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French Pages 225 [230] Year 2007
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Traditions et modernité au Burkina-Faso
© L'Harmattan, 2007 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan(@wanadoo.fr harmattan 1 (@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-04530-9 EAN : 9782296045309
Les Amitiés Franco-Burkinabè
Traditions et modernité au Burkina-Faso
L'Aormattan
Digitized by the Internet Archive in 2022 with funding from Kahle/Austin Foundation
https://archive.org/details/traditionsetmode0000Ounse
BURKINA n.m.anc.Haute-Volta, Etat d’Afrique occidentale: 275.000 km2; 11.856.000 hab (Burkinabés). CAP Ouagadougou. LANGUE : français. Monnaie : franc CFA.
Le LAROUSSE 2005
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… Entrons maintenant dans le vif du sujet :
Le pays s’appelle le Burkina-Faso - ce qui se prononce « B OUR KINA FA SS O ». Dire le « Burkina » («bour » rappelez-vous) comme nous le ferons tout au long du livre est une incorrection, commune pour tous ceux qui y vivent et y séjournent (mais validée par un dictionnaire !). Si vous avez parmi vos amis un journaliste politique (les conférences internationales de Ouagadougou), sportif (la CAN, le tour du Burkina) ou culturel (le SIAO, le FESPACO) ou même un humanitaire, dites-le-lui : vous lui apprendrez certainement quelque chose. Les habitants sont appelés les « Burkinabè » contrairement à ce que dit « Le Larousse » et notre correcteur d’orthographe informatique qui s’est mis au rouge. Le terme (qui est également l’adjectif :un auteur burkinabè) prend un accent grave et est invariable : pas de «e » au féminin, pas de «s » au pluriel.
Là, vous en savez beaucoup plus que la quasi-totalité des Français et des journalistes dont on parlait plus haut Ah ! Ces populations qui ne s ‘inspirent pas du français (ou à la rigueur : du latin) mais du mooré, du diula, du fufuldé pour désigner leur pays, sa population et qui utilisent le système phonétique international pour le prononcer !..
Si nous n’avions pas peur de vous en apprendre trop dans une seule page nous préciserions : le français est la langue « officielle » mais elle est parlée par moins de la moitié des Burkinabè. Visiteurs, vous voilà prévenus.
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Pourquoi ce livre ? Les textes qui constituent ce livre ont été publiés au cours de ces douze dernières années dans nos bulletins associatifs : témoignages, points de vue, analyses, extraits de carnets de voyage, ils ont peu à peu contribué à faire connaître et mieux comprendre les populations du pays. Il a paru intéressant de les reprendre sous la forme de trois livres, pour un plus grand nombre de lecteurs. Pour faciliter leur lecture, les articles - qui dans les bulletins avaient souvent un caractère d'actualité ont été placés dans des chapitres thématiques. Nous n’avons pas opéré de sélection pour rendre compte de la pluralité des regards et des opinions. Généralement, nous n’avons pas tenté de les actualiser,
en revanche nous les avons datés.
Le présent ouvrage traite des traditions au Burkina et s’intéresse aux problèmes posés par leur survivance, parfois leur renaissance, l’intrusion de la modernité, sa progression et son assimilation dans la société actuelle. Contradictions, confrontations, oppositions, combinaisons accompagnent un mariage commencé douloureusement au cours du vingtième siècle. Où en est-on aujourd’hui ?
Qui sommes-nous ? «Les Amitiés franco-Burkinabè » (les AFB) sont une association loi 1901 en France, loi N° 10 au Burkina. Sa particularité est d’être binationale - naturellement,
ses administrateurs
sont indifféremment
de l’une ou de
l’autre nationalité. Ses adhérents français sont parfois des personnes connaissant déjà le Burkina-Faso, souvent des membres d’associations de type humanitaire, voire les associations elles-mêmes, mais aussi des gens ne connaissant pas l’Afrique, curieux et désireux de manifester leur sympathie à ses populations. L'objectif premier est de faire se rencontrer et se comprendre des Français
et
des
Burkinabè.
A
fin
d’information,
des
bulletins
très
documentés sont publiés. Mais, rien ne vaut un séjour au Faso, accueilli, piloté, et quand cela est possible, hébergé par les familles des adhérents. Lorsqu'une connaissance suffisante du pays, des modes de pensée et de vivre
sont
acquises,
des
liens
amicaux
réels
peuvent
s’instaurer.
La
solidarité s’installe alors utilement directement entre les personnes ou les familles et se développe durablement en dehors de l’association. Néanmoins, des actions humanitaires ou de développement sont menées sur place, maintenant à partir de la «Maison de l'amitié» ouverte à Ouagadougou.
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UN PAYS ENTRE TRADITION ET MODERNITE
Un pays entre tradition et modernité
Octobre 2006
Il n’est pas possible de comprendre les façons actuelles d’être et de vivre des amis burkinabè sans être informé précisément de l’organisation sociale de leurs sociétés traditionnelles et de leurs cultures. Même si - à l’occasion de rencontres superficielles ou lors d’une première découverte - ces amis peuvent nous apparaître parfaitement «en phase» avec les mœurs occidentales, une de leurs qualités est de nous laisser penser qu’ils sont comme nous pensons qu’ils sont : nous en avons la preuve chaque fois que nous accompagnons des visiteurs français dans leur première découverte. #“
Qu'est-ce qui a changé ? En brousse (en campagne, par extension : dans les villages), la vie est restée proche de celle que connaissaient les générations antérieures. On ne parle pas ou peu le français et on ne comprend pas toujours grand-chose à la nouvelle organisation politique : on confond un peu chef et député, roi et président. Par contre, des jeunes du village se sont rendus en ville (principalement en dehors des saisons de travaux agricoles), ont séjourné à l’étranger (en Côte d’Ivoire principalement) ou reviennent au village pour s’y marier... L’argent est devenu nécessaire - car le troc n’a plus cours - et des besoins se sont créés: transistors, vélos et même vélomoteurs.
Sur place, on a peu de
raisons d’en gagner, seuls les parents partis en ville « aident » (solidarité oblige). Comme partout, les jeunes rêvent de se rendre en ville. On leur a fait découvrir deux concepts : « argent » et « futur », mais quel avenir ont ces campagnards privés de formation ? En ville, se côtoient ceux qui ont quitté leur village et qui ne sont guère préparés à affronter la vie «à l’européenne » et ceux qui, à l’école, à l’université, dans leur milieu familial « évolué », ont appris à apprécier les bienfaits de la « civilisation ». Les premiers ont perdu leurs références et leur encadrement. Ils essaient, en se regroupant dans des quartiers ou des banlieues, de maintenir quelques repères ethniques. Ils ont peu accès à la technique et n’ont pas assimilé la morale du « modèle » européen. On a fait naître chez les seconds, des besoins, des désirs, des ambitions.
Mais leurs ressources et les possibilités économiques locales ne sont pas au niveau des aspirations suscitées.
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Un pays entre tradition et modernité
Sous
les «costumes-vestons » de
nos
amis
burkinabè,
d’anciennes
valeurs sont à fleur de peau. Beaucoup de Français croient, parce qu’ils sont peu informés et parce que les Africains le leur ont laissé croire, qu’ils ont définitivement adopté nos valeurs et notre mode de vie. Les adhérents français qui ont séjourné chez eux ont constaté que la réalité était un peu différente, et il faut s’en réjouir : ils sont restés Africains. La plupart de nos plus anciens amis prennent de plus en plus d’intérêt à la Civilisation de leurs aïeux, à la Coutume, mais peut-être ont-ils, comme nous, simplement vieilli ?
Témoignage |
Ouaga à changé : Edito Avril 2005 A chacun de mes séjours, mes amis me disaient : «Tu vas voir combien Ouaga a changé ». En fait, non. Le centre était toujours le même. Je prenais la voiture et me rendais, seul, là où je voulais me rendre. Seuls les quartiers périphériques explosaient, alimentés par l’arrivée massive des chômeurs de l’exode rural et des rapatriés. Cette année, j'ai trouvé Ouaga changé. Des chantiers démesurés se sont ouverts. Le Secteur 5, un des quartiers centraux, a fait place à une démolition immense qui ressemble au «trou des halles »de Paris. Ce n’est pas encore une reconstruction ; espérons que le projet verra le JOUE. Il y a aussi « Ouaga 2000 » ! Je n’avais pas encore vu l’intérêt de m'y rendre. Situé entre les routes de PG et de Léo, dans ce qui était encore il y a dix ans « la brousse », ont surgi ici et là - en attendant des constructions ininterrompues - de vastes villas de moyen ou haut standing. Et de me demander qui, parmi les Burkinabè, pouvait faire construire de telles maisons ? La majorité des propriétaires sont des nationaux... Y est implanté
le nouveau
Palais
de
la Présidence,
non
encore
achevé,
grandiose lui aussi. Et le reste du pays : J'avais déjà signalé la tristesse que j'avais eue à découvrir Bobo alors que les événements de Côte d’Ivoire privaient la ville de beaucoup de ses 13
Un pays entre tradition et modernité
activités et de ses revenus. Et pourtant, elle continue de s’agrandir avec l'exode rural. Les villes secondaires et les villages restent semblables à ce qu’ils étaient. Néanmoins,
on
sent chez
les habitants
un attrait, maintenant
inextinguible, pour les grandes villes (lorsque ce n’est pas pour les pays étrangers) ou pour l’Eldorado qu’elles représentent.
Qu'est-ce qui peut être fait pour éviter d’augmenter le nombre grandissant de chômeurs migrants dans des banlieues pauvres ? La population change aussi : J’ai connu le pays alors que la seule morale vraiment respectée de tous découlait de la « Coutume » et cela, même si un « Code » moderne
avait déjà été adopté. La Coutume était intransigeante. Certes, elle pouvait parfois apparaître cruelle aux Occidentaux dans la mesure où elle était inspirée par des valeurs qui leur étaient étrangères. Mais les activités des populations et leurs mœurs étaient toujours réglementées et encadrées, plus ou moins, selon le poids qu’avaient la tradition et les chefferies. Le monde « civilisé » s’est attaché à leur démontrer que leurs structures et leurs mœurs étaient archaïques. Les Burkinabè les abandonnent progressivement : je ne m'en suis jamais autant rendu compte qu’au cours de ce séjour. Mais par quoi les remplaceront-ils ? L Jean-Claude Bourguignon |
Un pays dynamique et attachant Edito - Novembre 1997 Le choix du Burkina-Faso comme organisateur de manifestations importantes : le sommet franco-africain fin 1996 et le sommet de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) en 1998, le Festival Panafricain du Cinéma à Ouagadougou (FESPACO) au printemps 1997 et le Salon International de l’Artisanat à Ouagadougou (SIAO), la Coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) du 07 au 28 février 1998, marquent la volonté du pays — au plus haut niveau — de ne pas admettre la fatalité de la pauvreté des ressources, de l’enclavement du pays, de l’hostilité du climat. Chacune de ces manifestations est l’occasion de rénover les voies et les bâtiments, de construire de nouveaux équipements, d'étendre les réseaux.
14
Un pays entre tradition et modernité
Cette même volonté est visible au niveau des collectivités locales qui sont partie-prenantes d’échanges et d’assistance, au travers, par exemple, de Jumelages avec des collectivités locales françaises (on parle de coopération décentralisée). Se mettent en place, petit à petit, dans les provinces et dans les villes, des structures adaptées, animées par des fonctionnaires territoriaux compétents. De très nombreuses associations ou ONG s’impliquent au Burkina et les dirigeants et animateurs de beaucoup d’entre elles, habitués à intervenir dans de nombreux pays du tiers-monde, sont agréablement surpris de l’intérêt et du sérieux avec lequel les populations participent à leurs projets. Cette volonté manifestée et les résultats obtenus n’étonnent pas ceux qui, comme moi, connaissent les qualités des hommes et des femmes de ce pays : désireux d’apprendre, travailleurs, entreprenants, persévérants et néanmoins facilement rieurs et enclins à plaisanter. Chez les stratèges de la coopération moderne, on parle d”’ «acteurs du Nord » et de « partenaires du Sud ». Pour moi, le Sud a des visages et des sourires, ceux de mes amis et de leur famille : ils ont de vieux parents à soigner, des enfants à nourrir et à scolariser. Nous partageons un peu de notre histoire et de notre mémoire... Je ne doute pas que pour les membres français qui séjourneront pour la première fois au Burkina, le « Sud » impersonnel prendra aussi des visages familiers.
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Les influences extérieures
Septembre 2002
L'ISLAM L’Islam est né en Arabie, puis s’est répandu dans les régions arides du sud-méditerranéen : c’est une religion du désert. Il a pénétré pacifiquement l’Afrique Noire
à travers
le Sahara et dans une moindre
mesure,
par la
partie côtière (Mauritanie) puis le Sahel («rivage » en arabe) dès le XIE siècle. Dans l’ensemble, les ethnies du Burkina ont résisté farouchement et longuement à cette pénétration étrangère. L’examen d’une carte contemporaine montre que le Pays constitue un îlot fidèle à ses religions ou ayant, plus tardivement, adopté le Christianisme, entouré de populations plus ou beaucoup plus musulmanes. Les premières régions à connaître des conversions plus massives à partir du XVIe siècle furent celles qui subirent des invasions de peuples islamisés (ex : les Malinké, les Dioula, puis les Bambara) ou celles où s’installèrent des populations musulmanes (ex : les Peuls après le XVIIIe siècle). L’Islam
fut
au
début
une
religion
de
Cour,
de
notables
puis
de
commerçants. Ce qui lui a permis de s’implanter est qu’elle n’a pas semblé condamner les pratiques des religions autochtones et contrarier les coutumes ancestrales. De fait, l’Islam admet des apports de la part des populations et dans cette partie de l’ Afrique nombreux sont les musulmans qui «adorent Dieu et les ancêtres ». Pour certains croyants orthodoxes, la religion en Afrique Noire s’est ainsi laissée débarrasser de certaines de ses valeurs pourtant essentielles à leurs yeux. À partir du XIXe siècle l’Islam devint guerrier et conquérant, en particulier avec les Peuls convertis durant le siècle précédent. Au Mogho (chez les Mossé), l’Islam n’est arrivé qu’au XVIIIe siècle, par le sommet puisque c’est le Mogh-Naba (« l’Empereur ») qui s’y est converti, à titre personnel et sans engager le royaume. S’il existe un grand nombre de musulmans et de responsables religieux peu instruits, ignorant la langue arabe et expliquant les textes avec leurs références antérieures, mêlant ainsi Islam et traditions, d’autres ont étudié le Coran qu’ils pratiquent dans une parfaite orthodoxie et une tolérance remarquable envers les autres religions. Cette tolérance est probablement liée à la confrérie (voir page suivante) dominante dans la région: la confrérie Tidjani dont un des enseignements (original) est : « Dieu aime aussi l’infidèle ». Les statistiques disponibles sur le nombre de musulmans sont très divergentes et on comprend la difficulté à les recenser. On parle souvent de
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Les influences extérieures
30 à 36 %, l’Atlas de Jeune Afrique écrit (1991):
52,4 %, le Guide du
Routard annonce 45 %, le Jaguar retient 20 à 30%. Note (*): dans l'Islam, les Confréries (ou Tourouq) pourraient être comparées à des courants spirituels, à des ordres
laïcs. Leurs
fondateurs (les Soufi qui sont des Waly: des grands Saints) sont à l’origine d’un enseignement comportant des commentaires du Coran, des méditations des versets et
des pratiques complémentaires à la Sharia (Loi révélée). L’observation de cette dernière, si elle demande une discipline journalière et de perpétuels efforts pour le respect des principes (les 5 piliers), n’exige pas de l’individu des efforts intellectuels et spirituels particuliers. Le Soufisme (la voie soufi — les confréries) au contraire, a cette exigence.
Escalier d’accès à une mosquée des femmes
Parmi les confréries les plus répandues en Afrique Occidentale Noire vers 1850 citons : e la Shadiliya, née à notre XIIIè siècle, très vivante au Magreb. ® la « Qadriya » née à notre XIIe siècie (répandue par exemple chez les Malinké)
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et la « Tidjaniya » apparue à notre XVIII siècle (plutôt chez
les Toucouleurs). Un différend religieux éclata en 1905. Il s’envenima à partir de 1917 dans la secte Tidjani (50 ans après la mort d'El Hadj Omar, qui en fut le délégué), entre les « Hamallistes », partisans de Chérif Hamalläh qu’on désigna aussi par les « chapelets à 11 grains » et les conservateurs de la confrérie : les « Omariens ». Ces derniers avaient des membres proches du Gouvernement Général en AOF et très influents. Il est beaucoup question de cela dans le roman Monné, outrages et défis de Ahmadou Kourouma. Aussi les Hamallistes furent longtemps inquiétés par les autorités (pour de supposées menées anti-françaises), son apôtre emprisonné en France et ses
principaux dirigeants fusillés.
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Les influences extérieures
LA TRAITE DES NOIRS L'Afrique Noire n’a pas attendu les Portugais pour connaître l’esclavage. Les seigneurs du désert s’adonnaient à des razzias qui pourvoyaient à leur besoin de main-d'œuvre. Les sociétés autochtones connaissaient également une forme d’esclavage. Mais le concept était différent : l’esclave (préférer le mot : domestique), quoique non-libre, jouissait d’une considération. Selon les endroits, il pouvait se voir confier la gestion des biens familiaux ou l’éducation des enfants du maître. Il pouvait être marié avec une fille du maître : « asservi, mais faisant partie de la famille ». Ceux que l’on voulait récompenser étaient affranchis. Beaucoup décidaient alors de rester dans la famille et de continuer à exercer, libres, les mêmes tâches.
Très différente était la «traite ». Heureusement, du fait de l’éloignement de la côte, de leur forte organisation et de la solidarité, la plupart des peuples du Burkina ont échappé à ce fléau.
LA COLONISATION Elle débuta à la fin du XIXè siècle. Les officiers français jouèrent habilement des rivalités et des contradictions entre chefferies. Beaucoup d’entre elles - n’imaginant pas le danger - crurent étendre ou asseoir leur pouvoir en s’alliant avec les nouveaux arrivants. L’ampleur et la tournure qu’allait prendre la conquête étaient imprévisibles. Très rapidement, le mouvement devint, militairement, extensif et irréversible.
Des administrateurs civils prirent le relais : tous ne se sont pas montrés sans cœur et sans loi. Mais le système et les consignes ne cherchèrent ni à comprendre, ni à admettre, et évidemment, ni à préserver. Tout ce qui faisait
la valeur des Civilisations africaines a été ignoré, déconsidéré et systématiquement et brutalement combattu (avec, au moins au début, l’aide des églises chrétiennes). L’objectif a été de les remplacer par les seules valeurs valables : celles de la civilisation européenne. Parmi les mesures qui ont été particulièrement destructrices : la levée d’un impôt écrasant (les Africains l’ont appelé : « la honte »), le recrutement obligatoire de supplétifs puis de soldats et la réquisition (les travaux forcés). Ces mesures ont été autrement plus dramatiques et plus meurtrières pour le Burkina que la traite. En dehors des corvées locales, beaucoup d’hommes valides et de jeunes femmes ont été enrôlés de force et envoyés en bassecôte (Côte d’Ivoire) pour construire des routes, la voie ferrée, créer et développer des plantations.
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Les influences extérieures
Tous ces chantiers étaient évidemment destinés à améliorer la production et la circulation des marchandises de traite nécessaires à la France, et non au
confort et à l’amélioration des conditions de vie des indigènes — comme ont voulu le faire croire de bonnes âmes (on en trouve encore). Pour payer « la honte » frappant leur famille et même leur village, beaucoup de jeunes ont dû s’expatrier dans les états voisins, amorçant un mouvement encore existant.
Les responsables coloniaux, en remplaçant des chefs traditionnels jugés trop retors, par des nobles plus souples et même par certains de leurs employés (interprète, secrétaire...), déconsidérèrent la chefferie aux yeux même des Africains. La Colonisation n’a jamais été, et n’a jamais voulu être une « Œuvre Civilisatrice ». Elle a été une œuvre d’exploitation (certains pensent nécessaire, compte-tenu de la situation politique et économique de l’Europe à l’époque) permettant d’avoir de la main-d’œuvre à très bon marché et ainsi de produire des richesses dont le colonisateur avait besoin, et de recruter des soldats de première ligne (chair à canon).
L’'EVANGELISATION On devrait réserver le terme « évangélisation » à l’action menée plus tard par des missionnaires bien intégrés, et maintenant par un clergé recruté parmi les nationaux. A l’époque de la colonisation, il s’agissait plutôt d’une «entreprise de domination et de conversion » : le Pape a d’ailleurs reconnu les erreurs commises par l’Eglise… Au début, les missionnaires n’ont pas toujours été favorisés par l'Administration. Celle-ci comportait des éléments foncièrement « laïcs » qui pensaient que les religions traditionnelles étaient des remparts à la progression de l’islam, que l’on craignait plus que tout, et qu’elles devaient être ménagées. En 1919, toutes les puissances coloniales s’engagèrent à protéger et à favoriser les «missions» : dorénavant missionnaires et colonisateurs coopérèrent. Pour le ton …: Le Cardinal Mercier déclarait : «.… acte collectif de charité... qu’une nation supérieure doit aux races déshéritées, et qui est comme une obligation, corollaire de la supériorité de culture ». Pour la forme. : Autodafé public et en grande pompe des masques et des statuettes (donc, on le comprendra, des génies), transplantation d’enfants pour les (bien) éduquer dans les missions, contraintes diverses... Administration et missionnaires vont donc unir leurs efforts pour « civiliser » et « convertir » des populations qui, dans tous les domaines, ont
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Les influences extérieures
des conceptions antinomiques aux leurs. Là aussi, il y eut de bonnes intentions et du dévouement, mais au service d’une entreprise sans mesure et sans tolérance. Si la démarche et les méthodes initiales sont critiquables, par la suite certains missionnaires parlant parfaitement les langues se sont remarquablement intégrés. En milieu Bobo par exemple, 1l y a eut des « funérailles traditionnelles » de Pères Blancs. En pays Moaga (pays des Mossé), le Père Alexandre et d’autres, après avoir étudié le mooré, ont mis
au point une transcription toujours utilisée. L’Eglise catholique du Burkina a 100 ans. On s’accorde à considérer que son premier chrétien a été Monsieur Di Alfred Diban (père de Mr Joseph Ki Zerbo, l'historien et homme politique). Une procédure pour sa béatification a été introduite au Vatican. Jusqu'à une époque récente, l’enseignement «des missions » catholiques, puis des évêchés mis en place, (on dit maintenant: «la première évangélisation ») exigeait de la part des postulants un abandon total des croyances et des pratiques ancestrales contraires, selon eux, à l'Evangile. Le lecteur imagine que la mesure n’a pas toujours été comprise et combien a pu être douloureux un renoncement à tout ce qui faisait leur «identité ». On enseignait le même catéchisme qu’en France et on chantait les mêmes cantiques.
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dans un village : « l’offertoire » animé par les femmes
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Les influences extérieures
Un courant parlant de « seconde évangélisation » est apparu pour prôner une «inculturation » (renouvellement de l’Evangile dans une culture, incluant un dialogue avec les religions traditionnelles). Félicitons-nous d’une telle évolution, mais n’arrive-t-elle pas bien tard alors que les Cultures africaines ont été tellement mises à mal ?
Témoignage
Le Burkina-Faso : pays de tolérance religieuse. Avril 1997 Sankara Adama, est un jeune cadre de la fonction publique burkinabè. Fils de EI Hadji Sankara Boureima, un notable religieux bien connu et respecté dans la capitale. Sankara Adama est donc né dans l'Islam, il a grandi et a été pratiquement nourri au lait de la foi musulmane. Dès l'âge de 5 ou 6 ans, il savait déjà réciter quelques versets du Coran. Son père, émerveillé par l'intérêt précoce de l'enfant pour la religion, l'a inscrit tout naturellement dans une école coranique parallèlement à l'école classique française. Une situation que Sankara Adama a su gérer et concilier pour se hisser aussi bien au sommet de la connaissance religieuse qu'à celui de la hiérarchie professionnelle. Aujourd'hui, il est économiste et voilà, il y a de cela 5 ans, il a décidé de
convoler en justes noces devant Dieu et les hommes avec Kambou Clarisse, une fille de l'ouest du pays qui non seulement n'est pas de la
même région donc de la même ethnie que lui, mais aussi n'est pas de la même religion. Sankara Adama est musulman, très respectueux des valeurs et des préceptes de l'Islam. Clarisse, son épouse, est catholique, de père et de mère catholiques. Bansé Georges, lui, est protestant plus exactement "baptiste". Après de brillantes études en France, il est rentré au pays, son diplôme d'ingénieur informaticien en poche. Aussitôt le problème d'emploi résolu, il est allé au village épouser Maré Tafo, fille du chef de village de Gon,
dans la plus pure tradition bissa : cérémonies coutumières, sacrifices aux ancêtres pour le bonheur des époux, dot, etc. Tolérance. Le cas des époux Sankara et Bansé est la parfaite illustration de la tolérance religieuse au pays des hommes intègres où vivent en paix et dans l'harmonie: animistes, musulmans et chrétiens. D'ailleurs peut-il en être autrement, puisque le Burkina a inscrit en lettres
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Les influences extérieures
capitales la laïcité dans sa constitution, cela depuis l'indépendance (5 août 1960) et en fait son bréviaire, sinon son crédo quotidien. Partout dans les villes et villages, au marché comme dans les services,
à l'école et parfois dans une même famille, cohabitent et travaillent ensemble des personnes de toutes les confessions. Et jamais de mémoire d'hommes, le pays n'a connu de problèmes religieux comme en exYougoslovie ou au Liban, où chrétiens et musulmans s'entre-déchirent, se tuent ou se regardent en chiens de faïence, ou comme en Algérie où des hommes tuent leurs semblables, au nom de la religion musulmane. Le Burkina, comme les Burkinabè se plaisent à le dire, est au
contraire un hâvre de paix où les musulmans fêtent Noël et Pâques et les chrétiens
, le Ramadan
et la Tabaski,
en plus des fêtes coutumières
purement liées à l'animisme, démontrant ainsi que la cohabitation religieuse est possible. La religion ne doit pas être un facteur de division, mais un facteur de rapprochement. Même si nous n'appartenons pas à la même confession, nous sommes d'abord et avant tout des frères et cela, toutes les religions l'enseignent ici à leurs fidèles. Religiosité. Toutes les langues burkinabè se font une représentation
de l'existence de Dieu et par essence, on peut dire que le Burkinabè a toujours été un croyant. Il croit en Dieu, le Dieu de ses ancêtres mais
également le Dieu dont parlent la Bible et le Coran, malgré les contraintes auxquelles notre monde est confronté et les aléas qui peuvent détourner l'homme de Dieu: modernisme,
manque
pauvreté, calamités difficiles à égréner.
bref,
naturelles,
guerres,
un
de temps, maladies,
chapelet
de maux
Partout sur l'ensemble du territoire, les fétiches, les mosquées, les églises, les lieux de culte et surtout le nombre important de fidèles sont
les signes visibles de l'implantation réelle et de la bonne religions. Fétichisme nationaux,
on
(animisme). estime
à
Sur une 3
à
5
population
millions
le
de
santé des
10 millions
nombre
de
d’animistes,
essentiellement répartis dans le pays profond, c'est-à dire dans les villages et campagnes. L'histoire de l'animisme burkinabè remonte à la nuit des temps et se confond le plus souvent avec celle des peuples qui furent les premiers habitants du pays. Avant la pénétration de l'Islam et du Christianisme, qui sont des religions d'emprunt, le Burkinabè, à l'instar de ses frères d'Afrique Noire, a été d'abord un animiste.
46
Les influences extérieures
Aujourd'hui, les choses sont en train de changer et à coté de l'animisme. on rencontre d'autres religions. Mais contrairement à ce que certains disent, l'animisme n'est pas du tout une religion en voie d'extinction. En effet, ils sont nombreux, peut-être de plus en plus nombreux, "nuitamment" ou à visage découvert, les intellectuels : magistrats, professeurs, ingénieurs, médecins, officiers, étudiants..qui n'hésitent pas après la prière du vendredi à la mosquée ou du dimanche à l'église à faire un tour chez le sorcier du quartier ou du village." Nous sommes chrétiens ou musulmans", disent-ils," mais nous restons attachés à nos valeurs traditionnelles", ce qui fait dire à certains que l'animisme a encore de beaux jours devant lui. L'autel sacré de Dioullassoba (le quartier ancien de Bobo- Dioulasso)
L'islam.
C'est la deuxième
religion. Avec
environ
3 millions de
fidèles, il est fortement implanté dans le nord du pays: Ouahigouya, Dori,
Djibo, Gorom-Gorom. La communauté musulmane est très active et participe à des oeuvres de bienfaisance avec l'appui de pays islamiques comme le Koweit et l'Arabie Saoudite. Le christianisme. Il représente 11% de la population. Les plus nombreux sont les catholiques. Il y a également des protestants (Assemblée de Dieu, Baptistes, Adventistes, Témoins
de Jéhova...). La
communauté chrétienne est de loin la confession la mieux organisée et la
plus disciplinée. Elle oeuvre dans les secteurs de l'éducation, de la santé et de l'action sociale. *X
*X
*%
Toutes ces religions sont à l'image du pays : une société hospitalière et pluriethnique qui a su construire LA PAIX dans la diversité et la liberté religieuse. Jean Karim Bansé
47
Pour mieux comprendre.
NDLR : Les statistiques concernant la répartition de la population par religion sont divergentes et de ce fait, peu crédibles. Le nombre de chrétiens (catholiques et protestants) serait de 20,7 % (en 1991) pour l'Atlas Jeune Afrique, 11 % pour le Guide du Routard, 15 à 20 % pour le Guide Jaguar ou encore 14 % et 19 % pour d'autres sources burkinabè. Nous avons établi, à partir des chiffres fournis par les diocèses de l'Ouest un pourcentage de 5 % de catholiques baptisés pour la région. En 2006, un autre document issu d'une publication catholique chiffre à 13% le nombre de « Chrétiens » au Burkina. Nous, nous annonçons souvent : 17 % de chrétiens, 30 % de musulmans et … 99% de fétichistes…(le 1% restant étant là pour ménager la susceptibilité de nos amis adeptes inconditionnels des religions du livre).
* * *
48
POUR MIEUX COMPRE NDRE .…. les façons d ’être et de penser
Pour mieux comprendre.
Septembre 2002- Les notions ancestrales
La notion du temps Le Burkinabè
vit dans le présent:
les ancêtres, qui pour les blancs
illustrent le passé, sont - même dans l’invisible - présents. Quant au futur, c’est l’affaire des chefs et des génies : on se repose entièrement sur eux. Demain sera - traditions obligent - comme aujourd’hui. (On parle de « stabilisme » ou d’ «immobilisme »). Les Burkinabè disent volontiers à leurs amis français : « vous avez la montre... .Nous avons le temps ». De AP TOI Témoignage Mon séjour, 9 mois après.
Avril 1999 Le temps : Nos ami(e)s africain(e)s et nous, avons une culture du temps différente. Nous, Européens, vivons avec des horaires de cheminot - l’heure,
c’est l’heure - avec une tendance à penser que le temps, c’est de l’argent. Au Burkina, le temps est différent de chez nous. Nos ami(e)s se donnent le temps de discuter, de se voir, de parler, de se rencontrer : le temps rime alors avec écoute, intérêt porté à autrui. À preuve les longues soirées passées à discuter avec Jules, Arouna, François, Abdoulaye, Christophe, Rosalie ou Chantal... Michel Luiggi
La notion du bonheur Le bonheur individuel passe par une limitation, voire même une suppression de la liberté individuelle et par la soumission à la collectivité. Les Européens sont choqués par certains comportements traditionnels relatés par le cinéma africain, et prennent facilement parti pour ceux qui se mettent « hors la loi » (le jeune couple dans « Tilaï », la vieille femme et l’enfant dans « Yaba », deux films du réalisateur burkinabè Idrissa Ouédraogo).
La recherche de l’harmonie Pour
procurer
le bonheur
aux
membres
de la communauté,
il faut
préserver l’harmonie construite au long des siècles. Se conduire ainsi est «sage ». Ce stabilisme écarte toute évolution importante et bien sûr toute
révolution qui sont sources de malheur. Alors pour rectifier, la chefferie (organisation politique à tous les niveaux : chefs de quartiers, de villages, de cantons, de royaumes) agit par petites touches correctives.
50
Pour mieux comprendre.
L’éducation des enfants ! Elle est l’affaire de toute la communauté et pas seulement celle des parents. Les enfants reçoivent l’enseignement par préceptes. Après avoir appris la langue par le père (et par la mère et ses co-épouses, surtout pour les filles) ou des grands-parents (très présents, chez certains), l’éducation morale est enseignée par les contes et l’éducation religieuse par les mythes racontés par le père ou un vieux. Dans certaines ethnies, les enfants sont élevés par une femme autre que la mère. Dans les sociétés matrilinéaires, l’oncle maternel a un rôle primordial dans l’éducation de ses neveux. À partir de 6 ou 7 ans, les enfants vivent en groupe de même classe d’âge et s’auto-éduquent. Ils resteront très solidaires et se considèrent comme « frères ». Lors de leur première découverte de l’Afrique, les voyageurs sont toujours surpris d’entendre déclarer : « C’est mon frère » et d’ajouter : « pas même mère, pas même père. ». Un enseignement ésotérique est réservé à quelques-uns, transmis de père en fils ou d’oncle à neveux, ou par des sociétés secrètes.
La place des femmes |
Femmes préparant le tô
l Les problèmes actuels d'éducation et de formation ainsi que la place des femmes seront traités longuement dans un livre à paraître Vie quotidienne au Burkina des mêmes auteurs.
SI
Pour mieux comprendre.
Nous ne donnons ci-après que quelques pistes succinctes « Pour mieux comprendre... »
Leur rôle : Les femmes ont un rôle économique primordial. Elles sont chargées des semences et participent aux travaux des champs. Aidées par les enfants, elles transportent l’eau et le bois. Elles assurent, entre co-épouses, tous les travaux ménagers et s’occupent des enfants.
La femme
ne peut jamais donner son avis en public, mais elle est,
surtout si elle est âgée, très souvent consultée et écoutée. Chez certains, la
femme possède des biens réservés (dont elle a seule la responsabilité), alors qu’elle a des droits sur les biens de son mari. En tant que « mère », elle est aimée respectée.
et une
fois vieille, honorée
et
La polygamie : Dans
la société traditionnelle, elle est non
seulement
autorisée mais
normale, surtout pour les notables. On l’explique par des raisons politiques : le chef à qui on se doit d’envoyer des épouses, pour le prestige et la nécessité de main-d'œuvre (enfants plus nombreux), mais aussi pour des raisons économiques et sociales : la femme ne doit pas rester célibataire. Enfin l’homme a besoin d’épouse de « remplacement » du fait des interdits sexuels frappant les mamans, de l’accouchement au sevrage (tardif).
L’excision : C’est une pratique traditionnelle regrettable encore très vivante en brousse (en campagne) qui consiste à mutiler le sexe des petites filles. Son origine est floue, mais sa pratique - maintenant combattue par les églises, des associations et l’Etat - est encore défendue par beaucoup d’hommes et admise par nombre de vieilles femmes.
La dot : La plupart des ouvrages présentent la dot comme générale en Afrique Noire. Elle est due par le mari ou sa famille à la famille de l’épouse. Une partie est quelquefois réservée à la femme en perspective d’un veuvage ou d’une séparation. Au Burkina, il existe des exceptions d’importance : les Mossé et certains Gourmantché (donc plus de la moitié de la population) ne pratiquent pas le système de dot. Pour eux, doter une fille reviendrait à la vendre. Par contre on pratique «les salutations coutumières » : la famille du futur marié
52
Pour mieux comprendre.
