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Sigismondo D’India et ses mondes
Sigismondo D’India et ses mondes Un compositeur italien d’avant-garde, histoire et documents
Jorge Morales
F
Centre d’études supérieures de la Renaissance Université de Tours / UMR 7323 du CNRS Collection « Épitome musical » dirigée par Philippe Vendrix Editorial Committee: Hyacinthe Belliot, Vincent Besson, Camilla Cavicchi, David Fiala, Christian Meyer, Daniel Saulnier, Solveig Serre, Vasco Zara Advisory board: Andrew Kirkman (University of Birmingham), Yolanda Plumley (University of Exeter), Jesse Rodin (Stanford University), Richard Freedman (Haverford College), Massimo Privitera (Università di Palermo), Kate van Orden (Harvard University), Emilio Ros-Fabregas (CSIC-Barcelona), Thomas Schmidt (University of Manchester), Giuseppe Gerbino (Columbia University), Vincenzo Borghetti (Università di Verona), Marie-Alexis Colin (Université Libre de Bruxelles), Laurenz Lütteken (Universität Zürich), Katelijne Schiltz (Universität Regensburg), Pedro Memelsdorff (Schola Cantorum Basiliensis), Philippe Canguilhem (Université de Toulouse Le Mirail)
Editing: Vincent Besson Cover illustration: « Portrait d’un musicien » d’Annibal Carrache (1587). Museo di Capodimonte, Naples (collezione Farnese). ISBN E-ISBN DOI ISSN E-ISSN
978-2-503-58459-1 978-2-503-58460-7 10.1484/M.EM-EB.5.117295 2565-8166 2565-9510
D/2019/0095/80 © 2019, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the pior permission of the publisher. Printed on acid-free paper.
première partie
Sigismondo D’India et ses mondes Histoire
À Gibran, Sebastian et Samuel, cari nipoti miei
1 Introduction Chaque véritable historien reste un poète du détail et joue sans cesse, comme l’esthéticien, sur les mille harmoniques qu’une pièce rare éveille dans un réseau de connaissances. Michel de Certeau1.
En intitulant ce livre Sigismondo D’India et ses mondes, nous nous proposons de reconstituer la carrière artistique de l’une des personnalité's musicales les plus importantes et les plus avant-gardistes de son temps, dans une perspective qui dévoile les contextes social, culturel et politique dans lesquels le musicien a vécu. Toutefois l’objet de ce livre n’est pas seulement d’écrire une vie de Sigismondo D’India (c. 1582-c. 1629), mais, surtout, de composer, à travers une approche dont les maîtres-mots sont le voyage, la circularité et le croisement, un itinéraire qui permette de penser l’histoire de la musique en tant qu’histoire des pratiques culturelles et « de l’expérience musicale2 ». C’est pourquoi chaque chapitre suit une étape de la carrière du compositeur en articulant les villes, les cours, les princes protecteurs, les dédicataires3 et les lieux destinés à la musique, faisant apparaître une galerie de personnages qui redonnent sens au parcours artistique du musicien. Chaque chapitre est traversé par les questions du mécénat, du patronage4, de l’identité nobiliaire, de l’urbanité, de la diplomatie, des milieux artistiques et de la mobilité. L’examen de ces mondes5 nous permettra de mieux comprendre la modernité de l’œuvre de D’India. En effet, la production musicale de ce compositeur italien d’avant-garde est liée à des processus d’appropriation, de transformation, d’adaptation et de dissémination musicales6, mais également à des stratégies de carrière.
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M. de Certeau, L’écriture de l’histoire, Paris, Gallimard, 1975, p. 93. A. Morelli, « Per una storia della musica a Roma nel Seicento », La musique à Rome au xviie siècle : études et perspectives de recherche, éd. C. Giron-Panel et A.-M. Goulet, Rome, École Française de Rome, 2012, p. 450. Voir aussi E. Goffman, Les cadres de l’expérience, Paris, Les éditions de minuit, 1991. En ce qui concerne les dédicataires des recueils de musique de D’India, ils ne sont pas toujours les commanditaires des œuvres et ne sont pas systématiquement impliqués dans les choix musicaux et poétiques du compositeur ; ils ne sont pas obligatoirement mus par une volonté d’émulation ou par l’ambition d’encourager la création musicale. Nous remercions Arnaldo Morelli pour ses précieux conseils concernant la distinction entre « mécénat » et « patronage », nuance qui permet de préciser le sens du mécanisme anthropologique et sémiologique qui reliait alors les artistes aux mécènes. Elle met également en relief l’hétérogénéité de ce phénomène social. Voir « La musica a Roma nel Seicento e la ricerca storica : un quarantennio di studi », La musique à Rome au xviie siècle, op. cit., p. 10 et 12. Sur cette distinction, voir aussi « La dame de cœur ». Patronage et mécénat religieux des femmes de pouvoir dans l’Europe des xive-xviie siècles, éd. M. Gaude-Ferragu et C. Vincent-Cassy, Rennes, PUR, 2016. Nous remercions Dinko Fabris qui est à l’origine du choix de ce titre. Nous renvoyons à l’ouvrage de Rahul Markovits : Civiliser l’Europe. Politiques du théâtre français au xviiie siècle, Paris, Fayard, 2014, qui analyse les mécanismes du phénomène complexe de diffusion, de dissémination et d’acculturation du théâtre français en Europe au xviiie siècle ainsi que son effet civilisateur.
Première partie
Chronologie, espace et terminologie
Étudier de manière systématique les déplacements et l’évolution de la carrière musicale de Sigismondo D’India permet d’articuler le parcours individuel du compositeur avec les milieux qu’il a fréquentés (en tenant compte des réalités sociales, économiques et politiques7 de chacun) et plus particulièrement avec son entourage8. Tenter de penser ensemble le temps et l’espace impose la définition d’un cadre chronologique, géographique mais aussi terminologique. Sigismondo D’India, un musicien de la fin de la Renaissance ou du premier Baroque ?
La période couverte par cette étude, 1580-16309, correspond à celle de la musique de la fin de la Renaissance ainsi qu’à celle du début du Baroque10, du maniérisme11, de l’histoire moderne12 ou de la prima modernità. Ces classifications, par nature controversées, artificielles, schématiques ou imprécises, ne sont pas ici rejetées en bloc mais seulement utilisées comme cadrage chronologique, comme structure historique, et non pas en tant qu’adjectifs ou concepts qui renverraient à des formes d’expression stylistiques. En ce qui concerne D’India, son activité musicale se situe dans la tradition du musiciencourtisan de la Renaissance, d’où l’impossibilité de le séparer de cette période13. Pourtant, les cours qu’il fréquente et avec lesquelles il est en contact ne sont plus tout à fait des cours rinascimentali, comme celle de Ferrare au temps du Concerto delle dame. Tel est le cas de la cour de Turin, à la fois hybride et excentrique et dont les transformations politiques, urbanistiques et artistiques – on pense en particulier au mécénat –, à l’époque où le musicien y est engagé14, situent cette étude dans un entre 7
À ce sujet, voir T. Favier, « Tavola ronda. Incroci tra storia culturale e storia della musica a livello europeo. Metodi e problematiche per il xvii e il xviii secolo », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples (1650-1750), éd. A.M. Goulet et G. zur Nieden, Analecta musicologica, no 52, 2015, p. 627. Nous renvoyons également aux travaux pionniers de Marie-Thérèse Bouquet-Boyer (« Le document historique et musical dans l’histoire de la musique », Culture et idéologie dans la genèse de l’État moderne. Actes de la table ronde organisée par le CNRS et l’École française de Rome (Rome, 15-17 octobre 1984), Rome, École française de Rome, 1985, p. 281-291) en ce qui concerne les rapports entre musique et structure politique (formes, institutions, individus) à travers des documents autres que les sources musicales. 8 « Pour analyser le rôle de l’individu, il faut avoir recours aux documents à la fois historiques et musicaux afin de cerner le double aspect d’une carrière : d’une part, l’ascension du musicien dans l’échelle sociale contemporaine et son influence auprès des souverains, […] ; [et] d’autre part, la valeur de son œuvre grâce à ses compositions. », id., p. 290. 9 Concernant l’histoire de l’Italie dans cet espace chronologique, qui correspond également avec celui du règne du duc Charles-Emmanuel de Savoie, voir G. Hanlon, Early Modern Italy, 1550-1800. Three Seasons in European History, Londres, Macmillan, 2000, p. 37-216. 10 Pour un parcours historiographique et critique du terme « Baroque », voir A. Mérot, Généalogies du baroque, Paris, Gallimard, 2007 et A. Musi, « Decadenza e Barocco », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 249-258. Pour une réflexion sur la musique de la « Renaissance », voir F. Piperno, « Musica e Rinascimento », id., p. 97-106. Voir également J.-M. Le Gall, Défense et illustration de la Renaissance, Paris, PUF, 2018. 11 Concernant le définition de ce courant stylistique, voir S. B. Butters, « Corte e principe : il punto di vista di uno storico dell’arte », id., p. 183-184 et A. Mérot, Généalogies du baroque, op. cit., p. 60-66. 12 Pour un bilan historiographique de l’histoire moderne en France de ces dernières années, voir R. Chartier, « L’histoire moderne », Les historiens français à l’œuvre 1995-2010, éd. J.-F. Sirinelli, P. Cauchy et C. Gauvard, Paris, PUF, 2010, p. 61-72. Voir aussi G. Ricuperati, « L’età moderna come periodizzazione e le categorie di periodizzazione dell’età moderna », Rivista storica italiana, no 117/2, 2005, p. 569-607. 13 L’utilisation du terme « Baroque » serait donc plus propice à d’autres expressions artistiques comme les arts visuels à partir de 1630. Mais, là encore, comment séparer les arts figuratifs « baroques » de ceux qui les précèdent immédiatement ? 14 « La corte sabauda non ebbe quasi nessun tratto in comune con […] alcuni luoghi del Rinascimento italiano. Non ebbe aspetti di somiglianza con le realtà di Ferrara, Mantova, Urbino, né con […] Firenze […] e tanto meno con […] Roma. », W. Barberis, « I caratteri originali del Piemonte sabaudo », Il Piemonte come eccezione ? Riflessioni sulla « Piedmon-
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Introduction
deux historique qui ne se confond pas avec une articulation idéelle entre Renaissance et Baroque. Un rejet catégorique des périodisations pourrait nous empêcher de comprendre les mutations et les continuités artistiques. « Créer de la distance » afin de « mieux voir le proche », pour reprendre les mots de François Hartog15, tel est le but de cette étude. D’India, un musicien italien ?
La définition de l’espace géographique est également un point problématique. Il nous a fallu adopter une vision bifocale afin d’articuler le plus clairement possible perspective locale et perspective nationale. La première renvoie à la réalité géopolitique du début du xviie siècle qui se situe dans un cadre pré-national, et plus précisément trans-régional. Ce cadre permet de raisonner en terme de cours, de duchés, de territoires, de villes et d’aires culturelles et linguistiques. La seconde perspective se place dans une optique nationale (par pays). Cette étude assume volontairement cet « anachronisme raisonné16 » qui permet d’interroger l’histoire elle-même pour mieux la reconstruire. C’est pourquoi nous nous refusons ici de « déconstruire » les histoires nationales sous prétexte qu’elles sont forcément postérieures à l’époque étudiée. En effet, la prise de distance vis-à-vis du cadre national, nécessaire à l’étude historique et culturelle de cette période, ne doit pas être confondue avec une critique anti-nationale, source de malentendus17, qui a plus à voir avec l’opinion qu’avec la prise en compte objective du monde auquel elle se réfère. Circulation, échanges et transferts culturels, mécénat et patronage nobiliaire
Nous utilisons le terme circulation dans une perspective large qui englobe les déplacements matériels (objets, livres, recueils et instruments de musique), immatériels (idées, savoirs, styles, coutumes, pratiques) ainsi que la mobilité (la migration18) des personnes (artistes, musiciens, diplomates, princes). Cette perspective permet d’affronter plusieurs niveaux d’analyse, de penser autrement qu’en termes tese exception ». Atti del Seminario internazionale (Reggia di Venaria, 30 novembre-1° dicembre 2007), éd. P. Bianchi, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2008, p. 51. 15 F. Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, édition augmentée, Paris, Le Seuil, 2012, p. 13. Voir également les p. 15, 29 et 37-42, ou encore, du même auteur, « Ordre des temps : chronographie, chronologie, histoire », Théologies et vérité au défi de l’histoire, Leuven-Paris-Walpole, Peeters, 2010, p. 279-289. 16 Voir F. Dosse, « De l’usage raisonné de l’anachronisme », Les voies traversières de Nicole Loraux. Une helléniste à la croisée des sciences sociales, EspacesTemps, no 87/88, 2005, p. 156-171. 17 Ainsi, la culture nationale est déshistoricisée, réduite à une pure construction idéologique et confondue avec le nationalisme. De même, l’historiographie, le cadre et les ensembles nationaux sont analysés à partir du présupposé selon lequel ils renverraient à des identités fixées et dominatrices qui conduiraient à la perte de la vocation universelle de la période pré-nationale. La volonté de désenclaver l’histoire des espaces nationaux devient ainsi un prétexte pour condamner l’État-nation. De tels jugements, aussi rapides que contestables, méritent réflexion. En rejetant la dimension nationale de la sorte, échappe-t-on d’ailleurs complètement au prisme national ? 18 En ce qui concerne le thème de la migration, voir D. Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003 ; E. Canepari, Stare in compagnia. Strategie di inurbamento e forme associative nella Roma del Seicento, Rome, Rubbettino, 2007 ; Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, éd. P.-Y. Beaurepaire et P. Pourchasse, Rennes, PUR, 2010 ; Migration und Identität. Wanderbewegungen und Kulturkontakte in der Musikgeschichte, éd. S. Ehrmann-Herfort et S. Leopold, Analecta musicologica, no 49, 2013 ; Voyageurs étrangers à la cour de France 1589-1789, éd. C. Zum Kolk, J. Boutier, B. Klesmann et F. Moureau, Rennes, PUR-CMBV, 2014 ; Passaggio in Italia : Music on the Grand Tour in the Seventeenth Century, éd. D. Fabris et M. Murata, Turnhout, Brepols, 2015 ; M. Talbot, « Et in Italia ego. Musicians and the Experience of Italy, 1650-1750 », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples, op. cit., p. 68-84 ainsi que le projet européen MusMig (Music Migrations in the Early Modern Age : the Meeting of the European East, West and South : http://heranet.info/musmig/index) et dont un
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Première partie
de bilatéralité et d’influence, d’historiciser les mouvements les plus variés et de prendre en compte les composantes et les motivations des mobilités19 qui s’organisent, pour reprendre les mots de Daniel Roche, « selon des harmoniques multiples » que sont l’espace, le temps, les significations, les relations sociales et l’acculturation20. La circulation produit donc le déplacement, l’acculturation et la transformation et est étroitement liée aux échanges et aux transferts culturels. Les premiers renvoient à la transmission et à l’hybridation des pratiques culturelles21, mais aussi à la réciprocité22 des influences, et les seconds, qui résultent des premiers, sont compris dans le sens plurivoque et diachronique que lui donnent Michel Espagne, Michaël Werner23 et Bénédicte Zimmermann24. L’étude des transferts permet d’enrichir les thématiques de l’influence et de la réception25 et d’analyser avec plus de précision les processus, à la fois répétitifs et changeants, de « mise en relation », la transmission de modèles culturels ainsi que la complexité et les dynamiques des échanges interculturels qui produisent la transformation et, le cas échéant, l’innovation. L’étude des rapports croisés permet d’analyser plus clairement les circuits et la nébuleuse des réseaux26, c’est-à-dire les ramifications sociales où apparaît un très grand nombre d’acteurs (artistes, musiciens, libraires, diplomates, nobles) en liaison, directe ou indirecte, entre eux. Ils adaptent, transforment et transmettent les pratiques artistiques dans les cours avec lesquelles ils sont en contact27. Ces médiateurs, traducteurs culturels et constructeurs de l’espace social, intellectuel, artistique et
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ouvrage vient de paraître : Musicians’ Mobilities and Music Migrations in Early Modern Europe. Biographical Patterns and Cultural Exchanges, éd. G. zur Nieden et B. Over, Bielefeld, Transcript, 2016. D. Roche, « Les mobilités concrètes, xvie-xxe siècles », Mobility in French Music, French Historical Studies, no 29/3, 2006, p. 513. Id., p. 514. Voir aussi D. Roche, Les circulations dans l’Europe moderne, xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard-Pluriel, 2011, p. 10 et 11. Voir aussi M. Espagne et M. Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France. Genèse et histoire (1750-1914) », Annales, no 42/4, 1987, p. 988. Sur la question de l’hybridation et du métissage culturels, voir M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Le Seuil, 2004, p. 23. Sur ce sujet, voir Cultural Exchange in Early Modern Europe, vol. II : Cities and Cultural Exchange in Europe, 1400-1700, éd. D. Calabi et S. Turk Christensen, Cambridge, Cambridge University Press, 2007 et F. Celestini, « La musica a Roma nel Seicento e lo spazio comunicativo europeo », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples, op. cit., p. 118-119. « Le terme transfert […] implique le déplacement matériel d’un objet dans l’espace. Il met l’accent sur des mouvements humains, des voyages, des transports de livres, d’objets d’art ou de biens d’usage courant à des fins qui n’étaient pas nécessairement intellectuelles. Il sous-entend une transformation en profondeur liée à la conjoncture changeante de la culture d’accueil. », M. Espagne et M. Werner, « Présentation », Transferts, les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand : xviiie et xixe siècle, Paris, Recherche sur les civilisations, 1988, p. 5. Sur la pérennité de cette « dynamique historiographique », voir le dossier « Espaces européens et transferts culturels », Le Temps des Médias, no 11, 2008-2009 et en particulier C. Moine, Y. Bouvier et M. Palmer, « Présentation : L’Europe au cœur de circulations et de transferts internationaux », p. 6-9. M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée », op. cit., p. 19. Voir aussi C. Zum Kolk, « Impacts et transferts culturels », Voyageurs étrangers à la cour de France, op. cit., p. 117-119. Voir F. Celestini, « La musica a Roma nel Seicento e lo spazio comunicativo europeo », op. cit., p. 122-123 et B. Joyeux, « Les transferts culturels. Un discours de la méthode », Hypothèses, 2002, p. 153 et 156. Pour une classification des réseaux à l’intérieur des circulations intellectuelles au xviiie siècle : réseau de sociabilité, réseau-lieu et réseau matériel, voir S. Van Damme, « Capitales européennes et circulations intellectuelles », Les circulations internationales en Europe, op. cit., p. 439-446. Sur les rapports entre mobilité et transmission, circulation et histoires locales, voir id., p. 438. Voir aussi H. Asseo, « Pour une histoire du principe de circulation en Europe », Revue de synthèse. Circulation et cosmopolitisme en Europe, no 123/1, 2002, p. 7-15.
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Introduction
urbain, ont des statuts variés et sont pour la plupart des étrangers28, c’est-à-dire nés dans d’autres lieux et venus d’ailleurs ; tel est le cas de Sigismondo D’India, qu’il soit « noble palermitain » à Naples, à Plaisance ou à Turin, « Chevalier de Saint-Marc » à Rome ou « gentilhomme du cardinal de Savoie » à Modène. La théorie des transferts est donc utile pour examiner les stratégies de carrière et les choix musicaux du compositeur29. Le terme mécénat est compris ici en tant que reconnaissance et gratification départies aux artistes et en tant que moteur de la production d’œuvres d’art. Il est lié à la notion de commande (la committenza) – ce qui implique la relation d’intérêts partagés entre le mécène et l’artiste – et entraîne parfois une instrumentalisation politique ou institutionnelle des arts à des fins de propagande ou de légitimation du pouvoir30. Dans ce cas, le mécénat est à la base d’une politique culturelle volontaire ou non. Le terme patronage renvoie, quant à lui, à l’hétérogénéité des mécanismes sociaux et anthropologiques d’interrelation et d’échange entre patron et client (le clientélisme) ou entre plusieurs groupes en contact (réseaux31, cercles, milieux32, foyers33) ; il renvoie également à une logique de service qui peut être stable, ponctuelle, directe, indirecte ou multiple (un artiste peut avoir plusieurs patrons à la fois) ; enfin il renvoie au rôle des personnages intermédiaires (brokers, négociateurs, médiateurs, agents, diplomates) dans la « chaîne de fabrication » d’une œuvre. Mécénat et patronage se recoupent souvent, peuvent se retrouver dans une seule et même personne et produire des effets communs comme la protection et l’intégration des artistes dans une cour, le renforcement de la renommée aussi bien du prince que de l’artiste, l’expression des goûts ou des idées religieuses et philosophiques du protecteur, la représentation symbolique du style de gouvernement et
28 Voir Artistic Practices and Cultural Transfer in Early Modern Italy. Essays in Honour of Deborah Howard, éd. N. Avcioglu et A. Sherman, Farnham, Ashgate, 2015. Sur la notion d’étranger à cette époque, voir J.-F. Dubost, « Étrangers », Dictionnaire de l’Ancien Régime : royaume de France, xvie-xviiie siècle, éd. L. Bély, Paris, PUF, 1996, p. 518-522 ; Y. Aga, « Réflexion sur l’aubain : introduction à l’étude des étrangers à l’époque moderne », Pouvoirs, contestations et comportements dans l’Europe moderne : mélanges en l’honneur du professeur Yves-Marie Bercé, éd. B. Barbiche, J.P. Poussou et A. Tallon, Paris, PUPS, 2005, p. 1021-1039 et S. Cerutti, Étrangers : étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien régime, Montrouge, Bayard, 2010. 29 La théorie des transferts culturels comporte cependant des limites. Elle peut pousser le chercheur à s’enliser dans le flou interculturel ou à postuler, et non pas à supposer et vérifier, l’existence des réseaux et des mises en relation. Un double mouvement de recherche qui ne perd pas de vue l’unité et l’hétérogénéité des objets étudiés dans les différents milieux en contact peut permettre d’échapper au schématisme et à la systématicité. Voir B. Joyeux, « Les transferts culturels. Un discours de la méthode », op. cit., p. 158-160. 30 Voir B. Petey-Girard, Le Sceptre et la plume : images du prince protecteur des lettres de la Renaissance au Grand Siècle, Genève, Droz, 2010 et A. Viala, Naissance de l’écrivain : sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Éditions de minuit, 1985. Nous remercions Jean-François Dubost pour ses précieux conseils. 31 Voir A. Cowan, « Nodes, networks and hinterlands », Cultural Exchange, op. cit., p. 28-41 ; M. P. Donato, A. Lilti et S. Van Damme, « Comment se construit la centralité : la capitale et ses réseaux », Le temps des capitales culturelles : xviiie-xxe siècles, éd. C. Charle, Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 42-50 ; J. Cole, Music, Spectacle and Cultural Brokerage in Early Modern Italy. Michelangelo Buonarroti il giovane, Florence, Olschki, 2011, 2 vol. ; S. Testa, Italian Academies and their Networks, 1525-1700. From Local to Global, New York, Palgrave Macmillan, 2015 ou encore le programme de recherche européen ENBaCH (European Network for Baroque Cultural Heritage) : http://www.enbach.eu/. 32 Voir Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (xviie-xviiie siècles), éd. J. Boutier, B. Marin et A. Romano, Rome, École française de Rome, 2005. 33 Voir le colloque international intitulé « Les foyers artistiques à la fin du règne de Louis XIV (1685-1715). Musique et formes spectaculaires », organisé par Rémy Campos, Anne-Madeleine Goulet et Mathieu da Vinha, qui s’est tenu du 5 au 7 novembre 2015 à la Grande Écurie du château de Versailles (actes en cours de publication).
