la lutte.

92 93

Pierre Messmer. Les blancs s’en vont. Op.cit, p220. Georges Chaffard. Les carnets secrets de la décolonisation, t.2. Paris, Calmann-Lévy, p. 244.

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Le périodique français des milieux coloniaux, Marchés tropicaux et méditerranéens, citant le journal Lacroix, avait annoncé le projet en ces termes: « il semble bien qu’un parti d’opposition sera incessamment créé. Il était fortement question de réunions secrètes à Conakry pendant la semaine du 10 au 17 avril 1960. Les bruits qui courent ici font supposer que le parti d’opposition existe clandestinement et veut vivre maintenant au grand jour » (94). Des réunions secrètes s’étaient effectivement intensifiées à partir de mars de la même année ; mais les intéressés ignoraient qu’elles se tenaient sous surveillance policière discrète depuis plusieurs semaines : les membres du parti en gestation ignoraient certainement que leur formation était infiltrée.

Les dirigeants et les fuyards dudit comité Les dirigeants et animateurs les plus en vue dudit comité reçurent l’appui de nombreux Français dont le pharmacien Pierre Rossignol et l’un de ses employés, Freschi, de nationalité suisse : Ibrahima Diallo, nommé, le 1er octobre 1958, inspecteur du travail, El Hadj Fodé Lamine Kaba, imam du quartier Coronthie (Conakry) qui avait déjà parcouru certaines villes de la Basse Côte, comme Coyah où il n’avait pas obtenu l’accord de Lansary Sylla, responsable politique PDG de la localité, comme représentant du nouveau parti et qui lui avait déconseillé de telles démarches, Forécariah, etc., Saïd Chaloub, commerçant libanais. Le 20 avril, le soir après le meeting du PDG, sous prétexte qu’ils craignaient d’être arrêtés dans le cadre de ce complot, Rossignol fit fuir, sur Dakar, par un Jodel de l’aéro-club qu’il présidait, avec la complicité de l’Ambassade de France, André Havas, l’électricien, et son radio-technicien, Claude Bachelard, titulaire du brevet de pilote, de peur qu’ils ne finissent par dénoncer certaines personnalités ; en fait, ce dernier s’avéra être effectivement impliqué dans la diffusion d’émissions pirates d’une radio « localisée dans la région de N’Nzérékoré… appelant à la révolte contre Sékou Touré » (95) ; les deux fuyards se réfugièrent à Dakar ; le Sénégal, qui n’avait pas encore recouvré son indépendance par rapport à la France, déféra les fugitifs au Parquet sous l’inculpation de navigation irrégulière : le Jodel, placé sous scellé, fut restitué au gouvernement guinéen, mais, sur l’intervention des autorités françaises, le gouvernement semi-autonome sénégalais refusa l’extradition des deux condamnés sur Conakry.

Le mensonge de l’avocat des fuyards Selon leur avocat, Me Édouard Monville, les fuyards, André Havas et Claude Bachelard « se savaient surveillés en raison de leur profession et aussi du climat général » qui régnait à Conakry: ils n’auraient pris part à aucun complot en Guinée et n’auraient eu « aucune liaison avec le Libanais, un repris de justice 94 95

Marchés tropicaux et méditerranéens, n°695, 7 mars 1959. Georges Chaffard, op cit, p.248.

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chez lequel un poste émetteur a été saisi ». Maurice Voisin précise que ce qui était embêtant, c’est que « le nommé Rossignol, pharmacien de son état, ayant beaucoup d’argent, ce qui veut dire aussi en 1960 beaucoup d’amis, a acheté un tout petit bateau pour aller sur l’eau se promener… » et d’ajouter « que ce bateau avait un poste émetteur » en panne que Bachelard, « installé à son compte grâce à l’argent de Rossignol » (96), répara. Me Monville n’avait cependant pas signalé ce fait au cours de sa conférence de presse ; il se contenta évidemment de présenter sa version édulcorée de la fuite de ses complices. Mais Conakry avait surtout appris de Tunis que Claude Bachelard avait déjà fui la Tunisie quand il avait été découvert qu’il était responsable des tables d’écoute publique des postiers français dans cette ville. Cela expliquait sa fuite de Conakry, confirmait aussi son rôle et établissait sa culpabilité dans l’opération tentée contre la Guinée.

III.- Complot « Charogne », mars-avril 1960 Mais dès l’échec du premier complot, le SDECE s’affaira autour du second, nom de code « Charogne », et, de décembre 1959 à mars 1960, l’acheminement, à partir du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, des armes et munitions était presque achevé quand des hommes transportant des armes le long des frontières sénégalaises furent arrêtés, d’autres armes et munitions déterrées. « On avait appris [à Dakar] que ces armes devaient être introduites en Guinée par les frontières pour combattre le gouvernement et le Parti Démocratique de Guinée. Nos dirigeants nous ont toujours nourri de l’idée et de l’intérêt qu’il y avait des raisons pour nous de combattre le gouvernement présidé par…Sékou Touré qui est un malinké et qui, à ce titre était indigne de commander la Guinée, commandement qui, selon eux, revenait de droit, à la race Foula » (97), aurait affirmé Mamadou Cellou, l’un des éléments arrêtés et dont les propos sont rapportés par le commandant de Youkounkoun, Mamadou Oury Barry, dans son compte rendu à ses supérieurs. Du côté de la Côte d’Ivoire, Houphouët-Boigny avait déjà fait distribuer les armes aux anciens combattants et aux notables de la région de Man devant attaquer la Guinée par la frontière.

L’objectif final du complot La Guinée ayant créé sa propre monnaie lui permettant d’échapper au diktat de la France coloniale, il s’est en fait agi : - d’empêcher la réalisation du plan triennal (1960-1963) fondée sur cette monnaie, donc la mise en place des structures et moyens d’accueil de l’indépendance économique effective de la Guinée ; 96

Maurice Voisin. In : Les Echos d’Afrique, 1961. Guinée française. Région administrative de Youkounkoun, n°17 G/y, 10 novembre 1960, Barry Mamadou Oury. 97

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- de décourager les investisseurs éventuels ; - d’effrayer les étudiants guinéens qui ont terminé leurs études et s’apprêteraient à renter pour servir leur pays ; - de fixer l’attention de la population sur les problèmes d’insécurité et non de production, pendant que la tentative de renversement se déroulait.

Affrontement dans le milieu guinéen de Dakar Le contexte de recrutement parmi les opposants guinéens était favorable. En effet, deux associations regroupant nombre de Guinéens existaient alors au Sénégal en général, à Dakar en particulier : « L’Union fraternelle », qui soutenait le régime guinéen et « la Solidarité africaine », qui le combattait farouchement. «La Solidarité africaine » collaborait intimement avec le chef de Poste du SDECE de Dakar, Maurice Robert ; ses responsables le rencontraient souvent et se rendaient régulièrement à Paris pour diverses réunions politiques ayant pour objectif l’étude des meilleures méthodes d’en finir avec le régime guinéen. Elle recruta, dans le cadre de cette opération, des Guinéens désireux de travailler avec les trafiquants d’armes : certains pour des caches d’armes, d’autres pour le transport des armes acquises ou pour convoyer les camions de munitions fournies par l’Armée française à la frontière où des relais étaient prévus pour le dépôt des armes dans les maquis organisés dans le Fouta-Djalon.

Méthode d’opération C’est dire que l’opération était bien montée et coordonnée par le poste du SDECE de Dakar ; il en était de même à Abidjan, où l’opération était également bien organisée, les insurgés étant encadrés par les éléments du 11e choc du Service Action ; il s’agissait de lancer des raids de commandos contre la Guinée à partir des frontières du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, soutenus par des groupes d’émigrés guinéens en vue de soulever les populations frontalières et celles du Fouta, en particulier : le gouvernement guinéen serait obligé d’éparpiller ses efforts de guerre, ce qui faciliterait la prise du pouvoir à Conakry par les opposants appuyés par les militaires guinéens acquis à la cause française.

Survint, entre temps, le grand meeting de Conakry tenu par le PDG qui venait de découvrir le complot. Meeting de dénonciation En effet, le Bureau politique national du PDG tint un meeting dans l’ aprèsmidi du 20 avril 1960 ; il annonça la découverte d’un complot « encore plus monstrueux que celui de décembre 1959 » et dénonça publiquement cette opération suicidaire ; ce fut encore la débandade dans tous les milieux d’opposition ; ce qui permit aux autorités guinéennes de découvrir qu’une seconde insurrection armée se préparait depuis l’échec de la première , dans le Flouta, appuyée par des incursions venant du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. La même nouvelle est reprise par la radio le soir. D’importantes quantités d’armes et de munitions avaient été fournies par l’Armée française dans ces deux pays à

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cette occasion; Patrice Chairoff, un ancien agent des polices parallèles, en donne une liste exhaustive dans son ouvrage (98), sans compter celle fournie par les autorités françaises.

Exposition de quelques armes et munitions Pour prouver la réalité et la véracité du complot, le PDG voulut prendre l’opinion publique à témoin en ouvrant, le 8 mai 1960, une exposition publique, à la Permanence nationale de Conakry : un échantillon des premières armes et munitions d’origine française, anglaise et américaine, introduites par les frontières sénégalaises de Kèdougou fut présenté pendant une semaine. Le corps diplomatique et consulaire parcourut tous les stands composés, entre autres, de : - 320 grenades - 76 mitrailleuses - 62 fusils Mauser - 20 caisses d’explosifs - 10 caisses de munitions - 7 mines à retardement - 3 fusils mitrailleurs avec 18 cartouches - 3 caisses d’affiches et de tracts.

L’opinion publique ameutée contre le régime guinéen Pour semer la confusion et indisposer l’opinion publique internationale contre la Guinée, le régime fut accusé de tout : les difficultés économiques, le mécontentement populaire qui grandit. On soutient même l’invraisemblable : le président de l’Assemblée guinéenne, Saïfoulaye Diallo, fut obligé de démentir l’arrestation annoncée de trois ministres, le 28 avril 1960.

Les griefs du gouvernement guinéen contre les autorités sénégalaises Le gouvernement guinéen reprocha aux autorités sénégalaises leur complicité dans le soutien qu’elles apportaient aux comploteurs guinéens installés sur son sol ; ceux-là agissaient impunément contre leur pays à partir du territoire sénégalais et les autorités de ce pays ne faisaient rien contre eux. Elles auraient ainsi refusé l’extradition de sept Guinéens originaires de la ville guinéenne de Mali dont Adolphe Diataye « qui avait reçu et distribué des armes de guerre et des sommes considérables pour corrompre la population », selon l’acte d’accusation ; la plupart des Guinéens impliqués avaient fui et s’étaient réfugiés sur le sol sénégalais dès la tenue du meeting du BPN annonçant la découverte dudit complot : ils avaient été dénoncés par Dieng Djéli de Mali, arrêté par les autorités locales guinéennes.

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Patrice Chairoff, op. cit, p.75.

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La complicité du gouvernement ivoirien Mais si le Sénégal restait la principale base de préparation d’attaque et de repli en cas d’échec, et que l’action se poursuivait malgré les premières découvertes et les premières dénonciations, c’est l’action de diversion lancée de la Côte d’Ivoire qui fera échouer ce complot qui se poursuivait puisque, le 12 mai 1960une première attaque se produisit contre Odienné : un commando attaqua un poste guinéen qui riposta de façon instantanée ; on dénombra de nombreux morts, dont deux agents français du SDECE venus soutenir les assaillants, le capitaine Lamy et Paul Favier, et des blessés graves. De nombreuses caches d’armes furent découvertes et d’importants stocks d’armes et munitions saisis le long des frontières ivoiro-sénégalaises. Des trafiquants d’armes et de nombreux Guinéens furent appréhendés, incarcérés et condamnés à des peines diverses ; pris de remords, beaucoup d’entre eux finirent par indiquer les lieux de cache d’armes et dénoncer les principaux meneurs à Dakar, Abidjan et les complices aux deux frontières. La deuxième attaque eut lieu dans la nuit du 12 au 13 mai 1960 dans le village de Wolowo avec la complicité des gardes républicains guinéens de la localité. Après avoir soutenu qu’il ignorait tout de cette attaque, Houphouët-Boigny finit par reconnaître qu’elle eut lieu, mais du fait de Guinéens venus de Côte d’Ivoire, alors que c’est lui qui les avait armés. La troisième attaque de grande envergure devait concerner tous les villages frontaliers de Beyla ; elle fut fixée au 22 mai 1960, ce qui provoqua, entre temps, l’évacuation des femmes et des enfants à l’intérieur desdits villages. Pris en main par le SDECE, l’ancien sergent-chef Gando Kémé, originaire du village de Lavillasso, dirigeait cette insurrection ; il recruta les envahisseurs, leur délivra des bons de sortie gratuits d’armes et munitions au magasin central de Touba, en Côte d’Ivoire ; il lui avait été promis, en cas de succès de l’opération envisagée, de diriger et de commander la région forestière de la Guinée. Mais l’enquête, ouverte par les autorités militaires de la localité dans l’attaque de Wolowo, avait déjà abouti à l’arrestation de cinq de ses collaborateurs, dont deux déjà à la frontière avec la Côte d’Ivoire étaient munis de mitraillettes avec chargeurs, et les trois autres, assermentés, servaient d’agents de renseignements. L’échec de cette troisième attaque créa une certaine accalmie d’autant plus que les autorités administratives et politiques de Beyla, sous la direction d’Émile Condé, commandant de la région, de Haba Kaba, secrétaire général du comité directeur, avaient organisé des assemblées de sensibilisation qui avaient permis aux populations de se ressaisir et de rejoindre leurs domiciles ; les autorités locales conduisirent ensuite des éléments arrêtés qui ne sont plus revenus de Conakry.

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D’autres preuves de la réalité des complots La vigilance se poursuivit cependant tout au long des frontières sénégalaises. C’est ainsi que sur dénonciation d’un militant du PDG, le commandant de la région administrative de Youkounkoun, Mamadou Oury Barry, à la tête d’une délégation composée du commissaire de Police, Papa Sall et du directeur de l’école, Tiala Gobaye Montaye, découvrit, le 24 mai 1960, des caisses déterrées la veille par les paysans du nord-Coniagui et contenant (99) : - 22 mitraillettes PM Sten - 22 sachets contenant des munitions pour mitraillettes - 125 grenades défensives - 16 grenades offensives - 195 explosifs - 9 caissettes de munitions mitraillettes - 5 pistolets PM - 5 sachets de munitions pour pistolet PM 38

Une démonstration qui s’avéra nécessaire Pour que les populations de Youkounkoun et de Koundara, qui n’avaient aucune idée de la nocivité des armes découvertes, mesurassent la gravité de l’action engagée contre la Guinée et qu’elles fussent davantage vigilantes, la délégation fit procéder à un tir d’essai, par la gendarmerie, d’une des mitraillettes sur un fromager : toute l’assistance avait été prise de débandade et « il est impossible de décrire, de façon précise, l’étonnement qu’a provoqué cet essai, parmi l’assistance. C’est ce jour-là que les Coniaguis ont mesuré la portée du danger qui guettait le pays et, de tous les côtés, on entendait maudire les traîtres et jurer de les démasquer » (100). Les autorités locales expédièrent leur découverte à Conakry dans la nuit du 24 au 25 mai 1960.

Le Sénégal et la Côte d’Ivoire face à une obligation politique Ce qui compliquait encore la situation, c’est que le Sénégal et la Côte d’Ivoire n’étaient pas encore indépendants ; en tant qu’États membres de la Communauté, ils étaient obligés de tenir compte du point de vue de la France, même si de telles opérations leur créaient des ennuis avec les autorités guinéennes. Aussi, cherchèrent-ils à banaliser les complots de 1959 et 1960 dans lesquels la France était impliquée à travers le SDECE. Malgré le refus des autorités sénégalaises et ivoiriennes incriminées d’envoyer des missions à Conakry constater les faits qu’elles avaient vite fait de 99

Guinée française. Région administrative de Youkounkoun, n°79, Rapport mensuel de mai 1960, commandant Barry Mamadou Oury. 100 Idem.

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qualifier de simples trafics d’armes pour pouvoir relâcher les éléments incriminés dont des Français, le gouvernement guinéen tint cependant à marquer sa bonne volonté ; il e dépêcha, à Dakar, le 27 mai 1960, une délégation composée de responsables du parti, Damantang Camara et Mangué Gadiri Camara. Des entretiens qu’elle a eus avec les autorités sénégalaises et les ressortissants guinéens, la délégation repartit forte de renseignements précieux confirmant que les ennemis du régime ne désarmaient pas, que chaque défaite les incitait à redoubler d’efforts, à changer même de méthodes et à accroître les moyens de lutte. Le ministre sénégalais de l’Intérieur, Valdiodio NDiaye, qui était parfaitement au courant de ce qui se tramait contre la Guinée (101), selon Maurice Robert, préféra évoquer, au cours de leur entretien, l’aspect juridique de la répression : la Guinée n’aurait pas respecté les droits de l’homme. Estimant que la même remarque pouvait s’appliquer à ceux qui avaient fomenté le complot contre la Guinée et que son interlocuteur voulait noyer le poisson en ne parlant pas de l’opération de déstabilisation qu’il cautionnait , la délégation guinéenne soutint que chaque régime politique avait son système judiciaire ; qu’en Guinée, le complot dont il s’agit étant prouvé, l’on en recherchait les auteurs ; il revenait ensuite au peuple, au nom duquel la justice était rendue et qui était victime de l’opération , de mettre en place un tribunal populaire pour prendre, en son nom , les décisions que l’acte requerrait ; que dans le cas présent, le peuple avait approuvé les décisions prises par cette institution judiciaire ad hoc. Avec Mamadou Dia, Président du Conseil du gouvernement, l’entretien porta sur l’opération qui avait échoué. Certes, il avait découvert les preuves de l’opération contre la Guinée et avait critiqué l’acte, mais il reprochait au gouvernement guinéen d’avoir donné une publicité à l’affaire ; il estima que la Guinée aurait dû d’abord le contacter pour des enquêtes plus approfondies. Mais qu’en tout état de cause, la déclaration de Sékou Touré l’avait incité à ouvrir une enquête qui avait permis des découvertes d’importants lots d’armes et de munition. Il avait immédiatement tenu une réunion du Comité de Défense du Sénégal pour stigmatiser le fait. Tout en affirmant que le complot était vrai, il tint à disculper le gouvernement français en accusant certains Français qu’il présenta comme des activistes, des factieux qui s’étaient rebellés , le 3 janvier 1959, contre le gouvernement français à Alger ; il refusa de révéler les noms des Guinéens « pour ne pas gêner les enquêtes » ; il reconnut aussi que certains Français étaient compromis dans cette opération, que Bachelard et Havas, en résidence surveillée dans la région, seront jugés à Dakar. Il aurait donné des instructions pour que les bureaux des services de poste du Sénégal ne fussent plus utilisés pour l’envoi de tracts antigouvernementaux en Guinée. 101

Maurice Robert, op .cit, p109.

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Pour ce qui était de la quantité des armes, le ministre sénégalais de la Justice l’estima à cinq tonnes ayant coûté six cent millions de FCFA dont une partie avait été saisie en Guinée.

Aveu tardif d’Houphouët-Boigny Sékou Touré et Houphouët-Boigny se rencontrèrent certes le 1er septembre 1960 à la frontière guinéo-ivoirienne, mais le cœur n’y était pas ; et ce n’est qu’en 1965 que le président ivoirien reconnut implicitement ce complot en accusant « une poignée d’Européens irresponsables, de tendance OAS » d’avoir « tenté cette action insensée dans le but de susciter des difficultés avec la Guinée » (102). Un démenti tardif qui frise le mensonge.

Les aveux tardifs du SDECE Quarante-six ans après, le chef de poste du SDECE à Dakar, puis sousdirecteur Afrique du SDECE à Paris, Maurice Robert, dut reconnaître que le ministre sénégalais de l’Intérieur n’ignorait rien de ce qui se tramait contre la Guinée, donc était « parfaitement au courant de nos opérations clandestines » (103). Le même Robert Maurice avoue que les services secrets français, dès l’indépendance, « avaient exercé une forte pression sur les autorités sénégalaises pour » qu’elles abritassent sur leur sol une base d’entraînement à la guérilla contre la Guinée ; des spécialistes avaient été dégagés pour cette action ; une fois formés, les opposants guinéens installés au Sénégal « devaient , à leur tour , entraîner leurs compatriotes restés dans le Fouta-Djalon où des armes, fournies par la France transitant par le Sénégal et la Côte d’Ivoire, étaient déjà entreposées dans des caches » , conclut-il. Un démenti cinglant au démenti que firent les autorités françaises en 1960. La « Solidarité Africaine », qui avait activement participé à la préparation et au financement de ces premiers complots, continua à s’opposer violemment au gouvernement guinéen ; la propagande contre le régime se poursuivit et s’intensifia ; les difficultés économiques créées au gouvernement guinéen étaient exploitées et le régime en était rendu responsable. Ses premiers responsables et membres actifs, dont certains membres du BAG qui avaient fui la Guinée bien avant l’indépendance, en particulier Sadou Bobo Diallo, quoique dénoncés, ne furent jamais inquiétés ; ils intégrèrent le FLNG à partir de 1966 pour mener d’autres actions de déstabilisation, y compris des complots, contre la Guinée. Poursuivant leurs activités de sape et de déstabilisation contre la Guinée, les services spéciaux français et l’opposition guinéenne vont essayer d’exploiter deux contradictions qui éclatèrent très tôt au sein de la société guinéenne entre, d’une part, les intellectuels et le gouvernement, d’autre part entre les commerçants et le gouvernement, chaque catégorie sociale voulant tenter des menées subversives. 102 103

In : Fraternité matin, 10 juin1965. Maurice Robert. Op. cit, p.109.

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Les autorités françaises étaient d’autant plus déterminées que l’assistance des pays socialistes au nouvel État s’accroissait , l’audience internationale de celuici se renforçait avec la tenue à Conakry du 11 au 15 avril 1960, de la conférence de solidarité des peuples afro-asiatiques ; que le gouvernement préparait son premier plan de développement économique destiné à affranchir la Guinée de la dépendance économique française : la conférence de Kankan tenue du 2 au 5 avril 1960 avait adopté le Plan Triennal, après la création d’une zone autonome(franc guinéen) le 1ermars 1960.

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Chapitre VI Les autorités françaises encouragent et exploitent les premières contradictions internes guinéennes (1961-1965)

« Nous n’avions pas vu que nous étions en train d’aider l’ennemi, le camp impérialiste, à notre insu.» Fofana Ibrahima « Le cerveau du complot de 1965, c’est moi.» Jean-Faragué Tounkra

Position du problème En 1958, si tout le monde a fini par se rallier au PDG pour dire non, l’objectif n’était pas le même pour tous. Nombre d’intellectuels et de commerçants, par exemple, eurent, dès le début de l’indépendance, des attitudes de suffisance que les autorités guinéennes n’apprécièrent pas : pour les premiers, la gestion de l’État leur revenait désormais et c’est à eux de choisir l’orientation politique de la Guinée en raison de leur haute formation intellectuelle et professionnelle ; les seconds estimaient que c’est à eux de gérer désormais l’économie, le commerce en particulier, en raison de l’expérience qu’ils avaient acquise aux contacts des sociétés de traite. Aucune de ces deux catégories sociales ne voulait tenir compte du contexte de lutte acharnée et de guerre non déclarée que la France coloniale venait de créer au nouveau régime à cause du « non » du peuple, le 28 septembre 1958.

I.- « Menées subversives des enseignants et marxistes guinéens », novembre 1961

des

C’est pourquoi les « menées subversives des enseignants et des marxistes » guinéens , après trois ans seulement d’indépendance et l’échec des complots de 1959 et 1960, furent sévèrement condamnées, d’autant plus qu’elles intervenaient dans un contexte national et international peu favorable à la Guinée

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et qu’il s’agissait de cadres ayant la capacité d’analyser la situation faite de toutes sortes de difficultés. Les premiers conflits éclatèrent quand le Gouvernement voulut réformer l’enseignement en instaurant l’enseignement de masse contre l’enseignement d’élite que le syndicat préconisait.

Les premières réformes gouvernementales et leur impact Sous la semi-autonome (9 mai 1957-28 septembre 1958), le Conseil de gouvernement avait déjà entrepris et réalisé dans tous les domaines d’importantes réformes qui s’étaient poursuivies, dès l’indépendance, au grand dam de la France coloniale, par la première réforme de l’enseignement en 1959, la création de la monnaie guinéenne, le 1er mars 1960 , la mise en place d’un système bancaire nouveau, l’élaboration et l’adoption, en 1960, du plan triennal (1960-1963) devant engager le pays dans une voie de développement non capitaliste et le sortir définitivement de l’ornière de l’économie de traite. Ce sont ces importantes réformes et le sérieux qui les distinguait qui donnèrent, à tous, une indication sur la volonté et la détermination du gouvernement guinéen de rompre réellement avec la dépendance aussi bien politique qu’économique en procurant au nouvel État une base solide. Pour les mener à bien et à leur terme, le gouvernement avait un impérieux besoin de paix, de cohésion politique et sociale dans le pays. Voilà pourquoi le parti choisit la voie de la démocratie nationale qui regroupa tous les Guinéens, sans distinction sociale, jusqu’en 1967.Il avait besoin aussi de cadres, c’est pourquoi il sollicita de l’ URSS la création d’un institut polytechnique et envoya de nombreux boursiers guinéens à l’ étranger dont le retour espéré aurait permis au pays de résoudre en partie le problème des cadres de conception et d’exécution efficaces parce que bien formés. Malheureusement, la plupart de ceux-là prirent prétexte de la répression du mouvement subversif des enseignants pour se faire passer pour des opposants et se laisser recruter par les services secrets français contre la Guinée.

La conséquence de la déferlante de l’indépendance Mais pendant que les dirigeants guinéens étaient à pied d’œuvre dans l’édification d’une vie nouvelle en Guinée, la dynamique créée par le vote historique du 28 septembre 1958 s’était vite mue en une déferlante de l’indépendance avec cette conséquence : après deux ans, tous les pays membres de la Communauté franco-africaine accédèrent à l’indépendance en 1960, une défaite que le gouvernement français imputa à la Guinée et qu’il ne pardonna jamais à Sékou Touré dont l’exemple avait, en fait, incité les masses populaires de ces pays à exiger ce statut. Il fallait dès lors empêcher que ce pays réussisse sur la base de solutions endogènes qui auraient davantage incité les autres membres de la Communauté à l’imiter et à se passer des panacées françaises.

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Refus de toute dépendance idéologique Malheureusement deux formations sociales avaient la prétention de dicter, au gouvernement guinéen, la voie à suivre dans la conduite des affaires de l’État, une voie qui n’allait pas dans le sens de la consolidation des bases de l’indépendance guinéenne : -Le syndicat des enseignants de Guinée, dirigé par le secrétaire général du BAG, Koumandian Keita, un opposant historique du PDG et de Sékou Touré, voulait se servir des enseignants dont de nombreux membres étaient déjà travaillés par des agents du poste de SDECE de Conakry. -Les « marxistes » guinéens organisés dans des cercles clandestins et bien cloisonnés et qui collaboraient intimement avec l ’Ambassade de l’URSS. Or, le contexte historique de l’époque se caractérisait par l’existence de deux courants du communisme: le stalinisme et le maoïsme. Ne voyant pas comment cela pouvait aider à la consolidation de l’indépendance et au développement de la Guinée, Sékou Touré avait été catégorique: le Parti Démocratique de Guinée ne suivra jamais la ligne idéologique communiste et puisque certains intellectuels persistaient à vouloir imposer la voie communiste, ils trouveront le PDG sur leur chemin parce que, selon lui, le communisme n’est pas la voie de développement de l’Afrique; il tint les mêmes propos à huis clos devant la commission politique de la conférence de Kankan, à l’occasion de l’examen du projet du plan triennal (1960-1963).

Du cadre unique des enseignants Les premières contradictions éclatèrent à propos de la réforme de l’enseignement et, au cours des débats de la conférence d’août 1961, les divergences apparurent entre des éléments du comité directeur des enseignants et les responsables du PDG ; mais la contradiction principale, dont la solution parut immédiate, fut le statut des enseignants. Le point de départ, précise Jean Suret-Canale, « fut le mémoire du syndicat des enseignants. Faisant feu de tout bois, les membres du PAI-Guinée avaient fait alliance avec Koumandian Keïta, syndicaliste chevronné, mais surtout adversaire personnel et inconciliable de Sékou Touré, et avec Ray Autra, que je qualifierai d’« anarchiste de droite », une de ses maximes étant : les lois, c’est fait pour les imbéciles. Djibril Tamsir Niane était venu à l’Institut national de recherche et de documentation de Guinée (INRDG) me porter triomphalement ce mémoire. Après lecture, je fus consterné ; et ma première réflexion fut : ils vont prendre une ces volées de bois vert ! J’étais stupéfait ; loin de soupçonner que cela irait beaucoup plus loin ». En fait, les autorités guinéennes savaient que la tentative de déstabilisation du régime par certains éléments de la direction syndicale des enseignants était bien préméditée.

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Mais désireux d’attirer et de maintenir de nombreux cadres dans le secteur de l’éducation par la valorisation de la fonction enseignante, le gouvernement guinéen avait chargé la direction du syndicat des enseignants de l’élaboration d’un projet de statut devant lui servir de base pour préparer les mesures législatives conséquentes.

Acceptation d’un projet pourtant irréaliste Le texte, finalement proposé par le syndicat, ne tenait aucun compte des difficultés économiques et financières que traversait le pays du fait des mesures de représailles prises par les autorités françaises contre la Guinée suite à son vote pour l’indépendance et à la création de sa monnaie ; il parut irréaliste, pour ne pas dire démagogique au gouvernement ; pour ne citer que ces deux exemples, le salaire d’un instituteur bachelier était supérieur à celui d’un magistrat licencié en droit et le bachelier de l’administration publique touchait moins que son homologue enseignant. Une réunion se tint le 26 octobre 1961 dans la salle du Conseil des ministres ; elle regroupa les membres du BPN, du gouvernement, du bureau de la CNTG et le comité directeur du syndicat des enseignants. La publication du statut particulier des enseignants ayant provoqué des remous parmi les enseignants, Sékou Touré fit d’abord un exposé sur le statut unique de la Fonction publique et sur celui des enseignants en particulier. Il insista d’abord, après la proclamation de l’indépendance, sur la nécessité d’une réforme profonde et globale, mais progressive et sectorielle de la Fonction publique héritée du régime colonial en raison de son caractère discriminatoire et injuste. Sur le 1er statut, il évoqua les contraintes gouvernementales en la matière, en particulier la revalorisation de tous les fonctionnaires, la réduction progressive de l’éventail des salaires et des indemnités imposés par le système colonial, afin que les traitements des ouvriers, des auxiliaires et des agents locaux puissent être augmentés, que tous puissent travailler et vivre dignement, etc. Or, les propositions demandées au Comité directeur des enseignants n’a pas tenu compte de cette situation. Mais le gouvernement finit par accepter le projet de statut des enseignants malgré ces imperfections tout en procédant à des corrections qui tenaient compte de la situation générale du pays, du niveau de formation et accordait des avantages substantiels aux enseignants : maintien de la hiérarchie (égalité de titres), octroi de primes mensuelles de 5.000 à 10.000 francs guinéens, soit une augmentation de plus du tiers du traitement de la très grande majorité. L’écart étant trop grand entre le traitement de la grande majorité des enseignants et celui de la hiérarchie supérieure, essentiellement composée des directeurs d’école, il parut plus juste de le réduire en supprimant certaines indemnités perçues par cette hiérarchie ;pour les autorités, la revalorisation devait être « dégressive, c’est-à-dire d’en bas de l’ échelle, les moniteurs qui

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gagnaient 2.000 FCFA par mois étaient passés à 14.000 FCFA ; au fur et à mesure qu’on montait dans l’ échelle, cette revalorisation diminuait » (104) afin que le maximum d’enseignants ait leurs salaires revalorisés ;pour éviter toute interprétation tendancieuse, un décret prévit cependant le maintien des avantages acquis, les intéressés pouvant bénéficier, par le jeu de l’avancement d’un traitement supérieur qui ne peut être remis en cause. « Bref, nous confirme Jean Suret-Canale, les mesures prises par le gouvernement apportaient, à la grande majorité des enseignants, et surtout aux catégories les plus défavorisées, des augmentations très substantielles ; les catégories privilégiées elles-mêmes ne perdaient rien ».

Le travail fractionnel de cinq membres du Comité Directeur des enseignants Mais certains cadres du comité directeur des enseignants cherchaient l’affrontement avec le gouvernement. Aussi, à l’insu des autres membres du comité directeur, cinq membres de la direction syndicale(Koumandian Keïta, Mamadou Traoré dit Ray Autra, Djibril Tamsir Niane, Ibrahima Kaba Bah et Bahi Seck), habitués à un travail de division et de dénonciations calomnieuses des responsables politiques et administratifs du PDG , reprirent la première mouture du mémorandum qu’ils ne trouvaient pas suffisamment percutante : voulant profiter de l’ occasion pour dénoncer le gouvernement, ils s’installèrent à l’Institut national de recherche et de documentation de Guinée (INRDG) que dirigeait alors Ray Autra , rédigèrent et ronéotypèrent en grande quantité un mémoire dans lequel ils attaquaient le statut promulgué par le gouvernement qui, selon eux, non seulement n’apporterait aucun avantage, mais supprimerait ceux acquis sous le régime colonial. Ne tenant aucun compte des conditions générales de la Guinée, ils ne présentèrent que des revendications corporatistes. Ces cadres dirigeants voulaient surtout le maintien de l’indemnité de fonction des directeurs d’école et des chefs d’établissement. Or, le gouvernement estimait non seulement que les chiffres qu’ils utilisaient dans leur démonstration étaient faux, ce qu’ils reconnurent au cours de leur procès, mais les directeurs des écoles et les chefs d’établissement conservaient leur traitement d’alors comme un acquis.

Critique de la CGT « On va même, dans ce mémoire, affirme Mamady Kaba, secrétaire général de la CNTG, jusqu’à oser parler de la suppression de l’indice de solde. Si cela est, c’est que les enseignants sont révoqués. On parle également d’indice du coût de la vie. Quelle est la signification de cet indice ?

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Pascal BIanchini. Suret-Canale de la Résistance à l’anticolonialisme. Op.cit. p.1OO.

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Il y avait des indemnités des études surveillées, et c’est au moment où le pays se mobilise pour combattre l’analphabétisme que le mémoire prône le rétablissement d’une indemnité pour les études surveillées. Pour convaincre qu’il y a régression, on établit un tableau révoltant parce qu’il illustre la volonté délibérée de quelques hommes de discréditer dans les masses, sciemment, et par les moyens les plus malhonnêtes, la nature du régime afin de le désagréger. Il est encore écrit dans le mémoire que l’instituteur de 4e classe percevait 59. 653 FCFA et que maintenant, il ne toucherait qu’un salaire de 49 253 FCFA y compris l’indemnité spéciale de 9. 000 FCFA, soit une perte de 10. 400 FCFA ». Tout cela parut inadmissible aux autorités gouvernementales.

L’objectif inavoué de quelques membres du comité directeur du syndicat des enseignants En fait, l’objectif essentiel de ces dissidents manipulés par le BAG moribond était politique : décourager les enseignants et les faire se révolter pour affaiblir le gouvernement, alors que celui-ci travaillait à l’unicité et à l’égalité de salaires de tous les fonctionnaires ; seuls les critères de diplôme, de qualifications professionnelles devaient compter désormais pour le recrutement et non les activités ; mais il fallut la conférence de la CNTG tenue le 16 novembre 1961 à Conakry pour clarifier la situation.

La raison de la sévérité des sanctions À cette rencontre, l’on a constaté que ce sont quelques membres du comité directeur du syndicat des enseignants qui avaient imprimé, à l’action de revendication, un caractère subversif : ils avaient largement distribué le mémoire remanié dans toute la Guinée et hors du territoire, avant que le document, destiné en principe au gouvernement et à la CGT dont le syndicat des enseignants faisait partie, ne fût discuté et adopté au cours de cette instance syndicale. Ce qui attesta l’idée qu’ils étaient en rapport avec les opposants à l’étranger surtout que ceux-ci avaient donné une large diffusion au document que le PDG jugeait mensonger. Un tel procédé a paru non seulement inacceptable en soi, mais il était aggravé par le fait que ledit document faisait semblant d’ignorer la situation difficile des masses populaires et les arguments qui y figurant paraissaient un tissu de contrevérités flagrantes pour le gouvernement. Accentuant ce caractère subversif, des délégués avaient même envoyé des télégrammes aux enseignants de Kankan et Labé, localités plus opposées que jamais au PDG, déclarant à leurs militants que le gouvernement était en train de saper les libertés démocratiques.

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L’appui des marxistes La conférence révéla aussi que l’attitude du comité directeur du syndicat des enseignants n’était pas isolée. En effet, dès après l’exposé de Mamady Kaba, président de la CNTG, un groupe de cadres supérieurs liés aux dirigeants du syndicat des enseignants et se réclamant du marxisme, prit prétexte des difficultés exposées aussi bien par le mémoire des enseignants que le rapport de la CNTG pour s’attaquer au gouvernement et au régime, l’objectif étant de remettre en cause la ligne révolutionnaire suivie depuis l’indépendance , « les seuls bénéficiaires » ne pouvant être que « les tenants du néo – colonialisme et leurs soutiens étrangers, prêts à intervenir pour rétablir l’ordre », affirme Jean Suret-Canale, un témoin de l’événement, qui ajoute : « Aussi, doit-on comprendre la nécessité où se trouvait le gouvernement de donner le coup d’arrêt immédiat ». La prétention excessive de ces cadres et leur complexe de supériorité dans un contexte d’adversité agressive et aiguë imposé au nouvel État par la France coloniale ne pouvaient donc que choquer et indisposer les cadres dirigeants du PDG et du gouvernement. Et puisqu’ils étaient bien formés, membres d’un organisme dirigeant, le parti estima qu’ « on ne peut pas pardonner à des hommes qui sont des hommes hautement responsables parce qu’ils sont des hommes hautement instruits » (105), donc capables de distinguer le bien du mal, de savoir analyser des textes et de voir leur portée ou leur impact sur les masses.

Alliance contre nature En fait, il était facile de constater l’alliance hétéroclite et contre nature d’une part des éléments du Bloc africain de Guinée (BAG) , ancien parti conservateur et tenant de la chefferie heureusement supprimée le 31 décembre 1957, dont Koumandian Keïta était le secrétaire général, et des opportunistes et démagogues au sein du syndicat des enseignants dont le même Koumandian était le secrétaire général et qu’il utilisait contre le PDG, avec , d’autre part des cadres marxistes souvent en contact avec l’ Ambassade de l’ URSS qui les encourageait et les soutenait. Cela ne pouvait s’expliquer que par l’opposition systématique de ces groupes au gouvernement. Mieux, Sékou Touré démontra, au cours des débats, textes en main, leur ignorance des principes élémentaires du marxisme du troisième groupe

Les décisions politiques et judiciaires Face à une telle entreprise de nuisance calculée, la conférence de la CNTG (du 16 au 19 novembre 1961) ne pouvait qu’exclure finalement les dirigeants du syndicat des enseignants de cette organisation : le vote fut à l’unanimité, par appel individuel de toutes les délégations des unions et sections syndicales ; un

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A. PDG.BPN.Octobre –novembre 1961. Situation politique.

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congrès extraordinaire, tenu à Labé en décembre 1961, élit un nouveau bureau du syndicat des enseignants. Certains cadres se montrèrent d’autant plus choqués que, selon Ismaël Touré, « nos camarades enseignants et militants du PDG doivent comprendre que le syndicat des enseignants est resté muet pendant tout le régime colonial et ce n’est qu’à quatre mois du gouvernement de la Loi-cadre qu’il a voulu organiser la grève contre la mutation de monsieur Ray Autra » (106). Pour ce qui est du gouvernement, il reprochait au comité directeur incriminé du syndicat des enseignants de s’opposer à toute réforme de l’enseignement qui n’allait pas dans le sens qu’il souhaitait, à savoir l’enseignement d’élite, de saboter donc l’enseignement de masse, la scolarisation et l’alphabétisation de masse, et lui reprochait le caractère subversif de son action . Aussi, fit-il arrêtera direction du syndicat et la fit comparaître devant la Haute Cour de Justice présidée par Saïfoulaye Diallo, le 20 novembre1961 pour avoir voulu « se servir du syndicalisme comme tremplin pour saper les bases de la Révolution et engendrer la division au sein des travailleurs », lit-on dans l’acte d’accusation. Les accusés s’étaient défendus devant cette instance judiciaire en affirmant la sincérité de leur adhésion aux principes et à la ligne du PDG, en insistant sur le fait qu’ils étaient de bonne foi, mais que « le contenu de ce document avait dépassé, à leur insu, la portée réelle qu’ils voulaient lui donner ». Malheureusement, le contenu des documents secrets trouvés chez la plupart d’entre eux, en particulier chez Djibril Tamsir Niane, infirmait leur prestation devant le Tribunal ; celui-ci se servait déjà de la commission Presse et Information de la Fédération PDG-RDA de Conakry II. Après enquêtes et une séance de dix-sept heures, la responsabilité de chacun des auteurs du mémoire fut établie, suivie de condamnations conséquentes le 21 novembre 1961: Koumandian Keïta, Mamadou Traoré dit Ray Autra furent condamnés à dix ans ; Tamsir Niane, Ibrahima Kaba Bah et Bahi Seck à cinq ans ; il leur a été reproché d’avoir rédigé et diffusé « à l’intérieur et à l’extérieur de la Guinée, un mémoire mensonger et subversif constituant une nouvelle tentative contre-révolutionnaire » ; les sept autres membres du bureau, dont certains n’avaient même pas entendu parler du document incriminé, mais présenté en leur nom, furent relâchés. Ce qui contredit le Père Gérard Vieira qui, quarante-huit ans après les événements, écrit que « tous les responsables du syndicat de l’enseignement ont été arrêtés, torturés, condamnés à mort ou à de fortes peines de prison» (107).Personne n’a été condamné à mort et personne n’est morte en prison. Même les condamnés à des peines de prison seront tous relâchés entre 1963 et 1966 et promus à des postes de responsabilité, sauf Koumandian Keïta, trop vieux pour être utilisé dans l’administration. 106 107

Ismaël Touré in : Horoya, n°22, 22 novembre 1961 Gérard Vieira, op. cit. p.105.

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Quant aux cadres marxistes du ministère du Plan ,dont plusieurs seront dénoncés par leur ministre auquel il créait des difficultés, certains seront libérés en octobre 1966, d’autres reçus et logés dans les mêmes conditions que les secrétaires fédéraux à la 17e session du CNR (27-31 janvier 1967); le Président leur présentera les excuses du PDG en leur disant qu’ils étaient de bonne foi, mais le contexte de leur intervention dans le conflit opposant le PDG au syndicat des enseignants n’était pas favorable ; ils n’avaient pas perçu le subterfuge des vrais opposants au régime et l’appui dont ils bénéficiaient à l’extérieur. Ce qui a fait dire à Ibrahima Fofana, qui ne l’avait su qu’en prison : « Nous n’avions pas vu que nous étions en train d’aider l’ennemi, le camp impérialiste, à notre insu». Et c’est en prison que la plupart d’entre eux se sont rendu compte du caractère ethnique de l’attitude de certains qui se disaient marxistes.

Utilisation des élèves et des étudiants Le PDG et le gouvernement reprochèrent surtout aux cinq condamnés et à leurs alliés non découverts d’avoir non seulement distribué, à tout le monde, le mémoire destiné en principe au gouvernement, mais d’avoir utilisé la jeunesse scolaire qu’ils avaient en main et l’avoir conditionnée contre les autorités politiques et administratives depuis longtemps. En effet, comme pour confirmer cette analyse, certains élèves, filles et garçons, des lycées et collèges techniques de Conakry jetèrent, dans la nuit du 23 au 24 novembre 1961, des tracts politiques dont certains étaient ainsi libellés : « Liberté de revendications », « A bas la réforme », « Libérer nos héros », « Impossibilité pour un pays d’être neutre entre l’Occident et l’Est », « Nécessité absolue d’opter pour l’un ou l’autre bloc », « Plus de sous-comité scolaire », « Plus de JRDA, plus de PDG-RDA de Guinée ». Au vu de ces tracts et après analyse des documents saisis chez certains des accusés, le PDG et le gouvernement se rendirent compte que les revendications corporatistes n’étaient, en fait, que des prétextes fallacieux. La motivation était essentiellement politique. Par ailleurs, les élèves de l’intérieur et de Conakry protestèrent certes, le 24 novembre 1961 , contre ces condamnations, proférèrent des injures et menaces contre les responsables politiques et administratifs du pays, mais en fait pour une tout autre raison : la plupart de cette génération d’élèves « alors en place était celle entrée au lycée à l’époque coloniale, fils de chefs ou de notables en opposition avec le PDG », témoigne Jean Suret-Canale; presque tous reprochaient en réalité au PDG d’avoir supprimé les privilèges injustifiés de leurs parents conséquemment avec la suppression de la chefferie de canton le 31 décembre 1957. Cette réaction prévue et organisée provoqua la fermeture des établissements : les élèves ne furent autorisés à reprendre les cours qu’entre les 15 et 18 janvier 1962. En France, les élèves et étudiants guinéens, regroupés au sein de l’AGEEF, dont l’auteur était le président de la section de Paris, appuyèrent la position des

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enseignants sur la base, il est vrai, de fausses informations (comme celle-ci : les enseignants ont été arrêtés pour avoir présenté de simples revendications) ; alors que certains agissaient de connivence avec les soi-disant opposants; ils avaient même hué, à la chancellerie de l’Ambassade de Guinée à Paris, les ministres guinéens de passage et qui voulaient leur exposer le point de vue du gouvernement.

À propos des « marxistes » guinéens avant l’indépendance S’agissant des « marxistes », il faut distinguer. Il existait en Guinée, avant l’indépendance, au sein du PDG, une aile marxiste dénommée la « gauche » du parti, qui n’avait aucune emprise sur les autres structures ; elle était constituée d’éléments ayant beaucoup lu Marx, Engels et Lénine. Les plus connus étaient Dr Pléah Koniba et Samba Lamine Traoré, d’origine malienne (ex-Soudan français). Cette aile militait surtout à Mamou, au sein de la sous-section. Elle a eu des démêlés avec la direction du PDG à cause de ce qu’elle appelait « l’embourgeoisement de certains dirigeants du PDG », à la faveur du régime instauré par la Loi-cadre du 23 juin 1956. Toute la sous-section dirigée par ces éléments marxisants avait été exclue du PDG par la Direction du Parti. Il a fallu la conférence du 14 septembre 1958 pour refaire l’unité du parti en intégrant les éléments de la sous-section dans l’activité générale du PDG pour l’indépendance. Parmi les intellectuels guinéens se trouvant à l’extérieur, à la date du 28 septembre 1958, et qui étaient venus se mettre à la disposition du gouvernement guinéen dès après l’indépendance, on en comptait beaucoup se réclamant du Parti Africain de l’indépendance (PAI) de Mahjemout Diop. Comme ce parti était de type marxiste, tout militant de cette formation était réputé marxiste. Or, l’écrasante majorité des « marxistes » guinéens se réclamant du PAI n’avaient jamais adhéré au Parti communiste français (PCF) pendant tout leur séjour en France et n’y avaient jamais milité. Ils n’avaient même pas milité dans les organisations syndicales estudiantines. Ils faisaient partie, en France, de cette catégorie d’étudiants africains dont le seul credo était de ne faire que les études.

Apport des forces progressistes au nouvel État La Guinée ayant obtenu l’indépendance à la suite du référendum du 28 septembre 1958, des cadres étrangers et guinéens bien formés et de différentes spécialités, dans un élan patriotique, vinrent se mettre à la disposition du gouvernement guinéen, en réponse aux manœuvres de déstabilisation ouvertes de l’ex-puissance coloniale française ; ce qui permit au nouvel État guinéen de les placer, dans l’administration guinéenne, à tous les postes de responsabilité, naguère occupés par les fonctionnaires français, d’affecter certains autres dans l’enseignement. Mais impliqués dans les problèmes guinéens qui ne les regardaient en rien, certains voulurent se transformer en directeurs de conscience du PDG ; ce que les dirigeants du PDG refusèrent d’accepter.

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Les cadres d’origine sénégalaise, les plus nombreux parmi ceux qui s’étaient mis à la disposition du gouvernement guinéen, militaient au PAI dont la section guinéenne n’était pas encore dissoute ; ils étaient, au Sénégal, opposés à l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), dirigée par Léopold Sédar Senghor au pouvoir. Interdiction du PAI au Sénégal et refus de sa section guinéenne d’intégrer le PDG Le 31 juillet 1960, ayant protesté à la suite des élections municipales de Saint-Louis où ils s’estimaient victorieux, le PAI fut interdit au Sénégal, ses membres et dirigeants pourchassés. La Guinée en accueillit certains ; ce qui compliqua davantage la position du gouvernement guinéen: le PDG était désormais un parti au pouvoir qui devait tenir compte d’un certain nombre de facteurs internes et externes ; en Guinée, c’est un parti unique de fait et qui ne pouvait souffrir d’un autre parti. Or, la section guinéenne du PAI refusait de l’intégrer. Par ailleurs, le gouvernement et le PDG se trouvaient désormais devant un dilemme : soutenir le PAI, interdit au Sénégal, c’était s’opposer à l’UPS, donc trahir le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays africain, principe auquel le PDG était très attaché ; ne pas soutenir le PAI, c’était abandonner les dirigeants et membres de cette formation qui avaient émigré en Guinée et y exerçaient en qualité surtout de professeurs. Le gouvernement ayant fini par adopter la première solution, le PAI douta de la rigueur idéologique du PDG et décida de le combattre. Mais bien avant cela, la Direction du PAI à Dakar avait chargé de mission à Conakry un de ses membres, en la personne de Niang Sény, professeur de mathématiques, mais surtout réfugié politique en Guinée. Celui-ci devait inviter tous les membres du PAI de Guinée à rejoindre le PDG où ils devaient militer désormais. Or, ces militants PAI avaient déjà pris contact avec les militants du PDG se disant « marxistes » ; mais ceux-ci n’étaient pas des adhérents du PAI ou n’assumaient pas de responsabilité dans la direction d’une quelconque structure du PDG. Avec ces recrues, ils avaient organisé à Conakry ce qu’ils avaient appelé des cercles marxistes. La directive donnée par la Direction du PAI à Dakar et dont Niang Sény, représentant du PAI à Conakry, était chargé de veiller à l’application, avait fait l’objet de débats stériles au sein des cercles marxistes qui étaient tous clandestins, une clandestinité fort discutable, puisque le nouveau pouvoir avait réussi à les infiltrer. Quand il les aborda dans le but de les intégrer dans le PDG, Niang Sény s’était heurté au refus de la quasi-totalité de ces cercles : une infime minorité de marxistes qui, eux, avaient milité soit au Parti communiste français, soit à la FEANF pensait que ces cercles devaient être maintenus parce qu’ils pouvaient constituer un lieu privilégié de formation marxiste et, plus tard, le noyau d’un parti ouvrier. Et si l’on en croit Jean Suret-

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Canale, certains de ceux- là tentèrent de « prendre la direction de l’union des syndicats ». Niang Sény a beau montrer qu’une révolution socialiste, dans les conditions guinéennes, ne pouvait être l’œuvre d’un cercle marxiste ; il a beau s’appuyer sur la thèse avancée par la Conférence des 81 (108), rien n’y fit. Dans ces conditions, il avertit que ceux des « marxistes » guinéens qui entendaient ne pas respecter la directive de la Direction du PAI devraient déclarer ouvertement ne plus appartenir au PAI et suivre la voie qu’ils voudraient avec toutes les conséquences. Devant le refus de ces « marxistes » de saborder leurs cercles au profit du PDG, le devoir de Niang Sény, estimait la Direction du PDG, était de l’en avertir, surtout qu’il était désormais en poste à Conakry en tant que représentant du PAI auprès de la Direction du PDG. Celle-ci estimait qu’il avait dès lors manqué à son devoir à la fois d’internationaliste prolétarien et de patriote africain. Niang Sény paya la note : il fut mis en état d’arrestation et détenu à la prison du camp de la Garde républicaine (futur camp Boiro), en même temps que les « marxistes » guinéens, pendant plus de trois ans. La direction du PAI à Dakar entreprit immédiatement des démarches auprès de la Direction du PDG à Conakry pour obtenir sa libération. Mahjemout Diop, premier secrétaire du PAI, s’était personnellement investi en dépêchant à Conakry un émissaire, porteur d’un message. Pendant ce temps le groupe d’intellectuels africains et antillais, tous nationalistes et patriotes, quelques-uns marxistes, venus à Conakry, tenta vainement une médiation pour obtenir la libération de Niang Sény.

L’implication de l’Ambassade de l’URSS Quant à l’Ambassade de l’URSS à Conakry, elle entretenait des relations suivies avec des membres du syndicat des enseignants, du PAI et des cadres dirigeants du groupe de « marxistes » ; elle tenta ainsi de se servir de l’action syndicale des enseignants pour déstabiliser le gouvernement guinéen qui refusait de choisir la voie soviétique du développement. La direction du parti et le gouvernement s’aperçurent de l’implication des Soviétiques. Ils se dirent: c’est la Guinée qui a permis à l’Union soviétique de mettre pied en Afrique ; si les Soviétiques n’ont pas hésité à comploter contre elle, force sera qu’il est hors de question que l’État indépendant de Guinée se prête à des manipulations. Ils gelèrent alors pratiquement la coopération avec l’Union Soviétique en expulsant d’abord l’Ambassadeur Daniel Solod qui prit l’avion pour Paris avec son épouse le 16 décembre 1961. D’autres mesures furent également prises. Ainsi, selon Youssef Attaher Maïga « les Soviétiques devaient faire un poste d’observation de la Méditerranée 108

En novembre 1960, la conférence des 81 partis communistes des cinq continents qui s’étaient réunis à Moscou avait demandé aux partis communistes minoritaires dans des pays nouvellement indépendants de saborder leur organisation pour intégrer le parti artisan de l’indépendance.

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à Fotoba: tous les navires sillonnant la Méditerranée pouvaient y être observés ; cela inquiétait les Américains ; ils voulaient également faire un tanker à Conakry pour l’approvisionnement, en carburant, des avions qu’ils envoyaient pour convoyer les bateaux qui transportaient les armes pour l’Angola et l’Afrique du Sud en faveur de l’ANC ; lesdits tankers devaient même approvisionner la Guinée en carburant ». Le gouvernement abandonna tous ces projets. La coopération fut diversifiée ; la Guinée renforça ses liens avec les ÉtatsUnis d’Amérique, l’Allemagne fédérale, la République Populaire de Chine, la République Fédérale de la Yougoslavie, etc. Les Allemands de l’ouest, en particulier, offrirent des bourses de formation militaire, construisirent l’usine militaire, etc.

Refus d’inféodation idéologique Des organes de presse occidentaux ou autres voulaient profiter de cette situation pour tenter de situer idéologiquement et politiquement Sékou Touré et son parti. Il en fut ainsi d’un journal allemand, Diet Welt (109) ; analysant les discours de Sékou Touré, il évoque le mouvement subversif du syndicat et l’étonnement du monde occidental qui avait déjà classé le leader guinéen dans la catégorie des communistes africains irréductibles, « un partisan de Moscou » ; or, le secrétaire général du PDG n’a pas hésité de critiquer les communistes et leur reprocher de s’allier à ses ennemis intérieurs pour renverser le régime. C’est dire que contrairement à l’opinion répandue, conclut le journal, « le Président Sékou Touré n’est pas un communiste. Il est socialiste, il est nationaliste, il éprouve de forts ressentiments contre la France et il est surtout un Africain ». La Guinée avait certes affirmé qu’elle ne comptait que sur ellemême, mais elle ne refusait aucune aide qui respectât sa souveraineté ; aussi, n’a-t-elle pas hésité de coopérer avec le communisme sans être un pays satellite et tout en étant vigilant.

Assainissement du climat de la coopération guinéo-soviétique Pour mettre fin à l’exploitation politique que la presse à la solde des réseaux foccartiens faisaient de cet événement et éviter la rupture diplomatique, le Gouvernement soviétique dépêcha, à Conakry, la troisième personnalité en rang dans la hiérarchie du Bureau politique du parti communiste soviétique, Anastase Mikoyan ; celui-ci séjourna deux à trois jours à Conakry, le temps d’assainir le climat des relations bilatérales et de donner des assurances au gouvernement guinéen sur la ferme volonté du gouvernement soviétique de poursuivre sa politique d’aide et de coopération économique et technique à la Guinée non assortie d’aucune contrepartie politique. Certains verront dans l’implication des « marxistes » dans le conflit syndicat des enseignants - PDG une occasion et une habile exploitation que les dirigeants 109

In : Die Welt, 29 décembre 1961.

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guinéens en ont faite et tout le parti qu’ils en ont tiré pour obtenir de substantielles retombées économiques et techniques du gouvernement soviétique. La construction des infrastructures de l’Université de Conakry, entre autres, procéderait, selon eux, de cette opportunité. En tout état de cause, l’aide économique et technique massive du gouvernement soviétique intervenait ainsi à un moment crucial de l’existence du jeune État indépendant de Guinée en butte déjà à un isolement de la part des pays occidentaux animés par la France coloniale. Ces événements prouvèrent une fois de plus que la Guinée, malgré la guerre froide liée à l’existence des camps capitaliste et socialiste, voulait rester neutre quelles que soient ses difficultés ; qu’elle « n’ambitionne ni de s’aligner aveuglement sur tel ou tel bloc, ni d’imposer sa volonté à telle ou telle nation du monde » (110) ; elle veut être elle-même, penser et agir pour et par elle-même.

Les « Marxistes » guinéens au sein du PDG En fait, le refus de l’écrasante majorité des membres de ces cercles « marxistes » d’intégrer le PDG était dicté moins par des considérations s’inspirant du socialisme que par leur détermination à exécuter un plan visant à subvertir purement et simplement le nouvel État. Comme ces cercles n’avaient aucune prise directe sur les organisations de masse de leur cru parce qu’inexistantes ou sur celles existantes, mais échappant à leur contrôle, ceux des « marxistes » qui militaient dans ces organisations disposaient cependant d’une marge de manœuvre certaine qui leur permettait d’y organiser une contestation. En l’absence d’un parti marxiste-léniniste dont ils pouvaient se réclamer, c’est au sein des organisations existantes, contrôlées soit par des adversaires politiques du PDG, soit par le PDG lui-même, que ces soi-disant marxistes animaient une contestation plus politique que syndicale : au sein de la JRDA, de la CNTG, de certains bureaux fédéraux, de certains départements ministériels, etc.

L’intégration définitive du syndicat des enseignants à la CNTG Étant donné les implications sociales de l’événement et son impact sur le plan national, toutes les couches et catégories sociales se sentant concernées par tout ce qui se passait dans l’enseignement, le PDG dut convoquer, à Labé, une conférence nationale (25-29 décembre 1961) avec un unique ordre du jour : le mouvement subversif des enseignants et des « marxistes », et un congrès extraordinaire du syndicat des enseignants qui mit un autre bureau en place (111).L’intégration du syndicat des enseignants dans la CNTG fut décidée. Eu égard à l’hostilité ouverte de la France contre la Guinée, toutes les interventions devant la conférence demandèrent, ni plus ni moins, la condamnation à mort des enseignants et des « marxistes », qualifiés de traîtres à 110 111

A. BPN.PDG. CNR, 27-31 janvier 1967. A.BPN.PDG. Communiqué du 27 février 1962.

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leur patrie ; mais sur insistance expresse du Secrétaire général du PDG, le président Sékou Touré, la résolution finale de la conférence ne tint pas compte de cette peine estimant que les cadres ont été utilisés par des éléments d’un BAG moribond.

La décision de trois cadres étrangers de quitter la Guinée Mais outre le refus du gouvernement de libérer Niang Sény, la mise en cause, par de nombreuses interventions à la conférence de Labé, de la sincérité de l’engagement patriotique de la plupart des intellectuels africains et antillais venus se mettre au service de la patrie africaine de Guinée avait davantage pesé dans la prise de décision, par un groupe de trois cadres étrangers, de quitter la Guinée. En effet, la rencontre qui se tint à Labé avait amené des délégués à des positions excessives, à être sévères envers les étrangers accusés d’avoir trempé dans le mouvement subversif des enseignants. C’est le lieu de préciser qu’un seul de ces cadres était venu volontairement après la proclamation de l’indépendance guinéenne : Mac Lorrain, professeur au Lycée de Donka, venu en octobre 1958 ; les deux autres Sall Khalilou, directeur de Cabinet du ministère des Travaux publics et des Transports, était venu en Guinée en 1958 après la prison, Sarr Amsata, secrétaire général du gouvernement était venu en Guinée en 1956. Au cours de l’audience que le BPN leur accorda, le 27 février 1962, l’entretien porta sur la lettre que ceux-là venaient d’adresser à la direction du PDG ; ils y annonçaient que leur parti, le PAI, avait décidé de mettre fin à leur séjour en Guinée ; ils y affirmaient également que la décision était liée au refus du gouvernement guinéen de libérer Sény Niang. Avant de prendre acte de leur décision de quitter la Guinée et justifiant son refus de libérer ce dernier, le Bureau Politique national du PDG-RDA affirma qu’il a découvert chez des membres du comité directeur du syndicat des enseignants des documents secrets qui accusaient formellement Sény Niang de « participation effective aux activités antinationales »; le PDG dut le faire arrêter et, malgré l’intervention de Mahjemout Diop, président du PAI à Dakar, refusa de le libérer pour trois raisons : 1°/compte tenu des charges recueillies contre lui ; 2°/« en raison de son comportement inadmissible après sa libération provisoire »; 3°/pour ne pas « fausser ainsi l’enquête en cours ». Le secrétaire général du PDG tint à préciser les conditions dans lesquelles ces trois éléments étaient venus en Guinée : Sall Khalilou, réfugié politique, a été refoulé en Guinée par le gouvernement sénégalais après avoir purgé une peine d’emprisonnement suite à une manifestation non autorisée du PAI ; Sarr Amsata se trouvait en Guinée depuis 1956 comme professeur de lettres donc bien avant

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l’indépendance de la Guinée ; seul Mac Lorrain se mit à la disposition du gouvernement dans une lettre qu’il avait adressée au secrétaire général du PDG dès le 29 septembre 1958 , de Tunisie où il professait. La direction du PDG trouvait donc que ses interlocuteurs parlassent au nom d’un parti qui ne les avait pas envoyés pour servir le nouvel État guinéen suite au « non » du référendum du 28 septembre 1958. Et le PDG ne pouvait accepter que certains se servent de cette couverture pour agir contre ses options politiques et idéologiques, et s’immiscer dans les affaires intérieures de la Guinée, si révolutionnaires qu’ils fussent. Le BPN les remercia cependant et leur réaffirma que « le PDG a toujours hautement apprécié l’esprit de solidarité et de dévouement à la cause africaine qui animait tous ceux qui se sont mis volontairement au service de la jeune République de Guinée au lendemain de son vote historique du 28 septembre 1958 ». Et pour ce qui est du PAI, il soutint que dans la mesure où ce parti luttait pour l’indépendance et l’unité africaine, il continuera à entretenir avec lui des liens de solidarité militante. Seuls Senaïnon Béhanzin, du Bénin, et Youssef Attaher Maïga, du Niger, décidèrent de rester et de servir loyalement la Guinée.

Leçons tirées de l’opération La grève déclenchée par des enseignants et les événements qui en ont résulté avait abouti à la mise au pas effective des syndicats, mettant ainsi fin à la sacrosainte autonomie des syndicats. Elle sera également la première blessure profonde au sein de la coalition des forces de gauche (Parti, syndicats, étudiants). Enfin, la répression qui s’est abattue sur les cercles marxistes avait fait ce que la direction du PAI n’avait pas réussi : les cercles marxistes guinéens furent anéantis. En outre, la prison de la Garde Républicaine (futur camp Boiro) a fait son œuvre de clarification ; les clivages ont vu le jour dans les rangs des « marxistes » emprisonnés : les vrais marxistes ont compris qu’ils s’étaient laissés aller à un aventurisme politique borné, que des ethnocentriques avaient un tout autre objectif et que le prix à payer était cette prison car, précise Ibrahima Fofana, « alors que la direction du PDG voulait tout le monde derrière lui pour renforcer l’indépendance nationale, nous, nous avions un autre objectif, c’était le passage immédiat à la révolution socialiste … Nous ne voyions pas ce qui était prioritaire en ce moment : la Guinée vivait un état d’isolement ; les pays occidentaux, tous derrière la France, la boycottaient alors que nous, nous attaquions le gouvernement guinéen et l’accusions de déviation. Nous n’avions pas vu que nous étions en train d’aider l’ennemi, le camp impérialiste, à notre insu. Le gouvernement était, dès lors, en droit d’agir. Moi j’ai été mis en état d’arrestation sur cette base. Et je crois que mon arrestation était juste » ; arrêté, Ibrahima Fofana purgea cinq ans de prison avant d’être réintégré, comme les

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autres condamnés (enseignants et autres fonctionnaires) dans la Fonction publique, à leur libération. Certains autres ont continué leur travail de sape, comme Djibril Tamsir Niane qui, dirigeant alors la Division des Sciences Sociales du secrétariat à la Recherche scientifique, et membre de l’ « État-major Spécial » mis en place après le 22 novembre 1970, finit par fuir la Guinée et exiger, à Dakar, sa nationalité sénégalaise pour pouvoir diriger la « Fondation Senghor » ; à la prise du pouvoir par l’Armée le 3 avril 1984, l’intéressé revint en Guinée. Membre de la commission de rédaction du livre blanc créée par le CMRN, il a été accusé par le secrétaire général de cette structure de s’être emparé indûment des documents importants mis à la disposition de son équipe de recherche et de fuir à Dakar. Les vrais marxistes avaient surtout compris que la plupart de ceux qui se disaient « marxistes » étaient en fait ceux qui ne pardonnaient pas, ils ne leur pardonnent toujours pas, à Sékou Touré, Saïfoulaye Diallo et à leurs compagnons de lutte, après avoir supprimé la chefferie de canton, d’avoir eu le mérite historique d’être devenus les pères de l’indépendance guinéenne, de leur avoir ravi ainsi et à jamais la palme de cette indépendance ; ces pères de l’indépendance, sans avoir été à l’université, demeurent, aux yeux de la postérité, des géants politiques, des hommes d’État jouissant d’une remarquable maturité d’hommes d’État. Cet échec des menées subversives des enseignants et des « marxistes » ne démonta pas pour autant les organisateurs des complots contre la Guinée. Mais ceux-ci changèrent de méthode et utilisèrent cette fois les commerçants mécontents. Ce fut le complot appelé« Petit Touré ».

II. Complot « Petit Touré », Renforcement de l’opposition

octobre

1965

La Guinée était encore économiquement dépendante de la France ; comme si elle était un État membre de la Communauté française, elle relevait encore du Franc CFA et devait donc se soumettre à toutes les conditions restrictives de la zone franc pour ce qui était de ses transactions commerciales et de ses projets de développement, d’investissement. Or, les Autorités françaises, se rendant compte de la volonté de la Guinée de dépasser l’indépendance politique puisque seule une indépendance économique pouvait la consolider, elles accentuèrent les pratiques d’étouffement économique aussitôt que la Guinée a voté non, le 28 septembre 1958. Et puisque les commerçants exerçant en Guinée militaient plutôt pour la néo-colonisation française, le gouvernement guinéen prit une série de mesures qui renforcèrent l’opposition guinéenne et l’hostilité du monde des affaires contre le régime:

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- La création du Franc guinéen non convertible, le 1er mars 1960. - La nationalisation de la Banque de l’Afrique de l’Ouest, le 6 janvier 1962, et la cessation d’activités des compagnies privées d’assurance. - La dénonciation, au cours d’un meeting, le 12 décembre 1962, d’un détournement et de malversation d’un montant de 286.000.000 de francs guinéens commis par des fonctionnaires (guinéens et étrangers) et des commerçants libanais et guinéens à Conakry ; les intéressés sont condamnés à des peines de prison par la Cour d’Assises de Conakry. - La création d’une première police économique chargée de réprimer les infractions à la réglementation économique en vigueur, de contrôler la réglementation des prix des marchandises, de la répression des fraudes de toute nature, etc. - Ayant constaté que l’existence de beaucoup de francs guinéens à l’extérieur du fait des trafiquants et la thésaurisation excessive dévalorisaient la monnaie, le gouvernement créa de nouvelles coupures du franc guinéen et annonça que les anciennes perdaient leur valeur ; que l’échange avec les nouvelles coupures aurait lieu du 11 mars au 14 avril 1963. Le gouvernement guinéen ayant décidé de mettre un frein au trafic et d’accentuer la répression contre la corruption par l’institution de la loi-cadre du 8 novembre 1964, les commerçants accentuèrent leur opposition. Désemparés, ils cherchèrent à s’organiser pour contre-attaquer ; ils bénéficièrent de l’appui de responsables politiques qui les recommandèrent au chef de poste du SDECE à Conakry.

Le dindon de la farce Revenu, en fin 1959, de la Côte d’Ivoire où il était installé bien avant l’indépendance, Mamadou Touré dit Petit Touré fut nommé directeur général de la Société nationale du Textile (SONATEX), chargée de l’importation et de la vente des tissus ; il s’y était enrichi ; Sékou Touré fut accusé d’avoir nommé un de ses parents à « un poste juteux ». Mais Mamadou Touré ne fut jamais ministre du Commerce intérieur guinéen, comme le Président Houphouët-Boigny l’affirma. Malheureusement, ceux qui ont entendu cette version ont cru qu’il était donc « le cerveau du complot de 1965 » ; ce que Jean-Faragué Tounkara a démenti de son vivant dans une interview, sous le titre : « le cerveau du complot de 1965, c’est moi » (112). Contacté par le FLNG avec la bénédiction du Président Houphouët-Boigny, Mamadou Touré dit Petit Touré finit par être en fait le dindon de la farce d’une entreprise, alors qu’il n’avait ni l’expérience, ni la stature, encore moins la formation d’un leader d’opinion : enrichi, il s’est cru important et appelé à un destin national. 112

In ; L’Indépendant, n°260, 8 janvier 1998.

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Les vrais cerveaux du complot Mais les principaux cerveaux de l’opération, qui se servaient de lui étaient, en fait, tous de hauts fonctionnaires et responsables politiques du PDG, et des officiers qui n’étaient pas à leur première tentative de déstabilisation du régime. Ce sont : - 1. Fodéba Keïta, ministre de la Défense et de la Sécurité et créateur de la prison au sein de la Garde républicaine devenue le « Camp Mamadou Boiro » ; il était déçu de n’avoir pas été élu membre du Bureau politique national du PDG, au septième congrès (15- 18 août en 1963 à Kankan). Il tenta de faciliter l’agrément du nouveau parti dans l’espoir d’en être plus tard l’un des responsables et de faciliter ainsi ses activités. - 2. Jean-Faragué Tounkara, ministre de la Jeunesse, des Arts et de la Culture, non réélu au BPN au septième congrès du parti à Kankan (13-15 août 1963) ; il était farouchement opposé au cumul de postes et, finalement, à l’entrée de Fodéba Keïta au sein du BPN: celui-ci n’avait pas suivi le parcours politique de tout membre du PDG (bureau du comité de base, comité directeur de la Section et bureau fédéral). Le changement de comportement de Jean-Faragué Tounkara commença à inquiéter sa femme très tôt. Selon Sékou Touré, c’est son épouse qui lui parla, pour la première fois, de ce complot : elle avait constaté les va- et- vient de son mari et les nouvelles figures qui fréquentaient la maison et s’y réunissaient fréquemment avec interdiction de les déranger. « Elle m’a saisi de l’affaire afin que j’appelle son mari pour lui donner des conseils, compte tenu de tous les liens qui nous unissaient dans le Parti ; consciente du sort de ses enfants, elle ne peut pas laisser son mari aller ainsi dans cette direction ». Suite à cet entretien, le président convoqua Jean Faragué dans son bureau, lui rendit compte des soucis de son épouse et finit par lui dire : « je ne dirai pas davantage, va trouver ta femme qui te mettra au courant » (113). Au cours d’un entretien avec JeanFaragué Tounkara dans notre bureau de directeur de la Bibliothèque nationale à l’INRDG, l’intéressé nous avait confirmé l’entretien : il avait démenti sa femme en répondant que celle-ci s’inquiétait pour rien. Mais il finit par se rendre compte que le Président semblait bien informé ; mais il ne pouvait plus reculer ; ça aurait été trahir tous les gens qu’il avait impliqués dans l’opération. Aussi, n’informa-t-il personne de cet entretien « pour éviter toute débandade préjudiciable à l’action engagée », conclut-il. 3. Bangaly Camara, ministre de l’Information, syndicaliste émérite, a été également déçu de n’avoir pas été retenu comme candidat au BPN malgré son rôle historique au sein des syndicats à partir de 1956. Aussi, était-il prêt à sauter le Rubicon.

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In : Bulletin d’information du PDG. BPN. Session extraordinaire du CNR, les 9- 13 décembre.70, N°83

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L’action des trois personnalités depuis le 6e congrès ayant été jugée subversive, la direction nationale du parti décida d’éliminer Jean-Faragué et Bangali Camara du BPN en proposant son propre renouvellement ; le Conseil National de la Révolution qui se tenait à Kankan (15-18 août 1963) fut érigé en 7e congrès ; le nombre de membres du BPN fut réduit de 17 à 15 ; à l’issue des consultations, Camara Bangaly et Jean-Faragué Tounkara ne furent pas élus et ne figurèrent plus dans le gouvernement remanié. Déçus, ils décidèrent de ne plus militer au sein du PDG-RDA. Il faut noter que Bangaly Camara et Jean-Faragué Tounkara faisaient déjà partie du groupe de délégués qui s’étaient opposés à la réélection de Sékou Touré comme secrétaire général du PDG, après s’être exprimés contre le cumul de postes de responsabilité (secrétaire général du PDG et Président de la République), au cours du séminaire de Foulaya (Kindia) en 1962 ; n’eût été la loyauté de Saïfoulaye Diallo, qui n’accepta pas d’être utilisé contre son compagnon de lutte et qui savait qu’il aurait été la prochaine victime des mêmes personnes, Sékou Touré aurait été certainement évincé du poste de secrétaire général du PDG et des remous fatals se seraient produits au sein du Parti. Ayant lamentablement échoué dans leur intrigue, les trois personnalités décidèrent de créer un parti politique d’opposition, le PUNG, aux options libérales face à l’option de développement non capitaliste du PDG. Ils recrutèrent parmi les commerçants et les officiers supérieurs de l’Armée ; Jean-Faragué Tounkara nous a affirmé qu’il détenaient les notes manuscrites d’encouragement de ceux-ci qu’il ne communiqua pas aux enquêteurs ; il les déterra seulement à sa sortie de prison. Ceux parmi ceux-là qui n’avaient pas été dénoncés purent continuer leur action de sape ; mais ils seront découverts lors de l’agression du 22 novembre 1970, en particulier. Or, pour avoir été membres du BPN ou du gouvernement, ces trois personnalités connaissaient l’hostilité constante du gouvernement français envers le régime guinéen et l’aide qu’ils pouvaient en attendre. C’est pourquoi ils n’ont pas hésité à faire appel au concours des agents du poste du SDEGE à Conakry pour la création de leur parti, tout en sachant à quoi ils s’exposeraient en cas d’échec, même quand l’un d’eux affirme qu’ « il ne s’agissait pas de faire un complot sanglant, mais d’écarter Sékou Touré de façon légale » (114).

Utilisation des commerçants Croyant pouvoir échapper à toute vigilance des autorités, les trois personnalités se servirent des commerçants guinéens qui, ayant travaillé avec des maisons de traite de la place bien avant l’indépendance, constituaient déjà des réseaux d’échange très actifs en Guinée et à l’étranger et s’estimaient mieux indiqués pour définir la politique commerciale de la Guinée en particulier.

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In : L’Indépendant, op cit.

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Par ailleurs, beaucoup de ces commerçants savaient bénéficier, aux premières heures de l’indépendance, de prêts bancaires importants qu’ils avaient utilisés pour se construire des maisons louées à des étrangers contre devises. Pour surmonter les difficultés nées de la création du franc guinéen non convertible, ils développèrent le trafic frauduleux avec les pays limitrophes pour créer la pénurie et aggraver ainsi les conditions d’existence du peuple: ils vendaient frauduleusement les produits agricoles et les troupeaux de bovins et d’ovins ; les marchandises importées par l’État passaient les frontières avec la complicité de fonctionnaires véreux. Une partie des devises obtenues (CFA, dollars, francs français etc.) de la vente de ces produits servait à acheter diverses marchandises à importer et l’autre partie était introduite et échangée à des taux élevés contre le franc guinéen. Ce qui accentuait l’appauvrissement des populations et provoquait un mécontentement perceptible que les services du SDECE tentèrent souvent d’exploiter contre le gouvernement. Le PDG et le gouvernement décidèrent de combattre le marché noir, les trafiquants et les fraudeurs en édictant des lois appropriées, en particulier une loi, la loi du 8 novembre 1964, que l’opposition combattit par tous les moyens, de toute son énergie. En effet, ils n’avaient pas réussi à convaincre les commerçants d’abandonner de telles pratiques néfastes et à s’intégrer dans le nouveau système d’échange ; pire, ils avaient même constaté que de nombreux anciens chefs de canton ou leurs descendants s’étaient infiltrés dans le PDG et ses différents organes parallèles en tant que responsables politiques pour mieux l’affaiblir de l’intérieur. La lutte sera d’autant plus farouche que le PDG et le gouvernement étaient persuadés que le commerce ne peut pas développer la Guinée ; que seule l’agriculture lui permettra d’avoir la souveraineté alimentaire, que les commerçants seuls s’enrichissaient en n’important que ce qui est produit ailleurs et exportant ce qui était importé par l’État pour la population ; aucun commerçant ne s’était impliqué dans le système de production nationale qui aurait renforcé l’indépendance nationale et permis au gouvernement d’utiliser ailleurs les devises ainsi économisées.

La Loi-cadre du 8 novembre 1964 En effet, la Loi-cadre du 8 novembre 1964 concernait cinq points : - 1. Les conditions d’exercer légalement les activités lucratives (commerce et transport). - 2. L’usage des maisons construites sur prêts de l’État : où il a été précisé que les bénéficiaires des maisons réalisées sur prêts de l’État devaient habiter ces locaux ou les louer désormais sous couvert de la Société Immobilière de Guinée pour éviter toute spéculation ; nombre de ces maisons étaient louées par lesdits propriétaires à des étrangers contre des devises avec lesquelles ils spéculaient sur le marché noir.