(n’oublions pas que le mariage est une affaire de famille) remet des cadeaux et une somme d’argent (plutôt symbolique) aux parents de la mariée.
La tontine : On désigne ainsi un système d’épargne et de prêt toujours pratiqué couramment par les Africains, y compris par ceux qui résident en Europe. Il s’agit de cotiser au sein d’un groupe constitué (de parents, d’amis, de voisins.) et de faire profiter un membre, à tour de rôle, de la somme ainsi
récoltée. C’est souvent le moyen de faire un achat important (ou de faire face aux dépenses d’un mariage, de payer un billet d’avion) qui ne pourrait pas être fait sinon. Le groupe est suffisamment restreint pour bénéficier de cet avantage sans trop attendre, mais suffisamment important pour disposer d’une grosse somme sans cotiser démesurément. Les réunions se font généralement chez le bénéficiaire qui assume les frais de la réception, c’est aussi l’occasion d’un regroupement amical.
La richesse et l’argent : Nous avons rédigé ce paragraphe à l’imparfait car les choses ont bien changé. Si la richesse est souvent absente, elle est toujours espérée. C'est probablement dans ce domaine que la cassure de « l'harmonie sociale » a été la plus importante, du fait de la colonisation puis de l'arrivée des « valeurs » occidentales. Dans le passé, la richesse était, quand elle existait, l’apanage des chefs ou plus exactement des communautés qu’ils représentaient. Elle était faite de la grandeur des troupeaux chez les éleveurs, de l’étendue et de la richesse des champs ou de la somptuosité des costumes et des harnachements, jamais de « l’argent » qui, dans les civilisations ancestrales, n’avait pas cours. Un citoyen ordinaire pouvait posséder des biens maïs il ne devait pas en faire étalage: il aurait paru se prendre pour l’égal d’un chef. C’est rarement la richesse qui était recherchée mais plutôt la puissance. Les collectivités étaient quasiment auto-suffisantes et quand il était nécessaire, le commerce se faisait sous forme de troc, quelquefois par l'intermédiaire d’une valeur d’échange : les cauris. Les individus n’aspiraient pas à la richesse (détention de biens), puisque la terre, la rivière, le gibier n’appartenaient à personne. La notion de biens « individuels » n'existait pas et, comme nous l’avons dit, on ne se préoccupait guère de l’avenir. Traditionnellement, l’argent n’était donc pas le moteur qui conduisait les Burkinabè. Ils étaient indifférents à en posséder et on comprend qu’ils ne se
Se)
Pour mieux comprendre.
compromettaient pas pour en obtenir : ils étaient « naturellement » intègres. D'autant plus que la surveillance exercée par la société était permanente : voler le bien d’autrui était puni de mort. Selon un dicton des Mossé : « Un estomac plein ne remplit ni le cœur ni l'âme, mais une âme et un cœur qui sont en paix peuvent attendre la récolte en toute sérénité ». La vraie richesse des Africains était (et reste pour beaucoup) le nombre et la bonne santé de leurs enfants (qui perpétueront le clan).
pa Voilà ce qu'écrit Majid Rahnema dans Quand la _misère chasse_la pauvreté. Editions Fayard / Actes Sud. « En effet, très longtemps, les notions de richesse et de pauvreté n’ont pas relevé obligatoirement de la possession d’argent et de biens. Le bienêtre d’un individu ou d’une communauté se fondait sur des activités et des relations d’un tout autre genre].[...semblables à tous les êtres créés, ils devaient leur survie au fait que tout ce qui leur était nécessaire avait également été « créé »-« qui donne des dents donne aussi du pain », dit un proverbe persan-, et qu’il ne leur appartenait pas de refaire un monde selon leurs desseins, mais de respecter les desseins de Dieu. »
L'Afrique au secours de l’occident» - d’Anne-Cécile Robert (Alliance des éditeurs)
«Dans les traditions, est pauvre celui qui est isolé, qui n’a pas de parents ou d’amis sur qui compter; celui qui ne s’insère pas dans une communauté humaine, qui ne peut compter sur aucun soutien social. Le véritable drame consiste à être déconnecté de la vie et du monde qui vous entoure |...] Pauvreté, richesse et économie informelle sont liées et la lutte contre la misère en Afrique ne saurait aboutir sans la prise en compte de ces déterminants culturels... ».
* * *
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LES GROUPES ETHNIQUES
Les groupes ethniques
NOTION D’ETHNIE Septembre 2002 et octobre 2006 Le terme "ethnie" ou "groupe ethnique" est maintenant utilisé pour parler d'une population ayant une civilisation originale différente de celle de ses voisins. Cela suppose généralement qu'elle ait une histoire, une organisation politique et sociale, une religion et une langue spécifiques. Evidemment, elle peut partager certaines caractéristiques avec une autre ethnie, soit parce que leur cadre et leur mode de vie sont semblables, soit que les aléas de l'histoire les ont rapprochées. Auparavant, on parlait de peuplades, de leurs traditions, de leurs croyances et de leurs dialectes. Il faut retenir qu'il y a des différences sensibles et quelquefois considérables entre les us et coutumes de deux populations occupant des régions voisines et même partageant un territoire commun. Parler de la façon traditionnelle de penser et de vivre d'un Burkinabè n'a donc pas grande signification. Même maintenant et même "en ville", le brassage, le partage de mêmes valeurs, une même scolarisation, l'appartenance à une même patrie n'ont pas - loin s'en faut - aboli le sentiment d'appartenir à un groupe social particulier.
Un visiteur blanc pourra facilement interroger son hôte et ses amis sur leur ethnie d'origine. Ses questions, même sur des sujets touchant à la religion et à la Coutume seront généralement bien reçues et quelquefois appréciées - alors qu'un Africain aura toujours de la gêne à formuler ses questions et quelquefois du mal à obtenir des réponses d'un Africain appartenant à une autre ethnie. Certaines ethnies sont largement citées dans la littérature parce qu'elles ont été plus particulièrement étudiées (les Dogons, par exemple, ethnie du Mali et du nord du Burkina) ou parce que leur art ("art nègre") ou leur artisanat (masques sénoufo, statuettes en bronze mossi) a été ou est particulièrement apprécié. On dit que le Burkina comporte une soixantaine d'ethnies. Il faut comprendre qu'il y a une dizaine d'ethnies conséquentes, une douzaine de moindre importance numérique et d'autres vraiment petites dont l’étude sort du cadre de cet ouvrage. Les principales ethnies sont indiquées sur la carte. Le graphe donne leur importance relative dans la population du Burkina. La plus importante par son effectif est l’ethnie des Mossé, avec près de la moitié de la population du pays. Après, viennent les ethnies Peul, Gourmantché,
Bobo,
Gourounsi, Lobi, Sénoufo,
Bissa,
Samo,
Marka
Quelques autres, de plus faible population, sont citées ci-après, sans que nous puissions être exhaustifs.
56
Les groupes ethniques Au nord : Dogons, Songhai, Touareg et Bella, Kurumba, Djerma
Région de Banfora : Gouin, Karaboro, Turka Près et dans Bobo : Dioula, Samoro, Siamou, Tussian, Sembla Autour de Gaoua : Dagara, Birifor, Gan
Au sud, près des Gourounsi : Kourassé, Mamproussi. (*) Nous avons essayé de respecter les usages locaux en ce qui concerne l'orthographe des noms d'ethnies et des noms propres, les accords et les pluriels, mais…
REPARTITION DE LA POPULATION Lobi 2
Gourounsi
Autres
Bissa & Samo
Mossé
Bobo
Gourmantché Peuls
LES PRINCIPALES ETHNIES Les Mossé (Mossi)
Le territoire, l'Etat et la Nation des Mossé ! s'appellent le "Mogho" (prononcé approximativement : « moro »).
: (Ou Moose ou Mossi) nous avons préféré l'écriture « Mossé »
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Les groupes ethniques
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LES NOUVELLES DONNEES
Les nouvelles données
Octobre 2006
LA NATION BURKINABE Les plus anciens n’ont pas été habitués au concept de Nation mais à celui d’appartenance ethnique. Ils continuent à se présenter comme Mossé ou comme Bobo Le groupe ethnique est ce qui les caractérise et les différencie depuis toujours. Les ethnies, à l’exclusion des Mossé et dans une moindre mesure quelques autres peuples, appartiennent à deux, voire trois nations africaines issues des Indépendances. Un Bobo a probablement une parenté plus grande avec un Bambara du Mali qu’avec un autochtone de l'Est du pays. Un Sénoufo a des parents au Mali et en Côte d'Ivoire. Le découpage en provinces et en départements leur est assez étranger, découpage d’autant plus compliqué pour eux qu’il a déjà été remanié. Les jeunes qui ont été scolarisés ont franchi le pas : ils sont originaires de telle province et de tel département. Leur réponse est souvent ambiguë car s’ils nous parlent de leur origine en ces termes, ils le font probablement différemment à un compatriote. Des décennies de scolarisation, une écoute intensive de la radio et, en ville, de la TV, l’habitude, quelques problèmes avec des voisins :
contestation de frontière avec le Mali, expulsion de Côte d’Ivoire ont initié une identité nationale...La centralisation des directions, des organisations et
des programmes scolaires, l’usage d’une langue unique (et exogène), ont fait que, petit à petit, on s’est senti Burkinabè : citoyen d’un même pays. Comme partout, tout est politiquement fait pour accentuer cette perception d’appartenance a une même Nation.
Affrontements à la frontière Burkina-Mali Extrait du journal Le Pays du jeudi 6 juillet 2006. «A Porigine de ces événements dramatiques, un problème foncier. Les populations de Warakui reprochent.à celles de Wannia leur comportement expansionniste. Ces dernières grignoteraient petit à petit les terres agricoles au fil des années. Les terres à problème se trouvent en territoire malien, mais seraient des propriétés coutumières des ancêtres des habitants de Warakui, qui en auraient rétrocédé une partie aux populations de Wannia. Ces dernières, qui ont débroussaillé une bonne partie de ces terres cette année, se seraient heurtées au refus de leurs frères et voisins de les laisser exploiter lesdits champs. S’en serait suivie une chasse à l’homme... »
106
Les nouvelles données
LES CHEFFERIES AUJOURD'HUI
Réunion des responsables d’un village
Les chefs traditionnels, s’ils n’ont pas de pouvoirs constitutionnels, ont
encore une importante des Mossé ethnies où
influence certaine sur les populations. Celle-ci est d’autant plus que l’ethnie était fortement organisée et encadrée, c’est le cas (près de la moitié de la population du Burkina). Pour d’autres l’autorité était plus « lâche », il subsiste néanmoins des chefs de village et souvent des « chefs de terre » (chefs religieux). Les touristes qui se lèvent tôt (pour eux) afin d’assister à la cérémonie du « faux départ » devant le palais du Mogho Naba à Ouaga auraient tort de n’y voir qu’une manifestation folklorique surannée. Les Mossé qui s’y rendent, ainsi que les dignitaires (souvent des personnalités de la société civile ou de l’administration) qui viennent se placer selon l’ordre croissant d’autorité, le font très sérieusement.
Témoignage Visite au «chef des terres » de Kondio
Nous sommes allés l’après-midi de notre arrivée rendre visite au chef des terres (chef coutumier), avec Henri : visite « diplomatique », au cours
de laquelle - et par le truchement d’un interprète en français puisqu’on est chez les gourmantché alors qu’Henri est mossi, et que chacun a sa 107
Les nouvelles données
langue - les présentations sont faites, un cadeau est remis, des discours sont échangés devant les hommes du village, et les enfants regroupés très sagement. Nous sommes assis sur des bancs devant la case du chef. Salutations,
compliments, en tournures de politesse très élaborées, selon un protocole manifestement bien établi, ponctués d’applaudissements ! La bouteille de whisky a un franc succès ! Explications et commentaires sur la façon dont les choses se déroulent au campement entre la direction et les employés, qui sont issus du village : la bonne volonté est de mise, quand quelque chose ne va pas, on le dit et on se met d’accord. Pour conclure, Henri dit qu’il se réjouit qu’il n’y ait eu aucun décès ni blessé grave depuis l’ouverture du campement, et rend grâce à la protection des ancêtres du village. Applaudissements de satisfaction ! Cérémonial étonnant pour une Occidentale qui débarque.…..surtout que le contraste est grand entre le raffinement des discours et le rudimentaire du décor - bancs
branlants,
cases
de terre, cours
en désordre
- et la
pauvreté des habitants, les enfants dépenaillés, les vieux édentés Après cette présentation, nous parcourons le village, et nous sommes autorisés à photographier et filmer, tout le monde se montre très accueillant.
La distribution de bonbons - achetés au marché qui se tient sur la place du village, à la lumière des lampes à pétrole - reçoit un si grand enthousiasme de la part des enfants que nous ne savons plus comment nous en tirer : pas le temps de retirer la main du sachet que des dizaines de mains se tendent et s’agrippent ...On nous dit qu’il aurait fallu donner le sachet à un plus grand qui aurait su distribuer équitablement.…..on reste un peu perplexe. Et nous n’avons pas fini d’être étonnés ! Nicole Orssaud |
50 ans après, les forgerons renouent avec un rituel séculaire - Extraits du journal Sidwaya du 22 juin 2006. «Le Mogho Naaba, chef suprême des Mossé, a reçu, le mardi 20 juin 2006 dans l’enceinte de son palais à Ouagadougou, une délégation de forgerons
du
village
de
Saaba,
dans
le cadre
d’une
visite
coutumière
ancestrale [...] Ainsi, les Saaba renouent avec un rite ancestral [...]: entretenir un foyer particulier allumé dans la cour royale. Ce foyer ne doit être approvisionné en bois de feu que par les Saaba (forgerons) de
108
Les nouvelles données
Saaba.[...]. Naaba Abga Nassinga, dépositaire actuel de traditions chez les Saaba, précise que le transport des fagots de bois depuis le village de Saaba au palais du Mogho Naaba se déroule suivant un itinéraire connu depuis la nuit des temps.[...] Voilà la tradition respectée après cinquante années de rupture.[...] Les autorités nationales ont apprécié l’importance de cet événement, en témoigne la participation active du directeur du patrimoine M. Oumarou Nao et de son département. » —
à
2e
Si « Saaba » m'était conté - Extrait du journal Sidwaya - A.B.T. Naaba Abga Nassinga, à l’état civil Gomtinga Nikiéma, est le chef des forgerons [...] Originaires de Barma, les Saaba (forgerons) ont été sollicités par le Ouidi Naaba pour conjurer un sort naturel qui hantait la population car un animal mystérieux « mangeait les âmes » [...] Ainsi, les Saaba à l’aide de leurs tenailles traditionnelles, le « yYiugo », ont envoyé une boule brûlante dans la gueule de l’animal pour le tuer. Pour ne plus jamais rencontrer une telle horreur, le Mogho Naaba a demandé aux forgerons de s'installer à un endroit idéal pour la poursuite de leurs activités dans le travail du fer et, de préférence, dans une région située en hauteur. Les Saaba
se sont retrouvés en ce lieu où ils résident finalement le nom Saaba au village.
aujourd’hui,
pour donner
Témoignage Des traits de modernisation de la chefferie traditionnelle en
terroir moaga Septembre 2006 L'auteur commençait son article par des considérations sur les chefferies ancestrales. Celles-ci ont été placées dans le chapitre «les chefs traditionnels ».
… Aujourd’hui, je m'intéresse à quelques éléments de modernisation que ma petite observation a permis de déceler au niveau de la chefferie traditionnelle sur le plateau mossi au Burkina. Pour ce faire,je prendrai trois points saillants de la manifestation d’un certain changement à mes yeux : - le profil des nouveaux chefs coutumiers en terroir moaga ;
1 Moaga est l’adjectif de ce qui appartient aux Mossé (ou Mossi). C’est par ailleurs le singulier de Mossé.
109
Les nouvelles données
- les rapports de la chefferie traditionnelle avec
le pouvoir politique
moderne ;
- les liens entretenus par les chefs coutumiers avec les religions révélées. Mais avant toute chose, il faut rappeler que, comme son nom l’indique, le chef coutumier est le garant de la tradition. Il veille à la pérennisation des pratiques coutumières en vue d’un meilleur épanouissement du groupe socio-ethnique dont il a en charge de protéger les valeurs culturelles. En tant que tel, il est : - gardien des fétiches ; - guide et conseiller ; - juge, et à ce titre, il arbitre les conflits et autres litiges locaux relevant des réalités coutumières. Le nouveau profil des chefs coutumiers Jadis, les chefs coutumiers étaient des analphabètes. Mais aujourd’hui avec l’évolution, on constate que les chefs coutumiers en milieu moaga ne sont plus tous des analphabètes traditionalistes de tout poil. Parmi eux, nous retrouvons des chefs non seulement alphabétisés, mais aussi fonctionnaires
de l’Etat, et parfois même des hauts cadres de l’administration générale. Ce phénomène s’est amorcé à ma connaissance, il y a environ deux décennies. Pour illustrer mes propos, je peux citer le cas de sa Majesté Naba Saaga 1° du quartier Issouka de Koudougou (3è ville du Burkina) dans la province du Boulkiemdé. Ce chef coutumier est un haut cadre de la représentation nationale de l'UNICEF au Burkina Faso ; en service à Ouagadougou, il a été
intronisé en 2005 comme chef et est devenu à travers ce sacre, sa Majesté Naba Saaga 1°. Les rapports des chefs traditionnels avec le pouvoir moderne
Le chef coutumier en milieu moaga n’est plus reclus dans son îlot, s’occupant de traditions, de fétiches, de valeurs coutumières et de litiges locaux. Aujourd’hui, il est ouvert aux autres structures détentrices de pouvoir politico-administratif ; à ce titre, il collabore avec le gouvernement, l’assemblée nationale, les gouverneurs,
les hauts-commissaires,
les préfets,
les directeurs et chefs des services techniques. En effet, le chef coutumier est consulté parfois par l’autorité administrative et/ou politique. A ce niveau, il n’a de pouvoir que consultatif, son avis pouvant éclairer les décisions de l’autorité politique ou administrative. Il arrive que lui-même soit un cadre technique de l’administration ou même qu’il soit un homme politique. Je peux donner ici l’exemple du Larllé Naba à Ouagadougou (un des ministres du Mogho Naba, chef coutumier suprême des Mossé) ; sa Majesté Le Larllé Naba est 110
Les nouvelles données
banquier de formation et est un élu à la représentation nationale : à ce titre il est à son deuxième mandat de député. Et le couronnement de tout cela est la place accordée à la chefferie traditionnelle au niveau du protocole d’Etat. Le Mogho Naba, chef coutumier suprême chez les Mossé fait partie du protocole de la République. Et ceci a son pendant dans les régions, provinces et départements au niveau du pouvoir décentralisé : la présence des chefs traditionnels se fait remarquer lors des cérémonies organisées par l’autorité administrative et/ou politique au niveau départemental, communal, provincial ou régional. Les relations entre chefs coutumiers et leaders des religions révélées Il y avait autrefois, une espèce de cloisonnement, voire d’antinomie, entre chefferie traditionnelle et religions révélées. Du moment où le chef traditionnel s’occupe de rites coutumiers, de fétiches, voire de gris-gris, il est considéré comme représentant de la religion traditionnelle ; pour beaucoup, il ne peut qu’être animiste. Et ceci se traduit par le symbolisme des noms d’intronisation des chefs coutumiers en pays mossé (ce qui peut faire l’objet d’une étude à part). Qu'il soit animiste, musulman, catholique ou protestant, un chef traditionnel prend, le jour de son intronisation, un nom traditionnel de haute portée symbolique. En 2005, comme nous l’avons dit plus haut, Yaméogo Modeste est devenu sa Majesté Naba Saaga 1”, chef coutumier du quartier Issouka de Koudougou (en moré, Naba veut dire chef, et Saaga désigne la pluie). En paraphrasant, je peux dire que le nouveau chef est le chef de la pluie. Et qui dit pluie, dit nature et ciel cléments : et comme il y a la pluie, les paysans peuvent bien cultiver dans l’espoir d’avoir de bonnes récoltes ; la nature va reverdir pour les éleveurs : les cours d’eau vont se remplir de poissons pour les pêcheurs : et la ménagère aura de l’eau dans son canari car les puits se rempliront : la vie est possible et peut se mener tranquillement, tout le monde trouvant son compte (Ceci est une interprétation personnelle en tant qu’Africain ; peut-être qu’un entretien avec sa Majesté Naba Saaga 1” lui-même m'aurait permis d’enrichir une telle interprétation ; malheureusement, le temps ne m’a pas permis de lui demander une audience). Et, avec ce chef coutumier, la population de Koudougou a vécu, en août 2006, des moments palpitants, preuve d’une certaine incrustation de la
chefferie coutumière et des religions révélées. Sa Majesté Naba Saaga 1° a décidé de faire bénir le siège de son trône. Et pour ce faire, il a choisi une date symbolique : celle du 15 août, fête de l’Assomption qui est la montée au ciel de la Vierge Marie chez les chrétiens catholiques. Cette bénédiction coutumière a donné l’occasion de voir se côtoyer en symbiose les leaders coutumiers et religieux de tout bord. Autorités coutumières, religieuses Bi
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(musulmans, catholiques et protestants) étaient toutes présentes, le 15 août 2006, au palais royal de Issouka, pour bénir le siège du trône du nouveau chef coutumier, sa Majesté Naba Saaga 1”, chacune en fonction de sa croyance et/ou de sa religion. A cette cérémonie de bénédiction, ont pris part des hommes et des femmes politiques de haut niveau: je peux citer ici Mme Aline Koala, Ministre de la Culture, des Arts et du Tourisme du Burkina Faso qui a fait le déplacement de Issouka. Etaient également présents, des chefs d’institution internationale comme Mme Johanne French, représentante résidente de l'UNICEF au Burkina Faso, des directeurs et chef de services techniques. En marge de la cérémonie de bénédiction, ont eu lieu deux autres cérémonies : le buste sculpté d’un des chefs défunts de la chefferie coutumière de Issouska érigé sur initiative de sa Majesté Naba Saaga 1° a été également béni; il y a eu l’inauguration du Hamac - un maquis -
restaurant construit par sa Majesté Naba Saaga 1°. Au terme de ce témoignage, je tiens à rappeler que l’exhaustivité n’était pas ma prétention. Il existe certes d’autres points d’ancrage de l’évolution au niveau de la chefferie traditionnelle ou coutumière que je n’ai pas évoqués ici. Il est vrai que dans un contexte universel de mondialisation, il faut saluer cette ouverture de la tradition à la modernité ; c’est le lieu de
rappeler que tout progrès ou tout changement doit s’articuler autour de la culture locale. Cependant, une question subsiste : à quel prix s’opèrent ces différents changements ? Arouna Diabaté
A quand l’Afrique (extraits) - Joseph Ki Zerbo — Editions de [’ Aube «...nous n'avons pas intérêt à liquider la chefferie traditionnelle, à condition qu’elle accepte de se soumettre aux lois de la République. Beaucoup d’expressions culturelles, esthétiques et religieuses, dont on ne peut se passer, sont liées à la chefferie [...] (77 s’agit de) faire comprendre aux chefs qu’il y a une nouvelle donne [...] Il n’est plus question de régime féodal, mais de régime démocratique [...] Si les chefs acceptent cette norme, on doit leur attribuer des fonctions pour la promotion de la culture dans leur domaine. »
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> .4 (222 Autorités coutumières, décentralisation et politique : Le point de vue du Larlé Naba Tigré. Extrait du journal /'Opinion du 28 avril 2006. «...En tant que citoyen, j'apprécie l'engagement, le courage des autorités burkinabè d’aller à cette communalisation intégrale. Quant au débat sur la chefferie traditionnelle et la politique, je dirais qu’il n’est pas loisible pour moi de donner mon opinion étant donné que je suis ministre du Moro-Naba, c’est la hiérarchie qui peut donner un point de vue. Vous savez au Burkina, la chefferie est bien organisée. Il y a les rois, le chef supérieur Bobo, l'Emir du Liptako, le Moro-Naba, les rois de Fada, du Yatenga, le Tenkodogo, le Boussouma plus les deux dont j’ai fait cas qui sont membres du Conseil supérieur de la chefferie traditionnelle et coutumière ...» - Réaction d’un lecteur à l’article précédent, le 1° Mai 2006: «Sa majesté, je suis un prince d’une petite contrée de Tenkodogo et je suis fier de votre interview. Que Dieu vous bénisse et je vous rencontrerai un jour car vos propos me confirment que vous êtes quelqu'un de très très très bien. » Un admirateur du fils digne du Larlé Naaba Ambga, lui même Larlé Naaba.
78 us Eu Politisation des chefs moosé /mossé).Extrait du journal Le Pays du 11 mai 2006. (point de vue de Sid Zabda). «S'il y a un fait qui paralyse l’implantation de la démocratie au sein des populations en dehors de la pauvreté et de l’analphabétisme, c’est bien l’influence des Nanamsé, c’est-à-dire des chefs coutumiers sur l’électorat burkinabè [...] Aujourd’hui, nous sommes en face d’une race de jeunes Nanamsé qui ne sait plus faire la différence entre tradition et modernité, dignité et richesse. Des chefs coutumiers qui ignorent les valeurs moosé et leur rôle dans la société démocratique. « Burkin ka wend a saamha, a wend a yaaha : l’homme intègre ressemble à son père où son grand-père », dit-on dans la sagesse moaga. Que chaque Naaba se pose la question de savoir à qui il ressemble en matière d’intégrité ? » Un chef traditionnel réagit
Extrait d’une réponse à l’article précédent Le Pays du mardi 16 mai 2006. … «Jadis, le chef incarnait les aspirations profondes de ses populations. C’est ainsi qu'aujourd'hui le chef est à la fois porteur de valeurs anciennes et de valeurs nouvelles de promotion des droits humains. Il devient donc évident que l’Assemblée, les partis politiques, les associations. sont des tribunes modernes qui offrent aux Nanmsé de parler, de demander sinon d’exiger au nom de leurs populations... » Poé Naaba Tanga, Ministre à la Cour (un des grands dignitaires des Mossé)
LES
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L’EDUCATION
et la SCOLARISATION !
Il n’est pas inutile d’évoquer ici ce que les Africains nomment « l’école du Blanc » et qui désigne un système copié sur le modèle français des années 60. Si on n’apprend plus que les ancêtres des Burkinabè sont des Gaulois, on a conservé une organisation, des méthodes et des programmes qui n’ont rien à voir avec la vie au village. Monsieur Joseph Ki Zerbo a résumé sa pensée ainsi « On n’a pas besoin de plus d’école mais d’une autre école ».… Pour la plupart des Occidentaux, les organismes internationaux et même beaucoup d’associations du « Nord », c’est le moyen de développement par excellence. L'école primaire est donc déconnectée des réalités du pays et l’enfant scolarisé a toutes les chances de ne plus pouvoir rester intégré dans son milieu, d’ailleurs, il refusera le plus souvent de reprendre les activités agricoles de ses parents. Une grande proportion ira grossir les bataillons des nouveaux citadins voués au chômage (et certains ajoutent : à la délinquance). Si on part du postulat que l’école (classique) est indispensable au progrès du pays, ce qui est donc l’option de la Banque Mondiale, du FMI, de l'UNICEF... ses moyens sont insuffisants pour scolariser tous les enfants, et de loin. La sélection est alors faite en excluant, de fait, les plus pauvres : villages sans école, familles indigentes, petites filles plutôt que jeunes garçons. L’ « Education » est évidemment une priorité, et certains sont maintenant de fervents partisans d’un enseignement généralisé de qualité: disons «un enseignement de base adapté» dans la langue traditionnelle que l’enfant et sa famille pratiquent. Du fait de son moindre coût, il toucherait la quasi-totalité des enfants contrairement à l’école primaire actuelle qui ne s’adresse qu’à un tiers d’entre eux. Il se proposerait d’ouvrir l’esprit des enfants et de les responsabiliser et comporterait l’apprentissage des connaissances utiles à la vie locale (en gros, l’objectif des initiations traditionnelles avec évidemment des méthodes harmonisées et contrôlées...que de temps perdu !). Une voie déjà amorcée, surtout pour les adultes, est celle de l’alphabétisation en langue traditionnelle avec des cours sur des sujets en direction des activités des villages ou des quartiers populairès des villes: agriculture, élevage, petite mécanique et petit artisanat utilitaire, avec des initiations à l’hygiène et aux soins (absents de l’enseignement classique) .. Le problème est qu’actuellement cet enseignement est entièrement dépendant des financements d'ONG.
La transmission des savoirs au Burkina fera l’objet d’un chapitre complet d’un autre livre en préparation (La vie quotidienne au Burkina).
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Si les jeunes Burkinabè ont besoin qu’on leur ouvre l'esprit, ils ont également besoin qu’on les aide à s’intégrer au milieu qui est le leur - qui n’est pas celui des Européens - et qu’on les prépare à des métiers « possibles ». Beaucoup, et même nous - qui proposons des parrainages de scolarité commettons peut-être l’erreur d’œuvrer à reproduire des schémas sans comprendre ou admettre qu’ils sont inadaptés...Il vaudrait probablement mieux participer à ces expériences ou aider à des actions d’apprentissage - mais il existe peu de structures qui s’y consacrent et encore moins qui proposent des méthodes originales. Aider l’école est plus simple : c’est notre excuse. Néanmoins, il resterait à imaginer comment former les futurs cadres, dirigeants, entrepreneurs, fonctionnaires qui doivent nécessairement poursuivre des études au-delà de cette formation de base. Pour cela, ils ont besoin de la langue française et, avec la mondialisation, de l’anglais. Peut-être faudrait-il profiter de ce premier cycle pour sélectionner ceux qui montrent des dispositions. Nous savons que le concept de sélection n’est pas à la mode en France’ L’école a formé et continue à former l’encadrement dont la colonie, puis le pays naissant, avaient besoin : les fonctionnaires et les commis devaient passer par là. Les cadres des administrations, les membres dirigeants de la société civile étaient d'anciens écoliers et sont maintenant des diplômés de l’Université. Ils forment une « caste » et s’auto-protègent en écartant les non diplômés, un peu comme en France les «anciens de J’ENA » monopolisent les postes de responsabilité. Pas étonnant qu’ils reproduisent les schémas qui leur ont réussi : avec eux, l’éducation a peu de chance d’être radicalement réformée pour être adaptée aux populations et aux besoins réels.
Classe primaire à effectif pléthorique
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A quand l'Afrique de Joseph Ki Zerbo — Editions de l’Aube. «L'éducation doit être considérée comme le cœur même du développement. Cela se justifie d’autant plus aujourd’hui où le principal investissement est celui de l'intelligence, de la matière grise. Plus que jamais, l'éducation et le développement doivent être mis en équation, à condition qu’il s'agisse d’une éducation adaptée. C’est là où il faut sortir du mimétisme, du recopiage pur et simple des modèles venant d’ailleurs. L'éducation telle qu’elle existe actuellement est une éducation anti-développement.»
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ee Du rôle de la culture et de l’éducation dans l’émancipation et le développement de l’Afrique. Article de Amadou Diallo. (lundi 19 juin 2006). «L'école est, en un mot, l’élément de progrès par excellence. C’est aussi l'élément de propagande de la cause et de la langue française le plus certain dont le gouvernement puisse disposer. Ce ne sont pas, en effet, les vieillards [...] que nous pouvons espérer convertir à nos principes de morale, à nos règles de droit, à nos usages nationaux. Pour accomplir avec succès cette œuvre de transformation, c’est aux jeunes qu’il faut s'adresser, c’est l’esprit de la jeunesse qu’il faut pénétrer et c’est par l’école, l’école seule, que nous y arriverons. L’appropriation par les élites africaines de leur patrimoine culturel pose la nécessité, pour elles, de jauger, de confronter leur éducation et leur culture, surtout celles reçues à l’école du blanc, ainsi que leur vision de l’avenir de leurs pays à l’aune des valeurs et des espérances de leurs sociétés respectives.»
L’URBANISATION L’urbanisation des grandes villes du Burkina est galopante. Les faubourgs gagnent chaque année sur la brousse. Ouaga est devenu tentaculaire. Saaba, qui était un village il y a dix ans, est devenu une ville quasiment intégrée à Ouaga. Ce qui constituait l’entrée de Bobo avec ses premiers hangars aux bords de la route a avancé au point que, habitués à nous arrêter chez des amis dont la cour était l’une des premières. .nous l’avons dépassée sans rien reconnaître. L’exode rural
Plusieurs facteurs expliquent un exode rural, que l’on peut qualifier de massif, et qu’il est difficile d’enrayer :
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- la démographie qui dans certains lieux « rejette » une surpopulation qui ne trouve pas à tirer un revenu ou même simplement à s’occuper, - l’appauvrissement du Sahel dû aux sécheresses plus longues et plus rudes, à une
sur-utilisation du bois de chauffe, aux sauterelles et à leur
conséquence : la désertification ….. - la fuite des jeunes scolarisés qui ayant obtenu le certificat (ou fréquenté le CM2) estiment ne pas pouvoir accepter de travailler dans les conditions de leurs parents, - les jeunes et les moins jeunes qui sont persuadés que les emplois sont nombreux et rémunérateurs dans une agglomération et que leur vie y sera plus facile, - et récemment, les familles qui avaient émigré en Côte d’Ivoire - depuis longtemps pour certains - et qui ont été obligées de revenir au pays sans avoir conservé d’« attaches » dans un village.
L'Afrique » de Sylvie Brunel - édition Bréal. « Une croissance alimentée par l’exode rural. Perçue comme le symbole de la modernité, le lieu de toutes les opportunités, la grande ville fascine les ruraux...y venir s'établir, c’est échapper au poids des traditions du village, à lautorité des anciens, à l’obligation de solidarité communautaire qui décourage l’investissement individuel et l’épargne. C’est aussi multiplier les possibilités de trouver un emploi rémunéré — du moins les ruraux le croientils — alors que le monétaire manque cruellement dans les campagnes ». L’urbanisme
Ce qui surprenait déjà le visiteur qui découvrait la Haute-Volta et celui qui découvre maintenant le Burkina est qu’il n’existe pas, dans les villes et à leurs périphéries, des favelas ou bidonvilles, faits de cartons, de plastiques, de récupérations de planches ou de tôle,
comme on en voit en Amérique du Sud, en Orient ou au Maghreb ou même, à l'ombre de certains immeubles en Côte d'Ivoire.
ho
LiF
Silnande
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Beaucoup de villes burkinabè ont su recouvrir leurs égouts, conserver leurs arbres,
créer des squares,
décorer
les ronds-points,
bref!
Ne
pas
ressembler à ce qui est attendu d’une agglomération du tiers-monde. Le Burkina se soucie - et cela se voit - de la rénovation des quartiers, de la construction d’immeubles originaux. Des opérations importantes et spectaculaires concernent, par exemple, des secteurs du centre ville et le nouveau quartier « Ouaga 2000 ». Le premier en cours concerne environ 1/6 du vieux Ouaga et on ne sait pas encore quelle population l’habitera (on peut penser à une population de classe moyenne). Le second est délibérément destiné aux riches. Comme à Paris et dans les autres capitales, cela pose la question du devenir des plus pauvres, les chômeurs par exemple (qui constituent une partie conséquente des Ouagalais), dans leur ville. Seront-ils « rejetés » à la périphérie ? Les grandes villes vont-elles organiser une sorte d’apartheid culturel et économique ? Cette situation et l’augmentation du chômage qui accompagne «mécaniquement » cet afflux de population font craindre à certains observateurs une détérioration du climat social et politique. be.