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de l’identité d’une ville ou d’une cour ou encore la transformation de la production artistique liée au déplacement et à la mise en relation entre artistes, patrons et mécènes. Le mécénat et le patronage se caractérisent également par deux notions qui engagent la réputation et l’image du prince : la libéralité – l’art de savoir donner, reconnaître et récompenser – et la magnificence – l’art de savoir dépenser et se distinguer34 . Enfin, mécénat et patronage constituent un poste d’observation privilégié pour l’étude des polarités35 (l’attraction culturelle des villes) et des mutations socio-culturelles urbaines qui sont à l’origine de la construction des « capitales culturelles36 » et dont la musique n’est pas un simple fond sonore mais l’un des principaux vecteurs. Pour une approche globale de la discipline musicologique
Il nous faut donc revendiquer « la spécificité et l’unicité de l’apport de la musique à la construction d’une histoire plus large37 » afin de donner une vision dynamique de l’événement musical38. Construire une histoire de la musique comme une histoire de la culture afin de placer la musicologie dans une perspective globale, implique l’adoption d’une démarche interdisciplinaire39 qui élargisse le cadre méthodologique tout en évitant l’agrandissement infini, d’où l’impossibilité d’utiliser une théorie unique et homogène. Vertus et limites de l’interdisciplinarité
La multiplication d’approches, de problématiques, de thématiques et d’outils d’analyse propres à la perspective interdisciplinaire nécessite l’application d’une épistémologie fondée sur la distinction disciplinaire et la limitation théorique. La première permet de combiner efficacement l’histoire de la musique avec d’autres disciplines afin de réunir, d’identifier et d’articuler une multiplicité de problématiques et d’y répondre de la manière la plus pertinente40. Sans cet effort de distinction, l’interdisciplinarité dilue concepts et mots (tout est dans tout et tout vaut tout) et finit par appauvrir les différents domaines de spécialisation mobilisés. Voir G. Guerzoni, « Liberalitas, Magnificentia, Splendor. Le origini classiche del fasto rinascimentale italiano », I giochi del prestigio. Modelli e pratiche della distinzione sociale, Cheiron, no 31-32, 1999, p. 49-82. 35 Voir C. Charle, « Introduction : l’attraction culturelle des capitales », Capitales européennes et rayonnement culturel xviiie-xxe siècle. Actes de la table ronde franco-italienne, 1er-2 mars 2002, organisée par l’Institut d’histoire moderne et contemporaine et l’École française de Rome, éd. C. Charle, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2004, p. 7-16. 36 Capitales culturelles, capitales symboliques : Paris et les expériences européennes xviiie-xxe siècles. Actes du colloque international, Paris, 21-23 octobre 1999, éd. C. Charle et D. Roche, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002 ; Le temps des capitales culturelles, op. cit. et Les capitales de la Renaissance, éd. J.-M. Le Gall, Rennes, PUR, 2011. 37 S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 26. 38 Nous nous situons ici dans le droit fil de la musicologie historique qui a détourné son attention de la notion d’œuvre pour celle d’événement musical. À ce propos, voir A. Morelli, « La musica a Roma nel Seicento e la ricerca storica : un quarantennio di studi », op. cit., p. 10. 39 Démarche qui implique l’élaboration de problématiques et de paradigmes communs à travers les disciplines. Voir M. Werner et B. Zimmermann, « Introduction », De la comparaison à l’histoire croisée, op. cit., p. 7 et S. Moscovici, « Fécondités, limites et échecs de la pratique interdisciplinaire », Le Genre humain, no 33, 1998, p. 15-29. 40 En tant que modèle méthodologique de mise en ordre épistémologique, voir A.-M. Goulet, « Les musiciens européens à Venise, à Rome et à Naples (1650-1750). Éléments pour une comparaison des mobilités musiciennes », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples, op. cit., p. 33-34. 34
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Quant à la limitation théorique, elle permet d’éviter l’écueil d’un éclectisme débridé, de la fragmentation disciplinaire et de la surthéorisation volontiers jargonnante. Sans limites théoriques, l’interdisciplinarité se transforme en un grand récipient vide où l’élargissement infini de concepts finit par dissoudre l’objet de recherche. En un mot, la distinction et la limitation doivent permettre l’unité des savoirs, la cohérence de la combinaison de problématiques et de disciplines et donc l’élargissement d’un cadre théorique qui dynamise41 les résultats de la recherche. Ainsi, l’approche globale de la discipline musicologique cherche à retrouver la singularité des contextes anciens en prolongeant – avec d’autres choix méthodologiques et sur d’autres objets de recherche – le style et l’ambition « d’une histoire à la fois élargie et poussée en profondeur42 » de l’école des Annales qui concevait la discipline historique comme la science des hommes en société dans le temps43. Notre approche s’inspire également de la démarche globalisante de Norbert Elias44 pour ce qui est de la théorie de la civilisation et l’étude des configurations sociales de la société de cour. Le présent ouvrage espère donc contribuer à redonner vie au mouvement incessant des hommes, des œuvres et des idées dans le « grand Théâtre du monde ». Cadre disciplinaire, méthodologie et sources
L’histoire est donc la colonne vertébrale de cet ouvrage. Notre démarche historique est tout d’abord fondée sur une recherche archivistique de grande amplitude45, considérée comme la meilleure voie pour éclairer notre compréhension historique des événements musicaux46. La reconstitution historique, à travers les fonds archivistiques italiens auxquels s’ajoutent d’autres sources historiques47 et musicales48, est le moteur principal d’un récit explicatif qui conjugue hypothèses et narration historique : « un classement rationnel et une progressive intelligibilité », pour reprendre les mots de Marc Bloch49 afin 41
Pour une réflexion sur le changement de paradigme épistémologique qu’implique une « approche dynamique du processus de la création musicale », sous-tendue par la mobilité, les stratégies de carrière, l’interaction et l’intégration des musiciens, mais également par les problématiques du transfert, de l’hybridation et de la diversification des genres musicaux, voir T. Favier, « Tavola ronda. Incroci tra storia culturale e storia della musica », op. cit., p. 627-632. 42 Voir M. Bloch, « L’histoire, les hommes et le temps », Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, éd. E. Bloch, préface de J. Le Goff, Paris, Colin, 1993, p. 18 et 78. 43 Id., p. 84. 44 Concernant la théorie du processus de civilisation d’Elias qui fournit une interprétation générale des grandes transformations de la société occidentale, voir M. A. Visceglia, « Per una storia comparata delle corti europee in età barocca, Norbert Elias e Louis Marin : modelli interpretativi a confronto », Studi storici dedicati a Orazio Cancila, éd. A. Giuffrida, F. D’Avenia et D. Palermo, Palerme, Quaderni mediterranea, 2011, 3 vol., vol. II, p. 607 et N. Heinich, Dans la pensée de Norbert Elias, Paris, CNRS, 2015. 45 Ces sources archivistiques se trouvent toutes en Italie et comprennent des Avvisi, correspondances diplomatiques, actes notariés, registres comptables (libri mastri, mandati di pagamento, filze), actes promulgués par diverses institutions (actes capitulaires, patentes) et archives privées (archives familiales). Nous avons gardé l’orthographe italienne d’origine pour tous les textes archivistiques cités. 46 « La strada più importante è ora quella archivistica, quella già tracciata da alcuni studiosi americani che pian piano stanno portando alla luce tutte le tessere fondamentali per la comprensione degli eventi accaduti. […]. Quindi io lavorerei molto in archivio. », A. Vassalli, « Discussione finale », Le origini del madrigale. Atti dell’incontro di studio, Asolo, 23 maggio 1987, éd. L. Zoppelli, Asolo, Tipografia Asolana, 1990, p. 104. 47 Il s’agit de sources imprimées : chroniques, discours, traités, livrets, recueils poétiques, mémoires et ouvrages historiographiques, mais également quelques manuscrits (poèmes, livrets, chroniques, diari et recensions historiques). 48 Il s’agit de livres de madrigaux polyphoniques, de monodies accompagnées, de Balli ainsi que quelques recueils de musique instrumentale qui sont exploités en tant que sources historiques et non pas dans une perspective d’analyse musicale. 49 M. Bloch, « Introduction », Apologie pour l’histoire, op. cit., p. 73.
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Première partie
d’éviter le catalogage descriptif et fastidieux50. Notre but est d’articuler les histoires locales – l’analyse des micro-effets et des micro-contextes51 qui traversent la vie du compositeur – à une enquête culturelle plus vaste qui porte in fine sur toute une époque. Cette étude tire également parti des avancées de la musicologie urbaine52 en ce qu’elle a permis d’étudier la ville sous la forme d’un discours et comme un cadre d’expression musicale. L’analyse de la construction de l’univers sonore d’une cité, à travers les lieux destinés à la musique, met en évidence l’influence réciproque entre l’espace sonore et l’espace urbain53. L’étude de la géographie musicale est donc indissociable de l’histoire de l’urbanisme et de l’urbanité – autre visage du teatro del mondo – et révèle l’imbrication entre les pratiques socio-culturelles et le laboratoire urbain dans le processus d’édification de l’architecture des sociétés54. Le rapport entre urbs et civitas permet de nous focaliser
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Nous reprenons ici l’une des indications méthodologiques de Michel Espagne, voir « Sur les limites du comparatisme en histoire culturelle », Genèses, no 17, 1994, p. 115 et 116. Sur la question des échelles d’analyse, des temporalités et du paradoxe de la théorie des transferts culturels qui se situent entre la production d’une micro-histoire et une ambition macro-historique, voir B. Joyeux, « Les transferts culturels. Un discours de la méthode », op. cit., p. 158. Concernant le dépassement des raisonnements opposant micro et macro-histoire et l’articulation des deux registres à travers l’histoire croisée, voir, M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée », op. cit., p. 27-29. Selon Tim Carter, promouvoir une orientation des études sur la musique dans un contexte urbain revient à placer l’art musical entre l’individu et son entourage, à suggérer une articulation plus subtile de cause à effet, mais également à développer le potentiel de la musique à changer les perceptions contemporaines et modernes de sa place dans le monde. Cela demande une utilisation créative des sources documentaires et musicales, accompagnée d’une bonne dose de réflexion théorique. « C’est ainsi que nous pouvons sauver du silence les sons d’un passé lointain et obscur et évoquer ainsi, pour l’oreille moderne, les lointains paysages sonores urbains. », T. Carter, « El sonido del silencio : modelos para una musicología urbana », Música y cultura urbana en la edad moderna, éd. A. Bombi, J. J. Carreras et M. A. Marín, Valencia, Universitat de Valencia, 2005, p. 65. Voir aussi J. J. Carreras, « Música y ciudad : de la historia local a la historia cultural », id., p. 17-51 et Les paysages sonores du Moyen Âge à la Renaissance, éd. L. Hablot et L. Vissière, Rennes, PUR, 2015. Pour ce qui concerne l’intérêt accru et récent pour cette question de la part des musicologues, voir Music and Musicians in Renaissance Cities and Towns, éd. F. Kisby, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 ; Musik und Urbanität, éd. C. Kaden et V. Kalisch, Essen, Die blaue Eule, 2002 ; L. Petit, « Cités de la musique et musiques dans la cité », Villes. Prétentaine, no 16-17/2, 2003 (mai 2006), p. 365-393 ; Música y cultura urbana en la edad moderna, op. cit. ; Music as Social and Cultural Practice. Essays in Honour of Reinhard Strohm, éd. M. Bucciarelli et B. Joncus, Woodbride, Boydell Press, 2007, voir notamment les p. 105-195 ; Mélodies urbaines. La musique dans les villes d’Europe (xive-xixe siècles), éd. L. Gauthier et M. Traversier, Paris, PUPS, 2008 ; Espaces et lieux de concert en Europe, 17201920 : architecture, musique, société, éd. P. Veit, H. E. Bödeker et M. Werner, Berlin, Berliner Wissenschafts, 2008 ; The Music Room in Early Modern France and Italy. Sound, Space and Object, éd. D. Howard et L. Mauretti, Oxford, Oxford University Press, 2012 ; C. Giron-Panel, Musique et musiciennes à Venise. Histoire sociale des Ospedali, Rome, École française de Rome, 2015 et notamment le chapitre III ; A. Morelli, Teatro della vista e dell’udito. La musica e i suoi luoghi nell’età moderna, Lucques, LIM, 2017 ; C. Cuneo, « L’espace urbain à Turin. Modèles, stratégies et pratiques d’une ville-capitale », L’État, la cour et la ville. Le duché de Savoie au temps de Christine de France (1619-1663), éd. G. Ferretti, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 513-535 et Hearing the City in Early Modern Europe, éd. T. Knighton et A. Mazuela-Anguita, Turnhout, Brepols, 2018. Voir M. Fantoni, Il potere dello spazio. Principi e città d’Italia dei secoli xv-xvii, Rome, Bulzoni, 2002 ; Mythologies urbaines. Les villes entre histoire et imaginaire, éd. A. Cabantous, Rennes, PUR, 2004 ; C. Charle, « Introduction : l’attraction culturelle des capitales », op. cit. ; Le destin des rituels : faire corps dans l’espace urbain, Italie-France-Allemagne, éd. G. Bertrand et I. Taddei, Rome, École française de Rome, 2008 ; Spazi veneziani. Topografie culturali di una città, éd. S. Meine, Rome, Viella, 2014 et D. Iogna-Prat, Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l’architecture de la société, Paris, PUF, 2016.
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Introduction
sur la construction de l’identité qu’elle soit civile55, nobiliaire56 ou religieuse57. L’examen de la permanence et de la transformation des identités culturelles, c’est-à-dire de leur circulation, de leur transfert et de leur croisement, produit une « secondarité culturelle58 ». Le cas du ballet représentatif à la cour de Turin à l’époque de D’India est à la fois un exemple et un observatoire de l’entrelacement de plusieurs identités. Espace sonore, architecture, urbanité et (trans)formation de l’identité ont partie liée avec la politique. L’histoire politique est un autre axe disciplinaire de cet ouvrage. Bien conscient que l’histoire est le seul apprentissage sérieux de la politique59, nous avons concentré nos recherches sur deux points spécifiques : la géopolitique et la diplomatie aristocratique60 et plus particulièrement, dans ce dernier domaine, la diplomatie musicale61. En effet, celle-ci, à travers l’étude des dynamiques historiques de 55 Voir Identità collettive tra Medioevo ed Età Moderna, éd. P. Prodi et W. Reinhard, Bologne, CLUEB, 2002 ; Le sentiment national dans l’Europe méridionale aux xvie et xviie siècles, éd. A. Tallon, Madrid, Casa de Velázquez, 2007 ; Cultural Exchange in Early Modern Europe, vol. IV : Forging European Identities, 1400-1700, éd. H. Roodenburg, Cambridge, Cambridge University Press, 2007 ; Architettura e identità locali, vol. I, éd. L. Corrain et F. P. di Teodoro, Florence, Olschki, 2013 ; Architettura e identità locali, vol. II, éd. H. Burns et M. Mussolin, Florence, Olschki, 2013 et F. Lenzo, « Public Display and Civic Identity. Antiquities in the Seggi of Southern Italy, 14th to 18th centuries », Journal of History of Collections, no 27/2, 2015, p. 159-174. 56 S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare, op. cit. Pour un ouvrage qui analyse la guerre en tant qu’élément identitaire de la noblesse en France, voir Armées, guerre et société dans la France du xviie siècle, actes du viie colloque du Centre International de Rencontres sur le xviie siècle, Nantes, 18-20 mars 2004, éd. J. Garapon, Tübingen, Günther Narr Verlag, 2006. 57 Voir Rome : l’espace urbain et ses représentations, éd. F. Hinard et M. Royo, Paris-Tours, PUPS-MSV, 1991 et Identità e rappresentazione. Le chiese nazionali a Roma, 1450-1650, éd. A. Koller et S. Kubersky-Piredda, Rome, Campisano, 2016. 58 Rémi Brague a développé le concept de « secondarité culturelle » dans Europe, la voie romaine, Paris, Critérion, 1992, concept selon lequel la culture, en Europe, est, historiquement, un élément « fondamentalement étranger ». 59 Nous empruntons cette formule à H. Allain-Targé, La République sous l’Empire – Lettres (1864-1870), Paris, Grasset, 1939, p. 54. 60 Voir G. Mattingly, Renaissance Diplomacy, Londres, Cape, 1955 ; S. Kettering, Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth-Century France, Oxford, Oxford University Press, 1986 ; D. Frigo, « Corte, onore e ragion di stato : il ruolo dell’ambasciatore in età moderna », Ambasciatori e nunzi : figure della diplomazia in età moderna, Cheiron, no 30/2, 1998, p. 13-32 (pages manquantes) ; Politics and Diplomacy in Early Modern Italy : The Structure of Diplomatic Practice, 1450-1800, éd. D. Frigo, Cambridge, Cambridge University Press, 2000 ; T. Hampton, « The Diplomatic Moment. Representing Negociation in Early Modern Europe », Modern Language Quarterly, no 67, 2006, p. 81-102 ; Your Humble Servant : Agents in Early Modern Europe, éd. H. Cools, M. Keblusek et B. Noldus, Hilversum, Uitgeverij Verloren, 2006 ; L. Bély, L’art de la paix en Europe. Naissance de la diplomatie moderne xvie-xviiie siècle, Paris, PUF, 2007 ; D. Frigo, « Prudence and Experience : Ambassadors and Political Culture in Early Modern Italy », The Journal of Medieval and Early Modern Studies, no 38/1, 2008, p. 15-34 ; T. Hampton, Fictions of Embassy : Literature and Diplomacy in Early Modern Europe, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 2009 ; Paroles de négociateurs. L’entretien dans la pratique diplomatique de la fin du Moyen âge à la fin du xixe siècle, éd. S. Andretta, S. Péquignot, M.-K. Schaub, J.-C. Waquet et C. Windler, Rome, École française de Rome, 2010 ; B. Haan, L’amitié entre princes. Une alliance franco-espagnole au temps des guerres de Religion (1560-1570), Paris, PUF, 2010 ; Double Agents. Cultural and Political Brokerage in Early Modern Europe, éd. M. Keblusek et B. Vera Noldus, Leiden-Boston, Brill, 2011 ; À la place du roi : vice-rois, gouverneurs et ambassadeurs dans les monarchies française et espagnole xvie-xviiie siècles, éd. D. Aznar, G. Hanotin et N. F. May, Madrid, Casa de Velázquez, 2014 et De l’ambassadeur. Les écrits relatifs à l’ambassadeur et à l’art de négocier du Moyen âge au début du xixe siècle, éd. S. Andretta, S. Péquignot et J.-C. Waquet, Rome, École française de Rome, 2015. 61 Sur ce thème, voir L. Bély, « Musique et musiciens dans les relations internationales à l’époque moderne », Le musicien et ses voyages : pratiques, réseaux et représentations, éd. C. Meyer, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2003, p. 9-27 ; C. Rico-Oses, L’image de l’Espagne en France au xviie siècle : les sources musicales éclairées par les témoignages historiques, diplomatiques, littéraires et picturaux (1610-1674), Lille, ANRT, 2007 ; M. Traversier, Gouverner l’opéra : une
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Première partie
la représentation princière et de l’imaginaire collectif et en établissant une analogie entre le langage musical et le langage diplomatique62, donne une place importante au phénomène de la médiation artistique : l’histoire est le point de départ de la construction de l’imaginaire social. Il nous fallait donc établir des liens avec l’histoire culturelle63 en tant que « lieu d’accueil privilégié d’une étude historique sur la musique64 » afin d’examiner la dimension évolutive – la temporalité, la continuité voire les mutations – de la vie musicale des cours italiennes avec lesquelles D’India fut en contact. L’histoire culturelle accorde une place centrale à l’imaginaire, aux comportements et aux représentations. C’est là que le dialogue avec l’histoire de la musique peut se révéler fécond : il permet d’ajouter à l’étude de l’image et des mentalités65 le volet spécifique de l’image sonore et de la pratique musicale. Nous retrouvons ici la notion de circularité qui permet de décentrer le regard du chercheur. Enfin, ce livre doit beaucoup aux apports récents de l’histoire croisée (entangled history) à la musicologie66 en ce qu’ils permettent de traiter une discipline avec les outils méthodologiques d’une autre, mais également de renouveler et de constamment réévaluer les cadres d’analyse et les contextes historiques et historiographiques. L’approche historique croisée permet d’enrichir et d’articuler la démarche comparatiste67 – la perspective synchronique – et la problématique des transferts68 – la perspective diachronique. Grâce au paradigme du croisement, qui permet de mettre au centre l’idée d’intersection de mondes composites en mouvement et d’étudier les conséquences réciproques de histoire politique de la musique à Naples, 1767-1815, Rome, École française de Rome, 2009 et Music and Diplomacy from the Early Modern Era to the Present, éd. R. Ahrendt, M. Ferraguto et D. Mahiet, New York, Palgrave Macmillan, 2014. 62 L. Bély, « Musique et musiciens dans les relations internationales », op. cit., p. 10. 63 Nous adoptons ici l’approche de l’histoire contemporaine qui conçoit l’histoire culturelle comme l’étude de l’impact social et politique des évolutions, représentations et modifications des formes culturelles. Voir M. Espagne, « Sur les limites du comparatisme en histoire culturelle », op. cit., p. 112-121 ; J.-F. Sirinelli, « De la demeure à l’agora. Pour une histoire culturelle du politique », Axes et méthodes de l’histoire politique, éd. S. Berstein et P. Milza, Paris, PUF, 1998, p. 381-398 ; J.-F. Schaub, « Une histoire culturelle comme histoire politique (note critique) », Annales, no 56, juilletoctobre, 2001, p. 981-997 ; P. Ory, L’histoire culturelle, Paris, PUF, 2004 ; L’histoire culturelle du contemporain. Actes du colloque de Cerisy, 23-30 août 2004, éd. L. Martin et S. Venayre, Paris, Nouveau monde, 2005 ; S. Hazareesingh, « L’histoire politique face à l’histoire culturelle : état des lieux et perspectives », Revue historique, no 642/2, 2007, p. 355-368 et O. Lévy-Dumoulin, « Esquisse d’un bilan de l’histoire culturelle en France depuis 1995 », Les historiens français à l’œuvre, op. cit., p. 237-259. 64 F. Alazard, Art vocal. Art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 23. 65 L’histoire culturelle peut également trouver des prolongements méthodologiques, en ce qui concerne la transmission culturelle et la mutation des comportements, dans la médiologie, méthode d’analyse des transferts, des médiations et des corrélations culturelles. Voir la revue Médium dirigée par le philosophe Régis Debray. 66 Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples, op. cit. 67 M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée », op. cit., p. 16-19. Voir aussi J. Kocka et H. G. Haupt, « Comparison and Beyond : Traditions, Scope, and Perspectives », Comparative and Transnational History. Central European Approches and New Perspectives, éd. H. G. Haupt et J. Kocka, New-York-Oxford, Berghahn Books, 2009, p. 1-30 et S. Cerutti et I. Grangaud, « Comparer par cas. Esquisse d’un projet comparatiste », L’expérience historiographique. Autour de Jacques Revel, éd. A. Lilti, S. Loriga, J.-F. Schaub et S. Sebastiani, Paris, EHESS, 2016, p. 151162. Concernant l’importance de l’approche comparatiste à l’époque qui nous intéresse, nous pouvons mentionner le manifeste du groupe Europa delle corti qui appelle à une reconstitution des cours en fonction du contexte social et non pas à partir et autour de la personne du souverain, voir A. Tenenti, « La Corte nella storia dell’Europa moderna (13001700) », Le corti farnesiane di Parma e Piacenza (1545-1622), 3 vol., vol. I : « Potere e società nello stato farnesiano », éd. M. A. Romani, Rome, Bulzoni, 1978, p. ix-xix et The Court in Europe, éd. M. Fantoni, Rome, Bulzoni, 2012. 68 M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée », op. cit., p. 19-21 et 39-40. Voir aussi P. Ther, « Comparisons, Cultural Transfers and the Study of Networks. Towards a Transnational History of Europe », Comparative and Transnational History, op. cit., p. 204-225.
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Introduction
ces points de rencontre que sont l’hybridation, la transformation et le changement69, on peut mieux saisir la complexité, la pluridirectionalité ainsi que la singularité des configurations et des interactions culturelles et sociales. Une recherche fondée sur l’histoire culturelle, qu’elle s’inscrive dans une perspective globale ou croisée, doit se méfier de certains écueils post-modernes comme le sociologisme, le réductionnisme, le relativisme et le culturalisme qui conduisent tous à une fragmentation des savoirs, à l’adoption sans recul de thèses idéologiques comme le moralisme70 ou la monocausalité : « la superstition de la cause unique71 ». Ce n’est pas parce que les sciences humaines demandent l’implication personnelle du chercheur qu’une part de subjectivité est inévitable72 ni parce que « toute histoire est histoire contemporaine » – pour reprendre les mots de Benedetto Croce – que l’on doit abolir la nécessaire et salutaire distinction entre la science et le militantisme ainsi que la volonté de prendre de la distance avec son objet de recherche. Présentation générale de la première partie
Cette première partie, qui prend sa source dans notre thèse de doctorat73, opte donc pour une démarche thématique, centrée sur l’analyse de l’espace et des personnages, et combinée avec une approche chronologique. Le premier chapitre porte sur les origines nobiliaires et la formation du compositeur entre la Sicile et Naples. Elle présente plusieurs documents inédits sur deux D’India – nom encore porté de nos jours en Sicile – ayant vécu au xvie siècle dans la province de Palerme. Elle se concentre ensuite sur la ville de Naples où vivaient, à l’époque où serait né le musicien, plusieurs D’India « nobles palermitains ». Notre hypothèse est que le compositeur pourrait venir de cette famille d’origine sicilienne. Le deuxième chapitre concerne la cour de Turin, cour hybride et excentrique, à mi-chemin entre Paris et Rome, où D’India est engagé comme maître de la musique de chambre de 1611 à 1623 grâce à la médiation de Girolamo Borsieri et d’Amédée de Savoie. C’est à travers l’étude des rapports directs et indirects du compositeur avec son patron principal, le duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier – demifrère d’Amédée de Savoie –, et avec sa belle-fille, la princesse Christine de France – arrivée à Turin en 1619 –, mais également par l’examen des goûts artistiques et des orientations politiques de ces deux personnages, que se constitue le récit de la ville – alors en pleine métamorphose. Cette enquête révèle la configuration et la position géopolitique particulières de la cour de Savoie où la musique s’insère dans l’espace urbain à travers les spectacles – dont la danse est le principal observatoire de l’influence française – destinés à mettre en scène son identité, ses aspirations politiques et son histoire. D’India est l’un des principaux acteurs de l’édification de ce théâtre du pouvoir qui met en évidence le pouvoir du théâtre. M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée », op. cit., p. 21-23. Le moralisme conduit inévitablement à l’anachronisme puisqu’il force une période étudiée à entrer dans une catégorie de pensée qui lui est postérieure. 71 M. Bloch, « Chapitre V », Apologie pour l’histoire, op. cit., p. 188, voir aussi « L’analyse historique », p. 163. Le livre de Marc Bloch reste l’un des meilleurs antidotes contre ces dérives. 72 Voir P. Ricœur, « Objectivité et subjectivité en histoire », Histoire et vérité, Paris, Le Seuil, 1964, p. 23-44. 73 J. Morales, Sigismondo D’India à la cour de Turin. Musique, mécénat et identité nobiliaire, thèse de doctorat, Université de Paris-Sorbonne et Università di Roma La Sapienza, 2014, consultable en ligne : http://www.e-sorbonne.fr/ theses/2014pa040139. 69 70
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Première partie
Dans le troisième chapitre, on analysera pour la première fois les rapports du compositeur avec le duché de Parme et de Plaisance à travers cinq dédicataires de ses œuvres originaires de cette région : le marquis Pier Francesco Malaspina, la nobildonna Barbara Landi Barattieri, le duc de Parme Ranuccio Farnese74, l’abbé Diofebo Farnese et le comte Federico Rossi di San Secondo. La reconstruction des cours et de la vie75 de ces nobles se double d’une étude de l’enchevêtrement des réseaux nobiliaires, ce qui permet d’éclairer la riche activité musicale de D’India à l’intérieur du Stato Farnese et de ses cours satellites. Apparaît dès lors le contexte historique, géopolitique, religieux et artistique animé par un nombre important de musiciens, d’artistes et des personnages intermédiaires. Le quatrième chapitre se concentre sur la ville de Milan et met en avant le cosmopolitisme de son milieu musical. L’examen des relations de D’India avec les éditeurs de musique milanais est riche d’enseignements même si l’état lacunaire des archives laisse subsister de nombreuses zones d’ombre. L’analyse des rapports qu’entretient le cardinal Federico Borromeo – l’un des personnages les plus importants de la capitale lombarde – avec la dévotion religieuse, la philosophie, la littérature, les arts figuratifs et la musique76 mais aussi, sur un autre registre, de ses liens avec d’autres villes, comme Rome et Turin, montre la singularité et l’unité de ses réflexions sur l’art et de ses idées religieuses où beauté et morale sont intimement liées. C’est grâce à l’examen de la personnalité du prélat que nous pouvons mieux comprendre son activité de mécène – marquée aussi bien par la circulation d’artistes et d’idées que par celle des styles et des genres musicaux – mais également l’éclectisme de sa pensée musicale dont l’un des témoignages les plus importants est le livre de motets que D’India lui a dédié en 1627, reflet d’une esthétique particulière et d’une modernité paradoxale. Le cinquième chapitre porte sur les rapports politiques et culturels de l’Autriche et de l’Allemagne avec l’Italie à travers l’examen des rapports croisés – qui combinent politiques familiales, espaces géographiques et transferts des pratiques musicales – entre quatre princes mélomanes, également protecteurs du compositeur : le prince-archevêque de Salzbourg Marco Sittico Altemps, l’archiduc Ferdinand II d’Autriche, l’archiduc Charles de Habsbourg et le prince-électeur Maximilien de Bavière. Mobilité et échange participent ainsi à la construction du rayonnement culturel et de la renommée du monde musical italo-germanique de cette période. La diffusion de la musique de D’India dans cette partie de l’Europe dévoile les mécanismes de protection nobiliaire, les stratégies de carrière du musicien ainsi que l’éclectisme et l’avant-garde de sa production musicale. Le sixième chapitre relie l’Angleterre et Venise à travers l’étude de deux cas : le séjour à Venise de l’ambassadeur anglais Henry Wotton – à qui le compositeur dédie un livre de madrigaux en 1616 – et l’octroi du prestigieux titre vénitien de Chevalier de Saint-Marc à D’India grâce à la médiation du cardinal Maurice de Savoie. Une problématique sous-tend ce récit : le rôle de la musique et des musiciens dans les négociations diplomatiques77. Cette réflexion sur la diplomatie musicale permet d’approfondir notre connaissance sur l’art de l’éblouissement politique à travers le spectacle, les dynamiques de la représentation dans toute leur complexité et la formation de l’identité nobiliaire. 74
Sans oublier son frère, le prince cardinal Odoardo Farnese, même s’il ne figure pas parmi les mécènes ni les dédicataires du compositeur. 75 Nous avons eu recours à la généalogie, en tant que discipline auxiliaire, afin de rendre plus claires les histoires familiales. 76 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica : scritti e carteggi, Rome, Bulzoni, 2012. 77 Problématique dont l’intérêt est récent, voir R. Ahrendt, M. Ferraguto et D. Mahiet, « Introduction », Music and Diplomacy from the Early Modern Era to the Present, op. cit., p. 9.