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- 3. La vérification des biens : ceux qui étaient mal acquis parce que les propriétaires se trouvaient dans l’impossibilité de les justifier, faisaient désormais l’objet d’une saisie par l’État. - 4. L’assainissement politique, social et moral : la normalisation des conditions du choix des responsables politiques, avec interdiction d’élire, au sein du PDG, des commerçants aux postes de responsabilité. - 5. Réglementation des rapports avec les ambassades étrangères accréditées en Guinée, certaines d’entre elles n’ayant, comme objectif, que de faciliter le renversement du gouvernement. Ces décisions heurtèrent bon nombre d’ennemis historiques du PDG et du gouvernement : la loi limita le nombre de commerçants en éliminant de nombreux intermédiaires dans le circuit commercial, en empêchant des commerçants et tout individu employant de la main-d’œuvre salariale d’occuper tout poste de responsabilité au sein du Parti ; elle interdit à tous ceux qui se livraient à des activités lucratives (commerçants, transporteurs, etc.), aux fonctionnaires et autres travailleurs de l’État, aux responsables politiques et administratifs, aux responsables des entreprises, de pratiquer le commerce même de manière anonyme ou par personne interposée ; elle supprima l’exploitation privée du diamant et l’ouverture du siège de vente à la BCRG à Conakry. Il s’agissait en fait de lutter contre la vie chère, de faire respecter les prix fixés par le gouvernement. D’où l’adhésion et l’appui populaires à des mesures tendant à l’amélioration des conditions de vie des masses. Ces mesures créèrent, par contre, des mécontents dans les milieux commerçants ; ce qui facilita le recrutement d’agents subversifs surtout parmi ceux qui avaient tout perdu depuis la suppression de la chefferie de canton ou pour non-justification des biens mal acquis ou qui ne voulaient ou ne pouvaient pas rembourser, lors des vérifications des biens, les différents prêts octroyés par l’État. Aussi, la réaction des opposants ne se fit-elle pas attendre ; Mamadou Touré dit Petit Touré, à la recherche d’une dimension nationale, accepta de prendre la direction du mouvement subversif, pendant que les responsables politiques dissidents, quelques chefs de canton devenus commerçants et quelques gradés de l’armée guinéenne, s’organisaient dans la clandestinité pour renverser le régime avec l’appui du SDECE ; les deux mouvements décidèrent de n’en constituer qu’un au sein du parti en création.

La naïveté de Mamadou Touré dit Petit Touré Mais qui est Mamadou Touré dit « Petit Touré » ? Il naquit en Côte d’Ivoire où il a exercé ses activités commerciales jusqu’en 1959. Selon le Comité Révolutionnaire, il « est arrivé en Guinée démuni de tout bien financier et matériel ; il fut d’abord employé comme gérant d’un bar au salaire mensuel de 35 000 FG, puis engagé au Comptoir guinéen du commerce intérieur comme chef des marchandises, avant de se voir confier la direction de l’importante

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entreprise SONATEX, chargée de l’importation des tissus. Il a profité de cette situation pour se faire, par la corruption, de solides relations dans les milieux des commerçants trafiquants, et réaliser, à son profit, par des détournements en un temps record, une fortune colossale se chiffrant à plusieurs centaines de millions. En application de la loi- cadre d’assainissement du 8 novembre 1964, il a vu ses biens confisqués et a été, à un moment donné, mis en état d’arrestation. « Il faisait figure de chef des trafiquants mécontents dont l’action criminelle avait été arrêtée par la loi-cadre », lit-on dans le rapport sur le complot présenté au Conseil national de la Révolution le 15 novembre 1965. Il était surtout encouragé et soutenu par le président Houphouët-Boigny dont il recevait l’aide financière par le canal du directeur de la Caisse de Sécurité sociale ivoirienne, François Kata Kamano ; ce dernier se rendit souvent en Guinée, muni d’importantes sommes d’argent ; il bénéficiait également de l’appui des maisons de commerce et des sociétés françaises évincées du circuit commercial guinéen, et de nombreux commerçants guinéens privés de profits espérés par la politique de développement non capitaliste du nouveau gouvernement. Disposant ainsi de moyens financiers considérables, Mamadou Touré dit « Petit Touré » se montra particulièrement actif, ce qui fit croire qu’il était le cerveau et le vrai organisateur du complot. Nous savons désormais que c’était Jean-Faragué Tounkara, qui en était « le cerveau ».

Le PUNG, le Cheval de Troie des comploteurs La Constitution du 10 novembre 1958 avait prévu le multipartisme dans ses articles 40,41 et 42 ; mais désormais convaincues que la France continuait à tramer contre leur pays, les autorités guinéennes arrivèrent à la conclusion qu’il n’ était plus possible d’appliquer ces clauses sous peine d’avoir un parti de trop que les Français utiliseraient contre le PDG et ses dirigeants, en particulier contre Sékou Touré . D’autant que Mamadou Touré dit Petit Touré introduit par les responsables clandestins du PUNG auprès de l’Ambassade de France, était en contact régulier avec le lieutenant Henri Moutin, du SDECE ; ce dernier était chargé de l’encadrement des éléments guinéens commis à la rédaction des documents fondateurs du nouveau parti (statuts, règlements intérieurs, projet de société, etc.). Attelé à cette tâche, Moutin réussit, en outre, à convaincre d’autres ministres guinéens à adhérer à la nouvelle formation politique ; démasqué très tôt par les services de sécurité guinéenne, il fut précipitamment remplacé par le commandant Lanquetin, également du SDECE ; celui-ci poursuivit l’encadrement de cette opposition et l’affinement des textes sus-indiqués de la formation politique en gestation, le Parti de l’unité nationale de Guinée (PUNG). Une telle pratique, alors que la France cherchait à liquider le régime guinéen, a fait perdre toute base légale à la nouvelle formation. D’autant plus que, si l’on en croit le journal Le Lynx, « Petit Touré décida » de créer ce parti « sur

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incitation de Fodéba Keïta » (115), un ministre occupant un poste stratégique. On comprend dès lors les fréquentations assidues de certains diplomates de l’Ambassade de France à Conakry de 1962 à 1965 auprès de Fodéba Keita dont parle Jean Paul Alata.

Le recrutement des commerçants et des militaires au sein du PUNG Mamadou Touré dit Petit Touré réussit à recruter de nombreux commerçants en leur expliquant qu’il s’agit de renverser Sékou Touré afin de changer de régime politique. Selon Jean-Faragué Tounkara, « tous, sans exception, étaient pour lui » ; de même, dans le PDG « beaucoup de personnes étaient prêtes à le suivre pour que Sékou Touré soit mis en minorité » (116), affirme Jean-Faragué Tounkara. En effet, tous les commerçants véreux qui avaient bénéficié des crédits de l’État dont ils utilisaient les bénéfices et les prêts pour réaliser des maisons à étage, en particulier dans les parages du marché Madina, avaient fini par adhérer au mouvement dans l’espoir d’échapper au remboursement desdits prêts si le coup réussissait ; l’opération ayant échoué, la plupart fuiront à l’étranger. Sachant en outre que l’ossature des forces armées guinéennes était constituée d’anciens militaires coloniaux, donc d’éléments facilement récupérables par la France, les comploteurs contactèrent certains et réussirent à en recruter dont le commandant Mamoudou Keïta et deux adjudants qui assurèrent, avec les commerçants, le contact des recrues du nouveau parti dans l’armée. L’un des objectifs du parti en gestation fut d’abord de noyauter le PDG par les commerçants et assimilés : ceux-ci se faisaient élire au sein des organismes de base; pour y mettre fin, les autorités guinéennes prirent des mesures appropriées sus-énumérées. Il n’en fallait pas plus, pour les opposants, de tenter de canaliser le mécontentement de tous les partisans du libéralisme économique et les récriminations des opposants politiques au régime ; ils répliquèrent immédiatement en décidant de créer le PUNG.

Mamadou Touré dit Petit Touré ouvrit les hostilités Pour s’assurer l’appui effectif et recevoir les dernières directives des autorités françaises compétentes, du SDECE en particulier à travers Maurice Robert devenu Chef service du réseau en Afrique, recueillir les avis et suggestions de leurs complices guinéens à l’étranger, Mamadou Touré dit Petit Touré fut dépêché à Paris en septembre 1965 ; c’est à l’hôtel Lutétia qu’on le logea et où se déroulèrent tous ses entretiens et autres contacts. De retour à Conakry , se croyant prêt au combat politique, convaincu qu’il avait les appuis dont il avait besoin et négligeant les conseils de prudence que 115 116

In : Le Lynx, n°639, 12 mai 2008, p. 9 In : L’indépendant, op. cit .

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certains de ses partisans lui prodiguèrent, Petit Touré informa le Président de la République, par lettre datée du 9 octobre 1965 , de son intention de créer un parti politique dénommé Parti de l’Unité Nationale de Guinée (PUNG) conformément aux articles 40, 41 et 42 de la Constitution; il précise les motifs d’un tel acte : « le sectarisme, l’inégalité et les multiples improvisations anachroniques qui régissent désormais le programme du PDG » (117). Une attaque frontale qui provoqua la réaction à laquelle les auteurs devaient s’attendre étant donné le contexte d’adversité et d’hostilité belliqueuse imposée par la France à la Guinée et dans lequel le peuple de Guinée se débattait pour préserver son indépendance ; en outre, l’on savait que la nouvelle formation, parce que créée grâce au concours du SDECE, n’avait plus de base légale. Les principaux responsables du PUNG furent appréhendés d’autant plus allègrement que les services de sécurité guinéenne étaient informés de leur moindre geste et de tous les contacts qu’ils prenaient soit auprès du poste de SDECE à Conakry, soit auprès des autorités ivoiriennes, soit directement en France. La direction du PDG les avait laissés venir. À la date du 12 octobre 1965, tous les principaux instigateurs avaient été appréhendés. Auparavant, accusées d’avoir soutenu cette action de déstabilisation , les autorités françaises et ivoiriennes le démentirent ; l’ambassadeur de France en Guinée, Philippe Koenig, pris la main dans le sac et à court d’arguments, préféra créer un incident entre les deux pays : ayant décidé de défier les autorités guinéennes, il refusa d’assister à la réunion d’information organisée le 17 novembre 1965 à laquelle tous les diplomates avaient été conviés ; il fut invité à quitter immédiatement la Guinée ; ce qu’il fit dans l’après-midi du même jour ; le gouvernement français , acculé et ne voulant pas perdre la face, demanda, à son tour, au Dr Nanamodou Diakité, ambassadeur de Guinée à Paris, de quitter le territoire français sans délai . La rupture diplomatique intervint définitivement le 22 novembre 1965 entre les deux pays par la faute de la France dont la représentation s’était montrée irresponsable et irrespectueuse envers la Guinée. Il est intéressant de noter que si l’agression du 22 novembre 1970 avait réussi, les relations diplomatiques auraient été rétablies aussitôt entre la Guinée et la France ; ce serait une façon d’effacer la date de la rupture diplomatique. Ce qui aurait eu pour effet d’imposer un régime plus accommodant, favorable au monde occidental. Il fut ainsi décidé de fermer désormais toute ambassade et d’expulser tout membre du corps diplomatique se livrant à la subversion sur le sol guinéen. L’ONU ne resta pas insensible à la plainte de la Guinée puisque la commission politique de son Assemblée générale vota, par cent voix contre cinq, une motion déclarant qu’ « aucun État n’a le droit d’intervenir directement ou

117

A. PDG-RDA. BPN.CNR du 15 novembre 1965.

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indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d’un autre État ».

La vaine tentative de désinformation Comme toujours, la réalité et la véracité de cette nouvelle tentative de déstabilisation montée par les autorités françaises d’alors et leurs services spéciaux furent également contestées; on cria au scandale, au complot imaginaire. À court d’arguments convaincants, le président Houphouët-Boigny lança même cette accusation qui fit sourire tous ceux qui étaient au fait des actions de déstabilisation organisées par le chef d’État ivoirien pour le compte de la France gaulliste contre toutes les forces progressistes africaines : « il y a collusion entre Sékou Touré et Kwamé NKrumah pour tenter de masquer, au regard des masses de leurs pays respectifs, leur retentissante faillite dans le domaine politique, économique et humain » (118). En France, quelques observateurs bien avertis conseillèrent cependant la prudence dans l’appréciation des faits dénoncés par le gouvernement guinéen. Ainsi, le journal Le Monde mit le démenti de la Côte d’Ivoire en doute en ces termes : « dans plusieurs capitales, on conserve cependant le souvenir du complot de mars 1960 à l’issue duquel dix - neufs personnes furent condamnées à mort, tandis que la responsabilité de quelques Français était établie, ce qui autorise aujourd’hui certains observateurs à penser que les allégations de monsieur Sékou Touré contre de nouvelles ingérences françaises ne sont peutêtre pas totalement fantaisistes »(119).

Les témoignages de condamnés confirmant la réalité du complot Par ailleurs, le temps travaillant pour la vérité contre le mensonge, plusieurs années après l’opération, deux acteurs de haute moralité dudit complot ont confirmé que l’objectif de leur opération fut une tentative de renversement du régime : Jean-Faragué Tounkara et madame Fofana Fanta Diarra ont confirmé le rôle d’instigateur de l’opération joué par Fodéba Kéïta, alors ministre de la Défense et de la Sécurité. Jean-Faragué Tounkara, qui figura parmi les « individus coupables », a avoué , le 1er janvier 1998, dans une interview parue dans un journal ivoirien , reprise en Guinée par le journal L’Indépendant, que « le cerveau du complot de 1965 , c’était moi ; j’ai pris mes responsabilités , j’ai réuni, autour de moi, Touré Mamadou, Bangaly Camara , ministre de l’information, Kaba Sory, exambassadeur à l’ONU, le docteur Roiff [Jean Numa], les docteurs Henri Lorofi et Chérif [N’Faly] (docteur Piment), un commerçant de Kindia. Ensemble, nous

118 119

Cité par Jacques Batmanian, op. ci .Annexe 67, p248. In: Le Monde ,29 novembre 1965.

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avons concocté un plan pour renverser Sékou Touré et remettre le pouvoir à des hommes plus sûrs » (120). Tous ces hommes figuraient dans le même groupe que lui dans le Rapport du Comité Révolutionnaire; ils écopèrent de la même peine. Mais aucun n’a été exécuté. Nombre de Guinéens s’étaient posé cette question quand Jean Faragué a témoigné : Pourquoi aucun parent des éléments arrêtés dans le cadre de ce complot n’avait eu le courage de porter plainte contre lui pour avoir entraîné un membre de sa famille dans cette opération suicidaire. Avaient-ils peur d’apprendre, au cours du procès, d’éventuelles révélations gênantes ? Comme le ridicule ne tue pas certains, les auditeurs d’une radio privée ont été surpris d’entendre, entre novembre - décembre 2007 et janvier 2008, des parents de certains de ces anciens prisonniers s’en prendre à Ahmed Sékou Touré et à ses compagnons de lutte pour avoir tué leurs parents suite à ce complot avoué par son « cerveau », Jean-Faragué Tounkara. C’est le lieu de reprendre le témoignage de Jean-Faragué Tounkara publié en 2002 dans Des complots contre la Guinée d’Ahmed Sékou Touré (1958-1984). En effet, nous avons eu l’opportunité de collaborer avec lui à la direction de la Bibliothèque Nationale de Conakry à sa seconde sortie de prison et de nous entretenir très souvent sur les différents complots dénoncés à partir de 1958 : aucun complot dénoncé n’était ni faux, ni imaginaire, nous disait-il; c’est la répression qui était exagérée, les règlements de compte ayant été utilisés par certains pour se venger de cadres certainement innocents. À propos de celui de novembre 1965, il nous avait d’abord révélé qu’il n’avait pas détruit la note de soutien d’un officier supérieur, dont nous taisons le nom ;il l’ avait cachée et ne la reprit qu’à sa sortie de prison ; il confirma cette information hors micro avec l’équipe de Philippe Gaillard, réalisateur du film: Le jour où la Guinée a dit non ; cette note l’informait que des éléments de l’Étatmajor de l’Armée les soutenaient et interviendraient au moment opportun: ils étaient de cœur avec eux et les encourageaient, mais ils étaient obligés d’être prudents parce qu’ils étaient surveillés. Jean-Faragué Tounkara révéla aussi que Fodéba Keïta appuyait le complot, c’est pourquoi il n’avait pas empêché la transmission officielle de la demande d’agrément du nouveau parti à la direction nationale du PDG. La deuxième révélation concernait le cas de Petit Touré et de son frère Kélétigui : « Fodéba Keita, qui appuyait leur groupe, avait demandé aux éléments dirigeants appréhendés et incarcérés, de tout nier ; il s’arrangerait après pour les faire libérer ; Kélétigui Touré répondit qu’en tant que petit fils de Kémé Bouréma, il ne peut pas mentir à Sékou Touré qui ne descend de Samory Touré que par sa mère.. « Donnez- moi du papier et un stylo, je vais tout dire », dit-il à 120

In : L’Indépendant, op.cit.

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l’enquêteur. Informé, Fodéba Keita qui les avait aidés à créer le PUNG, tenta de l’en dissuader ; Kélétigui refusa net. Excédé, Fodéba Keita donna des instructions à Magassouba Moryba pour une seconde diète, cette fois définitive ; Magassouba ferma la cellule et garda la clé pendant quatre jours. Voilà comment mourut Kélétigui de faim. «Fodéba Keita ne l’avait pas su, mais moi j’ai tout avoué .Et c’est ma déposition qui sera utilisée pour le faire arrêter en 1969dans le cadre du complot Kaman-Fodéba, Sékou Touré s’étant rendu compte de la véracité de mes accusations ». Quant à madame Fofana Fanta Diarra, épouse d’Ibrahima Fofana, qui figura dans le groupe des « éléments douteux », une institutrice, qui purgea 18 mois de prison sur les cinq ans qui lui avaient été infligés, elle nous a affirmé qu’elle avait « tenté, à plusieurs reprises, de prendre une part active dans les préparatifs et l’exécution du mouvement. « Mais Mamadou Petit Touré me trouvait trop jeune pour l’entreprise qui comportait trop de risques, précise-t-elle. J’ai dû me contenter de la distribution clandestine de tracts. Mais j’ai fini par connaître les vrais dirigeants et tout le mécanisme. Aussi, quand j’ai été appréhendée et écrouée au camp Boiro et que l’on me tendit du papier blanc et un bic (stylo bille) pour déposer, j’ai demandé, dans une lettre, au président de la République de s’adresser au ministre Fodéba Keïta et à l’État-major de l’armée pour connaître la vérité. Je ne sais si la lettre lui était parvenue, mais j’ai été enfermée et mise à la diète pendant trois jours».

Leçons tirées par le SDECE Tirant les leçons de l’ échec de toutes les tentatives de renversement du régime guinéen qu’il a initiées et menées directement à travers ses agents et ses structures de lutte, le SDECE prit la décision de ne plus diriger les opérations de déstabilisation qu’il initie, mais de continuer le combat en utilisant désormais abondamment les Guinéens et les « Foccart africains» qui partageaient les objectifs des gouvernements gaullistes contre le gouvernement guinéen : les chefs d’État ivoirien , sénégalais et gabonais (Houphouët-Boigny, Léopold Sédar Senghor et Omar Bongo) ,et en se faisant aider d’autres services secrets occidentaux. Aussi, comme le note le journal satirique français, Le canard enchaîné, « d’autres complots, en 1969, 1970, montés avec la CIA, le BND d’Allemagne de l’Ouest, la PIDE portugaise échoueront aussi magnifiquement » (121).

121

In : Le Canard enchaîné, n°28, juin-juillet, 1988.

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Chapitre VII Le président Houphouët-Boigny finance deux complots organisés par la section ivoirienne du FLNG contre la Guinée (1966-1969)

« Il faut agir ; l’argent ne compte pas ; quand ça finira, je vous en donnerai encore.» Houpouët-Boigny « Le complot que nous sommes en train d’écraser était mieux conçu, mieux organisé, plus ambitieux et plus cynique que tous ceux qui l’ont précédé : c’était presque parfait. » Émile Condé

I.- La position du problème Houphouët-Boigny réussit à se débarrasser du Chef de l’État ghanéen par un coup d’État Tous les complots ayant échoué jusqu’en 1965, l’année 1966 constitua le grand tournant contre les forces progressistes africaines avec, en particulier, la chute du président Kwamé N’Krumah et la création officielle du Front de Libération Nationale de Guinée (FLNG) avec les sections de Côte d’Ivoire, de Paris et du Sénégal entre les 3 et 18 avril 1966 par le président Houphouët – Boigny pour renverser le régime guinéen ; celui-ci tenait à en finir avec Sékou Touré. L’on se rappelle que les deux chefs d’État ivoirien et ghanéen avaient parié sur leur choix politique dès 1957. Mais si pour le Président NKrumah la compétition visait à faire triompher pacifiquement la politique de développement choisie, celle-ci devait être jugée à l’arrivée, à l’aune de la seule efficacité de cette politique.

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Pour le président Houphouët-Boigny, sûr de l’appui de la France qui assurait sa sécurité personnelle et celle de son pays, il n’y aura pas de compétition tout simplement par ce qu’il a choisi de prendre un raccourci : l’élimination de la compétition par le renversement du compétiteur, par le renversement du chef de l’État ghanéen par la force. Et c’est avec sa complicité active que se produisit le coup d’État du 24 février 1966 qui destitua NKrumah en visite officielle en Chine Populaire. La Guinée resta dès lors l’unique cible du Président ivoirien et de ses alliés : Sékou Touré devait être écarté du pouvoir en Guinée, estimait-on, pour permettre à l’opposition d’instaurer un régime libéral qu’HouphouëtBoigny soutiendrait étant qualifié de « fondé de pouvoir » des puissances occidentales en Afrique. Aucune des tentatives de renversement du régime guinéen n’avait réussi parce que toutes étaient montées presque exclusivement, pense-t-il, par le SDECE sans la participation effective de la grande majorité des « opposants » guinéens ; ceux-là, somme toute, restaient inorganisés à l’étranger ; aussi, le président Houphouët-Boigny décida-t-il de mieux les structurer afin que les « actions directes » qu’ils engageraient à l’intérieur même du territoire contre le régime fussent plus efficaces . Le coup d’État du Ghana lui donna l’occasion de mieux appliquer son plan de déstabilisation contre la Guinée.

Houphouët-Boigny choqué par la nomination de Kwamé NKrumah co-président de la République de Guinée Le 24 février 1966, alors que le Président Kwamé NKrumah effectuait une visite officielle en République de Chine, le général Ankrah et le colonel Kotoka prirent le pouvoir par un coup d’État militaire. La Guinée perdait ainsi son allié le plus sûr et le plus loyal en Afrique. Le Chef d’État déchu reçut de nombreuses propositions d’accueil de pays amis ; mais c’est celle d’Ahmed Sékou Touré qu’il accepta. Arrivé à Conakry et accueilli au stade du 28 septembre par une foule enthousiaste le 2 mars 1966, il fut proclamé co-président de la République de Guinée titre qu’il porta jusqu’à son décès le 27 avril 1972 à Bucarest (Roumanie). Cet acte choqua profondément le Président Houphouët-Boigny et l’amena à combattre son collègue guinéen avec plus de détermination en mobilisant les ressortissants guinéens vivant à l’étranger : pour avoir annoncé l’Union GhanaGuinée en novembre 1958 et renforcé la coopération avec son « ennemi principal » (122) en Afrique, cela lui parut déjà inadmissible ; mais accueillir celui-ci si près de la Côte d’ivoire et en faire un chef d’État en exercice, cela constitua la goutte d’eau qui fit déborder le vase ; c’était un cas précédent en Afrique que le Chef d’État ivoirien ne tenait pas à renouveler. Le gouvernement guinéen était convaincu que le Président ivoirien avait effectivement soutenu les putschistes ghanéens et qu’il s’apprêtait à le 122

Jacques Baulin. Op.cit., p.49. et Jacques Batmanian. Op. cit. p.154 ;

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renverser ; pour contrer toute tentative d’agression contre la Guinée, il organisa une campagne de dénonciation préventive du Président ivoirien, menaça même d’envoyer des troupes traverser la Côte d’Ivoire pour rétablir Kwamé Nkrumah au pouvoir au Ghana ; le leader guinéen traita les putschistes ghanéens de traîtres, de « tirailleurs petits caporaux » ; cette expression choqua les officiers supérieurs guinéens… Les autorités ivoiriennes s’affolèrent; Jacques Foccart dut se rendre à Abidjan, le 9 mars 1966, pour les rassurer ; cette visite était d’autant plus nécessaire qu’ayant la hantise d’un coup d’État, le Président Houphouët-Boigny ne créa pas une véritable armée nationale ; il ne comptait que sur les accords militaires avec la France pour sa sécurité personnelle, assurer la souveraineté ivoirienne et défendre l’intégrité territoriale de la Côte d’Ivoire comme d’ailleurs la plupart des autres États membres de la Communauté française. À preuve : ragaillardi parce que rassuré par Jacques Foccart qui lui avait promis une application effective des divers accords, il adressa une mise au point à la Guinée le 16 mars 1966 en ces termes : « Sékou Touré et le peuple de Guinée doivent savoir que la Côte d’Ivoire est liée par des accords de défense non seulement avec les États de l’Entente (123), mais encore avec la France qui, immédiatement, lui apporterait tout le poids de sa puissance » (124) ; enfin, le chef d’État ivoirien comptait aussi sur le Nord de son pays qu’il avait utilisé sans le développer comme les autres régions de son pays : cette région devait servir de base d’attaque contre la Guinée.

Houphouët-Boigny finance la naissance du FLNG Mais le FLNG en gestation était essentiellement composé d’éléments du BAG qui avaient pu fuir la Guinée avant l’indépendance ou immédiatement après ; il ne resta pas inactif ; les observateurs notaient qu’il s’organisait déjà en « silence, tant hors de la Guinée qu’à l’intérieur même du pays » (125). Aussi, les opposants guinéens profitèrent-ils de cette occasion pour renforcer la pression sur les autorités ivoiriennes en vue d’une agression militaire contre leur pays, se disant même prêts à être « aux premières lignes à la frontière ivoiro-guinéenne pour la libération de[leur] chère Guinée, actuellement entre les mains d’un homme sans loi …» (126), affirmait leur représentant, Lamah Camara. La guerre des ondes s’intensifia : des Guinéens vivant à Abidjan intervenant dans les différentes langues vernaculaires de Guinée furent utilisés pour fustiger le régime guinéen et appeler le peuple à la révolte ; la réplique cinglante de la station guinéenne, La Voix de la Révolution, galvanisait plutôt l’ardeur combative des Guinéens et désemparait les Ivoiriens. 123

Pays de l’Entente : Côte d’Ivoire, Togo, Haute-Volta (Burkina Fasso), Dahomey, (Bénin) et Niger. 124 In : Fraternité matin, 17 mai 1966. 125 In : Marchés coloniaux et méditerranéens, n°1109, 11 février 1967. 126 Jacques Batmanian. La politique africaine de la Côte d’Ivoire…, op.cit.204.

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Ayant éliminé le Président ghanéen, la Guinée devint, pour le Président ivoirien, le seul front de combat ; passant dès lors à la phase active, il organisa les Guinéens installés à l’étranger (Afrique et Europe) contre le régime, aidé en cela par le SDECE. Le contexte s’avérait très favorable : la Guinée éprouvait d’énormes difficultés économiques dues en grande partie au sabotage économique et à la privation d’aide extérieure ; or, les autorités ivoiriennes comptaient sur cette situation pour rendre le régime impopulaire et l’abattre. Aussi, s’en prenaientelles souvent au gouvernement américain qui apportait une certaine aide alimentaire à la Guinée (127). La première rencontre en vue de la création officielle du FLNG se tint, le 22 mars 1966, dans la villa présidentielle à Abidjan ; entouré, du côté ivoirien, du secrétaire général du PDCI et président de l’Assemblée nationale, Philippe Yacé, du président du Conseil économique et social, Mamadou Coulibaly, du conseiller du président de la République, Oubet ; du côté guinéen, du docteur Paul Déchambenoit et de Moustapha Diallo dit « Tout Passe »,Dr vétérinaire, Houphouët-Boigny y exposa ses préoccupations et précisa les objectifs qu’il fixait à ses interlocuteurs chargés de mettre la structure de lutte en place contre la Guinée: mobiliser l’opinion publique internationale contre le régime guinéen, isoler celui-ci et entreprendre toute action permettant de l’affaiblir et , si possible, l’abattre afin d’instaurer un régime nouveau favorable au monde occidental. En tout état de cause, « il n’a pas changé d’avis ;…il est toujours engagé à fond dans l’action contre Mr Sékou Touré » (128), témoigne Jacques Batmanian. Après avoir remis vingt-cinq millions de francs CFA à son conseiller pour couvrir les premiers frais du FLNG, il insista : « Il faut agir ; l’argent ne compte pas ; quand ça finira, je vous en donnerai encore » (129). L’essentiel était que le régime guinéen disparaisse. À preuve, quand Oubet lui rendit compte le lendemain d’une exigence de Moustapha Diallo « Tout Passe », l’achat d’une voiture, il répondit agacé : « Donnez-lui ce qu’il demande. Je vous l’ai dit déjà, il ne faut pas que des questions d’argent viennent entraver nos efforts » (130).

La naissance officielle du FLNG Les réfugiés guinéens tinrent, à Abidjan, du 26 au 30 mars 1966, une série de réunions qui aboutirent à la création du Front de libération nationale de Guinée (FLNG) et au choix d’un Comité de coordination provisoire constitué le 28 mars 1966 (131) ; des délégations de cette organisation sillonnèrent certains pays en 127

Lire Jacques Baulin.Op.cit., p.770-75 Jacques Batmanian.op.cit., p.218. 129 Idem, p.209. 130 Ibidem, p.210 ; 131 Jacques Batmanian .Op.cit. p 474. 128

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vue de la création de cellules opérationnelles, au Sénégal, en particulier ; Jacques Foccart reçut, le 1er avril 1966, à Paris, docteur Paul Déchambenoit et Moustapha Diallo dit « Tout Passe » qui lui fournirent un rapport, à sa demande, sur l’organisation, le fonctionnement et les objectifs du FLNG ; mais en raison du tapage fait autour de cette organisation et de la réaction prévisible du gouvernement guinéen, il s’opposa à la tenue du meeting d’information prévu à Paris de peur que la France ne fût accusée de soutenir le FLNG. Des personnalités guinéennes de l’intérieur, contactées au cours de missions à l’étranger, en particulier à Paris, adhérèrent à l’organisation qui prit de l’ampleur. En outre, selon Jacques Batmanian, en Guinée, le FLNG établit une liste en vue de contacter des cadres tels que Blaise N’Diaye, secrétaire général de la société Friguia, Barry III, etc. (132). Le FLNG ébaucha de nombreux projets d’opérations de déstabilisation contre la Guinée et à l’intérieur du territoire ; mais tous se soldèrent par un échec. Et ce bilan fut ainsi résumé par le conseiller du Président Houphouët- Boigny : « l’action directe en territoire guinéen déboucha sur une impasse » (133). Le Président Sékou Touré avait fait « preuve d’une vigilance extrême », en s’élevant contre les « navétanes » en juillet 1966 ; il leur avait interdit, en septembre 1966, la sortie du territoire. En mars 1968, plusieurs éléments du Front, dont Barry Yaya, son secrétaire général, étaient arrêtés : ils se rendaient au Fouta-Djalon pour « organiser un maquis avec l’appui de la chefferie traditionnelle » (134), du moins ce qu’il en restait après la suppression de l’institution par le gouvernement semi-autonome du PDG, le 31 décembre 1957.

Président d’honneur : Sény Fofana Président : Paul Dechambenoit 1er vice-président : Lama Camara 2e vice-président : Chapman Jean Marie Secrétaire général : Barry Yaya Secrétaire général adjt : Diallo Ousmane Secrétaire relations extérieures : Diallo Mohamed Habib Secrétaire relations intérieures : Soriba Manet Secrétaire à l’organisation : Secrétaire presse propagande Camara Boubacar 131 Ibidem, p.27.3 Secrétaire adjt à presse : Melle Déchambenoit Trésorier général : Maury Sylla Trésorier général adjt : Bah Mamadou Moustapha Commissaire aux comptes : Oumar Kébé Commissaire aux comptes : Keita Ibrahima Commissaire aux comptes : Lama Jean-Pierre 132 Jacques Batmanian, op. cit., p.474 (annexe 127). 133 Jacques Batmanian, idem, p.273. 134 Jacques Batmanian.op.cit., idem, p.296.

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Conseillers techniques messieurs El hadj MORI Diomandé El hadj Alkhali Touré Thierno Ibrahima El hadj Amara Diomandé Sory Doumbia Komorou Konaté El hadj kaba kabiné Sow Abdoulaye

Mais un tiraillement inhibait l’action des sections FLNG de la Côte d’Ivoire, de la France , du Sénégal, en particulier : en Côte d’Ivoire, la majorité des opposants étaient d’anciens adversaires politiques de Sékou Touré et presque tous avaient milité au sein du BAG ; ce sont eux qui avaient constitué et qui dirigeaient le FLNG ; mais leur autorité était contestée par les étudiants guinéens de Paris ;or, la tentative du coup d’État Kaman-Fodéba de février-mars 1969 et la tentative d’assassinat du Président Ahmed Sékou Touré en juin 1969 par Tidjane Keïta avaient été préparées par la section ivoirienne d’Abidjan ; les sections parisienne et sénégalaise s’estimant n’ avoir pas été associées à ces deux opérations, ont demandé à leur représentant en Guinée, Émile Cissé, de faire échouer la première en dénonçant les auteurs et de n’apporter aucune aide à la seconde, d’autant plus que certains de leurs dirigeants préparaient l’agression du 22 novembre 1970 avec les Portugais, agression qu’ils considéraient comme la solution finale. D’où l’échec des deux opérations copieusement financées par la Côte d’Ivoire. Après avoir fait le bilan de sa lutte contre Sékou Touré, Houphouët-Boigny conclut que seul le renversement du régime guinéen par la force, y compris l’agression militaire, constituerait la vraie solution. Ainsi, le point de vue de la section française l’emporta. Le Portugal était l’allié tout désigné pour cette action ; il était engagé dans une guerre à outrance contre le mouvement de libération nationale PAIGC, lequel avait fait des prisonniers portugais détenus dans une de ses prisons à Conakry. Mais revenons aux deux opérations que les militaires guinéens des sections FLNG de Côte d’Ivoire et de Guinéepréparaient, pendant ce temps.

II.- Complot Kaman-Fodéba, février 1969 Émile Cissé autorisé par les sections FLNG de France et du Sénégal à dénoncer le complot Émile Cissé, qui représentait les sections France et Sénégal du FLNG en Guinée, avait infiltré le PDG-RDA sur instructions des services secrets français avec des tâches précises déjà analysées. Sa première action fut la dénonciation du complot Kaman-Fodéba à travers la tentative de coup d’État des parachutistes en vue de renverser le gouvernement guinéen; cette opération avait, aux yeux des responsables des deux sections, l’inconvénient d’avoir été initié et géré par des éléments qu’ils ne contrôlaient pas, alors qu’ils préparaient une agression avec les autorités portugaises dont le succès leur paraissait sûre et certain. Ayant été informé d’un malaise au camp des parachutistes de Labé, le BPN dépêcha le ministre de l’Armée populaire, le général Lansana Dianè pour vérification ; celui-là considéra qu’il s’agissait en fait d’une petite incompréhension née des élections pour la mise en place du comité d’unité

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militaire. La délégation s’apprêtait donc à rentrer à Conakry par avion avec les parachutistes arrêtés, quand Émile Cissé, gouverneur de Labé et d’autres militaires bien informés les en dissuadèrent : il fut décidé de rester à Labé et de transférer, à Conakry, les meneurs déjà arrêtés et de poursuivre les enquêtes; l’avion passerait par Kankan pour déposer madame Djédoua Kourouma, présidente du Comité régional des femmes de Kankan.

Assassinat de Mamadou Boiro On avait dit aux quatre parachutistes qu’ils étaient affectés à Conakry. Le lieutenant Jean Baldé fut désigné pour les convoyer. L’inspecteur de Police Mamadou Boiro devait conduire la délégation ministérielle en voiture à Conakry. Mais il se mit d’accord avec le lieutenant Baldé pour permuter les tâches : son agenda exigeait qu’il revînt plus tôt à Conakry ; il convoya donc les prisonniers dans l’avion alors que le lieutenant Baldé conduisit la délégation ministérielle en voiture à Conakry. Mamadou Boiro eut l’imprudence de demander publiquement à Baldé de lui prêter son pistolet. Dès que l’avion déposa Madame Djédoua Kourouma et qu’il ait révélé devant témoin qui en a informé les militaires convoyés qu’il est chargé de déposer ceux-là au camp Boiro, le drame se produisit par son largage le 26 février 1966.

Mamadou Boiro (1941-1969)

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Réalité du complot selon les résultats des premières enquêtes « Le complot que nous sommes en train d’écraser était mieux conçu, mieux organisé, plus ambitieux et plus cynique que tous ceux qui l’ont précédé : c’était presque parfait » (135). Ainsi s’exprima Émile Condé, gouverneur de la ville de Conakry, lors de la marche de fidélité au PDG de la population civile et militaire, le 21 mars 1969; ce que confirme ce passage du rapport d’enquête de février 1969: « dans n’importe quel pays autre que la Guinée, le coup d’État aurait réussi ». À l’issue de la marche, Sékou Touré précisa que le premier coup d’État avait été prévu en 1965, quand Fodéba Keïta était ministre de la Défense et de la Sécurité; ce que Jean-Faragué Tounkara nous avait confirmé. Le 5 mars 1969 Radio-Conakry annonça le largage de Mamadou Boiro par le lieutenant Mouctar Diallo, le sous-lieutenant Boubacar Camara dit Bengue, l’adjudant-chef Namory Keïta et le caporal Mohamed Dramé qui avaient été accusés de participation à une tentative de coup d’État ; ils avaient été arrêtés le 26 février 1969 à Labé. Embarqués le même jour dans un avion An-14 à la base militaire El hadj Oumar Tall (Labé)pour Conakry, ils larguèrent à Maléa, entre Siguiri et Kouroussa, à 2000 m d’altitude, après l’avoir assassiné et s’être emparés de son arme, l’inspecteur de Police, Mamadou Boiro, chargé de les convoyer ; ils obligèrent, sous menace de liquidation physique, les pilotes (les lieutenants Abdourahamane Kaba et Rachid Bah , et l’aspirant Souleymane Bangoura) à changer le cap pour se diriger d’abord vers la Côte d’Ivoire, puis vers la République du Mali par Kourémalé où atterrit l’ avion pour insuffisance de carburant, affirme l’équipage; en réalité déjouant ainsi la vigilance des militaires convoyés, l’atterrissage avait lieu dans une localité guinéenne, Maleya, près de la frontière malienne, où les trois militaires furent capturés par les populations et remis aux autorités compétentes de la localité et de la région de Siguiri qui les conduisirent, sous bonne escorte, à Conakry. Les enquêtes approfondies menées au camp militaire de Labé par un comité dirigé par le général Lansana Dianè aboutirent à l’arrestation du chef de bataillon Cheick Keïta et du lieutenant Aly Coumbassa, chef de commandement de la première compagnie des parachutistes guinéens. L’officier supérieur, les trois officiers et le sous-officier déjà arrêtés, à Labé et repris à Maleya finirent par dénoncer les vrais organisateurs de l’opération : Fodéba Keïta, ministre de l’Économie rurale et de l’Artisanat, Kaman Diaby, secrétaire d’État au Service civique depuis le 16 janvier 1969.

Objectif fondamental du coup d’État Appelé complot Kaman – Fodéba, ce type de complot était, à peu près, identique à celui qui s’était déroulé à Bamako: le Président Modibo Keïta était

135

In:Horoya-hebdo, 5-11 avril 1969, pp14-17.

136

en tournée dans la région de Mopti quand l’armée prit le pouvoir le 19 novembre 1968. En Guinée, un groupe d’officiers, sous la direction du colonel Kaman Diaby, s’était organisé en vue d’un coup d’État ; ils attendaient que le Président Sékou Touré se déplaçât soit à l’intérieur, soit à l’extérieur du pays pour prendre le pouvoir à Conakry. S’inspirant du cas malien, les militaires guinéens, selon Marchés tropicaux et méditerranéens, s’étaient « persuadés qu’ils avaient en main les moyens d’imposer leur solution » et qu’ils auraient eu le « soutien de l’opinion publique s’ils réussissaient à écarter Ahmed Sékou Touré du pouvoir » (136). Ils étaient d’autant plus sûrs de réussir qu’ils avaient les encouragements et les appuis de leurs collègues du Mali. Au cours du colloque de septembre 2006 à Bamako consacré à Ahmed Sékou Touré, cela nous a été confirmé par des militaires maliens qui tenaient à rester dans l’anonymat en attendant de témoigner dans des « ouvrages prévus » ; les conspirateurs oubliaient que Sékou Touré avait tenu des conférences d’information sur tout le territoire après le coup d’État du Mali et que la vigilance s’était emparée de tous les militants, surtout dans les camps militaires. Par ailleurs, selon le Rapport du PDG sur le complot, même si leur dessein remontait au rejet de la constitution de la Communauté française le 28 septembre 1958 par le peuple de Guinée, les militaires incriminés entendaient tirer parti d’un contexte sous-régional favorable, tel le coup d’État du Mali, et d’une conjoncture apparemment tout aussi favorable qui avait créé un mécontentement tant chez les civils que chez eux : la situation économique de plus en plus difficile de la Guinée, la création de la milice populaire, la nouvelle structure de l’armée révolutionnaire et la mise en place des comités du Parti dans les camps militaires (137), donnant ainsi un sens patriotique et un contenu nouveau à la discipline au sein de l’Armée.

L’erreur fatale des comploteurs Les organisateurs n’avaient pas correctement tiré les leçons de l’échec du complot Mamadou « Petit Touré », qui semblait avoir été minutieusement préparé sur le plan militaire et sur le plan politique. En effet, tant que les préparatifs se situaient au niveau des acteurs militaires, le secret était bien gardé. C’est la participation des civils aux préparatifs du coup d’État qui rendit possible la fuite qui fut fatale. Les officiers concepteurs avaient bien mûri leur plan et ceux qui avaient été arrêtés ou inquiétés dans de précédentes opérations n’avaient jamais dénoncé leurs complices ; ce qui avait permis la poursuite clandestine de leurs activités. 136

Marchés coloniaux et méditerranéens, n°1228, 22 août 1969. CUM : chaque camp a son comité d’unité militaire, une structure politique dont les membres du bureau sont élus démocratiquement par les militaires du camp concerné. 137

137

Mais devant passer à l’exécution de leur plan, ils avaient fini par croire qu’ils avaient besoin de prendre contact avec les opposants civils et certains officiers d’espionnage à l’étranger ; ils ont surtout cru nécessaire de trouver un leader civil d’une certaine stature nationale et bien connu à l’étranger ; voilà pourquoi ils commirent des émissaires civils à cette tâche. L’un des opposants pouvant se déplacer dans divers pays dans le cadre de ses activités professionnelles sans éveiller le soupçon des autorités guinéennes, BA Mamadou rendait régulièrement compte à Fodéba Keïta, par l’intermédiaire de certains de ses amis complices en Guinée. Ainsi, chargés d’assurer la liaison avec les cadres complices guinéens et les services spéciaux à l’étranger, ceux du FLNG en particulier, ces émissaires pensèrent d’abord à Diawadou Barry ; ancien parlementaire français (conseiller de l’Union française et député à l’Assemblée nationale française), ancien ministre de l’Éducation et, à l’époque, ambassadeur de Guinée au Caire. Si on en croit madame Aminata Barry, fille du diplomate guinéen, le Président Houphouët-Boigny avait même proposé, au cours de l’un des voyages qu’il effectua en Égypte, le poste de ministre de l’Économie et des Finances à son père dans son gouvernement à Abidjan et son avion personnel pour le transporter avec sa famille en Côte d’Ivoire en lui affirmant que Sékou Touré voulait « l’arrêter et le liquider » (138), sans autres précisions et sans aucune preuve. Le diplomate guinéen aurait refusé l’offre des militaires et du Front, mais n’aurait pas rendu compte, comme il se doit en de pareilles circonstances, aux autorités guinéennes en général et au Président de la République, en particulier, dont il était le représentant personnel auprès du chef de l’État égyptien, le président Gamal Abdel Nasser ; celui-ci était lié au Président Ahmed Sékou Touré par de profonds sentiments d’amitié, de fraternité et de solidarité. Le diplomate fut dénoncé et rappelé à Conakry (139). Le parti et le gouvernement guinéen estimèrent qu’il savait pertinemment que le Président Houphouët-Boigny, dont les services lui faisaient régulièrement parvenir diverses publications, voulait évincer Sékou Touré du pouvoir par tous les moyens. Dénoncé par des accusés, Telli Diallo, alors secrétaire général de l’OUA, qui aurait été également contacté par Ba Mamadou suite au refus de Diawadou Barry, démentit, dans une lettre au président Ahmed Sékou Touré, sa participation à ce complot (140).

Les autorités guinéennes à l’affût des comploteurs

138

In : Le Palmarès, n°6, mars-avril 2002, p.68. In: Horoya-hebdo, 12-18 juillet 1969, pp.9-11. 140 In : Horoya-hebdo, 5-11 avril 1969. 139

138

Informé, Émile Cissé, qui cherchait à renforcer sa crédibilité auprès de la Direction du PDG, aurait préféré dénoncer le complot sur instructions des responsables du Front de Paris et du Sénégal qui tenaient à ce que tout changement de régime politique se fasse, sinon en leur faveur, du moins sous leur contrôle. Or, le contrôle de celui qui se tramait leur échappait totalement. Dépêché à Labé pour mener les enquêtes, le général Lansana Diané conclut que toutes les informations reçues confirmaient la réalité du complot dont l’exécution était imminente. Les officiers et sous-officiers arrêtés à Labé et à Maléa avaient été conduits sous bonne escorte à Conakry. Quant aux quatre pilotes de l’aviation militaire et le commandant d’arrondissement de Maléya, Mamadi Konaté, ils reçurent, le 24 mars 1969, par un premier décret, la Médaille d’Honneur du travail à titre exceptionnel; le second décret pris le 10 mai de la même année accorda, aux pilotes toujours à titre exceptionnel, les grades supérieurs : grade de lieutenant à Abdourahamane Kaba et Rachid Diallo, grade d’aspirant à Souleymane Bangoura.

Cause immédiate du complot : la réforme de l’Armée Estimant que les structures héritées du colonialisme n’étaient plus performantes, qu’elles n’étaient pas en phase avec les options du régime, les autorités guinéennes avaient décidé d’adapter lesdites structures aux réalités socio-économiques et politiques du pays. L’étude des différentes tentatives de coup d’État, celles du Ghana (24 février 1966) et du Mali (19 novembre 1968), en particulier, avait fini par fonder leur conviction. Cette réforme avait pour but, selon le rapport du Secrétaire d’État à l’Armée, Sagno Mamadi, l’utilisation rationnelle des forces armées « dans la consolidation de l’indépendance politique et dans l’accélération de la lutte pour la libération économique du pays » ; il précisa que ces forces ne seraient plus concentrées « dans les centres urbains ; les nouvelles zones militaires épouseront étroitement les zones administratives, la région correspondant à l’unité de bataillon et l’arrondissement à celle de compagnie. Conakry sera une zone spéciale où seront concentrés les bataillons d’actions industrielles et les services spéciaux. Le bataillon blindé sera rattaché directement à la Présidence de la République » ; chaque armée aura désormais son état-major particulier : armée de terre, de l’air, de la marine, la Gendarmerie et la Police. Un secrétariat général de l’armée, qui remplacera l’État-major général des forces armées, coiffera le tout ; le conseil supérieur de la Défense nationale, présidé par le chef de l’État, était chargé de la coordination des cinq états-majors. Cette nouvelle structure rendait, dès lors, tout coup d’État difficile, l’accord nécessaire entre les cinq chefs d’état-major s’avérant impossible à réaliser. Enfin, « le soldat ne sera plus taillable et corvéable à merci ».

139

Mais certains officiers guinéens, issus de l’armée coloniale française, mijotaient un coup d’État depuis toujours; ce fut cette volonté de réformer la structure des forces armées qui aurait incité les concepteurs, déjà opposés à la création de la milice populaire, à précipiter l’opération de prise de pouvoir par la force, toutes les autres formes de renversement du régime ayant lamentablement échoué.

La débandade parmi les militaires comploteurs Suite à l’arrestation des premiers éléments, une grosse panique s’empara de la plupart des auteurs, même parmi les complices qui étaient à l’étranger ; c’est ainsi que parmi les militaires guinéens en formation en Allemagne Fédérale, certains, impliqués dans le complot, s’exilèrent précipitamment dès qu’ils apprirent son échec : complices de l’opération, ils seraient rentrés si elle avait réussi ; de peur d’être dénoncés et renvoyés en Guinée, ils préférèrent prendre les devants ; ils furent presque tous bien accueillis en France où ils étaient attendus.

Manifestations de soutien et de fidélité au PDG-RDA Des marches de soutien eurent lieu dans toutes les fédérations du Parti, demandant la condamnation des auteurs. Le gouverneur de Conakry, Émile Condé, affirma, le 21 mars 1969 (141) , que les militants de la capitale, civils et militaires, exigeaient « le châtiment des responsables de cette haute trahison et la destruction du réseau des comploteurs jusque dans ses dernières racines et ramifications » ; cela permettrait d’« empêcher toutes autres tentatives de conspirations » ; tous étaient « prêts à rechercher, soutient-il, à démasquer et à mettre hors d’état de nuire tous les renégats qui ont choisi la voie de la perfidie et de l’indignité ; tous les éléments apatrides qui nourrissent l’espoir insensé d’abattre le régime guinéen ». Le 24 mars 1969, s’associant à toutes les manifestations de fidélité et de loyauté organisée sur toute l’étendue du territoire, les garnisons militaires de Conakry I et II fustigèrent, sur tout le parcours, au cours de leur impressionnante marche, les comploteurs ; ils affirmèrent, dans le discours du porte-parole, que les militaires « sont les instruments de cette révolution parce que fabriqués et façonnés par elle » (142). Le gouvernement fut remanié le 16 mai1969.

La campagne de désinformation Comme après chaque complot, la désinformation se répandit ; tous ceux qui avaient été contactés pour faire partie du gouvernement si le complot avait réussi et qui avaient pu échapper à l’arrestation après le coup d’État, se mobilisèrent à l’extérieur pour démentir dans la presse et indisposer l’opinion publique contre 141

In : Horoya-hebdo , idem. Idem.

142

140

le régime guinéen, aidés par des journalistes alimentaires pour la plupart, qui ont fondé leur réputation sur le mensonge, la délation et la désinformation. D’autres étaient partagés entre leur haine de la Guinée du 28 septembre 1958 et la vérité. Ainsi, après s’être posé la question de savoir « s’il s’agit… de fables pures et simples », le journal Combat finit par reconnaître que« certains indices permettent de penser que le chef de l’État guinéen n’a peut-être pas complètement inventé ce dernier complot » (143), sans préciser ces indices.

Le témoignage contesté d’un ancien prisonnier Mamadou Kindo Touré, ancien commissaire de Police, a consacré un ouvrage à cette opération sous le titre : Unique survivant du « complot Kaman – Fodéba »; publié par l’ Harmattan-Paris ; comme la plupart des témoignages diffusés sur les complots par d’anciens prisonniers du camp Boiro, ce livre comporte trop de « vérités de Kindo », donc contestables et contestées même par d’anciens prévenus arrêtés dans le même cadre ou par d’anciens collaborateurs de l’auteur. Il en est ainsi de la cause de l’arrestation de Kindo Touré condamné à cinq ans de prison pour divulgation de secrets professionnels. Kindo Touré affirme par exemple, dans son ouvrage de revanche, qu’on lui aurait reproché l’envoi d’une note personnelle « adressée dix mois plus tôt au capitaine Abou Soumah, alors chef de bataillon de N’Zérékoré » à propos du procès-verbal d’interrogatoire dudit capitaine relatif à « la disparition de masque à Gama (N’Nzérékoré) » dont celui-ci se serait rendu coupable. Cette version a été fermement contestée par un ancien directeur général des services de police, El hadj Banka Sako, en ces termes : « c’est un cas de haute trahison, soutient-il ; Kindo Touré était aux renseignements généraux où il avait extrait, des informations reçues sur le complot Kaman-Fodéba, le passage d’un rapport d’enquête consacré au capitaine Abou Soumah. Celui-ci n’avait pas détruit la lettre. Et à la suite de la perquisition effectuée à son domicile après son arrestation, la Police a retrouvé ladite correspondance et Kindo Touré avait été arrêté, « pour révélations de secret professionnel et envoi d’une lettre de félicitations à un officier auteur d’un coup d’État ». S’il n’a pas été exécuté, s’il a été un chef de chambrée très écouté au camp Boiro, chargé de répartir la nourriture et le matériel destinés aux prisonniers, ce fut grâce au général Lansana Dianè, ministre de la Défense nationale et président du Comité révolutionnaire d’enquête : ils avaient tissé des rapports amicaux très profonds à Kankan où Kindo Touré fut un moment commissaire » . Ce témoignage, déjà rapporté dans Des complots contre la Guinée de Sékou Touré (1958-1984) n’a pas été démenti par l’intéressé. Ce qui atteste que ce dernier n’avait pas dit la vérité dans son livre. Voilà la véritable raison de son arrestation.

143

In : Combat, mars1969.

141

En fait, la réalité de cette tentative de renversement du régime guinéen, comme tous les autres complots, ne fait l’ombre d’aucun doute aujourd’hui. Même Siradiou Diallo, qui avait autorisé Émile Cissé à dénoncer ce complot qu’il ne contrôlait pas, n’a-t-il pas écrit qu’ « à quelques exceptions près - celles notamment de certains officiers impliqués dans le coup d’État militaire KamanFodéba en mars 1969-, la plupart des condamnés à l’instigation de Sékou Touré, le furent à tort » (144).Ainsi, selon Siradiou Diallo, le complot fomenté par Kaman-Fodéba était vrai. Certains des complices de l’ entourage de Ba Mamadou, réfugiés en Côte d’Ivoire ont continué à reprocher à Kaman Diaby d’avoir été trop lent ; il aurait pu prendre le pouvoir plus tôt ; mais il a hésité, « et cette hésitation est à la base de la liquidation de nos parents qui comptaient sur lui ; les plus malins avaient pu s’échapper à temps » ; déclaration d’une protagoniste, qui avait pu fuir à temps, à des anciens prisonniers politiques, quand tous se retrouvèrent à Abidjan après la prise du pouvoir par l’armée, le 3 avril 1984. Cette réaction confirme ce que Sékou Touré avait affirmé, dès 1969 : c’est l’hésitation de l’un des principaux acteurs qui a fait avorter le coup. Il avait été dit, à cette époque, que le chef d’État guinéen mentait.

Le témoignage d’un Officier supérieur Si l’on en croit le général de Brigade Fodé Momo Camara, un coup d’État militaire se préparait déjà depuis 1968 à l’usine militaire, où l’encadrement technique était assuré par des Allemands qui disaient souvent : « votre président nous allons le cravacher comme ci, comme çà ». Quand le complot KamanFodéba éclata, tous les officiers guinéens qui travaillaient à l’usine avaient été arrêtés : « tous s’étaient trouvés dedans ». Ne s’entendant pas avec ses collègues allemands et son formateur français en administration, Kaman Diaby l’avait affecté bien avant. À une de nos questions : « ce complot était-il réel?», le général avait précisé : « le drame dans tout ça, c’est que les officiers guinéens n’ont pas été solidaires. Les promotions qu’ils ont eues, c’est à la faveur de relations. C’était des délateurs ». Et de citer cet exemple : alors qu’il était en garnison répartie entre la Présidence et le camp Boiro pendant la détention de Kaman Diaby, il a entendu le Général Noumandian dire aux gardes de la prison « mettez- lui la chaîne ; c’est un traître ». Pour autant, la section ivoirienne du FLNG ne désarma pas : elle avait commencé, entre temps, l’entraînement de deux de ses éléments pour attenter à la vie du chef de l’État guinéen au cas où le coup d’État échouerait. Aussi, trois mois à peine, passa-t-elle à l’action.

144

In : Préface d’André Lewin. Diallo Telli. Tragique destin d’un grand Africain. Paris, JA Livres, 1990, p.7-8.

142

III.- Tentative d’assassinat d’Ahmed Sékou Touré par Tidjane Keïta, le 24 juin 1969 La tentative de coup d’État ayant donc échoué, les opposants guinéens et leurs commanditaires n’accordèrent aucun répit à Ahmed Sékou Touré ; ils étaient déterminés à l’évincer du pouvoir et celui-là était déterminé à défendre le régime.

Le choix de l’assassin Le Front de libération nationale de Guinée, financé par le Président Houphouët-Boigny, après examen de nombreuses options, conclut que seule l’élimination physique du leader guinéen de la scène politique guinéenne et internationale constituait la solution à son problème ; il s’attela à cette tâche en choisissant entre un professeur de judo Karaté, Mamadou Bérété dit John et Tidjane Keïta, qui était parti à Abidjan dès l’échec du complot Petit Touré. « Moi, révèle Mamadou Bérété dit John, c’est Doré Lambert et Zoumanigui, qui sont actuellement là, à Conakry, qui me soutenaient et qui avaient tout fait pour qu’on me choisisse ; ils n’avaient pas réussi : Tidjane Keïta était plus soutenu que moi». C’était le neveu d’Ibrahima Keïta, membre du bureau du FLNG d’Abidjan. Les autorités guinéennes s’attendaient à « John » : enseignant des arts martiaux, il était très connu et très redouté en Guinée ; mais il ne fut pas la personne choisie pour exécuter cette besogne. « Tidjane était l’homme fort chez les Malinkés et moi j’étais l’homme fort chez les forestiers ; mais les gens ignoraient que c’est lui qui avait été retenu pour assassiner le président Sékou Touré ; il était plus motivé et avait plus de raisons de s’en prendre à la personne du président Sékou Touré que moi », estimèrent ceux qui avaient fini par porter leur choix sur lui ; en outre, « son oncle était l’un des vice-présidents de la section Abidjan du FLNG, Ibrahima Keïta dont le jeune frère, le commandant Mamadou Keïta avait été arrêté dans le cadre du complot « Petit Touré », en 1965 .

Entraînement de Tidjane Keïta L’entraînement de Tidjane Keïta, très intensif, eut lieu à Abidjan et se poursuivit à Conakry. À Abidjan, il se déroula dans une des trois salles réservées aux mercenaires guinéens ; il consista en particulier en l’apprentissage du Karaté, alors qu’un autre assassin, John Bérété, était entraîné dans une autre salle à la maîtrise de la même discipline. À Conakry, certains fonctionnaires, qui étaient à l’époque des élèves au CER de Ratoma, s’en souviennent. L’entraînement était à la fois théorique et pratique ; il se déroulait soit dans la rue, soit dans la villa isolée et louée aux Allemands et à la porcherie de Victor Pequignot, dernier Directeur de l’hôtel du

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Niger, l’un des dix huit français arrêtés comme agents du SDECE en Guinée suite à l’ agression du 22 novembre 1970, avec exhibitions anodines et discrètes d’activités diverses sur le trajet de la route menant à cette porcherie à Taady ; pratique et effectif, il consista, en particulier à sauter dans une voiture en marche sur le passage menant à la concession de Victor Péquignot, au maniement du pistolet dans une villa appropriée. À Abidjan et à Conakry, les gens ne prêtaient pas attention à ces entraînements; c’est seulement après l’acte, qu’ils ont fait des rapprochements. En outre, Tidjane Kéita bénéficia, à Conakry, de « la complicité active des militaires qui étaient aux côtés de Sékou Touré », affirme Mamdou Bérété dit John (145)

Tidjane Keïta passe à l’acte Et c’est le 24 juin 1969 que Tidjane Keïta et ses complices décidèrent d’agir : les militants des deux fédérations de Conakry (I et II) s’apprêtaient à accueillir le président Kenneth Kaunda de Zambie dans un enthousiasme délirant ; celui-ci, très admiratif de l’expérience guinéenne, effectuait un voyage officiel de quatre jours en Guinée, du 24 au 27 juin 1969. Le drame se produisit quand le président Ahmed Sékou Touré revenait de l’aéroport de Gbessia (Conakry) dans une voiture décapotable en compagnie du président zambien et de l’ancien chef d’État ghanéen, Kwamé NKrumah, coprésident de la Guinée, depuis le 2 mars 1966, à la hauteur de la gare de Dixinn, à proximité de la pharmacie de Matam. « J’étais dans la même voiture que Lansana Béavogui, Premier ministre guinéen, qui suivait le véhicule présidentiel quand j’ai vu bondir un homme comme un fauve », nous a confirmé maître Amadou Moustapha Wade à Dakar (146). En effet, Tidjane Kéita bondit dans la voiture présidentielle et tenta de poignarder le président Ahmed Sékou Touré qui réussit à le maîtriser et à le remettre à des éléments de la garde rapprochée, après avoir reçu de violents coups de crosse au coude et à la hanche afin qu’il le relâchât plutôt ; il insista pour qu’on ne le tue pas afin de rendre possibles l’identification et l’ arrestation des commanditaires et les complices intérieurs ; en dépit de cette mise en garde du Président, Sékou Touré , Mamadou Bah dit « le grand Bah », de la Garde présidentielle rapprochée, et non Guy Guichard, l’exécuta avec son pistolet pour brouiller la piste. Une précaution qui n’en fut pas une, car, comme nous l’a confirmé John Bérété, « que tu tues Tidiane Keita, que tu ne le tues pas, vraiment les autorités n’auraient pas laissé cette affaire comme çà. C’est là où les complices militaires surtout ont été un peu bêtes. Moi je n’aurais pas raté le

145 146

Déjà cité. Amadou Moustapha Wade, avocat, entretien à Dakar le 30 mai 2003, à 17h50.

144

Président et me serais défendu pour ne pas mourir ; mais on avait préféré Tidjane à moi ». L’enquête eut lieu et aboutit à des arrestations, parfois sur dénonciation venue d’Abidjan où l’opération avait été fomentée.

Le non-respect du scénario initial En fait, le scénario initial n’a pas été exécuté correctement : Tidjane Kéita devait d’abord tirer sur le Président guinéen et, dans la confusion, le poignarder à l’aide d’un couteau empoisonné ; au cas où il ne réussirait pas à l’achever, des gardes de corps présidentiels complices devaient immédiatement le faire à sa place, mais l’abattre aussi pour brouiller la piste. Certains soutiennent que Tidjane Keita s’était drogué, c’est pourquoi il a raté l’assassinat du Président Ahmed Sékou Touré.

Les conséquences de la tentative d’assassinat Le président Kenneth Kaunda poursuivit son voyage à l’intérieur du pays (Kankan et Labé), accompagné par le président Kwamé Nkrumah à la tête d’une forte délégation du BPN et du gouvernement. La concession des parents de Tidjane Keïta, sur initiative personnelle d’El Hadj Shérif Nabaniou, secrétaire fédéral de Conakry II, selon certains, sur décision unanime du Bureau fédéral, selon d’autres, fut rasée par les bulldozers et les militants en colère de la fédération. Malgré l’échec, le président Ahmed Sékou Touré ne cessa de se plaindre des douleurs à sa hanche et il fallut une petite intervention chirurgicale pour qu’il se débarrassât du sang coagulé au coude.

Une opération finalement reconnue par le FL NG Comme toujours, les autorités ivoiriennes déclinèrent toute responsabilité dans cet attentat. Le FLNG en revendiqua, au contraire, la paternité et, en 1970 : le Regroupement des Guinéens à l’extérieur (RGE) qualifia l’acte de « correction publique au dictateur » (147). Aujourd’hui, certains éléments qui avaient participé à l’entraînement de Tidjane Keïta et de Mamadou Bérété John à Abidjan n’hésitent pas à force d’en parler, de tout révéler ; ils confirment même, avec forts détails, l’intention réelle du Front de tuer le Président Ahmed Sékou Touré. « La preuve, depuis sa mort, il n’y a plus de réels pouvoirs ; de toute façon nous aurons le pouvoir et la Guinée sortira de ce marasme », nous affirmé l’un des mercenaires aux Comores, qui tient à garder l’anonymat et attend « le débat national pour tout dire ». Mais si les précédents complots ont été détruits dans l’œuf parce que les instigateurs étaient toujours infiltrés par le pouvoir et que seuls les acteurs étrangers et Jean-Faragué Tounkara donnent témoignage de leur réalité ou de 147

In : Perspectives universelles, n°49, janvier 1976.

145

leur véracité, l’agression du 22 novembre 1970 fut, par contre, incontestable: elle eut effectivement lieu avec son cortège de morts, blessés et de dégâts matériels importants ; elle fut reconnue par le capitaine portugais Alpoim Calvão, coorganisateur et chef de l’opération et dénoncée par la communauté internationale.

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Chapitre VIII Une opération suicidaire, l’agression du 22 novembre 1970

« Dans l’histoire de la Guinée, il y a un seul leader qui a usé de la violence, c’est Siradiou Diallo, puisque tout le monde se rappelle en Guinée le débarquement du 22 novembre 1970 où il était dans le bateau. La violence qui a eu lieu en Guinée depuis le 28 septembre 1958, c’est le débarquement». Alpha Condé

Position du problème Les nombreuses tentatives de déstabilisation contre la Guinée et ses dirigeants ayant lamentablement échoué, les opposants guinéens de l’extérieur prennent contact avec les autorités portugaises pour une solution finale, une attaque militaire de grande envergure qui devra être fatale au régime guinéen. Or, pour celui qui connaissait l’encadrement politique et administratif de la Guinée, à cette époque, l’agression du 22 novembre 1970 ne pouvait être qu’une opération fatale à l’opposition guinéenne, une aventure. Or, comme l’a affirmé Alioune Dramé, ancien ministre, lors du jugement des assaillants au Palais du peuple : « aller à l’aventure, c’est jouer quitte ou double : on gagne totalement ou on perd totalement ». Cette opération était pourtant considérée comme le point nodal de toutes les opérations montées contre la Guinée entre 1958 et 1984 : apparemment bien préparée, elle devait constituer la solution finale pour les services secrets occidentaux qui s’y étaient associés avec les « Foccarts africains» et des Guinéens ; tous voulaient en finir définitivement avec le régime guinéen. Ce fut au contraire un fiasco avec des conséquences considérables dans tous les domaines ; l’opposition , déjà affaiblie par ses divisions subjectives, se délita définitivement ; l’ethnocentrisme l’emporta sur les facteurs objectifs, même si les divisions idéologiques et politiques persistèrent en son sein ; ceux qui la soutenaient, les gouvernements occidentaux et certains gouvernements africains, finirent par arriver à la conclusion que cette opposition a peut-être réussi à saboter de nombreuses entreprises de développement économique et social engagées par le gouvernement guinéen, à ameuter l’opinion publique

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internationale contre la Guinée, mais elle fut incapable de s’unir et de mettre en place un gouvernement qui lui soit favorable ; qu’il vaut donc mieux se réconcilier avec le gouvernement guinéen quitte à attendre une meilleure occasion de s’en débarrasser. D’ou le communiqué commun de réconciliation du 14 juillet 1975, entre la Guinée, la France et l’Allemagne, et la réconciliation entre les « Foccart africains », les Présidents Senghor et Houphouët-Boigny, avec Ahmed Sékou Touré le 18 mars 1978, au grand dam de l’opposition extérieure.

Des leçons tirées des missions effectuées dans les bases d’agression De l’examen des résultats des différentes missions effectuées au Sénégal, en Sierra Léone, en Guinée-Bissau et à Lisbonne (Portugal), le Président ivoirien, qui coiffait et finançait principalement l’opposition, en vint à la conclusion qu’il n’était pas possible d’entreprendre, avec succès, une action directe contre la Guinée à partir de ces territoires pris individuellement ; leur appui était certes nécessaire, mais pas suffisant. Aussi, fit-il entreprendre d’autres démarches auprès de ses collègues africains et dans d’autres pays ; il s’agissait de changer de méthodes et d’envisager une agression regroupant tous ceux, ils étaient nombreux, qui voulaient en finir avec le régime guinéen ; les pays alliés européens avaient accepté de mettre leurs services secrets et tous les moyens de l’OTAN à la disposition du Portugal plus intéressé à la liquidation du régime qui soutient le PAIGC. David Soumah, pour sa stature syndicale panafricaine, et d’autres cadres guinéens furent choisis pour mener cette action à terme ; ils avaient été recommandés aux autorités portugaises qui prirent langue avec eux.

Le Portugal, tête de pont de l’opération Depuis la perte par la France de son empire colonial par l’octroi obligé de l’indépendance politique aux douze colonies qui avaient voté en faveur de la Constitution de la Communauté française, le Portugal était le seul membre de l’OTAN qui était une puissance coloniale dont certaines colonies avaient, en plus, une importance stratégique pour cette organisation militaire. Or, la Guinée, qui avait été à l’origine de la disparition du système colonial français, soutenait les mouvements de libération des colonies portugaises: Angola, Mozambique, Guinée-Bissau, Iles de Cap-Vert, etc. Cela paraissait inacceptable pour la France et ses alliés qui décidèrent de soutenir toute opération déclenchée par les Portugais contre ce pays rebelle ; le plan de l’invasion était ainsi connu et soutenu des services secrets de la France, de l’Allemagne fédérale, de la Côte d’Ivoire , du Sénégal et de la CIA ; selon , par exemple, le Dr Charles Dianè , c’est cette dernière qui l’ avait informé à Monrovia et lui avait prédit l’ échec l’opération.

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Le contexte était favorable : le renforcement de l’implantation du PAIGC à l’intérieur du territoire bissau-guinéen conquis et les brillantes victoires militaires et politiques qu’il remportait avaient convaincu les autorités portugaises de la nécessité d’une opération militaire d’envergure contre la République de Guinée qui soutenait le PAIGC ; elles étaient persuadées que tant que les nationalistes bissau-guinéens ne seraient pas privés de leur base arrière, leur sanctuaire qu’était ce pays, la guerre se poursuivrait et risquerait de se terminer inexorablement par leur défaite. D’où la facilité avec laquelle certains Guinéens-Conakry de la diaspora qui cherchaient les moyens de liquider le régime guinéen prirent contact avec le gouvernement portugais et se mirent à sa disposition pour une action commune contre la Guinée-Conakry et le PAIGC.

Récupération des prisonniers politiques portugais Aussi, suite à l’échec de l’agression du 22novembre 1970, ont-ils cherché à couvrir le Portugal en tentant de faire croire que celui-ci avait tout simplement débarqué en Guinée pour récupérer ses compatriotes détenus par le PAIGC et parmi lesquels se trouverait, soutiennent-ils encore, le fils du Maire de Lisbonne. Or, les Portugais avaient des objectifs précis en agressant la Guinée : détruire le PAIGC et récupérer les prisonniers portugais du PAIGC. Ce sont les opposants qui ajoutèrent à ces objectifs, les leurs : la liquidation du régime guinéen, par l’assassinat, au besoin, du chef d’État guinéen et de ses compagnons de lutte, et l’instauration en Guinée d’un régime néo colonisé favorable à l’Occident. Pour connaître la vérité, nous nous étions rendus en Guinée-Bissau où nous avions rencontré, grâce à des amis, le capitaine Alpoim Calvão, le 10 août 2004.Trois heures et demie d’entretien à bâtons rompus.

Repérages maritimes Le capitaine de la Marine, Alpoim Calvão, étudiait déjà, depuis quelque temps, la possibilité de priver le PAIGC de sa flotte :il effectuait des sorties dans les eaux territoriales guinéennes à cet effet ; c’est ainsi qu’il captura deux chalands à moteur au cours de ses deux premières sorties dont le « Patrice Lumumba ». Aussi, les autorités portugaises le chargèrent-il de superviser l’exécution de l’opération prévue. Ayant eu besoin d’actualiser les cartes hydrographiques du port de Conakry, il s’y rendit en septembre 1969 dans un petit bateau muni d’un radar, aux environs d’une heure du matin, « parce que, dit-il, les grands prédateurs chassent la nuit ». (148) ; il put apporter ainsi les corrections nécessaires sans être repéré par les forces de surveillance guinéenne. Le plan envisagé par les autorités portugaises reposait sur un constat : le PAIGC disposait de vedettes qui faisaient le cabotage sur les rivages de la Guinée-Conakry ; il transportait les armes, les produits alimentaires et médicaux 148

Entretien avec Alpoim Calvão, le 10 août 2004, à Bissau.

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destinés à ses troupes. Il fallait donc les détruire. Les Portugais étaient d’autant plus enclins à le faire qu’ils disposaient de données précises grâce au décryptage des messages radio du PAIGC et qu’ils avaient préparé des spécialistes à cet effet. Alpoim Calvão avait même obtenu des mines magnétiques pour exécuter ce plan au port de Conakry qui devait être attaqué par des plongeurs expérimentés. Mais ne connaissant pas bien le fonctionnement du courant hydrographique et de peur que l’équipe de saboteurs portugais ne soit capturée, il finit par choisir une autre forme d’attaque, « la technique de coup de main » consistant à saborder les flottes guinéennes-Conakry et celle du PAIGC « parce que les deux s’entraidaient » (149), précise-t-il.

Choix du mode d’opération Après ses recherches et les contacts avec la PIDE, la police secrète portugaise, Alpoim Calvão envisagea donc deux solutions: - Créer une base militaire en Guinée – Bissau, qui deviendrait le sanctuaire pour des actions subversives contre la République de Guinée. Mais cela prendrait trop de temps et, après trois ou quatre tentatives, l’opinion publique internationale se mobiliserait contre le Portugal, traité d’État fasciste soutenant un groupe de traîtres contre la République de Guinée ; la pression américaine deviendrait par ailleurs intolérable à cause de l’usine de Kamsar (Boké). - Mais c’est l’idée de « coup de main technique » que les autorités retinrent finalement avec, pour objectifs principaux, de transporter les éléments du FLNG jusqu’à Conakry, libérer les prisonniers portugais et donner un coup de main aux envahisseurs guinéens afin de remplacer le régime en place par un autre plus accommodant, après la victoire qui leur paraissait sûre et certaine.

Participation officielle du gouvernement portugais Venu exposer ses différentes propositions aux autorités compétentes, Alpoim Calvão fut interrompu en ces termes par Antonio Sébasto Ribeyro Spinola, le gouverneur de la Guinée-Bissau : « Attendez, vous ne savez pas ; je dois vous dire qu’il y a un groupe de Guinéens qui luttent contre Sékou Touré et qui a approché le gouvernement portugais par le ministre d’outre-mer et on pense aider ce groupe à faire quelque chose ; je vous demande d’étudier cette question pour voir ce qu’on peut faire » (150). Ainsi, sur instructions du ministre d’outre-mer, Alpoim Calvão prit contact avec le FLNG sur la base d’une liste de civils et de militaires qui lui avait été remise. Pour éviter toute surprise désagréable, les autorités portugaises voulaient connaître d’abord les intentions réelles des responsables du Front et le type de régime qu’ils comptaient mettre en place. 149 150

Idem. Ibidem.

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Les arguments fallacieux pour convaincre les Autorités portugaises Quant aux arguments qui finirent par convaincre les Portugais, ils peuvent être résumés comme suit : selon les opposants guinéens, les envahisseurs étaient attendus par la population guinéenne; eux seuls pouvaient les débarrasser des combattants du PAIGC ; Sékou Touré était honni et ne bénéficiait d’aucun appui solide à l’intérieur du pays; il ne se maintenait au pouvoir que par la terreur ; c’était un dictateur et un communiste ; le peuple guinéen était las et n’attendait que ses sauveurs avec impatience ; enfin, leurs amis, à Conakry, avaient pris toutes les dispositions pour le succès qui sera total. Les Autorités portugaises, qui ne cherchaient qu’à liquider le PAICG et le couper de sa base de ravitaillement et de repli qu’était la Guinée-Conakry, se réjouirent de la situation et s’engagèrent à fond dans l’opération. Mais, selon Alpoim Calvão, l’expédition ferait libérer les prisonniers portugais et les Portugais ne resteraient que trois mois à Conakry, le temps de liquider le régime et toutes les infrastructures guerrières du PAICG ; les autorités portugaises étaient cependant convaincues que l’équipe du FLNG aurait été remplacée par un coup d’État militaire au bout de ce délai.

David Soumah trahi par ses « amis » Désigné pour superviser l’agression projetée, Alpoim Calvão se rendit d’abord à Genève où il s’entretint longuement avec Jean-Marie Doré, fonctionnaire international au Bureau International du travail (BIT) ; il rencontra ensuite David Soumah, ancien secrétaire général de la Confédération française des Travailleurs chrétiens (CFTC), ayant fui la Guinée bien avant l’indépendance de ce pays ; des militaires tels que le commandant Thierno Diallo qui lui avait remis un rapport circonstancié. Siradiou Diallo se joignit au groupe grâce au commandant Thierno Diallo qui l’appelait son Kissinger (151), son conseiller. « J’ai beaucoup parlé avec eux ; nous avons échangé des idées ; à un moment donné, ils nous ont présenté leur programme politique ; ils nous ont donné aussi deux à trois listes de gouvernement ; je leur ai dit : « Mais vous n’avez pas encore tué la vache et vous vous battez déjà pour le partage de la viande ». À la fin, poursuit Alpoim Calvão, nous nous sommes mis d’accord sur une liste avec, comme président de la République, David Soumah » (152).

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Henry Kissiger, juif né le 27 mai 1923 en Allemagne d’où il fuit les persécutions nazies pour se faire naturaliser américain en 1943. Secrétaire d’État américain du gouvernement républicain de Richard Nixon de 1973 à 1977, a résolu le conflit vietnamien. 152 Entretien avec Alpoim Calvao,op.cit. Cf.La déposition d’Ibrahima Barry in l’agression portugaise contre la République de Guinée. Conakry, Impr. P. Lumumba, 1971, p.527. Selon cet élément du FNLG, le gouvernement provisoire constitué par David Soumah avait deux Peuls, alors que le commandant Diallo « ne voulait que des Foualhs au gouvernement ».

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Avant la dernière rencontre, David Soumah a dû rassurer ses amis impatients qui critiquaient le retard pris dans l’exécution de l’opération ; c’est pourquoi, dans une lettre qu’il leur adressa le 16 août 1970, il précisa qu’Antoine Barry a mis au point, avec Alpoim Calvão, à Lisbonne « les conditions pratiques de l’agression » : celle-ci se ferait par mer, à la date du 31 août 1970 ; ils devront fournir cent hommes ; le report de la date est dû à l’absence du commandant Alpoim Calvão» (153), sans autres précisions. La dernière réunion de mise au point se tint à Lisbonne. Pour éliminer David Soumah, qui les avait pourtant recommandés aux autorités portugaises, les Commandant Thierno Diallo, Hassane Hassad et Siradiou Diallo, ont prétendu, à la surprise de l’intéressé, que celui-là n’était pas un élément sûr puisqu’il avait été membre du gouvernement guinéen en qualité de secrétaire d’État avant de fuir la Guinée ; ce qui était faux; les Portugais crurent cependant les intéressés et mirent David Soumah en résidence surveillée dès après la réunion : étant militaire, Alpoim Calvão n’avait, en fait confiance que dans les deux militaires guinéens, Thierno Diallo, Hassane Hassad ; pour ce qui était Siradiou Diallo, celui-ci lui paraissait « hautain » (154), et s’était présenté comme un journaliste chargé de couvrir l’évènement.

