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UN ÂGE D’OR DES CHAPITRES NOBLES DE CHANOINESSES EN EUROPE AU XVIIIe SIÈCLE
BIBLIOTHÈQUE DE LA REVUE D’HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE FASCICULE 109
Un âge d’or des chapitres nobles de chanoinesses en Europe au XVIIIe siècle Le cas de la Franche-Comté
Corinne MARCHAL
F
Illustration de couverture : Chanoinesses nobles de Montigny-lès-Vesoul en conversation dans leur intérieur. Planche de Hubert-François GRAVELOT (1699-1773), in Lafargue E. de, Oeuvres mêlées, t. 1, Paris, Duchesne, 1765, p. 106.
© 2021, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2021/0095/224 ISBN 978-2-503-59579-5 e-ISBN 978-2-503-59580-1 DOI 10.1484/M.BRHE-EB.5.124730 ISSN 0067-8279 e-ISSN 2565-9308 Printed in the EU on acid-free paper.
Table des matières
Abréviations7 Avant-propos et remerciements 9 Introduction générale 13 Première partie Rigueurs et bienfaits de la sélection Introduction31 Chapitre I De l’exclusivité noble aux preuves de noblesse
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Chapitre II Une prospérité fondée sur une sélection réactionnaire
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Chapitre III Les enjeux d’un contrôle intransigeant des preuves
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Chapitre IV Prééminence des liens « de la chair et du sang » et exclusivisme géographique75 Deuxième partie les séductions d’une existence sécularisée Introduction
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Chapitre V Des mutations propices à l’ouverture au siècle
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Chapitre VI « On y sort à discrétion »
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Chapitre VII Le monde profane convié au chapitre noble
121
6
ta bl e d e s m at i è r e s
Chapitre VIII Les dangers du monde
145
Troisième partie Les réconforts d’une « sainte retraite » Introduction
159
Chapitre IX L’attirance de la règle
161
Chapitre X Une voie singulière pour une vie consacrée
171
Chapitre XI Louer Dieu dans un cadre digne de sa majesté
185
Chapitre XII Le lieu des réconforts humains et spirituels
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Conclusion générale 215 Document annexe — Liste des familles introduites dans les chapitres nobles de dames de Franche-Comté avec leur origine géographique223 Sources et bibliographie Sources manuscrites 229 Sources imprimées 243 Bibliographie247 Table des cartes, tableaux et photographies 259 Index des noms de personnes 261 Index des noms de lieux 279
Abréviations
AD : Archives départementales AM : Archives municipales AN : Archives nationales (Paris) BECB : Bibliothèque d’étude et de conservation de Besançon BGSB : Bibliothèque du grand séminaire de Besançon BM : Bibliothèque municipale BnF : Bibliothèque nationale de France ms. : manuscrit n.a.f. : nouvelles acquisitions françaises
Avant-propos et remerciements
Le présent ouvrage s’insère dans le premier des trois axes des travaux de l’ANR Lodocat (Chrétientés lotharingiennes-Dorsale catholique, ixe-xviiie siècles). Ce projet lancé en 2015, qui réunit autour du Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire (CRULH) les chercheurs de sept autres laboratoires1 s’est donné pour propos d’étudier de façon diachronique, en considérant à la fois le Moyen Âge et la période moderne, l’originalité des formes de christianisme ayant prospéré le long d’un axe qui, des Flandres à l’Italie du Nord, reliait la Lorraine, la Franche-Comté et la Savoie. Dans cet espace identifié en 1972 par René Taveneaux comme la « Dorsale catholique », se serait notamment structurée l’œuvre de rénovation du catholicisme et de la Contre-Réforme2. Le premier axe de ce projet interroge les spécificités dans ces territoires de la place et de l’action des femmes en religion, la période postérieure au schisme protestant étant privilégiée. Cette vaste enquête collective réunie dans deux volumes d’actes3 a mis en lumière la vitalité, la variété et l’originalité de ces œuvres. Ces caractéristiques sont notamment dues à la résistance bien organisée et efficace qu’un certain nombre de régulières surent opposer au modèle de vie monastique cloîtré imposé par les Pères du concile de Trente et par la constitution Cura Pastoralis du pape Pie V (1566)4, ces femmes revendiquant la légitimité d’autres formes de vie spirituelle en communauté. À l’approcher par ses composantes géographiques, l’assemblée tridentine fut surtout formée de Méditerranéens, essentiellement des Italiens, des Espagnols, ensuite. Ces théologiens apportèrent une tonalité particulière aux débats conciliaires qui concernaient la réforme des religieuses. Leur référence implicite était l’idéal, plus tard considéré comme thérésien, de la vie contemplative cloîtrée à vœux solennels. Ce modèle était-il appelé à se
1 Le CREHS de l’Université d’Artois, le laboratoire « Transitions. Moyen Âge et première Modernité » de l’Université de Liège, l’Institut d’Histoire de l’Université de Luxembourg, le centre Lucien Febvre de l’Université de Franche-Comté, le LARHRA de l’Université de Lyon, le LLSETI de l’Université de Savoie-Mont-Blanc, le Dipartimento di Studi Storici de l’Université de Milan. 2 R. Taveneaux, « Réforme catholique et Contre-Réforme en Lorraine », in L’Université de Pont-à-Mousson et les problèmes de son temps, Annales de l’Est, 47 (1974), p. 389-400. 3 M.-É. Henneau, C. Marchal et J. Piront, Entre ciel et terre : œuvres et résistances de femmes de Gênes à Liège (xe-xviiie siècle), Classiques Garnier, coll. Rencontres – Histoire religieuse, 2 vol. (à paraître). 4 M.-É. Henneau, « Les débats relatifs à la clôture des moniales aux xviie et xviiie siècles : discours croisés entre deux mondes », in I. Heullant, J. Claustre, É. Lusset (éd.), Le cloître et la prison (vie-xviiie siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2011, p. 261-274.
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ava n t-p ro p o s e t r e m e rc i e m e n t s
propager plus aisément dans les péninsules méditerranéennes du fait de sa promotion, durant le concile, par des méridionaux ? Ce qui est certain, c’est que les réformateurs de l’Église post-tridentine furent parfois contraints de composer avec ce que René Taveneaux a appelé les « traits spécifiques des civilisations particulières5 ». Si les contemporains n’avaient sans doute pas toujours la perception de ces particularismes, les cisterciennes des diocèses de Liège et de Namur en firent toutefois un argument en 1699 auprès de leur supérieur régulier, l’abbé de Cîteaux, pour s’opposer au mandement du prince-évêque Jean-Louis d’Elderen (1688-1694), promulgué neuf ans plus tôt afin de rétablir la stricte clôture dans les monastères de femmes. Ces religieuses contestataires prétendaient avoir leur place entre les chapitres de chanoinesses « et les monastères austères des villes », leur vocation étant de servir de retraite aux filles des premières familles et maisons du Pays dont la vocation est plus fixe que celle des chanonesses et moins austère que les autres couvents […]. Suivant les climats et les tempéraments des pays, les clostures sont plus ou moins fortes, qu’en Espagne on y grille jusques aux clochers, en France, l’on se contente des parloires, mais qu’aux Pays-Bas, la simple volonté assuiettie par les vœux de chasteté et d’obéissance suffit pour rendre plus exactes et vertueuses les religieuses, que toutes les grilles d’Espagne et d’Italie6. Un certain nombre de communautés régulières à recrutement nobiliaire qui s’étaient retrouvées dans une situation comparable de pression exercée par le clergé réformateur prirent elles aussi le parti de défendre et de justifier leur mode d’existence peu canonique. Au terme de cette confrontation, certains monastères furent convertis en des chapitres nobles réguliers et parfois même séculiers7. À l’observer à ses origines, ce processus semble avoir été spécifique à des établissements de la Dorsale catholique. Il se distingue en effet de la transformation ultérieure de monastères en des chapitres nobles de dames telle qu’on l’observe par exemple dans le diocèse de Lyon, qui résulta d’une prise de conscience par l’épiscopat et par le pouvoir royal de la faveur nouvelle dont bénéficiaient les compagnies de dames nobles et de la volonté d’en augmenter le nombre. Si cette transformation d’abbayes féminines à recrutement nobiliaire de la Dorsale en des chapitres nobles parvint à son terme, c’est que le modèle
5 Le catholicisme dans la France classique. 1610-1715, Paris, SEDES, 1980, t. 1, p. 9. 6 A. Archevêché de Malines, A. Cîteaux, Generalia, no 7 : Supplique ; cité par M.-É Henneau, « Monachisme féminin au pays de Liège à la fin du xviie siècle : une vie sub clausura perpetua ? », in Ph. Guignet et A. Bonzon (éd.), La Femme dans la ville : clôtures choisies, clôtures imposées, in Histoire, Économie et société, 3 (2005), p. 393. 7 C. Marchal, « La circulation du modèle séculier de chapitre noble par les relations entre les compagnies de chanoinesses (Franche-Comté-Lorraine, fin du xviie siècle-xviiie siècle) », in Entre ciel et terre, op. cit. (à paraître).
avan t- p ro p o s e t re me rci e me nt s
d’existence pieuse défendu et promu par les chanoinesses comportait maintes séductions pour toute une catégorie de la noblesse, laissant peu d’audience aux critiques et à la censure des réformateurs comme de la société. Notre propos est donc de préciser la nature de ces séductions et d’identifier leur rôle dans l’affirmation et l’épanouissement de ces compagnies. Nous privilégierons comme espace d’observation la Franche-Comté, par excellente terre de Contre-Réforme et de renouveau du catholicisme et appelée à devenir la province de France la mieux pourvue en instituts de ce genre. Un ouvrage scientifique n’appartient qu’en partie à son auteur. Le nôtre a pour origine une thèse dirigée par Jean-François Solnon, professeur émérite d’histoire moderne à l’Université de Franche-Comté, qui a pressenti et nous a révélé l’importance des chapitres nobles dans la compréhension et l’analyse des clivages nobiliaires sous l’Ancien Régime. Privilégiant l’histoire sociale, notre réflexion s’est enrichie de questionnements propres à l’histoire religieuse, à la faveur notamment des travaux et des rencontres de l’axe 1 du projet Lodocat. Ceux-ci ont donné lieu à une collaboration et à de fructueux échanges avec Marie-Élisabeth Henneau (Université de Liège), Julie Piront (chargée de recherches FRS-FNRS), Odon Hurel (directeur de recherche au CNRS), Christophe Leduc et Gilles Deregnaucourt (Université d’Artois), à qui nous tenons à exprimer toute notre reconnaissance. Mes remerciements s’adressent également à Christine Barralis (Université de Lorraine) et Frédéric Meyer (Université de Savoie-Mont-Blanc), qui ont initié et coordonné ce projet. Je remercie Andreas Nijenhuis-Bescher (Université Hankuk des études étrangères de Séoul) et Armelle Couillet (cartographe au CNRS) pour leur contribution aux cartes de cet ouvrage, ainsi qu’Hélène Crévisy, Jean-Louis Langrognet et Philippe de Crecy pour celle apportée aux illustrations. Ma gratitude s’adresse également aux conservateurs et personnels des archives départementales du Doubs, du Jura et de la Haute-Saône, à ceux des fonds parisiens (Archives nationales, Bibliothèque Nationale et bibliothèque de l’Arsenal) ainsi qu’à Marie-Claire Waille, conservatrice de la bibliothèque municipale de Besançon et Manuel Tramaux, conservateur de la bibliothèque diocésaine de Besançon. Je tiens à remercier le Centre Lucien Febvre pour le soutien financier apporté à la publication de cet ouvrage.
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I n tro duct i o n g é n é r al e
Carte 1 : Chapitres nobles de chanoinesses en Europe aux xviie et xviiie siècles.
Introduction générale
Une première génération de chapitres nobles féminins se forma dans la période médiévale. Elle était le fruit de la sécularisation d’un certain nombre de monastères, laquelle se manifesta par une division du temporel en des prébendes individuelles et, dans de nombreux cas, par l’apparition de maisons particulières. Ces établissements avaient également pour caractéristique de recruter leurs membres dans une noblesse répondant à des critères précis d’ancienneté et parfois de pureté de sang noble. Cette évolution fut précoce dans la plupart des chapitres de chanoinesses des Pays-Bas (Mons, Andenne, Nivelles), où elle se fit entre le xiie siècle et la première moitié du siècle suivant, ainsi que dans l’espace germanique (Gandersheim, Gerisheim, Quedlimbourg, …). Une deuxième génération de chapitres nobles de dames, la plus nombreuse, se développa dans la période post-tridentine. Des abbayes fortement sécularisées, à recrutement nobiliaire, se fermèrent alors aux instances d’un clergé désireux de les réformer, et choisirent tout au contraire d’accentuer ces caractères : elles imposèrent des preuves écrites de noblesse aux femmes qui désiraient y être admises ; l’individualisation du logement s’y généralisa. Cette évolution marqua les cinq monastères nobles de Franche-Comté. La concurrence exercée sur ces établissements par des communautés réformées ou bien nouvellement créées aurait pu leur être préjudiciable, les disqualifier, or leur refus de se fondre dans le moule tridentin marqua au contraire pour eux l’avènement d’une époque de prospérité. À leur apogée dans l’Europe de la seconde moitié du xviiie siècle, les chapitres nobles féminins ont été au nombre d’une soixantaine, accueillant 1500 à 1800 chanoinesses. La carte européenne de ces instituts révèle qu’ils étaient les plus nombreux, à l’époque moderne, entre les anciens Pays-Bas, la Lorraine et la Franche-Comté, ce qui contredit l’opinion selon laquelle ils auraient surtout prospéré dans le monde germanique1. Du fait de son expansion territoriale en direction du nord et de l’est et de l’apparition au xviiie siècle sur son territoire de nouveaux chapitres nobles, la France pouvait apparaître à la fin de l’Ancien Régime comme leur terre d’élection.
1 En désignant Henri Ier l’Oiseleur, roi de Germanie de 919 à 936, comme l’initiateur des chapitres nobles féminins, dévolus à des filles dont les pères avaient péri dans des guerres contre les Hongrois, tout en leur permettant d’en sortir à leur gré pour se marier, un érudit du xviiie siècle illustre la prégnance de cette opinion, que l’on retrouve sous la plume d’historiens contemporains. Voir B. de l’Arsenal, ms. 6100, Brisard, mélanges-chapitres nobles, f. 471r.
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Faute d’avoir su les définir à l’aide de critères rigoureux, les historiens peinent parfois à les différencier des monastères à recrutement nobiliaire. Aussi convient-il, au seuil de cette enquête, de s’accorder sur leur définition. Les efforts d’inventaire engagés dans la seconde moitié du xviiie siècle procédèrent autant d’une volonté de clarifier leur nombre réel que de décourager toute usurpation ; les chapitres nobles avaient en effet acquis un tel prestige que certaines communautés religieuses n’hésitaient pas à se faire passer pour tels. Conseiller honoraire au parlement de Flandre, prévôt de Valenciennes, historien, Ferdinand-Ignace Malotau de Villerode s’essaya le premier à recenser vers 1750 ceux d’Europe2. Avocat au parlement d’Aix, canoniste, Pierre-Toussaint Durand de Maillane (1729-1814) fit l’inventaire de ceux de France dans son célèbre Dictionnaire de droit canonique et de pratique bénéficiale3, dont une première édition parut en 1761. Conseiller du roi à la Table de Marbre, Jean-Charles Poncelin de la Roche-Tilhac (1746-1828) fit imprimer annuellement de 1783 à 1786 un État des cours de l’Europe, la seconde partie de l’ouvrage formant l’État ecclésiastique […] des provinces de France, qui comportait la liste des chapitres nobles du royaume et de leurs membres. À son tour, le vicomte de Gabrielly relaya ces entreprises en proposant en 1785 et 1787 un nouvel inventaire4. Ces listes fréquemment sollicitées dans les travaux d’érudition du xixe siècle5 sont précieuses pour cerner les caractéristiques fondamentales de ces instituts dans la seconde modernité. Leurs traits distinctifs étaient un recrutement exclusivement noble, fondé sur des preuves écrites6. On ne peut donc considérer comme des chapitres nobles les monastères habitués
2 BM Douai, ms. 938, Histoire des collèges, chapitres, abbayes et autres fondations pour les demoiselles de condition qu’il y a en Europe, par Ferdinand-Ignace Malotau de Villerode, t. 1 et 2 ; mss. 938, t. 3 et 939 : Le spectacle d’honneur, où paraissent les fondations, statuts, ordonnances, règlements et privilèges de divers collèges, chapitres et abbayes nobles qu’il y a pour les gentilshommes en Europe, par le même. 3 Lyon, Joseph Duplain, 1776, 3e éd., t. 1, p. 471-474, notice « chapitre ». 4 J.-Ch. Poncelin de la Roche-Tilhac, État des cours de l’Europe et des provinces de France pour l’année 1784, Paris, Lamy, [seconde partie], p. 6-41 ; Gabrielly, La France chevaleresque et chapitrale, ou précis de tous les ordres existans de chevalerie, des chapitres nobles de l’un et de l’autre sexe, des corps, collèges et écoles de la noblesse du royaume avec une notice des preuves exigées pour y être admis, Paris, Leroy, 1785, 274 p. 5 J.-B.-P. Courcelles, Dictionnaire universel de la noblesse de France, Paris, Bureau général de la noblesse de France, 1820, t. 1, p. 144 et sq. ; A.-Fr.-J. Borel d’Hauterive, « Tous les chapitres nobles de France. Liste telle qu’elle a été publiée dans la France chevaleresque et chapitrale de 1787 », Revue historique de la noblesse, Paris, 1841, t. 2, p. 70-72 ; Ch.-L. Ducas, Les chapitres nobles de dames ; recherches historiques, généalogiques et héraldiques sur les chanoinesses régulières et séculières, avec l’indication des preuves de noblesse faites pour leur admission dans les chapitres nobles de France et des Pays-Bas, depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’époque de leur suppression, Paris, l’auteur, 1843, 200 p. 6 C’est la particularité que relevait Pierre-Toussaint Durand de Maillane, dans la définition qu’il proposait des chapitres nobles masculins : « […] il ne suffit pas d’être clerc ou prêtre pour en posséder les prébendes, mais il faut faire en outre certaines preuves de noblesse, plus ou moins distinguée, selon les constitutions particulières de chacun de ces chapitres ». Dictionnaire de droit canonique…, op. cit., t. 1, p. 471.
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à choisir leurs membres dans la bonne noblesse sans pour autant en exiger des preuves, à l’image de l’abbaye bénédictine Sainte-Glossinde de Metz, des prieurés clunisiens de Sainte-Colombe-les-Vienne (diocèse de Lyon) et de Marcigny-les-Nonnains (diocèse d’Autun), ou du prieuré Saint-Sauveur de Perpignan, de l’ordre de saint Augustin. Alphonse de Lamartine considérait les liens étroits des chapitres nobles féminins avec le monde comme leur caractéristique principale7. Leur nature était hybride, ainsi qu’il est indiqué dans les observations préliminaires des statuts et règlements donnés en 1781 aux dames séculières de Saint-Louis de Metz, la condition de chanoinesse étant « pour ainsi dire, mitoyen[ne] entre l’état religieux et l’état d’une femme du monde8 ». Trop attentifs, peut-être, aux sécularisations de Neuville-les-Dames (diocèse de Lyon) entre 1751 et 1759, et du prieuré auvergnat de La Veine (diocèse de Clermont) en 17839, certains historiens ont parfois surestimé ses avancées dans les chapitres nobles féminins en affirmant que les dames nobles n’y prononçaient pas de vœux solennels, et qu’elles pouvaient de la sorte renouer à tout moment avec le monde. C’est oublier qu’au début du xviiie siècle, vingt des vingt-huit maisons féminines nobles alors existantes en France, et dix-huit encore à la veille de la Révolution10, demeurèrent attachées à la profession perpétuelle et à la règle mitigée de saint Benoît, de sainte Claire ou de saint Dominique. En outre, pour répandues qu’aient été ces marques de sécularité que représentaient l’existence individuelle en des demeures privées et la jouissance d’un revenu personnel appelé prébende, elles ne sauraient en constituer le trait commun : par exemple, en Alsace, les dames d’Andlau et de Masevaux maintinrent durablement un mode de vie communautaire, de même qu’elles ignoraient le revenu séparé. La tendance, au xviiie siècle, fut à s’affranchir de ce reliquat d’existence monastique qui jouait désormais un rôle de repoussoir : c’est ce qui se produisit notamment à Masevaux dans la décennie 1780, où furent instituées dix-sept prébendes, tandis qu’était lancé un ambitieux plan de construction de demeures canoniales11. Il convient donc
7 Fils d’Alix des Roys, qui avait été en sa jeunesse chanoinesse de Salles-en-Beaujolais, le poète décrit dans ses Confidences [Livre premier, n. vii] la défunte institution des chapitres nobles féminins comme « religieuse et mondaine à la fois, dont il nous serait difficile de nous faire une idée aujourd’hui sans sourire, tant le monde et la religion s’y trouvaient rapprochés et confondus dans un contraste à la fois charmant et sévère ». Il les compare à des « espèces de cloîtres libres dont la porte restait à demi ouverte au monde ; une sorte de sécularisation imparfaite des ordres religieux d’autrefois ; une transition élégante et douce entre l’Église et le monde ». 8 AD Moselle, H 4038, Statuts et règlemens donnés à l’abbaye et insigne Eglise collégiale, Noble, Royale et Séculière de Saint-Louis de Metz…, Metz, Joseph Antoine, s.d., p. 5. 9 BnF, LK7 11682, Brevet de sécularisation du roi (4 août 1781), bulle et lettres d’attache (1782 et février 1783). 10 Nous comptons Saint-Pierre de Blesle, au diocèse de Saint-Flour, au nombre des chapitres nobles réguliers, sans tenir compte de la tardive bulle de sécularisation du 16 mai 1789 qui relevait les dames professes de leur engagement. 11 Sur cette restructuration monumentale témoignant de l’individualisation de la vie canoniale, se reporter à : É. Martin-Tresch, L’abbaye de Masevaux : art et architecture dans la seconde
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de distinguer deux types de chapitres nobles : ceux qui étaient restés réguliers en dépit d’un reniement progressif de leurs formes de vie communautaire, et les séculiers. Les seconds, bien que composés de femmes qui n’étaient liées à l’Église par aucun vœu, étaient considérés comme des corps ecclésiastiques. Ainsi, ces instituts ne se caractérisaient pas tant au xviiie siècle par cet état médian entre le siècle et l’Église dont témoigne l’ambivalence de la dénomination12, que par l’obligation faite à leurs postulantes de preuves de noblesse exigeantes, expression d’un exclusivisme aristocratique qui finit par les envahir et les métamorphoser. Liée à la réaction nobiliaire, une valorisation des marques honorifiques du statut canonial prit une forme si obsessionnelle, dans les dernières décennies de l’Ancien Régime, qu’elle était en passe de devenir un autre critère de caractérisation des chapitres nobles. Peu de compagnies ne demeurèrent pas alors en reste de la concession d’une croix canoniale, et certaines reçurent pour leurs membres des titres nobiliaires personnels. La géographie des chapitres nobles féminins français apparaît comme un autre élément de leur caractérisation, par leur concentration dans un « croissant » aux marges septentrionales et orientales du royaume, entre Pays-Bas français, Lorraine, Alsace, Franche-Comté, diocèse de Lyon et Auvergne, n’étaient deux communautés excentrées, l’abbaye Notre-Dame de la Charité – ou du Ronceray – à Angers, et Troarn, au diocèse de Bayeux, érigé en chapitre noble en 1787. Positionnée au cœur de ce croissant, la Franche-Comté abritait quatre monastères nobles bénédictins d’hommes qui furent transformés au xviiie siècle en chapitres séculiers13. Au nombre de cinq, ceux de chanoinesses moitié du xviiie siècle, Strasbourg, Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, 1985, 123 p. 12 Consacrée par l’usage, l’expression « chapitre noble de dames » fut souvent en concurrence avec celle d’« abbaye noble » ; dans bien des cas, les deux dénominations coexistaient : les maisons féminines de Lorraine étaient désignées par « abbaye et église collégiale noble ». M. Parisse, « Introduction », in id. et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire. Actes du colloque d’avril 1996 organisé par la Société d’Histoire locale de Remiremont, Paris, Messene, 1998, p. 11 ; Id., « Les chanoinesses séculières », in Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 5e congrès, Aspects de la vie conventuelle aux xie-xiie siècles, Saint-Étienne, 1974, p. 145-147. 13 Au nord-est de la province, à proximité de l’Alsace, l’abbaye de Lure fut érigée en collégiale en 1765. Celle de Saint-Pierre de Baume-les-Messieurs, près de Lons-le-Saunier, devint collégiale en 1761. Dans le Jura méridional, la célèbre abbaye de Saint-Claude fut transformée en 1742 en chapitre cathédral, et le prieuré de Gigny devint collégiale en 1762. S’agissant du chapitre métropolitain Saint-Jean de Besançon, s’il s’était ouvert à l’époque féodale aux grandes maisons chevaleresques de la province, son recrutement se démocratisa à partir du xive siècle. Au siècle suivant, les familles aristocratiques ne représentaient plus qu’un tiers du corps canonial [Th. Burel, « Le chapitre métropolitain de Besançon de 1253 à 1545 », Positions des thèses de l’École des Chartes, Paris, 1954, p. 20]. Le chapitre réagit une première fois en 1430, en réservant les canonicats aux seuls nobles ou gradués. Un acte capitulaire du 24 mars 1601 spécifiait seize quartiers de noblesse pour les candidatures des nobles. Un ultime règlement donné en février 1683 exigeait des gradués qu’ils fussent fils de noble ou de gradué. Ces conditions furent appliquées avec restriction : les 160 chanoines et coadjuteurs qui formèrent la compagnie au xviiie siècle étaient tous de sang noble. Si l’on observe la
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Carte 2 : Chapitres nobles de chanoinesses en France au xviiie siècle.
régulières se répartissaient plus harmonieusement dans l’espace provincial. À l’ouest de Vesoul, au nord du Comté, était l’abbaye Notre-Dame de Montigny. Au centre-est de la province, entre Besançon et Montbéliard, se trouvait le monastère noble de Baume-les-Dames. Plus au sud, près de Salins, isolée dans une gorge austère au pied de la montagne de Sainte-Anne, et coupée du monde nature du titre que justifièrent les postulants au xviiie siècle, la faible proportion de ceux qui prouvèrent seize quartiers peut surprendre : en dehors de 36 cas indéterminés, 105 d’entre eux furent reçus comme nobles gradués, et seulement 19 (soit 18%) sur preuves. C’est donc à juste titre que Jean Meyer exclut cette compagnie de sa liste des chapitres nobles. Pour avoir concédé une sélection méritocratique, elle se plaçait à mi-chemin entre ceux-ci et les « chapitres à influences nobiliaires », au processus d’anoblissement inachevé [ J. Meyer, « La noblesse française au xviiie siècle : aperçu des problèmes », in Colloque franco-polonais sur la noblesse, xviiie siècle, Lublin, 1975. Acta Poloniae Historica, 1977, p. 30-32].
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à la saison des neiges14, se rencontrait l’abbaye Notre-Dame et Sainte-Claire de Migette. En retrait de la route qui reliait Salins à Lons-le-Saunier, perchée sur un éperon rocheux « fort élevé dans le balliage de Poligny15 » qui domine le plateau de la Bresse, était Notre-Dame et Saint-Pierre de Château-Chalon, et à Lons-le-Saunier même, l’abbaye Sainte-Claire. À l’image de la plupart des chapitres nobles réguliers de chanoinesses, ceux de Baume-les-Dames et de Château-Chalon se conformaient à une règle bénédictine qui s’était mitigée au fil du temps. La fondation de ces deux établissements, compliquée de légende, nous échappe. S’agissant du premier, les sources les plus fiables la font remonter au plus tôt au viiie siècle, l’hypothèse d’une fondation par l’aristocratie franque paraissant très probable16. Le second est mentionné comme modeste abbatiola dans une donation de 869. Il n’est pas certain que Château-Chalon ait été à l’origine un monastère de femmes, car il n’est attesté comme tel que vers 95017. Apparues dans le contexte de l’essor au xiiie siècle des ordres mendiants, les trois autres abbayes nobles comtoises étaient les seules en Europe à se rattacher à la famille franciscaine. L’ordre des « pauvres dames » ou clarisses, fondé par sainte Claire d’Assise, fut confirmé en 1253 par le pape Innocent IV. Mais la difficulté d’imposer aux religieuses un dépouillement absolu détermina Urbain IV à approuver la mitigation de leur règle en 1263, œuvre du cardinal Orsini : dès lors, quelques-unes d’entre elles, appelées clarisses urbanistes, furent autorisées à recevoir des biens pour leur subsistance. L’abbaye de Montigny fut fondée en 128618 par la volonté d’Héloïse de Joinville, vicomtesse de Vesoul19. Celle de Lons-le-Saunier fut établie en 1294 par Philippe Ier de
14 BGSB, ms. 2, Lettre des chanoinesses de Migette à l’archevêque de Besançon AntoineClériade de Choiseul-Beaupré, 1er juillet 1770. 15 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon dans le comté de Bourgogne, f. 5. 16 B. de Vregille, R. Locatelli et G. Moyse (éd.), Regesta pontificum Romanorum : Gallia pontificia. La papauté et les églises et monastères en France avant 1198. T. 1 : Diocèse de Besançon, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1998, p. 135-136. 17 G. Moyse, « Les origines du monachisme dans le diocèse de Besançon (ve- xe siècles) », Bibliothèque de l’École des Chartes, 1973, t. 131-2, p. 387-391. P. Lacroix, Églises jurassiennes romanes et gothiques : histoire et architecture, Besançon, Cêtre, 1981, p. 67. La fondation de l’abbaye entre 662 et 673 par le patrice Norbert et sa femme Eusebia et la dédicace de son église par l’évêque saint Léger d’Autun sont des extrapolations d’un martyrologe de la fin du Moyen Âge [B. de Vregille, R. Locatelli et G. Moyse (éd.), Regesta…, op. cit., p. 155]. 18 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire de l’Église, ville et diocèse de Besançon, Besançon, Daclin, 1750, t. 2, p. 115. AD Haute-Saône, H 939. 19 Elle était sœur du célèbre mémorialiste de Louis IX, veuve d’un des grands barons de la province, Jean II, sire de Faucogney. Elle se fit enterrer dans le choeur de l’église abbatiale de Montigny, à droite de l’autel. La pierre tombale est conservée au musée de Vesoul. L. Delobette, « Une femme de pouvoir au xiiie siècle : Héloïse de Joinville, vicomtesse de Vesoul », in A. Marchandisse et al. (éd.), Femmes de pouvoir, femmes politiques durant les derniers siècles du Moyen Âge et au cours de la première Renaissance, Bruxelles, De Boeck, 2012, p. 213-245.
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Vienne20. Quant à Migette, si sa fondation avait été pensée par Marguerite de Bourgogne, veuve de Jean de Chalon-Arlay, décédée en 1309, ce fut son fils Hugues Ier de Chalon, seigneur d’Arlay, dans le Jura, qui la réalisa21. Grâce à une mise en valeur patrimoniale en France comme en Belgique, les chapitres nobles et leurs chanoinesses ne sont pas méconnus du public éclairé22. Ils furent en revanche durablement absents de l’historiographie française. Quelques monographies leur furent consacrées au xixe siècle, qui surent rarement s’affranchir d’une démarche partisane. Influencés par les critiques parfois virulentes qui avaient été portées contre elles au temps de la Réforme catholique et qui s’étaient renouvelées au siècle des Lumières en un contenu à caractère social, des érudits ou historiens catholiques et anticléricaux formèrent un consensus inattendu pour dénier à ces compagnies de noblesse un rôle historique d’envergure sous l’Ancien Régime, en stigmatisant leur décadence spirituelle, leur mondanité, leur défense viscérale des privilèges. Cette position inspira en réaction un angle de vue hagiographique, nourri de nostalgie pour un monde que la Révolution avait brutalement anéanti. Il influence la plupart des monographies de chapitres nobles féminins du Comté, notamment celles issues de l’école cléricale comtoise. Louis Besson (1821-1888) devait en être un des représentants les plus emblématiques. Le futur évêque de Nîmes23 s’essaya dans sa jeunesse, en hommage à la petite cité qui l’avait vu naître, à un Mémoire historique sur l’abbaye de Baume-les-Dames24 qui cède au ton de la nostalgie et à la détestation d’une Révolution destructrice et sacrilège25. Curé de Montigny-lès-Vesoul, l’abbé Jean-François-Auguste
20 J. de Trevillers, Sequania monastica. Dictionnaire des abbayes, prieurés, couvents, collèges et hôpitaux conventuels, ermitages de Franche-Comté et du diocèse de Besançon antérieurs à 1790, Vesoul, 1950, p. 138. 21 Elle mourut à Forcalquier, le 5 décembre. Douze ans plus tard, son corps fut retrouvé intact et transféré à Migette sur ordre de son fils Hugues. BnF, coll. Bourgogne 119, f. 127. 22 Le musée Charles de Bruyères contribue à perpétuer à Remiremont le souvenir du prestigieux chapitre de dames, dont les abbesses, choisies dans les lignées princières, étaient accueillies en véritables souveraines sur leurs terres romarimontaines et dans les cours d’Europe. La ville d’Épinal a consacré un musée à l’ancien chapitre qui la faisait rayonner ; le village de Salles-Arbuissonnas, dans le Beaujolais, a plus récemment pris la même initiative, l’exceptionnel patrimoine monumental, avec notamment son alignement de maisons canoniales du xviiie siècle, étant valorisé par l’association des « Amis de Salles ». À Mons, dans le Hainaut belge, le trésor de l’ancienne collégiale Sainte-Waudru peut être admiré dans la salle capitulaire. 23 L. Bascoul, Vie de Mgr Besson, évêque de Nîmes, Uzès et Alais, 1821-1888, Arras-Paris, SueurCharruey, 1902, 402 p. 24 Besançon, Turbergue et Jacquot, 1845, 108 p. 25 « Les anciens de Baume vantent encore les vertus des dames de l’abbaye, leur modestie au chœur, leur régularité édifiante et surtout l’abondance de leurs aumônes. Elles faisaient elles-mêmes l’éducation de douze orphelines. Dans l’hiver rigoureux de 1789, les pauvres du pays durent à leur charité la conservation de la vie » [Ibid., p. 99] ; « La Révolution française et le vandalisme, né de ses excès, n’ont laissé de tant d’antiquités et de magnificence que des débris qui perdent leur nom et un souvenir qui s’efface chaque jour » [Ibid., p. 101].
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Vannier adopte un point de vue comparable dans son Histoire de l’abbaye royale de Montigny-lès-Vesoul26. Cette position déborda le milieu clérical, Henri-Philibert-André Terrier de Loray l’adoptant dans une monographie de l’abbaye de Migette présentée à l’académie de Besançon en 188927. Alors que ces approches partisanes s’apaisaient dans la première moitié du xxe siècle, les chapitres nobles de dames cessèrent ou presque d’intéresser les historiens. De rares articles consacrés à certaines de leurs individualités parurent dans les bulletins des sociétés savantes comtoises28. Il fallut attendre la décennie 1980 pour que ces instituts acquièrent en France leurs lettres de créances universitaires. Les enquêtes qui leur furent consacrées s’inscrivaient dans le foisonnement de celles qui, depuis les années 1960, se penchaient sur un groupe spécifique de la noblesse29 ; elles étaient influencées par les travaux qu’un certain nombre de chercheurs consacraient alors à l’idéologie nobiliaire et aux clivages parcourant le second ordre30.
26 Vesoul, 1877, 136 p. 27 « Histoire de l’abbaye de Migette », Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, année 1888, Besançon, Paul Jacquin, 1889, p. 131 : « Mon âge […] m’a permis de voir encore quelques-unes de ces pieuses et nobles femmes que des événements trop connus avaient chassées de l’asile où s’étaient écoulées leurs jeunes années, et je ne puis oublier ce qu’il y avait en elles de haute dignité, de vertus modestes et simples, de charme social et souvent de cette culture littéraire sérieuse que les nouvelles générations dédaignent peut-être, mais qui était le fruit des grandes civilisations et qui avait produit les grands siècles ». 28 B. Berthet, « Les abbesses de l’abbaye de Château-Chalon », Mémoires de la Société d’Émulation du Jura, année 1942, Lons-le-Saunier, 1943, p. 19-55. H. Tribout de Morembert, « Les preuves de noblesse de Marie-Florence de Constable de Gesans pour l’abbaye de Château-Chalon (1692) », Mémoires de la Société d’Émulation du Jura, année 1943, Lons-le-Saunier, 1944, p. 57-65. 29 Telle que celle, promue par la faveur royale, des ducs et pairs [ J.-P. Labatut, Les ducs et pairs de France au xviie siècle, Paris, PUF, Publications de la Sorbonne, 1972, 456 p.], ou bien la magistrature parlementaire [Fr. Bluche, Les magistrats du Parlement de Paris au xviiie siècle (1715-1771), Paris, Les Belles Lettres, 1960, 460 p. ; M. Gresset, Gens de justice à Besançon : de la conquête par Louis XIV à la Révolution française (1674-1789), Paris, Bibliothèque Nationale, 1978, 2 vol., 873 p. ; J. Dewald, The Formation of a Provincial nobility : the Magistrates of the Parlement of Rouen, 1499-1610, Princeton, Princeton University Press, 1980, 402 p. ; M. Cubells, La Provence des Lumières. Les parlementaires d’Aix au xviiie siècle, Paris, Maloine, 1984, 423 p.], ou encore la noblesse militaire [A. Corvisier, « La noblesse militaire. Aspects militaires de la noblesse française du xve au xviiie siècle : état des questions », Histoire sociale/Social History, 11-22 (1978), p. 336-355] ou d’affaires [G. Richard, Noblesse d’affaires au xviiie siècle, Armand Colin, 1974, 287 p.]. 30 D. Deckworth Bien, « La réaction aristocratique avant 1789 : l’exemple de l’armée », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 29-1 (1974), p. 23-48 et 29-2, p. 505-534 A. Devyver, Le sang épuré : les préjugés de race chez les gentilshommes français de l’Ancien Régime, 1560-1720, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1973, 608 p. ; A. Jouanna, L’idée de race en France au xvie et au début du xviie siècle, Montpellier, Presses de l’Université Paul Valéry, 1981, 2 vol., 808 p. ; E. Schalk, From Valor to Pedigree : Ideas of Nobility in France in the Sixteenth and Seventeenth Centuries, Princeton, Princeton University Press, 1986, 196 p.
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Noëlle Dedeyan ouvrit la voie en soutenant en 1980 un doctorat de troisième cycle sur Les chanoinesses de Lorraine au xviiie siècle31. Celui-ci fut suivi en 1988 de la thèse de Françoise Boquillon : cette monographie de l’abbaye de Remiremont et de ses dames sous l’Ancien Régime apporte un précieux éclairage sur la fonction sociale des chapitres nobles féminins et précise leur place singulière dans l’Église au temps de la Réforme catholique32. L’enquête devait bientôt s’élargir aux établissements sis entre France et Empire, avec un colloque qui réunit en avril 1996 à Remiremont des chercheurs français et belges. Liant Moyen Âge et modernité, ce symposium ouvrit une réflexion sur les raisons du passage de l’état de moniale à celui de chanoinesse et révéla la place accordée à des traditions séculaires dans le refus par les dames nobles d’adhérer à l’élan réformateur tridentin. Du point de vue de l’histoire politique et sociale, il permit de préciser l’importance des systèmes d’alliances et des réseaux auxquels était reliée la noblesse chapitrable, et le rôle de ces compagnies dans la valorisation du second ordre33. Nous soutînmes quatre ans plus tard une thèse sur Les chapitres nobles de Franche-Comté au xviiie siècle34. En juin 2015, le colloque de Maubeuge est revenu sur l’émergence de la condition de chanoinesse noble, avant de porter l’essentiel de ses travaux sur le chapitre féminin qu’abrita cette cité35. Les nombreux mémoires d’étudiants consacrés depuis une cinquantaine d’années à ces instituts sont révélateurs de l’intérêt de la recherche universitaire pour cet objet36.
31 N. Dedeyan, Les chanoinesses de Lorraine au xviiie siècle, Thèse de doctorat, Université de Paris Nanterre, 1980, 4 vol, lxviii-849 p. 32 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont (1566-1790). Contribution à l’histoire de la noblesse dans l’Église, Société d’Histoire locale de Remiremont et de sa région, Remiremont, 2000, 328 p. 33 M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles, op. cit. 34 Thèse dactylographiée, Université de Franche-Comté, 2000, 2 vol., 481 p. et 417 p. 35 J. Heuclin et Chr. Leduc (éd.), Chanoines et chanoinesses des anciens Pays-Bas. Le chapitre de Maubeuge du ixe au xviiie siècle, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2020, 464 p. 36 O. Roche, Le chapitre noble de chanoinesses de Saint-Denis d’Alix en Lyonnais au xviiie siècle, Mémoire de D.E.S., Université de Lyon, 1966 ; Fr. Boquillon, Les dames du chapitre SaintGoëry d’Épinal aux xviie et xviiie siècles. Étude socio-institutionnelle, Mémoire de maîtrise, Université de Nancy 2, 1975 ; H. Moulin, Le chapitre noble de chanoinesses de Saint-Denis d’Alix, Mémoire de maîtrise, Université de Lyon, 1982, 2 vol. ; H. S. Bronzina, Le chapitre noble de Denain au xviiie siècle, Mémoire de maîtrise, Université de Lille III, 1986, 145 p. ; Chr. Leriche, La vie quotidienne au chapitre noble de Sainte-Aldegonde de Maubeuge aux xviie et xviiie siècles, Mémoire de maîtrise, Université de Lille III, 1992 ; Chr. Poirier, Le chapitre des dames nobles de Bouxières-aux-Dames, Mémoire de maîtrise, Université de Nancy 2, 2002 [cette recherche a été prolongée par une publication : « La translation du chapitre noble de Bouxières à Nancy à la fin du xviiie siècle », Annales de l’Est, 1 (2007), p. 123-140] ; D. Sellier, Les chapitres séculiers de dames nobles. Apogée et mort, Mémoire de maîtrise, Université d’Artois, 2004 ; P.-M. Perez, Les chapitres nobles de dames dans le diocèse de Lyon au xviiie siècle, Mémoire de master 2, Université de Franche-Comté, Centre de télé-enseignement, 2012, 2 vol. ; É. Lefebvre, Un corps aristocratique au xviiie siècle : les chanoinesses de Saint-Pierre-aux-Nonnains, Sainte-Marie-aux-Dames et Saint-Louis de Metz, Mémoire de Master 2, Université de Franche-Comté, Centre de télé-enseignement, 2014,
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L’on pressent les potentialités de cette histoire tout juste entreprise des chapitres nobles de chanoinesses pour une compréhension plus fine de l’idéologie nobiliaire, des tensions sociales qu’elle générait et dont elle se nourrissait, des identités revendiquées par la noblesse des provinces devenues tardivement françaises ou pour celle des rapports complexes et ambigus entretenus entre le second ordre et le pouvoir politique. Cet objet de la recherche laisse entrevoir ce que pourrait être sa contribution à l’histoire des femmes, les dames nobles ayant joui d’une indépendance et d’une liberté peu communes pour leur époque. Est-il besoin de souligner son intérêt pour l’étude déjà ancienne des liens d’interdépendance entre la noblesse et une Église dont les fonctions et les bénéfices apportaient au second ordre prestige et subsides : rappelons que les nobles jouissaient au xviiie siècle de l’usufruit de 15 à 25% des revenus ecclésiastiques37. Les destinées de chanoinesses dans la tourmente révolutionnaire, dont de trop rares travaux ont laissé entrevoir une grande variété de situations38, pourraient ouvrir des réflexions sur la permanence et l’utilité des réseaux qui les reliaient au siècle et à d’autres compagnies de dames nobles, et sur leur aptitude à se réinsérer dans un monde transformé. Ce qui frappe, aux prémices de toute réflexion sur les chapitres nobles de dames de la France du xviiie siècle, c’est l’engouement dont ils firent l’objet. On ne peut en rendre compte qu’imparfaitement si l’on ne considère que l’évolution de leurs effectifs, puisque le nombre des chanoinesses était limité par la fixité des canonicats et des prébendes afin de préserver la valeur de ces dernières. Pressés par la demande, la plupart des chapitres augmentèrent toutefois leurs places, d’autant qu’ils furent fréquemment bénéficiaires du redéploiement de bénéfices ecclésiastiques supprimés par la Commission des réguliers ; certains choisirent d’admettre des surnuméraires, lesquelles ne pouvaient prétendre à un apprébendement. Aux portes de la Comté, dans le diocèse de Langres, le chapitre noble de Poulangy doubla par exemple ses effectifs entre 1705 et 1742, en passant de douze à vingt-cinq dames39.
2 vol. ; Fr. Jenny, Les chapitres nobles féminins de Haute-Alsace de la guerre de Trente Ans à la Révolution française, Mémoire de master 2, Université de Franche-Comté, 2019. 37 J. Meyer, « La noblesse française au xviiie siècle : aperçu des problèmes », in Colloque franco-polonais sur la noblesse, xvie-xviiie siècles, Lublin, 1975, Acta Poloniae, 36 (1977), p. 44. 38 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, 117 p. ; L. Trenard, « Les dernières chanoinesses de la région lyonnaise », in Mélanges Paul Gonnet, Université de Nice, 1989, p. 125-134. Signalons également une source précieuse, seize lettres de Marie Françoise Adélaïde, dite Clotilde de Forbin Gardanne, ancienne chanoinesse du chapitre de Neuville-les-Dames, à sa sœur Mélanie, durant un voyage effectué dans le sud de la France, sous le Directoire, présentées et annotées par François Pourcelet : Journal de voyage d’une provençale dans le sud de la France sous le Directoire en 1798 : seize lettres de Clotilde de Forbin Gardanne à sa sœur Mélanie, éd. Fr. Pourcelet, Aix-enProvence, éd. de la Dyle, 1995, 224 p. 39 AD Haute-Marne, 12 H 11 ; cité par D. Dinet, Vocation et fidélité. Le recrutement des réguliers dans les diocèses d’Auxerre, Langres et Dijon (xviie-xviiie siècles), Paris, Economica, 1988, p. 234.
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Les communautés comtoises s’inscrivent ostensiblement dans cet âge d’or propre à ces instituts au xviiie siècle. Durement affectées par la cataclysmique guerre de Dix Ans (1634-1644), épisode local de celle de Trente Ans, elles ne se repeuplèrent d’une manière significative qu’au temps de la pax gallicana, la Franche-Comté étant devenue française en 1678, par le traité de Nimègue. Leur succès devint bientôt si considérable qu’à Château-Chalon comme dans les trois abbayes de clarisses urbanistes, l’on se mit à recevoir des surnuméraires, en plus des « nièces » adoptées par une « tante40 ». Avant d’être ruinée au passage des mercenaires de Bernard de Saxe-Weimar, en 1639, Migette abritait une demi-douzaine de dames nobles41 ; elles étaient dix-huit professes et novices en 166342, trente-quatre en 171343, l’effectif se stabilisant par la suite à une trentaine de chanoinesses jusqu’à la Révolution, ce qui témoigne du dynamisme de cette maison, puisque seulement six d’entre elles pouvaient bénéficier d’une prébende et douze autres être mi-partistes, c’est-à-dire demiprébendées44. Avant son pillage en 1636 et la dispersion de la communauté, l’abbaye de Montigny-lès-Vesoul accueillait neuf à dix religieuses. En 1657, l’abbesse n’y vivait plus qu’avec trois moniales, elles n’étaient encore que cinq ou six à la fin du xviie siècle, et dix en 171245. Malgré la limitation du nombre des prébendées à dix et des mi-partistes à huit, l’abbaye noble comptait en 1758 trente-six professes et novices et une quarantaine de chanoinesses à la fin de l’Ancien Régime46. Le monastère de Lons-le-Saunier abritait vingt-quatre dames en 1713, trente-trois en 1758 et trente-neuf en 1772, quarante-cinq à la veille de la Révolution47. Brûlée pour moitié, l’abbaye de Château-Chalon fut 40 Sur la signification des termes de « tante » et de « nièce », propres au monde capitulaire noble, se reporter au chapitre iv de la première partie. À Château-Chalon, les surnuméraires portaient selon Dunod de Charnage le nom d’« écholières » : Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois et de la province séquanoise, des Bourguignons et du premier royaume de Bourgogne, de l’Église de Besançon jusque dans le sixième siècle et des abbayes nobles du comté de Bourgogne, Dijon, de Fay, 1735, p. 146. 41 P. Delsalle, Les Franc-comtoises à la Renaissance, Saint-Cyr-sur-Loire, Sutton, 2005, p. 224. 42 BECB, ms. 689, État des abbayes et prieurés de Franche-Comté et de leurs revenus (en 1663), f. 401r. 43 AD Jura, 48 H 8, Factum pour le Père Dupré, provincial des frères mineurs. 44 BGSB, Fonds du chapitre de Besançon, ms. 113 (année 1758) ; BGSB, Fonds non classé, état des communautés de filles du diocèse de Besançon en 1766. 45 P. Delsalle, op. cit., p. 224 ; « Lettres patentes sur arrêt portant règlement pour l’abbaye de Montigny au comté de Bourgogne, du 9 février 1732, registrées le 2 août suivant », art. 2 : [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits, ordonnances et Déclarations du roi, Lettres patentes, Arrêts du Conseil de Sa Majesté, vérifiés, publiés et registrés au Parlement séant à Besançon, et des règlements de cette Cour, depuis la réunion de la Franche-Comté à la couronne, Besançon, Claude-Joseph Daclin, 1774, t. 3, p. 632 ; B. Defauconpret, Les preuves de noblesse au xviiie siècle, Paris, Intermédiaire des chercheurs et curieux, 1999, p. 175. 46 BGSB, Fonds du chapitre de Besançon, ms. 113 (1758) ; AN, G9, Archives de la commission des Réguliers et des Secours, chapitre noble de Montigny, 147 (17). 47 BGSB, Fonds du chapitre de Besançon, 113 (1758) ; BGSB, Fonds non classé, état des communautés de filles du diocèse de Besançon, 1766. B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 173.
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abandonnée par les religieuses durant la guerre de Dix Ans48. De 1663 à la fin de l’Ancien Régime, le nombre des professes passa de dix à quatorze et celui des novices de neuf à douze49. L’abbaye de Baume-les-Dames, stratégiquement placée sur la route qui conduisait à la porte de Bourgogne et vers l’Allemagne, fut mise à sac dans l’été 1637 et abandonnée par les religieuses qui étaient au nombre de douze avant la guerre de Dix Ans. Elles n’étaient plus que quatre en 1651, le double trois ans plus tard. Le nombre des canonicats ayant été limité à onze, en plus de l’abbesse, dans le coutumier de 1685, ceux-ci furent constamment pourvus au xviiie siècle, outre les quatre ou cinq « nièces » attendant la vacance de l’un d’eux50. Cet essor tranche à l’évidence sur l’évolution des ordres et des congrégations féminines françaises, qui perdirent le quart de leurs effectifs dans les trois dernières décennies de l’Ancien Régime, même s’il convient d’introduire des nuances selon les familles religieuses et les provinces considérées. Cette crise affecta tout particulièrement les femmes consacrées issues du second ordre, où le reflux est perceptible dès la fin du xviie siècle. Si, vers 1665, 37% des femmes nobles de vingt-cinq ans ou plus avaient fait le choix d’entrer en religion, cette proportion se réduisit à 18% vers 1715, 10% vers 1740, et ne représentait plus que 3% de celles-ci à la Révolution51. L’on peut également juger du succès rencontré par les chapitres nobles de dames, dans la France du xviiie siècle, aux comportements et aux revendications du second ordre relatifs à ces instituts. Quelle opiniâtreté, chez ces familles, à vouloir y faire entrer leurs membres, quelle passion à faire publicité de ces admissions dans leurs généalogies ! Et quel empressement, au crépuscule de l’Ancien Régime, dans les grands corps de la noblesse, à réclamer la création de chapitres de dames au nom d’une utilité sociale en faveur des hobereaux ! Par la voix de son président Joseph-Marie de Barral de Montferrat, le parlement de Dauphiné avait demandé à Versailles, le 20 juin 1770, celle d’un établissement de chanoinesses nobles de l’ordre de Malte. Il fallut cependant patienter jusqu’en avril 1787 pour qu’on y consentît52. La chambre de la noblesse des États de Bourgogne exprima un souhait semblable dans sa séance du 4 août 1784. Par l’entremise convaincante du comte de Chastellux, élu général de cette chambre, les lettres patentes du 12 octobre 1787 autorisèrent l’érection d’un chapitre noble féminin dans le sud de la Bourgogne, en Brionnais, en place
48 BECB, ms. 2250, recueil de pièces concernant la Franche-Comté au xviiie siècle, f. 8v. 49 AD Jura, 38 H 2. 50 P. Delsalle, op. cit., p. 212-213 ; AM Baume-les-Dames, GG 1 (en 1651) et BB 10 (en 1654) ; BGSB, Fonds non classé, état des communautés…, op. cit. 51 J. Houdaille, « La noblesse française. 1600-1900 », Population, 44-3 (1989), p. 503. 52 AD Isère, B 2318, f. 121 et 144v, f. 234 et 283 ; cité par Cl. Coulomb, « Des parlementaires dévots. L’exemple de Grenoble au xviiie siècle », in O. Chaline et Y. Sassier (éd.), Les Parlements et la vie de la cité (xvie-xviiie siècle), Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2004, p. 311-312.
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du prieuré clunisien supprimé de Marcigny-les-Nonnains53. Les cent trente cahiers de doléances conservés exposant les plaintes et les attentes nobiliaires comportent treize vœux en faveur de la création de chapitres nobles54. Déterminé à augmenter le nombre de ces compagnies après le succès que rencontraient, au diocèse de Lyon, les chapitres nobles féminins d’Alix, de L’Argentière, de Leigneux et de Neuville-les-Dames, auquel il avait contribué en les comblant de grâces et de privilèges, le monarque permit en 1786 que le prieuré de fontevristes de Jourcey, en Forez, soit transformé en chapitre noble séculier55. L’année suivante, fut fondé celui de Troarn, en Normandie, mais l’éclatement de la Révolution ne permit pas qu’il entre en activité. L’attente d’une telle promotion n’existait pas à l’égard des chapitres d’hommes. La noblesse s’était contentée jusqu’aux années 1770 de convaincre de séculariser un certain nombre de ceux qui étaient encore réguliers, espérant ainsi pouvoir endiguer la crise de leur recrutement. Il en résulta sept sécularisations dans le royaume, dont quatre en Franche-Comté56. Trop isolé dans le Jura, on ne put obtenir du prieuré de Gigny depuis peu transformé en une collégiale noble cette régénération espérée, et c’est sans états d’âme que cette compagnie fut supprimée en 1788, les chapitres de dames de Lons-le-Saunier et de Migette se trouvant bénéficiaires de ses biens et des droits qui en dépendaient57. L’on s’était peut-être inspiré, dans ce cas précis, du précédent de l’abbaye noble de Savigny, au diocèse de Lyon, supprimée en 1780 au profit des chapitres féminins de L’Argentière, Alix et Leigneux58. C’était alors aux établissements féminins qu’allait toute la sollicitude du roi, de ses ministres et du haut clergé pour en accroître la richesse et le prestige. Quelles furent les causes au xviiie siècle d’un âge d’or des chapitres nobles de dames ? Ne faut-il pas les rechercher dans un conservatisme visionnaire qui eut des caractéristiques à la fois sociales et religieuses, ceux-ci apparaissant 53 AD Côte-d’Or, C 3047, Séance du 4 août 1784, et C 3048, séance du 27 novembre 1787 ; je remercie Jérôme Loiseau de m’avoir signalé ces sources. 54 G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au xviiie siècle. De la féodalité aux Lumières, Paris, Complexe, 1984 [première éd. 1976], p. 210. 55 Un mémoire daté d’octobre 1784, destiné au roi, réclame l’instauration de preuves de huit degrés du côté paternel, la mère devant être demoiselle : AN G9, 137 (8), Commission des Réguliers et des Secours. BM Lyon, fonds Coste, ms 1133. Je remercie Pierre-Marie Pérez de m’avoir communiqué ces références. 56 Les établissements comtois sécularisés furent l’abbaye de Saint-Claude, érigée en siège épiscopal en 1742, Baume-les-Moines, devenue en 1761 la collégiale de Baume-les-Messieurs, le prieuré de Gigny, devenu en 1762 la collégiale Saint-Pierre-et-Saint-Louis, et l’abbaye de Lure, devenue en 1765 la collégiale Saint-Desle-et-Saint-Louis et unie à celle de Murbach. Le Saint-Siège autorisa la sécularisation de l’abbaye Saint-Victor de Marseille par des bulles du 17 décembre 1739. Rome ayant d’abord permis en 1759 aux religieux de Murbach, en Alsace, de se transférer à Guebwiller, la sécularisation du monastère fut permise en 1765. Enclenchée dans la décennie 1730, celle de Saint-André-le-Bas à Vienne, en Dauphiné, s’acheva en 1772 par son union avec le chapitre collégial de Saint-Chef. 57 AD Jura, 3 H 1 ; 48 H 9 ; Décret d’extinction du chapitre noble de Gigny, s.l.s.d., 1788, in-4o. 58 AD Rhône, 25 G 10 ; 1 H 26.
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comme les précurseurs de la réaction nobiliaire en répondant aux attentes d’une catégorie désorientée de la noblesse qui souffrait du sentiment de son déclassement ? Ne surent-ils pas séduire en se démarquant du modèle conventuel féminin unifiant souhaité par les réformateurs tridentins, contentant de la sorte des attentes spirituelles très modernes ? À première vue lacunaires, les matériaux nécessaires à cette enquête n’en sont pas moins parlants. On ne saurait sous-estimer les retranchements consécutifs aux incendies et aux saccages des guerres de la période moderne, la Révolution leur ayant été à son tour destructrice. La conséquence en est la quasi-vacuité pour Migette et Château-Chalon, à l’image de leurs vestiges monumentaux, de la série ecclésiastique des archives départementales. Ruinée par l’échec de la tentative de restauration de son chapitre, l’ancienne abbesse Anne Désirée Sophie de Stain fit vendre à l’encan les archives de Château-Chalon en 1803. Les sources des autres abbayes nobles sont mieux représentées dans la série H des archives départementales du Doubs, de la Haute-Saône et du Jura, complétées, s’agissant de Baume-les-Dames, par le fonds d’Huart-Saint-Mauris, qui se trouvait en dépôt dans la série J des archives de la Haute-Saône lorsque nous avons réalisé cet ouvrage59. Les documents normatifs sont nombreux : Le manuscrit 799 de la bibliothèque d’étude et de conservation de Besançon, ainsi que le Recueil des Édits, Ordonnances, […] Lettres patentes enregistrés au parlement de la province donnent accès aux statuts et règlements qui régirent au xviiie siècle les communautés de clarisses urbanistes, une copie du coutumier de 1685 de l’abbaye baumoise se trouve à la Bibliothèque nationale60. La bibliothèque diocésaine de Besançon a fourni de précieux fragments concernant les suppliques adressées par ces établissements à l’archevêque Antoine-Clériade de Choiseul-Beaupré (17551774) et les démarches en Cour effectuées par ce prélat pour les satisfaire ; le fonds de la Commission des réguliers et des secours (sous-série G 9), aux Archives nationales, permet d’en apprécier l’efficacité. Dans la série E des archives départementales, quelques documents ont permis d’approcher des parcours individuels. L’Histoire des Séquanois et de la province séquanoise (1735) et l’Histoire de l’Église, ville et diocèse de Besançon (1750) de l’historien comtois François Ignace Dunod de Charnage (1679-1752) ont été d’utiles sources de seconde main.
59 Une vingtaine de liasses et registres des archives de l’abbaye se sont retrouvés au xixe siècle dans le chartrier de la famille de Saint-Mauris, au château de Colombier en Haute-Saône. Les propriétaires du fonds avaient déposé celui-ci aux Archives de la Haute-Saône, mais ils ont, depuis, souhaité le reprendre. Il est désormais conservé au château de Saint-Aubin-surLoire (Saône-et-Loire), amputé de documents qui sont restés dans le domaine public et ont été versés aux Archives du Doubs et du Jura. 60 BnF, n.a.f., ms. 8704, f. 204-212r ; nous avons édité ce document dans « Le coutumier de l’abbaye de Baume-les-Dames (1685) de la Bibliothèque nationale », éd. C. Marchal, Histoire et patrimoine de Franche-Comté. Mémoires de la Société d’Émulation du Doubs, 2015, Autechaux, Estimprim, 2016, p. 354-368.
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Fig. 1 : Ruines de l’abbatiale de Château-Chalon. Lithographie de Godefroy Engelmann, 1827.
Comme acte décisif au nouveau statut d’abbaye noble auquel elles aspiraient, cinq communautés féminines de Franche-Comté à recrutement nobiliaire imposèrent aux postulantes, dans le dernier tiers du xviie siècle et au début du suivant, des preuves de noblesse écrites et réclamées par quartiers, contrôlées avec la plus grande rigueur. Parallèlement, la cooptation qui régissait le recrutement freina l’ouverture de ces maisons à des postulantes
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qui n’étaient pas comtoises. La première partie de l’ouvrage révèle comment cette fermeture devint l’une des raisons principales du succès rencontré par ces compagnies. La deuxième partie s’attache à décrire l’accentuation d’une sécularité déjà ancienne de ces établissements à la faveur de l’exclusivisme nobiliaire, qui contribua également à les rendre plus attractifs. Dans la troisième partie, est démontrée la persistance de leurs fonctions spirituelles, néanmoins assez peu austères et contraignantes pour ne pas rebuter, et rassurantes, ce qui contentait à la fois des aspirations anciennes mais aussi très modernes et, pourrait-on dire, révolutionnaires.
Première partie
Rigueurs et bienfaits de la sélection
Introduction
La nécessité de démontrer son ascendance noble par des preuves écrites (également appelées authentiques ou littérales) fut fortement imposée dans la période moderne en Europe occidentale1. En France, elles étaient réclamées lorsque le roi ordonnait une recherche d’usurpateurs2, ou lorsqu’un requérant en quête de considération sociale3 briguait des honneurs, une place dans des écoles, ou dans des ordres religieux, militaires et de chevalerie, réservés à la noblesse4. Les Mémoires d’outre-tombe attestent la fréquence de cette pratique dans certaines familles, à l’image de celle de Chateaubriand : Les preuves de ma descendance furent faites entre les mains de Chérin, pour l’admission de ma sœur Lucile comme chanoinesse au chapitre de L’Argentière, d’où elle devait passer à celui de Remiremont ; elles furent reproduites pour ma présentation à Louis XVI, reproduites pour mon affiliation à l’ordre de Malte et reproduites, une dernière fois, quand mon frère fut présenté au même infortuné Louis XVI5. Dans certains cas, l’exigence de preuves se doublait de conditions d’appartenance à une province. Ces dernières étaient bien présentes dans les territoires rattachés depuis peu à la France, à fort particularisme nobiliaire, et 1 O. Rouchon (éd.), L’opération généalogique, cultures et pratiques européennes, xvexviiie siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014. Pour le cas de la noblesse italienne, voir Cl. Donati, L’idea di nobiltà in Italia, secoli xiv-xviii, Rome, Laterza, 1995, 280 p. 2 La plupart des nobles jouissaient de l’exemption de la taille. La monarchie fut amenée à développer des procédures de vérification des titres nobiliaires pour améliorer la rentabilité de l’impôt, par ce que l’on a appelé les vérifications ou réformations de noblesse du règne de Louis XIV. V. Pietri, « vraie et fausse noblesse : l’identité nobiliaire provençale à l’épreuve des réformations (1656-1718) », Cahiers de la Méditerranée, 66 (2003), p. 79-91 ; J. Meyer, La noblesse bretonne au xviiie siècle, Paris, SEVPEN, 1966, t. 1, p. 32-33. 3 J. Pontet (éd.), À la recherche de la considération sociale. Actes du colloque de Talence, 8 et 9 janvier 1998, Talence, Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine, 1999, 228 p. 4 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit. ; É. de Bellaigue, « Preuves pour l’ordre de Malte », Héraldique et généalogie, Paris, 1-2 (1969), p. 13-15 ; L. de Forges de Parny, « Les preuves pour la Maison de la Reine », Bulletin de l’Association d’entr’aide de la noblesse française, Paris, 125 (1970), p. 155-162. ; V. Pietri, « Bonne renommée ou actes authentiques : la noblesse doit faire ses preuves (Provence, xviie-xviiie siècles), Genèses, 74-1, 2009, p. 5-24. Concernant les pratiques généalogiques de la haute robe parisienne : R. Descimon et É. Haddad (éd.), Épreuves de noblesse. Les expériences nobiliaires de la haute robe parisienne (xvie-xviiie siècle), Paris, Les Belles Lettres, 2010, 459 p. 5 Fr.-R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, Paris, coll. « Le livre de poche », 1973, t. 1, p. 41.
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dans les provinces qui, comme la Bretagne ou la Normandie, se caractérisaient à la fois par la densité et la pauvreté de leur noblesse6. Pour devenir chevalier de la confrérie de Saint-Georges en Franche-Comté, fondée vers 1430 par Philibert de Mollans, il fallait être né ou possessionné dans cette province. L’exclusivisme géographique fut pratiqué par maints collèges d’éducation, il pouvait être une condition à la jouissance d’une bourse. À Paris, celui des Quatre Nations, fondé en 1661 par le cardinal Mazarin, n’admettait que des pensionnaires originaires des provinces nouvellement conquises. Transféré en 1764 à Louis-le-Grand, le collège de Maître-Gervais réservait, par la déclaration royale de 1778, la moitié de ses bourses à des Normands. En Bretagne, à Rennes, l’hôtel des gentilshommes institué en 1743 accueillait des élèves boursiers issus de la noblesse pauvre de la province. Bénéficiaires par lettres patentes de 1700 des biens du chapitre noble luthérien de Saint-Étienne, les visitandines de Strasbourg avaient en contrepartie le devoir d’élever gratuitement dix demoiselles nobles devant être Alsaciennes. En France, l’administration royale devint dans la seconde moitié du xviie siècle un agent essentiel de la propagation d’une culture généalogique dans la noblesse, sa volonté étant de soumettre davantage cet ordre au prince. Mais bien avant que l’État ne s’en saisisse comme d’un instrument de contrôle, cette pratique était déjà, depuis le Moyen Âge, familière à de nombreux nobles français7. Durant le xvie siècle, inquiète de son érosion numérique et de la rapidité de son remplacement par des usurpateurs de l’épée, de la robe et des finances, la noblesse eut fréquemment à se plaindre de l’intrusion massive de faux nobles au sein de l’ordre. La pratique généalogique lui paraissait un moyen efficace de lutter contre ces excès. Elle proposa vainement aux États généraux de Blois de 1576 la désignation d’un syndic de la noblesse dans tous les bailliages et sénéchaussées du royaume, qui aurait pour tâche de tenir un registre des gentilshommes du ressort, où ne seraient inscrits que ceux « de quatre races », c’est-à-dire de quatre générations nobles. Le souverain avait fait défense en 1560 d’usurper le nom et titre de noblesse. Par la suite, des offices de généalogistes spécialisés furent institués : Henri IV établit par un édit de 1595 celui de Généalogiste des Ordres du roi et Louis XIII créa en 1615 celui de Juge d’armes pour la vérification des armoiries8. La déclaration que Louis XIV fit publier le 11 septembre 1657 ordonnait que « ceux qui prétendent jouir du titre de noblesse et des privilèges d’icelle soient tenus de représenter leurs titres en originaux aux premiers commandements
6 M. Nassiet, Noblesse et pauvreté : la petite noblesse de Bretagne (xve-xviiie siècles), Rennes, Société historique et archéologique de Bretagne, 1993, 526 p. 7 G. Duby, Hommes et structures du Moyen Âge. T. 1, La société chevaleresque, Paris, Flammarion, 1988, 222 p. ; Chr. Klapisch-Zuber, L’ombre des ancêtres. Essai sur l’imaginaire médiéval de la parenté, Paris, Fayard, 2000, 458 p. 8 Chr. Maurel, « Construction généalogique et développement de l’État moderne. La généalogie des Bailleul », Annales. ESC, 46-4 (1991), p. 819-820.
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qui leur seront faits9 ». Dans les années qui suivirent, furent lancées dans presque tout le royaume de grandes enquêtes10 qui contraignaient les nobles à produire devant l’intendant de leur généralité la preuve sur titres de leur qualité, sur le fondement desquels devait être dressé le catalogue de la noblesse française. La mission était confiée à un traitant de retrouver des actes dans lesquels l’usurpation se révélait flagrante. Ces enquêtes furent étendues en 1699 aux espaces conquis. La noblesse comtoise n’avait pas attendu la réunion de la province à la France pour se voir confrontée par le monarque à cette épreuve scripturaire : l’édit du 4 juillet 1650 du roi Philippe IV d’Espagne soumettait à la preuve patrilinéaire d’une possession plus que centenaire ceux qui étaient soupçonnés d’avoir usurpé les titres et qualités de la noblesse. Après le changement de souveraineté, la déclaration royale du 3 mars 1699 renouvela l’obligation de la même preuve centenaire lors de l’enquête sur les faux nobles, confiée à Charles de la Cour de Beauval11. Ce fut donc dans ce contexte que les chapitres de dames de Franche-Comté se mirent à réclamer des preuves aux postulantes, leur ajoutant parfois un autre critère de sélection relatif à l’origine géographique. La puissance souveraine ne devait se manifester que bien plus tard pour légaliser ou réguler une pratique instituée à l’initiative de ces compagnies. Il convient non seulement de saisir le moment de la mise en place de ces processus et des facteurs qui les déclenchèrent pour tenter de comprendre le succès de ces chapitres nobles au xviiie siècle, mais également d’appréhender les réactions qu’ils provoquèrent. Car nous ne serions pas étonné qu’en celles-ci, dans l’émulation, les jalousies, les frustrations ou l’humiliation provoquées par cette sélection sans complaisance, on découvre la raison majeure de l’engouement dont ces établissements furent l’objet.
9 L. Bourquin, La noblesse dans la France moderne (xvie-xviiie siècles), Paris, Belin, coll. « Sup Histoire », 2002, p. 53-54. 10 L. Bely (éd.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, PUF, 1996, p. 1052 ( J.-M. Constant, notice « recherches de noblesse ») ; Fr. Bluche (éd.), Dictionnaire du Grand siècle, Paris, Fayard, p. 1304 (Fr. d’Agay, notice « Recherches de noblesse »). 11 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits, op. cit., t. 1, p. 866.
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Chapitre i
De l’exclusivité noble aux preuves de noblesse
L’usage de prouver sa noblesse apparut tardivement dans l’histoire des chapitres féminins de Franche-Comté. Il fut précédé, dans les cas où l’exclusivité noble n’eût existé dès l’origine, de l’accaparement progressif des places par la noblesse chevaleresque et d’extraction. L’institution de preuves de noblesse doit être jugée comme leur véritable acte de fondation en tant que chapitres nobles. Parce que celles-ci étaient porteuses de tensions sociales, la monarchie, qui n’avait su contrarier leur adoption et avait même été souvent poussée à les officialiser, tenta dans un second temps, dans les provinces conquises des frontières septentrionales et orientales où ces preuves se déclinaient par quartiers, de les conformer à la norme française de transmission du sang noble par voie agnatique. Dans ce processus de fermeture sociale en grande partie à l’origine du succès rencontré par les chapitres nobles au xviiie siècle, ceux de Franche-Comté se singularisent-ils ?
L’exclusivité noble Les textes hagiographiques ont permis d’affirmer que dans le haut Moyen Âge, l’exclusivité noble était plus fréquente dans les monastères de femmes que dans ceux d’hommes. Quant aux communautés demeurées perméables à des roturières, leur fermeture sociale s’opéra au crépuscule du Moyen Âge. Cette sélection s’illustre de façon caricaturale dans le cas des chanoinesses d’Erstein, au diocèse de Strasbourg : désireuses de n’admettre que des candidates issues de la vieille noblesse et ne tolérant pas de concessions, elles provoquèrent la disparition de leur chapitre, dans la première moitié du xve siècle1. Qu’en fut-il des maisons du Comté amenées à devenir des chapitres nobles dans la seconde modernité ? Professeur de droit à l’Université de Besançon, éminent historien de cette province, François Ignace Dunod de Charnage prétend que celles de clarisses urbanistes furent dès leur origine le domaine réservé de la noblesse, à en juger par la qualité des abbesses2. L’assertion est peu convaincante. Du fait des lacunes documentaires actuelles, il faut s’en 1 Fr. Rapp, « La réforme des maisons de dames nobles dans le diocèse de Strasbourg à la fin du Moyen Âge », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, op. cit., p. 77. 2 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire de l’Église, ville et diocèse de Besançon, Besançon, Daclin, 1750, t. 2, p. 115 ; Id., Histoire des Séquanois et de la province séquanoise, des Bourguignons
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remettre à cet érudit lorsqu’il affirme, à l’appui de titres anciens, qu’on ne recevait depuis plusieurs siècles à Château-Chalon que des demoiselles d’une noblesse ancienne et connue. Beaucoup de religieuses portent le titre de domna sur le nécrologe, avant que les noms propres fussent en usage, et je n’y ai trouvé que des noms de familles de gentilshommes3. Concernant Baume-les-Dames, il constate « qu’on trouve déjà dans les élections des abbesses faites au xiiie et xive siècles que les religieuses portoient les noms des familles de gentilshommes du comté de Bourgogne et des provinces voisines les plus distinguées4 ». Les noms des dix religieuses présentes et citées dans l’acte notarié de réception et d’apprébendement de Catherine de Montbozon, le 28 septembre 1344, qui renvoient aux puissants lignages nobles de la région, semblent lui donner raison5. L’enquête qu’ordonna en 1740 l’intendant de Vanolles pour connaître l’origine de la sélection nobiliaire dans les chapitres nobles de Franche-Comté permit d’exhumer des archives baumoises un manuscrit daté de 1555 précisant qu’à cette époque, les demoiselles étaient recrutées « suivant l’ancienne coutume, nobles et qualifiées6 ». Peut-être inspirée par Dunod de Charnage, dont les ouvrages historiques rencontraient un grand succès dans les milieux cultivés de la province, l’affirmation de commencements aristocratiques de ces établissements fut fréquente au xviiie siècle, à l’image d’un extrait d’un mémoire sur l’origine de l’abbaye royale de Lons-le-Saunier, que conserve la bibliothèque de Besançon7. Un document émanant des chevaliers de Saint-Georges, daté du 30 avril 1788, destiné aux preuves de la maison de Falletans8, assure que « d’après les auteurs les plus anciens de la province, et notamment par les noms des dames qui composaient cette abbaye dès les xive et xve siècles9 », Migette ne fut peuplée dès son origine que de filles de féodaux. De tels postulats résistaient parfois difficilement à un effort rigoureux de démonstration : dans les titres qu’elles furent contraintes de présenter en 1740, sur l’ordre de l’intendant de Franche-Comté, pour faire valoir leur prétention à n’admettre dans leurs rangs
et du premier royaume de Bourgogne, de l’Église de Besançon jusque dans le sixième siècle et des abbayes nobles du comté de Bourgogne, Dijon, de Fay, 1735, p. 169, p. 173-174. 3 Id., Histoire des Séquanois…, op. cit., p. 148. 4 Ibid., p. 162. 5 R. Locatelli, « Les chapitres de dames nobles au diocèse de Besançon du douzième au quatorzième siècle », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles, op. cit., p. 62-3 ; l’acte notarié est transcrit en annexe de l’article, p. 68-69 ; AD Haute-Saône, Fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 140. 6 AD Haute-Saône, Fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137, copie du procès-verbal de la visite faite par l’intendant de Vanolles au sujet des preuves de noblesse, datée du 24 avril 1741. 7 BECB, ms. 799, Précis d’un mémoire sur l’origine de l’abbaye royale de Lons-le-Saunier, p. 5. 8 Maison dont la noblesse d’ancienne chevalerie est connue depuis Thiébaud, qui confirma en 1182 la donation de l’église de Falletans, près de Dole, à l’abbaye Saint-Paul de Besançon. 9 AD Doubs E (titres de familles) 3882.
d e l’e xc lu s i vi t é n o b l e au x pre u ve s d e no b le sse
que des nobles, les dames de Montigny n’en purent sélectionner que deux qui attestaient l’ancienneté de cette pratique. Le premier, un parchemin daté du 17 avril 1442, qualifiait deux moniales de « nobles et religieuses dames de Sainte Claire de Montigny » ; le second, extrait des lettres patentes du roi d’Espagne Philippe II, datées du 10 mai 1581, désignait tout aussi imprécisément les religieuses comme issues de « bonnes et nobles maisons10 ». Ce fut le travers au xviiie siècle de bien des compagnies nobles du royaume que de faire passer leur recrutement aristocratique pour très ancien, sans fournir de preuves à leur assertion. Dans les statuts publiés en 1645 pour l’abbaye Sainte-Marie de Metz, il était affirmé qu’elle « subsist[ait] depuis cinq à six cens ans […] pour la plus grande gloire de Dieu, le salut des âmes et le soulagement de la noblesse11 ». Pierre-Édouard Wagner a montré que dans les faits, entre la fin du xiiie siècle et le milieu du xve siècle, l’abbesse ainsi que les dames étaient en majorité issues du patriciat messin, et même de filles de la bourgeoisie. Un accord de 1345 précisant les conditions du recrutement n’indique pas celle d’être noble12. Les compagnies féminines de Franche-Comté ne firent donc que se conformer à une pratique fort répandue dans le monde capitulaire noble, qui consistait à relier à une tradition séculaire un recrutement aristocratique loin d’être admis par tous.
L’apparition de conditions de noblesse : imitation, émulation À une époque qu’il est parfois difficile de préciser, la sélection nobiliaire devint rigoureuse. On la chargea de conditions en matière d’ancienneté et d’une attestation par des témoins, en réaction, probablement, à l’ouverture géographique du recrutement ; l’extranéité des postulantes compliquait en effet la vérification de la noblesse, en plus de léser les familles autochtones qui se voyaient ainsi concurrencées pour des places dans les chapitres. Cette rigueur est attestée très tôt à Remiremont, à un moment où l’abbaye noble élargissait son recrutement au-delà de la Lorraine. Une bulle de l’antipape Benoît XIII, datée de 1395, imposait à toute postulante de prouver son origine noble, tant du côté paternel que maternel13. Les conditions furent précisées au siècle suivant, avec la nécessité d’une noblesse de huit écus (ou quartiers), c’est-à-dire remontée jusqu’au bisaïeul, incluant les ascendants paternels et maternels, selon le Mémorial de la doyenne14. 10 BGSB, Fonds du chapitre de Besançon, ms. 54 (15). 11 AD Moselle H 3997, chap. 1, art. 4, f. 1 (source communiquée par Émilie Lefebvre). 12 P.-E. Wagner, « L’abbaye de Sainte-Marie-aux-Nonnains au milieu du xive siècle », Académie nationale de Metz, 2009, p. 235, p. 241. 13 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 9. 14 BnF, ms. latin, 10 017, Mémorial ou livre du doyenné, xive-xve siècle ; cité par Fr. Boquillon, ibid., p. 9, p. 39.
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Remiremont entretenait alors des liens privilégiés avec la Franche-Comté, son domaine s’étendant au nord du diocèse de Besançon. Au xiie siècle, déjà, ses abbesses avaient confié la protection de cette partie du temporel aux archevêques de Besançon Anseri (1117-1134), Humbert de Scey (1134-1161) et Herbert (1163-1170), qui intervinrent contre des seigneurs locaux15. Au siècle suivant, les conservateurs apostoliques, chargés de protéger les intérêts romarimontains, étaient des Comtois16 et la moitié des dames prébendées de Remiremont étaient également du Comté. Sur un échantillon de 435 dames nobles dont l’origine géographique a été suivie, du xive siècle au début du xviie siècle, celles du Comté, avec 196 représentantes, furent de loin les plus nombreuses, avant même les Lorraines, qui ne totalisent que 141 membres. De 102 au xive siècle (62% des dames), le nombre des Comtoises passa à vingt-huit au xvie siècle (20%)17, à vingt au xviie siècle (9,5%) puis à quinze au xviiie siècle (6%)18. Il se peut que la précocité, au sein du chapitre vosgien, de preuves de noblesse exigées des postulantes ait entraîné un effet d’imitation dans les abbayes de femmes de Franche-Comté à recrutement nobiliaire, et notamment à Baume-les-Dames, à ce point liée historiquement à la communauté vosgienne, qu’une confraternité commémorait toujours au xviiie siècle cette proximité. Cette étroitesse de liens est attestée depuis la fin du Moyen Âge. Il convient de recevoir prudemment l’information contenue dans un fragment manuscrit du xviiie siècle relative à une dame de Nant, religieuse à Baume au xive siècle, qui aurait été bénéficiaire d’une prébende dans les deux abbayes19. Alix de Montmartin, élue abbesse de Baume en 1476, avait accompli son noviciat à Remiremont. Ayant reçu la crosse dans l’abbaye comtoise en 1493, Catherine de Neuchâtel fréquenta les deux établissements, mais ne connut pas d’ascension comparable à Remiremont, où son élection à l’abbatiat, le 28 janvier 1474, ne fut pas confirmée par Rome, car elle n’avait pas l’âge requis. Il y eut bien cependant un abbatiat double quelques années plus tard : sa nièce Marguerite lui succéda comme abbesse de Baume en 1501 et reçut également cette dignité des dames de Remiremont, le 23 mai 153420.