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Introduction
Le septième chapitre est consacrée à la cour de Modène, ville où D’India effectue plusieurs séjours après son départ de la cour de Turin entre 1623 et jusqu’à la fin de sa vie en 1629. Le compositeur est l’un des principaux acteurs du renouveau de la musique vocale et du spectacle et l’un des musiciens les plus appréciés de la cour du prince A lphonse d’Este et de son épouse Isabelle d’EsteSavoie, deux personnages à qui il dédie plusieurs recueils de musique. La mort de cette dernière interrompt la représentation dans cette ville de la première pièce de théâtre entièrement chantée : L’isola d’Alcina d’après un livret de Fulvio Testi – poète et diplomate ferrarais – et sur une musique – perdue – de D’India. De même, la musique écrite par le compositeur pour la messe solennelle lors des funérailles de la princesse n’a jamais été retrouvée. L’étude de la vie musicale à Modène – qui montre l’hétérogénéité et le dynamisme du patronage nobiliaire ainsi que l’articulation entre liens familiaux et mécénat aristocratique – est complétée par une recherche archivistique, démarche archéologique qui révèle la circulation des musiciens et les échanges culturels à travers la cour. Ainsi, la traque des traces culturelles met en mouvement les thématiques de la temporalité, de la transmission et de la dissémination des styles et des genres musicaux en Italie en tant que vecteurs de civilisation. Ce travail de reconstitution historique nous donne également des éléments nouveaux sur le contexte musical dans lequel a vécu le compositeur ainsi que quelques réponses sur les circonstances de sa disparition. Enfin, le huitième chapitre se focalise sur la cour de Rome et plus particulièrement sur les figures du cardinal Maurice de Savoie et du pape Urbain VIII. Le premier est le protecteur le plus important de D’India. En effet, le musicien, en tant que gentilhomme du cardinal, intègre la noblesse de service de la cour romaine du prélat au palais Orsini de Montegiordano. C’est dans ce lieu que se réunit l’Académie des Desiosi, centre de l’action politique et de l’expression de la magnanimité et de la libéralité du prince-cardinal. C’est à travers l’étude de la sociabilité intellectuelle et artistique78 de cette Académie d’armes et de lettres que se dévoile une partie importante des goûts artistiques des cardinaux mélomanes79, des pratiques culturelles dans l’espace urbain romain et dans sa périphérie et de l’activité musicale de D’India dans la Ville éternelle. Quant au second, le pape Barberini, une recherche sur l’année 1625 – année particulièrement riche en fêtes et célébrations – autour d’une messe polyphonique manquante que le compositeur lui a dédiée, nous permet d’éclairer une autre facette du séjour romain de D’India. Nous remercions très chaleureusement Philippe Vendrix pour sa confiance ainsi que Frédéric Michel qui est à l’origine de cette aventure. Nous remercions aussi l’Université de Paris-Sorbonne, laquelle, grâce à la bourse « Jeunes chercheurs », nous a permis de compléter nos recherches pour ce livre. Toute notre gratitude va également à Dinko Fabris, Anne-Madeleine Goulet, Isabelle His, Raphaëlle Legrand, Arnaldo Mo-
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Pour une réflexion sur l’Académie en tant qu’observatoire de la vie intellectuelle italienne ainsi que sur son rôle dans la circulation des idées et dans la production d’œuvres d’art, voir J. Boutier, « Les membres des Académies florentines à l’époque moderne. La sociabilité intellectuelle à l’épreuve du statut et des compétences », Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens, op. cit., p. 405-443 et Intrecci virtuosi. Letterati, artisti e accademie tra Cinque e Seicento, éd. C. Chiummo, A. Geremicca et P. Tosini, Rome, De Luca, 2017. Sur cette question, voir l’ouvrage pionnier intitulé Les cardinaux de la Renaissance et la modernité artistique, éd. F. Lemerle, Y. Pauwels et G. Toscano, Lille, CEGES, 2009. Pour une étude plus vaste sur la figure du cardinal de la première modernité, voir A Companion to the Early Modern Cardinal, éd. M. Hollingsworth, M. Pattenden et A. Witte, Leiden, Brill, 2019.
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Première partie
relli et Massimo Privitera qui nous ont fait bénéficier de leur savoir pour la préparation de cet ouvrage80 , sans oublier Océane Boudeau, Nathan Carlig, Anne et Charles Coutel, Mathieu Ferrand, Sébastien Guillot-Genton, Gérard Guasch et Dania Tchalik pour leurs relectures attentives, Vincent Besson pour son travail éditorial et Özcan Cirik et Stéphane Trapier pour leurs illustrations. Enfin, j’exprime ma profonde gratitude à Samuël Tomei, éminent historien, qui a courageusement relu tout cet ouvrage.
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Que soient également remerciés Anna Alberati, Pierre-Valéry Cyrille Archassal, Gianfranco Armando, Maria Antonella Balsano, Alberto Basso, Nicolas Bercet, Giuseppe Bertoni, Paola Besutti, Maud Caillat, Paolo Emilio Carapezza, Paolo Cherubini, Giuseppe Collisani, Antonio Contino, Catherine Deutsch, Jean-François Dubost, Markus Engelhardt, Cristina Falcucci, Jean Fracchiolla (†), Andrea Garavaglia, Massimo Gentili-Tedeschi, Ilaria Grippaudo, Inga Mai Groote, Monica Grossi, Giovanni Indulti, Robert L. Kendrick, Catherine Kintzler, Salvatore Mantia, Fabrizio Martello, Corrado Mingardi, Barbara Nestola, Fabrizio Pagani, Anne Piéjus, Franco Piperno, Olivier Poncet, Lorenzo Pongiluppi, Théodora Psychoyou, Helen Rodney-Drouin, Lina Rotondi, Francesco Russo, Sabrina Saccomani, Julie Safier, Cristina Targa, Anna Tedesco, Rosario Termotto, Pater Thomas, Graziano Tonelli, Daniele Torelli et Ferdinand Wagner pour leurs précieux conseils méthodologiques, bibliographiques, archivistiques, paléographiques, linguistiques et autres.
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1 Chapitre I : Entre la Sicile et Naples Sigismondo D’India, « noble palermitain » ?
La date de naissance de Sigismondo D’India reste incertaine. L’année où le compositeur serait né1, nous pouvons lire dans le journal de la ville de Palerme : 1582, le 22 février. Ce fut la première fois que l’on a joué une comédie dans les salons du Spasimo [l’église dello Spasimo se trouve dans le quartier de la Kalsa 2], ainsi que l’a voulu le Seigneur vice-roi Marco Antonio Colonna3 [frère naturel de Philippe II d’Espagne et vice-roi de 1577 à 1584].
Dans une note de bas de page, Gioacchino Di Marzo, qui a réalisé l’édition de ce journal au xixe siècle, écrit : L’église du Spasimo, édifice grand et superbe, qui appartenait à la congrégation [bénédictine] du Mont-Olivet, fut transférée à l’église du Santo Spirito de la ville, car celle-là devint maison profane, puisque l’église, se dégradant, fut transformée en théâtre où l’on représentait des comédies ; […]. C’est ici que furent jouées les premières œuvres dramatiques parmi lesquelles la représentation du martyre de sainte Christine (éditée à Palerme en 1585, et à nouveau à Venise en 1597) et l’Alexandrie ou tragédie de sainte Catherine […] toutes deux œuvres du Palermitain Gaspare Licco4.
L’extrait cité dénote la richesse de l’activité culturelle telle qu’elle s’est développée dans la seconde moitié du xvie siècle dans la capitale de cette vice-royauté dépendant de la couronne d’Aragon, puis de Castille-Aragon, pour enfin faire partie du vaste empire de Charles Quint. Ainsi, c’est « à partir
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Sa date de naissance a été calculée en fonction de sa première publication de 1606. En effet, pour publier un premier recueil de musique sous son propre nom, il fallait atteindre nécessairement la majorité qui était alors fixée à vingtcinq ans. Un compositeur ayant publié un recueil plus tôt aurait dû ajouter à son nom, à titre de garantie, celui de son maître. Voir O. Mischiati, « Considerazioni in margine alla dedica come tramite tra compositore e committente », Fausto Torrefranca : l’uomo, il suo tempo, la sua opera. Atti del Convegno Internazionale di Studi Vibo Valentia, 1517 dicembre 1983, éd. G. Ferraro et A. Pugliese, Vibo Valentia, IBMC, 1993, p. 224. Le quartier de la Kalsa fut construit pendant la domination arabe de la Sicile du ixe au xe siècle. Il s’agit de l’un 2 des quartiers les plus anciens de Palerme où se trouvent des monuments (palais, églises et oratoires du xvie et du xviie siècle) parmi les plus importants de la ville. Quant à l’église de Santa Maria dello Spasimo, aujourd’hui en ruines, son architecture « montre encore aujourd’hui la noblesse de la langue gothique arrivée en Sicile dans sa version hispanisée. ». Voir G. Bellafiore, Idea di Palermo barocca, Palerme, Editori Stampatori Associati, 1971, p. 4. Voir aussi F. Benigno et G. Giarrizzo, Storia della Sicilia, Rome-Bari, Laterza, 2003, vol. I. 3 « 1582 – A 22 di febraro. Fu la prima volta che si recitò comedia alle stianze dello Spasimo, chè così volse il signor Marco Antonio Colonna vicerè. », G. Di Marzo, Diari della città di Palermo dal secolo xvi al xix. Opere storiche inedite sulla città di Palermo ed altre città siciliane pubblicate su’ manoscritti della Biblioteca comunale, Palerme, Pedone-Lauriel, 1869, vol. I, p. 95. 4 « La chiesa dello Spasimo, edificio grande e superbo, che fu dei padri di Monte Oliveto, fu cambiato con la chiesa di Santo Spirito della Città, per convertirsi quello in casa profana, perchè la chiesa, disgradandosi, se convertì in un teatro, ove si rappresentano le comedie […]. E fra le prime opere drammatiche vi furono eseguite la Representatione del martirio di s. Christina (edita a Palermo nel 1585, e di nuovo a Venezia nel 1597) e l’Alessandria o tragedia di santa Caterina […] opere l’una e l’altra di Gaspare Licco palermitano. », id., p. 95, n. 1.
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des célébrations de bienvenue en l’honneur de Charles Quint à l’automne 15355, que se développe de manière perceptible une certaine ligne culturelle marquée par des manifestations spectaculaires […] jusqu’alors inconnues dans l’île. […]. Elles constitueront un pas décisif qui conduira la Sicile vers les fastes de la fin de la Renaissance et de l’époque baroque6. » C’est dans ce contexte politique et culturel que Sigismondo D’India aurait vu le jour à Palerme. Si le compositeur utilise le titre de « noble palermitain » lors de la publication de ses premiers livres de musique7, aucun document d’archive n’atteste qu’il soit vraiment né à Palerme, noble qui plus est, ni ne nous renseigne sur son éventuelle formation en Sicile ou sur ses rapports avec le milieu musical palermitain. La naissance du compositeur en Sicile n’est donc pas certaine, même si elle a été admise par la tradition musicologique8. Nigel Fortune a relevé en 19559 le peu d’informations à notre disposition sur les origines de D’India, les recherches en la matière s’étant jusque-là révélées vaines. Nous examinerons par conséquent les liens du compositeur avec la Sicile, à supposer qu’il y soit né et qu’il s’y soit formé, en nous intéressant à la vie musicale de l’île et en tâchant d’en savoir davantage sur les D’India de la région de Palerme grâce à l’examen d’archives inédites. Il s’agira ensuite d’établir de nouvelles hypothèses sur le lieu de naissance du compositeur qui nous mèneront du côté de Naples. D’India et les compositeurs siciliens
Paolo Emilio Carapezza10 a proposé une classification des madrigalistes siciliens selon le style ou bien selon l’ordre chronologique. Il prend pour exemple les six plus grandes figures musicales de l’île. Si l’on tient compte du style, les « classiques » Pietro Vinci et Giuseppe Palazzotto Tagliavia s’opposent aux 5
Pour une chronique concernant les festivités pour l’arrivée de Charles Quint à Palerme, voir M. Fagiolo et M. L. Madonna, Il Teatro del Sole : la rifondazione di Palermo nel Cinquecento e l’idea della città barocca, Rome, Officina, 1981, p. 216-217. 6 « A partire dalle celebrazioni d’accoglienza per Carlo V nell’autunno del 1535, il percepibile sviluppo di una certa linea culturale portata a diverse manifestazioni di spettacolarità […] fino ad allora sconosciute nell’isola. […]. Saranno passi decisivi in Sicilia verso i fasti dell’età tardo-rinascimentale e barocca. », id., p. 166. Sur le développement des célébrations et d’autres « rituels urbains » à Palerme dans la seconde moitié du xviie et au xviiie siècle, voir A. Tedesco, « La ciudad como teatro : rituales urbanos en el Palermo de la Edad Moderna », Música y cultura urbana en la Edad Moderna, éd. A. Bombi, J. J. Carreras et M. A. Marín, Valencia, Universitat de Valencia, 2005, p. 219-242. 7 Sigismondo D’India, Libro primo de madrigali a cinque voci, Milan, Tradate, 1606 (dans ce recueil, le compositeur utilise uniquement le titre de « Palermitain ») ; Delle Villanelle alla napolitana a tre voci di Sigismondo D’India nobile palermitano Libro primo, Naples, Carlino & Vitale, 1608 ; Le Musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili, Milan, Tini et Lomazzo, 1609 ; Novi concentus ecclesiastici binis, ternis vocibus concinendi Sigismundi De India Nobilis Panormitani, Venise, Gardano, 1610 ; Liber secundus sacrorum concentuum Sigismundi De India Nobilis Panormitani, Venise, Gardano, 1610 ; Libro secondo de madrigali di Sigismondo D’India nobile palermitano, Venise, Gardano, 1611 et Libro secondo delle villanelle alla napolitana a 3, 4 & 5 voci, Venise, Gardano, 1612. 8 Pour les questions que les musicologues se sont posées dans les années 1990 à propos de la naissance de D’India, voir P. E. Carapezza, « Un altro mercurio, il nuovo Dio della Musica », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 14 et N. Maccavino, « Il Primo libro di Villanelle alla napolitana di Sigismondo D’India, “nobile palermitano” », Villanella, Napolitana, Canzonetta. Relazioni tra Gasparo Fiorino, compositori calabresi e scuole italiane del Cinquecento. Atti del Convegno Internazionale di Studi, Arcavacata di Rende-Rossano, 9-11 dicembre 1994, éd. M. P. Borsetta et A. Pugliese, Vibo Valentia, Istituto di Bibliografia Musicale Calabrese, 1999, p. 245. 9 N. Fortune, « Sigismondo d’India. An Introduction to his Life and Works », Proceedings of the Royal Music Association, no 81, 1955, p. 44-45. 10 P. E. Carapezza, « Madrigalisti siciliani », Nuove Effemeridi, no 11/3, 1990, p. 105.
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Chapitre I : Entre la Sicile et Naples
« maniéristes » Giandomenico Martoretta et Claudio Pari – Bourguignon établi à Palerme – d’une part, et Antonio Il Verso et Sigismondo D’India, de l’autre. Si l’on prend la chronologie, Martoretta, Vinci et Il Verso appartiennent à la première phase de la seconda pratica, tandis que D’India – chez qui domine la représentation dramatique –, Palazzotto – chez qui domine l’expression lyrique – et Pari – chez qui domine le mouvement contrapuntique – appartiennent à la seconde phase de la seconde pratique. Dans l’hypothèse où il est serait né à Palerme, Sigismondo D’India aurait été le chef de file de cette seconde phase de la seconda pratica de l’école polyphonique sicilienne. Ainsi, la seconde moitié du xvie siècle, en Sicile, fut « très dense » sur le plan musical. La pratique polyphonique aura cours dans toutes les chapelles de l’île, les principales familles aristocratiques11 se transférant dans les grandes villes (Palerme et Messine) avec leur cour, leurs chapelles et leurs musiciens12. Le recueil Infidi lumi
En réalité, aucun lien concernant les rapports musicaux et artistiques entre le compositeur et la Sicile ne peut à ce jour être documenté. La première édition du catalogue sur la musique vocale profane en Italie de Vogel et Einstein13 répète une erreur commise par plusieurs musicologues14 qui ont associé à tort le nom de D’India à la collection de madrigaux de différents auteurs siciliens publiée à Palerme chez Maringo en 1603 et appelé Infidi lumi (Yeux infidèles) – œuvre perdue15 mais dont l’épître dédicatoire a survécu. Ce recueil a été édité par le compositeur Sebastian Raval et contenait vingt-cinq madrigaux de dix-neuf compositeurs sur des poèmes de Luigi d’Eredia – poète palermitain – qui se terminent tous par le même vers du Tasse : Specchi del cor fallaci, infidi lumi (Miroirs fallacieux du cœur, yeux infidèles16) ; variations musicales sur un même thème poétique dans le droit fil de la tradition artistique de la Renaissance fondée sur l’émulation et la compétition. Les autres compositeurs présents dans ce recueil sont Vincenzo et Girolamo Branciforte, ce dernier comte de Cammarata17 – près d’Agrigente au sud de la Sicile –, Francesco Bruno d’Alcara – près Pour des travaux sur la vie et l’identité nobiliaire de la Sicile de cette époque, voir M. Zaggia, Tra Mantova e la Sicilia nel Cinquecento, Florence, Olschki, 2003, 3 vol. et La Sicilia dei Moncada : le corti, l’arte e la cultura nei secoli xvi-xvii, éd. L. Scalisi, Catane, Sanfilippo, 2006. 12 P. E. Carapezza, « Il Cardinal del Monte tra il Caravaggio e le Risa a Vicenda », Le risa a vicenda : vaghi e dilettevoli madrigali a cinque voci posti in musica da diversi autori, raccolti a dati luce da Giovan Pietro Flaccomio Siciliano da Milazzo – 1598, éd. P. E. Carapezza, Florence, Olschki, 1993, p. xviii (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XII). 13 E. Vogel et A. Einstein, Bibliography of Italian Secular Vocal Music Printed between the Years 1500-1700, New York, vol. V, 1945-1948, p. 280. 14 F. Mompellio, Pietro Vinci, madrigalista siciliano, Milan, Hoepli, 1937, p. 175, n. 5 ; N. Fortune, « Sigismondo d’India. An Introduction to his Life », op. cit., p. 30, n. 8 et J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, Ann Arbor, UMI Research Press, 1981, p. 1, n. 7. 15 L. Bianconi, « Sussidi bibliografici per i musicisti siciliani del Cinque e Seicento », Rivista Italiana di Musicologia, no 7, 1972, p. 18, n. 18. 16 P. E. Carapezza, « Il Cardinal del Monte », op. cit., p. xviii. 17 Cammarata deviendra un lieu emblématique du raffinement sicilien de cette époque. S’y épanouit une véritable école de madrigalistes, « signe tangible d’une fervente activité musicale dans le palais des ducs de S. Giovanni [les Branciforte, étaient l’une des familles les plus importantes de la Sicile à cette époque] : d’Onofrio de Arcos, dans les années 1570, jusqu’au Franciscain Vincenzo Gallo, du duc lui-même, le premier-né Girolamo, jusqu’à Antonio Il Verso et Sebastian Raval, ce dernier ayant été justement promu et soutenu par la famille Branciforte à sa nomination comme maître de la Chapelle palatine de Palerme en 1595. », V. Abbate, La grande stagione del collezionismo : mecenati, accademie e mercato dell’arte in Sicilia fra Cinque e Seicento, Palerme, Kalos, 2011, p. 139-140. Sur le collectionnisme à Cammarata, voir id., p. 19 et 81. Voir aussi la description de la Villa de Cammarata (San Michele) de M. Ciaurella 11
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Première partie
de Messine, au nord-est –, Mauro Ciaula ou Chiaula de Palerme18, Barbarino Costanzo, le chanoine Mariano Di Lorenzo de Noto – ville baroque sur la pointe sud-est de l’île –, Antonio Formica de Licata – au sud –, le Franciscain Vincenzo Gallo d’Alcara, Tommaso Giglio d’Enna – au centre –, Cornelio La Morsia, Vittorio Laudo d’Alcara, Girolamo Lombardo, le jésuite Erasmo Marotta de Randazzo19 – au nord-est –, Vincenzo Mirabella de Syracuse – au sud-est –, Giulio Oristagno de Trapani – sur la pointe nord-ouest –, Sebastian Raval, Francesco Tomèo et Nicolò Toscano20 – prêtre palermitain originaire d’Erice – au nord-ouest. Parmi ces compositeurs, tous sont Siciliens sauf un, l’Espagnol Sebastian Raval (c. 1550-1604). Il s’agit également des personnalités musicales les plus importantes de la Sicile de cette époque. Le recueil Le risa a vicenda
Un autre recueil collectif, sorte de première partie de l’Infidi lumi et appelé Le risa a vicenda : vaghi e dilettevoli madrigali a cinque voci posti in musica da diversi autori (Les rires collectifs : madrigaux gracieux et agréables à cinq voix mis en musique par différents auteurs) a été publié à Palerme chez Mongitore en 1598 par le prêtre musicien Giovan Pietro Flaccomio, originaire de Milazzo – au nord-est de la Sicile. Ce recueil présente, si l’on en croit Flaccomio, « différentes musiques [qu’il fit] composer pour [son] plaisir, il y a quelque temps, sur les paroles d’un même madrigal et par plusieurs excellents musiciens21 », parmi lesquels les Siciliens – pour la plupart également présents dans le recueil Infidi lumi – Francesco Bruno, Giovanni Domenico Carrozza de Messine22, Cornelio La Morsia, Girolamo Lombardo, Erasmo Marotta et Francesco Tomèo23. Selon l’éditeur de Le risa a vicenda, Antonino Mongitore, Flaccomio aurait été maître de chapelle de Philippe III d’Espagne et serait devenu par la suite aumônier du duc de Savoie à Turin où il serait mort en 161724, à l’époque où D’India était actif dans cette cour. Malheureusement, aucun document n’atteste une éventuelle rencontre entre les deux musiciens25. Nous remarquons également que, dans ces deux recueils qui réunissent un certain nombre de nobles siciliens, le nom de Sigismondo D’India ne figure pas.
dans Descrittione della meravigliosa villa del Signor Duca di San Giovanni nel suo contato detta San Michele, Palerme, Franceschi, 1607. 18 P. E. Carapezza, « Introduzione : la musica sacra in Sicilia tra Rinascimento e Barocco », Musica sacra in Sicilia tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di Caltagirone, 10-12 dicembre 1985, éd. D. Ficola, Palerme, Flaccovio, 1988, p. 11. 19 Également maître de chapelle de la Casa Profesa à Palerme, voir id., p. 13-14. 20 Sur Toscano, voir P. E. Carapezza, « Il Cardinal del Monte », op. cit., p. xix, n. 104 ; I. Grippaudo, Produzione musicale e pratiche sonore nelle chiese palermitane fra Rinascimento e Barocco, thèse de doctorat, Università di Roma La Sapienza, 2 vol., 2008-2009, vol. I, p. 428 et M. Privitera, « “… Cantando victus…” : la disfida musicale tra Sebastian Raval e Achille Falcone », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 135-136. 21 « Diverse musiche quali fece comporre per mio diporto, molti gorni sono, sopra le parole d’uno istesso madrigale, da diversi et eccellenti musici. », G. P. Flaccomio, Le risa a vicenda vaghi e dilettevoli madrigali a cinque voci posti in musica da diversi autori. Raccolti & novamente dati in luce da Gio. Pietro Flaccomio siciliano di Milazzo, rééd. Venise, Vincenti, 1598, frontispice. 22 G. Donato, « La cappella musicale del duomo della città di Messina nei secoli xvi e xvii », Musica sacra in Sicilia, op. cit., p. 163. 23 P. E. Carapezza, « Il Cardinal del Monte », op. cit., p. ix. 24 A. Mongitore, Biblioteca Sicula, Palerme, Bua et Felicella, 1708-1714, 2 vol., rééd. Bologne, Forni, 1971. 25 G. Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1998, p. 21.