L'entrée du nouveau palais présidentiel en cours de finition en 2005
L’EMIGRATION MASSIVE En guise d'introduction, migrations d'antan.
nous
parlerons
des multiples
et importantes
Les migrations L'Afrique subsaharienne a été de tous temps une terre de grandes migrations. Les peuples se déplaçaient au gré des circonstances 118
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économiques : démographie, appauvrissement des terres, rudesse du climat, recherche de pâtures ou guerrières : conquêtes, défaites. La plupart des ethnies « voltaïques » de l’actuel Burkina viennent de territoires situés plus au sud et se rappellent être passées par l’actuel Ghana (la côte de l’or), d’autres, d’origine « mandé », viennent de pays plus à l’ouest. On ne parlait pas d’émigration ou d’immigration faute d’Etats et de frontières. Les colonisations avaient créé des zones d’influences mais s’étaient désintéressées des populations, les éclatant presque toutes dans des colonies différentes. Après les «indépendances », les migrations interafricaines continuèrent sous deux formes : les migrations internes au Burkina et ce qu’il faut bien appeler les émigrations, quoique le terme et le sens n’aient pris une consistance que depuis l’invention du concept d’ivoirité au début du XXIe siècle. Les migrations des populations du Sahel éprouvées par la sècheresse et la désertification dans les années 70 ont été une réelle préoccupation pour les gouvernements qui devaient éviter un bouleversement des habitudes et des méthodes des autochtones, et ainsi, désamorcer des conflits interethniques.
Les migrations volontaires vers les voisins du sud: Ghana et Côte d’Ivoire - mieux nantis en richesses - avaient eu un caractère éphémère : on y allait gagner un peu d’argent et on revenait ...avant d’y retourner ou d’envoyer des petits-frères ou des enfants. Dans le dernier quart du XXe siècle, des travailleurs s’y marièrent ou des familles s’y installèrent : des témoignages de ces « émigrés » sont donnés dans ce livre.
Les Burkinabè émigrés Être considérés comme étrangers à l’endroit où on vit et sur la terre que l’on cultive est incongru pour un Africain, on saisit mieux pourquoi le concept d’ivoirité (qui consiste à exclure certains travailleurs-résidents d’une communauté qui traditionnellement les intégrait) n’a pas été compris et admis. Le Burkina pauvre a été le principal pourvoyeur de main d'œuvre de la Côte d’ivoire, colonie française de la région riche de plantations. L’émigration était organisée - le mot est plaisant puisque il s’agissait de travaux forcés - par le colonisateur. Aux « indépendances », Houphouët Boigny a pris soin de ménager cette main d’œuvre qu’il savait indispensable à l’économie et au développement de son pays : les Burkinabè n’ont pas eu à émigrer massivement en Europe. Les dirigeants ivoiriens suivants, pourtant souvent présentés comme ses disciples, n’ont pas eu la même prévoyance (ou l'intelligence). On connaît la suite : invention du concept d° « ivoirité »,
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spoliation des biens des immigrés, expulsion de ceux qui avaient participé autant au « miracle » ivoirien, dont plus de deux millions de Burkinabè. Contrairement à ce qui se passait pour des populations voisines, il n’y a pas eu, dans les années 70 à 90, de « culture » d’émigration massive des Burkinabè vers la France. Aujourd’hui, les visiteurs français - souvent sollicités - constatent un désir croissant de se rendre en France : comment faire comprendre que celui-ci n’est pas raisonnable ? Même si les populations du Faso ne fournissent pas (ou pas encore) de gros bataillons aux « passeurs » à travers le Sahara ou dans les barcasses de l’Atlantique, leur sensibilité condamne les dispositions destinées à interdire ou limiter (ce qui revient au même pour ceux qui ne pourront jamais bénéficier d’une «immigration choisie »). De telles dispositions leur paraissent s’apparenter à un abandon, un oubli des services rendus, une insulte envers leurs pères et grands-pères enrôlés, blessés ou tués lors des guerres mondiales. Quant à «la fuite des cerveaux » que certains pensent pouvoir être accélérée par « l’immigration choisie », elle s’expliquait largement par une absence de postes adaptés au pays et par des mariages mixtes. Déclaration de Abdou Diouf — 2006 (ex président du Sénégal, président de la Francophonie) «vous risquez d’être envahis demain par poussés par la misère, déferleront en masse sur beau faire des législations contre l’immigration, flot parce qu’on n’arrête pas la mer avec ses
des multitudes d’Africains qui, les pays du nord. Et vous aurez vous ne pourrez pas arrêter ce bras. La Méditerranée ne les arrêtera pas. Ce sera comme une horde que vous avez connue dans votre Moyenâge. Votre intérêt est d’aider l’Afrique à se développer. II faut fixer dans leur pays d’origine les populations en voie d’émigration pour éviter qu’elles ne viennent s’entasser dans vos banlieues. »
fan
_:.Déclaration du Président Blaise Compaoré (président du Burkina)au Quai d'Orsay le 7/06/2006 : «Notre problème ici, c’est l’avenir, c’est le futur parce que lorsque vous prenez le développement mondial aujourd’hui, il est déséquilibré[...]. Nous allons vers un développement déséquilibré qui va faire en sorte que nous ayons un monde au Nord qui sera un paradis économique et au Sud un enfer économique. Et à partir de là, vous avez beau faire des lois, construire des murailles, vous n’empêcherez pas les citoyens du Sud d’aller au Nord. »
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—rf
LS
Rapatriement d’immigrés clandestins : L’introuvable juste milieu Extraits du journal Ze Pays du 6 juin 2006. «Retourner dans leur pays, qu’ils disent avoir quitté pour tourner le dos à la misère, serait synonyme de déshonneur voire de suicide. Devant un tel entêtement, quelle attitude adopter, quelle méthode utiliser sans porter atteinte à la dignité et à l’intégrité physique des intéressés, à leurs droits fondamentaux en tant qu'humains ? Dans ces conditions, il est difficile d'empêcher les populations, la frange jeune surtout, de rêver d’un ailleurs où ils pourront améliorer leurs conditions de vie. Un rêve entretenu par des images abondamment déversées dans et par les médias du Nord comme du Sud, exposant sous toutes les coutures, la prospérité de ces pays. S’il est difficile et incongru de demander au Nord de cacher sa prospérité, ce ne doit pas être la mer à boire d’inviter les dirigeants africains à revoir leurs politiques de développement. »
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Burkinabè émigrés au Ghana Octobre 2002 AKWAABA - WELCOME
Les problèmes liés à l’immigration et aux sans-papiers font sans cesse les titres des journaux en France et on peut croire qu’ils ne concernent que des migrants des pays du Sud tentant de s’établir dans les pays d'Europe. Le film Akwaaba - Welcome du réalisateur burkinabè S. Pierre Yaméogo apporte sur ce sujet un éclairage original et intéressant en élargissant considérablement les perspectives. Voisin du Burkina, mais possédant un large accès à la mer, le Ghana est un pays qui compte une importante communauté étrangère, notamment burkinabe. Le film nous fait d’abord visiter Mamobi,
un bidonville de la banlieue
nord de la capitale Accra, où vivent de nombreux Burkinabè. Etablis là souvent depuis plusieurs générations, ils se sentent toujours burkinabè ; mais ils n’ont plus guère d’espoir de retourner au pays, où d’ailleurs ils ne sont plus les bienvenus. La plupart sont des Mossi, ils parlent toujours le moré, mais avec un accent ghanéen dont se moquent les Burkinabè restés au Faso. Ils n’arrivent pas à obtenir de papiers d’identité burkinabè pour leurs enfants nés au Ghana; s’ils perdent leur passeport, les complications administratives pour le faire renouveler sont interminables. La communauté peul, très soudée et vivant quasiment en autarcie, semble
rencontrer encore plus de problèmes d’intégration, les intérêts d’éleveurs de bœufs de ses membres s’opposant souvent à ceux des cultivateurs. Des associations se sont créées, qui tentent de jouer un rôle de médiateur entre immigrés, autorités ghanéennes et burkinabè. Issa Ouédraogo préside la « Ghana - Burkina Faso Friendship Association » et œuvre en ce sens, mais les résultats sont maigres. Certains immigrés ont bien réussi au Ghana : Victor Ouédraogo, homme d’affaires spécialisé dans le transport maritime et routier, Amidou Ouédraogo, animateur vedette de la radio de l’université d’Accra, ... mais ils reconnaissent tous que ce n’est pas facile ; ils déplorent le manque de confiance
entre
Ghanéens
et
Burkinabè,
qui
nuit
beaucoup
au
bon
développement des affaires commerciales entre les deux pays. En contrepoint à toutes ces critiques, le réalisateur a interviewé l’ambassadeur du Burkina au Ghana, Marc O. Yao, qui tente de minimiser les problèmes rencontrés par ses compatriotes. Il explique que ses services délivrent aux Burkinabè vivant au Ghana une «carte consulaire » équivalente à une carte de séjour, que ceux-ci ont tort de confondre avec une carte d’identité nationale. Il avoue cependant que le vrai problème est le 122
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nombre considérable de Burkinabè établis au Ghana : même s’il n’est pas connu précisément, il atteint plusieurs millions; si tous ces gens possèdent des papiers en règle et décident de rentrer au pays, cela posera d’énormes problèmes ! La plupart des Burkinabè vivent à la campagne, et le réalisateur poursuit son enquête dans une plantation de la région Ashanti, à deux heures de route de la capitale. La situation ressemble à celle de la ville : le chef Haroun Saana, 73 ans, raconte qu’il est établi ici depuis 1945 et marié à une Ghanéenne ; il est propriétaire de son exploitation. Les jeunes gens de 15 à 20 ans qui travaillent dans ses champs et constituent la relève sont nés ici mais se disent burkinabè. D’autres n’ont pas les moyens d’acheter la terre qu'ils cultivent et la louent à des propriétaires ghanéens : ils se plaignent de ne pas être traités en égaux par ceux-ci et craignent toujours de se faire rouler. La conclusion du film est pessimiste : quel avenir attend ces millions de Burkinabè qui savent qu’ils ne retourneront jamais au pays mais vivent dans la nostalgie perpétuelle d’un impossible retour ? Il peut en tout cas ouvrir les yeux de nombreux Français - dont je suis - sur un problème bien peu traité par les médias occidentaux et leur permet d’approcher un peu plus la complexité de la réalité africaine. Marie-Christine Pâris
Burkinabè émigrés en Côte d’Ivoire La situation en Côte d’Ivoire
Avril 2004 et septembre 2006 Pourquoi s’étendre sur un problème qui concerne les Ivoiriens alors que nos bulletins traitent des Burkinabè ? Historiquement, les deux pays ont toujours été très liés au point de ne former, un temps, qu’une seule colonie. Le Burkina pauvre, appelé alors la Haute Côte d’Ivoire, fournissait la main d’œuvre à la partie riche (en bois précieux, en café et cacao, en fruits exotiques) de Basse Côte. Economiquement, les Burkinabè entretenaient leurs villages en envoyant le maigre revenu de leur travail d’exil. Et la situation s’est perpétuée au point que la Côte d’Ivoire a compté plus de deux millions de résidents d’origine burkinabè. Certains s’y étaient installés, y avaient fondé des familles... On ne parlait pas d’étrangers, mais de frères africains. Si, encore hier, beaucoup de Burkinabè vivaient de la Côte d’Ivoire, la
Côte d’Ivoire vivait et s’enrichissait grâce aux Africains étrangers qui y travaillaient.
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Abidjan dans les années 70
Petit retour aux années 70 et 80 :
Lorsque je séjournais en Côte d’Ivoire le pays était dirigé par HouphouëtBoigny et son parti, le PDCI/ RDA. Le régime reposait sur un système de « parti unique » et je dirais « obligatoire » : je me rappelle avoir observé les barrages de police qui exigeaient la carte du parti à tout cycliste ivoirien qui passait par là. Ces barrages étaient très fréquents aux entrées des deux seuls ponts d’Abidjan qui relient les différents quartiers de la ville. La presse était représentée par un seul quotidien Fraternité-matin étroitement contrôlé. La radio et la télévision étaient d’Etat, les paraboles n’existaient pas. Yamoussoukro (prononcer : Yam”’ssoukro) était un petit village sur la route de Bouaké et non la Capitale politique qu’elle est devenue. Houphouët avait déjà fait construire son palais dans un magnifique parc avec une mare aux caïmans mais la fastueuse cathédrale, copie de St Pierre de Rome, et les autres
monuments délirants n’occupaient pas encore le terrain. La famille du Président a montré l’exemple de l’investissement capitaliste en devenant l’un des plus gros propriétaires de plantations du pays. Donc il s’agissait d’une démocratie un peu particulière. Le Président justifiait le système par la jeunesse de l’Etat qui aurait pâti d’un système plus démocratique. Il a été élu et réélu avec des scores dignes d’une république
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bananière à la satisfaction de tous les pays occidentaux qui se réjouissaient d’avoir là un partenaire aussi sérieux et stable. Le Président était appelé « le vieux » par les Ivoiriens et «le sage de l’Afrique» par le monde entier. L’argent, les investisseurs et les personnels expatriés ont afflué. J’ai rencontré par hasard, sur les marches de la grande poste d’Abidjan, un camarade de service militaire. Il représentait à Abidjan une firme qui, en France, avait une activité précise. Ici l’entreprise fonctionnait comme un «comptoir » : elle procurait n’importe quoi à n’importe qui. Le retour sur investissement était particulièrement court et mon ami me disait que ses amortissements et ses marges étaient tels, qu’en cas de nécessité d’avoir à quitter rapidement le territoire, les pertes seraient limitées, quasiment nulles. Ce fut « le miracle ivoirien ».Tout le monde était content. Je ne parle pas des petits villageois et en particulier de ceux qui n’appartenaient pas aux ethnies au pouvoir (celles du Nord par exemple)... On se doute que tous les postes importants étaient distribués aux copains ou à des personnes inféodées au Président : en majorité des Baoulés, l’ethnie d’Houphouët, mais aussi à quelques non-Baoulés alibis. Evidemment un tel régime pour fonctionner et perdurer a dû « écarter » tous ceux qui se croyaient une vocation politique ou syndicale et les intellectuels qui ne se nourrissaient pas de la pensée unique.
Si j'évoque, ici, cette période péripéties ultérieures du pays.
c’est que,
selon
moi, elle explique
les
Par la suite, la Côte d’Ivoire a sombré dans une rébellion qui ressemble à une guerre civile. Pour l’expliquer, on s’accroche à une opposition - qui serait ancestrale - entre les religions ou les ethnies, entre le christianisme et l’islam,
entre les populations du nord et celle du sud. Certes, les populations qui vivent dans la région côtière et de la forêt tropicale (où il y a de moins en moins de forêts) et ceux qui vivent en savane (le nord) sont différentes, par leur sol, leurs richesses,
leurs activités,
leurs habitudes
alimentaires,
leur éducation,
même
leurs physiques et leurs physionomies. J'ai toujours considéré ces populations particulièrement tolérantes. Alors, qu'est ce qui aurait changé en Côte d’Ivoire ? La situation économique : suite à une récession liée à la chute des prix du café et du cacao à partir de 1985, suite aussi aux rivalités ou à l’incompétence du pouvoir après la disparition d’'Houphouët-Boigny en 1993. La situation politique : les hommes en place, pour se maintenir, de nouveaux, pour s'imposer, font feu de tout bois pour conforter leur position. Diviser pour
Les nouvelles données
régner est une méthode universelle : on a donc opposé les hommes en utilisant la différence de religion, d’origine ethnique, d’appartenance géographique. L’ «ivoirité », ce concept xénophobe, a été forgée par Konan Bédié. Laurent Gbagbo s’en est arrangé. Le concept a deux avantages : il permet d‘écarter du
pouvoir Alassane Ouattara - ancien 1” ministre plutôt efficace - qu’on veut considérer comme « mauvais ivoirien ». Il permet aussi d’interdire l’accès à la propriété des terres à ceux qui les ont mises en valeur depuis des décennies : les travailleurs émigrés burkinabè, maliens, guinéens, ghanéens. La situation religieuse : avec la montée en puissance de nouvelles églises (qui, pour moi, s’apparentent à des sectes). En particulier l’Eglise NéoPentecôtiste qui s’oppose « viscéralement » à l’islam qui, pour elle représente « Satan ». Quand les journaux parlent « de Chrétiens » c’est à ces églises qu’il faut penser et non aux catholiques ou aux réformistes classiques. De l’autre bord, l’arrivée d’argent,
et donc d’influences,
des « wahhabites » modifie
la
donne d’un islam qui était auparavant particulièrement tolérant en Afrique noire. Une décennie de pouvoir où les pires sentiments de la préférence nationale et de xénophobie ont été systématiquement exacerbés suffit à expliquer la situation : un voyou reste un voyou quelles que soient sa religion et la couleur politique qu’il affiche. Rencontrant un ami africain, nettement plus instruit en sciences politiques que moi, je m'étonnais qu’ Houphouët - homme clairvoyant - ait aussi mal préparé sa succession. Il me répondit qu'il avait eu raison et qu'il aurait fait comme lui ! « Depuis sa disparition, as-tu entendu parler de détournements, de scandales financiers, d'éliminations physiques qui le mettraient en cause ou mettraient en cause sa famille ? … Il a donné suffisamment de grain à moudre aux Îvoiriens pour qu'ils oublient ces broutilles ».
Par ailleurs, alors que Houphouët avait aidé Taylor dans sa conquête du pouvoir au Libéria, celui-ci eut des vues sur l’Ouest de la Côte d’Ivoire (populations « Krou » proches des Libériens) à la mort du premier. Les alliances se modifièrent et on prétendit alors que le gouvernement du Burkina soutenait activement le dictateur (les Ouagalais parlaient d’« Air mystère » à propos des avions qui se posaient en catimini et de nuit à Ouagadougou).
Jean-Claude Bourguignon
126
Les nouvelles données
Témoignages de Burkinabé revenant de Côte d’Ivoire Janvier 2007
F
Mon oncle spolié…
Mon oncle avait une plantation en Côte d'Ivoire. Après le décès de l’ancien propriétaire ivoirien, celui qui lui avait vendu la plantation, les enfants de celui-ci contestèrent le bien-fondé de la vente : ils n’avaient pas été consultés. L'affaire alla en justice qui restitua la terre aux enfants mais } accorda une compensation de | 100.000 FCFA à mon oncle. L’indemnité ne fut jamais payée. L’oncle est revenu récemment où 1l cultive la terre de son papa. | S’il en a l’occasion, il retournera en Côte d’Ivoire… Champ
d'ananas
Janno
Transporteurs rançonnés.… Avec
mes
grands-parents,
mes
parents, mes
frères et soeurs, nous
vivions en Côte d’Ivoire. Je suis revenu au Burkina juste avant la crise de 2001 car, n’étant pas ivoirien, il m'était impossible de m'inscrire à l’Université d’Abidjan. Mon père a une petite entreprise de transport de marchandises. Il entretient depuis deux générations des relations professionnelles, amicales et même familiales avec la population locale : la Côte d’Ivoire est son pays. Il n’envisage pas de «revenir » ou plus justement de « se rendre » au Burkina. Je suis arrivé à Ouaga avec un pécule suffisant pour m'installer et m'inscrire. La crise de 2002 a affecté le revenu de l’entreprise et de toute façon, l’argent ne pouvait plus me parvenir. La population agni de la région est plutôt placide et ne nous était pas hostile, mais les militaires et les policiers rançonnent les étrangers, en particulier les transporteurs qui ne peuvent pas éviter de circuler. J’ai eu des moments difficiles mais j’ai trouvé une vraie solidarité chez les autres étudiants revenant de Côte d’Ivoire : nous sommes frères.
Après mes études, j'envisage de m'installer au Burkina ou de travailler en Europe, maisje ne repartirai pas en Côte d'Ivoire. Adama Ouédraogo 127
Les nouvelles données
Vivre en pays bété… Mon père est parti à l’âge de 15 ans en Côte d’Ivoire et n’est jamais revenu au Burkina. Il a six enfants et cultive la petite plantation qu’il a acquise. J’ai fait ma terminale à Gagnoa (région d’origine du Président Gbagbo) mais pour m'inscrire en fac se posaient des problèmes de nationalité, de carte de séjour et les frais d’inscription sont hors de portée d’un petit planteur (200.000 F CFA) : je me suis inscrit à Ouaga un mois avant la crise. Je n’ai pas obtenu de bourse et pas de chambre universitaire, nous n’avons bénéficié d’aucun secours. Mes parents ne peuvent plus financer mes études. La vie est devenue très dure pour les étrangers en pays bété : les dossiers de propriété sont transmis à la justice en cas de décès du propriétaire (biens non transmissibles), les terres peuvent être confisquées à tout moment, les récoltes doivent être partagées avec l’ancien propriétaire, le transport des marchandises est frauduleusement taxe”
Je n’imagine pas mon
père vivre au Burkina, à Yako
sa région
d’origine, malgré les risques, il n’a pas le choix. Beaucoup de mes amis d’enfance ont été enrôlés dans l’armée ivoirienne et ont été tués. Aussi,je n’ai pas à me plaindre. [li Biévianda Vincent Pour rester au Burkina, il faut être un battant.
Après mon CEP, mon père a refusé de me payer le collège. Je me suis réfugié chez un oncle à Bobo puis enfui en Côte d’Ivoire. J’ai rejoint un parent commerçant puis je suis parti travailler dans une plantation d’hévéas. Ensuite, j’ai été embauché
dans une palmeraie. Les Ivoiriens
n’acceptent pas de travailler dans les plantations où le travail est dur. Le patron italien reconnaissait mon expérience, mon ardeur au travail et m'estimait : J'étais commis et dirigeais quarante personnes. Arriva un « assistant » ivoirien imposé par l’administration qui, tout de suite, me détesta. Il y eut dispute et le patron fut contraint de me licencier après six ans de service. Je connus une aventure comparable en 1995. Le Président de l’époque avait décidé | «ivoirisation » de tous les postes à responsabilité. Contrôleur du conditionnement dans une bananeraie je fus déclassé et remplacé par un Ivoirien, certes diplômé, mais incompétent : c’était me pousser à la démission.
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Les nouvelles données
Responsable local du PDCI-RDA (parti gouvernemental ivoirien de l’époque) je sentais tourner le vent et conseillais à mes amis expatriés de se préparer à partir : « même si on ne vous chasse pas, vous partirez ». Je travaillais alors dans une entreprise canadienne qui, elle aussi, a été forcée d’ivoiriser les postes. Rien n'allait plus en Côte d’Ivoire, les entrepreneurs étrangers n’investissaient plus lorsqu'ils ne quittaient pas le pays. Je décidais de rentrer au Burkina, sans bagage, sans argent. Mais J'avais de la famille et suis entreprenant. J’ai pris la daba et me mis au travail des champs. Je travaille maintenant dans l’entreprise de construction familiale. Rapidement je pris des responsabilités au CDP (parti du Président burkinabè). Les activités politiques étant trop prenantes, je les ai abandonnées au profit des « ABC » (Amis de Blaise Compaoré) dont je
suis devenu un coordonnateur. Je préside également un groupement céréalier, il faut savoir se battre. Mais pour ceux qui n’avaient pas de famille et d’amis pour les recevoir au Burkina, pour ceux qui n’avaient pas le tempérament battant ou qui étaient trop vieux ou trop fatigués, le retour a été un calvaire. Beaucoup sont tombés malades, certains sont morts. La plupart sont repartis en Côte d’Ivoire, malgré les risques, malgré les balles. On ne peut pas dire qu’ils ont été accueillis : ils ont été les victimes de la crise ivoirienne et malgré cela ils retournent en Côte d’Ivoire et ceux qui n'étaient pas partis, restent. Ceux que vous pouvez rencontrer au Burkina, que vous pouvez interroger font partie de la minorité entreprenante, apte à se reconvertir et qui avait conservé des attaches au pays. Isaac Somé
Repartir malgré les risques. Après le décès de mon père, nous n’avions plus les moyens d’aller à l’école. Je suis parti en Côte d’Ivoire à l’âge de 22 ans, j'y suis arrivé en 1983. Je suis revenu au pays pour me marier et à chaque congé. Je suis reparti avec ma femme, mais sans jamais couper avec mon village. Les débuts ont été difficiles je n’avais pas de diplôme et n'étais pas ivoirien. Les Ivoiriens, eux, voulaient travailler dans les bureaux et il y avait donc toujours du travail pour les étrangers courageux. J’ai eu trois enfants, la vie était relativement facile et nous étions entourés de Burkinabè de ma région (des dagari).
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Les nouvelles données
J'ai travaillé dans une grosse entreprise américaine de bananes comme chef de block pendant vingt sept ans. J’attendais ma retraite, six ans après. Il y eut alors une récession : tracasseries en Côte d’Ivoire et moindre demande de bananes aux USA, d’où une compression d'effectifs. Parallèlement, la Côte d’Ivoire a décrété l’ « ivoirisation » des
postes d’encadrement : il y eut une rivalité entre les occupaient les postes à la satisfaction des patrons et des instruits qui désiraient surtout les salaires correspondants. rentrer au Burkina le 20 avril 2006, avec ma femme et
étrangers qui Ivoiriens plus J’ai décidé de un enfant, les
deux autres étant restés dans la famille à Ténado (au Burkina)...
Je suis chômeur et un peu perdu. Je vis d’un petit commerce, mais je n’envisage pas de repartir. N’ayant jamais rompu avec les parents et les
amis, j’ai été bien accueilli et aidé ici. Je ne me fais pas trop de soucis au sujet de ma retraite. D’autres sont beaucoup plus à plaindre : leur travail était plus ou
moins déclaré ou ils travaillaient pour des Ivoiriens, ils risquent d’être privés de retraite. Ayant quitté le Burkina depuis longtemps, ils n’y connaissent plus grand monde et souvent n’y ont plus de famille. Que peuvent-ils faire ? Repartir malgré les risques. Faustin Dabiré | X X *X
Le groupe « Bézou » est composé de musiciens et de chanteurs burkinabè revenant de Côte d’Ivoire - Quelques extraits des paroles de leur « tube» : «.. Le Burkina, il est beau, il est bon...En vérité, quel pays est ce pays où il fait bon vivre...C’est notre pays - il y a la santé, il y a la paix, il y a l'argent... ». * *X *#
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L 9 ECONOMIE
L'économie
Texte publié au Site officiel du Burkina-Faso — 2006.
D BURKINA FASO Bienvenue au WEB MAIL de l'Administration
Le développement économique du Burkina Faso est handicapé notamment par l'enclavement du pays et par la pauvreté de son sol latéritique qui ne retient pas l'eau. L'approvisionnement en eau constitue un problème crucial à la fin de chaque saison sèche et, sauf dans le Sud, les possibilités d'irrigation sont réduites. Environ
11% du territoire sont cultivés, parfois de façon itinérante, et
37 % sont couverts de pâturages. Le sous-sol, en revanche, offre des possibilités : le Burkina Faso, réputé autrefois pour ses petits gisements d'or et le travail de ses forgerons (l'alimentation des bas fourneaux pour la réduction du minerai de fer a pu contribuer au déboisement du pays), possède aussi des gisements de manganèse, de cuivre, de fer, de cassitérite (minerai d'étain) et de phosphates. Le Burkina Faso est un pays très pauvre. Le produit national brut (PNB) était estimé en 1994 à 3,2 milliards de dollars, le PNB
dollars par an. Le représente un espoir dollars. L’aide extérieure vient principalement d'économie
par habitant à moins de 320
développement du secteur minier, amorcé récemment, pour le pays, endetté, en 1994, à hauteur de 1,23 million de
étatisée,
est importante, elle peut être privée (ONG) ou publique et de la France et de l’Union européenne. Après douze années le
Burkina-Faso,
sous
l’égide
du
fond
monétaire
international, s’est converti à l’économie libérale et a engagé un programme de privatisations importantes. L'exploitation du gisement de manganèse de Tambao, commencée en 1993, suscite de grands espoirs, mais nécessite le prolongement de la voie de chemin de fer de Ouagadougou, le gisement d'or de Poura a donné trois tonnes de métal en 1994. La région septentrionale est également riche en bauxite, magnétite, zinc, nickel et phosphates. Le principal domaine industriel est l'agroalimentaire (brasserie, boulangerie), en plus d'une chaîne de montage de motocyclettes pour une marque française. Le recyclage systématique des objets manufacturés, alimentant un marché parallèle important, est indispensable pour le pays.
L'électricité est produite dans des centrales thermiques dont la majeure partie fonctionne au pétrole raffiné. Elles fournissaient, à la fin des années 1980, 125
millions de kWh par an. La récente mise en service des barrages de Kompienga et de Bagré en 1993 autorise des espoirs d'autosuffisance énergétique dans un proche avenir.
132
L’économie
LES RESSOURCES
NATURELLES
Octobre 2006 Des ouvrages ou des articles d’économie portant sur l’Afrique prétendent que le continent est riche de multiples ressources minières, agricoles et hydriques (l’eau). De telles allégations ont de quoi surprendre les Burkinabè et leurs amis. Evidemment, les auteurs additionnent les plantations de café et de cacao de Côte d’Ivoire, les diamants du Congo, le bois du Gabon, les
réserves de pétrole du Nigeria, du Cameroun et du Gabon. Ils intègrent Afrique sub-saharienne, le Maghreb, l’Afrique de l’Est et du Sud et même une partie du Proche-Orient. L’eau des Grands Lacs et celle des abondantes pluies de l’Afrique centrale sont ajoutées aux débits des grands fleuves...Même si les grands organismes internationaux ont affiné leur vision au niveau « sous-continent », il n’est pas sûr que leur échantillon rende entièrement compte de la réalité du Burkina. Comme chacun le sait, le Burkina
n’est
arrosé
par
aucune
rivière
permanente et n’a pas de gisement prometteur. La terre, chargée de latérite, qui ne retient pas suffisamment l’eau de pluie est peu productive. Mais peut-être que cette pauvreté naturelle a engendré la richesse du pays : le courage et le travail de ses populations. Les visiteurs sont étonnés de découvrir que, malgré la chaleur, le manque
d’eau
et de bonnes
terres,
les Burkinabè sont au travail, nous parlons des villageois, c'est-à-dire des paysans et artisans des villages ie PIS minime. Leur
Gros courage
or légendaire
Femme piochant pour récupérer du gravier (ce travail lui rapporte 1.5 € par jour)
était bien connu des employeurs ivoiriens. Dans les grandes villes, dont la population a explosé, la situation du chômage est malheureusement beaucoup plus préoccupante. Elle s'explique par différents facteurs : l’absence d’industrie, le manque d'emploi du secteur tertiaire, un exode rural - en particulier des jeunes qui ont été
133
L'économie
scolarisés et qui rêvent de gagner plus et vivre mieux - le rapatriement des travailleurs immigrés en Côte d’Ivoire… Evidemment, à l’instar de ce qui est arrivé à quelques pays africains, tous espèrent la découverte d’un filon qui permettrait au pays de décoller durablement. Lors d’un voyage, le Président Français de l’époque (Mr Georges Pompidou) pensant néfaste d’entretenir un espoir illusoire, avait martelé le sol du pied en déclarant : «il n’y a rien là en dessous, 1l faut vous faire à cette idée ». L’espoir n’a pas disparu et s’est tourné vers l’or, qui est exploité (les quantités annoncées sont très différentes selon les sources), et d’autres minerais (manganèse, bauxite...) ; mais leur teneur, leurs moyens d’acheminement, le marché international les rendront-ils rentables ? Parmi les autres difficultés, citons l’enclavement du pays et son
éloignement des accès maritimes et maintenant - depuis les événements de Côte d’lvoire - la raréfaction (voire l’absence) de liaisons ferrées. Auparavant, le Burkina avait conservé de la colonisation un lien économique et un partenariat obligé avec son voisin. Depuis, le pays a dû se tourner vers de nouveaux partenaires et voisins : peut-être cela constituera-til une retombée positive des événements ?
LE SECTEUR « INFORMEL » Un système économique original à l’échelle des possibilités des populations - et en particulier des femmes, très actives dans l’artisanat et le petit commerce - a été « inventé » sur place et s’est généralisé. II s’agit « de micro-entreprises » individuelles ou familiales, non déclarées, ayant acquis
maintenant un statut (donc commençant à payer des impôts): il est compris et maîtrisé par les acteurs et, heureusement, admis par les gouvernements. C’est le secteur économique qui comporte - et de beaucoup - le plus de travailleurs. Notre ami Anselme Sanou écrivait en 2002 dans son mémoire Entreprenariat et conseil d'entreprise au Burkina-Faso : «...Le secteur informel, très développé au Burkina-Faso, est caractérisé, d’une part, par une grande diversité des acteurs et des activités, et, d’autre part, par une grande capacité d’adaptation à l’évolution de la situation économique nationale. Il contribue pour près de 25% du PIB et à 80% des emplois non agricoles.
134
L'économie
Entre 1985 et 1995 ce sont les emplois manufacturiers qui ont connu la plus forte croissance (127%). Leur part dans l’emploi informel a augmenté
de 22,1%
à 29,6%.
Le secteur informel crée plus de la moitié de la valeur ajoutée des différentes branches de l’industrie alimentaire et 65,9% pour les textiles, 81,9% pour la menuiserie
bois
et
métal,
et
68,5% pour les industries extractives (orpaillage). L’artisanat qui est une composante dynamique du secteur informel, occupe une place importante dans lPéconomie. » Octobre 2001
D’après le directeur de PONAC (Office National du Commerce Extérieur du Burkina), près de 30% de la population active, soit près de 2 millions de personnes, tirent leurs revenus de l’artisanat. Il contribuerait à environ 20% du PIB. Il est constitué d’une multitude de petits ateliers du « secteur informel » (entreprises non enregistrées) possédant un équipement et un outillage rudimentaires. Beaucoup d’artisans sont des femmes qui s’adonnent à leur activité à la saison sèche. La profession est en cours de structuration et l’exportation, encore faible, est en développement.
L'AGRICULTURE Octobre 2006 C’est le secteur qui fait travailler et qui nourrit — et de beaucoup — le plus de Burkinabè. On peut schématiquement différencier les productions en « cultures vivrières » et « cultures de rente». Les cultures vivrières sont celles des produits qui seront consommés par les producteurs eux-mêmes et leurs proches. Lorsque ceux-ci sont vendus ou échangés, ils le sont localement. Ils ne sont pas exportés et ne se traduisent donc pas par une rentrée de devises. C’est le cas des cultures de mil, sorgho, 155
L'économie
maïs, haricot, fruits et légumes obtenus dans les bas-fonds
inondés à la
saison des pluies. C’est aussi le cas du riz et de la canne à sucre dont les productions sont globalement faibles et pas significativement exportées. Les cultures vivrières ne permettent pas au pays de s’équiper et se développer, mais permettent aux populations de subvenir à un besoin élémentaire : se nourrir. Les cultures de rente, et au Burkina il s’agit presque exclusivement du coton, sont destinées à l’exportation. Elles constituent la principale entrée de devises. Il est intéressant de constater que le Burkina qui produisait luimême les cotonnades destinées à habiller les populations exporte maintenant presque tout son coton et importe des fripes ou des vêtements d’Asie. Effet de la mondialisation. On présente souvent ces deux genres de cultures comme complémentaires : il faut avoir de quoi manger, et disposer d’un peu d’argent pour faire fonctionner l’Etat et développer le pays. On comprend alors l’incitation des gouvernements successifs à augmenter la production de coton.