15 R. Fietier, « Présence de Remiremont dans le diocèse de Besançon », in Remiremont, l’abbaye et la ville. Actes des journées d’études vosgiennes, Remiremont, 17-20 avril 1980, Nancy, 1980, p. 199-207. 16 M. Parisse, « L’abbaye de Remiremont et la Bourgogne comtale », in Fr. Roth (éd.), Lorraine, Bourgogne et Franche-Comté, Comité d’histoire régionale, Moyenmoutier, 2010, p. 17-19. 17 M.-O. Boulard, « Les chanoinesses de Remiremont, du xive siècle au début du xviie siècle », Remiremont : l’abbaye et la ville, op. cit., Nancy, p. 64-68 ; P. Pegeot, « Note sur les chanoinesses de Remiremont originaires de Franche-Comté », Société d’Émulation de Montbéliard, Bulletin et mémoires, 106 (1983), p. 177-179. 18 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont, op. cit., p. 321. 19 AD Haute-Saône, Fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137. 20 A. Benoit, « Marguerite de Neuchâtel, abbesse de Baume-les-Dames et de Remiremont (1501-1549) », Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne, 1891-1892, 17e année, Saint-Dié, Humbert, 1892, p. 44-61. AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 139, f. 15.
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Dans la plupart des chapitres nobles, les premières formes de preuves nobiliaires furent testimoniales, c’est-à-dire jurées authentiques et conformes aux exigences du chapitre par le serment oral de gentilshommes désignés. « Il ne semble pas que les historiens se soient préoccupés de trouver le moment où une abbesse ou un chanoine ont mis en doute les témoignages oraux pour exiger des preuves écrites et donner naissance à ces gros dossiers de l’époque moderne, dont les arbres de lignes et de quartiers sont une somptueuse illustration », constate Michel Parisse21. La mutation au bénéfice de preuves littérales, fournies en titres originaux ou certifiés conformes, avec un inventaire de celles-ci pour chaque génération, que complétait parfois un arbre de lignes, n’est pas datable pour les abbayes nobles féminines de Franche-Comté, en raison des lacunes déjà signalées des archives. Si l’on fait abstraction d’un mémoire manuscrit portant sur les origines de l’abbaye de Château-Chalon, daté de 1756, dont l’auteur prétend que les preuves de noblesse y étaient établies depuis « nombre de siècles22 », la plus ancienne référence à un tel usage dans ces établissements nous est donnée par Dunod de Charnage qui s’appuie sur le traité de réception à Lons-le-Saunier de Suzanne de Moutier, le 3 septembre 1615. Ces preuves étaient vraisemblablement de pure forme, données sur simple serment oral de gentilshommes, puisque quatre d’entre eux furent convoqués par les parents de la postulante plutôt que par le chapitre, pour attester que la demoiselle possédait les huit quartiers de noblesse requise23. L’enquête ordonnée en 1740 par l’intendance de Franche-Comté pour rechercher l’origine des preuves de noblesse dans les abbayes nobles de la province en révéla la première mention dans les archives du couvent lédonien en 1619. Cette demande dut être assez libérale à ses commencements, à en juger par une requête en 1629 des représentants des chambres du clergé et de la noblesse des États de la province à l’abbesse, aux fins de n’y recevoir que des filles d’ancienne noblesse. Par un arrêt du parlement de Dole datant du 23 août 1647, les candidats à la prise d’habit dans les abbayes d’hommes de Saint-Claude, de Baumeles-Moines et au prieuré de Gigny devraient désormais démontrer qu’ils étaient gentilshommes de naissance, et prouver « huit lignées, sçavoir quatre paternelles et quatre maternelles », ce que l’on interpréta comme seize quartiers de noblesse, c’est-à-dire que celle-ci devait être remontée jusqu’aux trisaïeux, sans roture du côté des femmes. Son application fut sujette à difficultés, si bien qu’à la sollicitation de la chambre de la noblesse, les États provinciaux assemblés à Dole en 1654 demandèrent au roi d’Espagne de confirmer cet arrêt, ce qui fut fait par une déclaration promulguée la même année24. Dunod 21 M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles, op. cit., p. 16. 22 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-Chalon dans le comté de Bourgogne, p. 21. 23 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois, op. cit., p. 170. 24 « État ancien de la Noblesse et du Clergé de Franche-Comté. Mémoire inédit du xviiie siècle publié par Bernard Prost », Bulletin de la Société d’agriculture, sciences et arts de Poligny,
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de Charnage fait remonter l’origine de la preuve de seize quartiers dans ces trois maisons bien plus tôt, dans la seconde moitié du xvie siècle25. Par un effet, probablement, de mimétisme, cette exigence en matière de noblesse devait à son tour gagner les établissements féminins de la province. Les dames de Baume l’adoptèrent par une délibération capitulaire en date du 12 août 166426. Seize quartiers étaient également la condition pour entrer à Château-Chalon au dernier tiers du xviie siècle ; Dunod de Charnage, qui avait pourtant eu accès aux archives de l’abbaye, était incapable d’indiquer l’origine de cette pratique27. Il se peut que l’usage des preuves y ait été officialisé avec l’adoption, le 2 août 1666, par le visiteur apostolique, de statuts établis un an plus tôt par les dames, dont le contenu n’a pas été conservé28. Moins exigeantes, les religieuses de Lons-le-Saunier fixèrent les preuves nécessaires à huit quartiers, par une délibération capitulaire du 13 septembre 1673, invoquant le désir de renouer avec une pratique qui avait été délaissée depuis l’incendie de 1637. On en vint à en réclamer seize, au début du xviiie siècle, les plus anciennes preuves établies selon ce critère datant du 8 septembre 169829. Leurs consœurs de Migette venaient de les précéder de quelques mois en adoptant la règle des seize écus, « comm’ elles se fait dans les autres abbayes et chapitres de cette province », par délibération capitulaire du 22 mai 169830. Une telle sélection sociale n’était pourtant pas aisée à faire admettre. Les clarisses de Montigny-lès-Vesoul devaient en faire l’amère expérience. Elles s’étaient accordées, dans l’assemblée capitulaire du 8 décembre 1700, sur une remontée d’au moins cent ans de noblesse paternelle, décision confirmée par leur ordinaire, le provincial des franciscains, lors de sa visite du 15 septembre 1701, et réitérée dans une seconde assemblée capitulaire du 11 janvier 170831. Mais l’abbaye peinait à se relever des malheurs qui l’avaient accablée au siècle précédent, l’incendie de 1686 s’étant ajouté aux misères subies lors de la guerre de Dix Ans. Parce qu’elle rencontrait des difficultés à recruter, celle-ci fut bientôt contrainte d’édulcorer sa sélection, d’autant qu’un arrêt du parlement
Poligny, 1879, p. 5 ; BnF, collection Droz, fonds Moreau, ms. 901, f. 348-353. Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois…, p. lxxxvii-lxxxviii, p. 105-106 ; Id., Histoire de l’Église…, op. cit., p. 93, p. 103 ; Id., Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne, contenant l’idée générale de la noblesse et le nobiliaire dudit comté, Besançon, Jean-Baptiste Charmet, 1740, p. 36. 25 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois, op. cit., p. 105. 26 AD Haute-Saône, Fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137. 27 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois, op. cit., p. 148. 28 AD Doubs, 113 H 4, Inventaire des titres et papiers de 1742 ; Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois, op. cit., p. 144. 29 AD Jura, 48 H 3, Inventaire du 9 septembre 1740 dressé par l’intendant et le commissaire du Conseil. C’est à tort que Félix de Salles situe le passage de l’exigence de huit à seize quartiers à l’année 1639 : Chapitres nobles de Lorraine. Annales, preuves de noblesse, documents, portraits, sceaux et blasons, Vienne-Paris, Émile Lechevalier, 1888, 2e partie, p. 45, n. 280. 30 AD Doubs, 118 H 2 et 118 H 3, inventaire des titres et papiers. 31 AD Haute-Saône, H 939, Inventaire des titres et papiers (xviiie siècle).
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de Besançon du 17 décembre 1710 en rejeta le principe32. Jeanne-Thérèse Tricornot du Trembloy, reçue le 15 novembre 1707, était par exemple issue d’une famille grayloise anoblie en la personne de son bisaïeul seulement, par lettres patentes du 12 octobre 1630 ; celles-ci n’ayant pas été relevées, le père de la demoiselle les avait présentées en 1698 à la Chambre des comptes, qui les avait déclarées valides. À leur réception le 27 novembre 1716, les sœurs Anne Marceline et Marie Joseph Millot de Montjustin ne pouvaient se prévaloir que de trois degrés, leur aïeul paternel Simon Jean-Baptiste ayant été anobli le 24 juillet 1662. Il est vrai qu’elles ne furent admises qu’au terme de longues années de procès. Et l’on pourrait élargir la liste aux demoiselles de Monnier de Noironte, dont les ancêtres avaient reçu leurs lettres de noblesse en 1636 de l’empereur Ferdinand II, ou à Denise Thérèse et Suzanne Gabrielle Petit de Brottes, dont le père, Jean-Baptiste, venait d’être anobli en 1693 par une charge de conseiller au parlement de Besançon. Au début de la décennie 1730, Dunod de Charnage écrivait à propos des preuves réclamées par cette abbaye : « l’on s’y contente que l’aspirante soit d’une maison connue pour noble du côté paternel33 ». Comme la fermeture sociale voulue par les établissements de clarisses urbanistes n’alla pas toujours de soi dans les premières décennies du xviiie siècle, la jurisprudence royale dut finalement l’appuyer. Louis XV confirma aux dames de Migette, dans l’article trois des lettres patentes sur arrêt du 1er février 1730, portant règlement pour l’abbaye, les seize quartiers institués depuis plus d’une génération. Il accepta, par l’article quatre du règlement approuvé par arrêt du Conseil du 19 janvier 1732 et confirmé par lettres patentes du 9 février suivant, que l’abbaye de Montigny-lès-Vesoul s’alignât sur cette norme, à la réserve que les nièces des religieuses partageant un patronyme commun seraient admises à la même preuve dative, si difficilement établie depuis un tiers de siècle. Cette tolérance permettait de ne pas contrarier un népotisme bien réglé et d’introduire une certaine souplesse dans cette fermeture sociale34.
Réglementer la preuve par quartiers : l’obsession du xviie siècle À cette date, la norme des quartiers était donc introduite dans toutes les abbayes nobles des deux sexes de Franche-Comté. Loin d’être une spécificité de cette province, elle était alors commune à ces établissements implantés dans 32 AD Doubs, 1 C 481, difficultés avec le parlement de Besançon pour les preuves de noblesse des abbayes et des chapitres nobles. 33 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois, op. cit., p. 174. 34 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits, op. cit, 1774, t. 3, p. 557, p. 632 : « Lettres patentes sur arrêt, portant règlement pour l’abbaye de Migette au Comté de Bourgogne, du premier février 1730. Registrées le 31 mars suivant » ; « Lettres patentes sur arrêt portant règlement pour l’abbaye de Montigny au comté de Bourgogne, du 9 février 1732. Registrées le 2 août suivant ».
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les périphéries de l’Est et du Nord, récemment annexées par la France – ou en voie de l’être, s’agissant de la Lorraine ducale. On la rencontrait également dans le monde capitulaire noble outre-Rhin et dans les Pays-Bas. Elle était si répandue dans les corps ecclésiastiques soumis à une sélection nobiliaire qu’il convient de la considérer comme « la preuve de l’Église », par contraste avec celles par degrés ou datives des institutions contrôlées par la monarchie française. Le xviie siècle devait être dans toute cette étendue géographique, des marges françaises au monde germanique et aux Pays-Bas, l’époque triomphante de la reconnaissance officielle de ce type de preuves qui ne concédait aucune mésalliance en ligne maternelle. Le 30 septembre 1647, Philippe IV accordait aux dames de Nivelles en Brabant un décret obligeant les postulantes à prouver huit quartiers de noblesse militaire. Le 22 janvier 1661, il donnait satisfaction à une requête des chanoinesses d’Andenne, au comté de Namur, inquiètes de voir des « personnes peu qualifiées » briguer des prébendes dans leur chapitre, et rappelait la nécessité pour toute candidate d’y prouver huit quartiers de « vraye ancienne noblesse militaire35 ». En Lorraine, le règlement de 1645 du chapitre d’Épinal fixa les conditions d’admission à huit quartiers36. La même année, les statuts de Sainte-Marie de Metz (chapitre ii, article 1) officialisaient également cette exigence, qui fut imitée plus tardivement par une autre abbaye noble de cette ville, Saint-Pierre-aux-Nonnains, dans son règlement de 169637. En outre, au-delà de la volonté de confirmer par des statuts un usage qui pouvait être déjà ancien, l’on vit en Comté comme ailleurs s’instaurer une surenchère à propos du nombre des quartiers à prouver. Le phénomène est bien observable dans les chapitres nobles féminins de l’Empire, où la sélection sociale avait pris précocement une expression réglementaire. En terre rhénane, les dames de Schwarzrheindorf et de Dietkirchen augmentèrent respectivement en 1661 et 1703 le nombre de quartiers nécessaires de huit à seize38. En Lorraine, le prestigieux chapitre de Remiremont ne voulut pas demeurer à l’écart de ce processus. À partir de 1661, commença à s’y répandre, aux côtés de la pratique plus ancienne des huit quartiers, celle de seize de noblesse chevaleresque ; les deux systèmes coexistèrent dès lors, sans que l’un ou l’autre ne s’imposât39. Les deux établissements messins de Sainte-Marie et de Saint-Pierre relevèrent également leurs preuves à seize quartiers, quelques années ou décennies après l’adoption d’un règlement aux conditions plus modestes. Il n’est donc pas surprenant que dans cette évolution commune,
35 BM Douai, ms. 938, Histoire des collèges, chapitres…, op. cit., t. 1, f. 3r ; M.-É. Henneau, « Le chapitre de chanoinesses séculières d’Andenne à l’époque moderne », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles…, op. cit., Paris, 1998, p. 259. 36 Fr. Boquillon, Les dames du chapitre Saint-Goëry d’Épinal…, op. cit., p. 29 ; G. Poull, Les dames chanoinesses d’Épinal, Haroué, Gérard Louis, 2006, p. 145. 37 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 162. 38 Chr. Duhamelle, L’héritage collectif. La noblesse d’Église rhénane, 17e-18e siècles, Paris, École des Hautes Études en Sciences sociales, 1998, p. 35. 39 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont, op. cit., p. 9, p. 39.
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les dames de Lons puis de Montigny aient à leur tour relevé leurs conditions, car il en allait du prestige de leurs établissements.
Le particularisme comtois conservé au xviiie siècle Or, ces critères de sélection étaient rédhibitoires pour presque toute la noblesse française, celle-ci se transmettant par les mâles, et qui était plus ouverte au principe de l’hypogamie avec de riches roturières, laquelle s’offrait comme un moyen de redorer le blason. Les preuves par quartiers entretenaient donc un recrutement géographiquement restreint que le Prince, passée la modération des fragiles premières décennies d’intégration à la France, fut tenté de remplacer par la preuve patrilinéaire. Au cours du xviiie siècle, les chapitres nobles de dames de Franche-Comté eurent comme exemples d’une adaptation à cette norme française ceux de la Lorraine ducale, où l’influence du royaume fleurdelisé à la cour de Lunéville avait conduit Stanislas Leszczynski, par un arrêt du 20 janvier 1761, à faire admettre aux quatre établissements féminins du duché la preuve de huit degrés du côté paternel, et de huit d’ascendance paternelle du côté de la mère ; la génération de la postulante n’était pas prise en compte, ce qui instituait les conditions d’une noblesse plus ancienne, mais potentiellement moins pure40. Né de l’union des abbayes de Sainte-Marie et de Saint-Pierre-aux-Nonnains, le chapitre Saint-Louis de Metz se détourna lui aussi du système des quartiers, par le règlement de 1765, les candidates devant faire preuve de huit degrés de noblesse paternelle, et la mère être noble. Les dames estimèrent cette sélection insuffisante et obtinrent par un arrêt du Conseil du 22 août 1768 que la filiation fût remontée à l’année 1400 en ligne paternelle, la mère devant être noble de sang41. Les lettres patentes du 18 août 1781 introduisaient dans les chapitres nobles des Pays-Bas français la preuve dative, avec une filiation remontée pour la branche paternelle à l’année 1400, la mère devant être « noble de sang et d’extraction ». L’interminable bataille qui fut engagée contre ce règlement ne permit pas son application, si ce n’est au chapitre de Bourbourg, au diocèse de Saint-Omer, où les dames l’adoptèrent en 1782, poussant la complaisance jusqu’à supprimer toute exigence pour la branche maternelle. Au-delà des limites méridionales de la Franche-Comté, les chapitres nobles féminins qui se formèrent au xviiie siècle dans le diocèse de Lyon adoptèrent dès l’origine la preuve graduelle : du côté paternel, il fut réclamé cinq degrés de noblesse à Leigneux en 174842, à Neuville-les-Dames en 175143 ainsi qu’au
40 Ibid., p. 170. 41 B. Defauconpret, op. cit., p. 162-164. 42 AD Loire H8-1 à 6 ; cité par P.-M. Perez, Les chapitres nobles de dames…, op. cit., t. 1, p. 104. 43 AD Ain H 686 ; cité par P.-M. Perez, Les chapitres nobles de dames…, op. cit., t. 1, p. 104.
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chapitre d’Alix en 1753, tandis que, du côté maternel, était imposée une preuve remontée, selon l’établissement, de trois à cinq degrés. La surenchère qu’apporta en 1779 le chapitre noble de Coise en l’Argentière, en demandant aux postulantes que la filiation paternelle fût de huit degrés44, fit réagir les dames de Salles ; celles-ci obtinrent en mai 1782 des lettres patentes fixant à sept degrés la preuve du côté paternel. Plus proches d’elles, les chanoinesses de Franche-Comté eurent l’exemple, dans le clergé masculin, de Gigny, dont la transformation du prieuré noble en une collégiale en 1761 eut pour prix l’acceptation de la preuve graduelle, fixée à sept lignes de remontée paternelle, la mère devant être « demoiselle de sang et d’extraction », c’est-à-dire issue d’un noble non anobli45. Mais, à l’image de leurs consœurs d’Alsace, elles surent résister à la « francisation » de leur système de preuves. Les clarisses de Lons-le-Saunier furent les seules à consentir à une ouverture d’abord modeste, sous la pression, probablement, de l’archevêque de Besançon Antoine Clériade de Choiseul-Beaupré, lequel ne faisait que devancer, en prélat familier de Versailles, les attentes de la monarchie46. Le règlement du 8 juillet 1771, confirmé par des lettres patentes du mois de janvier 1772 et par un décret archiépiscopal, leur conservait certes l’exigence de seize quartiers, mais il était possible désormais de compenser chaque quartier manquant par deux degrés supplémentaires en tige, c’est-à-dire deux générations nobles supplémentaires en ligne masculine, au-dessus du trisaïeul paternel. Le brevet du 16 mars 1788 prévoyait que les preuves seraient désormais de neuf degrés du côté paternel, et de quatre du côté maternel, la postulante non comprise47. La conservation de la règle des quartiers, au xviiie siècle, par quatre des cinq abbayes nobles comtoises, trouve probablement son explication dans la prudente politique adoptée dans cette province par la monarchie française, dans le quart de siècle qui suivit sa conquête effective. Maurice Gresset a montré qu’un certain nombre de Comtois étaient alors animés d’un profond sentiment antifrançais. Les francophobes étaient nombreux dans le clergé régulier masculin, si bien que l’intendant ne cessait de réclamer leur exil et de demander leur remplacement par des Français. Complots et conspirations prirent de l’ampleur dans cette province au moment de la guerre de Succession d’Espagne48. Le souverain voulait éviter d’éveiller la 44 AD Rhône 25G 7 ; P.-M. Perez, Les chapitres nobles de dames…, op. cit., t. 1, p. 104. 45 Il fallait prouver du côté maternel quatre degrés. B. Defauconpret, op. cit., p. 207, N. Fr. E. Droz, Recueil des Édits, op. cit., t. 4, 1776, p. 342 : « Lettres patentes sur bulles et décret portant sécularisation du prieuré de Gigny et érection de l’Église dud. Lieu en Église collégiale, et des places monachales en canonicats et prébendes. Du mois de novembre 1761, registrées le 11 février 1762 ». 46 Nommé archevêque de Besançon le 17 mars 1755, il fut sacré le 25 mai suivant. 47 B. Defauconpret, op. cit., p. 174 ; N. Fr. E. Droz, Recueil des Édits, op. cit., t. 4, p. 693 ; BECB, ms. 799, règlement de la noble abbaye de Lons-le-Saunier, chap. 2, art. 1, f. 31r. 48 M. Gresset, « Les complots antifrançais en Franche-Comté dans la guerre de Succession d’Espagne », in Complots et conjurations dans l’Europe moderne, Rome, École Française de Rome, 1996, p. 373-392.
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défiance et même l’hostilité d’une noblesse comtoise très impliquée dans ses armées. Si la Franche-Comté demeura sous les règnes de Louis XV et de son petit-fils une terre de chapitres à preuves par quartiers, c’est sans doute aussi parce que ces instituts n’intéressaient guère, du fait de leur situation en périphérie du royaume, une noblesse française qui disposait par ailleurs dans les diocèses de Lyon et de Langres de maints établissements susceptibles d’accueillir ses membres. Le maintien de cette sélection draconienne, alors qu’elle se trouvait adoucie ou en sursis dans d’autres provinces, était évidemment de nature à renforcer le prestige des chapitres nobles féminins de Franche-Comté. * * * Ainsi, entre 1615 et 1732, on réglementa l’accès aux chapitres nobles du Comté par des preuves écrites qu’il fallait dresser par quartiers. Ce filtrage social était commun à de vastes ensembles territoriaux allant du Saint-Empire à la Lorraine et aux frontières du nord et de l’est français. Il est fort probable que les instituts de chanoinesses du Comté adoptèrent cette pratique sous l’influence de modèles extra-provinciaux, à commencer par celui qu’offrait le très réputé chapitre de Remiremont, avec lequel la province et sa noblesse entretinrent durablement des relations étroites. La preuve des seize quartiers finit par se généraliser entre le dernier tiers du xviiie siècle et le premier tiers du suivant. Contrairement à d’autres provinces où les chapitres nobles furent confrontés à une francisation de leurs preuves par la volonté de la monarchie, ceux de Franche-Comté furent soustraits à cette tendance, à l’exception des dames de Lons-le-Saunier qui finirent par admettre la preuve par degrés au crépuscule de l’Ancien Régime. Si cette sélection était de nature à encourager les vocations en appelant à la compétition sociale, le risque était également que, par sa rigueur, elle ne fasse se prolonger le dépeuplement qui affecta les abbayes nobles de dames au sortir de la guerre de Dix Ans. S’agissant des maisons d’hommes, en 1756, les religieux nobles de Gigny invoquaient comme l’une des raisons à la diminution de leur effectif la sévérité de leurs preuves de noblesse49. À ceux de Lure qui suggéraient à la même époque de remédier à la crise du recrutement par la sécularisation de leur abbaye, la Congrégation consistoriale répondit qu’il suffisait d’abaisser la rigueur des preuves. Mais les maisons féminines ne disposaient-elles pas d’attraits plus puissants propres à leur valoir un afflux de postulantes, en dépit de ces conditions d’accès si contraintes ?
49 AD Jura, 3 H 1.
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Chapitre II
Une prospérité fondée sur une sélection réactionnaire
Les raisons du succès rencontré par les chapitres nobles de dames de Franche-Comté au xviiie siècle sont multiples. La sélection sociale qu’ils imposèrent n’avait-elle pas pour fonction de les protéger de réformateurs issus du tiers état ? Ne voulut-on pas voir en elle une solution au déclassement social redouté par une partie du second ordre ? Est-ce parce que ces instituts surent se fermer aux changements majeurs de l’Histoire qu’ils devinrent si précieux à toute une frange de la noblesse qui était elle aussi dans le refus d’un monde en mutation ?
Le contexte spirituel, les rapports avec la hiérarchie cléricale et la sélection La publication en 1571, pour le diocèse de Besançon, par l’archevêque Claude de La Baume, des canons et décrets du concile de Trente, fut l’acte déclencheur de la rénovation de l’Église romaine en Franche-Comté. Dans son décret De regularibus et monialibus, voté lors de la xxve session qui se tint les 3 et 4 décembre 1563, le concile avait jeté les bases du renouveau monastique, en commençant par prescrire l’obéissance à la règle (chapitre premier). À sa suite, nombre de fondations anciennes étaient retournées à la stricte observance, s’y voyant parfois contraintes1. L’origine des preuves de noblesse dans les établissements nobles masculins de Franche-Comté fut peut-être un effet indirect du régime de la commende, comme le suggère Dunod de Charnage, l’habitude s’étant prise dans la seconde moitié du xvie siècle, chez des abbés provenant exclusivement du second ordre, de ne choisir que « des sujets reconnus par leur naissance dignes de […] remplir » les places vacantes2. Mais il est plus probable que la raison principale de la reconnaissance officielle de ces preuves ait résidé dès le xviie siècle dans la volonté de contrecarrer les projets réformateurs du clergé post-tridentin. L’instauration de cette sélection fut concomitante d’une demande pressante de sécularisation par les religieux, qui procédait de cette même crainte. Ces établissements pouvaient s’inspirer du précédent de maisons religieuses converties au siècle du schisme protestant en collégiales 1 M. Gresset, « Les ordres religieux en Franche-Comté au début du xviie siècle : de la contemplation à l’action », Cahiers dolois, 14 (1997), p. 33-57. 2 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois…, op. cit., p. 105.
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nobles : l’abbaye de Saint-Chef, en Dauphiné, au diocèse de Vienne, l’avait été en 1535, puis le prieuré Saint-Pierre de Mâcon en 1557, par l’autorisation du pape Paul IV3. Le lien entre l’officialisation des preuves de noblesse et la demande de sécularisation est manifeste dans le cas de l’abbaye de Saint-Claude : le 25 avril 1634, les religieux chargèrent deux des leurs, Anathoile de Suy et Anthoine de Moustier, de solliciter auprès de Ferdinand de Rye, archevêque de Besançon et leur abbé commendataire, et auprès du roi d’Espagne Philippe IV, sa transformation en une collégiale noble, la démarche visant surtout à perpétuer la pratique d’un recrutement dans la noblesse4. Si la requête fut vaine, nous avons constaté infra que cette communauté sut faire reconnaître au milieu du siècle, avec celles de Baume-les-Moines et de Gigny, l’exigence de seize quartiers pour l’admission des postulants. Ainsi se protégeaient-elles du risque de devoir coexister avec des religieux d’extraction obscure et mieux disposés à bousculer une mollesse de vie spirituelle, dans un temps où les congrégations bénédictines réformées les pressaient d’adopter la stricte observance. Sans être aussi affiché dans les abbayes nobles de femmes, l’attachement de ces dernières à une existence peu pénitente leur faisait craindre les progrès de l’esprit réformateur. L’instauration de preuves apparut comme un moyen efficace de se protéger de celui-ci, faute d’espérer comme leurs homologues masculins une reconnaissance officielle d’un état séculier. Le renforcement de cette sélection sociale fut également facilité par la tutelle très lâche, en matière de contrôle ecclésiastique, où se trouvaient ces maisons féminines. Les clarisses urbanistes, théoriquement soumises pour l’ordinaire aux supérieurs franciscains de la province de Saint-Bonaventure de Lyon, n’accueillirent que rarement leurs visiteurs au cours de la période espagnole de la Comté, en raison des guerres qui aliénaient les missions d’hommes d’Église français sur le territoire de cette province. En 1674, le gouverneur espagnol avait ordonné l’éviction de tous les religieux français du territoire comtois5. Une telle autonomie devait être propice à l’introduction du système des preuves, elle explique probablement leur précocité à Lons-le-Saunier. S’agissant de la communauté de Château-Chalon, placée tardivement dans l’obédience de celle de Saint-Claude dont elle reçut à deux reprises, en 1666 et en 1699, des religieux au titre de visiteurs apostoliques pour en recevoir un nouveau règlement, elle n’avait pas à craindre qu’ils y contestent l’usage d’y « faire ses preuves ». En effet, à la même époque, l’abbé de Saint-Claude faisait valoir régulièrement son droit de visite auprès des religieuses de Neuville en Bresse ; dans celle qui fut effectuée en 1680, son représentant dom Aymé-François
3 BM Douai, ms. 938, Le spectacle d’honneur, op. cit., f. 269r. 4 B. Hours, « La création du diocèse de Saint-Claude, ou les vicissitudes d’une sécularisation (1634-1742) », Revue d’Histoire de l’Église de France, 185 (1984), t. 70, p. 318. 5 B. Grosperrin, L’influence française et le sentiment national français en Franche-Comté de la conquête à la Révolution (1674-1789), Annales littéraires de l’Université de Besançon, Paris, Les Belles Lettres, 1967, p. 11.
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d’Andelot leur défendit de recevoir des personnes qui n’étaient pas nobles et même des filles de qualité6. Ainsi le contexte spirituel si exigeant de la période post-tridentine avait-il accéléré paradoxalement la mutation de ces établissements dans la voie de chapitres nobles. En elle, par cette orientation singulière qu’ils venaient d’adopter et qui les détachait des macérations de la vie religieuse, se trouvaient les germes de leur prospérité future.
Exclure la noblesse de création récente ? Cette sélection intransigeante devait aussi permettre à ces compagnies de compenser la disqualification où les plongeait le succès d’établissements réformés ou fondés7 à la faveur de l’élan spirituel post-tridentin, en déplaçant la compétition sur un terrain social. Elles prétendaient s’inscrire dans l’héritage de fondateurs qui auraient conçu ces maisons comme un refuge aristocratique, et affirmaient vouloir préserver une sélection sociale qui aurait été leur marque historique. L’argumentaire ne s’appuyait en réalité sur aucune source tangible : le sac et les incendies de l’abbaye de Lons en 1535, 1595 et le 25 juin 1637 avaient laissé si peu d’archives intactes qu’on y constatait en 1758 l’absence de titres et de papiers anciens8. Le feu avait également anéanti partiellement en 1686 les archives de Montigny, et consumé celles de Migette en 1693. L’abbaye de Baume avait essuyé un premier incendie en 1540, puis un second une vingtaine d’années plus tard, lesquels avaient fait disparaître la plupart des titres9. Toute une idéologie qui progressait depuis le milieu du xvie siècle sous-tendait le rejet du mélange des composantes du second ordre. Elle reposait sur une interprétation raciale de la noblesse10, prétendant à l’hétérogénéité de celle-ci et à la supériorité de ses composantes anciennes. Pour en saisir le contenu, il convient d’entendre l’un de ses plus fervents propagandistes, l’héraldiste Gilles-André de La Lontière de La Roque (1598-1686). Dans son Traité de la noblesse, paru en 1678 et plusieurs fois réimprimé au xviiie siècle, celui-ci affirmait :
6 AD Ain, H 687. 7 D.-O. Hurel (éd.), Guide pour l’histoire des ordres et des congrégations religieuses. France, xviexxe siècles, Turnhout, Brepols, 2001, 467 p. 8 BGSB, fonds du chapitre de Besançon, ms. 113. 9 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame Henriette-Angélique d’Amas de Crux, abbesse de la royale abbaye de Baume, appelante d’une sentence rendue aux requêtes du palais du 3 septembre 1763, aux chefs qui lui font griefs, et intimée. Contre les dames religieuses chanoinesses de la même abbaye, intimées et apelantes, Besançon, impr. Jean-Félix Charmet, [ca 1763], p. 35. 10 A. Devyver, Le sang épuré…, op. cit. ; A. Jouanna, L’idée de race en France…, op. cit.
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La noblesse la plus considérée est celle que l’on tire d’une longue suite d’Ancestres, par le bonheur de naissance ; et elle se trouve plus parfaite dans ceux qui l’ont ainsi, que dans ceux qui la commencent. […] Les anoblis et leurs descendans, se persuadent pour leur interest particulier, et veulent faire croire aux autres, que tous les Nobles sont égaux : mais ils se trompent, et il est certain qu’il y a de l’inégalité dans la noblesse […]. Il y a aussi peu d’apparence de les croire égaux, que de vouloir confondre les derniers temps avec les premiers […]. À l’égard des anoblis, ils peuvent devenir nobles avec le temps, mais ils ne parviennent jamais au degré de la Noblesse de nom et d’armes. Il faut donc avoüer que cette Noblesse de nom et d’armes est le comble de la grandeur humaine, et la première hiérarchie de ceux qui vivent ici-bas sur terre. Plus elle est ancienne, plus elle est excellente : plus elle vieillit, plus elle augmente sa force et sa vigueur. Ce qui apporte de la diminution et de l’affoiblissement aux autres choses, produit de jour en jour, d’année en année, et de siècle en siècle, un nouveau sujet d’honneur et d’estime à la noblesse : et si son commencement est connu, sa gloire diminuë, parce que sa perfection consiste dans l’oubli de sa naissance. La Noblesse de celuy qui est issu de père et de mère nobles, est estimée la plus pure. Le mélange de sang roturier laisse toûjours des taches dans une famille noble11. Les chapitres nobles ne devaient être accessibles qu’à cette noblesse « la plus considérée ». La sélection qu’on y pratiquait et qui était devenue plus rigoureuse au fil du temps avait pour fonction d’en exclure celle de création récente, qui s’était formée par l’anoblissement taisible ou pour les besoins de l’État moderne, par lettre ou par l’exercice d’une charge. C’est du moins l’analyse que Dunod de Charnage faisait du rôle de cette sélection dans ses Mémoires pour servir à l’histoire du Comté de Bourgogne, publiés en 1740 : Il y a donc aujourd’hui deux sortes de noblesse, la militaire […] dont sont issus les gentilshommes de nom et d’armes ; et la civile qu’on appelle aussi accidentelle, politique et patricienne, qui s’acquiert par les charges, les anoblissements et la prescription. […] [Les conditions en matière de preuves ont été rendues plus sévères dans les chapitres nobles] soit pour donner plus de lustre aux corps pour lesquels on exige de plus grandes preuves ; soit pour en exclure, ou du moins en rendre l’entrée plus difficile à la noblesse civile, dont la militaire en possession depuis tant de siècles des prérogatives que donne la naissance, a vû avec peine les progrez, qui les rendoient souvent égales, et élevoient
11 G.-A. La Roque de la Lontiere de, Traité de la noblesse, de ses différentes espèces, Paris, Estienne Michallet, 1678, p. 2, 18, 21, 42.
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quelquefois la noblesse civile au dessus de l’autre, par les fonctions des emplois dont elle étoit revêtue12. Imposée par les besoins pécuniaires de la monarchie française et par la volonté d’aligner les institutions de la Franche-Comté sur celles du royaume, l’introduction de la vénalité des offices dans cette province par une série d’édits en août 169213 ouvrit à l’élite roturière comtoise la possibilité de s’anoblir. Ce ne fut sans doute pas le hasard si cette mesure allait être suivie quelques années plus tard de l’adoption officielle, par le chapitre de Migette, de preuves de noblesse qu’il fallait produire par quartiers, et si les dames nobles de Lons décidèrent de majorer les leurs. C’était manifester le refus de l’osmose avec cette noblesse nouvelle, création de la puissance souveraine, qui devait s’accroître et affirmer son influence dans la province au xviiie siècle14. Y parvint-on en réalité ? Considérons, sur un échantillon de 148 dames ayant au moins pris l’habit dans les chapitres nobles du Comté au xviiie siècle, l’origine noble de leur ligne paternelle ainsi que de celle de la mère. Tableau i. Les groupes nobiliaires au xviiie siècle par chapitre noble (nombre de chanoinesses et pourcentage) A) Noblesse réputée immémoriale :
Chapitres nobles Baume-les-Dames -Noblesse chevaleresque -Ancienne extraction -Extraction
Noblesse paternelle
Noblesse maternelle
20 (60,6%) 3 (9,1%)
21 (63,6%) 8 (24,2%) 1 (3%)
12 Fr.-I. Dunod de Charnage, Mémoires pour servir à l’histoire du comté de Bourgogne…, op. cit., p. 31, p. 35. 13 En dehors de Besançon, demeurée ville impériale jusqu’en 1664, la Franche-Comté était passée sous la domination des Habsbourg d’Espagne en 1556. Les souverains catholiques n’avaient pas cherché à introduire la vénalité des charges dans leurs provinces lointaines, alors qu’elle connaissait un important développement en Castille ; M. Gresset, L’introduction de la vénalité des offices en Franche-Comté, 1692-1704, Paris, les Belles Lettres, 1989 (Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, Cahiers d’études comtoises, no 44), 186 p. 14 Les lettres de noblesse, l’exercice de certains offices municipaux, de charges de robe ou de chancellerie étaient les moyens d’accéder au second ordre. L’office de secrétaire du roi fut par exemple la voie privilégiée d’accès des roturiers à la noblesse à Besançon au xviiie siècle. 60 % de ceux qui le détenaient furent anoblis : J.-Fr. Solnon, 215 bourgeois gentilshommes au xviiie siècle. Les secrétaires du roi à Besançon, Les Belles Lettres, Paris, 1980 (Annales littéraires de l’Université de Besançon), p. 285 ; Id., « Monsieur Jourdain franc-comtois : de la notabilité à la noblesse au xviiie siècle », Société d’Émulation du Jura (1979-1980), Lons-le-Saunier, 1981, p. 199-210.
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Chapitres nobles
Noblesse paternelle
Noblesse maternelle
10 (45,4%) 5 (22,7%)
12 (54,5%) 4 (18,2%) 1 (4,5%)
Lons-le-Saunier - Noblesse chevaleresque -Ancienne extraction
8 (22,2%) 10 (27,7%)
17 (47,2%) 10 (27,7%)
Migette - Noblesse chevaleresque - Ancienne extraction
25 (65,8%) 4 (10,5%)
28 (73,7%) 4 (10,5%)
Montigny-les-Vesoul - Noblesse chevaleresque - Ancienne extraction - Extraction
2 (10,5%) 8 (42,1%) 1 (5,2%)
6 (31,5%) 1 (5,2%)
Noblesse paternelle
Noblesse maternelle
Baume-les-Dames - Au Moyen Âge - Au xvie siècle
8 (24,2%) 2 (6%)
1 (3%) 2 (6%)
Château-Chalon - Au Moyen Âge - Au xvie siècle
2 (9,1%) 5 (22,7%)
1 (4,5%) 4 (18,2%)
Lons-le-Saunier - Au Moyen Âge - Au xvie siècle - Au xviie siècle
3 (8,3%) 10 (27,7%) 5 (13,9%)
8 (22,2%) 1 (2,7%)
Migette - Au Moyen Âge - Au xvie siècle - Au xviie siècle
2 (5,2%) 7 (18,4%) 2 (5,2%)
3 (7,9%) 3 (7,9%)
1 (5,2%) 7 (36,8%)
5 (26,3%) 7 (36,8%)
Château-Chalon -Noblesse chevaleresque -Ancienne extraction - Extraction
B) Anoblis :
Chapitres nobles
Montigny-lès-Vesoul - Au Moyen Âge - Au xvie siècle - Au xviie siècle
Ces disparités qualitatives permettent d’identifier deux catégories d’établissements. Baume-les-Dames, Château-Chalon et Migette étaient composés pour le tiers de leur effectif, au xviiie siècle, de lignages procédant d’un anoblissement par la ligne paternelle, cette proportion étant moindre à considérer l’origine noble de la mère. Ils étaient réservés aux jeunes filles des
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plus prestigieuses familles de la noblesse chevaleresque comtoise, et à quelques rares représentantes de celle des provinces limitrophes : les peuplaient les Scey, dont la filiation remontait au xie siècle, les Champagne, les Grammont, les Falletans, les Vaudrey qui la faisaient remonter au xiie siècle. Par les pères, les trois cinquièmes des dames de Baume et de Migette étaient issues de la noblesse chevaleresque, et plus des deux cinquièmes des chanoinesses de Château-Chalon. Cette proportion est importante, si l’on considère qu’à l’échelle de la province, un noble sur dix seulement se rattachait à la veille de la Révolution à la noblesse immémoriale15. Les abbayes de Montignylès-Vesoul et de Lons-le-Saunier furent en revanche moins sélectives sur la qualité nobiliaire des dames qui les peuplèrent au xviiie siècle. Dans la première, celles issues d’une famille ayant été anoblie représentèrent 42% de l’effectif en ne considérant que la lignée paternelle, et 63,1% par la mère ; à Lons-le-Saunier, la moitié étaient des anoblies par la lignée paternelle, le quart par celle de la mère. Néanmoins, la plupart des descendantes d’anoblis pouvaient se prévaloir d’une filiation quasiment aussi ancienne que les gentilshommes de nom et d’armes, puisque son origine remontait parfois à l’époque des comtes-ducs Valois, et plus souvent au xvie siècle. Les maisons de clarisses urbanistes furent les seules à concéder au xviiie siècle une place à des dames dont les aïeux n’avaient été anoblis qu’au siècle précédent, cette proportion n’étant réellement significative qu’à Montigny, où 36,8% des chanoinesses relevaient en ligne paternelle de cette catégorie de noblesse sans lustre. La raison en était, comme nous l’avons observé précédemment, dans les exigences modérées auxquelles dut se résigner, en matière de preuves, cette abbaye noble jusqu’en 1732. Alors que certains d’entre eux consentaient dans les faits au mélange nobiliaire, ces instituts apparaissaient pourtant à leurs contemporains comme les conservatoires de la noblesse la plus ancienne. C’est ainsi que les présenta au milieu du xviiie siècle leur historiographe Ferdinand-Ignace Malotau de Villerode : « L’on doit savoir qu’il y a trois sortes de noblesse, celle qui commence, celle qui croît, et la parfaite. Cette dernière est celle qui est nécessaire pour l’admission es chapitres nobles16 ». La croyance que ces établissements étaient dévolus à la noblesse de nom et d’armes procédait du désir de certains groupes nobiliaires de se cacher à eux-mêmes l’hétérogénéité pourtant bien réelle de leur ordre. Elle fut la raison profonde de l’attraction que les chapitres nobles exercèrent sur ces groupes. Faute de prétendre, dans la réalité, à une telle excellence aristocratique, bien des jeunes filles issues de la noblesse « qui croît » et leur famille virent dans la condition canoniale noble un moyen de recouvrir prématurément leur blason d’une patine si
15 Cl. Brelot, La noblesse en Franche-Comté de 1789 à 1808, Paris, Les Belles Lettres (Annales littéraires de l’Université de Besançon), 1972, p. 22. 16 BM Douai, ms. 938, Histoire des collèges, chapitres, op. cit., t. 2, f. 15r.
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enviée, puisqu’elles pouvaient s’y confondre avec la fleur de la noblesse, celle que l’on jugeait « parfaite ». Cette fonction canoniale épousée par le besoin d’une reconnaissance au sein du second ordre était elle-même l’aboutissement de patientes stratégies d’alliances matrimoniales visant à fusionner par les femmes avec la noblesse immémoriale. Elles sont bien visibles à Montigny, où trois des sept dames de notre échantillon dont la noblesse procédait d’un anoblissement obtenu au xviie siècle pouvaient se prévaloir par leur mère du sang de la chevalerie comtoise. S’agissant de Lons-le-Saunier, sur les quinze chanoinesses dont les ancêtres avaient été anoblis au xvie ou au xviie siècle en ligne paternelle, les deux tiers étaient issues d’une mère de noblesse chevaleresque ou d’extraction. De telles unions hypergamiques se prolongèrent souvent au-delà de la génération ayant réussi à faire entrer l’un de ses membres dans un chapitre noble, car elles étaient aussi le sésame pour bénéficier durablement d’une stalle dans ces établissements de prestige. L’exemple des Belot apporte une illustration de ces stratégies souvent menées sur deux ou trois générations. Cette maison originaire du Piémont s’était établie en Franche-Comté à la fin du xve siècle. Balthazar fut anobli par Charles Quint en 1531. Au xviie siècle, alors que ce lignage était encore de noblesse récente, Philippe Guillaume épousa Jacqueline de Moustier, issue de l’ancienne chevalerie comtoise. Deux de leurs enfants entrèrent dans les chapitres nobles de la province, dont une fille, Suzanne Gasparine († 1715), chanoinesse de Château-Chalon. À la génération suivante, Jacques Antoine de Belot épousa Philiberte Élisabeth de Seyturier, descendante d’une noblesse chevaleresque originaire de la Bresse et du Bugey. Quatre de leurs enfants devinrent chanoines ou chanoinesses nobles, dont Claude Thérèse († 1752) à Baume-les-Dames, Claudine Marguerite à Château-Chalon et Jeanne Marguerite († 1762) à Lons-le-Saunier17. Plus ouverts au mélange des noblesses que les autres chapitres nobles féminins du Comté, ceux de Montigny et de Lons-le-Saunier intervinrent donc au xviiie siècle dans les stratégies d’élévation, dans la hiérarchie du prestige, de nobles agrégés depuis seulement quelques générations au second ordre. Leur fonction sociale contribua fortement au succès que ces deux établissements rencontrèrent alors, ce que révèle l’importance de leurs surnuméraires.
L’exclusion des mésalliés et l’endogamie Le filtrage n’était pas seulement dirigé contre les anoblis récents, mais aussi contre les nobles qui, par nécessité pécuniaire, avaient dû s’allier à la bourgeoisie. Les chapitres de dames du Comté avaient pour fonction 17 C. Marchal, Les chapitres nobles…, op. cit., t. 2 [prosopographie et annexes], 417 p.
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de différencier une noblesse « éclatante » et « pure » de celle qui s’était corrompue avec des roturiers. Telle est l’explication donnée par Dunod de Charnage à cette logique d’exclusion : L’usage s’est aussi introduit de ne recevoir en certains chapitres et en des monastères d’hommes et de femmes que des gentilshommes et des demoiselles de nom et d’armes ; et l’on y a exigé à la suite du tems, la preuve de la noblesse maternelle, aussi bien que la paternelle ; car quoique la noblesse de race se transmette par les pères, elle est cependant plus pure et plus éclatante, quand les mères sont aussi de familles de gentilshommes18. La crainte que ces mésalliés ne s’immiscent dans les chapitres nobles n’eut pas seulement pour conséquence la généralisation des seize quartiers à ceux de dames de la province dans les premières décennies du siècle, elle dicta également sa logique aux stratégies d’alliances matrimoniales, comme l’observait au milieu du xviiie siècle Malotau de Villerode : On voit que les gentilshommes préfèrent une Demoiselle ou chanoinesse (quoyque sans biens) à une bourgeoise, quelque riche qu’elle puisse être, et c’est ainsy qu’ils se conservent dans la pureté d’une vraÿe noblesse, et par conséquent dans le droit d’entrer en chapitres nobles, comme il se pratique en Allemagne […]19. Dans son testament publié au bailliage de Vesoul le 28 septembre 1737, Antoine de Jaquot, seigneur de Rosey-Andelarre, instituait son neveu pour légataire universel, à condition d’épouser une demoiselle dont la qualité lignagère permettrait à leur progéniture d’accéder aux chapitres de noblesse. La clause de l’homogamie fut respectée : l’héritier se lia à Catherine de Brunet et proposa quatre de ses filles au noble chapitre de Neuville en Bresse ; trois d’entre elles le quittèrent plus tard pour celui de Migette, où deux firent profession en 1776 ; un fils, Louis François, présenta ses preuves au chapitre noble de Baume-les-Messieurs en décembre 177220. Semblables stratégies ont été mises en lumière en pays rhénan par Christophe Duhamelle, s’agissant de cette stiftsadel, cette noblesse chapitrable au sein de laquelle se renforça à l’époque moderne le sentiment de former un corps spécifique, dont les critères d’appartenance étaient regroupés sous la notion difficilement traduisible de stiftsfähigkeit. Les testateurs y faisaient souvent du refus de la mésalliance la condition de l’accession à l’héritage, à l’image de cette chanoinesse de Münsterbilzen, dans le Limbourg, Thérèse von Walderdorff qui, testant le 22 mars 1766 à Mayence, assortissait ses
18 Fr.-I. Dunod de Charnage, Mémoires…, op. cit., p. 34. 19 BM Douai, ms. 938, Histoire des collèges, chapitres, op. cit., t. 2, f. 21r. 20 AD Jura 1 H 42, Preuves de noblesse de Louis François de Jaquot, f. 2.
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dispositions à celui de ses frères qui épouserait une jeune fille de la noblesse chapitrable et perpétuerait le lignage21. Ces stratégies de conservation par un mariage subordonné à la préservation d’une essence favorisèrent de véritables dynasties canoniales parmi la noblesse chapitrable comtoise. L’exemple des Montrichard et de leurs alliances en est l’illustration22. En 1680, Nicolas Jean-Baptiste épousa Antoinette Suzanne de Visemal. Il était le frère de l’abbesse de Migette Prospère Françoise23. Son épouse avait deux sœurs dames de Château-Chalon, Anne et Adrienne Françoise24, ainsi que deux frères religieux de Baume-les-Moines25. Ce couple plaça deux de ses filles, Marie Charlotte et Nicole Charlotte (1685-1765) à Migette, la seconde en devint l’abbesse. S’agissant des autres enfants, Marguerite Ferdinande (1687-1729) fit profession à Château-Chalon, tandis que Jeanne Adrienne épousait en 1700 son cousin Gabriel Joseph de Montrichard, qu’Antoinette Suzanne s’alliait la même année à Henri Gaspard de Grivel de Perrigny, celui-ci cherchant peut-être à faire oublier par cette union la dérogeance de ses ascendants26, et que Pierre Joseph épousait en 1740 Jeanne Charlotte de Raugrave Salm, d’une maison chevaleresque lorraine. Issue du premier de ces trois couples, Louise Isabelle de Montrichard fit profession à Migette. Du deuxième, naquirent Élisabeth et Anne Claude de Grivel de Perrigny, reçues au chapitre noble de Lons-le-Saunier en 1717. S’agissant du troisième, Rose Gabrielle Suzanne de Montrichard (1742-1796) devint chanoinesse de Migette, Césarine Élisabeth chanoinesse de Baume, Nicole Gabrielle chanoinesse de Lons (1752-Fructidor an ix), tandis que trois fils furent chanoines de Baume-les-Messieurs. Cette maison comtoise construisit donc sa réputation, au xviiie siècle, sur sa capacité à être admise dans les collèges nobles de la province et à y exercer des fonctions de prestige, dix-sept de ses membres s’étant consacrés à cette existence en trois générations. Il convient donc d’interpréter le succès des chapitres nobles féminins comtois, au xviiie siècle, dans un contexte plus global de réaction aristocratique et de refus d’une symbiose sociale dont ils ont été des instruments essentiels.
21 Chr. Duhamelle, L’héritage collectif. La noblesse d’église rhénane, 17e-18e siècles, Paris, École des Hautes Études en Sciences sociales, 1998, p. 97, 103, 126. 22 R. de Montrichard, Trois siècles de parentés 1640-1940. Descendance complète en ligne masculine et féminine de trente-deux ascendants de Louis, vicomte de Montrichard. 1853-1902, Paris, 1953, 224 p. 23 Décédée le 15 novembre 1734 à Migette (AD Doubs, 118 H 4). 24 Décédées respectivement le 3 octobre 1712 et le 29 juillet 1700 (AD Jura 38 H 7). 25 Nicolas (1656-1723) et Jean Gaspard († 1724). 26 Ruinée par les guerres, cette maison issue de la noblesse d’extraction avait été contrainte de déroger en 1595 et avait obtenu des lettres de réhabilitation en 1659.
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Une réaction contre la noblesse française Nous avons déjà observé que la sélection sociale ne fut pas spécifique aux chapitres nobles de Franche-Comté, mais qu’on la pratiqua sur un vaste espace qui comprenait notamment les territoires d’annexion française des périphéries de l’est et du nord, et qu’elle se manifesta dans un laps de temps quasiment identique pour toutes ces provinces. Nous avons également évoqué le rôle de l’émulation et de l’imitation dans la propagation du phénomène. La concurrence que se livraient les chapitres nobles féminins sur le terrain du prestige ne devait pas faiblir au xviiie siècle, comme le constatait en 1778, amusé et mordant, l’abbé Nicolas Bergier, célèbre théologien catholique contradicteur de Voltaire : Celles de Franche-Comté diffèrent des chanoinesses de Flandres ; celles-ci se croient au-dessus des chapitres qui se trouvent dans le Hainaut, dans l’Alsace et dans le Brabant ; les quatre chapitres de Lorraine se prétendent égaux entre eux, et fort supérieurs à tous les autres ; les chanoinesses des Trois-Évêchés27 et de la Champagne, ont de même leur gloire ou leur vanité28. Mais l’obsession de chacune de ces compagnies à se prévaloir d’un prestige supérieur, en se plaçant tant dans un rapport de concurrence interprovinciale qu’interne à chaque province, ne peut à elle seule expliquer l’adoption si rapide de preuves de noblesse ainsi que cette surenchère dans les conditions imposées, qui devait conduire à l’uniformisation de ces preuves. Le phénomène profita également des scissions propres à la noblesse réputée immémoriale, celle des provinces annexées à la France ayant eu tendance à se replier au xviiie siècle sur son particularisme : nous venons d’observer à quel point la noblesse chapitrable de ces espaces accordait d’importance à la qualité de la ligne féminine dans ses alliances matrimoniales. Il n’est guère douteux que pour celle de Franche-Comté, le second ordre français devait apparaître trop permissif aux mésalliances par les femmes, et qu’elle redouta une adultération de son sang par le mélange avec la noblesse du pays victorieux. Cette crainte dut être particulièrement aiguë dans les années qui suivirent l’annexion de la province, alors qu’une politique d’assimilation y était à peine engagée. Il faut donc aussi interpréter la surenchère en matière de conditions d’admission dans les chapitres nobles de femmes de Franche-Comté, entre la fin du xviie siècle et les premières décennies du suivant, et l’uniformisation de celles-ci à seize quartiers, comme l’une des expressions les plus visibles de cette réaction identitaire. Toutefois, si l’on en juge par les documents conservés, les gentilshommes de Franche-Comté n’osèrent jamais exprimer, comme on le fit parfois sans
27 Évêchés de Metz, Toul et Verdun. 28 N. Bergier, Dictionnaire de Théologie, Toulouse, A. Gaude, 1817, t. 2, p. 63.
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ménagement dans d’autres provinces annexées par la France ou en voie de l’être, leur mépris pour un second ordre français dont le sang et les valeurs auraient été adultérés. Dans leurs remontrances à l’arrêt pris par le roi Stanislas en 1761 qui généralisait la preuve graduelle aux quatre compagnies nobles féminines de Lorraine, les chanoinesses de Remiremont rappelaient fièrement que « l’obscurité et la modestie de la province mett[ai]ent cette noblesse à l’abry des mésalliances29 ». Pour argumenter leur refus de la preuve graduelle que le règlement de 1781 voulait leur faire adopter au préjudice de celle par quartiers, les dames de Denain écrivaient au roi, en 1781 : « de pareils établissements […] sont encore utiles aux membres de la noblesse, dans les pays où le luxe n’a pas corrompu les esprits, où le sentiment d’une illustre origine se maintient dans toute sa pureté […]30 ». La noblesse comtoise s’attacha à l’expression d’une fierté identitaire moins agressive dont Dunod de Charnage se fait l’écho, lorsqu’il affirme : « il y a peu de provinces qui ayent eu autant de noblesse militaire que le Comté de Bourgogne31 ». Cette catégorie nobiliaire encouragea la création de chapitres nobles dans la province. L’engouement pour ces instituts fut en partie motivé par la volonté de préserver une identité raciale et les spécificités d’un héritage historique dont on redoutait qu’ils se dissolvent dans une politique d’assimilation et d’alliances matrimoniales avec la noblesse du pays conquérant. * * * Favorisée par l’autonomie de ces maisons en matière de contrôle ecclésiastique, l’adoption de preuves de noblesse par les chapitres féminins de la Comté se fit donc en réaction aux exigences réformatrices du clergé post-tridentin. De la sorte fut confortée en leur sein une existence fortement sécularisée, où la piété pouvait s’affranchir de certaines rigueurs, ce qui devait rendre les chapitres de dames nobles si séduisants, dans un xviiie siècle peu enclin aux macérations. Mais cette sélection fut également consécutive au refus de tolérer une confusion des noblesses. Dans les faits, certains chapitres nobles étaient accessibles à des descendantes d’anoblis depuis près d’un siècle, ce qui s’observe surtout à propos des clarisses de Montigny-lès-Vesoul et de Lons-le-Saunier. La propension de ces deux établissements à admettre une certaine hétérogénéité des noblesses devait contribuer d’ailleurs à leur succès au xviiie siècle. Et pourtant, tous ces instituts passaient pour n’accueillir que les éléments les plus anciens du second ordre, au sang le plus pur, en raison de la sélection sans complaisance qu’ils pratiquaient. C’est pourquoi tant de familles nobles espéraient placer un ou plusieurs de leurs membres sur
29 AD Vosges, G 930, no 33 ; cité par Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 170-171. 30 AD Nord, 24 H 2, pièce 20. 31 Fr.-I. Dunod de Charnage, Mémoires pour servir à l’histoire…, op. cit., p. 31.
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une stalle afin de s’enorgueillir d’une appartenance à l’univers prestigieux et restreint de la noblesse chapitrable. Par un effet d’imitation et d’émulation, la réaction nobiliaire se propagea au xviie siècle à toutes les provinces du nord et de l’est annexées par le royaume fleurdelisé ou en passe de l’être. La sélection sociale pratiquée par leurs chapitres nobles visait notamment la noblesse du pays conquérant, à qui l’on reprochait un laxisme dans la qualité des alliances par les femmes. On ne saurait écarter, comme l’une des raisons de leur succès dans ces espaces, la fonction identitaire qui fut la leur.
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Chapitre iii
Les enjeux d’un contrôle intransigeant des preuves
Au xviiie siècle, les preuves de noblesse devinrent l’essence d’un chapitre noble et le fondement de son prestige. La prospérité de ces instituts n’estelle pas à rechercher dans l’intransigeance dont les chapitres nobles firent unanimement preuve dans la vérification de celles-ci ? Et comment interpréter l’obstination des familles évincées à prouver la validité de leurs titres, sinon par cette fonction sociale nouvelle qui fut alors attachée à ces établissements et qui découlait du prestige de preuves admises sans concessions ?
L’épanouissement d’une culture des archives L’obsession de la conservation des archives s’empara des nobles, dans la seconde modernité. Elle fut notamment une conséquence des efforts de l’administration royale à pourchasser les usurpateurs de noblesse. Un certain nombre de familles dont les archives s’étaient perdues dans les « malheurs des temps » ou par négligence se virent contraintes à des dépenses élevées pour obtenir de notaires les pièces nécessaires. Les condamnations étaient infamantes pour celles qui les subissaient, même si certaines d’entre elles parvenaient par la suite à réintégrer le second ordre. Souhaitée par les nobles autant que par le souverain, cette pratique introduisait un changement profond dans l’histoire du second ordre, faisant passer la reconnaissance de la noblesse de la notoriété d’un genre de vie à des procédures permettant de la vérifier par actes authentiques. La conservation des archives familiales devenait par conséquent une nécessité au maintien et à la légitimation du rang social. Une autre conséquence de cette évolution culturelle fut l’attention accrue portée par les chapitres nobles à leur propre mémoire scripturaire. En tant que cellules foncières, ces établissements avaient à charge la conservation de documents attestant des droits et propriétés, imposés par la complexité du système économique et juridique. L’on n’eut jamais autant conscience qu’au xviiie siècle de l’importance de leur préservation pour garantir l’intégrité et la bonne gestion du temporel. Il ne fait pas de doute que les chanoinesses de Franche-Comté auraient partagé cette constatation du Père Eustache Alexandre de Maubuisson, un dominicain chartrain appartenant vraisemblablement au cercle des archivistes itinérants qui proposaient alors leurs services, et à qui avait été confiée en 1756 la tâche de classer et d’inventorier les archives de l’abbaye noble de Lure : « Combien voit-on de familles ruinées, et d’abbayes,
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prieurés et autres bénéfices perdus par le peu de soin que l’on a pris pour l’arrangement et conservation des titres qui en faisoient toute la base et le fondement1 ». L’administration royale veilla elle aussi à ce que l’on dressât régulièrement l’inventaire des titres et papiers des chapitres nobles. L’article 21 des lettres patentes de 1730 qui procuraient un règlement à l’abbaye de Migette confia au parlement de Besançon le soin de faire inventorier tous les documents concernant ses droits, biens et revenus et d’en produire trois exemplaires, un pour l’abbesse, un autre pour le chapitre, le troisième étant destiné au parquet2. Certains règlements contraignaient à des récolements réguliers, à l’image de celui de l’abbaye lédonienne, datant de 1771, dont le chapitre xiii ordonnait une vérification annuelle de l’inventaire et son actualisation tous les cinq ans3. Un certain nombre de mesures visaient la conservation de ces sources. Aux xvie et xviie siècles, il était d’usage que les archives soient placées dans des coffres déposés dans une salle spécialement affectée à leur conservation. Ce système était en pratique au xviiie siècle dans la plupart des chapitres nobles féminins comtois. À Baume-les-Dames, les bulles des souverains pontifes, si nécessaires pour défendre le privilège d’exemption de l’abbaye, étaient enfermées dans un coffret de sapin4. En 1767, le logis abbatial de Montigny comportait un cabinet abritant un coffre qui renfermait les titres et papiers relatifs à la mense capitulaire. Un autre meuble à serrure contenait ceux de la mense abbatiale et un coffret à trois serrures des quittances relatives à celle-ci ainsi qu’une somme d’argent5. À l’époque moderne, l’armoire se substitua progressivement au coffre parce qu’elle permettait une capacité de stockage plus grande et un accès pratique aux documents6. En 1783, les chanoinesses de Lons-le-Saunier adoptèrent ce progrès en faisant aménager un placard dans le cabinet des archives, lequel devait abriter un coffre où seraient placés les titres les plus précieux7. La prise de conscience de la valeur de ces documents fit naître une défiance à l’égard d’historiens curieux. Le chapitre de Baume refusa à Dunod de Charnage l’accès au cabinet des archives8. L’intérêt porté à cette mémoire archivistique par des érudits qui avaient assimilé les leçons de dom Jean
1 AD Haute-Saône, H 578, p. 2. 2 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Edits…, op. cit., t. 3, p. 559. 3 BECB ms. 799, règlement de la noble abbaye de Lons-le-Saunier, f. 38v. 4 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 139. 5 AD Haute-Saône H 939, Inventaire des titres et papiers (3 décembre 1767). 6 P. Delsalle, « L’archivistique sous l’Ancien Régime, le Trésor, l’Arsenal et l’histoire », Histoire, économie et société, 1993, 12e année, no 4, p. 450. 7 BGSB, ms. 2, Extrait des registres de l’ordre de Saint-Georges, assemblée générale d’avril 1783. 8 BM Baume-les-Dames, GG 20, Lettre d’un gentilhomme de Franche-Comté à un chevalier de Malte bourguignon, sur l’histoire de l’abbaye de Baume-les-Dames, par M. D[unod], p. 38 ; Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des séquanois…, op. cit., p. 161-162.
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Mabillon et des bollandistes9 ne risquait-il pas de mettre à mal un certain nombre d’affirmations, et notamment celle d’une fondation de l’abbaye baumoise au ive siècle ? Les chanoinesses du Comté prenaient-elles comme celles d’Épinal la précaution de faire une copie collationnée d’un original à chaque fois qu’il devait quitter leurs archives, en y mentionnant le lieu et la raison de son déplacement ? L’on ne craignait pas seulement des pertes par quelque négligence, les vols étaient également redoutés. Au xviiie siècle, les dames de Montigny se souvenaient peut-être que le 3 décembre 1633, l’abbesse avait obtenu un monitoire dans l’espoir de recueillir des révélations sur des titres subtilisés10. Si ces vols pouvaient être commis par des personnes extérieures au chapitre, il fallait également se garder de l’audace des chanoinesses et de leur domesticité : dans les procès qui divisaient parfois un chapitre, la disparition d’un titre pouvait se révéler essentielle à l’une des parties, aussi était-il dangereux de confier le contrôle des archives à une seule personne. En 1783, les dames de Lons-le-Saunier décidèrent de protéger leur dépôt « avec portes fermantes à deux clefs prohibitives, dont l’une sera[it] entre les mains de Madame l’abbesse et l’autre entre les mains de Mesdames du chapitre11 ». On était également attentif à empêcher la dégradation de ces documents. Lorsqu’un lieu de conservation se révélait inadapté, les dames nobles ne lésinaient pas pour en faire aménager un autre. En 1787, celles de ChâteauChalon chargèrent Antoine Gabbio, entrepreneur à Lons-le-Saunier, du devis d’un cabinet des archives à installer à proximité du clocher de l’abbatiale ; une attention particulière fut portée aux jointures des pavés pour empêcher l’intrusion de rongeurs, ainsi qu’à l’étanchéité du futur local contre les eaux pluviales et l’humidité12. Comment ne pas relier ce souci de la conservation aux conseils que prodiguait au milieu du siècle, aux religieux nobles de Lure, le dominicain Eustache-Alexandre de Maubuisson : Et pour empêcher qu’ils ne se corrompent soit par vétusté ou autrement, il faut ballier [balayer] fort souvent les archives, en oster les araignées, visiter de temps en temps les armoires pour voir s’il ne s’y fait point de trous de souris ou de ras, les laisser ouverte dans les beaux Jours […], les bien tenir closes et fermer avec porte de fer et barreaux aux fenestres13. Ainsi les chanoinesses nobles du Comté surent tirer parti des enseignements de l’archivistique, ce qui montre le respect et l’importance qu’elles accordaient
9 J. Leclant, A. Vauchez et D.-O. Hurel (éd.), Dom Jean Mabillon, figure majeure de l’Europe des lettres. Actes des deux colloques du tricentenaire de la mort de dom Mabillon, Paris, AIBL, 2010, 740 p. ; B. Joassart, Aspects de l’érudition hagiographique aux xviie et xviiie siècles, Genève, Droz, 2011, ix-169 p. 10 AD Haute-Saône, H 939. 11 BGSB, ms. 2, Extrait des registres de l’ordre de Saint-Georges (avril 1783). 12 AD Jura, 38 H 2. 13 AD Haute-Saône, H 578, p. 2.
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à la mémoire scripturaire. L’introduction, dans la seconde modernité, de preuves littérales dans ces chapitres est indissociable de l’imprégnation du second ordre à cette culture des archives. Quant à la précision avec laquelle on en vérifiait l’authenticité, elle était redevable aux progrès accomplis dans la critique des sources au xviie siècle. Le siècle des Lumières ne modéra pas sa dénonciation de ces faux titres démasqués sur lesquels s’étaient construits certains privilèges d’abbayes, comme l’illustrent l’article « Diplôme et diplomatique », de l’abbé Lenglet, dans l’Encyclopédie, ou bien encore le libelle que l’avocat Charles Gabriel Frédéric Christin, ami du patriarche de Ferney14, publia en 1772 contre le chapitre noble de la cathédrale de Saint-Claude et son chartrier, le but étant de démontrer l’illégitimité du droit de mainmorte exercé sur les terres de l’ancien monastère15. L’attention portée par les compagnies nobles à la conservation de leurs archives et la peur que ne soit révélée l’inauthenticité de certains documents avaient leur pendant dans la relation que la noblesse entretenait avec ses propres archives. Les occasions pour ces familles d’en prouver l’authenticité étaient non seulement que leurs documents soient soumis à la grande enquête de noblesse qui devait se poursuivre pendant une trentaine d’années, avec plusieurs interruptions de 1666 à 1727, mais également de se plier à l’épreuve de la vérification des preuves de noblesse imposée comme condition d’accès à certaines institutions. Le succès rencontré par les chapitres nobles reposait notamment sur le fait qu’ils certifiaient une authenticité de noblesse. Ils ne furent toutefois reconnus dans cette fonction qu’en s’interdisant tout passedroit et en transformant l’examen des preuves de noblesse en une épreuve longue, fastidieuse et coûteuse.
Les épreuves Présenter ses preuves devant un chapitre noble imposait de triompher de maintes difficultés, qui commençaient à l’instant de les réunir. Lorsqu’elles n’étaient pas exclusivement réclamées en titres originaux, comme par la très exigeante abbaye de Château-Chalon16, il fallait qu’elles aient été collationnées et certifiées conformes à l’original. En rassemblant les documents qui devaient lui ouvrir les portes du chapitre de Migette, Joseph Henriette Isabelle Duc fit demander au curé d’Arlay, dans le Jura, son extrait baptistaire qui datait du
14 R. Bergeret et J. Maurel, L’avocat Christin, collaborateur de Voltaire (1741-1799), Lons-leSaunier/Saint-Claude, Société d’émulation du Jura/Amis du vieux Saint-Claude, 2002, 153 p. 15 Ch. G. Fr. Christin, Dissertation sur l’établissement de l’abbaye de Saint-Claude, ses chroniques, ses légendes, ses chartes, ses usurpations et sur les droits des habitants de cette terre, s.l., 1772, p. 57 : « Le faux et la violence les avait mis en possession des terres, l’infraction des traités et le parjure les mirent en possession de l’esclavage ». 16 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des séquanois…, op. cit., p. 147.
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3 avril 1749, avant de le faire légaliser par le lieutenant général de bailliage17. Pour épargner aux familles les inconvénients de ces démarches, certains chapitres toléraient des preuves déjà présentées par une sœur, comme c’était le cas à La Veine, au diocèse de Clermont. Des compagnies encore plus complaisantes allaient jusqu’à admettre celles qu’un parent avait présentées auprès d’institutions imposant des conditions d’admission au moins identiques. À Neuville, dans la Bresse, la postulante se trouvait dispensée de refaire ses preuves lorsqu’elle était sœur ou nièce d’un chanoine-comte de Lyon18, et devait simplement prouver que sa mère était demoiselle19. S’agissant des chapitres d’hommes du Comté, ce genre de commodité se rencontrait à Gigny, où Baptiste de Chavirey se contenta de présenter les preuves de seize quartiers que son frère avait établies pour entrer dans la confrérie de Saint-Georges20. Par souci de leur prestige, les compagnies nobles féminines de Franche-Comté refusaient une telle facilité. Dans l’assemblée capitulaire du 27 novembre 1745, les chanoinesses de Baume rappelaient qu’elles ne pouvaient se contenter de preuves faites dans un autre chapitre par le frère ou la sœur d’une postulante : « En agissant autrement, les conséquences seroient trop grandes pour les suites, et la délibération du chapitre est qu’on ne peut rien changer aux anciennes coutumes de cette abbaye21 ». Les preuves de noblesse faisaient l’objet d’un examen très minutieux. De sa rigueur dépendait la renommée de l’établissement qui avait à les contrôler. Certains chapitres allaient jusqu’à réclamer des documents complémentaires en cas d’équivoque, comme celui de Remiremont où l’on demandait l’original lorsqu’une copie paraissait douteuse. Dans un certain nombre de compagnies nobles de dames du royaume, cette vérification était confiée au contrôle exogène d’un généalogiste professionnel. Ce fut le cas, en Lorraine, de Poussay, où l’expertise d’un spécialiste devait être confirmée par trois gentilshommes de nom et d’armes connus des chanoinesses22. À Remiremont, l’abbé Renaud, écolâtre et chanoine du chapitre, en assumait la fonction vers 178023. À Épinal, elle était exercée à la fin de l’Ancien Régime par Antoine Maugard, formé au droit et à la jurisprudence, qui avait acquis
17 BGSB, Fonds du chapitre de Besançon, 54 (6). 18 La cathédrale Saint-Jean-Baptiste-et-Saint-Étienne de Lyon abritait l’un des plus anciens et des plus prestigieux chapitres nobles du royaume. Il est affirmé dans le Dictionnaire de Trévoux qu’il pouvait se prévaloir d’avoir pu compter simultanément un fils d’empereur, neuf de rois et quatorze de ducs. 19 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 182, p. 190 ; Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville-les-Dames en Bresse, Lyon, Pierre Valfray, 1756 [Règlement de 1755, chapitre i, titre 2, article 7], p. 106. 20 AD Côte-d’Or, E 378. 21 AD Haute-Saône, Fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 141. 22 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 165. 23 Ibid., p. 169.
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une solide réputation de généalogiste24. À Saint-Louis de Metz, Bernard Chérin fut nommé généalogiste du chapitre par un arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 1767. Edme Joseph Berthier et Louis Nicolas Hyacinthe Chérin, généalogistes des ordres du roi, lui succédèrent25. Berthier était également chargé de vérifier les preuves des chanoinesses de Salles-en-Beaujolais26. Les dames de La Veine possédaient leur propre expert, devenu celui des Ordres du roi à la fin de l’Ancien Régime27. S’agissant des établissements féminins de Franche-Comté, le brevet de 1788 introduisant à Lons-le-Saunier des preuves graduelles précisait qu’elles seraient vérifiées par Louis Nicolas Hyacinthe Chérin, tout comme celles des chanoinesses d’honneur dont le même brevet autorisait la création de douze places28. En dehors du chapitre lédonien, où un spécialiste attitré avait fini par se substituer à deux gentilshommes dans la vérification des preuves, les compagnies nobles du Comté en confiaient la responsabilité à des nobles de la province, généralement choisis parmi les membres de la confrérie de Saint-Georges, d’un chapitre noble ou de l’ordre de Malte. Il semble qu’à Migette, ces commissaires aient été exclusivement recrutés parmi les confrères de Saint-Georges29. À Baume-les-Dames comme à Lons-le-Saunier, l’abbesse en nommait un et le chapitre l’autre ; les dames de Baume attendaient qu’ils eussent rendu leur rapport pour se pencher à leur tour sur les preuves. À l’inverse, le chapitre de Château-Chalon vérifiait d’abord celles-ci avant de les soumettre à quatre gentilshommes30. À Migette et à Montigny-lès-Vesoul, quatre commissaires, dont deux étaient désignés par l’abbesse et les chanoinesses et les deux autres par les parents de la postulante, étaient chargés de valider les preuves et de les jurer. C’était une cérémonie commune aux cinq abbayes nobles féminines de Franche-Comté que d’y faire jurer à l’église, sur les évangiles31, leur examen
24 Ibid., p. 167. Remarqué dans sa fonction de commissaire du Roi pour la recherche et la vérification de sources de droit et d’histoire, il fut nommé généalogiste de l’Ordre de SaintHubert de Bar. Voir notamment d’A . Maugard, Remarques sur la Noblesse, Étude et Projet de Réforme du Second Ordre, S.R.H.N., 1991, 336 p. [L’ouvrage a été publié en 1787]. 25 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 164. 26 H.-G. Duchesne, La France ecclésiastique ou état présent du clergé séculier et régulier, des ordres religieux militaires et des universités, Paris, G. Desprez, 1787, p. 181. 27 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 189. En 1786, la maison de la Celle fit au cabinet des ordres du roi ses preuves pour l’admission à La Veine, lesquelles étaient également destinées à l’obtention des honneurs de la Cour : L. Laine, Archives généalogiques et historiques de la noblesse de France, ou recueil de preuves, mémoires et notices généalogiques servant à constater l’origine, la filiation, les alliances, et les illustrations religieuses, civiles et militaires de diverses maisons et familles nobles du royaume, Paris, Chez l’auteur, 1830, t. 3, p. 9. 28 AD Jura, 48 H 15 ; BnF, ms. français, 33 262, f. 98. 29 H.-G. Duchesne, La France ecclésiastique…, op. cit., p. 82. 30 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des séquanois…, op. cit., p. 147, p. 161 ; BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon dans le comté de Bourgogne (xviiie siècle), p. 31. 31 Concernant l’essence et les attributs constitutifs du serment, se reporter à : R. Verdier (éd.), Le serment. Signes et fonctions, Paris, CNRS, 1991, 458 p.
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accompli, la validité des preuves, au moment de la remise du couvre-chef à la « postulante », alors que l’accompagnaient dans ce rituel de passage les membres du chapitre, mais aussi des parents et des amis. À Baume-les-Dames, la cérémonie se déroulait à proximité de l’autel, en présence de deux prêtres, l’un portant le Saint Sacrement, l’autre tenant les évangiles nécessaires à la prestation de serment32. À Lons-le-Saunier, c’était du côté de l’Épître que l’on jurait de l’authenticité des preuves33. Ainsi cherchait-on avec la cérémonie du serment à conforter publiquement la preuve littérale par la testimoniale, qui relevait sans doute d’une survivance et n’intervenait plus au xviiie siècle que comme complément de la première. L’usage, à Château-Chalon, était d’ailleurs de conserver une trace écrite de cette reconnaissance par un acte notarié34. À Lons-le-Saunier, les quatre gentilshommes jureurs signaient l’arbre de lignes et l’inventaire des titres et papiers35. À Baume-les-Dames, la signature des preuves se déroulait avant la cérémonie religieuse, au moment où la supérieure accueillait la demoiselle au quartier abbatial36. Ce serment des gentilshommes était commun à de nombreux chapitres nobles de dames en France, avec pour variable le nombre de ceux qui le prêtaient : ils n’étaient que deux à Maubeuge, dans le diocèse de Cambrai, à Saint-Louis de Metz et à La Veine, mais trois à Bouxières-aux-Dames, Épinal, Poussay et Remiremont, et quatre à Denain, dans le Hainaut37. Contrairement à leurs homologues du Comté qui avaient également pour mission de vérifier les titres, la plupart n’intervenaient que pour prêter serment, abandonnant à des généalogistes de métier l’examen des preuves. Ainsi la présentation des preuves devant un chapitre noble de dames en Franche-Comté n’était pas seulement l’aboutissement d’une démarche difficile, lente et onéreuse ; elle s’auréolait d’une solennité et d’une sacralité qui venaient en complément de la fierté d’avoir été éprouvée et approuvée par ses pairs, toute la parenté de la récipiendaire s’en trouvant bénéficiaire. Dans cette épreuve, chaque famille osait le risque qu’une ascendance dégradante soit révélée au grand jour, le risque de l’opprobre. Le péril de déchoir socialement sans espoir de réhabilitation était bien réel, car ces compagnies féminines se montraient généralement intransigeantes. Les plus conciliantes étaient, au diocèse de Lyon, Neuville-les-Dames et Salles-en-Beaujolais : par leurs statuts respectifs de 1766 et de 1781, elles autorisaient les postulantes à retrancher un degré à la ligne paternelle, à condition d’en ajouter un à deux
32 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame Henriette-Angélique d’Amas de Crux…, op. cit., p. 56. 33 BECB, ms. 799, Formulaire de la cérémonie qui s’observe en la royale abbaye de Lons-leSaunier pour la prise d’habit, f. 45. 34 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon dans le comté de Bourgogne (xviiie siècle), p. 31. 35 BECB, ms. 799, Règlement de l’abbaye, « Des preuves de noblesse », p. 7. 36 Mémoire responsif…, op. cit., p. 56. 37 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 164-167, p. 169, p. 190, p. 194-195.
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du côté maternel38. S’agissant de celles du Comté, nous avons observé que Montigny-lès-Vesoul se résigna dans le premier tiers du xviiie siècle à un laxisme passager dans sa demande de preuves. L’abbaye noble de Lons-leSaunier assouplit également ses conditions, par le règlement du 8 juillet 1771, pour s’ouvrir à la noblesse française, les candidates défaillantes à l’exigence de seize quartiers ayant la possibilité de compenser chaque écu manquant par deux degrés supplémentaires en tige. Mais l’intransigeance était partout ailleurs la règle. Éprouvée, comme les autres abbayes nobles de clarisses urbanistes, par les malheurs d’un « siècle de fer » en Franche-Comté, et aussi démunie qu’elles en matière de temporel du fait de leur appartenance aux ordres mendiants, Migette n’en offre pas moins l’exemple d’une résistance à des concessions au sujet de la règle des seize quartiers. Cette nouveauté n’était guère appréciée par le clergé réformateur qui chercha parfois les moyens de la supprimer, ou du moins d’en atténuer la dictature. Au début du xviiie siècle, enhardis par le passage de la Franche-Comté dans la souveraineté française qui leur permettait d’exercer de nouveau un droit de visite longtemps suspendu sur les trois couvents nobles comtois de dames urbanistes, les supérieurs franciscains de la province de Saint-Bonaventure de Lyon tentèrent de contrarier leur processus de transformation en des chapitres nobles. L’un d’eux, le provincial Laurent Morel, demanda le 6 novembre 1711 à l’abbesse de Migette de recevoir, en qualité de bienfaitrices, les demoiselles Marie Elisabeth et Marie Jeanne Françoise Gabrielle de Clebsatel ; celles-ci s’engageaient à verser 13 000 livres à l’abbaye en compensation de preuves de noblesse défaillantes. Faisant fi de l’opposition d’une partie de son chapitre, Prospère Françoise de Montrichard refusa cette offre en portant l’affaire devant le parlement de Besançon. Elle obtint un arrêt favorable le 14 décembre 1711. L’année suivante, le père Morel fit monter le ton en menaçant de coiffer luimême les demoiselles, si l’abbesse s’y refusait. Le 13 août 1715, la cour trancha en faveur de cette dernière39. La leçon donnée par ce chapitre noble qui faisait partie des plus pauvres de France est limpide : l’on pouvait acheter sa noblesse ou en altérer la pureté pour redorer son blason, mais il était impossible de compenser le défaut de quartiers en échange d’argent, parce que la qualité de gentilhomme n’était pas monnayable. S’agissant des dames de Baume et de Château-Chalon, leur intransigeance ne fut jamais mise à l’épreuve.