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Chapitre I : Entre la Sicile et Naples
Nous pouvons constater en outre que la famille Branciforte de Cammarata fut un vivier artistique de premier plan en Sicile26 : elle s’illustra particulièrement par le développement d’une mentalité archivistique qui visait à conserver son patrimoine artistique27. Vincenzo Abbate illustre bien le lien entre la noblesse sicilienne et la création artistique quand il affirme que les Branciforte, avec leurs ramifications, sont parmi les figures les plus emblématiques d’un contexte politique et culturel qui projette la Sicile vers l’Europe28. Ilaria Grippaudo a écrit une thèse sur la production et la pratique musicales dans les églises palermitaines entre Renaissance et Baroque. La musicologue recense, à travers une vaste recherche archivistique, les fêtes religieuses, les cérémonies publiques et l’activité musicale dans les institutions ecclésiastiques, les chapelles et les congrégations de cette époque, soit une abbaye, neuf couvents, quinze monastères, un noviciat, deux églises dont un collège, une congrégation, la Chapelle palatine de Palerme et plusieurs livres de registres ; le nom de D’India n’apparaît jamais dans les documents d’archive consultés. Son nom ne figure pas non plus parmi les effectifs de la Chapelle palatine de 1584 à 160329 ni parmi les musiciens, compositeurs et constructeurs d’instruments des institutions ecclésiastiques palermitaines de 1475 à 165530. La recherche archivistique en Sicile est par ailleurs rendue plus ardue par la mauvaise conservation et la difficulté d’accès aux documents : les Archives diocésaines de Palerme étaient, jusqu’à une date récente, fermées pour cause de réorganisation ; quant au fonds de manuscrits et de livres anciens de la bibliothèque communale, il reste lui aussi inaccessible. Les documents sont souvent hors d’usage, perdus ou mal classés. Comme le remarque Ilaria Grippaudo, « la disparition des sources musicales ne concerne pas uniquement Palerme mais l’ensemble des institutions ecclésiastiques siciliennes, où le nombre de manuscrits est réduit à quelques unités et concerne des périodes plus tardives31 ». Dès lors, quelle est donc l’origine de ce curieux nom de famille ? Une famille D’India a-t-elle vraiment existé en Sicile ? Sur les traces de la famille D’India en Sicile
La famille D’India devait sans doute appartenir à la noblesse mineure, celle qui ne possédait pas de titres au-delà de celui de noble (un tiers des familles d’origine noble), et non pas à la noblesse « titolata », à qui on avait conféré de vrais titres nobiliaires comme celui de prince, duc, marquis, comte, vicomte ou baron32. Nigel Fortune33 a suggéré l’idée que le nom de « D’India » – littéralement : qui vient d’Inde – pourrait faire référence aux Indes de l’Ouest si l’on tient compte qu’il ne s’agit pas d’un nom de famille courant en Italie, ni le nom d’un village aux alentours de Palerme et que la Sicile faisait partie de la monarchie espagnole à cette époque. 26 L. Scalisi et R. L. Foti, « La Sicilia dei Moncada », La Sicilia dei Moncada, op. cit., p. 23-24. 27 Id., p. 39. 28 V. Abbate, La grande stagione del collezionismo, op. cit., p. 21. 29 I. Grippaudo, Produzione musicale e pratiche sonore nelle chiese palermitane, op. cit., vol. I, p. 430-434. 30 Id., p. 255-292. 31 « La scomparsa delle fonti musicali non riguarda soltanto Palermo ma nel complesso tutte le istituzioni ecclesiastiche siciliane, dove il numero di manoscritti si riduce a poche unità e riguarda un periodo più tardio. », id., p. 476. Voir aussi I. Grippaudo, « Nuove acquisizioni sull’attività dei polifonisti siciliani », Studi Musicali, 2014, no 5/2, p. 357-403. 32 E. Genta, « Titoli nobiliari », Enciclopedia del diritto, Varese, Giuffrè, 1992, vol. XLIV, p. 679-680. 33 N. Fortune, « Sigismondo d’India. An Introduction to his Life », op. cit., p. 44-45.
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On peut également émettre l’hypothèse d’une référence à l’Inde de l’Est. En effet, les jésuites, introduits à Palerme depuis Rome par le vice-roi Juan de Vega en 154734, ont réalisé plusieurs missions en Inde et en Extrême Orient. Ainsi, l’éditeur Giovanni Maida publie à Palerme en 1558 les Avis particuliers de l’augmentation que Dieu donne à son Église Catholique dans les Indes et spécialement dans les royaumes du Japon35. Comme le souligne Massimo Zaggia : En 1553, […] Silvestro Landini, représentant principal des missions jésuites en Europe, écrivait depuis la Corse à Ignace de Loyola « cette île sera mon Inde ». Mais en 1568, les jésuites de Messine revendiquèrent pour la Sicile le titre de « vraie Inde », aussi bien à cause de sa grande ignorance que de son besoin de lumière évangélique36.
L’influence culturelle et politique des jésuites fut grande en Sicile. On a vu, dans l’introduction de ce chapitre, à travers le récit de Di Marzo sur la représentation de la tragédie de sainte Catherine à l’église dello Spasimo, à quel point cette congrégation a su « utiliser des artifices mécaniques pour susciter des émotions fortes37 » ; créant ainsi une communication efficace par l’intermédiaire des images spectaculaires38. Pour en revenir à la recherche sur la famille D’India en Sicile, les noms de famille commencent à se former à cette époque, au moment où « les Indes » étaient à la mode, et souvent en fonction des lieux de résidence ou bien des lieux de provenance des personnes. Si le nom D’India ne peut en aucun cas avoir été porté en Inde, il peut être attribué à quelqu’un revenant d’Inde, lors du retour d’un voyage dans le Nouveau Monde ou d’une mission dans les Indes de l’Est – ce qui était exceptionnel à cette époque – et devenir ensuite patronyme39. Les D’India d’hier et d’aujourd’hui
Le baron Vincenzo Palizzolo Gravina mentionne, dans son répertoire publié entre 1871 et 1875 et qui contient à peu près deux mille blasons et écussons siciliens40, l’existence d’une famille India – et non pas D’India. L’auteur décrit le blason de ladite famille mais ne nous donne aucun renseignement sur ses origines (voir Fig. 1) : India – Armoiries : d’azur plain, chargé d’un château au sommet d’un mont, surmonté de trois étoiles en fasce d’or sur le tout41.
G. Di Marzo, Diari della città di Palermo dal secolo xvi al xix, op. cit., vol. I, p. 16. Voir aussi M. Zaggia, Tra Mantova e la Sicilia nel Cinquecento, op. cit., p. 289 et 290. Avvisi particolari del aumento che Iddio dà alla sua Chiesa Catholica nell’Indie et specialmente nelli regni di Giappon, 35 Palerme, Maida, 1558, cité dans M. Zaggia, id., p. 294. Nel 1553, […] Silvestro Landini, massimo rappresentante delle missioni gesuitiche in Europa, dalla Corsica scriveva ad 36 « Ignazio di Loyola “questa isola serà la mia India”. Ma nel 1568 i Gesuiti di Messina rivendicarono che la Sicilia era la « vera India », sì nella grande ignoranza e bisogno della luce evangelica. », id., p. 296. 37 J. A. Maravall, La cultura del Barroco, Barcelone, Ariel, 1975, p. 482. Pour ce qui concerne le théâtre jésuite en Sicile, voir G. Isgrò, « La prima stagione teatrale dei Gesuiti », Il teatro negato. Le invenzioni dello spettacolo in Sicilia dal Cinquecento all’Ottocento, Bari, di Pagina, 2011, p. 17-35. 38 R. Dekoninck, « La Philosophie des images. D’une ontologie à une pragmatique de l’image », Claude-François Ménestrier. Les jésuites et le monde des images, éd. G. Sabatier, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2009, p. 110. 39 Nous remercions le généalogiste Pierre-Valéry Cyrille Archassal pour ses multiples et précieux renseignements sur la généalogie en Europe. 40 V. Palizzolo Gravina, Il Blasone in Sicilia, ossia Racolta araldica, Palerme, Viconti e Huber, 1871-1875. 41 « India – Arma : d’azzurro, con un castello piantato sopra un monte, sormontato da tre stelle allineate in fascia, il tutto d’oro. », id., p. 221 et table 42a/10. 34
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Chapitre I : Entre la Sicile et Naples
Fig. 2 : Blason de la famille D'India de Vérone (reconstitution)
Fig. 1 : Blason de la famille India
Un autre historien et généalogiste contemporain de Palizzolo Gravina, Giovanni Battista di Crollalanza, répertorie dans son ouvrage de 1886-1890, l’existence d’une famille D’India à Vérone (voir Fig. 2) : INDIA (d’) de Vérone – Armoiries : Parti d’or et de gueules, chargé d’une aigle noire couronnée d’or, becquée et membrée de gueules42.
En effet, nous pouvons attester la présence à Vérone du peintre maniériste Bernardino India qui y réalisa des grotesques ainsi qu’à Vicence et sur d’autres chantiers palladiens dans la région de la Vénétie au milieu du xvie siècle43, mais aussi de celle de Francesco India44, philosophe et médecin, auteur d’un dialogue qui traite de l’héroïsme et de la magnificence nobiliaires, ou encore de celle du fi ls de ce dernier, Fabio India, qui reçut le titre de Chevalier de Saint-Marc à Venise le 8 octobre 162045, soit une année avant que le même titre soit octroyé à Sigismondo D’India. Paolo Emilio Carapezza a attiré notre attention sur le fait que des gens, en Italie, portaient encore le nom de famille de D’India46. C’est surtout le cas en Sicile et en particulier dans la province de Palerme, dans la zone de Trabia – à trente kilomètres de Palerme – et de Termini Imerese – à quarante kilomètres de Palerme. Or les Archives communales et la plupart des archives paroissiales de la ville de Trabia 42
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« INDIA (d’) di Verona. – ARMA : Spaccato ; nel 1° d’oro, all’aquila di nero, imbeccata e membrata di rosso, coronata d’oro, nel 2° di rosso pieno. », G. B. Di Crollalanza, Dizionario storico-blasonico delle famiglie nobili e notabili italiane estinte e fiorenti / compilato dal commendatore G. B. Di Crollalanza, vol. I, Pise, Giornale araldico, 1886, éd. moderne Bologne, Forni, 1986, vol. I, p. 523. E. Saccomani, « Le grotesche di Bernardo India e di Elidoro Forbicini », Arte Veneta, no 36, 1972, p. 59-72. F. India, L’Heroe overo della virtù heroica. Dialogo di Francesco India medico et filosofo veronese, Vérone, Discepolo, 1591. « Fabio India fiollo del molto Illustre eccellentte Signor Francesco India medico et genttillomo veronese. », Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Cancelleria inferiore, Doge, Privilegi dei Cavalieri di San Marco, série 498 et 499, 8 octobre 1620. Trois dans le Piémont, 3 en Lombardie, 4 dans le Latium, 2 en Ligurie, 1 en Campanie et 15 en Sicile – tous dans la province de Palerme : 3 à Villafrati, 2 à Palerme, 1 à Caccamo, 1 à Capaci, 1 à Termini Imerese et 6 à Trabia. http:// www.cognomix.it/mappe-dei-cognomi-italiani/D%27INDIA.
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Première partie
ont brûlé pendant la seconde guerre mondiale. Les documents qui restent, conservés à l’église-mère, concernent les baptêmes, décès et mariages, sont postérieures à 1643 et ne répertorient aucun D’India47. C’est pourtant à Trabia que l’on trouve aujourd’hui la plus importante concentration de D’India en Italie, si bien qu’à l’entrée de la vieille ville, sur une plaque inaugurée en 1919 en souvenir de ceux qui sont « glorieusement tombés » pendant la première guerre mondiale, figure le nom d’un certain Tommaso D’India parmi les trente-six hommes nommés. Les D’India qui sont implantés aujourd’hui à Trabia sont-ils les descendants lointains de la famille du compositeur ? Les D’India de Termini Imerese
Quant à la seconde ville, Termini Imerese, les archives paroissiales, malgré leur difficulté d’accès et leur état lacunaire, nous ont permis de trouver des informations, certes insuffisantes, mais précieuses dans cette recherche ardue. On peut prouver pour la première fois l’existence de deux D’India en Sicile avant la naissance du compositeur sans pour autant pouvoir établir un lien avec la famille du musicien ni savoir s’il s’agit de deux personnes d’origine noble. En tout cas, le nom D’India a bel et bien existé en Sicile au xvie siècle. La première personne concernée est un certain Vincenzo D’India, fils de Simon D’India, né à Termini Imerese le 17 octobre 1546 et baptisé le même jour. Ses parrains furent Antonino Guardalabeni et Andrea Cipriani et sa marraine Filippa La Pulsella48. Malheureusement, l’absence des actes de baptême concernant la période qui va du 1er mai 1548 au 2 septembre 156749, ainsi que l’état lacunaire des autres registres de la fin du xvie siècle50, ne nous permet pas de vérifier sa descendance. La deuxième personne nommée D’India est une sœur clarisse du monastère de Santa Chiara appelé aussi de la Madonna della Catena (sub titulo Sancte Mariae Catenae), monastère aujourd’hui disparu mais établi dans cette ville depuis 148351. Il s’agit de Giovanna D’India, née à Termini Imerese en 1518 (le registre n’indique pas la date exacte52). Il est possible, selon la typologie sociale des congrégations en Italie à cette époque, qu’il s’agisse d’une femme d’origine noble ou issue d’une famille ayant les moyens financiers de payer la dot, souvent élevée, demandée par les monastères53. Les pères, conscients des frais qu’un mariage socialement adé47
Nous remercions le père Vincenzo Parasiliti, curé de cette église, de nous avoir permis d’en consulter les archives. Nous remercions également Domenico Mangiafridda, Rosanna Giardina et Antonino Lobuono pour leur aide précieuse. 48 « 17 Ottobre 1546. Eodem die lu dicto presbiter Joseppi b[aptizavi] lu F[igliu] di Simuni di India n[omin]e Vince[n]zo lj com[par]j ant[oni]no Guarda/labenj et Andria Cypriano la com[m]mari ph[ilipp]a la pulsella. », Archidiocèse de Palerme, Archivio Storico della Maggior Chiesa di Termini Imerese, Registre de baptêmes de la cathédrale de Termini Imerese, vol. I (1542-1548), fo 80ro. Nous remercions le père Francesco Anfuso, curé de cette église, de nous avoir facilité l’accès à cette information. Nous remercions également les chercheurs Rosario Termotto, Antonio Contino et Salvatore Mantia, sans qui cette recherche n’aurait pas pu être réalisée. 49 A. Contino et S. Mantia, Vincenzo La Barbera. Architetto e pittore termitano, Termini Imerese, GASM, 1998, p. 36. 50 A. Contino et S. Mantia, Architetti e pittori a Termini Imerese tra il xvi ed il xvii secolo, Termini Imerese, GASM, 2001, p. 30. 51 B. Romano, Notizie storiche intorno alla città di Termini. Biografia dell’autore, cronologia delle opere, premesse e note al testo, éd. A. Contino et S. Mantia, Termini Imerese, GASM, 1997, p. 78, n. 13. 52 Biblioteca Comunale Liciniana di Termini Imerese (I-TI), A. Guarino Libro in cui si descrive l’antichità del venerabile reclusorio di donzelle vergini sotto il titolo del principe di chiesa cattolica S. Pietro, 1759, ms. 1759. 53 A. M. Ori, « La vita della comunità (secc. xvi-xvii) », Le clarisse di Carpi, éd. A. M. Ori et G. Zarri, Reggio Emilia, Diabasis, 2003, vol. I, p. 222.
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Chapitre I : Entre la Sicile et Naples
quat comportait, préféraient diriger certaines de leurs filles vers la vie monastique, à partir du moment où les couvents se montraient beaucoup moins exigeants que les familles54. En ce qui concerne le statut social des clarisses en Italie à cette époque, Gabriella Zarri remarque que : Ce qui a été dit jusqu’à présent des clarisses […] et des monastères italiens de l’Ancien Régime correspond de manière générale aux conditions de nombreuses institutions religieuses bien réglementées et dont les professes appartiennent à la noblesse et aux patriciens citadins ; [les monastères] répondent aux volontés de certaines jeunes filles de se consacrer à une vie de prière, mais aussi d’étude et de travail dans un contexte culturel qui attribue aux nonnes un rôle de patronage à l’égard de la ville qui est prête à considérer les monastères comme des centres de culture et de mérite55 (nous soulignons).
Même si la richesse culturelle de telles congrégations était réservée à une élite issue de la noblesse, nous ne pouvons pas pour autant établir un lien entre cette Giovanna D’India et la famille du compositeur56. Plusieurs hypothèses se dégagent donc : soit les origines nobles du compositeur relèvent de la légende, soit la famille India ou D’India est bien celle du compositeur mais il est impossible d’en savoir davantage ou d’établir un lien avec Sigismondo, faute de documents et parce qu’il s’agissait d’une famille « non titolata », soit le musicien n’est pas né en Sicile mais serait issu d’une ancienne famille noble de Palerme qui aurait migré vers Naples au cours de la seconde moitié du xvie siècle. Sigismondo D’India, noble napolitain ?
Il convient de nous orienter dans une autre direction. Fernand Braudel nous montre la voie, soulignant qu’« il est de règle, parlant de la Sicile, de regarder toujours vers le Nord, vers Naples, de dire que ces deux histoires sont rigoureusement opposées, la grandeur de Naples signifiant l’abaissement de Palerme et réciproquement57 ». On peut donc légitimement se demander si, du fait de l’étroitesse des liens entre les deux villes, Sigismondo D’India ne serait pas plutôt né à Naples. De Palerme à Naples. État de la recherche sur les origines napolitaines du compositeur
Le Royaume de Naples naît d’une scission avec le Royaume de Sicile après les Vêpres siciliennes en 1282 pour ensuite faire partie, au milieu du xve siècle, du même royaume, celui des Deux-Siciles, gouverné par la couronne d’Aragon, la domination espagnole se renforçant par la suite jusqu’au xixe siècle. Comme le précise le même Braudel, « en Chrétienté, Naples n’a pas d’équivalent, sa population – 280,000 habitants en 1595 – vaut deux fois celle de Venise, trois fois celle de Rome, quatre fois celle
54 G. Da Molin, Famiglia e matrimonio nell’Italia del Seicento, Bari, Cacucci, 2000, p. 292-293. 55 « Questo si è detto finora delle clarisse […] e dei monasteri italiani nell’Antico Regime corrisponde in termini generali alla condizione di molti istituzioni religiosi ben regolati, le cui professe appartengono alla nobiltà e ai patriziani cittadini ; essi rispondono al desiderio di diverse fanciulle di dedicarsi ad una vita di preghiera, ma anche di studio e lavoro, in un contesto culturale che assegna alle monache un ruolo di patronage nei confronti della città ed è pronta a considerare i monasteri come centri di cultura e vanto della città. », G. Zarri, « Introduzione », Le clarisse in Carpi, op. cit., p. 35. 56 C’est également le cas des recherches menées par Cristina Santarelli aux Archives communales de Moncalieri (dans le Piémont) sur la généalogie du compositeur Filippo Albini – contemporain de D’India. Trois Albini apparaissent dans les documents d’archive sans qu’on puisse toutefois établir un lien de parenté certain avec le musicien. Voir C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I : Filippo Albini da Moncalieri », Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), éd. L. Girodo, Lucques, LIM, 2002, p. vii-viii. 57 F. Braudel, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Colin, 1949, vol. I, p. 137.
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Première partie
de Florence, neuf fois celle de Marseille58 ». En effet, Naples est à cette époque une des plus grandes capitales d’Europe au même titre que Paris et Londres. De Palerme à Naples : les musiciens
Des échanges peuvent être signalés en ce qui concerne la vie artistique et le mécénat des familles nobles. Pietro Vinci quitte la Sicile pour Naples dans les années 1560, sans doute à la suite de l’invitation d’Antonio d’Aragon (1543-1583), duc de Montalto59 – au nord de la Calabre. De même, Giuseppe Palazzotto Tagliavia, dont on a parlé au début de ce chapitre, quitte la Sicile en 1613 pour s’installer dans la ville du Vésuve auprès du vice-roi d’Osuna60. À Palerme, comme le souligne Ilaria Grippaudo, « la présence de Juan de Medina (contralto) et d’Antonio Potenza (basse) confirme les rapports qui existaient entre la Chapelle de Palerme et le milieu culturel napolitain, en particulier avec la Chapelle royale61 ». De Palerme à Naples : les familles nobles
Pour ce qui est des rapports entre les noblesses des deux villes, le Sicilien Francesco II Moncada, prince de Paternò – près de Catane, à l’est de la Sicile –, duc de Montalto62 et comte de Collesano – près de Palerme – (1569-1592), était le fils de Cesare Moncada (1541-1570) et petit-fils de Francesco Ier Moncada. Il a épousé en 1585 la Napolitaine Marie d’Aragon y la Cerda (1570-1610), duchesse de Montalto et fille d’Antonio d’Aragon, le mécène de Pietro Vinci. Leur fils, Antonio d’Aragon Moncada, né à Palerme en 1589 et mort à Naples en 1631, devient le duc de Montalto, « le plus sublime lieu de la Baronnie de Naples63 ». Voilà un exemple de l’union des branches nobiliaires de Naples et de Palerme, toutes deux insérées dans le système hispanico-italo-européen64 de pouvoir, comme le reste de la noblesse sicilienne entre le xvie et le xviie siècle. D’après Domenico Antonio D’Alessandro et selon la pragmatique De Immunitate Neapolitanorum, promulguée par Ferrante d’Aragon le 4 juin 1479, tout étranger ou habitant d’un royaume qui désirait s’établir à Naples en achetant ou en construisant une maison ou bien en épousant une Napolitaine, était considéré comme pleinement citoyen napolitain, de la même manière que les fils des natifs napolitains nés en dehors de la ville étaient traités à égalité avec les « Napolitains de souche » et avec les habitants étrangers auxquels les Élus du Tribunal de la ville conféraient, comme nous dirions aujourd’hui, la nationalité à titre honorifique pour leur mérites65. Id., p. 423. P. E. Carapezza, « Madrigalisti siciliani », Nuove Effemeridi, no 11/3, 1990, p. 99. P. E. Carapezza, « Introduzione : la musica sacra in Sicilia tra Rinascimento e Barocco », Musica sacra in Sicilia tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di Caltagirone, 10-12 dicembre 1985, éd. D. Ficola, Palerme, Flaccovio, 1988, p. 14. 61 « La presenza di Juan de Medina (contralto) e di Antonio Potenza (basso) conferma i rapporti che intercorrevano fra la Cappella di Palermo e l’ambiente napoletano, in particolare con la Cappella Reale. », I. Grippaudo, Produzione musicale e pratiche sonore nelle chiese palermitane fra Rinascimento e Barocco, thèse de doctorat, Università di Roma La Sapienza, 2 vol., 2008-2009, vol. I, p. 428. 62 Il existe un palais Montalto fondé en 1397 à Syracuse, voir G. Di Marzo, Delle belle arti in Sicilia dai Normanni sino alla fine del Secolo xiv, Palerme, Di Marzo, 1858, vol. I, livre IV, p. 343. 63 « Il Ducato di Montalto il più sublime posto fra’l Baronaggio di Napoli. », G. A. Della Lengueglia, I ritratti della Prosapia, et heroi Moncadi nella Sicilia. Opera Historica-Economastica, Parte Prima, Valenza, Sacco, 1657, p. 613. 64 D. Ligresti, « I Moncada nel sistema nobiliare sovranazionale italo-spagnolo ed europeo », La Sicilia dei Moncada : le corti, l’arte e la cultura nei secoli xvi-xvii, éd. L. Scalisi, Catane, Sanfilippo, 2006, p. 214. D. A. D’Alessandro, « Giovanni de Macque e i musici della Real Cappella napoletana. Nuovi documenti, precisazioni 65 biografiche e una fonte musicale ritrovata », La musica del principe : studi e prospettive per Carlo Gesualdo, Convegno internazionale di studi, Venosa-Potenza, 17-20 settembre 2003, éd. L. Curinga, Lucques, LIM, 2008, p. 41, n. 84. 58 59 60
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Chapitre I : Entre la Sicile et Naples
Le mariage était ainsi une occasion d’émigrer définitivement. En effet, c’est à travers lui que se jouaient des stratégies économiques et sociales et les politiques familiales d’alliances et d’échanges ; il était, surtout pour les familles nobles siciliennes et napolitaines, un moment central dans l’histoire familiale qui permettait d’établir ou de modifier des normes précises d’ordre moral, symbolique et juridique66. Le caractère « itinérant » et « polycentrique » de la cour de la famille Moncada67 a favorisé et enrichi un réseau politico-culturel qui allait de Palerme à l’Espagne en passant par Caltanissetta et Naples68 car la mobilité géographique des unions nobiliaires concernait également les arts69. Les D’India de Naples
Pour ce qui concerne le lieu de naissance de D’India, la piste napolitaine nous paraît être la plus convaincante. En effet, la présence dans la ville du Vésuve d’une famille D’India d’origine palermitaine et noble vers la fin du xvie siècle – à l’époque où D’India serait né – est attestée par l’historien de l’art Ulisse Prota-Giurleo. Une forme de déclin aurait pu pousser la famille D’India, « noble palermitaine » à partir pour la Campanie vers le milieu du même siècle. Généalogie de la famille D’India « noble palermitaine » de Naples
Ulisse Prota-Giurleo, écrit à propos des peintres Gian Bernardino Azzolino et José de Ribera70 : José de Ribera [1591-1652, dit « lo spagnoletto », originaire de la province de Valence en Espagne] […] épousa ici à Naples [vers 1616] la Napolitaine Caterina Azzolino [née en 1600], fille du peintre Gian Bernardino Azzolino (c. 1572-1645) et d’Antonia D’India [née vers 1580]. De leur mariage naquirent six enfants71.