Alpoim Calvão et le FLNG préparent l’agression Les préparatifs durent six mois et tous les principaux services secrets occidentaux (le SDECE, le BND, la CIA) sont contactés pour des suggestions éventuelles. Partant du principe que les ennemis de mon ennemi sont mes ennemis, les opposants guinéens deviennent les amis des Portugais. Les Portugais effectuèrent six sorties pour le ramassage des assaillants guinéens. Devant fournir d’importants contingents, le FLNG recruta en France parmi les anciens militaires guinéens cantonnés à Rivesaltes (France), au Sénégal, en Gambie et en Sierra Léone. Leur opération de repérage se poursuivit dans les eaux territoriales guinéennes, au port de Conakry en particulier ; le système de communication étant désormais performant et les jours de contact fixés, ils se rendirent dans les trois pays africains sus - cités pour procéder au ramassage des recrues dans le plus grand secret ; tout se déroula dans d’excellentes conditions, sauf en Sierra Léone où les conditions hydrographiques et une tentative de coup d’État en cours faillirent faire tout capoter. Au total, 700 hommes environ furent regroupés à l’Ile de Soga (GuinéeBissau), une île presque déserte et un lieu loin des regards indiscrets, où les Portugais avaient construit une base militaire pour des opérations spéciales ; les recrues y furent soumises à un entraînement intense de deux mois (septembreoctobre 1970) sous le commandement d’officiers guinéens ayant choisi de rester

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Les révélations criminelles de la contre-révolution (In : RDA, n°69, août 1973). Entretien avec Alpoim Calvão,op.cit.

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dans l’armée française à la suite du « non » du 28 septembre 1958, le tout supervisé par les Portugais. Alpoim Calvão effectua de nombreux déplacements dans divers pays pour recueillir des renseignements sur la Guinée-Conakry, ceux fournis par le FLNG lui paraissant partiels et invérifiables. Il lui fallait surtout des détails dont il obtint certains d’un déserteur portugais ; celui-ci avait rejoint une base du PAIGC au Sénégal en janvier 1970, sous le contrôle de la PIDE ; la direction territoriale de ce parti, qui ne le savait pas, l’envoya dans une des prisons du PAIGC, à la banlieue de Conakry, dénommée la « Montagne » où il comptait espionner le PAICG ; ayant cru avoir affaire à un vrai repenti, la direction du parti le relâcha cinq mois après et l’envoya en mission en Europe ; l’intéressé revint finalement à Lisbonne. Informé, Alpoim Calvão le fit venir à Bissau ; il obtint de précieux renseignements sur la ville de Conakry et la « Montagne » où il s’était assuré que les prisonniers portugais étaient en excellente santé. Face à cette grande masse de renseignements, Alpoim Calvão eut du mal à planifier l’opération. Le directeur adjoint de la PIDE, et le commandant Almeida, proche collaborateur de Spinola viennent au secours et participent à l’élaboration du plan d’invasion de la Guinée en compagnies des opposants guinéens. Les objectifs de l’agression sont réduits de deux cent cinquante à vingt-cinq ; entre autres, le Palais présidentiel, les domiciles de Lansana Béavogui et de Saïfoulaye Diallo, la radio, l’aéroport, la centrale électrique, les camps militaires, la milice populaire, les infrastructures du PAIGC, etc., furent retenus. Les principaux responsables guinéens auraient donc été liquidés et le régime renversé ; ç’en aurait été fait de l’Afrique progressiste.

Les conditions d’un succès certain L’état-major de l’agression avait cependant des appréhensions relatives aux quatre conditions du succès que voici : - Contrôler la mer pour pouvoir neutraliser la flotte, les vedettes de la République de Guinée et du PAIGC ; les bateaux portugais avaient certes une artillerie un peu plus lourde, mais celle-ci n’était pas aussi rapide que la marine de la Guinée. - Couper l’électricité à Conakry pour effrayer, inquiéter la population et empêcher ou retarder la mobilisation des troupes guinéennes. - Localiser et détruire les objectifs militaires (le camp Almamy Samory Touré, l’État-major général, etc.). - Repérer les avions « MIG » de la République de Guinée et les détruire, ce qui assurerait une protection efficace des avions portugais, lesquels n’ayant pas un long rayon d’action, pourraient être localisés et détruits : cela établirait une preuve matérielle irréfutable de la participation portugaise à l’agression.

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De l’Ile de Soga (Archipel de Bijagos) à Conakry N’ayant que 450 hommes dont 200 fusiliers marins portugais (africains, pour la grande majorité) et 250 du FLNG sous la supervision des officiers portugais blancs peints en noir, Alpoim Calvão dut constituer des équipes mixtes. Mais si les opposants guinéens connaissaient plus ou moins l’objet de leur enrôlement et le pays destinataire, les assaillants noirs de l’armée portugaise avaient été, selon eux, trompés : ce n’est qu’au dernier moment qu’on leur révéla le pays ciblé, Guinée-Conakry. On leur dit alors qu’ils y allaient pour tout juste déposer les opposants guinéens ; « nous les laisserons là-bas et nous partirons ». Pour les convaincre, le général Antonio Spinola, gouverneur de la GuinéeBissau, vint même leur dire au revoir dans leurs bateaux, leur affirma qu’on escomptait qu’il y avait 95% de chance de réussite. Mais on leur dit également que tout refus serait sanctionné de deux ans de prison. Les assaillants noirs portugais bénéficièrent, durant le trajet, du pain et de la viande, ce que les militaires portugais considérèrent comme une ration exceptionnelle puisque les noirs de l’armée portugaise n’avaient auparavant que du riz ou quelquefois des pommes de terre. Leur surprise fut à son comble lorsqu’ils furent obligés d’échanger leur tenue contre celle de l’Armée guinéenne, vert olive, ainsi que leurs armes pour créer la confusion dans la population. Le trajet Ile de - Conakry s’effectua cependant sans aucun incident ; les bateaux ne furent pas détectés et tous se retrouvèrent en rade du port de Conakry à l’heure convenue ; la météorologie fut favorable et la population était en plein mois de Ramadam ; la fatigue et le sommeil s’étaient emparés de la plupart des militants du PDG.

Le déclenchement de l’opération de Conakry Après 1959 et 1960, ce fut la troisième agression ; mais si les deux premières furent terrestres et localisées au Foutah, venant du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, l’agression du 22 novembre 1970 venait, cette fois, d’un seul territoire, la Guinée-Bissau, et sa première phase était d’abord maritime. Arrivé à Conakry, Alpoim Calvão, dit le « Pacha », nom de code pour l’agression, après les avoir dépouillés de tout, donna ordre à tous les militaires de « sauter sur terre sur ordre du Général ». Les noirs militaires portugais ne pouvaient plus reculer ; ils avaient été répartis avec les éléments du Front national de libération (FNLG) dans six navires dénommés : Orient, Dragon, Cassiopea, Montante, Bombarda et Hidra ; chaque bateau transportait des troupes et des barques d’assaut qui devaient faire la navette entre le bateau et la terre ferme. Quant aux officiers portugais blancs, ils étaient tous peints en noir pour se confondre avec leurs collègues noirs. Mais ils seront tous trahis par l’usage de la langue portugaise.

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Conditions favorables et cibles choisies Les envahisseurs étaient en fait attendus par des complices intérieurs guinéens et étrangers, appelés la 5e colonne : les deux catégories se reconnaissaient par leur signe distinctif, le brassard vert, que presque tous portaient au bras gauche. Les circonstances atmosphériques (la nuit, le temps brumeux) et le Ramadan permirent, également, toutes les manœuvres des assaillants.

Quant aux cibles, elles furent fixées à vingt-cinq qu’Alpoim Calvão (155) reproduit dans son livre Un facteur annonciateur de l’échec Deux coordinateurs, dont un étranger (militaire) et un guinéen (civil), devaient assurer, à Conakry, les liaisons avec les envahisseurs; mais si le civil a pu remplir, plus ou moins sa mission, le coordinateur militaire, le seul qui pouvait, semble-t-il, donner des instructions aux militaires guinéens complices et qui connaissait donc l’emplacement des avions MIG, a été tué dès le début de l’agression.

L’assaut contre Conakry, première phase de l’agression Que retenons-nous du livre d’Alpoim Calvão et de l’entretien qu’il avait bien voulu nous accorder à Bissau? 1-Orion L’assaut a, en fait, débuté dans la nuit du 21 novembre par la destruction de sept vedettes guinéennes ; l’opération prit fin à 21 heures 10 et les Portugais n’enregistrèrent que deux blessés légers. Les quatorze hommes composant ce groupe rejoignirent l’un des bateaux portugais Le 22 novembre 1970 à partir d’une heure du matin, la ville de Conakry se réveilla sous un déluge de feu ; elle était attaquée sur les principaux côtés : Petit Bateau, camp Boiro, Centrale électrique, camp Almamy Samory Touré, Port de Belle-Vue, Port de Gbéssia, etc. 2-Débarqués du Dragon et de Cassiopea Les trois premiers groupes d’assaillants constituant l’équipe Zulu s’attaquèrent, chacun, à sa cible : Le groupe de Gunha E Silva s’empara des vingt-six prisonniers portugais de la « Montagne » et les transporta immédiatement à bord des navires ancrés au nord-ouest des digues de protection du port de Conakry. Le groupe du sous-lieutenant Falcao Lucs détruisit cinq bâtiments, six voitures du PAIGC et tua de nombreux militants de ce parti ; il put atteindre le domicile, mais non la principale cible, Amilcar Cabral ; celui-ci se trouvait à Sofia (Bulgarie) ; confondu avec ce dernier auquel il ressemblait, le coordinateur 155

Alpoim Calvão. De conakry ao MDLD secreto, op.cit., p.86 et annexe (les cibles) ;

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des activités militaires ciblées à Conakry, de nationalité allemande et travaillant au génie militaire, le Comte Von Thiessen Haussen, colonel de son état, fut tué ; il venait informer les assaillants de l’absence du leader du PAIGC à Conakry et des dispositions militaires prévues; ce qui priva les militaires guinéens complices des assaillants de toutes instructions de caractère stratégique pour agir conséquemment ; certains même furent tués, par mégarde, par les mercenaires qui avaient pris le camp de la Garde Républicaine. Le groupe du deuxième lieutenant Benjamin Abreu, soit 20 hommes, attaqua ses cibles et rejoignit son bateau vers 4 heures du matin : le camp de la milice populaire, tuant soixante miliciens ; la villa Syli, tuant le gardien et, constatant l’absence du président Ahmed Sékou Touré, l’incendia. 3-De Montante, quatre équipes en débarquèrent : À 1 heure 35, l’équipe Oscar composée de quarante hommes, dirigée par le sous-lieutenant Pereira et Thomas Camara, attaqua la Garde républicaine où se trouvaient les prisonniers politiques- soixante-seize, selon Alsény René Gomez ; elle y rencontra une farouche résistance qui se solda par la mort de l’assaillant Pereira, un officier portugais, dont le corps sera transporté par les Portugais, et de plusieurs gardes républicains qui avaient été, pour la plupart, égorgés par les assaillants ; elle libéra les prisonniers et livra le camp aux forces du FLNG (29 personnes) dirigées par un certain Ibrahima Barry dit Barry III (156). Pris par les assaillants, le général Lansana Dianè, ministre guinéen de la Défense nationale de la République de Guinée, alors qu’il était de passage devant la Garde républicaine, put s’en échapper en grimpant le mur trop bas du camp : le bombardement du camp par l’un des chars du capitaine Thiana Diallo avait provoqué une telle panique que chacun, les mercenaires y compris, prit aussitôt la tangente. Le camp de la Garde Républicaine est totalement libéré vers 18 h 45 par les assaillants. À 1 heure 40, les deux autres équipes débarquèrent près du Club Petit Bateau : L’équipe India de dix hommes, dirigée par le fourrier Demba Seca et Mamadou Camara dit Thiam du FLNG, transportée du Port par des complices intérieurs de l’Énergie dans un camion de la Centrale de Tombo; arrivée sur les lieux , elle obligea les responsables de la centrale à couper la lumière de la ville à 2 heures 45 ;selon El Hadj Mohamed Lamine Touré, Secrétaire d’État à l’ Énergie (157) , un de ses cadres « était dans le complot » sans qu’il le sache ; « durant toute cette matinée du dimanche, poursuit El hadj Touré, les mercenaires occupaient encore la centrale et le fameux Thiam … s’était posté avec une mitrailleuse sur le Kiosque de garde à l’entrée de la centrale et arrosait 156

Traduction d’extraits du livre d’Alpoim Calvão : in Horoya-hebdo ,n°2249,21-27 septembre 1976. 157 El Hadj Mohamed Lamine Touré.Memoires d’un compagnon de l’indépendance guinéenne.Conakry, l’ harmattan-Guinée, P.55-56

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systématiquement tous les véhicules qui passaient à cet endroit de la corniche nord. Nombreux, hélas, sont nos concitoyens qui ont trouvé la mort ce jour-là ». Quand El Hadj Mohamed Lamine Touré voulut se rendre à Matoto (Conakry II) « où venait d’être achevée la nouvelle station d’arrivée de courant de 110 kv en provenance de Donkéa » pour Conakry II, il s’était rendu compte que « les stations de transformation et de distribution qui alimentaient les quartiers de Conakry II avaient été déconnectées du réseau afin de priver toute la ville de Conakry de courant » ; ce qui prouve l’existence de complices intérieurs. Sur le trajet il a été averti que « les mercenaires occupaient le pont Fidel Castro Ruz et tiraient sur tous les véhicules qui passaient là-bas » ; le même avertissement lui avait été fait quand il voulut passer par le camp Boiro « qui était investi par des mercenaires et qu’il fallait éviter d’y passer ».Il sera rejoint par son adjoint à la Fédération de Conakry II ; celui-ci lui dit qu’il avait « mal fait de remettre le courant à Conakry II et qu’à l’heure qu’il était, l’ennemi à la Centrale le savait déjà et qu’il allait se venger sur nos familles ». Il a dû téléphoner « aussitôt à ma femme de s’enfermer avec mes enfants et de n’ouvrir à personne ». La Centrale de Tombo ne sera reprise qu’à 19 heures. L’équipe Mike, forte de cinquante hommes, dirigée par le lieutenant Sesseco (Portuguais) qui fut blessé, le colonel Thierno Diallo, le commandant Hassane Hassad et Siradiou Diallo du FLNG, occupa le camp Almamy Samory Touré ; elle détruisit seize véhicules entrant au camp, tua une dizaine de soldats et incendia les édifices de l’état-major. Sa radio ayant été détruite, elle fut pratiquement coupée des autres assaillants et n’eut été l’aide du commandant Hassane qui les embarqua à la dernière minute sur une pirogue rejoignant l’un des bateaux, qui avait déjà levé l’ancre, le colonel Thierno Diallo et Siradiou Diallo auraient été pris la main dans le sac. 4-La Bombarda, six équipes en débarquèrent

Cette manœuvre eut lieu à 1 heure du matin à la plage Peronne, sous le commandement du capitaine lieutenant Agular de Jésus. Entre autres : L’équipe Hôtel composée de dix hommes, dirigée par le sous-lieutenant Jamanca et l’ingénieur électronicien Tidiane Diallo, du FLNG, ne put atteindre leur objectif, Radio – Conakry, pour des raisons qui n’ont pu être éclaircies par l’État-major de l’agression ; en fait, il semble que les complices intérieurs, la 5e colonne, n’avaient pu récupérer les clés de la radio et les combattants du PAIGC ayant capté la conversation en portugais à temps, assurèrent immédiatement la défense du secteur. Les équipes Alfa Bravo, Charlie Delta, Echo, Fox-trot et Golf, composées des éléments portugais et du FLNG, n’ont pas réussi à atteindre leur objectif, neutraliser les voies de communication les plus importantes. L’équipe Papa, chargée de l’arrestation du président Ahmed Sékou Touré, ne fut pas débarquée parce que les assaillants avaient été informés par des éléments

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de la 5e colonne, dès 4 heures du matin, que l’intéressé ne se trouvait pas aux endroits ciblés (villa Syli et Présidence de la République). 5- La Hidra Enfin, à 1 heure 30, débarqua de la Hidra, sous la direction du premier lieutenant Fialho Goes, l’équipe Sierra dirigée par le capitaine Lopès Morais qui se dirigea vers son objectif, l’aéroport de Gbéssia-Conakry. Ce fut une équipe mixte comme les précédentes ; d’un côté, des Portugais : le capitaine Lopès Morais, le 2e sous-lieutenant milicien commando Texeira, les caporaux parachutistes Duarte et Morais, le lieutenant Januario avec neuf hommes, le sous-lieutenant Justo avec vingt-cinq hommes et un groupe de commando ; de l’autre, les hommes du FLNG : le sous-lieutenant Boiro avec cinq hommes dont Hamadou Baldé, ancien contrôleur de la circulation aérienne à l’aéroport de Conakry. Malheureusement pour les assaillants, les avions MIG n’ont pas été retrouvés et le lieutenant Januario chargé de leur destruction avait préféré se rendre aux autorités guinéennes ; n’eut été le refus d’Alpoim Calvão, le souslieutenant Boiro aurait détruit trois vieux avions à hélices et les six autres avions trouvés sur le terrain dont deux caravelles appartenant à Air Afrique. Il faut préciser que dans un des bateaux s’y trouvaient les membres du gouvernement devant remplacer celui du gouvernement PDG-RDA. Suite à l’échec, les intéressés n’ont pas eu le courage de descendre à terre. Par ailleurs des avions portugais stationnés sur l’aérodrome de Leste en Guichard n’attendait que l’annonce de la chute du gouvernement guinéen par « la Voix de la Révolution »pour venir bombarder un certain nombre de cites dont l’aviation Gbessia.

La contre-attaque du peuple Passé l’effet de surprise, la promptitude de la résistance et l’offensive organisée immédiatement eurent rapidement raison de l’ennemi. C’est à 9 heures du matin, que le président Ahmed Sékou Touré lança son premier appel : « Peuple de Guinée, « Tu es, depuis 2 heures du matin, ce dimanche 22 novembre, victime, dans ta capitale Conakry, d’une agression de la part des forces impérialistes. Des bateaux de guerre étrangers stationnent dans tes eaux territoriales, après avoir permis le débarquement de mercenaires européens et africains. Cette agression s’inscrit dans le cadre du plan de reconquête des pays révolutionnaires d’Afrique par des puissances étrangères. Le colonialisme portugais sert de tête de pont dans cette agression. Le Peuple de Guinée se défend et se défendra jusqu’au dernier survivant. Les peuples africains dignes de la liberté défendront, à nos côtés, la dignité et la souveraineté de notre continent. Les peuples progressistes du monde

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défendront notre cause dépendante de leurs propres intérêts et de leurs droits de vivre dans la liberté et la dignité. Prêt pour la Révolution. Vive la Révolution ». Cet appel sera suivi d’un second à 12 heures, et d’autres tout aussi pathétiques et passant en boucle la situation des assaillants et le déroulement des événements. L’ensemble galvanisera et entretiendra la volonté de combat des combattants guinéens.Hadja Mafory Bangoura, présidente des femmes du PDGRDA, exigera du parti la formation d’une « armée de femmes » pour participer au combat contre les mercenaires. Elle termine son appel par : « La Révolution ou la Mort » En effet, se souvenant que « la défense nationale est l’affaire de tout le peuple », tout le monde s’était mobilisé comme un seul homme, dans les quartiers, les camps, les CER, entraînés par les appels patriotiques passés en boucle du Président Sékou Touré, pour rejeter dans la mer, capturer ou liquider les assaillants ; la distribution des armes et munitions s’effectua sans aucune formalité ; tous ceux qui voulaient défendre le régime et la ville de Conakry s’en étaient servis comme bon leur semblait et ce fut uniquement contre les assaillants que les armes furent utilisées ; nombre de ceux-ci, abandonnés sur le terrain par les Portugais et les responsables du FNLG, avaient déjà infiltré les concessions ou s’étaient dissimulés dans les arbres. Tous les Guinéens se souviennent que le soldat « devait être un militant conscient et le militant un soldat toujours prêt » au combat ; aussi, tous agirent contre les assaillants ; certains de ceux-ci, très vite désemparés et épuisés, se rendirent ; d’autres se battirent avant d’être tués.

Appui décisif du PAIGC Le PAIGC, dont le sort était lié à celui du régime du PDG, participa activement à ces combats ; ses bataillons de Conakry permirent de dépister et appréhender les assaillants portugais ; le front de Boké avait été dégarni pour envoyer des renforts dirigés par Pedro Pires(158) ; celui-ci dut faire fi du refus des autorités de la région administrative de Dubréka et fonça sur Conakry : lesdites autorités avaient soutenu que la capitale n’avait pas besoin d’aide; or, vérification faite, les autorités centrales n’avaient jamais donné de telles consignes, surtout que Conakry avait effectivement besoin d’être renforcée ; la complicité des autorités locales était patente.

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Commissaire adjoint (Chef d’ État –major adjoint) de l’Armée, devenu ancien Président de la République du Cap-Vert.

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Échec des assaillants à Conakry Les militants du PDG, aidés des militaires, des miliciens et des combattants du PAIGC, procédèrent au nettoyage systématique de la ville ; aucun des assaillants abandonnés par le FLNG et les Portugais n’échappa pas à la vigilance des militants, civils ou militaires, et aux éléments du PAIGC : ils furent liquidés ou arrêtés. Alpoim Calvão ne put donc atteindre les objectifs fondamentaux qui lui avaient été finalement assignés : arrestation ou liquidation physique d’Ahmed Sékou Touré et des principaux responsables politiques avec l’installation, à la place du régime du PDG, d’un gouvernement favorable aux gouvernements occidentaux en général et à la politique coloniale portugaise en particulier ; la maîtrise de la terre et de l’air, les avions MIG n’ayant pas été repérés et détruits ; l’occupation de Radio-Conakry ;l’assassinat d’Amilcar Cabral, la destruction des infrastructures civiles et militaires du PAIGC, etc. Il n’eut désormais qu’une seule « préoccupation, écrit-il : laisser le moins de preuves de la présence portugaise sur le terrain ; éviter coûte que coûte qu’un des bateaux portugais soit coulé dans les eaux de Conakry ». Le rembarquement des troupes portugaises et des assaillants guinéens se précipita ; commencé à 5 heures 45, il se termina à 9 heures du matin: malgré quelques tirs mal ajustés de mortiers 82 guinéens contre Montante, tous les bateaux levèrent l’ancre vers 10 heures pour l’Ile Soga où ils jetèrent l’ancre à « 23 heures 16 min. 25 se. » (159), précise Alpoim Calvão.

La mise en action de la deuxième phase de l’agression, Koundara L’agression de Conakry ayant échoué, le FLNG engagea la deuxième phase de son plan que les Portugais ignoraient, selon Alpoim Calvão : laisser certains de ses éléments agresser la Guinée-Conakry par la frontière ; d’où les attaques meurtrières sur Koundara, à la frontière de la Guinée-Bissau, du 26 au 29 novembre 1970: il s’agissait d’occuper la zone et d’y créer un maquis pour « la libération de la Guinée du joug du PDG ». L’échec fut, là aussi, lamentable. Des abeilles guerrières furent même utilisées par une vieille militante pour riposter aux envahisseurs. On dénombra des morts et des blessés ; les autorités guinéennes capturèrent vingt-trois membres du FLNG dont vingt et un anciens soldats de l’armée coloniale française réfugiés au Sénégal et en France ; certains avaient participé à l’attaque de Conakry et s’étaient précipités dans cette localité espérant profiter d’un effet de surprise.

Résultats de l’Agression des 26-29 novembre 1970 à Koundara

22-23

à

Conakry,

des

Analysant les résultats de l’opération MAR verde, nom de code de l’agression du 22 novembre 1970, Alpoim calvão conclut qu’elle « a coûté… plus de cinq 159

Sidiki Kobélé Keita. Entretien avec Alpoim calvao, op.cit.

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cents victimes » à la République de Guinée, qu’il considérait comme « ennemie » ; le Portugal a pu certes récupérer les vingt-six prisonniers portugais du PAIGC dont le plus ancien, le pilote Robato ; il y a eu également des morts, des blessés et des dégâts matériels importants. Mais aucun des objectifs susceptibles d’ébranler le régime guinéen et d’influer sur le déroulement de la lutte du PAIGC ne fut atteint. Ce qu’il faut signaler, c’est qu’aucun condamné à mort entre 1959 et 1970 n’avait été exécuté ; ceux qui étaient condamnés à des peines de prison étaient soit libérés, soit sur le point de l’être à l’expiration de leur peine, comme Balla Camara, qui devait l’être en décembre 1970. Mais s’appuyant sur le fait qu’il y eut de 365 victimes guinéennes de l’agression en plus d’importantes destructions matérielles causées par les agresseurs, la Révolution se radicalisa : les Autorités guinéennes décidèrent d’appliquer à tous les prisonniers de la prison du camp de la Garde Républicaine, considérés comme complice des assaillants, et aux éléments arrêtés à la suite de l’agression la sentence de mort qui sera requise par le Tribunal populaire. Après l’agression, de nombreux citoyens souffraient encore de blessures avec, parfois, l’invalidité. Le gouvernement dut prendre certains d’entre eux, en charge pendant des années.

L’intensification de la lutte par le PAIGC Le PAIGC poursuivit sa lutte de libération nationale ; il la radicalisa en l’intensifiant et en s’emparant des régions entières après avoir infligé des défaites cuisantes à ses ennemis portugais ; le gouvernement guinéen fournit désormais davantage d’armes et même des plus sophistiquées aux combattants du PAIGC ; la situation était telle que le gouvernement portugais ne cherchait plus qu’à s’en sortir. Quant au Peuple de Guinée, il renforça son régime, qui sortit vainqueur de l’épreuve. Au point que le Bureau Politique National du PDG annonça, au bout de quelques jours, par un communiqué, que « tous les points de résistance ont été entièrement réduits » et que les militants pouvaient vaquer à leurs occupations habituelles.

Les causes de l’échec de l’agression selon Alpoim Calvão Le plan des assaillants contre la Guinée avait paru opérationnel et le succès assuré à cent pour cent parce que les Portugais s’étaient fondés sur la puissance de l’ OTAN dont ils faisaient partie et qui leur apportait ses appuis dans leur guerre contre les mouvements de libération dans leurs colonies ; ils comptaient également sur l’action corrosive des complices intérieurs, que le PDG et le gouvernement nommèrent 5e colonne, sur la nuit et le temps brumeux, sur la fatigue des Guinéens suite à une pénible journée de Ramadan et sur l’éclatement

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des contradictions supposées entre l’armée et la milice populaire. L’effet de surprise passé, aucun de ces facteurs ne joua en leur faveur. Aussi, Alpoim Calvão insiste-t-il particulièrement sur les causes de l’échec qui étaient, selon lui, de trois ordres : - Le manque d’informations précises et fiables sur les principales cibles, en particulier sur celles relatives aux avions MIG : s’ils avaient réussi à détruire ces avions, les assaillants auraient poursuivi l’opération sans inquiétude. - Le manque de soutien pourtant attendu des complices intérieurs au sein même des populations et de la haute sphère politique ; le FLNG , prenant ses rêves pour la réalité ou pour tromper ses alliés, avait convaincu les Portugais « qu’ils avaient des appuis internes actifs »; or, les complices intérieurs , même ceux qui s’étaient agglutinés autour du Président Ahmed Sékou Touré au Palais présidentiel , des ministres et gardes de corps , face à la réaction populaire après quelques heures de surprise et d’effroi, étaient presque tétanisés; tous ,se sentant démasqués, ont eu peur d’agir et n’avaient , pour seuls soucis, que l’affirmation de leur patriotisme, de leur loyauté , de leur sincérité et de leur fidélité au PDG. - Le manque de cohésion qui sévissait au sein de l’opposition guinéenne, le Front de Libération nationale Guinée (FLNG) serait une autre cause de leur échec ; comme son nom l’indique, ce front se composait de tendances hétéroclites, opportunistes et malhonnêtes ; et selon Alpoim Calvão, les Portugais eurent tort de choisir « la tendance la moins honnête », c’est-àdire celle qui était avec eux (Siradiou Diallo, commandant Thierno Diallo, Hassane Hassad, etc.) ; ceux-là n’avaient- ils pas préféré faire mettre en garde à vue, pendant un an, David Soumah à Lisbonne, l’un des initiateurs de l’agression ? Or, celui-ci était le mieux connu des sphères internationales de décision et des dirigeants africains les plus impliqués dans l’opération.

Quelques témoignages accablants Tous les va- et- vient des agresseurs des lieux de débarquement des bateaux à la terre ferme, différents mouvements de certains complices intérieurs avaient été observés à partir d’édifices ou maisons d’habitation situés en bordure de mer, à proximité des lieux de débarquement, ou entourant les lieux de débarquement par des militants et responsables du Parti ou des étrangers.

Mais il faut également signaler des témoignages diffusés d’acteurs très actifs qui confirment un certain nombre de constats.

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De Stokely Carmichaël (160) Le témoignage de ce réfugié américain noir est éloquent. Stokely Carmichaël était logé à la Villa Andrée avec son épouse, Miriam Makéba, face à l’un des sites de débarquement où le couple s’apprêtait à se rendre. Quand il entendit le premier coup de feu, il téléphona aussitôt au Palais présidentiel ; on lui dit que c’est une invasion. « Ceci est peut-être le coup longtemps attendu », se dit Miriam Makéba, son épouse ; titulaire d’un passeport tanzanien, celle-ci décida de se rendre, avec son mari, à la résidence de l’Ambassadeur de la Tanzanie surplombant le port de Dixinn. Au cours de ce déplacement, Stokely Carmichaël constata que les uniformes des soldats rencontrés au quartier de Belle-Vue, en allant à Camayenne où se trouvait l’Ambassade de Tanzanie, ressemblaient certes à ceux des forces armées guinéennes, mais avec cette particularité qu’ils étaient tout neufs : tenues, bottes ; seules les armes étaient différentes. Les envahisseurs « portaient également tous le brassard de couleur verte» ; le couple a la confirmation qu’il s’agissait bel et bien d’une invasion. Arrivés à l’ambassade de la Tanzanie d’où ils pouvaient observer les mouvements des hommes et des bateaux au port et sur la plage, Stokely téléphona à la Présidence où il tomba sur Alpha Abdoulaye Diallo dit Porthos, l’un des ministres du président Ahmed Sékou Touré, qui l’entouraient à ce moment-là. Et voici son témoignage sur les évènements et sur la teneur de la conversation téléphonique qu’il eut avec Alpha Abdoulaye Diallo dit Portos : « Je pouvais l’entendre rapporter à un interlocuteur l’information et je pense que cet interlocuteur était le Président. Il revint et me dit : « tout va bien ». Il ajouta que je devais aller observer les mouvements de troupes entre le rivage et les navires, et en faire rapport heure par heure. Je lui répondis que je souhaitais être investi d’une autre mission afin que ma contribution à la défense de la révolution fût plus bénéfique. Abdoulaye dit Porthos s’y opposa en alléguant que les bons renseignements étaient ce dont on avait le plus besoin en ce moment. Il raccrocha. De son lieu d’observation, situé à la résidence de l’ambassadeur, Stokely constatait les mouvements de canots. L’ambassadeur tanzanien lui dit : « Regarde en bas, sur la rive il y a un groupe de Guinéen ». J’étais si absorbé par les mouvements des agresseurs que je n’avais pas remarqué cette présence. Je reconnais quelques ministres et un homme d’affaires blanc. Ils utilisaient des talkies Walkies. Je me suis dit qu’ils étaient armés, mais la seule arme en vue était un fusil de calibre 22 dans les mains de l’homme d’affaires. Sans utilité.

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Stokely Carmichaël with Ekwueme Michael Thewell. Ready for revolution, New York, London, Toronto, Sydney, Singapore, Scrbner, 2003...

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Devenu furieux et frustré, Stokley s’adresse en colère à l’ambassadeur en ces termes : « Je veux me battre au lieu de m’envoyer en reconnaissance. Et vois-tu, ils sont déjà au moins six ici. Je suis aussi furieux que l’on puisse l’être ». À la demande de l’Ambassadeur, il se décida à communiquer à nouveau avec Alpha Abdoulaye Diallo dit Porthos pour lui rapporter la teneur de la conversation qu’il vient d’avoir avec lui, tout en se disant qu’il y a peut-être la confusion qu’il convient de dissiper. « Nous allons donc au balcon. Là, je suis frustré et crie pratiquement à Porthos au téléphone. Il répète ce que je lui ai dit à quelqu’un. « Camarade Porthos, qu’est-ce que c’est que çà ? Je veux me battre et vous m’envoyez en mission de reconnaissance ? Mieux, je vais où vous m’envoyez alors que vous y avez déjà quatre à cinq ministres observant et rapportant par « talkies-walkies». Au beau milieu de mon intervention, Porthos a cessé de transmettre mes propos à quelqu’un qui semblait suivre notre conversation. Stokely constata que sa voix « a dû porter », parce qu’en fond sonore, il entendit quelqu’un poser cette question à Portos qui s’était tu entre temps : « Quoi ça ? ». C’était Sékou Touré qui s’était emparé du téléphone et nous avait demandé de « retourner en silence et écrire tous les noms et noter tout » de ce groupe de Guinéens dont des ministres faisaient partie. L’ambassadeur tanzanien « avait une petite caméra super-8, nous les avons donc filmés et remis le film au Président », dit Stokely. Celui-ci, étonné, s’adressa ainsi à son interlocuteur tanzanien: « Tu t’imagines. Tous ces idiots étaient des traîtres qui travaillaient avec les Portugais. Porthos est impliqué, c’est pourquoi il a arrêté de transmettre notre conversation dès l’instant où il a compris que j’étais au fait de tout ce qui se passait. Ils ont tous été jugés et déclarés coupables », conclut-il. Ainsi, si on en croit Stokely Carmichaël, nombre de collaborateurs de Sékou Touré, des hommes en qui il avait placé toute sa confiance, n’avaient jamais cessé de le trahir, de trahir la Guinée. L’intéressé nous avait donné ce témoignage avant sa mort, mais nous ne l’avions pas reproduit dans nos précédentes publications parce qu’il n’était pas écrit et authentifié par sa signature ou dans un livre officiellement publié. Nous risquions la même rétractation qui nous avait valu une assignation au Tribunal de Première instance de Conakry I de la part de maître Aminata Barry. À présent que Stokely a eu le courage et l’honnêteté de consigner la même information capitale dans son ouvrage paru aux États-Unis en 2003, la reprendre permet aux lecteurs d’être informés à la source et de situer le degré de fourberie de certains traîtres qui donnaient l’impression d’être des inconditionnels et « enfants chéris » de Sékou Touré, tout en le poignardant dans le dos.

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De Julien Condè et Abdouramane Bah, de la direction du RGE (161). Selon ces deux opposants, l’agression a échoué parce que David Soumah, « qui avait organisé et avait les tenants et aboutissants de l’opération », avait été « trahi à la dernière minute et mis en résidence surveillée à Lisbonne » et ses collaborateurs les plus au fait « mis à l’écart » . De Jean – Marie Doré, alors fonctionnaire au BIT, à Genève (162) Jean-Marie Doré est l’un des premiers à avoir été relancé par les autorités portugaises, selon Alpoim Calvão; il précise, que dans l’opposition, il avait adhéré au « groupe de David Soumah qui préparait … le « débarquement » du 22 novembre 1970…ce groupe avait beaucoup de chance de réussir avec le soutien des Américains qui avaient demandé au Portugal de l’aider à la réalisation du plan. Mais Lisbonne, qui n’appréciait pas David Soumah, préféra le commandant Diallo Thierno. Exit David Soumah qui purgea par ailleurs 3 mois de taule au Portugal. Reste alors que si « le débarquement » a été un désastre, Jean-Marie Doré l’impute au fait que tout a été faussé par le jeu tribal de gens coincés dans leur exil ». Alpha Condé (163) Il semble avoir limité son opposition au régime de Sékou Touré à un combat idéologique et politique, à d’autres formes de déstabilisation sans participation effective à une action violente. Il n’a fait partie d’aucune organisation d’opposants à Ahmed Sékou Touré. Il mena un combat solitaire avant de créer un parti plus ou moins clandestin. Il finira par condamner l’agression du 22 novembre 1970 en ces termes : « le prétendu FNLG apparaît désormais sous son vrai visage, celui d’un instrument des pires ennemis de l’Afrique, des milieux ultracolonialistes les plus notoires. Les éléments du FNLG qui voyaient les masses guinéennes à leur propre image disaient, à qui voulait entendre, que le peuple guinéen en avait tellement assez du régime de Sékou qu’il était prêt à se donner au premier venu. Ces éléments tarés du prétendu « regroupement des Guinéens en Europe »n’allaient-ils pas jusqu'à affirmer que le peuple guinéen regrettait l’époque coloniale et souhaitait vivement le retour de l’impérialisme français? Mais, loin d’être accueillis en sauveurs, les mercenaires et les pantins du FNLG ont rencontré d’abord l’indifférence générale des masses guinéennes, puis leur hostilité dès qu’elles ont connu la composition (présence portugaise) des forces débarquées. Le prétendu FNLG a fait preuve ainsi de sa méconnaissance totale du peuple guinéen au nom de qui il prétendait parler».

161

Julien Condé et Abdouramane Bah. Le calvaire du peuple de Guinée. Paris, juillet 1971. In : L’indépendant, n°37, 30 septembre 1993, P.3. 163 Alpha Condé. Guinée, Albanie d’Afrique ou néocolonie américaine. Paris, ED.Git Le Cœur, 1972, p.25 162

165

De Dr Rachid Touré (164). Il nous a révélé que ce sont Siradiou Diallo et le commandant Thierno Diallo, deux protagonistes de dernière minute, qui avaient fait écarter David Soumah ; ceux-là ne voulaient pas respecter la décision prise à l’issue de leur réunion consacrée à la constitution du gouvernement de remplacement : « Nous sommes deux Peuls, auraient-ils dit ; pourquoi travailler pour un Soussou, se trouvant de surcroît à Lisbonne ? »

Voilà pourquoi la plupart des chefs d’État africains, qui soutenaient l’opération, s’en étaient retirés au dernier moment: ils ne comptaient que sur David Soumah en qui ils avaient placé leur confiance ; celui-ci étant exclu, ils ne se sentaient plus directement intéressés à l’organisation de l’opération, tout en espérant sa réussite.

De Dr Charles Diané (165) Sous le titre : « Charles Diané signe et persiste : Siradiou était dans le bateau », le journal L’Enquêteur reproduit l’interview du Dr Charles Diané ; celui-ci, indigné du refus des organisateurs guinéens de s’assumer, ajoute, à propos des organisateurs de l’agression : « Mais franchement là, les évènements que nous avons suivis, que nous avons créés, que nous avons faits, nous devons en être responsables ». Du Regroupement des Guinéens de l’extérieur (166). Certes, le RGE, alors en création, n’aurait pas participé directement à la criminelle agression des 22 et 23, 26 au 29 novembre 1970 en tant qu’organisation ; son premier responsable, Siradiou Diallo y aurait participé à titre personnel et à l’insu des autres membres ; mais sa section européenne, dans la lettre ouverte au secrétaire général de l’ONU, apporta son soutien au FLNG et rappela que c’était encore cette organisation qui avait organisé l’attentat de juin 1969 contre le président de la République de Guinée ; elle s’était encore réjouie, en 1976, dans sa revue, que « pour les patriotes, pour notre peuple, malgré l’effroyable tribut payé en sang et en larmes, ce jour (22 novembre 1970), marque historiquement et politiquement, une immense espérance et une grande certitude en la victoire ». Tous ces témoignages et d’autres non cités confirment cette constatation faite dès le 28 novembre 1970 par le périodique des milieux d’affaires européens, Marchés tropicaux et méditerranéens (167): « On sait, avec certitude, qu’il y a eu débarquement de commandos…que [ceux-ci] ont eu des complicités dans la place ».

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Cité in Sidiki Kobélé Keita .Des complots contre la Guinée de Sékou Touré (1958-2984) op. cit. p.89. 165 In : L’Enquêteur, n°15, 21 novembre 192002. 166 In : Guinée Perspectives universelles, op.cit. 167 Marchés tropicaux et méditerranéens, n°1307, 1970, p.3389.

166

Solidarité internationale L’agression attesta que la Guinée n’était pas isolée ; car, de partout parvinrent des messages d’indignation et de soutien. L’on n’est donc pas surpris que la communauté internationale fût presque unanime à condamner l’acte ignoble et barbare que fut une telle opération aussi suicidaire ; des délégations étrangères assistèrent à toutes les cérémonies d’anniversaire de l’opération jusqu’au décès du Président Ahmed Sékou Touré.

Organisation des Nations Unies À l’appel du gouvernement guinéen à travers son représentant aux Nations Unies, El Hadj Abdoulaye Touré, et du représentant résident de l’ONU à Conakry, Roger Polgar, le secrétaire général, U Thant, manifesta sa solidarité avec le peuple de Guinée en convoquant le Conseil de sécurité ; celui-ci, saisi aussi par la Guinée, se réunit dès le 23 novembre à 5 heures du matin et exigea le retrait des forces d’agression ; il décida de dépêcher, à Conakry, une mission d’enquête spéciale composée des représentants du Népal, de la Colombie, de la Pologne et de la Zambie ; en attendant les résultats, il exigea le retrait préalable des forces d’agression de la Guinée. U Thant envoya cette résolution à Sékou Touré. La réaction du gouvernement guinéen ne se fit pas attendre : la Guinée appréciait certes le fait que le Conseil de Sécurité de l’ONU se fût réuni aussitôt et acceptât l’envoi de cette commission ; mais c’était une « intervention immédiate des troupes aéroportées des Nations unies en vue de réduire, en coopération avec l’armée guinéenne, les derniers postes occupés par les mercenaires et chasser les bateaux des agresseurs stationnés dans les eaux territoriales » guinéennes qu’elle sollicitait et non l’envoi d’une commission d’enquête. Or, ce furent encore la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne, membres de l’OTAN comme le Portugal, qui avaient imposé l’envoi de cette mission sous prétexte de vérifier la version guinéenne des faits alors que ces pays complices voulaient laisser le temps au Portugal de retirer ses forces d’agression des eaux guinéennes et de préparer sa réplique et ses arguments pour la prochaine réunion de l’ONU : tous étaient informés de ce qui se tramait contre la Guinée, soit qu’ils aient participé aux préparatifs ou à l’exécution de l’opération à travers leurs services secrets ; ce qui a fait écrire à Berthe Schwartz que « quelque soit le rôle exact du Portugal dans l’agression dont Sékou Touré a été victime le 22 novembre, il ne fait de doute pour personne que l’OTAN trouve un intérêt stratégique très important au maintien du Portugal dans ses colonies africaines » (168). Le gouvernement guinéen laissa les envoyés spéciaux de l’ONU se livrer aux investigations souhaitées ; pour ne pas être accusé de créer des obstructions 168

In : Jeune Afrique, n°520, 22 décembre 1970, pp.21-22.

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calculées, il leur créa au contraire toutes les conditions qu’ils souhaitèrent pour effectuer correctement la mission. Séjournant du 25 au 28 novembre 1970 en Guinée, cette commission, composée de Katri (Népal), Pres Espinosa (Colombie), Jakobson (Finlande), Kuluga (Pologne) et Mwaanga (Zambie), recueillit toutes les informations, s’entretint avec tous les assaillants capturés et transmit son rapport le 3 décembre 1970 aux Nations Unies ; ses conclusions, confirmant la thèse du gouvernement guinéen et de tous les observateurs sur le terrain, furent rendues publiques le 5 décembre 1970. Le Portugal tenta d’abord de nier sa participation à l’agression, en qualifiant les accusations du gouvernement guinéen de fantaisistes ; le gouverneur de Guinée-Bissau, le général Antonio Spinola, dans une ultime et grossière tentative de diversion, déclara, le 7 décembre 1970, que la perméabilité des frontières rendait l’hypothèse crédible selon laquelle d’anciens soldats de l’armée de Guinée-Bissau auraient participé à l’action des commandos guinéens. Le Conseil de Sécurité fit siennes, le 8 décembre 1970, des conclusions de la commission établissant la responsabilité effective du Portugal (navires utilisés, transport de troupes portugaises de Blancs et de Noirs commandés par des officiers portugais blancs) ;les objectifs fondamentaux étant le renversement du gouvernement guinéen et la destruction du PAIGC; il condamna, par 11 voix et 4 abstentions, « énergiquement le gouvernement portugais pour son invasion de la République de Guinée, des importantes pertes en vies humaines et en biens causés par l’armée de l’invasion » ; exigea que le gouvernement portugais indemnisât intégralement la République de Guinée. La résolution lança « un appel à tous les États pour qu’ils prêtent une assistance morale et matérielle à la Guinée afin qu’elle renforce et étende son indépendance et son intégrité territoriale ». Seul le Dr Dianè Charles, douze et quatorze ans après la publication des conclusions officielles de la commission d’enquête que l’ONU avait dépêchée en Guinée, a osé écrire, dans sa brochure de mensonges et subjective éditée en 1982 et rééditée en 1984: « on attend encore ses conclusions, car Sékou Touré qu’elle vient enquêter a refusé qu’elle vienne enquêter » (169) ; la manipulation et le dessein de nuire sont flagrants. Comme il fallait encore s’y attendre, la solidarité intra-impérialiste prévalut chez certains membres de l’ONU : la France, tout en affirmant regretter et condamner de tels procédés, s’abstint lors du vote. Les autres membres de l’OTAN n’avaient pas caché, eux, leur soutien à l’opération et espéraient en la victoire des Portugais. Tous s’étaient également abstenus.

169

Charles Dianè.Sékou Touré et son régime. Lettres ouvertes à François Mitterrand, 2e édition.Paris, Berger-Levrault, 1984.

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Après avoir salué le message du Conseil de Sécurité et remercié tous les États membres qui lui avaient apporté leur soutien, le gouvernement guinéen répondit dans un message au Secrétaire général que c’est toute l’Afrique progressiste éprise de paix et déterminée à vivre libre et indépendante qui fut visée par l’agression de la Guinée ; estimant que les dommages moraux et matériels ne sauraient être traduits en termes financiers, le Président Ahmed Sékou Touré signifia, dans une lettre du 16 décembre 1970 au secrétaire général de l’ONU U Thant, le refus de la Guinée de toute évaluation des dommages subis par son pays décidée le 8 décembre 1970 par le Conseil de Sécurité ; le Portugal ayant attaqué la Guinée pour des raisons politiques, en l’occurrence pour son soutien au PAIGC, il affirma que la seule réparation que celle-là accepterait serait la proclamation de l’indépendance des colonies portugaises : Angola, Guinée-Bissau, Mozambique, Sao Tome et Principe. Face à la coalition d’intérêts matériels, économiques et militaires des membres de l’OTAN soutenant mordicus le Portugal, tous les pays socialistes et les forces progressistes de par le monde exprimèrent leur indignation et condamnèrent le Portugal et ses alliés de l’OTAN.

La réaction des États africains En Afrique, le Nigeria, la République arabe Unie (Égypte), l’Algérie et le Soudan, en particulier, mirent leurs forces armées en état d’alerte prêtes à intervenir aux côtés de celles de la Guinée; il en fut ainsi de la République du Mali après l’intervention pathétique du Président Moussa Traoré, à la radio nationale dès le 22 novembre 1970, demandant au peuple malien « de se considérer mobilisé » pour un soutien efficace au peuple de Guinée dont le seul tort « est de vouloir vivre libre et indépendant » (170). La Libye et l’Algérie livrèrent, en outre, un important matériel de guerre à la Guinée, etc.

La réaction des organisations africaines Le président en exercice de l’OERS, Moussa Traoré du Mali, convoqua le conseil des ministres extraordinaire de l’organisation, le 24 novembre 1970, à Conakry ; les délégués des quatre pays et le Secrétariat exécutif se retrouvèrent dans la capitale guinéenne au jour fixé et condamnèrent la criminelle invasion du 22 novembre 1970, après avoir considéré que cette attaque était « dirigée contre les quatre pays solidairement réunis au sein de l’OERS » : Mauritanie, Mali, Sénégal et Guinée. Et c’est à cette occasion que le ministre des Affaires étrangères du Sénégal reconnut que « son gouvernement savait que la Guinée allait être agressée, mais qu’il ignorait que cela fût si imminent ». Quant aux quarante et un ministres des Affaires étrangères de l’OUA réunis au National Hall de Lagos, ils consacrèrent leur 7e conseil extraordinaire du 9 au 12 décembre 1970 à cette opération barbare ; à l’issue de débats responsables, ils 170

In : La RDA, n°43, janvier 1971, pp.14-16, pp.528-562.

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adoptèrent vingt points dont quinze étaient consacrés à l’agression du 22 novembre 1970 contre la République de Guinée ; ils exigèrent, en particulier, « qu’un châtiment exemplaire soit infligé à tous ceux qui ont collaboré et perpétré l’agression contre la République de Guinée ».

Le soutien des forces populaires africaines Cette solidarité spontanée, qui se manifesta partout, n’a pas été seulement le fait des responsables ou organismes politiques, mais de la part de presque tous les peuples africains ; ceux-ci organisèrent des manifestations de soutien en faveur de la Guinée ; la jeunesse, en particulier, manifesta également sa solidarité. Un « Comité voltaïque de soutien au peuple de Guinée » se forma et organisa, le 25 novembre 1970, par exemple, un meeting avec une marche d’encouragement au peuple guinéen. En Côte d’Ivoire, les étudiants, malgré la répression violente de leur marche de protestation sur les ambassades étrangères contre cette opération, avaient envoyé un communiqué de soutien au président Ahmed Sékou Touré ; ils furent tous renvoyés de l’université d’Abidjan, le 26 novembre 1970. Or, le gouvernement ivoirien ayant nié toute participation à cette agression, prouvait, par ce geste, qu’il y avait participé d’une certaine manière et exprimait son dépit pour l’échec. Pour manifester la reconnaissance de la Guinée et la sympathie des populations guinéennes, le gouvernement annonça, dès le 27 novembre 1970, et le confirma officiellement dans un message du 5 décembre 1970 aux présidents Sangoulé Lamizana (Haute-Volta), Hamani Diori (Niger), Moussa Traoré (Mali), Hubert Maga (Dahomey) et Étienne Eyadema (Togo) qu’il accordait des bourses à tous les étudiants renvoyés de l’Université d’Abidjan et qui voulaient poursuivre leurs études dans le pays de leur choix. Le soutien malien a particulièrement impressionné les Guinéens. Aussi, Ahmed Sékou Touré profita-t-il de toutes les occasions pour le citer en exemple et féliciter le peuple malien pour avoir correctement fait son devoir : « Je dois parler ici de façon singulière de la proclamation à la Nation qui a été faite par le frère Moussa Traoré. Je sais que le peuple malien est inconditionnellement lié au Peuple guinéen, mais je ne savais pas que la disponibilité du Peuple malien l’amènerait instantanément à proclamer l’état de guerre et l’engagement immédiat à nous aider. Rien que cela aurait suffi à convaincre le peuple (de Guinée) de la victoire ».

Les pays arabes Les pays arabes manifestèrent également leur solidarité; le Koweït, en particulier, remit un chèque de dix mille dollars à l’ambassadeur de Guinée à l’ONU, El Hadj Abdoulaye Touré, qui le remit aussitôt au gouvernement.

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Les pays européens En Europe, seules les forces progressistes et les démocrates soutinrent le peuple de Guinée dans la dure épreuve qu’il traversait. La Yougoslavie octroya une aide alimentaire et en médicaments de plusieurs milliers de dollars. Les forces de droite en France, en particulier les cadres des anciennes sociétés de traite opérant en Guinée avant la nationalisation de l’économie, regrettèrent l’échec ; les services spéciaux occidentaux, tous impliqués dans les différentes actions de déstabilisation de la Guinée, se sentirent humiliés et s’attelèrent à élaborer d’autres opérations.

La culpabilité de l’Allemagne Fédérale stigmatisée Mais le PDG et le gouvernement guinéen en voulurent particulièrement à l’Allemagne fédérale dont la culpabilité fut stigmatisée. Ils la soupçonnèrent surtout de vouloir combattre le régime guinéen depuis que les gouvernements guinéen et est-allemand avaient décidé d’établir les relations diplomatiques et donc d’élever leurs consulats généraux au rang d’ambassades à partir du 9 septembre 1970 : le gouvernement de la République Fédérale d’Allemagne avait regretté cet acte dès le 10 septembre 1970 et le porte-parole de son ministère des Affaires étrangères avait affirmé que cette décision était préjudiciable aux relations amicales existant entre les deux pays et entre les deux peuples ; il précisa même que « le gouvernement de Bonn étudiera en détail les conséquences à tirer de l’attitude du gouvernement guinéen ». Pire, un agent du BND en poste à l’ambassade de la RFA à Conakry, en contact avec un militaire guinéen travaillant à la Présidence, fournissait tous les renseignements pour la réussite de l’opération à envisager Ernesto Lopès Ramos, le collaborateur le plus immédiat et l’homme de confiance de Barbieri Cardosa, chef des renseignements pour les territoires d’outre-mer (colonies africaines du Portugal). L’échec de l’agression du 22 novembre 1970 provoqua la rupture des relations diplomatiques entre l’Allemagne et la Guinée sur initiative des Autorités guinéennes. Mais pour continuer son travail d’espionnage en Guinée, le gouvernement allemand affecta un des éléments du BND à l’Ambassade d’Italie à Conakry, chargé des affaires allemandes en Guinée. Par ailleurs, son ambassadeur à Lisbonne l’aurait convaincue d’une victoire certaine ; mais dès qu’il apprit que l’opération avait lamentablement échoué, il aurait fini par se suicider avec son épouse ; en outre, à Bonn une émission spéciale de télévision aurait été préparée sur la fin du régime guinéen ; il faut également noter qu’un de ses ressortissants dénoncés, Hermann Seibold, directeur de l’ École de Dabadou (kankan) chez qui on a trouvé de nombreux documents, dont une lettre de Nabi Youla, avait préféré se suicider. Il est donc difficile d’innocenter ledit gouvernement qui était par ailleurs en rapports constants avec les ressortissants allemands en Guinée et dont l’une des fondations, Otto Beneke, a joué un rôle très important dans l’utilisation des boursiers guinéens dans diverses structures subversives contre la Guinée.

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Le sort des étrangers L’agression n’épargna pas les étrangers puisqu’on en compta trois morts dont le deuxième secrétaire d’ambassade de la République démocratique allemande et huit blessés. Enfin, le gouvernement guinéen dut prendre un certain nombre de mesures judiciaires ou politiques à l’encontre de ceux d’entre eux qui étaient impliqués dans l’horrible opération : arrestation de certains et expulsion d’autres ; un communiqué annonça la rupture des relations diplomatiques avec la République fédérale d’Allemagne le 28 janvier 1971. La tentative d’accuser l’Allemagne démocratique d’avoir fourni de fausses informations aux autorités guinéennes ne convainquit pas, quand bien même celle-là aida le peuple de Guinée. Seul le Dr Milke, représentant de la Fondation Fredrick Ebert en Guinée, qui travaillait avec l’INRDG dans le domaine de la formation et dont le comportement exemplaire était connu de tous, échappa à l’expulsion ; mais nous lui avions conseillé de rejoindre les autres Allemands en attendant que les relations normales soient rétablies entre les deux pays, ce qu’il fit : nous accompagnerons, tristement, la famille à l’aéroport Gbessia.

L’opinion publique insensible à la campagne d’intoxication des organisateurs de l’agression Étant donné l’ampleur des réactions de désaveu et de condamnation internationale, l’ opposition guinéenne et ses alliés entreprirent une intense campagne de désinformation et d’intoxication, démentirent la véracité de l’agression, véhiculèrent des affabulations invraisemblables et grotesques. C’est Jeune Afrique, spécialiste en la matière, qui publia dès le 8 décembre 1970 un article fondamentalement mensonger, mais non signé et intitulé : « J’ai participé au débarquement de Conakry » (171) ; tous les observateurs sérieux l’attribuèrent immédiatement à Siradiou Diallo, alors directeur adjoint de ce périodique: il avait participé activement aux préparatifs, à l’entraînement des envahisseurs à l’Ile Soga et à l’exécution de l’opération qui avait lamentablement échoué. Ayant encore besoin des autorités portugaises, il chercha à les innocenter en affirmant, contre l’évidence, que l’agression avait été organisée à partir de la Sierra Leone ; personne ne prit cette diversion au sérieux. Aussi, le PDG traita-t-il son journal de « servile porte-parole rétrograde et dangereusement réactionnaire », qui se serait « spécialisé dans le mensonge grossier, dans la déformation des faits et se plaît dans la confusion pour camoufler son option et son orientation insolemment antiprogressistes » (172). Le démenti cinglant du gouvernement de la Sierra Leone vint confondre l’auteur de l’article et son périodique, pris, comme d’habitude, en flagrant délit de mensonge. 171 172

In : Jeune Afrique, n°518, 8 décembre 1970, pp.21-22. A.PDG.BPN.Agression du 22 novembre 1970. Réactions.

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Il faut également préciser que selon Alpoim Calvão, Siradiou Diallo s’était fait passer pour le correspondant de Jeune Afrique au cours de l’agression et que c’est un personnage qui lui paraissait « hautain ». L’opération ayant lamentablement échoué, il tentait de prouver qu’il ne joua que le rôle de journaliste, mais sans signer l’article puisque c’était faux. Il tenta, tout au long de sa vie, de nier sa participation à cette agression ; mais tout milite encore contre lui, car les accusations lancées de son vivant se sont amplifiées et sont aujourd’hui confirmées par ses complices immédiats, y compris les Portugais. D’autres articles furent également publiés sur commande soit pour nier l’acte, soit pour le minimiser ; l’emploi du mot débarquement et non celui l’ agression fut même privilégié depuis lors par l’opposition guinéenne impliquée dans cette ignoble opération, comme si les assaillants étaient des alliés du régime venus aider la Guinée contre ses envahisseurs; comme si la substitution de mot excusait les auteurs des morts et blessés, et des dégâts matériels importants enregistrés lors de cette opération injustifiée et injustifiable.

Dénonciation préventive de l’agression En fait, les autorités guinéennes avaient infiltré les milieux guinéens de l’extérieur ; les éléments récupérés leur rendaient régulièrement compte des activités subversives des opposants: c’est ainsi que le Parti consacra, en août 1973, un numéro spécial de la revue RDA (173) comportant une bonne partie de leurs archives (manuscrits et imprimés), des télégrammes, lettres, procèsverbaux de réunions, lettres - circulaires, etc. De même Émile Cissé, l’un des responsables du FLNG en Guinée qui donnait l’impression de servir la cause de la révolution, croyait pouvoir manipuler le président Ahmed Sékou Touré en affirmant avoir infiltré l’opposition de l’intérieur au profit de la Révolution. D’autres sources de renseignements fournis par des amis du gouvernement guinéen, tel ce commissaire de Police sénégalais qui, de Kaolac aurait adressé, au gouvernement guinéen, une copie du rapport qu’il avait fait parvenir à ses chefs hiérarchiques sur l’état d’avancement des préparatifs de l’opération contre la Guinée dans sa localité. La Guinée était donc plus ou moins informée de ce qui se tramait contre elle. Aussi, le gouvernement et le parti dénonçaient-ils préventivement les opérations de déstabilisation dès que les autorités recevaient quelques éléments d’information plus ou moins fiables sur les agissements de ses opposants.

Les précautions militaires tardives prises par le gouvernement et le Parti Toutes les formes de complot ayant échoué, les autorités guinéennes étaient convaincues que les « opposants » guinéens et leurs alliés auraient recours à une action armée, l’agression, comme la solution finale, pour reprendre l’expression 173

In : La RDA, n°69, août1973.

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de John Mamadou Bérété. La sécurité aux frontières étant assurée, l’attaque serait aéroportée. C’est pourquoi elles acceptèrent de transférer les prisonniers portugais de l’intérieur du territoire dans les prisons du PAIGC à Conakry sur insistance de l’organe dirigeant de ce mouvement : il fallait éviter le bombardement, par les ennemis, de quelques villes ciblées de l’intérieur, en particulier Mamou où se trouvaient lesdits prisonniers; on déplaçait aussi, chaque jour et nuitamment, les avions MIG qui étaient aussi visés. Ainsi, sans en connaître la date exacte, les autorités guinéennes voulaient dissuader les organisateurs d’une éventuelle agression militaire. D’où les dénonciations déjà citées, relatives en particulier à l’existence de camps d’entraînement de mercenaires guinéens et étrangers en vue d’attaquer la Guinée. La communication du 2 octobre 1970 devant les Nations unies affirmait que « ces préparatifs qui se déroulent dans des camps d’entraînement spéciaux en Guinée –Bissau comportent la formation militaire d’Africains apatrides… et de mercenaires blancs en vue d’envahir le territoire national guinéen » (174). Presque un mois après cette intervention, recevant les membres du Conseil national des jeunes à l’issue de leurs travaux, Ahmed Sékou Touré leur rappelait, le 6 novembre 1970, qu’au même moment les mercenaires se préparaient en Guinée-Bissau, malgré les multiples dénonciations. Ces dénonciations préventives ne furent jamais prises au sérieux par l’opinion publique internationale. Comme toujours, on cria au scandale, on parla de complot imaginaire, de complotite obsessionnelle, etc. Devant cette indifférence, d’autres dispositions de défense étaient en cours de préparation au niveau des camps militaires (réunions d’information, programmation des tirs d’essais et vérifications des armes placées le long des côtes de Conakry, etc.) quand survint l’ignoble agression.

L’attitude coopérative de la Gambie et du Libéria Or, en septembre 1970, on eut une première preuve du bien-fondé de ces dénonciations préventives. Elle venait de Gambie. Bien qu’il n’existât pas de convention d’extradition entre la Guinée et la Gambie, celle-ci estima que l’agression contre un pays africain de surcroît voisin était condamnable ; tolérer le recrutement de mercenaires sur son territoire était inadmissible et répréhensible. Aussi, dès qu’elles furent saisies, le 29 septembre 1970, par l’Ambassade de Guinée d’un message, qui révélait des preuves portées à la connaissance de l’ Ambassade de l’existence, sur le sol gambien, d’un groupe d’individus recrutant des Guinéens pour un entraînement militaire en Guinée-Bissau en vue d’une attaque contre la Guinée, les Autorités gambiennes procédèrent aussitôt à des enquêtes minutieuses et découvrirent la véracité des faits : un groupe de trente-huit membres du FLNG, des mercenaires et non des

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In : Horoya-hebdo, n°96, 14-20, novembre 1970,p.79.

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« saisonniers » (175) furent arrêtés à Brufut, le 30 septembre 1970, et aussitôt jugés en flagrant délit : lesdits mercenaires s’apprêtaient à partir à l’Ile Soga (Guinée-Bissau), lieu d’entraînement de tous les mercenaires recrutés pour l’ agression contre la Guinée. À l’issue du procès qui se déroula du 6 au 8 octobre 1970, le Tribunal de Banjul (Bathurst) les condamna à des peines diverses : Samba Diallo et Boubakar Ba, les principaux responsables du groupe, à deux ans de prison dont neuf mois d’emprisonnement pour situation irrégulière et quinze mois pour « organisation d’une expédition contre un pays ami ». Ils avaient reconnu, à l’audience, avoir organisé une expédition pour se rendre en Guinée et renverser le régime. Ce sont leurs aveux qui sont à l’origine de la clémence du Tribunal. Trente-cinq autres à neuf mois chacun pour situation irrégulière ; un seul fut acquitté. Après avoir purgé leur peine en Gambie, les trente-huit condamnés furent expulsés en Guinée. Il en fut de même du Libéria qui n’avait signé aucune convention d’extradition avec la Guinée : il n’hésita pas cependant à livrer le soldat portugais Francisco Gomez Marquèsqui avait été pris dans ses eaux après l’agression contre la Guinée et remis au gouvernent guinéen.

La complicité du gouvernement sénégalais Il n’en fut pas de même avec le gouvernement sénégalais auquel le gouvernement guinéen reprochait de laisser les opposants guinéens organiser les mouvements subversifs contre la Guinée à partir de ce territoire, depuis la proclamation de son indépendance. Et pour ne prendre que l’exemple de l’agression de novembre 1970, les Autorités guinéennes notèrent, entre autres, deux faits qui eurent lieu avant l’agression du 22 novembre 1970: En premier lieu, les Autorités sénégalaises avaient reçu un exemplaire du rapport du commissaire de Kaolack qui signalait un certain nombre d’évènements troublants : l’agitation inhabituelle des membres du FLNG, les vaet-vient des Guinéens réfugiés dans sa zone, informations vérifiées de l’état avancé des préparatifs militaires de l’agression en Guinée sous domination portugaise contre la République de Guinée ; il en informa aussitôt le gouvernement sénégalais par son ministre de tutelle, le ministre de l’Intérieur. En second lieu, le commissaire de police signala les missions effectuées par les membres du FLNG en Gambie et en Guinée-Bissau, les transports d’armes, munitions et d’argent entre Dakar et les autres villes du Sénégal où se trouvaient d’autres opposants au gouvernement guinéen. Selon une source proche de la 175

Alsény René Gomez, op.cit., p.42.

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présidence de la République de Guinée, ce commissaire fournit, le 10 août 1970, d’autres précisions relatives aux sources de financement, la complicité de certains collègues chefs d’État, dont Senghor lui-même, les dates probables de l’opération (1er octobre ou 21 novembre 1970) et les moyens dont disposaient les agresseurs. Il n’y eut aucune réaction du côté sénégalais. Tout en étant convaincu que l’information a été bien donnée par le commissaire à son gouvernement, que l’ agression en cours de préparation ne faisait aucun doute et que la complicité du gouvernement sénégalais était avérée, le gouvernement guinéen préféra attendre, tout en se préparant discrètement, convaincu que ses ennemis n’auraient pas eu l’outrecuidance de s’attaquer à la Guinée après la campagne de dénonciations préventives. Malheureusement, l’agression se produisit avec son cortège de morts, de blessés et de dégâts matériels considérables. Et même quand il reconnut les faits signalés, le gouvernement sénégalais ne fut pas conséquent puisqu’il préféra finalement expulser trente-six partisans d’Ahmed Sékou Touré signalés par l’opposition comme étant les informateurs du gouvernement guinéen et les partisans fieffés du chef d’État guinéen au Sénégal. Et si l’on en croit leur porteparole, ces expulsés avaient été arrêtés les 1er et 2 février 1972 : certains au travail, d’autres à la mosquée ou à domicile, et renvoyés en Guinée.

Les ragots diffusés sur Ahmed Sékou Touré Plus stupide était l’affirmation insensée de ragots selon lesquels - 1°le Président Ahmed Sékou Touré était complice des Portugais et du FLNG ; - 2° c’est lui, au lieu de la hiérarchie militaire, qui serait en possession de la clé de l’armurerie. Ce qui constitue un acte de défiances à l’ égard de celle-ci ; - 3°Il se serait prosterné devant cette hiérarchie militaire venue le voir pour recevoir les directives dès l’agression ; lui, pensant que l’État-major était venu le mettre en état d’arrestation, suite à un coup d’État. Il est évident que ceux-là seuls que la manifestation de la vérité gênerait étant, pour la plupart, impliqués directement ou indirectement dans les complots dénoncés, se complaisent encore dans l’affabulation ou dans la pratique de la diversion que constituent ces ragots. Ils spéculent sur la démesure de ces ragots pour les rendre plus vraisemblables. - 1. La prétendue complicité de Sékou Touré avec le Portugal Les confusionnistes manquant d’arguments firent d’abord répandre le bruit que Sékou Touré a été complice des envahisseurs du fait qu’il aurait été averti, et pire, négocié l’agression et n’aurait pris aucune disposition de défense. Comment peut-on accuser les autorités guinéennes d’être des complices des Portugais et du FLNG alors qu’elles n’ont pas attendu l’agression du 22 novembre 1970 pour dénoncer le colonialisme portugais et saisir l’ONU contre les agissements criminels de ses forces armées coloniales ? C’est ainsi que le

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Conseil de Sécurité de l’ONU examina, en décembre 1969, une plainte de la Guinée contre le Portugal ; de l’examen minutieux du dossier, il adopta, le 22 décembre, par neuf voix et six abstentions, une résolution dans laquelle il déplora « profondément les pertes en vies humaines et les dégâts considérables infligés à plusieurs villages guinéens par les autorités militaires portugaises opérant à partir des bases situées en Guinée-Bissau » ; il menaça le Portugal de sanctions en cas de récidive et exigea la libération immédiate de l’avion civil capturé le 26 mars 1969 et ses pilotes, le chaland guinéen « Patrice Lumumba » et ses passagers, que le capitaine Alpoim Calvão nous affirma avoir capturé le 27 août 1969. Il suffit de rappeler aussi les dénonciations des 19, 25 et 26 juillet, du 26 septembre, du 1er octobre 1970. Le 2 octobre 1970, c’est le chef de la délégation guinéenne à la session de l’Assemblée générale de l’ONU, Damantang Camara, Secrétaire d’État aux Affaires étrangères, qui accusa officiellement le Portugal, qui le démentit, de préparer une agression militaire contre la Guinée. Pour revenir à cette accusation : - Pourquoi le Portugal discrédité, acculé et condamné par la communauté internationale (Conseil de Sécurité de l’ONU, Conseil des ministres de l’OERS, de l’OUA, forces progressistes de par le monde, etc.) et insulté à longueur de journée par les Autorités guinéennes, n’a-t-il jamais répliqué ni à l’ONU, ni devant son parlement en faisant état du prétendu accord passé avec le Président guinéen et Amilcar Cabral justifiant sa participation à l’agression ? - Pourquoi le capitaine Alpoim Calvão, chef des opérations militaires, n’y fait-il pas allusion ni dans son ouvrage, publié en 1976, ni même lors de notre entretien le 10 août 2004 à Bissau? Parce que, m’avait-il dit, « c’est de l’imagination délirante des Guinéens» (176) ; il insista, à plusieurs reprises, sur le fait qu’il n’y eut aucun contact avec les Autorités guinéennes avant l’agression : «vos responsables nous étaient franchement hostiles », conclut-il. En effet, nous avons eu l’opportunité de rencontrer cet officier, de lui poser des questions sur l’agression du 22 novembre 1970 et sur les affabulations que véhiculent encore les opposants historiques et certains qui se disent victimes du camp Boiro ; trois heures et demie d’entretien décrypté. Ses réponses ont été cinglantes : celle en particulier concernant la prétendue complicité du président Ahmed Sékou Touré et des causes de cette agression sus-abordées. Enfin, selon Alpoim Calvão, les Portugais comptaient effectivement sur des complices intérieurs. C’est dire que des témoignages donnés dans certains ouvrages ou articles de presse se révèlent tout à fait faux, en particulier ceux donnés par Alpha Abdoulaye Portos Diallo dans son livre La Vérité du Ministre, qui a voulu prendre sa revanche par l’écriture ; repris, sans discernement, par Alsény René 176

Sdiki Kobélé Keita .Interview d’Alpoim Calvão.Op.Cit.

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Gomez, pour prouver, non son innocence, mais le caractère dictatorial de l’ancien régime et le caractère arrangé de l’agression du 22 novembre 1970 par le Président Ahmed Sékou Touré. En fait, cette fable est un simple procédé de diversion. Car, prouver leur innocence aurait dû être la préoccupation essentielle des détracteurs de Sékou Touré, en particulier Alpha Abdoulaye Diallo Porthos et Alsény René Gomez, même s’ils ont été privés déjà de leur liberté pendant des années ; ne pouvant certainement pas supporter une condamnation universelle définitive, ils ont toujours combattu le principe de débat national, public et contradictoire. - 2. Les clés de l’armurerie se trouveraient avec le Président Ahmed Sékou Touré Nombre d’auteurs ont repris cet autre ragot dans La vérité du Ministre (177) : les clés de l’armurerie militaire se trouvaient avec Sékou Touré au moment de l’agression alors qu’il est prouvé que les officiers supérieurs venus du camp Almamy Samory Touré ne s’étaient jamais rendus à la Présidence avant le meeting que le Président préparait, que des armes se trouvaient effectivement avec eux, au camp et qu’ils cherchaient, au moment et après l’agression , à assurer, au contraire , leur sécurité personnelle et non à aller à la Présidence. En tout état de cause, cette légende, largement répandue par les détracteurs du chef de l’État guinéen pour expliquer la paralysie de l’armée au moment de l’agression est largement démentie aujourd’hui par des témoins plus crédibles. « C’est archi-faux, soutient, par exemple, Youssef Attaher Maïga : Toute la hiérarchie militaire avait trahi, sauf Lansana Conté qui participa à la défense de la centrale électrique de Coronthie; les autres étaient dans les combines.

C’est Alsény René Gomez qui le dit dans son livre : « la consigne était claire et simple : en cas d’alerte, tout le monde devait se retrouver au camp Samory pour le regroupement et la distribution des armes » (178). Mais dès l’attaque, la hiérarchie s’était réfugiée en lieux sûrs », hors du camp. Les soldats qui étaient en ville croyaient qu’en rentrant au camp, les sentinelles les avertiraient d’un danger éventuel ; ils furent froidement abattus par les mercenaires à l’entrée du camp parce qu’il n’y avait personne au portail ; s’étant déjà caché, aucun élément de la hiérarchie militaire ne reçut une balle perdue. Alsény René Gomez nous apprend aussi que l’officier Kaba 41 Camara ayant fait remarquer « le danger d’une telle disposition » (179), « la hiérarchie militaire le lui aurait fait savoir quelques mois plus tard avec un ticket pour le camp

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Alpha Abdoulaye Diallo. La Vérité du ministre…Paris, Edition Calmann-Lévy, 1985. Alsény Rné Gomez, op.cit.,p35. 179 Idem. 178

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Boiro » (180). Kaba 41 ne devrait donc s’en prendre qu’à cette hiérarchie militaire et non à Sékou Touré! Mais c’est surtout le témoignage spontané et indigné du capitaine Thiana Diallo, dont le courage admirable et désintéressé dans la défense des camps militaires, en particulier, qui mérite d’être signalé : « Ce qu’on raconte pour les clefs, c’est faux ; c’est l’adjudant-chef Dobo Sovogui, ancien préfet de Coyah et de Macenta, après le 3 avril 1984, qui détenait les clefs du magasin d’armes du camp Alpha Yaya Diallo au moment de l’agression du 22 novembre 1970 et non le président Ahmed Sékou Touré; à preuve, arrivé à ce camp, j’ai dû le menacer de le mitrailler pour qu’il me l’ouvre ; il a tellement cru en ma menace qu’il fit trois pas en arrière avant de vite me tourner le dos pour ouvrir les magasins et me permettre de me doter de munitions appropriées » (181) ; Thiana Diallo a repris ce témoignage le 22 novembre 2008 à Djoliba mémoire, une des excellentes émissions de feu Sékou Madi Traoré diffusées par la radio privée Soleil. Il faut préciser que les armes les plus importantes de l’armée guinéenne se trouvaient au camp Alpha Yaya Diallo et non au camp Almamy Samory Touré où la hiérarchie militaire, dont parlent Abdoulaye Diallo Porthos et Alsény René Gomez, disposait, cependant, d’une quantité d’armes nécessaires au camp et qu’elle aurait pu efficacement utiliser si la complicité n’était pas profonde. ; et c’est un officier supérieur, futur membre du CMRN, qui s’opposera à leur distribution aux militaires. - 3. La prétendue prosternation d’Ahmed Sékou Touré devant une hiérarchie militaire qui se révéla complice Selon les détracteurs, en particulier Porthos et Gomez, quand la hiérarchie militaire, conduite par le général Noumandian Keïta, était venue demander la clé de l’armurerie au président Ahmed Sékou Touré, celui-ci aurait supposé un coup d’État et l’aurait suppliée de ne pas l’humilier, mais de le tuer. Ils citent même El Hadj Sinkoun Kaba, qui aurait reproché à ces officiers de n’avoir pas fait un coup d’État et arrêter le leader guinéen ; il aurait ajouté : « maintenant, il vous tuera tous ! Il n’épargnera aucun de vous » (182). « Quelle imagination fertile! », s’exclamerait le capitaine Alpoim Calvão, tellement que le mensonge est grossier. El hadj Sinkoun Kaba entretenait avec Ahmed Sékou Touré auquel il avait donné Andrée Kourouma en mariage, des rapports de confiance et d’estime connus de tous; on est donc stupéfait de lire de telles fables injurieuses et criminelles à propos de cet homme de Dieu dont la loyauté n’a jamais été démentie.

