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French Pages 477 [476] Year 2018
Nicolas Richer
SPARTE Cité des arts, des armes et des lois
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© Perrin, un département d’Édi8, 2018 12, avenue d’Italie 75013 Paris Tél. : 01 44 16 09 00 Fax : 01 44 16 09 01 ISBN : 978‑2-262‑03935‑6 Dépôt légal : mars 2018 Composition : Nord Compo Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’Auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335‑2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
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sommaire
Introduction. L’image d’une cité souvent mal connue....................... 7 I. Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration...... 13 II. L’expansion des Spartiates hors de Laconie............................ 27 III. La mise en ordre intérieure de Sparte au
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et au
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siècle.... 37
IV. Une cité des arts puis de l’austérité........................................ 61 V. Le rayonnement politique de Sparte au
e
vi
siècle................... 97
VI. Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence fallacieusement égalitaire......................................................... 123 VII. Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes, des hommes trop peu nombreux et une monnaie nouvelle... 147 VIII. Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives.................... 173 IX. Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique.... 197 X. Dieux et cultes de Sparte........................................................ 221 XI. Des hommes formés et organisés pour la guerre.................... 247 XII. Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés........................................................................................ 269 XIII. Une armée soudée et fortement hiérarchisée.......................... 291 XIV. Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404)............................................................ 305
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Sparte XV. Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330)........................................... 333 Conclusion.......................................................................................... 363 Chronologies....................................................................................... 367 Notes.................................................................................................. 379 Bibliographie....................................................................................... 433 Index.................................................................................................. 443 Index des textes anciens cités............................................................... 464 Table des illustrations in-texte............................................................. 468 Table des illustrations hors-texte.......................................................... 473 Table des cartes, plans et schémas....................................................... 474 Table des matières.............................................................................. 475
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introduction
L’image d’une cité souvent mal connue
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parte brille comme un éclair dans des ténèbres immenses. » Ainsi l’Incorruptible, Maximilien de Robespierre, homme des Lumières et membre du Comité de salut public, caractérisat‑il la cité des Spartiates, le 18 floréal an II (7 mai 1794). Une telle formule manifestait un grand enthousiasme à l’égard d’une cité dont la législation, prêtée à Lycurgue, était censée pouvoir rendre l’homme heureux. Déjà l’article « Sparte ou Lacédémone » de l’Encyclopédie, dû au chevalier de Jaucourt et sans doute à Dide‑ rot lui-même, était-il porteur d’une appréciation semblable, fondée notamment sur une connaissance familière des Vies (de Lycurgue, d’Agésilas…) et des Œuvres morales de Plutarque – en particulier les Apophtegmes laconiens1. Ainsi lit-on, dans une traduction moderne de Plutarque, que le législateur légendaire de Sparte, Lycurgue, était
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persuadé que ce qu’il y a de plus fort et de plus efficace pour rendre les villes heureuses et les peuples vertueux, c’est ce qui est empreint dans les mœurs et dans les esprits des citoyens : car les principes que l’éducation y a gravés demeurent fermes et inébranlables, comme étant fondés sur la volonté seule, qui est toujours un lien plus fort et plus durable que le joug de la nécessité2.
Bonheur collectif et vertu individuelle sont donc intimement liés, parce que chacun doit œuvrer autant qu’il peut pour le bien commun, et puisqu’une telle conception prévaut dans la France révolutionnaire, ses théoriciens cherchent à s’appuyer sur un précédent illustre. 7
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Sparte Mais si, durant la Révolution française, Sparte a été vue comme un modèle par les Jacobins (et a pu inspirer, clairement, les Fragments d’institutions républicaines de Saint-Just), les Girondins lui ont préféré Athènes, et la fin de la Terreur en 1794 a suscité un tournant dans l’imaginaire politique français. Ainsi, à la fin du xixe siècle, c’est au modèle athénien que les acteurs de la IIIe République française ont encore préféré rattacher leur action. Dans l’espace germanique, si Hegel a montré sa préférence pour Athènes, le modèle spartiate a pu, à la fin du xixe siècle, inspirer les usages militaristes de la Prusse. Ensuite, dans les années 1930, la façon dont les nationaux-socialistes allemands ont cru pouvoir considérer la Sparte antique comme un modèle, en façonnant des hommes endurcis, a entaché l’image de la cité antique de Sparte d’une façon qui a marqué les esprits : ainsi, en réaction, le Français H.-I. Marrou a-t‑il fustigé l’idéal spartiate comme sentant l’esprit subalterne d’un sous-officier de carrière3 ! Mais des hommes qui ont vécu il y a plus de deux millénaires peuvent difficilement être assimilés à ceux qui en donnent une image schématique en disant s’inspirer d’eux4. Aujourd’hui, Sparte est placée dans un espace plus apaisé de la recherche historique, grâce à un ensemble d’études menées par des spécialistes qui réexaminent les textes et tiennent compte des découvertes archéo‑ logiques ; cet apaisement est d’ailleurs facilité par le recul général des études classiques depuis les années 1970, ce recul limitant les exaltations d’éventuels lecteurs de Plutarque. Et c’est dans un tel espace que nous pouvons essayer de nous mouvoir désormais. Car Sparte doit bien d’abord être considérée comme une cité grecque de Grecs en Grèce. En d’autres termes, la culture des hommes de Sparte dans l’Antiquité était très semblable à celle des autres Grecs : à l’époque archaïque (qui, de façon générale, cor‑ respond aux viiie-vie siècles av. J.-C.), ils connaissaient les poèmes d’Homère et ceux d’Hésiode, et les Grecs non spartiates pouvaient citer les œuvres de poètes de Sparte comme Terpandre ou Tyrtée. En matière politique, la structure de fonctionnement de Sparte est, à l’époque classique (ve-ive siècle av. J.-C.), analogue à celle d’une cité comme Athènes. Autrement dit, les Spartiates sont pleinement concernés par la définition de l’hellénisme que le « père de l’histoire », Hérodote, place dans la bouche d’Athéniens parlant en 480, au moment de 8
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L’image d’une cité souvent mal connue l’invasion perse, entre la bataille de Salamine et celle de Platées : l’hellénisme (to Hellènikon, la grécité pourrait-on aussi dire) repose sur « une communauté de sang et une communauté de langue, l’usage de sanctuaires et de sacrifices communs, des mœurs sem‑ blables5 ». Ainsi convient-il de ne pas hésiter à élargir la focale pour com‑ prendre le fonctionnement de la collectivité des Spartiates, dont on examinera ici l’évolution de l’époque archaïque jusqu’à la fin de l’époque classique, qui marque décidément l’impossibilité pour Sparte de conserver le premier rang qu’elle a longtemps occupé en Grèce. Des éléments d’interprétation qui ne paraissent pas concer‑ ner directement Sparte peuvent, par un raisonnement d’analogie pertinent, aider à comprendre son fonctionnement : par exemple, le texte de l’Iliade, du viiie siècle av. J.-C., met en scène des guerriers achéens qui combattent, se regroupent en assemblée, respectent les dieux, selon des usages qui peuvent éclairer les indications concernant le fonctionnement de Sparte à l’époque archaïque. Les documents concernant directement Sparte, les « sources », sont variés : ce sont des données archéologiques fournies notam‑ ment, à partir de 1904, par les fouilles de l’École britannique d’archéologie d’Athènes6 ; les travaux de cet ordre sont désormais menés en collaboration avec les services archéologiques grecs – voire essentiellement par ceux-ci. Mais les vestiges matériels de la Sparte antique sont généralement peu spectaculaires, et confirment la prévision de Thucydide, qui, à la fin du ve siècle av. J.-C., considérant sans doute la médiocrité des matériaux couramment utilisés dans les édifices publics de son temps, avait prévu que les ruines à venir de Sparte feraient douter de l’ampleur de sa puissance : Supposons, en effet, que la cité des Lacédémoniens soit dévastée et qu’il subsiste seulement les temples avec les fondations des édifices : après un long espace de temps, sa puissance soulèverait, je crois, par rapport à son renom, des doutes sérieux chez les générations futures7.
En outre, la ville de Sparte a longtemps été dépourvue de forti‑ fications ; c’est seulement à la fin du iiie ou au début du iie siècle avant notre ère, à l’époque hellénistique – par conséquent bien plus tard que ce n’a été le cas dans les autres cités grecques – qu’une enceinte a finalement délimité l’espace urbain. 9
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Sparte
Quant aux auteurs des sources littéraires disponibles sur Sparte, ils sont rarement d’origine spartiate (c’est néanmoins le cas sinon du poète Tyrtée, du moins d’un autre poète, Alcman, au viie siècle av. J.-C.) ; les textes disponibles sont surtout dus à des auteurs non spartiates, mais qui ont pu visiter la cité. Parmi les historiens de l’époque classique, Hérodote, Thucydide ou Xénophon fournissent des renseignements d’une précision parfois étonnante. Les Histoires du premier, l’Histoire de la guerre du Péloponnèse du deuxième, les Helléniques du troisième nous renseignent largement sur l’histoire de Sparte et des Lacédémoniens du milieu du vie siècle à 362. Dans ses Histoires, Hérodote narre des événements précis qui ont eu lieu du milieu du vie siècle jusqu’à la fin de la seconde guerre médique, en 479 – sans d’ailleurs s’interdire des allusions à des faits survenus en 478‑4308. Dans l’Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucydide fournit des renseignements sur la Penté‑ contaétie, la cinquantaine d’années qui s’est écoulée de 479 à 431 ; il narre aussi – et surtout – en détail le début de la guerre du Péloponnèse, de 431 à 411. Quant à Xénophon, il compose une Suite de Thucydide qui constitue le début des Helléniques, où il raconte la fin de la guerre du Péloponnèse (411‑404) et il poursuit son propos jusqu’à la deuxième bataille de Mantinée, de 362. Il est en outre l’auteur d’une Constitution des Lacédémoniens (Lakedaimoniôn politeia), autrement dénommée la République des Lacédémoniens, où il décrit avec précision de nombreuses pratiques des Spartiates9. Le portrait élogieux que Xénophon a dressé de son contemporain le roi de Sparte Agésilas II dans l’Agésilas contribue aussi à faire comprendre le fonctionnement et les valeurs de la société de Sparte. À l’époque hellénistique, Polybe rapporte des indications qui portent sur Sparte et, au début de l’Empire romain, Diodore de Sicile, dont la Bibliothèque historique n’a que partiellement survécu, entreprend de narrer une histoire universelle depuis le commence‑ ment des temps jusque vers 61 (voire 55 ou 46) av. J.-C. : une telle œuvre ne manque pas d’évoquer fréquemment des événements auxquels des Spartiates ont eu part. En outre, l’importance prise par Sparte dans les événements de l’époque classique a naturellement eu pour effet que des auteurs dramatiques athéniens (comme le tragique Euripide ou le comique Aristophane) ou des philosophes (tels que Platon ou Aristote) 10
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L’image d’une cité souvent mal connue fournissent bien des indications sur Sparte, même si elles sont éparses dans leurs œuvres. Enfin, des sources riches malgré leur caractère relativement tardif sont en particulier les Vies10 comme les Œuvres morales de Plutarque et, d’autre part, la Périégèse ou Description de la Grèce de Pausanias dit le Périégète (soit « le Voyageur »). Plutarque comme Pausanias, qui citent des auteurs antérieurs à eux-mêmes, peuvent combiner les précisions portant sur des usages d’époque archaïque (viiie-vie siècle) et classique (ve-fin du ive siècle) avec des données d’époque hellénistique (fin du ive siècle–31 av. J.-C.) ou d’époque romaine, sans toujours bien dater les faits qu’ils mentionnent. Plus particulièrement, les précieux renseignements donnés par Pausanias, au livre III de sa Périégèse, aident les Modernes à identifier les édifices mis au jour en Laconie, en précisant leurs caractéristiques et les traditions qui les concernent. Généralement issus de milieux extérieurs, ces textes sont sou‑ vent empreints de traces d’une propagande hostile ou au contraire favorable à Sparte : celle-ci n’a cessé d’évoluer, mais à un rythme plus prudent qu’Athènes – principal foyer intellectuel de l’époque classique –, et la cité a eu, dès l’Antiquité, la réputation de cultiver un fort conservatisme qui a fait l’objet de critiques, par exemple immédiatement avant le début de la guerre du Péloponnèse, en 432, de la part de Corinthiens, selon Thucydide11 ou, en réaction, d’éloges formulés par les « laconisants » (tel Critias, à la fin du e 12 v siècle) ; ceux-ci vantaient l’eunomia (le « bon ordre ») de Sparte, en même temps que son importance. La rivalité politique entretenue entre Sparte et Athènes (sa principale concurrente en Grèce au ve siècle) a alimenté ces discours antagonistes, par-delà même la victoire de Sparte à l’issue de la guerre du Péloponnèse (431‑404). L’analyse historique doit donc faire la part de la pro‑ pagande dans les textes transmis jusqu’à nos jours13. De plus, le secret même que les gens de Sparte cultivaient sur leurs propres pratiques (pour des raisons relevant de la prudence militaire, notamment), et que Thucydide a désigné par la formule tès politeias to krypton, le « secret de la constitution14 », n’a certes pas manqué d’obscurcir les idées que l’on pouvait se former sur Sparte. Néanmoins, comme la cité a joué un rôle majeur dans les relations entre collectivités grecques, de nombreux regards perspi caces se sont tournés vers elle, et n’ont pas manqué d’en saisir des caractères qui semblent essentiels. 11
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Sparte C’est donc en pratiquant l’examen d’événements ainsi connus que l’on peut, selon le conseil de Plutarque, s’essayer à « obliger la fable, épurée par la raison, à se soumettre à elle et à prendre l’aspect de l’histoire15 ». Le mouvement d’ensemble sera, natu‑ rellement, chronologique et mènera de l’époque archaïque (cha‑ pitres i-v) à l’époque classique (chapitres vi-xv)16. Dans ce cadre seront présentés les traits majeurs de l’évolution non seulement d’ordre politique, mais aussi artistique ou social. La richesse par‑ ticulièrement grande de la documentation portant sur les usages sociaux, éducatifs, politiques, religieux et, notamment, militaires permettra d’examiner le fonctionnement d’une collectivité dont l’un des traits originaux consiste dans l’importance qu’elle accorde à la guerre.
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I
Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration
Un cadre géographique contrasté
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arrant l’arrivée en Laconie de Télémaque, parti à la recherche de son père Ulysse, Homère évoque le lieu de l’action :
Le soleil se couchait, et c’était l’heure où l’ombre emplit toutes les rues quand, au creux des ravins, parut Lacédémone1.
De fait, le voyageur qui vient de l’ouest et dont le regard plonge des hauteurs du mont Taygète peut ressentir l’impression que la plaine du fleuve Eurotas, la plaine de Laconie, est « creuse », ou même qu’elle est « au creux des ravins », enserrée entre le pié‑ mont du Taygète et le piémont du Parnon, distants de seulement 5 kilomètres à la latitude de Sparte2. Dans un récit généalogique qui présente les éléments de l’es‑ pace comme des acteurs d’une succession héréditaire entre êtres humains, Pausanias, au iie siècle de notre ère, indique qu’Eurotas aurait creusé un canal pour évacuer vers la mer l’eau qui sta‑ gnait dans la plaine, et qu’il aurait donné son nom au fleuve ainsi formé. Il aurait laissé son royaume à Lacédémon, un fils de Zeus dont la mère aurait été Taygétè, et qui aurait pris pour femme Spartè, fille d’Eurotas ; comme Lacédémon aurait donné son nom 13
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Sparte à Lacédémone, sa mère aurait donné le sien à la montagne du Taygète, et son épouse aurait été l’éponyme de la ville de Sparte3. Une telle présentation souligne naturellement la profonde unité des éléments géographiques constitutifs du territoire au cœur duquel se trouve Sparte, sur la rive droite de l’Eurotas, à une cinquantaine de kilomètres de la mer et au cœur de la fertile plaine de Laconie. Bordée à l’ouest par le Taygète – qui culmine à 2 407 mètres –, celle-ci est délimitée à l’est par le massif du Parnon – haut de 1 935 mètres –, dont les contreforts se rapprochent au nord de ceux du Taygète, tout en en restant séparés par le cours supérieur de l’Eurotas. Au sud, par-delà les hauteurs qu’entaille l’Eurotas, se trouve la plaine d’Hélos, qui s’ouvre sur le golfe de Laconie. À l’ouest de ce golfe, accroché à la côte orientale du massif du Taygète, se trouve Gytheion, protégé par l’îlot de Cranaè où, selon Homère, Pâris et Hélène – épouse de Ménélas, roi de Sparte – auraient consommé leur amour coupable4. Cet événement se pla‑ cerait à l’époque que nous disons mycénienne, et qui a connu une certaine occupation de la Laconie.
Une occupation mycénienne Comme les autres régions méridionales de la Grèce, la Laconie a été occupée, à l’âge du bronze, vers le xvie siècle avant notre ère, par un peuple que l’on dit « mycénien » parce que le principal palais fortifié qu’il a laissé – et qui date du xive siècle – est celui de Mycènes, en Argolide. Parmi les plus importants établissements mycéniens de Laconie, on doit citer celui dit du Ménélaion, situé à environ 3 kilomètres au sud-est de Sparte, en rive gauche de l’Eurotas, où à partir de 1909 ont été mis au jour des vestiges d’une demeure, et le site de Pellana, situé à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Sparte, où les ruines d’un palais et de tombes ont été trouvées. À quelques kilomètres au sud de l’emplacement de Sparte, à Vapheio, a été découverte une tombe à tholos qui a livré deux remarquables vases d’or ornés de taureaux : l’un montre une difficile capture au filet, et l’autre porte une figuration où des bovins sont en train d’être paisiblement maîtrisés ; ces vases ont pu être importés de Crète au xve siècle. 14
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Sites mycéniens notables de Laconie
Gobelets d’or de Vapheio conservés au musée national d’Athènes.
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Sparte Un peu plus loin au sud de Sparte, à une douzaine de kilomètres de la ville, depuis 2008, le site mycénien d’Ayios Vasileios (SaintBasile) à Xèrokampi a commencé à livrer des tablettes portant des signes d’une écriture syllabique qui transcrit du grec, le linéaire B5.
Photographie et dessin d’un fragment de tablette mycénienne en argile provenant d’Ayios Vasileios de Laconie. Ce document mentionnait des indications en rapport avec la production de textiles, qui constituait une activité importante des palais mycéniens.
Un autre établissement mycénien, secondaire mais notable par la continuité de l’occupation humaine, a été reconnu à Ayios Stéphanos (Saint-Étienne), dans la plaine d’Hélos, au nord du golfe de Laconie. Parmi les vestiges connus en de tels lieux, il semble que ce soient les restes de bâtiments mycéniens existant sinon à l’emplacement même de Sparte, du moins à proximité, à l’est de l’Eurotas, à Thérapnè, qui aient particulièrement retenu l’attention des Lacédé‑ moniens de l’époque archaïque : ceux-ci ont dû y voir les vestiges du palais de Ménélas – le roi de Sparte mentionné par Homère – et c’est là du moins que, peut-être dans le prolongement d’un culte de la fin de l’âge du bronze, ils ont établi un sanctuaire de Ménélas et d’Hélène, le Ménélaion, vers 650‑625 av. J.-C. Ce sanctuaire a, en quelque sorte, assuré le souvenir de l’existence d’une principauté mycénienne datant du IIe millénaire, même après les Âges obscurs (xe-ixe siècle). Car, d’après l’archéologie, la Laconie semble avoir été relativement dépeuplée entre le début du xiie siècle et le milieu du xe siècle. Mais elle a pu se repeupler ensuite. 16
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Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration PLAN DES CONSTRUCTIONS MYCÉENNES À PROXIMITÉ DU MÉNÉLAON
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Plan des constructions mycéniennes retrouvées sur le plateau du Ménélaion, à 150 mètres à l’est du sanctuaire archaïque de Ménélas et d’Hélène. D’après N. D. Papachatzis, Παυσανίου Ἑλλάδος Περιήγησις. Βιβλίο 2. καὶ 3. Κορινθιακὰ καὶ Λακωνικά , Athènes, 1976, p. 390.
Plan des constructions mycéniennes retrouvées sur le plateau du Ménélaion, à 150 mètres à l’est du sanctuaire archaïque de Ménélas et d’Hélène. Trois phases d’occupation au moins peuvent être discernées entre le xve et le xiiie siècle ; la plus ancienne est indiquée en noir.
La Laconie homérique La géographie homérique du Catalogue des vaisseaux, qui, au chant II de l’Iliade, énumère les contingents des Achéens – appe‑ lés les Grecs par les Modernes –, porte des souvenirs mycéniens, mais elle dessine sans doute plutôt les contours de la Grèce à la fin des Âges obscurs, voire au début de l’époque archaïque
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Sparte est ici située hypothétiquement en rive gauche de l’Eurotas, à l’emplacement connu plus tard comme étant celui du Ménélaion de Thérapnè
La Laconie homérique
(viiie siècle). Le Catalogue des vaisseaux mentionne clairement Sparte : Ménélas, son souverain, y est présenté comme frère d’Agamemnon, roi de Mycènes et chef de l’armée grecque lancée contre Troie. Dans ce texte, après des vers qui disent la puissance d’Agamemnon, roi de Mycènes venu avec ses cent nefs sur les rivages de Troie, on lit : Puis [viennent] les gens de Lacédémone et de ses profondes vallées, – ceux de Pharis, de Sparte, de Messè riche en colombes ; – les gens de Brysées, de l’aimable Augées ; – ceux d’Amyclées et d’Hélos, cité au bord des flots ; – les gens de la région de Las et d’Oitylos. Ils ont pour chef de leurs soixante nefs le frère d’Agamemnon, Ménélas au puissant cri de guerre, et se forment à part. Ménélas marche avec eux, s’assurant en son ardeur et les poussant au combat. Plus que tout autre, au fond du cœur, il désire venger les sursauts de révolte et les sanglots d’Hélène6.
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Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration Les lieux mentionnés s’inscrivent dans un territoire qui est celui de la Laconie, et qui est censé former un tout cohérent dépendant d’un seul souverain. Seuls les emplacements d’Amyclées, Las (ou Laas), Oitylos et Messè peuvent paraître à peu près connus ; quant à celui de « Sparte » il pourrait être celui du Ménélaion. Mais cela n’est pas sûr, parce qu’au moment où l’Iliade est composée – peut-être vers 750 avant notre ère –, une nouvelle population a pu s’établir, constituée non plus des Mycéniens, auxquels seraient identifiables les Achéens de l’Iliade, mais de Doriens, dont l’arrivée serait indiquée par le mythe du Retour des Héraclides.
L’établissement des Spartiates en Laconie Le mythe du Retour des Héraclides renvoie à l’idée selon laquelle un espace un jour acquis par Héraclès serait, après un long intervalle de temps, rentré dans la possession de certains de ses descendants prétendus (desquels seraient issues les deux familles royales de Sparte) : Héraclès aurait confié ce territoire à Tyndare, époux de Léda et père putatif d’Hélène, épouse de Ménélas7. À terme, certains descendants d’Héraclès auraient fait valoir leurs droits en prenant le contrôle de la Laconie8. La plus ancienne mention de ce mythe figure dans un passage de Tyrtée cité par Strabon9 : Le Cronide en personne, époux d’Héra à la belle couronne, Zeus, a fait don de cette cité aux Héraclides. Avec eux nous avons quitté Érinéos battue des vents, Et sommes venus dans la grande île de Pélops.
Le poète évoque ainsi la migration des Doriens qui ont quitté leur métropole, la Doride située à l’ouest des Thermopyles, et qui se sont rendus dans le Péloponnèse, sous la conduite de des‑ cendants d’Héraclès. Il est notable que cette tradition établissant un lien entre Héraclès, né à Thèbes, et Sparte puisse être rapprochée de mentions portées par trois tablettes mycéniennes des environs de 1200 av. J.-C. trouvées à Thèbes et portant la mention du terme ra-ke-da-mo-ni-jo (Lakédaimonios, Lacédémonien) et même 19
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Sparte la mention d’un ra-ke-da-mo-ni-jo-u-jo (Lakédaimonios hyios), soit un « fils lacédémonien10 ». À ces éléments on peut, notamment, adjoindre le rôle qu’un groupe d’origine thébaine, les Égides, est censé avoir joué dans les premiers temps de Sparte, comme l’affirme Pindare quand il se demande lequel des moments de l’histoire de Thèbes a été le plus glorieux, et quand, s’adressant à cette cité, il déclare11 : Tu dressas, droite sur ses talons, la colonie dorienne des Lacédémo‑ niens, et ceux qui prirent Amyclées furent les Égides, tes fils, guidés par les oracles de Pythô [c’est-à-dire de Delphes].
Ainsi des éléments variés tendent-ils à montrer une relation ancienne entre Thèbes et Sparte, le mythe du Retour des Héra‑ clides s’inscrivant dans cet ensemble. Selon ce récit, des descen‑ dants d’Héraclès et de Déjanire auraient été à la tête de Doriens, qu’ils auraient fait pénétrer dans le Péloponnèse non pas par un franchissement terrestre de l’isthme de Corinthe, au nord-est, mais par une traversée maritime du détroit existant entre Antirhion et Rhion, au nord-ouest du Péloponnèse, et à l’ouest du golfe de Corinthe12. Si l’on se fie aux indications des Anciens, on peut relever que, à lire Hérodote, la guerre de Troie se serait terminée vers 125013, tandis que ce serait quatre-vingts ans plus tard, d’après Thucydide14 – donc, pour nous, vers 1170 –, que les Doriens, joints aux Héra‑ clides, auraient occupé le Péloponnèse. Néanmoins, pour associer plus étroitement l’événement aux origines de Sparte, les Modernes le situeraient plutôt deux siècles plus tard, vers 950‑90015. Les Doriens se seraient alors partagé une grande partie de la péninsule. Un auteur que l’on appelle communément Apollodore, rappor‑ tant le partage du Péloponnèse par tirage au sort effectué entre les Héraclides, déclare que les héritiers d’un petit-fils d’Héraclès, Aristomachos, agirent ainsi16 : On retira la marque de Téménos en premier, celle des fils d’Aristo‑ dèmos [qui était déjà mort] en second et Cresphontès obtint Messène17. Ils découvrirent des signes posés sur les autels où ils avaient offert leurs sacrifices : un crapaud pour ceux à qui était échue Argos, un serpent pour ceux de Lacédémone, un renard pour ceux de Messène. À pro‑ pos de ces signes, les devins déclarèrent que, pour ceux qui avaient
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Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration trouvé le crapaud, il valait mieux rester dans leur cité (car cette bête n’a pas de force quand elle se déplace), que ceux qui avaient trouvé le serpent seraient terribles dans l’attaque et ceux du renard rusés.
Ainsi se trouvent évoqués les territoires du Péloponnèse qui ont été dévolus aux Doriens menés par des Héraclides : la région d’Argos au nord-est, celle de Lacédémone au sud-est et celle de Messène au sud-ouest. Pour ce qui nous intéresse ici, la manière dont des migrants doriens auraient assuré leur contrôle politique de Sparte – en partie grâce à une trahison, selon Pau‑ sanias18 – puis à ses alentours reste passablement obscure. Du moins, il semble que la mémoire globale de l’événement ait été constitutive de la conscience collective spartiate, d’autant que la traversée ayant permis l’entrée dans le Péloponnèse pourrait avoir été rituellement commémorée, chaque année, lors de la fête estivale des Karneia. Les rois de Sparte, en outre, semblent avoir été persuadés de leur origine particulière, si l’on en juge par un incident qui met en scène le roi Cléomène Ier, que l’on peut dater de 508/507, et que narre Hérodote19 : Quand il était monté sur l’Acropole [d’Athènes], dont il allait vouloir se rendre maître, il avait voulu pénétrer dans le sanctuaire de la déesse [Athéna], sous prétexte de la prier ; et la prêtresse, se levant de son trône avant qu’il eût franchi la porte, lui avait dit : « Étranger de Lacédémone, retourne sur tes pas sans entrer dans ce temple ; il n’est pas permis aux Doriens de se présenter là » ; à quoi il avait répondu : « Femme, je ne suis pas Dorien, mais Achéen. » Sans tenir compte du présage, il avait tenté l’entreprise, et il dut alors retourner sur ses pas, chassé, avec les Lacédémoniens.
C’est, clairement, parce qu’il se sentait descendant d’Héraclès que Cléomène pouvait parler ainsi, en prétendant se rattacher à un peuplement qui avait précédé celui des Doriens – et qui pouvait correspondre à celui des hommes que nous appelons les Mycéniens20. Dans un passé moins lointain, une fois établis en Laconie, les Spar‑ tiates ont probablement suivi une évolution connue dans diverses communautés grecques d’époque archaïque, celle du synœcisme ; celui-ci semble avoir consisté, à Sparte, en la réunion de cinq bour‑ gades – dites kômai – en une seule entité politique. On pourrait 21
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Sparte situer sa première étape vers 770‑760. Celle-ci concerna Limnai21, dont l’appellation renvoie aux espaces marécageux proches de l’Eurotas, Kynosoura, peut-être appelée par référence à l’observation d’un phénomène astronomique régulier, le lever du Chien (l’étoile Sirius), qui avait lieu sur sa colline, Mesoa, qui devait vraisembla‑ blement sa dénomination à sa centralité, et Pitanè. Plus tard, une cinquième kômè fut jointe aux précédentes : Amyclées, située à 6 kilomètres environ au sud du principal foyer de peuplement, aurait été, selon Pausanias, annexée par la force, sous le règne de l’Agiade Téléclos, vers 740‑73022. Cette annexion aurait été facilitée par le soutien des Égides, qui étaient d’origine thébaine.
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Sparte Une telle évolution put avoir pour conséquence l’existence de la dyarchie royale de Sparte ; il a en effet été proposé que l’association de deux rois eût conservé le souvenir de ces origines multiples. Héraclès aurait eu pour fils Hyllos, dont Aristodèmos aurait été le descendant à la troisième génération. Qu’Aristodèmos soit mort ou non avant d’entrer dans le Péloponnèse – sur ce point les versions varient –, de lui seraient nés des jumeaux, Eurysthénès, fondateur de la dynastie des Agiades, et Proclès, fondateur de la dynastie des Eurypontides. Ces deux familles donnèrent ensuite, de manière concomitante, des rois aux Lacédémoniens23. Néanmoins, il est possible que les Agiades, qui, selon Hérodote24, jouissaient d’une primauté reconnue par l’oracle de Delphes, aient constitué une famille royale depuis la seconde moitié du xe siècle, en ayant régné à Pitana et sans doute à Mesoa ; quant aux Eurypontides, ils pourraient avoir régné à Limnai et sans doute à Kynosoura25. Il a été envisagé que les noms de deux des premiers Eurypontides, Prytanis et Eunomos, soient fictifs, parce qu’ils portent un sens politique explicite renvoyant à une fonction politique de magis‑ trat et au bon ordre politique. Dans cette hypothèse, la dynastie eurypontide serait de moindre ancienneté. On a pu d’autre part proposer de voir dans les ressortissants des deux dynasties des détenteurs de fonctions complémentaires, les Agiades étant tournés vers l’action extérieure, tandis que les Eurypontides auraient été plutôt intéressés par les affaires intérieures26. C’est aussi aux origines mêmes de Sparte que pourrait remonter l’établissement de deux catégories d’hommes non spartiates, les Hilotes et les périèques. Les Hilotes27 connus à partir de l’époque archaïque furent peut-être des descendants de la population mycé‑ nienne asservie par les Doriens. Il s’agissait d’esclaves attachés à la mise en valeur de la terre, et leur nom pourrait désigner des captifs. Néanmoins, la région d’Hélos, à l’embouchure de l’Euro‑ tas, passait pour être la plus fertile de Laconie28, et les Anciens comprenaient le nom des Hilotes comme désignant d’abord les habitants d’Hélos, censés avoir été asservis par les Spartiates29 ; leur nom aurait ensuite été attribué à des hommes auxquels le même statut était imposé. Plus encore que celles des Hilotes, les origines des périèques (ceux qui « habitent autour ») sont nimbées d’incertitude : furent-ils d’abord des Achéens volontairement soumis et ayant, de ce fait, conservé une certaine liberté, ou des Spartiates déchus ? La q uestion 24
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Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration demeure. À l’époque classique, il est en revanche clair que les périèques sont des hommes libres mais au statut inférieur à celui des Spartiates, et qui obéissent aux ordres de mobilisation votés par l’assemblée de ces derniers. Périèques et Spartiates constituent le groupe des Lacédémoniens. Tels sont donc les principaux traits qui semblent caractériser Sparte au début de l’époque archaïque, au viiie siècle. L’établis‑ sement en Laconie d’une population renouvelée a souvent été présenté dans les sources textuelles, qui sont ultérieures, sous la forme d’une sorte d’entreprise coloniale30, et la tension inhérente à une telle situation est réputée avoir largement perduré tout au long de l’histoire de Sparte.
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II
L’expansion des Spartiates hors de Laconie
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ne fois établis en Laconie, dans la plaine de l’Eurotas, les Spartiates ont en quelque sorte conservé leur élan, en menant des activités expansionnistes aux dépens de leurs voisins immédiats, mais aussi outre-mer.
Des frictions avec les Messéniens et avec les Argiens La chronologie des activités militaires menées par les Spartiates à la fin du viiie siècle et au début du viie n’est pas très claire. Selon des données longtemps admises, et que transmet Pausa‑ nias le Périégète, auteur postérieur de près d’un millénaire aux événements, les Spartiates auraient mené deux guerres contre leurs voisins de Messénie en 743‑724 puis en 685‑6681. Il est vraisemblable que ces dates doivent être abaissées, notamment parce qu’elles reposent sur des décomptes de générations royales trop longues2. La première guerre de Messénie aurait plutôt eu lieu, pendant une vingtaine d’années, vers 695‑675, tandis que la deuxième, dite guerre de Tyrtée, se serait produite des environs de 635/625 aux environs de 610/600. Cette rectification de la chronologie, bien argumentée par Victor Parker3, n’affecte cepen‑ dant pas d’autres événements. 27
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Sparte En conséquence, la première guerre pourrait avoir été précé‑ dée par la prise de contrôle de l’Aigytide, un secteur frontalier situé au nord-ouest de la Laconie, dans le Taygète, au temps des rois Charilaos et Archélaos ; ceux-ci auraient régné conjointement vers 770‑7604, et leur action commune est la plus ancienne qui soit attribuée à deux rois collègues. Plus tard, vers 740‑730, Téléclos aurait fondé Poiaessa, Échéiai et Tragion au sud-est de la Messénie, en des sites non identifiés précisément5. Ensuite, lors du règne de son collègue Nicandre6, Télé‑ clos aurait été assassiné par des Messéniens au sanctuaire frontalier d’Artémis Limnatis7, qui doit pouvoir être, semble-t‑il, précisément situé dans le Taygète, en Denthéliatide, à l’ouest du Nédon et à une dizaine de kilomètres au nord-nord-est de l’actuelle ville de Kalamata8. On pourrait voir dans de tels événements des tentatives des Spartiates pour prendre progressivement le contrôle d’espaces limi‑ trophes aux dépens des Messéniens. Plus tard, ils prétendront avoir été appelés par les enfants de Cresphontès, qui aurait été tué par les Messéniens dont, Héraclide, il aurait été le chef ; ses enfants leur auraient demandé de venger le mort et offert le territoire aux Lacédémoniens9. Vers 720‑707 – avant la fondation de Tarente datée de 706 – se serait produite une intervention de l’Eurypontide Nicandre, fils de Charilaos et père de Théopompe, cette fois non plus à l’ouest de Sparte mais au nord-est, contre les Argiens. En représailles, sous prétexte de la complicité des Asinéens avec les Spartiates, les Argiens auraient procédé à la destruction d’Asinè, établissement littoral situé à une vingtaine de kilomètres au sud-est d’Argos10 ; cette destruction, attestée, est placée par l’archéologie vers 715. C’est plus d’une génération plus tard, vers 675, que les Spartiates auraient procédé, avec les Asinéens, à la fondation de la Nouvelle Asinè à l’ouest du golfe de Messénie, à l’issue de la première guerre de Messénie11. Cette guerre aurait permis aux Lacédémoniens de s’emparer au moins de la plaine de Stényclaros, située dans la vallée supérieure du Pamisos. Lorsque, vers 710, les Spartiates, menés par Alcamène fils de Téléclos, détruisent Hélos, ses habitants sont secourus par les Argiens, que les Spartiates défont12. Cette soumission des habitants d’Hélos – dont l’appellation grecque linguistiquement attendue aurait été Héléates ou Héléioi et non Heilôtes – aurait abouti, 28
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L’expansion des Spartiates hors de Laconie nous l’avons évoqué, à la fixation du statut particulier des Hilotes, populations dépendantes attachées à l’exploitation de la terre, mais protégées contre une vente au loin par une sorte de « contrat de servitude13 ». La création puis l’extension d’une telle catégorie de population ont pu formaliser partiellement une situation caractérisée par de fortes tensions internes, et que les Spartiates ont essayé de corriger en envoyant au loin une partie de la population. Al
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Limites hypothétiques du territoire de Sparte
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Le territoire de Lacédémone après la prise de contrôle, au cours de l’époque archaïque, de la Messénie, de l’est du Parnon et de Cythère
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Sparte
Des établissements outre-mer Car c’est aussi en lançant des entreprises de colonisation outre-mer que les habitants de Laconie ont pu, semble-t‑il, essayer de satisfaire les exigences de certains d’entre eux, qui pouvaient revendiquer de la terre ou certains droits. Il est notable, en effet, que, selon Thucydide14, Lacédémone ait subi, après l’établissement de la popu‑ lation dorienne, les luttes civiles les plus prolongées qui aient été connues. Il est en conséquence fort possible que, contrairement à ce que suppose une certaine vulgate, et pour résoudre ses tensions internes, Sparte ait assez largement essaimé. Ce serait notamment à Théra – l’actuelle Santorin, dans les Cyclades – comme à Mélos – connue sous le nom de Milo – que des colons venus de Laconie auraient pu s’établir au viiie siècle. Le témoignage d’Hérodote comme l’archéologie permettent de plaider en ce sens : d’après l’historien d’Halicarnasse15, Théras, qui aurait mené l’expédition vers Théra, aurait été d’origine thébaine – comme Héraclès – et aurait émigré de Lacédémone quand les fils d’Aristodèmos, Eurysthénès et Proclès, dont il était l’oncle maternel et le tuteur, seraient devenus adultes et auraient assumé le pouvoir royal. De telles indications inciteraient à placer la fondation de la colonie de Théras à Théra – qui lui doit bien sûr son nom – au temps des origines de la Sparte dorienne, et c’est par prudence que les Modernes ne remontent pas au-delà du viiie siècle. En ce qui concerne les Méliens, Hérodote indique en passant leur origine lacédémonienne, qui est vigoureusement affirmée au temps de la guerre du Péloponnèse par les Méliens eux-mêmes comme par Thucydide16 ; d’après lui17, les habitants de Mélos auraient placé, en 416, la fondation lacédémonienne de leur communauté sept cents ans avant les événements racontés dans le dialogue mélien, donc en 1116, soit à un moment dont les Modernes n’acceptent pas la précocité18. Certains lieux de Crète, comme Lyctos, Gortyne et Polyrrhénia, passent aussi pour avoir connu des apports de colons venus de Laconie19, et Hérodote affirme20 que les Cnidiens, habitants du sud-ouest de l’Asie Mineure, sont des colons des Lacédémoniens. De tels lieux pourraient avoir effectivement vu l’établissement d’hommes venus de Laconie aux viiie-viie siècles. 30
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L’expansion des Spartiates hors de Laconie
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Les Lacédémoniens hors de Laconie
À la fin du viiie siècle – peut-être en 706, cette datation s’ac‑ cordant avec des données archéologiques nécessairement un peu imprécises –, un Spartiate nommé Phalanthos aurait conduit une expédition en Italie méridionale, où il aurait fondé Tarente. Pau‑ sanias raconte ainsi les événements21 : Désigné pour commander l’expédition colonisatrice, Phalanthos reçut de Delphes un oracle disant que, quand il sentirait de la pluie sous un ciel clair, alors il prendrait possession d’un territoire et d’une ville. Sur le moment il n’examina pas personnellement le sens de l’oracle et négligea de se le faire expliquer par un des exégètes dont c’était le métier. Conduisant ses vaisseaux, il aborda en Italie. Là, il remporta plusieurs victoires sur les indigènes, mais il ne réussissait ni à prendre une ville, ni à s’assurer la possession d’un territoire. Alors il se souvint de l’oracle, et il se dit que le dieu lui avait prédit une chose impossible, car jamais il ne pleuvrait sous un ciel pur et serein. Comme il se sentait découragé, sa femme, qui l’avait accompagné dans son expédition, cherchait à le réconforter : elle lui prit la tête
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Sparte sur ses genoux et se mit à lui chercher les poux dans les cheveux. Durant cette occupation, comme elle pensait à la situation de son mari qui ne s’améliorait pas, dans sa tendresse pour lui elle fondit en larmes. Ses larmes en tombant mouillaient la tête de Phalanthos, et voilà que celui-ci tout à coup comprend la prophétie, car sa femme s’appelait Aithra, c’est-à-dire « Ciel serein ». Aussi la nuit suivante attaqua-t‑il Tarente, la plus grande et la plus prospère des villes de la côte, et il l’enleva aux Barbares.
D’autres renseignements, rapportés par Diodore et par Strabon22, qui sont loin d’être cohérents, peuvent paraître associer le départ de colons vers Tarente au temps de la première guerre de Mes‑ sénie – que, on va le voir, on pourrait placer vers 695‑675, donc un peu plus tard. Cependant, si même les tensions inhérentes à la longueur des opérations de cette guerre ont pu provoquer le départ vers Tarente de certains individus – les Parthénies, nés peut-être d’unions illégitimes quand les Spartiates combattaient en Messénie –, ceux-ci n’avaient pas nécessairement participé à l’entreprise initiale de fondation23. En outre, Pausanias rapporte24 qu’à l’époque du roi Polydore – soit au début du viie siècle –, Sparte aurait envoyé des hommes s’établir à Locres et à Crotone, qui se trouvent aussi en Italie du Sud. De telles entreprises, menées plus ou moins loin de la Grèce égéenne, n’ont rien d’invraisemblable. Ainsi que le relève Irad Mal‑ kin25, si « avant la première guerre de Messénie, peut-être à l’époque de l’intégration d’Amyclées, Sparte était encore en train de se constituer en tant qu’entité territoriale et politique, [cela] n’exclut pas qu’elle fût une métropole ; sous ce rapport, elle n’était pas dans une situation si différente d’Érétrie [métropole de Pithécusses, dans l’actuelle île d’Ischia, au milieu du viiie siècle] ou même de Corinthe [métropole de Syracuse à la fin du viiie siècle] ». Néanmoins, par un paradoxe inhérent aux actions que l’on vient d’évoquer, l’île de Cythère, proche du cap Malée et du sud-est de la Laconie, pourrait ne pas avoir été contrôlée par Sparte jusqu’au début du vie siècle. Cela peut peut-être s’expliquer par le fait qu’elle aurait relevé de la puissance d’Argos, comme la côte pélo‑ ponnésienne située à l’est du Parnon, si l’on en croit Hérodote26. Le soutien accordé vers 710 par les Argiens aux habitants d’Hélos, géographiquement proches d’un territoire contrôlé par Argos, pour‑ rait alors assez aisément s’expliquer. Ensuite, la défaite subie par les 32
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L’expansion des Spartiates hors de Laconie Lacédémoniens face aux Argiens, en 669 dit-on27, à Hysiai – qui se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest d’Argos – pourrait être vue comme un signe des difficultés éprouvées par les gens de Sparte face à de tels adversaires. À l’ouest de Sparte, par ailleurs, un événement a eu des réper‑ cussions majeures dans l’organisation même de la collectivité lacé‑ démonienne du Péloponnèse – et a pu réfréner les entreprises menées outre-mer : la prise de contrôle de la Messénie.
La laborieuse annexion de la Messénie Vers 695‑675, la première guerre de Messénie (dite « guerre de Vingt Ans ») fut l’occasion de multiples combats – où s’illustra notamment le chef messénien Aristodèmos, d’ailleurs homonyme du père des fondateurs des deux dynasties royales de Sparte. Cette guerre permit finalement une prise de contrôle par Sparte d’au moins une partie de la Messénie et de ses habitants. Le poète lacédémonien Tyrtée, qui a connu la guerre suivante, évoque ces événements28 : Inlassables guerriers, les pères de nos pères Pour Messène, autrefois, luttèrent dix-neuf ans, Et leur cœur fut toujours aussi persévérant. Mais la vingtième année, enfin, vit l’adversaire, Désertant à jamais ses labours opulents, Fuir des monts d’Ithômè les sommités altières.
Il est possible que les Lacédémoniens se soient surtout assuré la maîtrise des parties les plus fertiles du pays messénien, et de la place forte principale que pouvait être Messène, sur les flancs du mont Ithôme. Les Messéniens se seraient alors vu imposer une situation telle que Tyrtée peut les décrire comme des ânes épuisés par de lourdes charges, apportant à leurs maîtres, sous le poids de la funeste nécessité, la moitié de tout ce que la glèbe porte de fruits29.
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Sparte Le fait que, d’après le poète, les Lacédémoniens soient ainsi dits « maîtres » des Messéniens est à rapprocher d’une mention de Pausanias qui rapporte que, lors d’un combat ayant précédé la soumission des Messéniens, les Lacédémoniens les auraient injuriés en disant d’eux qu’ils « étaient déjà leurs esclaves, [en] les traitant d’hommes qui n’étaient pas plus libres que les Hilotes30 ». De telles indications pourraient faire penser que la situation décrite par Tyrtée relève d’un système de métayage servile, mais que les Messéniens ne se sont pas vu d’emblée imposer un statut d’ Hilotes. Pausanias précise d’ailleurs31 qu’ils ne furent transfor‑ més en Hilotes qu’après la prise d’Eira – à la fin de la deuxième guerre de Messénie, vers 610/600 ; la situation des Messéniens décrits comme des « ânes épuisés », due à la première guerre de Messénie, ne doit donc pas caractériser proprement celle d’Hilotes. Deux générations après leur victoire dans la première guerre de Messénie, les Lacédémoniens furent confrontés à une révolte des Messéniens, qui prit la forme d’une nouvelle guerre. Que ces derniers aient pu dès le début des événements disposer d’alliés chez les Argiens comme chez les Arcadiens32 semble indiquer que la soumission de la Messénie n’avait pas été totale. Une même interprétation peut s’appliquer au fait qu’un Messénien, Phanas, ait pu être vainqueur à l’épreuve du dolichos, la course de fond, à Olympie, sans doute entre 652 et 62433. La deuxième guerre de Messénie aurait duré dix-huit ans, d’après les indications de Pausanias ; on pourrait la situer dans un intervalle compris entre 63534/625 et 610/600. On l’appelle la « guerre de Tyrtée », du nom de l’efficace poète – auquel des esprits mali‑ cieux attribuèrent une origine athénienne35 – dont les compositions auraient stimulé les Spartiates. Ses élégies à fonction parénétique (« d’exhortation ») ont pu partiellement survivre parce qu’elles ont été reprises de génération en génération, même hors de Sparte, du fait de leur message toujours valable, par exemple quand il s’agit d’affirmer la gloire du combattant : Il est beau de mourir, tombé au premier rang, en homme valeureux qui combat pour la patrie […]. Le jeune homme est beau, tombé au premier rang. Restez donc fermes, les jambes bien écartées, les deux pieds assurés au sol, en serrant les lèvres de vos dents36.
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L’expansion des Spartiates hors de Laconie Mais les propos de Tyrtée, qui soulignaient la qualité militaire d’une phalange d’hoplites solidaires, pouvaient aussi en appeler à la volonté de survie des soldats : Ceux qui osent, se serrant les uns contre les autres, courir contre leurs adversaires, meurent rarement et sauvent tous ceux qui marchent après eux. Mais chez ceux qui tremblent, toute vertu a disparu37.
Malgré la valeur du chef messénien Aristoménès, et du fait de la trahison d’un chef arcadien dit-on38, Sparte finit par l’emporter. Mais l’entreprise avait dû nécessiter des efforts importants de la part des Spartiates et cela peut expliquer que lorsque, vers 630, des Théréens – liés à Sparte depuis le viiie siècle au moins – s’éta‑ blirent en Cyrénaïque, la participation directe de Sparte soit restée relativement limitée. Ainsi chez Pausanias39 voit-on simplement que le Spartiate Chionis, un vainqueur à Olympie, aurait participé à l’entreprise de fondation aux côtés du chef de celle-ci, Battos. Dans l’ensemble territorial ainsi constitué par le rattachement de la Messénie à la Laconie, et qui atteignait environ 8 500 km2, les citoyens de Sparte purent disposer de biens fonciers impor‑ tants, dont la mise en valeur (par l’agriculture et l’élevage) était assurée par des esclaves, dans le cadre de domaines tenus par des Lacédémoniens, c’est-à-dire des Spartiates et, vraisemblablement, des périèques. La conquête de la Messénie40 a aussi eu pour conséquence que le mot « Lacédémone » a revêtu une valeur particulière, et a servi à désigner une construction politique plutôt qu’un lieu précis, tandis que le terme « Laconie » continuait à désigner le sud-est du Pélo‑ ponnèse. « Lacédémone » a en effet servi à dénommer l’ensemble constitué, jusque vers 369, de part et d’autre du Taygète, dans tout le sud du Péloponnèse, par les habitants du principal centre politique de la région, Sparte. En d’autres termes, dans l’usage ordinaire des sources classiques, Lacédémone inclut la Laconie et la Messénie, et sa capitale est Sparte. Quant aux dénominations des hommes, par une procédure de métonymie fréquente qui consiste à désigner la partie par le tout, les Anciens ont souvent désigné les Spartiates comme étant des Lacédémoniens. Mais il est très clair que, le plus souvent, c’est aux usages des Spartiates – situés au sommet de la pyramide sociale et politique – qu’ils pensent quand bien même ils nomment les 35
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Sparte Lacédémoniens – dont formellement font partie les périèques, qui ne sont pas spartiates41. Et c’est l’organisation mise en place dans l’ensemble du terri‑ toire lacédémonien qui a assuré la prospérité et la puissance de la collectivité dirigée par les Spartiates, lesquels ont d’ailleurs fait évoluer leurs pratiques pour en assurer au mieux l’efficience.
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III
La mise en ordre intérieure de Sparte au viie et au vie siècle
Lycurgue, responsable d’un équilibre qui fait l’objet d’appréciations variables
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ans un passage des Histoires, écrites dans la seconde moitié du ve siècle, où il met en exergue le rôle décisif prêté à Lycurgue, Hérodote déclare1 :
Les Lacédémoniens […] avaient été, presque de tous les Grecs, ceux qui étaient régis par les plus mauvaises lois (kakonomôtatoi), tant dans leurs relations entre eux qu’à l’égard des étrangers, avec qui ils n’avaient point de commerce.
Ici, Hérodote évoque sans doute les tensions qui ont pu exister, à la haute époque archaïque, entre les habitants de Lacédémone, quel que fût leur statut, mais il précise aussi comment la situation put s’améliorer ; il mentionne en effet un oracle rendu à Lycurgue par la Pythie, prêtresse d’Apollon à Delphes : « Tu es venu, ô Lycurgue, à mon opulente demeure, cher à Zeus et aux autres habitants des demeures olympiennes ; j’hésite [à savoir] si je proclamerai que tu es un dieu ou un homme ; mais je te crois plutôt un dieu, ô Lycurgue. »
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Sparte Et l’historien d’Halicarnasse poursuit : Il en est qui prétendent qu’à la suite de ces paroles la Pythie lui dicta également l’ordre (le kosmos) établi maintenant chez les Spartiates ; mais, d’après les Lacédémoniens eux-mêmes, Lycurgue, lorsqu’il fut devenu le tuteur de Léobotas son neveu, roi des Spar‑ tiates, l’importa de Crète. Dès qu’il fut en possession de la tutelle, il changea en effet tous les usages (nomima) et prit des précautions pour qu’on ne transgressât pas les nouveaux. Puis il établit ce qui a trait à la guerre, énomoties2, trentaines, repas en commun ; et aussi les éphores et les gérontes. C’est ainsi que les Lacédémoniens passèrent à un état nouveau et furent régis par de bonnes lois (connurent l’eunomia).
Un tel texte est essentiel en ce qu’il semble – aux yeux des Modernes – être le point de départ d’une tradition historiographique antique sur les origines des institutions de Sparte, dont la mise en place est censée avoir succédé à une phase de désordre prononcé. L’œuvre de Lycurgue elle-même est supposée avoir été graduelle : elle a été fondée sur des avis pythiques ou en fonction d’une influence crétoise, et elle a touché à ce qu’Hérodote appelle des nomima, qui sont des usages, des coutumes, des institutions, des normes et des pratiques juridiques, des rituels funéraires enfin3 ; la réforme prêtée à Lycurgue, en outre, est supposée avoir concerné des pratiques notamment militaires et politiques, de telle sorte que fut établie la situation connue du temps d’Hérodote même – caractérisée par son bon ordre législatif, son eunomia. Cette idée selon laquelle Sparte serait passée du désordre à l’ordre apparaît également, après Hérodote, chez Thucydide, qui déclare simplement : « [Sparte subit] les luttes (les staseis) les plus prolongées que nous connaissions… » Cependant, l’historien athénien, qui écrit à la fin du ve siècle, ne nomme pas Lycurgue quand il évoque par ailleurs le genre de vie égalitaire des Lacé‑ démoniens, le fait qu’ils sont isodiaitoi (littéralement, qu’ils ont une « diète égale »)4. En revanche, vers 378‑376, dans la République des Lacédémoniens, Xénophon n’est pas du tout aussi réservé à l’égard du personnage de Lycurgue, à qui il prête un rôle fort important : il le présente comme un nomothète, un législateur, qui a en particulier mis en place des pratiques (epitèdeumata) pour chaque âge, et il exprime une appréciation personnelle en déclarant : 38
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« Lycurgue me semble avoir fait œuvre de bon législateur. » En outre, alors même qu’Hérodote n’avait pas nommé Lycurgue quand il avait décrit les gerea, les privilèges des rois de Sparte5, Xénophon lui attribue explicitement certaines pratiques déjà évo‑ quées par Hérodote sans mention de son nom. Certes, peut-être déçu par l’évolution connue par Sparte au début du ive siècle, Xénophon en vient à déclarer, à la fin de son œuvre, qu’« il est évident que [les Lacédémoniens] n’obéissent plus ni à la divinité ni aux lois (nomoi) de Lycurgue », mais ce propos même confirme son opinion selon laquelle les institutions traditionnelles de Sparte, remontant à l’époque que nous disons archaïque, seraient dues à Lycurgue6. Par la suite7, citant Tyrtée, Aristote est, à la fin du ive siècle, le premier auteur à dénommer Eunomia – soit la Bonne législation – le poème de lui qu’il mentionne8. Est-ce là une façon de dénier à Lycurgue le rôle d’un législateur responsable de mesures bénéfiques ? Ce n’est pas impossible, si l’on songe que, décri‑ vant les institutions de Sparte, Aristote évoque un « législateur » (nomothète) à l’aide d’un terme qui, dans le livre II de la Politique, semble bien revêtir une valeur générique. Nonobstant, comme par ailleurs Lycurgue est réputé être l’auteur de l’essentiel des insti‑ tutions de Sparte, tous les défauts de celles-ci peuvent lui être imputés, juge Aristote9. En l’occurrence, on assiste à une sorte de retournement des appréciations concernant Lycurgue : alors qu’il avait été jugé responsable de pratiques bénéfiques par Hérodote, puis par Xénophon qui précise que celles-ci auraient été bafouées, Lycurgue en vient à être jugé responsable d’une situation largement critiquable, par Aristote. Sans doute, au iie siècle avant notre ère, Polybe peut-il décla‑ rer10 que Lycurgue a su instiller la modération et l’endurance à Sparte, qu’il a donné à la Laconie une sûreté inébranlable et aux Spartiates une liberté durable ; cependant, conscient des débats qui l’ont précédé, au iie siècle de notre ère, Plutarque peut évoquer la licence et l’anarchie dont Sparte fut la proie avant Lycurgue, mais aussi le fait qu’après ses réformes, « l’oligarchie [restait] trop forte et trop puissante encore11 ». Cette indication souligne la per‑ manence d’un élément de trouble, auquel il aurait fallu remédier même après le temps de Lycurgue, dont l’œuvre législative aurait donc été imparfaite. 39
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Une datation malaisée Mais le même Plutarque, qui bien souvent synthétise de nom‑ breux textes antérieurs, souligne l’incertitude pesant sur l’historicité de l’action de Lycurgue12 : Sur Lycurgue le législateur on ne peut absolument rien dire qui ne soit douteux. Son origine, son séjour à l’étranger, sa mort, enfin l’établissement même de ses lois et de sa constitution sont rapportés diversement par les historiens ; mais c’est sur le temps où il vécut que le désaccord est le plus grand.
La conscience de cette incertitude peut expliquer, sans doute, pourquoi Thucydide, esprit épris de faits assurés, ne mentionne jamais le personnage. Que peut-on donc alors dire qui satisfasse au besoin d’un savoir positif, ou d’une apparence de savoir positif ? Le nom même de Lycurgue intrigue les Modernes : ceux-ci hésitent entre une inter‑ prétation qui renverrait à un homme accomplissant des œuvres de loup, ou bien à un homme repoussant les loups. L’appellation, en tout cas, pourrait désigner un homme maître de mystérieuses procédures initiatiques. Si l’on admet l’existence de Lycurgue, l’autorité qui lui aurait été reconnue pourrait s’être fondée sur sa parenté avec un roi de Sparte, dont il aurait été l’oncle et le tuteur : il se serait agi de l’Agiade Léobotas13 ou de l’Eurypontide Charilaos (aussi appelé Charillos)14. Dans un cas comme dans l’autre, Lycurgue aurait été descendant d’Héraclès, fils de Zeus, puisque les membres des deux dynasties royales, nous l’avons vu, étaient tous censés descendre du héros. Naturellement, une telle parenté pourrait fournir un élément de datation de l’activité législative de Lycurgue. Hypothétiquement, le règne de Léobotas, troisième successeur d’Eurysthénès15, pour‑ rait être placé vers 870‑840, et une telle datation de l’action de Lycurgue serait confirmée par l’indication du savant alexandrin Ératosthène, qui place sa législation en 885/884. Mais, hypothé‑ tiquement toujours, le règne de Charilaos, cinquième successeur de Proclès, pourrait être placé vers 770‑750 ; d’après Plutarque16, Aristote se serait appuyé, vers 330, sur la mention de Lycurgue 40
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sur un disque olympique pour fixer son action au moment de la première olympiade, vers 776. Une telle difficulté à dater l’exis‑ tence et l’action de Lycurgue créait une incertitude, patente par exemple chez Xénophon quand il déclare17 : L’extrême ancienneté de ces lois (nomoi) est chose certaine. On dit, en effet, que Lycurgue a vécu au temps des Héraclides.
Le propos est ambigu, et Plutarque est fondé à relever, cinq siècles plus tard18 : Xénophon aussi donne lieu de supposer que Lycurgue remonte à une haute antiquité, lorsqu’il dit que celui-ci vécut au temps des Héra‑ clides ; à la vérité, les plus récents rois de Sparte [ceux du iiie siècle av. J.-C.] étaient aussi des Héraclides de race ; mais il est vraisemblable que Xénophon a voulu désigner les premiers Héraclides, ceux qui étaient encore très voisins d’Héraclès.
En conséquence de la difficulté, les Anciens ont cherché une solution, et Plutarque indique19 que Timée de Tauroménion (né vers 350 et mort vers 260), un esprit minutieux, soupçonne qu’il y eut à Sparte deux Lycurgue en des temps diffé‑ rents, que les actions de l’un et de l’autre furent attribuées à l’un des deux, à cause de sa gloire, et que le plus ancien n’était pas éloigné de l’époque d’Homère ; quelques-uns pensent même qu’il put voir ce poète [ce serait alors à la fin du viiie siècle, selon les datations généralement retenues de nos jours].
Ainsi les savants de l’Antiquité étaient-ils plongés dans une incer‑ titude marquée quant à la date de l’activité de Lycurgue, mais ils doutaient assez peu de la réalité de son action20. Celle-ci aurait, par ailleurs, été inspirée par des exemples étrangers.
Une inspiration exogène Selon Hérodote, d’après les Lacédémoniens eux-mêmes, Lycurgue aurait importé de Crète le kosmos qu’il établit à Sparte21. Le terme 41
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Sparte kosmos – qui, à partir de Pythagore, à la fin du vie siècle, peut désigner l’univers – indique un ensemble bien ordonné. Il est remarquable que, au ve siècle au plus tard, Lycurgue soit ainsi présenté comme un voyageur parti à la recherche d’une inspiration hors de Sparte. Selon Plutarque, qui peut inscrire son propos dans la suite d’indications de Platon et d’Aristote, [Lycurgue] partit […] et se rendit d’abord en Crète. Il y observa les institutions et eut des entretiens avec les hommes les plus réputés. Il admira et recueillit certaines de ces lois pour les rapporter et les mettre en usage dans son pays ; il en dédaigna d’autres. Parmi les hommes qui passaient là-bas pour sages et habiles politiques, il y en avait un qu’il détermina par ses avances et ses témoignages d’amitié à se rendre à Sparte. Il se nommait Thalétas et passait pour être un poète lyrique ; mais son art n’était pour lui qu’un prétexte : en réalité, il faisait œuvre d’excellent législateur. Car ses odes étaient des exhor‑ tations à la docilité et à la concorde sur des airs et des rythmes fort propres à inspirer l’amour de la règle et de l’ordre. À l’insu même des auditeurs, ces chants adoucissaient leurs mœurs et les habituaient à aimer la bonté au lieu de la méchanceté qui régnait alors dans le pays entre les citoyens. C’est ainsi qu’il fraya en quelque sorte la voie à Lycurgue pour former les Spartiates22.
Pour expliquer le séjour de Lycurgue en Crète, on pourrait évo‑ quer la communauté d’origine – dorienne – des Lacédémoniens et des Crétois : s’il était admis par les intéressés que Lacédémoniens et Crétois avaient hérité de pratiques communes, ce seraient les ajustements crétois apportés à ces pratiques qui pourraient avoir été importés de Crète en Laconie23. L’idée selon laquelle Lycurgue se serait inspiré de pratiques exo‑ gènes a connu des enrichissements et, chez Plutarque, on le voit se rendre non seulement en Crète, mais également en Asie Mineure, en Ionie, d’où il aurait rapporté une connaissance intégrale des poèmes d’Homère, l’Iliade et l’Odyssée. L’idée n’est en fait pas foncièrement nouvelle puisque, d’après Aristote24, Lycurgue aurait apporté les poèmes homériques de Samos – île proche de l’Asie Mineure – à Sparte. Une telle indication semble mettre en avant l’ouverture de Sparte aux nouveautés littéraires ; en soi, elle marque sa pleine appartenance au monde grec, et même son rôle moteur à l’époque archaïque si l’on en juge par la précision de Plutarque 42
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selon laquelle « les Grecs avaient déjà une faible connaissance [des poèmes d’Homère], quelques personnes possédant certaines parties détachées de ces poèmes dispersés au hasard, mais Lycurgue fut le premier qui les fit connaître entièrement25 ». L’existence à proximité de Sparte, à partir sans doute des environs de 650, d’un culte de Ménélas et d’Hélène – qui constituent le couple royal de Sparte dans les poèmes homériques – confirme pleinement la connaissance d’Homère par les Laconiens à une telle date. Lycurgue se serait aussi rendu en Égypte et, selon Plutarque26, la distinction des hommes à compétence militaire du reste de la société serait un principe d’origine égyptienne. À vrai dire, et non sans rai‑ son, les Grecs voyaient dans l’Égypte – où la naissance de l’écriture remontait aux environs de 3 000 – un conservatoire de connaissances et d’usages de référence. Platon peut ainsi mettre en scène un prêtre égyptien de Saïs qui déclare à un Grec, l’Athénien Solon : Il n’y a point de vieillard en Grèce. […] Vous êtes tous jeunes d’esprit […] car vous n’avez dans l’esprit aucune opinion ancienne fon‑ dée sur une vieille tradition et aucune science blanchie par le temps27.
Sans rappeler que Ménélas déjà serait passé par l’Égypte pour regagner Sparte à la fin de la guerre de Troie, on peut noter que, d’après Plutarque28, entre 394 et 379, par la volonté du roi Agésilas II, des fouilles furent effectuées en Béotie, à Haliarte, dans le tombeau prétendu d’Alcmène, mère d’Héraclès et aïeule des rois de Sparte ; un expert égyptien aurait alors été consulté pour déchiffrer un texte que nous dirions inscrit en linéaire B, l’écriture des Mycéniens. De telles indications, parmi bien d’autres, confirment l’idée que les Grecs voyaient dans les Égyptiens des témoins de leur propre histoire et d’éventuels inspirateurs de cer‑ taines pratiques. Ces mentions de voyages de Lycurgue, législateur légendaire de Sparte, en Crète, en Asie Mineure occidentale et en Égypte ne doivent sans doute pas être considérées dans un sens strict : on peut y voir la cristallisation, dans l’histoire d’un seul personnage, de contacts pris par divers Spartiates à l’époque archaïque. À cet égard, il convient de noter que Plutarque rejette l’idée que Lycurgue se soit rendu en Libye et en Ibérie, et qu’il ait eu contact 43
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Sparte avec des gymnosophistes (des « sages nus ») indiens29 : de telles expériences ne paraissent en effet guère probables, de la part de quelque Spartiate que ce soit, au viiie ou au viie siècle, à l’inverse des autres voyages attribués à Lycurgue. Mais Plutarque pense que, fort de son expérience, Lycurgue aurait entrepris de réformer les institutions de Sparte, avec l’appui d’une élite de concitoyens ; ceux-ci auraient admiré la façon dont il avait préservé les droits de son neveu, sans essayer de le supplanter comme roi30. On peut là aussi voir une volonté d’attribuer aux efforts d’un homme une entreprise qui revêtait largement un caractère collectif.
Un ordonnancement politique indiqué par la Grande Rhètra D’après Hérodote – qui aime à rapporter diverses versions d’un même événement –, selon certains de ses contemporains, ce serait la Pythie, prêtresse inspirée d’Apollon siégeant à Delphes, qui aurait dicté à Lycurgue l’ensemble des règles régissant l’ordre ins‑ titutionnel qui prévalait encore chez les Spartiates au ve siècle. Cette indication se trouve précisée par Plutarque, qui cite un texte majeur31, la Grande Rhètra, qu’il présente comme un oracle délivré à Lycurgue, le mot rhètra désignant une « chose dite » : Après fondation d’un sanctuaire de Zeus Skyllanios et d’Athéna Skyllania, après répartition en tribus et en ôbai, après établissement d’une gérousia à l’effectif de trente, archégètes compris, à intervalle régulier faire les apellai entre Babyka et Knakiôn ; à ces conditions, introduire une proposition et laisser faire, et sanction. Mais si le peuple se prononce de manière tordue, que les Anciens et les archégètes soient quittes.
Le texte a été paraphrasé par le poète lacédémonien Tyrtée, transmis par Plutarque et par Diodore de Sicile32 :
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Ils ont entendu Phoibos [Apollon] et, de Pythô [Delphes], ils ont rapporté chez eux les oracles du dieu, ses infaillibles paroles : Voici ce que le seigneur à l’arc d’argent, celui qui lance au loin, Apollon à la chevelure d’or, a prophétisé de son opulent adyton [qui est la partie du sanctuaire interdite au commun des mortels] : Qu’ouvrent le débat les rois mis en charge par les dieux, qui ont soin de l’aimable cité de Sparte, ainsi que les anciens conseillers, et qu’ensuite des hommes du dèmos (des dèmotai andres), répondant à leur tour par de droites rhètrai, prononcent de belles paroles et agissent en tout justement, sans rien fomenter pour la cité ; mais de la majorité du peuple dépendent décision et sanction. Car Phoibos a là-dessus fait de telles révélations à la cité.
C’est l’existence de cette paraphrase écrite par Tyrtée, poète qui aurait eu quarante ans vers 640‑637 ou 633, qui constitue l’argument essentiel en faveur de l’authenticité et de l’ancienneté de la Rhètra – que l’on pourrait situer au début du viie siècle –, les deux textes ayant sans doute été transmis à Plutarque par la Constitution des Lacédémoniens d’Aristote. Globalement, et sans entrer dans les débats multiples suscités par ces textes, on peut retenir que Lycurgue aurait organisé le peuple en trois « tribus » réparties en ôbai – qui seraient des unités territoriales analogues aux kômai, les bourgades constitu‑ tives de Sparte ; il aurait mis en place un conseil d’anciens – de gérontes –, la gérousie. Ce conseil aurait compris 30 membres, dont les deux rois, appelés les « archégètes » : le terme désigne des « conducteurs » et il est employé ordinairement pour dési‑ gner les chefs d’expéditions coloniales de l’époque archaïque. Des réunions périodiques des citoyens auraient été organisées, d’abord à l’occasion d’une fête en l’honneur d’Apollon, l’Apella ; ensuite, d’après les sources littéraires, l’assemblée des citoyens réunis dans un but politique a dû, comme à Athènes, être appelée ekklèsia 33. D’après la paraphrase de la Grande Rhètra donnée par Tyrtée, on peut comprendre que le système de délibération décrit par le texte implique la prise de parole d’hommes du dèmos – du damos en dorien –, du peuple : ceux-ci seraient les porte-parole des citoyens, analogues aux magistrats connus plus tard, par de nombreuses 45
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Sparte sources, comme étant les éphores. Il est d’ailleurs notable que le roi Théopompe (vers 707‑670) se voie imputer l’établissement de la fonction des éphores34. Les cinq éphores, dont le nom désigne des « surveillants », et qui étaient des magistrats annuels élus par les citoyens, auraient contribué à la mise en forme de décisions qui auraient, en dernier ressort, été soumises à l’ensemble des citoyens, décidant à la majorité. C’est donc un système politique complexe, et équilibré, qui serait né dès l’époque archaïque à Sparte. Il est remarquable que l’on y trouve ainsi, dès le viie siècle, des éléments institutionnels analogues à ceux qui, dans les siècles ultérieurs, ont caractérisé le fonctionnement politique des cités grecques, à savoir des archontes – des magistrats, qui ici seraient les rois et les éphores ou des prééphores –, un conseil (la gérousie) et l’assemblée des citoyens libres. Certes, la fin de la Grande Rhètra demeure assez obscure sur la soumission aux décisions collectives qui pouvait être imposée aux gérontes et aux rois35, mais ce manque de clarté même pourrait s’accorder au caractère oraculaire d’un texte prétendument validé par Apollon (« Phoibos », le Brillant), et où les deux autres grandes divi‑ nités de Sparte, Zeus et Athéna, se trouvaient d’entrée mentionnées, parce que c’est sous leur protection que la communauté devait agir.
Des règles largement liées à la guerre Mais ce n’est pas seulement un nouvel ordre institutionnel qui a été attribué à Lycurgue. Selon Hérodote, le législateur aurait aussi pris des mesures pour assurer l’organisation des usages sociaux et des pratiques militaires. Plutarque précise36 que l’une de ses petites rhètrai, de ses règles secondaires, aurait défendu de mettre par écrit les lois, tandis qu’une autre aurait proscrit le luxe – notamment dans la construction des maisons – et qu’une troisième aurait « interdit de faire la guerre plusieurs fois aux mêmes ennemis, pour empêcher que l’habitude de se défendre ne les aguerrisse ». La première règle peut être vue comme relevant d’une volonté délibérée de permettre des évolutions, des adaptations progressives aux besoins de Sparte – au reste, le manque de clarté de la Grande Rhètra pouvait aussi permettre des évolutions ; la deuxième peut 46
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relever d’un souci de réfréner les tensions sociales inhérentes à la manifestation des disparités de fortune dans les constructions des maisons ; quant à la troisième, elle peut être considérée comme une incitation à vaincre rapidement, sans s’obstiner à des efforts de longue durée tels que ceux consentis contre les Messéniens. Car les deux guerres de Messénie ont certainement contribué à façonner les usages de Sparte, et la pleine conscience des effets déstabilisateurs, à l’intérieur de la cité, d’une guerre extérieure a pu inquiéter des esprits épris de stabilité. Pour parvenir à l’emporter sur les Messéniens, en effet, les Spartiates ont dû mener des efforts militaires considérables, dont témoigne la durée des deux premières guerres de Messénie (vers 695‑675 puis des environs de 635/625 aux alentours de 610/600). Il est vraisemblable que l’armée de Sparte a dû recourir à des pratiques de levée de troupes relativement systématiques. Et la question se pose de la réalité d’une « réforme hoplitique » – ou, dit-on parfois, d’une « révolution hoplitique37 ». Celle-ci aurait consisté dans une mutation sociale et tactique qui, entre 750 et 600, aurait vu des combattants dotés d’armes en bronze coûteuses adopter progressivement un mode de combat groupé, en phalange, tel que chaque soldat aurait, de son bouclier (hoplon) tenu au bras gauche, protégé le flanc droit de son voisin de gauche. Ces hommes, qui auraient appartenu à un groupe social aisé, auraient excipé de la façon dont ils assumaient leurs devoirs militaires pour réclamer et obtenir des droits politiques accrus. Certes, dans l’Iliade, texte de la fin du viiie siècle, on assiste par‑ fois à des duels – ainsi celui d’Achille contre Hector –, tandis que l’essentiel des combats est constitué de heurts entre des groupes. Mais il n’apparaît pas que ces groupes soient rigoureusement organi‑ sés en phalanges et constitués d’hommes étroitement solidaires ; au contraire, les troupes se dispersent aisément et se réunissent ensuite comme elles peuvent. Vers 700 semble néanmoins être apparu l’armement caractéristique des hoplites, comprenant notamment des boucliers circulaires en bois au pourtour renforcé de bronze, dotés, du côté interne, d’un brassard central et d’une poignée péri‑ phérique – et non plus seulement d’une poignée centrale – dont l’usage permettait à des guerriers d’assurer la cohérence de leur formation en étant capables de manier avec habileté leur arme défensive et leur arme offensive (parce que leur main gauche pouvait 47
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Sparte en même temps soutenir le rebord de leur bouclier et guider leur lance). D’après Diodore de Sicile38, l’hoplite tire son nom même du bouclier qu’il porte (l’hoplon est l’arme par excellence). Vers le même moment se développe le reste de l’armement utilisé par l’hoplite, qui comprend une cuirasse et des jambières de bronze, ainsi qu’un casque très protecteur de type dit corinthien. Cette évolution est illustrée, par exemple, par un vase d’origine corinthienne, l’olpè dite « Chigi », des environs de 640, sur le registre supérieur de laquelle on voit deux phalanges sur le point de s’affronter.
Détail de l’olpè Chigi, vase corinthien des environs de 640 av. J.C. Deux phalanges d’hoplites sont sur le point de s’affronter. Chaque soldat est doté d’un bouclier (hoplon), d’un casque, d’une cuirasse, de jambières (cnémides), d’un javelot et d’une lance. Si le vase est corinthien, c’est seulement dans l’armée de Sparte que l’on connaît, par un texte de Thucydide, la présence d’un joueur d’aulos (une sorte de hautbois) : on voit ici un joueur de diaulos (un aulos double).
Un sceau laconien peu antérieur à 650, qui montre trois guer‑ riers dotés de boucliers circulaires en train d’avancer côte à côte, semble renvoyer à une scène analogue, même si ses dimensions réduisent le champ d’expression de l’artiste. 48
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Sceau spartiate en ivoire montrant trois guerriers dotés de boucliers circulaires et avançant côte à côte. Peu avant 650 av. J.-C.
Trois plombs de 650‑620 av. J.-C. provenant du sanctuaire d’Orthia. Les deux premiers ont 5,5 cm de haut.
Peu après apparaissent, au sanctuaire d’Orthia, des figurines de plomb d’une demi-douzaine de centimètres de haut représentant des hoplites, et qui peuvent exprimer la dévotion de citoyens-soldats de Sparte à la déesse. Une évolution paraît donc s’être pro‑ duite au cours du viie siècle, et il est possible que les vers de Tyrtée traduisent un comportement propre à un moment de transition : on y voit en effet la mention de promachoi, de combattants du premier rang – qui peut-être se détachent des lignes comme les héros homériques –, mais on constate aussi que la solida‑ rité entre les hoplites est soulignée. Cela explique‑ rait les difficultés que les exégètes éprouvent parfois pour bien comprendre les mouvements militaires mentionnés dans les élégies du poète. Du moins les change‑ m e n t s connus par Sparte semblent-ils s’inscrire dans un mouvement qu’Aristote a ainsi caractérisé : Et la plus ancienne république (politeia) qui, chez les Grecs, suc‑ céda à la royauté, était composée des combattants, et même, dans sa forme originelle, des cavaliers (car la force et la supériorité à la guerre résidaient alors dans la cavalerie ; en effet, en l’absence d’ordre de bataille l’infanterie est inutile, et comme les connaissances pratiques et les règles tactiques relatives à des matières de ce genre faisaient défaut
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Sparte chez les anciens, la force des armées consistait dans leur cavalerie) ; mais les cités (les poleis) prenant de l’extension et l’infanterie ayant gagné en puissance combative, un plus grand nombre d’hommes avait part à la vie publique39.
Aristote établit ici clairement une corrélation entre le statut social des combattants et le régime politique existant. Quand l’aris‑ tocratie, qui dispose des moyens d’entretenir des chevaux – sans d’ailleurs les utiliser nécessairement à la guerre –, doit s’appuyer sur des fantassins, ceux-ci participent au pouvoir politique et le régime se trouve modifié. Une telle mutation est signalée par la mention du damos réuni en agora, du peuple réuni en assemblée dans la Grande Rhètra, puis de dèmotai andres, d’hommes du peuple au rôle défini – qui pourraient être des éphores, porteparole du peuple, on l’a vu – dans la paraphrase de Tyrtée. De surcroît, à l’époque classique, celle d’Aristote, il est bien connu que l’élite des fantassins de Sparte se nomme les hippeis, c’est-à-dire les « cavaliers » : le nom se serait conservé quand les techniques de combat auraient changé, ce qui incite à penser que le modèle d’évolution auquel pense précisément le philosophe serait celui de Sparte. Une telle évolution a pu être facilitée, à Sparte, par la mise à la disposition des guerriers d’une force de travail servile, celle des Hilotes, qui permettait aux citoyens de s’équiper en armes de bronze et de disposer de temps pour s’entraîner à leur utili‑ sation40. Dans un contexte général de croissance démographique poussant les Grecs à la mise en valeur de l’ensemble des terres agricoles disponibles, les Spartiates, profitant en Laconie d’une organisation sociale et politique dynamique, ont fini par s’imposer à leurs voisins messéniens, qui, asservis, leur ont fourni une force de travail accrue. Pour renforcer leur organisation, les Spartiates semblent d’ailleurs avoir pris, à un moment qui reste imprécis, des mesures à finalité militaire, touchant sans doute à leur vie quotidienne et qu’Hérodote attribue à Lycurgue : celui-ci « établit ce qui a trait à la guerre, énomoties, trentaines, repas en commun (syssitia) », dit l’historien d’Halicarnasse41. On peut ainsi comprendre que les soldats étaient liés par un serment commun, qu’ils étaient constitués en groupes de 30 membres et qu’ils mangeaient ordinairement ensemble42. Néanmoins, Plutarque indique43 que c’est au nombre de quinze 50
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qu’étaient les membres d’un syssition, et qu’un tel groupe était plutôt appelé phidition par les Lacédémoniens – fait que confirment quelques inscriptions. Du moins paraît-il clair que la solidarité que les Spartiates entretenaient les uns avec les autres dans leur vie ordinaire visait à assurer la cohésion de leur phalange sur le champ de bataille. L’austérité que tous devaient afficher – à partir de la fin du vie siècle sans doute44 – avait pour but d’éliminer toute source de dissension inhérente aux jalousies qu’auraient provoquées des inégalités manifestes de richesse.
Un équilibre établi par une collectivité Ainsi comprend-on comment des usages politiques, militaires et sociaux, qui sans doute se sont établis graduellement, ont pu contribuer à l’apaisement des désordres auxquels Lycurgue aurait prétendument mis fin. Ces désordres mentionnés par les sources anciennes ont pu être liés aux nécessités d’une réorganisation stimulées notamment par la prise de contrôle, difficile, de la Messénie. L’accroissement territorial permis par cette conquête aurait entraîné une évolution des pratiques poli‑ tiques : les soldats de Sparte requis par la guerre auraient émis des revendications non seulement économiques, en demandant l’attribution de terres nouvellement acquises, mais encore poli‑ tiques. Il n’est pas exclu que les cinq éphores, représentants du damos, aient été alors dotés de compétences nouvelles, non plus seulement religieuses mais aussi politiques, peut-être dès le début du viie siècle45. Ainsi, les réformes connues par Sparte peuvent s’expliquer sans le recours à l’intervention de Lycurgue, législateur mythique. Il est caractéristique que Xénophon, qui nomme sans cesse Lycurgue dans la République des Lacédémoniens, admette de lui-même que celui-ci n’a pas agi seul : Qu’à Sparte on obéisse à l’extrême aux magistrats et aux lois, nous le savons tous. Pour moi cependant je crois que Lycurgue n’eût pas même entrepris d’établir une telle discipline (eutaxia), s’il n’avait auparavant gagné à ses vues les principaux citoyens. Je
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Sparte fonde ma conjecture sur le fait que dans les autres cités les gens puissants ne veulent même pas avoir l’air de redouter les magistrats, mais considèrent cela comme indigne d’un homme libre. À Sparte, au contraire, les premiers d’entre les citoyens se montrent tout à fait soumis aux magistrats ; ils mettent leur gloire à s’abaisser devant eux et à courir – venir ne leur suffit pas – pour obéir à leur appel ; car ils estiment que s’ils donnent eux-mêmes l’exemple d’une obéissance empressée, les autres marcheront sur leurs traces. C’est, en effet, ce qui s’est produit46.
Xénophon lui-même nuance ainsi l’idée selon laquelle l’ajuste‑ ment convenable (l’eutaxia) des usages en vigueur à Sparte serait dû à Lycurgue. La mise en place de ses lois et de ses usages peut donc s’expliquer par un effort collectif. Et l’idée selon laquelle l’évolution connue par Sparte a pu en fait revêtir un caractère progressif apparaît dans la pluralité des législateurs – autres que Lycurgue – qui sont censés avoir agi à Sparte.
Lycurgue, une autorité de référence, mais parmi d’autres Selon Hérodote47, quand Lycurgue fut mort, [les Lacédémoniens] lui élevèrent un sanc‑ tuaire (hiron), et ils ont pour lui la plus grande vénération.
Cette attitude empreinte d’un respect religieux à l’égard de Lycurgue pouvait se fonder sur un jugement que la Pythie avait prononcé sur le personnage, et qui est rapporté par Hérodote48 (« Je te crois plutôt un dieu, ô Lycurgue » ; ces mots ont été souvent répétés dans l’Antiquité). Néanmoins, il demeurait que l’autorité de Lycurgue était par elle-même moindre que celle d’Apollon, reconnue dans l’Hellade entière, qui lui servait de caution. Cela explique pourquoi on pouvait supposer qu’il avait agi en fonction de prescriptions d’Apollon, transmises par sa prêtresse delphique, la Pythie. L’ensemble des mesures attribuées au législateur peut être présenté selon une logique que Polybe, au iie siècle avant notre ère, explicite ainsi49 : 52
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Il ne faut pas croire que, pour établir la constitution de Sparte, Lycurgue se soit borné à obéir superstitieusement aux ordres de la Pythie […] ; mais [il voyait] que la plupart des hommes n’ac‑ cueillent pas sans défiance les projets qui sortent de l’ordinaire et hésitent à se lancer dans une entreprise périlleuse, à moins qu’ils ne croient pouvoir compter sur la protection des dieux. C’est pour cela que Lycurgue attribuait toujours à la Pythie ses propres pen‑ sées, qu’il leur donnait plus de poids et de crédit en les fondant sur son autorité.
Le respect dû à la parole de la prophétesse, et à Lycurgue que cette parole exaltait, aurait pu contribuer à figer les usages de Sparte si la législation attribuée à Lycurgue – et cautionnée par l’oracle – avait été écrite. Mais comme, on l’a dit, tel n’était pas le cas, les Spartiates ont pu faire évoluer leurs pratiques tout en continuant, souvent, à les attribuer à Lycurgue. Néanmoins, il est remarquable que tous les Anciens ne se soient pas laissé prendre à une telle logique. Dans les Lois de Platon, écrites au milieu du ive siècle, on lit en effet des propos prêtés à un Athénien qui, s’adressant à un Lacédémonien, lui déclare50 : Un dieu qui prenait soin de vous et qui, en prévision de l’avenir, fit naître chez vous deux rois jumeaux au lieu d’un seul, a ramené l’autorité à des limites plus justes. Après cela, encore, une nature humaine unie à une nature divine, voyant votre royauté toujours enfiévrée, mêle la puissance raisonnable de la vieillesse à la force présomptueuse de la race, en donnant au conseil des vingt-huit gérontes, dans les affaires les plus importantes, même suffrage qu’au pouvoir royal. Puis le troisième sauveur, voyant chez vous le pouvoir encore enflé et irrité, lui imposa comme un frein la puissance des éphores, qu’il rapprochait de la puissance attribuée par le sort.
Le passage est remarquable en ce que Lycurgue ne s’y trouve pas dans la position d’un nomothète unique. Le dieu qui peut être considéré comme responsable de l’existence des jumeaux fondateurs de deux dynasties royales parallèles doit être, plutôt que Zeus, Apollon, si on se fie au texte même des Lois51 – d’autant que le dieu, jumeau d’Artémis, est souvent vu comme responsable de naissances gémellaires. Ensuite, par une claire allusion à Hérodote, 53
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Sparte dont on trouve l’équivalent chez son contemporain Xénophon52, Platon mentionne Lycurgue et affirme l’importance de la gérou‑ sie. Enfin, la mention d’un « troisième sauveur » peut renvoyer au rôle du roi Théopompe, à qui l’établissement de l’éphorie se trouve explicitement attribué dans d’autres sources, notamment chez Aristote53. En la matière, Théopompe – qui aurait régné vers 707‑670 – aurait assuré la perpétuation de la royauté en l’affai‑ blissant et en la rendant supportable, par l’établissement d’une autorité politique concurrente de celle des rois. Il n’est cependant pas certain que Platon, en notant de façon caustique le fait que les Lacédémoniens ont eu besoin de trois sauveurs successifs, soit lui-même parfaitement sûr du nom du troisième sauveur, peut-être parce qu’il a connaissance du rôle joué, au milieu du vie siècle, par Chilon. Celui-ci, qui aurait été éphore en 556/555 ou 555/554, est en effet parfois considéré comme responsable du renforcement de la position des éphores54. Il fut honoré comme un héros, d’après Pausanias55, et il est pos‑ sible que l’on ait retrouvé la base d’une stèle destinée à l’honorer, qui porte son nom en caractères sinistroverses (écrits en miroir, de droite à gauche).
Base d’une stèle trouvée sur l’acropole de Sparte et portant le nom de [Ch]ilon en caractères sinistroverses (écrits de droite à gauche).
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Reconstitution de la stèle de [Ch]ilon, par P. Lulof d’après C. M. Stibbe.
En tout cas, le fait qu’il soit possible, on l’a vu, de discerner l’existence de la gérousie et celle des éphores dans le système poli‑ tique décrit par la Grande Rhètra pourrait impliquer une proximité chronologique entre Lycurgue – à qui Platon attribue l’impor‑ tance de la gérousie – et Théopompe – à qui le même impute la puissance des éphores. C’est peut-être pour cette raison, liée à une certaine incertitude de la chronologie, que, ailleurs56, Platon préfère attribuer à Lycurgue l’existence de la gérousie aussi bien que celle des éphores – dont l’existence n’est donc pas toujours imputée par lui à un « troisième sauveur ». 55
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Sparte Outre Chilon, il arrive que les sources renvoient à d’autres législateurs spartiates que Lycurgue : ainsi, vers 227, le roi Cléo‑ mène III aurait mentionné l’éphore Astéropos, qui « avait étendu et fortifié le pouvoir [des éphores, et qui] n’était devenu éphore que de nombreuses générations après l’établissement de cette magis‑ trature57 ». Il est possible qu’à la fin du viie siècle Astéropos ait établi l’obligation faite aux rois de répondre à un troisième appel que leur adressaient les éphores. Plus tard, un autre éphore, Épitadeus, mentionné par Plutarque à propos d’événements du milieu du iiie siècle, aurait, au début du ive siècle, été l’auteur d’une loi – une rhètra – permettant à un propriétaire de léguer sa terre à qui il souhaitait ; une telle pratique aurait entraîné une concentration des terres au profit de certains. Or Aristote déjà, vers 330, avait fait allusion à ce personnage, sans le nommer, et en mentionnant un législateur spartiate générique, alors que, dans tout son développement sur la constitution de Sparte, le « législateur » de Sparte ne se trouve nommé qu’une fois, et comme étant Lycurgue58. En d’autres termes, il apparaît que, sans provoquer l’effacement total des noms de responsables de réformes législatives tels que Chilon ou Épitadeus, la réputation de Lycurgue – qui aurait agi à la haute époque archaïque et au plus tard vers 700 – a été telle que certains passages – de Platon ou d’Aristote notamment – ont pu avoir tendance à lui attribuer toute mesure normative prise à Sparte, alors que les mêmes mesures se trouvent parfois imputées à d’autres que Lycurgue dans des sources différentes. Un tel phénomène peut s’expliquer par le profond conservatisme des Spartiates qui, sans les empêcher complètement de réformer leurs institutions et leurs pratiques, les a incités à ne faire évoluer leurs usages que de façon très progressive.
Le conservatisme des Spartiates Au premier livre de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse, Thucy‑ dide, rapportant un débat tenu à Sparte durant l’été 432, montre des Corinthiens déclarant avec acrimonie aux Lacédémoniens que les usages de ces derniers sont immuables, sont des akinèta nomima59. 56
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Aux yeux de Thucydide même, le refus du néôtèrisme, des pra‑ tiques novatrices (et perturbatrices) serait bien un trait du com‑ portement des Spartiates60. Cependant, il relève par ailleurs leur capacité inventive, quand il déclare, à propos de l’époque que nous disons archaïque61 : Dans l’usage d’un costume tout simple, à la manière actuelle, les Lacédémoniens, cette fois, furent les premiers ; et, d’une façon géné‑ rale, il s’établit chez eux entre la masse et les plus fortunés une égalité plus grande qu’ailleurs dans la façon de vivre [ils furent relativement isodiaitoi]62. Ils furent aussi les premiers qui se montrèrent nus et qui, paraissant en public sans vêtements, se frottèrent d’huile dans les compétitions sportives.
Ainsi, écrivant à la fin du ve siècle, Thucydide note-t‑il que la possibilité d’évolutions a existé63, même si les Spartiates de son temps – l’époque classique – peuvent paraître conservateurs. Cette attitude peut s’expliquer, sans doute, par leur crainte de voir remettre en cause leur position dominante, à Lacédémone à l’égard des Hilotes64, et en Grèce notamment face aux Athéniens65. La conception de Thucydide – pour qui le conservatisme des Spartiates se serait développé – est clairement diachronique tandis que chez Xénophon le rôle de la diachronie est explicité autrement. On a vu en effet que Xénophon, tout en mettant en exergue le rôle de Lycurgue comme auteur des lois de Sparte, dit que celui-ci a probablement été aidé par les Spartiates les plus considérables dans l’établissement du pouvoir des éphores66. Or un tel propos peut être considéré comme une façon d’affirmer la solidité originelle des institutions prêtées à Lycurgue, qui seraient dues à un législateur appuyé par le consensus des élites. Mais cette façon d’exprimer les faits pourrait sans doute aussi être considérée comme une manière de rapporter à un seul moment une succession de réformes : de la sorte, par principe, on rapporterait au nom d’un seul homme la mise en place d’usages desquels on resterait bien conscient de l’évolution. Car, chez Xénophon, la conscience explicite de l’évolu‑ tion reste bien présente quand nous lisons que les Lacédémoniens, en fait, ne respectent plus la législation de Lycurgue67. Que ce soit chez Thucydide ou chez Xénophon, la conscience même d’une évolution des pratiques des Spartiates existe donc, et l’idée que Sparte ait pu connaître des réformes accomplies 57
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Sparte sur une longue durée semble en fait avoir été constitutive de la conscience politique des Spartiates eux-mêmes puisque, à l’époque hellénistique, le roi Agis IV peut afficher une volonté de reve‑ nir prétendument à un ordre ancien : Plutarque le montre en train de se référer au temps de Lycurgue68 quand il souhaite, en 243/242, attribuer 4 500 lots de terre laconienne à autant de citoyens69. Pour sa part, en 227, Cléomène III aurait aboli l’éphorie en affirmant précisément que cette institution était postérieure à Lycurgue70. Sparte n’est donc pas fermée aux innovations, notamment insti‑ tutionnelles, mais celles-ci ont en général été bien mûries, ou du moins a-t‑on généralement voulu faire penser qu’elles avaient fait l’objet d’une longue réflexion de la part d’hommes caractérisés par une attitude prudente – qui, à l’époque archaïque, n’est d’ailleurs pas propre aux Spartiates. Un signe de cette prudence pourrait, peut-être, être reconnu dans l’importance parfois prêtée à la gérousie71, dont les 28 membres (auxquels se seraient joints les deux rois) auraient tous été âgés d’au moins soixante ans72, en fonction du principe selon lequel l’âge paraît souvent le meilleur des conseillers73. C’est d’ailleurs ce principe qui paraît à l’œuvre chez un philosophe athénien souvent inspiré par Sparte, Platon, quand celui-ci préconise74 que le conseil suprême de sa cité idéale ne soit composé que par des hommes d’expérience. Le même Platon, en outre, met en scène un Athénien qui, s’adressant à un Spartiate, Mégillos, et à un Crétois, Clinias, déclare75 : Si sage que soit l’ensemble de vos lois, une des meilleures est celle qui défend absolument de laisser les jeunes s’enquérir de ce que votre législation contient de bon ou de défectueux, qui leur enjoint de proclamer tous d’une seule voix, d’une seule bouche, que tout y est excellent, puisque les auteurs en sont des dieux, et si l’un d’eux parle autrement, de se refuser absolument à l’entendre.
Si tels sont les principes, on doit reconnaître que, dans les sources, le nombre de textes montrant une certaine importance de la gérousie est extrêmement réduit76. Peut-être convient-il de voir dans cette faiblesse documentaire, précisément, une confir‑ mation du rôle conservateur des gérontes, qui auraient surtout 58
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rempli une fonction de frein, fort peu digne d’attirer l’attention des narrateurs ? Du moins le principe qui leur accorde de l’impor‑ tance fait-il clairement paraître que, sans rejeter la possibilité que des améliorations puissent être introduites si, décidément, elles paraissent souhaitables, les Spartiates répugnent à céder à des mouvements d’enthousiasme hâtifs. En tout état de cause, il est clair que l’immobilisme des Spartiates n’est pas absolu, et la pleine conscience qu’eux-mêmes peuvent éprouver du fait que leur cité a connu des évolutions permet, à l’époque hellénistique, de prétendre revenir à la législation originelle de Lycurgue pour introduire des nouveautés ! En la matière, à cette époque (le iiie siècle), le temps de Lycurgue se voit attribuer une austérité exemplaire qui, de fait, a pu, en un temps, caractériser Sparte, mais après le temps présumé de Lycurgue, et à la fin de l’époque archaïque.
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ux Spartiates est attachée une réputation d’austérité qui s’ex‑ plique par un effort mené délibérément, à la fin du vie siècle semble-t‑il, dans le cadre d’un mouvement de répression des manifestations somptuaires qui visait à orienter les ambitions de chacun non pas vers les apparences individuelles de la fortune, mais vers le service de la collectivité. Des nuances doivent cependant être apportées à cette image : à l’époque archaïque, Sparte n’a pas été tout uniment un camp militaire, tel que les lecteurs de Platon1 peuvent en concevoir l’image.
Des édifices au développement progressif et généralement peu spectaculaires On a évoqué le fait que, d’après Plutarque2, l’une des petites rhètrai, des règles secondaires, attribuées à Lycurgue proscrivait le luxe et ordonnait de n’employer que la hache pour faire le plafond de chaque maison, et la scie pour les portes, à l’exclusion de tout autre outil.
Une telle règle avait pour conséquence que l’usage de la pierre, du métal et de la peinture étant impossible dans la fabrication de parties protectrices des bâtiments privés – qui étaient souvent 61
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Sparte ornées ailleurs en Grèce –, les plafonds et les portes ne pouvaient être qu’en bois, et guère décorés. Ces restrictions donnaient le ton de pratiques architecturales privées fort sobres et, visiblement, les rois eux-mêmes, qui pouvaient hériter de génération en généra‑ tion des biens de leurs parents, ne disposaient que d’habitations relativement modestes, si l’on en juge par les mots de Xénophon évoquant la maison d’Agésilas, roi du début du ive siècle3 : Agésilas, au contraire, avait organisé sa maison de manière à n’avoir besoin de rien de tout cela [à savoir les trésors accumulés par le roi des Perses]. Si l’on en doute, on n’a qu’à voir la maison dont il se contentait, à en regarder les portes ; on croira voir encore celles-là mêmes qu’Aristodèmos, descendant d’Héraclès, y plaça de ses mains, quand il revint dans son pays. Qu’on essaye d’en voir l’ameublement…
Par un raisonnement a fortiori sommaire, on pourrait penser que si les rois eux-mêmes habitaient des maisons simples, tous les Spartiates devaient être dotés d’un habitat modeste. Sans développer des considérations qui souligneraient que, étant plus exposés aux regards que tout autre, les rois devaient peut-être, plus que tous, se conformer aux usages collectifs, on notera que le texte de Xénophon est influencé par l’image d’austérité développée à partir de la fin du vie siècle et que l’indication de Plutarque présente comme une norme fondatrice ce qui a été le résultat d’une évolution : il est en effet douteux que des raffinements techniques aient été interdits alors qu’ils n’étaient pas encore connus. Il n’est en revanche pas douteux que les Spartiates se sont contentés d’édifices aux matériaux généralement peu coûteux. C’est seulement au cours du viie siècle – donc après l’époque supposée de Lycurgue – que l’architecture d’édifices quadrangulaires (et non plus dotés d’une extrémité en abside) constitués de murs en moellons de pierre semble être apparue en Grèce – par exemple à Isthmia, en Corinthie –, dans des sanctuaires qui concentraient la richesse de collectivités entières pour attirer la protection des divinités. Les Spartiates n’ont pu ignorer l’existence de cet usage, mais, à la différence des ressortissants d’autres cités, ils n’ont pas développé un important recours à la pierre. Même en ce qui concernait les édifices sacrés, ils ne semblent pas avoir utilisé des moyens matériels considérables. Le témoi‑ 62
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Une cité des arts puis de l’austérité gnage de Thucydide est éclairant en la matière. Évoquant la ville de Sparte de son temps, la fin du ve siècle, dans la partie de son œuvre que l’on appelle l’« Archéologie », il la caractérise ainsi4 : Supposons que la cité des Lacédémoniens [la Lakedaimoniôn polis] soit dévastée et qu’il subsiste seulement les sanctuaires [les hiera] avec les fondations des édifices : après un long espace de temps, sa puissance soulèverait, je crois, par rapport à son renom, des doutes sérieux chez les générations futures ; pourtant, les Lacédémoniens administrent les deux cinquièmes du Péloponnèse et ont l’hégémonie sur l’ensemble, ainsi que sur de nombreux alliés au-dehors ; mais, malgré cela, comme ils ont une cité qui n’est pas centralisée, qui n’a pas de sanctuaires et d’édifices fastueux, mais qui se compose de bourgades, comme c’était autrefois l’usage en Grèce, leur puissance5 apparaîtrait inférieure [à ce qu’elle est]. Tandis que, si le même sort frappait les Athéniens, on prêterait à leur cité, d’après les apparences extérieures, une puissance double de la sienne. Il ne faut donc pas élever de doutes, ni s’arrêter à l’apparence des cités plutôt qu’à leur puissance.
De fait, les traces archéologiques remontant à l’époque archaïque qui ont pu subsister à Sparte peuvent paraître relati‑ vement modestes, et cela s’explique en bonne part par la fra‑ gilité des matériaux utilisés : la précision de Thucydide, qui envisage la conservation des fondations des édifices, s’explique notamment par des raisons techniques, puisque des solins de pierre, protecteurs contre l’humidité montant du sol, pouvaient servir de supports à des élévations en matériaux plus fragiles, par exemple en adobe. À l’est de l’acropole de Sparte, et au bord de la rive droite de l’Eurotas, l’emplacement du sanctuaire d’Orthia – appelée Artémis Orthia à partir du ier siècle de notre ère selon des inscriptions – a pu connaître l’établissement d’un culte au cours du ixe siècle ; un mur de péribole a pu être établi au début du viie siècle, pour ceindre un espace dans lequel furent construits, partiellement en pierre, un autel à l’est et un temple – aux parois peut-être en colombages – d’une vingtaine de mètres de long à l’ouest, éven‑ tuellement grâce au butin procuré par le début de la conquête de la Messénie.
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Sparte
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A 1, T 1, E 1 : emplacement de l’autel, du temple et de l’entrée du sanctuaire vers 700 av. J.-C. A 2, T 2, E 2 : emplacement de l'autel, du temple et de l'entrée du sanctuaire vers 570 av. J.-C.
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Les deux premiers états du sanctuaire d’Orthia vus en plan
Le site a probablement été submergé par une crue de l’Eurotas vers 570/5606 et le sanctuaire a aussitôt été reconstruit, avec des pierres, l’autel et le temple étant légèrement déplacés par rapport aux emplacements antérieurs, dans une enceinte agrandie. Une conséquence de la submersion a été une assez bonne conserva‑ tion des artefacts antérieurs, recouverts par une strate qui les a protégés jusqu’aux fouilles menées au début du xxe siècle par des archéologues britanniques7. Globalement, même si la chronologie des objets retrouvés fait l’objet de débats, le site est, avec celui 64
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Une cité des arts puis de l’austérité
Reconstitution de la disposition du sanctuaire d’Artémis Orthia au iiie siècle de notre ère
Le sanctuaire d’Orthia vu du sud, en mars 2005
d’Amyclées, l’un des lieux de Laconie où la variété du matériel archéologique est la plus importantse. Un tel site, qui devait être le cadre de rituels importants aux yeux des Spartiates, semble illustrer la relative modicité des constructions établies par les habitants. 65
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Sparte Sur l’acropole de Sparte se trouvait par ailleurs un temple d’Athéna dite Poliouchos (« Qui tient la cité », donc, dirons-nous, « Maîtresse de la cité ») ou Chalkioikos (« À la demeure de bronze », parce que les parois du temple étaient ornées de plaques de bronze historiées) ; ce temple était consacré à la divinité qui, dans la Grande Rhètra, au début du viie siècle, apparaissait d’emblée en même temps que Zeus. L’édifice, fouillé et identifié par les Britanniques, fut construit sur une terrasse rectangulaire de 25,20 mètres de long et, dans leurs parties supérieures, ses murs devaient être en adobe ; les fines plaques de bronze qui revêtaient les murs ne devaient pas masquer la fragilité consubstantielle de ceux-ci, et l’on peut comprendre que, songeant à cet édifice de la fin du vie siècle dû à l’architecte Gitiadas, Thu‑ cydide ait pu en opposer la médiocre qualité et la survie précaire à celles du Parthénon d’Athènes, ce temple de 1 000 talents8 édifié en marbre moins d’un siècle plus tard, en 447‑4389.
Fondations du temple d’Athéna Chalkioikos vues de l’est en septembre 2015
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Le Ménélaion vu du nord-est en avril 1991. Ce fut un lieu de culte de l’époque géométrique jusqu’après les guerres médiques.
Deux objets inscrits du milieu du viie siècle provenant du Ménélaion de Sparte et découverts en 1975 : dessins d’un aryballe de bronze de 7,5 cm de haut portant une dédicace à Hélène et à Ménélas ; dessins d’un croc à viande dont la douille porte le nom d’Hélène.
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Sparte
La plaine de Sparte vue du Ménélaion, en mars 2005. L’Eurotas, brillant sous le soleil, coule en encore couverte de neige au moment de l’équinoxe de printemps tandis que la végétation bien d’Amyclées, au sud-ouest, que de l’acropole de Sparte qui, au nord-ouest, domine le nord
À Thérapnè, sur la rive gauche de l’Eurotas, à un emplacement qui domine le fleuve d’une hauteur abrupte et qui offre un pano‑ rama sur la plaine de Sparte, un sanctuaire a pu être établi vers 700 : ce fut le Ménélaion. Le fait suggère que les poèmes homé‑ riques qui mentionnaient Ménélas comme roi de Sparte étaient alors connus à Sparte. Là ont été découverts un crochet à viande – d’usage sacrificiel – à douze pointes en partie conservées et dont la douille porte le nom d’Hélène, ainsi qu’un aryballe corinthien en bronze de 7,5 cm de haut des environs de 650 qui porte le plus ancien texte en alphabet laconien connu, une dédicace aux noms d’Hélène et de Ménélas10. Une terrasse dotée d’une rampe d’accès semble dater de 650‑625 avant notre ère et doit être contemporaine du petit édifice sans doute cultuel dont les restes ont été retrouvés. La terrasse a pu être agrandie au sud et à l’est vers 575‑550. Enfin, un autre édifice cultuel à l’importance religieuse marquée a été élevé, à environ 5 kilomètres au sud du principal foyer de peuplement de Sparte, à Amyclées (l’actuelle Ayia Kyriaki) : là 68
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Une cité des arts puis de l’austérité
contrebas de la pente, de la droite vers la gauche. Au fond se profile la chaîne du Taygète, commence à s’épanouir dans la plaine. Le Ménélaion, d’où est prise la vue, est visible aussi l’agglomération moderne.
étaient accomplies des procédures religieuses en l’honneur d’Apol‑ lon, associé au héros Hyakinthos, dont l’appellation même – qui renvoie à la jacinthe – est préhellénique et pourrait signaler un culte hérité. À cet emplacement ont été découverts des restes de céramique helladique tardive et de céramique protogéométrique (d’environ 900‑750 selon P. Cartledge) ; le Trône d’Apollon, dû à Bathyclès de Magnésie et décrit par Pausanias, a pu être construit au milieu du vie siècle11. Une cour rectangulaire pouvait être délimitée par une colonnade mettant en valeur un autel. Au-dessus de celui-ci se trouvait une statue qui, d’après Pausanias, aurait eu 30 coudées de haut (soit un peu moins d’une quinzaine de mètres) et qui était constituée d’un pilier complété par des figurations d’un visage, de pieds et de mains ; le caractère sommaire de la représentation incite le Périégète à considérer qu’elle est antérieure à Bathyclès. Des cha‑ piteaux, dont quelques-uns sont visibles au musée de Sparte, ont subsisté, qui associent des caractères doriques et ioniques ; l’absence de triglyphes dans les parties qui ont survécu pourrait s’expliquer par le fait qu’ils auraient été en bois, matériau périssable ; en bois 69
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Sparte pourraient avoir aussi été les représentations mythologiques sculp‑ tées mentionnées par Pausanias, qui n’ont pas survécu non plus. Dès lors, l’édification de ce sanctuaire aurait été relativement peu dispendieuse, alors même qu’il était le théâtre d’une fête majeure des Spartiates célébrée au début du printemps, les Hyakinthies. Mais c’est là, à Amyclées, que de l’or donné par le roi lydien Crésus pour orner une statue d’Apollon Pythaeus située au mont Thornax – au nord de Sparte – a été utilisé pour décorer la statue d’Apollon12 : le détournement de l’usage de l’or incite à penser que ce don a eu lieu très peu de temps avant le renversement de Crésus par le Perse Cyrus, vers 546/545.
Deux hypothèses de reconstitution du trône d’Apollon à Amyclées par Roland Martin.
Si, d’autre part, on considère les principaux aménagements urbains à caractère non cultuel, à l’est du temple d’Athéna Chalkioikos pouvait se situer l’agora, en un endroit où se trouve une étendue plane et presque carrée de près de 200 mètres de côté13. 70
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Une cité des arts puis de l’austérité La Skias – bâtiment dont le nom indique qu’elle fournissait de l’ombre – servait, du temps de Pausanias14, de lieu de réunion des citoyens ; elle était due à l’architecte Théodore de Samos (actif à Samos entre 570 et 560). La Skias était un édifice situé en bor‑ dure de l’agora, et son emplacement n’est actuellement pas bien déterminé : ce pourrait avoir été la structure circulaire située au sud-ouest de l’agora comme, à Athènes, la tholos des prytanes était au sud-ouest de l’agora. Sur un côté de l’agora, au sud, fut édifiée la stoa perse, dont la construction fut initialement financée par le butin pris sur les Perses lors des guerres médiques, notam‑ ment lors de la bataille de Platées en 47915. Quant au théâtre mentionné par Hérodote à propos d’un événement de 491‑48616, il n’était sans doute pas un monument plus considérable que les sortes d’échafaudages (les ikria) dont, à la même époque environ, disposaient les Athéniens. Ainsi, Sparte ne devait en effet pas être dotée « de sanctuaires ni d’édifices fastueux », comme l’indique Thucydide à la fin du e v siècle, et cette situation ne devait pas tant s’expliquer par des destructions imputables au séisme ravageur des environs de 464 que par la médiocrité des matériaux généralement mis en œuvre dans des constructions d’ampleur restreinte. En outre, Sparte était et demeura dépourvue de muraille, alors même que la plupart des autres cités grecques d’importance se fortifiaient à l’époque archaïque et au début de l’époque classique. Il est possible que la précision de Thucydide selon laquelle les Lacédémoniens vivaient en habitat dispersé soit d’ailleurs une façon d’évoquer l’inexistence d’une fortification qui aurait regroupé les divers noyaux de l’habitat ; cette situation est explicitement men‑ tionnée par Xénophon17. Une telle absence de muraille, maintenue jusqu’à la fin du iiie siècle ou jusqu’au début du iie siècle18, peut sans doute être mise en relation avec la distance séparant Amy‑ clées des quatre autres kômai, des quatre autres concentrations d’habitat constitutives de Sparte. Amyclées, dont les habitants étaient politiquement des Spartiates, se trouvant à 5 kilomètres environ au sud de Sparte, il aurait paru difficile de rattacher les Amycléens aux autres Spartiates par un lien matériel tel qu’une muraille et, si les autres kômai avaient bénéficié d’une telle pro‑ tection, les Amycléens s’en seraient trouvés exclus. Il est clair aussi 71
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Les grands repères topographiques d'après la description de Pausanias le Périégète au IIe siècle de notre ère. A : l’agora B : la voie Aphétaïde, de l’agora vers les tombes royales des Eurypontides C : « l’autre voie » D : la voie de l’agora vers le Couchant E : le Dromos F1 : la voie du Dromos en direction de la tombe des Agiades F2 : la voie du Dromos vers le sanctuaire d’Apollon Karneios G : la voie du Dromos vers le Levant H : la voie du Chiton aux portes I : l’acropole L : la voie vers l’Alpion Identifications ou localisations possibles des monuments 1 : agora ; 2 : Boônèta ; 3 : sanctuaire de Dictynna et tombe des Eurypontides ; 4 : la garnison (les Phrouria) ; 5 : Skias (?) et sanctuaires de Zeus et Aphrodite Olympiens ; 6 : le Tertre et temple de Dionysos du Tertre (Kolônatas) [situé par Kourinou sur la hauteur au sud-ouest de L] ; 7 : sanctuaire de Zeus du Bon vent (Euanemos) et sanctuaire d’Héra à la main en hauteur (« Protectrice » ?) (Hypercheiria) [ce dernier sanctuaire est situé par Kourinou au n° 23] ; 8 : hèrôon de Brasidas [Kourinou situe le Choros à proximité immédiate de cet emplacement, au nord-nord-ouest] ou Skias ; 9 : théâtre et hèrôa de Pausanias et de Léonidas ; 10 : Theomèlida : lieu près duquel sont localisés les tombes agiades, la leschè des Crotanoi (partie des Pitanates), le sanctuaire d'Asclépios dit « chez les Agiades » ; 11 : sanctuaire d'Artémis Issôria ; 12 : sanctuaires de Thétis, de Déméter Chthonienne, de Sarapis (hellénistique) et de Zeus olympien ; 13 : Dioscures du Départ de la course (Aphetèrioi) ; 14 : emplacement retenu par Musti et Torelli pour les éléments situés ici en n° 29 ; 15 : sanctuaires des Dioscures, des Charites, d’Eileithyie, d'Apollon Karneios et d’Artémis Conductrice (Hègemonè) ; 16 : leschè Poikilè ; 17 : sanctuaire de Poséidon familial (Genethlios) ; 18 : sanctuaire d’Asclépios ; 19 : sanctuaire d’Aphrodite Morphô (localisé sur une butte) et sanctuaire des Leucippides (Hilaeira et Phoibè) comprenant la chambre du chiton tissé annuellement pour l’Apollon d’Amyclées ; 20 : sanctuaires d’Artémis Orthia et d’Eileithyie ; 21 : acropole où se trouve le sanctuaire d’Athéna dite « Qui tient la cité » (Poliouchos) ou « À la demeure de bronze » (Chalkioikos) ; 22 : Alpion ; 23 : sanctuaire d’Artémis Knagia ; 24 : sanctuaire de Lycurgue ; 25 : tracé de la muraille hellénistique (en pointillé) ; 26 : sanctuaire attribué à Achille ; 27 : sanctuaire d’Athéna Aléa, selon Kourinou (il est possible que ce sanctuaire doive être situé en rive droite de l’Eurotas, près du pont menant vers Tégée) ; 28 : Platanistas situé au nord de l’acropole (à environ 300 mètres du théâtre, à vol d’oiseau), dans le vallon de la Mousga, où poussent encore des platanes (situé en 13 par Musti et Torelli) ; 29 : emplacement approximatif probable, à notre sens, et en raison de leur proximité avec le Platanistas, de la fontaine Dorkeia, du sanctuaire d’Hélène, du monument d’Alcman, du sanctuaire d’Héraclès ; 30 : sanctuaire de Poséidon du Ténare, selon Kourinou.
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Sparte que ne pas construire une muraille était une manière d’épargner les finances civiques. Il apparaît donc que, au temps où les Spartiates ont pu com‑ mencer à se doter de bâtiments – notamment religieux –, la nature des techniques disponibles ne permettait pas de bâtir des édifices propres à perdurer ou du moins à laisser subsister des vestiges considérables. D’après la chronologie des principales constructions, il semble qu’ensuite une pause relative dans les aménagements se soit produite entre le milieu du vie siècle et 479 ; cela a pu contribuer à donner à Sparte l’image d’une cité constituée à l’ancienne mode, et cette image a été renforcée encore par l’absence de muraille. Aristote, qui a une propension certaine à critiquer les façons de faire spartiates, note ainsi, vers 330, que c’est une conception trop archaïque qui conduit à refuser les murailles19. Mais ce n’est naturellement pas seulement sur l’existence d’un cadre urbain relativement peu spectaculaire que pouvait se fonder la réputation qu’avaient les Spartiates d’être des conservateurs peu enclins aux démonstrations de faste. C’est aussi en raison de leurs usages sociaux que leur réputation s’explique. Or ces usages eux-mêmes ont dû évoluer, dans le sens d’un renforcement de l’austérité, au cours du viie et du vie siècle.
Une efflorescence artistique multiforme La Laconie a connu des importations de biens de luxe peutêtre dès la fin du viiie siècle ; elle a pu être touchée par la vague orientalisante qu’a connue l’art grec. Des objets importés en or, en argent, en bronze, en ivoire, en verre, en faïence, en ambre, ont été consacrés au sanctuaire d’Orthia à partir du début du viie siècle. Des artisans laconiens aussi ont, sur place, contribué à la variété des œuvres qui éclosent à l’époque archaïque20. Ainsi, les premières sculptures grecques archaïques en marbre sont des périrrhantéria dont le matériau a été fourni par le Taygète. Il s’agit de bassins d’un mètre de haut environ, soutenus par une colonnette et par des représentations de femmes en relief, destinés à fournir de l’eau lus‑ trale pour des actes de purification, et placés dans des espaces cultuels. 74
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Une cité des arts puis de l’austérité Cette création grecque liée à des œuvres orientales est connue par une douzaine d’exemplaires aux caractères stylistiques divers. Le plus ancien, provenant du sanctuaire de Poséidon situé à l’isthme de Corinthe, daterait du deuxième quart du viie siècle, et la Laconie ne semble pas seulement avoir été la région d’origine des pierres, puisque l’on a découvert à Sparte la base d’un tel objet, où sont figurés des lions couchés reprenant un type dit néohittite, qui devaient ser‑ vir de supports à des statues de femmes soutenant une vasque.
Reconstitution graphique d’un périrrhantérion du sanctuaire de Poséidon à l’isthme de Corinthe, daté de 675‑650. Le bassin est d’un diamètre de 1,23 m.
Base de périrrhantérion, d’une vasque à eau lustrale provenant de Sparte.
Toujours dans le domaine de la sculpture, le milieu du vie siècle a vu en Laconie le début d’une production de reliefs dits « héroïques » et de reliefs votifs représentant les Dioscures, Castor et Pollux, dont des exemplaires, marqués par l’évolution propre à leurs dates respectives, sont connus jusqu’à l’époque romaine. Jusqu’au début de l’époque classique, les reliefs héroïques ont représenté un couple, un homme et une femme assis côte à côte. Il pourrait s’agir d’Hadès et de Perséphone, ou de Dionysos et de Déméter, ou bien peut-être parfois de morts héroïsés. De tels reliefs res‑ taient d’une relative discrétion par leur dimension, leur hauteur atteignant une cinquantaine de centimètres. Le type de figuration a été diffusé par de multiples représentations analogues portées par des plaques en terre cuite (environ 2 000 ont été trouvées à Amyclées, au sanctuaire d’Agamemnon et Cassandre21). 75
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Photographie et dessin publié en 1906 du relief héroïque de Chrysapha. Hauteur 87 cm, largeur 65 cm, épaisseur 13 cm, profondeur maximale des reliefs 7 cm.
Mais si Sparte paraît ainsi avoir été aux origines des périrrhantéria et d’un autre type de sculpture original – les reliefs dits « héroïques » –, il est remarquable que les statues de jeunes gens, kouroi, et de jeunes filles, korai, connues hors du Péloponnèse, et qui exprimaient la qualité aristo‑ cratique de leurs commanditaires, ne soient guère présentes en Laconie, ni d’ailleurs dans le reste du Péloponnèse – alors même que les périrrhantéria comprenaient des représentations féminines qui pourraient être vues comme des statues miniatures. Une telle retenue peut avoir obéi à un refus délibéré et ne doit pas s’expliquer par une incapacité technique, surtout si l’on admet, comme beaucoup, que la tête de la statue d’Héra qui ornait le sanctuaire de la déesse à Olympie est bien Tête d’Héra ou de sphinx en pierre un travail laconien du début du calcaire trouvée à Olympie et e vi siècle. datant des environs de 600 av. J.-C. 76
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Une cité des arts puis de l’austérité Par ailleurs, même si les grandes statues de pierre n’ont donc guère été en vogue en Laconie, les artistes du pays ont assez sou‑ vent travaillé d’autres matériaux, comme l’ivoire : les fouilles du sanctuaire d’Orthia ont livré plus de 200 sculptures en ivoire datant du viie siècle, qui ont pu être taillées pendant trois générations.
Ivoires du viie siècle provenant du sanctuaire d’Orthia et montrant une potnia thèrôn, une « maîtresse des animaux ». Cette appellation concerne généralement Artémis et l’offrande de tels objets au sanctuaire d’Orthia contribue à faire comprendre pourquoi, tardivement, Orthia a été appelée Artémis. La représentation de droite montre vraisemblablement Orthia et Aristée, connu notamment pour avoir domestiqué les abeilles. Entre eux se trouverait une figuration d’un « arbre de vie », inspirée par une thématique d’origine orientale.
Le matériau comme les techniques pourraient être d’origine levan‑ tine, et les motifs retenus ont d’abord été orientaux (montrant par exemple des lions couchés de type hittite ou assyrien) avant de s’helléniser. Quelques petites plaques d’environ 5 cm de haut peut-être destinées à orner des fibules montrent une Maîtresse des animaux (Potnia thèrôn) tenant des oiseaux par le cou : il peut s’agir d’Orthia, parfois associée à Aristée, personnage de héros civilisateur qui est censé, notamment, avoir introduit l’élevage des abeilles. Du début du vie siècle date une pièce remarquable qui montre un navire en train de manœuvrer. À ce moment, comme ailleurs en Grèce, l’approvisionnement en ivoire a été interrompu, peut-être en raison de la prise de contrôle du littoral syro-phénicien par l’Assyrie (Tyr est assiégée en 573). L’os sert de substitut partiel à l’ivoire. Mais le répertoire iconographique largement animalier de l’ivoire va passer aux objets en bronze et, surtout, à la peinture sur vase. 77
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Dessin d’un ivoire du début du vie siècle provenant du sanctuaire d’Orthia et représentant un navire. Sur cet objet long de 23,5 cm qui pouvait orner un meuble on voit, à gauche, une femme et un homme se saluant, à moins que la femme ne soit en train d’embarquer sur un navire où elle serait entraînée par un homme : dans ce cas il pourrait s’agir d’une évocation de l’enlèvement d’Hélène de Sparte par le Troyen Pâris, dont le navire aurait mouillé à Cranaè, auprès de Gytheion. Mais les deux personnages de gauche pourraient plutôt être en train de se faire leurs adieux. L’équipage du navire est constitué par des hommes qui ont accroché leurs boucliers au bastingage et dont deux membres sont affairés et tirent sur des drisses auprès du mât qui vient d’être dressé par le troisième personnage en partant de la droite ; un personnage disposé à la proue pêche un poisson. À l’avant de la coque une inscription rétrograde (ou sinistroverse) porte le nom de la dédicataire de l’objet, Forthaia, Orthia. Sous le navire sont figurés trois poissons. Il a été proposé que les cupules du rebord aient été ornées avec de l’ambre.
Les plus anciens bronzes archaïques de fabrication laconienne semblent remonter au viiie siècle ; leur matériau, qui devait être importé, ou dont les consti‑ tuants, cuivre et étain, devaient l’être, a servi d’abord à fabriquer des épingles, des fibules, de petites représentations d’oiseaux ou d’animaux domes‑ tiques. Des figurines de bronze représentant des chevaux, des bovidés, des lièvres ont été retrouvées au sanctuaire d’Orthia, comme à Olympie – où la quantité de bronzes de type laconien est telle qu’il a été proposé que des artisans laconiens y Paire de chevaux en bronze. Objet de 6 cm de aient été présents durant le deu‑ haut provenant du sanctuaire d’Artémis Hemera à Lousoi en Achaïe. 725‑700 av. J.-C. Les che‑ xième quart du viiie siècle. De nom‑ vaux de bronze laconiens se caractérisent par breux bronzes laconiens représentant leur tête allongée, leur cou court, leur corps des chevaux ont été trouvés en des cylindrique ramassé et resserré en son centre, lieux variés du Péloponnèse, comme leurs jambes longues et fines à leurs extrémités, et leur longue queue. en Béotie et en Attique. 78
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Personnage assis. Statuette de bronze de 7 cm de haut provenant du sanctuaire d’Orthia. e viii siècle av. J.-C.
La « Dame du Ménélaion ». Statuette de bronze de 13 cm de haut. 1re moitié du viie siècle.
Jeune fille courant. Bronze laconien de 12 cm de haut trouvé au sanctuaire de Zeus à Dodone. Vers 550‑540 av. J.-C.
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Sparte Il est clair aussi que la maî‑ trise technique des artisans bronziers s’accroît au cours du temps. Tel personnage mascu‑ lin du viiie siècle constitué de tiges de bronze recourbées, qui est figuré assis sur un tabou‑ ret en train peut-être de jouer d’une sorte de flûte, montre un schématisme qui peut paraître étonnamment moderne. La figurine féminine de la pre‑ mière moitié du vii e siècle provenant du Ménélaion dite la « Dame du Ménélaion » présente un modelé qui vise notamment à multiplier les détails du visage ; on a pu y voir une représentation d’une statue en bois d’Hélène. Au vi e siècle, la maîtrise technique est donc suffisante Miroir laconien trouvé à Hermionè, pour que, selon Pausanias22, les en Argolide. Le support est en forme Lacédémoniens fassent exécu‑ de jeune fille debout sur un lion ; ter en bronze, par Gitiadas, la elle tient une fleur d’une main mais l’objet tenu de l’autre main a disparu. statue d’Athéna Poliouchos et Au niveau de ses épaules sont des les plaques ornant les murs de motifs en fleurs de lotus sur lesquels son temple – qui montraient sont perchées des sirènes. Hauteur notamment des travaux d’Hé‑ environ 19 cm ; vers 540‑530 av. J.-C. raclès. Le même artiste aurait réalisé deux trépieds de bronze décorés destinés au sanctuaire d’Apollon Amycléen23. Sparte a, à cette époque, été pleinement engagée dans le mouvement qui a vu le développement de formes artistiques variées dans de nombreuses cités24. Ses bronziers ont multiplié les productions de figurines d’hommes et de femmes, de jeunes gens et de jeunes femmes, de guerriers, d’animaux, de figurations apotropaïques – destinées à écarter le mauvais sort – comme des têtes de Gorgone. Des créatures mythologiques comme des silènes, des 80
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Une cité des arts puis de l’austérité sphinx ou des sirènes font alors aussi l’objet de représentations. Des artisans laconiens du milieu du vie siècle25 semblent avoir introduit dans le monde grec le modèle, d’inspiration égyptienne, de miroirs de bronze dont les poignées étaient constituées de représentations de femmes vêtues ou non. Ces artisans façon‑ naient aussi des vases de bronze, notamment des cratères et des hydries, généralement exportés26. Globalement, les bronzes laconiens semblent avoir connu une large diffusion, dans les sanctuaires d’Olympie, de Dodone, de Delphes, comme à l’acropole d’Athènes et en Grande-Grèce, voire en dehors même du monde grec. C’est d’ailleurs à titre de cadeau diplomatique que, selon Hérodote27, un grand cratère de bronze décoré de figurines sur le col a pu être offert par les Lacédémoniens à Crésus au milieu du vie siècle. De façon analogue, des vases de céramique peinte – qui, mieux encore que des bronzes, survivent aux atteintes du temps – ont connu une production et une diffusion notables au vie siècle28. Un spécialiste néerlandais, Conrad M. Stibbe, a identifié quatorze peintres différents, dont cinq ont inspiré des ateliers. D’après les noms donnés à leurs œuvres les plus remarquables, on distingue notamment, par ordre chronolo‑ gique, ces peintres de vase, actifs à partir de 580‑575 environ : le Peintre de Naucratis, le Peintre des Boréades, le Peintre d’Arcésilas (ainsi nommé d’après la coupe du Cabinet des médailles représentant le roi de Cyrène Arcésilas II, qui régna vers 565‑560), le Peintre de la Chasse, le Peintre des Cavaliers (dont la période d’activité a été particulièrement longue, de 570 à 535 environ). Ces artistes ont produit des œuvres très éclairantes sur les préoccupations des Laconiens, l’importance qu’avaient pour eux les banquets, la chasse et les dieux. La qualité des images pro‑ duites pouvait susciter l’intérêt loin de Sparte : les exportations des vases laconiens – en particulier de cratères et de coupes – ont nettement augmenté au cours de la première moitié du e 29 vi siècle, notamment vers Samos, la Cyrénaïque et l’Étrurie .
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Coupe laconienne du peintre de Naucratis mon‑ trant une représentation de Zeus et datée de 575‑550 av. J.-C. Le médaillon de cette coupe représente non pas assurément Zeus mais peutêtre plutôt une statue de Zeus disposée dans un sanctuaire. L’aigle est l’animal ordinaire‑ ment associé à Zeus.
Coupe laconienne du peintre de Naucratis représentant cinq banqueteurs et datée des environs de 565 av. J.-C. Le nombre des personnages réu‑ nis n’est pas de sept comme il en va ordinaire‑ ment dans un banquet mais de cinq ; c’est une raison de voir ici l’évocation d’une réunion du syssition des cinq éphores. La place de ces magistrats de Sparte a été renforcée vers 556/555 par Chilon, à peu près au moment où la coupe a été peinte. On a par ail‑ leurs proposé que les Érotes (les Amours) ailés et les Sirènes évoquent l’Amour et la Mort, donc des pathèmata, des abstractions d’états subis par le corps dont le culte a pu s’établir à Sparte au même moment (cf. p. 238-239).