L’historien explicite plus loin, à propos de la famille D’India de Naples : Gian Bernardino Azzolino […] fut le beau-père de José de Ribera […]. En 1594, deux peintres siciliens sont venus s’installer à Naples : Luigi Rodriguez et Gian Bernardino Azzolino. Le premier […] est né à Messine, […] le second […] est originaire de Cefalù [au centre-nord de la Sicile] […]. La chance commença à sourire très tôt [à Azzolino] grâce aux beaux yeux d’une de ses jeunes compatriotes, la demoiselle Antonia D’India, fille du noble palermitain Don Carlo D’India72 [né probablement vers la fin de la première moitié du xvie siècle] et de sa respectable épouse Donna Maria Marcella [morte en 1619]. Ces deux derniers [Don Carlo D’India et Maria G. Da Molin, Famiglia e matrimonio nell’Italia del Seicento, Bari, Cacucci, 2000, p. 237, 279, 288 et 327. R. Zaffuto Rovello, « Cultura e corte nella Caltanissetta del Cinquecento », La Sicilia dei Moncada, op. cit., p. 283. Voir aussi R. Mazzei, « L’itinérance delle corti italiane », Per terra e per acqua. Viaggi e viaggiatori nell’Europa moderna, Rome, Carocci, 2013, p. 217-223. L. Scalisi et R. L. Foti, « La Sicilia dei Moncada », La Sicilia dei Moncada, op. cit., p. 36. 68 B. Mancuso, « L’arte signorile d’adoprare le ricchezze. I Moncada mecenati e collezionisti tra Caltanissetta e Palermo 69 (1553-1672) », id., p. 109-110. 70 José de Ribera était peintre de chambre du vice-roi à Naples. Concernant le tableau qu’il réalisa du musicien Giovanni Maria Trabaci en 1638, voir U. Prota-Giurleo, « Giovanni Maria Trabaci e gli organisti della Real Cappella di Palazzo di Napoli », L’Organo, no 1/2, 1960, p. 190-191. 71 « Giuseppe Ribera […] sposò qui in Napoli la napoletana Caterina Azzolino, figlia del pittor Gian Bernardino Azzolino (1572 ?-1645) e di Antonia D’India. Dal lor matrimonio nacquero sei figli. », U. Prota-Giurleo, Pittori napoletani del Seicento, Naples, Fiorentino, 1953, p. 96. 72 Le titre de « Don » était une appellation courante et générique des nobles en Italie (surtout dans le Sud du pays). Il est difficile de savoir de façon précise s’il s’agit d’un titre donné uniquement aux nobles titrés ou plutôt d’un traitement pour la noblesse en général. Dans les régions dominées par l’Espagne comme la Sicile, le « Don » était conféré en tant que « titre nobiliaire héréditaire », voir E. Genta, « Titoli nobiliari », Enciclopedia del diritto, Varese, Giuffrè, 1992, vol. XLIV, p. 677-678. 66 67
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Première partie
Marcella] accordèrent donc la main de leur jeune fille à Gian Bernardino avec une dot de cinq-cents ducats, peu à vrai dire pour un noble palermitain […]. En 1596, Don Carlo [D’India] mourut et, par conséquent, la veuve, accompagnée de ses deux jeunes filles, Giovanna et Ippolita [D’India, les deux sœurs d’Antonia], alla s’installer chez les nouveaux époux [Azzolino et Antonia]. Ces deux demoiselles firent de très honorables mariages : Giovanna [morte en 1625] épousa un remarquable personnage espagnol, l’archiâtre et Dr. Don Baltazar Cañizal, Lecteur de médecine à Naples […], et l’autre […], épousa également un Espagnol, le Capitaine Don Pedro Francisco Lopez y Palomino73 (nous soulignons).
Le faible montant de la dot, – certes plus important que pour des gens ordinaires (entre 100 et 300 ducats74) mais trois fois moins que pour des familles d’un rang social élevé et possédant un gros patrimoine (1500 ducats75) – peut signifier que la famille D’India devait faire partie d’une vieille noblesse désargentée et, en l’occurrence, expatriée. Prota-Giurleo confirme l’hypothèse de l’origine espagnole du nom D’India76 mais aussi l’influence culturelle de l’Espagne sur la société noble parthénopéenne : Le 14 octobre 1603 la maison d’Azzolino se remplit de joie à la naissance d’une autre fille prénommée Elvira [Azzolino-D’India]. À l’âge de dix-neuf ans, cette dernière épousa le Dr. Miguel Hieronimo Adott, originaire de la ville de Valence [comme le peintre José de Ribera, son beau-frère par alliance]. J’ai retrouvé l’acte de mariage de Donna Elvira : il s’agit d’un document qui témoigne de l’état d’esprit de ce temps et de « l’espagnolisme » dont la famille d’Azzolino[-D’India] était imprégnée, si bien que ses filles signaient « Azzolino et India77 » (nous soulignons).
Et l’historien de poursuivre à propos de la généalogie de cette famille : Moins d’un an après la naissance de Caterina [Azzolino, fille du peintre Gian Bernadino et d’Antonia D’India], vint au monde, le 3 décembre 1601, un autre enfant, Andrea [Azzolino-D’India], qui deviendrait également peintre […], et qui épouserait en 1642 sa cousine Maria Tecla Cannizares [sic] [-D’India], fille du Docteur Baltazar [Cañizal et de Giovanna D’India]. José de Ribera [beau-frère d’Andrea Azzolino-D’India] fut également témoin de ce mariage78.
73 « Gian Bernardino Azzolino […] fu suocero di Giuseppe Ribera […]. Nel 1594 vennero a stabilirsi a Napoli due giovani pittori siciliani : Luigi Rodriguez e Gian Bernardino Azzolino. Il primo […] nato a Messina, […] il secondo […] nativo di Cefalù […]. E la fortuna cominciò a sorridergli presto dai begli occhi d’una sua giovane conterranea, la damigella Antonia D’India, figlia del nobile palermitano Don Carlo D’India, e della sua degna consorte Donna Maria Marcella. Questi signori concessero dunque la mano della loro figliuola a Gian Bernardino con una dote di cinquecento ducati, pochini in verità per un nobile palermitano […]. Nel 1596 Don carlo morì, ed allora la vedova con due figliuole nubili, Giovanna ed Ippolita, andò a coabitare con gli sposi novelli. Queste due damigelle si collocarono in matrimonio molto onoratamente : Giovanna sposò un ragguardevole personaggio spagnuolo, l’archiatra Dr. Don Baltazar Cañizal, Lettore di Medicina nello Studio Napoletano […], e l’altra […], sposò anche ella uno spagnuolo, il Capitano Don Pedro Francisco Lopez y Palomino. », U. Prota-Giurleo, Pittori napoletani del Seicento, op. cit., p. 123-124. G. Da Molin, Famiglia e matrimonio nell’Italia del Seicento, op. cit., p. 287. 74 75 Giovanna Da Molin cite plusieurs exemples où la dot, versée par des familles riches, est d’au moins 1 500 ducats sans compter les dons de mariage, id., p. 295-296 et 301. 76 En effet, il semblerait qu’à la même époque le terme « Indiano » soit un synonyme d’Espagnol : « È stato precetto da Roma ad’un tale Don Diego spagnuolo o sia Indiano, che professa dell’Astrologo, et hà predetto la morte del Cardinale Sanseverino, et temerariamente andava publicando, ch’il Papa veniva minacciato da una cattiva direttione nel prossimo mese di Marzo. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1094, fo 37ro, le 17 janvier 1624. 77 « Il 14 ottobre 1603 la casa dell’Azzolino fu allietata dalla nascita d’un’altra bambina, che si chiamò Elvira. A 19 anni ella andò sposa al Dr. Miguel Hieronimo Adott, della città di Valencia. Ho rinvenuto il capitolo matrimoniale di D. Elvira : è un documento che rivela lo spirito dei tempi e lo “spagnolismo” onde era affretta la famiglia dell’Azzolino, le cui figliuole firmavano “Azzolino y India”. », U. Prota-Giurleo, Pittori napoletani del Seicento, op. cit., p. 130. 78 « A meno di un anno di distanza da Caterina, nacque, il 3 dicembre 1601, l’altro maschio, Andrea. Anche egli fu pittore […], sposando nel 1642 la cugina Maria Tecla Cannizares [sic], figlia del Dottor Baldassare. Anche a questo matrimonio fu testimone Giuseppe Ribera. », id., p. 129.
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Chapitre I : Entre la Sicile et Naples
Le peintre Andrea Azzolino-D’India, fut au service de la famille Moncada, transférée à Naples vers 163279.
Schéma 1 : Arbre généalogique de la famille D’India « noble palermitaine » de Naples
Le compositeur serait-il le fils ou le neveu de Don Carlo D’India ? Antonia D’India serait-elle sa sœur ou sa cousine ? Giovanna et Ippolita D’India ses jeunes cousines ? Le peintre Azzolino, son exact contemporain, son beau-frère ? Le peintre Ribera, le mari de sa nièce ? La formation musicale de D'India
Si Sigismondo D’India naquit effectivement à Naples, ce fut l’année où Scipione Stella fut engagé comme organiste à la Chapelle musicale de l’Annunziata80, et l’on peut penser que D’India reçut sa formation musicale81 d’un Gesualdo ou d’un Jean de Macque. En effet, Paolo Emilio Carapezza considère la musique de D’India comme un « développement explosif et centrifuge du style de Macque82. ». Ce dernier, originaire de Valenciennes, arrive dans la cité parthénopéenne à la fin de l’année 158583, avant d’être engagé comme deuxième organiste, au même titre que Stella, dans la Chapelle de l’Annunziata en 159084 – l’année du sanglant épisode de la vie de Carlo Gesualdo85. Comme le remarque Domenico G. Mendola, « Quadri, palazzi e devoti monasteri. Arte e artisti alla corte dei Moncada fra Cinque e Seicento », La Sicilia dei Moncada, op. cit., p. 165. 80 D. A. D’Alessandro, « Per una biografia di Don Pietro Paolo Stella C. R., alias Scipione Stella », Scipione Stella. Inni a cinque voici. Napoli 1610, éd. F. Colusso et D. A. D’Alessandro, Lucques, LIM, 2007, p. xiv. 81 Le musicien se déclare autodidacte dans la préface de son Premier livre des Musiche de 1609 : « Mû par ce désir, qui se niche naturellement en nous, de savoir, comme nous l’apprend le Prince des Philosophes, dès ma prime jeunesse j’entrepris de converser avec des hommes savants en musique et à partir de leurs doctes discours d’apprendre ce que je désirais savoir tant de l’art de composer à plusieurs voix que de celui du chant soliste. » (« Mosso da quel desiderio, che in noi naturalmente s’annida, di sapere, come c’insegna il Prencipe de Filosofi, io infino dalla fanciullezza mia procurai di conversare con huomini intelligenti della Musica, & da suoi dotti discorsi imparare cio, che desideravo sapere si del comporre à piu voci, come al cantar solo. »), S. D’India, Le Musiche di Sigismondo D’India, op. cit. Pour une réflexion sur les musiciens autodidactes en Espagne au xvie siècle, voir P. Otaola Gonzalez, « L’autodidacte en musique au xvie siècle », Musica, sive liber amicorum Nicolas Meeùs. Mélanges offerts au professeur Nicolas Meeùs, éd. L. Beduschi, A.-E. Ceulemans et A. Tacaille, Paris, PUPS, 2014, p. 433-451. 82 « Uno sviluppo esplosivo e centrifugo dello stile di Macque. », P. E. Carapezza, « Quel frutto stramaturo e succoso », La musica a Napoli durante il Seicento. Atti del Convegno internazionale di studi, Napoli, 11-14 aprile 1985, éd. D. A. D’Alessandro et A. Ziino, Rome, Torre d’Orfeo, 1987, p. 25. Concernant ce compositeur, voir C. Deutsch, Ariosità et artificiosità dans les madrigaux de Giovanni de Macque (1581-1597), thèse de doctorat, Universités de Paris-Sorbonne et de Bologne, 2007. 83 D. A. D’Alessandro, « Giovanni de Macque e i musici della Real Cappella napoletana », op. cit., p. 25. 84 D. A. D’Alessandro, « Per una biografia di Don Pietro Paolo Stella », op. cit., p. xvii. 85 Pour de récents travaux sur Gesualdo, voir C. Deutsch, Gesualdo, Paris, Bleu nuit, 2010 et Festival Gesualdo. Milano 2013, Atti del Convegno, Azione teatrale del processo, G. Iudica et C. Fertonani, Milan, La vita felice, 2015 (coll. Accademia di Musica Antica di Milano, vol. I). 79
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Première partie
Antonio D’Alessandro, « durant toute la seconde moitié du xvie siècle, Naples et le Sud de l’Italie constituaient le domaine le plus important pour les Espagnols et les Flamands provenant directement ou indirectement d’Espagne ou d’autres provinces du vaste royaume ibérique86 ». Sigismondo D’India n’est jamais mentionné dans les témoignages d’époque du milieu artistique napolitain, ni dans les traités musicaux publiés dans cette ville, ni dans les documents d’archive qui ont survécu et qui concernent la Chapelle royale de Naples. C’est pourtant dans ce milieu musical qu’il aurait pu se former (c. 1590-1600). Le seul document qui rattache de manière certaine D’India à Naples, est son premier recueil de villanelles, publié chez Carlino et Vitale dans cette ville en 1608 et dédié à « l’Illustrissime Seigneur Don Vicente Pimentel, chef de chœur de Valence, fils de l’Excellentissime Seigneur Comte de Benavente, vice-roi de Naples87. ». La dédicace à ce personnage, rédigée en espagnol, confirme les liens de la famille D’India avec l’Espagne et notamment avec la ville de Valence. Rappelons que le peintre Ribera, époux de Caterina Azzolino-D’India, de même que l’époux de sa sœur, Elvira Azzolino-D’India (toutes deux petites-filles de Don Carlo D’India, noble palermitain), étaient originaires de cette ville. Peut-être le compositeur a-t-il réalisé sa formation musicale à Ferrare pendant le séjour de Gesualdo dans cette ville (c. 1593-1594). Grâce à une lettre adressée par D’India au marquis Enzo Bentivoglio et découverte par Dinko Fabris, nous apprenons qu’il aurait collaboré dans ses années de jeunesse à la composition de la musique de la pastorale La Bonarella à Ferrare : J’ai eu la chance, dès mes premières années de vous servir [marquis Enzo Bentivoglio] pour la Bonarella qui devait être représentée à Ferrare quand vous m’avez retenu dans cette ville à cet effet88 (nous soulignons).
Là encore, le cas de La Bonarella reste obscur. Tim Carter89 associe cette pastorale, qui met en musique un texte de Battista Guarini, aux divertissements qui ont eu lieu à Ferrare lors du carnaval de 1612 en l’honneur de Vincenzo Gonzaga à l’appui d’une source manuscrite conservée à la bibliothèque communale de cette ville où l’on peut lire : Les Académiciens offrirent de donner la dernière main au théâtre afin de représenter la Bonarella, églogue pastorale embellie d’intermèdes et de plusieurs machines qu’à différents moments déployait une grande variété de pays et d’États90.
Per tutta la seconda metà del Cinquecento di spagnoli e fiamminghi provenienti direttamente o indirettamente dalla 86 « Spagna e dalle altre provincie dell’esteso regno iberico, del quale Napoli e il sud-Italia costituivano il dominio più importante. », D. A. D’Alessandro, « Giovanni de Macque e i musici della Real Cappella napoletana », op. cit., p. 25. Voir aussi Mario Rosa, « L’onda che ritorna : interno ed esterno sacro nella Napoli del ‘600 », Luoghi sacri e spazi della santità, éd. S. Boesch Gajano et L. Scaraffia, Turin, Rosemberg, 1990, p. 397-417. 87 « All’Illustrissimo Señor Don Vicente Pimentel Capiscol de Valencia hijo del excellentissimo Señor Conde de Benavente Vysorey de Napoles. », S. D’India, Delle Villanelle alla napolitana a tre voci di Sigismondo D’India nobile palermitano Libro primo, Naples, Carlino & Vitale, 1608, dédicace. 88 « Havendo fortuna sino da miei primi anni di doverla servire per la Bonarella, che si dovea rappresentare a Ferrara, quando ella mi trattene per simil effeti in quella città. », D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 403-404. 89 T. Carter « Intriguing laments : Sigismondo D’India, Claudio Monteverdi, and Dido “alla parmigiana” (1628) », Journal of American Musicological Society, no 49/1, 1996, p. 37, n. 10. 90 « Li Accademici procurorono di dar l’ultima mano al Teatro per rapresentare la Bonarella egloga pastorale abelita d’intramezzi, et diversità di Machine, che in diverse occasioni fingevano varietà di Paesi, et diversità di Stati. », Manuscrito osia Cronaca di Claudio Rondoni, Biblioteca Comunale di Ferrara (I-FEc), MS CI.A250, qui contient un manuscrit daté de 1783 à partir de la copie d’un document original du xviie siècle, voir fo 282vo-283ro.
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Chapitre I : Entre la Sicile et Naples
Ces spectacles ne furent jamais représentés du fait de la mort du duc Vincenzo Gonzaga. C’est pourquoi John Walter Hill91 a suggéré que La Bonarella aurait été représentée en 1607 et non pas en 1612 et qu’elle ne serait pas de Battista Guarini mais de son fils Alessandro ; de plus, elle aurait un lien avec la pastorale Filli di Sciro de Guido Bonarelli92, maître de la musique de chambre du duc Cesare d’Este, qui était mise en scène régulièrement à Ferrare mais aussi à Bologne93 et dont la musique aurait pu être composée en partie par le Sicilien Pietro Maria Marsolo94. Il est vrai que le compositeur évoque une « œuvre de jeunesse » ou en tout cas l’une de ses premières compositions : « J’ai eu la chance, dès mes premières années de vous servir pour La Bonarella », et que la date avancée par Carter ne correspond pas aux « premières années » de D’India qui, en 1612, avait déjà publié plusieurs recueils de musique et était engagé à la cour de Turin. La date proposée par Hill est plus convaincante car en 1607 le compositeur avait publié un seul livre de madrigaux (1606), dédié à Vincenzo Gonzaga, ce qui signifierait qu’il pouvait se trouver à cette époque dans le Nord de l’Italie (Mantoue, Ferrare, Florence, Milan) ; l’hypothèse est plausible mais, faute de documents, reste à confirmer. Les recherches sur la famille D’India dans les archives de Naples se réduisent au livre sur les peintres napolitains qu’Ulisse Prota-Giurleo a publié en 1953. À la fin de son ouvrage, l’historien mentionne une liste de quinze notaires (Archives des notaires95), seize paroisses napolitaines (livres de baptêmes, mariages et décès des Archives paroissiales de Naples96), les Archives archiépiscopales, les Archives d’État, et enfin, certaines archives privées97. Malheureusement, l’auteur ne spécifie pas de façon précise les sources consultées, ce qui rend la tâche difficile compte tenu du nombre important de paroisses à cette époque98. Ses trouvailles sur la famille D’India – dont le nom apparaît presque par hasard au cours de ses recherches sur les peintres de la ville – n’ont pas été complétées depuis cette date. Au terme de ce parcours qui va de la Sicile à Naples, nous avons retracé le contexte historique, culturel et politique de la jeunesse du compositeur. Les échanges entre les familles nobles siciliennes, espagnoles et napolitaines sont nombreux sur le plan politique comme sur le plan artistique ; la noblesse sicilienne est en effet, pour reprendre l’idée de Domenico Ligresti, « une médiatrice culturelle en Sicile99 » du fait de sa mobilité à travers toute l’île et de sa capacité à créer un réseau politico-culturel qui a favorisé J. W. Hill, Roman Monody, Cantata, and Opera from the Circles around Cardinal Montalto, Oxford, Clarendon Press, 1997, vol. I, p. 274-276. 92 Nous pouvons mentionner une lettre d’Alfonso Bonarelli, envoyée depuis Modène le 5 février 1611 à Virginio Orsini, sans savoir toutefois s’il s’agit d’une personne de la famille de Guido. Archivio Storico Capitolino de Rome (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 121/1, lettre no 102. 93 M. Calore, Spettacoli a Modena tra Cinque e Seicento, Modène, Aedes Muratoriana, 1983, p. 107. 94 Ce dernier écrit dans une lettre adressée au duc de Mantoue datée du 26 septembre 1612 : « Je n’ai pas pu faire transcrire les madrigaux spirituels puisque les copistes et moi avons été occupés par quelques pièces de La Bonarella, laquelle sera jouée ce mois-ci (même si j’en doute). » (« Li madrigali spirituali non ho possute farle trascrivere perché i copisti et io siamo stati impediti per alcune opere della bonarella quale si recitarà questo mese (ma io questo non credo di certo). »), P. M. Marsolo, Madrigali a quattro voci sulle monodie di Giulio Caccini e d’altri autori, e altre opere, éd. moderne L. Bianconi, Rome, De Santis, 1973, p. xxxiv (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IV). 95 U. Prota-Giurleo, Pittori napoletani del Seicento, op. cit., p. 167. 96 Id., p. 167-168. 97 Id., p. 168. 98 N. F. Faraglia, « Descrizione delle parrocchie di Napoli fatta nel 1598 », Archivio Storico per le Province Napoletane, no 23/3, 1898, p. 502-566. 99 D. Ligresti, « I Moncada nel sistema nobiliare », La Sicilia dei Moncada, op. cit., p. 215. 91
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le mécénat artistique. Nous pouvons donc établir un lien direct entre les madrigalistes siciliens – dont l’école polyphonique formait une frontière ouverte entre l’Espagne et les Flandres – et le milieu nobiliaire de l’île à trois pointes – on pense aux familles Branciforte et Moncada. L’importante migration de la noblesse sicilienne vers Naples, laquelle a facilité les échanges artistiques et le mécénat, est sans doute liée à des difficultés politiques et économiques. La preuve que nous avons apportée de l’existence en Sicile, au xvie siècle, du nom de D’India – encore porté de nos jours en Italie – nous a conduit à pencher pour l’hypothèse de l’origine espagnole de ce patronyme qui fait sans doute référence au Nouveau monde dont la plupart des pays étaient à cette époque des vice-royautés espagnoles. Il semble évident en effet que « D’India » évoque des terres lointaines et « une aspiration à migrer100 », pour reprendre les mots de Paolo Emilio Carapezza. Commence ainsi, dans un mouvement aux origines imprécises, le voyage vers le Nord de l’Italie de l’un des plus grands compositeurs de l’Italie méridionale.
100 « Aspirazione ad emigrare oltraparte. », P. E. Carapezza, « Un altro mercurio », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 11. Pour un panorama des migrations en Europe entre 1500 et 1800, voir P. C. Emmer, « Migration and the making of a common European culture, 1500-1800 », Migration und Identität. Wanderbewegungen und Kulturkontakte in der Musikgeschichte, éd. S. Ehrmann-Herfort et S. Leopold, Analecta musicologica, no 49, 2013, p. 21-29.
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1 Chapitre 2 : La cour de Turin Le duc Charles-Emmanuel Ier Le sollel qui convoyt que la bele lumière Se clipse de vos sens qui mesme une se soyt Et entre vous et moy un globe se metoyt Dun tenebreus obli dune cause murtriere. Charles-Emmanuel de Savoie, Poesie partorali e d’amore1.