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Ibidem, p.36. Témoignage du commandant Thiana Diallo, le 30 novembre 2007. 182 Alsény René Gomez, op.cit. , P.p36-37 et Alpha Abdoulalaye, op. cit. , p.23. 181

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Sidi Diarra, un ancien prisonnier du camp de la Garde républicaine dans le cadre du « mouvement subversif des enseignants », se souvient, par exemple, que c’est grâce au Vieux Sinkoun Kaba qu’ils purent récupérer leurs lits et couvertures, alors qu’un membre du Bureau politique national du PDG, qui les retrouvera ensuite dans les cellules de ce camp , avait donné la consigne aux gardes de les leur retirer et de les priver de tous les autres avantages : ils dormirent ainsi sur des nattes pendant trois ans. Le mensonge véhiculé par Alpha-Abdoulaye Diallo Portos et repris par Alsény René Gomez, a tout simplement paru, à certains, méprisable. D’où les réactions indignées de Sinkoun Kaba fils et de Hadja Andrée Touré, épouse d’Ahmed Sékou Touré. Sinkoun Kaba fils (183) soutient que cette thèse est fausse; « c’est une pure invention de Porthos (qui connaissait les relations intimes du général avec mon père et qui en a profité pour attribuer cette affabulation à celui-ci puisqu’il ne vit plus pour le démentir ou le confirmer) ; le général Noumandian Keïta était effectivement un ami d’enfance de mon père ; il venait souvent passer la journée à la maison, surtout que mon père était retraité depuis 1969 ; il avait donc le temps pour ses visiteurs; mon père me tenait informé de l’objet de leur entretien ; mais il n’avait jamais été question, m’avait-il dit après l’arrestation du général, de certaines turpitudes de l’agression au cours de leur conversation, en particulier celle que l’auteur lui attribue; le général a été arrêté après qu’il ait quitté chez nous pour le camp où il habitait et où il fut appréhendé ; je me souviens de cette réflexion de mon père l’entendant à la radio lors de sa déposition : « Qu’est-ce qu’il attend encore de la vie, à cet âge-là ? Il est militaire et général, pourquoi, quand on est venu pour l’arrêter, il ne s’est pas envoyé une balle dans la tête ? ». Hadja Andrée Touré (184), qui a été un témoin privilégié de l’opération, a marqué également son mépris quand elle a entendu cette version ridicule, surtout qu’elle connaissait l’auteur de cette affabulation : « Pa ! Pa ! Quel mensonge ! C’est dommage qu’il en soit encore là. Non, ce n’est pas vrai ; ce n’est pas vrai du tout ; je peux le jurer sur le Coran », fut sa réaction à ma question relative au fait que Sékou Touré se serait prosterné devant la hiérarchie militaire quand celle-ci vint lui demander la clé de l’armurerie. Et puis, le monde entier sait que Sékou Touré, trop fier, ne s’était jamais prosterné, même devant le général de Gaulle; ce n’est donc pas devant une hiérarchie militaire qu’il avait mise en place par nomination et non par mérite sur le terrain, qu’il connaissait donc parfaitement et dont il est d’ailleurs désormais prouvé que certains de ses membres complotaient depuis fort longtemps contre le régime, qu’il se serait prosterné. 183

Témoignage de Sinkoun Kaba fils, fonctionnaire à la retraite, Conakry, le 25 janvier 2008. Témoignage de Hadja Andrée Touré, épouse de feu Président Ahmed Sékou Touré, Conakry, le 22 janvier 2007. 184

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Jean-Faragué Tounkara nous l’avait confirmé : cela n’est pas possible. La fable de prosternation du président Ahmed Sékou Touré ne tient pas la route. Il est également établi que certains officiers n’avaient pas ménagé Kaman Diaby quand celui-ci fut arrêté et qu’ils se rendirent au camp Boiro pour le lui manifester; d’autres, les plus hargneux, furent de véritables complices des assaillants du 22 novembre 1970 ; d’où la facilité avec laquelle certains membres du gouvernement constitué par le FLNG ont pu séjourner au camp Almamy Samory Touré et en repartir à temps. Selon, ceux qui étaient dans l’intimité du pouvoir à l’époque et qui connaissaient bien El hadj Sinkoun Kaba, la hiérarchie militaire n’était jamais venue voir Sékou Touré pour une quelconque clé d’armurerie : leurs membres cherchaient plutôt à sauver leur tête ; les mercenaires, ayant pris le camp, ne faisaient pas dans la dentelle. Aussi, certains officiers guinéens étaient-ils blottis, à un moment donné, dans des petites caches du camp ou dans les grottes de la corniche, alors que d’autres se battaient courageusement en ville aux côtés des miliciens, particulièrement à la Centrale de Tombo qui ravitaillait toute la ville en courant et où les envahisseurs dirigés par le mercenaire Mamadou Thiam Camara avaient tout coupé plongeant la ville dans l’obscurité afin d’empêcher ou retarder la mobilisation populaire; le commandant Thiana Diallo le constata quand il se rendit au camp Almamy Samory Touré pour participer à la liquidation des dernières poches de résistance. Selon Hadja Andrée Touré, épouse du feu le Chef de l’État, le général Noumandian Keïta était effectivement venu voir le Président le matin où devait se tenir le premier meeting au Palais du Peuple, après l’ agression ; mais c’était pour faire le point de la situation ; c’est elle qui avait accepté de le prendre dans sa voiture pour cette réunion ; « je crois qu’il se rendait compte qu’il était déjà pris dans l’ étau , dit-elle; il était entré dans le bureau du Président, il en était sorti ; il était encore rentré, il en était encore ressorti ; je n‘ai pas assisté à cet entretien, je ne sais donc pas ce que les deux hommes s’étaient dit , mais je sentais que le général Noumandian Keïta était de plus en plus inquiet ; le Président était descendu de son Bureau et nous avait dit : « on va au Palais du Peuple » ; mais le vieux était complètement paniqué ; il est venu à côté de moi en me disant ; « ma fille, tu peux m’emmener ? ». Je lui ai répondu : « il n’y a aucun problème » ; il est entré dans ma voiture et nous sommes allés au Palais ; quand le Président expliquait la situation, en particulier la complicité dont les assaillants avaient bénéficié, j’étais en face du général ; je le voyais se décomposer ». - 4. La légende du fils du maire de Lisbonne arrêté par le PAIGC Alsény René Gomez fait partie de ceux qui ont tenté de reprendre ou d’inventer cette troisième ineptie, pour salir la mémoire de Sékou Touré. En effet,

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a/ Dans le premier manuscrit qu’il nous avait offert en 1993, Alsény René Gomez avait indiqué que le motif de l’agression du 22 novembre 1970 serait le suivant : « selon un marché de dupe conclu entre Sékou Touré et les autorités du Portugal, il est convenu que celles-ci pouvaient venir chercher le fils du maire de Lisbonne retenu en Guinée depuis fort longtemps par le PAIGC ». b/ Dans notre interview parue, en 2006, dans le journal Le Diplomate (185), nous avions rapporté quelques propos d’Alpoim Calvão relatifs à certaines légendes répandues à dessein ; nous avions évoqué en particulier celles relatives à Sékou Touré; voici la substance de certaines des réponses qu’il nous avait données à Bissau le 10 août 2004 à propos de la légende du « fils du maire de Lisbonne »: Kobélé : "On dit que Sékou Touré était en complicité avec le Portugal pour que vous attaquiez la Guinée. Est-ce vrai ?" Calvão avait éclaté de rire avant de répondre : " Non, ce n'est pas vrai ; c'est de l'imagination délirante". Kobélé : " Il paraît que les Portugais venaient libérer le fils du maire de Lisbonne prisonnier du PAIGC et que…". Nous n’avions pas eu le temps de terminer notre phrase quand Alpoim Calvão nous interrompit par un autre éclat de rire : "Non, non ; ce n'est pas vrai ; je me trouvais avec les prisonniers portugais que nous avions libérés ; il n'y avait aucun fils d'un homme important portugais parmi eux ; le prisonnier le plus emblématique était Robato, aviateur portugais capturé en Guinée-Bissau ; il avait fait plus de sept ans de prison à Conakry. Non, ce n'est pas vrai; la libération de la trentaine de nos prisonniers faisait partie des 25 objectifs que nous avions finalement retenus sur les 250 prévus" (186). Ce qui détruit l’argument de certains négationnistes intéressés : la mention n’est faite nulle part de la libération du fils du Maire de Lisbonne ; celui-ci n’avait jamais été d’ailleurs appréhendé nulle part en Guinée-Bissau par le PAIGC : il vivait tranquillement chez lui, si tant est que ce maire ait même eu un fils. S’étant rendu compte que la fable du fils du maire ne résiste à aucune analyse objective des faits, Alsény René Gomez n’en parle plus dans son livre , mais de « pilote d’un avion portugais » ; il se trouve, précise-t-il que c’était le fils d’une personnalité très en vue à Lisbonne », sans autre précision; mais l’arrangement argumentaire est tellement inconsistant qu’AlsényRené Gomez évoque « de source digne de foi » ; source qu’il ne nomme pas parce que c’est une source inventée pour masquer tout simplement le mensonge: il avait lu notre entretien avec Alpoim Calvâo dans le journal Le Diplomate, un entretien vérifiable, donc irréfutable. Le capitaine est formel : il n’y avait le fils d’aucune personnalité 185 186

In : Le Diplomate, n°127, 1er mars 2005, p.8 ; Voir photo infra, p.

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portugaise en vue parmi les vingt-six prisonniers portugais libérés; la légende a été inventée par des éléments de la 5e colonne guinéenne pour couvrir leur criminelle forfaiture. - 5. Pourquoi Sékou Touré n’a jamais envisagé un jour l’hostilité du peuple de Guinée à son égard ?

« Le peuple en avait assez de Sékou Touré » fait partie des arguments avancés par l’opposition pour convaincre les Portugais. Or, presque tous les Guinéens, sans aucune distinction, étaient armés au moment de l’agression ; Jacques Foccart en était même inquiet et craignait une guerre raciale: « dans l’affolement du débarquement portugais, on a distribué des armes à tout le monde. On n’a pu les récupérer, et elles sont parties en brousse » (187), écrit-il. Les mécontents pouvaient donc, à tout moment, tirer sur le président Ahmed Sékou Touré, surtout que celui-ci conduisait très souvent la voiture de commandement à travers la ville ; le jour de l’agression aucun des miliciens ne s’était présenté aux deux camps pour s’armer ; tous avaient leurs armes et munitions ; ils ne les prirent que pour tirer sur les mercenaires. Le président Ahmed Sékou Touré n’avait donc pas peur d’être humilié devant son peuple : ceux qui auraient tenté de l’abattre auraient été liquidés sur le champ par les populations. Le réflexe de peur ne pouvait animer le Président qui avait toujours pensé qu’il n’était en sécurité qu’au sein de ce peuple ; que c’est en dehors de celui-ci qu’il était en danger et non en son sein.

La décapitation du PDG, l’un des objectifs essentiels de l’agression La liquidation physique du Président Ahmed Sékou Touré et de ses collaborateurs immédiats, Saïfoulaye Diallo et Lansana Béavogui, était, entre autres, l’un des objectifs essentiels de l’agression du 22 novembre 1970 : les assaillants étaient convaincus qu’en les liquidant, le remplacement du régime aurait été très rapide. Le leader guinéen échappa de peu aux agresseurs et à leurs complices intérieurs : la présence insolite et tardive dans la nuit du 21 au 22 novembre, vers 22 heures, d’un ministre guinéen qui n’avait pas l’habitude de lui rendre visite à la villa de Belle-vue (sa résidence officielle) et qui ne cessait d’arpenter, depuis des heures, la zone, l’avait instinctivement incité à rejoindre immédiatement son bureau au Palais où ce ministre rejoindra les autres cadres. Et quand se produisirent les premières attaques, Ahmed Sékou Touré se retira, sur insistance de son épouse, Hadja Andrée Touré et non d’Alpha Abdoulaye Diallo Porthos, chez feue madame Guichard, au quartier Almamya (Conakry) d’où, à l’aide d’un petit poste radio connecté en FM avec la radio nationale, La voix de la Révolution, il lança le premier appel à la nation. Ce fut aussitôt la 187

Jacques Foccart. Dans les bottes du général. Journal de l’Élysée, t.III, 1966-1971, Paris Fayard/Jeune Afrique, 1999, p.589.

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débandade au sein du groupe de complices qui l’entourait « fortuitement » au Palais ; il se rendit ensuite dans une autre famille sur les conseils très personnels de Fily Cissoko… Les armes furent aussitôt distribuées à la population pour qu’elle assurât, aux côtés des militaires et de la milice nationale, sa sécurité et bouter les mercenaires hors de Conakry en les rejetant, s’il faut, à la mer. Et si le chef d’État n’a pas été arrêté, c’est que « le guide n’avait pas reconnu le Palais » présidentiel, affirma le militaire portugais Marioès à la commission d’enquête de l’ONU. Or, la Présidence était bien allumée, le groupe électrogène s’étant aussitôt mis en marche après la coupure de la Centrale. Et s’agissant des complices intérieurs, parce qu’il y en avait, qui s’affairaient autour de lui, ils n’eurent pas le courage d’effectuer leur mission : capturer le chef d’État vivant ou mort ; ils étaient envahis par la peur et n’avaient qu’un vœu : ne pas perdre la confiance d’Ahmed Sékou Touré, d’autant qu’ils se rendaient compte que celui-ci les avait découverts et que l’opération avait échoué.

Pourquoi les acteurs guinéens de l’agression refusent-ils de s’assumer ? C’est la grande question qui reste posée et qui n’a pas encore eu de réponse. Aucun assaillant guinéen, aucun des dirigeants du FLNG ou membre guinéen de l’état-major de l’opération n’a avoué sa participation à l’agression du 22 novembre 1970 ; aucun n’a voulu assumer son implication, à commencer par Siradiou Diallo ; celui-là a été accusé par ses camarades et le capitaine Alpoim Calvão le cite dans son livre (188) avec le colonel Thierno Diallo, le commandant Assad Hassane, Tidiane Diallo (ingénieur électronicien), Antoine Barry, Hamadou Baldé, (ancien contrôleur de la circulation aérienne à l’aéroport de Conakry), Boiro, etc., éléments qu’il nous avait encore dénoncés le 10 août 2004, à Bissau. Siradiou Diallo a proclamé son innocence jusqu’à sa mort, en septembre 2004, alors que sa participation consciente, donc active, à l’organisation et à l’exécution de l’opération ne fait l’ombre d’aucun doute. Il est vrai que convaincu du caractère criminel de l’agression et de la réprobation nationale et internationale qu’elle continue de susciter, nier sa participation lui était momentanément nécessaire: il fallait éviter un échec électoral qu’il aurait subi du fait de l’exploitation de ses aveux, par ses adversaires politiques, auprès des masses. Le colonel Thierno Diallo et Hassane Hassad qui avaient préféré fuir le camp Almamy Samory Touré, après avoir fait saccager certains bâtiments et avoir abandonné les autres assaillants guinéens à leur sort, de peur d’être pris en flagrant délit d’agression, ont systématiquement refusé de témoigner. Même David Soumah et le commandant Thierno Diallo sont morts sans avoir témoigné. D’autres survivants de cette opération criminelle refusent de participer à la clarification politique nécessaire devant déboucher sur l’innocence de certains 188

Alpoim Calvão. In :Horoya- Hebdo, n°2249, 24-27, septembre 1976, p.17-36.

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cadres de l’intérieur, qui semblent avoir été injustement arrêtés et ont péri au camp Boiro. Une attitude injustifiable. Or, seuls les auteurs ou les complices survivants du FNLG, du RGE et le SDECE peuvent désormais innocenter certains éléments accusés, mais traités, certainement à tort, de 5e colonne, de traîtres à leur Patrie. Pourquoi aucun de ceux qui se disent victimes du Camp Boiro n’a encore demandé des explications à ceux-là ? Certains d’entre eux leur ont même exprimé leur sympathie, tel Alsény René Gomez qui qualifie Siradiou Diallo de grand journaliste. De quoi ont-ils peur encore ? Pourquoi aucun de ceux-là n’ose encore demander un débat national, public et contradictoire sur la répression et ses causes ? Or, nous persistons à le croire et à le dire, quand cette rencontre nécessaire aura lieu, nombre d’innocences seront certainement prouvées et ceux des coupables ou leurs progénitures qui continuent à faire croire qu’ils ont été injustement accusés, n’empoisonneront plus l’atmosphère guinéenne. C’est dire que la réhabilitation furtive souhaitée, même si elle est accordée, n’effacera ni la complicité active ou passive des uns, ni la culpabilité établie des autres, ni l’innocence non établie de certains autres ; personne n’effacera le fait historique, l’agression du 22 novembre 1970, avec son cortège d’horreurs de guerre dans la mémoire du Peuple de Guinée. C’est pourquoi l’on ne doit pas s’étonner que ceux qui s’étaient volontairement alliés aux pires ennemis de la Guinée, qui avaient osé agresser militairement leur pays et tuer, au cours de cette opération insensée, et sans aucun état d’âme, des centaines de compatriotes innocents, et en plein mois de Ramadam, soient qualifiés de traîtres à leur Patrie, de 5e colonne. Nous insistons : rien ne justifie cette ignoble invasion militaire. Nous avons démontré, Alsény René Gomez l’a confirmé, que même ceux qui étaient condamnés à mort, entre 1965 et 1970, étaient presque tous encore en vie au camp Boiro au moment de l’ignoble opération. La répression les a emportés par la faute des assaillants, ceux qui se disent victimes et se prennent, paradoxalement aujourd’hui pour des héros. Par ailleurs, presque tous les prisonniers du camp Boiro étaient informés de l’agression ; certains avaient même avisé leurs parents pour des dispositions à prendre en vue de leur prochaine libération : on leur avait dit que la victoire était certaine. Un seul, le capitaine Abou Soumah, s’avisa, dès sa sortie du camp Boiro, le 22 novembre 1970, de quitter le même jour le territoire national, n’étant pas sûr que la victoire sera effective ; il put ainsi déposer son rapport aux Portugais, selon Alpoim Calvão ; les autres prisonniers furent tous repris, jugés puis condamnés à mort pour complicité active avec les assaillants. Nous le savions déjà, mais Camp Boiro Parler ou périr nous l’a confirmé: quand les assaillants investirent et prirent le camp Boiro, ils n’avaient pas hésité à égorger les surveillants ; nous comptâmes effectivement plus de vingt et une personnes éventrées, quand nous avions visité le camp après leur passage.

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L’unité nationale, raison essentielle de la victoire du Peuple La Guinée doit sa victoire à son unité et à son organisation de défense populaire; malgré toutes les difficultés qui les assaillaient, les populations restèrent unies et résolues à défendre leur indépendance et l’intégrité de la Guinée. Ces événements douloureux leur ont permis, en particulier, de surmonter les contradictions subjectives que l’opposition et ses appuis extérieurs voulaient exploiter à leurs dépens.

Les éléments guinéens et portugais dénoncés par le capitaine Alpoim Calvao -

David Soumah, décédé le 17 mars 1979 d’un cancer à Bègles (France) Jean Marie Doré Siradiou Diallo Commandant Thierno Diallo, décédé en 1990 à Paris Hassan Hassad Le lieutenant Sisseco Sous-lieutenant Boiro Amadou Baldé Ibrahima Barry Tidiane Diallo

Dénoncés par Julien Condé et Abdouramane Bah -

David Soumah, décédé le 7 mars 1979

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Jean marie Doré Moussa Keita Commandant Thierno Diallo Siradiou Diallo Moundiourou Barry Antoine Barry Antoine Lelano Koly Kourouma Madiou Diallo Souleymane Sidibé Bassirou Barry

Des militaires portugais capturés à Conakry -

Juan Lopez Januaro Joao dasilva Daniel Andrade Pedro Lopis Mario Diez Sprianomendis Perera

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Francisco Joseph Sampayion Mariyore Techera Antoine Koreya Jean Morea Dyès Marioès Pinto OliveraSa José Ko

Des Guinéens du FNLG capturés à Conakry -

Mamadou Camara dit Thiam Ibrahima Barry III Abdoulaye Baldé Manga Diallo Mamadou Soumah Moïse Tea Moriba Sagno Boubacar Sylla

Des Guinéens du FNLG capturés à Koundara -

Paul Loua , lieutenant Michel Lamah, sergent Abdoulaye Baldé, 1er classe Alpha Oumar Sow, 2è classe Thierno Moussa Baldé, 2e classe Madou Samba Diallo, Mamadou Baïlo Diallo,2è classe Adama Bah, 2e classe Lansana Samoura, 2e classe,Alpha Alpha Oumane AlphadioBarry Oury Baïlo Diallo,2è classe Bacar Diallo , 2è classe Mamadou Bobo Diallo(guide) Talla Dioro Diallo,2è classe

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Quelques photos de l’agression du 22 novembre 1970

Le capitaine Alpoim Calavão, chef de l’opération du côté portugais

Le gouverneur de la Guinée-Bissau, Spinola, s’entretient avec Manga Diallo, du FNLG, avant son départ; ce dernier sera capturé à Conakry, la photo trouvée sur lui.

Les vingt-cinq cibles de l’agression du 22 novembre 1970 (Extrait du livre déjà signalé du capitaine Alpoim Calvaô)

Une partie des prisonniers portugais libérés

La commission d’enquête spéciale de l’ONU interroge Januaro Lopez, l’un des militaires portugais capturés.

Une agression avortée, l’opération « Safira », 1974 L’échec de l’agression du 22 novembre 1970 et la condamnation universelle du Portugal et de ses alliés ne mirent pas fin aux complots contre la Guinée. Alliées objectives de l’opposition guinéenne et en accord avec elle, les Autorités portugaises réussirent à faire assassiner Amilcar Cabral, le 20 janvier 1973 dans l’espoir d’en rendre Sékou Touré responsable et de créer des troubles dont elles profiteraient pour renverser le régime guinéen et liquider le PAIGC. La situation leur parut d’autant plus facile qu’une grave dissension s’était produite au sein de la direction du PAIGC. Les Portugais se mirent à préparer une nouvelle agression dénommée opération « Safira » ayant pour objectifs de séparer le Cap-Vert de la Guinée-Bissau, de se servir des éléments CapVerdiens, pro-occidentaux et anti- Sékou Touré, et des opposants guinéens de l’intérieur et de l’extérieur, pour renverser ce dernier et faire remplacer son équipe par un gouvernement qui faciliterait l’élimination physique du PAIGC du territoire guinéen. Ce fut peine perdue. Contactés par les comploteurs, les Présidents Houphouët-Boigny et Léopold Sédar Senghor intervinrent auprès de Jacques Foccart qui essuya le refus du Président Georges Pompidou ; ce dernier « le dit lui-même à Senghor, qu’il reçoit en février 1974 et qui envisage alors de soutenir un projet d’opposants guinéens appuyés par des dissidents du PAIGC » : il s’agit de « se débarrasser de Sékou Touré, devenu, selon Jacques Foccart, un forcené dangereux » (189). C’est que bien avant, l’Ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Raphaël Leygues avait parlé de « monter une histoire contre Sékou Touré, à la demande d’Houphouët et de Senghor » ; Foccart et le président Pompidou étaient extrêmement réservés et considérèrent que la France n’a pas à s’en mêler cette fois (190). Transmis au président Georges Pompidou, ce message reçoit une réponse négative. Et quand le président Sédar Senghor sollicite une audience, le chef de l’État français répond : « Senghor m’embête, et je n’ai rien à lui dire. En plus, sur le problème guinéen, je ne pourrai lui dire qu’une chose qui ne lui fera pas plaisir : c’est que, je ne veux, en aucun cas, me mêler de cette affaire. Mais je ne vois pas comment lui refuser un quart d’heure d’audience s’il insiste pour l’avoir. Trouve-lui une demi-heure à la fin de la semaine » (191). Si l’on en croit le Dr feu Roger Accard, ancien ministre qui avait rejoint l’opposition extérieure, le RGE bénéficia, malgré tout, d’importants moyens financiers dont la gestion ne fut jamais éclaircie. Les préparatifs allaient bon train avec l’appui des Présidents ivoirien et sénégalais quand se produisit le coup d’État du 25 avril 1974 au Portugal: le général Spinola, à la tête d’une junte militaire, réussit un coup d’État et chassa Caetano du pouvoir ; l’équipe sera 189

Jacques Foccart. La fin du gaullisme. Journal de l’Élysée, T.V, 1973-1974.Paris,Fayard/Jeune Afrique, 2001, p.528. 190 Idem ; p.492, 493 et 528. 191 Ibidem,

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elle-même chassée, en 1975 par la « Révolution des Œillets » des officiers de gauche qui accorderont l’indépendance aux colonies portugaises à partir de 1976. Le SDECE et la PIDE, qui ignoraient que des généraux portugais préparaient un putsch, durent abandonner l’opération « Safira » d’autant plus amèrement que les nouveaux hommes forts du nouveau régime portugais mirent fin à la guerre de Guinée-Bissau, privant ainsi l’opposition guinéenne de son principal allié militaire dans la sous-région, le Portugal après que Giscard d’Estaing ait mis fin à toute participation française à une opération de déstabilisation contre la Guinée.

Un débat stupide : débarquement ou agression Pour banaliser le caractère criminel de l’opération, nombre de cadres tentent d’instaurer une polémiquer stupide entre les vocables débarquement et agression à propos du 22 novembre 1970. En fait, pour toutes personnes de bonne foi, la querelle entre les partisans du vocable débarquement et les partisans du vocable agression est pourtant facile à vider : il suffit de rappeler le débarquement des forces alliées en 1944 en France sur les plages de Normandie pour libérer les peuples d’Europe de la botte nazie. Il y a débarquement quand ceux qui débarquent savent avec certitude qu’ils trouveront auprès des populations aide et assistance pour bouter l’ennemi hors du sol national. Un contingent PAIGC a débarqué à Conakry le 23 novembre 1970 ; il a été bien accueilli par la population qui l’a aidé à la localisation et à l’arrestation des mercenaires. Il y a agression quand ceux qui arrivent savent qu’ils ne peuvent compter que sur leurs seules forces pour mater la résistance à leur occupation en vue d’imposer leur domination. Ce fut le cas le 22 novembre 1970 : se fondant sur de fausses informations, les agresseurs portugais et guinéens avaient cru jusqu’à leur débarquement qu’ils seraient accueillis par un peuple qui n’attendaient qu’eux pour se débarrasser des responsables guinéens, détruire le PAIGC et installer un régime plus manipulable. Ils n’ont rencontré que l’hostilité de la population de Conakry et certains des mercenaires ont été liquidés. C’est dire, pour faire terre à terre, que les alliés ou amis débarquent pour aider à écraser les ennemis qui ont envahi le pays parce qu’ils sont sûrs d’être bien accueillis; les ennemis agressent pour combattre un régime afin de le remplacer par un autre plus docile : ce fut l’objectif essentiel de l’agression du 22 novembre 1970. L’échec a été patent et les conséquences considérables. Mais débarquement ou agression, rien ne justifie, rien n’excuse l’assassinat ou la blessure d’innocentes victimes de cette criminelle opération du 22 novembre 1970 qui a, en outre, provoqué la radicalisation de la Révolution.

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Une question qui a taraudé les Guinéens au lendemain du 3 avril 1984 En raison du changement du régime et de la présence de tous les acteurs de l’opération, les Guinéens en quête de vérité se posaient constamment cette question : pourquoi ceux qui se disent innocents ou victimes de l’agression du 22 novembre 1970 ne s’en prennent-ils jamais aux agresseurs portugais et guinéens dont l’opération est la cause de leur arrestation et de la radicalisation de la Révolution ?L’on continue à condamner la répression qui a résulté des complots sans évoquer les causes. Or, tout fait a une cause; la répression est consubstantielle des complots; l’agression du 22 novembre 1970 est la cause de la radicalisation de la révolution guinéenne à partir de 1971. -Tout se passe comme si les trois cent soixante-cinq morts de l’opération dont parle le gouvernement guinéen ou les cinq cents qu’évoque le capitaine Alpoim Calvão, responsable portugais de l’opération, étaient des victimes virtuelles ou que les destructions matérielles que cette agression a causées étaient tout simplement imaginaires. -Tout se passe comme si l’ONU n’avait pas rendu publics les résultats de l’enquête de sa commission, dès le 5 décembre 1970, attestant la réalité et la véracité de l’agression, des dégâts matériels et humains considérables infligés aux habitants de Conakry, de Gaoual et de Koundara. -Tout se passe comme si la condamnation universelle de l’agression n’avait pas eu lieu et que les quarante-et-un ministres des Affaires étrangères de l’OUA, réunis à Lagos, du 9 au 12 décembre 1970, n’avaient pas, à l’issue de leur 7e conseil extraordinaire consacré à l’agression du 22 novembre 1970, exigé « qu’un châtiment exemplaire soit infligé à tous ceux qui ont collaboré et perpétré l’agression contre la République de Guinée ». Au moment de l’Agression du 22 novembre 1970, les 76 prisonniers du camp Boiro étaient vivants, affirme Alsény René Gomez ; nous pouvons le témoigner pour les avoir vus dans nos cours, à la cité des professeurs, des médecins et des ministres, chez des voisins, le 22 novembre 1970 au matin, quand ils furent libérés par les assaillants. Or, la Révolution ne s’est radicalisée qu’après cette agression ; « si les ennemis ont eu le courage d’agresser la Guinée au point de tuer d’innocentes victimes, c’est qu’il y avait des prisonniers en relation avec les envahisseurs ; s’ils ont pu se diriger vers des objectifs précis, tel le camp Almamy Samory Touré, et aient pu s’emparer momentanément de certaines cibles, c’est qu’ils étaient attendus ; d’où la sévérité des peines », voilà les réflexions que nous entendions au camp Boiro quand nous nous y sommes rendus pour voir des corps sauvagement éventrés, mutilés, etc. La suite des événements a effectivement prouvé que les agresseurs étaient attendus par des complices intérieurs. Ainsi, même les condamnés à terme du complot Kaman-Fodéba en février mars 1969 et de la tentative d’assassinat perpétré par Tidiane Kéita le 24 juin

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1969 sur la personne du Président Sékou Touré furent-ils finalement fusillés suite à cette opération insensée qui avait provoqué, selon, le capitaine Alpoim Calvão, plus de cinq cents morts (192). Ce qui est malheureux, c’est que personne, même parmi les anciens prisonniers qui s’agitent de temps en temps au nom du respect de droit de l’homme, qui crient à longueur de journée des slogans équivoques du genre « plus jamais çà », ne parle de cela ; les anciens ne s’apitoient pas sur les victimes de l’agression et ne dénoncent pas les assaillants ; ils ne parlent que des éléments accusés d’être de la 5e colonne, les considérant comme des victimes de l’ancien régime. Et pourtant tous ceux qui avaient vécu la scène n’avaient pu retenir leur indignation. Citons entre autres (193) : Devant le Tribunal Populaire Suprême, Alioune Dramé dit, par exemple: « Ceux qui sont venus de l’extérieur, qu’il s’agisse de Portugais ou de mercenaires, sont venus dans l’intention délibérée de tuer, et ils ont effectivement tué, assassiné. Ils doivent subir le même sort avec la plus extrême rigueur ». Quant à Alassane Diop, il affirma: « Une punaise qui vous pique dans votre sommeil doit être écrasée. Eux, nous ont attaqués traîtreusement, nous les avons chassés en plein jour et devons exécuter en plein jour ceux qui sont entre nos mains ». Mais pourquoi refuser un débat contradictoire qui permettrait de séparer les traîtres et les bourreaux des vrais innocents ? Certains auraient-ils peur que des organisateurs, des assaillants ou témoins de l’opération encore vivants ne les dénoncent ? Ont-ils peur que les accusateurs d’aujourd’hui ne deviennent les accusés de demain ? Et pourtant, comme on peut le lire dans le journal guinéen La Lance (194), « il n’ y a aucune honte à reconnaître qu’on a participé à une agression »; il faut simplement s’assumer, d’autant que, lit-on dans le journal Le Lynx (195), « si l’agression du 22 novembre n’avait pas tourné à la débâcle, tout le monde y compris Siradiou, se serait acharné à en assumer la paternité ». Nous ajoutons: ses auteurs auraient certainement été reçus en héros ; les complices intérieurs auraient bruyamment manifesté leur victoire et bruyamment étalé leur complicité pour pouvoir profiter de la nouvelle situation, la frivolité et l’opportunisme de certains cadres guinéens étant bien connus. Un autre numéro du même journal Le Lynx (196), paru en mai 2008, précise que des militaires arrêtés dans le cadre du complot Petit Touré, en 1965, « seront 192

Alpoim Calvao.Op.cit. L’Agression portugaise.Op.cit.,P.306 et 324. 194 In ;La lance,n°137, 4 août 1999. 195 In ;Le lynx, n°575, 31 mars 2003. 196 In ;Le Lynx, n°839,12 mai 2008. 193

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fusillés après un simulacre de procès mené par le colonel Kaman Diaby ». Nous n’avons constaté aucune réaction depuis lors de la part des parents et amis de ces militaires. Pourquoi ? Et, puisqu’il fut arrêté en mars 1969, pour un autre complot, le colonel Kaman Diaby avait-il exécuté des complices afin que ceuxlà ne le dénoncent pas? Nous l’avons dit et écrit : tous ceux qui ont été arrêtés, morts au camp Boiro ou aux frontières n’étaient pas tous coupables; certains ont été accusés à tort, parfois victimes de règlement de compte ou dénoncés de l’étranger. Mais doit-on alors s’étonner que ceux qui s’étaient volontairement alliés aux pires ennemis de la Guinée, il y en a eu, qui avaient osé agresser militairement leur pays, il y en a eu, et tuer, au cours de cette opération, et sans aucun état d’âme, des centaines de compatriotes innocents, en plein mois de Ramadam, soient qualifiés de traîtres à leur patrie, de la 5e colonne (complices intérieurs) ?

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Chapitre IX Le mercenariat guinéen : naissance et déclin

« C’est à mon retour en Guinée que je m’étais rendu compte qu’on nous avait menti ». Alpha Oumar Bah

L’opposition guinéenne extérieure se sent abandonnée par ses soutiens L’échec de l’agression du 22 novembre 1970, l’agression avortée « Safira » et l’écho de l’assassinat d’Amilcar Cabral, le 23 janvier 1973n’auront pas suffi à désarçonner les services spéciaux occidentaux et les opposants guinéens. Ils vont continuer à organiser, à l’intérieur de la Guinée, certaines actions de caractère militaire et de participer à d’autres, organisées par des hommes de main comme Bob Denard. Ironie du sort, et malgré toutes les tentatives de sabotage, la normalisation des rapports franco-guinéens intervint, le 14 juillet 1975, par la signature d’un communiqué commun dans lequel la France reconnut la participation de certains de ses ressortissants à des opérations de déstabilisation répréhensibles ; les deux pays, la France et la Guinée, affirmèrent le rétablissement des relations diplomatiques, au grand dam des éternels opposants qui feront désespérément, inlassablement et vraiment tout, mais en vain, pour brouiller encore les rapports franco-guinéens. Quant au Portugal, les relations diplomatiques ne seront établies pour la première fois que le 21 janvier 1979, quand toutes les colonies portugaises auront acquis leur indépendance. Ainsi, désespérés de ne plus pouvoir compter sur leurs bailleurs de fonds naturels, quelques éléments de l’opposition guinéenne, devenus de vrais chefs de mercenaires et ayant amassé suffisamment de moyens, s’organisèrent pour fournir leurs propres recrues en vue de la prise directe du pouvoir en Guinée par la violence.

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Naissance du mercenariat guinéen L’opposition guinéenne regroupée au sein du Regroupement des Guinéens à l’Extérieur (RGE), était en fait divisée en clans essentiellement ethniques, suite au compte-rendu de David Soumah que certains membres dudit groupement, en particulier commandant Thierno Diallo, Siradiou Diallo et Hassane Hassad avaient trahi lors de l’agression du 22 novembre 1970 ; ceux -ci avaient fait croire aux Portugais qu’il n’était pas un homme sûr alors que c’est lui qui les avait contactés pour cette opération. La lutte contre le régime de la Première République se mena désormais en ordre dispersé. Une partie des membres de cette organisation se tourna vers des mercenaires occidentaux en vue de mieux former ses propres recrues, les enrôler dans une armée de mercenaires européens pour des opérations africaines de déstabilisation ; mieux formés, ils seraient à même de participer efficacement à des opérations militaires contre la Guinée. Bob Denard jouera désormais un rôle très important dans la déstabilisation du régime guinéen .L’homme des « coups tordus » entourés de « soldats perdus », des Français nationalistes et ultra-nationalistes, a toujours reconnu qu’il était mercenaire au service de la France avec une profonde intimité avec HouphouëtBoigny. En 1975, Siradiou Diallo contacta Bob Denard à l’occasion d’une interview à la revue Jeune Afrique à Paris; à l’issue de plusieurs rencontres qui eurent lieu soit en France, soit à Abidjan, les deux hommes finirent par s’entendre sur les conditions de formation « des Guinéens afin de les lancer à l’assaut de Conakry » (197). L’accord se réalisa et prospéra grâce au SDECE au sein duquel les deux collaborèrent intimement.

Formation théorique des mercenaires guinéens Un commando d’opposants guinéens recruté dans divers pays , tels la Côte d’Ivoire, la France et le Sénégal, en particulier constitua les premiers mercenaires ;ils furent formés en France, dans les Landes et les Cévennes, plus précisément dans l’immense parc du Château du Maagesq, « à quinze kilomètres de Dax»; ils reçurent des cours d’économie et de maniement des armes, effectuèrent de longues marches à la boussole, des raids improvisés dans les Cévennes, etc.

Les champs d’application Les Comores et le Bénin furent les premiers champs d’expérimentation et d’opérations pratiques de ces mercenaires guinéens.

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Bob Denard. Corsaire de la Répu Jacques Foccart. Dans les bottes du général de Gaulle,19691971.T. III p.665-667. blique…Paris, Édition Robert Laffont, 1998, p.269.

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Les Comores Ahmed Abdallah, Président de la République des Territoires des Comores proclama l’indépendance de l’Archipel le 6 juillet 1975. Mais, à peine installé que, le 3 août 1975, Ali Soilih, président du parti d’opposition, le Front Uni de l’Opposition, le renversa avec l’appui d’un groupe de mercenaires guinéens et européens, sous le commandement de Bob Denard. Les Comores accueillirent ainsi les premiers mercenaires guinéens : Ali Soilit ayant recruté Bob Denard en vue de son accession au pouvoir, le chef mercenaire français contacta Siradiou Diallo qui participa à l’entreprise ; celui-ci mit ses hommes à sa disposition en attendant qu’il puisse les utiliser directement contre la Guinée. Chacun des mercenaires guinéens devait recevoir une partie de son salaire aux Comores, l’autre moitié étant versée directement à Siradiou Diallo que les mercenaires finiront par accuser d’avoir détourné l’ensemble de leurs salaires. Le coup de force ayant cependant réussi, la plupart des mercenaires guinéens devinrent des agents de l’administration comorienne, les autres assurant la garde prétorienne du nouveau chef d’État. Mais à la suite d’une mésentente avec Soilih, Bob Denard se retira au Gabon où il devint conseiller du président Bongo et où il prépara l’agression contre le Bénin ; il laissa tous « ses Guinéens » aux Comores à cet effet. Contacté par Ahmed Abdallah, il continua à se préparer discrètement ; il arriva à Maroni le 10 mai 1978, prit le pouvoir le 13 mai, arrêta Soilih et le livra le 27 mai 1978 à Abdallah qui redevint chef d’État. Mais l’objectif que fit miroiter Siradiou Diallo aux mercenaires guinéens ne fut pas ces pays qui paraissaient trop loin de la Guinée, leur objectif politique et militaire dont ils considéraient la « libération » comme « la bonne cause ». Le choix du Bénin par Siradiou Diallo et Bob Denard n’était pas fortuit : banc d’essai et pays africain plus proche de la Guinée que les Comores, Siradiou Diallo tenait à mettre à l’épreuve ses mercenaires guinéens sur le sol béninois et à emporter leur adhésion définitive à son projet. Le renversement du régime béninois était le gage certain du renversement du régime guinéen. Tirant les leçons de l’agression du 22 novembre 1970, les pays limitrophes de la Guinée avaient refusé l’offre de servir de base arrière pour une nouvelle agression contre la Guinée ; les dirigeants politiques contactés estimèrent qu’ils avaient été déjà floués, victimes de fourberie et de traîtrise de la part des intéressés.

L’agression du Bénin nom de code Crevettes Des « opposants » béninois firent appel, entre temps, à Bob Denard pour renverser le régime de Mathieu Kérékou en faveur d’un régime acquis au libéralisme.

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Ainsi, après les Comores, Bob Denard négocia avec Siradiou Diallo, devenu, selon Ginette Cot, « l’âme du SDECE dans le RGE, section de Dakar » (198), la participation de ses mercenaires à l’agression armée contre le Bénin ; le président du RGE choisit Sy Savané Oumar pour diriger son groupe composé de certains éléments venant des Comores et ceux recrutés à Dakar et Abidjan, soit douze personnes plus ou moins bien formées.

Exploitation de la cause ethnique à des fins politiques de recrutement du mercenaire des pays limitrophes C’est dans l’exploitation de la cause ethnique que Siradiou trouva le moyen de recrutement des mercenaires dans les pays limitrophes de la Guinée. Voyons comment Alpha Oumar Bah a été par exemple recruté à Dakar pour participer finalement à l’agression contre le Bénin : « Après les événements de 1976 en Guinée, Siradiou Diallo est venu à Dakar. Il a tenu une conférence au cours de laquelle il a parlé des problèmes peuls surtout ; il nous a répété les propos de Sékou Touré qui aurait déclaré à Conakry que tous les Peuls étaient racistes, tribalistes et régionalistes ; or, tous les Peuls n’étaient pas racistes. Quand j’ai écouté çà de responsables guinéens, alors si c’est vrai, j’ai dit ce n’est pas normal. Et quand Siradiou a dit que tous ceux qui veulent prendre les armes contre ce régime pour défendre les Peuls peuvent se faire inscrire auprès du RGE, Regroupement des Guinéens de l’Étranger, je n’ai pas hésité. C’est à mon retour en Guinée que je me suis rendu compte qu’il nous avait menti ». Voilà comment on trompa certains ressortissants guinéens à l’extérieur et comment Siradiou Diallo réussit à recruter des mercenaires dans l’attaque contre le Bénin et dans d’autres complots ourdis par des opposants guinéens et leurs appuis étrangers contre l’Afrique progressiste. En un mot, ce fut par le mensonge que le prétendu « complot peul » a été instrumentalisé par les intellectuels ethnocentriques contre l’unité nationale et contre Ahmed Sékou Touré. Commissaire politique pour l’agression, Sy Savané Oumar fit partie de l’État-major du commando de mercenaires dirigé par le colonel Bourgeau, alias Bob Denard, sous le nom de code « Joseph ».

Formation théorique et pratique à Benguérir L’ensemble des hommes rassemblés pour l’opération, une centaine (béninois, guinéens et européens) dont treize Guinéens, atterrit à la base de Benguérir (Maroc) pour leur formation théorique et pratique ; aucun n’était informé à l’avance du lieu de destination finale du commando. Pour ne pas être identifiés, les recruteurs changeaient régulièrement le nom du mercenaire. 198

In : Afrique-Asie, n°138, 27 juin 19972

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Ainsi, recruté à Dakar par Sy Savané Oumar, du RGE, au compte de Siradiou Diallo, Alpha Oumar Bah reçut plusieurs noms de mercenaire : Sall Thierno, à la séance de vaccination à Dakar ; Dowgoumodou Mohamed, sur son billet d’embarquement Royal Air Maroc, mais émis par Air France ; Diawara Bakary, sur la fiche de débarquement rempli par leur chef d’équipe ; finalement, Mendoza, pour l’agression. C’est à l’issue d’une préparation de douze jours (du 2 au 14 janvier 1977) à Benguérir (Maroc) que les recrues reçurent les précisions suivantes (5) : -Le colonel Maurin, nom de Bob Denard pour l’opération, de son vrai nom Gilbert Bourgeaud, recruté par le Front de libération et de la réhabilitation du Dahomey (FLRD) et conseiller à la présidence du Gabon, leur annonce le départ pour le 15 janvier 1977 et les rassure en ces termes, pour ce qui est de leur salaire de mercenaire : « Ne vous inquiétez pas pour vos virements, ça sera fait comme d’habitude et si certains d’entre vous pensent qu’il y a des irrégularités dans leur compte, j’ai tous les documents nécessaires venant de vos banques pour vous prouver que vos comptes sont approvisionnés et d’autre part n’ayez pas de soucis pour l’ avenir ; j’ai d’autres contrats en poches ». En fait, les Guinéens se rendront compte, à la fin de l’opération qu’ils n’avaient aucun compte personnel et ne percevront rien. -C’est au tour de Sy Savané Sékou Oumar, Joseph, nom de mercenaire dans l’agression, responsable des douze Guinéens recrutés à Dakar pour cette opération, qui les convoque dans la salle d’instruction. « Dans un langage de diplomate, rapporte Mendoza, alias Alpha Oumar Bah, aux enquêteurs de l’ONU, il nous dit en ces termes : par des circonstances indépendantes de notre volonté, votre séjour à la base va être écourté. Et comme l’a dit le colonel, nous devons les accompagner à une mission au Bénin. À cette information, nous avons tous protesté ; mais en vain. Nous lui avons dit que nous n’étions pas venus là pour régler des problèmes du Bénin, ni aucun autre pays et que c’est une tromperie et une trahison de vouloir nous amener à la guerre après dix jours seulement de formation très accélérée. Il essaya de calmer les esprits en nous disant que les Européens étaient de taille à régler cette affaire et nous, notre rôle sera de leur porter les munitions et les radios. Nous quittâmes la salle, triste et déçus. Il ne nous restait plus que la résignation parce que devant la force, le droit s’incline ». Réembarqué, avec comme pays de transit et de changement d’avion, le Gabon, le contingent atterrit au Bénin qu’il agressa le 16 janvier 1977. Sous le nom de code crevettes, cette agression, après trois heures de combat, échoua lamentablement ; les mercenaires abandonnèrent, dans leur fuite, la caisse d’archives du commando et un de leurs éléments, le Guinéen, Alpha Oumar Bah (de Conakry-Guinée), dit Mendoza, qui précise les circonstances de son arrestation en ces termes : « Je ne sais pas si les Guinéens qui étaient avec moi sont descendus du toit [du bâtiment de la Tour de contrôle] après Webbs[Sgt

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Webbs Pedro], un mercenaire blanc, dont il était le pourvoyeur en munitions] ou à quel moment ? Je me suis retourné, je n’ai vu personne ; je me suis déplacé pour jeter un coup d’œil sur la piste. Je ne vois personne. Je lève les yeux ; je vois l’appareil qui décolle. Je descends tranquillement et je vais me camoufler dans un buisson ; j’avais mon fusil, 60 cartouches et 3 grenades. Dans l’après-midi, les soldats qui ratissaient le terrain m’ont vu ; j’ai détaché mon ceinturon et levé les bras en l’air et me suis rendu sans résistance. On me fit prisonnier ». C’est lui qui donna des renseignements et confirma l’authenticité des archives abandonnées par les envahisseurs ; il permit ainsi, à la commission nationale béninoise, à celles de l’OUA et de l’ONU, d’établir, sans aucune ambiguïté, les faits et les responsabilités de chacun, le mécanisme de montage de l’opération. Il fut incarcéré de1977 à 1990, soit quatorze ans, au Bénin sans jugement ; libéré, il vint mourir en Guinée en 2004 « sans femme, ni progéniture » (199), regretta-t-il. Il faut noter que pour témoigner sa solidarité envers le Bénin, la Guinée envoya un contingent militaire dirigé par le capitaine Kabassan Keïta, alors ministre des Mines et de la Géologie, avec divers cadres de différentes spécialités et un important lot de matériels militaires.

Le glas du mercenariat guinéen Démoralisés, une importante masse « de Guinéens de Bob Denard » ou « les Comoriens » revinrent, certains en France, d’autres à Dakar et Abidjan au bord de l’épuisement physique et de l’effondrement moral », et en « colère contre Siradiou Diallo qui n’a pas hésité à bafouer leur dignité et exposer leur vie pour de l’argent », lit-on dans un tract largement diffusé du vivant de Siradiou Diallo et que l’intéressé, ni un autre opposant de sa tendance, n’avait jamais démenti. L’échec de cette opération militaire sonna le glas du mercenariat guinéen puisque celle qui se prépara en Côte d’Ivoire et au Burkina Fasso contre la tenue du vingtième sommet de l’OUA en Guinée n’eut pas lieu du fait du décès du Président de la République de Guinée le 26 mars 1984 et du coup d’État du 3 avril 1984 en Guinée. Il est regrettable qu’aucun de ceux qui ont participé à ces opérations militaires en vue du renversement de la Première République n’ait, jusqu’à présent, accepté d’enrichir l’historiographie guinéenne en témoignant, par écrit ou oralement, ne serait-ce que dans la presse ou à la radio. Or, « aujourd’hui encore, note Abdoulaye Top Sylla, les anciennes recrues de ces camps de formation, dont certains reconnaissent et assument lesdites activités, se

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In : Agression armée impérialiste du dimanche 16 janvier 1977 contre la République Populaire du Beninrappport d’enquête , p.229-232.

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rencontrent un peu partout à Conakry : des salles de rédaction aux écoles d’arts martiaux »(200). En tout état de cause, l’on saura, tôt ou tard, pourquoi les acteurs et témoins de ces opérations se taisent. Entre temps, trois autres tentatives se produisirent, ayant toutes un caractère interne, même si les principaux auteurs avaient été pris en main par les services spéciaux occidentaux à Conakry et à l’étranger.

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In : L’Indépendant, n°25, novembre 1999, p.11.

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Chapitre X La découverte de la tentative de « renversement du régime » de 1976

« Je vais vous raconter sans détour ma propre participation à un mouvement qui s’était donné pour objectif un changement de régime en Guinée ». Amadou Diallo

La tentative d’assassinat dénoncée le 14 mai 1976 par le Président Ahmed Sékou Touré est l’un des évènements politiques de la Première République les plus controversés et qui continuent de faire l’objet d’interprétations des plus fantaisistes et des plus mensongères ; elle constitue le fonds de commerce de cette minorité d’intellectuels ethnocentriques qui ne pardonnent pas à Sékou Touré d’avoir été le primus inter pares dans la lutte pour l’indépendance de la Guinée ; et qui, de surcroît, leur a ravi à jamais, dans l’histoire de la Guinée, la palme de premier Président de la Première République. Ces intellectuels ethnocentriques ne se consolent pas qu’ils n’eurent pas un dirigeant politique émérite, originaire de la même grande région naturelle qu’eux.

Objectif de l’opération Le 14 mai 1976, le chef de l’ État guinéen dénonça le racisme en général et le racisme peul en particulier, en même temps qu’une tentative de l’assassiner: un jeune de 14 ans, Lamarana Diallo, « brigand notoirement connu », lit-on dans le rapport d’enquête, aurait été entraîné à cet effet par les miliciens pour perpétrer son forfait à partir d’un arbre lors du passage en voiture du Président Ahmed Sékou Touré devant le complexe scolaire du 2 août de Donka (DixinnConakry) ; l’équipe, qui l’ aurait promptement liquidé si le jeune commis à la tâche avait raté sa cible se composerait de : Sory Bah, commandant de la Milice du PRL Madina-Marché, chef du groupe, Samba Sidibé alias Mamadou Saliou Diallo, Dian Malal Barry, de la milice de Madinah-Marché ; ils furent tous appréhendés à temps. Voilà le scénario exposé par le secrétaire général du PDG. Des investigations établirent que des cadres de différentes ethnies, principalement des cadres peuls racistes en auraient été les initiateurs pour liquider le chef de l’État et changer de régime.

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Mises au point nécessaires Au cours de ses interventions et comme dans toutes les autres parues régulièrement dans le journal Horoya (201)et reprises dans la revue RDA, le Président Ahmed Sékou Touré n’avait dénoncé ni un «complot peul », ni évoqué une prétendue « situation particulière du Foutah » qu’il aurait décrétée, comme l’affirment certains journalistes d’occasion et ces médiocres Guinéens que Saifoulaye Diallo qualifie de «minorité de pseudo- intellectuels tarés » et qui véhiculent impunément des idées subversives et racistes qui avaient détruit le Rwanda. Nous sommes d’autant plus à l’aise pour le dire, le soutenir et démentir ces affabulations que nous avons vécu les faits, suivi tous les meetings et recueilli tous les textes des discours dans le cadre de nos préoccupations de recherche. C’est Siradiou Diallo qui a employé dans ses écrits le terme « complot peul » afin d’indisposer contre Ahmed Sékou Touré et pouvoir conditionner certains Guinéens; ce qui lui a permis de constituer ses groupes de mercenaires.

La lutte contre le racisme et l’ethnocentrisme, une constante de Sékou Touré Le souci animant Ahmed Sékou Touré a toujours été la lutte contre le racisme et l’ethnocentrisme pratiqué par certains cadres médiocres auprès des masses ignorantes. Il en était excédé et l’avait dit : « Nous devons… tuer le racisme. Nous devons continuer la lutte. Nous devons définitivement enterrer le racisme chez les Peuls, chez les Malinké, chez les Forestiers, chez les Soussous. Il faut enterrer définitivement le racisme. Il faut que cet enterrement soit de première classe », car, « le racisme ne conduit à rien de positif », soutenait-il. Même l’expression « situation particulière du Foutah », toujours mise entre guillemets dans les textes d’Ahmed Sékou Touré comme citation, avait été empruntée à des cadres et intellectuels de la Moyenne-Guinée qui, tout en se faisant passer pour des victimes, des martyrs, ne cessaient d’insister sur divers facteurs subjectifs pour justifier le particularisme du Foutah Djalon et de l’ethnie dominante de cette grande région naturelle, de pratiquer des actes ethnocentriques qu’ils continuent de condamner chez les autres. Il suffit de relire les articles de presse, les discours, les circulaires, etc., de Sékou Touré au cours de la période 1948-1975 pour se convaincre que les prises de position du leader guinéen contre les facteurs désagrégeant (racisme, ethnocentrisme, régionalisme, etc.) face à la problématique de l’unité nationale, ne datent pas de 1976 ; ils ont toujours été des réactions appropriées à des situations ou comportements qui remettaient en cause les acquis de son combat libérateur et unificateur des ethnies, de celui de ses compagnons de lutte, en un mot de son parti, le PDG ; il a toujours travaillé pour cette unité comme l’attestent ses différents écrits et actes, estimant depuis toujours que « les races 201

In :Horoya-hebdo, n°2227, 20 juin-3 juillet 1976; n °2253, 1976, n°2254, 1977.

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guinéennes sont unifiées dans l’oppression et l’exploitation capitaliste ; leur devoir impérieux est dans l’union, la division dessert le pays » (202). Nous sommes en 1949. C’est ainsi qu’après avoir défendu l’égalité des races, il n’hésita pas à condamner ceux des Africains qui pratiquaient le racisme envers les blancs : « nous leur disons, écrit-il en 1948, que le racisme blanc et le racisme noir sont, tous deux, des tares sociales » (203). C’est donc l’occasion de lire ou relire certains de ses articles tirés de périodiques de 1949-1950 (204) dans lesquels il stigmatisait non seulement les groupements ethniques, mais tous les racistes et ethnocentriques sans mettre les ethnies en cause: « La faillite des groupements ethniques », « Démocratie ! Oui. Racisme ! Non. », « Coutumes et évolution », « Kankan agira », etc., ou ses professions électorales de 1950 à 1956, l’ordonnance n°19 de 1959, les circulaires et autres écrits du parti de 1958 à 1984 relatifs aux facteurs désagrégeants. Il mena la même croisade et profita de toutes les rencontres, après l’indépendance, pour stigmatiser le racisme et l’ethnocentrisme que des cadres médiocres, donc politiquement dangereux, pratiquaient pour conditionner les masses contre le PDG. « Nous luttons contre le racisme, mais nous l’avons en nous d’abord. Il existe et il faut le supprimer définitivement en nous et nous en libérer », déclara-t-il au séminaire de Foulaya, le 23 décembre 1962. C’est encore dans ce cadre qu’il encourageait le mariage entre les éléments d’ethnies différentes. On comprendra alors pourquoi il a toujours été impitoyable quand cette tendance de déstabilisation visait l’unité et la cohésion des Guinéens, en particulier à partir de l’indépendance. Les décisions prises contre les facteurs de division n’épargnaient même pas les éléments de sa propre ethnie, les Malinké. En effet, que lit-on dans « Kankan agira », paru en 1950 ? Qu’aucun groupement raciste ne peut résoudre, seul, ses problèmes. En outre, qui ne se souvient de ses diatribes contre le « cheytane » en Haute Guinée ? Enfin, une décision n’a-t-elle pas été prise à l’encontre d’un de ses cadres originaires de la Haute Guinée, par le BPN, le 30 avril 1980 : il s’agit de Toumani Sangaré, membre du BPN, du comité central et du gouvernement, qui fut relevé de ses fonctions ministérielles et suspendu de toutes ses fonctions dirigeantes au sein du PDG « pour avoir toléré l’organisation d’une manifestation de caractère tribal dans sa concession » (205) ?

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In : Réveil, n°368, 13 juin1949. Lettres à Raymond Jonvaux, 1 mars 1948 204 In : Réveil, n°368,13 juin 1949 ; n°374, 25 juin 1949 ; n°377 ,15 août 1949. n°379 , 29 août 1949 ; n°393, 5 décembre 1949. 205 In: Horoya-hebdo, 1 juin 1980. 203

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Tous ceux qui ont, par ailleurs, approfondi les recherches en allant au-delà des affabulations et des impolitesses diverses, se sont rendus compte de la mauvaise foi de ceux qui accusent Ahmed Sékou Touré d’être anti-peul, d’avoir menacé l’unité nationale qu’il a grandement contribué à bâtir en dénonçant effectivement et en particulier une minorité de cadres et intellectuels ethnocentriques originaires de la Moyenne Guinée. Il suffit de savoir que la Guinée, sous la première République, avait la même structure politique (Comité de base, section et fédération, qui changeront d’appellation au cours de son histoire la même structure administrative dans toutes les régions. Il suffit de consulter la liste des membres du gouvernement, des députés et des ambassadeurs, etc., pour se rendre compte qu’aucune ethnie n’en était absente.

Le témoignage d’un chercheur étranger Philippe Guillerme, qui avait séjourné en Guinée et mené des enquêtes sur le terrain en vue de l’élaboration de son mémoire de maîtrise, après avoir recueilli de nombreux témoignages et procédé à leur analyse, est formel sur ce point : « certains ont vu ou voulu voir dans l’arrestation de Telli Diallo et la campagne contre le racisme peul une attaque contre l’ethnie peule en général. Nous ne le pensons pas , car , poursuit-il , nous n’avons pas trouvé, à la lecture des numéros de Horoya consacrés à cette affaire, une seule attaque contre l’ethnie peule, mais des attaques contre les Peuls racistes ou le racisme en général » ; et l’auteur de conclure : « il n’est pas dans notre intention de porter un jugement sur la véracité des faits reprochés aux inculpés de 1976…Il convient cependant de reconnaître, en toute objectivité, que le particularisme peul est un obstacle majeur à une intégration satisfaisante des ethnies » en Guinée (206). Ce témoignage d’un français de souche et, de surcroît, un scientifique, nous paraît capital. Ahmed Sékou Touré n’a jamais dénoncé un complot peul, il ne s’est jamais attaqué à l’ethnie peuple, mais il a négligé ou sous-estimer la capacité de nuisance de ses ennemis historiques parmi les cadres racistes de cette ethnie capables de mentir effrontément en tentant de transformer au besoin le mensonge en vérité à force de falsifier les faits avérés. Heureusement que nous avons conservé tous les textes, discours et les interventions de quelques cadres parus dans le journal Horoya.

Pourquoi Ahmed Sékou Touré s’en est-il pris aux cadres peuls racistes ? Ahmed Sékou Touré a expliqué pourquoi il s’en est pris au racisme peul en particulier en ces termes: « Il y a des Malinké racistes, des Foulahs racistes, des Soussous racistes » ; ce qui est condamnable, poursuit-il, c’est qu’il est généralement connu « que des cadres et intellectuels peuls avaient érigé le racisme « en système d’administration » ; ils avaient « fait du racisme une 206

Philippe Guillerme. La pensée politique de Sékou Touré (1958-1976). Théories et pratiques. Paris, Université Paris VII, UER d’ethnie, mémoire de maîtrise, p.133 et 134.

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véritable politique ». Il ajoute : « voyez des ministres, membres d’un gouvernement national, qui disent : nous étudions la situation particulière du Foutah, comme s’il y avait un budget du Foutah, une école du Foutah, un tribunal du Foutah, des rues Foulahs, l’électricité du Foutah, l’air du Foutah » (207). Cette évidence ne peut être contestée que par des gens de mauvaise foi ; elle est même devenue flagrante à partir du 3 avril 1984 de la part des cadres politiques médiocres. Par ailleurs, il suffit, pour ne pas remonter plus loin, de se reporter à la période de la lutte pour l’indépendance pour se rendre compte que cette réalité ne date pas de 1976 : ce sont des cadres de la Moyenne-Guinée en particulier qui faisaient appel au sentiment ethnique ou ethnocentrique, ou évoquaient la convention de protectorat du 14 juillet 1881 passée entre la France et le FoutaDjalon pour mobiliser leurs concitoyens ou faire pression sur les autorités françaises en leur faveur. Le député Yacine Diallo, dans une lettre du 4 décembre 1945 à l’inspecteur des colonies, s’éleva ainsi contre « le rattachement de Télimélé, peuplé de Foulahs, au cercle de Kindia, peuplé de Soussous ; ce « défi au bon sens est une méconnaissance regrettable de l’histoire locale », écrit-il. Les querelles entre Soussous et Foulahs sont séculaires »; il fallait, poursuit-il, à tout prix, rattacher Télimélé « à Pita peuplé de Foulahs, tel qu’il était en 1905 », conclut le député, pourtant député de toute la Guinée. Diawadou Barry, Ibrahima Barry III et Abdoulaye Diallo Huissier s’en prendront violemment et régulièrement à Saïfoulaye Diallo (208) pour son appartenance au PDG-RDA, dirigé par un Malinké, en l’occurrence Sékou Touré qu’ils abhorraient : « Diallo Saïfoulaye a vendu les Foulahs pour s’enrichir. Fils de chef de canton , il a cependant voté pour la suppression de la chefferie », soutint Ibrahima Barry III ; ils ajoutaient , alors que les populations guinéennes celles de la Moyenne Guinée en particulier venaient encore de rejeter leurs partis (BAG et DSG) à l’issue d’élections supervisées pourtant par l’administration coloniale, leur alliée, que « la population du Fouta-Djalon n’était pas représentée au gouvernement de la semi-autonomie », sous le faux prétexte « qu’elle constitue le groupement ethnique le plus important de la Guinée ». Quant à Diawadou Barry, pourtant député de toute la Guinée depuis le 27 juin 1954, même s’il a été « difficilement réélu » le 2 janvier 1956 selon le gouverneur du territoire dans son compte rendu électoral, après avoir été conseiller de l’Union Française de toute la Guinée, il soutint, contre l’ évidence, que «Saïfoulaye Diallo est contre l’unité des Foulas » ; il évoqua même le traité

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In: Horoya-hebdo, n°2235, 15-21 août 1976 Sidiki Kobélé Keïta. Un Homme de conviction et de foi, Saïfoulaye Diallo (1923-1981), Conakry, SKK, 2003. 208

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de protectorat pour justifier sa position politique et demander au gouvernement français de « ménager le [Fouta-Djalon] dans toute la mesure du possible ». Ces propos n’eurent, heureusement, aucune prise sur les masses populaires de la Moyenne Guinée comme l’attestent non seulement les résultats des scrutins organisés entre 1945 et 1958, mais surtout lors du référendum du 28 septembre 1958. En effet, même si le pourcentage du « OUI » le plus élevé fut enregistré en Moyenne Guinée, il n’empêche que cette grande région naturelle, dans sa masse, s’est préparée pour le rejet de la constitution gaulliste comme le demandait le PDG, rejoint par le Parti du regroupement africain (PRA Guinée: BAG et DSG). C’est ainsi qu’à Dalaba, Dinguiraye, Pita et Mamou, le pourcentage du « non » varie entre 92 et 99% des suffrages exprimés, alors qu’à Labé, Dalaba, Tougué et Mali, les pourcentages varient entre 58 et 80% des suffrages exprimés. L’indépendance acquise, la nécessité de construire l’unité nationale et de la consolider ne préoccupa guère les cadres et intellectuels ethnocentriques et régionalistes de toutes les régions dont le seul souci fut, depuis lors, la conquête du pouvoir par tous les moyens, en utilisant en particulier tous les facteurs désagrégeant et subjectifs. Ils n’hésitèrent pas à s’associer aux pires ennemis de la Guinée pour atteindre cet objectif. D’où la participation de certains aux côtés des Français et des Portugais à toutes les opérations de déstabilisation contre leur pays de 1958 à 1984, sous le fallacieux prétexte que Sékou Touré était dictateur, raciste. Ainsi à la suite de l’échec de la tentative du 14 mai 1976, de nombreuses personnes, de toutes les ethnies (malinké, soussou, peul, etc.) avaient été appréhendées, traduites devant le Tribunal révolutionnaire, jugées et condamnées. Mais les ethnocentriques ne parlent encore que des cadres peuls, du complot malhonnêtement transformé en « complot peul », expression inventée et employée par des médiocres cadres et reprise par d’anciens prisonniers politiques et des intellectuels ethnocentriques pour des raisons bassement subjectives et opportunistes. Ce terme n’a jamais été prononcé ni repris par Sékou Touré.

La particularité de l’opération du 14 mai 1976 : l’existence d’une nation unie Certes, certains cadres racistes en général, de la Moyenne Guinée en particulier, ont toujours combattu Sékou Touré, comme l’attestent tous ceux qui ont étudié l’histoire de ce pays ; même les services de renseignements occidentaux, qui ont toujours tenté de mettre la Guinée à genou, reconnaissent que nombre d’opérations de déstabilisation étaient montées en particulier de l’extérieur par eux ou avec eux ; qu’ils ont compté sur l’appui de la France coloniale et la participation d’opposants de l’intérieur de la Guinée ; certains des organisateurs tronquaient les propos de Sékou Touré et de ses compagnons de lutte pour recruter et n’utiliser, en général, que des éléments de leur ethnie pour combattre le régime ; il en fut ainsi de l’agression du 22 novembre 1970 : le

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commandant Thierno Diallo, Siradiou Diallo, Hassane Hassad, etc., après avoir fait garder à Lisbonne (Portugal) l’initiateur de l’opération , le syndicaliste David Soumah, un soussou qui les avait contactés pour l’agression, avait essentiellement recruté dans les milieux de leur ethnie de la diaspora, en France , Gambie, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et c’est un Peul qui devait être, selon eux, le chef de l’État, et c’est en pular que celui-ci devait lancer sa première intervention, si l’agression avait réussi, affirme Dr Rachid Touré déjà cité. Certes, la particularité du complot du 14 mai 1976 résidait dans le fait que ce sont des cadres peuls racistes qui, prenant directement, cette fois, le relais, furent majoritairement arrêtés et condamnés ; mais de nombreux cadres d’autres ethnies s‘associèrent également au mouvement car, ce qui était important chez les opposants conscients et non racistes, c’était moins l’ethnie que l’opposition idéologique et politique au PDG ; aussi, le Président Sékou Touré ne parla-t-il jamais de complot peul : comme tous les autres complots dénoncés, il savait que celui du 14 mai 1976 était très hétéroclite. Mais ce qu’il faut signaler en particulier, c’est que l’échec du complot du 14 mai 1976 a fourni la preuve que l’unité nationale était un fait accompli et réel : aucune manifestation de caractère ethnique ne se produisit contre les ressortissants de la Moyenne Guinée résidant dans une localité guinéenne, en Guinée Forestière, en Haute Guinée et en Basse-Guinée.

Pourquoi Sékou Touré ne pouvait pas s’en prendre à l’ethnie peule ? En effet, si, comme le prétendent certains intellectuels, natifs de la Moyenne Guinée, détracteurs du régime, c’est toute l’ethnie peule que Sékou Touré avait accusée de complot, une telle accusation aurait été si grave, elle aurait entraîné des conséquences politiques si désastreuses, si funestes, si irresponsables qu’elle aurait eu, pour effet immédiat, de faire voler en éclat l’unité nationale. Devant l’immensité d’un tel préjudice et d’une telle fracture causés à l’unité nationale, une seule question vient à l’esprit : Sékou Touré serait-il devenu mentalement débile, serait-il borné à ce point ou politiquement analphabète pour apporter si gracieusement, si généreusement, si délibérément, par cette accusation, de l’eau au moulin des pires ennemis de l’unité nationale ? La première conséquence et la plus grave qu’entraînerait cette accusation consisterait en l’immédiate et irréversible désaffection envers le PDG, de l’immense majorité des travailleurs patriotes des villes et campagnes de la Moyenne Guinée, désaffection plus ruineuse, plus préjudiciable à l’unité nationale que toute révolte de ces masses paysannes et citadines. De même, ce sont tous ces cadres et militants patriotes du PDG de la Moyenne Guinée, à commencer par Saïfoulaye Diallo, lui-même, qui en viendraient à se demander s’ils ont encore quelque raison de demeurer dans le PDG. Même en supposant que Sékou Touré ait été tenté, un instant, d’accuser toute l’ethnie peule de complot, comment ne pas admettre alors que l’indéfectible

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amitié, née d’une longue pratique d’un idéal politique commun, laquelle a résisté à tous les outrages du temps et a lié les deux hommes, Sékou Touré et Saïfoulaye Diallo, a nécessairement été un facteur déterminant ayant amené Sékou Touré à s’interdire de porter une telle monstrueuse accusation. En réalité, et comme l’attestent tous les documents du Parti et du gouvernement, Sékou Touré ne s’en était jamais pris à l’ethnie peule, un fait historique et naturel, mais à l’ethnocentrisme ou au régionalisme érigé en système politique par certains cadres peuls racistes. La présence constante de Saïfoulaye Diallo à ses côtés et dont il fut un incomparable alter ego ; de ce fils de l’aristocratie peule, qui a osé trahir sa classe pour venir se placer sur les positions du peuple de Guinée, son peuple ; de cet homme de stature exceptionnelle, admirable de dignité, de fidélité à ses convictions politiques et patriotiques les plus authentiques et les plus profondes ; qui opposa, de la manière la plus résolue et la plus ferme, une résistance jamais démentie, à toutes les sirènes surgies de toutes parts, de sa classe trahie comme des tenants de la colonisation. Cette présence salvatrice était une considération, à elle seule, suffisante à dissuader Sékou Touré de lancer une si monstrueuse accusation de complot contre toute une ethnie, l’ethnie peule, l’ethnie de Saïfoulaye Diallo, son ami. D’où la dernière preuve que la campagne avait lamentablement échoué, la dénonciation par ce dernier, de l’action nocive des cadres ethnocentriques : « Les agents de la 5e colonne impérialiste, affirme-t-il, dans leur travail de sape et de dénigrement du régime populaire et démocratique de la Guinée, qu’ils ont décidé d’abattre, ont toujours fait état, dans leurs dépositions de ce qu’ils appellent « la situation particulière du Fouta…brandissant encore une fois l’arme perfide du racisme, du régionalisme et du mensonge éhonté contre la liberté et le bonheur du Peuple de Guinée [….] Fort heureusement, l’arme du racisme et du régionalisme n’est brandie que par une minorité de pseudo- intellectuels tarés » (209).

Des cadres peuls dénoncent ledit racisme En réalité, tous les cadres de bonne foi de la Moyenne Guinée, des cadres de haut niveau, savaient que Sékou Touré ne dénonçait qu’une infime minorité d’éléments racistes de la région. Aussi, n’a-t-on, à aucun moment, constaté d’hostilité individuelle ou collective contre un citoyen ou un groupe d’individus parce qu’il était peul ; et plus d’une cinquantaine de cadres et intellectuels de la Moyenne Guinée avaient d’ailleurs jugé nécessaire de stigmatiser le complot de 1976 par des déclarations qu’aucun d’entre eux ne fut contraint de faire et que le journal Horoya reproduisit abondamment avec photo de chacun des intervenants.

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In : Horoya Hebdo, n° 2237, 29 août-4 septembre 1976.

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Que certains de ceux-là se rétractent aujourd’hui n’étonne personne : la frivolité et l’opportunisme ont toujours sous-tendu les activités de nombre de cadres guinéens. Ce qui explique, en partie, le malheur actuel de la Guinée. Les jeunes auraient été plus édifiés si le journal Universel (210), qui avait promis de publier lesdites déclarations, en commençant par celle de Morou Baldé, avait respecté sa promesse. A-t-il a été déconseillé comme Ba Mamadou qui n’avait pas tenu parole, lors de la campagne présidentielle de 1993, de continuer à dénoncer Siradiou Diallo ? La question mérite d’être posée puisque le journal n’a donné aucune explication justfiant son renoncement au projet.

La campagne de désinformation Mais la dénonciation du racisme de certains cadres natifs de la Moyenne Guinée en 1976 fut un prétexte pour l’opposition d’intensifier la campagne contre Sékou Touré et de continuer à amplifier le recrutement de mercenaires dans les milieux de la diaspora. Nous verrons à l’annexe 2 que c’est avec cet argument que le mercenaire Alpha Oumar Bah, abandonné par Bob Denard au Bénin suite à l’échec de l’agression du 16 janvier 1977, fut recruté à Dakar. Que les services spéciaux étrangers ayant lamentablement échoué dans leur lutte insensée contre Ahmed Sékou Touré profitent de cette campagne pour entretenir une certaine haine au sein de milieux revanchards, cela est tout à fait dans les règles du jeu et cela se comprend aisément ; mais que Siradiou Diallo et sa bande n’aient trouvé autre chose à se mettre sous la dent que cette campagne de désinformation pour essayer de torpiller l’unité nationale en manipulant les éléments les plus naïfs des milieux de l’immigration, cela prouve que l’unité nationale est menacée. Et c’est en vue de détruire l’unité nationale que les ennemis historiques de l’ancien régime ont ainsi exploité, et continuent à le faire, cyniquement l’aura et la stature internationale de Telli Diallo ; or, ce sont eux qui semblent avoir trompé, dénoncé et livré cet homme aux autorités guinéennes.

L’aveu d’Amadou Diallo, acteur important de la tentative de 1976 Mais l’attaque en règle déclenchée depuis lors contre Ahmed Sékou Touré a fini par s’essouffler :la vérité a fini par faire son travail de clarification auprès de ceux qui s’étaient laissé duper, même si l’agitation continue grâce à des journalistes de médias étrangers aux ordres et des mercenaires de la plume évoluant dans certains médias guinéens qui feignent d’ignorer que toute démesure est vouée à la lassitude, à l’indifférence et à la banalisation. La réalité et la véracité du complot dans lequel Telli Diallo impliqué avait été arrêté ont été établies et reconnues par Amadou Diallo, un des principaux acteurs 210

In : Universel, n° 13 du 31 décembre 2000.

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de l’opération. Auteur d’un ouvrage, La mort de Telli Diallo, écrit à Paris, à sa sortie de prison, préfacé par Siradiou Diallo et arrangé par Anne Blancard, Amadou Diallo a tenté d’innocenter l’homme qu’il avait lui-même dénoncé au Comité Révolutionnaire et qui fut arrêté le 18 juillet 1976.Il précise que l’opération avait pour objectif le renversement du régime du PDG (211).

La poursuite des complots Trois autres tentatives de renversement du régime seront encore enregistrées avant le décès de Sékou Touré ; elles furent toutes fomentées en Guinée, avec le soutien, comme toujours, des services spéciaux étrangers et la participation de Guinéens de l’extérieur : la révolte d’un groupe de femmes du marché M’Balia, l’attentat au Palais du Peuple et l’explosion à l’aéroport de Gbessia.

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Amadou Diallo. La mort de Telli Diallo, op.cit.p.16.

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Chapitre XI La révolte d’un groupe de femmes du marché M’Balia Camara à Madina (Conakry), les 27 et 28 août 1977

« Les complots n’étaient pas inventés. Quelqu’un peut ne pas être coupable, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de complot. Moi on m’a arrêté après les évènements du 27 août [1977] et je ne suis coupable de rien. Je sais que je suis innocent, mais je ne peux pas dire pour autant que cette manifestation n’a pas été un complot » Chérif Nabadiou

Position du problème Ainsi, quinze mois après la tentative d’assassinat du 14 mai 1976, l’opposition tenta de récupérer un événement circonstanciel et qui semblait spontané : la révolte des femmes du marché N’Balia Camara à Madina (Conakry). Elle tenta même de transformer cette réaction justifiée en un mécontentement général des femmes contre le régime. Mais comme toujours, l’échec fut encore total. Nous sommes d’autant plus à l’aise pour le soutenir que nous avons eu la chance de suivre la manifestation de très près lorsqu’elle se déroula du Palais du Peuple, où nous participions à un séminaire, au Palais de la Présidence de la République, où les femmes rencontrèrent le Président Ahmed Sékou Touré. Ce ne fut guère, ce jour-là, « une marée humaine » déferlant sur l’avenue de la République» (212), comme l’affirme madame Bruce Mariama Aribot; elle ne fut pas non plus l’expression d’un « Peuple [qui] exprime publiquement son désaccord avec les méthodes de gouvernement des leaders qu’il avait portés aux nues dix-neuf ans plus tôt » (213) , comme le soutient le journal Horoya dont l’opportunisme et l’ignorance des faits historiques guinéens sont une illustration remarquable des sommets de dérive auxquels un média d’État peut atteindre.

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Gnouma, n°4, spécial 27 août 200. In : Horoya, n°3665,31 août au 6 septembre 1992, p.5.

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Cet événement fut plutôt une illustration de l’estime et de l’affection dans lesquelles le leader tenait les femmes, les jeunes et les travailleurs, l’osmose sentimentale qui liait ceux-ci à la Direction du PDG et à Ahmed Sékou Touré, en particulier.

Les faits et leur chronologie Le samedi 27 août 1977 La manifestation spontanée des femmes, circonscrite à un coin de Madina Marché et non dans toute la Guinée, a lieu pour la raison suivante : excédées par le comportement dévoyé de la police économique qui devait tout simplement surveiller les prix des marchandises et empêcher leur augmentation par les commerçants véreux, des femmes réagirent par une protestation qui semblait spontanée; un agent de cette police voulait vérifier, dans le cadre de cette lutte, le contenu du panier d’une marchande qui y avait placé son enfant au lieu de la marchandise; le cri de colère de cette femme ameuta un groupe de marchandes qui, également excédées par les agissements intempestifs de cette police, formèrent un cortège et se rendirent d’abord au siège du Parti dans le 5e arrondissement dont les responsables, pour la plupart des opposants camouflés et instigateurs de l’opération, les dirigèrent vers le Palais présidentiel, avec le slogan, le seul : « A bas la Police économique » et non en chantant « des slogans hostiles au pouvoir » (214), comme l’écrit Gnoumassé Daffé. Préalablement informé des raisons de l’incident, le Président Ahmed Sékou Touré, présent au Palais de la République, autorisa les manifestantes à s’introduire dans la cour du Palais que les sentinelles s’apprêtaient à fermer. Il les accueillit du haut du balcon où il se tenait ; écouta attentivement leur revendication qui se résumait en un seul point qu’exprimait le slogan : « A bas la Police économique ». Et pour bien marquer son accord avec cette revendication, il reprit le slogan à son compte en criant à pleins poumons : « A bas la Police économique ». Version que confirme le témoignage, cette fois d’une actrice de l’opération, paru dans le même numéro de la revue Gnouma, de Hadja Aïba Nabé, bellesœur de Mme Nabé Saran Kêra qui fut à l’origine du mouvement de protestation; elle avait vécu les faits et participé à la manifestation du 27 août 1977, d’où la véracité de son témoignage : « Arrivés là [la Présidence de la République à Conakry I], dit-elle, nous avons trouvé le Président Ahmed Sékou Touré qui était en entretien avec des étrangers. Il s’est détaché et nous a demandé ce qu’il y avait ; on lui a narré tout. Ensemble avec toutes les femmes, il a scandé: « à bas la police économique ». Satisfaites et joyeuses, les manifestantes reprirent le chemin du retour en entonnant les louanges du président Ahmed Sékou Touré pour qui l’incident était clos. 214

Gnouma, n°4, spécial 27 août 2003

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Il faut ajouter que le cortège s’était rendu à la Présidence de la République sans aucune surveillance policière ou militaire particulière.

Les loubards sous l’influence de l’opposition Mais, pendant que les femmes se rendaient au Palais présidentiel, des loubards et des taximen recrutés et animés par des opposants s’attaquaient aux locaux des commissariats, des brigades de gendarmerie de la banlieue et à ceux sis jusqu’au kilomètre 36, qu’ils saccagèrent et incendièrent; des opposants avaient profité de la situation pour réquisitionner des cars pour le transport d’autres manifestants mobilisés à la hâte.

La réaction prématurée du BPN Le Bureau politique national du PDG se réunit aussitôt et convoqua, au Palais du Peuple, un meeting pour le lendemain. La suite des événements montra que la convocation d’un meeting pour le surlendemain de la réunion par la Direction nationale du Parti, alors que les esprits étaient encore surchauffés, était prématurée. En effet, que des femmes soient descendues dans la rue, aient organisé une manifestation sur un parcours de près de quatre kilomètres sans que la police n’ait prévu l’ampleur d’une telle manifestation et quelque résistance que ce soit, ce fut la surprise ; le fait que, dans le même temps, le comité directeur du parti du 5e arrondissement n’ait pas été à la hauteur des évènements étonna ; ces faits, à eux seuls, suffisaient à indiquer à la direction nationale du parti que la manifestation des femmes n’était plus un mouvement spontané. En conséquence, le Bureau Politique National, après avoir donné satisfaction aux manifestantes par la suppression publique de la Police économique, aurait dû mettre à profit le répit qui s’en était suivi pour ordonner, et à la police et au comité directeur du 5e arrondissement, une enquête approfondie sur les causes profondes non seulement de l’incident au marché de Madina, mais surtout de la manifestation de rue des femmes. Il semble que cette enquête n’a pas été diligentée avant la tenue du meeting. Ce fut une erreur qui faillit être fatale au régime. Ce fut aussi un échec et l’origine de l’arrestation de ceux qui s’étaient laissé recruter.

La nuit du 27 au 28 août 1977 L’opposition récupère la protestation spontanée En effet, dès que le meeting fut annoncé le 27 août au soir , l’opposition, ayant réussi à récupérer le mouvement, en profita pour s’atteler au recrutement des éléments féminins affranchis ; elle se retrouva dans la nuit du 27 au 28 août pour préparer ce groupe de femmes, toutes du 5e arrondissement de Conakry III ; elle les chargea de perturber le meeting prévu le lendemain au Palais du Peuple, dans l’espoir d’une répression qui incitera l’armée à prendre le pouvoir; les instigateurs leur avaient fait comprendre que toutes les dispositions avaient été prises pour le succès de l’opération ; convaincues, elles se préparèrent conséquemment, sans s’apercevoir du caractère criminel de l’action négative des

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cadres qui les utilisaient. La manifestation spontanée à l’origine devint un complot.