Mais on entend aussi qu’au lieu d’être complémentaires, ces cultures seraient concurrentes. Concurrence au niveau des agriculteurs, qui choisissent l’une au détriment des autres et surtout concurrence au niveau des terres. Les terres agricoles du Burkina ne sont pas extensives, le coton les appauvrit et les pollue ... Evidemment, de mauvaises langues prétendent que les dirigeants et intermédiaires corrompus (s’ils existent) ne tirent rien de l’une et vivent de l’autre. Il est vrai que — moyen d’incitation et peut-être d’implication dans le système — les villageois qui cultivent le coton s’en voient récompensés. On se retrouverait donc devant un choix: réduire les cultures qui nourrissent pour, en contrepartie, étendre celles qui rapportent, ou l’inverse. Choix délicat mais primordial.
La filière coton : l’or blanc du Burkina Mai 2007 Le Burkina est devenu le premier producteur de coton de l’Afrique subsaharienne avec 610 000 tonnes de coton graine en 2005/2006 On a dit que la culture du coton était l’activité qui faisait rentrer le plus de devises au Burkina. Elle est donc privilégiée par l’Etat et fait l’objet de campagnes de promotion auprès des agriculteurs. En conséquence, ceux-ci en tirent un revenu supérieur au revenu procuré par d’autres cultures. Des détracteurs - il y en a toujours - prétendent que remplacer des cultures de 136
L'économie
subsistance par des cultures de rente n’est pas forcément la solution pour un pays qui est à la limite de l’autosuffisance alimentaire. La campagne cotonnière 2007/2008 commence par deux mauvaises nouvelles: - la diminution du prix d’achat du coton de 12% - l’augmentation du prix des intrants (principalement insecticides) de 30%. Les producteurs avaient dû faire face dans un passé récent à des augmentations de TVA, à la suppression de subventions nationales, à la diminution des prix internationaux liée aux subventions que perçoivent les producteurs d’autres continents - voire d’autres pays africains. (La chute des prix mondiaux d’achat aux producteurs est persistante : 0,25 € payés en 2006 pour 0,32 € l’année précédente). Ces dégradations inquiètent aujourd’hui les cotonculteurs burkinabè. Par ailleurs, ils prennent conscience que la recapitalisation de la société cotonnière quasi-monopolistique « Sofitex », la caution des banques et le rééchelonnement des dettes ne sont pas un don et qu’ils risquent d’avoir à mettre la main à la poche. Du coton transgénique au Burkina D’après l’AFP (24/11/2006), le Burkina s’apprête à lancer la culture transgénique du coton dès juin 2007 en s’adressant d’abord à « des paysans leaders ». D’après les autorités, cette technologie va réduire les coûts de production en éliminant les traitements aux insecticides. L’accroissement de la production à l’hectare pourrait être de 30%. Une «coalition pour la protection du patrimoine génétique africain du Burkina » s’est déclarée inquiète face à cette perspective.
Stockage du coton au village
13%
L'économie —mû
_ Négociations sur le coton à l'OMC — Extraits du journal L'Oservateur Paalga du 16 juin 2006. « … Cela est préoccupant lorsque l’on sait que les Etats-Unis sont un grand producteur et exportateur de coton (30% des exportations mondiales) et que l'impact des aides américaines est donc prépondérant sur le cours du coton fibre sur le marché international... »
L'Afrique de Sylvie Brunel (Editions Breal)
«Il est essentiel que les paysans africains puissent être correctement rémunérés pour leurs récoltes : c’est la condition pour qu’ils s’engagent enfin dans l’intensification et pour que les pays africains puissent se développer sur une base solide en créant un marché intérieur. Donner du pouvoir d’achat aux paysans, c’est sauver l’Afrique. Mais cela, les dirigeants africains eux-mêmes doivent le comprendre: depuis Îles indépendances, ils n’ont jamais cessé de taxer la paysannerie, ...».
LE COMMERCE
EQUITABLE
Avril 2003 - Edito Le « commerce équitable » est né de la volonté d’assurer une plus juste rémunération de leur travail aux producteurs du tiers-monde. C’est un concept généreux qu’il s’agissait d’organiser et de promouvoir. Des associations, telles qu’Artisans du Monde, s’y sont consacrées. Mais comme le «BIO », c’est devenu une
mode, un marché porteur comme
disent les
commerciaux. De grands circuits de distribution s’en emparent : réelle volonté de solidarité, honnête occasion de surfer sur une demande ou simple occasion de profiter (faire du profit) d’un élan initié pour d’autres motifs ? Mettre en place un circuit de commerce équitable n’est pas simple. Il faut sélectionner des agriculteurs et des artisans aptes à assurer une continuité de production et mettre en place un système et une structure de contrôle. La qualité et la présentation des produits proposés doivent séduire les acheteurs occidentaux potentiels. Aussi, par exemple, la plupart des produits alimentaires à base de matières premières du tiers-monde sont manufacturés en Europe : n’est-ce pas dommage de le priver de la partie la plus rentable de la production ? Cela ne rappelle-t-il pas l’époque coloniale ? Le système
138
L'économie
européen de taxation douanière des produits manufacturés par les pays du tiers-monde n’en est-il pas une des causes ? En pratique, pour faire fonctionner un système de commerce équitable, il faut des organismes de certification ou de labellisation comme « Max Havelaar », des centrales
d’achats
et leurs structures
de contrôle
- celle
d’Artisan du Monde s’appelle « Solidar’monde » - des points de vente, boutiques, marchés et maintenant grandes surfaces. Le Burkina est, dans ce domaine comme dans d’autres, un pays pauvre. Il est ignoré de «Max Havelaar» qui n’y a délivré aucun label et «Solidar’monde» ne distribue que des mangues séchées (voir l’article de Colette qui y est consacré) et des objets d’artisanat. A leur initiative, des comités départementaux d”’ «Artisans du Monde» commercialisent quelques autres produits... Evidemment, le pays n’est pas connu pour sa production de café, de cacao ou de sucre qui sont les produits de base actuels du commerce équitable.
Témoignage Le cercle des sécheurs de mangues (CDS)
Avril 2003 Créé en 1992, le Projet du CDS | mangues proviennent de vergers est de commercialiser des mangues | situés dans le sud ouest du Pays. séchées. A l’origine de la création du Cercle des Sécheurs se trouve un groupe de femme Naam, très impliquées dans le projet des mangues séchées. Ces femmes s’appuient sur une vieille tradition qui repose sur le travail des champs en commun, une vie basée sur la solidarité. C’est dans le nord du BurkinaFaso que se sont développés les premiers groupes, pour ensuite
s'étendre dans le pays entier. Ils sont réunis en une association: «6S»: Se Servir de la Saison Sèche en Savane au Sahel. Les
139
L'économie
Les fruits sont triés en fonction de leur qualité, lavés, épluchés et séchés dans un four mixte (solaire ou gaz) durant 24 heures.
Depuis sa création le CDS a créé ou généré la création de 600 emplois dans la production de fruits séchés. Il commercialise la production de ses membres (5 groupes fondateurs et 4 nouveaux membres) et « d’usagers ». La demande de fruits et de légumes (oignons, tomates) séchés a augmenté sur le marché. Pour beaucoup de groupes, répondre à cette demande permet d’en faire une activité importante procurant une source de revenus tout en participant également à la mise en place d’un système alimentaire stable. Le CDS s’est ainsi ouvert à d’autres fournisseurs, entreprises ou groupes privés répondant aux critères suivants : une rigueur de travail, le respect des quantités commandées, des conditions de travail et de paiement justes pour les employés. En 1998, 46 Tonnes de mangues ont été exportées réparties comme suit : 65 % pour le commerce équitable, 6 clients dont « Artisans du Monde ». 35% pour le commerce classique, 2 clients. La majorité des producteurs sont des femmes (80%). Depuis le début, ce sont les femmes qui ont bénéficié d’emplois à travers le projet. La plupart de ces femmes utilisent l’argent saisonnier des ventes de mangues séchées pour la scolarité de leurs enfants. Leur travail de cultivatrice leur permettant tout juste de nourrir leur famille. Production biologique : 3 unités de production biologique, parmi les membres, ont été sélectionnées par le CDS pour fournir des mangues biologiques. Le séchage des mangues est plus rémunérateur que n’importe quel petit boulot « informel ». Selon le CDS, en 45 jours de travail consacrés à la production de fruits secs, on peut gagner 410 FF. Depuis la création du CDS de nombreux pas ont pu être franchis en termes d’autonomie et de développement durable : une clarification des structures l’assurance qualité sur les produits une gestion professionnelle de l’organisation le développement de la production biologique. Colette Mazziotta LE
140
L'économie
L'EMPLOI Témoignage L'emploi des jeunes ruraux au Burkina-Faso Novembre 1996 Depuis quelques années, la problématique de l'emploi est en passe de devenir la principale préoccupation au "pays des hommes intègres"!. En effet, chômage et emploi sont des concepts qui font l'objet chaque année de débats, de séminaires et de conférences, alimentent les chroniques quotidiennes des différents organes de presse ou sont au centre des discussions entre les parents ou les jeunes gens quand ils se rencontrent. C'est dire à quel point le problème de l'emploi reste réel et le chômage une véritable plaie qui affecte la société burkinabè notamment dans la couche des bras valides, c'est-àdire les jeunes. Mais à côté des jeunes diplômés sans emploi, sortis des universités ou des grandes écoles qui arpentent à longueur de journées les locaux de l'Office National de la Promotion de l'Emploi (ONPE) ou les bureaux des différentes entreprises de la place, en quête du moindre boulot, ce sont des milliers et des milliers d'enfants qui quittent leur village pour la ville.
LES JEUNES RURAUX On les reconnaît facilement par leur jeunesse, leur innocence et leur naïveté. Leur âge, en moyenne 12-17 ans, leur objectif: trouver du travail et faire fortune. Paradoxalement, l'enfer de la ville apparaît à leurs yeux comme un Eldorado, un
monde
meilleur
à découvrir
et à vivre.
Un
connaîtront le vrai visage que lorsqu'il les aura transformés à sa guise, parfois en jeunes marginaux.
monde
dont
véritablement
hélas,
ils ne
conquis
et
Dans les grands centres urbains comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Ouahigouya, on les rencontre vendant de l'eau, des beignets ou des sandwichs. Mais ils sont encore plus nombreux, ceux qui tous les jours sont à la recherche d'un emploi comme domestique, serveur dans un débit de boissons ou dans des milieux plus sulfureux où sévissent le vol, la drogue, la prostitution. Tinga et Fatou sont partis de leur village pour Ouaga voilà de cela 14 mois pour le premier et seulement 8 mois pour la seconde.
! Traduction française de « Burkina-Faso »
141
L'économie
TINGA Il a aujourd'hui 15 ans et est originaire
madame
Kaboré.. Aussitôt, il ressort.
de Kipala, un petit village du | Quel garçon infatigable! département de Zabré dans la province de Boulgou, situé à 170 km au sud de la capitale. Il est employé chez les Kaboré comme vendeur d'eau glacée. En réalité, c'est Madame qui est l'employeur de Tinga. C'est elle qui, comme la plupart des femmes de la capitale, a eu l'idée lumineuse d'ouvrir ce petit commerce: la vente d'eau glacée pour renflouer le budget familial. Un congélateur et une glacière et le tour est joué. Chaque jour, dès 8 heures, Tinga quitte la maison, la glacière bien remplie sur sa tête, et sillonne les rues
de Ouaga. Il parcourt la ville de long en large et vend à la criée. À 9 heures, il est devant tel établissement secondaire car c'est l'heure de la récréation et les élèves ont besoin d'étancher leur soif. À 10 heures, il va
du côté des écoles primaires et entre 11 heures et 12 heures, il sillonne les
.
allées du marché central, puis à 13 heures, il retourne à la maison pour manger et recharger sa glacière, mais surtout pour faire l'état des recettes à
1
Petit vendeur de brochettes
Il n'est pas une école ou un lycée que Tinga ne connaisse dans la ville, de petit coin abritant des manifestations culturelles ou sportives, kermesse, mariage, funérailles, matchs...dont il ne soit au courant. Pour lui, chaque jour que Dieu fait et que le soleil se lève à l'est, il faut vendre au maximum et faire le
plus de recettes possible, d'où la nécessité de bien connaître la ville et d'être au parfum de toutes les activités socioculturelles et sportives. La distance, Tinga s'en fiche, tant qu'il aura ses deux pieds pour marcher, il ira partout pour vendre. Quant à sa patronne, elle ne demande pas mieux, elle qui, en deux ans et demi de commerce,
en est à son cinquième garçon.
avoir trouvé la personne qu’il lui fallait.
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Mais cette fois-ci, elle semble
L'économie
Tinga fait de bonnes recettes: environ 15 € par jour. Au pire des cas, 5 €, généralement lors des périodes d'harmattan, moments de froid intense au Burkina, c'est à dire entre décembre et février. Mais entre mars et juin, période de canicule, le commerce de l'eau glacée marche très bien. Tinga peut faire rentrer jusqu'à 22 ou 30 € par jour pour un salaire mensuel de 12 € soit moins du tiers du SMIG burkinabè qui est de l'ordre de 45 €. Malgré cela, Tinga envoie régulièrement chaque mois 4 € à ses parents restés au village, dépense autant pour s'acheter des vêtements généralement de la friperie et le reste, il les remet à sa patronne qui les garde quelque part pour lui: ce sont ses économies. De l'argent que Tinga met de côté, il compte s'acheter un jour un vélo, un poste radio ou un magnétophone et quelques beaux habits avant de retourner dans son village. Pour cela, il lui faut 230 € soit cinq ans d'économie. Cela peut paraître la mer à boire, mais, avec un peu d'abnégation et de patience, Tinga pense y arriver, Surtout qu'avec sa patronne le courant passe bien. FATOU Non loin du domicile des Kaboré, se trouve Fatou. Elle a 16 ans et vient de Gorom-Gorom dans le nord du pays. Fatou travaille chez Ouédraogo Pousga. Madame et Monsieur Ouédraogo sont fonctionnaires. Ils ont cinq enfants, alors ils emploient Fatou comme bonne, pour s'occuper de la maisonnée c'est-à-dire balayer la maison et la cour, préparer le petit déjeuner tous les matins, aller au marché acheter les condiments, faire la cuisine midi et soir, ainsi que la lessive
et la vaisselle sans oublier les petites courses dans le quartier ou chez les voisins et s'occuper des deux derniers enfants qui sont en bas âge: les laver, leur donner à manger quand il le faut, mais surtout les surveiller en attendant le retour de
Madame et Monsieur Ouédraogo. Et pour ce travail qu'elle abat, Fatou est payée 50 FF par mois et on peut dire qu'elle a de la chance, parce qu'ailleurs, il y a des bonnes à tout faire qui sont payées moins que cela.
L'EXODE DES JEUNES : LA REALITE Ainsi à travers les exemples de Tinga et Fatou se profile la réalité de l'enfance burkinabè, mais surtout l'emploi des jeunes ruraux en ville, transformés en véritables bêtes de somme. Ils travaillent environ 17 h par jour pour un salaire dérisoire. Ils ne sont pas assurés et ne sont jamais déclarés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Ils n'ont droit à aucun congé. La plupart d'entre eux n'ont même pas fréquenté l'école: ils ne savent ni lire, ni écrire. Maïs tous autant qu'ils sont, ils préfèrent cette situation ou s'en contentent car comme le disent certains, il vaut mieux souffrir ailleurs que chez soi, avant d'ajouter :"chez nous là-bas au village, aucune perspective heureuse ne s'offre à nous. Et ce que nous gagnons en ville, si minime soit-il, c'est mieux car nous ne pourrions jamais l'avoir au village”.
143
L'économie
Ceux qui aiment la grande aventure s'exilent dans les pays voisins: Côte d'Ivoire, Togo, Ghana, Bénin, Nigéria Mais là-bas aussi, la situation des jeunes
Burkinabè n'est guère meilleure. Sur une population de 10 millions de Burkinabè, on en compte plus de 4 millions hors du territoire national dont la plus forte communauté (2.5 à 3 millions) se trouve en Côte d'Ivoire . Tout comme à l'intérieur, ce sont également les raisons économiques et financières
qui font courir les jeunes à l'extérieur du pays. Exode rural et émigration sont les deux fléaux migratoires qui vident chaque année les villages burkinabè. Et c'est évident, la saignée n'est pas prête de s'arrêter pour l'instant. Les grandes villes continueront toujours à attirer les jeunes ruraux et les citadins à s'offrir de la main d'œuvre juvénile, venue des villages, à très bon marché.
Jean-Claude Louré
Témoignage
Les nouveaux pharmaciens
Avril 1999 L'économie de marché a ses règles qui sont entre autres, l'initiative privée, la
libéralisation des secteurs de production et la libre concurrence. Le BurkinaFaso qui a longtemps expérimenté le parti unique et les régimes d'exception en passant du socialisme africain au capitalisme d'état, fait maintenant école dans l'économie de marché, à la faveur du vent de démocratie qui souffle sur le pays depuis 1990. Alors ce qui frappe le visiteur qui débarque au Burkina, mais surtout à Ouagadougou, c'est le dynamisme du secteur tertiaire, l'éveil des commerçants de tout poil. Partout dans les quartiers, au bord des routes et des avenues, au marché, on
vend, on discute, on marchande, on achète. Les uns cherchent à faire de bonnes
affaires en tirant le maximum de profit, les autres sont à la recherche du meilleur produit à un coût bas. Alors à qui mieux-mieux. Les commerçants du secteur informel
Mais à côté des gros commerçants bien nantis et bien structurés, s'est développé un autre type de négoce entretenu par une nouvelle race d'hommes (et de femmes) appelés ici :"petits commerçants".
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Le secteur "informel" peut être comparé au travail au noir, mais au Burkina, où le travail "salarié" est rare, il est toléré et considéré comme un moindre mal à un
chômage généralisé.
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L'économie
Le dénominateur commun de ces petits commerçants, c'est qu'ils évoluent dans le secteur "informel" ou le secteur "non structuré", en marge des règles et des lois commerciales. Généralement, ils ne paient pas de taxes ou d'impôts, ils ne sont pas inscrits au registre du commerce, ils n'exercent pas leur profession dans des lieux fixes : ils vendent à la sauvette. Ils proposent toutes sortes d'articles allant des produits manufacturés aux produits artisanaux. Ils opèrent dans tous les domaines : ils sont cireurs de chaussures, coiffeurs, pâtissiers, vendeurs de fruits, de boissons, de fournitures scolaires, de vêtements. Ils sont également maçons, mécaniciens, menuisiers et aussi, tenez-vous bien "pharmaciens".
Ouagadougou a ses pharmaciens de rue. Un nouveau type de pharmaciens qui évolue en dehors des structures sanitaires, des officines et autres dépôts pharmaceutiques. Comme disait l'un d'entre eux: "Il faut rapprocher la pharmacie du malade, le médicament du patient, et c'est ce que nous faisons". Ces pharmaciens de la dernière génération, à l'instar de tous les travailleurs du secteur informel, font du porte en porte, consultent, diagnostiquent et proposent la thérapie "appropriée". Il faut dire qu'ils portent la double casquette de pharmacien et de médecin traitant. Leurs produits sont généralement des comprimés ou des gélules de toutes les couleurs et de toutes les formes, dans des plaquettes ou des tubes, mais également des pommades qui soignent tout : diarrhées,
toux,
fièvres,
rhumatismes,
courbatures,
maux
de tête, maux
de
ventre….bref, il n'est pas une maladie pour laquelle ils n'ont pas un remède. Des médicaments de provenance douteuse. Mais d'où viennent ces produits? Mystère et boule de gomme. Là-dessus, ils ne vous diront jamais rien. C'est le black-out total. En réalité, ce sont des médicaments périmés importés, pour la plupart, du Ghana et du Nigéria par des circuits louches, dignes des méthodes mafieuses, parfois sous le nez et à la barbe des agents des douanes, des forces de l'ordre, des autorités du Ministère de
la Santé. Partout vous verrez ces pharmaciens itinérants arpenter les rues de Ouaga, leurs produits dans des sachets en plastique transparent, à la recherche d'éventuels clients. Moussa qui exerce dans la profession depuis un an ne se plaint pas : " Je gagne de quoi me nourrir et même j'épargne de temps à autre 8 à 15 € quej'envoie à ma mère restée au village ". Des garçons comme Moussa sont nombreux qui se découvrent du jour au des vertus de pharmaciens. Seulement ils sont , pour la plupart, lendemain analphabètes.…Alors savent-ils qu'ils exercent dans l'irrégularité et au mépris de la vie humaine ? Des patriciens philanthropes ?
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L'économie
N. Adolphe, un autre pharmacien de la rue, n'en a cure et il s'empresse d'ajouter : "Ce qui n'est pas interdit est autorisé. Nous travaillons au grand jour, tout le monde nous voit, nous ne dérangeons personne ". "Au contraire", poursuit un autre, "Nous rendons service aux malades, mais surtout aux pauvres. Le même médicament en pharmacie, nous le vendons dix à vingt fois moins cher et parfois au détail. Le malade est content et nous aussi ". Voilà qui est bien dit et qui laisse présager, de toute évidence, un bel avenir à ces pharmaciens de rue; surtout face au silence coupable des responsables du pays qui ne font rien pour arrêter ce commerce illicite et assassin et face à des populations qui ne savent pas quelles exposent dangereusement leur vie et celle de leurs proches. Alors en attendant, ces pharmaciens sans culture et sans scrupules peuvent impunément continuer à exercer leur commerce sans être inquiétés. La libre concurrence, c'est aussi cela au Burkina... Pascal Goba
LA PAUVRETE Octobre 2006 Le Burkina est un pays pauvre. Disons tout de suite que le manque de ressources naturelles, l’aridité du climat,
l'insuffisance
des
moyens
de
soins,
l’état
des
voies
de
communication, la pauvreté de la terre et le manque d’eau sont des éléments objectifs de vie difficile. Mais il existe un grand nombre d’éléments subjectifs qui transforment, aux yeux des Occidentaux, ce manque de richesses en indigence. Pour eux l’habitat est précaire (des toits en paille ou en palme) quand il n’est pas «sale » (alors qu’on balaie toute la journée). La nourriture est sommaire, répétitive et insipide (surtout pour ceux qui ne la goûtent jamais). Le travail réalisé avec un outillage sommaire est dur : c’est un fait. Bref, l’absence des
biens qui leur sont indispensables ne peut rendre la vie qu’intolérable aux autres...
Pour comparer la pauvreté (ou la richesse) d’un pays à celle d’un autre on utilise les indicateurs définis par et pour les pays industrialisés. Ainsi, le Burkina est ultra-pauvre. Et puisque les pays les moins développés ont droit à plus d’aide que les autres : le Burkina doit être plus pauvre que les autres. L'expression consacrée dans les instances internationales est : «as if least developed countries ».
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L’économie
Quand on partage un tant soit peu la vie d’un village, on est étonné d’y voir des sourires, d’y entendre des rires. On constate qu’on peut dormir dans une « case » et même qu'on peut se laver. On prend goût au sorgho ou au fonio et à une sauce au soumbala… Voila quel était « l’ordinaire » des Burkinabè. Les « Blancs » sont venus et ont commencé à convertir les plus riches à d’autres mœurs et donc à d’autres besoins. Et même si l’aspiration à plus de richesses n’était pas «inscrite » dans les traditions, les populations ont, petit à petit, adopté un goût pour plus de confort et plus de facilité. Ces problèmes de perception de la pauvreté ont été brillamment étudiés par Majid Rahnéma dans un essai: Quand la misère chasse la pauvreté (Actes Sud).
(EL
Conjoncture : La pauvreté, cube maggi revendicatif au double goût. Extrait du Journal du jeudi du 9 septembre 2006 «La Banque mondiale, en mettant la lutte contre la pauvreté au goût du jour, a servi en même temps aux pays africains une patate chaude. Le concept est dans toutes les sauces. Normal, puisque désormais c’est un des critères d’éligibilité pour le financement des projets dits de développement. Désormais les Etats rivalisent dans la mise en œuvre de stratégies de lutte contre la pauvreté, cette pandémie des temps modernes. Des pays classés « intermédiaires » se sont même battus bec et ongles dehors pour descendre parmi les pauvres. Mais comme pour le SIDA, le vaccin se fait attendre... » * * *
La perception de la pauvreté : Bien sûr les Burkinabè ont des raisons de souffrir et donc de souhaiter
une amélioration de leurs conditions de vie. Mais comme de plus en plus d’entre eux, nous formulons deux interrogations : leur bonheur passe-t-il par les solutions trouvées par d’autres (qui souvent, eux-mêmes, ne se disent pas peut-il se construire sur une heureux)? Leur propre développement assistance permanente (qui les inféode)?
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L'économie
LE
Bobo : La pauvreté est montée en flèche dans la ville - Extrait du journal Sidwaya du 17 juin 2006, au sujet du document : « Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP) aux niveaux régional et provincial » «On y apprend … que dans la ville de Bobo-Dioulasso, la pauvreté a plus que doublé entre 1994 et 2003, passant de 9,9% à 19,9% selon les chiffres de la dernière enquête sur les conditions de vie des ménages réalisée en 2003. Cela s’explique par le fait que les emplois sont en train de disparaître petit à petit. »
ec”
Société : Dure, dure, la vie au Burkina ! Extrait du Journal du jeudi du 9
septembre 2006. « Les inquiétudes sur l’issue de la saison hivernale semblent s’estomper, mais d’autres ont fortement pris pied dans la tête de nombre de Burkinabe : rentrée scolaire « corsée », coûts des carburants et de l’électricité ; dialogue social qui brille par le silence qui l’entoure, le tout baignant dans un hall politique qui n’encourage guère à l’optimisme, chez les jeunes surtout, qui trépignent d’impatience et de colère face aux problèmes du chômage... »
« Système D » à Ouagadougou : Les jeunes luttent pour survivre Extraits du journal Sidwaya du samedi 26 août 2006. «Il est 10 h 45 en cette matinée du vendredi 18 août 2006 lorsque nous arrivons à l’intersection ferroviaire de l’Avenue du Conseil de l’Entente dans les quartiers Gounghin et Hamdallaye. Des jeunes garçons, environ une dizaine, alertes, se ruent sur des usagers, désireux de franchir
leurs engins d’un côté vers l’autre des rails. Ces allouent quotidiennement moyennant de l’argent, aux passants voulant traverser les rails longeant le Août et coupant l’avenue du Conseil de l’Entente
jeunes, de 6 h à 18 h, leurs services physiques côté nord du stade du 4en deux grandes routes
[...] Sur ces rails et en retour pour service rendu,
les facilitateurs de la
traversée des engins reçoivent toutes sortes d’égards de la part des usagers notamment des cadeaux, de simples témoignages de gratitude et surtout de l'argent. (NDLR : de l'ordre de 1,5 € par jour et par jeune).
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L'économie
La mendicité au Burkina
Retranscription d’une émission radiophonique préparée et animée par Pascal Goba Octobre 2002 Les grands centres urbains sont de nos jours le théâtre de la désolation humaine, où la mendicité tient une place de choix. En effet, telle une gangrène, la mendicité a atteint aujourd’hui des proportions inquiétantes. Les rues de Ouagadougou sont remplies de mendiants, certains boulevards sont leurs lieux de prédilection, créant parfois des embouteillages ou même des accidents. Quand vous passez, il y a toujours un mendiant qui attend, tendant la main ou une boîte. Pour mieux comprendre ce phénomène dans tout son contexte, nous avons rencontré un sociologue, André Nyamba, chef du Département de Sociologie à l’Université de Ouagadougou, et aussi El Hadj Lassina Traoré, membre de la communauté musulmane, parce que certains pensent que la mendicité est liée à l'Islam. Nous avons aussi interrogé l’homme de la rue et recueilli le témoignage des principaux intéressés, les mendiants eux-mêmes. Pourquoi mendient-ils ? - Je mendie, conformément aux prescriptions de Dieu, qui dit que si tu es vieux et dans le besoin, tu peux mendier pour survivre. - Je mendie parce que je n’ai rien à faire et rester à la maison n’est pas une solution, puisque personne ne viendra me tirer d’affaire. Or en mendiant, grâce à Dieu et aux hommes de bonne volonté, on peut avoir de quoi se nourrir, de quoi subvenir aux besoins de la famille. - J'ai quatorze ans, je suis mendiant ; je fais l'Ecole Coranique avec un maître : après l’étude du Coran, chaque matin, on nous fait sortir pour aller mendier à travers la ville. - Nous mendions tout, nous acceptons tout ce
qu’on nous donne, pain, vêtements, .…. On nous donne, et nous implorons Dieu qui donne sa grâce.
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Photo « floutée » d’un mendiant aveugle et son enfant guide.
L'économie
- Du temps où je n’étais pas aveugle, je faisais la pêche, avec cela je gagnais de l’argent et j’avais de quoi subvenir à mes besoins. Si je n'étais pas aveugle, je n’aurais aucune raison de mendier. Au village de nos jours, personne ne s’occupe de son prochain ; chacun porte sa croix, gère son quotidien et ses problèmes. Comment définir la mendicité ? Est-elle liée à l’Islam ? Comment
la définit-
on dans la religion musulmane ?
André Nyamba : la mendicité consiste en une quête d’objets, de nourriture, d’argent pour satisfaire des besoins qu’on considère comme élémentaires. Cette quête est regardée, d’un point de vue moral, comme dégradante. La mendicité n’a pas toujours été perçue ainsi dans la mesure où elle a pu être institutionnalisée socialement dans des cas qui sortaient de l’ordinaire. Je pense par exemple au cas d’une mère de jumeaux : dans certaines traditions, il était admis qu’elle mendie pour faire face à une situation qui la dépassait totalement ; la collectivité se devait de participer à l’entretien de ces jumeaux. ET Hadj Lassina Traoré On ne peut pas parler de la mendicité sans aborder la question
des
« Garibous » ; ce
mot,
déformation
de l’arabe
Garib,
signifie
«étranger » et désigne chez nous tout autre chose qu’un étranger : ces nuées d’enfants teigneux, une boîte de conserve à la main, qui mendient avec acharnement à longueur de journée. Ils sont liés plutôt à la délinquance sous ses multiples formes. Comment cela est-il arrivé alors ? On dit qu’aux premiers siècles de l’Islam, les dispensateurs du savoir moral, les
Marabouts,
étaient
souvent
envahis
d’une foule d’adeptes sans ressources,
venus de loin, dont ils n’arrivaient pas à assurer la subsistance. La coutume s’est vite établie qu’aux heures des principaux repas, les familles possédantes partageaient volontairement une partie de leur repas avec tout étranger qui se présentait et en manifestait le besoin. C'était œuvre pieuse et charitable 0
:
pour les donateurs.
Fr
F
5 7
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À.
El Hadj Lassina Traoré photographié en 2007
150
L’économie
La mendicité à un côté dégradant ; n’a-t-elle pas aussi un aspect positif dans notre société ? Un aspect socio thérapeutique ? Quand quelqu’un va voir un charlatan, on lui demande de faire un geste et cela va aux mendiants. Qu’en dîtes-vous ?
André Nyamba : La sociothérapie devrait concerner celui qui va voir le charlatan, cela ne concerne pas le mendiant en tant que tel. Celui-ci est considéré dans ce cas comme un objet, comme un moyen d’obtenir une forme de guérison, mais le mendiant en tant que tel reste dégradé, rejeté. La mendicité n’est jamais une bonne chose ; dans tous les cas, elle est signe d’une situation d’injustice sociale, d’incapacité physiologique et morale à se prendre en charge. Un handicapé qui mendie est doublement dégradé, parce qu’il est handicapé et parce qu’il mendie. En réalité, aider efficacement cette personne devrait l’amener à se réhabiliter, à s’assumer totalement. La mendicité qui concerne soi-disant certaines religions (aucune religion en fait ne prône la mendicité) est dégradante. Il suffirait de présenter un peu mieux Dieu dans ces religions pour que la mendicité ne soit pas un recours. De toute façon, c’est toujours un palliatif à une situation de déséquilibre social. La mendicité concerne des êtres totalement mis hors circuit : toutes les filles qui n’ont pas de soutien et qui ont des enfants, toutes les femmes abandonnées, chassées du foyer, .
Ce sont les instances sociales qui devraient
les prendre en charge. Rien ne justifie jamais la mendicité. Quelles en sont les causes ?
André Nyamba : Tout d’abord les bouleversements actuels de la société : l’individu n’a plus d’appuis ni de références sociales pour exprimer son identité (famille, éducation). Cela entraîne une désagrégation des solidarités traditionnelles, et aussi un déséquilibre économique : certains ont trop d’argent, d’autres pas assez ou pas du tout. Le mendiant, ce n’est pas seulement celui qui vous tend la main, c’est celui qui vous interpelle parce que vous, vous travaillez et lui, ne travaille pas. Je ne dis pas que tout chômeur devient mendiant mais celui qui ne travaille pas, au bout d’un certain temps, est mis dans des conditions telles qu’il attend des autres la satisfaction de certains de ses besoins élémentaires. Il y a aussi des facteurs individuels : la vie est ainsi faite que les uns arrivent à se débrouiller et les autres non. Un proverbe dit que c’est avec le bout de bois qu’on est allé chercher jeune qu’on se chauffe une fois devenu vieux. Certains sont allés chercher des brindilles qui n’ont donné que des feux de paille, et d’autres ont ramassé des grosses bûches qui continuent de se consumer et qui entretiennent leurs vieux jours. C’est une question de discipline individuelle.
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L’économie
Enfin, il arrive que le malheur frappe brutalement et enlève tout soutien et toute affection ; la plupart de ceux qui mendient demandent plus qu’une pièce , ils demandent un peu de compagnie, un peu de solidarité , un regard non pas compatissant mais affectueux. Combien gagnent-ils ? Comment les passants les voient-ils ?
- Je donne surtout aux petits qui se promènent pour mendier; les petits musulmans aiment mendier. Ce n’est pas bien ; ça crée des accidents de la circulation. Cela pousse les gens à ne pas travailler. - La mendicité est bonne pour les invalides, les vieux qui ne peuvent plus rien faire. - Je donne de temps en temps, mais surtout aux plus nécessiteux, vieux, lépreux, handicapés. Quand il s’agit d’hommes valides comme moi, je trouve que c’est une fuite devant les responsabilités. - Depuis ce matin, je n’ai rien empoché, même pas 5 F CFA. Parfois, grâce à Dieu, il m'arrive d’avoir 250 à 300 F CFA (moins de 0,5 €). C’est comme ça
notre vie ! - En ce qui me concerne, personne ne m’a encore manqué de respect. - Certains sont gentils avec nous; d’autres nous traitent de fainéants, de petits voleurs. Nous restons indifférents à leurs insultes ; si quelqu’un nous parle mal, nous continuons notre route. La société burkinabè s’occupe-t-elle vraiment de ses mendiants ?
André Nyamba : Si le Ministère de l’Action Sociale fait quelque chose, ce n’est qu’une petite goutte d’eau dans la mer ! Ils donnent des subventions à certaines institutions, pas toujours très bien choisies. La mendicité est d’abord une disposition mentale ; certains ne tendront jamais la main, par amour-propre. Ceux qui donnent pour soulager leur conscience feraient mieux de se mettre en rapport avec des organismes qui s'occupent des mendiants et essaient d’alléger ce fléau social. Les seuls efforts du gouvernement ne suffisent certainement pas à enrayer le mal : vous voyez les mendiants à Ouagadougou, Bobo, dans les grands centres, mais il y a aussi tous les autres et, pour être encore plus pessimiste, je dirais : il y a encore tous les pauvres du Burkina.
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L'économie
Y a-t-il pour les musulmans, mendiants ? ET Hadj Lassina Traoré :
obligation de satisfaire à la demande
Oui
et
non.