Charles-Emmanuel Ier (1562-1630), duc de Savoie de 1580 jusqu’à sa mort, est l’une des personnalités politiques les plus complexes et les plus singulières de son temps. Belliqueux, imprévisible et excessif, mais également habile, prévoyant et indépendant2, le duc de Savoie fut admiré par ses contemporains, puis dénigré, d’abord par le cardinal de Richelieu3, ensuite par l’historiographie française au xixe siècle4 qui le considérait comme un souverain faible, perfide et sans envergure, le plaçant du côté des princes vaincus. Il faut attendre les années 1990 pour noter, comme le fait Maria Luisa Doglio5, un regain d’attention pour l’histoire et la culture de Turin entre le xvie et le xviie siècles ainsi que pour la personnalité du duc de Savoie. Ces travaux ont ouvert et enrichi un nombre considérable de champs de recherche6 et permis une réévaluation historiographique de la figure de Charles-Emmanuel. Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/5, fasc. 2/c, no 25, poème en français. 2 G. Ferretti, « Préface », Édifier l’État : politique et culture au temps de Christine de France, Chambéry, Université de Savoie, 2014, p. 12. 3 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012, p. 22-27. 4 Id., p. 17-19. M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia. Simulacro del vero principe, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2005, p. vii et x. 5 Comme le montrent le colloque international qui a eu lieu à Turin du 21 au 24 février 1995 : Politica e cultura nell’età 6 di Carlo Emanuele I. Torino-Parigi-Madrid, éd. M. Masoero, S. Mamino et C. Rosso, Florence, Olschki, 1999 ou le troisième volume de la Storia di Torino paru en 2002 : Storia di Torino : Dalla dominazione francese alla ricomposizione dello Stato (1526-1639), éd. G. Ricuperati, Turin, Einaudi, 2002, vol. III. À quoi nous ajoutons le colloque de 2006 sur les dynasties et les institutions de la Savoie à la fin du Moyen Âge et jusqu’à la première modernité : L’affermarsi della corte sabauda. Dinastie, poteri, élites in Piemonte e Savoia fra tardo medioevo e prima età moderna, éd. P. Bianchi et L. C. Gentile, Turin, Zamorani, 2006 ; le livre très utile sur les sources musicales dans le Piémont paru la même année : Le fonti musicali in Piemonte. vol. I – Torino, éd. A. Colturato, Lucques, LIM, 2006 ; les deux ouvrages (2007 et 2012) de Stéphane Gal sur Lesdiguières et Charles-Emmanuel Ier : S. Gal, Lesdiguières. Prince des Alpes et connétable de France, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2007 et Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012 ; un livre publié en 2007 qui traite de la place de la Savoie en Europe : I Savoia. I secoli d’oro di una dinastia europea, éd. W. Barberis, Turin, Einaudi, 2007 ; un ouvrage sur les cours et les princes du Piémont et d’Europe de la même époque paru en 2008 : In assenza del re. Le reggenti dal xiv al xvii secolo (Piemonte ed Europa), éd. F. Varallo, Florence, Olschki, 2008 et un autre, paru la même année, sur la particularité de l’histoire politique du Pièmont : Il Piemonte come eccezione ? Riflessioni sulla « Piedmontese exception ». Atti del Seminario internazionale (Reggia di Venaria, 30 novembre-1° dicembre 2007), éd. P. Bianchi, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2008 ; une publication de 2010 sur les cérémonies, la politique et la société à la cour de Savoie : Le strategie dell’apparenza : cerimoniali, politica e società alla 1
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Nous commencerons par dresser un portrait politique et artistique du duc à l’époque où Turin se transforme sur les plans politique, urbanistique et artistique. C’est dans ce contexte que Sigismondo D’India s’y installe en 1611. Nous étudierons ensuite les conditions de son arrivée au sein de la cour ainsi que ses rapports avec le duc, son patron, examen qui dévoilera son rôle de mécène et de protecteur des arts. Ce chapitre s’articule ainsi autour du duc, de la cour et du musicien. Portrait politique et artistique de Charles-Emmanuel Ier
« Au carrefour des cultures italienne, française et espagnole, ce prince était bien placé pour conjuguer en sa personne les idéaux de la Renaissance7 ». C’est ainsi que Stéphane Gal, dans un ouvrage récent, décrit la manière originale8 de gouverner du duc Charles-Emmanuel ainsi que l’exubérance et le caractère risqué de sa politique9 qui donnaient une grande énergie et une grande force à son image10. En effet, le duc de Savoie met en place une politique de prestige particulièrement attentive à la théâtralisation de son pouvoir, d’où sa volonté et sa capacité extraordinaire à promouvoir des fêtes et des spectacles11. De même, il promeut l’utilisation d’un cérémonial complexe pour toutes les occasions12 dans le but de renforcer sa renommée13. Les spectacles publics, les célébrations religieuses et les festivités lors des périodes de carnaval, font partie de la vie quotidienne des Turinois de cette époque14. Ainsi, le duc est « l’architecte de l’État » et se représente lui-même en faisant coïncider des images réelles – sa politique – et symboliques – la mise en scène du pouvoir –, permettant par là la construction d’une nouvelle identité nobiliaire15 à la fois personnelle et collective. L’art de gouverner du duc, entre audace, sagacité, artifice et ostentation
Fortement influencé par Machiavel, le duc aspirait à la pratique de la vertu16, de la libéralité et de la magnificence dans l’art de gouverner, ce qui a contribué à donner une importance particulière à sa policorte dei Savoia in età moderna, éd. P. Bianchi et A. Merlotti, Turin, Zamorani, 2010 ; un ouvrage de réévaluation historiographique : Sabaudian Studies. Political Culture, Dynasty and Territory (1400-1700), éd. M. Vester, Kirskville, Truman State University Press, 2013 ; un ouvrage publié par les presses de la Sorbonne en 2014 : La politique de l’histoire en Italie. Arts et pratiques du réemploi (xvie-xviie siècle), éd. C. Callard, E. Crouzet-Pavan et A. Tallon, Paris, PUPS, 2014, qui contient un chapitre de Paolo Cozzo sur l’identité et la quête de reconnaissance de la cour de Turin à cette époque intitulé « Mythes et dévotions dynastiques en Savoie-Piémont au xvie et xviie siècles » (p. 259-268) ; Casa Savoia e Curia Romana dal Cinquecento al Risorgimento, éd. J.-F. Chauvard, A. Merlotti et M. A. Visceglia, Rome, École française de Rome, 2015 et L’État, la cour et la ville. Le duché de Savoie au temps de Christine de France (1619-1663), éd. G. Ferretti, Paris, Classiques Garnier, 2017. Enfin, nous pouvons citer l’ouvrage en préparation intitulé Du duché de Savoie au royaume d’Italie (1461-1861). Une histoire des États de Savoie-Piémont, voir G. Ferretti, « Préface », op. cit., p. 11. 7 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 53. 8 Id., p. 292. 9 Id., p. 13. 10 Id., p. 41. 11 Id., p. 440. 12 T. Brero, « Le baptême des enfants princiers (xve et xvie siècles) », Le strategie dell’apparenza, op. cit., p. 36-37. Voir aussi P. Merlin, Tra guerre e tornei : la corte sabauda nell’età di Carlo Emanuele I, Turin, SEI, 1991, p. 159-177. 13 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 291. 14 E. Stumpo, « Spazi urbani e gruppi sociali (1536-1630), Storia di Torino, op. cit., p. 216-218. 15 M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia, op. cit., p. 10. 16 Chez Machiavel le mot « virtù » est en général au singulier, mais son acception est diverse : « Virtù est moins aisé à rendre en français que fortuna, parce que Machiavel lui donne un sens très divers. Tantôt le mot désigne surtout des qualités morales : la valeur, le courage ; tantôt des qualités plutôt intellectuelles : le talent, le mérite, le génie (non dans les sens où l’on dit : un homme de génie, mais dans le sens où l’on parle du génie d’une nation). Virtù peut signifier
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Chapitre 2 : La cour de Turin
tique étrangère en lui redonnant un ordre et une forme qui s’appuyait davantage sur ses talents propres que sur une autorité supérieure17. Cet état d’esprit d’indépendance fut loué par ses contemporains18. Charles-Emmanuel se trouvait au « carrefour de diverses influences idéologiques » dans une période de mutation politique19. Ainsi, il fut également influencé par le courant qui se développa dans le sillage de la Contre-Réforme et de saint Charles Borromée, celui qui oppose la Raison d’État catholique à la Raison d’État humaine20. L’oscillation entre le modèle du prince chrétien, issu de la Contre-Réforme, et celui qui met au second plan l’autorité divine (le modèle de Machiavel), donnait une couleur particulière à son action politique21. On peut également signaler l’influence de Giovanni Botero, selon qui l’État se construit sur l’union du pouvoir et de la morale, mais aussi celle de Jean Bodin où l’État doit se fonder sur le droit22. Se plaçant à l’intersection de ces courants, le duc Charles-Emmanuel soutient que la réflexion sur le pouvoir en favorise l’exercice23. Charles-Emmanuel construit sa personnalité politique en puisant ce qui lui convient le mieux dans chaque courant, en se laissant influencer par telle ou telle manière de gouverner pour finir souvent par contredire ses propres choix. C’est précisément à cause de ses excès que, déjà de son temps, on a construit une légende noire autour de lui24 ; on l’a ainsi décrit comme une caricature de souverain s’enfonçant avec obstination dans l’échec et la déroute. Cet art de gouverner par l’ostentation et la mise en scène était une manière de jouer avec les apparences afin de faire passer pour réel l’illusoire et la réalité pour une illusion à des fins politiques25. Ce sera un aspect-clé de sa politique extérieure – Charles-Emmanuel développe considérablement la représentation étrangère dans sa cour26 – qui devait être, tout comme l’urbanisme, une « fabrique d’illusion et de grandeur27 ». Le duc doit en effet contrôler les différentes factions (française, espagnole et italienne) qui cohabitaient dans sa cour28 et travailler en permanence à faire surgir la surprise et l’extraordinaire29 dans sa politique extérieure en favorisant une sorte de « diplomatie directe » qui l’amenait à négocier avec « franchise et sagacité30 » mais aussi à prendre des risques considérables31. vertu, dans le sens où l’on parle de la vertu des plantes médicinales, mais aussi, parfois, au sens le plus banal du mot : par exemple à la dernière phrase du chapitre XI. Au commencement du chapitre VI, Machiavel parle de la virtù d’un arc, c’est-à-dire de sa puissance. Animée ou inanimée, toute force agissante est douée de virtù. », voir N. Machivelli, Il Principe, Rome, Blado, 1532, traduction, chronologie, introduction, bibliographie, notes et index par Y. Lévy, Paris, Garnier-Flammarion, 1992, p. 182, n. 2. 17 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, p. 261. G. Ferretti, « Préface », op. cit., p. 12. 18 19 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, p. 261 et 262. Id., p. 292. 20 Id., p. 262. Voir aussi M. Merle, « The Model of the Holy Savoyard Prince », Sabaudian Studies, op. cit., p. 151-166. 21 M. D. Pollak, Turin, 1564-1680. Urban Design, Military Culture, and the Creation of the Absolutist Capital, Chicago, 22 University of Chicago Press, 1991, p. 37-38. 23 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 310. 24 On pourrait rapprocher ce type de légende de celle concernant la réputation de Christine de France, voir C. Rosso, « Le due Cristine : Madama Reale fra agiografia e leggenda nera », In assenza del re, op. cit., p. 367-392. 25 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 332. 26 Id., p. 267. 27 Id., p. 74. 28 P. Merlin et C. Stango, « La corte di Carlo Emanuele I », Storia di Torino, op. cit., p. 271-278. 29 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 282. 30 Ce sont les deux termes employés par Fulvio Testi, ambassadeur de Modène à Turin à propos de la manière de négocier de Charles-Emmanuel dans une lettre envoyée au duc de Modène, Alphonse d’Este, depuis Turin le 4 juillet 1628. La lettre a été publiée par M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. I, p. 166, lettre no 153. 31 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 267.
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Cette démarche, qui mise sur la capacité de séduction, est d’inspiration néoplatonicienne. Ainsi, pour s’imposer et créer l’illusion, il faudra déployer des moyens extraordinaires32. L’impulsion donnée par Charles-Emmanuel à l’appareil de la représentation a contribué à un développement particulier de l’image de la cour à partir du début du xviie siècle33. Voilà pourquoi le développement des arts est essentiel à sa politique. La plume et l’épée, Charles-Emmanuel Ier, « grand soleil de Savoie », et les Arts libéraux
Ainsi que le souligne Stéphane Gal, Charles-Emmanuel « régna la plume dans une main et l’épée dans l’autre34 ». L’éducation du duc fut très stricte : « L’apprentissage de l’arithmétique et de la géométrie devait accompagner la pratique de la poésie, de la musique et de la peinture et s’associer au développement du corps par l’escrime, le jeu de paume et l’équitation35 » – apprentissage fortement imprégné par les Arts libéraux destinés à forger un souverain. L’écriture, et plus particulièrement la poésie, est donc très importante pour le duc qui s’essaie à tous les genres littéraires. Il rédige sans relâche instructions, avertissements et esquisses dans un crescendo frénétique ; il commande également aux hommes de lettres de sa cour, la rédaction de traités sur tous les sujets qui intéressent le duché. Littérature et image de la cour sont étroitement liées à cette époque36. Ainsi verront le jour les discours Del buon governo (Du bon gouvernement), écrits entre 1610 et 1620 par un conseiller du duc, Alessandro Anguissola37, les Filippiche rédigées en 1615, les vers du Pianto d’Italia (Les larmes d'Italie) que le poète modénais Fulvio Testi dédie au duc en 1617, enfin Lo Statista regnante (L’homme d’État régnant), dernier et très célèbre portrait publié à Lyon en 1628 par l’historien de la cour, Valeriano Castiglione, Milanais et bénédictin, auteur également d’un panégyrique intitulé : A Carlo il grande il guerriero il pacifico (À Charles le grand, le guerrier, le pacifique), publié à Turin l’année suivante38. On retrouve donc l’écho des événements historiques et politiques dans les vers des poèmes de la cour, par exemple dans ceux de Giambattista Marino (dans Il Ritratto39 de 1608, La lira40 de 1614, Il Tempio41 de 1615, La Galeria42 de 1620 ou l’Adone43 de 1623) mais aussi dans les louanges adressées à la famille Id., p. 263. P. Merlin, « La struttura istituzionale della corte sabauda fra Cinque e Seicento », L’affermarsi della corte sabauda, op. cit., p. 289. 34 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 12. 35 Id., p. 46. 36 F. Vazzoler, « Il Topos e la storia : Chiabrera e Carlo Emanuele I », Da Carlo Emanuele 1 a Vittorio Amedeo 2. Atti del convegno nazionale di studi : San Salvatore Monferrato, 20-21-22 settembre 1985, Monferrat, San Salvatore Monferrato, 1987, p. 74. 37 M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia, op. cit., p. 18. Ainsi, la Raison d’État, selon Anguissola, est une règle et un art qui apprend et observe les moyens adéquats pour « atteindre l’objectif prévu par l’auteur […] en mettant en avant le but sans tenir compte des différentes causes. » (« Conseguire il fine destinato del artefice […] prendendo quella dal suo fine e non dall’altre cagioni. »), A. Anguissola, Del buon governo del Principe, 1610-1620, éd. P. M. Arcari, La Ragion di Stato, Rome, Nuove grafiche, 1939, p. 75. Sur la dissimulation comme subordination méthodique de tous les intérêts à celui de l’État : « Posta questa gerarchia di valori, il principe sacrificherà al bene comune, non solo gli interessi di una classe, o dei principali cittadini ma il suo proprio come persona. », voir id., p. 80. 38 M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia, op. cit., p. 18-19. 39 G. Alonzo, Giambattista Marino. Il ritratto del serenissimo don Carlo Emanuello duca di Savoia, Rome, Aracne, 2011. 40 L. Salvarani, Giambattista Marino. La lira, Lavis, La finestra, 2012. G. P. Maragoni, Giovanni Battista Marino. Il Tempio e La Sferza, Rome, Vignola, 1995. 41 M. Pieri et A. Ruffino, La Galeria di Giambatista Marino, Lavis, La finestra, 2005, vol. III. 42 43 M. Pieri, Giambattista Marino. L’Adone, Trente, La finestra, 2004, 3 vol. 32 33
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ducale et aux membres illustres de la cour par des poètes moins connus ou anonymes44. Les Archives d’État de Turin conservent plusieurs poèmes écrits par le duc45. Ce fonds est une mine d’informations sur la personnalité de Charles-Emmanuel car il contient également d’autres documents comme des dessins de blasons, d’animaux46, d’emblèmes, pyramides, autels, tombes47 et chimères48, mais également des arbres généalogiques49, des discours philosophiques et politiques, préparations de tournois50, stratégies de guerre, catalogues d’hommes illustres51 et études d’histoire naturelle52. Ainsi que le souligne Maria Luisa Doglio, d’institution, le duc se transforme en instituteur, de destinataire en émetteur, d’objet d’écriture en sujet qui écrit, de commanditaire en producteur autonome qui compose par libre choix et vocation53. Concernant la poésie du duc, il s’agit d’une très vaste production en langue italienne54, française55 et espagnole56, en dialecte piémontais et en vénitien57 et que l’on peut classer en trois thèmes : discours politiques58, poesie sacre (poèmes sacrés) et poesie amorose (poèmes amoureux et donc profanes59). Quant à la poésie sacrée, nous trouvons plusieurs poèmes qui portent sur la naissance et la mort de Jésus, une oraison en forme de chanson intitulée Lacrime (Les larmes), des lamentations de la Vierge Marie ainsi que d’autres poèmes en l’honneur du Saint Suaire conservé à Turin depuis 1578 mais aussi de saint Maurice – saint patron du duché de Savoie – et d’autres saints60 comme les saints thébains61. Un poème intitulé Musico angel (L’ange musicien) nous donne un bel exemple de l’importance du pouvoir de la musique (le chant) comme révélateur du divin ; « les doux accents » de l’ange musicien qui conduisent vers le ciel et font apparaître la lumière évoquent la mort et la résurrection du Christ62. (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 13, no 25 : Poesie varie di un’anonimo la maggior parte in lode del Duca Carlo Emanuele I e de’ suoi figli. On trouve également un poème en l’honneur de Ludovico d’Agliè. Voir aussi le manuscrit incomplet intitulé L’Éloge ou abrégé de la vie de Charles-Emmanuel I duc de Savoie dans id., liasse 13, no 28, écrit par le confesseur de Christine de France, Pierre Monod. 45 Id., liasse 15/1-15/6. Voir aussi M. Guglielminetti, « Carlo Emanuele I scrittore », Storia di Torino, op. cit., p. 654-672. 46 (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/1, fasc. 1. 47 Comme le dessin de la tombe de son épouse Catherine d’Autriche (id., liasse 15/2, fasc. 4) où les poèmes sur sa mort (id., liasse 15/6, fasc. 8, sous-fasc. 1). 48 Par exemple le dessin d’un animal à deux têtes, voir ibid. Sur les dessins de Charles-Emmanuel, voir S. Gal, CharlesEmmanuel de Savoie, op. cit., p. 291-308. 49 (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/1, fasc. 1. 50 Il s’agit du tournoi intitulé I Cavalieri della selva incantata (Les Chevaliers de la forêt enchantée). Il s’agit d’un tournoi dont les six participants sont : les Grecs, les Latins, les Italiens, les Français, les Allemands et les Espagnols. Chacun d’entre eux doit choisir également un surnom, un dieu ou une passion ainsi qu’une couleur. Le duc fait partie du groupe des Italiens, a comme surnom l’addolorato (le dolent), sa passion est « la douleur » et sa couleur « le blanc ». Voir id., liasse 15/1, fasc. 1, sous-fasc. 2/11. Id., liasse 15/2, fasc. 3. 51 Id., liasse 15/3, fasc. 5. 52 M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia, op. cit., p. 10-11. 53 54 (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/3, fasc. 6 et 15/4, fasc. 7. 55 Id., liasse 15/5, fasc. 7, sous-fasc. 2/b et c. 56 Id., sous-fasc. 3. 57 Id., sous-fasc. 4. 58 Id., sous-fasc. 2/a (2 poèmes en français) et id., liasse 15/6, fasc. 8, sous-fasc. 4. 59 M. L. Doglio, « Rime inedite di Carlo Emanuele I di Savoia », Studi Piemontesi, no 8, 1979, p. 122. 60 (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/3, fasc. 6. Voir aussi M. L. Doglio, « Rime inedite », op. cit., p. 132-133. M. G. Bosco, « I Santi Tebei nella Torino del primo Seicento », Torino. I percorsi di religiosità, éd. A. Griseri et R. Roccia, 61 Turin, Archivio Storico, 1998, p. 130. Le culte des saints thébains est très important et très répandu à Turin à cette époque. Musico angel che ne tuoi dolci accenti / il primo sei a riverir la luce / che nel ciel ci conduco / Mira se tu solo del tuo 62 « fatore / oggi gionsei privo di ragione / che debbo far io che per mia cagione / Morre et resucita or qual redentore. », (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/3, fasc. 6, sous-fasc. 3/2. 44
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Première partie
Les poèmes amoureux du duc, quant à eux, dévoilent l’imaginaire culturel qui permettra de construire l’identité de la cour de Savoie. Ce sont les allégories qui se renforceront dans les années 1620 lors de l’arrivée de Christine de France63. Parmi ces thématiques nous trouvons : les fleuves de Turin, l’eau64, la chasse65, le soleil et la lumière66. On peut rapprocher d’autres poèmes de ceux qui seront mis en musique dans le livre des Balli de Sigismondo D’India en 1621. C’est le cas du texte de la courante en écho pour « le Ballet de Son Altesse Sérénissime » (le duc de Savoie) : Quale amor mercede avrà (Quelle récompense aura l’amour) qui évoque le poème écrit par le duc : Amour quelle récompense dois-tu donner aux amants67. Il en est de même pour les arie faisant partie du Ballet des Rois de la Chine du même recueil de D’India et dont les poèmes auraient été écrits par le duc lui-même. Il s’agit de Gioite, voi prole d’Alcide (Jouissez, vous, descendants d’Alcide) et Felice a sì bel lume (Heureux d’une si bel lumière) qui pourraient être des variantes de ses propres poèmes : Vous, demi-dieux, fille du grand Alcide68 et Très heureux fut pour moi le jour royal69. C’est également le cas du poème Ton berger fidèle m’envoie vers toi belle Amarante70 que l’on pourrait comparer avec la fable71 Amaranta de Giovanni Villifranchi, poète toscan, qui fut représentée avec des intermèdes dansés le jour de l’anniversaire de Christine de France, le 10 février 162172 en même temps que les Ballets des Scythes et des Rois de la Chine de D’India au palais Chiablese
Relationi delle feste principali fatte di carnevale nella corte dell’altezza Serenissima di Savoia, Turin, Pizzamiglio, 1621. Conservé à la Bibliothèque Royale de Turin (I-Tr), Misc. 300/14. 64 « Scorre lucido in ciel di stelle un fiume / di sol in terra nel cristallo ondoso / empie di questa il mar tutto orgoglioso / il superbo de fiumi altero nume. », (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/5, fasc. 7, sous-fasc. 13 ; « Passa la mia dea per l’ombre solte / et ecco il Re de fiumi a lei s’inchina : con l’amata di lui dora vicina / et stira alpestre con sue trecie incolte / si piegano le selve a lei rivolte. », id, sous-fasc. 15 ; « Speciandosi nell’acque / tanto a se stesso piacque / ch’in esse trasformato / fu il misero Narciso / mirando il suo bel viso […] / si trasformò al pie di questi monti / questa ninfa legiadra in mille fonti. », id, sous-fasc. 22. « Diana compare havanti le ninfe / e risponde a Venere con il presente madrigale : / Da le lusingue mostre / La dea da l’onde nata. », id, sous-fasc. 86/1. 65 « L’incauto caciator che ne le selve / va per ogni covil predando belve / al fonte al fin si rese / ove vide la Dea nuda nel acque / che tanto a lei dispiace / che ben mostrò, dal atto discortese / che per una punir vuol mille ofese. », id., sous-fasc. 59. 66 « Suole la luna fra il sole et mio / fra l’eclipse maggiore / mai lumi fraposti al mio bel sole / acresce il suo splendore. », id., sous-fasc. 2. « La tenebrosa notte / pian piano si mandava. », id., sous-fasc. 8 ; « Gia in me ritorna il sole / et i giorni et i mesi et la stagione et l’ore / et con lor torna e cresce il mio dolore. », id., sous-fasc. 8 bis ; « Nel loro ameno ove le verdi piante / senza sfrondarsi mai ergon le cime / lampegio il mio bel sol, e i fior comprime / con le sue care legere et mobil piante. », id., sous-fasc. 12 ; « Nel aparir del mio bel sol i rai / s’oscurano i tremuli splendori / di lumi in inmemorabili minori / con grave pena et con acerbi gar. », id., sous-fasc. 14 ; « Dal de l’aurora il bel eburneo carro / vola per le contrade d’oriente / di luce chiaro et adorno / di gemme risplendente / et caro messagier del novo giorno. », id., sousfasc. 18/1 ; « Nelo splendor delle lucenti sfere / che quei lumi vivaci ornano intorno / et la notte aparere fa chiaro giorno. », id., sous-fasc. 26 ; « Albergo ove il mio sole / nello spuntar del suo bello oriente / d’orno de soi splendori / com’orsi tenebroso et si dolente. », id., sous-fasc. 70/2. 67 « Amor se per gli amanti / debbi far o fai far qualche mercede / fa fede dei miei pianti / a quella che lontana or non mi crede / digli ch’il mio male il suo non adegna. », id., sous-fasc. 10. 68 « Voi che de semidei / l’origine traete / figlia del grande Alcide. », ibid., sous-fasc. 64. 69 « Ben felice per me fu il regal giorno / ch’io vidi il sol che splende in questi lidi / tanto di luce e di splendor adorno. », ibid., sous-fasc. 25. 70 « Il tuo fido pastor a te m’invia / bella Amaranta et s’io potessi dire / quale è la gioia mia / di venirti a servire. », id., sous-fasc. 18/2. 71 Plusieurs fables « boschereccie » manuscrites du duc Charles-Emmanuel dont Le trasformazioni di Millefonti (1608 et 1609) sont conservées à id., liasse 15/6, fasc. 9. 72 A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia nella prima metà del secolo xvii », Rivista Musicale Italiana, no 11, 1904, p. 688. 63
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de Turin73. Les interlocuteurs d’une autre Amaranta74 sont conservés parmi les documents personnels de Charles-Emmanuel. Nous pouvons constater l’importance de la pensée de Charles-Emmanuel, à travers sa poésie, dans l’élaboration d’un imaginaire culturel et d’une identité nobiliaire propre à Turin. Il compose une cour à la fois multiforme et unitaire, ordonnée et désordonnée. Au Charles-Emmanuel dolent de la poésie sacrée répond le duc resplendissant des vers amoureux. La littérature est relayée par les œuvres picturales. Charles-Emmanuel affectionne le collectionnisme, conséquence logique du mécénat, et entretient dans sa cour des peintres comme Guglielmo Caccia, Federico Zuccari75 ou Giovanni Paolo Lomazzo. La protection dont ils jouissent est essentielle pour l’efflorescence artistique de la Savoie de cette époque76. La libéralité de Charles-Emmanuel est une pratique revendiquée et assumée ainsi que le montre sa générosité envers ses musiciens, artistes et d’autres serviteurs77. Cette générosité poussait Charles-Emmanuel à réaliser des dépenses pharaoniques78, parfois même au-delà de ses moyens ; une tradition que poursuivra son fils, le cardinal de Savoie, quand il devra quitter Rome en 1627 à cause d’un nombre impressionnant de dettes. Charles-Emmanuel utilise donc tous les arts pour promouvoir sa politique expansionniste79. Cette volonté s’inspire des idéaux de la Renaissance et favorise le passage de la cour de Turin à l’époque baroque, dans une période où l’ancien et le nouveau s’influencent et s’interpénètrent – mouvement qui caractérise bien la personnalité du duc de Savoie80.
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« Relatione del Balletto de’ Sette Re della China fatto da sua Altezza Serenissima per il giorno di natale di Madama Serenissima », Relationi delle feste principali fatte di carnevale, op. cit., p. 33. 74 « L’Invidia per il Prologo. Aspro Ergasto Pastore inamorato di Smeralda. Pedrechisso inamorato di Opala. Adamante Pastore amante di ambedue. Smeralda ninfa. Sua compagna. Opala ninfa. Amaranta sua compagna. Pan inamorato di Smeralda. Satiri Balletto. Camosto padre di Smeralda. Tigrino Padre d’Adamante. Coro di Ninfe e fanno un balletto. Coro di Pastori fanno un’altro balletto accompagnati dalle Ninfe. Primo messo. Secondo messo. », (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/6, fasc. 11, sous-fasc. 1. D’India a mis en musique une lamentation d’Ergasto extraite du Pastor Fido de Guarini dans son Troisième livre de madrigaux de 1615. Quant à la Smeralda, il s’agit d’une fable qui aurait pu être composée par D’India lors du carnaval de Turin en 1623. Voir A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia », op. cit., p. 690. 75 C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I : Filippo Albini da Moncalieri », Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), éd. L. Girodo, Lucques, LIM, 2002, p. ix. Voir aussi M. Rossi, « L’idea incarnata. Federico Zuccari, la Grande Galleria di Torino e l’immagine ermetica di Carlo Emanuele I di Savoia », Tra antica sapienza e filosofia naturale : La magia nell’Europa moderna. Tradizioni e mutamenti. Atti del Convegno, Firenze, 2-4 ottobre 2003, Florence, Olschki, 2007, p. 545-566. 76 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 341. Voir aussi A. Ziino, « “È tanto necessaria che senza lei non può essere perfetto il pittore”. Musicisti e strumenti negli scritti di Giovanni Paolo Lomazzo », Musikwissenschaft im deutsch-italienischen, éd. M. Engelhardt et W. Witzenmann, Analecta musicologica, no 46, 2010, p. 11-52 et C. Cuneo, « La grande galeria di Carlo Emanuele I di Savoia “in bell’ordine ornata e ripiena d’historie e favole, di libri, di scolture e di pitture […] e meraviglie dell’antichita” », Architettura e identità locali, vol. II, éd. H. Burns et M. Mussolin, Florence, Olschki, 2013, p. 291-311. 77 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 278. 78 Id., p. 276. 79 S. Gal, Lesdiguières, op. cit., p. 201. 80 R. Stoisa Comiglio, La prima madama reale : la vita di Cristina di Francia duchessa di Savoia e regina di Cipro (16061663), Turin, Piazza, 2003, p. 11.