Le dimanche 28 août 1977 Le meeting abrégé Le meeting convoqué par le BPN se tint, vers 10 heures du matin, dans la salle du congrès du Palais du Peuple comme prévu. Pendant que le président Ahmed Sékou Touré prononçait son discours, ce groupe de femmes fit irruption dans la salle; habillées en haillons, en pagnes retroussés et les fronts ceints de tissu rouge, chantant des chansons hostiles au parti, en particulier : « Sékou Touré, ce n’est pas ce que nous avions convenu » , elles étaient prêtes à en découdre avec quiconque s’opposerait à leur manifestation ; le secrétaire général du parti dut interrompre le discours et rejoindre précipitamment la Présidence de la République sur le conseil de certains ministres. « Leur revendication avait été pourtant satisfaite hier et elles étaient reparties toutes heureuses », disait-on au Palais du Peuple, après l’incident. Le même groupe de femmes voulut se rendre au Palais de la République ; il en fut empêché par l’armée qui réussit à effrayer les manifestantes par des tirs en l’air ; on ne dénombra qu’une victime, la personne atteinte par une balle perdue, un homme, qui suivait les manifestations du seuil de sa porte au quartier Coronthie (Conakry); on parla, à ce propos, d’un règlement de compte.

La loyauté de l’Armée Respectant les consignes du chef de l’État, par loyauté et patriotisme, l’Armée ne tira pas sur les femmes et ne profita pas de cette occasion pour prendre le pouvoir qui était pourtant à sa portée : les structures d’encadrement du PDG, surprises et prises de court, avaient été presque toutes incapables de réagir ; mais l’Armée était tenue par son serment. La preuve est qu’elle ne prit le pouvoir qu’après le décès du président Ahmed Sékou Touré sur le conseil et les directives de certaines délégations des pays occidentaux qui avaient toujours cherché à liquider le régime et faire échouer son entreprise politique et économique indépendante. Toute autre version, comme celle donnée par Alsény René Gomez et d’autres avant lui, est pur mensonge, une simple falsification satanique et cynique de l’opération pour soutenir une thèse fragile et inutile.

La campagne de désinformation et l’intoxication Déjà, l’opposition et ses relais extérieurs disposant de la presse à la solde des Services Spéciaux qui finançaient certains journalistes européens et africains avaient fait croire que c’était une révolte générale des femmes de Guinée contre le régime ; il n’en fut rien ; seules quelques marchandes d’une seule zone du marché de Madina, hormis les femmes du cinquième arrondissement et plusieurs autres de la capitale, avaient manifesté le 27 août contre la Police économique et s’étaient rendues au Palais du Peuple le 28 août.

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En dehors de Conakry, on n’a signalé des manifestations de moindre importance qu’à Kindia, ville située à cent cinquante kilomètres de Conakry et sur l’action de taximen venant de Conakry. On aurait pu s’attendre à ce que Coyah, à cinquante kilomètres de Conakry, centre commercial cosmopolite très important, prenne le relais de la violence de Conakry, ameutée par quelques coups de téléphone hâtivement lancés à des opposants ciblés, mais inefficaces ; là encore, comme dans tout le reste du pays, le calme a été observé par l’écrasante majorité des travailleurs des villes et des campagnes, contrairement à l’affirmation d’opposants d’Ahmed Sékou Touré. Par ailleurs, toutes les femmes présentes, qui avaient protesté contre les agissements incongrus d’un agent de la police économique le 27 août, n’avaient lancé aucun slogan hostile au pouvoir contrairement à ce qu’a écrit, par exemple, madame Gnoumassé Daffé: les protestataires ne s’en étaient pas prises au régime dans son ensemble, ni à la personne d’Ahmed Sékou Touré, mais à une institution que des éléments irresponsables des services de Police avaient dévoyée. Satisfaites de la réponse du chef de l’État, elles avaient rejoint leurs étals ou leurs foyers, heureuses d’avoir été bien comprises, le 27 août 1977.

Conséquences du 27 août 1977 Estimant que la Police économique avait trahi sa mission : lutter contre les transactions frauduleuses sur les produits alimentaires de première nécessité importés par le gouvernement et contre la cherté de vie en imposant, au commerce privé et d’État, le respect scrupuleux des prix officiellement fixés, le gouvernement la supprima. Cet évènement contribua aussi à l’évolution du régime vers un libéralisme progressif et maîtrisé, surtout que l’embargo dont la Guinée était victime depuis 1958 se relâchait petit à petit, depuis la réconciliation avec la France, le 14 juillet 1975, et celle des Présidents Houphouët-Boigny, Léopold Sédar Senghor avec le Président Ahmed Sékou Touré, les 18-19 mars 1978 à Monrovia(Libéria). Après trois ans d’accalmie, c’est l’opposition extérieure qui prit le relais et se manifesta encore par le jet de grenades dans la salle du congrès du Palais du Peuple avec la complicité active de certains éléments de la 5e colonne.

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Chapitre XII Les derniers soubresauts (1980-1984)

Considérant la « réconciliation » de la Guinée avec la France (1975), la Côte d’Ivoire et le Sénégal (1978) comme une trahison de la part de ces pays, « l’opposition » intérieure et extérieure, désemparée, se livra à des opérations désespérées. Sidiki Kobélé Keita

I.- L’attentat au Palais du Peuple, le 14 mai 1980 Faire effacer les dates historiques établies L’un des objectifs de la France a toujours été, depuis l’indépendance de la Guinée, de faire rayer de la chronologie nationale par des Guinéens les dates qui font la fierté de leur pays. Ainsi, la rupture des relations diplomatiques avec la France s’est produite le 22 novembre 1965 ; l’agression du 22 novembre 1970, si elle avait réussi, devait faire oublier l’importance historique de cette rupture, ou l’amoindrir ; suite à la répression du stade du 28 septembre 2010, des Guinéens, bénéficiant du soutien de la France, ne souhaiteraient plus que le Peuple de Guinée fête l’unique « Non » au référendum du 28 septembre 1958 qui a fait disparaître le système colonial français. Ainsi, il suffit de voir comment le 28 septembre 2012 a été fêté à Paris : la salle déjà louée au club Ahmed Sékou Touré lui a été retirée au profit de ceux qui fêtaient l’anniversaire du massacre du Stade du 28 septembre 2010. Heureusement que les récentes élections législatives ont eu lieu le 28 septembre 2013 ! C’est le même objectif qui fut visé le 14 mai 1980, date anniversaire de la création du PDG-RDA (14 mai 1947).

Une matinée enthousiaste Les auteurs et commanditaires de l’attentat qui s’était produit ce jour-là avaient prévu un grand carnage en un lieu symbolique, le Palais du Peuple, et à une date qu’ils voulaient rayer définitivement des pages de l’histoire du Peuple de Guinée, le 14 mai 1947, date de naissance du PDG. Le triomphe de l’ennemi aurait été apprécié si la date de la liquidation du régime de la première République avait coïncidé avec celle de sa naissance. En effet, comme chaque année, le PDG fêtait l’anniversaire de sa naissance, celui de ses trente-trois ans; les festivités s’étaient déroulées dans d’excellentes

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conditions et dans toutes les fédérations du Parti, à Conakry comme à l’intérieur du pays, depuis le matin. À Conakry, les festivités avaient débuté par un défilé, le matin, au Stade du 28 septembre ; elles se poursuivirent, l’après-midi, par la finale de la coupe du football du PDG opposant l’Olympique Club du troisième arrondissement et le Lumumba Football Club du cinquième arrondissement ; elles virent la victoire de l’Olympique.

Une soirée endeuillée Une soirée artistique et culturelle devait clôturer cet anniversaire dans la salle du congrès du Palais du Peuple, en présence du Président de la République accompagné de la délégation française à la commission mixte franco-guinéenne de la coopération. Le programme se déroulait normalement avec les orchestres Horoya Band, Bembéya, l’Ensemble instrumental et choral de la République et les Ballets Africains quand la salle du spectacle reçut deux grenades. La première explosa à 22 heures 25 et causa deux morts et trente-cinq blessés dont cinq femmes grièvement blessées, et deux hommes d’affaires français qui prirent aussitôt l’avion pour la France. La seconde jetée sur la loge présidentielle n’explosa pas.

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Le chauffeur des jeteurs de grenades, Barry Thierno Mamadou Mouctar

La fuite des acteurs de l’opération Profitant de la confusion et aidés par leurs complices intérieurs, la 5e colonne, les auteurs ou ceux qui avaient armé les lanceurs des grenades bondirent dans le véhicule en stationnement prêt à démarrer en trombe vers Labé d’où ils atteignirent Dakar au petit matin du 15 mai 1980 ; l’opération avait échoué et les enquêteurs risquaient de les localiser et les arrêter, grâce à la vigilance des populations déjà en éveil. L’un des acteurs principaux de cet attentat, Lamine Bah, alias Mamadou Alpha, fut directeur de l’Entreprise Régionale du Commerce (ERC) à Dalaba où il aurait détourné 22 millions de sylis (220 millions FG) et réussi à fuir de la Guinée dès que l’étau se resserra autour de lui ; recherché par l’intermédiaire d’Interpol, il se fit ensuite passer pour un exilé ; il fut vite récupéré par les

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recruteurs de mercenaires guinéens. Et c’est aux Comores qu’il aurait été choisi et préparé avec d’autres mercenaires pour venir accomplir leur forfait à Conakry. Bah Lamine s’est toujours vanté d’être le « lanceur » de la grenade. Or, depuis septembre 2006, nous avons une autre version qui permet d’expliquer, en attendant sa mise au point, l’un des mystères de cet attentat : la non-explosion de la grenade jetée vers la loge présidentielle.

La fuite des acteurs de l’opération Profitant de la confusion et aidés par leurs complices intérieurs, la 5e colonne, les auteurs ou ceux qui avaient armé les lanceurs des grenades bondirent dans le véhicule en stationnement prêt à démarrer en trombe vers Labé d’où ils atteignirent Dakar au petit matin du 15 mai 1980 ; l’opération avait échoué et les enquêteurs risquaient de les localiser et les arrêter, grâce à la vigilance des populations déjà en éveil. L’un des acteurs principaux de cet attentat, Lamine Bah, alias Mamadou Alpha, fut directeur de l’Entreprise Régionale du Commerce (ERC) à Dalaba où il aurait détourné 22 millions de sylis (220 millions FG) et réussi à fuir de la Guinée dès que l’étau se resserra autour de lui ; recherché par l’intermédiaire d’Interpol, il se fit ensuite passer pour un exilé ; il fut vite récupéré par les recruteurs de mercenaires guinéens. Et c’est aux Comores qu’il aurait été choisi et préparé avec d’autres mercenaires pour venir accomplir leur forfait à Conakry. Bah Lamine s’est toujours vanté d’être le « lanceur » de la grenade. Or, depuis septembre 2006, nous avons une autre version qui permet d’expliquer, en attendant sa mise au point, l’un des mystères de cet attentat : la non-explosion de la grenade jetée vers la loge présidentielle.

La première version : Lamine Bah, auteur de l’attentat Arrivé à Dakar en provenance des Comores, Lamine Bah aurait pris quatre hommes, dont le chauffeur, dans un véhicule tout terrain acheté et rodé à Dakar d’où ils s’étaient embarqués, après des entraînements intenses, pour Conakry via Labé. Dans cette localité, ils avaient reçu quelques précisions sur le lieu de l’attentat, le programme du spectacle, la liste des invités et l’assurance que le chef de l’ État y serait présent ; ils étaient également informés de l’emplacement des complices intérieurs, la 5e colonne, déjà sur place, dans la salle du spectacle ; arrivés au Palais du Peuple, ils avaient garé le véhicule sous le fromager dans la cour donnant accès à la salle du spectacle ; le chauffeur du véhicule était resté derrière le volant de son véhicule, prêt à partir immédiatement après qu’ils aient accompli leur criminel forfait ; ce qu’ils firent aussitôt, ayant su que la seconde grenade n’avait pas explosé ; or, étant sûrs de réussir leur coup, ils n’avaient pas prévu une autre forme d’intervention. Ils prirent aussitôt la tangente vers Dakar via Labé.

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La deuxième version : Lamine Bah et ses coéquipiers utilisèrent deux jeunes du quartier Bassikolo de Conakry Mamadou Thiam, du Mali, qui a fait ses études supérieures en Guinée, avait donné une autre version lors de son intervention publique au colloque du Club Ahmed Sékou Touré de Bamako, en septembre 2006 (215). Il s’était rendu, en février 1985, après sa formation militaire et idéologique, à Télimélé, auprès de Bah Jules, ancien ministre du gouvernement de la Première République qui venait de sortir de prison après treize mois de détention suite au coup d’État du 3 avril 1984 ; il y passa quarante-huit heures et y rencontra un certain Baldé, cousin de Bah Jules, venant de Dakar par la route, et se rendant à Conakry ; celui-ci comptait toucher son salaire de mercenaire des mains de Siradiou Diallo ; Baldé le mercenaire aurait affirmé n’avoir rien perçu jusqu’à ce jour ; or, étant un homme de terrain, il serait venu en Guinée sous l’ancien régime, pour différentes opérations de déstabilisation avec tous les risques que cela comportait ; il avait pris souvent, par exemple, contact avec l’opposition intérieure pour transmettre des consignes de l’extérieur et faire rapport des activités des éléments du Front intérieur. C’est ainsi qu’il prit part à l’attentat du 14 mai 1980 au Palais du Peuple. Selon Baldé le mercenaire, ils étaient cinq, dont lui-même qui passèrent trois mois d’entraînement au Parc de Niokolokoba (Sénégal) : deux chauffeurs spécialisés en mécanique en cas de panne et trois autres éléments pour lancer les grenades au Palais. Ils étaient venus à bord d’une 4/4 américaine. Après être passés par Labé, où ils reçurent les dernières précisions, ils arrivèrent au cinéma 8 novembre à Conakry. Les trois lanceurs de bombe, dont Lamine Bah, y descendirent pour se rendre au Palais du Peuple. Pris de panique et convaincus que leur acte était risqué, ils avaient préféré recruter deux jeunes du quartier Bassikolo de Conakry, près du Palais du Peuple en leur promettant, une fois leur mission accomplie avec succès, d’augmenter la prime ; ces jeunes seraient issus de familles d’opposants qui avaient été contactées auparavant ; pour accomplir le forfait, ils répartirent les deux grenades entre les deux jeunes : la première était bloquée ; jetée sur le public , elle n’aurait pas explosé, mais aurait provoqué la panique dont le second jeune devait profiter pour jeter, sur le président, la seconde grenade qu’il aurait simplement dégoupillée. Selon Baldé le mercenaire, les deux jeunes gens, affolés, intervertirent les grenades : la seconde dégoupillée fut jetée sur la foule et explosa, d’où le carnage ; la première non dégoupillée sur le Président, mais n’explosa pas. Quand vint la panique de la foule sortant précipitamment du Palais du Peuple, les cinq hommes n’ont pas cherché à savoir si Ahmed Sékou Touré était encore en vie ; ils auraient foncé sur Dakar, via Labé, d’où ils auraient roulé toute la nuit pour atteindre la capitale sénégalaise, le lendemain matin. 215

In : Témoignage repris au bureau de Me Mariama Diawarra, le 13 octobre 2006.

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Baldé le mercenaire, qui était un « Comorien », aurait regretté vivement la lâcheté dont ils avaient fait preuve: leur choix des « jeunes qui seront pris dans un autre complot et exécutés » et le fait que les familles des deux jeunes n’aient pas été indemnisées, comme promis.

Laquelle des deux versions est à retenir? Lamine Bah, qui affirme avoir été l’auteur du lancement des deux grenades, nous avait dit, en 1996, qu’il attendait « le moment opportun pour tout déballer ». Or, trente-trois ans après l’acte, il n’a toujours pas trouvé ce moment. Mais la deuxième version permet, en attendant cet aveu, d’élucider ce qui semblait être jusqu’alors un mystère, le caractère inexplosible de la grenade jetée sur le président Ahmed Sékou Touré : elle n’était pas celle que les auteurs de l’attentat lui avaient initialement destinée. L’attentat a eu cependant des morts et blessés. Toujours est-il que selon Almamy Ibrahima Barry ce sont des militants du RGE qui avaient lancé les deux grenades (216).

Les victimes de l’attentat La grenade avait fait deux victimes dans la salle le 14 mai 1980 : Morikè Konaté et Fanta Camara et des blessés graves. Les blessés, répartis entre les deux hôpitaux aux frais du gouvernement guinéen, reçurent la visite des responsables et militants du parti. Le Chef de l’État leur rendit également visite à l’hôpital Ignace Deen le 19 mai 1980, et à l’hôpital Donka, le 20 mai 1980; il exprima sa compassion et ses souhaits à chacun des blessés, un prompt rétablissement tout en formulant les encouragements du Parti. On dénombra, malheureusement, deux décès à l’hôpital: Bokoum Dramé, hôtelier au Palais du Peuple, et Georges Toca William (70 ans), militant du quatrième arrondissement de Conakry.

Au total, il y eut quatre morts. Les réactions intérieures et extérieures La quarante-cinquième session du Conseil National de la Révolution fut convoquée. Elle plancha, les 19 et 20 mai 1980, sur les mêmes événements qui furent au centre des débats de cette session. La résolution qui en sortit invita à plus de vigilance : l’ennemi, n’ayant pas été désarmé, cherchait toujours à brouiller, en particulier, les relations avec la France. Les État - majors des forces armées nationales et les bureaux des unités militaires se présentèrent au salon de la Présidence le 30 mai 1980 ; les mains levées, ils chantèrent, à la fin de l’audience, le serment de fidélité de l’Armée guinéenne au peuple, à sa Révolution et au Président Ahmed Sékou Touré : « Si 216

In Le Lynx, n°575 31 mars 2003 ; n°576,7 avril 2003.

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je te trahis, si je trahis, mon père Sékou que Dieu m’en punisse ». Leur porteparole, Ismaël Diallo, du comité militaire de la Marine Nationale, stigmatisa le complot, exprima l’indignation des militaires et « leur détermination à dépister et à écraser les criminels » (217) ; il ajouta : « si par malheur, il s’en trouvait un parmi les militants en uniformes », les militaires lui réserveraient la mort. Les mêmes sentiments de solidarité et de sympathie se manifestèrent à l’étranger en faveur du peuple et du gouvernement guinéens ; l’attentat fut suivi d’arrestations ; mais aucune des personnes appréhendées ne fut l’objet de condamnation et toutes seront libérées.

La désinformation et l’intoxication La presse extérieure, mal informée ou mal intentionnée, présenta cet attentat comme l’expression d’hostilité unanime du Peuple de Guinée contre le PDG et son régime alors que les faits prouvaient déjà que ce fut l’œuvre de l’ennemi extérieur, des Guinéens mécontents des avancées économiques et diplomatiques performantes de la Guinée (nombreux accords de coopération signés soit avec des pays, soit avec des institutions financières). Pierre Biarnès, journaliste installé à Dakar, toujours au service des mauvaises causes, s’illustra par ses analyses orientées ; certes, il ne put nier « la matérialité des faits » (218), mais il cria aux loups, parla d’« une machination du pouvoir » et se livra à l’amalgame, sa grande spécialité ; il incita l’opposition guinéenne à continuer d’attenter à la vie d’Ahmed Sékou Touré comme cela ce fut le cas à Monrovia, quand Samuel Doe liquida Williams Tolbert en avril 1980. Pour dresser davantage l’opinion internationale contre le régime guinéen, il alla jusqu’à affirmer que des ministres ont été arrêtés dans le cadre de cette opération de liquidation physique des responsables politiques du pays, alors qu’aucun des ministres ou autres responsables guinéens n’avait été inquiété. D’où ces réflexions du journaliste marocain, Abdelatif Bennis du journal Maroc Soir, à propos de ce « prétendu journaliste » : « journaliste ou justicier, ce monsieur Biarnès ? ». Ce n’est peut-être ni l’un, ni l’autre. Et il suffit de voir contre qui il écrit pour savoir pour le compte de qui il crie… » (219).

La déception de l’opposition guinéenne Analysant cet attentat manqué, l’Association d’amitié France- Guinée constata, avec regret, dans un communiqué publié à Paris, « que l’attentat…visait, au - delà de la personne du Président Sékou Touré, les relations entre la Guinée et la France » ; il s’agissait en fait d’un acte désespéré de l’opposition qui ne digéra pas la réconciliation entre les deux pays et s’estima abandonnée par les autorités françaises sur lesquelles elle avait compté pour renverser le régime guinéen. Elle espérait que le gouvernement guinéen et le 217

In : Horoya, n° 100 du 31 mai 1980). In : Le Monde, N° 10978, 17 mai 1980 ; n° 10981, 21 mai 1980. 219 In : Maroc soir, 21 mai 1980. 218

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Parti instaureraient un climat de suspicion et de chasse aux sorcières à l’intérieur du pays et interromprait la politique de réconciliation qu’ils prônaient entre Guinéens et avec les pays occidentaux. Les opposants avaient certes mal calculé leur tentative, mais les ennemis indécrottables du régime guinéen ne désarmèrent point: sept mois seulement après l’échec de cette tentative, ils se livrèrent à une autre opération que le président Ahmed Sékou Touré, informé par les services de contre-espionnage guinéens, avait annoncée, dès le 20 juin 1980, en ces termes, sans pouvoir préciser la date de l’opération : « ils ont en projet , au départ de l’aéroport de Guinée ou à l’arrivée, de faire sauter notre avion » (220) ;mais la perspective d’un nouvel attentat n’empêcha pas le Chef d’État guinéen de voyager à l’étranger.

II. L’attentat à l’aéroport de Conakry-Gbessia, le 22 février 1981 Empêcher le développement du processus de Réconciliation amorcée par Ahmed Sékou Touré L’explosion du 22 février 1981 à l’aéroport international de Conakry-Gbessia vint confirmer cette volonté de liquidation physique du leader guinéen ; malgré son échec, elle créa cependant une atmosphère de suspicion et d’inquiétude : il s’agissait soit de tuer le chef de l’État, soit de casser la dynamique des relations de la Guinée avec tous les pays et empêcher le Chef de l’État de se déplacer à l’extérieur. En effet, Ahmed Sékou Touré avait entrepris de nombreux déplacements à l’extérieur et commencé à signer de nombreux accords de coopération et d’assistance avec différents pays et institutions qui allaient permettre à la Guinée de s’occuper davantage du développement économique. N’avait-il pas affirmé, dès l’obtention de l’indépendance, que la Guinée allait donner d’abord la priorité à la formation de l’homme, des cadres dont elle avait nécessairement besoin ? Mais sachant que cela n’aurait aucun sens si cette formation ne va pas de pair avec le développement économique, social et culturel de toute la société dont est tributaire la formation de l’homme, le gouvernement s’était attelé, au fur et à mesure, à la solution des problèmes essentiels dans tous les domaines ; d’où la création de plusieurs unités industrielles qui résolvaient les problèmes essentiels des Guinéens, prélude au lancement de la phase du développement économique.

Empêcher la réalisation de tous les plans de développement économique de la Guinée C’est que, grâce à ses propres efforts et à ceux des pays amis socialistes, la Guinée disposait désormais de cadres de différentes spécialités, d’un tissu industriel plus au moins satisfaisant, d’une structure administrative et politique 220

In : Horoya-hebdo, n°114,20 juin 1980.

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assez performante ; l’art, la culture nationale et le football l’avaient désormais imposée à l’admiration du monde ; et la réconciliation étant faite avec les principaux pays occidentaux (la France et l’Allemagne, en particulier depuis le 14 juillet 1975) et les pays amis africains de la France, la Côte d’Ivoire et le Sénégal (le 18 mars 1978), le développement économique de la Guinée était désormais la priorité et la grande préoccupation des leaders guinéens malgré l’hostilité persistante des opposants. D’autant plus que la Guinée avait désormais les cadres de toutes les spécialités dont elle avait besoin et qui avaient fait leur preuve. La négociation d’accords de coopération et d’assistance, pour la réalisation de cet objectif de première grandeur, était devenue une nécessité dont il fallait préciser la limite. Le président Ahmed Sékou Touré le fit dans une de ses formules frappantes dont il avait le secret, en déclarant « que toute aide qui n’aide pas la Guinée à se passer de l’aide devrait être écartée ».

Échec de l’attentat L’attentat se produisit quand le président Ahmed Sékou Touré se rendait en voyage officiel au Zaïre : au moment où il s’apprêtait à s’embarquer à bord de son avion de commandement, une charge de plastic explosa, suivie d’une large distribution de tracts dénonçant le régime. Il effectua, malgré tout le voyage et en revint sain et sauf, tout en demandant aux militants de rester vigilants. L’adjudant-chef Nanga Sidibé, rencontré au Garage du Gouvernement, nous a confirmé la réalité et la véracité de l’action subversive et sa participation effective à cet attentat manqué.

III.- L’affaire Karifa Doumbouya, le 28 janvier 1984 Le cas Karifa Doumbouya pose le problème qui n’échappe à personne : celui des règlements de compte et des mouchardages auprès des Ambassades en général qui sévissaient au sein de la diaspora guinéenne, surtout au Sénégal. L’intéressé eut par ailleurs un comportement douteux au moment des formalités, à l’arrivée à Conakry : ne se retrouvant pas dans les documents à présenter, le commissaire de Police de l’aéroport Gbessia-Conakry, intrigué, lui retira aussitôt et le passeport sénégalais et le passeport guinéen. Saisi pour vérification, l’ambassadeur de Guinée à Dakar, Mamy Kouyaté, prit contact avec ses sources d’information et fit parvenir un rapport qui accusait Karifa Doumbouya de venir en mission de déstabilisation contre le régime guinéen ; celui-ci fut arrêté et incarcéré le 28 janvier 1984; ses aveux furent écoutés au Palais du Peuple ; le rapport d’enquête le concernant devait être examiné après la conférence au sommet devant se tenir en Guinée en juin 1984 ; le brusque décès de Sékou Touré survint entre temps ; Karifa Doumbouya fut relâché au lendemain du 3 avril 1984.

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Enfin, une autre opération, qui n’a pas pu se réaliser du fait de ce décès: ce fut l’agression terrestre qui devait empêcher la tenue du 20e sommet de l’OUA à Conakry.

IV. L’agression avortée en mars 1984 Le décès, le 26 mars 1984, du président Ahmed Sékou Touré fait avorter une agression armée organisée par le Regroupement des Guinéens de l’Extérieur (RGE).

Le RGE bénéficie du soutien financier et matériel du Colonel Mouhammar Khadafi Le 20e sommet de l’OUA devait se tenir en Guinée. Mais certains chefs d’État africains, le colonel Khadafi en particulier, avaient juré que cette consécration africaine des efforts de la Guinée pour l’indépendance et l’unité de l’Afrique ne se ferait pas : le colonel avait rendu Sékou Touré responsable de la non-tenue des deux sommets prévus en 1982 à Tripoli.Il entreprit des actions conséquentes d’envergure contre la tenue du 20e sommet en Guinée en utilisant les opposants guinéens, qui ne cherchaient que cette occasion pour en découdre avec le régime ;il fournit armes et argent au RGE dont les responsables se querellèrent au partage de ce butin : Siradiou Diallo ayant décidé de s’emparer de l’argent et laissant aux autres seulement les armes. Les Autorités burkina Fasso acceptèrent d’encadrer l’opération. L’opération n’eut pas lieu et l’un des acteurs de l’opposition, Almamy Ibrahima Barry, affirme que «le RGE avait décidé d’empêcher Sékou Touré d’être Président de l’ OUA en 1984, et il était prêt à tout pour le renverser avant le mois de juillet de cette année , y compris par une intervention armée» (221); d’où l’entraînement intense des éléments du RGE à Pô (Burkina) ; les moyens financiers, qui seront la pomme de discorde entre les responsables des mercenaires recrutés, furent énormes ; d’importantes quantités d’armes se trouvaient encore chez nombre de ressortissants guinéens à Burkina, après l’avortement de l’opération; Almamy Ibrahima Barry soutient qu’il en avait encore chez lui bien après la mort du Président guinéen.

La dernière réunion de mise au point se tient le 25 mars 1984 « Nous avions fait six mois dans ce camp militaire de Pô (Burkina Fasso), octobre 1983-mars 1984», précise Mamadou Bérété dit John, l’un des mercenaires encore en vie. «Là-bas, c’était le vrai entraînement militaire. Le 25 mars 1984, nous sommes venus en ville où une grande réunion se tint pour faire le point des préparatifs; elle regroupa, avec nous, de grands cadres venus de tous les coins du monde : docteurs, ingénieurs, professeurs, etc. Ils étaient venus, en particulier, de France, des États-Unis, d’Allemagne, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, etc. ; l’état des préparatifs a été fait; ils nous ont précisé les formes 221

Almamy Ibrahima Barry. in : Le Lynx,Op.cit

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d’intervention sur le terrain guinéen et donné les dernières recommandations ; un officier supérieur burkinabé, envoyé en éclaireur en Guinée, avait également fait son compte-rendu: selon lui, les conditions étaient favorables à une intervention militaire. Mais comme Dieu sait bien faire les choses, Sékou Touré meurt le lendemain: les choses étaient bouleversées ». L’agression fut abandonnée.

Les préparatifs du 20e sommet de l’OUA par la Guinée Il faut noter qu’avant cet évènement, tout en dénonçant l’opération qui se préparait, le Parti et le gouvernement guinéens s’étaient attelés à la réalisation d’infrastructures devant abriter l’assise africaine: la cité de l’OUA, réalisée avec le concours du Royaume du Maroc, était achevée ; l’Hôtel de l’indépendance était rénové ; la construction de l’aéroport était très avancée ; les voitures officielles attendues, de marque allemande « Mercedes », étaient commandées. Le sommet se serait tenu à la date fixée, si c’étaient de vrais patriotes qui avaient pris le pouvoir. En effet, après la mort du Président Ahmed Sékou Touré, le coup d’État du 3 avril 1984 survint grâce à l’appui et sur les directives de certaines délégations étrangères occidentales venues aux obsèques du feu Ahmed Sékou Touré: « C’est l’occasion ou jamais de prendre le pouvoir si vous voulez vous réconcilier avec nous et vous développer grâce à notre aide », disaient-elles aux militaires guinéens. D’où cette affirmation du général de brigade Fodé Momo Camara, ancien membre du CMRN : « le 3 avril 1984 est le 9e complot qui a réussi ». Arrivées, les voitures commandées par le gouvernement de la Première République pour le 20e sommet de l’OUA, furent réparties finalement entre les membres du CMRN et du gouvernement. Le sommet ne se tint plus à Conakry. Alors débutent le long calvaire du peuple de Guinée, le pourrissement politique et économique de la Guinée livrée à des Guinéens et étrangers, qui l’ont dépouillée de tous ses acquis de vingt-six ans (1958-1984) et lui ont imposé un ajustement structurel dont les résultats n’ont été l’objet d’aucune présentation, même officielle ; des accords et des contrats économiques qui l’ont appauvrie et bloqué son développement entre le 3 avril 1984 et 2010 sont signés. Comme l’a reconnu un farouche opposant à Ahmed Sékou Touré, « l’État guinéen a été démonté pièce par pièce par les militaires » (222).

222

Interview d’un farouche opposant de la diaspora à Sékou Touré, Mansour kaba, à Radio Evasion (Guinée), 26 mai 2013).

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Chapitre XIII Le procès des complots (1959-1971)

« La vérité triomphe toujours, mais sa victoire est lente et difficile». Shakespeare

D’un mode de jugement à un autre adapté à l’audace et à l’agressivité des comploteurs Les accusés des complots de 1959-1960, de celui du «Mouvement subversif des enseignants avec implication des Marxistes», en novembre 1961 et de ceux du complot Petit Touré en 1965 avaient été jugés par la Haute Cour de Justice siégeant à l’Assemblée Nationale, après l’exposé du rapport d’enquête par une commission ad hoc ; il semble qu’aucun accusé n’a été torturé au cours des interrogatoires à l’occasion de ces procès: on cite souvent le cas de Bangaly Camara, ancien ministre, qui avait été interrogé dans son lit de malade à l’hôpital Donka ; il n’avait pas nié sa participation au complot de 1965. C’est à partir du complot Kaman-Fodéba en 1969, qu’une commission révolutionnaire fut instituée au Camp de la Garde Républicaine qui deviendra Camp Boiro, après l’agression du 22 novembre 1870 ; selon certains, la torture tant décriée serait alors devenue une pratique courante. Et, c’est sa pratique ou la peur de la subir qui amènerait certains accusés à accepter de tout avouer ou de « parler » pour ne pas « périr ». Les procès auraient eu désormais un caractère populaire: on estimait que puisque c’est le peuple qui était victime de ces complots, c’est lui qui devait instruire et juger désormais les comploteurs à travers ses représentants élus démocratiquement au sein des structures du Parti. Selon Tibou Tounkara, ancien ministre, devant le Tribunal Suprême Révolutionnaire siégeant, le 18 janvier 1971, à Conakry, « Il n’y a là, aucune crainte, car, « lorsqu’on a confiance au Parti et à son esprit d’équité et lorsqu’on a confiance en soi-même, l’on ne doit pas avoir peur de donner la parole au Peuple ». Une commission d’enquête procédait d’abord à des investigations et présentait son rapport devant le Tribunal populaire, avant les interventions individuelles.

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Les propositions étaient toutes écrites et lues par les délégués des différentes structures du Parti érigées en Tribunaux ; les intervenants eurent donc toujours le temps de réfléchir aux sentences qu’ils proposaient.

Les arguments évoqués par le PDG-RDA pour justifier la procédure de jugement choisi À ceux qui condamnaient l’absence de procès publics avec avocats, l’on répondait que tout système politique a son système judiciaire. Le système guinéen était conçu dans un contexte historique dont les exigences étaient connues de tous. Il est intéressant de noter que nombre de cadres condamnés ont été « victime » de ce système qu’ils avaient mis en place. L’on répondait également que même en Occident, qui sert de modèle aux détracteurs de Sékou Touré, seules les affaires civile et criminelle sont jugées publiquement avec avocats; aucun citoyen accusé de trahison ou de « haute trahison », d’espionnage, de collaboration avec l’ennemi n’a été jugé, n’était et n’est jugé, même de nos jours publiquement en Europe ou aux USA. L’assistance des avocats pour respecter les droits de la défense ne change rien au sort qui est réservé à un traître. On ne publie presque pas leurs répliques ou les aveux des accusés. On ne connaît même pas le sort qui leur est réservé. On leur inflige des peines correspondantes. Si nous examinons les drames enregistrés en France après la Seconde Guerre mondiale, disait-on, on ne peut qu’être surpris de recevoir des remarques désobligeantes de la part de certaines organisations occidentales suite aux différentes condamnations des tribunaux populaires guinéens. L’on citait souvent un seul exemple: la liquidation sans jugement de tous les « collabos » a été systématique et aucune de ces organisations n’aurait réagi et toutes auraient presque fini par approuver ces mesures. L’assistance des avocats dans le jugement de certaines personnalités arrêtées à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale a peut-être adouci certaines procédures d’exécution des peines, mais la finalité fut la même et de citer le cas de Philippe Pétain :chef de l’ État de la France occupée, malgré qu’il ait été le vainqueur de la bataille de Verdun (février-décembre 1916), nommé maréchal à l’issue de ce conflit, ne sera pas épargné ; il sera jugé et condamné à mort par la Haute Cour de Justice, peine commuée en détention perpétuelle à cause de son âge avancé à l’ Ile d’Yeu où il meurt avec une chaîne autour de sa tombe et radié de l’Armée, pour avoir collaboré avec les Allemands malgré les justifications politiques qu’il donna de son geste qui était de sauver la France à un moment crucial de sa vie; Pierre Laval, chef du gouvernement sous Maréchal Pétain, sera condamné, mais soigné avant d’être exécuté pour la même raison ; Jean Hérold et Ferdonnet, journalistes de Radio Paris, seront exécutés pour trahison. Louis Renault et Marius Berliet, des hommes d’Affaires ont été condamnés et exécutés après la guerre pour complaisance envers l’occupant et leurs entreprises saisies ; toujours en France, plus de 200.000 personnes seront exécutées sans jugement

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pour collaboration avec les Allemands. On estimait donc que la France était mal placée pour donner des leçons à la Guinée. Mieux, la lecture de la revue Historia, n°36 intitulée « les Français contre les Français » étant édifiante était vivement recommandée par le BPN du PDGRDA pour celui qui voulait se faire une idée plus exacte de l’ampleur des vengeances populaires contre les Français accusés de trahison en faveur des Allemands. Une autre affaire plus récente dans l’histoire de France souvent citée par rapport au cas de Tidjane Kéita qui avait tenté de tuer le Président Ahmed Sékou Touré : le Colonel Argoud et Bastien Thiery sont jugés du 28 janvier au 4 mars 1963 devant la Cour militaire pour avoir seulement tiré sur la voiture du général de Gaulle, sans l’atteindre ; condamnés à mort, ils seront exécutés (fusillés) au Fort d’Ivry le 11 mars 1963, malgré une demande de grâce présentée par leurs avocats. Revenant au cas américain, à l’issue de la guerre d’indépendance, l’on notait que tous les Américains qui avaient collaboré avec les Anglais avaient été tous exécutés. D’où la question souvent posée par les Autorités guinéennes : pourquoi ceux qui se seraient alliés aux Occidentaux en général, à la France en particulier, pour détruire un régime, liquider ses dirigeants, empêcher la Guinée de se développer sur la base de ses solutions endogènes dont les autres colonies se seraient inspirées pour échapper à la néocolonisation française devraient être traités autrement ? Or, à parti du 28 septembre 1958, la Guinée a fait face à une guerre non déclarée menée sur tous les fronts par la France coloniale et ses alliés dans le cadre de la guerre « Françafrique » avec utilisation, selon les agents des services secrets français, des Guinéens se disant opposants. C’est le lieu de préciser que certains prisonniers du camp Boiro l’ont été pour des actes qualifiés de crime contre le Peuple : détournement économique, vente d’enfants guinéens à des étrangers ou à l’étranger, etc.

I.-Procès des accusés de 1959-1960 L’Assemblée nationale guinéenne, après examen de l’ensemble des preuves, avait demandé la peine de mort pour tous ceux dont la culpabilité aurait été établie. Le tribunal populaire de Conakry prononça, le 10 mai 1960, les verdicts suivant : - 19 condamnations à mort dont 8 par contumace - 21 condamnations à 15 ans de travaux forcés - 1 à 20 ans de travaux forcés avec confiscation des biens ; cette peine fut infligée au pharmacien Rossignol qui sera libéré le 1er avril 1962 à la suite du règlement du problème algérien à la conférence d’Evian, en mars 1962 « pour

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bien marquer, déclara Lansana Béavogui, ministre des Affaires étrangères guinéen, la volonté de la Guinée de rétablir la coopération avec la France ». Said Chaloub, le principal accusé, d’origine libanaise, s’était pendu dans sa cellule dans la nuit du 30 avril au 1er mai 1960 pour ne pas livrer l’identité des complices intérieurs ou des instigateurs. Maurice Voisin, journaliste français basé à Dakar, opposé à tout ce qui était libano-syrien, écrit, à la suite de ce suicide : « Justice est faite. Chaloub est mort. Paix à son âme ! » Dix-sept Français, dont l’épouse de Diallo Ibrahima, quittèrent Conakry pour Paris.

II.-Le procès des accusés du mouvement subversif des enseignants avec implication des marxistes en novembre 1961 Ce sont en fait les membres du syndicat des enseignants qui comparaîtront devant la Haute cour de Justice présidée par le Président Saïfoulaye Diallo, président de l’Assemblée nationale, le 21 novembre 1961 ; après une séance de 17 heures d’interrogation de tous les membres dudit Comité Directeur, 5 éléments qui se sont livrés à un travail frantionnel et distribué, à l’insu des autres membres du Bureau, le document des revendications salarielles,furent condamnés : - Koumandian Keita, 10 ans - Mamadou Traoré dit Ray Autra, 10 ans -Les trois autres sont condamnés ,chacun, à cinq ans. Il leur fut reproché d’avoir rédigé et diffusé « à l’intérieur et à l’extérieur de la Guinée, un mémoire mensonger et subversif constituant une nouvelle tentative contre-révolutionnaire ». Les 7 autres membres du bureau exécutif innocentés furent relaxés. Cinq autres cadres dits marxistes, dont Ibrahima Fofana, furent emprisonnés sans jugement pour avoir soutenu le syndicat des enseignants. Les cinq enseignants condamnés et les marxistes emprisonnés seront tous finalement relaxés sains et saufs à l’issue des peines accomplies.

III.- Le procès des accusés du Complot Petit Touré, octobre 1965 Des structures d’enquête avaient été mises en place au niveau national et régional. Un comité révolutionnaire de 14 membres dirigé par le BPN avait été également mis en place le 31 octobre 1965 qui produisit un rapport d’ensemble issu de ces enquêtes préliminaires. Un Conseil national de la Révolution érigé en Tribunal populaire se tint le 15 novembre 1965 à l’Assemblée Nationale pour examiner les conclusions de cette commission.

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Après les interventions sur les propositions de peine des membres du BPN et du gouvernement, de toutes les fédérations, de l’ État-major des Forces Armées, etc., le Tribunal jugea et condamna les acteurs et commanditaires, soit 59 personnes réparties comme suit : - 31 individus coupables - 10 complices - 18 éléments douteux - 10 autres faisaient encore l’objet d’enquête. Mais personne n’aurait été torturé et Jean-Faragué Tounkara ajoute qu’aucun n’a nié les faits qui lui ont été reprochés. Un remaniement ministériel intervint le 19 novembre 1965 ; Fodéba Keita, quoique dénoncé par plusieurs prévenus, en particulier par Jean-Faragué Tounkara, ne fut jamais arrêté ; mais il perdit son poste de ministre de la Défense et de la Sécurité au profit du secrétariat d’État à l’Économie rurale et à l’Artisanat.

IV.- Le procès des accusés du Complot Kaman-Fodéba, février 1969 Dans un message radio du 30 avril 1969, à l’ occasion du 1er mai, le Secrétaire général du PDG-RDA, le Président Sékou Touré annonça la tenue d’un Conseil National de la Révolution (CNR) du 9 au 12 mai 1969. Les commissions d’investigations eurent pour tâches d’interroger les prévenus et d’enquêter systématiquement pour situer la responsabilité, le degré de culpabilité de chacun. Les délégués et invités du Parti livrèrent leurs interventions tout en indiquant les propositions de peines, le 9 mai 1969. Le CNR fut érigé, le 11 mai, en Tribunal révolutionnaire pour juger les prévenus. Alors que sept personnes avaient été acquittées le 11 mai 1969 et libérées, quatre-vingt-dix autres le furent, pourtant « dénoncées par les mercenaires et leurs complices locaux » et par la commission d’Enquête du Comité Révolutionnaire, faute de preuves. Les éléments finalement inculpés étaient de ainsi répartis : - 13 condamnations à mort dont 2 par contumace - 9 travaux forcés - 11 travaux forcés à vingt ans - 6 emprisonnements de 10 à 20 ans - 6 emprisonnements de 10 à 20 ans - 1 emprisonnement à 5 ans - 7 acquittements

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V.-Le procès des accusés de l’Agression du 22 novembre 1970 Le cadre du jugement L’histoire retient que plus que tout autre jugement, celui des accusés de l’agression du 22 novembre 1970 revêtit un caractère plus populaire et suscita plus d’intérêt; le procès se déroula au Palais du Peuple de Conakry, plus exactement à l’Assemblée nationale érigée en Tribunal Révolutionnaire Suprême par la loi n°1/AN/71 du 8 janvier 1971, avec la participation de toutes les institutions politiques concernées

Propositions de peine Les propositions de peine devaient d’abord venir de la base. Aussi, toutes les couches et catégories sociales se prononcèrent-elles sur les faits à travers les échelons du parti et en congrès : Le 11 janvier 1971, les 8 000 pouvoirs révolutionnaires locaux (comités de base du parti). Le 13 janvier 1971, les 210 sections. Le 15 janvier 1971, les 30 fédérations et l’État-major de l’Armée. Par ailleurs, chaque membre du BPN, chaque membre du gouvernement intervint librement en son nom, en justifiant et en proposant les peines à infliger aux coupables. Les propositions de peine varièrent entre la mort et les travaux forcés à perpétuité ; chaque militant se montra ainsi concerné et responsable des décisions qu’il devait proposer et la décision finale.

L’acte d’accusation En plus des propositions de toutes les structures du Parti et du gouvernement, le Tribunal Populaire Suprême analysa le rapport de la commission sociale de l’Assemblée nationale présenté par Sy Savané, magistrat, et portant sur l’acte d’accusation; il siégea du 18 au 23 janvier 1971 et jugea les inculpés suivant l’article 241 actualisé du Code Pénal qui stipule de sévères sanctions contre tout individu coupable des faits qu’il examine, en particulier ceux de haute trahison. Les accusés furent répartis en cinq groupes et condamnés à mort avec confiscation de tous leurs biens : - Les militaires portugais arrêtés à Conakry et Koundara. - Les Guinéens arrêtés en même temps que les militaires portugais. - Les complices guinéens intérieurs. - Les complices étrangers résidant en Guinée. - Les anciens condamnés encore vivants au moment de l’Agression parce qu’impliqués dans l’opération.

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Mamadou Barry, dit « Petit Barry », directeur du Bureau de Presse de la Présidence, lira la sentence au Stade du 28 septembre ; il était l’un des journalistes les plus populaires de la Révolution, qui avait donné le surnom de « Stratège » au président de la République, et qui sera arrêté ultérieurement comme élément de la 5e colonne et libéré après avoir purgé sa peine. Quant à d’autres faits, ils furent qualifiés de crimes, pour les uns, pour les autres, complicité de crimes trahison et espionnage.

Critique et justification de la procédure judiciaire En comparaison de la procédure judiciaire française, celle adoptée en Guinée avait fait l’objet de réserve et de critique, même par ceux qui se disaient les amis des Autorités guinéennes ; mais celles-ci estimèrent qu’à chaque pays son système judiciaire et qu’en Guinée, c’est le peuple, par le truchement de ses représentants qui devait juger les agresseurs et les complices intérieurs puisque c’est lui qui avait été atteint par ceux-là; c’est lui qui devait venger les morts. L’on disait qu’à l’issue de la Deuxième Gurre Mondiale, de telles pratiques expéditives avaient eu lieu à l’égard des « collabos » en France. Ce qui nous amène à citer cet extrait de la réaction du professeur d’histoire Jean Suret-Canale face à l’incompréhension de certains, des Européens en particulier, à la suite du jugement et de l’exécution de certains accusés de l’agression du 22 novembre 1970 contre la Guinée : «Le récent procès de Conakry et les condamnations qui y ont été prononcées pouvaient difficilement être acceptés par une opinion au sein de laquelle, depuis vingt-cinq ans, s’est développée une une hostilité croissante à la peine de mort, mais surtout en matière politique. Mais il faut bien dire que ce sentiment n’a pas toujours existé. Il y eut en France, en 1944-1945, beaucoup plus de condamnations et d’exécutions capitales pour motifs politiques qu’en Guinée (pour toute la période 1958-1971). Toutes ne comportèrent pas un aspect absolu des droits de la défense, et elles n’évitèrent pas quelques erreurs tragiques. Pourtant, l’immense majorité de l’opinion française les approuvait à l’époque, et considérait même qu’on avait fait preuve d’une indulgence coupable à l’ égard de trop de collaborateurs » (223). Enfin, trente ans après, un des dirigeants de l’opposition guinéenne à l’étranger a justifié la procédure guinéenne de l’époque : Selon Jean Marie Doré, cette érection de l’Assemblée nationale en Cour de justice pour juger les accusés de l’agression du 22 novembre 1970 « était un tribunal régulier. Les actes engageaient les citoyens …Ceux qui ont prononcé le jugement au temps de Sékou Touré étaient habilités par le Parlement guinéen à l’époque ». (224).

223 224

Texte repris dans le cite Guinée 24 du 13 .11.2013. In : Le Démocrate, 19 février 2001.

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Une question au débat des PRL à la fin de ce procès Après le procès de janvier 1971, une question a fait l’objet de débats houleux au sein de certains PRL : « ceux qui, parmi les accusés, étaient membres du Bureau Politique National, du Comité Central du PDG, des différents gouvernements, députés nationaux, ambassadeurs, secrétaires fédéraux et gouverneurs de région jusqu’en 1977 ont-ils le droit de se considérer comme des victimes, même si leur innocence est ultérieurement établie ? ». Dr Taran Diallo a dit dans la revue du parti, RDA, n°10 que « La Révolution n’est pas la première mère à avoir des enfants ingrats. Mais la différence entre la Révolution et les mères, c’est que la Révolution a la possibilité de manger ses enfants ingrats». L’on estimait donc que si la gestion a été mauvaise, c’est à ceux-là que l’on devrait s’en prendre puisque ce sont eux qui ont géré la Guinée depuis 1958 ; si le régime a été répressif, ils auraient tout simplement été victimes du système qu'ils avaient contribué à mettre en place ; certains n’avaient-ils pas condamné d'autres citoyens à mort ou à une peine de prison ? Certains citaient, en exemple, le secrétaire d’État aux Mines et Transports, Karim Bangoura qui a déclaré devant le Tribunal Suprême Populaire en janvier 1971 : « Il y a environ 2 ans, dans cette même salle, presque à partir des mêmes fauteuils, nous étions appelés à nous prononcer sur un monstrueux complot [Kaman-Fodéba] organisé contre la souveraineté nationale guinéenne. À deux ans d’intervalle, nous voici de nouveau réunis en militants du Parti Démocratique de Guinée, en citoyens de la République de Guinée… La sentence tombe d’elle-même. Les catégories sont très nettes. Les mercenaires portugais, les mercenaires guinéens, les Guinéens déjà détenus et convaincus d’allégeance avec ces catégories, tombent sous le coup de la peine capitale. Et que l’on ne s’en étonne pas ; cela obéit à l’histoire ». C’est ainsi également que du temps d’Alsény René Gomez, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, l’association des enfants des victimes de l’agression du 22 novembre 1970 dont il venait de refuser l’agrément, et dont les membres souffraient en silence, n’avait pas hésité de faire allusion à cette situation d’antan en ces termes , dans une lettre ouverte au PDG-RDA : « eux qui revendiquent si bruyamment contre le PDG, ont été, à travers leurs parents et leurs personnes mêmes, les premiers bénéficiaires de ce régime sans aucun mérite particulier de leur part ». Et de donner l’ « exemple du Docteur Condé Mamoudou (fils du ministre Émile Condé) qui, au lycée de Donka, a eu maille à partir avec un professeur du nom de Donzo. Pour cette peccadille, nous avons reçu la visite successive du ministre Mamadi Kaba, puis du ministre Mamadi Keïta, alors en charge du département de l’éducation ainsi que la Première Dame de la République [Hadja Andrée Touré]. Cette sollicitude dont eux ont bénéficié est inestimable ».

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Ce qui nous amène à poser ces questions collatérales, s’agissant des complots et de leur répression, deux faits historiques dialectiquement liés en Guinée, et de l’agitation des enfants dont les parents ont fait le camp Boiro : Un enfant peut-il répondre de tous les actes de ses parents ? Si oui, accepte-t-il de les assumer tous ? Un élément des parents (mère ou père) a-t-il le droit de cacher la vérité à ses enfants ?

VI. Le procès de la tentative de renversement du pouvoir de 1976 La journée du 16 juillet 1976 fut exclusivement consacrée à l’audition et aux dépositions des éléments arrêtés. La disparition de certains documents ne nous a pas permis de pouvoir résumer ce procès.

Que faut-il retenir de tous ces procès ? Qu’un clivage s’est établi très tôt en Guinée , comme dans la France de 1789 et post-révolutionnaire, entre partisans de la révolution et adversaires de la Révolution, les cadres qui servent le nouveau régime ou bien trahissent leur classe et se vouent à la cause de leur peuple, ou bien trahissent leur peuple et continuent de se vouer à leur classe. Ils ne sont pas légion ceux qui, fils de la chefferie déchue, ont, en Guinée, comme Saïfoulaye Diallo, trahi leur classe et se sont voués à la défense des intérêts de leur peuple. Un autre cadre comme Bassirou Barry, un ancien Avocat général près la Cour d’Appel de Conakry pendant la première République, a été mis à la disposition de l’OUA par le gouvernement du Président Ahmed Sékou Touré. C’est ce même Bassirou Barry , fils de la chefferie déchue , en poste à Addis Abéba, qui choisit de trahir la cause de son Peuple, agressé et meurtri, en se mettant à la disposition des ennemis des Autorités qui l’ avaient affecté à l’OUA.

VII. Quelques questions récurrentes relatives à ces procès souvent évoquées chaque fois que les complots sont l’objet de discussion 1-Raison de la sévérité des peines infligées à certains accusés L’intransigeance des autorités guinéennes à tous les niveaux et la sévérité de la répression des complots, viendraient du fait que tous les Guinéens, en particulier les cercles dirigeants et les cadres supérieurs, civils et militaires, connaissaient les intentions néfastes des gouvernements gaullistes ; aussi, convaincus de la détermination résolue desdits gouvernements de renverser le régime guinéen, les responsables guinéens décidèrent que toute collusion, toute participation d’un Guinéen à une quelconque action belliqueuse contre la

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Guinée, toute mise en cause directe ou indirecte du choix de l’indépendance fait le 28 septembre 1958 par le peuple de Guinée entraîneraient une riposte à la mesure du forfait commis ; toute contestation de caractère politique soutenue par les services secrets français ne mériterait aucune clémence durant cette période de guerre non formellement déclarée contre la Guinée par la France coloniale : celle-ci cherchait à constituer des chevaux de Troie en Guinée, des partis soidisant légaux à sa solde et qu’elle utiliserait contre le gouvernement guinéen. La mise en garde avait été inlassablement faite avant la campagne du référendum du 28 septembre 1958 ; elle avait été, dit-on, reprise et amplifiée après la proclamation de l’ indépendance nationale en ces termes et à tous les niveaux: il était du devoir sacré de tout gouvernement guinéen de défendre, par tous les moyens, l’intégrité territoriale et la souveraineté nationale de la Guinée ; tout citoyen qui participerait à une quelconque tentative de déstabilisation du régime guinéen serait considéré comme un traître, jugé et condamné comme tel ; les étrangers , quels qu’ils fussent, subiraient la même sanction. Les autorités guinéennes affirmaient s’inspirer là de l’ histoire de la France qui pullule de sanctions exemplaires contre toute collaboration avec l’étranger pouvant mettre en cause la souveraineté et l’intégrité du territoire français ; elles citaient souvent l’exemple de la Seconde Guerre mondiale à l’issue de laquelle la France n’avait pas hésité à liquider tous ceux qui furent en intelligence avec les Allemands ou ayant collaboré administrativement ou politiquement avec eux. Sékou Touré et ses compagnons de lutte s’estimaient donc tenus, en tant que dirigeants nationaux légitimes, de défendre la souveraineté et l’intégrité nationales, les intérêts de leur Peuple, le droit de celui-ci à vivre libre, heureux et responsable de son destin ; options que les autorités coloniales, leurs alliés et leurs hommes liges africains en général et guinéens en particulier voulaient faire regretter aux patriotes guinéens qui avaient rejeté le système colonial français par le non à la Constitution de la Communauté française le 28 septembre 1958. Mais jusqu’à l’agression du 22 novembre 1970 aucun condamné, même à mort, n’avait été exécuté ; les responsables guinéens estimaient que c’est cette ignoble opération et les 365 Guinéens assassinés par les assaillants qui provoquèrent la radicalisation de la Révolution et la répression du complot, d’autant que la plupart des prisonniers étaient au courant de ce qui se tramait ; selon le Capitaine Alpoim calvaô, des émissaires avaient été chargés de leur fait savoir qu’ils ne devaient rien faire qui mettrait l’ opération en péril et le FNLG les avaient rassurés ; il suffit de rappeler le témoignage déjà cité d’Ismaël Condé; il faut également lire les justifications des sentences proposées par les intervenants, les invités, les militants au niveau des différentes instances, ou des membres du Bureau Politique national, du gouvernement ou des délégués de l’armée, lors du procès populaire de janvier 1971, etc. pour se convaincre de la profondeur de la complicité intérieure avec les agresseurs.

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Il est bien entendu, comme nous l’avons toujours soutenu, que tous les accusés n’étaient pas coupables, mais tous n’étaient pas innocents, non plus. Thèse que le Dr Baba Kourouma, ancien prisonnier du camp Boiro, défendait régulièrement au cours des conférences du Club Ahmed Sékou Touré au Palais du peuple entre 2005 et 2010. C’est dire que seul l’accès aux archives du SDECE et peut-être le témoignage d’opposants importants de l’époque, tel Jean Marie-Doré, Alpha Condè, Sydia Touré en Côte d’Ivoire et des mercenaires encore vivants, peuvent permettre d’innocenter ou de culpabiliser certains accusés ; il suffit de se reporter aussi au témoignage de Dr Dianè Charles sur Tibou Tounkara : considéré comme un grand révolutionnaire au temps de la Première République, celui-ci était, selon Dr Dianè Charles, l’un des responsables de l’opposition extérieure, son correspondant en Guinée ; il l’ avait même fait venir à Monrovia quand il était gouverneur de la Région Forestière, donc membre du gouvernement guinéen. Personne n’osa démentir Dr Dianè Charles de son vivant, ni porter plainte contre lui et le journal déjà cité qui l’interviewa, pour diffamation. Le témoignage d’Ataher Maïga est également intéressant sur leur mission avec le même Tibou Tounkara à Koundara au moment de la deuxième phase de l’agression du 22 novembre 1970.

2- Le terme « 5e colonne Le qualificatif de « cinquième colonne » appliqué, à partir de 1970, à ceux qui ont été accusés de participation aux opérations de déstabilisation contre la Guinée de connivence avec les services secrets étrangers, continuent à être l’objet de discussions passionnées et certains le justifient fermement en s’appuyant sur des faits objectifs. Considération générale Il est d’abord retenu que ce n’est pas Sékou Touré qui a inventé ce terme pour désigner les complices intérieurs, ceux qui étaient, en particulier, en intelligence avec les assaillants du 22 novembre 1970. En effet, que dit le dictionnaire Petit Larousse : « La cinquième colonne, ce sont les éléments travaillant sur un territoire au profit de l’adversaire ». L’existence de complices intérieurs, la 5e colonne, est donc un fait historique partout où il y a des conflits dont certains protagonistes sont à l’extérieur et d’autres à l’intérieur ; et aucune attaque de l’extérieur ne peut se faire et réussir sans assurance d’appuis intérieurs ; le chanteur guinéen Fodé Baro nous le répète dans sa chanson Yanfè (225). Le capitaine Alpoim Calvão nous l’a confirmé, après l’avoir écrit dans son livre: ils étaient attendus par des Guinéens de l’intérieur le 22 novembre 1970 ; 225

La traîtrise, en soussou : nécessité d’un hôte, même pour les animaux de la brousse, pour être accueilli en ville.

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nous, nous ajoutons par des étrangers aussi, devenus, pour la plupart, des agents ou d’honorables correspondants du SDECE en Guinée. Ismaël Condé, Secrétaire général actuel de PRPAG, a raconté que son médecin soignant guinéen au camp Boiro lui disait, chaque fois qu’il constatait une certaine défaillance morale, « mon petit, il faut tenir bon: d’ici décembre, tout ça va finir » ; peut-on dire que ce médecin, prisonnier comme lui, n’était pas informé de l’agression du 22 novembre 1970 et sûr de la victoire des assaillants? Mais pour dire vrai, et élever le niveau du débat, c’est au général Francisco Franco (Espagne) que nous devons ce terme ; au moment de la guerre civile espagnole (1936-39), lorsque son armée s’approchait de la capitale espagnole, il déclara : « Les quatre colonnes qui s’approchent de Madrid seront aidées par la cinquième qui s’y trouve déjà » (226), c’est -à- dire le groupe des complices intérieurs Si, comme l’affirme le même auteur, « la cinquième colonne comporte, essentiellement , un élément de trahison » (227) , nous pouvons affirmer, dans le cas des pays africains progressistes de l’époque buttant à l’hostilité des anciennes puissances coloniales et impérialistes que la 5e colonne était « essentiellement un phénomène de trahison », d’intelligence avec ces puissances coloniales et impérialistes.

Historique du terme « 5e » colonne en Guinée En Guinée, nous avons toujours écrit que tous ceux qui ont été arrêtés ou condamnés n’étaient pas tous de la 5e colonne, des complices intérieurs des comploteurs extérieurs; certains ont été victimes de règlement de compte, de dénonciations calomnieuses ; ceux-là devront être réhabilités à l’issue du débat national public et contradictoire ; mais d’autres attendaient effectivement les assaillants; parmi eux, quelques- uns portaient même le brassard vert au bras gauche pour se faire reconnaître des agresseurs qui en portaient également au même endroit. Mais selon Maurice Robert, il y avait déjà des agents et honorables correspondants recrutés par le SDECE en Guinée bien avant l’indépendance ; mais tout le monde étant, à l’époque, français, le qualificatif ne pouvait pas être attribué à ceux qui se livraient aux tâches de renseignements : tout le monde était français. La cinquième colonne guinéenne, dans le sens d’élément intérieur travaillant avec les autorités françaises déterminées à faire échouer l’ entreprise guinéenne et à liquider, s’il faut éliminer physiquement les dirigeants de l’ époque, naquit au lendemain du 28 septembre 1958 quand la Guinée devint indépendante et que les services spéciaux français renouvelèrent leur personnel d’espionnage et le complétèrent par le recrutement de nouveaux agents et d’honorables 226 227

Cité par Alexandre Koyré. La Cinquième colonne. Paris, Éditions Allia, 1997, p.8. Idem, p.47.

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correspondants parmi des citoyens guinéens et des hommes d’affaires français restés au pays après la proclamation de l’indépendance. Ils précisèrent leurs nouvelles tâches: combattre le nouveau régime de l’intérieur, le décrédibiliser et le renverser au profit d’un gouvernement acceptable par la France. En effet, Maurice Robert vint en homme d’affaires en Guinée, dès la proclamation de l’indépendance du pays pour s’atteler à cette tâche. Mais c’est l’agression du 22 novembre 1970 qui révéla l’ampleur de la trahison et de la complicité active et passive de certains cadres guinéens et des étrangers. D’où l’expression de Ahmed Sékou Touré au lendemain de l’agression du 22 novembre 1970: « à quelque chose malheur est bon. En effet, il est maintenant admis, poursuit-il, que la 5e colonne impérialiste est fortement implantée en Afrique pour pérenniser l’exploitation néo- coloniale dans tous les États africains ». La conclusion résultant de l’analyse de la situation politique de l’Afrique indépendante est ainsi plus instructive et plus profonde, que l’élucubration vindicative de certains. L’agression de 1970 a, en effet, permis, en Guinée, de débusquer des opposants détruisant l’unité nationale ; elle ne fut donc pas l’occasion d’« une longue purge programmée de longue date », mais celle d’une découverte surprenante. Tous les cadres, à l’époque, avaient constaté le fait et certains l’avaient stigmatisé bien avant ou ç la suite de l’opération. Ainsi de cette métaphore d’Émile Condé devant le tribunal Populaire Suprême : « quand l’eau est trouble, les poissons ne se voient plus ; mais depuis l’arrivée des mercenaires portugais et guinéens, l’eau se clarifie et il est permis d’espérer que les poissons du PDG…agiront pour bouter l’ennemi commun subtilement infiltré dans le Parti » (228). Jean-François Alata, fils de Jean Pau Alata, avait, par exemple, observé, le 22 novembre 1970, à l’État-major de la milice de la fédération de Conakry II, « un certain Fofana, occupant un poste important au sein de la milice de la fédération de Conakry II » portant « sur le bras gauche un brassard vert dissimulé » sous son grand boubou blanc ; le 23 novembre, l’agression ayant échoué, il vit le même Fofana en tenue militaire au même endroit, mais sans le brassard, cette fois ; il fut stupéfait de « ce double jeu hypocrite » (229). Si l’on en croit certains miliciens, le Fofana en question serait en fait René Pori, qui dirigeait la milice de la fédération de Conakry II. Certains complices intérieurs se débarrassèrent, très vite, de ce brassard, mais ils se mirent immédiatement à l’œuvre. Le drame est que beaucoup parmi les survivants, soit parce qu’ils ont encore peur des traîtres ou des faucons, soit finalement parce qu’ils ont peur d’être découverts et livrés à la vindicte populaire, refusent de s’assumer, alors qu’il n’y a aucune honte à lutter contre un 228

PDG.BPN. Livre blanc, volume 1. L’agression portugaise contre la République de Guinée. Conakry, Impr.P.Lumumba, 1971, P.293. 229 Jean François Alata. L’Africain blanc, P.96.

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régime dont on n’approuve le projet de société (230). Mais il faut en supporter les conséquences quand on échoue. En tout état de cause, de nombreux complices intérieurs avaient tenté, mais en vain, de remplir leur mission ; le journaliste-photographe, Bob Sow n’était, par exemple, pas « une innocente victime ». Il travaillait à la Radio guinéenne ; il se rendit au camp Samory Touré où il était chargé de faciliter la prise de ce service par les assaillants et de filmer la prise du camp Almamy Samory Touré : il tenta, auparavant d’avoir la clé du bureau du directeur de la radio en week-end à Kindia, en vain ; ce qui fut l’un des facteurs de désorientation des assaillants chargés de ce secteur ; ayant échoué dans son entreprise, Bob Sow utilisa son arsenal d’informations pour se rendre au camp Almamy Samory Touré qu’il savait être l’une des cibles sûres de l’agression ; il devait y procéder au filmage et à la photographie de la chute de ce camp. Il voulait obtenir le « scoop » de l’opération ; il fut tué par une balle perdue à l’intérieur même du camp. Il faut également noter que beaucoup de complices intérieurs avaient péri parce qu’ils avaient mal caché le signe distinctif des assaillants et de leurs complices intérieurs, le brassard vert ; d’autres, tétanisés par la peur, n’avaient pas assumé la tâche qu’ils s’étaient engagés à remplir, en particulier autour du Président Sékou Touré, qu’ils devaient prendre vivant ou mort ; grâce à la vigilance du lieutenant Mamadou Bah dit Grand Bah , de la garde rapprochée qui avait retourné sa veste, un autre garde, Kalagban camara, les surveilla strictement. Ce qui les neutralisa : ils ne purent prendre le Président en otage. Par ailleurs, l’ancien Président de la République du Cap-Vert, Pedro Pirès, alors commandant d’un bataillon du PAIGC a été obligé de passer outre le refus obstiné des autorités de la région administrative de Dubréka de laisser passer ce bataillon qu’il dirigeait et qui devait venir renforcer la défense de Conakry, le PAIGC étant l’une des cibles de l’agression ; il lui avait été dit que Conakry n’avait plus besoin d’un tel renfort ; mais quand il força et entra dans la capitale, il apprit que de telles consignes n’avaient jamais été données. La complicité était évidente. Des mesures d’affectation frappèrent d’abord certains fonctionnaires de cette préfecture avant que les plus compromis ne fussent arrêtés et condamnés. Enfin, un autre exemple de duplicité est rapporté par Stockely Carmichael , après ses interviews parues dans certains périodiques étrangers et son témoignage à la RTG guinéenne, dans le livre Ready for Revolution: ayant 230

Ainsi, Issa Diallo, ancien secrétaire exécutif de la Communauté économique des États de l’Afrique (CEA),fils du député Yacine Diallo (1945-1954), opposant irréductible du régime de la Première République, après avoir soutenu que l’agression du 22 novembre 1970 a été conjointement montée par l’opposition guinéenne et le Portugal et affirmé qu’il ne condamne pas cet acte « puisque , selon lui, le combat contre le régime était légitime », mais dénonce aussi le fait que ces auteurs guinéens n’ aient pas eu le courage de la revendiquer, de l’assumer alors que l’opération « a coûté très cher à la population « (In : Jeune Afrique, n°1604, 25 septembre -1er octobre 1991).

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informé le Président Sékou Touré de la présence de certains de ses collaborateurs , dont des ministres, qui communiquaient par talkies avec les assaillants au bas de la villa de l’Ambassadeur de la Tanzanie à Donka (Conakry) où il se trouvait, le 22 novembre 1970, il avait reçu instructions du chef de l’État de les filmer avec leurs talkies-walkies et de lui transmettre le film; ce qu’il avait fait. Un film qui se trouvait dans les archives du Président Ahmed Sékou Touré et que les organisateurs du coup d’État du 3 avril 1984 ou leurs complices ont fait disparaître.

3 . A propos de la déposition des accusés L’authenticité des dépositions est aujourd’hui encore contestée par de nombreuses personnes ; selon les détracteurs de la première République, la déposition était rédigée et remise à l’accusé pour lecture. Mais certains analystes ont fait remarquer que ce qui ne saurait être contesté, c’est que certains faits relatés dans ces dépositions ne sont connus que du seul accusé et du SDECE, en général; et selon un ancien prisonnier du camp Boiro, « la seule chose que nous faisions exprès ce sont les montants des sommes reçues que nous exagérions à dessein: cela permettait de décrédibiliser nos aveux et le régime en raison de leur énormité ». C’est pourquoi, il faut, semble-t-il, être très prudent et approfondir les recherches sur la question pour deux raisons : D’abord, il semble que la torture n’aurait été appliquée qu’à partir de 1969, quand Ismaël Touré aurait été nommé Président de la commission révolutionnaire d’enquête ; que jusqu’à cette date, les accusés déposaient librement, selon Jean-Faragué Tounkara qui nous cita le cas de Bangaly Camara interrogé sur son lit de malade à l’hôpital Donka et qui avoua sa participation au complot dit Petit Touré sur sa proposition. Par ailleurs, il est à noter que si nombre d’observateurs étrangers sont d’accord qu’il faut prendre les dépositions avec précaution, tous, parce que mieux au fait des reproches, sont unanimes à reconnaître que « les anciens du SDECE admettent cependant que les griefs faits à la France sont en partie fondés, et qu’aucun complot n’est imaginaire », conclurent, par exemple, M X et Patrick Pesnot (231). Après avoir recommandé la même précaution à prendre, Roger Faligot et Pascal Krop, citant deux extraits des dépositions de Karim Bangoura et du général Noumadian Keita affirment cependant que « pour la période 1959-1961, les responsables du SDECE de l’époque admettent que les griefs sont fondés »(232). Ensuite, un extrait de la déposition d’Alpha Abdoulaye Diallo dit Portos est confirmé aussi, 22 ans après l’ agression du 22 novembre 1970 , par les hommes 231 232

M X et Patrick Pesnot. Op.cit., p.100. Roger Faligot et Pacal Krop, op.cit., p.246, note 1.

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qu’il cite dans sa déposition : « de son côté, affirme-t-il , Barry Bassirou fonctionnaire de l’ OUA à Addis Abeba nous a informés du passage de Condé Julien qui, non seulement a touché certaines autorités du gouvernement éthiopien dans le but de les voir soutenir l’action de leur réseau, mais avant son départ a distribué des brochures subversives contre le régime » (233). En 1992, Julien Condè, dans une brochure écrite avec Abdourahamane Bah (234) confirme les propos rapportés par Alpha Abdoulaye Diallo Diallo dit Porthos dans sa déposition et on lit dans la même brochure que « Bassirou Barry, alors conseiller juridique de l’OUA qui avait transporté Julien Condé dans sa voiture à travers la ville d’Addis Abeba, perdit son poste ». C’est dire que tout n’est pas faux dans les dépositions. Enfin, si l’on en croit le secrétaire général de la commission du Livre Blanc du CMRN, le journaliste Tayiré Diallo, certains témoignages des rescapés du camp Boiro sont des « témoignages romancés, qui comportent de nombreuses et graves omissions (certainement volontaires), qui escamotent la vérité historique et les documents retrouvés prouvent , de manière irréfutable, que certains faits et gestes ne se sont pas passés comme les auteurs de ces témoignages ont essayé de nous les faires croire ». Pour être précis, il affirme, par exemple, que - Le livre de M. Jean Paul Alata « Prison d’Afrique » est plein d’invraisemblances et de contre-vérités. Une lettre manuscrite de M. Jean Paul Alata adressée à Sékou Touré et retrouvée par la commission très récemment le prouve ». - Le livre de M. Ibrahima Baba kaké, « Le héros et le tyran », édité par Jeune Afrique Livres, à Paris, est très romancé et s’appuie sur des témoignages pas toujours véridiques. Nous savons cela grâce aux documents retrouvés à l’excamp Boiro ». - Le livre de Mgr Raymond-Marie Tchidimbo, « Le Noviciat d’un évêque", tait volontairement certains aspects du rôle joué par l’ex-archevêque de Conakry auprès de Sékou Touré (« Mon cher Sékou », l’archevêque en prison) prouve une certaine complicité de l’archevêque avec Sékou Touré, M.Siaka et M. Ismaël Touré. Et de conclure : « Ces témoignages sont, à la fois, partiels et partiaux. Leurs auteurs n’ont peut-être jamais pensé que l’on retrouvera un jour des archives originales qui aideraient à rétablir la vérité historique » (235). 233 PDG.- L’impérialisme et sa 5e colonne en République de Guinée (Agression du 22 novembre 1970) P.356. Barry Bassirou, l’un des jeunes frères de Barry Diawadou, devenu ancien ministre de la Justice de la IIe République et actuellement avocat à la Cour. 234 Julien Condé et Abdourahamane Bah, op.cit. 235 CMRN. Secrétariat général de la Commission de rédaction du livre blanc sur la Guinée. Rapport annuel d’activités de janvier 1987 à janvier 1988.Synopsis. PP15-16.

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4.L’une des fables grossières des « victimes » du camp Boiro Une campagne relayée par la Radio France Internationale(RFI) a été organisée par l’Association des victimes du camp Boiro à partir d’avril 2010 afin de traîner les responsables de la première République devant le TPI pour génocide. Or, si les archives de la Première République n’avaient pas été détruites, les falsificateurs de l’histoire récente de la Guinée n’auraient pas engagé une telle opération mensongère. Car, ce qui est intéressant à noter, c’est que la liste des accusés de chaque complot était publiée très souvent avec les photos soit dans le journal Horoya, soit sous forme de livre blanc. Il aurait été donc facile de dénombrer les prisonniers des différents complots et de totaliser le nombre d’arrestations, puisque les arrestations et les procès se poursuivaient au-delà des dates de session judiciaire. Malheureusement, le CMRN et certains cadres civils soit ont détruit, soit ont emporté tous les documents, toutes les archives de la Première République. D’où la polémique engagée par ceux qui se disent « victimes » sur le nombre d’éléments qualifiés de traîtres intérieurs ou la cinquième colonne par le PDGRDA. Malgré tout, le club Ahmed Sékou Touré-Guinée dont nous étions membre jusqu’en 2011 a dû publier un communiqué public dont copie a été envoyée à ladite association et à la RFI qui n’ont pas eu le courage de relever le défi. Il nous paraît utile de reprendre ce communiqué afin de montrer que cette allégation, qui semble avoir un caractère mensonger, mérite de faire l’objet de débat éclaircissant, si leurs auteurs peuvent l’étayer de preuves irréfutables : « À propos des « 50 000 tués par Sékou TOURÉ », le Club Ahmed Sékou TOURÉ défie Mme Hadiatou BARRY TOURÉ, son Association et RFI Le 1er avril 2010 à 6h45 sur RFI, Mme Hadiatou BARRY TOURÉ, Secrétaire générale d'une Association de victimes, a déclaré que « Sékou TOURÉ a tué 50 000 personnes ». Ce n'était pas un poisson d'avril, mais bien la sortie d'une personne qui, de par sa position, devrait contribuer à la recherche de la vérité, de faits avérés et étayés par des preuves, particulièrement en cette période de transition politique en Guinée. Le Président Ahmed Sékou TOURÉ aurait tué 50 000 Guinéennes et Guinéens, au vu et au su de ses contemporains, dont plusieurs d'entre nous, et de la communauté mondiale, devenus tous soudainement et sur une longue période ses complices criminels, actifs ou passifs. Mme Hadiatou BARRY TOURÉ, n'était peut-être pas en Guinée, mais nous, nous étions ici. Et jamais nous n'avons été témoins de crimes organisés et systématiques, d'un carnage aussi monstrueux. L'évocation de tels crimes imaginaires constitue en soi une injure au Peuple de Guinée et à chacun de nous, rendus coupables d'avoir laissé concevoir et perpétrer pareilles infamies.

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Ces monstruosités sortent du cerveau de certains revanchards qui tentent de falsifier les faits de notre glorieuse histoire. Les preuves du contraire existent pourtant et abondamment. Les repères également sont nombreux. Ils peuvent éclairer la lanterne des uns et des autres. Il y a eu des complots et des agressions commis contre la Guinée dont la matérialité et l'évidence ont été prouvées par nombre d'historiens et d'experts guinéens et étrangers. Il s'en était bien sûr suivi une répression. Mais aussi loin que l'on puisse remonter aux sources documentées de cette répression, on n'arrive pas à dépasser, sur toute la durée de la Révolution guinéenne le chiffre, certes déjà trop élevé, de 117 personnes tuées. Ce chiffre de 117 personnes n’a pas été établi par les amis ou les défenseurs d’Ahmed Sékou TOURÉ, loin s’en faut, puisqu’il s’agit bel et bien des militaires qui ont fait le coup d’état du 3 avril 1984 contre la Révolution. C’est bien le CMRN qui, à travers une commission créée sous la poussée des prétendues victimes, a établi officiellement le chiffre de 117 personnes décédées dans les prisons guinéennes pendant le régime du PDG. Rien ne nous dit d’ailleurs que ce chiffre n’ait pas été volontairement grossi pour les besoins de la cause. Souvenez-vous des turpitudes qu’on a agitées pour justifier et légitimer le putsch du 3 avril 1984. Nous reviendrons sur tous les grossiers mensonges dont on a voulu à l’époque couvrir la haute figure d’Ahmed Sékou TOURÉ, héros des indépendances guinéenne et africaines. Pour l’heure, contentons nous de nous étonner, de nous ébahir du saut astronomique effectué par les voltigeurs des grands espaces, qui de 117 passent allègrement à 50 000. 117 morts, c’est 117 morts de trop. Tous les Guinéens auraient voulu que l'évolution politique de la Guinée se réalisât sans aucune perte en vie, sans aucun supplice corporel ou psychique, sans aucun dommage quelconque. Que seule l'arme de la critique prévale et non pas la force des armes. Nous déplorons qu’il y ait eu des morts en Guinée, bien que nous comprenions parfaitement le caractère fondamental et irréconciliable des contradictions entre le choix fait par notre Peuple et l'action revancharde des ennemis intérieurs et extérieurs de notre souveraineté. D'où vient donc cette statistique aberrante? 50000 personnes tuées ou 50 000 zombies?