Certains
des
combattants.
compagnons du Prophète, sont devenus invalides, d’autres se sont consacrés à l’étude du Coran. Ils avaient laissé leur logis et dormaient dans la mosquée du Prophète à Médine. Malgré l’indigence dans laquelle ils vivaient à la Mecque ensuite, ils n’ont jamais tendu la main pour quémander. C’est à leur sujet qu’a été révélé ce verset : « Donnez aux gens qui ont consacré leur vie à la cause de Dieu. Ils ne peuvent pas gagner leur vie ». Ainsi, certaines catégories bien précises comme les croyants qui se vouent à l’étude du Coran, les infirmes ont droit à la mendicité. Mais il ne faut pas généraliser. La mendicité a fini par devenir une profession adoptée par les jeunes comme par les vieillards. Rien cependant n’est plus néfaste à la société que cette vie de parasite menée par des citoyens capables pourtant de travailler. La civilisation et le progrès d’une nation ne peuvent se réaliser sans le travail de ses citoyens. La mendicité a été condamnée par l’Islam ; la plupart de ces mendiants s’accroche à l’Islam alors que celui-ci déplore les conduites exécrables. L’Islam ne permet de mendier qu’à celui qui est vraiment incapable de gagner sa vie ; de plus, même en demandant l’aumône, il faut savoir garder son amour-propre. Mendier ou vivre en parasite, ce sont des choses que l’Islam condamne avec force. D’après le Coran, le plus insignifiant des métiers vaut mieux que tendre la main aux passants. L’argent gagné par la mendicité est un gain illicite sauf si on le dépense ensuite dans des œuvres de bienfaisance. Quelles solutions mendicité?
peut-on
envisager
pour
combattre
le
fléau
de
la
André Nyamba : Il faut d’abord combattre la mentalité de mendicité chez les gens : aucun mendiant n’est dans une situation définitive. On peut naître mendiant, mais on ne doit pas accepter de le rester toute sa vie. Nous sommes tous des mendiants en puissance et nous devons être solidaires de tous ces mendiants que nous voyons. La solidarité ne doit pas signifier la pitié. On devrait éviter de donner une petite pièce pour se donner bonne conscience. On peut se dire : ces mendiants sont des êtres humains et je pourrais être comme eux ; et cette seule image peut nous amener à reconsidérer notre attitude vis-à-vis de la mendicité. Personnellement, il est très rare que je donne quelque chose à un mendiant, mais j'essaie de participer à des quêtes ou à des collectes qui aident des
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L'économie
organisations à s’en sortir. Alors vous me direz: mais si la souffrance est immédiate, si elle est visible, que faire ? C’est un vrai problème et je crois que, de temps en temps, il faut faire le geste. C’est le devoir de tout citoyen de porter assistance à une personne en danger. #X *# *%
La mendicité est un phénomène en pleine expansion dans notre société et nous avons désormais l’habitude de vivre avec les mendiants, de les côtoyer, de
les entendre chanter même si nous ne leur tendons pas toujours la main. C’est là qu’il y a lieu de prendre au sérieux le pessimisme des sociologues ; cette attitude d’acceptation confère aux mendiants une sorte de rôle social, une justification qui, au fil du temps, a fait tomber les masques de la honte, de l’honneur, de la
dignité, de la respectabilité. Pour le mendiant, il y a comme un devoir du citoyen à son égard et il dira toujours que, de toute façon, cela vaut mieux que voler. Ironie des temps modernes, la mendicité ne peut être mieux comprise que dans son contexte réel, la pauvreté et la misère. Plusieurs institutions comme la Cour de Solidarité à Ouagadougou et la Maison de l’Enfance à Ouroudara l’ont compris, elles qui, chaque jour, développent des initiatives afin d’offrir des chances à ces personnes déshéritées, mais il reste que, pour qu’une telle action soit efficace, le rôle de chaque citoyen est nécessaire. Retranscription de l’émission par Marie-Christine Pâris
LE CAPITALISME et LE LIBERALISME Plaquer des modèles inventés par et pour des pays industrialisés et utiliser le vocabulaire s’y rapportant est toujours difficile en Afrique. Les premiers partis politiques africains se revendiquaient du progressisme et Houphouet Boigny était alors communiste. Comment le situer par la suite ? Comment classer Senghor, panafricain certes mais socialiste ? Que dire des idées économiques des dirigeants du Burkina : Maurice Yaméogo un anticommuniste ? Et les militaires qui prirent le pays en charge : Lamizana qu’on a dit être libéral et Saye Zerbo? En fait, le modèle est moins important que les amitiés qu’on affiche et les aides qu’on accepte. Sans parler du style du dirigeant, on sait que François Mitterrand n’avait pas apprécié celui de Thomas Sankara...Dire
«révolutionnaire » rend-il compte de ce qu’il était ? Mais être ami avec Kadhafi, être entouré de conseillers libyens!..
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L'économie
Le Burkina de Blaise Compaoré - pourtant un temps bras droit de Sankara : «ce que je sais, Blaise le sait, et ce qu’il sait, je le sais » disait ce dernier - n’est certainement pas un état révolutionnaire. Il faut le constater plus dans l’opinion des grands de ce monde que dans des déclarations formelles : il est fréquentable, il plaît au FMI et à la Banque Mondiale. Lui et son pays ne peuvent que respecter le système mondial établi... —RA Ç
.
Le Burkina Faso, bon élève de la Banque mondiale Communiqué de presse, repris par le journal Sidwaya du 23 juin 2006. «Cette évaluation comparative des pays prend en compte la qualité de la gestion économique, des politiques structurelles, des politiques d’inclusion sociale et l’équité ainsi que de la gestion des institutions du secteur public. Sur un total de 45 pays soumis à cet exercice sur la base d’un ensemble de critères allant de la gestion macroéconomique à la transparence, la responsabilité et la corruption, le Burkina Faso est sorti quatrième avec une moyenne de 3,8 sur un total de 5 points à prendre. Ce positionnement, stable depuis 2004, situe notre pays parmi les pays les plus performants dans le portefeuille de la Banque mondiale, autorisant un accroissement des allocations du Burkina Faso et un accès à davantage de prêts IDA. » Source : Ministère des Finances et du Budget
ra (au Adama Dramé — musicien burkinabè : “ Je dis, dans « Falato », que nous sommes tous malheureux d’un système capitaliste” Extraits du journal /'Opinion du 2 mai 2006. Adama Dramé est né à Nouna au Burkina Faso en 1954, dans une famille de musiciens et de conteurs, gardiens de la tradition des Dijélis (griots en français). Dès l’âge de douze ans, Adama Dramé devient musicien professionnel. -. vous avez réalisé une œuvre collective que vous avez intitulée « Falato ». Pourquoi « Falato » ?: - « Falato » signifie l’orphelin : Vous savez bien que l’orphelin est un enfant qui est malheureux. Je dis dans « Falato » que nous sommes tous malheureux d’un système capitaliste qui fait que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres, tandis que les riches sont de plus en plus riches. Le fossé se creuse chaque jour davantage entre les hommes.[...]Quand on dit toujours qu’il n'y a pas de problèmes alors que les gens souffrent en réalité dans leur chair, ça c’est dangereux. « Falato » tire ia sonnette d’alarme. Ce ne sont pas des critiques stériles. Je dis seulement de faire attention quand il y a des problèmes qui se posent.
155
L'économie
Les « leçons du FMI...
Le directeur général du FMI : « Consolider les acquis » lundi 5 juin 2006. (Extraits) «Les indicateurs économiques sont peut-être encourageants, mais il faudra redoubler d’efforts pour que cela se traduise par des améliorations perceptibles de la vie quotidienne des populations. Le FMI prend note avec satisfaction des progrès considérables qui ont été accomplis et continue de collaborer avec les pays membres pour poursuivre cette marche en avant. Nous cherchons aussi à rendre nos conseils de politique économique aussi efficaces que possible. Pour améliorer le développement humain, les pouvoirs publics peuvent utiliser le surcroît d’aide pour augmenter leurs dépenses de santé et d’éducation, ainsi que leurs investissements dans les infrastructures. Ainsi, les populations commenceront à voir et à sentir des améliorations tangibles. Par ailleurs, pour éviter une nouvelle accumulation de dettes, les pays doivent emprunter de manière prudente et renforcer leur capacité de gestion de la dette. Une accélération de la croissance passe nécessairement par un secteur privé dynamique. ….Les investisseurs seront naturellement attirés par des pays où l’Etat de droit et les droits de propriété sont appliqués et respectés. Le développement du secteur financier
retient
aussi
une
attention
bien
méritée,
mais
c’est
le commerce
international qui est crucial.[...]Une autre question importante est la gouvernance. Trop souvent, la gouvernance des pays n’inspire pas la confiance des investisseurs, y compris, surtout, des citoyens des pays eux-mêmes. Un niveau élevé de corruption constitue un symptôme de mauvaise gouvernance. Une bonne gestion des dépenses publiques est essentielle afin de gérer le surcroît d’aide. Elle contribue aussi à une bonne gouvernance en montrant aux citoyens que les ressources publiques sont utilisées de manière transparente et efficiente. Il est absolument fondamental d’éliminer la corruption, partout où elle existe... »
La dévaluation du franc CFA
Edito - octobre 1999
La dévaluation du franc CFA (le franc CFA est la monnaie de la plupart des pays issus de l'ex-Afrique française) du 12 janvier 1994 à consisté à changer brusquement sa parité par rapport au franc français, c'est à dire par rapport à toutes les autres monnaies : 100 FCFA= 2FF la veille, 100 FCFA = 1 FF le jour d'après.
156
L'économie
Les stratèges nous ont expliqué alors que ce "rééquilibrage" stimulerait l'économie des pays africains, leur permettrait de trouver de nouveaux marchés en étant plus compétitifs. J'ai rencontré à Ouaga des politiques et des diplomates qui disaient y croire... Dans les faits et selon mes amis burkinabè : - Les prix des produits importés des pays industrialisés, tous ceux qui sont manufacturés, les carburants (l'électricité est en grande partie fabriquée à partir du fuel), les équipements, ont quasiment doublé. Les importateurs et les négociants, quelques gros entrepreneurs nationaux et beaucoup d'étrangers, en ont probablement été bénéficiaires. - Les prix des produits élaborés au Burkina, mais nécessitant des outillages, des équipements et de l'énergie, ont subi une augmentation d'un taux souvent inattendu et toujours considéré comme scandaleux par la population. Le coût des matériaux de construction, par exemple, a bondi et on a assisté à l'arrêt d'un grand nombre de chantiers, abandonnés ferrailles
dressées. Ces augmentations ont touché les familles citadines à revenu modeste mais régulier : personnel des entreprises et des commerces, artisans, enseignants
et fonctionnaires.
Traditionnellement,
celles-ci
"soutiennent",
comme on dit, de nombreux villageois parents ou amis: leur aide s'en est ressentie. (La majorité des membres des AFB appartient à cette catégorie et je peux témoigner d'une nette régression de leur niveau de vie, visible même sur "la composition du panier de la ménagère"). - Enfin les prix des matières premières locales, qu'on s'attendrait à voir restés constants, ont également subi une augmentation. Celle-ci s'explique par quelques raisons objectives, liées aux augmentations citées précédemment, mais aussi par des raisons induites : tout augmentant, les paysans (on les appelle plus couramment les villageois) ont dû donner un coup de pouce au prix de leurs produits. Comme nous l'avons dit, ils ont également perdu tout ou partie de l'aide reçue de la ville et sont les ultimes perdants de l'opération. Voilà pour les effets négatifs. Voyons maintenant pour l'oxygène donné à l'économie. Le Burkina exporte principalement : - Des têtes de cheptel (bovins = zébus et ovins). Auparavant les troupeaux appartenaient à des Peuls (ethnie souvent semi-nomade du nord du Burkina, mais aussi du Mali, du Niger) qui ne les commercialisaient qu'en cas de nécessité. Maintenant toutes les bêtes ne leur appartiennent plus, même si elles sont toujours gardées par eux. Parmi les autres
157
L'économie
propriétaires, des familles " aisées" qui réalisent ainsi des investissements plus ou moins confidentiels. - Du coton. Pour la plus grosse ! partie il est récolté par des petits paysans qui le revendent principalement à la société À "Sofitex ». Ces villageois, en nombre somme
toute
limité,
ont
probablement connu une augmentation de leurs revenus. Pour juger,
il
nous
faudrait
savoir
comment ont été utilisés les profits | supplémentaires de la société cotonnière.
expliqué terres en souvent vivrières,
Par
ailleurs,
on
m'a
que l'incitation à mettre des culture cotonnière se faisait au détriment de cultures si nécessaires. Fleurs de coton
!
Enfin, doit-on classer dans le côté "positif", l'enrichissement de ceux qui ont les moyens de placer leur trésorerie et leurs bénéfices sur des comptes en France ou ailleurs ? Ils ont doublé en une nuit. Qui pourrait dire ce que va devenir le franc CFA et comment il évoluera lorsque l'Europe - très prochainement- aura définitivement adopté l'Euro ? En cas de nouvelle dévaluation, qui sera perdant et qui profitera de ce nouvel équilibrage ? Jean-Claude Bourguignon
LES MICROCREDITS Edito - avril 2006 Les Nations Unies ont décrété 2005 « année de la microfinance ». Ceci a eu pour conséquence de permettre à un certain nombre d’organismes de tenter d’attirer les investisseurs privés, les banques et les donateurs dans un secteur présenté comme « gagnant-gagnant », c'est-à-dire de présenter la microfinance comme «LA SOLUTION » pour sortir les pauvres de la misère tout en permettant aux banques de gagner de l’argent. Il suffirait pour 158
L'économie
cela de transformer les «pauvres » en entrepreneurs en leur prêtant de l'argent. Les événements de clôture de l’année de la microfinance font encore monter d’un cran ce niveau de « béatification ».. à titre d’exemple France 5 diffusait le film «Un crédit pour l’espoir », dans lequel le microcrédit annoncerait « une révolution économique sans précédent : l’ouverture et la démocratisation du capital à près de trois milliards d’individus actuellement exclus du système ». Il devient urgent de remettre la microfinance à sa vraie place, celle d’un outil comme les autres, d’un outil accompagnant d’autres outils et de tordre le cou à des affirmations non seulement naïves mais dangereuses : - «le crédit est le principal service financier demandé par les pauvres »Faux ! De nombreuses études montrent que c’est l’assurance et l’épargne qui sont préférées par les pauvres quand on leur laisse le choix. - «Le crédit se traduit automatiquement en micro-entreprise. »- Faux ! L'accompagnement, la formation, l’aide à la commercialisation et à l'information sont des éléments tout autant sinon plus déterminants. «Le pauvre souhaite développer sa propre activité. »- Faux ! La plupart d’entre eux, s’ils avaient le choix, opteraient sans hésiter pour la protection d’un emploi salarié. « Les organisations de microfinance peuvent arriver à terme à l'équilibre financier. »- Faux! Une étude récente montre que 100
institutions sur les 10 000 recensées actuellement sont effectivement en équilibre. - « La microfinance permet l’émancipation de la femme. ». Faux ! Dans le meilleur des cas, la microfinance n’est qu’un tout premier pas vers l’indépendance et la prise de décision. - « La microfinance permet de lutter contre la pauvreté. »- Faux ! Tout au plus elle permet d’élargir l’éventail des choix en matière de crédit, de stabiliser et diversifier les sources de revenus trop souvent aléatoires, d’atténuer les à-coups de trésorerie. En d’autres termes, la microfinance n’est ni plus ni moins qu’un outil permettant aux pauvres de mieux gérer les risques. C’est peu, diront ceux en quête de résultats miracles susceptibles de redorer leur image de bienfaiteur. C’est un premier pas et c’est déjà beaucoup, répondent ceux qui connaissent de près la complexité des problèmes de pauvreté. Marc Roesch
159
L'économie
Les microcrédits au Burkina
Enquête — Janvier 2007 L'édito précédent a été écrit avant que le prix Nobel «de la Paix» (pourquoi de la paix et non pas d'économie ?) ne soit décerné à l'inventeur du microcrédit : Monsieur
Muhammad
Yunus.
Depuis,
et à cette occasion,
les
médias dithyrambiques ont écrit - ou on fait croire - qu'il s'agissait d'une mesure propre à sauver les pauvres du tiers-monde… Voilà comment cela se passe au Burkina : Avertissement : Le milieu de la microfinance
est particulièrement opaque.
Les éléments
chiffrés sont difficiles à obtenir!, les informations générales diffusées (nombre de clients, taux de remboursement) sont souvent invérifiables. Les dettes sont
rééchelonnées ou les derniers versements sont déduits du nouveau prêt ce qui revient à faire apparaître des taux extravagants. Les rares études publiées par les chercheurs font état de ce type de pratiques. Les taux d’intérêt sont aussi très opaques et souvent inconnus des clients. Ceux annoncés sont, la plupart du temps, à majorer des frais d’adhésion, de dossiers et de contributions diverses. Ils sont quelquefois calculés « nondégressifs » ce qui fausse (et de beaucoup) les taux réels. Une tentative de transparence par l’APIM/BF (Association Professionnelle des Institutions de Micro-Finance du Burkina-Faso) - appuyée par le Ministère des Finances - est en cours, en vue de « l’élaboration, la diffusion et le suivi d’un code de déontologie » : c’est une façon de reconnaître que le domaine est une jungle...Cette association comprend, à ce jour, 38 membres (sur les 325 IMF agréés). Comment ça marche ?
Le plus couramment les acteurs sont : - Un bailleur de fonds qui subventionne la mise en place d’un dispositif et souvent finance sur plusieurs années l’appui technique de l'institution de microfinance (formation du personnel, quelques frais d’équipements ou de fonctionnement). Ce sont les Organisations internationales : Banque Mondiale, FIDA, Agence Française de développement, GTZ, Caisses mutuelles (Desjardin Canada, Crédit mutuel international) - Un investisseur : à nouveau la Banque Mondiale, l'AFD, la KFW, ou
des investisseurs des réseaux solidaires (SIDI-CCFD, GRET, ou diverses ONG). Il s’agit de fonds de roulement ou de fonds de garanties à des taux qui varient de 0 à 3 ou 4 %. Mais on trouve également les banques d’état et les banques privées l
Se
Les sources sont précisées p 164
160
L'économie
qui y placent des fonds, comme elles prêteraient à une autre banque. Celles-ci se rémunèrent par application d’un taux d’intérêt sur les fonds prêtés ; les taux sont de6à 12% - Une Institution de Micro Financement (IMF) chargée de gérer l’ensemble du système de crédit. Elle se rémunère en appliquant un taux d’intérêt additionnel pour couvrir ses frais de gestion, les réserves obligatoires et se constituer des fonds propres. Ces intérêts s’ajoutent donc aux intérêts de l’investisseur. - Le client qui est, par définition, une personne qui n’a pas accès au système bancaire classique, soit parce que ses besoins de prêts sont trop faibles, soit qu’il ne présente pas les garanties suffisantes, ou est trop loin des agences bancaires.
Confection de paniers : activité réclamant peu de moyens financiers.
161
L'économie
Le taux d’intérêt : Il varie selon les exigences des bailleurs de fonds, de la politique de l'IMF, ou de la concurrence que peuvent se livrer les IMF sur le territoire de l’emprunteur (là où plusieurs d’entre elles sont implantées). Le taux affiché est couramment de 20 à 24%. Le plafond légal est de 27% (alors que le plafond légal des prêts bancaires est de 18 %). Le taux réel est plus difficile à déterminer du fait des frais annexes et du mode de calcul des remboursements. En pratique, les taux ne sont pas calculés en fonction des frais à couvrir, mais plutôt en fonction de ce qui est « supportable » ou « admissible » par la population. Durée des prêts : Nous ne connaissons pas de règles sur ce point. De façon générale, en raison des taux pratiqués, ce sont souvent des prêts à court terme, entre 3 et 8 mois. Les durées sont généralement fixées par l’IMF et sont fonction du « produit » financier proposé. Elle n’est pas négociable. De toute façon, compte tenu du coût du microcrédit, l’emprunteur a intérêt à rembourser aussi vite qu’il le peut. L’emprunteur, c’est qui ? Si on s’en tient aux déclarations des IMF, les bénéficiaires font partie de la population pauvre. À notre connaissance, il n’y a pas de critères objectifs d’attribution. Les IMF ignorent souvent les revenus de leurs clients, s’ils sont solvables ou non. Elles augmentent progressivement le montant des prêts, aussi longtemps que le client rembourse. Elles partent du principe que si le client rembourse c’est qu’il en a les moyens. En fait, les prêts peuvent très bien être reversés à quelqu’un d’autre sous forme de prêts avec le même intérêt ou un intérêt plus élevé. Ce qui est certain, c’est que sont attribués des prêts dépassant, et de beaucoup, les besoins supposés en Europe de ces populations pauvres (des
millions de FCFA). D'autre part, on se rend compte que les «très » pauvres prennent de très petits prêts : 1ls constituent une population « à risques ». Les IMF ont tendance à préférer les «moins» pauvres qui prennent des prêts plus élevés et qui comportent moins de risques,. Les IMF ont donc tendance à délaisser les populations rurales au profit des « moins pauvres » des villes. La stratégie burkinabè (pilotée par le Ministère des Finances et du Budget) prévoit des prêts, non seulement aux populations rurales (celles à qui on pense) mais aux particuliers (prêts immobiliers), commerçants, artisans et entrepreneurs. D’après
nos
informations,
le
nombre
de
bénéficiaires
au
Burkina
(majoritairement des femmes) serait de l’ordre de 800.000 avec un encours des
162
L'économie
crédits de l’ordre de 40 milliards de FCFA (environ 60 millions d’euros, de l’ordre de 6 à 8% de ce que représentent les crédits bancaires dans le pays). Les IMEF :
Ce sont des établissements créés spécialement pour le microfinancement ou issus de systèmes antérieurs de prêts. Elles doivent recevoir un agrément du Ministère. Leur nombre est aujourd’hui de 325, ce qui nous laisse à penser que l’activité intéresse, ou qu’elle est porteuse pour qui veut attirer les bailleurs de fonds et se lancer dans une activité d'ONG...Le nombre d'employés des IMF au Burkina est actuellement déjà supérieur à celui des employés des banques. Il faut comprendre que consentir de petits prêts à une population pauvre n’est pas rentable (sauf à des taux d’usuriers, les usuriers étant d’ailleurs les concurrents directs des IMF dans ce milieu). Or, les bailleurs de fonds exigent
des IMF une auprès d’une bénéficiaires public pense)
rentabilité. Cela les oblige à rechercher une clientèle plus aisée population plus facile d’accès donc citadine. La proportion de de micro crédits issus des milieux ruraux pauvres (ceux à qui le dans le monde n’est que de l’ordre de 20%.
Les cas particuliers où le microfinancement est inclus dans le projet. Nous avons entendu parler, très exceptionnellement, de microfinancements où le bailleur est le promoteur du projet de développement (il a donc créé un fonds pour cela). Il est libre de faire cadeau des intérêts et, s’il distribue, gère et recouvre lui-même les prêts, de ne pas prendre de rémunération pour ce travail.
(C'est ce que fait notre association, à petite échelle, avec des prêts sans intérêt en cas de difficultés familiales de l’un des membres ou pour création et développement de petites activités rémunératrices par les femmes. L'association accepte de perdre l'inflation, de prendre le risque de non-remboursement, de gérer bénévolement. Quel banquier ou IMF peut faire cela ? Pour éviter la confusion avec les microcrédits, appelons cela des « prêts sans intérêt »).
Plus souvent, les projets prévoient de prêter à taux raisonnable (ce qui correspond néanmoins à un cadeau) et on nous a même cité des cas où l'organisme prête sans se soucier vraiment des remboursements (ce qui est irrégulier, pour le moins laxiste, et qui amène les populations concernées à ne pas comprendre le système). La stratégie de l’Etat : Pour l'Etat, la microfinance est un levier de lutte pour la réduction de la pauvreté et un outil pour la création d’emplois (directe : les IMF, indirecte : les
163
L'économie
créations
d’activités
génératrices
de
revenus).
Il s’attache
à créer
un
encadrement (agrément, suivi), à professionnaliser les IMF, à promouvoir et à
renforcer les capacités du secteur. On peut penser que la microfinance, qui est considérée comme un secteur à fort potentiel, est aussi un moyen de mobiliser des capitaux qui ne seraient normalement pas investis au Burkina. En conclusion : r . . 1 . . ; Comme l’écrivait Marc : le microfinancement est un outil parmi d’autres. Les conditions proposées aux emprunteurs - qui ne sont des ruraux pauvres que dans une minorité de cas - sont beaucoup moins favorables que l’ont laissé penser les médias : emprunt à bas coût et générateur de profits ...On imagine qu’il peut bénéficier aux plus « entreprenants », donc ceux qui ont les moyens intellectuels,
culturels et financiers
de l’être. Dans
débouche sur un endettement coûteux surendettement, désespérance, suicide.
et stérile
beaucoup
avec
d’autres cas, il
ses conséquences:
Ne nous laissons pas séduire par ces quelques exemples de femmes qui réussissent à développer leurs petites activités. Dans le meilleur des cas elles représentent 20 % des bénéficiaires. D’après les études faites dans différents pays : pour 50 à 60 % des cas, cela ne change pas grand-chose à la situation des emprunteurs, les gens restent pauvres, et pour 20 % d’entre eux c’est un piège, celui de l’endettement. * NDLR : Les données chiffrées sont tirées des documents burkinabè de « Stratégie nationale de microfinance » (« document de politique et cadre logique de mise en œuvre » de novembre 2005 et « plans d'actions de mise en œuvre -2006/2010 » de juin 2006. Les éléments statistiques généraux et internationaux ont été recueillis auprès de chercheurs.
! Le rédacteur de l’édito précédent
164
POLITIQUE ET DEMOCRATIE
Politique et démocratie
Octobre 2006
La politique : Avant la colonisation, les « pays » constituant le Burkina actuel (avec de larges débordements sur des Etats voisins, les frontières actuelles ayant été fixées par le colonisateur sans préoccupation de préserver l’intégrité des pays traditionnels) étaient dirigés par des « chefferies » plus ou moins autoritaires, plus ou moins centralisées selon les ethnies. Durant la colonisation, la plupart des chefferies sont restées en place mais leur pouvoir a été limité voire annulé selon leur puissance, leur soumission aux administrateurs, l’intérêt politique de l’occupant. Pire, certains chefs ont été évincés (liquidés ?) et remplacés par du personnel à la solde de loccupant, ce qui a eu par effet de discréditer les chefferies. (on a réservé un chapitre aux chefferies actuelles). Depuis l’Indépendance, la Haute-Volta puis le Burkina-Faso a connu, par principe et la plupart du temps, un système de multipartis malgré ce qui peut être dit sur le fonctionnement démocratique. Certaines chefferies qui n’ont pas - en principe - de rôle dans la République, ont conservé une influence importante auprès des populations, et les gouvernants doivent en tenir compte.
Occultisme et politique : article du Journal du jeudi de Juin 2006 L’Africain fait corps avec le mysticisme et ne se sent parfois rassuré que lorsque l’invisible vient à son secours pour des choses concrètes. D'ailleurs, dans ce recours aux forces occultes, c’est moins l’inflexion de la volonté du peuple qui est recherchée que celle des tenants ou futurs tenants du pouvoir, ceux qui peuvent de par leur volonté faire changer le cours de la vie professionnelle ou politique de leurs camarades.[...] Les canaris et cauris jetés au milieu des carrefours et autres sacrifices sont autant de moyens pour s’attirer les bonnes grâces des seigneurs. Dur, dur d’être haut responsable car, même les cadeaux à
certaines occasions, sous le couvert du témoignage de l’amitié, sont des cadeaux «empoisonnés » enrobés d’incantations dictées par le souci du donateur de ne pas se faire oublier par le receveur. L'objet ou la bête ne sont jamais choisis par hasard ; ils le sont sur conseils des conseillers occultes.[...] L’incongruité de la situation dans le cas de certaines consultations électorales [...] c’est que celui qui va à la quête des suffrages est inondé de présents dont il n’est pas demandeur. Tout ça est enveloppé dans l'expression pudique «cadeau de bienvenue ». Ces mendiants d'honneur et de postes (bien plus de postes que d'honneur) ressemblent bien au co-supplicié de Jésus qui lui disait : « Lorsque tu seras là-haut, souviens-toi de moi. ».
166
Politique et démocratie — fi
. 23 Concertation entre partis politiques : Diagnostiquer le processus démocratique. Extrait du journal Sidwaya du mardi 20 juin 2006. «A l'initiative du Front démocratique républicain (FDR) de Clément Toubé Dakuyo, une rencontre d'échanges et de concertation sur le processus démocratique a eu lieu lundi 19 juin 2006 à Ouagadougou.[.….] (le FDR) a invité les responsables politiques présents, à donner leur point de vue par rapport à l'initiative et à répertorier les problèmes à mettre en débat. Parmi ceux-ci. le parti de Toubé Clément Dakuyo avait noté l'élection « alambiquée » de Blaise Compaoré sur une rétroactivité de la loi électorale « discutable ». De même, le fichier électoral peut être critiqué avec les « doublons » sur les listes. C’est tout le processus démocratique qui est ainsi mis à mal ce d’autant que le Conseil constitutionnel, juge suprême de la légalité, a cautionné certaines « dérives ». On notera qu'il a laissé agir une CENI « illégale », celle-ci n'ayant pas renouvelé ses démembrements entre les scrutins présidentiel et municipal, alors que la loi l’y astreignait. « Parti libéral à vocation sociale », le FDR ne peut observer une « indifférence coupable », son objectif étant «la maturité et la crédibilité » du processus démocratique. D'où son souhait que des « conclusions permanentes » soient issues de cette rencontre.
A Opposition burkinabè : On sait ce que chacun à dans le ventre
Extraits du journal L'Hebdo du mercredi 7 juin 2006. «..Le Burkina Faso est un des rares pays où les médias, notamment la presse écrite, n’hésitent pas à permettre au citoyen quelle que soit sa condition, de s’exprimer. Des états d’âme, aux opinions les plus élaborées, chaque parution apporte son lot de déclarations, de réflexions, de dénonciations et de constats d’évangile. L'actualité ces jours derniers, on s’en doute, ce sont les municipales et bien sûr
la fronde des travailleurs contre "la vie chère". Deux sujets sur lesquels, les partis politiques de l’opposition se sont exprimés dans le style qui les maintient à la périphérie. Ils ne sont pas porteurs de changement parce que n’ayant pas une réelle conscience de leur rôle [...] On peut dénoncer, critiquer, s’opposer, mais en retour un politique, qui serait conséquent, propose aussi. S’il n’en est pas capable, comme on le voit régulièrement à travers leurs écrits multiples dans la presse, cela pose un problème insoluble à la démocratie. Alors, ces opposants vont-ils continuer à disserter dans le vide, à se contenter de généraliser, d’affirmations dont les seules vertus seraient de donner lillusion qu’une opposition existe, qu’elle vit ? Même si cela était, la conclusion est de savoir si elle recèle du potentiel pour diriger et surtout autrement. Verra-t-on un mieux avec elle ? On en doute, vu ce qu’elle montre depuis quinze ans ».
167
Politique et démocratie — à
4
(2 Politique : La fièvre du nomadisme -Extraits du Journal du Jeudi du 10 juin 2006. (Cyril Goungounga, démissionnaire de | ADF/RDA). Depuis un certain temps, depuis que la flamme de la grogne s’est ravivée sur le front social, l’atmosphère politique du Faso paraît viciée, et les silences du président de tous les Burkinabè semblent avoir plongé le pays dans une rivière de rumeurs, d’incertitudes et d’intrigues diverses régulant l’existence des formations politiques. Depuis la confection des listes de candidatures pour les élections municipales, la fièvre de la bougeotte a atteint un stade suffisamment chronique pour passionner l'opinion. [...] Pour de nombreux militants, plus en quête d’intérêts personnels que d’un avenir quelconque du pays, l’essentiel est de bien savoir tirer parti des failles constatées dans la direction des bureaux politiques pour prendre la ?’clé des champs”. Ainsi a-t-on assisté à une certaine hémorragie au sein du parti majoritaire, hémorragie dont on n’a pas encore fini de mesurer les conséquences. [...] Comme l’on pourra le constater dans un avenir très proche, l’épidémie du nomadisme gagnera de nombreux partis politiques. C’est dire que les Burkinabè ne sont pas du tout au bout de leurs surprises. Tout laisse à penser, en effet, qu’à quelques encablures des législatives, chacun sera forcé d’ôter son masque et d’abattre ses cartes.
La démocratie : Octobre 2006
Pour un Français, l’état démocratique du Burkina est perçu différemment selon qu’il lit et écoute des nouvelles « grand public » ou qu’il recherche des informations dans les médias spécialisés. En France - et en dehors de rares articles de la presse d’investigation politique - le Burkina est présenté comme un pays stable, dirigé par des personnalités raisonnables avec qui «on peut s’entendre ». Ce sentiment est conforté par la mesure des propos de son Président, des formules que l’on cite couramment : à commencer par l’appellation même du pays - «le pays des hommes intègres » - dont on fait profiter les responsables et le slogan du Président «la bonne gouvernance» et l’objectif affiché par lactuel gouvernement « lutte contre la pauvreté et pour le bien-être des Burkinabè». Le Burkina passe donc pour être un îlot de paix, de démocratie et, pourquoi pas, de prospérité. La multitude des ONG présentes au Faso semble être une garantie supplémentaire d’une direction uniquement tournée vers le bonheur de ses populations. Certes, toutes les associations pensent que les Burkinabè sont dignes d’être estimés et aidés, ce qui ne signifie pas qu’elles cautionnent pour autant la politique des dirigeants.
168
Politique et démocratie
Quand on est Burkinabè, ou quand on vit au pays, ou qu’on le connaît bien, la situation peut apparaître différente. La presse, heureusement très plurielle, relate des évènements,
des entraves aux libertés, des assassinats même
qui ne
donnent pas une image aussi idyllique du pouvoir. Ce qui peut faire penser, d’ailleurs, que la presse africaine est majoritairement d’opposition. L’assassinat d’un journaliste et directeur de presse est toujours dans les esprits huit ans après (voir les titres des journaux de l’été 2006 après cet article et le chapitre : «les affaires »). Si vous rencontrez des amis - suffisamment amis pour parler franchement - vous constatez qu’ils sont souvent critiques, voire contestataires. Lorsqu’arrive une élection, et en particulier celle du Président, les observateurs constatent que celui en place ou son parti ou la coalition qui le supporte gagne largement, sans atteindre néanmoins des taux de république bananière. Comment expliquer qu’avec autant d’opposants apparents, le pays réélise ceux qu’il paraît critiquer si largement ? Nous nous contenterons de donner quelques pistes de réflexion. Vous rencontrez des gens plutôt instruits et réfléchis et nécessairement francophones : ils ne représentent donc qu’une frange de la population. D’autres, moins avertis, sont plus sensibles aux campagnes électorales qui nécessitent des moyens et des véhicules que les partis d’opposition n’ont pas, on entend même parler de billets de banque distribués...Enfin, des observateurs, plus avisés que nous, pourraient dire que les stratégies de ces oppositions (en nombre beaucoup trop important, incapables de s’allier, ayant utilisées des désistements stériles et fréquents pour protester) n’ont pas été les plus efficaces. Il est également possible que certains, parmi les plus âgés, votent «prudent » pour éviter des aventures plus totalitaires… Une des chances du Burkina est d’avoir une culture du multipartisme, même si le nombre des partis handicape l’intérêt du système. Depuis l’indépendance, hormis quelques périodes dont celle de la Révolution, il n’y a pas eu de pensée unique et de censure ouverte. Certains analystes craignent que la multiplication des partis et le fait ethnique amène une communautarisation des partis qui seraient préférés — non pour leurs idées ou pour leur programme — mais pour une obédience ethnique. Certes, si le système en place se targue d’être démocratique, son fonctionnement est perfectible. Il faut prendre en compte que le pays est passé, en peu de temps, d’un système féodal à une tutelle coloniale puis à des régimes plus ou moins autoritaires… L'apprentissage de la démocratie n’est qu’à son début. Le principe étant acquis, peut-être devient-il urgent que les gouvernants permettent - et même favorisent - une réelle expression des oppositions.