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Première partie
La cour de Turin au temps de Charles-Emmanuel Ier
C’est en 1563, un an après la naissance de Charles-Emmanuel, que la Savoie transfère sa capitale de Chambéry à Turin81. Charles-Emmanuel devient le duc de Savoie à la mort de son père EmmanuelPhilibert en 1580 et s’emploie à faire de Turin une cour excentrique, un carrefour des cultures française, italienne et espagnole82. En effet, il est à la fois le fils de Marguerite de France (1523-1574), la plus jeune des filles de François Ier, et l’époux de Catherine d’Autriche (1567-159783), deuxième fille de Philippe II, roi d’Espagne, et petite-fille de Charles Quint84. La Savoie va donc osciller entre la France, l’Espagne, le Saint Empire romain germanique85 et Rome durant le règne de Charles-Emmanuel86 et prendra une physionomie hybride qui se reflète également sur le plan culturel. Situation politique du Piémont au début du xviie siècle
Sur le plan politique, la Savoie-Piémont relève d’un système ambigu et contradictoire qui apparaît à l’époque comme un exemple d’État moderne en même temps qu’elle conserve des restes de féodalité87. Ainsi que l’a souligné Stéphane Gal, le Traité de paix de Lyon de 1601, qui met un terme à la guerre franco-savoyarde, va modifier les orientations géopolitiques européennes et poussera la Savoie à regarder davantage vers la péninsule italienne88. En effet, Charles-Emmanuel détourne les yeux de ses prétentions espagnoles en 1606 pour s’intéresser, entre autres, « au duché de Milan et ses satellites de la vallée du Pô comme les petits duchés de Mantoue et de Montferrat. Le duc y noue des alliances grâce à ses filles (Isabelle et Marguerite89), tel un maillage matrimonial qui fait entrer les territoires de l’Italie du Nord dans un réseau dynastique dont la maison de Savoie est le centre90 ». Ainsi, la première guerre du Montferrat (1613-1618) trouve son origine dans la volonté de Charles-Emmanuel de mettre la main sur ce duché voisin qui est gouverné à cette époque par la couronne espagnole après la mort, fin 1612, du duc Francesco Gonzaga dont la veuve n’est autre que sa fille, Marguerite de Savoie. La volonté de faire de la Savoie le centre de gravité du pouvoir européen fera passer la cour de Turin d’un modèle Voir P. Cozzo, « De Chambéry à Turin : le transfert de la capitale du duché de Savoie au xvie siècle », Les capitales de la Renaissance, éd. J.-M. Le Gall, Rennes, PUR, 2011, p. 165-177. 82 P. Merlin, Emanuele Filiberto : un principe tra il Piemonte e l’Europa, Turin, SEI, 1995. 83 F. Varallo, Da Nizza a Torino. I festeggiamenti per il matrimonio di Carlo Emanuele I e Caterina d’Austria, Turin, Centro Studi Piemontesi, 1992. 84 Catherine d’Autriche (Catherine Michèle) était également la fille d’Élisabeth de France mais aussi l’arrière-petite-fille de François Ier qui est également le grand-père de Charles-Emmanuel. Voir S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 85 et 86 et L’infanta Caterina d’Austria, duchessa di Savoia (1567-1597), éd. B. A. Raviola et F. Varallo, Rome, Carocci, 2013. 85 Voir Stato sabaudo e Sacro Romano Impero, éd. M. Bellabarba et A. Merlotti, Rome, Viella, 2014. 86 C. Storrs, « La politica internazionale e gli equilibri continentali », I Savoia. I secoli d’oro, op. cit., p. 10. Voir aussi C. Rosso, « Il Seicento », Il Piemonte Sabaudo. Stato e territori in età moderna dans Storia d’Italia, vol. VIII, tome I, Turin, UTET, 1994, p. 179 et C. Cuneo, « Gli anni spagnoli alla corte sabauda. Le residenze urbane ed extraurbane dell’infanta Caterina d’Austria e di Carlo Emanuele di Savoia », Le prince, la princesse et leurs logis : manières d’habiter dans l’élite aristocratique européenne, 1400-1700. Actes des septième Rencontres d’architecture européeenne, Paris, 27-30 juin 2011/Centre André Chastel, éd. M. Chatenet et K. De Jonge, Paris, Picard, 2014, p. 141-158. 87 C. Rosso, « Il Seicento », op. cit., p. 178. Voir aussi P. Rossi, « Appunti per una storia della cultura in Piemonte. (Dal medioevo (Secolo xi) al regno di Carlo Emanuele di Savoia 1580-1630) », Italica, no 44/1, 1967, p. 69-82 et J.-C. Waquet, « Un État exceptionnellement peu italien ? », Il Piemonte come eccezione ?, op. cit., p. 171. 88 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 214. 89 Charles-Emmanuel devait également marier sa fille Francesca Caterina au duc de Nemours en septembre 1611. Voir Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Torino, duchi di Savoia, boîte 1443, fasc. 2, lettre du 6 septembre 1611. 90 S. Gal, Lesdiguières, op. cit., p. 186. 81
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Chapitre 2 : La cour de Turin
politique féodal à un régime absolutiste, fondé sur la représentation, tout en la plaçant au cœur de « l’imbroglio des affaires italiennes du début du Grand Siècle91 ». Martha D. Pollak, quant à elle, remarque que les cinquante ans de règne du duc Charles-Emmanuel sont marqués par le « bellicisme et les revers soudains », par une volonté expansionniste et de « cruelles défaites », mais aussi par une « philosophie politique combative » qui a permis l’extension, l’unification et l’embellissement continus de Turin92 au tout début du xviie siècle93 : c’est le paradoxe turinois selon lequel les cruelles défaites militaires essuyées par le duc correspondent au développement d’une politique fondée sur la valorisation de son histoire et de sa géographie94 par la littérature et par les arts. Les Alpes sont ainsi une ligne de démarcation entre la Savoie et la France contre l’Espagne. En effet, la Savoie, longtemps ennemie, allait rejoindre « une coalition qui transformait les Alpes en puissante ligne de front face aux Habsbourg95 » afin de « briser l’influence espagnole dans la partie la plus fragile de l’Europe96 » qui est à cette époque l’Italie, rappelons que l’Espagne domine très fortement une partie importante de la péninsule. Les aspirations politiques du duc s’affirment également à travers ses fils. Ainsi, après l’échec de la candidature de son quatrième fils, Maurice, à l’archevêché de la cathédrale de Monreale en Sicile en 160997, il envoie le troisième, le prince Emmanuel-Philibert, à Palerme en 1622 pour accomplir des missions politiques et militaires98. L’accession au cardinalat de Maurice de Savoie, en 1607, a permis la réalisation d’un double but politique que Charles-Emmanuel poursuivait depuis longtemps : établir une présence et donc une influence de la Savoie au sein de la Curie romaine et faire bénéficier Turin de privilèges similaires à ceux dont jouissait le roi de France sur l’église gallicane99. La France sert donc de modèle politique à la cour de Savoie. Les relations franco-savoyardes seront également celles de la France avec toute l’Italie du Nord, signe d’une réalité diplomatique nouvelle100. Charles-Emmanuel tente donc, grâce à des stratégies politiques et diplomatiques, de se Id., p. 189. M. D. Pollak, Turin, 1564-1680, op. cit., p. 35. E. Stumpo, « Spazi urbani e gruppi sociali (1536-1630) », op. cit., p. 196. A. Nijenhuis, « La Savoie vue par l’“Ulysses Belgico-Gallicus”. Géographie et politique au début du xviie siècle », Édifier l’État, op. cit., p. 191-127. 95 S. Gal, Lesdiguières, op. cit., p. 180. 96 Id., p. 209. 97 M. Zucchi, « Il cardinale Maurizio di Savoia e l’arcivescovato di Monreale », Archivio Storico Italiano, no 94, 1936, p. 132. Pour les documents d’archive de l’église de Monreale, voir Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Roma, liasse 23, fo 59ro (mars 1609) et Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Savoia, boîte 40, fo 130ro, 131vo, 141ro-142ro, 151ro-152ro et 154vo-156ro, les 8 et 15 août, 26 septembre, 17 et 24 octobre 1609. Nous remercions Gianfranco Armando de l’Archivio Segreto Vaticano grâce à qui ce volume de la Secrétairerie d’État de la Savoie a été restauré. 98 M. Zucchi, « Il cardinale Maurizio di Savoia », op. cit., p. 134-135 ; L. La Rocca, Il Principe sabaudo Emanuele Filiberto, grande ammiraglio di Spagna e vicerè di Sicilia, con documenti inediti, Turin, Miglietta, 1939 et M. B. Failla, « Il principe Emanuele Filiberto di Savoia. Collezioni e committenze tra ducato sabaudo e corte espagnola e viceregno di Sicilia », Committenti d’età barocca. Le collezioni del principe Emanuele Filiberto di Savoia a Palermo, éd. M. B. Failla et C. Goria, Turin, Allemandi, 2003, p. 12-112. 99 E. Crema, « Dalla Vallicella all’Ambrosiana : Giovenale Ancina », Tra i fondi dell’Ambrosiana. Manoscritti italiani antichi e moderni, éd. M. Ballarini, G. Barbarisi, C. Berra et G. Fasso, Milan, Cisalpino, 2008, vol. I, p. 353-354. Voir aussi P. Cozzo, « Linguaggi del sacro fra Roma e Savoia », Casa Savoia e Curia romana, op. cit., p. 19-35 et P. Prodi, « I Concordati tra Savoia e Santa Sede : linee interpretative generali », id., p. 293-300. 100 S. Gal, Lesdiguières, op. cit., p. 208. 91 92 93 94
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rapprocher de la France aux dépens de l’Espagne101 sans déséquilibrer l’alliance traditionnelle de sa cour avec les rois catholiques ni sa position politique vis-à-vis des États pontificaux. Turin est en effet géographiquement à équidistance de Paris et de Rome et ne cesse de favoriser les multiples initiatives religieuses qui font de la Savoie un laboratoire de la Réforme catholique102. Même si la progressive affirmation du pouvoir central au xvie et au xviie siècle alourdit la pression politique de la cour ducale sur l’Église, la Savoie cherche son indépendance et aspire à apparaître dorénavant comme le seul modèle politique103, comme « une vitrine tant de la renaissance de l’État savoyard que des rêves de grandeur et d’ascension de son prince104 ». L’assassinat d’Henri IV, le 14 mai 1610, n’arrange en rien la situation politique de la Savoie ni ses rapports avec la France puisque cet événement anéantissait d’un coup tous les projets et alliances communs105. L’hostilité de la France vis-à-vis de l’Espagne, après la mort d’Henri IV, est un moment important de la politique européenne106 même si peu de temps après, en se tournant à nouveau vers l’Espagne dans une volonté de pacifier les relations franco-espagnoles et avec le mariage qui avait été promis au fils du duc Charles-Emmanuel, la France ôte à la maison de Savoie ce qui faisait sa force, c’est-à-dire son rôle stratégique d’équilibrage politique entre ces deux grandes puissances107. En effet, pour renouer avec l’Espagne, Marie de Médicis a dû sacrifier les engagements du défunt roi avec la Savoie108. Abandonné par la France et après avoir quasiment rompu avec l’Espagne, le duché de Savoie plongeait dans l’isolement109. C’est dans ce contexte qu’éclata peu de temps après la crise pour la succession du Montferrat110. Afin de sortir de cet isolement politique, Charles-Emmanuel aspirait vivement à renouer avec la France par le biais d’une alliance matrimoniale111 entre son deuxième fils, le prince Victor-Amédée, et la sœur de Louis XIII, Christine de France112. Cette stratégie politique ne sera réalisée qu’en 1619, date à laquelle la cour de Turin aborde une nouvelle phase de son histoire qui verra une intensification considérable de son activité politique et diplomatique113, ainsi que le montrent les nombreuses Id., p. 186. F. Meyer, « Les évêques de Savoie et la cour (xvie-xviie siècles), L’affermarsi della corte sabauda, op. cit., p. 393. Voir aussi P. Cozzo, La geografia celeste del duca di Savoia. Religione, devozione e sacralità in uno stato di età moderna (xvixviii secoli), Bologne, Il Mulino, 2006. Voir aussi G. Armando, « Santa Sede e Savoia : un secolare rapporto a partire delle carte vaticane », Casa Savoia e Curia romana, op. cit., p. 177-194. Sur le profond désir de ritualiser l’espace urbain à Turin à des fins religieuses et politiques, voir B. Pierre, « La Vierge et le Prince : les rituels mariaux et l’autorité politique à Turin aux xvie-xviie siècles », Le destin des rituels : faire corps dans l’espace urbain, Italie-France-Allemagne, éd. G. Bertrand et I. Taddei, Rome, École française de Rome, 2008, p. 245-262. 103 F. Meyer, « Les évêques de Savoie et la cour », op. cit., p. 389. 104 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 65. 105 Id., p. 8, 391-395. 106 S. Foa, Vittorio Amedeo 1., 1587-1637, Turin, Paravia, 1930, p. 44. 107 E. Ricotti, Storia della monarchia piemontese, Florence, Barbèra, 1865, vol. IV (1610-1630), p. 24. 108 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 392. 109 Id., p. 393 et 394. 110 Id., p. 395. Voir aussi Monferrato 1613. La vigilia di una crisi europea, éd. P. Merlin et F. Ieva, Rome, Viella, 2016. 111 P. Merlin, « La France et le duché de Savoie au début du xviie siècle », De l’ombre à la lumière. Les Servien et la monarchie de France. xvie et xviie siècle, éd. G. Ferretti, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 76-79. Concernant les stratégies politico-matrimoniales de Charles-Emmanuel, voir (I-Ta), Corte, Real Casa, Materie politiche per rapporto all’interno, Testamenti, liasse 4, fasc. 9. Voir aussi A. Spagnoletti, « Le politiche matrimoniali », Le dinastie italiane nella prima età moderna, Bologne, Il Mulino, 2003, p. 159-223. 112 S. Foa, Vittorio Amedeo 1, op. cit., p. 45. 113 J.-F. Chauvard, A. Merlotti et M. A. Visceglia, « Introduzione », Casa Savoia e Curia romana, op. cit., p. 4. Voir aussi A. Pennini, « Con la massima diligentia possibile ». Diplomazia e politica estera sabauda nel primo Seicento, Rome Carocci, 2015. 101 102
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correspondances des ambassadeurs du duc comme les frères Scaglia di Verrua, représentants du duché en France114, ou le comte Guido San Giorgio, ambassadeur de Turin à Rome de 1623 à 1625 et dont les lettres des années 1624 à 1625 ne parlent que d’affaires politiques115. La cour de Turin, si l’on tient compte des dignitaires, des gentilshommes et des serviteurs, comprenait à peu près trois cents personnes116. Il serait sans doute plus juste de parler de cinq ou six cours, puisque c’est à partir des années qui ont précédé l’arrivée de D’India à Turin que vont se constituer progressivement plusieurs cours au sein même du duché, ce que confirme une lettre inédite de Marco Antonio Moresini, ambassadeur de Venise en Savoie, datée probablement de mars 1622 ou 1623 et conservée aux Archives d’État de Venise. Outre les excellents rapports entre Turin et la République Sérénissime, Moresini nous fait part du contexte historique et politique « des cours » de Turin : M’ayant Votre Excellence, honoré du titre d’ambassadeur ordinaire de l’Altesse Sérénissime du Seigneur Duc de Savoie […] moi, Marco Antonio Moresini, me rendis chez lui afin de réaliser l’habituel service auprès de sa personne […]. Après avoir échangé quelques compliments, il me dit que, dans le Piémont, je recevrai toujours la plus grande satisfaction ainsi que la démonstration d’affection et d’estime de la part de Son Altesse, des Princes et de toute la cour, qu’il suffisait d’être ambassadeur de la République Sérénissime pour être bien considéré et bien traité […]. Moi, applaudissant à cette idée, je lui dis qu’il était connu de tous, que cette cour était l’écho de toutes les autres, que les affaires du Monde entier résonnaient en elle […] sous la discipline d’un si grand Maître qu’était le Seigneur Duc […], à quoi il répondit, qu’à Turin, cinq cours s’y trouvaient à présent, celle du Seigneur Duc, du Prince [Victor-Amédée], de Madame [Christine de France], du Cardinal [Maurice de Savoie] et du Prince Thomas [cinquième fils de Charles-Emmanuel] ; à quoi j’ajoutais que les cours devaient être six avec celle du Prince Philibert. Le duc répondit que ce dernier était un étranger, c’est ainsi que son Père le considère […]. C’est en Espagne, où il se rendra prochainement, qu’il mit son affection mais également ses espérances. Il est mélancolique, la protection de la couronne de France reçue par le Cardinal [Maurice de Savoie117] lui pèse énormément118 (nous soulignons). 114
Il s’agit de l’abbé Alessandro Scaglia de Verrua (agent diplomatique de 1622 à 1627) et de son frère le comte Augusto Manfredo (agent diplomatique de 1618 à 1624), fils du comte Filiberto Gherardo Scaglia (agent diplomatique de 1618 à 1619 et l’un des plus influents personnages à la cour de Turin). Voir T. Osborne, Dynasty and Diplomacy in the Court of Savoy. Political Culture and the Thirty Year’s War, Cambridge-New-York, Cambridge University Press, 2002, p. 50-114. Pour leur correspondance diplomatique de cette période, voir (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Francia, liasse 22, fasc. 2 et 3, id., lettere ministri, Venezia, liasse 6 et id., lettere ministri, Roma, liasse 27, 29, 31 et 33. 115 Id., lettere ministri, Roma, liasse 36, fascicules 1 et 2. Voir également les lettres d’Orazio Paoli datées de juin 1612 dans id., lettere ministri, Venezia, liasse 5, fasc. 2. Voir aussi E. Passamonti, Le « Instruttioni » di Carlo Emmanuele i agli inviati sabaudi in Roma : con lettere e brevi al duca dei pontefici suoi contemporanei, Turin, Cassone, 1930, p. 140-153. 116 S. Foa, Vittorio Amedeo 1, op. cit., p. 119. 117 Maurice de Savoie devient protecteur de la couronne de France entre 1621 et 1636, voir T. Mörschel, « Il cardinale Maurizio di Savoia e la presenza sabauda a Roma all’inizio del xvii secolo », Dimensioni e problemi delle ricerca storica, no 14/2, 2001, p. 158. Sur les caractéristiques du cardinal protecteur de France, titre honorifique dont la charge polyvalente consistait à défendre et promouvoir les intérêts d’une couronne, mais également à être un médiateur, entre le roi et le consistoire, lors des nominations d’évêques et abbés, voir O. Poncet, La France et le pouvoir pontifical (15911661). L’esprit des institutions, Rome, École française de Rome, 2011, p. 171-180. 118 « Havendomi l’eccellenza Vostra conceso l’honore d’Ambasciator ordinario all’Altezza Serenissima del Signor Duca di Savoia […] mi trasferì Io Marc’Antonio Moresini alla casa della sua habitatione per complir seco il solito ufficio […] doppo reciprochi complimenti mi disse che in Piemonte havrei ricevuto io ogni più desiderata soddisfattione et ogni dimostratione d’affetto et di stima dell’Altezza Sua, da Prencipi, et da tutta la Corte, che bastava l’esser Ambasciatore della Serenissima Repubblica per esser ben veduto et trattato […]. Io applaudendo al concetto dissi, che ben l’era noto, che quella Corte era l’echo di tutte l’altre, che ivi rissuonavano gl’affari di tutto il Mondo, […] sotto la disciplina di cosi gran Maestro, come era il Signor Duca […], et mi disse, che in Turino cinque Corti trovansi al presente, quella del Signor Duca, del Prencipe ; di Madama ; del Cardinale ; et del Prencipe Tomaso ; et soggiongendo Io che devono esser sei col Prencipe Filiberto. Mi rispose
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Première partie
La lettre de Moresini montre bien une cour de Turin, tiraillée en permanence entre l’Espagne, la France et les duchés de l’Italie du Nord, condamnée à une politique changeante et risquée, mais dont la force vient précisément de cette place particulière : le duché est certes une puissance militaire secondaire mais primordiale dans le jeu diplomatique européen. Par ailleurs, la multiplicité des cours au sein d’une même cour est un phénomène intéressant sur les plans politique, culturel et artistique puisqu’il témoigne de la construction d’une identité nobiliaire hybride et du développement d’un mécénat artistique de type hétérogène où la musique est le trompel’œil de l’activité politique. La transformation urbanistique et politique de la cour de Turin au début du xviie siècle
La transformation de Turin entre le xvie et le xviie siècles s’inscrit donc dans un contexte d’essor militaire qui a profondément modifié l’urbanisme et l’architecture de la ville119, l’architecture étant un signe d’identité et l’un des lieux privilégiés de la représentation dynastique. La première étape a été entamée par le duc Emmanuel-Philibert120 et poursuivie par son fils Charles-Emmanuel qui s’inspire, sur le plan urbanistique, des propositions de Botero, précepteur de ses fils et artisan de la construction de l’image dynastique, dont l’influence dans l’agrandissement de la ville dans les années 1610 et 1620 est considérable121. C’est aussi l’époque de construction de résidences à l’extérieur de la ville, CharlesEmmanuel adoptant la méthode romaine de l’expansion aussi bien sur le plan du territoire que sur le plan de l’accroissement de la population122. Ainsi, la Vigna du cardinal Maurice est construite en 1615 sur une colline aux alentours de Turin et selon le modèle des villas romaines de la même époque123. Quelques années plus tard, entre 1621 et 1627, la devise DVM PREMOR AMPLIOR (Plus on m’accable plus je m’étends) sera gravée sur le ducaton frappé par la cour et qui présentait le dessin d’un petit compas qui était un symbole traditionnel de la prudence124. Le cardinal Maurice médite chaque détail de la construction de sa Vigna selon ses ambitions politiques et philosophiques et avec un sens métaphorique et emblématique poussé125. De même, l’influence espagnole à Turin se fait sentir quand le duc fait appeler la nouvelle résidence de Mirafiori du mot espagnol Miraflores126. Le voyageur anglais Thomas Coryat s’émerveille de la beauté de Turin lors de son passage en 1611127. En effet, tous ces changements urbanistiques et architecturaux ont non seulement pour but de questo è forestiero e come tale tenuto dal Padre […] ma in Spagna tiene il suo affetto, et le sue speranze, dove si ritrovera di breve, sta melancolico, gli pesa sommamente la prottetione di Franza ricevuta dal Cardinale. », Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, Esposizioni di ambasciatori, filze, liasse 29. 119 M. D. Pollak, Turin, 1564-1680, op. cit., p. 26. 120 Id., p. 13-17. 121 Id., p. 39-40. Voir, par exemple, les dépenses engagées pour la construction des portiques de la place du château en 1612-1613. (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Patenti controllo finanze, art. 689, liasse 73, fo 62ro. 122 M. D. Pollak, Turin, 1564-1680, op. cit., p. 77. 123 R. De Marchi et S. Garnero, La Vigna del cardinal Maurizio : il racconto di Villa della Regina, Turin, B. Grande, 1999, p. 24-25. 124 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 307. Sur le lien entre prudence et lettres dans la formation du prince, voir B. Petey-Girard, Le Sceptre et la plume : images du prince protecteur des lettres de la Renaissance au Grand Siècle, Genève, Droz, 2010, p. 119-128. 125 A. Griseri, Il diamante : la villa di Madama reale Cristina di Francia, Turin, Istituto bancario San Paolo di Torino, 1988, p. 138-139. 126 A. Basso, « Dei rapporti musicali fra Torino e Madrid nei secoli xvi e xvii », Analecta musicologica, no 46, 2010, p. 92 et 96. 127 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 359.