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Sidiki KOBELE KEITA, enseignant- chercheur, devant le siège d’Amnesty International à Londres en 2005. Des Guinéens ou des sources guinéennes? Serions-nous incapables de dresser la comptabilité de nos morts? La civilisation africaine est pourtant caractérisée par le culte des morts et des anciens. Étions-nous donc devenus tous subitement aveugles et sourds pour ne pas avoir remarqué la disparition, fût elle dans la durée, de 50 000 de nos concitoyens, généralement parmi les plus lettrés, les plus fortunés ou les plus talentueux? Notre société était-elle devenue aussi extraordinairement cruelle pour ne pas avoir ressenti le poids d'une telle saignée mortelle pour la Guinée, aussi insensible pour laisser commettre une forfaiture à nulle autre pareille, dans un pays où toute l'élite se connaissait, se côtoyait, partageait les joies et les peines des uns et des autres, à l'image des masses laborieuses que les nouveaux sociologues de la division présentent de nos jours en masses ethniques gélatineuses, sans conscience ni perspective, taillables et utilisables à merci? Les marchands de cauchemars qui se cachent derrière ce décompte funeste mesurent-ils la profondeur et l’ampleur du tort qu’ils font à notre pays, à son image d'hier et d'aujourd'hui ? S’ils sont Guinéens, pourquoi chargent-ils notre mémoire collective de tant de souillures, de tant d’abominations ? Que de contrevérités ! Que de satanismes ! Quelle honte ? Quelle infamie ? Que d’inconscience de la part de Guinéens aux petits pieds ! Y a-t-il crime plus odieux que celui de couvrir son propre pays de cercueils aussi innombrables qu'imaginaires? Ces aveuglés par la haine, savent-ils dénombrer? Connaissent-ils leur table d'addition? Savent-ils faire la différence entre les unités, les dizaines, les centaines et les milliers? Savent-ils qu'à l'échelle humaine 200 est un grand nombre et mille un très grand nombre? C'est ce qui explique que 100 ou 200

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sont les limites imposées aux calculs et aux opérations arithmétiques des premières années de l'école. Et même à l'université, tant qu'on ne s'intéresse pas aux grandeurs géologiques, à celles de la physique avancée, à la grande économie, etc. mille constitue un grand, un très grand nombre. Pour preuve, nous mettons au défi Mme Hadiatou BARRY TOURÉ et l'Association dont elle se réclame de publier sous 24 heures, même à la volée, une liste de mille noms opposables parmi les victimes des camps de détention et lieux d'incarcération localisés ou identifiables. Nous disons bien une liste opposable au plan juridique et judiciaire. Ce test que nous appellerons « test de Hadiatou » doit pouvoir mettre tout le monde d'accord. Si Mme Hadiatou BARRY TOURÉ et compagnie le réussissent, ils auraient remporté une manche gigantesque dans la quête et la restauration de la vérité historique que nous appelons tous de tous nos vœux. La manche remportée pourrait alors servir de base pour une nouvelle manche de 1 000 nouveaux noms opposables jusqu'à épuisement ou dépassement des « 50 000 tués ou victimes » fixés à l'horizon de l'Association de Mme Hadiatou BARRY TOURÉ. Mais si le nombre 1 000 apparaît comme un grand nombre, car il est réellement très grand pour tout ce qui concerne le dénombrement d'êtres humains, l'on pourrait ramener la base du test à 200 personnes tuées pour raison politique durant la Première République. Et si la Dame du test échoue vraiment, elle devrait alors, avec toute sa compagnie, faire amende honorable et participer humblement à l'étude, à la recherche, à la documentation et à la valorisation de ce pan de notre histoire commune. 24 heures semblent largement suffisantes pour une association qui existe depuis tant de lustres et dont le credo affiché est la réhabilitation des victimes dont il serait inimaginable qu'elle ne détienne pas la liste complète par-devers elle. Du caractère perfide de la présentation de ce nombre macabre. À supposer que ce nombre fût exact, ce qui est parfaitement illusoire, pourquoi imputer ces morts réelles ou imaginaires uniquement au Président Ahmed Sékou TOURÉ et non à la lutte et à l'antagonisme irréconciliables entre la Guinée et les forces qui voulaient mettre à terre son entreprise historique et originale d’indépendance politique, d’émancipation sociale et de développement économique? Mme Hadiatou BARRY TOURÉ et compagnie seraient-elles des adeptes de Joseph Goebbels qui, parmi les nombreux préceptes de sa politique de propagande et de formatage de la pensée unique et de manipulation des masses, arguait: « Plus le mensonge est gros, plus il passe » ? Ou alors, seraient-elles aussi naïves ou cyniques de croire qu'à force de répétition d'un « gros mensonge », de grossissement à outrance de l'effet, elles parviendraient, comme par prestidigitation, à masquer la cause de la répression et à faire porter des œillères au Peuple de Guinée et à l'humanité entière pour voir et lire le monde selon Mme Hadiatou BARRY TOURÉ et consorts?

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Pensent-elles que la réserve que se sont imposées les forces du progrès en Guinée face à leur entêtement depuis qu'elles croient tenir leur « revanche » signifie couardise? C'est mal connaître la détermination des patriotes qui se sont levés pour créer le Club Ahmed Sékou TOURÉ dans le noble dessein de restaurer la vérité sur notre histoire récente. Des sources extérieures? Pourquoi se cacher derrière Amnesty International qui, depuis tout ce temps, est réellement incapable de fournir la liste, selon les uns des « 50 000 victimes », et selon les autres des « 50 000 tués » (ils n'arrivent même pas à accorder leurs violons macabres)? Faut-il aller chercher ailleurs ce que l'on sait ou qu'on est censé savoir? Que cache cet auto-déni de responsabilité? Serions-nous incapables de mettre en œuvre les structures de l'État et des composantes actives du pays pour dresser l'état civil de nos morts et disparus durant une période couverte par l'histoire, la documentation et la presse de chez nous et d'ailleurs? Pourquoi aucun article, aucun éditorial, aucune manifestation en Guinée ou à l'étranger n'ont fait état d'un bilan aussi monstrueux à l'époque et particulièrement au moment où culminait l'antagonisme entre la Guinée et l'Occident? N'est-il pas simplement symptomatique de constater que les puissances ennemies qui se sont liguées contre la Guinée de septembre, ne soient pas parvenues à étayer leur rejet de la voie guinéenne du développement, par la production d'une liste alignant au moins le centième du total macabre visé par le « test de Hadiatou » présenté plus haut? Ces puissances que nous connaissons, n'auraient jamais dédaigné administrer une preuve aussi cinglante que fatale contre le Président Ahmed Sékou TOURÉ et son combat. À la vérité, il n'y en avait pas. A contrario, il existait d'autres preuves établissant la responsabilité de ces puissances dans le crime organisé contre la Guinée. N'est-on pas en droit de penser que c'est là la raison ultime de la rapidité avec laquelle on a fait disparaître les archives de l'État guinéen, celles du Tribunal Populaire Révolutionnaire et, celles, personnelles, du Président Ahmed Sékou Touré au lendemain du putsch du 3 avril 1984?

Vers la tolérance zéro. Que les falsificateurs de notre glorieuse histoire, leurs acolytes et leurs mentors se le tiennent pour dit une fois pour toutes: désormais, chaque fois qu'ils tenteront de déformer notre histoire récente, ils trouveront sur leur chemin les défenseurs de l'honneur et de la dignité de notre peuple, qui assument et revendiquent notre histoire, en dépit des dérives et vicissitudes de ce dernier quart de siècle. Et parmi eux, le Club Ahmed Sékou TOURÉ.

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Que ces falsificateurs sachent que le statut de victimes qu’ils ont usurpé jusque-là revient en réalité au Peuple martyr de Guinée. Notre Peuple a trop souffert dans sa chair et dans sa fierté des crimes commis par eux et leurs mentors. Notre Peuple ne laissera plus abuser de son martyr comme fonds de commerce par ceux qui usent d'expédients, d'affabulations et de dénégations. Et si malgré tout, les affabulateurs continuent de ramer à contre-courant, qu'ils s'attendent à l'offensive par le verbe juste. Que ces affabulateurs s’attendent donc à l’offensive contre leurs calomnies, leurs contrevérités et leurs campagnes de désinformation. Trop c’est trop. Désormais c’est la tolérance zéro! Pour conclure, nous rappelons l'Acte constitutif de l'Unesco qui stipule: « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix ». Le Club Ahmed Sékou TOURÉ fait sienne cette sagesse qui est plus que d'actualité pour la Guinée engagée résolument dans la voie de son renouveau, après les tumultes et soubresauts que son évolution récente a enregistrés. Notre pays se doit, plus que par le passé, d'accélérer l'édification des défenses de la paix et de l'unité nationale, dans l'esprit et le comportement des acteurs de la vie sociopolitique afin que triomphe la Transition en cours. Si cela doit passer par le forum « vérité, justice et paix sociale » que d'aucuns appellent conférence « vérité-justice-réconciliation », forum que le Club Ahmed Sékou TOURÉ a toujours réclamé, nous réitérons avec insistance la tenue d'une telle concertation ». Conakry, le 7 avril 2010

, Sidiki KOBELE KEITA enseignant- chercheur, dans la salle de lecture d’Amnesty International à Londres en 2005

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« Nous avons interviewé des lecteurs et le personnel d'Amnesty International, affirme le chercheur; personne ne put nous éclairer, ni nous orienter : le rapport de «50 000 tués de Sékou Touré » n’était certainement pas encore rédigé par cette organisation souvent citée pour plus de crédibilité ,puisqu’il n’existait dans aucun des dossiers existant ».

5. Pourquoi le CMRN n’a pas organisé un procès public au lendemain du 3 avril 1984 ? En principe ceux qui critiquent ou condamnent le caractère « caché », « privé » ou « clandestin » des procès de la Première République, Guinéens comme étrangers , pays occidentaux et organismes internationaux qui se prétendent défenseurs des droits de tous les hommes, auraient dû s’imposer, comme ils le font quand il s’agit des régimes qu’ils abhorrent, aux auteurs du coup d’État du 3 avril 1984 pour la tenue d’un procès public régulier afin de juger les responsables guinéens encore vivants de la période 1958-1984 ; tout se serait déroulé comme ils l’exigent : les accusés auraient librement choisi leurs avocats pour assurer leur défense ; ils auraient joui de leur liberté de parole pour exposer contradictoirement les faits, se défendre de ceux dont on les accuse et, au besoin , accuser d’autres acteurs inconnus de tous, durant cette période . Presque tous s’étaient tus et aucune condamnation sérieuse n’a émané d’un pays ou des structures qui se disent défenseur des droits de l’homme ou de l’Association des victimes du camp Boiro. De cette rencontre la vérité aurait jailli. En effet, excepté Ahmed Sékou Touré, mort le 26 mars 1984, d’une mort naturelle avec les honneurs qu’aucun chef d’État africain décédé avant ou après lui n’ avait et n’a reçu , les autres responsables guinéens , civils et militaires de la Première République, avaient été arrêtés, enfermés dans la prison civile de Kindia et torturés jusqu’à leur exécution sans jugement. Si les auteurs et les instigateurs du coup d’État ne s’étaient pas comportés comme ils le reprochaient au régime du PDG, nous aurions été édifiés sur ce qui s’est passé réellement de 1958 à 1984 en Guinée, en plus de ce que nous aurions certainement obtenu du SDECE , sur ceux qui ont été accusés à tort, les victimes des règlements de compte ; la même possibilité aurait été offerte aux accusés pour faire connaître les coupables ,la 5e colonne des comploteurs extérieurs, c’est-à- dire les traites de l’ intérieur selon le PDG-RDA, ceux qui avaient réellement collaboré ou collaboraient avec la France, le Portugal et leurs alliés en vue de la néocolonisation de la Guinée depuis le 28 septembre 1958. Or, les auteurs du coup d’État du 3 avril 1984 avaient d’abord promis un procès public sur tous les faits reprochés au PDG et à Ahmed Sékou Touré; après réflexion, de peur d’être dénoncés avec preuve par leurs victimes, ils se limitèrent à un procès économique public. Pour finalement ne tenir aucune de ces promesses et exécuter arbitrairement certains accusés, après s’être emparés de nombre de documents intéressants qui les compromettaient. Et ce qui est surprenant c’est qu’aucune protestation d’envergure en ce sens n’a été

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enregistrée depuis lors au compte des défenseurs des droits de l’ homme dont certains responsables guinéens de ces organisations limitent encore leurs activités à la seule défense de ceux qu’ils qualifient des victimes de la Première République, en général des éléments de leur ethnie, afin de bénéficier des avantages divers des institutions étrangères s’affirmant défenseurs des droits de tous les hommes. Le monde a même été surpris qu’aucun avocat de la défense n’ait dénoncé ce fait durant le récent procès (mi-juillet 2013) de l’attaque militaire du 10 juillet 2011 du domicile privé du Président Alpha Condé. Certains s’étaient contentés de dénoncer les procès de la Première République sans les replacer dans leur contexte, travail intellectuel nécessaire pour analyser et apprécier un fait ; même ceux qu’on croyait bien cultivés ou ceux qu’on croyait connaître l’histoire récente de notre peuple et des peuples qui ont été confrontés à de semblables problèmes, s’étaient livrés à des gymnastiques juridiques indigestes et subjectives pour se faire voir ou se faire connaître comme de bons avocats à d’éventuels clients très souvent en rupture de ban avec la société. Tous les Guinéens savent aujourd’hui que si un vrai procès avait été organisé au lendemain du 3 avril 1984, nombre d’auteurs du coup d’État du 3 avril 1984 auraient été obligés de s’expliquer sur des faits précis ; nombre de civils qui s’agitent aujourd’hui, dont certains ont même la plume facile pour accuser le régime de la première République de tous les maux , alors qu’ils l’ avaient servi en étant parfois des responsables librement et démocratiquement élus du PDG ou dont ils avaient largement profité, auraient fermement été accusés de parjure et de collaborateur ou d’instruments zélés d’espions étrangers travaillant en Guinée sous le titre d’experts de tel ou tel département ministériel, à Conakry ou à l’intérieur du territoire. Même le suicide de Seibod à la prison du camp Boiro n’aurait été d’aucun profit pour certains éléments qui étaient à sa solde à Kankan. Il n’est donc pas étonnant que tous ces opposants au régime de la Première République se fussent coalisés pour une liquidation rapide des accusés gênants susceptibles de révéler des actions ou actes qui les présenteraient sous leur vrai visage ou qui confirmeraient la culpabilité de certains éléments de la 5e colonne. Ils se servirent ainsi d’un vrai-faux complot, comme celui du 4 juillet 1985, dit complot du Colonel Diarra Traoré, pour exécuter leur salle besogne en assassinant des officiers supérieurs et des responsables civils politique et administratifs du seul fait qu’ils étaient de la même ethnie qu’Ahmed Sékou Touré ou de sa famille, des civils enfermés au lendemain du 3 avril 1984 .Tout cela sous la pression de certains qui continuent , non assouvis, de s’affirmer « victimes » d’Ahmed Sékou Touré. Puisque le procès n’a pas eu lieu, un débat public contradictoire est encore nécessaire afin que la réconciliation de ceux qui sont concernés par les contentieux de la Première République se fasse définitivement sur la base de la vérité et de la justice. Certes, selon le ministre de la Justice de l’époque,

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Bassirou Barry (236), une Cour de Sûreté de l’État présidée par le juge Naby Moussa Soumah aurait été mise en place pour juger les accusés défendus, selon toujours le ministre, par les avocats Ibrahima Dabo, Sékou Sylla et un certain Sow. Mais le ministre précise qu’il ignore où cette cour a siégé. Toujours est-il que la plupart des accusés, tous malinkés après un tri ethnique, ont été purement et simplement exécutés. Message publié par le journal Africa Internationa, n°175, septembre 1985

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In : Jeune Afrique, n°1391 du 2 septembre 1987

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22 autres prévenus seront froidement exécutés dans la nuit du 7-8 juillet 1985. Soit quatre jours après la tentative du 4 juillet 1985 dite l’affaire Diarra sur ordre du commandant Mamadou Baldé, assurant l’intérim du Chef de l’Etat, donné dès le 6 juillet 1985 et par le chef de BatillonI brahima Sory Diallo, le commandant du camp de Kindia, le tout supervisé par le Commandant Sow, secrétaire à la Défense. La plupart des accusés du coup d’État du 4 juillet 1985 seront également exécutés. Au total, six personnalités militaires sont souvent citées comme ayant été chargées, au nom du CMRN, de toutes les exécutions qui ont jalonné l’année1985 (7-8 juillet, 15 août et 20 août) ; ce n’est que le 6 mai 1987 que le CMRN fit diffuser un arrêt d’une Cour de Sûreté qui n’a jamais existé, à plus forte raison siégé, pour justifier les différentes condamnations criminelles : - Le commandant Ibrahima Sory Diallo, chef de bataillon de la première Zone militaire (Kindia) où les accusés de la Première République étaient emprisonnés. Il exprimera sa joie d’avoir vengé ses « parents »,sousentendus peuls, après exécution des accusés. Le commandant Mamadou Baldé, ministre de la Réforme administrative, qui aurait en outre dressé sur communication téléphonique, avec le capitaine Facinet Touré alors à Lomé, la liste des officiers malinké avec indication par ce dernier des domiciles des uns et des autres à impliquer dans la tentative du coup d’État du colonel Diarra Traoré, à les arrêter et à les tuer. C’est encore le commandant Baldé, qui, au retour de la délégation présidentielle de Lomé, a annoncé que le CMRN a élevé, le colonel Lansana Conté au rang du général de Brigade ; l’annonce a été faite par l’intéressé le 5 juillet 1985, dès la descente de l’avion présidentiel, avant de donner dès le lendemain le premier ordre d’exécution. - Le commandant Ousmane Sow, secrétaire à la Défense, avait supervisé, avec le chef de bataillon Ibrahima Sory Diallo, toutes les exécutions dans la nuit du 7 au 8 juillet sous le mont Gangan et ils en avaient rendu compte au CMRN par écrit. - Le capitaine Alhouseine Fofana, président de la Commission d’enquête mise en place dès lendemain du 3 avril 1984 ; Il a tenu des propos terribles contre l’ethnie malinké du genre «nous allons exterminer les malinké. Lorsqu’il n’y en aura plus ici, nous irons en chercher la semence au Mali », aurait-il souvent dit aux accusés. L’intéressé n’a jamais démenti cette information publiée dans de nombreuses presses écrites nationales et internationales. - Le chef de bataillon Fodé Komoya Camara, membre de la commission d’enquête, chargé de l’arrestation des officiers malinkés à Conakry. Il est devenu aveugle depuis lors… Il faut continuer à exiger qu’il y ait un débat national, public et contradictoire pour que tous ceux-là s’expliquent sur les différents assassinats de l’après-coup d’État du 3 avril 1984.

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Chapitre XIV Le SDECE et la PIDE assassinent deux leaders des mouvements de libération africains afin de compromettre Ahmed Sékou Touré

« Liquider la colonisation et son cortège d’humiliation est donc le devoir suprême que l’Afrique et les Africains doivent assumer … » Ahmed Sékou Touré

Position du problème Parmi d’autres opérations que nous avons déjà analysées dans des ouvrages précédents, en particulier dans Des complots dans la Guinée de Sékou Touré(1958-1984) (sabotage économique et financier, témoignage sur le rôle néfaste de Ba Mamadou à la Banque Mondiale , l’action psychologique, subversion religieuse, etc. (237) qui seront vainement tentées pour renforcer la déstabilisation et l’isolement de la Guinée, le projet le plus cynique fut la tentative de compromettre Ahmed Sékou Touré par l’assassinat de deux dirigeants émérites de mouvements de libération nationale. Le cas d’Ahmed Sékou Touré fut, pour les pays de l’OTAN soutenant le Portugal, une espèce de casse-tête ; aussi, n’arrivant pas à l’atteindre, les services spéciaux occidentaux tentèrent de le compromettre dans des évènements sanglants pour le faire passer, aux yeux des forces combattantes du continent, pour la mauvaise conscience de l’Afrique. Or, le leader guinéen, à cause du rôle décisif de leadership qu’il jouait dans la lutte pour la libération et l’unité effectives de l’Afrique, était très populaire au sein des mouvements de libération nationale et au sein des forces progressistes de par le monde. En effet, dès son indépendance, la Guinée était devenue la terre d’accueil de tous les mouvements de libération ; tous y avaient leur siège ; tous recevaient de l’aide matérielle et financière substantielle, l’appui militaire, politique et diplomatique du gouvernement guinéen et du PDG. La plupart de leurs 237

Sidiki Kobélé Keita. Des complots contre la Guinée, op.cit.pp.167-196.

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dirigeants voyageaient avec les documents officiels de la Guinée et parfois aux frais de celle-là. Et dès que la Guinée fut admise à l’ONU, les représentants de ces mouvements faisaient souvent partie des délégations guinéennes afin de pouvoir exposer leurs revendications et l’état de leur lutte, etc. Ainsi, selon Marthe Moumié, Roland Moumié , réfugié en Guinée en janvier 1959, participa « à la session spéciale en février des Nations Unies avec une délégation guinéenne ayant pour but de soutenir la juste cause de l’UPC » (238). Ce qui choqua profondément la France qui luttait contre ce mouvement et cherchait à l’anéantir. Ahmed Sékou Touré puisait parfois dans ses fonds propres au profit des réfugiés politiques ou pour les forces combattantes des mouvements de libération nationale. Jugeant inacceptable ce soutien multiforme, les pays occidentaux en général et les puissances coloniales en particulier fomentèrent ou soutinrent les complots sus-présentés pour renverser le pouvoir guinéen. Mais puisque toutes les tentatives pour renverser le régime avaient échoué lamentablement, ils décidèrent de compromettre Ahmed Sékou Touré en lui imputant l’assassinat de deux dirigeants historiques de mouvement de libération nationale réfugiés en Guinée: Roland-Félix Moumié de l’UPC et Amilcar Cabral du PAIGC.

I. Assassinat de Roland-Félix Moumié en 1960 C’est à suite de la mort de Ruben Nyobé, abattu le 13 septembre 1958 par une patrouille française au Cameroun que Roland-Félix Moumié dut se réfugier à l’étranger. Ce fut d’abord au Caire pour échapper à la répression, puis à Conakry où sa sécurité était mieux assurée dès que la Guinée devint indépendante, afin d’être plus près des combattants et de pouvoir mieux servir la cause africaine. Ses activités devenaient gênantes pour les services spéciaux français. Aussi ceux-ci décidèrent-ils d’assassiner le dirigeant de l’Union des populations du Cameroun (UPC), mais pas en Afrique où il était bien protégé. Ce qui se fit à Genève le 3 novembre 1960. Il s’était rendu en Suisse dans le cadre des activités de son mouvement.

La version s’inscrivant dans la logique des complots contre la Guinée Deux versions sont données : l’une par Roger Faligot et Pascal Krop et Bruno Crimi (239) ; la seconde par le film documentaire déjà cité. 238

Marthe Moumié Roland Moumié, victime du colonialisme français .Paris, Ed.Dubois, 2006, p.107. 239 Roger Faligot et Pascal Krop. Op.cit., p.330 et Bruno Crimi. La vérité sur l’assassinat d’Amilcar Cabral, in Jeune Afrique n °734, 31 janvier 1975.

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La seule différence, c’est que sur la base d’une recherche plus approfondie, la première version est arrivée à la conclusion que l’intention véritable des instigateurs de l’assassinat, c’était de compromettre Ahmed Sékou Touré, qui accueillait l’intéressé et l’aidait avec d’autres nationalistes africains à débarrasser leurs pays du joug colonial français et portugais.

Échec du scénario monté Le scénario monté s’articula comme suit : empoisonner Moumié au thalium à Genève et l’envoyer immédiatement par avion à Conakry où il s’était réfugié depuis la mort de Ruben Um Nyobé pour y mourir. C’est un agent du SDECE, William Bechtel dit Grand Bill, âgé de 6O ans jouissant de la double nationalité (française et suisse) qui a été chargé de cette sale besogne. Les deux hommes se connaissaient. Et Moumié ne s’en était pas méfié. Bechtel convainquit le leader de l’UPC de venir soigner son foie à Genève. Il se faisait passer pour un journaliste. Il profiterait de son séjour pour interviewer Moumié. Au cours d’un dîner dans un restaurant de Genève, Bechtel appliqua le plan reçu du SDECE : profitant d’un moment d’absence de Moumié appelé au téléphone, il versa, dans son verre de Ricard, une dose suffisante de thallium pour le succès du plan élaboré. À son retour, Moumié ne prend pas son verre. Bechtel est inquiet. Il profite d’un moment d’inattention du leader de l’U P C pour verser une seconde dose non prévue. C’est à la fin du repas et après avoir bu du café, qu’il prend son verre de Ricard. La dose du thallium était trop forte. Le poison ayant commencé à faire son effet, Moumié fut transporté à l’hôpital cantonal de Genève où il meurt le 3 novembre 1969 dans d’atroces douleurs au ventre, malgré des soins intenses qui lui furent prodigués. Selon Dr Daniel Pommette, l’un des quatre médecins qui avaient tenté de le sauver, Moumié a dit, à son arrivée : « On m’a empoisonné. Le thallium a été mélangé à du Pernot. J’ai eu un goût bizarre. Je crois que c’est ça » (240).

Condamnation unanime de l’acte criminel Cet assassinat a été stigmatisé par l’opinion publique internationale, dans la presse, au cours de meetings, dans tous les milieux progressistes africains et européens.

Accueil de la dépouille du leader de l’UPC à Conakry Informées, les autorités guinéennes firent venir le corps par un vol spécial et lui réservèrent des funérailles dignes d’un grand combattant. Une délégation gouvernementale conduite par SaÏfoulaye Diallo, président de l’Assemblée nationale accueillit la dépouille mortelle le 18 novembre 1960 ; le 20 novembre 1960, le Président Ahmed Sékou Touré, à la tête d’une autre 240

In : Film : Assassinat de Félix Moumié).

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délégation gouvernementale, vint présenter les condoléances du peuple de Guinée au domicile de la famille éplorée. Si l’on en croit Marthe Moumié, son épouse, qui a mené une enquête sérieuse et approfondie, « l’assassinat de Roland Félix Moumié fut décidé par Jacques Foccart, alors responsable des affaires africaines auprès du général. Le SDECE se chargea ensuite efficacement d’assurer l’impunité de son tueur » (241). Les Autorités guinéennes stigmatisèrent et condamnèrent cet assassinat au cours de la quatrième conférence du PDG-RDA tenue à Kissidougou, du 21 au 24 novembre 1960, « l’entêtement de l’impérialisme français à poursuivre, au mépris de sa condamnation par l’opinion universelle, sa guerre de reconquête coloniale en Algérie, sa répression sauvage au Cameroun dont l’une des dernières victimes est notre regretté Félix Moumié lâchement assassiné à Genève ; [elles] assurent ses frères de notre solidarité » (242) . Les services secrets français avaient cru qu’en faisant vite voyager Moumié par avion pour mourir en Guinée, ils auraient pu en rendre responsable le chef de l’État guinéen. Mais celui-ci n’aurait pas eu du mal à prouver son innocence. En effet, il est évident que dès son retour à Conakry, Moumié aurait commencé à pâtir des effets du poison et aurait été immédiatement admis dans un centre hospitalier. On aurait vite découvert qu’il avait été empoisonné à Genève. Car, il ne peut venir à l’esprit d’une personne normale que seulement deux ans après l’ accession de la Guinée à l’indépendance , un dirigeant d’un mouvement de libération nationale , de la rigueur et du radicalisme d’un Moumié dans sa lutte nationaliste, lequel a trouvé aide et asile en Guinée , ait été tué par Ahmed Sékou Touré à Conakry. La deuxième tentative, cette fois réussie, fut l’assassinat d’Amilcar Cabral le 23 janvier 1973.

II. Assassinat d’Amilcar Cabral en 1973 Après plusieurs tentatives de décapitation du PAIGC, l’objectif des gouvernements français et portugais, en fomentant ce complot, était d’une part de priver le PAIGC de son leader et d’autre part de compromettre Ahmed Sékou Touré.

La raison du choix de la Guinée par les mouvements nationalistes africains Deux affirmations ont toujours retenu notre attention quand on évoque la lutte de libération menée par le PAIGC :

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Marthe Moumumié. Op. cit. In: PDG-BPN. De la conférence nationale au CNR (résolutions du 14 septembre 1958 au 17 août 1972).

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« Maintenant j’ai un pays. Je peux faire mes paquets pour revenir définitivement en Afrique », propos tenus par Amilcar Cabral en apprenant que la Guinée a voté non le 28 septembre en 1958 et proclamé son indépendance le 2 octobre 1958. La deuxième affirmation est celle d’Aristides Pereira parlant du rôle de la Guinée dans la libération de la Guinée-Cap-Vert : « sans cette arrière-garde, il n’y aurait pratiquement pas eu de lutte de libération nationale ». Ces affirmations pouvaient être faites par nombre de mouvements nationalistes de l’époque tous ayant reçu de l’aide de la Guinée tout au long de leur combat. Cette attitude politique découlait d’un principe affirmé dès l’indépendance : les dirigeants de la Guinée affirmaient que tant qu’une portion de l’Afrique restera sous dépendance étrangère, la Guinée ne se considérera pas totalement indépendante et libre. C’est Saifoulaye Diallo, Président de l’Assemblée nationale, qui fut désigné pour assurer la liaison de ces mouvements avec les autorités guinéennes. Et le PAIGC fut le grand bénéficiaire de cette option.

Choix du PAIGC comme seule force sociale combattante de la Guinée-Bissau-Cap Vert En effet, si de nombreux nationalistes guinéo-capverdiens immigrèrent très tôt à Conakry, c’est surtout suite à la répression politique et administrative de la grève des dockers de Pjiguiti le 3 août 1959 en Guinée Bissau qui enregistra plus de cent cinquante morts ; c’est cet évènement qui accéléra le phénomène de fuite vers la Guinée. Depuis lors, divers mouvements ou partis de Guinée Bissau-Cap-Vert, réfugiés en Guinée, se querellaient souvent à Conakry pour le leadership; aussi, fut-il difficile de gérer tous ceux qui se disaient nationalistes. Pour clarifier la situation , la Guinée exigea le choix d’un seul mouvement : soit l’union dans une seule structure de combat, de tous ceux qui se disaient nationalistes et déterminés à lutter contre le colonialisme portugais, soit l’on procédait au choix démocratique d’un seul parti ou mouvement devant regrouper tous ceux qui voulaient se battre pour chasser le Portugal. Cette dernière solution fut retenue par tous. C’est au siège de la CGT à Conakry que se déroula ce choix : le PAIGC, créé le 19 septembre 1956 et dirigé par Amilcar Cabral, en sortit vainqueur. Il fut retenu que tous ceux qui ne voulaient pas l’intégrer, le FLING en particulier, devaient quitter la Guinée. Ce qui se fit. Le 19 septembre 1959, le PAIGC envisagea les dispositions organisationnelles de la lutte armée à l’issue d’une réunion de la direction.

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Vaine tentative du PAIGC pour un règlement pacifique du problème colonial avec le Portugal Après avoir mobilisé toute l’opinion internationale , à travers l’ONU en particulier pour une négociation à l’amiable avec le Portugal, la direction du PAIGC adressa, le 15 novembre 1960, un mémorandum au gouvernement portugais portant sur le cadre de négociation en vue de résoudre pacifiquement les problèmes politiques et d’obtenir l’indépendance de la Guinée Bissau et du Cap vert à l’ amiable ; Amilcar Cabral et ses compagnons de lutte durent recourir, malgré eux, à ce qu’ils ont appelé la dernière solution, « lutter par nos propres moyens » ; les nationalistes des autres colonies portugaises avaient fini par être également convaincus que la lutte armée était la seule option pour liquider le colonialisme portugais borné en Afrique .

La Guinée, meilleure base arrière pour le PAIGC Mais il leur fallait des bases arrière sûres en Afrique même. Le MPLA qui avait aussi son siège à Conakry était trop loin de l’Angola. Entre le Sénégal et la Guinée, le choix de cette dernière était le plus sécurisant pour le PAIGC, le Sénégal ayant opté pour le « oui » à la communauté française ne jouissait pas encore que de la semi-autonomie avec tout ce que cela impliquait de dépendance envers la France . Le PAIGC ne regretta pas le choix de la Guinée puisqu’il put librement aboutir à l’objectif fondamental de son combat: la libération effective de la Guinée-Bissau et des Iles du Cap-Vert. Définitivement installé à Conakry en mai 1960, après de nombreux voyages en Afrique et en Europe, Amilcar Cabral qui travailla pendant quelque temps au Ministère de l’ Économie Rurale de Guinée comme conseiller technique, élabora la stratégie de combat avec ses compagnons de lutte : la sensibilisation d’abord des populations de la Guinée-Bissau sur l’ état de domination, d’oppression et d’exploitation des masses et la détermination du parti d’en finir avec les Autorités coloniales à travers des sabotages divers contre des symboles du système colonial en vue d’une prise de conscience de la nécessité,pour les masses, de s’organiser pour sa liquidation définitive.

Formation des combattants Des armes arrivaient à Conakry au même moment du Maroc, de l’Algérie, de Cuba, surtout des pays socialistes, en particulier de l’URSS, de la Tchécoslovaquie, au profit du PAIGC ; mais il fallait d’abord former les combattants en général et des officiers de commandement en particulier. L’apport des pays africains progressistes ne suffisait pas. En août 1960, Amilcar Cabral effectua son premier voyage en Chine où il négocia l’entraînement des cadres du PAIGC à l’Académie militaire de Nankin. D’autres pays, en particulier l’URSS, avaient été contactés pour obtenir des bourses de formations diverses.

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Une incompréhension entre le PAIGC et les autorités guinéennes de Conakry rapidement surmontée Mais le début fait de méfiance fut difficile entre le PAIGC et les autorités guinéennes comme l’atteste cet incident révélateur : alors que la direction du PAIGC prétendait importer des boîtes de sardines du Maroc, l’on découvrit , à la suite de la chute d’une caisse, que c’était en fait des caisses d’armes et de munitions que le Roi Hassan II lui avait offertes ; les Autorités guinéennes qui n’avaient pas été préalablement informées arrêtèrent et incarcérèrent à la prison du camp de la Garde républicaine les responsables du PAIGC présents à Conakry (Aristides Peréira, Luis Cabral et Vasco Cabral). De retour de mission, aidé des présidents Nkrumah et Modibo Keita, Amilcar Cabral put convaincre d’autant plus facilement Conakry de la bonne foi du PAIGC que la guerre de libération débuta dès le 23 janvier 1963 par l’attaque de la garnison portugaise de Titre avec les armes accumulées.

Différentes formes d’aide de la Guinée au PAIGC Depuis lors , la Guinée ne lésina plus sur les différentes formes d’aides aux combattants du PAIGC: octroi de titres de voyages, participation en tant que membre des délégations guinéennes pour être à même d’exposer la cause du mouvement, diverses autres facilitations (armements, formation et entraînements des combattants à Kindia, réalisation d’infrastructures économiques, sociales et militaires, création de la radio Libertaçao, ouverture de toutes les frontières de la Guinée au PAIGC) ; l’État-major guinéen du commandement de Boké jouera un rôle important dans cette lutte. C’est lui qui faisait convoyer les armes et les munitions, les produits alimentaires. C’est lui qui coordonnait l’artillerie des zones de combat du Sud permettant ainsi aux combattants du PAIGC d’attaquer, de détruire ou d’occuper les garnisons portugaises,

Les adversaires de Sékou Touré se sont servis de cette aide comme argument auprès du Portugal C’est en se basant sur cet appui du gouvernement guinéen au PAIGC que les opposants guinéens de l’ extérieur prirent contact avec les Autorités portugaises et les convainquirent d’entreprendre en commun l’ agression du 22 novembre 1970 contre la République de Guinée : le Portugal en profiterait pour liquider le PAIGC, en assassinant ses dirigeants et en détruisant toutes ses infrastructures ; cela leur permettrait de renverser Ahmed Sékou Touré , de prendre le pouvoir en Guinée et d’instaurer un gouvernement qui serait favorable à l’Occident . L’échec fut là aussi cuisant et le PAIGC joua un rôle très important pour bouter les assaillants hors du Territoire. Au moment de l’opération, Amilcar Cabral était en Bulgarie et Aristides Pereira à Dakar, mais leurs domiciles avaient été incendiés par les assaillants.

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Renforcement de la coopération Guinée-PAIGC Mais cette agression convainquit les autorités guinéennes de la nécessité de renforcer leur coopération avec le PAIGC dont les combattants avaient joué un rôle déterminant dans l’échec de l’invasion de la Guinée : le PAIGC n’avait pas hésité à dégarnir les zones du sud de combat en Guinée-Bissau pour venir renforcer pendant un bon moment la sécurité à Conakry. Le bataillon qui débarqua à Conakry était commandé par Pedro Pires (243). Le PAIGC bénéficia dès lors d’une aide renforcée et davantage diversifiée, en particulier l’envoi des armes lourdes de l’Armée guinéenne aux Forces Armées Révolutionnaires du PAIGC. La guerre de libération devint encore plus offensive et la victoire pointa vite à l’horizon.

Contradiction au sein du PAIGC Toutes les tentatives ayant échoué, le général Antonio Spinola, gouverneur de la Guinée-Bissau avait fini par convaincre le premier ministre portugais Marcelo Cafeton que « Cabral est un homme qu’on ne peut ni acheter, ni piéger. Pour l’avoir, il faut le tuer ». La PIDE recruta deux agents parmi les responsables du PAIGC dont les surnoms étaient «Padre » et Anjo qui travaillaient discrètement au sein du Parti. Ceci fut d’autant plus facile que le PAIGC souffrait d’une contradiction originelle entre les Guinéens (noirs) sur les champs de bataille et les CapVerdiens (métis) dans les bureaux, disait-on ; par ailleurs, le secrétaire général du parti avait pardonné à trop de condamnés se disant repentis. Voilà pourquoi les autorités portugaises réussirent à recruter facilement les assassins d’Amilcar Cabral au sein même de son parti : « le coup devait être présenté comme une révolte générale des Guinéens contre la Direction qui était Cap-Verdienne, absolutiste et raciste », selon le Rapport d’enquête du PAIGC.

L’assassinat d’Amilcar Cabral Le 20 janvier 1973, au moment des évènements, presque tous les cadres et militants du PAIGC se trouvaient à l’École Pilote de Ratoma, un quartier de la haute banlieue de Conakry, où Joaquim Chisano, Membre du Comité Exécutif de FRELIMO, faisait le point de la lutte au Mozambique. Ils ne seront de retour que vers 23h 30. Quant à Amilcar Cabral, accompagné de son épouse, il se trouvait au dîner organisé par l’Ambassadeur de la Pologne en sa résidence. De retour au secrétariat général, les assassins procédèrent immédiatement à l’arrestation du Secrétaire général adjoint du PAIGC, Aristide Pereira, de 3 militants et de quelques gardes. Entré à 22h50, Amilcar Cabral, qui ne s’attendait à rien, est aussitôt assassiné par Inocencio kany d’un coup de pistolet et achevé par une rafale de 243

Actuellement ancien président de la République du Cap-Vert.

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AK tirée par un agent commis à cette tâche ; son épouse Ana Maria est enfermée dans la Prison les « Montagnes ». Aristide Pereira et les autres éléments présents en ce lieu furent arrêtés et maltraités, attachés et transportés au port de Conakry, où trois vedettes de la marine du PAIGC dans lesquelles Mamadou NDiaye et ses complices les embarqueront et prirent le large ; ils seront heureusement interceptés par la Marine de la République de Guinée lancée à leur trousse. Les assassins exigèrent de la Direction du PAIGC la libération de deux complices en prison depuis 1972 pour trahison, Barbosa Raphaël, Momo Touré. Des troupes de la République de Guinée durent intervenir. Quarante-cinq minutes après, Ahmed Sékou Touré était informé de l’assassinat de son ami de combat. Il demanda aussitôt de rattraper les vedettes dans lesquelles Aristide avait été embarqué ligoté : deux vedettes guinéennes furent aussitôt lancées à leur trousse. Il constitua une commission d’enquête dirigée par le ministre Moussa Diakité, membre du BPN du PDG-RDA

L’Objectif des gouvernements portugais et français Les ennemis historiques de la Guinée affirmèrent aussitôt la complicité d’Ahmed Sékou Touré dans cet assassinat. En effet, l’objectif des gouvernements portugais et français, en fomentant ce complot, était d’une part de priver le PAIGC de son leader charismatique et incontesté, de causer une scission en son sein entre les Noirs et les Métis et, d’autre part de provoquer une révolte populaire à Conakry entraînant la chute du chef de l’État guinéen rendu responsable de cet assassinat. Le colonel Thierno Diallo, préparé par le SDECE, remplacerait Ahmed Sékou Touré. Les assassins,Joao Tamas Cabral,Da Costa Gomès, Momo Touré, Mamadou NDiaye, Inocencio Kani, le tueur, se rendirent chez Ahmed Sékou Touré dès après leur forfait ; le chef de l’État les reçut, écouta leurs versions des faits et les mit aux arrêts.

Sur le plan des combats, la lutte armée s’intensifia aussitôt. À l’issue d’une réunion tenue du 7 au 9 février 1973, regroupant les autorités guinéennes, le Comité exécutif et des membres du conseil supérieur de la lutte du PAIGC, une commission d’enquête fut mise en place présidée par Fidélis Cabral Almada, secrétaire à la Justice militaire. La commission d’enquête présidée par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité guinéen, Moussa Diakité, déposa le rapport préliminaire et remit les assassins à la direction du PAIGC le 25 janvier 1973 à l’issue d’une rencontre commune. Les 30, 31 janvier 1973 et 1er février 1973, Conakry organisa de grandioses obsèques nationales suivies d’un symposium, au Palais du Peuple, pour magnifier la mémoire d’Amilcar Cabral.

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Le 24 septembre 1973, l’Assemblée nationale du PAIGC, réunie à Boe, proclama l’indépendance de la Guinée-Bissau et les Iles du Cap-Vert ; l’ONU reconnut le nouvel État en novembre 1973. L’OUA organisa, du 7 au 12 janvier 1974, à Conakry, la première session de 1974 de sa Commission de défense pour étudier les meilleurs moyens d’aider le nouvel État. Ainsi, le PAIGC « n’a pas attendu une décision de l’impérialisme pour proclamer l’indépendance de la Guinée-Bissau. Il a installé ses institutions parlementaires, administratives ; et le fascisme placé devant le fait accompli ne pouvait plus nier une réalité que d’ailleurs une délégation des Nations Unies n’a fait que confirmer », dit Ahmed Sékou Touré (244). Le Portugal dut accepter l’indépendance le 10 septembre 1974, après la « Révolution des œillets », un coup d’État qui mit fin au règne de Caetano. Le 2 septembre 1976, à 15h 40, accompagnée par les premiers ministres Francisco Mendès de Guinée –Bissau et de Pedro Pirès des Iles du Cap-Vert, la dépouille mortelle quitta Conakry pour Bissau où l’on enterra Amilcar Cabral en présence d’une forte délégation.

Accusation contre Ahmed Sékou Touré Malheureusement ayant reçu les assassins dès après leur forfait, le leader guinéen a aussitôt été accusé de complicité avec eux. Or, selon le rapport d’enquête du PAIGC fondé sur « le plan ennemi » découvert « avec plus de détail », « les principaux exécutants de la conspiration devaient se rendre après le coup au palais du président Sékou Touré , où, après avoir confessé ouvertement leur participation dans ce crime monstrueux , ils tenteraient d’inventer toutes sortes de calomnies et de mensonges pour discréditer le secrétaire général du PAIGC et justifier leurs actes ». Jacques Foccart (245) est même allé plus loin. Il a entrepris de persuader de nombreuses personnalités françaises et africaines que le leader du PAIGC avait été éliminé par Sékou Touré ; celui-ci n’admettait pas, d’après lui, que Cabral fût très attaché à Senghor et qu’il ait prévu un rapprochement plus étroit avec le Sénégal plutôt qu’avec la Guinée, lorsque la Guinée-Bissau et le Cap-Vert auraient obtenu leur indépendance. Mais il n’a convaincu personne ; il a même regretté que Léopold Sedar Senghor, qui aurait pourtant soutenu sans le prouver que « la mort de Cabral a été incitée par Sékou Touré », n’ait pas l’air de comprendre la même chose que lui. En fait, l’homme d’État sénégalais connaissait , plus que toute autre personne, la profondeur de l’ amitié liant Amilcar Cabral et Sékou Touré, la sincérité du nationalisme du leader bissau-guinéen et sa détermination à 244

In :Horoya, n°2212,29 février -6 mars 1976,pp.26-36 Jacques Foccart. La fin du gaullisme, Op.cit. p.50 et 53.

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promouvoir, dans son pays, comme Sékou Touré, une fois l’indépendance acquise, une société autant que possible égalitaire , et à combattre, comme Sékou Touré, toute tentative de néocolonisation de son pays. Ayant peur du jugement de l’histoire, Senghor savait, en outre, que la vérité qui éclaterait tôt ou tard, était tout autre.

Ahmed Sékou Touré et Amilcar Cabral liés par une solidarité idéologique Si Ahmed Sékou Touré devait être jaloux de quelqu’un, c’était de Kwamé Nkrumah parce que celui-ci était plus instruit que lui ; il jouissait déjà d’une plus grande audience ; mais cela ne l’effleura jamais et n’hésita pas à accueillir le 2 mars 1966 au Stade du 28 septembre le leader ghanéen qu’il déclara co-président de la Guinée ; ce qui choqua le président Houphouët-Boigny et le détermina définitivement contre le Chef de l’État guinéen. Mais même face à celui-là, Sékou Touré était fier de sa formation et de sa riche et vaste culture; il n’avait certes que le CEPE, mais il ne souffrait d’aucun complexe d’infériorité ; il était conscient de sa valeur et de sa dimension politique, de sa dimension internationale,etc. 1. Quant à Amilcar Cabral, des évidences attestent qu’Ahmed Sékou Touré ne pouvait pas être jaloux de lui au point de faciliter son assassinat, car c’est Sékou Touré qui accueillit Amilcar Cabral par solidarité en Guinée quand il n’était qu’un simple expert agronome et c’est lui et son Parti qui facilitèrent le regroupement des mouvements de libération de la Guinée Bissau et Cap-Vert au sein du PAIGC ; qui permirent que la Guinée serve de base -arrière, en un mot de sanctuaire avec tout ce que cela comportait de conséquences considérables pour le Peuple de Guinée-Guinée ; sans cet appui le PAIGC aurait eu les coudées moins franches ;la lutte de libération est partie de la Guinée et s’est achevée sans contradiction fondamentale ,avec le soutien des autorités guinéennes. Tous les combattants et les leaders du PAIGC le reconnaissent et continuent de remercier le peuple de Conakry pour avoir payé un lourd tribut et de façon désintéressée afin que les peuples guinéen et capverdien retrouvent leur liberté. 2. Le leader guinéen était déjà un homme politique important quand Amilcar Cabral, ingénieur agronome, créait son parti en 1956 et cherchait une base arrière sûre pour déclencher le combat libérateur avec ses compagnons de lutte. 3. Sékou Touré dirigeait déjà un État indépendant à partir du 2 octobre 1958, un pays plus riche, mieux organisé dont l’aura était incontestable, quand Amilcar Cabral et ses compagnons de lutte réfléchissaient encore aux meilleures méthodes de lutte contre les Portugais. 4. Sékou Touré avait accès, en tant que chef d’État, à des sphères politiques au sein desquelles Amilcar Cabral n’était pas admis.

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5. Militant pour l’unité africaine, Sékou Touré ne pouvait militer pour l’annexion de la Guinée-Bissau à la Guinée-Conakry afin de créer une « Grande Guinée » qu’il dirigerait. 6. Il était de notoriété publique que le PAIGC souffrait de contradictions ethniques aiguës, entre les noirs et les métis, exploitées et entretenues par les Autorités portugaises ; le gouvernement guinéen avait tout tenté pour que les leaders du PAIGC n’acceptent pas que ces contradictions deviennent antagoniques et que le Portugal n’en profite pas pour affaiblir les forces combattantes. 7. Si Ahmed Sékou Touré voulait assassiner AmilcarCabral, il ne lui aurait pas proposé de changer de domicile. En effet, informé par les services de renseignements guinéens, Ahmed Sékou Touré a souvent demandé à Amilcar Cabral de renforcer sa sécurité, les services secrets occidentaux étant à ses trousses, n’hésiteront pas de le livrer aux Autorités portugaises. Magatte Lô le témoigne dans son livre déjà signalé : Ahmed Sékou Touré lui avait dit qu’il avait demandé plusieurs fois à Amilcar Cabral à se méfier d’un éventuel complot portugais destiné à l’éliminer physiquement ; mais que Cabral ne prenait pas de telles menaces au sérieux; il avait trop confiance en ses grades. Magatte Lô affirme qu’il a lui-même entretenu Cabral des risques qu’il courait. Enfin, Aristide Pereira, qui l’a noté également , évoque la mise en garde de Sékou Touré : se méfier de la PIDE qui voulait assassiner Amilcar Cabral, il leur avait même demandé de venir habiter à Conakry, pas loin de la Présidence où les deux dirigeants pouvaient être plus en sécurité ; il soutient que non seulement Cabral a refusé cette proposition, mais il est aussitôt entré dans une colère noire : il reprocha à ses gardes dont certains étaient des complices des assassins de ne pas être vigilants puisque c’est le Président Sékou Touré qui lui apprenait qu’il était en danger. Cette réaction a précipité les évènements puisque les assassins, sous l’emprise de la PIDE, ont vite fait d’agir avant que les dispositions ne fussent prises pour empêcher la liquidation physique des deux leaders du PAIGC. Aristides sera sauvé in extremis, la vedette dans laquelle les assassins l’avaient attaché comme un saucisson a été arraisonnée à temps par les autorités de Guinée-Conakry et ramenée à Conakry. 8. Ceux qui ont assassiné Amilcar Cabral, la PIDE en particulier, croyaient qu’en se fondant sur l’argument ethnique, ils convaincraient Ahmed Sékou Touré et emporteraient son adhésion à leur cause en prenant parti pour les Noirs contre les Métis, les comprendrait et les soutiendrait ; aussi, s’étaient-ils rendus confiants auprès de lui après leur ignoble forfait. Selon certains,il suffisait qu’ils évoquent la discrimination dont les noirs étaient l’objet pour convaincre Ahmed Sékou Touré, qui s’était déjà investi pour une égalité ethnique et contre une telle pratique au sein du PAIGC. Or, chez le leader guinéen la parenté idéologique l’emportait désormais sur la parenté biologique : il n’a lutté, entre autres, que pour l’unité des ethnies.Aussi, les intéressés furent aussitôt appréhendés et remis sur ses instructions du PAIGC.

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9. Ce sont en fait les autorités coloniales portugaises qui avaient utilisé des traîtres (Barbosa Raphaël, Momo Touré, Inocencio kani, Joao Cabral Costa Gomez) pour abattre le leader de Guinée-Bissau dans l’espoir que le PAIG disparaîtrait aussitôt, alors que le parti était bien implanté dans les zones libérées, que le peuple en avait déjà fait son instrument de combat pour sa libération. La disparition d’Amilcar Cabral a montré qu’un dirigeant émérite d’un mouvement de libération nationale pouvait être assassiné, mais le mouvement qu’il a puissamment contribué à fonder et impulser, lui survive en poursuivant la guerre de libération jusqu’à l’indépendance. En réalité, n’ayant pas réussi à liquider Sékou Touré de son vivant, ses ennemis historiques cherchent depuis sa mort à souiller sa mémoire. L’agression du 22 novembre 1970 et l’écho de la mort d’Amilcar Cabral n’ont pas empêché les services secrets occidentaux et les opposants guinéens de continuer à organiser, à l’intérieur diverses actions de déstabilisation contre la Guinée.

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CONCLUSION

« Les tenants d’une mauvaise cause sont évidemment portés, voire obligés de tricher avec les faits, de falsifier les faits. Ceux qui défendent une juste cause n’ont aucune raison de se mettre en contradiction avec la vérité : la vérité est leur plus fidèle alliée ». Jean Suret-Canale

Ainsi qu’avons-nous retenu de toutes les sources exploitées et analysées sur la période 1958-1984 ? • Les complots organisés de 1959 à 1984 contre la Guinée et présentés dans cet ouvrage, ont bien existé; aucun n’a été inventé par Sékou Touré et son parti ; leur cause fondamentale fut le rejet, le 28 septembre 1958, par la seule Guinée (sur les treize colonies françaises d’Afrique Noire) de la Constitution de la Communauté franco-africaine proposée par la France du général de Gaulle. Ils ont fini par justifier l’existence de la prison politique au sein de la Garde Républicaine baptisée Camp Mamadou Boiro après l’agression du 22 novembre 1970 ; une prison où le gouvernement enfermait tous ceux, Guinéens et étrangers, accusés d’accepter de s’allier à la France coloniale, ses alliés et aux Foccart africains pour recoloniser ou néo-coloniser la Guinée. • Ces complots ont tous visé à détruire la Guinée indépendante, la réalité de l’indépendance du peuple de Guinée et empêcher le développement de ce pays rebelle. C’est pourquoi il est tout simplement aberrant de voir certains cadres guinéens, et non des moindres, aveuglés par la haine et le ressentiment, analyser le bilan de la Première République sans tenir compte de cette vérité historique. • Des Guinéens ont été effectivement utilisés dans les diverses opérations de déstabilisation. Mais le maître d’œuvre de tous ces complots, c’était la France coloniale. C’était l’État français, en quête de grandeur et de puissance mondiale et, à sa tête, le général de Gaulle (jusqu’ à son décès) et ses successeurs, ne pardonneront pas à la Guinée d’avoir fait perdre à la France son Empire : puisqu’en moins de 2 ans, toutes les colonies de l’AOF, de l’ AEF et de Madagascar , se référant à l’ exemple guinéen, avaient exigé et obtenu leur indépendance en 1960. • Les services secrets français avec, à leur tête, le Service de Documentation Extérieure et de contre-espionnage (SDECE) et les autres services spéciaux occidentaux en étaient les instruments.

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En France, les milieux de droite, les anciens administrateurs et hommes d’affaires coloniaux soutenaient financièrement toutes les opérations de déstabilisation contre la Guinée. En Afrique, les chefs d’État au service de la France, en particulier HouphouëtBoigny de Côte d’Ivoire, Léopold Sédar Senghor du Sénégal et Omar Bongo du Gabon, surnommés les « Foccart africains », militaient tous pour la liquidation du régime guinéen en soutenant financièrement et matériellement les opposants guinéens. • Les acteurs guinéens se composaient d’anciens hommes politiques que les différents scrutins avaient éliminés de la vie politique guinéenne et qui avaient fui la Guinée avant l’indépendance ; d’anciens boursiers de l’État guinéen qui s’étaient découverts opposants à la fin de leurs études ; des hommes politiques, qui se battaient pour le pouvoir, pour le multipartisme ethnique, et non pour la démocratie vraie ; des cadres administratifs et des opérateurs guinéens et étrangers compromis dans des détournements économiques. Faligot et Pascal le confirment et précisent qu’« à Conakry même, le SDECE peut maintenant compter sur tout un réseau de commerçants et d’industriels ». Après la réconciliation de la France, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, d’autres opérations ayant le même objectif, seront tentées. Mais toutes échoueront lamentablement, grâce à l’unité du Peuple de Guinée au sein de son parti libérateur, le PDG-RDA. Ce qu’il faut retenir de la résistance du peuple de Guinée de 1958 à 1984, c’est que si le SDECE, les autres services spéciaux des alliés, les Foccart africains et les complices guinéens, de l’intérieur comme de l’extérieur se disant opposants, avaient réussi dans leur salle besogne, c’en eût été fait de l’indépendance de la Guinée. Mais ce que tous ceux-là n’ont pas réussi par la violence, les militaires complices l’ont réussi le 3 avril 1984 par « un coup d’État contre un cadavre» ; la Banque Centrale de Guinée et tous les départements ministériels ont été pris en main par des conseillers français dont des Guinéens de la diaspora ; tous les dépôts personnels des clients de la Banque Centrale comme les autres existants avaient disparu, de même des kilogrammes d’or; l’instabilité administrative destructrice s’installe ;de 1984 à 2010 la Guinée gémit sous le poids du néocolonialisme, les vautours se sont emparés de toutes les richesses de la Guinée après avoir bradé les réalisations mobilières et immobilières de la première République ; c’est dire que tous ceux qu’on qualifie aujourd’hui de riches se sont en fait enrichis sur le dos de l’ État ; la corruption, favorisée et protégée, est devenue le sport favori de tous ceux qui ont un brin de responsabilité ; l’ égoïsme, l’intérêt personnel seul compte désormais ; mais ce qui est plus grave, c’est que l’ethnocentrisme et le régionalisme encouragés ont détruit l’unité nationale. Voilà la vérité, la stricte vérité sur la réalité et la véracité des complots contre la Guinée de 1958 à 1984 et leurs conséquences immédiates et lointaines ; peu

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importe qu’on les ait niées ou qu’on continue de les nier. Mais les faits historiques étant têtus, il est hors de doute que le temps, qui travaille pour la vérité contre le mensonge, a confirmé le fait « complot » avec la trahison de certains Africains en général et Guinéens en particulier, cause fondamentale du non-développement de la Guinée durant la période (1958-1984).

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ANNEXES

Bissau, le 10 août 2004. L’auteur s’entretient avec Alpoim Calvão

Annexe1.- Témoignage du Commandant Alpoim Calvão. – Extrait de l’interview réalisée à Bissau, le 10 août 2004 par Sidiki Kobélé Keita. Kobélé : Étiez-vous venu à Conakry avant l’agression du 22 novembre 1970 ? Calvão : J’ai été deux fois ; par exemple quand j’ai capturé ce petit bateau, « Patrice Lumumba », je suis allé dans les eaux territoriales guinéennes, c’est vrai ; une autre fois, j’ai capturé un autre bateau ; mais je n’étais pas venu pour de l’espionnage. Kobélé : Il semble que ce ne fut pas seulement les deux fois. Calvão : J’étais également dans la rade en septembre 1960 parce que j’avais besoin de faire des corrections aux cartes hydrographiques du port ; le port avait

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changé un peu et les données que nous avions n’étaient plus valables ; j’y ai passé une nuit ; j’ai travaillé avec un radar dans un petit bateau ; j’ai fait les corrections nécessaires et je suis parti sans être détecté. Kobélé : C'est-à-dire que vous n’avez pas été repéré ? Calvão : Non. Je prends beaucoup de soins. Je suis venu du Sud ; j’ai fait une large navigation. J’ai fait quelque deux heures au port et je suis reparti vers 4 heures du matin. Kobélé : Vous êtes donc venu la nuit ? Calvão : Oui (rire). Vous savez, les grands prédateurs chassent la nuit (rire). Kobélé : Et la deuxième fois, ce fut la nuit ? Calvão : oui. La 3e fois, c’est la « Mar verde » (la Mer Verte, nom de code de l’agression). Kobélé : Pourquoi ce nom ? Calvão : Je ne peux pas vous répondre directement parce que je dois faire quelques commentaires. Nous ne pouvons pas dire que la Guinée était un voisin aimable pour nous ; vous vous donniez en sanctuaire à des gens qui luttaient contre nous ; nous ne pouvions pas les poursuivre au-delà de la Guinée-Bissau parce que nous étions tenus par le droit international. Par exemple, le PAIGC bombardait parfois les positions de nos forces à partir du territoire de la Guinée Conakry ; il a arrêté une trentaine de nos hommes ; vous lui avez offert vos prisons pour les maintenir incarcérés ; cela veut dire que la Guinée-Conakry n’était vraiment pas sympathique avec nous. Alors il y avait un problème parce que : regardez ; originellement, l’opération n’avait rien à avoir avec le gouvernement guinéen de Sékou Touré ; la seule chose connue, c’est que vous abritiez le PAIGC ; vous l’aidiez ; donc nous étions des ennemis. Kobélé : Les résultats de nos recherches nous montrent que vous n’envisagiez pas l’agression dès le début ? Calvão : Effectivement ; la première fois que j’ai envisagé cette opération, c’était de faire couler les vedettes militaires qui étaient au Port ; nous avions essayé de capturer les petits bateaux qui faisaient du cabotage sur vos rivages ; ils transportaient le matériel, les armes, les alimentations du PAIGC ; en vain. Quand, à un certain moment, le PAIGC a progressé avec ses communications radios, il nous a donné la possibilité d’intervenir, d’intercepter les messages ; nous savions ainsi parfois ce qui se passait, nous avions des décrypteurs qui faisaient leur travail. Kobélé : Je voudrais que vous soyez plus précis. Calvão : Donc, la première fois, j’avais envisagé d’attaquer le port avec des plongeurs ; nous avions des mines magnétiques, mais il y avait des risques de capture parce que nous ne connaissions pas comment le courant hydrographique fonctionnait ; alors, j’ai pensé à une technique de coup de main. Kobélé : C'est-à-dire ?

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Calvão : Saborder la flotte. Kobélé : La flotte guinéenne-Conakry ou celle du PAIGC ? Calvão : Les deux ; nous savions que les deux flottes s’entraidaient (rire). Nous avions une nécessité morale absolue de libérer nos prisonniers et si nous pouvions infliger quelques dégâts au PAIGC, nous n’aurions pas hésité ; mais, pour nous, il n’était pas question d’abord de la République de Guinée. Kobélé : Mais est-ce que vous aviez exposé ce plan à vos chefs ? Qu’en pensaient-ils ? Calvão : C’était mon obligation d’officier de rendre compte à l’Etat-major et de présenter mon idée à notre supérieur qui était le général Spinola, gouverneur de la Guinée-Bissau, Spinola. Kobélé : Et quelle fut sa réaction ? Calvão : Je lui ai présenté mon idée. Mais il m’a dit « attendez, vous ne savez pas, je dois vous dire qu’il y a un groupe de Guinéens qui luttent contre Sékou Touré et qui s’est rapproché du gouvernement portugais par l’intermédiaire du ministre d’outre-mer et on pense aider ce groupe à faire quelque chose. Je vous demande d’étudier cette idée pour voir ce que l’on peut faire pour lui ». Kobélé : Aviez-vous maintenu votre propre idée ou opté pour celle du gouverneur ? Calvão : J’ai étudié l’idée du gouverneur. Il y avait deux possibilités pour sa mise en application : Première possibilité : Faire ici, en Guinée-Bissau, une base militaire, un sanctuaire pour des actions nouvelles contre la Guinée-Conakry ; mais cela avait un très gros inconvénient : ça prendrait trop de temps et nous pouvions faire 3 ou 4 tentatives, après tout le monde allait dire « vous avez appuyé un groupe d’alliés fascistes portugais contre la République de Guinée ; la pression américaine deviendrait intolérable. » Deuxième possibilité : Profiter de mon idée de coup de main pour : - Libérer les prisonniers portugais ; - Donner un coup de main aux gens de Guinée-Conakry pour qu’ils puissent faire leur opération : renverser Sékou Touré. Pour cela j’ai dû contacter les types du Front, 4 ou 5 personnes des plus importantes du Front de Libération Nationale de Guinée (FLNG). Je suis allé d’abord à Genève, au Bureau International du Travail, pour rencontrer et pour parler avec l’un d’eux. Kobélé : Lequel ? Calvão : Jean Marie Doré ; un type curieux, un bon vivant. Je me suis entretenu aussi avec David Soumah, avec des militaires aussi dont le commandant Thierno Diallo ; j’ai même son rapport, mais à Lisbonne ; je vais le publier.

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On nous disait que nous étions attendus à Conakry par tout le monde. Le problème est que nous ne pouvions pas nous rendre à Conakry afin de nous rendre compte de l’importance du Front intérieur, du nombre d’hommes qui nous y attendaient ; nous étions obligés de nous fier aux renseignements que nos contacts extérieurs nous donnaient et que nous ne pouvions pas vérifier. Il était convenu avec les Responsables du Front extérieur que nous nous limiterions au transport de leurs troupes ; eux ils tenteront de renverser le gouvernement pendant que nous récupérions nos prisonniers. Kobélé : Mais pourquoi vous étiez partis à Genève pour voir Jean Marie Doré et David Soumah. Pourquoi eux et pas les autres civils du Front ? Calvão : Je m’étais rendu au ministère d’outre-mer pour qu’on m’indique les personnes à voir et ce sont leurs noms qu’on m’avait donnés et d’autres dont je ne me souviens plus. Kobélé : Et Siradiou Diallo, puisque tout le monde l’accuse d’avoir fait partie des responsables du Front ayant participé à l’agression ? Calvão : Il apparaît plus tard ; il ya un autre type dont j’ai oublié le nom. Kobélé : On a parlé aussi du commandant Thierno Diallo ? Calvão : Il a également participé à l’opération, mais on le contacta plus tard. Il s’agissait d’abord de comprendre la position des responsables, bien comprendre leur intention ; savoir quel type de gouvernement ils songeaient à mettre en place parce qu’il ne faut pas choisir des gens qui feront pire que Sékou Touré, qui vont être pires pour nous (Rire). Cela ne valait pas la peine. J’ai donc beaucoup parlé avec ceux qu’on m’avait désignés ; nous avions échangé des idées ; à certains moments, ils nous ont présenté un programme politique ; ils nous ont donné aussi 2 ou 3 listes de gouvernement (rire). Je leur ai dit : « mais vous êtes curieux : vous n’avez pas encore tué la vache et vous vous battez déjà pour le partage de la viande ! » (Rire). Il y avait une trop grande différence entre les listes fournies ; finalement, nous nous sommes mis d’accord sur une liste avec David Soumah comme Président de la République. Ils m’ont demandé qu’est-ce que je voulais ? Je leur ai dit de réunir tous les membres du Front qui voulaient participer à l’opération. J’ai donc repris ce que j’avais répété plusieurs fois ; je suis sorti de Bissau avec des bateaux complètement « black-out ». Kobélé : Pour ramasser les hommes fournis par le Front ? Calvão : Oui, pour rassembler les hommes fournis par le Front, je suis allé dans différents pays. La première fois, je suis allé au Sénégal, au sud de Dakar, dans une grande plage où j’ai embarqué une cinquantaine d’hommes ; nous avions un système de communication à terre ; les jours de communication étaient fixés et les radios fonctionnaient bien ; après, je suis allé en Gambie pour effectuer la même opération discrète. Je n’ai pas eu de problème. Mais une fois, je suis allé en Sierre Léone ; ce fut une nuit spectaculaire : les conditions hydrographiques étaient déplorables ; on pouvait bien s’approcher de la terre, mais la marée était

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très haute. Par ailleurs, il y a eu la même nuit une tentative de coup d’État qui avait failli faire tout capoter (rire). Il y avait une confusion terrible : il y avait des types du Front qui ne voulaient plus s’embarquer ; il y avait 3 à 4 patrouilles sierra-Léonaises. C’était la nuit et il n’y avait pas de lune ; il y avait 5 à 7 bateaux pneumatiques débarquant sur la plage pour prendre des hommes du Front, mais les premiers types que j’ai contactés ce sont des patrouilles de l’armée sierra-Léonaise ; ils ont tiré quelques coups de feu ; nous avons ensuite pu embarquer rapidement une quarantaine de personnes. Nous sommes sortis rapidement. Au total, ils ont pu réunir 3 centaines d’hommes dans l’Île Soga, une Île presque déserte où nous avons bâti une base pour des opérations spéciales ; il était défendu d’en sortir. Mais il y a eu des problèmes parce que nous avons reçu les types deux mois avant l’opération ; il y avait surtout des jeunes et je me suis rappelé du cas de l’Indochine ; il fallait donc trouver des « bordels » (246) pour eux, donc des femmes pour eux, tout en évitant des maladies vénériennes ; j’ai dû faire venir des médecins. Il fallait s’occuper aussi de l’alimentation et de l’entraînement, etc. Tous les éléments du Front étaient sous le commandement des officiers portugais et guinéens ayant choisi de rester dans l’armée française ; j’ai leur liste à Lisbonne avec leurs noms et leurs grades. Kobélé : j’ai l’impression que tout n’a pas été facile. Calvão : J’ai passé ma vie entre la Guinée-Bissau et le monde ; j’avais une tâche énorme : la question d’information. Bien sûr, il y avait des gens du Front qui connaissaient Conakry, mais il me fallait des détails actualisés. Heureusement, à un moment, il y a eu un déserteur portugais qui s’était enfui en janvier 1970 ; il était de Bicenté ; il avait traversé la frontière du Sénégal et s’était présenté à une base de PAIGC qui était proche de cette frontière ; ils l’ont amené à Conakry où après 3 à 5 mois de prison, convaincu que c’était un repenti, le PAIGC-Guinée l’a envoyé quelque part en Europe comme son représentant. Mais l’homme avait fini par fuir et s’était présenté à Lisbonne. Quand j’ai appris cela, je l’ai fait venir à Bissau, surtout qu’il avait fait la prison de « Montagne » du PAIGC ; il connaissait donc un peu Conakry ; mais mon intérêt principal, c’est qu’il connaissait bien la prison du PAIGC : localisation, l’intérieur des cellules où se trouvaient des prisonniers portugais ; j’ai essayé d’obtenir le maximum d’informations ; mais il me manquait toujours des renseignements et quand j’ai commencé à faire la planification, j’avais trop d’objectifs ; or, on m’avait donné peu de moyens pour faire cette opération ; j’avais 200 fusiliers marins africains avec lesquels j’ai fait des équipes mixtes, les éléments du Front devant servir également de guides dans Conakry que nous ne connaissions pas bien. À un moment j’avais plus de 50 objectifs. Or, je

246 Il est certain que Calvão a dû trouver ces femmes dans une de ses colonies et les transporter de force sur l’Ile de Soga. Il avait certainement entendu parler aussi des « esclaves sexuelles» du Japon pendant la Seconde Guerre mondiale

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n’avais à peu près qu’environ 400 hommes pour faire tout cela. J’ai dû réduire les objectifs à 25. Kobélé : Les deux objectifs principaux étant la libération des prisonniers portugais et le renversement du pouvoir, quelle fut votre tactique ? Calvão : J’avais besoin de : - Gagner le contrôle de la mer ; donc j’étais obligé de neutraliser la flotte des vedettes parce que certes nos bateaux avaient une artillerie un peu plus lourde, mais pas aussi rapide que celle de Conakry et du PAIGC. - Il fallait couper la lumière pour inquiéter les gens. - Trouver les objectifs militaires et les détruire : Garde républicaine, Camp Almamy Samory Touré, État-major, etc. Kobélé : Quelles étaient les autres cibles ? Calvão : Il y avait une équipe pour aller prendre la radio ; on nous avait parlé de la villa « Syli » où Sékou Touré séjournait de temps en temps ; il y avait la question de l’aéroport : on savait que la Guinée avait 5 ou 7 Migs (avions militaires de marque russe); or, notre aviation n’avait pas un rayon d’action suffisant pour aller partout ; c’était le problème que j’avais ; je devais les détruire et on avait fait des équipes pour ça ; le plan était bien exécuté jusqu'à Conakry ; nous n’avons pas été détectés ; nous étions ensemble ; personne ne manquait au rendez-vous ; exactement à une heure du matin, tout le monde était en position ; c’était une nuit de samedi à dimanche ; la marée était pleine, pas de lumière, pas de lune ; c’est pour cela que nous avions choisi cette période ; c’est une question purement météorologique et la 1e équipe qui est partie pour détruire les vedettes a fait rapidement ça ; je crois que c’était un samedi : les gens étaient tranquilles. Kobélé : Ils étaient fatigués, parce que c’était le mois de carême. Calvão : En tout cas cela s’est passé comme prévu ; les vedettes ont été neutralisées. Une heure plus tard, la lumière était coupée ; il y a eu un problème avec la question de l’aéroport, parce que l’équipe qui en était chargée a parcouru l’aéroport, visité les hangars : il n’y avait pas de « Migs » (avions) : ceux-ci avaient été déplacés 2 à 3 jours pour Labé, quelque chose comme ça ; tous les autres objectifs étaient en train de se réaliser ; il n’y a pas eu de résistance à la Garde Républicaine parce que la surprise a été totale ; la quarantaine d’hommes qui étaient là ; nous avons réussi à les maîtriser, je ne dis pas facilement, parce que nous avons eu 3 morts et 16 blessés chez nous. Kobélé : On a dit que vous avez été blessé ? Calvão : Non, pas du tout. Après, nous avons libéré les prisonniers du Camp Boiro ; nous avons eu des blessés au Camp Samory parce que les militaires étaient en train de sortir avec des voitures blindées, qui ont été détruites un à un ; c’est la compagnie africaine des commandos dirigée par le capitaine Joa Bacca,

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un guerrier superbe ; il mourra subitement plus tard à Bissau en recevant un tir dans la tête par quelqu’un du PAIGC. Kobélé : Le PAIGC faisait-il partie de vos objectifs ? Vous évoquez le nom, mais vous n’en parlez pas. Calvão : Il en faisait partie. Mais l’objectif fondamental, en ce qui le concernait, était de détruire sa prison, la « Montagne », et de libérer les prisonniers portugais ; il y avait des objectifs d’occasion : détruire la flotte et le siège ; arrêter les responsables, en particulier Cabral et Aristides. Nous avons réussi à libérer nos prisonniers et détruire la flotte. Quant aux autres objectifs, ils étaient trop nombreux et dispersés. On ne pouvait pas tout faire avec cette quantité de personnes évidemment ; si on avait pu trouver les « Migs » et couper l’isthme de Conakry du reste du territoire, il y aurait eu beaucoup de possibilités d’aller à tous les endroits ciblés, mais cela n’a pas été le cas. Kobélé : Vous avez dit dans votre livre que vous avez eu la maladresse d’avoir choisi la tendance la plus malhonnête du Front. Vous le maintenez ? Calvão : C’est encore mon opinion. Je crois que le choix de David Soumah a été une grande erreur aussi. Mais c’est un autre problème. Kobélé : Mais il n’est pas venu avec vous à Conakry et il a été choisi comme futur président de la République en cas de victoire à l’issue d’une réunie élargie aux principaux responsables du Front que vous aviez présidée ; vous aviez fini par l’enfermer en l’accusant qu’il n’était pas un élément sûr et qu’il a même été un ancien secrétaire d’État, ce qui est faux et qui est un ragot d’un autre Soumah que ses ennemis vous ont raconté. Vous l’avez ensuite placé en résidence surveillée à Lisbonne pour venir ensuite avec le commandant Thierno Diallo, Hassane Hassad et Siradiou Diallo à Conakry ? Calvão : Ce n’est pas le gouvernement portugais qui l’a décidé. Ce fut sur ma seule responsabilité. C’est moi qui ai pris cette décision. Kobélé : Mais sur la base du faux. Calvão : Il fallait faire cela, faire attention et ne négliger aucun renseignement. Kobélé : C’est possible et normal ; mais dans le cas de David Soumah, pourquoi vous n’aviez plus confiance en lui ? Calvão : C’est la discussion autour de la formation du gouvernement à mettre en place après la victoire, le fait de vouloir partager la viande avant d’avoir abattu l’animal qui m’avait prédisposé contre lui, contre les civils. Kobélé : Mais vous l’avez choisi. Calvão : Pour moi, les militaires étaient des gens normaux, bien intentionnés, convaincus qu’ils menaient une bonne chose en faveur du peuple de Guinée ; leur action était pour le peuple de Guinée-Conakry. Je les ai vus aussi à l’Ile Soga ; des braves gens.

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Kobélé : Ce qui est gênant, c’est que vous aviez contacté d’abord Jean Marie Doré et David Soumah ; le premier n’a plus fait partie des gens de l’opération. Et David Soumah a été enfermé à Lisbonne. Calvão : Je n’ai pas choisi mes contacts ; c’est le ministre d’outre-mer qui m’avait donné leurs noms pour les contacter. Il me les a imposés. Kobélé : Je vous comprends. Mais ce sont les civils qui vous avaient donné les noms des officiers avec lesquels ils voulaient organiser l’opération contre la Guinée et vous aviez incarcéré David Soumah sans raison objective. Calvão : Non. J’ai dit : « Je veux ce type à Lisbonne », parce que je ne le croyais pas capable de garder le secret ; il m’a paru capable de se confier à quelqu’un. C’était une question d’opinion et c’était dangereux. Kobélé : On a l’impression que David Soumah avait mieux préparé cette opération que ceux que vous aviez fini par retenir : il avait l’appui du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, dont les chefs d’État avaient contacté les autorités portugaises ; ils s’étaient retirés dès que David Soumah avait été écarté. Et depuis c’est David Soumah qui avait donné l’identité des officiers à contacter. Calvão : Thierno Diallo et Hassane Hassad étaient des militaires ; ils étaient majors dans l’armée française. Du point de vue militaire, David Soumah aurait servi à quoi ? À rien. Les deux premiers ont servi comme militaires. Kobélé : Donc Jean Marie Doré et David Soumah ont été écartés de l’opération parce qu’ils étaient des civils. Et Siradiou Diallo, qui était venu à Conakry ? Calvão : Garçon un peu orgueilleux et suffisant, il s’était présenté comme journaliste devant couvrir l’opération. Kobélé : Donc Jean Marie Doré et David Soumah avaient été écartés de l’opération ? Calvão : David Soumah, oui ; ce n’était pas leur affaire, car ils étaient civils comme Jean Marie Doré ; pourquoi j’allais transporter un Jean Marie Doré qui aurait fui à tout coup de canon. Kobélé : J’ai l’impression que, voyant ce qui se tramait, Jean-Marie Doré avait préféré s’écarter de l’opération dès après les premiers contacts. Calvão : Jean-Marie Doré avait des difficultés financières ; c’était un petit fonctionnaire au BIT ; or, Genève était une ville très chère, donc parfois on l’aidait par de l’argent ; il nous signait des reçus comme les autres responsables guinéens. J’ai probablement 2 à 3 reçus de lui avec moi à Lisbonne. Kobélé : Pourquoi vous n’avez pas exposé votre plan au ministre d’Outremer ? Calvão : J’ai pu l’exposer au gouverneur Spinola, mais pas au ministre d’Outre-mer parce qu’il bavardait un peu trop, vous savez. Or, il fallait faire attention. Kobélé : Avez-vous signé un accord écrit avec le Front ?

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Calvão : Non, mais nous avions eu des entretiens verbaux seulement parce que nous savions que même s’ils avaient eu la chance de renverser le pouvoir, ils n’auraient tenu que trois ou quatre mois ; tout le monde aurait réagi, l’OUA en particulier serait intervenue militairement ; on les aurait accusés de marionnettes à la solde de l’impérialisme, des esclaves du colonialisme, des laquais du colonialisme portugais ; nous savions que nous n’aurions eu qu’un répit de trois à quatre mois ; mais cela nous intéressait ; ce délai nous aurait permis de couper la tête du PAIGC ; si nous pouvions empêcher ce parti de manœuvrer dans le territoire pendant quatre mois, pour nous cela aurait été formidable, puisqu’il n’aurait pas eu plus de chance de réussir ses manœuvres politiques. Ce qui nous intéressait, c’était de couper la tête du PAIGC. Kobélé : Donc, dans ce marché de dupes, le scénario était simple : vous, vous les emmèneriez à Conakry, où ils étaient attendus en héros, selon eux, ils renverseraient le gouvernement et mettraient un autre gouvernement qui vous aurez été plus favorable et vous aurez permis de neutraliser le PAIGC et de le liquider. Calvão : Oui, pourquoi aussi ? Parce que toutes les manœuvres militaires durant les 2 à 3 ans, c’était pour donner du temps aux politiciens de rechercher une solution possible ; c’est pour cela qu’on s’était battus ; il fallait trouver une solution militaire ; le gouvernement ayant été incapable d’atteindre cet objectif, on a fait un coup d’État le 25 avril 1975. C’est après cela que le gouvernement Caetano a contacté une délégation du PAIGC à Londres pour la signature des différents accords. Kobélé : En fait vous aviez un accord avec le Front, même si ce n’était pas signé formellement. Calvão : Vous savez, c’était une question d’intérêt mutuel : « vous grattez mon dos, je gratte le vôtre ». Le nouveau gouvernement nous donne la chance pendant 3 à 4 mois de combattre et de neutraliser le PAIGC que tout le monde soutenait contre nous grâce à la Guinée qui lui servait de sanctuaire et permettait des actions agressives contre notre territoire, la Guinée-Bissau. Votre pays ne nous était pas sympathique ; nous voulions un régime qui nous aurait permis de faire du mal au PAIGC. Nous savions qu’il nous aurait été difficile de rester 3 à 4 mois en Guinée-Conakry puisque tout le monde, surtout toute l’Afrique se serait levée contre nous. C’est ça (Rire). Kobélé : C’est quand même terrible ! Vous le saviez et vous avez quand même organisé l’agression contre la République de Guinée. Calvão : Nous le savions bien ; mais nous avons nos raisons, nous calculons ; nous savons nous servir de nos têtes ; une tête ne sert pas seulement à porter le chapeau. Kobélé : 34 ans après, que pensez-vous de votre action. Regrettez-vous l’agression du 22 novembre 1970 ?