La fierté d’avoir été éprouvée Parce que le rituel des preuves était coûteux – l’adjectif étant ici ambivalent – les familles se flattaient d’en faire connaître l’heureuse issue. Prestigieux
38 P.-M. Perez, Les chapitres de dames nobles dans le diocèse de Lyon au xviiie siècle, Mémoire de Master 2, Université de Franche-Comté, 2012, t. 1, p. 20. 39 AD Doubs, 1 C 481 ; AD Doubs, 118 H 2, 118 H 3.
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label, élément d’orgueil, l’admission dans un chapitre noble faisait toujours sortir de l’ombre où les généalogistes laissaient d’autres existences. Maintes notices empruntées au Dictionnaire de la noblesse (1770-1786) du compilateur François-Alexandre Aubert de La Chesnaye Des Bois en font foi40, d’autant que l’étendue des articles dépendant de la somme d’argent confiée à son auteur, certaines familles conçurent cet ouvrage comme une publicité à leur illustration et à leur ancienneté. Une notice du xviiie siècle exhumée des papiers de la maison de Falletans, destinée à prouver l’excellence de cette famille chevaleresque comtoise, soulignait : Elle n’est pas moins illustrée par ses décorations et par différents seigneurs de son nom, qui furent reçus dans les chapitres nobles, que par ses services militaires […]. Elle a été jurée et reçue dans les abbayes nobles de Migette, Baume-les-Dames, Château-Chalon, Baume-les-Messieurs, Gigny, etc41. Les chapitres nobles étaient donc bien devenus un faire-valoir pour toute une frange de la noblesse répondant à des critères qualitatifs d’ancienneté et de pureté du sang. Les quartiers de noblesse s’affichaient orgueilleusement dans ces arbres généalogiques et de lignes qui sont aujourd’hui un trésor des dépôts publics d’archives. On ne saurait trop insister sur la richesse que constituent pour les archives du département du Doubs quatorze d’entre eux, datant du xviiie siècle, de chanoinesses de Baume42. Ces documents devenus rares étaient conçus selon une esthétique ostentatoire : peints parfois sur carton, plus souvent sur parchemin ou vélin pour supporter les assauts du temps, leurs écus reliés par les branches stylisées d’un arbre étaient finement reproduits et richement colorés. Toute personne initiée à l’héraldique pouvait y saisir d’un regard l’ancienneté d’une noblesse. Il est probable d’ailleurs qu’un certain nombre étaient exposés aux visiteurs, à l’image de l’arbre généalogique d’Anne Marie Desle de Watteville, qui fut abbesse de Château-Chalon de 1719 à 1742 ; celui-ci était accroché au mur d’un couloir du logis abbatial, dans un cadre doré43. Mais si l’admission dans un chapitre noble au xviiie siècle était socialement valorisante44 et pouvait servir les ambitions d’une famille, la déchéance n’en était que plus vivement perçue lorsqu’une postulante s’en voyait refuser l’accès.
40 Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l’histoire et la chronologie des familles nobles de France, l’explication de leurs armes, Paris, Schlesinger frères, 1863-1876, 19 vol. 41 AD Doubs, E (T.F.) 3882. 42 AD Doubs, 1 J 112. 43 AD Doubs 113 H 4. 44 Voir à ce propos A. Jouanna, « Mémoire nobiliaire. Le rôle de la réputation dans les preuves de noblesse : l’exemple des barons des États de Languedoc », in Ch. Grell et A. Ramiere (éd.), Le second ordre, l’idéal nobiliaire. Hommage à Ellery Schalk, Paris, Presses universitaires Paris-Sorbonne, 1999, p. 197-206.
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Les suites du rejet des preuves On ne saurait comprendre autrement que par la frayeur d’un tel avilissement, l’obstination des familles évincées à faire entendre gain de cause par voie judiciaire. Dans le procès qui l’opposa aux dames de Bouxières de 1761 à 1764, Françoise Claire de la Tour en Voivre avouait qu’elle « ne contest[ait] que pour l’honneur de sa maison45 ». L’abbesse d’Épinal Gabrielle de Spada (1735-1784) ayant refusé de recevoir Charlotte Éléonore de Bellegarde, rejeton d’une illustre famille savoyarde, qui postulait avec la recommandation de la reine de Sardaigne, son père se résolut à insister auprès de cette compagnie, afin de « sauver son honneur et la noblesse de son nom46 ». On ne pensait pas différemment dans les familles refusées par les chapitres nobles de dames de Franche-Comté, comme en atteste la fréquence des contestations. L’abbaye de Château-Chalon en inaugura la série. Le 2 janvier 1687, un accord à l’amiable, conclu devant notaire, levait un procès porté devant le parlement de Besançon par Anne Élisabeth de Belot de Chevigney ; on lui demandait de remettre ses titres justificatifs dans les mains de deux gentilshommes pour que ceux-ci fassent l’objet d’une nouvelle vérification47. Trois ans plus tard, c’était au tour de Marie-Florence de Constable de Gesans48 de contester le refus de ses preuves devant la cour bisontine, laquelle ordonna leur réexamen en désignant à cet effet trois commissaires. La demoiselle obtint gain de cause, mais comme le chapitre contestait le jugement rendu, la cour le menaça d’une saisie du temporel. L’affaire fut évoquée par le Conseil d’État qui ordonna, dans un arrêt rendu le 25 novembre 1692, que les titres seraient vérifiés par trois gentilshommes commis et jurés, le premier désigné par les dames, le deuxième par le père de la postulante éconduite, le dernier par les deux parties. Le 1er décembre 1693, Henri de Balay, sacristain du prieuré de Gigny, Charles-Louis de Broissia, chevalier de Malte, et Gaspard de Grammont, religieux de Saint-Claude, confirmèrent la validité des preuves49. Par l’arrêt de 1692, l’abbaye obtint que les contestations à venir soient soustraites aux juridictions ordinaires et portées devant trois experts. Il ne fallut guère plus que cette autonomie juridique pour lui épargner d’autres procès. Peu après l’instauration de preuves de noblesse à Montigny, une longue procédure de neuf années opposa cette compagnie à Marie Joseph Millot de
45 BM Nancy, 592 (132), Actes capitulaires, 21 août 1764, p. 12-13 ; cité par Chr. Poirier, Le chapitre des dames nobles de Bouxières-aux-Dames, Mémoire de maîtrise, Université de Nancy 2, p. 50-52. 46 AD Vosges, G 115. 47 AD Doubs, E (T.F.) 3679. 48 Baptisée à Cendrey, près de Baume-les-Dames, le 23 octobre 1677 [AD Jura 38 H 7]. 49 AD Doubs, E (T.F.) 1371 ; H. Tribout de Morembert, « Les preuves de noblesse de Marie-Florence de Constable de Gesans pour l’abbaye de Château-Chalon (1692) », Mémoire de la Société d’Émulation du Jura, année 1943, Lons-le-Saunier, 1944, p. 57-65. Fr.I. Dunod de Charnage, Histoire des séquanois…, op. cit., p. 147 et pièces justificatives, p. ci.
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Montjustin, dont l’admission avait été refusée par délibération capitulaire du 8 décembre 1707. Les preuves de la plaignante ne furent validées qu’en 1716 ; elle fut admise le 27 novembre avec sa sœur Anne Marceline50. Si, jusqu’à cette date, les contestations relatives aux preuves de noblesse avaient connu un épilogue heureux, il n’en fut pas de même dans le procès qui opposa Alexandrine Pétronille de Saint-Vandelin aux dames de Baume. Elle avait été adoptée comme nièce en 1722 par Madame de Vaudrey, mais ses preuves furent rejetées. Son père contesta cette décision humiliante devant le bailliage de Baume. Le chapitre obtint de son côté par un arrêt du Conseil d’État du 24 mars 1724 un réexamen des titres. L’affaire devait toutefois se compliquer avec la mort de Madame de Vaudrey, le 11 août suivant. Sans attendre le résultat de cette nouvelle vérification, l’abbesse avait fait valoir son droit de pourvoir la prébende devenue vacante en y nommant Anne Elisabeth de Jouffroy, qui fut reçue et coiffée le 16 janvier 1726. Le père de la postulante évincée tenta vainement de faire frapper de nullité cette réception. Les titres de la plaignante furent de nouveau rejetés en 1730, tandis qu’un arrêt du Conseil d’État tranchait définitivement en faveur de la demoiselle de Jouffroy, autorisant sa profession51. En 1729, Marie Césarine Hyacinthe, fille de Philibert Marie Joseph de Balay, baron de Jousseau, avait été adoptée par sa tante Anne-Thérèse de Balay, qui était chanoinesse de Lons-le-Saunier52. Mais entre 1736 et 1737, son père intenta un procès au chapitre pour contester le rejet des preuves53. Dans l’un des factums conçus pour la défense de la demoiselle, on s’insurgeait contre cette pratique nouvelle d’une sélection littérale dénuée de fondement historique : Du côté des Dames de Lons-le-Saunier, nul titre qui autorise leur prétention ; c’est une agréable chimère qui n’a pour objet que les charmes de la nouveauté. Du côté de la demoiselle de Jousseau, elle a en sa faveur le titre de la fondation et l’ancien usage : le premier ne veut que des filles de gentilshommes d’ancienne race ; le second les reçoit sans preuves54.
50 AD Haute-Saône, H 941. 51 Ses vœux solennels furent prononcés le 3 février 1743 ; AD Doubs 112 H 60 ; AD HauteSaône, Fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 135, 137, 25 J 141, f. 169. 52 L. P. d’Hozier et A. M. d’Hozier de Serigny, Armorial général, ou registres de la noblesse de France. Registre second, première partie, Paris, Jacques Collombat impr., 1741, p. 92. 53 Les pièces du procès sont aux AD Doubs, 120 H 2 : Réponses pour les sieur et demoiselle de Balay de Jousseau au mémoire imprimé des dames abbesse et religieuses chanoinesses de Lons-leSaunier. [ce factum a été imprimé chez de Mesnier en 1736] ; BECB, ms. 129, coll. Chifflet, f. 45 ; voir aussi : Au Roy [Requête de Philibert Marie Joseph de Balay, baron de Jousseau, au sujet des preuves de noblesse exigées par l’abbesse pour l’admission de sa fille dans l’abbaye de Lons-le-Saunier], impr. de Mesnier, 1736, 14 p. ; Mémoire signifié pour Philibert Marie Joseph de Balay, baron de Jousseau, et Marie-Césarine-Hyacinthe, sa fille mineure,…servant de réponses à la requête des dames abbesse et chanoinesse de Lons-le-Saunier, du 18 mai 1737, impr. de Mesnier, 1737. 54 AD Doubs, 120 H 2, Réponses…, op. cit.
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Nous tenons dans cette accusation l’une des explications aux procès fréquents, en matière de preuves de noblesse, dans lesquels furent engagés les chapitres nobles de dames de Franche-Comté à la fin du xviie siècle et dans les premières décennies du suivant : il était aisé, dans une société où la tradition avait force de loi, de contester un usage introduit depuis peu et qui déconcertait bien des familles de gentilshommes encore insuffisamment familiarisées avec cette culture écrite des preuves pour pouvoir en déjouer les pièges. Les mesures prises par l’administration royale pour donner à cette pratique une reconnaissance officielle furent apaisantes. Nous avons vu comment Louis XV confirma pour Migette, en 1730, et fit introduire à Montigny, en 1732, la règle des seize quartiers. Un arrêt du Conseil d’État de 1740 ordonna aux chapitres nobles des deux sexes de la province de présenter dans les trois mois, à l’intendant de Franche-Comté Barthélemy de Vanolles, tous les titres tendant à justifier la qualité et l’étendue de la preuve requise pour être admis dans ces maisons55. C’est pour cet objet qu’une visite fut rendue aux dames de Baume, le 22 avril 174156. Les contestations se raréfièrent dès lors. Trois sœurs, Marguerite Gabrielle Victoire, Albertine Louise et Angélique Gabrielle Julie de Cantineau de Comacre furent encore contrariées au moment de leur admission au chapitre de Migette, en 1774 ; il fallut deux ans aux commissaires pour légitimer leurs preuves, après qu’ils leur eurent demandé un complément généalogique57. En janvier 1781, ceux-ci refusèrent le dossier que leur présentait Bernardine Pétronille du Vernay de Pin. Parce qu’il contenait de nombreuses lacunes, la sentence fut impitoyable : « Déclarons que la preuve de lad. dame faite suivant les titres portés en ce cahier […] est inadmissible tant dans le chapitre noble de Migette que dans tous les autres selon l’usage de la Province de Franche-Comté58 ». Le réseau des commissaires conviés à la vérification des preuves étant aussi serré que celui des familles représentées dans les compagnies nobles de la province, il était impossible d’espérer être admise dans un autre chapitre noble franc-comtois, lorsque l’un d’eux avait rendu une sentence négative. Pour finir, une demoiselle Garnier de Dole, usurpatrice du nom de Falletans, dont une partie du fief avait été amodiée par un de ses ancêtres, et qui prétendait devenir chanoinesse de Lons-le-Saunier, tentait d’y faire valoir ses droits, lorsque la Révolution se déclencha59. Les dames nobles avaient pour leur part tout intérêt à voir se multiplier ces procédures bruyantes qui confirmaient la rigueur de la sélection pratiquée
55 AD Jura, 1 F 28. 56 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137. 57 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, p. 95. 58 AD Doubs 7 E (T.F.) 2992. 59 AD Doubs E (T.F.) 3882.
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dans ces établissements. Ces affaires ne faisaient que rendre plus enviable la condition canoniale et contribuèrent à faire grossir le flot des demandes. * * * L’une des raisons du succès au xviiie siècle des chapitres nobles est à rechercher dans l’importance sociale nouvelle confiée à leurs preuves de noblesse. Ce phénomène se produisit dans un contexte culturel accordant une grande attention à la mémoire écrite, qu’elle ait été celle d’un lignage ou celle du temporel d’une maison religieuse. L’administration royale fut l’incitatrice de cette vigilance accrue pour la conservation des archives. La précision avec laquelle les preuves furent vérifiées par les chapitres nobles et leurs commissaires était de toute évidence redevable aux progrès réalisés en matière de critique scientifique des titres anciens. La reconnaissance des preuves par une compagnie noble était l’aboutissement d’un parcours long et difficile que clôturait, s’agissant de ceux du Comté, l’attestation sur les évangiles de leur conformité aux exigences requises. Cette forme de sacralisation de l’épreuve conférait d’autant plus de valeur à ces preuves solennellement jurées. Le prix qu’elles acquirent pour la noblesse du xviiie siècle provenait également du risque encouru à les faire examiner par des institutions inflexibles. L’admission dans un chapitre noble de dames de Franche-Comté devint donc un critère de reconnaissance sociale pour tout un lignage, car elle attestait, par les preuves de noblesse qui en étaient la condition, d’une excellence en matière d’ancienneté et de pureté de sang, elle contribuait à cette fama qui pouvait peser dans les stratégies d’alliances matrimoniales. En revanche, les familles rejetées se sentaient si profondément avilies dans leur honneur qu’elles furent nombreuses à se contraindre à d’interminables procès pour faire reconnaître la valeur de leur noblesse. Cette clameur émanant des tribunaux ne fit qu’accroître le prestige social qu’apportait la condition canoniale noble et joua un rôle évident dans l’engouement que rencontrèrent ces instituts au xviiie siècle.
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Le renforcement de la sélection sociale ne fut pas le seul élément favorable à la valorisation des chapitres nobles féminins de Franche-Comté. Le prix que l’on se mit à accorder à un canonicat procéda également de la difficulté qu’il y avait à l’obtenir. Car le fait de répondre aux conditions de noblesse ne pouvait suffire, il fallait également bénéficier de solides appuis pour prétendre disposer d’une stalle dans l’une de ces communautés. Il est nécessaire de décrire les mécanismes de cette sélection et l’esprit qui l’animait afin de comprendre le rôle de celle-ci dans la valorisation de ces instituts.
La diversité des systèmes de présentation Il n’existait pas d’uniformité dans le mode de recrutement des chanoinesses nobles à l’échelle du royaume. Cependant, une condition nécessaire aux postulantes était de disposer d’appuis efficaces, soit par le réseau du patronage, soit par celui de la parenté et des amitiés. Le premier se trouvait favorisé lorsque le droit de nomination était entre les mains d’une seule ou de quelques personnes influentes. Il en allait ainsi à Étrun, en Artois, où l’abbesse en avait l’exercice1. Le roi de France, qui succéda au duc de Lorraine dans cette prérogative, disposait d’un droit de joyeux avènement à Saint-Goëry d’Épinal, lequel lui permettait de pourvoir la première place vacante au début de son règne. S’agissant de Bouxières, il existait trois prébendes spécifiques ; le roi nommait à celle dite « ducale » lorsqu’elle venait à vaquer, l’abbesse à celle « de la crosse », et l’évêque de Toul à la prébende « épiscopale2 ». Le souverain était réputé abbé commendataire du chapitre noble de Denain et, en cette qualité, pouvait conférer une seule fois au cours de son règne une prébende à une demoiselle de son choix ; l’abbesse disposait d’un droit identique3. Il fut également accordé un droit de collation à des bienfaiteurs de ces maisons nobles. En 1781, Monsieur, frère du roi Louis XVI, fit le don considérable de 40 000 livres au chapitre noble de Coize en L’Argentière, au diocèse de Lyon, lequel devait notamment permettre la création de six nouvelles places de chanoinesses, dépendant de 1 J.-Ch. Poncelin de la Roche-Tilhac, État des cours de l’Europe et des provinces de France pour l’année 1784 [seconde partie], Paris, Lamy, p. 39. 2 H.-G. Duchesne, La France ecclésiastique…, op. cit., p. 208. 3 BM Douai, ms. 938, Histoire des collèges… op. cit., t. 1, f. 142v, f. 143r.
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la nomination du souverain, sur la présentation de ce bienfaiteur4. S’agissant du prieuré de fontevristes de Jourcey, érigé en chapitre noble séculier en 1785, la nomination à l’un des canonicats était réservée au chef de la maison de Noblet de la Claitte5. Le plus fréquemment, même lorsque l’abbesse en avait théoriquement la prérogative, l’exercice du droit de conférer un canonicat était dévolu aux dames du chapitre, ce qui laissait libre cours au népotisme et à la sollicitation des réseaux d’amitiés, dont l’importance a été soulignée dans plusieurs enquêtes se rapportant au monde capitulaire noble6. Les systèmes de nomination étaient variés. À Épinal, Poussay, Bouxières, Saint-Pierre et Sainte-Marie de Metz, ce droit était assujetti tout à la fois aux hiérarchies et à l’ancienneté, respectant un ordre précis défini en assemblée capitulaire et appelé « tour » ou « ordonnance de prébendes7 ». S’agissant par exemple de Poussay, l’abbesse l’ouvrait, suivie de la doyenne, de la secrète ainsi que des dames qui n’avaient plus de « tante », en commençant par les plus âgées. Lors de l’entrée en charge d’une nouvelle abbesse, le tour était interrompu et celle-ci nommait à la première vacance8. Ce système tempérait les pratiques népotiques, car une demoiselle que l’on avait pu remarquer dans sa tendre enfance pour vous succéder pouvait ne plus être en âge ni en état de se soumettre à ce destin lorsque se présentait le tour de nommer. Plus exposée au favoritisme pour une parente ou pour la représentante d’un lignage allié, était la désignation d’une « nièce » par une dame du chapitre qui avait tout le temps de la réflexion. Remiremont affichait en la matière une originalité qui découlait du système de répartition de ses prébendes : les chanoinesses jouissaient de soixante-dix-neuf des 144 prébendes tirées du riche temporel de l’abbaye, lesquelles se répartissaient en vingt-et-une compagnies qui comptaient chacune entre deux et cinq prébendes. Une chanoinesse titulaire d’une compagnie de cinq prébendes était en mesure d’apprébender une, deux ou trois nièces, alors que celle qui ne possédait que deux prébendes ne pouvait en désigner qu’une seule9. À Saint-Louis de Metz, chaque chanoinesse pouvait se choisir une « coadjutrice de prébende » qui devait avoir atteint l’âge de raison, c’est-à-dire sept ans ; l’abbesse exerçait un droit de collation de pure forme lorsque cette
4 H.-G. Duchesne, La France ecclésiastique…, op. cit., p. 175-176. 5 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 179. 6 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 128-135 ; Id., « Le chapitre de Poussay à l’époque moderne. Institutions et recrutement », in M. Parisse (éd.), Mirecourt et Poussay, Nancy, PUN, 1984, p. 131-132 ; Chr. Poirier, Le chapitre des dames nobles de Bouxières-aux-Dames, Mémoire de maîtrise, Université de Nancy 2, 2002, p. 76-77. 7 Fr. Boquillon, « Recrutement et apprébendement aux chapitres d’Épinal et de Remiremont », in M. Parisse (éd.), Remiremont, l’abbaye et la ville, Nancy, 1980, PUN, p. 130-131. 8 Id., Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 66, n. 160, n. 162. 9 Ibid., p. 51-54.
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prébende venait à vaquer par la mort ou par la démission de sa détentrice, en la conférant à la coadjutrice que lui présentait la dame de prébende10. Cette pratique de l’adoption se trouvait également reconnue à Saint-Denis d’Alix, dans le Lyonnais, où l’on parlait d’« aniécer11 », ainsi qu’à Neuville en Bresse. Les dames du chapitre bressan avaient même la possibilité de l’exercer en faveur de plusieurs jeunes filles, à condition que celles-ci fussent sœurs et que la maison canoniale fût assez vaste pour les loger12. Les dominicaines de Montfleury, dans le Dauphiné, se singularisaient par leur mode de nomination : en 1659, vingt ans de profession étaient nécessaires pour pouvoir jouir de ce droit en faveur de la demoiselle de son choix13. Les abbayes nobles de dames de Franche-Comté se réglaient aussi sur ce mode de désignation. Si l’on écarte le cas particulier des « nièces » qui, à Château-Chalon, avaient la possibilité d’adopter une compagne, la chanoinesse en possession de ce droit devait être professe, ne plus avoir de « tante » en vie, détenir une maison et une prébende14, ou encore, caractéristique qu’on ne rencontre que dans les abbayes nobles de clarisses urbanistes, être mi-partiste, c’est-à-dire bénéficier d’une portion réduite de prébende, le « mi-part ». S’agissant de Montigny-lès-Vesoul, des lettres patentes sur arrêt du Conseil du 12 juin 1761 étendirent cette prérogative aux surnuméraires non prébendées, sans quoi l’âge tardif de l’apprébendement ne leur aurait pas permis d’exercer ce droit15. La plupart du temps, une « tante » n’accueillait sous son toit qu’une seule « nièce », mais des sources tardives de l’Ancien Régime précisent que les chanoinesses de Baume-les-Dames et de Château-Chalon en toléraient deux par dame professe, pourvu qu’elles fussent sœurs16. S’agissant de l’abbaye jurassienne, un mémoire historique daté de 1756 explicite les conditions de ces adoptions multiples : chaque « nièce » pouvait se choisir 10 AD Moselle, H 4038, Règlement de l’abbaye, chapitre i, titre iv, articles 1-4. 11 Pour illustrer l’emploi de ce verbe, le Littré cite les Mémoires de la comtesse de Genlis, laquelle décrit ainsi sa réception au chapitre noble d’Alix : « chaque chanoinesse ayant fait des vœux avait le droit d’aniécer, c’est-à-dire d’adopter pour sa nièce une jeune chanoinesse étrangère, sous la condition que cette jeune personne prononcerait ses vœux quand elle en aurait l’âge, et qu’en attendant elle resterait toujours avec elle ; Mme la comtesse de Cluny… offrit de m’aniécer ». 12 Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville-les-Dames en Bresse, Lyon, Pierre Valfray, 1756, p. 122 [chapitre vii, titre i, article 1] ; AD Ain, H 688. 13 H. de Maillefaud, Recherches historiques sur le monastère royal ou chapitre noble de Montfleury près Grenoble, de l’ordre de Saint-Dominique, Grenoble, impr. Maisonville, 1857, p. 130-131. 14 Ce qui signifie qu’elle n’avait plus de « tante » en vie au moment d’exercer son droit de nomination. 15 « Lettres patentes sur arrêt du Conseil en faveur des Religieuses de l’abbaye de Montigny », [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit., 1776, t. 4, p. 337-338. 16 Gabrielly, La France chevaleresque et chapitrale, op. cit., p. 147, 152 ; cette affirmation se retrouve à propos de Château-Chalon chez H.-G. Duchesne, La France ecclésiastique…, op. cit., p. 79.
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une compagne, laquelle devait posséder les quartiers de noblesse requis et appartenir à la famille de l’adoptante17. Il s’agissait de ces « écholières », dont Dunod de Charnage précise qu’elles étaient privées de l’héritage de la demeure canoniale18. Alors que le règlement édicté en 1730 pour le chapitre noble de Migette n’évoquait qu’une adoptée par dame en droit de la nommer, La France ecclésiastique de Duchesne signale la possibilité de trois adoptions19. Ces choix multiples étaient également tolérés dans les deux autres maisons nobles de clarisses urbanistes. La condition en était la capacité à loger la petite société dans une demeure suffisamment spacieuse, le règlement de Lons-le-Saunier de 1772 stipulant que les « nièces » soient des sœurs20, parce que les liens du sang devaient prévenir les cohabitations difficiles et la transmission conflictuelle de la demeure. Dans l’ensemble des chapitres nobles reconnaissant l’adoption de « tante » à « nièce », la première dignitaire, abbesse ou prieure, se substituait dans cette prérogative aux dames défuntes ou démissionnaires qui n’avaient pas pris la précaution de se choisir un successeur.
Les origines probables de la désignation de « tante » à « nièce » dans les compagnies comtoises Le népotisme conventuel exista dès la période pré-tridentine. Sous la contrainte économique, l’excédent démographique des familles nobles fut absorbé au xvie siècle par les maisons féminines contemplatives, dans lesquelles des groupes familiaux tendirent à se développer horizontalement par de nouvelles entrées et verticalement par la transmission de « places » de tante à nièce. Si le phénomène, de dimension européenne21, affecta tout naturellement les abbayes nobles, il y fut accentué du fait de l’individualisation et d’une forme d’appropriation du logement. D’après une source datant de 1715 émanant du supérieur franciscain des clarisses nobles, l’« aniècement » s’était introduit à Migette un siècle plus tôt22. Il est probable qu’il y fut favorisé, comme dans d’autres abbayes nobles du Comté, par le développement de demeures canoniales. Au xviiie siècle, à l’exception du cas baumois dont nous reparlerons plus loin, ces maisons étaient considérées comme une
17 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’Ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon dans le Comté de Bourgogne, p. 23. 18 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois…, op. cit., p. 146. 19 H.-G. Duchesne, La France ecclésiastique…, op. cit., p. 82. 20 BECB, ms. 799, Règlement…, op. cit., p. 15. 21 I. Poutrin, Le voile et la plume. Autobiographie et sainteté féminine dans l’Espagne moderne, Madrid, Casa de Velázquez, 1995, p. 34-35. 22 AD Jura, 48 H 8, Factum pour le R.P. Jacques Dupré provincial des frères mineurs, p. 14.
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« annexe du patrimoine privé23 ». La plupart avaient été construites au xviie siècle et dans les premières décennies du siècle suivant aux frais des familles. L’abbesse cédait en principe gratuitement le terrain à bâtir, mais la tentation de le monnayer l’emporta sans doute rapidement, notamment dans les compagnies les plus pauvres. Ce processus est bien observable à Lons-le-Saunier. Dans un accord daté du 6 décembre 1713, Monsieur de Beaurepaire s’engageait à verser 600 livres à l’abbesse, en échange du terrain sur lequel il voulait faire construire la maison canoniale de sa fille Marie. La somme réclamée était justifiée par la récupération de matériaux à prendre sur cette parcelle24. Un autre contrat notarié daté du 5 juin 1716 devait clore une contestation survenue entre l’abbesse et les religieuses sur la destination du produit de la vente des terrains constructibles, qui serait désormais réparti entre les dames et cette supérieure25. En 1729, Gérard Gabriel de Vers de Vaudrey acquit lui aussi un emplacement à bâtir pour le même prix de 600 livres26. L’achat d’un terrain et la construction d’une demeure canoniale représentaient pour les familles nobles un coût élevé dont pouvaient difficilement s’acquitter les plus démunies. L’aide de 10 000 livres sur cinq ans concédée à Madame Pétremand de Valay, chanoinesse de Montigny, par la commission des Secours, par délibération du 20 février 1780, pour l’indemniser de l’incendie trois ans plus tôt de sa maison et de son mobilier, donne une idée de sa valeur, même si un inventaire révolutionnaire dressé en mai 1790, qu’il convient de considérer avec prudence, précise que cette somme s’était révélée insuffisante27. Ces demeures se transmettaient ensuite comme un bien patrimonial, avec leur mobilier, par droit de succession de la tante à la nièce d’adoption, au décès de la première28. À Migette et à Montigny, celles-ci revenaient à une nièce de sang ou à une sœur, en l’absence d’une adoptée. Les règlements du xviiie siècle entérinèrent cette pratique contestée par l’Église. En l’absence d’une nièce à qui transmettre le bien, c’est l’abbesse qui héritait de la demeure canoniale et du mobilier de la défunte. Il importait de conserver ceux-ci dans le patrimoine d’une famille, la solution étant l’adoption d’une parente.
23 P. Boisnard, « La reconstruction de l’abbaye des Clarisses-Urbanistes de Montigny-lesVesoul au xviiie siècle », Bulletin de la Société d’agriculture, lettres, sciences et arts de la HauteSaône, 26 (1994), p. 36. 24 AD Jura, 48 H 8. 25 AD Jura, 48 H 10. 26 AD Jura, 48 H 9. 27 BGSB, ms. 57 et ms. 10, (6) ; AD Haute-Saône, H 939, inventaire du 25 mai 1790. 28 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137 (Baume-les-Dames). [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit., t. 3, p. 559, article xviii du règlement pour l’abbaye de Migette (1730) ; p. 634, article xix du règlement pour l’abbaye de Montigny (1732). BECB ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté…, op. cit., p. 23, et Règlement de la noble abbaye de Lons-le-Saunier, f. 35v, f. 36r ; Gabrielly, La France chevaleresque et chapitrale…, op. cit., p. 147 (Baume-les-Dames), p. 152 (Château-Chalon).
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Népotisme et recommandations Une conséquence de ce mode de désignation était le pouvoir considérable laissé aux chanoinesses, qui se trouvaient à même d’agir sur la composition sociale et géographique de leur institut. À défaut d’être déjà introduit dans une de ces communautés, un lignage noble pouvait espérer en l’efficacité des recommandations. Dans une lettre du 18 septembre 1765, Théodore Rodolphe d’Andelot, seigneur de Saffres, en Bourgogne, signalait à la sollicitude de sa tante, religieuse à Baume, une demoiselle appartenant à son réseau d’amis ou de protégés29. Au xviiie siècle, des relations apaisées et confiantes avaient fini par s’instaurer entre l’archevêque de Besançon et les chapitres nobles de dames du diocèse, celui-ci tenant désormais un rôle important dans la valorisation de ces établissements. La contrepartie fut probablement une perte d’autonomie des dames en matière de recrutement au profit de cet influent protecteur, comme le donne à penser une lettre de remerciement de l’évêque de Lausanne (1782-1795) Bernard Emmanuel de Lenzbourg, adressée le 17 septembre 1787 à l’archevêque de Besançon Mgr de Durfort, pour avoir favorisé la réception de ses deux nièces dans les chapitres nobles de Baume et de Château-Chalon30. Il était tentant pour une chanoinesse de vouloir transmettre à sa parenté un canonicat qui faisait l’objet de tant de convoitise. Si la terminologie de « tante » et de « nièce », en usage dans la plupart des chapitres nobles français, n’impliquait pas de relations systématiques de consanguinité, elle trahit néanmoins un népotisme latent. Dans le procès-verbal de l’enquête menée en juillet 1755 à Neuville-les-Dames pour préparer la fulmination de la bulle de sécularisation, l’on assurait que les adoptions y avaient toujours été en usage, en faveur de « nièces naturelles » ou « adoptives31 ». Au début du xviiie siècle, les franciscains, qui disposaient d’un pouvoir correctionnel auprès des clarisses urbanistes nobles de Franche-Comté, se mirent à fustiger ces liens « de la chair et du sang32 » qu’elles avantageaient dans leur recrutement. Sans doute avaient-ils à l’esprit la condamnation que le concile de Trente avait prononcée contre le népotisme introduit dans la transmission des bénéfices ecclésiastiques33. Vain combat, car sur les vingtcinq chanoinesses professes de Lons-le-Saunier recensées en 1792 par les enquêteurs révolutionnaires du district34, douze étaient liées par un lien de fratrie et davantage, probablement, par une relation de parenté moins directe : il y avait deux sœurs au nom de Balay, de même que pour celui de Champagne, 29 AD Côte-d’Or, E 34 octies. 30 BGSB, ms. 58. 31 Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville-les-Dames en Bresse, Lyon, Pierre Valfray, 1756, p. 61. 32 AD Jura, 48 H 8, Factum…, op. cit., p. 14. 33 Décret de réformation, xxve session, chapitre vii. 34 AD Jura, 48 H 9.
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de Belot, du Roux, de Mignot et de Bloisse. Ajoutons qu’une treizième dame, Marguerite Philiberte de Boutechoux, était la nièce de l’abbesse Marguerite Françoise. Ces liens de parenté n’étaient pas moins fréquents dans les autres maisons nobles de la province. Le 20 juin 1741, Thérèse de Belot de Roset, chanoinesse de Baume, adoptait Marguerite Hyacinthe, sa nièce de sang35. Le 12 septembre 1746, Angélique Perronne du Mouchet de Battefort, également dame de Baume, désignait pour lui succéder sa sœur Marie-Françoise36. Les règlements de ces communautés avaient d’ailleurs pris en compte cette spécificité en limitant l’influence que pouvaient exercer des fratries dans les assemblées capitulaires. Ceux de Migette et de Montigny interdisaient que plus de deux sœurs professes y aient voix délibérative, les deux plus anciennes étant seules autorisées à donner leur suffrage. Si, à l’évocation d’une affaire, l’abbesse ou les dames étaient suspectées d’un quelconque lien de sang, elles étaient conviées à se retirer des débats. Lorsque l’ordre du jour impliquait une dame en particulier, ses parentes jusqu’au second degré étaient également tenues de s’éclipser37.
L’exclusivisme géographique Cette sélection fondée sur l’importance des affections et des intérêts familiaux en fit prospérer une autre : les chapitres nobles de dames du Comté furent marqués par un recrutement fortement intra-provincial, car les chanoinesses qui exerçaient leur droit de nomination étaient majoritairement des Comtoises. Tableau ii. Proportion des chanoinesses originaires de la province dans les chapitres nobles de Franche-Comté au xviiie siècle
Chapitres nobles
Pourcentage de chanoinesses
Baume-les-Dames
80,7%
Château-Chalon
85,4%
Lons-le-Saunier
83%
Migette
76,5%
Montigny-les-Vesoul
81,8%
Plus des trois-quarts furent en effet de cette province au xviiie siècle, ce caractère paraissant avoir été le plus marqué à Château-Chalon, où le nombre des Comtoises représenta 85,4% de l’effectif. Cette prépondérance 35 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 141, f. 183. 36 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 141, f. 189. 37 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit., t. 3, p. 559-560, articles xxiv et xxviii du règlement de Migette (1730) ; p. 635, articles xxvii et xxix du règlement de Montigny (1732).
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se renforce encore si l’on considère que parmi les chanoinesses répertoriées comme étrangères à la province, un certain nombre étaient liées par la mère à la Franche-Comté. Comment expliquer par exemple la présence dans l’austère solitude de Migette de trois demoiselles de Goesbriand, nées en terre léonaise, sinon par les racines comtoises de leur mère38 ? Toutes trois furent reçues dans ce chapitre noble le 28 septembre 1773. Jeanne Désirée Béreur de Malans, leur mère, appartenait à une famille comtoise anoblie au début du xviie siècle en la personne d’Antoine Béreur, conseiller au parlement de Dole. Prévalait par ailleurs un recrutement très localisé, probablement favorisé par la répartition harmonieuse de ces établissements sur le territoire provincial : les abbayes de Montigny-lès-Vesoul et de Baume-les-Dames attiraient surtout la noblesse du bailliage d’Amont, c’est-à-dire de la moitié septentrionale de la province, tandis que les trois autres étaient dévolues à celle du Jura méridional. S’agissant par exemple du chapitre lédonien, Marie Charlotte de Glanne, qui y fut reçue le 4 septembre 1764, était originaire d’Arbois, ville distante d’une quarantaine de kilomètres ; beaucoup de ses consœurs avaient leurs racines à Salins et dans ses environs, à une cinquantaine de kilomètres, comme Madeleine Philiberte de Boutechoux, coiffée à l’abbaye le 10 septembre 1764, ou Marie Josèphe et Charlotte Josèphe de Bancenel, reçues toutes deux le 19 mai 176639. Pour peu qu’on le compare aux pratiques du clergé de la province, l’exclusivisme en faveur de Comtois n’était pas une spécificité de ces établissements. Le premier ordre y demeura particulariste une grande partie du xviiie siècle, distant à l’égard du gallicanisme comme du jansénisme. Aussi chercha-t-il à se préserver des infiltrations extérieures, qu’il jugeait dangereuses pour son orthodoxie. Ses mœurs imprégnées d’une certaine austérité tridentine rejetaient le faste, à moins que ce ne fût la proximité de terres protestantes qui favorisât cette simplicité offerte en réponse aux critiques des frères séparés. L’archevêque Honoré de Grimaldi (1723-1731), fils du prince de Monaco, grand seigneur dispendieux et hautain peu au fait des usages de la province s’aliéna à ce point le clergé de son diocèse qu’il dut démissionner en 1731. À l’inverse, son successeur Antoine-Pierre II de Grammont (1735-1754), neveu du « Borromée comtois » l’archevêque Antoine-Pierre Ier, prit le parti de flatter ce particularisme en exigeant des séminaristes ou des prêtres qu’ils aient accompli toutes leurs études de théologie dans le diocèse. En 1758, les missionnaires de Beaupré, près de Besançon, refusèrent d’accueillir dans leur communauté Jean-Baptiste de Salignac-Fénelon, au prétexte qu’il n’était
38 Marie Rosalie de Goesbriand est née le 29 septembre 1753 à Landerneau, dans l’évêché de Saint-Pol-de-Léon ; Auguste Françoise Désirée de Goesbriand de Kerdolas est née le 5 octobre 1754 au même lieu ; Marie Jeanne Rosalie est née le 15 janvier 1756 au château de Kerdolas, proche de Landerneau. J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, p. 65-69. 39 AD Jura, 48 H 9.
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pas Franc-Comtois40. L’on saisit mieux par ce contexte l’un des arguments invoqués en faveur de la suppression de la collégiale noble de Gigny dans l’information de commodo et incommodo qui précéda son extinction en 1788 : « Les prébendes canoniales n’étant point spécialement affectées aux ecclésiastiques de la Franche-Comté […] la noblesse de la province a intérêt à voir attribuer les biens qui en dépendent à des chapitres qui, par le fait, sont composés de ses enfants41 ». Ce souhait fut en effet concrétisé au profit des clarisses de Lons et de Migette, qui devaient se partager le temporel de la collégiale supprimée. Une modeste ouverture des chapitres nobles de dames du Comté, plus visible dans ceux de clarisses urbanistes, se produisit dans le dernier tiers de l’Ancien Régime. Le monarque l’avait suscitée auparavant dans certaines compagnies nobles masculines de la province, ce qui eut peut-être pour conséquence de la propager, par imitation, à celles de chanoinesses. En 1738, Louis XV signalait aux religieux des abbayes unies de Murbach (Alsace) et de Lure son désir que celles-ci s’ouvrissent à des sujets autres que comtois et alsaciens42. Ce qui accéléra cette ouverture, ce fut la captation par le roi, à la faveur de la sécularisation des deux établissements, du droit de collation aux dignités de grand-doyen et de chantre et à tous les canonicats dans les mois impairs, laquelle fut plaidée à Rome par ses agents dès 175943. De même, lors de l’érection en collégiale noble du prieuré de Gigny, en 1762, le souverain se réserva la désignation aux canonicats et au doyenné, qui relevaient auparavant du prieur44. Mais à l’égard des maisons de dames nobles, cette politique eut plus de circonspection, car le roi n’ignorait pas la fonction sociale dont ces compagnies s’étaient revêtues au xviiie siècle, qui les rendait si précieuses et utiles à la noblesse comtoise. La seule mesure favorisant le brassage géographique fut l’assouplissement puis la suppression pure et simple de la preuve par quartiers comme condition d’admission au chapitre noble lédonien. Par-delà la Franche-Comté, d’autres chapitres nobles se montrèrent également réticents à admettre des candidates sans liens avec leur province d’implantation, s’appuyant parfois sur des règlements prohibitifs. En rétorsion au refus de ceux d’Alsace d’accueillir des Lorraines, le roi Stanislas interdit par un édit de 1761 aux Alsaciennes d’être admises dans les chapitres nobles de son
40 B. Grosperrin, L’influence française et le sentiment national français en Franche-Comté de la conquête à la Révolution (1674-1789), Annales littéraires de l’Université de Besançon, Paris, Les Belles Lettres, 1967, p 68. 41 AD Jura, 48 H 9. 42 AD Haut-Rhin, fonds général, 9 G 11 (32). 43 R. Metz, La monarchie française et la provision des bénéfices ecclésiastiques en Alsace, de la paix de Westphalie à la fin de l’Ancien Régime (1648-1789), Strasbourg-Paris, impr. Le Roux, 1947, p. 160 ; Id., « La politique royale et la sécularisation des abbayes unies de Murbach et de Lure (1759-1764) », Revue des Sciences religieuses de Strasbourg, 20 (1940), p. 271-289. 44 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit., t. 4, p. 347 (article 21).
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duché45. Les compagnies nobles d’Alsace se révélèrent les plus fermes dans le rejet du mélange géographique, le particularisme linguistique y aidant, comme l’expliquaient en 1738 les dames d’Andlau dans un mémoire à l’intendant : Il faut que les personnes qui y sont reçues sachent indispensablement la langue allemande, puisque dans le détail de leurs fonctions elles n’ont à faire qu’avec des domestiques, censiers, journaliers de la province qui ne parlent d’autres langues, ce qui prouve la difficulté d’en recevoir d’autres, quand même elles pourraient faire les preuves accoutumées pour y entrer46. Découragée par l’exclusivisme géographique qui prévalait dans les chapitres nobles d’Alsace et par la vacuité des réseaux sur lesquels s’appuyer, mais peut-être aussi simplement réticente à s’éloigner de sa terre natale, la noblesse chapitrable comtoise ne chercha guère au xviiie siècle à se placer dans les établissements nobles des provinces limitrophes. Nous avons constaté qu’elle n’y représentait plus que 6% de l’effectif à Remiremont, après y avoir été en force au bas Moyen Âge. Cette réduction est un effet de l’effacement de la petite noblesse féodale au profit d’une haute aristocratie devenue prédominante dans le chapitre vosgien. Elle est également plus lointainement la conséquence d’une préférence accordée aux Lorrains en matière de recrutement ecclésiastique par le pouvoir ducal : un décret promulgué par Charles III en 1580 interdisait à des étrangers de posséder des bénéfices dans son duché sans son consentement47. Il se peut également que l’émergence de chapitres nobles féminins en Franche-Comté ait détourné les demoiselles de cette province de ceux de Lorraine. La proportion de Comtoises était encore plus réduite à Épinal au xviiie siècle, elles n’y représentaient que 2% des chanoinesses48. Si quelques lignages comtois avaient su s’introduire au chapitre noble de Poulangy, près de Chaumont, la noblesse de la province se détourna en revanche de ceux de Bouxières et de Poussay49 ainsi que des communautés nobles messines, géographiquement plus éloignées50. Il y
45 B. Defauconpret, op. cit., p. 169. 46 AD Bas-Rhin, H 2303. 47 Fr. Boquillon, « Les dames nobles des chapitres de Lorraine sous l’Ancien Régime », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, Actes du colloque d’avril 1996 organisé par la Société d’Histoire locale de Remiremont, Paris, Messene, 1998, p. 104. 48 Id., Les dames du chapitre Saint-Goëry d’Épinal aux xviie et xviiie siècles. Étude socioinstitutionnelle, Mémoire de maîtrise, Université de Nancy 2, 1975, p. 100. 49 Sur 90 chanoinesses de Poussay répertoriées par Françoise Boquillon à l’époque moderne, 3 seulement se rattachent à des maisons comtoises. Il s’agit de Thérèse de Jouffroy de Novillars, citée en 1695, d’Anne Claude de Jouffroy de Novillars, abbesse de 1714 à 1729, ainsi que de Marie Jeanne Gabrielle de Froissard de Broissia, citée en 1782 ; Fr. Boquillon, « Le chapitre de Poussay à l’époque moderne… », op. cit., p. 140-144. 50 Il semble n’y avoir eu qu’une seule Comtoise à l’abbaye Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz au xviiie siècle, en la personne de Claude Caroline Gabrielle du Mouchet de Battefort de Laubespin, reçue le 28 août 1733 ; É. Lefebvre, Les chanoinesses de Saint-Pierre-aux-Nonnains,
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eut peu de Comtoises dans les chapitres nobles du diocèse de Lyon51. Seuls Neuville en Bresse et Salles-en-Beaujolais, plus proches de la Franche-Comté, en comptèrent respectivement deux et trois au xviiie siècle52, ce qui ne laisse pas de surprendre quand on sait que ces établissements élargirent l’aire de leur recrutement au cours du siècle.
Les conséquences La possibilité de s’agréger à un chapitre noble de dames de Franche-Comté dépendait donc pour une large part des soutiens qu’on y possédait et de son origine géographique. Ces conditions restreignirent le nombre des lignages qui y furent représentés au xviiie siècle. Sur 302 chanoinesses répertoriées, n’apparaissent que 125 patronymes différents53. Les deux tiers des dames nobles du Comté possédèrent au moins une parente dans leur chapitre ou dans l’un de ceux de la province. Ces restrictions semblent avoir paradoxalement favorisé leur essor. En effet, Pour des jeunes filles dont certaines s’y présentèrent dans la petite enfance, la réception dans un chapitre noble en Franche-Comté ne constituait donc pas une rupture brutale avec leur famille ; cette cellule rassurante et protectrice se recomposait auprès d’une tante toute maternelle, d’une sœur et d’un généreux réseau de cousines. Quant à celles qui n’étaient pas de la province, elles étaient rarement esseulées dans ces communautés religieuses, s’y rendant en fratrie, comme l’illustre le cas des trois demoiselles de Goesbriand à Migette, ou encore celui des trois sœurs de Dinteville, venues de Champagne, près de Bar-sur-Aube, et admises ensemble à Montigny-lès-Vesoul, le 2 août 172254. Ces sociétés familières apportaient de la douceur à la condition canoniale et contribuèrent à la rendre attirante. Elles devaient favoriser un climat de concorde que remarque Dunod de Charnage à propos de Château-Chalon : « une longue expérience a fait connoître que la paix, l’union, la charité et la
Sainte-Marie-aux-Dames et Saint-Louis de Metz au xviiie siècle, Mémoire de Master 1, Université de Franche-Comté, 2012, p. 176. 51 Il s’agit d’Alix, de Coise en l’Argentière, de Jourcey, Leigneux, Neuville en Bresse et Salles-en-Beaujolais. 52 Pour Neuville en Bresse, ce furent Marie Eugène de Terrier de Santans et sa sœur Marie Joseph Elisabeth, filles d’un président au parlement de Besançon, admises le 24 août 1771 ; pour Salles, ce furent Augustine Madeleine Félicité Désirée d’Amédor de Mollans et sa sœur Jeanne Louise Thérèse Octavie, respectivement brevetées en 1782 et 1783, ainsi que Marie Étiennette Isabelle (dite Élisabeth) de Joblot ; P.-M. Perez, Les chapitres de dames nobles dans le diocèse de Lyon. Annexes et prosopographie, Mémoire de Master 2, Université de Franche-Comté, p. 15, 114, 165, 168. 53 Se reporter à leur liste p. 223-226. 54 Fr.-A. Aubert de la Chesnaye des Bois de, Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l’histoire et la chronologie des familles nobles de France, l’explication de leurs armes, Paris, Schlesinger frères, 1865, t. 6, p. 892-893.
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sincère amitié s’entretiennent encore mieux parmi ces dames que dans les couvents où les dames vivent en communauté55 ». Défavorisée lorsqu’il s’agissait de briguer une place dans un chapitre noble qui n’était pas dans sa province, ou peut-être simplement peu encline à s’éloigner de celle-ci, la noblesse chapitrable comtoise ne s’en trouva que plus désireuse de se placer dans l’une des cinq maisons nobles féminines du diocèse de Besançon. Les stalles qui y étaient proposées étaient bien inférieures en nombre à ses besoins, et cette pénurie s’amplifia au cours du siècle, rendant encore plus désirable cette condition canoniale si difficilement accessible. * * * Ainsi, la sélection par laquelle il fallait passer pour accéder au statut de chanoinesse ne se fit pas sur le seul critère du sang. Le mode de recrutement par une adoptante donna l’avantage à celles dont la parentèle était déjà établie dans ces maisons religieuses. Essentiellement dévolus au début du siècle à des Comtoises, les chapitres nobles de dames de Franche-Comté ne pratiquèrent qu’une modeste et tardive ouverture à des demoiselles d’autres provinces, ce qui révèle qu’il fallait aussi répondre au critère d’appartenance à la noblesse du pays pour prétendre à cette charge. Tant d’obstacles auraient pu décourager des vocations. Il n’en fut rien. Le népotisme contribua à rendre ces institutions plus chaleureuses. Quant à l’exclusivisme géographique, également pratiqué par certains chapitres nobles de provinces proches, il poussa la noblesse comtoise vers ceux qu’elle rencontrait localement, limitant la disponibilité des canonicats, ce qui contribua à en accroître la valeur.
Conclusion À l’origine d’un apogée des chapitres nobles dans la France du xviiie siècle, il y eut l’application d’une sélection que toutes ces institutions, animées d’un esprit de compétition où devait se jouer leur prestige, se mirent à vouloir la plus rigoureuse. Celle reposant sur des preuves nobiliaires littérales avait été développée par l’administration de l’État absolu dans le but de mieux contrôler le second ordre, mais on la trouva également promue par la frange ancienne de la noblesse pour se réserver certaines places. La demande de preuves s’introduisit tardivement dans les chapitres nobles féminins de Franche-Comté, la plus ancienne mention en étant relevée en 1615 à Lons-le-Saunier, sans que l’on puisse préciser si on la réclamait alors dans une forme testimoniale ou littérale. Adoptée dans cette abbaye noble comme à Baume-les-Dames et à Migette, et probablement aussi à
55 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des sequanois…, op. cit., [partie intitulée Histoire de l’Église de Besançon […] et des abbayes nobles du Comté de Bourgogne], p. 147.
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Château-Chalon dans la seconde moitié du xviie siècle, la très rigoureuse norme des seize quartiers fut introduite plus difficilement à Montigny-lèsVesoul, par des lettres patentes de Louis XV, en 1732. Les chapitres nobles féminins de Franche-Comté pouvaient dès lors s’apparenter à ceux qui, aux Pays-Bas, dans les Trois-Évêchés et en Lorraine ducale, en Alsace et dans l’Empire, se conformaient également à la règle des quartiers, laquelle ne concédait aucune mésalliance en ligne maternelle, contrairement à celle par degrés, adoptée en France. Or une telle sélection était extrêmement pénalisante pour la noblesse du royaume, laquelle avait souvent concédé des alliances avec de riches roturières ; cette sélection risquait de favoriser, par le biais de ces institutions, un particularisme nobiliaire préjudiciable à la politique d’intégration des provinces conquises ou en voie de l’être. C’est pourquoi la monarchie chercha bientôt à lui substituer la preuve graduelle, réussissant cette œuvre dans les établissements féminins de Lorraine et de Metz ainsi qu’à Bourbourg en Flandre, y parvenant par étapes chez les clarisses de Lons-le-Saunier, où le brevet du 16 mars 1788 l’instaura définitivement et interrompit une situation de compromis qui, depuis 1771, concédait le choix de l’une ou l’autre des preuves. Abstraction faite de l’établissement lédonien, la conservation par les autres chapitres nobles de dames du Comté des preuves par quartiers fut propice à leur valorisation, à un moment où, dans d’autres provinces, ces instituts y renonçaient. Il faut interpréter l’instauration de cette sélection comme la manifestation du rejet des mutations religieuses, sociales et politiques du temps. Par ce repli, l’on cherchait à se protéger des contraintes d’un renouveau du catholicisme jugé peu conciliable avec le confort d’une vie religieuse qui séyait à cette noblesse. Ce filtrage fut aussi provoqué par l’hostilité à l’agrégation dans le second ordre de roturiers qu’on ne voulait pas reconnaître d’une essence identique à la noblesse ancienne. Or, notre enquête a révélé que les chapitres nobles de dames du Comté consentirent dans les faits à une certaine fusion des noblesses, les descendantes de familles anciennement anoblies y côtoyant celles d’extraction, et les maisons de clarisses urbanistes concédant même une représentation à des chanoinesses dont les ancêtres ne s’étaient agrégés au second ordre qu’au xviie siècle. Il n’en demeura pas moins que ces institutions purent apparaître à leurs contemporains comme les conservatoires de cette noblesse immémoriale estimée la plus pure d’entre toutes. On ne peut donc négliger le poids des représentations pour comprendre l’engouement dont ces institutions féminines furent l’objet au xviiie siècle : maintes jeunes filles issues d’une noblesse qui ne s’était pas encore bonifiée sous la patine du temps virent dans la condition canoniale un moyen d’accélérer ce vieillissement, ce qui était également recherché par le biais de patientes stratégies d’alliances matrimoniales. Le filtrage instauré par les chapitres nobles fut également l’expression feutrée, parce que dictée par la prudence, d’une fierté d’appartenir à une noblesse comtoise qui ne s’était pas avilie, comme pouvait l’être celle de France,
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dans des mésalliances avec de riches roturières. Il convient donc également d’interpréter la surenchère en matière de conditions d’admission dans les chapitres nobles de femmes de Franche-Comté, laquelle se produisit au temps du rattachement de la province à la France, comme l’une des expressions les plus visibles de cette réaction identitaire. Si certaines stratégies d’alliances au sein de la noblesse chapitrable visaient l’hypergamie par les femmes dans le but d’apporter plus d’ancienneté à un lignage, toutes eurent pour règle commune le refus d’unions avec des roturières. Ces stratégies de conservation par un mariage subordonné à la préservation d’une essence renforcèrent dans la noblesse chapitrable le sentiment d’appartenir à un corps particulier et mieux conservé en Comté que dans la plupart des provinces françaises. Les chapitres nobles tinrent un rôle primordial dans cette construction identitaire. Par l’intransigeance dans la vérification des preuves des postulantes, l’admission en leur sein devint le garant de cette excellence nobiliaire. Redevable aux progrès réalisés dans la critique scientifique des documents anciens, cette rigueur de leur examen est aussi à replacer dans le contexte d’un intérêt croissant pour la conservation des archives. En se soumettant à cette épreuve, chaque famille osait le risque de sa déchéance sociale si la qualité d’un de ses représentants venait à être désavouée. Mais celles qui avaient pu répondre aux critères d’ancienneté et de pureté du sang imposés par les chapitres nobles de dames du Comté y trouvèrent un faire-valoir. Cette fonction devenue prestigieuse et convoitée au xviiie siècle s’afficha alors dans les généalogies imprimées ou dans ces arbres généalogiques et de lignes à l’esthétique ostentatoire. L’enjeu était si considérable que de nombreuses familles s’obstinèrent à soutenir d’interminables procès pour défendre leur honneur. Les dames nobles avaient d’ailleurs intérêt à voir se multiplier ces procédures qui contribuaient au prestige de la fonction. La valeur qu’on reconnut au xviiie siècle à ces institutions était également liée à la difficulté de s’y agréger en raison d’un mode de recrutement qui favorisait des postulantes bénéficiant de puissants appuis ou ayant déjà une parente au chapitre. Ces communautés étant, au début du xviiie siècle, composées pour l’essentiel de Comtoises, cette caractéristique se transmit aux générations suivantes, en dépit d’une modeste ouverture dans le dernier tiers de l’Ancien Régime. Ainsi purent s’enraciner un népotisme et un exclusivisme géographique profitant à des Comtoises, ce qui permit d’entretenir une certaine convivialité au sein de ces établissements, des groupes familiaux ou amis s’y retrouvant. La prospérité de ces compagnies se construisit donc sur une sélection profitant à une catégorie restreinte de la noblesse. Ce processus engendrait évidemment ses exclus. Que penser des sentiments qu’il fit naître chez ceux-ci ? Beaucoup se réfugièrent dans la frustration, la rancœur, qui favorisèrent en réaction l’affirmation de valeurs privilégiant l’importance du mérite et du service au roi, et remodelèrent la « cascade du mépris ». Ces sentiments s’expriment sous la plume de Ferdinand Ignace Malotau de Villerode, lorsqu’il commente la sélection au chapitre noble de Maubeuge :
prééminence des liens « d e la chair et du sang » et exclusivisme géographique
Je n’estime pas moins dignes ceux qui par leur vertu, leur science et leurs services dans l’administration de la justice ont estés gratifiez par le souverain du titre de noblesse, ou des emplois dans les cours souveraines qui annoblissent. […]. La noblesse qui vient du mérite des ancestres et de l’antiquité de race, ou celle acquise en l’administration des offices publics, me paroit ne pouvoir être excluse de l’honneur d’entrer dans les chapitres nobles, ayant les huit quartiers, mais bien la Noblesse qui provient d’argent, ou d’autre motif, si peu honorable56. Et de fustiger l’orgueil des chanoinesses « qui ne peuvent se distinguer dans le monde des autres demoiselles par les revenus de leurs prébendes, ny par leurs talens » et se rendent ainsi « insupportables et méprisables […] sans avoir égard de leur part que la Noblesse de Race dans son origine a pour seul fondement le mérite et la vertu57 ». Les valeurs sur lesquelles se construisit l’institution capitulaire noble dans la seconde modernité, et qui inspirèrent son mode de fonctionnement, ne viennent-elles pas contredire au moins partiellement ce processus de fusion des élites que l’on crut observer dans la noblesse du xviiie siècle58 ? N’accentuèrent-elles pas tout au contraire le fractionnement du second ordre ?
56 BM Douai, ms. 938, Histoire des collèges…, op. cit., t. 2, f. 16v, f. 20r. 57 Ibid., t. 1, f. 24v. 58 Fr. L. Ford, Robe and Sword. The regrouping of the French Aristocracy after Louis XIV, Harvard, Harvard University Press, 1953, 292 p. ; G. Chaussinand-Nogaret, La noblesse au xviiie siècle. De la féodalité aux Lumières, Paris, Complexe, 1984, 242 p. ; M. Marraud, La noblesse à Paris au xviiie siècle, Paris, Seuil, 2000, 576 p.
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Deuxième partie
les séductions d’une existence sécularisée
Introduction
C’est un truisme de rappeler à quel point le siècle des Lumières fut défavorable à l’idéal médiéval, ranimé par le concile de Trente, d’une expérience spirituelle féminine que rythmait l’oraison, au sein d’une communauté séparée du monde. En ce siècle de l’« avènement de l’individu1 », ne fut-ce pas la force des institutions capitulaires nobles que d’avoir réussi à concilier l’existence individualisée, autonome, avec la vie religieuse traditionnelle ? Et alors que le monde offrait de vives séductions, ne fut-ce pas leur force que d’avoir su demeurer au contact de celui-ci et lui emprunter une part de ses attraits, tout en le maintenant à distance suffisante pour ne pas en subir la contagion et les dangers ? En somme, ne fut-ce pas la supériorité de ces institutions, et l’une des raisons majeures de leur succès, que d’avoir su conjuguer deux idéaux de vie en apparence inconciliables ? En 1766, Antoine de Malvin de Montazet, archevêque de Lyon, qualifiait le chapitre noble de Coise en L’Argentière d’« espèce d’amphibie, qui n’est ni chapitre ni couvent. On y porte l’habit des véritables religieuses, et il n’y a cependant pas de clôture2 ». Les contemporains se firent les observateurs attentifs et rarement neutres du curieux mélange de vie mondaine et conventuelle que proposaient ces institutions. Après avoir évoqué les raisons de cette sécularisation, nous verrons les voies qu’empruntaient les dames nobles pour s’immiscer dans le siècle en toute licéité, et comment elles en introduisaient l’esprit au chapitre noble, s’appropriant ainsi une liberté fort enviable, comparée à la condition féminine et à celle des religieuses traditionnelles. Nous nous interrogerons sur les égarements qui pouvaient résulter de cette fréquentation du siècle et sur leur répercussion pour l’image de ces compagnies nobles.
1 D. Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993, p. 488. 2 AN G9, 120 (12) ; référence fournie par Pierre-Marie Perez, que je remercie.
Chapitre v
Des mutations propices à l’ouverture au siècle
Les pères du concile de Trente avaient affirmé qu’il ne pouvait y avoir de vie monastique sans la clôture et les vœux solennels. Le chapitre v du décret touchant les réguliers et les moniales de décembre 1563 renouvelait la constitution periculoso de 1298 du pape Boniface VIII qui la concevait comme une nécessité pour préserver la vertu des religieuses et leur permettre un isolement propice à la prière. Il était enjoint à l’ordinaire et aux visiteurs apostoliques de la rétablir là où elle n’existait plus. Aucune professe n’était autorisée à sortir de son monastère sans la permission de l’évêque et nul ne pouvait y pénétrer, sous peine d’excommunication, à moins d’y être autorisé par l’ordinaire. Malgré cette fermeté et la publication sans restriction en Franche-Comté, à la suite de l’ordre qu’en avait donné le roi Philippe II, des décrets du concile, la clôture monastique ne fut pas restaurée dans les abbayes nobles de la province. Ces instituts accentuèrent au contraire leurs liens avec le monde profane. Comment était-on parvenu à cette situation ? Était-elle réversible ? Les autorités ecclésiastiques n’admirent jamais officiellement cet état de fait, au point qu’il y eut encore au xviiie siècle des velléités de restauration de la clôture dans deux des abbayes nobles féminines de la province. Mais un retour à l’ancien ordre était entravé par l’individualisation du logement et par la soumission trop formelle à une juridiction spirituelle, tandis que des statuts vinrent protéger cet état.
L’idéal d’une clôture à restaurer combattu En dépit de la position prise à Trente à l’égard des religieuses, l’on vit fleurir au xviie siècle des congrégations féminines non monastiques à vœux simples qui cherchaient à concilier vie consacrée et une ouverture sur le monde par des tâches caritatives et apostoliques. Ce fut dans ce contexte favorable à une pluralité d’expériences religieuses que les abbayes nobles osèrent afficher un mode de vie où la clôture était rejetée et où des liens étroits avec le siècle étaient conservés. L’Église combattit cette forme peu canonique d’existence, à plus forte raison lorsqu’elle la voyait s’épanouir chez des femmes engagées par des vœux solennels. Il en résulta dans certains cas une résistance opiniâtre des dames nobles à la volonté de les cloîtrer, à l’image de celles de Montfleury qui finirent par sortir victorieuses en 1685 du procès qui les opposait sur cette
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question à l’évêque de Grenoble Le Camus, après avoir trouvé des soutiens dans la noblesse du Dauphiné et auprès du roi1. Il faut s’étonner de la volonté tardive de l’archevêque de Besançon de faire restaurer en 1770 la clôture régulière au chapitre de Lons-le-Saunier2 à une époque où l’Église avait fini par admettre tacitement les liens des chapitres nobles féminins avec le monde. Sans doute ne s’agissait-il de la part du cardinal de Choiseul-Beaupré que d’un acte symbolique destiné à marquer son autorité sur une communauté séculairement attachée à son autonomie, et qui venait de le reconnaître pour son supérieur après s’être affranchie de la juridiction conflictuelle des franciscains de la province de Saint-Bonaventure de Lyon. À moins que l’intention du prélat n’ait servi d’argument à une demande d’argent auprès de la commission des Secours. Bien que cette aide eût été accordée en 1773, la construction du mur était toujours en attente dix ans plus tard3. La nécessité d’une mise à distance des laïcs semblait plus pressante à Lons-le-Saunier, où le couvent était implanté dans un faubourg de la cité4, que dans la solitude de Migette, où l’on entreprit toutefois en 1780 de reconstruire la porterie et les deux pièces qui la surmontaient, lesquelles servaient de logement pour l’aumônier. Les plans en avaient été dressés par le prolifique architecte bisontin Jean-Charles Colombot5, mais le chantier était toujours inachevé en 17906. La nostalgie cléricale d’un ordre ancien à restaurer se heurtait depuis longtemps à la résistance de ces compagnies. Au xviiie siècle, les chanoinesses obtinrent le renfort de quelques érudits qui soutinrent avec arbitraire que la clôture avait toujours été étrangère à ces établissements. L’auteur anonyme d’un manuscrit détaillant l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-Chalon dans le Comté de Bourgogne affirmait que la
1 H. de Maillefaud, Recherches historiques sur le monastère royal ou chapitre noble de Montfleury près Grenoble, de l’ordre de Saint-Dominique, Grenoble, impr. Maisonville, 1857, p. 73-104 ; Recueil de pièces & factums, mémoires & instructions employés au procès de l’évêque de Grenoble, au parlement de Dijon, contre la prieure et les religieuses de Montfleuri, de l’ordre de saint Dominique, 1685, in-4o. 2 Demandée au souverain par les dames, capitulairement assemblées à la fin de l’année 1769, elle fut accordée par des lettres patentes du 31 août 1770, enregistrées au parlement de Besançon le 28 novembre suivant. [AD Jura, 48 H 15]. 3 BGSB, ms. 2, Documents divers sur les chapitres nobles de Franche-Comté et correspondance avec les archevêques. 4 S’agissant de l’architecture conçue dans le respect de la clôture des couvents de femmes en milieu citadin dans la période post-tridentine, se reporter à L. Lecomte, Religieuses dans la ville : l’architecture des Visitandines. xviie et xviiie siècles, Paris, Éditions du Patrimoine, Centre des monuments nationaux, 2013, 302 p. 5 BGSB, ms. 10 (6). 6 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, p. 7.
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Fig. 2 : Disposition en quadrilatère des demeures de l’ancien chapitre noble de Montigny-lès-Vesoul, autour de la cour intérieure.
clôture n’y avait été établie « en aucun temps, et cela d’origine, plusieurs même de ces dames, anciennement, vivoient retirées dans des prieurés de leur dépendance7 ». Postérieur à 1772, le Précis [imprimé] d’un mémoire sur l’origine de l’Abbaye royale de Lons-le-Saunier indiquait plus prudemment que la clôture étroite n’y avait jamais été observée8. À défaut d’un mur de clôture, la disposition en quadrilatère des maisons autour de l’église matérialisait les limites d’un enclos canonial. Un porche, une porte monumentale qui en marquaient l’entrée étaient les seuils symboliques de ce monde clos. Cette ordonnance devait s’imposer à l’ensemble des chapitres nobles français dans la seconde modernité. L’inventaire révolutionnaire du 25 mai 1790 décrit le chapitre noble de Montigny-lès-Vesoul dans son paysage actuel : « outre l’église et l’abbatiale, [il] contient encore un emplacement de Dix-huit maison qui forme un enclos. De quelque une dépend des petit jardin9 ». Cette disposition s’était formée à la suite d’un traité datant du 26 février 1699 qui imposait aux dames nobles de choisir le
7 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon dans le comté de Bourgogne (xviiie siècle), p. 22-23. 8 BECB, ms. 799, Précis…, op. cit., p. 4. 9 AD Haute-Saône, H 939, inventaire dressé par le maire et les officiers municipaux (1790).
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Plan 1 : L’abbaye noble de Baume-les-Dames d’après un plan de 1787 (AD Doubs, C (plan) 30)
lieu de leur future demeure autour d’une cour dont il faudrait préserver le quadrilatère. Il prescrivait également des façades symétriques. Un jardinet devait être attenant à chaque maison, ou placé plus loin si l’on ne pouvait faire
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autrement10. Deux entrées menaient à l’abbaye, la principale étant empruntée par les voitures, l’autre, plus modeste, conduisant à l’église par un escalier11. Ce plan signifiait symboliquement le dépassement d’une vie claustrale que l’on peinait paradoxalement à effacer de la mémoire collective, comme le rappelait à Baume la dénomination de « place du cloître » affectée à la cour intérieure de l’abbaye noble. Cette disposition permettait une surveillance collective des mœurs des chanoinesses et des allées et venues des visiteurs, tout en préservant leur intimité. Un mode de vie individualisé dans ces demeures leur donna la possibilité d’y introduire des hôtes laïques et des goûts profanes, il contribua, nous le verrons, à la sécularisation et à la mondanisation de ces institutions.
L’abandon des bâtiments communs Dans les chapitres nobles sécularisés avec précocité, les origines de cette architecture si particulière sont médiévales, à l’image de Remiremont, où l’on fait état en 1384 de maisons canoniales consumées par un incendie12. René Locatelli estime que le processus d’abandon de la vie commune dans les abbayes de Baume et de Château-Chalon est postérieur à 1280 ; il se serait accentué dans la première moitié du quatorzième siècle. Vers cette époque, durent apparaître aux côtés du dortoir, dans l’enclos monastique, des maisons particulières, comme le révèle un document relatif à l’abbaye baumoise, daté du 19 octobre 1333 : l’on y voit l’abbesse, dame Sybilette de Vaire, faire procéder par constat notarial à l’absence, lors d’une réunion capitulaire, de Clémence de Nant et de Pierrette de Granges. Chacune des deux moniales possédait une demeure. Le même texte fait plus loin référence « au dortoir et [aux] maisons qui sont dans l’enclos de notre monastère13 ». Le pillage de Baume en 1476 par les troupes lancées par Louis XI contre le duc Charles le Téméraire fut sans doute également propice à cette sécularité qui s’était développée dans le contexte des crises des xive et xve siècles. Les couvents de clarisses nobles semblent avoir plus longtemps résisté au délitement de la vie commune. Des maisons particulières étaient apparues à
10 AD Haute-Saône, H 940, traité entre l’abbesse et les chanoinesses concernant le temporel et les maisons canoniales (1699). 11 AD Haute-Saône, H 939, Inventaire du 3 décembre 1767. 12 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 271. 13 R. Locatelli, « Les chapitres de dames nobles au diocèse de Besançon du douzième au quatorzième siècle », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire. Actes du colloque d’avril 1996 organisé par la Société d’Histoire locale de Remiremont, Paris, Messene, 1998, p. 49-69 ; AD Haute-Saône, 25 J 133, fonds d’Huart-Saint-Mauris.
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Migette après l’incendie de 1511 qui dévasta le logis commun14. L’individualisation du logement ne prit probablement de l’ampleur dans les cinq abbayes féminines qu’au sortir de la guerre de Dix ans, les bâtiments en place n’étant plus en état d’abriter ces communautés faute d’un entretien dans les temps cruels ou parce qu’ils avaient été saccagés. Les incendies qui se déclarèrent dans les abbayes de Montigny, en 1686, et de Migette, en 1693, accélérèrent l’effacement d’une ordonnance qui avait été conçue pour la vie commune. La chanoinesse Jeanne Bonaventure de Toulongeon attestait quelques années après ce drame qu’il y avait eu des maisons particulières à Migette et que le feu les avait consumées15. Les traités passés le 24 et le 26 février 1699 entre l’abbesse et les dames de Montigny révèlent une communauté en train de s’individualiser, puisqu’ils autorisaient la construction de maisons dont l’emplacement serait déterminé bon ne par corriger l’ancienneté dans p’état de professe, la supérieure s’obligeant à relâcher le revenu de la dot et la prébende de celles qui feraient le choix de quitter la vie commune16. Ces dernières étaient qualifiées de « dames particulières17 » dans le règlement de 1710. De nombreuses sources font part de la pauvreté où se trouvaient les chapitres nobles du Comté au sortir des guerres du xviie siècle, ce qui entravait la remise en état de leurs bâtiments communautaires. La captation par les chanoinesses d’une part des revenus sous forme de prébendes était une autre raison de la difficulté à reconstruire. Lorsqu’après la guerre de Dix ans, l’abbesse de Baume réclama aux religieuses d’y renoncer afin de financer cette restauration, elles s’y opposèrent résolument et lui intentèrent un procès devant le parlement de Dole, en octobre 165918. Les chapitres nobles du Comté ne trouvèrent pour solution à la question cruciale du logement que de laisser les familles financer la construction de demeures particulières dans leur enclos, Ces dernières ètant admises comme leur bien propre. Les dames qui n’avaient pas les moyens de recourir à cette solution onéreuse durent pallier l’absence d’un toit par de longs séjours chez leurs proches, ce qui permit d’excuser des congés prolongés des chanoinesses et leur fréquentation assidue du monde. La privatisation du logement anéantissait l’espérance d’un retour à la vie commune et cloîtrée, car il aurait non seulement fallu faire table rase de cette nouvelle disposition pour restaurer l’ancienne, mais également indemniser les propriétaires. Elle accéléra la sécularisation de ces institutions, au point
14 J.-N. Lallemand, « Les dames de Migette, au bailliage de Salins, et leur survie après la Révolution (1325-1843) », in ibid., p. 316. 15 AD Doubs, 118 H 3. 16 AD Haute-Saône, H 940. 17 AD Haute-Saône, H 942, règlement du 9 janvier 1710. 18 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame Henriette-Angélique d’Amas de Crux, abbesse de la royale abbaye de Baume, appelante d’une sentence rendue aux requêtes du palais du 3 septembre 1763, aux chefs qui lui font griefs, et intimée. Contre les dames religieuses chanoinesses de la même abbaye, intimées et apelantes, Besançon, impr. Jean-Félix Charmet, [ca 1763], p. 14.
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qu’au xviiie siècle, hors des limites de la Franche-Comté, on sut tirer argument de l’impossibilité d’un retour à l’ancienne ordonnance pour réclamer une reconnaissance officielle de cet état. En 1756, dans l’Enquête de la commodité ou incommodité que peut apporter la sécularisation du prieuré et chapitre de Neuville les Dames, l’un des déposants, Jean-Joseph de Ronzières, doyen du chapitre de Saint-André de Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), arguait « qu’il faudroit raser tous ces bâtimens, pour faire des Dortoirs, Réfectoire et cellules ; ce qui coûteroit des frais immenses […]19 ». Il y avait alors dix-sept maisons canoniales, lesquelles étaient la propriété des dames.
Les conséquences de l’autonomie en matière de juridiction ecclésiastique Un autre facteur qui contribua à l’ouverture au monde profane des abbayes nobles de femmes du Comté fut l’autonomie où elles se trouvaient à l’égard de toute autorité ecclésiastique. Nous avons déjà constaté que cette situation avait permis de renforcer chez elles la sélection sociale par l’introduction contestée des preuves de noblesse. À la fin du xviie siècle, ces maisons étaient soustraites à la juridiction épiscopale, état qu’elles ne partageaient, au diocèse de Besançon, qu’avec les franciscaines d’Auxonne, de Seurre et de Salins. Or les archevêques avaient été des acteurs essentiels, pendant plus d’un siècle, de la propagation du renouveau catholique dans leur diocèse et en Franche-Comté20. S’agissant de Baume, l’origine de l’exemption remontait au pontificat d’Innocent II (1130-1143), Célestin II l’ayant confirmée en 1143 et Luce III en 118321.
19 Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville-les-Dames en Bresse, Lyon, Pierre Valfray, 1756, p. 68. 20 Le 25 octobre 1571, Claude de La Baume réunit un concile provincial qui publia les décrets conciliaires de Trente. L’année suivante, le prélat fit imprimer des statuts synodaux afin de promouvoir l’œuvre de rénovation du catholicisme auprès du clergé du diocèse de Besançon. Celle-ci fut poursuivie par Ferdinand de Rye (1586-1636), Claude III d’Achey (1637-1654) et surtout Antoine-Pierre Ier de Grammont (1663-1698). P. Delsalle, La Franche-Comté au temps des Archiducs Albert et Isabelle (1598-1633). Documents, Presses Universitaires de Franche-Comté, Paris, 2002, p. 15-18, p. 83-116 ; P. Filsjean, AntoinePierre Ier de Grammont, archevêque de Besançon, 1615-1698. Sa vie et son épiscopat, Besançon, P. Jacquin, 1898 ; H. Moreau, « Aspects du renouveau du catholicisme sous l’impulsion de l’archevêque Ferdinand de Rye dans le diocèse de Besançon à la veille du miracle », in C. Marchal et M. Tramaux (éd.), Le miracle de Faverney (1608). L’eucharistie : environnement et temps de l’histoire, Besançon, Presses universitaires de France-Comté, 2010 (Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 878 ; série Historiques, no 34), p. 237250 ; H. Moreau, Église, gens d’Église et identité comtoise : la Franche-Comté au xviie siècle, Paris, Cerf, 2019, 1110 p. ; J.-M. Suchet, « Ferdinand de Rye », Annales franc-comtoises. Revue religieuse, historique et littéraire, 9 (1868), p. 171-192 ; R. Surugue, Les archevêques de Besançon : biographies et portraits, Besançon, impr. Jacques et Demontrond, 1931, xxv-634 p. 21 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 139, f. 7.
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Ce privilège devait se révéler précieux pour contrecarrer le zèle des réformateurs post-tridentins : une bulle du pape Clément X du 13 janvier 1672 reconnaissait les coutumes et usages de l’abbaye, défendant à quiconque de les réformer sans l’accord de la curie romaine22. Le 28 août 1701, ce fut en qualité de délégué du Saint-Siège que l’archevêque François Joseph de Grammont en accomplit la visite, et non en celle de chef du diocèse23. Les dames de Baume continuèrent ponctuellement à se prévaloir d’une exemption de l’ordinaire diocésain au xviiie siècle. Lorsque l’archevêque Antoine-Pierre II de Grammont leur fit savoir en 1740 « qu’il procéderoit à sa visite en la même forme que ses prédécesseurs, sans rien innover, et qu’il recevroit les protestations qu’elles auroient à faire », l’abbesse lui répondit que son chapitre ne consentirait à le recevoir que comme délégué du Saint-Siège, muni d’un bref particulier24. Cette tension n’était peutêtre pas retombée en 1774, car s’adressant à Raymond de Durfort qui venait d’être placé sur le siège épiscopal bisontin, l’abbesse Angélique Perronne du Mouchet de Battefort de Laubespin lui fit part de cette excuse : « J’aures été la première à vous faire mon compliment sur votre nomination […], sans la crainte que lon nous avoit donné, que vous n’aqceptassiez pas25 ». Dunod de Charnage affirme que l’exemption de la juridiction de l’ordinaire diocésain avait été reconnue à l’abbaye de Château-Chalon par des bulles de 1134, 1155, 1232 et 1249. Elle fut placée ainsi que ses biens sous la protection du Saint-Siège en 1154. En 1692, l’archevêque de Besançon ayant tenté de faire valoir ses droits sur ce monastère, les dames s’en plaignirent auprès de la curie pontificale. Trois sentences rendues les 20 mai 1693, 18 février 1695 et 10 mai 1697 par Messieurs Leschelle, Boudret et Perrinot, chanoines de l’église métropolitaine de Besançon et commissaires apostoliques, ainsi que deux autres du 24 janvier 1695 et du 10 mars 1696 contre le promoteur de l’officialité leur confirmaient l’exemption de l’ordinaire diocésain26. Il n’y eut pas d’appel de cette sentence, un statu quo devant durablement se former autour de cette question. En ce qui concerne les couvents de clarisses urbanistes, les causes de la désagrégation de la vie commune et de leur sécularisation sont expliquées, dans un factum écrit vers 1714 par leurs supérieurs franciscains, par « les fréquentes guerres qui ont été dans cette province depuis le tems d’Henry IV27 et le peu d’autorité qu’y avoient les provinciaux françois pendant qu’elle 22 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des sequanois…, op. cit., p. 157. 23 BGSB, ms. 57. 24 Ibid. 25 BGSB, ms. 69. 26 BECB, ms. 732, acte d’huissier du 11 mars 1692 signifiant à l’archevêque le refus par l’abbesse de reconnaître la juridiction diocésaine, p. 163 et ms. 799, mémoires historiques sur l’abbaye de Château-Chalon, f. 18-19 ; AD Doubs 113 H 4, inventaire après décès de l’abbesse, 1742 ; Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des sequanois…, op. cit., p. 144, p. 146 ; M. Marchandon de la Faye, L’abbaye de Château-Chalon. Notice suivie de deux inventaires de 1742 et 1762, Paris, 1893, p. 14, 77, 80, 81, 99. 27 Ces guerres furent provoquées par les ambitions françaises sur la Franche-Comté, elles débutèrent avec la campagne de février à septembre 1695, sous le règne d’Henri IV et
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étoit sous la domination des rois d’Espagne ». Est mis en cause en outre « le mauvais gouvernement de quelques abbesses28 », ce dont l’abbaye de Château-Chalon semble avoir également souffert. Peu de temps avant que la Franche-Comté ne devienne définitivement française, dans une lettre du conseil des Flandres à la reine régente29 qui avait pour objet la demande d’y reconnaître comme coadjutrice du monastère castel-châlonnais une jeune religieuse issue du couvent des visitandines de Salins, on y faisait état du mauvais gouvernement de l’abbaye noble, non seulement en ce qui concerne le temporel mais aussi le spirituel, les religieuses ayant, après les dernières guerres, pris plus de liberté que ne le permet la règle de leur ordre et tenant en moindre estime l’abbesse qui est déjà âgée et manque de toute la force nécessaire pour diriger l’abbaye et les religieuses, qui sont pour la plupart de sang illustre30. Si Marie d’Achey, abbesse de Baume de 1672 à 1684, rencontra tant de difficultés à réformer sa communauté, c’est parce que celles qui l’avaient précédée dans cette charge n’avaient pas eu le temps31 ou pas eu l’énergie32 d’imposer leur autorité. En Comté comme ailleurs, les dames nobles opposèrent souvent une si vive résistance à des abbesses réformatrices qu’elles parvinrent à décourager leur zèle33. Marie d’Achey fut confrontée à une hostilité si déclarée de la part de son chapitre qu’à l’acmé du conflit, les chanoinesses osèrent l’insulter dans l’église même, le jour de l’Assomption34. L’affaire fut portée à Rome et l’abbesse fut encouragée en 1673 à poursuivre sa réforme35. Cette vie sécularisée qui séduisait tant les dames nobles ne reçut dans un premier temps sa légitimation que parce qu’on la prétendait en accord avec des pratiques coutumières immuables. Leur fixation par écrit les rendit plus
s’achevèrent en 1674 avec l’annexion définitive de cette province. P. Delsalle, L’invasion de la Franche-Comté par Henri IV, Besançon, Cêtre, 2010, 310 p. 28 AD Jura, 48 H 8, factum pour le R. P. Jacques Dupré, provincial des frères mineurs (début xviiie siècle), p. 2. 29 Marie-Anne d’Autriche. 30 Fr. Pernot, La Franche-Comté espagnole. À travers les archives de Simancas, une autre histoire des Franc-Comtois et de leurs relations avec l’Espagne, de 1493 à 1678, Besançon, PUFC, 2003, p. 151. 31 Gasparine d’Andelot n’obtint ses bulles qu’en 1651 et mourut l’année suivante. 32 Abbesse en 1653, Renée Hélène de Laubespin n’eut guère l’esprit de réforme. 33 À Remiremont, Catherine de Lorraine, fille du duc Charles III, avait été si découragée dans son projet de réforme qu’elle préféra se retirer dans son monastère nancéien de Notre-Dame de Consolation. Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 103-110 ; M. Pernot, « Catherine de Lorraine, abbesse de Remiremont. Réflexions sur l’échec d’une réforme », in M. Parisse (éd.), Remiremont, l’abbaye et la ville. Actes des journées vosgiennes (Remiremont, 17-20 avril 1980), Nancy, PUN, 1980, p. 95-109 ; Chr. Pfister, Catherine de Lorraine (1573-1648), Nancy, impr. de Berger-Levrault, 1898. 34 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame Henriette-Angélique d’Amas de Crux, op. cit., p. 44. 35 Cl. Jeunet, Étude sur la correspondance de l’officialité de Besançon avec Rome, Mémoire de maîtrise, Université de Franche-Comté, 1989, p. 156-171. Je remercie Paul Delsalle qui m’a communiqué cette référence.