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Politique et démocratie
L'élection présidentielle de 2005 Suite aux réformes constitutionnelles, elles-mêmes consécutives à l’affaire Norbert Zongo, le nombre de candidats à l’élection a été de 13. Blaise Compaoré qui n’aura jamais été confronté à une si large concurrence est réélu des autres candidats n’obtiendra les 5% très confortablement Aucun nécessaires au remboursement de la caution. =
€
4
Droit dans les yeux : La "'Démocrature'' au Burkina Extraits du journal Le Pays du mardi 6 juin 2006. «Les élections 2004-2005 sont finies. Les résultats sont clairs et nets. L'élection présidentielle : plus de 80% des votes pour Blaise Compaoré, et, pour les 12 autres candidats tous ensemble, moins de 18% des suffrages [...] Les votes nuls étaient de 8,8%, mais cela n’a pas été un signal pour le président. » Les élections municipales 23 avril 2006 Jusqu’à récemment, seules les grandes villes étaient administrées par des élus, les communes rurales étaient placées sous l’autorité des Préfets ou Souspréfets. Cette année 2006 aura vu la mise en place de conseils municipaux dans tout le pays. Les élections des conseillers puis des maires se sont accompagnées de nombreux incidents, contestations et de quelques violences : la presse burkinabè est pleine de ces péripéties depuis le début de la campagne électorale. On entend dire « Nous sommes dans un pays de parti unique avec un semblant de démocratie ». Il n’empêche...les élections ont eu lieu, ce qui est indubitablement un nouveau pas vers une plus grande démocratie.
Après l’installation des conseils municipaux : Le plus dur est à venir Extraits du journal L'Hebdo du samedi 10 juin 2006. Chacun des 352 chefs-lieux de préfecture a un conseil municipal et chacune des treize (13) régions aura bientôt une Assemblée régionale. La base de la pyramide démocratique est en voie de consolidation.[...] Chaque commune urbaine ou rurale a désormais son destin en main, l’Etat jouant le rôle de facilitateur et d’appui-conseil dans la mobilisation des ressources et dans l’exécution des projets. »
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Politique et démocratie
Election des maires : Il faut sauver la démocratie Extraits du journal Le Pays du vendredi 16 juin 2006. «La communalisation intégrale tant souhaitée par la majorité de nos populations à la base est en phase d’être un instrument de confiscation pure et simple de leurs droits fondamentaux dans certaines contrées du Burkina Faso [...] Le pays des hommes intègres ne l’est-il que de nom ? Notre démocratie si enviée à l’extérieur [...], n’est-elle en réalité qu’une fine couche de vernis sur une muraille épaisse de pratiques anti-démocratiques ? Notre pluralisme politique n'est-il qu’un mince paravent qui cache très mal les multiples survivances du monopartisme ? » Simon Compaoré, maire de Ouagadougou _ 78
, 4 a Municipales : Les mauvais perdants sont un poison pour la démocratie Extrait du Journal du jeudi du 10 juin 2006. « Au pays des Hommes intègres, l’alternance commence à pointer du nez à la faveur des élections municipales du 23 avril dernier. En effet, quelques communes sont tombées dans l’escarcelle de l’opposition. Hourra, la démocratie a triomphé! Un pays multicolore, rien de plus beau! Avec ça, c’est la diplomatie burkinabè qui va avoir de quoi argumenter sur la bonne santé du processus démocratique... » Les élections législatives du 6 mai 2007.
Mai 2007 Le scrutin était destiné à élire les 111 députés de la 4è législature. Le nombre d’inscrits sur les listes électorales était de près de 4,5 millions.
On constate une inflation du nombre des partis présentant des candidats et donc un nombre impressionnant de candidats : 47 partis, 3748 candidats. Cinq des partis se situent dans la mouvance présidentielle, les 42 autres sont dans « les oppositions ». Le pluriel est utilisé ici pour marquer que ces partis n’ont pas réussi à s’entendre sur un programme et encore moins à s’unir. Si leurs campagnes étaient principalement dirigées contre les partis de gouvernement, dénonçant les avantages financiers et matériels de leurs adversaires, l’appui partisan de l’administration, l’augmentation des indemnités et des avantages que se sont octroyés les élus..certains n’ont pas hésité à s’égratigner entre eux et se sont livrés à une concurrence pour obtenir le label (reconnu par la Constitution) de « chef de file de l’opposition ».
191
Politique et démocratie
Pour les partis de la majorité sortante, les partis d’opposition sont des coquilles vides, sans programmes réels et qui ne savent pas ce qu’ils veulent juste bons à « diaboliser » le pouvoir. A leurs yeux, Blaise Compaoré fait preuve d’un esprit d'ouverture démocratique … Les résultats marquent une progression spectaculaire du CDP (parti du Président) qui rafle 73 sièges, son allié l’ADF/RDA devrait en détenir 14. Les partis d'opposition - dont les stratégies sont évidemment en cause - subissent tous une défaite sévère tel, le PDP/ PS (parti de feu Ki Zerbo) qui avait 10 sièges et n’en conserve que 2. Onze parmi les autres partis se partagent les sièges restants. Les partis se réclamant du sankarisme risquent de ne pas pouvoir former un groupe parlementaire. Les opposants dénoncent les fraudes, le manque
d’idéaux
et de morale de
leurs adversaires, parlent de « pouvoir à vie ». Une tentative de regroupement de partis d’opposition, qui s’est dénommé le G 14, a vu le jour...Souhaitons-lui un bel avenir. Les partis de l’ancienne majorité qui ont conforté spectaculairement leur représentation les traitent de mauvais perdants, leur reprochent l’utilisation systématique d’accusations — pour eux — non fondées et non prouvées.
—r8
2
Extraits du journal Sidwaya du 29 juin 2006 sur les sondages de satisfaction ». «- 41 % de personnes vivant au Burkina sont satisfaites de l’état de la démocratie, … - 60 % de Burkinabè pensent que la liberté d’opinion s’affirme et 35 % trouvent que le traitement est équitable pour toutes les couches de la population - 49,1 % ...se sentent d’abord Burkinabè.
- 34,12 % des burkinabè sont dans une mauvaise situation économique. - 30,15 % de Burkinabè affirment se restaurer juste une ou deux fois par jour. La police et la gendarmerie viennent en tête dans le domaine de la corruption (20,8 %) suivies des impôts et des douanes (20,4 %). »
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Les maux nouveaux
La corruption La corruption apparaît dès qu’une personne jouit d’une influence permettant de rendre un service à une deuxième personne qui l’en remercie. Et pour cela, le paie. C’était, au début, probablement un système de petits cadeaux ou de pots de vin qui ne portait pas sur de grosses sommes : en Haute-Volta, la personne obligée n’était pas riche. Mais il y avait déjà rupture avec la tradition car, précédemment, une personnalité intervenait, pour augmenter sa notoriété plutôt que pour s’enrichir. La Haute-Volta passait pour un îlot d’honnêteté en comparaison de pays voisins où les gens étaient assez systématiquement « rackettés ». La corruption prend de l’importance lorsque la personne influente s’arrange pour le devenir davantage et qu’il boucle le système en rendant obligatoire le recours à ses services. Appelons cela une corruption active. Prenons un exemple : dans une ville, un fonctionnaire a prévu de signer les documents au bureau, par exemple deux fois par semaine. Si vous avez besoin de récupérer votre papier plus rapidement, il vous faut commanditer un envoyé qui sollicitera le fonctionnaire chez lui, en dehors des heures de service. Tout se paie : un peu l’envoyé qui souvent ne vit que de cela et l’agent de l’Etat qui a un train de vie plus grand. La corruption prend une autre dimension lorsque le recours « amiable » devient obligatoire : par exemple lorsque le fonctionnaire ne signe qu’en dehors du bureau ou qu’il signe de son bureau mais exige systématiquement une contrepartie. Voilà l’engrenage et certains prétendent que le Burkina aurait commencé à s’y broyer… Qui est en état de rendre service ? Les politiques, ce qui expliquerait la violence des luttes politiques et des campagnes électorales. Les fonctionnaires et les agents des services publics, les longueurs des listes de candidatures en attesteraient. Il y a des services plus recherchés et des postes préférables dans chacun d’eux.…. Dans le domaine des infrastructures et des équipements, le principal (et presque unique) donneur d’ordre est l’Etat. Les entrepreneurs sont donc très dépendants des politiques et des fonctionnaires : ce qui augmente la « puissance potentielle » de ceux-ci. La corruption est d’autant plus pernicieuse qu’elle semble être admise par un grand nombre : «Si j'étais à sa place... ». Pour eux, la solution serait donc de se hisser là où ils seraient en état de « rendre des services » plutôt que de dénoncer une pratique qui, on ne sait jamais, pourrait leur profiter. Les lésés sont ceux qui, tout en ayant besoin d’aides, ne peuvent pas payer le service et ceux qui savent ne jamais pouvoir se
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Les maux nouveaux
trouver en position dominante : les plus pauvres et les moins instruits. Donc le plus grand nombre de Burkinabè. La Haute-Volta était un pays pauvre avec quelques familles aisées. Le Burkina risque de développer en son sein une classe nouvellement riche voire outrageusement riche — et malhonnête, au milieu de populations toujours plus pauvres.
AS ES et corruption dans les sociétés anciennes du Burkina Attention : l'auteur parle ici du pays traditionnel et non du Burkina moderne… «Une société empreinte si profondément de religion, une société qui ..….est portée à accorder aux relations et aux devoirs sociaux une valeur morale absolue ne peut pas se heurter à une corruption de même type que celle que nous observons dans les sociétés marquées par le retrait du religieux, les progrès de l’individualisme et des rapports marchands... »
Douaniers et commerçants véreux se sucrent (14/06/2006)
« Considéré à tort ou à raison comme un poste « juteux » pour douaniers, le bureau de douane de B.[...] est la plaque tournante d’un trafic important. Les rackets, on en rencontre à tous les niveaux : des laissez-passer (LP) au transport de klinker, en passant par le contrôle voyageurs (CV) et les véhicules «au revoir France », partout où l’usager passe, 1l a rendez-vous avec le racket. Selon des sources proches de la douane, beaucoup de douaniers font des pieds et des mains pour être désignés à ce poste. La concurrence est tellement rude que le partage du butin avec le responsable chargé de désigner « l’heureux élu » ne fait pas l’ombre d’un doute... »
ve
Rencontre Suède / Burkina du 1/06/2006 : «zone d’ombre, la corruption ». extrait du journal L'observateur Paalga. «Concernant la gouvernance démocratique, la représentante de Suède confie que s’il convient de se réjouir de l'adoption en 2005 d’une politique nationale en matière de bonne gouvernance, il faut noter que le phénomène de la corruption continue de prendre de l’ampleur au Burkina ».
lys
Les maux
Pot-Pourri 2006.
nouveaux
: Attention à la corruption d’agents publics ! vendredi 16 juin
A travers cette note, le ministre du Travail et de la Sécurité sociale s’adresse
à certains agents de l’Administration qui "prêtent leurs services", ceci "en totale contradiction avec leur serment et obligations professionnelles". Le communiqué signé, pour le ministre et par délégation, par Léontine M. F. Zombré, la secrétaire générale dudit ministère, invite les victimes de cette pratique à s’adresser par téléphone ou courrier confidentiel à l’Inspection technique du ministère.
La fraude Témoignage Fraude électorale Octobre 2006 Lors des élections municipales, en avril 2006, un bureau de vote — quasiment clandestin — a été installé dans une cour voisine. Il avait été organisé par un candidat du CDP. II n’avait rien d’officiel et pourtant les bulletins ont été portés dans un bureau réglementaire : ils ont été enregistrés et comptés. Il y a eu plusieurs bureaux de ce genre dans la ville. Là, même si tu n’es pas inscrit, tu peux voter, à condition de bien voter : on te donne alors une carte et même un billet de banque. Moi, je n’admets pas cela ! Je ne sais pas s’il y a eu dépôts de plainte, en tout cas, on en a un peu parlé dans un journal et c’est tout. Habituellement, je vote pour le Président en place : « On sait comment cela va avec son parti, on ne sait pas comment cela irait avec celui d’un autre ». Cette fois-ci, personne dans la cour n’a pu voter: nos cartes d’électeurs ont été « égarées » à la mairie. Pourquoi ? Quelqu'un a dû croire que nous étions plutôt opposants ou que nous pouvions le devenir ? On a osé me dire que si nous savions bien voter, on retrouverait nos cartes. Ce n’est
pas cela la démocratie. J’ai toujours
voté pour
le Président
mais
maintenant,
avec
de telles
pratiques, je me demande si je voterai encore pour lui. (Recueilli par la rédaction)
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Les maux nouveaux DU)
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2 Dieudonné Marie Compaoré: “L’Etat ne réprime pas assez la fraude” Extraits du journal Sidwaya du vendredi 23 juin 2006. « Je suis un peu gêné d’en parler. J’ai le sentiment que plus nous nous battons. plus la fraude augmente. Le commerce à l’heure actuelle, dans notre pays, n’est pas seulement le fait des commerçants. Des fonctionnaires. des hommes politiques et autres s’adonnent au commerce. Ceux-ci ne respectent pas les règles [...] Tant que la corruption sévira, la fraude prendra de l’ampleur.[...] La réglementation ne décourage pas les fraudeurs. Il appartient à l'Etat de rendre la répression plus dissuasive et faire en sorte qu'il y ait, en cas de fraude, une procédure accélérée en justice. De telle sorte à aboutir à des condamnations exemplaires. Aujourd’hui, tout le monde est commerçant. Des femmes fonctionnaires vendent
des pagnes jusque dans les bureaux. [...]Même le marché des véhicules « France au revoir » est animé par des fonctionnaires, des corps habillés. »
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4
28e Fraudes aux concours : Aller au-delà de la simple dénonciation Extraitx du journal /'Hebdo du samedi 8 juillet 2006 «Il semble que composer avec honnêteté et le talent de son cerveau aux examens et concours est hors de portée du Burkinabè. Depuis, une dizaine d’années, pas une seule année où des candidats n’aient envahi les colonnes des quotidiens pour crier à la fraude.[...] Les aînés, même en l’absence de surveillants dans les salles, n’auraient pas pensé une seconde à vouloir tricher pour réussir... »
Les affaires Comme tous les pays, le Burkina connaît « des affaires » relatées avec force détails et avec passion par la presse. Certaines durent le temps d’une parution. D’autres mobilisent durablement la classe politique, les syndicats et évidemment les médias. Elles vont jusqu’à ébranler les gouvernants.
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— rl
Justice : La République face à ses responsabilités Extraits du Journal du jeudi du 17 juin 2006. «Dans le processus de construction de sa démocratie, le Burkina a conscience que la justice est le talon d’Achille dans le fonctionnement de l'Etat de droit. Et c’est certainement pour redorer son blason terni par plusieurs
affaires que la Justice burkinabè a décidé de prendre le taureau par les cornes et de vider autant que possible tous les contentieux judiciaires. LT
Les maux nouveaux
En attendant de s’attaquer au fond des dossiers délicats, comme ceux de Norbert Zongo et de Thomas Sankara notamment, les autorités de la Justice ont annoncé de nouvelles assises de la Chambre criminelle de Ouagadougou initialement prévues pour se tenir du 12 au 14 juin. » L’affaire Norbert Zongo : Parmi celles qui restent dans les esprits et les cœurs : «l’Affaire Zongo », du nom du journaliste et directeur de journal d’opposition assassiné avec des amis sur une piste de province. Ce journaliste enquêtait et s’apprêtait, dit on, à publier des révélations qui auraient touché un parent du Président. Dès l’événement, une partie de l’opinion a mis en cause l’entourage de celui-ci. Des grèves, des manifestations - parfois violentes - la fermeture des Universités et d’établissements secondaires pendant des mois ont créé une atmosphère insurrectionnelle dans les principales villes. Des péripéties juridico-policières ont abouti à l’arrestation d’un seul militaire, gradé de la garde présidentielle, mais les lenteurs de l’enquête et, semble-t-il, son manque de rigueur, la certitude qu’il n’avait pas pu agir seul ont accrédité la suspicion qu’il n’était qu’un bouc émissaire. Le retentissement a été énorme et durable. Voilà ce qu’en disent les journaux huit ans après alors que le présumé coupable bénéficie d’un non-lieu…
oh es
Affaire Norbert Zongo: Après le non-lieu - Extraits du journal L'Opinion dujeudi 27 juillet 2006 «La commission d'enquête « indépendante » pour partisane qu’elle fut, l’a du reste compris, elle qui indiquait « qu’en ce qui concerne les auteurs du crime, la CET ne dispose pas de preuves formelles permettant de les désigner. ».
« Des manifestants disent non au non-lieu. » (Extrait du journal Sidwaya du ler août 2006).
«La coordination du comité de résistance du dossier Norbert Zongo, composée de mouvements et partis politiques, a organisé hier dimanche 30 juillet à Koudougou, une marche suivie d’un meeting pour protester contre le non-lieu accordé à M.K., seul inculpé dans l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons ».
«Manipulation à outrance » Extrait du journal Z'Opinion du 3/08/06. «L’assassinat de Norbert ZONGO garde tout son mystère au jour d'aujourd'hui mais il ne fait pas de mystère que l’affaire qu’il est devenu et qui a secoué le pays entier est depuis l’entame d’un tissu de manipulations diverses.
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Les maux nouveaux
Autres maux
Le bénévolat Edito - Octobre 2006 Une des difficultés pour une petite association comme la nôtre - à la fois burkinabè et française - est une désaffection des Burkinabè pour tout engagement bénévole. Ce comportement n’a rien de «traditionnel », la solidarité et l’entraide étaient de mise dans les villages. II semble qu’il est apparu et s’est généralisé du fait des pratiques et des moyens financiers des ONG (et oui! effet pervers) qui voulaient « défraver » leurs volontaires (évidemment
pauvres).
Maintenant,
l’affaire est bien installée : beaucoup
n'acceptent de « s’aider » que si on les paie pour cela, ce que l’on appelle le «perdiem». L’assistanat a donc pour effet de devenir indispensable à toutes actions, même pour soi-même.
L’excuse toujours avancée est la pauvreté. Comment demander un service
gratuit à une
personne
sans
ressources,
et par extension à ressources
modérées ? Le problème est que ce service est à rendre à soi-même (ou à sa
communauté). Nous passerons sur le fait que nos membres français sont tous bénévoles et que beaucoup d’entre eux mettent largement la main à leur poche, parce qu’ils sont comparablement « aisés », ce qui pourrait parasiter le discours. Les Européens savent combien ils sont redevables au militantisme désintéressé de leurs parents et grands-parents dans les amicales, associations, sociétés, cercles, clubs des 19 et 20e siècles, qu'ils aient été laïcs, confessionnels ou politiques. Et ils n’étaient pas riches... Comment « rattraper » le coup et obtenir que - dans une association où les moyens sont fournis essentiellement par ceux qui le peuvent - chacun des « bénéficiaires » recommence à s'engager bénévolement pour faire avancer les choses °? C’est le pari que nous ferons pour animer notre « maison ». ml
: 4 ce Les perdiems: bête noire du développement — Extraits du journal Sidwaya du lundi 4 septembre 2006. « De plus en plus, au Burkina Faso, la population à la base refuse de contribuer gratuitement à la réalisation des projets de développement visant son propre épanouissement, [...] le bénévolat est «mort» dans nos campagnes. Gare à vous, si vous y allez avec la bonne volonté de former des villageois, même en saison sèche où ils ne font rien, sur comment faire, par exemple, des digues afin d’éviter l’érosion Après la première journée, si les premières d’espèces sonnantes et trébuchantes, murmurant : « Ces gens-là, ils croient que
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de leurs champs ! bonnes volontés ne reçoivent pas chacun rentrera chez lui en nous sommes bêtes ! Demain, ils
Les maux nouveaux
seront seuls là-bas. On leur a donné des perdiems pour nous, maïs ils veulent les détourner »[..] On sait que ce genre de motivation n’est pas né dans les campagnes et qu’on peut même en vouloir aux fameuses ONG qui ont créé leur diable qu’ils vont devoir combattre ![...] La situation est plus triste dans les villes comme Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, etc. Dès qu’on parle de séminaire,
d’atelier.….,
chacun
a en
tête
des
perdiems.
Ainsi,
avant
le
démarrage des travaux, vous entendez : « Nous allons débattre des questions pratiques », c’est à dire qui empochera combien par jour et comment ? Il n’est souvent pas étonnant de voir des séminaires se terminer en queue de poisson pour des raisons de perdiems.
Témoignage Billet d'humeur
Avril 2003
Mon voyage au Burkina-Faso avait un caractère professionnel puisque je travaille dans un centre de langues au Japon qui forme les futurs volontaires se rendant en Afrique Noire francophone. J'ai donc de nombreux étudiants vivant actuellement en Afrique de l'Ouest, notamment au Burkina Faso. Ma
démarche est donc intéressée puisqu'elle me permet, outre la connaissance personnelle d'une autre culture et d'une autre géographie, de réinvestir mes découvertes dans mes classes pour amortir un peu le choc culturel qu'auront, dans tous les cas, les jeunes Japonais. Apres le Niger l'année précédente, le Burkina me parut plus facile et … beaucoup plus vert. Les contacts humains y sont très chaleureux même si j'ai regretté le peu de contacts avec des femmes. En effet, voyageant seule, les personnes m'abordant étaient presque uniquement des hommes de tous âges. Heureusement, par les AFB, j'avais réussi à arranger un séjour dans une famille burkinabè à Kaya et cela me permit de passer des heures à deviser avec la seconde épouse de la famille qui montrait une curiosité non feinte à une vie très différente de la sienne. Je dois dire qu'elle parlait très bien français, ayant passé sa jeunesse en Côte d'Ivoire. Les filles suivent une scolarité en général beaucoup plus courte que les garçons dans les pays africains et les taches ménagères qui leur sont imparties les privent souvent de l’assiduité nécessaire à tout apprentissage, surtout dans les villages, bien entendu. J'ai donc rencontré des hommes très intéressants et d'horizons variés et J'ai réellement pris plaisir à leur conversation. Pourtant, certaines choses m'ont gênée tout au long de mon voyage qui a duré un mois. La première était les incessantes demandes de « cadeau », « 100 francs ! », « faut donner cadeau !», « donnez-moi votre adresse pour pouvoir correspondre avec
vous », «donnez-moi
du travail»,
etc. Dix fois par jour, on vient me
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Les maux nouveaux
sommer de donner, la plupart du temps de façon très impérative. Je sais que Je ne devrais pas y voir malice car pour tous ces gens-là, une blanche est synonyme de Jacky Onassis (même s'ils ne la connaissent pas). Parfois, les demandes sont aberrantes. Un soir, j'ai passé quelques heures à discuter devant mon hôtel de fortune à Koupéla avec un homme jouissant d'une situation convenable puisqu'il est directeur d'un collège. Plusieurs mois plus tard, j'ai reçu une lettre de sa part et la déception fut grande à sa lecture : il m'enjoignait de lui envoyer le plus rapidement possible la somme de 2750 euros. C'est une fortune bien sûr et je me suis demandé où était le malentendu, à quel moment j'avais pu donner l'impression de rouler sur l'or, moi qui ne peux me permettre d'avoir une voiture (alors qu'il en a une, peutêtre de fonction je ne sais pas) car, justement, je fais le choix de voyager plutôt que d'investir dans des biens matériels, voiture ou vêtements. Alors, le plaisir que j'avais pris à causer avec lui a pris une coloration différente. Dans chaque rencontre, n'y avait-il pas un intérêt caché ou non ? Je comprends que des êtres dans l'extrême besoin quémandent et je ferais certainement la même chose si j'étais à leur place. Mais parfois, le besoin n'était pas en cause et c'était par jeu, par habitude vis-à-vis de la face blanche... Mes étudiants japonais, ces volontaires qui vivent et travaillent sur place pendant deux ans, font le même constat et avec la même tristesse. Je sais, je sais, 1l est malaisé de parler de cela car on risque le « politiquement incorrect », de se faire traiter de raciste ou de nanti dans un pays riche écrasant ces pays en voie de développement... Mais à mon sens, le racisme justement consisterait à donner une image édulcorée du BurkinaFaso. Dans tous les pays où j'ai voyagé ou j'ai vécu, le positif côtoyait le négatif. Il n'est pas de pays parfait et ce n'est pas parce qu'un peuple est plus riche ou plus pauvre qu'il doit être exempt de critique. J'ai fait des expériences magnifiques au Burkina mais le rapport Nord/Sud n'est pas qu'un sujet politique ou économique. Je l'ai vécu au quotidien et me suis posé maintes fois la question, face à des prix triples, à un « donne-moi 100 F ! »… On est là, avec notre mauvaise conscience de venir d'un pays riche et on essaie chacun de se faire une règle de conduite qui tienne debout. C'est vrai que 100 F ce n'est pas grand-chose pour nous mais je ne peux pas donner 100 F dix fois par jour. Et puis, donner ne servirait-il qu'à s'acheter une bonne conscience, qu'à apporter un mieux très momentané à celui qui reçoit ? Je donne au feeling, parce que je ne suis pas arrivée justement à décider du quand et du à qui. Une autre grande question à laquelle je me suis trouvée confrontée était
le rapport au don, au cadeau et à la hiérarchie africaine. Je m'explique: lorsqu'on arrive dans un village ou une famille, on apporte des cadeaux sous quelque forme que ce soit au chef du village ou de la famille pour qu'il le distribue autour de lui. Celui-ci décide seul du partage. Et il arrive plus souvent qu'on veut le croire que le chef garde tout pour lui seul. Personne ne 181
Les maux nouveaux
s'en émeut d'ailleurs, ni le restant du village, ni les cousins qui ne bénéficieront en aucune manière des largesses du donateur. Comment dès lors s'étonner de l'argent détourné au niveau national par quelques-uns ? En Occident, on appellerait ce phénomène « corruption » ou « détournement des biens publics », mais je ne suis pas sûre du tout qu'elle colle à la réalité africaine. Le chef du village garde tout pour lui ? C'est le chef. C'est comme çà. Le système est loin d'être égalitaire et il dépend essentiellement de la personnalité de celui qui se trouve en haut de l'échelle et dont la place impose le respect et l'obéissance. En tant que professeur de français « langue étrangère », j'ai été très sensible à l'utilisation particulière de la langue française au Burkina et en Afrique en général. C'est pour moi un grand sujet d'étude personnelle puisque mes stagiaires n'ont que trois mois pour étudier le français. Les différences sémantiques ou grammaticales du français d'Afrique avec le français de France ne les concernent guère. La part du culturel est plus importante et à cet égard je dois dire que mon voyage au Burkina Faso a largement rempli sa fonction. ClaudineAlberti
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DEVELOPPEMENT
et MODERNITE
Développement et modernité Octobre 2006
Les Sociétés «ancestrales » se méfiaient de toutes les évolutions susceptibles de perturber l’ordre établi, garant de l’équilibre social et économique, donc du bien-être des populations. On parle « d’immobilisme » à leur propos, c’est dire qu’elles étaient très éloignées du concept d’évolution, de modernité, ce que les Européens appellent « progrès ». Ces derniers l’ont donc imposé pour différentes raisons : écouler des produits, obtenir des matières premières avec plus de rentabilité, recruter des travailleurs et des soldats plus efficaces et plus insidieusement par « charité », par grandeur d’âme, on dirait maintenant par solidarité. Ils Pont fait par différents moyens, évidemment sans concertation, sans rechercher une adhésion - totalement persuadés d’avoir raison - et souvent avec brutalité. Les résultats ont été lents, décourageants pour certains coloniaux, puis coopérants, puis assistants et conseillers techniques qui se sont relayés. Ils mettaient cela (continuent à mettre cela ?) sur le compte d’inaptitudes pour ne pas dire d’inintelligence, sans comprendre qu’ils laminaient des civilisations, arrachaient des populations à leurs propres notions de vie et de bonheur. Evidemment
à la longue,
la contrainte,
l’argent,
|” «aide »
reçue,
devenue maintenant indispensable et, fait capital : la participation active de membres des classes privilégiées et dirigeantes locales, ont réussi à créer de nouveaux besoins et des envies à satisfaire. Les Burkinabè se trouvent plongés dans une économie et dans une organisation sociale totalement étrangère à leurs Cultures et.….ils doivent faire avec. Le villageois burkinabè est semblable au « paysan irlandais » de Malthus (économiste anglais de la fin du 18è et du début du 19è siècle) qui ne consommait que ce qu’il produisait, s’habillait de haillons qu’il confectionnait, n’était pas intéressé par la possession d’objets, n’achetait pas à l’extérieur et (comble pour l’économiste) semblait heureux de son état : «Il est une menace à la croissance économique ». Il convenait, disait Malthus, « d’aider ce paysan afin que ses besoins correspondent à ceux de l’économie ». Le rapport des Burkinabè au progrès est ambigu, les articles récents cidessous le montreront. Tantôt ils enfourchent les arguments des pays développés et des économistes mondialistes, impatients, demandant plus d'école et plus d’assistance : ils se voient rivaliser avec les pays les plus développés. Tantôt ils se montrent critiques sur les apports réels du modernisme, sur les chances et même sur l’intérêt que leur économie
« décolle » à l’occidentale, simple nostalgie ou réflexion sur les valeurs de leurs propres civilisations ?
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Développement et modernité
fan Quand _la_misère chasse la pauvreté -essai de Majid Rahnema (diplomate, ancien ministre, et entre autres, ancien représentant des Nations Unies au Mali) Edit. Actes Sud.
«Dans les pays déclarés pauvres, le mot « développement » a toutefois servi à coloniser plus subtilement d’abord les élites, puis l’ensemble des populations|...] En réalité, le résultat le plus tangible des programmes de développement a consisté, [...] à priver les pauvres des moyens de lutter par eux-mêmes contre les misères nouvelles et à installer les nouveaux gagnants de l’opération aux postes de contrôle décisifs.
S
— cf
4
(2 L’Afrique, une mère qui vomit ses enfants" Extraits du journal Ze Pays du 27 avril 2006. « Aujourd’hui encore, cette même Afrique continue d’être le wagon que les Occidentaux utilisent, au sens propre comme au figuré, pour se développer. Alors, penser un seul instant que ce continent rattrapera l'Occident comme on nous le dit sans cesse, c’est faire preuve d’une naïveté colossale parce que le statut du wagon, c’est de rester irrémédiablement derrière la locomotive. … Le jour où les fils et filles de notre cher continent comprendront que l’avenir de l’Afrique se trouve entre leurs mains, et non pas entre les mains de ceux-là qui prétendent nous aider à nous développer et à les rattraper ».
Parmi les nombreuses réponses à l’article : « Pour revenir à la bonne gouvernance, elle ne doit pas nous être dictée par les Occidentaux. C'est nous même, Africains, qui savons de quoi on a besoin et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre nos objectifs. Et si on a besoin d'aide (c'est indéniable) de l'extérieur, ilfaut qu'ils nous aident comme nous le souhaitons, pas comme eux le souhaitent [...] Un proverbe africain :‘’ aussi longtemps que les lions n'auront pas leur (s) propre(s) conteur(s), les histoires de chasse tourneront à l'avantage du chasseur »
Du rôle de la culture et de léducation dans l’émancipation et le développement de l’Afrique. Article signé Amadou Diallo - lundi 19 juin 2006. «Les Africains ont tout intérêt à renouer le cordon ombilical avec les racines de leur civilisation. S’ils le font, les complexes accumulés par la trop longue habitude de se découvrir seulement à travers ce que l'Occident leur offre comme image d’eux-mêmes tomberont enfin [...] La promotion sociale et économique
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Développement et modernité
de notre culture passera nécessairement par l’officialisation de nos langues. Le célèbre linguiste américain Le Page ne dit pas autre chose en affirmant : « quand la langue du gouvernement et de la loi diffère de celle des masses populaires, les plans de développement économique, agricole et industriel sont difficiles à élaborer et encore plus difficiles à mettre en œuvre parce que la recherche de base se trouve handicapée par la barrière de la langue ».…
INGERENCES et PARTENARIATS Ingérences : Le Burkina est indépendant depuis 1962. Mais chacun comprend qu'aucun pays d'Afrique subsaharienne n’est réellement indépendant. Et ce, sous divers aspects : économique, politique et même culturel. On pense immédiatement à une dépendance envers l’ancien colonisateur. Cela reste vrai au Burkina, même s’il n’existe plus un « Foccard » pour régenter le pays. Mais les puissances extérieures extrêmement plus puissantes s’appellent : Fonds Monétaire International, Organisation mondiale du commerce, Banque Mondiale, Banque Européenne. Tous les gouvernements doivent savoir leur plaire, ne pas le faire est s’exposer à des sanctions qui les condamneraient. Le lecteur s’étonnera, peut-être, de voir figurer dans cette rubrique « les Organisations non gouvernementales ». Celles-ci ont une puissance économique importante, surtout au Burkina - pays « sympathique » à aider donc une influence non négligeable. Plus insidieuse l’action de la «francophonie» qui, pour certains Africains, renforce la mainmise d’une langue étrangère - donc d’une culture - sur leurs propres valeurs. Sans compter que, sur le plan militaire - et donc dans une certaine mesure et pour des événements importants pour « le maintien de l’ordre interne» - ces pays peuvent dépendre des forces « onusiennes » et autres « Licorne »...
>
uand
la misère
chasse
la
pauvreté-
Majid
Rahnéma
(Editions
Babel)
«Ainsi, au nom du développement et de la lutte contre la pauvreté, la plupart des pays déclarés pauvres ou sous-développés se sont rapidement
| Longtemps « conseiller spécial » de de Gaulle pour l’Afrique
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Développement et modernité
transformés en zone d’influence pour les centres de pouvoir économique politiques devenus leurs bailleurs de fonds et leurs protecteurs.».
et
a) L'Afrique - Sylvie Brunel (Editions Bréal) . (L’Afrique est (ainsi) le lieu de toutes les ingérences. * Ingérence «officielle » des bailleurs de fonds internationaux justifiée par la crise de la dette [...] * Ingérence humanitaire des agences d’aide du monde entier qui relaient la stratégie victimaire des gouvernements [...] * Ingérence économique des multinationales. .qui exploitent en toute liberté les territoires les plus prometteurs ….. »
L'Afrique l'Atelier)
au
secours
de
l'Occident - Anne-Cécile
Robert
(Editions
de
« L’aide et surtout l’idéologie qui l’accompagne s’inscrivent dans ce rapport de domination qui prend appui sur une sorte de « survictimation ». [...] Il ne s’agit évidemment pas ici de nier l’utilité de l’aide qui peut être apportée à l'Afrique dans les circonstances graves où elle se trouve [...] En revanche, il faut dénoncer la perversité d’une aide si elle participe, en pratique, d’un rapport de domination et de déculturation. ».
Le viol de l’imaginaire - Aminata Traoré (Editions Pluriel)
«Le marché est une réalité lointaine qui se trouve sous la coupe d’un groupe d’acteurs tout aussi lointains : les grandes puissances financières internationales.