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Calvão : Vous savez, j’ai ma conscience tranquille ; je ne regrette rien ; mais je n’ai aucune rancune aussi. Je regrette parfois la mort d’innocentes victimes, car je ne crois pas que tous ceux qui sont morts étaient des responsables politiques ou administratifs du pays, des acteurs principaux. Mais, c’est comme ça la vie. Libérer nos hommes et liquider le PAIGC étaient nos principaux objectifs ; pour nous, c’était une question morale : nous ne pouvions pas laisser nos hommes dans des situations difficiles. C’est dire que je n’ai pas de mauvais songes ; je n’ai pas de cauchemar. Kobélé : Si vous aviez à recommencer l’opération ? Calvão : Je ferais probablement mieux (gros rire de toute l’assistance). Turpin :(Un combattant et responsable du PAIGC à l’époque) : je voudrais ajouter ceci. Je crois que ça été une erreur monumentale et grave de l’adversaire portugais d’être intervenu en territoire étranger ; le commandant sait très bien que dès qu’une force étrangère intervient en territoire étranger, même s’il y a une contradiction au sein de la société, au sein des populations, celles-ci, depuis les guerres de rapines, se réunissent pour barrer la route à l’envahisseur ; et le commandant commet une erreur en croyant qu’ils allaient bloquer l’ Ile pour couper facilement Conakry de l’intérieur. Je vais lui dire que j’étais là, à Conakry, au moment de l’agression comme coordinateur du PAIGC avec les forces armées guinéennes et la présidence de la République de Guinée ; j’étais aussi avec les hommes de troupe, mais le PAIGC savait très bien aussi que si le gouvernement guinéen tombait, c’était fini pour lui aussi. Nos hommes qui se trouvaient en Guinée s’étaient battus avec la population et les forces armées guinéennes, nous sommes descendus aussi en renfort avec 600 hommes dirigés par Pedro Pirès; le 23 novembre 1970, nous étions à Conakry. Moi je peux affirmer aussi que même avec la mort de Sékou Touré et la chute du régime, les envahisseurs n’auraient pas pu tenir parce que tout le reste du pays était déjà révolté ; toutes les populations de Conakry étaient révoltées ; les envahisseurs n’avaient aucune base parce que tous étaient des exilés ; ils ne pouvaient rien faire. Et puis l’opération était faite sur une base tribale ; je l’ai constaté : ce n’était que des Peuls aux commandes des opérations, Hassane Hassad, Thierno Diallo, Siradiou Diallo, Ibrahima Barry III. Même David Soumah, qui était un homme bien, une personnalité que je connaissais, un syndicaliste très connu, un homme de valeur, on l’avait mis de côté parce qu’il n’était pas Peulh ; donc c’était purement et simplement tribal et elle ne pouvait pas réussir. Un exemple : les 600 hommes de renfort du PAIGC et l’équipe de commandement avaient été bloqués par le gouverneur de Dubréka, un Peul, qui affirmait que Conakry n’avait plus besoin de secours, de troupes et qu’il ne fallait plus descendre sur Conakry ; Pedro Piresa dut forcer le barrage dressé par les Autorités de la localité pour descendre sur la capitale. Il s’est avéré finalement que l’intéressé était un complice intérieur. Nous étions plus de 600 hommes dans vingt camions « Gil » avec l’armement nécessaire : le PAIGC avait dégarni une grande partie du Front sud

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et il se préparait même à dégarnir le Front nord, même s’il fallait finir la guerre en Guinée-Bissau ; il fallait sauvegarder l’indépendance de la Guinée-Conakry. C’est dire que cette opération n’avait aucune chance de réussir, alors aucune ; elle était peut-être bien préparée, mais ses auteurs avaient oublié certains petits détails ; il fallait être là sur place pour les connaître ; le peuple de GuinéeConakry était très mobilisé ; ça, je le dis. Sékou Touré pouvait faire commettre des erreurs, mais il contrôlait son peuple, la situation ; le 23 novembre 1970, c’est une femme, Hadja Mafori Bangouraqui avait lancé un appel pour la poursuite de la résistance et la liquidation des dernières poches de résistance. Calvão : Mais nous étions déjà partis. Turpin : Quand nous sommes arrivés le 23 novembre 1970, il y avait encore des assaillants égarés, dont certains étaient perchés dans les arbres et à la Société d’électricité et ailleurs. Ils étaient là. La deuxième erreur que j’ai constatée, c’est que cette intervention armée-là n’a fait que renforcer et galvaniser davantage la position de Sékou Touré parce que celui-ci s’était rendu compte que la présence du PAIGC en Guinée était une sécurité. À l’époque, ce parti n’avait pas d’armement lourd ; c’est après cette intervention que Sékou nous avait ouvert toutes les portes, les mortiers 120, et même commencé à recevoir des armes à longue portée, les T31 et à utiliser. Peut-être que s’il n’y avait pas eu cette intervention, le gouvernement guinéen aurait encore hésité à donner le feu vert pour recevoir les bateaux et autres ; mais le 22 novembre 1970 a aidé la Guinée à prendre conscience de la nécessité d’aider davantage la Guinée-Bissau à travers le PAIGC ; vous avez donné la possibilité au gouvernement guinéen de soutenir à fond le PAIGC. C’est vrai, même plus de 400 hommes au débarquement ne pouvaient pas résoudre le problème des envahisseurs ; Conakry est certes une Île, mais le peuple était décidé ; c’était très difficile, commandant, très difficile, très, très difficile effectivement. Calvão : Mais le peuple n’avait pas réagi tout de suite. Turpin : C’était le facteur-surprise. Calvão : Mais nous, nous voulions faire le coup de main, sans le Front ; simplement libérer nos prisonniers, couler la flotte du PAIGC et lui faire des dégâts. Alors quelle serait la position de Sékou Touré ? Exactement la même chose ; il aurait dit : « on veut me tuer, renverser le régime » ; or, notre problème s’appelait le PAIGC. Mais quand quelqu’un affirme qu’il veut renverser Sékou Touré et son régime, nous nous disons, c’est très bien pour nous et on l’aide. Mais l’opération concernait premièrement la flotte du PAIGC ; l’autre question concernait le FLNG dont les responsables s’étaient entendus avec les politiciens de Lisbonne : ils ont voulu profiter de l’occasion ; ils étaient soutenus par tout ce monde qui estimait qu’ils avaient une chance de renverser le régime de Sékou Touré. Tu as bien dit que le PAIGC allait dégarnir tous les fronts ; cela aurait eu un avantage pour nous.

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Kobélé : Mais j’ai l’impression que vous ne saviez pas que le PAIGC avait dégarni le front sud. Calvão : Regardez, vous savez qu’après le 22 novembre 1970, la guerre avait pratiquement cessé ; le PAIGC a mis du temps à purger ses rangs, l’opération ayant révélé des trahisons en votre sein. Turpin : Vous aviez infiltré nos rangs par vos hommes. Calvão : Non, non. Turpin : Attention, quand je dis vous, ce n’est pas vous personnellement, mais le Portugal. Calvão : Je peux vous dire que depuis 1963, il y a des commandants du PAIGC qui étaient en contact avec notre ambassadeur au Sénégal qui nous ont communiqué leurs noms que je ne peux divulguer parce que certains sont encore vivants et ils ont encore nos statuts. Kobélé : Il y a donc des officiers du PAIGC qui étaient en rapport avec vous ? Calvão : Il y a par exemple la question des 3 majors du PAIGC du groupe du Nord qui étaient en rapport avec nous. Une fois, Spinola allait en hélicoptère seul avec les pilotes pour les rencontrer et parler avec eux ; ils avaient accepté le rendez-vous et de se rallier aux autorités portugaises. Le PAIGC, ayant su cela, avait envoyé un groupe d’hommes pour les tuer ; les trois officiers étaient partis effectivement pour le rendez-vous, sans arme, sous un drapeau blanc ; ils avaient été tous tués. Kobélé : C’était quand même des traîtres : ils s’étaient mis au service des ennemis du peuple de Guinée-Bissau ; on a vu, par exemple, comment les collabos français avaient été traités après la guerre 39-40. Calvão : Non ; c’étaient des majors portugais. Kobélé : Mais des Bissau-Guinéens ? Turpin : Attendez, le commandant ne comprend pas ; je vais vous expliquer ; ces majors étaient majors portugais, les principaux collaborateurs de Spinola ; ils étaient en contact avec la hiérarchie militaire portugaise du Nord. Leur objectif était de détourner des combattants du front nord, de nous déstabiliser. Mais le PAIGC savait qu’il y avait ce contact ; je ne sais pas comment il avait su. Un jour l’Ambassadeur soviétique me téléphone pour me dire : « vous savez, des gens sont sur le point de vous trahir » ; il m’a montré la photo que j’ai prise et je saute dans un avion pour Conakry ; je communique l’information à Cabral qui me dit : va dire à nos amis de se tranquilliser et leur dire que nous sommes informés, nous savons tous et suivons tout ; en réalité, le PAIGC voulait prendre Spinola vivant, mais quand nous avons vu que celui-ci n’était pas venu au rendez-vous, l’ordre a été donné d’assassiner les trois majors.

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Kobélé : Je tiens à vous poser deux dernières questions. On dit que Sékou Touré était en complicité avec le Portugal pour que vous attaquiez la Guinée. Est-ce vrai ? Calvão : (éclat de rire) : Non, ce n’est pas vrai ; c’est de l’imagination délirante. Kobélé : Il paraît que les Portugais venaient libérer le fils du maire de Lisbonne prisonnier du PAIGC et que… Calvão : Non, non ; ce n’est pas vrai ; je me trouvais avec les prisonniers portugais que nous avions libérés ; il n’y avait aucun fils d’un homme important portugais parmi eux ; le prisonnier le plus emblématique était Robato, aviateur portugais capturé en Guinée-Bissau ; il avait fait plus de sept ans de prison à Conakry. Non, ce n’est pas vrai ; la libération de la trentaine de nos prisonniers faisait partie des 25 objectifs que nous avions finalement retenus sur les 50 prévus. Kobélé : Je vous remercie. Calvão : Merci et à bientôt.

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Dapompa (Conakry). L’auteur s’entretient avec Ba Apha Oumar

Annexe2.- Témoignage du mercenaire guinéen Ba Alpha Oumar. . – Extrait de l’interview réalisée à Conakry, le 16 mai 2003 Kobélé : Et si je vous demandais de vous présenter avant de vous laisser exposer comme vous le souhaitez ? Ba : Fils d’Abdoulaye Ba et de Mariama Dio Diallo, né le 23 mars 1948 à Dalaba. École primaire et secondaire de Dalaba 1, que j’abandonne en 1964, en 9e année. Je chôme de 1964 à 1967. Je me rends au Sénégal pour retrouver mon père qui y était bien avant l’indépendance, cuisinier chez un Européen. Après environ deux ans de chômage, je suis recruté comme pompiste à la Raffinerie de pétrole de M’Bao où je travaille de juillet 1969 à août 1971. De nouveau en chômage jusqu’en 1976, au moment de mon recrutement. Contact à Conakry : mon beau-frère, Sory Camara conseiller au Port Autonome de Conakry.

Recrutement et formation « Après les événements de 1976 en Guinée, Siradiou Diallo est venu à Dakar. Il a tenu une conférence au cours de laquelle il a parlé des problèmes guinéens, des problèmes peuls surtout ; il nous a répété les propos de Sékou Touré qui aurait déclaré à Conakry que les Peuls étaient racistes, tribalistes et régionalistes ; que ce sont eux qui ont la nostalgie du colonialisme. Quand j’ai

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écouté ça des responsables guinéens, alors j’ai dit ce n’est pas normal. Et quand Siradiou a dit que tous ceux qui veulent prendre les armes contre ce régime pour défendre les Peuls peuvent se faire inscrire auprès du RGE, Regroupement des Guinéens à l’étranger, je n’ai pas hésité. Siradiou nous avait dit que c’est auprès de Sy Savané Sékou Oumar qu’on s’inscrivait. Et celui-ci nous avait effectivement convoqués à Grand Dakar ; on nous a dit que celui-ci était le commissaire du RGE pour le mercenariat ; il rencontra tous les candidats guinéens un à un et séparément. Chacun a décliné son identité et précisé les raisons de son adhésion au RGE. Toutes les questions et les réponses se faisaient en peul. Un mercredi, vers la fin du mois de décembre 1976, Sy Savané me dit personnellement que je peux me rendre à la polyclinique pour la vaccination ; j’ai rencontré, là-bas, de jeunes Guinéens que je ne connaissais pas ; on nous donnait toutes sortes de noms pour empêcher notre identification ; par exemple, quelqu’un qui s’appelait Boubacar, on pouvait lui donner le nom de Karo ; quelqu’un qui s’appelait Mamadou Saliou, on pouvait l’appeler Bala. Il y avait un dirigeant du RGE que je connaissais avant, Boubacar Diallo, parce qu’il était avec mon beau-frère au camp des parachutistes Leclerc à Dakar. Quand j’ai été arrêté, je fus surpris d’apprendre par la commission d’enquête que dans les papiers de Sy Savané il est indiqué que j’ai accepté de vendre mes services. J’ai été surpris parce qu’il n’avait jamais été question de cela. Et je n’ai jamais rien reçu comme argent. Vendre mes services ? Il n’avait jamais été question de cela. Un vendredi, on nous a dit de nous retrouver à l’aéroport après avoir pris tous nos effets sans rien dire à nos parents. J’ai fait comme tout le monde, j’ai pris tous mes effets sans dire à ma sœur ou aux proches parents où j’allais ou qu’estce que je faisais et m’étais rendu à l’aéroport ; les consignes de ne pas raconter cette histoire-là n’importe où et à n’importe qui pour que les services secrets guinéens ne le communiquent aux autorités devaient être strictement respectées pour nous éviter des ennuis. Je m’étais levé tôt le matin avant mes parents et m’étais rendu à Grand Dakar au lieu où on devait se rencontrer pour aller à l’aéroport. Nous sommes restés là jusqu’à 10h – 11h ; un taxi vint nous prendre pour nous amener à l’aéroport où nous avons trouvé certains éléments recrutés, des copains à nous quoi ; c’était le 30 décembre 1976 ; on s’embarqua vers 13h 50 dans l’avion pour arriver à Casablanca vers 17h 35. C’est dans l’avion qu’on nous a distribué nos billets. Sur le mien, c’était marqué Dowkum Mohamed alors que moi je m’appelle Bah Oumarou ; ça m’a fait tiquer puisque ce n’était pas mon nom. Mais j’ai compris que c’était des précautions pour assurer la sécurité. Moi je sais bien écrire, mais j’ai donné ma fiche de débarquement à remplir à Sy Savané. Il marqua là-bas Diawara Bakary coiffeur malien. Et j’ai dit : « hé ! Je m’appelle maintenant Diawara Bakary coiffeur malien ? Ah bon ! À Casablanca, on nous a embarqués dans un petit car pour nous déposer à la base de Ben Guérir, entre Casablanca et Marrakech où notre formation a été complétée ; nous y sommes restés pendant 14 jours, je crois bien ; trois Béninois nous y avaient rejoints ; l’un d’eux se présenta comme le porte-parole du

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mouvement pour lequel nous allions travailler ; on nous avait présenté l’autre sous le nom de Wakou, le faux nom du chef du mouvement ; tous disaient que c’était pour eux que nous travaillons. Ils étaient descendus d’un hélicoptère à la base de Ben Guérir où il y avait un terrain d’atterrissage de 4 km et demi et sur lequel nous faisions du sport ; après le dîner, ils nous ont distribué les premières armes et munitions ; nous étions répartis en groupe : moi j’appartenais au groupe des rouges (nous portions un brassard rouge) qui devait attaquer la route d’Ouïda, à 40 km environ de Cotonou. Pendant notre formation nous sommes sortis de la base pour aller à la frontière algéro-marocaine où il y avait une petite maison avec des armes et des munitions à la frontière ; on a fait une attaque de simulation ; je n’avais tiré que 30 balles en blanc. Après cette formation pratique à la frontière, on est rentré à Ben Guérir. L’ensemble de la formation avait pris 14 jours (formation théorique, 11 jours, et formation pratique, 3 jours). De retour à Ben Guérir, j’ai entendu Gilbert Bourgeaud (Bob Denard, son nom de mercenaire) dire : « les gens disent ici que je ne suis pas sérieux dans les affaires ; or, tous savent ici que j’ai toujours été sérieux dans les affaires et ceux qui sont là ont leur salaire qui a été réglé intégralement et dans les normes ; Sy Savané était le chef de groupe des Guinéens ; adjudant Montagne (Christophe Soglo, un Béninois) était le chef du groupe des Béninois ; il s’évadera de la prison béninoise, sa femme sera arrêtée et condamnée, en qualité de complice et à 20 ans de prison ; elle fera 10 ans avant d’être graciée.

Cap sur le Bénin : Après la formation, nous avons pris l’avion à hélice de Ben Guérir ; le jour de l’embarquement, la consigne était que personne ne devait toucher aux armes. Et en nous embarquant, on fouillait nos armes pour savoir si elles n’étaient pas chargées, afin d’éviter toute erreur de manipulation. On a atterri à l’aéroport El Hadj Oumar Bongo, au Gabon, où on a changé d’avion ; cette fois l’avion était à réacteur et non à hélices et cap sur le Bénin ; tout ce trajet (Maroc, Gabon et Bénin) a été effectué la nuit. On est arrivé le matin de très bonne heure ; nous devions aller prendre des troupes au Togo mais cela a été abandonné. Le financement fut assuré en partie par El Hadj Oumar Bongo et le roi Hassan II ; les chiffres se trouvent dans les archives récupérées de l’agression. Au Gabon même, on a été obligé de changer l’avion parce que le premier dans lequel on était monté était tombé en panne ; on a été armé de fusils Hersal fabriqués en Belgique et des Mak (ou Mag) américains, je crois ; il y avait des Guinéens, des Béninois, des Français, des Allemands, des Américains, des Israéliens, des Anglais, des Belges.

Au Bénin : L’objectif, selon les papiers que nous avions : l’armée béninoise était à démembrer, à décapiter et nous devions prendre le pouvoir. Moi j’avais un fusil d’assaut léger Fall de type ou marque Hersal ; on était, chacun bien armé : un fusil, 655 cartouches, un petit Bazooka, 5 grenades (3 incendiaires et 2

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ordinaires) ; nous étions des jeunes, la peur ne nous dominait pas en ce moment. Nous étions arrivés vers 6h du matin. Ce jour-là, les dirigeants du pays étaient en réunion et, comble de malchance, au lieu de rentrer au Palais qui devait être attaqué, le chef de l’État est resté au lieu de la réunion ; moi j’avais été chargé de faire des reconnaissances de lieux ; nous avions visité le camp où il y avait des lance-roquettes ; nous avions tiré sur le Palais ; il fallait être un magicien pour échapper à ce truc-là ; là, on m’a montré deux morts : un noir et un blanc ; les premiers militaires béninois qui étaient venus là-bas, nous les avions neutralisés et nous avions même mis certains en captivité dans l’avion. Nous nous devions ensuite attaquer la route de Ouïda où il y avait un camp, bloquer l’issue qui y conduit pour empêcher les renforts de venir et neutraliser tout mouvement de troupes ; mais dès que les autres mercenaires ont senti que l’affaire avait échoué, ils étaient montés dans l’avion. Moi j’étais à la Tour de contrôle. Je faisais face à la mer. C’est après que j’ai constaté qu’il n’y avait plus personne que moi ; je m’étais demandé : « ils ne savent plus tirer ?” Quand j’ai constaté que tout le monde était parti, je suis descendu et j’ai fouillé partout, mais je n’ai vu personne ; pendant ce temps-là, il y avait un Béninois qui suivait mes mouvements, qui me guettait et que je ne voyais pas. Lorsque j’ai été arrêté et jeté dans le camion, certains avaient demandé qu’on me casse les jambes ; mais cela n’a pas été fait. On me mit dans un camion et on m’amena au camp où on a commencé à m’interroger en même temps et immédiatement ; on m’a interrogé trois fois d’abord ; puis la commission de l’ONU est venue elle aussi m’interroger. À propos du suicide d’un blanc blessé : j’avais affirmé que je n’avais pas vu cette scène ; que je savais par contre qu’un blanc et un noir étaient morts dans nos rangs. À propos des archives récupérées par les Béninois : on a embarqué pèle mêle, munitions, armes et archives sans le savoir ; arrivés au Bénin, nous avions tout débarqué, et quand l’affaire a échoué les gens n’ont pas cherché à s’embarrasser de caisses ; c’est ainsi que la caisse d’archives était restée parmi les caisses abandonnées. Pendant l’interrogatoire, la Commission de l’ONU m’avait dit que j’étais protégé par les droits de l’homme ; que je pouvais ne pas répondre à une question si je sentais que mes intérêts étaient menacés. J’ai dit que je n’avais rien à cacher ; j’ai donc dit tout : j’ai décliné mon identité et répondu à toutes les questions ; ils ont tout pris en sténo et, en moins de deux heures, ils ont tout mis en propre. Ils ont tout vérifié avec cette observation : "les déclarations du mercenaire Bah Oumarou sont sans faille et sans contradiction, et correspondent à la vérité " ; certains délégués qui étaient contre le gouvernement béninois comme celui de Madagascar, ont dit qu’il ne faut pas croire à ce qu’un Peul dit ; mais ils n’ont pas pu détruire mes déclarations puisqu’il y avait des preuves, des pièces à conviction. Il n’y a pas eu de procès ; je ne suis jamais passé devant un tribunal ; un juge m’a entendu pour des questions de formalité ; j’ai fait 14 ans de prison ; le juge d’instruction ne m’a interrogé que 7 ans après les événements ; il n’y a pas eu de jugement ; donc 14

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ans après, un communiqué est sorti pour dire que les condamnés politiques étaient graciés.

Arrestation de Ba Alpha Oumar (in HOroya)

Libération et retour en Guinée : J’ai été libéré en août 1990. L’ambassadeur de la Guinée à Lagos qui couvre le Bénin et le Togo, Seydou Diallo, m’a fait convoyer en voiture par le secrétaire d’Ambassade, Himmy Camara jusqu’à Lomé où j’ai passé ma dernière nuit chez

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le président des ressortissants de la Guinée, El Hadj Sanoussi Bah. J’ai passé une belle nuit avec un repas copieux : du bon fonio, de la bonne sauce, accompagné d’une bonne tasse de café. J’ai pris Air Guinée seul à Lomé pour la Guinée ; Seydou Diallo avait remis une lettre à quelqu’un pour le ministre de l’Intérieur. Arrivé à Conakry, je devais rencontrer un commissaire à l’aéroport ; celui-ci était absent ; j’ai rencontré par hasard un jeune de Dalaba qui m’a aidé dans les formalités et m’a accompagné chez mon oncle. Mais le même jour, le commissaire exigea ma présence à l’aéroport. La même personne qui m’avait conduit chez mes parents est venue me chercher. J’ai été pris de l’aéroport pour un petit commissariat d’Almamya où j’ai passé ma première nuit menotté jusqu’au lendemain ; j’ai été transféré ainsi au commissariat de la gare, toujours menotté ; on m’a ensuite enlevé la menotte et laissé libre dans la cellule pendant 9 jours ; j’ai donc passé, au total, 10 jours de prison avant d’être libéré, après enquête. On m’a laissé libre, mais obligation m’a été imposée de me présenter une fois par mois au directeur des Services de Police, Kissi Camara. J’ai eu peur un moment quand j’ai appris que celui-ci avait été l’adjoint de NFa Siaka Touré, patron du camp Boiro. Il a été finalement gentil avec moi ; il m’a même donné 5000 francs guinéens. Je m’étais présenté une seule fois à lui. Je me suis

ensuite rendu à Dalaba pour me reposer auprès de mes parents. Conclusion Moi je m’étais engagé pour combattre le régime guinéen et j’ai été déçu de me retrouver au Bénin. J’ai rencontré depuis lors Sy Savané et Siradiou Diallo à Conakry ; le premier m’a donné 5000 francs guinéens ; je n’avais rien perçu auparavant, ni avant, ni au moment, ni après les opérations. Quant à Siradiou Diallo, depuis sa conférence de Dakar en 1976, nous ne l’avions plus revu. En 1992, j’étais allé le voir pour lui rappeler mon cas afin qu’il m’aide à trouver du travail pour survivre, puisque je n’avais pas perçu ce qui m’avait été promis. Il m’a dit qu’il ne pouvait rien faire pour moi. À présent, je vis chez un oncle paternel ; ma mère vit ; je ne suis pas marié et n’ai pas d’enfant ; j’étais célibataire au moment de mon recrutement à Dakar. J’en veux à Siradiou Diallo qui a gâché ma vie. »

Les pièces trouvées avec Ba Alpha Oumar - Une carte de membre du RGE n° 001998 - Une feuille d’impôt du Sénégal - Un CEPE délivré en Guinée le 26 juin 1961 - Deux lettres du Service du personnel de la Société africaine de raffinage (6 juin et 3 juillet 1969).

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Annexe 3- Témoignage de Lansana Sakho, ancien prisonnier du camp Boiro I.- Au camp Boiro 1- Arrestation C’est dans la nuit du 3 août 1971 que j’ai été arrêté à mon domicile à Coronthie (Conakry) par des militaires; transporté dans une Jeep, je fus conduit au Camp Boiro et installé dans une salle où se trouvaient d’autres prisonniers nouvellement arrêtés.

2-La prison Les arrivants au Camp Boiro sont rassemblés dans une salle avant le tri pour rejoindre les cellules. Dès le 4 août, je me suis retrouvé seul dans une cellule qui sera restée fermée, toute une semaine. Je n’ai reçu, durant cette période, ni eau, ni nourriture : c’est la diète applicable à tous les arrivants au Camp Boiro. Un tel régime affaiblit physiquement celui qui l’a subi. Certains détenus ne le supportent pas : il dépend des conditions de santé de chacun. Après la semaine d’isolement, vous êtes transféré dans une cellule, seul ou en groupe, selon la gravité des charges retenues contre vous. Les 3 repas du jour vous sont servis désormais ; ils sont de mauvaise qualité et en quantité insuffisante. Les conditions hygiéniques sont épouvantables. Vous avez droit à une douche tous les 3 mois environ, et ce délai n’est pas souvent respecté.

3-Devant la commission pour les interrogatoires Un soir, j’ai été extrait de ma cellule pour passer devant la Commission ; celle-ci m’a signifié l’accusation portée contre moi ; dans sa déposition, « Monsieur Diallo Souleymane, Directeur des Prix et Conjoncture, affirme que j’étais membre de la 5e colonne ». Il précisait qu’un groupe de traîtres guinéens s’étaient réuni à Sobragui la veille de l’agression du 22 novembre 1970 pour préparer l’arrivée des mercenaires. Selon la déclaration radio diffusée, je me trouvais à cette réunion en sa compagnie, ainsi que Jean Paul Alata, Diallo Abdoulaye Portos, entre autres. J’ai entendu la déclaration à la radio avant mon arrestation. La commission, qui m’interrogeait, avait pour Président un membre du Bureau Politique National entouré des agents de l’armée et de la Police. On me lit la déclaration de mon accusateur. Puis, on m’invita à dire la vérité, toute la vérité. L’accusation était fausse, je l’ai réfutée: je n’ai jamais été présent à aucune réunion ; je n’ai jamais rencontré Monsieur Diallo Souleymane, nulle part en dehors de nos bureaux de travail. J’ai éclairé ensuite la commission sur ma personnalité et mes ambitions par rapport à mon pays.

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La commission, à l’issue des interrogatoires, me remit des feuilles de rames et un bic pour répondre à l’accusation portée contre moi. Je suis donc retourné dans ma cellule pour faire ce travail. Ma réponse écrite a ensuite été transmise à la commission. Je suis resté sans nouvelle pendant 3 mois : je pense que d’autres enquêtes étaient effectuées entre temps avec des vérifications relatives à ma déclaration écrite. Un jour, on vient me chercher dans ma cellule pour rejoindre le groupe des personnes à libérer. Ce regroupement prend quelques mois pour restaurer la santé des détenus avant leur sortie. En effet, le prisonnier, après quelque temps de détention, est dans un état de faiblesse morale et physique si avancé que sa sortie immédiate bouleverserait une opinion déjà traumatisée par l’agression et ses conséquences. Ce lieu de rassemblement, avant la sortie, était un lieu d’observation pour plusieurs raisons. Ainsi, j’ai pu assister à la sortie de nombreux prisonniers, en attendant mon retour, qui est arrivé enfin le 11 mai 1972.

4- Sortie de prison : Le 11 mai, le directeur du camp Boiro arriva pour annoncer les noms des libérés. Et j’en faisais partie. J’ai été déposé dans ma famille dans une jeep du camp Boiro. Accueil émouvant d’une famille, traumatisée par mon arrestation. Ma maison d’habitation avait été récupérée par un responsable de la JRDA. Le malheur des uns ne fait-il pas le bonheur des autres ? J’ai mis un point d’honneur à la récupérer. Et je l’ai récupérée. J’étais Inspecteur Général du Commerce au moment de mon arrestation. Le ministre en charge, Monsieur N’Famara Keïta, me demanda de reprendre mes fonctions.

II.- Mes pistes de réflexion Il avait beaucoup de considérations pour moi et avait résisté à toutes les tentatives d’affecter mon poste à quelqu’un d’autre. J’ai informé le ministre qu’avant de reprendre le service, je souhaitais qu’il me rende un service : m’aider à trouver la réponse relative aux conditions de ma libération. Je m’interrogeais de savoir si, avec ma libération, j’étais innocenté ou je bénéficiais d’une grâce. Innocent que j’étais, je voulais tester la crédibilité ou non des décisions d’arrestation ou de libération à partir de mon exemple. Le Ministre N’Famara Keïta accepta de s’informer auprès des autorités compétentes. Un mois plus tard, le ministre me rappela pour me dire que j’étais totalement innocenté.

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Il s’était informé auprès de toutes les autorités compétentes : Présidence, Commission, etc. Se rendre compte du nombre élevé de prisonniers libérés parce qu’innocentés par les enquêtes, je crois qu’il est important de relever ce fait aussi : la chance a été donnée a beaucoup d’innocents de recouvrer leur liberté. Sur cette base, je repris le travail, rassuré dans mes convictions que la Guinée et son gouvernement sont les victimes d’une agression barbare et que des citoyens guinéens ont bel et bien trahi les intérêts supérieurs de leur peuple. Mon cas me servait de test pour porter un jugement personnel sur le drame que nous vivions. Nous étions témoins de graves évènements qui affectaient l’évolution économique de la Guinée. Nous avons le droit de savoir la vérité. L’expérience que j’ai vécue au cours de mon incarcération au camp Boiro m’autorise à exprimer une opinion sur un sujet qui n’a pas fini de diviser les Guinéens. La diversité des opinions s’explique par la nature des relations avec les victimes. On peut comprendre qu’un fils défende un père condamné, dont il refuse d’admettre la culpabilité. Mais la nature de ses relations avec le condamné rend son avis ou son témoignage irrecevable, pour des raisons évidentes. Or, nombreuses opinions de cette nature, loin d’éclaircir le débat, lui confèrent une charge émotionnelle qui exclut la logique et la raison. Le contexte historique indique bien que nous étions confrontés à un problème de décolonisation. En effet, la France coloniale était déjà en difficulté au Vietnam et en Algérie. Le refus de libérer ses peuples colonisés a conduit à l’affrontement entre la France et les mouvements de libération des deux colonies. La France a perdu, les batailles militaires l’obligèrent à leur octroyer l’indépendance. Le Général de Gaulle imagina une autre solution pour les colonies françaises en Afrique. Avec la complicité de certains dirigeants africains, la France proposa à ses colonies l’adhésion à un grand ensemble dénommé la communauté – francoafricaine. Ce faisant, les pays africains renonçaient définitivement à leur indépendance pour rester éternellement des provinces françaises. À cet effet, la France organisa le 28 septembre 1958 un référendum qui allait consacrer l’adhésion des colonies à ladite communauté. Les Africains étaient invités à dire oui ou non, au cours de cette consultation.

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Le « oui » signifiait l’adhésion à la France et le « non » signifiait l’indépendance. Sur les 13 colonies, seule la Guinée vota non et prit son indépendance. Le geste de la Guinée fut historique. Le peuple noir, partout dans le monde, retrouva sa dignité perdue des siècles durant. Mais la France n’accepta pas le choix de la Guinée. Elle entreprit immédiatement une guerre coloniale souterraine : tous ces actes de déstabilisation et tous les complots, pendant plus de 20 ans, s’inscrivent dans le cadre d’une conquête coloniale de la Guinée. Cette hostilité ne pouvait pas prendre la forme d’une guerre ouverte puisque la communauté internationale avait déjà admis la Guinée en son sein. L’agression du 22 novembre 1970 était la forme la plus achevée de ces complots. Tirant les leçons des échecs des différents complots, la France avec ses alliés européens et africains utilisèrent cette fois la méthode des conquêtes coloniales : on débarqua par bateau, des hommes armés pour éliminer, par les armes, toute résistance locale. Malheureusement pour eux, ils rencontrèrent une forte résistance du Peuple de Guinée organisé ; ce qui a fait échouer leur tentative de prise de pouvoir. Le Peuple de Guinée s’est défendu victorieusement. La Guinée a tiré les douloureuses leçons de cette agression. En effet, les conséquences immédiates de cette agression ont été que de nombreux Guinéens étaient complices des ennemis. L’identification des complices, les arrestations, les jugements et les condamnations ou les libérations ont préoccupé les Guinéens pendant quelques années. Toutes les familles guinéennes étaient concernées de près ou de loin. Je voudrais, à mon tour, exprimer ma part de vérité à la lumière de mon expérience vécue en prison, et de la riche documentation disponible en la matière. Je retiens que le vote de la Guinée le 28 septembre 1958 choisissant l’indépendance à la place de la communauté française, a été la seule cause de toutes les tentatives de déstabilisation du régime de Conakry. Ce fait historique est indéniable. Les publications du général de Gaulle en personne, de Jacques Foccart et de Pierre Mesmer, ainsi que les révélations de la Piscine attestent de la gravité de la décision de Paris d’éliminer le régime de Conakry, par tous les moyens. La Piscine (les services secrets français) reconnaît que toutes les actions entreprises contre la Guinée ont échoué pendant plus de vingt ans.

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La politique de décolonisation de la France s’est faite dans la douleur au Vietnam, en Algérie et en Guinée. Dans les deux premiers cas, c’est le peuple en arme qui a imposé le départ de la France. On sait à quel prix ! En prison, j’ai rencontré deux catégories de prisonniers : 1°) Les coupables qui sont condamnés à des peines variables ; 2°) Les innocents, qui sont libérés suite aux enquêtes et vérifications pour élucider les fautes émises à leur sujet. Il y avait, au Camp Boiro, une grande salle où étaient regroupés les prisonniers devant être libérés après enquête. J’ai résidé pendant trois (3) mois dans cette salle où se faisait le regroupement des prisonniers à libérer. Il s’agit là d’améliorer leur condition de vie avant leur sortie. J’ai assisté à la sortie des centaines de prisonniers avant mon tour. Lorsque je suis sorti, j’ai laissé des centaines d’autres prisonniers attendant leur libération. Je crois que ce phénomène de prisonnier innocenté et libéré en grand nombre ne doit pas être occulté. J’appartiens à la catégorie des innocents libérés. Je constate donc que des milliers d’innocents comme moi ont été accusés à tort et libérés parce que les enquêtes ont montré la fausseté des accusations. Dans le débat qui me préoccupe, il faut reconnaître que l’on a tendance à privilégier les effets au lieu de la cause. En effet, j’invite par exemple, s’agissant de l’agression du 22 novembre 1970, les uns et les autres à prendre en considération les résultats des enquêtes menées sur place par des commissions d’enquêtes envoyées, celle de l’ONU en particulier. Ces résultats ont fait l’objet de publication et ces institutions ont recommandé à l’État guinéen de prendre des sanctions sévères à l’endroit des auteurs du crime et de leurs complices. Faut-il rappeler que l’État fasciste du Portugal, le bras armé de l’impérialisme international, a été sommé par les Nations Unies de payer des dommages-intérêts à la Guinée ? La Guinée a refusé de ne recevoir aucun dédommagement puisque les morts de Conakry n’ont pas de prix. La Guinée, par contre, a demandé en compensation que le Portugal octroie l’indépendance à ses colonies. Un autre fait édifiant : Le Président du gouvernement sénégalais, Monsieur Mamadou Dia, écrit, dans ses mémoires, ce qu’il savait des relations francoguinéennes de l’époque. Il déclare qu’en 1959, lorsque le Président Ahmed Sékou Touré accusait la France et certains pays africains de préparer une

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agression armée contre la République de Guinée par les frontières du Sénégal, il porta un démenti officiel à cette déclaration. Mais, il précise qu’il a fait une enquête pour en avoir le cœur net ; celle-ci révéla que les accusations de Conakry étaient bien fondées. Il arrêta les auteurs, dont Siradiou Diallo, et en informa Conakry ; mais il conseilla au président Léopold Sédar Senghor de ne pas les livrer aux autorités de Conakry et celui-ci s’opposa que les mercenaires ne fussent chassés et renvoyés en Guinée. Je voudrais invoquer aussi un acte dont la signification échappe aux observateurs : ce sont les excuses officielles de la France à la Guinée pour tous les actes de déstabilisation entrepris contre elle. En effet, en 1975, Monsieur Giscard d’Estaing avait remplacé les gaullistes revanchards à la tête de la Présidence de la République française ; il décida de reprendre les relations avec la Guinée et exprima officiellement les excuses de la France pour les crimes commis contre la Guinée. Il effectua une visite en République de Guinée pour sceller les relations entre les deux pays. Il est très rare qu’une grande puissance reconnaisse ses crimes envers ses anciennes colonies. Les Guinéens peuvent être fiers de leurs dirigeants qui ont su imposer ce respect dû à notre pays et à son peuple. Voyons l’exemple de l’Algérie qui réclame toujours à la France les excuses pour les crimes commis chez elle. Elle attend toujours… Par Lansana Sako Économiste Ancien inspecteur général du Commerce Ancien Secrétaire général adjoint de la Présidence de la République de Guinée

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Annexe 4.- à propos de certaines personnalités innocentées dans Le camp Boiro. Parler ou Périr. Conakry d’Alsény René Gomez. Des personnalités sont souvent citées dans diverses publications ; même des ouvrages mensongers leur sont consacrés. Mais c’est l’ancien prisonnier du camp Boiro, Alsény René Gomez, qui les cite abondamment et qui leur consacre parfois des passages ou pages qui jurent avec la réalité des faits évoqués ou avérés, dans son ouvrage : Camp Boiro. Parler ou Périr, Conakry, l’Harmattan, 2007,220p. ill. (247). C’est pourquoi il nous paraît nécessaire de montrer que la connaissance des mises au point que nous allons faire, basées sur des sources connues et vérifiables qu’on cherche à cacher au peuple, est absolument nécessaire: il s’agit de prouver que la perception partielle, partiale idyllique que certains anciens prisonniers du camp Boiro nous donnent de certaines personnalités compromises dans les opérations de déstabilisation et de liquidation contre la Guinée de la Première République est objectivement très fragile et très partisane.

Pr. Kapet de Bana Selon Alsény René Gomez, le cas du professeur Kapet de Bana est « un cas digne d’intérêt pour plusieurs raisons : - Réfugié politique camerounais, il avait choisi la Guinée pour échapper, disait-il, à la répression dirigée contre l’Union des populations du Cameroun (UPC), dont il aurait été membre, au lendemain de l’indépendance en 1960. Il enseignait à l’Institut polytechnique Gamal Abdel Nasser de Conakry. - Dans le canevas préparé par le Comité Révolutionnaire, il était accusé d’être un double espion: français et allemand. Cependant, malgré les tortures les plus atroces, il n’aurait jamais accepté de signer des aveux. 247 Dès qu’il publia cet ouvrage, l’auteur avec lequel nous entretenions d’excellents rapports malgré nos divergences politiques et idéologiques, nous a fait remettre, par un ami commun, l’ancien ambassadeur de Guinée en Italie, Dr Traoré, un exemplaire dédicacé. Procédé de bon usage entre nous, nous lui avions fait parvenir par le jeune Ahmed Sékou Traoré, membre de la délégation spéciale de Ratoma, un exemplaire dédicacé de l’Autopsie d’un pamphlet. Camp Boiro, parler ou périr d’ Alsény René Gomez, une critique de son livre. « Je m’attendais à ta réaction ; nous en parlerons », fut sa réponse quand nous avons parlé des deux ouvrages. Admirable et aimable, Alsény René Gomez n’a pas eu ce comportement hystérique et irresponsable qui a fait du tort à certains qui se disent victimes du camp Boiro, alors que lui avait souffert dans sa chair et moralement. Véritable homme de culture, il avait un comportement intellectuel dans tout ce qu’il faisait et dans ses rapports avec tiers. Il était possible de discuter avec lui calmement, sans passion et de se séparer à l’amiable et sans rancune. Nous avons souvent échangé nos points de vue quand nous assumions des responsabilités auprès du président de la République, le général Lansana Conté, au point que celui-ci me disait souvent, en tant que son chef de cabinet, « appelle-moi ton complice », quand il avait besoin de lui en tant que ministre de la Sécurité. Malheureusement, sa maladie n’a pas permis cette rencontre que nous souhaitions autour de nos ouvrages. Que la terre qu’il a tant servie lui soit légère !

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- Pendant toutes ses années de détention (plus de 8 ans), il aurait toujours été isolé, et serait seul dans sa cellule. - Aurait toujours refusé les repas de riz servis, ne vivant que de bouillon et de pain. - N’aurait jamais fréquenté l’infirmerie. - Aurait refusé catégoriquement de se faire coiffer ou raser » (248). Ce cas est encore une preuve que le souci de vérité n’effleure pas Alsény René Gomez et ses co-auteurs, tous étant animés par des bas sentiments de haine: il faut se venger par l’écriture et tout est bon pour rendre Sékou Touré de plus en plus hideux. Kapet de Bana, de son vrai nom NGapet, n’était pas un nationaliste de l’UPC pour la simple raison que la France combattait ce mouvement ; il fit ses études en France et non dans les pays de l’Est où tous les militants de ce mouvement étaient boursiers. Il vit encore en France depuis sa sortie de prison. Son premier poste fut Alger où il enseignait ; informés des tâches d’information que les services spéciaux lui avaient confiées, les amis français de l’Algérie alertèrent aussitôt le gouvernement algérien : Kapet serait du SDECE ; il avait, pour mission, la collecte d’informations économiques et militaires : la France ne disposait pas de données précises sur l’ armée algérienne en particulier, composée de nationalistes qu’elle ne connaissait pas, les harkis ayant fui en France. Kapet qui était recruté comme enseignant aurait été aussitôt mis sous surveillance : son rôle d’espion ayant été effectivement établi, le gouvernement algérien décida de l’expulser au lieu de l’arrêter (on l’aurait accusé de racisme). Kapet choisit la Guinée qui accueillait tous les Africains s’affirmant nationalistes ; il fut affecté comme enseignant à l’Institut Polytechnique de Conakry, logé d’abord au bloc des professeurs après avoir transité par le logement de Youssef Attaher Maïga, qui l’avait accueilli avec Louis Béhanzin ; il finit par se rapprocher du Président Ahmed Sékou Touré et logea à l’immeuble de la « Paternelle » qui surplombait la Présidence: il lui fut ainsi facile de surveiller tous les mouvements du Palais ; informé, le gouvernement algérien, qui le surveillait de loin, avertit aussitôt les autorités guinéennes qui le firent surveiller. Et c’est lors de l’agression du 22 novembre 1970 qu’il fut finalement découvert et arrêté (249). Nous le soupçonnions déjà par sa façon de faire et de parler ; mais ce qui s’est passé le jour de l’agression du 22 novembre 1970 fait encore frémir des éléments de notre famille ; « c’est Dieu qui nous avait sauvés », nous dit souvent notre épouse, quand elle pense à l’événement.

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Alsény René Gomez, op.cit.,p.174. Idem, p.168.

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Nous sommes le 22 novembre 1970, vers 11 h 30 du matin, Kapet nous interpelle en ces termes: « Kobélé, qu’est-ce que tu attends encore à la maison? Nous sommes attaqués par des ennemis extérieurs, tu ne le sais pas ? » . Mme Kobélé lui répond aussitôt que son mari souffrait de furoncles mal situés. Il insista encore et nous prîmes un pantalon « jean » de peur qu’il ne nous dénonce après l’opération ; mais, malgré toutes nos tentatives, il finit lui-même par constater que nous souffrions atrocement ; il s’excusa, avant de repartir. Mais nous avions appris, dès le lendemain, que tous ceux à qui il offrait de transporter à Conakry n’auraient pas dépassé le Camp Boiro. Des camarades faillirent ainsi être liquidés ; c’est, par exemple, l’opposition du président Sékou Touré, au téléphone, qui empêcha Fodé Bérété, directeur du journal Horoya, de monter dans la jeep que conduisait Kapet ce jour-là.

Dr Seydou Conté Si l’on en croit Alsény René Gomez, Dr Conté Seydou aurait échappé à ce qu’il appelle, la « machine infernale du système » parce qu’il aurait « compris à temps que l’exil était finalement la seule alternative pour éviter » le camp Boiro(250). Il est dommage que l’auteur soutienne ici une thèse sur les circonstances du départ de Dr Seydou Conté à l’étranger, qui attesterait que l’intéressé avait menti au président Ahmed Sékou Touré ; qu’il faisait semblant de servir le pays, alors qu’il ne cherchait qu’une occasion pour s’exiler. En effet, Dr Seydou Conté avait été, entre autres, ambassadeur de Guinée à Washington, ministre de l’Éducation nationale et ministre de la Justice. Il était parti normalement et librement avec tous ses biens, y compris sa voiture, en vacances au Sénégal. Arrivé à Dakar, après avoir contacté ses « anciens professeurs devenus titulaires de chaires importantes», il écrivit, le 10 octobre 1969, au président Sékou Touré, une lettre publiée dans le Horoya-hebdo (251), non pour lui dire qu’il voulait « échapper au camp Boiro », alors qu’il pouvait le lui dire sans être inquiété par les autorités guinéennes puisqu’il était dans un pays hostile au régime guinéen , mais pour lui confirmer le projet qui lui tenait à cœur et pour lequel il avait obtenu son accord. Il commence par affirmer que « cette lettre sera personnelle parce que je suis sûr, affirme-t-il, que tu me comprendras » ; elle ne devait donc pas faire l’objet d’une diffusion comme il était de coutume dans le parti ; il a décidé de se spécialiser en médecine en France et aux États-Unis. Il rappelle au Président que celui-ci avait toujours accepté son projet : en 1965, quand il était ministre de l’ Éducation Nationale, mais « des difficultés d’ordre conjoncturel n’avaient pas permis au projet d’aboutir » ; en 1967, alors qu’il était ministre de la Justice, il a « renouvelé la demande …Là encore , du fait , de ta conviction profonde que l’ 250

Alsény René Gomez, op.cit., p.191. Horoya-hebdo , n°1732, du 12 au 18 septembre 1969.

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Afrique ne saurait laisser sans partage à l’ Europe le privilège des réussites scientifiques, ni accepter les abdications de la raison et de ses audaces, tu avais pris le parti de l’avenir et m’avais , semble-t-il, renouvelé ton accord ». Ses professeurs ayant accepté de le « réintégrer à leurs équipes de recherches », en vue de sa spécialisation en « chirurgie cardio-pulmonaire et de la chirurgie hépatique », il poursuit : « fort de ta fidèle amitié et du sens patrimonial des victoires de la raison du Peuple de Guinée », il lui demandait de bien vouloir le « libérer » de ses « fonctions pour une durée d’environ trois ans » ; il précise qu’ « il reste entendu qu’il reviendra en Guinée » dès qu’il aura « terminé ». Avant d’exprimer sa « plus fidèle amitié » au Président et son « attachement à l’ardent peuple de Guinée », il ne lui demandait « que son « aide » et sa « confiance qui est en même temps un verdict de responsabilité porté sur l’homme guinéen». Le Président Sékou Touré lui donna son accord et lui dit qu’il peut s’adresser à lui chaque fois que la nécessité se ferait sentir. Et c’est cet homme, devenu tout d’un coup opposant à l’ancien régime, qui aurait dit, selon Alsény René Gomez : « Très tôt nous avions su que Sékou Touré était un malade, mais nous avons pensé qu’on pouvait lui mettre des gardes - fous pour le rendre moins nocif. Tout le monde s’était trompé. Sékou était un destructeur de façon fondamentale, un illuminé très prolifique en idées. Il avait le goût du sang ».

Diawadou Barry Selon Alsény René Gomez, « en juin 1954, profitant d’une élection législative partielle à la suite du décès du député Yacine Diallo, Sékou Touré s’était présenté à la députation. Il fut battu par Diawadou, mais il n’oublia jamais cet échec et le fit payer plus tard à la famille de son concurrent» (252). Les faits historiques établis jurent avec cette affirmation : - À la suite du truquage de sa liste aux élections législatives du 17 juin 1951, Sékou Touré avait voulu réunir les autres candidats victimes de tricheries dont Diawadou Barry afin d’entreprendre une protestation commune ; ce qui aurait provoqué l’invalidation des candidats déclarés élus ; malheureusement, seul Diawadou Barry lui fit parvenir la réponse négative que voici, datée du 28 juin 1951: « mon appartenance politique et mes convictions ne me permettent pas de m’associer aux hommes du RDA contre l’ Administration » (253); pour se démarquer de l’action du PDG-RDA, il envoya même la copie de cette correspondance au siège du RPF, parti du général de Gaulle, à Paris, auquel il était affilié . Le PDG-RDA en prit acte, mais ne s’en était jamais pris ni à lui, ni 252

Alsény René Gomez, op.cit.p.189. Fondation et Institut Charles de Gaulle Paris. Guinée I et II.Diawadou Barry. Compte rendu sur l’élection du 17 juin 1951). 253

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aux élus (Yacine Diallo, Mamba Sano et Albert Liurette) ; c’est l’Administration coloniale et son instrument d’exploitation et d’oppression, la chefferie de canton, qui étaient rendus responsables de l’échec des candidats du PDG et qui en firent les frais : le PDG intensifia la lutte contre elle. - La même opération reprit lors des élections législatives partielles du 27 juin 1954, à la suite du décès de Yacine Diallo qu’il fallait remplacer : l’Administration, les groupements ethniques et la chefferie de canton se liguèrent contre la liste du PDG-RDA ; le scrutin fut de nouveau truqué et c’est Diawadou Barry qui fut effectivement déclaré cette fois élu grâce à l’administration française; le PDG le surnomma « le mal élu » ; le ministre de la France d’outre-mer, Robert Buron, devant les preuves irréfutables du truquage dut le reconnaître et l’avouer en ces termes : « il est évident que la dernière élection a été honteusement truquée pour provoquer l’élimination de Sékou Touré »(254).Comme pour confirmer l’acte, le commandant du cercle de Macenta, Lantier reconnaît que, lors de ce scrutin, les chefs de canton « assis dans le bureau de vote, à côté de l’urne, distribuait le bulletin de Barry Diawadou » (255) . Le PDG en a voulu plutôt à la chefferie dont il exigea désormais la suppression ; la lutte s’intensifia à travers toute la Guinée et c’est lors de l’une des manifestations populaires contre cette institution décriée que David Sylla, chef de canton de Labaya, éventra M’Balia Camara avec un sabre, le 9 février 1955: la Première République retiendra cette date pour célébrer la fête des femmes afin de magnifier chaque année le rôle décisif de la femme guinéenne dans la lutte pour l’indépendance du pays. À partir de janvier 1956, ce sont les populations guinéennes qui firent prendre au PDG-RDA sa revanche en éliminant le BAG, parti de Diawadou Barry, dirigé par Koumandian Keïta, qui en était le secrétaire général, de toutes les représentations locales et fédérale (mairies, assemblée territoriale, conseil de circonscription, conseil de village, grand conseil de l’AOF à Dakar, etc.) ; ainsi, à la veille du référendum du 28 septembre 1958, cette formation politique qui ne militait que pour une République française une et indivisible ne représentait plus rien. Et même si son ralliement, au sein de l’UPG (PRA-Guinée) à la position du PDG-RDA à la veille de ce référendum ne fut que théorique, elle sera représentée, par Diawadou Barry, au sein du gouvernement d’union nationale que constitua le PDG-RDA dès le 4 octobre 1958 ;il sera ministre de l’Éducation nationale, puis des Finances jusqu’au 31 décembre 1962 ; ambassadeur d’Égypte de 1963 à 1966 ; directeur de l’ Imprimerie Patrice Lumumba de 1966 à 1969,enfin nommé le 3 février1969, inspecteur des Affaires administratives et 254

Robert Buron .Les dernières années de la IVe République, carnets politiques, 2 novembre 1954, p.139. 255 Guinée française. Guéckédou. Lantier, commandant le cercle. Lettre du 29 janvier 1956 au gouverneur de la Guinée française.

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financières jusqu’à son arrestation dans le cadre du complot Kaman-Fodéba. Ces faits constituent le démenti politique aux affirmations cavalières d’Alsény René Gomez. Par ailleurs, il est de notoriété publique que c’est au cours du procès très médiatisé que Maître Aminata Barry nous avait injustement imposé en fin d’année 2002 que le monde entier apprit comment Diawadou Barry, alors Ambassadeur de la Guinée au Caire (Égypte), avait été contacté par Bah Mamadou (256)et pressenti comme futur Président de la République de Guinée si le complot Kaman-Fodéba, qui se préparait, avait réussi; qu’un poste ministériel lui avait même été proposé, au sein du gouvernement ivoirien, par le Président Houphouët-Boigny, ennemi juré de Sékou Touré; comme pour le convaincre, le chef de l’ État ivoirien, lui aurait révélé le dessein de Sékou Touré de « l’arrêter et le liquider ; « prends ta famille Barry et rentre avec moi en Côte d’Ivoire, même si je dois t’envoyer mon avion personnel » (257), aurait dit le chef de l’ Etat ivoirien, selon madame Aminata Barry, Houphouët-Boigny à Diawadou Barry qui aurait refusé l’offre. Il faut également signaler que Diawadou Barry est accusé, non par Sékou Touré, mais dans le livre de Roger Faligot et Pascal Krop déjà signalé, d’avoir dirigé une subversion religieuse contre l’ancien régime avec les encouragements du SDECE et l’appui financier de quelques pays arabes (258). Ce qui n’a jamais été démenti par aucune autre source et les auteurs n’ont fait l’objet d’aucune assignation judiciaire de la part de ceux qui se disent victimes de Sékou Touré. Enfin, on est également ahuri en relisant la suite de l’allégation d’Alsény René Gomez : à cause de son échec de juin 1954, écrit l’intéressé, Sékou Touré se serait attaqué à la famille de Diawadou Barry. Or, les faits établis démentent encore cette allégation mensongère. Deux des frères de Barry Diawadou avaient été pourtant affectés dans des organisations africaines par Sékou Touré. Mais prenons le cas de Yaya Barry, un autre frère de Diawadou, qu’on aurait arrêté en 1968 revenant de la Côte d’Ivoire « pour présenter des condoléances après le décès de sa mère » (259), écrit Alsény René Gomez. Le Front de libération nationale de Guinée (FLNG) avait été créé en 1966 à Abidjan avec le concours financier du Président Houphouët-Boigny pour combattre le régime du PDG ; « dans la liste des seize membres du « Bureau du comité d’Abidjan du FLNG » publié le 28 mars 1966, Barry Yaya figure en 5e position avec le titre de secrétaire général. Sur la base des renseignements 256

Bah Mamadou nous avait confirmé cette information au cours d’une réception à la résidence de L’Ambassadeur des USA en ajoutant : «Si j’avais été convoqué au procès j’aurais confirmé que Diawadou a eu peur d’accepter l’offre, mais qu’il n’a pas échappé à la prison de Sékou Touré ». 257 In : Le Pamarès, n°6, février –mars 2002. 258 Roger Faligot et Pascal Krop. La Piscine, op.cit.p.252. 259 Alsény René Gomez. Op.cit.p.189.)

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« sûrs » transmis de Guinée par un correspondant trop optimiste du FLNG ou par un agent provocateur, on ne l’a jamais su, il avait accepté de partir pour le Fouta-Djalon; Jacques Batmanian ajoute : « ce sera là, à notre connaissance, la dernière tentative d’action directe à laquelle le président Houphouët-Boigny aura donné le feu vert » (260); ce témoignage d’un homme de la trempe de Jacques Batmanian dément et prouve que la conclusion accusatrice de Gomez est une attitude condamnable ; le conseiller personnel du Président Houphouët-Boigny , qui sait de quoi il parle, ajoute qu’en mars 1968, plusieurs éléments du Front, dont Yaya Barry, son secrétaire général, avaient été arrêtés : ils se rendaient au Fouta Djallon pour «organiser un maquis avec l’appui de la chefferie traditionnelle » (261) , du moins ce qu’il en restait après la suppression de l’institution en Guinée le 31 décembre 1957. Et non pour présenter les condoléances comme le dit Alsény René Gomez. Il faut d’ailleurs rappeler que le secrétaire d’État guinéen à l’intérieur et à la sécurité avait diffusé un communiqué dès le 22 février 1968 annonçant que des mercenaires ont pénétré en territoire guinéen ; «parmi eux, précise-t-il, se trouve le sieur Barry Yaya, secrétaire général du FLNG venant de la Côte d’Ivoire ». Il est évident que si un débat national a lieu sur l’histoire récente de notre pays, un responsable de la section ivoirienne du Front encore vivant pourrait nous éclairer sur cette disparition.

Siradiou Diallo Ce qui frappe dans le livre d’Alsény René Gomez, c’est qu’il ne comporte aucune condamnation de Siradiou Diallo pour avoir participé à tous les complots ourdis contre l’ancien régime depuis 1960, en particulier sa participation incontestable à l’agression du 22 novembre 1970 ; il semble même l’approuver. Citons quelques témoignages connus de l’auteur du Camp Boiro. Parler ou périr, mais dont il n’a pas tenu compte dans son livre : - Selon Mamadou Dia, alors président du Conseil de gouvernement du Sénégal, Siradiou Diallo participa déjà, avec des officiers français, au complot de 1960 quand il était étudiant à Dakar ; quand Sékou Touré dénonça le fait, personne ne le crut ; « tout le monde a ri …J’ai fait faire des enquêtes qui ont révélé que le complot était rigoureusement vrai…Lorsque le président Sékou Touré a écrit pour demander l’extradition de Siradiou, le président Senghor a donné son accord ». C’est lui Mamadou Dia qui l’en 262 aurait dissuadé ( ). - Certes, Siradiou Diallo a toujours nié sa participation à l’agression du 263 22 novembre 1970 ( ); cela parut normal, car, comme l’a dit un auteur, 260

Jacques Batmanian.Op.cit.p.296) Idem 262 Mamadou Dia. Mémoires d’un militant du Tiers Monde. Paris, Éd. Publisud, p.96. 263 In : Le Citoyen, n°5, avril 1992, p.3 ; In : L’Indépendant, n°74,9 septembre 1993. 261

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« nul homme politique digne de ce nom ne peut… annoncer au Peuple qu’il a trahi » ; mais le capitaine Alpoim Calvão, qui dirigea l’opération militaire 264 du côté portugais, le cite ( )et le considère, dans son ouvrage déjà signalé, comme étant de la tendance la moins honnête du FLNG avec laquelle il n’aurait pas dû travailler ; ce qu’il nous a confirmé à Bissau le 10 août 2004. - Julien Condé, alors vice-président du RGE, dont Siradiou Diallo était le 265 président, et Abdouramane Bah l’accusent formellement ( ) d’avoir participé à l’agression du 22 novembre 1970 après avoir contribué à l’élimination de David Soumah de l’organisation, lui qui a été l’initiateur de l’opération. - C’est au cours du congrès extraordinaire du PRP à Mamou, le 23 octobre 1993, que Siradiou Diallo reconnut qu’il est arrivé « à l’Ile où étaient mobilisés les Guinéens pour s’enquérir de la sincérité de l’opération avant de reprendre l’avion pour Paris ». D’où ce commentaire d’Abdoulaye Diallo: À Mamou, Siradiou Diallo « a admis qu’il n’était pas très loin des 266 préparatifs » ( ). - Selon Ginette Cot, « Siradiou Diallo, président du RGE, [était] l’âme du 267 SDECE dans le RGE, section de Dakar » ( ). Siradiou Diallo a contacté Bob Denard en 1975 et lui a demandé de « former des Guinéens afin de les lancer à l’assaut de Conakry » (268).Ses mercenaires participeront, aux côtés d’autres Guinéens, moyennant de l’argent, à divers champs d’application des théories guerrières apprises en vue des prochaines agressions contre la Guinée : aux Comores, au Bénin, en Angola, etc. Ceux des mercenaires qui sont rentrés depuis le 3 avril 1984 le confirment au cours d’entretiens privés et publics, d’autant plus allègrement qu’ils ont été abandonnés, disent-ils, sans avoir récupéré les sommes promises : « Moi je m’étais engagé pour combattre le régime guinéen et j’ai été déçu de me retrouver au Bénin. J’ai rencontré depuis lors Sy Savané et Siradiou Diallo à Conakry; Sy Savané est le seul qui m’a donné un jour 5000 francs guinéens pour prendre le taxi; je n’avais rien perçu auparavant, ni avant, ni au moment, ni après les opérations. Quant à Siradiou, depuis sa conférence de Dakar en 1976 à l’issue de laquelle nous avons été recrutés, nous ne l’avions plus revu. En 1992, j'étais allé le voir, dans sa villa de Conakry pour lui rappeler mon cas afin qu’il m’aide à trouver du travail pour survivre, puisque je n'avais pas perçu ce qui m'avait été promis. Il m’a dit qu’il ne pouvait rien faire pour moi et qu’il n’était pas un 264

Alpoim Calvão.op.cit.,p.79 et Sidiki Kobélé Keité .Interview du capitaine Alpoim Calvão.Op.cit. 265 Julien Condé et Abdouramane Bah Le Calvaire du Peuple de Guinée.Op.cit. 266 In : Le Lynx, n°85, 1 novembre 1993,p.3. 267 In : Afrique –Asie, n°138, 27 juin 1977. 268 Bob Denard. Le Corsaire de la République, avec la Collaboration de Georges Fleury, Paris, Éd. Robert Laffont, 1998, p.269.).

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homme d’affaires ; que j’avais combattu Sékou Touré par idéal et non pour de l’argent. À présent, je vis chez un oncle paternel ; ma mère vit ; je ne suis pas marié et n’ai pas eu d’enfant ; j’étais déjà célibataire au moment de mon recrutement à Dakar. J'en veux à Siradiou Diallo qui a gâché ma vie"» (269), nous a affirmé Ba Alpha Oumarou, seul mercenaire guinéen arrêté le 16 janvier 1977 suite à l’agression contre le Bénin ; il ne fut libéré qu’en 1990. Il n’est donc pas étonnant que dans un tract largement diffusé de son vivant et qu’il n’avait jamais démenti, Siradiou Diallo ait été accusé d’avoir monté « un piège diabolique dans lequel Yaya Barry tomba naïvement », d’avoir livré Mahmoud Bah et d’être accusé dans l’ « affaire des Comores », etc. Les mercenaires de Siradiou Diallo formaient enfin, à Pô (Burkina Fasso), le gros de la troupe qui devait agresser la Guinée pour empêcher la tenue du 20e sommet de l’OUA à Conakry, en mai-juin 1984. Les compagnons de lutte de Siradiou l’ont dénoncé de son vivant : - Dans une interview déjà signalée, Dr Dianè Charles a écrit que Siradiou était dans les bateaux qui avaient agressé la Guinée le 22 novembre 1970. - Bah Mamadou a affirmé, au cours du meeting du Front de lutte et de gouvernement (FLUG) tenu au stade de Bonfi le 22 novembre 1992, que « Siradiou Diallo » était « nuisible » pour la Guinée et avait participé à toutes les activités de déstabilisation contre la Guinée depuis 1960. - Le même Bah Mamadou a révélé, au moment des premières élections présidentielles en 1993 à la radio et à la télévision, qu’il avait été contacté le premier pour organiser l’agression du 22 novembre 1970 et que c’est Siradiou Diallo qui accepta la proposition qu’il avait déclinée ; n’eût été l’intervention de certains sages de la Moyenne Guinée, il aurait tenu sa promesse électorale : être loquace sur ce cas et tout déballer. - Selon Alpha Condé « dans l’histoire de la Guinée, il y a un seul leader qui a usé de la violence, c’est Siradiou Diallo, puisque tout le monde se rappelle en Guinée du débarquement du 22 novembre 1970 où il était dans le bateau. La violence qui a eu lieu en Guinée depuis le 28 septembre 1958, c’est le débarquement » (270). - Enfin, Kerfala Bangoura, arrêté à la suite de l’agression du 22 novembre1970 et libéré en 1979, milita dans le parti de Siradiou Diallo, Union pour le progrès (UPR), où il assuma de hautes responsabilités; il finit par en démissionner, après avoir déclaré, au Palais du Peuple, à Conakry, le 29 septembre 2003, faisant allusion à Siradiou Diallo, que c’est par la faute de certains leaders de partis politiques qu’il a passé sept ans au camp 269

Bah Alpha Oumarou op.cit. In : L’Indépendant, n°487, 8 août 2002, p.3.

270

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Boiro ( ). Les raisons profondes de ce regret équivoque n’ont pas encore été dévoilées par l’intéressé, du moins à notre connaissance. Pourquoi aucun de ces faits de notoriété publique n’a été évoqué et analysé dans l’ouvrage d’Alsény René Gomez pour situer objectivement Siradiou Diallo et son rôle négatif et nuisible dans l’histoire récente de notre pays?

Telli Diallo Certes, l’élimination physique d’un adversaire ou ennemi politique est difficilement justifiable s’il est effectivement innocent de ce dont on l’accuse. Ce qui est sûr c’est qu’il y a des témoignages qui attestent qu’Ahmed Sékou Touré, qui avait promis sa libération à de hautes personnalités étrangères, ignorait que Telli Diallo a été tué en prison. Mais il y a des vérités historiques qui ne peuvent passer aussi sous silence quand on veut procéder à une analyse objective des faits historiques. En effet, ce qui est franchement inadmissible, c’est la tentative, qui se retrouve dans de nombreuses publications, d’exploiter le prestige de Telli Diallo à tout bout de champ et de passer les faits suivants sous silence : La consécration de Telli Diallo à la tête de l’OUA, donc sa renommée sur le plan international a été, outre son mérite personnel, principalement l’œuvre de la Direction du PDG, en particulier Ahmed Sékou Touré. Cela est un fait établi et la tentative de l’édulcorer, de le travestir ou de l’omettre est inacceptable. Avant octobre 1958, Telli Diallo était un illustre inconnu en Guinée sur le plan politique: il n’avait joué aucun rôle dans la lutte pour l’indépendance du pays ; il n’avait soutenu aucun parti politique, aucune grève des travailleurs, encore moins participé aux différentes élections pour se faire connaître et apprécier à l’intérieur du pays par les Guinéens. À l’extérieur de la Guinée, seuls les cercles coloniaux de Dakar, des parlementaires, le connaissaient; il ne participait à aucune manifestation des Guinéens à Dakar ; fonctionnaire français, il continua d’exercer discrètement sa fonction de chef de cabinet du gouverneur général de l’ AOF à Dakar, en s’occupant particulièrement du courrier chiffré des colonies relevant de l’AOF ; et quand bien même la contestation de l’état de domination coloniale se généralisait, il ne participa à aucune rencontre, à aucun débat sur les rapports franco-africains qui se déroulaient en Afrique et en France, à l’époque ; il assurera le secrétariat général du Grand conseil de l’ AOF à partir de 1957, ce qui permettra à l’autorité fédérale française de mieux encadrer et de suivre grâce à lui les activités de cette institution devenue majoritairement RDA. Ce qui rend d’ailleurs difficile l’étude de la vie de Telli Diallo en tant que fonctionnaire français jusqu’en octobre 1958, c’est l’inaccessibilité à son dossier, du moins si l’on en croit André Lewin; à la page douze de son livre déjà 2

41In : La Lance, n°353, 1er septembre 2003, p.8.

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signalé, quand celui-ci (272) se serait rendu au ministère de la Justice français où le dossier administratif de Telli Diallo se trouverait, il n’avait pas pu le consulter: il lui aurait été répondu « qu’en raison du caractère délicat des pièces qu’il contenait, il ne pouvait » lui « être ouvert, même pour simple consultation ». L’autorisation de consultation exigerait « un délai de cent vingt ans après la date de naissance de l’intéressé. D’où cette réflexion accusatrice et les sept questions compromettantes qu’Alsény René Gomez et les autres auteurs de la « littérature de douleur » ont certainement lues dans le livre d’André Lewin : La réflexion : «Pour qu’aucune dérogation, rarement accordée, mais possible malgré tout, n’ait été envisagée, il faut qu’il y ait dans le dossier Diallo Telli quelques pièces particulièrement intéressantes et délicates, dont la publication causerait aujourd’hui encore remous ou controverses ». Les sept questions : « De quoi peut-il s’agir ? De révélations sur certaines circonstances entourant son départ de France en 1958 ? De clause ménageant son statut administratif de magistrat français en dépit de sa position de mise en disponibilité ? De précautions prises à l’égard de la situation financière et d’une éventuelle réintégration dans l’administration française? De papiers établissant des liens avec des officines occultes ou des groupes d’opposition ? Ou tout simplement de lettres personnelles par lesquelles Diallo Telli proclamait solennellement, et malgré les circonstances, son attachement à la France et se justifiait des accusations d’ennemi de ce pays dont il était régulièrement l’objet ? Faudra-t-il vraiment attendre l’année 2045 pour en savoir davantage? ». D’autant plus que l’espoir fait vivre, mais l’attente tue… Enfin, quand survint le référendum, Diallo Telli continua son séjour vacancier sur la Côte d’Azur (France) ; il semble n’avoir même pas voté le 28 septembre 1958, car il était dans l’embarras, selon André Giresse, Président de la Cour d’Assises de Paris, et Philippe Bernert : convaincu que la Guinée rejettera le projet constitutionnel il s’exclama : « -Qu’est-ce que je vais devenir ? sanglotait-il sur le pont de la Concorde, à deux pas du Parlement. Je suis tout de même Français ! » (273). Sékou Touré connaissait la position idéologique de Telli Diallo et sa francophilie. Il fit quand même appel à lui, comme à beaucoup d’autres Guinéens de la diaspora, pour que tous viennent servir leur pays. Il ne tint aucun compte de l’attitude politique des intéressés. Telli Diallo ne démissionna pas de l’administration française comme les autres l’avaient fait ; il demanda et obtint sa mise en disponibilité ; ce qui lui permettrait s’il fuyait ou quittait la Guinée de réintégrer la Fonction publique française ; il rentra en Guinée le 3 octobre 1958. 272

André Lewin. Diallo Telli, le tragique destin d’un grand Africain, op.ci.,p.12. André Giresse, Philippe Bernert. Seule la vérité blesse, l’honneur de déplaire. Paris, Plon, 1987 .p.53. 273

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Des questions doivent être posées à ceux qui prétendent qu’Ahmed Sékou Touré était jaloux de lui . C’est le Président Ahmed Sékou Touré. - Qui le nomma ensuite, par décret, ambassadeur itinérant le 13 octobre 1958 avec Naby Youla et Faraban Camara ? - Qui le prit, puisqu’il parlait anglais, dans ses différentes délégations, pour ses voyages à Monrovia, au Ghana, etc. ? - Qui l’envoya à Londres pour obtenir le soutien du gouvernement anglais en vue de l’admission de la Guinée aux Nations Unies, mais en vain ? - Qui l’envoya à l’ONU pour présenter la candidature de la Guinée que le Japon et l’Irak, soutenus par les pays socialistes et les pays arabes, présentèrent au Conseil de Sécurité et à l’Assemblée Générale ; le nouvel État fut reconnu le 12 décembre 1958. Le gouvernement guinéen exprima au Japon « l’expression de la plus vive reconnaissance de la République de Guinée », et à l’Irak « les remerciements les plus chaleureux du Peuple et du gouvernement guinéens pour les efforts déployés à cette occasion par les disposés représentants de votre pays » (274) ? Telli Diallo ne put rien faire avant l’admission de la Guinée. -Mais tout en se battant pour l’exécution correcte des instructions reçues de son gouvernement, Telli Diallo aurait eu un cas de conscience, au cours de son séjour à New York : il aurait eu peur de prendre position contre la France dans l’affaire algérienne. En effet, si l’on en croit André Lewin, qui a rapporté le fait et qui l’illustre par ce témoignage : l’ambassadeur de France, Georges-Picot, lui aurait dit: « Diallo Telli m’est apparu, dès notre première rencontre, comme un ami de la France, très préoccupé de rien faire qui nous soit désagréable. La seule façon d’éviter cela, ou au moins d’en retarder autant que possible le moment, était de ne pas précipiter l’entrée de la Guinée à l’ONU et de la reporter en fin de session, quand les discussions et les votes sur les questions à l’ordre du jour, et notamment sur l’affaire algérienne, seraient terminés. C’est ce que souhaitait Diallo Telli, car il savait bien qu’une fois entré à l’ONU, il serait lié par des instructions catégoriques de voter contre nous dans le débat algérien et il m’a supplié de faire tout mon possible pour lui éviter cette situation » (275). C’est encore Ahmed Sékou Touré : - Qui le nomma, par décret, d’abord Représentant Permanent de la Guinée à l’ONU, cumulativement ambassadeur de Guinée à Washington, puis ambassadeur de Guinée à Washington, encore Représentant Permanent à l’ONU. - Qui le chargea de convoyer, avec d’autres cadres guinéens, des messages auprès de chefs d’État africains en vue de la création de l’OUA.

274

In : Guinée matin, 16 décembre 1958. André Lewin, Diallo Telli.Op.cit. p.71.

275

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- Quand l’élection du secrétaire général de l’OUA fut reportée au deuxième sommet (17 -21 juillet 1964), au Caire, le président Nasser demanda à son collègue guinéen d’accepter que la Guinée préserve les idées des partisans d’une unité continentale véritablement indépendante en proposant un candidat guinéen. Ahmed Sékou Touré accepta la proposition. Mais il songea d’abord à Abdoulaye Diallo « Soudan »,vice-président de la fédération Syndicale Mondiale et Président de la Conférence des Peuples africains, donc mieux connu que Diallo Telli sur le plan mondial et africain; quand Abdoulaye Diallo l’a su, il s’ouvrit à Ismaël Touré, membre du Bureau Politique national du PDG et lui dit que le choix de Telli Diallo par le président doit être maintenu pour des raisons suivantes : Telli Diallo est plus jeune que lui, donc plus alerte ; il est magistrat ; il parle anglais ; il a été représentant permanent de la Guinée aux Nations unies, il dispose donc de plus d’expériences internationales actualisées ; il est connu par Houphouët-Boigny, le chef de file des « modérés » qui le craindraient moins puisqu’il a été secrétaire général du Grand Conseil de l’ AOF dont le Chef de l’ État ivoirien était membre ; Telli Diallo a donc, dans l’action qui s’engage, une meilleure position et dispose de plus d’atouts que lui. Convaincu, le Chef de l’État guinéen a rejoint ses collègues au Caire. - Ahmed Sékou Touré n’hésita pas de vite leur proposer la candidature de Diallo Telli pour son élection, le 17 juillet 1964,comme secrétaire général de l’organisation continentale ; celui-ci fut élu contre Mongi Slim (Tunisie), Émile Zinzou (Dahomey) et Tesfaye (Éthiopie) par 23 sur 33 voix ; les chefs d’État tenaient à récompenser les efforts fournis par la Guinée pour la naissance de l’OUA et sa contribution aux mouvements de libération nationale; toute autre version de cette élection comme celle d’André Lewin, est de la pure fable ; seules les sources documentaires primaires de l’ OUA peuvent l’attester, et non les témoignages intéressés de gens auxquels « on aurait dit que…», « tel m’a dit que…», parce qu’ils n’ont pas assisté au sommet du Caire (Égypte) et n’ont pas voulu approfondir la recherche sur cette élection. C’est l’occasion de reprendre le démenti que nous avions fait de certaines affirmations d’André Lewin, auxquelles celui-ci n’a pu démentir de son vivant. C’est ainsi également que N’Faly Sangaré a dû aussi réagir à propos du passage de son livre sur Telli Diallo dans lequel André Lewin affirme : « …Sékou Touré songe également, dit-on, à présenter la candidature … de N’Faly Sangaré » (276) contre Telli Diallo. Pour se justifier, il soutient, dans sa réponse adressée à l’intéressé qui lui avait fait tenir une lettre de protestation, que «ce n’est pas une affirmation, mais l’évocation, au conditionnel, de quelque chose que l’on a affirmé devant » lui (277). Il ne dit pas où cela a été affirmé et qui l’a affirmé parce que cela a été tout simplement inventé par lui; il nie l’avoir écrit pour diffamer N’Faly Sangaré, mais il a réussi à convaincre, il est vrai trop 276

Idem p.131. Lettre du 16 Hi. 1999 à NFaly Sangaré.