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difficilement attaquables. Les dames de Baume adoptérent la version rédigée de leur coutumier dans l’assemblée capitulaire du 31 août 1685. Celui-ci fut interprété et développé en 170136. Il devait être signé par les chanoinesses au moment de leur profession, parce qu’il « constituait “cette forme37 de la maison” qu’elles ont vouées, qui fait la condition de leur réception dans l’abbaye38 ». Le 2 août 1666, les dames de Château-Chalon obtinrent de Monsieur de SaintMauris, grand prieur de Saint-Claude et visiteur apostolique, la confirmation des constitutions qu’elles avaient rédigées l’année précédente39. En 1699 César d’Estrées, abbé de Saint-Claude, nomma deux religieux, Gaspard de Grammont et François Antoine de Dortans, pour aller y dresser un nouveau règlement, daté du 8 décembre40. En 1703, Jeanne Bonaventure de Toulongeon, religieuse de Migette, jura sous serment qu’il avait existé avant l’incendie de l’abbaye en 1693 un coutumier contenant dix-huit articles, établi sous l’épiscopat d’Antoine-Pierre Ier de Grammont (1662-1698), car approuvé par ce prélat41. Il n’y eut que le chapiter de Lons-le-Saunier pour tarder à mettre ses usages par écrit et ne le faire qu’à la demande du roi, en 1769, c’est-à-dire sous une relative contrainte42. Les dames nobles surent en revanche s’opposer avec beaucoup de fermeté à des projets de statuts qu’elles jugeaient attentatoires à leur existence sécularisée. En 1613, l’archevêque Ferdinand de Rye délégua son suffragant l’évêque de Corinthe Guillaume Simonin pour la visite de son diocèse ; celui-ci accomplit celle de l’abbaye de Baume et de son église le 19 juillet. L’abbesse Jeanne de Rye y avait restauré la discipline spirituelle en 1572, et l’on est en droit de penser que son œuvre y fut durable puisqu’en 1609, François de Sales ne dédaigna pas de faire étape au monastère. Néanmoins, l’évêque de Corinthe ayant prescrit des statuts aux religieuses, celles-ci n’eurent de cesse par la suite de les rejeter et finirent par obtenir gain de cause au bout d’un demi-siècle, en 166543. Les trois couvents de clarisses s’opposèrent à leur tour aux règlements que voulurent leur soumettre au début de la décennie 1710 leurs supérieurs franciscains, lesquels, en étendant le pouvoir disciplinaire des cordeliers, devaient être l’instrument du retour des dames à l’état de simples religieuses. Ceux-ci furent publiés à Migette le 24 avril 1714 et à Lons-le-Saunier le 1er mai suivant44. L’abbesse de Lons-le-Saunier obtint à l’issue d’une procédure un arrêt favorable à leur rejet, tandis que le chapitre de Migette recevait en 1730
36 Mémoire responsif…, op. cit., p. 158 ; L. Besson, Mémoire historique sur l’abbaye de Baume-lesDames, Besançon, Turbergue et Jacquot impr., 1845, p. 89. 37 Le moule. 38 Mémoire responsif…, op. cit., p. 53. 39 AD Doubs, 113 H 4, inventaire des titres et papiers (1742). 40 AD Jura, 38 H 2. 41 AD Doubs, 118 H 3. 42 AD Jura 48 H 15. 43 BGSB, ms. 57. 44 AD Jura, 48 H 8.
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du souverain, incarnant dans cette affaire la puissance arbitrale, un règlement qui officialisait ses usages et privilèges particuliers45, et l’affranchissait par la même occasion du zèle pesant des franciscains. Les dames de Montigny furent consultées sur l’adoption de ce règlement. Lors de l’assemblée capitulaire du 11 octobre 1727, l’abbesse leur demanda : « Puisque voici le chapitre assemblé, voulez-vous vous conformer à ce qui sera réglé pour l’abbaye de Migette par messieurs les commissaires nommés par la Cour et nous réserver l’article qu’ils ont réglé pour les preuves ? » Neuf dames y furent favorables46, deux réclamèrent un délai avant de se prononcer. Le règlement fut introduit à Montigny en 1732. * * * La mondanisation des chapitres nobles féminins fut donc une œuvre lente et jamais formellement admise par les autorités ecclésiastiques. L’individualisation du logement sous la forme de maisons particulières disposées en quadrilatère et se substituant à l’antique mur de clôture en fut une étape essentielle. Souvent revendiquée énergiquement, l’autonomie de ces établissements à l’égard de la juridiction spirituelle amplifia le phénomène, lequel reçut une légitimation juridique avec la codification et la mise par écrit des coutumiers.
45 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des sequanois…, op. cit., p. 173. 46 AD Haute-Saône, H 939.
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« On y sort à discrétion »
« On y sort à discrétion », disait l’archevêque de Lyon Antoine de Malvin de Montazet du chapitre de Coise en L’Argentière, en y constatant l’absence de clôture. Cette observation aurait pu s’appliquer aux maisons nobles de Franche-Comté. Les chanoinesses attachaient un tel prix à leur liberté de fréquenter le monde qu’elles en faisaient une prérogative immuable et intangible. Il fait peu de doute que si les clarisses urbanistes se montrèrent si défavorables aux statuts que voulurent leur soumettre au début du xviiie siècle leurs supérieurs franciscains, ce fut surtout parce qu’ils restreignaient la possibilité d’aller dans le monde et qu’ils confiaient à l’abbesse des moyens de coercition ciblant cette liberté. Ceux introduits en 1710 dans l’abbaye de Montigny prévoyaient par exemple la privation d’un mois de sortie de l’enclos canonial pour toute dame qui aurait désobéi à sa supérieure1. Or, cette liberté n’était-elle pas un des principaux attraits de l’état de chanoinesse ? Quelles étaient les règles qui permettaient de la préserver, et quelles étaient les précautions pour que la condition de dame noble paraisse malgré tout décente et respectable ?
Les sorties ponctuelles Dans la plupart des chapitres nobles de dames, les règlements autorisaient la fréquentation du monde, tout en précisant les limites à ne pas franchir. Qu’elles fussent séculières ou régulières, ces institutions permettaient généralement à leurs membres les sorties diurnes et des absences limitées dans le temps. Les chanoinesses du Comté jouissaient-elles d’autant de liberté que celles de Metz ? L’une des dames de l’abbaye de Saint-Pierre égaya la société messine parce qu’elle avait égaré sa bourse qui contenait 120 livres, à neuf heures du soir, le 6 juin 1727, au lieu appelé « le poids de la laine », où elle était allée se divertir à des tours de singes et de chiens dressés. Une dissolution aussi notoire valut d’ailleurs aux dames de Saint-Pierre et de Sainte-Marie d’être rappelées à l’ordre en 1729, au nom du roi, par l’intendant qui leur défendit de fréquenter les spectacles et de recevoir chez elles des officiers militaires2.
1 AD Haute-Saône, H 942, article ix. 2 Médiathèque de la ville de Metz, ms. 872, Journal de ce qui s’est passé à Metz depuis 1724 jusqu’en 1725, par le chevalier de Belchamp, p. 78, p. 476 ; cité par É. Lefebvre, Les chanoinesses de Saint-Pierre-aux-Nonnains, Sainte-Marie-aux-Dames et Saint-Louis de Metz au xviiie siècle, Mémoire de master 1, Université de Franche-Comté, p. 69.
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Les deux établissements messins ayant fusionné pour constituer un unique chapitre portant la titulature de Saint-Louis, le règlement qui lui fut apporté en 1781 ne bouscula pas une tolérance installée depuis des générations, puisqu’il était permis aux chanoinesses de tout âge qui soupaient en ville de ne devoir regagner le chapitre qu’à onze heures au plus tard3. Celles-ci devaient néanmoins s’abstenir « de tous spectacles publics, tels, qu’opéras, comédies, bals publics, assemblées appelées redoutes4 […]5 ». Encore plus conciliant avec les tentations du monde, le règlement introduit dans le chapitre noble brabançon de Nivelles en 1786 permettait aux dames tous ces divertissements, à condition de s’y rendre au moins par deux ou trois. Il prévoyait d’entretenir à frais communs des voitures à quatre places et des chevaux pour y être véhiculées6. Les statuts introduits en 1756 au chapitre noble de Neuville-les-Dames, lors de sa sécularisation, n’autorisaient l’ouverture des portes de l’établissement qu’au lever du jour, tandis que leur « première fermeture » devait s’effectuer à la nuit tombante ; il fallait clore celles-ci à onze heures, après la sortie des derniers laïcs de l’enceinte capitulaire7. Bien que régulières, les chanoinesses de Franche-Comté n’étaient pas plus contraintes dans leurs sorties quotidiennes. Le coutumier de l’abbaye de Baume de 1685 prévoyait l’ouverture de la porte qui en contrôlait l’accès à cinq heures du matin de Pâques à la Saint-Michel (29 septembre) et à six heures et demie le reste de l’année. Celle-ci était refermée « à la nuict », ne se rouvrant « que pour les parents et causes nécessaires8 ». Introduits au début de la décennie 1730, les règlements de Migette et de Montigny ne fixent aucune contrainte s’agissant des sorties ponctuelles, les occasions de se dissiper à l’extérieur étant, du reste, limitées puisque ces établissements étaient respectivement implantés en rase campagne et aux abords d’un modeste village. Le règlement entré en vigueur en 1771 chez les clarisses de Lons-le-Saunier imposait la fermeture du portail à huit heures du soir en hiver, à neuf heures en été. Une petite porte restait cependant ouverte jusqu’à dix heures pour en laisser sortir les hommes susceptibles de se trouver encore à l’intérieur de l’enceinte capitulaire. Il était interdit de se rendre en ville les jours de fête municipale9. Rien n’indique que l’on ait appliqué strictement ces prescriptions. Avec la précaution que requiert l’interprétation d’une source postérieure d’un demi-siècle à la disparition de l’abbaye de Migette, il apparaît que
3 AD Moselle, H 4038, Statuts et règlements… [1781], chapitre v, titre iii, article 7. 4 Une redoute est un lieu public où l’on faisait de la musique, dansait et jouait. 5 AD Moselle, H 4038, Statuts et règlements… [1781], chapitre v, titre iv, article 3. 6 J. Freson, Histoire du chapitre noble de Nivelles, Nivelles, 1890, p. 340-341, articles 12 et 18. 7 Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville-les-Dames…, op. cit., p. 137-138 [chapitre x, titre 5, article 2]. 8 BnF, ms. 8704, n.a.f., coutumier de l’abbaye de Baume-les-Dames (1685), f. 207r, article 15. 9 BECB, ms. 799, règlement de l’abbaye de Lons-le-Saunier, chapitre xiv, article 1.
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Fig. 3 : Porche commandant l’accès à l’enclos canonial de Baume-les-Dames.
l’abbesse aurait à la fin de l’Ancien Régime fait aménager autour de cette retraite des allées où les chanoinesses pouvaient se promener à travers de belles prairies parsemées de fleurs et sous l’ombrage du « bois des Dames10 ». Cette possibilité d’une récréation bucolique devait être une consolation 10 P. Laurens, Annuaire du département du Doubs pour 1843, Besançon, 1844, p. 105.
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Fig. 4 : Observé de l’ancien enclos canonial, le porche qui permettait de sortir de l’abbaye noble de Château-Chalon.
Fig. 5 : La solitude de Migette. L’abbaye s’était développée à l’emplacement du bosquet que l’on voit à gauche, en arrière-plan.
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Fig. 6 : Disposition en quadrilatère autour de la cour intérieure des demeures de l’ancien chapitre noble de Montigny-lès-Vesoul.
à la privation de ces promenades citadines très prisées par la noblesse au xviiie siècle. Les chanoinesses de Lons-le-Saunier avaient aussi leur « prel du clos » aménagé dans l’enceinte de l’abbaye, le règlement de 1771 contraignant les novices et les dames encore mineures à ne s’y promener qu’en compagnie d’une plus âgée11. Leurs auteurs étant imprégnés du principe que l’âge seul était en mesure de rendre sage, les règlements insistaient d’ordinaire sur la surveillance où il fallait placer les plus jeunes. Au chapitre de Lons-le-Saunier, les sorties en ville des novices et des dames qui ne tenaient pas encore ménage se faisaient sous le chaperonnage de plus âgées12. Les novices à Château-Chalon étaient également soumises à ce régime contraignant, le règlement de 1699 préconisant en outre la rareté de ce genre de distractions : et puisqu’il est constant que rien ne dissipe tant les jeusnes personnes que le grand monde, nous remettons a la discretion de Madame l’abbesse de ne laisser sortir les novices que rarement et avec des parentes qui puissent les retenir s’il arrivoit qu’il y en eut a la suitte quelques unes un peu trop dissipées13. 11 BECB, ms. 799, règlement…, op. cit., chapitre vii, article 1, p. 14. 12 Ibid. 13 AD Jura, 38 H 2.
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Le coutumier de 1685 contraignait les novices qui, à Baume, avaient dépassé l’âge de douze ans, c’est-à-dire celui de l’enfance, à ne pouvoir sortir qu’accompagnées de leur tante14. Les tentations du monde étaient plus nombreuses et plus puissantes dans les chapitres citadins, la ville proposant maints divertissements et occasions de s’agréger à des réseaux sociaux. Les contemporains étaient bien conscients que l’isolement de certains chapitres nobles ruraux était un handicap à leur rayonnement. Il y eut d’ailleurs dans le royaume, dès le milieu du xviiie siècle, quelques initiatives pour en transférer un certain nombre en ville, ce phénomène ne concernant d’abord que des établissements masculins avant de toucher des compagnies de chanoinesses. Implantée dans un vallon désertique, au pied des Vosges, l’abbaye alsacienne de Murbach se dépeuplait du fait de son isolement. Une première demande de la transférer dans la petite cité voisine de Guebwiller avait été rejetée par la nonciature de Lucerne qui mettait en garde : « La commodité sera plus grande, mais le commerce plus dangereux15 ». Le Saint-Siège finit par y consentir en 1759, dans le contexte de la transformation du monastère en une collégiale noble16. La demande de transfert du chapitre noble de Baume-les-Messieurs dans une ville, lequel était implanté dans l’enfoncement d’une reculée creusée par la rivière de la Seille, fut formulée épistolairement par les chanoines à leur supérieur le 18 avril 1763. Ils invoquaient le manque d’émulation provoqué par la fréquentation quotidienne « des gens de la campagne ». Dans un mémoire plus tardif était soulignée la fonction acculturatrice des cités et le bénéfice qu’on en retirerait : Les campagnes ne présentent que des objets de dissipation, on n’y trouve pas des occasions de travailler, les secours y manquent pour cultiver les talents. Pour se donner à l’étude dans une ville il y a plus de gens éclairés, avec lesquels on peut avoir des conférences, il y a des bibliothèques qui sont une ressource qui ne se trouve pas dans les campagnes17. Les chanoines envisagèrent tout d’abord une translation de leur collégiale à Lons-le-Saunier, puis à Besançon et enfin à Poligny. En 1772, à l’initiative du Haut Doyen du chapitre de Gigny, il fut question d’unir ces deux collégiales et de les transférer dans l’ancienne capitale de la province, à Dole, mais les obstacles à surmonter eurent raison de tous ces projets. La suppression en 1787 du chapitre noble de Gigny, dont plusieurs canonicats demeuraient vacants, en dépit du confortable revenu qu’ils procuraient, a pour principale cause la répulsion qu’inspirait cette solitude jurassienne au climat austère. 14 Mémoire responsif…, op. cit., p. 56 ; BnF, ms. 8704, n.a.f., coutumier…, op. cit., f. 208v, article 24. 15 AD Haut-Rhin, fonds général, 9 G, 11 (23). 16 R. Metz, « La politique royale et la sécularisation des abbayes unies de Murbach et de Lure (1759-1764) », Revue des sciences religieuses, no de mai–octobre 1970, p. 275. 17 BGSB, ms. 6 (124), Mémoire par lequel on verra la nécessité de réunir le chapitre de Baume et celui de Gigny pour en faire un seul et même chapitre en les plaçant dans une ville (v. 1763).
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L’attraction de la ville s’exerça plus tardivement sur un certain nombre de chapitres nobles féminins champêtres. Il est d’ailleurs surprenant que ces établissements aient été maintenus dans leurs sites isolés en dépit de l’injonction du concile de Trente à faire procéder au transfert en milieu citadin des monastères féminins ruraux. En France, le pouvoir royal se préoccupa, à la suite des Pères du concile, de la vulnérabilité des communautés de moniales implantées à la campagne et ordonna dès 1606 à l’épiscopat et aux « chefs d’Ordres, de pourvoir à [leur] translation et union […] en autres couvents de même Ordre situés en ville18 ». En demeurant dans ces solitudes, les compagnies de chanoinesses nobles ne voulaient-elles pas se placer à distance d’un clergé masculin envahissant, afin de préserver leur existence fort autonome et libre ? Alors que la ville était au xviie siècle l’espace d’où rayonnait la réforme catholique et où ses agents résidaient et agissaient, elle devint au siècle suivant le lieu des séductions du monde et celui d’un pouvoir politique protecteur pour des compagnies nobles féminines désormais irrésistiblement attirées vers elle. En 1786, arguant que leur établissement, implanté dans la vallée de la Meurthe, se trouvait « sur une haute montagne », qu’il était exposé à des ouragans fréquents et « environné de forêts presque toujours infestées de brigands », les dames de Bouxières obtinrent les permissions pontificale et royale d’une translation à Nancy, dans l’ancien couvent des minimes de NotreDame de Bon-Secours19. La famille royale saisit l’occasion de ce transfert pour placer cet institut sous son patronage et contribuer aux dépenses qui en découleraient, se rendant ainsi complice de l’accentuation de sa sécularité20. Le nouveau règlement n’en prenait pas moins soin d’écarter les dangers de sa mondanisation en prohibant les spectacles, les bals nocturnes et les mascarades. Les chanoinesses ne pourraient fréquenter les promenades publiques qu’en compagnie d’une des leurs ou de « quelque dame d’un âge mûr et d’une excellente réputation21 ». Les occasions procurées à une chanoinesse de s’intégrer à un réseau de sociabilité au-delà de l’enceinte capitulaire, ou tout simplement de se délasser en s’évadant de son cadre de vie ordinaire, étaient fortement conditionnées à la situation géographique de son chapitre. Il n’était guère dans le goût du siècle de vouloir se retirer dans un lieu désert, ce qui pénalisait vraisemblablement les établissements de Montigny, Migette et Château-Chalon. Le succès rencontré par celui de Lons-le-Saunier à la fin de l’Ancien Régime, qui se mesure à
18 Cité par K. Berthier, « De la campagne à la ville, du xiie au xviie siècle : Notre-Dame de Tart », in B. Barriere et M.-E Henneau (éd.), Cîteaux et les femmes, Créaphis, Paris, 2001, p. 126. 19 AD Meurthe-et-Moselle, H 2955, brevet du 19 juin 1785 et lettres patentes du 5 juin 1786, bulle du 3 des ides de mai 1786 ; B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 165. 20 Chr. Poirier, « La translation du chapitre noble de Bouxières à Nancy à la fin du xviiie siècle », Annales de l’Est, 1 (2007), p. 123-140. 21 Ibid., p. 214.
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la croissance continue de son effectif22, s’explique à l’inverse en grande partie par son implantation en milieu citadin. Les chapitres ruraux féminins du Comté ne cherchèrent pas à lutter contre cette inégalité en réclamant d’être déplacés dans une cité, en dépit des exemples que leur offraient leurs homologues masculins.
Les congés Les compagnies de dames de cette province disposaient néanmoins d’un élément d’attraction de nature à compenser l’isolement géographique qui portait préjudice à certaines : il s’agissait de leur grande permissivité en matière de congés. Si, durant les premières décennies du xviiie siècle, dans leur année de noviciat, les jeunes filles étaient astreintes à la rigoureuse résidence à l’instar de ce qui se pratiquait dans la plupart des chapitres nobles, une fois celui-ci accompli, elles étaient autorisées à s’absenter par permission de l’abbesse, sans aucune restriction apportée à la durée de leur absence23. Le coutumier de l’abbaye de Baume de 1685 imposait toutefois aux nouvelles professes de ne pas franchir l’enclos durant les six semaines qui suivraient leurs vœux solennels, sauf pour participer à des processions, et de ne pas dormir à l’extérieur de la cité l’année suivant leur profession24. L’archevêque de Besançon Antoine-Clériade de Choiseul-Beaupré éclaire dans une lettre au ministre, le duc de Choiseul, du 8 décembre 1769, les raisons d’une telle liberté concédée : « Les chanoinesses de cette province sont obligées de faire de longues absences, de demeurer des années entières chez leurs parents pour épargner et se mettre en état de passer un an ou deux dans leur chapitre25 ». Cet absentéisme était particulièrement marqué à Château-Chalon, du moins chez les dames qui n’étaient pas encore apprébendées, une source datant des premières décennies du xviiie siècle indiquant que les nièces ne réapparaissaient généralement à l’abbaye qu’après des années d’absence, pour y prononcer leurs vœux solennels, lorsqu’elles voyaient approcher le temps de l’apprébendement26. En 1699, Élisabeth de Belot de Chevigney n’y était pas réapparue depuis trois ans27. Si onze dames prirent part à l’assemblée capitulaire du 16 octobre 1742, neuf autres s’en étaient absentées28. Les
22 Se reporter à l’introduction de cet ouvrage. 23 BGSB, fonds Hugon, mémoire touchant les hôpitaux de noblesse de la province de FrancheComté. Première série, t. 6/2, p. 121-122. 24 BnF, n.a.f., ms. 8704, op. cit., f. 211r, article 37. 25 BGSB, ms. 2. 26 BGSB, Fonds Hugon, mémoire…, op. cit., p. 121. Quinze prébendes étaient distribuées dans cette abbaye, auxquelles on accédait par rang d’ancienneté. 27 AD Jura, 38 H 2. 28 AD Jura, 38 H 7.
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chanoinesses apprébendées étaient contraintes à une discipline plus rigoureuse que celles qui ne l’étaient pas, si l’on en croit un manuscrit daté de 1756, car dans le cas où elles n’auraient pas retrouvé leur place au chœur au-delà d’une absence de trois mois, elles seraient « ponctuées », c’est-à-dire sanctionnées par une diminution de revenu29. Cet absentéisme très marqué chez les plus jeunes s’explique peut-être par la difficulté à les héberger, l’exiguïté du site sur lequel s’était développé ce chapitre noble restreignant le nombre des demeures canoniales. Si les chanoinesses étaient très libres dans leurs déplacements, certaines savaient aussi ne pas se montrer routinières dans le choix de leurs séjours à l’extérieur du chapitre noble, ce qui met en évidence la richesse de leurs relations avec le monde ou avec d’autres communautés religieuses ainsi que leur capacité à tirer avantage de leur liberté. De retour dans son abbaye de Lons-le-Saunier le premier de l’an 1741, après une longue absence, Madame de Balay la quitta du 25 février au 7 avril pour la demeure paternelle en ville. Le 20 juin 1742, elle partit séjourner à Marigna, dans le Jura méridional, dont les Balay étaient seigneurs depuis 1553. S’étant absentée une année, elle revint à l’abbaye le 24 juin 1743, la quitta le premier mai 1744 pour se rendre à Champlitte, au nord de Gray, puis reprit la direction de Lons-le-Saunier en janvier 1745 pour gagner de nouveau Champlitte en août 1747. Ayant rejoint son abbaye le 26 avril 1748, elle la quitta pour Gigny le 23 mai 1750, peut-être pour rendre visite à l’un de ses parents, chanoine du chapitre noble du lieu. Le 5 mai 1751, elle se rendit chez les tiercelines d’Arbois30. Par des arrêts et des règlements dont il est impossible de sonder l’efficacité, on chercha toutefois à limiter l’absentéisme en responsabilisant l’abbesse et en lui procurant un pouvoir de coercition. L’arrêt du Parlement du 16 décembre 1677 confiait à celle de Baume la possibilité de suspendre les prébendes des dames qui s’étaient absentées sans son autorisation31. L’article 6 du coutumier de 1685 confirmait ce pouvoir de sanction et lui ajoutait la possibilité de rappeler à son gré au chapitre baumois une dame en congé32. Par les règlements de Migette et de Montigny de 1730 et 1732, l’abbesse se vit en droit d’accorder des permissions d’absence « pour de bonnes et pressantes raisons » à celles qui voudraient se retirer chez leurs parents, à condition « que le service divin n’en souffre point, et que ces voyages soient rares, nécessaires et ne durent point un trop long temps33 ». Le souci de faire dépendre ces autorisations d’un nombre suffisant de dames présentes à l’office était apparu dans le
29 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon, op. cit., f. 23. 30 AD Jura 48 H 3. 31 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame…, op. cit., p. 51. 32 BnF ms. 8704, n.a.f., coutumier…, op. cit., f. 205r, article 6. 33 Articles xiv du règlement de Migette et xv et du règlement de Montigny-lès-Vesoul, [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit., t. 3, 1774, p. 558, p. 633.
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règlement que le provincial des franciscains voulut introduire dans l’abbaye de Montigny-lès-Vesoul en 171034. S’inspirant probablement des pratiques en usage dans les chapitres des églises cathédrales et collégiales comme de celles d’un certain nombre de compagnies de dames nobles35, le séquestre des prébendes devait dissuader d’absences trop longues. Les prébendées ou mi-partistes ne pouvaient s’éloigner « sans cause légitime et sans nécessité » des abbayes de Migette et de Montigny au-delà d’une année, sous peine de privation de leur revenu pour toute durée qui excéderait celle permise36. Les statuts introduits dans le chapitre noble de Lons-le-Saunier en 1771 réduisaient à un cumul de trois mois la durée annuelle des absences, au-delà de laquelle la dame serait privée de ses distributions de pain et de vin37. L’on avait donc fini par adopter dans l’abbaye lédonienne la règle des neuf mois de résidence, à l’imitation de ce qui se pratiquait à Château-Chalon pour les chanoinesses prébendées. Inspirée du décret du concile de Trente réglant les congés des chanoines de cathédrales et de collégiales, celle-ci était appliquée en de nombreux chapitres nobles38. Elle était reconnue à Épinal39, à Laveine40 ou à Masevaux, dont les statuts de 1782 prescrivaient la présence au chœur d’au moins dix dames, ce qui supposait une gestion savante des absences41. Les chanoinesses de Saint-Louis de Metz tempéraient la règle des trois mois d’absence par la possibilité de prendre jusqu’à une année de congés, à condition de l’avoir compensée par quatre consécutives de présence ; il ne pourrait être délivré d’autorisation d’absence que si les deux tiers des dames se trouvaient au chapitre, de façon à maintenir la qualité du service divin42. À Neuville en Bresse, le règlement de 1756 confirma la permission accordée depuis longtemps aux dames prébendées de s’absenter trois mois, celles qui ne l’étaient pas encore ayant l’autorisation de cumuler jusqu’à huit mois de congés, à condition qu’il y ait toujours au moins quinze chanoinesses présentes pour assurer l’office canonial43.
34 AD Haute-Saône, H 942, article vi. 35 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 248-252. 36 [N. Fr. E. DROZ], Recueil des Édits, op. cit., t. 3, p. 558, p. 633, articles XV du règlement de Migette et XVI et du règlement de Montigny-lès-Vesoul. 37 BGSB, ms. 13 (44). 38 Session xxiv, Décret de réformation, chapitre xii des décrets conciliaires. 39 Fr. Boquillon, Les dames du chapitre Saint-Goëry d’Épinal aux xviie et xviiie siècles. Étude socio-institutionnelle, Mémoire de maîtrise, Université Nancy 2, 1975, p. 140. 40 B. Defauconpret, Les preuves de noblesse…, op. cit., p. 189. 41 AD Haut-Rhin, 10 G1 (2), articles 47 et 49 ; P. Tresch, Histoire de Masevaux, abbayes et sanctuaires, traduit de l’allemand et annoté par Étienne Martin-Tresch, Strasbourg, 1987 (Publications de la société savante d’Alsace et des régions de l’Est), p. 55. 42 AD Moselle, H 4038, Statuts et règlements…, op. cit. [1781], chapitre iv, titre 3, articles 1 et 3 ; titre 4, article 1. 43 Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville-les-Dames…, op. cit., p. 119, chapitre VI, articles 1 et 2.
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Certaines maisons étaient bien plus permissives encore, à l’image de Poussay où l’on pouvait s’absenter quatre mois par an, et même une année complète, si l’on y avait résidé les deux années précédentes44. Le chapitre de Remiremont se pliait à un fonctionnement complexe où la durée du congé dépendait de la charge occupée et du nombre de prébendes possédées. Les nièces encore à la charge de leur tante mais ayant accompli leur « rigoureuse », c’est-à-dire leur période de probation, devaient respecter une résidence d’au moins cinq mois par an, tandis qu’une chanoinesse prébendée était tenue à celle d’au moins cinq ou sept mois, en fonction du nombre de prébendes dont elle jouissait, le principe étant que le cumul de celles-ci obligeait à un plus long séjour au chapitre. Un congé plus durable leur était permis, de vingt et un mois par triennal pour une dame à une seule prébende, réduit à quinze mois pour une multiprébendière. L’abbesse devait pour sa part neuf mois de présence, la doyenne et la secrète huit45. Il n’y avait donc pas de règle uniforme en matière de congés, les chapitres de dames nobles de Franche-Comté étant parmi les plus permissifs. Ces institutions avaient une telle souplesse de fonctionnement qu’elles étaient aussi bien en capacité de contenter le besoin d’une fuite du monde– tout de même relative – que de satisfaire les chanoinesses les plus mondaines ou gyrovagues. La vie sédentaire s’imposait aux dames impliquées dans les responsabilités de leur chapitre et dans l’office quotidien ainsi qu’à celles fragilisées par les infirmités du grand âge ou par la maladie. Leur immobilité leur procurait un rôle non négligeable dans l’éducation et la surveillance des mœurs de jeunes filles astreintes par la préparation de leur noviciat à une rigoureuse résidence. Sociables, mondaines, parfois volubiles, certaines chanoinesses nobles étaient des figures appréciées et honorées des sociétés aristocratiques de province. « Monsieur et Madame de Sainte-Croix du Breuil me sont venus voir avec une de leurs filles, chanoinesse de Neuville », écrivait le 10 décembre 1768 Madame de Meximieux à la présidente Cholien46. Il n’était pas rare de les rencontrer dans les villes thermales, où elles se mêlaient à la société nobiliaire dans sa villégiature estivale. Dominique Dinet cite l’exemple d’une dame de Mauclerc, chanoinesse de Poulangy, de noblesse comtoise, qui obtint par deux fois de sa supérieure, en avril 1746 et en août 1748, la permission d’aller prendre les eaux à Plombières47.
44 Fr. Boquillon, « Le chapitre de Poussay… », art. cit., p. 150. 45 Id., Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 47, p. 213-214, p. 219. 46 H. de Gallier, Filles nobles et magiciennes. Les mœurs et la vie privée d’autrefois, Paris, Calmann-Lévy, 1913, p. 78. 47 AD Haute-Marne, G 973, p. 527 et G 974, p. 190 ; cité par D. Dinet, Vocation et fidélité. Le recrutement des réguliers dans les diocèses d’Auxerre, Langres et Dijon (xviie-xviiie siècles), Paris, Economica, 1988, p. 205.
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Les députations L’état de chanoinesse noble pouvait également convenir à des personnalités intrigantes et ambitieuses, attirées par les lieux où s’exerçait le pouvoir. Au xviiie siècle, beaucoup de ces établissements se placèrent sous la dépendance de l’autorité monarchique ou épiscopale pour l’obtention de grâces et de privilèges qu’il était nécessaire de solliciter par des députations. L’ordre du jour de l’assemblée du 25 juillet 1784 au chapitre de Lons-le-Saunier était la désignation d’une chanoinesse chargée de rencontrer l’évêque d’Autun Yves Alexandre de Marbeuf, ministre de la « Feuille », en visite à Dijon. Cette délégation avait pour objet de solliciter la réunion d’un bénéfice à ce chapitre noble. Madame de Balay, procureuse, vers qui s’étaient d’abord portés les suffrages, invoqua une santé trop délicate, si bien qu’on désigna sa sœur, à laquelle devait s’adjoindre une autre chanoinesse, Madame de Belot48. Ces députations étaient décidées collégialement et défrayées par le chapitre. Celle dont Marie Aimée Joséphine de Mignot de Bussy, coadjutrice du chapitre lédonien, prit l’initiative, se démarque par conséquent des pratiques ordinaires. Avec sa sœur Angélique Laurence, cette chanoinesse avait commencé son noviciat à l’abbaye de Lons-le-Saunier le 28 juillet 1768 et y avait fait profession le 18 juillet 1776, à l’âge de vingt-cinq ans49. Ambitieuse, entreprenante, elle chercha à prolonger la députation envoyée à Dijon, qui n’avait pas su convaincre le ministre. De son château familial en Beaujolais, elle adressa le 17 mai 1785 une lettre aux dames de son chapitre pour leur demander d’officialiser sa mission à la Cour, leur proposant de ne se faire défrayer qu’en cas de succès. Invitées à se prononcer sur cette demande en assemblée capitulaire une semaine plus tard, les dames lui donnèrent permission d’aller « solliciter les bienfaits du roi », mais refusèrent de la mandater officiellement, « ayant lieu de croire que M. l’évêque d’Autun n’approuve point les députations50 ». En 1786, l’énergique chanoinesse obtint du roi une pension annuelle de 2 000 livres qui lui serait versée jusqu’à ce que le projet d’une réunion de bénéfice prenne consistance51. Il s’agissait d’une bien modeste compensation aux dépenses d’une mission qui la retint trois années à Paris et à Versailles, l’obligeant à quatre voyages entre l’abbaye lédonienne et les hauts lieux décisionnels de la monarchie52. Elle fut également amenée à se rendre à Rome pour obtenir la bulle de suppression du chapitre de Gigny dont une partie du temporel était destiné à augmenter celui de l’abbaye lédonienne53. Les chanoinesses n’avaient pas seulement la prérogative de franchir à discrétion le portail de leur chapitre au xviiie siècle, mais aussi celle, pour 48 49 50 51
AD Jura, 48 H 15, registre des délibérations (1769-1790). AD Jura, 48 H 9. AD Jura, 48 H 15. Suite de l’état des pensions sur le trésor royal. Quatrième classe, Paris, Imprimerie nationale, 1790, t. 2, p. 32. 52 AN, G 9, 134 (10). 53 AD Jura, 48 H 15, délibération du 21 février 1787.
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certaines, d’œuvrer dans le monde aux intérêts de leur communauté. Cette place qui leur était concédée dans l’espace public était extraordinaire au regard de celle des femmes du temps, dont les ambitions se limitaient à une vie de bonne chrétienne et à une existence domestique, et suffit à comprendre l’engouement pour l’état de chanoinesse noble. * * * Les chapitres nobles féminins surent donc se rendre attractifs en laissant leurs portes largement ouvertes sur le siècle. En 1913, Humbert de Gallier comparait ceux de femmes à des « volières parfois somptueuses, d’ordinaire très simples, dont on savait bien que les grilles n’étaient point trop serrées, et que la porte entre-bâillée permettait aux oiseaux de s’envoler à leur aise54 ». Cet écrivain s’inscrivait dans une tradition littéraire et historique qui, de Lamartine aux frères Goncourt, se surprit du souffle mondain et de la liberté qui traversaient ces institutions. Il faut entendre les auteurs de La femme au xviiie siècle : Il est d’autres vœux plus propres au siècle […], engagements légers, presque de mode, et qui semblent seulement mettre dans la toilette d’une femme les couleurs de la vie religieuse. Un certain nombre de jeunes personnes de la noblesse se rattachaient à ces ordres qui, sans exiger d’elles la prononciation d’aucuns vœux solennels ou simples, leur permettaient de vivre dans le monde et d’en porter l’habit, leur donnaient quelquefois un titre, toujours quelque attribut honorifique. C’étaient les chanoinesses […]55. On avait cessé, au xviiie siècle, de décrier et de combattre l’intimité de ces compagnies avec le monde profane. Personne ne s’en scandalisait, puisqu’elle était contrôlée : les sorties diurnes n’étaient autorisées qu’aux heures où elles demeuraient décentes, et celles des jeunes chanoinesses étaient placées sous la surveillance de consœurs plus âgées. Les tentations du siècle furent sans doute plus fortes pour les chapitres nobles urbains. Le tropisme de la ville finit par s’exercer si puissamment que certaines compagnies rurales des deux sexes, en Comté et au-delà, envisagèrent même de s’y transplanter. Bouxières fut néanmoins le seul chapitre noble féminin à réaliser ce transfert à la fin de l’Ancien Régime. L’engouement des nobles pour l’existence citadine aurait pu être préjudiciable au dynamisme de trois des cinq chapitres féminins du Comté, demeurés dans leur désert en dépit des efforts déployés au xviie siècle par le clergé post-tridentin pour transférer les communautés vulnérables de « religieuses aux champs » dans l’espace protégé et protecteur des cités. Mais ces compagnies avaient un attrait compensatoire avec cette grande permissivité, en matière de congés, qui les caractérisait, en comparaison de maints autres chapitres, et que les règlements adoptés au xviiie siècle ne remirent pas véritablement en cause.
54 H. de Gallier, Filles nobles…, op. cit., p. 2. 55 E. et J. de Goncourt, La femme au dix-huitième siècle, Paris, Firmin Didot, 1862, p. 13.
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Chapitre vii
Le monde profane convié au chapitre noble
Si les chapitres nobles de dames gagnèrent en attraits au xviiie siècle, c’est également parce qu’ils surent s’ouvrir au monde profane et accueillir celui-ci dans leurs murs. Des laïcs venaient y dîner ou souper, y étaient hébergés temporairement ou bien à demeure. Les goûts du siècle imprégnaient et égayaient ces institutions. Au xixe siècle, Hippolyte Taine affirmait à leur propos : « Les vingt-cinq chapitres nobles de femmes et les dix-neuf chapitres d’hommes sont autant de salons permanents et le rendez-vous incessant de la belle compagnie qu’une mince barrière ecclésiastique sépare à peine du grand monde où ils sont recrutés1 ». Si des contemporains ont rendu compte de la vie facile et mondaine qui s’y déroulait, il faut cependant se garder de généralités. L’existence de deux types de chapitres nobles, séculiers et réguliers, n’était-elle pas de nature à y modérer ou au contraire à accentuer cette ouverture au siècle ? Après avoir indiqué ce que cette existence sécularisée et mondaine devait à la présence de demeures canoniales, nous examinerons de quelle manière et sous quelles conditions les laïcs fréquentaient les chapitres nobles et s’ils contribuaient à y introduire et faire connaître les modes et les distractions du siècle. Nous nous instruirons des passe-temps qu’accueillaient ces institutions pour juger de leur degré d’ouverture au monde profane.
Des demeures canoniales à l’imitation de celles du siècle Les règlements de Migette et de Montigny qualifient les demeures des dames nobles de « claustrales », car il n’avait pas encore été pris acte, à leur promulgation au début de la décennie 1730, du statut de chanoinesses de leurs occupantes. Celles-ci y étaient d’ailleurs encore nommées « religieuses ». L’appellation de « demeures canoniales » est plus exacte. Ces maisons subsistantes dans le paysage urbain baumois actuel, à Lons-le-Saunier ainsi qu’à Montigny-lès-Vesoul, ne se différenciaient guère au xviiie siècle de celles des laïcs. L’impression d’uniformité qui s’en dégage suggère un modèle architectural que l’on soumettait aux maîtres d’œuvre et aux familles et qui, s’agissant des couvents de clarisses urbanistes, circulait peut-être également entre ces établissements. Le chapitre de Lons-le-Saunier vérifiait l’alignement « et verra si le front du dehors convient pour la décoration
1 H. Taine, L’Ancien Régime, Bruxelles, Complexe, 1991, p. 155.
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Fig. 7 : L’alignement des demeures canoniales de l’ancien chapitre noble de Lons-leSaunier, le long de l’actuelle place Bichat.
de l’abbaye2 ». Par contrat signé le 25 septembre 1729 le jour de la profession de sa fille Jeanne Marie Françoise dans cette abbaye, Gérard Gabriel de Vers de Vaudrey s’engageait à lui faire construire une maison canoniale « conforme au plan qui en a été dressé et que j’ay signé, pour qu’elle soit uniforme de façade aux cinq autres qui doivent estre baties dans led. endroit dez la porte d’entrée de lad. abbaye jusqu’à langle du pignon de Madame de Beaurepaire3 ». Ce dirigisme empêchait l’expression des distinctions de fortunes. Les demeures étaient généralement bâties sur deux niveaux d’habitation fort ajourés du côté de la cour, avec comble, à porte d’entrée d’ordinaire dénuée de perron, les fenêtres étant agrémentées d’un encadrement en pierre de taille, l’ensemble exprimant une certaine sobriété. Des différences apparaissent toutefois d’un chapitre à l’autre, les demeures étant plus raffinées à Baume-les-Dames, des spécificités s’insinuant parfois même au sein de ces instituts : la maison d’Adélaïde Charlotte Cantineau de Comacre, entrée à Migette en 1777, dérogeait à la simplicité du quartier d’habitation par son élévation extraordinaire à quatre étages. Cette chanoinesse avait été richement
2 Il fallait présenter le plan à l’abbesse, « qui donnera l’alignement, et verra si le front du dehors convient pour la décoration de l’abbaye ». BECB ms. 799, règlement de la noble abbaye de Lons-le-Saunier, chapitre ix, article 4, f. 36v. 3 AD Jura, 48 H 9.
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Fig. 8 : Maison canoniale d’Adélaïde Charlotte Cantineau de Comacre, la plus vaste jamais construite à Migette (dernier quart du xviiie siècle).
dotée par sa marraine ; le principe de l’égalité matérielle qui prévalait entre les membres d’un corps ecclésiastique s’effaça, dans ce cas précis, devant le besoin d’affirmer son aisance4.
4 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette…, op. cit., p. 85.
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Ces demeures n’étaient pas seulement de caractère profane dans leur aspect mais aussi par leur statut, car elles étaient considérées comme un bien transmissible à des « nièces » ou à une parente proche5 par le fait qu’elles avaient été construites avec des fonds privés. Il s’agissait là d’un abandon remarquable de l’idéal de désappropriation sur lequel s’était fondée l’expérience religieuse des premières moniales de ces abbayes. L’appropriation de la maison canoniale par des dames qui la transmettaient consciencieusement à leur adoptée ou à une parente était néanmoins inconnue d’un certain nombre de chapitres nobles, où la chanoinesse n’en était que l’usufruitière, à l’image de Remiremont. Ce chapitre noble se composait d’une trentaine de maisons à la veille de la Révolution, chacune faisant partie intégrante de la prébende. Les multiprébendières avaient même le droit d’en détenir deux. Les réparations incombaient dans ce chapitre à l’occupante, un expert étant chargé tous les cinq ans de dresser l’état de tous les travaux nécessaires6. Le principe de l’usufruit était également en vigueur dans les compagnies de Flandres où l’accession à une maison canoniale se faisait par rang d’ancienneté à partir de la réception7. À Montfleury s’imposa en revanche un régime mixte, car si les dames étaient en jouissance d’un appartement, elles avaient aussi la possibilité de le quitter pour se faire bâtir une demeure à leurs dépens8. Le chapitre noble de Baume-les-Dames était le seul de Franche-Comté où la transmission d’une maison ne se trouvait pas tributaire de tractations vénales9. Tous ces établissements suivaient un même principe concernant la transmission de la demeure d’une dame défunte sans héritière : c’était à l’abbesse d’en disposer. Les règlements de Migette et de Montigny stipulaient qu’elle devait remettre ce bien à une nouvelle chanoinesse sans contrepartie financière, mais la tentation était forte de le monnayer. Lorsqu’Anne Brunet reçut la jouissance de la maison de feue Madame de Montaigu à sa réception à Montigny en 1768, elle s’engagea en tant que bienfaitrice à verser douze mille livres à l’abbaye10. Le règlement de Lons-le-Saunier de 1771 entérinait le caractère vénal de cette transmission, spécifiant que la demeure échue à l’abbesse serait vendue et que le bénéfice serait partagé par moitié entre le chapitre et cette supérieure, laquelle disposerait du mobilier11. C’était également un usage confirmé par l’article 43 du coutumier de 1685 que l’abbesse de Baume conserve 5 L’article xix du règlement du chapitre de Migette et l’article xx de celui de Montigny précisent que les sœurs et les tantes pouvaient en être bénéficiaires. 6 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 271-279. 7 BnF, coll. Clairambault, ms. 1320, extraits et pièces diverses concernant la chevalerie et divers ordres et chapitres nobles, f. 117. 8 Charles-Louis Ducas, Les chapitres nobles de dames : recherches historiques, généalogiques et héraldiques sur les chanoinesses régulières et séculières, avec l’indication des preuves de noblesse faites pour leur admission dans les chapitres nobles de France et des Pays-Bas, depuis les temps les plus reculés jusqu’à l’époque de leur suppression, Paris, Chez l’auteur, 1843, p. 94. 9 Mémoire responsif…, op. cit., p. 41. 10 AD Haute-Saône, H 941 et 2 E 17274. 11 BECB, ms. 799, règlement…, op. cit., f. 36v, chapitre ix, article 3 ; BGSB, ms. 2.
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et fasse « ce qu’il luy plaira » des meubles d’une dame décédée sans nièce12. Les règlements de Migette et de Montigny lui accordaient aussi cet avantage et l’étendaient aux effets de la défunte, à condition d’avoir réglé les dettes de celle-ci « jusqu’à la concurrence de la valeur desd. meubles et effets13 ». Cette place dévolue aux questions matérielles dégénéra parfois en de malheureux contentieux. Lors de la réception des deux sœurs de Poly à Migette, en 1718, il fut convenu qu’elles seraient les héritières à leur décès de la maison canoniale de leurs deux tantes, Mesdames de Crécy, en contrepartie d’une pension annuelle viagère de deux cents livres pour chacune. Le père des demoiselles, Jacques de Poly, qui consentait ainsi à s’acquitter d’un loyer déguisé, s’obligeait en outre, par un contrat daté du 14 juin 1718, à contribuer à l’entretien de la demeure. Les relations s’envenimèrent sur la question de la participation à ces travaux. Au bout de dix années de désaccords, les rancoeurs s’étaient tellement accumulées entre les contractants que les dames de Crécy tentèrent en 1731 de convaincre le chapitre de s’opposer à la profession d’une des demoiselles, Claire-Françoise de Poly14. De tels conflits n’étaient pas circonscrits aux établissements nobles de Franche-Comté. Un procès opposant deux chanoinesses de Poussay appartenant à la noblesse comtoise en est l’illustration : par un traité daté du 5 août 1765, Madame de Broissia consentait à céder sa maison canoniale à sa nièce Mademoiselle de Constable, moyennant une pension viagère de sept cents livres. Des difficultés ne tardèrent pas à surgir, la dame refusant de quitter définitivement sa maison. La modération et le compromis finirent par triompher dans ce conflit, la nièce acceptant par un accord en date du 14 septembre 1770 d’abandonner ses prétentions à jouir exclusivement du bien15. L’appropriation des maisons canoniales était susceptible de desservir les chapitres nobles qui la toléraient, parce que le népotisme et la sélection par l’argent qu’elle entretenait décourageaient de possibles candidates. Il arrivait qu’une récipiendaire ne puisse trouver à s’héberger chez une dame, la solution étant alors dans des dépenses considérables. Sa famille se voyait dans la nécessité d’acheter une maison vacante ou bien d’acquérir un terrain sur lequel en construire une nouvelle. Cette question du logement ne soulevait pas seulement des contraintes d’ordre matériel, elle pouvait aussi heurter la morale de certains nobles. Le dégoût de ces pratiques profanes s’insinuant dans des corps ecclésiastiques était cependant atténué par les avantages que celles-ci procuraient, puisqu’un lignage trouvait là le prétexte de se maintenir durablement dans un chapitre noble afin de préserver pour ses membres la possession et jouissance d’une demeure canoniale.
12 BnF ms. 8704, n.a.f., coutumier…, op. cit., f. 212r. 13 Article xx des deux règlements. 14 De nombreuses pièces de cette affaire figurent aux AD Jura, E 942. Elle est également rapportée par J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette…, op. cit., 117 p. 15 AD Doubs, 7 E 1372.
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Un autre élément d’attraction était la mise à disposition des dames nobles, avec cette habitation individuelle, d’un espace d’intimité ou tout au contraire de convivialité, ce qu’appréciait particulièrement la société des Lumières. Venu du monde profane, l’individualisme progressait dans les mentalités canoniales. En 1785, les trois sœurs de Chaffoy, dames de Migette, étaient logées à l’étroit depuis une vingtaine d’années dans l’appartement concédé par leur « tante », Madame de Saint-Mauris. Elles décidèrent donc d’emménager dans la maison que leur beau-frère, Monsieur de Sagey, avait acquise pour ses deux filles encore trop jeunes pour y résider16. Les intérieurs canoniaux étaient confortables. Certains surprennent par leur raffinement et les éléments profanes qu’on y rencontre, ces particularités étant renforcées dans ceux des logis abbatiaux, conçus pour des réceptions. En 1742, dans la chambre et l’antichambre du logement de l’abbesse de Château-Chalon Anne Marie Desle de Watteville, le visiteur pouvait contempler une peinture de la Vierge à côté d’autres représentant des satyres, le sacrifice d’Iphigénie, Thétis dans l’antre de Vulcain, le géant Polyphème ; des paysages et des natures mortes aux fruits ou aux desserts agrémentaient la salle à manger17. Pour avoir le droit de « se mettre en son ménage », autrement dit pour être maîtresse de sa demeure, les chapitres de Migette et de Montigny imposaient, à l’imitation de beaucoup d’autres, l’âge légal de vingt-cinq ans accomplis, qui était calqué sur celui de la majorité civile. En revanche, il n’y avait d’autre condition à Baume-les-Dames, jusqu’à ce que l’on ait atteint l’âge de trente ans, que d’en avoir reçu la permission de l’abbesse18.
Des laïcs à demeure au chapitre noble Il était permis aux dames nobles d’entretenir une domesticité. Le train de vie de celles de Franche-Comté demeurant modeste, comparable à celui de la noblesse des petites villes et de la bourgeoisie aisée, une femme de chambre suffisait généralement à leur service. La modération attendue en la matière par les acteurs de la Réforme catholique inspira à la fin du xviie siècle l’abbesse de Baume Marie d’Achey qui demandait qu’il n’y en eût pas plus d’une au service de chaque dame noble19. En 1657, l’abbaye de Migette abritait avec l’abbesse quinze religieuses et autant de servantes20.
16 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette…, op. cit., p. 72, 99. 17 AD Doubs, 113 H 4. Inventaire dressé à la mort de l’abbesse, en 1742. 18 Article xiii du règlement de Migette et xiv de celui de Montigny ; BnF, ms. 8704, n.a.f., coutumier…, op. cit., f. 207v. 19 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame Henriette Angélique d’Amas de Crux…, op. cit., p. 46. 20 Fr. Lassus (éd.), La population de la Franche-Comté au lendemain de la guerre de Trente Ans. Recensements nominatifs de 1654, 1657, 1666, Paris, 1995 (Annales littéraires de l’Université de Besançon), t. 2, p. 332.
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En dehors de cette présence ancillaire, il arrivait qu’un membre féminin laïque de la famille s’installe à demeure auprès d’une chanoinesse. Armande Joséphine Françoise d’Andelot vivait dans la résidence abbatiale du chapitre de Baume-les-Dames auprès de ses sœurs Anne Gabrielle et Philippine Marie Léopoldine, abbesse du lieu. Elle y mourut le 6 décembre 1772, à l’âge de cinquante-deux ans, et fut même inhumée dans l’église de l’abbaye21. En leur veuvage, des mères pouvaient échapper à leur solitude en venant partager la demeure d’une enfant chanoinesse, à l’exemple de Gasparine Ferdinande de Champagne : reçue dans sa jeunesse à l’abbaye de Baume puis mariée au comte Jean-Claude d’Hennezel, elle se retira à la mort de ce conjoint chez ses filles, dames de Migette. Veuve, Jeanne Marguerite de Moustier élut domicile dans l’abbaye de Baume-les-Dames, où elle s’éteignit en 1699. Le coutumier de cet établissement autorisait en effet les chanoinesses à y recevoir à demeure un « proche parent comme mère, sœur, tante, niepces et cousines germaines ». Il y régnait à l’évidence une forte tradition d’hospitalité, car les dames pouvaient également héberger chez elles des pensionnaires n’ayant pas encore douze ans22. Il ne s’agissait pas toutefois d’une spécificité des chapitres nobles. Les pensionnats conventuels étaient nombreux au xviiie siècle, même en dehors des congrégations spécialisées dans l’éducation des petites filles23. La différence avec ceux des compagnies nobles résidait dans le contrôle sous lequel les maintenaient les supérieurs ecclésiastiques, attentifs également à surveiller la durée du séjour des pensionnaires24. Sans être proscrit, l’hébergement d’un homme par une dame noble devait être rare et surtout très contrôlé. À Baume-les-Dames, l’abbesse devait contribuer à cette surveillance25. Le règlement de l’abbaye de Lons-le-Saunier limitait ce séjour au père, aux frères, oncles et parents à la réputation irréprochable, ou bien dont les infirmités, la maladie exigeaient une assistance qui ne pouvait être fournie ailleurs26. Par leur situation et leur âge, les laïcs qui résidaient dans ces chapitres nobles étaient donc d’une grande diversité.
21 AM Baume-les-Dames, BB 35 (15 décembre 1772). 22 Mémoire responsif…, op. cit., p. 55 ; BnF, ms. 8704, n.a.f., coutumier…, op. cit., article xiv, f. 206v. 23 M. Sonnet, L’éducation des filles au temps des Lumières, Paris, Cerf, 1987, 354 p. ; Id., « L’éducation des filles à Paris au xviiie siècle : finalités et enjeux », in Problèmes de l’histoire de l’éducation. Actes des séminaires organisés par l’École française de Rome et l’Università di Roma – La Sapienza (janvier-mai 1985), École française de Rome, 1988, p. 53-78 ; Ch. Grell et A. Ramiere de Fortanier (éd.), L’Éducation des jeunes filles nobles en Europe xviiexviiie siècles, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2004, 218 p. 24 G. Zarri, « La clôture des religieuses et les rapports de genre dans les couvents italiens (fin xvie-début xviie siècles) », in Chr. Klapisch-Zuber et Fl. Rochefort (éd.), Clôtures, Toulouse, Clio et Presses universitaires du Mirail, 26 (2007), p. 44. 25 BnF, ms. 8704, n.a.f., coutumier…, op. cit., article 49, f. 212r. 26 BECB, ms. 799, Règlement…, op. cit., p. 17.
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Les laïcs de passage au chapitre noble L’on ne saurait concevoir ces institutions féminines comme des chartreuses baignées de silence. En 1759, Marie Suzanne Xavière de Ferrette donnait de Masevaux, dont elle était abbesse, l’image d’une ruche animée d’un va-et-vient incessant de visiteurs : Des personnes de tout état et condition, soit connues, parentes ou étrangères, invitées ou non invitées, arrivent en foule à l’abbatiale dud. chapitre tant pour le logement que pour la table, la plupart avec chevaux et domestiques, et y séjournent souvent un temps très considérable27. Il faut imaginer la cour intérieure d’un chapitre noble avec son encombrement de carrosses, avec ses charrettes déchargeant leurs livraisons. Le règlement introduit en 1786 au chapitre noble de Nivelles désigne des « chambres de compagnies », lesquelles demeuraient « à portes ouvertes » pour permettre une surveillance feutrée des visiteurs masculins. Les dames du chapitre brabançon y recevaient leurs gens d’affaires et des marchands ou bien y suivaient les leçons de leurs maîtres de danse, de musique, de chant et de dessin28. Il se peut qu’une salle commune conçue comme un lieu de détente, dont il sera question plus loin, ait aussi été à Château-Chalon un espace de réception collectif des visiteurs. Mais c’était ordinairement en la demeure canoniale que ceux-ci étaient reçus. Les réceptions privées égayaient l’existence au chapitre noble. Dans une lettre à une amie du 16 avril 1779, Madame de Gontaud se disait enchantée du souper que lui avait fait servir en sa maison canoniale une chanoinesse de Maubeuge et précisait s’être retrouvée en belle et bonne compagnie. E. M. de Rochefort écrivait dans une missive adressée à la comtesse de Chavigny que, le jour où il était allé rendre visite au chapitre de Poulangy à Madame de Vaudrey, « elle nous retint à dîner ; outre ses trois nièces, il y avait deux dames du chapitre. Madame l’abbesse, priée aussi, n’avait pu venir, ayant du monde29 ». Cette convivialité était également la caractéristique des chapitres nobles féminins du Comté. Malgré l’incertitude et les angoisses du temps révolutionnaire, Joseph Henriette Duc consacra pour l’année 1791 59,2% de ses dépenses à celles de « bouche », le reste étant pour des frais de chauffage, d’éclairage, de blanchissage et de domesticité, le paiement d’un messager et des réparations à sa demeure. Elle se fit livrer cette année-là 51 mesures de blé, d’une valeur de 153 livres et deux muids de vin payés 150 livres. Signe d’un certain raffinement, sa table faisait aussi une place non négligeable à la boucherie, avec 150 livres
27 Cité par Tresch, Histoire de Masevaux…, op. cit., p. 48. 28 J. Freson, Histoire du chapitre…, op. cit., p. 340-341, article 10. 29 H. de Gallier, Filles nobles…, op. cit., p. 88-89.
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dépensées pour de la viande et 44 livres pour du lard. Elle se faisait livrer du beurre, des œufs, du café et du sucre30. En dehors de ces repas privés, les chapitres nobles en organisaient des publics suivis de réjouissances à l’occasion de la réception d’une nouvelle abbesse ou d’une chanoinesse. L’éclat de ces moments festifs était probablement proportionné à la richesse et à la réputation de l’institution, mais également au degré de sécularité de celle-ci. Les réjouissances des chapitres nobles du Comté pour l’admission d’une supérieure pouvaient-elles tenir la comparaison avec la somptuosité de celles données en l’honneur de l’abbesse Charlotte Eugénie de Choiseul Stainville à Saint-Pierre de Metz, le 30 octobre 1760 ? Un dîner de quarante couverts réunit les dames de cette compagnie à celles de Sainte-Marie. Le soir, il y eut des illuminations et un feu d’artifice31. Nos lacunes documentaires ne nous permettent pas non plus de comparer, s’agissant du caractère mondain, la réception d’une chanoinesse dans un chapitre comtois à celle qui marqua l’apprébendement à Épinal de Louise Marie Victoire de Chastenay : un bal fut donné à l’issue de la cérémonie, puis d’autres se succédèrent dans les quatre ou cinq jours où elle demeura au chapitre spinalien. Et de se souvenir que « le plus beau danseur du régiment de Noailles, M. Alexis du Hautoy, âgé de dix-huit ou dix-neuf ans, [la] priait aux plus belles contredanses32 ». L’on doit se contenter d’une unique source pour approcher les pratiques mondaines et festives accompagnant la prise d’habit et la profession de chanoinesses lédoniennes. Il s’agit d’un article paru dans les Nouvelles ecclésiastiques du 24 juillet 1789, célèbre hebdomadaire janséniste. On ne saurait oublier sa partialité, son intention étant de décrier une vie séculière incongrue chez des femmes engagées par des vœux solennels. On y relève néanmoins d’intéressants détails sur les usages qui se mêlent aux cérémonies religieuses : À Lons-le-Saunier (on ignore si cela se pratique ailleurs), chaque chanoinesse le jour de sa prise d’habit et celui de sa profession, fait des cadeaux à toutes les Dames du Chapitre ; elle leur donne un repas et un bal, où, pour rendre le plaisir moins insipide, sont priés les Messieurs et les jeunes Dames de la ville. Comme les vieilles ne peuvent plus danser, et qu’il faut cependant qu’elles partagent le plaisir de la fête, Mad[am]e l’abbesse tient chez elle une Académie de cartes pour elle et les autres que l’âge obligeroit de rester dans l’inaction. Mais il y a long-temps qu’on ne s’étoit si bien amusé que cette année. On avoit d’abord fixé au 16 février le jour de la profession d’une de ces dames : quelques circonstances défavorables empêchant un
30 AD Doubs, L 1576. 31 AD Moselle, H 3926, mémoire relatant la réception et l’installation de l’abbesse Charlotte Eugénie de Choiseul Stainville à l’abbaye de Saint-Pierre (30 octobre 1760) ; cité par É. Lefebvre, Les chanoinesses de Saint-Pierre-aux-Nonnains, Sainte-Marie-aux-Dames et SaintLouis de Metz au xviiie siècle, Mémoire de master 1, Université de Franche-Comté, 2012, p. 70. 32 V. de Chastenay, Mémoires. 1771-1815, Paris, Perrin, 1987, p. 51.
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nombre d’amatrices de s’y rendre ce jour-là, la cérémonie fut remise au 23. Alors on célébra la Messe du Saint-Esprit au son des violons, Mad[am]e fit ses vœux et le soir fut employé, jusqu’à minuit, à solenniser ses noces spirituelles au son des mêmes instrumens, au milieu d’une brillante Jeunesse des deux sexes, tous bien élégans et bien joyeux. Chacun fut tellement satisfait, qu’on s’engagea pour la répétion [sic] du lendemain. Ce second bal égaloit au moins celui de la veille. On se sépara toutefois, non sans regret, un peu plutôt qu’à la première séance33. Au demeurant, l’usage du repas en commun pour clôturer une cérémonie de prise d’habit ou de profession n’était pas réservé aux chapitres nobles. Celui-ci s’était progressivement introduit dans les monastères et couvents traditionnels, apparaissant comme un moment très symbolique de ces rites de passage. Le détail des frais de réception et de profession indique qu’il prenait l’aspect d’un banquet chez certains ordres et congrégations34.
Les modes et les distractions du siècle invitées au chapitre La spécificité des chapitres nobles résidait dans le fait que l’agrément du repas s’y répétait à l’occasion des visites de parents et d’amis, contribuant à la douceur de l’existence canoniale. Des liens étroits et durables étaient maintenus avec le monde extérieur. Discrètement retenu dans les maisons canoniales, le siècle apportait au chapitre ses modes et ses distractions et l’égayait. Au début du xviiie siècle, Marie Françoise Catherine de Beauvau-Craon, qui avait quitté l’abbaye de Remiremont à vingt-trois ans pour épouser le marquis de Boufflers, conservait de son séjour le souvenir agréable d’un temps passé à jouer, à danser, chanter et rire35. Dans ses mémoires, Henriette-Louise de Waldner de Freundstein, baronne d’Oberkirch, familière des cours princières, décrit elle aussi les agréments de son séjour au chapitre noble alsacien d’Ottmarsheim, au début de 1776. Elle avait alors vingt-et-un ans : Madame [Marie-Catherine] de Flaxlanden, abbesse depuis 1757, était une des bonnes amies de ma mère, et chaque année elle demandait à me voir. Je trouvai là de charmantes jeunes personnes parmi les chanoinesses, qui portent toutes le titre de baronnes. On me fit de grandes coquetteries pour me retenir plus longtemps. Ces huit jours se passèrent à nous promener, à visiter les tracés des voies romaines, à rire beaucoup, à danser même, car
33 Nouvelles ecclésiastiques ou mémoires pour servir à l’histoire de la constitution unigenitus pour l’année 1789, Utrecht, J. Schelling, t. 1, p. 120. 34 J.-M. Lejuste, Novices et noviciats en Lorraine du xvie au xviiie siècle, Thèse de doctorat, Université de Lyon 2, 2019, t. 1, p. 260-263. 35 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 48.
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il venait beaucoup de monde à l’abbaye, et surtout à parler de chiffons. On me questionnait fort sur mes toilettes. On portait alors des plumes sur la tête en manière d’édifice ; cela ne seyait qu’aux grandes femmes ; les petites avaient ainsi le menton à moitié chemin des pieds. Les couleurs à la mode étaient d’abord celle que l’on nommait « cheveux de la reine », c’est-à-dire gris cendré, puis un violet brunâtre porté par Sa Majesté, et que le roi avait dit ressembler à une puce. Le nom lui en resta. On variait entre cuisse de puce, ventre de puce, dos de puce. Tout cela est bien français. Madame l’abbesse bonne et spirituelle, bien qu’elle ne fût plus jeune, plaisantait avec nous de ces choses « sérieuses36 ». Ce précieux témoignage révèle non seulement l’intérêt des chanoinesses pour la mode en matière d’habillement, de coiffure et de parure, mais démontre aussi le rôle exercé par leurs visiteurs dans la transmission de ces goûts profanes. Les règlements et le costume imposés aux chanoinesses étaient toutefois conçus pour les dissuader d’une coquetterie que les moralistes chrétiens condamnaient sans concession chez les femmes consacrées à Dieu. Les statuts que le Père Morel, provincial des franciscains, avait accordés en 1710 aux dames de Montigny traduisent cette position : « elles esviterons tous ce qui peut ressentir les modes du siècle qu’elles onts quittées par leurs esta et leur profession, se resouvenant qu’estant espouse de Jésus Christ, elles ne doivent s’estudier uniquement à luy plaire par la décoration de l’intérieur37 ». Dans la vie ordinaire, les chanoinesses du Comté s’habillaient sobrement, « à la séculière38 », leur robe unie noire39 ne les distinguait guère des veuves de condition et s’apparentait à celle des autres dames nobles du royaume. S’agissant de la forme du vêtement en usage à Baume, Dunod de Charnage le décrit avec des manches descendant jusqu’au bas du coude et dépourvues de dentelles. Les épaules et la gorge se trouvaient couvertes d’un collet de toile blanche. Les clarisses étaient ceintes d’un cordon blanc qui les différenciait des dames de Château-Chalon et de Baume, dont la ceinture était noire. Toutes possédaient pour coiffure un simple morceau de toile redoublé d’un crêpe noir qui dérivait du voile des religieuses, les professes à Baume portant la barbette. Ce costume uniforme reflétait bien en définitive la condition de 36 H.-L. Oberkirch, Mémoires de la baronne d’Oberkirch sur la cour de Louis XVI et la société française avant 1789, éd. de Montbrison, Bruxelles, Meline Cans et compagnie, 1834, t. 1, p. 56-57. 37 AD Haute-Saône, H 942, article vii. 38 BGSB, fonds Hugon, mémoire touchant les hôpitaux de noblesse de la province de FrancheComté, première série, t. 6/2, p. 122. 39 Au début du xviiie siècle, elle était encore grise chez les clarisses urbanistes qui marquaient ainsi leur fidélité à l’habit de leur ordre. En abandonnant le port de ce costume, elles voulurent afficher leur intention de se détacher du statut de religieuses et montrer qu’elles étaient des chanoinesses régulières.
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celles qui le revêtaient, car il était plus proche de celui des laïques que des vierges consacrées, évoquant ainsi leur intimité avec le monde, mais traduisant malgré tout l’austérité de leur engagement et contribuant à leur rappeler leur devoir fondamental de chasteté. Si les dames avaient pensé l’égayer par des notes de couleurs diaprées, les règlements leur défendaient cette fantaisie. Les statuts adoptés par le chapitre noble de Lons-le-Saunier en 1771 les obligeaient à être vêtues « modestement, sans blondes40 ni dentelles blanches ni aucun agrément avec du linge ou de la gaze, sans broderie, et jamais de garnitures aux robes, que de même étoffe41 ». En 1763, le pape Clément XIII prohiba aux dames de Migette le velours, le damas et les canons de jais. Son prédécesseur Benoît XIV s’était montré plus généreux envers celles de Château-Chalon, à qui il avait accordé en 1753 le privilège de robes de soie et de laine mêlées ; trois ans plus tard, il avait autorisé que ce costume soit uniquement de soie noire, mais uni, parce que cette étoffe était un attribut de distinction nobiliaire42. Cette sobriété contrastait avec la somptuosité de l’habit de chœur porté aux offices, lors des processions et dans d’autres cérémonies. Ce dernier consistait en un ample manteau à queue traînante, bordé de fourrure blanche pour les dames de Château-Chalon et de petit-gris43 pour celles de Baume, rehaussé d’hermine chez l’abbesse44. En effet, il fallait que l’oraison divine fasse impression et que le vêtement contribue à la magnificence de cette laus divina que les curieux venaient peut-être, s’agissant des institutions comtoises, entendre et admirer, à l’image de ce qui se pratiquait à Remiremont. « Il n’était pas rare de voir des étrangers se presser dans l’église pour entendre la merveilleuse harmonie des chants sacrés, contempler la beauté du lieu, et peut-être de la noble phalange », témoigne Marie-Antoinette de Messey à propos des offices célébrés au chapitre vosgien45. Ces amples manteaux liserés de précieuses pelleteries avaient également pour fonction de rappeler la haute position dans la société et dans l’Église de celles qui les portaient. Une fonction plus triviale était de protéger les dames nobles des courants d’air et du froid lors de leurs stations au chœur.
40 Dentelle exécutée au fuseau, avec de la soie plate et, à l’origine, avec de la soie écrue. 41 BECB, ms. 799, règlement de la noble abbaye de Lons-le-Saunier, chapitre vi, article 4, f. 34v, 35r. 42 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’Ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon dans le Comté de Bourgogne (xviiie siècle), p. 21. 43 Fourrure d’écureuil nordique. 44 La plupart des informations concernant le costume en usage dans les chapitres nobles comtois sont tirées de Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des séquanois…, op. cit., p. 161, p. 174. 45 « Mémoires de Madame la comtesse Marie-Antoinette de Messey, ancienne chanoinesse de Remiremont », in Ch. Chapelier (éd.), Bulletin de la Société Philomatique vosgienne, SaintDié, 1889, p. 253.
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Fig. 9 : Statue funéraire de Marguerite de Neuchâtel († 1549) en grand habit de chœur. Cette dignitaire porte le costume des bénédictines ainsi qu’une guimpe. Un ample manteau doublé d’hermine couvre le dos et les épaules. Si celui-ci subsiste toujours chez les abbesses du xviiie siècle, un costume noir évoquant celui des veuves de condition a remplacé celui de religieuse.
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L’interdiction de porter des bijoux, de sophistiquer la coiffure ou les chaussures était une autre précaution contre les séductions de la mode. Le règlement de Château-Chalon n’autorisait pas les dames à poudrer leurs cheveux46 et celui de Lons-le-Saunier interdisait qu’elles y piquent des fleurs ou des aigrettes47 ou qu’elles aient des souliers chatoyants, lesquels devaient être « de couleur sérieuse qui convienne à leur état48 ». Cette norme visant à écarter les éléments apparents de la séduction et de l’affirmation du rang s’imposait à tous les chapitres nobles de femmes. Les dames de Neuville devaient être habillées « modestement », se couvrir la poitrine, n’avoir « ni or ni argent sur leurs habits ni sur leurs jupes, nulle pierrerie, nulle dentelle », n’utiliser ni fard ni mouche49. Il était enjoint à celles de Saint-Louis de Metz de ne porter que des rubans noirs ou blancs, les étoffes brochées d’or ou d’argent étant proscrites. Si l’on se contentait d’indiquer dans ce règlement tardif, datant de 1781, qu’il ne fallait transgresser dans l’habillement et dans l’apparence « aucune des règles de la modestie, quelque […] puisse être à cet égard l’usage des personnes du monde », il laissait toutefois la possibilité aux chanoinesses résidant à l’abbaye ou à la campagne de porter des habits de couleur, « mais modestes et sans éclat50 ». Les liens entre ce chapitre messin et celui de Remiremont étant étroits, il est possible que cette concession se soit inspirée de l’usage romarimontain de porter en dehors des offices des vêtements civils fréquemment « à la pointe de la mode51 ». Cette dérive mondaine n’y était pas une nouveauté. Au début du xviie siècle, dans un de ses mémoires destinés à réformer l’abbaye vosgienne, son abbesse Catherine de Lorraine reprochait aux dames d’arborer toutes sortes d’habits mondains et somptueux, d’étoffes de soie de toutes couleurs, découpées et ouvertes selon les changements capricieux qui s’en fait pour les femmes du siècle ; les cheveux hauts, relevés, frisés, poudrés, curieusement tressés et accommodés à la façon des coiffures séculières d’ornements et de colifichets de luxe52. Le règlement de 1735 tolérait qu’elles aient hors de Remiremont des habits gris, noirs, bruns, blancs, pourpres ou violets, empêchant cependant qu’ils soient brochés d’or ou d’argent, ni ornés de dentelles. Les dames devaient avoir la gorge couverte, ne pas se maquiller, être « coiffées et habillées modestement ». Les inventaires après décès révèlent malgré tout le raffinement de garde-robes où la soie, le taffetas, le satin et le damas étaient d’usage courant. Les bijoux sont également présents dans les objets inventoriés. Quant aux portraits de 46 AD Jura, 38 H 2, règlement de 1699. 47 Bouquet de pierreries mis sur la tête. 48 BECB, ms. 799, règlement…, Chapitre vi, article 4. 49 Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville-les-Dames…, op. cit., p. 135. 50 AD Moselle, H 4038, Statuts et règlements…, op. cit., p. 45. 51 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 284. 52 AD Vosges, G 897, no 2 ; cité par ibid., p. 284.
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dignitaires ou de simples chanoinesses, ils les révèlent décolletées et en de brillantes toilettes53. Cette mondanisation par le vêtement et l’apparence fut sans doute plus marquée dans les établissements séculiers, où il arrivait assez souvent que l’on remercie son chapitre pour reprendre sa place dans le monde, ce qui n’incitait guère à l’abandon brutal des usages du siècle. S’agissant des compagnies féminines du Comté, quelques portraits de chanoinesses, tel celui de Marie Henriette Simone Bernard de Montessus de Rully, qui fit profession à Migette en 177454, ou trois autres représentant les dames Guyot, religieuses à Montigny55, ne les montrent que dans l’austère costume de leur état. En revanche, une page curieuse datée de 1708, mêlée aux archives du chapitre noble lédonien, jette un doute sur leur contemption du paraître, à moins de n’y reconnaître qu’une simple curiosité pour la cosmétique. Il s’agit d’une recette pour rendre éclatant « le tain » des femmes. À la suite, est une formule « pour faire cheveux noirs aux fames56 ». Si l’on accorde du crédit à l’article paru dans les Nouvelles ecclésiastiques du 24 juillet 1789, les dames de Lons-le-Saunier portaient le noir au chapitre et dans ses environs, mais « le très grand nombre d’elles s’habill[ait] de toute couleur, se par[ait] de toute manière une fois qu’il s’en trouvait à distance, ne se distinguant des femmes du monde que par une croix attachée à leur côté avec un beau ruban57 ». Une illustration de l’immixtion de la mode dans les chapitres nobles comtois est fournie avec Rose Gabrielle Suzanne de Montrichard, révélant dans ce cas précis ses dommages. Procureuse, c’est-à-dire trésorière à Migette de 1769 à 1776, cette chanoinesse fut accusée par l’abbesse de prévarication. Elle voulut se justifier en portant le contentieux devant le bailliage de Salins, prétendant avoir voulu recouvrer sous cette forme des sommes personnelles versées dans la construction de la nouvelle église. Cette chanoinesse était criblée des dettes qu’elle avait contractées chez des marchands de mode. L’un d’eux, Jean-Charles Agniel, modiste bisontin, obtint le 9 mars 1782 de la chambre des requêtes du parlement de Besançon qu’elle lui rembourse 324 livres 15 sols pour des livraisons effectuées en 1778 et 1779 de popeline, de camelot et d’étamine58. Il était grand temps d’étouffer une affaire qui risquait 53 Ibid., p. 285. 54 Ce tableau est conservé au château familial de Rully (Saône-et-Loire) ; voir sa reproduction dans J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, p. 58. 55 Se reporter aux reproductions de ces portraits dans J.-M. Blanchot, Pages d’histoire de la Franche-Montagne. Publication du comité du 250e anniversaire de la reconstruction de l’église de Maîche, décembre 2003, p. 36-37. 56 On y recommande de faire tremper une nuit entière dans du lait de chèvre des flageolets blancs, du pain blanc et une courge verte, et de les mélanger à des graines de melon, des noyaux de pêche et des pignons pilés. Après ajout d’un pigeonneau, l’ensemble doit être distillé au bain-marie, avant d’en enduire le visage. AD Jura, 48 H 8. 57 Nouvelles ecclésiastiques…, op. cit., p. 120. 58 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette…, op. cit., p. 42-43.
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d’entacher la réputation du chapitre : une lettre de cachet du 29 juillet 1783 ordonna la claustration de la dame aux tiercelines d’Arbois, où elle s’amenda par une « conduite très sage59 ». Les chanoinesses des compagnies régulières de Franche-Comté n’étaient donc pas insensibles à l’apparence vestimentaire. Elles n’étaient pas seulement influencées en ce domaine par le monde extérieur avec lequel elles conservaient d’étroits liens. Ce travers relevait aussi du conditionnement de l’éducation, car la noblesse confiait au vêtement comme à la somptuosité d’une étoffe un rôle essentiel dans l’expression du rang et de la domination sociale. Cette proximité avec le monde profane qui s’exprimait aussi bien dans le mode de vie que dans l’apparence, et que les autres institutions ecclésiastiques ignoraient, apportait une grande séduction au statut hybride de chanoinesse puisqu’elle révélait une différence de nature avec les religieuses, qui n’était pas seulement d’ordre spirituel mais aussi d’ordre social. Il n’était pas que la mode qui fût portée par le vent du siècle dans les chapitres nobles. En dépit des devoirs incombant à leur état, les dames disposaient de beaucoup de temps libre bon, ne par couriger s’adonner à des distractions profanes. À condition de ne pas braver la décence, ces activités n’avaient d’ailleurs rien de répréhensible. Le jeu, qui fut une des grandes passions de la société du xviiie siècle, constituait un élément actif de la sociabilité des chapitres nobles. Les théologiens et les moralistes le toléraient60, lui reconnaissant le double caractère positif d’entretenir l’urbanité, la bonne humeur et de ménager un repos nécessaire à l’esprit, positions inspirées de celles de saint Thomas d’Aquin et de François de Sales61. Les chanoinesses de Remiremont n’étaient pas les seules à posséder dans leurs demeures des jeux d’échecs, de dames ou de cartes62. Le logis abbatial de Château-Chalon abritait un espace ludique commun où les chanoinesses pouvaient se retrouver pour converser et jouer, certaines y reprenant leur canevas et leurs travaux de tapisserie. Cette salle de jeux contenait, en 1775, six tables couvertes d’un tapis vert, deux tables à trictrac et un billard. Une commode renfermait les accessoires, jetons et tapis de jeux ; l’inventaire de 1742 mentionnait en outre une paire de quadrilles, ce jeu de cartes dont la vogue se prolongea au xviiie siècle63. Le mobilier du logis abbatial de Montignylès-Vesoul inventorié en 1768 comportait également dans une chambre à
59 AD Doubs, 1 C 444. 60 É. Belmas, « Le jeu dans la société du xviiie siècle », in Traditions et innovations dans la société française du xviiie siècle. Association des historiens modernistes des Universités, 18 (1995), p. 176. ; Id., Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne (xvie-xviiie siècle), Seyssel, Champ Vallon, 2006, 439 p. 61 Th. d’Aquin, Somme théologique, IIa-Iae, q. 168, art 2 à 4. Fr. de Sales, Introduction à la vie dévote, 1619, 3e partie, chap. xxxi. 62 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 274. 63 AD Doubs, 113 H 4.