La coupe d’Arcésilas. Cette coupe éponyme du peintre d’Arcésilas, datée des environs de 560 av. J.-C. et d’un diamètre de 38 cm, montre le roi de Cyrène Arcésilas II – qui est nommé – en train d’assister à la pesée d’une denrée. Plutôt que de laine il doit s’agir de silphion, une plante à usage notamment médicinal disparue depuis lors. La couleur locale est marquée notamment par des représentations animalières (gecko, petite panthère, singe, cigogne).
Coupe éponyme du Peintre de la Chasse. Cette coupe des environs de 560 av. J.-C. montre vraisemblablement le héros Méléagre et l’héroïne Atalante chassant le sanglier de Calydon. Elle a donné son nom moderne au Peintre de la Chasse. Les poissons de la prédelle ont une connotation de qualité alimentaire.
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SAMOS
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Nombre de vases
Différentes formes de vases Les aryballes Les cratères
CERVETERI
Les coupes et autres vases à boire Les autres types de vases (vases à verser, grands vases domestiques, phiales, autres...)
OLYMPIE
TOCRA NAUCRATIS CYRÈNE
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Distribution de la céramique laconienne, 575-550 av. J.-C.
Si, généralement, on considère que les auteurs laconiens de telles réalisations matérielles étaient des périèques, puisque les citoyens devaient s’attacher aux activités politiques et mili‑ taires30, l’intérêt des Spartiates pour les œuvres d’art se mani‑ feste non seulement par le dépôt, dans les sanctuaires laconiens, de statuettes de bronze, mais aussi par le recours à des spé‑ cialistes étrangers : on a déjà évoqué le rôle de Bathyclès de Magnésie à Amyclées, comme celui de Théodore de Samos à la Skias, mais on pourrait ajouter qu’une statue de Zeus Hypatos (« Très-Haut »), sans doute ancienne puisqu’elle était constituée d’éléments assemblés par des clous, disposée près du temple d’Athéna Chalkioikos, était due à Cléarque de Rhè‑ gion31 ; de plus, un trépied d’Amyclées avait été façonné par Callon d’Égine32. 83
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Sparte Un tel recours à des spécialistes venus d’ailleurs apparaît aussi dans un domaine moins matériel quand, au viie siècle, les poètes Terpandre, Tyrtée, Alcman, par exemple, parent Sparte du lustre de leur art. Terpandre, vainqueur du concours laconien des Karneia en 676‑673, était venu de Lesbos ; Tyrtée, actif vers 640‑630, vint d’Athènes ou de Milet – s’il n’était pas spartiate ; Alcman, qui a connu son acmè vers 610, arriva de Sardes – si, de même, il n’était pas spartiate. Quant à Stésichore (vers 640-vers 550) – créateur de la triade constituée de la strophe, de l’antistrophe et de l’épode –, il vint d’Himère, en Sicile. Terpandre, le novateur introducteur de la lyre à sept cordes, indique, dans deux vers rapportés par Plutarque, ce qui pouvait attirer les poètes à Sparte33 : C’est là qu’on voit fleurir la jeunesse guerrière, La Muse claire et la justice en pleine rue.
De tels mots soulignent le dynamisme juvénile de Sparte, le goût pour les arts de ses habitants, et le bon ordre social qui y règne, fondé sur des décisions judiciaires publiques. Et cette cité pros‑ père recèle en son sein des hommes aux qualités multiples, parmi lesquels Tyrtée affirme l’existence d’une hiérarchie de valeurs34 : Je ne ferais mention ni ne tiendrais compte d’un homme pour la valeur (arétè) de ses pieds ni pour ses talents de lutteur, ni s’il avait la taille et la force des Cyclopes et pouvait vaincre à la course le Borée de Thrace ni s’il était d’une stature plus belle que Tithônos et était plus riche que Midas et Kinyras, ni s’il était plus roi que Pélops fils de Tantale et avait la langue de miel d’Adraste ni s’il avait toutes les gloires à l’exception de la vaillance (alkè) impétueuse, car un homme ne se montre pas valeureux (agathos) à la guerre s’il ne supporte pas de voir le sang du carnage et ne s’attaque de près aux ennemis. Voilà ce qu’est la valeur (arétè), voilà le prix d’excellence chez les hommes, ce qu’il y a de plus beau à gagner pour un jeune guerrier.
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Une cité des arts puis de l’austérité Le poème renvoie à la culture que nous dirions mythologique du public et exalte une nouvelle forme de vertu, orientée vers le dévouement pour la collectivité. Car il convient d’admettre que les gens de Sparte savent associer des activités ordinairement conçues comme incompatibles, ainsi que le relève Plutarque en citant Alcman : En effet le beau jeu de la cithare s’oppose à celui du fer35.
Alcman, de fait, est sans doute plus éthéré que Tyrtée, si l’on en juge par le passage où il déclare36 : Je connais les chants de tous les oiseaux.
Alcman n’est pas l’auteur d’exhortations au combat mais le maître des chœurs de jeunes gens et de jeunes filles pour lesquels il a écrit des poèmes, dont certains, destinés à des adolescentes, ont été réunis à l’époque hellénistique sous le nom de Parthénées, en raison de leur qualité littéraire reconnue. Le poète joue un rôle complémentaire de celui du chorège, homme ou femme, qui mène un chœur, notamment à l’occasion des grandes fêtes religieuses de Sparte, comme les Hyakinthies et les Karneia. Dans ses œuvres transparaissent les actes et les préoccupations d’individualités qui apprennent à s’intégrer à un groupe. On y lit un passage où sont évoquées Hagésichora, aux fonctions de chorège, et Agido, qui est proche de la maturité et a les faveurs d’Hagésichora, tout en étant sur le point de quitter le chœur, une fois son éducation à la féminité achevée : En effet Hagésichora aux belles chevilles n’est pas ici, mais elle se trouve (auprès) d’Agido : elle approuve notre célébration. Mais (, divinités,) recevez (leurs) prières ; car des dieux dépendent le terme et l’accomplissement de toute chose. Chorège, pourrais-je dire ; mais quant à moi, adolescente, je ne suis qu’une chouette qui s’égosille en vain, perchée sur la poutre. Pourtant je désire intensément plaire à Aotis. Elle est en effet le médecin de nos peines. Mais c’est après leur séjour auprès d’Hagésichora que les jeunes filles atteignent la paix aimable37.
Que de tels artistes aient trouvé à Sparte les conditions néces‑ saires à l’exercice de leur talent est fort notable : sans doute sont-ce 85
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Sparte l’atmosphère qui régnait dans la ville et sa prospérité matérielle qui ont pu contribuer à son attrait : Claude Calame a pu proposer38 que la communauté même des Spartiates avait assuré sa subsistance à un poète comme Alcman, et en tout état de cause l’appel à un architecte tel que Bathyclès de Magnésie pour effectuer des amé‑ nagements majeurs dans un sanctuaire important signale l’existence d’une entité collective assez organisée pour permettre la mise en œuvre matérielle d’un tel projet. Cet appel illustre aussi l’ouverture de Sparte au monde extérieur, en matière non seulement artistique, mais aussi matérielle, voire scientifique, puisque vers 547 Anaxi‑ mandre de Milet (ou son disciple Anaximène) y aurait établi un gnômon qui, par son ombre portée sur un cadran solaire, indiquait aux Spartiates à quel moment précis de l’année ils se trouvaient39. Mais l’introduction d’une telle innovation a pu participer, en réalité, d’une rigidité accrue dans les pratiques de Sparte, telle qu’elle semble s’être produite au milieu du vie siècle.
L’austérité de la fin du
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vi
siècle
Qu’il s’agisse de la sculpture sur pierre, de l’art du bronze ou de la peinture sur vase, la Laconie semble connaître une rapide baisse de ses productions au cours de la seconde moitié du vie siècle. Ainsi, après s’être développée de 590 à 530 environ, la céramique laconienne, largement exportée – notamment vers la Sicile –, devient non figurée, tout en subsistant jusqu’au début du ve siècle. De façon parallèle, l’archéologie permet de placer vers 530 une cou‑ pure chronologique nette dans les productions laconiennes d’objets en bronze et notamment de statuettes, désormais plus pauvres en qualité comme en quantité. Au cours du ve siècle, le nombre de consécrations d’objets de bronze laconiens dans les sanctuaires grecs diminue encore. À Sparte même, le sanctuaire d’Orthia reçoit toujours des petits plombs votifs comme déjà au viie siècle, mais en nombre plus réduit40. Une telle évolution a pu nourrir la réputation d’austérité souvent attachée à Sparte par la suite, et on peut y voir la manifestation matérielle d’une politique vraisemblablement délibérée, menée au 86
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Une cité des arts puis de l’austérité long d’une génération, et dont l’origine pourrait être attribuée, au moins pour partie, à l’action de Chilon, éphore en 556/555 ou 555/55441. Quelle qu’ait été la date de son commencement, cette politique a dû viser à renforcer les liens entre citoyens en empêchant les membres de l’élite de manifester, par exemple par des dépenses ostentatoires, une quelconque supériorité fondée sur d’autres éléments que le service de la cité. Car un tel danger existait.
Le danger inhérent à une inégalité de richesse La répartition des terres entre les Spartiates à l’époque archaïque est fort obscure. Il est vraisemblable qu’ils prirent possession de terres en Laconie lors de leur prise de contrôle politique de cette région, puis de terres en Messénie lors de la conquête de ce ter‑ ritoire. La distinction entre ces deux étapes explique peut-être l’expression archaia moira, qui apparaît chez Héraclide résumant Aristote42 pour désigner l’« ancienne part » détenue par un citoyen et qu’il ne peut vendre. Un tel lot de terres aurait été sis en Laconie et non en Messénie, d’autant que l’on peut mettre la formule en parallèle avec une expression de Pausanias mentionnant les anciens Hilotes de Laconie, dits archaioi, par opposition aux Messéniens asservis43. Si la localisation de biens fonciers dans les deux parties du territoire est très vraisemblable, la question de l’égalité des lots attribués aux citoyens spartiates semble quant à elle plus difficile à élucider. Plutarque indique ceci44 : La deuxième réforme de Lycurgue et la plus audacieuse fut le nouveau partage des terres (ho tès gès anadasmos). Si grande était devenue l’inégalité des fortunes que les gens sans avoir ni ressources arrivaient en foule dans la ville, tandis que la richesse était entiè‑ rement tombée entre les mains d’un petit nombre. Lycurgue, pour bannir de Sparte l’insolence, l’envie, le vice, le luxe et les maladies sociales plus anciennes encore et plus graves que celles-là, à savoir la richesse et la pauvreté, persuada aux citoyens de mettre tout le pays en commun, d’en faire d’abord un nouveau partage, puis de
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Sparte vivre tous égaux entre eux avec les mêmes lots pour se nourrir et de ne rechercher d’autre distinction que la vertu (arétè), dans la pensée qu’il n’y a aucune différence ni inégalité d’un homme à un autre, si ce n’est celle qui découle du blâme des mauvaises actions et de l’éloge des bonnes. Joignant l’acte à la parole, il divisa la Laconie en trente mille lots pour les périèques et le territoire rattaché à la ville de Sparte en neuf mille parts qui furent allouées à autant de Spartiates. Quelques-uns disent que Lycurgue ne fit que six mille parts et que Polydore en ajouta ensuite trois mille ; selon d’autres, la moitié des neuf mille parts remonterait à Polydore et l’autre moitié à Lycurgue.
Une telle présentation associe vraisemblablement des données qui remontent à des époques diverses, en particulier aux règnes des rois du iiie siècle Agis IV et Cléomène III, qui visaient à reconstituer un corps civique en prétendant rétablir une situation ancienne. Mais il demeure qu’à l’époque que nous appelons archaïque, à laquelle renvoient les noms de Lycurgue et de Polydore – roi pendant la première guerre de Messénie au début du viie siècle –, devaient être globalement rattachés le souvenir d’un partage de terres en Messénie et l’idée d’un effort ayant visé à éradiquer sinon les bases d’une inégalité de richesse, du moins les manifestations de cette inégalité entre les citoyens. La distinction clairement établie par Plutarque45 entre la posses‑ sion d’une terre et celle d’un klèros renvoie à l’idée selon laquelle ce dernier constituerait une portion de terre détenue par un citoyen de façon inaliénable, à la différence des autres biens fonciers. Mais la question de la transmission de ce klèros a pu poser aux Spar‑ tiates des difficultés (liées à son partage lors d’une succession ou, à l’inverse, à l’extinction de certaines familles) qui ont finalement été tranchées par l’abandon de son inaliénabilité, peut-être entre 404 et 37146. Du fait que le rejet des signes ostentatoires de richesse – de la fin du vie siècle – pouvait ne pas être précisément daté, et puisque, au iiie siècle, partage des terres et imposition à tous les citoyens d’un mode de vie austère orienté vers la guerre allaient de pair, il paraissait sans doute logique de rattacher le temps de l’austérité à celui d’un partage des terres en fait plus ancien et moins mal daté. Plutarque (ou l’auteur qu’il utilise, peut-être Phylarque, actif au iie siècle av. J.-C.) aurait donc placé l’austérité à une époque 88
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Une cité des arts puis de l’austérité trop haute en l’associant au partage des terres. Mais les deux mouvements avaient pu, en réalité, ne pas coïncider. Thucydide, on l’a vu, se garde de mentionner Lycurgue, mais il affirme que les Lacédémoniens ont cultivé un genre de vie égalitaire, quand il déclare47 : Dans l’usage d’un costume tout simple, à la manière actuelle, les Lacédémoniens, cette fois, furent les premiers ; et, d’une façon géné‑ rale, il s’établit chez eux entre la masse et les plus fortunés une égalité plus grande qu’ailleurs dans la façon de vivre (isodiaitoi).
Pour souligner l’apparence semblable des gens de Lacédémone, Thucydide renvoie donc ainsi très concrètement au type de vête‑ ment que tous portent, selon un usage ancien à l’heure où il écrit, c’est-à-dire à la fin du ve siècle. Il s’agit notamment d’un man‑ teau grossier, un tribôn, tel que celui porté par le Lacédémonien Gylippe lorsqu’il arriva au secours des Syracusains en 41448. À une telle volonté apparente d’égalité, on peut rattacher les pra‑ tiques des banquets de groupes d’hommes, des syssitia, dont la mise en place pouvait contraindre les riches à adopter le même mode de vie que leurs concitoyens, sans impliquer, cependant, qu’ils dussent renoncer à leurs biens. Xénophon décrit ainsi ces repas pris en commun49 : Comment [Lycurgue] a organisé la vie (diaita) de tous les citoyens pris dans leur ensemble, je vais maintenant m’efforcer de l’exposer. Lycurgue trouva les Spartiates prenant, comme les autres Grecs, leurs repas dans leurs demeures ; s’étant rendu compte que c’était là une grande cause de relâchement, il transporta sous les yeux de tous les repas devenus communs, car il estimait que de la sorte il ne serait guère possible de transgresser les prescriptions. Il a fixé une quantité de nourriture qui ne fût ni excessive ni trop restreinte. Mais souvent aussi des suppléments inattendus sont fournis par la chasse ; et il arrive qu’à leur place les riches (hoi de plousioi) donnent du pain de froment. Ainsi la table n’est jamais vide d’aliments, jusqu’à ce que les convives se séparent, ni, d’autre part, garnie à grands frais. Passons à la boisson : Lycurgue, ayant supprimé les beuveries inutiles qui font chanceler les corps et qui font chanceler les esprits, a permis à chacun de boire suivant sa soif, car il pensait que c’était ainsi que la boisson était le plus inoffensive et le plus agréable. Comment dans de tels repas com‑
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Sparte muns pourrait-on, par gourmandise ou ivrognerie, ruiner sa propre personne ou sa maison ?
Un tel passage semble éclairant sur la nature coercitive et régle‑ mentée des repas pris en commun. En fait, il s’agit sans doute d’une pratique qui, d’abord, avait pu concerner les membres de l’élite sociale et qui est devenue la norme du comportement imposé à tous les citoyens. Il est d’ailleurs notable que, jusque dans cet usage d’apparence égalitaire, des moyens de différen‑ ciation entre convives apparaissent : certains peuvent apporter des pièces de gibier – et ce don signale leurs qualités de chas‑ seurs – tandis que d’autres peuvent – dans des limites étroitement déterminées – rappeler qu’ils sont plus riches que leurs cama‑ rades en fournissant à tous du pain de blé. La consommation de vin restreinte aux besoins spontanés de chacun, sans émulation néfaste, est censée accompagner la tempérance qui règne dans chaque syssition. C’est en relation avec cette obligation pour tous les citoyens d’un mode de vie qui ne permettait guère aux plus aisés de faire grand étalage de leur richesse que l’on peut considérer la persis‑ tance à Sparte, peut-être jusqu’au début du ive siècle, d’un usage monétaire remontant à l’époque archaïque. Comme Thucydide, Xénophon relève en effet, vers 378‑376, qu’il n’est pas admis de se distinguer par ses vêtements ; il note aussi que les repas en commun sont le cadre des relations entre les hommes et il indique50 l’usage, à Sparte, d’une monnaie de faible valeur intrin‑ sèque et malcommode. Alors qu’Athènes semble s’être ouverte dès le vie siècle à l’inno‑ vation que représentaient les pièces de monnaie en métal précieux, connues en Lydie vers 600, et avoir elle-même battu monnaie à partir de la fin du vie siècle, il n’en serait pas allé de même à Sparte. Selon Xénophon, de son temps encore et dans le respect des usages antérieurs, on n’aurait pas admis la frappe d’une mon‑ naie d’or et d’argent. D’après des indications de Plutarque51, on estime que Xénophon renvoie à l’usage de monnaies qui pouvaient être constituées de tiges de fer, « obèles » ou broches, dont on a d’ailleurs retrouvé des exemplaires, malaisément datables, à l’acro‑ pole de Sparte et au sanctuaire d’Orthia – comme dans divers sites péloponnésiens. 90
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Une cité des arts puis de l’austérité Si l’usage d’une telle monnaie a pu perdurer, de l’époque archaïque à l’époque classique, c’est sans doute parce que Sparte pratiquait peu d’échanges commerciaux à longue distance nécessi‑ tant l’usage d’une monnaie à forte valeur intrinsèque et, en outre, disposait d’un minerai de fer abondant (mais de peu de ressources en or et en argent)52. Quoi qu’il en soit, un tel usage permettait à Xénophon de déduire de son exposé que les règles remontant à Lycurgue incitaient à ne pas s’attacher à constituer une fortune sous forme monétaire. Néanmoins, même si la monnaie couramment en usage à Sparte à l’époque archaïque était de faible valeur intrinsèque et devait peu inciter à la thésaurisation, certains devaient parvenir à réunir des richesses qui ne revêtaient pas nécessairement une forme monétaire. Ces biens pouvaient être conservés dans un trésor personnel, comme les keimèlia, dont le nom même indique qu’ils « reposaient » chez le roi Ariston et dont Hérodote mentionne l’existence vers 53553. Mais la discrétion fut requise, surtout semble-t‑il à partir de la fin du vie siècle, et c’est donc bien en bonne partie par un jeu sur les apparences que les Spartiates sont devenus des « égaux » ou, plutôt, des « semblables » (homoioi), dans une cité caractérisée par un ordre social stabilisé par certaines règles. Ainsi, si l’inégalité des fortunes à base foncière ne semble pas avoir été fondamentalement remise en cause du viiie au iiie siècle, on constate une traduction spectaculaire des effets de la lutte menée à Sparte contre l’ostentation de la fortune dans la liste des victoires olympiques à la course de chars remportées par des Spartiates. Alors que l’on relève trois victoires successives du Spar‑ tiate Euagoras en 548, 544, 540, on en connaît plus avant celle du roi Démarate en 504, puis celle de Polypeithès en 484 ; de telles victoires redeviennent fréquentes à partir de 448. En d’autres termes, pendant une durée de deux générations, entre 540 et 484, parmi les Lacédémoniens, seul un roi a pu sinon oser concourir à Olympie, du moins y déployer les moyens matériels requis pour entraîner un équipage d’une façon assez efficace pour remporter la victoire. Et il est fort notable qu’il se soit agi d’un roi, dont le statut était par essence si particulier que, selon la remarque de M. I. Finley, son existence même tendait à remettre en cause l’égalitarisme théorique des Spartiates54.
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Le danger inhérent à une inégalité d’origine familiale Une certaine inégalité entre les familles de Sparte reposait très certainement sur l’existence non seulement des rois, mais aussi des parentèles héraclides des rois, dont plusieurs membres mâles pou‑ vaient toujours espérer devenir eux-mêmes rois si les événements – ou les dieux – le voulaient. Une illustration de l’existence de cette élite sociale constituée par les fils et les frères de rois – et leurs descendants – est fournie par la descendance du roi Anaxan‑ dride II et de ses deux épouses. Mort vers 520, Anaxandride laissa quatre fils, Cléomène, Dôrieus, Léonidas, Cléombrote, dont deux devinrent rois (Cléomène et Léonidas) tandis que les deux autres auraient clairement pu être rois aussi, d’après le récit d’Hérodote. Des parents des rois régnants existaient donc nécessairement, et la présence de cette parentèle était susceptible d’alimenter une cer‑ taine inégalité entre les habitants de Sparte. C’est pour cette raison que Chilon pourrait avoir, notamment, permis que les éphores contractent des alliances familiales avec les rois55. Certes, une telle possibilité, qui diluait la qualité aristocratique due à la naissance, n’a pu avoir que des effets limités, mais elle pouvait être de forte portée symbolique et il est remarquable qu’un seul texte semble expliciter l’existence d’une aristocratie de nature héréditaire. Il s’agit d’un passage d’Hérodote56 évoquant le dévouement, entre les deux guerres médiques, plus précisément entre 486 et 481, de deux personnages : Sperthias fils d’Anéristos et Boulis fils de Nicolaos, Spartiates de bonne naissance (physi te gegonotes eu) et des plus fortunés, prirent volontairement sur eux de donner à Xerxès satisfaction pour le meurtre commis à Sparte des hérauts de Darius.
De tels hommes sont non seulement dits remarquables par leur fortune, mais d’abord et surtout par la qualité de leur naissance, et sans doute est-ce en raison des circonstances très particulières dues à la nécessité d’une expiation par des individus choisis que cette qualité apparaît. L’épisode montre ainsi la possibilité que des qualités propres à certains individus et ordinairement tues soient mises en avant quand celles-ci paraissent nécessaires au bien de 92
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Une cité des arts puis de l’austérité la collectivité, désireuse de s’affranchir d’une impureté – car plus remarquables sont les hommes voués à expier un crime, plus efficace est l’expiation. Assez peu visibles dans la vie quotidienne étaient sans doute, par ailleurs, les liens d’hospitalité que certains Spartiates de l’élite pouvaient tisser avec des notables d’autres cités et léguer à leurs descendants ; de tels liens, qui pouvaient entraîner des dépenses, apparaissaient comme une forme d’action pour le service de la collectivité. Le siège du Lacédémonien Gorgos portant son titre de proxène des Éléens (jouant le rôle de leur hôte à Sparte, il était honoré par eux en Élide) a été retrouvé au stade d’Olym‑ pie ; il est daté de la première moitié du vie siècle – donc d’un temps antérieur à la mise en place d’une austérité imposée à Sparte – et on peut imaginer que ses héritiers n’ont pas manqué d’en faire usage encore au ve siècle. Cette pratique de distinction, néanmoins, devait rester rare. Car si les individus avaient bien, à Sparte, la possibilité de se distinguer de leurs concitoyens, c’était en fonction de critères qui tenaient ordinairement aux qualités qu’ils avaient manifestées en se dévouant pour le bien public.
Le siège du Lacédémonien Gorgos retrouvé dans le stade d’Olympie. Sur le pourtour du siège se trouve une inscription datée, d’après la forme des lettres en alphabet laconien, de la première moitié du vie siècle. Elle porte la mention du « Lacédémonien Gorgos proxène des Éléens ». Le marbre vient de Laconie et Gorgos avait vraisemblablement souhaité afficher aux yeux des spectateurs venus de tout le monde grec sa place privilégiée dans le territoire éléen où se trouve le sanctuaire d’Olympie.
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Les inégalités admises Vers 500 avant notre ère, la pleine citoyenneté devait être, à Sparte, le propre de plusieurs milliers d’hommes, puisque la cité semble avoir compté 8 000 citoyens en 480, d’après Hérodote ; celui-ci les caractérise comme homoioi, « semblables57 », et, dans l’ensemble de sa narration, il met en outre en lumière combien l’objectif que les Spartiates devaient se fixer collectivement comme individuellement était de servir au mieux leur cité. Les sphères d’activité où un tel service avait l’occasion d’apparaître relevaient des pratiques de la guerre et des concours athlétiques – dont les vainqueurs recevaient des athla, des récompenses – comme, à partir d’un certain âge, des avis judicieux exprimés à l’assemblée ou à la gérousie. Et c’est depuis leur jeunesse, durant laquelle ils pouvaient être formés en groupe, jusqu’à leur grand âge – qui leur donnait la possibilité d’être candidats à la gérousie – que les Spartiates vivaient dans un système visant constamment à stimuler leur émulation pour le bien collectif. Dans un tel cadre général, les enfants des diverses origines sociales devaient être regroupés et, une fois adultes, les Spartiates conti‑ nuaient d’être soumis à des règles qui masquaient leurs différences. Aristote relève58, vers 330, que bien des gens cherchent à parler de Lacédémone comme d’une démo‑ cratie, parce que son organisation contient nombre d’éléments démo‑ cratiques : par exemple, d’abord, dans la façon d’élever des enfants : ceux des riches, en effet, sont élevés de la même manière que ceux des pauvres et on leur donne un genre d’éducation qui pourrait être aussi celui des enfants pauvres ; et pareillement encore, à l’âge suivant, et quand ils deviennent des hommes, le traitement est le même : rien ne permet de distinguer le riche et le pauvre ; ainsi, pour la nourriture, les mêmes règles s’appliquent à tous dans les repas en commun et les riches portent des vêtements tels que pourrait s’en procurer aussi n’importe quel pauvre ; enfin, pour les deux plus hautes magistra‑ tures, le peuple élit à l’une et accède à l’autre : il élit les gérontes et accède à l’éphorie.
Même s’il s’agit ici d’un texte écrit à la fin de l’époque clas‑ sique, on doit pouvoir considérer que les pratiques qui s’y trouvent 94
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Une cité des arts puis de l’austérité décrites prolongent celles de la fin de l’époque archaïque. Le pro‑ pos d’Aristote explicite simplement l’égalité de traitement des enfants quelle que soit leur origine sociale, fait qui est implicite dans la République des Lacédémoniens de Xénophon. Néanmoins, la nécessité d’un choix entre citoyens lors de la désignation des gérontes et des éphores – qui sans doute doivent avoir atteint au moins trente ans – est liée à l’existence d’une émulation entre les citoyens, qui peuvent être désireux de se distinguer – individuel‑ lement – de façon à être choisis par leurs pairs pour exercer des fonctions politiques. L’égalitarisme comporte donc bien des limites et, en outre, un regard critique pouvait amener à considérer que le système mis en place reposait sur la suspicion de tous à l’égard de chacun, selon la remarque que Périclès aurait formulée dans l’hiver 431/430, d’après Thucydide59. La logique de telles pratiques était en tout cas de reconnaître comme le plus digne celui qui se conformait le mieux aux exigences d’une apparence d’égalité tout en agissant, selon les règles admises, de la façon la plus appropriée pour conseiller ses concitoyens ou se battre pour eux sur le champ de bataille. Car l’orientation militaire des activités des Spartiates, qui faisait d’eux des professionnels des armes, ne fait pas de doute. C’est grâce à elle qu’ils pouvaient, d’abord, s’imposer aux habitants non spartiates de leur pays, Lacédémone, dont Sparte était la capitale. Il s’agissait non seulement des Hilotes, esclaves fournissant de quoi vivre, mais aussi des périèques, hommes libres vivant à la péri‑ phérie de Sparte qui devaient renforcer l’armée en lui envoyant des contingents selon les ordres reçus. Globalement, le système social et institutionnel qui s’est pro‑ gressivement mis en place à l’époque archaïque, et dont l’aspect austère a pu être renforcé à la fin du vie siècle, a canalisé selon des règles déterminées les activités d’un organisme civique plein de vitalité. La conséquence d’une telle orientation des activités a certainement été une limitation de la créativité artistique, mais c’est sans doute une évolution plus qu’une révolution qui a visé à restreindre le luxe de l’élite, sans que fût provoqué un bou‑ leversement de tous les usages et de toutes les valeurs. Comme l’objectif souhaité, c’est-à-dire la primauté de Sparte face à ses voisins péloponnésiens, a été atteint, les Spartiates semblent avoir développé un grand attachement à leurs propres usages, de telle 95
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Sparte sorte que leurs alliés de Corinthe ont pu, en 432, caractériser ces procédés comme étant conservateurs (archaiotropa… epitèdeumata60 ), formulant ainsi un jugement qui a marqué les consciences. Selon Polybe, qui écrivait au iie siècle et disposait donc d’un certain recul sur les événements de l’époque archaïque, L’égalité des propriétés, la simplicité de la vie (diaita) menée en commun ne pouvaient manquer de modérer les désirs de chacun et de mettre le régime politique à l’abri des factions ; d’autre part, l’endurance aux fatigues et aux dangers faisait des hommes vaillants et généreux ; or, quand ces deux qualités, la bravoure et la modération, se trouvent réunies dans une même âme ou dans une même cité, il est difficile qu’on ait à redouter les atteintes d’un fléau intérieur, comme il n’est pas aisé de succomber sous les coups des ennemis de l’extérieur61.
Sans doute, en mentionnant « l’égalité des propriétés », Polybe est-il victime du prisme dû aux rois réformateurs du iiie siècle qui avaient voulu répartir également des terres en prétendant rétablir une situation préexistante, celle de l’époque archaïque. Mais il demeure que l’historien souligne clairement la logique des usages : la contrepartie du régime rigoureux instauré à Sparte a pu être l’excellente réputation militaire de la cité, constituée au cours du e vi siècle dans le cadre d’une activité extérieure importante.
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out en organisant leurs pratiques sociales et institutionnelles selon une démarche qui semble avoir été de plus en plus résolument coercitive pour les individus à la fin du vie siècle, les Spartiates ont renforcé leur position par rapport au monde exté‑ rieur, surtout dans le Péloponnèse. Ils ont aussi été actifs ailleurs, notamment au-delà des mers et, à la fin du vie siècle, en Attique.
L’affirmation de Sparte dans le Péloponnèse au et la mise en place de la Ligue du Péloponnèse
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Le système social, politique et militaire mis en place par les Spar‑ tiates a montré son efficience dans la seconde moitié du vie siècle, quand Lacédémone s’est imposée à ses voisins. Thucydide, d’ail‑ leurs, établit clairement un lien1 entre le bon ordre intérieur de Lacédémone, son eunomia, et la puissance des Lacédémoniens leur permettant de régler les affaires des autres cités. Les efforts menés alors n’ont toutefois pas abouti à la soumission des régions périphériques de la Laconie autres que la Messénie, conquise au e vii siècle, ou que les territoires côtiers situés à l’est du Parnon, au début du vie siècle. Il s’est agi plutôt de démonstrations de puissance qui ont permis l’instauration d’un système d’alliances. 97
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Sparte Selon Pausanias2, en 659 – donc entre les deux premières guerres de Messénie –, les Lacédémoniens se seraient emparés de Phiga‑ lie, qui est en Arcadie, près de la frontière septentrionale de la Messénie, puis en auraient été chassés. Il est possible qu’après la deuxième guerre de Messénie, terminée vers 610/600, des Mes‑ séniens aient parfois cherché refuge en Arcadie. En conséquence, on considère que ce serait notamment pour les empêcher de dis‑ poser de bases arrière que Lacédémone aurait souhaité étendre son influence. Cette entreprise fut, semble-t‑il, d’abord menée par les armes. D’après Hérodote3, sous le règne conjoint de Léon et d’Agasiclès (vers 575‑560), « les Lacédémoniens, heureux dans leurs autres guerres, avaient échoué contre les seuls Tégéates », les habitants de Tégée, située au sud de l’Arcadie. De fait, on connaît une intervention militaire de Sparte, que l’on placerait vers 572, et qui aurait aidé les Éléens à prendre le contrôle d’Olympie au détriment des Pisates, les habitants de Pise. Les dégâts provoqués par la submersion du sanctuaire d’Orthia vers 570‑560 auraient pu être rapidement réparés grâce au butin rapporté par les succès de cette époque, a proposé Paul Cartledge4. Par la suite, les Lacé‑ démoniens auraient connu des fortunes diverses, et une certaine incertitude plane sur la chronologie relative de leurs actions à l’égard des Argiens et des Tégéates. On admet avec quelque hésitation que les Lacédémoniens aient pris le contrôle de la région de Prasiai, située à l’est de la Laconie, entre les hauteurs du Parnon et la mer, au cours de la première moitié du vie siècle5. Poussant ensuite leur avantage vers le nord, ils auraient pris le contrôle de la région appelée la Thyréatide puis, après un temps dont Hérodote ne précise pas la durée, ils auraient affermi leur emprise sur cette région en triomphant des Argiens lors de la bataille des Champions, en 546. Hérodote raconte cette bataille6 dans laquelle on voit un exemple des combats à caractère agonistique qui auraient pu exister à l’époque archaïque, et qui, dans un esprit d’agôn, de compétition, auraient visé à limiter les pertes humaines tout en manifestant clairement la supériorité d’un adversaire sur l’autre7 : Ceux-ci, pour leur propre compte, je veux dire les Spartiates, avaient sur les bras à cette même époque une querelle avec les Argiens au sujet d’un pays appelé Thyréa. Cette région de Thyréa apparte‑ nait au territoire de l’Argolide ; elle en avait été détachée par les Lacédémoniens, qui en avaient pris possession [donc à un moment
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indéterminé, avant la bataille dont il va être question]. D’ailleurs, tout ce qui se trouve à l’ouest jusqu’au cap Malée était aussi aux Argiens, tant la terre ferme que l’île de Cythère et le reste des îles. Les Argiens entreprirent une expédition pour défendre le domaine qui leur était enlevé ; et l’on convint alors, après une conférence, que trois cents hommes de chaque parti combattraient, et que celui des deux partis qui aurait l’avantage serait possesseur du pays ; le gros des troupes se retirerait de part et d’autre chez soi, et ne resterait pas là pendant la lutte ; cela pour éviter que, si les armées étaient présentes, celle des deux qui verrait les siens en voie de succomber ne vînt à la rescousse. Cet accord fait, ils se retirèrent ; et les soldats d’élite (logades) des deux camps laissés en arrière engagèrent le combat. Ils combattirent avec des succès égaux jusqu’à ce que, de six cents hommes, il en demeurât trois : du côté des Argiens, Alkènor et Chromios ; du côté des Lacédémoniens, Othryadas ; lorsqu’ils demeurèrent seuls, la nuit était venue. Les deux survivants des Argiens, se croyant vainqueurs, coururent donc à Argos ; le survivant des Lacédémoniens, Othryadas, dépouilla les cadavres argiens, transporta leurs armes à son camp, et se tint à son poste. Le lendemain, les deux armées vinrent aux nouvelles. Pendant un temps, chaque parti prétendit que c’était lui le vainqueur, les uns alléguant qu’il survivait un plus grand nombre des leurs, les autres faisant ressortir que ces survivants avaient fui, tandis que leur champion à eux était resté sur place et avait dépouillé les cadavres ennemis. Enfin, après s’être disputés, ils en vinrent aux mains et se battirent ; et, après que beaucoup d’hommes furent tombés des deux parts, les Lacédémoniens remportèrent la victoire.
Ainsi, la bataille des Champions aurait-elle entériné le refoulement des Argiens vers le nord. Mais c’est aussi contre la cité arcadienne de Tégée que, finalement, les Spartiates ont réussi à s’imposer. Un oracle rapporté par Hérodote et souvent considéré comme authentique leur aurait promis qu’ils pourraient danser à Tégée8 : Ils consultèrent à Delphes sur la conquête de toute l’Arcadie. La Pythie leur rendit cet oracle : « Tu me demandes l’Arcadie ? C’est une grande chose que tu me demandes ; je ne te la donnerai pas. Il y a en Arcadie beaucoup d’hommes mangeurs de glands qui te feront obstacle. Mais moi je ne t’oppose point de refus jaloux ; je te donnerai pour y danser Tégée que les pieds frappent bruyamment, et sa belle plaine pour la mesurer au cordeau. »
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Sparte Lorsque cette réponse eut été rapportée aux Lacédémoniens et qu’ils l’eurent entendue, ils s’abstinrent d’attaquer les autres Arca‑ diens ; mais, emportant avec eux des entraves, ils marchèrent contre les Tégéates ; confiants dans un oracle trompeur, ils se figuraient qu’ils allaient réduire les Tégéates en esclavage. Mais ils eurent le dessous dans la rencontre ; et tous ceux d’entre eux qui furent pris vivants, chargés des entraves qu’eux-mêmes avaient apportées, mesurèrent au cordeau la plaine tégéatique en y travaillant. Les entraves qui avaient servi à les enchaîner subsistaient encore de mon temps à Tégée, pen‑ dues autour du temple d’Athéna Aléa.
D’après le récit d’Hérodote, l’oracle – que l’on place au milieu du siècle – fut donc formellement respecté. Mais il est évident qu’il avait suscité de faux espoirs dans l’esprit des Lacédémoniens, et son ambiguïté même peut paraître un signe d’authenticité. Le souvenir de la défaite de Sparte a pu être entretenu par la conservation des chaînes qui auraient été visibles dans le sanctuaire d’Athéna Aléa jusqu’au iie siècle de notre ère au moins, d’après Pausanias9. Après cette défaite, selon Hérodote toujours10, les choses changèrent : e
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Lors de la première guerre, les Spartiates luttèrent constamment avec désavantage contre les Tégéates : mais à l’époque de Crésus, du temps où Anaxandride et Ariston régnaient à Lacédémone, ils avaient déjà pris le dessus à la guerre ; et voici de quelle façon ils y étaient parvenus. Toujours vaincus dans les combats par les Tégéates, ils avaient envoyé des députés à Delphes demander lequel des dieux ils devaient se rendre propice pour avoir sur eux l’avantage à la guerre. La Pythie leur répondit : s’ils faisaient venir chez eux les ossements d’Oreste fils d’Agamemnon.
Les Lacédémoniens agirent donc de la façon prescrite et, pour‑ suit Hérodote : À partir de ce moment, toutes les fois que Lacédémoniens et Tégéates s’essayaient les uns contre les autres, les Lacédémoniens avaient de beaucoup l’avantage des armes ; dès lors, d’ailleurs, la plus grande partie du Péloponnèse leur était soumise.
C’est donc en un temps assez largement situé, celui du début du règne conjoint d’Anaxandride II (vers 560‑520) et d’Ariston (vers 550‑515), donc vers 550‑520, que se placerait le moment 100
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où les Lacédémoniens auraient pris l’avantage sur les Tégéates. Or, à lire Hérodote11, ce succès aurait renforcé la réputation des Lacédémoniens auprès de Crésus, qui aurait sollicité leur alliance, avant d’être lui-même défait par le Perse Cyrus, probablement en 545. Donc ce pourrait être en 550‑545 que les Spartiates se seraient imposés aux Tégéates. Mais il doit être relevé que Sparte ne pratique pas alors une politique visant à soumettre étroitement ses voisins arcadiens : son but consiste essentiellement à assurer la défense de ses intérêts en stabilisant ses positions. Une telle attitude semble confirmée par un traité connu par Aristote – et que transmet Plutarque12 : Les Lacédémoniens, après s’être réconciliés avec les Tégéates, conclurent un traité et dressèrent sur les bords de l’Alphée une stèle commune où était inscrit, entre autres, « Chasser les Messéniens de la région et interdire de faire des bons ». Cherchant à l’expliquer, Aristote affirme qu’elle signifie : ne pas exécuter de Tégéates pour aide au parti prolacédémonien.
Quel qu’ait été le sens précis du texte – dans lequel les Modernes ont pu voir une interdiction non pas de tuer des partisans de Sparte mais de donner le droit de cité à des Messéniens exilés à Tégée –, la menace représentée par l’instabilité toujours à craindre de la Messénie paraît avoir été un moteur de la politique extérieure de Sparte. On ne sait exactement où le texte aurait été exposé : à Olympie, où coule l’Alphée, ou en un point du cours supérieur du fleuve. Un autre texte, gravé à la fin du vie siècle sur un pilier de calcaire qui a été retrouvé sur l’acropole même de Sparte, est un traité qui lie à Lacédémone la petite communauté des Erxadiens, d’origine étolienne et vivant dans la région de Mantinée – donc au nord de Tégée –, en Arcadie. Cette communauté se voit ainsi interdire d’accueillir des individus sans doute jugés hostiles à Sparte13. L’entente avec les Éléens, puis avec les Tégéates, le succès rem‑ porté contre les Argiens – qui avait peut-être scellé la prise de contrôle de la côte orientale de la Laconie et de l’île de Cythère aux dépens d’Argos –, le transfert des ossements d’Oreste de Tégée à Sparte14, puis celui des ossements de son fils Tisaménos d’Hélikè, située au nord de l’Achaïe, à Sparte aussi15 marquent l’emprise de celle-ci sur le Péloponnèse vers le milieu du vie siècle. Ces événe‑ 101
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Sparte ments – dans lesquels on a parfois proposé de voir des résultats de l’action de Chilon, qui fut éphore en 556/555 ou 555/554 – sont caractéristiques d’une nouvelle manière d’agir à l’égard des voisins, qu’il ne s’agit plus d’hilotiser comme les Messéniens, mais avec lesquels sont conclus des accords à l’avantage de Sparte. Les Lacédémoniens ont pu, alors, entreprendre une politique dite « philo-achéenne » qui leur permettait de se présenter comme les successeurs du grand roi – achéen – Agamemnon, père d’Oreste et frère de Ménélas. Certes, les Doriens étaient censés avoir pro‑ voqué un déplacement des Achéens vers le nord du Péloponnèse en s’établissant dans la péninsule, mais ils pouvaient apprécier leur alliance. Il est d’ailleurs possible qu’Agamemnon ait commencé à être honoré comme un héros à Amyclées, près de Sparte, à partir du milieu du vie siècle16. Mais de l’alliance de Sparte, les Argiens eux-mêmes sont restés exclus, même plus tard après leur défaite écrasante de 494 face à Sparte. Il semble aussi que leur puissance nouvelle ait donné aux Lacédé‑ moniens le sentiment qu’ils pouvaient prendre le rôle de défenseurs de tous les Grecs, face à la menace croissante des Perses, victorieux du royaume de Lydie, en Asie Mineure. Après la défaite de Cré‑ sus, les Ioniens d’Asie, inquiets de ne pas obtenir du Perse Cyrus l’établissement de relations semblables à celles qu’ils avaient pu entretenir avec le Lydien Crésus, auraient envoyé une demande de soutien à Sparte17. D’après le récit d’Hérodote, une assemblée de citoyens lacédémoniens écouta le Phocéen Pythermos mais refusa de porter secours aux Ioniens. Les Lacédémoniens envoyèrent néanmoins des représentants auprès de Cyrus, à qui un nommé Lacrinès, par le truchement d’un héraut, fit savoir, « de la part des Lacédémoniens, l’interdiction de dévaster aucune ville du pays grec ; car eux ne verraient pas la chose d’un œil indifférent ». À ces propos, Cyrus répondit par des sarcasmes en prenant l’air de découvrir l’existence même des Lacédémoniens18, et cette inter‑ vention de Sparte n’empêcha pas la soumission de l’Ionie par les Perses. Mais il est notable que les Lacédémoniens, dont la puissance était en train de s’affirmer, aient pu paraître un recours possible aux Ioniens d’Asie, et qu’ils aient ressenti une sorte de devoir de protection à l’égard de ces derniers. Le système constitué par ce qui, en grec, peut être désigné par l’expression « les Lacédémoniens et leurs alliés », et que les Modernes nomment la Ligue du Péloponnèse, a ainsi été mis 102
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en place par divers accords conclus par les Spartiates avec des Péloponnésiens à la fin du vie siècle, et il a été le fondement de la puissance spartiate jusqu’en 365 av. J.-C. En contrepartie d’un appui contre les Hilotes, les Spartiates soutenaient des régimes étrangers souvent oligarchiques, qu’ils pouvaient favoriser de pré‑ férence à des régimes tyranniques sans doute plus imprévisibles. Plus précisément, Thucydide a explicité plus tard19 la logique selon laquelle les Lacédémoniens veillaient particulièrement à entretenir de bonnes relations avec les élites sociales des cités dont ils souhaitaient avoir le soutien. Et comme, on l’a vu, Sparte elle-même devait posséder sa propre élite sociale20, c’était en bonne partie sur les relations d’hospitalité (de xenia) existant entre membres de leurs élites sociales respectives que Sparte et une cité extérieure pouvaient nouer des relations d’entente. Une manifestation de cette attitude pourrait paraître lorsque, vers 525, les Lacédémoniens se rapprochèrent des Corinthiens. Ceux-ci avaient vu vers 583 la fin de la tyrannie établie chez eux, remplacée par un régime oligarchique, et c’est certainement grâce à eux qu’a pu être constituée la « grande flotte » qui a transporté les forces d’une expédition menée contre le tyran Polycrate de Samos21. Il s’agissait de soutenir des aristocrates auxquels certains Spartiates étaient liés, cela en conséquence d’un intérêt déjà marqué de Sparte pour l’Asie Mineure et pour Samos. On voit parfois dans cette expédition des environs de 525 la première manifestation nette de l’existence de la Ligue du Péloponnèse.
Une politique extérieure active en Asie Mineure et à Samos Alors qu’au milieu du vie siècle les Lacédémoniens avaient voulu acheter de l’or à Crésus, roi de Lydie, pour orner une statue d’Apollon érigée sur le mont Thornax, au nord de Sparte, Crésus leur avait offert cet or22. En retour du présent, les Lacédémoniens lui avaient envoyé « un cratère de bronze garni de figures exté‑ rieurement, autour du bord23 », mais Crésus aurait été défait par Cyrus vers 545, avant d’avoir reçu ce vase. 103
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Sparte Ce peut être au même moment, vers 550, que les Spartiates érigèrent un monument en l’honneur d’Apollon à Amyclées, en faisant appel à Bathyclès de Magnésie du Méandre, ville ionienne placée dans l’obédience lydienne24. Ainsi aurait été construit un grand trône du dieu, en marbre, d’environ 4 mètres de haut, et un lien entre Sparte et Magnésie aurait été exprimé, à Amyclées, par la consécration, par Bathyclès, d’une statue d’Artémis Leuco‑ phryènè, la grande divinité des Magnètes25. Plutarque mentionne aussi, d’ailleurs26, une « procession des Lydiens » qui aurait été organisée, à Sparte, lors de célébrations en l’honneur d’Orthia, forme locale d’Artémis27. Dans un espace géographique voisin de la Lydie, les Spartiates semblent aussi avoir entretenu des relations assez étroites avec Samos. C’est vers 550 que l’architecte Théodore de Samos aurait été sollicité par eux pour bâtir une salle de réunion à fonction politique, appelée Skias28. Samos, île proche de l’Asie Mineure et dont les marins et les commerçants étaient fort entreprenants, a pu servir de relais entre l’Orient et le Péloponnèse29, et Gytheion, port de Laconie, pouvait servir d’escale entre Samos et l’Occident, où Hérodote mentionne l’activité de Samiens30. L’île de Samos, où se trouvait un sanc‑ tuaire majeur d’Héra, semble aussi avoir constitué une destination importante pour la production de vases laconiens, notamment vers 580‑52531, et il est possible qu’elle ait été le point de départ d’une redistribution de tels vases dans un espace allant de Pergame à Rhodes. Mais l’intérêt de Sparte pour Samos s’est surtout manifesté quand, vers 525, les Lacédémoniens ont accédé à la demande d’aristocrates samiens exilés qui souhaitaient renverser, chez eux, le tyran Polycrate32. Il se serait agi, de la part des Spartiates, de marquer notamment leur reconnaissance pour un soutien reçu des Samiens lors d’une guerre de Messénie, probablement la deuxième (635/625‑610/600), qui avait eu lieu un siècle auparavant33. Une telle aide pouvait s’expliquer par des relations d’hospitalité établies entre membres des élites sociales de Samos et de Sparte. L’existence de ces relations semble corroborée par des « articles de luxe » (en français dans le texte) d’origine laconienne qui furent consacrés à l’Héraion de Samos entre environ 650 et 525, et dont P. Cartledge a constitué une liste34 : il s’agit d’objets d’ivoire, de 104
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bronze (un lion couché portant une dédicace du Spartiate Eum‑ nastos à Héra, un hoplite, un miroir…).
Figurine de bronze en forme de lion consacrée par Eumnastos. Sans doute d’abord fabriqué pour constituer une applique de vase, ce lion de bronze a été dédié par le Spartiate Eumnastos au sanctuaire samien d’Héra vers 550 av. J.-C.
Une politique extérieure institutionnalisée Dans le cas particulier de l’intervention lacédémonienne à Samos, il est remarquable qu’Hérodote ne mentionne pas le rôle des rois du moment (Anaxandride II et Ariston), mais plus généralement les « archontes35 », les responsables politiques. L’expression est ambiguë et peut renvoyer aux dirigeants que sont les 2 rois, les 28 gérontes et les 5 éphores, comme à une partie de ces hommes. Après avoir entendu à deux reprises les représentants samiens, les Lacédémo‑ niens jugèrent bon d’intervenir. Cependant, la procédure n’est pas détaillée par Hérodote. Il est possible que l’assemblée des citoyens ait été consultée et qu’elle ait suivi l’avis des « archontes ». Car à une telle date, il est exclu qu’une guerre ait été décidée par des individus intéressés à l’affaire : elle pouvait être entreprise sous l’influence de quelques hommes, mais elle devait bien être formel‑ lement décidée par des instances politiques constituées. 105
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Sparte Par ailleurs, même si l’usage de relations entre collectivités fon‑ dées sur des relations entre individus a pu se conserver dans une certaine mesure, une évolution semble s’être produite dans le monde grec à partir des environs de 600, de telle sorte que cer‑ tains personnages ont pu jouer le rôle de correspondants de toute une collectivité étrangère dans leur propre cité : on les a appelés des proxènes. Ainsi Hérodote mentionne-t‑il36 un Spartiate nommé Archias, de la kômè de Pitanè, qu’il a personnellement rencontré vers 450 et qui avait des égards particuliers pour les Samiens, selon un usage qui pouvait remonter à son père Samios (« Samien »)37. Il semble donc que la possibilité pour certains citoyens de se distinguer de leurs « semblables » par l’entretien de relations personnelles hors de Sparte ait perduré, peut-être parce que ces relations pouvaient entraîner des dépenses (en cadeaux, en frais de déplacement et d’accueil) que les institutions de la collectivité ne permettaient pas d’assumer aisément. Mais, en la matière, les égards particuliers de Samios pour les Samiens paraissent surtout relever de l’attachement sentimental, d’autant qu’il semble qu’une évolution se soit produite, entre 525 et 450 environ. Car lorsque Hérodote précise38 qu’« il appartient [aux rois des Lacédémoniens] de désigner comme proxènes ceux qu’ils veulent parmi les citoyens (astoi) », on peut se demander si les cités étrangères sollicitent les rois pour qu’ils désignent des citoyens de Sparte qui accueilleraient au besoin des représentants de ces cités. Mais il serait étonnant que Sparte désigne ses proxènes dans les autres cités – pratique qui relève des usages ordinaires en Grèce – et les proxènes des autres cités chez elle. P. Carlier a donc proposé39 que les proxènes mentionnés par Hérodote aient été « des magistrats spécifiquement lacédémoniens chargés d’accueillir, de protéger et surveiller les étrangers à Sparte ». Ainsi aurait pu se produire, entre la fin de l’époque archaïque et le début de l’époque classique, une institutionnalisation, au service de la cité, de pratiques sociales d’abord plus informelles. Ce mouvement, qui devait répondre à un besoin ressenti, peut se comprendre, sans doute, par le fait que la politique extérieure de Sparte a été fort active, notamment à partir du règne de Cléomène Ier. 106
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L’action extérieure de Sparte sous le règne de Cléomène Ier Notre source principale sur l’Agiade Cléomène Ier, roi des envi‑ rons de 520 à 488, est constituée par les Histoires d’Hérodote, qui s’était informé notamment auprès de ses victimes, et qui présente le personnage comme caractérisé par « une pointe de folie40 ». En fait, il semble que la position de Cléomène ait été fortement marquée par les circonstances liées à sa naissance41 : comme la première épouse de son père Anaxandride n’avait pas d’enfant, celui-ci fut incité par les éphores à contracter un second mariage. De la seconde épouse naquit un fils, Cléomène, puis de la pre‑ mière épouse naquirent trois fils, Dôrieus, Léonidas et Cléombrote. Toutes les actions de Cléomène n’ont cependant pas été marquées par la concurrence que pouvaient représenter pour lui ses frères. La plus ancienne mention explicite de Cléomène se réfère à 519, à un moment où les habitants de Platées, désireux d’échapper à la pression qu’exercent sur eux leurs voisins thébains, cherchent des alliés. Hérodote raconte ainsi les faits42 : Pressés par les Thébains, les Platéens s’étaient offerts d’abord à Cléomène fils d’Anaxandride et à des Lacédémoniens qui se trou‑ vaient là. Mais ceux-ci n’acceptèrent pas leur offre, et leur dirent : « Nous habitons trop loin ; le secours qui vous viendrait de nous serait un secours vain ; vous risqueriez souvent d’être réduits en esclavage avant que personne de nous ne soit informé ; nous vous conseillons de vous donner aux Athéniens, qui sont vos voisins et bien en état de vous défendre. » Les Lacédémoniens donnaient ce conseil non pas tant par bienveillance pour les Platéens que par désir de voir les Athéniens se fatiguer dans des conflits avec les Béotiens. Les Lacé‑ démoniens donnaient donc ce conseil aux Platéens ; et ceux-ci ne furent pas indociles…
Il est remarquable que la puissance de Sparte, appuyée sur la Ligue du Péloponnèse, soit telle qu’elle attire une demande de protection des Platéens, qui sont des Béotiens établis à près de 150 kilomètres de Sparte à vol d’oiseau – et au-delà de bien des montagnes. Quant à savoir si, comme le juge Plutarque43, il faut voir dans la raison du conseil exprimé une expression de la malignité d’Hérodote plutôt 107
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Sparte que des Spartiates, ou une reconstitution a posteriori, il est difficile de trancher. Retenons que les Lacédémoniens ne se sentaient sans doute pas assez puissants pour accepter une proposition d’alliance qui les aurait menés à s’engager loin du Péloponnèse, plus loin même que Mégare, si elle était déjà leur alliée. Car les préoccupations concernant les alliances de Sparte sont bien surtout péloponnésiennes : en 516, le Samien Maiandrios vint à Sparte pour y chercher de l’aide de façon à chasser le tyran de Samos, Sylôson, qui tenait l’île avec le soutien des Perses. Il tâcha de circonvenir Cléomène, mais celui-ci « alla trouver les éphores et leur dit qu’il était de l’intérêt de Sparte que l’étranger samien quittât le Péloponnèse » – et non seulement Sparte, notons-le44. Les éphores expulsèrent donc Maiandrios, mais nous pouvons sou‑ ligner que, d’après Hérodote, c’est à l’ensemble de la péninsule péloponnésienne que s’intéressaient alors les autorités de Sparte. Certes, on ne peut exclure qu’Hérodote ait à l’esprit la façon dont, en 480, d’une manière qu’il juge ridicule45, les Péloponnésiens auraient cru pouvoir se prémunir contre les Perses, dotés d’une flotte, simplement en fortifiant l’isthme de Corinthe. Mais, de fait, si en 480 encore Sparte et ses alliés pensaient pouvoir préserver le seul Péloponnèse contre une invasion massive des Perses en Grèce, on doit pouvoir admettre que plus d’une génération plus tôt ils n’avaient pas encore pris la pleine mesure de leur nouvelle puissance et souhaitaient surtout assurer leur emprise sur un espace globalement contrôlé : le Péloponnèse – sauf Argos et son territoire.
Les entreprises isolées de Dôrieus Peu après la vaine visite de Maiandrios à Sparte, les entre‑ prises malheureuses de Dôrieus constituent les dernières mani‑ festations d’intérêt de Spartiates pour les entreprises coloniales menées outre-mer. Demi-frère de Cléomène Ier, Dôrieus, né après lui mais de la première des deux épouses de leur père, aurait quitté Sparte par dépit de ne pas être devenu roi. Vers 515/514, il essaya de fonder une colonie près du fleuve Kinyps, à une vingtaine de kilomètres à l’est de l’emplacement futur de Lep‑ 108
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tis Magna (dans l’actuelle Libye). Mais sa présence fut mal vue des Carthaginois, qui fomentèrent son expulsion avec l’aide des indigènes, vers 51246. Revenu à Sparte, Dôrieus en repartit pour l’ouest de la Sicile, pour Éryx, car, selon Hérodote47, un spécialiste béotien en matière oraculaire lui aurait conseillé « de coloniser “la terre d’Héraclès qui était en Sicile” ; or tout le pays d’Éryx, disait le Béotien, appartenait aux Héraclides, Héraclès en ayant fait lui-même l’acquisition ». Après avoir peut-être contribué à la destruction de Sybaris par les Crotoniates en 51048, Dôrieus périt avec la plupart de ses compagnons « dans la défaite qui leur fut infligée par les Phéniciens – comprenons les Carthaginois – et les gens de Ségeste49 ». Le fait que ces tentatives de colonisation menées par des Spar‑ tiates aient ainsi échoué est d’autant plus notable qu’elles avaient été menées par un fils de roi de Sparte – qui serait même devenu roi s’il était resté à Sparte, ainsi que le relève Hérodote. Certes, dans la logique de l’historien d’Halicarnasse, on peut comprendre que le personnage a agi sous le coup de l’irritation, sans recourir à des pratiques qui auraient pu lui assurer des chances de succès. Ainsi, quand il partit en Libye, ce fut « sans demander à l’oracle de Delphes en quel pays il irait fonder une colonie, sans satisfaire à aucun des usages50 ». Mais il est fort remarquable que, dans le contexte de la fin du vie siècle, les tentatives de Dôrieus ne semblent pas véritablement engager la collectivité spartiate dans son ensemble : alors que les entreprises coloniales menées par les Grecs depuis plus de deux siècles résultaient généralement de projets collectifs, on assiste ici à l’échec d’un aventurier qui, semble-t‑il, n’avait que quatre compagnons spartiates51.
Les interventions à Athènes à la fin du
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Le récit fourni par Hérodote sur les interventions réitérées des Lacédémoniens à Athènes à la fin du vie siècle est riche en détails, qui sont parfois différents de ceux donnés par Aristote dans la Constitution des Athéniens. Selon l’historien d’Halicarnasse, les Alcméonides, qui étaient des Athéniens exilés d’Athènes au temps 109
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Sparte des Pisistratides, s’étaient fait adjuger le marché de la construction du temple de Delphes et l’avaient édifié plus beau qu’il n’était convenu. L’historien poursuit et déclare52 : Ces hommes, établis à Delphes, obtinrent à prix d’argent de la Pythie que, chaque fois que des Spartiates, soit à titre privé, soit à titre public, viendraient consulter l’oracle, elle les invitât à délivrer Athènes. La même déclaration leur étant toujours répétée, les Lacédé‑ moniens envoyèrent avec une armée Anchimolios fils d’Aster, homme de distinction parmi leurs concitoyens, pour chasser d’Athènes les Pisistratides, qui pourtant leur étaient unis très étroitement par des liens d’hospitalité ; car ils faisaient passer les égards dus aux dieux avant les égards dus aux hommes. Ils envoyèrent ces troupes par mer sur des bateaux.
Les faits relatés remonteraient à 511/510, et on voit clairement ici des propos qui déconsidèrent les Alcméonides, corrupteurs, la Pythie, achetée, et les Lacédémoniens, manipulés. Mais fort notable est surtout la manière dont les relations d’hospitalité, en principe sacrées, placées en fonction d’une logique bien établie sous la protection de Zeus Xenios, protecteur des hôtes, peuvent être mises à mal par la répétition d’un message arbitraire prove‑ nant d’une bouche considérée comme sacrée. C’est la confiance aveugle des Lacédémoniens à l’égard de la prêtresse de Delphes qui se trouve implicitement dénoncée, puisque celle-ci apparaît comme un instrument faillible de la volonté du dieu Apollon. Mais le comportement des Lacédémoniens, qui pensent obéir à des injonctions divines réitérées, n’est pas en soi condamné : l’his‑ torien en fait ressortir la logique, selon laquelle les dieux passent avant les hommes. Il demeure, cependant, qu’Aristote précise53 que « ce qui ne contribua pas moins à pousser les Laconiens à agir, ce fut l’al‑ liance des Pisistratides et des Argiens ». En d’autres termes, ce serait pour affaiblir les Argiens, qui persévéraient à résister à la Ligue du Péloponnèse menée par Sparte, que celle-ci serait inter‑ venue. L’explication est plus politique que la précédente, sans être incompatible avec elle. Quoi qu’il en soit, l’expédition échoua du fait du soutien d’un millier de cavaliers thessaliens venus aider le tyran athénien Hippias : Anchimolios, qui peut être vu comme 110
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le premier navarque connu de l’histoire de Sparte54, fut tué et les Lacédémoniens furent repoussés. Mais ils lancèrent peu après une deuxième offensive, menée par le roi Cléomène Ier, qu’ils avaient désigné comme chef. Étant parvenus à capturer les enfants des Pisistratides, les Lacédémo‑ niens et « ceux des Athéniens qui voulaient être libres » purent négocier le départ des tyrans55. Un objectif politique se trouvait donc atteint, et le retour des Alcméonides à Athènes, obtenu grâce aux Lacédémoniens, pouvait laisser ces derniers espérer sinon qu’Athènes deviendrait formellement leur alliée, du moins qu’elle ne continuerait pas à soutenir Argos. À Athènes, cependant, deux chefs politiques se disputèrent la direction des affaires : à l’Alcméonide Clisthène, qui s’appuya sur le peuple en réorganisant le fonctionnement politique par une répartition des hommes libres en dix tribus – au lieu de quatre –, s’opposa Isagoras, membre d’une maison distinguée. En 508/507, celui-ci appela à son aide Cléomène, dont il était devenu l’hôte (xeinos) lors de l’intervention de ce dernier contre les Pisistratides. Les Alcméonides s’enfuirent, Cléomène, Isagoras et son parti s’em‑ parèrent de l’acropole. Alors eut lieu l’incident qui vit la prêtresse d’Athéna déclarer au roi de Sparte : « Étranger de Lacédémone, retourne sur tes pas sans entrer dans ce temple ; il n’est pas permis aux Doriens de se présenter là » ; à quoi il [répondit] : « Femme, je ne suis pas Dorien, mais Achéen56. »
La réponse, on le sait, relève de la politique philo-achéenne des rois de Sparte57, mais une telle revendication était sans doute de peu de poids à Athènes et, de fait, Cléomène et les Lacédémoniens, d’abord assiégés dans l’acropole, furent expulsés d’Attique, comme Isagoras. Celui-ci n’avait pas pu prendre la tête d’un gouvernement oligarchique détenu par 300 de ses partisans, comme il en aurait eu l’intention, et comme cela aurait convenu à Sparte, qui voyait déjà en eux une courroie de transmission de ses volontés, selon le principe explicité par Thucydide58. Insatisfait d’un tel résultat, Cléomène entreprit une large mobi‑ lisation de moyens ; il « rassembla dans tout le Péloponnèse une armée59 ». Sans doute en 506, en coordination avec Cléomène, des Béotiens et des Chalcidiens attaquèrent l’Attique par le nord. Une armée péloponnésienne fut acheminée en Attique, à l’ouest 111
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Sparte d’Athènes, près d’Éleusis. Les Athéniens prirent position à proxi‑ mité. Alors eut lieu un épisode remarquable, que rapporte Héro‑ dote60 : On allait engager les armées au combat, lorsque les Corinthiens, ayant réfléchi les premiers qu’ils n’agissaient pas selon la justice, firent demi-tour et se retirèrent. Après eux, ce fut Démarate, fils d’Aris‑ ton ; lui aussi était roi des Spartiates ; il avait amené l’armée des Lacédémoniens de concert avec Cléomène et n’était pas jusqu’alors en désaccord avec lui. C’est à la suite de ce différend qu’une loi fut établie à Sparte interdisant aux rois d’accompagner tous les deux une armée en campagne ; car jusque-là ils l’accompagnaient tous les deux ; et, en même temps qu’elle relevait l’un d’eux du commandement, elle ordonnait de laisser également à Sparte l’un des deux Tynda‑ rides ; car, avant cette affaire, les deux ensemble étaient appelés au secours et accompagnaient les armées. Pour lors, lorsque les autres alliés, à Éleusis, virent que les rois des Lacédémoniens n’étaient pas du même avis et que les Corinthiens avaient quitté le rang, ils se retirèrent à leur tour.
Il s’agit là d’un événement décisif et révélateur à la fois, la dichostasia, le désaccord d’Éleusis survenu en 506 entre deux rois de Sparte. Le texte doit se lire à la lumière d’autres indications fournies par Hérodote61 selon lesquelles les rois disposaient, parmi leurs privilèges (gerea), de celui de « porter la guerre vers le pays qu’ils souhaitent ». Cette expression est – peut-être délibérément – ambiguë : elle a pu initialement désigner la possibilité que si les deux rois étaient d’accord ils pussent décider d’entreprendre une guerre ; mais ensuite la même règle a pu indiquer la possibilité de conduire des opérations tactiques après une décision d’entrer en guerre prise par une autre instance que les rois, à savoir l’assem‑ blée des citoyens – premiers concernés par les opérations à mener. Ici, on voit très clairement que l’armée est paralysée pour diverses raisons. D’abord se produit une défection des alliés corinthiens qui, d’après Hérodote, auraient obéi aux ordres sans clairement discerner le but des opérations jusqu’à leur arrivée en territoire attique62. Ces Corinthiens seraient alors mus par leur sens de la justice et la conscience de l’illégitimité d’une intervention militaire contre Athènes visant à y établir une tyrannie, celle d’Isagoras ; en conséquence, ils retirent leur concours. Ensuite, les opérations pourraient se poursuivre, mais Hérodote précise que les autres alliés 112
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se retirent aussi en constatant le désaccord des rois de Sparte. Les raisons de la position de Démarate ne sont pas explicitées, mais on peut imaginer qu’elles relèvent de son analyse de la situation, et du refus d’engager Sparte dans une entreprise aventureuse et contestable quant à sa fin ultime – à savoir l’établissement d’une tyrannie –, qui ne serait apparue qu’à proximité d’Éleusis. Cette attitude de Démarate va alimenter l’hostilité de Cléomène contre lui et, à terme, contribuer à provoquer sa déposition. Mais une conséquence majeure de ces événements fut d’ordre ins‑ titutionnel – et religieux. Pour éviter qu’une armée lacédémonienne ne fût paralysée par la dissension des deux rois, il fut décidé que, désormais, un seul partirait en expédition. Cette mesure donnait plus de liberté d’action au chef menant des citoyens-soldats, et en conséquence, à terme – en 479 au plus tard –, les Spartiates décidèrent la présence à l’armée de deux éphores, qui devaient surveiller l’usage fait des troupes. En outre, la dissociation des deux poutres à valeur talismanique, censées garantir le succès et représentant Castor et Pollux, les « fils de Tyndare », qui jusqu’alors accompagnaient l’armée, est un fait remarquable. La dissociation de ces dokana représentant des jumeaux marque l’analogie qui existait, dans l’esprit des Spartiates, entre leurs deux rois descendants de jumeaux héraclides et les Dioscures, alias les Tyndarides, considérés comme des protecteurs surnaturels de Sparte. On ignore si le roi agiade était considéré comme protégé particulièrement par Pollux, fils de Zeus, et si le roi eurypontide était perçu comme soutenu particulièrement par Castor, fils de Tyndare, ou si c’était l’inverse, ou encore si nulle différence explicite n’existait. Visiblement, la situation d’Athènes continua à ne pas satisfaire les Lacédémoniens. À un moment qu’il est difficile de préciser, entre 505 et 501, ils souhaitèrent restaurer Hippias comme tyran d’Athènes. Selon Hérodote63, les Lacédémoniens avaient appris les intrigues des Alcméonides à l’adresse de la Pythie et celles de la Pythie contre eux-mêmes et les Pisistratides ; ils tenaient pour un double malheur d’avoir expulsé de leur patrie des hommes qui étaient leurs hôtes sans que, en retour de cet acte, les Athéniens leur témoignassent aucune reconnaissance. Outre ces considérations, les oracles les animaient, qui disaient que
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Sparte beaucoup d’outrages devaient leur venir des Athéniens ; ils avaient ignoré jusque-là ces oracles, qui leur furent alors révélés, après que Cléomène les eut apportés à Sparte. Cléomène s’en était emparé sur l’acropole d’Athènes…
Alors, il apparut que, dans le cadre même de la Ligue du Pélo‑ ponnèse, les Lacédémoniens n’étaient pas pleinement libres d’agir : ils envoyèrent chercher Hippias – dont ils avaient provoqué l’exil en 510 – à Sigée, sur l’Hellespont, et convoquèrent une réunion du synédrion, le conseil de la Ligue du Péloponnèse. En soi, la procédure paraît une innovation. À ce moment, Soclès de Corinthe – cité qui avait fait une expérience amère de la tyrannie – s’opposa au rétablissement de la tyrannie à Athènes en soulignant le caractère odieux d’un tel régime, et en invitant, de façon provocante, les Lacédémoniens à l’adopter eux-mêmes64. Soclès fut suivi par les autres alliés de Sparte qui, faisant appel au goût des Lacédémoniens pour un bon ordre empreint de conservatisme, les conjurèrent de ne rien faire qui pût porter le trouble dans une cité hellénique65. Il est possible qu’à l’occasion de cet épisode se soit mise en place une procédure obligeant les Spartiates à consulter des représentants de leurs alliés, et à les faire voter à raison d’un droit de vote par cité, avant que ne fût éventuellement entreprise une expédition commune66.
Une action restreinte à l’environnement proche Même si la puissance des Lacédémoniens n’a pas trouvé à s’expri‑ mer par un rétablissement d’Hippias à Athènes, il est clair qu’ils pouvaient paraître à bien des Grecs comme un recours puissant contre des ennemis redoutables. Ainsi, en 499, le tyran de Milet Aristagoras – qui en apparence avait abdiqué la tyrannie – se rendit-il à Lacédémone pour obtenir au profit des Grecs d’Asie Mineure une aide militaire contre les Perses67. En l’occurrence, Aristagoras se fit éconduire par Cléomène, après que celui-ci eut appris, de sa bouche, qu’il fallait trois mois pour faire la route jusqu’à Suse, cœur de la puissance perse. Même si, contrairement à ce qui paraît dans le récit concernant l’expulsion 114
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du Samien Maiandrios vers 516, Cléomène est le seul responsable politique spartiate mentionné par Hérodote, il est généralement admis qu’il a exprimé la volonté des Lacédémoniens dans leur ensemble. Car des troubles, auxquels Aristagoras fit d’ailleurs allu‑ sion, semblent s’être produits au même moment chez les Messé‑ niens, les Arcadiens et les Argiens. Et la menace argienne provoqua peu après une vigoureuse – et radicale – intervention de Sparte.
L’écrasement d’Argos en 494 Peut-être est-ce en raison de heurts avec les Argiens que Cléo‑ mène consulta l’oracle de Delphes et en obtint l’avis qu’il s’empa‑ rerait d’Argos, opération qu’il tenta de mener à bien68. À la suite de cet avis, en effet, le roi de Sparte conduisit une armée, par voie de mer, au sud-est d’Argos, près de Tirynthe et de Nauplie, à Sèpeia. Par surprise, il attaqua victorieusement l’armée des Argiens, dont beaucoup furent tués. D’autres se réfugièrent dans un bois sacré, auquel Cléomène fit mettre le feu. En tout, selon Hérodote69, 6 000 Argiens succombèrent lors de cette guerre. Cléomène apprit ensuite que le bois qui avait brûlé était consacré au héros Argos, et il jugea que l’oracle était accompli ; il renvoya donc une grande partie de l’armée et, avec un millier d’hommes, se rendit à l’Héraion d’Argos, où il offrit lui-même un sacrifice à Héra en faisant fustiger un prêtre qui voulait l’en empêcher. Ce faisant, le roi de Sparte souhaitait sans doute attirer sur les siens les faveurs de la principale divinité de ses ennemis. Mais cela ne lui permit pas pour autant de prendre la cité même d’Argos. Pausanias rapporte en effet des faits qui sont absents du récit d’Hérodote. Dans la Périégèse, on lit ceci70 : Il y avait bien des raisons à la réputation de Télésilla parmi les femmes. Mais elle était célèbre surtout pour son talent poétique. Après l’échec indescriptible subi par les Argiens devant Cléomène, fils d’Anaxandride, et les Lacédémoniens […], Cléomène mena les Lacédémoniens à l’assaut d’Argos vide d’hommes. Télésilla rassembla les esclaves et tous ceux que leur jeunesse ou leur vieillesse rendait inaptes à porter les armes. Elle les fit tous monter sur le rempart. […]
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Sparte [Les femmes d’Argos dans la force de l’âge] supportèrent le choc en combattant avec énergie. Alors les Lacédémoniens réfléchirent que, s’ils anéantissaient ces femmes, leur succès aurait un caractère odieux et que, s’ils n’y parvenaient pas, leur échec les ridiculiserait. Ils abandonnèrent le terrain aux femmes.
Si chez Hérodote on ne voit pas même que Cléomène ait essayé de s’emparer de la cité d’Argos, il en va donc autrement chez Pausanias, comme chez Plutarque d’ailleurs71. Une mobilisation générale des ressources humaines subsistantes aurait découragé les Lacédémoniens, dont les compétences militaires n’étaient sans doute pas plus développées que celles de leurs contemporains en matière de siège ; outre leur incapacité technique à prendre d’as‑ saut une ville fortifiée, ils auraient aussi pu craindre que l’énergie désespérée des dernières forces argiennes ne portât atteinte à leur réputation. Quoi qu’il en soit, l’affaiblissement d’Argos fut consi‑ dérable, et la cité eut besoin d’une génération pour s’en relever. Les hommes morts auraient été remplacés par les membres de l’élite (les aristoi) des cités – dites périèques – voisines d’Argos, selon des indications de Plutarque72. D’après Hérodote, à son retour à Sparte, Cléomène fut mis en accusation73 : Ses ennemis le traduisirent devant les éphores, soutenant qu’il s’était laissé corrompre pour ne pas prendre Argos […]. Lui leur fit cette réponse […] : il avait vu une flamme éclatante sortir de la poitrine de la statue divine [d’Héra] ; […] par ce signe il avait à lui seul appris la vérité, à savoir qu’il ne prendrait pas Argos […]. Ces allégations parurent aux Spartiates dignes de foi et conformes à la vraisemblance ; Cléomène fut absous à une grande majorité.
L’événement nous donne un éclairage sur les procédures judi‑ ciaires de Sparte : apparemment, si les éphores ont eu le pou‑ voir particulier de mener l’accusation et de diriger l’interrogatoire – puisque c’est à eux que Cléomène a répondu –, le verdict a très probablement été rendu par l’ensemble des citoyens, d’autant que c’est l’action de l’armée civique qui était en cause. Qu’ils aient cru à la vision alléguée par le roi est incertain, mais ils n’étaient sans doute pas mécontents de la tournure qu’il avait su donner aux événements. 116
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On a même pu considérer, à la suite de Plutarque74, que si, après la victoire de Sèpeia, Cléomène n’a pas tenté de prendre Argos, c’est parce qu’il aurait voulu éviter de faire disparaître un ennemi commun dont l’existence contribuait à souder la Ligue du Péloponnèse. Que tel ait été un but poursuivi ou un effet atteint, il est clair que la victoire – due apparemment aux seules forces lacédémoniennes – a renforcé la position de Sparte. Cependant, l’épisode a pu aussi contribuer à faire prendre conscience du danger représenté par l’autonomie d’une décision royale, et ainsi a pu naître une volonté d’établir un contrôle. La liberté dont Cléomène a pu jouir en 494 dans les opérations contre Argos aurait fait sentir l’inconvénient des dispositions prises vers 506 après la dichostasia, le désaccord d’Éleusis qui l’avait opposé à son collègue Démarate : Cléomène aurait profité de la situation pour renforcer considérablement sa capacité d’initiative militaire. Cela peut expliquer pourquoi, en 479, des éphores accompagnent le régent Pausanias alors qu’il mène une armée contre les Perses à Platées75.
Les interventions de Cléomène à Égine Si Cléomène est mort sans avoir eu l’occasion de combattre directement les Perses lors des guerres médiques, il a pu être conscient de l’intérêt menaçant de l’Empire perse pour la Grèce balkanique. Selon Hérodote76, des hérauts perses se seraient rendus en Grèce pour demander « la terre et l’eau » en 491. Il s’agis‑ sait pour Darius d’obtenir une reconnaissance symbolique de sa suzeraineté. Déjà, vers 507, des Athéniens qui s’étaient rendus à Sardes auprès de son gouverneur perse, et qui souhaitaient obtenir l’alliance des Perses pour se prémunir contre les Lacédémoniens, avaient accepté une demande semblable. Mais une fois rentrés à Athènes ils avaient essuyé de sévères mises en accusation77. On peut en déduire que l’accord n’avait finalement pas été accepté par les Athéniens. En 491, d’après Hérodote78, des hérauts de Darius auraient été mis à mort par les Athéniens comme par les Lacédémoniens. 117
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Sparte Mais les Éginètes, voisins et ennemis des Athéniens, accordèrent à Darius la terre et l’eau – comme tous les insulaires qui avaient été sollicités et beaucoup de peuples du continent selon Hérodote79. Aussitôt, dit le même auteur, les Athéniens, heureux d’avoir un prétexte à saisir, s’en prirent à eux vivement et allèrent à Sparte accuser les Éginètes de s’être conduits comme des traîtres envers la Grèce.
En soi, cette procédure montre clairement que Sparte était consi‑ dérée comme la garante suprême des intérêts de la Grèce, du point de vue des Athéniens. Et l’on constate qu’elle était fondée puisque, de fait, Cléomène intervint à Égine, à deux reprises selon Hérodote, qui donne de multiples précisions. Dans un premier temps, Cléomène se rendit à Égine pour arrêter les plus compromis de ses citoyens, mais la légalité de son inter‑ vention fut contestée par des Éginètes renseignés par Démarate, sans doute mécontent d’être tenu à l’écart des affaires80. L’Éginète Crios accusa Cléomène de s’être fait acheter par les Athéniens et d’agir sans l’aveu du koinon des Spartiates, sans décision de leur communauté, comme l’indiquait l’absence de l’autre roi. Visible‑ ment, les arguments n’étaient pas infondés81, puisque Cléomène retourna à Sparte, où il mena une action radicale : déjà en litige avec Démarate depuis le désaccord d’Éleusis en 50682, il le fit destituer pour raison d’illégitimité, en circonvenant la Pythie de Delphes, qui prononça que Démarate n’était pas fils d’Ariston, son prédécesseur comme roi eurypontide83. Cléomène s’était entendu avec un parent d’Ariston, Léotychidas (ou Leutychidès dans l’Ionien d’Hérodote), qui avait porté l’accusation et qui remplaça Démarate comme roi. En conséquence, Cléomène put retourner à Égine avec son – nou‑ veau – collègue. Hérodote déclare84 : Les Éginètes, quand ils virent venir contre eux les deux rois, ne jugèrent pas à propos de résister davantage ; et ceux-ci choisirent et emmenèrent dix citoyens d’Égine, des plus en vue par leur richesse et leur naissance, entre autres Crios […] : ils les emmenèrent en territoire attique et les remirent à la garde des pires ennemis d’Égine, les Athéniens.
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Visiblement, après avoir tenté de l’abattre une quinzaine d’années plus tôt, Cléomène a su admettre l’existence du régime athé‑ nien. La débauche de moyens mis en œuvre pour obtenir cette arrestation de notables éginètes – destitution d’un roi de Sparte, corruption de la Pythie – est révélatrice de l’importance accordée à l’affaire, qui peut s’expliquer par l’appartenance d’Égine à la Ligue du Péloponnèse – donc la nécessité de mater un début de trahison – et par la crainte qu’Égine ne fournisse un point d’appui aux Perses au cœur du golfe Saronique, entre l’Attique et le Pélo‑ ponnèse. S’il a parfois été supposé qu’Athènes aussi ait fait partie de l’alliance péloponnésienne, sans que cela soit assuré, c’est du moins au pouvoir de police de Sparte dans cette alliance que les Athéniens ont fait appel contre Égine. Sans être formellement alliés des Lacédémoniens, ils ont aussi pu être mus par la conscience d’intérêts communs face aux Perses, qui devait s’exprimer concrètement en 490.
L’action de Sparte au moment de la première guerre médique En représailles de l’intervention des Athéniens qui, en 498, avaient aidé les Ioniens d’Asie Mineure révoltés et avaient contribué à la mise à sac de Sardes, les Perses les attaquèrent en 490. Ils firent débarquer des troupes sur la côte orientale de l’Attique, à Mara‑ thon85. Neuf mille hoplites athéniens, renforcés de 1 000 hoplites venus de Platées, se présentèrent face à eux. L’affrontement ne se produisit pas avant le huitième jour de face-à-face. Selon Héro‑ dote, « du côté des Perses, environ six mille quatre cents hommes périrent, du côté des Athéniens, cent quatre-vingt-douze86 ». Avant de remporter cette victoire écrasante, les Athéniens avaient demandé du renfort à Sparte, en lui envoyant un coureur de fond, l’hémérodrome Phidippide (ou Philippide). Celui-ci revint en fai‑ sant savoir que les Lacédémoniens enverraient des troupes quand la lune serait pleine87 : il s’agissait pour eux d’attendre la fin de leur fête des Karneia88. Plus loin, à la suite du récit développé qu’il donne de la bataille, Hérodote précise89 :
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Sparte Deux mille Lacédémoniens arrivèrent à Athènes après la pleine lune ; ils avaient hâte d’arriver à temps, à tel point qu’ils furent en Attique le surlendemain de leur départ de Sparte. Arrivés trop tard pour la bataille, ils désiraient néanmoins voir les Mèdes [appel‑ lation fréquente des soldats perses] ; et ils allèrent à Marathon les contempler. Puis, ils félicitèrent les Athéniens de leur exploit, et s’en retournèrent.
Ainsi apparaît-il que les Lacédémoniens étaient prêts à épauler les Athéniens contre les Perses, même si leur arrivée tardive ne leur a pas permis de s’illustrer. Les Athéniens, en revanche, ne cessèrent d’exalter leur victoire tout au long de l’époque classique, et même au-delà. Ils sont cependant demeurés conscients du fait que leur phalange restait inférieure à celle de Sparte. On ignore si Cléomène fit, ou non, partie des troupes envoyées en Attique. Car, à un moment qui est quelque peu incertain, ses coupables manœuvres contre Démarate furent connues et la Pythie Perialla fut destituée90. Cléomène lui-même s’enfuit en Thessalie, d’où il se rendit en Arcadie, « où il chercha à provo‑ quer des troubles, en coalisant les Arcadiens contre Sparte ». En particulier, fidèle aux usages de Sparte qui consistaient à prendre en compte principalement les élites sociales et politiques d’une cité pour établir des rapports avec elle, pour la frapper (comme Égine) ou pour s’allier avec elle, il chercha à faire jurer fidélité à sa personne par les plus importants des Arcadiens, dans un serment redoutable prêté par l’eau du Styx91. Effrayés par ces manœuvres, les Lacédémoniens rappelèrent Cléomène, nous dit Hérodote, pour qu’il eût à Sparte la même autorité qu’auparavant. Peu après, vers 488, il se serait suicidé en se dépeçant lui-même le corps92. Globalement, le règne de Cléomène a vu l’affirmation de la puissance et du prestige militaire de Sparte, qui a notamment écrasé sa rivale argienne du fait d’une action attribuée au roi. Mais la part exacte de celui-ci dans les prises de décision concernant les actes de politique extérieure auxquels il a été mêlé n’est pas toujours très nette, et les sources ne permettent pas clairement de discerner le poids de ses initiatives, par exemple dans l’amé‑ lioration des rapports entre Sparte et Athènes entre 506 à 491. Il est clair, cependant, qu’à partir de 506 il a dû, comme roi et 120
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Le rayonnement politique de Sparte au
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chef de guerre, disposer d’une liberté d’action importante sur le champ de bataille. Il est possible que si les Lacédémoniens rappelèrent Cléomène malgré sa compromission dans la corruption d’une Pythie, cela ait été dû au fait qu’ils ne souhaitaient pas voir les Arcadiens – avec qui Cléomène complotait – se joindre à des Messéniens révol‑ tés. L’expression étrange de « révolte de Marathon » qu’utilisent parfois les historiens renvoie en effet à l’existence d’une révolte d’Hilotes qui, à en croire Platon93, se serait produite au moment de la bataille de Marathon, et qui aurait expliqué le retard des Lacédémoniens à intervenir aux côtés des Athéniens. Cependant, Platon lui-même ne semble pas certain d’une telle explication. En fait, de tels troubles pourraient s’inscrire dans des hostilités qui ont été presque continuelles entre Sparte et la Messénie des environs de 520 aux environs de 460, juge Jean Ducat94. Strabon mentionne95 une troisième guerre de Messénie qui pourrait cor‑ respondre à ces événements96. Cette guerre se serait terminée vers 488 par le départ des meneurs vers la Sicile, vers Zanklè, qui fut renommée Messène – et qui de nos jours est Messine97.
Une muraille d’hommes Ainsi la puissance de Sparte semble-t‑elle s’être affermie au cours du vie siècle, jusqu’au-delà même de la première guerre médique, qui ne l’a guère concernée. Le développement, autour d’elle et par elle, d’un système d’alliances péloponnésien a donné à la cité un poids de plus en plus affirmé dans le monde grec. L’écrasement d’Argos en 494 a, pour un temps, fait disparaître une concurrente, et l’appel lancé par Athènes en 490, qui rappelait les appels antérieurs d’un Samien, Maiandrios, en 516 et d’un Milé‑ sien, Aristagoras, en 499, soulignait le prestige militaire de la cité. Que seul l’appel à l’aide des Athéniens ait été suivi d’effet montre aussi combien les Lacédémoniens étaient conscients de leurs propres limites : tout en renforçant leur emprise sur l’espace péloponnésien proche de leur territoire, et en assurant leur rayon‑ nement à proximité de cet espace, ils semblent avoir renoncé aux 121
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Sparte entreprises lointaines, ainsi qu’en témoignent les échecs de Dôrieus en Libye puis en Sicile – imputables à la faiblesse du soutien dont il a bénéficié – à la fin du vie siècle. Dans le même temps, les Lacédémoniens, forts de la construc‑ tion politique à laquelle ils avaient procédé, s’obligeaient à vivre continuellement sous tension, en s’entraînant à la guerre. Sparte illustre de ce fait au mieux la validité d’un principe souvent affirmé dans les textes archaïques et classiques, selon lequel une cité ce sont des hommes bien plus que des murs98. Mais les Spartiates, en se fiant pleinement à ce principe, ne se conforment pas aux usages qu’adoptent beaucoup des autres Grecs, généralement moins sûrs d’eux-mêmes, et qui préfèrent souvent confier leur salut à des murailles.
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence fallacieusement égalitaire
L
e degré de précision atteint par nos connaissances sur l’époque classique (ve-ive siècle) de l’histoire de Sparte est sans équi‑ valent pour les autres périodes. Il s’agit du temps d’Héro‑ dote, de Thucydide, de Xénophon, historiens dont on sait qu’ils ont consacré une attention importante à Sparte, en raison notamment de la place que la cité a tenue dans les relations internationales1. On pourra ajouter que, ayant vécu au ive siècle, les philosophes Platon et Aristote ont aussi fourni de nombreux éléments d’information sur les pratiques politiques et sociales de la Sparte de leur temps, qui ont contribué à alimenter leur réflexion (c’est notamment le cas du second de ces auteurs, le Stagirite, qui analyse d’un œil critique les usages de cette cité au livre II de la Politique). La multiplicité des textes développés de l’époque classique qui portent sur cette période même a pour conséquence que c’est ce temps de l’histoire de Sparte qui, souvent, est privilégié dans l’historiographie moderne, et les analyses relativement précises que l’on peut proposer sont largement enrichies par la prise en compte de données portant sur l’époque archaïque comme par des indications dues à des auteurs postérieurs, notamment à Plu‑ tarque, auteur du iie siècle de notre ère qui a pu avoir accès à une documentation désormais perdue : ce savant peut ainsi se targuer d’avoir dépouillé les archives de Lacédémone et d’y avoir, par exemple, découvert « que la femme d’Agésilas [Agésilas II, le roi du début du ive siècle av. J.-C.] s’appelait Cléora et ses filles 123
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Sparte Eupôlia et Proauga [ou Prolyta, le texte du manuscrit n’étant pas sûr]2 ». La documentation dont on dispose permet ainsi de dresser un tableau assez riche de la vie et de l’action des Spartiates des temps qui sont dits « classiques », et l’on pourrait être tenté de suivre le plan d’exposition adopté par Xénophon dans la République des Lacédémoniens, en considération du fait que son œuvre, datable des environs de 378‑376 av. J.-C.3, constitue une source d’une qualité exceptionnelle4 grâce à sa connaissance intime de Sparte. Voici le plan de la République des Lacédémoniens de Xénophon selon l’analyse de P. Chambry5. I) L a grandeur de Sparte est due à la constitution de Lycurgue. Comment il a réglementé les mariages pour avoir des enfants vigoureux. II) Éducation des enfants : ils sont sous la surveillance du pédonome, ils marchent pieds nus, n’ont qu’un vêtement pour toute l’année ; ils volent pour satisfaire leur appétit. L’amour des garçons reste chaste chez les Spartiates. III) Éducation des adolescents. IV) L’émulation chez les hommes faits. V) Les syskènia ou repas en commun. VI) Demi-communisme des Spartiates : ils commandent aux enfants des autres, et se servent des esclaves, des chiens de chasse, des chevaux et des vivres les uns des autres. VII) Toute profession lucrative est interdite ; l’usage de l’or et de l’argent est prohibé. VIII) Les Spartiates obéissent aux magistrats, et les magistrats sont soumis à l’autorité des éphores. La législation de Lycurgue a été sanctionnée par Apollon Delphien. IX) Infamie attachée à la lâcheté. X) En décidant que les sénateurs (les gérontes) seraient pris parmi les vieillards, Lycurgue a encouragé la vieillesse à la vertu. Il a fait à tous les citoyens une obligation de pratiquer toutes les vertus civiles. XI) Organisation de l’armée lacédémonienne : le service, l’uniforme, les divisions de l’armée, la tactique. XII) De la castramétation et de la vie au camp. XIII) Attributions du roi, quand il est en campagne. 124
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… XIV) L es Lacédémoniens ont dégénéré parce qu’ils n’observent plus les lois de Lycurgue. XV) Des rapports des rois de Sparte avec la république. Le plan suivi par Xénophon l’amène à considérer le fonction‑ nement de Sparte du point de vue d’un ressortissant de la cité : après que ses parents l’ont conçu, celui-ci commence par être éduqué, par prendre conscience de l’importance des usages collec‑ tifs en voyant fonctionner la société ; devenu adulte, il participe à l’action politique dans un ensemble institutionnel bien défini et dans un cadre idéologique clairement déterminé par l’obligation de servir la collectivité ; l’expression de cette discipline dans le monde extérieur à Sparte revêt un caractère militaire. Finalement, Xéno‑ phon reconnaît que l’idéal n’est pas véritablement mis en œuvre, mais il veut croire que la fonction royale – que son ami Agésilas exerce très probablement au moment où l’œuvre est rédigée – est épargnée par cette insuffisance. Suivre un cheminement analogue à celui de Xénophon obéirait à une logique certaine, mais il demeure que tout n’est pas traité par lui. Des domaines qui ressortissent à la vie quotidienne et n’ont pas spécialement attiré son attention, mais dont l’historiographie moderne relève la spécificité et sur lesquels elle éprouve le besoin d’apporter des éclaircissements, comme l’économie et la religion, ne sont guère évoqués qu’en passant par lui, alors qu’à nos yeux une présentation d’ensemble ne saurait les négliger. Une analyse des ressorts de la cité de Sparte à l’époque classique peut donc emprunter une autre voie que celle de Xénophon, et l’on pourra choisir de présenter d’abord un domaine, celui de la vie économique et sociale, qui comprend bien des préoccupa‑ tions guidant l’action des Spartiates ; ensuite, on pourra choisir de considérer les spécificités des pratiques éducatives dont la finalité est de fournir à la cité, en corps, des individus qui lui soient pleinement dévoués et dont l’action soit efficace, dans un cadre politique bien défini. Mais les Spartiates ont aussi une conscience très nette, sans doute progressivement inculquée par les usages, du rôle décisif des dieux – qui sont censés protéger Sparte – et des pratiques cultuelles qu’il convient de respecter. Une telle connaissance est certainement conçue de façon à assurer l’efficience de l’action dans le domaine où s’exprime pleinement la valeur des citoyens : la guerre, activité 125
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Sparte sur laquelle nos sources sont particulièrement loquaces et qui fonde l’évolution de l’action extérieure de Sparte, finalement décisive pour l’évolution des équilibres internes de la cité. Un tel cheminement nous permettra d’essayer de ne pas être happés par le mythe de Sparte, auquel a longtemps été attachée l’idée selon laquelle les Spartiates auraient été homoioi, « sem‑ blables » les uns aux autres. Le terme même apparaît dans les sources textuelles pour désigner les citoyens de plein exercice6 et explique en partie l’admiration cultivée, dans des temps ultérieurs, par des utopistes comme les membres de la conjuration des Égaux, animée par Babeuf, en 1796. En fait, il convient d’avoir à l’esprit que, dans un territoire qui offrait des ressources non négligeables, la similitude (homoiotès) prétendue entre citoyens d’une part les opposait à des inférieurs asservis, comme les Hilotes, ou à des hommes libres mais politi‑ quement dépendants, comme les périèques et, d’autre part, relevait d’un jeu sur les apparences entre détenteurs de la plénitude des droits politiques. Car si la mise en valeur du territoire dépendant de Sparte a assuré la prospérité globale de la communauté des Lacédémoniens, il semble bien que la cité n’ait pas ignoré une différenciation sociale fondée sur la fortune, des critères autres que celle-ci permettant d’ailleurs certaines mobilités sociales.
Les ressources du territoire La prospérité matérielle de la Laconie – et de la Messénie, que Sparte contrôle du début du viie siècle jusqu’en 369 – est fonda‑ mentalement assurée par la mise en valeur des ressources naturelles7. L’exploration moderne de la Laconie a montré que le sous-sol de la région n’était pas dépourvu de ressources, notamment en plomb, en fer et en marbre. Des dizaines de milliers de figurines de plomb ont été trouvées au sanctuaire d’Orthia8, et Xénophon mentionne l’existence à Sparte d’un marché au fer qui semble avoir été fort actif vers 4009. En surface, le territoire devait procurer diverses essences d’arbres semblables à celles actuellement présentes, notamment des variétés 126
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… de chênes et de pins ; les aunes et les tilleuls les plus méridionaux d’Europe se trouvent actuellement en Laconie – comme certains des plus considérables platanes ; outre le noyer, l’olivier – qui fournit en Messénie des fruits très appréciés de nos jours – doit être de culture ancienne même si, peut-être à cause d’un hiver particu‑ lièrement rigoureux que l’on ne saurait dater précisément, on ne connaît guère, aujourd’hui, de spécimen de moins de deux cents ans ; quant au châtaignier, il a dû être introduit après l’Antiquité. Les chaînes montagneuses du Parnon et du Taygète étaient natu‑ rellement les espaces où pouvaient se développer des forêts, mais il est possible que celles de l’Antiquité aient été moins importantes que celles de l’époque contemporaine. Ces espaces forestiers, qui fournissaient le bois nécessaire à la construction de navires, pou‑ vaient servir à l’élevage de porcins et ils permettaient de pratiquer la chasse. Le territoire comprenait d’ailleurs une grande variété de biotopes, qu’il s’agît des espaces côtiers où la pratique de la pêche était aisée et qui fournissaient de la pourpre (à Cythère en particu‑ lier) et des éponges (au cap Malée), ou des plaines où pouvaient se déployer des exploitations agricoles. Ces plaines – notamment celle de l’Eurotas, mais aussi celle du Pamisos en Messénie – et les collines voisines permettaient l’élevage de bovins, d’ovins et de caprins et procuraient des récoltes dont Plutarque mentionne la nature : les lopins de terre fournissaient de l’orge ainsi que d’autres productions qu’il appelle hygroi karpoi, probablement des fruits tels que les olives et les raisins10. Les communautés rurales, dont les habitants assuraient la mise en valeur du territoire, étaient plus ou moins peuplées. Les moins petites pouvaient sans doute compter des spécialistes, tels des forgerons, mais c’est vraisemblablement surtout à Sparte que l’on pouvait se fournir en productions non agricoles, au prix d’un certain nombre d’heures de marche. On devait pouvoir s’y procurer non seulement des outils en métal, mais aussi des vases, des tuiles ; on devait également pouvoir y échanger des surplus agricoles11. Des agglomérations secondaires, comme Geronthrai ou Gytheion, devaient aussi servir d’espaces d’échanges. Peut-être que certains spécialistes proposaient leurs services en se rendant de lieu en lieu, pour fabriquer des objets de terre cuite à proximité des endroits où le besoin s’en faisait sentir. 127
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Sparte Globalement, l’absence presque totale d’importations d’époque archaïque et d’époque classique parmi les découvertes de céra‑ mique effectuées sur les sites établis à l’écart des côtes montre une faiblesse marquée des échanges. Lacédémone semble ainsi avoir assez largement vécu en autarcie12.
Les producteurs : le rôle des Hilotes Les Spartiates ne devaient pas produire par eux-mêmes, si l’on en juge par des indications que fournit notamment Xénophon13 : Dans les autres cités, on le sait, tous s’efforcent de gagner le plus d’argent possible ; l’un est agriculteur, un autre armateur, un autre commerçant, d’autres sont nourris par des métiers. Mais à Sparte Lycurgue a interdit aux hommes libres de s’attacher à aucune occupa‑ tion lucrative, et leur a prescrit de ne considérer comme des travaux convenables pour eux que ceux auxquels les cités doivent leur liberté.
De telles précisions corroborent des éléments apportés par Héro‑ dote, selon qui la spécialisation des activités par catégorie sociale aurait été importée d’Égypte en Laconie, ce qu’Isocrate confirme, vers 390‑38514. Un tel usage est généralement commenté à la lumière d’une indication d’Aristote concernant Thèbes et indiquant que, dans cette cité, peuvent participer au gouvernement « ceux qui ont cessé depuis un temps déterminé leur activité d’artisan15 ». En conséquence de ces données, on admet que les citoyens de Sparte pouvaient subvenir à leurs besoins grâce au versement de nourriture que les Hilotes leur remettaient. Selon Plutarque16, la grandeur de chaque lot [de terre, auquel étaient censément attachés des Hilotes] était calculée de façon à rapporter soixante-dix médimnes d’orge [soit 5 200 litres environ] pour l’homme et douze pour la femme [soit à peu près 900 litres], avec des fruits en proportion.
On considère que de tels revenus permettaient à une maisonnée d’une douzaine de personnes de subvenir à ses besoins pendant un an, et aux citoyens qui en faisaient partie de pourvoir aux besoins des repas collectifs. Plutarque indique17 que les citoyens 128
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… y apportaient de l’orge (sans doute sous forme de farine destinée à être transformée en pain ou en galette), du vin, du fromage, des figues ; ils appréciaient particulièrement le brouet noir (le melas zômos18), un ragoût de porc. Des suppléments occasionnels pouvaient être fournis par la pêche ou la chasse. Les sources ne mentionnent pas le fait que les périèques aient contribué à nourrir les Spartiates, et ceux-ci ne devaient donc être alimentés que par les productions des espaces mis en valeur par les Hilotes, qui pouvaient ne couvrir qu’une partie du territoire lacédémonien, à savoir la plaine de Laconie entre le Parnon et le Taygète, principalement sur la rive droite de l’Eurotas, et les espaces bien drainés situés à l’est de Messène19. A
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Les espaces mis en valeur par les Hilotes pour les Spartiates et les territoires des périèques
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Sparte Si, de plus, on admet la logique globale du propos de Plu‑ tarque qui indique qu’une quantité limitée de nourriture devait être livrée par les Hilotes aux maîtres dont ils dépendaient, on pourrait avoir l’impression paradoxale que les maîtres auraient été confinés à une honnête médiocrité tandis que les Hilotes, en multipliant les efforts, auraient pu s’enrichir20. Jean Ducat propose de considérer que l’apophora, la redevance versée par un Hilote au citoyen maître d’un domaine, soit vue « comme une rente vivrière pesant sur chaque parcelle et calculée de façon à rapporter au maître autant qu’il est possible ». Mais il admet aussi que la condition des Hilotes semble avoir été globalement plus favorable que celle de nombreux esclaves-marchandises du monde grec21. Certes, les esclaves qu’étaient les Hilotes pouvaient être sans cesse rappelés à l’infériorité de leur condition, et il est vraisemblable que, par exemple, le port d’une diphthéra, un vêtement en cuir animal, leur était imposé22, tandis que les citoyens dits homoioi portaient des vêtements d’apparence moins médiocre – des vête‑ ments que fabriquaient certainement des femmes de statut servile, ou périèque, puisque, selon Platon, les femmes spartiates étaient « dispensées du travail de la laine23 ». Mais les Hilotes bénéficiaient d’une certaine stabilité en ce que, dans le cadre d’une sorte de « contrat de servitude », ils étaient sûrs de ne pouvoir être v endus hors de la région où ils étaient nés. De plus, l’apparence des uns comme des autres ne reflétait pas nécessairement la réalité de leur fortune.
Une apparence d’égalité entre les citoyens : vêtements et repas en commun Le souci de stabilité s’exprime par l’apparence même des citoyens, qui ne doivent pas se distinguer d’une manière qui reflète avec évidence leur fortune individuelle. On a déjà vu ce que Thucydide déclare24, à propos de l’époque archaïque : Dans l’usage d’un costume tout simple, à la manière actuelle, les Lacédémoniens […] furent les premiers ; et, d’une façon générale,
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… il s’établit chez eux entre la masse et les plus fortunés une égalité plus grande qu’ailleurs dans la façon de vivre [ils furent extrêmement isodiaitoi].
Il est ainsi net que l’historien athénien admet la réalité de pra‑ tiques visant à assurer l’égalité des apparences entre les ressortissants de Sparte. Le trait est admis encore près de trois quarts de siècle plus tard par Aristote, pour qui « les riches portent des vêtements tels que pourrait s’en procurer aussi n’importe quel pauvre25 ». Mais il est patent que cette apparence ne reflète pas la réalité des fortunes entre les hommes, puisque – de la même manière qu’Aristote – Thucydide peut mentionner une opposition « entre la masse (les polloi) et les plus fortunés » (plus précisément et très concrètement « ceux qui ont acquis le plus »). Présentant l’égalité des commensaux d’un même repas, dans un passage qui peut presque paraître être un commentaire de la caractérisation formulée par Thucydide, Xénophon explique ceci dans la République des Lacédémoniens26 : Comment il [Lycurgue] a organisé le régime (diaita) de tous les citoyens pris dans leur ensemble, je vais maintenant m’efforcer de l’exposer. […] [Lycurgue] a fixé une quantité de nourriture qui ne fût ni excessive ni trop restreinte.
Comme Thucydide, Xénophon met donc l’accent sur la façon dont, dans un régime égalitaire (qu’évoque le mot diaita), les Spartiates doivent agir de façon modérée dans le cadre même de repas pris en commun, dont la pratique a pu s’établir à la fin de l’époque archaïque (d’où le renvoi à Lycurgue). Aristote, dans le passage que l’on vient d’évoquer, signale aussi27 que « pour la nourriture, les mêmes règles s’appliquent à tous dans les repas en commun (les syssitia) ». Ces groupes de banqueteurs, liés à l’organisation de l’armée, ont pu être appelés de diverses manières28 : le terme « philities » (philitia) – qu’emploie Xénophon29 – serait porteur d’une conno‑ tation d’amitié, celui de « phidities » renverrait à une idée de frugalité, le vocable « andries » soulignerait la masculinité des participants, tandis que le mot le plus fréquemment utilisé dans la 131
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Sparte littérature moderne, « syssities », comporte une valeur descriptive renvoyant à l’idée d’un partage de nourriture. D’après Plutarque, ces groupes auraient compté, chacun, une quinzaine de membres, et il n’aurait été possible d’y entrer qu’à la suite d’une cooptation unanime30, compte tenu de ce que tous les âges des adultes se trouvaient représentés. Mais leur fonction‑ nement pratique n’aurait pas nécessairement permis une mise en œuvre parfaite du principe d’organisation égalitaire censé prévaloir, si l’on en croit un passage critique d’Aristote31 : Sont mauvaises aussi les mesures relatives aux repas en commun appelés phidities, mesures prises par celui qui les établit d’abord. La réunion devrait en effet être à la charge du trésor commun comme en Crète, mais chez les Lacédémoniens chacun doit contribuer et, quelques-uns étant fort pauvres et ne pouvant faire cette dépense, il se produit le contraire de ce qu’avait recherché le législateur. Il veut que l’organisation des repas en commun soit démocratique, tandis que ce qui a été décidé se montre le moins démocratique, et il n’est pas facile en effet à ceux qui sont trop pauvres d’y participer, or c’est une règle traditionnelle de la constitution que celui qui ne peut supporter cette dépense n’y participe pas.
Aristote dénonce ici une situation qui crée des tensions entre citoyens. Visiblement, certains sont appauvris – peut-être parce qu’ils sont les fils ou les petits-fils de citoyens ayant eu de nom‑ breux enfants entre lesquels des biens hérités ont été partagés – et ils peuvent se retrouver exclus, de fait, des repas en commun. Au reste, un demi-siècle plus tôt déjà, Xénophon laissait entendre32 que, dans la vie quotidienne d’un syssition, certains de ses membres pouvaient recourir à des pratiques visant à les distinguer, par l’accomplissement manifeste de prouesses cynégé‑ tiques attestées par l’apport de gibier procuré par les chasseurs, mais aussi par la fourniture de farine de froment, plus estimée que la farine d’orge et issue d’une exploitation des terres qui ne visait pas simplement à la survie, le rendement du blé étant infé‑ rieur à celui de l’orge : apporter du froment était donc un signe manifeste d’aisance. En conséquence des pratiques ainsi attestées, les citoyens appau‑ vris se trouvent, dans le cadre même du syssition, gênés pour apporter leur écot et plus ou moins visiblement placés en situation 132
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… d’infériorité par rapport à des concitoyens plus aisés ; finalement, s’ils doivent renoncer à participer, ils abandonnent également l’exer‑ cice de leurs droits civiques. Cette situation, certes, peut être le fruit d’une évolution et caractériser le temps de la rédaction du passage d’Aristote, vers 330‑322 av. J.-C., mais il semble bien que, durant toute la période historique, des disparités de fortune aient existé entre Spartiates, et que ces disparités aient pu tendre à s’accroître. Les indications fournies par les auteurs anciens qui attestent l’existence de différences de fortune entre habitants de Sparte sont assez nombreuses33. Elles tiennent pour partie à la présence des rois, qui concentrent dans leurs mains des richesses importantes. Mais elles sont sans doute également liées à l’existence d’une élite sociale.
La richesse des Lacédémoniens et de leurs rois selon Platon Dans un texte qui pourrait dater des environs de 399‑390, s’il est vraiment de Platon, et qui de toute manière doit être du e iv siècle avant notre ère, on lit un passage où se trouve affirmé le fait que les rois des Lacédémoniens disposent d’une richesse particulièrement importante, notamment en terres34 : Considère donc les fortunes des Lacédémoniens et tu t’apercevras combien celles d’ici sont moindres. Personne chez nous [en Attique] ne pourrait comparer ses propriétés aux terres qu’ils possèdent chez eux [en Laconie] ou en Messénie, ni pour l’étendue, ni pour la qualité, sans parler de leurs esclaves, notamment des Hilotes, et des chevaux, et de tout le bétail qu’ils élèvent sur le territoire messénien. Et puis, pour laisser tout cela de côté, ce qu’il y a d’or et d’argent chez tous les Grecs ensemble n’égale pas ce qu’en possèdent les particuliers à Lacédémone ; car, depuis plusieurs générations, il en arrive chez eux de tous les pays grecs, souvent aussi de chez les Barbares, et il n’en sort jamais : c’est le cas de rappeler ce que le renard dit au lion dans la fable d’Ésope : les traces de l’argent qui entre à Lacédémone, celles qui vont vers leur ville, sont bien visibles, mais nul ne pourrait découvrir celles de l’argent qui en sortirait ; ainsi, l’on ne peut douter que les gens de là-bas ne soient les plus
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Sparte riches des Grecs en or et en argent, et, parmi eux, leur roi. Car sur ce qui entre chez eux, les plus gros prélèvements et les plus fréquents sont au profit des rois, et, en outre, il y a le tribut royal (ho basilikos phoros) que lui paient les Lacédémoniens et qui est considérable. Ces richesses des Lacédémoniens sont donc grandes relativement à celles des Grecs, mais comparées à celles des Perses et de leurs rois, ce n’est rien.
Ainsi Platon ou le Pseudo-Platon affirme-t‑il la richesse considé‑ rable, à l’échelle commune des Grecs, des rois des Lacédémoniens, comme celle des Lacédémoniens par rapport à la fortune des autres Grecs. La richesse des rois aurait des bases notamment foncières, tandis que celle des habitants de Lacédémone serait fondée sur des flux de métaux précieux : à lire le texte, on pourrait pen‑ ser que leur raison d’être serait de payer des productions qu’ils exporteraient comme, certainement, des services militaires rendus hors de Laconie. La mention particulière d’un « tribut royal » doit ici désigner un versement effectué par les périèques sous quelque forme de richesse : Edmond Lévy a pu relever35 que, du fait de la conno‑ tation très péjorative qu’avait prise le terme phoros, employé ici alors qu’il avait désigné le tribut marquant l’asservissement des alliés d’Athènes dans la Ligue de Délos (477‑404), ce mot ne doit pas pouvoir désigner un versement effectué par les citoyens de Sparte. Le phoros ici mentionné devrait être distingué des contri‑ butions (eisphorai) que, selon Aristote, les Spartiates répugnaient à payer36. La fortune des rois des Lacédémoniens aurait donc été fondée sur un prélèvement effectué sur les périèques, de telle sorte que les rois auraient pu thésauriser des biens37. Mais une certaine variété aurait caractérisé la situation – notamment matérielle – des citoyens de Sparte.
Les élites et leurs manifestations de puissance L’existence d’élites à Sparte paraît attestée au début du ve siècle par un passage d’Hérodote38 mentionnant « Sperthias fils d’Ané‑ 134
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… ristos et Boulis fils de Nicolaos, Spartiates de bonne naissance et des plus fortunés ». Les personnages en question paraissent d’abord remarquables par leur extraction sociale : s’ils sont dits « bien nés », cela pourrait s’expliquer notamment par une parenté avec les rois39. Car la conscience d’une plus ou moins grande proximité de sang avec les familles des Agiades et des Eurypontides a pu entretenir chez certains Spartiates le sentiment d’appartenir à un groupe social particulièrement élevé. Le recrutement de la gérousie ne devait pas seulement être guidé par l’appréciation de la valeur intrinsèque des candidats mais aussi par leur appartenance familiale, si l’on en juge par la remarque d’Hérodote signalant40 que certains gérontes touchent aux rois de plus près que les autres. Ajoutons qu’Hétoimaridas, géronte en 477‑475, était un Héraclide, d’après Diodore de Sicile41. Mais c’est aussi leur richesse qui distingue Sperthias et Bou‑ lis. Cette richesse relative est un fait qui suppose une inégalité entre homoioi42. Parmi les gens aisés on peut classer « le Spartiate Lichas [qui] devint célèbre chez les Grecs uniquement parce qu’il donnait à dîner aux étrangers pendant les Gymnopédies », selon Plutarque43, qui rapproche son cas de celui du riche Athénien Cimon. Lichas était fils d’Arcésilas, vainqueur à la course de chars à Olympie sans doute en 448 et en 44444. Comme son père, il concourut à Olympie mais, vainqueur, il fut disqualifié parce que les Spartiates avaient été exclus des sacrifices et des concours de 42045 ; le même Lichas était proxène des Argiens46, et il devait donc prendre à sa charge la réception des Argiens venus en mis‑ sion officielle à Sparte. De ces deux personnages peuvent être rapprochés, du fait de leur situation sociale probable, Damonon et son fils Enymakrati‑ das, vainqueurs dans de nombreux concours hippiques laconiens47. Les succès de ces deux hommes sont connus par une inscription trouvée en deux fragments, conservés au musée de Sparte. Le haut de la stèle est orné de la représentation d’un quadrige en pleine course et le texte semble avoir été gravé « vers 395 au plus tôt », selon J. Ducat48. Les victoires ont été remportées dans des concours célébrés en Laconie, et parfois aux marges de la Laconie (à Thyréa, à Hélos, à Thouria dans l’est de la Messénie), dans des courses de chars (43 victoires au moins sont mentionnées) et lors de courses 135
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Sparte de chevaux (21 succès sont répertoriés). C’est peut-être en un temps durant lequel les Spartiates ne pouvaient que relativement peu parti‑ ciper à de grands concours extérieurs à Lacédémone, aux environs de 404‑39649, que, sur une période d’au moins onze ans, Damo‑ non a remporté toutes ses victoires, seules trois courses de chevaux men‑ tionnées ayant été rem‑ portées par son fils. Les mêmes hommes ont été vainqueurs à des épreuves de course à pied (stade, double stade et course longue) : Damonon avait remporté de tels succès dans sa jeunesse, alors qu’Enymakratidas en a remporté comme homme fait. Les concours qui ont permis de tels succès ont été notamment ceux célébrés pour Poséidon Gaiaochos [Qui tient Partie supérieure de l’inscription la terre], pour Athéna, de Damonon. pour Déméter Éleusinienne (dont le sanctuaire est à l’ouest de Sparte et au pied du Taygète). Damonon a remporté trois séries de quatre victoires à la course de chars durant ces trois concours. De tels succès impliquent sans doute que Damonon et son fils aient consacré des moyens importants à l’hippotrophie (l’éle‑ vage et le dressage des chevaux de course) ; il faut aussi qu’ils aient disposé du temps nécessaire pour pratiquer des activités équestres, et comme Enymakratidas ne se voit attribuer aucune 136
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… victoire à la course de char, il semblerait que son père se soit réservé cette activité tant qu’il pouvait la pratiquer. C’est au terme de sa capacité à conduire un char que l’inscription aurait été gravée. Des pratiques d’une telle nature montrent l’existence d’une élite sociale, dont les membres jouent des valeurs de compétition admises dans les activités équestres et athlétiques50 préparant à la guerre pour se distinguer individuellement du reste du corps social. Le fait que Damonon se targue d’avoir lui-même conduit son char souligne le caractère personnel de ses exploits (qui n’ont pas été permis par un aurige servant un maître) et pourrait expliquer pourquoi on ne possède pas d’autres attestations d’inscriptions célébrant des victoires hippiques qui aient été consacrées sur l’acropole de Sparte51. Mais le fait que le père et le fils soient ainsi étroitement associés montre aussi le souci d’affirmer le caractère héréditaire de certaines qualités. Le cas de Damonon n’est d’ailleurs pas unique puisque onze Lacédémoniens propriétaires d’attelages vainqueurs à Olympie – donc dans des compétitions panhelléniques, eux – sont connus entre 550 et 371. Parmi eux figurent certes un roi, Démarate, et une fille de roi, Kyniska, mais aussi neuf autres personnages devant appartenir à ce qui serait bien une aristocratie. À cet égard, Stephen Hodkinson a pu souligner52 la proximité entre l’évolution de Sparte, à partir du milieu du ve siècle, et le passage, selon Platon, de la cité timocratique à la cité oligarchique53, évolution caractérisée par l’importance accrue de la richesse au détriment de la vertu. Mais les Spartiates eux-mêmes ont pu être conscients de la façon dont certains jouaient avec les valeurs en vigueur d’une façon qui pouvait paraître les contester, et le fait qu’un débat ait existé à Sparte transparaît sans doute dans l’attitude d’Agésilas II à l’égard de sa sœur Kyniska, que mentionne Xénophon54 : N’est-ce pas aussi une belle et noble chose que son goût [celui d’Agésilas] pour des occupations qui conviennent à un héros et pour les animaux dont il peupla sa maison, où il élevait quantité de chiens de chasse et de chevaux de guerre ? C’en est une aussi d’avoir per‑ suadé à Kyniska, sa sœur, d’élever des chevaux d’attelage et de lui avoir montré, quand elle eut remporté la victoire, que l’entretien d’une écurie annonçait, non pas le courage (l’andragathia), mais
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Sparte l’opulence. Ce qui prouve encore avec évidence la grandeur de ses sentiments, c’est la conviction où il était qu’une victoire remportée sur des particuliers dans une course de chars n’ajouterait rien à sa renommée, que si, au contraire, il tenait le premier rang dans l’affec‑ tion de son peuple, s’il gagnait par toute la terre les amis les plus nombreux et les meilleurs, s’il dépassait tous les autres en faisant du bien à sa patrie et à ses compagnons et en tirant vengeance de ses ennemis, c’est vraiment alors qu’il remporterait le prix dans les luttes les plus glorieuses et les plus magnifiques et jouirait de la plus haute renommée de son vivant et après sa mort.
Le discours que Xénophon prête à Agésilas viserait à faire consi‑ dérer que les succès de Kyniska – riche parce qu’elle est fille de roi, et victorieuse en 396 et en 392 – prouvent que même la gloire olympique peut s’acheter. Son attitude peut dénoncer le caractère illusoire du succès remporté par Démarate – un pseudoEurypontide destitué pour illégitimité, dont Agésilas, lui-même Eurypontide incontesté55, se détacherait. Surtout, Agésilas semble viser à souligner l’importance des véritables valeurs, celles attachées à l’affirmation de la position de Sparte dans le monde – donc au succès des armes qu’évoquent la mention du courage (l’andragathia) et celle de la vengeance remportée sur les ennemis. Une telle position ne pourrait s’atteindre que par une orientation systéma‑ tique des activités, vers la chasse menée avec des chiens et per‑ mettant de s’entraîner au combat, voire vers les chevaux de guerre qui, accoutumés au fracas des armes, ne sont pas des chevaux de compétition. Qu’une femme – fût-elle sa propre sœur – ait pu, grâce à sa richesse, se distinguer à Olympie en faisant courir un attelage sous son nom manifestait combien, selon le commentaire de Plutarque56, « ce genre de victoire n’[était] nullement affaire de mérite, mais de richesse et de dépense ». Il demeure, cependant, que Kyniska a aussi pu, en concourant à Olympie, marquer son attachement à la philotimia, l’amour de la gloire, une des valeurs les mieux admises à Sparte57. Il se serait donc agi de sa part de renforcer son prestige et son auto‑ rité en jouant des possibilités qui lui étaient offertes en tant que membre d’une famille royale et en tant que femme. Appartenant à une élite sociale, elle devait disposer de ce fait d’une puissance particulière.
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… La base d’un monument d’Olympie commé‑ morant la gloire de Kyniska. Victo‑ rieuse à la course du quadrige à Olympie sans doute en 396 et en 392, Kyniska a laissé deux monu‑ ments commémo‑ ratifs mentionnés par Pausanias. On voit ici une base en calcaire noir conservée à Olympie, qui porte sur sa face supérieure un texte qui proclame : « De Sparte sont rois mes pères et frères ; moi Kyniska, ayant vaincu par le char de mes coursiers rapides, j’ai dressé cette statue. Moi seule des femmes de toute la Grèce, je l’affirme, j’ai remporté cette couronne. » On pourrait relever que c’est après avoir indiqué le pouvoir royal d’hommes de sa famille que Kyniska dit s’être distinguée parmi les femmes de Grèce : on hésite entre voir là une affirmation de supériorité absolue ou l’idée que la victoire a été permise par une parentèle masculine de haut parage. La base circulaire (ou semi-circulaire) qui portait sur son côté vertical la signature du sculpteur Apelléas fils de Calliclès soutenait une statue de Kyniska plus grande que nature (on aperçoit les cupules taillées pour des orteils droits) ; en arrière devait se trouver un piédestal rectangulaire sur lequel étaient représentés l’attelage et l’aurige. Une telle mise en scène de la gloire de Kyniska a dû être coûteuse, et nécessiter des dépenses de peut-être trois talents d’argent.
Considérant le passage d’Hérodote mentionnant Sperthias et B oulis en particulier58, et la situation à Sparte en général, M. I. Finley estime59 « qu’il y avait des familles assez puissantes pour influencer les procédures de nomination en faveur de leurs propres membres […] : à l’intérieur du système se développait un élément d’aristocratie héréditaire, loin d’être fermée certes mais qui n’était cependant pas sans exercer une influence considérable. Et [Finley] ne doute pas que la richesse n’ait joué un rôle ici ». De fait, un épisode relativement peu équivoque est connu par Thucydide, qui mentionne les citoyens de Sparte qui avaient reçu la consigne de « ne rien faire de déshonorant60 » lorsqu’ils étaient 139
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Sparte assiégés par les Athéniens dans l’îlot de Sphactérie, en 425, et qui s’étaient rendus. Cette reddition constitua la plus grande surprise de la guerre du Péloponnèse, selon Thucydide61. Or après avoir été libérés des prisons athéniennes et être rentrés à Sparte en 421, ces hommes furent sanctionnés, en étant frappés de mesures d’atimie, de dégradation. Thucydide précise ceci62 : [Les Lacédémoniens] craignirent de les voir, à cause de leur mal‑ heur, s’attendre à un traitement de défaveur et, s’ils avaient tous leurs droits [s’ils étaient epitimoi], faire de l’agitation : par suite, alors qu’ils occupaient déjà certaines fonctions publiques, ils les privèrent de leurs droits [ils les rendirent atimoi], en leur donnant un statut qui ne leur laissait ni l’exercice des fonctions publiques ni la puissance d’acheter ni de vendre – tous droits qu’ils retrou‑ vèrent ultérieurement [ils redevinrent epitimoi, dotés de leur timè, leur dignité de citoyens].
Il aurait été paradoxal qu’après avoir eu pour grand souci, de 425 à 421, la libération des prisonniers, les Spartiates eussent assuré le retour à Sparte de ces hommes pour les sanctionner aussitôt d’une façon telle qu’ils fussent retranchés du corps civique. La logique même selon laquelle un homme qui s’est rendu n’a plus de valeur n’a très visiblement pas primé. Or Thucydide précise63 que parmi les 292 Lacédémoniens capturés, 120 étaient des Spartiates, et plus loin il indique64 que ces Spartiates « étaient des hommes de premier rang (des prôtoi) et comptaient des parents qui étaient leurs semblables (leurs homoioi) » et qui, doit-on penser, étaient influents à Sparte, où ils devaient agir en faveur des leurs. De ce fait, il est tentant de considérer que si les personnages en question furent entièrement rétablis dans leurs droits après – sans doute pour le principe – en avoir été en partie privés65, c’est précisément parce que certains au moins étaient des prôtoi, des « premiers » de la cité. Un tel épisode montre clairement combien certains Spartiates devaient occuper dans leur cité une position particulièrement pré‑ éminente, qui leur permettait d’échapper à des sanctions trop graves. Et comme Thucydide précise que c’est à leur parenté que les prôtoi de Sphactérie durent de ne pas avoir été, finalement, très durement sanctionnés, il est clair que leur rang dépendait plus de leur appartenance familiale que de leurs qualités individuelles. 140
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… Malgré cela, et précisément parce que la guerre offrait des occa‑ sions de se mettre en valeur, la société de Lacédémone n’était pas figée.
Une société mobile D’après Aristote, « sous les premiers rois » les Spartiates accor‑ daient la citoyenneté à des étrangers pour combler les vides causés par les pertes à la guerre66, mais Hérodote signale pour sa part qu’anciennement (et ce pourrait être après le temps des premiers rois) les Spartiates avaient peu de commerce avec les étrangers67. Leur méfiance à l’égard des étrangers se manifestait même, à l’époque classique, par des expulsions d’étrangers, des mesures dites de xénélasie, qui revêtaient peut-être un caractère occasionnel et qu’évoque notamment Thucydide68. Une telle attitude avait pour conséquence que le renouvellement du corps civique ne pouvait reposer que sur la descendance des citoyens – mais cette voie s’est avérée insuffisante – ou sur l’intégration au corps civique d’habitants de Lacédémone de rang non civique. Or s’il existe à Sparte des procédures de promotion de noncitoyens, celles-ci ne doivent pas permettre d’obtenir rapidement et pleinement le statut de citoyen : les naturalisations d’étrangers sont exceptionnelles d’après Hérodote (tout au plus pourrait-on citer le cas du devin Teisaménos d’Élis et de son frère Hègias en 47969 ), et les inférieurs peuvent obtenir un statut amélioré mais pas la citoyenneté dans sa plénitude. Un cas frappant est celui d’une partie des Brasidiens, originellement un groupe de 1 700 hommes comprenant 700 anciens Hilotes (et 1 000 mercenaires) ayant risqué leur vie pour Sparte, en Chalcidique et en Thrace, aux côtés du Spartiate Brasidas, durant la guerre du Péloponnèse. Une fois la paix de Nicias conclue avec Athènes en 421, selon Thucydide70, les Lacédémoniens votèrent que les Hilotes qui avaient combattu avec Brasidas seraient libres et habi‑ teraient où ils voudraient ; et peu de temps après ils les installèrent avec les néodamodes à Lépréon, aux confins de la Laconie et de l’Élide, car ils étaient déjà en différend avec les Éléens.
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Ces hommes étaient les survivants du groupe ayant initialement compté 700 volontaires qui s’étaient présentés alors même que les Spartiates venaient d’éliminer 2 000 Hilotes. Ces derniers, en réponse à un appel, s’étaient fait connaître pour être récompen‑ sés de l’aide qu’ils pensaient avoir fournie lors des opérations de Pylos et de Sphactérie en 425. Mais leur demande de récompense même avait paru suspecte et ils furent supprimés (sans doute par leurs maîtres respectifs). On a pu proposer que les 2 000 éliminés aient été des Hilotes messéniens et que les 700 qui avaient ensuite rendu service comme hoplites aient été des Hilotes laconiens – en lesquels les Spartiates auraient eu plus confiance71. Mais on relève aussi que, aussitôt après avoir été libérés, les anciens Hilotes ayant servi sous Brasidas ont visiblement été astreints à des obligations d’ordre militaire aux confins du territoire lacédémonien, face aux Éléens, manière de les maintenir sous contrôle. Le cas de ces hommes a pu inspirer le statut des néodamodes, Hilotes affranchis dans un but militaire dont l’appellation désigne des « nouveaux citoyens ». Ceux-ci apparaissent en 421 à Lépréon, quand des Brasidiens y sont établis avec eux, et la dernière men‑ tion qui les concerne se situe en 370/36972. Certes, si ces hommes portaient un nom qui soulignait la nouveauté de leur caractère civique, leur désignation était connotée par une espèce de tache originelle, mais la disparition du terme après 370/369 laisse penser que leurs descendants ont pu être des citoyens de plein droit. Ce statut illustre en tout cas le principe selon lequel des droits peuvent être la contrepartie de l’exercice de devoirs militaires, et il montre que la société lacédémonienne n’était pas complètement figée. En 369, d’ailleurs, au moment de l’invasion des Thébains et de leurs alliés, les Lacédémoniens enrôlèrent plus de 6 000 Hilotes, « si bien que, par réaction, ils inspirèrent des craintes une fois qu’on les vit tous ensemble, et qu’on les trouva trop nombreux ». Mais en constatant la fidélité des mercenaires et la présence des alliés, les Lacédémoniens « se mirent à avoir moins peur des Hilotes enrôlés », rapporte Xénophon73. Commentant l’épisode, Jean Ducat souligne74 que la façon dont des Hilotes ont ainsi été armés pour assurer la défense de Sparte peut paraître caractéristique d’un statut et d’une image qui distinguent les Hilotes des esclaves-marchandises ; ils sont en quelque sorte « entre les libres et les esclaves », selon une expres‑ sion peut-être due à Aristophane de Byzance (vers 200 av. J.-C.), que 142
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… transmet Pollux. En l’occurrence, il paraît exclu que tant d’hommes aient pu se voir accorder un statut civique, même si après avoir servi militairement ils ont pu bénéficier de mesures favorables qui nous sont inconnues. De façon moins conjoncturelle, des situations diverses, propres à des inférieurs en voie de promotion, ont pu exister : on connaît l’existence des trophimoi (« adoptés »), des nothoi (« bâtards »), des mothakes (d’origine libre, issus peut-être de périèques, d’inférieurs, voire d’étrangers ?), des mothones (enfants d’Hilotes qui ne par‑ ticipaient à l’agôgè, l’éducation collective, que comme serviteurs des enfants de la famille à laquelle ils étaient attachés, sans que l’agôgè fût vraiment pour eux une voie de promotion sociale)75. Les personnages ressortissant de ces catégories, sans doute supérieures à celle des Hilotes, pouvaient sans doute espérer une promotion, mais les réticences des Spartiates à en admettre la mise en œuvre provoquaient visiblement des tensions.