[...]Ils
invitent
en
effet
nos
chefs
d’Etat,
ou
plutôt
les
contraignent, à organiser la mise en valeur et l’exploitation des ressources selon les exigences du marché. Les élus locaux deviennent ainsi des relais et des instruments du système. »
Partenariats :
Les ONG, organismes étatiques ou étrangers et Îles associations sont particulièrement présentes au Burkina. Pour s’en convaincre il suffit de faire un tour dans les quartiers semi-résidentiels de Ouaga (ni trop proches des résidences des notables ni dans les quartiers populaires): leurs pancartes y foisonnent. Leurs objectifs et leurs actions - donc leur utilité - sont parfois
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Développement et modernité
obscurs à la lecture de leurs intitulés. On peut aussi consulter les nombreuses listes d’associations sur le net... Nos bulletins ont rendu compte de l’engagement d’un grand nombre d’associations françaises œuvrant pour ou au Burkina. Certaines sont nos adhérentes ou nos partenaires. Nous ne parlerons pas de nos propres actions, considérant que ce livre a été réalisé afin de faire connaître et aimer les Burkinabè et inciter à aller séjourner parmi eux, non faire notre promotion. Disons que si beaucoup critiquent le nombre pléthorique d’intervenants, le manque d’efficacité et de coordination qui en découle, on peut y voir un facteur positif : la difficulté d’un détournement massif de cette sorte d’aide. Certes, chaque action est modeste mais, la plupart du temps, existe. Nous reproduisons ci-après un éditorial et un article mettant en garde sur l’inadaptation, donc l’inefficacité, de certaines actions
Témoignage Les bonnes idées auxquelles il convient de réfléchir.
EDITO Avril 2007 J’ai rencontré, j’ai vu passer à la maison de nombreux Françaises et Français qui donnent beaucoup de leur temps et de leur argent pour aider dans un domaine ou dans un autre - les Burkinabè. Qu'ils en soient remerciés. Dans nos cultures africaines, il serait inconvenant de ne pas le
faire chaleureusement ou de laisser supposer que les services rendus ne nous vont pas droit au cœur. Cette façon traditionnelle de faire plaît aux personnes généreuses qui s’estiment ainsi confortées dans leur action et remerciées - mais risque quelquefois - d’altérer leur jugement sur l’intérêt réel du service rendu. Il ne peut être question d’y faire allusion et encore moins de le dire. Jean-Claude qui n’a pas la même culture peut parler, lui, de ce qu’il appelle les « fausses bonnes idées ». Jules Kafando |
Avril 2007 Nous avons beaucoup hésité avant d’écrire cet article. Le danger est qu’il soit pris comme une critique systématique des actions entreprises par d’autres. Comme eux, nous sommes une association : nous avons fait et faisons des erreurs. Îl ne s’agit donc pas de condamner mais d’expliquer pourquoi - nous, qui sommes à moitié Burkinabè - nous pensons que certaines entreprises
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peuvent être inadaptées ou susceptibles d’effets pervers. Et qu’étant à moitié Français, nous osons l’écrire. C’est plutôt un appel à réfléchir avant l’action qu’il faut y voir, certainement pas la volonté de donner des « leçons » à nos partenaires, nos amis, quelquefois
nos propres adhérents. Le problème est double. Comme le dit Jules dans son édito, l’intention est souvent - pour ne pas dire toujours - généreuse. D’autre part, aucun Burkinabè ne dira réellement ce qu’il en pense. Au contraire, il remerciera chaleureusement, sans retenue : c’est ainsi qu’il convient de faire dans la culture du pays. Le risque pour les associations est de prendre pour une approbation totale - voire enthousiaste - ce qui n’est que du savoir-vivre. La friperie : Tous les membres d’associations complètent - et souvent dépassent - leur droit à bagages par des vêtements encore en parfait état qu’ils remettent à leurs hôtes. C’est bien !
f,
AE
LE
Les vêtements chauds ne sont pas à exclure, pour la saison de « froid intense »
Payer un dépassement ou envoyer des lots à titre onéreux est une autre affaire : le coût du transport, les frais de douane (oui ! il faudrait en payer)
dépassent le prix du vêtement sur le marché. dépensé directement aux bénéficiaires.
189
Mieux
vaut remettre l’argent
Développement et modernité Les fournitures scolaires : Le prix d’un cahier d’écolier de 100 pages est actuellement de 150 FCFA (0,27 €) à Ouaga. Avec le prix d’un cahier acheté en France, on achète localement 6 à 8 cahiers, et on fait travailler des commerçants burkinabè...Si on les envoie, s’ajoutent le prix de transport, les taxes (oui ! c’est taxé): votre correspondant risque de payer plus cher que s’il les achetait localement. Et si les cahiers nous étaient donnés ? Pourquoi ne pas expliquer et demander leur coût au donateur ? Evidemment, compléter ses bagages (dans les limites de ses droits) avec des fournitures données est une bonne opération. Le matériel inadapté : Il faudrait être un expert du matériel et un connaisseur des conditions locales pour éviter, à tous coups, l’erreur. Chaque fois que je passe à Kombissiri, j'observe cette machine - pourtant apparemment robuste - installée au beau milieu du marché, à la disposition de tous les producteurs de beurre de karité. Pourquoi ne l’ai-je jamais vue fonctionner ? Pourquoi est-elle (définitivement ?) démontée ? Sans aucun doute les populations ont fait la fête au donateur qui avait toutes les raisons (sauf à revenir dans les lieux comme je le fais régulièrement) de croire qu’une telle machine serait bien utile à d’autres villages. Autour des « chantiers » : « Aller construire pour les Africains », qui sonne un peu comme « Aller construire à la place des Africains », c’est un leitmotiv que nous entendons souvent des personnes qui nous appellent. Evidemment, tous les villageois savent édifier des constructions traditionnelles (celles que les touristes viennent admirer)
et il existe au Burkina
des terrassiers,
des maçons,
des puisatiers
professionnels.…..mais c’est vrai : peu d’architectes, peu de maîtres d'œuvre, peu de conducteurs de travaux (quelques-uns tout de même). Et pour cause, au lieu d’en former on les importe.
Témoignage Septembre 2002 …J’étais en poste à Ouaga et, dans mes attributions, j’avais la charge de prévoir la construction d’un centre de formation. Avec mes collaborateurs (burkinabè) je visitais ce qui s’était fait de mieux localement. On réfléchit
aux meilleures solutions avant de sortir un avant projet adapté. La construction du centre étant financée par un fonds français, il était
donc
nécessaire
d’avoir
la caution
d’un
190
organisme
de confiance
- en
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l'occurrence l’entreprise de service publie - mon employeur, celui même qui m'avait envoyé à Ouaga. Evidemment, le projet a été entièrement modifié sans tenir compte de nos travaux - par des collègues de la Seine-et-Marne qui pour la plupart n’étaient jamais venus en Afrique. On hérita d’un projet «type », peut-être bien adapté à l’Ile-de-France, qui fut réalisé et personne ne protesta : c’était aussi cela la coopération. Revenons à nos « chantiers ». On nous interroge souvent: «Organisez-vous des chantiers ? », « Pouvez-vous me proposer de participer à la construction d’une école, d’un dispensaire (quand ce n’est pas de creuser un puits)». Notre réponse : « Les Burkinabè savent et peuvent construire eux-mêmes, c’est l’argent qui leur manque pour acheter des matériaux, ce sont des encadrants qu’il faudrait former...» Notre proposition d’aller préalablement séjourner pour découvrir les vrais problèmes du pays déçoivent, lorsqu'elle ne scandalisent pas. Comment contrer des certitudes aussi ancrées ? Tellement ancrées que des responsables politiques français de première dimension font campagne sur l’envoi de jeunes dans un service humanitaire pour aider l’Afrique, j'allais écrire « sauver » l’Afrique (je ne suis peut-être pas très loin du sentiment exprimé). Moi qui - dans la latérite - ai tenu la pioche et la pelle (jamais très longtemps),je peux vous dire : on n’est pas de taille. Autour de l’éducation (de jeunes Européens) On entend de plus en plus parler de l’envoi de jeunes Français (mais aussi des jeunes d’autres pays occidentaux) en difficulté pour - eux aussi aider les Africains. Vous avez compris qu’il s’agit de jeunes «des quartiers » ou ceux que Mr Chevènement traitait de sauvageons et dont on ne sait pas quoi faire dans nos pays. Qu'’on dise alors qu’on envoie ces jeunes trublions en séjour de prise de conscience, en rééducation ou même en thérapie mais qu’on ne dise pas les envoyer pour aider les Africains. L’Afrique a-t-elle besoin de tels « Visiteurs » ? J’espère que l’on n’inaugure pas ainsi un exil organisé même provisoire - qui permettrait aux pays occidentaux d’écarter leurs jeunes indésirables. Si j’osais le rapprochement j’ajouterais : « comme on a expédié en Côte d’Ivoire des produits dangereux dont on ne voulait plus ». Autour de l'éducation (des Burkinabè):
Comme nous l’avons développé souvent, les Occidentaux sont et resteront (jusqu’à quand ?) persuadés que...le développement de l’Afrique passe par l’école - l’école au modèle de la leur - celle que l’on nomme là-bas 191
Développement et modernité
«l’école du Blanc». Je n’insisterai pas sur son inadaptation et son inefficacité comme éducation de masse (c'est-à-dire destinée à la plupart des Burkinabè) pour ne pas réécrire le chapitre thématique consacré au sujet. D'où le nombre de projets conçus autour du concept « plus d’écoles », alors qu’il faudrait promouvoir (je parodie ici Monsieur Joseph Ki Zerbo) celui « d’une autre école ». Idée généreuse - effets perfides : Une communauté envoie chaque année un jeune professeur français volontaire enseigner dans un collège d’une petite ville du Burkina. L'établissement n’a pas de salaire à payer mais - même si cela n’est pas expressément demandé - considère devoir leur assurer un cadre de vie « décent »: logement, peut-être «un peu» d’eau et d’électricité, une mobylette...Ce qui lui revient plus cher que de verser un salaire « local ». L'effet perfide est qu’on a privé un professeur burkinabè d’un. emploi (beaucoup de ceux qui sont capables d’enseigner sont au chômage). On me dit : ces jeunes Français ont ainsi fait une première expérience et se sont ouverts aux réalités de l’Afrique : dont acte, nous comprenons la démarche. Qu’on dise alors qu’on envoie de jeunes Français se former. On ne m’enlèvera pas de l’idée que cela se fait au détriment d’un national. Autour des technologies modernes : Le solaire : On me demande souvent si au Burkina, où l’ensoleillement est important,
on trouve beaucoup d’installations électriques solaires (des cellules photoélectriques) ? Ma réponse est claire : si on exclut les locaux d’expatriés et d’autochtones aisés (où 1l y a également des groupes électrogènes), on en trouve là où les installations sont offertes car elles sont beaucoup trop onéreuses pour la bourse d’un Burkinabè de base. Celles que je connais sont installées dans des établissements catholiques et quelques centres sanitaires de brousse. Une bonne idée qui se heurte aux habitudes : Qui de nous n’a pas participé à une démonstration
de
fours
solaires…faire bouillir un verre d’eau ou préparer un café ? Evidemment, la
démonstration n’est possible que soleil sensiblement vertical, de 9 h à 16h30. Pour comprendre, rappelons: les plats burkinabè doivent cuire longuement, constamment on ajoute et on «touille». Les ménagères 192
Développement et modernité
choisissent souvent d’installer leur cuisine à l’ombre ou tout simplement en ville par exemple - la cuisine est installée dans un passage étroit entre maison et mur d’enceinte et de ce fait, à l’ombre. Les cuiseurs solaires (des
insolateurs) doivent être placés loin de tout obstacle au soleil et pour être efficaces, fermés par leurs couvercles vitrés afin d'améliorer la chauffe et éviter les déperditions. Ce qui contrarie le «touillage », obligatoire tant techniquement que culturellement. Personnellement, je ne connais pas d’endroit où on a utilisé durablement ces fours. Une idée qui revient cher : accepter en cadeau un véhicule d’occasion. C’est une idée que nous avons expérimentée... En don, nous avons accepté un véhicule « une familiale », qui plus était « une Peugeot » (marque très appréciée en Afrique) avec un inconvénient tout de même : véhicule essence de grosse cylindrée (le carburant a autant augmenté qu’en France, c’est dire qu’il est, là-bas, devenu inabordable) !
Une fois remis en état, conduit au lieu d'embarquement, les frais de transport, de douane et de « burkina-ïsation » payés, le véhicule nous est revenu à plus de sa valeur vénale (le prix que nous l’aurions payé sur place). Les ordinateurs : Nous serions mal placés pour écrire que les Burkinabè ne peuvent pas se mettre à l’informatique : nous avons un laboratoire de cinq ordinateurs dans nos locaux de la « maison des AFB » à Ouaga et nous proposons des initiations à l’informatique et à Internet. Mais cela ne nous empêche pas de nous inquiéter pour la suite... Si nous avons pensé à la maintenance (deux de nos adhérents burkinabè sont des ingénieurs informaticiens) et un peu aux pièces de rechange, le problème de la poussière - celle levée par l’harmattan - est bien plus préoccupant. Pour donner un exemple : notre fax est enfermé dans une boîte étanche : nous devons téléphoner pour demander de le brancher et malgré cela, chaque nettoyage montre un état de salissure étonnant. Sans de réelles solutions, les appareils risquent de se comporter comme des « pièces d’usure » qu’il faut remplacer à plus ou moins court terme. Equiper un centre ou une école revient à avoir créé un nouveau besoin: pourront-ils renouveler le matériel lorsque celui-ci aura rendu l’âme prématurément, ou devront-t-ils compter à nouveau sur nous (s’est-on préparé à répondre favorablement) ou à un autre donateur ? Pour se protéger de la poussière, il conviendrait de mettre le local en « surpression » par exemple en utilisant un climatiseur ; l’a-t-on prévu ? Pour limiter les frais, on peut imaginer en utiliser un, qui trop vieux, ne fait
DS
Développement et modernité
plus de froid, mais alors les utilisateurs supporteront-ils de rester confinés dans un local surchauffé ? Les idées directement issues de notre culture :
Les bibliothèques : Plus de la moitié des articles de notre bulletin sont « rédigés » par des adhérents ou des sympathisants burkinabè. Certains sont plus instruits et plus littéraires que je le suis. Et pourtant.…je dois vous l’avouer : beaucoup de leurs témoignages sont pris au magnétophone - sous forme d’interview retranscrits, proposés à leur correction et signature. Quand nous écrivons que l’Afrique est le continent de la civilisation orale, croyez-nous. Les Burkinabè savent et aiment raconter : qu’ils continuent. C’est dire que s’ils préfèrent parler, écouter et débattre, ils lisent peu. Les livres détenus par la plupart de mes amis sont peu nombreux : attention à ne pas se faire plaisir en leur suggérant ou les aidant à monter une bibliothèque. Pourtant au sein même de l’association, des voix burkinabè se sont élevées
pour en constituer une. OK, on essaie ! Et on vous en reparlera… Il faut rendre l’invitation : Il arrive que les adhérents qui séjournent au Burkina soient invités par ceux qui les reçoivent, j’ai envie de dire : c’est la règle dujeu, celle voulue à la création des AFB. Deuxième acte, les séjournants veulent rendre l'invitation.
Et certains,
pour
faire bien
les choses,
choisissent
restaurant, pire un restaurant européen. C’est le meilleur moyen
un
bon
de les
mettre mal à l’aise : devant la nourriture - viande insuffisamment cuite, mets
inhabituels - et devant l’addition, quelques dizaines de fois ce qu’ils peuvent dépenser. Première remarque : en Afrique, il est normal de proposer gîte et couvert à ceux qui se présentent sans, bien sûr, qu’il soit question de partager ou facturer les frais: d’où notre décision de ne pas pratiquer le système d’ «hôtes payants », système étranger à la culture locale (des associations ou ONG, en croyant bien faire, ont introduit la formule qui évidemment se propage). Deuxième remarque : il est normal de remercier et même d’en profiter pour donner « un coup de pouce » à nos hôtes qui, forcément sont beaucoup moins aisés que nous (même si nous sommes de « pauvres » étudiants). Or donner une somme d’argent (dans une enveloppe) n’est jamais déplacé en Afrique : évidemment éviter de dire que c’est pour payer la pension. En écoutant la famille, on trouvera toujours une raison intelligente pour justifier
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cette remise d’argent. La famille n’est pas dupe et fera ce qu’elle voudra de votre offrande. Un proverbe moaga dit : «Si tu donnes un habit blanc à un ami, tu lui donnes le plus beau des habits » (il pourra le teindre à sa convenance). L’habit blanc est l’argent dont il fera ce qu’il souhaite. Les idées universelles, auxquelles il convient de réfléchir :
Le microcrédit : Pour mémoire, nous avons consacré quelques pages au microfinancement au Burkina; s’y reporter. Les lecteurs de ces articles auront compris qu’il ne s’agit pas d’une solution aussi « avantageuse » (et surtout pas aussi miraculeuse) que les médias l’ont laissé supposer. Ne pas confondre avec les prêts sans intérêt consentis par des associations (dont nous-mêmes). Le commerce équitable : Voila encore une idée généreuse ! Mieux rémunérer le travail des petits producteurs : nous ne pouvons qu'être pour. Comme nous l’avons développé, le Burkina n’est pas ou très peu concerné par cette équité: pas de production de café (le gros du marché équitable), pas de cacao, pas de sucre à exporter. Juste quelques mangues séchées, des objets d’artisanat, et pour l’avenir, du beurre de karité si les laboratoires de cosmétique acceptent d’abandonner une petite part de leurs gros profits. Séchage de mangues (photo Cercle des sécheurs)
Mais le concept est porteur et susceptible de profits...non seulement pour les producteurs (ceux que nous souhaitons aider) mais aussi (et méfions nous que ce ne soit pas: «surtout ») les exportateurs et les
! Voirp 158
IS
Développement et modernité
importateurs, les transporteurs, les Etats (les taxes), les industriels transformateurs et conditionneurs, les centrales d’achats et les chaînes qui commercialisent.…Sur une plaquette de chocolat (fabriquée en Suisse) que le consommateur accepte de payer 5% de plus, combien de ces % reviennent réellement aux producteurs ? Les idées destinées à nous émouvoir : Parmi celles-ci, une qui a beaucoup de succès est la création d’orphelinats. La perception récente d’être pauvre (avant, la pauvreté n’était pas une raison d’abandonner un enfant) et surtout le SIDA ont fait exploser le nombre d’orphelins « abandonnés »: tous les Européens ne peuvent que s’émouvoir d’une telle situation. Quelques Burkinabè surfent sur cette émotion. Portrait type : de jeunes femmes, plutôt instruites et entreprenantes, qui courent l’Europe (la Suisse, le Bénélux sont de bonnes destinations) pour réunir des fonds auprès « des partenaires du Nord ». Et leurs orphelinats ? Quand ils existent... Leurs équipements et leur tenue ne pourraient que décevoir les donateurs (j’en ai visité). Evidemment le nombre d’orphelins est une réalité, les prendre en charge une nécessité. Se laisser berner par une démarcheuse sans scrupule n’arrange pas leur situation. Dénoncer la pratique, comme je le fais, ne nuit donc pas aux personnes généreuses qui se dévouent sur le terrain et qui ont autre chose à faire que de parcourir le monde en quête d’éventuels donateurs. Jean-Claude Bourguignon
Témoignage Une expérience de coopération solidaire à NOUNA
septembre 2006 NOUNA est une petite ville d'approximativement 20 000 habitants située au nord-ouest du Burkina Faso. Elle dispose de structures dans plusieurs domaines : un haut-commissariat, une préfecture, une mairie, un hôpital; un centre des impôts, une brigade de police, une gendarmerie, un marché, un lycée public, un collège catholique, un centre de formation professionnelle en maçonnerie et électronique, des écoles primaires. La population est catholique, musulmane et animiste. Les trois entités s'entendent bien. Des services de bus réguliers desservent tous les jours les villes de Ouagadougou (capitale) 280 km. Bobodioulasso, 257 km. 196
Développement et modernité
(correspondance à Dédougou) 60 km. d'autres localités par taxi brousse.
Djibasso vers
le nord
80 km et
Fondation du C.A.P.A. (Centre d'Apprentissage et de Promotion Artisanale) Fondée en 1988-1989 par les Frères des écoles chrétiennes pour doter Nouna d'un centre de formation pour des jeunes qui ne sont plus scolarisés ni scolarisables, qui ont échoué au CEP (indispensable pour continuer les études) et âgés de 18 ans. La formation porte sur la mécanique vélos, cyclomoteurs (théorie et pratique) avec initiation à la menuiserie, la maçonnerie, le dessin technique. Cela à permis à des jeunes de se resituer dans leur milieu social en sachant faire quelque chose. Par la suite et au cours des années ont été ouvertes des formations pour les patrons et apprentis de la ville (deux roues et mécanique auto). L'association des artisans Devant le sérieux de la formation, des artisans en mécanique auto se sont regroupés et ont formé l'APAAN (Association pour la Promotion des Artisans et Apprentis de Nouna). Puis sont venus les artisans deux roues. Satisfaits de l'ambiance et de la formation au CAPA, ils ont confié leurs apprentis. Plusieurs groupes ont été formés avec l'aide d'organismes comme SWISSCONTACT, la CAFP (Cellule d'Appui à la Formation Professionnelle) qui en assurent le financement et contrôlent la qualité de la formation.
L'automobile de l'APAAN Indépendante du CAPA, elle construit ses locaux de formation et assure,
avec l'appui des bailleurs, la formation des patrons, la formation des apprentis et leur perfectionnement. L'association grandit et une soixantaine de patrons sont ainsi regroupés. La notoriété de la formation dépasse le cadre de la ville, et les demandes viennent de toute la province. L'association Nouna Des gens de Brest (Finistère) ont grandement aidé au développement du C.A.P.A. et ont créé l'association NOUNA dont le but est d'aider à la formation de jeunes Burkinabé. Les bonnes relations avec l'APAAN et les artisans ont déterminé ceux-ci, à travers leur bureau d'association et leur
président, à solliciter une aide pour développer les formations de jeunes et de patrons qui, venant de loin, n'ont pas de logeur. L'association NOUNA ayant une antenne à Quimper,
s'est engagée à aider par l'envoi de conteneurs et la création d'un centre d'hébergement. Le 197
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projet est en cours de réalisation en cette fin 2006 et sera opérationnel en juillet 2007. Impact sur les artisans et apprentis Ils ont découvert des techniques nouvelles, une nouvelle maîtrise de leur métier. Leur association les a rapprochés et ils sont demandeurs de formation et de perfectionnement. Ils ont compris l'utilité du regroupement pour devenir plus performants. Leur mentalité a changé, les apprentis formés ne sont plus les concurrents des patrons qui veulent aussi pour eux des formations qualifiantes sans craindre que leur nom soit « gâté ». [ls se sont proposés pour aider bénévolement à la construction du centre d'hébergement dans la mesure de leurs compétences et de leur disponibilité. Ils participent chaque fois aux frais d'expédition du conteneur qui leur est destiné. Lors des réunions festives de l'association, les épouses sont systématiquement présentes. D'autres possibilités Le projet du centre d'hébergement est aussi appuyé par les organismes CAFP et SWISSCONTACT qui y voient un outil supplémentaire pour la formation dans d'autres domaines (formation à la cuisine pour les femmes, apprentissage de la gestion du centre, etc...). Le projet de l’association Nouna C'est de passer progressivement la propriété et la gestion globale du centre à l'APAAN. Ainsi, elle sera entièrement autonome. Le bénéfice de la gestion alimentera directement sa caisse lui donnant ainsi la possibilité de s'équiper en matériel selon ses besoins (développement solidaire). Le centre sera ouvert aux gens de passage créant ainsi une ressource financière supplémentaire. Ouverture Si l'association NOUNA a pour but principal d'aider à la formation, elle ne reste pas cantonnée à son action sur la ville. Elle est aussi attentive à
l'aide extérieure. C'est ainsi qu'elle offre la possibilité à d'autres associations d'expédier du matériel et des denrées alimentaires au Burkina Faso par les conteneurs. Elle travaille avec quatre associations de Quimper et des environs, et organise des séjours de jeunes sur des chantiers d'été pour répondre à des demandes locales. Loïc Mazé
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Témoignage
Un partenariat dynamique entre un Lycée français et Bani. Avril 2005 Depuis 1995 Ia Coopérative du Lycée Henri relation avec l’école primaire de BANI, village du les sections technologiques du Lycée ont travaillé solaire pour équiper la cantine de l’école primaire. à la réalisation du cuiseur et à son montage.
Parriat à Monceau est en Sahel burkinabè. En 2004 sur le projet d’un cuiseur L'année a été consacrée
Un séjour qui a permis de chaleureux échanges : Le 19 avril 2004 quatre lycéens et deux professeurs s’envolent de Roissy pour Ouagadougou. Après une nuit passée chez Sidi, instituteur qui a initié le partenariat, tous prennent la piste pour rallier Bani, mardi soir. C’est la découverte du Sahel avec sa végétation rare, ses majestueux baobabs, ses troupeaux divaguant en toute liberté et. la chaleur car nous sommes à la fin de la saison sèche et le thermomètre indique 45 degrés. Nous nous installons dans la cour de la famille de Sidi où un campement de bergers a été aménagé à notre intention. Ainsi nous vivons avec les villageois, au même rythme. Malgré la barrière de la langue, car tous n’ont pas été scolarisés et n’ont donc pas appris le français, nous parvenons à communiquer. Dès le lendemain nous nous rendons à l’école où nous sommes accueillis avec beaucoup de joie par l’équipe enseignante des sept instituteurs et du directeur,
les représentants
des parents
d’élèves,
des mères
d’élèves,
la
cantinière. Nous déballons avec un peu d’appréhension les éléments du cuiseur qui a été transporté par la route. Le trajet a été difficile et le réflecteur a peut-être souffert ? Les élèves, les adultes nous entourent … Tout est intact! Il faut procéder au montage. Des ajustements sont nécessaires car le bois a travaillé. A partir de 10 heures 1] faut ralentir la cadence de travail car la chaleur devient accablante Le montage est achevé les jours suivants et le cuiseur essayé. Le réflecteur doit être réglé en fonction de la course du soleil pour donner le maximum de chaleur. Un test est d’abord fait avec un œuf mais comme nous sommes invités à des visites nous abandonnons le cuiseur. Un gourmand en a profité pour manger l’œuf. Etait-il cuit ? Il ne nous la pas dit ! ! Nous procédons à des tests complémentaires avec de la farine de mil, base du plat national le tô. Le cuiseur est opérationnel mais il faudra que la cantinière travaille différemment ce qui lui demandera un temps d’adaptation 199
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Pendant notre séjour d’une semaine à Bani nous avons beaucoup dialogué pour confronter d’abord les images que chacun se fait de la vie de l’autre et rétablir la vérité. Nous leur semblons richissimes et quand nous décrivons la mobilisation qui nous a été nécessaire pour mener à bien la construction du cuiseur et le financement du voyage, ils sont un peu étonnés. Nous, nous mesurons la différence entre les comportements sociaux des Peulhs (ethnie de nos hôtes) et les nôtres et en particulier la place de la famille. Nous avons pu aussi faire le point des réalisations et des besoins actuels de l’école et du village. L’embouche bovine fonctionne bien et apporte des rentrées
d’argent
à l’école
liées
à la revente
des
animaux,
de
même
l’embouche ovine commencée en 2002 par les mères d’élèves est satisfaisante et peut être développée. Le moulin à mil permet de moudre le mil à un coût moindre et allège la tâche des femmes mais les lycéens ont constaté les déficiences du local qui abrite le moulin : le moteur diesel n’est pas séparé ce qui entraîne de fortes nuisances et ils ont établi un plan pour modifier les locaux. L’école a besoin d’une aide financière pour payer les frais de transport des vivres de la cantine donnés à Bani par une ONG américaine de Ouaga. Les instituteurs ont besoin des livres du maître, d’annales pour préparer leurs leçons. Un projet de pépinière est proposé, complété par une expérience de jardin potager pour alimenter la cantine. Il est aussi envisagé un échange c’est-à-dire l’accueil en France de représentants de l’école. Enfin les quatre lycéens ont débuté une campagne de sensibilisation à la prolifération des sacs plastiques jetés partout, ce qui enlaidit le paysage et provoque la mort des animaux. Cette mise au point permet d’optimiser l’aide que nous pouvons apporter et d’établir des priorités dans les actions à entreprendre. Marie-Claude Vallet |
LA MONDIALISATION Octobre 2006
Abordons le sujet par le petit bout de la lorgnette… Le premier effet de la mondialisation au Burkina a probablement touché les tenues vestimentaires. Alors qu’il y a encore 30 ou 40 ans, le coton cultivé sur place était cardé, filé et tissé pour en faire les habits traditionnels
(beaucoup vaquaient à leurs activités journalières peu vêtus, il est vrai), sont apparus dans les années 70 et 80 des « fripes », surplus de production et
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dons humanitaires (Ces dons ont donc participé à la quasi-disparition d’un artisanat qu’il aurait fallu défendre). Simultanément, et peut-être en corrélation, la filière « coton » s’organisait et les fibres étaient exportées sans transformation. L’usine de Koudougou qui fabriquait d’inusables plaids, des dessus de lits et des couvertures disparut quelque temps après. Les pagnes provenant de Hollande ou de Côte d’ivoire sont préférés par les femmes burkinabè. Les fileuses et tisserands ne travaillent plus que pour un artisanat encore apprécié par quelques nationaux et les touristes. Seule production significativement exportable du Burkina, le coton est « sous-contrôle » des USA et, de ce fait, est artificiellement sous payé (lire : Voyage aux pays du coton d’Erik Orsenna chez Fayard). Un autre effet spectaculaire a concerné les récipients et les ustensiles de cuisine. De la terre cuite locale, ils sont devenus en fonte puis fonte d’alu. Les seaux fabriqués sur place avec beaucoup d’adresse à partir de récupération de tôle d’automobile sont devenus « en plastique ». Comme les «bouilloires » qu’il ne faut pas mettre au feu évidemment. Tenues vestimentaires et lourds récipients de terre, rareté des vélos et absence de vélomoteurs, progrès oblige, donnaient un caractère - perdu aujourd’hui - aux villages et à leurs habitants. Il suffit de visionner un des nombreux films de cinéastes burkinabè censé se passer en ces temps pour constater la différence. L’alimentation qui reste largement traditionnelle voit des percées : le café (instantané), le pain en ville et, chez certains, le beurre. Si la consommation des boissons alcoolisées locales continue à avoir du succès,
la bière et maintenant le vin apparaissent aux bars et sur les tables. Une « journée de la bière » a même été organisée cette année à Ouaga, non sans protestations et critiques. La production a beau être majoritairement locale, des royalties doivent être payées à des brasseurs étrangers. On allait beaucoup à pied, et souvent pieds nus, et les plus riches en vélo. Les moyens de communication ont évidemment évolué profitant aux pays qui les construisent. Le Burkina n’est pas un pays industriel - c’est un fait qui s'explique - et on n’a rien fait pour l’équiper car on attendait de lui (le colonisateur puis ses partenaires, tous ses partenaires) qu’il fournisse ce qui était nécessaire : sa main d'œuvre et s’il avait été plus riche, sa matière première.
L'arrivée de nouveaux « coopérants ». Le Burkina, comme la plupart des ex colonies françaises, gardait un lien économique et culturel privilégié avec la France. Beaucoup de Français, mais aussi de Burkinabè, pensaient qu’il s’agissait là, d’aider (de supporter, 201
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dit-on en Afrique) en tout désintéressement. La France se montrait généreuse, le Burkina se montrait reconnaissant. Aussi les coopérants français en place, devenus assistants puis conseillers, ont-ils été surpris de voir arriver des entreprises ou des organismes « étrangers » (ni burkinabè, ni français) désireux de s'installer : y aurait-il donc quelque chose à gagner ? Les entreprises occidentales et leurs « coopérations » risquent de se faire grignoter par la concurrence plus combative des pays émergents qui cherchent des marchés (la Chine s’installe). Populations pauvres, certes, mais potentiellement consommatrices…
L'Afrique de Sylvie Brunel (éd. Bréal) «.…Prétendre que l’Afrique est à l’écart de la mondialisation est donc une erreur : elle est à l’écart de la mondialisation officielle, celle des circuits
légaux et des investissements étrangers notamment. Mais elle est aussi complètement intégrée à l’économie mondiale, en ce sens que l’espace africain est ouvert à de multiples influences. »
Les effets attendus
Beaucoup plus conséquents, et certains disent : plus inquiétants, les effets plus récents et les effets attendus de la mondialisation. Citons : l’hégémonie des instances économiques et financières internationales la dépendance économique vis-à-vis de l’assistance d’Etats étrangers.
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l’arrivée probable de multinationales à l’occasion de la prise de participations ou de contrôle des services publics et des rares entreprises industrielles. l’abandon de fait, de secteurs vitaux à des ONG étrangères.
Curieusement, le sujet de la mondialisation et les risques qu’elle peut engendrer sont rarement abordés dans les conversations et ne font pas l’objet d’articles de la presse burkinabè. Peut-être parce que ceux qui sont les mieux préparés à y réfléchir et en débattre sont ceux qui pensent pouvoir profiter de ses bienfaits. Comment rester à l’écart du raz-de-marée que prépare la mondialisation ? La question serait plutôt : comment préserver les domaines primordiaux pour conserver les valeurs propres des populations ?
Développement et modernité
En effet, la mondialisation exige (en tous cas les instances qui la conduisent exigent) la privatisation des biens et des moyens de production, de transformation et de distribution. Ceci est, culturellement, très étranger à la façon de concevoir et de fonctionner des Burkinabè, plutôt solidaires et collectivistes. Les services publics, conçus « à la française » avaient tous pris un rôle social et participaient à une certaine redistribution économique. Beaucoup s’accordent à déclarer que la mondialisation profite(ra) aux plus développés, aux mieux préparés, aux plus entreprenants. A l’inverse, elle appauvrit les pays les plus pauvres et, dans ceux-ci, les populations les plus vulnérables c'est-à-dire les plus pauvres. On peut donc craindre que le Burkina ne soit pas parmi les premiers bénéficiaires du système.