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Fig. 10 : Portrait de Louise Gabrielle Philippine Joséphine de Froissard de Broissia, chanoinesse de Château-Chalon (Collection particulière – Photographie Philippe de Crécy).
coucher trois tables de jeu avec un tapis vert, ainsi qu’une boîte à quadrille64. Un portrait de Louise Gabrielle Philippine Joséphine de Froissard de Broissia, née vers 1764 et devenue chanoinesse de Château-Chalon, la représente sous
64 AD Haute-Saône, H 942, inventaire du 27 décembre 1768.
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des traits juvéniles, dans sa robe noire, sa croix de profession suspendue à un ruban liseré d’or autour du cou. De sa main droite, elle agite un bilboquet. Ces divertissements fournissaient l’occasion d’observer les éternelles réactions du joueur heureux ou malchanceux. Telle chanoinesse de Migette « est un peu vive dans l’occasion, si elle joue et qu’elle perde, elle est de mauvaise humeur. Son œil de cristal65 y peut contribuer […] » ; chez une autre, « on remarque l’égalité de son esprit dans le jeu où elle est la même dans la perte comme dans le gains66 ». En se livrant à ces distractions, les dames se souvenaient peut-être des prescriptions des moralistes qui réprouvaient leurs effets pervers, les conditionnant au contrôle de soi et à l’économie du temps. Les règlements savaient d’ailleurs insister sur cette exigence, à l’exemple de celui de Saint-Louis de Metz : « Les dames ne joueront que pour se délasser, et jamais à des jeux défendus, ou trop coûteux, ni trop long-temps, ni avec passion67 ». La retenue, la mise à distance du plaisir et des passions que pouvaient procurer ces activités profanes formaient donc l’utile différence attendue du comportement de ces dames nobles en comparaison de celui de laïcs. L’érudite s’adonnait quant à elle aux études de cabinet. Pouvait-elle demeurer indifférente à l’effervescence du siècle en matière de connaissances et de débats d’idées, et ne pas vouloir en faire entrer quelques étincelles au chapitre noble ? Des égarées préférèrent toutefois ce monde extérieur en pleine mutation, sur le plan intellectuel, à la banalité d’une existence de chanoinesse noble, parvenant à s’y rendre célèbres par le bel esprit et leurs talents littéraires. Femme de lettres dont le salon parisien fut fréquenté par Fontenelle, Montesquieu ou Marivaux, Claudine-Alexandrine Guérin de Tencin, dernière née des cinq enfants d’un parlementaire du Dauphiné, entra en 1690 au chapitre noble de Montfleury. Peu après avoir prononcé ses vœux le 25 novembre 1698, elle n’eut de cesse de vouloir les annuler. Elle quitta ce couvent en 1708. D’autres futures femmes de lettres ne firent qu’un séjour éphémère au chapitre noble, leur intention et celle de leur famille étant d’y recueillir un statut considéré. Coiffée à six ans, en 1753, à celui d’Alix, Stéphanie-Félicité Du Crest de Saint-Aubin, qui deviendra par son mariage comtesse de Genlis, n’y séjourna que six semaines. Louise Marie Victoire de Chastenay fut élevée « dans l’idée de l’égalité des hommes, du mépris des vaines distinctions », sous l’influence d’un père philosophe nourri des écrits de Montesquieu et de Rousseau ; par aversion de la tyrannie, la jeune fille méditait les Vies des hommes illustres de Plutarque, Britannicus de Racine et commentait la Constitution d’Angleterre (1771) de Delolme. Elle ne semble pas regretter, dans ses mémoires rédigés entre 1810 et 1817, d’avoir si peu fréquenté le chapitre
65 Il s’agit d’un œil artificiel. 66 BGSB, ms. 2 (vers 1760). 67 AD Moselle, H 4038, Statuts et règlements…, op. cit., p. 47.
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d’Épinal, où elle séjourna quatre ou cinq jours en 1775, à l’âge de quatorze ans, en vue de son apprébendement, n’y réapparaissant furtivement que trois ans plus tard pour briguer sans succès l’abbatiat : « J’ai trop peu connu la vie au chapitre pour me permettre d’en parler […], je ne crois pas que ce fût très amusant68 », confie-t-elle. Il fut également des talents littéraires, ou simplement des femmes cultivées, pour qui le chapitre noble représenta une expérience moins fugitive, et à propos desquelles il convient de se demander ce qu’a pu être la contribution de ces institutions à leur culture souvent plus profane que sacrée. Les chapitres du diocèse de Lyon en fournissent plusieurs exemples. Devenue en 1776 prieure de L’Argentière, Madeleine de Gayardon de Fenoyl plaça sa plume au service de la foi en publiant un livre de piété qui connut plusieurs rééditions au xixe siècle69. Née en 1764, Sophie de Grouchy, devenue par son mariage marquise de Condorcet et reine d’un salon qui se tenait à l’hôtel de la Monnaie, était déjà pourvue d’une éducation très raffinée lorsqu’elle fit un séjour au chapitre de Neuville-les-Dames de 1784 à 1786. Elle y côtoya Marie Françoise Adélaïde, dite Clotilde de Forbin Gardanne, une jeune aristocrate provençale d’un an son aînée. Cette dernière a laissé seize longues lettres adressées à sa sœur Mélanie, à la manière d’une relation d’un voyage qui la mena en 1798, sous le Directoire, de Lyon à Cauterets et d’Avignon à la région de Castellane. Ces missives révèlent son insatiable curiosité et témoignent de sa profonde culture, où l’histoire tient une place privilégiée70. Née le 7 août 1764, Lucile, la quatrième des sœurs de Chateaubriand, avait été reçue au chapitre noble de L’Argentière, avant d’être transférée dans celui de Remiremont71. L’auteur des Mémoires d’outre-tombe rend aux dispositions littéraires de sa sœur le plus vibrant hommage : « La comtesse Lucille, chanoinesse, pourrait être connue par quelques pages admirables ; moi, j’ai barbouillé force papier72 ». Alix des Roys, la mère de Lamartine, tint de 1801 à 1829 un journal intime que publia son fils. Elle avait été coiffée en 1779 au chapitre de Salles-en-Beaujolais. Remiremont abrita également des esprits curieux des idées de leur temps, ou simplement désireux de cultiver le goût des lettres : écrits après la Révolution, les Mémoires de Marie-Antoinette de Messey n’étaient destinés 68 V. de Chastenay, Mémoires…, op. cit., p. 28. 69 M. Fenoyl de, Recueil de prières et réflexions chrétiennes, par Madeleine de F***, abbesse de L’Argentière, Nouvelle édition exactement conforme à celles faites en Suisse sous les yeux de l’auteur, Douillier, Dijon, 1822, iv-340 p. L’édition originale date de 1791. 70 Cl. Forbin Gardanne de, Journal de voyage d’une provençale dans le sud de la France sous le Directoire en 1798 : seize lettres de Clotilde de Forbin Gardanne à sa sœur Mélanie, éd. Fr. Pourcelet, Aix-en-Provence, Éd. de la Dyle, 1995, 224 p. 71 Fr. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, éd. J.-Cl. Berchet, Bordas, Classiques Garnier, 1989, livre 1, p. 9. 72 Fr. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, La Pochothèque, « Classiques modernes », 1973, p. 17 ; l’édition présentée par Jean-Claude Berchet, p. 11, propose pour version : « Une autre de mes sœurs, la chanoinesse, sera connue par quelques écrits admirables ».
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bien modestement qu’à l’instruction de sa nièce, Alexandrine de Messey de Bielle73. Savantes et éclairées, telles furent au siècle des Lumières les quatre filles du comte Joseph-Henri de Monspey, originaires de Vallière, dans le Beaujolais, devenues chanoinesses du chapitre romarimontain. Elles s’entretenaient des expériences de Lavoisier, se passionnaient pour l’œuvre de l’abbé Jean-Antoine Nollet, physicien célèbre, découvreur de l’endosmose et instruit dans les phénomènes de l’électricité, lisaient Buffon, gagnées par l’engouement pour les sciences naturelles. Sacrifiant à la vogue de l’occultisme, elles évoquent Cagliostro, l’illuministe guérisseur, et Mesmer, qui prétendait soigner ses patients par le fluide magnétique. Marie-Louise de Monspey se croyait même un don de medium et commença en 1785 la rédaction de ses Cahiers, qu’elle prétendait d’inspiration divine74. Sa sœur Annette composait des poèmes pour le Journal des Savants75. L’impression que donnent certains chapitres nobles d’avoir été au xviiie siècle des cénacles ouverts aux idées nouvelles n’épargne pas des établissements restés réguliers, tels que Montfleury, L’Argentière, Alix ou Salles-en-Beaujolais. Cette particularité qui contribua à les rendre attractifs n’était pas tant proportionnelle à leur état de sécularité qu’une conséquence de leur recrutement élitiste. Leur permissivité en matière de lectures les différenciait du couvent traditionnel, où celles-ci étaient filtrées et restreintes par la norme, cette limitation s’accentuant à partir des années 173076. La norme était aussi censée régir les lectures des chanoinesses nobles. À l’image de celui de Château-Chalon, la plupart des règlements interdisaient d’appréhender des « livres suspects, romans ou autres77 ». Toutefois l’abbesse d’un chapitre noble ne disposant pas d’un pouvoir de contrôle et de coercition aussi étendu que dans les couvents traditionnels, cette défense devait y revêtir un caractère assez formel. Le témoignage d’une des compagnes à Montfleury de Mademoiselle de Tencin, recueilli dans l’enquête menée à l’aube du xviiie siècle par l’officialité pour l’annulation de ses vœux, révèle qu’il lui arriva souvent « de porter à l’office d’autres livres que son bréviaire78 ». Les ouvrages profanes, en dehors des romans regardés avec une certaine suspicion, devaient bénéficier dans ces institutions d’une relative indulgence. Décédée le 23 janvier 1734, chanoinesse de Remiremont, Henriette de Pouilly de Lançon possédait une riche bibliothèque. Si la littérature spirituelle y venait tout naturellement en bonne
73 « Mémoires de Madame la comtesse Marie-Antoinette de Messey, art. cit. », p. 241-268. 74 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 289. 75 Fr. Haudidier, « Portraits de chanoinesses », in Remiremont, l’abbaye et la ville, Nancy, 1980, p. 155-157. 76 F. Henryot et Ph. Martin (éd.), Les femmes dans le cloître et la lecture : xviie-xixe siècle, Beauchesne, 2017, 684 p. 77 AD Jura, 38 H 2, règlement de 1699. 78 AD Isère, G 501 ; cité par J. Sareil, Les Tencin. Histoire d’une famille au dix-huitième siècle d’après de nombreux documents inédits, Genève, Droz, 1969, p. 31.
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place, on y trouvait aussi des livres d’histoire, de géographie, de médecine et des récits de voyages. Moins conventionnelle, très curieuse du mouvement philosophique, sa consœur Marie Constance de Lentilhac légua en 1745 à l’écolâtre du chapitre « les ouvrages de Locke, Pope, Pufendorf et Voltaire79 ». Les chapitres de dames nobles du Comté étaient donc bien environnés pour s’inspirer de cette ouverture de l’esprit sur le monde. Alexandre Borrot prête à celui de Baume-les-Dames des réunions mondaines « à la manière de ces salons parisiens qui faisaient la renommée de Madame Geoffrin, de Madame du Deffand ou de Mademoiselle de Lespinasse80 ». Louis Dollot lui fait écho en situant plus précisément cette prospérité sous l’abbatiat d’Angélique Perronne du Mouchet de Battefort de Laubespin (1773-1787)81, qui aurait enrichi la bibliothèque capitulaire et transformé son abbaye en « salon parisien en réduction82 ». Ce fut près de cette ville, sur la rivière du Doubs, que Claude de Jouffroy d’Abbans expérimenta pour la première fois, en juin 1778, son bateau à vapeur, dont l’invention est souvent improprement attribuée à l’Américain Fulton. L’ingénieur aurait bénéficié dans son entreprise du soutien financier de sa sœur, Anne Élisabeth Alexandrine, chanoinesse de Baume, et peut-être même de celui d’une majorité du chapitre noble. Aucun document tangible n’autorise cependant de telles affirmations. L’abbaye ne disposait même pas d’une bibliothèque. Ces assertions décrivent la prégnance attachée à ces institutions du brio intellectuel que leur prêtèrent les historiens, faisant écho à ces « salons permanents » qu’Hippolyte Taine avait cru le premier découvrir en elles. Si la plupart les chanoinesses de Franche-Comté ne pouvaient probablement prétendre à ce raffinement intellectuel qu’on leur a supposé, un certain nombre d’entre elles occupaient assidûment leur oisiveté à la lecture. Nous n’avons pas décelé de bibliothèque commune dans les sources conservées, dont il convient de rappeler qu’elles sont d’une grande rareté pour certains des chapitres considérés. Une évocation des dames de Migette, adressée vers 1760 à l’archevêque de Besançon, précise que Thérèse Charlotte Gabrielle Pillot de Chenecey « aime la lecture et le travail à peu près comme Madame du Magni » et que les sœurs de Saint-Mauris « s’occupent à la lecture et autre travail83 ». L’auteur de ce document ayant vraisemblablement pour mission de faire part de la conduite morale des dames du chapitre jurassien, ces lectures étaient pieuses, d’édification. Anne Catherine Lefèvre d’Ormesson, abbesse de Montigny, dont l’abbatiat ne dura pas un an du fait de sa mort prématurée en
79 P. Heili, « Les testaments des dames de Remiremont », Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, Paris, 1998, p. 155-178. 80 A. Borrot, Histoire de Baume-les-Dames des origines à 1914, Besançon, Cêtre, 1978, p. 81. 81 Elle fut reçue à l’abbaye de Baume le 30 avril 1736 et y fit profession le 9 mai 1746. Nommée abbesse de Baume le 9 mars 1773, elle y mourut le 6 mars 1787. AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137. 82 L. Dollot, Folles ou sages : les abbesses de l’ancienne France, Paris, Perrin, 1987, p. 215. 83 BGSB, ms. 2.
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1768 d’une fluxion de poitrine, possédait une bibliothèque personnelle dans sa demeure abbatiale. Si la plupart des livres qui la composaient portaient sur des sujets religieux, à l’image du Traité de l’amour de Dieu de François de Sales ou des Élévations à Dieu sur tous les mystères de la religion chrétienne de Bossuet, cette fille d’un intendant des Finances et conseiller d’État84 semble avoir également développé une curiosité pour la géographie, ainsi que pour la littérature du Grand Siècle dont elle possédait les Œuvres du poète Boileau et Les Caractères de La Bruyère85. Françoise Élisabeth de Watteville, abbesse de Château-Chalon, montrait sans doute l’exemple en matière de lectures édifiantes, puisque l’inventaire de 1775 mentionne dans sa chambre quelques livres de piété, parmi lesquels on n’est pas surpris de rencontrer une Imitation de Jésus Christ et une autre de la Vierge86. L’univers canonial noble comtois eut lui aussi sa part de « savant[e]s jusqu’à l’A .B.C.D.87 » et de sottes. Madame de Virremont, à Migette, était jugée « un peu foible d’esprit quoique sans malice, à peine sçait-elle et peut-elle dire son office ». Un observateur apprécie sans pitié les capacités intellectuelles de Madame de Belot Mauvilly, chanoinesse de Baume-les-Dames : « Elle a 33 ans, elle a peu d’esprit, et ne scait pas dire quattre mots88 ». On ne saurait toutefois cautionner un point de vue aussi excessif que celui de Cernesson, qui affirmait sans aucun fondement au début du xxe siècle qu’aucune des clarisses de Lons-le-Saunier « n’aurait été capable de tenir un livre et de se plaire aux productions littéraires du Grand Siècle. Les savantes étaient en état d’épeler, en suivant du doigt les grosses lettres du bréviaire […]. Il est manifeste que la plume d’oie était un instrument de torture entre les mains de nos chanoinesses89 ». Agrément de la société civile et des salons, le bel esprit, surtout quand il se faisait caustique, était blâmé des gens d’Église, dont les réticences nous font sentir les particularités mondaines de la vie et de la culture des dames nobles. L’ecclésiastique qui dressa, vers 1760, le portrait des sœurs de Saint-Mauris, à Migette, remarque qu’« elles brillent assez dans les compagnies », mais aussi qu’elles « ont beaucoup d’esprit, dont quelquefois la vivacité se fait sentir90 ». Les chapitres de dames nobles de Franche-Comté étaient donc au xviiie siècle à l’image de bien d’autres, demeurés indifférents à l’engouement de la société civile pour les choses de l’esprit. À propos de celui d’Épinal aux xviie et xviiie siècles, Françoise Boquillon constate que seulement trois
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Elle était la fille de Marie François-de-Paule Lefèvre d’Ormesson. AD Haute-Saône, H 942, Inventaire du 27 décembre 1768. AD Doubs, 113 H 4. Extrait d’une satire en vers écrite par Pierre Adamoli (1707-1769), antiquaire et receveur de péages, adressée en 1744 aux chanoines nobles de Lyon ; cité par le chanoine Alph. Sachet, La Croix des chanoines-comtes de Lyon 1722-1793, Montbrison, E. Brassart, 1896. 88 BGSM, ms. 57. 89 J. Cernesson, « L’abbaye de Sainte-Claire de Lons-le-Saunier », Le Vieux Lons, 1910, p. 14. 90 BGSB, ms. 2.
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chanoinesses y possédèrent quelques ouvrages91. La curiosité pour le savoir profane tolérée dans certains d’entre eux fit néanmoins oublier la léthargie des autres en la matière, et favorisa la croyance que toutes ces institutions étaient dispensatrices d’une éducation soignée. Comme nous le verrons, ce fut loin d’être le cas, mais cette idée reçue eut pour conséquence d’accentuer l’intérêt qu’on leur portait. * * * « Le soin de la parure, les recherches de la coquetterie, l’usage des couleurs empruntées, les festins, les jeux des cartes, les visites, les assemblées de plaisir au-dedans et au-dehors, tout est permis à ces Dames », s’étonnait l’auteur de l’article paru le 24 juillet 1789 dans les Nouvelles ecclésiastiques92 au sujet des chanoinesses de Lons-le-Saunier. Si les dames des chapitres nobles pouvaient aisément fréquenter la société civile, l’autonomie dont elles jouissaient leur donnait aussi la possibilité d’introduire cette société dans leurs demeures canoniales. Ces habitudes fort peu canoniques s’épanouirent avec la généra lisation de maisons conçues à l’imitation de celles du siècle. Au contact de laïcs conviés chez elles, les chanoinesses pouvaient s’informer des modes et des idées en circulation dans le monde et adopter ses divertissements. Cette autonomie, privilège de leur condition, leur était fort enviée et contribua au succès rencontré par ces institutions. Il demeurait toutefois des limites à ne pas franchir à cette mondanisation de la vie canoniale, que rappelaient les règlements et qu’imposait le port d’un costume sobre, austère. Les chanoinesses n’avaient le droit de contrevenir à la modestie et à la discrétion de ce costume que lorsqu’elles en revêtaient un autre très somptueux pour chanter la louange de Dieu à l’église ou bien processionner, formé d’un ample manteau de chœur évoquant leur rang privilégié. Une marque fort visible de l’immixtion du monde dans ces instituts était l’importance concédée à la sociabilité du jeu. Si un certain nombre de chanoinesses surent également développer une curiosité pour le savoir profane et les débats d’idées de leur temps et s’essayer parfois à des écrits qui furent rarement placés au service de la religion, il ne paraît pas que les chapitres de Franche-Comté aient accueilli beaucoup de ces femmes savantes. Les précautions prises pour limiter ou empêcher les travers mondains des dames nobles n’eurent guère d’efficacité, les établissements séculiers étant probablement plus exposés à cette dérive. On pouvait donc être dame d’un chapitre noble et souhaiter s’informer des dernières modes à la cour en matière de toilette, rechercher au chapitre l’honorabilité et même une certaine forme de sanctification, tout en ne renonçant pas aux divertissements et à la futilité
91 Fr. Boquillon, Les dames du chapitre Saint-Göery d’Épinal aux xviie et xviiie siècles, Mémoire de maîtrise, Université Nancy II, 1975, p. 171-172. 92 Nouvelles ecclésiastiques…, op. cit., p. 120.
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du monde. Cet équilibre instauré entre vie profane et vie consacrée était conforme aux attentes de bien des contemporains en matière d’engagement spirituel, il concédait également une liberté à laquelle peu de femmes pouvaient prétendre au xviiie siècle. Mais en ne demeurant pas suffisamment à distance du siècle, certaines chanoinesses ne risquaient-elles pas d’embarquer sur quelque Cythère interdite et de s’y perdre ?
Chapitre viii
Les dangers du monde
Après s’être surpris de l’existence si oisive et si libre des chanoinesses lédoniennes, l’auteur de l’article publié dans les Nouvelles ecclésiastiques du 24 juillet 1789 en suggérait les conséquences sur leurs mœurs : L’abbesse et l’ancien évêque d’Évreux, qui habite à Lons-le-Saunier1, tiennent, à raison de leurs places, plus d’assemblées que les chanoinesses. Mais celles-ci, quand elles en ont le goût et le moyen, invitent également à leur tour ; ce qui forme un cercle continuel d’amusemens entre les Dames et les personnes de la ville de l’un et de l’autre sexe, qui sont enchantées des agréables passe-temps que le Chapitre leur procure. Les Officiers sur-tout s’en félicitent. Ils désireroient avoir souvent des garnisons comme celles de Lons-le-Saunier et des autres villes, où il y a des Chapitres de chanoinesses2. Il était fréquent que l’on ironise au xviiie siècle sur la légèreté de mœurs des chanoinesses nobles. Faut-il y voir une manière de répondre au mépris de ces personnes altières, imbues de l’excellence de leur race ? On ne saurait en douter, dans l’exemple que nous venons de citer, s’agissant du collaborateur d’un hebdomadaire en passe de devenir l’instrument de la cause révolutionnaire. Par ses propos égrillards, blessants, la société entendait également blâmer une autonomie féminine qui insultait les rapports de sexes, et censurer la puissance dont jouissaient ces femmes3. Toutefois, cette familiarité entretenue avec le
1 Il s’agit de Louis Albert de Lezay-Marnésia, nommé évêque d’Évreux en 1759, qui se démit de son évêché en janvier 1774. Cette maison de noblesse chevaleresque, originaire du Grandvaux, aux confins de la Suisse et de la Franche-Comté, plaça plusieurs de ses membres dans les chapitres nobles comtois au xviiie siècle. Louis Albert fut lui-même reçu à l’âge de sept ans à celui de Baume-les-Moines le 9 mai 1715. [AD Jura, 1 H 42, inventaire de ses preuves de noblesse]. Ses attaches avec Lons-le-Saunier étaient grandes, puisqu’il y naquit le 3 février 1708, fut baptisé le 12 juin à l’église Saint-Désiré et devait mourir dans cette ville le 1er juin 1790. Il fut inhumé au couvent des capucins. [M. Veyre, La maison de Lezay-Marnésia (1240-1884), Strasbourg, éd. Sébastien Brant, 1958, p. 23]. 2 Nouvelles ecclésiastiques…, op. cit., p. 120. 3 Le manque de considération pour ces femmes ne se borne pas aux propos égrillards de la littérature, mais se manifeste également par des outrages verbaux à leur encontre, de la part de leurs dépendants. Il est probablement révélateur que ces actes n’aient affecté que les chapitres féminins et non ceux d’hommes de la province. En 1699 Antoine Lallemand, de Levier, et les frères Jean-Baptiste et Claude Relier, laboureurs, se rendirent coupables d’injures envers les religieuses de Migette. La réparation se fit à l’amiable, les trois mis en cause devant implorer pardon tête nue et à genoux [AD Doubs, 118 H 2]. L’abbesse de Château-Chalon révéla moins de magnanimité à l’égard d’un dénommé Lacroix qui, pour
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siècle, alliée à une certaine oisiveté n’était-elle pas réellement corruptrice ? La réputation de ces institutions ne risquait-elle pas d’en souffrir, et cet âge d’or qu’elles rencontraient d’être remis en cause ? Les frères Goncourt livrent une belle leçon de critique historique à propos du jugement que la postérité est en droit de porter sur les mœurs conventuelles, et mettent en garde contre le prisme déformant de la littérature : Il faut qu’à chaque pas l’historien dégage des préjugés, demande aux faits, restitue à l’histoire l’aspect véritable, le caractère, la destination, les habitudes, les mœurs des communautés religieuses. Le roman a tout dénaturé, tout travesti : après avoir peuplé par des vœux forcés le couvent du dix-huitième siècle, […] [il] le remplit de scandales. […] Rien de plus faux, rien de plus contraire à la réalité des choses4. Quelques décennies plus tard, Humbert de Gallier renchérit : « En faisant des chanoinesses les héroïnes de tant de petits contes polissons, la littérature se divertit aux dépens de la vérité5 ». Avant de préciser si leur statut ambigu était de nature à altérer leur bonne réputation, et d’en considérer les effets sur l’attrait de ces institutions, il nous faut rapporter ces dérives où furent menées quelques chanoinesses et décrire les garde-fous mis en place pour les en protéger. Nous avons conscience de l’incomplétude d’une démarche qui ne peut rendre compte des liaisons clandestines ni des fautes étouffées par des compagnies peu disposées à les publier.
Des dames nobles sous surveillance Les mœurs et les fréquentations des dames nobles étaient livrées à une surveillance étroite par leur communauté même, ce qui leur permettait d’échapper à celle du clergé masculin. La disposition de leurs demeures facilitait ce contrôle : celles-ci étaient en vis-à-vis et agencées de façon à ceindre la cour commune. Les fenêtres des maisons regardaient essentiellement sur cette cour. Il fallait l’emprunter pour se rendre d’une demeure à l’autre ou à l’église, si bien que les allées et venues des dames ne pouvaient échapper à la curiosité ou bien à la suspicion des résidentes du chapitre. La cour n’était en principe en communication avec l’extérieur que par une seule issue, le flux entrant ou sortant des visiteurs et des chanoinesses se trouvant ainsi aisément contrôlable. Cette discrète surveillance établie dans l’enceinte du chapitre se prolongeait à l’extérieur avec le chaperonnage des plus jeunes.
lui avoir manqué de respect, fut frappé d’une lettre de cachet et enfermé au château de Joux, en septembre 1777 [AD Doubs, 1 C 444, intendance de Franche-Comté. État des personnes détenues par ordre du roi à la suite d’une lettre de cachet]. 4 E. et J. de Goncourt, op. cit., p. 14-15. 5 H. de Gallier, Filles nobles…, op. cit., p. 97.
l es dange rs d u mo nd e
Les règlements donnaient pouvoir de sanctionner les dames qui avaient fauté : l’article 44 du coutumier de l’abbaye de Baume autorisait l’abbesse à « calanger6 » en assemblée capitulaire celle qui en serait venue à s’oublier de telle sorte qu’elle commît quelq. actions scandaleuses. […] Il seroit délibéré si le cas mérite de luy oster son rang, le droit de prendre une nièce si elle n’en a point et de n’avoir point de voix au chapitre, ce qui sera délibéré à la pluralité des voix7. Cette surveillance ne se relâchait pas durant le séjour dans le monde de la dame noble. C’était alors sa famille, que hantait l’opprobre du déshonneur, qui en prenait le relais. La rumeur était prompte à fustiger les comportements suspects ou scandaleux, à plus forte raison lorsqu’ils étaient soupçonnés ou découverts chez des supérieures dont on attendait que la conduite fût exemplaire. Le scandale provoqué en 1704 par le comportement de Françoise de Thyard de Bissy, abbesse de Baume depuis vingt ans, en est l’illustration : celle-ci recevait régulièrement dans sa maison de campagne de Mathay, près de Montbéliard, et sous les yeux des dames en son abbaye, le chanoine Brochan, de Notre-Dame de Paris. Une lettre anonyme adressée à l’intendant de Franche-Comté dévoila cette liaison. Informé à son tour, l’archevêque de Besançon voulut morigéner discrètement les fautifs en avertissant le frère de l’intéressée, alors évêque de Toul, et en pensant qu’une admonestation du cardinal de Noailles, archevêque de Paris, ou du père de La Chaise, confesseur du roi, à l’endroit du chanoine pourrait suffire à étouffer l’affaire8. La délation s’opérait sans doute plus promptement si un laïc se trouvait compromis dans le scandale, à plus forte raison s’il s’agissait d’un militaire. Dames de Montigny, en 1750 Béatrice et Marie-Louise de Klinglin furent dénoncées après qu’elles eurent été surprises en la galante compagnie d’un major des dragons, à Belfort, où elles faisaient étape dans une auberge, sur la route qui devait les conduire dans leurs terres alsaciennes. Elles furent contraintes de regagner en toute hâte leur chapitre pour tenter de couper court aux rumeurs déshonorantes. Une enquête les innocenta9. L’âge avait amené à la tempérance Madame de Lallemand de Vaite, chanoinesse de Migette. Écrit dans la décennie 1760, un rapport à son sujet indique que : « si, dans la force de sa jeunesse, elle a[vait] donné occasion de reprendre et blâmer sa conduite, on peut dire que depuis plus de vingt ans elle
6 Calanger : régionalisme signifiant « poursuivre pour un délit » ; P. Delsalle, Lexique pour l’étude de la Franche-Comté à l’époque des Habsbourg (1493-1674), Besançon Presses universitaires de Franche-Comté, 2004 (Didactiques), p. 58. 7 Mémoire responsif…, p. 58 ; BnF ms. 8704, n.a.f., coutumier…, op. cit., f. 212r. 8 B. Alis, Les Thiard, guerriers et beaux esprits, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 37-38 ; Archives du Service Historique de l’Armée de Terre, A1/1759. 9 J.-Fr. A. Vannier, Histoire de l’abbaye royale de Montigny-lès-Vesoul, Vesoul, 1877, p. 98-100.
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a fermé la bouche aux langues médisantes par sa conduitte assez régulière10 ». La réprobation publique pouvait suffire quelquefois à corriger une inconduite. Les familles, elles aussi, ne se faisaient pas scrupule d’employer l’arme de la délation pour s’épargner le déshonneur, suppliant le monarque, leur père et juge suprême, de sanctionner le comportement déviant de l’un des leurs. Les archives comtoises révèlent une prise en compte attentive des conflits de plus de 270 d’entre elles par la monarchie absolue. Ces documents ont permis de saisir la crise profonde née de la confrontation entre l’intérêt familial et les aspirations individuelles11. Âgée de vingt-trois ans, n’ayant pas encore fait profession en l’abbaye noble de Lons-le-Saunier, Mademoiselle de Bancenel fut dénoncée dans une lettre datée du 20 septembre 1777 à l’archevêque de Besançon par sa mère qui, après avoir exposé ses griefs, réclamait que cette fille déviante quittât l’habit de chanoinesse et fût détenue dans un couvent : […] Une de mes filles, chanoinesse au chapitre de Lons-le-Saunier, avoit depuis longtemps un conduite peu régulier. Mes représantations non pu y aporter aucun changement et enfin elle vien de mettre le comble a ma doulheur, par un intrigue avec un petit bourgeois le plus mauvais sujet de cette ville, homme marié depuis peut, dont elle avoit le porteroit [portrait] et avec qui elle a eu des randevous tout leté a catre heur du matin. Vous ne desaprouverés je crois, Monseigneur, la résolutions que j’ai prise ainsi que mr de Bancenel de luy faire quiter labit de chanoinesse et de la lesser meurir [mûrir] quelque tems dans un couvent12 oú elle cest enfuit lorsque cete derniere galanterie a eté découverte, pour ce soustraire a la corections de son père, vous ayent Monseigneur fait demander a cet effet une permission avec laquelle elle est decampé un matin sans que nous nous en doutions, en me lessant une lettre où elle avoue une partie de ces sotise, et renonce a son état de chanoinesse. Ensuite elle nous a mandés quelle vouloit sortir du couvent et aller à son chapitre où elle est lorsqu’elle y va en pensions ché madame labesse, qui dans cette facheuse circonstance cest comporté for singulierement. Je ne puis, Monseigneur, avoir l’honeur de vous en dire davantage dans cette lettre, quoiquil soit esanciel que tout les details vous sois connu. Des raisons particulier mimpose cette loy […]13. Les rappels à l’ordre et les sanctions familiales se révélèrent inefficaces pour ramener à résipiscence cette personnalité bien romanesque. Trois ans plus tard, son père sollicitait contre elle une lettre de cachet14.
10 BGSB, ms. 2, documents divers sur les chapitres nobles de Franche-Comté. 11 J.-M. Jandeaux, Le roi et le déshonneur des familles. Les lettres de cachet pour affaires de famille en Franche-Comté au xviiie siècle, Paris, École des chartes, 2017, 534 p. 12 Les visitandines de Salins, dans le Jura. 13 BGSB, ms. 2. 14 BGSB, ms. 10 (4).
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La dénonciation d’égarements moraux n’était pas toujours motivée par le seul besoin de préserver d’un scandale latent l’honneur d’une famille ou la réputation d’un chapitre ; elle pouvait recéler d’obscures raisons. Anne Philippe Béreur de Sainte Ylie avait été reçue au chapitre de Lons-le-Saunier le 28 octobre 1726, en même temps que sa sœur aînée. Elle prononça ses vœux le 6 octobre 1735. Achetée et meublée par leur père, la demeure qu’elles eurent bientôt à partager avec une cadette allait être l’objet de leur litige : afin de s’en attribuer la jouissance exclusive, Anne Philippe intenta une procédure au bailliage de Lons-le-Saunier. Dans l’intervalle, l’abbesse avait requis contre elle une lettre de cachet, de concert avec la famille et le visiteur provincial. On l’accusait d’entretenir depuis dix ans d’incessantes intrigues galantes. La chanoinesse fut arrêtée le 31 décembre 1751 et détenue au couvent des ursulines de Flavigny en Bourgogne15. La correctionnaire tint à se défendre, dénonçant dans ses suppliques adressées au roi un complot familial. Finalement, sur les instances de sa tante en religion, Madame de Menthon, elle put réintégrer l’abbaye lédonienne après un éloignement forcé de six années, mais fut de nouveau internée au couvent des ursulines de Nozeroy par suite d’une lettre de cachet. Elle devait y trouver la mort en 1770, six mois après son arrivée16. La fréquentation du siècle n’était pas seulement risquée par le fait qu’elle exposait aux tentations de la chair ; elle pouvait porter au mépris de la pauvreté religieuse. Le train de vie devenait plus onéreux lorsqu’on s’attardait dans le monde, ce qui n’était pas sans conséquences chez une chanoinesse désargentée. Nous avons évoqué ce qu’il coûta à Rose Gabrielle Suzanne de Montrichard d’avoir cédé à des goûts vestimentaires dispendieux. Vers 1770, une dame de Jouffroy, chanoinesse de Baume de cinquante-six ans, était jugée n’avoir « point de conduitte et beaucoup de dettes17 ».
Une conscience vive des devoirs de son état Il n’y avait pas que le regard d’autrui qui puisse inciter les dames nobles au respect de leurs devoirs. Elles étaient hautement conscientes que la noblesse ne se définissait pas seulement par la naissance et l’hérédité, mais également par la vertu18. Il fut fréquent, au xviiie siècle, dans un contexte d’interrogations sur l’essence de la noblesse et sur la légitimité de ses prérogatives et de son
15 ADD, 1 C 444, intendance de Franche-Comté : état des personnes détenues par ordre du roi, ensuite de lettres de cachet, 1755-1787. 16 J. Finot, « Notice historique sur l’abbaye royale ou chapitre noble des dames de SainteClaire de Lons-le-Saunier pendant le xviiie siècle », Revue nobiliaire héraldique biographique, 2 (1877), p. 487-489. 17 BGSB, ms. 57. 18 Se reporter au chapitre 7, « Les nobles face à leur conscience », de M. Bernos, Les sacrements dans la France des xviie et xviiie siècles. Pastorale et vécu des fidèles, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2007, p. 82-90.
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rang, que l’on évoque cette intimité qu’elle entretenait depuis ses origines avec la vertu. « Toute noblesse tire son origine de la vertu », cet état « élève l’âme et fomente les vertus, en rendant plus sensible à l’honneur qu’aux biens corporels », affirmait l’Allemand physiocrate Jakob Mauvillon (1743-1794)19. Gilles André de La Roque la définissait comme la transmission séminale d’une inclination aux « choses honnêtes ». Lieu commun, alors, que la croyance en cette excellence biologiquement transmise, qui justifiait l’estime, les honneurs rendus au second ordre, mais qui l’obligeait aussi à s’en rendre digne. Cette idée n’était pas neuve, elle avait traversé toute la période moderne20, mais devait prendre de l’importance au xviiie siècle, dans un contexte de contestation de la société d’ordres. Chanoine du chapitre métropolitain de Besançon, l’abbé François Xavier Talbert précise en 1754 que le privilège de la noblesse, loin de dispenser d’une éthique ceux qui en jouissent, « les y dispose au contraire, en leur rappelant qu’elle a été la source de leurs prérogatives21 ». « Sans la vertu, personne n’est réellement estimé, et le rang et les titres mêmes ne font respecter qu’autant qu’ils sont les preuves présomptives du mérite », insiste Mauvillon22. Nobles et d’Église, les chanoinesses se devaient d’allier aux vertus de leur ordre celles que magnifiait le christianisme. Qu’elles défaillent de l’excellence morale qu’on attendait qu’elles incarnent, et leur faute n’en serait que plus remarquée et réprouvée. « Apprenez qu’un gentilhomme qui vit mal est un monstre dans la nature, que la vertu est le premier titre de noblesse », lance Don Luis à son fils Don Juan. Le péché n’était pas seulement un oubli de soi, mais une atteinte à l’ordre social et aux valeurs le cimentant. Aussi la dénonciation des manquements d’une chanoinesse devait être perçue comme une nécessité pour que se perpétue l’équilibre de la société. Ce fut peut-être paradoxalement dans le monde profane, chez la multitude des Sganarelle prompts à mépriser le « grand seigneur méchant homme » et la chanoinesse indigne, que les dames nobles rencontrèrent les garde-fous les plus efficaces contre les tentations du siècle. Leurs devoirs de chrétiennes ne devaient pas seulement s’ajouter à ceux qu’imposait leur rang, le clergé attendait qu’ils prévalent sur ceux-là. C’est sous cette condition qu’on saurait passer outre la non-canonicité de
19 J. Mauvillon, Paradoxes moraux et littéraires, Amsterdam, J. Schreuder, 1768, p. 435, p. 486-487. 20 N. Le Roux, « L’épreuve de la vertu. Condition nobiliaire et légitimation de l’honorabilité au xvie siècle », in J.-Ph. Genet (éd.), La légitimité implicite, Paris–Rome, Éditions de la Sorbonne, 2015, p. 57-72. 21 R. Tisserand, Les concurrents de Jean-Jacques Rousseau à l’Académie de Dijon, pour le prix de 1754. Thèse complémentaire pour le doctorat, Paris, Boivin, 1936, p. 146. L’auteur y reproduit le morceau présenté par Talbert, publié sous le titre : Quelle est la source de l’inégalité parmi les hommes ; si elle est autorisée par la loi naturelle. Ce discours remporta le prix de l’académie de Dijon en 1754. 22 J. Mauvillon, Paradoxes moraux…, op. cit., p. 424.
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l’état de chanoinesse. Cette injonction morale figurait à la fin de l’Ancien Régime dans les observations préliminaires des statuts du chapitre noble de Saint-Louis de Metz. Elle aurait pu aussi bien s’adresser aux chanoinesses de Franche-Comté : Les Dames du Chapitre de Saint Louis ne doivent jamais oublier que la noblesse des fonctions édifiantes qui les associent en quelque sorte aux Ministres de la Religion, l’emporte infiniment sur celle de leur extraction, quelque distinguée qu’elle puisse être, et que, vivant des revenus de l’Église à l’ombre des Autels, elles doivent concourir à la consolation de cette mère commune des fidèles, par une conduite qui apprenne à tous ses enfans qu’il n’est pas impossible, comme plusieurs se le persuadent faussement, d’être du monde, et de ne point vivre de la vie du monde23.
Un bilan Les compagnies nobles féminines comtoises eurent donc leurs fautives ou celles qui étaient soupçonnées de l’être. Les chanoinesses nobles étaient plus exposées que les religieuses traditionnelles à la dénonciation de leur inconduite, parce qu’elles fréquentaient le monde et qu’elles étaient autorisées à côtoyer l’autre sexe. Ces chapitres nobles ne diffèrent pas sur ce point de tant d’autres que vint troubler le scandale, mais dont les conséquences furent dans certains cas plus dramatiques. En 1687, une dame d’Épinal accoucha d’un enfant et dut se démettre de sa prébende. En 1711, Madame d’Ulm, à Remiremont, étouffa le fruit d’une liaison contractée avec un jeune médecin. Les autorités s’efforcèrent de tenir secret l’infanticide, la dame fut décoiffée et discrètement placée quelque temps dans un couvent, puis rendue à sa famille. En 1765, une liaison amoureuse entraîna au suicide Madame de Béthisy, chanoinesse de Poussay24. Ces défaillances sont toutefois l’exception, et l’impression demeure, à la lumière de sources secondaires et primaires, de la bonne tenue morale et spirituelle de ces maisons. Datant du début du xviiie siècle, un mémoire concernant les chapitres nobles de Franche-Comté souligne qu’« on vit dans les monastères avec assés de retenüe, et rarement on s’apperçoit de quelque désordre25 ». La plupart de leurs membres semblent y avoir vécu paisiblement, dans une atmosphère de piété, comme l’indique un document datant du début des années 1760, qui dresse le portrait moral des dames de Migette. Pour ne s’arrêter qu’à quelques personnalités, « Madame de Champagne est fort sage et pieuse, presque toujours d’un air modeste et grave, assez zélée pour le culte 23 AD Moselle, H 4038, Statuts…, op. cit., p. 4. 24 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 286, p. 298, n. 44. 25 BGSB, fonds Hugon, première série, t. 2, 2, Mémoire touchant les hôpitaux de noblesse de la province de Franche-Comté, p. 127.
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divin et le bon ordre ». Madame de Crecy « est une sainte fille et une exemple de vertu dans cette abbaye depuis sa jeunesse ; patience, humilité, soumission, régularité parfaite a ses devoirs font son caractère ». Telle autre est « d’un caractère doux, affable, accomodant, sage, remplissant ses devoirs spirituels avec assez d’exactitude ». Un document du même ordre, écrit une dizaine d’années plus tard, confirme à propos des chanoinesses de Lons-le-Saunier l’impression d’une communauté vivant dans un équilibre moral et spirituel, laissant même s’épanouir quelques modèles de piété : Madame des Arsures « est une sainte, toute intérieure et toujours en Dieu », Madame d’Affry est « fort vertueuse, respectée universellement, regardée en notre ville comme la mère des pauvres26 ». Quelques décennies plus tôt, Jeanne Gabrielle de Moustier, admise chez les clarisses de Lons-le-Saunier en 1720, avait quitté ce couvent pour « vivre en particulier, avec une piété exemplaire27 ». Probablement en raison de leur homogénéité sociale qui était un facteur d’harmonie entre leurs membres et leur faisait respecter des valeurs communes, ces compagnies paraissent avoir révélé les qualités morales et la piété de personnalités qui n’y auraient peut-être pas trouvé d’encouragement dans les établissements traditionnels. Ainsi à Migette, Madame de Vaudrey, dont on devine l’imprégnation aux valeurs aristocratiques et la propension à faire valoir son rang ainsi qu’une certaine aisance matérielle, est d’un caractère bienfaisant envers les pauvres et les autres personnes qui implorent sa protection, elle fournit même au chapitre des secours pour des réparations nécessaires et utiles. Son esprit vif la obligé de quitter des maisons où elle s’étoit fixé, peu de chose le rend discordant et changeant. Quoiqu’elle ait obtenu de Rome la permission d’avoir un équipage, et la dispense de réciter l’office du Bréviaire, elle le dit cependant avec les autres, y est bien assidue et modeste ; elle se prive aussi de son équipage28. Et que dire de cet autre modèle de renoncement à l’aisance matérielle qu’offrait vers la même époque, dans les années 1760, Hélène Alexandrine Moreau de Bernay, chanoinesse de Lons-le-Saunier, à ses consœurs ainsi qu’à la population lédonienne : Sœur de Mgr l’évêque de Vence, sans prébende et sans droit à la prébende, auquel elle a renoncé. Cette dame a embrassé cet état par choix à l’âge de 27 ans, étant sa maîtresse, jouissant de grands biens avec l’espérance des établissements les plus honorables et les plus avantageux dans le monde. Elle a tout quitté et a trouvé le secret de se faire pauvre, ne s’étant gardé qu’un annuel fort modique qui est encore plus aux pauvres qu’à elle-même.
26 BGSB, ms. 2. 27 Fr.-A. Aubert de la Chesnaye Des Bois, Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l’histoire et la chronologie des familles nobles de France, l’explication de leurs armes, Paris, Schlesinger frères, 1865, t. 10, p. 554. 28 BGSB, ms. 2 (écrit vers 1760).
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On peut dire qu’elle est vraiment clairiste, ayant toujours la règle de sainte Claire devant les yeux pour s’en rapprocher autant que sa foible santé et les circonstances peuvent le luy permettre. Elle doit être regardée comme bienfaitrice de l’abbaye à laquelle elle a fait un don de 12 000 livres, mais on pourroit aussi la regarder comme réformatrice secrette puisque par sa régularité, sa ferveur, sa fermeté inébranlable dans ses bonnes résolutions, malgré les contradictions et les railleries, sans parler, elle a fait faire des réflexions à beaucoup de ces dames qui dès lors ont tâché de l’imiter29. Ces portraits le montrent, l’intrication du siècle et du religieux, dans leur vie quotidienne, était de nature à faciliter et encourager les œuvres caritatives et de bienfaisance des dames nobles. Dictées à Dole le 25 février 1834, les dernières volontés de Marie Rosalie de Goesbriand révèlent qu’en dépit de sa médiocrité matérielle et des tribulations que lui avait infligées le cours de l’Histoire, elle demeurait attachée à cette vertu. Alors que son patrimoine n’était estimé qu’à 1560 francs à sa mort, elle avait prévu un legs de 50 francs « aux pauvres du bouillon », et la même somme « à la maison de la Sainte Enfance où l’on élève des jeunes personnes30 ». Les actes de charité ou de bienfaisance étaient aussi collectifs : au cours de l’hiver anormalement rigoureux de 1788-1789, marqué par la raréfaction et la cherté des blés, les dames de Baume firent distribuer en février un bouillon aux pauvres de la ville, du dimanche au jeudi31. Toutefois les chapitres nobles féminins du Comté n’eurent pas au xviiie siècle de charité organisée, contrairement à Remiremont, où une chanoinesse aumônière, officière du chapitre, gérait les recettes provenant du revenu de terres dénommées « ensenges », lesquelles alimentaient des distributions quotidiennes aux nécessiteux. Cette abbaye exerçait également un contrôle sur l’hôpital reconstruit en 1724 à l’initiative de l’abbesse Béatrix de Lorraine, confié à quatre sœurs de la Charité Saint-Charles que le chapitre avait fait venir de Nancy. Cette Maison-Dieu accueillait des pauvres, des malades, des orphelins, des pèlerins et abritait une école pour les filles de la paroisse32. La différence de richesse entre les compagnies comtoises et l’abbaye vosgienne ne peut être le seul élément d’explication à l’atonie des premières en ce domaine. En effet, le statut de chanoinesse séculière donnait aux dames de Remiremont la possibilité de tester. Leurs legs furent fréquemment destinés à l’hôpital sur lequel s’exerçait leur patronage. Aux côtés de donations modestes, il en fut des remarquables : dans son testament rédigé en 1767, l’abbesse Anne Charlotte de Lorraine
29 BGSB, ms. 2. 30 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, p. 62-64. 31 AM Baume-les-Dames, BB 41, délibération du 11 février 1789. 32 M.-B. Bouvet, « Politique hospitalière et sociale des dames et de la ville de Remiremont au dix-huitième siècle », in Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, Paris, 1998, p. 181-214 ; Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 261-265.
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y fondait dix lits pour les nécessiteux. Madame Céleste de Briey, doyenne, morte en 1789, lui donna 4 000 livres et autant au bureau des Pauvres de la ville, organisé en 175233. * * * Les frères Goncourt et Humbert de Gallier avaient raison de mettre en garde contre les contours fallacieux de la littérature du xviiie siècle dans l’appréhension des mœurs des chanoinesses nobles. À en juger par les archives subsistantes, les dames des établissements comtois furent dans leur grande majorité d’honnêtes et pieuses femmes. Les scandales, généralement révélés par voie de délation, ne secouèrent que par exception ces institutions. Les galanteries, avérées ou simplement soupçonnées, en étaient la cause la plus fréquente, et elles n’eurent d’autres conséquences, dans les affaires les plus compromettantes, que l’éviction du chapitre des fautives. La fréquentation du monde profane par les dames nobles n’altéra pas leurs mœurs et ne compromit pas l’image des compagnies. La surveillance peu complaisante que s’autorisait le corps social sur ces femmes, alliée chez celles-ci à la conscience que leur rang et leur état les obligeaient à l’excellence morale, tout cela les tint à l’écart des tentations du siècle. La proximité avec le monde avait même des avantages, car elle était susceptible d’encourager l’exercice de la charité et de la bienfaisance.
Conclusion L’impression d’une facilité de l’existence de chanoinesse noble, sous l’influence d’un monde extérieur qui lui apportait ses nuances de mondanité, est corroborée par maintes sources. On en retrouve l’atmosphère dans les chapitres nobles féminins implantés par-delà les frontières du royaume. Celle-ci est moquée dans un plaisant quatrain figurant au bas d’une estampe de la fin du xviie siècle ou du début du siècle suivant, œuvre des frères Bonnart, graveurs parisiens34, représentant une chanoinesse novice de Mons en habit blanc, coiffée de son voile : Je trouve mon ordre commode : Dans mon noviciat, je ne fais point de voeux Je puis m’habiller à la mode ; Et faire une partie de tout ce que je veux35. 33 P. Heili, « Les testaments des dames de Remiremont », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire. Actes du colloque d’avril 1996 organisé par la Société d’Histoire locale de Remiremont, Paris, Messene, 1998, p. 164. 34 Nicolas (v. 1637-1718), graveur et Robert Bonnart (1642-1711), dessinateur de ce modèle, sont surtout connus pour leurs gravures de mode. 35 BnF, Clairambault, ms. 1320 : pièces diverses concernant la chevalerie et les chapitres nobles, f. 131r. ; BM Versailles, Res in fol A 30 m, f. 131.
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Il convient de replacer cette pièce de vers dans le contexte du renouveau du catholicisme, qui se traduisait par un affermissement de la discipline au sein des noviciats féminins36. Une telle frivolité devait paraître bien extraordinaire et subversive aux contemporains, alors que le clergé réformateur insistait sur la nécessité de faire du noviciat un temps d’austérité et de probation. Mais cette singularité hautaine allait justement faire la force des chapitres nobles en séduisant une noblesse toujours encline à se démarquer du reste de la société et de ses valeurs. La croyance en une douceur de vie entretenue par ces institutions a influencé la littérature et les historiens. Dans Les mémoires d’une aveugle, Alexandre Dumas (père) fait revivre les souvenirs de la vieille marquise du Deffand. Au chapitre xi de ce roman publié en 1856-1857, la jeune aristocrate est initiée aux plaisirs et à la frivolité par la sulfureuse Parabère, maîtresse du Régent, qui lui reproche de s’être liée par le mariage plutôt qu’à un canonicat : — Il fallait s’appeler la comtesse Marie de Chamrond37, et devenir chanoinesse comme la comtesse Alexandrine de Tencin38. […] Une chanoinesse ! mais c’est le parangon du bonheur sur la terre ! Une chanoinesse ! libre, bien placée partout, avec la consistance d’une femme mariée, point de devoirs, point de mari, un revenu qui permet de vivre et d’accepter l’aide des autres, l’indépendance d’une veuve sans les souvenirs et ce reste de lien que vous impose la famille, un rang incontestable, qu’on ne doit à personne ; l’indulgence, l’impunité même ! Les propos et les discours, dont on se moque, ne vous atteignent pas, parce qu’ils ne peuvent rien changer à votre état. Et, pour tous ces avantages, la peine de porter une croix qui vous sied, des habits noirs ou gris qu’on peut rendre aussi magnifiques qu’on le désire, un petit voile imperceptible et un affiquet ! Concevez que c’est tout bénéfice… Le romancier s’était donc rallié à ce courant d’idées qui crut, au xixe siècle, voir dans la chanoinesse noble une femme émancipée, libre de fréquenter le monde en y recueillant l’estime que procurait son rang. Cette vision amène à une interprétation bien fallacieuse des raisons de l’engouement de la noblesse du xviiie siècle pour ces institutions. Si l’état de chanoinesse noble pouvait séduire des personnalités désireuses d’autonomie, il n’était pas sans contraintes et devoirs. Les dames nobles étaient trop conscientes de leurs obligations morales, sociales et spirituelles pour négliger celles-ci ou même les transgresser, et elles étaient suffisamment surveillées pour ne pas oser la faute.
36 J.-M. Lejuste, Novices et noviciats en Lorraine du xvie au xviiie siècle, Thèse de doctorat, Université de Lyon, 2019, 2 vol., 484 p. et 160 p. 37 La marquise du Deffand appartenait à la famille de Vichy-Chamrond. 38 L’accès à certains chapitres nobles procurait le titre personnel de comtesse. Le romancier fait entrer à tort Madame de Tencin à celui de Neuville, qu’elle ne fréquenta pas. Par ailleurs, celle-ci était morte lorsque des lettres patentes de 1757 conférèrent aux dames de ce chapitre le titre de comtesses.
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Si ces institutions surent tant séduire, au xviiie siècle, c’est qu’elles étaient parvenues à contenter des aspirations au premier abord peu conciliables. Il était loisible aux chanoinesses désireuses d’indépendance et de liberté de s’absenter quelque temps ou de se sédentariser au chapitre en soumettant leur existence à la régularité de l’oraison et des assemblées capitulaires. Elles pouvaient ouvrir leur demeure au vent profane et aux laïcs ou la refermer pour se livrer à une méditation solitaire. Cette flexibilité s’était formée, ou peut-être simplement affirmée dans le contexte du sombre xviie siècle comtois qui avait emporté les lieux de la vie commune, facilitant ou généralisant l’individualisation du logement. Cette souplesse avait également pu s’imposer du fait de l’autonomie qu’entretenaient ces compagnies avec les autorités ecclésiastiques, celle-ci ayant facilité l’adoption de statuts et de règlements qui légitimaient des formes variées de vie au sein d’un chapitre noble, ce qui était de nature à séduire, en ce siècle de l’individualisme naissant. Cette exceptionnelle adaptation aux besoins de chaque être avait été rendue possible par la présence des demeures canoniales qui, intégrées à une disposition d’ensemble évoquant la clôture d’un temps révolu, protégeaient les dames de l’agitation du siècle comme de l’indiscrétion et de la pesanteur de la communauté des chanoinesses, tout en permettant la rencontre de ces deux mondes.
Troisième partie
Les réconforts d’une « sainte retraite »
Introduction
Si les orientations majeures de l’existence étaient rarement laissées dans la noblesse à l’initiative de l’individu, mais livrées aux intérêts lignagers, elles étaient cependant plus ouvertes du côté des garçons. Pour les filles, il ne s’en présentait que trois. La vie de célibataire était rarement envisagée, parce qu’empreinte d’un certain mépris. Une demoiselle pouvait raisonnablement penser au mariage, à condition que sa famille puisse la doter, c’est pourquoi l’alternative du couvent s’imposait fréquemment, suscitant peu de résistances, car l’étouffement claustral décrit dans La Religieuse de Diderot, la torture d’être immolée à Dieu sans vocation, demeurent des thèmes moins fréquents que le poncif littéraire d’une alliance matrimoniale contrainte et désolante. Il est révélateur qu’évoquant la proximité de son mariage comme la suite logique de son apprébendement au chapitre noble d’Épinal, Madame de Chastenay se soit remémorée les réticences de sa mère pour ce projet : « Je ne sais pourtant à quel propos j’entendais dire souvent à maman que je ne me marierais pas, que mon sort en serait plus heureux1 ». Si le célibat consacré était considéré par beaucoup de filles nobles comme un état supérieur au mariage dans le climat de religiosité encore sensible à l’orée du xviiie siècle, on ne saurait oublier la fracture qui se fit par la suite entre l’Église et les élites à propos de l’engagement en religion de celles-ci. En ouvrant cette enquête, nous avons décrit la contraction séculaire des entrées en religion chez les jeunes filles nobles du royaume. Maintes études menées à l’échelle régionale ou d’un établissement confirment cette tendance de la sociologie des couvents2. Le dynamisme des chapitres nobles féminins, et singulièrement de ceux demeurés en règle, n’en est que plus frappant. Si des considérations sociales ainsi que leur ouverture sur le monde nous en ont fourni l’explication, ne faut-il pas également relier cette tendance à leur attrait spirituel ? Les contemporains rappelaient fréquemment la destination religieuse de ces compagnies, à l’image de l’auteur d’un mémoire sur l’origine du monastère lédonien qui précise que celui-ci fut de tout temps considéré « comme une sainte retraite, où les filles de qualité alloient se préserver de la contagion du siècle3 ». La plupart des sources décrivent toutefois la vie spirituelle « molle » de ces institutions, pour reprendre le qualificatif qu’emploie à
1 Mémoires de Madame de Chastenay, 1771-1815, éd. A. Roselot, Paris, Plon, 1896, t. 1, p. 51. 2 On se reportera aux exemples convoqués par Ph. Loupes, La vie religieuse en France au xviiie siècle, Paris, SEDES, 1993, p. 161-162. 3 BECB, ms. 799, Précis d’un mémoire sur l’origine de l’abbaye royale de Lons-le-Saunier, p. 3.
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son propos leur historiographe Ferdinand-Ignace Malotau de Villerode4. À la fin de l’Ancien Régime, on admettait volontiers que cette modération était une des motivations essentielles de l’élan vers les chapitres. Ainsi lit-on dans l’enquête de commodo et incommodo qui précéda l’extinction de la collégiale noble de Gigny, en 1788, dont le temporel devait être partagé entre les abbayes de Lons-le-Saunier et de Migette, que : les chapitres sont l’unique ressource des demoiselles qui, ne pouvant ou ne voulant pas se marier, n’ont pas de vocation pour la vie religieuse et que cette considération s’applique plus particulièrement encore dans l’espèce présente à la noblesse de Franche-Comté, dont sont composés en grande partie les chapitres de Lons-le-Saunier et de Migette5. Faut-il n’entendre que ces sources, penser que les chanoinesses nobles étaient des pharisiennes et minorer leur inclination pour une vie spirituelle sincère dans les chapitres de Franche-Comté ? La conservation d’une règle èdulcorée, dans un contexte de sécularisation de nombreuses compagnies nobles européennes, n’est-elle pas au contraire une marque de cette sincérité ? N’avait-on pas le désir de se perfectionner par les cérémonies qui conduisaient par étapes à la vie religieuse et par la participation quotidienne à la liturgie du chapitre ? Ne cherchait-on pas en ces établissements des réconforts spirituels et humains que l’on n’aurait pas trouvés dans la société civile ?
4 BM Douai, ms. 938, Histoire des collèges…, op. cit., t. 1, f. 193r. 5 AD Jura, 48 H 9.
Chapitre ix
L’attirance de la règle
La question d’une origine monastique des chapitres nobles séculiers féminins a été âprement débattue dans le contexte de la réforme catholique. Les partisans de cette thèse y cherchaient évidemment un fondement historique au projet de ramener ces établissements dans l’observance régulière. Le père Mabillon était parvenu à cette démonstration pour les établissements de Nivelles et d’Andenne, aux Pays-Bas. Après lui, dans son Histoire des ordres monastiques, religieux et militaires et des congrégations séculières publiée entre 1714 et 1719, l’historien franciscain Pierre Hélyot soutint que les chapitres nobles de dames de Lorraine, que ceux de Maubeuge, de Denain et de Mons en Hainaut, d’Obermünster et de Niedermünster à Ratisbonne en Bavière, de Sainte-Marie-du-Capitole à Cologne, de Lindau et de Buchau dans le cercle de Souabe avaient été originellement bénédictins. Il constatait pourtant que leurs religieuses ne voulant plus s’assujetir à des vœux solemnels, vivent en chanoinesses séculières. […]. Il est néanmoins resté quelques-uns de ces monastères nobles en Flandres, et en Italie, où les Religieuses ont toujours fait gloire de se dire filles de saint Benoît ; et si dans quelques-uns elles ne gardent pas une clôture exacte, elles s’engagent au moins à la profession Religieuse par des vœux solennels1. Son insistance à décrire la régularité des dames d’Étrun, qui avaient reçu en 1679 de l’évêque d’Arras des constitutions réformatrices, et ses efforts pour éclairer l’origine bénédictine d’un certain nombre des maisons de son énumération, notamment de Remiremont, dont le modèle de vie séculière inspirait d’autres établissements, visaient à légitimer et promouvoir leur réforme2. Car, comme bien d’autres gens d’Église, il n’attribuait leur « état de liberté » qu’à un relâchement. La sécularisation fut en effet une voie empruntée par quelques-uns en France pour espérer de nouvelles recrues, mais aussi parce que cette forme d’existence séduisait par le peu de contraintes qui lui étaient attachées et par les 1 P. Helyot, Histoire des ordres monastiques, religieux et militaires et des congrégations séculières, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1721, t. 6, p. 307, p. 397. 2 Ibid., p. 310-312 et quatrième partie, chapitres li-liv. Pour se faire convaincant, Pierre Hélyot cite Adam Pertz, évêque de Tripoli et visiteur apostolique du chapitre noble de Remiremont, lequel demandait aux dames de ne pas rougir de leur passé de bénédictines. Il prête cette réflexion à Mabillon à propos de ces chanoinesses : « pas une d’entre elles ne rougiroit point si l’on disoit qu’elle fût extraite d’une plus grande, et plus illustre lignée qu’elle n’est, d’autant que les accidens humains sont tels, qu’il n’y a rien de perdurable sous le ciel » (Ibid., p. 419).
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prérogatives qu’elle concédait : les chanoinesses séculières pouvaient disposer de legs et de donations et transmettre leur patrimoine par testament, alors que celles qui étaient restées fidèles à la règle en étaient empêchées. N’étant pas liées par un engagement solennel, les premières avaient la possibilité de remercier à tout moment. À la suite de l’abbaye noble de Saint-Claude qui l’avait été en 17423 et dont il dépendait en matière de juridiction et de collation, le prieuré de chanoinesses de Neuville en Bresse fut sécularisé entre 1751 et 17594. L’on procéda à celle du prieuré clunisien de Laveine en 17825. En 1786, l’érection du chapitre forézien de Jourcey se fit dans la continuité de la sécularisation du prieuré de fontevristes duquel il était issu, et la fondation de Troarn, un an plus tard, devait être également dédiée à des chanoinesses séculières6. En dépit de cette tendance, dans le monde capitulaire noble féminin, à s’affranchir au xviiie siècle des vœux solennels, les maisons de Franche-Comté demeurèrent régulières. La vie religieuse qu’elles offraient était-elle encore de nature à séduire, dans un contexte qui ne lui était guère favorable ? Et comment interpréter ce conservatisme, alors que s’épanouissait dans les provinces voisines le modèle concurrentiel des chapitres nobles séculiers ? Les dames de Baume se montrèrent en réalité opiniâtres à tenter de se faire accepter pour des chanoinesses séculières. Rien de tel dans les autres établissements, où l’on n’aspirait qu’à une reconnaissance officielle du statut de chapitre noble régulier. Leur règle contentait-elle pour autant les chanoinesses nobles de Franche-Comté ?
L’érudition pour clarifier le statut des dames de Baume Parmi les trois monastères féminins du diocèse de Besançon attestés dans le haut Moyen Âge, Baume est celui dont les origines ont été le plus encombrées de légendes, lesquelles n’ont pas résisté à la critique moderne7. En 1735, dans son Histoire des Séquanois et de la province séquanoise…, puis en 1750, dans celle de l’Église, ville et diocèse de Besançon, Dunod de Charnage réfutait l’hypothèse
3 B. Hours, « La création du diocèse de Saint-Claude, ou les vicissitudes d’une sécularisation (1634-1742) », Revue d’histoire de l’Église de France, 185 (1984), t. 70, p. 317-334. 4 AD Ain, H 694 (bulle de sécularisation du 24 mars 1751) ; H 686 (lettres patentes du roi) ; Sécularisation et statuts du noble chapitre de Neuville les Dames en Bresse, Lyon, Pierre Valfray, 1756, 188 p. 5 BnF, 4LK7 11682. 6 BnF, F23630 (743) ; Brevet et bulle pour la sécularisation de l’abbaye de Saint-Martin de Troarn, ordre de Saint-Benoît, diocèse de Bayeux, la suppression de la communauté des religieux, l’érection d’un chapitre de chanoinesses nobles…, G. Desprez, 1787, 37 p. 7 B. de Vregille, R. Locatelli et G. Moyse (éd.), Regesta pontificum Romanorum : Gallia pontificia. La papauté et les églises et monastères en France avant 1198. T. 1 : Diocèse de Besançon, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1998, p. 135.
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que le polygraphe Jean-Jacques Chifflet (1588-1673)8 avait soutenue un siècle plus tôt d’une fondation de l’abbaye par l’évêque de Besançon Germain, martyrisé en 259 ou 372 puis canonisé, dont les reliques étaient pieusement conservées dans l’abbatiale, et par saint Désiré, son prédécesseur à l’épiscopat. Il tenait pour un document tardif l’hagiographie du martyr, conservée par les dames, sur laquelle Chifflet avait fait reposer son assertion. C’était ruiner la possibilité qu’elles aient été primitivement des chanoinesses séculières, ainsi qu’on le lit dans un mémoire provenant de cette compagnie : [L’abbaye] fut fondée sur la fin du quatrième siecle par Saint Germain archevesque de Besançon qui ayant achevé les bastimens commencés par son prédecesseur Saint Désiré y assembla des filles nobles a qui il donna des règlemens propres à les conduire à la perfection de la vie chrétienne. On sçait par tradition qu’à l’exception des vœux, les règlemens que l’on y observe encore aujourd’huy sous le nom de coutumiers sont les mêmes que le Saint Martyr prescrivit pour lors. Les dames de Baume ne différèrent d’abord des filles du monde que par leur piété, elles avoient les mêmes habits et à peu près la même liberté de sortir qu’elles avoient eu dans le siècle, et quoyqu’elles pratiquassent les plus héroïques vertus, c’estoit sans les avoir voüé, la clôture et les voeux solennels estans encor inconnus alors dans tout l’occident. On remarque dans l’histoire de l’Eglise par Monsieur Fleury9 et surtout dans une des belles préfaces qui n’en sont pas le moindre ornement que longtemps avant Saint Benoist il s’estoit formé dans l’occident plusieurs communautés de clercs et de filles qui avoient leurs règlemens particuliers, et que c’est là l’origine des chanoines et des chanoinesses10. Dès 1735, Dunod de Charnage affirmait, en opposition à cette thèse : Les dames de Baumes sont religieuses, puisqu’elles font les vœux solennels de Religion, qu’elles sont soumises à une Supérieure, qu’elles ne disposent pas de leurs biens, et que l’on connoît encore dans leur Abbaïe des restes des lieux réguliers ; dortoir, réfectoire, chauffoir, &c. L’on en doit conclure qu’elles l’ont été dans leur origine, soit parce que l’on ne connoissoit pas des Chanoinesses séculières au tems de leur fondation, soit parce qu’il y a des preuves qu’elles étoient Religieuses, dans les Bulles qu’elles ont obtenues des Souverains Pontifes. […] Le mémoire qui m’a été envoyé, porte aussi qu’il y a dans ces Archives des testaments de Dames du treizième et quatorzième siècle ; que dans quelques-uns de ces actes, les Testatrices prennent la qualité de Comtesses ; qu’elles avaient des prébendes à Baume
8 J.-J. Chifflet, Vesontio [traduction Jean Girardot], Besançon, Cêtre, Besançon, 1988, p. 389-393. 9 Claude Fleury (1640-1723), prêtre, historien de l’Église. Son Histoire ecclésiastique en vingt volumes parut de 1691 à 1720. 10 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137.
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et à Remiremont, suivant leurs Épitaphes ; et que pendant un tems, on ne faisoit point de vœu à Baume. Si ces faits sont vrais, c’étoit un relâchement de la discipline, qui fut rétablie dans l’Abbaïe de Baume par Marguerite de Neufchatel [† 1549], suivant le même mémoire11. Si Dunod de Charnage avait pu être autorisé par les dames nobles à consulter le chartrier de l’abbaye, il aurait sans doute constaté que les trois privilèges du xiie siècle concédés à celle-ci par les papes Innocent II, Célestin II et Luce III se référaient à la regula benedicti12. L’historien comtois attribuait la fondation du monastère au duc Garnier et la situait au milieu du viiie siècle13, autrement dit à une époque où la règle de saint Benoît s’était largement répandue en Europe occidentale. Si sa position eut l’assentiment de nombreux érudits14, elle était en revanche contestée dans un manuscrit non daté que nous donnons volontiers pour une commande émanant du chapitre noble15. L’on y fait converser un cercle savant, partagé entre les défenseurs de l’historien « déterminé […] à enlever a l’abbaie de Baume son droit d’aînesse16 » et ses détracteurs. La controverse emprunte souvent un ton badin, Dunod de Charnage est par exemple tenu pour un « galand homme », parce qu’« il a voulu flatter les dames de Baume par l’endroit que toutes les dames aiment à l’estre. En connoissés vous beaucoup, messieurs, qui ne soient charmés qu’on ne les fassent plus jeunes qu’elles ne sont ? » Concluant que « le système nouveau n’est autre chose qu’un magnifique château en Espagne17 », et reprochant à Dunod de Charnage « d’abandonner les règles de critique du père Mabillon, après les avoir adoptées et suivies partout ailleurs18 », ses adversaires finissent par triompher de cette controverse dans l’épilogue de l’ouvrage. Ceux-ci n’étaient pas tant attachés à défendre l’antiquité de l’abbaye qu’à faire reconnaître son statut initial de chapitre noble séculier, du fait de
11 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois…, op. cit., p. 156-158. 12 B. de Vregille, R. Locatelli et G. Moyse, Regesta pontificum Romanorum…, op. cit, p. 137. 13 Fr.-I. Dunod de Charnage, Suite et conclusion de l’histoire civile du Comté de Bourgogne, avec un nobiliaire de cette province, Besançon, Jean-Baptiste Charmet, 1740, p. 47-48 ; Id., Histoire de l’Église, ville et diocèse de Besançon…, op. cit., p. 110-111. 14 Parmi lesquels dom Benoît Thiébault († 1766), religieux bénédictin de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe (BECB, ms. 750, Histoire abrégée de l’ordre de Saint-Benoît depuis son établissement jusqu’à nos jours, t. 1, p. 757) et H. Du Tems, Le clergé de France, ou tableau historique et chronologique des archevêques, évêques, abbés, abbesses et chefs des chapitres principaux du royaume, depuis la fondation des églises jusqu’à nos jours, Brunet, 1774, p. 53. Ce dernier est très critique à l’égard du « légendaire ignorant » qui faisait de Germain un saint céphalophore ayant porté sa tête de Grandfontaine, lieu de son martyre, à Baume. « Pour mettre le comble au ridicule de ce récit, on ajoute qu’il s’inclina profondément en passant devant l’église de Saint-Ferjeux et la ville de Besançon […] ». 15 AM Baume-les-Dames, GG 20, Lettre d’un gentilhomme de Franche-Comté à un chevalier de Malte bourguignon, sur l’histoire de l’abbaye de Baume-les-Dames, par M. D[unod], 59 p. 16 Ibid., p. 25. 17 Ibid., p. 17. 18 Ibid., p. 59.
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son antériorité par rapport au fondateur de la règle bénédictine. L’un des controversistes allait même jusqu’à soutenir que l’usage d’y prononcer des vœux ne s’était introduit que sous l’abbatiat de Marguerite de Neuchâtel19.
Les enjeux La dispute finit par revêtir un caractère judiciaire : au début de la décennie 1750, le procureur général contesta aux dames nobles la qualité de chanoinesses, à l’occasion d’un procès qui les opposait à leurs fermiers. Tenant à contre-attaquer, le chapitre projeta une requête au Parlement, dans laquelle il était affirmé que l’abbaye avait été autrefois composée de chanoinesses séculières. Mais ce fut en définitive au souverain qu’il choisit d’adresser une demande de reconnaissance de la qualification qu’on lui contestait20, après s’être probablement aperçu de l’hostilité des magistrats bisontins à l’égard de cette démarche. Des lettres patentes du mois de mai 1755, enregistrées le 4 août suivant, confirmèrent ambigument aux dames nobles le titre de chanoinesses, car il n’y était pas précisé s’il fallait les reconnaître comme des séculières ou des régulières21. Par cette décision, le souverain ne cherchait-il pas à ménager des élites comtoises hostiles au principe d’une sécularisation des abbayes nobles féminines de la province ? La démonstration de Dunod de Charnage n’avait-elle pas suffisamment convaincu de l’origine régulière de l’établissement baumois ? Les efforts persistants des dames de Baume à vouloir légitimer au milieu du xviiie siècle le statut de chanoinesses séculières donnent à penser que la règle leur était contraignante et qu’elles aspiraient à s’en détacher, même si un petit autel dédié à saint Benoît, dans l’abbatiale, devait leur rappeler quotidiennement les origines bénédictines de leur abbaye22. Mais d’autres motivations peuvent expliquer cette détermination, et notamment celle d’avoir cherché à amoindrir les prérogatives de l’abbesse en matière de distribution des prébendes, comme on le laisse entendre dans un factum destiné à défendre les droits de celle-ci23. Au début de la décennie 1760, les chanoinesses lui contestaient la liberté d’opter entre le versement de prébendes à quotité fixe et un prélèvement sur le tiers des revenus, c’est-à-dire sur la mense conventuelle.
19 Ibid., p. 35. 20 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame dame Henriette-Angélique D’Amas de crux…, op. cit., p. 17 ; AD Doubs, 1 C 479. 21 « Lettres patentes qui maintiennent et confirment l’abbesse de Baume dans l’usage de se qualifier d’Illustre et Révérende Dame, Dame ; et les Dames de l’abbaye dans celui de prendre le titre de Chanoinesses, du mois de mai 1755, Registrées le 4 août suivant », [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, t. 4, p. 241 ; AD Doubs, B 630, Chambre des comptes de Dole. 22 AD Doubs, 112 H 64, Inventaire de 1767. 23 Mémoire responsif…, op. cit., p. 3, p. 7.
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Elles auraient souhaité que s’impose le second mode de rétribution parce qu’il leur était plus avantageux. Afin de démontrer la capacité exclusive de l’abbesse en matière d’administration du temporel, son avocat voulut rappeler que la règle bénédictine à laquelle l’abbaye était soumise la lui concédait sans partage. C’était revendiquer pour la crosse une puissance décisionnelle que les chapitres nobles lui déniaient, car l’abbesse n’était de facto, dans ces institutions, que la première des dames nobles parmi ses semblables.
De l’état de religieuse à celui de chanoinesse régulière La polémique autour du statut de ces filles consacrées gagna d’autres chapitres nobles de Franche-Comté. Il n’importait pas tant à ces dames nobles d’être reconnues pour des séculières que de ne plus être confondues avec des religieuses. Des érudits probablement stipendiés par ces compagnies s’employèrent à démontrer la spécificité de celles-ci. Un manuscrit anonyme daté de 1756 qui retrace « l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Chateauchalon » situe son origine au viie siècle, l’auteur soulignant qu’elle était contemporaine d’autres prestigieuses abbayes nobles, telles que Remiremont, Nivelles, Maubeuge et Poulangy24. Il indique que « les dames de Chateauchalon sont chanoinesses, mais régulières ; c’est-àdire, faisans les trois vœux de Religion ; comme les chanoinesses séculières, elles ont des dignités, sous le titre d’offices [et] […] des prébendes25 ». Dès 1738, apparaît dans les sources la qualification de « royal chapitre » pour cet établissement26. Pourtant, les termes d’un serment d’obéissance prêté à l’archevêque de Besançon Hugues Ier de Salins entre 1031 et 1041 ne laissent aucune ambiguïté quant à sa soumission à la règle bénédictine27. L’affirmation de commencements aristocratiques pour les couvents de clarisses urbanistes parut suffire à les désigner comme des chapitres nobles, mais on ne chercha guère à démontrer qu’ils avaient été dès lors séculiers, si ce n’est dans le Précis d’un mémoire sur l’origine de l’Abbaye royale de Lons-leSaunier, bref imprimé de cinq pages postérieur à 1772. Cet opuscule exploite l’absence de charte de fondation de l’abbaye pour suggérer audacieusement une origine qui non seulement ne la liait pas à la règle de sainte Claire, mais donnait matière à soutenir qu’elle avait été séculière. Un premier établissement aurait été fondé au milieu du xiiie siècle dans la continuité de celui des franciscains de la ville, sous la juridiction desquels il aurait été placé. Détruit 24 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-Chalon dans le comté de Bourgogne, p. 3-4. 25 Ibid., p. 19. 26 AD Jura, 38 H 6. 27 Ce que confirme le privilège de l’empereur Frédéric Ier donné à Worms le 19 septembre 1165. B. de Vregille, R. Locatelli et G. Moyse, Regesta pontificum Romanorum…, op. cit., p. 155-156.
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quelques années après sa fondation, il se serait formé sur ses vestiges une société de pieuses et nobles dames vivant en des demeures particulières, qui n’auraient pas adopté la règle des clarisses, puisqu’elles ne pratiquaient pas la désappropriation et qu’elles n’étaient pas cloîtrées. « Aussi les annales des Frères Mineurs, qui n’ont pas oublié l’établissement de Migette, n’ont rien dit de celui de Lons-le-Saunier ». L’auteur cherchait ensuite à résoudre la contradiction d’une titulature d’église consacrée à cette sainte en affirmant qu’ une jeune noblesse, confiée dès son enfance à des Religieuses Clarisses, ne voulut pas se choisir d’autre patrone que la leur : sainte Claire devint titulaire de l’église qu’on érigea dans l’abbaye de Lons-le-Saunier ; l’on s’y consacra au Seigneur sous ses auspices ; l’on y possédoit ses reliques ; l’on y étoit dirigé par les RR PP Cordeliers. D’ailleurs, les Dames de Baume sont incontestablement de l’Ordre de Saint Benoît, quoiqu’elles n’aient jamais professé la règle de Saint Benoît. Qu’opposer à cet exemple28 ? Probablement inspirées par la démarche des chanoinesses de Baume, celles de Lons-le-Saunier recoururent à la puissance souveraine pour obtenir par des lettres patentes datées de janvier 1772 la confirmation de leur qualité de « chanoinesses régulières29 ». Leur établissement venait déjà d’être dénommé « chapitre noble et régulier » dans le règlement qu’elles avaient adopté quelques mois plus tôt. Si François Morenas indique dans son Dictionnaire historique portatif de la géographie sacrée ancienne et moderne, paru en 175930, que l’abbaye de Migette est « occupée par des religieuses de sainte Claire, dites urbanistes, qui se qualifient de chanoinesses », ce titre ne devait jamais leur être reconnu officiellement. Elles étaient appelées « religieuses » dans le règlement royal de 1730 et l’on y désignait Migette par les termes d’« abbaye » ou de « monastère ».
Les raisons de la conservation de la règle Les dames nobles de Franche-Comté se satisfirent-elles de la reconnaissance de leur condition de chanoinesses régulières ? Il est possible qu’elles se soient finalement résignées à l’accepter faute d’avoir su convaincre les élites provinciales d’avaliser la sécularisation de leurs abbayes, à laquelle ces dernières étaient très réticentes. Lors de l’enregistrement, le 27 avril 1763, de lettres patentes du 12 juin 1761 précisant les catégories de dames nobles de Montigny-lès-Vesoul pouvant prétendre à l’adoption d’une « nièce », le
28 BECB, ms. 799, Précis d’un mémoire sur l’origine de l’Abbaye royale de Lons-le-Saunier, p. 4. 29 « Lettres patentes, portant confirmation des statuts du chapitre de Lons-le-Saunier, ainsi que des qualités attribuées aux religieuses de cette abbaye, du mois de janvier 1772, registrées le 11 mars suivant », [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit. 1776, t. 4, p. 693. 30 Paris, Desaint et Saillant, p. 509-510.