La conspiration de Cinadon Dans un texte extraordinaire par sa précision et par la façon dont il nous fait pénétrer au cœur de Sparte, Xénophon raconte une conspiration qui, vers 399‑397, concerna différentes catégories d’inférieurs désireux de disposer de la plénitude des droits civiques des Spartiates76 : Moins de cinq jours après la fin des sacrifices, quelqu’un vient trouver les éphores pour dénoncer une conspiration ainsi que son chef, Cinadon. C’était un homme au physique robuste, à l’âme énergique, mais qui ne faisait pas partie des homoioi. Les éphores lui demandant comment, selon lui, la chose devait se passer, le dénonciateur répondit que Cinadon l’avait conduit à l’extrémité de l’agora en lui demandant de compter combien de Spartiates il y avait là. « Et moi, dit-il, après avoir compté le roi, les éphores, les gérontes et d’autres, environ quarante, je lui demandai : Pourquoi donc, Cinadon, m’as-tu fait compter ces gens-là ? – Ceux-là, répondit-il, considère-les comme tes ennemis ; et tous les autres, plus de quatre mille sur l’agora, comme des alliés […]. Et de tous ceux qui étaient dans les domaines des
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Sparte Spartiates, un était un ennemi, le maître, et les autres, nombreux dans chaque cas, des alliés. » Les éphores lui demandant combien étaient les conjurés, il répondit que, selon Cinadon, ceux qui étaient comme lui dirigeants du complot avaient peu de complices, mais des gens sûrs ; et ceux-ci considéraient qu’ils avaient avec eux tous les Hilotes, les néodamodes, les hypomeiones et les périèques : car chaque fois que parmi ces gens-là il était question des Spartiates, aucun ne pouvait cacher le plaisir qu’il aurait à les manger, même crus. Les éphores demandèrent encore : « Et les armes, où comptaient-ils les prendre ? » – « Cinadon disait, répondit-il, que ceux d’entre nous qui, comme lui, étaient syntétagménoi, avaient autant d’armes qu’il fallait. Quant aux masses, Cinadon l’avait conduit au marché au fer et lui avait montré des quantités de coutelas, d’épées, de broches, de haches et de cognées, de faucilles, en disant que tous les instruments avec lesquels on travaille la terre, le bois et la pierre sont autant d’armes ; quant aux autres corps de métiers, ils ont pour la plupart dans leurs outils des armes suffisantes, surtout contre des gens désarmés. » Et comme on lui demandait encore à quelle date la chose devait se faire, il dit qu’on lui avait enjoint de rester sur place.
Le dénonciateur du complot, dont les propos sont ici rappor‑ tés, montre très clairement que Cinadon complote parce qu’il n’appartient pas au groupe des homoioi, visiblement vus comme des personnages à la situation indûment favorisée. Et c’est en étant sûr de la haine que tous les inférieurs portent aux citoyens de plein exercice que Cinadon développe le réseau de ses com‑ plicités. Certes, la conjoncture est celle de la fin de la guerre du Pélo‑ ponnèse (en 404) et de la fermeture de l’Empire perse (depuis la bataille de Counaxa en 401 les Lacédémoniens ne doivent plus guère être appréciés du roi Artaxerxès parce que certains d’entre eux l’ont combattu les armes à la main). En conséquence, de nom‑ breux hommes désireux d’employer leur énergie et leur savoir-faire militaire sont confinés à Lacédémone. L’expédition qu’Agésilas va mener en Asie Mineure en 396‑394 va leur fournir un exutoire. Pour l’heure, Cinadon aurait souligné le très petit nombre rela‑ tif des Spartiates par rapport aux autres hommes présents sur l’agora : un roi, cinq éphores, vingt-huit gérontes et quarante citoyens, soit soixante-quatorze. À eux s’opposerait une masse de 4 000 hommes. Sauf si des circonstances exceptionnelles, comme un marché, expliquent cette disproportion, il faudrait croire que 144
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Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence… les Spartiates (de plus de trente ans, parce que l’accès de l’agora était interdit aux plus jeunes) représenteraient environ 2 % de la population masculine adulte de Laconie. À suivre les propos attribués à Cinadon, une disproportion analogue existerait dans chaque domaine rural contrôlé par un Spartiate. Mais les Spartiates peuvent jouer des dissemblances de statut entre les inférieurs : Hilotes, néodamodes, hypomeiones et périèques sont ici mentionnés comme autant de partisans possibles d’un complot. Or les membres de toutes ces catégories d’hommes n’éprouvent pas nécessairement un ressentiment tel à l’égard des Spartiates qu’ils souhaitent « les manger, même crus ». Certains peuvent tirer une certaine satisfaction à exercer leur rôle dans la pyramide sociale lacédémonienne : dans la suite du récit, on voit que Cinadon est arrêté à l’occasion d’une opération de police dont la direction lui a été confiée. Cela marque que, sans faire partie des homoioi, un homme peut se voir attribuer un rôle qui le distingue : la mention des syntétagménoi renvoie à des inférieurs placés aux côtés des homoioi au combat. Mais Cinadon a pris conscience que son élévation restera trop limitée, à son goût, d’où son complot. Interrogé, il déclare ne vouloir être en position subordonnée par rapport à personne à Lacédémone77, et c’est dans les propos qui lui sont prêtés que l’on voit la seule mention des sources textuelles qui fasse paraître la catégorie des « inférieurs » (hypomeiones). Redoutable, la menace a suscité une réaction adaptée et effi‑ cace des autorités, éphores et gérontes, qui se sont appuyés sur l’élite des jeunes Spartiates âgés de vingt à trente ans, les hippeis, pour décapiter le mouvement. Des chefs des comploteurs faisait partie le devin Téisaménos, parent de son homonyme naturalisé en 479, dont on peut en conséquence se demander s’il jouissait de la totalité des droits des homoioi. Il est vraisemblable que ces meneurs furent exécutés. Globalement, l’épisode illustre combien le système social lacé‑ démonien peut provoquer d’espoirs déçus chez certains de ses membres, même si les citoyens eux-mêmes peuvent connaître une situation de déchéance, parce qu’ils ont failli à la guerre78 ou pour des raisons économiques. Ainsi, la mise en valeur du territoire par des populations soumises (les Hilotes) ou dépendantes (les périèques) permet-elle le fonction‑ nement d’une société dont la strate supérieure, constituée par les citoyens de Sparte, est caractérisée par des apparences d’égalité plus 145
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Sparte qu’une égalité réelle. En outre, malgré des possibilités de promotion – qui sans doute restent fort restreintes –, il semble que, de la fin du ve siècle à la fin du ive, un accroissement des disparités sociales fondées sur l’appartenance familiale se soit produit à Sparte, et ce fait a permis à Aristote de dresser, vers 330‑322 av. J.-C., un tableau très critique de la société spartiate.
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VII
Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes, des hommes trop peu nombreux et une monnaie nouvelle
L
a Politique constitue un ensemble synthétique fondé sur des recherches de détail, puisque Aristote aurait analysé luimême, ou fait analyser par ses disciples, quelque 158 politeiai, 158 régimes caractérisant autant de collectivités politiques (celle d’Athènes ou celle de Carthage par exemple). L’œuvre présente notamment un examen critique des pratiques et de l’évolution de Sparte, qui dresse une sorte de bilan de la situation à la fin de l’époque classique, puisque Aristote lui-même est mort en 322. Dans son principe, l’enquête vise à définir les conditions de l’eudaimonia, du bonheur, les moyens par lesquels une collectivité peut assurer son équilibre et sa prospérité. Plus précisément, en ce qui concerne ses appréciations sur Sparte, Aristote a pu réagir négativement à l’admiration pour Sparte de certains de ses partisans, appelés des « laconisants ». Il a en particulier souligné la place à ses yeux abusive des femmes, et la faiblesse de Sparte liée à son manque d’hommes, son oliganthropie. Le caractère foncièrement conservateur du sys‑ tème économique et social, au profit des citoyens de plein droit détenteurs de biens fonciers, est par ailleurs mis en exergue par un débat qui s’est produit sur l’introduction éventuelle d’une nouvelle monnaie en 404.
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Les défauts du système social de Sparte liés à l’importance abusive des femmes selon Aristote Le regard critique d’Aristote sur les usages de Sparte transparaît dans le passage suivant1 : Les erreurs au sujet de la condition des femmes, comme on l’a déjà dit, semblent non seulement entraîner une certaine inadapta‑ tion du régime en lui-même, mais aussi favoriser en quelque sorte l’amour de l’argent (la philochrèmatia). Après ce qui vient d’être dit, en effet, on pourrait blâmer les mesures concernant l’inégalité de la propriété : les uns en sont venus à posséder un patrimoine excessive‑ ment important, tandis que d’autres n’en ont qu’un très petit ; aussi la terre est-elle passée entre les mains de quelques-uns. Mais cela est dû à des lois fixées avec négligence ; car le législateur a fait en sorte qu’acheter ou vendre son patrimoine ne soit pas honorable, et il a bien fait, mais il a aussi accordé à ceux qui le voulaient la liberté de le donner ou de le laisser en héritage ; or, d’une manière ou de l’autre, le résultat est nécessairement le même. Les deux cinquièmes environ de tout le territoire appartiennent aux femmes parce qu’il y a beaucoup de filles épiclères et parce qu’on donne des dots considérables. Et certes, il eût mieux valu supprimer les dots ou n’en permettre que de faibles, ou tout au plus modérées ; mais en fait on a le droit de donner à qui l’on veut sa fille épiclère, et, si l’on meurt intestat, le tuteur chargé de la succession peut la donner à qui il veut. C’est pourquoi, dans ce pays capable de nourrir quinze cents cavaliers et trente mille hoplites, leur nombre n’était pas de mille. Mais les faits eux-mêmes ont rendu évident que cette dispo‑ sition était défectueuse : la cité, en effet, n’a pas supporté une seule défaite et elle a péri par manque d’hommes (par oliganthrôpia). […] Le législateur, voulant que les Spartiates soient plus nombreux, pousse les citoyens à faire le plus d’enfants possible ; ils ont en effet une loi qui exempte le père de trois fils du service militaire et celui de quatre de toute imposition. Et certes il est clair que, devenant plus nombreux, tandis que le territoire reste divisé de la même manière, nécessairement beaucoup deviendront pauvres.
L’argumentation d’Aristote fait référence à des connaissances fac‑ tuelles précises et les utilise en adoptant le ton de la polémique : le Stagirite, qui vient de dénoncer le relâchement des autorités 148
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… à l’égard des femmes de Sparte, a ensuite fustigé le relâchement des mœurs des femmes elles-mêmes. Il s’est ainsi inscrit dans une tradition grecque attestée déjà chez Ibycos de Rhègion, un poète lyrique du vie siècle av. J.-C., qui appelait les jeunes filles de Sparte des phainomérides (des montreuses de cuisses)2. Dans la logique exposée par Aristote, la liberté – à caractère licencieux – des femmes de Sparte pourrait s’expliquer par le fait que les hommes seraient souvent absents, occupés à faire la guerre. Elles auraient ainsi développé leur esprit de lucre (leur philochrèmatia), la richesse permettant le luxe qu’elles affectionnent. Un fondement de la capacité des femmes à agir résiderait dans leur qualité de propriétaires de la terre, et la possession de la terre par des femmes s’inscrit dans un contexte général d’inégalité de la possession foncière. Le législateur qui a « accordé à ceux qui le voulaient la liberté de donner [son patrimoine] ou de le laisser en héritage » doit être l’éphore Épitadeus qui, selon Plutarque3, « fit une rhètra (une loi) permettant de donner de son vivant à qui l’on voulait sa maison et son klèros (son lot de terre) ou d’en disposer par testament4 ». Cette mesure pourrait être placée entre 404 et 371, mais, pour ne pas paraître, comme Xénophon5, critiquer seulement l’évolution récente du régime de Sparte au lieu de ses fondements, Aristote éviterait de dire le caractère assez nouveau de la mesure. Il est possible qu’elle ait permis à des débiteurs de rembourser leurs créanciers en leur léguant un lot de terre. Qu’il se soit agi de ventes déguisées ou d’un processus social par lequel des riches auraient légué leurs biens à des membres du même milieu social que le leur plutôt qu’à des parents plus ou moins éloignés, le résultat aurait été un accroissement de l’appropriation inégalitaire des terres. Le phénomène pourrait avoir été aggravé par les possibilités d’enrichissement à l’étranger que la victoire sur Athènes, en 404, avait offertes à certains Spartiates, et que Xénophon dénonce en un temps proche de celui de la rhètra d’Épitadeus, quand il déclare6 : Je sais, en effet, qu’autrefois les Lacédémoniens préféraient vivre entre eux dans leur patrie avec des biens modérés, plutôt que d’être harmostes [chefs de garnison] dans des villes dont les adulations les corrompent.
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Sparte La liberté de donner, l’afflux de richesses aisément monnayables et la diminution du nombre de citoyens – brusquement aggravée7 quand en 371, à Leuctres, 400 sur 700 Spartiates engagés sont tués – ont pu favoriser la concentration des terres8. Et Aristote souligne que cette concentration se produit notamment au profit des femmes. Il semble en effet que les femmes de Sparte aient pu être pro‑ priétaires de leur propre chef, et le cas de Kyniska, sœur d’Agési‑ las, capable de lancer un quadrige dans l’hippodrome d’Olympie9, témoigne des moyens que certaines pouvaient détenir. Or celles-ci avaient d’autant plus de chances d’hériter qu’elles se trouvaient appartenir à des fratries moins nombreuses : pour éviter un appau‑ vrissement de la famille provoquant la perte de la citoyenneté par ses membres, un chef de famille devait veiller à limiter sa descen‑ dance. Or les garçons étaient beaucoup plus exposés à la mort à la guerre que leurs sœurs. Ces raisons contribueraient à expliquer pourquoi, selon Aristote, « les deux cinquièmes environ de tout le territoire appartiennent aux femmes parce qu’il y a beaucoup de filles épiclères et parce qu’on donne des dots considérables ». Les filles épiclères sont précisément les filles héritières de leur père en l’absence d’un héritier mâle direct. En outre, une dot importante est un moyen pour un père de s’assurer que sa fille épousera un beau parti, lui-même fortuné : ainsi se trouvaient réunis les patrimoines de deux familles aisées. Le phénomène a pu s’amplifier du fait de la diminution du nombre de citoyens, qui a pu provoquer une sorte de compétition amenant à doter les jeunes filles le plus richement possible pour les aider à trouver un mari. Certes, de telles pratiques n’étaient pas particulièrement origi‑ nales en Grèce et comme, par exemple, à Gortyne, en Crète, au début du ve siècle, les filles héritaient d’une part équivalant à la demi-part dont héritait un garçon10, dans une fratrie théorique de deux garçons et de deux filles, ces dernières héritaient de 33 % des biens de leur père. On peut de telle sorte admettre que si les filles pouvaient ainsi naturellement posséder un tiers des biens fonciers, l’existence des épiclères et la pratique de dots importantes aient bien porté cette proportion aux 40 % indiqués par Aristote. Cette situation pourrait aussi contribuer à expliquer pourquoi la cité est présentée par lui, immédiatement avant le passage que nous avons cité, comme une collectivité quasi gynécocratique11. 150
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… Les facteurs qui fonderaient cette caractérisation pourraient aussi tenir à une appréciation négative de la polyandrie que mentionne Xénophon12 : celui-ci présente l’usage – selon lequel une femme aurait plus d’un époux – comme visant à assurer la naissance de beaux enfants, mais il évoque aussi le fait que les femmes « ont pour ambition de régner sur deux foyers à la fois13 ». On com‑ prendrait ainsi pourquoi, selon Aristote, qui apprécierait peu de telles mœurs, les femmes de Sparte se caractériseraient par leur licence. En outre, si une situation de polyandrie pouvait renforcer la puissance sociale d’une épouse commune à deux hommes – géné‑ ralement d’ailleurs parents entre eux, semble-t‑il –, la pratique, qui restreignait le nombre de génitrices permettant aux Spartiates de procréer, a pu contribuer à l’oliganthropie.
Des hommes trop peu nombreux : l’oliganthropie Une raison qui explique le repli progressif de Sparte au ive siècle tient certainement à sa démographie, caractérisée de façon aggravée, au ve puis au ive siècle, par une diminution du nombre d’indivi‑ dus adultes : c’est ce que l’on appelle l’oliganthropie (un manque d’êtres humains), qui est même plus précisément une oligandrie (un manque d’individus masculins). Le fait est si caractéristique de Sparte que c’est en le mentionnant que Xénophon commence, vers 378‑376, sa description des epitèdeumata, des usages des Spartiates, dans la République des Lacédémoniens14 : M’étant un jour mis à songer que Sparte, une des cités les moins riches en hommes, avait manifestement surpassé toutes celles de Grèce par sa puissance et sa renommée, je me demandai avec étonnement comment la chose avait pu se faire. Mais, après avoir considéré les usages des Spartiates, je cessai de m’étonner.
De fait, les données dont on dispose sont nettes et indiquent une diminution de la population. Selon Aristote, « sous les premiers rois, […] les Spartiates, dit-on, furent jusqu’à dix mille citoyens15 ». Certes, comme on sait, le 151
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Sparte temps des premiers rois est mal déterminé ; disons qu’il peut cor‑ respondre au ixe siècle. L’indication, peut-être, est approximative – « dit-on », signale Aristote –, et elle vise sans doute surtout à affirmer la puissance passée de Sparte16. En 480, immédiatement après la bataille des Thermopyles, l’ancien roi de Sparte Démarate aurait dit ceci au roi des Perses Xerxès17 : « Ô Roi », répondit Démarate, « le nombre est grand de tous les Lacédémoniens, et ils ont beaucoup de cités ; pourtant, ce que tu veux apprendre, tu vas le savoir. Il y a en Lacédémone une ville, Sparte, qui fournit environ huit mille hommes ; tous ceux-là sont égaux (homoioi) à ceux qui ont combattu ici ; les autres Lacédémoniens ne leur sont pas égaux (ouk homoioi), mais braves (agathoi) cependant18 ».
Tout en fournissant une indication numérique précise sur le nombre des Spartiates, Hérodote montre clairement la nécessité de distinguer entre les périèques – qui gèrent par eux-mêmes leurs propres cités – et les Spartiates, qui contrôlent l’ensemble lacédémonien. En 479, lors de la bataille de Platées, toujours selon Hérodote19, « à l’aile droite étaient dix mille Lacédémoniens ; dans le nombre, cinq mille Spartiates, ayant une garde de trente-cinq mille Hilotes armés à la légère, à raison de sept attachés à chacun d’entre eux ». Naturellement, on ne voit pas pourquoi 3 000 Spartiates auraient disparu depuis l’année précédente : ils avaient dû rester, notam‑ ment, dans le Péloponnèse pour en assurer la sécurité20. Mais cette mention est particulièrement précieuse en ce qu’elle pourrait fournir une base de calcul permettant de déterminer approximativement la proportion de Spartiates et de périèques (qui seraient en nombres équivalents) et d’Hilotes (qui seraient sept fois plus nombreux que leurs maîtres, et sans doute appelés pour faire nombre face à l’armée considérable – et atypique – des envahisseurs). Il ne semble pas cependant que les périèques et les Hilotes aient ensuite vu leurs effectifs diminuer comme ceux des Spartiates. Une soixantaine d’années plus tard, en 418, Sparte remporta une bataille terrestre à Mantinée, en Arcadie, à une trentaine de kilomètres au nord de la frontière lacédémonienne, et Thucydide, qui raconte le combat, déclare que « le nombre des Lacédémoniens 152
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… restait inconnu à cause du secret qui marque leur régime21 ». Mais il détaille aussitôt22 la disposition de l’armée d’une manière qui permet d’en calculer les effectifs, qui auraient été de 3 072 hommes et de 600 Skirites venant du nord de la Laconie et servant de troupes légères ; à ces hommes s’ajoutaient des Brasidiens, des néodamodes, quelques Lacédémoniens placés à l’aile droite, les 300 hippeis spar‑ tiates de la garde royale mentionnés à part – et tous présents d’après Thucydide –, ainsi que certains soldats âgés disposés près des chariots23. Comme Thucydide a indiqué antérieurement24 que les Lacédé‑ moniens, une fois renforcés d’Arcadiens, ont renvoyé à Sparte le sixième de leurs effectifs, les 3 072 hommes constituant l’essentiel de l’armée présente sur le champ de bataille doivent représen‑ ter les 5/6 d’une armée de 3 686 hommes. Certes, on pourrait remarquer qu’il s’agit d’une armée lacédémonienne, qui pourrait comprendre des Spartiates et des périèques. En conséquence, si l’on considère qu’à Platées, en 479, des membres des deux groupes étaient présents en nombres équivalents, et si l’on admet qu’il en est allé de même à Mantinée en 418, les Spartiates en âge de combattre auraient pu être environ 2 200 ([3 686 : 2 = ] 1 843 + 300 hippeis = 2 143). Néanmoins, l’absence d’une men‑ tion explicite des périèques dans le récit de la bataille donné par Thucydide pourrait retenir de suivre un tel raisonnement. Cette incertitude empêche d’expliciter catégoriquement la situa‑ tion démographique des Spartiates en 418, et de bons auteurs l’évaluent à alors environ 3 500 hommes25. En 394, à la bataille du fleuve Némée – la dernière grande vic‑ toire terrestre de Sparte à l’époque classique –, selon Xénophon, les effectifs lacédémoniens auraient été d’environ 6 000 hommes et 600 cavaliers26. Comme l’organisation de l’armée devait alors être semblable à celle connue ensuite à Leuctres, en 371, où on compta un millier de morts lacédémoniens, dont 400 Spartiates27, soit 40 % (une proportion semblable à celle des Spartiates parmi les hoplites lacédémoniens de Sphactérie en 425), on doit pouvoir retenir que la proportion de Spartiates parmi les Lacédémoniens à Némée devait déjà être de 40 % ; ils auraient donc pu être 2 400 fantassins et 240 cavaliers, soit 2 640 hommes environ. Si les effectifs n’avaient été que de 2 200 hommes en 418, la population aurait augmenté depuis lors, mais, généralement, les études sur la démographie de Sparte ne retiennent pas une telle hypothèse par 153
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Sparte souci, sans doute, de dessiner une tendance uniforme28. Il reste que dans les vingt-trois années suivantes a pu se produire un effondrement démographique. Quand, en 342‑339, Isocrate parle d’un temps mal déterminé pour évoquer les origines de la puissance des Spartiates, il déclare29 : Malgré leur effectif ne dépassant pas deux mille hommes, ils [les Spartiates] se tinrent pour indignes de vivre s’ils ne parvenaient pas à devenir les maîtres de toutes les villes du Péloponnèse.
Or comme, ensuite, Isocrate souligne30 que les Argiens, seuls des Péloponnésiens, ont résisté aux ambitions des Spartiates, et que ceux-ci étaient particulièrement peu nombreux, il évoque des faits qui semblent pouvoir correspondre à la situation du début du ive siècle, donc aux événements de la guerre de Corinthe (395‑386)31. Et son attention a pu être portée sur l’oliganthropie spartiate par les événements de 371 puisqu’il écrit vers 342-339. En 371, en effet, à la bataille malheureuse de Leuctres, face aux Thébains, 400 sur les 700 Spartiates de vingt à cinquante-cinq ans présents ont été tués, selon Xénophon32. Comme seules quatre grandes unités (des mores) sur les six constituant l’armée avaient participé à la bataille, les hommes absents des mêmes tranches d’âge pouvaient être 350. À ces (300 survivants + 350 absents = ) 650 hommes, il convient naturellement d’ajouter ceux qui étaient âgés de plus de cinquante-cinq ans. Cela laisse penser que moins d’un millier de Spartiates pouvaient encore veiller sur les affaires de la cité, contrôler la Messénie et la Laconie. On comprend dans ces conditions que, quelle qu’ait été la qualité du commandement militaire et de l’organisation politique des Spartiates, ils n’aient pu conserver la Messénie au moment où le chef thébain Épaminondas, poussant son avantage, entreprit d’en priver Sparte. Vers 330‑322, Aristote formule cette appréciation, que l’on a déjà indiquée33 : Dans ce pays capable de nourrir quinze cents cavaliers et trente mille hoplites, leur nombre n’était pas de mille. Mais les faits euxmêmes ont rendu évident que cette disposition était défectueuse : la cité, en effet, n’a pas supporté une seule défaite et elle a péri par manque d’hommes (à cause de l’oliganthrôpia).
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… Le fait qu’Aristote s’exprime au passé et qu’il présente la défaite mentionnée comme un tournant consécutif à la faiblesse des effectifs qu’il vient de préciser indique qu’il considère la situation démo‑ graphique immédiatement antérieure à la catastrophe de Leuctres. Le pays, dont la capacité nourricière est mentionnée, est donc constitué de la Laconie et de la Messénie. En outre, de telles appréciations confirment ce que Xénophon permettait de déduire, et la précision de ce dernier, qui amène à comprendre que près de 40 % des citoyens âgés de vingt à cinquante-cinq ans sont morts en une même journée, fait mesurer la dureté du coup. À lui seul, l’événement illustre la surmortalité masculine à la guerre, qui contribue à expliquer le contrôle de 40 % des terres par les femmes. Le déséquilibre social qui s’est établi a certainement été aggravé par la perte de la Messénie, en provoquant l’établissement en Laconie de Spartiates privés de leurs terres de Messénie. Et les Spartiates n’ont pas enrayé l’évolution menant à une concentration accrue des terres, si l’on en juge par des indications de Plutarque. Présentant la situation de Sparte vers 244, au moment de l’avè‑ nement d’Agis IV, Plutarque souligne les effets de la réforme d’Épitadeus, qui avait favorisé la concentration des terres34 : Dès lors, les puissants acquirent sans retenue les biens des parents privés de leur héritage ; bientôt, tandis que la richesse se concentrait dans les mains de quelques-uns, la pauvreté régna dans la ville, où elle provoqua l’indifférence au bien et la bassesse, ainsi que la jalousie et la haine à l’égard des possédants. Il ne resta pas plus de sept cents Spartiates, et, parmi eux, une centaine seulement conservaient une terre et un klèros.
Il paraît remarquable que le nombre de Spartiates soit ainsi resté si proche de celui des survivants de Leuctres : cela pourrait indiquer que les règles en vigueur depuis plus de cent vingt-cinq ans étaient éminemment conservatrices, Sparte n’ayant pas connu dans cet intervalle d’événement propre à modifier sa démographie dans un sens marqué – ce qui ne signifie pas que tous les citoyens aient été heureux de leur sort, puisque Agis IV a entrepris – sans réussir – une réforme pour améliorer la situation de la plupart d’entre eux.
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Sparte L’oliganthropie spartiate en chiffres
Dates
Nombre de Spartiates et données numériques
Sources
Sous les premiers rois
10 000
Aristote, Politique, II, 9, 17 ; 1270a 37
En 480, après la bataille des Thermopyles
8 000
Hérodote, Histoires, VII, 234
En 479, à la bataille de Platées
5 000 (mais il s’agit seulement de la jeunesse)
Hérodote, Histoires, IX, 28 ; cf. aussi IX, 10‑11 et 29
En 425, à Sphactérie
Sur 292 Lacédémoniens qui se rendent, 120 sont des Spartiates, soit 41 %
Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 38, 5
En 418, au moment de la bataille de Mantinée
De 1 800 à 3 500 Spartiates
Incertitude liée à l’absence de la mention de périèques dans le récit de Thucydide, qui fournit des indications numériques, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 64, 3 et 68, 3
En 394, à la bataille de Némée
2 640 environ parce qu’ils sont sans doute 40 % (cf. Sphactérie et Leuctres) des 6 600 Lacédémoniens présents
Xénophon, Helléniques, IV, 2, 16
Date incertaine : temps de la guerre de Corinthe (395‑386) ?
2 000
Isocrate, Panathénaïque, 255
En 371, vers le moment de la bataille de Leuctres
Moins de 1 000 combattants
Aristote, Politique, II, 9, 16 ; 1270a 31
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes…
Dates
Nombre de Spartiates et données numériques
Sources
Après la bataille de Leuctres en 371
Deux tiers des unités de l’armée présents = 700 Spartiates, dont 300 survivants. Un tiers de l’armée absent = 350 Spartiates. Ces nombres ne concernent que les classes de 20 à 55 ans. On évalue à environ un millier le nombre de Spartiates mâles de tout âge encore vivants. Sur 1 000 Lacédémoniens morts, 400 sont des Spartiates, donc 40 %
Xénophon, Helléniques, VI, 4, 15 et 17
Vers 244, à la veille de la réforme d’Agis IV
700 dont 100 possesseurs de terres
Plutarque, Vie d’Agis, 5, 6
Les causes de l’oliganthropie Au cours de l’époque classique, et avant 371, Sparte a donc bien vu sa population civique régresser, pour diverses raisons35. Le tremblement de terre dévastateur des environs de 464 avait provoqué la mort de 20 000 Lacédémoniens, selon Diodore, et il avait été suivi d’une révolte d’Hilotes en grande partie messéniens36. Ceux-ci essayèrent de profiter de la situation, comme le détaille Diodore de Sicile37 : Les Hilotes et les Messéniens […] méprisèrent les survivants à cause de leur petit nombre […] et portèrent ensemble la guerre contre les Lacédémoniens. Le roi de Lacédémone Archidamos, grâce à sa
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Sparte clairvoyance, non seulement sauvait la vie de ses concitoyens durant le séisme mais, quand il y eut la guerre, il fit face courageusement aux assaillants. En effet, pendant que la ville subissait le terrible tremblement de terre, il fut le premier des Spartiates à la quitter ; non sans avoir pris à la hâte toutes ses armes, il se précipita dans la campagne et donna l’ordre à ses concitoyens de l’imiter. Les Spartiates lui obéirent […] et il se tenait prêt à faire la guerre aux révoltés.
Le noyau urbain où se concentrait la population spartiate fut ainsi sévèrement touché, et les 20 000 Lacédémoniens tués que mentionne Diodore devaient être non seulement des citoyens spar‑ tiates, mais aussi des membres de leurs familles – voire peut-être des périèques – puisque sinon le nombre de morts aurait été supé‑ rieur à celui des Spartiates. Les survivants – dont le nombre est inconnu – éprouvèrent de grandes difficultés à réprimer la révolte, et cette action coûta certainement encore des morts supplémen‑ taires aux Spartiates, qui, après n’avoir perdu que 91 hommes à Platées, en 47938, en avaient perdu 300 autres contre les Messéniens quelque temps après la bataille de Platées selon les indications d’Hérodote39. Les morts au combat provoquées par les multiples guerres que Sparte a menées de 464 à 418 peuvent certainement expliquer pour une bonne part son affaiblissement démographique. Dès 457, à Tanagra, en Béotie, les Spartiates ont dû éprouver de lourdes pertes à l’occasion de leur difficile victoire contre les Athéniens40, et plus faible a été leur étiage démographique, plus ils ont éprouvé de peine à restaurer leurs effectifs. Même si on manque de précisions sur leurs pertes lors de ce que les historiens anglo-saxons appellent parfois la « première guerre du Pélopon‑ nèse », qui a opposé les Athéniens et les Lacédémoniens de 461 à 446, les occasions de perdre des hommes n’ont certainement pas manqué. En 432, le roi Archidamos – celui-là même qui avait agi avec efficacité en 464 pour sauver la situation – aurait souligné devant les Spartiates la nécessité de ne pas rentrer en guerre inconsidé‑ rément contre Athènes, notamment parce que celle-ci disposait de « réserves d’hommes sans égales dans aucun autre pays grec pris isolément41 ». Ensuite, les affrontements multiples qui se sont produits sur terre et sur mer (par exemple dans le golfe de Patrai qui, en 429, vit une défaite des Péloponnésiens) ont nécessairement provoqué des pertes par faits de guerre. Certes, un vainqueur 158
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… essuie beaucoup moins de pertes qu’un vaincu lors d’une bataille rangée42, mais précisément la guerre du Péloponnèse vit assez peu de batailles rangées – d’abord parce que l’Athénien Périclès, mort en 429, voulait les éviter, ensuite parce que la peste d’Athènes puis la capture des hoplites spartiates à Sphactérie en 425 ont dissuadé les Lacédémoniens de procéder à des invasions de l’Attique jusqu’à la paix de Nicias, en 42143. Il est bien possible, d’ailleurs, que la réticence des Spartiates à s’engager eux-mêmes en nombre dans des opérations militaires risquées ait eu pour effet que les sources concernant la guerre du Péloponnèse ne distinguent généralement pas les pertes des Spar‑ tiates (utilisés avec prudence et parcimonie dans des circonstances risquées) de celles des Lacédémoniens non spartiates. La teneur des sources permet ensuite de constater que si le bilan humain de Némée, en 394, est très peu élevé pour les Lacédémoniens44, ceux-ci auraient perdu 350 hommes lors de leur succès de Coronée45 – donc peut-être 140 Spartiates, s’ils représentaient 40 % des effectifs – en 394 aussi ; puis, en 390, à Léchaion, les Lacédémoniens ont perdu 250 hommes46, dont sans doute une centaine de Spartiates. Au niveau démographique atteint par Sparte, ces pertes étaient devenues relativement importantes, puisque dans une population de 2 000 adultes mâles, les cinq classes d’âge de trente à trente-quatre ans peuvent représenter 260 individus47. Néanmoins, de telles pertes, réparties sur l’ensemble des classes d’âge mobilisées, restent sans doute insuffisantes pour expliquer la brutalité de l’effondrement démographique qui se serait pro‑ duit entre 394 (2 640 hommes environ) et 371 (1 400 hommes, avant Leuctres). Une solution aisée serait de dire qu’une épidémie inconnue par ailleurs a frappé Sparte. Mais ce serait une réponse bien rapide. Car Aristote mentionne une mesure à visée nataliste, « une loi qui exempte le père de trois fils du service militaire et celui de quatre de toute imposition ». Or il indique aussitôt les conséquences de cette loi sur la composition sociale du corps civique : « Si le nombre s’accroît, mais si la terre reste partagée de la même manière, il y aura inévitablement beaucoup de pauvres48. » Et Aristote indique ensuite que c’est la « définition traditionnelle de la citoyenneté, [à Sparte,] que celui qui ne peut pas fournir [sa] contribution [au syssition] cesse d’y avoir part49 ». Il paraît possible de mettre 159
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Sparte la mesure et la conséquence qu’en tire Aristote en relation avec l’évolution démographique : conscients que le niveau des effectifs tel que celui atteint en 425‑418 (3 500 hommes environ selon une hypothèse haute) pouvait mettre en péril la survie même de la cité, les Spartiates ont pu non seulement s’attacher, en 425‑421, à faire libérer les 120 prisonniers capturés à Sphactérie, mais aussi à encourager la natalité. Il est possible, néanmoins, que la mesure ait été prise alors que la diminution démographique avait déjà provoqué une certaine concentration des terres. Par conséquent, ceux qui ont engendré une progéniture nombreuse l’ont en fait vouée à un appauvrissement relatif par rapport aux membres de fratries plus réduites. Dans un premier temps, certains pères ont été entourés de nombreux fils, à un moment où Sparte multipliait les actions extérieures et, après sa victoire de 404, fournissait de nombreux postes d’harmostes – de chefs de garnison50. La mesure aurait permis de compter encore 2 640 citoyens environ en 394 (pères et fils pouvant combattre dans la même armée51). Mais ensuite, une fois les biens partagés entre des fils nombreux, la génération suivante n’aurait plus eu les moyens de vivre sur le même pied. Réduits à vivre de l’héritage foncier de leurs parents qui avaient été incités à engendrer une progéniture nombreuse, un bon nombre de Spartiates n’auraient plus été capables de satisfaire à la « définition traditionnelle de la citoyenneté » mentionnée par Aristote. En outre, après la victoire remportée par Conon à Cnide en 394, les harmostes furent expulsés de Grèce de l’Est52, puis après la paix de 386 et la fin des campagnes menées par Sparte outre-mer, l’usage d’harmostes aurait fortement régressé et les bénéficiaires de ces fonctions auraient été amenés à revenir en Laconie, où ils pouvaient ne pas disposer de lopins de terre suffisants. Ainsi l’application des propres règles de Sparte pourrait-elle contribuer à expliquer qu’au début de 371, quarante-sept ans et près de deux générations après Mantinée, il n’y ait plus eu que 1 400 Spartiates environ. Selon l’appréciation d’Aristote, ainsi se serait produit « le contraire de ce qui était l’intention du législa‑ teur53 ». Finalement, les terres se seraient concentrées dans les mains des plus riches des Spartiates, qui auraient pu établir autour d’eux des clientèles constituées par leurs compatriotes moins fortunés, 160
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… auxquels ils auraient pu fournir artificiellement les moyens de contribuer à un syssition, de telle sorte que vers 244 il n’y aurait plus eu que 700 Spartiates, dont une centaine seulement conser‑ vaient des biens fonciers54. Le rôle de Sparte dans le monde grec s’était donc nettement amoindri, par rapport à ce qu’il avait pu être jusqu’en 371. Rétro spectivement, on peut juger remarquable la façon dont, en s’ap‑ puyant sur des effectifs de citoyens réduits, les Spartiates ont su vaincre Athènes en 404 puis, pendant plus de trente ans, jouer les premiers rôles en Grèce. En fait, même si l’affaiblissement démographique de la collectivité spartiate a contribué, finalement, à l’effondrement de sa puissance politique parmi les cités grecques, les citoyens satisfaisant aux critères traditionnels de citoyenneté devaient être profondément attachés, individuellement, à leur situation personnelle, d’où leur répugnance à modifier des usages qui avaient fondé leur fortune. C’est un événement brutal, non prévisible, la défaite de Leuctres, qui, à terme, a pu leur donner tort, mais en affaiblissant la collec‑ tivité plus que les individus survivants, alors plus ou moins bien insérés dans le système socio-politique et qui pouvaient profiter des biens des Spartiates sans enfant morts à Leuctres. La spécificité des usages monétaires de Sparte est à cet égard révélatrice, elle aussi, des tensions qui parcouraient le corps poli‑ tique, du fait de la nécessité ressentie de préserver la stabilité sociale – donc les intérêts matériels des individus –, tout en respectant la tradition et les valeurs morales de dévouement à la cité.
Les usages monétaires de Sparte à l’époque classique C’est à Xénophon que l’on doit un texte qui présente globa‑ lement l’économie de Sparte et qui est fort surprenant pour les Modernes55 : Dans les autres cités, on le sait, tous s’efforcent de gagner le plus d’argent possible ; l’un est agriculteur, un autre armateur, un autre commerçant, d’autres sont nourris par des métiers. Mais à Sparte Lycurgue a interdit aux hommes libres de s’attacher à aucune occu‑
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Sparte pation lucrative, et leur a prescrit de ne considérer comme des tra‑ vaux convenables pour eux que ceux auxquels les cités doivent leur liberté. Au reste, pourquoi rechercherait-on la richesse dans ce pays où Lycurgue, en fixant pour tous même contribution pour la nourriture et même genre de vie (homoiôs diaitasthai : il s’agit du fait de pratiquer une diaita de façon uniforme, en homoioi), a empêché que l’on aspire à la fortune à cause des jouissances qu’elle procure ? Ce n’est pas non plus pour se bien vêtir qu’il y faudrait devenir riche ; les Spartiates, en effet, ont comme parure, non pas de coûteux vêtements, mais le bel état de leur corps. Point ne leur faut non plus amasser de l’argent pour faire des largesses à leurs compagnons de table, car Lycurgue a attaché une meilleure réputation aux services que l’on rend à ses camarades grâce au labeur de son corps qu’aux dépenses accomplies pour eux ; les premiers, comme il l’a montré, sont le fait de l’âme, les secondes de la richesse. S’enrichir en dépit des lois, il l’a empêché aussi de la façon suivante. En premier lieu, il a établi une monnaie d’un genre tel que seulement dix mines ne pourraient entrer dans une maison à l’insu des maîtres et des serviteurs ; une telle somme aurait, en effet, besoin de beaucoup de place et d’un chariot pour la transporter. De plus, l’or et l’argent sont l’objet de recherches, et s’il s’en découvre quelque part, leur possesseur est puni. Pourquoi donc s’appliquerait-on à gagner de l’argent dans ce pays où sa possession est plus féconde en ennuis que son usage en plaisirs ?
Un tel passage peut paraître extraordinaire, en ce qu’il impli‑ querait que les Spartiates du milieu de l’époque classique, des environs de 378‑376 av. J.-C., aient ordinairement pratiqué une forme de troc parce qu’ils n’auraient eu qu’une monnaie constituée sans doute de broches en fer, de faible valeur intrinsèque, alors même que de nombreux Grecs avaient recours, depuis plus d’un siècle, à des espèces monétaires en métaux précieux – surtout en argent. L’indication peut sembler caractéristique d’une économie aux pratiques délibérément conservatrices, voire attardées. En fait, on va le voir, une telle impression doit être fortement nuancée, et il est bien possible que les pratiques économiques en usage à Lacédémone aient été particulières sans être dépourvues de rapport avec celles de cités grecques à l’économie extravertie – comme Athènes, à qui pensait et pense tout lecteur de Xéno‑ phon. Car la maîtrise de leur monnaie, à laquelle pouvaient veiller les autorités de Sparte, s’expliquait par des raisons politiques, et par la pleine prise en compte des circonstances. 162
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Une monnaie de fer Le fait que la monnaie traditionnelle de Sparte, remontant à l’époque archaïque et encore en usage au début du ive siècle, aurait été de fer n’apparaît pas seulement chez Xénophon, mais aussi dans un passage que la tradition a transmis dans le corpus des Œuvres morales de Plutarque56 : [Lycurgue] décida que la monnaie d’or et d’argent (chrysoun kai argyroun nomisma) n’aurait plus cours, et que l’on n’emploierait plus que la monnaie de fer. […] C’est qu’il n’avait pas non plus laissé de monnaie commode en circulation chez eux [les Lacédémoniens], mais qu’il avait institué l’usage exclusif de la monnaie de fer, qui équivaut en masse à une mine d’Égine et en valeur à quatre chalques.
Broches de fer retrouvées sur l’acropole de Sparte. Ces objets datent de l’époque dite géométrique, soit des premiers temps de l’archaïsme. De section carrée, ces broches sont en fer et fortement corrodées. Longueur : 20,3 cm, 24,3 cm, 18,3 cm.
Le texte fausse clairement les pers‑ pectives en ce qu’il indique qu’une monnaie d’or et d’argent préexistante aurait été dépourvue de valeur par une décision d’époque archaïque : il est plus probable qu’une telle monnaie n’ait jamais existé. La monnaie de fer utilisée serait celle déjà évoquée par Xénophon, et pourrait avoir revêtu la forme de broches57, à moins que cette forme n’ait été remplacée par le pelanor de fer – adoptant peut-être l’apparence d’un lingot –, équivalant à quatre chalques de bronze. En tout cas, l’unité matérielle aurait été constituée par un objet ayant la masse d’une mine d’Égine, soit 605 grammes, quand quatre chalques auraient valu un tiers d’obole, selon les analyses de Stephen Hodkinson. Ainsi trois obèles (ou broches) auraient valu une obole et, comme six oboles 163
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Sparte constituent une drachme, il aurait fallu 18 obèles de 605 grammes, donc 10 890 kg de fer, pour atteindre une valeur d’une drachme de 6,3 grammes d’argent dans le système éginétique (qui est apparu au début du ve siècle) ; le rapport fer/argent serait d’environ 1 728/1 ; selon les estimations de S. Hodkinson, il serait même de 1 800/1, et il aurait fallu 11 340 kg de fer pour atteindre une valeur de 10 mines – soit 1 000 drachmes. Même si les évaluations des Modernes peuvent largement différer58, en tout état de cause – et c’est bien surtout la logique qu’il convient de retenir – le système monétaire propre à Sparte serait fort malcommode, parce que chaque unité monétaire serait d’un pouvoir libératoire dérisoire, ainsi que relève Xénophon. Cela dit, S. Hodkinson a pu relever59 que la moitié, au moins, des collectivités civiques grecques n’a jamais émis de monnaie au sens où nous l’entendons, c’est-à-dire constituée de flans de métal frappés à l’emblème d’une collectivité politique. Certaines cités ont émis par moments. Seules 60 cités environ, des 205 qui ont payé un tribut à Athènes au ve siècle, ont battu monnaie. Des villes importantes comme Argos ou Byzance n’ont pas émis de monnaies avant environ 475 pour l’une et environ 400 pour l’autre. Certaines communautés qui se sont abstenues de battre des monnaies d’argent à l’époque classique (Sparte, Locres Épizéphy‑ rienne, les Locriens Ozoles, les Thessaliens de Larissa…) étaient caractérisées par l’existence d’une élite utilisant des esclaves atta‑ chés à la terre plutôt que des esclaves-marchandises. Il s’agissait donc de collectivités caractérisées par des prélèvements internes en nature importants, et qui avaient assez peu recours à des échanges monétarisés. On doit pouvoir considérer que, à Sparte au moins, les producteurs situés en position de subordination sociale pou‑ vaient sans doute aussi satisfaire à une partie des productions artisanales nécessaires, et que ce fait pouvait réfréner les besoins d’un numéraire facile d’emploi. La liste des activités donnée par Xénophon au début du texte est éclairante à cet égard, et peut être rapprochée de la liste des activités que les alliés des Spartiates pratiquaient quand eux-mêmes s’en abstenaient60. Sparte n’avait pas non plus besoin d’argent monnayé pour payer des mercenaires – puisqu’elle disposait d’une armée hoplitique de conscription – ni pour dédommager ses magistrats du temps qu’ils consacraient aux affaires publiques – puisqu’ils n’étaient pas rétri‑ 164
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… bués. Sparte ne pratiquait pas non plus, au ve siècle, un système analogue aux liturgies athéniennes – fondé sur la mobilisation des ressources des riches destinées à payer des dépenses fort variées, théâtrales ou navales –, et elle subsistait avec un trésor public pauvre61, d’autant qu’elle n’avait pas de mines d’argent sur son territoire – mais des ressources en fer. Enfin, dans la mesure du nécessaire, les Lacédémoniens pouvaient utiliser les monnaies d’éta‑ lon éginétique qui circulaient dans le Péloponnèse, de la même manière que les autres cités ne battant pas monnaie pouvaient employer des monnaies frappées hors de leur territoire62. Mais comme, faute d’émissions locales, les disponibilités moné‑ taires en argent devaient être réduites, les transactions portant sur des biens de grande valeur – par exemple des terres – ont pu être gênées. Seuls sans doute les rois, dont on sait la fortune relative63, devaient pouvoir disposer d’un numéraire important en valeur. Les montants des amendes que les Spartiates pouvaient infliger à leurs rois supposent d’ailleurs que les monnaies dont le versement était attendu aient été en argent. Ainsi, par exemple, en 418 Agis II fut-il menacé d’une amende de 100 000 drachmes64. Sparte, dont les représentants hors de Lacédémone ne devaient pas s’interdire, au besoin, d’utiliser des monnaies en métal pré‑ cieux frappées ailleurs, n’a pas battu de monnaie en argent avant 265‑250, certainement parce qu’elle n’en éprouvait pas le besoin. Cette abstention a pu se transformer en thème idéologique visant à affirmer la fidélité de la cité à ses propres pratiques, comme l’aus‑ térité particulière de ses mœurs ; elle était possible si la monnaie de fer revêtait un aspect conventionnel, sa valeur étant fixée par l’autorité publique. Car les broches de fer trouvées au sanctuaire d’Orthia vont de l’époque géométrique au iiie siècle avant notre ère. Le moment de leur disparition coïncide donc avec la date d’apparition d’un monnayage propre à Sparte, relève S. Hodkin‑ son65. Cette coïncidence semble bien indiquer l’usage des broches comme monnaies. L’attribution à Lycurgue de la création d’une monnaie de fer – idée qui apparaît chez Xénophon – a sans doute été une inven‑ tion née lors d’un débat qui s’est tenu en 404, après la victoire sur Athènes, et qui visait à fixer de façon inattaquable l’usage pratiqué jusqu’alors. Or en fonction du rapport argent/fer de 1/1800 qu’il retient d’après les Apophthegmes laconiens, S. Hodkinson peut commenter 165
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Sparte l’indication de Xénophon selon laquelle il faut un chariot pour transporter 10 mines (soit 1 000 drachmes) en précisant qu’il fau‑ drait non pas un chariot mais plutôt dix chariots tractant chacun une tonne environ pour acheminer 11 340 kg66 ! L’écart est tel que, même en admettant que la formulation de Xénophon soit approximative, on ne peut l’expliquer que par une évolution du rapport argent/fer due à ce que la cité de Sparte devait modifier périodiquement la valeur conventionnelle de la monnaie, en fonc‑ tion des fluctuations de la valeur relative du fer et de l’argent. Au début du ive siècle, la valeur du fer aurait été nettement plus élevée que celle qui lui donne l/1800 de la valeur de l’argent d’après un texte qui serait du iiie siècle av. J.-C. Mais cette dévalorisation du fer peut être considérée comme résultant d’une appréciation de l’argent, qui aurait bénéficié d’un taux moins favorable au début du ive siècle que par la suite. Et précisément si l’argent avait été relativement peu apprécié à Sparte au début du ive siècle, cela serait dû à l’afflux de métal consécutif à la victoire de 404. Car c’est en contradiction avec la pratique traditionnelle consistant à user d’une monnaie de fer que se serait produit soudain, à Sparte, un afflux d’argent monnayé. Et il est possible que les autorités aient veillé à affaiblir la différence de valeur entre l’argent et le fer de façon à diminuer les tentations des Spartiates qui maniaient de l’argent à l’étranger. Une telle manipulation des taux devait relever de pratiques déjà connues avant 404, puisque les Spartiates devaient à la fois utiliser leur monnaie de fer en Laconie et des monnaies d’étalon éginétique dans leurs relations avec l’étranger.
Des mesures de circonstance Selon Plutarque, ce serait un cas particulier de corruption, celui de Gylippe, qui aurait attiré l’attention des autorités de Sparte sur les dangers liés à la victoire. Gylippe était le conseiller envoyé par Sparte au secours des Syracusains et qui avait permis leur victoire sur les Athéniens en Sicile en 413. En 404, à la fin de la guerre du Péloponnèse, il devait accompagner Lysandre, et il fut envoyé à Sparte avec le butin – considérable67 – réuni par les 166
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… forces lacédémoniennes menées par Lysandre. Soupçonné d’avoir détourné de l’argent68, Gylippe préféra s’enfuir. La suite de l’affaire est ainsi présentée par Plutarque69 : Ayant ainsi achevé par une action honteuse et basse une carrière jusque-là brillante et magnifique, Gylippe s’exila de Lacédémone. Les plus sages des Spartiates, craignant plus que jamais, après cet événe‑ ment, le pouvoir de l’argent, qui s’attaquait à des citoyens éminents, blâmèrent Lysandre et conjurèrent les éphores de purifier la cité de tout cet argent et de tout cet or, comme de fléaux importés. Les éphores mirent l’affaire en délibération. Ce fut Sciraphidas, au dire de Théopompe, Phlogidas, suivant Éphore [Théopompe de Chios et Éphore sont des historiens qui ont vécu au ive siècle av. J.-C.], qui émit l’avis qu’il ne fallait pas recevoir de monnaies d’or ou d’argent dans la ville, mais ne se servir que de la monnaie traditionnelle. Or cette monnaie était de fer. […] Mais les amis de Lysandre étaient d’un avis opposé et conseillaient avec insistance de garder cet argent dans la ville. Alors on décida de laisser entrer de telles monnaies pour l’usage de la collectivité, mais de punir de mort tout particulier qui serait convaincu d’en détenir chez lui. Comme si Lycurgue avait craint la monnaie elle-même, et non pas la cupidité qu’elle fait naître ! Or on éteignait bien moins cette passion de l’argent en interdisant au particulier d’en posséder qu’on ne l’enflammait en y autorisant la cité. Car l’usage le faisait apprécier et convoiter. […] Les Spartiates, il est vrai, employèrent la crainte de la loi (le phobos et le nomos) à garder les maisons des citoyens et à empêcher l’argent monnayé (le nomisma) d’y entrer mais les âmes elles-mêmes, ils ne purent les maintenir indifférentes et insensibles à la passion de l’argent, et ils inspirèrent à tous le désir de la richesse, regardée comme un bien respectable et considérable.
Ainsi, à la suite de l’effondrement de l’Empire athénien du fait de l’action militaire des Péloponnésiens menés par les Spar‑ tiates, un débat se tint à Sparte sur l’opportunité de convertir la cité à une économie monétaire semblable à celle d’Athènes. Et, selon Plutarque, « les plus sages » se saisirent de l’exemple de Gylippe pour montrer le danger et, développant des considé‑ rations morales, ils auraient fait refuser l’adoption d’un système monétaire bimétallique d’argent et d’or70. Finalement, on aurait décidé de n’admettre l’usage de monnaies en métaux précieux que pour le service de la collectivité71. Xénophon ne parle que 167
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Sparte d’or et d’argent72, et même si les sources postérieures – comme ce texte de Plutarque – précisent que c’est la détention de mon‑ naie en métal précieux qui est interdite, il est vraisemblable que c’est Xénophon qu’il faut suivre, sinon un moyen aisé de contourner l’interdit aurait consisté à fondre les pièces. On peut d’ailleurs noter que si Xénophon peut attribuer la monnaie de fer à Lycurgue, il ne lui impute pas une interdiction de l’or et de l’argent. Il sait que la mesure est récente, et c’est seulement à l’époque hellénistique qu’elle aurait été attribuée à Lycurgue, dans les Apophthegmes laconiens que S. Hodkinson rattache à ce moment. La condamnation de Thorax peut d’ailleurs paraître révélatrice du caractère brutal et conjoncturel des décisions qui ont alors été prises : ce proche de Lysandre, qui avait été laissé comme harmoste à Samos par son chef, fut ensuite trouvé en possession d’argent et fut exécuté à l’instigation des éphores73. Or Thorax avait dû exercer des fonctions à l’étranger de 406 à 403. C’est durant cette période qu’il avait dû s’enrichir, d’une manière qui n’était pas illicite en 406, moment de son départ de Sparte. Mais cet enrichissement était devenu passible de la peine de mort au moment de son retour en 403. On peut donc estimer que l’exécu‑ tion de Thorax est significative de la nouvelle prohibition touchant l’or et l’argent. Cette prohibition, qui a sans doute été une mesure brusque, s’explique en réaction à l’afflux massif de métaux précieux en 404, nous l’avons dit. Par la suite, vers 350, dans les Lois, Platon propose un compromis semblable à celui indiqué par Plutarque74. Il semble que, malgré les commentaires critiques de ce dernier, qui datent du iie siècle de notre ère, l’idée du philosophe s’explique par le souvenir d’une certaine efficacité des mesures prises à Sparte après 404 ; mais cette efficacité a pu ne perdurer que pendant quelques années. Car il apparaît que dans les décennies qui ont suivi 404, Sparte a introduit une économie monétaire analogue à celle des autres cités : les dons faits à Delphes par des particuliers de Sparte pour permettre la reconstruction du temple d’Apollon détruit en 373/372 témoignent de ce que l’interdit sur la monnaie n’était plus en vigueur dans la cité75. En outre, l’amende infligée à Isa‑ das (ou Isidas) en 362 est caractéristique du même fait : selon Plutarque76, il fut couronné pour s’être exposé au combat et y 168
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… avoir accompli des prouesses mais aussi, dans le même temps, condamné pour avoir agi ainsi sans cuirasse, et il se serait vu infliger une amende de 1 000 drachmes, dont le montant paraît tout à fait vraisemblable dans le cadre d’une économie alors devenue aussi monétarisée que celle des autres cités grecques. Ainsi pourrait-on comprendre l’appréciation de Diodore de Sicile selon laquelle l’usage d’argent monnayé et l’enrichissement ont accompagné – après Leuctres, en 371 – la perte de son hégé‑ monie par Sparte77. Une telle évolution montre avec une particulière netteté le carac‑ tère circonstanciel des mesures prises en 404. Il s’agissait alors de répondre à une situation exceptionnelle dans le domaine monétaire, parce que l’irruption massive de métaux précieux risquait de pro‑ duire des perturbations sociales, des déséquilibres entre citoyens. Le but pouvait être d’entraver le recours à des formes très claires « de circulation de la valeur et de donner la préférence au crédit gagé sur la terre », juge Alain Bresson78. Mais les mesures prises dans le domaine financier n’ont pas empêché l’accroissement d’une différenciation sociale nette entre les citoyens, même si elles ont permis, sans doute, de limiter l’avantage que certains pouvaient tirer de leur brusque enrichissement à l’étranger, puisque en jouir à Sparte devait être difficile.
Une vie sous tension dans un système équilibré La vie sociale à Sparte, à l’époque classique, est ainsi caractérisée par l’existence de tensions permanentes : c’est ce que Thucydide note79 en soulignant la constance de la menace que font peser les Hilotes sur l’ordre social, comme la peur qu’éprouvent les Lacé‑ démoniens. Ces tensions n’ont pu que s’exacerber quand ce que l’on pourrait appeler – si on disposait de données statistiques80 – le taux d’encadrement de la société lacédémonienne par les Spartiates a dû nettement diminuer au ive siècle. La nécessité de parer à une menace intérieure permanente que devaient ressentir les Spartiates a certainement été accrue par la diminution constante du nombre des citoyens, l’oliganthropie, et il peut paraître remarquable que le système ait pu résister 169
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Sparte à une invasion telle que celle de 369 menée par le Thébain Épaminondas. Cette résilience peut s’expliquer par la façon dont les Spartiates étaient entraînés à résister aux pires situations et, matériellement, par l’existence non seulement d’une cité des Spartiates, mais encore d’une « cité des Lacédémoniens », selon l’expression employée notamment par Xénophon81. Une telle expression peut paraître curieuse parce que la Laconie comprend un ensemble de cités : la plus importante est Sparte, mais les périèques sont citoyens de leurs poleis respectives. Lacédémone serait donc une cité englobant des cités. En fait, la formule renvoie à l’existence d’une entité politique qui donne à tous les hommes libres une place qui peut les satisfaire : beaucoup doivent se sentir dans une position supportable, dans la cascade de mépris qui caractérise, vraisemblablement et plus que d’autres, la société lacédémonienne. Dans le cadre de la politeia, de la constitution, chacun des Spartiates dispose d’une politeia, d’une citoyenneté – car le même terme désigne le système politique et les droits de chaque citoyen –, or cette citoyenneté confère des droits d’autant plus importants, de fait, à chacun de ses détenteurs que le nombre de ceux qui en bénéficient décroît au cours du temps. Un citoyen a, par exemple, des chances accrues d’occuper les fonctions, annuelles, qui sont dévolues aux cinq éphores quand le nombre de ses concitoyens diminue. La satisfaction que peuvent éprou‑ ver les bénéficiaires de la situation peut sans doute contribuer à expliquer l’absence d’une ouverture du corps civique qui per‑ mettrait de restaurer des effectifs importants, du moins jusqu’aux réformes du iiie siècle. Car la perte de la Messénie, qui a succédé rapidement au désastre de Leuctres, a sans doute, à certains égards, contribué à stabiliser l’édifice social et politique, qui s’est trouvé établi sur un territoire désormais réduit contrôlé par un nombre d’hommes lui-même réduit. Le territoire conservé pouvait ainsi rester dirigé de façon à peu près aussi efficace qu’avant la perte des espaces situés à l’ouest du Taygète. En un sens, on pourrait dire qu’en voulant l’affaiblissement de Sparte, et en la privant de la Messénie en 370/369, Épaminondas a pu contribuer à la sauver. On peut comprendre, dès lors, pourquoi, alors que le nombre des citoyens se trouvait avoir nettement diminué, les Spartiates n’auraient pas procédé à des mesures visant à renforcer leurs propres 170
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Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes… effectifs. Incorporer l’élite des périèques n’était pas envisageable, même s’ils étaient sans doute plus aisés que des Spartiates appauvris et déchus, parce que précisément ces derniers restaient, ne fût-ce que par leurs liens familiaux, plus proches des citoyens de plein exercice82. Et pour être un véritable Spartiate, il convenait d’avoir, durant des années, suivi un cursus éducatif particulier.
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VIII
Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives
L
’ensemble du système éducatif en usage à Sparte constitue ce que Xénophon appelle une paideia1, que l’historiographie moderne désigne souvent par le terme agôgè, employé de façon générale par Platon2 et, sans ambiguïté à propos de Sparte, par Plutarque3. Cet ensemble de pratiques éducatives mises en œuvre à Sparte à l’époque classique nous est connu notamment grâce à la République des Lacédémoniens de Xénophon et à la Vie de Lycurgue de Plutarque, mais on possède aussi de nombreuses notations qui apparaissent chez d’autres auteurs. Ainsi lit-on ceci chez Aristote, qui écrit vers 330‑3224 : Bien des gens cherchent à parler [de la politeia, du régime des Lacédémoniens] comme d’une démocratie, parce que son organisation contient nombre d’éléments démocratiques ; par exemple, d’abord, dans la façon d’élever des enfants : ceux des riches, en effet, sont élevés de la même manière (homoiôs) que ceux des pauvres et on leur donne un genre d’éducation qui pourrait être celui des enfants des pauvres.
Si la nourriture et les vêtements permettent que les Spartiates soient en apparence semblables (homoioi) les uns aux autres, parce qu’ils sont astreints à un mode de vie destiné à effacer les mani‑ festations des disparités de richesse existant entre eux, l’éducation égalitaire pourrait paraître constituer un domaine propre à assurer 173
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Sparte une unification foncière des conceptions du monde et des façons d’agir des jeunes Spartiates. Ce que l’on sait de l’évolution sociale de Sparte au ive siècle montre que, formés à la mode spartiate, les citoyens riches n’ont cependant pas d’eux-mêmes distribué leurs biens à leurs compatriotes moins fortunés pour assurer l’égalité de fortune de tous, même si on soupçonne qu’ils ont tout de même pu les aider à tenir leur rang en leur fournissant les moyens de cotiser aux syssitia. Si le système éducatif existant à Sparte à l’époque classique n’a pas formé des idéologues attachés à la similitude des citoyens et désireux de mettre en pratique leur idéologie, ce même système est semble-t‑il bien parvenu à former des militaires efficaces, atta‑ chés à leur discipline sur le champ de bataille. Et c’est sans doute l’extrême efficacité et, peut-on dire, le professionnalisme militaire des Spartiates qui peuvent expliquer comment, alors même que leur nombre s’est trouvé extrêmement réduit au ive siècle5, Sparte a pu subsister comme cité constituée et indépendante. En fonction d’une telle orientation – qui n’est pas exclusive – se trouve mis en place un ensemble de procédures éducatives liées à la vie de la cité : il s’agit d’une formation par étapes, intellectuelle et physique, qui permet de dégager une élite dans un contexte empreint d’une forte émulation, en instillant un grand sens du devoir. Les filles ne sont d’ailleurs pas privées de toute éducation et elles font l’objet d’une certaine attention.
Un système éducatif contraignant lié à la vie de la cité Le système collectif d’éducation est conçu par les Spartiates eux-mêmes comme étant profondément lié à la vie de leur cité, si l’on en juge par des propos de Xénophon selon lesquels la situation d’un adulte dépendait des appréciations qu’il avait pu mériter comme jeune homme6 : Ayant remarqué, en effet, qu’une extrême arrogance est naturelle à cet âge [celui de l’adolescence], que l’insolence y est tout à fait habi‑ tuelle, et que l’appétit des plaisirs envahit alors les âmes avec beaucoup de force, [Lycurgue] a imposé aux adolescents de très nombreux
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives travaux, il leur a fourni de très nombreuses occupations. À tous ceux qui se déroberaient à ces tâches, il a infligé comme châtiment de ne jamais obtenir par la suite aucun honneur, si bien que, non seulement les représentants de la collectivité publique auprès d’eux, mais ceux aussi qui s’inquiètent de chacun, veillent à ce que, par lâcheté devant le devoir, ils n’arrivent à être entièrement méprisés dans la cité.
Le même principe apparaît ensuite, chez le même auteur, quand il détaille la façon dont la pratique de la vertu (arétè) doit être cultivée jusque dans la vieillesse, et quand il indique : Si quelqu’un reculait lâchement devant le dur effort réclamé par les lois (nomima), [Lycurgue] a prescrit qu’on ne le considérât plus comme l’un des semblables (homoioi).
De la sorte, c’est tout au long de leur existence que les Spar‑ tiates sont censés astreindre leur personne, sans faiblesse, à un entraînement sévère – mais adapté aux capacités de leur âge. Selon Thucydide, d’ailleurs, une cinquantaine d’années avant que n’écrive Xénophon, le roi des Lacédémoniens Archidamos II a explicité le principe cardinal guidant l’éducation pratiquée à Sparte quand, en 432, il a prononcé ces mots7 : Nous ne devons pas penser qu’il y ait une grande différence entre un homme et un autre : celui-là seulement vaut le plus, qui est formé dans les plus rudes contraintes.
Au temps même où Xénophon aurait décrit le système éducatif de Sparte dans sa République des Lacédémoniens, un autre roi des Lacédémoniens, Agésilas II, aurait pour sa part déclaré, en 378, que « lorsque quelqu’un a comme enfant (pais), comme adolescent (paidiskos) et comme jeune homme (hèbôn) passé son temps à faire tout ce qui est bien, il est difficile de mettre un tel homme à mort ; car Sparte a besoin de pareils soldats8 ».
Ainsi, avoir subi les contraintes du système éducatif collectif était, semble-t‑il, un fait quasi constitutif de la définition du citoyen spartiate, et cela incite à penser que ce système éducatif a été instauré au moment de la mise en place des pratiques politiques de Sparte, à l’époque archaïque, lors de la première moitié du 175
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siècle, quand semble s’être établi le pouvoir des cinq éphores – les « surveillants » –, magistrats les plus importants de Sparte. Au reste, Xénophon souligne l’importance accordée à l’éducation en indiquant que le magistrat qui en est responsable est le pédonome – sans doute en fonction pour un an – qu’il caractérise comme étant « un citoyen parmi ceux qui occupent les plus hautes magistratures9 ». Un signe aussi de l’extrême importance accordée à l’éducation de la jeunesse consiste dans le fait que les éphores eux-mêmes, magistrats suprêmes, s’assurent régulièrement des résultats de l’éducation : par Agatharchidès10, auteur du iie siècle av. J.-C., et par Élien11, auteur du iiie siècle de notre ère, on apprend que, tous les dix jours, les jeunes gens, nus, sont examinés par les éphores, qui vérifient que leurs corps sont « sculptés et travaillés au tour par le gymnase » et non déformés par une nourriture excédentaire. Et cette éducation ainsi soigneusement surveillée se déroule selon des étapes bien réglées. vii
Les étapes de l’éducation Après sa naissance, tout nouveau-né doit être présenté par son père aux anciens de sa tribu – le corps civique étant divisé en trois tribus. Ces anciens sont réunis dans un local appelé une leschè, d’après Plutarque12, et en fonction de leur décision, si l’enfant est mal conformé il est exposé aux Apothètes13, l’exposition (c’est-à-dire l’abandon) des enfants étant en Grèce une pratique assez ordinaire. Une telle volonté d’eugénisme apparaît aussi chez Xénophon quand celui-ci mentionne14 la possibilité pour un mari âgé d’intro‑ duire auprès de sa propre épouse « un homme dont il admire les qualités physiques et morales afin d’obtenir par lui des enfants ». Xénophon commente l’usage en déclarant que « c’était accorder de la sorte un grand nombre de permissions » et les indications qu’il fournit sont reprises et précisées par Plutarque signalant que, du fait des usages en vigueur, « on ne croyait absolument pas à la possibilité de l’adultère » à Sparte15. L’essentiel était de procréer des enfants de bonne qualité physique, dont ceux qui appartenaient au sexe masculin suivaient ensuite une éducation particulière. D’après Plutarque16, c’est vers sept ans ou un peu plus que les jeunes Spartiates commençaient à suivre une éducation par groupes 176
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives d’âge. Il a été proposé17 que, un jour de l’année, et de préférence le premier jour de chaque année (donc peut-être à l’équinoxe de printemps, marqué par les Hyakinthies ?), ils aient rassemblé tous les enfants qui paraissaient avoir atteint un développement de sept ans. Les enfants ainsi regroupés auraient progressé ensemble dans le cursus éducatif jusqu’au moment de devenir irènes, vers vingt ans. Quel qu’ait pu être le degré de précision avec lequel l’âge des individus pouvait être déterminé, il semble que, dans la vie quo‑ tidienne des Spartiates, l’appartenance aux divers groupes d’âge ait été bien visible – notamment par un usage différencié du système pileux –, et il n’est pas impossible qu’il en ait été de même de l’appartenance à tous les groupes d’âge18. À lire la République des Lacédémoniens de Xénophon19, on constate que trois moments successifs scandent la formation d’un garçon : d’abord, vers sept ans, il appartient aux paides20 – alors peut commencer l’appren‑ tissage des lettres et du calcul, sans doute –, puis, vers quatorze ans21, il fait partie des paidiskoi et, à vingt ans, il est du groupe des hèbôntes : ces trois étapes sont précisément celles mentionnées dans les propos d’Agésilas que l’on vient de rapporter, et leurs dénominations peuvent avoir été laconiennes22. Cinq siècles après Xénophon, Plutarque paraît distinguer entre les enfants (de plus de sept ans) que sont les paides et les jeunes gens que sont les neoi, en introduisant une coupure entre les enfants de moins et de plus de douze ans23. Ces différences peuvent s’expliquer par une évolution des pratiques, peut-être au cours de l’époque hellénistique.
Une formation intellectuelle non négligeable Quant aux activités que pouvaient mener les jeunes gens, nos sources ne détaillent guère les apprentissages semblables à ceux connus ailleurs en Grèce (lecture et écriture, musique et danse, exercices physiques divers), mais au iie siècle de notre ère, Plu‑ tarque parle de l’apprentissage des lettres à Sparte d’une manière qui n’est pas dépourvue d’ambiguïté, puisque l’écrivain de Chéro‑ née déclare que cet apprentissage se bornait au strict nécessaire24. 177
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Sparte Il reprend là une indication à caractère rhétorique formulée par Isocrate en 33925, et la question se pose naturellement de savoir ce qui est nécessaire26… En fait on peut admettre que, dans le domaine intellectuel, les Spartiates disposaient des connaissances culturelles de base héritées de l’époque archaïque que, sans doute, l’ensemble du monde grec partageait, qu’il se soit agi des poèmes homériques, l’Iliade et l’Odyssée, ou des poèmes hésiodiques, la Théogonie et les Travaux et les jours, auxquels il convenait certainement d’adjoindre les poèmes de Tyrtée – comme ceux d’Alcman27. On doit aussi relever l’existence de nombreux artefacts ayant la forme de masques en terre cuite et datant des environs de 615‑450, qui ont été retrouvés enfouis à proximité du temple d’Orthia. Ces objets, souvent impossibles à utiliser comme masques du fait de l’absence de trous à l’empla cement des yeux ou de la bouche, pourraient avoir été des consécrations reproduisant des origi‑ naux en tissu ou en bois, qui auraient été utilisés lors de repré‑ sentations à caractère théâtral28. Le réper‑ toire de telles repré‑ sentations s’est perdu mais les masques conservés sont de types bien caractérisés, et montrent par exemple des guerriers, des jeunes gens, souvent aussi des personnages âgés. Hérodote mentionne l’existence d’un théâtre Masque en argile des environs de 550 qui servit en 491‑486 provenant du sanctuaire d’Orthia. Le personnage, lors d’un incident dans lequel on voit un vieil homme, survenu lors de Gymno est représenté partiellement édenté mais on ne pédies29, mais l’empla‑ voit pas d’ouverture à l’emplacement cement de cet espace de la bouche. Hauteur : 24 cm. 178
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives de spectacle est inconnu, et l’on pourrait hésiter entre la proximité du sanctuaire d’Orthia et le lieu où, à partir des environs de 30‑20 avant notre ère, a été établi le théâtre de pierre situé immédiate‑ ment au sud du temple d’Athéna Chalkioikos, sur le flanc sud-ouest de l’acropole. Il semble, aussi, que les Spartiates aient accordé de l’importance à la connaissance des généalogies – telles que celles des rois de Sparte. Platon, qui donne cette indication, évoque en outre leur goût pour ce qui se rapporte à l’« archéologie », c’est-à-dire les faits anciens30. En assistant à des célébrations en l’honneur d’hommes du passé – comme Léonidas ou le régent Pausanias31 – ou aux réunions d’un syssition, un jeune homme pouvait assimiler les élé‑ ments d’une tradition orale constitutifs de la mémoire collective, qui se transmettaient de génération en génération, en même temps que les normes de comportement admissibles et valorisées32. Parmi les usages appréciés et cultivés à Sparte semble aussi avoir figuré la « brachylogie », le recours à des mots brefs et confondants – qui explique le sens de l’adjectif français « laconique » – dont l’usage laconien a mené Platon à proposer de considérer les Lacé‑ démoniens comme des philosophes33 : Si l’on engage une conversation avec le plus ordinaire des Lacé‑ démoniens, on le trouve d’abord, sur la plupart des sujets, discou‑ reur assez médiocre, mais ensuite, au cours de l’entretien, il lance à l’improviste un mot frappant, bref et plein de sens, comme un habile lanceur de javelot, si bien que son interlocuteur a l’air d’un enfant à côté de lui.
Enfin, à partir de l’époque de Dicéarque, donc les environs de 300 av. J.-C., la Constitution des Lacédémoniens de ce disciple d’Aristote a, et durant une longue période, été lue aux éphèbes réunis annuellement au local des éphores, à l’éphoreion34. Les Spartiates disposaient donc, clairement, d’un outillage intel‑ lectuel qui ne laissait pas leur esprit en friche35, même si, par ailleurs, leur formation pouvait paraître largement physique.
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Un apprentissage physique et des épreuves corporelles Il est vraisemblable que l’appartenance d’un jeune Spartiate à une classe d’âge était déterminante pour l’amener à s’adonner à tel ou tel exercice, même si cela n’est guère explicité par les sources disponibles36. C’est incidemment que Plutarque nous apprend37 que, vers 464, au moment d’un séisme, des jeunes gens s’adonnaient à des exercices dans un gymnase et que certains d’entre eux, qui appartenaient à telle classe d’âge, durent d’avoir la vie sauve au fait qu’ils étaient sortis poursuivre un lièvre. On entrevoit aussi qu’il existait, à Sparte, une procédure, le phouaxir, qui consistait, ainsi que le note J. Ducat38, à « faire le renard » et qui est définie par un glossateur tardif, Hésychios, comme étant « l’entraînement physique à la campagne de ceux qui vont être fouettés », c’est-à-dire les jeunes gens. Une anecdote au caractère paroxystique, rapportée par Plutarque39, indique ceci : Les enfants qui volent se préoccupent tellement de n’être pas pris que l’un d’eux, qui avait dérobé un renardeau et le tenait caché sous son manteau, laissa, dit-on, la bête lui déchirer l’estomac avec ses griffes et ses dents, et, pour n’être pas découvert, soutint la douleur jusqu’à en mourir.
L’épisode est bien connu40 et on pourrait relever sa complexité en ce qu’il mentionne comme instrument même de l’épreuve un animal qui donne son nom à une procédure peut-être distincte, où le renard peut servir de modèle pour l’homme. Car une coupe du Peintre de la Chasse41 du milieu du vie siècle montre ainsi en son médaillon deux guerriers en train de s’armer tandis que, dans le registre inférieur, des renards sont figurés en train de jouer. Il est clair que la souplesse des hommes inclinés est rapprochée de celle qui peut caractériser des renards, mais comme les représen‑ tations de tels animaux semblent rares dans la céramique laco‑ nienne, on doit pouvoir considérer que, dans le contexte précis de la coupe, la figuration de renards constitue une allusion au phouaxir, considéré comme une procédure d’initiation marquant l’acheminement des jeunes hommes vers l’âge adulte et la pra‑ tique de la guerre hoplitique42. C’est aussi à celle-ci que renvoie 180
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives le buste en marbre dit de « Léonidas », à mettre sans doute en relation avec l’organisation, à Sparte, de courses d’hoplitodromes, fantassins en armes43. Mais une telle épreuve ne pouvait concerner que des hommes faits. Car il est vraisemblable que les prescriptions à respecter aient été de plus en plus astreignantes quand les enfants prenaient de l’âge44 et la formation des jeunes gens spartiates passe pour avoir été nettement empreinte non seulement d’austérité, mais encore de dureté. De nombreuses mentions textuelles font paraître la part des châtiments corporels dans les pratiques éducatives de Sparte : des coups pouvaient être donnés à un garçon par un adulte qui le jugeait bon, comme par son père. Xénophon indique même ceci45 : Quand un enfant frappé par un autre père va se plaindre au sien, il serait honteux pour celui-ci de ne pas infliger à son fils de nouveaux coups. Tant est grande la confiance mutuelle des Spartiates qu’on ne saurait donner à leurs enfants d’ordre déplacé !
Des coups de fouet sanctionnant un manquement pouvaient être infligés par les auxiliaires du pédonome qu’étaient les mastigophoroi, les « porteurs de fouet » pris parmi les hèbôntes46 ; les jeunes voleurs de nourriture qui avaient été pris pouvaient ainsi être fouettés47. Car une particularité des usages de Sparte à caractère éduca‑ tif consistait dans la place réservée au vol dans l’éducation des enfants. Selon Xénophon48, les jeunes Spartiates disposaient d’une quantité de nourriture telle qu’ils n’étaient jamais rassasiés et ils étaient incités à dérober de la nourriture pour compléter leurs repas ordinaires (organisés dans un local précis selon Plutarque49). Dans la présentation qu’il donne de ces vols à but alimentaire, Xénophon les justifie en notant le caractère éducatif de l’usage – qui entraîne à demeurer sur sa faim –, et le fait qu’une sanction frappe les mauvais voleurs, qui ont été pris. Dans d’autres circonstances, ce n’est pas à titre de sanction que des coups peuvent être infligés. Xénophon mentionne les pratiques de bômolochia, de vol – de fromages – à l’autel d’Or‑ thia, qui avaient lieu sous une pluie de coups de fouet, et qui, de valeur sans doute d’abord rituelle, ont dû se durcir entre le temps de Xénophon et l’époque de Plutarque, où il semble 181
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Sparte que la mort de jeunes gens sous les coups de fouet n’ait pas été exceptionnelle50. La pratique du vol de fromages à l’autel d’Orthia peut faire partie du catalogue d’endurcissements en usage à Sparte que mentionne Platon51 ; le même catalogue peut renvoyer aussi à des luttes organisées au Platanistas (bois de platanes) qui pou‑ vaient déjà exister au ive siècle av. J.-C. et que, au iie siècle de notre ère, décrit Pausanias : ces combats voyaient s’opposer deux groupes de jeunes gens, dans un combat où tous les coups étaient permis jusqu’à l’élimination des membres d’un groupe par leur propulsion dans un cours d’eau entourant l’île où avait eu lieu le combat52. Si des coups sanctionnaient des fautes dans l’entraînement, les jeunes gens devaient donc s’exercer à souffrir non pas pour pou‑ voir considérer avec indifférence les punitions corporelles qui les châtiaient, mais pour s’endurcir, de façon à servir au mieux la collectivité en étant maîtres de qualités garantissant une bonne efficience militaire53. Thucydide explicite cette logique quand il montre l’Athénien Périclès déclarant, dans l’hiver 431/430 : « Pour l’éducation, contrairement à ces gens, qui établissent dès la jeunesse un entraînement pénible pour atteindre au courage, nous, avec notre vie sans contrainte, nous affrontons au moins aussi bien des dangers équivalents54. »
La phrase suivante montre qu’il s’agit là des Lacédémoniens, et la critique porte bien sur les méthodes employées. Le propos peut paraître d’autant plus fort que le lecteur de Thucydide a vu antérieurement Archidamos, roi des Lacédémoniens, dire l’utilité du recours à de « rudes contraintes55 ». Mais le bien-fondé de la finalité n’est pas contestable, sans doute. Aux critiques que les Athéniens comme Périclès se permettaient de formuler, les par‑ tisans de Sparte pouvaient répliquer que la victoire de 404 sur Athènes avait bien montré où étaient les meilleures pratiques. C’est donc en renvoyant aux échecs en politique extérieure (que l’on pouvait sans doute largement imputer en fait à l’oliganthropie, à l’affaiblissement démographique de la cité) que les critiques du e iv siècle ont ensuite pu reprocher ses méthodes mêmes à l’édu‑ cation spartiate, comme on le lit chez Aristote56 :
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives En outre, les Laconiens eux-mêmes, nous le savons, aussi longtemps qu’ils furent les seuls à s’adonner à leurs pénibles exercices, gardèrent leur supériorité sur les autres peuples, mais à présent, ils sont loin en arrière des autres, aussi bien dans les compétitions sportives qu’à la guerre : leur supériorité passée ne tenait pas, en effet, à leur façon d’exercer leurs jeunes gens, mais au seul fait qu’ils s’entraînaient contre des adversaires qui, eux, ne s’entraînaient pas. Par conséquent c’est l’honneur, et non la brutalité qui doit, dans l’éducation, jouer le principal rôle : car ni un loup ni tout autre animal sauvage ne se risquerait à combattre par point d’honneur, c’est plutôt là le fait d’un homme de cœur (d’un anèr agathos).
Un tel passage est remarquable en ce qu’il recèle des critiques qui ne sont pas du même ordre : au début, ce ne sont pas les méthodes d’éducation en elles-mêmes qui sont jugées insuffisantes, puisque les Laconiens sont simplement présentés comme ayant été surpassés par d’autres, qui ont usé des mêmes méthodes, et qui sont les Thébains, vainqueurs à la bataille de Leuctres en 371. Ensuite, Aristote ne suggère pas aux Laconiens, pour qu’ils recouvrent leur supériorité, d’intensifier des pratiques dans l’exercice desquelles ils ont été surpassés ; au lieu de cela, il préconise de changer d’usage, de renoncer à un mode d’action qui s’apparente à celui, sauvage, du loup, sans doute pour en adopter un plus proche de celui du lion, qu’il vient de mentionner comme relevant non de la pire sauvagerie mais de mœurs plus douces57. Globalement, de tels usages permettent de constater, sans sur‑ prise, qu’au jugement de Plutarque58, les exercices [des Spartiates] étaient moins rudes quand ils étaient en campagne, et tout le régime des jeunes gens (neoi) devenait moins sévère et moins surveillé, si bien qu’ils étaient les seuls au monde pour qui la guerre fût un allègement des exercices qui y préparaient.
De fait, c’est peut-être durant une vingtaine d’années que les Spartiates prenaient de l’âge en subissant des coups, ceux de leurs aînés comme ceux de leurs camarades. Dans le prolongement d’une éducation incitant chacun à essayer de l’emporter sur ses camarades, au temps de Xénophon, les hèbôntes, d’un âge compris entre vingt et trente ans, pouvaient en effet s’affronter en raison du choix dont certains d’entre eux avaient pu bénéficier en étant 183
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Sparte choisis comme hippeis59, fait qui excitait la violente jalousie de leurs contemporains. Néanmoins, il ne convient pas non plus de penser que les jeunes Spartiates aient baigné constamment dans une atmosphère de vio‑ lence : la solidarité entre individus de même âge et d’âges dis‑ tincts avait aussi sa place. Aux yeux des autres Grecs un ensemble d’usages moins surprenant que la part admise de la violence était la relation pédérastique dans laquelle les jeunes gens de Sparte pouvaient se trouver engagés. Mais voici comment Xénophon pré‑ sente les choses60 : Lorsque quelqu’un, étant lui-même un homme de bien, s’efforçait, dans son admiration pour l’âme d’un enfant (d’un pais), d’en faire un ami sans défaut et de vivre en sa compagnie, [Lycurgue, le législateur légendaire de Sparte,] le louait et regardait cela comme la plus belle forme d’éducation (la kallistè paideia). Mais à tout désir qui s’adressait visiblement au corps d’un enfant il a attaché une grande honte ; aussi, grâce à lui, à Lacédémone, les amoureux ne s’abstiennent pas moins des plaisirs sensuels avec leurs aimés que les parents ne le font avec leurs enfants, les frères avec leurs frères.
Une telle relation contribuait à individualiser les façons d’être du jeune garçon, mais dans des limites déterminées, puisque son éraste, son amant, devait lui inculquer les meilleures valeurs admises par la collectivité. Or une telle formation était d’autant plus impor‑ tante que c’était du jugement d’autrui que dépendait l’intégration dans un syssition, l’un des groupes de banqueteurs entre lesquels les citoyens se répartissaient, l’appartenance à un syssition étant liée à la citoyenneté. En outre, des relations nouées durant la jeunesse pouvait dépendre l’accession d’un adulte à telle ou telle fonction politique61. Par ailleurs, certains jeunes gens étaient distingués à la fin de leur formation, non pas tant en fonction de leurs relations sociales que des mérites propres qu’ils avaient montrés, et d’une façon qui leur donnait l’occasion de s’illustrer encore davantage, à l’occasion d’une pratique qui revêt à proprement parler un caractère initia‑ tique : il s’agit de la cryptie.
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives
Une épreuve pour une élite : la cryptie Si Xénophon ne mentionne pas la cryptie, Platon l’évoque, dans les Lois, en jugeant qu’elle constitue un exercice étonnamment pénible. Cette pratique impliquait le fait de se cacher (comme une crypte est la partie « cachée » d’une église) et les jeunes gens qui étaient sélectionnés pour la pratiquer, appelés les kryptoi, les « cryptes », devaient être envoyés dans la campagne sans arme autre qu’un poignard62. Ces cryptes étaient « ceux qui passaient pour avoir le plus d’intelligence » dans leur génération et qui, étant des neoi, pouvaient avoir un âge compris entre vingt et un et trente ans63. Un trait qui contribuait à rendre la cryptie pénible pouvait être sa durée : la retraite des cryptes durait, précise un commentateur ancien de Platon, toute une année, et Platon luimême insiste sur son caractère hivernal. Considérant la situation et les tâches des cryptes, les Modernes ont pu voir dans la cryptie une période d’inversion64 qui serait une partie d’un ensemble d’activités initiatiques65, puisque le crypte agit d’une façon contraire à celle de l’hoplite qu’il est appelé à devenir. Au contraire du soldat lourdement armé, il est sans arme à l’exception d’un poignard ; il est (peut-être) solitaire et erre dans les montagnes, alors que l’hoplite combat aux côtés de camarades, en phalange et en plaine pour que le dispositif conserve sa cohé‑ rence ; le crypte serait actif en hiver, quand l’hoplite combat entre le printemps et l’automne ; il serait un adepte de la ruse pour tuer un Hilote – un esclave – par surprise, alors que les hoplites de deux phalanges opposées, qui mènent des attaques ordonnées, se combattent face à face sans guère surprendre ; les actions des cryptes seraient nocturnes quand l’hoplite se bat au grand jour. Mais les cryptes sont dans un état éminemment transitoire, et tout en étant en marge de la cité qu’ils sont appelés à intégrer pleinement, ils participent à assurer la stabilité de l’ordre social en terrorisant les Hilotes. Selon Plutarque66, pendant le jour, ces jeunes gens, dispersés dans des endroits couverts, s’y tenaient cachés et se reposaient ; la nuit venue, ils descendaient sur les routes et égorgeaient ceux des Hilotes qu’ils pouvaient sur‑
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Sparte prendre. Souvent aussi, ils se rendaient dans les champs et tuaient les plus forts et les meilleurs.
Ainsi une tâche des cryptes pouvait-elle consister à tuer des Hilotes, sans doute de préférence des individus qui, par leur pres‑ tance ou leurs qualités morales, paraissaient représenter une menace de subversion pour l’ordre établi. En conséquence, Plutarque est amené à juger de façon critique la cryptie, en déclarant qu’elle fonde le jugement formulé par « ceux qui disent qu’à Lacédémone l’homme libre est plus libre que partout ailleurs, et l’esclave plus esclave67 ». Et il ajoute ceci : Je ne saurais imputer à Lycurgue une pratique aussi horrible que la cryptie, quand je juge son caractère d’après sa mansuétude et sa justice en tout le reste, et quand je vois la divinité elle-même ajouter son témoignage en sa faveur.
Mais même s’il adopte une posture indignée concernant un aspect particulier des usages lacédémoniens, Plutarque n’ignore pas combien la cryptie peut être considérée comme une pratique qui est loin d’être marginale dans le système social et politique. C’est en effet par Plutarque – qui suit Aristote – que l’on apprend, dans le même passage, qu’au moment de leur entrée en charge (à l’équinoxe d’automne), les éphores proclamaient une déclaration de guerre aux Hilotes. De la sorte, aucun Spartiate meurtrier d’un Hilote ne se souillait par son acte, parce que tuer un ennemi était licite. De ce fait, alors même qu’il était dans une situation où il ne devait guère pouvoir compter que sur lui-même, le crypte agissait encore dans un cadre d’action défini par la cité.
Hippeis et agathoergoi : les meilleurs d’entre les hommes jeunes Peut-être après avoir pratiqué la cryptie68, les jeunes Spartiates pouvaient entrer dans le corps des hippeis, nominalement des « cavaliers » – en réalité des fantassins d’élite –, au nombre de 300, qui en temps ordinaire s’acquittaient de tâches de police et 186
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives qui, en temps de guerre, pouvaient constituer la garde royale. Si les anciens cryptes avaient de fortes chances, sans doute, de faire partie des hèbôntes (de vingt à trente ans) sélectionnés par les trois hippagrètes pour être hippeis, d’autres que les anciens cryptes devaient pouvoir être hippeis. Selon Xénophon, même si les hommes jeunes sont en rivalité les uns avec les autres pour être incorporés au groupe des hippeis – et en viennent à échanger des coups –, cette compétition a pour conséquence que les membres de cette classe d’âge s’entraînent séparément à faire toujours de leur mieux, et à devenir capables, quand il le faudra, de défendre, chacun pour sa part, la cité de toutes leurs forces69.
En outre, le temps de service d’un Spartiate comme hippeus (de dix ans au plus) pouvait s’achever par une distinction nouvelle propre à marquer l’excellence des qualités manifestées jusqu’à trente ans – tout en constituant en quelque sorte une ultime épreuve de qualification : un hippeus pouvait devenir agathoergos. Hérodote est le seul auteur antique à mentionner les agathoergoi, et il nous apprend ceci70 : Les agathoergoi font partie des citoyens, les plus âgés de ceux qui sortent chaque année des hippeis, à raison de cinq par an ; l’année où ils quittent les hippeis, ils doivent sans répit aller en mission chacun de son côté pour le service de la communauté des Spartiates.
L’appellation de ces hommes renvoie à l’accomplissement d’une bonne (agathon) action (ergon), et celle-ci a visiblement de grandes chances d’être effectuée hors du territoire lacédémonien : il s’agit d’une mission de confiance, parce que l’on compte sans doute que ces hommes, bien éduqués, seront capables de résister aux corruptions du dehors71. La fonction des agathoergoi a dû exister au moins du milieu du e e vi siècle au milieu du v siècle et il semble clair que ces hommes constituaient une élite parmi l’élite. Mais tous les Spartiates devaient avoir pour objectif d’être dignes d’estime, et la façon dont ils se voyaient imposer des épreuves physiques diverses leur en donnait le moyen et l’occasion aux yeux de leurs compatriotes. 187
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Sparte Ainsi, jusqu’à l’âge de trente ans, les Spartiates devaient-ils passer une grande partie de leur existence en état de tension. À partir de sept ans, ils devaient constamment se préparer à pratiquer un jour la guerre et, à partir de vingt ans, l’entraînement mili‑ taire occupait certainement une bonne part de leurs activités ; la compétence remarquable des Spartiates est en conséquence ainsi soulignée par Xénophon72 : Quand l’ordre normal [d’une troupe militaire] a été troublé, com‑ battre de la même manière auprès du premier venu, voilà une forma‑ tion qui n’est plus facile à apprendre, à moins que l’on ait été dressé par les lois (nomoi) de Lycurgue. C’est avec beaucoup d’aisance que les Lacédémoniens accomplissent aussi ces mouvements qui paraissent très difficiles aux professeurs d’art militaire.
Cette compétence remarquable des soldats et citoyens de Sparte impliquait de leur part une grande confiance dans les capacités de leurs compagnons de combat, et une telle confiance était nourrie par la vie menée de vingt à trente ans dans un cadre collectif, qui pouvait largement être celui des syssities73, et en fonction de règles diverses respectées en commun. Parmi ces règles devait figurer une pratique relevant d’usages propres à une initiation sinon homosexuelle, du moins homoérotique, et que Plutarque nous fait connaître74 : Ceux qui avaient moins de trente ans ne descendaient jamais au marché ; ils faisaient faire par leurs parents ou leurs amants (leurs érastes) les achats nécessaires à la vie de la maison.
Cette claire distinction entre les érastes et les éromènes créait entre les classes d’âge une distinction en même temps qu’une solidarité – étayée par les services quotidiens qui pouvaient être rendus. Il n’est d’ailleurs pas exclu que les jeunes gens, d’un âge compris entre vingt ou vingt et un ans et trente ans aient pu à la fois être des éromènes de leurs aînés (donc initiés par eux) et des érastes de leurs cadets (donc initiateurs de ces derniers)75. Aussi, ils auraient pratiqué une espèce de mariage furtif de telle sorte que, selon Plutarque, comme les hommes passaient l’essentiel de leur temps avec leurs camarades masculins, « le mari avait parfois des enfants avant d’avoir vu sa femme en plein jour76 ». Le but 188
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives d’un tel usage pourrait avoir été de permettre aux conjoints de s’assurer que leur union serait fertile avant qu’elle ne fût publiquement reconnue. Ensuite, après avoir dépassé l’âge de trente ans, les Spartiates devaient visiblement assurer le maintien de leur forme physique par la pratique de la chasse77 et, par ailleurs, ils avaient désormais la possibilité d’habiter chacun chez soi. L’accès au statut d’adulte était donc ainsi fort progressif, un individu pouvant échapper au contrôle permanent de son groupe seulement quand, pouvait-on estimer, il avait pleinement fait siennes les valeurs requises.
Le sens du devoir : la discipline des esprits et des corps L’apprentissage des Spartiates les amenait sans doute à ne pouvoir prendre la parole à l’assemblée des citoyens qu’une fois l’âge de trente ans atteint. Cet âge devait aussi constituer la limite inférieure pour devenir éphore. Alors, le Spartiate, déjà doté d’une certaine expérience de l’existence, était sans doute censé avoir pleinement compris que servir la collectivité était pour lui une façon d’agir au mieux de ses propres intérêts. Il s’était vu inculquer depuis une vingtaine d’années au moins les valeurs que la cité s’était données, notamment parce que, en permanence, les mérites des vivants et des morts faisaient l’objet de conversations tenues dans les différents lieux de sociabilité que pouvaient fréquenter les jeunes gens, comme les gymnases ou les syssitia. En outre, les femmes pouvaient contribuer à rappeler aux hommes ce que devait être leur comportement78 : les mères mêmes pouvaient agir en « sectatrices du code » selon la formule de J. Ducat79, en rappelant à leurs fils que leur devoir était largement militaire et « consistait à apprendre à bien obéir, à supporter patiemment la fatigue et à vaincre au combat », selon la formule de Plutarque80. C’est dans ce but que les Spartiates veillaient à assurer la discipline des esprits et des corps. À Sparte, à l’époque classique, l’éducation collective doit développer le sens de la discipline, l’obéissance, que fonde la retenue81, et qui passe souvent par la soumission aux aînés. L’éducation reçue rend sensible aux louanges et aux blâmes, fait intégrer en 189
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Sparte conséquence les règles du comportement admissible que définit l’expression même des louanges et des blâmes. La pleine assimi‑ lation de ces valeurs est assurée sans faiblesse, par des moyens de coercition physique, et elle est vraisemblablement étayée par l’importance accordée au culte des pathèmata, qui contribue à assurer la maîtrise de chacun par lui-même. Ces pathèmata étaient en général des abstractions d’états psy‑ chiques ou psychologiques liés à des manifestations physiques que les Spartiates devaient s’efforcer de maîtriser. On les présentera plus loin82, mais soulignons simplement ici que leur importance a été mise en avant dès l’époque archaïque, au viie siècle, dans une élégie de Tyrtée exhortant à la guerre83 : ce texte était visi‑ blement bien connu à l’époque classique puisque c’est par une citation qu’en donne l’orateur athénien du ive siècle Lycurgue qu’il nous est parvenu84. Dans le contexte d’une exhortation au combat sont mentionnés Thanatos, la Mort, Aidôs, la Retenue, Phobos, la Peur, Éros, l’Amour et, de façon implicite, Limos, la Faim85. Pour sa part, dans la République des Lacédémoniens, et précisément quand il décrit l’éducation des enfants, Xénophon montre le rôle tenu par un certain nombre des pathèmata : le pédonome inspire clairement Phobos (la Peur, non nommée) aux jeunes Spartiates ; en conséquence, à Sparte l’on voit « beaucoup d’Aidôs (de Rete‑ nue) joint à beaucoup d’obéissance ». Les enfants apprennent à dompter Limos, la Faim, et peuvent compléter leur alimentation notamment en maîtrisant Hypnos, le Sommeil, car « qui a l’inten‑ tion de voler doit rester éveillé la nuit ». Enfin, Xénophon déclare « devoir également parler [d’Éros homosexuel,] de l’amour des jeunes garçons86 ». Les seuls pathèmata connus qui soient absents de cette description sont Thanatos, la Mort (et cette absence s’ex‑ plique puisque les jeunes Spartiates ne sont par définition pas encore aptes à combattre) et Gélôs, le Rire. Mais Gélôs joue un rôle dans la formation des jeunes gens puisque, selon Plutarque, dans le cadre du syssition, « les enfants s’habituaient eux-mêmes à plaisanter et à railler sans mauvais goût87 ». Un lien très étroit se trouve ainsi établi entre l’affermissement de contraintes sociales et la sacralisation de sentiments qui poussent à s’y soumettre. Or, Xénophon affirme par ailleurs88 que l’éducation laconienne produit « des hommes plus disciplinés, plus retenus, 190
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives plus maîtres des désirs qu’il faut réprimer », que l’on n’en voit chez les autres Grecs. Sparte se trouve donc constituer un cas particulier par la cohé‑ rence de son projet éducatif et il est en outre remarquable que les filles de Sparte aient eu droit, comme leurs frères, à une attention qui transparaît dans certaines pratiques éducatives.
L’éducation des filles : une éducation physique à finalité eugénique Malgré la pluralité des textes de Xénophon, Platon, Aristote et Plutarque qui traitent de l’éducation des filles de Sparte89, il est souvent difficile d’en extraire des données précises et sûres. Néanmoins, et même si l’image fournie par Aristophane en 411 est certainement forcée, on admet généralement la valeur docu‑ mentaire d’un passage de cet auteur où on lit un dialogue entre l’Athénienne Lysistrata et une Laconienne, Lampitô, qui comporte notamment ces termes90 : — Lysistrata : Ah ! bien chère Laconienne, salut, Lampitô. Comme ta beauté, ma toute douce, est resplendissante ! Quelle belle carna‑ tion ! Quel corps vigoureux tu as ! Tu étranglerais un taureau ! — Lampitô : Ma foi ! oui, par les Dioscures. Je m’exerce au gym‑ nase et me donne du talon au derrière en sautant.
Indépendamment de l’exagération comique inhérente à l’évo‑ cation de l’étranglement d’un taureau, on doit pouvoir retenir ici qu’un critère de définition de la beauté à la mode de Sparte repose sur l’ampleur du développement physique individuel91. Pour atteindre à une telle beauté, les filles et les femmes (car Lampitô est mariée) devaient pratiquer un certain nombre d’exercices phy‑ siques, notamment la course et les concours de force – donc de lutte – que mentionne Xénophon92. La finalité eugénique d’une telle éducation physique des filles est explicitée par Xénophon : les exercices pratiqués par les représen‑ tants des deux sexes – et notamment par les femmes – auraient 191
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Sparte été censés favoriser la teknopoiia, la procréation, et permettre la naissance d’enfants plus robustes que ceux-ci n’auraient été sinon93. En corrélation avec cette importance accordée à la reproduction et au développement des qualités physiques, selon l’expression de J. Ducat, dès qu’il s’agit de femmes dans la tradition littéraire sur Sparte « le fantasme afflue94 », et le thème de la licence qui serait celle des phainomérides95, des « montreuses de cuisses », est souvent développé, par exemple vers 420‑410 av. J.-C. par Euripide96. Cependant, malgré une telle attention portée au développement visible du corps des filles, les exercices pratiqués ne fournirent pas à Sparte des combattantes, à l’époque classique : lors de l’invasion de la Laconie par les Thébains et leurs alliés en 369, les femmes, se montrant « parfaitement inutiles comme dans les autres cités, causèrent plus de trouble que les ennemis », relève Aristote97. C’est sans doute parce qu’il avait à l’esprit de tels événements, que Platon a pu relever qu’à Sparte les femmes ne prenaient pas part aux exercices en vue de la guerre98.
Les éléments de la culture féminine En revanche, dans le Protagoras, Platon fait dire à Socrate qu’à Sparte non seulement des hommes, mais aussi des femmes peuvent s’enorgueillir de leur culture, de leur paideusis99. Cela suppose que l’apprentissage des grammata, de la lecture, de l’écriture et sans doute du calcul ait été accessible aux filles, ou du moins à certaines d’entre elles. Nous ignorons dans quel cadre un tel apprentissage pouvait se dérouler ; à en juger par un passage de Plutarque100 qui met en scène Téleutia mère de Pédaritos, au moment où celui-ci fut harmoste à Chios en 412/411, une femme de Sparte était censée pouvoir écrire à son fils, à la fin du ve siècle. Mais la paideusis suppose aussi la connaissance d’œuvres de référence, qui pouvaient être les mêmes que celles connues des garçons101, et Platon relève102 que les korai, les jeunes filles de Sparte, doivent participer à des activités gymniques et relevant 192
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives de la mousikè. De fait, la pratique de la mousikè (qui compre‑ nait non seulement la musique, mais aussi la danse et le chant) pouvait être inculquée à au moins une partie des jeunes filles de Sparte, dans le cadre de chœurs dont le fonctionnement du temps d’Alcman, le viie siècle, a été étudié par C. Calame103. Le chœur était mené par une femme chorège, sous la direction générale d’un poète professionnel, et participait à des fêtes et à des concours. Avant de devenir, comme adultes, des sectatrices du code des valeurs de Sparte, les filles spartiates devaient aussi intégrer les exigences pesant sur leurs contemporains masculins, puisqu’elles devaient tourner en dérision les médiocres et exalter les meilleurs, selon Plutarque104 (qui mentionne la présence des rois dans le même passage, fait duquel on peut déduire que la pratique renvoie au plus tard à la fin du iiie siècle av. J.-C.). Cette connaissance que les femmes pouvaient avoir des exigences pesant sur leurs frères contribuait largement à assurer leur propre socialisation, en les amenant à rappeler la norme. Mais la norme masculine n’était pas la norme féminine.
Un système parallèle à la formation masculine ? L’idée d’une sorte de parallélisme entre l’éducation des jeunes filles et celle des jeunes gens apparaît parfois dans l’historiogra‑ phie moderne105, et cette conception pourrait s’autoriser notam‑ ment de l’indication de Plutarque relevant106 que, selon le modèle présenté par l’homosexualité masculine, l’homosexualité féminine était également pratiquée. Certes, on voit aussi mention d’agelai, de troupes de jeunes filles107 comme il y en a de jeunes gens, mais J. Ducat souligne108 que le mot est d’un usage banal en poésie pour désigner une troupe de jeunes filles comparée à un troupeau de pouliches. Surtout, le détail d’un éventuel système en classes d’âge reste inconnu : la seule mention en ce sens serait l’adjectif synomalikes qu’emploie Théocrite109 au début du iiie siècle av. J.-C. pour désigner des filles d’un même âge. Force est de reconnaître que c’est une indication fort limitée par rapport aux 193
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Sparte données multiples – même si elles ne sont pas toujours parfaite‑ ment claires – concernant les classes d’âge des garçons. On a vu par ailleurs le caractère sans doute restreint des types d’exercices physiques pratiqués par les filles, et c’est en fait dans le mariage lui-même que l’on pourrait reconnaître, pour elles, le caractère d’une cérémonie initiatique modelée sur certaines phases de l’éducation des garçons110. Une spécificité féminine consiste d’autre part dans le fait que, dans le cadre de leurs familles respectives, les femmes devaient assurer les services domestiques, l’intendance de la maison et l’éle‑ vage des enfants, selon la formule de Platon111 ; en conséquence de quoi, on peut penser que les filles devaient aussi quotidiennement, chez elles, se préparer à leur rôle à venir d’épouse et de mère de soldats spartiates112. C’est en tenant compte de cette importance probable des acti‑ vités à caractère domestique que l’on pourra admettre la possi‑ bilité, formulée par J. Ducat, selon laquelle seules les filles des meilleures familles pourraient avoir bénéficié de la formation dis‑ pensée dans les chœurs113, puisque n’apparaît pas clairement une prise en charge systématique de l’éducation des filles organisée (ni financée) par la collectivité civique. Néanmoins, il demeure que des pratiques éducatives concernant les filles existaient, même si elles étaient moins développées que celles des garçons. Il est d’ail‑ leurs possible114 qu’elles aient été aussi anciennes les unes que les autres, la seule trace d’une influence tangible des secondes sur les premières pouvant consister dans la pratique de la lutte, en sus de la course, par les filles. Ainsi, aux yeux des Grecs non spartiates, le système éducatif de Sparte paraissait-il doté de spécificités, liées notamment au caractère pénible de multiples pratiques. Sans que tout Spartiate ait eu nécessairement à subir des épreuves à caractère initiatique marqué, certains ont dû être dans ce cas – quand ils vivaient dans une période de cryptie. La flagellation subie à l’autel d’Orthia peut aussi être vue, peut-être, comme revêtant un caractère initiatique, mais à l’époque classique son caractère de spectacle sanglant n’était pas aussi marqué qu’il l’est devenu à l’époque romaine. Il demeure que, pour assurer leur puissance et leur prestige dans le monde grec, les Spartiates ne se contentaient pas d’entraîner leurs personnes à des épreuves physiques multiples : dans leur esprit, il 194
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Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives était aussi nécessaire de savoir requérir au mieux l’appui des dieux. C’est cette association d’un entraînement de longue durée et de pratiques cultuelles propre aux hommes de Sparte qui a conduit Xénophon à voir en eux de véritables spécialistes dans l’art de la guerre115. Mais comme les Spartiates étaient pleinement des citoyens-soldats, leur pratique de la guerre dépendait des décisions politiques qu’ils étaient eux-mêmes amenés à prendre.
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IX
Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique
L
a chronologie exacte de la mise en place et de l’évolution des institutions politiques de Sparte est mal connue – elle n’est d’ailleurs pas très bien connue non plus dans le cas d’Athènes –, mais l’évolution qui s’est produite depuis l’époque archaïque1 a répondu aux besoins ressentis par la société et par la communauté politique ; elle a consisté dans un accroissement du rôle des citoyens et de leurs représentants institutionnels, les éphores. La politeia, la constitution, et les epitèdeumata, les usages, des gens de Sparte nous sont connus par des récits d’historiens comme Hérodote ou Thucydide, qui montrent des actions accomplies par les Spartiates. En outre, même si, en grec, l’œuvre de Xénophon sur Sparte est selon son titre une Lakédaimoniôn politeia, une Constitution des Lacédémoniens (que l’on appelle communément la République des Lacédémoniens), l’auteur s’intéresse surtout aux epitèdeumata des Spartiates, à la manière dont ils vivent, grandissent, accordent une grande place à l’arétè, la « vertu », sont organisés à la guerre. Les notations à caractère institutionnel sont, au ive siècle, plutôt fournies par la Politique d’Aristote – et par Plutarque, qui a lu la Lakédaimoniôn politeia d’Aristote désormais perdue. C’est grâce à de telles sources que l’on peut tâcher de dépeindre les usages politiques des Spartiates à l’époque classique. Globalement, il apparaît que les institutions existant à Sparte sont d’un caractère pleinement hellénique, en ce sens qu’elles com‑ prennent une assemblée, un conseil et des magistrats. Les rouages 197
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Sparte du pouvoir sont en effet constitués, à Sparte, d’une assemblée des citoyens, du collège des cinq éphores – magistrats qui ont pour fonction de mener les débats de l’assemblée et d’assurer la permanence du pouvoir exécutif –, des vingt-huit gérontes qui, en conseil, peuvent contribuer à préparer les débats de l’assemblée, des deux rois qui peuvent s’associer aux délibérations des gérontes, et qui sont principalement des prêtres et des chefs militaires.
Le rôle des citoyens Les citoyens sont souvent dits homoioi, c’est-à-dire « semblables » (plutôt qu’« égaux »). Le terme, nous l’avons dit, reflète l’égalita‑ risme affiché des Spartiates sans indiquer une répartition égalitaire des biens2. Les citoyens (de plus de vingt ans, et sans limite d’âge supérieure, sans doute) doivent avoir accès à l’assemblée. Il est possible que ne puissent prendre la parole que les citoyens de plus de trente ans ; il est probable que l’interdiction pour les tresantes (ceux qui ont failli au combat) d’y parler ait été provoquée par l’intervention d’un anonyme indigne que mentionne Eschine3 en 346, mais qui n’est pas précisément datée. Le texte de la Grande Rhètra, des environs de 700, mentionne le fait que, à Sparte, on devait apellazein « de temps en temps », soit de façon régulièrement espacée ; il est probable qu’à l’époque classique l’assemblée se réunissait chaque mois au moment de la pleine lune. Le verbe apellazein, cité et commenté par Plu‑ tarque4, devait indiquer l’organisation de réunions en l’honneur d’Apollon, qui permettaient aussi aux citoyens de délibérer sur leurs affaires. Néanmoins, et contrairement à ce que l’on trouve dans un certain nombre d’études modernes, aucun texte ancien ne dénomme apella une réunion de citoyens de Sparte délibérant sur leurs affaires politiques. Une réunion de l’assemblée des citoyens est appelée haliè par Hérodote5, qui emploie aussi le mot agorè et indique l’existence d’une catégorie de sréunion à caractère électoral (archairesiè)6. Thucydide emploie7 lui le terme koinon, la « com‑ munauté », et, citant en dialecte dorien un accord entre Argiens et Lacédémoniens intervenu en 418/417, il mentionne8 l’ekklèsia des 198
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique Lacédémoniens. Les mêmes termes apparaissent chez Xénophon9 ; chez cet auteur aussi les citoyens convoqués à l’assemblée sont dits ekklètoi10, désignation qui marque concrètement le fait qu’ils sont « convoqués » en fonction d’un appel qui leur a été adressé pour qu’ils se rendent à une réunion commune. Dans le cas où il convient de s’informer et de réunir des repré‑ sentants des alliés, un syllogos peut être constitué : ce fut le cas en 432, lorsque se tinrent des débats provoqués par les manœuvres des Athéniens, selon Thucydide11. À l’issue de ces débats, leurs alliés corinthiens et leurs futurs adversaires athéniens s’étant exprimés, les Lacédémoniens « écartèrent tout le monde pour délibérer entre eux sur la situation », dit aussi l’historien12. Les débats de l’assem‑ blée – désormais dénommée ekklèsia13 – devaient être menés par les éphores, si l’on en juge par le récit de Thucydide, qui narre précisément cette réunion tenue en 43214 : Après avoir, en substance, tenu ce discours, il [l’éphore Sthénélaï‑ das] mit lui-même, en sa qualité d’éphore, la question aux voix dans l’assemblée des Lacédémoniens. Puis, le vote se faisant par acclama‑ tions et non avec des bulletins, il déclara ne pas distinguer de quel côté celles-ci étaient le plus fortes ; et, désirant leur faire montrer ouvertement leur opinion, pour mieux les inciter à la guerre, il leur dit : « Ceux d’entre vous, Lacédémoniens, qui jugent le traité rompu et les Athéniens coupables n’ont qu’à se lever pour venir se placer de ce côté-ci » (il leur montrait un endroit) « et ceux qui sont d’avis contraire, du côté opposé ».
En l’occurrence, il s’agissait de faire voter sur la question de la culpabilité ou non des Athéniens envers les alliés de Sparte, et ce vote a ouvert la possibilité d’une intervention militaire de Sparte contre Athènes, qui s’est produite à partir de 431 et qui a mar‑ qué le début de la guerre du Péloponnèse. Les citoyens de Sparte sont peut-être d’autant plus ici appelés « Lacédémoniens » que les décisions à prendre vont engager aussi les périèques, lacédémo‑ niens mais non spartiates. Du moins, les hommes à qui s’adressait l’éphore savaient que, selon la décision qu’ils allaient prendre, ils s’engageaient eux-mêmes à faire la guerre ou pas15, et c’est par une procédure d’intimidation qui levait le secret du vote que Sthénélaï‑ das a obtenu une majorité nette dans le sens qu’il souhaitait, celui de la guerre : dans son esprit, voter autrement aurait été signe de 199
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Sparte pusillanimité. Il apparaît en outre que la procédure, qui mettait en minorité le roi Archidamos II – qui avait parlé avant l’éphore et dans un autre sens que lui, d’après le récit de Thucydide –, a vu l’assemblée de Sparte agir comme une instance judiciaire pour traiter des relations avec une autre cité (le vote portait sur le fait que les Athéniens étaient « coupables » ou non à l’égard des alliés des Lacédémoniens). Il s’agissait là d’une sorte de prolongement d’une fonction de l’assemblée interne à Sparte. En effet, il est très probable que l’assemblée des citoyens pouvait se prononcer sur le sort même de rois mis en accusation. Une telle compétence des citoyens a eu lieu de se manifester, sans doute, en 494, quand le roi Cléomène fut acquitté à une grande majorité par les Spartiates après ne pas s’être emparé d’Argos quand l’occasion s’en était présentée16. De façon analogue, en 418, quand les Lacédémoniens furent mécontents de ce que leur roi Agis II n’avait pas profité d’une occasion propice pour attaquer les Argiens, ils songèrent à raser sa maison et à lui infliger une amende de 100 000 drachmes. Ce sont très vraisemblablement les mêmes soldats et citoyens qui ont obéi au roi lors des opérations militaires, puis qui ont été suppliés par lui en assemblée pour ne pas mettre leur menace à exécution. Agis fut simplement placé sous le contrôle de dix « conseillers » lors des opérations qui suivirent17. Une telle capacité de contrôle et de sanction peut permettre de comprendre que, du fait de la puissance des éphores, qui menaient les débats du peuple réuni en assemblée, les rois aient parfois dû agir en démagogues, au jugement d’Aristote pour qui « de l’aris‑ tocratie naquit la démocratie18 ». L’appréciation selon laquelle le régime de Sparte serait démocratique se trouvait d’ailleurs déjà une génération plus tôt, chez Isocrate, dans un texte des environs de 35419, où les Lacédémoniens sont dits avoir un régime extrê‑ mement démocratique. Le contrôle exercé sur l’action des rois, qui a pu se renforcer à partir de l’époque de l’éphore Chilon, au milieu du vie siècle, est aussi clairement manifeste quand il s’agit de choisir un roi entre deux prétendants possibles. Ainsi, vers 400/399, les citoyens doivent-ils décider qui du fils putatif d’Agis II (en fait sans doute fils de l’Athénien Alcibiade) et de son frère Agésilas doit devenir roi, et ils tranchent en faveur d’Agésilas : c’est la polis, la cité, qui a alors choisi, dit Xénophon20. 200
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique En temps ordinaire, les citoyens ont de multiples occasions de voter non seulement pour décider d’une campagne militaire, mais aussi pour désigner les détenteurs de certaines fonctions, comme celles des éphores ou des gérontes, peut-être aussi celles du pédo‑ nome – préposé à l’éducation – ou des polémarques – qui sont des chefs militaires. Il est probable que le mode général d’élec‑ tion est semblable au type de vote dont on vient de voir qu’il a été utilisé sous l’éphorie de Sthénélaïdas, à savoir l’acclamation. Comme Aristote caractérise semblablement le mode d’élection des éphores et celui des gérontes, en disant que l’un comme l’autre est « puéril21 », et comme Plutarque précise que le mode d’élec‑ tion des gérontes est l’acclamation22, on déduit généralement que le mode de scrutin permettant l’élection des éphores devait aussi être l’acclamation. Le fonctionnement des institutions dépendait donc largement de la volonté des citoyens, et la citoyenneté spartiate était suffisamment attirante pour qu’un complot tel que celui de Cinadon, organisé vers 399‑397, ait eu lieu, en ayant eu pour but de modifier le groupe des bénéficiaires du droit de cité23. Mais, naturellement, les citoyens ne se réunissaient pas quotidiennement pour délibérer de leurs affaires, et leurs représentants permanents, qui veillaient constamment aux intérêts de la cité, étaient les éphores.
Les éphores Le nom même des éphores désigne des « surveillants ». Comme on sait, la fonction n’est pas nommée explicitement dans le texte de la Grande Rhètra, mais le processus délibératif dépeint par ce texte du début du viie siècle semble supposer leur existence, comme porte-parole du peuple réuni en assemblée24. Dans les sources de l’époque classique leur rôle politique apparaît clairement comme étant essentiel : ils constituent en quelque sorte le pouvoir exécutif de Sparte et les détenteurs de la fonction sont renouvelés tous les ans, sans pouvoir se succéder à eux-mêmes. Les éphores peuvent être choisis parmi l’ensemble des citoyens (âgés de trente ans au moins, vraisemblablement)25. En soi, comme 201
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Sparte l’importance du pouvoir de l’assemblée, ce recrutement socialement large permet de caractériser le régime politique comme démocra‑ tique26, et Aristote déclare27 : D’autre part, la législation sur l’éphorie est, elle aussi, défectueuse. C’est cette fonction qui, chez eux, donne le contrôle des affaires les plus importantes, alors même que tous [ses détenteurs] sont issus du peuple [du dèmos], de telle sorte que souvent des hommes tout à fait pauvres accèdent à l’autorité, qui étaient corruptibles à cause de leur indigence. […] Cette autorité consolide le régime : le peuple [dèmos] se tient en effet tranquille du fait qu’il a part à la magistra‑ ture la plus grande.
L’un des éphores est éponyme, en ce sens que, comme un archonte éponyme athénien, il donne son nom à l’année durant laquelle il exerce ses fonctions, cette pratique permettant de situer les événements dans une séquence chronologique. On ne sait com‑ ment l’éphore éponyme membre d’un collège d’éphores était dési‑ gné. Thucydide date par exemple ainsi le début de la guerre du Péloponnèse, en 43128 : La trêve de trente ans, conclue après la prise de l’Eubée, avait duré quatorze années ; au cours de la quinzième, quand Chrysis était prêtresse à Argos depuis quarante-huit ans, Ainésias éphore à Sparte, et Pythodore archonte à Athènes pour encore quatre mois, dans le sixième mois après la bataille de Potidée, et avec le début du prin‑ temps, un groupe de Thébains […] entra en armes, vers le moment du premier sommeil, dans la ville de Platée en Béotie, cité alliée d’Athènes.
Le nom de l’éphore Ainésias reparaît par ailleurs en tête d’une liste des éphores éponymes de Sparte qui ont exercé leurs fonc‑ tions pendant la guerre du Péloponnèse ; cette liste, qui montre très clairement la fonction des éponymes, a été insérée à la fin du récit de la guerre qui se trouve dans les Helléniques de Xénophon29. Mais il n’apparaît par ailleurs pas dans les sources que l’éphore éponyme ait détenu de pouvoir particulier, par exemple qu’il ait été président du collège des éphores. D’après les sources narratives, le pouvoir des éphores se mani‑ feste de plus en plus nettement à partir de la seconde moitié du 202
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siècle, ainsi quand, vers 540 et selon Hérodote30, les éphores demandent au roi Anaxandride de changer d’épouse, puisque la sienne est apparemment stérile. Le roi refusant d’obtempérer, les éphores et les gérontes se concertent pour lui demander au nom des Spartiates – et avec succès – de prendre une seconde épouse en sus de la première31. Plus tard, au début du ive siècle et d’après le récit détaillé de Xénophon dans les Helléniques, une procédure en trois temps apparaît quand Sparte doit mobiliser ses forces militaires : l’assem‑ blée décide d’opérations à mener puis les éphores mobilisent les troupes et « la cité » (assemblée ou éphores) nomme un chef pour l’expédition32. Les éphores peuvent d’ailleurs, semble-t‑il, prendre des mesures d’organisation dans le prolongement d’une décision de l’assemblée prise avant une campagne militaire qui a déjà eu lieu mais qui n’a pas été immédiatement fructueuse. Une expression est d’ailleurs significative du lien étroit entre l’action des éphores et les décisions prises par les citoyens : à plu‑ sieurs reprises, Xénophon mentionne le fait que « les éphores et l’assemblée » ont pris telle ou telle décision33. Cela peut indiquer que le collège des éphores, menant une réflexion sur la conduite de la politique de la cité, s’est mis d’accord – éventuellement par une majorité de trois voix contre deux34 – pour préparer une mesure qui a ensuite été adoptée par l’assemblée des citoyens. La puissance des éphores est manifeste dans l’échange des ser‑ ments qui a lieu entre eux et les deux rois puisque, selon Xéno‑ phon : vi
Chaque mois a lieu un échange de serments entre les éphores jurant pour la cité et le roi pour lui-même. Le roi fait serment de régner en se conformant aux lois (nomoi) établies dans la cité, et la cité de ne pas malmener la royauté tant que le roi demeurera fidèle à son serment35.
La fréquence de la prestation de serment (une douzaine de fois par an) est significative, sans doute, d’une certaine méfiance à l’égard des rois, comme de l’idée, implicite, selon laquelle c’est d’un roi que pourrait venir une perturbation initiale des pratiques politiques. Le fait que ce soient les éphores qui se trouvent ainsi régulièrement en position de représenter les citoyens face aux rois est aussi caractéristique de ce que la permanence de la gestion des 203
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Sparte affaires est assurée par eux, comme c’est le cas dans les domaines de la justice, de la police et de l’administration. Visiblement36, quand les Spartiates avaient à mener contre l’un d’entre eux une action judiciaire pouvant conduire à la peine capi‑ tale, ils prenaient le temps nécessaire pour arriver à une connaissance exacte des faits et, par ailleurs, un personnage mis en examen et d’abord acquitté pouvait rester justiciable des mêmes faits. Les éphores menaient l’enquête et les gérontes assuraient l’instruction. Il semble que le jugement final devait pouvoir être rendu par les cinq éphores et les vingt-huit gérontes – auxquels devaient être associés les deux rois : selon Aristote37, des individus peu nombreux décident, à Sparte, de la mort et de l’exil. Ainsi, il apparaît que les éphores détenaient des pouvoirs judi‑ ciaires fort importants, mais une limite à leurs possibilités d’action tenait au fait que, une fois sortis de charge, ils devaient être amenés à rendre des comptes sur leur action devant le collège qui leur avait succédé. Dans le domaine du maintien de l’ordre, les éphores devaient disposer d’amples pouvoirs de sanction à l’égard des périèques et des Hilotes, sans être beaucoup retenus par des règles de procédure. Mais c’est surtout à l’égard des citoyens que les sources évoquent leur compétence de police38. Comme, selon Xénophon39, « à tous ceux […] qui exécutent les prescriptions légales [Lycurgue] a donné les mêmes droits dans la cité », ce sont les éphores qui, au premier chef, s’assurent du respect de ces prescriptions. C’est à ce titre qu’ils peuvent, tous les dix jours, surveiller l’état physique des jeunes gens, nous l’avons dit40. Mais une telle inspection est simplement périodique et, comme on sait, c’est le pédonome qui a pour fonction de surveiller en permanence l’éducation des jeunes gens. Les éphores veillent aussi au respect de règles du mariage : ils peuvent notamment contrôler la qualité physique des conjoints, et sanctionner par exemple le roi Archidamos II qui, au ve siècle, épouse une femme petite, supposée ne devoir donner que des roi‑ telets41. Cette surveillance a des finalités non seulement eugéniques, mais aussi morales : les éphores sanctionnent les courtisans des filles de Lysandre quand, à la mort de leur père en 395, ils les délaissent au moment où il apparaît que ce dernier était pauvre42. Les célibataires, qui ne se préoccupent pas d’assurer la perpétuation du corps civique, sont punis43. 204
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique Lors de la conspiration de Cinadon, vers 399‑397, les éphores, qui disposent du corps des hippeis utilisé comme force de police et non comme garde militaire royale, feignent de prendre une mesure de police contre une femme qui transformait Aulôn (localité du nord de la Messénie) en lieu de débauche : il apparaît qu’une telle mesure est donc de leur compétence44. De façon analogue, des éphores empêchent une atteinte aux usages ordinaires – et acceptés – en matière musicale quand Timothée de Milet (447‑357) concourt aux fêtes des Karneia : l’un des éphores, saisissant un couteau, lui demande de quel côté il doit couper les cordes dont son instrument est doté en sus des sept cordes habituelles45. Au milieu du ve siècle, deux des neuf cordes de la lyre de Phrynis auraient été coupées d’un coup de hache par l’éphore Ecprépès, selon Plutarque46. De telles interventions des éphores ont lieu notamment contre des importations d’usages venus de l’extérieur, et c’est parfois en simple qualité d’étrangers que des hommes font l’objet d’une cer‑ taine méfiance, car tout visiteur, surtout s’il n’est pas le représentant qualifié d’une entité politique reconnue – grecque ou barbare –, peut être considéré comme porteur de germes pathogènes dont il convient de se préserver. Les Spartiates peuvent craindre des actions de corruption qui amèneraient certains des leurs à vouloir orienter la politique extérieure de la cité dans tel ou tel sens : ainsi, en 499, Gorgô aurait-elle dit à son père le roi Cléomène qu’Aristagoras de Milet – désireux d’acheter son soutien – lui ferait du mal – littéralement « le détruirait47 ». Comme la fré‑ quentation d’étrangers venus à Sparte peut exciter la suspicion, elle peut amener à pratiquer des expulsions groupées d’étrangers, connues sous le nom de xénélasies, ainsi au début de la guerre du Péloponnèse48. Il est probable que de telles expulsions sont de la compétence des éphores49. Au reste, se rendre à l’étranger peut aussi être néfaste à un Spartiate, et des restrictions aux voyages sont donc en vigueur50. De telles pratiques s’expliquent par un souci de l’ordre public chez ceux qui les mettent en œuvre et qui sont généralement les éphores, de telle façon que Xénophon caractérise leurs pouvoirs ainsi51 : Les éphores peuvent donc infliger une amende à qui ils veulent et sont maîtres d’en exiger le payement immédiat ; ils sont maîtres aussi de déposer les magistrats en exercice, de les emprisonner et de leur intenter un procès capital. Nantis d’un pouvoir si considérable ils ne
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Sparte laissent pas, comme dans les autres cités, ceux qui ont été choisis pour les charges publiques commander à leur guise tout au long de l’année, mais se comportant comme les tyrans ou les présidents des concours gymniques, s’ils voient l’un d’eux agir de façon illégale, ils le punissent aussitôt sans plus attendre.