277

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facilement, les ennemis historiques du leader guinéen que celui-ci était contre Telli Diallo. Il suffit d’écouter Alain Focca à RFI dans sa gymnastique verbale sur l’ancien secrétaire général de l’OUA.Or, s’il n’avait pas une mauvaise intention, il aurait pu vérifier « ce que l’on a affirmé devant » lui, d’autant plus que N’Faly Sangaré, par la place qu’il occupait dans la société et les fonctions qu’il exerçait, aurait pu lui donner d’autres informations plus objectives, comme citées déjà. - C’est enfin Ahmed Sékou Touré qui confirma Telli Diallo, sans hésiter, par décret du 28 juillet 1964, le mettant et de façon indéterminée, à la disposition de l’OUA, comme l’exigeait le texte fondateur de cette institution. -C’est encore le gouvernement dirigé par Ahmed Sékou Touré qui présenta sa candidature au sommet d’Alger (13 au 16 septembre 1968) et battit campagne pour son mandat qui fut renouvelé, alors que des résistances se manifestaient déjà contre ce renouvellement : les autres États estimaient que la Guinée risquerait de monopoliser le poste. « Au début, Telli Diallo jouait le jeu ; il faisait correctement son travail parce qu’il nous apprenait beaucoup de choses, nous informait des antennes de la CIA qui sillonnaient la Guinée ; c’est lui qui venait dire au Président qu’il connaissait leurs antennes; celui-là ne doutait pas de lui parce qu’il lui paraissait sincère et venait dire ce qui était vrai », nous apprend Youssef Attaher Maïga. Mais dès qu’il fut pris en main par des opposants que son aura inquiétait et qu’il fut battu aux élections de 1972 à Rabat, on fit véhiculer les accusations gratuites et malveillantes à l’encontre d’Ahmed Sékou Touré ; des faits pourtant évidents et connus de tous sont désormais falsifiés de façon éhontée ; et comme le ridicule ne tue pas certains opposants historiques et affabulateurs qui s’agitent depuis lors, même la paternité de la candidature aux deux mandats, 1964 et 1968, est désormais attribuée à d’autres pays : il aurait été élu en juillet 1964 « contre la volonté de Sékou Touré » et « grâce au soutien appuyé des présidents égyptien… et algérien… »; réélu en 1968 « grâce au concours de l’Algérie », « battu » en 1972 parce que « lâché par les autorités politiques de son pays », selon le journaliste Boubacar Yacine Diallo (278). Or, celui-ci sait que cette version jure avec la vérité des faits; mais animé par la haine, et ayant à remplir une mission dans la stratégie globale du dénigrement de Sékou Touré et de ses compagnons de lutte, il reprend ces inepties sans s’apercevoir des contradictions flagrantes qu’elles renferment et sans aboutir à cette conclusion logique : Telli Diallo a été élu en 1964, réélu en 1968 parce qu’il avait été présenté par la Guinée, après une intense propagande auprès de nombreux États qui se fatiguaient de lui. Et puis, si ce que racontent les « fabulistes » était vrai, pourquoi les États qui soutenaient Telli Diallo avaient fini par l’abandonner au neuvième sommet à 278

Boubacar Yacine Diallo. D’un régime à l’autre. Conakry, Éd. Arc en ciel, 1996,pp.38-39.

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Rabat (12-15 juin en 1972) où il a été battu pourtant à bulletin secret par NZo Eka NGaki du Cameroun? (279). Pour celui qui connaît le mécanisme du choix des secrétaires généraux de l’ OUA et des liens idéologiques et politiques existant entre les chefs d’État d’Égypte, d’Algérie et de Guinée à l’époque, la fausseté des affirmations du journaliste Boubacar Yacine Diallo reprenant des affirmations déjà contenues dans des interviews et écrits indigestes est évidente. En effet, a) Pour être élu secrétaire général de l’OUA, il fallait être présenté par son pays afin de bénéficier de l’appui et du « soutien » des autres membres de l’organisation. Et le gouvernement guinéen n’hésita pas à présenter la candidature et faire la propagande pour Telli Diallo en 1964 et en 1968. b) Si donc Telli Diallo a été élu et réélu, c’est que le gouvernement guinéen avait bien voulu présenter et soutenir sa candidature auprès des autres chefs d’État membres, alors qu’il n’était pas, en Guinée, le seul, ni le meilleur cadre capable de remplir la mission confiée à un secrétaire général de l’OUA : Abdoulaye Diallo « Ghana » était plus connu ; il avait déjà une audience sur le plan international et politiquement mieux formé ; il était du secrétariat général de l’UGTAN, secrétaire général de la Conférence des peuples africains, connu de tous les leaders africains, de tous ceux qui avaient conduit leur pays à l’indépendance et qui constituaient les chefs d’État électeurs du sommet; mais craint pour ses idées progressistes ; c’est pourquoi c’est Telli Diallo qu’Ahmed Sékou Touré préféra présenter, certes pour sa stature intellectuelle, mais aussi et surtout pour des raisons politiques: l’Afrique francophone dont les leaders, tel Houphouët-Boigny, avaient été, pour la plupart, des grands conseillers de l’ AOF, l’acceptait, le connaissant mieux pour l’avoir pratiqué quand il fut envoyé au Grand Conseil comme secrétaire général ; son élection rassurait donc les chefs d’État de « l’Afrique des modérés » alors que celle d’Aboulaye Diallo risquait de raviver les opposions entre les chefs d’État. C’était également une marque de confiance ; Sékou Touré ne voulut présenter ni la candidature d’Ismaël Touré, son jeune frère, ni celle de N’Faly Sangaré, son beau-frère, comme le soutient André Lewin qui aime la confusion et tente toujours de créer la suspicion à propos de tout acte politique posé par Sékou Touré, sur la base des « on-dit », « j’ai appris » ou « on m’a dit », donc sans préciser la source de son informateur, comme il sied à tout chercheur sérieux; rien n’obligeait Sékou Touré à proposer la candidature de Telli Diallo et aucun autre gouvernement africain ne l’aurait fait à la place de celui de la Guinée, ne serait-ce que par politesse ; nous avons d’ailleurs vu que certains de ces pays avaient aussi leurs candidats tout aussi valables à présenter.

279

Qui sera remplacé par son compatriote, Williams Etéki MBoumoua au sommet de Mogadiscio, 12-16 juin 1974.

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Ce n’est donc pas cette attitude malveillante de témoins ethnocentriques et opportunistes qui doit inciter à méconnaître la profondeur de la gratitude que Telli Diallo exprima dans une lettre, en 1969, au Président Sékou Touré en ces termes : « Votre confiance et celle de nos amis désireux de rendre hommage à la contribution guinéenne au combat de libération et de réhabilitation de l’Afrique m’ont amené au poste ingrat et si difficile que j’occupe aujourd’hui » (280). À preuve, pour avoir été « lâché », selon le journaliste Boubacar Yacine Diallo, par le gouvernement guinéen en 1972, Telli Diallo a été effectivement battu, alors qu’il était soutenu par le Sénégal et le Nigéria. La mauvaise foi des ennemis de l’ancien régime est donc évidente. En fait, trois raisons fondamentales et avérées, connues de ceux qui ne cherchent pas leurs arguments chez les historiens du week-end ou les « fabulistes », semblent expliquer l’échec de Telli Diallo à Rabat en juin 1972 : a) La position officielle de la Guinée était connue: les autorités guinéennes tenaient désormais à un roulement du secrétariat général entre États membres afin que l’OUA garde son importance et que la Guinée ne soit plus accusée de vouloir monopoliser le poste à son seul profit; Ahmed Sékou Touré qui tenait à l’organisation continentale et avait été sollicité, par ses pairs, tel Ahidjo, demanda vainement à Telli Diallo de renoncer à un troisième mandat, dans l’intérêt de l’Afrique. b) L’entêtement de Telli Diallo: fort des promesses d’appui de certains chefs d’État, celui-ci maintint sa candidature que le gouvernement guinéen présenta sans aucun soutien déclaré ou non, connaissant déjà l’issue de la consultation et la détermination des autres membres de ne plus élire un Guinéen, qu’il fût Telli Diallo ou autre, à ce poste que chacun d’eux enviait désormais. Sûr de sa réélection même sans l’appui du gouvernement guinéen, Telli Diallo ira jusqu’à refuser, à trois reprises, de répondre à l’invitation du chef de la délégation guinéenne, le ministre Lansana Béavogui en vue d’un entretien préalable ; et c’est au dernier moment qu’il accepta difficilement de lui rendre une visite de courtoisie. La délégation guinéenne présenta cependant sa candidature et vota en sa faveur, mais ne fit rien auprès des autres chefs d’État. c/ Les « indiscrétions » de Telli Diallo seraient la troisième raison de son échec pour un troisième mandat, relate Magatte Lô, dans son ouvrage (281). Ayant été dénoncé dans le complot Kaman-Fodéba en 1969 et de peur d’être arrêté en Guinée à son retour, à la fin de son mandat, Telli Diallo tenait à obtenir un troisième mandat. Il s’en était ouvert à Magatte Lô qui aborda « la question avec le Président Senghor » ; celui-ci aurait promis de prendre contact avec son collègue camerounais, le Président Ahidjo, pour le retrait de son candidat en 280

In :Horoya-hebdo, 12-18 juillet 1969. Magate Lô. Sénégal, le temps du souvenir .Paris, L’Harmattan, 199, p.86-87.

281

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faveur du Guinéen. Senghor et son ministre profitèrent de la première réunion, à Monrovia, du « Comité des sages » chargé de réconcilier les Présidents Ahmed Sékou Touré et Léopold Sédar Senghor, pour débattre du problème et le soumettre au chef de l’État camerounais. Mais la procédure de rencontre arrêtée par ledit comité en vue de la réconciliation d’Ahmed Sékou Touré et des chefs d’État Léopold Sédar Senghor et Houphouët-Boigny va faire échouer le plan imaginé par le président sénégalais et son ministre décidé à aider Telli Diallo ; cette procédure fera connaître celui-ci sous son véritable jour qui ruinera l’estime et la confiance qu’avait Magatte Lô pour lui: il s’agissait d’« entendre séparément » d’abord Senghor et Sékou Touré « sur les griefs » de « chacun… à l’encontre de l’autre » afin d’aplanir les difficultés avant toute tentative de réconciliation ; le cas de Telli Diallo serait posé ensuite au président Ahidjo pour le retrait de son candidat. Le secrétaire général de l’OUA assistait aux rencontres séparées au cours desquelles chacun des deux chefs d’État en conflit exposait ses griefs contre l’autre. L’application de cette procédure amena le président Ahidjo à vite se rendre compte que « Sékou Touré était préalablement informé des arguments exposés par Senghor à la réunion du « Comité des sages » : il les réfutait avec précision et argumentait les siens ; Ahidjo attira l’attention de son collègue sénégalais sur cette indélicatesse, qui ne pouvait être, selon lui, que du fait de Telli Diallo, puisque celui-ci assistait aux réunions séparées. Les deux chefs d’État, Ahidjo et Senghor, finirent par découvrir que c’est effectivement le secrétaire général de l’OUA qui était l’informateur du chef de l’État guinéen. L’indignation de Senghor « était d’autant plus grande », affirme Magatte Lô, que, «quelque temps auparavant, il avait obtenu l’accord de principe de son ami Ahidjo pour le retrait de la candidature camerounaise au poste de secrétaire général de l’OUA, qui devait être mis en compétition à la fin du mandat de Diallo Telli. À l’époque, le candidat camerounais semblait avoir de meilleures chances pour obtenir ce poste ». Il ajoute, « je fus profondément choqué par le comportement de Diallo Telli, mais m’abstint de tout commentaire ». N’Zo Ekan N’Gaki Mboumoua, candidat camerounais, fut donc élu secrétaire général de l’OUA, par bulletin secret, contre Telli Diallo, par la faute de celui-ci et non pour avoir été « lâché » par son pays, comme l’affirme tendancieusement le journaliste Boubacar Yacine Diallo Alsény René Gomez a également « oublié » de signaler l’importante polémique déclenchée en décembre 1999 par l’épouse de Telli Diallo contre la décision du gouvernement de baptiser le nouveau palais présidentiel Sékhoutouréya(282): un membre de la famille d’Ahmed Sékou Touré, en l’occurrence sa nièce, madame Bintou Camara, avait réagi en janvier 2000 en adressant son « droit de réponse », le 10 janvier 2000 au journal La Lance, qui avait publié l’interview de Mme Telli Diallo ; le journal le reçut le 11 janvier 282

Sékhoutouréya, (chez Sékou Touré en soussou), le Palais présidentiel à Conakry

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2000, mais refusa de le publier ; Mme Camara dut contacter le journal L’œil, qui le publia sous le titre : « C’est la femme de Telli Diallo qui a informé Sékou Touré des menées criminelles de son mari » (283). « J’ai lu votre interview parue dans un journal de la place. J’en suis encore profondément choquée en pensant à tout ce qui nous a liés par le passé. Mais vous connaissant bien, je ne suis pas surprise que vous ayez couché de telles bassesses contre mon oncle. C’est le lieu de rappeler d’autres turpitudes que vous avez avancées au cours d’une émission dite « Célébrités d’hier ». Vous avez bavé sur le libérateur des humbles que fut mon oncle Ahmed Sékou Touré. J’avais bien voulu garder le silence en pensant que vous croyez au Bon Dieu et que c’est sous le coup de pouce criminel de toujours que vous aviez pu faire de telles déclarations. Mais à vous lire dans le journal, je me suis faite à l’idée que vous êtes une personne exécrable devant laquelle il ne faut pas garder le silence plus longtemps. Vous rappelez-vous de votre dernier séjour en Guinée avant l’indépendance ? Nous habitions à la Mairie. C’était en 1957-1958. Vous aviez été alors hébergés, vous, votre feu époux, vos enfants (ils étaient 3 en ce moment) par mon oncle feu Ahmed Sékou Touré, à l’époque cumulativement Secrétaire général du PDG-RDA, Maire de Conakry, vice-président du Conseil du Gouvernement, député à l’Assemblée Française, Grand Conseiller de l’AOF, etc. J’étais au collège de jeunes filles de Conakry et je logeais chez mon oncle. Ce jour, ma tante Andrée Touré vous a cédé sa chambre. C’est nous qui nous chargions de la garde de vos enfants. Quant à votre mari, Tonton Telli, il était inséparable de mon oncle en ce moment. Après le vote référendaire du 28 septembre 1958, je n’ai pas été surprise, forte des rapports que je pensais connaître entre les deux hommes, d’apprendre que Tonton Telli est rappelé par mon oncle et nommé 1er Représentant de la Guinée à l’ONU. De là au poste de 1er Secrétaire de l’OUA, ce n’était que la suite logique des choses et aussi un hommage à l’action personnelle de mon oncle que toute l’Afrique lui reconnaissait en réservant ce poste à un Guinéen. Tonton Telli n’y avait aucun mérite particulier, il le reconnaîtra dans une lettre adressée à mon oncle en 1969. J’ai suivi avec beaucoup de pitié pour vous tout le roman que vous avez brossé sur la création de l’OUA au cours de l’émission « Célébrités d’hier ». C’est dommage qu’une personne de votre âge et de votre expérience se mette à mentir sans ménagement, comme si Dieu n’existait pas. Heureusement que le temps travaille pour la vérité. Je vais révéler une autre confidence. Vous rappelez-vous quand votre époux, à la tête de l’OUA avait entrepris de refaire sa vie sentimentale avec une certaine « Salimatou », sa secrétaire, et la révélation que vous avez vous-même 283

In : L’œil, n°81, 26-28 janvier 2000.

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faite, dans une de vos plaintes contre lui à son ami et frère d’alors, mon oncle Ahmed Sékou Touré ? Cette liaison dangereuse pour votre ménage vous a poussée jusqu’à informer mon oncle des menées criminelles de votre mari contre notre peuple, qui venait, selon vous, de céder aux nombreuses démarches de Diallo « Tout Passe », du commandant Thierno Diallo et de Siradiou Diallo. L’adhésion de Telli à leur mouvement de déstabilisation de la Guinée fut rapportée à mon oncle par vous, en personne. Toute la famille peut en témoigner. Votre amertume face à cette double trahison (votre ménage et le pays) de votre mari vous a poussée à tenter de vous suicider en tentant de vous jeter du haut d’une fenêtre de la Présidence. C’est grâce au domestique El Hadj Sékou Condé et tante Andrée Touré, arrivés tout juste, que cette forfaiture ne fut pas commise sous leur toit. Vous rappelez-vous que vous fûtes la première accusatrice de Telli Diallo au Président Ahmed Sékou Touré ? Ce jour, le Président Ahmed Sékou Touré n’a pu dire que ceci : « c’est une épouse blessée dans son amour propre. Il faut la ramener à Labé, peut-être qu’en famille, elle reviendra à de meilleurs sentiments. Ce qui est sûr, c’est que mon ami Telli est en train de perdre une brave épouse », fin de citation. Les familles Saïfoulaye et Béavogui ont eu connaissance du drame. De retour de Labé vous avez insisté auprès du Président pour lui demander de ramener Telli auprès de lui, à cause de vous et de vos enfants, persistiezvous, mais aussi pour le sauver des perfidies de sa maîtresse qui serait la cause de son embrigadement dans le réseau de la trahison du pays. À cause de ce choc dont vous garderez toujours les séquelles, votre fils Thierno, sous votre gouverne, n’a-t-il pas essayé d’attenter à la vie de son père, Diallo Telli, ici même à Conakry ? Ne fut-ce pas mon oncle Sékou qui empêcha ce parricide ? Qui a alloué à votre mari la concession actuelle que vous occupez à Camayenne ? N’est-ce pas mon oncle Ahmed Sékou Touré que vous vouez aujourd’hui aux gémonies ? Vous jouissez de ses bienfaits et vous continuez à baver sur lui. Le Bon Dieu vous le rendra quand il vous rappellera à lui. Ne l’oubliez jamais. C’est Tonton Telli lui-même qui m’en a fait part en ces termes : « tiens, Bintou, Sékou m’a réservé un grand domaine à Conakry en me disant qu’au moins avec cette résidence, tu ne diras plus que tu n’as pas de poulailler en Guinée ». Je travaillais à l’époque à l’Ambassade de Guinée à Lagos. Madame, apprenez à vous gêner pour l’honneur de votre mari. La famille Touré se tait par dignité. Autrement, elle connaît profondément les dessous des gesticulations des uns et des autres. Mon oncle a fait don de sa personne au Peuple de Guinée. Que le Président Lansana Conté ait la grandeur de baptiser le Palais Présidentiel du nom combien illustre de « Sékhoutouréya » n’est que justice. Par cela, il s’est grandi devant l’histoire, n’en déplaise aux nains politiques et haineux.

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On ne fait pas l’histoire avec des valeurs négatives. La trahison, le mensonge, le tribalisme sont des valeurs négatives. Après la parution du livre d'André Lewin sur la vie de Diallo Telli, « un grand intellectuel » doublé de l’ami de votre famille, vous devriez vous ressaisir pour atténuer la honte qui vous attend le jour où la France et d’autres paysimpliqués dans les complots permanents contre la Guinée daigneront lever le sceau du secret défense sur les zones d’ombre de la vie de votre mari. Par contre, vous pourrez le grandir en attirant l’attention sur ce qu’il aura commis de positif, car tout n’est jamais mauvais chez l’homme. Dans ses rapports avec le Président Ahmed Sékou Touré, il a tort du début à la fin. L’histoire le dira un jour, même si vous n’êtes plus de ce monde ; et au jugement dernier, celui de Dieu, quand nous y serons tous réunis, votre mari baissera la tête devant Ahmed Sékou Touré. L’avenir nous en dira plus ». Nous espérions que la précision des révélations énoncées dans la lettre de Mme Bintou Camara allait provoquer une réplique ; une occasion de débat pour établir enfin le rôle exact de Telli Diallo dans le complot pour lequel il avait été arrêté ; de vérifier le bien-fondé de sa participation ou non aux des actions de déstabilisation déclenchées contre la Guinée dont il était accusé ; la responsabilité des uns et des autres dans sa mort. Car, cette accusation grave et inédite avait ému tous les milieux et l’on s’attendait à une réplique cinglante de la part de l’épouse de Telli Diallo ou toute autre personne de sa famille. Contre toute attente, aucune réaction ne vint infirmer le témoignage de Mme Camara depuis sa date de parution. Et l’on continue à se poser des questions sur les raisons de ce silence. « J’attends cette réaction, pour faire d’autres révélations » (284), nous affirma Mme Bintou Camara, quand nous avons voulu avoir des précisions. Telli Diallo était un personnage ayant à son actif des faits concrets: il avait la double nationalité (guinéenne et française) et n’avait pas démissionné de l’administration française alors qu’il fut représentant permanent de la Guinée à l’ONU, puis secrétaire général de l’OUA. En second lieu, il avait démenti, en 1969, dans une lettre à Ahmed Sékou Touré, avoir participé au complot Kaman-Fodéba, en ces termes (285): « Monsieur le Président et Cher frère, Dans le message télégraphique que je vous ai adressé à la date du 22 mai et dont je vous communique ci-joint copie à toutes fins utiles, je vous ai exprimé, dans toute leur nudité, les réactions que suscitaient en moi le très grand choc et la profonde indignation de la nouvelle concernant les accusations incroyables et monstrueuses portées contre moi et qui, par elles seules, me causaient auprès de notre peuple, auprès de notre parti et sa direction, peut-être auprès de vousmême. En tout cas, de l’opinion africaine et internationale, un préjudice 284

Sidiki Kobélé Keita. Entretien avec madame Camara Bintou, 26 janvier 2000. In : Horoya-hebdo, 12-18 juillet 1969.

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politique et moral difficilement réparable. La gravité de la situation intenable dans laquelle me plaçaient ainsi les instigateurs et les complices de ces intrigues criminelles m’avait alors secoué au point d’en perdre totalement le sommeil. Plus que tout autre, vous savez combien il ne pouvait en être autrement : vouloir me dissocier de tout ce à quoi je me sens lié par toutes les fibres de mon être et la profondeur de mes convictions, chercher à m’assassiner politiquement et moralement, tenter aussi manifestement de me discréditer auprès de mon peuple et me brouiller avec vous-même qui n’êtes pas seulement, pour moi, le modèle de toujours, mais le frère, le guide et le dirigeant dont j’ai partagé et continue de partager l’idéal, les convictions, l’amour de l’Afrique et que j’ai constamment cherché à servir de mon mieux, quelles qu’aient été les positions et les situations dans lesquelles je me suis trouvé tout au long de notre longue, fraternelle et fructueuse collaboration, c’en était vraiment trop, trop, trop ! Comment sortir de cette situation ? Je n’arrive pas encore à me faire une idée claire. Plus j’y pense, plus je me convaincs qu’il n’y a pour moi, dans la pénible solitude où je me trouve, aucune meilleure alternative que de m’en remettre à vous, à votre amitié, à votre compréhension et à votre sens de la justice pour m’apporter, selon les modalités que vous jugerez les plus appropriées, la réparation que méritent mon action à vos côtés, ma fidélité à notre pays, à ses intérêts, et mes efforts pour servir, au mieux, notre idéal commun et les intérêts supérieurs de l’Afrique. J’ai été horrifié à l’annonce par l’agence Reuter de la mention de mon nom sur la liste d’un gouvernement de trahison nationale que ma première réaction était de garder le silence tant il me paraissait impensable que je puisse être mêlé, directement ou indirectement, à un quelconque complot contre un régime pour le succès duquel j’ai offert et continue à offrir le meilleur de moi-même, pour le succès duquel il n’y a pas de sacrifice que je ne sois prêt à consentir de tout cœur, un régime dont les ennemis, en Afrique et hors d’Afrique, n’ont cessé, au cours des douze dernières années, de me déclarer une guerre sans merci, de multiplier les pièges, les intrigues et les actes de sabotage de toutes sortes. Au cours de ces douze dernières années, à l’occasion de toutes les épreuves imposées à la Guinée et à l’Afrique, les mêmes forces aux visages multiples qui s’opposent à notre combat légitime m’ont pris, vous le savez plus que tout autre, comme cible principale car, à travers moi, ce qui était visé, en fait, n’était autre chose que vous, inspiré, orienté et guidé au service de la Guinée, de l’Afrique et de l’humanité. Pour avoir eu le grand bonheur de vous représenter aux Nations Unies six années durant et d’avoir exposé à la tribune de l’organisation internationale le message guinéen et sa contribution spécifique dans la solution de tous les problèmes qui confrontaient alors le monde, j’ai dû vivre constamment à New York sous la menace des tueurs de l’OAS, des ligues coloniales de toutes sortes, des tenants de l’oppression raciale en Afrique australe et des représentants des diverses formes de l’impérialisme et du colonialisme que je n’avais cessé de

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dénoncer en votre nom. Et depuis que votre confiance et celle de nos amis désireux de rendre hommage à la contribution guinéenne au combat de libération et de réhabilitation de l’Afrique m’ont amené au poste ingrat et si difficile que j’occupe aujourd’hui, loin de désarmer, ces forces ont multiplié, raffiné et aiguisé leurs hostilités à mon endroit et intensifié leurs pièges, leurs manœuvres et leurs complots. Qu’il s’agisse de la crise congolaise en 1964-1965, du problème des mercenaires européens au Congo et en Afrique centrale, de la crise grave du Nigeria, des nombreux différends inter-africains ou du problème crucial de la décolonisation en Rhodésie, dans les colonies portugaises, en Namibie ou en Afrique du Sud, toutes les positions que j’ai prises, même dans les situations les plus difficiles afin de demeurer fidèle à la haute mission que vous m’avez confiée et au devoir impérieux qui en découle pour moi, ont déclenché contre moi, de façon constante et perfide, la haine et les intrigues des ennemis jurés de l’émancipation africaine. Ce qui s’est passé en septembre dernier à Alger lors du renouvellement de mon mandat n’est qu’une illustration, certes éloquente, de la détermination de ces ennemis d’abattre à travers ma modeste personne votre action à la tête de la révolution guinéenne. Ainsi, toute l’expérience que j’ai vécue au cours des douze dernières années montre à suffisance qu’en toutes circonstances, les ennemis de la Guinée et de l’Afrique ont cherché constamment à m’abattre et à m’éliminer. Les moyens ont pu être fort différents, mais l’objectif est demeuré toujours le même : éliminer un homme qui, par son action, ses attitudes et ses prises de position, constitue pour eux un élément insupportable du rayonnement de la révolution guinéenne. Dans ce contexte, je trouvais ces accusations si grossières qu’il n’y avait point, de ma part, aucune nécessité de les démentir, persuadé que j’étais que vous-même, frère président, plus que n’importe qui, savez à quel point de telles accusations sont étrangères et contraires à mon tempérament, à mon caractère, à mon attitude, mon action, bref, contraires à tout ce que vous savez de moi. Néanmoins, après de nouvelles réflexions et afin d’éviter que mon silence ne soit interprété d’une tout autre manière, j’ai tenu à vous adresser le message télégraphique du 22 mai. Car, en raison de la communauté totale de destin et des liens indissolubles qui me lient et me lieront toujours à notre peuple, à ses aspirations, à son combat historique, des liens particuliers qui me lient personnellement à vous, à votre poste de guide suprême de notre révolution, je vous dois, à tout moment, toute la lumière sur mon comportement, mes réactions et mes attitudes politiques dans le combat solidaire que nous avons engagé au service d’un idéal commun de liberté, de dignité, de justice, de progrès et de paix au service de nos peuples. Monsieur le président, comme il vous en souvient certainement, j’ai, au moins, à deux reprises dans le passé, le 3 octobre 1958 lorsque je vous ai rejoint à Conakry pour me mettre au service exclusif de notre pays sous votre haute

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direction et en octobre 1965 à Accra, en présence de Béavogui et de Kadiatou, l’occasion de vous affirmer et de vous confirmer que je me mettais entièrement et sans la moindre réserve à la disposition de la révolution guinéenne et que jamais quoi qu’il advienne et quel que soit ce que l’avenir me réserve, je ne participerai à une quelconque trahison contre mon peuple, ses institutions, contre vous-même et ce que vous représentez, par-delà la Guinée, pour l’Afrique et toute la communauté progressiste du monde. Cet engagement d’honneur, je ne le renierai jamais jusque dans la tombe. Je sais intimement que vous ne pouvez douter personnellement de ma totale sincérité comme de ma totale détermination à cet égard. Je vous demande de faire en sorte que votre compréhension dans ce domaine soit partagée par vos compagnons de lutte, par notre peuple et par tous nos alliés objectifs dans le combat historique que nous avons engagé sous votre haute direction. Encore une fois, je vous fais sur ce sujet capital, la plus entière confiance. C’est là, aujourd’hui la faveur ultime que je vous demande. C’est ma certitude que je ne pouvais pas mieux placer ma confiance. Ma conviction demeure que cette fois encore, tout comme par le passé, vous ne me décevrez point et c’est déjà là, pour moi, le début du réconfort et de la force indispensable pour continuer fermement et sans défaillance derrière vous sur le chemin ardu du devoir et de l’honneur. Fraternellement ». Cette lettre avait suscité des débats au sein de certains groupes d’intellectuels ; nous nous rappelons de celui que nous avions eu, un jour à l’Institut Polytechnique de Conakry (Université de Conakry), après lecture : alors que nous félicitions son auteur pour le contenu disculpateur de cette lettre, certains des adversaires de Telli Diallo considérèrent cette lettre comme un modèle d’hypocrisie. « On reste BABA devant tant d’hypocrisies enrobées dans ce français si élégamment mystificateur », nous rétorqua l’un de nos interlocuteurs. Certes, les soubresauts ont continué, mais l’attaque en règle, déclenchée contre Ahmed Sékou Touré depuis le 3 avril 1984 s’est, en fait, essoufflée: la vérité a fini par faire son travail auprès de ceux qui s’étaient laissés tromper par des menteurs professionnels. Une chose s’avère désormais vaine: l’argumentaire de l’arrestation soi-disant arbitraire et du décès de Telli Diallo avancé contre Ahmed Sékou Touré. D’autant que la réalité et la véracité du complot dans lequel Telli Diallo avait été impliqué sont établies et reconnues par l’un des principaux acteurs de l’opération, Amadou Diallo, dans l’ouvrage qu’il a écrit à Paris, à sa sortie de prison et intitulé La mort de Telli Diallo :tout en tentant d’innocenter l’homme qu’il avait lui-même dénoncé au Comité Révolutionnaire et qui fut arrêté le 18

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juillet 1976 (286),l’auteur y précise que l’opération de 1976 avait pour objectif le renversement du régime du PDG. Quant à l’échange de lettres entre Ahmed Sékou Touré et Telli Diallo, dont parle Amadou Diallo, il fait partie de ces légendes qu’on brode depuis quelques années pour salir la mémoire de Sékou Touré, faute d’arguments convaincants: si elle s’était produite, on aurait retrouvé les traces desdites lettres dans les archives du camp Boiro. Alsény René Gomez n’aurait pas hésité de publier lesdites lettres. Enfin, selon Alsény René Gomez, Siradiou Diallo et le Président Léopold Sédar Senghor faisaient partie des gens qui avaient déconseillé Telli Diallo de rentrer en Guinée après son échec devant N’Zo Ekan N’Gaki Mboumoua, nouveau secrétaire général de l’OUA à partir de 1972. Comment peut-il écrire de telles choses et vouloir innocenter Telli Diallo ? Après la déception de Senghor à Monrovia, suite au double jeu de Telli Diallo lors des travaux du comité de réconciliation, on voit mal le chef de l’État sénégalais donner des conseils à Telli Diallo. Alsény René Gomez a pêché là par ignorance ou mauvaise foi. L’auteur du « camp Boiro, parler ou périr » n’avait même pas vu de contradiction dans ce qu’il avait écrit. Telli Diallo aurait dû prendre les conseils ailleurs, s’il était sincère avec le régime ; ce n’est pas à Siradiou Diallo et auprès des ennemis connus du PDG qu’il aurait dû demander les conseils. C’est déjà une dénonciation, qui n’a pas besoin d’une longue démonstration. Dans tous les cas, c’est donc Alsény René Gomez qui nous révèle que Telli Diallo était en intelligence avec les ennemis du régime, les « Foccart africains ». « Avant de rentrer, le Président savait ce que Telli Diallo faisait, ce qu’il disait, affirme Youssef Attaher Maïga ; il n’acceptait pas qu’on arrête quelqu’un comme çà ; mais quand il constatait, par exemple, que quelqu’un est dans l’opposition ou était récupéré par celle-ci, il se disait que l’intéressé n’était peutêtre pas content de son sort ; il lui faisait une promotion en espérant qu’il va quitter le camp des ennemis ; malheureusement, si le type continue, c’est qu’il était désormais du côté des opposants. Par ailleurs, tout le monde sait que Telli Diallo avait été dénoncé au Président par son épouse; nous l’avons su grâce « au droit de réponse sus-cité de Mme Bintou Camara » auquel Mme Kadiatou Diallo, épouse de Telli Diallo n’a pas encore réagi malgré la précision des faits révélés. Un débat public contradictoire nous permettrait enfin de vérifier l’authenticité d’un fait qui nous a été rapporté lors de notre séjour à Dakar, le 2 avril 2001 : « Au moment où il était Secrétaire général de l’OUA et au plus fort des actions de déstabilisation contre la Guinée, Telli Diallo aurait été contacté

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Amadou Diallo. La mort de Telli Diallo. Op.cit.p.16.

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par la CIA pour remplacer Sékou Touré à la présidence de la République ; il dévoila le projet à celui-ci qui en informa aussitôt les Autorités américaines. À son retour définitif en Guinée, déçu de n’ avoir pas obtenu le Ministère des Affaires étrangères auquel il s’attendait et face à certains agissements du chef de l’ État guinéen à son égard, il voulut relancer le projet ; il prit contact avec des éléments de la CIA en Guinée et à l’ étranger ; se rappelant de l’ embarras dans lequel Telli Diallo les avait placées et estimant que l’intéressé ne pouvait plus être l’homme décisif qu’elles recherchaient, les Autorités américaines auraient communiqué la proposition de Telli Diallo au Chef de l’ État guinéen. »

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Hermann Seibold Directeur du projet Bordo (Kankan), Hermann Seibold, de l’ Allemagne Fédérale, fut accusé d’être le chef de la 5e colonne allemande en Guinée avec recrutement de Guinéens, en Haute Guinée, à Kankan en particulier; arrêté, il absorba du poison, « une dose mortelle de nivaquine » (287); en fait , Séibold voulait tromper la vigilance de tous ; l’effet de la dose avalée devait se faire sentir après quarante heures, le temps d’être transféré en Allemagne pour une crise cardiaque: ce qui aurait permis une rapide désintoxication; heureusement il ne fut pas libéré ; la dose était trop forte et la manigance avait été perçue très tôt ; il ne put aller en Allemagne ; il ne put donc être sauvé : ce fut un suicide significatif. Nous avons tenu à en savoir un peu plus en nous entretenant avec Sékou Diafodé Nabé, alors Directeur national de l’enseignement professionnel privé : il avait été élève à l’école nationale professionnelle de Bordo (Kankan) dont Hermann Séibold était le directeur ; ses souvenirs ont porté sur les faits suivants : 1. « Helmann Séibold était un gars minuscule qui passait inaperçu ; je ne dis pas que c’était un nain, mais il était trop petit ; quand il marchait avec les autres Allemands, il y avait toujours une distance qui le séparait d’eux ; en particulier, quand il était devant ou derrière eux, un ou deux mètres au moins les séparaient ; ceux-là ne se mettaient jamais à son niveau ». 2. Un jour, lors de la réfection de la peinture de la grande salle du réfectoire, il avait été décidé de peindre le portrait du président Ahmed Sékou Touré en noir et en blanc ; Hermann Seibold dit au peintre de ne pas trop foncer la partie noire ; Nabé s’étant étonné de cette instruction, Hermann Seibold lui répondit que s’il y a un autre président un jour, il serait difficile de gratter cette partie ; Nabé estima que s’il y a un autre président, on mettrait son portrait à côté de celui de l’ancien président au lieu de le gratter. « Aber nien » (mais non), s’écria Seibold ; cette réaction violente le surprit. 3. « Le 22 novembre 1970, nous étions au dortoir ; nous ne savions rien ; nous n’avions même pas une radio. Hermann Séibold, qui n’y venait jamais, vient nous voir, au petit matin, dans sa voiture ; nous sortîmes par curiosité ; il nous demanda: « vous n’avez rien entendu ?” Nous répondîmes en chœur: « rien ». Il nous quitta; une heure plus tard, l’administrateur de l’IPK nous fit avertir que la Guinée a été agressée ». 4. Un mois avant l’agression, M. Amen, professeur d’électromécanique, qui comptait ses jours de fin de contrat, nous dit qu’il était pressé de quitter la Guinée et nous révéla que quelqu’un va se prosterner, un jour, devant Sékou Touré, les bras croisés, pour lui demander pardon ; il ne veut pas que ce jour le trouve en Guinée : « Je suis content de partir avant ». 287

Alsény René Gomez. Op.cit.,p.168.

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5. Hermann Seibold se rendait souvent à Conakry ; quand il y eut l’agression, tous les Allemands firent le plein du véhicule, un Unimog Mercedes jaune, qu’ils devaient emprunter chargé de vingt jerricanes de vingt litres chacun, pour se rendre à Bamako et rejoindre leur pays ; quant à Hermann Seibold, il se rendit à Conakry, dans une voiture Volkswagen 1302 neuve ; il n’en était plus revenu : il fut arrêté en compagnie de son chauffeur, maître Cellou, qui sera relâché après vérification par la commission d’enquête ; il se suicida et le gouvernement allemand exigea son corps qui fut transféré en Allemagne. 6. « Le capitaine Siaka Touré était venu arrêter quatre de nos camarades élèves ; leurs noms avaient été trouvés dans une des poches d’Hermann Seibold ; nous avions eu peur qu’on ne vienne nous prendre après ; ces camarades avaient, en fait, été les seuls volontaires pour faire la menuiserie ; Hermann Seibold avait pris leurs noms pour les récompenser ; on voulait savoir qui étaient ces noms-là ; après l’interrogatoire, ils furent tous relâchés ; et on les fit venir par avion à l’école ; ils n’avaient subi aucune brutalité ». Après l’agression, Sékou Diafodé Nabé avait pu faire des rapprochements par rapport à certains détails comme le portrait puisque Hermann Seibold avait dit : s’il y a un nouveau président, il va falloir gratter, alors que Nabé pensait à une succession normale; « j’avais déduit qu’il savait quelque chose que moi je ne savais pas ; j’en ai conclu que Séibold ne pouvait donc ne pas savoir ce qui devait arriver le 22 novembre 1970 ».

Mgr Raymond-Marie Tchidimbo Sous la pression de Sékou Touré déclarant « qu’aucun archevêque ne sera accrédité auprès du Gouvernement de Guinée s’il n’est africain » (288) et reconnaissant le bien-fondé des exigences des autorités guinéennes, le Pape Jean XXIII nomma quatre archevêques africains ; - à Conakry (Guinée) : Raymond- Marie Tchidimbo - à Lomé (Togo) : Robert Dossahs - à Dakar (Sénégal) : Hyacinthe Tchiandoum - à Bamako (Mali) : Luc Sangaré Le sacre de l’archevêque de Guinée se déroula le 31 mai 1962 dans d’excellentes conditions avec l’apport financier et matériel des autorités guinéennes. Mais si jusqu’en 1966, l’Église catholique et le gouvernement entretinrent des rapports plus ou moins normaux, ceux-ci se détériorèrent rapidement. Persuadé que son titre d’archevêque et sa nationalité française (avec passeport français) lui assuraient la protection, Mgr Tchidimbo profita de chaque occasion pour braver les autorités guinéennes.Ainsi, quand les missionnaires, religieuses, prêtres laïcs, les évêques de N’Zérékoré (Mgr Eugène Maillat) et de Kankan 288

In: Horoya, 2 septembre1961.

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(Mgr Jean Baptiste Coudray), étrangers non africains, furent expulsés de Guinée en 1967 et quittèrent le territoire avant le 1er juin, il en fut meurtri et décida d’en découdre avec Sékou Touré. Or, celui-ci estimait que « si la Religion est une chose éternelle, il est mieux que ce soient les nationaux qui en assument la responsabilité » (289). Le rôle du missionnaire étranger est donc limité à l’évangélisation ; le réveil ne peut se faire qu’à travers les nationaux. Mgr Raymond-Marie Tchidimbo ne partagea pas ce point de vue. Sékou Touré effectua-t-il une tournée à l’intérieur de la Guinée avec l’Abbé Sock, un nationaliste sénégalais qui eut souvent à défier les autorités ecclésiastiques de son pays ? Tchidimbo renvoya ce dernier au Sénégal parce qu’il ne lui aurait pas demandé, au préalable, la permission. Par ailleurs, des contradictions profondes minaient l’Église guinéenne depuis longtemps ; elles avaient fini par éclater également au sein de la communauté catholique dont une bonne partie reprocha à Mgr Tchidimbo d’être intrigant ; elle mit même son intégrité morale et son comportement social en cause, dénonça son arrogance, son goût pour le luxe, alors que le clergé régulier et séculier vivait dans la misère, etc. L’agression du 22 novembre 1970 organisée contre la Guinée par des opposants guinéens et des militaires portugais survint entre temps ; Mgr Tchidimbo fut interpellé et incarcéré le 23 décembre 1970 pour complicité active avec l’ennemi ; ce qu’il reconnut lors de son interrogatoire (290) et son livre confirme son hostilité et sa volonté de contribuer à la liquidation du régime de la première République. C’est le lieu de faire la mise au point suivante : il a été dit que ce fut sous la torture que l’archevêque avoua son forfait. Nous pensons que celui-ci a plutôt agi en témoin de Jésus Christ. Or, le chrétien, témoin de Jésus Christ, ne peut, pour sauver son âme, renier celle-ci, renier sa foi ou faire de la compromission. Il est écrit dans la Bible « lorsque quelqu’un, après avoir été mis sous serment comme témoin, pêchera en ne déclarant pas ce qu’il a vu ou ce qu’il sait, il restera chargé de sa faute « (Lévitique 5 :1) ? Mgr Tchidimbo, ne voulant rien avoir sur sa conscience, n’a dit que la vérité, même si, à sa sortie de prison, il tenta vainement de se faire passer pour un martyr, s’étant rendu compte qu’il était allé trop loin dans ses aveux. Suite à de nombreuses et pressantes interventions effectuées par des personnalités ou institutions étrangères auprès des autorités guinéennes, il est libéré et expulsé le 7 août 1979 sur Monrovia ; il se rend à Paris le 22 août pour se faire établir « de nouvelles pièces d’identité française et y rencontrer », disaitil, « son ministre des Affaires étrangères et » son « président de la République », car « s’étant toujours senti bien dans sa peau de citoyen français », il affirme que « ce n’est pas pour les beaux yeux de M. Sékou Touré » qu’il aurait « troqué » sa 289

PDG.BPN.volume II.Op.cit ,p.271-293. Idem, op.cit pp.256-270).

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citoyenneté française contre la citoyenneté guinéenne » (291). Et pourtant, c’est grâce à Sékou Touré qu’il devint évêque.

Tibou Tounkara Alsény René Gomez affirme également que « les Guinéens, dans leur très grande majorité, étaient unanimes à reconnaître le patriotisme et l’intégrité » des ministres Tibou Tounkara et Diallo Alpha Taran » (292). Le cas de Dr Diallo Alpha Taran continue à nous étonner, en raison de sa capacité d’appréhension des faits sociaux et de l’intelligence de la lutte idéologique et politique en cours en Guinée. Quant à Tibou Tounkara, que nous avons connu quand il était ambassadeur à Paris alors que nous étions étudiant dans cette capitale, le témoignage d’un responsable influent de l’opposition extérieure, ne nous a pas surpris ; Dr Charles Dianè dément l’allégation de René Gomez ; il soutient que Tibou Tounkara était en intelligence avec les adversaires extérieurs du régime tout en étant membre du gouvernement guinéen, ministre résident de région en Forêt: « J’étais de l’opposition guinéenne ; je militais dans le regroupement des Guinéens à l’extérieur. Et personnellement, j’étais en relation avec mon ami feu Tibou Tounkara ; je crois qu’il était, à cette époque-là, ministre résident à N’Nzérékoré. Et on se passait des messages avec énormément de prudence. D’ailleurs, j’avais réussi à le sortir de N’Nzérékoré pour l’amener au Libéria » (293) Ce témoignage ne figure pas dans la déposition de Tibou Tounkara et personne ne l’a encore démenti; quand il vivait, aucune instance judiciaire n’a été saisie d’une plainte en diffamation contre Dr Charles Dianè. Mais évoquons encore cet autre témoignage, cette fois de Youssef Attaher Maïga, un ami intime, à l’époque, de Tibou Tounkara : son arrivée inattendue, le vendredi 20 novembre 1970, à Labé, donc l’avant veille de l’agression du 22 novembre 1970 de Conakry et à quelques jours de celle de Koundara les 26, 27 28, 29 novembre 1970, alors qu’aucun ministre de région en particulier ne devait bouger, depuis quelque temps, de sa résidence ; Tibou n’était prévu ni dans la délégation venant de Conakry, ni attendu dans la région de Labé bien loin du siège de son ministère. Ainsi, accepté malgré tout au sein de la délégation du parti, Tibou Tounkara fut envoyé en éclaireur à Gaoual et Koundara dès le 22 novembre 1970, à la tête d’une délégation chargée de sensibiliser la population à la vigilance surtout le long de nos frontières; le même jour la délégation revint à Labé estimant qu’il n’y avait aucun indice d’agression dans la région ciblée, leur a-t-on assuré. Ce rapide retour à Labé surprit ; d’où cette réaction du chef de la délégation du BPN 291

Raymond –Marie Tchidimbo. Noviciat d’un évêque. Paris, Fayard, 1987,P.156. Alsény René Gomez.Op.vit, p43). 293 Dr Charles Dianè. In : L’Enquêteur, n°15, 21 novembre -6 décembre 2002, p.7. 292

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en Moyenne Guinée, Mamadi Keita, à les voir arriver le 26 novembre 1970, à Labé : « qu’est-ce que vous faites ici, alors que Gaoual et Koundara ont été attaqués ce matin ?» Mais aucun des membres de la délégation ne le dénonça. Tibou Tounkara était-il venu rencontrer, à Labé, Émile Cissé, qui avait déjà reçu des instructions ou des indications sur cette opération ? Il ne le dit pas, même dans sa déposition ; il précise seulement dans celle-là ce qu’on attendait de lui : « mon rôle consistait à aider, à Labé, pour que l’agression réussisse » (294). Ce qui permet d’ailleurs de préciser qu’il n’ y a jamais eu de commission d’enquête à Koundara: « le jour de l’ agression, affirme Youssef Attaher Maïga, une équipe politique y a été dépêchée pour aider à la mobilisation et au renforcement de la vigilance le long de nos frontières avec la Guinée-Bissau ; cette mission était conduite par Tibou Tounkara et j’étais adjoint ; elle comprenait Sako Mohamed, du Comité National de la JRDA, le lieutenant Dian Baldé, qui était à la Sûreté de Labé, et le lieutenant NDaw , de la Milice Populaire ». Tous ces faits rendent difficilement crédible l’appréciation d’Alsény René Gomez sur Tibou Tounkara.

Kindo Touré C’est un ancien prisonnier du camp Boiro; Alsény René Gomez a beaucoup emprunté à son ouvrage sans le citer (295) publié en 1989 et considéré par beaucoup de lecteurs comme un vrai roman qui ne contiendrait que des faits arrangés, cet ouvrage semble confirmer certains dans leur conviction que Kindo Touré n’aurait pas dit la vraie raison de son arrestation. Ce qui a provoqué le témoignage d’El hadj Banka Sako reproduit, en 2002, dans notre ouvrage sur les complots dénoncés par l’ancien régime (296). Selon Kindo Touré, il lui aurait été reproché l’envoi d’une note personnelle « adressée dix mois plus tôt au capitaine Abou Soumah (297), alors chef de bataillon Nzérékoré à propos du procès-verbal d’interrogatoire dudit capitaine relatif à « la disparition de masque à Gama (Nzérékoré) » dont celui-ci était accusé. 294

PDG.BPN.Volume II.op.cit.p173. kindo Touré.op.cit. 296 Sidiki Kobélé keita. Des complots…Op.cit.pp 297 Capitaine Abou Soumah avait été incarcéré au camp Boiro pour participation au complot Kaman-Fodéb, en 1969. Il profita de la confusion créée par l’agression du 22 novembre 1970 dont il était informé pour fuir dès sa sortie de prison -il fut le seul à pouvoir s‘enfuir - en empruntant le véhicule de service d’un commissaire de police complice et s’exiler en France étant marié à une Française. Et où il semble avoir participé, selon des documents publiés dans la revue RDA, n°69, sans succès à toutes les actions de déstabilisation contre la Guinée jusqu’en avril 1984. Il avait, auparavant, fourni, au capitaine portugais Alpoim Calvao, un rapport détaillé sur le camp Boiro. Il avait offert ses archives au Président de la République le général Lansana Conté, à son retour en Guinée, après le coup d’État du 3 avril 1984. 295

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Cette version a été fermement contestée par un ancien directeur général du service de Police, El Hadj Sako Banka, qui nous a accordé une interview que nous avons déjà publiée et qui n’a jamais été démentie par Kindo Touré. « C’est un cas de haute trahison, affirme celui-ci ; Kindo Touré était aux renseignements généraux où il avait extrait des informations reçues sur le Complot KamanFodéba, le passage d’un rapport d’enquête consacré au capitaine Abou Soumah qui n’avait pas détruit la lettre. Et à la suite de la perquisition effectuée à son domicile après son arrestation, la police a retrouvé ladite correspondance et Kindo a été arrêté… ». Nous espérions, en rapportant ce témoignage, une réaction de la part de Kindo Touré, qui aurait lu notre livre, afin de donner plus de détail et provoquer une confrontation entre l’informateur et lui. Mais ce fut un silence significatif, comme savent le faire ceux qui se disent victimes du camp Boiro, mais refusent tout débat public contradictoire sur l’histoire de la première république parce que rempli de trop d’imprévisibles.

Naby Youla A propos de Naby Youla, Alsény René Gomez écrit : « Pour la petite histoire, il faut rappeler que l’ambassadeur Naby Youla, après avoir longtemps servi son pays en Europe occidentale, avait choisi l’Afrique et plus précisément le Zaïre comme lieu de retraite pour mettre ses compétences à la disposition du président Mobutu. Ce faisant, il voulait s’éloigner de la Guinée, et espérait ainsi se faire oublier de Sékou Touré. Une fois de plus, ce dernier n’avait pas failli à sa réputation de tueur. En effet, sur son initiative, un groupe de tueurs dirigé par Momo Jo fut dépêché à Kinshasa pour aller éliminer l’hôte du maréchal. Les envoyés spéciaux furent accueillis et désarmés à l’aéroport avant d’être fraternellement hébergés par le gouvernement. Après la visite de quelques sites touristiques, ils furent embarqués quelques jours après pour Conakry, bien entendu sans leur arsenal », précise Alsény René Gomez (298). Nous sommes sincèrement surpris qu’Alsény René Gomez ait rapporté un fait qui ne résiste à aucune analyse objective et qui jure avec des témoignages vérifiables. Mais il omet surtout d’autres faits qui sont d’une extrême importance pour une meilleure connaissance du rôle de Nabi Youla dans l’histoire contemporaine de la Guinée. Ainsi, Alsény René Gomez ne dit pas que Nabi Youla était en France et avait voté « oui » quand le Peuple de Guinée votait « Non » le 28 septembre 1958 pour son indépendance ; ce qui était son droit, au demeurant et que Sékou Touré ne lui en avait jamais fait le reproche. La preuve est que malgré cela, il avait été nommé, par décret, ambassadeur itinérant avec Faraban Camara et Telli Diallo dès le 13 octobre 1958 ; il avait été Ambassadeur de Guinée à Paris, secrétaire général de l’Assemblée nationale 298

Alsény René Gomez.OP.cit p.155.

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guinéenne, secrétaire d’État à l’Information, deux fois ambassadeur à Bonn (Allemagne), -ce qui est très rare dans la diplomatie-, d’où il avait démissionné, le 31 mars 1967 dès qu’il apprit qu’il était affecté à Belgrade capitale de la République de Yougoslavie un pays socialiste ; or, il n’aime pas le communisme ou le socialisme: déjà il avait refusé le poste d’ambassadeur à Moscou ; Nabi Youla considéra cette nouvelle affectation comme un acte inamical. Aussi, sous la contrainte du FLNG, «le comité clandestin de Paris » que signale Jacques Baulin, il fit parvenir ce télégramme au chef de l’État guinéen : « Face à votre hostilité personnelle de plus en plus marquée, j’ai décidé de demander à être libéré de mes fonctions dans l’administration que vous dirigez. Stop. En conséquence je vous présente ma démission avec l’assurance de ma fidélité à la cause sacrée du Peuple de Guinée. Stop ». Selon le conseiller personnel du Président Houphouët-Boigny, Jacques Batmanian, alias Jacques Baulin, d’aucuns ont vu « dans cette désertion, les prémices d’un coup d’État à bref délai » (299).Il faut noter que des militaires qui faisaient leur stage en Allemagne du temps de Nabi Youla avaient aussitôt fui ce pays pour la France dès que le complot Kaman-Fodéba avait été dénoncé. La réponse du Président Sékou Touré fut immédiate et positive: « Vous remercie du contenu et de la forme de votre message et donnons satisfaction à votre volonté. Stop. Sentiments fraternels ». Une circulaire du Ministère des Affaires étrangères informa les missions diplomatiques guinéennes de sa démission dès le 6 avril 1967. Nabi Youla tint à continuer la lutte contre le régime de la Première République ; il fit, par exemple , pression sur le président Houphouët-Boigny pour qu’il ne fléchisse pas et ne relâche pas les délégués guinéens que les autorités ivoiriennes avaient arrêtés à l’escale d’Abidjan, venant de New York, le 26 juin 1967; selon Jacques Batmanian (300), Nabi Youla lui avait demandé de transmettre au président ivoirien le message suivant : cette « mésaventure » était un moyen de pression particulièrement efficace, « car, Béavogui est le féticheur de Sékou Touré : c’est lui qui procède aux sacrifices des Albinos ; son élimination du circuit guinéen, par la Côte d’Ivoire, est susceptible de provoquer un déséquilibre grave au sein des différents courants et d’accentuer l’instabilité du régime guinéen ». Le conseiller personnel du président ivoirien dit que Nabi Youla ajoutait qu’ « il faut que le Président Houphouët-Boigny sache que toute mesure de clémence de sa part, loin d’être interprétée comme telle en Guinée, sera considérée comme une capitulation ivoirienne et une nouvelle victoire de Sékou Touré. Le président Houphouët doit savoir qu’il y va de son prestige ». Croyant que ce message ne serait pas transmis au destinataire, Nabi Youla avait sollicité une audience auprès du chef de l’État ivoirien, qu’il n’obtint pas.

299 300

Jacques Baulin. Op.cit. p79. Jacques Batmanian .Op.cit.

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Selon Maurice Robert, Nabi Youla était en fait « un honorable correspondant de haut niveau qui communiquait des renseignements d’ambiance sur la Guinée »…« il a été vraiment très coopératif » (301). Le chef de poste du SDECE à Dakar prend d’ailleurs soin de bien définir le concept d’honorable correspondant : " un bénévole " qui fournit des renseignements ou des documents utiles aux services ; il n'est pas payé ; "il est remboursé de ses dépenses s'il en engage dans le cadre de missions particulières. Le cas échéant, s'il est beaucoup plus sollicité que d'autres et que ses renseignements sont de qualité, il peut être remercié par une décoration, la Légion d'honneur, le Mérite national ou autres". Soit il se propose, soit il est approché par les services "intéressés par leurs activités ou leur environnement". Nabi Youla sera ainsi décoré le 14 juillet 1998 de la Légion d’honneur par l’Ambassadeur de France en Guinée pour service rendu à la France à la surprise générale. Mais il faut noter que Nabi Youla a choisi son camp et son rôle très tôt. Affecté en Guinée pour liquider la section guinéenne du RDA, le gouverneur du territoire Roland Pré (15 janvier 1948-6 janvier 1951) incita tous les groupements ethniques démissionner du bureau directeur de cette formation politique et créa l’Entente guinéenne pour la combattre ; n’ayant pas réussi à faire démissionner l’Union de la Basse Guinée , il se servit de Nabi Youla et de Karim Bangoura pour provoquer la scission au sein de ce groupement ethnique; ceux-là formèrent le Comité de Rénovation de la Basse Guinée qui adhéra à l’ Entente. Le rappel de Roland Pré et la brouille avec Karim Bangoura, qui s’est réconcilié avec Amara Soumah et Fodé Mamoudou Touré, isolèrent Nabi Youla ; celui-ci perdit en outre « pour gestion indélicate », la présidence de l’Union des coopératives africaines, en 1951, au profit d’Abdoulaye Kobélé Keita qui le protégea en s’opposant à tout contrôle de gestion ; ce qui lui évita l’humiliation souhaitée par la plupart des planteurs africains. Il devint secrétaire de la chambre d’agriculture. Mais face à l’hostilité croissante de ses adversaires, il préféra s’éloigner de la Guinée en émigrant en France en 1952 profitant d’un stage qu’il devait y effectuer. Cette indélicatesse sera souvent évoquée par Sékou Touré, par exemple, dans son Compte rendu de mission à travers la Guinée fait le 9 mai 1951au Comité directeur du RDA : on y lit « Le 5 mai 1951, je tenais une conférence à Forécariah au cours de laquelle j’ai dénoncé … Nabi Youla pour la mauvaise gestion de l’union des coopératives » (302).

301

Maurice Robert.Op.cit.p.100. Sékou Touré.kankan, le 9 mai 1951.Compte rendu de mission à travers la Guinée au Comité Directeurdu RDA. 302

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À l’occasion du renouvellement du mandat du Conseiller de la République (Sénateur), Nabi Youla, de Paris, fut dépêché en Guinée en 1955 pour soutenir la candidature de Raphaël Saller, conseiller sortant, frère du chef de cabinet du gouverneur Roland Pré; il mena une vigoureuse campagne contre Fodé Mamoudou Touré ; celui-ci, malgré une tentative de truquage, fut élu le 19 juin 1955. Suite à cet échec, abandonné par tous ses amis politiques, Nabi Youla dut quitter la Guinée une seconde fois pour Paris où il lui a fallu la recommandation de Sékou Touré et d’Houphouët-Boigny pour être nommé conseiller technique au cabinet de Modibo Keita, de 1957 à 1958. Quand il démissionna de l’ambassade de Guinée en Allemagne, Roland Pré, alors en France, le recommanda au président Mobutu. Celui-ci vint-il en visite officielle en France ? Jacques Foccart qui traitait Nabi Youla de « Guinéen encombrant du président congolais », refusa sa demande d’aider ceux qui luttaient pour renverser Ahmed Sékou Touré (303). Mais revenons à Alsény René Gomez qui insiste sur une légende qui met Sékou Touré en cause et que Momo Jo avait démentie à l’époque quand certains éléments de l’opposition avaient fait allusion à cette fable sur information de Nabi Youla: Momo Jo, un commerçant, se déplaçant dans de nombreux pays, aurait été chargé, avec un groupe de tueurs, selon Alsény René Gomez, de liquider Nabi Youla, alors réfugié au Zaïre. Enfin, pour celui qui a lu les répliques de Mobutu à Jacques Foccart à propos de Nabi Youla en 1974, il ne peut croire que le chef de l’État zaïrois ait relâché aussitôt Momo Jo et son groupe de tueurs, sans exiger de contrepartie à Sékou Touré si la scène racontée était réelle. Cela nous paraît impossible, invraisemblable. Voici la réponse de Mobutu à Foccart quand celui-ci s’est inquiété de la présence de Nabi Youla dans sa suite : « Rassurez-vous, monsieur Foccart, il ne sera pas dans la suite qui m’accompagne, mais j’ai bien le droit de faire ce que je veux. Sékou Touré ne se gêne pas pour recevoir les gens qui sont mes opposants ; il n’y a aucune raison pour que je me gêne avec lui » (304). Un tel Mobutu aurait-il offert des chambres d’hôtel aux assassins de son conseiller ? Il faut noter aussi que Jacques Foccart avait profité de cette visite de Mobutu en France pour « convoquer » Nabi Youla dans son appartement et avoir une séance de travail avec lui autour du problème guinéen (305). Ainsi si ce que raconte Alsény René Gomez à propos de cette tentative d’assassinat était vrai, Momo Jo et son équipe n’auraient pas été si bien traités par le Mobutu que l’on connaît ; ils auraient été arrêtés, au moins politiquement utilisés par le chef d’État zaïrois auprès de Sékou Touré, et non « fraternellement hébergés par le gouvernement » zaïrois comme des princes, se livrant à des « visites 303

Jacques Foccart. Dans les bottes du général de Gaulle,1969-1971.T. III p.665-667. Idem .p.666 305 Ibidem p.666-667 304

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touristiques » avant de prendre tout bonnement leur avion pour rentrer en Guinée. En fait, soit les intéressés avaient été dénoncés comme des tueurs par Nabi Youla qui a raconté la scène à l’auteur ; dans ce cas, les autorités zaïroises auraient tenu à vérifier l’authenticité de l’information qui leur avait paru saugrenue ; soit c’est une fable comme il s’en trouve des dizaines dans ce pamphlet mensonger d’Alsény René Gomez et dans d’autres publications suscitées par les témoignages de Nabi Youla. L’ancien ministre Galléma Guilavogui a d’ailleurs porté un témoignage intéressant lors de la conférence-débat du 27 janvier 2008 sur le livre, quand cette fable a fait l’objet de notre analyse : l’assassinat n’était pas une composante de la politique de Sékou Touré ; il cita, pour preuve, deux faits : la proposition d’un tueur à gage faite à l’ambassadeur Aboubacar Somparé à Paris et celle des dirigeants palestiniens de liquider les plus agités des opposants dont le gouvernement fournirait la liste ; soumise directement aux autorités guinéennes, Sékou Touré avait invariablement répondu : « non ; tant que ceux qui nous combattent seront à l’extérieur, ce n’est pas notre problème ; ils nous trouveront sur le terrain, s’ils rentrent en Guinée ». Et aucun opposant extérieur, même ceux qui insultaient Sékou Touré à longueur de journée, ne fut inquiété, à plus forte raison, assassiné. Pour ce qui est de l’agression du 22 novembre 1970, il ne faut pas oublier non plus que la lettre manuscrite reproduite ci-dessous, de Nabi Youla, avait été retrouvée dans les affaires d’Hermann Séibold, lors de la perquisition chez ce dernier: « Paris ce 8.6.70 Cher monsieur Séibold J’ai appris par notre ami commun de passage à Paris que vous seriez à Farandau début juin et qu’à l’occasion vous souhaiteriez me toucher. Je vous remercie pour cette délicate attention. Comme vous le savez, je ne vous écris pas depuis longtemps pour tout simplement vous éviter des ennuis dans notre pays… Mais les sentiments demeurent et j’espère qu’un jour prochain nous nous retrouverons dans les conditions les plus normales. Madame Youla et les enfants se joignent à moi pour exprimer à vous, à madame Seibold et à votre fille, nos sentiments de fidèle amitié ». Fait-il allusion à l’agression du 22 novembre 1970 qui se préparait, quand il évoque le « jour prochain » où ils se retrouveront dans les conditions les plus normales » ? Du débat national, jaillira certainement la vérité. Enfin la présence de Nabi Youla aux obsèques de Jacques Foccart et sur son insistance le lundi 24 mars1997, alors qu’il était conseiller personnel du feu Président Lansana qui en sera surpris ; cela précipitera son départ de la Présidence de la République.

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ABRÉVIATIONS

AGEEF ANC AOF BA G BCRA BCRG BIT BND BPN CER CFA CFTC CGT CIA CMRN CNR CNTG DSG ERC FCFA FEANF FG FIDES FLRD FNLA FNLG FOM INRDG JRDA

Association guinéenne des élèves et étudiants de France African national du Congrès (Congrès National Africain) Afrique Occidentale Française Bloc Africain de Guinée Bureau Central de renseignements et d’Action Banque Centrale de la République de Guinée Bureau International du Travail Bundes Nachrisenten Dienst Bureau Politique National Centre d’Enseignement Révolutionnaire Colonies Françaises d’Afrique Confédération Française des Travailleurs Chrétien Confédération générale des travailleurs Central Inllligente Agency Comité Militaire de Redressent national Conseil National de la Révolution Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée Démocratie Socialiste de Guinée Entreprise Régionale du Commerce Franc des colonies françaises d’Afrique Fédération des Etudiants de l’Afrique Noire Française Franc guinéen Fonds d’Investissement pour le Développement Economique et Social Front de Libération et de Réhabilitation du Dahomey Front National de Libération d’Algérie Front National de Libération de Guinée France d’outre-mer Institut National de Recherche et de Documentation de Guinée Jeunesse du Rassemblement Africain ou Jeunesse de la Révolution Démocratique Africaine

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KGB LGLN OERS ONU OTAN OUA PAI PAIGC PCF PDG-RDA PDGRDA

PDCI PIDE PPG PRA PUNG RDA RGE RTG SDECE SONATEX U F DG UPR UPC UPS UNESCO UPG URSS

Comité de Sécurité d’État (en français) Ligue Guinéenne de Libération Nationale Organisation des États Riverains du Fleuve du Sénégal Organisation des Nations Unies Organisation du Traité de L’Atlantique Nord Organisation de l’Unité Africaine Parti Africain de l’Indépendance Parti Africain pour L’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert Parti Communiste Français Parti démocratique de Guinée-Rassemblement Démocratique Africain (jusqu’en octobre 1958) Parti Démocratique de Guinée-Révolution Démocratique Africaine (à partir d’octobre 1958au 3 avril 1984) Parti Démocratique de Côte d’Ivoire Policia International di defense del Estado Parti Progressiste de Guinée Parti du Regroupement Africain Parti de l’Unité Nationale de Guinée Rassemblement Démocratique Africain Regroupement des Guinéens de l’Extérieur ou d’Europe Radio-télévision Guinéenne Service de Documentation Extérieure et de Contreespionnage Société nationale du textile Union des forces démocratiques de Guinée Union Pour le Progrès et le Renouveau Union des populations du Cameroun Union Progressiste Sénégalaise United National International Children’Emergency Fund (Fonds des Nations Unies pour l’Enfance) Union des Population de Guinée Union des Républiques Socialistes Soviétique

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Guinée-Conakry aux éditions L’Harmattan Dernières parutions DESTINS GUINÉENS Mémoires d’un rescapé du goulag de Sékou Touré

Touré Tara Arafanour Naby-Moussa Face à des horreurs inimaginables du goulag de Sékou Touré et de son régime barbare qui a sévi en Guinée pendant plus d’un quart de siècle, l’auteur raconte le miracle de sa propre survie. Il rend hommage à ses compagnons à travers une galerie de personnalités et d’anonymes torturés dans les camps de la mort. Ce témoignage a pour but d’accomplir un devoir de mémoire et d’honorer tous ceux qui ont comblé les innombrables fosses communes. (Coll. Harmattan Guinée, 27.00 euros, 266 p.) ISBN : 978-2-343-00098-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-53164-2 MIGRATIONS, ONG ET DÉVELOPPEMENT EN GUINÉE

Barry Idrissa Voici une analyse de la migration guinéenne, au croisement des enjeux économiques, politiques et culturels. Les rapports migration/développement en Guinée sont étudiés dans plusieurs domaines : transferts matériels et culturels, participation de la diaspora, développement participatif, rapport entre Guinéens de l’intérieur et de l’extérieur, clivages et influences politiques. (Coll. Études africaines, 23.00 euros, 218 p.) ISBN : 978-2-336-29212-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-53148-2 MARIO, LE BASKETBALL ET MOI Mario vu et raconté par Leah

Diallo Alpha Leah Par le sport et dans le sport naquit une amitié, entre Leah et Mario, les basketteurs de l’équipe nationale de Guinée. L’amitié est la seule raison qui a poussé Leah à consacrer un livre à son compère Mario, le fabuleux numéro 10, le prince charmant du basket-ball guinéen, afin qu’il vive éternellement. (Coll. Harmattan Guinée, 25.00 euros, 246 p.) ISBN : 978-2-336-00933-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51635-9 TOURBILLON LE Le combat

Barry Aminata Faisant suite à un premier volume Tourbillon, la dérive autoritaire, ce livre est un feuilleton, celui de la vie de l’auteur, sur un certain parcours fait d’épines et de pétales, avec comme fil conducteur la responsabilité politique du fait d’autrui. (Coll. Harmattan Guinée, 14.00 euros, 136 p.) ISBN : 978-2-336-00918-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51634-2 CONTES DE LA BROUSSE, DE LA FORÊT, DE LA SAVANE ET DE LA MONTAGNE

Diallo Boubacar Ce livre présente les contes de toutes les régions naturelles de la Guinée, sans aucune forme de discrimination. Il s’agit donc d’un survol des aires culturelles de la Guinée avec, en toile de fond, les histoires tissées autour du prince des arbres, le kouratier. C’est un arbre aux vertus multiples

qui donne ses fruits à manger, son ombre, du bois mort, des médicaments traditionnels et, aussi, des récits féériques. (Coll. Harmattan Guinée, 9.50 euros, 58 p.) ISBN : 978-2-336-00932-2, ISBN EBOOK : 978-2-296-51633-5 ÉCONOMIE L’ POLITIQUE DE LA GUINÉE 19582010 Des dictatures contre le développement

Cournanel Alain La République de Guinée a subi en cinquante ans deux types de régime, deux formes de dictature. La Ire République (1958-1984), dirigée par Sékou Touré, a sacrifié le développement de la jeune nation à l’omnipotence du parti unique aux mains d’un noyau inamovible. La IIe République (1984-2008), dictature molle à peine déguisée en État de droit, a confié le pouvoir d’État aux prétoriens et l’orientation économique au FMI. (Coll. Etudes africaines, 31.00 euros, 296 p.) ISBN : 978-2-296-99810-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-51374-7 GUINÉE FACE AU HANDICAP LA La problématique des déficiences motrices à Conakry

Tchirkov Vitaly L’auteur tente d’expliquer les causes et conséquences de la prédominance des déficiences des membres inférieurs à Conakry, en République de Guinée. Il s’intéresse également aux représentations que reflètent la notion de handicap et aux influences qu’elles subissent de la part des croyances traditionnelles et religieuses. Cette recherche s’inscrit dans la volonté d’établir un état des lieux de la situation actuelle et dans la réalisation d’un important travail de terrain. (Coll. Etudes africaines, 25.00 euros, 246 p.) ISBN : 978-2-336-00499-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-51006-7 D’UNE GUINÉE À L’AUTRE  Souvenirs et témoignages

Diallo Bah Aïssatou Cet ouvrage est un témoignage autobiographique de l’itinéraire de l’auteur, de la période coloniale à nos jours. L’auteur fait un résumé des événements politiques marquants de la Guinée française à la fin de la période coloniale, de la première République et du régime militaire. Elle donne des références sur la vie économique et sociopolitique du pays de l’ère postcoloniale et aussi sur la vie familiale et personnelle. (Coll. Harmattan Guinée, 15.50 euros, 154 p.) ISBN : 978-2-336-00077-0, ISBN EBOOK : 978-2-296-50405-9 VEUVAGE FÉMININ ET SACRIFICES D’ANIMAUX DANS LE FOUTADJALON GUINÉE Traditions en changement

Kervella-Mansaré Yassine En Guinée, dans la région du Fouta-Djalon, les rites funéraires comprennent des cérémonies de sacrifice d’animaux. On pourrait penser que ces rites sont hérités d’une longue tradition, mais l’auteure montre que ce qui s’observe aujourd’hui n’est pas la reproduction de ce qui s’observait hier. Cela n’empêche pas de considérer que perdurent certains éléments ou certaines structures. (Coll. Etudes africaines, 22.00 euros, 218 p.) ISBN : 978-2-296-99285-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-50294-9 GUINÉE L’AURORE D’UNE DÉMOCRATIE

Lonseny-Fall François Plus de cinquante ans après son indépendance, la Guinée organise enfin une élection démocratique multipartite. L’auteur, acteur politique, porte son regard avisé sur ce processus allant de l’émergence d’une véritable transition politique à l’organisation de la première élection présidentielle permettant de bâtir l’avenir de la Guinée pour tous ses enfants. (11.50 euros, 88 p.) ISBN : 978-2-296-99404-1

ORIGINES ET MIGRATIONS DES PEUHLS ET DES KISSI

Diallo Boubacar Ce livre cherche à interroger le passé. Les contes repris ici sont les plus beaux de l’Afrique de l’Ouest. Qui aurait pu penser que la génétique des populations aurait confirmé ces fabuleux mythes que J. Richard Molard qualifiait, en 1956, «d’élucubrations fantastiques» ? (Coll. Harmattan Guinée, 11.00 euros, 74 p.) ISBN : 978-2-296-99077-7 TOURBILLON La dérive autoritaire

Barry Aminata «Le grand malheur de la Guinée est d’avoir une mémoire cabossée ou de ne pas en avoir du tout». La violence de cette répression d’Etat qui s’est abattue sur notre pays de l’indépendance à nos jours a produit des dommages profonds. Aminata Barry, l’auteur, tente le pénible exercice d’expliquer ce qui est arrivé à des milliers de mamans et d’enfants qui ont eu à répondre de la responsabilité politique du régime de Sékou Touré. (Coll. Harmattan Guinée, série Mémoires africaines, 11.50 euros, 94 p.) ISBN : 978-2-296-96507-2 CUISINES DE GUINÉE

Bari Nadine, Maka-Ingenbleek Josée La cuisine reflète toujours la culture d’un pays, ici la Guinée-Conakry. Or, il s’agit d’une Guinée plurielle, ce qui justifie le titre de cet ouvrge Cuisines de Guinée. Les recettes collectées sont regroupées par nature d’utilisation dans un repas : entrée, plat, accompagnement, dessert, boisson, afin de faciliter les recherches des cuisinières-lectrices. (Coll. Harmattan Guinée, 18.00 euros, 164 p.) ISBN : 978-2-296-96631-4 EXPÉRIENCE SOGUIPAH MOYEN SÛR DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ

Camara Mariame L’agriculture est la priorité de développement de la Guinée, dont SOGUIPAH est le plus bel exemple de réussite. Son concept combine la création d’un noyau industriel de plantations et d’usines de transformation de produits agricoles, ayant pour finalité la protection durable des ressources naturelles, la création d’emplois et de revenus en milieu rural. Cet ouvrage est à destination du peuple de Guinée, à sa jeunesse et au monde paysan. (Coll. Harmattan Guinée, 9.90 euros, 60 p.) ISBN : 978-2-296-96632-1 DISCOURS LES (deuxième édition revue, corrigée et augmentée) Une vision et un combat pour la réconciliation nationale, la démocratie et la bonne gouvernance

Souaré Ahmed Tidiane Les grands discours sont porteurs d’Histoire. Ces discours de Ahmed Tidiane Souaré, dernier Premier ministre de Lansana Conté, constituent un écho de la vision de l’auteur et de son combat pour la démocratie et la bonne gouvernance. Il y décline son ambition et son combat quotidien sur les questions intérieures, sa vision pour combattre le sous-développement et la pauvreté en Afrique sans oublier les rapports bi et multilatéraux de la Guinée et de ses pays amis. (22.00 euros, 236 p.) ISBN : 978-2-296-54903-6 GUINÉE SOUS LES VERROUS DE LA RÉVOLUTION Autobiographie

Lamine Kamara Lamine Kamara parle de la détention politique sous le régime de Sékou Touré, construisant son récit autour d’une véritable trame, tout en restant fidèle aux faits vécus par le prisonnier dans sa

chair et son sang. Il fait côtoyer le rire et les gémissements, malgré les monstruosités de l’univers carcéral. (Coll. Harmattan Guinée, 22.00 euros, 0 p.) ISBN : 978-2-296-96485-3 RACINES LES DE L’AVENIR Réflexions sur la première République de Guinée – Essai

Kamara Lamine L’auteur livre une analyse complète du régime, aussi bien aux plans politique, économique que social, une analyse objective bien que sans concession, en rétablissant les faits, en décryptant les mécanismes qui les ont engendrés, en dévoilant les méthodes et les pratiques en cours à l’époque, tout en veillant à faire la part des choses au moment de situer la ou les responsabilités de ce qui est arrivé à des hommes par des hommes... (Coll. Harmattan Guinée, 13.00 euros, 114 p.) ISBN : 978-2-296-96484-6 NABI IBRAHIMA YOULA, GRANDE FIGURE AFRICAINE DE GUINÉE Entretiens avec Djibril Kassomba Camara

Kassomba Camara Djibril, Youla Nabi Ibrahima Nabi Ibrahima Youla était un cadre polyvalent. Pionnier, puis président des coopératives bananières de Guinée, il occupa de hauts postes à responsabilité auprès d’éminentes personnalités. Au service de son pays, Sékou Touré l’envoya en mission exceptionnelle auprès du Général de Gaulle, dans le but de rétablir les relations franco-guinéennes. Ce livre évoque sa jeunesse, sa vie professionnelle remplie, sa carrière diplomatique et sa retraite silencieuse. (Coll. Harmattan Guinée, 10.00 euros, 64 p.) ISBN : 978-2-296-96482-2 SORY KANDIA KOUYATÉ Chantre immortel d’une Afrique éternelle

Kouyaté Mamadou Sory Kandia s’impose comme un véritable monument de la musique africaine. Mais si Sory Kandia Kouyaté, l’artiste éclos, est bien connu, Kandia, l’enfant enclos dans l’éducation traditionnelle, est souvent méconnu. Le passé, l’enfance de Kandia vécue en pleine période coloniale, est en fait l’expression des âpres contradictions d’alors. Ce sont ces instants nostalgiques que son fils aîné raconte ici. (Coll. Harmattan Guinée, 14.00 euros, 126 p.) ISBN : 978-2-296-96483-9 CONTRIBUTION À LA CONNAISSANCE DE L’HISTOIRE DU BADIAR Koundara, Guinée

Boiro El Hadj Alseny Le Badiar englobe la commune urbaine de Koundara et les sous-préfectures de Saréboïdo, Kammadby et Samba Ilo. C’est une région de plaines et de bas plateaux, aux sols hydromorphes et exondés, dominés par le mont Badiar. Le climat tropical subit des fluctuations préjudiciables aux activités agropastorales de la population et la végétation de savanes et de forêts-galeries est menacée de dégradation. (Coll. Harmattan Guinée, 11.00 euros, 70 p.) ISBN : 978-2-296-55880-9

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LA GUINÉE DE SÉKOU TOURÉ Pourquoi la prison du camp Boiro ? Ce qui frappe dans l’étude de l’histoire récente de la Guinée, à partir de 1945, c’est que les adversaires politiques de Sékou Touré ne veulent pas que l’on démontre que la France coloniale a subi l’ascension politique du leader guinéen ; que c’est malgré elle que celui-ci a été préféré par les populations guinéennes aux hommes politiques qu’elle soutenait ; et qu’elle le souhaitait à la tête de la Guinée indépendante. Après le «non» du 28 septembre 1958, recommandé par « cet ennemi du système colonial français à abattre », cette France a décidé d’empêcher, par tous les moyens, le développement économique de la Guinée de Sékou Touré, en utilisant en particulier des Guinéens dans diverses actions déstabilisatrices qui avaient toutes échoué. C’est cette hostilité historique des gouvernants français qui a fini par justifier l’existence de la prison politique, à partir de 1959, au sein du camp de la garde républicaine, devenue camp Boiro suite à l’agression du 22 novembre 1970 contre la Guinée… En arrivant là de ma réflexion (et sans doute parce que je ne suis pas aussi optimiste que toi), je me dis qu’ils sont nombreux en vie, et au plus haut niveau, ceux qui ne parleront pas. Et je ne sais pas si l’actuel président de la République œuvrera pour que se tiennent ces assises de la vérité et de la réconciliation. Et les années passeront, les protagonistes disparaîtront et l’oubli se fera. Mais il n’empêche qu’il te faut continuer ce combat impérativement pour la manifestation de la vérité historique qui gêne certains. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire récente de la Guinée, l’enseignant-chercheur Sidiki Kobélé Keita a assumé plusieurs fonctions en Guinée depuis 1967 : maître assistant à l’université de Conakry, directeur des Archives et de la bibliothèque de Conakry, et directeur général de l’Institut central de coordination et de la documentation de Guinée (ICCRDG). De novembre 1994 à décembre 1997, il a été chef de cabinet civil du président de la République Lansana Conté.

Photographie de couverture : 22 novembre 1970, Ahmed Sékou Touré dans sa tenue de combat de chef des Forces Armées Guinéennes. Phototèque ICCRDC,1970. ISBN : 978-2-343-02603-9

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