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parlement de Besançon désavoua les titres de « chapitre et chanoinesses » qui y étaient énoncés31. Alors qu’il venait d’enregistrer en septembre 1761 et en février 1762 les lettres patentes attachées aux bulles de sécularisation de l’abbaye noble de Baume-les-Moines et du prieuré noble de Gigny, le parlement de Besançon ne redoutait-il pas que les compagnies féminines leur emboîtent le pas ? Si les établissements nobles masculins de Franche-Comté avaient tous été sécularisés entre 1742 et 1765 grâce à l’appui de la gentilhommerie comtoise, il devait y avoir beaucoup de réticence à admettre que des femmes veuillent s’affranchir de leur règle, compte tenu des risques supposés pour leur réputation morale. Ces élites étaient probablement encore inspirées par cet esprit de reconquête catholique dont Edmond Préclin a très justement souligné la vigueur en Franche-Comté jusqu’au milieu du xviiie siècle, et qui militait pour la stricte clôture et l’étroite surveillance des couvents de femmes par le clergé masculin32. Au demeurant, les chanoinesses de Franche-Comté étaient-elles si nombreuses à souhaiter ce mode de vie séculier qu’adoptaient maints chapitres nobles aux frontières de leur province ? La noblesse comtoise se montra au xviiie siècle aussi libérale que le tiers état à consacrer ses enfants à l’Église, si bien que la Franche-Comté ignora la crise des vocations et fut même un vivier où se fournissaient les régions affectées par cette dernière. Le statut de chanoinesse noble n’y fut peut-être pas seulement estimé pour la considération sociale qu’il procurait, mais parce qu’il permettait de faire preuve de son attachement au catholicisme, sans rigorisme. Cet état embrassé de façon irréversible pouvait en outre apparaître comme un élément de stabilité et un soulagement pour des familles préoccupeés par l’établissement des jeunes générations. C’est ce qui est suggéré dans un placet émanant des dames chanoinesses de Lons-le-Saunier : Des filles de qualité qui n’ont ny asses de fortune pour faire un mariage sortable ny assés de ferveur pour se dévouer à une clôture perpétuelle trouvent dans ces maisons un azile honneste et descent qui, sans les obliger à une vie bien austère, fixe cepandant irrévocablement leur état, circonstance qui rend à tous égard ces établissemens plus avantageux pour les familles que ceux des chanoinesses séculières33. Nous voyons dans ces spécificités de comportements une explication à la prédominance des familles comtoises dans les compagnies nobles de dames de Franche-Comté, en un temps où, dans la plupart des provinces, la noblesse s’enthousiasmait plutôt pour ces chapitres sécularisés qu’il était toujours possible de quitter définitivement.
31 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit., 1776, t. 4, p. 338. 32 E. Preclin, « La vie religieuse comtoise au xviiie siècle », Annales scientifiques et littéraires de Franche-Comté, 1946, p. 69-96. 33 BGSB, ms. 2.
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* * * Au xviiie siècle, les chapitres nobles féminins de Franche-Comté demeurèrent réguliers, en dépit de démonstrations savantes qui devaient appuyer l’idée que certains avaient été séculiers dans leurs origines. Une âpre querelle opposa à ce propos les dames de Baume à l’historien Dunod de Charnage, reconnu par ses contemporains pour sa rigueur méthodologique. En rejetant la thèse que l’abbaye avait été dans son passé affranchie de toute règle monastique, il hypothéqua probablement son processus de sécularisation, les lettres patentes du mois de mai 1755 ne concédant avec équivoque aux dames que le titre de « chanoinesses ». Après les remontrances du parlement de Besançon sur cette qualité utilisée dans des lettres patentes du 12 juin 1761 pour désigner les dames de Montigny-lès-Vesoul, leurs consœurs de Lons-le-Saunier obtinrent la reconnaissance de celle de « chanoinesses régulières » en janvier 1772. Une dissertation historique plus tardive laisse penser que l’on explorait alors un argumentaire en faveur de la sécularisation de l’abbaye. Plus qu’à être admises pour séculières, ces compagnies entendaient être confirmées dans leur statut canonial. Les élites locales ayant tendance à ne les considérer que comme des communautés religieuses relâchées, la reconnaissance du Prince leur fut par conséquent nécessaire. Il serait hasardeux de prétendre que la règle était acceptée sans conviction par ces dames nobles. L’imprégnation durable de la Franche-Comté au catholicisme tridentin ainsi que la propension de sa noblesse à se destiner à l’Église faisaient admettre d’autant plus aisément celle-ci qu’elle était adoucie. Des considérations plus sociales que religieuses, provenant de la stabilité que l’état de chanoinesse régulière procurait aux familles en y liant définitivement les jeunes filles, pesèrent à leur tour pour rendre la règle attractive. Sa conservation par les chapitres nobles féminins du Comté ne fut donc pas une entrave à leur dynamisme. Au demeurant, la rupture avec le siècle s’opérait lentement, graduellement, donnant la possibilité de se dédire avant de s’engager définitivement dans cette existence. Mais la solennité des cérémonies d’admission à l’état de chanoinesse régulière et les spécificités du cérémonial qui en soulignaient l’originalité et la dignité n’étaient-elles pas de nature, justement, à fortifier l’engagement initial ?
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Une voie singulière pour une vie consacrée
Par la possibilité qui leur était donnée de prononcer des vœux solennels, les dames des chapitres de Franche-Comté pouvaient accéder à une expérience spirituelle qu’aucune compagnie séculière noble n’était en mesure de proposer à ses membres. Les cérémonies et les épreuves qui conduisaient graduellement la jeune fille à la vie consacrée étaient pourtant distinctes de celles des religieuses du même ordre. Cette spécificité n’était-elle pas de nature à confirmer le caractère enviable et valorisant de la condition de chanoinesse noble régulière ?
Les spécificités de la prise d’habit La cérémonie qui marquait la première étape de l’agrégation à un chapitre noble régulier était la prise d’habit ou vêture, appelée ainsi parce que la jeune fille recevait pour la première fois le vêtement de sa condition. Ce costume s’étant sécularisé dans les établissements comtois au point de se confondre avec la robe des veuves de condition, on disait qu’elle était « coiffée et habillée », plutôt que de parler de prise de voile. Dans le livre des délibérations du chapitre noble de Château-Chalon, il est écrit à propos de Françoise de Froissard de Broissia qu’elle a été « reçue et pris l’habit des dames chanoinesses régulières », le 3 juillet 17381. À l’image de ce qui se pratiquait dans de nombreuses compagnies nobles des deux sexes, cette cérémonie s’accomplissait souvent, dans celles de Franche-Comté, « en sortant des bras de [sa] nourice2 ». Il était simplement nécessaire que la jeune personne sache exécuter les gestes et prononcer les paroles commandés par le rituel. Anne Élisabeth Alexandrine de Jouffroy d’Abbans était âgée de huit ans, lorsqu’elle fut coiffée le 20 juillet 1761 au chapitre noble de Baume, Élisabeth Charlotte de Jouffroy d’Abbans en avait neuf, lorsqu’elle y reçut le couvre-chef le 30 mai 17683. Au xviiie siècle, sur vingt-neuf chanoinesses dont l’âge est connu au moment de leur prise d’habit à Migette, neuf n’avaient pas encore dix ans, et sur douze demoiselles coiffées à Montigny-lès-Vesoul, trois n’avaient pas atteint cet âge, au nombre desquelles
1 AD Jura, 38 H 7. 2 BGSB, fonds Hugon, première série, t. 6, 2, Mémoire touchant les hôpitaux de noblesse de la province de Franche-Comté, p. 119. Dans le manuscrit cité, l’expression se rapporte à trois chapitres nobles d’hommes jurassiens, Baume-les-Moines, Saint-Claude et Gigny. 3 AD Haute-Saône, Fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 125.
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étaient Marie Étiennette et Marie Andrée Chifflet, âgées respectivement de quatre et cinq ans lors de leur vêture commune, le 30 octobre 17694. Au moment de leur prise d’habit au chapitre noble lédonien, Jeanne Françoise d’Agay avait tout juste six ans le 29 octobre 17395, Madeleine Philiberte de Boutechoux était âgée de cinq ans et trois mois le 10 septembre 1764 et Marie Josèphe de Bancenel avait quatre ans et huit mois le 19 mai 17666. Le règlement de 1771 ne remit pas en cause le principe de pouvoir être « coiffée à la bavette » à Lons-le-Saunier, la seule obligation étant de savoir parler7. C’était faire fi du décret tridentin portant sur la réforme des religieuses, qui imposait la prise d’habit après l’âge de douze ans pour garantir que celle-ci émane d’une volonté libre de l’individu8. Ce laxisme pouvait résulter de l’urgence à donner le couvre-chef à une « nièce », condition pour qu’elle puisse devenir usufruitière de la demeure canoniale en cas de décès de sa « tante ». Sans cette précaution, c’était l’abbesse qui héritait de la maison construite aux frais de la famille. Cette tolérance se justifiait également par la fonction d’éducatrice confiée à l’adoptante, dont l’efficacité risquait de s’atténuer si elle n’était prodiguée sur un très jeune sujet. La découverte dès la tendre enfance de l’existence de chanoinesse avait l’avantage de faire éclore de profonds liens affectifs avec les dames du chapitre dans lequel la fillette était placée par la volonté de ses parents. Faute d’en rencontrer l’expression chez des chanoinesses de compagnies comtoises, nous la trouvons dans les mémoires de Marie-Antoinette de Messey, « petite dame » de Remiremont : celle-ci évoque avec tendresse son « excellente tante » Beatrix Athanase de Messey de Bielle qu’elle appelait « ma mère » et qui « était la passion de [sa] vie ». « Elle ne connaissait d’ambition que celle d’embellir le sort de sa fille adoptive ; elle voulait, comme elle le disait souvent, “que je tinsse tout d’elle9” ». La future comtesse de Genlis a, elle aussi, témoigné de l’affection dont on entourait au chapitre les plus jeunes. Coiffée en 1753 à Alix alors qu’elle n’était qu’une fillette de six ans, elle pleura « amèrement en quittant ces aimables chanoinesses » après un séjour de six semaines dans leur agréable compagnie. Seule la profession était tenue pour un engagement volontaire et solennel, qui liait irrévocablement la chanoinesse à la vie religieuse. L’honneur de voir un membre de son lignage recevoir le couvre-chef dans un chapitre noble l’emportait sur l’obéissance aux prescriptions des canonistes. Il se peut
4 AD Haute-Saône, H 941. 5 BECB, ms. 1465, documents concernant l’histoire ecclésiastique de la Franche-Comté, chapitre Sainte-Claire de Lons-le-Saunier, f. 97-160. 6 AD Jura, 48 H 9. 7 BECB, ms. 799, article du règlement concernant les vœux et la prise d’habit, p. 8. 8 xxve session, 3-4 décembre 1563, chapitre xvii. 9 M.-A. de Messey, « Mémoires de Madame la comtesse Marie-Antoinette de Messey, ancienne chanoinesse de Remiremont », éd. Ch. Chapelier, Bulletin de la Société Philomatique vosgienne, Saint-Dié, 1889, p. 256-257.
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d’ailleurs que maintes petites filles se soient félicitées d’obtenir une telle grâce parce qu’elles étaient conditionnées par leur famille à la recevoir ou que les inspiraient les exemples de vocations canoniales de leur entourage10. La demoiselle pourrait du reste, à l’heure des alliances matrimoniales, si sa volonté était de demeurer dans la vie civile, tirer orgueil et même avantage d’avoir été coiffée et fait ses preuves dans l’une de ces compagnies. Tout en apparaissant comme de « saintes retraites » où l’âme pouvait s’accomplir dans la louange et la contemplation divines, les chapitres nobles surent se rendre attractifs, en un siècle de repli des vocations religieuses, par cette permissivité à l’égard des canons de l’Église. Peu contraints en matière de règles ecclésiastiques, ils ne l’étaient pas non plus par les autorités chargées d’appliquer celles-ci. Si le concile de Trente avait prescrit que l’évêque ou son délégué éprouve l’inclination pour l’état de religieuse des « postulantes » à la prise d’habit, on ne possède pas de preuves d’un tel interrogatoire pour celles qui s’apprêtaient à recevoir l’habit dans un chapitre noble de Franche-Comté. Tout au plus à Lons-le-Saunier l’officiant devait-il, durant la cérémonie, poser cette question inscrite dans l’ensemble des rituels conventuels : « Mademoiselle, est-ce de bonne volonté et de votre mouvement que vous demandez d’être admise dans cette abbaye ? » La prétendante ayant répondu par l’affirmative, et le chœur ayant entonné l’antienne Veni sponsa Christi, l’ecclésiastique bénissait les habits qu’elle irait revêtir dans la sacristie, après quoi elle se dirigerait vers l’autel pour recevoir le couvre-chef des mains de l’abbesse11. C’était la supérieure d’un chapitre noble qui guidait la postulante dans toutes les étapes de ce rituel d’admission. Elle fixait la date de la cérémonie, c’était en sa résidence que l’on signait le traité de réception, c’était de ses mains que la jeune fille recevait à l’église le couvre-chef. Il s’agissait d’une différence majeure avec le monde conventuel féminin, où la prérogative de donner l’habit revenait à l’évêque ou à son représentant, le cérémonial soulignant cette prééminence masculine12. Conservatrice des privilèges et des coutumes propres à l’établissement qu’elle gouvernait, l’abbesse était tenue de défendre ceux-ci à chaque fois qu’ils se trouvaient contestés par l’ordinaire diocésain 10 Sur cette question du conditionnement familial au moment de l’entrée en religion, se reporter aux études de C. Fayolle, « L’entrée en religion : déterminations sociales et décision personnelle », Revue d’Auvergne, 1997, 111 (3/4) (1997), p. 114-134 et de J.-M. Lejuste, « Vocation et famille : l’exemple de la Lorraine aux xviie et xviiie siècles », in Chrétiens et Sociétés, xvie-xxie siècles, 18 (2011), p. 39-66. S’agissant des familles dévotes, des milieux dévots, se reporter à D. Dinet, Vocation et fidélité, le recrutement des réguliers dans les diocèses d’Auxerre, Langres et Dijon (xviie-xviiie siècle), Paris, Economica, 1988, 340 p. ; O. Chaline, « Familles parlementaires, familles dévotes, Rennes au xviiie siècle », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 114-1 (2007), p. 89-130. 11 BECB, ms. 799, Formulaire de la cérémonie qui s’observe en la royale abbaye de Lons-leSaunier pour la prise d’habit, f. 45-46. 12 Le détail en est décrit et analysé par J.-M. Lejuste, Novices et noviciats…, op. cit., t. 1, p. 200-206.
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ou par quelqu’autre visiteur ecclésiastique. Dès sa réception, la jeune fille était donc confrontée à l’originalité de l’existence qui serait la sienne, elle n’aurait d’autre autorité pour surveiller sa piété et ses mœurs que celle de cette supérieure incarnant les spécificités de ces instituts, chargée de les conserver, et qui n’était paradoxalement détentrice que d’une puissance limitée face à sa communauté. Car, à l’image de la Thélème de Rabelais, un chapitre noble était une société dénuée d’une hiérarchie contrôlante, formée d’une élite de « gens libres, biens nés » et vertueux et ce fut ce qui fit son attrait dans ce siècle peu porté aux rigueurs de la vie conventuelle. Ce modèle ne s’était pas instauré sans soulever des oppositions de la part du clergé. Le règlement que le visiteur Jacques Dupré, prieur du couvent franciscain de Salins, imposa en 1712 aux dames des trois couvents de clarisses urbanistes du Comté devait empêcher l’abbesse d’autoriser la prise d’habit « dans un âge de pure enfance » et sans consultation de ses supérieurs et de son chapitre. Mais il fut si peu observé, Louise Gabrielle de Pra Peseux s’apprêtant même, à Lons-le-Saunier, peu après qu’il y eut été introduit, à donner l’habit à deux fillettes qui n’avaient pas huit ans, que les franciscains ne tardèrent pas à faire procès aux dames nobles13. Évoquée en conseil du roi dans un contexte de moins en moins favorable aux ordres religieux, l’affaire fut finalement tranchée en faveur de l’autonomie spirituelle de ces communautés féminines. L’article vii du règlement de Migette de 1730 et l’article viii de celui de Montigny de 1732, tous deux promulgués par lettres patentes sur arrêt, précisaient que « l’abbesse seule, sans recourir à d’autre autorité, aura[it] le droit de coëffer ou donner l’habit religieux à la Prétendante, de lui assigner le jour de cette cérémonie […]14 ».
Le spirituel et le temporel conjugués Dans les compagnies séculières, la cérémonie de l’« installation15 » était le pendant de celle de la prise d’habit. La plupart de celles-ci avaient maintenu l’usage de la remise du couvre-chef à la postulante, réminiscence du temps où des vœux solennels y étaient observés. Au chapitre sécularisé de Neuville-les-Dames, après une année de « première résidence » que la demoiselle ne pouvait commencer qu’à quinze ans, elle était examinée sur son aptitude au plain-chant et sa connaissance des usages et cérémonies de l’institution. Ces épreuves surmontées, au jour fixé, on la conduisait à l’église, vêtue de noir, où elle demandait à la doyenne la permission d’être agrégée au noble chapitre. Celle-ci lui attachait en signe d’acceptation le couvre-chef,
13 AD Jura, 48 H 8, Factum pour le Père Jacques Dupré, p. 5. 14 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, 1774, t. 3, p. 558, p. 633. 15 À l’origine, ce substantif désignait le fait pour le chanoine récipiendaire de s’asseoir dans la stalle qui lui était attribuée au chœur.
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appelé familièrement le « petit mari » et la revêtait du manteau de chœur. Puis la récipiendaire était menée jusqu’à la stalle qui lui serait désormais attribuée. L’installation s’achevait par la célébration d’une messe solennelle16. Cette cérémonie se confondait dans bien des chapitres nobles séculiers avec celle de l’apprébendement. À Remiremont, la postulante se présentait à l’église en grand habit de fête pour y recevoir le « mary » des mains de l’abbesse, qui lui offrait ensuite le pain et le vin, symboles de sa prébende17. C’était la particularité de ces instituts que d’allier constamment le spirituel et le temporel, pour apporter satisfaction tout à la fois aux aspirations de l’âme et aux besoins de confort matériel et d’autonomie sociale des dames. Les chapitres nobles réguliers n’étaient pas moins marqués par cette caractéristique, si l’on en juge par la cérémonie de prise d’habit qui se déroulait à celui de Baume-les-Dames : vêtue de noir et coiffée modestement, la demoiselle était conduite en cortège à l’église, où sa tante la présentait à l’abbesse en lui disant : « Madame, voici ma nièce que je vous présente pour lui donner le couvre-chef » La postulante s’étant agenouillée, l’abbesse l’interrogeait : — Ma fille, que demandez-vous ? — Du pain et de l’eau, pour l’amour de Dieu. — Vous aurez du pain et du vin, si vous êtes sage18. L’abbesse lui donnait alors le couvre-chef, la bénédiction et le baiser de paix.
« C’était une cérémonie qui tenait de la chevalerie et de l’institution monastique » Reçue et apprébendée au chapitre noble d’Épinal, Victorine de Chastenay constatait l’originalité d’une cérémonie « qui tenait de la chevalerie et de l’institution monastique19 ». C’était probablement à Mons et Nivelles, dans les Pays-Bas, que la fusion du cérémonial social et religieux était la plus apparente, la postulante étant « armée chevalière » avant d’être « installée ». À Nivelles, la demoiselle agenouillée sur un carreau de velours durant la messe recevait au moment de la lecture de l’Évangile une épée nue, qu’elle tenait à la main. L’office achevé, un gentilhomme lui donnait l’accolade, puis la frappait trois fois sur l’épaule, du plat de l’épée. Elle était intronisée, par ce rituel, chevalière de Saint-Georges, avant d’être conduite par l’abbesse et par la prévôte jusqu’à sa stalle20. 16 Sécularisation et statuts…, op. cit., p. 122-123. 17 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 46. 18 Mémoire responsif pour illustre et révérende Dame Henriette-Angélique d’Amas de Crux…, op. cit., p. 56-57. 19 V. de Chastenay, Mémoires…, op. cit., t. 1, p. 50. 20 P. Helyot, Histoire des ordres monastiques, religieux et militaires, Paris, 1756, t. 6, p. 433-434. La prévôte était une officière chargée de la gestion du temporel.
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En de nombreux autres chapitres nobles, le rite de confirmation de l’essence aristocratique de la prétendante était contenu dans le serment des gentilshommes, lesquels étaient remerciés à Épinal en recevant de la chanoinesse qu’ils avaient apprébendée un nœud d’épée évoquant leur appartenance à la noblesse militaire. Nous avons constaté précédemment que dans les cinq chapitres nobles de Franche-Comté, ce serment se prêtait lors de la prise d’habit. Il ne s’agissait pas seulement de proclamer avec lui l’excellence nobiliaire de la demoiselle que l’on s’apprêtait à coiffer. Sa naissance promettait qu’elle serait « noble en sa piété21 ». Cette promesse était censée se faire en présence de toutes les dames professes du chapitre. Mais ces institutions avaient, en matière de congés, une telle permissivité qu’il demeurait toujours des stalles vides. À la réception des deux sœurs Boutechoux à l’abbaye de Lons-le-Saunier, le 18 septembre 1727, il manquait cinq chanoinesses professes sur les dix-sept que comptait le chapitre. Trois sur quinze étaient absentes pour la prise d’habit de Marie Anne Élisabeth d’Affry, le 8 avril 172822.
« Sans contrainte et sans artifice / J’embrasse ce Saint Ordre avec Soumission » Si la demoiselle n’avait pas encore atteint l’âge du noviciat après avoir été coiffée, elle avait le choix entre retourner vivre chez ses parents, entrer dans un couvent d’éducation ou demeurer au chapitre noble. Le concile de Trente avait prescrit que cette période probatoire soit au minimum d’une année et qu’elle ne puisse débuter avant l’âge de seize ans (xxve session, chapitre xv, De regularibus et monialibus). Au xviiie siècle, la plupart des chapitres nobles réguliers féminins du royaume se conformaient à ce décret. Si le noviciat durait une année dans ceux de Franche-comté, sans que la demoiselle puisse s’absenter de l’abbaye, une tolérance s’était en revanche établie à Lons-le-Saunier au sujet de l’âge requis, Thérèse Antoinette de Vers n’ayant que quinze ans au début de son noviciat, le 28 septembre 173823 et Marie Anne Sophie Alexis de Klinglin l’ayant commencé au même âge, le 26 janvier 175624. En l’absence d’une maîtresse des novices pour tenir le rôle d’éducatrice, discerner et approfondir la vocation des jeunes filles, celles-ci étaient prises en charge par leur tante ou, si cette dame n’était plus en vie, par une chanoinesse que l’abbesse avait désignée à cette responsabilité. Du fait de sa 21 Exorde de l’éloge de sainte Waudru, modèle médiéval de piété et patronne des chanoinesses de Mons en Hainaut, in A. de Charleroy, Éloge de Sainte Waudru fondatrice du chapître Roïal des Très-nobles dames chanoinesses et patrone de la ville de Mons, Bruxelles, Stryckwant, 1739, 32 p. 22 AD Jura, 48 H 3. 23 AD Jura, 48 H 16. 24 AD Jura, 48 H 9.
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fonction de surveillance et de correction des mœurs, mais aussi parce qu’elle disposait d’un vaste logis, l’abbesse avait probablement un rôle important dans l’hébergement et la direction des novices orphelines de leur tante. En 1769, celle de Montigny-lès-Vesoul avait obtenu 12 000 livres de la Commission des secours afin d’entreprendre dans le quartier abbatial l’aménagement de chambres destinées notamment aux « pensionnaires novices25 ». L’office divin étant l’obligation principale d’une chanoinesse noble, il était essentiel que la novice se forme au plain-chant, qu’elle apprenne les prières de l’année liturgique et les rites de son église. Le règlement de 1699 pour l’abbaye de Château-Chalon prescrivait même qu’en préparation de leur noviciat, les jeunes filles ayant atteint l’âge de quinze ans assistent aux matines et aux laudes26. Cette formation n’était pas seulement confiée à la dame qui en avait la charge, toutes les professes avaient le devoir d’y contribuer. Dans le traité de réception à l’abbaye de Lons-le-Saunier de Marie-Élisabeth et de Claude Catherine de Champagne, passé le 12 mai 1729, on insistait sur cet engagement collectif, les chanoinesses promettant de les « enseigner et instruire au service divin » et leur tante de « se charger du soin de leur éducation27 ». Quelque temps avant l’achèvement de son noviciat, la candidate à la profession était proposée au vote du chapitre. Le règlement de Lons-le-Saunier de 1771 ordonnait qu’on se réunisse six semaines avant la cérémonie, pour donner un avis sur sa connaissance du chant et du bréviaire. Elle ne pouvait être admise qu’« à pluralité des voix », mais les statuts ne précisaient pas si cette majorité était absolue ou relative28. À Migette et à Montigny-lès-Vesoul, la novice devait avoir recueilli les deux tiers des suffrages, en application des constitutions des clarisses urbanistes approuvées par le pape Urbain IV, ce qui laisse penser qu’on obéissait également tacitement à cette règle à Lons-leSaunier. Les parentes jusqu’au second degré ainsi que la tante étaient tenues de se retirer durant les délibérations, pour permettre aux autres capitulantes de s’exprimer librement29. « Sous peine de péché » et d’enfreindre les règles ecclésiastiques, ces discussions devaient rester secrètes et ne pas même être révélées à la parenté, ainsi qu’il est précisé dans le règlement de 1712 donné aux abbayes nobles de clarisses30. Les êtres chétifs ou malades étaient généralement écartés, même si certains chapitres nobles du Comté adoptèrent en la matière une certaine tolérance, comme nous le verrons
25 AD Haute-Saône, H 942 : l’architecte bisontin Jean-Claude Colombot se rendit à Montigny le 29 avril pour évaluer les travaux à y effectuer. 26 AD Jura, 38 H 2, article 2 des règlements. 27 AD Jura, 48 H 3. 28 BECB, ms. 799, règlement de l’abbaye de Lons-le-Saunier, « Des vœux et prise d’habit », Chapitre iii, article vi, p. 9. 29 Articles x et xi du règlement de Migette, articles xi et xii de celui de Montigny. [N. Fr. E. Droz, Recueil des Édits…, op. cit., t. 3, p. 558, p. 633]. 30 AD Haute-Saône, fonds d’Huart-Saint-Mauris, 25 J 137, Règlement du 7 décembre 1712, article 5.
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plus loin. De santé trop fragile pour endurer les rigueurs climatiques de ce désert jurassien, Marguerite Gabrielle Victoire Cantineau de Comacre dut renoncer à prononcer ses vœux à Migette et prit pension chez les religieuses hospitalières de Saint-Porchaire à Poitiers31. Dans un certain nombre de chapitres de noblesse, une retraite spirituelle précédait l’émission des vœux, l’Église post-tridentine voyant dans cet exercice un excellent moyen de perfectionnement. Celle-ci était de huit jours à Lons-le-Saunier32 et s’accomplissait dans la demeure de la chanoinesse chargée de guider la novice. À Baume-les-Dames, la postulante s’y disposait plus brièvement la veille de sa profession par une confession générale, puis elle était conduite à l’église aux premières vêpres33. Cette période de mise à l’épreuve devait donc permettre à la future professe de montrer son aptitude à la louange divine et de s’interroger sur la solidité de sa vocation. Faute de cette conversio qui donnait tout son sens à l’oblation des vœux, et parfois aussi pour d’autres raisons, sociales ou affectives notamment, certaines jeunes filles choisissaient de retourner à la vie civile. Il était plus fréquent et probablement plus facile de « remercier » – c’est ainsi qu’on appelait cette démission lorsqu’elle était volontaire – en étant chanoinesse d’un chapitre séculier, quoiqu’il faille se garder d’affirmations trop hâtives, puisqu’à Maubeuge, douze chanoinesses seulement renoncèrent à leur état sur quatre-vingt-une reçues entre 1695 et 178634. La voie habituelle était d’en avertir les dames par une lettre, elles en prenaient acte en assemblée capitulaire et reportaient la décision sur le registre des délibérations afin de l’officialiser. 4% des jeunes filles qui avaient été admises dans un chapitre noble de Franche-Comté, autrement dit douze d’entre elles, remercièrent au xviiie siècle. Ce faible pourcentage contraste avec celui des abbayes nobles d’hommes de cette province, où 7 à 8% des admis renoncèrent à l’émission de vœux35, 31 J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette…, op. cit., p. 95. 32 BECB, ms. 799, op. cit., Chapitre iii, article v. 33 Mémoire responsif…, op. cit., p. 57. 34 G. Deregnaucourt, « La liturgie au sein des chapitres de dames nobles dans les Pays-Bas méridionaux sous l’Ancien Régime : l’exemple du chapitre Sainte-Aldegonde de Maubeuge », in B. Dompnier (éd.), Maîtrises et chapelles aux xviie et xviiie siècles : des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, Presses universitaires BlaisePascal, 2003, p. 369. 35 Un mémoire du début du xviiie siècle éclaire la logique sociale des nombreux retours dans le monde de chanoines nobles : « Ces professions incertaines sont souvent cause de la conservation des familles de noblesse, qui trouvent des ressources dans les abbayes d’où ils tirent des novices pour remplacer leurs frères quand ils meurent au service du roy ou sans enfans, bien que d’ailleurs ces religieux revenant au monde puissent faire du trouble dans les successions » [BGSB, Fonds Hugon, Mémoire touchant les hôpitaux de noblesse de la province de Franche-Comté, Première série, t. 6, 2, p. 127]. La carrière de Charles Baptiste de Lallemand de Vaite illustre cette soumission à des stratégies de conservation : Alors qu’il était novice à l’abbaye de Saint-Claude, la mort inopinée de ses deux aînés, François Alexandre et Jacques François Adrien, fauchés à la bataille de Staffarde en 1690, le plaça à la tête de sa baronnie pour continuer la lignée.
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avant que ces établissements ne soient sécularisés entre 1742 à 1765. Novice à Lons-le-Saunier, Charlotte Geneviève du Roux expliquait dans une lettre datée du 26 octobre 1786 son intention de renoncer à la vie consacrée en raison du manque d’aptitude qu’elle éprouvait pour celle-ci : Mds [mesdames] je voit ariver l’époque desterminer par les règlement du chapitre pour la prononciacion des veoux que mon etat exzige avec la sainte fraïeur qui doit les accompagner. Plus je reflechy et plus j’aperçoit l’estandue des obbligattion qu’ille ranferme. Cette concidérassion après y avoire bien pansses me détermine Mds à vous prier de me dispanssés de consomer le sacrifice que je m’ettés proposés mais c’est an vous assurran que j’orés toujours présan les exzample de vertu et de piéter que j’ai ut sou les yeux dès l’instan ou j’ay ut l’avantage destre reçu parmi vous […]36. S’alignant sur les dispositions du concile de Trente, l’ordonnance de Blois de 1579 avait fixé l’âge minimal de la profession solennelle à seize ans révolus. Il fut généralement plus tardif dans les chapitres nobles du Comté. Il est précisé dans un mémoire, au sujet de Château-Chalon, que « […] l’on voit souvent des novices demeurer des dix, vingt et trente ans sans faire de profession, ne pouvant rien tirer de l’abbaye qu’après la mort de leurs tantes, quand même elles seroient professes37 ». Dunod de Charnage confirme que les dames n’y prononçaient de vœux que lorsqu’elles se voyaient sur le point « d’entrer en tour » pour les prébendes, lesquelles se donnaient par l’ancienneté du noviciat38. À Lons-le-Saunier, un traité fut passé entre l’abbesse et sa communauté le 11 mai 1729, pour fixer « un âge où les demoiselles coeffées puissent avoir la réflexion et le jugement convenables pour pouvoir se déterminer à leurs vocations ». L’on décida qu’il serait de vingt ans39. L’âge à la profession était en moyenne dans ce chapitre de vingt ans et demi avant 1768, il s’éleva après cette date à vingt-quatre ans. Le règlement de 1771 précisait que passé l’âge de vingt-six ans, la candidate à la profession ne pouvait retarder davantage ses vœux40. Les dames nobles du Comté avaient donc en commun avec les familles religieuses les plus ascétiques de prononcer des vœux tardifs. N’étaient-elles pas incitées à les retarder sous l’influence, voire sous la pression des réformateurs catholiques ? Dans la continuité du concile de Trente qui menaçait d’anathème (xxve session, chapitre xviii, De regularibus et monialibus) ceux qui auraient contraint une femme à prendre l’habit ou à faire profession, le clergé réformateur s’empressait en effet de fustiger des entrées en religion forcées qui auraient été motivées par la conservation d’intérêts de famille. La raison de ces vœux 36 AD Jura, 48 H 15. 37 BGSB, fonds Hugon, première série, t. 6, 2, op. cit., p. 121. 38 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Sequanois…, op. cit., p. 147. 39 AD Jura, 48 H 10. 40 BECB, ms. 799, règlement de l’abbaye de Lons-le-Saunier, « Des vœux et prise d’habit », p. 8.
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tardifs se trouve dans le mode de transmission des prébendes : pourquoi se serait-on précipitée d’embrasser la vie religieuse, alors que l’apprébendement ne pouvait se réaliser qu’à un âge très avancé ? En effet, en dehors de l’abbaye de Baume-les-Dames où le nombre des prébendes était équivalent à celui des dames professes, il était ailleurs nettement inférieur à celles-ci, si bien qu’il fallait patienter longtemps avant de jouir des revenus capitulaires. En 1771, le monastère noble lédonien était formé de vingt-cinq dames professes, l’abbesse non incluse. Seules les douze plus anciennes étaient prébendées, leur moyenne d’âge avoisinant soixante-sept ans, la plus jeune, Claude Catherine de Champagne-Citey, ayant cinquante ans. Les treize autres, dont la moyenne d’âge avoisinait trente-neuf ans, ne possédaient pour ressources que la dot et la pension de leur famille, l’apprébendement ne paraissant plus devoir tarder pour l’aînée d’entre elles, la quinquagénaire Jeanne de Malivert-Salnove. Douze demoiselles ayant entre six et vingt ans n’avaient pas encore prononcé leurs vœux41. Des séjours prolongés au sein de la famille permettaient donc d’en ménager les finances et ils étaient sans doute moins surveillés lorsque la dame noble n’était pas encore professe. L’édit de mars 1768 qui repoussait à dix-huit ans l’âge de la profession des femmes n’apporta donc aucun changement aux usages de ces instituts. Signalons enfin que les chapitres nobles féminins du Comté ne furent pas concernés par ces vocations retardées, qui furent si fréquentes au temps de la réforme catholique, notamment chez les veuves de l’aristocratie. Cette singularité s’explique par le mode de recrutement fondé sur l’adoption, lequel avait pour caractéristique un décalage générationnel entre l’adoptante et sa nièce, cette dernière étant généralement choisie dans l’enfance.
La profession Véritable rite de passage, la profession était solennelle et publique. Outre les dames du chapitre, parents et amis devaient être les témoins de cette rupture avec le monde. La date pouvait d’ailleurs tenir compte de leurs disponibilités. Ce fut le cas pour la profession en 1775 à Lons-le-Saunier de Marie Joseph Élisabeth de Chifflet, dont le père Étienne Joseph François Xavier, conseiller au Parlement, souhaita qu’elle se déroule dans la semaine pascale, parce qu’elle était aussi celle de la vacance de la cour bisontine42. À Baume, avant d’être conduite à l’église, la novice se rendait chez l’abbesse, qui lui remettait la barbette, sorte de guimpe rappelant l’habit des religieuses traditionnelles, que recevaient également les dames de Remiremont lors
41 AN, G9, 140 (13). 42 BGSB, ms. 65, Lettre de l’abbesse de Lons-le-Saunier à l’archevêque de Besançon, 27 mars 1775.
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de leur cérémonie d’apprébendement43. Dans tous ces instituts, un temps était laissé à l’établissement par un homme de loi du traité de réception par lequel la famille de la jeune fille s’engageait à lui verser une pension viagère compensatoire de la perte de sa capacité civile. Le traité pouvait comporter d’autres conventions, comme l’obligation pour les parents, leurs héritiers ou successeurs de recueillir la dame noble en temps de guerre, peste ou famine ou par suite de l’incendie du monastère44. La novice était ensuite conduite processionnellement à l’église. C’était au chœur, étant agenouillée devant l’abbesse, qu’elle lisait à haute et intelligible voix les vœux écrits de sa main sur un papier. « Je, N., promets à Dieu tout puissant, à la bonne Vierge Marie, à sainte Claire, à tous les saints, et à vous, Madame l’abbesse, de garder toute ma vie la pauvreté, chasteté et obéissance, selon les usages et coutumes de cette abbaye45 », juraient les dames de Lons-le-Saunier. À Château-Chalon, la formule des vœux était en latin. La postulante promettait la conversion de ses mœurs ainsi que la stabilité in loco, c’est-à-dire l’enracinement jusqu’à sa mort dans le monastère de sa profession. Ce fut sous la forme qui suit que Desle Bénigne de Scey jura les siens le 10 février 1740 : Ego deicola Benigna de Scey, filia domini Ludovici comitis de Scey et dominae mariae carolae de Saint Mauris, promitto stabilitatem meam et conversionem morum meorum et obedientiam tenere secundum regulam sancti benedicti quae observatur in hoc monasterio et secundum statuta ejusdem loci, coram Deo et sanctis martyribus quorum reliquiae hic habentur et omnibus sanctis in hoc loco qui Castrum Caroli vocatur, constructo in honorem Dei et beatissimae semperque Virginis Mariae, in praesentia reverendae dominae dominae Annae Mariae Deicolae de W. Dei et apostolicae sedis gratia abbatissae ejusdem loci46.
43 Le dictionnaire de Trévoux définit ce terme de la sorte : « C’est ainsi que les dames chanoinesses de Remiremont appellent un petit morceau de quintin [toile de lin très claire] qu’elles mettent devant elles le jour de leur apprébendement. Cette barbette leur est donnée le jour de leur réception, comme un reste de leur ancien habit, et une marque qu’elles ont été autrefois religieuses, puisque ce morceau de linge est une espèce de guimpe. Et tous les dimanches il y a une de ces dames qui, communiant pour les besoins spirituels et temporels de leur abbaye, est obligée de porter cette barbette ». 44 Cette clause figure par exemple dans le traité de profession d’Henriette Joseph et Marie Madeleine Eléonore du Pasquier, chanoinesses de Migette, le 20 juin 1729 (AD Doubs, 118 H 1). 45 BECB, ms. 799, Précis d’un mémoire sur l’origine de l’abbaye royale de Lons-le-Saunier, p. 5. 46 « Moi Desle Bénigne de Scey, fille de seigneur Louis comte de Scey et de dame Marie Charlotte de Saint-Mauris, je promets la stabilité et conversion de mes mœurs et l’obéissance à la règle de saint Benoît et aux statuts observés dans ce monastère, devant Dieu et les saints martyrs dont les reliques sont conservées ici et devant tous les saints, dans ce lieu qui se nomme Château-Chalon, construit en l’honneur de Dieu et de la très heureuse et toujours Vierge Marie, en présence de révérende dame dame Anne Marie Desle de W[atteville], abbesse de ce lieu par la grâce de Dieu et du siège apostolique ». [AD Jura, 38 H 7 ; Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Sequanois…, op. cit., p. 143-144].
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La comparaison de la formule castel-chalonnaise avec celle de l’abbaye de Baume met en relief la sécularité de la seconde, laquelle occulte la référence à la règle bénédictine ainsi que la promesse de stabilité. Je, N., fille de N. et de N. mes père et mère, promets et voue à Dieu, en présence de la glorieuse Vierge Marie et de tous les saints et saintes dont les reliques reposent en cette église, et de vous, Madame N., abbesse de céans, les trois vœux de religion, pauvreté, chasteté et obéissance, avec bonne conversion de mes mœurs, selon la forme et la coutume de la maison. Ainsi Dieu me veuille aider, amen47. Il convient de se rappeler que les chanoinesses de cette abbaye noble prétendaient au xviiie siècle que sa fondation était antérieure de près d’un siècle et demi à la règle établie par Benoît de Nursie et soutenaient que Germain de Besançon, son fondateur, avait donné aux pieuses filles qui y vivaient des constitutions ne leur prescrivant ni vœux, ni vie cloîtrée. Si la formule de profession en usage dans l’abbaye baumoise traduit l’efficacité des efforts visant à s’affranchir de l’ordre bénédictin, celle d’autres chapitres nobles du Comté révèle la même intention : en jurant d’obéir aux « usages », aux « coutumes », aux « statuts » de leur maison plutôt qu’à la règle, les dames voulaient qu’on ne les confonde pas avec des religieuses. L’on conservait à Château-Chalon un singulier usage qui semblait y être observé depuis plusieurs siècles. Il s’agissait d’un secret que l’abbesse confiait à celle qui venait d’être admise à la profession48. Un rapprochement peut être établi avec ces secrets des cultes initiatiques du monde gréco-romain ou des animistes, le rite de passage se traduisant par une révélation faite à l’initié. Comme pour la prise d’habit, nous avons vu précédemment que la cérémonie de la profession était suivie d’un banquet et peut-être aussi d’un ou de plusieurs bals donnés pour réjouir les parents, les amis ainsi que l’élite ecclésiastique et nobiliaire du voisinage. Était-ce pour rappeler symboliquement que l’état de chanoinesse noble régulière ne contraignait pas à une rupture brutale avec le monde, ou était-ce au contraire pour marquer l’adieu à la société civile ? C’est bien cette séparation que consacrait le rituel de la prise d’habit à Bourbourg, chapitre régulier flamand : habillée somptueusement, portant une couronne de diamants sur la tête, la demoiselle était conduite à une salle dans laquelle un bal était donné en son honneur. Après quoi ses parents la bénissaient et elle faisait ses adieux à toute la famille. Elle était alors conduite à l’église, précédée d’un orchestre comprenant notamment des violons et des hautbois. Des filles d’honneur l’escortaient vers ces fiançailles spirituelles, l’une portant une corbeille de fleurs, une autre un cierge, la troisième tenant la queue de sa robe. La messe était chantée en musique. La demoiselle était ensuite conduite par son père à l’entrée du chapitre, où la recevait celle qui
47 Ibid., p. 157. 48 BECB, ms. 799, Mémoires historiques…, op. cit., f. 24.
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la formerait durant son noviciat. Elle était amenée devant l’abbesse, qui lui faisait publiquement une exhortation puis lui ôtait ses habits séculiers pour la revêtir de celui d’« écolière », c’est-à-dire de novice49.
Les apostates La cérémonie de la profession était certes capitale, mais elle ne signifiait pas une rupture irréversible avec le monde. En principe, toute religieuse disposait de cinq années pour engager une procédure d’annulation devant l’officialité compétente, laquelle pouvait se révéler conflictuelle et longue, lorsque la famille était accusée d’avoir contraint la religieuse à se promettre à Dieu. Claudine Alexandrine Guérin de Tencin dut poursuivre un combat de quatorze années pour se voir déliée des vœux qu’elle avait prononcés en 1698 à l’abbaye noble de Montfleury en Dauphiné. La peur de porter atteinte à la réputation de leur lignage fut probablement dissuasive pour certaines dames nobles tentées d’apostasier. Il n’y eut au xviiie siècle, chez les chanoinesses de Franche-Comté, que Judith Aimée du Saix pour réclamer auprès de l’officialité de Besançon cette sentence libératrice des vœux prononcés à Migette et l’obtenir le 15 février 174450. * * * Sans contrainte et sans artifice J’embrasse ce saint ordre avec soumission Et après mon temps de novice J’espère d’un bon cœur faire profession51. Ce quatrain qui légende le portrait en pied d’une novice de Mons, gravure des frères Bonnart de la fin du xviie siècle ou du début du suivant, décrit la progression de cette chanoinesse vers la vie consacrée. Pour y parvenir, il lui faudrait toutefois changer d’établissement, car le chapitre montois avait cessé d’être régulier depuis des siècles. Ce n’était pas le cas des maisons comtoises, mais si l’on y pouvait devenir religieuse, les rites de passage qui conduisaient à cet état n’étaient plus tout à fait à l’image de ceux des monastères traditionnels, car ils avaient été transformés par les valeurs et les usages nobiliaires et s’étaient adaptés aux intérêts de la noblesse chapitrable. Les dames nobles confrontées à ce parcours et aux épreuves qu’il comportait n’étaient pas toujours tenues de se plier aux règles de l’Église : s’il fallait par exemple qu’elles se conforment à l’âge prescrit pour prononcer leurs vœux solennels, il était fréquent en revanche qu’elles reçoivent le couvre-chef bien
49 P. Helyot, Histoire des ordres monastiques…, op. cit., 1721, t. 6, p. 509. 50 AD Doubs, G 574, Registre de l’officialité de Besançon. 51 BM Versailles, Res in fol A 30 m_fol 128.
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avant l’âge qu’imposaient les canons. Les vœux étaient quelquefois retardés dans l’attente de l’apprébendement, ce qui donnait tout le temps nécessaire pour éprouver sa vocation. D’autres spécificités étaient l’absence d’une autorité extérieure au chapitre pour déterminer l’aptitude de la postulante à la vie consacrée, ou encore l’importance des liens de personnes dans la formation de la novice. Parce qu’il était précédé du serment des preuves de la postulante, le rituel de la prise d’habit mettait en évidence l’origine sociale de la chanoinesse pour lui rappeler que sa naissance la contraignait à des obligations morales et spirituelles. La formule des vœux insistait enfin sur le respect des usages propres à chaque établissement. Tout en choisissant de se consacrer à Dieu dans un chapitre noble régulier, les chanoinesses étaient donc en marge du régime commun, ce qui devait satisfaire ces dames soucieuses d’être différenciées des religieuses traditionnelles. Ces établissements possédaient là un attrait qui contribue à expliquer pourquoi ils ne subirent pas la crise des vocations qui affecta maintes familles religieuses féminines au xviiie siècle. N’était-il pas nécessaire d’apporter toute sa magnificence à l’espace où se déroulait cette vie religieuse spécifique, adaptée aux attentes spirituelles d’un groupe social ?
Chapitre xi
Louer Dieu dans un cadre digne de sa majesté
La condition de chanoinesse noble régulière ne donnait-elle pas la possibilité d’œuvrer à son salut en louant Dieu et en accompagnant, pour certains établissements, le culte des reliques ? Il fallait un cadre qui soit digne de toutes ces cérémonies et le xviiie siècle fut pour les chapitres nobles comtois le temps des réparations ou de la reconstruction des édifices cultuels, tandis qu’un gros effort était fourni à leur aménagement intérieur. Faut-il voir dans ce dynamisme l’expression de la vigueur spirituelle de ces communautés ? Les chapitres nobles ne connurent-ils pas au xviiie siècle un âge d’or spirituel susceptible de leur procurer de nouvelles recrues ?
« Un blanc manteau d’églises » Les collégiales des chapitres nobles féminins du Comté firent l’objet d’importants travaux au xviiie siècle. Cet élan ne fut pas propre à ces communautés, il marqua toute la province, puisque les trois quarts des édifices cultuels y furent reconstruits ou restaurés. Un tel dynamisme ne peut simplement s’expliquer par une réforme catholique qui se serait attardée dans la province1. L’on incrimine volontiers aussi les guerres du xviie siècle, lesquelles avaient ruiné celle-ci jusque dans ses plus humbles villages, et dont les plaies ne devaient s’effacer que lentement. Bien plus que les deux campagnes ordonnées par Louis XIV, la guerre de Dix Ans (1634-1644), épisode comtois de celle de Trente Ans, y fut particulièrement destructrice2. Pour peu que les églises aient été épargnées par le pillage ou le feu des mercenaires protestants, elles eurent à souffrir du manque d’entretien consécutif au dépeuplement et au désordre économique. Par un arrêt du 11 janvier 1681, le parlement de Besançon désigna vingt-six abbayes et prieurés comtois qui demandaient « une prompte réparation, non seulement pour les quartiers abbatiaux, mais aussi pour les églises et leurs ornements », parmi lesquels étaient Château-Chalon,
1 Cl. Fohlen (éd.), Histoire de Besançon. De la conquête française à nos jours, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1965, t. 2, p. 157. 2 G. Louis, La guerre de Dix Ans-1634-1644-, Besançon, 1998 (Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté, 651 ; Cahiers d’études comtoises, no 60), 380 p. Les désordres et destructions provoqués par cette guerre dans les abbayes nobles sont évoqués dans l’introduction de l’ouvrage.
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Baume-les-Dames et Montigny3. Ces travaux furent durablement différés en l’absence d’un système de financement stable et réglé comme devait l’être le quart de réserve, mis progressivement en application par l’administration française à partir de 1694. Les aides consenties à maintes abbayes nobles du royaume par l’une des deux Commissions extraordinaires du Conseil, la Commission des Secours, ou Commission pour le soulagement des communautés de filles, furent décisives pour l’ouverture de chantiers. Celle-ci fut instituée par arrêt du Conseil le 19 avril 1727, en réponse aux inquiétudes formulées deux ans plus tôt par l’A ssemblée du clergé devant les difficultés financières de nombreuses maisons féminines secouées par la banqueroute de Law. Relevant du secrétaire d’État pour la Maison du roi, composée de quatre prélats et de quatre magistrats, elle proposait au roi des mesures qui étaient arrêtées au Conseil des dépêches. Ses moyens se trouvaient cependant limités : la Commission disposait de moins de 500 000 livres par an, provenant d’une loterie et surtout du dixième du prix des bois des communautés ayant obtenu le droit de couper dans leur quart de réserve. Jusqu’en 1788, elle se donna pour mission la suppression des établissements au temporel trop fragile, et procéda, pour ceux qui étaient viables, à des réunions de maisons et à une assistance matérielle. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, l’aide financière fut préférée aux suppressions, notamment par l’octroi de sommes substantielles destinées à soutenir des travaux et réparations de bâtiments4. La Commission se porta au secours de Château-Chalon quelques années après que son abbatiale eut été rebâtie à neuf. L’inventaire dressé à la mort en 1733 de l’abbesse Anne Marie Desle de Watteville permet de préciser qu’on venait de l’achever5. Dunod de Charnage, qui la visita l’année suivante, signale que l’on avait fait raser la crypte sur laquelle le chœur était haussé pour ramener celui-ci au niveau de la nef6. Un manuscrit anonyme de 1756 évoque la forme nouvelle d’une grande croix7, ce qui laisserait supposer l’ajout d’un transept. La Commission consentit en 1739 à une aide de 13 600 livres sur quatre années. Elle en apporta en 1771 une nouvelle de 13 000 livres, échelonnée également sur quatre ans, pour aider
3 AD Doubs, 121 H 1, Arrêt de la Cour du 2 janvier 1681 concernant le tiers des revenus des abbayes et prieurés. 4 A. Sabbagh, La Politique royale à l’égard des communautés de filles religieuses : la Commission des secours (1727-1788), Paris, Thèse de l’École nationale des Chartes, 1969. 5 AD Doubs, 113 H 4. 6 P. Lacroix, Églises jurassiennes romanes et gothiques : histoire et architecture, Besançon, Cêtre, 1981, p. 72. 7 BECB, ms. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-Chalon dans le Comté de Bourgogne, 1756, f. 37.
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à la reconstruction du clocher qui venait de s’effondrer8. En 1762, le chapitre de Migette sollicita à son tour le soutien financier de la Commission pour se doter d’une nouvelle abbatiale, celle que l’on projetait d’abattre ayant été fragilisée par l’incendie de 16939. Le chantier s’ouvrit dans la décennie suivante, sous l’abbatiat de Charlotte Gabrielle Scolastique de Franchet de Rans. La Commission consentit en 1778 à un secours de 4 000 livres, puis à un autre de 7 000 livres en 178310. Elle n’intervint pas, en revanche, dans le financement des travaux entrepris sur l’abbatiale de Montigny, partiellement reconstruite entre 1729 et 1731 par l’entrepreneur Tripard11. La Commission ne fut pas non plus sollicitée lors de la reconstruction de celle de Baume-les-Dames, dont le clocher s’était effondré en 1730. Celui-ci ne reçut qu’une réfection de fortune pour pourvoir à la sonnerie des cloches, essentielle pour annoncer aux dames la proximité d’un office. L’architecte bisontin Jean-Pierre Galezot fut chargé en 1738 des plans d’un nouvel édifice, l’ancien devant être démoli. À sa mort quatre ans plus tard, ce fut Nicolas Nicole qui poursuivit son œuvre, concevant un édifice composite de style néo-grec ou néo-latin, coiffé d’une élégante coupole12. Le chantier fut confié en 1758 à l’entrepreneur Chapelle13. Mais l’argent vint à manquer. Les chanoinesses refusèrent toute contribution, au contraire d’autres chapitres nobles qui montrèrent vers la même époque l’exemple du sacrifice collectif pour contenter d’ambitieux projets architecturaux14. L’abbesse n’eut alors d’autre choix que de faire clore la nef d’un mur provisoire à la naissance de la première travée. Le projet initial d’une nef à quatre travées prolongée par un clocher-porche fut abandonné et l’abbatiale se réduisit au chœur et au transept. Il est difficile de dater avec précision l’arrêt des travaux. Si l’on se fie à un contemporain, le capucin Joseph-Marie Dunand, compilateur prolixe sur le passé comtois et sur les monastères et couvents de la province, ceux-ci auraient été interrompus en 176915.
8 AN, G 9, 127 (27). BGSB, ms. 57. Il était versé mille livres, la première année, quatre mille, pour chacune des trois autres années, « à la charge de justiffier de l’employ au payement de construction ». 9 BGSB, ms. 2, placet adressé au cardinal de La Rochefoucauld, lettre à l’archevêque de Besançon, 4 septembre 1762. 10 BGSB, ms. 57. 11 AD Haute-Saône, H 943, projet de reconstruction de l’abbatiale. 12 J. Gauthier, « Les monuments de l’abbaye de Baume-les-Dames », Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, année 1889, Besançon, 1890, p. 272-309. 13 AM Baume-les-Dames, GG 18. 14 À Andenne, dans les Pays-Bas autrichiens, un certain nombre de prébendes furent détournées pour permettre la reconstruction de la collégiale Sainte-Begge. Voir M.-É. Henneau, « Le chapitre de chanoinesses séculières d’Andenne à l’époque moderne », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, Paris, Messene, 1998, p. 253. 15 BECB, Fonds Dunand, ms. 30, abbayes en Franche-Comté, p. 221.
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Fig. 11 : La coupole de l’abbatiale de Baume-les-Dames conçue par l’architecte Nicolas Nicole.
Fig. 12 : Vue extérieure de l’abbatiale de Baume-les-Dames reconstruite de 1738 à 1769.
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Semblable déconvenue fut éprouvée par quelques chapitres nobles à la fin du règne de Louis XV et sous celui de son petit-fils. Faute de moyens financiers, certaines compagnies ne se contentèrent pas seulement de modérer leurs projets architecturaux, mais durent les abandonner. Ayant reçu commande par les Choiseul, qui en étaient les protecteurs, de la construction de la nouvelle collégiale noble de Saint-Louis de Metz, l’architecte parisien Jacques François Blondel en dressa les plans en 1761. Commencés trois ans plus tard, les travaux furent presque aussitôt interrompus. Une vingtaine d’années après le projet blondélien, l’ingénieur municipal Louis Gardeur-Lebrun s’engageait dans un nouveau projet qui n’eut pas plus de réussite que le précédent16. La chapelle des clarisses de Lons-le-Saunier fut presque entièrement reconstruite sous l’abbatiat de Jeanne Marguerite de Belot de Villette (17311762)17. En 1773, celle-ci faisait l’objet de travaux de restauration18. Ces chantiers furent donc nécessités par le délabrement des églises. Il est peu probable qu’ils aient été le fruit d’un réveil spirituel, comme tend à le prouver l’attitude des chanoinesses de Baume qui choisirent de suspendre la reconstruction de leur abbatiale pour s’épargner une contribution pécuniaire. La possibilité retrouvée du financement de ces travaux, au sortir d’un sombre xviie siècle, peut expliquer qu’ils furent tous entrepris dans un laps d’une cinquantaine d’années, correspondant à une renaissance matérielle de ces compagnies. Si les chapitres nobles de France et des Pays-Bas connurent au xviiie siècle un dynamisme architectural sans précédent, c’est aussi parce qu’un esprit d’émulation poussa probablement certains d’entre eux à se doter d’une église digne de leur réputation et du rang social des chanoinesses. Certaines réalisations ne manquent pas de surprendre par leur ambition, à l’image de la collégiale d’Andenne. Ce fut au fameux Laurent Benoît Dewez, premier architecte du gouverneur des Pays-Bas, que le chapitre en confia les plans en 1770. Il conçut le monument dans un style néo-classique très élégant.
L’application des principes formulés dans la continuité de Trente La volonté de conformer des églises d’aspect médiéval aux principes architecturaux établis par les réformateurs catholiques est un autre élément d’explication de cette floraison de constructions. Dans sa nouvelle ordonnance, l’intérieur auparavant fort obscur de l’abbatiale de Château-Chalon paraissait
16 A. Davrius, Jacques-François Blondel, architecte des Lumières, Paris, Classiques Garnier, 2018, 955 p. 17 BGSB, ms. 2, état de l’abbaye de Lons-le-Saunier en 1756. 18 AN, G 9, 134 (11).
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« beau, clair et bien décoré19 ». Dans la période post-tridentine, liturgistes et architectes ne cessèrent de rappeler que l’église devait être l’indispensable écrin de l’office divin et de la messe. Il convenait d’ajourer celle-ci et de l’ordonnancer de manière à rendre visible le chœur, espace de la consécration et de la laus divina. Dans la nouvelle abbatiale de Baume-les-Dames, celui-ci était spacieux et baigné d’une lumière zénithale provenant des quatre baies de la coupole. L’intention de sacraliser le chœur se manifesta également par le soin apporté à son pavement, à ses parements muraux, au maître-autel, lieu symbolique du sacrifice rédempteur du Christ, au retable, qui en était la glorification par l’image et le décor, ainsi qu’au tabernacle. Les embellissements qu’apporta Anne Marie Desle II de Watteville († 1742) à celui de l’abbatiale de ChâteauChalon sont ainsi décrits dans un manuscrit contemporain : L’autel, de la figure d’un vase quarré long, est entièrement de Marbre, et placé à la Romaine20, le dessein en est de très bon goût, le pavé qui l’environne est d’une belle pierre polie, ou espèce de marbre de différentes couleurs, posé en échiquier21. Au début de la décennie 1730, Jeanne Marguerite de Belot de Villette, abbesse de Lons-le-Saunier, dépensa 72 livres pour que l’on procure « un vernis et une couleur de marbre » au retable placé au-dessus du maître-autel. Elle offrit également 134 livres pour l’achat d’un tabernacle22. Le chapitre noble de Montigny commanda aux Marca, stucateurs piémontais très actifs en Franche-Comté où ils jouissaient d’une grande renommée23, un magnifique retable daté de 1737. La toile dans le corps central est encadrée d’une statue de sainte Claire et d’une autre de François d’Assise. Le couronnement accueille la représentation d’une Assomption24. Ce fut à Baume-les-Dames que l’on réussit le mieux à traduire par l’ornementation la sacralité du chœur. Il n’en rend plus compte aujourd’hui, privé d’une partie de son parement au début du xixe siècle. L’architecte Nicole conçut un maître-autel rectangulaire, exhaussé de trois marches, somptueusement décoré de marbres de diverses provenances. Adossé au chevet, il était encadré de quatre colonnes marmoréennes soutenant une architrave où des marbres noirs et blancs s’harmonisaient avec les teintes roses du marbre jurassien de Sampans. Un dallage carrelé faisait alterner le marbre blanc de Gênes
19 BECB, ms. 2250, recueil de pièces diverses, f. 7r. 20 Également appelé « autel isolé », l’autel à la romaine n’est pas adossé, comme le veut le rite romain. 21 BECB, ms. 799, Mémoires historiques…, op. cit., p. 37. 22 AD Jura, 48 H 9. 23 M. Zito, Les Marca (fin xviie-début xixe siècles). Itinéraires et activités d’une dynastie de stucateurs piémontais en Franche-Comté et en Bourgogne, Thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 2013, 2 vol., 225 p. et 684 p. 24 Ce retable, l’un des plus beaux de la Haute-Saône, demeure à son emplacement initial (base Palissy, PM 70001026).
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avec des pierres noires et roses de provenance locale25. Les autels Saint-Paul et Notre-Dame de l’église abbatiale de Remiremont, réalisés par François Chassel entre 1704 et 1707, en furent peut-être les modèles. Une confraternité ne rapprochait-elle pas les deux chapitres nobles, qui pouvait aussi trouver son expression dans des transferts de goût artistique. L’inventaire dressé à Montigny le 3 décembre 1767 mentionne sur le maître-autel un tabernacle neuf, de bois doré, renfermant un ostensoir en argent « fort beau » ainsi qu’un ciboire en argent26. La disposition était la même à Baume-les-Dames, où l’ostensoir est décrit avec une « lunette dorée et assez belle », tandis que le ciboire est « très petit et fort mince, pouvant contenir au plus cent hosties27 ». La communion demeurait un moment privilégié pour les chanoinesses. À Château-Chalon, les quatre prêtres chargés de la desserte de l’église paroissiale du bourg, appelés « quart-fiefs » parce que leur dotation consistait en quatre fiefs mouvant de l’abbaye, venaient la recevoir à l’abbatiale le jeudi saint28. De façon générale, le culte eucharistique, que le catholicisme post-tridentin avait valorisé pour réagir aux négations protestantes sur la transsubstantiation et la Présence réelle, occupait au xviiie siècle une place importante dans la vie religieuse de ces femmes. À Château-Chalon, le célébrant, qui était aussi leur confesseur, devait communier puis bénir le Saint Sacrement tous les jeudis de l’Avent et du Carême29. Ce dernier était exposé pendant l’octave de la Fête-Dieu30. C’est pourquoi un fort intérêt fut porté par ces communautés au tabernacle, aux vases sacrés et à l’ostensoir, nécessaires à la conservation, à la consécration et à l’adoration du « pain céleste ». Les abbesses furent parfois les donatrices de ces précieuses pièces d’orfèvrerie, comme en témoigne un calice du xviiie siècle d’un orfèvre bisontin qui provient de l’ancienne abbatiale de Château-Chalon, aux armes des Watteville31. En vertu du précepte paulinien « que chacun s’examine soi-même » (1 Cor. 11.28), la communion devait être précédée d’un examen de conscience et de la confession. Ces obligations furent rappelées avec autorité par les pères du concile de Trente (xiiie session, chapitre vii, De Eucharistia). Obéissant aux prescriptions tridentines ainsi qu’à leurs règlements, les chanoinesses du Comté recevaient fréquemment le sacrement de la pénitence. À Baume, le coutumier leur imposait de se confesser à la Pentecôte, à l’Assomption,
25 J. Gauthier, Répertoire archéologique du canton de Baume-les-Dames, Doubs, Besançon, Paul Jacquin, 1883, p. 4. J.-L. Durr et Y. Bailly, L’abbaye de Baume-les-Dames, Baume-les-Dames, Renaissance du vieux Baume, 2009, 99 p. 26 AD Haute-Saône, H 939, inventaire du 3 décembre 1767. 27 AD Doubs, 112 H 64, inventaire du 19 octobre 1767. 28 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des sequanois…, op. cit., p. 144. 29 AD Jura, 38 H 7. 30 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des sequanois…, op. cit., p. 144. 31 Base Palissy, PM 39000279. Conservé aujourd’hui dans l’église paroissiale Saint-Pierre de Baume.
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à la Nativité de la Vierge ainsi qu’à Noël32. Par commodité, plusieurs de ces communautés s’attachèrent un confesseur, qui disposait d’un logement adjacent au chapitre. En 1657, il y en avait un à demeure à Migette33. En 1756, cette fonction était occupée par un cistercien, frère Melin, aumônier du chapitre34. En 1721, Louis de Saint-Germain, prêtre et noble, était le confesseur ordinaire des chanoinesses de Château-Chalon. Arguant que cet ecclésiastique était très pris par d’autres confessions au voisinage de l’abbaye et qu’elles n’étaient pas pour leur part en résidence permanente à Château-Chalon, les dames obtinrent en 1724 du vicaire général la permission de recevoir ce sacrement par tout prêtre du diocèse approuvé35. Le concile de Trente avait imposé qu’en plus du confesseur ordinaire, il s’en présente à titre extraordinaire deux ou trois fois dans l’année pour recevoir les confessions de toutes les religieuses (xxve session, chapitre x, De regularibus et monialibus). À Migette, cette fonction était presque toujours confiée à des capucins36, qui devaient probablement venir du couvent de Salins, car la coutume de l’ordre était de n’envoyer des religieux prêcher et confesser que dans des localités accessibles à pied. Charles Borromée (1538-1584), archevêque de Milan, avait introduit le confessionnal dans son diocèse pour que le sacrement de la pénitence, donné désormais avec plus de fréquence, puisse l’être dans un climat de confidentialité. Ce fut au xviiie siècle que ce meuble fit son apparition dans les églises des dames nobles. En 1767, un confessionnal neuf en bois de chêne était installé à Montigny à senestre en entrant dans l’église37. À la même époque, il y en avait deux en bois de sapin dans l’abbatiale de Baume38. Dans sa pastorale réformatrice et de reconquête, le clergé post-tridentin accorda une place importante à la prédication. La présence de capucins à Migette s’explique certes par l’affiliation de ces religieux à la famille franciscaine à laquelle appartenaient également les dames nobles de ce lieu, mais aussi parce qu’ils avaient la réputation d’être d’excellents directeurs d’âme et confesseurs. C’était d’ailleurs un membre de leur ordre qui occupait ordinairement cette fonction auprès de l’archevêque de Besançon39. Mais les fils spirituels de Matteo de Bascio avaient aussi celle d’être d’actifs
32 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame Henriette-Angélique d’Amas…, op. cit., p. 55. 33 Fr. Lassus (éd.), La population de la Franche-Comté au lendemain de la guerre de Trente Ans. Recensements nominatifs de 1654, 1657, 1666, Paris, Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1995, t. 2, p. 332. 34 BGSB, ms. 2, lettre du 22 mars 1756. 35 AD Jura, 38 H 8. 36 BGSB, ms. 2, correspondance entre l’aumônier de Migette et l’archevêque de Besançon. 37 AD Haute-Saône, H 939, Inventaire des titres et papiers (3 décembre 1767). 38 AD Doubs, 112 H 64, Inventaire de 1767. 39 D. Varry, « L’introduction des capucins en Franche-Comté et le « miracle » de Faverney », in C. Marchal et M. Tramaux (éd.), Le miracle de Faverney (1608). L’eucharistie : environnement et temps de l’histoire, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2010, p. 271.
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missionnaires et prédicateurs40. Il fait peu de doute que leurs déplacements à Migette aient été motivés par l’exercice de cet apostolat. À Baume-lesDames, les stations de l’Avent et de Carême, qui s’adressaient aux citadins, étaient accueillies dans l’église abbatiale. Jusqu’en 1652, l’abbesse s’obligea à verser quarante francs comtois au prédicateur, date à laquelle cette dépense fut transférée au corps municipal41, auquel revenait la responsabilité de convier ces « ouvriers évangéliques42 ». Installés dans la ville depuis 1624, les capucins monopolisèrent rapidement cette prédication. Les archives livrent parfois leur nom : le père Paul prêcha pendant l’Avent de 1746 et le Carême de 1747, le père Victorin Bassand en 1748 et 1749. Lucian Devillard en 1749 et 1750, le père Apolinaire, vicaire du couvent de Baume, en 1750 et 1751, Paulin Malland en 1752 et 1753 et Raphaël Gaillard, venu du couvent de Besançon, en 1758 et 175943. Après 1766, nos sources deviennent muettes sur ces prédications. Auraient-elles disparu du paysage religieux baumois ? Les travaux de la nouvelle abbatiale auraient-ils donné un prétexte à ne plus les continuer ? Pour recevoir dignement cet enseignement du mystère chrétien et cette parénèse, les communautés de dames nobles de la province commandèrent des chaires à prêcher. Celle de Migette, élégamment stuquée, a été déplacée sous le Premier Empire à l’église d’Amancey (Doubs)44. Au début de son abbatiat (1742-1775), Françoise Élisabeth de Watteville fit fabriquer « une magnifique chaire de marbre » pour l’abbatiale de Château-Chalon45. L’inventaire de 1767 signale à Montigny-lès-Vesoul, « contre le pilier à gauche entre le sanctuaire et le chœur, […] une belle chaire de prédicateur en bois de chêne sculpté46 ». À la fin de l’Ancien Régime, était placée à Baume-les-Dames, à un angle de la croisée du transept, une chaire en bois sculpté couverte d’un vernis couleur de chêne. Le soin apporté par ces instituts à pourvoir leur église et la sacristie de ce qui était nécessaire au service divin s’étendit même, s’agissant de Baume, à la paroissiale Saint-Martin de la ville. En 1751, à la Toussaint, la nouvelle abbesse
40 B. Dompnier, « Les missions des capucins et leur empreinte sur la Réforme catholique en France », Revue d’histoire de l’Église de France, 70, no 184 (1984), p. 127-147. 41 AM Baume-les-Dames, GG 21. 42 AM Baume-les-Dames, BB 16, délibération du 27 mai 1701. 43 AM Baume-les-Dames, BB 24, délibération du 22 septembre 1746 ; BB 25, délibération du 22 octobre 1748 ; délibération du 31 octobre 1749 ; BB 26, délibération du 27 octobre 1750 ; BB 27, délibération du 17 octobre 1752 ; BB 30, délibération du 10 octobre 1758. 44 C’est le conventionnel Alexandre Besson, président du canton d’Amancey de 1807 à 1812 et maire de ce bourg, qui l’offrit à cette église. Il avait transformé l’ancienne abbaye de Migette en faïencerie : J.-N. Lallemand, « Autour de la faïencerie de Migette, entre affairisme et politique, le conventionnel Alexandre Besson », Mémoires de la Société d’Émulation du Jura. Travaux 1998, Lons-le-Saunier, 1999, p. 181-182. 45 BECB, ms. 799, Mémoires historiques…, op. cit., p. 37. 46 AD Haute-Saône, H 939. Elle fut vendue en 1906 consécutivement à la loi de séparation de l’Église et de l’État.
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Henriette Angélique Damas de Crux offrit un ostensoir de vermeil pour sa desserte47. Philippine Marie Léopoldine d’Andelot, qui lui succéda à cette dignité en 1767, fit présent à cette paroisse, en octobre 1770, de plusieurs aunes d’un brocart « propre à faire des ornemens48 ». La transformation radicale de l’intérieur de leur église, le soin apporté à son ornementation, au mobilier et aux vases sacrés étaient-ils pour autant l’expression de la vitalité religieuse de ces communautés ? À l’image des travaux entrepris sur les édifices, cet effort fut rendu possible par une prospérité retrouvée ainsi que par des aides pécuniaires. En 1773, la Commission des Secours accorda 8 000 livres à l’abbaye de Lons-le-Saunier, une partie de cette somme étant destinée à la décoration de la collégiale49. Certaines commandes furent peut-être motivées par une compétition orgueilleuse entre chapitres nobles, ou par le désir de s’inspirer des transformations d’églises que l’on observait autour de soi. Les autorités ecclésiastiques encouragèrent probablement ces transformations. Ce ne fut pas le hasard si celles-ci devinrent la préoccupation du chapitre lédonien peu après qu’il eut reconnu la juridiction de l’ordinaire diocésain. En répondant au désir de magnificence du culte exprimé par le clergé post-tridentin, ces établissements voulaient prouver qu’ils avaient toute leur place au sein d’une Église romaine réformée. C’était une réponse à leurs détracteurs qui leur reprochaient de s’en exclure en refusant de retourner à la stricte observance. Ils voulaient ainsi montrer qu’ils étaient capables d’accueillir d’authentiques servantes de Dieu, célébrant sa louange dans un cadre digne de sa grandeur.
L’espace de la louange divine La laus divina apparaissait en effet comme la principale obligation des chanoinesses nobles. Leur journée était donc rythmée par la récitation des heures. Elles participaient également à la célébration des messes, ainsi qu’à celle des offices de fondations et anniversaires. Des curés des paroisses proches de Baume étaient astreints à faire l’office de semainier à tour de rôle dans l’église des dames50. Les quart-fiefs n’étaient pas seulement chargés à Château-Chalon des fonctions pastorales, ils devaient également assurer la desserte de l’abbatiale51. Cette liturgie revêtait une solennité particulière lors des grandes fêtes solennelles de l’Église, auxquelles s’ajoutaient celles propres à chaque communauté. Elles s’accompagnaient de processions
47 AM Baume-les-Dames, GG 18, 2 novembre 1751. 48 AM Baume-le-Dames, BB 34, 30 octobre 1770 ; BB 35, 29 janvier 1771. 49 AN, G 9, 140 (13). BGSB, ms. 57. 50 BECB, ms. 750, note sur l’abbaye de Baume-les-Dames, p. 757. 51 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des sequanois…, op. cit., p. 145.
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claustrales et d’offrandes. À Château-Chalon, ce n’était pas dans l’église paroissiale, mais dans l’abbatiale qu’était célébrée la messe solennelle de Noël, celles de la Saint-Étienne, de la Saint-Jean, de la Circoncision, de l’Épiphanie et des fêtes principales de la Vierge. L’abbaye noble entendait ainsi marquer la primauté de son église sur celle de la paroisse, dont elle avait autorisé la construction au milieu du xiie siècle52. Les dames de Baume et de Château-Chalon participaient également à certaines processions paroissiales. Les stalles disposées dans le chœur accueillaient cette oraison. En 1775, il y en avait vingt-et-une à Château-Chalon et vingt-neuf en 178653. On avait donc répondu à l’accroissement du nombre des dames afin que chacune, professe ou novice, puisse être « installée ». En 1767, dix stalles hautes et six basses se répartissaient de chaque côté du chœur à Montigny-lès-Vesoul54. Il y en avait quatorze à Baume, en bois de chêne55. Celle de l’abbesse était signalée par un tapis de sol à franges de soie, de couleur violette. Comme dans les séances capitulaires, la place de chacune était déterminée par son âge. Lutrins et pupitres complétaient ce mobilier pour permettre une lecture plus confortable des livres liturgiques. En 1751, le chapitre de Baume demanda à l’architecte Nicolas Nicole de lui dessiner un lutrin qui fut réalisé avec du marbre d’une grande variété de couleurs, rose de Sampans, gris, jaune et blanc, le pupitre étant en fer ouvré. L’inventaire de 1767 indique qu’il était surmonté d’une crosse en cuivre et qu’il supportait trois graduels. Deux antiphonaires ainsi que deux graduels se trouvaient posés sur les stalles56. La commande du très élégant lutrin de Baume fut consécutive à celle de livres de chœur exécutés entre 1746 et 1748 aux frais de l’abbesse Marie Françoise d’Achey57. À Montigny-lès-Vesoul, un lutrin en bois soutenait en 1767 deux grands antiphonaires presque neufs, il était entouré de deux modestes pupitres de chêne58.
« Le service divin […] constitue l’essence de l’état de chanoinesse » L’office divin revêtait une telle importance dans le quotidien des chanoinesses nobles, que l’on était très soucieux de sa qualité. Hors des
52 Ibid., p. 144. 53 AD Doubs, 113 H 4, inventaire du mobilier de l’église abbatiale. 54 AD Haute-Saône, H 939, Inventaire du 3 décembre 1767. Laissées sur place à la Révolution, elles ont été vendues en 1906. 55 AD Doubs, 112 H 64, inventaire de 1767. 56 La crosse a disparu. Le lutrin se trouve aujourd’hui dans l’église paroissiale Saint-Martin de Baume (Base Palissy PM 25 000100) ; AD Doubs, 112 H 64. 57 BM, Baume-les-Dames, mss. 2-4. 58 AD Haute-Saône, H 939, Inventaire du 3 décembre 1767.
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Fig. 13 : Le lutrin de marbre de l’ancienne abbatiale de Baume-les-Dames dessiné en 1751 par l’architecte Nicolas Nicole (église paroissiale Saint-Martin de Baume-les-Dames).
frontières de la Comté, la prieure du chapitre noble d’Alix le rappelait vers 1767 dans une supplique adressée au roi : « Le service divin y est célébré avec la plus grande exactitude et régularité, cette partie mérite la plus sérieuse attention comme étant celle qui constitue l’essence de l’état de
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chanoinesse59 ». Le règlement de Château-Chalon de 1699 n’affirmait pas autre chose : « Comme l’office divin est ce que nous devons avoir de plus à cœur, estant notre première et principale obligation, nous devons aussy avoir une grande exactitude à tout ce qui y a rapport […]60 ». L’on attendait des dames castel-chalonnaises qu’elles psalmodient ou chantent les offices « avec attention, modestie et dévotion », qu’elles respectent les pauses dans les versets et qu’elles soient à l’unisson61 ; de celles de Lons-le-Saunier62, qu’elles les récitent « posément, avec décence et dévotion, en observant les mediantes63 ». Mais savaient-elles, dans les faits, communiquer à ces offices répétitifs l’harmonie et le zèle qui étaient réclamés dans les règlements ? Dunod de Charnage affirmait en 1735 qu’ils étaient exécutés à Baume-les-Dames « avec beaucoup de modestie et d’édification », ce que confirmait une génération plus tard dom Benoît Thiébault, religieux profès, visiteur et définiteur dans la congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe († 1766)64. L’auteur d’un article des Nouvelles ecclésiastiques du 24 juillet 1789 prétendait tout le contraire de celles de Lons-le-Saunier, ajoutant qu’on y chantait rarement la messe. Selon son témoignage, la liturgie y était dissonante : L’aumônier la dit dans le missel de Besançon, les chanoinesses en suivent un autre ; d’où il est arrivé que les dames faisant et chantant l’office de saint Louis leur patron, ou de quelque autre martyr ou confesseur, leur aumônier disait la messe du commun des vierges65. Parvenait-on à faire respecter au chapitre noble la discipline qu’imposait la prière ? Les visiteurs chargés en 1699 de donner un règlement à l’abbaye de Château-Chalon interdirent les chiens de compagnie aux offices et condamnèrent l’accès au chœur pendant la récitation des heures66. Faut-il penser qu’à l’image des habitudes romarimontaines condamnées en 1613 par les visiteurs apostoliques, il advenait que l’office y soit perturbé par des importuns, ou bien cette volonté si caractéristique de la période post-tridentine de restaurer la décence du culte s’exprimait-elle de façon normative dans ces règlements, sans nécessairement désigner des dérives locales67 ? 59 AN, G9 118 (31) ; source citée par Pierre-Marie Perez, Les chapitres de dames nobles dans le diocèse de Lyon, Mémoire de Master 2, CTU Université de Franche-Comté, 2012, t. 2, p. 243. 60 AD Jura, 38 H 2. 61 AD Jura, 38 H 2, Règlement de l’abbaye de Château-Chalon (1699). 62 Dans le plain-chant, note sur laquelle se forme le repos que l’on place au milieu de chaque verset, en psalmodiant les psaumes et les cantiques. 63 BECB, ms. 799, chapitre iv, article 4, « De l’office divin », p. 11. 64 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois…, op. cit., p. 160 ; BECB, ms. 750, note sur l’abbaye de Baume-les-Dames, p. 757. 65 Nouvelles ecclésiastiques…, op. cit., p. 119. 66 AD Jura, 38 H 2, règlement de 1699. 67 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 243.
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Dans le dernier tiers du xviie siècle, à l’apogée de la Réforme catholique en Comté, les chapitres nobles de cette province se préoccupèrent de la décence à devoir dans la célébration des offices. Ces instituts apportaient ainsi leur contribution au renouveau de l’Église romaine. Marie d’Achey, abbesse de Baume de 1672 à 1684, voulut restaurer l’usage de chanter matines deux heures après minuit, comme le stipule la règle bénédictine68. Le règlement qui fut introduit à Château-Chalon en 1699 rétablit la méditation en commun à la première sonnerie de l’office matutinal ; il prescrivit une demi-heure de lecture spirituelle individuelle entre complies et le souper ; cet exercice pratiqué par les grands mystiques de la Réforme catholique et recommandé par les directeurs spirituels s’était en effet développé au xviie siècle dans les couvents comme dans la vie civile69. Ce désir d’approfondissement spirituel ne put toutefois bousculer durablement la tentation de repousser l’office choral nocturne à des heures moins contraignantes
Les accommodements liturgiques Les chapitres nobles des deux sexes cédèrent promptement à ces accommodements. Par exemple, dès son arrivée à l’abbaye de Lure en 1675, le grand prieur Léger Zinth de Kenzingen rétablit le réveil nocturne pour le chant des matines et des laudes. Après sa mort, les religieux obtinrent que la récitation de ces heures soit repoussée au matin, prétendant à l’appui d’une attestation médicale que l’interruption du sommeil contrariait la digestion70. Si les matines étaient récitées deux heures après minuit avant la guerre de Dix Ans à Baume-les-Nonnes, la paix revenue, cet office fut repoussé à cinq heures durant l’été, à six heures en période hivernale71. Les dames de Château-Chalon obtinrent d’un bref du pape du 6 février 1745 le droit de transférer à huit heures les matines et les laudes, qui étaient jusqu’alors récitées à six heures72. Chez les clarisses de Lons-le-Saunier, le règlement de 1771 demeura fidèle sur ce chapitre à celui que le père Morel, provincial des frères mineurs, avait donné au début du xviiie siècle aux trois couvents de
68 Mémoire responsif…, op. cit., p. 43. 69 AD Jura, 38 H 2 ; au sujet du développement des lectures spirituelles, voir F. Henryot, « Les carmes et carmélites déchaussés face au livre au xviie siècle », in J.-B. Lecuit (éd.), Le défi de l’intériorité. Le Carmel réformé en France, 1611-2011. Actes du colloque de Paris, Institut catholique, 13-14 octobre 2011, Paris, Desclée de Brouwer, 2012, p. 123-152. 70 J. Girardot, L’abbaye et la ville de Lure, des origines à 1870, Vesoul, I.M.B., 1970, p. 191, 195. 71 Mémoire responsif…, op. cit., p. 31-32, 53. 72 M. Marchandon de la Faye, L’abbaye de Château-Chalon, notice suivie de deux inventaires de 1742 et 1762, Paris, 1893, p. 81.