Le parallèle établi par Xénophon entre le rôle des éphores dans les institutions politiques de Sparte et celui des présidents – en qualité d’arbitres – dans les compétitions gymniques est éclairant. Il montre que les « surveillants » que sont les éphores doivent assurer des prises de décision rapides et efficaces, imposer des règles qui ne doivent pas être contestées ; on voit même que leur arbitraire s’impose non seulement aux simples citoyens, mais aussi aux magistrats autres qu’eux-mêmes, qui ne sont visiblement protégés contre leur sévérité par aucune immunité. Le souci d’une action diligente – qui peut visiblement paraître parfois brutale – dans les décisions des éphores explique l’autre parallèle dressé par Xénophon, avec les tyrans ; le même rapproche‑ ment apparaît chez Aristote selon qui52, pour certains, « l’éphorie est une tyrannie ». Mais le Stagirite donne ensuite53 sa propre opinion, selon laquelle la puissance des éphores « est trop grande et égale à celle d’une tyrannie (isotyrannos) » : cette caractérisation introduit une nuance, qui est justifiée puisque les éphores sont cinq et dotés d’une puissance seulement annuelle, alors qu’un tyran est seul et exerce sa puissance pour une durée indéfinie. D’ailleurs, tout en disant l’aspect tyrannique de l’éphorie, Aristote mentionne aussi le caractère démocratique global des institutions, vu comme une conséquence de cette tyrannie. Ce serait du fait de l’autorité excessive et presque tyrannique des éphores que « les rois eux-mêmes étaient contraints d’agir en démagogues ; si bien que, par là aussi, la constitution eut à souffrir : l’aristocratie fit place à la démocratie ». Donc l’origine sociale des éphores – à laquelle peut être lié leur souci de veiller à l’intérêt de l’ensemble du corps des citoyens – et l’ampleur des pouvoirs d’ordre disciplinaire qui sont les leurs contribuent à faire caractériser Sparte comme une démo‑ cratie par le plus systématique des analystes politiques du ive siècle. Mais les pouvoirs des éphores sont d’autant plus importants qu’ils s’exercent aussi dans le domaine que nous dirions administratif54. Ils assurent en effet, en particulier, la gestion des finances de la cité : leur collège décompte ainsi le montant du butin envoyé 206
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique à Sparte par Lysandre en 404, lors de la victoire sur Athènes55. Le fait que les éphores assurent la mobilisation des troupes est en relation avec la manière dont ils tiennent le catalogue des hommes disponibles, destinés à l’infanterie, à la cavalerie comme aussi certainement à la marine. Les éphores assurent de plus la mobilisation des moyens de l’intendance qui vont accompagner une armée56, et cela suppose qu’ils disposent d’un inventaire des ressources humaines et matérielles. Naturellement, de tels usages impliquent que les éphores, qui peuvent être des citoyens ordinaires, soient capables d’utiliser des supports d’administration écrits, et un instrument qui peut paraître symbolique de cette aptitude est constitué par la scy‑ tale. Selon Plutarque57, une scytale serait un moyen d’envoyer un texte de façon cryptée, parce que seule la détention d’un bâton au diamètre bien particulier permettrait le déchiffrement d’un texte porté par une bande de cuir que l’on enroulerait autour de lui.
Reconstitution d’une scytale selon la description donnée par Plutarque. Pour établir entre eux une communication secrète, un expéditeur et un destinataire auraient disposé de bâtons aux dimensions identiques. L’expéditeur aurait enroulé une bandelette de papyrus ou de cuir autour de son bâton avant d’y écrire un texte. La bandelette seule aurait été expédiée et le destinataire aurait pu lire le texte en l’enroulant autour de son propre bâton. Mais on ne voit pas comment un tel procédé aurait pu efficacement protéger le secret des messages. La scytale serait plutôt un ancien mode de correspondance que les Spartiates auraient conservé quand il aurait disparu ailleurs, notamment à Athènes.
Cette description a donné lieu à des reconstitutions modernes, mais il est probable58 que l’idée selon laquelle il s’agirait d’une mode de communication cryptée puise sa source dans la tendance prêtée aux Spartiates de recourir à des pratiques secrètes59. Plus 207
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Sparte vraisemblablement, d’après les sources d’époque classique aux‑ quelles Plutarque est postérieur d’environ cinq cents ans, la scytale devait constituer un moyen d’envoyer un message en lui donnant une valeur officielle, en montrant qu’il exprimait la volonté col‑ lective des Spartiates. L’expression d’une telle volonté avait lieu d’être assurée par les éphores, qui représentaient en quelque sorte la permanence du pouvoir exécutif, mais elle pouvait sans doute aussi être le résultat de délibérations plus mûries, telles que celles auxquelles contribuaient les gérontes.
Les gérontes La gérousie était un conseil des anciens – appelés gérontes – comprenant vingt-huit hommes de plus de soixante ans. Il s’agissait en principe de citoyens distingués par leur arétè, leur « vertu » : « La lutte pour la gérousie permet de juger des âmes vertueuses », déclare Xénophon60. La condition d’âge imposait que le choix ne pût concerner que des hommes désormais exempts de service militaire, dont on savait ce qu’avait été l’existence. Ils étaient élus à vie, et par acclamation selon Plutarque61 : La compétition engagée alors semblait être la plus importante qui fût au monde et la plus digne d’être disputée : car ce n’était pas le plus rapide parmi les rapides ni le plus fort parmi les forts, mais le meilleur et le plus sage parmi les bons et les sages qui devait être choisi, et, en récompense de sa vertu (arétè), obtenir pour tout le reste de son existence un pouvoir pour ainsi dire absolu dans le gouvernement, en devenant maître de la vie et de l’honneur de ses concitoyens et, en général, de toutes les affaires les plus importantes. Voici comment se faisait l’élection. L’assemblée (l’ekklèsia) étant réunie, des hommes choisis s’enfermaient dans une maison voisine, d’où ils ne pouvaient voir ni être vus, où ils entendaient seulement les cris des citoyens assemblés (les ekklèsiazontes). C’était, en effet, par leurs cris, ici comme dans les autres affaires, qu’ils jugeaient les concurrents, qui ne se présentaient pas tous ensemble, mais succes‑ sivement, suivant le rang que leur avait assigné le sort, chacun tra‑ versant l’assemblée (l’ekklèsia) en silence. Ceux qui étaient enfermés
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique avaient des tablettes où ils marquaient la force des cris poussés à l’apparition de chaque candidat ; ils ignoraient son nom et savaient seulement qu’il était le premier, ou le deuxième, ou le troisième, et ainsi de suite des candidats introduits. Celui pour lequel on avait poussé les acclamations les plus nombreuses et les plus fortes était proclamé élu.
Les indications des auteurs anciens sur la gérousie – à laquelle les deux rois, appelés « archégètes », sont associés selon la Grande Rhètra62 – paraissent quelque peu paradoxales : alors que, selon Eschine, qui s’exprime au plus tard en 34663, les gérontes détiennent « la plus grande magistrature (la megistè archè) », et que selon Isocrate, qui écrit en 342‑33964, les gérontes « pré‑ sident à toutes les affaires », les récits historiques permettent difficilement de discerner les causes de cette importance, qui peut s’expliquer peut-être surtout par la déférence due à l’âge et au critère de recrutement, fondé sur l’excellence individuelle au terme d’une vie remarquable. Il a été envisagé que la discrétion des mentions portant sur les gérontes dans les sources narratives s’explique par leur faible rôle dans les décisions ayant trait à la guerre, qui pouvaient revenir surtout à ceux qui la menaient, et qui étaient âgés de moins de soixante ans65. Il est par ailleurs possible que, en association avec les éphores, les gérontes aient, dans certains cas, joué un rôle pro‑ bouleutique, c’est-à-dire qu’ils aient contribué à la mise en forme des projets soumis à l’assemblée, mais ils ne figurent pas dans la formule qu’utilise parfois Xénophon selon laquelle « il a paru bon aux éphores et à l’assemblée » de prendre telle ou telle mesure66. En fonction des divers témoignages disponibles, on a conclu67 « que la procédure d’époque classique puisse consister dans le fait qu’un éphore (au nom de la majorité de son collège ?) propose une mesure à la gérousie, qui juge de l’opportunité de la soumettre à l’assemblée ; celle-ci entérine ensuite les mesures approuvées par le conseil [constitué des vingt-huit gérontes auxquels sont associés les deux rois et les cinq éphores] ». En fait, les gérontes sont sans doute particulièrement importants du fait de leur exercice de fonctions judiciaires, à en croire les indications de Xénophon68 :
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Sparte Parce qu’il [Lycurgue] a, en effet, institué les gérontes juges des causes capitales, il a rendu leur vieillesse plus honorée que l’âge où l’homme atteint sa plus grande vigueur.
L’indication est clairement reprise par Plutarque quand celui-ci, on l’a vu, caractérise un géronte comme « maître de la vie et de l’honneur de ses concitoyens », mais on ne voit pas nettement que les gérontes aient agi seuls dans le domaine judiciaire. Par exemple, en 403, lorsque le roi agiade Pausanias est poursuivi – et finalement acquitté – pour ne pas avoir exploité une défaite infligée aux Athéniens, ce sont les gérontes, mais associés aux éphores comme au roi eurypontide, qui l’ont jugé69. Globalement, tout en notant que les gérontes peuvent rendre des arbitrages importants – ce qui peut s’entendre dans le domaine politique comme dans le domaine judiciaire –, Aristote critique le caractère viager de la fonction, en considération de ce qu’il existe « une vieillesse de l’esprit comme du corps70 ». Mais Plutarque, qui n’est pas systématiquement critique à l’égard de Sparte comme l’est le Stagirite – qu’il a lu, comme il a lu Platon –, préfère quant à lui relever que les gérontes seraient un élément d’équilibre dans la cité : ils empêcheraient le régime de devenir excessivement démo‑ cratique ou tyrannique71. Car certains rois auraient eu tendance à accaparer trop de pouvoir.
Les rois Nous l’avons dit72, les deux rois étaient censés être issus de deux jumeaux, eux-mêmes issus d’Héraclès à la cinquième génération. Ils appartenaient à deux familles, les Agiades (issus de l’aîné des deux jumeaux, Eurysthénès fils d’Aristodèmos) et les Eurypontides (issus du cadet des deux jumeaux, Proclès fils d’Aristodèmos)73. Cette royauté détenue par deux lignées dynastiques parallèles s’est maintenue jusqu’en 227, quand l’Agiade Cléomène III a pris comme collègue à la royauté son frère Eucleidas. Dans chaque famille, la succession est héréditaire, a lieu de père en fils ou à défaut au profit d’un autre membre de la famille royale (un frère ou un cousin du dernier roi). Le fils héritier présomptif 210
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique bénéficie d’un traitement particulier puisque, selon Plutarque74, il est dispensé de l’agôgè, le système d’éducation collective qui forme les Spartiates à l’obéissance. Paradoxalement, il est possible qu’Agésilas II ait d’autant plus facilement pu succéder à son frère Agis vers 400/399 que, n’ayant pas été dispensé de l’agôgè, il avait pu se faire apprécier des Spartiates durant sa formation. Cela a pu contribuer à orienter le vote qui a évincé Léotychidas, considéré comme fils de l’Athénien Alcibiade (et non d’Agis) et de Timaia75. L’affaire était d’importance, aux yeux des Spartiates, du fait qu’il s’agissait d’assurer le caractère héraclide du nouveau roi (considéré comme descendant d’Héraclès, et par conséquent de Zeus). Car l’ascendance prétendument héraclide des rois était un élément essentiel de leur place à Sparte. Cette idée a pu contribuer, sans doute, au maintien d’une royauté ayant des capacités non seulement religieuses, mais aussi politiques à l’époque classique, quand les fonctions des rois ont largement disparu dans le reste du monde grec – à Athènes, par exemple, la royauté (détenue par le magis‑ trat que les Modernes appellent l’archonte-roi) est devenue une fonction principalement religieuse et au renouvellement annuel. Le maintien de l’existence de rois héréditaires a pu permettre à Sparte d’échapper – à la différence de Corinthe ou d’Athènes – à l’établissement d’une tyrannie à l’époque archaïque. Et à Sparte la place des rois reste assez importante, d’après Hérodote, qui écrit vers 430, et qui distingue trois types de privilèges (gerea, singulier geras) des rois, en temps de guerre, en temps de paix et après leur mort76. Fondamentalement, c’est le caractère sacré des rois, exprimé par leur rôle religieux, qui justifie la place que leur accordent les Spartiates et, selon Hérodote, les rois de Sparte détiennent, en temps de paix comme en temps de guerre, deux sacerdoces : ils sont prêtres de deux formes de Zeus – leur ancêtre prétendu : Zeus Lakédaimôn, dont l’appellation renvoie au contrôle de Lacédémone, et Zeus Ouranios, soit Zeus Céleste. On ignore si le roi agiade et le roi eurypontide détiennent chacun une prêtrise déterminée ou s’ils exercent les deux fonctions de manière collégiale. Mais il est remarquable qu’ils se trouvent être ainsi les seuls ressortissants de Sparte dont on sache qu’ils détiennent une fonction sacerdotale à l’époque archaïque et à l’époque classique. Cela marque nettement le caractère spécial de leur position à Sparte77. 211
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Sparte Mais ce sont aussi des droits propres aux rois qui, dans la vie quotidienne, manifestent leur place particulière aux yeux de tous. Les rois disposent en effet d’un privilège de proédrie – qui est assez banal en Grèce en faveur des prêtres et des magistrats – et qui consiste à bénéficier de places assises de choix réservées pour assister aux concours athlétiques – et certainement aussi aux acti‑ vités théâtrales78. En matière protocolaire également, « tous, quand le roi paraît, se lèvent par déférence ; les éphores seuls demeurent assis sur leurs sièges de magistrats », nous apprend Xénophon79. Les rois bénéficient en outre d’un traitement particulièrement favorisé dans divers types de repas, de nature religieuse ou com‑ munautaire, quand ils mangent chez eux ou chez des particuliers. Ils peuvent être « honorés d’une double ration, non pas pour qu’ils mangent doublement, mais afin qu’ils puissent par là honorer qui ils désirent », précise Xénophon80. Dans le prolongement, peut-être, de ces règles du domaine de l’hospitalité, les rois, nous dit Hérodote81, « désignent comme proxènes ceux qu’ils veulent parmi les citoyens ». Ces personnages seraient, on l’a vu, des Spartiates chargés des étrangers, pour les surveiller surtout82. Car les rois disposent de pouvoirs qui contribuent à la stabilité sociale, et ils jugent seuls un certain nombre d’affaires, surtout en matière de droit familial quand une fille est héritière des biens de son père en l’absence de fils (elle est dite patrouchos et se trouve dans une position équivalente à celle de la fille épiclère à Athènes ou de la patrôiôkos à Gortyne). Le roi procède à « la désignation de celui à qui il revient de l’épouser si le père n’a pas disposé d’elle en mariage », dit Hérodote83. Cette attribution, qui concerne les biens fonciers, peut aussi revêtir une valeur religieuse parce que, en l’exerçant, un roi peut être attentif à la perpétuation des actes cultuels familiaux. Peut-être une préoccupation du même ordre explique-t‑elle que « si quelqu’un veut adopter un enfant, il [doive] le faire en présence des rois84 ». Dans le domaine plus proprement politique, quel que soit leur âge, les rois siègent avec les membres de la gérousie, mais sans que l’on voie qu’ils détiennent quelque rôle institutionnel parti‑ culier dans ce conseil. Xénophon insiste surtout sur la soumission des rois aux lois, qu’exprime leur serment mensuel réciproque devant les éphores85. Cette soumission apparaît clairement dans une indication de Plutarque86 selon laquelle « lorsque [Agésilas] 212
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique était assis sur le trône royal et donnait audience, si les éphores entraient, il se levait ». La royauté des rois de Sparte n’est donc pas pleinement sou‑ veraine mais fondée sur la loi, dont l’expression quotidienne est constituée par l’action des éphores : les Spartiates ont « un maître, la loi (despotès nomos) », peut déclarer le roi de Sparte déchu Démarate au roi perse Xerxès, en 48087. Et cela vaut pour les rois. Une illustration de cette situation est connue dès les environs de 540 puisqu’alors le roi Anaxandride reçoit une sommation des éphores, puis une autre des éphores et des gérontes selon laquelle il doit veiller à assurer sa descendance en prenant une nouvelle épouse. Comme il refuse de répudier la première, il est autorisé à devenir bigame – et sommé de le faire –, en contradiction avec les usages ordinaires des Spartiates88. Le résultat de cette négociation montre que le roi est au service de la cité, qu’il constitue un maillon dans une dynastie qui participe de l’équilibre institutionnel global. En outre, même en temps de paix, les Spartiates ont naturelle‑ ment à l’esprit que leurs rois peuvent servir leur collectivité en cas d’opérations militaires : cela est si important que Xénophon dit deux fois la chose, à quelques lignes d’écart. Après avoir indiqué que le roi pendant une expédition ne conserve pas d’autres fonctions que celles de prêtre à l’égard des dieux et de stratège à l’égard des hommes,
il stipule ceci89 : Lycurgue a prescrit que le roi offrirait au nom de la cité tous les sacrifices publics, à cause du dieu dont il descend, et qu’il conduirait l’armée partout où l’enverrait la cité.
Le second passage explicite le fait que, en raison de leur ascen‑ dance, les rois de Sparte sont censés assurer des procédures reli‑ gieuses particulièrement efficaces ; or cela est tout à fait vital dans le cadre d’opérations militaires, que les rois peuvent mener comme « stratèges », c’est-à-dire comme généraux « conducteurs de l’armée » (sens étymologique du terme), et c’est notamment parce qu’ils sont supposés être dotés d’une aptitude religieuse spéciale que la cité leur confie ses troupes. Sans plus expliciter cette logique, une cinquantaine d’années après Xénophon, Aristote caractérise les 213
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Sparte rois de Sparte comme étant une sorte de stratèges à vie90. Mais à partir de 479 au moins, une armée commandée par un roi – ou un régent – est aussi accompagnée par deux éphores, qui veillent sur l’usage qui est fait des citoyens91. Les représentations religieuses entourant les rois ont donc contri‑ bué à assurer le maintien de leur fonction, dans l’intérêt bien compris de la cité, et alors même que leur richesse, leur souci probable de placer des proches à la gérousie92, leur expérience due au caractère viager de leurs fonctions et leur ambition pouvaient constamment alimenter à leur encontre le soupçon de vouloir ren‑ forcer leur pouvoir. Cette situation de méfiance ne pouvait d’ail‑ leurs qu’être entretenue par la prestation mensuelle d’un serment entre rois et éphores93 : non seulement cette procédure affirmait fréquemment la distinction d’origine entre les Spartiates doriens et leurs rois héraclides, mais encore elle contribuait à nourrir l’idée d’une différence d’intérêts entre citoyens et rois.
Un régime de constitution mixte Les institutions politiques de Sparte sont donc relativement bien connues, et leur complexité permet de comprendre l’intérêt qu’elles ont suscité chez divers penseurs. Ainsi, en adoptant une présentation diachronique, Platon considère-t‑il94 que le caractère dyarchique de la royauté lui a donné des limites plus justes que ceux d’une monarchie, que la gérousie a tempéré une royauté encore enfiévrée, et que la puissance des éphores a imposé un frein à un pouvoir encore enflé et irrité. Une telle appréciation, à laquelle renvoie explicitement Plutarque, fonde l’idée selon laquelle la puissance hypertrophiée des rois faisait tendre le régime vers une tyrannie95. Certes, Xénophon peut par ailleurs rapprocher le pouvoir des éphores de celui de tyrans96, mais la tyrannie des éphores – qui sont rapprochés des présidents des concours gymniques en même temps que des tyrans97 – est en fait celle des lois, et Xénophon souligne lui-même un peu plus loin que « Lycurgue a voulu, en effet, ne pas inspirer aux rois des sentiments tyranniques et ne 214
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique pas rendre les citoyens envieux de leur pouvoir98 ». Ces propos laissent entendre que si les citoyens ne sont pas envieux du pou‑ voir des rois c’est précisément parce qu’existe l’éphorie99, car une des fonctions de celle-ci est bien de veiller à éviter que les rois ne tirent profit de leur position pour la renforcer. Cette situation de tension permanente est liée à la complexité même du dispositif des institutions et des usages, qui permet une variété de point de vue, telle que, selon Aristote, certaines gens peuvent discerner des éléments démocratiques – pour partie liés aux pratiques éducatives et aux repas en commun – quand d’autres soulignent des traits oligarchiques : Bien des gens cherchent à en parler [de Sparte] comme d’une démocratie parce que […] pour les deux plus hautes magistratures, le peuple élit à l’une et accède à l’autre : il élit les gérontes et a part à l’éphorie. D’autres au contraire [voient dans Sparte] une oligarchie, parce qu’elle contient nombre d’éléments oligarchiques : par exemple, toutes les magistratures sont électives et aucune n’est tirée au sort, quelques individus sont maîtres de la mort ou de l’exil et bien d’autres traits du même genre100.
La procédure empreinte d’émulation qui fait élire les détenteurs de fonctions politiques ne relève certes pas, en effet, d’une logique démocratique extrême – qu’Athènes elle-même n’applique pas d’ailleurs – selon laquelle puisque tous les citoyens sont censés se valoir, un tirage au sort entre eux est une façon appropriée de pourvoir aux fonctions publiques. Mais les institutions de Sparte peuvent appeler une appréciation nuancée telle que celle rapportée par Aristote, selon laquelle on peut voir à Sparte une forme de constitution mixte101 : Certes il y a des gens qui disent que la meilleure constitution doit être un mélange de toutes les constitutions, et c’est pour cette rai‑ son qu’ils approuvent celle des Lacédémoniens, faite selon eux d’oli‑ garchie, de monarchie et de démocratie : la royauté, disent-ils, c’est la monarchie, la fonction des gérontes, l’oligarchie et la démocratie est représentée par la fonction des éphores, du fait que les éphores viennent du peuple ; mais, pour d’autres, l’éphorie est une tyrannie, la démocratie est représentée par les repas en commun et le reste de la vie journalière.
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Sparte Il est ainsi clair que les caractéristiques des institutions de Sparte amènent les contemporains à s’interroger sur la façon dont on peut définir le régime par rapport aux modèles simples que la science politique a définis au temps d’Aristote, et que peuvent être la monarchie, l’oligarchie et la démocratie. Une particularité du système par rapport à celui connu à Athènes à l’époque clas‑ sique consiste dans le fait que les éphores – et les rois – peuvent s’associer à la gérousie pour préparer les décisions de l’assemblée, la réunion de celle-ci étant ensuite présidée par au moins un éphore (alors qu’à Athènes les citoyens prytanes qui président la Boulè comme l’Ekklèsia102 ne sont pas, par ailleurs, des magistrats responsables de l’administration publique). Dans une optique synthétique, on peut dire que l’on possède assez de renseignements sur les pratiques politiques des Spartiates pour se risquer à proposer un organigramme institutionnel tel que celui-ci.
Ensemble à pouvoir de conseil Cinq éphores d’au moins trente ans, magistrats responsables d’une surveillance générale ; l’un est éponyme (et donne donc son nom à l’année) Gérousie dont Deux rois membres par hérédité, qui sont des prêtres et des chefs militaires : un Agiade et un Eurypontide
Vingt-huit membres par élection, d’au moins soixante ans
Lacédémoniens
Probouleusis (droit de proposition des lois)
élection à vie
élection annuelle
Assemblée des citoyens spartiates (Ekklèsia des citoyens dits ekklètoi par Xénophon), qui vote des lois, vote la guerre et la paix
Périèques (hommes libres dépendant de Sparte) Hilotes de Laconie (esclaves) Hilotes de Messénie (jusque vers 370/369) (esclaves)
Organigramme des institutions politiques
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique
L’attention doit être attirée sur le fait qu’aucun texte antique ne définit proprement l’ensemble constitué par les éphores, les gérontes et les rois comme l’équivalent d’un conseil. Car les éphores et les rois sont les détenteurs de fonctions exécutives qui prédominent dans la caractérisation qui est donnée de leurs pouvoirs ; mais les descriptions du fonctionnement institutionnel de Sparte per‑ mettent aussi de considérer que, par ailleurs, les mêmes hommes peuvent contribuer à la préparation des décisions de l’assemblée – et qu’ils disposent donc d’une force de proposition caractéris‑ tique d’un conseil. Une question assez mal déterminée est celle de savoir comment s’organisent exactement les débats entre éphores et gérontes – donc dans quelle mesure ils peuvent être considérés comme constituant un même conseil ; les pratiques ont pu varier au cours du temps, si ce n’est au gré des circonstances. Par ailleurs, la population civique était divisée en trois tribus, les Pamphyles, les Hylleis et les Dymanes, et répartie territoria‑ lement en cinq ôbai103, correspondant aux cinq regroupements d’habitat appelés kômai qu’étaient Pitanè, Mesoa, Kynosoura, Lim‑ nai, Amyclées. Mais il n’est pas certain que les ressortissants de chaque ôbè aient été répartis entre les trois tribus, même si c’est là une interprétation qui est parfois retenue104. Il n’apparaît pas non plus dans les sources textuelles que ces subdivisions du corps civique aient eu quelque incidence sur les procédures de vote. Mais, globalement, il est clair que l’assemblée des citoyens revêt un rôle essentiel, en conformité avec les indications fournies sur le fonctionnement de Sparte à l’époque classique, par exemple par Thucydide ou Xénophon ; cette importance permet bien de caractériser Sparte comme démocratique, ainsi qu’elle a pu être considérée jusqu’au xviiie siècle105. Pourtant il demeure que, depuis lors, l’historiographie occiden‑ tale a souvent voulu caractériser Sparte comme une oligarchie. Plusieurs raisons peuvent expliquer cela. D’une part, à en juger par les sources anciennes elles-mêmes, à l’époque archaïque, il y aurait bien eu un temps durant lequel le régime, caractérisé par la puissance des rois appuyée sur un conseil d’anciens, aurait été oligarchique – disons jusqu’au moment de la conquête de la Mes‑ sénie, dont le succès a pu alimenter les revendications du damos, du peuple. Ainsi, selon Plutarque106, après les réformes de Lycurgue « l’oligarchie [restait] trop forte et trop puissante encore ». Mais 217
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Sparte l’évolution s’est poursuivie, pour aboutir à la situation que l’on vient de décrire. Par ailleurs, quand il présente le début de la guerre du Pélo‑ ponnèse, Thucydide note ceci107 : Les Lacédémoniens avaient sous leur hégémonie des alliés qui ne payaient pas de tribut, mais chez qui ils prenaient soin de faire régner une oligarchie répondant à leur seule commodité.
C’est clairement par souci de simplicité, d’efficacité, donc de stabilité, pour éviter les aléas de changements d’orientation dans les relations entre cités inhérents à un régime démocratique éta‑ bli chez leurs alliés, que les Spartiates veillent à ce que les cités alliées soient contrôlées par leurs partisans, organisés en oligarchie de façon stable et eux-mêmes attachés à une alliance qui assure leur pouvoir politique local. Mais que les alliés de Sparte vivent en régime oligarchique n’implique nullement qu’une oligarchie soit établie à Sparte. En outre, on pourrait croire que l’esprit de compétition cultivé entre les citoyens faisait ipso facto de Sparte une aristocratie – forme d’oligarchie –, mais c’est négliger le fait que, la compétition étant permanente entre les citoyens, la hiérarchie sociale, morale et politique était mouvante. Exemplaire est à cet égard le cas de Pédaritos : quand ce personnage eut échoué à être admis parmi les 300 hippeis, il s’en retourna tout épanoui et souriant ; les éphores l’ayant rappelé et lui demandant le motif de sa gaieté, il répondit : « C’est parce que je me réjouis avec la cité, de ce qu’elle possède trois cents citoyens supérieurs à moi108. »
Or cet individu, à qui bien d’autres de ses contemporains furent un temps préférés, est très probablement le même personnage qui fut plus tard investi d’une mission de confiance non négligeable quand il fut envoyé comme harmoste – chef de garnison – à Chios à l’été 412109. Il avait donc très clairement su se faire apprécier après un échec nullement irrémédiable essuyé dans sa jeunesse. Enfin, un jeu d’échelle doit être pris en compte, et qui tient à la possibilité de caractériser différemment les institutions de Sparte et celles de Lacédémone, malgré le fait que, souvent, dans les sources 218
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Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique anciennes il soit question, par métonymie, des Lacédémoniens plu‑ tôt que des Spartiates. Cette incertitude terminologique fréquente explique les hésitations des Modernes quand ils essaient de carac‑ tériser Sparte. Car, quand les Anciens s’expriment avec rigueur, ils distinguent nettement entre Sparte et Lacédémone. Ainsi Hérodote nous montre-t‑il Démarate, ancien roi des Lacédémoniens, parler d’eux à Xerxès, après la bataille des Thermopyles, et lui déclarer : « Le nombre est grand de tous les Lacédémoniens, et ils ont beaucoup de cités […]. Il y a en Lacédémone une cité, Sparte110… »
Ici, les cités nombreuses que mentionne Hérodote sont celles des périèques, habitants de communautés laconiennes qui sont citoyens dans leurs petites communautés, mais qui – pour autant que l’on sache – n’ont pas voix délibérative à l’assemblée de Sparte111. En conséquence, quand les Spartiates réunis en assemblée décident d’entreprendre des opérations militaires, la procédure est démo‑ cratique en ce que ces opérations les concernent eux-mêmes, mais elle revêt un caractère oligarchique en ce qu’elles concernent des hommes qui n’ont pas décidé par eux-mêmes de faire la guerre112. Comme, en outre, Sparte a subi une sévère oliganthropie, une diminution de ses effectifs civiques au cours de l’époque classique, le caractère oligarchique de l’organisation de Lacédémone peut paraître s’être accru au cours de cette période, puisque le nombre de Spartiates prenant des décisions pour les Lacédémoniens s’est proportionnellement réduit. Mais il demeure que, dans l’ensemble, si les Spartiates imposaient sans faiblesse leur autorité à leurs proches voisins, ils n’étaient, semble-t‑il, pas pour autant particulièrement complaisants pour eux-mêmes. Constamment soucieux d’assurer leur eunomia113 – leur « bonne législation » –, leur eukosmon114 – leur « bon ordre » –, ils étaient persuadés qu’ils pouvaient d’autant mieux assurer l’équilibre politique de leur cité qu’ils savaient se rendre les dieux propices.
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Dieux et cultes de Sparte
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our expliquer comment les gens de Sparte avaient pu, en 511/510, chasser d’Athènes la famille des Pisistratides, mal‑ gré les liens d’hospitalité que ceux-ci pouvaient entretenir en Laconie, Hérodote signale que les Lacédémoniens « faisaient pas‑ ser les égards dus aux dieux avant les égards dus aux hommes1 ». Considérée dans son contexte, cette appréciation peut être comprise comme visant à souligner combien la sensibilité religieuse lacédé‑ monienne est non d’une nature mais d’un degré supérieur à celle des autres Grecs. De fait, nous possédons de riches indications sur les pratiques religieuses des habitants de Laconie, parce que les textes qui nous renseignent sur la vie des Spartiates comprennent de nombreuses notations sur des comportements dus à des raisons religieuses2. En outre, depuis le début du xxe siècle, des archéologues grecs et britanniques ont mené de nombreuses fouilles qui ont mis au jour des restes archéologiques (des artefacts et des inscriptions – souvent assez tardives, d’époque romaine, il est vrai)3. Un cer‑ tain nombre de coupes laconiennes du vie siècle av. J.-C., ornées de représentations humaines ou divines, et qui ont généralement été découvertes hors de Laconie, nous donnent aussi des rensei‑ gnements sur l’imaginaire religieux laconien4. Il apparaît ainsi que les figures du panthéon de Sparte et les actes constitutifs des cultes en Laconie ne semblent pas différer foncièrement des dieux et des pratiques cultuelles connus ailleurs dans le monde grec. On pourra les considérer, d’abord, en ayant à l’esprit que les compétences et les modes d’intervention prêtés aux 221
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Sparte divinités doivent couvrir le champ de toutes les activités humaines. Ensuite, on examinera de quelle manière l’ensemble du cadre quotidien est sacralisé, et enfin comment les morts peuvent être mis au service des vivants. Dans l’esprit des Spartiates – comme dans celui des Grecs des époques archaïque et classique en général –, l’existence humaine se déroulait dans un monde où les manifestations de puissances surnaturelles étaient partout présentes. Et de ces puissances, il convenait de s’assurer la faveur par des actes appropriés. Une telle attitude d’esprit et de telles façons de faire caractérisaient les usages des Spartiates tout au long de leur formation, mais aussi dans le cadre des activités pacifiques des adultes ou dans celui des activités guerrières.
Initiation et vie collective sous le signe des dieux
D’après Polémon d’Ilion5, un auteur actif vers 190 avant notre ère, les nourrices (titthai) des jeunes garçons spartiates célébraient un culte particulier dont le nom révèle qu’il était lié à l’exer‑ cice de leur fonction : il s’agit des Tithènidia, une fête organisée en l’honneur d’Artémis Corythalia devant une représentation de celle-ci. Quant à la croissance des jeunes filles, elle était, selon Héro‑ dote, placée sous le patronage d’Hélène, épouse du roi Méné‑ las d’après l’Iliade6. Un passage d’Hérodote qui évoque Hélène implique que le personnage patronne le mariage des jeunes filles nubiles7 : Cet homme [Agétos fils d’Alkeidès] avait pour épouse la femme qui, de beaucoup, était la plus belle de Sparte, et cela après être devenue de très laide très belle. Car sa nourrice, qui la voyait physiquement disgraciée, – cette enfant à la vilaine figure était la fille de gens riches – et qui voyait aussi ses parents prendre mal leur parti de sa disgrâce, après avoir constaté tout cela, avait eu cette idée : tous les jours elle la portait au sanctuaire (hiron)
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Dieux et cultes de Sparte d’Hélène, qui est au lieu appelé Thérapnè au-dessus du sanctuaire (hiron) de Phoibos ; et, chaque fois qu’elle l’y avait portée, elle la présentait debout à la statue de culte (agalma), priant la déesse de guérir l’enfant de sa laideur. Or, un jour qu’elle revenait du sanctuaire (hiron), une femme, dit-on, se montra (epiphanènai) à la nourrice, et cette femme qui se montra (epiphaneisan) ainsi lui demanda ce qu’elle portait dans ses bras ; elle dit que c’était une enfant ; la femme l’invita à la lui montrer ; elle refusa, car les parents, dit-elle, lui avaient interdit de la laisser voir à personne. La femme insista vivement pour qu’elle la lui montrât ; et la nourrice, voyant que cette femme tenait tant à la voir, finit par la lui montrer. La femme caressa la tête de l’enfant, et déclara que ce serait la plus belle de toutes les femmes de Sparte. À partir de ce jour, l’enfant changea effectivement de figure ; et, quand ce fut une fille arrivée à l’âge de se marier, elle fut épousée par Agétos fils d’Alkeidès.
Il est clair que l’épiphanie mentionnée, c’est-à-dire l’appari‑ tion d’une femme, est celle d’Hélène, fameuse pour sa beauté et qui est censée annoncer la transformation d’une enfant dis‑ gracieuse en belle femme ; son sanctuaire établi au Ménélaion, à l’endroit indiqué par Hérodote, est bien connu8. L’historien fournit ici sinon proprement un aition (un récit explicatif) de l’établissement du culte d’Hélène dans un hieron à Thérapnè, au-dessus du Phoibaion (à l’est de Sparte), du moins une espèce de confirmation de la valeur de ce culte. Pour sa part, Isocrate, l’orateur athénien du ive siècle, déclare qu’à Thérapnè, Hélène et Ménélas ont droit à des sacrifices non comme des héros, mais comme des dieux9. D’autres entités encore veillent sur le passage à l’âge adulte. Orthia fait l’objet d’un culte tel que plus de 100 000 figurines de plomb d’époque archaïque ont été trouvées dans son sanctuaire. Ces figurines10 peuvent avoir de 2,5 à 8 cm de haut et repré‑ sentent un personnage féminin ailé (sans doute Orthia elle-même), des guerriers, des animaux… De telles consécrations peuvent être considérées comme des hommages à la déesse, à qui l’on offre des images d’elle-même, de ses dévots, d’êtres vivants ou d’objets inanimés.
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Figurines archaïques de plomb provenant du sanctuaire d’Orthia.
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Dieux et cultes de Sparte Objets du Laconien I, soit 650‑620 d’après J. Boardman : – 1, 2, 3 : personnages féminins ailés. – 4, 5, 6 : guerriers en marche (cf. aussi supra, p. 49). – 7 : bouc dressé. Objets du Laconien II, soit 620‑570/560 d’après J. Boardman : – 8 : représentation probable de fils de chaîne sur un métier à tisser (offrande pouvant évoquer le travail textile inachevé d’une femme morte en couches). Des objets semblables ont été trouvés dans le mobilier du Laconien I. – 9 : représentation de tissu achevé, tendu vers le bas d’un métier à tisser par des pesons. Des objets semblables ont été trouvés dans le mobilier du Laconien I. – 10 : couronne. – 13, 14, 15 : personnages féminins ailés. – 11, 12, 16 : guerriers en marche.
Le sanctuaire spartiate d’Orthia11 semble avoir été le théâtre d’un vol de fromages (ou d’épis de blé ?) déposés sur l’autel de la divinité (un usage connu ailleurs et appelé bômolochia) ; cet usage revêtait la valeur d’une épreuve initiatique parce que le vol, pratiqué par des jeunes gens, avait lieu sous une grêle de coups de fouet12. Il est probable que l’épreuve s’est durcie ensuite pour devenir une sorte de spectacle sanguinaire à l’époque romaine, quand un amphithéâtre a été construit pour permettre à une foule nombreuse d’en apprécier tous les détails13. Un tel rituel, marquant une scansion dans la vie des Spartiates, permet de comprendre l’explication antique du nom d’Orthia, mis en rapport avec l’adjectif orthos (« droit »), en ce sens que la divinité était vue comme aidant les êtres humains à grandir ou à se rétablir. Orthia pouvait être associée à Eileithyie, patronne des accouchements, et des plombs représentant des motifs textiles féminins sont consacrés à Orthia. Ce n’est d’ailleurs que tardivement qu’elle a reçu l’appellation d’Artémis Orthia14. Des entités masculines aussi patronnent les activités des jeunes gens. Les relations d’homosexualité initiatique (sur l’existence des‑ quelles Xénophon tient des propos de dénégation15) pouvaient être placées sous le patronage d’Apollon, éraste (amant) mythique de Hyakinthos. Les liens unissant les deux personnages étaient évo‑ qués dans l’iconographie de l’Amyclaion, le sanctuaire d’Apollon 225
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Sparte à Amyclées, construit à environ 5 kilomètres au sud de Sparte par l’architecte Bathyclès de Magnésie vers le milieu du vie siècle16. Enfin, si l’on en juge par Pausanias17, les jeunes gens, combat‑ tant en groupes, avaient l’occasion, après avoir sacrifié notamment à Achille18, de s’affronter dans une île située au Platanistas (lieu planté de platanes mais de localisation quelque peu incertaine ; peut-être était-elle au nord-ouest de l’acropole de Sparte, entourée par un affluent de rive droite de l’Eurotas, dans le vallon de la Mousga)19. Dans le domaine des représentations, cette pratique peut avoir eu pour finalité d’assurer la confirmation des pouvoirs des rois, ou de leur adresser un avertissement selon le camp qui était victorieux, celui d’Héraclès (ancêtre des rois) ou celui de Lycurgue (législateur de la cité), en fonction d’une opposition exprimée par le serment mensuel entre rois et éphores20. Ainsi, les jeunes Spartiates accédaient-ils progressivement à l’âge adulte sous le patronage de divinités qui veillaient sur leur croissance. Une fois adultes, les Spartiates continuaient à marquer un grand souci des dieux, que ce fût dans leurs activités pacifiques ou militaires.
Dieux et cultes des activités pacifiques Le plus ancien texte qui mentionne des dieux de Sparte est la Grande Rhètra, que l’on a déjà évoquée21. Il y paraît que les deux dieux les plus anciennement attestés à Sparte sont Zeus et sa fille Athéna (l’épithète Skyllanios – Skyllania au féminin en ce qui concerne Athéna – est de sens incertain). Indirectement, on voit aussi une mention d’Apollon, puisque sont citées des apellai, fêtes en l’honneur du dieu (dont le nom est attesté notamment à Delphes) qui devaient être organisées régulièrement (« de saison en saison » ou « de temps en temps », dit le texte grec). Ces fêtes pouvaient, à l’époque archaïque, être des occasions pour réunir l’assemblée des citoyens. L’importance majeure de ces trois entités divines est manifeste dans d’autres indications : les seuls prêtres que l’on sache avoir existé à Sparte à l’époque classique sont les deux rois (l’un appar‑ tenant à la famille des Agiades et l’autre à celle des Eurypontides) ; Hérodote déclare en effet22 : 226
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Voici les prérogatives (gerea) que les Spartiates ont concédées à leurs rois : deux sacerdoces, ceux de Zeus Lakédaimôn [de Lacédé‑ mone] et de Zeus Ouranios [du Ciel]…
L’expression d’Hérodote ne permet pas de savoir si le roi de l’une des deux familles régnantes était préposé au sacerdoce de l’une des deux formes de Zeus, tandis que son collègue était pré‑ posé à l’autre : si tel était le cas, puisque la famille des Agiades semble avoir joui d’une certaine prééminence en dignité23, on pourrait être tenté de considérer que c’est le premier des sacer‑ doces mentionnés par Hérodote qui était dévolu à cette famille, mais on ne peut exclure que les rois aient exercé collégialement les deux prêtrises. Quoi qu’il en soit, la mention de Zeus dans la Grande Rhètra et celle des rois comme étant ses prêtres montrent la grande importance du culte dévolu au roi des dieux à Sparte. Quant à Athéna, elle partage avec Zeus d’autres épithètes (ils sont Agoraios et Agoraia, patrons de l’agora24, Xenios et Xenia, patrons des étrangers25, Amboulios et Amboulia, Conseillers26). Zeus et Athéna sont aussi associés dans des sacrifices concomitants27. Surtout, Athéna est dite Poliouchos – « Qui tient la cité », soit, dirons-nous, « Maîtresse de la cité » – ou Chalkioikos – « À la demeure de bronze », parce que les parois de son temple bâti sur l’acropole de Sparte étaient ornées de plaques de bronze histo‑ riées28. Ce temple, dû à Gitiadas, datait de la fin du vie siècle ; il pouvait naturellement se dresser sur un site antérieurement occupé par un édifice religieux. Outre Zeus et Athéna, un dieu à qui l’on pouvait demander de veiller de façon générale sur la prospérité collective était Apollon. Hérodote indique ceci29 : Tous les jours de nouvelle lune, et le septième jour de tous les mois, on livre à chacun d’eux [des rois] aux frais du trésor, conduite au temple d’Apollon, une victime adulte avec un médimne de farine [environ 52 litres] et un quart de vin [une douzaine de litres ?], mesure de Laconie.
Le septième jour du mois, qui était réputé être celui de la naissance d’Apollon, lui était particulièrement consacré30, et on voit donc que les rois étaient chargés du sacrifice de deux vic‑ 227
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Sparte times (deux bœufs ?) à Apollon. En outre, marquant l’attention dévolue au dieu, chaque année, les Hyakinthies peuvent avoir été l’occasion du renouvellement annuel du chitôn de la statue d’Apollon à Amyclées, ce vêtement étant tissé dans le sanctuaire des Leucippides (épouses des Dioscures) à Sparte31. Enfin, parmi bien d’autres entités divines honorées à Sparte, les Dioscures, Castor et Pollux, semblent avoir reçu une vénération particulière. Plutarque décrit la représentation non figurative, ani‑ conique, dont ils faisaient l’objet32 : Les Spartiates appellent dokana les antiques reliques (palaia aphidrymata) des Dioscures : ce sont deux barres en bois parallèles reliées par deux traverses, et le caractère commun et indivisible de cet objet consacré (anathèma) semble approprié à l’amour fraternel de ces dieux.
Représentation des dokana, images aniconiques des Dioscures. Cette photographie dont les motifs sont explicités par le dessin montre une plaque de pierre de 44 cm de haut et datée du ve siècle av. J.-C. On y voit deux poutres reliées par deux traverses qui représentaient les frères jumeaux Castor et Pollux – dits les Dioscures ou les Tyndarides –, auxquels les deux rois, censément issus de jumeaux, devaient pouvoir être assimilés. À partir de 506, quand l’armée ne fut plus conduite que par un roi, ce ne fut plus qu’un seul dokos qui, démonté de l’ensemble, accompagna les troupes en campagne.
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Dieux et cultes de Sparte Cette figuration semble correspondre à celle que l’on voit sur des reliefs laconiens33 ; on la retrouve d’ailleurs dans le symbole zodiacal moderne des Gémeaux (♊). Il semble notable que lorsque, vers 506, selon Hérodote34, une loi fut établie à Sparte « interdisant aux rois d’accompagner tous les deux une armée en campagne […], [cette même loi ordonna] de laisser également [à Sparte] l’un des deux Tyndarides » (les Tyndarides sont les Dioscures, considérés tous deux comme fils de Tyndare et non comme fils de Zeus alors que, comme l’on sait, dans le mythe, Castor est fils de Tyndare et Pollux est fils de Zeus). Cette indication confirme bien, semble-t‑il, que chacune des poutres verticales représentait l’un des deux frères, et leur étroite association avec les rois en campagne peut s’expli‑ quer par le fait que les rois de Sparte étaient, disait-on, issus des jumeaux Eurysthénès et Proclès35. Il existait donc une analogie, dans l’esprit des Spartiates, entre leurs deux rois, responsables des succès militaires de la cité, et les Dioscures. Jouant le rôle de prêtres, les rois détenaient leurs fonctions reli‑ gieuses – comme leur position politique – à titre héréditaire. Vers 330, Aristote put relever36 qu’ils avaient une compétence générale en ce qui concernait les relations de la collectivité avec les dieux (ta pros tous theous). De ce fait, les rois occupaient à Sparte une position particulière. Détaillant leurs prérogatives (gerea), Hérodote signale notamment qu’ils envoyaient des émissaires particuliers, les Pythiens, au sanctuaire d’Apollon à Delphes (aussi appelé Pythô)37 : Il leur appartient [aux rois] […] de choisir chacun deux Pythiens ; les Pythiens ont pour fonction d’aller consulter à Delphes ; ils sont nourris avec les rois aux frais publics. […] Ce sont eux [les rois] qui ont la garde des réponses d’oracles, dont les Pythiens partagent avec eux la connaissance.
Dans une collectivité humaine qui se laisse en partie guider par des réponses oraculaires pythiques, la possibilité de consulter l’oracle de Delphes et d’assurer la conservation de ses réponses – qui permet de les utiliser autant que de besoin pour orienter une décision de la collectivité – est naturellement très importante38. Ainsi que le relève A. Powell39, une telle prérogative pouvait donner aux rois des arguments pour orienter les décisions poli‑ tiques, et ils pouvaient éventuellement taire des prophéties qui les gênaient, mais, note aussi Powell, « c’est une question difficile 229
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Sparte que de savoir si les autorités de Sparte manipulaient souvent les pratiques divinatoires de façon consciente à des fins politiques ». La question est d’autant plus délicate que les rois n’étaient pas seuls à entretenir des relations particulières et de nature institutionnelle avec un sanctuaire oraculaire, puisque les éphores, pour leur part, pouvaient consulter l’oracle de Pasiphaé à Thalamai, à l’ouest du Taygète40. Certes, les éphores ne restaient en fonction que pendant un an, mais ils pouvaient transmettre à leurs successeurs des archives comprenant d’autres réponses oraculaires que celles conservées par les rois. Au reste, l’hérédité de certaines fonctions publiques revêtant un caractère religieux n’était pas propre aux rois. Selon Hérodote, « les hérauts (kèrykes), les joueurs d’aulos [une sorte de hautbois] et les sacrificateurs (mageiroi) héritent du métier paternel41 ». Il revient plus loin42 sur les hérauts et il spécifie que de Talthybios, qui fut le héraut d’Agamemnon, il existe un sanctuaire (hiron) à Sparte et « des descendants appelés Talthybiades, qui ont le privilège (geras) d’accomplir toutes les missions de héraut partant de Sparte ». Ainsi, sans doute par souci d’efficience, parce qu’ils considéraient que les qualités qui permettaient de solliciter les dieux avec le plus d’efficacité étaient attachées à la personne et étaient susceptibles d’être héréditaires, les Spartiates devaient-ils veiller à ce que cer‑ taines fonctions à caractère religieux se transmissent à l’intérieur de familles déterminées (et l’on pense naturellement à la façon dont, à Athènes, certaines familles comme les Étéoboutades, les Praxiergides, les Bouzyges, les Eumolpides ou les Kérykes détenaient des fonctions religieuses précises). Mais c’est dans un domaine essentiel, où l’avenir de la cité était consciemment mis en jeu, la guerre, que la compétence religieuse héréditaire des rois pouvait être particulièrement précieuse.
Dieux et cultes de la guerre Traitant des rois de Sparte de son temps, Hérodote déclare43 : Les rois [ont] le droit de porter la guerre où ils veulent sans qu’au‑ cun Spartiate puisse s’y opposer, sous peine d’encourir la souillure
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Dieux et cultes de Sparte (agos), […] le droit d’immoler, lors des expéditions hors du pays, autant de victimes qu’il leur plaît, les peaux et les filets de toutes les victimes devant leur revenir.
De telles indications semblent montrer qu’au ve siècle les rois de Sparte apparaissaient comme des sortes de chefs sacrés, dont le commandement devait être absolument respecté sous peine d’interdit religieux. Et, vers 378‑376, dans la République des Lacédémoniens, Xénophon montre encore le rôle religieux éminent que tient un roi de Sparte lors d’une campagne militaire44 : Mais je veux, en reprenant les choses de plus haut, dire comment le roi part en expédition avec l’armée. D’abord, à Sparte, il sacrifie à Zeus Conducteur de l’armée (Agètôr) et aux divinités qui lui sont associées. Si le sacrifice est favorable, le porteur de feu prend du feu sur l’autel et marche en avant de tous vers la frontière. Parvenu là, le roi sacrifie encore à Zeus et Athéna. Ces deux divinités se montrent-elles toutes deux favorables, alors seulement il franchit la frontière. Le feu pris à ces derniers sacrifices précède désormais l’armée, sans jamais s’éteindre ; elle est suivie par toute sorte de victimes. Chaque fois qu’il sacrifie, le roi entreprend cet acte avant l’aube, car il désire se concilier, en devançant l’ennemi, la bienveil‑ lance de la divinité.
Les sacrifices de franchissement des frontières (diabatèria) qui sont ici mentionnés ne sont connus qu’à propos des armées de Sparte. Ils marquent la conscience de ce que l’armée passe du ressort de certaines puissances surnaturelles à celui d’autres puis‑ sances surnaturelles. Après avoir énuméré un certain nombre de hauts personnages qui assistent au sacrifice, Xénophon ajoute45 : Aussi, à voir cela, vous estimeriez que les autres ne sont que des improvisateurs en matière militaire, et que les Lacédémoniens sont seuls des techniciens (technitai) des affaires militaires.
Il semble clair qu’aux yeux de Xénophon – athénien, certes, mais excellent connaisseur de Sparte puisqu’il fut un familier du roi Agésilas II – la façon dont les Spartiates savent se rendre les dieux propices en temps de guerre relève de leur science mili‑ taire : c’est parce que leur façon d’agir à l’égard des dieux est 231
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Sparte particulièrement systématique qu’ils peuvent être vus comme des spécialistes de la guerre ne négligeant rien pour être victorieux. De fait, il semble46 que les Lacédémoniens aient été particu‑ lièrement attentifs à se rendre propices les puissances topiques, locales, propres à un champ de bataille. C’est sans doute dans cette optique qu’ils sacrifiaient systématiquement et en premier lieu à Artémis Agrotera avant une bataille47. Un tel sacrifice peut s’expliquer par le fait que les espaces frontaliers, qui étaient sou‑ vent des théâtres de combats, étaient agrestes et giboyeux, et voués à Artémis Agrotera, patronne des activités de chasse qui pouvaient s’y dérouler. En cas de présages défavorables (ainsi appréciés d’après l’interprétation de la conformation du foie des victimes sacrifiées), un autre sacrifice, destiné à une autre divinité, pouvait être organisé ; il pouvait s’agir d’une divinité du ressort de laquelle, pensait-on, pouvait plus spécialement faire partie le lieu où l’on allait combattre. Tout à fait illustratif de cette logique est l’épisode, rapporté par Plutarque, durant lequel le régent de Sparte Pausanias, qui commande l’armée grecque opposée aux Perses, invoque Héra Cithéronienne immédiatement avant la bataille de Platées, en 47948 : Comme il [Pausanias] faisait un sacrifice et n’obtenait pas de pré‑ sages favorables, il ordonna aux Lacédémoniens de poser leurs boucliers à leurs pieds, de se tenir tranquilles, les yeux fixés sur lui, sans se défendre contre aucun des ennemis, tandis que lui-même sacrifiait à nouveau. À ce moment, les cavaliers ennemis chargèrent ; déjà leurs traits arrivaient et des Spartiates furent touchés. […] La situation était critique, mais la constance des soldats fut admirable. Ils n’essayaient pas de repousser les ennemis qui venaient à eux ; ils attendaient le signal de la divinité et de leur général et se laissaient frapper et tuer à leur poste. […] Désolé de cette situation, tandis que le devin immolait victime sur victime (hiereia), Pausanias, le visage en larmes, se tourna vers le sanctuaire d’Héra et, levant les mains vers le ciel, il supplia Héra Cithéronienne et les autres dieux qui tiennent le pays platéen, si le destin s’opposait à la victoire des Grecs, de leur accorder du moins de ne pas périr sans avoir rien fait et sans avoir montré par leurs actes aux ennemis que ceux qu’ils étaient venus attaquer étaient des hommes de cœur et qui savaient se battre. Tandis que Pausanias invoquait ainsi les dieux, au milieu même de sa prière, les victimes donnèrent des signes favorables, et le devin prédit la victoire. Aussitôt l’ordre
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Dieux et cultes de Sparte fut donné à toute l’armée de marcher à l’ennemi, et la phalange prit soudain l’aspect d’un animal fougueux qui s’apprête à se défendre et se hérisse. Les Barbares comprirent alors qu’ils auraient affaire à des gens résolus à lutter jusqu’à la mort.
Il est très clair que Pausanias a multiplié les procédures sacri‑ ficielles visant à consulter les dieux jusqu’à ce qu’il trouve une réponse favorable de la part d’une des divinités auxquelles il s’était adressé. Héra du mont Cithéron (sur les contreforts sep‑ tentrionaux duquel se trouve le champ de bataille) et les autres dieux maîtres de l’espace du combat, pertinemment invoqués, permettent aux Spartiates de combattre – alors même que leurs alliés Tégéates, eux, n’ont pas eu la patience d’attendre un signe divin favorable49. Dans de telles circonstances, la formulation à voix haute des demandes et l’invocation explicite de la divinité sollicitée sont indispensables. De la préoccupation viscérale de respecter la volonté des dieux qu’exprime un tel comportement, on trouve une sorte d’explication quand on considère la façon dont, chez eux, les ressortissants de Sparte vivaient dans un cadre quotidien sacralisé.
Un espace protégé par des sanctuaires Une originalité des Lacédémoniens parmi les Grecs reposait notamment sur la rigueur de leur comportement consistant à faire primer les facteurs surnaturels sur les données naturelles. À cet égard, des analyses analogues pourraient sans doute être menées sur bien d’autres régions que la Laconie, notamment l’Attique, mais on doit noter ici la façon dont les Spartiates veillaient, semble-t‑il, à s’assurer une protection dispensée par des entités surnaturelles en vivant entourés de sanctuaires, de représentations divines, d’objets consacrés, de tombeaux, à en juger du moins par l’évocation de Plutarque50 et par la description de Pausanias51. De tels témoi‑ gnages datent du iie siècle de notre ère et ont été suscités par des constructions accumulées et entretenues depuis des siècles, éventuellement rétablies après le tremblement de terre de 464. 233
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Sparte Plus spécialement, P. Cartledge a pu proposer52 de considé‑ rer que certains sanctuaires des Spartiates aient servi à fixer les limites de leur territoire : « Les sanctuaires de confins […] sont de deux catégories principales : la première est constituée des sanctuaires qui formaient une manière de pomerium (pour user du terme romain) ou de frontière sacrée autour de Sparte ellemême, et la seconde est constituée des sanctuaires qui servaient à définir le territoire civique de Sparte, la politikè gè53, par rapport au territoire des périèques. » À la première catégorie appartien‑ draient les sanctuaires d’Orthia (à l’est de la ville) et d’Artémis Issôria (au nord-ouest) ; de la seconde catégorie ressortiraient, à quelques kilomètres de Sparte, un sanctuaire de Zeus Messapeus au nord-est, le Ménélaion (sanctuaire de Ménélas et d’Hélène) au sud-est, l’Amyclaion (sanctuaire d’Apollon) au sud et l’Éleusinion (sanctuaire de Déméter) au sud-ouest. À une plus grande distance de Sparte, une entité divine à l’effi‑ cacité militaire jugée certaine était vénérée, Éros. Considéré comme garant de la cohésion de la phalange, il était honoré d’un sacri‑ fice préliminaire au combat54 et un sanctuaire lui était consacré à Leuctres, à l’ouest du Taygète, sur la route côtière menant en Messénie55. En outre, remarquable paraît aussi l’usage de certains doublets cultuels : alors qu’à Sparte même se trouvait le sanctuaire d’Orthia, aux confins du territoire, un culte était voué à une divinité qui, si elle n’était pas précisément identique, devait être fort proche d’Orthia. Des sanctuaires d’Artémis sont en effet connus, aux confins de la Laconie, au nord à Karyai (ou Caryai)56, à l’ouest à Limnai57, au sud-est à Boiai58 et sur le territoire d’Épidaure Limèra59. Spécialement, Artémis Issôria était honorée à Sparte même60 et à Teuthrônè, au sud61. Par ailleurs, Poséidon était honoré au promontoire du Ténare62, et un téménos était aussi consacré à ce dieu – doté de la même épiclèse, Tainarios – à Sparte même, selon Pausanias63. Ce dieu, à qui pouvait être attribué un contrôle surnaturel de la succes‑ sion royale64, était aussi supposé disposer d’une efficience militaire puisqu’il fut clairement remercié pour la victoire navale d’Aigos Potamoi remportée contre Athènes en 405 : Lysandre lui consacra une statue à Delphes65. Quant à Aphrodite66, elle était présente, notamment sous une forme militaire, à Sparte et à sa périphérie : la divinité était 234
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Dieux et cultes de Sparte en effet dotée, sur l’acropole de Sparte, d’un naos contenant des xoana archaia, d’anciennes statues67 ; elle possédait aussi, à Sparte même, un naos archaios, un ancien sanctuaire qui recelait un xoanon, une statue en bois de la déesse armée68. À la péri‑ phérie extrême du territoire, à Cythère, la déesse (sous le nom d’Ourania) était dotée d’un autre sanctuaire, prétendument le plus ancien (archaiotaton) de Grèce, et elle y était représentée armée, par un xoanon69. En outre, Sparte était entourée par deux statues d’Apollon ; l’une était au nord, au mont Thornax, et Pausanias précise70 qu’elle ressemblait à l’autre grande statue d’Apollon qui était proche de Sparte, au sud, à Amyclées, et qui représentait le dieu portant casque, lance et arc71. Par ailleurs, on notera que la maîtrise que les Spartiates avaient de leur territoire pouvait s’exprimer par des processions, par exemple de la part des gérontes nouvellement élus, qui, selon Plutarque72, visitaient les dieux (dans leurs sanctuaires, faut-il entendre ; et il paraît préférable de comprendre qu’il s’agit des sanctuaires de Sparte même). Si l’on en juge par une mention de Thucydide concernant des événements datables de 425/42473, les Hilotes affranchis pour faits de guerre pouvaient, après avoir été couronnés, faire un tour des sanctuaires. Il s’agit sans doute des sanctuaires de Laconie et la procédure pouvait viser à mar‑ quer la prise en charge d’une mission de défense du territoire autour duquel se pratiquait une circumambulation de lieu sacré en lieu sacré. Plus ordinairement, des processions pouvaient être régulièrement organisées lors de certaines fêtes, d’un point du territoire à un autre, ainsi de Sparte à Amyclées lors des Hyakinthies, ou d’Hélos vers le sanctuaire de Déméter à l’Éleusinion de Bryseai (à Kalyvia Sochas dans la toponymie moderne, au sud-ouest de Sparte)74. Mais ce n’est pas seulement l’espace, c’est aussi le temps qui était clairement marqué par des points de repère religieux.
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Le calendrier des fêtes lacédémoniennes Dans sa dernière œuvre, les Lois, Platon souligne un fait d’im‑ portance, l’arrangement des jours dans la période dont se compose le mois, des mois dans celle que constitue chaque année, pour que saisons et sacrifices et fêtes, dûment célébrées du fait qu’elles seront réglées sur les indications de la nature elle-même (kata physin), gardent la cité vivante et alerte, rendent aux dieux les honneurs auxquels ils ont droit, et donnent, de tout cela, aux hommes, une connaissance plus claire75.
Pour préciser la pensée de Platon, on peut noter que c’est un fait explicité dès l’Antiquité76, et admis par les Modernes, que, comme le note M. Caveing77, les « dates des fêtes religieuses sont […] fortement corrélées en Grèce avec les phases de la lune, notamment la pleine lune […] ; mais en même temps le rituel religieux accompagne les moments principaux de la vie agraire et il importe qu’il se déroule avec exactitude dans son cadre saisonnier annuel ». Or, l’année solaire ne coïncidant pas avec un nombre entier de lunaisons, en trente-trois ans solaires une date fixée selon un calendrier purement lunaire a parcouru le cycle complet des saisons. De ce fait, il est probable que les Lacédémoniens devaient, comme les autres Grecs, se fonder à la fois sur les mouvements de la lune et sur ceux du soleil, mais aussi sur le mouvement apparent d’autres astres, comme Sirius (l’étoile la plus brillante du firmament), pour fixer les dates de leurs fêtes religieuses78. La façon dont, au milieu du vie siècle, les Spartiates ont demandé à Anaximandre de les doter de cadrans solaires79 témoigne de leur souci de régler leur calendrier de la meilleure façon possible. Il s’agissait pour eux de procéder aux célébrations religieuses voulues au temps le plus opportun, de façon à en assurer l’efficacité. Ainsi peut-on déduire d’une indication d’Ovide80 que les Hya‑ kinthies (des fêtes qui marquaient le renouvellement du monde et dont le mythe d’établissement est mentionné par le poète latin), d’une durée de dix jours à l’époque classique (plus tard, elles ne 236
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Dieux et cultes de Sparte durèrent que trois jours), devaient être, en principe, organisées de façon que leur fin coïncidât avec la pleine lune suivant l’équinoxe de printemps, entre le 25 mars et 24 avril environ. Les Gymnopédies81 devaient commémorer une ou plusieurs batailles, celle des champions, remportée contre les Argiens en 546, et peut-être aussi celle, malheureuse mais glorieuse, menée contre les Perses aux Thermopyles, en 480. Il semble que les Gymnopédies, qui pouvaient durer trois à cinq jours, se soient achevées, en principe, lors de la pleine lune la plus proche du moment où le lever héliaque de Sirius était observable à Sparte, sans doute le 1er ou le 2 août ; les Gymnopédies se seraient donc terminées entre le 18 juillet et le 17 août environ. Le combat du Platanistas, que l’on a déjà mentionné82, et qui pourrait avoir eu pour finalité de confirmer la place des rois héra‑ clides à la tête de la collectivité, pourrait avoir eu lieu entre les Gymnopédies et les Karneia. Ces Karneia83, pour leur part, étaient un rituel de fertilité qui commémorait l’arrivée des Doriens et de leurs chefs héraclides dans le Péloponnèse. Ces fêtes duraient neuf jours, et il semble que – sauf exception motivée notamment par des considérations militaires ou, peut-être, par la nécessité d’ajouter un mois au calen‑ drier – elles aient eu normalement leur terme une lunaison après les Gymnopédies, donc entre le 16 août et le 14 septembre environ. Il est possible qu’un lien logique ait uni les Hyakinthies et les Karneia, celui d’une alternance de prédominance entre Apollon et Dionysos. À Delphes, selon Plutarque84, on pouvait, en hiver, « invoquer pendant trois mois Dionysos au lieu d’Apollon ». Un phénomène analogue aurait pu se produire à Sparte, quand, lors d’un rituel pratiqué par des staphylodromoi (des « coureurs au raisin85 »), s’affirmait l’importance de Dionysos à l’occasion des Karneia avant que, lors des Hyakinthies suivantes, la place d’Apol‑ lon ne fût mise en avant86. De multiples autres fêtes rythmaient le calendrier spartiate et en particulier, on l’a vu87, « tous les jours de nouvelle lune, et le septième jour de tous les mois », les rois sacrifiaient à Apollon. Ainsi la vie religieuse se déroulait-elle dans un ordre chronologique bien défini, de telle sorte que les Spartiates savaient toujours quel acte il convenait de pratiquer pour contribuer à l’ordre du monde et à leur propre bonheur88. 237
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Sparte Ce sont d’ailleurs aussi des incitations fortes au contrôle de soi (devant contribuer au bonheur) que les Spartiates avaient consti‑ tuées en sacralisant les pathèmata.
Les pathèmata, abstractions d’états du corps Parlant de ses compatriotes, l’ancien roi de Sparte Démarate aurait déclaré à Xerxès, en 480 : « S’ils sont libres, ils ne sont pas libres en tout : ils ont un maître, la loi (despotès nomos)89. » Et le poète Simonide, un contemporain de Démarate que cite Plutarque90, aurait caractérisé Sparte comme étant une cité « dompteuse de mortels (damasimbrotos)91 ». De fait, la soumission des Spartiates à leur loi constituait un principe général qui, dans le détail, influençait le comportement de tous les instants : les Spartiates étaient en effet conduits à se maîtriser eux-mêmes, à maîtriser leur propre corps, pour servir la cité. Plus précisément, ils devaient réprimer leur peur, se laisser gui‑ der par la retenue, dompter leurs élans amoureux, apprivoiser la mort, contrôler leurs besoins en sommeil et en nourriture. En conséquence, des pathèmata – ainsi dénommés par Plutarque92 –, c’est-à-dire des états physiques, ont été sacralisés à Sparte : ces pathèmata, que nous avons cités à propos de l’éducation des jeunes Spartiates, sont Phobos, la Peur (ou l’Effroi, puisque le mot est masculin), Aidôs, la Pudeur ou la Retenue, Hypnos, le Sommeil, Thanatos, la Mort (ou le Trépas), Gélôs, le Rire, Éros, l’Amour, Limos, la Faim ou la Famine93. La sacralisation des états physiques, des pathèmata, à laquelle ont procédé les Spartiates semble avoir été un moyen très efficace de contrainte éthique94. Le pathèma Phobos, en particulier, devait inspirer de la peur à l’ennemi mais aussi insuffler aux Spartiates le respect de la loi et de ses repré‑ sentants qu’étaient les éphores. Il est significatif que le sanctuaire de Phobos ait été disposé à proximité immédiate de l’éphoreion, le local des éphores, voire qu’il en ait constitué une partie. S’inspirant vraisemblablement du modèle spartiate, et préconisant l’établissement d’une loi qui permette à chacun de remporter « la victoire sur les plaisirs », de faire montre d’enkrateia, de maîtrise de soi, Platon estime95, au ive siècle, que cette loi, sacralisée, doit 238
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Dieux et cultes de Sparte être appuyée par la pression sociale : « Sitôt qu’on aura réussi à la rendre sacrée, cette loi subjuguera toutes les âmes et les remplira de crainte et d’obéissance envers les prohibitions qu’elle édicte », estime le philosophe96. Et, parlant par l’entremise de l’un de ses personnages, un Athénien, Platon déclare97 : Le législateur, s’il désire subjuguer quelqu’une de ces passions qui asservissent le plus sûrement les hommes, saura facilement comment en venir à bout ; il n’a qu’à consacrer, par la voix publique, le même sentiment sur le même sujet dans l’esprit de tous, esclaves, libres, enfants, femmes, la cité tout entière, et, de cette façon, il aura créé, pour cette loi, la stabilité la plus assurée.
Comme Platon peut s’inspirer de ce qui se produit à Sparte, son contemporain – et ancien disciple de Socrate comme lui – Xéno‑ phon note la réalité de l’efficience du modèle spartiate, quand il juge que, par rapport aux pratiques répandues en Grèce, l’édu‑ cation laconienne produit « les hommes les plus disciplinés, les plus retenus, les plus maîtres (enkratesteroi) des désirs qu’il faut réprimer98 ». Il est fort probable que le respect des pathèmata constituait d’ailleurs un critère de choix des gérontes : selon Xéno‑ phon, « la lutte (c’est-à-dire la compétition électorale) pour la gérousie permet de juger des âmes vertueuses » et, est-il aussitôt ajouté : « Dans la mesure donc où l’âme l’emporte sur le corps, les combats entre les âmes méritent plus de zèle que ceux qui se livrent entre les corps99. » Une telle indication paraît clairement renvoyer, précisément, à un choix des gérontes fondé sur le cri‑ tère de la maîtrise des pathèmata, qui consiste dans le contrôle du corps par l’âme. Il semble bien, en effet, qu’un effort permanent, de tous et de chacun, ait été pratiqué, car tous les citoyens étaient l’objet de jugements sur la valeur de leurs actes100. C’est notamment à l’aune des pathèmata, en fonction du respect des normes de comportement admises101, comme en fonction du dévouement obéissant et efficace manifesté à l’égard de la cité, non seulement que les hommes étaient évalués, mais aussi – et surtout – que de nouveaux protecteurs pouvaient être donnés à Sparte. Un homme vertueux et mort pouvait être considéré comme un protecteur de la collectivité qu’il avait servie de son vivant. 239
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Forger des héros pour la cité. Les morts lacédémoniens En tant que descendants d’Héraclès, les rois occupent non seu‑ lement une place particulière de leur vivant, mais aussi après leur mort : la protection qu’ils sont censés pouvoir dispenser après leur décès contribue à expliquer l’importance des obsèques royales pour les Spartiates. Hérodote décrit ainsi, de façon détaillée, le rituel de ces funérailles102 : Voilà ce que la communauté spartiate accorde à ses rois pen‑ dant qu’ils sont vivants ; et, après leur mort, voici ce qui leur est accordé. Des cavaliers répandent la nouvelle de l’événement à travers toute la Laconie ; dans la ville, des femmes circulent en frappant sur des chaudrons. Quand le signal est donné de la sorte, il est de règle que, dans chaque maison, deux personnes libres prennent la tenue de deuil, un homme et une femme ; ceux qui ne le feraient pas tombent sous le coup de pénalités graves. Les coutumes des Lacédémoniens lors de la mort de leurs rois sont les mêmes que celles des Barbares d’Asie ; car la plupart de ceux-ci se comportent de la même façon quand leurs rois viennent à mourir. Lorsque, en effet, un roi des Lacédémoniens est mort, c’est une obligation que de tout le pays, en dehors des Spartiates, des périèques en nombre déterminé se rendent aux funérailles ; et quand ces périèques, avec les Hilotes et les Spartiates eux-mêmes, sont réunis par milliers au même lieu, les hommes mêlés aux femmes, ils se frappent le front avec ardeur et poussent des gémis‑ sements infinis, déclarant que le roi qui est chaque fois le dernier trépassé, celui-là était le meilleur. Si un roi a péri à la guerre, ils fabriquent de lui une figure (eidôlon), qu’ils portent au tombeau sur un lit de parade. Après les funérailles, aucune assemblée n’est tenue de dix jours, et on ne se réunit pour aucune élection, mais ces jours sont consacrés au deuil.
Le grand nombre des participants – ressortissant de toutes les catégories sociales – et la durée du deuil montrent l’importance que pouvait revêtir, pour la communauté lacédémonienne entière, la mort de l’un des deux rois. Cette mort pouvait se produire à la guerre, et Hérodote présente comme une règle la confection d’un simulacre du corps du roi défunt, alors que cet usage n’avait dû, 240
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Dieux et cultes de Sparte de son temps, se produire qu’une fois, quand Léonidas était tombé aux Thermopyles en 480 sans que son corps pût immédiatement être transféré à Sparte (ses restes y furent transportés quarante ans après la bataille, selon Pausanias103). De façon générale, même quand ils n’étaient pas morts aussi bellement que Léonidas, les rois de Sparte étaient, selon Xéno‑ phon104, traités non comme des hommes, mais comme des héros. Au reste, à proximité immédiate de l’habitat aggloméré, Sparte était comme protégée, à ses limites, par les tombes des deux dynasties royales, celles des Agiades (au nord-ouest ?) et celles des Eurypontides (au sud-est ?)105. Pour ce qui est des autres tombes, Plutarque mentionne106 le fait que « Lycurgue ne défendit pas d’enterrer les morts dans la ville », ce qui ôta aux jeunes gens « la peur et l’horreur de la mort ». Cette indication doit être vue, ainsi que l’a noté l’archéologue E. Kourinou107, comme une interprétation d’une situation due à l’évolution de l’agglomération de Sparte : les tombes d’abord situées à la périphérie de quatre bourgades se trouvèrent insérées dans l’agglomération quand ces bourgades se rejoignirent par coalescence. Des tombes ne furent établies délibérément en dehors de l’agglomération ainsi constituée qu’à partir du ier siècle avant notre ère, relève E. Kourinou (et, note-t‑elle, beaucoup de tombes ont dû disparaître à l’époque romaine). Par ailleurs, et surtout, il semble que certaines distinctions aient pu être effectuées entre les morts eux-mêmes, créant ainsi une hiérarchie des morts. D’après Plutarque108, les défunts étaient considérés de façon inégalitaire, non point en fonction de la fortune qui avait pu être la leur, mais en fonction de leur vertu, de leur dévouement pour la cité : « Il n’était pas permis d’inscrire sur les tombeaux les noms des morts, excepté ceux des hommes tombés à la guerre et des femmes appartenant aux hierai109. » L’usage semble confirmé par le fait que quelques stèles funéraires portant des mentions de morts à la guerre ont été retrouvées110.
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Stèle funéraire en marbre d’Ainèsias, mort « à la guerre » (ΕΝ ΠΟΛΕΜΩΙ) au début du e iv siècle. Dimensions de la pierre : hauteur 39 cm, largeur 22 cm, épaisseur 9 cm.
Beaucoup, en bois, ont pu être détruites. Quant aux hierai, elles devaient être des femmes se consacrant à des activités religieuses111. Globalement, une hiérarchie des morts existait112 : les honneurs funèbres étaient liés à la situation que le mort avait occupée dans la société lacédémonienne et à la valeur qu’il avait pu montrer au combat. Surtout, le caractère variable des funérailles était sans doute fonction de la valeur protectrice attendue des morts par les Spartiates de l’avenir, selon une hiérarchie qui peut nous sembler réglée de la sorte, par ordre croissant d’importance : 1) anonymes ; 2) Hilotes morts au combat ; 3) périèques morts au combat ; 4) femmes appartenant aux hierai ; 5) Spartiates morts au com‑ bat ; 6) hirees (dits sans doute hieroi par Plutarque), personnages dotés d’un certain charisme au rang desquels auraient été mis les aristoi, les meilleurs des Spartiates morts au combat, leur qualité s’étant révélée dans l’épreuve ; 7) chefs spartiates particulièrement méritants, comme Brasidas mort à Amphipolis en 422 ; 8) rois ; 9) personnages exceptionnels tel le régent Pausanias, tuteur de roi, combattant victorieux contre les Perses à Platées en 479, qui a été victime d’une action de ses compatriotes jugée impie par Delphes et a eu droit, en réparation, à des honneurs analogues 242
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Dieux et cultes de Sparte à ceux rendus à Léonidas113 ; 10) un roi, Léonidas, qui a associé à son charisme propre, dû à l’exercice des fonctions royales, la valeur du combattant mort de façon idéale – pour obéir à un oracle, selon Hérodote114.
Des morts protecteurs Ainsi les Spartiates paraissent-ils avoir accordé à leurs morts une grande importance, parce qu’ils voyaient en eux, certainement, des protecteurs possibles des vivants. De cette attitude d’esprit témoignent par exemple certains reliefs héroïques laconiens du e vi siècle, où l’on voit de petits personnages porter des offrandes à un couple assis beaucoup plus grand, peut-être Agamemnon et Cassandre, ou Hadès et Déméter, voire Dionysos et Déméter, ou encore un couple à valeur générique et d’interprétation variable115. Par ailleurs, Pausanias indique116 la présence à Sparte d’une stèle portant les noms et les patronymes des combattants tombés aux Thermopyles. Une telle liste devait permettre une évocation des morts117 et, puisque les rois des Lacédémoniens morts étaient honorés non comme des hommes mais comme des héros118, réciter une liste des rois de Sparte, c’était invoquer des héros et assurer la prospérité de la cité. En conséquence, quand on nommait un roi en disant de qui il était descendant, on le rattachait à une lignée de héros et cette position particulière des rois peut contribuer à expliquer pourquoi la fonction royale a perduré à Sparte jusqu’à la mort de Nabis en 192 av. J.-C. Mais les tombes des Lacédémoniens pouvaient aussi marquer le paysage de territoires éloignés de Sparte, d’une façon qui affirmait l’empreinte de cette cité sur le sol de la Grèce. Ainsi lit-on chez Plutarque : Un Argien ayant dit un jour : « Il y a chez nous de nombreux tombeaux de Spartiates », un Laconien répliqua : « Chez nous, en revanche, il n’y en a pas un seul d’Argiens », signifiant par là qu’ils avaient, quant à eux [les Lacédémoniens], souvent pris pied dans le ter‑ ritoire d’Argos, mais les Argiens jamais dans le territoire de Sparte119.
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La tombe des Lacédémoniens au cimetière athénien du Céramique, hors des murailles, et sur la route qui mène vers le Péloponnèse, en juillet 2005. Ce monument funéraire est mentionné par Xénophon. Il portait men‑ tion, en lettres laconiennes écrites de droite à gauche, des polémarques Chairon et Thibrachos, dont Xénophon indique la mort en 403, en même temps que celle de l’olympionique Lacratès. Treize squelettes ont été retrouvés, portant des traces de blessures imputables à des lances ou à des flèches. Ils étaient répartis en trois chambres funéraires.
Très concrètement, les Athéniens aussi pouvaient, en perma‑ nence, voir chez eux telle tombe de Lacédémonien comme, près de l’Héracleion du Kynosarge, celle d’Anchimolios fils d’Aster, sans doute le premier navarque connu, mort au Phalère peu avant 511120. Mais l’exemple le plus frappant est certainement constitué par la tombe des Lacédémoniens tués en 403. Cette tombe est mentionnée par Xénophon121 et elle a été retrouvée. D’une part, elle montre que, dans la mort, les individus les plus remarquables – deux polémarques et un olympionique – ont droit à un traite‑ ment particulier122 et, d’autre part, sa situation est choisie avec 244
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Dieux et cultes de Sparte soin. Depuis son emplacement, et dans l’axe de la voie le long de laquelle se situe la tombe, l’observateur peut surveiller l’entrée de l’ensemble monumental exceptionnel – et alors tout récent – que constituent les édifices de l’acropole d’Athènes construits à la fin du ve siècle (Propylées, Parthénon, Érechthéion). Le système religieux lacédémonien apparaît ainsi comme un complexe bien cohérent, ouvert aux innovations, qu’il s’agisse des divinités étrangères à la cité qui peuvent être invoquées sur le champ de bataille123 ou de la promotion de morts conçus comme des protecteurs surnaturels. L’importance des préoccupations religieuses dans la vie des Spartiates apparaît non seulement dans des actes rituels, mais encore dans une disposition spatiale des monuments et des objets cultuels qui montre combien ils étaient soucieux de bénéficier de la protection d’entités surnaturelles. Aux yeux d’un observateur attentif comme Xénophon, la manière systématique dont, longtemps, les Spartiates ont agi avec respect à l’égard des dieux est censée avoir contribué à leurs succès militaires124.
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XI
Des hommes formés et organisés pour la guerre
À
la fin de l’époque archaïque et à l’époque classique – jusqu’à la bataille de Leuctres, en 371 –, les Spartiates ont joui d’une grande réputation militaire : ils étaient considérés comme des guerriers sinon invincibles, du moins redoutablement efficaces. Cette réputation se fondait sur le fait que les Spartiates prati‑ quaient des activités qui étaient surtout d’ordre militaire et d’ordre politique, alors que la plupart des Grecs, citoyens d’autres cités que Sparte, menaient de nombreuses activités agricoles, artisanales ou mercantiles. Certes, un Spartiate consacrait nécessairement du temps à la gestion de sa maisonnée, comme à des préoccupations religieuses, mais l’orientation largement militaire des pratiques sociales (comme le banquet et la chasse) donnait certainement à la vie à Sparte une tonalité particulière. Néanmoins, on ne peut sans doute pas considérer Sparte comme une cité militariste au sens où l’armée, constituée à part dans le corps social, aurait exercé une influence prépondérante sur la vie collective. Car les citoyens-soldats étaient mobilisables en fonction de décisions qu’ils prenaient eux-mêmes, lors des réunions de l’assemblée1. Mais les Spartiates se sont donné un système social empreint d’une forte préoccupation pour l’efficience de chacun au profit de tous dans un contexte militaire ; ce souci apparaît dans les traits propres à une formation particulière des hommes, accompagnée d’une forte pression sociale exercée sur chacun. Les réformes connues par l’armée montrent aussi combien, malgré leur conservatisme foncier, 247
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Sparte mais par souci d’efficacité, les Spartiates ont su faire évoluer leur outil militaire pour l’adapter à leurs moyens et à leurs besoins.
Une intense et longue préparation physique et psychologique On sait que le système éducatif existant à Sparte à l’époque classique présentait la particularité de soumettre tous les garçons d’une même classe d’âge à une formation collective2. La paideia, que décrit Xénophon au début du ive siècle, était clairement conçue pour préparer les jeunes gens aux privations d’une campagne mili‑ taire, dès leur enfance3 : Au lieu d’amollir les pieds des enfants par l’usage des chaussures, Lycurgue a prescrit de les affermir en les faisant aller nu-pieds ; il estimait que, grâce à une telle pratique, ils graviraient plus aisément les pentes raides et auraient plus de sûreté dans la descente ; il pensait aussi que pour s’élancer, bondir et courir, on serait plus rapide avec des pieds nus, pourvu que l’on eût l’habitude d’être ainsi, qu’avec des chaussures. […] À l’égard de la nourriture, il a prescrit que l’irène se contentât, pour les repas en commun de sa troupe, d’une quantité telle que l’on n’en fût jamais rassasié et alourdi, mais que l’on apprît à demeurer sur sa faim. Il estimait, en effet, que les gens élevés de la sorte seraient plus capables, au besoin, de continuer à peiner à jeun, et pourraient, s’ils en avaient reçu l’ordre, tenir plus longtemps avec la même ration ; ils auraient moins besoin de bonne chère et s’accommoderaient plus aisément de toute nourriture, ce qui n’en vaudrait que mieux pour leur santé.
Les jeunes garçons sont donc endurcis et nourris avec mesure, pour être un jour des soldats efficaces et aptes à résister aux privations ; en outre, ils « ne sont jamais livrés à eux-mêmes4 », puisqu’ils grandissent dans le cadre d’une éducation collective qui constitue un apprentissage précoce de la discipline militaire. Devenus des hèbôntes – d’un âge compris entre vingt et trente ans –, les Spartiates entretiennent leur disponibilité physique et morale dans un esprit de compétition visible dans les rixes opposant, à l’occasion, ceux qui ont été choisis pour être hippeis (nomina‑ lement « cavaliers » mais en fait, à l’époque classique, fantassins 248
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Des hommes formés et organisés pour la guerre d’élite membres de la garde royale) à leurs contemporains qui n’ont pas eu droit à cette distinction5. Une telle émulation, systématiquement cultivée, engendrait des inégalités – pleinement admises – entre les hommes, comme étaient aussi parfaitement acceptées les inégalités fondées sur les mérites athlétiques, surtout quand elles permettaient de distinguer des vainqueurs dans des concours stéphanites (dont le prix était une simple couronne de feuillage et non un bien matériel, donc les plus glorieux), qui avaient bénéficié, pensait-on, d’une élection divine. Ces vainqueurs pouvaient aller au combat avec le roi, et un olympionique, vainqueur à Olympie, pouvait même être placé devant le roi, selon Plutarque6. Naturellement, des compétitions internes à la Laconie existaient aussi : l’inscription de Damonon7 mentionne de tels événements, organisés aux environs de 404‑396 et sans doute aussi auparavant. Les activités pratiquées devaient être très variées, même si, selon la remarque de J. Ducat8, ni Xénophon ni Plutarque ne men‑ tionnent explicitement les exercices du gymnase ou de la palestre auxquels se seraient adonnés les jeunes gens9. On peut considérer que la pratique de ces exercices allait de soi, que, selon leur âge et leurs aptitudes physiques, les Spartiates pratiquaient la lutte, le pancrace, le pugilat, le saut, le lancer du disque ou du javelot, la course10, comme ils devaient participer à des danses et à des chœurs. Les disciplines de combat peuvent naturellement être considérées comme « axées directement sur la guerre11 ». Le torse en marbre de Paros dit de « Léonidas » pourrait représen‑ ter un hoplitodrome, soit un homme pratiquant la course en armes (casque, bouclier et cnémides – jambières – mais sans cuirasse)12. Il date de 480‑470 av. J.-C. et a été trouvé près des vestiges du temple d’Athéna Chalkioikos, sur l’acropole de Sparte. Il montre un homme au torse nu mais portant sur la tête un casque du type dit corinthien ; un fragment du bouclier de cette sculpture en marbre a été retrouvé. L’inclinaison et la torsion du torse confèrent à la représentation un dynamisme remarquable, que renforce la figuration d’une tête de bélier sur chaque couvre-joue protégeant le menton pointé en avant. Le personnage, dépourvu de mous‑ tache, peut avoir moins de trente ans13. On a pu voir dans cette sculpture une représentation du roi Léonidas tombé glorieusement aux Thermopyles, face aux Perses, en 480, ou une figuration du régent Pausanias, vainqueur des Perses à Platées en 47914, mais il 249
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Sparte peut aussi s’agir d’une représentation plus générique – et évocatrice de la charge des hoplites contre leurs ennemis – d’un spécialiste de la course en armes15.
« Léonidas » de Sparte. Cette représentation possible d’un hopli‑ todrome a été trouvée à proximité et à l’extérieur du mur de péribole du temple d’Athéna Chalkioikos, sur l’acropole de Sparte. Hauteur 93 cm (avec le cimier restauré).
Ayant atteint un âge supérieur à trente ans, les Spartiates conti‑ nuent à mener des activités qui les amènent à entretenir leur compétence pour la guerre. Parmi ces activités, une place notable est réservée à la chasse puisque, selon Xénophon16 : À ceux qui ont dépassé l’âge de la jeunesse et peuvent être revêtus désormais des plus hautes magistratures, les autres Grecs suppriment l’obligation d’entretenir encore leur vigueur physique, et pourtant ils les astreignent à servir dans l’armée ; mais Lycurgue a décrété que pour les gens de cet âge la chasse était la plus belle des occupations, à moins qu’ils ne fussent empêchés de s’y livrer par quelque obligation
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Des hommes formés et organisés pour la guerre civique, car elle ne les rendait pas moins capables que les jeunes gens (les hèbôntes) de supporter les efforts militaires.
Naturellement, une telle pratique de la chasse par les hommes d’âge mûr est rendue possible par le milieu de vie ordinaire des Spartiates, la Laconie comportant bien des espaces giboyeux. La chasse même, par les produits qu’elle fournit, est d’ailleurs pour un Spartiate un moyen de se distinguer aux yeux de ses pairs : quand le membre d’un syssition est allé chasser, il fait profiter ses compagnons d’une portion de son gibier, nous disent Xénophon et Plutarque17.
L’amphore des chasseurs conservée au musée de Sparte (dessin de la partie supérieure). Ce vase archaïque, de la fin du viie siècle, haut de 67 cm, devait servir à orner une tombe. Sur la panse est représentée une procession de fantassins et de chars, sans doute évocatrice d’un cortège organisé à l’occasion des funérailles du mort. Sur le col sont portés des motifs moulés, qui représentent des chasseurs transportant leur gibier. Les animaux représentés (bouquetins, sanglier, biches, lions) évoquent des exploits cynégétiques qui nécessitent des efforts physiques importants, propres à servir d’entraînement à la guerre. Particulièrement redoutables, des lions étaient encore présents en Grèce au début du ve siècle, entre les fleuves Nestos et Achéloos, selon Hérodote ; on estime que des lions auraient été présents en Grèce du nord jusqu’au ier siècle de notre ère.
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Sparte Ainsi donc les Spartiates consacraient-ils une partie importante de leur temps aux activités préparant à la guerre, tant qu’ils étaient mobilisables comme soldats, jusqu’à soixante ans. Leur endurcissement, d’ailleurs, n’était pas seulement physique mais aussi psychologique : on a mentionné la conscience de la nécessité d’être maître de soi que la sacralisation des pathèmata, des états physiques du corps, pouvait instiller en chacun18. C’est aussi un apprentissage du spectacle de la guerre qui pouvait se transmettre graduellement, de génération en génération, puisque, selon le mot du poète lacédémonien du viie siècle Tyrtée, dont les poèmes étaient couramment récités à l’époque classique, un homme ne se montre pas valeureux (agathos) à la guerre s’il ne supporte pas de voir le sang du carnage et ne s’attaque de près aux ennemis19.
Une orientation si largement militaire des activités et des pré‑ occupations était sentie comme étant propre à Sparte dans le monde grec, mais il pouvait arriver qu’elle fût considérée comme relevant de l’imitation de pratiques connues ailleurs. Selon l’Athé‑ nien Isocrate, qui écrit vers 390‑38520, donc un peu avant, sans doute, que Xénophon ne rédige la République des Lacédémoniens, les usages de Sparte auraient relevé d’une imitation de l’Égypte21 : Si les Lacédémoniens administrent très bien leur cité, c’est qu’ils ont imité quelques-unes des coutumes de là-bas [à savoir de l’Égypte] : en effet si aucun des guerriers ne peut quitter le pays sans l’autorisation des magistrats, s’ils ont leurs repas en commun et leur entraînement corporel, si en outre nul ne risque de négliger l’une des prescriptions communautaires par manque du nécessaire, s’ils ne s’occupent pas des activités autres que celles qui mènent à orienter son attention vers les armes et les expéditions, c’est de là-bas qu’ils ont emprunté tout cela.
Indépendamment de l’esprit du passage qui diminue les mérites des gens de Sparte en disant que leurs usages ont été inspirés par ceux des Égyptiens, le propos met en avant l’importance, pour eux, de la guerre, de telle sorte que leur professionnalisation militaire est reconnue. De fait, l’interdiction imposée aux Spartiates de pratiquer des activités artisanales ou commerciales semble avoir été réelle22 si l’on en juge, par exemple, par un épisode de la vie d’Agésilas que l’on situerait vers 377 et qui est raconté par 252
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Des hommes formés et organisés pour la guerre Plutarque. Selon cet auteur, les alliés de Sparte auraient déploré de devoir fournir le gros des troupes de la Ligue du Péloponnèse pour aider Agésilas à satisfaire son animosité contre les Thébains : « Nous n’avons nul besoin, disaient-ils, d’aller nous faire tuer chaque année, en suivant, ici ou là, une poignée de Lacédémoniens, alors que nous sommes si nombreux. » Alors, dit-on, Agésilas, voulant leur montrer ce qu’il en était réellement de leur nombre, imagina le procédé que voici. Il fit asseoir d’un côté tous les alliés mêlés les uns aux autres, de l’autre les Lacédémoniens, à part. Ensuite, par la voix d’un héraut, il ordonna d’abord aux potiers de se lever. Une fois ceux-ci debout, il donna le même ordre aux forgerons par la voix du héraut, et successivement aux charpentiers, aux maçons et à tous les autres corps de métier. Tous les alliés, ou peu s’en fallut, se levèrent donc, mais personne du côté des Lacédémoniens : il leur était en effet interdit d’exercer et d’apprendre un métier manuel. Alors Agésilas se mit à rire et déclara : « Vous voyez, Messieurs, combien nous envoyons beaucoup plus de soldats que vous23 ! »
Naturellement, pour qu’un tel passage revête pleinement son sens, on doit comprendre que le terme « Lacédémoniens » est ici, comme souvent, employé au sens de « Spartiates » : les périèques, qui sont des Lacédémoniens mais non des Spartiates, ne doivent pas être concernés par l’interdiction de pratiquer des activités artisanales, de telle sorte que les seuls professionnels véritables de l’art militaire sont les Spartiates, par opposition aux ressortissants des autres cités – dont, en fait, les cités périèques. À l’intérieur même de la communauté spartiate, d’ailleurs, les hommes auraient été encouragés à cultiver leurs compétences mili‑ taires par leurs propres parentes.
Le rôle des femmes L’entourage féminin de chaque Spartiate semble avoir contribué à faire de lui un bon guerrier. Xénophon exprime, au début du e iv siècle, l’idée selon laquelle les exercices gymniques des femmes auraient eu une finalité relevant de la teknopoiia, la « fabrication d’enfants ». Rendues robustes grâce à des exercices nombreux, 253
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Sparte les femmes auraient connu des grossesses et des accouchements facilités, et auraient enfanté une progéniture elle-même robuste24. La pratique de la course et de la lutte par les jeunes filles paraît vraisemblable à J. Ducat25, mais celui-ci souligne une critique de Platon – contemporain de Xénophon – selon qui, après avoir été entraînées comme jeunes filles, les femmes de Sparte ne sont plus exercées et sont caractérisées par une incapacité militaire foncière26. Comme le témoignage d’Aristote27 semble devoir être interprété dans le même sens, il est vraisemblable que le passage des Œuvres morales de Plutarque28 selon lequel les femmes de Sparte seraient censées, à l’époque classique, pouvoir « combattre pour leur défense, celle de leurs enfants et de la patrie » relève largement d’une illusion provoquée par l’idée selon laquelle la collectivité spartiate serait totalement obnubilée par ses préoccupations militaires. Cependant, il demeure qu’un thème abondamment illustré par des apophtegmes (en grec des apophthegmata), c’est-à-dire des mots à caractère sentencieux, attribués par Plutarque à des femmes laconiennes puisse traduire une certaine réalité29. On y voit notam‑ ment tel passage30 : [Une femme laconienne] remettant en outre à son fils son bouclier, et l’exhortant, lui dit : « Mon enfant, ou avec lui, ou sur lui. »
En l’occurrence, l’exhortation incite le guerrier à revenir vainqueur, en portant son bouclier qu’il n’a pas abandonné pour fuir, ou mort – vainqueur ou vaincu –, porté par ses camarades survivants sur son bouclier, mais en aucun cas vaincu et survivant. D’autres passages montrent la fierté ou la joie de mères à qui l’on apprend la « belle mort » (le kalos thanatos) au combat d’un fils, mais aussi la colère d’une mère dont le fils s’est conduit en lâche et est revenu vivant. Globalement, les femmes – et notamment les mères – sont sou‑ vent présentées comme des « sectatrices du code », des gardiennes intransigeantes du comportement attendu des hommes à la guerre31. Qu’il s’agisse de l’exaltation des vivants revenus vainqueurs ou des morts tombés pour la patrie, les femmes jouent le rôle d’un public incitant à la vertu guerrière. De plus, la mort au combat constitue un critère majeur permettant de déterminer la place d’un homme dans la hiérarchie des morts32, en fonction de procédures qui déterminent l’honneur échu à chacun : parmi les hommes, seuls les 254
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Des hommes formés et organisés pour la guerre morts au combat auraient eu droit à des tombes sur lesquelles leurs noms auraient été inscrits. À Sparte, tous savent que, en fonction du dévouement à la cité manifesté par chacun sur le champ de bataille, il convient d’exalter les vaillants et d’avilir ceux qui ont failli.
L’exaltation des vaillants À la fin du viie siècle, dans un poème « parénétique », donc incitant à la guerre, Tyrtée exalte la gloire des hommes morts en combattant pour Sparte33 : Toutefois, celui qui tombe au premier rang et perd sa vie (thumos) pour la gloire de sa cité, de son peuple et de son père, la poitrine transpercée de coups abondants à travers son bouclier bombé et sa cuirasse, celui-là jeunes et vieux le pleurent pareillement, la cité tout entière est affligée d’un terrible regret, son tombeau et ses enfants se signaleront aux yeux des mortels, ainsi que les enfants de ses enfants et sa descendance à venir. Jamais ne disparaîtra la gloire (kléos) de son courage, non plus que son nom, mais, bien qu’il soit sous terre, il devient immortel (athanatos), lui que son excellence (aristeuôn) a fait rester ferme au combat, pour sa terre, pour ses enfants, et que l’impétueux Arès a fait périr. S’il échappe à la longue mort douloureuse mais s’il est victorieux par sa lance, alors il s’empare d’une gloire brillante, et tous, jeunes ou anciens, l’honorent pareillement (homôs) : il s’en ira vers l’Hadès après des joies sans nombre : les honneurs le distinguent de ses concitoyens et personne ne songerait à lui manquer de respect (aidôs) ou à lui dénier son droit (dikè), mais tous pareillement (homôs), jeunes ou plus anciens, lui cèdent leur place dans les séances d’assemblée. Allons ! que tout homme s’efforce en son cœur (thumos) d’atteindre au sommet de cette valeur (arétè) au lieu de refuser la guerre !
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Sparte Un tel texte34, comme d’autres du même auteur, devait être bien connu des Spartiates : après la conquête de la Messénie, lors de leurs campagnes militaires, les Spartiates avaient la coutume, après avoir dîné et chanté le péan, d’entonner, un par un, un chant de Tyrtée35. Une telle pratique contribuait à entretenir les usages qui se trouvaient mentionnés, comme celui affirmant le caractère remarquable du tombeau d’un mort à la guerre – où, peut-on penser, se déroulaient des actes cultuels destinés à assurer le maintien de la protection surnaturelle du mort sur Sparte36. Les égards dus aux descendants d’un tel personnage étaient pour tous une incitation permanente à la vertu guerrière, et constituaient éminemment une incitation à bien faire pour les descendants du mort, même si les qualités reconnues à un homme étaient d’abord celles qui lui étaient reconnues en propre. Les dynasties royales étant mises à part, les attestations d’une aristocratie à caractère héréditaire semblent en effet fort limitées – sans être totalement inexistantes, fait qui peut indiquer une certaine volonté de se rattacher à un ascendant réputé37. Car l’affirmation d’une distinction entre Spartiates fondée sur des critères d’ordre guerrier n’est pas exceptionnelle, et découle de la possibilité pour chacun de se distinguer pour le bien de la collectivité. Les mentions de Spartiates plus importants que leurs homoioi prétendus ne sont en effet pas rares, notamment dans les bilans de pertes au combat : on a évoqué la mention par Xénophon38 de trois Spartiates qui avaient pu se distinguer de leurs compatriotes par leurs qualités personnelles (deux étaient polémarques et l’un olympionique39) et qui, en couronnement de leur carrière au service de la cité, étaient tombés à Athènes en 403. Le même auteur précise que parmi les compagnons de combat d’Archidamos tués par les Arcadiens en 365 figuraient certains des plus illustres Spartiates, de ceux qui étaient le plus en vue40. Ces hommes avaient pu se distinguer de leur vivant et être reconnus comme particulièrement remarquables selon une procédure que, par exemple, mentionne Thucydide à propos de Brasidas. Au début de la guerre du Péloponnèse, en 431, les Athéniens attaquent Méthônè, sur la côte sud-ouest de Messénie, à une quinzaine de kilomètres au sud de Pylos : Mais il y avait justement dans les environs de ce lieu Brasidas, fils de Tellis, un Spartiate, qui était là avec un corps de troupes ; et,
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Des hommes formés et organisés pour la guerre s’avisant de la situation, il partit au secours des habitants avec cent hoplites. Traversant à la course la troupe des Athéniens, qui était dispersée sur le terrain et s’inquiétait seulement du rempart, il se jette dans Méthônè : au prix d’un petit nombre de ses hommes, qu’il perdit dans cette percée, il réussit à sauver la ville et, pour ce coup d’audace, fut le premier de la guerre qui reçut, à Sparte, un éloge41.
Brasidas fut donc clairement distingué par un discours, très vrai‑ semblablement public, qui salua la façon dont il avait sauvé une position menacée par les Athéniens. C’est très probablement le même personnage qui fut peu après choisi comme éphore épo‑ nyme42, en profitant de son prestige militaire récemment acquis. Brasidas connut ensuite une carrière militaire remarquable ; en 422, il finit par tomber face aux Athéniens, en défendant victorieusement Amphipolis, de telle sorte que les Amphipolitains l’ont considéré comme l’oikiste, le fondateur de leur cité, et lui ont dédié un monument funéraire mentionné par Thucydide, que l’on pense avoir retrouvé43. Les Spartiates eux-mêmes ont su rendre hommage à ce chef militaire éminent en établissant en son honneur un cénotaphe, un monument funéraire vide, à l’ouest de l’agora de Sparte44.
Larnax (coffre, ici d’usage funéraire) d’argent considéré comme étant celui de Brasidas, fils de Tellis et d’Argiléonis, tombé à Amphipolis en 422 av. J.-C. Le coffre contenait les restes osseux d’un homme avec lesquels avait été disposée une couronne d’or reproduisant de multiples feuilles d’olivier.
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Sparte Un cas particulier, et qui dépassait visiblement les limites admises à Sparte, a été celui de Lysandre, le chef vainqueur des Athéniens lors de la bataille navale d’Aigos Potamoi, en 405. Celui-ci a été honoré d’un culte par les Samiens qu’il a rétablis chez eux en 40445 : une statue lui a été dédiée à Olympie par les Samiens et la fête des Hèraia de Samos, nommée Lysandreia46, a été organisée sous ce nom au moins à quatre reprises, jusqu’en 401/400. Lysandre a poussé l’audace jusqu’à se faire représenter couronné par Poséidon à l’entrée même du sanctuaire de Delphes47, mais la célébration de son succès et de sa personne semble avoir été plus discrète à Sparte, où la stoa occidentale de l’acropole portait deux Nikai, deux représentations de la Victoire disposées chacune sur un aigle, consacrées par Lysandre en souvenir de ses victoires de Notion (un succès naval limité de 407) et d’Aigos Potamoi48. En fait, son attitude arrogante et ambitieuse a tellement déplu qu’il a été délibérément humilié par son ancien protégé, le roi Agésilas, peu avant de mourir à Haliarte en 39549.
Portrait présumé de Lysandre. Par sa victoire sur la flotte athénienne tirée au sec à Aigos Potamoi, dans l’Hellespont en 405, Lysandre de Sparte a joué un rôle décisif dans la victoire finale de Sparte sur Athènes à l’issue de la guerre du Péloponnèse. En conséquence, il a été grandement célébré – hors de Sparte –, notamment à Samos, à Delphes et à Olympie. Cette tête conservée à Copenhague serait l’une de trois copies de la statue de Lysandre qui était visible à Olympie (les autres se trouvent au Louvre et au Musée Capitolin), ainsi identifiées parce que l’une d’elles montre une étoile évocatrice des Dioscures sur le frontal, alors que les Dioscures sont censés s’être manifestés pour assurer la victoire de Lysandre. Le fait même d’accepter d’être représenté sous la forme d’une statue était en soi le signe d’un esprit novateur que le roi Agésilas II, plus jeune que Lysandre, rejetait et même en mourant, en 360, il aurait interdit qu’on le représentât par la sculpture ou par tout autre procédé. En revanche, le propre fils d’Agésilas, Archidamos III, fut représenté à Olympie (cf. p. 355).
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Des hommes formés et organisés pour la guerre De façon générale, comme les soldats remarquables peuvent être récompensés en étant exaltés pour leur dévouement et en recevant des honneurs funèbres spéciaux, qui leur donnent un statut exemplaire, à l’inverse, les individus qui ont failli, eux, font l’objet de procédures discriminatoires marquées.
L’avilissement des défaillants Car, quand on est un Spartiate, c’est bien une honte de fuir, du fait de la grande infamie attachée à la lâcheté, affirme Xénophon50 : Lycurgue mérite encore d’être admiré pour avoir imprimé aux citoyens l’opinion qu’une belle mort (un kalos thanatos) est pré‑ férable à une vie honteuse (un aischros bios). […] Il fit entendre clairement qu’une vie heureuse serait assurée aux braves (agathoi), une vie malheureuse aux lâches (kakoi). Dans les autres cités, en effet, quand un homme est lâche (kakos), on se contente de l’appe‑ ler lâche ; mais il se promène sur la place au même endroit que le brave (agathos), il s’assied près de lui et fréquente le même gymnase, s’il le veut. À Lacédémone, au contraire, on rougirait de recevoir le lâche à sa table et de lutter avec lui à la palestre. Souvent, quand deux camps se forment pour jouer à la balle, on le laisse de côté, et, dans les chœurs, on le relègue aux places méprisées. Dans la rue, il doit céder le pas ; dans les assemblées, se lever même devant de plus jeunes que lui ; il doit nourrir chez lui ses parentes non mariées, auxquelles il doit expliquer le motif de leur célibat ; il doit voir son foyer sans femme et cependant payer l’amende du célibataire. Il ne peut pas se promener, le visage joyeux, ni se comporter comme les gens sans reproche ; autrement il reçoit des coups des meilleurs que lui. Quand je vois une telle infamie (atimia) peser sur les lâches, je ne m’étonne nullement qu’à Sparte on préfère la mort à une vie déshonorée et ignominieuse.
La situation que Xénophon dépeint ici est celle des hommes qui ont « tremblé » au combat, les tresantes, et qui se retrouvent donc non pas entièrement privés des droits civiques, mais avilis en permanence dans le cadre de la vie communautaire51. L’audace d’un tel individu, qui avait osé proposer une mesure pertinente 259
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Sparte à l’assemblée, fut, selon l’Athénien Eschine, stigmatisée par un géronte52 : Il attaqua rudement ses concitoyens et leur tint à peu près ce sévère langage : Sparte ne resterait pas longtemps debout si, dans l’assemblée, ils écoutaient la voix de semblables conseillers. En même temps, il appelle un autre Lacédémonien, orateur médiocre mais remarquable homme de guerre et distingué par sa justice et son empire sur luimême. Il lui ordonne de répéter comme il pourra les propositions énoncées par le précédent orateur, « afin, dit-il, que les Lacédémo‑ niens votent après le discours d’un homme de bien, sans même prêter l’oreille aux paroles des lâches et des méchants ».
Si l’épisode n’est pas daté, il est antérieur à 346, date des propos d’Eschine, et sa logique s’inscrit dans le prolongement de mots de Tyrtée datant de la fin du viie siècle : Mais chez les hommes qui tremblent (les tresantes), toute vertu (arétè) a disparu. Qui pourrait dire tous les maux ignobles dont est accablé le guerrier qui combat lâchement ? Il est terrible pour lui, quand il fuit la rude guerre, d’être blessé par-derrière ; c’est laide chose qu’un cadavre étendu sur la poussière, le dos percé par la pointe d’une lance53.
Sans doute, outre le cas de l’anonyme indigne mentionné par Eschine, on ne connaît qu’un seul exemple précis de tresas, de « trembleur », celui d’Aristodamos, mais il ne semble pas pour autant qu’il faille rejeter le témoignage de Xénophon, même si on a proposé que son propos puisse renvoyer à une situation révo‑ lue de son temps54. Aristodamos (en dorien ; c’est Aristodèmos dans le grec d’Hérodote), dont le nom renvoie paradoxalement à l’« Excellence du peuple », était un soldat qui, en raison d’une forte ophtalmie, avait été renvoyé par Léonidas du camp des Trois Cents établis aux Thermopyles pour combattre les Perses, en 480. Hérodote nous parle de lui55 : De retour à Lacédémone, Aristodèmos y trouva opprobre et infa‑ mie (atimia). Cette atimie consistait en mesures de ce genre : aucun Spartiate ne lui allumait de feu, aucun ne lui adressait la parole ; il subissait l’opprobre d’être appelé Aristodèmos le trembleur (le tresas).
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Des hommes formés et organisés pour la guerre Il est clair que le personnage était vu comme coupable de ne pas avoir été englouti dans l’anéantissement de ses camarades, exter‑ minés par les Perses dans un combat qui a toujours été considéré comme une illustration exemplaire de la bravoure spartiate – et grecque. Or, l’année suivante, en 479, à la bataille de Platées, pour effacer son opprobre, Aristodamos voulut mourir en combattant à la vue de tous56. À cette fin, il quitta les rangs, et quand son nom fut ensuite proposé lors de l’établissement d’un classement des plus méritants des morts, cette indiscipline fut retenue contre lui, même si, d’après Hérodote, il fut bien ce jour-là le plus valeureux des combattants. Finalement, il n’obtint pas d’honneur posthume : la situation d’exclusion dans laquelle il s’était un jour trouvé en ayant été le seul survivant des Trois Cents l’avait poussé à adop‑ ter un comportement qui le maintenait en dehors de la norme militaire admise. Une situation telle que celle subie par Aristodamos, qui devait être bien connue dans le monde grec si l’on en juge par la façon dont Hérodote en parle, a certainement contribué à nourrir la réputation militaire des Spartiates, et on comprend, dès lors, que la reddition de 120 hoplites spartiates assiégés par les Athéniens dans l’île de Sphactérie, en 425, ait pu constituer, au dire de Thucydide57, l’événement le plus inattendu de toute la guerre [du Péloponnèse] aux yeux des Grecs, car l’opinion sur les Lacédémoniens était que ni la faim ni aucune extrémité ne leur ferait livrer leurs armes, mais qu’ils les garderaient et qu’en combattant comme ils pouvaient ils se feraient tuer.
Sans doute une argumentation spartiate permettait-elle de consi‑ dérer que les conditions de la bataille qui avait précédé la reddition n’avaient nullement été celles d’un combat hoplitique normal, dans lequel deux phalanges s’affrontent58. Mais il semble bien que ce soit précisément la capacité des « hommes de l’île » de contester les usages – capacité dont témoignait leur reddition – qui ait ins‑ piré aux Spartiates une certaine méfiance à leur égard, une fois qu’ils eurent été libérés par les Athéniens en 421. La sanction fut, d’après Thucydide, une privation temporaire du droit d’exercer des fonctions publiques et du droit d’acheter et de vendre59. 261
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Point fortifié des Lacédémoniens Camp lacédémonien 2
1
Mouvement lacédémonien
Lagune Attaque lacédémonienne
Camp athénien Mouvement athénien
Établissement d'une fortification athénienne à Pylos (Coryphasion)
2
3 8
Flotte lacédémonienne
Fort
4
Reddition des Lacédémoniens
Victoire navale athénienne
Repli 6 Poursuite
Rade de Pylos (Navarin)
7
Île de Sphactérie 5
5
Débarquement
0
500
1 000 m
5 La reddition de Spartiates à Sphactérie (425)
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Des hommes formés et organisés pour la guerre Il est vraisemblable que, en l’occurrence, l’affaiblissement démo‑ graphique subi par Sparte60 a contribué à la façon dont, pour recouvrer les leurs, les Spartiates en sont venus à conclure avec les Athéniens la paix de 421. Cette situation d’oliganthropie a aussi pu contribuer à ne pas faire appliquer dans toute leur rigueur des usages visant à exclure les vaincus ayant survécu à une bataille : il aurait été absurde de conclure une paix pour obtenir la libération d’hommes voués à être indéfiniment avilis chez eux. Une situa‑ tion analogue est patente, d’ailleurs, après la bataille de Leuctres, en 371 : alors, selon Plutarque61, « les hommes, dit-on, n’osaient même plus regarder en face leurs femmes, tant ils avaient honte de leurs défaites » et le même Plutarque62 nous apprend qu’Agésilas dut proposer une suspension de la loi contre les tresantes pour la durée d’un jour, pour limiter l’affaiblissement considérable que venait de subir le corps civique, après la mort de 400 hommes sur le champ de bataille et alors que 300 avaient survécu. De telles procédures visant à exalter les bons guerriers et à avilir les mauvais constituaient certainement une spécificité de la collectivité spartiate. Elles existaient parce que la cité se donnait de façon obsessionnelle comme objectif de se perpétuer en surpas‑ sant ses ennemis et, à cette fin, chacun de ses ressortissants était censé lui être dévoué jusqu’à la mort. La cité devait cependant tenir compte d’un fait majeur : l’évolution de la démographie des citoyens, qui pouvait dépendre d’autres facteurs que le profession‑ nalisme militaire.
L’évolution organisationnelle de l’armée Si, au temps de Tyrtée63, dans la seconde moitié du viie siècle, la phalange de Sparte a dû être organisée en fonction de la sub‑ division de la population en trois tribus (celles des Pamphyles, des Hylleis et des Dymanes), il est probable que cette structu‑ ration n’a pas ensuite été maintenue. Selon Hérodote, Lycurgue – dont on sait la difficulté à le dater – établit à Sparte « ce qui a trait à la guerre, énomoties, trentaines, syssities64 ». Des groupes de combattants réunis en trentaines pourraient naturellement 263
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Sparte être issus des trois tribus, à raison de dix par tribu, mais rien n’indique explicitement que tel ait été le cas. Comme plus tard encore, au temps de Xénophon, l’armée, dite parfois politikon strateuma, « armée des citoyens65 », est constituée de six grandes unités, les mores – les morai, soit les « parties » –, il a pu être proposé que, groupées par deux, elles aient constitué trois groupes correspondant aux trois tribus66. Mais là encore l’interprétation reste conjecturale – et elle est d’autant plus conjecturale que, nous allons le voir, cette organisation en six mores doit être le fruit d’une évolution. On ne comprend pas parfaitement non plus l’articulation entre les trentaines et, d’autre part, les énomoties (enomôtia, pluriel enômotiai, mot féminin), qui semblent être des groupes de combattants – peut-être à peu près les mêmes – qui ont prêté serment (sans doute les uns aux autres) ; des énomoties sont mentionnées par Hérodote, par Thucydide – selon qui elles semblent comprendre une trentaine d’hommes67 – et par Xénophon68. N’est pas non plus claire la place occupée, dans la more, par les syssities (syssitia, singulier syssition, mot neutre), qui sont des groupes d’hommes prenant leurs repas en commun – et qui peuvent être le même cadre de vie que les syskènia (singulier syskènion, mot neutre), les groupes partageant une tente mentionnés par Xénophon69. De tels groupes de base ont pu conserver leur dénomination et leur importance numérique au cours du temps, alors même que les unités de taille supérieure étaient réorganisées. Car, après un temps où l’organisation de l’armée, au viie siècle, a pu se fonder sur l’existence de tribus – dont les membres, pense-t‑on, étaient répartis sur l’ensemble du territoire –, il est possible que l’armée soit passée à une organisation ayant eu un fondement local. Hérodote semble en effet mentionner une unité à dénomination locale quand il parle du loche (lochos) des Pitanètes (les gens de Pitanè) – ou Pitanates – à propos de la bataille de Platées70. Dans le cadre de cette deuxième organisation de l’armée de Sparte, d’après des indications qui doivent être issues de la Constitution des Lacédémoniens d’Aristote71, auraient existé cinq loches (lochoi) à recrutement local, nommés Edôlos (ou Aidôlios), Sinis, Arimas (ou Sarimas), Ploas, Mesoatès (ou Messoagès) : l’un des quatre premiers doit être celui des gens de Pitana, puisque le cinquième renvoie clairement à Mesoa72. Parmi ces unités doit figurer celle se recrutant à Amyclées, dont le souvenir apparaît 264
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Des hommes formés et organisés pour la guerre peut-être chez Xénophon, qui narre des événements de 390 en précisant que les Amycléens sont alors – parce que l’organisation a encore changé – répartis dans toute l’armée73. Il est vraisem‑ blable que quand 5 000 Spartiates (explicitement nommés ainsi par Hérodote74) sont envoyés combattre à Platées en 479, ils proviennent des cinq unités territoriales dont Aristote a encore pu connaître l’existence, à raison de 1 000 hommes par ôba. Certes, Thucydide nie la réalité du « lochos pitanate », mais Hérodote peut en connaître l’existence par un Spartiate qu’il a vu à Pitanè même75 et, tout en niant l’existence d’un lochos en relation avec une localité constitutive de Sparte – qui serait une ôba (ou une kômè) –, Thucydide lui-même évoque des lochoi quand, dans son récit de la bataille de Mantinée de 418, il indique la chaîne de commandement de l’armée de Sparte76. Comme Thucydide souligne, dans le contexte du récit de la bataille, la difficulté à connaître de façon précise les affaires de Sparte à cause du secret qui les entoure (dia tès politeias to krypton, « en raison du secret du régime politique77 »), il semble s’excuser des imperfections de son propos. Il a d’ailleurs été proposé78 qu’il ait été victime de l’idée selon laquelle les pratiques de Sparte auraient été immuables, alors qu’en fait l’armée aurait abandonné une orga‑ nisation fondée sur un recrutement à base locale (la d euxième, celle qu’évoque Hérodote en mentionnant le lochos des gens de Pitanè) pour une autre, intervenue entre 479 et 425 (qui serait la troisième) : sa confusion79, qui l’amènerait à mentionner des lochoi à la place d’unités plus importantes, les morai, pourrait s’expliquer par la conservation de dénominations d’unités militaires. L’organisation de la phalange de Sparte en 418 selon Thucydide 96 énomoties = 24 pentécostyes = 6 loches = l’armée. Car : un loche = quatre pentécostyes, une pentècostys = quatre énomoties, Thucydide semble ignorer les mores.
Il est en effet notable que des indications d’origine aristoté‑ licienne signalent que les lochoi soient dits ne comprendre que 265
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Sparte « des Lacédémoniens » – en l’espèce des Spartiates – quand ce sont « tous les Lacédémoniens » – donc aussi les périèques – qui constitueraient un type d’unité dont Thucydide semble ignorer l’existence et qui sont les morai. Le nombre des morai, qui sont six, est indiqué par Xénophon comme, encore un demi-siècle après lui, vers 330, par Aristote80. En d’autres termes, alors que, au temps de la seconde guerre médique – dont Platées marque un tournant décisif en 479 –, les contingents spartiates et périèques étaient sans doute distincts, une évolution organisationnelle – sans doute due à l’oliganthropie81 – a dû se produire. Il est probable que des unités regroupant les soldats issus de Sparte et des quelque quatre-vingts communautés périèques ont été constituées entre 479 et 425. Il semble bien en effet que, lors de la bataille de Platées, les périèques aient combattu dans un contingent distinct de celui des soldats spartiates82. Les périèques alors sélectionnés pour être mobilisés auraient été en nombre égal à celui des Spartiates, soit 5 00083 ; sans doute leur proportion par rapport aux troupes périèques mobilisables était-elle moindre que celle des Spartiates requis. Ces périèques servant comme hoplites devaient être des hommes assez aisés pour se doter d’un armement approprié à leur tâche et pour disposer du temps nécessaire à leur entraînement aux armes. Mais plus tard, dans un récit où Thucydide mentionne la « plus grande surprise de la guerre [du Péloponnèse] aux yeux des Grecs », à savoir la reddition de Spartiates à Sphactérie en 425, on voit que ceux-ci sont, désormais, étroitement associés à des périèques. Sur 420 hommes passés dans l’île, 292 survivants se sont rendus, desquels 120 environ – soit 41 % – étaient des Spartiates ; les autres devaient être des périèques84. Or Thucydide signale que la garnison de Sphactérie qui a subi l’attaque athénienne y avait été établie en fonction d’un tirage au sort effectué dans tous les lochoi85 – qui par hypothèse pouvaient être au nombre de deux par mora, donc douze. Cela laisse penser que les unités de base tirées au sort devaient comprendre des effectifs de 35 (420 : 12) hommes, ce qui correspond à peu près aux effectifs des énomoties tels qu’ils sont mentionnés par Thucydide à propos de la bataille de Mantinée86. Ainsi, on peut comprendre que le vocable lochos, qui servait à désigner les cinq unités constitutives de l’armée de Sparte, ait 266
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Des hommes formés et organisés pour la guerre pu, dans un esprit d’amalgame des troupes, et lors d’une réforme datable de 479‑425 – et peut-être plus précisément lors de la pause militaire permise par la paix de 446/445 avec Athènes87 –, servir à désigner les douze unités qui, groupées par deux, formaient les six corps – dits morai – de l’armée lacédémonienne. Les soldats réunis dans une mora appartenaient aux quarante classes d’âge mobilisables, et les membres d’une même famille spartiate étaient vraisemblablement dispersés entre les morai de façon à répartir les risques entre les familles : Xénophon indique qu’après la perte de 250 hoplites sur les 600 d’une mora, en 390, des parents des morts (pères, fils, frères) présents dans le reste de l’armée se promenèrent en tenue de fête en se réjouissant de leur deuil personnel88. Il est vraisemblable que les soldats d’une énomotie donnée étaient soit spartiates, soit périèques : la qualité militaire des Spartiates devait être jugée supérieure89, et ils étaient par nécessité les premiers à pouvoir être mobilisés pour constituer une armée organisée, qui constituait la première force de projection disponible une fois la décision de mener les opérations arrêtée, ensuite rejointe par des forces périèques90. On n’imagine pas que les énomoties aient pu être restructurées alors que la campagne avait déjà commencé. Mais les énomoties (de Spartiates ou de périèques) pouvaient elles-mêmes être regroupées pour constituer des pentécostyes, par quatre en 418 selon Thucydide91, par deux selon Xénophon, qui écrit vers 37692. Et, selon Thucydide, quatre pentécostyes auraient constitué un loche, quand deux auraient suffi selon Xénophon : ces différences dans les indications des deux auteurs peuvent traduire la poursuite d’une évolution organisationnelle – probablement due au manque d’effectifs des Spartiates, que leur professionnalisme ne pouvait qu’imparfaitement pallier93. L’organisation de la phalange de Sparte vers 376 selon Xénophon 96 énomoties = 48 pentécostyes = 24 loches = 6 mores = l’armée. Car : une more = quatre loches, un loche = deux pentécostyes, une pentècostys = deux énomoties.
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XII
Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés
L
e but de la spécialisation militaire des Spartiates – et l’objectif de l’éducation des jeunes gens1 – était clairement le salut de leur cité. Selon Xénophon, la volonté de chaque citoyensoldat d’agir au mieux sur le champ de bataille avait aussi pour effet de limiter les pertes au combat2 : Il convient encore d’admirer Lycurgue pour avoir obtenu que ses concitoyens donnent le pas à une belle mort sur une honteuse exis‑ tence. Que l’on examine la chose, en effet, et l’on s’apercevra que les Spartiates perdent moins de monde que ceux à qui la crainte fait préférer la fuite.
L’assurance des Spartiates sur le champ de bataille, qui pou‑ vait contraster avec la crainte de soldats plus occasionnels3, se fondait largement sur le caractère systématique de leur orga‑ nisation, certainement souvent mise en œuvre dans le cadre d’entraînements bien rodés.
Une supériorité reconnue dans l’art militaire Dans le chapitre où il décrit en détail les manœuvres d’une armée progressant en colonne qui convertit sa formation pour se 269
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Sparte présenter face à l’ennemi en ligne de bataille, Xénophon relève ceci4 : La plupart des gens croient que le dispositif laconien adopté sous les armes est très compliqué, à la suite d’une interprétation tout à fait contraire à la réalité. Il y a, en effet, dans le dispositif laconien, des chefs de file qui commandent, et chaque file attentive exécute ce qu’elle doit.
Le développement détaillé de Xénophon souligne que, en fait, les manières de faire d’une armée de Sparte sont par‑ faitement logiques, les éléments constitutifs de l’armée étant capables de procéder à des contremarches de façon qu’un chef soit où il souhaite être, préférentiellement à la droite de l’armée mais parfois à gauche 5. Xénophon relève, cependant, une aptitude qui met en relief les capacités particulières des Spartiates 6 : Mais, quand l’ordre normal a été troublé, combattre de la même manière (homoiôs) auprès du premier venu, voilà un dispositif qui n’est plus facile à apprendre, sauf pour ceux qui ont été instruits par les lois (nomoi) de Lycurgue.
Les Spartiates paraissent donc avoir été des spécialistes recon‑ nus de l’art militaire, et pas seulement pour le soin qu’ils met‑ taient à s’entourer de procédures religieuses au moment de combattre : Une fois le sacrifice terminé, le roi mande auprès de soi tout le monde [à savoir les chefs qui viennent d’être mentionnés] et donne ses ordres. Aussi, à voir cela, vous estimeriez que les autres ne sont que des improvisateurs en matière militaire, et que les Lacédé‑ moniens sont les seuls véritables spécialistes des affaires militaires (Lakedaimonious dé monous tô onti technitas polémikôn)7.
C’est en conséquence, naturellement, de cette aptitude parti‑ culière, et de la puissance de l’armée de Sparte, que la direction des opérations contre les Perses a été confiée à des chefs de Sparte en 480 : non seulement le roi Léonidas commande en chef aux Thermopyles, où il est le commandant le plus considéré8, mais encore, malgré la faiblesse du contingent naval de Sparte 270
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés (dix navires), ce sont les Spartiates qui fournissent le stratège ayant le pouvoir le plus important sur la flotte, Eurybiade, lors de la bataille navale de l’Artémision, en 480 aussi. Hérodote précise que les alliés avaient déclaré que « si ce n’était pas le Laconien qui était à leur tête, ils ne suivraient pas les Athéniens [qui fournissaient cent vingt-sept navires] dans le cas où ceux-ci exerceraient le commandement, mais renonceraient à l’expédition qu’on allait faire9 ». Une telle confiance dans le commandement d’hommes venus de Sparte s’explique certainement par la grande efficacité reconnue à l’ensemble du système militaire de la cité, en matière de gestion des effectifs aussi bien que de maîtrise tactique.
La gestion des effectifs spartiates La procédure de mobilisation des forces de Sparte est indiquée par Xénophon à l’aide d’une expression particulière, phrouran phainein, qui est utilisée par lui une quinzaine de fois dans les Helléniques et qui peut désigner, au sens premier, le fait de rendre visible une garnison10. L’examen de ces passages montre que « les Lacédémoniens » délibèrent, c’est-à-dire que l’assemblée examine, dans un débat mené par les éphores, s’il convient de mener une campagne, et contre qui. Elle peut désigner le chef, mais pas nécessairement. Lors du débat, qui peut sans doute se tenir avec la participation des rois (si l’on en juge par la prise de parole d’Archidamos à l’assemblée en 43211), l’assemblée exprime sa volonté, sur proposition d’un éphore probablement12. Ensuite, les éphores assurent la mobili‑ sation. En outre, si l’assemblée ne l’a déjà fait, ils désignent un chef pour commander : il peut s’agir d’un roi ou d’un proche d’un roi, tel Aristodèmos qui, en 394, est tuteur du roi agiade Agésipolis13. Les éphores peuvent aussi définir la nature du contingent à mobiliser (en 371, après Leuctres, ils mobilisent les deux mores qui restent14). Dans tous les cas, formellement, ce doit toujours être « la cité » qui décide d’une expédition et qui en choisit le chef 15. 271
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Sparte Pour indiquer à quel point les Spartiates agissent de façon systé‑ matique de manière à favoriser le succès de leurs armes, Xénophon rapporte ceci16 : Tout d’abord, les éphores font proclamer par le héraut jusqu’à quel âge cavaliers et hoplites doivent partir en campagne ; il en est ensuite de même pour les gens de métier. Aussi tout ce dont on use dans une cité, les Lacédémoniens, même en campagne, en sont abon‑ damment pourvus. Et tout le matériel dont l’armée peut avoir besoin en commun, ordre a été donné de le lui fournir, en le réunissant en partie sur des chariots, en partie sur des bêtes de somme, car ce qui manquerait n’a de la sorte aucune chance d’échapper.