Joseph Stiglitz, prix Nobel et ..…. ancien vice-président de la Banque Mondiale, constate dans son livre La Grande désillusion l'impact dévastateur que peut avoir la mondialisation sur les pays en développement, et d’abord sur leurs populations pauvres. Il insiste : « Ca ne marche pas. Ca ne marche pas pour les pauvres du monde. Ca ne marche pas pour l’environnement. »
A quand l'Afrique de Joseph Ki Zerbo — Editions de l’ Aube « C’est là où le capitalisme se disqualifie souvent : pour promouvoir un être humain, il faut en écraser deux ou trois. Les Occidentaux veulent que les pays africains fassent comme l’Europe, mais en l’espace de quelques décennies au lieu de quelques siècles [...].C’est la course aux taux de croissance et non pas la course à la promotion humaine [...] Il ne faut pas considérer que la pauvreté soit la cause du sous-développement - elle est le produit du système actuel... »
fan L'ARGENT et la MONDIALISATION - L'Afrique au secours de l’occident de Anne-Cécile Robert (alliance des éditeurs). …Le développement sans fin du capitalisme est en passe de soumettre Ja totalité des activités humaines à la loi de l’argent...Tout est marchandisable et marchandisé. [...]Au fond, dans son arrogance, dans son délire uniformisateur, l'Occident capitaliste se montre incapable de concevoir, au-delà des mots, une véritable diversité du monde et cette suffisance n’est que le paravent de son impérialisme.…
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Développement et modernité
LES « PAUVRES » dans la MONDIALISATION
uand la misère chasse la pauvreté de Majid Rahnéma Ed Babel « Le pauvre mondialisé », prétexte et alibi pour les pouvoirs dominants ? Evidemment. Un «prétexte » qui, au nom de l’aide aux infortunés, justifie et renforce la position de contrôle des institutions et des organismes d’intervention et d’ingénierie sociale [...] Un «alibi», dans la mesure où la notion d’ «assisté» permet à la société économicisée de se revendiquer comme protectrice. »
oh
LE Alter-Mondialisme : le forum de Bamako. Article du journal français Le Monde. «C’est vrai que «sur papier», pour emprunter et traduire littéralement une expression de la langue locale Bamanan, les altermondialistes ont «terrassé» les thèses néolibérales. Chiffres à l’appui, ils ont démontré «qu’un autre monde est possible». Morceau choisi : selon une étude réalisée par un universitaire congolais, il faut 80 milliards de dollars par an pour donner gîte, couvert, soins de santé et éducation aux habitants des pays pauvres du Sud. Or ces pays pauvres, remboursent bon an, mal an, 300 à 400 milliards de dollars, au titre du
service de la dette extérieure. Au même moment, poursuit l’analyste, les pays développés dépensent annuellement en armement, environ 1 000 milliards de dollars. Réorientons donc les priorités, et le slogan «un autre monde est possible» deviendra alors... possible... » «Passer le message aux Français» Serge Daniel
fan A quand l’Afrique : Une conclusion de Joseph Ki Zerbo — Ed. l’Aube « Jen suis convaincu. Aujourd’hui, les défauts inhérents et qualitatifs du capitalisme sont en train d’être démasqués. Le système capitaliste a sécrété des nuisances telles qu’on ne peut pas les rejeter sur des boucs émissaires. On est obligé d’en prendre la responsabilité et de les corriger, ou d’avancer vers le chaos. Je crois que le système a atteint ses limites : il sera de moins en moins défendable.…. »
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S’il fallait conclure le chapitre. Les Burkinabè sont déstabilisés, ce terme me paraît d’autant plus judicieux que les ethnologues parlent, on l’a vu, d’ « immobilisme » à propos des cultures et des traditions africaines. Les sociétés tiraient leurs forces de règles (la Coutume) et il leur semblait bon qu’elles se perpétuent. Elles sont maintenant plongées dans un monde nouveau et de surcroît : incroyablement mouvant. Formées depuis des générations à considérer bien ce que fait le Blanc, à le copier, elles « rament » sans repère culturel. Un retour à la tradition, aux valeurs ancestrales, à une morale endogène est-il encore possible et souhaitable ? Certains le pensent. D’autres - parmi les plus occidentalisés et en particulier parmi les intellectuels - prônent l’abandon rapide des mœurs ancestrales (rétrogrades) et l’adoption définitive et complète de mœurs modernes. Ils seraient alors «à égalité » avec les autres nations sur la voie du progrès et face à la mondialisation. Ils ont souvent eux-mêmes des diplômes, et quelquefois, une expérience très comparables à ceux des élites des pays avancés. Ils sont ou deviendront, les cadres, les dirigeants du pays, mais avec des conceptions trop différentes de celle de la plupart des autres Burkinabè qu’ils auront à diriger ou administrer... .Que feront-ils pour la masse de leurs compatriotes, bien incapable d’évoluer aussi rapidement ? Le pari sur l’école « française » comme moyen d’éducation et de promotion des masses a échoué. Comment croire que, sans modification radicale d’objectifs et de méthodes, elle va pouvoir enfin tenir efficacement ce rôle dans un monde qui explose ? Economiquement, le pays a ses pauvres toujours plus pauvres et maintenant ses riches. Probablement aussi grave : les différences entre modes de penser et de vivre se creusent. Ces disparités grandissantes risquent de couper les populations en deux : ceux qui continueront à trimer pour autant que les besoins de main d’œuvre existeront - et qui ne comprendront pas grand-chose aux préoccupations et au langage des seconds dont les aspirations et le fonctionnement s’éloigneront de plus en plus des leurs. Si la mondialisation présente un tel danger pour l’avenir social, économique et culturel des Burkinabè, comment peuvent-ils rester en marge d’un mouvement de cette ampleur ? Et s’il n’est pas question de revenir en arrière, au « passé », il me paraît la une autre voie que qu’un «développement », selon évident mondialisation, actuellement proposée, est souhaitable, non seulement pour 205
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le Burkina mais aussi pour beaucoup d’autres pays du tiers-monde. Il leur faudrait reprendre en main leurs destins mieux que ne peuvent le faire les experts et les technocrates étrangers à leurs cultures. Comment imaginer la constitution d’un « front » capable d’imposer ses vues ou au moins d’infléchir les dispositions qui sont les plus défavorables aux pays déshérités ? Les pays développés « amis », dont la France, ne pourraient-ils pas réfléchir, comprendre et appuyer cette démarche ? On peut rêver. Jean-Claude Bourguignon
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Annexes
ANNEXE I : POUR EN SAVOIR UN PEU PLUS SUR … L’HISTOIRE DE LA SOUS-REGION !.
La photo ne représente pas des guerriers ancestraux
mais des chasseurs traditionnels en 2000
La sous-région (assimilable à l’Afrique subsaharienne) était la zone d’influence et de migration des populations intéressant le Burkina.
Annexes
Le territoire de l’actuel Burkina, comme celui des autres pays de l'Afrique Noire Occidentale a connu de multiples migrations durant les siècles. La notion de «nation» - dans des frontières définies - ne correspondait pas à une réalité de la région. Il faut raisonner à partir de la notion de groupes ethniques.
Le Sahara, la Boucle du Niger et les régions proches : le Sahel (« la porte du désert ») et, par extension, les savanes du nord du Burkina furent des lieux culturels et religieux entre les d’incursion, d’échanges commerciaux, populations du Maghreb (et même d’Orient) et les populations sub-sahariennes noires. Ils constituèrent, bien avant l’océan, la voie de pénétration en Afrique Noire. Route d'importantes caravanes, ils permirent le commerce du sel, de l’or,
des tissus. et aussi d’esclaves destinés aux seigneurs du désert, aux notables et riches commerçants de l’Afrique Blanche. Le Sahel jouissait alors d’un climat beaucoup plus humide propice à l’élevage et même à l’agriculture. A différentes périodes, des groupes ethniques connurent des expansions, conclurent des accords, réalisèrent des conquêtes qui amenèrent la constitution « d’empires ». Les territoires de ceux-ci fluctuèrent et se déplacèrent en fonction des renversements
d’alliances, des résistances et des révoltes, des
victoires et
des défaites. Il s’agit de progressions, terme qu’il faut souvent prendre dans son sens de « mouvement ». Bien qu’elles soient majoritairement situées à la marge de ces grands empires, les terres du futur Burkina ou une partie d’entre elles, furent foulées par les guerriers et les populations d’empires ou de royaumes conquérants, tels que ceux du Ghana, de Sosso,
du Mali, des Songhaï, des Peul…
La raison de ces expansions fut la convoitise, la volonté de domination, les nécessités économiques (sécheresse, famines), le contrôle des voies commerciales et, surtout
à partir du
XIV° siècle, l’expansion de l’Islam. Des
ethnies résistèrent farouchement contre la pénétration de cette religion importée. Certaines parmi elles, les Peuls par exemple, mirent, plus tard, autant d’énergie à la propager qu’elles en avaient mis précédemment à la combattre. Des ethnies très centralisées et hiérarchisées, telles que les Lobi et les Mossé, furent des
bastions de résistance. Les derniers grands mouvements sont contemporains de la colonisation. L’avance des militaires français bouscula les puissances en place et leurs chefs, certains qui résistèrent durent déguerpir ou se réfugier avec une partie de leur peuple dans des territoires voisins. Tous ces courants laissèrent sur place des communautés, quelquefois réduites, qui tout en prenant une autonomie, ont conservé un attachement à la
culture de leur groupe ethnique d’origine et souvent à leur langue. Ils expliquent
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Annexes
aussi les liens de fraternité ou de cousinage qui existent entre des ethnies (en particulier, les « parentés à plaisanterie ») et la distance géographique qui sépare maintenant des ethnies sœurs comme les Samo (au nord-ouest) et les Bissa (au sud-est). De nos jours, on peut voir dans l’installation de nombreux travailleurs burkinabè dans des régions de Basse-Côte (la Côte d’Ivoire en particulier) une nouvelle migration économique suffisamment importante pour que des nationaux de ces pays s’en inquiètent et s’y opposent.
Pour ceux qui veulent en savoir encore un peu plus ... L’empire du Ghana : (rien à voir avec l’actuelle République du Ghana). Il s’est constitué au nord des boucles du Sénégal et du Niger (donc au N-O du Burkina) vers le [Xe siècle. La capitale Koumbi, située au nord de Bamako dans l’actuelle Mauritanie près de la frontière malienne, était constituée de deux
agglomérations : l’une administrative et animiste, l’autre commerçante et musulmane. Son apogée se situe au XIe siècle, après quoi, intervint un long écroulement. Note : Les empires ne se succèdent pas à proprement parler. Ils naissent dans des régions différentes, vivent simultanément pour certains d'entre eux et s'étendent, tentant d'imposer leur domination. Seules les suprématies se succèdent : les plus faibles disparaissent, ou plus souvent sont mis sur la touche, pour éventuellement resurgir avec d'autres alliances et former une nouvelle puissance.
Les Almoravides : C’étaient des Berbères qui, s’étant longuement opposés à l’islam, sont devenus par la suite de farouches prosélytes de leur nouvelle foi. A partir du XIe siècle, ils mirent à mal l’empire du Ghana par des attaques périphériques partant de l’actuelle Mauritanie.
Le royaume sosso, son territoire était situé au sud de l’empire du Ghana (approximativement à cheval sur l’actuelle frontière de la Guinée et du Mali). Bien placé pour prendre la suite de l’empire au début du XIIIe siècle. Animiste et adversaire de l’expansion de l'islam, il convoitait les régions aurifères occupées par des Malinké. Le royaume conquiert Koumbi alors que, plus à l’ouest, s’organisent et s’allient de petits royaumes pour former une nouvelle puissance, celle du Mali.
Annexes
L'empire du Mali : Le plus fameux des empires sub-sahariens s’est développé (XIIe siècle) à partir de royaumes mandés du Haut Sénégal et du Haut Niger. Parmi eux, les Malinké (hommes du mali) s’attaquent à l’impérialisme Sosso, alors que les Bambara (ethnie de cultivateurs) colonisent la région de Ségou. L'organisation politique est souple et décentralisée en provinces, cantons et villages. La tolérance religieuse facilite l’assimilation. La cour impériale est très fastueuse et subit une lente conversion à l’Islam. Néanmoins,
la science des princes dans le domaine
religieux est succincte. Le
grand empereur Soundjata annexe le Macina et s'empare de Sosso à la fin du XIIIe siècle, date de l’apogée de l’empire. En 1324, l’empereur Kankou Moussa, se rendant en pèlerinage à La Mecque, fait étalage d’énormes richesses au Caire. Le déclin intervient à la fin du 14e siècle.
L’empire songhaï de Gao : L’hégémonie passe progressivement, à partir de la moitié du XIVe siècle, à l'empire de Gao - ville située beaucoup plus à l’est et au nord de Dori au Burkina, (longtemps ville rivale de Koumbi) - dirigé par l’ethnie Songhaï. L'empire développe de nombreuses villes (Gao, Djenné, Kano, Tombouctou...)
et intègre le Macina des Peuls. L’organisation politique est plus élaborée et plus rigide que celle du Mali. L'empereur reçoit à la fois le pouvoir, les insignes de la foi musulmane et les attributs traditionnels. Il favorise l’ouverture d’écoles et d’universités coraniques. C’est le premier empire que l’on peut qualifier d’islamique. En 1477, les Songhaï, qui voulaient les convertir, subissent un raid éclair des Mossi, qui se retirent. L’apogée de l’empire se situe vers 1550. Le royaume bambara de Ségou : À la fin du XVI8 siècle, les Bambara se regroupent et s’organisent pour former le royaume, situé dans la Boucle du Niger (donc au-dessus du Burkina). Il tente de remplir le vide politique dû à l’écroulement de l’Empire Songhaï. L’empire (ou plus justement les royaumes) des Mossé : Par rapport aux autres puissances, les royaumes des Mossé sont caractérisés par une permanence de leur territoire et une grande longévité. Depuis leur arrivée, probablement du nord de l’actuel Ghana, sur le plateau (auquel on donne leur nom : «plateau mossé »), vers le XIVe siècle, les Mossé s’y sont installés, en refoulant les Dogon vers le nord et sans anéantir les autres populations qu’ils ont trouvées sur place (les Ninissi et les Nyonnyonsé). Ils Pont défendu «bec et ongle». Leurs rares excursions punitives se sont achevées, même victorieuses (par ex. contre les Songhaï), par leur retrait.
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Annexes
Agriculteurs et animistes, ils ont su se faire farouches guerriers pour défendre leur terre, leur religion et leur chefferie. L'organisation politique très rigide a fait dire à des observateurs : « le Roi règne et la Coutume gouverne ». Parmi les royaumes des Mossé jouissant d’une nette prééminence, celui de Ouagadougou appelé Oubritenga, celui de Ouahigouya appelé Yatenga, et dans une moindre mesure, bien qu’il ait été le berceau des Mossé, celui de Tenkodogo. Le titre de Mogho-Naba (chef des Mossé, que l’on a traduit par « empereur ») a été donné au roi de l’Oubritenga. Les Mossé ont résisté longtemps à la pénétration de l’islam et à celle du colonialisme.
L’empire peul du Macina : A la fin du XVIIIe siècle, les Peuls du Macina étaient gouvernés par des animistes : les Diallo, puis les Sangaré et les Barry. Amadou-Amadou, un musulman qui fut appelé le « Cheikou », s’affronta à ces seigneurs et déclara la « djihad ». Il prit le pouvoir en 1852, divisa le pays en provinces et cantons qu’il confia à des Emirs et des Cadis. Tandis qu’à l’ouest montait la déferlante d’El Hadj Omar. L'empire toucouleur d’ElHadj Omar Tall Omar est un Toucouleur
| né en 1797, chef et savant musulman, délégué de
la confrérie Tidjani ?, Ambitieux et bon stratège, il commence à s’attaquer - dans des sortes de guerres saintes - aux territoires dirigés et occupés par des ethnies animistes, comme celle des Bambara dont il fait exécuter le roi. Puis il s’en prend à des ethnies qu’il accuse de pratiquer un islam tiède telles que les Peuls du Macina. Il constitue ainsi un vaste empire au nord de l’actuel Burkina. Son âge, les guérillas incessantes avec les ethnies occupées, des querelles de familie et l’avance des troupes coloniales françaises l’affaiblirent. Il mourut en 1864 devant les falaises Dogon. L'empire mandingue de Samori Touré :
Samori, un Malinké animiste né en 1830, est un ancien colporteur (dioula). Aventurier intelligent, géant de taille, il s’enrôle dans les troupes de Cissé et devient un grand capitaine. Il constitue à son profit un royaume qui, partant de l’ancien Mali, comprendra par la suite les pays sénoufo, toussian et tourka, Banfora (donc l’ouest du Burkina), puis Ségou. Devenu musulman (pas ou peu l Les Toucouleurs ne forment pas une ethnie mais un ensemble culturel parlant foulbé (langue des Peuls). Ils sont originaires du royaume du Fouta-Toro dans le Haut Sénégal. ? La secte Tidjani éclata en deux factions rivales et même ennemies dont l’une sera dite « Omarienne ».(cf article sur les confréries).
Annexes
pratiquant), il se fait appelé néanmoins «Almany». Les affrontements incessants et meurtriers avec les troupes françaises et une guerre fratricide avec Tiéba (allié objectif des Français) amènent un glissement de son territoire vers l’est (au sud du Burkina) puis un engrenage fatal vers la défaite. Il est fait prisonnier par le gouverneur Archinard en 1898.
Lapénétration française : Jusqu’à cette date, le territoire de l’actuel Burkina fut relativement épargné par les expéditions et les pénétrations étrangères. La conférence de Berlin (1884/1885) - qui aboutira à un partage de l’Afrique entre les puissances européennes - accélèra l’installation de l’administration, des entrepreneurs et des commerçants français sur le territoire de l’actuel Burkina. Les émissaires français successifs : le capitaine Binger, le docteur Crozat et le lieutenant colonel Monteil sont plutôt des diplomates qui usent habilement des dissensions et des rivalités des chefs traditionnels. Ils se heurtent néanmoins à la réticence du Mogho-Naba. 1890 : création de la Colonie du Soudan incluant progressivement les territoires de l’actuel Burkina. En même temps, Allemands et Anglais manœuvrent pour prendre pied dans la région. Ces derniers signent même (1894) un traité de protectorat avec le Mogho-Naba. Les choses rentreront dans l’ordre à partir de 1897 avec la signature de traités entre la France et ces pays. Les émissaires
Alby,
Decoeur
et le lieutenant
Baud
tentent
de rallier le
plateau mossé à partir de la côte. Les missions suivantes (en 1896) sont nettement plus militaires, agressives et brutales (menées par les capitaines Voulet et Chanoine). 1904 : création de la « Colonie du Haut Sénégal-Niger ». 1919 : création d’une « Colonie de Haute-Volta », avec des limites proches de celles des frontières actuelles. 1932 : considérée comme trop pauvre en ressources pour justifier à elle seule un statut de colonie, la Haute-Volta est dépecée et partagée entre les colonies du Niger, du Soudan et de la Côte d’Ivoire.
1939 : réquisition d’hommes envoyés dans l’armée - tirailleurs dits « sénégalais » (ne s’agissant pas de nationaux, on ne dit pas « mobilisation ») ou sur des chantiers d’infrastructures. 1940: à la stupeur des Africains, la Puissance Coloniale n’est pas invincible...Le Mogho-Naba (avec opiniâtreté), l'Eglise (Mgr Thévenoud) et l’Administrateur se placent dans le camp de de Gaulle.
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Annexes
Ceux qui veulent en savoir encore beaucoup plus peuvent consulter les ouvrages d'histoire de Mr Joseph Ki Zerbo * *% %*
cr
:
G UINÉE G NOLE
Le Burkina-Faso était la colonie française de « Haute-Volta »
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Annexes
Annexe Il: Pour en savoir un peu plus sur … L’'HISTOIRE CONTEMPORAINE DU BURKINA. Vers l’Union Française Le discours du Général de Gaulle, dit de « Brazzaville » en 1944,
trace le
cadre d’une évolution vers l’émancipation, les colonies devenant des Territoires d'Outre-Mer regroupés au sein de l'AOF. 1946 : création du 1° parti politique, le RDA (Rassemblement Démocratique Africain) par l’Ivoirien Houphouët-Boigny. Parti progressiste, il est soupçonné d’être le vecteur de l’expansion du communisme en AOF (la grande crainte de l’époque). Pour s’y opposer et donner satisfaction à la chefferie, le Gouvernement français décide la restauration de la Haute-Volta dans sa forme originelle.
Le pluralisme de la représentation Création de l'UDHV (Union Démocratique de Haute-Volta qui deviendra, par la suite, l’Union Voltaïque -UV), parti regroupant un grand nombre d’ «évolués » (Africains instruits à «l’école des Blancs »), soutenu par le Mogho-Naba. Il s’oppose au RDA et obtient une large représentation aux Assemblées. Création du PDV (Parti Démocratique Voltaïque). La Haute-Volta (l’actuel Burkina), pays tolérant, multi-ethnique et multiconfessionnel
se montre
très attachée, et le restera, à la liberté d’opinion et
d’expression. Ses populations souffriront dans les périodes où celle-ci sera suspendue, et n’hésiteront pas, malgré les risques, à manifester leur désaccord. 1956 : Houphouët-Boigny entre dans le Gouvernement français. Sa cote et celle du RDA changent immédiatement. Le RDA crée le PDU-RDA et l’un de ses dirigeants, Ouezzin Coulibaly, est élu Vice-président du conseil de Gouvernement (le président en est Yvon Bourges). Création du MDV (Mouvement Démocratique Voltaïque) auquel appartient Maurice Yaméogo qui va jouer un rôle important. 1957 : premier gouvernement Voltaïque 1958 : référendum. Emmenée par le PDU-RDA, la presque totalité de la population (99 %) vote pour une association avec la France. (Etat membre de la Communauté).
Ascension de Maurice Yaméogo élu Vice-Président. Mort de Ouezzin Coulibaly et tentative de coup de force du Mogho-Naba pour établir une sorte de monarchie constitutionnelle. « Monsieur » Maurice comme on l'appelle, est nommé à la place de Coulibaly.
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Annexes
1959: après y avoir été favorable, Yaméogo torpille un projet de fédéralisme avec d’autres Etats de la sous région. Il manœuvre pour renforcer sa position aux législatives et obtenir les pleins pouvoirs 1960 : dans une grande confusion entre pro et anti-fédéralistes, vote du transfert de compétence entre la France et la Haute-Volta qui devient donc totalement indépendante. Maurice Yaméogo en devient le premier Président.
La première République 1960/1965 : à l’instar de PDCI- RDA (de Côte d'Ivoire), lUDV-RDA est érigé en parti unique : Yaméogo veut un pouvoir fort et prend les moyens pour létablir. Sa gestion et son isolement (il procèdera à douze remaniements de gouvernement) conduisent le pays à une grave crise économique. Privé de possibilité d'exprimer leur désaccord au sein de partis interdits, les syndicats ouvriers sortent de leur réserve et la population manifeste dans la rue. Tous demandent l’arbitrage de l’armée.
1°”janvier 1966 : l’état d’urgence est décrété. Yaméogo démissionne le 3. Le pouvoir de l’armée Le Lieutenant-Colonel Lamizana est, sans l’avoir voulu,
propulsé à la tête de
l'Etat. 1966/1970 : l’économie est dans une situation calamiteuse et le nouveau chef est dans l’obligation de faire des coupes sombres budgétaires. Pas préparé à sa fonction, il se conduit en « bon père de famille ». Il pratique une politique de fermeté et d’austérité. Il s’attache à moraliser l’administration et les ministères et admet la réapparition de partis politiques (qui reviennent en nombre, une dizaine environ). Il se donne quatre ans pour redresser les finances et rétablir un gouvernement civil. 1970 : nouvelle Constitution qui institue la Ile République. Il est prévu que le Président soit, pour une durée de 4 ans, l’officier le plus gradé : Sangoulé Lamizana. 1970/1974: des civils sont réintroduits progressivement dans Île gouvernement. Devant leur incapacité à dépasser leurs clivages, les ministres issus de l’armée démissionnent. Les partis se livrent à des surenchères politiciennes. Dégradation du climat social, augmenté par une sécheresse catastrophique. Les syndicats font entendre leur voix. Le 08/02/1974 : les militaires suspendent la Constitution et dissolvent l’Assemblée Nationale : ils se réapproprient le pouvoir et constituent un gouvernement de « renouveau national ».
Annexes
Le désaccord frontalier larvé entre Haute-Volta et Mali, portant sur une bande de terre aride (mais dans laquelle les Voltaïques auraient découvert du manganèse), tourne au conflit armé fin 1975. Alors que l’économie se redresse lentement, la «contribution patriotique » (nouvel impôt) amène le mécontentement qui débouche sur une grève générale jesuiet 18/12/1975: Deuxième gouvernement de « renouveau ». 1977 : nouvelle Constitution prévoyant un régime parlementaire et un multipartisme (mais en fait limité à 3 partis représentatifs.) au sein d’une Ile République. Election législative en avril 1978, puis élection présidentielle en
mai : Lamizana est réélu. En fait, le gouvernement fait dans la continuité et l’immobilisme. Le climat se dégrade et les syndicats (surtout ceux de l’enseignement) se font des plus actifs. Le coup d’Etat du 25/11/1980 : des militaires dirigés par le Colonel Saye Zerbo s’emparent du pouvoir et créent le Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National (CMRPN). La conspiration a longuement mûri au sein d’un groupe de jeunes officiers, dont les capitaines Sankara et Compaoré, fatigués des atermoiements des politiques. Le CMRPN moralise, interdit, prive, ferme : mesures impopulaires mal supportées. Le 07/11/1982 : nouveau coup de force militaire. Création d’un Comité provisoire de Salut du Peuple dirigé par le médecin-commandant Jean-Baptiste Ouédraogo. L'influence du capitaine Sankara se fait plus oppressante. Le 04/08/1983 : prise du pouvoir par Thomas Sankara et formation du CNR. La révolution Thomas Sankara peut s’appuyer sur l’aile gauche de l’armée, les partis et les syndicats d’inspiration marxiste. Il est jeune et dispose d’un véritable charisme. Après ce qu’il a appelé une tentative « contre-révolutionnaire » qui est réprimée dans le sang, Sankara crée les Comités de Défense de la Révolution (CDR) chargés de quadriller et contrôler. Il s’inspire en cela des expériences de la Libye de Khadafi,
dont on dit,
depuis longtemps,
qu’il est un admirateur.
A son
initiative, de nombreuses missions libyennes se sont déjà déroulées à Ouaga, il a été reçu à Tripoli et Kadhafi a été invité en mars 1983. On parlera d’une présence permanente de conseillers et d’agents libyens à Ouaga.… Il abolit la propriété foncière, «invite » la population à une gymnastique matinale sur son lieu de travail ou de résidence, la « convie » à des chantiers
d'utilité publique, oblige des fonctionnaires à participer aux travaux des champs, interdit la prostitution…
Des mesures
telles que l’évolution
du statut de la femme,
la création
d’associations féminines, la mise en valeur et la responsabilisation du paysannat,
216
Annexes
les efforts de propreté de l’habitat et des villes, les campagnes de vaccination sont à mettre à l’actif du régime. A partir de 1984 : les CDR mettent en place des Tribunaux populaires qui jugent et, presque toujours, condamnent ou «dégagent» des centaines de fonctionnaires, gouvernants.
syndicalistes,
militants
de
partis,
officiers
et
anciens
L'histoire a montré que des opportunistes peu recommandables s’immiscent dans ces sortes de comités et tribunaux et créent par leur démesure un sentiment de terreur, ce qui n’a pas manqué de se produire au Burkina-Faso (nouveau nom du pays que l’on traduit par « le pays des hommes intègres »). Inévitablement, ces mesures augmentent le mécontentement chez certains et débouchent sur de nombreuses arrestations et des emprisonnements. Décembre 1985 : nouveau conflit armé avec le Mali pour la même cause qu’en 1975. 1986/1987 : la répression
se
fait
plus
forte,
la chefferie
et
l’Eglise
commencent à être inquiétées. Le chef de l’Etat, de plus en plus dogmatique, n'accepte aucune contradiction et s’isole. Son ministre d’Etat Blaise Compaoré s’oppose à lui à propos des réformes à mener. Le 15/10/1987 : Thomas Sankara (37 ans) est abattu au cours d’une fusillade
qui fera une trentaine de morts. Thomas Sankara, très populaire auprès des jeunes, est devenu un mythe pour beaucoup d’Africains. On lui attribue encore, surtout parmi les jeunes - en particulier ceux d’autres pays qui n’ont pas eu à connaître la réalité de sa politique autoritaire - une renommée de courage et d’incorruptibilité. La rectification Blaise Compaoré s’autoproclame Président du Front populaire et dissout le CNR, tout en se réclamant de la Révolution. Pragmatique, il prend des mesures de décrispation et annonce un retour vers un Etat de droit. La IVe République
(1991/1998) : nouvelle Constitution (seulement 49 %
de votants). Malgré des aides financières étrangères désireuses de soutenir ce retour, mais du fait du boycott de tous les partis politiques, les élections législatives de 1991 ne déplacent que 27 % de votants. Le gouvernement procède à une décentralisation. Le franc CFA est dévalué. 1998 : réélection de Compaoré à la Présidence (sans participation massive : 56,08 %). Deux mois après éclate l’affaire « Norbert Zongo » (journaliste assassiné) ouvrant une contestation qui sera au centre des préoccupations de la population pendant des années. Mai 2002 : élections législatives. 111 sièges sont partagés entre 13 partis dont de nombreux sont d’opposition (2 s’affichent comme «sankaristes »). Le CDP, parti du Président, obtient 57 sièges.
217
Annexes
A l'élection présidentielle de 2005, Blaise Compaoré est réélu avec plus de 80% des voix, alors qu’aucun de ses 12 concurents n’atteint les 5%. Les élections municipales du 23/04/2006 donnent une large victoire au CDP (parti du Président) et plus généralement, aux partis gouvernementaux. Pour les nombreux partis d'opposition, le pouvoir est confisqué par « le parti unique ». Au 2e semestre 2006, l’opinion et la presse sont émues par la suite donnée à l'affaire « Zongo » (affaire vieille de 8 ans) lorsqu’un non-lieu est prononcé en faveur du principal accusé. Les élections législatives du 6/05/2007 (47 partis présentent des candidats) voient un écroulement des partis d'opposition et l’élection de 73 (sur 111) représentants du seul CDP auquels s’ajoutent les élus (une quinzaine) d’autres partis acceptant de collaborer à cette forte majorité. Monsieur Paramanga Ernest Yonli, premier ministre depuis 7 ans remet sa démission le 3/06/2007 et est remplacé par Monsieur Tertius Zongo, précédemment ambassadeur aux USA.
Photo du gouvernement de Monsieur Tertius Zongo
218
Annexes
Annexe IT : l’association « les Amitiés Franco-Burkinabè » (les AFB), association binationale de relations humaines. - déclarée en France (loi 1901) - autorisée au Burkina (loi n° 10)
Les auteurs des articles et des témoignages de ce livre sont des membres ou des sympathisants de l’association!. Ont particulièrement contribués à la réalisation de cet ouvrage : Nicole Orssaud et Grégoire Sanou. C’est ce dernier qui, par ailleurs, a eu l’idée de reprendre les articles du bulletin sous forme de livres. Les photos proviennent de la photothèque des AFB alimentée par ses adhérents et en particulier Cécile Mella, reporteur-photographe. Adresses : En France : chemin du Trial — 34160 Saint Drézéry Téléphone et fax : (33) (0)4 67 86 57 78. Mail : « afb.france(@wanadoo.fr » Au Burkina : 01 BP 5904 — Ouagadougou 01 — Burkina-Faso Téléphone et fax : (226) 50 38 47 24. Mail : « afb.burkina(@vahoo.fr » * * + D’autres ouvrages devraient paraître, toujours relatifs au Burkina. Rédigés par les mêmes auteurs, ils devraient être édités aux mêmes
éditions sous les titres probables : « La vie
quotidienne au Burkina » et « Burkina-Faso : Nature et Culture ».
Photo prise à lissue d’une réunion de travail à Ouaga en janvier 2007
1 Les exposés non signés ont été rédigés par Jean-Claude Bourguignon.
Annexes
Nous espérons que les spécialistes qui ont lu ce livre : ethnologues, économistes, politologues auront « pardonné » (expression typiquement burkinabè) les approximations qu’ils n’ont pas manqué de repérer. * % *
220
Traditions et modernité
SOMMAIRE
UN PAYS ENTRE TRADITION ET MODERNITE.......... page
11
SORVIVANCGES DU PASSE ne ne rue
17
PASRSDIIONORALE ME AICOUTUME nn nie 18 RS SR Ge tete ns 19 ÉESIORE RS ERA DIMONNELS near ct tal 20 PRE ICONPANCES TRADE ane eee dde 0 21 PAS D NN NP ION RE nan green de nt LE 30 PAMAGIEEESINTERDILS L'ANIMAL TOTEM nr 2 RES ONIOMONS RU nr rm nr en ou 52 VOCABULAIRE POUR DESIGNER LES PERSONNAGES DE LA VIE... 34 LES ORGANISATIONS SOCIALES ET POLITIQUES ANCESTRALES ……. où
LES INFLUENCES EXTERIEURES .…..…..................................... 39 RE ne dla neceeriparte letsdrone ire 40 IAA DES NOIRS GE COLONISATIONE TE rer 42 EVANS AIRON EE RE en eacnccespers ser quc ete tenares ntm ioce ace 43
POUR MIEUX COMPRENDRE PES GROUPES
les façons d'être et de penser … 49
EPPENTOUES Teste.
55
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Traditions et modernité
LES NOUVELLES DONNEES DU MODERNISME....…. page Le L'ONAMON BURRINADE MR RSS Te LES CHEPRERIES AUJOURD 'AUT nn BÉDÉCATON ET SCOPARISATION M EAN NT MR PR ANT CON Re A de id DUB nee a ENTORAMION MASSIN PR Res
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PRÉCONONIR RS Ra US AA a dCi 131 BÉS RESSOURCES NA ROURE DRE SR Rd 133 RES ECHEUR NORME Rte ne Der ee Mr AUDE 134 PS CRIOIDE DUREE SE a ME I A 135 LACOMMERCHEODIPABE SR A ae a 138 SU DOTE SP RE RE ee M 141 DA DNIRE D Pi den lo dl de 146 PÉCAPITALISMERTIQLIBERALISME RAT A EU A 154 PES TEROCREDLLSS Re se a 158
POLITIQUE CCDEMOCRATIR 22220 cree. 165 PASPO PINOT RE RAT ee terne 166 PA DÉMOCRATE 7 NN PNR ANNE CENT. ace Rs 168 RS NA ON OU NP AN PAC ORRP ONE PAR AUDE RS RME DS ADP A TRES PR A RES AS
ne em rate ne nt D le ee RER er ne un. 7e fn a NS ER teens ue moi nn dat ed ee
173 174 176 177 179
DEVELOPPEMENT et MODERNITE.................................. 183 INGÉRENCES PARTENARIATS Ra dasreencemmnmseteuee 186 MONDIALISATION rs eat tree 200
ANNEXES HISTOIRE DELA SOUS REGION: re ANNEXE ANNEXE DA ISTOIRE CONTEMPORAINES. men a ie nn Re A tee ES ARR ANNE NE
(ee)[se]LU)
207 214 219
L'HARMATTAN, ITALIA
Via Degli Artisti 15 ; 10124 Torino L'HARMATTAN HONGRIE Kônyvesbolt ;Kossuth L. u. 14-16
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Espace El Kettab du livre francophone N° 472 avenue Palais des Congrès BP 316 Nouakchott
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Achevé d'imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-Sur-Noireau N° d'imprimeur : 46511 - Dépôt légal : janvier 2008 - Imprimé en France
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TRADITIONS ET MODERNITÉ AU BURKINA-FASO Cet ouvrage s'intéresse aux traditions.du Burkina-Faso ainsi qu'aux problèmes posés par leur survivance, parfois léur renaissance, l’intrusion de la modernité, sa progression et son assimilation dans là société actuelle: Contradictions, confrontations, oppositions, Combinaisons acc9mpagnentun mariage commencé douloureusement au cours du XX° siècle. Où enest-on aujourd’hui ? Cet ouvrage collectif rassemble des textes publiés depuis douze ans dans ” le bulletin de j’association. La plupart des auteurs connaissent 5ten le pays ainsi que les problèmes qui s’y posent pour y être nés, y avoir grät:1! OÙ y séjourner souvent. D’autres, après l’avoir découvert, livrent iécrs” impressions ou leurs coups de cœur en touie spontanéité. Cet ouvrage, ni savant ni ethnologique, s’adresse à des i-5teurs qui nê souhaitert pas rechercher ou dépouiller des études scientifiques mais jui obtenir simplement des informations claires êt précises, des analyses pertinentes. Il leur livrera des pistes pérmettant de mieux connaître et mieux comprendre les Burkinabè. Il intéressera aussi tous les « associatifs » attentifs à une expérience comme la nôtre.
Ouvrage collectif de l'association : « Les Amitiés Franco-Burkinabè » Les directeurs de rédaction
Jean-Claude Bourguignon a découvert l'Afrique en 1968. Ingénieur, il y a travaillé et s'y est fait des amis. C'est en retournant au Burkina, pour le plaisir, en logeant chez eux, en vivant dans leurs familles qu'il a appris à les connaître et à les apprécier.
Jules Casimir Kafardu c. été son élève puis son Collègue. Technicien, il a £enäu ses compétences aux sciences et'techniques de la communication puis à lu sécurtif£r à la santé des isu