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dames urbanistes : la récitation des offices commençait à sept heures à partir de Pâques, à huit heures dès la Toussaint.73 Un autre moyen de s’alléger des contraintes de la louange divine était de procéder au regroupement de certains offices afin de limiter les déplacements au chœur. Au xviiie siècle, leur récitation n’était plus concentrée que sur trois moments distincts. Les clarisses de Lons psalmodiaient par exemple matines, laudes, prime et tierce consécutivement, puis sexte avant et après la messe de dix heures, none après celle-ci, et enfin vêpres et complies à quatre heures dans les mois les moins lumineux, à quatre heures et demie le reste de l’année74. Les dames de Baume commençaient l’office par matines, puis celui-ci se poursuivait, selon la saison, entre huit et neuf heures, avant la célébration de la messe, et enfin vêpres et complies clôturaient la journée à partir de trois heures75. Lorsqu’en 1709, deux savants mauristes, les pères Martène et Durand, firent étape à l’abbaye noble de Lure pour y recueillir la matière de leur nouvelle Gallia christiana, ils s’étonnèrent de l’empressement des religieux à abandonner l’église à son silence, après la grand-messe dominicale, dont le chœur ne chanta pas le Gloria in excelsis et abrégea le Credo76. Une autre façon de se décharger de la lourdeur des messes et des offices quotidiens, auxquels s’ajoutaient tous les services anniversaires fondés au cours des siècles, était en effet de les abréger. Il faut déplorer les lacunes en matière d’archives, qui nous empêchent de savoir si les dames nobles du Comté cédèrent comme leurs confrères à cette facilité. Leurs devoirs liturgiques n’étaient ni plus ni moins contraignants que ceux imposés aux autres chanoinesses nobles régulières ou séculières du royaume. À Saint-Pierre comme à Sainte-Marie de Metz, l’office était également diurne au xviiie siècle, débutant toute l’année à six heures pour se concentrer sur trois moments et s’achever en fin d’après-midi. Lorsque les deux abbayes eurent été unies en 1761 pour former la collégiale noble de Saint-Louis, les règlements de 1767 et 1780 fixèrent à huit heures le début de l’office77, dont les rythmes étaient désormais identiques à ceux de la collégiale de Neuville-les-Dames78.
73 BECB, ms. 799, règlement de la noble abbaye de Lons-le-Saunier, chapitre iv, articles 2 et 3, f. 33v. 74 Ibid., chapitre iv, article 3, f. 33v. 75 BnF, n.a.f., 8704, coutumier de l’abbaye de Baume-les-Dames (1685), articles 1 et 2, f. 204r. 76 E. Martene et U. Durand, Voyage littéraire de deux religieux bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur, Paris, Delaulne, 1717, t. 1, p. 167. 77 É. Lefebvre, Un corps aristocratique au xviiie siècle : les chanoinesses de Saint-Pierre-auxNonnains, Sainte-Marie-aux-Dames et Saint-Louis de Metz, Master 2, 2014, vol. 1, p. 160-165. 78 Sécularisation et statuts…, op. cit., p. 113.
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Fig. 14 : Prières manuscrites copiées en 1782 par Jeanne Élisabeth de Grivel Nancuise, chanoinesse de Lons-le-Saunier (AD Jura, 48 H 2).
La prière individuelle La prière de l’individu venait s’ajouter à celle de la communauté. Il pouvait s’agir d’une oraison, poussée parfois jusqu’à la contemplation, c’est-à-dire interrompue dans l’abandon total à Dieu, ou bien encore d’une méditation reposant sur l’Écriture sainte. Il en demeure une évocation dans deux prières manuscrites, l’une du matin et l’autre du soir, datant de 1782, retrouvées dans les papiers de Jeanne Élisabeth de Grivel Nancuise, chanoinesse de Lons-le-Saunier. Toutes deux sont tirées des Étrennes spirituelles dédiées aux dames79. Individuelle ou collective, la prière était donc centrale dans les missions et les exercices spirituels de ces contemplatives, en dépit d’une volonté de la rendre moins contraignante en supprimant celle de la nuit. Les preuves ne sont pas suffisantes pour affirmer qu’elle était accomplie avec toute l’attention 79 Étrennes spirituelles dédiées aux dames ; contenant les vêpres et hymnes de toute l’année, les vêpres de la semaine, et les messes des principales fêtes, Paris, L.G. de Hansy, Paris, 1773, p. 7-8 et p. 17-18. Ces prières sont conservées aux AD Jura, 48 H 2.
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et la qualité voulues par les règlements, mais rien ne manqua sur le plan matériel à cette célébration.
Typologie des reliques vénérées dans les chapitres nobles de dames À quelques exceptions près, les chapitres nobles de dames, dont la fondation était généralement très ancienne, avaient en commun la possession de reliques insignes. Dans le contexte de la réactivation de ce culte qui avait été tant décrié par les protestants, ces communautés lui marquèrent à l’époque moderne beaucoup de respect et d’attention. Si les pères du concile de Trente avaient été les initiateurs de cette relance dévotionnelle en confirmant le pouvoir d’intercession du corps des saints et en demandant qu’on leur témoigne honneur et vénération (xxve session, Decretum de purgatorio), ce furent surtout les poussées d’iconoclasme de la seconde moitié du xvie siècle qui la motivèrent. Les catholiques interprétaient en effet la destruction des reliques par les réformés comme le signe le plus manifeste de la violence infligée à l’Église, corps mystique du Christ. Des Pays-Bas à la Franche-Comté, dans cette « Dorsale catholique » marquée par la proximité du protestantisme, les chapitres nobles étaient dépositaires de trois types de reliques : une première catégorie était formée de celles des saintes mérovingiennes fondatrices de ces établissements ou qui en avaient été la première abbesse, et qui avaient même tenu quelquefois ces deux fonctions successivement. De naissance illustre, ayant vécu plus ou moins durablement sur le lieu où leur culte s’était développé après leur mort, ces saintes aristocratiques s’offraient comme des exempla, des modèles à suivre pour les chanoinesses. Plusieurs de leurs Vitae, dont certaines furent d’ailleurs dédiées par leurs auteurs « aux Damoiselles chanoinesses80 », parurent dans la période post-tridentine afin d’inspirer aux dames nobles l’imitation de leurs vertus. Aux Pays-Bas, les chanoinesses d’Andenne rendaient un culte à sainte Begge († 693), fondatrice de leur monastère, fille de Pépin de Landen, Maire du palais d’Austrasie, tandis que les dames de Nivelles honoraient sa sœur sainte Gertrude († 659). Les chanoinesses de Maubeuge avaient une dévotion pour leur patronne Aldegonde, qui avait fondé puis gouverné leur abbaye jusqu’à sa mort en 684. Elle était de sang royal par sa mère Bertille de Thuringe81. À Mons, c’était sa sœur sainte Waudru82 que l’on vénérait. 80 B. d’Ath, Histoire de la vie, mort et miracles de sainte Aldegonde, vierge, fondatrice, patronne et première abbesse des nobles dames chanoinesses de la ville de Maubeuge, Arras, G. de La Rivière, 1623, 521 p. 81 A.-M. Helvetius, « Sainte Aldegonde et les origines du monastère de Maubeuge », Revue du Nord, 295 (1992), p. 221-237. 82 J.-M. Cauchies (éd.), Sainte Waudru devant l’histoire et devant la foi : recueil d’études publié à l’occasion du treizième centenaire de sa mort, Mons, Association sainte Waudru, 1989, 143 p.
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Dans les Trois-Évêchés, si la fondation de Saint-Pierre-aux-Nonnains à Metz était attribuée au duc Eleuthere, c’était aux reliques de sainte Valdrade (ou Valdrée), morte vers 563, liée par le sang au roi d’Austrasie Theodebert Ier, première abbesse et dispensatrice de tous ses biens à cette abbaye, que l’on rendait un culte. Une autre catégorie, très présente en Lorraine, était formée des reliques d’évêques et de moines fondateurs de ces abbayes. Bouxières-aux-Dames devait sa fondation à saint Gauzelin, évêque de Toul de 922 à 962. La tradition attribuait faussement celle du monastère spinalien à saint Goëry († 647), évêque de Metz. Moine de Luxeuil, mort en 653, saint Romaric (ou Romary) avait fondé le monastère du Saint-Mont autour duquel s’était développé Remiremont. Une troisième catégorie, moins répandue, regroupait les reliques de saintes et de saints des premiers temps du christianisme dont l’existence n’avait pas été en lien avec l’établissement où elles étaient conservées mais qui en animaient la vie religieuse. À Sainte-Marie de Metz, les dames nobles et la population étaient attachées par exemple au culte de Sérène, laquelle aurait été une martyre de Cordoue ou bien encore une disciple d’un hypothétique saint Savin de Spolète.
Les reliques des chapitres nobles comtois Parce qu’ils étaient de fondation plus récente que la plupart des chapitres nobles, ceux de clarisses urbanistes du Comté étaient dénués au xviiie siècle de reliques à confier à la dévotion. La guerre de Dix Ans avait privé celui de Lons-le-Saunier du chef de Denys l’aréopagite, converti par l’apôtre Paul et considéré comme le premier évêque d’Athènes. La châsse en argent fut mise à l’abri en 1637 au château jurassien de Saint-Laurent-la-Roche. Mais Henri II d’Orléans-Longueville en fit son butin en s’emparant du lieu. Ayant commis l’erreur commune de confondre ce saint avec le premier évêque de Paris, il en aurait fait présent à l’abbaye de Saint-Denis, laquelle est élevée sur le lieu supposé de la sépulture du martyr parisien. Si l’on en croit un érudit du xviiie siècle, à Lons-le-Saunier, « le concours du peuple à cette relique étoit grand et il a continué même après qu’elle a été enlevée83 ». Il faut se tourner vers les chapitres nobles de la province de fondation plus ancienne pour trouver les manifestations d’un culte des reliques. Étaient placées à proximité du maître-autel de la nouvelle abbatiale de Baume « deux châsses de bois noir et argenté en partie, qui sont en forme de petits coffres84 », celle du côté de l’évangile renfermant les reliques de saint Germain, évêque de Besançon et martyr au ive siècle. Cette relique appartient à la catégorie de celles des saints prélats fondateurs de monastères nobles, puisque nous avons
83 Cette assertion émane de Malotau de Villerode, BM Douai, ms. 938, op. cit., t. 1, f. 286r. 84 AD Doubs, 112 H 64, Inventaire de 1767.
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constaté qu’une tradition contestée au xviiie siècle attribuait à cet évêque l’achèvement des bâtiments ainsi que les premières constitutions de l’abbaye baumoise. Dans le chœur de l’abbatiale de Château-Chalon, était placé un reliquaire renfermant la jambe et le pied de saint Just, enveloppés dans un taffetas vert. À la suite de l’abbé Paul Brune (1862-1920), plusieurs auteurs ont attribué cette relique à l’évêque Just de Lyon, qui aurait achevé son existence à la fin du ive siècle comme anachorète dans le désert égyptien de Scété85. Il vécut cinq siècles avant la première mention de Château-Chalon dans les archives. Avec une relique de la Sainte Épine, celle de ce saint occupait une place importante dans les cérémonies qui se déroulaient à Château-Chalon.
Les conserver et leur rendre honneur En Comté comme ailleurs, un trait commun aux chapitres nobles de dames au temps de la Réformation puis de la contre-offensive catholique fut le souci de la conservation et de la mise en valeur de ces reliques, memoria d’une église dont elles apportaient une preuve de l’ancienneté. Ces supports au culte de dulie contribuaient à la renommée du chapitre tout en assurant sa protection spirituelle, aussi faisaient-ils l’objet d’une très vive sollicitude de la part des dames nobles. Par exemple, la reine régente d’Espagne ayant fait demander aux chanoinesses de Nivelles, par l’intermédiaire du marquis de Caracéna, gouverneur des Pays-Bas, un fragment de la relique de sainte Gertrude, celles-ci n’eurent aucune réserve à rejeter cette demande par une décision capitulaire du 11 mai 166286. Dans les guerres, les dames nobles s’empressaient de soustraire leur trésor à la cupidité des soudards et des iconoclastes. Durant les conflits franco-espagnols du xviie siècle, les reliques de sainte Aldegonde furent mises à l’abri au chapitre de Mons par les chanoinesses de Maubeuge qui trouvèrent également un refuge temporaire dans ce lieu où l’on conservait, rappelons-le, celles de sainte Waudru, la sœur de l’aristocrate mérovingienne87. Dans le contexte du renouveau spirituel inspiré par le concile de Trente, les commandes de reliquaires neufs parfois somptueux furent nombreuses, à l’image de celui d’Andenne, vers 1560-1570, consacré à sainte Begge, chef-d’œuvre 85 P. Brune, « Les reliques et le reliquaire de saint Just à Château-Chalon », Mémoires de la Société d’Émulation du Jura, années 1899-1900, Lons-le-Saunier, impr. L. Declume, 1900, p. 97-103 ; E. Chamouton, Château-Chalon et sa relique de saint Just, évêque de Lyon, Lonsle-Saunier, E. Rubat du Mérac, 1901, 39 p ; Bulletin historique du diocèse de Lyon, impr. L Vitte, 1902, p. 29 ; L. Loye, Histoire de l’Église de Besançon, Paul Jacquin, 1902, p. 316. 86 A. Asselin et Chr. Dehaisnes, Étude sur la châsse de sainte Gertrude de Nivelles, Paris, imprimerie impériale, 1867, p. 9. 87 Au sujet des identités observables dans le culte rendu aux deux reliques, se reporter à : Fr. De Vriendt, « La procession de la Trinité à Mons et celle de Sainte-Aldegonde à Maubeuge : des rites jumeaux (xiie-xviie siècles) ? », in J. Heuclin et Chr. Leduc (éd.), Chanoines et chanoinesses des anciens Pays-Bas. Le chapitre de Maubeuge du ixe au xviiie siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, p. 249-274.
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de l’orfèvrerie de la Renaissance. Celui de la Sainte Épine de l’abbaye de Château-Chalon lui est contemporain88. Claudine de Fouchier, abbesse de 1651 à 1663, commanda une nouvelle châsse pour la relique de saint Just. À Baume-les-Dames, celle de saint Germain, transférée de l’abbatiale à l’église paroissiale le 11 octobre 1791 à la demande du conseil général de la commune où elle se trouve toujours, est contemporaine du règne de Louis XV, si l’on en juge à son style89.
La promotion du culte et ses raisons Le corps canonial noble féminin eut soin, dans la période post-tridentine, de fêter ses reliques et de recourir fréquemment à leur puissance de médiation en y associant généralement les laïcs. Des processions publiques de celles-ci, encadrées par le clergé, destinées à solliciter la médiation des saints ou à leur rendre grâces, participaient d’un militantisme tridentin particulièrement actif dans la Dorsale catholique. À l’image de leurs « frères séparés », les catholiques s’employaient à légitimer leur Église en la reliant à un christianisme primitif qui, en l’espèce, était celui de saints promoteurs du premier monachisme. À Maubeuge, la châsse de sainte Aldegonde était portée en procession le mardi de la Pentecôte autour de l’église et du chapitre sur un char doré tiré par six chevaux richement harnachés. Dans le premier tiers du xviie siècle, ce cérémonial fut rehaussé sous l’action conjointe des archevêques de Cambrai, des jésuites, de l’abbé de l’abbaye bénédictine de Liessies (en Avesnois) Antoine de Winghe (1562-1637), éminente figure de la Contre-Réforme dans les Pays-Bas, et de l’échevinage90. Fêté le 8 décembre, Romary tenait une place particulière dans le sanctoral de Remiremont. La procession de ses reliques était précédée la veille par une préparation, de l’office de prime jusqu’à la veillée au chœur qui se prolongeait jusqu’à minuit. L’on processionnait autour de la place du chapitre, les paroissiens se joignant aux chanoinesses, puis les offices et les messes s’enchaînaient dans l’église ; un sermon y était prononcé au début de l’après-midi91. Un certain nombre de reliques conservées par des chapitres nobles étaient un recours dans les périodes de calamités, les citadins et parfois les habitants des campagnes proches leur confiant une fonction protectrice et
88 Aujourd’hui conservé dans l’église Saint-Pierre de Château-Chalon (Base Palissy PM 39000275). 89 Base Palissy PM 25000101. 90 G. Deregnaucourt, « La liturgie au sein des chapitres de dames nobles dans les Pays-Bas méridionaux sous l’Ancien Régime : l’exemple du chapitre Sainte-Aldegonde de Maubeuge », in B. Dompnier (éd.), Maîtrises et chapelles aux xviie et xviiie siècles : des institutions musicales au service de Dieu, Clermont-Ferrand, Presses universitaires BlaisePascal, 2003, op. cit., p. 370. 91 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 255.
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propitiatoire. Cette croyance permit à leurs détentrices d’affirmer leur pouvoir religieux, à un moment où les dames nobles étaient justement en butte aux critiques des réformateurs catholiques. C’est pourquoi elles se prêtaient avec bienveillance à leur exposition lorsque les autorités laïques ou religieuses le leur demandaient. À Metz, à chaque fois que le nécessitaient les caprices climatiques, les reliques de sainte Serene quittaient l’abbaye Sainte-Marie, pour être portées processionnellement à la cathédrale. Celles de saint Germain, « protecteur de la ville » de Baume-les-Dames, avaient la même fonction, à la différence que la châsse demeurait dans l’abbatiale, faute d’un clergé local suffisamment charismatique et puissant pour en avoir obtenu le transfert dans un autre lieu de culte. À la suite de l’interruption d’une épidémie en 1629 au milieu des prières publiques, le Magistrat avait promis de solenniser la célébration de son anniversaire, placé dans les martyrologes bisontin et romain le 11 octobre. Une messe fut donc fondée dans l’église paroissiale92. Ce vœu fut respecté jusqu’à la Révolution. Lorsque l’urgence l’imposait, le corps de ville demandait au curé et aux familiers93 d’annoncer toutes les prières et processions qu’il jugerait nécessaires, tandis que l’abbesse était priée de faire exposer à la dévotion publique « les précieuses reliques de saint Germain94 ». La rareté de cette démarche lui donnait tout son prix. Elle ne fut entreprise que trois fois au xviiie siècle pour conjurer les « orvales95 » : le 8 juillet 1758, à la sollicitation de quelques bourgeois et du Magistrat, le clergé paroissial se rendit en procession à l’église abbatiale, où l’on venait d’exposer les reliques, pour invoquer la cessation des pluies abondantes et y célébrer une messe solennelle96. Le 28 juin 1780, une nouvelle exposition fut réclamée pour conjurer la sécheresse97. Le 2 mai 1787, ce fut « pour demander a Dieu un temps favorable pour la conservation des fruits de la terre98 ». Jean-Jacques Chifflet, puis Dunod de Charnage après lui, avaient réveillé dès la première moitié du xviie siècle le souvenir de ce martyr. Cette publicité fut sans doute à l’origine de la promotion de son culte, aux xviie et xviiie siècles, par l’épiscopat bisontin : plusieurs édifices du diocèse apparus dans cette période furent placés sous sa titulature. L’hagiographie de ce prélat le révélant comme l’adversaire et la victime de l’hérésie aryenne, l’analogie avec ses successeurs engagés dans le combat contre le protestantisme, « hérésie » des temps modernes, s’imposait d’elle-même. Cette promotion d’une figure comtoise
92 AM Baume-les-Dames, BB 38, 29 septembre 1779. P. Guerin et Fr. Giry, Les petits bollandistes. Vies des saints…, Louis Guérin impr., 1873, t. 12, p. 265. 93 La « familiarité » était l’une des appellations des communautés de prêtres natifs d’une paroisse. En Bourgogne, on les appelait « méparts ». Leur activité principale était la célébration de fondations de messes. 94 AM Baume-les-Dames, BB 38, 28 juin 1780. 95 Calamités humaines ou naturelles. 96 AM Baume-les-Dames, BB 30, 7 juillet 1758. 97 AM Baume-les-Dames, BB 38, 28 juin 1780. 98 AM Baume-les-Dames, BB 40.
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de la sainteté devait nécessairement augmenter le prestige du monastère où se conservait son corps et que l’on croyait de la fondation de ce prélat. Par leurs soins apportés à la conservation de cette relique, les dames de Baume étaient symboliquement participantes de l’effort de reconquête des terres gagnées au protestantisme, qui n’étaient qu’à une journée de marche de l’abbaye. Le martyre du saint ne témoignait pas seulement du fanatisme et de la cruauté de ses bourreaux, il désignait comme élue, sanctifiée, la terre où s’était achevée cette céphalophorie. Pour toutes ces raisons, et aussi parce que la légende du saint, évoquée dans le lectionnaire des dames, permettait de placer l’abbaye de Baume aux prémices de la christianisation de la Séquanie, les chanoinesses vouaient un soin particulier aux reliques et au culte de leur « fondateur », second titulaire de leur église après la Vierge99. Cette dévotion aux reliques, commune à la plupart des chapitres nobles, intégrant généralement la société profane, apportait une légitimité aux dames nobles sur un plan spirituel, tout en leur donnant une occasion de faire prévaloir leur rang, lors des processions qui les associaient aux laïcs, notamment.
Des reliques destinées à la dévotion des dames nobles D’autres reliques n’étaient destinées qu’aux cérémonies et à la dévotion du chapitre. C’était sur celles de saint Just que l’on jurait à Château-Chalon la validité des preuves d’une postulante, et sans doute avait-on également coutume de les exposer pour la cérémonie de profession des dames nobles, comme le laisse penser la formule de leurs vœux100. C’était également en présence de ces reliques que les officiers de l’abbaye s’assermentaient à leur entrée en charge101. Le serment prononcé devant Dieu et des reliques évoque évidemment un usage médiéval. On ne saurait dire s’il procédait de l’imitation de ce dernier par nostalgie d’un passé où la noblesse avait toute puissance, ou s’il survivait à un ancien rituel propre à cette abbaye. Chaque 11 août, en commémoration d’une fondation pieuse, les dames de Château-Chalon accomplissaient une procession claustrale en présence d’un prêtre porteur de leur relique de la Sainte Épine, ensuite de quoi était célébré l’office de la Passion102. Cette liturgie révèle-t-elle la survivance dans cette communauté de la piété doloriste de la fin du Moyen Âge, lorsque la réflexion sur le calvaire de Jésus était devenue pour le croyant « l’acte principal de la pensée chrétienne103 » ? Elle est peut-être également à mettre en relation 99 BECB, ms. 750, Note…, op. cit., p. 757. 100 « …coram Deo et sanctis martyribus quorum reliquiae hic habentur… ». Se reporter à la formule complète au chapitre xii. 101 P. Brune, « Les reliques… », op. cit., p. 97-103. 102 AD Jura, 38 H 7. 103 É. MÂle, L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France : étude sur l’iconographie du Moyen Âge et sur ses sources d’inspiration, Paris, Armand Colin, rééd. 1995, p. 91.
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avec le rayonnement de la dévotion au Suaire de Besançon. Mentionné pour la première fois en 1523 dans les délibérations du chapitre métropolitain, cette date marquant le début des ostensions, ce linceul de lin était une copie du xve siècle de celui de Lirey, en Champagne, qui fut un temps conservé à Saint-Hippolyte (Doubs)104. Le jour de Pâques et le dimanche qui suivait l’Ascension, il était exposé sur un hourd de bois adossé au clocher de la cathédrale Saint-Jean de Besançon. Vers 1715, son ostension attirait vingt-cinq à trente mille pèlerins105, et encore vingt mille, au milieu du siècle, selon l’historien Dunod de Charnage106. À l’entrée de l’abbatiale de Château-Chalon, dans la nef de gauche, il y avait au xviiie siècle un tableau d’autel représentant cette ostension, œuvre du peintre bisontin Claude Bruley107, datée de 1657. Les chapitres nobles féminins de Franche-Comté accueillirent donc des manifestations variées du culte des reliques. Si leurs détentrices avaient de multiples raisons d’en désirer la promotion, elles ne furent pourtant pas tentées d’en tirer profit comme leurs consœurs d’Andenne, qui bénéficiaient du monopole de la vente des médailles à l’effigie de Begge, ces petits objets de dévotion favorisant par ailleurs la publicité de ce culte108. Au siècle des Lumières, cette expression de la piété catholique souffrit pourtant des sarcasmes d’une élite pyrrhonienne et des philosophes, mais également des travaux des bollandistes qui, en détruisant bon nombre de légendes hagiographiques, provoquèrent l’oubli de nombreux saints et de leurs reliques. La volonté des dames de promouvoir les leurs n’est que plus manifestement la preuve dans ce contexte d’un certain dynamisme spirituel des chapitres nobles. Au même titre que la prière quotidienne qui, de ces maisons, s’élevait vers Dieu, ce culte était susceptible d’y attirer des âmes pieuses. Toutefois, si le chapitre noble était à même de garantir une vie de piété à celles qui s’y retiraient, il n’était décidément pas question de la vouloir contrainte et pénitente. En février 1777, adressant son compliment à Mgr Raymond de Durfort, qui venait de prendre possession du siège archiépiscopal, l’abbesse de Migette le remerciait d’avoir accordé une dispense de carême à son chapitre. « Nous avons appris cette dispence avec une vraie satisfaction, eu égard au désert que nous habitons, où nous sommes privées de bien des choses qu’on
104 B. de Vregille, « Du Saint-Suaire de Lirey, Chambéry et Turin au Saint-Suaire de Besançon : quelques jalons d’histoire comtoise », Barbizier. Revue régionale d’ethnologie franc-comtoise, Besançon, 28 (2004), p. 17-25. 105 Estimation donnée par l’intendant de Franche-Comté à la fin du règne de Louis XIV (C. Brossault, Les intendants de Franche-Comté 1674-1790, Paris, La Boutique de l’Histoire éd., 1999, p. 263). 106 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire de l’Église, op. cit., t. 1, p. 416. 107 AD Doubs, 113 H 4, inventaire après décès de l’abbesse (1775) ; aujourd’hui à l’église paroissiale de Château-Chalon, base Palissy PM 39 000293. 108 M.-É. Henneau, « Le chapitre de chanoinesses séculières d’Andenne à l’époque moderne », in M. Parisse et P. Heili (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire, Paris, Messene, 1998, p. 255-256.
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pouroit se procurer dans un pays moins champêtre109 », arguait-elle pour s’en justifier. Le désert n’était-il pas justement l’espace privilégié par le christianisme primitif pour s’humilier devant Dieu et mortifier sa chair ? * * * Le xviiie siècle fut marqué, pour chacun des chapitres nobles de dames de Franche-Comté, par un effort de reconstruction de l’édifice cultuel et par son adaptation aux prescriptions tridentines dans le domaine architectural, en matière d’aménagement mobilier, de décoration intérieure et d’équipement d’objets de culte. Il est tentant d’interpréter cette renaissance comme l’expression d’un âge d’or spirituel. Mais elle fut surtout celle d’une prospérité matérielle retrouvée. Les aides procurées à un certain nombre de ces établissements par la Commission des Secours contribuaient également à cet élan. Une compétition orgueilleuse favorisa peut-être l’éclosion de chantiers ou bien la concrétisation de certains aménagements intérieurs, et les autorités ecclésiastiques durent parfois sans doute aussi pousser à leur réalisation, en dépit de l’autonomie revendiquée à l’égard de celles-ci par ces établissements. La liturgie quotidienne, principale obligation des dames nobles, se déroulait donc dans un cadre renouvelé. On voulut apporter toute la décence nécessaire à cette louange divine, mais il est néanmoins difficile de juger de sa qualité par des sources subjectives et, au demeurant, peu nombreuses. À Baume-les-Dames comme à Château-Chalon, ce devoir spirituel était complété par le culte et la promotion de reliques qui formaient le trésor de ces chapitres et étaient étroitement reliées, s’agissant de l’établissement baumois, à la légende de sa fondation. Les chanoinesses de cette ville partageaient avec les habitants des alentours la dévotion à Germain, ce prélat bisontin qui leur aurait apporté leurs constitutions, considéré comme un intercesseur efficace dans les temps difficiles. Elles se prêtaient à leur exposition à chaque fois que le corps de ville en voyait la nécessité et le leur réclamait. Ces établissements n’étaient donc pas dénués de fonctions spirituelles qui, parce qu’elles n’étaient pas aussi contraignantes que dans certains ordres ou congrégations, pouvaient attirer des dames nobles en quête de perfectionnement spirituel et préoccupées de leur salut.
109 BGSB, ms. 13 (114).
Chapitre xii
Le lieu des réconforts humains et spirituels
La solitude féminine était au xviiie siècle un « malheureux destin1 » auquel il était possible de se soustraire en s’agrégeant à une communauté religieuse. Si les chapitres nobles surent séduire par leur capacité à proposer un havre serein de piété à leurs membres, un certain nombre d’entre eux n’attirèrent-ils pas également parce qu’ils se présentaient comme un refuge réconfortant et honorable pour des femmes disgraciées ou invalides ? Et certaines, malades ou au seuil de la mort n’y trouvaient-elles une préparation spirituelle avant le grand passage ?
Le refuge des handicapées Toute personne affectée d’un handicap physique ou mental était en principe exclue d’un chapitre noble, ainsi que l’imposait le droit canon pour un candidat à la vie religieuse. Certains règlements étaient d’ailleurs explicites sur ce point, à l’image de celui de Sainte-Marie-aux-Dames à Metz, promulgué en 1645, où il était précisé que « les filles qui désirent estre recues doivent estre d’une bonne santé et composition de corps sans vices ni difformitez […]2 ». Néanmoins, la question de l’intégration dans l’Église de personnes handicapées et de constitution fragile avait progressé, depuis que François de Sales s’en était fait le défenseur. La première destination de l’ordre de la Visitation, fondé par ce prélat et la baronne de Chantal, était de recevoir des jeunes filles de santé délicate. Cette considération pour des personnes fragiles s’étendit à d’autres familles religieuses, notamment aux dominicaines3, lesquelles se rattachaient aux ordres mendiants, tout comme les clarisses urbanistes des trois chapitres nobles du Comté. Parmi ces derniers, l’abbaye de Migette semble avoir été particulièrement accueillante au xviiie siècle à ces défavorisées.
1 A. Farge et Chr. Klapisch-Zuber, Madame ou Mademoiselle ? Itinéraires de la solitude féminine, xviiie-xxe siècle, Arthaud-Montalba, 1984, 304 p. Voir également Sc. BeauvaletBoutouyrie, La solitude : xviie-xviiie siècle, Paris, Belin, 2008, 207 p. 2 AD Moselle, 3997, statuts et règlements, chapitre ii, article i, p. 14 ; cité par É. Lefebvre, Les chanoinesses de Saint-Pierre-aux-Nonnains, Sainte-Marie-aux-Dames et Saint-Louis de Metz au xviiie siècle, Mémoire de Master 1, Université de Franche-Comté, 2012, p. 16. 3 D. Billoin, « Les dominicaines de Sélestat (fin xiiie siècle-xviiie siècle) : des filles handicapées au couvent », V. Delattre et R. Sallem (éd.), Décrypter la différence : lecture archéologique et historique de la place des personnes handicapées dans les communautés du passé, s.l., CQFD, 2011, p. 185-199.
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La louange divine étant l’activité principale d’une chanoinesse et un critère important de sélection, il est surprenant de constater que l’une des dames de ce chapitre, Marie Thérèse Françoise Buson de Champdhivers (1717-1768) souffrait d’« un empêchement dans la langue qui luy empêche de faire son devoir au chœur comme elle le devoit4 ». Vraisemblablement plus handicapée, Claire Françoise de Poly de Beaune avait un kyste sur la langue, ce qui ne contraria pas sa réception dans ce chapitre en 1718. Elle y prononça même ses vœux en 1731. Ses infirmités l’obligèrent malgré tout à se retirer en 1760, à l’âge de quarante-huit ans, à l’hôtel-Dieu de Dole, cette retraite ayant peut-être été imposée par sa hiérarchie ecclésiastique, car l’autorisation en émanait de l’abbesse et de l’archevêque de Besançon5. Cette tolérance dans l’admission comme chanoinesses de femmes sans doute immariables n’existait-elle qu’à Migette, abbaye noble peu attractive du fait de son isolement et des rudes hivers jurassiens qui y sévissaient ?
Un refuge pour le grand âge Le visage de la majorité des chanoinesses nobles était au xviiie siècle celui de l’âge mûr et de la vieillesse, ce qui provoquait peut-être des frustrations de la part des plus jeunes. Dame de Saint-Louis de Metz, Plaicarde Gabrielle Victoire de Cherisey avait vingt ans lorsqu’elle confiait, désabusée, dans une lettre du 17 avril 1780 à son correspondant, le curé Pierre Spol, qu’elle se sentait comme un jeune plant transplanté dans un sol qui ne lui convient pas, […] parmi de vieux arbres qui portent souvent des fruits, mais pierreux, véreux, grêlés. Étonné de son nouveau séjour et des vieux rameaux qui l’étouffent et offusquent son jeune feuillage, sa belle verdure devient jaunâtre, ses fleurs tombent6. En 1792, sur les vingt-cinq dames professes que comptait l’abbaye de Lons-le-Saunier, six étaient septuagénaires, huit sexagénaires et autant étaient quinquagénaires. À quatre-vingts ans, Anne de Grivel en était la doyenne d’âge7. Avant qu’une confirmation n’en soit apportée par les historiens, le mathématicien Antoine Deparcieux avait déjà constaté en 1746, à l’appui de ses tables de mortalité, que les gens d’Église possédaient en matière d’espérance
4 BGSB, ms. 2. 5 Ibid. ; J.-N. Lallemand, Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, p. 24-25. 6 J. Eich, « Un prêtre mondain confesseur de la foi, l’abbé Pierre Spol, curé de Sailly », Mémoire de l’Académie nationale de Metz, Metz, 1962, p. 190. 7 AD Jura, 48 H 9, Tableau de situation du chapitre de Lons-le-Saunier, département du Jura (1792).
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de vie un avantage sur ceux du monde8. Celle des chanoinesses nobles de Franche-Comté devait croître sensiblement au cours du xviiie siècle. Tableau iii. L’espérance de vie des chanoinesses nobles de Franche-Comté.
Échantillon
Espérance de vie
Première moitié du xviiie siècle.
11
53 ans
Seconde moitié du xviiie siècle.
19
56 ans
Première moitié du xixe siècle.
27
74 ans
Cette tendance, conjuguée à une moyenne d’âge élevée au moment de la profession, permet d’expliquer la forte proportion de chanoinesses nobles dans la maturité ou la vieillesse. De ce fait, celles-ci étaient aussi plus nombreuses à souffrir des handicaps d’une vieillesse « décrépite », ainsi que la qualifaient les contemporains. Au début de la décennie 1760, deux sœurs, Mesdames de Crécy, chanoinesses de Migette, étaient accablées des plaies de celle-ci. La première avait sombré dans la démence, la seconde souffrait d’un rhumatisme9. Vers la même époque, à soixante-dix-huit ans, Madame de Falletans, chanoinesse de Baume, était pleine d’infirmités et s’aidait de crosses pour marcher. Madame de Crosey, sa consœur, d’un an sa cadette, était « un peu sourde10 ». Les accidents de santé n’épargnaient pas non plus des femmes plus jeunes. Peu de temps après sa profession à Migette, Madame de Ranchot avait été si cruellement frappée par l’un d’eux qu’elle était « hors d’état de pouvoir remplir ses devoirs de chanoinesse régulière11 ». Les dames nobles n’étaient cependant jamais isolées pour affronter leurs souffrances physiques. Les plus jeunes, les plus valides, les plus intimes venaient, par devoir ou par amitié, prodiguer des soulagements aux handicapées, aux malades. Les règlements insistaient sur la nécessité de cet accompagnement : « Quand il y aura une dame malade, les autres dames auront soin de la visiter souvent, pour lui donner les consolations et les secours que son état exigera12 », précisait celui de l’abbaye lédonienne. Il n’avait pas la précision du règlement donné en 1767 au chapitre Saint-Louis de Metz, où il était prévu que les malades auraient au moins deux heures par jour la compagnie de quelques consœurs13. Les chapitres nobles du Comté ne possédaient ni le prestige 8 A. Deparcieux, Essai sur les probabilités de la vie humaine d’ou l’on déduit la manière de déterminer les rentes viagères, tant simples qu’en tontines, Paris, Guérin frères, 1746, p. 83. 9 BGSB, ms. 2. 10 BGSB, ms. 57. 11 BGSB, ms. 2. 12 BECB, ms. 799, règlement de la noble abbaye de Lons-le-Saunier, f. 39r. 13 Médiathèque Metz, RESIN-12-222, Statuts et règlements de l’abbaye […] Saint-Louis de Metz, Paris, Le Prieur, 1767, p. 123-124 (Chapitre iii, paragraphe iii) ; cité par É. Lefebvre, Les chanoinesses…, op. cit., p. 175.
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et l’opulence, ni un nombre suffisant de religieuses, pour entretenir comme à Remiremont un personnel spécialisé de douze coquerelles, régentées par l’« enfermière », pour leur prodiguer des soins. Même délaissée par son chapitre contre lequel elle s’était épuisée à mener un long procès, et alors qu’elle était « accablée d’infirmités, de douleurs cruelles », l’abbesse de Baume Henriette Angélique Damas de Crux († 1767) pouvait compter sur la présence réconfortante et les soins du professeur Attalin ainsi que, sur celle d’un chapelain qui célébrait quotidiennement la messe à son intention dans la chapelle domestique de cette supérieure, mangeait à sa table et passait une grande partie de la journé a lui faire des lectures « capables de l’encourager à sanctifier ses douleurs14 ». La solidarité canoniale se manifestait plus que jamais également au moment pathétique de l’agonie, comme si le dernier passage devant conduire au jugement individuel pouvait être facilité par la médiation de la compagnie tout entière : « Et lorsque l’on portera les sacremens aux dames malades, toutes y assisteront en habit de chœur et accompagneront le très saint Sacrement », précisait le règlement de Lons-le-Saunier15. Il était alors habituel, dans la société civile comme au chapitre noble, que la chambre du mourant s’emplisse de parents, d’amis et de représentants de l’Église. Moment décisif que l’agonie, où l’on pouvait gagner ou perdre son paradis, de fragilité, aussi, car des êtres cupides étaient capables de manipuler un esprit affaibli. Certains chapitres nobles avaient prévu des garanties contre les spoliations de la dernière heure. À l’article de la mort, une chanoinesse de Baume ne pouvait faire une quelconque disposition, quittance ou don manuel sans une autorisation de l’abbesse. Avant même que le viatique ne soit administré, Madame devait avoir pris soin de mettre sous clé les sommes personnelles de la mourante16. Les dames étaient assurées par leur communauté de médiations terrestres après leur décès. L’article x d’une transaction qui précéda la publication en août 1685 du coutumier du chapitre de Baume-les-Dames confiait à l’abbesse le pouvoir de prélever pendant un an la part de froment et d’avoine de la prébende d’une dame nouvellement professe. Maintenue dans l’article trente-huit du coutumier, cette disposition permettrait de faire célébrer par des chapelains, pour le repos de cette chanoinesse, un annuel de messes ainsi que deux autres quotidiennement, durant les trois premiers jours qui suivraient son décès17. Au chapitre de Lons-le-Saunier, les chanoinesses se relayaient par deux chaque heure du jour pour la lecture du psautier, durant l’exposition du corps. Trois jours après le décès, puis au quarantième jour ainsi qu’au
14 BGSB, ms. 143. 15 BECB, ms. 799, Règlement…, op. cit., fo 39r. 16 Mémoire responsif pour illustre et révérende dame Henriette-Angélique d’Amas de Crux…, op. cit., p. 55, 56 ; BnF, n.a.f. 8704, coutumier…, op. cit., f. 207, articles 17 et 18. 17 Ibid., p. 52, p. 57 ; BnF, n.a.f. 8704, coutumier…, op. cit., article 38, f. 211v.
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premier anniversaire, elles faisaient célébrer un requiem, puis un obit pendant vingt ans, en souvenir de la défunte. Entre Noël et le jour de la Purification, le 2 février, chaque dame participait à un ordinaire de messe à l’intention de la disparue18. Une chanoinesse avait la possibilité de fonder d’autres offices en plus de ceux institués par le chapitre. Le 30 octobre 1714, dix-huit années avant sa mort, l’abbesse de Château-Chalon Anne Marie Desle de Watteville commanda un requiem qui serait à célébrer tous les mois. La communauté s’acquitta fidèlement de cette intention après la mort de cette supérieure19. Les prières d’autres communautés pouvaient s’ajouter à celles du chapitre noble. Des confraternités unissaient les maisons sœurs de Montigny, Lons-leSaunier et Migette. Des liens de même nature, tissés en 1705, rapprochèrent les cordeliers de Salins et les dames de Montigny, à la demande de celles-ci : ces chanoinesses s’engageaient à faire célébrer une messe à l’annonce du décès d’un frère mineur et, réciproquement, les prêtres du couvent salinois devraient en dire une pour le repos d’une défunte, les frères clercs réciteraient à son intention l’office des morts et les frères lais devraient communier et dire leur rosaire20. * * * Si les chapitres nobles féminins du Comté fondaient leur attrait sur l’espérance qu’on y pouvait mener une vie édifiante et œuvrer à son salut, ils le faisaient également reposer sur la perspective que les mourantes pourraient y bénéficier d’une solidarité spirituelle qui se prolongerait au-delà de leur mort. Ces secours étaient aussi d’ordre humain, les plus fragiles étant assurées de ne pas s’y retrouver esseulées. Au mépris des lois de l’Église, l’on recevait à l’abbaye noble de Migette des handicapées, car il s’agissait, par cette tolérance, de compenser le peu d’attraits que présentait cette solitude aux hivers rigoureux.
Conclusion Le dynamisme des chapitres nobles féminins de Franche-Comté au xviiie siècle fut donc aussi le résultat d’un attrait pour leur vie religieuse. L’existence conventuelle ne suscitant plus autant de vocations qu’au siècle précédent, le choix de ces instituts de demeurer réguliers aurait pu leur être préjudiciable. L’on vit en effet les dames de Baume se prétendre des chanoinesses séculières au milieu du siècle, puis celles de Lons-le-Saunier avoir quelque velléité de les imiter. Mais le catholicisme tridentin avait encore suffisamment d’emprise en Comté pour que soient réduites au silence ces aspirations à une vie encore plus sécularisée, d’autant que les familles des dames nobles ne
18 BECB, ms. 799, règlement…, op. cit., f. 39 v-40r. 19 AD Jura, 38 H 7. 20 AD Haute-Saône, H 940.
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semblaient pas hostiles au maintien de la règle, qui apportait une solution à la nécessité d’établir dans la société une descendance parfois nombreuse. En portant cette revendication, les chanoinesses espéraient surtout qu’on le les considère pas comme de simples religieuses. Les étapes qui les conduisaient à prononcer des vœux solennels et le contenu même de cette formule les différenciaient des religieuses de leur ordre : la prise d’habit était précoce au chapitre noble, en raison d’un climat concurrentiel et parce qu’il fallait s’empresser de préserver des intérêts familiaux. Pour compenser le risque de vœux contraints du fait de la précocité de la vêture, la profession était tardive. Des rites particuliers confirmant l’origine aristocratique des dames ou bien rappelant, s’agissant de Baume, l’importance de l’apprébendement, s’introduisaient dans ces étapes vers la vie consacrée. Ces établissements s’étaient donc adaptés aux aspirations nobiliaires en matière de vie religieuse, tout en contentant les intérêts matériels et le besoin de reconnaissance sociale d’une fraction de cette noblesse. C’est pourquoi ils furent tellement recherchés par elle. Il est évidemment tentant d’attribuer la renaissance architecturale des édifices cultuels des chapitres nobles comtois, ainsi que les changements apportés à leurs intérieurs, à la vigueur d’une vie religieuse conforme aux attentes spirituelles du second ordre. Ce renouveau fut surtout en réalité consécutif à une prospérité matérielle retrouvée, et l’on peut également imputer aux avis du clergé réformateur des aménagements conformes à l’esthétique et aux nécessités de la Réforme catholique. La vie religieuse des chapitres nobles féminins comtois était centrée sur la célébration des heures et l’assistance aux messes, que l’on voulait remplies de décence et de solennité. À Baume-les-Dames et Château-Chalon, elle avait également pour expression un culte des reliques. Les chanoinesses pouvaient en outre espérer des consolations spirituelles de leurs consœurs ou bien leur en prodiguer. Diverses voies de perfectionnement et de contribution à leur salut s’offraient donc à elles. Dans une intention à la fois religieuse et sociale, les filles difficilement mariables en raison d’un handicap étaient admises au chapitre noble de Migette. Incarnant les misères de la vie terrestre, elles y trouvaient des réconforts avec l’espérance d’une éternité heureuse et la consolation de voir leur différence acceptée par la communauté des dames nobles. En minorant la place de ces instituts dans la vie religieuse à l’époque moderne, les réformateurs catholiques, relayés par les révolutionnaires puis par les écrivains du xixe siècle, nous en ont légué une image déformée, qui ne reflète d’eux que leurs travers mondains. Elle laisse faussement croire qu’on ne recherchait dans la condition de chanoinesse noble qu’une existence facile et libre.
Conclusion générale
Cette enquête a mis en lumière les raisons de la faveur des chapitres nobles féminins, en privilégiant ceux de Franche-Comté, entre un xviie siècle où, confrontées au modèle tridentin de vie contemplative et régulière, ces compagnies surent revendiquer et préserver leur identité propre, et les prémices de la tourmente révolutionnaire. Il convient de soumettre à la critique l’explication, fréquemment fournie par les contemporains, d’un âge d’or à rechercher dans leur utilité économique auprès d’une noblesse pauvre ou paupérisée. On affirmait par exemple dans un opuscule sur l’origine de l’abbaye de Lons-le-Saunier que les chapitres nobles procuraient « une ressource honnête et vraiment désirable pour les familles distinguées, dont plusieurs ayant épuisé leurs fortunes au service de l’État, vouloient se réserver les débris pour un fils qui doit le servir à son tour1 ». Dans un placet rédigé au cours de la décennie 1760, les chanoinesses du même chapitre soulignaient que « les hôpitaux de noblesse destinés à des demoiselles soulagent infiniment les familles, et par là mettent les parens dans le cas de pouvoir se soutenir au service. Elles font pour cela le sacrifice de leurs libertés2 ». Cette utilité était encore évoquée à la fin de l’Ancien Régime par le jurisconsulte lorrain Joseph Nicolas Guyot (1728-1816), qui regardait les chapitres de chanoinesses séculières comme « des asyles où l’indigente noblesse peut se réfugier, où elle peut exercer toutes les vertus sociales3 ». Il est indéniable qu’un certain nombre de ces établissements avaient un rôle dans les stratégies de conservation du patrimoine familial. Le chapitre noble se présentait comme une solution plus ou moins irrévocable pour une jeune fille à qui il n’était pas possible de procurer une dot. L’opportunité d’un mariage pourrait éventuellement se présenter à elle et lui donner l’occasion de remercier son chapitre, pour peu qu’elle n’ait pas encore prononcé de vœux solennels, d’autant que l’état de chanoinesse noble apportait une caution morale et d’excellence du sang à celle qui l’avait embrassé. Cette forme d’itinéraire était assez fréquente, s’agissant des chapitres nobles séculiers. En Autriche, à Maria-Schul (Brünn) et Savoie (Vienne), on l’encourageait même, puisque les chanoinesses en voie de se marier étaient dotées respectivement de 500 et
1 BECB, ms. 799, précis d’un mémoire sur l’origine de l’abbaye royale de Lons-le-Saunier, p. 3. 2 BGSB, ms. 2, placet pour obtenir le changement de couleur du cordon de la croix de profession des chanoinesses de Lons-le-Saunier. 3 J. N. Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris, Visse, 1784, t. 3, p. 194.
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840 florins par leur chapitre4. On ne saurait toutefois en faire une généralité, et convoler après un temps de résidence dans un chapitre noble n’était pas nécessairement le fait d’un opportunisme social. En épousant le 25 avril 1773 René Théophile II de Maupeou, un veuf de quarante-trois ans, ancien colonel au régiment de Bigorre, et en lui apportant la dot considérable de cent mille livres, Marie Stanislas de la Vergne de Tressan, chanoinesse honoraire de Migette, ne se plaçait pas à l’évidence dans ce genre de calcul5. Quant aux ressources qu’apportaient les prébendes, elles n’étaient « honnêtes et désirables » que dans le cas de rares chapitres nobles à forte assise foncière, à l’image de celui de Remiremont. En revanche, ceux de femmes de FrancheComté n’avaient guère de fonction économique, pour les familles voulant y placer un ou plusieurs de leurs membres, que pour permettre d’écarter d’une succession des chanoinesses destinées à y faire profession. Les prébendes y étaient en effet, dans l’ensemble, très modiques. Il faut admettre une certaine imprécision dans l’estimation de leur valeur, car celles-ci étaient, pour partie, distribuées en nature. Les prébendes des chapitres nobles de clarisses urbanistes étaient les moins libérales du fait de la faible assise foncière de ces établissements, les guerres du xviie siècle ayant parfois diminué celle-ci par l’aliénation de certains fonds et droits. S’agissant de l’abbaye de Migette, il était constaté dans son règlement de 1730 « l’extrême modicité des prébendes et des mi-parts » et Dunod de Charnage précisait à la même époque que ces revenus étaient « fort modiques, les religieuses n’y subsist[a]nt que par le secours de leurs parents6 ». Un placet relatif à une demande d’aide financière indique qu’une prébende y rapportait 150 livres en 1772, la mense abbatiale procurant 1800 livres7. En 1790, la prébende valait 372 livres, le mi-part 287 livres, et la mense abbatiale 3420 livres8, cette valeur étant dans ce cas précis à prendre avec précaution, car s’ils furent portés à sous-évaluer leurs revenus dès qu’il s’agissait de solliciter une aide pécuniaire, les chapitres nobles majorèrent ces ressources lorsque la Constituante s’enquit d’en connaître l’estimation. La situation économique des autres clarisses nobles urbanistes du diocèse n’était guère plus enviable. Une prébende rapportait environ 250 livres au milieu du xviiie siècle à celles de Lons-le-Saunier et le mi-part 70 à 80 livres. En 1788, l’abbesse disposait d’un revenu net de 2179 livres, une dame prébendée jouissait de 337 livres et une mi-partiste de 242 livres9. La situation était sensiblement comparable à Montigny-lès-Vesoul. L’archevêque
4 F. de Salles, Chapitres nobles d’Autriche. Annales, preuves de noblesse, listes des chanoinesses, documents, portraits, joyaux, médailles, sceaux et décorations, Vienne, impr. Saint-Norbert, 1888, p. 6. 5 AD Seine-et-Marne, E 1742. 6 [N. Fr. E. Droz], Recueil des Édits…, op. cit., t. 3, p. 559 [article xvi] ; Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois…, op. cit., p. 174. 7 AD Doubs, 118 H 1. 8 AD Doubs, L 1576. 9 AD Jura 48 H 9.
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de Besançon Antoine Clériade de Choiseul-Beaupré n’exagérait donc pas la modestie des prébendes de ces trois chapitres nobles lorsque, s’adressant au ministre Choiseul dans une lettre datée du 8 décembre 1769 pour suggérer l’extinction du tiers des onze établissements de franciscains du diocèse au profit de ces instituts, il arguait qu’elles n’y valaient que 200 livres10, ce qui représentait la portion congrue d’un modeste vicaire11. Nous ne sommes pas renseignés sur la valeur des prébendes du chapitre de Château-Chalon ; elles n’étaient pas toutes égales, celles perçues par les cinq dames officières étant majorées12. D’après un factum publié vers 1763, les chanoinesses de Baume-les-Dames disposaient du revenu annuel confortable de 600 livres13, ce qui les plaçait à un niveau comparable à celles d’Épinal, dont la prébende rapportait 665 livres en 173114. À l’inconvénient de cette modestie des prébendes, la plupart des chanoinesses nobles du Comté en tirant à peine de quoi « avoir du pain15 », s’ajoutait celui, sauf pour le chapitre noble de Baume-les-Dames, de l’âge tardif de l’apprébendement. En effet, les prébendes disponibles étaient bien inférieures en nombre à celui des chanoinesses professes, et comme l’apprébendement se faisait par rang d’ancienneté à partir de l’âge d’entrée au noviciat, il fallait patienter longtemps avant qu’il ne s’opère. Chanoinesse de Montigny-lèsVesoul, Madame de Dinteville éclairait dans une lettre au cardinal de Luynes les conséquences, d’un point de vue matériel, d’une telle situation : […] Le chapitre dont elle est membre est composé de quarante chanoinesses, il n’y a que dix prébendes d’un très modique revenu, dont les titres passent successivement aux plus anciennes, et la suppliante ne craint point d’assurer que suivant le cours de la nature, il est impossible qu’elle y parvienne16. Durant la plus grande partie de leur existence au chapitre noble, les chanoinesses ne pouvaient donc compter que sur les ressources de leur famille. Il fallait ajouter au présent d’église pour la réception d’une demoiselle, à sa pension alimentaire, à l’achat ou à la construction, éventuellement, de la demeure canoniale dans quatre des instituts nobles du Comté, l’obligation d’une dot dans les chapitres nobles de clarisses urbanistes. Le capital de cette dernière était fixé à mille livres à Migette, par le règlement de 1730, et à 1333 livres 13 sols et 4 deniers à Montigny, par celui de 1732. S’agissant du
10 BGSB, ms. 2, lettre de l’archevêque de Besançon Antoine-Clériade de Choiseul-Beaupré au duc de Choiseul, Besançon, 8 décembre 1769. 11 Laquelle fut fixée par édit à 150 livres jusqu’en 1768 et à 350 livres après 1786. 12 Fr.-I. Dunod de Charnage, Histoire des Séquanois…, op. cit., p. 146. 13 Mémoire responsif…, op. cit., p. 40. 14 Fr. Boquillon, Les chanoinesses de Remiremont…, op. cit., p. 281. 15 AD Jura, 48 H 8, Factum pour le père Dupré, provincial des frères mineurs (1714), p. 14. 16 AN, G 9, 147 (17).
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chapitre noble de Lons-le-Saunier, l’abbesse en déterminait le montant, lequel était de 1200 livres en 173117. Le dynamisme au xviiie siècle des chapitres nobles féminins du Comté n’est donc pas à mettre au compte de leur fonction d’asile et de secours matériel à destination d’une noblesse pauvre. Il fut en réalité le résultat de leur précocité à répondre à des attentes d’ordre social, idéologique et spirituel. Pour se préserver des changements religieux et sociaux de leur temps, ces compagnies firent le choix de se fermer : faisant valoir l’ancienneté parfois douteuse de leur recrutement dans la noblesse, elles se mirent à n’admettre dans le dernier tiers du xviie siècle que certaines catégories nobiliaires en recourant à des preuves écrites de noblesse : seize quartiers finirent par former en 1732 l’obligation commune aux cinq établissements de Franche-Comté, qui se reconnaissaient ainsi d’un type de preuves en usage dans les chapitres nobles de Lorraine, des Pays-Bas français et autrichiens et du monde germanique. Ainsi, à la contrainte d’une pureté du sang n’admettant pas la roture par les femmes s’ajoutait celle de prouver sa noblesse sur plusieurs générations, ce qui excluait les anoblis autant que les nobles mésalliés. Ces preuves pénalisaient la noblesse française, chez qui le mariage avec des roturières était plus répandu que dans des provinces tardivement rattachées à la France. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, la monarchie chercha donc à introduire progressivement la preuve graduelle comme norme des chapitres nobles français. Mais, à l’exception des clarisses de Lons-le-Saunier qui s’y soumirent en 1771, les compagnies franc-comtoises conservèrent leur particularisme en ce domaine, ce qui augmenta le prestige dont ils jouissaient auprès des familles nobles de la province. Il est fort probable que leur prospérité se soit en partie construite sur le rejet du laxisme de la noblesse de France en matière d’alliances et de transmission de la noblesse. Tout aussi profitable à ces institutions, en contradiction d’ailleurs avec l’opinion prévalant au xviiie siècle qu’elles étaient réservées à la noblesse immémoriale, fut la stratégie de familles anoblies depuis quelques générations seulement, de vouloir se confondre avec l’élite du sang en se plaçant dans un chapitre noble du Comté. Cette stratégie de fusion venait s’ajouter à celle d’alliances matrimoniales entre les deux groupes nobiliaires. Ce mélange des noblesses est surtout constaté pour les compagnies de Montigny-lès-Vesoul et de Lons-le-Saunier, ce qui peut expliquer qu’elles admirent des surnuméraires pour répondre à l’afflux de postulantes. Ces établissements permettaient aux familles de faire valoir une excellence nobiliaire qui s’appuyait sur la vérification sans concessions des preuves de noblesse, laquelle profita des progrès accomplis dans la critique des sources. Dans cette épreuve, chaque lignage prenait le risque d’être discrédité par la mise en doute de l’authenticité d’un titre. D’où l’obstination à contester en de longs procès le rejet de preuves par un chapitre noble. Par la publicité 17 AD Jura, 48 H 9.
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qu’elle leur apportait, cette agitation judiciaire profitait à la réputation de ces compagnies. La valeur que l’on donnait à une place dans un chapitre noble de dames de Franche-Comté ne procédait pas seulement de cette difficulté : la pratique de l’adoption d’une postulante appelée « nièce » par une chanoinesse en titre, dénommée « tante », limitait la possibilité d’une admission lorsqu’on n’y possédait pas une parente ou que l’on ne bénéficiait pas d’une recommandation. Il en résulta au xviiie siècle un népotisme prononcé, les deux tiers des dames nobles ayant au moins un membre de leur famille dans ces chapitres nobles, avec un nombre restreint de lignages représentés dans ces établissements, au nombre de 125 pour 302 chanoinesses répertoriées. L’exclusivisme en faveur des Comtoises, qui formaient plus des trois-quarts des dames de ces compagnies, fut une de leurs caractéristiques, en dépit de leur modeste ouverture géographique dans les dernières décennies de l’Ancien Régime. La noblesse comtoise était d’autant plus attentive à se réserver les cinq chapitres nobles de la province qu’elle n’avait guère d’implantation dans ceux des espaces limitrophes. Il devait être en outre rassurant pour les admises de s’y retrouver avec des parentes et des personnes d’une même province. Les chapitres nobles féminins de Franche-Comté assirent par conséquent leur prospérité au xviiie siècle sur une fermeture d’une double nature : l’une sociale et idéologique, l’autre géographique, révélant chez la noblesse chapitrable comtoise la conscience d’une altérité qui la rendait réticente à fusionner avec celle du royaume. Les séductions que présentaient ces institutions n’étaient pas seulement à destination d’un groupe nobiliaire, mais de l’individu. Ce fut leur force que d’être parvenues à faire coexister en leur sein les formes traditionnelles de vie religieuse avec une ouverture spectaculaire sur le siècle, laquelle fut rendue possible par leur indépendance à l’égard des autorités ecclésiastiques. Cette transformation fut également facilitée par l’absence de clôture et du fait de la disparition des bâtiments communautaires dans les incendies et les guerres du xviie siècle, sur les ruines desquels on bâtit bientôt des demeures particulières. L’adoption de règlements spécifiques légitima et encadra la relation étroite de ces instituts avec le monde profane, autorisant notamment des séjours prolongés hors du chapitre et permettant de recevoir en son sein et dans l’intimité des demeures canoniales des laïcs, ce qui permettait d’y véhiculer les modes et les distractions du siècle. Cette sociabilité contribuait à la douceur de l’existence canoniale, laquelle reposait sur un équilibre, modulable en fonction des aspirations et de la personnalité de chacune, entre l’engagement à Dieu et la jouissance contrôlée et modérée des douceurs du monde profane. Cette intimité avec le siècle aurait pu se révéler dangereuse pour la réputation des chapitres nobles, mais les scandales y furent rares car en plus de l’efficacité d’une surveillance discrète et collective de leurs mœurs que les chanoinesses s’imposaient mutuellement, celles-ci avaient une conscience aiguë des devoirs inhérents à leur rang. Dans un siècle peu favorable à l’existence régulière et contemplative, le dynamisme des chapitres nobles réguliers interroge d’autant plus que la
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tendance était dans le royaume à leur sécularisation, comme l’illustrent celles de Neuville-les-Dames et de Laveine. Les chanoinesses séculières avaient en effet l’avantage de jouir d’une grande autonomie par rapport à leurs consœurs régulières : indépendamment de la possibilité de remercier leur chapitre quand bon leur semblait, elles pouvaient disposer de legs et de donations et transmettre leur patrimoine par testament. S’il y eut de la part de certaines compagnies comtoises une velléité de se faire reconnaître comme séculières dans les premières décennies du xviiie siècle, leurs adversaires devaient être nombreux, dans une province pétrie par le catholicisme tridentin, à ne les considérer que comme des religieuses relâchées qu’il fallait faire rentrer dans la norme imposée au clergé régulier. Les lettres patentes du mois de mai 1755 accordant le statut de « chanoinesses » pour celles de Baume-les-Dames et celui de « chanoinesses régulières » pour celles de Montigny-lès-Vesoul en 1761 apportaient la reconnaissance officielle par le souverain d’une forme inachevée de sécularisation ayant rendu ces établissements fort attractifs. Loin d’agir au demeurant comme un repoussoir, la conservation de la régularité était de nature à contenter des femmes attachées à une vie religieuse peu contraignante, se conformant à des rites spécifiques qui reflétaient leur distinction sociale. Leurs exercices spirituels, centrés sur la louange divine, sur la participation aux messes ainsi que sur le culte de leurs reliques, se déroulaient dans un cadre renouvelé, la plupart de leurs églises ayant fait l’objet d’une reconstruction ou d’aménagements au xviiie siècle, avec une décoration intérieure et un mobilier adaptés au goût du jour et aux prescriptions tridentines. Ces transformations n’étaient pas tant l’expression du dynamisme spirituel que le fruit d’une compétition orgueilleuse entre ces établissements ainsi que la traduction d’une prospérité matérielle restaurée. Les chapitres nobles de dames de Franche-Comté attiraient également par leur capacité à proposer des secours humains et spirituels aux malades, aux mourantes, aux chanoinesses âgées, et sans doute aussi aux handicapées. Nous avons constaté que ces dernières étaient en effet nombreuses à Migette, ce qui transgressait les lois de l’Église faisant interdiction aux handicapés physiques et mentaux d’avoir leur place dans le clergé. Notre ouvrage a pris place dans une vaste réflexion au sein du projet LODOCAT sur la notion de « Dorsale catholique ». Celle-ci se définit par sa confrontation avec le protestantisme qui la côtoie et que l’on affronte dans un élan de prosélytisme. Les travaux réalisés dans le cadre de ce projet ont mis en exergue l’engagement de certaines catégories de religieuses et semi-religieuses dans cette reconquête des âmes. Il s’observe dans le cas des Annonciades célestes dont le déploiement dans la catholicité dessine une sorte de dorsale congréganiste originale, ou dans celui des jésuitesses. En revanche, si la géographie des chapitres nobles de dames se calque sur celle de la Dorsale, on aurait peine à trouver, parmi les raisons de la faveur rencontrée par ces instituts auprès de la noblesse dans la seconde modernité, des preuves de la volonté de leurs membres de s’impliquer dans la conversion des « frères
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séparés » par une vie religieuse régénérée et édifiante. Tout au contraire, la pression tridentine a accéléré le rejet par ces compagnies de l’idéal de vie régulière que souhaitaient leur imposer les réformateurs, ce qui les a amenées, pour justifier le refus de se réformer, à revendiquer une fonction sociale qui allait jouer un rôle prédominant dans leur prospérité au xviiie siècle. Ce succès des chapitres nobles met donc en lumière les limites du concept de « Dorsale catholique ». Leur géographie se confond en réalité avec celle d’une noblesse ancienne soucieuse de préserver son identité, prise entre un second ordre français renouvelé par la monarchie absolue et la noblesse du monde germanique. Ce groupe social a notamment trouvé le moyen de conserver sa spécificité par une mainmise sur ces compagnies, les privant du rôle qu’elles auraient pu tenir dans la réforme de l’Église régulière. Il reste à souhaiter que les historiens modernistes portent leurs travaux sur cette noblesse chapitrale de ces territoires d’entre-deux. D’autres perspectives de réflexion se font jour au moment de refermer cet ouvrage : observant l’utilité sociale de ces institutions et portés par ailleurs à cette prise de conscience par une partie de la noblesse qui souhaitait voir leur nombre s’accroître, la monarchie française et ses relais épiscopaux se sont attachés à promouvoir dans la seconde moitié du xviiie siècle une troisième génération de chapitres nobles féminins présentant des similitudes avec le modèle saint-cyrien, celle-ci complétant les deux premières générations qui s’étaient formées successivement au Moyen Âge puis dans un contexte d’épanouissement du catholicisme post-tridentin. Ces chapitres de dames nobles apparus tardivement jouèrent à leur tour un rôle important dans l’attrait exercé par les instituts de chanoinesses auprès du second ordre. Leur fonction sociale étant à cette époque mieux assumée et reconnue qu’elle ne l’avait été à l’apogée du renouveau du catholicisme, ces chapitres nobles « de troisième génération » ne se virent plus contraints pour affirmer leurs spécificités : leur fonction d’éducation fut encouragée et ils furent plus clairement affectés à une valorisation de la noblesse chapitrable, tant sur le plan matériel que sur celui des honneurs : leur temporel, redistribué en des prébendes, fut consolidé par la réunion de biens de monastères supprimés, la commission des Secours leur prodiguant pour sa part ses aides. Par un effet d’émulation, ce modèle qui demeure à étudier et qu’il faudrait comparer avec des institutions autrichiennes fondées à la même époque, inspira les chapitres nobles plus anciens : la plupart des compagnies féminines de France furent autorisées à porter une décoration canoniale qui se présentait comme une croix de Malte émaillée à huit pointes18. Certaines apportaient aux dames nobles le privilège
18 Louis XV accorda ce privilège à seize compagnies des deux sexes, à commencer par le chapitre cathédral de Lyon en 1745. Louis XVI en gratifia dix-sept autres. Les dames nobles de Migette obtinrent le droit de porter une croix honorifique en 1771, leurs consœurs de Montigny et de Lons-le-Saunier en 1788. BECB, ms. 129, coll. Chifflet, f. 201 ; Gabrielly, La France chevaleresque et chapitrale…, op. cit., p. 93-94 ; P.-A. Pidoux de La Maduere, « Les
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d’un titre personnel de noblesse19. Dans un certain nombre, également, des places de « chanoinesses d’honneur » furent instituées à l’intention de dames nobles qui souhaitaient jouir des privilèges capitulaires en échange d’un « don » d’argent substantiel, sans pour autant être contraintes d’y demeurer. Cet « âge des vanités20 », qui fut celui de la réaction nobiliaire, était en passe de transformer l’abbaye noble de Lons-le-Saunier et ses consœurs urbanistes, lorsque la Révolution interrompit brutalement leur transformation. L’émission des vœux de religion fut suspendue par le décret du 29 octobre 1789 que le roi sanctionna le 3 novembre suivant. Le 2 novembre, la Constituante plaçait tous les biens de l’Église à la disposition de la Nation. Le 13 février 1790, un nouveau décret supprimait tous les ordres à vœux solennels.
croix des chapitres d’abbayes nobles en Franche-Comté », Rivista Araldica, 26 (1928), p. 450 ; J.-F.-A Vannier, Histoire de l’abbaye royale de Montigny-lès-Vesoul, Vesoul, 1877, p. 75. 19 Bien avant leur rattachement à la France, certains chapitres comme Remiremont ou Denain jouissaient de titres nobiliaires personnels. Sur leur modèle, le monarque accorda celui de comtesses aux dames d’Alix, Blesle, Bourbourg, Bouxières, Coise en L’Argentière, Neuville en Bresse, Poulangy, Saint-Martin de Salles. S’agissant des compagnies féminines de Franche-Comté, cette faveur ne fut accordée qu’aux chanoinesses de Lons-le-Saunier par brevet daté de 1788. 20 « […] l’aristocratie a trois âges successifs ; l’âge des supériorités, l’âge des privilèges, l’âge des vanités : sortie du premier, elle dégénère dans le second et s’éteint dans le dernier » ; Fr. R. de Chateaubriand, Mémoires d’Outre-tombe, coll. « Le livre de poche », 1973, p. 41.
Document annexe — Liste des familles introduites dans les chapitres nobles de dames de Franche-Comté avec leur origine géographique
Abréviations Chapitre noble de Baume-les-Dames : BD — de Château-Chalon : CC — de Lons-le-Saunier : L — de Migette : Mi — Montigny-lès-Vesoul : Mo Achey d’(BD), Franche-Comté. Affry d’ (L), Suisse (Fribourg). Agay d’ (L, Mo), Franche-Comté. Alsace-Hénin-Liétard d’ (CC, L), Lorraine. Amédor de Mollans d’ (L), Franche-Comté. Andelot d’ (BD,), Franche-Comté. Aremberg d’(CC), Franche-Comté. Balay de (L, Mo), Franche-Comté. Bancenel de (L), Franche-Comté. Beaurepaire de (L), Bourgogne. Belot de (BD, CC, L, Mi), Franche-Comté. Béreur [de Malans, de Sainte Ylie] (L, Mo), Franche-Comté. Bloisse de (L), duché de Bar. Bocquet de Courbouzon (L), Franche-Comté. Boitouset (Mo), Franche-Comté. Boutechoux de (L), Franche-Comté. Bouzies de (BD,), Franche-Comté. Brancion Visargent de (CC, L), Bourgogne. Broquard de Laverney (Mo), Franche-Comté. Brunet de (Mo), Franche-Comté. Buson de Champdhivers (Mi), Franche-Comté. Cacqueray de (L), Normandie. Cantineau de Commacre (Mi), Touraine. Chaffoy de Munans de (Mi), Franche-Comté. Chaillot de (Mo), Franche-Comté. Champagne de (BD, L, Mi), Franche-Comté. Chapuis de Rozières (Mo), Franche-Comté.
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Charaudon de Saint-Maur (Mi). Chargères du Breuil (CC), Bourgogne. Chifflet (L, Mo), Franche-Comté. Choiseul de (Mo), Champagne, Bourgogne. Colin de Valoreille (Mi), Franche-Comté. Constable [de Gesans] de (CC, Mi), Franche-Comté. Coquelin de Germigney (L, Mi), Franche-Comté. Crecy de (BD, Mi), Franche-Comté. Crosey de (BD), Franche-Comté. Cult de (Mo), Franche-Comté. Damas-Crux de (BD), Bourgogne. Duc du Rabeur et du Larderet (Mi), Franche-Comté. Éternoz d’ (CC), Franche-Comté Falletans de (BD, CC), Franche-Comté. Ferrette [Florimont] de (Mi), Alsace. Foissy de (Mo), Bourgogne (Mâconnais). Folin de (Mo), Bourgogne, Franche-Comté. Franchet de Rans de (L, Mi), Franche-Comté. Froissard de Broissia de (CC, L), Franche-Comté. Garnier de Choisey (L), Franche-Comté. Gay [de Biarne, de Marnos] (Mo), Franche-Comté. Glanne de (L), Franche-Comté. Goesbriand [de Kerdolas, de Malange] de (Mi), Bretagne. Grammont de (BD, CC), Franche-Comté. Grivel de Perrigny de (L, Mi, Mo), Franche-Comté. Guyot [de Bermont, de Feimbre, de Maîche, de Mancenans] (Mo), Franche-Comté. Hennezel [de Beaujeu] d’ (Mi), Franche-Comté. Jaquot d’Andelarre de (Mi), Franche-Comté. Jouffroy [d’Abbans, d’Amagney, de Gonsans] de (BD, CC, Mi), Franche-Comté. Klinglin de (L, Mo), Alsace. Lallemand de [de Vaite] (Mi), Franche-Comté. Lambertye de (Mi), Périgord, Lorraine. La Rochelle de (Mi), Franche-Comté. Laubespin de (BD, CC), Franche-Comté. Laurencin Beaufort de (Mi), Franche-Comté. Lebrun [de Dinteville, de Syvanelle], Champagne. Lefèvre d’Ormesson (Mo), Île-de-France. Le Gentil de Paroy (Mo), Bretagne. Lenzbourg de (BD, CC), Suisse (Fribourg). Louverot du (CC), Franche-Comté. Magenis de (Mi), Irlande. Maigret de (Mi), Franche-Comté. Maisod de (Mi), Franche-Comté. Malivert [Salnove] de (L), Franche-Comté.
Do cu me nt anne xe
Mareschal de Sauvagney (Mo), Franche-Comté. Mascrany [de Château-Chinon] de (Mi), Nivernais. Matherot de desnes (Mo), Franche-Comté. Mayrot de Mutigney (L), Franche-Comté. Mesmay [de Montaigu] de (Mo), Franche-Comté. Mignot de Bussy de (L), Beaujolais. Millot de Montjustin (Mo), Franche-Comté. Mongenet (Mo) de, Franche-Comté. Monnier de Noironte (Mo), Franche-Comté. Montagu Boutavant de (CC), Franche-Comté. Montessus de Rully de (Mi), Bourgogne. Montrichard de (BD, CC, L, Mi), Franche-Comté. Moreau de Bernay (L). Mouchet de Battefort de Laubespin (BD, CC) du, Franche-Comté. Moustier de (L, Mi), Franche-Comté. Moyria de Maillac de (BD, CC, L), Bugey Pasquier du (CC, Mi), Franche-Comté. Petit de Brottes (Mo), Franche-Comté. Pétremand de Valay (Mo), Franche-Comté. Pillot (L), Franche-Comté. Pillot de Chenecey (BD, Mi), Franche-Comté. Pin du (CC), Franche-Comté. Poligny de (L), Franche-Comté. Poly de [de Beaune, de Saint-Thiébaud] (Mi), Franche-Comté. Pons de Rennepont de (Mo), Champagne. Pouthier de Vauconcourt de (CC) Poype de serrières de la (CC), Dauphiné. Pra Balay Saulx de (L), Franche-Comté. Raincourt de (BD), Franche-Comté. Reims de (L), Lorraine. Renouard de Fleury de (Mo), Île-de-France, établissement en Franche-Comté. Rigaud [du Tilleret, de Vaudreuil] de, Languedoc. Romanet [de Rosay] de (Mi), Franche-Comté. Rosières de Sorans (BD), Franche-Comté. Roy de la Pinodière (CC), Franche-Comté. Sagey de (Mi), Franche-Comté. Saint-Belin de (BD), Bourgogne, Champagne. Saint-Mauris de (CC, Mi), Franche-Comté. Sainte-Colombe de Laubespin de (BD), Beaujolais. Saix du (Mi), Bresse et Franche-Comté. Salives de (BD, Mi), Franche-Comté. Scey de (CC), Franche-Comté. Seyturier de (CC), Bresse et Bugey. Stain de (CC), Flandres. Tartre du (BD), Franche-Comté.
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Thyard de Bissy de (BD), Bourgogne. Toulongeon de (Mi), Franche-Comté. Tricornot du Trembloy (Mo), Franche-Comté. Vaudrey de (BD, CC, Mi), Franche-Comté. Vergne de Tressan de la (Mi), Périgord. Vers Merceret de (L), Franche-Comté. Villers-Vaudey de chaumercenne (Mo), Franche-Comté. Visemal de (CC, L), Franche-Comté. Watteville de (CC), Franche-Comté.
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
Sources manuscrites
Chapitres nobles de chanoinesses de Franche-Comté Archives nationales Archives de la commission des Réguliers et des Secours G 9, 127 (27), chapitre noble de Château-Chalon. G 9, 134 (10) (11), chapitre noble de Gigny. G 9, 140 (13), chapitre noble de Lons-le-Saunier. G 9, 147 (17), chapitre noble de Montigny-lès-Vesoul. Archives départementales de la Côte-d’Or Série E, titres des familles E 34 octies, recommandation pour une postulante au chapitre noble de Baume (1765). Archives départementales du Doubs Série B, Chambre des comptes de Dole B 630, enregistrement de privilèges accordés par le roi. Série C, fonds de l’intendance de Franche-Comté 1 C 444, personnes détenues par lettres de cachet (1755-1787). 1 C 479, abbayes nobles de Baume-les-Dames et de Migette. 1 C 481, difficultés avec le parlement de Besançon pour les preuves de noblesse des abbayes nobles. Série E, titres de familles E 1371, procès de Marie-Florence de Constable de Gesans avec l’abbaye noble de Château-Chalon (1692-1693). E 3679, procès d’Anne Élisabeth de Belot de Chevigney avec l’abbaye noble de Château-Chalon (1687). E 3882, preuves de noblesse de la maison de Falletans.
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7 E 1372, différend entre deux chanoinesses de Poussay au sujet de la jouissance d’une maison canoniale (1765-1770). 7 E 2992, preuves d’une demoiselle du Vernay de Pin jugées insuffisantes pour être reçue au chapitre noble de Migette (1781). Série G, clergé séculier. Officialité de Besançon G 574, procès en annulation de vœux d’une chanoinesse noble de Migette (1744). Série H, clergé régulier Abbaye noble de Baume-les-Dames 112 H 60, procès. 112 H 64, inventaire mobilier et des titres et papiers (1767). Abbaye noble de Château-Chalon 113 H 4, inventaires des titres et papiers et du mobilier du logis abbatial, du mobilier de l’église et vases sacrés (1733, 1742, 1775, 1786). Abbaye noble de Lons-le-Saunier 120 H 2, procès d’une demoiselle de Balay de Jousseau avec l’abbaye de Lons-leSaunier (1736). Abbaye noble de Migette 118 H 1, traité de profession des sœurs du Pasquier (1729). 118 H (2-3), inventaire des titres et papiers. 118 H 4. Abbaye noble de Montigny-lès-Vesoul 121 H 1, arrêt relatif au tiers des revenus des abbayes et prieurés (2 janvier 1681). Série J, nouvelles acquisitions 1 J 112, arbres de lignes de chanoinesses de Baume (xviiie siècle). Série L, fonds révolutionnaire L 1576, revenus de l’abbaye noble de Migette (1788) ; dépenses de Madame Duc, chanoinesse de Migette (1791).
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Archives départementales de la Haute-Saône Série E 2 E 17274, don à l’abbaye de Montigny-lès-Vesoul de 12 000 livres par Anne Brunet en contrepartie de la jouissance d’une maison canoniale (1768). Série H, clergé régulier Chapitre noble de Montigny-lès-Vesoul H 939, inventaires des titres et papiers (xviiie siècle). H 940, traité entre l’abbesse et les chanoinesses concernant le temporel et les maisons canoniales (1699); association de prières avec les franciscins de Salins (1705). H 941, procès de Marie Joseph Millot de Montjustin avec l’abbaye noble de Montigny-lès-Vesoul (1707-1716) ; réceptions et prises d’habit. H 942, règlement du provincial des franciscains (1710) ; inventaire mobilier du logis abbatial (27 décembre 1768) ; projet d’aménagement du quartier abbatial (1769). H 943, projet de reconstruction de l’église abbatiale (1729-1731). Série J, nouvelles acquisitions. Fonds d’Huart-Saint-Mauris Chapitre noble de Baume-les-Dames 25 J 125, prises d’habit (xviiie siècle). 25 J 133, l’abbesse fait constater devant notaire l’absence du chapitre de deux religieuses (1333). 25 J 135. 25 J 137, copie du procès-verbal de la visite faite à Baume-les-Dames par l’intendant de Vanolles au sujet des preuves de noblesse des chapitres nobles de FrancheComté (1741) ; histoire de l’abbaye de Baume-les-Dames, fragment manuscrit, xviiie siècle ; abbesse Angélique Perronne du Mouchet de Battefort de Laubespin (1773-1787). 25 J 139. 25 J 140, acte de réception de Catherine de Montbozon à l’abbaye de Baume (1344). 25 J 141, délibérations capitulaires, adoption de postulantes. Archives départementales du Jura Série E E 942, pièces d’un contentieux entre Mesdames de Poly et de Crecy, dames de Migette, au sujet d’une demeure canoniale (1718-1731).
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Fonds divers 1 F 28, enquête de l’intendance de Franche-Comté au sujet des preuves des chapitres nobles de la province (1740). Série H, clergé régulier Chapitre noble de Château-Chalon (fonds non inventorié) 38 H 2, effectif de la compagnie ; règlement de 1699 ; aménagement d’une salle pour les archives (1787). 38 H 6. 38 H 7, décès de chanoinesses nobles, assemblées capitulaires, formule du vœu de profession. 38 H 8, autorisation de recevoir la confession par tout prêtre du diocèse approuvé (1724). Abbaye noble puis chapitre collégial de Baume-les-Messieurs 1 H 42, preuves de noblesse de Louis François de Jaquot ; de Louis Albert de Lezay-Marnésia. Chapitre noble de Gigny 3 H 1, extinction du chapitre noble de Gigny au profit de ceux de Lons-le-Saunier et de Migette (1788). Chapitre noble de Lons-le-Saunier 48 H 2, prières transcrites par Madame de Grivel Nancuise. 48 H 3, enquête de l’intendance au sujet des preuves de noblesse (1740) ; congés de Madame de Balay (1741-1751) ; réceptions et prises d’habit. 48 H 8, factum pour le R. P. Jacques Dupré, provincial des frères mineurs (début xviiie siècle) ; achat d’un terrain par M. de Beaurepaire pour y construire une maison canoniale (1713) ; règlement (1714) ; recettes pour la toilette féminine (xviiie siècle). 48 H 9, acquisition d’un emplacement pour y construire une maison canoniale (1729) ; extinction du chapitre noble de Gigny au profit de celui de Lons-leSaunier (1788) ; réceptions et prises d’habit, noviciat ; liste des chanoinesses professes en 1792. 48 H 10, contestation au sujet de la destination du produit des terrains vendus pour la construction de maisons canoniales (1716) ; traité entre l’abbesse et les chanoinesses pour déterminer l’âge de la profession (11 mai 1729). 48 H 15, registre des délibérations (1769-1790). 48 H 16, noviciat.