Un tel passage montre l’organisation par les autorités publiques des moyens matériels nécessaires à l’efficacité d’une armée (donc, notamment, des Hilotes utiles à l’organisation du train) et, d’autre part et surtout, il semble impliquer qu’un Spartiate d’un âge com‑ pris entre vingt et soixante ans a d’autant plus de chances d’être mobilisé qu’il est plus jeune. Il est possible qu’au moins un homme de chacune des classes d’âge en capacité de combattre ait en principe fait partie d’une énomotie, qui aurait en conséquence compris théoriquement une quarantaine d’hommes, et souvent moins en réalité17. Mais il est vraisemblable que les hommes des plus jeunes classes aient été appelés plus souvent que les autres – et plus facilement sollicités sur le terrain18 –, en fonction du catalogue des effectifs tenu par les éphores. D’ailleurs, les hommes des classes les plus âgées étaient sans doute les moins nombreux du fait des pertes subies au combat – même si l’évolution démo‑ graphique d’ensemble a pu atténuer la différence entre classes, au cours de l’époque classique. Les hommes concernés par la mobilisation étaient essentiellement des fantassins, les hoplites, dont on a déjà évoqué l’armement19 et dont les effectifs étaient moindres que ceux de l’ensemble des hommes spartiates, puisque seules quarante classes étaient concer‑ nées ; leurs effectifs ont nécessairement décru au cours de l’époque classique en raison de l’oliganthropie subie par la cité20. Un autre corps de troupe était constitué par les hippeis – que l’on doit distinguer des cavaliers. Une troupe d’élite était en effet constituée par les 300 hippeis, dont le nom, porteur d’une ancienne connotation aristocratique, désigne en principe des « cavaliers » – ou 272
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés du moins des hommes qui se rendent à cheval jusqu’au champ de bataille –, mais qui, à l’époque classique, étaient des fantassins21. Ces soldats, d’un âge compris entre vingt et trente ans, étaient sélectionnés par les trois hippagrètes22, et ils pouvaient servir de garde royale durant une bataille, ainsi en 418 à Mantinée, comme de force de police lors de la conspiration de Cinadon vers 39923. Pour pourvoir à des besoins particuliers, au cours de la guerre du Péloponnèse, les Lacédémoniens ont constitué (ou reconstitué) une force de cavalerie montée en 424 : celle-ci, forte de 400 hommes, avait pour objectif de parer rapidement aux coups multiples et difficiles à prévoir que les Athéniens portaient sur leur territoire24. Mais cette arme est restée peu appréciée. Selon Xénophon, avant Leuctres (371), la cavalerie lacédémonienne était détestable, et il fournit des explications25 : C’est que l’entretien des chevaux était bien l’affaire des plus riches ; mais, une fois que la mobilisation était déclarée, alors arrivait l’homme désigné pour monter le cheval ; il en prenait possession, ainsi que des armes, telles quelles, qu’on lui donnait, et il partait sur-le-champ en campagne ; d’autre part c’étaient, parmi les soldats, les plus débiles, et ceux qui avaient le moins de cœur, qui étaient montés.
Ces forces montées étaient souvent étroitement associées aux forces d’infanterie lors des opérations, mais dans des unités dis‑ tinctes, appelées mores26, comme celles des hoplites. Une more de cavalerie aurait compris quatre loches de 24 hommes, soit une centaine d’hommes27. À la bataille de Némée, en 394, les Lacédémoniens alignaient 6 000 hoplites et environ 600 cavaliers – soit sans doute leurs six mores de cavalerie28. Ainsi constituées, les forces proprement spartiates étaient ren‑ forcées par d’autres contingents.
Les Hilotes Pour accroître leurs effectifs en cas de besoin extrême, les Spar‑ tiates pouvaient mobiliser leurs propres esclaves, au statut parti‑ 273
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Sparte culier, nous l’avons dit, puisqu’ils ne pouvaient être vendus hors de Lacédémone. D’après Hérodote, lors de la bataille de Platées qui se déroula en Béotie en 479, les 5 000 Spartiates présents ont été renforcés par 35 000 Hilotes, à raison de sept attachés à chaque Spartiate29. Ces Hilotes ont certainement été mobilisés pour faire nombre – et concrètement occuper le terrain pour évi‑ ter aux hoplites d’être débordés par la masse de l’armée perse30. Ils étaient armés à la légère (psiloi), précise Hérodote31. Comme Tyrtée, déjà, mentionnait des gymnètes (des soldats « nus », légè‑ rement armés), qu’il incitait à lancer des pierres et à manier des javelots, Thucydide, rapportant les événements de Sicile de 415, définit les psiloi comme étant des lanceurs de pierre, des frondeurs, des archers, et Xénophon mentionne des psiloi athéniens en 403, qui sont des lanceurs de javelots (des acontistes) ou qui utilisent des javelots, des armes de jet, des flèches, des frondes32. C’est donc d’un tel équipement que pouvaient disposer les Hilotes mis en ligne à Platées, mais certainement pas de l’équipement lourd des hoplites. Leur présence marque une certaine confiance des Spartiates à leur égard : à vrai dire, ces esclaves ne pouvaient sans doute rien espérer des Perses et leur qualité militaire pouvait être inégale. En 480, l’Hilote du Spartiate Eurytos avait bien conduit son maître, frappé d’ophtalmie, aux Thermopyles, pour qu’il s’y fît tuer avec les autres compagnons de Léonidas, mais pour s’enfuir aussitôt33. Néanmoins, aux Thermopyles mêmes – lieu d’un combat qui a contribué de façon indélébile à la gloire militaire de Sparte –, d’autres Hilotes étaient tombés aux côtés des Trois Cents et de leurs alliés, face aux Perses34 et, après la bataille de Platées, les Hilotes morts eurent droit à une tombe particulière, de même que les hirees et les Spartiates35. Plus tard, on voit encore des Hilotes servir dans un contexte militaire, mais il est possible que, après la révolte consécutive au séisme daté de 464, la confiance à leur égard ait été plus mitigée, surtout à l’égard des Hilotes messéniens qui avaient été les plus redoutables36. Il semble que, lors d’une campagne ordinaire, chaque hoplite ait eu à son service au moins un Hilote, qui devait l’aider à porter ses armes défensives37. En 425, c’est avec leurs Hilotes que les hommes de la garnison lacédémonienne de Sphactérie passent dans l’île38. Reste que les Spartiates pouvaient éprouver une certaine défiance envers les Hilotes : selon Critias, auteur de 274
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés la fin du ve siècle, les Spartiates démontaient et conservaient à part le brassard de leur bouclier pour le rendre inutilisable, sauf en campagne où il convient souvent d’agir rapidement, mais alors ils gardaient leur lance, pour pouvoir l’emporter sur l’Hilote en cas de révolte de celui-ci39. Une telle défiance n’est pas impos‑ sible à la fin du ve siècle, en un temps proche de l’élimination de 2 000 Hilotes provoquée par la crainte qu’ils suscitaient à la fin de 425, et qui était aggravée par les actions militaires athéniennes40. Mais cette défiance se portait plus sur les Hilotes messéniens que sur les Hilotes laconiens. Selon Thucydide, en effet41, après la reddition de la garnison lacédémonienne de Sphactérie, en face, à Pylos, [les Athéniens] établirent un poste de surveillance ; les Messéniens de Naupacte, considérant qu’il s’agissait de leur patrie (puisque Pylos fait partie de l’ancienne Messénie), y envoyèrent les plus indiqués d’entre eux et, mettant la terre des Laconiens [dans sa partie messénienne, s’entend] au pillage, ils y exerçaient de grands dommages du fait qu’ils parlaient le même dialecte. Quant aux Lacé‑ démoniens, qui avaient jusqu’alors ignoré les pillages et ce genre de guerre, victimes maintenant de la désertion des Hilotes et craignant de voir les désordres se multiplier contre eux dans le pays, ils ne le supportaient pas sans peine.
Les Messéniens qui s’étaient révoltés contre les Spartiates vers 464 avaient finalement été transférés par les Athéniens à Naupacte, au nord du golfe de Corinthe. L’inimitié de leurs descendants contre les Spartiates les a donc poussés à exploiter la situation apparue en 425, mais, naturellement, la situation décrite par Thucydide a dû provoquer une différence marquée entre l’attitude des Spar‑ tiates à l’égard des Hilotes messéniens – suspects – et les Hilotes de Laconie – jugés plus fidèles42. C’est pourquoi l’on peut penser que lorsque, pour satisfaire à ses besoins en effectifs, Sparte en est venue à armer des Hilotes en hoplites, ceux-ci étaient vrai‑ semblablement surtout laconiens43. La nécessité impérative de résister à la menace multiforme pro‑ voquée par la guerre avec Athènes a en effet obligé les Spartiates, désireux d’épargner leurs propres hommes, à utiliser des hoplites non spartiates pour agir sur des théâtres d’opérations éloignés. Aussitôt après avoir mentionné l’élimination de 2 000 Hilotes (sans doute messéniens) dont l’état d’esprit avait paru suspect, 275
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Sparte hucydide signale que les Spartiates ont envoyé en Thrace – seule T région importante de l’Empire athénien atteignable par voie de terre – 700 autres Hilotes (sans doute laconiens) comme hoplites sous les ordres de Brasidas et aux côtés de 1 000 mercenaires levés dans le Péloponnèse44. À leur retour, les survivants furent affran‑ chis et rapidement envoyés à Lépréon, aux confins de l’Élide, en 42145. Cette expérience semble avoir inspiré l’idée du statut des néodamodes (les « nouveaux citoyens »), dont la plus ancienne action connue consiste… à avoir été installés à Lépréon avec les Brasidiens en 421. Les Brasidiens – dont le nom est forgé sur celui de leur chef Brasidas mort à Amphipolis en 422 – et les néodamodes combattent côte à côte à Mantinée en 41846. Si les Brasidiens étaient par définition voués à une extinction naturelle, l’appellation des néodamodes, qui est de nature statutaire, a été utilisée au moins jusqu’en 370/369, puisque des soldats de ce nom sont alors présents en Skiritide, à Oion47. Certes, la promotion de tels hommes ne concerne qu’une élite particulièrement digne de confiance, mais la possibilité même d’une promotion peut aussi affermir des fidélités. Quand il indique la nature des forces de Sparte qui sont mobilisées une première fois contre les Argiens en 418, Thucydide précise que les Lacédémo‑ niens se mirent en campagne, eux-mêmes et les Hilotes, en masse (pandèmei), et il use d’une expression semblable pour désigner la seconde mobilisation, qui eut lieu quelque temps plus tard48. En conséquence, des hommes de statuts différents pouvaient se côtoyer et prendre pleinement conscience de la diversité de leurs statuts – et de l’histoire de chaque individu, au service de Sparte. L’usage de ces forces militaires supplémentaires par Sparte montre un souci d’épargner les Spartiates lors d’opérations risquées menées au loin : ainsi des néodamodes sont-ils envoyés en Sicile au secours de Syracuse ; les Lacédémoniens, dit Thucydide en faisant le bilan des forces au service de Syracuse en 413, lui ont envoyé un chef spartiate, Gylippe, des néodamodes et des Hilotes49. En 412, pour détacher les Eubéens d’Athènes, le roi Agis – qui mène des opérations depuis Décélie, en Attique – se fait envoyer deux chefs (sans doute spartiates) et 300 néodamodes50. En 396, pour parer à une offensive perse, les Lacédémoniens envoient en Asie Mineure le roi Agésilas, un état-major de trente Spartiates, environ 2 000 néodamodes et 6 000 alliés51. Un an plus tard, Agésilas reste en Asie pour assurer son commandement mais l’encadrement des 276
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés 30 hommes qui l’épaulent est renouvelé et Xénophon précise les affectations de certains chefs, dont l’un, Skythès, doit commander les « hoplites néodamodes52 ». Promouvoir des hilotes en néodamodes permet donc, très clai‑ rement, à Sparte d’assurer avec efficience une politique extérieure active tout en limitant les pertes de Spartiates au combat. Mais une distinction existe bien entre les Spartiates et le reste de l’armée : quand, en 375, Polydamas de Pharsale demande de l’aide à Sparte pour résister à Jason de Phères, il explicite sa pensée et déclare : Si c’est avec des néodamodes, sous le commandement d’un simple particulier, que vous espérez vous en tirer, je vous engage à ne pas bouger53.
Il demeure que, malgré une telle limite, les Spartiates ont per‑ sévéré dans la pratique consistant à utiliser des Hilotes comme hoplites, même s’ils ont renoncé au terme de néodamodes pour les désigner. Le mot n’apparaît pas, en effet, à propos des événe‑ ments de 369, quand les Lacédémoniens lancèrent un appel aux volontaires et enrôlèrent plus de 6 000 Hilotes comme hoplites, « si bien que, par réaction, ils inspirèrent des craintes une fois qu’on les vit tous ensemble, et qu’on les trouva trop nombreux ». En constatant la fidélité des mercenaires et la présence des alliés, les Lacédémoniens « se mirent à avoir moins peur des Hilotes enrôlés », nous dit Xénophon54. En l’occurrence, selon la remarque de Jean Ducat, « dans aucune cité grecque, à notre connaissance, les hoplites n’étaient recrutés sur une base technique ; la qualification hoplitique est d’abord socio-économique55 ». Il est donc probable qu’un processus de différenciation sociale entre Hilotes permettait à certains de se distinguer des autres en fondant leur conviction d’être capables d’assumer leurs devoirs militaires, nettement présentés en l’occur‑ rence comme la contrepartie de leur liberté future – mais non de leur citoyenneté, à laquelle était liée la possession d’un klèros, un lopin de terre, qu’ils ne pouvaient sans doute se procurer puisqu’une telle possession devait être réservée aux citoyens. Par ailleurs, une coïncidence chronologique doit être notée, avec la perte, par Sparte, du contrôle de la Messénie. Si, comme on peut le supposer, les néodamodes étaient généralement d’anciens Hilotes laconiens, leur dénomination pouvait viser à entretenir un 277
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Sparte espoir de promotion à caractère distinctif entre les Hilotes laconiens et leurs homologues messéniens voués à demeurer esclaves. Cette distinction ne prévalut que jusqu’à l’indépendance des Messéniens, due à une intervention extérieure, celle d’Épaminondas et des Thébains. Il aurait été certainement mal venu de conserver une appellation qui n’était plus valorisante mais désormais discrimina‑ toire en Laconie, alors que les Hilotes messéniens étaient devenus, chez eux, des citoyens – d’où l’indignation prêtée à Archidamos, fils d’Agésilas II, par Isocrate, en 366 : Je rougirais si, descendant d’Héraclès, fils du roi actuel, appelé vraisemblablement à bénéficier du même honneur, je voyais avec indifférence, pour autant qu’il est en moi, la terre que nos ancêtres nous ont laissée, tomber en la possession de nos propres serviteurs56.
La perte de la Messénie a certainement profondément modi‑ fié le fonctionnement de la société lacédémonienne. Pourtant, en obligeant un corps désormais réduit de citoyens à se concentrer sur la gestion et la défense d’un espace resserré, elle a aussi pu assurer une certaine perpétuation de la puissance de Sparte. Car la nature du statut des hommes ne semble pas avoir été affectée, et Sparte pouvait jouer sur d’autres statuts d’inférieurs que ceux des Hilotes et des néodamodes pour entretenir la division et un esprit d’émulation à son service entre non-citoyens. Lors de l’intervention d’Agésipolis en Chalcidique en 381, le corps expéditionnaire est ainsi constitué : [Les Lacédémoniens] envoient comme chef le roi Agésipolis et avec lui, comme on avait fait pour Agésilas en Asie, trente d’entre les Spartiates. Beaucoup de monde l’accompagnait : volontaires d’entre les périèques, qui étaient gens de mérite (kaloi kagathoi), étrangers faisant partie de ceux qui sont appelés les pupilles (trophimoi), bâtards (nothoi) des Spartiates57, gens de bonne mine qui n’étaient pas sans expérience des bonnes pratiques en usage dans la cité58.
Naturellement, des catégories comme celles des trophimoi (aux‑ quels ont pu appartenir par exemple les fils de Xénophon) et des nothoi ont perduré après la perte de la Messénie, bien que l’on n’ait guère d’idée sur leur nombre59 ; il est vraisemblable que les 278
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés périèques étaient bien plus nombreux, et, après 369, tous ont pu continuer à servir dans l’armée de Sparte.
Les périèques Hommes libres vivant en Laconie – mais aussi, pour certains, en Messénie, tant que celle-ci a dépendu de Sparte –, les périèques devaient contribuer à la puissance militaire de Sparte en mettant des hommes à sa disposition60. La première apparition d’une présence de périèques comme hoplites aux côtés de Spartiates remonte à la seconde guerre médique, à la bataille de Platées en 479. Ces hommes étaient partis au nombre de 5 000 à la suite d’autant de Spartiates, et Hérodote déclare qu’ils étaient des soldats choisis (logades), ce qui implique que toutes les forces existantes n’avaient pas alors été requises61. Des périèques étaient établis sur le pourtour du territoire de Sparte en Laconie comme en Messénie, et l’emprise de Sparte sur eux semble avoir été solide, puisque seuls les périèques de Thouria et d’Aithaia, habitant la basse vallée du Pamisos en Messénie, semblent s’être soulevés lors de la révolte des environs de 464 consécutive à un tremblement de terre62. Plus tard, parmi les hoplites qui se sont rendus aux Athéniens à Sphactérie en 425, 172 sur 292, soit 59 %, auraient été des périèques63. On a vu que la réforme de l’armée du ve siècle (datable d’entre 479 et 425) aurait provoqué un accroisse‑ ment de la part des périèques et une association renforcée des hoplites périèques et des hoplites spartiates, les uns et les autres étant sans doute regroupés en énomoties distinctes mais combattant côte à côte. La conservation d’une telle distinction au cœur de l’armée s’appuie sans doute sur des éléments de rituel religieux : lorsque, en 395, le roi Pausanias mène une offensive contre Thèbes, il s’assure que les sacrifices du pas‑ sage des frontières de l’armée proprement spartiate donnent des résultats favorables pour attendre, en dehors des frontières de Lacédémone, à Tégée, les contingents complémentaires des communautés périèques64. 279
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Sparte Sur la base d’une énomotie comprenant 32 hommes, à raison de 96 énomoties de Spartiates et 96 énomoties de périèques, on a pu proposer que l’armée lacédémonienne comptait en tout un effectif théorique de 7 680 hommes65. Mais il demeure qu’à par‑ tir de la fin du ve siècle, la diminution des effectifs de citoyens a créé des difficultés pour mettre la pratique en accord avec la théorie : on ne discerne pas clairement comment les 96 énomo‑ ties de citoyens auraient subsisté (ou alors en même nombre mais en effectifs réduits ?)66. Du moins, pour que l’armée conservât ses effectifs globaux, des néodamodes d’origine hilotique et des périèques ont dû être recrutés en nombre accru, et le recours à de telles ressources humaines contribue à expliquer pourquoi la puissance extérieure de Sparte ne s’est pas effondrée dès que l’oliganthropie s’est manifestée nettement. Néanmoins, la défaite de Leuctres (371) et l’invasion de la Laco‑ nie qui a suivi ont pu susciter des défections ; selon Xénophon, des périèques passent à l’ennemi en 370/369 : Se présentèrent [à Mantinée, auprès des Thébains qui hésitaient à envahir la Laconie,] quelques périèques qui déclarèrent qu’il y aurait des défections pour peu que les Thébains parussent dans le pays ; dès maintenant, disaient-ils, les Spartiates convoquaient les périèques, et ceux-ci refusaient de les soutenir67.
Peu après, les Thébains, ayant renoncé à prendre Sparte de vive force, marchent sur Gytheion, base de la flotte, qui subit un siège de trois jours durant lequel « certains des périèques » participent à l’attaque en se joignant aux alliés des Thébains68. Au total, les défections, et plus encore les passages à l’ennemi, paraissent limités, et si Xénophon mentionne lui-même, à propos de ces événements, la défection de « nombreux périèques69 », là encore il s’agit d’une défection plus que d’une action hostile. D’ailleurs les effets du mouvement semblent avoir été limités et il est pos‑ sible qu’il n’ait été le fait que de périèques peu aisés, dépourvus de biens à risquer et n’ayant pas la capacité socio-économique d’être des hoplites. Au reste, si l’esquisse d’une sédition s’est alors produite à l’intérieur même de Sparte, Agésilas a rapidement fait éliminer des comploteurs lacédémoniens et, en concertation avec les éphores, d’autres comploteurs spartiates70. Le système social et militaire résiste donc globalement même à une secousse aussi 280
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés grave que l’invasion de la Laconie en 370/369. Ensuite, lors de la tentative brusquée d’Épaminondas contre Sparte en 362, le chef thébain doit constater qu’aucune cité ne le soutient et la défense de Sparte peut être effectivement assurée par trois loches sur les douze de l’armée71. En fait, la résilience de Sparte s’explique aussi par le fait que, toujours, au cours de l’époque classique, elle a pu compter sur des alliés – dont d’ailleurs, au cours du temps, la liste a souvent varié72.
L’importance des forces alliées Pour mettre en exergue le fait que la puissance militaire de Sparte ne repose pas seulement sur ses propres forces, Xénophon prête ces propos à Timolaos de Corinthe, en 39473 : « Eh bien je trouve, alliés, qu’il en va des Lacédémoniens comme des fleuves. Les fleuves (potamoi), aux abords des sources, ne sont pas grands, on les passe facilement ; mais à mesure qu’ils avancent, l’afflux d’autres cours d’eau (potamoi) renforce leur courant. De même, les Lacédémoniens, à l’endroit où ils sortent de chez eux, sont réduits à eux-mêmes, mais en avançant et en ramassant les contingents des villes, ils deviennent plus nombreux et plus difficiles à combattre. […] Ces réflexions me font penser que le mieux est d’être sur le territoire de Lacédémone et, sinon, le plus près possible, pour y livrer bataille. »
Une telle description évoque le caractère largement péloponnésien des alliés de Sparte, qui est très marqué depuis la mise en place de la Ligue du Péloponnèse vers 525 ; celle-ci, estime-t‑on, s’évanouit quand, en 365, les Corinthiens et les Phliasiens concluent, avec l’assentiment de Sparte mais sans elle, une paix avec les Thébains74. Mais pendant plus d’un siècle et demi, Sparte, grâce d’abord à la supériorité de ses propres forces sur chacune des autres cités péloponnésiennes75, puis grâce à l’efficience organisationnelle de ses moyens militaires, a joué un rôle majeur dans le monde grec. Une pratique qui, longtemps, a assuré sa prééminence est ainsi décrite par Thucydide, à propos de la situation à la veille de la guerre du Péloponnèse, en 43276 : 281
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Sparte
Les Lacédémoniens conduisaient leurs alliés en les contrôlant sans qu’ils fussent soumis à un tribut, mais en veillant à ce que du fait de leur gouvernement oligarchique ils administrassent leurs affaires d’une façon qui leur convînt à eux-mêmes.
Un tel passage77 exprime combien, selon les conceptions des gens de Sparte, l’encadrement d’un groupe d’hommes joue un rôle essentiel, et il montre une application, dans le domaine de la politique étrangère, d’usages qui ont lieu de s’exprimer au plus haut point dans un contexte militaire : convaincre un stratège de mener telle ou telle opération est bien plus décisif que de per‑ suader un simple soldat, citoyen de sa cité. Les Spartiates veillent aussi à guider par eux-mêmes l’action militaire de leurs alliés, et c’est pourquoi ils envoient des xenagoi, « conducteurs des étrangers », prendre la tête des contingents des cités alliées, aux côtés des stratèges de celles-ci78 : Thucydide montre ainsi comment, en 429, des xenagoi des Lacédémoniens associés au commandement des contingents des cités alliées contraignent les soldats à établir un mur autour de Platées pour en bloquer les défenseurs, et Xénophon décrit le rôle des xenagoi qui placent sur le terrain les contingents des alliés, au début de la bataille – vic‑ torieuse – de Némée, en 39479. Ainsi encadrés par des sortes de conseillers militaires, les soldats non spartiates font l’objet d’une assez grande confiance, si l’on en juge par exemple par le fait que, lorsqu’ils s’acheminent vers Mantinée où va avoir lieu l’importante bataille de 418, sûrs d’être rejoints par des forces arcadiennes amies, les Lacédémoniens renvoient chez eux un sixième d’entre eux, constitué des classes les plus âgées et les plus jeunes, qui doivent assurer la garde de Sparte80. De tels usages montrent encore, comme dans le cas des forces d’origine hilotique et périèque, combien les Spartiates savent s’ap‑ puyer sur des soldats qui ne sont pas proprement les leurs. Ils agissent ainsi, d’ailleurs, avec un esprit de méthode remarquable‑ ment systématique dont témoigne, par exemple, la réorganisation à base géographique, en 377, de la Ligue du Péloponnèse81. Aux alliés qui sont attachés à Sparte par une volonté politique de leurs collectivités respectives (ou des dirigeants de celles-ci) et par des serments s’ajoutent encore d’autres forces, plus occasionnelles, qui sont celles de mercenaires. 282
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés
L’usage de mercenaires Les Lacédémoniens de l’époque classique ont pu, d’une part, employer des mercenaires et, d’autre part, servir comme merce‑ naires82. La présence de ceux-ci dans une armée de Sparte est si naturelle qu’elle apparaît dans la description des usages de celle-ci que donne Xénophon dans la République des Lacédémoniens : on voit que lorsque le roi, tête de l’armée, sacrifie, il le fait en pré‑ sence des chefs de l’armée, dont font partie les commandants des étrangers (xenôn stratiarkhoi), c’est-à-dire les commandants de mercenaires – qui sont accompagnés des stratèges des cités alliées, si cela plaît à ces derniers –, mais Xénophon est aussi conscient, visiblement, que la présence de mercenaires n’a pas toujours existé dans une armée de Sparte83. Le plus ancien usage connu de telles forces par les Lacédémoniens semble pouvoir être daté de 426 : alors, le Spartiate Eurylochos (dont le nom même désigne un élargissement d’une unité mili‑ taire, un lochos), flanqué de deux autres Spartiates, a emmené des troupes en Acarnanie, et il semble que celles-ci comportaient des mercenaires84. Le cas est moins douteux durant l’expédition de Brasidas en Thrace, en 424‑422 : outre 700 Hilotes (les Brasidiens que nous avons évoqués), il a conduit des soldats (au nombre d’un millier) « convaincus par une solde » (un misthos), puis, sur place, il a recruté 1 500 mercenaires thraces85. Ensuite, encore sur un théâtre d’opérations éloigné, en Sicile, en 413, le Spartiate Gylippe est à la tête de troupes comprenant des mercenaires soldés par les Syracusains86 ; en 412, des mercenaires péloponnésiens se trouvent placés sous les ordres du Spartiate Pédaritos, à Chios, puis, en 408, le Spartiate Cléarque défend Byzance contre les Athéniens en recourant notamment à des mercenaires87. Au total, il semble donc que si les Spartiates ont su recourir à des mercenaires durant la fin de la guerre du Péloponnèse, un tel usage est demeuré limité. Mais lorsque, après la mort du Perse Cyrus le Jeune, les DixMille – les éléments grecs de l’armée que Cyrus avait levée contre son frère – gagnent les environs de Byzance, les Lacédémoniens recrutent ces troupes : en 399, 5 000 de ces hommes peut-être sont incorporés dans l’armée du Lacédémonien Thibron, qui, au nom de Sparte, combat les forces du roi perse Artaxerxès en 283
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Sparte Asie Mineure88. Certains vont passer en Europe avec Agésilas et combattre à ses côtés à Coronée en 39489. Ensuite, il semble que l’usage de mercenaires par Sparte soit resté relativement limité, jusqu’à une réforme des usages survenue en 38290. En effet, à cette date, selon Xénophon, les Lacédémoniens et leurs alliés de la Ligue du Péloponnèse décident d’entreprendre une expédition en Chalcidique, à la demande d’Acanthos et d’Apollonia, contre Olynthe, qui les menace. Des propositions furent aussi formulées pour que celle des cités qui le voudrait pût envoyer de l’argent au lieu d’hommes (trois oboles d’Égine par homme), et que si l’une fournissait des cavaliers, la solde versée pour un cavalier devait être comme pour quatre hoplites ; si une ville abandonnait l’expédition, les Lacédémoniens pourraient lui infliger une amende d’un statère par homme et par jour91.
On admet généralement que la possibilité ainsi créée permettait de lever des mercenaires à la place des citoyens des diverses com‑ munautés membres de l’alliance, mais peu d’exemples explicites sont connus92. Cet usage a pu susciter notamment le recrutement de peltastes, fantassins légers, qui paraissent souvent employés après 382 et dans les années 37093. La banalisation de ce type de recrutement apparaît, semble-t‑il, dans le fait que, lors de la modi‑ fication des obligations imposées aux alliés en 378, les Spartiates adoptèrent une équivalence de deux psiloi – soldats légèrement armés – pour un hoplite dans leurs calculs des contingents devant leur être fournis, en sus des éléments de calcul déjà prévus en 38294. À une époque où l’usage de mercenaires par les cités grecques est devenu assez fréquent, les effectifs dont Sparte disposait grâce à un recrutement stipendié élargissaient ses possibilités d’action sur des théâtres d’opérations étendus ou divers, mais il apparaît aussi que les Spartiates, dont les possibilités d’encadrement étaient limitées, ont pu ainsi perdre prise sur leurs propres troupes : renoncer à des contingents fournis par les cités et constitués par des hommes accoutumés à servir les uns avec les autres a dû faire perdre de sa cohérence à l’outil militaire disponible. Cet affaiblissement des liens humains avec les alliés peut aussi expliquer pourquoi, à l’issue de la défaite de Leuctres en 371, certains des alliés de Sparte n’étaient pas mécontents de la défaite, dans laquelle ils voyaient peut-être la fin de leurs obligations militaires95. 284
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés Surtout, il semble que les Spartiates aient manqué de savoirfaire dans l’usage de troupes mercenaires : lors de la dernière expédition lointaine menée par des forces de la cité avant la bataille de Leuctres, à Corcyre en 373, le navarque spartiate Mna‑ sippos paraît incapable de gérer convenablement les effectifs des 1 500 mercenaires dont il dispose, qu’il croit pouvoir licencier ou maltraiter de telle sorte que les opérations, bien engagées, abou‑ tissent à un échec cuisant96. En revanche, quand des contingents sont fournis par des chefs politiques étrangers – vraisemblable‑ ment avec leur encadrement, compétent –, ces troupes peuvent être précieuses, telles celles envoyées par Denys Ier de Syracuse en 369 et 36897. Le soutien de Denys permet à Archidamos, fils d’Agésilas, de remporter, à Eutrésis, près de Mégalopolis, la « bataille sans larmes » contre les Arcadiens, les Messéniens et les Argiens durant l’été 36898. Globalement, comme l’usage de mercenaires avait contribué à permettre l’hégémonie des Lacédémoniens en mer Égée (404‑394), il les a aidés à assurer leur rôle de garants de la paix du Roi entre 386 et 371. Mus par des intérêts financiers, les mercenaires sont attachés à leur employeur et leur fonction consistant à compléter des effectifs civiques par ailleurs indigents apparaît clairement en 369 : alors, les Lacédémoniens sont rassurés par l’attitude des mercenaires, qui leur paraissent pouvoir faire contrepoids aux 6 000 hilotes qui se sont portés volontaires pour défendre Sparte mais qui restent porteurs d’une menace de subversion sociale – ce qui n’est pas le cas des mercenaires – et dont le grand nombre inquiète99. Utiliser des mercenaires, professionnels étrangers de la guerre, est d’ailleurs en soi un usage connexe du service, hors de Sparte, de chefs spartiates qui apprennent à combattre aux côtés de soldats non spartiates.
Des Spartiates au service d’autrui Du fait de leurs compétences militaires, des Spartiates peuvent être amenés à servir comme experts : après que Gylippe a joué un 285
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Sparte rôle décisif dans la victoire des Syracusains sur les Athéniens en 414‑413100, on voit que d’autres Spartiates sont envoyés à Denys de Syracuse. D’après Diodore de Sicile, il semble que l’envoi d’Aristos (ou Arétès) à Denys, pour l’aider à établir son pouvoir, ait eu pour finalité d’assurer à Sparte la précieuse alliance de Syracuse ; le même but explique l’autorisation qui est donnée à Denys en 398 de recruter chez les Lacédémoniens autant de mercenaires qu’il souhaite, le recrutement de 1 000 mercenaires lacédémoniens qu’il effectue encore en 397 et l’envoi de Pharacidas à Syracuse en 396/395101. De fait, Denys sait payer cette aide de retour, par exemple en envoyant une vingtaine de navires aider Sparte en 387 puis, après Leuctres, en 369 et 368102. C’est certainement une entreprise de même ordre qui a été ébauchée en 401, quand Sparte a aidé Cyrus le Jeune dans sa vaine tentative de renverser son frère le roi perse Artaxerxès : ainsi le Spartiate Cheirisophos a-t‑il été envoyé avec 700 hommes pour renforcer l’armée des Dix-Mille levée par Cyrus et, après la mort de ce dernier à Counaxa, il a, un temps, été chef de l’armée103. La mise au service d’autrui de chefs spartiates envoyés par les autorités de leur cité semble avoir constitué une sorte d’inves‑ tissement humain limité mais propre à rapporter des bénéfices importants : il s’agissait d’appuyer des personnages qui pouvaient être destinés à jouer un rôle important un jour. Cependant, il a pu être noté que l’on trouve peu de mentions de Spartiates servant comme hoplites du rang en tant que merce‑ naires104. En général, c’est comme spécialistes de la guerre aptes à encadrer des troupes – notamment d’origine péloponnésienne – qu’ils apparaissent à l’étranger. Un personnage relativement représentatif de cette situation est Cléarque, qui peut paraître caricaturalement spartiate, mais aty‑ pique en ce qu’il a échappé au contrôle de sa cité quand il se met au service de Cyrus – et devient donc clairement un mercenaire, même s’il est apparemment peu intéressé par l’argent105. Il est ainsi dépeint par Xénophon106 : Cléarque, de l’assentiment de tous ceux qui le connaissaient bien, avait la science et la passion de la guerre au plus haut degré. En effet, tant que Lacédémone fit la guerre contre Athènes, il resta en Grèce, mais du jour où la paix eut lieu [en 404], ayant persuadé ses
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés concitoyens que les Thraces faisaient du tort aux Hellènes, et ayant obtenu, comme il put, le consentement des éphores, il s’embar‑ qua pour faire la guerre aux Thraces qui habitent au-dessus de la Chersonèse et de Périnthe. Lui parti, quand les éphores eurent, on ne sait pourquoi, changé d’idée, et quand ils essayaient de le faire revenir de l’Isthme, à ce moment-là il n’obéit plus et fit voile vers l’Hellespont. Là-dessus les magistrats de Sparte le condamnèrent à la peine capitale pour désobéissance. Dès lors, exilé, il va trouver Cyrus. Par quels discours il persuada Cyrus, c’est ce qui a été écrit ailleurs, et celui-ci lui donna dix mille dariques. Il les prit et ne s’abandonna pas à une vie facile ; au contraire, avec cet argent il réunit une armée, fit la guerre aux Thraces, les vainquit de vive force, puis ravagea, pilla leur pays et continua à guerroyer, jusqu’à ce que Cyrus eût besoin de son armée. Alors il partit pour faire de nouveau la guerre avec ce prince. Ce sont là, il me semble, les actes d’un homme qui a la passion de la guerre (philopolemos) : il pouvait vivre dans la paix sans honte, ni dommage, il choisit de faire la guerre […]. Et on le disait apte entre tous à commander, à cause de deux qualités que voici et qu’il possédait : il savait comme personne s’ingénier à ce que ses troupes eussent des vivres et à leur en pro‑ curer ; il savait aussi imprimer en tous ceux qui l’entouraient la conviction qu’il fallait obéir à Cléarque. Il y arrivait par la sévérité […]. Et il punissait par principe : sans punitions, il estimait qu’on ne pouvait rien tirer d’une armée. Il disait même, prétendait-on, que le soldat doit craindre son chef plus que l’ennemi, si l’on veut qu’il garde son poste, qu’il épargne un pays ami ou qu’il marche sans tergiverser contre l’ennemi. Aussi dans les dangers les sol‑ dats de leur plein gré obéissaient rigoureusement à sa voix et ne voulaient pas d’autre chef, car alors, disaient-ils, son air sombre paraissait de la sérénité au milieu des autres visages, et en face de l’ennemi sa dureté semblait de l’assurance, au point qu’on la regardait comme un gage de salut et non plus comme une cause d’inquiétude.
Chef des Dix-Mille au service de Cyrus le Jeune, capturé par trahison après la bataille de Counaxa en 401 – et bientôt mis à mort –, Cléarque apparaît ainsi comme un chef spartiate qui n’a retenu de l’éducation et du service de Sparte qu’un goût totalement immodéré de la guerre, qui n’aurait pas d’autre fin qu’elle-même. Cela est manifeste dans son refus d’obéir à l’ordre de rappel des éphores et dans la manière dont il utilise l’argent 287
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Sparte remis par Cyrus pour lever et entraîner une armée, avant de la mettre au service de ce prince. Quant à l’idée selon laquelle le soldat doit plus craindre son chef que l’ennemi, elle est typique de la place de Phobos – dans son acception militaire – à Sparte107. Parmi les nombreux chefs grecs – dont certains sont lacédé‑ moniens – que nous fait connaître l’Anabase de Xénophon108, Cléarque occupe une place à part par l’orientation exclusivement militaire de ses préoccupations. Car en principe il est attendu d’un tel chef qu’il subordonne l’action militaire aux préoccupa‑ tions politiques. Tel a été le cas du roi Agésilas II, à la fin de sa carrière, en 360. Sa situation n’a pas été proprement celle d’un mercenaire mais elle en a été proche lorsqu’il est parti servir en Égypte, à plus de quatre-vingts ans, à la tête de 1 000 hoplites – pour la plupart des mercenaires – et d’un état-major de 30 Spartiates109. L’analogie entre ces officiers et ceux qui avaient entouré Agé‑ silas en Asie Mineure plus de trente ans auparavant110 marque combien il s’agit bien, ici, de servir Sparte. Xénophon précise l’analogie en affirmant qu’il se serait alors agi – en intervenant en Égypte – de libérer de nouveau les Grecs d’Asie Mineure de la tutelle perse111 ; en fait il semble plutôt que l’objectif majeur ait été de rapporter à Sparte des moyens financiers permettant le recrutement de mercenaires112. À la tête de 10 000 mercenaires d’élite venus de Grèce, renforcés de ses 1 000 hoplites, Agésilas se trouve placé sous le commandement du roi égyptien Tachôs113, en révolte contre Artaxerxès. Mais quand Tachôs est renversé par une révolte, Agésilas passe à Nectanébô, qu’il aide à se défaire d’un autre prétendant114. Son attitude est censée être tout entière guidée par l’intérêt supérieur de Sparte – même si un esprit critique comme Plutarque ose y reconnaître une trahison115. Peu désireux, sans doute, de risquer davantage, et heureux de pouvoir rapporter à Sparte 230 talents d’argent remis par Nectanébô, Agésilas repartit pour sa patrie. C’est alors que, d’une façon qui peut paraître significative, sur le chemin du retour, il dut aborder en Marmarique, à l’est de la Libye, à cause du mauvais temps ; il y mourut, à la fin de 360, en un lieu appelé Port-Ménélas, du nom du roi légendaire de Sparte mentionné par Homère116. La vie même d’Agésilas s’achevait ainsi, loin de Sparte mais nommément à son service, alors qu’il avait cessé, depuis une dizaine d’années, d’être considéré comme le chef 288
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Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés et le roi de toute la Grèce, selon la formule de Plutarque117. Il lui était néanmoins resté attachée une réputation de compétence militaire très solide, due à une maîtrise technique dont il convient d’exposer les ressorts.
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XIII
Une armée soudée et fortement hiérarchisée
La solidarité des combattants
I
l est admis que les membres d’un syssition (au nombre d’une quinzaine) combattaient dans la même énomotie (qui pouvait regrouper les hommes de deux ou trois syssitia, à l’exclusion des hommes de soixante ans ou plus). Parmi eux, d’après Xénophon, existait une hiérarchie, et six hommes, qui avaient un rôle plus important que les autres, se plaçaient en tête des six files que les soldats d’une énomotie pouvaient recevoir l’ordre de constituer1. Ces six hommes étaient l’énomotarque et cinq soldats distingués comme kratistoi, particulièrement efficaces2. Grâce à leur entraînement, les Spartiates pouvaient réagir rapidement aux ordres reçus, de façon que les soldats des diverses énomoties engagées et qui appartenaient aux plus jeunes classes, donc les plus mobiles, fussent lancés dans telle ou telle action3. On ignore si les armes étaient fournies par la collectivité, auquel cas elles étaient probablement plus semblables les unes aux autres que dans une autre armée4. Les soldats devaient revêtir un vête‑ ment rouge, de façon que leur sang fût moins visible en cas de blessure, et ils devaient porter les cheveux longs : Pour le combat, voici ce qu’imagina Lycurgue. On porterait un vêtement rouge, car aucun, pensait-il, ne ressemble moins à celui
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Sparte des femmes et il convient tout à fait pour la guerre. Très prompt, en effet, à briller, il est aussi très lent à se salir. Il a, de plus, auto‑ risé ceux qui étaient parvenus à l’âge d’homme à laisser croître leur chevelure, estimant qu’ils paraîtraient ainsi plus grands et auraient un aspect plus noble et plus terrible5.
Le soin porté à la chevelure apparaît comme un trait parti‑ culier des guerriers spartiates6. Ainsi, immédiatement avant la bataille des Thermopyles, en 480, au plus grand étonnement du roi perse Xerxès, les Lacédémoniens peignent-ils leurs chevelures d’une manière que leur ancien roi Démarate explique à Xerxès : « Quand ils sont au moment d’exposer leur vie, ils prennent soin de leur chevelure7. » Il s’agit en fait de s’apprêter à devenir de « beaux morts », presque au sens propre, et pas seulement de s’assurer une « belle mort » allégorique en combattant bravement. Cette importance accordée à la chevelure était si bien connue que l’épitaphe du Thébain Épaminondas, vainqueur de Sparte à Leuctres, aurait commencé par cette mention : Par nos conseils, Sparte se fit tondre la gloire8.
Cette gloire était fondée sur l’efficace solidarité des soldats, qui ne devaient pas sortir des rangs pour tâcher de s’illustrer9. Lors du combat, chaque homme se protégeait avec le bouclier qu’il tenait au bras gauche et il contribuait aussi à protéger le côté droit de son voisin de gauche. Les soldats se couvraient de leur bouclier lors de l’ôthismos, la poussée de deux groupes l’un contre l’autre qui caractérise le combat10. Pour assurer la cohésion de leur dis‑ positif, les Lacédémoniens assuraient une progression égale de leur troupe en la faisant rythmer par de nombreux aulètes (des joueurs d’aulos, une sorte de hautbois)11. La perte du bouclier et la fuite étaient sanctionnées sévèrement : un « trembleur » était mis au ban du corps civique, selon Xénophon12. D’après un texte attribué à Plutarque, Démarate, qui avait été roi au début du ve siècle, aurait fourni une précision13 : Comme quelqu’un demandait pourquoi chez eux [chez les Lacé‑ démoniens], ceux qui jetaient leur bouclier étaient frappés de dégra‑ dation [d’atimie], tandis que ceux qui faisaient de même avec leur casque et leur cuirasse ne l’étaient pas, il dit : « Parce qu’on ne met
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Une armée soudée et fortement hiérarchisée ces derniers que pour se protéger soi-même tandis que le bouclier protège la ligne commune. »
Le bouclier est donc une arme défensive qui n’est pas seule‑ ment utile à celui qui le porte mais qui assure la préservation d’un ensemble de soldats, et c’est pourquoi il peut constituer un butin de choix, comme en témoigne le soin mis par les Athéniens à exhiber les boucliers pris aux Spartiates qui s’étaient rendus à Sphactérie en 42514.
Le bouclier de Sphactérie, objet commémoratif d’une victoire athénienne de 425, « la plus grande surprise de la guerre du Péloponnèse selon Thucy‑ dide. » Au iie siècle de notre ère, Pausanias le Périégète indique avoir vu sous un portique de l’agora d’Athènes, la stoa Poikilè, des boucliers de bronze, enduits de poix pour être préservés des atteintes du temps et de la rouille ; « ce sont ceux, dit-on, des Lacédémoniens capturés dans l’île de Sphacté‑ rie ». Les fouilles de l’agora ont permis semble-t‑il la découverte, dans une citerne, de l’un de ces boucliers, de près d’un mètre de diamètre, dont le caractère original ou plus simplement commémoratif est mal établi. Il porte un texte inscrit par de multiples trous : ΑΘΗΝΑΙΟΙ ΑΠΟ ΛΑΚΕΔΑΙΜΌΝΙΩΝ ΕΚ ΠΥΛΟ, soit « Les Athéniens [ont pris ce bouclier] sur les Lacédémoniens à Pylos ». Strictement, Pylos – qui est Coryphasion pour les Lacédémoniens – est sur le littoral messénien alors que l’île de Sphactérie est en face, mais il est possible que les Athéniens aient, par métonymie, nommé Pylos les deux théâtres d’opérations, très proches l’un de l’autre.
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Sparte Concrètement, le fait qu’un homme d’une ligne de bataille ne soit plus capable, pour quelque raison que ce soit, de porter son bouclier et de protéger son voisin de gauche crée un point de faiblesse dans la ligne, que les ennemis risquent d’exploiter, au pire en provoquant la fuite de l’armée. Or une armée qui se débande est très vulnérable et peut éprouver un taux de pertes supérieur à une armée qui, même refoulée, parvient à conserver sa cohésion15. C’est là un aspect de la pratique militaire dans lequel les Spartiates auraient été des combattants remarquables, de deux manières. D’une part, les soldats de Sparte auraient, mieux que leurs adversaires, évité de fuir, si bien que, selon Xénophon, « l’on s’apercevra que les Spartiates perdent moins de monde que ceux à qui la crainte fait préférer la fuite16 ». D’autre part, selon Plu‑ tarque17, les ennemis de Sparte avaient d’autant plus tendance à ne pas tenir sur le champ de bataille qu’ils savaient que les Lacé‑ démoniens ne s’acharneraient pas à les poursuivre. En effet, selon Thucydide, qui raconte la bataille de Mantinée de 418, les Lacédémoniens […] sont capables de se battre pendant longtemps et de tenir avec obstination sur leurs positions jusqu’à ce que l’ennemi lâche pied, mais, ce résultat une fois acquis, ils ne poursuivent les fuyards que pendant peu de temps et ne vont jamais bien loin18.
Une telle maîtrise de soi, qui permet de jouer de la peur d’autrui pour le mettre en déroute dans l’immédiat (et dans l’avenir grâce à la réputation que l’on entretient), repose sur un entraînement, évoqué de façon fugace par Xénophon19, qui permet aux soldats de procéder à des conversions de leur dispositif en conservant leur cohérence. Une telle supériorité s’explique aussi par le fait que l’armée de Sparte, en corps, est disciplinée par une hiérarchie efficace.
Une hiérarchie strictement constituée L’élargissement progressif du champ d’action militaire de Sparte au cours de l’époque classique a eu pour conséquence une adap‑ 294
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Une armée soudée et fortement hiérarchisée tation des usages du commandement, qui n’était pas toujours et en toute circonstance constitué comme lors d’une bataille terrestre contre une formation d’hoplites ennemis. Mais c’est cette struc‑ turation qui constitue le cadre de fonctionnement ordinaire de l’armée. Voici comment Thucydide la présente, à propos de la bataille de Mantinée (418)20 : Lorsqu’un roi conduit une armée en campagne, c’est par lui que tout est commandé. Il explique lui-même aux polémarques ce qu’ils ont à faire. Ceux-ci transmettent les ordres aux lochages ; les lochages les transmettent aux pentécontères, les pentécontères aux énomotarques, et les énomotarques à leur énomotie. On procède de la même façon chaque fois que le roi veut faire passer un ordre et celui-ci parvient ainsi rapidement aux intéressés. En effet à peu de chose près, c’est l’armée entière des Lacédémoniens qui est constituée par des chefs de chefs (archontes archontôn) et la responsabilité de l’exécution incombe par conséquent à un grand nombre.
Cette chaîne de commandement essentielle, mentionnée par Thucydide, est ainsi présentée par Xénophon, qui doit écrire une quarantaine d’années après la bataille de Mantinée21 : Les hommes […] furent divisés par lui [Lycurgue] en six mores de cavaliers et d’hoplites. Chaque more d’hoplites possède un polé‑ marque, quatre lochages, huit pentécostères, seize énomotarques. Dans ces mores, sur un ordre que l’on fait passer, les énomoties se forment tantôt sur une file, tantôt sur trois, tantôt sur six.
La hiérarchie est la même dans les deux passages et la terminolo‑ gie est très proche : les manuscrits de Thucydide mentionnent des « pentécontères » alors que ceux du texte de Xénophon feraient adopter le terme de « pentécostères », qui est sans doute plus exact, ne serait-ce que parce que le texte de Thucydide même mentionne l’unité qu’est la pentècostys22. On a vu que, à un degré inférieur aux niveaux hiérarchiques mentionnés par Thucydide et par Xénophon, dans le cadre même des 96 énomoties, certains hommes imprimaient aux autres l’élan qui convenait23. Dans un souci permanent d’efficacité, il est probable que, en fonction de leurs capacités physiques du moment, les Spartiates se soient vu attribuer telle ou telle responsabilité, sans détenir 295
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Sparte statutairement un grade qui aurait été définitivement acquis. Il est également vraisemblable que, pour départager des responsables militaires de même niveau hiérarchique, des dispositions particu‑ lières aient été prises au coup par coup : évoquant la reddition de Spartiates à Sphactérie en 425, Thucydide indique que, parmi les chefs (archontes) présents, le premier était mort, le deuxième était tenu pour mort et le troisième, apte à négocier, avait été désigné selon la règle (kata nomon) au cas où il arriverait malheur aux deux premiers24. C’est donc dans un cadre où chacun, en un moment donné, connaît exactement sa place et le rôle qui lui est dévolu qu’un même élan parcourt toute l’armée, du sommet à sa base, en étant donné par le chef de corps, à savoir souvent le roi quand toute une armée est en campagne.
Le rôle militaire des rois Voici comment Hérodote expose les prérogatives militaires des rois25 : [Ils ont] le droit de porter la guerre (polemon ekpherein) où ils veulent sans qu’aucun Spartiate puisse s’y opposer, sous peine d’en‑ courir la souillure ; en campagne, l’honneur d’avancer les premiers et de se retirer les derniers ; une garde de cent hommes choisis (logades) qui veillent sur eux à l’armée ; le droit d’immoler, lors des expéditions hors du pays, autant de victimes qu’il leur plaît […].
Le droit de « porter la guerre » qui serait celui des rois est formulé d’une manière qui est aussi ambiguë en grec qu’en français : par elle-même la formule ne permet pas de comprendre si les rois ont le pouvoir de décider de la guerre pour ensuite mener les troupes ou seulement celui de mener les troupes en campagne. Il est pos‑ sible que cette formulation corresponde à celle en usage à Sparte, de façon que la pratique ait pu varier sans que la règle dût être modifiée. Il n’est pas exclu qu’en un temps, à l’époque archaïque, les rois aient pu décider par eux-mêmes, mais à l’époque classique c’est clairement « la cité » qui choisit de mener des opérations26, 296
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Une armée soudée et fortement hiérarchisée comme de conclure la paix ou une alliance. Un roi serait donc, selon l’appréciation d’Aristote, un stratègos autokratôr, un chef d’armée doté des pleins pouvoirs27. Depuis 506, les Spartiates évitent que deux rois ne se trouvent sur le même théâtre d’opérations, pour empêcher que l’action de l’un ne soit paralysée par la volonté de l’autre28. Le roi présent dirige les opérations ; il a des compétences stratégiques et, sur le champ de bataille, tactiques. Dans des cas exceptionnels, néanmoins, les deux rois peuvent être présents sur un même théâtre d’opérations, ainsi Agis et Pausanias en Attique en 405, lorsqu’il s’agit de porter le coup de grâce à Athènes. Dans ce cas particulier, l’un des rois, Agis, a mené la guerre localement, avec peu de Spartiates, depuis plusieurs années, tandis que l’autre, Pausanias, arrive en renfort29. En outre, l’usage qui est fait de l’armée des citoyens par un roi lors d’une campagne militaire est contrôlé par deux des cinq éphores : à Platées, en 479, le régent Pausanias est ainsi accom‑ pagné. En 403, c’est aussi le cas, en Attique, de son petit-fils et homonyme le roi Pausanias30. La présence de deux éphores pousse tous les présents à rester dans le devoir, dit Xénophon31. Après avoir procédé aux sacrifices de franchissement des frontières – les diabatèria –, le roi marche à la tête des troupes, devancé simplement par des éclaireurs, dont les renseignements l’aident à décider des itinéraires et des formations – de marche ou de combat – à adopter32. Il a la responsabilité d’engager ou non le combat : ainsi, en 418, dans un premier temps, Agis renonce-t‑il à provoquer une bataille contre les Argiens qui se présente pourtant dans des circonstances favorables33. Mais si les Spartiates, comme soldats, ont obéi à leur chef, une fois revenus à Sparte, comme citoyens, ils peuvent mettre en cause la pertinence des décisions prises. Agis se voit menacé d’une destruction de sa maison et d’une amende de 100 000 drachmes avant de se voir simplement imposer la présence de dix conseillers destinés à contrôler son action lors de la campagne suivante34. Cette responsabilité personnelle des chefs militaires sur leur façon de servir n’est certes pas propre à Sparte35, mais elle permet de nuancer l’idée selon laquelle il serait difficile d’« imaginer que le soldat spartiate, obéissant, discipliné, abandonnait son comportement habituel lorsqu’il participait à une assemblée non comme soldat, mais comme citoyen36 ». Au combat, sans que sa position soit strictement réglée – il peut être au centre (Mantinée, 418) ou à l’aile droite (Leuctres, 297
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Sparte 371) –, le roi est entouré en principe d’une garde de 100 soldats au moins, eux-mêmes sans doute pris dans le corps d’élite des 300 hippeis – tous présents à Mantinée en 418 – et parmi les vainqueurs aux concours stéphanites37. Ces soldats doivent savoir se faire tuer pour éviter la mort de leur roi, qui est un événement rare (Léonidas aux Thermopyles en 480, Cléombrote à Leuctres en 371, Archidamos III à Mandonion [de nos jours Manduria], en Grande-Grèce, en 338), de telle sorte que le commandement supérieur reste assuré jusqu’à la fin de toute bataille engagée. Mais le chef d’une unité envoyée combattre n’est pas toujours un roi, pour diverses raisons : aucun roi n’est disponible ; par son caractère lointain l’engagement est assez risqué ; les effectifs concernés ne sont pas considérables…
Les polémarques Dans la structure décrite par Xénophon les six polémarques (dont le nom indique qu’ils commandent à la guerre, polemos) sont les plus importants chefs de l’armée de terre après les rois ; chacun mène l’une des six mores de l’armée. Hérodote semble considérer qu’ils étaient ordinairement d’une famille royale, mais en donnant le contre-exemple d’Euainétos, envoyé diriger les troupes disposées un temps au Val Tempè, en Thessalie, en 480, et qui se trouve précisément faire partie des polémarques sans être de sang royal38. Parmi eux, l’un était le « premier polémarque », qui, peut-être, menait la première more de l’armée disposée en ordre de marche39. Les polémarques (ou seulement le premier polémarque) ont à leurs côtés des symphoreis, qui leur sont attachés40 et qui probablement assurent la transmission des ordres et des informations quand le conseil de guerre est réuni autour du roi. Ces chefs spartiates doivent s’exposer à la tête de leurs troupes : quand il est tombé à Amphipolis en 422, Brasidas ne pouvait être polémarque, puisqu’il ne menait pas une armée d’hoplites spar‑ tiates, mais il est symptomatique qu’il ait mené l’action à la tête de ses hommes et fait partie des sept morts de son camp41. Plus tard, parmi les treize morts lacédémoniens tombés à Athènes en 298
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Une armée soudée et fortement hiérarchisée 403 – dont la tombe au Céramique a été retrouvée – figuraient les deux polémarques qui menaient les deux mores engagées, comme un olympionique42 : cet exemple montre combien le fait d’assurer un commandement entraîne une forte exposition au risque – si l’on n’est pas roi.
Les chefs de la cavalerie, des mercenaires et des alliés Dans la structure de l’armée réformée qui comprend, à partir de la guerre du Péloponnèse, des cavaliers montés à côté des fantassins que sont les hoplites, il semble que le chef d’un loche ait été un hipparque, tandis que le chef d’une more regroupant quatre loches aurait été l’hipparmoste, subordonné au polémarque d’une more d’infanterie43. Par ailleurs, certains chefs qui ne commandent pas à des Lacé‑ démoniens sont d’un niveau hiérarchique assez élevé pour partici‑ per aux réunions de l’état-major ; ils assistent au sacrifice matinal effectué par le roi. Ce sont « les commandants (stratiarkhoi) des étrangers, ceux du bagage, et les stratèges des cités alliées44 ». Dans ce passage de Xénophon, il est vraisemblable que la mention des commandants des étrangers renvoie à des chefs de contingents de mercenaires au service de Sparte, comme il en existe au temps où le texte est écrit, vers 376 ; des subordonnés de ces hommes peuvent être des lochages, qui mènent des loches de mercenaires, aussi bien d’hoplites, d’archers que de peltastes45. Quant aux responsables du bagage ils ont en charge l’organi‑ sation logistique, dont Xénophon a dit par ailleurs le caractère systématique à Sparte46. Les stratèges (étymologiquement les « meneurs de l’armée ») des cités alliées, eux, portent une dénomination courante en Grèce (pensons aux stratèges athéniens) ; ce sont des chefs qui ont sous leurs ordres des regroupements de contingents locaux, lesquels, d’après des indications de Xénophon, doivent avoir des comman‑ dants spartiates appelés les xenagoi (singulier xenagos)47.
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Les harmostes D’après l’étymologie de son appellation, un harmoste doit imposer une certaine « harmonie » – au service de Sparte, naturellement – dans la cité où il commande une garnison. Il est possible que cette fonction soit née pour assurer le bon ordre de communautés périèques, mais l’usage des harmostes s’est étendu hors de Lacédé‑ mone à la suite de la victoire de Sparte en 404, et de la prise de contrôle de nombreuses places jusqu’alors tenues par les Athéniens. Xénophon note l’attrait – certainement d’abord matériel – de telles fonctions pour les Lacédémoniens : Thorax, un proche de Lysandre, qui avait été laissé comme harmoste à Samos en 404, ayant été trouvé en possession d’argent, fut exécuté à l’instigation des éphores48. Thorax avait fait partie des harmostes que Sparte avait établis en divers lieux49 : une annotation antique à un texte de Pindare semble indiquer l’existence d’une vingtaine d’harmostes50, et ce sont en fait des Spartiates en nombre limité qui exercent ce type de fonctions, d’autant que ceux qui les détiennent sont souvent maintenus à l’étranger plusieurs années, ainsi Derkylidas, qui y passe quatorze ans, entre 411 et 38951. Il arrive que, pour tenir une ville particulièrement importante, plusieurs harmostes y soient affectés : ainsi en 379 trois harmostes gouvernaient-ils Thèbes quand elle se révolta contre la garnison qu’ils commandaient, et il est probable que l’un d’eux – qui se trouvait absent – était plus important que les autres52. Responsables de leurs actes – et en l’occurrence de leur inaction, qui eut pour conséquence la perte du contrôle de Thèbes –, les deux harmostes présents furent condamnés à mort. D’un point de vue hiérarchique, il semble que la présence conco‑ mitante d’un navarque et d’un harmoste en un même lieu ait parfois produit des frictions entre ces deux détenteurs de l’autorité de Sparte, dont le second n’était pas nécessairement subordonné à l’autre. Ainsi quand, à la fin de 400, le navarque Anaxibios fit proclamer que tout ancien soldat de Cyrus pris à l’intérieur de Byzance serait vendu, l’harmoste de Byzance Cléandre ne fit pas appliquer cet ordre, qui aurait pu concerner 400 hommes, malades, qu’il fit soigner53. Son appréciation des choses différait de celle 300
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Une armée soudée et fortement hiérarchisée du navarque, et sans doute estimait-il que la situation à Byzance était plutôt de son propre ressort. Après 386 et la fin des campagnes menées par Sparte outre-mer, l’usage d’harmostes perdura en dehors du Péloponnèse, puis s’effaça devant celui de troupes commandées par les chefs traditionnels qu’étaient les polémarques ; les harmostes lacédémoniens semblent avoir été tous rappelés à Sparte en 37154.
Les navarques Comme leur appellation l’indique, les navarques sont des « chefs de navires ». Le plus ancien chef d’une flotte de Sparte dont on ait trace, et doté à ce titre d’une fonction spécifique, semble être Anchimolios : celui-ci commanda une expédition en Attique vers 51155. Par la suite, la fonction a pu ne pas exister tous les ans, mais seulement selon les besoins et les capacités de Sparte. D’ail‑ leurs, lorsqu’un navarque existe, la présence d’un devin auprès de lui confirme parfois l’importance de son rôle : ce fut le cas peu avant la mort de Callicratidas à la bataille des Arginuses en 40656. Le premier personnage connu explicitement comme navarque est Eurybiade, qui commande en 480 la flotte grecque au cap Arté‑ mision, au nord de l’Eubée, contre les Perses57. Comme Euainétos, envoyé au même moment en Thessalie, il n’est pas de sang royal malgré l’importance du commandement qui lui est dévolu58 – mais peut-être est-ce en raison de la modicité de l’engagement humain et matériel de Sparte sur mer, qui est soulignée par Hérodote59. Par la suite, comme le ve siècle a vu le déploiement d’une flotte athénienne puissante, aux équipages bien entraînés, tandis que Sparte n’a pas développé une flotte importante, ses navarques ont joué un rôle secondaire, d’autant que, souvent conscients de l’infériorité des navires et des équipages qu’ils commandaient, ils avaient apparemment une nette tendance à manquer d’audace et d’esprit de décision. Les cas de Cnémos (430/429), d’Alcidas (428/427) et d’Astyochos (412/411) sont illustratifs à cet égard60. En 410, le navarque Mindaros est défait et tué à Cyzique par l’Athénien Alcibiade ; un message de son lieutenant, l’epistoleus 301
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Sparte Hippocrate, est intercepté par les Athéniens, qui porte : « Bois [c’est-à-dire navires] perdus. Mindaros occis. Les hommes ont faim. Ignorons ce qu’il convient de faire61. » Néanmoins, un personnage se détache parmi la quarantaine de navarques connus, Lysandre. De 407, moment où il devient navarque, à 395, date de sa mort, le personnage a joué un rôle majeur62. Il a été en 407 le chef de la flotte constituée par Sparte et ses alliés pour combattre les Athéniens et, grâce au Perse Cyrus le Jeune, il a pu rassembler de nombreux navires. À la fin de l’exercice de ses fonctions, Lysandre remporte à Notion un suc‑ cès naval, d’ailleurs limité, sur des forces athéniennes. Puis il est remplacé par Callicratidas, qui meurt au combat en 406. Une interdiction d’exercer deux fois de suite la navarchie existait à Sparte63 ; elle a d’ailleurs peut-être été inventée pour enrayer la carrière de Lysandre, mais celui-ci, qui avait su se faire apprécier, notamment de Cyrus, réussit à se faire attribuer de nouveau le commandement des opérations navales contre les Athéniens, nomi‑ nalement comme simple second (epistoleus) du navarque Aracos en 40564. C’est à ce titre que, sans doute en septembre 405, il remporte une bataille décisive, en profitant de ce qu’une flotte athénienne de 180 vaisseaux a été en très grande partie tirée au sec sur la rive européenne de l’Hellespont, à Aigos Potamoi65. Un tel succès a privé les Athéniens de leur supériorité maritime et, assiégés, ils capitulent en 404. L’événement a montré aux Spar‑ tiates l’importance essentielle que peut revêtir la puissance navale. Par la suite, l’existence de navarques est bien connue du temps où Sparte essaie d’asseoir son hégémonie sur la Grèce, et le rôle joué par Agésilas à Sparte se manifeste dans la façon dont il fait nommer navarques son beau-frère Peisandros en 395/394, puis son demi-frère Téleutias en 387/38666. Le dernier navarque men‑ tionné par Xénophon est Mnasippos, actif à Corcyre en 373/37267. L’effondrement de la puissance reconnue à Sparte après sa défaite de Leuctres en 371 a pour conséquence un repli de la cité sur ses intérêts terrestres. La disparition des mentions de navarques coïncide logiquement avec cette évolution générale. Les activités militaires des Spartiates de l’époque classique sont donc relativement bien connues. Cela s’explique par la mise en place d’un système éducatif et organisationnel particulièrement efficace, et dont les manifestations ont attiré l’intérêt, en particulier, des 302
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Une armée soudée et fortement hiérarchisée historiens du temps. Sans doute le dispositif d’ensemble peut-il paraître caractérisé par une certaine lourdeur : chacun doit obéir, même le roi chef d’une armée doit, à l’époque classique, déférer aux ordres que lui donne la cité, comme Agésilas qui, en 394, quitte l’Asie Mineure en renonçant à s’illustrer davantage68. Mais le principe selon lequel il faut savoir « commander et être commandé » (archein kai archesthai) se fonde bien, reconnaît Aristote, sur deux qualités qui participent à la perfection du citoyen69 ; comme il trouve son plein épanouissement dans l’armée de Sparte, qui est une pyramide de « chefs de chefs » (archontes archontôn)70, cette armée de soldats-citoyens peut, en quelque manière, constituer une sorte d’aboutissement du système civique. Au reste, la multiplicité des niveaux hiérarchiques permet d’entre‑ tenir un esprit d’émulation constant et, sans que l’on pût aisément s’affranchir de la discipline collective pour se distinguer, il devait rester possible de s’illustrer personnellement par quelque acte de bravoure, notamment lors des manœuvres visant à préserver ou à prendre des sites urbains. Ainsi voit-on Brasidas prendre une heu‑ reuse initiative en se jetant dans Méthônè de Messénie, en 431, avec une centaine d’hommes pour empêcher les Athéniens de s’en emparer ; par la suite, il fut le premier Spartiate à être récompensé par des éloges lors de la guerre du Péloponnèse71. La formulation de Thucydide implique que d’autres furent ensuite récompensés de façon analogue. Il existe donc bien des interstices dans l’action régie par des règles qui, dans un contexte militaire, permettent de se singulariser par sa façon d’agir d’une manière admissible72. Mais un acte guerrier aux effets particulièrement bénéfiques peut également valoir une récompense, et c’est ainsi que le Laconien Anticratès, qui avait tué le chef thébain Épaminondas à la bataille de Mantinée en 362, fut récompensé par des honneurs, des pré‑ sents et une exemption d’impôt héréditaire encore en vigueur cinq siècles plus tard, du temps de Plutarque73. Ainsi, la formation donnée aux hommes permet que, dans un esprit d’émulation, ils trouvent parfois les moyens de se distinguer de leurs compatriotes. Mais la même formation peut aussi inculquer aux individus une crainte constante de mal faire : la contrepartie de la grande compétence acquise par les soldats dans le mode de combat hoplitique consiste dans leur difficulté à rester maîtres d’eux-mêmes – et militairement efficaces – quand ils se trouvent placés dans des conditions inattendues. Ainsi, à Sphactérie, en 303
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Sparte 425, les hoplites repliés dans une fortification au nord de l’île perdent-ils tous leurs repères quand des soldats légers les prennent à revers après avoir gravi une falaise74. De même quand, en 390, au Léchaion, près de Corinthe, une unité d’hoplites eut essuyé de lourdes pertes causées par les peltastes de l’Athénien Iphicrate, et eut vu l’inefficience de tous ses usages militaires ordinaires, les hommes rompirent leur dispositif et s’enfuirent à l’approche d’une unité constituée – et intacte – d’hoplites ennemis75. Certes, la difficulté des Spartiates à prendre des initiatives mili‑ taires appropriées est d’autant plus visible dans les sources littéraires que celles-ci ne sont pas d’origine spartiate. Significative est à cet égard l’appréciation de Thucydide qui, opposant l’esprit d’entre‑ prise des Athéniens à la timidité des Spartiates, déclare, à propos d’événements de 411 : « Ce ne fut pas la seule circonstance où la plus grande chance des Athéniens fut d’avoir pour adversaires les Lacédémoniens76. » Mais les Spartiates connaissaient certainement mieux que leurs ennemis leurs propres forces et faiblesses, et il demeure que ce sont eux qui, en recourant à leurs usages religieux – à leurs yeux essentiels77 –, sociaux et militaires, ont remporté la guerre du Péloponnèse en 404. La contestation de leur supériorité par les Athéniens, avant et après cette date, a été un moteur de l’évolution connue par le monde grec à l’époque classique.
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XIV
Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404)
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e rythme général de l’époque classique, entre les guerres médiques et l’avènement d’Alexandre le Grand comme roi des Macédoniens en 336, a été largement marqué par le rôle joué par Sparte dans le monde grec. Au début du ve siècle, son action est déterminante dans l’organisation des collectivités politiques péloponnésiennes et non négligeable en dehors du Péloponnèse, sans qu’aucune autre cité du monde grec – sauf peut-être la Syracuse de Gélon1 – puisse prétendre détenir une capacité de mobilisation militaire et une influence politique analogues. La longue rivalité de Sparte avec Athènes débouche finalement sur une période, le début du ive siècle, où la cité joue le pre‑ mier rôle en Grèce balkanique, jusqu’à la défaite de Leuctres, en Béotie, en 371. Pendant une quarantaine d’années, les Spartiates refusent leur abaissement, mais finalement, alors qu’Alexandre est en Orient, en 331/330, la défaite du roi Agis III face au Macé‑ donien Antipatros scelle l’impossibilité pour Sparte de retrouver sa grandeur passée.
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Sparte
La glorieuse victoire remportée lors de la seconde guerre médique Si les Lacédémoniens n’ont pas eu à combattre lors de la pre‑ mière guerre médique2, ils ont au contraire joué un rôle décisif au cours de la seconde (480‑479). Alors, les Grecs désireux de résister aux Perses menés par Xerxès se sont placés d’eux-mêmes sous le commandement (l’« hégémonie ») de Sparte, en raison de l’efficience prêtée à ses forces militaires3. Cependant, le prestige militaire de Sparte n’est pas suffisant pour que tous les Grecs puissent penser se fier à elle pour faire obstacle à l’invasion. Dans le Péloponnèse même, la cité d’Argos, durement vaincue en 494, répugne à faire combattre ses forces aux côtés de celles de Sparte. Selon Hérodote4, ayant compris que les Grecs essaieraient de se les adjoindre contre le Perse, [les Argiens] avaient envoyé des théores à Delphes pour deman‑ der au dieu ce qu’il serait préférable de faire. Car, peu auparavant, ils avaient perdu six mille hommes sous les coups des Lacédémoniens et de Cléomène fils d’Anaxandride [à Sèpeia, en 494] ; ce qui motivait leur démarche. Et la Pythie, en réponse à leur question, aurait rendu cet oracle : « Peuple détesté de tes voisins, cher aux dieux immortels, tiens-toi sur tes gardes, assis à l’intérieur, le javelot en main, et veille sur ta tête ; la tête sauvera le corps. »
Hérodote poursuit son récit en signalant que les Argiens auraient pris le risque de ne pas respecter un tel avertissement oraculaire s’ils avaient obtenu des Lacédémoniens une trêve de trente ans qui permît à leurs enfants de devenir des hommes, et s’ils avaient pu partager le commandement sur un pied d’égalité avec Sparte. Cette seconde condition ne fut pas admise, et la première ne fut pas négociée davantage5. Durant la guerre, les Argiens restèrent donc peu actifs, et purent simplement constater, en 479, le pas‑ sage vers l’isthme de Corinthe de forces venues de Sparte – en en prévenant les Perses, dit-on6. L’ampleur et la durée des préparatifs perses avaient donné le temps de s’organiser aux Grecs désireux de ne pas accepter cette tutelle. Leurs délégués se réunirent à l’isthme de Corinthe 306
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) et, à l’été ou à l’automne 481, les cités s’allièrent pour résister. Au nombre d’une trentaine, elles étaient pour la moitié membres de la Ligue du Péloponnèse – menée par Sparte7 –, fait qui montrait l’influence de cette dernière et contribuait à assurer son autorité sur tous. Après avoir renoncé à tenir le Val Tempè, au nord-est de la Thessalie, puisque les Perses avaient entrepris de tourner le mont Olympe par l’ouest, les Grecs choisirent d’établir une ligne de défense aux Thermopyles, passage presque obligatoire vers la Grèce centrale, où les Perses ne pouvaient profiter de leur supériorité numérique mais étaient obligés de combattre sur un front réduit, entre la montagne et la mer. Alors que c’était le Spartiate Euainétos qui avait été à la tête des forces du Val Tempè8, ce fut le roi de Sparte Léonidas qui commanda celles des Thermopyles9. Selon Hérodote10, la Pythie avait répondu aux Spartiates, qui la consultaient au sujet de cette guerre dès son commencement, qu’il fallait ou bien que Lacédémone fût détruite par les Barbares ou que son roi pérît.
Après que Léonidas a renvoyé plusieurs milliers de soldats, les hommes des contingents thespiens (700), thébains (400, contraints de rester) et 300 Spartiates sont les seuls citoyens-soldats grecs à demeurer sur place11. Xerxès avait d’ailleurs attendu pendant quatre jours une fuite brusque de tous les Grecs, semblable à leur renonciation à défendre le Val Tempè plus au nord ; il aurait ensuite lancé ses troupes à l’attaque. Voici le récit du troisième jour de combats que donne Hérodote12 : Donc, Xerxès et les Barbares attaquèrent, et les Grecs avec Léonidas, en route pour la mort, s’avancèrent, bien plus qu’à la première rencontre, en terrain découvert. Ils avaient d’abord gardé le mur qui leur servait de rempart et, les jours précédents, ils com‑ battaient retranchés dans le défilé ; mais ce jour-là ils engagèrent la mêlée hors du passage et les Barbares tombèrent en foule, car en arrière des lignes leurs chefs, armés de fouets, les poussaient en avant à force de coups. Beaucoup d’entre eux furent précipités à la mer et se noyèrent, d’autres plus nombreux encore, vivants, se piétinèrent et s’écrasèrent mutuellement et nul ne se souciait de qui tombait. Les Grecs, qui savaient que leur mort était toute
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Sparte proche, du fait des Perses qui tournaient la montagne, firent appel à toute leur vigueur contre les Barbares et prodiguèrent leur vie, avec fureur. Leurs lances furent bientôt brisées presque toutes, mais avec leurs épées ils continuèrent à massacrer les Perses. Léonidas tomba en héros (anèr genomenos aristos) dans cette action, et d’autres Spar‑ tiates illustres avec lui : parce qu’ils furent des hommes de cœur, j’ai voulu savoir leurs noms, et j’ai voulu connaître aussi ceux des Trois Cents. Les Perses en cette journée perdirent aussi bien des hommes illustres […]. Donc deux frères de Xerxès tombèrent dans la bataille, et Perses et Lacédémoniens se disputèrent farouchement le corps de Léoni‑ das, mais enfin les Grecs, à force de vaillance, le ramenèrent dans leurs rangs et repoussèrent quatre fois leurs adversaires. La mêlée se prolongea jusqu’au moment où survinrent les Perses [qui avaient contourné la montagne] avec Éphialte [le Grec qui les avait guidés]. Lorsque les Grecs surent qu’ils étaient là, dès cet instant le com‑ bat changea de face : ils se replièrent sur la partie la plus étroite du défilé, passèrent de l’autre côté du mur et se postèrent tous ensemble, sauf les Thébains, sur la butte qui est là (cette butte se trouve dans le défilé, à l’endroit où l’on voit maintenant le lion de pierre élevé à la mémoire de Léonidas). Là, tandis qu’ils luttaient encore, avec leurs coutelas s’il leur en restait un, avec les mains nues, avec leurs dents, les Barbares les accablèrent de leurs traits : les uns, qui les avaient suivis, en renversant le mur qui les proté‑ geait, les attaquaient de front, les autres les avaient tournés et les cernaient de toute part.
Le combat est donc acharné. Léonidas (dont le nom désigne le Descendant de Léon, le Lion) tombe et ses compagnons – agis‑ sant comme les Grecs combattant pour le corps de Patrocle dans l’Iliade – parviennent à conserver son corps jusqu’à leur propre anéantissement ; les Perses qui les ont submergés et les ont pris à revers préfèrent d’ailleurs les achever à distance, avec des projec‑ tiles, tant ils sont redoutables13. La résistance acharnée de ces troupes de terre a abouti à la plus glorieuse des défaites et a permis à la flotte grecque menée par le Spartiate Eurybiade, qui a combattu au cap Artémision, de se replier sans encombre en franchissant l’étroite passe de l’Euripe, située entre l’Eubée et le continent. Mais l’armée de Xerxès envahit la Béotie et l’Attique. La bataille navale de Salamine, 308
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Camp de l'armée perse conduite par Xerxès
GOLFE MALIAQUE
Entrée est
Entrée ouest Trachis
Ancien mur phocidien utilisé par les Grecs placés sous les ordres du roi de Sparte Léonidas
701
1055 1302
Mont Œta
126 1162
Position probable des Phocidiens établis dans la montagne et contournés par les Perses
0
2,5
488
5 km
Mouvement des troupes perses
Rivage actuel
Détachement perse envoyé pour prendre les Grecs à revers
Camp perse
Route antique
La bataille des Thermopyles (480)
Vers Thèbes
O
Lacédémoniens
O
Orientaux
Perses
Még A
Troisième position « dans l'Île »
C L
M Mèdes P
Deuxième position grecque
P
Corinthiens
L
Attaque de cavalerie
C
pos
Aso
Camp perse
M
Source Gargaphia
e
Még Mégariens
Retrait
Athéniens
Dernière attaque
A
Première attaque Érythrées
A
L
Még
Déméter
C
Héra Platées
0
1
2 km
Vers le Mont Cithéron
Première position des troupes grecques menées par Pausanias, régent de Sparte Troupes perses Troupes grecques favorables aux Perses Troupes grecques Sanctuaires Routes conjecturales
La bataille de Platées (479)
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Sparte remportée dans les eaux de l’Attique, et nominalement sous le commandement d’Eurybiade, même si les navires athéniens étaient les plus nombreux, constitue une grande victoire grecque14. Elle est d’ailleurs gagnée, sur mer, dans un chenal entre l’île de Sala‑ mine et le continent où, comme longtemps aux Thermopyles, les forces – cette fois-ci navales – des Perses n’ont pu profiter de leur supériorité numérique pour envelopper leurs adversaires. Xerxès regagne l’Asie, laissant son lieutenant Mardonios pour‑ suivre les combats terrestres et, en 479, en Béotie, a lieu la bataille décisive de Platées15. Alors, selon Hérodote, une armée perse de 300 000 hommes affronte 110 000 Grecs (dont 5 000 Spartiates, 35 000 Hilotes et 5 000 périèques, 8 000 Athéniens). Le com‑ mandement des Grecs est assuré par le régent Pausanias, neveu de Léonidas et tuteur du fils de celui-ci, Pleistarque. Mardonios comme Pausanias hésitent à engager la bataille, qui se déroule après onze jours d’attente et divers mouvements des troupes. À l’occasion de l’un de ceux-ci se produit l’indiscipline du Spartiate Amompharétos, fils de Poliadès, chef du lochos des Pitanates : celui-ci « déclara qu’il ne fuirait pas devant les étrangers et ne consentirait pas à déshonorer Sparte16 ». Ce refus de déplacer un cinquième de l’armée spartiate provoque une dissociation entre Lacédémoniens et Tégéates – qu’attaquent les Perses – et leurs alliés grecs ; les Athéniens se heurtent aux Grecs médisants (alliés des « Mèdes », les Perses), et ne peuvent rallier les Lacédémoniens, face auxquels succombe Mardonios ; sa mort provoque la fuite des Perses. Les Athéniens mettent à leur tour en fuite les Thébains, alliés aux Perses. Les Grecs auraient perdu 1 360 morts, les Bar‑ bares 257 000. La victoire, décisive, est exploitée militairement et largement commémorée. Les restes de l’armée perse évacuent la Grèce. Sous le com‑ mandement du roi de Sparte Léotychidas II (Leutychidès dans le Ionien d’Hérodote), les Grecs remportent aussi au cap Mycale, en Ionie, une autre victoire sur les Perses, qui ont tiré leurs navires au sec ; à cette occasion, selon Hérodote, « après les Athéniens se distinguèrent les Corinthiens, les Trézéniens et Sicyoniens » : cette indication marque le rôle réduit des Lacédémoniens17. À l’occasion même de la bataille se produisit un retournement des Grecs d’Ionie, qui parachevèrent la défaite perse ; dans le même mouvement, Chios, Samos et Lesbos adhérèrent à la ligue hellé‑ nique constituée en 481 pour la défense de la Grèce. Alors se 310
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) produisit une séquence d’événements qui marquèrent le refus de Sparte de trop s’engager dans les affaires égéennes.
L’affirmation de nouveaux rivaux : les Athéniens Les Grecs victorieux à Mycale constatent la rupture – due à une tempête – des ponts de bateaux établis sur l’Hellespont par les Perses de manière à assurer le transport en Europe de leurs troupes ; les Péloponnésiens retournent alors chez eux, tandis que les Athéniens, menés par Xanthippe (père de Périclès), se trouvent seuls à diriger les forces grecques18. Ils s’emparent de Sestos. Conscients, sans doute, des effets potentiellement néfastes de leur désengagement, les Spartiates envoient en 478 le régent Pausanias, puis Dorkis, prendre le commandement de la flotte, mais ceux-ci sont rappelés à Sparte (le premier pour répondre à de graves accusations de médisme – de collusion avec les Perses19 –, et le second à la demande des Ioniens). Dans l’hiver 478/477, les Athéniens et de nombreux Grecs de l’Égée, dont les représentants sont réunis à Délos, concluent une alliance, l’« hégémonie » (le commandement) étant assuré par les Athéniens. Ceux-ci, qui ont relevé leurs murailles en 479/478 et édifié, à l’instigation de Thémistocle, les Longs Murs reliant Athènes au Pirée, ne dépendent plus des forces de Sparte pour résister à un éventuel retour offensif des Perses ; durant les décennies sui‑ vantes, ils vont affirmer leur puissance militaire et politique dans le cadre de cette ligue nouvelle, dite de Délos, en contrepoids de la puissance des Lacédémoniens. La finalité de la Ligue de Délos est bien d’assurer la défense des Grecs contre un retour offensif des Perses, mais elle provoque un tel renforcement d’Athènes que, en 477 ou 475, les Lacédé‑ moniens songent, semble-t‑il, à entrer en guerre contre Athènes, pour finalement s’abstenir (c’est ce que, dans l’historiographie, on appelle l’affaire Hétoimaridas, du nom du Spartiate qui aurait dissuadé ses compatriotes de déclencher la guerre20). Il est possible que les Lacédémoniens aient alors jugé préférable d’assurer leur contrôle sur le Péloponnèse, face à Argos, vaincue 311
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Sparte à Sèpeia en 494 (et qui a tiré argument de son affaiblissement démographique pour ne pas intervenir dans la seconde guerre médique), mais qui souhaite unir autour d’elle toute l’Argolide, et qui y parvient entre 479 et 460. En outre, entre 478 et 473, à la suite d’un synœcisme régional, est née la ville nouvelle de Tégée, comme, à la même époque sans doute, la ville de Mantinée ; Élis est fondée en 471. Ce sont là autant d’entités politiques capables de résister à la volonté de Sparte dans son domaine d’influence habituel, le Péloponnèse. La crainte, suscitée par l’exemple de Pausanias – le vainqueur de Platées –, de voir un chef militaire victorieux prendre trop d’autonomie peut sans doute expliquer le refus de Sparte de s’engager davantage dans le domaine égéen. Mais les Spartiates n’en accomplissent pas moins des actes qui mettent en valeur leur action militaire victorieuse.
Une politique de prestige Au début du ve siècle, les Spartiates ont mis en œuvre, d’une façon exceptionnelle et remarquable, des moyens matériels destinés à exalter leur action : selon toute probabilité, la colonne serpentine constituée de trois serpents enroulés les uns autour des autres qui, à Delphes, soutenait un trépied d’or commémorant la victoire de Platées pouvait être d’inspiration laconienne21. D’après Pausanias le Périégète, avec le butin pris sur les Perses, les Spartiates édifièrent, à Sparte même, une stoa (un portique) dite perse (stoa Persikè), dont Pausanias est conscient qu’elle a subi des modifications entre sa construction et le moment où il l’a vue, décorée de personnages sculptés dont une représentation de Mardonios, le chef des Perses vaincus à Platées22. De façon plus hypothétique, on reconnaît parfois Léonidas, mort héroïquement aux Thermopyles en 480, dans une sculpture qui pourrait avoir appartenu à un groupe de plusieurs personnages et qui, on l’a vu, serait plutôt une représentation d’hoplitodrome23. Le marbre de cette sculpture du style dit sévère semble parien ; elle est sans équivalent dans l’art laconien.
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404)
Le trépied commémorant la victoire de Platées (479) dressé à Delphes : section supérieure de la partie subsistante et reconstitution graphique de l’ensemble. À l’issue de leur victoire contre les Perses lors de la seconde guerre médique, les Grecs établirent des offrandes commémoratives en l’honneur d’Apollon à Delphes, de Zeus à Olympie, de Poséidon à l’Isthme [de Corinthe]. Le monument de Delphes était constitué d’une colonne de bronze représentant trois serpents enroulés les uns autour des autres et dont les têtes soutenaient un trépied en or. Sans sa base, le monument devait être de plus de 8 mètres de haut ; il portait le texte d’une inscription qui avait, d’abord, exalté le rôle du régent de Sparte Pausanias, avant d’être reformulée pour mettre en valeur les noms des cités ayant contribué à la victoire. On possède sinon le texte de cette dédicace, du moins une liste de 31 noms de peuples gravée sur les premières spires de la colonne. Le trépied a disparu au ive siècle avant notre ère et la colonne a été transpor‑ tée à Constantinople par Constantin au début du ive siècle de notre ère ; elle y est toujours.
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Sparte
Les frictions de la « Pentécontaétie » La Pentécontaétie est constituée par la cinquantaine d’années intermédiaires entre la seconde guerre médique et la guerre du Péloponnèse ; cette période est connue notamment grâce à Thucy‑ dide24. Elle a été marquée par l’importante victoire remportée entre 468 et 466 par l’Athénien Cimon sur les Perses, à l’embouchure du fleuve Eurymédon, en Pamphylie (à environ 350 kilomètres à l’est d’Halicarnasse). Conscients de la force des Athéniens, avec qui formellement ils ne sont pas en mauvais termes, les Spartiates sollicitent leur aide à la suite de la révolte des Hilotes consécutive au séisme datable des environs de 464. Cimon se rend donc en Messénie en 462, à la tête de troupes athéniennes, mais la compé‑ tence des Athéniens en matière de siège s’avère insuffisante pour emporter les retranchements des Messéniens établis sur le mont Ithômè. Devenus suspects de sympathie pour les révoltés, ils sont brutalement remerciés et, nous dit Thucydide, cela entraîne une rupture ouverte entre Athènes et Sparte25 : Les Athéniens comprirent […] qu’il était intervenu quelque soup‑ çon ; ils le prirent mal, n’admirent pas d’être ainsi traités par les Lacédémoniens, et, aussitôt de retour, dénonçant l’alliance conclue avec eux contre le Mède, ils s’allièrent aux Argiens, les ennemis de Sparte ; en outre, les deux peuples s’unirent aux Thessaliens, échan‑ geant avec ceux-ci mêmes serments et même alliance.
Il apparaît ainsi que l’alliance conclue en 481 entre Athènes et Sparte a duré une vingtaine d’années, jusqu’à sa dénonciation par les Athéniens. Ceux-ci vont alors abandonner la politique de la double hégémonie (assumée par Athènes et Sparte) et entreprendre une politique belliqueuse. Profitant de l’affaiblissement des Lacé‑ démoniens, à qui les Messéniens résistent neuf ans (jusque vers 456/455), les Athéniens se rapprochent non seulement d’Argos et de la Thessalie, mais aussi de Mégare. Ils essaient également de renforcer leur influence en Achaïe et à Delphes. Le coin le plus redoutable enfoncé dans la Ligue du Péloponnèse est fourni par Mégare : celle-ci, par hostilité à Corinthe, aban‑ donne la ligue en 461 et est soutenue par les Athéniens. Ce sont 314
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) là les origines de ce que l’historiographie anglo-saxonne appelle parfois la « première guerre du Péloponnèse » (461‑446). En 459, les Athéniens et les Mégariens entrent en guerre contre Corinthe et Épidaure ; en 458, les Athéniens prennent 70 navires à leurs ennemis éginètes, qui ont rejoint leurs adversaires. La situation est telle que, en 458/457, Sparte doit envoyer une armée hors du Péloponnèse : celle-ci mène une campagne en Phocide pour assurer la défense de la Doride, métropole prétendue de Sparte. Les Lacédémoniens remportent en 457 une victoire terrestre à Tanagra, en Béotie, sur les Argiens, les Athéniens et leurs alliés. Pour commémorer ce succès, ils ornent le sommet du fronton oriental du tout récent temple de Zeus à Olympie, que tous les Grecs connaissent, d’un bouclier d’or portant une représentation de la Gorgone Méduse26. Vers 456/455, les Athéniens transfèrent à Naupacte les Messé‑ niens, qui, incapables de résister davantage, ont dû traiter avec les Lacédémoniens. Nominalement, les Messéniens respectent l’accord conclu en s’établissant hors du Péloponnèse, mais leur présence sur la côte septentrionale du golfe de Corinthe fait peser une menace latente sur le contrôle exercé par les Lacédémoniens en Messénie27. Les Athéniens sauront les utiliser en 425, durant la guerre du Péloponnèse. Pour l’heure, les Athéniens prennent conscience de leurs limites : après être intervenus contre les Perses en Basse-Égypte, ils y ont perdu 250 navires en 454 et ils sont heureux de remporter une victoire navale sur les Perses au large de Salamine de Chypre en 450. Celle-ci permet l’établissement, en 449/448, de la paix dite de Callias28 entre Athènes et la Perse : le Roi ne renonce pas à ses possessions en Ionie, mais à l’exercice de sa souveraineté sur elles (à y envoyer une flotte et à y lever un tribut). En Grèce même, cependant, les efforts menés par les Athéniens sont fina‑ lement ruinés par leur défaite de 447 à Coronée, en Béotie, face à des Béotiens. Mégare se détache d’Athènes, et, en 446, les Athéniens concluent avec leurs adversaires grecs la paix dite de Trente Ans (qui va durer quinze ans). Elle permet la réintégration de Mégare, de Trézène et de l’Achaïe dans la Ligue du Pélopon‑ nèse ; Sparte tient l’isthme de Corinthe, mais Athènes conserve Égine et Naupacte. L’Athénien Périclès, qui menait les affaires de sa cité, aurait alors invité toutes les cités grecques à députer à Athènes pour y 315
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Sparte
délibérer sur les temples grecs que les Barbares avaient incendiés, et sur les sacrifices dont les Grecs étaient redevables aux dieux par leurs prières pour la Grèce au temps où ils avaient lutté contre les Barbares, [et pour délibérer] sur la mer et sur les moyens d’assurer à tous la sécurité de navigation et la paix29.
Le projet n’aboutit pas en raison de l’opposition de Sparte, qui ne pouvait admettre qu’une initiative majeure ne vînt pas d’elle et qui empêcha ses alliés de se joindre à l’initiative : « On dit que les Lacédémoniens s’y opposèrent sourdement et que c’est dans le Péloponnèse que la tentative échoua d’abord », note Plutarque30. Nonobstant, les Athéniens poursuivirent leurs activités dans le cadre même de la Ligue de Délos qui, selon Thucydide, avait changé de nature : d’alliance (une symmachia) elle est devenue un empire (une archè)31. Les Athéniens per‑ çoivent ainsi chaque année un tribut (un phoros), répriment les séditions32, contraignent leurs alliés à faire juger nombre de causes judiciaires à Athènes, et se permettent d’acquérir chez eux des biens immobiliers – dont la possession est en principe un privi‑ lège des citoyens d’un lieu précis. Globalement, ils en viennent à exercer un pouvoir que leur stratège Périclès lui-même aurait, sans fard, en 430, caractérisé comme étant une tyrannie, dont il était peut-être injuste de s’emparer, mais qu’il était devenu dangereux d’abandonner33. Au début de son œuvre, Thucydide déclare34 : En fait, la cause la plus vraie (l’alethestatè prophasis) est aussi la moins avouée : c’est à mon sens que les Athéniens, en s’accroissant, donnèrent de l’appréhension aux Lacédémoniens, les contraignant ainsi à la guerre.
Ensuite, après avoir narré la Pentécontaétie, Thucydide exprime de nouveau cette idée, essentielle, de l’alethestatè prophasis : les Lacédémoniens restèrent tranquilles, jusqu’à ce que la puissance athénienne prît un essor manifeste et qu’Athènes touchât leurs alliés ; à ce moment, la situation leur parut inadmissible : ils étaient d’avis d’agir résolument et d’abattre, s’ils pou‑ vaient, la force d’Athènes, en déclenchant la guerre qui nous occupe.
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404)
Cette idée majeure, répétée par Thucydide35, explique pour‑ quoi des heurts divers, qu’il détaille, ont pu finalement aboutir à une conflagration majeure opposant les deux systèmes d’alliances entre lesquels une grande partie des cités grecques balkaniques et égéennes étaient réparties. Car, si considérable qu’ait été la puissance athénienne, elle va finalement être mise en échec, au terme d’une génération de lutte (431‑404).
Réaffirmer son importance : la guerre du Péloponnèse (431‑404) Marquée par une interruption formelle en Grèce balkanique entre 421 et 413, la guerre du Péloponnèse – qui, du point de vue de Sparte, pourrait s’appeler la guerre d’Athènes36 – est largement une construction historiographique de Thucydide : celui-ci l’a vécue du début à la fin, mais son récit, inachevé, s’interrompt en 411 ; il a été poursuivi par Xénophon, dont les Helléniques conduisent jusqu’en 36237. Dans l’été 432, un débat a lieu à Sparte, à l’occasion duquel les Mégariens et les Corinthiens présentent leurs griefs contre les Athéniens ; des représentants de ces derniers répondent. Le débat est l’occasion d’une caractérisation négative des Lacédémoniens par leurs propres alliés corinthiens : « Vous ne nous semblez pas percevoir ou avoir jamais calculé ce que sont ces Athéniens, auxquels vous aurez à vous mesurer, ni com‑ bien ils diffèrent de vous, et du tout au tout. Eux sont novateurs, vifs pour imaginer, et pour réaliser leurs idées ; vous, vous conservez votre acquis, vous n’inventez rien, et dans la réalisation, vous ne satisfaites même pas à l’indispensable. […] « Pourtant, avec une cité pareille en face de vous, Lacédémoniens, vous restez à hésiter. […] Mais […] vos procédés datent, comparés aux leurs (archaiotropa… ta epitèdeumata). Or, fatalement, comme dans les techniques, la nouveauté l’emporte toujours. Pour une ville tranquille, des usages immuables (akinèta nomima) sont excel‑ lents ; mais, quand on est contraint de multiplier les interventions,
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Sparte il faut aussi multiplier les nouveaux moyens : c’est bien pourquoi les Athéniens, grâce à leur riche expérience, se sont renouvelés plus que vous. « À présent, donc, ces lenteurs doivent prendre fin : apportez maintenant votre aide, entre autres aux Potidéates, comme vous avez promis de le faire ; pour cela, envahissez l’Attique au plus tôt38. »
L’opposition entre les manières d’être et d’agir des Athéniens et des Spartiates est ainsi clairement marquée, et les gens de Sparte sont présentés comme des conservateurs à l’esprit étroit, incapables d’innover. L’exhortation des Corinthiens à secourir les gens de Potidée, en Chalcidique, rappelle que la finalité de la Ligue du Péloponnèse est d’assurer la sauvegarde de ses membres, mais aussi de ceux qui sont proches de ceux-ci, comme les Potidéates, colons des Corinthiens. Après la réponse des Athéniens aux propos des Corinthiens, les Spartiates votent. Malgré l’opinion du roi Archidamos, qui suggère de se renforcer tout en négociant, et suivant l’opinion de l’éphore Sthénélaïdas – inconnu par ailleurs –, il est voté que les Athéniens sont bien coupables d’avoir violé la paix de Trente Ans39. L’oracle de Delphes paraissant favorable, Sparte est prête à la guerre. Les Corinthiens obtiennent des alliés qu’ils votent eux aussi la guerre. Le conflit commence à la fin de l’hiver 432/431 par une attaque des Thébains, alliés de Sparte, contre les Platéens, alliés d’Athènes. Chaque année, jusqu’en 425, des invasions de l’Attique vont avoir lieu. Conscients de leur infériorité en matière de guerre terrestre, suivant les conseils de Périclès, les Athéniens se replient derrière leurs Longs Murs. La « peste » (en fait une épidémie de typhus ?) qui frappe cette population vivant en état de promiscuité en fait disparaître le quart ou le tiers (dont Périclès, en 429). La guerre terrestre menée par Sparte s’avère avoir des effets indirects redoutables. En revanche, quand il s’agit, en 428‑427, d’aider les Mytiléniens à se révolter contre Athènes, Sparte se montre incapable d’agir efficacement par mer : les Mytiléniens sont vaincus, faute d’une aide péloponnésienne efficace. La présentation du discours des Mytiléniens demandant, à Olympie, l’aide des Péloponnésiens est pour Thucydide l’occasion d’indiquer un principe dont il sait la validité, puisqu’il a vu la fin des événements : « La guerre ne se 318
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) jouera pas en Attique, comme certains l’imaginent, mais là où l’Attique puise ses avantages », à savoir dans son empire qui lui fournit des ressources40 – d’où l’importance de la puissance navale. Alors que les Lacédémoniens ont fondé Héraclée Trachinienne en 426, à l’ouest des Thermopyles, pour surveiller les mouvements des Thessaliens vers le sud, et ont ainsi exprimé leur puissance sur terre, même loin de leurs bases41, les Athéniens démontrent les potentia‑ lités de leur supériorité navale : c’est en fait grâce à elle que, en 425, les stratèges athéniens Cléon et Démosthène provoquent « la plus grande surprise de la guerre », à savoir la reddition d’hoplites spartiates dans l’île messénienne de Sphactérie, qui a été coupée du continent notamment à la suite d’un combat sur mer42. Les Spartiates proposent la paix, mais les Athéniens croient pouvoir pousser leur avantage : l’Attique échappe désormais à toute invasion puisqu’ils menacent de tuer leurs prisonniers si les Péloponnésiens s’y risquent. Néanmoins, en 424, les Athéniens sont écrasés par la ligue béotienne à Délion, à l’est de la Béotie, et, en 422, ils sont mis en échec devant Amphipolis. Là, les deux stratèges qu’Aristo‑ phane caractérise en 421 comme les « pilons » de la Grèce, qu’ils broient, l’Athénien Cléon et le Spartiate Brasidas, trouvent la mort43. En 421 est conclue (pour cinquante ans en principe) une paix dite paix de Nicias, du nom de son principal négociateur athénien. Elle devrait permettre aux Athéniens et aux Spartiates de retrouver leurs positions d’avant la guerre, mais les Amphipolitains refusent d’être de nouveau soumis aux Athéniens, qui, en conséquence, refusent d’abandonner Pylos ; un contentieux perdure donc. La paix qui dure de 421 à 414 entre Athènes et Sparte est pleine de tensions. En 418, les Argiens, soutenus par les Athéniens, veulent réaffirmer leur place dans le Péloponnèse, mais ils perdent la bataille de Mantinée face à Sparte44. Cette bataille voit environ 4 500 Lacédémoniens (3 000 Spartiates renforcés de 600 Skirites et peut-être un millier de Brasidiens et néodamodes – mais Thucydide n’indique pas la présence de périèques) et 3 000 Arcadiens (surtout des Tégéates) combattre côte à côte. Leurs adversaires auraient été en nombre à peu près équivalent, dont 3 000 Mantinéens, 3 000 Argiens (dont 1 000 d’élite) et 1 300 Athéniens. Lacédémo‑ niens et Athéniens ne rentrant pas en confrontation directe, leur paix de 421 n’est pas formellement rompue. Le récit de la bataille de Mantinée donne par ailleurs à Thucydide l’occasion de détail‑ ler l’organisation d’une armée de Sparte45 et il montre comment, 319
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Sparte malgré leur grande maîtrise, les Spartiates ne conservent pas un dispositif sans faille. En effet, il se produit alors une évolution de la disposition des troupes qui, apparemment, est ordinaire mais que Thucydide juge bon de préciser à propos de cette bataille46 : Il est un phénomène qu’on voit se reproduire chaque fois qu’une armée marche à l’ennemi. La ligne tend à incliner peu à peu vers la droite, si bien que l’aile droite de chacune des armées qui s’affrontent finit par déborder l’aile gauche de l’adversaire. C’est là un effet de la peur qui amène chaque homme à s’abriter derrière le bouclier de son voisin de droite afin de se couvrir du côté où il est vulné‑ rable, car c’est derrière un mur de boucliers serrés les uns contre les autres que les soldats se sentent le mieux protégés. Le premier responsable de ce mouvement, c’est l’homme placé à l’extrémité de la ligne à droite. Il cherche continuellement à dérober aux coups de l’ennemi son flanc découvert et les autres, poussés par la même crainte, en font autant.
En l’occurrence, chaque camp s’étant décalé vers son côté droit, le roi de Sparte Agis – lui-même disposé au centre –, craignant d’être tourné par sa gauche, donne l’ordre à ses troupes auxiliaires de se décaler à gauche, mais la manœuvre crée un vide entre les auxiliaires et l’essentiel du corps de bataille, qu’un acte d’indisci‑ pline empêche de combler : le glissement ayant été ordonné en pleine avance et au dernier moment, deux lochages ont en effet refusé d’obtempérer et de déplacer dans l’urgence leurs unités47. Heureusement pour Sparte, cependant, l’avance contre l’ennemi de la phalange lacédémonienne au centre et à droite est victorieuse ; les Lacédémoniens peuvent ensuite pivoter et se rabattre sur la gauche ennemie, qui préfère fuir. Sparte a prouvé qu’elle était toujours elle-même dans une bataille terrestre. En 416, les Athéniens incorporent à leur empire l’île dorienne de Mélos – qu’ils avaient vainement essayé de soumettre dix ans plus tôt, en 42648 – dont les habitants ont tenté, par leurs discours, d’affirmer leur droit à se tenir à l’écart de la guerre49. Disant compter sur un secours des dieux, et des hommes représentés par les Lacédémoniens dont ils sont des colons, les Méliens, pour s’en être ainsi remis aux Lacédémoniens, connaissent l’échec complet que leur avaient annoncé les Athéniens50 : les hommes capturés sont exécutés, les enfants et les femmes sont asservis51. 320
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404)
Première phase
Troisième phase
1 000
Cavalerie
Cavalerie
Cavalerie
Deuxième phase 1 000
Cavalerie Lacédémoniens Tégéates Mantinéens et leurs alliés
Cavalerie
1 000
Cavalerie Argiens (les 1 000 sont des combattants d'élite) Athéniens
Cavalerie
La bataille de Mantinée (418)
En revanche, quand les Athéniens s’attaquent à la puissante Syracuse, qui, en elle-même, n’était pas moins grande qu’Athènes au jugement de Thucydide52, et qui était une ancienne colonie corinthienne, les Spartiates ne restent pas indifférents. On peut voir là une application du principe du comportement que les Athé‑ niens eux-mêmes venaient de prêter aux Lacédémoniens, quand ils avaient déclaré à leur propos, en 416 : « Aucun peuple, à notre connaissance, n’a de façon si nette l’habitude d’estimer beau ce qui lui plaît et juste ce qui sert son intérêt53. » De fait, la prise de contrôle de Syracuse, donc à terme de la Sicile, pouvait paraître constituer un danger majeur pour Sparte, en raison d’un effet de dominos possible : les Athéniens ont été entraînés en Sicile par les projets grandioses d’Alcibiade, qui leur a dessiné la possibilité d’une grande prospérité matérielle fondée, après la prise de contrôle de l’île, sur celle, éventuellement, de Carthage54. À une puissance aussi considérable, Sparte ne pour‑ rait résister ; elle agit donc avec une économie de moyens et une efficacité remarquables : en 414, elle envoie un chef, Gylippe – visiblement fort bien choisi si l’on en juge par le résultat –, et des soldats non citoyens55. Grâce aux conseils du Lacédémonien, qui sait mobiliser en Sicile les moyens complémentaires nécessaires, les Athéniens échouent devant Syracuse, et leur lenteur à évacuer 321
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Sparte l’île provoque leur désastre en 413, la perte de 200 trières et de 12 000 citoyens (dont 3 000 hoplites)56. Les Lacédémoniens ne peuvent donc que se louer d’avoir suivi les conseils de l’Athénien Alcibiade, qui, menacé dans sa patrie, leur a fait envoyer Gylippe à Syracuse ; c’est lui aussi qui les per‑ suade d’occuper en permanence le fort de Décélie pour menacer constamment l’Attique à partir de 413. Après avoir soulevé Chios et Milet, Alcibiade établit des contacts avec la Perse au profit de Sparte57. L’occupation de Décélie empêche les Athéniens de mettre en valeur leurs champs et leurs mines d’argent du Laurion, d’autant que 20 000 esclaves profitent de la situation pour s’enfuir. Après qu’Athènes a connu une crise politique, Alcibiade retrouve la faveur de ses compatriotes entre l’été 411 et l’été 407. Sous son commandement, les Athéniens infligent une lourde défaite aux Péloponnésiens à Cyzique en 410, et ils prennent Byzance, mais Sparte conserve sa précieuse alliance avec la Perse58. Ce facteur joue un rôle parfaitement décisif, parce que les finan‑ cements procurés par les Perses aux Lacédémoniens leur permettent d’accroître progressivement leur puissance navale. L’entregent de Lysandre, qui, nommé navarque en 407, sait s’entendre avec Cyrus le Jeune, fils du Roi et gouverneur de l’Asie Mineure perse, lui permet d’augmenter la solde de ses équipages59. La politique perse, qui, selon les conseils d’Alcibiade, consistait à user les Grecs les uns contre les autres60, n’est plus celle que suit Cyrus, qui s’engage du côté de Sparte. À l’occasion d’un succès naval limité sur un lieutenant d’Alcibiade, à Notion, Lysandre prend quinze trières athéniennes, puis il refuse le combat contre l’ensemble de la flotte d’Alcibiade61. Celui-ci ne peut donc compenser l’échec de son lieutenant et préfère de nouveau s’exiler d’Athènes. En 406, cette dernière remporte sur la flotte péloponnésienne menée par le Spartiate Callicratidas la victoire des îles Arginuses, qui lui permet de dégager Mytilène. Ensuite, en 405, Lysandre peut reprendre, de fait, le commandement de la flotte pélopon‑ nésienne62 et, grâce à Cyrus, il dispose de moyens pour la réorga‑ niser63. Depuis le début de la guerre, le salut des Athéniens était attaché à leur flotte ; Lysandre va savoir profiter de l’occasion, unique et décisive, que les Athéniens vont lui procurer pour les en priver, en septembre 405. Dans l’Hellespont, les forces pélo‑ ponnésiennes menées par Thorax s’emparent de Lampsaque en profitant de la protection navale qu’assure la flotte de Lysandre. 322
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) La flotte athénienne s’établit en face, avec pour base le littoral de la Chersonèse de Thrace à Aigos Potamoi. Quatre jours de suite, Lysandre retient sa flotte et n’engage pas la bataille que lui propose la flotte athénienne. Le cinquième jour, alors que les Athéniens, persuadés qu’il les craint trop pour les combattre, ont tiré leurs navires au sec et se sont dispersés aux environs, Lysandre attaque. Sur 180 navires athéniens, neuf lui échappent. Trois mille prisonniers athéniens sont capturés et ils sont exécutés. Le succès est écrasant, mais il est clair que, même si Sparte a utilisé sa flotte pour priver Athènes de la sienne, il ne s’est pas agi d’une véritable bataille navale64. Poussant son avantage, Lysandre s’empare alors systématiquement de l’Empire athénien (seule Samos résiste). Les Athéniens, assiégés et affamés, capitulent en avril 404. Les Spartiates convoquent alors leurs alliés pour statuer sur leur sort. D’après Xénophon, Corinthiens et Thébains auraient voulu les anéantir65. La paix fut conclue aux conditions voulues par Sparte, que nous indique Xénophon66 : Les Lacédémoniens refusèrent de réduire en esclavage une cité grecque, qui avait fait de grandes et belles choses dans les dangers extrêmes qui avaient autrefois menacé la Grèce, et ils se décidèrent à faire la paix aux conditions suivantes : destruction des Longs Murs et de ceux du Pirée, livraison de tous les vaisseaux, sauf douze, retour des exilés ; les Athéniens auront les mêmes amis et ennemis que les Lacédémoniens, et suivront ceux-ci sur terre et sur mer là où ils les conduiront.
En épargnant Athènes, les Spartiates préfèrent sans doute se prémunir contre un renforcement de ses voisins, Thébains et Corin‑ thiens au premier chef, qui n’auraient pas manqué de vouloir contrôler le territoire attique. Rappeler le souvenir de la lutte com‑ mune de Sparte et d’Athènes contre les Perses était une manière de faire taire les récriminations des Thébains, dont les aïeux avaient choisi le mauvais côté – perse – au temps de la bataille de Platées en 479. La ville même d’Athènes peut apparemment conserver ses murailles, mais les remparts qui permettaient la mise en œuvre de la stratégie insulaire de Périclès doivent être détruits67. En subsistant et en concluant une alliance – en position subordon‑ 323
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Sparte née – avec Sparte, Athènes la renforce – tel est peut-être du moins l’espoir des Spartiates, sur le moment. La très longue lutte, de vingt-sept ans, qu’a constituée la guerre du Péloponnèse aboutit donc à la victoire du camp le moins audacieux mais capable, néanmoins, d’une adaptation qui l’a amené à vaincre l’adversaire sur son terrain de prédilection, celui de la puissance navale. C’est en renforçant sa flotte que Sparte a vaincu Athènes, et ce n’est pas Athènes qui, malgré ses projets grandioses en Occident, a vaincu Sparte en l’écrasant dans une ou plusieurs batailles terrestres.
Une façon d’agir empreinte de pragmatisme Alors que les Corinthiens avaient, en 432, reproché aux Spar‑ tiates leur lenteur à s’adapter aux circonstances et aux besoins, il est finalement apparu que leur maîtrise raisonnée des moyens disponibles leur a permis de l’emporter. Dans sa présentation des règles de la guerre terrestre entre Grecs, J. Ober note un certain nombre d’usages partagés68. L’état de guerre doit être déclaré (par un héraut ou un ambassadeur) entre le printemps et l’automne ; l’usage des armes non hoplitiques est limité ; une bataille peut commencer par un défi, ou par la mise en ligne des troupes d’une façon qui consiste à proposer la confron‑ tation ; le vaincu demande au vainqueur – qui accepte – de lui rendre ses morts, et par là il reconnaît sa défaite ; le vainqueur érige un trophée fait avec des armes collectées sur le champ de bataille et accrochées à un montant vertical à l’emplacement où le vaincu s’est retourné pour prendre la fuite (le trophée, tropaion, marque donc l’endroit de ce retournement puisque trepein signifie tourner)69 ; la poursuite est limitée70. En principe, on ne maltraite pas des adversaires qui se sont rendus, et qui peuvent être libérés contre rançon. Lieux sacrés, suppliants, ambassadeurs et hérauts doivent être respectés. De tels usages – qui sont par eux-mêmes d’une force inégale, en fonction des interdits religieux qui les fondent – paraissent surtout s’imposer entre 480 et 450, mais ils semblent ensuite de moins en 324
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) moins respectés, ou alors d’une façon biaisée, par exemple en ce qui concerne le sort des prisonniers. Ainsi, pour obtenir la reddi‑ tion des Platéens en 427, les Lacédémoniens leur ont-ils indiqué qu’ils feraient l’objet d’un jugement. Formellement, ils respectent leur engagement, mais leurs juges posent à chaque Platéen cette question : « Avaient-ils, au cours de cette guerre, rendu quelque service aux Lacédémoniens et à leurs alliés71 ? » En d’autres termes, l’intérêt de Sparte est le seul critère de jugement. Formuler la ques‑ tion d’une telle manière, c’est naturellement condamner d’entrée de jeu ceux à qui elle est posée ; le fait est souligné par deux orateurs platéens qui déclarent : « Brève est votre question, qui fait qu’une réponse sincère se tourne contre nous tandis que le mensonge prête à réfutation72. » Les Platéens rappellent en outre, notamment, qu’ils ont tendu les mains en suppliants et que « la loi (le nomos) des Grecs interdit de tuer dans ce cas », tandis qu’en les éliminant les gens de Sparte porteront atteinte à leur propre réputation de qualité humaine (d’andragathia)73. Après une intervention accusatrice des Thébains – à qui les Lacédémoniens veulent complaire –, les Platéens se voient poser, un à un, la même question qu’au début du procès. Les 200 qui répondent « non » sont envoyés à la mort, ainsi que 25 prisonniers athéniens74. Thucydide montre ainsi combien la guerre durcit les usages entre Grecs, qui en viennent à tuer de sang-froid. En revanche, quand on voit Brasidas choisir de faire campagne en Thrace dans l’hiver 424/423 pour bénéficier d’un effet de surprise qui lui permet de s’emparer d’Amphipolis75, le chef spartiate ne semble pas bafouer un usage qui serait nimbé d’une connotation religieuse et qui serait clairement attentatoire au droit des gens. En fait, peut-on dire, il s’agit là de recourir conjoncturellement à des circonstances favorables, et une telle attitude des Lacédémo‑ niens à l’égard des Athéniens semble assez systématique depuis au moins les environs de 46076. Les opérations militaires de Brasidas s’appuient sur des actes préparatoires qui ne sont pas proprement militaires (quand il se rend en Thrace pour y agir en hiver), comme sur des paroles. Ainsi voit-on Brasidas mettre en œuvre, fin 424, la propagande que Sparte a élaborée pour priver les Athéniens de points d’appui. Il déclare aux Acanthiens que les Lacédémoniens sont rentrés en guerre contre Athènes pour libérer la Grèce, et cette affirmation constitue un argument efficace77 : 325
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Sparte
Tant parce que les paroles de Brasidas étaient séduisantes, que parce qu’ils craignaient pour les récoltes, [les Acanthiens] décidèrent à la majorité de se détacher d’Athènes. Ils firent prêter à Brasidas les serments que les magistrats de Sparte avaient prêtés avant son départ, assurant l’autonomie des peuples dont il aurait fait des alliés, et cela acquis ils laissèrent entrer l’armée.
Même si Brasidas est un personnage exceptionnel, dont Thucydide note qu’il est particulièrement éloquent pour un Lacédémonien78, son propos est aussi, voit-on, appuyé sur une certaine menace maté‑ rielle (celle qu’il fait peser sur les récoltes d’automne). Progressant en puissance, il obtient ensuite le ralliement des Amphipolitains, dont beaucoup « étaient apparentés aux hommes faits prisonniers au-dehors79 » de la ville et n’en sont que plus sensibles à son dis‑ cours garantissant la conservation des biens et des droits80. Les moyens mis en œuvre au cours de la guerre sont donc clai‑ rement adaptés aux circonstances et le déploiement d’une force militaire brutale est loin d’être systématique. En outre, malgré le jugement véhément que Thucydide prête aux Corinthiens, alliés des Spartiates, au début de la guerre du Péloponnèse81, ces derniers ont su faire évoluer leurs pratiques militaires pour, finalement, l’emporter. Ils ont ainsi abandonné, à partir de 425, le recours aux invasions terrestres annuelles du territoire ennemi et – suivant il est vrai les conseils de l’Athénien Alcibiade – ils se sont risqués à occuper en permanence en Attique, à partir de 413, le point fortifié de Décélie. Le désordre que les attaques menées depuis ce poste ont provoqué dans la production agricole et minière de l’Attique a été fort gênant pour les Athéniens. Par ailleurs, s’il est apparu dès 428 que la décision ne pourrait être obtenue que sur mer puisque les Athéniens pouvaient être approvisionnés par voie maritime82, les Spartiates ont bien agi en fonction d’un tel constat, même si les progrès de leur efficacité navale ont été fort graduels.
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Finances et marine : une puissance navale au développement progressif Tel ivoire archaïque de la seconde moitié du vie siècle montre clairement la connaissance des techniques navales par les habitants de la Laconie83. Le port principal et l’arsenal de Sparte se trouvent à Gytheion, sur le golfe de Laconie, et les moyens disponibles (ou fournis par les alliés) permettent de transporter des troupes à une certaine distance : après une expédition navale menée vers 525 contre Samos, Anchimolios mène en Attique des troupes qui sont acheminées par voie de mer, vers 51184. D’après Hérodote, lors de la seconde guerre médique, avant la bataille du cap Artémision en 480, l’armée navale des Grecs comptait 271 navires, dont 10 lacé‑ démoniens (et 127 athéniens)85 : l’existence de ces quelques unités montre à la fois que les gens de Sparte n’ignorent pas totalement les techniques maritimes et, d’autre part, qu’ils n’y accordent pas une importance majeure. Le caractère semble-t‑il intermittent de la fonction de navarque relève de la même logique86. En fait, une collectivité politique ne peut disposer d’une force navale importante que si ses moyens financiers le lui permettent. Le lien est marqué par Thucydide, dans l’« Archéologie », quand il déclare87, à propos d’une évolution qui s’est dessinée à partir du viie siècle : Cependant, comme la Grèce prenait de la puissance et s’occupait encore plus qu’auparavant d’acquérir de la richesse, on vit en général des tyrannies s’établir dans les cités, avec l’augmentation des rentrées en argent […] ; et la Grèce mettait au point ses forces navales, en s’attachant davantage à la mer.
Le lien entre prospérité matérielle et développement de la puissance maritime est ainsi nettement établi. Il est clairement apparu à Athènes : si, au début de la seconde guerre médique, les Athéniens ont détenu une flotte importante c’est parce que la découverte d’un filon argentifère au Laurion, en 483, a rempli leurs caisses communes et leur a donné les moyens de disposer de 200 vaisseaux88. Par la suite, le phoros, le tribut versé annuel‑ lement par les alliés, a permis l’entretien d’une flotte importante 327
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Sparte – jusqu’au désastre d’Aigos Potamoi en 405, cause de la disparition de fait de la Ligue de Délos. En conséquence du lien entre les finances publiques et l’exis‑ tence d’une flotte, la faiblesse des premières ne permet pas le développement d’une puissance navale de Sparte. Or, au terme de la Pentécontaétie, en 432, le roi de Sparte Archidamos peut ainsi se demander sur quels moyens Sparte peut compter : Sur la flotte ? La nôtre est la moins forte, et, pour nous exercer ou nous équiper contre eux [les Athéniens], il faudra du temps. Alors, sur l’argent ? Notre infériorité, ici, est encore plus grande : la collectivité n’en a pas, et nous ne sommes pas prêts à en verser sur nos biens privés89.
Une telle situation, avantageuse pour Athènes, est aussi mise en exergue par Périclès, selon Thucydide90. Fait notable, un siècle plus tard encore, Aristote souligne la même déficience, lorsqu’il note91 : Une […] tare […] chez les Spartiates, c’est l’état des finances publiques. Le trésor de la cité n’a rien, pour des gens qui sont contraints de soutenir de grandes guerres, et les impôts rentrent mal ; en effet, comme la majeure partie de la terre appartient aux Spar‑ tiates, ils ne vérifient pas mutuellement leurs rentrées d’impôts. Et le législateur a obtenu un résultat contraire à ce qui convient : il a fait une cité sans argent et des particuliers avides d’argent.
La différence dans les capacités de financement public existant entre les Lacédémoniens et les Athéniens a été d’autant plus mar‑ quée, au ve siècle, que la puissance navale de ces derniers a été accrue par leurs alliés, qui ont souvent préféré leur verser une contribution plutôt que de fournir des vaisseaux92. Cette situation a eu pour conséquence un développement différencié, au cours de l’époque classique, des puissances militaires d’Athènes et de Sparte, distinctes dans leur nature même. Comme la décrit Thucydide, la puissance athénienne – dont le développement suscite, selon lui, la guerre – est d’une nature étrangère à la puissance de Sparte parce qu’elle est, pour une bonne part, maritime93. Caractérisant la situation en 425, il déclare94 : 328
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Ce qui faisait, à cette date, l’essentiel de leur renom, était pour les uns [les Lacédémoniens], d’être principalement des continen‑ taux, supérieurs par leurs armées de terre, et, pour les autres [les Athéniens], d’être un peuple maritime, l’emportant avant tout par sa flotte.
Un aspect important de la guerre du Péloponnèse est bien, en effet, que, sous l’impulsion d’Athènes, les adversaires s’opposent de plus en plus sur mer (d’où la précision de Thucydide, « à cette date »). Parce que la force principale d’Athènes est maritime, et parce que « la marine est affaire de métier », elle dispose d’un avantage initial sur Sparte, d’autant, aurait cru pouvoir dire Périclès, que l’« expérience du domaine maritime en donne, malgré tout, une plus grande sur terre, que celle du continent n’en donne [aux Lacédémoniens] en matière mari‑ time95 ». Narrant des batailles navales, Thucydide souligne la supériorité athénienne : l’Athénien Phormion déclare à ses soldats, après la bataille navale de Patrai et avant celle de Naupacte, en 429, que c’est parce qu’ils ont le sentiment de ne pas valoir les Athéniens que les Péloponnésiens, pour les combattre, ont considérablement renforcé leur flotte96. Dans ces batailles navales successives – ou plus exactement dans la présentation qu’en donne Thucydide – apparaît l’importance de l’expérience réfléchie des Athéniens, qui leur permet de l’emporter même sur des Corinthiens, alliés de Sparte dotés d’une expérience maritime ancienne97. Comme l’a souligné J. de Romilly, la bataille de Patrai se déroule – d’après Thucydide – exactement selon les prévisions de Phormion : « Le vent se lève comme prévu […] ; le manque de place inter‑ vient […] ; comme prévu, les Péloponnésiens sont alors exposés à la fois au vent et au choc des embarcations du centre […] ; le désordre s’ensuit […] ; les navires se heurtent entre eux ; l’inex‑ périence […] des Péloponnésiens les laisse en proie au trouble et à la confusion ; c’est alors que le signe attendu peut enfin être donné […] [alors, saisissant ce moment précis, Phormion donna le signal (de l’attaque)]98. »
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Flotte athénienne Flotte péloponnésienne Itinéraire de la flotte athénienne Itinéraire de la flotte péloponnésienne
La bataille navale de Patrai (429)
Ainsi, c’est l’intelligence, ou du moins l’habileté manœuvrière, des Athéniens, fondée sur leur riche expérience maritime, qui paraît, ici, décisive, et cette supériorité athénienne sur les Pélo‑ ponnésiens est mise en relief par l’attitude prêtée aux Spartiates, qui réfutent l’idée selon laquelle leur inexpérience serait la cause principale de la défaite99. Les Lacédémoniens, en effet, d’après Thucydide, « croyaient qu’on avait dû manquer de résolution100 » – et ils ne renoncent pas. Ainsi une flotte péloponnésienne d’une quarantaine de navires menée par Alcidas croise-t‑elle dans les eaux de l’Ionie en 427 ; cependant, elle arrive trop tard pour empêcher la chute de Mytilène et Alcidas préfère renoncer à toute entreprise notable dans la région et retourner dans le Péloponnèse. « En fait, il fuyait », note Thucydide101. En 425, quand les Athéniens ont affirmé leur supériorité navale et bloqué dans l’île de Sphactérie les Lacédémoniens qui y avaient 330
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Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) été envoyés, une trêve destinée à permettre des négociations – vaines – est conclue, à l’issue de laquelle les Athéniens refusent de rendre aux Lacédémoniens la soixantaine de vaisseaux qu’ils leur ont confiés102. Par la suite, les Lacédémoniens ne mènent guère d’opérations navales d’importance jusqu’à l’écrasante défaite des Athéniens en Sicile. Comme alors, en 413, ces derniers, pri‑ vés de 12 000 citoyens et de 200 trières, ont dû perdre plus de la moitié de leurs moyens navals et leurs meilleurs équipages, à partir de 412, les Spartiates jugent opportun d’investir dans le développement d’une flotte importante. Alors que la Grèce croit la chute d’Athènes proche103, Sparte lève de l’argent chez ses alliés pour développer ses forces navales ; les Lacédémoniens ordonnent la construction de 100 trières ; 25 doivent être construites par eux-mêmes et autant par les Béotiens104. On assiste ainsi à la mise en place graduelle d’une véritable puis‑ sance navale de Sparte, d’autant que, pour renforcer leur efficacité militaire, les Lacédémoniens concluent trois traités successifs avec les Perses105 ; il s’agit notamment de se procurer le financement qui peut permettre d’obtenir la décision où elle peut être atteinte, sur mer. Finalement, après bien des dépenses et des pertes de navires, ce sont les ressources fournies par le Perse Cyrus le Jeune qui permettent de construire des navires et de solder des équipages, d’une qualité déjà supérieure à ceux d’Athènes en 406106 et fina‑ lement victorieux, grâce à l’habileté de Lysandre, à Aigos Potamoi, dans l’Hellespont, en septembre 405107. L’événement est célébré par la mise en place d’un groupe extraordinaire de 38 statues représentant, outre des dieux, une trentaine d’humains vivants, les chefs de l’escadre victorieuse – dont Lysandre couronné par Poséidon – et constituant, à l’entrée du sanctuaire de Delphes, le monument dit des navarques108. « Les Athéniens, grâce à leur riche expérience, se sont renouvelés plus que vous », avaient pu dire les Corinthiens aux Lacédémoniens en 432109. La guerre du Péloponnèse a été, clairement, pour les Spartiates un temps durant lequel ils se sont plus renouvelés que les Athéniens, puisqu’ils ont su mettre en place un instrument militaire qui leur a permis de détruire l’arme de prédilection de leurs ennemis, leur flotte. Malgré tout, le succès remporté sur la flotte d’Athènes tirée au sec à Aigos Potamoi ne doit pas créer une illusion : Sparte est restée une puissance militaire essentiellement terrestre, si bien 331
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Sparte qu’en 370/369 encore, et même après le désastre – terrestre – de Leuctres, le Phliasien Proclès a pu déclarer que « bien moins que les hommes, ce sont les dieux qui, dans la nature et le destin, ont inscrit cette distinction » : les Athéniens ont vocation à commander sur mer et les Lacédémoniens sur terre110.
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XV
Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330)
A
près une guerre qui a duré le temps d’une génération (431‑404), Sparte a joué dans le monde grec égéen un rôle de premier rang pendant le temps d’une autre géné‑ ration (404‑371). Elle a ensuite déployé des efforts qui ne lui ont pas permis de restaurer sa puissance passée, mais qui ont affirmé sa place singulière.
Comment s’appuyer sur les Perses et libérer les Grecs ? Il est patent que, malgré l’affaiblissement considérable subi par les Athéniens en Sicile en 413, ceux-ci ont encore pu résister plusieurs années à la pression militaire exercée sur eux par les Lacédémoniens. Il est net aussi que c’est l’entente de Sparte avec les Perses, marquée par les trois traités successivement conclus en 412‑411, qui a finalement fourni à Sparte des moyens maté‑ riels décisifs1 : le troisième, en particulier, stipulait que les Lacé‑ démoniens pouvaient demander au satrape Tissapherne l’argent nécessaire à l’entretien d’une flotte, qui devait être remboursé à la fin de la guerre. Mais la contrepartie de ces trois accords était la reconnaissance de la possession par le Roi de son territoire en Asie Mineure. Les habitants grecs de cet espace étaient donc 333
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Sparte abandonnés au Roi. En 411, le Lacédémonien Lichas en vint à déclarer que les Milésiens, comme tous les habitants du pays du Roi, devaient obéir comme des esclaves [au satrape] Tissapherne dans tout ce qui ne passait pas la mesure, et le courtiser jusqu’à ce que la guerre fût menée à bonne fin2.
Plus tard, le soutien de la puissance perse aux Spartiates fut renforcé par l’entente particulière entre le Spartiate Lysandre, navarque en 407, et le fils du Roi, Cyrus le Jeune, établi comme karanos, chef militaire des forces perses en Asie Mineure et à ce titre supérieur aux satrapes, chefs de circonscriptions régionales3. En 406, le successeur de Lysandre, Callicratidas, ne s’accorda pas de la même façon avec Cyrus et, selon Xénophon4, il disait que les Grecs étaient bien malheureux d’avoir à faire la cour à des Barbares pour avoir de l’argent, et il déclarait même que, s’il rentrait sain et sauf chez lui, il ferait tout son possible pour réconcilier Athéniens et Lacédémoniens.
La différence d’attitude entre Lysandre et Callicratidas est obvie : elle marque l’existence, à Sparte, d’un débat sur le recours à des moyens non traditionnels qui entraîne l’abandon au Roi des Grecs d’Asie Mineure, en contradiction avec la politique officielle de cette cité consistant à assurer la liberté des Grecs. En contradiction aussi avec ce but pouvait apparaître le fait que, à partir de 412, les cités « libérées » par Sparte avaient fréquem‑ ment reçu des garnisons dirigées par des harmostes ; elles avaient dû contribuer financièrement à l’effort de guerre et des oligar‑ chies laconisantes avaient souvent été installées au pouvoir. Cette politique fut systématisée par Lysandre, après sa victoire d’Aigos Potamoi en 405, quand il installa des décarchies (groupes d’une dizaine d’hommes gouvernant en tyrans) dans de nombreuses cités. Les agents de Lysandre à Athènes furent les Trente, responsables de nombre d’exactions en 404‑403. Les crimes commis furent si nombreux que la réputation de Sparte en fut durablement entachée5. En 403, les Trente furent battus par les démocrates revenus d’exil, puis chassés par les Athéniens, mais ceux-ci restèrent divisés entre modérés (de la ville) et démocrates (du Pirée) ; Lysandre 334
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) voulut agir contre les démocrates, et il concentra donc à Éleusis des hoplites péloponnésiens, mais le roi Pausanias, approuvé par trois des cinq éphores, intervint avec l’armée de Sparte même pour éviter que Lysandre « ne fît d’Athènes sa chose6 ». Cette intervention permit aux Athéniens de se réconcilier, et leur cité se trouva donc, simplement, être une cité alliée de Sparte. Si la situation était ainsi clarifiée en Attique, le problème posé par la soumission des Grecs d’Asie Mineure aux Perses demeu‑ rait. Là, les ambitions de Cyrus pouvaient permettre d’agir. Selon Xénophon : Cyrus, par des messagers qu’il envoya à Lacédémone, y fit valoir qu’à sa propre conduite vis-à-vis des Lacédémoniens dans la guerre contre les Athéniens devait répondre celle des Lacédémoniens à son égard. Les éphores, ayant considéré que ses propos étaient équitables, donnèrent ordre à Samios, le navarque de ce moment [402/401], d’être à la disposition de Cyrus, à toute réquisition7.
Dans l’Anabase, Xénophon nomme Pythagoras ce même navarque lacédémonien et il le montre conduisant 35 navires jusqu’à Issos, en Cilicie, pour assurer l’acheminement de Cheirisophos et de 700 hoplites destinés à renforcer les forces de Cyrus8. Mais quelque temps plus tard, en 401, Cyrus échoue dans sa tentative contre son frère, le roi des Perses Artaxerxès II, lors de la bataille de Counaxa, lieu de Babylonie où il est tué9. Les Spartiates ne peuvent donc plus compter sur un roi perse qu’ils auraient contribué à mettre sur le trône. Engagés aux côtés de Cyrus, ils ne vont pas payer une dette quelconque à Artaxerxès et, pour apporter la liberté aux Grecs d’Asie Mineure, ils peuvent recourir aux armes. En effet, le satrape perse d’Asie Mineure Tissapherne, qui avait combattu aux côtés d’Artaxerxès à Counaxa, est récompensé par celui-ci : outre sa fonction de satrape, il se voit doté de la puissance et des territoires contrôlés par Cyrus10. Revenu en Asie Mineure, « il exigea immédiatement, dit Xénophon, la soumission de toutes les cités d’Ionie ». Or, celles-ci, partagées entre le désir d’être libres et la crainte de Tis‑ sapherne, à qui elles avaient préféré, de son vivant, Cyrus, ne l’autorisèrent pas à entrer, et elles envoyèrent des ambassadeurs à Lacédémone pour demander, puisque [les Lacédémoniens] étaient à
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Sparte la tête de toute la Grèce, qu’ils se préoccupent aussi d’eux, les Grecs d’Asie, pour éviter que leur terre ne fût pillée et pour qu’eux-mêmes fussent libres11.
En conséquence, en 400, Sparte envoie Thibron comme harmoste, à la tête d’une armée de 1 000 néodamodes, 4 000 Péloponnésiens et 300 cavaliers athéniens12. Sparte agit donc bien en fonction de ce qu’elle pense relever de ses responsabilités supérieures à l’égard des Grecs, mais en épargnant ses propres ressources humaines. À propos des levées militaires effectuées par Thibron en Asie Mineure, Xénophon déclare : « Toutes les cités obéissaient alors à ce qu’un Lacédémonien leur avait prescrit13. » Il est donc clair que, bénéficiant du prestige dû à sa victoire sur Athènes, Sparte peut largement imposer sa volonté aux Grecs. Mais cette position crée aussi des devoirs moraux, que la cité va éprouver quelque difficulté à assumer.
La guerre de Corinthe (395‑386) En Asie Mineure, Thibron peut renforcer ses troupes de façon importante quand le rejoignent 5 000 ou 6 000 hommes ayant appartenu aux Dix-Mille, mercenaires grecs levés par Cyrus et dont Xénophon a raconté l’histoire dans l’Anabase14. Le but des opérations menées en Asie successivement par Thibron (400/399), par Derkylidas (399‑396), puis par le roi Agésilas II entouré d’un état-major de 30 Spartiates (396‑394), est de faire reconnaître par les Perses l’indépendance des cités grecques micrasiatiques. Afin que Sparte renonce à libérer les Grecs d’Asie Mineure, le pouvoir perse agit de façon qu’Agésilas soit rappelé en Grèce balkanique : par la corruption, un de ses agents, Timocratès de Rhodes, par‑ vient à provoquer des hostilités contre Sparte en 39515. Agésilas est ainsi effectivement rappelé en 394, au début de la guerre de Corinthe (395‑38616). Désormais, l’hégémonie lacédémonienne est loin de s’imposer d’elle-même. Dès 403, alors que Sparte avait refusé d’anéantir les Athéniens en 404, les Béotiens et les Corinthiens avaient refusé 336
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) d’accompagner l’armée régulière de Sparte partie mettre de l’ordre en Attique sous la direction du roi Pausanias : Béotiens et Corin‑ thiens estimaient, disaient-ils, que ce ne serait pas respecter leurs serments [de paix, prêtés en 404] que d’aller attaquer les Athéniens qui ne faisaient rien contre le traité ; en réalité ils agissaient ainsi parce qu’ils voyaient bien que les Lacédémoniens voulaient s’assurer la possession en toute sécurité du territoire d’Athènes17.
En outre, les Thébains, apprend-on, avaient été les seuls alliés de Sparte à oser réclamer une part du butin, un dixième18, et les rancœurs entre les vainqueurs de 404 n’avaient guère dû s’apaiser alors que, durant les années suivantes, les Spartiates semblent avoir considéré l’ensemble des Grecs avec quelque hauteur. Si, à partir de 395, Thèbes, Athènes, Argos et Corinthe connaissent des succès face à Sparte (Lysandre tombe alors à Haliarte, en Béotie), celle-ci réaffirme sa supériorité : en l’absence même d’Agésilas, les Lacédémoniens remportent une victoire à proximité du fleuve Némée, au nord du Péloponnèse, en 394. Là, d’après le récit détaillé de Xénophon19, 6 000 Lacédémoniens et environ 12 000 alliés (dont des gens de l’Actè, la partie non argienne de la péninsule argolique) sont commandés par le régent agiade Aristodèmos, tuteur du roi Agésipolis, et font face à 24 000 enne‑ mis (dont 3 000 Corinthiens, 5 000 Béotiens, 6 000 Athéniens, peut-être 7 000 Argiens). Les Lacédémoniens se placent à l’aile droite de leur ligne. Chaque armée se déportant sur sa droite, selon la pratique indiquée par Thucydide à propos de Mantinée20, les Lacédémoniens débordent l’aile gauche des Athéniens qui sont face à eux ; ceux-ci se replient ; poursuivant leur avantage, les Lacédémoniens tournent vers leur gauche et prennent de flanc (et du côté droit, sans bouclier) les Argiens, les Corinthiens puis les Thébains quand ceux-ci reviennent de leur poursuite. Leur échappent les Athéniens de quatre tribus qui avaient enfoncé les Tégéates et qui se replient en passant derrière eux. À Némée, les Lacédémoniens et leurs alliés auraient perdu 1 100 hommes (dont 8 Lacédémoniens), leurs adversaires 2 800. Il s’agit de la dernière grande victoire terrestre de Sparte.
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Sparte
1re et 2e phases
3e et 4e phases 6 régiments battus Ath
4 régiments indemnes Ath
B
Ath
C+A
B
Ath
C+A 2 L
a
a a
a
a
a
L
1
2
a
Phase 1
Phase 3 Cours d'eau
Phase 2
B
Béotiens (Thébains)
C+A
Corinthiens et Argiens
Ath
Athéniens
L
Lacédémoniens
a
Alliés des Lacédémoniens
Phase 4
La bataille du fleuve Némée (394)
Mais ce succès est terni par une défaite navale essuyée par le Lacédémonien Peisandros, à Cnide, face à une flotte menée par le Perse Pharnabaze et l’Athénien Conon21 – le vaincu d’Aigos Potamoi qui avait préféré ne pas avoir à rendre compte à ses compatriotes athéniens et s’était enfui à Chypre en 405. La perte de la maîtrise de la mer par Sparte permet à Pharnabaze et à Conon d’expulser de nombreux harmostes lacédémoniens des îles et des villes maritimes qu’ils tenaient22. Ainsi s’évanouit, en 394, le contrôle de Sparte sur l’Égée. Sur terre, arrivé en Béotie en ayant traversé notamment la Thrace et la Thessalie avec plusieurs milliers d’hommes, Agésilas remporte une autre bataille terrestre. Ses troupes sont renforcées, entre autres, par une more spartiate victorieuse à Némée et par une garde, destinée à sa personne, de 50 jeunes gens23 ; elles comptent peut-être 15 000 hommes, qui combattent sous ses ordres à Coronée, face notamment aux Thébains, aux Argiens et à leurs alliés, au nombre total de peut-être 20 000 hommes et dont certains venaient de combattre à Némée24. La bataille est une victoire, puisque les Thébains doivent envoyer un héraut demander leurs morts, mais Agésilas a été blessé et les Thé‑ 338
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) bains pourront se vanter que leur troupe, gardant sa cohérence, a réussi à transpercer deux fois le dispositif ennemi. D’ailleurs, Agésilas choisit de ne pas poursuivre sa marche en Béotie et de se rendre à Delphes, pour y déposer la dîme – d’un montant de 100 talents – de son butin asiatique. Le reflux de la puissance relative de Sparte est marqué par la reconstruction en 393, grâce à l’aide financière du Perse Pharnabaze, des fortifications athéniennes détruites en 404 (les Longs Murs et les défenses du Pirée)25. Certes, les Lacédémoniens mènent des opérations autour de Corinthe (392‑390), marquées par un bril‑ lant succès militaire en 392 lorsqu’ils s’emparent des Longs Murs de Corinthe et les détruisent partiellement, mais ils essuient un échec à Léchaion en 39026 ; puis Agésilas se rend en Acarnanie pour soutenir les alliés achéens de Sparte (389). Mais, en 389, les Athéniens, qui restaurent leur puissance navale depuis 394, menés par Thrasybule, ont repris le contrôle de Thasos, Chal‑ cédoine, Byzance, d’une partie de la Chersonèse de Thrace, de Lesbos. Ils se renforcent alors en taxant à 5 % les marchandises qui franchissent le Bosphore et ils osent soutenir Évagoras de Chypre, révolté contre le Roi. Les Perses, peu désireux de voir les Athéniens se renforcer, se rapprochent de Sparte, qu’ils aident financièrement en 388‑387. En 387, chargé d’un commandement autonome, le Lacédé‑ monien Téleutias prend la tête d’une escadre stationnée à Égine et mène contre Le Pirée, avec 12 trières, une attaque pleine d’audace, qui lui permet de rapporter un butin propre à ravitailler et à solder ses hommes27. Antalcidas, pour sa part, s’assure avec beaucoup d’habileté du contrôle de l’Hellespont, rassemble une flotte de 80 navires et entrave le commerce du blé pontique vers Athènes28. Las de la guerre, les Grecs acceptent la paix du Roi – dite aussi paix d’Antalcidas, du nom de son principal négociateur spartiate –, établie en 386, qui fait des Lacédé‑ moniens les « patrons » de la paix, au respect de laquelle va veiller Agésilas – au profit de Sparte. Il est admis que les cités d’Asie Mineure et Chypre fassent partie de l’Empire perse29, et la reconnaissance de l’asservissement des Grecs d’Asie Mineure aux Perses peut paraître la contrepartie de la puissance reconnue à Sparte en Grèce. D’après le jugement postérieur de Polybe, écrit au iie siècle30,
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Sparte aux Perses, [les Lacédémoniens] livrèrent à discrétion les cités grecques par la paix d’Antalcidas, pour se procurer tout l’argent nécessaire à leur domination sur la Grèce.
Cette vision – mercantile – des choses est sans doute faussée ; si Sparte a bien dû renoncer à ses ambitions visant à assurer la liberté des Grecs d’Asie Mineure, c’est parce que son autorité a été contestée en Grèce balkanique ; et si l’Athénien Isocrate peut, en 380, lui reprocher véhémentement cet abandon31, il feint d’oublier que ses compatriotes n’ont pas, en la matière, facilité la tâche mili‑ taire de Sparte, qu’ils ont combattue lors de la guerre de Corinthe. Clairement, la situation de Sparte est moins naturellement domi‑ natrice en 386 qu’elle ne l’était en 404. Mais la cité va pouvoir conserver, jusqu’en 371, une position éminente en raison de sa supériorité militaire sur les autres cités grecques prises isolément – et c’est pourquoi sa politique va consister à éviter les regrou‑ pements politiques trop puissants.
De la paix d’Antalcidas au désastre militaire de Leuctres (386‑371) Forts de la clause de la paix selon laquelle les parties prenantes doivent « laisser aux cités grecques, petites et grandes, leur auto‑ nomie », les Lacédémoniens menés par Agésilas imposent d’abord aux Thébains, sous menace d’intervention militaire, de renoncer à diriger la Confédération béotienne, qui est dissoute32. Alors qu’à Corinthe, en 392, les hommes de tendance conser‑ vatrice favorables à Sparte avaient été éliminés, et alors qu’une isopolitie (un accord d’association politique) avait été établie entre Argiens et Corinthiens (caractérisée par la domination des pre‑ miers), Sparte obtient, encore en 386, par une menace de guerre proférée par Agésilas, que la garnison argienne quitte Corinthe, qui redevient maîtresse d’elle-même. Par ailleurs, mécontents de l’attitude qui avait été celle des Mantinéens pendant la guerre, les Lacédémoniens envoient contre eux une armée, menée par Agésipolis – parce que Agésilas n’est visiblement pas favorable à cette intervention. Alors a lieu, à l’issue 340
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) d’un siège, le diœcisme de Mantinée, la dispersion de ses habitants, en 38533. Quant aux bannis de Phlionte favorables à Sparte, ils obtiennent d’être rétablis dans leur cité34. Des opérations complexes sont ensuite menées en Chalcidique : en 382, les gens d’Acanthos et d’Apollonia y demandent une intervention pour échapper à l’autorité sans cesse croissante des Olynthiens. Les Péloponnésiens interviennent ; même si Téleutias, demi-frère d’Agésilas, trouve la mort, finalement les Lacédémoniens imposent en 379 aux Olynthiens de renoncer à contrôler la Ligue chalcidienne (qui avait été constituée vers 432 avec pour capitale Olynthe) et de devenir leurs alliés35. En 382, à l’occasion de l’envoi de renforts vers la Chalcidique, un corps expéditionnaire lacédémonien, en transit par Thèbes et commandé par Phoibidas, s’est emparé de la Cadmée, la citadelle des Thébains36. Ceux-ci étaient détestés d’Agésilas (pour avoir, notamment, provoqué son rappel d’Asie Mineure où il était en train de s’illustrer contre les Barbares en 394) et on soupçonne – sans preuve – que Phoibidas pourrait avoir été inspiré par lui. À ce moment, l’archè de Sparte, son autorité sur les Grecs, semble assurée au mieux : c’est ainsi que la caractérise Xénophon, en disant que tout permettait de la croire « absolument établie, et de belle et solide façon37 ». Néanmoins, les Thébains se libèrent des trois harmostes qui contrôlent la Cadmée dans l’hiver 379/37838 et restaurent progres‑ sivement la Confédération béotienne de 379 à 375 ; une Assemblée fédérale où peuvent théoriquement siéger tous les Béotiens – mais en fait surtout des Thébains – va pouvoir se réunir à Thèbes et élire les sept béotarques commandant l’armée, dont quatre sont thébains39. Dans l’immédiat, en 378, pour provoquer une rupture entre Athènes et Sparte, les Thébains incitent, par la corruption, Sphodrias, l’harmoste lacédémonien de Thespies – une cité boé‑ tienne –, à lancer un coup de main terrestre sur Le Pirée. Faute d’une progression assez rapide, Sphodrias doit se contenter de piller la plaine Thriasienne, près d’Éleusis. Pour des raisons de politique interne, notamment, Agésilas travaille avec succès à son acquittement, et Athènes rompt donc effectivement avec Sparte40. Alors, vraisemblablement, Sparte procède à une réorganisation de la Ligue du Péloponnèse, en 378‑377 : à cette date, non seulement la proportion des hoplites a dû diminuer du fait du développement de nouvelles pratiques – et du rôle accru des peltastes, fantassins 341
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Sparte légers, comme des mercenaires –, mais encore, depuis 382, les alliés ont obtenu la faculté de verser une somme d’argent au lieu d’envoyer des soldats, dans le cadre de dix circonscriptions ; selon Diodore de Sicile41, les Lacédémoniens améliorèrent, en particulier, l’organisation de l’armée et la répartition des contingents et des charges [des liturgies]. En vue de la guerre, ils divi‑ sèrent en dix sections les cités et les soldats dont la liste était constituée [en catalogues]. La première section comprenait les Lacédémoniens, la deuxième et la troisième les Arcadiens, la quatrième les Éléens, la cinquième les Achéens ; la sixième était constituée par les Corinthiens et les Mégariens, la septième par les Sicyoniens, les Phliasiens et les habitants de ce que l’on appelle l’Actè [à l’est d’Argos, mais sans Argos], la huitième par les Acarnaniens, la neuvième par les Phocidiens et les Locriens, la dernière par les Olynthiens et les alliés de Thrace42.
Olynthe
Acarnaniens
Achéens
Olynthiens et alliés de Thrace
Phocidiens et Locriens Corinthiens et Mégariens
Éléens Arcadiens (répartis en deux sections)
Sicyoniens, Phliasiens et habitants de l’Actè
Lacédémoniens
0
100
200 km
La réorganisation de la Ligue du Péloponnèse en 377 selon Diodore de Sicile
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) Il semble que le terme employé pour désigner les subdivisions de l’alliance ait été merè (singulier meros, mot neutre), soit le même que celui en usage dans la Confédération béotienne jusqu’à sa dissolution en 386 sous la pression de Sparte. D’après les effectifs que Xénophon indique pour la première section, P. Cartledge propose de considérer que les effectifs totaux théoriquement mobi‑ lisables par l’alliance aient pu s’élever à 25 000 hommes43. Il est probable qu’un tel système visait à apaiser les récriminations en répartissant clairement les obligations militaires, mais cela n’empê‑ cha pas les Chalcidiens de Thrace – ou du moins certains d’entre eux – d’intégrer, à partir de 375/374, la large alliance athénienne mise en place en 37744. Pendant que Sparte se trouvait confrontée à la puissance thébaine montante, Athènes reconstitua en effet une ligue analogue à celle de Délos durant l’hiver 378/377, avec Mytilène, Chios et Byzance ; ce fut ce qu’on appelle parfois la seconde Confédération athénienne, au conseil de laquelle les Thébains furent intégrés45. La mise en place de cette nouvelle puissance modifie les équilibres, et quand Sparte renonce à agir par voie de terre en Béotie et choisit de constituer une flotte de 60 trières pour bloquer les Athéniens, alliés des Thébains, cette flotte, commandée par Pollis, est vaincue par celle de Chabrias à Naxos, en 37646. Comme le note Diodore de Sicile, « c’était la première bataille navale remportée par les Athéniens depuis la guerre du Péloponnèse, puisqu’à Cnide [en 394] ils n’avaient pas combattu en utilisant leur propre flotte mais l’avaient emporté en utilisant celle fournie par le Roi47 ». Les effets de la guerre du Péloponnèse tendent donc à disparaître, une génération après son terme. Dans le même sens, en 375, Polydamas de Pharsale demande aux Lacédémoniens d’intervenir en force en Thessalie pour éviter que Jason de Phères ne regroupe toute la région sous son autorité48. Il précise qu’il lui faut le soutien non pas de néodamodes, mais de vrais professionnels de la guerre, comme les Spartiates. Alors, dit Xénophon, les Lacédémoniens consacrèrent deux jours à faire le compte de leurs forces terrestres mais aussi « des trières à la disposition de Lacédémone comparées à celles d’Athènes » et ils durent répondre qu’ils ne pouvaient agir49. Cette renonciation de Sparte est éclairante sur la situation du moment, et elle a été d’un effet déplorable en permettant à Jason de Phères de prendre le contrôle de la Thessalie avant de s’allier aux Thébains, enne‑ mis des Spartiates. Sans doute, ceux-ci croient pouvoir renoncer 343
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Sparte à une brève paix conclue avec Athènes en 374 et asseoir leur autorité en mer Ionienne, mais quand leur navarque Mnasippos est tué à Corcyre en 373/372, l’île est promptement évacuée par les forces péloponnésiennes50. La lassitude des Lacédémoniens, comme celle des Athéniens, qui voient les Thébains expulser leurs amis traditionnels les Platéens et maltraiter les Thespiens, aboutit à la recherche et à la conclusion d’une paix en 37151. Un orateur athénien, Callistratos, note alors que « dans chaque cité, les uns laconisent et les autres atticisent » – les uns sont partisans de Sparte et les autres d’Athènes52. Ces propos marquent le terme de l’évolution que le monde grec a connue depuis la fin du vie siècle. Car une rupture brusque est sur le point de se produire. Après que leur cité a sans ménagement réaffirmé son autorité sur la Béotie, les représentants de Thèbes envoyés à Sparte – au premier rang desquels Épaminondas53 – refusent, à la réflexion et à la différence de 386, de jurer une paix simplement au nom de leur propre cité54. Thèbes, aurait dit Épaminondas à Agésilas, ne concéderait l’autonomie aux cités béotiennes que si Sparte en faisait autant avec les cités périèques de Laconie55. Contester ainsi la situation pluriséculaire de Sparte à l’égard de ses voisins relevait clairement de la provocation. Pour se risquer à une telle attitude, Épaminondas avait sans doute réussi à convaincre les autres ambassadeurs thébains que Sparte était affaiblie, et que les risques encourus valaient la peine d’être pris. Sparte, suivant l’avis d’Agésilas, décide alors de recourir à la guerre pour abaisser Thèbes. Quelque temps plus tard, à Leuctres, à environ 16 kilomètres au sud-ouest de Thèbes, l’armée de Cléombrote, roi de Sparte, forte de 10 000 à 11 000 hommes, se trouve face à celle des Béotiens – et principalement des Thébains –, menés notamment par Épaminondas, qui devait compter 6 000 ou 7 000 soldats56. C’est vraisemblablement Épaminondas qui tente de remporter la décision en donnant à la bataille l’allure d’un combat des 4 000 Thébains contre les 700 Spartiates, et en adoptant une formation renforcée en profondeur et disposée en pointe, la « phalange oblique », destinée à accroître l’effet de rupture. Le résultat de cette bataille atypique est sans appel : le roi Cléombrote est tué ainsi que 400 Spartiates57. Disposant d’un large recul, Pausanias voit dans cet événement, au e ii siècle de notre ère, « la plus splendide victoire jamais remportée par des Grecs sur des Grecs, à notre connaissance58 ». 344
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330)
Première phase Infanterie béotienne
Contigent des hoplites thébains disposés sur une grande profondeur
Seconde phase
Cavalerie béotienne
Cavalerie lacédémonienne Péloponnésiens
Spartiates commandés par le roi Cléombrote
Spartiates et autres Péloponnésiens Thébains et autres Béotiens
La bataille de Leuctres (371)
Dans l’immédiat, les Athéniens accueillent la nouvelle de cette modification des équilibres avec mauvaise humeur, les Spartiates envoient Archidamos, fils d’Agésilas, à la tête d’une armée de secours, et Jason de Phères intervient non pas pour aider les Thébains à poursuivre leur action militaire, comme ceux-ci l’espé‑ raient, mais pour tempérer leurs ardeurs. Les restes de l’armée de Sparte peuvent donc être rapatriés59. À partir de Leuctres, les Thébains se trouvent en Grèce dans une position de prééminence – vouée à disparaître lors de la mort de leur chef Épaminondas à Mantinée, dans le Péloponnèse, en 362. Leur action va aboutir, d’abord, et de façon inédite, à affaiblir les bases mêmes de la puissance lacédémonienne.
L’abaissement irrémédiable de Sparte (371‑331/330) Après sa défaite à Leuctres, Sparte voit son propre territoire subir des invasions qui lui font perdre le contrôle de la Messénie 345
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Sparte et sa puissance politique (la fin de la Ligue du Péloponnèse peut être placée en 365). Une invasion telle que celle de 370/369 en Laconie a été ren‑ due possible par le fait que le système traditionnel d’alliances de Sparte dans le Péloponnèse est devenu largement inopérant, et que le contrôle de la frontière n’est plus assuré. Significative à cet égard est la reconstitution de Mantinée, qui connaît en 370 un synœcisme voulu par les Mantinéens, quinze ans après la dissociation en bourgades, le diœcisme, qu’avait décidé Sparte60. Aussitôt après, Agésilas mène des opérations en Arcadie pour tâcher d’y réaffirmer l’autorité de Sparte, puis il évacue le pays. Les Thébains arrivent au secours des Arcadiens après son départ et se laissent convaincre par ceux-ci, les Argiens et les Éléens de profiter de circonstances favorables et d’attaquer Sparte61. On constate que, durant les opérations qui ont lieu alors dans l’hiver 370/369, des périèques de la Skiritide et de la région de Karyai ont dû passer à Épaminondas, comme peut-être des périèques de Belminatide, dans la vallée supérieure de l’Eurotas. Mais les autres périèques sont demeurés fidèles à Sparte et ont par exemple empêché la chute de Gytheion, le principal port de Laconie. La ville de Sparte elle-même, qui n’avait toujours pas de muraille, mais dont l’accès était partiellement protégé par le niveau hivernal et élevé des eaux de l’Eurotas, a échappé à l’invasion. Des opérations ont eu lieu autour de Sparte et, « en ville, les femmes ne supportaient même pas le spectacle de la fumée, parce qu’elles n’avaient jamais vu d’armée ennemie », dit Xénophon62. Les Spartiates étant contraints à la défensive, Épaminondas a pu remonter la vallée de l’Eurotas et, par le sud-ouest de l’Arca‑ die, passer en Messénie. La population messénienne, on le sait, conservait une certaine conscience identitaire, illustrée par le sou‑ lèvement de 464‑45563, malgré sa soumission aux Spartiates depuis les environs de 700. Épaminondas fonde alors la nouvelle cité de Messène (sans doute nommée Ithômè) en la peuplant d’hommes qui venaient de s’affranchir du joug spartiate – et, pour l’aider à s’établir, il y laisse une garnison importante64. La nouvelle entité politique fut renforcée par l’immigration de descendants de Messé‑ niens exilés, qui vinrent notamment de Messine – qui leur devait son nom – en Sicile65. 346
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) La perte de la Messénie par Sparte concerne un territoire dont les limites ne sont pas très clairement déterminées, et ont sans doute été modifiées postérieurement par Philippe II de Macédoine – au détriment de Sparte. À terme, les Spartiates ont perdu le contrôle d’environ la moitié du territoire de Lacédémone : c’étaient là des terres66, des esclaves et des hommes libres – des périèques, même si le statut des diverses localités messéniennes est loin d’être précisément établi – dont les Spartiates ne devaient pas retrouver le contrôle. Sur le moment, ils ne pouvaient admettre une telle perspective, mais Sparte n’avait plus les moyens d’entretenir la politique qui avait été la sienne. Dans les mois qui suivent, en 369, les Lacédémoniens par‑ viennent à conclure une alliance défensive avec les Athéniens67. Épaminondas mène alors une deuxième offensive dans le Pélo‑ ponnèse, qui provoque diverses opérations autour de Corinthe, durant lesquelles s’illustrent 2 000 mercenaires celtes et ibères dépêchés à l’aide de Sparte par Denys Ier de Syracuse. Surtout, cette offensive permet aux Arcadiens d’entreprendre – peut-être sur les conseils des Thébains – la construction de Mégalèpolis – communément appelée Mégalopolis –, la « Grande Cité » des‑ tinée à borner encore la puissance de Sparte. Elle est constituée dans une plaine du sud de l’Arcadie et peuplée des habitants de la région, provenant d’une vingtaine de communautés selon Diodore de Sicile68, voire d’une quarantaine, dont certaines de la Kynourie, de l’Aigytide, de la Skiritide dont Sparte a perdu le contrôle. Il s’agit de renforcer la conscience politique commune des Arcadiens, en les dotant d’une ville importante, et d’entraver l’action militaire des Spartiates au nord de la vallée supérieure de l’Eurotas69. Dans l’été 368, les cavaliers et les Celtes envoyés par Denys l’Ancien de Syracuse jouent un rôle déterminant dans un succès remporté à Eutrésis – sans doute au nord-est de Mégalopolis –, qui constitue la première victoire significative de Sparte depuis la bataille des Longs Murs à Corinthe en 392 et qui n’est accompa‑ gnée de la mort d’aucun Lacédémonien – d’où les pleurs de joie des responsables de Sparte à cette nouvelle et l’appellation de la bataille, dite « sans larmes70 ». Malgré cette réussite, Archidamos ne parvient pas à empêcher l’achèvement de la construction de Mégalopolis. 347
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Sparte Sans doute, en dépit du soutien du Roi perse, Thèbes ne par‑ vient pas, en 367/366, à imposer une paix qui lui soit favorable et qui soit reconnue par l’ensemble des cités71. Néanmoins, en 365, les Lacédémoniens, incapables d’apporter un secours militaire suffisant aux Corinthiens, leur conseillent de conclure une paix avec les Thébains, eux-mêmes s’y refusant parce qu’ils n’admettent pas la perte de Messène72. On voit là, généralement, la fin de la Ligue du Péloponnèse constituée vers 525 et qui avait permis le déploiement de la puissance de Sparte. Un tel événement, qui constitue un tournant majeur découlant de la bataille de Leuctres, contribue à expliquer le jugement d’Aristote estimant que la puissance militaire de Sparte s’est effondrée par manque d’hommes : « La cité n’a pas pu supporter une seule défaite et elle a été perdue à cause de son manque d’hommes (à cause de son oliganthropie)73. » Après une suite d’événements complexes qui occupèrent les années suivantes, il apparut aux Arcadiens, comme aux Éléens et aux Achéens, dit Xénophon, « que les Thébains voulaient visible‑ ment que le Péloponnèse fût aussi faible que possible, pour pouvoir l’asservir plus facilement74 ». Ils demandèrent donc aux Athéniens et aux Lacédémoniens des secours, qui leur permirent de résister à une nouvelle intervention : en 362, en effet, une offensive des Béotiens menée par Épaminondas dans le Péloponnèse fut renfor‑ cée des Thessaliens et, dans la péninsule même, trouva l’appui des Argiens, des Messéniens et de certains Arcadiens. L’objectif que lui prête Xénophon est d’avoir voulu « laisser à sa patrie l’empire du Péloponnèse75 ». Pour éviter d’être interceptés, les Athéniens s’acheminèrent par voie de mer jusqu’en territoire lacédémonien. Alors que les forces ennemies de Thèbes étaient concentrées aux alentours de Mantinée, Épaminondas lança une attaque brusquée sur Sparte. Il parvint dans la périphérie même de la ville, mais une défense efficace, menée par Archidamos et moins d’une centaine d’hommes, jointe à la crainte d’un retour offensif de l’armée de Sparte, conduite par Agésilas et soutenue par les Arcadiens, amena Épaminondas à se replier rapidement vers Tégée76. Cette manœuvre avait donné aux Argiens et aux Messéniens le temps de venir renforcer les troupes menées par le Thébain.
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330)
Larissa
THESSALIE
Héraclée Trachinienne
EUBÉE Thèbes
ACHAÏE Élis
Sicyone
BÉOTIE
Corinthe
Athènes
Mantinée Phlionte ÉLIDE 362 Argos ARCADIE Tégée Mégalopolis
MESSÉNIE
Sparte
LACONIE Gytheion 0
100
Lacédémoniens Alliés des Lacédémoniens Béotiens Alliés des Béotiens
200 km
Les deux camps opposés lors de la deuxième bataille de Mantinée (362)
Alors, près de Mantinée – en une plaine qui avait vu la vic‑ toire remportée par Sparte en 418 –, le destin de la cité parut de nouveau se jouer. La bataille fut la plus importante qui ait opposé des cités grecques entre elles, par l’importance des effec‑ tifs engagés, au nombre de 55 000 hommes selon Diodore de Sicile77. Mantinéens, Éléens, Lacédémoniens, Athéniens et leurs alliés auraient compté plus de 20 000 fantassins et 2 000 cavaliers environ, quand les Tégéates et d’autres Arcadiens, les Béotiens, les Argiens et leurs alliés auraient rassemblé plus de 30 000 fantassins et au moins 3 000 cavaliers. En fait, à lire Xénophon, l’engage‑ ment de Sparte peut paraître limité à trois loches sur douze, ceux qu’Agésilas n’avait pas ramenés à Sparte pour la défendre contre Épaminondas78. D’après Diodore de Sicile, le dispositif des alliés de Sparte comprenait, de la droite à la gauche, les Mantinéens (qui combattaient chez eux), d’autres Arcadiens, les Lacédémoniens, 349
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Sparte les Éléens, les Achéens, des éléments plus faibles et, à l’extrémité gauche, les Athéniens. Aux deux ailes, la cavalerie des Thébains et des Thessaliens l’emporta sur ses adversaires. Les Athéniens battirent les Eubéens et des mercenaires cependant que, d’après les indications de Xénophon et de Diodore, Épaminondas disposa, à son aile gauche, son armée avec les éléments de choc en avant, « comme la proue d’une trière79 », pour enfoncer – comme à Leuctres – la partie la plus redoutable de l’armée adverse, consti‑ tuée par les Lacédémoniens. Pour emporter la décision, il prit la tête de ses meilleurs hommes ; les Lacédémoniens commencèrent à céder – et il se fit tuer, par le Laconien Anticratès80. Privés de leur chef, les Thébains et leurs alliés ne purent exploiter leur succès, qui n’était d’ailleurs pas complet. Selon le bilan dressé par Xénophon81 : Ces événements eurent un résultat contraire à celui que tout le monde avait attendu. Toute la Grèce presque s’était trouvée rassem‑ blée et affrontée ; il n’y avait donc personne qui ne pensât que, s’il y avait une bataille, les vainqueurs seraient les maîtres, et les vaincus deviendraient les sujets ; néanmoins la divinité fit si bien les choses que chacun des deux partis éleva un trophée, comme s’il avait remporté la victoire, sans qu’aucun des deux empêchât ceux qui le dressaient ; que chacun rendit les morts par convention, comme s’il avait rem‑ porté la victoire, que chacun les reçut par convention, comme s’il avait subi une défaite ; que, malgré la victoire que chacun prétendait avoir remportée, chacun ne fut visiblement plus riche ni en cités, ni en territoires, ni en autorité, qu’avant la bataille ; et l’incertitude et la confusion furent plus grandes après qu’avant dans toute la Grèce. Pour moi, mon œuvre s’arrêtera ici ; la suite, un autre se chargera peut-être de la traiter.
Par ces mots, Xénophon évoque les usages communs de la guerre en Grèce : nous l’avons dit, pouvoir dresser le monument périssable qu’est un trophée constitué par un rassemblement d’armes prises aux ennemis est le signe de la victoire, devoir demander les corps de ses propres morts à l’adversaire est un signe de défaite. Or chaque camp put ériger un trophée et dut demander ses morts. Diodore précise que les Lacédémoniens durent réclamer les corps des leurs aux Thébains mais que leurs alliés athéniens purent res‑ tituer ceux des Eubéens et des mercenaires82. Dans de tels évé‑ nements, Xénophon veut voir le signe d’un désordre patent, lié à 350
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) l’incapacité pour chacune des cités parties au conflit – y compris Thèbes, qui a perdu son principal chef militaire – d’imposer une solution qui, certes, serait peu satisfaisante parce qu’elle serait imposée, mais qui du moins introduirait un semblant d’ordre dans les relations entre cités. La faiblesse de Thèbes, dont le destin était étroitement lié à la volonté d’un homme, parut très vite, puisque sa grandeur s’évanouit aussitôt que mourut Épaminondas, relève Diodore de Sicile83. À l’issue de la bataille est conclue la première paix commune établie sans l’intervention de la Perse. C’est d’ailleurs la première paix conclue simplement entre Grecs que l’on sache avoir reçu l’appellation de « paix commune », de koinè eirenè. Cette paix de 362 est fondée sur le respect de l’autonomie des cités, concrète‑ ment sur le respect par les grandes cités de l’indépendance des petites, pour reprendre l’opposition fréquemment établie par les Grecs. Mais Sparte reste à l’écart de la paix pour ne pas avoir à reconnaître l’indépendance de la Messénie84. Car l’état d’esprit qui y prévaut alors est celui que rendent les propos prêtés en 366 à Archidamos, fils et héritier présomptif du roi de Sparte Agésilas II, par le rhéteur athénien Isocrate85 : « Pour moi, s’il me faut dire mon sentiment, je choisirais de mourir sur-le-champ, à condition de ne pas obéir à des ordres, plutôt que de multiplier la durée prescrite de ma vie après avoir accepté par mon vote les ordres que nous donnent les Thébains. Je rougirais si, descendant d’Héraclès, fils du roi actuel, appelé vraisemblablement à bénéficier du même honneur, je voyais avec indifférence, pour autant qu’il est en moi, la terre que nos ancêtres nous ont laissée, tomber en la possession de nos propres serviteurs. Je pense que vous partagez mon sentiment, dans la conviction que, semble-t‑il, c’est la chance qui nous a manqué dans la guerre contre les Thébains [en 371, à Leuctres] et que, si matériellement nous avons été écrasés par le fait de ne pas avoir été correctement conduits, nous avons encore le cœur intact. Mais vous savez aussi que si, par crainte des dangers qui vont fondre sur nous, nous abandonnons une parcelle de notre bien, nous renforcerons l’insolence thébaine et dresserons contre nous-mêmes un trophée autrement majestueux et éclatant que celui de Leuctres ; celui-là est l’image de notre malheur, l’autre serait celui de nos sentiments. Que personne ne vous persuade d’infliger une telle honte à la patrie ! »
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Sparte Ce refus obstiné des Spartiates de conclure une paix qui les amène à reconnaître la perte de Messène est indiqué par Xéno‑ phon, qui a vécu la période, et qui le mentionne notamment à propos d’événements de 36586. La même attitude perdure après la bataille finalement indécise de Mantinée en 362, d’autant, sans doute, qu’avoir alors réussi à résister à Thèbes et avoir vu la mort d’Épaminondas – « l’homme des grandes entreprises » au jugement d’Agésilas87 – pouvait sans doute alimenter quelques espoirs à Sparte. Pour permettre la reconquête de la Messénie, il fallait des moyens militaires et, pour trouver le financement nécessaire à une telle action, pour payer des mercenaires, Agésilas II se rendit lui-même en Égypte, pour combattre le Grand Roi. Il mourut au retour, en 360, à quatre-vingt-quatre ans environ, à Port-Ménélas, en Mar‑ marique, à l’est de Cyrène88. Son fils Archidamos lui succéda et, sous le nom d’Archidamos III, il devait laisser plus de traces dans l’histoire que son collègue à la royauté, l’Agiade Cléomène II, roi de 370 à 309, sur lequel les sources sont presque muettes. Car Sparte, même affaiblie, se refuse à jouer les seconds rôles.
Sparte, ennemie de Philippe de Macédoine En 356, Isocrate voit en Archidamos un chef grec apte à jouer un rôle éminent contre la Perse89. Cela peut s’expliquer par l’activité de Sparte en Grèce centrale, durant ce que l’on appelle la troisième guerre sacrée (356/355‑346)90. De façon à nuire à Sparte, qu’elle venait de vaincre à Leuctres, Thèbes avait profité de son influence sur l’amphictionie pyléo-delphique (qui adminis‑ trait le sanctuaire de Delphes) et avait fait prononcer une mise à l’amende de Sparte, pour la somme considérable de 500 talents. L’amende n’ayant pas été payée, Thèbes en fit doubler le montant en 35691, tout en faisant condamner les Phocidiens, voisins du sanctuaire, pour une impiété prétendue, un empiètement sur le territoire sacré d’Apollon. Une telle manœuvre aboutit à rapprocher les Phocidiens des Spartiates : ceux-ci étaient désireux d’occuper les Thébains en 352
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) Grèce centrale plutôt que dans le Péloponnèse, et ils appor‑ tèrent une aide de 15 talents au chef phocidien Philomèlos. Cela permit un recrutement de mercenaires et l’occupation de Delphes par les Phocidiens. Philomèlos fut vaincu et tué en 354, mais son successeur Onomarchos osa, lui, utiliser les trésors du sanctuaire pythique pour payer ses troupes, de telle sorte qu’en 353 il vainquit deux fois Philippe II de Macédoine, qui combattait pour les intérêts des Thessaliens, membres de l’Amphictionie. Profitant des événements de Grèce centrale, Archidamos III et son fils Agis attaquèrent Mégalopolis avec 3 000 mercenaires fournis par les Phocidiens, et menèrent une campagne contre Argos92. En outre, d’après une harangue de Démosthène Pour les Mégalopolitains prononcée en 353/352, il apparaît que dans le même temps les Lacédémoniens agissaient avec habileté et soutenaient les revendications territoriales des Éléens (sur la Triphylie), des Phliasiens, de certains Arcadiens et des Athé‑ niens (sur Oropos) de façon que « le jour où ils attaqueront eux-mêmes Messène, [tous ces gens] fassent campagne avec eux et leur prêtent secours93 ». Cependant, en 352, Philippe fut vainqueur des Phocidiens à la bataille du Champ de Crocus en Thessalie. En réaction, les Pho‑ cidiens occupèrent les Thermopyles, pour bloquer son avance vers le sud ; ils étaient épaulés par 5 000 fantassins et 400 cavaliers athéniens, 2 000 Achéens et 1 000 Lacédémoniens – dont, peut-on penser, bon nombre de périèques94. Finalement, Phalaicos, maître de la Phocide, en vint à épuiser les trésors de Delphes. Alors même que le roi de Sparte Archidamos était venu le soutenir avec 1 000 hoplites95, il préféra négocier avec Philippe en 346, puis il se retira dans le Péloponnèse avec 1 000 mercenaires. Tant qu’Athènes pouvait compter sur ses alliés dits sacrilèges, elle ne craignait pas que Philippe l’atteignît par voie de terre, mais la disparition de cet obstacle l’incita à s’entendre avec Philippe. Après d’âpres discussions, les Athéniens se résolurent à conclure une paix – dite de Philocrate – et une alliance avec lui en 346 ; ils abandonnèrent leur allié le Thrace Kersobleptès et les Phocidiens. Avec l’aval de l’Amphictionie, le Macédonien écrasa alors les Phocidiens et s’arrogea leurs deux votes au conseil amphictionique. Une très lourde amende fut imposée aux Phoci‑ diens et Philippe fut désigné pour présider aux concours Pythiques 353
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Sparte de 346. L’ensemble de ces événements était défavorable à Sparte, compromise avec les Phocidiens96. De façon à acquérir des soutiens dans le Péloponnèse, en 344 Philippe fournit des mercenaires à Messène et à Argos pour les aider dans leurs opérations contre Sparte, de telle sorte qu’en 343 ces deux cités, comme Mégalopolis, s’allièrent à lui ; en outre, Sparte perdit ses bonnes relations avec Élis. Une sorte de cordon sanitaire se trouvait ainsi constitué au nord et à l’ouest de Sparte, destiné à entraver son action, et les cités qui se trouvaient redevables à l’égard de Philippe n’allaient pas s’opposer à lui. Quand le danger représenté par Philippe II pour la liberté des cités grecques devint de plus en plus manifeste, plutôt que de répondre aux sollicitations d’Athènes (stimulée par Démosthène) visant à constituer une alliance contre la Macédoine, Archida‑ mos III préféra agir en Crète, à Lyctos – dont Sparte était cen‑ sément la métropole –, et en Italie du Sud, à Tarente – que des hommes venus de Sparte avaient fondée à la fin du viiie siècle97. Il devait s’agir de renforcer le prestige militaire de Sparte comme d’améliorer l’état de ses finances. La tradition voudrait que, le jour même et à l’heure même où les Athéniens et les Thébains coalisés furent défaits à Chéronée, en Béotie, en 338, par l’armée de Philippe II, Archidamos ait trouvé la mort en combattant près de Tarente contre des Lucaniens ou/et des Messapiens, à Mandonion (qui pourrait être Manduria, au sud-est de Tarente)98. Son corps n’aurait pas eu droit à une sépulture en raison de la colère d’Apollon, mécontent du pillage de Delphes, dont il aurait été responsable99. Victorieux des Athéniens et des Thébains, Philippe entreprit non d’anéantir Sparte, mais de l’affaiblir en modifiant ses fron‑ tières100. Agis III avait succédé à son père Archidamos et il dut subir une invasion du territoire telle que, au début de 337, et sans qu’une bataille rangée ait eu lieu, le territoire lacédémonien était probablement amputé de ses territoires septentrionaux (Aigytide, Belminatide, Skiritide, Karyatide, Thyréatide), comme de la Den‑ théliatide du côté de la Messénie, de la bande côtière située à l’est du mont Parnon, jusqu’à Prasiai au sud, et de localités périèques situées au nord-est du golfe de Messénie. Ces changements terri‑ toriaux attachaient à la fortune de Philippe les voisins de Sparte qui en bénéficiaient. 354
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Portrait présumé du roi Archidamos III. D’après Pausanias, deux statues du roi Archidamos III ont été érigées à Olympie. Fils et successeur d’Agésilas II, il est mort en 338 en Italie, en combattant les Messapiens ou les Lucaniens – pour la défense de Tarente, ancienne fondation lacédémonienne. Son corps n’a pas pu être recouvré par les Spartiates et Pausanias présente clairement l’existence de l’une des deux statues d’Olympie comme une compensation à l’impossibilité d’établir une sépulture. Une autre statue d’Archidamos aurait existé à Delphes.
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Sparte À l’été 337, la plupart des collectivités politiques de Grèce balkanique, après s’être entendues sur une paix commune, dési‑ gnèrent Philippe II, roi des Macédoniens, comme leur chef militaire commun, leur hegemôn, en vue d’une campagne militaire à entre‑ prendre contre l’Empire perse, coupable de destructions sacrilèges de sanctuaires en 480, et qui depuis l’assassinat d’Artaxerxès III Ochos à l’été 338 se trouvait dans une situation de désordre. À cette Ligue de Corinthe constituée par Philippe, Sparte ne participa pas101. Cette absence permettait au Macédonien de se présenter aisément à ses alliés comme un protecteur des ennemis de la cité. Un débarquement mené au printemps 336 permit aux Macédo‑ niens de prendre le contrôle de la côte occidentale d’Asie Mineure, mais l’assassinat de Philippe II à l’été 336 retarda les opérations de deux ans ; elles furent reprises par son fils Alexandre – qui plus tard deviendra Alexandre le Grand102. De façon générale, l’enthousiasme des Grecs pour l’offensive contre les Perses avait sans doute été assez limité : Philippe avait jugé bon d’entretenir des garnisons à Corinthe, Thèbes et Chalcis (en Eubée). En outre, c’était en s’appuyant sur les possédants des diverses collectivités qu’il pouvait exercer son emprise, et toute entreprise révolutionnaire – partage de terres, abolition de dettes, libération d’esclaves – était prohibée par les accords de 338‑337. Malgré l’orientation conservatrice de cette politique – qui ne pou‑ vait sans doute foncièrement déplaire à un bon nombre de ses dirigeants –, et malgré la nature du projet visant à s’en prendre aux Perses – qui s’inscrivait dans le prolongement d’une certaine tradition spartiate parfois oblitérée pour des raisons circonstan‑ cielles –, Sparte, profondément humiliée, avait choisi de ne pas participer à la Ligue. Il est notable que les seules mentions connues concernant des actes de Cléomène II, roi de Sparte pendant soixante ans (370‑309), et alors collègue d’Agis III à la royauté, se situent à ce moment : son attelage remporta la victoire aux concours Pythiques et, à l’automne 336, il contribua à financer la reconstruction du temple d’Apollon à Delphes, détruit par un séisme puis un incendie ou par une coulée de boue. Une telle présence au sanctuaire de Delphes pouvait peut-être viser à y apprécier les chances des Grecs de secouer le joug macédonien103. Car une certaine hostilité à l’autorité de la Macédoine était assez répandue, comme on le vit en 335 : 356
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) à l’annonce, fausse, de la mort d’Alexandre dans un combat en Illyrie, les Thébains crurent pouvoir se soulever pour recouvrer leur liberté104. Comme les autres Grecs en général, les Spartiates s’abstinrent, et ils purent donc voir l’écrasement de leurs anciens ennemis. Thèbes fut rasée105 et sa population asservie. Une telle nouvelle ne pouvait remplir les Spartiates de tristesse, puisque leur abaissement était imputable aux Thébains ; elle manifestait aussi la puissance redoutable d’Alexandre. Malgré cette démonstration, Sparte persista dans son attitude et ses forces furent donc absentes des opérations menées par Alexandre contre les Perses. Pour marquer sa faveur à qui l’appuyait et abaisser ces Spartiates qui n’avaient pas contribué à l’effort de guerre contre les Perses, après sa victoire remportée en 334 au Granique, au nord-ouest de l’Asie Mineure, Alexandre fit envoyer à Athènes trois cents panoplies perses à placer sur l’Acro‑ pole en offrande à Athéna. Il les fit accompagner de l’inscription suivante : « Alexandre, fils de Philippe, et les Grecs moins les Lacé‑ démoniens, sur les Barbares qui habitent l’Asie106. »
Une telle humiliation n’allait pas exactement inciter les Spar‑ tiates à contribuer collectivement à la conquête de l’Empire perse par Alexandre.
La guerre d’Agis Abaissée, affaiblie, mais pas totalement écrasée, Sparte disposait encore, outre de la plaine de l’Eurotas – dont les riches possibilités agricoles demeuraient –, d’un territoire qui englobait la péninsule du cap Ténare – donc le port de Gytheion – et la péninsule du cap Malée – où se trouvaient des gisements de fer exploitables. Et la volonté politique de ses dirigeants, guidée par le souci de reprendre le contrôle de la Messénie, perdurait. Or, durant les opérations menées par Alexandre en Asie, une contre-offensive perse, conduite par Memnon de Rhodes en mer Égée, put inciter Agis III, fils d’Archidamos et petit-fils d’Agésilas, 357
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Sparte à préparer un soulèvement antimacédonien en Grèce, en 334/333. Les victoires remportées par Alexandre et la pleine reprise du contrôle de l’Égée par lui en 332/331 ne dissuadèrent pas Agis de continuer ses préparatifs : les forces macédoniennes en Grèce étaient ponctionnées par les renforts envoyés à Alexandre, et Agis pouvait compter embaucher des milliers de mercenaires grecs qui avaient servi le Perse Darius III Codoman à Issos et avaient pu s’échapper (voire même avaient été envoyés par Darius pour servir sur les arrières d’Alexandre et contre lui, selon les interprétations). Les entreprises d’Agis, qui avait pu prendre le contrôle de la Crète, île fournissant de nombreux mercenaires, furent d’un effet limité parce que, finalement, la flotte perse, dont les équipages étaient largement phéniciens, fit défection et passa à Alexandre. Les manœuvres de Darius visant à couper celui-ci de ses bases ou à susciter rapidement un soulèvement en Grèce avaient donc échoué, mais, profitant de l’éloignement d’Alexandre, le roi de Sparte Agis prit, en 331, la tête d’un mouvement lancé en Grèce contre les Macédoniens107. D’après les indications fournies par Diodore de Sicile, il se serait agi de profiter de l’éloignement d’Alexandre en même temps que d’un soutien financier des Perses tant que leur empire subsistait encore108. Une révolte étant survenue en Thrace, Antipatros, resté dans la péninsule balkanique pour veiller aux intérêts macédoniens, dut la réprimer. Jugeant les circonstances favorables, les Lacédémoniens exhortèrent les Grecs à s’entendre pour défendre leur liberté109. Les Athéniens, honorés par Alexandre, ne répondirent pas à cet appel et, dans le Péloponnèse, les voisins proches de Sparte, Argiens, Mégalopolitains et Messéniens notamment, avaient de trop mauvais souvenirs de leurs relations avec elle, et trop d’intérêts territoriaux incompatibles avec les siens, pour se joindre au mouvement110. En revanche, les Éléens et les Achéens, plus éloignés de Sparte, par‑ ticipèrent aux opérations aux côtés des Lacédémoniens – comme d’ailleurs les Tégéates et les Mantinéens. Vingt mille fantassins et environ 2 000 cavaliers fournis par diverses cités étaient placés sous le commandement d’Agis111, ainsi que 10 000 mercenaires112. Antipatros, mettant fin à son engagement en Thrace, rassembla une armée de 40 000 hommes. Alors, Agis assiégeant Mégalopolis, une bataille se déroula près de la ville, fin 331 ou début 330113 : ce fut une défaite pour Sparte et ses alliés. À l’issue de la bataille, acharnée, Agis, blessé, ordonna à ses soldats de sauver leurs per‑ 358
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) sonnes pour le service de la patrie, et il succomba glorieusement en combattant114. L’ampleur des pertes (d’après Diodore, 5 300 chez « les Lacé‑ démoniens et leurs alliés », soit 24 % des effectifs [mercenaires exclus], et 3 500 du côté d’Antipatros, soit 8,75 %) est relative‑ ment élevée, puisque des statistiques portant sur l’époque classique indiquent que les vaincus ont en moyenne 14 % de pertes et les vainqueurs 5 %. Reste que le rapport des pertes entre vaincus et vainqueurs est bien généralement, comme ici, de 3 à 1115. L’importance des effectifs en jeu était telle que ce fut la plus importante bataille à avoir lieu sur le sol grec depuis Platées en 479. Pourtant, Alexandre aurait voulu voir dans l’épisode une « bataille de souris » (une myomachie), par opposition à celle d’Arbèles qu’il venait de remporter116, et qui à son sens marquait le changement d’échelle des événements. Pour décider des mesures à prendre contre Sparte, Antipatros convoqua un conseil de la Ligue hellénique, mais celle-ci préféra en référer à Alexandre lui-même, à qui les Lacédémoniens envoyèrent des ambassadeurs pour demander pardon de leurs erreurs, ce qui leur fut accordé. Alexandre avait intérêt à ce que la Grèce ne fût pas davantage troublée117. L’événement fut d’une portée considérable : un Moderne, Paul Cartledge, a pu juger que « si, après Leuctres, Sparte avait été réduite au statut d’une puissance grecque de deuxième rang, après Mégalopolis, elle devint simplement une communauté de troisième niveau et sans importance118 ». La défaite avait d’ailleurs introduit un ferment de division dans la cité puisque Acrotatos, fils de Cléo‑ mène II et son héritier présomptif, aurait vainement préconisé la dégradation des tresantes, les « trembleurs », qui étaient revenus vivants119. Mais de même que, après Leuctres, en 371, il avait été envisagé de dégrader les Spartiates ayant survécu à la défaite pour que, finalement, à l’instigation d’Agésilas, on ait préféré « laisser dormir les lois120 », de même, après Mégalopolis, la position adoptée par Acrotatos fut isolée, selon Diodore : celui-ci souligne la forte impopularité que son attitude valut à Acrotatos et, fait significatif, ceux qui auraient dû être confondus de honte se permirent de rosser le porte-voix des usages traditionnels121. Quant aux effets démographiques de l’événement, si les Spar‑ tiates peuvent avoir été peut-être et de façon fort conjecturale 1200 environ avant la bataille – comme avant Leuctres en 371 –, 359
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Sparte on ignore quelle a pu être l’ampleur des pertes qu’ils ont subies. On sait simplement qu’Antipatros exigea des otages : en 331/330 ou 330/329, l’éphore Étéoclès exprima clairement un refus de livrer 50 garçons à Antipatros, pour éviter qu’ils ne fussent privés d’éducation (apaideutoi) en étant frustrés de la discipline ances‑ trale, de la patrios agôgè, selon Plutarque122. D’après Diodore, ce furent néanmoins 50 Spartiates des plus distingués qui furent livrés comme otages123. Il est possible que la détention de ces hommes ait contribué à dissuader les Spartiates de participer à la guerre lamiaque, la révolte contre les Macédoniens qui secoua la Grèce en 323‑322, à l’annonce de la mort d’Alexandre à Babylone en juin 323. Une telle abstention, il est vrai, peut aussi s’expliquer par le fait que ladite guerre fut menée par Athènes – qui s’était abstenue lors de la guerre d’Agis – et vit la participation de deux cités farouchement hostiles à Sparte, Argos et Messène. Car, pour agir dans l’intérêt supérieur des Grecs, les Spartiates ne négligeaient pas non plus leurs intérêts propres. Ils furent donc spectateurs de l’abaissement d’Athènes qui suivit la guerre lamiaque et, conscients de la menace que représentait pour eux Cassandre, fils d’Antipatros, ils établirent, pour la première fois, peut-être en 317, un semblant de muraille faite d’un fossé et d’une palissade, autour des quatre noyaux d’habitat aggloméré qui, avec celui d’Amyclées, situé quelques kilomètres plus au sud, constituaient la ville de Sparte. Une telle mesure pouvait sonner comme l’aveu d’une insuffisance : celle des Spartiates à pouvoir se contenter de leurs hommes pour assurer leur défense124. Le destin de Sparte à l’époque classique a ainsi été très largement marqué par ses réussites et ses échecs militaires. Ceux-ci peuvent apparaître comme des signes de l’efficacité relative de son système économique et social, d’autant plus que les Spartiates sont réputés pour la part considérable de la guerre dans leurs préoccupations. Si Sparte a pu, en 404, remporter la guerre du Péloponnèse malgré une faiblesse démographique déjà prononcée, c’est parce qu’elle a pu compter non seulement sur ses forces propres, mais aussi sur celles de Lacédémone entière, c’est-à-dire sur les périèques, voire sur des Hilotes armés qui trouvaient intérêt à servir la cité en fonction du système de sélection et de promotion existant. 360
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Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) Pour assurer la conservation et l’entraînement de troupes compé‑ tentes et dévouées sans qu’elles risquent de représenter une menace pour la stabilité de la cité, les Spartiates savaient les envoyer sur des théâtres d’opérations extérieurs, ainsi en Asie Mineure de 400/399 à 394 ; les inconvénients inhérents à l’entretien de certains soldats efficaces constamment entraînés aux réalités de la guerre se trouvaient ainsi peser sur des territoires non lacédémoniens, et il restait possible de les rappeler quand le besoin s’en faisait sentir. À ce moment, qui est celui du sommet de l’hégémonie poli‑ tique de Sparte en Grèce – alors même qu’elle est déjà frappée d’oliganthropie –, la cité se montre capable de remporter la vic‑ toire de Némée en 394, avant l’arrivée des renforts conduits par Agésilas. Un tel succès montre que, à cette date encore, des forces – suspectes par leur origine sociale inférieure – telles que celles revenues d’Asie Mineure sous la conduite d’Agésilas ne sont pas d’une présence absolument nécessaire. Par leur entraînement individuel, leur maîtrise des manœuvres collectives et leur aptitude à l’encadrement, les Spartiates, même en nombre réduit, sont clairement reconnus, au début du ive siècle, comme des soldats redoutablement efficaces. De ce fait, ils ont pu servir de modèles… à des adversaires. Leur prévalence s’est en effet imposée jusqu’au moment où les Thébains sont parvenus à les vaincre, en étant inspirés par les usages d’entraînement phy‑ sique des Spartiates125, mais aussi par une réflexion stratégique novatrice – celle d’Épaminondas, qui se fixait comme objectif de priver l’ennemi de sa tête126 –, et des effectifs plus importants. Après la catastrophe de Leuctres et la perte de la Messénie (371‑369), parce que leur attachement à l’état traditionnel des affaires est extrême, les Spartiates manifestent un irrédentisme durable : la génération du roi Archidamos, qui avait connu la Messénie dépendant de Sparte, ne pouvait en admettre la perte. Mais, paradoxalement, on peut sans doute considérer qu’en déchar‑ geant Sparte de l’obligation de contrôler des inférieurs beaucoup plus nombreux que les citoyens, Épaminondas puis, en 337, Phi‑ lippe II ont pu, peut-être, sauver la cité d’une subversion sociale menaçante, en provoquant un renforcement de la part relative des citoyens dans le corps social. Comme Athènes et, surtout, comme Thèbes, Sparte a certai‑ nement éprouvé des difficultés d’ordre matériel pour faire que son outil militaire restât au niveau de celui de ses compétiteurs, 361
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Sparte notamment les Macédoniens : quand Archidamos, fils d’Agésilas, vit le premier trait de catapulte qui venait alors d’être apporté de Sicile, il se serait écrié : « Ô Héraclès, c’en est fait de la valeur de l’homme (andros arétè)127. » De fait, l’usage croissant d’un matériel d’artillerie permettant de tuer à distance non seulement diminuait l’importance de la bravoure sur le champ de bataille, mais encore nécessitait la mobilisation de ressources financières que des cités contrôlant des territoires étroits (ou rétrécis, comme Sparte) avaient de plus en plus de mal à mobiliser, alors qu’un État à large assise territoriale comme la Macédoine pouvait disposer de moyens plus importants. On comprend dès lors pourquoi la Grèce, théâtre d’une « bataille de souris » à Mégalopolis en 331, pouvait devenir d’un intérêt rela‑ tif pour un conquérant macédonien. Pourtant, par-delà la réalité matérielle, la place des Spartiates de l’époque classique dévoués à leur cité devait perdurer dans l’imaginaire.
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Conclusion
C
onnue par des sources qui permettent de déterminer les grandes lignes de son évolution depuis le début du viie siècle avant notre ère, Sparte occupe une place particulière dans l’histoire – et dans l’historiographie – de la Grèce. Certes, c’est Athènes qui est communément conçue comme le modèle de réfé‑ rence de la cité grecque, en raison de son abondante production littéraire de l’époque classique et de l’activité qui l’a caractérisée en mer Égée au ve siècle, mais force est de noter qu’en considération de son efficacité globale, Sparte a pu constituer un autre modèle de fonctionnement, digne d’attention, aux yeux de nombreux Grecs, surtout quand, à partir du ve siècle, se sont développées les réflexions de théorie politique. Une conviction bien ancrée dans l’esprit des Spartiates – et peut-être dès l’époque archaïque – a consisté dans l’idée que l’intérêt de chacun passait par celui de la collectivité. D’une cer‑ taine manière, c’est ce qu’expriment certains des derniers mots que, dit-on, Léonidas aurait prononcés avant de mourir en brave aux Thermopyles, en 480, face aux Perses : selon Hérodote, il aurait déclaré qu’en restant il se destinait à une grande gloire (un grand kléos, terme homérique) et que le bonheur (l’eudaimoniè) de Sparte ne serait pas effacé1. On peut comprendre que le roi, chef de l’armée, veille de façon exemplaire à assurer la prospérité de la communauté pour laquelle il va mourir, et que son action est en contrepartie source d’une gloire fondée sur le souvenir que la cité en conserve. L’individu comme la collectivité tirent donc profit du sacrifice du roi. 363
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Sparte Mais, comme il peut être bon de se méfier des agissements spontanés des individus, c’est un système éducatif collectif original, connu à l’époque classique, qui est censé instiller les règles de comportement ; ses points de repère sont largement fournis par les règles inhérentes aux pathèmata, abstractions d’états physiques divinisées, notamment Aidôs, la Retenue, qui amène à être maître de soi – pour bien servir la collectivité2. Une fois adultes, en outre, les Spartiates ne cessaient pas d’établir le bilan de leurs actions individuelles, d’une manière qui créait une incitation à bien faire, une pression permanente de tous sur chacun3. Le but théorique que le système s’assignait et assignait à chacun est formulé par Xénophon, vers 376, comme s’il était réalisé4 : Sparte l’emporte en vertu sur toutes les cités, car elle est la seule où se conduire vertueusement soit une obligation publique.
Une expression institutionnelle de cette logique consiste dans la manière dont sont recrutés les gérontes, à soixante ans au moins, au terme d’une vie passée au service de la cité. Certes, Aristote se permet de critiquer les procédures, vers 3305 : Il n’est pas correct que celui qui sera jugé digne d’une charge soit aussi celui qui la sollicite ; en effet, qu’il le veuille ou non, celui qui en a été jugé digne doit l’exercer. Ici, le législateur agit manifestement comme pour le reste des institutions : voulant favoriser l’ambition [le goût de la timè] chez les citoyens, il en a disposé de même pour le choix des gérontes ; or, chez les hommes, la majorité des fautes volontaires est probablement due à l’ambition (philotimia) et à la cupidité (philochrèmatia).
La qualité même d’un homme devrait donc par elle-même le désigner pour occuper une responsabilité qui est importante puisque la gérousie, probablement, joue un rôle dans la préparation des décisions de l’assemblée des citoyens. On pourrait sans doute s’interroger, car un homme qui a été mû sa vie durant par le système d’émulation en vigueur à Sparte connaît bien les rouages et les valeurs de la cité, et sa candidature à la gérousie s’inscrit donc dans le prolongement naturel de ses activités : pourquoi ne serait-il donc pas un bon arbitre des besoins du corps civique 364
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Conclusion mû par un esprit d’émulation constant ? En fait, Aristote excipe d’une exigence théorique, sans doute parce qu’il est incommodé par le laconisme de certains, leur admiration étroite pour Sparte (leur laconophilie) ; il cherche donc systématiquement les défauts du système de Sparte (il en paraîtrait laconophobe), mais il doit admettre par ailleurs que, par son caractère de constitution mixte, celui-ci s’approche d’un certain idéal théorique, du moins aux yeux de certains6. Car la pleine réalisation d’un idéal abstrait est difficile à envisager et, pour qu’un système vive, des hommes doivent l’animer. Or la connaissance de pratiques étendues sur une certaine durée donne presque nécessairement des armes à la critique. Ainsi Xénophon lui-même indique-t‑il que, tout compte fait, « les lois de Lycurgue » – c’est-à-dire les usages traditionnels de Sparte – ne lui paraissent plus être respectées7. Cette remarque est formulée à la fin de son traité et elle sonne comme un repentir dû au spectacle que, au début du ive siècle, les Spartiates ont offert au monde grec, en prenant le contrôle de la Cadmée, la citadelle de Thèbes, en 382, au mépris de la liberté des Thébains avec qui ils étaient nominalement en paix8. Cet acte peut, sans doute, s’expliquer par l’exploitation de cir‑ constances favorables, elle-même due à la conscience, chez les Spartiates, de ce qu’une telle occasion ne se représenterait pas en raison de leurs moyens en réalité limités. Ainsi peut-on sans doute expliquer la brutalité parfois caractéristique de certains actes imputables aux Spartiates – comme l’élimination, par Lysandre, d’une foule de ses ennemis, après sa victoire d’Aigos Potamoi en 405 –, car le cours du destin est variable et, selon une conception traditionnelle, la faveur des dieux est elle-même variable : il convient donc de profiter des situations opportunes qui se présentent9. Mais c’est aussi sans doute dans le fonctionnement sinon de Sparte, du moins de Lacédémone que se trouvent les causes d’un effritement de puissance, rendu brutalement manifeste dans un domaine de longue précellence, la guerre, par la défaite de Leuctres en 371. Malgré l’existence d’une certaine mobilité sociale vers le haut et vers le bas de la société, « l’irréfutable réalité de l’oligan‑ thropie montre [que] la société spartiate a fonctionné plus comme une machine à exclure que comme une machine à intégrer », a pu juger Jean Ducat10. À cela on peut ajouter que la répugnance à intégrer des étrangers – ou même des périèques – n’a pas non plus 365
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Sparte permis de pallier les affaiblissements démographiques occasionnels, dus à tel séisme ou à la guerre11. Dans ces conditions, il est remarquable que le système politique ait, en soi, pu résister à une invasion telle que celle de 370/369 menée par Épaminondas : cela peut s’expliquer par l’existence non seulement d’une cité de Sparte, mais encore d’une entité plus large, une « cité des Lacédémoniens », un système politique assurant l’étroite solidarité entre Sparte et les cités périèques12. Malgré la variété de leurs positions sociales et de leurs statuts, tous les hommes libres de Laconie – voire tous ses habitants – avaient sans doute souvent conscience de ce que par-delà leurs individualités éphémères ils étaient les acteurs d’une histoire col‑ lective, appelée sinon à servir de modèle, du moins à inspirer la réflexion des temps futurs. Cette conscience du passé a elle-même inspiré les habitants de Sparte dès l’époque hellénistique, notam‑ ment les rois réformateurs Agis IV (vers 244‑241) et Cléomène III (235‑220). Ceux-ci, mus par l’idée qu’il fallait rendre à Sparte sa gloire passée, ont développé des projets visant à restaurer un corps civique démographiquement important, de plusieurs milliers de membres, permettant à Sparte de retrouver non seulement de fermes équilibres internes, mais aussi une puissance accrue – du moins dans le cadre du Péloponnèse. Sans doute, le rappel de la tradition et du nom de Lycurgue pouvait-il être alors d’un fon‑ dement historique discutable, mais refaçonner l’histoire pour en faire une justification de réformes constituait, en soi, un usage promis à un long avenir.
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Chronologies
À l’exception des dernières mentionnées p. 378, les dates ci-dessous s’entendent comme étant avant notre ère.
Les dynasties royales de Sparte Deux rois règnent concomitamment à Sparte : l’un est un Agiade et l’autre un Eurypontide ; l’un comme l’autre sont censés descendre d’Héraclès, par deux jumeaux fils d’Aristodèmos. Ancêtres communs Héraclès Hyllos Cléodaios Aristomachos Aristodèmos Dynastie des Agiades descendant d’Aristodèmos
Dynastie des Eurypontides descendant d’Aristodèmos
Eurysthénès Agis Ier : vers 930‑900 Échestratos : vers 900‑870 Labotas (ou Léobotas) : vers 870‑840 Doryssos : vers 840‑815 Agésilas Ier : vers 815‑785
Proclès Euryp(h)on : vers 885‑855 Prytanis : vers 855‑825 Polydectès : vers 825‑795
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Sparte
Dynastie des Agiades descendant d’Aristodèmos Archélaos : vers 785‑760 Téléclos : vers 760‑730 Alcamène : vers 730‑7001 Polydore : vers 700‑6752 Eurycratès : vers 675‑640 Anaxandros : vers 640‑6153 Eurycratidas (ou Eurycratès II) : vers 615‑590 Léon : vers 590‑560 Anaxandride II : vers 560‑520 Cléomène Ier : vers 520-vers 488 Léonidas Ier : vers 488‑480 Pleistarque : 480‑458 Pleistoanax : 458‑445/444 (déposé) puis 426‑408 Pausanias : 445/444‑426 puis 408‑395 (exilé) Agésipolis Ier : 395‑380 Cléombrote Ier : 380‑371 Agésipolis II : 371‑370 Cléomène II : 370‑309
Areus Ier : 309‑265 Acrotatos : 265-vers 260 Areus II : vers 260‑256 Léonidas II : vers 256‑236 Cléomène III : 235‑222 (exilé)
Dynastie des Eurypontides descendant d’Aristodèmos Eunomos : vers 795‑765 Charilaos (ou Charillos) : vers 765‑735 Nicandre : vers 735‑707 Théopompe : vers 707‑670 Anaxandride Ier : vers 670‑660 Archidamos Ier 4 : vers 660‑645 Anaxilaos : vers 645‑625 Léotychidas Ier : vers 625‑600 Hippocratidas : vers 600‑575 Agasiclès : vers 575‑550 Ariston : vers 550‑515 Démarate : vers 515‑491/490 (déposé) Léotychidas II : 491/490‑469 (déposé) Archidamos II : 469‑427 Agis II : 427‑400/399 Agésilas II : 400/399‑360
Archidamos III : 360‑338 Agis III : 338‑330 Eudamidas Ier : 330-vers 300 Archidamos IV : vers 300-? Eudamidas II : ?-244 Agis IV : 244‑241 Eudamidas III : 241‑228 Archidamos V : vers 228‑227 Eucleidas (Agiade, frère de Cléomène III, roi par respect du principe de dyarchie) : 227‑222
Un tel tableau nécessite quelques explicitations : Les noms retenus ici sont ceux indiqués par Hérodote (Histoires, V, 204 et VIII, 131) jusqu’au début du ve siècle. Les indications de Pau‑ sanias diffèrent (Périégèse, III, 2‑3 et 7‑10). Plus on remonte dans le temps, plus les dates sont incertaines. Les dates indiquées jusqu’au milieu du vie siècle sont très largement conjec‑
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Chronologies turales (en particulier les plus hautes). De même, jusqu’à cette époque, on ignore de nombreuses relations de parenté entre rois, or il n’est pas sûr qu’un fils ait toujours succédé à son père. Ces relations de parenté sont précisées par W. G. Forrest (1968, rééd. 1980, p. 21‑22) à partir de 491/490. Pour les datations hautes, on a largement retenu celles proposées notamment par Forrest ; elles reposent en particulier sur le fait que Théopompe est connu pour avoir remporté la première guerre de Messénie. De 785 (pour les Agiades) et de 765 (pour les Eurypon‑ tides), on remonte de génération en génération en affectant en général à chacune une durée de trente ans. La date de règne attribuée à Agis Ier (vers 930‑900) est reconnue comme « plausible » par P. Cartledge (Sparta and Lakonia, 1979, p. 104 ; rééd. 2002, p. 90). Le point de départ de la dynastie des Eurypontides est plus tardif que celui de la dynastie des Agiades en relation avec le fait que celle-ci est censée disposer d’une prééminence reconnue par Delphes (Hérodote, Histoires, VI, 51‑52). Les vides dans les colonnes sont simplement destinés à faciliter l’iden‑ tification des rois qui auraient ou ont régné ensemble. On trouvera un certain nombre de précisions dans P. Carlier, Royauté, 1984, p. 316‑324 et dans N. Richer, Éphores, 1998, p. 87‑92 (sur des générations royales moyennes de vingt-neuf ans, dont la durée sert pour partie de base aux propositions ici formulées à propos des dates des rois jusqu’au vie siècle) et p. 535‑549.
Chronologie générale Remarque bibliographique : des références aux sources antiques et à des études modernes concernant d’assez nombreux événements mentionnés ci-dessous sont indiquées dans Richer, Éphores, 1998, p. 535‑549.
Vers 950‑900 : « Retour des Héraclides », interprété par les Modernes comme l’installation de Doriens en Laconie. Après avoir été mal gouvernés, les Lacédémoniens auraient connu la réforme de leurs institutions par Lycurgue, tuteur de son neveu l’Agiade Léobotas (Hérodote, Histoires, I, 65) ; selon Simonide (fr. 123 édition Page apud Plutarque, Vie de Lycurgue, 1, 8), Lycurgue, Eurypontide, était fils de Prytanis et frère d’Eunomos5. 885/884 : Date prétendue de la législation de Lycurgue selon certaines sources6.
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Sparte Vers 765‑760 : Règne conjoint de l’Agiade Archélaos et de l’Eurypontide Charillos ; synœcisme de Sparte (Pitana, Mesoa, Limnai, Kynosoura7). Vers 740‑730 : Sous le règne de l’Agiade Téléclos, incorporation d’Amy‑ clées à Sparte (Pausanias, Périégèse, III, 2, 6). Vers 720‑707 : Intervention de l’Eurypontide Nicandre, fils de Charillos et père de Théopompe, contre les Argiens ; en conséquence les Argiens détruisent Asinè, située au sud-est d’Argos, sous prétexte de la complicité des Asinéens avec les Spartiates (Pausanias, Périégèse, II, 36, 4 ; III, 7, 4 ; IV, 34, 9) ; la destruction d’Asinè est datée archéologiquement des environs de 715. Vers 710 : D’après Pausanias (Périégèse, III, 2, 7), les Spartiates, menés par Alcamène fils de Téléclos, détruisent Hélos et défont les Argiens qui avaient secouru les « Hilotes » 8. Fin du viiie siècle (706 selon Eusèbe9) : Fondation de Tarente, par Phalanthos (Strabon, Géographie, VI, 3, 2, p. 278 ; Pausanias, Périégèse, X, 10, 6‑8). Vers 700 : Grande Rhètra. Vers 695-vers 675 : Première guerre de Messénie (dite « guerre de Vingt Ans »). L’Eurypontide Théopompe joue un rôle déterminant (Pau‑ sanias, Périégèse, III, 3, 2) et l’Agiade Polydore meurt avant la fin des opérations (Pausanias, III, 3, 3‑4). À Lacédémone, des citoyens demandent une redistribution des terres (Aristote, Politique, V, 7, 3‑4 ; 1306b-1307a renvoyant à ce qui est dit dans l’Eunomia de Tyrtée). Polydore distribue prétendument 3 000 ou 4 500 lots à des citoyens (Plutarque, Lycurgue, 8) ; il s’agirait de terres de Messénie. Amendement à la Grande Rhètra dû à Théopompe et Polydore (Plu‑ tarque, Lycurgue, 6, 7‑8). Théopompe établit prétendument le pouvoir politique de l’éphorie (Aristote, Politique, V, 11, 2‑3 ; 1313a 23‑33 ; Plutarque, Lycurgue, 7, 1‑2). La première guerre de Messénie se termine sous l’Eurypontide Théo‑ pompe et sous l’Agiade Eurycratès, fils de Polydore (Pausanias, Périégèse, III, 3, 3‑4). 676‑673 : Fondation des Karneia : le poète Terpandre aurait été le premier vainqueur du concours (Athénée, Deipnosophistes, XIV, 635E-F). 669 : Défaite infligée par les Argiens aux Spartiates à Hysiai (Pausa‑ nias, Périégèse, II, 24, 7).
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Chronologies 668 : Fondation des Gymnopédies10. 659 : Attaque des Lacédémoniens contre les Arcadiens et prise (tem‑ poraire) de Phigalie (Pausanias, Périégèse, VIII, 39, 3). 640‑637 ou 633 : Acmè du poète Tyrtée11. 635/625-610/600 : Deuxième guerre de Messénie (dite « guerre de Tyrtée ») ; elle aurait commencé la trente-neuvième année après la fin de la guerre de Vingt Ans (Pausanias, Périégèse, IV, 15, 1), du temps de l’Agiade Anaxandros, fils d’Eurycratès (Pausanias, III, 3, 4 ; IV, 15, 3) ; elle se déroula du temps de l’Eurypontide Anaxidamos, arrière-petit-fils de Théopompe mais son deuxième successeur (Pausanias, III, 7, 6 ; IV, 15, 3) ; Tyrtée galvanisa les énergies des Spartiates durant cette guerre (Pausanias, IV, 15, 6 ; 16, 2 et 6). La guerre se termina par la prise d’Eira par les Spartiates ; les Mes‑ séniens furent alors transformés en Hilotes (Pausanias, Périégèse, IV, 7, 23‑24 ; cf. aussi IV, 24, 5). 611 ou 609 : Acmè du poète Alcman12. Vers 610‑600 : Réforme possible de l’éphore Astéropos, en fonction de laquelle les rois ne peuvent maintenir indéfiniment leur veto mais sont contraints de se soumettre à la volonté du peuple trois fois affirmée ; cette réforme aurait renforcé le pouvoir des éphores, porte-parole du peuple (Plutarque, Cléomène, 10, 5). 590/580‑530/525 : Apparition et épanouissement de la céramique laconienne figurée ; la céramique non figurée est produite jusqu’au début du ve siècle. Vers 575‑560 : Sous l’Agiade Léon et l’Eurypontide Agasiclès, « les Lacédémoniens, heureux dans toutes leurs autres guerres, avaient échoué contre les seuls Tégéates » (Hérodote, Histoires, I, 65‑66, sans doute plus exact que Pausanias qui placerait les mêmes échecs vers 615‑560, Périégèse, III, 3, 5). Vers 572, les Spartiates auraient aidé les Éléens à prendre le contrôle d’Olympie au détriment des Pisates. 570/560 : Submersion du sanctuaire d’Orthia par une crue de l’Eurotas. Les dégâts sont rapidement réparés. 556/555 ou 555/554 : Chilon éphore13. Vers 550 : Défaits par les Tégéates, des Lacédémoniens travaillent en captifs la terre dont ils espéraient s’emparer (Hérodote, Histoires, I, 65‑66).
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Sparte Vers 547 : Établissement de cadrans solaires par Anaximandre (ou son disciple Anaximène) à Sparte. Milieu du vie siècle : Le Trône d’Apollon, dû à Bathyclès de Magnésie, est construit à Amyclées (Pausanias, Périégèse, III, 18, 10-19, 5). L’or reçu du Lydien Crésus pour la statue d’Apollon du mont Thornax est utilisé pour décorer la statue d’Apollon à Amyclées (Pausanias, III, 10, 8), vers 546/545. Les Spartiates contrôlent la côte orientale de Laconie, prise aux Argiens à une date indéterminée (ceux-ci devaient la contrôler, jusqu’à Cythère, au viiie siècle). 546 : Bataille des Champions puis bataille des deux armées, spartiate et argienne, au mont Parparos, en Thyréatide. 550‑545 : Découverte prétendue des ossements d’Oreste à Tégée par l’agathoerge spartiate Lichas puis défaite des Tégéates face aux Spartiates. Vers 525 : Intervention des Spartiates aux côtés des Corinthiens contre Polycrate, tyran de Samos (Hérodote, Histoires, III, 46, 48 et 54‑56). Ce serait la première manifestation nette du système d’alliance appelé la Ligue du Péloponnèse par les Modernes (et « les Lacédémoniens et leurs alliés » dans certaines sources antiques : cf. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 115, 1 ; III, 15, 1). Vers 516 : Les éphores, sur la suggestion de Cléomène, ordonnent au Samien Maiandrios, qui venait chercher de l’aide pour renverser le tyran de Samos Sylôson, de quitter Sparte (Hérodote, Histoires, III, 148). Vers 515‑510 : Dôrieus, frère du roi Cléomène, se lance vainement dans des entreprises à caractère colonial, en Libye puis en Sicile (Héro‑ dote, Histoires, V, 42‑48) 511/510 : Anchimolios intervient contre les Pisistratides d’Athènes (Hérodote, Histoires, V, 64) ; c’est peut-être le premier navarque que nous connaissions. 510 : Intervention de Cléomène à Athènes contre les Pisistratides (Hérodote, Histoires, V, 64). 508 : Intervention de Cléomène contre Clisthène l’Athénien (Hérodote, Histoires, V, 70 et 72 ; Aristote, Constitution des Athéniens, 20, 1‑3). 506 : Dichostasia, désaccord d’Éleusis entre les deux rois commandant l’armée, Cléomène et Démarate ; désormais un seul roi mène les troupes en campagne (Hérodote, Histoires, V, 74‑76).
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Chronologies Entre 505 et 501 : Première mention explicite de la Ligue du Pélo‑ ponnèse (réunion de son synédrion ; Hérodote, Histoires, V, 91‑93). 499 : Aristagoras, tyran de Milet, qui voulait organiser une expédition militaire contre l’Empire perse, est expulsé de Sparte par Cléomène (Hérodote, Histoires, V, 49‑51 et 55). 494 : Cléomène conduit les opérations contre Argos comme bon lui semble ; il remporte la victoire de Sèpeia (près de Tirynthe, en Argolide) (Hérodote, Histoires, VI, 76‑82). 491-juillet 490 : Démarate, roi eurypontide de Sparte, déposé (Héro‑ dote, Histoires, VI, 66‑67). Vers 490‑488 : troisième guerre de Messénie, dite aussi « révolte [du temps] de Marathon », parce qu’une armée de Sparte arrive trop tard pour combattre à Marathon (Hérodote, Histoires, VI, 120), en raison pré‑ tendument d’une révolte messénienne (Platon, Lois, III, 692d et 698d-e et cf. une mention imprécise de Strabon, Géographie, VIII, 4, 10, p. 362). Avant 486 : Démarate, bafoué lors de Gymnopédies par Léotychidas qui l’a remplacé comme roi, quitte Sparte pour se réfugier dans l’Empire perse (Hérodote, Histoires, VI, 67‑70). Vers 484-vers 425/420 : vie d’Hérodote. 480 : Mort du roi Léonidas et de 300 Spartiates aux Thermopyles (Hérodote, Histoires, VII, 210‑225). Le jeune fils de Léonidas, Pleistarque, devient roi sous la régence de son oncle Cléombrote puis, rapidement, sous celle de son cousin Pausanias. 479 : Victoire des Grecs sur les Perses à Platées (Hérodote, Histoires, IX, 17‑70) ; à cette occasion, première mention de la présence d’éphores à l’armée, auprès du régent Pausanias qui la commande (Hérodote, IX, 76). « Peu après la [seconde] guerre médique » : destruction d’un corps de 300 Spartiates commandés par Arimnestos par « tous les Messéniens » (Hérodote, Histoires, IX, 64). 477 ou 475 : Affaire Hétoimaridas : Sparte renonce à entrer en guerre contre Athènes dont la puissance s’affirme (Diodore, Bibliothèque, XI, 50, 2‑7). Vers 469 : Le régent Pausanias, sur le point d’être arrêté par les éphores, se réfugie dans le sanctuaire d’Athéna Chalkioikos sur l’acropole de Sparte et meurt (de faim) dès qu’on l’en sort (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 134).
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Sparte Vers 464 : Tremblement de terre (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 101, 2) causant la mort de 20 000 Lacédémoniens selon Diodore (Bibliothèque, XI, 63, 1) et une révolte d’Hilotes en grande partie messéniens (Thucydide, loc. cit.), dite la quatrième guerre de Messénie (ou la troisième si l’on ne retient pas à ce titre la « révolte de Mara‑ thon » de 490‑488). Vers 460-vers 400/395 : Vie de Thucydide. 457 : Victoire terrestre des Lacédémoniens sur les Argiens, les Athé‑ niens et leurs alliés à Tanagra, en Béotie (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 108, 1 ; Diodore, Bibliothèque, XI, 80, 2 ; Pausanias, Périégèse, V, 10, 4). 446 : Paix dite de Trente Ans (en fait quinze) entre les Athéniens et « les Lacédémoniens et leurs alliés » (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 115, 1). Vers 440 : Hérodote se rend à Sparte (Hérodote, Histoires, III, 55). 432 : L’éphore Sthénélaïdas fait voter par les Lacédémoniens que les Athéniens sont coupables d’avoir rompu le traité ayant établi la paix de Trente Ans (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 85, 3‑87, 3). 431‑404 : Guerre du Péloponnèse. Vers 430-vers 354 : Vie de Xénophon. 426 : Fondation d’Héraclée Trachinienne par les Lacédémoniens, à l’ouest des Thermopyles (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 92‑93). 425 : Reddition de 120 hoplites spartiates à Sphactérie, à l’éton‑ nement de la Grèce (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 38‑40). 425/424 : Élimination de 2 000 Hilotes (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 80, 3‑4). 424 : Prise d’Amphipolis par le Spartiate Brasidas (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 102‑108). 422 : Mort de Brasidas sous les murs d’Amphipolis, qui est conservée par les Lacédémoniens (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 10‑11). 421 : Paix de Nicias entre Athènes et Sparte, théoriquement pour cinquante ans (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 17, 2‑20, 1).
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Chronologies 418 : Expédition lacédémonienne contre Argos, à la suite de laquelle une commission de contrôle comprenant dix membres est imposée (tem‑ porairement) au roi Agis (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 60 et 63). 418 : Victoire de Sparte à Mantinée (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 64‑75). 415‑413 : Expédition malheureuse des Athéniens en Sicile. 413 : Le roi de Sparte Agis s’établit à Décélie, au nord de l’Attique (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VII, 19, 1‑2) ; cette base permet une guerre de harcèlement contre les Athéniens jusqu’en 404. 412‑411 : Conclusion de trois traités d’alliance consécutifs entre Sparte et le Roi (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 18 [été 412] ; 37 [hiver 412/411] ; 58 [vers avril 411]). 410 : Défaite des Péloponnésiens à la bataille de Cyzique, cité côtière de la Propontide (Xénophon, Helléniques, I, 1, 14‑19). 407 : Lysandre navarque (Xénophon, Helléniques, I, 5) ; il est vainqueur dans un combat naval secondaire à Notion (Xénophon, Helléniques, I, 5, 11‑15). 406 : Callicratidas, navarque, meurt à la défaite navale des îles Argi‑ nuses face aux Athéniens (Xénophon, Helléniques, I, 6, 26‑36). 405 : Sous la navarchie nominale d’Aracos, Lysandre est commandant de fait de la flotte péloponnésienne ; il prive les Athéniens de leur flotte à Aigos Potamoi, dans l’Hellespont (Xénophon, Helléniques, II, 1, 21‑32). 404 : Capitulation des Athéniens, contraints de devenir les alliés des Lacédémoniens (Xénophon, Helléniques, II, 2, 17‑23). 401‑399 : Expédition des Dix-Mille, racontée par Xénophon dans l’Anabase. Le Spartiate Cheirisophos est envoyé par sa cité à la tête d’un contingent de 700 hommes pour appuyer Cyrus. Après la mort de celui-ci, il est, un temps, chef de l’armée (Anabase, I, 4, 3 ; VI, 1, 32-2, 12). Des environs de 400‑398 à 360 : Après avoir accédé à la royauté grâce à Lysandre, Agésilas II est roi eurypontide de Sparte14. 400/399 : Thibron mène des opérations en Asie Mineure contre les Perses (Xénophon, Helléniques, III, 1, 4‑7). Vers 399‑397 : Répression de la conspiration de Cinadon à Sparte (Xénophon, Helléniques, III, 3, 4‑11).
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Sparte 399‑396 : Derkylidas mène des opérations en Asie Mineure contre les Perses (Xénophon, Helléniques, III, 1, 8-2, 20). 396‑394 : Le roi Agésilas II, entouré d’un état-major de trente Spar‑ tiates, mène des opérations en Asie Mineure contre les Perses (Xénophon, Helléniques, III-IV, passim). Début du
e
iv
siècle : Xénophon, ami du roi Agésilas, à Sparte.
Début du ive siècle (entre 404 et 371 ?) : Rhètra d’Épitadeus libéra‑ lisant la dévolution des biens fonciers (Plutarque, Agis, 5, 3). 395‑386 : Guerre de Corinthe. 395 : Défaite et mort du Spartiate Lysandre à Haliarte, face aux Thébains (Xénophon, Helléniques, III, 5, 17‑25). 394 : Victoire de Sparte à la bataille du fleuve Némée, sous les ordres d’Aristodèmos, tuteur du roi Agésipolis (Xénophon, Helléniques, IV, 2, 14‑23). 394 : Défaite navale du Lacédémonien Peisandros, à Cnide, face au Perse Pharnabaze et à l’Athénien Conon (Xénophon, Helléniques, IV, 3, 10‑13). 394 : Revenu d’Asie Mineure essentiellement par voie de terre, Agé‑ silas remporte la victoire de Coronée, en Béotie (Xénophon, Helléniques, IV, 3, 15‑21). 393 : Les Athéniens rétablissent leurs Longs Murs et les fortifications du Pirée (Xénophon, Helléniques, IV, 8, 9‑10). 392 : Victoire de Sparte à Corinthe, dont les Longs Murs sont par‑ tiellement détruits (Xénophon, Helléniques, IV, 4, 7‑13). 387 : Fructueux coup de main du Lacédémonien Téleutias sur Le Pirée (Xénophon, Helléniques, V, 1, 19‑23). 386 : Paix du Roi, dite aussi paix d’Antalcidas, du nom de son principal négociateur spartiate (Xénophon, Helléniques, V, 1, 30‑33). 385 : Diœcisme (démembrement) de Mantinée (Xénophon, Helléniques, V, 2, 1‑7). Les bannis de Phlionte favorables à Sparte peuvent rentrer dans leur cité (Xénophon, Helléniques, V, 2, 8‑10). 382‑379 : Guerre entre Sparte et Olynthe (Xénophon, Helléniques, V, 2‑3, passim). 382 : Le Lacédémonien Phoibidas s’empare de la Cadmée, citadelle de Thèbes (Xénophon, Helléniques, V, 2, 25‑36).
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Chronologies 380 : L’Agiade Agésipolis Ier meurt en assiégeant Olynthe. 379 : Olynthe est obligée de s’allier à Sparte. 379 : Thèbes est délivrée de sa garnison lacédémonienne (Xénophon, Helléniques, V, 4, 2‑12). 378 : Le Lacédémonien Sphodrias tente un coup de main sur Le Pirée ; poursuivi en justice à Sparte, il s’enfuit et est acquitté (Xénophon, Helléniques, V, 4, 20‑33). 378/377 : Réorganisation de la ligue du Péloponnèse (Diodore, Bibliothèque, XV, 31, 1-2) 378‑376 : Achèvement possible de la République des Lacédémoniens de Xénophon15. 376 : Défaite navale du Lacédémonien Pollis face à l’Athénien Chabrias dans les eaux de Naxos (Xénophon, Helléniques, V, 4, 60‑81 ; Diodore, Bibliothèque, XV, 34, 4-35, 2). 373/372 : Le navarque Mnasippos est tué à Corcyre et l’île est évacuée par les forces péloponnésiennes (Xénophon, Helléniques, VI, 2, 18‑26). 371 : Défaite de Sparte à Leuctres (Béotie) ; le roi Cléombrote y meurt (Xénophon, Helléniques, VI, 4, 4‑15). 370 : Reconstitution de Mantinée par synœcisme (Xénophon, Helléniques, VI, 5, 3‑5). 370/369 : Invasion de la Laconie par les Thébains (Xénophon, Helléniques, VI, 5, 25‑52). La Messénie recouvre son indépendance (cf. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 27 et 29) et Messène est reconstruite (Diodore, Bibliothèque, XV, 66, 1 ; Plutarque, Agésilas, 34, 1). Vers 366 : Archidamos, discours du rhéteur athénien Isocrate exprimant le refus de la défaite par Archidamos, héritier présomptif d’Agésilas II. 365 : Les Lacédémoniens, incapables d’apporter un secours militaire suffisant aux Corinthiens, leur conseillent de conclure une paix avec les Thébains (Xénophon, Helléniques, VII, 4, 6‑10). C’est la fin de la Ligue du Péloponnèse. 362 : Bataille de Mantinée, sans effet décisif immédiat sur l’évolution de la Grèce ; le Thébain Épaminondas y meurt (Xénophon, Helléniques, VII, 5, 14‑18). 360 : Au retour d’une expédition en Égypte destinée à trouver des subsides en contrepartie de services militaires, le roi eurypontide Agési‑ las II meurt en Marmarique, à l’est de la Libye (Diodore, Bibliothèque, XV, 93, 6 ; Plutarque, Agésilas, 40, 3‑4).
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Sparte 356/355‑346 : Durant la troisième guerre sacrée, les Spartiates sont du côté des Phocidiens, dits « sacrilèges », contre les Thébains. 338/337 : Formation de la Ligue de Corinthe, sous le commandement de Philippe II, roi des Macédoniens ; Sparte n’en fait pas partie. 338 : Le roi eurypontide Archidamos III meurt au combat à Man‑ donion, près de Tarente, en Italie (Diodore, Bibliothèque, XVI, 88, 3). 337 : Le territoire dépendant de Sparte est amputé d’espaces frontaliers. 331/330 : Agis III tombe à Mégalopolis en combattant les Macédoniens (Diodore, Bibliothèque, XVII, 63, 4). 331/330 ou 330/329 : Après la guerre d’Agis III, refus, exprimé par l’éphore Étéoclès, de livrer 50 garçons à Antipatros (Plutarque, Moralia, 235B). Cinquante Spartiates distingués sont livrés en otages (Diodore, Bibliothèque, XVII, 73, 5) et Sparte ne participe pas à la guerre lamiaque, révolte contre la Macédoine, en 323‑322. Vers 200-vers 120 : Vie de Polybe. Vers 90-vers 15 av. J.-C. : Vie de Diodore de Sicile. Vers 50 apr. J.-C.-vers 120 : Vie de Plutarque. Vers 150‑175 : Activité de Pausanias le Périégète.
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Notes
Introduction L’image d’une cité souvent mal connue 1. Ces œuvres sont écrites en grec ancien, dans une langue assez simple pour servir à l’apprentissage linguistique, et elles ont été diffusées en Occident à partir de la Renaissance notamment sous la forme de traductions, comme celle, en français, de Dacier (1694‑1734). On suivra généralement ci-après l’usage qui fait nommer les Œuvres morales par le terme latin Moralia. 2. Plutarque, Vie de Lycurgue, 13, 2 ; traduction A. Dacier, Paris, rééd. 1735, orthographe modernisée. Hormis ici, ce sont, de façon générale, les traductions françaises proposées, depuis 1919, par la Collection des universités de France (CUF), éditée par Les Belles Lettres, que nous citerons, sans nous interdire de les modifier. 3. H.-I. Marrou, Histoire de l’éducation dans l’Antiquité, tome I, Le Monde grec, Paris, 1948, rééd. 1981, p. 52. 4. Sur l’image de Sparte, cf. par exemple V. Losemann, 2003. 5. Hérodote, Histoires, VIII, 144. 6. Sur l’histoire de ces recherches archéologiques, cf. H. W. Catling, 1998. 7. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 10, 2, traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953, légèrement modifiée. Sur ce texte, cf. chapitre iv, p. 63 et 66. 8. Un tableau commode de ces allusions est fourni par Andrée Barguet en Biblio‑ thèque de la Pléiade, Paris, 1964, p. 41‑42. 9. Ce texte est disponible dans trois traductions françaises contemporaines, indi‑ quées p. 433. 10. On pense ici aux Vies consacrées au législateur légendaire Lycurgue, aux rois des Lacédémoniens Agésilas II, Agis IV, Cléomène III, à l’homme politique et chef de guerre Lysandre. 11. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 71, 2. 12. « Laconiser » (lakônizein) signifie admirer et imiter les habitants de Laconie, au premier rang desquels sont les Spartiates. 13. En la matière, l’essentiel des questions est présenté par Ollier, 1933 et 1943 ; Tigerstedt, 1965, 1974 et 1978 ; Rawson, 1969. 14. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 68, 2.
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Sparte 15. Plutarque, Thésée, 1, 5. Le caractère en apparence disparate du système de références (date, titre ou titre abrégé et date) vise à satisfaire la commodité du lecteur. 16. Sauf précision contraire, les dates mentionnées seront à considérer comme étant antérieures à notre ère.
I Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration 1. Homère, Odyssée, III, 497 et IV, 1 ; traduction V. Bérard, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1924, rééd. 1933. 2. Sur les sens respectifs de « Lacédémone » et de « Laconie », cf. chapitre ii, in fine. 3. Pausanias, Périégèse, III, 1, 1‑5 ; cf. C. Calame, 1987. 4. Homère, Iliade, III, 445 et Pausanias, Périégèse, III, 22, 1. 5. V. Aravantinos et A. Vasilogamvrou, 2012. 6. Homère, Iliade, II, 581‑590 ; traduction P. Mazon et alii, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1937, modifiée. 7. Cf. notamment Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV, 33, 5 ; Pau‑ sanias, Périégèse, III, 1, 5 (et III, 15, 5) ; Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7, 3, § 145. 8. D’après Strabon (Géographie, VIII, 5, 4, p. 364), c’est à la suite d’une trahi‑ son que les Achéens évacuèrent la Laconie pour aller s’installer sur le territoire des Ioniens qui porte le nom d’Achaïe, au nord du Péloponnèse. Ce serait Tisaménos, fils d’Oreste et petit-fils d’Agamemnon, qui aurait conduit les Achéens de Laconie vers le nord (Polybe, Histoire, II, 41, 4 ; Strabon, Géographie, VIII, 7, 1, p. 383‑384 ; Pausanias, Périégèse, VII, 1, 7‑8). 9. Tyrtée, fragment 1a édition Prato = fragment 2, vers 12‑15 édition West, cités par Strabon, Géographie, VIII, 4, 10, p. 362 (traduction de Strabon par R. Baladié, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1978, légèrement modifiée). 10. Ce sont les tablettes TH 212, 217, 218 ; cf. V. Aravantinos, L. Godart, A. Sacconi, 1995, p. 20 et 36. Sur le matériel attestant des liens entre Thèbes et Sparte, cf. notamment F. Kiechle, 1963, p. 23‑39. Le fait d’être lacédémonien est clairement attaché à l’origine géographique d’un individu, comme en témoigne l’expression d’Hérodote qui mentionne (III, 56) des « Lacédémoniens doriens », par opposition implicite avec des Lacédémoniens achéens. 11. Pindare, VIIe Isthmique, vers 17‑21. 12. Si les historiens modernes mentionnent de moins en moins souvent les « inva‑ sions doriennes », du fait de la difficulté à en identifier des traces matérielles, l’archéologie pourrait néanmoins permettre de placer à la fin du xiiie siècle l’arrivée de groupes d’une nouvelle population (pastorale ?), signalée par la présence, notam‑ ment en Laconie, d’une céramique dite « barbare », vraisemblablement originaire de la Grèce du Nord-Ouest. La population de Laconie semble avoir fortement décliné au xiie siècle, sans disparaître totalement. 13. Hérodote, Histoires, II, 145. Les chronographes anciens ont pu placer la guerre de Troie à un moment qui, pour nous, se situerait entre 1334 et 1135, la date de 1184, fournie par Ératosthène, étant souvent admise. 14. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 12, 3. 15. P. Cartledge, 1979, p. 93‑94, rééd. 2002, p. 81.
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Notes 16. Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 8, 4‑5, § 178. Sur l’identité (mal établie) d’Apollodore et sur la date de la Bibliothèque (vers 200 p. C.), cf. J.-Cl. Carrière et B. Massonie, La Bibliothèque d’Apollodore, Besançon, 1991, p. 7‑12 (nous modifions ici légèrement leur traduction). De façon analogue, on trouve dans l’Archidamos d’Isocrate (17‑23 notamment), qui date de 366 av. J. C., et dans la Périégèse (III, 1) de Pausanias le Périégète, qui date de 150‑175 de notre ère, un récit sur les origines légendaires de Sparte et le Retour des Héraclides. À la lumière de ces textes, il convient de noter de façon générale que l’ordre des faits se manifeste à travers des sources dont la succession chronologique ne correspond pas à celle des périodes sur lesquelles elles portent, et que certains passages sont postérieurs d’un millénaire aux événements que leurs auteurs prétendent rapporter. 17. Apollodore vient de préciser (II, 8, 4 ; § 177) que, désireux d’obtenir Mes‑ sène qui doit être attribuée en troisième lieu, Cresphontès a jeté pour sa part, au lieu d’une marque solide et indissoluble, une motte de terre dans le vase utilisé, pour qu’elle se dissolve dans l’eau contenue et ne puisse être retirée du vase en premier ni en deuxième lieu. 18. Pausanias, Périégèse, III, 13, 3. 19. Hérodote, Histoires, V, 72 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1946. 20. Sur les fouilles effectuées par Agésilas II dans le tombeau prétendu d’Alcmène au début du ive siècle, cf. p. 43. 21. Les noms des kômai sont précisés notamment par Pausanias, Périégèse, III, 16, 9. 22. Pausanias, Périégèse, III, 2, 6. P. Cartledge relève cependant (1979, p. 107 ; 2002, p. 92) que, si l’on se fie aux données archéologiques, donc principalement à la céramique, Amyclées ne semble pas présenter de caractéristiques propres après les environs de 900. 23. Les listes de rois de Sparte transmises par les auteurs anciens pourraient faire remonter à des personnages ayant vécu au dernier tiers du xe siècle. Des généalogies royales sont données notamment par Hérodote (Histoires, VII, 204 ; VIII, 231) et Pausanias (Périégèse, III, 7‑10). Pour un tableau des deux dynasties et les dates de règne présumées de leurs membres cf. p. 367-369. 24. Hérodote, VI, 51‑52. 25. La distinction entre Limnai et Kynosoura d’une part et Mesoa et Pitanè d’autre part se fonde sur un passage de Pausanias (III, 16, 9), tandis que le même auteur (III, 12, 8 et 14, 2) peut sembler rattacher les tombes des Agiades au second groupe de localités et celles des Eurypontides au premier. 26. B. Sergent, 1976. 27. P. Cartledge, 1979, p. 96, rééd. 2002, p. 83. 28. Polybe, Histoire, V, 19, 7. 29. J. Ducat, 1990a, p. 7‑12. 30. Pindare (VIIe Isthmique, vers 12‑14) appelle proprement Sparte une apoikia, une colonie dorienne. Sur le thème, cf. notamment I. Malkin, 1999, passim.
II L’expansion des Spartiates hors de Laconie 1. Pausanias, Périégèse, IV, 5, 10 et 13, 7 ; IV, 15, 1 et 23, 4. 2. On trouvera p. 367-369, un tableau des dynasties royales. Sur la chronologie archaïque de Sparte, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 67‑92. 3. V. Parker, 1991.
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Sparte 4. Pausanias, Périégèse, III, 2, 5. 5. Strabon, Géographie, VIII, 4, 4, p. 360. 6. Pausanias, Périégèse, III, 7, 4. 7. Pausanias, Périégèse, III, 2, 6 et 7, 4 ; IV, 4, 3 ; cf. aussi Diodore, XV, 66, 3. 8. Le nom actuel du lieu, Volimnos, peut s’expliquer par le nom du bovin (bous) et par celui du marais (limnè) qui donne son nom à Artémis Limnatis. La chapelle de la Vierge Kapsocherovoloussa qui commémore la consécration des vêtements respectables de la Mère de Dieu peut paraître reprendre une fonction du sanctuaire d’Artémis où les vêtements de femmes ayant accouché – voire mortes en couches – pouvaient être consacrés dans l’Antiquité : cf. S. Koursoumis, 2014. 9. Isocrate, Archidamos, 22‑23. 10. Pausanias, Périégèse, II, 36, 4 ; III, 7, 4 ; IV, 34, 9. 11. Pausanias, Périégèse, IV, 14, 3. 12. Cf. Pausanias, Périégèse, III, 2, 7. Nous proposons 710 pour ces événements, pour tenir compte d’un écart d’une génération entre les faits attribués à Polydore et ceux-ci, attribués à son père. 13. Cf. J. Ducat, 1990a, p. 70‑76. 14. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 18, 1. 15. Hérodote, Histoires, IV, 147‑149. 16. Hérodote, Histoires, VIII, 48 ; Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 106, 1 et 84, 2. 17. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 112, 2. 18. Mais si on suppose que le décompte repose sur des générations de quarante ans, sept cents ans représentent dix-sept générations et demie ; si on retient qu’une génération vaut plutôt vingt-neuf ans, la durée mentionnée serait en fait de cinq cent sept ans (et demi), ce qui placerait l’établissement à Théra vers 923, donc en un temps qui pourrait être celui censément connu par Eurysthénès et Proclès. 19. Cf. I. Malkin, 1999, p. 100‑104. 20. Hérodote, Histoires, I, 174. 21. Pausanias, Périégèse, X, 10, 6‑8 ; traduction R. Flacelière, Devins et oracles grecs, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? », n° 939, 1961, p. 80‑81. 22. Diodore de Sicile, Bibliothèque, VIII, fr. 28 et 29, Cohen-Skalli ; Strabon, Géographie, VI, 3, 2‑3, p. 278‑279. 23. Diodore de Sicile appelle les mêmes personnages des Épeunactes ou des Parthénies (Bibliothèque, VIII, fr. 28, 1 et 2, éd. Cohen-Skalli). On a pu proposer que ces hommes aient été issus surtout d’Amyclées (Cartledge, 1979, p. 124, rééd. 2002, p. 107), parce que le culte d’Apollon Hyakinthos, d’origine amycléenne, fut établi à Tarente. Sur « la crise des Parthéniai », cf. Christien et Ruzé, 2007, p. 36‑39. 24. Pausanias, Périégèse, III, 3, 1. 25. I. Malkin, 1999, p. 91. 26. Hérodote, Histoires, I, 82. 27. Pausanias, Périégèse, II, 24, 7. 28. Tyrtée, fragment 4 édition Prato = fr. 5, vers 4‑8, éd. West, cités par Stra‑ bon, Géographie, VI, 3, 3, p. 280 (traduction de Strabon par F. Lasserre, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1967, légèrement modifiée). 29. Tyrtée, fragment 5, vers 1-3 édition Prato = fr. 6, éd. West, cité par Pausa‑ nias, Périégèse, IV, 14, 5 (traduction de Pausanias par J. Auberger, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 2005). 30. Pausanias, Périégèse, IV, 8, 2. 31. Pausanias, Périégèse, IV, 7, 23‑24 ; cf. aussi IV, 24, 5. 32. Si du moins l’on en croit Pausanias, Périégèse, IV, 15, 1.
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Notes 33. Pausanias, Périégèse, IV, 17, 9 ; Phanas serait mort lors de la bataille dite du Grand Fossé, survenue lors de la troisième année de la guerre (IV, 17, 2). 34. La date la plus haute peut être retenue pour le début de la guerre si on admet l’indication de Pausanias (Périégèse, IV, 15, 1) selon laquelle la deuxième guerre de Messénie aurait commencé la trente-neuvième année après la guerre de Vingt Ans. 35. Strabon, Géographie, VIII, 4, 10, p. 362 ; Pausanias, Périégèse, IV, 15, 6. 36. Tyrtée, fragment 6, vers 1-2 et fragment 7, vers 30-32 édition Prato = fr. 10, éd. West, vers 1‑2 et 30‑32, cités par l’Athénien Lycurgue au ive siècle av. J.-C., Contre Léocrate, 107. 37. Tyrtée, fragment 8, vers 11-14 édition Prato = fr. 11, vers 11‑14, éd. West cités par Stobée, Anthologie, IV, 9, 16 (traduction L. Humbert dans J.-D. Guigniaut, H. Patin, J. Girard et L. Humbert, Poètes moralistes de la Grèce, Paris, 1892, rééd. 1921, p. 178). 38. Selon Pausanias (Périégèse, IV, 17, 2 et 7), ce chef, Aristocratès, avait d’abord trahi à l’occasion de la bataille du Grand Fossé pendant la troisième année de la guerre, puis lors de la chute d’Eira assiégée pour une onzième année (IV, 20, 1 et IV, 22). 39. Pausanias, Périégèse, III, 14, 3. 40. Il est possible que le contrôle du territoire messénien n’ait pas été total, ou du moins qu’il ait été fluctuant jusqu’à la quatrième guerre de Messénie, située aux environs de 464. Sur la troisième guerre de Messénie cf. p. 121, et sur la quatrième cf. p. 157-158, 275, 314. 41. Sur les périèques, cf. supra, chapitre ier, p. 24-25, G. Shipley, 2004b, J. Ducat, 2008, B. Wallner, 2008. Dans un passage polémique, écrit en 342‑339, où il confond sans doute délibérément Hilotes et périèques, Isocrate évoque l’asservissement des âmes des périèques aux Spartiates (Panathénaïque, 177‑181, ici 178). Implicitement, on peut déduire de cela que le statut légal des périèques était la liberté.
III La mise en ordre intérieure de Sparte au viie et au vie siècle 1. Hérodote, Histoires, I, 65 (et I, 65‑66, pour les passages suivants) ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1932, légèrement modifiée. 2. Sur les énomoties cf. chapitre xi, p. 264. 3. Pour une telle définition des nomima, cf. M. C. D’Ercole, 2012, p. 81. 4. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 18, 1 et I, 6, 4. 5. Hérodote, Histoires, VI, 56‑59. 6. On a évoqué ici Xénophon, République des Lacédémoniens, 1, 2 ; 5, 1 ; 10, 1 ; 14, 7. 7. Sur des variations de la thématique au ive siècle, cf. Isocrate (Panathénaïque, 177‑178), qui voit la concorde succéder au désordre, et Éphore (FGrHist, 70, fr. 117‑118 et 149). 8. Aristote, Politique, V, 7, 4 ; 1307a 1. 9. Sur cette question, et sur les critiques d’Aristote à l’encontre du « législateur » de Sparte, cf. N. Richer, Éphores, 1998, p. 58‑59. 10. Polybe, Histoire, VI, 48. 11. Plutarque, Vie de Lycurgue, 2, 5 et 7, 1.
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Sparte 12. Plutarque, Vie de Lycurgue, 1, 1 ; traduction R. Flacelière, É. Chambry, M. Juneaux, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1957. 13. Hérodote, Histoires, I, 65. 14. Simonide, fr. 123, éd. Page ; Aristote, Politique, II, 10, 2 ; 1271b 23‑25. 15. Cf. le tableau des dynasties royales, p. 367-368. 16. Plutarque, Vie de Lycurgue, 1, 2. 17. Xénophon, République des Lacédémoniens, 10, 8. 18. Plutarque, Vie de Lycurgue, 1, 5‑6. 19. Plutarque, Vie de Lycurgue, 1, 4. 20. Sans nommer Lycurgue, Thucydide estime (Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 18, 1) que l’établissement du régime politique des Lacédémoniens remonterait à un peu plus de quatre cents ans avant 404. 21. Hérodote, Histoires, I, 65. 22. Plutarque, Vie de Lycurgue, 4, 1‑3 ; traduction R. Flacelière, É. Chambry, M. Juneaux, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1957, légèrement modifiée. 23. Sur le fait que, dans les Lois de Platon, on compte dix-huit passages où la Crète et Sparte sont citées côte à côte tandis que, dans sept cas au moins, l’usage crétois est individualisé et distingué, cf. H. Van Effenterre, 1948, p. 69‑70. Quant au principe sous-jacent au propos de Plutarque, c’est celui formulé par Platon pour qui le meilleur gardien est « la raison unie à la musique [qui] […] conserve la vertu durant toute la vie dans l’âme qu’elle habite » (République, VIII, 549b). Sur la pratique consistant à chanter les lois, cf. G. Camassa, 1988, p. 144‑146. 24. Aristote, fr. 611 Rose = fr. 10 Dilts = fr. 143, 1 Gigon. 25. Plutarque, Vie de Lycurgue, 4, 6. 26. Plutarque, Vie de Lycurgue, 4, 7 ; cf. Hérodote, Histoires, II, 167 ; Isocrate, Busiris, 17‑18 (passage cité chapitre xi, p. 252). 27. Platon, Timée, 22b ; traduction É. Chambry, Paris, Garnier-Flammarion, 1969. 28. Plutarque, Moralia, 577E-579A. 29. Plutarque, Vie de Lycurgue, 4, 8. 30. Plutarque, Vie de Lycurgue, 5, 5‑6 et 3, 6‑7. 31. Plutarque, Vie de Lycurgue, 6, 2. Pour des références complémentaires concer‑ nant la traduction et les débats portant sur le sens du texte, cf. par exemple N. Richer, Éphores, 1998, p. 96. 32. Tyrtée, fr. 1b et °°14 Prato ; fr. 4 West apud Plutarque, Vie de Lycurgue, 6, 10 et Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, VII, 12, 6. 33. Quant à la localisation des réunions, « entre Babyka et Knakiôn », elle reste assez peu claire : peut-être l’indication renvoie-t‑elle à un pont et à un cours d’eau situés au nord-est de Sparte. 34. Aristote, Politique, V, 11, 2‑3, 1313a 23‑33 et Plutarque, Vie de Lycurgue, 7, 1‑2, notamment. 35. Plutarque présente la dernière phrase comme un amendement (Vie de Lycurgue, 6, 8), que l’on pourrait dater de la fin de la première guerre de Messénie, vers 675. 36. Plutarque, Vie de Lycurgue, 13. 37. Sur ce débat, cf. notamment P. Cartledge, 2001 ; on trouvera plus de pré‑ cisions techniques dans P. Cartledge, 1977. 38. Diodore, Bibliothèque, XV, 44, 3. 39. Aristote, Politique, IV, 13, 10‑11 ; 1297b 16‑28 ; traduction J. Tricot, Paris, Vrin, 1962, légèrement modifiée.
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Notes 40. P. Cartledge estime vraisemblable que les citoyens-soldats de Sparte se soient fait remettre leurs armes par un « arsenal civique », mais il doit reconnaître qu’aucun élément positif n’étaie une telle hypothèse (2001, p. 165). 41. Hérodote, Histoires, I, 65. 42. Le nom de l’enômotia renvoie à l’idée d’un serment réciproque, et l’effectif de cette unité peut avoir varié : s’il semble de 32 hommes chez Thucydide (Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 68, 3), il paraît ensuite être de 25 chez Xénophon (République des Lacédémoniens, 11, 4). 43. Plutarque, Vie de Lycurgue, 12. 44. Cf. p. 86-87. 45. Sur les éphores de Sparte, cf. N. Richer, Éphores, 1998. 46. Xénophon, République des Lacédémoniens, 8, 1‑2 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 47. Hérodote, Histoires, I, 66. 48. Hérodote, Histoires, I, 65. 49. Polybe, Histoire, X, 2 ; traduction P. Waltz, Paris, Garnier, 1921. 50. Platon, Lois, III, 691d-692a ; traduction Éd. des Places, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1951, légèrement modifiée. 51. Platon, Lois, I, 624a. 52. Xénophon, Apologie de Socrate, 15. 53. Aristote, Politique, V, 11, 2‑3 ; 1313a 23‑33. 54. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, I, 68. 55. Pausanias, Périégèse, III, 16, 4. 56. Platon, Lettre VIII, 354b. 57. Plutarque, Vie de Cléomène, 10, 5. 58. Aristote, Politique, II, 9, 14, 1270a 16‑22 et II, 9, 11, 1270a 7. 59. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 71, 3. 60. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 34, 2. 61. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 6, 4‑5 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953. 62. À cette apparence délibérée d’égalité, on peut rattacher les pratiques des banquets de groupes d’hommes, de syssitia, dont la mise en place pouvait contraindre les riches à adopter le même mode de vie que leurs concitoyens, sans impliquer qu’ils dussent renoncer à leurs biens. Sur la pratique du syssition, cf. e. g. Figueira 1984, Hodkinson 2000, index s.v. « common messes ». 63. Pour d’autres exemples cf. chapitre xi, p. 264-268. 64. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 54, 5 (à propos de la révolte qui a suivi le séisme de 464) et V, 14, 3 (sur la peur à l’égard des Hilotes de Messénie). 65. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 23, 6 (sur la crainte pro‑ voquée par l’impérialisme athénien qui s’est affirmé entre 477 et 404). 66. Xénophon, République des Lacédémoniens, 8, 3. 67. Xénophon, République des Lacédémoniens, 14. 68. Plutarque, Vie d’Agis, 10, 4‑5. 69. Plutarque, Vie d’Agis, 8, 1. 70. Plutarque, Vie de Cléomène, 10. 71. Plutarque, Vie d’Agis, 11, 1. 72. Plutarque, Vie de Lycurgue, 26, 1. 73. Cf. e. g. la caractérisation de Nestor dans l’Iliade, II, 370‑372 (où l’on trou‑ vera une expression prêtée à Agamemnon, ἀγορῇ νικᾷς (agorè[i] nika[i]s), « tu l’em‑ portes à l’assemblée », qui peut être rapprochée d’une autre formule, de la Grande
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Sparte Rhètra) ; un recueil de références sur la place des hommes d’expérience est donné par Richardson 19692, p. 31‑40 notamment. 74. Platon, Lois, XII, 961a-b. 75. Platon, Lois, I, 634d-e ; traduction Éd. Desplaces, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1951. 76. Outre la Grande Rhètra, on peut renvoyer à Diodore, Bibliothèque, XI, 50, 2‑7 montrant une intervention du géronte Hétoimaridas en 477 ou 475, et à un passage de Plutarque, Agis, 11, 1, à propos d’événements de 242. Sur ces textes, cf. F. Ruzé, 1997, p. 143‑145 et Richer, Éphores, 1998, p. 348‑352 ; sur le recrutement et le rôle de la gérousie (sur laquelle se seraient appuyés les rois), cf. N. Birgalias, 2007.
IV Une cité des arts puis de l’austérité 1. Platon, Lois, II, 666e. 2. Plutarque, Vie de Lycurgue, 13, 5 ; cf. aussi Moralia, 189E et 227B-C. 3. Xénophon, Agésilas, 8, 6‑7. 4. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 10, 2‑3 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953, modifiée. 5. Le sujet de la phrase est sous-entendu, et l’on comprend tantôt qu’il s’agit de la cité, la polis, tantôt de la puissance, la dynamis. 6. J. Boardman, 1963. 7. En fait, les niveaux antérieurs à 570/560 ont été surabondamment protégés par l’érection, au iiie siècle de notre ère, d’un théâtre qui avait pour frons scenae la façade du troisième état du temple, construit au iie siècle av. J.-C. L’autel était demeuré presque au même emplacement depuis près d’un millénaire. 8. Plutarque, Vie de Périclès, 12, 2. 9. On ne peut exclure que le temple de Gitiadas ait remplacé un édifice plus ancien déjà consacré à Athéna. Un petit édifice situé sur l’acropole à une douzaine de mètres au sud du temple avait des murs établis sur des soubassements faits de pierres, et constitués de briques d’argile crue ; ce bâtiment a dû être en usage du e e e vii au v ou au iv siècle. 10. Cf. Catling et Cavanagh, 1976 ; Catling, 1992 présente de la céramique du e vii siècle provenant du Ménélaion. 11. Pausanias, Périégèse, III, 18, 10-19, 5. Cf. A. Faustoferri, 1996. 12. Pausanias, Périégèse, III, 10, 8. 13. Sur l’agora de Sparte, cf. notamment – outre Pausanias, Périégèse, III, 11, 2‑11 – Hérodote, Histoires, I, 153 ; Xénophon, Helléniques, III, 3, 5 et Plutarque, Agis, 12, 4 (c’est sur l’agora que siègent les éphores) ; Aristote, Politique, VI, 8, 3, 1321b 12‑14 et VII, 12, 7, 1331b 6‑10 avec nos remarques, Richer, Éphores, 1998, p. 447 ; Plutarque, Vie de Lycurgue, 25, 1. L’agora n’a pas de tout temps regroupé l’ensemble des activités commerciales, puisque Pausanias mentionne (III, 13, 6) un autre espace, quadrilatéral, où de menues marchandises avaient été échangées. 14. Pausanias, Périégèse, III, 12, 10. 15. Cf. Vitruve, De l’architecture, I, 1, 6, et Pausanias, Périégèse, III, 11, 3. Ce portique a dû subir d’importantes transformations à l’époque d’Auguste. 16. Hérodote, Histoires, VI, 67. 17. À propos de l’invasion subie en 370/369, Xénophon précise (Helléniques, VI, 5, 28) que les Spartiates avaient une ville sans rempart. Un fait lié à cette absence
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Notes de muraille peut être la proximité – indiquée par Plutarque, Vie de Lycurgue, 27, 1 – des tombes et de l’habitat : aux environs de chacune des quatre kômai regroupées se seraient trouvées des tombes et le développement de l’habitat aurait provoqué la présence de tombes entre les différents quartiers de la ville – sans que les cimetières fussent implantés au-delà d’une muraille qui n’existait pas. 18. Après l’établissement d’une fortification de fortune vers 317 (Justin, Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée, XIV, 5, 6‑7 avec les remarques de P. Cartledge et A. Spawforth, 1989, p. 26‑27), et sa réutilisation possible en 294 (Pausanias, Périégèse, I, 13, 6) et en 272 (Plutarque, Pyrrhos, 27, 5‑8), c’est sans doute sous Cléomène III (236‑222) que la construction de la muraille a été entre‑ prise, pour être achevée sous Nabis (207‑192), estime G. Waywell, 1999, p. 6 (sur la date de 188 au plus tard, cf. P. Cartledge et A. Spawforth, op. cit., p. 71). On peut voir dans l’érection d’une muraille autour de Sparte le signe d’un affaiblissement de la cité, reconnu par les Spartiates eux-mêmes : cf., par exemple, P. Cartledge et A. Spawforth, op. cit., p. 27 ou C. M. Stibbe, 1996, p. 22. 19. Aristote, Politique, VII, 11, 8 ; 1330b 32‑35. 20. Deux ouvrages qui rassemblent commodément une abondante iconographie (en noir et blanc) sont ceux de Fitzhardinge, 1980 et de Förtsch, 2001 ; cf. aussi Steinhauer, s.d. [vers 1972]. 21. G. Salapata, 2014. 22. Pausanias, Périégèse, III, 17, 2‑3. 23. Pausanias, Périégèse, III, 18, 7‑8. 24. Sur le développement de la plastique laconienne, cf. C. Rolley, 1994, p. 273‑276. 25. Sur le fait que les fabricants de vases de bronze – comme ceux de céramique à décor figuré – sont sans doute des périèques, cf. C. Rolley, 2003, p. 131, n. 273. 26. Mais le cratère de Vix, des environs de 530, ne serait pas, selon Claude Rolley, d’origine laconienne : il aurait été fabriqué dans une cité grecque d’Italie du Sud (Rolley, 2003, p. 123‑143). 27. Hérodote, Histoires, I, 70. 28. C. Rolley peut relever (2003, p. 131, n. 273) que l’« on n’a dédié dans les sanctuaires laconiens ni vase de bronze ni céramique à décor figuré ». 29. Sur la céramique laconienne, cf. notamment C. M. Stibbe, 1972 et 2004, M. Pipili, 1987 et 2006, N. Richer, 2010. Sur la distribution de la céramique fine provenant de Laconie, cf. F. Coudin, 2013. 30. Il est possible que l’interdiction faite aux Spartiates de pratiquer des activités artisanales se soit progressivement imposée, pour revêtir un caractère catégorique au e v siècle : cf. Hodkinson, 1998, p. 110 (où il est par ailleurs noté que le Peintre des Boréades aurait pu venir d’Ionie vers 580). 31. Pausanias, Périégèse, III, 17, 6. 32. Pausanias, Périégèse, III, 18, 8. 33. Terpandre, fr. 5, éd. Gostoli cité par Plutarque, Vie de Lycurgue, 21, 5. 34. Tyrtée, fragment 9, vers 1-14, édition Prato = fr. 12, vers 1‑14 édition West ; traduction d’E. Lévy, Sparte, Paris, 2003, p. 39‑40, modifiée. Pour un autre passage du même poème cf. chapitre xi, p. 255-256. 35. Alcman, fr. 143, éd. Calame cité par Plutarque, Vie de Lycurgue, 21, 6. 36. Alcman, fr. 140, éd. Calame. 37. Alcman, fr. 3, vers 78‑91, édition Calame ; traduction C. Calame dans Alc‑ man, Fragmenta edidit, veterum testimonia collegit Claudius Calame, Rome, 1983. 38. Calame, 1983, p. XX. 39. Cf. N. Richer, Éphores, 1998, p. 181‑183.
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Sparte 40. On connaît 68 822 figurines de plomb datables de 580‑500 mais seulement 10 617 datables de 500‑425 (Hodkinson, 1998, p. 107). 41. Pour une discussion de la réalité même d’une période d’austérité à Sparte, cf. Hodkinson, 1998, où l’on trouvera des éléments statistiques, et où est soulignée (p. 109) la précarité d’une production artistique de céramique figurée ou de bronzes due à des ateliers au nombre très restreint. Sur le culte des pathèmata, des abstractions d’états psycho-somatiques, qui pourrait avoir été systématisé pour inciter les hommes à être maîtres d’eux-mêmes, cf. chapitre x, p. 238-239. 42. Aristote, fr. 611, 12, éd. Rose = fr. 143, 1, 12, éd. Gigon. 43. Pausanias, Périégèse, III, 1, 8. 44. Plutarque, Vie de Lycurgue, 8, 1‑6 ; traduction R. Flacelière, É. Chambry, M. Juneaux, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1957, légèrement modifiée. 45. Plutarque, Vie d’Agis, 5, 6. 46. Cf. chapitre vii, p. 149. Sur la question de l’appropriation des terres à Sparte et sur le « système du klèros » cf. Ducat, 1983 ; cf. aussi Hodkinson, 2000, p. 65‑112. 47. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 6, 4 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953. 48. Plutarque, Nicias, 19, 4‑6. 49. Xénophon, République des Lacédémoniens, 5, 1‑4 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, légèrement modifiée. 50. Xénophon, République des Lacédémoniens, 7, 1‑6 ; le texte est cité chapitre vii, p. 161-162. 51. Plutarque ou Pseudo-Plutarque, Moralia, 226C-D ; Plutarque, Vie de Lysandre, 17, 3‑5. Ces textes sont cités p. 163 et 167. 52. Pour plus de détails sur la monnaie de Sparte cf. p. 161-169. 53. Hérodote, Histoires, VI, 62 ; cf. aussi Platon, Ier Alcibiade, 122e. 54. M. I. Finley, 1984, p. 47. On peut aussi noter que, d’après Platon, Ier Alcibiade, 123a, les plus riches des Lacédémoniens sont les rois. 55. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, I, 68 avec nos remarques, Richer, Éphores, 1998, p. 131‑132. 56. Hérodote, Histoires, VII, 134. 57. Hérodote, Histoires, VII, 234. 58. Aristote, Politique, IV, 9, 7‑9 ; 1294b 19‑31 ; traduction Jean Aubonnet, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1971, légèrement modifiée. 59. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 37, 2 ; cf. aussi Xénophon, République des Lacédémoniens, 4, 4. 60. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 71, 2. 61. Polybe, Histoire, VI, 48, 3‑4 ; traduction Pierre Waltz, Paris, Garnier, 1921, modifiée.