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Archives départementales de Seine-et-Marne Série E
E 1742, contrat de mariage d’une chanoinesse honoraire de Migette (1773). Archives municipales de Baume-les-Dames Série BB, administration communale BB 10, effectif de la communauté des dames de Baume en 1654. BB 16, délibération du 27 mai 1701. BB 24, délibération du 22 septembre 1746. BB 25, délibérations du 22 octobre 1748 et du 31 octobre 1749. BB 26, délibération du 27 octobre 1750. BB 27, délibération du 17 octobre 1752. BB 30, délibérations du 7 juillet et du 10 octobre 1758. BB 34, délibération du 30 octobre 1770. BB 35, délibération du 29 janvier 1771 ; mort et inhumation à l’abbaye de Baume-lesDames d’une laïque, Armande Joséphine Françoise d’Andelot (15 décembre 1772). BB 38, délibérations du 29 septembre 1779 et du 28 juin 1780. BB 40. BB 41, distribution d’un bouillon aux pauvres de la ville par les chanoinesses de Baume-les-Dames (délibération du 11 février 1789). Série GG, cultes GG 1, effectif de l’abbaye des dames de Baume en 1651. GG 18, présent d’un ostensoir à l’église paroissiale par l’abbesse de Baume (2 novembre 1751) ; reconstruction de l’église abbatiale (1758). GG 20, lettre d’un gentilhomme de Franche-Comté à un chevalier de Malte bourguignon, sur l’histoire de l’abbaye de Baume-les-Dames, par M. D[unod], v. 1750, 59 p. GG 21, entretien par l’abbesse de Baume-les-Nonnes d’un prédicateur pour l’avent et le carême (xviie siècle). Bibliothèque nationale de France 33 262, fonds français, introduction des preuves par degrés à Lons-le-Saunier (1788), f. 98. Nouvelles acquisitions françaises 8704, coutumier de l’abbaye de Baume-les-Dames (1685), f. 204-212r.
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Collection Bourgogne 119, fondation de l’abbaye de Migette, f. 127. Bibliothèque de l’Arsenal (Paris) 6100, fonds Brisard, mélanges-chapitres nobles (xviiie siècle), f. 462-496v. Bibliothèque d’étude et de conservation de Besançon Fonds général 689, état des abbayes et prieurés de Franche-Comté et de leurs revenus (en 1663), f. 387-441. 750, note sur l’abbaye noble de Baume-les-Dames, p. 757. 799, Mémoires historiques sur l’ancienneté et la fondation de l’abbaye illustre de chanoinesses de Château-chalon dans le comté de Bourgogne (1756), f. 1-30 ; règlement de l’abbaye noble de Lons-le-Saunier (1771), f. 31-43 ; Formulaire de la cérémonie qui s’observe en la royale abbaye de Lons-le-Saunier pour la prise d’habit, f. 45. Précis d’un mémoire sur l’origine de l’abbaye royale de Lons-leSaunier, 5 p. (xviiie siècle). 1465, documents concernant l’histoire ecclésiastique de la Franche-Comté, chapitre Sainte-Claire de Lons-le-Saunier, preuves de noblesse, f. 97-160. 2250, recueil de pièces concernant la Franche-Comté aux xviie et xviiie siècles, 313 f. Collection Chifflet 129, procès d’une demoiselle de Balay de Jousseau avec l’abbaye de Lons-le-Saunier (1736), f. 45. Fonds Dunand 30, abbayes en Franche-Comté. Bibliothèque municipale de Baume-les-Dames Mss. 2-4, livres de chœur commandés par l’abbesse de Baume-les-Dames, exécutés entre 1746 et 1748. Bibliothèque du grand séminaire de Besançon Fonds non classé, état des communautés de filles du diocèse de Besançon en 1766.
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2, documents divers sur les chapitres nobles de Franche-Comté et correspondance avec les archevêques (xviiie siècle) ; extrait des registres de l’ordre de SaintGeorges (1783). 6 (124), mémoire par lequel on verra la nécessité de réunir le chapitre noble de Baume et celui de Gigny pour en faire un seul et même chapitre en les plaçant dans une ville (v. 1763). 10 (4), lettre de cachet contre une demoiselle Bancenel, chanoinesse de Lons-leSaunier. 13 (44), statuts du chapitre noble de Lons-le-Saunier (1771), lettre de l’abbesse de Migette à l’archevêque de Besançon (février 1777). 57, visite de l’abbaye de Baume-les-Dames par l’archevêque de Besançon (1701) ; aides de la commission des Secours aux chapitres nobles de Franche-Comté ; lettre de l’abbesse de Baume-les-Dames à l’archevêque de Besançon (1774). 58, lettre de remerciement de l’évêque de Lausanne à l’archevêque de Besançon pour avoir appuyé la réception de deux de ses nièces dans des chapitres nobles comtois (1787). 65, lettre de l’abbesse de l’abbaye noble de Lons-le-Saunier à l’archevêque de Besançon, 27 mars 1775. 143, chapitre noble de Baume-les-Dames. Fonds du chapitre de Besançon 54 (6), démarches d’une postulante au chapitre noble de Migette pour réunir ses titres de noblesse (seconde moitié du xviiie siècle) ; (15), enquête sur l’ancienneté de la sélection nobiliaire à Montigny-lès-Vesoul.
113, chapitres de Lons-le-Saunier, Migette et Montigny-lès-Vesoul (1758). Fonds Hugon Mémoire touchant les hôpitaux de noblesse de la province de Franche-Comté. Première série, t. 6, 2.
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Sources manuscrites
Autres chapitres nobles de chanoinesses Archives nationales Archives de la commission des Réguliers et des Secours G 9, 118 (31), chapitre noble d’Alix. G 9, 120 (12), chapitre noble de Coise en L’Argentière. G 9, 137 (8), chapitre noble de Jourcey. Archives départementales de l’Ain Chapitre noble de Neuville en Bresse H 686, Preuves de noblesse ; lettres patentes du roi pour la sécularisation de l’abbaye noble (1751). H 687, visiteur de l’abbaye de Saint-Claude à Neuville en Bresse (1680). H 688. H 694, sécularisation de l’abbaye (1751). Archives départementales du Bas-Rhin Chapitre noble d’Andlau H 2303, mémoire à l’intendant (1738). Archives départementales de la Côte-d’Or Série C, États de Bourgogne C 3047, demande de création d’un chapitre noble de dames en Bourgogne par les États provinciaux (séance du 4 août 1784) ; C 3048, autorisation accordée par le roi (séance du 27 novembre 1787). Série E, titres des familles E 378, preuves de noblesse d’un postulant au chapitre noble de Gigny ( Jura).
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Archives départementales du Haut-Rhin Série G, clergé séculier Chapitres nobles unis de Lure et de Murbach 9 G 11 (32), fonds général : demande du roi pour une ouverture géographique en matière de recrutement (1738). Série H, clergé régulier Chapitre noble de Masevaux 10 G 1, Statuts de 1782. Archives départementales de la Haute-Marne Chapitre noble de Poulangy G 973, p. 527 (avril 1746) et G 974, p. 190 (août 1748), autorisation accordée à une chanoinesse d’aller prendre les eaux à Plombières. 12 H 11, (1705-1742). Archives départementales de la Haute-Saône Série H, clergé régulier. Abbaye noble puis collégiale noble de Lure H 578, inventaire des titres et papiers (1756). Archives départementales de l’Isère Série B, parlement de Dauphiné B 2318, f. 121, f. 144v, f. 234 et 283, demande de création d’un chapitre noble de dames par le parlement de Dauphiné (1770) et autorisation accordée par le roi (1787). Série G, clergé séculier G 501, enquête de l’officialité pour l’annulation des vœux de Mademoiselle de Tencin (début du xviiie siècle). Archives départementales de la Loire H 8 (1 à 6), preuves de noblesse du chapitre noble de Leigneux.
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Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle H 2955, Bouxières brevet du 19 juin 1785 et lettres patentes du 5 juin 1786, bulle du 3 des ides de mai 1786. Archives départementales de la Moselle H 3926, relation de la réception et installation de l’abbesse Charlotte Eugénie de Choiseul Stainville à l’abbaye noble de Saint-Pierre de Metz (30 octobre 1760). H 3997, statuts et règlements de l’abbaye noble Sainte-Marie de Metz (1645). H 4038, Statuts et règlements donnés à l’abbaye et insigne Église collégiale, Noble, Royale et Séculière de Saint-Louis de Metz…, Metz, Joseph Antoine, s.d [1781]. Archives départementales du Nord 24 H 2, pièce 20, refus de l’adoption de la preuve graduelle par les dames de Denain (fin xviiie siècle). Archives départementales du Rhône Série G, clergé séculier 25 G 7, preuves de noblesse du chapitre de Coise en L’Argentière.
25 G 10, Suppression de l’abbaye de Savigny (1780). Série H, clergé régulier
1 H 26, suppression de l’abbaye de Savigny et union de ses biens aux chapitres nobles d’Alix, Largentière et Leigneux (1780). Archives départementales des Vosges Chapitre noble d’Épinal G 115, procès d’une demoiselle de Bellegarde contre l’abbesse d’Épinal au sujet des preuves de noblesse (seconde moitié du xviiie siècle). Chapitre noble de Remiremont G 897, projet de réforme de l’abbesse Catherine de Lorraine, première moitié xviie siècle. G 930, no 33, remontrances contre l’arrêt du roi Stanislas de 1761. Archives du Service Historique de l’Armée de Terre A 1/1759, dénonciation d’une liaison supposée de l’abbesse de Baume-les-Dames avec un chanoine (1704).
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Burel (Thérèse), « Le chapitre métropolitain de Besançon de 1253 à 1545 », Positions des thèses de l’École des Chartes, (1954), p. 19-23. Chamouton (Edmond), Château-Chalon et sa relique de saint Just, évêque de Lyon, Lons-le-Saunier, E. Rubat du Mérac, 1901, 39 p. Dollot (Louis), Folles ou sages : les abbesses de l’ancienne France, Paris, Perrin, 1987, 336 p. Durr ( Jean-Louis) et Bailly (Yves), L’abbaye de Baume-les-Dames, Baume-lesDames, Renaissance du vieux Baume, 2009, 99 p. Finot ( Jules), « Notice historique sur l’abbaye royale ou chapitre noble des dames de Sainte-Claire de Lons-le-Saunier pendant le xviiie siècle », Revue nobiliaire héraldique biographique, 2 (1877), p. 265-288 et p. 478-493. Gauthier ( Jules), « Les monuments de l’abbaye de Baume-les-Dames », Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, année 1889, 1890, p. 272309. Girardot ( Jean), L’abbaye et la ville de Lure, des origines à 1870, Vesoul, I. M. B., 1970, 360 p. Lallemand ( Jean-Noël), Les chanoinesses de Migette et la Révolution française, Communay, 1996, 117 p. —, « Les dames de Migette, au bailliage de Salins, et leur survie après la Révolution (1325-1843) », in Parisse (Michel) et Heili (Pierre) (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire. Actes du colloque d’avril 1996 organisé par la Société d’Histoire locale de Remiremont, Paris, Messene, 1998, p. 313-340. Locatelli (René), « Les chapitres de dames nobles au diocèse de Besançon du douzième au quatorzième siècle », in Parisse (Michel) et Heili (Pierre) (éd.), Les chapitres de dames nobles entre France et Empire. Actes du colloque d’avril 1996 organisé par la Société d’Histoire locale de Remiremont, Paris, Messene, 1998, p. 49-69. Marchandon de la Faye (Maurice), L’abbaye de Château-Chalon. Notice suivie de deux inventaires de 1742 et 1762, Paris, 1893, 112 p. Pidoux de la Maduere (Pierre-André), « Les croix des chapitres d’abbayes nobles en Franche-Comté », Rivista Araldica, 26 (1928), p. 449-456. Terrier de Loray (Henri-Philibert-André), « Histoire de l’abbaye de Migette », Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon, année 1888, 1889, p. 122141. Tribout de Morembert (Henri), « Les preuves de noblesse de Marie-Florence de Constable de Gesans pour l’abbaye de Château-Chalon (1692) », Mémoires de la Société d’Émulation du Jura, année 1943, 1944, p. 57-65. Vannier ( Jean-François-Auguste), Histoire de l’abbaye royale de Montigny-lèsVesoul, Vesoul, 1877, 136 p.
Table des cartes, tableaux et photographies
1. Cartes et plans Carte 1 : Chapitres nobles de chanoinesses en Europe aux xviie et xviiie siècles. Carte 2 : Chapitres nobles de chanoinesses en France au xviiie siècle. Plan 1 : L’abbaye noble de Baume-les-Dames d’après un plan de 1787 (AD Doubs, C (plan) 30)
2. Tableaux Tableau i : Les groupes nobiliaires au xviiie siècle par chapitre noble (nombre de chanoinesses et pourcentage). Tableau ii : Proportion des chanoinesses originaires de la province dans les chapitres nobles de Franche-Comté au xviiie siècle. Tableau iii : l’espérance de vie des chanoinesses nobles de Franche-Comté au xviiie siècle.
3. Illustrations Fig. 1 : Ruines de l’abbatiale de Château-Chalon. Lithographie de Godefroy Engelmann, 1827. Fig. 2 : Disposition en quadrilatère des demeures de l’ancien chapitre noble de Montigny-lès-Vesoul, autour de la cour intérieure. Fig. 3 : Porche commandant l’accès à l’enclos canonial de Baume-les-Dames. Fig. 4 : Observé de l’ancien enclos canonial, le porche qui permettait de sortir de l’abbaye noble de Château-Chalon Fig. 5 : La solitude de Migette. L’abbaye s’était développée à l’emplacement du bosquet que l’on voit à gauche, en arrière-plan. Fig. 6 : Disposition en quadrilatère autour de la cour intérieure des demeures de l’ancien chapitre noble de Montigny-lès-Vesoul. Fig. 7 : L’alignement des demeures canoniales de l’ancien chapitre noble de Lonsle-Saunier, le long de l’actuelle place Bichat.
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Fig. 8 : Maison canoniale d’Adélaïde Charlotte Cantineau de Comacre, la plus vaste jamais construite à Migette (dernier quart du xviiie siècle). Fig. 9 : Statue funéraire de Marguerite de Neuchâtel († 1549) en grand habit de chœur. Cette dignitaire porte le costume des bénédictines ainsi qu’une guimpe. Un ample manteau doublé d’hermine couvre le dos et les épaules. Si celui-ci subsiste toujours chez les abbesses du xviiie siècle, un costume noir évoquant celui des veuves de condition a remplacé celui de religieuse. Fig. 10 : Portrait de Gabrielle Philippine Joséphine de Froissard de Broissia, chanoinesse de Château-Chalon (Collection particulière – Photographie Philippe de Crecy). Fig. 11 : La coupole de l’abbatiale de Baume-les-Dames conçue par l’architecte Nicolas Nicole. Fig. 12 : Vue extérieure de l’abbatiale de Baume-les-Dames reconstruite de 1738 à 1769. Fig. 13 : Le lutrin de marbre de l’ancienne abbatiale de Baume-les-Dames dessiné en 1751 par l’architecte Nicolas Nicole (église paroissiale Saint-Martin de Baumeles-Dames). Fig. 14 : Prières manuscrites copiées en 1782 par Jeanne Élisabeth de Grivel Nancuise, chanoinesse de Lons-le-Saunier (AD Jura, 48 H 2).
Index des noms de personnes
Achey d’, famille noble de FrancheComté, p. 223. Achey Claude III d’ (1594-1654), archevêque de Besançon de 1637 à 1654, p. 101 n. 20. Achey Marie d’, abbesse de l’abbaye noble de Baume-les-Dames de 1672 à 1684, p. 103, 126, 198. Achey Marie Françoise d’(17281750), abbesse de Baume-lesDames, p. 195. Adamoli Pierre (1707-1769), antiquaire, receveur de péages, p. 142 n. 87. Affry d’, famille noble de Suisse (Fribourg), p. 152. Affry d’, chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 223. Affry Marie Anne Élisabeth d’ (1705-?), chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 176. Agay d’, famille noble de FrancheComté, p. 223. Agay d’ Jeanne Françoise, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 172. Agniel Jean-Charles, modiste bisontin, p. 135. Albert de Luynes Paul d’ (17031788), prélat français, p. 217. Aldegonde (sainte ; v. 630-684), p. 201, 203-204. Alsace-Henin-Lietard d’, famille noble de Lorraine, p. 223. Amedor de Mollans d’, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Amedor de Mollans, Augustine Madeleine Félicité Désirée d’,
reçue chanoinesse noble de Salles en 1782, p. 85 n. 52. Amedor de Mollans, Jeanne Louise Thérèse Octavie d’, reçue chanoinesse noble de Salles en 1783, p. 85 n. 52. Andelot d’, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Andelot Anne Gabrielle d’, reçue chanoinesse noble de Baume-lesDames en 1731, p. 127. Andelot Armande Joséphine Françoise d’ († 1772), p. 127. Andelot Aymé-François d’, religieux noble de Saint-Claude, p. 49. Andelot Gasparine d’, abbesse de Baume-les-Nonnes en 1651, p. 103 n. 31. Andelot Philippine Marie Léopoldine d’, reçue chanoinesse noble de Baume-les-Dames en 1727, abbesse de 1767 à 1773, p. 127. Andelot Théodore Rodolphe d’, p. 80. Anseri, archevêque de Besançon de 1117 à 1134, p. 38. Apolinaire, prédicateur capucin, p. 193. Aremberg d’, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Arsures des, chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 152. Attalin, professeur, p. 212. Aubert de La Chesnaye Des Bois François-Alexandre (16991784), polygraphe, p. 69.
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Balay de, famille noble de FrancheComté, p. 115, 223. Balay de, chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 80, 115, 118. Balay Anne Thérèse de, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 71. Balay Henri de, religieux du prieuré noble de Gigny, p. 70. Balay de Jousseau, Philibert Marie Joseph de, p. 71. Balay de Jousseau, Marie Césarine Hyacinthe, p. 71. Bancenel de, famille noble de Franche-Comté, p. 148, p. 223. Bancenel de, Chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 148. Bancenel Charlotte Josèphe de, reçue chanoinesse noble de Lonsle-Saunier en 1766, p. 82. Bancenel Marie Josèphe de, reçue chanoinesse noble de Lons-leSaunier en 1766, p. 82, 172. Barral de Montferrat JosephMarie de (1742-1828), président au parlement de Dauphiné, p. 24. Bascio Matteo de (1495-1552), cofondateur de l’ordre des capucins, p. 192. Bassand Victorin, prédicateur, p. 193. Beaurepaire de, famille noble bourguignonne, p. 79, 122, 223. Beaurepaire Marie de, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 79. Beauvau-Craon Marie Françoise Catherine de (17111787), chanoinesse noble de Remiremont, p. 130. Begge († 693), sainte p. 201, 203, 207. Bellegarde Charlotte Éléonore de, p. 70.
Belot de, famille noble de FrancheComté, p. 54, 223. Belot de, chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 81, 118. Belot Balthazar (xvie siècle) de, p. 54. Belot Claude Thérèse († 1752) de, chanoinesse noble de Baume-lesDames, p. 54. Belot Claudine Marguerite de, chanoinesse noble de ChâteauChalon, p. 54. Belot Jacques Antoine de (xviiie siècle), p. 54. Belot Jeanne Marguerite de (v. 1678-1762), abbesse de l’abbaye noble de Lons-le-Saunier en 1731, p. 54, 189-190. Belot Marie Prospère Bonaventure de, chanoinesse noble de Château-Chalon, p. Belot Philippe Guillaume de (xviie siècle), p. 54. Belot Suzanne Gasparine de († 1715), chanoinesse noble de Château-Chalon, p. 54. Belot de Chevigney Anne Élisabeth de, chanoinesse noble de Château-Chalon, p. 70. Belot de Chevigney Élisabeth de, chanoinesse noble de ChâteauChalon, p. 114. Belot Mauvilly de, chanoinesse noble de Baume-les-Dames, p. 142. Belot de Roset Marguerite Hyacinthe de, chanoinesse noble de Baume-les-Dames, p. 81. Belot de Roset Thérèse de, chanoinesse noble de Baume, p. 81. Benoît de Nursie (saint ; v. 480-547), fondateur de l’ordre bénédictin, p. 15, 161, 163-165, 181 n. 46, 182.
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Benoit xiii, antipape de 1394 à 1423, p. 37. Benoit xiv (1675-1758), pape en 1740, p. 132. Bereur [de Malans, de Sainte Ylie], famille noble de FrancheComté, p. 82, 223. Bereur de Malans Antoine, conseiller au parlement de Dole, p. 82. Bereur de Malans Jeanne Désirée, p. 82. Bereur de Sainte Ylie Anne Philippe (1725-1770), chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 149. Bergier Nicolas (1718-1790), théologien catholique, p. 57. Berthier Edme Joseph, généalogiste, p. 66. Besson Alexandre, maire d’Amancey (Doubs), p. 193. Besson Louis (1821-1888), historien, p. 19. Bethisy de, chanoinesse noble de Poussay, p. 151. Bloisse de, famille noble (duché de Bar), p. 81. Blondel Jacques François (17051774), architecte, p. 189. Bocquet de Courbouzon, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Boileau Nicolas (1636-1711), poète et polémiste, p. 142. Boitouset, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Boniface viii, pape de 1294 à 1303, p. 95. Bonnart Nicolas (v. 1637-1718), graveur, p. 154, 183. Bonnart Robert (1652-1733), graveur, p. 154, 183. Boquillon Françoise (1948- ), historienne, p. 21, 84 n. 49, 142.
Borromee Charles (1538-1584), archevêque de Milan, p. 192. Borrot Alexandre, historien, p. 141. Bossuet Jacques Bénigne (16271704), théologien, p. 142. Boudret, chanoine de Besançon, p. 102. Boufflers Louis François de (1714-1752), p. 130. Bourgogne Marguerite de († 1309), p. 19. Boutechoux de, famille noble de Franche-Comté, p. 176, 223. Boutechoux Madeleine Philiberte de, reçue chanoinesse noble de Lons-le-Saunier en 1764, p. 82, 172. Boutechoux Marguerite Françoise de, abbesse de l’abbaye noble de Lons-le-Saunier en 1763, p. 81. Boutechoux Marguerite Philiberte de, chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 81. Bouzies de, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Brancion Visargent de, famille noble de Bourgogne, p. 223. Briey Céleste de († 1789), doyenne du chapitre noble de Remiremont, p. 154. Brochan, chanoine de NotreDame de Paris, p. 147. Broissia de, chanoinesse noble de Poussay, p. 125. Broissia Charles Louis de, chevalier de Malte, p. 70. Broquard de Laverney, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Bruley Claude, peintre du xviie siècle, p. 207. Brune Paul (1862-1920), historien de la Franche-Comté, p. 203. Brunet de, famille noble de Franche-Comté, p. 223.
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Brunet Anne de, chanoinesse noble de Montigny-lès-Vesoul, p. 124. Brunet Catherine de, p. 55. Buffon Georges-Louis LECLERC (comte de ; 17071788), naturaliste, biologiste et mathématicien, p. 140. Buson de Champdhivers, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Buson de Champdhivers Marie Thérèse Françoise (1717-1768), chanoinesse de Migette, p. 210. Cacqueray de, famille noble de Normandie, p. 223. Cagliostro Giuseppe Balsamo, dit Alessandro (comte de ; 17431795), p. 140. Cantineau de Comacre, famille noble de Touraine, p. 223. Cantineau de Comacre Adélaïde Charlotte, chanoinesse de Migette, p. 122, 123. Cantineau de Comacre Albertine Louise, p. 72. Cantineau de Comacre Angélique Gabrielle Julie, reçue chanoinesse noble de Migette en 1774, p. 72. Cantineau de Comacre Marguerite Gabrielle Victoire, reçue chanoinesse noble de Migette en 1774, p. 72, 178. Caracena (marquis de ; 16081668), gouverneur des Pays-Bas espagnols, p. 203. Celestin ii, pape de 1143 à 1144, p. 101, 164. Celle de la, maison noble, p. 66 n. 27. Cernesson Joseph, historien, p. 142. Chaffoy de, chanoinesse(s) noble(s) de Migette, p. 126.
Chaffoy de Munans de, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Chaillot de, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Chalon-Arlay Hugues Ier de (1288-1322), p. 19. Chalon-Arlay Jean de (1258-1315), p. 19. Champagne de, famille noble de Franche-Comté, p. 53, 223. Champagne de, chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 80. Champagne de, chanoinesse noble de Migette, p. 151. Champagne Claude Catherine de, chanoinesse de Lons-le-Saunier, p. 177, 180. Champagne Gasparine Ferdinande de, chanoinesse noble de Baumeles-Dames, p. 127. Champagne Marie Élisabeth de, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 177. Chamrond : voir VichyChamrond de. Chapelle, entrepreneur en bâtiments, p. 187. Chapuis de rozieres, famille noble de Franche-Comté, p. 223. Charaudon de Saint-Maur, famille noble, p. 224. Chargeres du Breuil, famille noble de Bourgogne, p. 224. Charles III, duc de Lorraine et de Bar de 1545 à 1608, p. 84, 103 n. 33. Charles de Valois-Bourgogne, dit le Temeraire, duc de Bourgogne de 1467 à 1477, p. 99. Charles Quint, duc de Bourgogne (1506-1555), empereur germanique (1519-1558), p. 54. Chassel François, sculpteur, p. 191. Chastellux Henri Georges César (1746-1814), général de la
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noblesse des États de Bourgogne de 1784 à 1787, p. 24. Chastenay Louise Marie Victoire de (1771-1855), chanoinesse d’Épinal et femme de lettres, p. 129, 138, 159, 175. Chateaubriand François René de (1768-1848), écrivain et homme politique, p. 31, 139. Chateaubriand Lucile de (17641804), chanoinesse noble de l’Argentière puis de Remiremont, p. 31, 139. Chavigny de, p. 128. Chavirey Baptiste de, chanoine noble de Gigny, p. 65. Cherin Bernard (1718-1785), généalogiste et historiographe des ordres du roi, p. 66. Cherin Louis Nicolas Hyacinthe (1762-1799), généalogiste des ordres du roi, p. 31, 66. Cherisey Plaicarde Gabrielle Victoire, chanoinesse noble de Saint-Louis de Metz, p. 210. Chifflet, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Chifflet Étienne Joseph François Xavier, conseiller au Parlement, p. 180. Chifflet Jean-Jacques (1588-1673), polygraphe, p. 163, 205. Chifflet Marie Andrée, chanoinesse noble de Montignylès-Vesoul, p. 172. Chifflet Marie Étiennette (17651782), chanoinesse noble de Montigny-lès-Vesoul, p. 172. Chifflet Marie Joseph Élisabeth de (1752-1778), chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 180. Choiseul de, famille noble, p. 189, 224. Choiseul Étienne François de (17191785), ministre d’État, p. 114, 217.
Choiseul-Beaupre Antoine Clériade de (1707-1774), archevêque de Besançon en 1755, p. 26, 44, 96, 114, 217. Choiseul Stainville Charlotte Eugénie de (17231816), chanoinesse noble de Remiremont puis abbesse de Saint-Pierre de Metz en 1760, p. 129. Cholien, p. 117. Christin Charles Gabriel Frédéric (1741-1799), avocat et homme politique français, p. 64. Claire d’Assise (sainte ; 11941253), fondatrice de l’ordre des clarisses, p. 15, 18, 153, 166-167, 181, 190. Clebsatel Marie Élisabeth de, postulante au chapitre noble de Migette en 1711, p. 68. Clebsatel Marie Jeanne Françoise Gabrielle de, postulante au chapitre noble de Migette en 1711, p. 68. Clement x, pape de 1670 à 1676, p. 102. Clement xiii, pape de 1758 à 1769, p. 132. Cluny de, chanoinesse noble d’Alix, p. 77 n. 11. Colin de Valoreille, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Colombot Jean-Charles (17191782), architecte bisontin, p. 96. Colombot Jean-Claude, architecte, p. 177 n. 25. Condorcet Marie Louise Sophie de GROUCHY (marquise de ; 1764-1822), écrivain, p. 139. Constable [de Gesans] de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Constable de, chanoinesse noble de Poussay, p. 125.
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Constable [de Gesans] Marie Florence de (1677-1702), chanoinesse noble de ChâteauChalon, p. 70 Coquelin de Germigney, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Cour de Beauval de la, commis à l’enquête de noblesse de 1699, p. 33. Crecy de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Crecy de, chanoinesse(s) noble(s) de Migette, p. 125, 152, 211. Crosey de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Crosey de, chanoinesse noble de Baume-les-Dames, p. 211. Cult de, famille noble de FrancheComté, p. 224. Damas-Crux de, famille noble de Bourgogne, p. 224. Damas de Crux Henriette Angélique, abbesse de l’abbaye noble de Baume-les-Dames de 1750 à 1767, p. 194, 212. Dedeyan Noëlle, p. 21. Deffand Marie de VICHYCHAMROND (marquise du ; 1697-1780), femme de lettres, p. 141, 155. Delolme Jean-Louis (1740-1806), juriste, p. 138. Denys l’areopagite, saint, p. 202. Deparcieux Antoine (1703-1768), mathématicien, p. 210. Desire saint, évêque de Besançon avant 372, p. 163.
Des roys : voir Lamartine Françoise-Alix de. Devillard Lucian, prédicateur, p. 193. Dewez Laurent Benoît (17311812), architecte, p. 189.
Diderot Denis (1713-1783), écrivain et philosophe, p. 159. Dinet Dominique (1946- ), historien, p. 117. Dinteville de, chanoinesse(s) noble(s) de Montigny-lèsVesoul, p. 85, 217. Dollot Louis (1915-1997), historien, p. 141. Dominique de GuzmÁn (saint ; v. 1170-1221), p. 15. Dortans François Antoine de, religieux noble de Saint-Claude, p. 104. Duc [de Rabeur et du Larderet], famille noble de Franche-Comté, p. 224. Duc [de Rabeur et du Larderet] Joseph Henriette Isabelle (1749-1810), chanoinesse noble de Migette, p. 64, 128. Duchesne Henri-Gabriel (17391822), homme de lettres, p. 78. Dumas Alexandre (père) (18021870), écrivain romancier, p. 155. Dunand Joseph-Marie (1719-1790), historien, capucin, p. 187. Dunod de Charnage FrançoisIgnace (1679-1752), juriste, historien de la Franche-Comté, p. 25, 35-36, 39-41, 47, 50, 55, 58, 62, 78, 85, 102, 131, 162-165, 169, 179, 186, 197, 205, 207, 216. Dupre Jacques, franciscain, p. 174. Durand Ursin (1682-1771), savant mauriste, p. 199. Durand de Maillane PierreToussaint (1729-1814), avocat au parlement d’Aix et canoniste, p. 14. Durfort Raymond de (1725-1792), archevêque de Besançon en 1774, p. 80, 102, 207.
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Elderen Jean-Louis d’, princeévêque de Liège de 1688 à 1694, p. 10. Estrees César d’ (1628-1714), abbé de l’abbaye noble de SaintClaude, p. 104. Eternoz d’, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Falletans de, famille noble de Franche-Comté, p. 36, 53, 69, 72, 224. Falletans de, chanoinesse noble de Baume-les-Dames, p. 211. Falletans de, Thiébaud, xiie siècle, p. 36 n. 8. Faucogney, Jean II de († 1319), vicomte de Vesoul, p. 18 n. 19. Ferdinand ii de Habsbourg, empereur germanique de 1619 à 1637, p. 41. Ferrette Marie Suzanne Xavière de, reçue à l’abbaye noble de Masevaux en 1750, abbesse en 1759, p. 128. Ferrette [Florimont] de, famille noble d’Alsace, p. 224. Flaxlanden Marie Catherine de, abbesse de l’abbaye noble d’Ottmarsheim de 1757 à 1789, p. 130. Fleury Claude (1640-1723), historien, p. 163. Foissy de, famille noble de Bourgogne, p. 224. Folin de, famille noble de Bourgogne et de Franche-Comté, p. 224. Fontenelle Bernard LE BOUYER de (1657-1757), philosophe et écrivain, p. 138. Forbin Gardanne Marie Françoise Adélaïde, dite Clotilde de (1765- ?), chanoinesse noble
de Neuville en Bresse, p. 22 n. 38, 139. Fouchier Claudine de, abbesse de Château-Chalon de 1651 à 1663, p. 204. Franchet de Rans de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Franchet de Rans Charlotte Gabrielle Scolastique de (17331814), abbesse de Migette de 1765 à 1790, p. 187. François d’assise (saint ; v. 11821226), p. 190. Frederic ier barberousse (11221190), empereur germanique, comte palatin de Bourgogne, p. 166 n. 27. Froissard de Broissia de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Froissard de Broissia, Françoise de, chanoinesse noble de Château-Chalon, p. 171. Froissard de Broissia, Louise Gabrielle Philippine Joséphine de, chanoinesse noble de Château-Chalon, p. 137. Froissard de Broissia Marie Jeanne Gabrielle de, chanoinesse noble de Poussay en 1782, p. 84 n. 49. Fulton Robert (1765-1815), inventeur, p. 141. Gabbio Antoine, entrepreneur en bâtiments, p. 63. Gabrielly, p. 14. Gaillard Raphaël, prédicateur, p. 193. Galezot Jean-Pierre (1686-1742), architecte, p. 187. Gallier Humbert de, homme de Lettres, p. 119, 146. Gardeur-Lebrun Louis (17141786), ingénieur militaire, p. 189.
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Garnier (viiie siècle), fondateur présumé de l’abbaye de Baumeles-Dames, p. 164. Garnier de Choisey, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Garnier de Dole, p. 72. Gauzelin († 962), évêque de Toul, p. 202. Gay [De Biarne, de Marnos], famille noble de Franche-Comté, p. 224. Gayardon de Fenoyl Madeleine de (1743-1804), prieure du chapitre noble de L’Argentière en 1776, p. 139. Genlis Stéphanie du CREST (comtesse de ; 1746-1830), écrivain, p. 77 n. 11, 138, 172. Geoffrin Marie-Thérèse RODET (1699-1777), hôtesse d’un salon littéraire, p. 141. Germain (saint ; † en 259 ou 372), évêque de Besançon, p. 163, 164 n. 14, 182, 201-205, 208. Gertrude (sainte ; v. 626-659), p. 201, 203. Glanne de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Glanne Marie Charlotte de, reçue chanoinesse noble de Lons-leSaunier en 1764, p. 82. Goëry (saint ; † 647), évêque de Metz de 629 à 644, p. 202. Goesbriand Marie Jeanne Rosalie de (1756- ?), chanoinesse noble de Migette, p. 82 n. 38, 85. Goesbriand Marie Rosalie de (1753-1835), chanoinesse noble de Migette, p. 82 n. 38, 85, 153. Goesbriand [de Kerdolas, de Malange] de, famille noble de Bretagne, p. 82, 224. Goesbriand de Kerdolas, Auguste Françoise Désirée de
(1754- ?), chanoinesse noble de Migette, p. 82 n. 38, 85. Goncourt Edmond de (18221896), hommes de Lettres, p. 119, 146, 154. Goncourt Jules de (1830-1870), hommes de Lettres, p. 119, 146, 154. Gontaud de, p. 128. Grammont de, famille noble de Franche-Comté, p. 53, 224. Grammont Antoine-Pierre Ier de (1614-1698), archevêque de Besançon de 1663 à 1698, p. 82, 101 n. 20, 104. Grammont Antoine-Pierre II de (1685-1754), archevêque de Besançon de 1735 à 1754, p. 82, 102. Grammont François Joseph de (1644-1717), archevêque de Besançon en 1698, p. 102. Grammont Gaspard de, religieux noble de Saint-Claude, p. 70, 104. Granges Pierrette de, religieuse de Baume-les-Nonnes en 1333, p. 99. Gresset Maurice, historien, p. 44. Grimaldi Honoré de, archevêque de Besançon de 1723 à 1731, p. 82. Grivel Nancuise Jeanne Élisabeth de, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 200. Grivel de Perrigny de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Grivel de Perrigny Anne Claude de (xviiie siècle), chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 56. Grivel de Perrigny Élisabeth de (xviiie siècle), chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 56. Grivel de Perrigny Henri Gaspard de (xviiie siècle), p. 56. Guyot Chanoinesse(s) noble(s) de Montigny-lès-Vesoul, p. 135. Guyot Joseph Nicolas (1728-1816), jurisconsulte, p. 215.
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Guyot [De Bermont, de Feimbre, de Maîche, de Mancenans], famille noble de Franche-Comté, p. 224. Habsbourg (d’Espagne), p. 51 n. 13. Hautoy Alexis du, officier d’armée, p. 129. Helyot Pierre (1660-1716), historien franciscain, p. 161. Henri ier l’Oiseleur, roi de Germanie de 919 à 936, p. 13 n. 1. Henri iv, roi de France de 1589 à 1610, p. 32, 102. Hennezel Jean-Claude d’, p. 127. Hennezel [de Beaujeu] d’, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Herbert, archevêque de Besançon de 1163 à 1170, p. 38. Hugues ier de Salins, archevêque de Besançon de 1031 à 1066, p. 166. Innocent ii, pape de 1130 à 1143, p. 101, 164. Innocent iv, pape de 1243 à 1254, p. 18. Jaquot [d’Andelarre] de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Jaquot Antoine de, seigneur de Rosey-Andelarre (xviiie siècle), p. 55. Jaquot Louis François de, chanoine noble de Baume-lesMessieurs (xviiie siècle), p. 55. Jeanne de Chantal (sainte ; 15721641), p. 209. Joblot Marie Étiennette Isabelle de, chanoinesse noble de Salles, p. 85. Joinville Héloïse de († 1312), vicomtesse de Vesoul, p. 18. Jouffroy de, chanoinesse noble de Baume-les-Dames, p. 149.
Jouffroy Anne Élisabeth de (1711- ?), reçue chanoinesse noble de Baume-les-Dames en 1726, professe en 1743, p. 141, 171. Jouffroy [d’Abbans, d’Amagney, de Gonsans] de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Jouffroy d’Abbans Claude (17511832) de, inventeur du bateau à vapeur, p. 141. Jouffroy d’Abbans Anne Élisabeth Alexandrine de, chanoinesse noble de Baume-lesDames, p. 71. Jouffroy d’Abbans Élisabeth Charlotte de, chanoinesse noble de Baume-les-Dames, p. 171. Jouffroy de Novillars Anne Claude de, abbesse du chapitre noble de Poussay de 1714 à 1729, p. 84 n. 49. Jouffroy de Novillars Thérèse de, chanoinesse noble de Poussay en 1695, p. 84 n. 49. Just (saint ; du ive siècle), évique, p. 203-204, 206. Klinglin de, famille noble d’Alsace, p. 224. Klinglin Béatrice de, p. 147. Klinglin Marie Anne Sophie Alexis de, chanoinesse de Lonsle-Saunier, p. 176. Klinglin Marie-Louise de, reçue au chapitre noble de Montignylès-Vesoul en 1729, professe en 1741, p. 147. La Baume Claude de, archevêque de Besançon de 1543 à 1594, p. 47, 101 n. 20. La bruyere Jean de (1645-1696), p. 142.
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La Chaise François d’AIX (16241709), jésuite confesseur de Louis XIV, p. 147. Lacroix, paysan, p. 145 n. 3. Lallemand Antoine, paysan, p. 145 n. 3. Lallemand [de Vaite] de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Lallemand [de Vaite] de, Chanoinesse noble de Migette, p. 147. Lallemand [de Vaite] Charles Baptiste de, novice de l’abbaye noble de Saint-Claude, p. 178 n. 35. Lallemand [de Vaite] François Alexandre de, noble franccomtois, p. 178 n. 35. Lallemand [de Vaite] Jacques François Adrien de, noble franccomtois, p. 178 n. 35. Lamartine Alphonse de (17901869), homme de lettres et homme politique, p. 15, 119. Lamartine Françoise-Alix de (1766-1829), chanoinesse noble de Salles-en-Beaujolais en 1779, née DES ROYS, p. 15 n. 7, 139. Lambertye de, famille noble (Périgord, Lorraine), p. 224. La Rochelle de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. La Roque de la Lontiere GillesAndré de (1598-1686), héraldiste, p. 49, 150. La Tour En Voivre Françoise Claire de, p. 70. Laubespin de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Laubespin Renée Hélène de, abbesse de Baume-les-Nonnes en 1653, p. 103 n. 32. Laurencin Beaufort de, famille noble de Franche-Comté, p. 224.
Lavoisier Antoine Laurent de (1743-1794), chimiste, philosophe et économiste, p. 140. Law John (1671-1729), financier, p. 186. Lebrun [De Dinteville, de Syvanelle], famille noble de Champagne, p. 224. Le Camus Étienne (1632-1707), évêque de Grenoble de 1671 à 1707, p. 96. Lefevre d’Ormesson, famille noble d’Île-de-France, p. 224. Lefevre d’Ormesson Anne Catherine, abbesse de Montignylès-Vesoul de 1767 à 1768, p. 141. Lefevre d’Ormesson Marie François-de-Paule (1710-1775), intendant des Finances et conseiller d’État, p. 142 n. 84. Leger (saint ; viie siècle), évêque d’Autun, p. 18 n. 17. Le Gentil de Paroy, famille noble de Bretagne, p. 224. Lenglet du Fresnoy Nicolas (1674-1755), historien, collaborateur de l’Encyclopédie, p. 64. Lentilhac Marie-Constance de, chanoinesse noble de Remiremont, p. 141. Lenzbourg de, famille noble de Suisse, p. 224. Lenzbourg Bernard Emmanuel de (1723-1795), évêque de Lausanne en 1782, p. 80. Leschelle, chanoine de Besançon, p. 102. Lespinasse Jeanne Julie Éléonore de (1732-1776), hôtesse d’un salon littéraire et épistolière, p. 141. Leszczynski Stanislas (1677-1766), duc de Lorraine et de Bar de 1737 à 1766, p. 43, 58, 83.
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Lezay-Marnesia Louis Albert de (1708-1790), évêque d’Évreux, p. 145 n. 1. Locke John (1632-1704), philosophe anglais, p. 141. Lorraine Anne Charlotte de (1714-1773), abbesse du chapitre noble de Remiremont en 1738, p. 153. Lorraine Béatrix de (1662-1738), abbesse du chapitre noble de Remiremont en 1711, p. 153. Lorraine Catherine de (15731648), abbesse du chapitre noble de Remiremont en 1611, p. 103 n. 33, 134. Louis ix (1214-1270), roi de France de 1226 à 1270, p. 18 n. 19, 197. Louis xi (1423-1483), roi de France de 1461 à 1483, p. 99. Louis xiii (1601-1643), roi de France de 1610 à 1643, p. 32. Louis xiv (1638-1715), roi de France de 1643 à 1715, p. 31-32, 185. Louis xv (1710-1774), roi de France de 1715 à 1774, p. 41, 45, 72, 83, 87, 189, 204, 221. Louis xvi (1754-1774), roi de France en 1774, p. 31, 45, 75, 221 n. 18. Louverot du, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Luce iii, pape de 1181 à 1185, p. 101, 164. Mabillon Jean (1632-1707), bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, historien, p. 63, 161, 164. Magenis de, famille noble irlandaise, p. 224. Magni du, chanoinesse noble de Migette, p. 141. Maigret de, famille noble de Franche-Comté, p. 224.
Maisod de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Malivert [Salnove] de, famille noble de Franche-Comté, p. 224. Malivert [Salnove] Jeanne de, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 180. Malland Paulin, prédicateur, p. 193. Malotau de Villerode Ferdinand-Ignace (1682-1752), conseiller au parlement de Flandre et historien, p. 14, 53, 55, 88, 160. Malvin de Montazet Antoine de (1713-1788), archevêque de Lyon en 1758, p. 93, 107. Marbeuf Yves Alexandre de (1734-1799), évêque d’Autun en 1767, ministre de la feuille des bénéfices, p. 118. Marca, stucateur, p. 190. Mareschal de Sauvagney, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Marie-Anne d’Autriche, régente d’Espagne de 1665 à 1675, p. 103. Marivaux Pierre de (1688-1763), écrivain, p. 138. Martene Edmond (1654-1739), savant mauriste, p. 199. Mascrany [de ChâteauChinon] de, famille noble du Nivernais, p. 225. Matherot de Desnes, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Maubuisson Eustache Alexandre de (1706- ?), dominicain et archiviste, p. 61, 63. Mauclerc de, chanoinesse noble de Poulangy, p. 117. Maugard Antoine (1739-1817), généalogiste, p. 65. Maupeou René Théophile II de, p. 216.
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Mauvillon Jakob (1743-1794), historien et physiocrate, p. 150. Mayrot de Mutigney, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Mazarin Jules (1602-1661), cardinal et homme d’État français, p. 32. Melin, cistercien, p. 192. Menthon de, chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 149. Mesmay [de Montaigu] de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Mesmer Franz-Friedrich-Anton (1734-1815), médecin allemand, p. 140. Messey Marie-Antoinette de (1778-1854), chanoinesse noble de Remiremont, p. 132, 139, 172. Messey de Bielle Alexandrine de, chanoinesse noble de Remiremont p. 140, 172. Messey de Bielle Beatrix Athanase de († 1827), chanoinesse noble de Remiremont, p. 172. Meximieux de, p. 117. Meyer Jean, historien (1924- ), p. 17 n. 13. Mignot de Bussy de, famille noble du Beaujolais, p. 81, 225. Mignot de Bussy Angélique Laurence (1754- ), chanoinesse noble de Lons-le-Saunier, p. 118. Mignot de Bussy Marie Aimée Joséphine de (v. 1749-1834), chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 118. Millot de Montjustin, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Millot de Montjustin Anne Marceline, chanoinesse noble de Montigny-lès-Vesoul, p. 41, 71. Millot de Montjustin Marie Joseph, chanoinesse noble de Montigny-lès-Vesoul, p. 41-70, 71.
Millot de Montjustin Simon Jean Baptiste, procureur à Vesoul, p. 41. Mollans Philibert de, gentilhomme franc-comtois, p. 32. Mongenet de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Monnier de Noironte de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Monnier de Noironte de, chanoinesse(s) noble(s) de Montigny-lès-Vesoul, p. 41. Monspey Joseph-Henri de (16951787), p. 140. Monspey Marie-Louise de (17331813), chanoinesse noble de Remiremont en 1776, p. 140. Monspey Marie Louise Catherine dite Annette de (1734- ?), chanoinesse noble de Remiremont en 1765, p. 140. Montagu Boutavant de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Montaigu de, chanoinesse noble de Montigny-lès-Vesoul, p. 124. Montbozon Catherine de, religieuse de Baume-les-Nonnes au xive siècle, p. 36. Montesquieu Charles-Louis de SECONDAT (baron de LA BRÈDE et de ; 1689-1755), philosophe et écrivain, p. 138. Montessus de Rully, famille noble de Bourgogne, p. 225. Montessus de Rully Marie Henriette Simone Bernard de (1752-1827), chanoinesse professe de Migette en 1774, p. 135. Montmartin Alix de, abbesse de l’abbaye de Baume-les-Nonnes de 1476 à 1494, p. 38. Montrichard de, famille noble de Franche-Comté, p. 56, 225. Montrichard Antoinette Suzanne de (xviiie siècle), p. 56.
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Montrichard Césarine Élisabeth de (xviiie siècle), chanoinesse noble de Baume-les-Dames, p. 56. Montrichard Gabriel Joseph de (xviiie siècle), p. 56. Montrichard Jeanne Adrienne de (xviiie siècle), p. 56. Montrichard Louise Isabelle de (xviiie siècle), chanoinesse noble de Migette, p. 56. Montrichard Marguerite Ferdinande de (1687-1729), chanoinesse noble de ChâteauChalon, p. 56. Montrichard Marie Charlotte de (xviiie siècle), chanoinesse noble de Migette, p. 56. Montrichard Nicolas JeanBaptiste de (xviie siècle), p. 56. Montrichard Nicole Charlotte de (1685-1765), abbesse de Migette, p. 56. Montrichard Nicole Gabrielle de (1752-Fructidor an ix), chanoinesse de Lons-le-Saunier, p. 56. Montrichard Pierre Joseph de (xviiie siècle), p. 56. Montrichard Prospère Françoise de, abbesse de l’abbaye de Migette de 1697 à 1734, p. 56, 68. Montrichard Rose Gabrielle Suzanne de (1742-1796), chanoinesse noble de Migette en 1752, p. 56, 135, 149. Moreau de Bernay, p. 152, 225.
Morel Laurent, Franciscain, p. 68, 131, 198. Morenas François (1702-1774), écrivain et publiciste, p. 167. Mouchet (du) Battefort de Laubespin, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Mouchet (du) de Battefort de Laubespin Angélique
Perronne, abbesse du chapitre noble de Baume-les-Dames de 1773 à 1787, p. 81, 141. Mouchet (du) de Battefort de Laubespin Claude Caroline, reçue chanoinesse noble de Saint-Pierre-aux-Nonnains de Metz en 1733, p. 84 n. 50. Mouchet (du) de Battefort de Laubespin Marie-Françoise, abbesse de l’abbaye noble de Baume-les-Dames en 1787, p. 81, 102.
Moustier de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Moustier Anthoine de, religieux de l’abbaye noble de SaintClaude (xviie siècle), p. 48. Moustier Jacqueline de (xviie siècle), p. 54. Moustier Jeanne Gabrielle de (1705- ?), reçue chanoinesse noble de Lons-le-Saunier en 1720, p. 152. Moustier Jeanne Marguerite de († 1699), p. 127. Moutier Suzanne de, religieuse de l’abbaye noble de Lonsle-Saunier au XVIIe siècle, p. 39. Moyria de Maillac de, famille noble du Bugey, p. 225. Nant de, religieuse de l’abbaye de Baume-les-Nonnes au XIVe siècle, p. 38.
Nant Clémence de, religieuse de l’abbaye de Baume-les-Nonnes en 1333, p. 99. NeuchÂtel Catherine de, abbesse de l’abbaye de Baumeles-Nonnes de 1493 à 1501, p. 38. NeuchÂtel Marguerite de, abbesse de l’abbaye de Baumeles-Nonnes de 1501 à 1549 et de
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Remiremont en 1534, p. 38, 133, 164-165. Nicole Nicolas (1702-1784), architecte, p. 187, 190, 195-196. Noailles Louis Antoine (cardinal de ; 1651-1729), archevêque de Paris en 1695, p. 147. Noblet de la Claitte, maison noble, p. 76. Nollet Jean-Antoine (17001770), physicien, p. 140. Orleans-Longueville Henri II d’ (1595-1663), p. 202.
Orsini Matteo (v. 1230-1305), cardinal, p. 18.
Parabere Marie-Alexandrine de (1693-1755), p. 155.
Parisse Michel, historien, p. 39. Pasquier du, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Pasquier Henriette Joseph du, chanoinesse noble de Migette, p. 181 n. 44. Pasquier Marie Madeleine Éléonore du, chanoinesse noble de Migette, p. 181 n. 44. Paul iv (1476-1559), pape de 1555 à 1559, p. 48. Perrinot, chanoine de Besançon, p. 102. Pertz Adam, évêque auxiliaire (xviie siècle), p. 161 n. 2. Petit de Brottes, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Petit de Brottes Denise Thérèse, chanoinesse noble de Montignylès-Vesoul, p. 41. Petit de Brottes Jean-Baptiste, conseiller au parlement de Besançon au XVIIe siècle, p. 41. Petit de Brottes Suzanne Gabrielle, chanoinesse noble de Montigny-lès-Vesoul, p. 41.
Petremand de Valay, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Petremand de Valay, chanoinesse noble de Montignylès-Vesoul, p. 79. Philippe ii (1527-1598), roi d’Espagne de 1556 à 1598, p. 37, 95. Philippe iv (1605-1665), roi d’Espagne de 1621 à 1665, souverain de la Franche-Comté à partir de 1633, p. 33, 42, 48. Pie v (1504-1572), pape de 1566 à 1572, p. 9. Pillot, famille noble de FrancheComté, p. 225. Pillot de Chenecey, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Pillot de Chenecey Thérèse Charlotte Gabrielle (1719-1794), chanoinesse noble de Migette, professe en 1739, p. 141. Pin du, famille noble de FrancheComté, p. 225. Plutarque (46-125), historien, p. 138. Poligny de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Poly Jacques de, p. 125. Poly [De Beaune, de SaintThiebaud], famille noble de Franche-Comté, p. Poly de, Chanoinesse(s) noble(s) de Migette, p. 225. Poly [De Beaune] Claire Françoise de, chanoinesse noble de Migette, p. 125, 210. Poncelin de la Roche-Tilhac Jean-Charles (1746-1828), imprimeur-libraire, auteur de compilations historiques et juridiques, p. 14. Pons de Rennepont de, famille noble de Champagne, p. 225. Pope Alexander (1688-1744), poète anglais, p. 141.
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Pouilly de Lançon Henriette de († 1734), chanoinesse noble de Remiremont, p. 140. Pouthier de Vauconcourt de, p. 225. Poype de Serrieres de la, famille noble du Dauphiné, p. 225. Pra Balay Saulx de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Pra Peseux Louise Gabrielle de († 1725), abbesse de l’abbaye noble de Lons-le-Saunier, p. 174. Preclin Edmond (1888-1955), historien, p. 168. Pufendorf Samuel von (16321694), juriste allemand, p. 141. Rabelais François (†1553), écrivain humaniste, p. 174. Racine Jean (1639-1699), dramaturge et poète, p. 138. Raincourt de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Ranchot de, chanoinesse de Migette, p. 211. Raugrave Salm Jeanne Charlotte de (xviiie siècle), p. 56. Reims de, famille noble de Lorraine, p. 225. Relier Claude, paysan, p. 145 n. 3. Relier Jean-Baptiste, paysan, p. 145 n. 3. Renaud, écolâtre et chanoine de Remiremont, p. 65. Renouard de Fleury de, famille noble d’Île-de-France établie en Franche-Comté, p. 225. Rigaud [du Tilleret, de Vaudreuil] de, famille noble du Languedoc, p. 225. Rochefort E. M. de, p. 128. Romanet [de Rosay] de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Romaric († 653), saint, p. 202, 204.
Ronzieres Jean-Joseph de, doyen du chapitre de Châtillon-surChalaronne, p. 101. Rosieres de Sorans, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Rousseau Jean-Jacques (1712-1778), écrivain et philosophe, p. 138. Roux du, famille noble, p. 81. Roux Charlotte Geneviève du, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 179. Roy de la Pinodiere, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Rye Ferdinand de, archevêque de Besançon de 1586 à 1636, p. 48, 101 n. 20, 104. Rye Jeanne de, abbesse de Baumeles-Nonnes de 1571 à 1582, p. 104. Sagey de, famille noble de FrancheComté, p. 126, 225. Saint-Belin de, famille noble de Bourgogne et de Champagne, p. 225. Saint-Germain Louis de, confesseur des dames de Château-Chalon, p. 192. Saint-Mauris de, famille noble de Franche-Comté, p. 26 n. 59, 225. Saint-Mauris de, chanoinesse(s) noble(s) de Migette, p. 126, 141-142. Saint-Mauris de, grand-prieur de l’abbaye noble de Saint-Claude, p. 104. Saint-Mauris Marie Charlotte de, p. 225. Saint-Vandelin Alexandrine Pétronille de, p. 71. Sainte-Colombe de Laubespin de, famille noble du Beaujolais, p. 225. Sainte-Croix-Du-Breuil de, p. 117. Saix du, famille noble de Bresse et de Franche-Comté, p. 225.
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in d e x de s n o m s d e p e r s o n n e s
Saix Judith Aimée du, chanoinesse noble de Migette, p. 183. Sales François de (saint ; 15671622), évêque et docteur de l’Église catholique, p. 104, 136, 142, 209. Salignac-Fenelon Jean-Baptiste de, ecclésiastique, p. 82. Salives de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Savin Saint, p. 202. Saxe-Weimar Bernard de (16041639), duc de Saxe, chef de guerre, p. 23. Scey de, famille noble de FrancheComté, p. 53, 225. Scey Desle Bénigne de, chanoinesse de Château-Chalon, p. 181. Scey Humbert de, archevêque de Besançon de 1134 à 1161, p. 38. Scey Louis de, p. 181. Serene, sainte, p. 202, 205. Seyturier de, famille noble de Bresse et du Bugey, p. 225. Seyturier Philiberte Élisabeth de (xviiie siècle), p. 54. Simonin Guillaume (1560-1630), évêque titulaire de Corinthe en 1603, p. 104. Spada Gabrielle de, abbesse du chapitre d’Épinal de 1735 à 1784, p. 70. Spol Pierre, curé, p. 210. Stain de, famille noble de Flandres, p. 225. Stain Anne Désirée Sophie de, abbesse de l’abbaye noble de Château-Chalon, p. 26. Suy Anathoile de, religieux de l’abbaye noble de Saint-Claude (xviie siècle), p. 48. Taine Hippolyte Adolphe (18281893), philosophe, historien et critique littéraire, p. 121, 141.
Talbert [de Nancray] François Xavier (1728-1803), chanoine métropolitain de Besançon et homme de lettres, p. 150. Tartre du, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Taveneaux René (1911-2000), historien, p. 9-10. Tencin Claudine-Alexandrine GUÉRIN de (1682-1749), écrivain, p. 138, 140, 155, 183. Terrier de Loray Henri-PhilibertAndré (1820- ?), historien, p. 20. Terrier de Santans Marie Eugène de, reçue chanoinesse noble de Neuville en Bresse en 1771, p. 85 n. 52. Terrier de Santans Marie Joseph Elisabeth de, reçue chanoinesse noble de Neuville en Bresse en 1771, p. 85 n. 52. Theodebert ier (504-548), roi d’austrasie, p. 202. Thiebault Benoît († 1766), religieux vanniste, p. 164 n. 14, 197. Thomas d’Aquin (saint ; 12261274), théologien, p. 136. Thuringe Bertille de († 687), p. 201. Thyard de Bissy de, famille noble de Bourgogne, p. 226. Thyard de Bissy Françoise de (1661-1725), abbesse de l’abbaye noble de Baume-les-Dames de 1684 à 1725, p. 147. Toulongeon de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Toulongeon Jeanne Bonaventure de, chanoinesse de Migette, p. 100, 104. Tricornot du Trembloy, famille noble de Franche-Comté, p. 226. Tricornot du Trembloy Jeanne-Thérèse, chanoinesse de Montigny-lès-Vesoul, p. 41.
i n d e x d e s no ms d e pe rso nne s
Tripard, entrepreneur en bâtiments, p. 187. Ulm d’, chanoinesse noble de Remiremont, p. 151. Urbain iv, pape de 1261 à 1264, p. 18, 177. Vaire Sybilette de, abbesse de l’abbaye de Baume-les-Nonnes de 1326 à 1355, p. 99. Valdrade (sainte ; † v. 563), p. 202. Valois, p. 53. vannier Jean-François-Auguste, historien, p. 19-20. Vanolles Barthélemy de (16841770), intendant de FrancheComté, p. 36, 72. Vaudrey de, famille noble de Franche-Comté, p. 53, 226. Vaudrey de, chanoinesse noble de Baume-les-Dames († 1724), p. 71. Vaudrey de, chanoinesse noble de Migette, p. 152. Vaudrey de, chanoinesse noble de Poulangy, p. 128. Vergne de Tressan de la, famille noble du Périgord, p. 226. Vergne de Tressan Marie Stanislas de la, chanoinesse noble de Migette, p. 216.
Vernay de Pin Bernardine Pétronille du, p. 72. Vers Thérèse Antoinette de, chanoinesse noble de Lons-leSaunier, p. 176. Vers Merceret de, famille noble de Franche-Comté, p. 225. Vers de Vaudrey Gérard Gabriel de, noble franc-comtois, p. 79, 122, 225. Vers de Vaudrey Jeanne Marie Françoise, chanoinesse de Lons-le-Saunier, p. 122. Vichy-Chamrond de, p. 155.
Vienne Philippe Ier de († 1303), p. 17-18. Villers-Vaudey de Chaumercenne, famille noble de Franche-Comté, p. 226. Virremont de, chanoinesse noble de Migette, p. 142. Visemal de, famille noble de Franche-Comté, p. 226. Visemal Adrienne Françoise de († 1700), chanoinesse noble de Château-Chalon, p. 56. Visemal Anne de († 1712), chanoinesse noble de ChâteauChalon, p. 56. Visemal Antoinette Suzanne de (xviie siècle), chanoinesse noble de Château-Chalon, p. 56. Voltaire François-Marie Arouet, dit (1694-1778), écrivain et philosophe, p. 57, 64, 141. Walderdorff Thérèse von, chanoinesse noble de Münsterbilzen (XVIIIe siècle), p. 55.
Waldner de Freundstein de, baronne d’Oberkirch (17541803), p. 130. Watteville de, famille noble de Franche-Comté, p. 191, 226. Watteville Anne Marie Desle de (v. 1663-1733), abbesse de l’abbaye noble de ChâteauChalon de 1700 à 1733, p. 69, 186. Watteville Anne Marie Desle II de (v. 1702-1742), abbesse de l’abbaye noble de ChâteauChalon de 1719 à 1742, p. 126, 181, 190, 213. Watteville Françoise Élisabeth de († 1775), abbesse de l’abbaye noble de Château-Chalon de 1742 à 1775, p. 142, 193.
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in d e x de s n o m s d e p e r s o n n e s
Waudru de Mons, (sainte ; viie siècle), p. 176 n. 21, 201, 203. Winghe Antoine de (1562-1637), abbé, p. 204.
Zinth de kenzingen Léger, grand prieur de l’abbaye de Lure, p. 198.
Index des noms de lieux
Aix, parlement d’, p. 14. Alix, prieuré Saint-Denis, chapitre noble de dames (Lyonnais, diocèse de Lyon) – Rhône, p. 25, 44, 77, 85 n. 51, 138, 140, 172, 196, 222 n. 19. Alsace, p. 15-16, 25 n. 56, 44, 57, 83-84, 87. Amancey (Doubs), p. 193. Andenne, chapitre noble de dames (Comté de Namur), p. 13, 42, 161, 187 n. 14, 189, 201, 203, 207. Andlau, chapitre noble de dames (Alsace, diocèse de Strasbourg) – Bas-Rhin, p. 15, 84. Angers, p. 16. Arbois, p. 82. - Tiercelines, p. 115, 136. Argentière, prieuré puis abbaye noble Notre-Dame de dames de Coise en L’ (Lyonnais, diocèse de Lyon) – Commune d’Aveize, Rhône), p. 25, 31, 44, 75, 85 n. 51, 93, 107, 139-140, 222 n. 19. Arlay ( Jura), p. 19, 64. Arras, p. 161. Artois, p. 9 n. 1, 75. Athènes, p. 202. Autriche, p. 215. Autun, p. 15, 118. Auvergne, p. 16. Auxonne (Côte-d’Or), franciscaines, p. 101. Avignon (Vaucluse), p. 139. Baume-les-Dames, p. 19, 70 n. 48, 99, 141-142, 164 n. 14, 191 n. 31, 193, 195 n. 56-196, 205.
- Bailliage, 71. Baume-les-Dames, chapitre noble de dames (Franche-Comté, diocèse de Besançon) – Doubs, p. 17-18, 24, 26, 36, 38, 40, 49, 51-54, 56, 62, 65-69, 71-72, 77, 80-82, 86, 98-104, 108-109, 112, 114-115, 122, 124, 126-127, 131-132, 142, 147, 153, 162-165, 167, 169, 171, 175, 178, 180, 182, 186-199, 202-204, 206-208, 211-214, 217, 220, 223-226. Baume-les-Messieurs, abbaye noble puis collégiale noble d’hommes (Franche-Comté, diocèse de Besançon) – Jura, p. 16 n. 13, 25, 39, 48, 55-56, 112, 145 n. 1, 168, 171 n. 2. Bar-le-Duc, p. 66 n. 24. Bar-sur-Aube, p. 85. Bavière, p. 161. Bayeux, p. 16. Beaujolais, p. 15 n. 7, 19 n. 22, 118, 140. Beaupré, missionnaires de (diocèse de Besançon), p. 82. Belfort, p. 147. Belgique, p. 19. Besançon, p. 16 n. 13, 17, 35, 51, 82, 96, 112, 164, 193, 207. - académie, p. 20. - bibliothèque, p. 26, 36. - chapitre métropolitain SaintJean, 16 n. 13, 102, 150, 207. - diocèse, p. 38, 47, 80, 96, 101102, 114, 141, 147, 162-163, 166, 185, 192, 197, 202, 110, 217. - Officialité, p. 183. - Parlement, p. 41, 62, 68, 70, 85 n. 52, 135, 165, 168-169.
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- Saint-Ferjeux, église, p. 164 n. 14. - Saint-Paul, abbaye, p. 36 n. 8. - Saint-Suaire, p. 207. Blesle, chapitre noble de dames Saint-Pierre (Haute-Auvergne, diocèse de Saint-Flour) – HauteLoire, p. 15 n. 10, 222 n. 19. Blois, p. 32, 179. Bourbourg, chapitre noble de dames Notre-Dame (Flandre, diocèse de Saint-Omer) – Nord, p. 12, 87, 182. Bourgogne, p. 24, 43, 80, 149, 205 n. 93. - États de, p. 24. - porte de : voir Franche-Comté. Bouxières-aux-Dames, chapitre noble de dames Notre-Dame (Lorraine, diocèse de Nancy) – Meurthe-et-Moselle, p. 67, 70, 75-76, 84, 113, 119, 202, 222 n. 19. Brabant, p. 42, 57. Bresse, p. 18, 54, 65. Bretagne, p. 32. Brionnais, p. 24. Buchau, chapitre noble (Souabe), p. 161. Bugey, p. 54. Cambrai, p. 67, 204. Castellane (Alpes-de-HauteProvence), p. 139. Cauterets (Hautes-Pyrénées), p. 139. Cendrey (Doubs), p. 70 n. 48. Champagne, p. 57, 80, 85, 207. Champlitte (Haute-Saône), p. 115. Château-Chalon, chapitre noble Notre-Dame et Saint-Pierre (Franche-Comté, diocèse de Besançon), p. 18, 23, 26-27, 36, 39-40, 48, 52-54, 56, 63-64, 66-70, 77, 80-81, 85, 87, 96, 99, 102-104, 110-111, 113-114, 116, 126, 128, 131-132, 134, 136-137, 140, 142, 145 n. 3, 166, 171, 177, 179, 181-182, 185-186,
189-195, 197-198, 203-204, 206, 208, 213-214, 217, 223-226. Châtillon-sur-Chalaronne (Ain), chapitre, p. 101. Chaumont (Haute-Marne), p. 84. Cîteaux, p. 10. Coise en L’Argentière : voir Argentière. Cologne, chapitre noble SainteMarie-du-Capitole, p. 161. Cordoue, p. 202. Dauphiné, p. 25 n. 56, 77, 96, 138, 183. - parlement, p. 24. Denain, chapitre noble de SainteRemfroye (Hainaut, diocèse d’Arras) – Nord, p. 58, 67, 75, 161, 222 n. 19. Dietkirchen, chapitre noble de dames (Hesse), p. 42. Dijon, p. 118. Dole, p. 36 n. 8, 112, 153. - États provinciaux, p. 39. - Hôtel-Dieu, p. 210. - parlement, p. 39, 82, 100. Doubs, département, p. 26, 69, 193. - Rivière, p. 141. Épinal, p. 19 n. 22. - chapitre noble de dames Saint-Goëry (Lorraine, diocèse de Toul puis de Saint-Dié) – Vosges, p. 42, 63, 65, 67, 70, 75-76, 84, 116, 129, 139, 142, 151, 159, 175-176, 217. Erstein, abbaye Sainte-Cécile et Sainte-Agathe (Alsace) – BasRhin, p. 35. Espagne, p. 10, 39, 44, 48, 164, 203. Étrun, chapitre noble de dames (Artois, diocèse d’Arras) – Pasde-Calais, p. 75, 161. Falletans ( Jura), p. 36 n. 8. Flandres, p. 9, p. 14, 57, 87, 103, 124, 161.
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Flavigny-Sur-Ozerain (Côte-d’Or), ursulines, p. 149. Forcalquier (Alpes-de-HauteProvence), p. 19 n. 21. Forez, p. 25. France, p. 10-11, 13-15, 19-22 n. 38, 31-33, 42-43, 75, 161, 218. Gandersheim, chapitre noble de chanoinesses (Saxe), p. 13. Gênes, p. 190. Gerisheim, chapitre noble de chanoinesses, p. 13. Gigny, prieuré noble puis collégiale noble d’hommes Saint-Pierre et Saint-Louis (Franche-Comté) – Jura, p. 16 n. 13, 25, 39, 44-45, 48, 65, 69-70, 83, 112, 115, 118, 160, 168, 171. Grandfontaine (Doubs), p. 164 n. 14. Grandvaux ( Jura), p. 145 n. 1. Gray (Haute-Saône), p. 41, 115. Grenoble, 96. Guebwiller (Haut-Rhin), p. 25 n. 56, 112. Hainaut, p. 19 n. 22, 57, 67, 161. Haute-Saône, p. 26, 190. Italie, p. 9-10, 161. Jourcey, prieuré, chapitre noble de dames (Lyonnais) – Commune de Chambœuf (Loire), p. 25, 76, 85 n. 51, 162. Joux (Doubs), château, p. 146 n. 3. Jura, p. 16 n. 13, 19, 25-26, 64, 82, 115, 148. Kerdolas (Finistère), 82. Landerneau (évêché de Saint-Polde-Léon), p. 82 n. 38. Langres, p. 22, 45. Lausanne, p. 80.
Laveine, chapitre noble de dames (Auvergne, diocèse de Clermont) – Commune de Crevant-Laveine (Puy-de-Dôme), p. 15, 65-67, 116, 162, 220. Leigneux, prieuré, chapitre noble de dames (Lyonnais, diocèse de Lyon) – Loire, p. 25, 43, 85 n. 51. Levier (Doubs), p. 145. Liège, p. 9 n. 1, p. 10. Liessies, abbaye (Avesnois) p. 204. Limbourg, p. 55. Lindau, chapitre noble (Souabe), p. 161. Lirey (Champagne), p. 207. Lons-le-Saunier, p. 16 n. 13, 18, 63, 66-67. - bailliage, p. 149. - chapitre noble de dames Sainte-Claire (Franche-Comté, diocèse de Besançon) – Jura, p. 23, 25, 36, 39-40, 43-45, 49, 51-54, 56, 58, 62-63, 66-68, 71-72, 78, 80-83, 86-87, 96, 104, 108, 111113, 115-116, 118, 121-122, 124, 127, 129, 132, 134-135, 142-143, 145, 148-149, 152, 159-160, 166-169, 172-174, 176-181, 189, 194, 197200, 202, 210-213, 215-216, 218, 221 n. 18, 222-226. - église Saint-Désiré, p. 145 n. 1. Lorraine, p. 9, 13, 16, 37-38, 42-43, 45, 57, 65, 83-84, 87, 161, 202, 218. - duc de, p. 75. Lucerne (Suisse), p. 112. Lunéville (Meurthe-et-Moselle), p. 43. Lure, abbaye noble d’hommes puis collégiale noble Saint-Desle et Saint-Louis en 1765 (FrancheComté, diocèse de Besançon) – Haute-Saône, p. 16, 25 n. 56, 45, 61, 83, 198-199. Luxembourg, p. 9 n. 1. Luxeuil, 202.
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Lyon, p. 9 n. 1, 139, 203. - chapitre de l’église primatiale et métropolitaine Saint-JeanBaptiste-et-Saint-Étienne, p. 65. - diocèse, p. 10, 15-16, 25, 43, 45, 67, 75, 85, 93, 107, 139, 142 n. 87, 221 n. 18. - franciscains de la province de Saint-Bonaventure, p. 48, 68, 96. Mâcon, prieuré Saint-Pierre, p. 48. Malte, ordre de, p. 24, 31, 66. Maria-Schul (Brünn), chapitre noble de chanoinesses (Autriche), p. 215. Marcigny-les-Nonnains, prieuré clunisien (diocèse d’Autun), p. 15, 25. Marigna ( Jura), p. 115. Marseille, abbaye puis collégiale Saint-Victor, p. 25 n. 56. Masevaux, chapitre noble de dames (Alsace, diocèse de Bâle) – HautRhin, p. 15, 116, 128. Mathay (Doubs), p. 147. Maubeuge, p. 21. - chapitre noble de dames Sainte-Aldegonde (Hainaut, diocèse de Cambrai), p. 88, 128, 161, 166, 178, 201, 203-204. Mayence, p. 55. Metz, p. 57 n. 27, 202. - Sainte-Glossinde, abbaye bénédictine, p. 15. - Saint-Louis, chapitre noble de dames, p. 15, 43, 66-67, 76, 87, 109, 116, 134, 138, 151, 189, 199, 211. - Sainte-Marie, chapitre noble de dames, p. 37, 42-43, 76, 87, 107, 129, 199, 202, 205, 209-210. - Saint-Pierre-aux-Nonnains, chapitre noble de dames, p. 4243, p. 76, 84 n. 50, 87, 107, 129, 199, 202. Meurthe (rivière), p. 113.
Migette, chapitre noble de dames Notre-Dame et Sainte-Claire (Franche-Comté, diocèse de Besançon), p. 18-20, 23, 25-26, 36, 40-41, 49, 51-53, 55-56, 62, 64, 66, 68-69, 72, 78-79, 82-83, 85-86, 96, 100, 104-105, 108, 110, 113, 115-116, 121-127, 132, 135, 171, 135, 138, 141142, 145 n. 3, 147, 151-152, 160, 167, 174, 177-178, 183, 187, 192-193, 207, 209-211, 213-214, 216-217, 220-221 n. 18, 223-226. Milan, p. 9 n. 1. Mons (Hainaut), p. 13. - Chapitre noble de dames de Sainte-Waudru (Pays-Bas), p. 19 n. 22, 175-176 n. 21, 183, 201, 203. Montbéliard, p. 17, 147, 154, 161. Montfleury, prieuré noble (Dauphiné, diocèse de Grenoble) – Isère, p. 77, 95, 124, 138, 140, 183. Montigny-lès-Vesoul, p. 19, 41. - Chapitre noble de dames (Franche-Comté, diocèse de Besançon) – Haute-Saône, p. 17-18, 23, 37, 40, 43, 49, 52-54, 58, 62-63, 66, 70, 72, 77, 79, 8182, 85, 87, 97, 100, 105, 107-108, 111, 113, 115-116, 121, 124-126, 131, 135-136, 141, 147, 167, 169, 171, 174, 177, 186-187, 190-193, 195, 213, 216-218, 220, 221 n. 18, 223-226. Münsterbilzen, chapitre noble de dames (Limbourg), p. 55. Murbach, abbaye noble d’hommes, puis collégiale Saint-Léger et Saint-Louis en 1765 (Alsace, diocèse de Bâle) – Haut-Rhin, p. 25, 83, 112. Namur, p. 10, 42. Nancy, p. 113. - Charité Saint-Charles, p. 153. - Minimes, p. 113.
i n d e x d e s no ms d e li e u x
- Notre-Dame de Consolation (abbaye), p. 103 n. 33. Neuville en Bresse : voir Neuvilleles-Dames, p. Neuville-les-Dames, chapitre noble de dames (diocèse de Lyon), Bresse – Ain, p. 22 n. 38, 25, 43, 48, 55, 65, 67, 77, 80, 85, 101, 108, 116117, 134, 139, 155 n. 38, 162, 174, 199, 220, 222 n. 19. Niedermünster, chapitre noble à Ratisbonne, p. 161. Nimègue, traité de (1678), p. 23. Nîmes, p. 19. Nivelles, chapitre noble de dames (Pays-Bas, Brabant), p. 13, 42, 108, 128, 161, 166, 175, 201, 203. Normandie, p. 25, 32. Nozeroy ( Jura), Ursulines, p. 149. Obermünster, chapitre noble à Ratisbonne, p. 161. Ottmarsheim, chapitre noble de dames (Alsace, diocèse de Bâle) – Haut-Rhin, p. 130. Paris, p. 118, 202. - Cathédrale Notre-Dame, p. 147 - Collège Louis-le-Grand, p. - Collège de Maître-Gervais, p. 32. - Collège des Quatre Nations, p. 32. Pays-Bas, p. 10, 13, 16, 42-43, 87, 161, 175, 189, 201, 203-204, 218. Perpignan, p. 15. Piémont, p. 54, 190. Plombières-les-Bains (Vosges), p. 117. Poitiers, religieuses hospitalières de Saint-Porchaire, p. 178. Poligny ( Jura), p. 112. Poulangy, abbaye Saint-Pierre (diocèse de Langres) – Haute-Marne, p. 22, 84, 117, 128, 166, 222 n. 19.
Poussay, chapitre noble de dames Notre-Dame et Sainte-Menne (Lorraine, diocèse de Toul) – Vosges, p. 65, 67, 76, 84, 117, 125, 151. Quedlimbourg, chapitre noble de chanoinesses (Saxe), p. 13. Ratisbonne (Bavière), p. 161. Remiremont, p. 21. - chapitre noble de dames Saint-Pierre (Lorraine, diocèse de Toul puis de Saint-Dié) – Vosges, p. 21, 31, 37-38, 42, 45, 58, 65, 67, 76, 84, 99, 103 n. 33, 117, 124, 130, 132, 134, 136, 139140, 151, 153, 161, 172, 175, 180-181 n. 43, 191, 202, 204, 212, 216, 222 n. 19. - musée Charles de Bruyères, p. 19 n. 22. Rennes, p. 32 Rome, p. 25 n. 56, 38, 83, 103, 118, 152. Ronceray, chapitre-noble de dames du (Anjou) – Angers (Maine-etLoire), p. 16. Rully (Saône-et-Loire), 135 n. 54. Saffres (Côte-d’Or), p. 80. Saint-André-le-Bas, abbaye : voir Vienne (Dauphiné). Saint-Aubin-sur-Loire (Saône-etLoire), 26 n. 59. Saint-Bonaventure (franciscains) : voir Lyon. Saint-Chef, abbaye puis collégiale noble : voir Vienne. Saint-Claude, abbaye noble d’hommes puis chapitre noble cathédral (Franche-Comté) – Jura, p. 25 n. 56, 39, 48, 64, 70, 104, 162, 171, 178. Saint-Denis, abbaye, p. 16 n. 13, 202. Saint-Étienne (Strasbourg), chapitre noble : voir Strasbourg.
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Saint-Flour (Auvergne), p. 15 n. 10. Saint-Goëry (Épinal), chapitre noble de dames : voir Épinal. Saint-Hippolyte (Doubs), p. 207. Saint-Jean (Besançon), chapitre métropolitain : voir Besançon. Saint-Jean-Baptiste-et-Saint-Étienne (Lyon), église primatiale et métropolitaine : voir Lyon. Saint-Laurent-la-Roche (Jura), p. 202. Saint-Louis (Metz), chapitre noble de dames : voir Metz. Saint-Omer (diocèse), p. 43. Saint-Paul (Besançon), abbaye : voir Besançon. Saint-Pierre-aux-Nonnains, chapitre noble de dames : voir Metz. Saint-Pol-de-Léon, p. 82 n. 38. Saint-Sauveur (Perpignan), prieuré de religieuses augustines, p. 15. Saint-Victor (Marseille), abbaye noble : voir Marseille. Sainte-Colombe-les-Vienne, prieuré clunisien (diocèse de Lyon), p. 15. Sainte-Glossinde (Metz), abbaye : voir Metz. Sainte-Marie (Metz), abbaye : voir Metz. Salins ( Jura), p. 17-18, 82. - Bailliage, p. 135. - Franciscains, p. 174, 192, 213. - Franciscaines, p. 101. - Visitandines, p. 103, 148 n. 12. Salles-Arbuissonas (musée), p. 19 n. 22. Salles-en-Beaujolais, prieuré SaintMartin, chapitre noble de dames (diocèse de Lyon) – commune de Salles-Arbuissonas (Rhône), p. 15 n. 7, 44, 66-67, 85, 139-140, 222 n. 19. Sampans ( Jura), p. 190. Sardaigne, p. 70. Savigny, abbaye noble d’hommes (diocèse de Lyon), p. 25.
Savoie, p. 9. Savoie, chapitre noble de dames (Vienne), p. 215. Schwarzrheindorf, chapitre noble de dames (Rhénanie), p. 42. Seille, rivière du Jura, p. 112. Seurre (Côte-d’Or), franciscaines, p. 101. Souabe, p. 161. Spolète, 202. Staffarde (Italie), bataille (18 août 1690), p. 178 n. 35. Strasbourg, - Chapitre noble de dames protestant de Saint-Étienne, p. 32. - Diocèse, p. 35.
Suisse, p. 145 n. 1.
Toul p. 57 n. 27. - Diocèse, p. 75, 147, 202.
Trente, concile, p. 9, 17, 80, 93, 95, 101 n. 20, 113, 116, 173, 176, 179, 189, 191-192, 201, 203. Tripoli, p. 161 n. 2. Troarn, chapitre noble de dames Saint-Martin et SaintLouis (diocèse de Bayeux) – Calvados, p. 16, 25, 162. Trois-Évêchés, p. 57, 87, 202. Valenciennes, p. 14.
Vallière (Beaujolais), p. 140. Vence, diocèse, 152. Verdun, p. 57 n. 27. Versailles, p. 24, 44. Vesoul, p. 17-18, 55. Vienne (Dauphiné, Isère), p. 25 n. 56, 48.
- Saint-André-le-Bas, abbaye puis chapitre noble p. 25 n. 56. - Saint-Chef, chapitre collégial p. 25 n. 56, 48.
Vosges, p. 112.
Worms (Allemagne), p. 166 n. 27.