V Le rayonnement politique de Sparte au
e
vi
siècle
1. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 18, 1. 2. Pausanias, Périégèse, VIII, 39. 3. Hérodote, Histoires, I, 65. 4. P. Cartledge 1979, rééd. 2002, p. 118.
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Notes 5. Sparte aurait ainsi pris, dans l’amphictionie de Calaurie – constituée autour d’un culte à Poséidon –, la place de Prasiai – devenue cité périèque (cf. G. Grigorakakis, 2015). En considérant les données archéologiques, mais sans pouvoir cependant men‑ tionner d’élément décisif, P. Cartledge (1979, p. 141-142, rééd. 2002, p. 121‑123) tend à considérer que le contrôle de ces territoires par les Lacédémoniens serait antérieur à la bataille des Champions. 6. Hérodote, Histoires, I, 82 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1932, légèrement modifiée. 7. Un indice pouvant confirmer le sens de ce combat apparaît quand, en 420, les Argiens proposent aux Lacédémoniens, qui sont fort surpris mais acceptent, la possibilité d’une revanche dans les mêmes conditions (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 41, 2‑3). 8. Hérodote, Histoires, I, 66 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1932. 9. Pausanias, Périégèse, III, 7, 3 et VIII, 47, 2. 10. Hérodote, Histoires, I, 67‑68, même traduction légèrement modifiée 11. Hérodote, Histoires, I, 70. 12. Aristote, fr. 592 Rose = fr. 609, 1 et 2 Gigon apud Plutarque, Moralia, 292B et 277C (on cite ici 292B ; traduction Jacques Boulogne, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 2002). 13. Une traduction française de cette inscription est fournie par H. Van Effenterre et F. Ruzé, Nomima, 1994, n° 55, p. 234. 14. Hérodote, Histoires, I, 67‑68. 15. Pausanias, Périégèse, VII, 1, 8. 16. Cf. G. Salapata, 2014. 17. Hérodote, Histoires, I, 141 et 152. 18. Hérodote, Histoires, I, 153. 19. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 19. 20. Hérodote, Histoires, VII, 134. 21. Hérodote, Histoires, III, 54 et III, 39 ; 44‑48 ; 54‑56. 22. Hérodote, Histoires, I, 69. Pausanias précise (Périégèse, III, 10, 8) que l’or fut finalement utilisé pour l’Apollon d’Amyclées. 23. Hérodote, Histoires, I, 69‑70. 24. Sur la date, cf. A. Faustoferri, 1996, p. 278, 292, 294 ; sur les constructions de l’Amyclaion, cf. supra, chapitre iv, p. 68-70. 25. Pausanias, Périégèse, III, 18, 9. 26. Plutarque, Aristide, 17, 10. 27. Sur ces questions, cf. les pistes suggérées par J. Ducat, 1995a. 28. Pausanias, Périégèse, III, 12, 10. 29. Cf. Hérodote, Histoires, III, 48. 30. Hérodote, Histoires, IV, 152. 31. Cf. P. Cartledge, 1982, p. 252‑253 ; F. Coudin, 2013 ; cf. supra, p. 83. 32. Ces aristocrates pourraient avoir été les ancêtres d’amis samiens d’Hérodote, note P. Cartledge, qui souligne par ailleurs la connaissance approfondie qu’Hérodote avait de Samos (1982, p. 246). 33. Hérodote, Histoires, III, 46‑47. Sur le fait qu’il s’agissait plutôt de la deuxième guerre de Messénie que de la première, notamment parce que des navires tels que ceux que pouvaient armer les aristocrates samiens y auraient été plus utiles que pendant la première guerre, cf. Cartledge, 1982, p. 258‑259. 34. P. Cartledge, 1982, p. 255. 35. Hérodote, Histoires, III, 46.
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Sparte 36. Hérodote, Histoires, III, 55. 37. P. Cartledge relève (1982, p. 250, n. 37) un certain nombre d’anthroponymes spartiates qui semblent dénoter une relation particulière de ceux qui les portent avec telle ou telle collectivité étrangère : outre Samios, père d’Archias lié aux Samiens, on pourrait citer Athènaios, lié aux Athéniens, Boiotios lié aux Béotiens, Thessalos lié aux Thessaliens ou Olyntheus lié aux Olynthiens, par exemple. 38. Hérodote, Histoires, VI, 57. 39. P. Carlier, 1984, p. 270. 40. Hérodote, Histoires, V, 42 et cf. VI, 75. Une présentation détaillée de la politique extérieure de Sparte de 520 à 469 est fournie par A. Roobaert, 1985. 41. Hérodote, Histoires, V, 39‑41. 42. Hérodote, Histoires, VI, 108 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948. 43. Plutarque, Moralia, 861D-E. 44. Hérodote, Histoires, III, 148. 45. Hérodote, Histoires, VII, 139. 46. Hérodote, Histoires, V, 42. 47. Hérodote, Histoires, V, 43. 48. Hérodote, Histoires, V, 44‑45. 49. Hérodote, Histoires, V, 46. 50. Hérodote, Histoires, V, 42. 51. Hérodote, Histoires, V, 46. 52. Hérodote, Histoires, V, 63 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1946. 53. Aristote (ou Pseudo-Aristote), Constitution des Athéniens, 19, 4. 54. Sur les navarques cf. p. 301-302. 55. Hérodote, Histoires, V, 64‑65. 56. Hérodote, Histoires, V, 71 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1946. 57. Cf. supra, p. 100-102. 58. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 19. 59. Hérodote, Histoires, V, 74. 60. Hérodote, Histoires, V, 75‑76 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1946, modifiée. 61. Hérodote, Histoires, VI, 56. 62. En 419 aussi, selon Thucydide (Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 54, 1), un roi de Sparte peut conduire ses troupes sans que celles-ci aient une vision claire des objectifs poursuivis – ni même de la destination, en l’occurrence. 63. Hérodote, Histoires, V, 90 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1946. 64. Hérodote, Histoires, V, 91‑92. 65. Hérodote, Histoires, V, 93. 66. P. Cartledge, 1979, p. 148, rééd. 2002, p. 127. 67. Hérodote, Histoires, V, 49‑51. 68. Hérodote, Histoires, VI, 76‑81. 69. Hérodote, Histoires, VII, 148. 70. Pausanias, Périégèse, II, 20, 8‑10 ; traduction J. Delorme, La Grèce primitive et archaïque, Paris, Armand Colin, Collection « U », 1969, p. 234‑235, rééd. 1992, p. 203‑204, légèrement modifiée. 71. Plutarque, Moralia, 245C-F. 72. Plutarque peut ici s’appuyer sur Aristote, Politique, V, 3,7 8 ; 1303a 8.
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Notes 73. Hérodote, Histoires, VI, 82 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948. 74. Plutarque, Moralia, 224B. 75. Hérodote, Histoires, IX, 76. 76. Hérodote, Histoires, VI, 48 ; cf. VII, 32. 77. Hérodote, Histoires, V, 73. 78. Hérodote, Histoires, VII, 133. 79. Hérodote, Histoires, VI, 49. 80. Hérodote, Histoires, VI, 50‑51, 61. 81. Selon la remarque d’A. Roobaert, 1985, p. 50, la règle de 506 empêchant deux rois de se rendre ensemble à l’étranger ne concernait visiblement qu’une armée en campagne. 82. Hérodote, Histoires, VI, 64. 83. Hérodote, Histoires, VI, 61‑66. 84. Hérodote, Histoires, VI, 73 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948. 85. Sur la bataille de Marathon, une présentation détaillée est fournie par N. G. L. Hammond, 1988, p. 506‑517. 86. Hérodote, Histoires, VI, 117. 87. Hérodote, Histoires, VI, 105‑106. 88. Sur d’autres moments où la célébration des Karneia a été prioritaire sur des opérations militaires, cf. Richer, Religion, 2012, p. 445‑447. 89. Hérodote, Histoires, VI, 102‑117 et (citation donnée ici) 120. 90. Hérodote, Histoires, VI, 74 et 66. 91. Hérodote, Histoires, VI, 74. 92. Hérodote, Histoires, VI, 75. Sur le cas clinique présenté par Cléomène on pourra consulter G. Devereux, 1995, et sur les discussions concernant sa mort, cf. A. Roobaert, 1985, p. 58‑59. 93. Platon, Lois, III, 698e. 94. J. Ducat, 1990a, p. 141‑144. 95. Strabon, Géographie, VIII, 4, 10, p. 362. 96. L’allusion faite par Hérodote (Histoires, IX, 64) à la mort, survenue à Sté‑ nyklaros, de 300 Spartiates commandés par Arimnestos, « au cours d’une guerre contre tous les Messéniens », concerne explicitement des événements postérieurs à la bataille de Platées, de 479. 97. P. Cartledge, 1979, p. 153-154, rééd. 2002, p. 132‑133, réunit un certain nombre d’éléments qui peuvent faire penser à la réalité d’une révolte vers 490. 98. Cf., au viie-vie siècle, Alcée, fr. 112, vers 10 éd. Lobel et Page (fr. 123 éd. Reinach, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1937), puis, en 472, Eschyle, Perses, vers 349. On pourrait aussi renvoyer à Hérodote, Histoires, VIII, 61 ; Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VII, 77, 7 ; Xénophon, Mémorables, III, 5, 27 ; Lycurgue, Contre Léocrate, 153 ; Démosthène, Sur la Couronne, 299. Sur l’idée appliquée aux citoyens de Sparte, vus comme les murs de leur cité, cf. Plutarque, Vie de Lycurgue, 19, 11 ; Moralia, 210E et 228E.
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Sparte
VI Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence fallacieusement égalitaire 1. Sur les œuvres de ces auteurs, cf. supra, p. 10. 2. Plutarque, Agésilas, 19, 10 ; cf. A. Paradiso, 2015. 3. M. Meulder, 1989, estime que l’œuvre date entièrement de 377/376 ; pour diverses hypothèses de datation, cf. Richer, 2007, p. 429‑432. 4. Cf. notamment P. Cartledge, Agesilaos, 1987, chapitre 5 : « Agesilaos, Xeno‑ phon and the Sources of Evidence », p. 55‑76. 5. Cf. Xénophon, L’Anabase, le Banquet, l’Économique, De la Chasse, La République des Lacédémoniens, La République des Athéniens, Paris, 1933, rééd. 1967, p. 477‑500. 6. Cf. Hérodote, VII, 234 ; Thucydide, IV, 40, 2 et V, 15, 1 ; Xénophon, Helléniques, III, 3, 5 et 6, Anabase, IV, 6, 14, République des Lacédémoniens, 10, 7 ; 13, 1 et 13, 7 ; Aristote, Politique, V, 7, 1306b 30. Ces mentions et le sens du terme sont examinés par J. Ducat, 2013, où il est proposé que certains Spartiates aient été dits homoioi mais d’autres, les plus pauvres, non. 7. Sur les ressources matérielles et économiques de la Laconie, cf. par exemple L. Thommen, 2014. 8. Cf. supra, chapitre iv, n. 40 et chapitre x, p. 223. 9. Xénophon, Helléniques, III, 3, 7. 10. Plutarque, Vie de Lycurgue, 8, 7. 11. R. W. V. Catling dans W. Cavanagh, J. Crouwell, R. W. V. Catling, G. Ship‑ ley et alii, 2002, p. 196. 12. P. Cartledge peut ainsi relever que « Sparta… was extraordinarily autarkic in essential foodstuffs » avant de mentionner l’abondance du minerai de fer (1979, p. 156, rééd. 2002, p. 134). 13. Xénophon, République des Lacédémoniens, 7, 1‑2 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 14. Hérodote, Histoires, II, 164 et surtout 167 ; Isocrate, Busiris, 17‑18 (texte cité chapitre xi, p. 252). 15. Aristote, Politique, VI, 7, 4, 1321a 28‑29. Aristote précise ailleurs (Politique, III, 5, 7 ; 1278a 25‑26) qu’une abstention des pratiques de l’agora (entendons du commerce) pendant dix ans a été nécessaire, à Thèbes, pour participer au pouvoir politique. 16. Plutarque, Vie de Lycurgue, 8, 7. 17. Plutarque, Vie de Lycurgue, 12, 3. 18. Plutarque, Vie de Lycurgue, 12, 12. 19. Des évaluations modernes proposeraient que 90 000 hectares de terres de Messénie aient été réparties en 4 500 lots (dits klèroi) et que 50 000 hectares de terres de Laconie aient été divisés en 2 500 lots, mais il a pu aussi être souligné que les données fournies par Plutarque concernant le nombre de lots (sur quoi cf. supra, chapitre iv, p. 87-88) et l’importance qu’il leur attribue si l’on se fie aux productions indiquées sont incompatibles avec les rendements probables et l’espace cultivable connu, surtout si l’on tient compte de ce que les périèques aussi devaient exploiter des terres pour eux-mêmes (cf. Christien et Ruzé, 2007, p. 79). 20. Les Hilotes, au reste, ne s’adonnaient pas qu’aux activités agricoles, puisque Xénophon mentionne la possibilité que certains aient servi comme matelots (Helléniques, VII, 1, 12).
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Notes 21. J. Ducat, Les Hilotes, 1990a, p. 64. 22. J. Ducat, 1990a, p. 111‑113. Ajoutons que l’intériorisation de leur servitude par les Hilotes aurait mené certains d’entre eux à refuser d’entonner les chants propres à leurs maîtres même quand ils se trouvaient détenus par les Thébains – et par conséquent à l’abri de toute sanction venant des Spartiates, sans doute en 370/369 (Plutarque, Vie de Lycurgue, 28, 10). 23. Selon Platon, les femmes spartiates s’occupaient « des services domestiques, de l’intendance de la maison et de l’élevage des enfants (la paidotrophia) » – jusqu’aux sept ans de ceux-ci, entend-on (Lois, VII, 806a). 24. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 6, 4. 25. Aristote, Politique, IV, 9, 8 ; 1294b 27‑29. 26. Xénophon, République des Lacédémoniens, 5, 1 et 3 (on a cité ce texte plus longuement supra, chapitre iv, p. 89). 27. Aristote, Politique, IV, 9, 8 ; 1294b 26‑27. 28. Cf. notamment Plutarque, Vie de Lycurgue, 12, 1‑2 et, parmi les Modernes, MacDowell, 1986, p. 111. 29. Xénophon, République des Lacédémoniens, 5, 6. 30. Plutarque, Vie de Lycurgue, 12, 3 et 10‑11. 31. Aristote, Politique, II, 9, 30-32 ; 1271a 30‑35. 32. Xénophon, République des Lacédémoniens, 5, 3. 33. Cf. Ducat, 1983. 34. [Platon], Premier Alcibiade = Alcibiade Majeur, 122d-123b ; traduction M. Croiset, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1920. 35. E. Lévy, Sparte, 2003, p. 147. 36. Aristote, Politique, II, 9, 36‑37 ; 1271b10‑17. 37. Cf. Hérodote, Histoires, VI, 61 sur le trésor du roi Ariston. 38. Hérodote, Histoires, VII, 134. Sur ce texte, cf. Richer, Religion, 2012, p. 255‑256. 39. Sur la possibilité d’unions entre les deux familles royales et les familles d’éphores, cf. supra, chapitre iv, p. 92. 40. Hérodote, Histoires, VI, 57. 41. Diodore de Sicile, Bibliothèque, XI, 50, 6. 42. Sur l’existence de gens riches à Sparte, cf. Hérodote, Histoires, VI, 61 et Xénophon, République des Lacédémoniens, 5, 3. 43. Plutarque, Cimon, 10, 6. 44. Pausanias, Périégèse, VI, 2, 1‑2. 45. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 49, 1 ; 50, 4 ; cf. Xéno‑ phon, Mémorables, I, 2, 61 ; Pausanias, VI, 2, 2‑3. 46. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 76, 3. 47. IG, V, 1, 213. Une traduction anglaise de l’inscription est fournie par S. Hod‑ kinson, 2000, p. 303‑304 (et le texte est commenté p. 305‑307) ; pour une traduction française du texte, cf. P. Brun, 2017, p. 223‑227 (inscription n° 88). 48. J. Ducat, 1990b, p. 180. 49. S. Hodkinson, 2000, p. 307. 50. Sur la distinction des individus par leurs succès athlétiques cf. chapitre xi, p. 249. 51. Cf. S. Hodkinson, 2000, p. 306 ; en l’espèce, l’inscription de Damonon n’a pas été retrouvée sur l’acropole mais ce devait être son emplacement initial si l’on juge par la dédicace initiale à Athéna Poliachos [Qui tient la cité]. 52. S. Hodkinson, 1989, p. 96‑100. 53. Platon, République, VIII, 547a-555b.
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Sparte 54. Xénophon, Agésilas, 9, 6‑7. Traduction P. Chambry, Paris, Garnier, 1932, rééd. 1967, légèrement modifiée. 55. Cf. Xénophon, Helléniques, III, 3, 3. Car si l’hérédité n’est pas un critère essentiel de la valeur des individus, elle est fondamentale – pour des raisons reli‑ gieuses – dans la succession royale : tout roi doit descendre d’Héraclès. 56. Plutarque, Agésilas, 20, 1. 57. Cf. C. Fornis, 2014, p. 316. 58. Hérodote, Histoires, VII, 134 ; cf. supra, p. 134-135. 59. Finley, 1984, p. 47‑48. 60. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 38, 3. 61. Thucydide, IV, 40, 1. 62. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 34, 2 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1967, légèrement modifiée. 63. Thucydide, IV, 38, 5. 64. Thucydide, V, 15, 1. 65. Thucydide, V, 34, 2. 66. Aristote, Politique, II, 9, 17 ; 1270a 34‑36. 67. Hérodote, Histoires, I, 65. 68. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 39, 1 ; cf. aussi Xénophon, République des Lacédémoniens, 14, 4. Néanmoins des étrangers pouvaient exercer une influence à Sparte, ne fût-ce qu’en prenant la parole devant l’assemblée des citoyens, comme le relève S. Hodkinson, 1983, p. 276‑278. 69. Hérodote, Histoires, IX, 33‑35 ; cf. nos remarques, Richer, Religion, 2012, p. 265‑266 et 299‑301 notamment. 70. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 34, 1‑2. 71. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 80 et cf. nos remarques, Richer, Éphores, 1998, p. 386, n. 111. 72. En 418, à la bataille de Mantinée, Brasidiens revenus de Thrace (anciens Hilotes et anciens mercenaires confondus dans une même appellation) et néodamodes combattent côte à côte (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 67, 1). 73. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 29. 74. Ducat, 1990a, p. 161. 75. Ces deux dernières catégories sont clairement distinguées par Ducat, 1990a, p. 166‑168. 76. Xénophon, Helléniques, III, 3, 4‑7 ; traduction J. Ducat dans N. Richer (coord.), Le Monde grec, Rosny, 1995, p. 105, rééd. Paris, 2017, p. 84, légèrement modifiée. 77. Xénophon, Helléniques, III, 4, 11. 78. Cf. chapitre xi, p. 259-263.
VII Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes, des hommes trop peu nombreux et une monnaie nouvelle 1. Aristote, Politique, II, 9, 13‑16 et 18‑19 ; 1270a 11‑34 et 1270b 1‑6 ; traduction J. Aubonnet, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1960, revue par son propre auteur, Paris, Les Belles Lettres, collection « Classiques en poche », 1998. 2. Sur le thème cf. chapitre viii, p. 192. 3. Plutarque, Agis, 5, 3. 4. Nous ne retiendrons pas ici l’hypothèse préférée par S. Hodkinson, Property and Wealth, 2000, p. 90‑94, pour qui Aristote ne ferait pas référence à Épitadeus
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Notes parce que, l’interdiction d’acheter ou de vendre de la terre étant une caractéristique des cités que nous disons archaïques, l’interdiction de cet ordre connue à Sparte comme la possibilité de transmettre un bien par don ou par héritage, qui seraient imputables à un même législateur, devraient remonter à l’époque archaïque. Le passage de Plutarque n’aurait pas de valeur historique mais transcrirait un récit de propagande, peut-être élaboré par Sphaïros de Borysthène au iiie siècle (à partir de Platon, République, 555c-e en particulier), quand certains voulurent réformer Sparte en prétendant revenir à ses usages lycurguiens. Pour plus de détails, cf. par exemple Richer, Éphores, 1998, p. 474. 5. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 14. 6. Xénophon, République des Lacédémoniens, 14, 2. 7. Sur l’oliganthropie cf. p. 151-161. 8. Il est aussi vraisemblable que de nombreuses familles spartiates ont été appau‑ vries, en 370/369, par la perte de leurs terres situées en Messénie. Or les autorités spartiates de Laconie devaient être d’autant moins enclines à procéder à une redis‑ tribution des terres à leur profit que c’eût été reconnaître le caractère irrémédiable de la perte de la Messénie que, voit-on encore en 366, Archidamos, prince héritier de Sparte, se refuse à admettre (cf. Isocrate, Archidamos, notamment 8‑11 [cité chapitre xv, p. 350-351] et 70‑71). 9. Cf. supra, chapitre vi, p. 137-139. 10. Cf. Van Effenterre et Ruzé, Nomima, II, 1995, p. 176‑177, n° 49, lignes 37‑42. Selon Éphore (FGrHist, 70, fr. 149 cité par Strabon, Géographie, X, 4, 20), en Crète la dot d’une fille équivaut à la moitié de la part d’héritage de chacun de ses frères. 11. Aristote, Politique, II, 9, 7 ; 1269b 24‑25. 12. Xénophon, République des Lacédémoniens, 1, 7‑9. La pratique est aussi évo‑ quée par Polybe, Histoire, XII, 6b, 8. 13. Sur la polyandrie spartiate, cf. Richer, Éphores, p. 459‑462. 14. Xénophon, République des Lacédémoniens, 1, 1 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, légèrement modifiée. 15. Aristote, Politique, II, 9, 17 ; 1270a 34‑37. 16. Une cité comptant une population de 10 000 hommes revêt un caractère exemplaire : c’est le nombre d’habitants de la cité idéale d’Hippodamos de Milet selon Aristote (Politique, II, 8, 2 ; 1267 b 31) et dans le Panathénaïque, 257, Isocrate présente les villes peuplées de 10 000 hommes comme caractérisées par le degré supérieur de la puissance. Selon Plutarque, dans des temps anciens les Spartiates se seraient réparti 9 000 lots de terre (Vie de Lycurgue, 16, 1). 17. Humilié, avant 486, par Léotychidas qui l’avait remplacé comme roi de Sparte en 491/490, Démarate s’était réfugié dans l’Empire perse, où il servait de conseiller au Roi sur les affaires grecques (Hérodote, Histoires, VI, 67‑70). 18. Hérodote, Histoires, VII, 234 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1951. 19. Hérodote, Histoires, IX, 28 ; cf. aussi IX, 10‑11 et 29. 20. Hérodote précise (Histoires, IX, 12) que c’est la jeunesse qui est partie pour Platées ; ce sont donc les plus anciennes classes qui ont dû ne pas se rendre en Béotie. 21. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 68, 2. 22. Thucydide, V, 68, 3. 23. Thucydide, V, 67, 3 ; V, 72, 4 ; V, 72, 3. 24. Thucydide, V, 64, 3. 25. Cf. P. Cartledge (1979, p. 308, rééd. 2002, p. 264), qui estime aussi (Agesilaos, 1987, p. 39) que la volonté acharnée des Spartiates de recouvrer les cent
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Sparte vingt des leurs faits prisonniers à Sphactérie en 425 porterait sur seulement 3 % de la population civique (en fait plutôt 3,4 %). Par ailleurs, dans le commentaire qu’il donne sur les indications numériques de Thucydide portant sur la bataille de Mantinée, en considération notamment des effectifs ennemis que l’on peut évaluer, et en se fondant sur l’effectif vraisemblable des Brasidiens et des néodamodes qui auraient constitué un des sept lochoi de l’armée, S. Hornblower propose (2008, p. 182) de doubler les effectifs indiqués par Thucydide. L’armée aurait donc compté environ 7 000 hommes. Mais Hornblower ne distingue pas entre Spartiates et Lacé‑ démoniens et, si l’on suit son hypothèse, les premiers pourraient avoir été peut-être (3 500 + 300 = ) 3 800 environ. Sans doute, il peut paraître audacieux de consi‑ dérer que Thucydide ait pu se tromper quand une solution existe, qui tiendrait à la présence d’Hilotes dont la levée en masse est mentionnée par l’historien (V, 64, 2) : même si ceux-ci étaient destinés à faire nombre, et si Thucydide n’en parle pas dans son récit de la bataille, ils ont pu être présents en soutien et permettre à l’armée menée par les Spartiates d’occuper une longueur semblable à celle occupée par l’armée menée par les Argiens. Si, d’autre part, on considère le nombre des Spartiates parmi les hoplites qui s’étaient rendus aux Athéniens à Sphactérie en 425 (120 sur 292 selon Thucydide, IV, 38, 5), la proportion des Spartiates dans l’armée ne serait que de l’ordre de 41 %. L’hypothèse la plus basse concernant les effectifs totaux des Spartiates présents à Mantinée en 418 pourrait alors être de considérer qu’ils seraient (41 % de 3 072, soit 1 260 hommes + les 300 hippeis, soit) 1 560 hommes environ et la population totale d’hommes en âge de combattre serait de (6/5 de 1260, soit 1 512 + 300 = ) 1 812 hommes. Les évaluations de la population de Sparte en 418 peuvent donc fortement varier. 26. Xénophon, Helléniques, IV, 2, 16. 27. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 15. 28. Ainsi, par exemple, P. Cartledge retient-il (1979, p. 308, rééd. 2002, p. 264) des effectifs civiques de 8 000 hommes en 480, 3 500 en 418, 2 500 en 394, 1 500 au maximum en 371 (avant Leuctres, s’entend). Relevons que si, comme le suggère Lazenby (Spartan Army, 1985, p. 136), une des six mores de l’armée de Sparte était à Orchomène de Béotie au moment de la bataille de Némée (cf. Xénophon, Helléniques, IV, 3, 15), seuls 5/6 des Spartiates auraient été présents à Némée, et leur nombre total pourrait avoir été de 2 880 fantassins + 240 cavaliers, soit 3 120 hommes. 29. Isocrate, Panathénaïque, 255 ; traduction É. Brémond, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1962. 30. Isocrate, Panathénaïque, 256‑257. 31. D’après Xénophon, à Némée, en 394, les hoplites d’Argos opposés à ceux de Sparte auraient été 7 000 « à ce qu’on dit » (Helléniques, IV, 2, 17). 32. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 15 et 17. 33. Aristote, Politique, II, 9, 16 ; 1270a 29‑34. 34. Plutarque, Vie d’Agis, 5, 5‑6, traduction R. Flacelière et É. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1976. Sur la réforme d’Épitadeus cf. supra, p. 149 ; sur la réforme d’Agis, cf. Richer, Éphores, index s. v. « Agis IV » ; Lévy, 2003, p. 278‑283 ; Christien et Ruzé, 2007, p. 358‑361. 35. Sur la possibilité selon laquelle les Spartiates auraient eu conscience d’un problème démographique dès le milieu du vie siècle, cf. Cartledge, 1979, p. 308‑309, rééd. 2002, p. 264‑265. 36. Diodore, Bibliothèque, XI, 63, 1 ; cf. déjà Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 101, 2.
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Notes 37. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, XI, 63, 4‑7 ; traduction J. Haillet, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 2001. 38. Hérodote, Histoires, IX, 70. 39. Hérodote, Histoires, IX, 64. 40. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 108, 1 ; Diodore, Bibliothèque, XI, 80, 2. Tout en affirmant l’importance du nombre de morts, aucun des deux auteurs ne fournit d’indications numériques. 41. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 80, 3. 42. Pour des statistiques cf. chapitre xv, p. 358. 43. Globalement, beaucoup d’opérations furent autres que des batailles rangées : pour un tableau des pertes navales et terrestres essuyées par les Athéniens et leurs alliés comme par les Péloponnésiens d’après le récit de Thucydide – qui renseigne sur les opérations menées de 433 à 411 –, cf. N. Morpeth, 2006, p. 108‑109. 44. D’après Xénophon, Helléniques, IV, 3, 1, les Lacédémoniens n’auraient perdu que 8 hommes, mais leurs alliés en auraient perdu 1 100 d’après Diodore de Sicile, Bibliothèque, XIV, 83, 2. 45. Diodore, Bibliothèque, XIV, 84, 2. 46. Xénophon, Helléniques, IV, 5, 17. 47. Cf. Richer, Éphores, 1998, p. 360, n. 202. 48. Aristote, Politique, II, 9, 18‑19 ; 1270b 3‑6. 49. Aristote, Politique, II, 9, 32 ; 1271a 35‑37. 50. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 14, 4. 51. Cf. Xénophon, Helléniques, IV, 5, 10 à propos d’un événement de 390. Dans une cité qui prisait autant les qualités militaires que Sparte, il est assez vraisem‑ blable qu’exciper de sa paternité pour échapper à ses obligations militaires ne devait pas être du tout systématique de la part de ceux qui en avaient la possibilité en fonction de la loi mentionnée par Aristote. En revanche, échapper à une taxation – en engendrant quatre fils – devait être plein d’attrait : cf. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 80, 4. Pour expliquer le fait que le nombre de Spartiates à Némée ait été relative‑ ment important, P. Cartledge émet l’hypothèse (1979, p. 311‑312, rééd. 2002, p. 267) d’une intégration conjoncturelle de mothakes (de bâtards) et d’hypomeiones (d’inférieurs). 52. Xénophon, Helléniques, IV, 8, 1. 53. Aristote, Politique, II, 9, 31 ; 1271a 31‑32. « Il vaut mieux que la cité abonde en hommes grâce à l’égalisation de la propriété », a-t‑il été dit peu auparavant (Politique, II, 9, 17 ; 1270a 38‑39). 54. Plutarque, Agis, 5, 6. 55. Xénophon, République des Lacédémoniens, 7, 1‑6 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, légèrement modifiée. 56. Plutarque ou Pseudo-Plutarque, Moralia, 226C-D ; traduction F. Fuhrmann, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1988. Stephen Hodkinson propose (2000, p. 156) de dater ce passage de l’époque hellénistique. 57. Cf. Plutarque, Vie de Lysandre, 17, 5. 58. Dans son commentaire de Xénophon, M. Lipka (2002, p. 167) retiendrait plutôt un rapport de 1/400 en fonction duquel 2 520 kg de fer auraient suffi. Mais il se fonde sur des estimations portant sur des trouvailles archéologiques de broches de fer très corrodées faites à l’Héraion d’Argos dont la prise en compte est sans doute assez difficile à admettre. 59. S. Hodkinson, 2000, p. 159.
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Sparte 60. Plutarque, Agésilas, 26, 7‑9 (le texte est cité chapitre xi, p. 253) et Moralia, 213E-214B ; cf. aussi Polyen, Stratagèmes, II, 1, 7. 61. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 80, 4. 62. En 425, les Lacédémoniens ont ainsi promis de grosses récompenses en argent aux Hilotes disposés à fournir des aliments aux assiégés de Sphactérie (Thu‑ cydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 26, 5). S. Hodkinson suggère, 2000, p. 185, n. 41, qu’un trésor trouvé près de Pylos puisse être mis en rapport avec ces récompenses. 63. Cf. supra, chapitre vi, p. 133-134. 64. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 63, 2. Au rapport fer/ argent retenu par S. Hodkinson, cela aurait représenté une quantité de 1 134 tonnes de fer. Une telle quantité est invraisemblable. Donc la perception attendue devait être en argent. 65. Hodkinson, 2000, p. 162 66. Ibid., p. 164. 67. 1 500 talents selon Diodore de Sicile, XIII, 106 ; 1 000 talents selon Plutarque, Nicias, 28, 3. Rappelons qu’un talent est une unité de compte valant 6 000 drachmes et qu’en 408‑407 à Athènes les ouvriers qui travaillaient à l’Érechthéion étaient payés sur la base d’une drachme par jour. 68. 300 talents selon Diodore, 30 selon Plutarque. Sur les doutes que l’on peut émettre sur la réalité d’un vol, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 477‑478. Il est assez probable que, pour se défaire d’un concurrent politique, Lysandre ait délibérément porté des indications fausses sur les bordereaux accompagnant le butin, de façon à faire accuser Gylippe lorsque celui-ci remit le butin et les bordereaux. Une telle hypothèse est d’autant plus vraisemblable que Lysandre lui-même est censé avoir été trompé de façon analogue par le Perse Pharnabaze, qui se serait joué de lui en lui remettant un texte destiné à l’accuser auprès des éphores et non à le louer : cf. Cornélius Népos, Lysandre, 4 et Plutarque, Lysandre, 20. 69. Plutarque, Vie de Lysandre, 17 ; traduction R. Flacelière et É. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1971, légèrement modifiée. 70. Sur ce débat, cf. Bommelaer, 1981, p. 154‑156 et F. Ruzé, 1997, p. 160. 71. Selon Diodore (Bibliothèque, XIV, 10, 2), après leur victoire sur Athènes, les Lacédémoniens se seraient fait verser un tribut annuel de plus de 1 000 talents par an. 72. Xénophon, République des Lacédémoniens, 7, 6 et 14, 3. 73. Plutarque, Lysandre, 19. 74. Platon, Lois, V, 742a-b. 75. Cf. Hodkinson, 2000, p. 174‑175. 76. Plutarque, Agésilas, 34, 11. 77. Diodore, Bibliothèque, VII, 12, 8. 78. A. Bresson, 2008, p. 56. Concrètement, les Spartiates qui n’avaient pas eu l’occasion de s’enrichir en argent en 404 pouvaient individuellement jouer de leur statut social pour bénéficier d’un taux avantageux dans les échanges qu’ils prati‑ quaient, en s’appuyant sur une espèce de cours forcé de la monnaie de fer. 79. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 80, 3. 80. Rappelons que, dans le récit de la conspiration de Cinadon, vers 399‑397, les Spartiates sont censés représenter 2 % des hommes présents sur l’agora : cf. supra, chapitre vi, p. 144-145. 81. Xénophon, Helléniques, V, 4, 23 (et aussi V, 2, 32 ; V, 3, 25 ; République des Lacédémoniens, 9, 4 ; Agésilas, 4, 5 ; Platon, République, X, 599d ; Isocrate, Panégyrique, 64) ; chez Thucydide, la formule « polis des Lacédémoniens » peut
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Notes indiquer la ville de Sparte (Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 10, 2), mais aussi une collectivité politique (VIII, 2, 3). Cf. J. M. Hall, 2000. 82. C’est une idéologie proprement révolutionnaire, accompagnée d’une capacité à sacrifier des biens matériels dans une part de l’élite – notamment féminine –, qui, au temps d’Agis IV (vers 244‑241) et surtout de Cléomène III (235‑222), a pu seule, mais plus d’un siècle après Leuctres, permettre des modifications radicales du corps civique.
VIII Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives 1. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 1 ; 2, 12 ; 2, 13 ; 2, 14. 2. Platon, Lois, II, 659d ; cf. aussi Aristote, Politique, IV, 5, 3 ; 1292b 14 et 16. 3. Plutarque, Agésilas, 1, 2. Plutarque utilise aussi le terme plus général de paideia (Lycurgue, 14, 1). 4. Aristote, Politique, IV, 9, 7 ; 1294b 19‑24 ; traduction J. Aubonnet, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1971. 5. Cf. supra, chapitre vii, p. 156-157. 6. Xénophon, République des Lacédémoniens, 3, 3 (et 10, 7 pour la citation suivante) ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 7. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 84, 4 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953. 8. Xénophon, Helléniques, V, 4, 32 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939. 9. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 2. 10. Agatharchidès, FGrHist, 86, fr. 10 cité par Athénée, Deipnosophistes, XII, 550C-D (sur la périodicité). 11. Élien, Histoire variée, XIV, 7 (pour la formule citée). 12. Plutarque, Vie de Lycurgue, 16, 1‑2. 13. Le terme même indique un « Dépôt » ; Plutarque semble assimiler ce « dépo‑ toir » au barathron, le gouffre où l’on précipitait, à Athènes, les condamnés à mort. Cf. P. Roussel, 1943. Les Apothètes doivent sans doute être distingués du Kéadas où les Lacédémoniens précipitaient les corps des criminels, d’après Thucydide (Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 134, 4) et Pausanias (Périégèse, IV, 18, 4). Le Kéadas a été identifié, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Sparte, et de nombreux ossements humains y ont été retrouvés, mais parmi eux ne figurent pas des restes d’enfants ; la plupart des os retrouvés appartenaient à des hommes d’un âge compris entre 18 et 35 ans. Cf. Archaeological Reports for 2007‑2008, p. 34. 14. Xénophon République des Lacédémoniens, 1, 7. 15. Plutarque, Vie de Lycurgue, 15, 12‑13 et 16. 16. Plutarque, Vie de Lycurgue, 16, 7. 17. MacDowell, 1986, p. 160. 18. Cf. Richer, Éphores, 1998, p. 251‑255. 19. Xénophon, République des Lacédémoniens, chapitres ii, iii et iv. 20. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 1‑2 avec Ducat, 2006b, p. 85‑86. 21. Sur cet âge, cf. Ducat, 2006b, p. 89‑90. 22. Il est même possible que chaque classe d’âge ait reçu une appellation déter‑ minée (Ducat, 2006b, p. 71‑76). 23. Plutarque, Vie de Lycurgue, 16, 7 ; 17, 1 et 16, 12. 24. Plutarque, Vie de Lycurgue, 16, 10 et cf. Moralia, 237A.
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Sparte 25. Isocrate, Panathénaïque, 209 : les Lacédémoniens n’apprendraient même pas leurs lettres. 26. Sur la question, cf. notamment P. Cartledge, 1978. 27. La céramique laconienne du vie siècle témoigne d’une diffusion en milieu laco‑ nien de récits relevant de ce que nous appelons la mythologie grecque, par exemple tel vase du Peintre d’Arcésilas montrant d’une part Prométhée enchaîné et attaqué par un aigle et, d’autre part, Atlas soutenant la voûte du ciel (Vatican 16592). Sur cette céramique, cf. M. Pipili, 1987 (p. 34‑35 sur le vase que l’on vient d’évoquer). 28. Cf. J. L. Rosenberg, 2015. 29. Hérodote, VI, 67 ; cf. N. Richer, Religion, 2012, p. 384‑386. 30. Platon, Hippias majeur, 285d. 31. Chaque année, à partir d’un moment qu’il est difficile de déterminer, les Spartiates se remémoraient par des discours les prouesses de Léonidas et du régent Pausanias lors de la deuxième guerre médique, et organisaient en leur honneur un concours réservé aux seuls Spartiates, selon Pausanias, Périégèse, III, 14, 1. 32. Cf. Richer, Religion, 2012, notamment p. 135‑141 ; Richer, 2017a, p. 89-93. 33. Platon, Protagoras, 342d-e ; traduction A. Croiset et L. Bodin, Paris, Les Belles Lettres, 1923, légèrement modifiée. Sur ce texte, cf. Richer, 2001a. 34. Dicéarque, FHG, II, p. 241, fr. 21. 35. Pour plus de détails sur cette matière, cf. N. Birgalias, 1999, p. 153‑219. 36. Ducat, 2006b, p. 77. 37. Plutarque, Vie de Cimon, 16, 5. 38. Ducat, 2004, p. 136 ; Ducat, 2006b, p. 254‑255. 39. Plutarque, Vie de Lycurgue, 18, 1 ; traduction R. Flacelière, É. Chambry, M. Juneaux, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1957, légèrement modifiée. 40. D’autant qu’il est aussi mentionné par [Plutarque] dans les Moralia, 234A-B. 41. Stibbe, 2004, n° 128, ill. 32, 1. 42. Pour plus de précisions sur cette coupe du Peintre de la Chasse (un temps à New York, Metropolitan Museum of Art, 1999.527, et désormais à Rome au musée de la Villa Giulia), cf. Richer, 2010a, p. 40‑41 (avec un dessin) et Richer, 2015c, p. 412 (photographie). 43. Sur cette sculpture cf. chapitre xi, p. 249-250. 44. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 3, 2. 45. Xénophon, République des Lacédémoniens, 6, 2 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 46. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 2. 47. Plutarque, Vie de Lycurgue, 17, 5. 48. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 5‑8 ; cf. aussi Plutarque, Vie de Lycurgue, 17, 5‑6. 49. Plutarque, Vie de Lycurgue, 17, 4. L’anecdote du renardeau (cf. supra, p. 180) gagne ici en complexité en ce sens que ce sont les organes de la digestion (estomac ou viscères) que, dans les deux versions de Plutarque ou de [Plutarque] (Lycurgue, 18, 1 et Moralia, 234A-B), le jeune voleur qui s’entraîne à dérober de la nourriture se laisse dévorer : il doit en quelque sorte choisir entre être dévoré par la faim ou, pour s’entraîner à voler de la nourriture et ne pas avoir faim, être dévoré par un animal : l’aporie est claire. 50. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 9 et Plutarque Lycurgue, 18, 2 avec Ducat, 2006b, p. 249‑260, où il est notamment proposé, p. 253, que les manieurs de fouets – préposés à la défense des fromages déposés sur l’autel – pour‑ raient avoir été les mastigophoroi, les porteurs de fouets par ailleurs auxiliaires du pédonome que mentionne Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 2.
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Notes 51. Platon, Lois, I, 633b-c avec Ducat, 2009. 52. Cf. Pausanias, Périégèse, III, 14, 8‑10 ; sur ce passage, cf. Richer, Religion, 2012, chapitre 11, où il est proposé que ce combat ait eu pour finalité une confir‑ mation de pouvoirs royaux. 53. Sur l’orientation militaire des pratiques de formation cf. chapitre xi, p. 248-252. 54. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 39, 1 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1962. 55. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 84, 4 ; cf. supra, p. 175. 56. Aristote, Politique, VIII, 4, 4‑5 ; 1338b 24‑32 ; traduction J. Tricot, Paris, Vrin, 1962. 57. Aristote, Politique, VIII, 4, 2 ; 1338b 18‑19. Sur ces comparaisons animales à propos de Sparte, cf. Richer, 2010a, p. 14. 58. Plutarque, Vie de Lycurgue, 22, 3 ; traduction R. Flacelière, É. Chambry, M. Juneaux, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1957. 59. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 4, avec Ducat, 2007. 60. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 13 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 61. Cartledge, 1981, rééd. dans Cartledge, 2001a. 62. Sur la krypteia et sur les kryptoi, cf. Platon, Lois, I, 633b et VI, 763b. Les quelques textes mentionnant les activités des cryptes sont étudiés notamment par J. Ducat, 2006, 281‑331 (en anglais) ; cf. aussi Lévy, 2003, p. 63‑66. 63. Plutarque, Vie de Lycurgue, 28, 3 ; cf. Ducat, 2006b, p. 281‑332. 64. Cf. P. Vidal-Naquet, 1981, p. 161‑163, 201. 65. Cf. H. Jeanmaire, 1913. 66. Plutarque, Vie de Lycurgue, 28, 4‑5 ; traduction R. Flacelière, É. Chambry, M. Juneaux, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1957. 67. Plutarque, Vie de Lycurgue, 28, 11 (et 28, 13 pour la citation suivante) ; même traduction. 68. En fait, comme les cryptes étaient des neoi d’après Plutarque (Lycurgue, 28, 3), leur âge devait être compris entre vingt et un et trente ans, et on ne peut exclure qu’un jeune homme ait servi comme hippeus avant d’assurer une cryptie. On peut imaginer qu’une cryptie qui s’était normalement déroulée précédait une intégration ou une réintégration parmi les hippeis. 69. Xénophon, République des Lacédémoniens, 4, 5 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 70. Hérodote, Histoires, I, 67. 71. Sur l’agathoerge Lichas, cf. Richer, Religion, 2012, p. 134, n. 13. 72. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 7‑8 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 73. Sur les cercles de sociabilité que sont les syssities où l’on partage de la nourriture, cf. supra, chapitre vi, p. 131-133. 74. Plutarque, Vie de Lycurgue, 25, 1. 75. Richer, Éphores, 1998, p. 252‑253. 76. Plutarque, Vie de Lycurgue, 15, 9. 77. Xénophon, République des Lacédémoniens, 4, 7. 78. Cf. Ducat, 1999, en particulier p. 162‑164 ; cf. chapitre xi, p. 254-255. 79. J. Ducat, 1998, p. 397. 80. Plutarque, Vie de Lycurgue, 16, 10. Dans les Moralia, 237A, il est précisé qu’il s’agit de savoir « vaincre ou mourir au combat ». 81. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 2 ; sur l’importance de l’Aidôs, la Retenue, à Sparte, cf. chapitre x.
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Sparte 82. Cf. chapitre x, p. 238-239. 83. Tyrtée, fr. 6‑7 édition Prato = fr. 10 édition West. 84. Lycurgue, Contre Léocrate, 107. 85. Tyrtée, fr. 6‑7 édition Prato = fr. 10 édition West, vers 1, 12, 16, 28, 3‑4. Hypnos, le Sommeil, et Gélôs, le Rire, sont les seuls pathèmata connus par ailleurs qui n’apparaissent pas dans ce texte, fait qui peut assez aisément s’expliquer par son caractère d’exhortation militaire. 86. On a successivement renvoyé ici à Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 2 ; 2, 10 ; 2, 5‑6 ; 2, 7 ; 2, 12. 87. Plutarque, Vie de Lycurgue, 12, 6. Sur les mentions de pathèmata dans la description du syssition par Plutarque, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 228‑229. 88. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 15. 89. Cf. Birgalias, 1999, p. 253‑290. 90. Aristophane, Lysistrata, vers 78‑82 ; traduction H. Van Daele, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1928. 91. Le type de saut évoqué par Lampitô s’appelle la bibasis. 92. Xénophon, République des Lacédémoniens, 1, 4 (cf. aussi Plutarque, Vie de Lycurgue, 14, 3). Sur la course, cf. Ducat, 2006b, p. 231‑234. Il ne conviendrait pas de retenir la mention du lancer du disque et du javelot que l’on voit chez Plutarque, Lycurgue, 14, 3 et Moralia, 227D. Le texte de Xénophon dit clairement (République des Lacédémoniens, 1, 4) que les épreuves mentionnées opposent des représentantes du sexe féminin. 93. Xénophon, République des Lacédémoniens, 1, 4. 94. Ducat, 2006b, p. 223. 95. Le terme apparaît au vie siècle chez Ibycos de Rhègion, fr. 58 Page, apud Plutarque, Comparaison de Lycurgue et de Numa, 3, 6. 96. Euripide, Andromaque, 597‑598, avec l’analyse détaillée de Ducat 2006b, p. 234‑237, ou en termes plus généraux Aristote, Politique, II, 9, 5‑6 ; 1269b 12‑23. Le thème figurait, déjà, chez Sophocle (fr. 788 éd. Radt). 97. Aristote, Politique, II, 9, 10 ; 1269b 38‑39 ; cf. aussi Plutarque, Agésilas, 31, 5 et, parmi les Modernes, Ducat, 1999b, p. 165‑167, où sont rassemblées et analysées les sources sur l’épisode. En revanche, en 272, d’après Plutarque (Pyrrhos, 27, 2‑10 et 29, 5 et 12), les femmes contribuèrent notablement à la défense de Sparte contre Pyrrhos. 98. Platon, Lois, VII, 806a. 99. Platon, Protagoras, 342d. 100. Plutarque, Moralia, 241D-E. 101. Cf. supra, p. 178-179. Dans le catalogue de dix-sept femmes pythagoriciennes mentionné par Jamblique (Vie de Pythagore, 267), trois sont dites de Sparte et une de Laconie ; cf. Richer, 2001a, p. 51‑52. 102. Platon, Lois, VII, 806a. 103. Calame, 1977 et 1997. J. Ducat nuance (2006b, p. 244) les propositions de Calame qui viseraient à retrouver les traces d’une ségrégation spatiale temporaire des jeunes filles dans des sanctuaires des confins du territoire ; pour lui, « la mise à l’écart des jeunes est plutôt matérialisée par un mode de vie particulier ». 104. Plutarque, Vie de Lycurgue, 14, 5‑6. 105. Cf. e. g. Nilsson, 1908 ; Vidal-Naquet, 1981, p. 205‑206 (qui nuance l’idée). 106. Plutarque, Vie de Lycurgue, 18, 9. 107. Pindare, fr. 112 Snell. 108. Ducat, 2006b, p. 242. 109. Théocrite, XVIII, Épithalame d’Hélène, 22.
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Notes 110. Plutarque, Vie de Lycurgue, 15, 4‑7 ; cf. A. Paradiso, 1986. Il est notable que, à Sparte, le mariage ne semble pas avoir constitué une étape bien marquée dans la vie d’un jeune homme puisque celui-ci ne devait pas renoncer à vivre avec ses camarades à ce moment de son existence. 111. Platon, Lois, VII, 806a. 112. Selon la formule prêtée à Gorgô, fille de Cléomène et épouse de Léonidas, d’après Plutarque, Vie de Lycurgue, 14, 8 ; Moralia, 227E et 240E. 113. Ducat, 2006b, p. 243. 114. Ibid. 115. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 5.
IX Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique 1. Sur la mise en place des institutions politiques et sur le rôle des législateurs, cf. supra, chapitre iii, p. 37-59. 2. Cf. supra, chapitre vi, p. 126 et 130-133. 3. Eschine, Contre Timarque, 180‑1. 4. Plutarque, Vie de Lycurgue, 6, 2‑3. 5. Hérodote, Histoires, VII, 134. 6. Hérodote, Histoires, VI, 58. Par opposition à cette assemblée sans doute prévue longtemps à l’avance, ce que Xénophon appelle la « petite assemblée », la mikra ekklèsia (Helléniques, II, 3, 8) pourrait être une réunion convoquée dans l’urgence où seuls les hommes disponibles sur l’heure se retrouveraient ; mais il pourrait aussi s’agir d’une réunion des citoyens distingués pour telle ou telle raison. Sur la mikra ekklèsia, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 355, n. 184. 7. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 92. 8. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 77, 1. 9. Chez Xénophon, on voit mention du koinon des Lacédémoniens (Helléniques, VI, 1, 2) comme de l’ekklèsia (Helléniques, II, 2, 19 ; III, 2, 23 ; IV, 6, 3 ; V, 2, 11 ; VI, 4, 3). 10. Xénophon, Helléniques, II, 4, 38 ; V, 2, 33 et VI, 3, 3. 11. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 67, 2. 12. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 79, 2. 13. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 87, 1. 14. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 87, 1‑2 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953, légèrement modifiée. 15. De façon analogue, en 395 par exemple, la cité décide d’une offensive contre les Thébains, en conséquence de quoi les éphores proclament la mobilisation (Xénophon, Helléniques, III, 5, 6). 16. Hérodote, Histoires, VI, 82 ; cf. Richer, Éphores, 1998, p. 411 et supra, chapitre v, p. 116. 17. Sur l’épisode, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 12 et 414‑420. 18. Aristote, Politique, II, 9, 20 ; 1270b 13‑17. 19. Isocrate, Aréopagitique, 61. 20. Xénophon, Helléniques, III, 3, 4. 21. Aristote, Politique, II, 9, 23, 1270b 28 (éphores) et II, 9, 27, 1271a 10 (gérontes). 22. Plutarque, Vie de Lycurgue, 26, 3‑5 (texte cité p. 208-209). 23. Sur le complot de Cinadon, cf. supra, chapitre vi, p. 143-145.
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Sparte 24. Cf. supra, chapitre iii, p. 45-46. 25. Aristote, Politique, II, 9, 19, 1270b 8‑9 ; II, 9, 21, 1270b 18‑20 ; II, 9, 23, 1270b 29 ; II, 10, 10, 1272a 31‑33 ; II, 11, 3, 1272b 36. 26. Aristote, Politique, II, 6, 17 ; 1265b 38‑40 (où Aristote rapporte l’opinion de certains analystes autres que lui-même). 27. Aristote, Politique, II, 9, 19 et 21 ; 1270b 6‑10 et 17‑19. 28. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 2, 1 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1962, légèrement modifiée. 29. [Xénophon], Helléniques, II, 3, 10. 30. Hérodote, Histoires, V, 39‑40. 31. En l’occurrence, on doit pouvoir proposer qu’il s’agit d’éviter que le succes‑ seur d’Anaxandride soit un Héraclide lointain parent du roi qui ne descende pas aussi d’une famille – non héraclide – d’éphore, en fonction de la mesure prise par Chilon qui visait à unir par le mariage les familles royales et celles des éphores : cf. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, I, 68 avec nos remarques, Richer, Éphores, 1998, p. 131‑132. 32. Pour plus de précisions sur la quinzaine de passages de Xénophon qui per‑ mettent une analyse précise de la procédure, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 324‑336. 33. Xénophon, Helléniques, III, 2, 23 ; IV, 6, 3 ; ailleurs (II, 4, 38) on lit que « les éphores et les [citoyens] ekklètoi [c’est-à-dire convoqués en assemblée] » ont pris telle décision. 34. Cf. Xénophon, Helléniques, II, 4, 29 in fine. 35. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 7 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934 (chez qui la référence est 14, 7) légèrement modifiée. 36. Sur les fonctions de justice des éphores, cf. Richer, Éphores, 1998, chapitre 24. 37. Aristote, Politique, IV, 9, 9 ; 1294b 23‑24. 38. Sur les fonctions de police des éphores, cf. Richer, Éphores, 1998, chapitre 25. 39. Xénophon, République des Lacédémoniens, 10, 7 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 40. Cf. supra, chapitre viii, p. 176. 41. Cf. notamment Plutarque, Vie d’Agésilas, 2, 6 et Moralia, 1D. 42. Plutarque, Vie de Lysandre, 30, 6 et Moralia, 230A. 43. Plutarque, Vie de Lycurgue, 15, 1‑3 et Moralia, 227F. 44. Xénophon, Helléniques, III, 3, 8. 45. Athénée, Deipnosophistes, XIV, 636E-F ; l’instrument de Timothée aurait été doté de onze cordes (Pausanias, Périégèse, III, 12, 10). 46. Plutarque, Vie d’Agis, 10, 7 et Moralia, 220C (cf. aussi les Moralia, 233F). Sur les sons, la musique et les chants à Sparte, cf. Richer 2017a, p. 102‑107. 47. Hérodote, Histoires, V, 51. Sur le personnage de Gorgô, cf. A. Paradiso, 2013. 48. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 144, 2 ; II, 39, 1. 49. Hérodote, Histoires, III, 148. 50. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 95 et 128‑132 (cas du régent Pausanias) ; Xénophon, République des Lacédémoniens, 14, 4. 51. Xénophon, République des Lacédémoniens, 8, 4 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, légèrement modifiée. 52. Aristote, Politique, II, 6, 17 ; 1265b 40. 53. Aristote, Politique, II, 9, 20 ; 1270b 14. 54. Sur les fonctions administratives des éphores, cf. Richer, Éphores, 1998, chapitre 26. 55. Plutarque, Vie de Lysandre, 16, 4 ; sur l’épisode, cf. supra, chapitre vii, p. 166-167. 56. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 2.
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Notes 57. Plutarque, Vie de Lysandre, 19, 8‑12. 58. Sur la scytale, cf. Kelly, 1985 et Richer, Éphores, 1998, p. 483‑490. 59. Sur le goût du secret cultivé à Sparte, cf. notamment Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 68, 2. 60. Xénophon, République des Lacédémoniens, 10, 3. 61. Plutarque, Vie de Lycurgue, 26, 2‑5 ; traduction R. Flacelière, É. Chambry, M. Juneaux, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1957, légèrement modifiée. 62. Cf. supra, chapitre iii, p. 44 ; cf. aussi Hérodote, Histoires, VI, 57 in fine. 63. Eschine, Contre Timarque, 180. 64. Isocrate, Panathénaïque, 154. 65. F. Ruzé, 1997, p. 147. 66. Xénophon, Helléniques, III, 2, 23 ; IV, 6, 3. 67. N. Richer, Éphores, 1998, p. 336‑356, ici p. 356. 68. Xénophon, République des Lacédémoniens, 10, 2 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 69. Pausanias, Périégèse, III, 5, 2. 70. Aristote, Politique, II, 9, 25 ; 1270b 39-1271a 1. 71. Plutarque, Vie de Lycurgue, 5, 11. 72. Cf. supra, chapitre ier, p. 24. 73. Hérodote, Histoires, VI, 52. 74. Plutarque, Vie d’Agésilas, 1, 4. 75. Xénophon, Helléniques, III, 3, 1-4 et Plutarque, Agésilas, I, 4. 76. Hérodote, Histoires, VI, 56‑59. 77. Sur d’autres prérogatives religieuses des rois cf. chapitre x, p. 227-231. 78. Hérodote, Histoires, VI, 57. 79. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 6. 80. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 4 ; cf. aussi Hérodote, Histoires, VI, 57. 81. Hérodote, Histoires, VI, 57. 82. Cf. supra, chapitre v, p. 106. 83. Hérodote, Histoires, VI, 57. 84. Ibid. 85. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 7. 86. Plutarque, Vie d’Agésilas, 4, 5 ; cf. aussi Moralia, 817A. 87. Hérodote, Histoires, VII, 104. 88. Hérodote, Histoires, V, 39‑40 ; sur l’épisode, cf. supra, chapitre iv, p. 92 et chapitre ix, p. 202-203. 89. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 11 et 15, 2 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934 (où 15, 2 est numéroté 14, 2), modifiée. 90. Aristote, Politique, II, 9, 33 ; 1271a 40. 91. Hérodote, Histoires, IX, 76 (en l’espèce l’armée est commandée par un régent, Pausanias) ; Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 5. 92. Hérodote mentionne en effet (Histoires, VI, 57) les membres de la gérousie « qui touchent de plus près aux rois », comme s’il y avait en permanence des proches des rois parmi les gérontes. 93. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 7 ; cf. supra, p. 203. 94. Platon, Lois, III, 691d-e. 95. Plutarque, Vie de Lycurgue, 5, 10‑11. 96. Xénophon, République des Lacédémoniens, 8, 4. 97. Cf. supra, p. 206. 98. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 8.
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Sparte 99. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 8, 2‑3. 100. Aristote, Politique, IV, 9, 7 et 9 ; 1294b 19‑20 et 29‑34 ; traduction J. Aubon‑ net, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1971, modifiée. 101. Aristote, Politique, II, 6, 17 ; 1265b 33‑1266a 1 ; traduction J. Aubonnet, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1960, modifiée. 102. Cette situation prévaut jusqu’au moment à partir duquel, vers 403/402, neuf proèdres, choisis parmi les bouleutes des neuf tribus ne détenant pas la prytanie, président pour un jour les réunions du Conseil ou de l’Assemblée : cf. e. g. M. H. Hansen, 1993, p. 447‑448. 103. Sur les tribus, cf. Tyrtée, fr. 10, vers 65 édition Prato = fr. 19, vers 8 édition West ; tribus (phylai) et ôbai sont mentionnées dans la Grande Rhètra citée par Plutarque, Vie de Lycurgue, 6, 2 : cf. supra, chapitre iii, p. 44. 104. P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 121. 105. On a rappelé supra, p. 8, le fait que si Sparte a été vue comme un modèle par les Jacobins, l’image de la cité a ensuite évolué. 106. Plutarque, Vie de Lycurgue, 7, 1. 107. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 19, 1. Pour une traduction plus littérale du même passage cf. chapitre xii, p. 282. 108. [Plutarque], Œuvres morales, 231B ; traduction F. Fuhrmann, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1988 (cf. aussi [Plutarque], Œuvres morales, 191F et Plutarque, Vie de Lycurgue, 25, 6). 109. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 28, 5 ; Pédaritos mou‑ rut à Chios en 411 (Thucydide, VIII, 55, 3). Sur Pédaritos, cf. J. Ducat, 2002. 110. Hérodote, Histoires, VII, 234 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1951, modifiée. Pour la suite de la citation, cf. supra, chapitre vii, p. 152. 111. Cf. J. Ducat, 2008. 112. Sur la possibilité de caractériser ainsi différemment le système politique en fonction de l’échelle concernée (Sparte ou Lacédémone), cf. notamment E. Lévy, 1995, p. 151. 113. Hérodote, Histoires, I, 66 ; Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 18, 1. 114. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 84, 3.
X Dieux et cultes de Sparte 1. Hérodote, Histoires, V, 63 (passage cité supra, chapitre v, p. 110) ; cf. aussi Pausanias, Périégèse, III, 5, 4. 2. Sur une présentation générale des sources textuelles, cf. supra, Introduction, p. 10-11. Pour un inventaire des cultes laconiens, cf. S. Wide, 1893. Pour des ana‑ lyses portant sur les croyances et les pratiques cultuelles des Spartiates, cf. R. Parker, 1989, M. A. Flower, 2009, N. Richer, La Religion des Spartiates. Croyances et cultes dans l’Antiquité, Paris, Les Belles Lettres, 2012. 3. Cf. P. Cartledge, 1998, p. 46‑47. 4. C. M. Stibbe, 1972 et 2004 ; M. Pipili, 1987. 5. Polémon d’Ilion, FHG, fr. 86 [tome III, p. 142, éd. Müller] cité par Athénée, Deipnosophistes, IV, 139A-B. 6. Sur Hélène à Sparte, cf. C. Calame, 1977, tome I, p. 333‑350 et Calame, 1981. 7. Hérodote, Histoires, VI, 61 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948, modifiée.
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Notes 8. Sur ce sanctuaire, cf. supra, chapitre iv, p. 67-68. 9. Isocrate, Éloge d’Hélène, 63 ; cf. aussi Pausanias, Périégèse, III, 19, 9. 10. Sur le matériel trouvé au sanctuaire d’Orthia, cf. R. M. Dawkins (éd.), 1929 ; la publication des figurines de plomb est due à A. J. B. Wace, 1929. Sur la datation des figurines trouvées au sanctuaire d’Orthia, cf. J. Boardman, 1963. S. Hodkinson fournit (1998, p. 107) un tableau commode de la répartition chronologique des plombs consacrés et connus : ils auraient été au nombre de 860 par an en 580‑500 et de 152 par an en 500‑425. 11. Sur ce sanctuaire, cf. supra, chapitre iv, p. 63-65. 12. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 9. 13. Cf. J. Ducat, 1995a et N. M. Kennell, 1995, p. 127‑128 ; cf. supra, cha‑ pitre iv, p. 65. 14. Sur l’appellation d’Artémis Orthia, cf. e. g. Pausanias, Périégèse, III, 16, 7 ; les inscriptions laconiennes ne mentionnent cette appellation qu’à partir, semble-t‑il, des environs de 50 de notre ère (Woodward, 1929, p. 308‑374) ; sur la question, cf. S. Hodkinson, 2000, p. 300, n. 30. Sur le sens du nom d’Orthia, cf. C. Calame, 1977, I, p. 289‑294. 15. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 12‑14. 16. Sur ce sanctuaire, cf. supra, chapitre iv, p. 68-70 ; cf. aussi A. Faustoferri, 1996 ; sur les relations entre Apollon et Hyakinthos, cf. B. Sergent, 1996, p. 104‑119 ; sur les personnalités d’Apollon et de Hyakinthos, cf. Richer, Religion, 2012, p. 345‑350. 17. Pausanias, Périégèse, III, 14, 8 et 10 ; cf. peut-être déjà Platon, le philosophe athénien du ive siècle, Lois, I, 633b. 18. Pausanias, Périégèse, III, 20, 8. 19. Sur les combats de jeunes Spartiates au Platanistas, cf. Richer, Religion, 2012, chapitre xi ; pour une localisation possible cf. supra, chapitre iv, p. 72, no 28. 20. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 7 ; cf. supra, chapitre ix, p. 203. 21. Plutarque, Lycurgue, 6, 2 et 8 ; cf. supra, chapitre iii, p. 44. 22. Hérodote, Histoires, VI, 56 ; trad. Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948. 23. Hérodote, Histoires, VI, 51‑52. 24. Pausanias, Périégèse, III, 11, 9. 25. Pausanias, Périégèse, III, 11, 11. 26. Pausanias, Périégèse, III, 13, 6. 27. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 2. 28. Pausanias, Périégèse, III, 17, 2‑3. 29. Hérodote, Histoires, VI, 57 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948. 30. Hésiode, Les Travaux et les jours, vers 770‑771. 31. Pausanias, Périégèse, III, 16, 1‑2 ; cf. aussi Euripide, Hélène, v. 1465. Sur les Hyakinthies, cf. Richer, Religion, 2012, chapitre viii. 32. Plutarque, Œuvres morales, 478A-B = De l’amour fraternel, 1. 33. Musée de Sparte n° 588 ; cf. aussi le relief d’Argénidas du musée de Vérone 555 ; M. N. Tod et A. J. B. Wace, 1906, p. 113‑118. 34. Hérodote, Histoires, V, 75. 35. Hérodote, Histoires, VI, 52. 36. Aristote, Politique, III, 14, 3 ; 1285a 6‑7 ; cf. déjà Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 2. 37. Hérodote, Histoires, VI, 57 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948, légèrement modifiée. 38. Cf. supra, p. 221.
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Sparte 39. A. Powell, 1994, p. 290. 40. Cf. N. Richer, Éphores, 1998, chapitre 12. 41. Hérodote, Histoires, VI, 60 ; cf. G. Berthiaume, 1976 et 1982. 42. Hérodote, Histoires, VII, 134. 43. Hérodote, Histoires, VI, 56 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948. 44. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 2‑3 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, légèrement modifiée. 45. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 5 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 46. Cf. Richer, Religion, 2012, chapitre iv, « La recherche, en tout lieu, de protections surnaturelles ». 47. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 8 et Helléniques, IV, 2, 20. 48. Plutarque, Vie d’Aristide, 17, 7‑9 et 18, 1‑2. Traduction R. Flacelière et É. Chambry, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1969, légèrement modifiée. 49. Hérodote, Histoires, IX, 62. 50. Plutarque, Lycurgue, 27, 1 et 5. 51. Pausanias, Périégèse, III, 11, 1‑18, 5. 52. P. Cartledge, 1998, p. 44. 53. Pour une carte du territoire civique de Sparte en Laconie tel qu’il est possible de le délimiter d’après Plutarque, Agis, 8, 1 cf. supra, chapitre ii, p. 29. 54. Sosicrate, FHG, IV, p. 501, fr. 7 = FGrHist, 461, fr. 7 cité par Athénée, Deipnosophistes, XIII, 561E-F. 55. Pausanias, Périégèse, III, 26, 5. 56. Pausanias, III, 10, 7. 57. Pausanias, III, 2, 6 et 7, 4 ; cf. S. Koursoumis, 2014. 58. IG V, 1, 952. 59. Pausanias, Périégèse, III, 23, 10. 60. Pausanias, III, 14, 2. 61. Pausanias, III, 25, 4 ; sur la côte ouest du golfe de Laconie, entre Gytheion et le cap Ténare. 62. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 128, 1 ; 133 ; Strabon, Géographie, VIII, 5, 1, p. 363 ; Pausanias, Périégèse, III, 25, 4‑8. 63. Pausanias, Périégèse, III, 12, 5. 64. Cf. N. Richer, 2015b. 65. Pausanias, Périégèse, X, 9, 7. 66. Sur Aphrodite en Laconie et à Cythère, cf. V. Pirenne-Delforge, 1994, p. 193‑226. 67. Pausanias, Périégèse, III, 17, 5. 68. Pausanias, III, 15, 10 ; la partie supérieure était dédiée à la déesse sous l’appellation de Morphô ; Pausanias lui-même souligne le caractère à sa connaissance unique d’un tel sanctuaire. 69. Pausanias, III, 22, 1. 70. Pausanias, III, 10, 8. 71. Pausanias, III, 19, 2. Pour une reconstitution de l’Amyclaion, cf. supra, chapitre iv, p. 70. 72. Plutarque, Lycurgue, 26, 6. 73. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 80, 3‑4. 74. Sur le sanctuaire de Déméter dite Éleusinienne, cf. Pausanias, Périégèse, III, 20, 5 et 7 ; sur Déméter en Laconie, cf. Richer, Religion, 2012, p. 33‑36 et 327‑328 notamment.
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Notes 75. Platon, Lois, VII, 809d ; traduction A. Diès, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1956. 76. Géminos, Introduction aux Phénomènes, VIII, 7‑9 et 15. 77. M. Caveing, s.d. [1996], p. 9 ; cf. aussi J. Soubiran, 1978, p. 9. 78. Cf. N. Richer, Éphores, 1998, p. 155‑198, sur l’astéroscopie octannuelle (l’examen des astres tous les huit ans) pratiquée par les éphores de Sparte, sans doute au moment du lever héliaque de Sirius. 79. Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, II, 1. 80. Ovide, Métamorphoses, X, 164‑166 ; cf. Richer, Religion, 2012, p. 372‑376 et 558 – et le chapitre viii plus généralement sur les Hyakinthies. 81. Sur les Gymnopédies, cf. Richer, Religion, 2012, chapitre ix (p. 413‑419 et 559 sur la date). 82. Cf. supra, p. 226. 83. Sur les Karneia, cf. Richer, Religion, 2012, chapitre x (p. 447‑454 et 559 sur la date). 84. Plutarque, Œuvres morales, 389C = Sur l’E de Delphes, 9. 85. Anecdota Graeca, I, p. 305, l. 25‑30 éd. Bekker, s. v. Staphylodromoi. 86. Richer, Religion, 2012, p. 454‑455. 87. Cf. Hérodote, Histoires, VI, 57, cité supra, p. 227. 88. Sur l’importance du bonheur, l’eudaimonia, dans le projet collectif des Spar‑ tiates, cf. Richer, 2001b, p. 13‑38. 89. Hérodote, Histoires, VII, 104. 90. Plutarque, Agésilas, 1, 3. 91. Sur la même idée, cf. aussi Isocrate, Archidamos, 59. 92. Plutarque, Cléomène, 9, 1 ; sur les pathèmata, cf. Richer, Éphores, 1998, chapitre 14 et Richer, Religion, 2012, chapitre ii. 93. Voici des textes anciens de référence : sur Phobos, cf. Plutarque, Cléomène, 9, 1 ; sur Aidôs, cf. Xénophon, Banquet, 8, 35 et Pausanias, Périégèse, III, 20, 10‑11 ; sur Hypnos, cf. Pausanias, III, 18, 1 ; sur Thanatos, cf. Plutarque, Cléomène, 9, 1 et Pausanias, III, 18, 1 ; sur Gélôs, cf. Sosibios, FGrHist, 595, fr. 19 cité par Plutarque, Lycurgue, 25, 4 ; Plutarque, Cléomène, 9, 1 ; sur Éros, cf. Sosicrate, FHG, IV, p. 501, fr. 7 = FGrHist, 461, fr. 7 cité par Athénée, Deipnosophistes, XIII, 561E-F ; en Laconie, à Leuctres : cf. Pausanias, III, 26, 5 ; sur Limos, cf. Callisthène, FGrHist, 124, fr. 13 cité par Athénée, X, 452B ; Polyen, Stratagèmes, II, 15. 94. On a pu proposer que le caractère apparemment systématique du culte des pathèmata remonte au milieu du vie siècle, moment où le pouvoir des éphores semble s’être renforcé, peut-être du fait de l’action de Chilon, éphore en 556/555 ou 555/554 : cf. N. Richer, Éphores, 1998, p. 232 et N. Richer, Religion, 2012, p. 94‑96. 95. Platon, Lois, VIII, 840c. 96. Platon, Lois, VIII, 839b. 97. Platon, Lois, VIII, 838d-e ; traduction A. Diès, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1956. 98. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 15. Sur l’importance des pathèmata non seulement dans une élégie de Tyrtée exhortant à la guerre mais aussi dans la description de l’éducation spartiate par Xénophon, cf. supra, chapitre viii, p. 190. 99. Xénophon, République des Lacédémoniens, 10, 3. 100. Cf. Plutarque, Lycurgue, 25, 2‑3 ; cf. aussi 24, 5. Sur ces procédures perma‑ nentes de jugement des uns sur les autres, cf. Richer, Religion, 2012, p. 135‑144 ; Richer, 2017a, p. 89‑96.
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Sparte 101. Cf. le portrait d’Agésilas dressé par Xénophon, tel qu’on peut l’analyser : Richer, Religion, 2012, p. 97‑100. 102. Hérodote, Histoires, VI, 58 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948, légèrement modifiée. 103. Pausanias, Périégèse, III, 14, 1 ; cf. Richer, Religion, 2012, p. 183‑184. 104. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 9 ; cf. aussi Helléniques, III, 3, 1, à propos des funérailles d’Agis vers 400‑398. 105. Pausanias, Périégèse, III, 12, 8 et 14, 2 ; cf. supra, chapitre iv, p. 72, no 10 et 3. 106. Plutarque, Lycurgue, 27, 1. 107. E. Kourinou, 2000, p. 215‑219 et 284. 108. Plutarque, Lycurgue, 27, 3. 109. Sur ce texte, cf. Richer, Religion, 2012, p. 147‑157. 110. Pour les références de seize inscriptions que l’on place entre le milieu du e er v siècle et le i siècle av. J.-C., cf. Richer, Religion, 2012, p. 153, n. 111. 111. Cf. Richer, Religion, 2012, p. 149‑152 et 330. Il est vraisemblable que des monuments funéraires de hieroi masculins étaient disposés à proximité de la ville (Plutarque, Lycurgue, 27, 1 et Moralia, 238D avec notre commentaire, Richer, Religion, 2012, p. 177‑178). 112. Cf. Richer, Religion, 2012, p. 144‑195. 113. Après avoir été vainqueur des Perses à Platées en 479, le régent Pausanias fut fortement soupçonné de collusion avec eux et, en 469, emmuré vivant dans un édicule appartenant au sanctuaire d’Athéna Chalkioikos, il en fut extrait de façon à mourir à l’extérieur. Thucydide indique (Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 134, 4) que, en compensation, l’oracle de Delphes demanda l’érection de deux statues (cf. Richer, Religion, 2012, p. 225‑229). 114. Hérodote, Histoires, VII, 220. 115. Cf. supra, chapitre iv, p. 75-76. On a retrouvé des milliers de tablettes d’argile inspirées par le même type iconographique (sans les petits personnages), datables du vie au ive siècle av. J.-C., qui avaient été consacrées dans divers sanc‑ tuaires, à Sparte et surtout à Amyclées : cf. G. Salapata, 2014. 116. Pausanias, Périégèse, III, 14, 1. 117. Sur un tel usage d’évocation des morts à Platées, cf. Plutarque, Aristide, 21, 5. 118. Xénophon, République des Lacédémoniens, 15, 9. 119. Plutarque, Moralia, 233B-C ; traduction F. Fuhrmann, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1988, modifiée. Cf. aussi Plutarque, Agésilas, 31, 8. Des mots de même esprit mentionnent le Céphise athénien et l’Eurotas spartiate : Plutarque, Moralia, 192B-C et 217D. 120. Hérodote, Histoires, V, 63. 121. Xénophon, Helléniques, II, 4, 33 ; cf. J. Stroszeck dans Kaltsas (dir.), 2006, p. 286‑287. 122. Cf. Richer, Religion, 2012, p. 174‑175. 123. Cette procédure est celle dite de l’epitheiasmos : cf. Pritchett, 1979, « The epitheiasmos », p. 322‑323. 124. Sur l’explication de la victoire de Sparte sur Athènes en 404 d’après Xéno‑ phon cf. Richer 2017c ; cf. aussi Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 5, et Helléniques, V, 4, 1 sur la façon dont les Lacédémoniens ont failli, avec nos remarques, Richer, Religion, 2012, p. 567‑569.
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XI Des hommes formés et organisés pour la guerre 1. Cf. supra, chapitre ix, p. 199. 2. Cf. supra, chapitre viii, p. 176-177. 3. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 3 et 5 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 4. Xénophon, République des Lacédémoniens, 2, 11. Sur les pratiques éducatives, cf. supra, chapitre viii ; cf. aussi J. Ducat, 2009. 5. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 4, 1‑6 et J. Ducat, 2007. S. Hod‑ kinson relève (1983, p. 259) que l’on ignore les critères en fonction desquels telle ou telle unité était placée plus ou moins près du roi lors d’une bataille. 6. Plutarque, Lycurgue, 22, 7‑8 ; Moralia, 639E. Cf. Richer, 2012, p. 302‑303. 7. Sur ce texte, cf. supra, chapitre vi, p. 135-137. 8. J. Ducat, 2006b, p. 132. 9. Mais on a vu (supra, chapitre viii, p. 180) que Plutarque mentionne (Cimon, 16, 5) la présence de jeunes gens dans un gymnase en 464. 10. Dans une liste des exercices réduite à ceux que pratiqueraient les jeunes filles, Plutarque mentionne la course, la lutte, le lancer du disque et du javelot (Lycurgue, 14, 3). 11. D. Vanhove dans D. Vanhove (éd.), 1992, p. 99. Sur les sports de combat en Grèce ancienne, cf. M. B. Poliakoff, 1987. 12. Sur la bibliographie concernant cette remarquable sculpture découverte en 1925, et qui serait due à un artiste laconien, cf. E. Kourinou-Pikoula dans Kaltsas (dir.), 2006, p. 223 (et p. 180 pour un détail agrandi du visage). Sur le lien par‑ ticulier entre la course et la guerre, cf. V. Cuche, 2014, p. 9‑50. 13. Comme le personnage arbore une barbe mais pas de moustache, il doit avoir entre vingt et trente ans : cf. Plutarque, Cléomène, 9, 3 et Moralia, 550B avec Richer, 1998, p. 251‑255. 14. La Pythie avait demandé que deux représentations de Pausanias fussent établies sur l’acropole de Sparte, mais celles-ci furent en bronze et non en marbre (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 134, 4 ; cf. Richer, Religion, 2012, p. 225‑229). 15. Le concours entre hoplitodromes a été introduit en 520 av. J.-C. à Olympie, où l’épreuve se pratiquait sur la distance du diaulos, donc du double stade, soit un peu moins de 400 mètres ; ailleurs la longueur parcourue pouvait être supérieure. 16. Xénophon, République des Lacédémoniens, 4, 7 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, modifiée. 17. Xénophon, République des Lacédémoniens, 5, 3 et 7, 4 ; Plutarque, Lycurgue, 12, 4. 18. Cf. supra, chapitre x, p. 238-239. 19. Tyrtée, fr. 9, vers 10-12 édition Prato = fr. 12, vers 10‑12 édition West ; sur ce passage, cf. supra, chapitre iv, p. 84-85. 20. N. Livingstone propose (2001, p. 44‑47) la possibilité d’une datation ulté‑ rieure, postérieure à la publication de la République de Platon, et qui pourrait être placée au début des années 370. 21. Isocrate, Busiris, 17‑18. 22. Cf. aussi Xénophon, République des Lacédémoniens, 7, 1‑2, texte cité supra, chapitre vi, p. 128.
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Sparte 23. Plutarque, Agésilas, 26, 6‑9. Sur l’anecdote, cf. aussi Plutarque, Moralia, 213F-214B et Polyen, Stratagèmes, II, 1, 7 ; sur l’interdiction de pratiquer des activités artisanales, cf. le même Plutarque, Lycurgue, 24, 2 et supra, chapitre vi, p. 128. 24. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 1, 4. 25. J. Ducat, 1999, p. 160. 26. Platon, Lois, VII, 806a-b (et Lois, I, 639b 9 sur l’inaptitude militaire globale de la gent féminine). 27. Aristote, Politique, II, 9, 9‑10 ; 1269b 34‑39. 28. Plutarque, Moralia, 227D. 29. Plutarque, Moralia, 240C-242D ; sur ces passages, cf. Ducat, 1999, p. 162‑164. 30. Plutarque, Œuvres morales, 241F ; traduction F. Fuhrmann, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1988. 31. J. Ducat, 1998, p. 397. 32. Cf. supra, chapitre x, p. 240-243. 33. Tyrtée, fr. 9 édition Prato, vers 23-44 = fr. 12, vers 23‑44 édition West ; traduction de F. Ruzé dans J. Christien et F. Ruzé, Sparte. Géographie, mythes et histoire, Paris, 2007, p. 46‑47, légèrement modifiée. 34. Pour un autre passage du même poème cf. supra, chapitre iv, p. 84. 35. Philochore, FGrHist, 328, fr. 216 apud Athénée, Deipnosophistes, XIV, 29, 640F. 36. Sur la « belle mort » spartiate, cf. Loraux, 1977, rééd. 1989. 37. Sur Sperthias et Boulis, qui ont vécu au début du ve siècle et que mentionne Hérodote (Histoires, VII, 134), cf. supra, chapitre iv, p. 92-93. Par ailleurs, à Athènes comme à Thasos, à l’époque classique, un orphelin de guerre se voit accorder des honneurs qu’il doit aux actes de son père : sur Athènes, cf. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 46, 1 ; Platon, Ménexène, 249a ; Isocrate, Sur la Paix, 82 ; Eschine, Contre Ctésiphon, 154 ; sur Thasos, cf. Brun, 2017, p. 236‑238 (inscription n° 94). Pour une présentation moderne, cf. Bernard, 2000, p. 141‑145. 38. Xénophon, Helléniques, II, 4, 33 ; cf. supra, chapitre x, p. 244-245. 39. Sur le fait qu’un olympionique dispose d’une place particulière au combat, cf. supra, p. 249. 40. Xénophon, Helléniques, VII, 4, 24. 41. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 25, 2 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1962, modifiée. 42. [Xénophon], Helléniques, II, 3, 10. 43. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 11, 1. Sur Brasidas, cf. notamment Richer, Éphores, 1998, p. 275‑277 ; Hoffmann, 2000 ; Richer, Religion, 2012, p. 164. 44. Pausanias, Périégèse, III, 14, 1 ; cf. supra, chapitre iv, p. 72, no 8. Sur des honneurs dévolus à Isadas et à Anticratès – qui avait tué Épaminondas à Mantinée – en 362, cf. notamment Plutarque, Agésilas, 34, 8‑11 et 35, 1‑2. 45. Il s’agissait de 400 membres de l’élite samienne expulsés en 412 avec leurs familles, et établis à Anaia, dans la pérée de Samos, sur le continent asiatique ; cf. G. Shipley, 1987, rééd. 1998, p. 133. 46. Pausanias, Périégèse, VI, 3, 15 ; Plutarque, Lysandre, 18, 6. Sur les honneurs dévolus à Lysandre, cf. J.-F. Bommelaer, 1981, p. 7‑23 notamment. 47. Plutarque, Lysandre, 18, 1 et surtout Pausanias, Périégèse, X, 9, 7‑9. 48. Pausanias, Périégèse, III, 17, 4. À Aigos Potamoi, les Athéniens ont perdu 180 navires de guerre (Xénophon, Helléniques, II, 1, 20‑32). Cette défaite a décidé de l’issue de la guerre du Péloponnèse : cf. chapitre xiv, p. 323.
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Notes 49. Xénophon, Helléniques, III, 4, 7‑10 (attitude d’Agésilas à l’égard de Lysandre lors des opérations en Asie Mineure en 396) et III, 5, 17‑25 (Haliarte et ses suites). Sur Lysandre et ses ambitions, cf. N. Richer, à paraître. 50. Xénophon, République des Lacédémoniens, 9, 1‑6 ; traduction P. Chambry, Paris, 1933, modifiée. 51. Sur les « trembleurs » spartiates, cf. Ducat, 2006a. 52. Eschine, Contre Timarque, 180‑181 ; traduction V. Martin et G. de Budé, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1927. 53. Tyrtée, fr. 8, vers 14-20 éd. Prato = fr. 11, vers 14‑20 édition West ; tra‑ duction de L. Humbert dans J. Guigniaut, M. Patin, J. Girard et L. Humbert, Poètes moralistes de la Grèce, Paris, Garnier, 1921, p. 178‑179, modifiée. D. Cairns propose clairement (1993, en particulier p. 162‑164 et n. 53 et 57) de voir dans ce texte de Tyrtée la préfiguration de la situation des tresantes connus plus tard. 54. Sur Aristodamos le trembleur, cf. Ducat, 2005. 55. Hérodote, Histoires, VII, 231 ; traduction J. Ducat, Ktèma, 30, 2005, p. 206, légèrement modifiée. 56. Hérodote, Histoires, IX, 71. 57. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 40, 1 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1967. 58. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 33‑37 où on voit notam‑ ment mention (IV, 34, 2) d’un épisode durant lequel la cendre d’un incendie récent s’élève dans l’air et rend impossible de voir ce que l’on a devant soi. 59. Thucydide, V, 34, 2 (avec par exemple nos remarques, Richer, Éphores, 1998, p. 274‑275). Sur l’épisode, cf. supra, chapitre vi, p. 140. 60. Sur cette évolution, cf. supra, chapitre vii, p. 151-161. 61. Plutarque, Agésilas, 33, 8. 62. Plutarque, Agésilas, 30, 6. 63. Tyrtée, fr. 10, vers 65, édition Prato = fr. 19, vers 8, édition West. 64. Hérodote, Histoires, I, 65. Sur la difficulté à dater Lycurgue, cf. supra, cha‑ pitre iii, p. 40-41 et sur l’organisation militaire d’époque archaïque, p. 46-51. 65. Xénophon, Helléniques, V, 4, 41 et 55 ; cf. aussi IV, 4, 19 et V, 3, 25. 66. Cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 4 et, sur l’association des mores par deux, Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 68‑69. 67. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 66 et 68, 3. 68. Xénophon, République des Lacédémoniens, chapitres 11 et 13. 69. Xénophon, République des Lacédémoniens, 5, 2 (et cf. 7, 4 ; 9, 4 ; 15, 5). 70. Alors, à Platées, en 479, Amompharétos a d’abord refusé de déplacer le loche des gens de Pitanè, qu’il commandait (Hérodote, Histoires, IX, 53). 71. Aristote, fr. 541, éd. Rose = fr. 546, éd. Gigon. 72. Sur les subdivisions territoriales que seraient les cinq ôbai (comme les cinq kômai) de Sparte, cf. supra, chapitre iii, p. 44-45 (et chapitre ier, p. 21-22). 73. Xénophon, Helléniques, IV, 5, 11. 74. Hérodote, Histoires, IX, 10. 75. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 20, 3 ; Hérodote, Histoires, III, 55 ; cf. la discussion de P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 428‑429. 76. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 66, 3 (texte cité chapitre xiii, p. 295). 77. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 68, 2. 78. P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 429‑430. 79. J. F. Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 128 ; P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 41. Dans l’organisation décrite par Thucydide (V, 66, 3 et 68, 3) – qui ne
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Sparte mentionne pas de périèques ayant combattu Mantinée –, comme dans celle décrite par Xénophon (République des Lacédémoniens, 11, 4, texte cité chapitre xiii, p. 295), le nombre des 96 énomoties est le même puisque selon Thucydide l’armée comprendrait 6 loches totalisant 24 pentècostyes totalisant 96 énomoties, tandis que selon Xénophon les 6 mores comprendraient 24 loches totalisant 48 pentècostyes totalisant 96 énomoties. Lipka propose (2002, p. 259‑261) que 12 des 24 loches mentionnés par Xénophon aient été des loches de cavalerie, les 12 loches d’infanterie regroupant 48 pentècostyes qui regroupaient 96 énomoties de Spartiates ; l’armée aurait alors compris en tout 96 énomoties de Spartiates et 96 de périèques. Dans cette hypothèse, il ne serait pas nécessaire de supposer une réforme supplémentaire de l’armée en fonction de laquelle il apparaît qu’en 365 et 362 celle-ci comprend 12 loches (Xénophon, Helléniques, VII, 4, 20 et 5, 10). 80. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 4 ; Aristote, fr. 540, éd. Rose = fr. 547, éd. Gigon. Il ne semble pas que les 5 lochoi à base territoriale aient constitué comme tels, en conservant un recrutement local, une partie des 6 morai, ne serait-ce que parce que, dans la nouvelle organisation, on devait compter 12 lochoi. Si l’on souhaite utiliser des termes modernes, on peut, par exemple, et compte tenu des effectifs en jeu, considérer que deux bataillons (lochoi) constituent un régiment (une mora), mais comme le terme mora porte l’idée d’une partie, on peut aussi y voir un corps d’armée subdivisé en deux régiments (lochoi)… Les transpositions modernes varient et il reste donc sans doute préférable de conserver la terminologie grecque, en la francisant si l’on veut (un loche, une more). Les événements les plus anciens à propos desquels le mot mora apparaît datent de 403 : alors, en Attique, deux morai sur six (donc le tiers) sont utilisées par le roi de Sparte Pausanias aux côtés de 30 % des cavaliers athéniens favorables à Sparte (Xénophon, Helléniques, II, 4, 31). 81. Sur l’oliganthropie, cf. supra, chapitre vii, p. 151-161. 82. Il est à cet égard notable que, quand Hérodote mentionne les morts venus de Lacédémone tombés à Platées (Histoires, IX, 85), il mentionne trois tombes, celle des Spartiates, celle des hirees et celle des Hilotes, mais pas de tombe de périèques, comme si ceux-ci, disposés à part sur le champ de bataille, avaient pu ne pas essuyer de pertes. Sur ces tombes, cf. Richer, Religion, 2012, p. 170‑178. 83. Hérodote, Histoires, IX, 10. 84. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 40, 1 et 38, 5. Thucy‑ dide a précisé peu auparavant (IV, 8, 1) que les opérations du secteur de Pylos ont entraîné la mobilisation de Spartiates et de périèques des environs. 85. Thucydide, IV, 8, 9. 86. Thucydide mentionne alors (V, 68, 3) un effectif de 32 hommes par é nomotie, mais ce sont les 5/6 de l’armée qui sont présents (V, 64, 3). 87. Cf. P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 42. 88. Xénophon, Helléniques, IV, 5, 10 (avec 12 et 17 sur les effectifs engagés et perdus). 89. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 7. 90. Xénophon, Helléniques, III, 5, 7 où l’on voit le roi Pausanias, établi à Tégée – donc hors de la Laconie – en 395, attendre les renforts des troupes périèques. 91. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 68, 3 (le terme est fémi‑ nin, singulier pentècostys, pluriel pentécostyes). 92. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 4. Selon la Souda, une énomotie aurait compris 25 hommes. 93. Sur la possibilité d’une réforme de l’armée entre 418 et 376, cf. M. Lipka, 2002, p. 258‑259.
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Notes
XII Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés 1. Cf. supra, chapitre viii ; chapitre ix, p. 248-249. 2. Xénophon, République des Lacédémoniens, 9, 1 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 3. En 425, les troupes athéniennes débarquées dans l’île de Sphactérie avaient été d’abord « subjuguées par l’idée d’affronter des Lacédémoniens », dit Thucy‑ dide (Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 34, 1). En 422, le Spartiate Brasidas observe la manifestation de fragilité des Athéniens qu’il s’apprête à vaincre : « Le mouvement des lances et des têtes ne trompe pas : d’habitude ceux qui agissent ainsi ne tiennent pas face à ceux qui les attaquent » (ibid., V, 10, 5). Le comique athénien Aristophane mentionne à plusieurs reprises la perte du contrôle de leurs sphincters – due à la peur – par des soldats rassemblés sur le champ de bataille (Acharniens, 349‑351, Cavaliers, 1056, Paix, 241 et 1176). 4. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 5 ; traduction F. Ollier, Paris et Lyon, 1934 (le sens des derniers mots est incertain). 5. Pour des schémas indiquant les mouvements possibles, cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 7 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, p. 59‑61 et M. Lipka, 2002, p. 265‑268. 6. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 7 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 7. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 5 ; traduction F. Ollier, Paris et Lyon, 1934, modifiée. 8. Hérodote, Histoires, VII, 204. 9. Hérodote, VIII, 2 (Eurybiade est ensuite dit navarque, VIII, 42). Sur des débats ayant entouré le commandement des opérations contre les Perses, cf. Hérodote, VII, 149 (à propos des revendications des Argiens) et 157‑162 (sur les prétentions de Gélon de Syracuse). Le contraste entre la faiblesse du contingent naval de Sparte et son exercice du commandement avait apparemment frappé les esprits et, en 364/363, le Thébain Épaminondas l’aurait rappelé dans l’un de ses discours (Dio‑ dore, Bibliothèque, XV, 78, 4). 10. Cf. Richer, Éphores, 1998, p. 323‑336. 11. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 79‑87, qui montre aussi l’influence déterminante de l’éphore Sthénélaïdas. 12. Thucydide, I, 87, 1. 13. Xénophon, Helléniques, IV, 2, 9. 14. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 17. 15. Cf. par exemple Xénophon, Helléniques, IV, 2, 9 ; V, 4, 35. 16. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 2 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 17. Sur les effectifs d’une énomotie cf. aussi supra, chapitre xi, p. 267, et p. 414, n. 86. 18. Xénophon, Helléniques, II, 4, 32 et IV, 5, 14 (les dix plus jeunes classes présentes reçoivent l’ordre de poursuivre l’ennemi, en 403 comme en 390). 19. Cf. supra, chapitre iii, p. 47-48. 20. Cf. supra, chapitre vii, p. 156-157.
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Sparte 21. Hérodote, Histoires, VIII, 124. Cf. supra, chapitre iii, p. 50 et chapitre viii, p. 186-187 ; cf. aussi Figueira, 2006. 22. Xénophon, République des Lacédémoniens, 4, 3 ; les hippagrètes devaient être âgés d’au moins une trentaine d’années, et il est possible qu’ils aient été désignés par les cinq éphores à raison d’un hippagrète par tribu : cf. Lipka, 2002 ad locum (p. 143‑144). 23. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 72, 4 (avec Hérodote, Histoires, VI, 56, sur le fait qu’une centaine d’hommes choisis sert de garde au roi) ; Xénophon, Helléniques, III, 3, 9 (cf. supra, p. 145). 24. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 55, 2. 25. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 11 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939. 26. Xénophon, Helléniques, III, 4, 10 (première occurrence, vers 399‑397), IV, 5, 11. 27. Xénophon, Cyropédie, VI, 3, 21 sur les effectifs d’un loche de cavalerie, et cf. Lipka, 2002, p. 259. 28. Xénophon, Helléniques, IV, 2, 18. 29. Hérodote, Histoires, IX, 10 et 28‑29. 30. D’après Hérodote (IX, 29), les hoplites grecs présents auraient été 38 700, auxquels s’ajoutaient 35 000 Hilotes et divers contingents de troupes légères (psiloi) pour un total général de 110 000 hommes : la présence des Hilotes permettait donc de renforcer dans des proportions non négligeables les effectifs des Grecs désireux de combattre le Perse Mardonios et son armée, dont les contingents divers auraient représenté 300 000 hommes renforcés de 50 000 Grecs (IX, 32). 31. Hérodote, IX, 28. 32. Tyrtée, fr. 8, vers 35‑38, édition Prato = fr. 11, vers 35‑38, édition West ; Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VI, 69, 2 ; Xénophon, Helléniques, II, 4, 12 et 33. 33. Hérodote, Histoires, VII, 229. 34. Hérodote, Histoires, VIII, 25. D’après l’historien (IX, 24‑25), 20 000 hommes de l’armée perse et 4 000 Grecs seraient tombés ; parmi ces derniers – qui com‑ prenaient 300 Spartiates et 700 Thespiens – il n’est pas impossible qu’ait figuré un nombre d’Hilotes septuple des 300 Spartiates. 35. Hérodote, Histoires, IX, 85 (avec les remarques de Richer, Religion, 2012, p. 162‑163, 170‑171) ; sur les hirees cf. supra, chapitre x, p. 242. 36. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 101, 2. 37. Tel doit être le rôle des hypaspistes, porteurs de boucliers, dans une armée de Sparte menant des opérations en 390 près de Corinthe : Xénophon, Helléniques, IV, 5, 14. 38. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 8, 9. 39. Critias, Constitution des Lacédémoniens, fr. 37, Diels et Kranz. Cf. aussi Xéno‑ phon, République des Lacédémoniens, 12, 4, avec les remarques de J. Ducat, Hilotes, 1990a, p. 147‑149. 40. Cf. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 80, 3‑4, avec les remarques de Richer, Éphores, 1998, p. 383‑386. 41. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 41, 2‑3 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1967, légèrement modifiée. 42. Quand, en 421, une paix – temporaire – est conclue entre Athènes et Sparte, elle est accompagnée d’une alliance pour cinquante ans sur les bases d’une exacte réciprocité, sauf sur un point : les Athéniens promettent leur concours contre un éventuel soulèvement des Hilotes, d’après Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 23, 3.
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Notes 43. Sur les Hilotes hoplites, cf. J. Ducat, Hilotes, 1990a, p. 159‑166. 44. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 80 et 78, 1. Sur l’épi‑ sode, cf. supra, p. 142. 45. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 34, 1. 46. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 67, 1 (le terme Brasidiens apparaît ailleurs : V, 71, 3 ; 72, 3). 47. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 24. 48. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 57, 1 et 64, 2. 49. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VII, 58, 3 ; il a été précisé plus haut que, au printemps 413, les Lacédémoniens ont envoyé en Sicile, comme hoplites, les meilleurs des Hilotes et des néodamodes, au nombre de 600, avec pour chef le Spartiate Eccritos (VII, 19, 3). 50. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VII, 5, 1. 51. Xénophon, Helléniques, III, 4, 2. 52. Xénophon, Helléniques, III, 4, 20. 53. Xénophon, Helléniques, VI, 1, 14 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939. 54. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 29. On ne connaît pas d’autre recrutement d’hoplites d’origine hilotique jusqu’en 223/222 quand, semble-t‑il, 6 000 Hilotes achetèrent leur liberté et 2 000 furent incorporés dans l’armée de Cléomène III, peu avant le désastre de Sellasie (Plutarque, Cléomène, 23, 1 avec les remarques de J. Ducat, Hilotes, 1990a, p. 160‑161, n. 20). 55. J. Ducat, Hilotes, 1990a, p. 163. 56. Isocrate, Archidamos, 8 ; traduction G. Mathieu et É. Brémond, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1938. 57. E. Lévy donnerait une valeur partitive au génitif pluriel (« d’entre les Spar‑ tiates ») et comprendrait que les nothoi seraient eux-mêmes des Spartiates (Sparte, 2003, p. 50, n. 9) ; mais ils se distingueraient néanmoins des autres Spartiates par une qualité jugée moindre qui amènerait à risquer ici leur existence hors de Sparte, en sus du contingent constitutif de l’état-major d’Agésipolis. 58. Xénophon, Helléniques, V, 3, 9 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939, largement modifiée. 59. Sur la part mal définie des inférieurs dans l’armée, cf. Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 16‑20. 60. Sur les périèques, cf. notamment J. Ducat, 2008. 61. Hérodote, Histoires, IX, 10‑11. 62. Pour une liste des établissements humains en Laconie et en Messénie, cf. G. Shipley, 2004b et 2004a. Sur la révolte des habitants de Thouria et d’Aithaia, cf. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 101, 2. 63. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 38, 5 avec les remarques de P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 41. 64. Xénophon, Helléniques, III, 5, 7. 65. Lipka, 2002, p. 264. 66. On a vu supra (chapitre xi, p. 267-268) que la présentation de Xénophon inciterait à considérer que, de son temps, l’armée ne comptait plus que 48 énomoties. 67. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 25 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939. 68. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 32. 69. Xénophon, Helléniques, VII, 2, 2. 70. Plutarque, Agésilas, 32, 6‑11 avec nos remarques, Richer, Éphores, 1998, p. 473. 71. Xénophon, Helléniques, VII, 5, 9‑10.
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Sparte 72. On aura quelque idée de ces variations aux chapitres xiv et xv. 73. Xénophon, Helléniques, IV, 2, 11‑12 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939, modifiée. 74. Xénophon, Helléniques, VII, 4, 6‑10. 75. On a là comme le prolongement hors de Lacédémone des effets de la puis‑ sance de Sparte, ancrée dans le territoire lacédémonien sur des cités périèques individuellement nettement plus faibles que Sparte et par conséquent collectivement soumises – et contribuant à sa force (cf. G. Shipley, 1992, p. 224). Il a par ailleurs été noté par J. Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 15, que, jusqu’à la campagne d’Agésilas contre les Arcadiens en 370, on ne voit pas de mention explicite d’un usage des périèques contre d’autres Péloponnésiens. 76. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 19, 1. 77. Sur ce texte, cf. déjà supra, chapitre ix, p. 218. 78. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 4. 79. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 75, 3 ; Xénophon, Helléniques, IV, 2, 19 ; pour d’autres mentions de xenagoi, cf. Xénophon, Helléniques, III, 5, 7 ; IV, 3, 17 (Hérippidas agit en xenagos à Coronée en 394) ; V, 1, 33 ; VII, 2, 3. 80. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 64, 3. 81. Diodore, Bibliothèque, XV, 31, 2. Pour plus de détails cf. chapitre xv, p. 341-343. 82. Sur cette question, cf. notamment P. Cartledge, Agesilaos, 1987, chapitre 15, « Agesilaos the Mercenary », p. 314‑330, et E. Millender, 2006. 83. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 4 et 12, 3. 84. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 100, 2‑102 et 105‑109 (109, 2 sur la présence de mercenaires dont on ne sait trop s’ils ont été recrutés par les Lacédémoniens ou leurs alliés ambraciotes). 85. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 78, 1 et 80, 5 ; V, 6, 4. 86. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VII, 48, 5 ; 58, 3. 87. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 28, 4‑5 ; Diodore, Bibliothèque, XIII, 66, 5. 88. Xénophon, Helléniques, VII, 8, 24. Sur l’attitude ambiguë des Lacédémo‑ niens – désireux de payer leur dette à Cyrus qui les avait aidés à vaincre Athènes en 404 mais hésitants devant la puissance d’Artaxerxès – à l’égard de l’armée des « Cyréens », cf. Millender, 2006, p. 239‑245. Les « Cyréens », soldats de Cyrus, deviennent les « Derkylidéiens », soldats de Derkylidas, quand celui-ci succède à Thibron en Asie (Helléniques d’Oxyrhynchos, 21, 2). 89. Xénophon, Helléniques, IV, 3, 15 et 17 ; Agésilas, 2, 10. 90. Sur quelques exemples qui peuvent indiquer l’usage de mercenaires dans des théâtres d’opérations éloignés de Sparte, cf. Millender, 2006, p. 247. 91. Xénophon, Helléniques, V, 2, 21‑22 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939, modifiée. 92. Xénophon, Helléniques, V, 3, 10 (argent versé en 381 par les Phliasiens pour une campagne contre Olynthe) et VI, 2, 16 (versement en 373 par la plupart des cités alliées pour une campagne à Corcyre). 93. Millender, 2006, p. 249‑250. 94. Diodore de Sicile, Bibliothèque, XV, 31, 1‑2. 95. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 15 et 24. 96. Xénophon, Helléniques, notamment VI, 2, 5 ; 2, 16 et 19. 97. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 20‑22 et 28‑32 : c’est alors, en 369, que des Celtes envoyés par Denys apparaissent pour la première fois en Grèce, où ils savent se distinguer (Diodore, Bibliothèque, XV, 70, 1‑2).
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Notes 98. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 29‑32 ; Plutarque, Agésilas, 33, 5‑8. 99. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 29. 100. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VI, 93, 2 ; VII, 52‑86 par exemple. 101. Diodore de Sicile, Bibliothèque, XIV, 10, 2‑3 ; 44, 2 ; 58, 1 ; 70, 1‑3. 102. Xénophon, Helléniques, V, 1, 26 ; VII, 1, 20‑22 ; VII, 1, 28‑29. Le fils de Denys Ier, Denys II, poursuit cette politique de son père en aidant Sparte à recouvrer Sellasie en 365, selon Xénophon, Helléniques, VII, 4, 12. 103. Xénophon, Anabase, I, 4, 3 ; VI, 1, 32 – 2, 12. 104. Millender, 2006, p. 236. 105. Sur Cléarque, les références antiques sont rassemblées par Poralla et Bradford, 1985, p. 73‑74. Sur des mercenaires provenant de Sparte au début du ive siècle, cf. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 322. 106. Xénophon, Anabase, II, 6, 1‑15 ; traduction P. Masqueray, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1930, légèrement modifiée. 107. Cf. N. Richer, Religion, p. 68‑77, surtout 72‑73. 108. Sur les contingents grecs des Dix-Mille, cf. J. Roy, 1967. 109. Diodore, Bibliothèque, XV, 92, 2 ; Plutarque, Agésilas, 36, 6. 110. Xénophon, Helléniques, III, 4, 2 et 20 ; cf. supra, p. 276-277. 111. Xénophon, Agésilas, 2, 29. 112. Xénophon, Agésilas, 2, 31 ; Plutarque, Moralia, 214D. 113. Χénophon, Agésilas, 2, 30, Diodore, Bibliothèque, XV, 92, 2‑3 et Plutarque, Agésilas, 37, 1‑2. 114. Diodore, Bibliothèque, XV, 92‑93 et Plutarque, Agésilas, 37. 115. Xénophon, Agésilas, 2, 31 ; Plutarque, Agésilas, 37. 116. Diodore, Bibliothèque, XV, 93, 6 ; Plutarque, Agésilas, 40, 3‑4. 117. Plutarque, Agésilas, 40, 3.
XIII Une armée soudée et fortement hiérarchisée 1. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 4 avec les remarques de S. Hod‑ kinson, 1983, p. 257. 2. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 8. 3. Cf. Xénophon, Helléniques, IV, 5, 16. 4. Les boucliers des Lacédémoniens portaient un lambda (Λ), lettre initiale du mot « Lakedaimonioi » (Lacédémoniens). Ce renseignement est connu par un fragment du poète comique Eupolis évoquant la peur que les lambdas inspiraient à l’Athénien Cléon peu avant sa mort en 422 (fr. 359, éd. Kock cité par l’érudit byzantin Eus‑ tathe dans son commentaire à l’Iliade, I, vers 293). D’après Xénophon, les Sicyoniens arboraient des sigmas (Σ) sur leurs boucliers (Helléniques, IV, 4, 10), et les Thébains des massues évoquant Héraclès (Helléniques, VII, 5, 20). Des signes semblables portés sur les boucliers d’individus distincts pourraient indiquer que le matériel est fourni par la collectivité. Sur l’équipement des Spartiates, cf. P. Cartledge, 1977, p. 13, 15, 27. 5. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 3 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 6. Sur le fait que la disposition du système pileux doit permettre, à Sparte, de distinguer la catégorie d’appartenance d’un individu – et par exemple sur le fait
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Sparte que ne pas se laisser pousser la moustache doit indiquer que l’on a moins de trente ans –, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 251‑255. 7. Hérodote, Histoires, VII, 208‑209. 8. Pausanias, Périégèse, IX, 15, 6. 9. Sur le contre-exemple d’Aristodamos, sorti des rangs pour combattre comme un furieux à Platées, cf. Hérodote, Histoires, IX, 71 et supra, chapitre xi, p. 260-261. 10. Sur l’ôthismos, cf. Pritchett, 1985, p. 65‑73. 11. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 70. Un document ico‑ nographique remarquable, d’origine corinthienne, montre un tel usage d’un aulète rythmant la marche d’une phalange : cf. supra, chapitre iii, p. 48. 12. Xénophon, République des Lacédémoniens, 9 (texte cité supra, chapitre xi, p. 259). Sur la place accordée au bouclier, cf. e. g. Hanson, 1990, p. 98‑105 ou Debidour, 2002, p. 32‑35. 13. [Plutarque], Moralia, 220A. 14. Pausanias, Périégèse, I, 15, 4. 15. Sur les taux de pertes au combat cf. chapitre xv, p. 358. 16. Xénophon, République des Lacédémoniens, 9, 1. 17. Plutarque, Lycurgue, 22, 9‑10 et Moralia, 228F. 18. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 73, 4 ; traduction D. Rous‑ sel, Paris, Gallimard, 1964. 19. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 7. 20. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 66, 3‑4 ; traduction D. Roussel, Paris, Gallimard, 1964, modifiée. 21. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 4 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934, modifiée. 22. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 68, 3. Selon la remarque de M. Lipka, 2002, p. 194‑195, comme le mot pentècostys, formé sur l’adjectif numéral pentècostos, ne doit pas indiquer par lui-même un groupe d’une cinquantaine d’hommes (qui seraient pentèconta) – et comme il est encore plus inapproprié pour désigner le regroupement de deux trentaines de soldats que seraient les énomo‑ ties –, on pourrait proposer qu’il remonte au temps de l’armée dite « ôbale » par les Modernes, constituée de cinq loches. La hiérarchie des polémarques, lochages, pentécostères apparaît aussi lorsque sont énumérés par Xénophon les chefs qui assistent au sacrifice matinal effectué par le roi, République des Lacédémoniens, 13, 4. 23. Cf. supra, p. 291. 24. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 38, 1. 25. Hérodote, Histoires, VI, 56 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1948. 26. Cf. supra, chapitre xii, p. 271. 27. Aristote, Politique, III, 14, 4 ; 1285a 7‑8. 28. Sur le contexte dans lequel cette règle a été fixée, cf. supra, chapitre v, p. 111-113. 29. Xénophon, Helléniques, II, 2, 7. 30. Hérodote, Histoires, IX, 76 ; Xénophon, Helléniques, II, 4, 36. Cf. Richer, Éphores, 1998, p. 413. 31. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 5. Le « peu de chose » men‑ tionné par Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 66, 4, comme ne relevant pas de la structure militaire de commandement peut être une évocation de la présence d’éphores à l’armée, comme de la présence de devins et de médecins (Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 7). 32. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 2‑3 ; Richer, Religion, 2012, p. 209‑212. Sur les rois comme des sortes de chefs sacrés, cf. supra, chapitre x,
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Notes p. 230-231. Sur la présence de devins auprès du roi en train de sacrifier, cf. Xéno‑ phon, Helléniques, III, 3, 4. Sur les Skirites, périèques des frontières, et les éclaireurs montés qui précèdent le roi, cf. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 6. 33. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 59‑60 ; Richer, Éphores, 1998, p. 414‑420. 34. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 63. 35. Cf., par exemple, la façon dont les Athéniens, en 406, condamnent à mort leurs stratèges vainqueurs aux îles Arginuses qui, à cause d’une tempête, n’ont pas sauvé les Athéniens naufragés, selon Xénophon, Helléniques, I, 7. 36. M. I. Finley, 1984, p. 48. Pour une demi-douzaine d’exemples de mises en cause de rois revenus d’opérations militaires, cf. Christien et Ruzé, Sparte, 2007, p. 67. Une étude proposée par W. K. Pritchett (1974, p. 4‑33) permet de constater que les Spartiates ne diffèrent guère, en la matière, des ressortissants d’autres cités, eux aussi capables de juger leurs chefs militaires. 37. Hérodote, Histoires, VI, 56 ; Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 72, 4 ; Plutarque, Vie de Lycurgue, 22, 7‑8 et Moralia, 639E ; cf. Richer, Religion, 2012, p. 302‑303. 38. Hérodote, Histoires, VII, 173. 39. Xénophon, République des Lacédémoniens, 12, 6. 40. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 14. 41. Les Athéniens ont alors perdu 600 hommes : cf. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 10‑11. 42. Xénophon, Helléniques, II, 4, 31‑33 ; sur cette tombe, cf. supra, chapitre x, p. 244-245. 43. Xénophon, Helléniques, IV, 2, 5 ; IV, 4, 10 ; IV, 5, 12 (passage le plus clair) ; V, 2, 41. 44. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 4. 45. Xénophon, Helléniques, IV, 25. 46. Xénophon, République des Lacédémoniens, 11, 2 (cf. supra, chapitre xii, p. 272). 47. Xénophon, Helléniques, V, 2, 7. 48. Plutarque, Lysandre, 19 ; cf. supra, chapitre vii, p. 168. 49. Xénophon, République des Lacédémoniens, 14, 4. 50. Scholie à Pindare, Ve Olympique, 154, citée et discutée par D. M. Mac‑ Dowell, 1986, p. 29. 51. Sur cette question, cf. S. Hodkinson, 1993, surtout p. 152‑159. 52. Plutarque, Pélopidas, 13, 3 et Moralia, 598F. 53. Xénophon, Anabase, VII, 1, 36 et 2, 6. 54. Xénophon, Helléniques, VI, 3, 18‑20. 55. Hérodote, Histoires, V, 63. 56. Diodore, Bibliothèque, XIII, 97, 5 et 98, 1 ; Plutarque, Pélopidas, 2, 2. 57. Cf. supra, chapitre xii, p. 271. Une présentation des navarques connus est fournie par Christien, 2015. 58. Hérodote, Histoires, VII, 173 (Euainétos), VIII, 42 (Eurybiade). 59. Hérodote, VIII, 2 (Artémision) et VIII, 42 (avant Salamine). 60. Cf. H. D. Westlake, 1968, index, s. v. 61. Xénophon, Helléniques, I, 1, 23. 62. Poralla et Bradford, 1985, p. 89‑91 ; Bommelaer, 1981 ; Richer, à paraître. 63. Xénophon, Helléniques, I, 5, 1 et 6, 1 ; II, 1, 7 ; Diodore, Bibliothèque, XIII, 100, 8 ; Plutarque, Lysandre, 7, 3. 64. Xénophon, Helléniques, II, 1, 7.
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Sparte 65. Xénophon, Helléniques, II, 1, 20‑32. Pour plus de précisions cf. chapitre xiv, p. 323. 66. Xénophon, Helléniques, III, 4, 28 et V, 1, 13. Téleutias a, en 393, remplacé un navarque mort au combat (IV, 8, 11) puis il a commandé à des navires en 391 (IV, 4, 19), puis il a remplacé de fait, en 390, le navarque Ecdicos dont l’action devait sembler insuffisante (IV, 8, 23). On s’interroge sur la possibilité que Téleutias ait été plusieurs fois navarque. 67. Xénophon, Helléniques, VI, 2, 4‑23. 68. Xénophon, Agésilas, 2, 16. Sur l’échange mensuel de serments entre rois et éphores qui exprime la subordination des rois à la cité, cf. supra, chapitre ix, p. 203. 69. Aristote, Politique, III, 4, 14‑16 ; 1277b 11‑17 ; pour d’autres références, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 500‑501, n. 63. 70. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 66, 4. 71. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 25, 2. 72. Sur un exemple d’une telle possibilité, cf. aussi la façon dont, en 369/368, Ischolaos se serait sacrifié délibérément avec une partie de ses troupes – les hommes les plus âgés – pour retarder l’avance des Arcadiens, selon Diodore de Sicile, Bibliothèque, XV, 64, 3‑5 ; mais le récit de Xénophon est plus prosaïque, Helléniques, VI, 5, 26. 73. Plutarque, Agésilas, 35, 1‑2. Sur Isadas qui s’est illustré peu auparavant, aussi en 362, cf. supra, chapitre vii, p. 168-169. 74. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 34, 2 ; 36, 2 ; 37, 1 ; 38, 1. 75. Xénophon, Helléniques, IV, 5, 17. 76. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 96, 5. 77. Xénophon, République des Lacédémoniens, 13, 5.
XIV Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404) 1. Hérodote, Histoires, VII, 158. 2. Cf. supra, chapitre v, p. 119-120. 3. Cf. supra, chapitre xii, p. 271. 4. Hérodote, Histoires, VII, 148 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1951. 5. Hérodote, Histoires, VII, 148‑150. 6. Hérodote, Histoires, IX, 12. 7. Sur la Ligue du Péloponnèse, cf. supra, chapitre v, p. 102-103. 8. Sur Euainétos, cf. supra, chapitre xiii, p. 298. 9. Sur la bataille des Thermopyles, cf. Hérodote, Histoires, VII, 201‑233 ; on peut en fixer la date au 31 juillet-2 août 480 environ, plutôt qu’au 17‑19 septembre 480. 10. Hérodote, Histoires, VII, 220 ; traduction Ph.-E. Legrand, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1951. 11. Hérodote, Histoires, VII, 222. Sur la présence possible d’Hilotes, cf. supra, chapitre xii, p. 274 et n. 33. 12. Hérodote, Histoires, VII, 223‑225 ; traduction A. Barguet, Paris, Gallimard, 1964, légèrement modifiée. 13. Hérodote, Histoires, VII, 225.
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Notes 14. Eschyle, Les Perses, pièce jouée en 472 ; Hérodote, Histoires, VIII, 74‑96 ; plutôt qu’au 29 septembre 480 comme il est parfois proposé, on pourrait en fixer la date au 3 septembre 480 si la « nuit noire » mentionnée par Eschyle (Perses, 357) est une nuit de nouvelle lune ou au 24 août 480 environ d’après des indications calendaires de Plutarque (Vie de Camille, 19, 6). 15. Hérodote, Histoires, IX, 25‑85. 16. Hérodote, Histoires, IX, 53. Sur Amompharétos et son unité, cf. supra, chapitre xi, p. 265. 17. Hérodote, Histoires, IX, 96‑105, ici 105. 18. Hérodote, Histoires, IX, 114. 19. Plus tard, vers 469, en voulant échapper à la sanction que méritaient ses ambitions de pouvoir personnel, Pausanias se réfugie dans un bâtiment du sanc‑ tuaire d’Athéna Chalkioikos, dont il n’est retiré que pour mourir de faim aussitôt. C’est en raison de cet événement que la Pythie aurait demandé l’érection de deux statues le représentant (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 134, 4 ; cf. supra, chapitre xi, n. 14). 20. Diodore de Sicile, Bibliothèque, XI, 50, 2‑7. 21. G. Kokkorou-Alevras dans Kaltsas (dir.), 2006, p. 93. 22. Pausanias, Périégèse, III, 11, 3. 23. Cf. supra, chapitre xi, p. 249. 24. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 89‑118 ; cf., en français, J. Delorme, 1992 et 1998. 25. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 102, 4 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953. 26. Pausanias, Périégèse, V, 10, 4. Peu après la bataille de Tanagra, les Thé‑ bains subissent une défaite face aux Athéniens à Oinophyta (sans doute à l’est de Tanagra), et ces derniers peuvent donc prendre le contrôle de la Béotie jusqu’en 447. 27. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 103, 1‑3. 28. La paix de Callias n’est pas mentionnée par Thucydide mais par Diodore, Bibliothèque, XII, 4, 4‑6. 29. Plutarque, Vie de Périclès, 17, 1. 30. Plutarque, Vie de Périclès, 17, 4. 31. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 97, 2. En conséquence, les alliés (symmachoi) peuvent être appelés pour une bonne part des sujets (hypèkooi, ibid., VI, 22, 1 ; VII, 57, 3 ; VIII, 2, 2). 32. Des révoltes sont ainsi matées à Naxos (vers 470‑468), à Thasos (465), en Eubée (446) et, en 441‑439 se produit la guerre, limitée, dite de Samos (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 115‑117). Présentant la situa‑ tion au début de la guerre du Péloponnèse, des Mytiléniens disent que seuls eux-mêmes, gens de Lesbos, et les gens de Chios, les uns et les autres dotés d’une flotte, sont des alliés des Athéniens sans leur être asservis dans le cadre de la Ligue de Délos (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 10, 4‑5). 33. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 63, 2 ; cf. aussi III, 37, 2 (propos prêtés à Cléon en 427). 34. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 23, 6 (et I, 118, 2 pour la citation suivante) ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953. 35. Cf. aussi Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 88. 36. Cf. P. Cartledge, Agesilaos, 1987, passim (index s. v. « Athenian War »). 37. Pour des récits et des analyses détaillés, cf. e. g. Will, 1972 ; Lévy, 1995 ; Hanson, 2008. Une analyse largement numérique des moyens déployés et perdus par
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Sparte les deux camps durant la guerre du Péloponnèse est proposée par Morpeth, 2006. Deux commentaires très fouillés de l’œuvre de Thucydide sont dus à Gomme et alii, 1945‑1981 et, d’autre part, à S. Hornblower, 1991‑2008 ; sur le début du récit de Xénophon, cf. Krentz, 1989. Pour une carte générale des théâtres d’opérations, cf. Richer, 2017b, p. 52‑53. 38. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 70‑71 (extraits) ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953. 39. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 79‑88. 40. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 13, 5. 41. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 92‑93. 42. Cf. supra, chapitre xi, p. 261-263 et chapitre xii, p. 275. 43. Aristophane, La Paix, 265‑286 (la pièce date de 421). 44. Sur la bataille de Mantinée, qui fait l’objet d’un récit détaillé de Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, (V, 63‑75), cf. supra, chapitres xii et xiii ; Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 124‑134. 45. Sur les effectifs déployés par Sparte, cf. supra, chapitre vii, p. 153 (dans une analyse largement hypothétique, Lazenby propose, Spartan Army, 1985, p. 128-129, que le corps de bataille des Spartiates seuls ait compté 6 144 hommes) ; sur des difficultés inhérentes aux indications de Thucydide, cf. supra, chapitre xi, p. 265 ; sur la chaîne de commandement, cf. supra, chapitre xiii, p. 295. 46. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 71, 1 ; traduction D. Rous‑ sel, Paris, Gallimard, 1964. 47. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 72, 1. 48. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 91, 1‑3 (sur la tentative de 426). 49. Le dialogue entre Athéniens et Méliens (été 416) puis l’écrasement des Méliens sont rapportés par Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 84‑116 (112, 3 sur leur proposition de ne s’engager militairement d’aucun côté, que rejettent les Athéniens). 50. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 89, 104 et 106 (colons) ; 112, 2, 104 et 113 (secours attendus, mais en vain). En 405, après leur défaite d’Aigos Potamoi, les Athéniens s’attendront à subir le traitement qu’ils avaient infligé aux Méliens, colons des Lacédémoniens (Xénophon, Helléniques, II, 2, 3). 51. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 116, 4. Dès 405/404, Lysandre rétablit chez eux les Méliens survivants (Xénophon, Helléniques, II, 2, 9). 52. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VII, 28, 3. 53. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 105, 4. 54. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VI, 90, 2 ; Plutarque, Vie d’Alcibiade, 17, 3‑4. 55. Cf. supra, chapitre xii, p. 276. Sur la raison d’agir en Sicile pour éviter l’accroissement de la puissance athénienne, Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 2, 4. 56. Pour un plan du siège de Syracuse par les Athéniens, cf. Richer, 2017b, p. 60. 57. Il est bien possible qu’Alcibiade – dont le nom était laconien – ait eu d’autant plus de crédit à Sparte que « des liens d’hospitalité extrêmement étroits l’unissaient, par tradition de famille, à Endios », éphore en 413/412, selon Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 6, 3. 58. C’est en 409 que les Athéniens perdent leur position messénienne de Pylos, proche de Sphactérie, qu’ils tenaient depuis 425 (Diodore, Bibliothèque, XIII, 64, 5‑7). 59. Xénophon, Helléniques, I, 5, 6‑7. 60. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 46, 2 et 4 ; 56, 2 ; 87, 4 ; Xénophon, Helléniques, I, 5, 9.
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Notes 61. Xénophon, Helléniques, I, 5, 11‑15. 62. Cf. supra, chapitre xiii, p. 302. 63. Xénophon, Helléniques, II, 1, 10‑12. 64. Xénophon, Helléniques, II, 1, 18‑32 ; Diodore, Bibliothèque, XIII, 104, 8-106, 7 ; Plutarque, Lysandre, 9, 5-13, 2. 65. Xénophon, Helléniques, II, 2, 19. 66. Xénophon, Helléniques, II, 2, 20 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1936. Plutarque dit citer une décision des éphores qui aurait laissé aux forces lacédémoniennes présentes à Athènes la possibilité de compléter les conditions de la paix qu’il indique (Lysandre, 14, 8). 67. L’existence d’un système de fortifications unissant Athènes au Pirée (appelé les Longs Murs) avait permis à Périclès de dire à ses compatriotes athéniens, peu avant le début de la guerre du Péloponnèse en 431, de se considérer comme des insulaires et de se désintéresser de leurs terres et de leurs maisons disposées en dehors des murailles (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 143, 5). 68. Cf. Ober, 1999. 69. Sur cet usage voir la fin de la bataille de Mantinée de 362 racontée par Xénophon, chapitre xv, p. 349-350. 70. Cet usage, qui relève de l’esprit de compétition, d’agôn, est illustré par l’atti‑ tude des Lacédémoniens vainqueurs à Mantinée en 418 et qui ne poursuivent pas les Argiens défaits (Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 73, 4). Sur l’avantage que procure la prévisibilité d’un tel usage, cf. supra, chapitre xiii, p. 294. 71. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 52, 2 et 4. 72. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 53, 2. 73. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 58, 3 et 57, 1. 74. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 68, 2‑3. 75. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 102‑106, où l’auteur rap‑ pelle que, dans l’exercice de ses fonctions de stratège, il est lui-même certes arrivé trop tard pour sauver Amphipolis mais à temps pour sauver Éion, à proximité. 76. A. Powell, 1988, rééd. 2016, p. 123‑132. 77. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 85, 1 et, pour la citation, 88, 1 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1967. 78. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 84, 2. Sur Brasidas, cf. Richer, Éphores, 1998, p. 275‑277 et Hoffmann, 2000. 79. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 106, 1. 80. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 105, 2. 81. Cf. supra, p. 317-318. 82. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 13, 5. 83. Cf. supra, chapitre iv, p. 78. 84. Hérodote, Histoires, III, 54 (cf. supra, chapitre v, p. 103) et V, 63 (cf. supra, chapitre v, p. 110). 85. Hérodote, Histoires, VIII, 1‑2. 86. Cf. supra, chapitre xiii, p. 301. 87. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 13, 1 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1953, légèrement modifiée. 88. Hérodote, Histoires, VII, 144. 89. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 80, 4 ; traduction citée n. 87. 90. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 141, 5 ; cf. aussi II, 13, 2. 91. Aristote, Politique, II, 9, 36‑37 ; 1271b 10‑17 ; traduction J. Aubonnet, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1960, modifiée.
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Sparte 92. Le caractère récent de la puissance navale athénienne en 480, dont les Lacédé‑ moniens auraient rapidement perçu le caractère menaçant, est relevé par Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 90. Sur le tribut versé aux Athéniens par leurs alliés, et sur la préférence de ceux-ci pour un versement en numéraire plutôt qu’une contribution en navires, cf. ibid., I, 96 et 99. Plus tard, au ive siècle, les Athéniens profitent au mieux du caractère central du Pirée dans les échanges commerciaux entre Grecs pour y établir un système de taxes propres à alimenter leurs dépenses publiques. 93. D’après les propos que Thucydide prête au roi de Sparte Archidamos, celui-ci est parfaitement conscient de la chose, puisque, peut-on dire, il justifie la tactique péricléenne telle qu’elle sera présentée plus tard (I, 143) : « Des terres, [les Athéniens] en ont bien d’autres dans leur empire, et ils feront venir par mer ce qu’il leur faut » (I, 81, 2). Sur les aspects navals de la guerre du Péloponnèse, cf. V. D. Hanson, 2008, chapitre 8 : « Les navires : la guerre en mer », p. 295‑340 et chapitre 9, « Le paroxysme : combats de trières en mer Égée », p. 341‑359. 94. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 12, 3 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, 1967. 95. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 142, 9 ; 142, 5. 96. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 89, 2. 97. La présence des Corinthiens à la bataille de Patrai est fortement marquée par Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 83. 98. J. de Romilly, 1956, p. 127, citant Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 84, 3. 99. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 87 et II, 85, 2. 100. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 85, 2. 101. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, III, 26‑33 (ici 33, 1). 102. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 16 et 23. 103. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 2 (et 24, 5, sur l’appré‑ ciation semblable des gens de Chios). 104. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 3. 105. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 18 (été 412) ; 37 (hiver 412/411) ; 58 (vers avril 411). Cf. Lévy, 1983. 106. Xénophon, Helléniques, I, 6, 31 ; malgré cette qualité les Péloponnésiens sont défaits aux îles Arginuses, à l’été 406 (Helléniques, I, 6, 28‑35). 107. Xénophon, Helléniques, II, 1, 22‑32. 108. Pausanias, Périégèse, X, 9, 7‑10 ; c’est à Plutarque (Lysandre, 18, 1) qu’est due l’appellation du monument, sur lequel cf. Bommelaer, 1981, p. 14‑16 notam‑ ment ; sur l’exaltation de Lysandre, cf. supra, chapitre xi, p. 258. 109. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 71, 3. 110. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 2.
XV Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330) 1. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 18 ; 37 ; 58. Cf. Lévy 1983. 2. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, VIII, 84, 5 ; traduction J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1972. 3. Xénophon, Helléniques, I, 4, 3 (Cyrus karanos) ; I, 5, 1‑10 (entente de Lysandre et de Cyrus).
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Notes 4. Xénophon, Helléniques, I, 6, 7 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1936. 5. Isocrate, Panégyrique, 110‑114 (texte de 380) ; en 371 encore, l’orateur athénien Autoclès aurait rappelé, à l’assemblée même des citoyens de Sparte, le caractère tyrannique des régimes établis par Sparte (Xénophon, Helléniques, VI, 3, 8). 6. Xénophon, Helléniques, II, 4, 29‑30 ; il est possible que les troupes levées par Lysandre aient été principalement constituées de mercenaires (Millender, 2006, p. 239). 7. Xénophon, Helléniques, III, 1, 1 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1936, modifiée. 8. Xénophon, Anabase, I, 4, 2‑3. 9. Xénophon, Anabase, I, 9, 27 ; le nom de Counaxa a été transmis par Ctésias. Sur l’expédition des Dix-Mille, cf. Richer, 2015a, et sur le caractère fondateur de cet événement pour les ambitions grecques aux dépens de l’Empire perse, cf. Richer, 2017b, p. 80. 10. Xénophon, Anabase, II, 5, 11 ; Helléniques, III, 1, 3. 11. Xénophon, Helléniques, III, 1, 3 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1936, modifiée. 12. Xénophon, Helléniques, III, 1, 4. 13. Xénophon, Helléniques, III, 1, 5. 14. Sur cette jonction des forces, cf. Xénophon, Anabase, VII, 8, 24 et Helléniques, III, 1, 6. 15. Xénophon, Helléniques, III, 5, 1. 16. Pour une carte générale de la guerre de Corinthe, cf. Richer, 2017b, p. 65. 17. Xénophon, Helléniques, II, 4, 30 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1936. 18. Xénophon, Helléniques, III, 5, 5 ; Plutarque, Vie de Lysandre, 27, 4. 19. Xénophon, Helléniques, IV, 2, 14‑23 ; Diodore, Bibliothèque, XIV, 83, 1‑2 sur les effectifs et les pertes. Cf. Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 135‑143. 20. Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 71, 1 ; cf. supra, cha‑ pitre xiv, p. 320. 21. Xénophon, Helléniques, IV, 3, 10‑13. 22. Xénophon, Helléniques, IV, 8, 1. 23. Plutarque, Agésilas, 17, 3 et 18, 5. 24. Sur la bataille de Coronée, cf. Xénophon, Helléniques, IV, 3, 15‑20 ; Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 143‑148. 25. Xénophon, Helléniques, IV, 8, 9‑10. 26. Xénophon, Helléniques, IV, 4, 7‑13 et IV, 5, 7-17 (sur Léchaion cf. supra, chapitre vii, p. 159, et chapitre xiii, p. 304). 27. Xénophon, Helléniques, V, 1, 18‑24. 28. Xénophon, Helléniques, V, 1, 25‑28. 29. Xénophon, Helléniques, V, 1, 31. 30. Polybe, Histoires, VI, 49, 5 ; traduction R. Weil, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1977. 31. Isocrate, Panégyrique, 122 en particulier. 32. Xénophon, Helléniques, V, 1, 32‑33. 33. Xénophon, Helléniques, V, 2, 1‑7. 34. Xénophon, Helléniques, V, 2, 8‑10. 35. Xénophon, Helléniques, V, 2, 11‑24 ; 2, 37‑43 ; 3, 1‑9 ; 3, 18‑19 ; 3, 26. Cf. Psoma, 2001.
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Sparte 36. En l’occurrence, un Thébain, le polémarque Léontiadès, souhaite éliminer ses ennemis politiques et utilise les fonctions qu’il exerce pour installer les forces de Phoi‑ bidas dans la Cadmée ; les Spartiates profitent ainsi d’un soutien local pour s’établir : Xénophon, Helléniques, V, 2, 25‑36. Pour un plan de Thèbes, cf. Richer, 2017b, p. 38. 37. Xénophon, Helléniques, V, 3, 27. Le fait que les Spartiates, en prenant le contrôle de Thèbes, ne respectent pas son autonomie et bafouent donc la paix du Roi de 386 est explicitement noté, en 371, par l’orateur athénien Autoclès (Xéno‑ phon, Helléniques, VI, 3, 9). Pour Xénophon, cet acte impie scelle, par la volonté des dieux, l’abaissement à venir de Sparte : Xénophon, Helléniques, V, 4, 1 (avec nos remarques sur l’importance du respect des serments, Richer, Religion, 2012, p. 565‑568) et VI, 4, 3 où Xénophon attribue les événements menant à Leuctres à quelque daimonion, un mauvais génie qui aurait aveuglé les Spartiates en leur don‑ nant le sentiment qu’ils pouvaient, par la force, faire entendre raison aux Thébains. 38. Sur l’épisode, cf. supra, chapitre xiii, p. 300. 39. Pour une carte de la Ligue béotienne, cf. Richer, 2017b, p. 39. 40. Xénophon, Helléniques, V, 4, 20‑33. 41. Diodore de Sicile, XV, 31, 1‑2 ; traduction C. Vial, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1977, modifiée. 42. Entendons les gens de la Chalcidique de Thrace ; il doit s’agir des habitants de cités qui étaient alliées des Lacédémoniens en 381, avant la défaite et le rallie‑ ment d’Olynthe en 379 : cf. Xénophon, Helléniques, V, 3, 6. 43. P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 272, qui renvoie à Xénophon, Helléniques, VI, 1, 1, où l’on voit qu’un meros d’alliés est joint à quatre mores de Sparte. 44. Cf. Psoma, 2001, p. 229. 45. Diodore, Bibliothèque, XV, 29, 7. 46. Xénophon, Helléniques, V, 4, 60‑81 et surtout Diodore, Bibliothèque, XV, 34, 4-35, 2. 47. Diodore, Bibliothèque, XV, 35, 2. 48. Xénophon, Helléniques, VI, 1, 14‑17 ; cf. supra, chapitre xii, p. 277. 49. Xénophon, Helléniques, VI, 1, 17. 50. Xénophon, Helléniques, VI, 2, 18‑26. 51. Xénophon, Helléniques, VI, 3. 52. Xénophon, Helléniques, VI, 3, 14. 53. Plutarque, Agésilas, 27, 6-28, 3. 54. Xénophon, Helléniques, VI, 3, 18‑20. 55. Plutarque, Agésilas, 27, 4-28, 1 ; Pausanias, Périégèse, X, 13, 2. 56. Plutarque, Pélopidas, 20, 1 ; Diodore, Bibliothèque, XV, 52. 57. Pour une analyse du texte de Xénophon présentant la bataille de Leuctres (Helléniques, VI, 4, 3‑17), cf. Richer, 2010b, p. 145‑150. 58. Pausanias, Périégèse, IX, 6, 4. 59. Xénophon, Helléniques, VI, 4, 17‑26. 60. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 3‑5. 61. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 10‑25. 62. Xénophon, Helléniques, VI, 5, 28. 63. Cf. supra, chapitre xiv, p. 314-315. 64. Diodore, Bibliothèque, XV, 67, 1. 65. Cf. Diodore, Bibliothèque, XV, 66. La muraille de 9 kilomètres de long, encore bien préservée, est généralement datée du milieu du ive siècle. Sur la Messénie et les Messéniens, cf. Figueira, 1999, Shipley, 2004a. 66. La perte de la Messénie réduit considérablement les terres cultivables dont disposaient les Spartiates, qui perdent environ 90 000 des 140 000 hectares qu’ils contrôlaient, a-t‑on pu estimer.
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Notes 67. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 1‑14. 68. Diodore, Bibliothèque, XV, 72, 4. 69. Pour une carte politique du Péloponnèse au début du ive siècle, cf. Richer, 2017b, p. 67. 70. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 20‑22 et 28‑32 ; Plutarque, Agésilas, 33, 5 sur l’appellation de la bataille (adakrys machè). 71. Xénophon, Helléniques, VII, 1, 33‑40. 72. Xénophon, Helléniques, VII, 4, 6‑10. 73. Aristote, Politique, II, 9, 16 ; 1270a 33‑34. 74. Xénophon, Helléniques, VII, 5, 1. 75. Xénophon, Helléniques, VII, 5, 18. 76. Xénophon, Helléniques, VII, 5, 3‑14. Dans le récit qu’il donne de cette – vaine – attaque brusquée sur Sparte, Diodore (Bibliothèque, XV, 82, 6-84, 1) appelle Agésilas du nom d’Agis et Archidamos du nom d’Agésilas (alors que le roi agiade du moment, absent des sources, est Cléomène II). Sur la récompense de l’exploit d’Isadas qui aurait eu lieu alors, cf. supra, chapitre vii, p. 168-169 ; sur Isadas fils de Phoibidas, cf. Cartledge, 2002, p. 237‑239. 77. Diodore, Bibliothèque, XV, 84, 4 (et 86, 1 sur l’ampleur inégalée des effec‑ tifs engagés). 78. Xénophon, Helléniques, VII, 5, 10 avec les remarques de Lazenby, Spartan Army, 1985, p. 168. 79. Xénophon, Helléniques, VII, 5, 23. 80. Sur Anticratès, cf. supra, chapitre xiii, p. 303. 81. Xénophon, Helléniques, VII, 5, 26‑27 ; traduction J. Hatzfeld, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1939. 82. Diodore, Bibliothèque, XV, 87, 3‑4. 83. Diodore, Bibliothèque, XV, 79, 2 ; cf. aussi 88, 4. 84. Diodore, Bibliothèque, XV, 89, 1‑2. 85. Isocrate, Archidamos, 8‑10 ; traduction G. Mathieu et É. Brémond, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 1938, légèrement modifiée. 86. Xénophon, Helléniques, VII, 4, 9. 87. Plutarque, Agésilas, 32, 3. 88. Sur l’expédition d’Agésilas en Égypte, cf. supra, chapitre xii, p. 289. 89. Isocrate, Lettre à Archidamos. 90. Sur la troisième guerre sacrée, cf. par exemple P. Brun dans P. Brulé et alii, 2004, p. 64‑67 et 72‑75. 91. Diodore, Bibliothèque, XVI, 29, 2‑3 (et 23, 2). 92. Diodore, Bibliothèque, XVI, 39, 1‑5. 93. Démosthène, Pour les Mégalopolitains, 16‑17. 94. Diodore, Bibliothèque, XVI, 37, 3. 95. Diodore, Bibliothèque, XVI, 59, 1. 96. Cf. Diodore, Bibliothèque, XVI, 63, 1. 97. Diodore, Bibliothèque, XVI, 62, 4 – 63, 1. 98. Diodore, Bibliothèque, XVI, 88, 3. 99. Diodore, Bibliothèque, XVI, 63, 1 et 64, 2‑3 ; Pausanias, Périégèse, III, 10, 5. 100. Pausanias, V, 4, 9 (aide des Éléens à Philippe) ; Plutarque, Moralia, 235A-B (ultimatum aux Lacédémoniens) ; Polybe, Histoire, IX, 28, 5‑7 (invasion et amputation territoriale). Les sources sur cet épisode sont rassemblées par P. Gou‑ kowsky dans Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Paris, Les Belles Lettres, CUF, 2016, p. ccxvi-ccxvii ; cf. Cartledge et Spawforth, 1989, p. 14‑15 et 18. 101. Sur la Ligue de Corinthe, cf. P. Brun dans P. Brulé et alii, 2004, p. 89.
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Sparte 102. Pour une carte des alliés de Philippe de Macédoine dans le cadre de la Ligue de Corinthe, cf. Richer, 2017b, p. 79. 103. Cartledge et Spawforth, 1989, p. 19. 104. Diodore, Bibliothèque, XVII, 8‑14 ; Arrien, Anabase d’Alexandre le Grand, I, 7‑9. 105. À l’exception des sanctuaires et de la maison du poète Pindare, selon Arrien, Anabase, I, 9, 9‑10. 106. Arrien, Anabase, I, 16, 7 ; traduction P. Savinel, Paris, 1984. 107. Diodore, Bibliothèque, XVII, 62‑63. 108. Alexandre aurait reproché à Darius, dans une lettre, d’avoir envoyé de l’argent aux Grecs pour les encourager à se soulever, un argent que seuls les Lacé‑ démoniens auraient accepté (Arrien, Anabase, II, 14, 6). 109. Diodore, Bibliothèque, XVII, 62, 6. 110. Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre, VI, 1, 20. 111. Diodore, Bibliothèque, XVII, 62, 7. 112. Dinarque, Contre Démosthène, 34. 113. Quinte-Curce indique explicitement que la défaite d’Agis fut consommée avant la victoire d’Alexandre à Arbèles, datée de l’automne 331 (Histoire d’Alexandre, VI, 1, 21). 114. Diodore, Bibliothèque, XVII, 63, 4. 115. Diodore, Bibliothèque, XVII, 63, 3 ; cf. Brulé, 1999, p. 58. Le pourcentage de pertes serait seulement de 16,56 % du côté lacédémonien en considérant que les pertes indiquées comprennent celles des mercenaires, mais le rapport ordinaire des pertes entre vainqueurs et vaincus ne serait alors pas celui que l’on constate en général. Quinte-Curce indique 5 300 morts pour les Lacédémoniens et moins de 1 000 pour les Macédoniens, mais presque tous auraient été blessés (Histoire d’Alexandre, VI, 1, 16). 116. Plutarque, Agésilas, 15, 6. D’après Diodore de Sicile (Bibliothèque, XVII, 61, 3), à Arbèles (ou Gaugamèles) les pertes des Perses auraient été de plus de 90 000 hommes et celles des Macédoniens de 500 hommes, tandis que, d’après Quinte-Curce (Histoire d’Alexandre, IV, 12, 13 ; IV, 16, 26), les Perses auraient aligné 105 000 hommes et en auraient perdu 40 000, les Macédoniens en perdant moins de 300 ; d’après Arrien (Anabase, III, 8,6 et III, 15, 6), les troupes du Roi auraient compté un million de fantassins et 40 000 cavaliers, et 300 000 cadavres barbares auraient été dénombrés alors que 100 hommes seraient tombés parmi les troupes d’Alexandre. Sur les difficultés que posent les effectifs des armées royales perses, cf. P. Briant, 1996, p. 803‑820. 117. Diodore, Bibliothèque, XVII, 73, 5‑6 ; Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre, VI, 1, 16‑21. 118. P. Cartledge dans P. Cartledge et A. Spawforth, 1989, p. 23. 119. Diodore, Bibliothèque, XIX, 70, 5. 120. Plutarque, Agésilas, 30, 6 ; cf. supra, chapitre xi, p. 263. 121. Diodore, Bibliothèque, XIX, 70, 4‑5. 122. Plutarque, Moralia, 235B. 123. Diodore, Bibliothèque, XVII, 73, 5. 124. Quand en 315 Cassandre intervint effectivement dans le Péloponnèse, ce fut pour prendre le contrôle de la Messénie, et non celui de la Laconie. 125. Aristote, Politique, VIII, 4, 4 ; 1338b 24‑29. 126. Polyen, Stratagèmes, II, 3, 15, où le stratège écrase la tête d’un serpent devant ses troupes pour les convaincre que, une fois les Lacédémoniens vaincus, l’armée ennemie n’aura plus de force. 127. Plutarque, Moralia, 191D.
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Notes
Conclusion 1. Hérodote, Histoires, VII, 220 ; sur l’importance de l’eudaimonia (l’eudaimoniè dans l’Ionien d’Hérodote) à Sparte, cf. Richer, 2001b. 2. Sur les pathèmata, cf. supra, chapitre x, p. 238-239. 3. Cf. Richer, Religion, 2012, p. 135‑144 ; Richer, 2017a, p. 88‑96. 4. Xénophon, République des Lacédémoniens, 10, 4 ; traduction F. Ollier, Lyon et Paris, 1934. 5. Aristote, Politique, II, 9, 27‑28 ; 1271a 10‑18. 6. Cf. supra, chapitre ix, p. 215. 7. Xénophon, République des Lacédémoniens, 14, 1. 8. Cf. supra, chapitre xv, p. 341. 9. Cf. M. Trédé, 1992. 10. J. Ducat, 1995, p. 100, rééd. 2017, p. 79. 11. Sur la xénélasie, le rejet de l’étranger, cf. supra, chapitre vi, p. 141 et cha‑ pitre ix, p. 205 ; sur l’oliganthropie, la faiblesse démographique, cf. supra, chapitre vii, p. 151-161. 12. Sur cette expression cf. supra, chapitre ix, n. 81. Sur le jeu d’échelle pos‑ sible entre Sparte qui serait démocratique et Lacédémone qui serait oligarchique, cf. supra, chapitre ix, p. 219.
Chronologies 1. Alcamène détruit Hélos vers 710 (Pausanias, Périégèse, III, 2, 7). 2. D’après Pausanias (Périégèse, III, 3, 3‑4), l’Agiade Polydore est mort avant la fin de la première guerre de Messénie, que nous plaçons vers 675. 3. La deuxième guerre de Messénie, datable de 635/625‑610/600, aurait com‑ mencé du temps d’Anaxandros d’après Pausanias (Périégèse, III, 3, 4 et IV, 15, 3). 4. C’est un roi nommé Anaxidamos – dont le nom combine la fin de celui d’Archidamos et le début de celui d’Anaxilaos – qui règne du temps de la deuxième guerre de Messénie selon Pausanias, Périégèse, III, 7, 6 et IV, 15, 3. 5. Le nom même du personnage est suspect : il peut avoir été inventé pour désigner un frère prétendu de Lycurgue, l’instaurateur de l’eunomia (Parker, 1993, p. 57, n. 93). 6. Cf. Ératosthène (FGrHist, 241, fr. 1a apud Clément d’Alexandrie, Stromates, I, 138) et Apollodore (FGrHist, 244, fr. 61b apud Eusèbe [Arm.], p. 89, lignes 6‑7, éd. Karst). 7. Cf. Pausanias, Périégèse, III, 16, 9, qui indique les seuls ressortissants de ces ôbai comme sacrifiant originellement à Orthia. 8. L’ethnique attendu serait Héléates ou Héléioi. 9. Eusèbe [Hier.], p. 91, lignes 25‑26, éd. Helm. La datation s’accorde avec les données archéologiques. 10. Eusèbe [Hier.], p. 94, lignes 8‑9 éd. Helm. 11. Tyrtée, Testimonia 3 et 2, éd. Prato. 12. Alcman, Testimonia 1 et 2, éd. Calame. 13. Sosicrate, FHG, IV, p. 502, fr. 12. 14. Pour une chronologie détaillée du règne d’Agésilas, cf. P. Cartledge, Agesilaos, 1987, p. 432‑460. 15. Meulder, 1989.
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Bibliographie
Liste des abréviations FGrHist F. Jacoby, Fragmente der griechischen Historiker, Leyde, 1923-. FHG C. Müller, Fragmenta Historicorum Graecorum, Paris, 1841‑1870. IG Cf. Kolbe.
Sources textuelles Moins que sur Athènes mais bien plus que sur de très nombreuses autres cités, on dispose sur Sparte de sources littéraires riches et pré‑ cises. Ce sont d’abord les Histoires d’Hérodote, l’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide et une partie des œuvres de Xénophon. Parmi ces dernières, la République des Lacédémoniens est très détaillée ; elle est accessible en français dans trois traductions assez largement diffusées : Xénophon, L’Anabase, le Banquet, l’Économique, De la Chasse, La République des Lacédémoniens, La République des Athéniens : traduction, notices et notes par P. Chambry, Paris, Garnier, 1933, rééd. 1967. Xénophon, La République des Lacédémoniens : texte et traduction avec une introduction et un commentaire par F. Ollier, Lyon et Paris, 1934 (la traduction, seule, a été rééditée dans Xénophon et Aristote, Constitution de Sparte. Constitution d’Athènes, Paris, Gallimard, collec‑ tion « Tel », 1996). Xénophon, Constitution des Lacédémoniens, Agésilas, Hiéron suivi de Pseudo-Xénophon, Constitution des Athéniens : traduction et annota‑ tion par M. Casevitz, Paris, Les Belles Lettres, collection « La Roue à livres », 2008.
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Sparte Pour apprécier la richesse de cette œuvre on peut utiliser Rebenich, 1998, Lipka, 2002 et, sur les passages concernant l’éducation, Ducat, 2006b. Les écrits de Platon, d’Aristote, de Polybe et de Plutarque aussi four‑ nissent de nombreux renseignements sur Sparte. Leurs œuvres, comme celles des auteurs précédemment nommés, sont aisément accessibles dans des traductions en langues modernes, notamment dans la Collection des universités de France (CUF, dite communément « Budé ») publiée par les éditions Les Belles Lettres à Paris. Sur le texte essentiel qu’est le livre III de la Périégèse de Pausanias, qui porte sur la Laconie, deux éditions commentées utiles sont dispo‑ nibles dans certaines bibliothèques universitaires : Papachatzis, 1976 (riche iconographie), Musti et Torelli, 1991 ; on dispose aussi d’un itinéraire illustré : Xanthakis et Papapostolou, 2002. Une édition commentée due à M. Casevitz et O. Gengler est annoncée à Paris, aux Belles Lettres. Deux recueils de documents qui peuvent rendre des services sont consti‑ tués par Coley (éd.), 2017 et par Malye, 2010.
Études modernes M. Andronicos, Musée national, Athènes, 1980. V. Aravantinos, L. Godart, A. Sacconi, « Sui nuovi testi del palazzo di Cadmo a Tebe », Atti della Accademia nazionale dei Lincei. Rendiconti. Classe di scienze morali, storiche e filologiche, s. IX, vol. 6, 1995, p. 1‑37. V. Aravantinos et A. Vasilogamvrou, « The first linear B documents from Ayios Vasileios (Laconia) », dans P. Carlier, Ch. de Lamberterie et alii (éd.), Études mycéniennes 2010. Actes du colloque international sur les textes égéens, Sèvres, Paris, Nanterre, 20‑23 septembre 2010, Pise et Rome, 2012, p. 41‑54. N. Bernard, À l’épreuve de la guerre. Guerre et société dans le monde grec e e v et iv siècles avant notre ère, Paris, 2000. G. Berthiaume, « Citoyens spécialistes à Sparte », Mnemosyne, 29, 1976, p. 360‑364. G. Berthiaume, Les Rôles du Mageiros. Étude sur la boucherie, la cuisine et le sacrifice dans la Grèce ancienne, Mnemosyne, Supplément 70, Leyde, 1982. N. Birgalias, L’Odyssée de l’éducation spartiate, Athènes, 1999. N. Birgalias, « La gérousia et les gérontes de Sparte », Ktèma, 32, 2007, p. 341‑349. J. Boardman, « Artemis Orthia and Chronology », The Annual of the British School at Athens, 58, 1963, p. 1‑7. J.-F. Bommelaer, Lysandre de Sparte, histoire et traditions, Athènes et Paris, 1981. J. F. Bommelaer, Guide de Delphes. Le site, Athènes, 2e édition, 2015. A. S. Bradford, A Prosopography of Lacedaemonians from the death of Alexander the Great, 323 B. C., to the sack of Sparta by Alaric, A. D. 396, Munich, 1977. A. Bresson, L’Économie de la Grèce des cités (fin vie-ier siècle a. C.). II. Les espaces de l’échange, Paris, 2008. P. Briant, Histoire de l’Empire perse de Cyrus à Alexandre, Paris, 1996.
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Index
Remarques préliminaires : Le présent index n’est pas exhaustif. Sauf cas d’espèce, l’origine des personnages mythologiques connus et des Lacédémoniens historiques n’est pas mentionnée. Les « localités » dont l’emplacement n’est pas précisé relèvent du territoire de Lacédémone. On n’a pas recensé des termes partout présents comme Lacédémone, Lacédémoniens, Sparte, Spartiates ; ils apparaissent ci-dessous simplement pour renvoyer à des éléments de définition.
A Abeilles : 77 Acanthos (en Chalcidique), Acan‑ thiens : 284, 325-326, 341 Acarnanie, Acarnaniens : 283, 339 Acclamation ; voir aussi élections : 201, 208-209 Achaïe (région) : 78, 101, 314-315 Achéens (légendaires, mentionnés par Homère, et historiques, d’époque archaïque et d’époque classique) : 17, 19, 21, 24, 102, 111, 339, 342, 348, 350, 353, 358 Achéloos (fleuve) : 251 Acheter : 261 Achille : 47, 73, 226 Acontistes (lanceurs de javelots) : 274 Acritas (cap) : 29, 129 Acropole (d’Athènes) : 21, 81, 111, 179, 245, 357
Acropole (de Sparte) : 22-23, 54, 63, 66, 69, 73, 90, 137, 226-227, 235, 249-250, 258, 373 Acrotatos (prince agiade) : 359, 368 Actè (péninsule argolique) : 337, 342 Adobe : 63, 66 Adolescents : 124, 174-175 Adultère : 176 Adyton (partie interdite d’un sanc‑ tuaire) : 45 Agamemnon : 18, 75, 100, 102, 230, 243, 385 Agasiclès (roi eurypontide) : 98, 368, 371 Agathoergoi (singulier agathoergos, char‑ gés d’une mission de confiance) : 186-187 Agathos (valeureux) ; voir aussi andragathia : 84, 137-138, 252, 259 Agelai (troupes de jeunes filles) : 193
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Sparte Agésilas II (roi eurypontide) : 10, 43, 62, 123, 125, 137-138, 144, 150, 175, 177, 200, 211-212, 231, 252253, 258, 263, 276, 278, 280, 284-285, 288, 302-303, 336-341, 344-346, 348-349, 351-352, 355, 357, 359, 361-362, 368, 375-377 Agésipolis (roi agiade) : 271, 278, 337, 340, 376 Agétos (Spartiate) : 222-223 Agiades (famille royale) : 24, 73, 210211, 226-227, 241, 298, 367-371, 377 Agido (jeune fille) : 85 Agis II (roi eurypontide) : 165, 200, 211, 276, 297, 320, 353, 368 Agis III (prince puis roi eurypontide) : 305, 354, 356-358, 366, 368, 375, 378 Agis IV (roi eurypontide d’époque hel‑ lénistique) : 58, 88, 155, 157, 368, 399 Agôgè ; voir aussi éducation : 143, 173, 211 Agôn (concours, compétition) : 57, 98 Agora d’Athènes : 44, 50, 71, 293 Agora de Sparte : 44, 50, 70-71, 73, 143-145, 227, 257, 386 Agorè (assemblée) : 198 Agos (souillure) : 231, 296 Aidôs (Retenue) ; voir aussi pathèmata : 190, 238, 255, 364 Aigos Potamoi (sur l’Hellespont) : 234, 258, 302, 323, 328, 331, 334, 338, 365, 375, 412 Aigytide (région) : 28, 129, 347, 354 Ainésias (éphore) : 202, 242 Aithaia (localité de Messénie) : 279 Aithra (épouse de Phalanthos) : 32 Aition (récit explicatif) : 223 Alcibiade (Athénien) : 200, 211, 301, 321-322, 326, 424 Alcidas (navarque) : 301, 330 Alcman (poète) : 10, 73, 84-86, 178, 193, 371 Alcmène (mère d’Héraclès) : 43 Alcméonides : 109-111, 113 Alethestatè prophasis (véritable raison de la guerre du Péloponnèse) : 316 Alexandre III le Grand (Macédonien) : 305, 356-360
Alliance : 297, 314, 316-317, 322-323, 343, 353-354, 372 Alphée (fleuve) : 29, 101, 129 Ambiguïté : 173, 177, 362 Ambre : 74, 78 Amende : 165, 168-169, 259, 284, 297, 352-353 Amendement de la Grande Rhètra : 384 Amompharétos (chef de loche) : 310, 413 Amour : 82 ; voir aussi Éros Amphictionie pyléo-delphique ; voir aussi Delphes : 352-353 Amphipolis, Amphipolitains : 242, 257, 276, 298, 319, 325-326, 374 Amyclaion : 23, 225, 234 Amyclées, Amycléens : 15, 18-20, 22-23, 29, 32, 65, 68-71, 73, 75, 83, 102, 104, 217, 226, 228, 235, 264-265, 360, 370, 372 Anaxandride II (roi agiade) : 92, 100, 105, 107, 115, 203, 213, 306, 368, 404 Anaxandros (roi agiade) : 368, 371, 431 Anaxidamos (roi eurypontide) : 371, 431 Anaxibios (navarque) : 300 Anaximandre de Milet : 86, 236, 372 Anaximène de Milet : 86, 372 Anchimolios (Spartiate) : 110, 244, 301, 327 Andragathia (courage) : 137-138, 183, 325 Antalcidas (Spartiate) : 339, 376 Anticratès (Laconien) : 303, 350 Antipatros (Macédonien) : 305, 358360, 378 Antirhion (lieu) : 20 Apella (≠ ekklèsia) ; voir aussi ekklèsia : 45, 198 Apellazein (réunir une apella) : 198 Aphrodite : 73, 234 Apollodore : 20 Apollon : 37, 44-46, 52-53, 69-70, 73, 80, 168, 198, 225-229, 234-235, 237, 313, 352, 354, 356, 372 Apollon Pythaeus : 70 Apollonia (en Chalcidique) : 284, 341 Apophora (redevance) : 130 Apophthegmata (singulier apophthegma, apopht[h]egmes) : 7, 165, 168, 254
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Index Apothètes (les Apothètes, lieu de Laco‑ nie dévolu à l’abandon des enfants) : 176, 399 Aracos (navarque) : 302, 375 Arbèles (à l’est du Tigre) : 359, 430 Arbres : 77 Arcadie, Arcadiens : 23, 29, 34, 98-101, 115, 120-121, 129, 152-153, 256, 285, 319, 342, 346-349, 353, 371 Arcésilas II (roi de Cyrène) : 81-82 Arcésilas (olympionique) : 135 Archaia moira (ancienne part de terre) : 87 Archaioi (Hilotes « anciens », de Laco‑ nie) : 87 Archè (empire)
des Athéniens : 209, 316, 323, 333 des Lacédémoniens : 316
Archégètes (rois) : 44-45, 209 Archélaos (roi agiade) : 28, 368, 370 « Archéologie » (de Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I) : 63, 156, 327 Archéologie (faits anciens intéressant les Spartiates) : 16, 28, 30, 179 Archer : 274, 299 Archias (Spartiate) : 106 Archidamos II (roi eurypontide) : 157158, 175, 182, 200, 204, 271, 318, 328, 352-353, 357, 368 Archidamos III (prince puis roi eurypontide) : 256, 258, 278, 285, 298, 345, 347-348, 351-355, 368, 377-378, 395 Archonte-roi (à Athènes) : 211 Archontes ; voir aussi magistrats : 46, 105-106, 124, 202, 295-296, 303 Arétè (pluriel arétai, valeur) : 84, 88, 197, 208, 255, 260 Argent
métal : 90, 165, 167-168 voir aussi monnaie : 74, 90-91, 124, 133-134, 162-169, 284, 288, 322, 327-328, 331
Arginuses (îles) : 301, 322, 375, 421 Argos, Argiens : 20-21, 27-28, 32-34, 98-99, 101-102, 108, 110-111, 115117, 121, 135, 154, 164, 198, 200, 202, 237, 243, 276, 285, 297, 306, 311, 314-315, 319, 337-338, 340,
342, 346, 348-349, 353-354, 358, 360, 370, 372-375 Arimnestos (chef spartiate) : 373, 391 Aristagoras (Milésien) : 114-115, 121, 205, 373 Aristée (associé à Orthia) : 77 Aristocratie (régime politique, seul sens antique) : 50, 92, 200, 206, 218 Aristodamos ou Aristodèmos (dit « le trembleur », mort à Platées) : 260261, 336, 376, 413, 420 Aristodèmos (chef messénien) : 33 Aristodèmos (père des jumeaux à l’ori‑ gine des dynasties royales) : 20, 24, 30, 33, 62, 210, 367-368 Aristodèmos (régent agiade) : 271, 337, 376 Aristomachos (grand-père des jumeaux à l’origine des dynasties royales) : 20, 367 Aristoménès (chef messénien) : 35 Ariston (roi eurypontide) : 91, 100, 105, 112, 118, 368 Aristos (ou Arétès, sans doute un Spar‑ tiate) : 286 Aristote : 10, 39-40, 147, 173, 264 (Constitution des Lacédémoniens), 266 ; voir Politique d’Aristote Armée ; voir aussi guerre, hiérarchie militaire : 48, 50, 99, 110-113, 115117, 124, 131, 152-154, 157, 160, 164, 207, 213-214, 247, 250, 263267, 270, 272, 274, 277, 279-281, 283, 286-288, 291, 294-299, 303, 308, 310, 315, 319-320, 326-327, 329, 358, 372-373 Armes ; voir aussi bouclier, casque… : 47-48, 50, 98-100, 144, 158, 185, 249-250, 252, 261, 266, 270, 272274, 291, 324, 331, 350, 365, 385 Artaxerxès II (roi perse) : 144, 283, 286, 288, 335, 418 Artaxerxès III (roi perse) : 356 Artémis ; voir aussi Orthia : 28, 53, 63, 65, 77, 104, 126, 234 Artémis Agrotera (Chasseresse) : 232 Artémis Corythalia : 222 Artémis Issôria : 73, 234 Artémis Leucophryénè : 104 Artémis Orthia : 73, 77, 225, 407 Artémision (cap) : 271, 301, 308, 327
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Sparte Artisans : 253, 387 Aryballe : 67-68 Asie Mineure : 30, 42-43, 102-104, 114, 119, 144, 240, 276, 284, 288, 303, 322, 333-336, 339-341, 356357, 361, 375-376 Asinè, Asinéens (d’Argolide) : 28, 370 Asinè (Nouvelle, de Messénie) : 28-29, 370 Assemblée ; voir aussi ekklèsia : 25, 94, 105, 198-203, 208-209, 216-217, 219, 226, 240, 247, 255, 259-260, 271, 364 Assyrie : 77 Assyrien (art) : 77 Astéropos (éphore) : 56, 371 Astyochos (navarque) : 301 Atalante : 82 Athéna : 21, 46, 111, 136, 226-227, 231, 357, 373 Athéna Aléa : 73 (Sparte), 100 (Tégée) Athéna Chalkioikos : 66, 70, 73, 83, 179, 227, 249-250, 373, 410 Athéna Poliouchos ou Poliachos : 66, 73, 80, 227 Athéna Skyllania : 44, 226 Athènes, Athéniens : 8-9, 11, 15, 21, 45, 53, 57-58, 63, 84, 107, 109-114, 117-121, 134, 140-141, 147, 149, 158, 161-162, 164-167, 182, 197, 199-200, 202, 207, 210-212, 215216, 221, 230-231, 234, 239, 244245, 256-258, 261, 263, 267, 271, 273, 275-276, 279, 283, 286, 293, 297-298, 300, 302-305, 310-311, 314-339, 341, 343-345, 347-348, 350, 353-354, 357-358, 360-361, 363, 372-376 Athla (singulier athlon, récompenses) ; voir aussi récompenses, couronne : 94 Atimia (infamie) ; voir aussi trembleurs : 135, 259-260 Atlas (personnage mythologique): 400 Attique : 78, 97, 111, 119-120, 133, 159, 233, 276, 297, 301, 308, 310, 318-319, 322, 326-327, 335, 337, 375 Aulôn (localité de Messénie) : 205 Aulos (hautbois) : 230, 292
Austérité : 51, 59, 61-62, 74, 86, 88, 93, 165, 181 Autel : 20, 63-64, 69, 181-182, 194, 225, 231 Autoclès (Athénien) : 427, 428 Automne : 185, 307, 324, 326 Ayia Kyriaki (localité moderne de Laco‑ nie) : 68 Ayios Stephanos (localité moderne de Laconie) : 15-16 Ayios Vasileios (localité moderne de Laconie) : 15-16
B Babeuf (révolutionnaire français) : 126 Babyka (lieu de Sparte) : 44 Babylonie : 335 Barathron : 399 Barbares : 32, 133, 240, 307-308, 310, 316, 334, 341, 357 Bassin : 74-75 « Bataille de souris » : 359, 362 Bataille des champions : 98-99, 372, 389 « Bataille sans larmes » : 285, 347 Bateaux ; voir aussi navires : 110, 127, 311, 315, 335 Bathyclès de Magnésie (architecte) : 69, 83, 86, 104, 226, 372 Battos (fondateur de Cyrène) : 35 « Belle mort » (kalos thanatos) : 254, 259, 269, 292, 412 Belminatide (région) : 129, 346, 354 Béotarques : 341 Béotie, Béotiens ; voir aussi Confédéra‑ tion béotienne : 43, 78, 107, 109, 111, 158, 202, 274, 305, 308, 310, 315, 319, 331, 336-341, 343-344, 348-349, 354, 374, 376-377 Bibasis (saut) : 402 Bigamie : 203, 213 Blé : 90, 132, 225 Boiai (localité) : 234 Bois : 62, 69, 80, 115, 127, 144, 235, 242, 302 Boisson : 89 Bômolochia (vol à l’autel) : 181, 225
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Index Bonheur, eudaimonia, eudaimoniè : 7, 147, 363 Bordereaux : 398 Bouclier ; voir aussi hoplon : 47-49, 78, 232, 249, 254-255, 275, 292-294, 315, 320, 419 Boulè (à Athènes) : 216, 406 Boulis fils de Nicolaos (Spartiate) : 92, 135, 139 Bourgades ; voir aussi kômai : 21, 45, 63, 241, 346 Bouzyges (famille athénienne) : 230 Bovidés : 78 Brasidas : 73, 141-142, 242, 256-257, 276, 283, 298, 303, 319, 325-326, 374 Brasidiens : 141-142, 153, 276, 283 Broches (servant de monnaie) : 90, 144, 162-163, 165 Bronze : 14, 16, 47-48, 50, 66-68, 73, 74, 77-81, 83, 86, 103, 105, 227, 293, 313, 387, 411 Brouet noir : 129 Bryseai (localité antique, actuellement Kalyvia Sochas) : 235 Butin : 63, 166, 206, 293, 312, 398 Byzance : 142, 164, 283, 300-301, 322, 339, 343
C Cadmée (citadelle de Thèbes) : 341, 365, 376 Cadran solaire : 86, 236, 372 Calausie : 389 Calcul : 152, 177, 192, 284 Calendrier : 236-237 Callias (Athénien) : 228-229, 231-233 Callicratidas (navarque) : 301-302, 322, 334, 375 Callistratos (Athénien) : 344 Callon d’Égine (bronzier) : 83 Calydon (sanglier de) : 82 Carthage, Carthaginois : 147, 321 Casque : 48, 235, 249, 292 Cassandre (associée à Agamemnon) : 75, 243, 430 Cassandre (fils d’Antipatros) : 360, 430
Castor (frère humain de Pollux) : 75, 113, 228-229 Catalogue de combattants : 207, 342 Catalogue des vaisseaux (Homère, Iliade, II) : 17-18 Catapulte : 362 Cavalerie, cavaliers : 49-50, 81, 148, 153-154, 186, 207, 232, 240, 248, 272-273, 284, 299, 336, 347, 349350, 353, 358 Celtes : 347, 418 Céramique helladique et protogéomé‑ trique : 69, 381 Céramique dite « barbare » : 378 Céramique laconienne (de vases) ; voir aussi coupes : 81, 83 (carte de dif‑ fusion), 86, 128, 180, 371, 386-389 (fabricants), 400 Céramique (quartier d’Athènes) : 69, 244, 299 Chabrias (Athénien) : 343, 377 Chairon (polémarque) : 244 Chalcédoine (sur la Propontide) : 339 Chalcidiens de Thrace : 111, 343 Chalcidique : 141, 278, 284, 318, 341 Chalcis, Chalcidiens : 356 Champ de Crocus (en Thessalie) : 353 Chant ; voir aussi chœur : 193-194, 249, 256, 259, 384, 393 Char ; voir aussi quadrige : 91, 135139, 251 Charilaos (ou Charillos, roi eurypon‑ tide) : 28, 40, 368, 370 Chariot : 153, 162, 166, 272 Chasse, chasseur : 81-82, 89-90, 132, 189, 232, 247, 250-251 Chaudron : 240 Chefs militaires (désignation) : 198, 203, 231, 297, 312, 363, 375 Cheirisophos (Spartiate) : 286, 335, 375 Chéronée : 177, 188, 354 Chersonèse de Thrace : 287, 323, 339 Chevaux ; voir aussi cavalerie, char, hippotrophie : 50, 78, 124, 133, 136-139, 273 Chevelure : 45, 292 Chien (animal) : 124, 137-138 Chien (constellation) ; voir aussi Sirius : 22 Chilon (éphore) : 54-56, 82, 87, 92, 102, 200, 371
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Sparte Chionis (olympionique) : 35 Chios (île) : 192, 218, 283, 310, 322, 343, 423 Chitôn (vêtement) : 73, 228 Chœur : 85, 193-194, 249, 259 ; voir chants Chorège : 85 Chouette : 85 Chrysis (prêtresse à Argos) : 202 Chypre : 315, 338-339 Cilicie : 335 Cinadon (comploteur) : 143-145, 201, 205, 273, 280, 375 Circumambulation : 235 « Cité des Lacédémoniens » : 9, 63, 366 Cithare : 85 Cléandre (harmoste) : 300 Cléarque de Rhégion : 83, 283, 286-288 Cléombrote (demi-frère du roi agiade Cléomène Ier) : 92, 107, 298, 344, 368, 373, 377 Cléomène Ier (roi agiade) : 21, 92, 106-108, 111-121, 200, 205, 306, 368, 391 Cléomène II (roi agiade) : 352, 356, 359, 368 Cléomène III (roi agiade à l’époque hel‑ lénistique) : 56, 58, 88, 210, 366, 368, 399 Cléon (Athénien) : 319, 399 Cléora (épouse d’Agésilas II) : 123 Clinias (personnage de Platon) : 58 Clisthène (Athénien) : 111, 372 Cnémides ; voir aussi jambières : 48, 249 Cnémos (navarque) : 301 Cnide (bataille de) : 78-79 Cnide, Cnidiens : 30-31, 160, 338, 343, 376 Comploteurs ; voir aussi Cinadon : 280 Concours ; voir aussi agôn, couronne : 19, 94, 135, 139, 206, 212, 214, 249, 298, 356, 370 Confédération béotienne : 341, 343 Conjuration des Égaux (1796) : 193 Conon (Athénien) : 160, 338, 376 Conseil : 198, 208-209, 212, 217 Constitution mixte : 214-215 Contributions (taxes) : 328 Corcyre : 285, 302, 344 Corinthe, Corinthiens : 11, 20, 32, 48, 48, 56, 96, 103, 112, 114, 156, 199,
211, 275, 281, 304, 310, 314-315, 317-318, 323-324, 326, 329, 331, 336-337, 339-340, 342, 347-348, 356, 372, 376-377 Corinthe (guerre de) : 154, 336, 340, 376 Coronée (localité de Béotie) : 159, 284, 315, 338, 376 Coryphasion ; voir aussi Pylos : 142, 293 Costume ; voir aussi vêtements : 57, 130-132 Counaxa (en Babylonie) : 144, 286287, 335 Coupes (de céramique) ; voir aussi peintres : 81-82, 180, 221 Couronne ; voir aussi concours : 225, 257 Course (à pied) ; voir aussi héméro‑ drome, hoplitodrome : 73, 136, 191, 194, 249, 254 Course de chars : 91, 135-138 Cranaè (îlot) : 14-15, 18 Crapaud : 20-21 Cratères : 81, 103 Cresphontès (Héraclide désireux de contrôler la Messénie) : 20, 28, 381 Crésus (roi de Lydie) : 70, 81, 100103, 372 Crète, Crétois : 14, 30-31, 38, 41-43, 58, 132, 150, 354, 358, 384 Crios (Éginète) : 118 Critias (Athénien) : 11, 274 Croc à viande : 67 Crotone, Crotoniates : 31-32, 109 Cryptie : 184-186, 194, 401 Cuirasse : 48, 249, 255, 292 Culture : 8, 85 Cyclopes : 84 Cyrénaïque (région) : 35, 81 Cyrène, Cyrénéens : 31, 352 Cyrus le Jeune (prince perse) : 283, 286288, 302, 331, 334-336, 375, 418, 426 ; ses soldats (les « Cyréens ») : 300, 418 (voir aussi Dix-Mille) Cyrus (roi de Perse) : 70, 101-103, 286287, 300, 302, 322, 334-335 Cythère (île) : 29, 32, 99, 101, 127, 129, 235, 372 Cyzique (sur la Propontide) : 301, 322, 375
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Index D Damonon (Spartiate) : 135-137, 393 Damos (en dorien, dèmos en ionienattique) : 50-51, 217 Danse : 177, 193, 249 Dariques (monnaie) : 287 Darius Ier (roi perse) : 92, 117-118 Darius III Codoman (roi perse) : 358 Décarchies : 334 Décélie (lieu d’Attique) : 276, 322, 326, 375 Déjanire (épouse d’Héraclès) : 20 Délion (localité de Béotie) : 319 Delphes : 20, 24, 31, 37, 44-45, 81, 99-100, 168, 226, 229, 234, 237, 242, 258, 306, 312-314, 318, 331, 339, 353-356, 369 Démarate (roi eurypontide) : 91, 112113, 117-118, 120, 137-138, 152, 213, 219, 238, 292, 368, 372-373, 395 Déméter ; voir aussi Éleusinion : 75, 234-235, 243 Déméter Éleusinienne : 136 Démocratie : 94, 173, 200, 206, 215-216 Démographie : 50, 151, 153, 155, 263, 359-360, 366 Dèmos ; voir aussi damos : 44-45, 202 Démosthène (orateur athénien) : 353354 Démosthène (stratège athénien) : 319 Dèmotai andres : 50, 286 Denthéliatide (région) : 28, 354 Denys Ier de Syracuse : 285-286, 347 Denys II de Syracuse : 419 Derkylidas (Spartiate) : 300, 336, 376, 336, 376 ; ses soldats (les « Derkylidéiens ») : 418 Deuil : 240, 267 Devins ; voir aussi oracles : 20, 232, 301 Diabatèria (sacrifices des frontières) : 231, 297 Diaita (mode de vie, régime) : 89, 96, 131, 162 Diaulos (aulos double ; hautbois) : 48 Diaulos (double stade) : 411 Dicéarque (disciple d’Aristote) : 179 Dichostasia (désaccord) : 112-113, 117, 372 Diodore de Sicile : 10, 378
Diœcisme de Mantinée : 341, 346, 376 Dionysos : 73, 75, 237, 243 Dioscures (ou Tyndarides, Castor et Pollux) (voir aussi dokana) : 73, 75, 113, 191, 228-229, 258 Diphthéra (vêtement) : 130 Discipline militaire : 188 Disque (lancer du) : 41, 249, 402 Dix-Mille : 336, 375 Dokana (singulier dokos, poutres représentant Castor et Pollux) ; (voir aussi Dioscures) : 113, 228 « Dompteuse de mortels » (Sparte) : 238 Doride (région) : 19, 315 Doriens : 19-21, 24, 102, 111, 214, 237, 369 Dôrieus (demi-frère du roi agiade Cléomène Ier) : 92, 107-109, 122, 372 Dorkis (commandant de flotte) : 311 Dots : 148, 150 Droite : 152-153, 270, 297, 320 Dyarchie (des rois) : 24, 214, 368 ; voir dichostasia Dymanes : 217, 263
E Ecdicos (navarque) : 422 Écot ; voir aussi contribution (au syssition) : 132 Écriture ; voir aussi linéaire B : 16, 43, 177, 192 Éducation : 7, 85, 124, 173-174, 176, 181-184, 189-191, 193-194, 201, 204, 211, 238-239, 248, 269, 287, 360 Égalité, égaux ; voir aussi homoioi : 91, 96, 126, 140, 143-145, 174, 306 Égée (mer) : 285, 311, 338, 357-358, 363 Égides : 20, 22 Égypte, Égyptiens : 43, 128, 252, 288, 315, 352, 377 Eidôlon (figure) : 240 Eira (ou Heira, localité) : 34, 371 Eisphorai ; voir aussi contributions : 134 Ekklèsia (assemblée) ; voir aussi apella, agorè, haliè, koinon, mikra ekklèsia : 45, 198-199, 208, 216
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Sparte Ekklèsiazontes (citoyens assemblés) : 208, 364 Ekklètoi (citoyens de Sparte convoqués en ekklèsia) : 199 Élections : 198-199, 201, 208-209 Élégies : 34, 49, 190 Éleusinion : 23, 234-235 Éleusis : 112-113, 117-118, 335, 341, 372 Élevage : 35, 77, 127, 194 Élide, Éléens : 93, 98, 101, 141-142, 276, 342, 346, 348-350, 353, 358, 371, 429 Élis : 141, 312, 354 Élites : 44, 90, 92-93, 95, 103-104, 116, 120, 133-134, 137-138, 145, 164, 171, 174, 185-187, 249, 272, 276, 288, 298, 319 Éloge : 11, 88 Endurcissements : 182, 252 Enkrateia (maîtrise de soi) : 238-239 Énomotarque (chef d’une énomotie) : 295 Énomotie (enomôtia, groupe de sol‑ dats) : 38, 50, 263-267, 272, 279280, 291, 295, 414 Enrichissement : 149, 168-169 Entraînement : 248, 266, 269, 291, 361 Enymakratidas (fils de Damonon) : 135-136 Épaminondas (Thébain) : 154, 170, 278, 281, 292, 303, 344-352, 361, 366, 377 Épeunactes : 382 Éphialte (guide des Perses aux Ther‑ mopyles) : 308 Éphore (historien) : 38, 167 Éphoreion (local des éphores) : 179, 238 Éphores (magistrats) : 38, 46, 50-51, 53, 57, 82, 87, 92, 94-95, 105, 107108, 116-117, 124, 143, 167-168, 170, 176, 179, 186, 189, 197, 218, 226, 230, 238, 257, 271-272, 280, 287, 297, 300, 318, 335, 360, 371, 374, 378 Épiclère (fille héritière) : 148, 150, 212 Épidaure Limèra (localité) : 234, 315 Épiphanie (apparition d’une divinité) : 223 Epistoleus (lieutenant d’un navarque) : 301-302
Épitadeus (éphore) : 56, 149, 155, 376, 394-395 Epitèdeumata (usages) : 38, 96, 151, 197, 317 Éponge : 127 Éponyme (éphore éponyme) : 82, 202 Épouse : 14, 151, 176, 194, 203, 213, 222, 228 Équinoxe d’automne : 186 Équinoxe de printemps : 69, 177, 237 Éraste (amant) : 184, 188, 225 Érétrie (localité d’Eubée) : 32 Éros (Amour) ; voir aussi pathèmata : 190, 234, 238 Erotes (Amours) : 82 Erxadiens : 101 Éryx (en Sicile) : 31, 109 Eschine (Athénien) : 198, 209, 260 Esclaves ; voir aussi Hilotes : 24, 34-35, 95, 103, 115, 121, 124, 126, 128130, 133, 141-145, 164, 185-186, 273-274, 278, 322-323, 356 Ésope (fabuliste) : 133 Été (saison) : 185, 307, 324, 356, 375 Étéoboutades (famille athénienne) : 230 Étéoclès (éphore) : 360, 378 Étrangers ; voir aussi xénélasie : 37, 141, 149, 168-169, 212, 278, 282-283, 285, 299, 310, 365, 394 Euagoras (olympionique) : 91 Euainétos (commandant au Val Tempè) : 298, 301, 307 Eubée, Eubéens : 202, 276, 301, 308, 356 Eucleidas (roi agiade d’époque hellénis‑ tique) : 210, 368 Eudaimonia (bonheur) : 409 Eugénisme : 176 Eukosmon (bon ordre) : 11, 219 Eumolpides (famille athénienne) : 230 Eunomia (poème de Tyrtée) : 39, 370 Eunomia (régime de bonnes lois) : 11, 38, 97, 219 Eunomos (roi eurypontide) : 24, 368, 431 Eupôlia (fille d’Agésilas II) : 124 Eurotas (fleuve) : 13-16, 18, 22-24, 27, 29, 63-64, 68-69, 73, 127, 129, 226, 308, 346-347, 357, 371 Eurotas (personnage mythologique) : 13 Eurybiade (navarque) : 271, 301, 308, 310, 415
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Index Eurymédon (fleuve) : 314 Eurypontides (famille royale) : 24, 73, 210-211, 226, 241, 367-371, 373, 375, 378 Eurysthénès (premier roi agiade) : 20, 24, 30, 40, 210, 229, 367 Eutrésis (localité d’Arcadie) : 285, 347 Exil : 204, 215 Exportations : 81
F Faïence : 74 Famille : 150, 158, 194, 210, 221, 226227, 230, 267 Femmes ; voir aussi gynécocratie, mariage : 85, 147-151, 155, 188189, 191-194, 222-223, 253-254, 259, 263, 292, 320, 393, 399 Fer : 85, 90-91, 144, 162-168, 357 Feu : 231 Fibule : 77-78 Figues : 129 Figurines de plomb : 223-224, 388, 407 Finances ; voir aussi contributions, monnaie : 206, 327-328 Flagellation : 194 Flotte ; voir aussi matelots, navires, trières : 103, 108, 271, 280, 301302, 308, 311, 315, 322-324, 327331, 339, 343, 358, 415 Folie : 107 Force (concours de) : 187, 191 Fortifications ; voir aussi murailles : 9, 304, 376 Fouet : 181-182, 225, 307 Fromages : 129, 181-182, 225, 400 Frondeurs : 274 Funérailles ; voir aussi morts : 240, 242, 251
G
Génération (durée) : 24, 28, 34, 62-63, 77, 87, 91, 179, 200, 252, 317, 361, 369, 382 Geras (pluriel gerea, privilège) : 39, 112, 211, 227, 229-230 Gérontes, gérousia, gérousie : 38, 44-46, 53-55, 58, 94-95, 105, 124, 135, 198, 201, 203-204, 208-210, 213, 215, 217, 235, 239, 260, 364, 405 Geronthrai (localité) : 29, 127 Gibier ; voir aussi chasse : 90, 124, 127, 129, 132, 137, 251 Gitiadas (architecte) : 66, 80, 227, 386 Gortyne (cité de Crète) : 30-31, 150, 212, 283 Grande Rhètra : 44-46, 50, 55, 198, 201, 209, 226-227, 285, 370 Guerre ; voir aussi armes, hoplites, marine, morts, psiloi, taux de perte, tombes, trophée… : 12, 18, 20, 27, 34, 38, 46-47, 49-51, 100, 105, 112, 137-138, 145, 149-150, 155, 157-158, 183, 185-188, 190, 192, 195, 197, 199, 202, 209, 211, 219, 230-232, 235, 240-242, 247-289, 291-307, 311, 313-316, 318-320, 322, 324-326, 328, 333, 335, 341, 350, 353, 357, 360361, 365-366, 371, 373, 376, 378 Guerre lamiaque : 360, 378 Guerre sacrée (3e) : 352, 378 Gylippe : 89, 166-167, 276, 283, 285, 321-322, 398 Gymnase : 176, 180, 189, 191, 249, 259 Gymnopédies (fêtes) : 135, 178, 237, 371, 373 Gymnosophistes : 44 Gynécocratie ; voir aussi femmes : 115116, 130, 138-139 Gytheion (port de Laconie) : 14, 23, 78, 104, 127, 280, 327, 346, 357
H
Garde royale ; voir aussi hippeis : 145, 153, 187, 249 Gélon de Syracuse : 305, 415 Gélôs (Rire) ; voir aussi pathèmata : 190, 238 Gémeaux : 229
Hache : 144, 205 Hadès : 75, 243, 255 Hagésichora : 85 Haliarte (localité de Béotie) : 43, 258, 337, 376
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Sparte Haliè (assemblée) : 198 Harmoste (chef de garnison) : 149, 160, 168, 192, 218, 248, 300-301 Hautbois ; voir aussi aulos et diaulos : 48, 230 Hèbôn (pluriel hèbôntes, jeune homme) : 175, 177, 181, 183, 187, 251 Hegel (philosophe) : 8 Hègias (frère du devin Teisaménos) : 141 Heira : voir Eira Hélène : 14, 16-19, 43, 67-68, 73, 78, 80, 222-223, 234 Hellespont : 114, 258, 287, 302, 311, 322, 331, 339, 375 Hélos ; voir aussi Hilotes : 14, 16, 18, 24, 28-29, 32, 129-130, 135, 235, 370 Héra : 19, 73, 76, 104-105, 115-116, 232-233, 309 Héra Cithéronienne : 232, 372-374 Héraclès : 19-21, 24, 30, 40-41, 43, 62, 73, 80, 109, 210-211, 226, 240, 278, 351, 367 Héraclides (descendants d’Héraclès) : 19-21, 28, 41, 92, 109, 211, 214, 237, 367, 369 (dynasties royales) : 381 Héraclides (Retour des) : 19-20, 369 Hèraia (fêtes à Samos) : 258 Héraion d’Argos : 115 Hérauts : 92, 102, 117, 230 Héritage : 148-149, 155, 160 Hermionè (localité du nord-est du Pélo‑ ponnèse) : 80 Hérodote : 8, 10, 71, 81, 91-92, 94, 98-102, 104-109, 112-113, 115-120, 123, 128, 134-135, 139, 141, 152, 156, 158, 178, 187, 197-198, 203, 211-212, 219, 221-223, 226-227, 229-230, 240, 243, 251, 260-261, 263-265, 271, 274, 279, 296, 298, 301, 306-307, 310, 327, 363, 368369, 371, 373-374 Héros : 40, 49, 54, 77, 82, 102, 137, 223, 240-241, 243, 308 Hétoimaridas (Spartiate) : 135, 311, 386 Hierai : 241-242 Hiérarchie des morts : 241-242, 254255
Hieroi : 242, 410 Hilotes : 24, 28 (sur leur nom), 29, 34, 50, 57, 87, 95, 123, 152, 157, 169, 185-186, 235, 242, 273-278, 285, 310, 314, 370-371, 374, 383, 392-394, 396, 398, 414, 416-417 Himère : 84 Hippagrètes (choisissant les hippeis) : 187, 273 Hipparmoste (chef d’une more de cava‑ lerie) : 299 Hipparque (chef d’un loche de cava‑ lerie) : 299 Hippeis (« Cavaliers », fantassins à Sparte) : 50, 145, 153, 184, 186187, 205, 218, 248, 251, 272, 298, 396, 401 Hippeis (singulier hippeus, cavaliers) : 49-50, 272-273 Hippias (Athénien) : 110, 113-114 Hippocrate (epistoleus) : 302 Hippodamos de Milet : 395 Hirees : 242, 274, 414 Hittite (art) : 77 Hiver : 237, 311, 325, 375 Homère : 8, 13-14, 16, 41-43, 288 Homoioi (singulier homoios, sem‑ blables) : 91, 94, 130, 152, 162, 173, 175, 198, 256, 270 Homoiotès (similitude) : 126 Homosexualité féminine : 193 Homosexualité masculine : 184-185, 193, 225, 254, 328 Hoplites (fantassins lourdement armés) : 35, 47-49, 105, 148, 153-154, 159, 185, 250, 257, 261, 266-267, 272277, 279-280, 284, 286, 288, 295, 298-299, 304, 319, 322, 374, 396, 416 Hoplitodrome : 181, 249-250, 312, 411 Hoplon ; voir aussi réforme hoplitique : 47-48 Hospitalité (xenia) ; voir aussi diploma‑ tie : 93, 103-104, 110, 212 Hyakinthies (fêtes) : 70, 85, 177, 228, 235-237 Hyakinthos (héros) : 69, 225 Hydries : 81 Hylleis : 217, 263 Hypnos (Sommeil) ; voir aussi pathèmata : 190, 238
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Index Hypomeiones (inférieurs) : 144-145, 287 Hysiai (lieu d’une bataille contre les Argiens) : 33, 370
Jugement : 183-184, 186, 200, 204, 239, 321, 325-326, 354 Jumeaux ; voir aussi Dioscures : 53, 210, 228-229 Justice : 84, 112, 186, 204, 260
I Ibérie : 43 Ibycos de Rhègion (poète) : 149 Inégalité ; voir aussi homoioi : 135, 143145, 148-149, 249 Infanterie ; voir aussi hoplites : 49-50, 119, 142, 207, 273, 299 Initiation : 222 Intendance : 207 Ionie, Ioniens : 42, 102, 118-119, 310311, 315, 330, 335 Iphicrate (Athénien) : 304, 360 Isadas (ou Isidas) : 168, 412, 422, 429 Isagoras (Athénien) : 111-112 Ischia : 32 Ischolaos (Spartiate) : 422 Isocrate (Athénien) : 128, 154, 178, 200, 209, 223, 252, 278, 340, 351352, 377, 381, 383 Isodiaitoi (hommes de régime égali‑ taire) : 38, 57, 89, 131 Issos (localité de Cilicie) : 335, 358 Isthme de Corinthe : 20, 75, 108, 287, 306, 313 Isthmia (en Corinthie) : 62 Italie : 31-32, 354-355 Ithôme, Ithômè : 29, 129, 314 Ithômè (nom de Messène ?) : 33 Ivoire : 49, 74, 77-78, 104
J Jacinthe (plante) ; voir aussi Hyakin‑ thos : 69 Jambières : 48, 249 Jason de Phères : 277, 343, 345 Javelot : 48, 249, 274, 306, 402 Jeunes filles : 85, 149-150, 193, 222, 254 Jeunes gens : 58, 176-178, 180-185, 188-190, 192-193, 204, 222, 225226, 238, 241, 248-249, 251, 269
K Kalamata (ville moderne de Messénie) : 28 Kaloi kagathoi (gens de mérite) : 278 Kalos thanatos (belle mort) : 254, 259, 269, 292, 412 ; voir aussi mort Kalyvia Sochas (localité moderne de Laconie) : 23, 235 Karneia (fêtes) : 21, 84-85, 119, 205, 237, 370 Karyai (ou Caryai) (localité) : 129, 234, 346 Kéadas : 399 Kersobleptès (roi thrace) : 353 Kérykes (famille athénienne) : 230 Kinyps (fleuve) : 108 Kléos (gloire) : 52, 255, 363 Klèros (lopin) ; voir aussi archaia moira, lots : 88, 149, 155, 277, 389, 392 ; voir terre Knakiôn (lieu de Sparte) : 44 Koinon (communauté) : 118, 198, 359 Kômai (singulier kômè, bourgades) : 21-22, 45, 71, 217, 265 Korai : 76, 192 Kosmos (ordre) : 38, 41-42, 44, 53, 58 Kouroi : 76 Kryptoi ; voir aussi cryptie : 185 Kyniska (sœur du roi eurypontide Agé‑ silas II) : 137-139, 150 Kynosarge (à Athènes) : 244 Kynosoura (kômè) : 22, 24, 217, 370 Kynourie (région) : 347
L Lacédémon (personnage mytholo‑ gique) : 13 Lacédémone (sens du mot) : 35, 218219
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Sparte Lacédémoniens : 19-20
(mention en linéaire B) : 218-219 (sens du mot) : voir aussi « cité des Lacédémoniens »
Laconie (sens du mot) : 35 Laconiser, laconisants : 11, 147, 379 Lacratès (olympionique) : 244 Laine : 82 Lambda (sur un bouclier) : 419 Lampitô (personnage d’Aristophane) : 191 Lampsaque (sur l’Hellespont) : 322 Lance : 48, 235, 244, 260, 275, 308 Larissa : 164 Laurion (en Attique) : 322, 327 Le Pirée (port d’Athènes) : 311, 323, 334, 339, 341, 376-377 Léchaion (localité de Corinthie) : 159, 304, 339 Législateur ; voir aussi nomothète : 38-40, 42-43, 51-52, 56-57, 148149, 160, 184, 226, 239, 328, 364 Léobotas (roi agiade) : 38, 40, 367, 369 Léon (roi agiade) : 98, 368, 371 Léonidas (buste) : 181, 249-250 Léonidas (roi agiade) sens de son nom : 73, 92, 107, 179, 241, 243, 249, 260, 270, 274, 298, 307-310, 312, 363, 368, 373 Léontiadès (Thébain) : 428 Léotychidas (ou Leutychidès, roi eurypontide) : 118, 211, 310, 368, 373, 395 Lépréon (localité au nord-ouest de la Messénie) : 129, 141-142, 276 Leptis Magna (site de Libye) : 108 Lesbos : 84, 310, 339 Leschè (lieu de réunion) : 73, 176 Lettres ; voir aussi caractères, linéaire B, sinistroverses (caractères) : 43, 177 Leuctres (en Béotie) : 154, 156-157, 159, 161, 169-170, 183, 247, 263, 271, 273, 280, 284-286, 292, 297298, 302, 305, 332, 340, 344, 345 (schéma), 348, 350-352, 359, 361, 365, 377 Leuctres (en Laconie) : 150, 153, 155156, 234, 359, 361, 365 Lever (se lever, par déférence) : 22, 209, 212
Liberté : 24, 39, 148-150, 162, 277, 334, 340, 354, 357-358, 365 Libye : 43, 109, 122, 288, 372, 377 Lichas (Lacédémonien) : 267, 334, 372 Lichas (olympionique disqualifié, proxène des Argiens) : 135 Lièvres : 78, 180 Ligue de Délos : 134, 311, 316, 328, 343 Ligue du Péloponnèse : 97, 102-103, 255, 281-282, 284, 307, 314315, 318, 372 ; Réorganisation de 378/377 : 284, 341, 342 (carte), 377 Ligue hellénique : 310, 359 Limnai (kômè) : 22, 24, 370 Limnai (lieu) : 217, 234 Limos (Faim) ; voir aussi pathèmata : 190, 238, 302, 373 Linéaire B : 16 Lion couverture : 183, 251 Liste ; voir aussi catalogue : 202, 243, 313 Liturgies : 165, 342 Lochage (chef d’un loche) : 295, 299, 320 Loche (lochos, partie de l’armée) : 264267, 273, 281, 283, 299, 310, 349, 414 Locres Epizéphyrienne : 31-32, 164 Locriens Ozoles : 164 Loi ; voir aussi eunomia, nomos : 51-52, 57-58, 148-149, 159, 162, 167, 175, 188, 203, 212-214, 229, 236, 238239, 263, 270, 359, 365 Longs Murs (d’Athènes et du Pirée) : 311, 318, 323, 339, 376 Lots (de terre) : 58, 370 ; voir aussi Klèros, terre Lotus (fleur) : 80 Loup : 40, 183 Lucaniens : 354-355 Lune : 198, 227, 236-237 Lutte (gymnique) : 91, 191, 194, 249, 254 Luxe : 74, 87, 95, 104, 149 Lyctos (cité de Crète) : 30-31, 354 Lycurgue (législateur de Sparte) : 7, 37-46, 50-59, 61-62, 73, 87-89, 91, 124-125, 128, 131, 161-163, 165,
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Index 167-168, 174-175, 184, 186, 188, 204, 210, 213-214, 217, 226, 241, 248, 250, 259, 263, 269-270, 291, 295, 365-366, 369, 431 Lycurgue (Athénien) : 190, 383 Lydiens : 102, 104, 372 Lyre : 84, 205 Lysandre : 166-168, 204, 207, 234, 258 (portrait), 300, 302, 322-323, 331, 334-335, 337, 365, 375-376, 413 Lysandreia (fêtes à Samos) : 258 Lysistrata (personnage d’Aristophane) : 191
M Magistrats (civils) ; voir aussi archontes, éphores, gérontes, pédonome, aussi rois : 24, 45-46, 52, 94, 143-144, 164, 176, 197-198, 205-206, 211212, 216, 252, 287, 326 Magnésie du Méandre, Magnètes : 104 ; voir aussi Bathyclès Maiandrios (Samien) : 108, 115, 121, 372 Maisons, maisonnée : 128, 137, 149, 162, 167, 188, 194, 247, 297 Malée (cap) : 29, 32, 99, 127, 129, 357 Mandonion (Manduria, localité d’Italie du Sud) : 298, 354, 378 Manipulation des taux : 166 Mantinée, Mantinéens : 101, 280, 312, 340-341, 346, 348-349, 358, 375,
377. Voir Diœcisme et Synœcisme
Mantinée (bataille de 418) : 152153, 156, 160, 265-266, 273, 276, 282, 294-295, 297-298, 319, 321 (schéma), 337, 349, 375, 394, 396, 412, 414, 424-425 Mantinée (bataille de 362) : 10, 160, 303, 345 (les deux camps), 349, 352, 377, 425 Marathon : 119-121, 373-374 Marbre : 66, 74, 242, 312 Marché : 188 Mardonios (chef perse) : 310, 312, 416 Mariage : 124, 194, 204, 222, 402-403 Mariage furtif : 188
Marine ; voir aussi flotte : 207, 327, 329, 333 Marmarique (région) : 288, 352, 377 Masques : 178 Mastigophoroi (porteurs de fouet) : 181 Médecins : 420 Médisme : 311 Méduse (Gorgone) : 315 Mégalèpolis, Mégalopolis : 23, 29, 285, 347, 353-354, 359, 362, 378 Mégare, Mégariens : 108, 314-315, 317, 342 Mégillos (personnage de Platon) : 58 Mélos (île), Méliens : 30-31, 320, 424 Memnon de Rhodes : 357 Ménélaion : 14-19, 23, 67-69, 79-80, 223, 234 Ménélas : 14, 16-18, 43, 67-68, 102, 222-223, 234 Mercenaires : 141, 164, 276-277, 282286, 288, 299, 336, 342, 347, 350, 352-354, 358-359 Mère : 189, 194, 254 Meros (pluriel merè, subdivision de la Ligue du Péloponnèse fournissant un contingent à partir de 377) : 343 Mesoa (kômè) : 22, 24, 217, 264, 283, 370 Messapiens : 145, 354-355 Messè : 18-19 Messène (en Messénie) : 20-21, 29, 33, 129, 345-346, 348, 353-354, 360, 377 Messène (Messine) : 121, 346 Messénie (1re guerre de) : 27-28, 32-34, 47, 88, 98, 369-370 Messénie (2e guerre de) : 27, 33-34, 47, 98, 104, 371 Messénie (3e guerre de) : 121, 373-374 Messénie (4e guerre de) : 157-158, 274275, 287, 314, 346, 374 Messénie (région) : 23, 27-29, 32-35, 51, 63, 87-88, 97-98, 101, 104, 121, 126-127, 129, 133, 135, 154-155, 170, 205, 217, 234, 256, 275, 277279, 303, 314-315, 351-352, 354, 357, 361, 369-370, 377 Messine (localité moderne) : 346 Méthônè (localité de Messénie) : 256257, 303 Métiers (manuels) : 329
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Sparte Mikra ekklèsia : 403 Milet : 84, 114, 322 Milo (île) : 30 Mindaros (navarque) : 301-302 Miroir : 80-81, 105 Mnasippos (navarque) : 285, 302, 344, 377 Mobilisation ; voir aussi phrouran phainein : 25, 207, 271-272, 276, 305, 362, 403 Monnaie ; voir aussi manipulation des taux, nomisma, rapport argent/fer : 90-91, 147, 161-168, 286-287, 300, 398 More (mora, partie de l’armée) : 154, 264-267, 271, 273, 295, 298-299, 414 Mort, Morts : 75, 82, 150, 152, 155, 157-158, 182, 189-190, 211, 222, 225, 238-245, 251, 254-256, 259, 261, 263, 267, 296, 298, 307, 310, 312, 319, 324, 338, 345, 350, 354355, 357, 360, 373-376, 380, 391, 397, 410, 414, 422, 430-431
(Hilotes) : 274 sanction : 167-168, 175, 204, 211, 215, 300, 325, 399 ; voir aussi Thanatos
Navarques : 244, 285, 300-302, 322, 327, 372, 375 Navires ; voir aussi trières : 77-78, 271, 286, 301-302, 310, 315, 323, 327, 329-331, 339, 343, 350 Nectanébô (roi égyptien) : 288 Néda (fleuve) : 29, 129 Nédon (fleuve) : 28-29, 129 Némée (bataille près du fleuve de ce nom) : 153, 156, 159, 273, 282, 337-338 (schéma), 361, 376 Néodamodes : 141-142, 144-145, 153, 276-278, 280, 319, 336, 343 Neoi (singulier neos, jeunes gens) : 177, 183, 185 Nestos (fleuve) : 251 Nicandre (roi eurypontide) : 28, 368, 370 Nicias (paix de) : 141, 319, 374 Nikè (pluriel Nikai, victoire) : 258 Nomima (usages) : 38, 43, 46-47, 51-53, 56-57, 175, 317, 359, 361-362 Nomisma (monnaie) : 167 Nomos (pluriel nomoi, loi) : 39, 41, 167, 188, 203, 213, 270, 325
despotès nomos : 213, 238
Mothakes (inférieurs) : 143 Mothones (inférieurs) : 143, 342 Mousga (nom moderne d’un affluent de l’Eurotas) : 72-73, 226 Mousikè : 193 Moustaches : 249 Murailles : 71, 73-74, 121-122, 244, 311, 323, 360, 386-387 Muse : 84 Musique : 177, 193 Mycale (cap) : 310-311, 331 Mycènes, Mycéniens : 14, 18-19, 21, 43 Mytilène, Mytiléniens : 318, 322, 330, 343, 423
N Nabis (tyran de Sparte à l’époque hel‑ lénistique) : 243 Naupacte (localité en Locride Ozole) : 275, 315, 329
Nomothète (législateur) : 38-39, 53 Nothoi (bâtards) : 143, 278 Notion (localité d’Ionie) : 258, 302, 322, 375 Nourrices : 222-223 Nourriture ; voir aussi ration, titthai (nourrices) : 89, 94, 131, 162, 173, 176, 181, 238, 248 Nouveau-né : 176
O Ôba (pluriel ôbai, circonscription terri‑ toriale) : 44-45, 217, 265 Obèles (broches d’usage monétaire) : 90, 163-164 Oinophyta (localité de Béotie) : 423 Oion (localité) : 29, 73, 129, 276 Oiseaux : 77-78 Oitylos (localité) : 18-19, 29 Oliganthrôpia, oliganthropie (manque d’hommes) : 147-148, 151, 154,
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Index 156-157, 169, 182, 219, 263, 266, 272, 280, 348, 361, 365, 396 Oligarchie : 39, 215-218, 334 Olives : 127 Olpè Chigi (vase) : 48 Olympe (mont) : 307 Olympiade : 41 Olympie : 34-35, 76, 78, 81, 91, 93, 98, 135, 137-139, 150, 249, 258, 313, 315, 318, 355, 371 Olympioniques (vainqueurs à Olym‑ pie) ; voir aussi Arcésilas, Démarate, Kyniska, Lacratès, Lichas : 137, 244, 249, 256, 299 Olynthe (en Chalcidique) : 284, 341, 376-377 (sens du nom), 418 Onomarchos (Phocidien) : 353 Or : 14-15, 74, 90-91, 103, 124, 133134, 162-163, 167-168, 312-313, 372, 389 Oracles ; voir aussi devins, Delphes, Olympie, Thalamai : 20, 24, 31, 37, 44-45, 109-110, 113-115, 118, 229-230, 243, 306, 318 Oreste : 100-102, 372 Organigramme politique de Sparte : 216 Orge : 127-129, 132 Oropos (localité au nord de l’Attique) : 353 Orthia : 49, 63-65, 74, 77-78, 86, 90, 98, 104, 165, 178-179, 181-182, 194, 223-225 (sens du nom), 234, 371 Os : 70, 77 Ôthismos (poussée d’un groupe de sol‑ dats) : 292 Othryadas : 99
P Paideia ; voir aussi éducation : 173, 184, 248 Paideusis (culture) : 192 Paidiskos (pluriel paidiskoi, adolescent) : 175, 177 Pain : 89-90, 129 Pais (pluriel paides, enfant) : 175, 177, 184 Paix (de Callias) de 449/448 : 315
Paix (de Nicias) de 421 : 159, 319 Paix (d’Antalcidas ou du Roi) de 386 : 285, 339-340, 376 Paix de 365 : 281, 346, 348, 377 Paix de 362 dite « commune » : 351 Paix (de Philocrate) de 346 : 353 Paix de 337 : 356 Palestre : 259 Pamisos (fleuve) : 28-29, 127, 129 Pamphyles : 217, 263 Pancrace : 249 Pâris : 14, 78 Parnon (montagne) : 13-14, 18, 23, 29, 32, 97-98, 127, 129, 354 Partage des terres ; voir aussi lots : 87-89, 356 Parthénies (personnages aux origines de Tarente) : 32, 382 Parthénon (d’Athènes) : 66, 245 Pasiphaé : 230 Pathèmata (singulier pathèma, abstrac‑ tions d’états physiques) : 82, 190, 238-239, 252, 364, 409 (références) Patrai (localité d’Achaïe) : 158, 329330 (schéma) Patrimoine : 148-150, 240 Patrouchos (fille héritière) : 212 ; voir aussi Épiclère Pausanias le Périégète : 11, 139, 226, 233-235, 243, 378, 381, 386, 400 Pausanias (régent agiade) : 73, 117, 179, 232-233, 242, 249, 297, 344, 373374, 410-411, 423 Pausanias (roi agiade) : 73, 210, 279, 310, 335, 337, 368, 370-372, 374 Pauvres : 131-132, 159, 165, 173, 202, 204 Pêche : 127, 129 Pédaritos : 192, 218, 283 Pédérastie : 184 Pédonome : 124, 176, 181, 190, 201, 204 Peintres (de vases) : 81, 180, 258, 387 Peisandros (beau-frère d’Agésilas II, navarque) : 302, 338, 376 Pelanor (lingot ?) : 163 Pellana (localité) : 14-15, 29 Péloponnèse ; voir aussi Ligue du Pélo‑ ponnèse : 10, 19-21, 24, 33, 35, 56, 63, 76, 78, 97, 100-104, 107-108, 110-111, 114, 117, 119, 152, 154,
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Sparte 165, 237, 273, 276, 301, 305-306, 311-312, 315-316, 319, 330, 348, 358, 366 Péloponnèse (« 1re guerre du ») : 158, 315 Péloponnèse (guerre du) ; voir aussi alethestatè prophasis : 10-11, 30, 140-141, 144, 159, 166, 199, 202, 205, 218, 256, 261, 266, 281, 283, 293, 299, 303-304, 314-315, 317, 324, 326, 329, 331, 343, 360, 374 Peltaste (fantassin léger) : 284, 304, 341 Pentécontaétie : 10, 314, 316, 328 Pentécostère (? Chef d’une pentècostys) : 295 Pentècostys (pluriel pentècostyes, partie de l’armée) : 265, 267, 295, 404, 420 Pergame : 104 Périalla (Pythie) : 37-38, 120 Périclès (Athénien) : 95, 159, 182, 311, 315-316, 318, 323, 328-329 Périèques : 24-25, 35-36, 83, 88, 95, 116, 126, 129, 134, 143-145, 152153, 156, 158, 170-171, 199, 204, 219, 234, 240, 242, 253, 266-267, 278-280, 310, 319, 346-347, 353, 360, 365-366, 383, 387, 392, 414, 417-418, 421 Périnthe (sur la Propontide) : 130, 287 Périrrhantéria (singulier périrrhantérion, vasques) : 74-76 Perséphone : 75 Perses ; voir aussi Artaxerxès II, Artaxerxès III, Darius Ier, Darius III Codoman, satrapes, Xerxès : 62, 102, 108, 114, 117, 119-120, 134, 249, 260-261, 270, 274, 301, 305-315, 322-323, 331, 333, 356-358, 363, 373, 375-376 « Peste » d’Athènes : 159, 318 Phainomérides (montreuses de cuisses) : 149, 192 Phalaicos (Phocidien) : 353 Phalange : 35, 47-48, 51, 120, 185, 233-234, 261, 263, 265, 267, 320 « Phalange oblique » : 344 Phalanthos (fondateur de Tarente) : 31-32, 370 Phanas (Messénien) : 34, 383 Pharacidas (Lacédémonien) : 286 Pharnabaze (satrape) : 338-339, 376
Phéniciens ; voir aussi Carthaginois, Tyr : 109, 358 Phidippide ou Philippide (Athénien) : 119 Phidition, phiditie ; voir aussi syssition : 51 Phigalie : 29, 98, 129, 371 Philippe II (Macédonien) : 347, 352354, 356-357, 361, 378 Philitie (philition, pluriel philitia) ; voir aussi repas en commun : 124 Philo-achéenne (politique) : 102, 111 Philochrèmatia (amour de l’argent) : 148-149, 364 Philomèlos (Phocidien) : 287, 353 Philotimia (amour de la gloire) : 138, 364 Phlionte, Phliasiens : 281, 332, 341342, 353, 376, 418 Phlogidas (Spartiate) : 167 Phobos (Peur) ; voir aussi pathèmata : 167, 190, 238, 288, 320 Phocéens : 102 Phocide, Phocidiens : 309, 315, 342, 352-354, 378 Phoibidas (Spartiate) : 341, 376 Phoïbos ; voir aussi Apollon : 103-104, 110, 124, 223 Phormion (Athénien) : 329 Phoros ; voir aussi tribut : 134, 316, 327 Phouaxir (imitation du renard) : 180 Phrouran phainein (mobiliser) : 271 Phrynis (joueur de lyre) : 205 Phylarque (historien) : 88 Pierre (matériau) : 61-64, 75-77, 86, 144, 179, 228, 242, 274, 308 Pise, Pisates : 98 Pisistratides : 110-111, 113, 221, 372 Pitana, Pitanè (kômè), Pitanates, Pita‑ nètes : 22, 24, 73, 106, 217, 264265, 310, 370 Pithécusses : 31-32 Plafond : 62 Platanes : 73, 127, 182, 226 Platanistas (bois de platanes, lieu de combats) : 73, 182, 226, 237 Platées : 9, 71, 107, 117, 119, 152153, 156, 158, 202, 232, 242, 249, 261, 264-266, 274, 279, 282, 297, 309 (schéma), 310, 312-313, 318, 323, 359, 373
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Index Plomb : 49, 86, 223-225 Plutarque : 7-8, 11-12, 39-45, 62, 88, 90, 101, 107, 123, 168
(date des Apophthegmes laconiens : 173, 177, 181, 183, 197, 214, 288, 303, 378-379
Poignard : 185 Poissons : 78, 82 Polémarques : 201, 244, 256, 295, 298299, 301 Polémon d’Ilion (savant) : 222 Polemon ekpherein (porter la guerre) : 296 Politeia (citoyenneté, constitution) : 49, 147, 170, 173, 197 Politikè gè (terre des citoyens) : 234 Politikon strateuma (armée des citoyens) : 264 Politique d’Aristote : 39, 123, 147-148, 154, 156, 173, 197, 201-202, 206, 210, 213, 216, 303, 328, 348, 364365, 392 Pollis (navarque) : 343, 377 Pollux (Polydeukès en grec, frère divin de Castor) : 75, 113, 143, 228-229 Polyandrie : 151 Polybe (historien) : 10, 39, 52, 96, 339, 378 Polydamas de Pharsale : 277, 343 Polydore (roi agiade) : 32, 88, 368, 370 Polypeithès (sans doute un Spartiate) : 91 Polyrrhénia (cité de Crète) : 30-31 Pomerium : 234 Porte : 62 Port-Ménélas : 288, 352 Poséidon : 389 Poséidon Gaiaochos : 136, 258, 313, 331 Poséidon Tainarios : 234, 258, 313, 331 Potnia thèrôn : 77 Pourpre : 127 Prasiai (localité périèque) : 98, 354, 387 Praxiergides (famille athénienne) : 230 Préparation ; voir aussi entraînement : 248 Printemps : 185, 202, 232, 324, 356 Proauga (ou Prolyta, fille d’Agésilas II) : 124 Proclès (premier roi eurypontide) : 20, 30, 40, 210, 229, 332, 367
Proédrie (siège de premier rang) : 212 Promachoi (combattants du premier rang) : 49 Prométhée : 400 Promotion : 276, 278 Prôtoi (premiers) : 140 Proue : 78 Proxène (auxiliaire d’une cité auprès d’une autre) : 106 Proxène (en particulier à Sparte) : 93, 212 Prytanes (athéniens) : 71, 216, 406 Prytanis (roi eurypontide) : 24, 367, 369 Psiloi (singulier psilos, fantassins légers) : 274, 284 Pugilat : 249 Pylos (ou Coryphasion pour les Lacédé‑ moniens) ; voir aussi Sphactérie : 29, 129, 256, 262, 275, 293, 319, 404 Pyrrhos d’Épire : 402 Pythagoras (navarque) : 335 Pythermos (Phocéen) : 102, 366 Pythie : 44, 52-53, 99-100, 110, 113, 118-121, 306-307 Pythô (Delphes) : 20, 229 Pythodore (archonte éponyme athé‑ nien) : 202
Q Quadrige ; voir aussi char : 135, 137, 150
R Raisin : 127, 237 Rapport argent/fer ; voir aussi monnaie : 164-166 Ration ; voir aussi nourriture : 128, 227 Récompense ; voir aussi athla, couronne, éloge : 94, 208, 303 Reddition ; voir aussi Sphactérie : 140, 261-262, 266, 275, 296, 319, 325, 374 Reddition de comptes : 204 Redistribution des terres : 370 Réforme hoplitique : 47
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Sparte Relâchement (des mœurs) : 38, 89, 149 Relief « héroïque » : 75-76, 243 Renard : 20-21, 180 Renardeau : 180 Repas en commun ; voir aussi andrie, phidition, philitie, syskènion, syssition : 50, 89-90, 94, 131-132, 215, 248, 252, 264 République des Lacédémoniens de Xéno‑ phon : 10, 38, 51, 124-125 (plan), 131, 151, 173, 175, 177, 190, 197, 231, 252, 283, 377 Retenue ; voir aussi Aidôs : 190, 364 Rhètra : 44-45, 56, 61, 66, 149, 376 Rhion (lieu) : 20 Rhodes : 104 Riches : 11, 18, 131, 149, 151, 160, 162, 165, 173-174, 221-222, 273 Rire : voir gélôs Robespierre (révolutionnaire français) : 7 Rois ; voir aussi Agiades, dyarchie, Eurypontides : 135, 151-152, 165, 179, 193, 271 Rouge (vêtement) : 291 Route : 185, 234, 244, 307 ; voir chariot Ruse : 185
S Sacrificateur : 230 Sacrifices : 9, 20, 115, 270, 279, 297, 299, 316, 363 Saint-Just (révolutionnaire français) : 8 Saison ; voir aussi printemps, été, automne, hiver, équinoxe de prin‑ temps, équinoxe d’automne : 226, 236 Salamine : 9, 308, 310, 315, 423 (date) Samios (Spartiate) : 106, 335, 390 Samos, Samiens : 42, 71, 81, 103-106, 108, 121, 168, 258, 300, 310, 323, 327, 372, 389, 412 Santorin (île) : 30 Sardes (capitale de la Lydie) : 84, 117, 119 Saronique (golfe) : 119 Satrapes ; voir aussi Pharnabaze, Tissa‑ pherne : 333-335
Saut : 249 Sceau : 48-49 Sciraphidas (Spartiate) : 167 Scytale : 207-208 Secret : 11, 199, 207 « Sectatrices du code » : 189, 254, 263 Ségeste : 109 Séismes : 71, 157-158, 180, 233, 274, 279, 314, 356, 374 Sellasie : 417 Sèpeia (lieu d’Argolide) : 115, 117, 306, 312, 373 Serments (échange mensuel des) : 203, 212, 214, 226, 314, 326 Serpent : 20-21, 312-313, 430 Sestos (sur l’Hellespont) : 311 Sicile : 44, 48, 84, 86, 109, 121-122, 166, 274, 276, 283, 321, 331, 333, 346, 362, 372, 375 Sicyone, Sicyoniens : 310, 342 Sigée : 114 Sinistroverses (caractères, écrits de droite à gauche) : 54, 78 Sirène : 80, 81-82 Sirius : 22, 236-237, 409 Skias : 71, 73, 83, 104 Skirites : 153, 319 Skiritide (région) : 129, 276, 346-347, 354 Soclès (Corinthien) : 114 Soldats d’élite : 99 Solde (misthos) ; voir aussi mercenaires : 274, 283-284, 322 Soleil : 13, 69, 236 Solin (de pierre) : 63 Solon (Athénien) : 43 Sparte, Spartiates : 18-19 (sens homé‑ rique), 21-22 (synoecisme) ; 35 (capi‑ tale d’un territoire) ; 72-73 (plan) ; 24-25, 218-219 (sens du mot) Sperthias fils d’Anéristos (Spartiate) : 92, 134-135, 139, 293 Sphactérie (îlot) : 153, 156, 159-160, 261-262 (schéma), 266, 275, 279, 293, 296, 303, 319, 330, 374, 396 Sphaïros de Borysthène : 395 Sphinx : 76, 81 Stade : 93, 136 Staphylodromoi (coureurs au raisin) : 237 Stasis (pluriel staseis, désordre) : 38, 51
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Index Statue : 69, 76-77, 80, 82-83, 223, 228, 234-235, 258, 331, 355, 423 Stényclaros (en Messénie) : 28, 129, 391 Stésichore (poète) : 84 Sthénélaïdas (éphore) : 199, 201, 318, 374 Stoa Persikè (portique dit perse à Sparte) : 71, 293, 312 Stratège : 213, 271, 282-283, 299, 319 Stratègos autokratôr (chef d’armée doté des pleins pouvoirs) : 297, 390 Stratiarkhoi (commandants) : 299 Styx (cours d’eau) : 120 Suse (capitale perse) : 114 Sybaris : 109 Syllogos (réunion) : 199 Sylôson (Samien) : 108, 372 Symmachia ; voir aussi alliance, Ligue de Délos, Ligue du Péloponnèse, Ligue hellénique : 97, 101-102, 108, 110, 117, 119, 121 Synédrion (conseil) : 114, 280, 373 Synœcisme
Mantinée : 282, 312, 346, 377 Sparte : 21, 336-337, 339-341, 343344, 346-349, 352 Tégée : 348
Syntétagménoi (combattants) : 144-145 Syracuse : 31-32, 276, 286, 305, 321322 Syskènion (pluriel syskènia, groupe de compagnons de tente) : 264 Syssition (pluriel syssitia) ; voir aussi repas en commun : 50-51, 82, 89-90, 131, 159, 161, 174, 179, 184, 189190, 251, 264, 291, 385
T Tachôs (roi égyptien) : 288 Talthybios (héraut d’Agamemnon), Tal‑ thybiades (ses descendants) : 230 Tanagra (localité de Béotie) : 158, 315, 374, 423 Tarente : 28, 31-32, 354-355, 370, 378 Taureau : 14, 191 Taux de perte (à la guerre) : 98, 294, 359-360
Taxe : 397 Taygète (montagne) : 13-15, 18, 23, 28-29, 35, 69, 74, 127, 129, 136, 170, 230, 234 Taygétè (personnage mythologique) : 13-14 Tégée, Tégéates : 23, 29, 73, 98-101, 129, 233, 279, 310, 312, 319, 337, 348, 358, 371-372 Teisaménos (devin) : 141 Téisaménos (parent du précédent) : 145 Teknopoiia (procréation) : 192, 253 Téléclos : 22, 28, 368, 370 Télémaque : 13 Téleutia (mère de Pédaritos) : 192 Téleutias (demi-frère d’Agésilas II, navarque) : 302, 339, 341, 376, 422 Téménos (Héraclide qui obtient le nordouest du Péloponnèse) : 20 Téménos (sanctuaire) : 234 Temps ; voir aussi cadran solaire, sai‑ sons : 59, 211, 218, 226, 231, 241 Ténare (cap) : 29, 129, 234, 357 Terpandre (poète) : 8, 84, 370 Terre ; voir aussi klèros, lots, redistri‑ bution : 30, 50-51, 56, 87-89, 96, 109, 127, 136, 148-150, 155, 157160, 164-165, 169, 255, 275-278, 319, 323, 328-329, 332, 370-371, 376, 392 « Terre et eau » : 117-118 Teuthrônè (localité) : 234 Thalamai (localité) : 31, 230 Thalétas (poète crétois) : 42 Thanatos (Mort, Trépas) ; voir aussi Kalos thanatos pathèmata : 190, 238 Thasos : 339 Théâtre : 70-71, 73, 178-179, 225, 232, 275, 284, 293, 297, 361-362, 386 Thèbes, Thébains : 19-20, 107, 128, 142, 154, 183, 192, 202, 253, 278281, 300, 308, 310, 318, 323, 325, 337-338, 340-341, 343-348, 350352, 354, 356-357, 361, 365, 376378 Théodore de Samos : 71, 83, 104 Théopompe (historien) : 167 Théopompe (roi eurypontide) : 28, 46, 54-55, 368-371 Théore (ambassadeur auprès d’un sanc‑ tuaire) : 306
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Sparte Théra (île) : 30-31 Thérapnè : 16, 18, 23, 29, 68, 223 Théras (fondateur de la colonie de Théra) : 30 Thermopyles : 19, 152, 156, 237, 241, 243, 249, 260, 270, 274, 292, 298, 307, 309 (schéma), 310, 312, 319, 353, 363, 373-374, 422 (date) Thésaurisation : 91 Thespies (en Béotie) : 341 Thessalie, Thessaliens : 120, 298, 301, 307, 314, 319, 338, 343, 348 Thibron (harmoste) : 283, 336, 375 Tholos : 14, 71 Thornax (mont) : 70, 103, 235, 372 Thouria (localité de Messénie) : 29, 135, 279 Thrace, Thraces : 84, 141, 276, 287, 325, 338, 342, 358 Thriasienne (plaine) : 341 Thucydide : 9-11, 20, 30, 38, 40, 48, 56-57, 63, 66, 71, 89-90, 95, 97, 103, 111, 123, 130-131, 139-141, 152-153, 169, 175, 182, 197-200, 202, 217-218, 235, 256-257, 261, 264-267, 274-276, 281-282, 289, 293-296, 303-304, 314, 316-321, 325-330, 337, 372-375 Thyréa (localité) : 98, 135 Thyréatide (région) : 29, 98, 129, 354, 372 Timaia (épouse du roi Agis) : 211 Timè (dignité) ; voir aussi atimia : 140, 364 Timée de Tauroménion : 41 Timocratès de Rhodes : 336 Timolaos de Corinthe : 281, 283 Timothée de Milet (citharède) : 205, 404 Tirage au sort : 266 Tisaménos (fils d’Oreste) : 101, 380 Tissage ; voir aussi laine : 130 Tissapherne (satrape) : 335 Tissu : 178, 225 Tithènidia (fêtes) : 222 Titthai (nourrices) : 222 Tombes : 14, 73, 241, 243-245, 255, 274, 299 Tombes royales : 73, 241, 360, 381 Traités avec les Perses : 333 Tremblements de terre voir séismes
Trembleurs (tresantes, singulier tresas) : 259-260, 263, 292, 359, 413 Trentaine (groupe d’hommes) : 38, 50, 263-264 Trente ans : 201-202, 306, 315, 318, 369, 374 Trépied ; de Platées, à Delphes : 80, 83, 312-313 Trésors : 132, 165, 328 Trézène, Trézéniens : 310, 315 Tribôn (manteau) : 89 Tribus : 44-45, 176, 217, 263-264, 406 Tribus (d’Athènes) : 164, 337 Tribut (à Lacédémone) : 218, 282, 315 Trières ; voir aussi navires : 322, 331, 343 Triphylie (région) : 29, 214, 353 « Troisième sauveur » : 54-55 Trône d’Apollon : 69-70, 372 Trône royal : 278 Trophée (tropaion) : 324 Trophimoi (adoptés) : 143, 278 Tyndare : 19, 113, 229 Tyndarides (ou Dioscures, Castor et Pollux) : 112-113, 228-229 ; voir dokana Tyr (en Phénicie) : 77 Tyrannie : 103, 112-114, 206, 211, 214-215, 316, 327, 353 Tyrtée (poète) : 8, 10, 19, 33-35, 39, 44-45, 49-50, 84-85, 178, 190, 252, 255-256, 260, 263, 274, 370-371
U Ulysse : 13
V Vaincre : 189 Val Tempé : 298, 307 Valeurs : 35, 39, 50, 84, 91, 95, 161166, 169, 181, 184, 189-191, 193, 208, 212, 223, 225, 239, 242-243, 255, 261, 312-313, 362, 364 Vapheio : 14-15, 23 Vases ; voir aussi céramique : 14, 48, 77, 81, 86, 104, 127-128, 251
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Index Vasque : 75 Vendre : 261 Verre : 74 Vêtements : 89-90, 94, 162, 228, 291 Victoire ; voir aussi Nikè : 11, 31, 34, 258, 357-358, 361, 365, 373-376 Victoires à Olympie ; voir aussi olym‑ pioniques : 91, 173 Vierge Kapsocherovoloussa : 382 Vin : 90, 129, 227 Vingt ans : 198, 371 Vol : 181-182, 225, 400 Vote (procédures) ; voir aussi élections : 199-201, 211, 217, 353
157, 161-168, 170, 173-177, 181, 183-185, 187-188, 190-191, 195, 197, 199-200, 202-206, 208-209, 212-214, 217, 225, 231, 239, 241, 244-245, 248-254, 256, 259-260, 264-267, 269-274, 277-278, 280284, 286, 288, 291-292, 294-295, 297-300, 302, 317, 323, 334-337, 341, 343, 346, 348-350, 352, 364365, 374-377 Xèrokampi (localité moderne) : 16 Xerxès (roi perse) : 92, 152, 213, 219, 238, 292, 306-310
Z X Xanthippe (Athénien) : 311 Xenagoi (chefs de contingents militaires étrangers) : 282, 299 Xénélasie (expulsion d’étrangers) : 205 Xenia (hospitalité) ; voir aussi diploma‑ tie : 103, 227 Xénophon (auteur athénien) : 10, 38-39, 41, 51-52, 54, 57, 62, 71, 89-91, 95, 123-126, 128, 131-132, 137-138, 142-143, 149, 151, 153-
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Zanklè (Messine) : 121 Zeus : 13, 19, 37, 40, 46, 53, 66, 73, 79, 82, 113, 211, 226-227, 229, 231, 313, 315 Zeus Agètôr : 231 Zeus Hypatos : 83 Zeus Lakédaimôn : 211, 227 Zeus Messapeus : 234 Zeus Ouranios : 211, 227 Zeus Skyllanios : 44 Zeus Xenios : 110
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Index des textes anciens cités
Remarque : quand le nom d’un auteur est indiqué entre crochets, le nom de l’œuvre qui suit est d’attribution incertaine ; par exemple, on lit [Plutarque] comme étant le Pseudo-Plutarque, auteur des Apophthegmes laconiens.
Alcman Fragment 3, vers 78-91, édition Calame : 85 Fragment 140, édition Calame : 85 Fragment 143, édition Calame, cité par Plutarque, Lycurgue, 21, 6 : 85 [Apollodore] Bibliothèque, II, 8, 4-5, § 178 : 20-21 Aristophane Lysistrata, vers 78-82 : 191 Aristote Politique II, 6, 17 ; 1265b 33-1266a 1 : 215 II, 9, 13-16 ; 1270a 11-34 : 148 II, 9, 16 ; 1270a 29-34 : 154 II, 9, 18-19 ; 1270b 1-6 : 148 II, 9, 19 et 21 ; 1270b 6-10 et 17-19 : 202 II, 9, 27-28 ; 1271a 10-18 : 364 II, 9, 30-32 ; 1271a 30-35 : 132 II, 9, 36-37 ; 1271b 10-17 : 328 IV, 9, 7 ; 1294b 19-24 : 173 IV, 9, 7-9 ; 1294b 19-31 : 94
IV, 9, 7 et 9 ; 1294b 19-20 et 29-34 : 215 IV, 13, 10-11 ; 1297b 16-28 : 49-50 VIII, 4, 4-5 ; 1338b 24-32 : 183 Fragment 592 Rose = fr. 609, 1 et 2 Gigon apud Plutarque, Moralia, 292B : 101 Arrien Anabase, I, 16, 7 : 357 Diodore de Sicile Bibliothèque historique XI, 63, 4-7 : 157-158 XV, 31, 1-2 : 342 Eschine Contre Timarque, 180-181 : 260-261 Hérodote Histoires I, 65 : 37 I, 65-66 : 37-38 I, 66 : 52, 99-100 I, 67 : 187 I, 67-68 : 100
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Index des textes anciens cités I, 82 : 98-99 V, 63 : 110 V, 71 : 111 V, 72 : 21 V, 75-76 : 112 V, 90 : 113-114 VI, 49 : 118 VI, 56 : 227, 230-231, 296 VI, 57 : 227, 229 VI, 58 : 240 VI, 61 : 222-223 VI, 73 : 118 VI, 82 : 116 VI, 108 : 107 VI, 120 : 120 VII, 134 : 92 VII, 148 : 306 VII, 220 : 307 VII, 223-225 : 307-308 VII, 231 : 260 VII, 234 : 152, 219
Plutarque (ou [Plutarque]) Moralia = Œuvres morales (Les Apophthegmes laconiens de [Plu‑ tarque] vont de 208A à 242D) 220A : 292-293 226C-D : 163 231B : 218 233B-C : 243 241F : 254 478A-B = De l’amour fraternel, 1 : 228 Vie d’Agésilas, 26, 6-9 : 253 Vie d’Agis, 5, 5-6 : 155 Vie d’Aristide, 17, 7-9 et 18, 1-2 : 232-233 Vie de Lycurgue 1, 1 : 40 1, 4 : 41 1, 5-6 : 41 4, 1-3 : 42 6, 2 (Grande Rhètra) : 44 8, 1-6 : 87-88 8, 7 : 128 13, 2 : 7 13, 5 : 61 18, 1 : 180 22, 3 : 183 25, 1 : 188 26, 2-5 : 208-209 28, 4-5 : 185-186 28, 13 : 186 Vie de Lysandre, 17 : 167 Vie de Périclès, 17, 1 : 316
Homère Iliade, II, 581-590 : 18 Odyssée, III, 497 et IV, 1 : 13 Isocrate Archidamos, 8 : 278 Archidamos, 8-10 : 351 Busiris, 17-18 : 252 Panathénaïque, 255 : 154 Pausanias Périégèse II, 20, 8-10 : 115-116 IX, 15, 6 : 292 X, 10, 6-8 : 31-32
Polybe Histoire VI, 48, 3-4 : 96 VI, 49, 5 : 339-340 X, 2 : 53
Pindare VIIe Isthmique, vers 17-21 : 20 Platon (ou [Platon]) Lois I, 634d-e : 58 III, 691d-692a : 53 VII, 809d : 236 VIII, 838d-e : 239 Premier Alcibiade = Alcibiade Majeur, 122d-123b : 133-134 Protagoras, 342d-e : 179 Timée, 22b : 43
Terpandre Fragment 5, édition Gostoli, cité par Plutarque, Lycurgue, 21, 5 : 84 Thucydide Histoire de la guerre du Péloponnèse I, 6, 4 : 89, 130-131 I, 6, 4-5 : 57 I, 10, 2 : 9 I, 10, 2-3 : 63 I, 13, 1 : 327
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Sparte I, 19, 1 : 218, 282 I, 23, 6 : 316 I, 70-71 : 317-318 I, 80, 4 : 328 I, 84, 4 : 175 I, 87, 1-2 : 199 I, 102, 4 : 314 I, 118, 2 : 316 II, 2, 1 : 202 II, 25, 2 : 256-257 II, 39, 1 : 182 IV, 12, 3 : 329 IV, 40, 1 : 261 IV, 41, 2-3 : 275 IV, 88, 1 : 326 V, 34, 1-2 : 141 V, 34, 2 : 140 V, 66, 3-4 : 295 V, 71, 1 : 320 V, 73, 4 : 294 VIII, 84, 5 : 334
Fragment 9, vers 1-14, édition Prato = fragment 12, vers 1-14, édition West : 84 Fragment 9, vers 10-12, édition Prato = fragment 12, vers 10-12, édition West : 252 Fragment 9, vers 23-44, édition Prato = fragment 12, vers 23-44, édition West : 255 Xénophon Agésilas 8, 6-7 : 62 9, 6-7 : 137-138 Anabase II, 6, 1-15 : 286-287 Helléniques I, 6, 7 : 334 II, 2, 20 : 323
Tyrtée Fragment 1a, édition Prato = fragment 2, vers 12-15, édition West, cités par Strabon, Géographie, VIII, 4, 10, p. 362 : 19 Fragment 1b et °°14 Prato = fragment 4, édition West apud Plutarque, Lycurgue, 6, 10 et Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, VII, 12, 6 (Paraphrase de la Grande Rhètra) : 45 Fragment 4, édition Prato = fragment 5, vers 4-8, édition West, cités par Stra‑ bon, Géographie, VI, 3, 3, p. 280 : 33 Fragment 5, vers 1-3, édition Prato = fragment 6, édition West, cité par Pausanias, Périégèse, IV, 14, 5 : 33 Fragment 6, vers 1-2 et fragment 7, vers 30-32, édition Prato = fragment 10, édition West, vers 1-2 et 30-32, cités par Lycurgue, Contre Léocrate, 107 : 34 Fragment 8, vers 11-14, édition Prato = fragment 11, vers 11-14, édition West cités par Stobée, Anthologie, IV, 9, 16 : 35 Fragment 8, édition Prato, vers 14-20 = fragment 11, édition West, vers 14-20 : 260
II, 4, 30 : 337 III, 1, 1 : 335 III, 1, 3 : 335-336 III, 3, 4-7 : 143-144 IV, 2, 11-12 : 281 V, 2, 21-22 : 284 V, 3, 9 : 278 V, 4, 32 : 175 VI, 1, 14 : 277 VI, 4, 11 : 273 VI, 5, 25 : 280 VII, 5, 26-27 : 350 République des Lacédémoniens Plan d’ensemble : 124-125 1, 1 : 151 2, 3 et 5 : 248 2, 13 : 184 3, 3 : 174-175 4, 5 : 187 4, 7 : 250-251 5, 1-4 : 89 ; cf. 131 6, 2 : 181 7, 1-2 : 128 7, 1-6 : 161-162 8, 1-2 : 51-52 8, 4 : 205-206 9, 1 : 269 9, 1-6 : 259 10, 2 : 210 10, 4 : 364 10, 7 : 175
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Index des textes anciens cités 10, 11, 11, 11, 11, 11, 11,
8 : 41 2 : 272 3 : 291-292 4 : 295 5 : 270 7 : 270 7-8 : 188
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13, 13, 13, 14, 15,
2-3 : 231 5 : 231, 270 11 : 213 2 : 149 2 : 213
15, 7 : 203
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Table des illustrations in-texte
Gobelets d’or de Vapheio conservés au musée national d’Athènes. Athènes, Musée archéologique national, n° 1758 et 1759. D’après M. Andronicos, 1980, p. 52. © De Agostini Picture Library/G. Dagli Orti/Bridgeman Images........ 15 Photographie et dessin d’un fragment de tablette mycénienne en argile provenant d’Ayios Vasileios de Laconie. D’après V. Aravantinos et A. Vasilogamvrou, 2012, p. 50................. 16 Détail de l’olpè Chigi, vase corinthien des environs de 640 av. J.-C. Rome, Musée étrusque national de la Villa Giulia, n° 22.679. D’après J. Charbonneaux, R. Martin, F. Villard, 1968, rééd. 1984, p. 30. Référence évoquée : Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 70........................................................................... 48 Sceau spartiate en ivoire montrant trois guerriers dotés de boucliers circulaires et avançant côte à côte. D’après P. Cartledge, 1977, p. 26....................................................... 49 Trois plombs de 650‑620 av. J.-C. provenant du sanctuaire d’Orthia. D’après R. M. Dawkins (éd.), 1929, planche CLXXXIII, n° 4, 5, 11............................................................................................ 49 Base d’une stèle trouvée sur l’acropole de Sparte et portant le nom de [Ch]ilon en caractères sinistroverses (écrits de droite à gauche). Sparte, Musée archéologique, n° 1005. © Photographie N.R. .......................................................................... 54 Reconstitution de la stèle de [Ch]ilon par P. Lulof. D’après C. Stibbe, 1991, p. 13............................................................ 55
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Table des illustrations in-texte Reconstitution de la disposition du sanctuaire d’Artémis Orthia au iiie siècle de notre ère. D’après un dessin de T. Apolostolidès dans N. D. Papachatzis, 1976, p. 376............................................... 65 Le sanctuaire d’Orthia vu du sud, en mars 2005. © Photographie N.R. ........................................................................ 65 Fondations du temple d’Athéna Chalkioikos en septembre 2015. © Photographie N.R. ........................................................................ 66 Le Ménélaion vu du nord-est en avril 1991. © Photographie N.R. ........................................................................ 67 Deux objets inscrits du milieu du viie siècle provenant du Ménélaion de Sparte et découverts en 1975. D’après H. W. Catling et H. Cavanagh, 1976, p. 148 et 154.......... 67-68 La plaine de Sparte vue du Ménélaion, en mars 2005. © Photographie N.R. ........................................................................ 68 Deux hypothèses de reconstitution du trône d’Apollon à Amyclées par Roland Martin. D’après R. Martin, 1976, p. 382‑385................................................ 70 Reconstitution graphique d’un périrrhantérion du sanctuaire de Poséidon à l’isthme de Corinthe, daté de 675‑650. D’après un dessin de M. Sturgeon dans C. Rolley, La Sculpture grecque, I, Paris, 1994, p. 144 ...................................... 75 Base de périrrhantérion, d’une vasque à eau lustrale provenant de Sparte. Sparte, Musée archéologique, n° 1423. © Photographie N.R. ........................................................................ 75 Photographie et dessin publié en 1906 du relief héroïque de Chrysapha. Berlin, Staatliche Museen, Pergamonmuseum, n° 731 ; dessin d’après M. N. Tod et A. J. B. Wace, 1906, p. 102. © Photographie N.R. ....................................................................... 76 Tête d’Héra ou de sphinx en pierre calcaire trouvée à Olympie et datant des environs de 600 av. J.-C. Olympie, Musée archéologique, Λ1. © Photographie N.R. .............................. 76 Ivoires du viie siècle provenant du sanctuaire d’Orthia et montrant une potnia thèrôn, une « maîtresse des animaux ». Athènes, Musée archéologique national, n° 15505 et 15511. D’après E.-L. I. Marangou, 1969, illustrations 1a et 7........................ 77
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Sparte Dessin d’un ivoire du début du vie siècle provenant du sanctuaire d’Orthia et représentant un navire ..................................................... 78 Paire de chevaux en bronze. Athènes, Musée archéologique national, n° 15309. D’après N. Kaltsas (dir.), 2006, p. 63................................ 78 Personnage assis. Sparte, Musée archéologique, n° 2155. D’après N. Kaltsas (dir.), 2006, p. 66................................................. 79 La « Dame du Ménélaion ». Sparte, Musée archéologique, n° 1691. D’après N. Kaltsas (dir.), 2006, p. 159............................................... 79 Jeune fille courant. Athènes, Musée archéologique national, n° 24 ; en dépôt à Olympie, Musée de l’histoire des anciens concours olympiques. D’après la Fondation de l’Hermitage, 1990, p. 137. © Luisa Ricciarini/Leemage.................................................................. 79 Miroir laconien trouvé à Hermionè, en Argolide. Munich, Antikensammlungen und Glyptothek, n° 3482. D’après C. Rolley, 1983, p. 101.......................................................... 80 Coupe laconienne du Peintre de Naucratis montrant une représentation de Zeus et datée de 575‑550 av. J.-C. Paris, Louvre, E668. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Hervé Lewandowski.......... 82 Coupe laconienne du Peintre de Naucratis représentant cinq banqueteurs et datée des environs de 565 av. J.-C. Paris, Louvre, E667. Référence évoquée : N. Richer, 2012, p. 123‑129 © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Hervé Lewandowski. ....... 82 La coupe d’Arcésilas, datée des environs de 560 av. J.-C. Bibliothèque nationale de France, Département des Monnaies, médailles et antiques, 189. © BnF 82 Coupe éponyme du Peintre de la Chasse. Paris, Louvre, E670. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Hervé Lewandowski.......... 82 Le siège du Lacédémonien Gorgos retrouvé dans le stade d’Olympie. Olympie, Musée de l’histoire des anciens concours olympiques, Λ 192. D’après O. Tzachou-Alexandri (dir.), 1989, p. 219 ........................... 93 Figurine de bronze en forme de lion consacrée par Eumnastos. Samos, Musée archéologique, 1149/1150. D’après A. Snodgrass, La Grèce archaïque. Le temps des apprentissages, trad. fr., Paris, 1986, ill. 23.................................................................. 105
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Table des illustrations in-texte Partie supérieure de l’inscription de Damonon. Sparte, Musée archéologique, n° 440 ; IG, V, 1, 213. © Photographie N.R. .......................................................................... 136 La base d’un monument d’Olympie commémorant la gloire de Kyniska. Olympie, Musée de l’histoire des anciens concours olympiques, Λ 529. Références évoquées : Pausanias, Périégèse, III, 8, 2 ; V, 12, 5 ; VI, 1, 6 ; le texte de l’inscription (IG, V, 1, 1564a) est aussi transmis par l’Anthologie palatine, XIII, 16 ; Apelléas était l’auteur des deux monuments glorifiant Kyniska (IvO 160 et 634) ; cf. Hodkinson, 2000, p. 321‑323. © Photographie N.R. .......................................................................... 139 Broches de fer retrouvées sur l’acropole de Sparte. Athènes, Musée numismatique, n° 920a, b, c/2005. D’après N. Kaltsas (dir.), 2006, p. 258 .............................................. 163 Masque en argile des environs de 550 provenant du sanctuaire d’Orthia. Sparte, Musée archéologique, n° 15398. D’après N. Kaltsas (dir.), 2006, p. 140............................................... 178 Reconstitution d’une scytale en fonction de la description donnée par Plutarque. D’après A. Ramou-Chapsiadi dans G. Christopoulos et I. Bastias (éd.), III, 1, 1972, p. 306. Référence évoquée : Plutarque, Lysandre, 19, 8‑12 ........................... 207 Figurines archaïques de plomb provenant du sanctuaire d’Orthia. D’après R. M. Dawkins (éd.), 1929 : – objets du Laconien I CLXXXII, n° 1, 2 et 7 ; pl. CLXXXIII, n° 1, 2 et 3 ; pl. CLXXXIV, n° 19 ; – objets du Laconien II : pl. CLXXXV, n° 13 ; pl. CLXXXV, n° 21 ; pl. CLXXXVI, n° 30 ; pl. CLXXXVIII, n° 1, 2, 3 ; pl. CXCI, n° 5, 13 et 14..................................................................... 224 Représentation des dokana, images aniconiques des Dioscures. Sparte, Musée archéologique, n° 588. © Photographie N.R. ; dessin d’après M. N. Tod et A. J. B. Wace, 1906, p. 193 ................. 228 Stèle funéraire en marbre d’Ainèsias, mort « à la guerre » (ΕΝ ∏ΟΛΕΜΩΙ) au début du ive siècle. Sparte, Musée archéologique, n° 377. © Photographie N.R. ; dessin d’après IG, V, 1, n° 703 ..................... 242 La tombe des Lacédémoniens au cimetière athénien du Céramique, hors des murailles, et sur la route qui mène vers le Péloponnèse, en juillet 2005. © Photographie N.R. .......................................................................... 244
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Sparte « Léonidas » de Sparte. Sparte, Musée archéologique, n° 3365. D’après O. Tzachou-Alexandri (dir.), 1989, p. 327............................ 250 L’amphore des chasseurs conservée au musée de Sparte. Sparte, Musée archéologique, n° 5395. D’après C. A. Christou, 1964, entre les p. 200 et 201, fig. 4. Référence évoquée : Hérodote, Histoires, VII, 126 ............................ 251 Larnax (coffre, ici d’usage funéraire) considéré comme étant celui de Brasidas, fils de Tellis et d’Argiléonis, tombé à Amphipolis en 422 av. J.-C. Amphipolis, musée archéologique. Photographie du musée. © Wikimedia Commons............................... 257 Portrait présumé de Lysandre. Copenhague, Ny Carlsberg Glyptothek, n° 275. D’après A. Ramou-Chapsiadi dans G. Christopoulos, I. Bastias et alii (éd.), III, 1, 1972, p. 295. Références évoquées : Plutarque, Lysandre, 12, 1 ; Xénophon, Agésilas, 11, 7 ; Plutarque, Agésilas, 2, 4 et Moralia, 191D, 215A et 210D. Autres portraits : Paris, Louvre, MA 278 ; Rome, Musée Capitolin, Salle des philosophes (Stanza dei filosofi), 68 ......... 258 « Le bouclier de Sphactérie, objet commémoratif d’une victoire athénienne de 425, la plus grande surprise de la guerre du Péloponnèse selon Thucydide. » Athènes, Musée de l’agora, B 262. D’après C. Pélékidis dans G. Christopoulos, I. Bastias et alii (éd.), III, 1, 1972, p. 213. Références évoquées : Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, IV, 40, 1 ; Pausanias, Périégèse, I, 15, 4 ; IG I3, 522 ............................................ 293 Le trépied commémorant la victoire de Platées (479) dressé à Delphes. Photographie d’après C. Pélékidis dans G. Christopoulos, I. Bastias et alii (éd.), II, 1971, p. 351 et dessin d’après J. F. Bommelaer, 2015, p. 195. Références évoquées : Hérodote, Histoires, IX, 81 ; Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, I, 132, 2‑3 ; A. Jacquemin, D. Mulliez et G. Rougemont, 2012, n° 17, p. 43‑44 ........................ 313 Portrait présumé du roi Archidamos III. Naples, Musée national, n° 6156. D’après M. Sakellariou dans G. Christopoulos, I. Bastias et alii (éd.), III, 2, 1972, p. 59. Références évoquées : Pausanias, Périégèse, VI, 4, 9 et VI, 15, 7 (avec N. Richer, 2012, p. 227‑229) ; Athénée, Deipnosophistes, XIII, 591b ................................................................. 355
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Table des illustrations hors-texte
Coupe du Peintre de la Chasse, des environs de 560-550 av. J.-C., conservée au musée du Louvre et montrant deux guerriers en train de se combattre. Paris, Louvre, E671. © Tony Querrec RMN-GP.
Couverture
Bellérophon et Pégase combattant la Chimère. Coupe du peintre des Boréades des environs de 570-565. Malibu, musée Getty (n° 85 AE.121). Dessin bipartie.
Couverture
Les vases en or de Vapheio. Athènes, Musée archéologique national, nº 1759 et 1758. © De Agostini Picture Library/G. Dagli Orti/Bridgeman Images.
HT 1 et 2
Ruines mycéniennes du Ménélaion en mars 2005. © Photographie N.R.
HT 3
L’olpè Chigi. Rome, Musée étrusque national de la villa Giulia, nº 22.679. Référence évoquée : Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 70. © Luisa Ricciarini/Leemage.
HT 4
La coupe d’Arcésilas. Bibliothèque nationale de France, Département des Monnaies, médailles et antiques, 189. © BnF.
HT 5
Guerrier combattant un serpent. Paris, Louvre E669. Référence évoquée : Homère, Illiade, XXII, vers 25-31 et 93-95. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Hervé Lewandowski.
HT 6
Vue panoramique de la plaine de Sparte. © Photographie N.R.
HT 7
Le sanctuaire d’Orthia vu de l’est en mars 2005. © Photographie N.R.
HT 8
Vue prise depuis la tombe des Lacédémoniens au cimetière athénien du Céramique en juillet 2005. © Photographie N.R.
HT 9
Sculpture dite de « Léonidas ». Sparte, Musée archéologique, nº 3365. © De Agostini Picture Library/G. Dagli Orti/Bridgeman Images.
HT 10
L’amphore des chasseurs. Sparte, Musée archéologique. © De Agostini Picture Library/G. Dagli Orti/Bridgeman Images.
HT 11
Larnax (coffre) funéraire probable de Brasidas. Amphipolis, musée archéologique. Référence évoquée : Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, V, 11, 1. © Wikimedia Commons.
HT 12
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Table des cartes, plans et schémas
1. Sites mycéniens notables de Laconie......................................... 15 2. Plan des constructions mycéniennes retrouvées sur le plateau du Ménélaion.............................................................................. 17 3. La Laconie homérique............................................................... 18 4. Le site de Sparte........................................................................ 22 5. Les environs de Sparte............................................................... 23 6. Le territoire de Lacédémone après la prise de contrôle, au cours de l’époque archaïque, de la Messénie, de l’est du Parnon et de Cythère............................................................ 29 7. Les Lacédémoniens hors de Laconie.......................................... 31 8. Les deux premiers états du sanctuaire d’Orthia vus en plan.... 64 9. Plan de Sparte............................................................................ 72-73 10. Distribution de la céramique laconienne, 575-550 av. J.-C.... 83 11. Les espaces mis en valeur par les Hilotes pour les Spartiates et les territoires des périèques.................................................. 129 12. Organigramme des institutions politiques................................ 216 13. La reddition de Spartiates à Sphactérie (425)......................... 262 14. La bataille des Thermopyles (480).......................................... 309 15. La bataille de Platées (479)..................................................... 309 16. La bataille de Mantinée (418)................................................. 321 17. La bataille navale de Patrai (429)............................................ 330 18. La bataille du fleuve Némée (394).......................................... 338 19. La réorganisation de la Ligue du Péloponnèse en 377 selon Diodore de Sicile…......................................................... 342 20. La bataille de Leuctres (371)................................................... 345 21. Les deux camps opposés lors de la deuxième bataille de Mantinée (362)...................................................................... 349
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Table des matières
Introduction. L’image d’une cité souvent mal connue....................... 7 I. Aux origines de Sparte : géographie, mythes et migration................................................................... 13 Un cadre géographique contrasté.................................................. 13 Une occupation mycénienne......................................................... 14 La Laconie homérique................................................................... 17 L’établissement des Spartiates en Laconie.................................... 19
II. L’expansion des Spartiates hors de Laconie............................... 27 Des frictions avec les Messéniens et avec les Argiens................... 27 Des établissements outre-mer....................................................... 30 La laborieuse annexion de la Messénie......................................... 33
III. La mise en ordre intérieure de Sparte au viie et au vie siècle................................................................. 37 Lycurgue, responsable d’un équilibre qui fait l’objet d’appréciations variables............................................................ 37 Une datation malaisée................................................................... 40 Une inspiration exogène................................................................ 41 Un ordonnancement politique indiqué par la Grande Rhètra...... 44 Des règles largement liées à la guerre........................................... 46 Un équilibre établi par une collectivité........................................ 51 Lycurgue, une autorité de référence, mais parmi d’autres........... 52 Le conservatisme des Spartiates.................................................... 56
IV. Une cité des arts puis de l’austérité........................................... 61 Des édifices au développement progressif et généralement peu spectaculaires...................................................................... 61
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Sparte Une efflorescence artistique multiforme......................................... 74 L’austérité de la fin du vie siècle.................................................... 86 Le danger inhérent à une inégalité de richesse............................... 87 Le danger inhérent à une inégalité d’origine familiale.................... 92 Les inégalités admises...................................................................... 94
V. Le rayonnement politique de Sparte au
e
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siècle....................... 97
L’affirmation de Sparte dans le Péloponnèse au vie siècle et la mise en place de la Ligue du Péloponnèse......................... 97 Une politique extérieure active en Asie Mineure et à Samos........ 103 Une politique extérieure institutionnalisée..................................... 105 L’action extérieure de Sparte sous le règne de Cléomène Ier......... 107 Les entreprises isolées de Dôrieus................................................... 108 Les interventions à Athènes à la fin du vie siècle........................... 109 Une action restreinte à l’environnement proche............................. 114 L’écrasement d’Argos en 494.......................................................... 115 Les interventions de Cléomène à Égine.......................................... 117 L’action de Sparte au moment de la première guerre médique..... 119 Une muraille d’hommes.................................................................. 121
VI. Des citoyens nourris par des Hilotes et à l’apparence fallacieusement égalitaire.................................... 123 Les ressources du territoire............................................................. 126 Les producteurs : le rôle des Hilotes.............................................. 128 Une apparence d’égalité entre les citoyens : vêtements et repas en commun.................................................. 130 La richesse des Lacédémoniens et de leurs rois selon Platon......... 133 Les élites et leurs manifestations de puissance............................... 134 Une société mobile.......................................................................... 141 La conspiration de Cinadon............................................................ 143
VII. Un système social fragilisé : des femmes trop puissantes, des hommes trop peu nombreux et une monnaie nouvelle............................................................... 147 Les défauts du système social de Sparte liés à l’importance abusive des femmes selon Aristote.......................................................... 148 Des hommes trop peu nombreux : l’oliganthropie......................... 151 Les causes de l’oliganthropie........................................................... 157 Les usages monétaires de Sparte à l’époque classique.................... 161 Une monnaie de fer........................................................................ 163 Des mesures de circonstance........................................................... 166 Une vie sous tension dans un système équilibré............................. 169
VIII. Devenir des Spartiates : les pratiques éducatives..................... 173 Un système éducatif contraignant lié à la vie de la cité................. 174 Les étapes de l’éducation................................................................ 176
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Table des matières Une formation intellectuelle non négligeable................................. 177 Un apprentissage physique et des épreuves corporelles.................. 180 Une épreuve pour une élite : la cryptie......................................... 185 Hippeis et agathoergoi : les meilleurs d’entre les hommes jeunes... 186 Le sens du devoir : la discipline des esprits et des corps............... 189 L’éducation des filles : une éducation physique à finalité eugénique.. 191 Les éléments de la culture féminine............................................... 192 Un système parallèle à la formation masculine ?............................ 193
IX. Acteurs et rouages de la vie politique à l’époque classique....... 197 Le rôle des citoyens........................................................................ 198 Les éphores..................................................................................... 201 Les gérontes.................................................................................... 208 Les rois............................................................................................ 210 Un régime de constitution mixte.................................................... 214
X. Dieux et cultes de Sparte............................................................ 221 Initiation et vie collective sous le signe des dieux.......................... 222 Dieux et cultes des activités pacifiques.......................................... 226 Dieux et cultes de la guerre........................................................... 230 Un espace protégé par des sanctuaires............................................ 233 Le calendrier des fêtes lacédémoniennes........................................ 236 Les pathèmata, abstractions d’états du corps.................................. 238 Forger des héros pour la cité. Les morts lacédémoniens................ 240 Des morts protecteurs..................................................................... 243
XI. Des hommes formés et organisés pour la guerre....................... 247 Une intense et longue préparation physique et psychologique...... 248 Le rôle des femmes......................................................................... 253 L’exaltation des vaillants................................................................. 255 L’avilissement des défaillants.......................................................... 259 L’évolution organisationnelle de l’armée......................................... 263
XII. Des professionnels de la guerre disposant de moyens humains variés.............................................................................................. 269 Une supériorité reconnue dans l’art militaire................................. 269 La gestion des effectifs spartiates.................................................... 271 Les Hilotes...................................................................................... 273 Les périèques................................................................................... 279 L’importance des forces alliées....................................................... 281 L’usage de mercenaires................................................................... 283 Des Spartiates au service d’autrui................................................... 285
XIII. Une armée soudée et fortement hiérarchisée.......................... 291 La solidarité des combattants.......................................................... 291 Une hiérarchie strictement constituée............................................ 294
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Sparte Le rôle militaire des rois................................................................. 296 Les polémarques.............................................................................. 298 Les chefs de la cavalerie, des mercenaires et des alliés.................. 299 Les harmostes.................................................................................. 300 Les navarques.................................................................................. 301
XIV. Du succès contre les Perses à la victoire sur Athènes (480‑404).................................................................. 305 La glorieuse victoire remportée lors de la seconde guerre médique............................................... 306 L’affirmation de nouveaux rivaux : les Athéniens.......................... 311 Une politique de prestige................................................................ 312 Les frictions de la « Pentécontaétie»............................................... 314 Réaffirmer son importance : la guerre du Péloponnèse (431‑404). 317 Une façon d’agir empreinte de pragmatisme.................................. 324 Finances et marine : une puissance navale au développement progressif....................................................... 327
XV. Du temps de l’hégémonie à celui de l’abaissement (404‑330)............................................... 333 Comment s’appuyer sur les Perses et libérer les Grecs ?................ 333 La guerre de Corinthe (395‑386)................................................... 336 De la paix d’Antalcidas au désastre militaire de Leuctres (386‑371)....................................................................... 340 L’abaissement irrémédiable de Sparte (371‑331/330).................... 345 Sparte, ennemie de Philippe de Macédoine.................................... 352 La guerre d’Agis.............................................................................. 357
Conclusion.......................................................................................... 363 Chronologies....................................................................................... 367 Les dynasties royales de Sparte.......................................................... 367 Chronologie générale.......................................................................... 369 Notes.................................................................................................. 379 Bibliographie ...................................................................................... 433 Index.................................................................................................. 443 Index des textes anciens cités............................................................... 464 Table des illustrations in-texte ............................................................ 468 Table des illustrations hors-texte.......................................................... 473 Table des cartes, plans et schémas....................................................... 474
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