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concilier les intérêts politiques du duc avec les besoins d’urbanisme de la ville128 mais aussi de rivaliser avec les princes italiens129 et les rois de France et d’Espagne en mettant en scène la dynastie savoyarde130. C’est ainsi que lors de son passage dans la capitale piémontaise, dans les années 1620, Henri II de Bourbon sera étonné par les nouveautés urbanistiques de ce théâtre à ciel ouvert et remarquera que « depuis quelques années le Duc a commencé une ville neufe [sic]131 ». Ainsi que l’a souligné Stefano Lorenzetti, entre la Renaissance et le Baroque, les lieux du pouvoir du prince deviennent visibles, ils se transforment en images et s’imposent grâce à une série interminable de signes qui se codifient dans un rituel précis132 ; le cérémonial de la cour est en effet le reflet des aspirations politiques des souverains133. C’est pour cette raison que la cour de Turin affectionne la représentation des giostre (les joutes) qui sont, si l’on en croit une chronique datée de 1618, les spectacles théâtraux en plein air parmi les plus « remarquables car ils ont un je ne sais quoi de guerrier qui contente l’œil des spectateurs en même temps qu’il donne du plaisir aux combattants134 ». Il est vrai que la cour de Turin n’avait pas l’exclusivité des giostre et des tournois, qui étaient également représentés dans d’autres cours comme celles de Mantoue, Modène ou Rome135. Le « programme de célébrations titanesque136 » de Charles-Emmanuel va de pair avec le renouveau urbanistique et la transformation politique de la cour. Il contribue également à construire un contexte culturel, artistique et musical autour du duc et de ses fils. Le raffinement de l’art, et notamment celui du collectionnisme, devient ainsi une vitrine internationale137. Le projet de galerie de Charles-Emmanuel s’inscrit dans ce cadre138. C’est donc à l’intérieur de ce système, où gravitent plusieurs cours autour d’un même duc, que commencera à se développer un sens national des arts. M. D. Pollak, Turin, 1564-1680, op. cit., p. 39. Et notamment avec la famille Médicis, avec qui il furent en conflit durant tout le xviie siècle. Voir L. Bély, La société des princes xvie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 181 ; F. Angiolini, « Medici e Savoia. Contese per la precedenza e rivalità di rango in età moderna », L’affermarsi della corte sabauda, op. cit., p. 435-480 ; C. Cuneo, « La grande galeria di Carlo Emanuele I di Savoia, op. cit., p. 291-311 ; S. Al-Baghdadi, « La dynastie des Savoie et le traitement royal au xviie siècle. Mythes, symboles dynastiques et une pratique religieuse impériale », De Paris à Turin : Christine de France, duchesse de Savoie, éd. G. Ferretti, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 229 et J.-F. Chauvard, A. Merlotti et M. A. Visceglia, « Introduzione », Casa Savoia e Curia romana, op. cit., p. 6. 130 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 357 et 358. 131 Voyage de Monsieur le Prince de Condé, Bourges, Coppin, 1624, p. 7. 132 S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 69. 133 F. Angiolini, « Medici e Savoia », op. cit., p. 465. Voir aussi B. Bolduc, La fête imprimée. Spectacles et cérémonies politiques (1549-1662), Paris, Classiques Garnier, 2016. Riguardevoli, per haver in loro un non sò che d’armigero, ch’appagando l’occhio de spettatori, sodisfa à gli stessi com134 « battenti. », Relatione della giostra a campo Aperto fatta nel giorno natale del Serenissimo Prencipe di Piemonte, Turin, Pizzamiglio, 1618, p. 4-5. 135 A. Jarrard, Architecture as Performance in Seventeenth-Century Europe. Court Ritual in Modena, Rome, and Paris, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 et B. A. Raviola, « Giostre, tornei, allegorie d’acqua a Mantova e Torino fra Cinque e Seicento », La Ronde : giostre, esercizi cavallereschi e loisir in Francia e Piemonte tra Medioevo e Ottocento. Atti del Convegno internazionale di studi, Museo storico dell’Arma di cavalleria di Pinerolo, 15-17 giugno 2006, éd. F. Varallo, Florence, Olschki, 2010, p. 72. 136 M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia, op. cit., p. ix. 137 C. Santarelli, « Le collezioni dinastiche dei duchi di Savoia nel Seicento : problemi di iconografia musicale », Canoni bibliografici. Atti del Convegno internazionale IAML/IASA, Perugia 1-6 settembre 1996, Lucques, LIM, 2001, p. 73 et 74. Voir aussi G. Romano, Le collezioni di Carlo Emanuele I di Savoia, Turin, Cassa di Risparmio di Torino, 1995. 138 Id., p. 74. Sur le programme iconographique de Charles-Emmanuel à partir de 1610, destiné à le représenter comme un duc invaincu et défenseur de la foi catholique, voir S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 350-353. 128 129
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Première partie
La configuration de la cour – les cours des princes
Les cours des princes, qui apparaissent les unes après les autres, naissent à partir de celle de leur père. Le mécénat se développe dans chacune d’elles en fonction de l’activité politique qu’elles accompagnent. La première cour à graviter autour du « Soleil ducal » est celle de Victor-Amédée, installée entre les résidences du Viboccone et de Mirafiori, qui comprend des musiciens à la Chambre comme à la Chapelle. La deuxième cour princière à apparaître est celle du cardinal Maurice de Savoie. Nous pouvons penser qu’elle commence à se former à partir de 1615 après la construction de la Vigna. Il s’agit sans doute de la cour la plus éclectique et la plus riche en activités artistiques. Le prélat sera au centre d’un type de mécénat que l’on pourrait qualifier de centrifuge puisqu’il combine l’érudition intellectuelle avec les arts figuratifs et la musique, à la fois dans le domaine sacré et profane. Le faste de la cour du cardinal Maurice sera transféré plus tard à Rome au milieu des années 1620, nous y reviendrons dans un autre chapitre. La troisième cour est celle de Christine de France qui se constitue à partir de son arrivée à Turin en 1619, moment où l’influence française sera introduite avec force. En effet, la princesse est l’artisan de « la greffe du goût français » en Savoie139. Avant le départ de Maurice de Savoie pour Rome en 1623, les cours de Christine et du prélat sont très proches et fonctionnent selon un modèle de vases communicants. En effet, la princesse fréquente souvent la Vigna du cardinal. Quant à la cour du prince Thomas, prince de Carignan, – à laquelle on peut rattacher celle de son oncle, Amédée de Savoie140 –elle commence à se constituer à partir des cours du cardinal Maurice et de Christine de France ; autrement dit, elle est fortement influencée par la France. Du reste, le plus jeune fils du duc Charles-Emmanuel, né en 1596, épousera en 1625 à Paris Marie de Bourbon Soissons – cousine d’Henri II de Bourbon-Condé141. Enfin, la cour du prince Emmanuel-Philibert, installée à Palerme, est la planète la plus éloignée du système solaire ducal. Le fonctionnement de cette cour est tributaire des rapports très denses de la Sicile avec l’Espagne et de la circulation d’artistes et de musiciens. Tel est le cas, entre autres, de Juan de Larragan, chanteur espagnol appartenant à la Chapelle du prince « exilé » en Sicile142. Quant aux musiciens espagnols, n’oublions pas, ainsi que le souligne Alberto Basso, que Tomas Luis de Victoria avait déjà dédié un livre de musique au duc Charles-Emmanuel en 1585143. L’arrivée de D’India à la cour de Savoie
Sigismondo D’India se déplace vers le Nord de l’Italie à partir de 1600. Il a sans doute assisté aux célébrations du mariage de Marie de Médicis à Florence, avant de se rendre à Mantoue et à Milan, puis à G. Ferretti, « Introduction », Christine de France et son siècle, xviie siècle, no 262/1, 2014, p. 4. En effet, Amédée de Savoie, demi-frère du duc Charles-Emmanuel de Savoie, vit à cette époque au palais du prince Thomas, lieu où il meurt à la fin de l’année 1610. Une partie de ce palais sera habitée par le duc de Nemours à partir du mois de septembre 1611. Voir Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1079, fo 635ro, le 17 septembre 1611 et E. Ghiglione, Amedeo di Savoia marchese di San Ramberto, Florence, Firenze Atheneum, 2005, p. 149 et n. 70. 141 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 424. Voir aussi L. Picco, Il patrimonio privato dei Savoia : Tommaso di Savoia Carignano : 1596-1656, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2004 et A. Spagnoletti, « Tommaso di Savoia : un principe cadetto nel gioco delle potenze europee della prima metà del Seicento », Casa Savoia e Curia romana, op. cit., p. 231-258. 142 Ce musicien apparaît dans le Testamento di Emanuele Filiberto di Palermo, (I-Ta), Corte, Real Casa, Materie politiche per rapporto all’interno, Testamenti, liasse 4, fasc° 12, fo 5. 143 A. Basso, « Dei rapporti musicali fra Torino e Madrid », op. cit., p. 78. 139 140
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Venise et à Ferrare. Il se rend également à Rome, à Parme et à Plaisance à la recherche d’une cour144. Étape décisive dans sa carrière, le musicien est engagé comme « Maestro della musica di camera » du duc Charles-Emmanuel le 1er avril 1611. Intéressons-nous au contexte et aux conditions de son arrivée. Contexte artistique et musical de la cour de Turin à l’aube du xviie siècle
L’époque que nous étudions dans ce chapitre est celle où les différentes cours qui composent la cour commencent à se consolider et à avoir des vies parallèles. Les fêtes de Mantoue de 1608, à l’occasion du mariage des infantes Isabelle et Marguerite, peuvent être considérées comme le premier jalon qui prépare la visibilité internationale du duché145. Le mariage de 1608 est l’occasion d’un déploiement extraordinaire de spectacles et de célébrations. Laurent Vasserot, poète, a composé pour cette occasion plusieurs anagrammes à la gloire de nombreux personnages de la cour – signe d’une forme de poésie symbolique qui se cache sous les mots –, à commencer par le duc Charles-Emmanuel. Ainsi, « Charles Emanuel de Savoye » devient « Avec honeur ma déesse allie146 » ou « Heur Advoe Ames Alliances147 ». Nous voyons ici l’importance de la littérature et le rôle que Charles Emmanuel lui donne. Le pouvoir politique s’unit à l’art poétique conformément à un programme de célébrations clairement orienté afin d’imposer sur la scène italienne une cour européenne de formation relativement récente148. Il s’agit en effet d’une époque où l’on écrit de nombreux panégyriques à la gloire de Charles Emmanuel dont la naissance représente le sommet et la gloire de la généalogie savoyarde. La célébration poétique s’affirme souvent comme supérieure à la peinture149. Ainsi, le poète Giambattista Marino, qui séjourne à la cour de Turin de 1608 à 1615, c’est-à-dire dans les années où elle est en plein essor politique et culturel, affirme dans sa Galeria, publiée en 1620, que la peinture, la sculpture et les arts décoratifs naissent de la poésie et non l’inverse150. Cet ouvrage traite également en profondeur de la concorde des arts à travers la parole151. D’autres poètes français comme Pierre Bertelot, séjournent à Turin à la même époque que Marino152. De même le Tasse, qui a déjà habité Turin en 1578, est-il invité par Charles-Emmanuel à rejoindre sa cour153. Comme le souligne Arnaldo Morelli à propos du compositeur Bernardo Pasquini (La virtù in corte. Bernardo Pasquini (1637-1710), Lucques, LIM, 2016, p. x), les musiciens sont à cette époque avant tout des hommes de cour polyvalents. 145 Voir A. Pennini, « I matrimoni del 1608 », « Con la massima diligentia possibile », op. cit., p. 44-54. 146 L’heureux mariage des Sérénissimes Princesses de Savoie Marguerite avec le Prince François Gonzague duc de Mantoue et Isabella avec le Prince Alfonso d’Este Duc de Modene, (I-Ta), Corte, Real Casa, Materie politiche per rapporto all’interno, Storia della real casa, Principi diversi, catégorie IV, liasse 2, fasc. 1, fo 5ro. 147 Id., fo 5vo. 148 M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia, op. cit., p. viii-ix. 149 G. Alonzo, Giambattista Marino. Il ritratto del serenissimo, op. cit., p. 9, 13-15 et 18. 150 M. Pieri et A. Ruffino, « Gallerie, Marino e l’immagine d’esilio », La Galeria di Giambatista Marino, Lavis, La finestra, 2005, vol. III, p. xxx. Voir aussi C. Cuneo, « La grande galleria di Carlo Emanuele », op. cit. 151 Sur les rapports entre art et poésie à travers La Galeria de Marino, nous pouvons signaler la communication d’Andrea Spiriti prononcée au colloque ENBaCH (European Network for Baroque Cultural Heritage) organisé à Rome en mars 2014 et intitulée : « La “Galeria” di Giovanni Battista Marino fra arte et poesia : sogno, utopia, gioco nel primo Seicento ». 152 G. Alonzo, Giambattista Marino. Il ritratto del serenissimo, op. cit., p. 13. Voir aussi F. Varallo, « Le feste alla corte di Carlo Emanuele I e G. B. Marino », Da Carlo Emanuele 1 a Vittorio Amedeo 2. Atti del convegno nazionale di studi : San Salvatore Monferrato, 20-21-22 settembre 1985, Monferrat, San Salvatore Monferrato, éd. G. Loll, 1987, p. 159-166 ; G. Mombello, « Lingua e cultura francese durante l’occupazione », Storia di Torino, op. cit., p. 59-106 et « Un poeta francese : Pierre Bertelot », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I, op. cit., p. 230-231. 153 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 344. Voir aussi P. M. Prosio, « Il Tasso a Torino », Studi Tassiani, no 31, 1983, p. 81-93. 144
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En effet, depuis le xviie siècle, la cour de Turin a l’habitude d’inviter des poètes et des musiciens venus d’ailleurs. Ce fut le cas de Giovanni Pietro Cottone, compositeur, tromboniste et organiste de la cathédrale de Turin, originaire de Brescia, arrivé vers 1570154, de Pietro Veccoli, joueur de cornet et compositeur, originaire de Lucques, arrivé vers 1581155, d’Alfonso Ferrabosco, luthiste et compositeur, originaire de Bologne, arrivé vers 1582156 ou encore d’Enrico Radesca, compositeur et organiste, originaire de Foggia, arrivé en 1601157. C’est tout au long du xviie siècle que la configuration du corps des musiciens actifs à la cour de Turin sera le plus modifiée : à partir des années 1615, aux musiciens de la Chapelle s’ajouteront ceux de la Chambre, un groupe de douze violons, un autre de voix féminines et enfin, en 1628, le « Gabinet » français, composé de musiciens venus de Paris et qui disparaîtra en 1650158. C’est ainsi que va se forger progressivement, durant la seconde moitié du xviie siècle, une physionomie turinoise spécifique sur les plans artistique, politique, culturel et architectural où se concilient classicisme français et baroque piémontais en tant que « somptueux langage d’une souveraineté de type européen159 ». La diversification des groupes de musiciens correspond à la mise en place progressive des différentes cours qui cohabitent, on l’a vu, au sein du duché. L’arrivée de D’India à la cour de Savoie se situe au début de cette période de diversification. Les conditions dans lesquelles D’India a été engagé à Turin ne sont pas bien connues et donnent lieu à plusieurs hypothèses. Apparaissent alors deux axes de recherche que nous tenterons d’étudier. Comment D’India est-il arrivé à Turin ? La voie de Ferrare, Milan et Mantoue…
L’année 1610 est très importante dans la carrière de D’India. Avant de s’installer à la cour de Turin, on peut penser que le compositeur aurait pu espérer être engagé à la cour de Parme auprès de la famille Farnèse ou à la cour de Vienne, comme l’attestent son livre de monodies accompagnées publié en 1609 ainsi qu’un livre de motets publié l’année suivante. Le premier de ces livres est en effet adressé à Ranuccio Farnese (le 10 février 1609), duc de Parme et de Plaisance et le second à Ferdinand II (le 17 novembre 1610), archiduc d’Autriche. Entre ces deux publications et quelques mois avant le livre de musique sacrée de 1610, le compositeur dédie un autre recueil de motets au cardinal Maurice de Savoie le 1er février 1610160. On peut penser que cette dédicace a pu permettre au musicien de rencontrer le cardinal à Casale (ville piémontaise située à soixante kilomètres à l’est de Turin) l’année suivante, en 1611,
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C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I », op. cit., p. ix, n. 20. Id., p. ix, n. 21. Id., p. ix, n. 22. Sur Matthia Ferrabosco, musicien également originaire de Bologne, actif à la cour de Ferdinand II à Graz à la fin du xvie siècle et probablement de la même famille qu’Alfonso, voir H. Federhofer, « Matthia Ferrabosco », Musica Disciplina, no 7, 1953, p. 205-233. C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I », op. cit., p. x, n. 23 et Enrico Radesca di Foggia e il suo tempo. Atti del convegno di studi, Foggia, 7-8 aprile 2000, éd. F. Seller, Lucques, LIM, 2002. Voir aussi M. Giuliani, « Radesca, Enrico Antonio », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 2016, vol. LXXXVI, p. 102. Le fonti musicali in Piemonte, op. cit., p. 13. Sur cette question, nous pouvons signaler la communication de Claudio Rosso, prononcée également au colloque ENBaCH de Rome en mars 2014 et intitulée : « Il Barocco come categoria periodizzante : il caso del Piemonte nel Sei-Settecento ». D’India fait également rééditer à Venise, en 1610, son Premier livre des villanelles de 1608 et son Premier livre de madrigaux de 1606 (2ème réédition).
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à l’occasion des célébrations pour l’anniversaire de sa sœur Marguerite de Savoie161 qui avait épousé le prince Francesco Gonzaga. Peut-être a-t-il même fait partie des « chanteurs et instrumentistes de Son Altesse, si excellents et rares162 » venus de Milan pour l’occasion. La présence de D’India à Casale est d’autant plus plausible si l’on tient compte du fait que le compositeur a dédié au duc de Mantoue, Vincenzo Gonzaga, son Premier livre de madrigaux de 1606, publié à Milan. Maria Antonella Balsano a avancé l’hypothèse, à propos du Deuxième livre des villanelles à la napolitaine de 1612, que certaines pièces composées à l’occasion de la représentation du Rapimento di Proserpina de Giulio Cesare Monteverdi, donné lors de ce carnaval, auraient pu être insérées dans ce recueil de villanelles163. Les années où D’India se serait rendu à Mantoue (1604-1606) furent des années riches en spectacles (tournois, courses, feux d’artifice, joutes) représentés sous l’égide de Vincenzo Gonzaga et de son fils le prince Francesco Gonzaga. En effet, cette cour fêtait des événements importants comme la visite de l’archiduc Maximilien en 1604, l’élection du pape Léon XI en 1605, la naissance du fils du roi d’Espagne, Philippe IV, et l’élection du pape Paul V, tous deux également en 1605, ou encore les noces de Marguerite Gonzaga avec le duc de Lorraine (Henri II) le 24 avril 1606164. …La voie de Parme, Rome et Côme
Le cardinal de Savoie a certainement joué un rôle dans l’arrivée de D’India à la cour de Turin, même si l’on peut penser que le compositeur a été engagé par le biais de l’oncle du prélat, Amédée de Savoie. En effet, Franco Pavan a récemment mentionné une lettre non datée, extraite des Lettere familiari (Ms. Sup. 3.2.43) du poète et musicien Girolamo Borsieri (1588-1629165) et conservée à la Bibliothèque communale de Côme (I-COc166), où il est question de D’India. Cette lettre adressée par Borsieri depuis Casnate – au nord de Milan non loin de Côme – à Amédée de Savoie, date très probablement de l’année qui a précédé l’arrivée de D’India à la cour de Turin (1610). Il s’agit d’une lettre de recommandation où Borsieri écrit : À Don Amédée de Savoie à Turin. Sigismondo D’India, élève des chanteurs de Rome, naturel dans les notes pures, expert des notes altérées, égal dans l’ornementation, vif dans les trilles et joueur de théorbe non inférieur à Salomone l’Hébreux [Salamone Rossi], désire rencontrer Votre Altesse. Je sais bien que la cour cherche à joindre l’utile à l’honorable. Or [Votre
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Breve descritione delle feste fatte dal Serenissimo Signor Prencipe di Mantova nel giorno Natale della Serenissima Infanta Margherita et nelle venuta dei Serenissimi Prencipe di Savoia nella città di Casale per veder detta Signora, & il Signor Prencipe prima della lor partita per Mantova, Casale, Goffi, 1611, fo 3ro, conservé à (I-Tr) (Misc. 296/6). « Cantori & Suonatori di S. A. cosi eccellenti, e rari. » id., fo 2vo. M. A. Balsano, « “Felice chi vi mira” Sigismondo D’India intonò con doppia lira », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 168. P. Besutti, « Giostre e tornei, fuochi e naumachie a Mantova fra Cinque e Seicento », Musica in torneo nell’Italia del Seicento, Lucques, LIM, 1999, p. 21-23. Pour la biographie du diplomate, voir S. Piazzesi, Girolamo Borsieri. Un colto poligrafo del Seicento, Florence, Firenze University Press, 2009, p. 13-33. F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 382. Les lettere familiari de Borsieri contient 435 pages dont des lettres académiques, historiques et familiales. Voir L. Caramel, « Arte e artisti nell’espistolario di Girolamo Borsieri », Contributi dell’Istituto di storia dell’arte medievale e moderna, no 1, 1996, p. 96 et P. Vanoli, Il “ libro di lettere” di Girolamo Borsieri : Arte antica e moderna nella Lombardia di primo Seicento, Milan, Ledizioni, 2015. Concernant la correspondance de Borsieri conservée à la Biblioteca Ambrosiana de Milan (I-Ma), voir p. 218-221. Quant à certains de ses poèmes, voir p. 222-245.
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Altesse] trouvera l’un et l’autre chez lui, pouvant s’en servir soit pour la délectation quotidienne après la fatigue des audiences, soit comme maître adjoint des pages après les heures d’équitation. [Votre Altesse] acquérra beaucoup de gloire en devenant le protecteur d’un virtuose d’illustre renommée. Je le recommande donc à la suprême autorité de Votre Excellence, certain que là où il prête ses services, tout doute se dissipe et les témoignages d’affection sont démesurés. Je mettrai sur le compte de ma dette la grâce que lui fera [Votre Altesse] en satisfaisant sa requête et, ne pouvant lui demander rien d’autre, je prierai au moins Notre Seigneur pour qu’il lui soit toujours généreux de ses grâces. Depuis Casnate167 (nous soulignons).
L’ordre chronologique de la correspondance de Borsieri est problématique. En effet, cette lettre se trouve dans le fascicule qui correspond à la période qui va de 1606 à 1609. Soit D’India a tenté de faire partie de la cour de Turin entre 1606 et 1609, soit la lettre est mal classée et date en réalité de 1610-1611. Pavan a même émis l’hypothèse que le compositeur aurait pu être engagé à Turin avant 1611 comme musicien du prince Victor-Amédée avant d’être nommé maître de la musique de chambre du duc168, ce qui nous paraît peu probable. La lettre de Borsieri a été adressée en réalité à Amédée de Savoie, marquis de San Ramberto et fils naturel du duc Emmanuel-Philibert, et non pas à son neveu le prince VictorAmédée. Amédée de Savoie est un personnage raffiné et très influent à la cour de Turin169. Il protège des musiciens comme le joueur de luth juif Angelo Rossi170, neveu de Salomone, d’origne milanaise, et des compositeurs comme Enrico Antonio Radesca, originaire des Pouilles, qui s’établit à Turin en 1601 comme musicien de sa cour171 avant d’entrer au service de son demi-frère le duc, d’abord à la Chambre en 1610 puis comme maître de chapelle en 1615172. Du reste, vers la fin de sa vie, en 1610 – date probable de la lettre de Borsieri –, Amédée recommande des serviteurs au duc Charles-Emmanuel173. Si ce n’est pas par l’intermédiaire de Maurice de Savoie que D’India est arrivé à Turin, mais par le truchement d’Amédée de Savoie, comme paraît le montrer la lettre de Borsieri qui lui est adressée, alors de nouvelles questions se posent : quel sont les liens entre le poète-diplomate et D’India et pourquoi est-ce lui qui introduit le musicien à la cour de Savoie ? Quels sont les rapports de Borsieri avec les 167 « A don Amedeo di Savoia Torino. Sigismondo d’India allievo de’ cantori di Roma, naturale nelle note pure, artificioso delle alterate, equal ne’ passaggi, vivo ne’ trilli, e suonator di chitarrone non inferiore a Salomone Hebreo, desidera un trattenimento appresso questa Altezza. Io so che la corte va cercando l’utile con l’onorevole. In esso troverà l’uno e l’altro potendo servirsene per ordinaria ricreatione dopo la stanchezza dell’udienza, o per aggiunto maestro a’ paggi dopo le ore de’ cavallerizzi, ad acquistare molta gloria come ricetto d’un virtuoso d’illustre fama. Lo raccomando alla suprema autorità di Vostra Eccellenza sicuro che dov’ella suole adoperarsi cede ogni contrario proponimento ed è soverchio ogni amorevole testimonio. Porrò io a conto del mio debito la gratia che gli farà nel procurar che gli si compiaccia, e non potendo in altro per servigio de lei pregarò almeno Nostro Signore che le sia sempre liberale delle sue gratie. Di Casnate. », F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 398. (I-COc) : Ms. Sup. 3.2.43, fo 40. L. Caramel, dans son ouvrage, « Arte e artisti nell’espistolario di Girolamo Borsieri », op. cit., ne rapporte pas cette lettre car il commence seulement à partir du fo 44. 168 F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 396-399. 169 Concernant ce personnage peu connu, voir E. Ghiglione, Amedeo di Savoia marchese di San Ramberto, op. cit. 170 (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Patenti controllo finanze, art. 689, liasse 71, fo 204ro-vo. 171 En effet, Radesca apparaît parmi les musiciens d’Amédée de Savoie dans le registre des comptes de 1610 : id., Real casa, Don Amedeo di Savoia, marchese di S. Ramberto, conti dei redditi e spese di casa, art. 231. 172 R. Moffa, « Le opere di Enrico Antonio Radesca, maestro di cappella di Carlo Emanuele I di Savoia », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I, op. cit., p. 589-590. 173 E. Ghiglione, Amedeo di Savoia marchese di San Ramberto, op. cit., p. 8. Voir aussi les trois lettres d’Amédée de Savoie datées de septembre 1610 et conservées à (I-Ta), Corte, Lettere diverse real casa, principi naturali di Savoia, Don Amedeo, liasse 4, ainsi que les documents comptables du prince (id, Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Don Amedeo di Savoia, marchese di S. Ramberto, conti dei redditi e spese di casa, art. 231) où l’on trouve quelques quittances ainsi qu’un registre datant de 1610 où apparaissent musiciens (Radesca, « l’organista Botta »), chanteurs (une basse), peintres (Bernardo Orlandi Milanese) ainsi qu’un « mastro da ballo » et un « mastro di spada ».
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« chanteurs de Rome » ? Et qui sont ces derniers ? Enfin, quelle est la nature de ses liens avec la cour de Turin ? En effet, Borsieri s’occupe de poésie dans les années 1610 à l’époque où il correspond avec les poètes Marino et Ludovico d’Agliè174, tous deux actifs à la cour de Turin et avec qui il entretient des liens étroits175. Si nous nous référons aux rapports eux-mêmes proches entre d’Agliè et D’India, nous pouvons imaginer l’importance de Borsieri en tant que médiateur ou présentateur lors des premières années du compositeur à Turin. Nous pouvons également signaler la présence de Francesco Borsieri, frère de Girolamo, secrétaire de la maison de Savoie à cette époque176. Luciano Caramel177 mentionne une autre lettre de Borsieri adressée à « Amédée de Savoie » et conservée également avec les manuscrits autographes de la Bibliothèque communale de Côme178. La lettre mentionne le musicien Ruggero Trofeo – organiste mantouan à la cour de Turin entre 1604 et 1614179 – et est classée juste après celle où le diplomate recommande D’India auprès du prince. Dans cette lettre, Borsieri, élève de Trofeo, déclare avoir été dans le passé au service de Gesualdo180. Apparaît alors un nouvel axe de recherche qui unit la ville de Turin à celles de Naples, de Côme et de Milan, une ligne qui va de Girolamo Borsieri à Amédée de Savoie en passant par Giambattista Marino, Ludovico d’Agliè pour arriver à Carlo Gesualdo, Ruggero Trofeo et D’India. « Lo raccomando alla suprema autorità di Vostra Eccellenza ». Sigismondo D’India, « Maestro della musica di camera di Sua Altezza »
D’India est donc engagé à la cour de Turin comme musicien du duc Charles-Emmanuel Ier le 1er avril 1611181 au milieu d’une période politique particulièrement trouble. La Savoie est en effet une véritable « poudrière », la crise de la succession du Montferrat étant sur le point d’éclater, et devant marquer la fin des projets expansionnistes du duc Charles-Emmanuel à Mantoue après la mort de Francesco Gonzaga la même année182, sans oublier les difficultés avec l’Espagne qui, depuis 1610, accablent le (I-COc), Ms. Sup. 3.2.43, fo 160, cité dans F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 417. L. Caramel, « Arte e artisti nell’espistolario di Girolamo Borsieri », op. cit., p. 193-194, n. 4. F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 396. Pour les lettres entre Borsieri et Marino, voir L. Caramel « Arte e artisti nell’espistolario di Girolamo Borsieri », op. cit., p. 131, 133-134, 135 et 136-137, (I-COc) : Ms. Sup. 3.2.43, fo 262, 269, 290, 302 et 317. 177 Id., p. 109 et 179, n. 4. 178 (I-COc), Ms. Sup. 3.2.43, fo 45-56. 179 F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 396-397 ; S. Baldi, « La musica nella cattedrale di Torino nella prima metà del Seicento », Subsidia Musicologica. Studi in onore di Alberto Basso per il suo 85° cumpleanno, éd. C. Santarelli, Lucques, LIM, 2017, p. 11-15 et id., « Ruggero Trofeo, un musico nato sotto Saturno ? », Subsidia musicologica 2, éd. C. Santarelli, Lucques, LIM, 2019, p. 3-55. 180 D. Fabris, « Lettere di Battista e Alessandro Guarini nell’Archivio Bentivoglio di Ferrara », Guarini, la musica, i musicisti, éd. A. Pompilio, Lucques, LIM, 1997, p. 88. 181 « Havendo noi ritenuto Sigismondo D’India, nobile Palermitano per Mastro della musica nostra di Camera et accordatogli per suo trattenimento, ducatoni ducento l’anno, da fiorini tredici l’uno, […] vi mandiamo […] pagare al detto Sigismondo la sudetta somma di Ducatoni ducento come sopra ragionati ogni anno, et a quartieri anticipatamente, Cominciando dal primo di Aprile hor passato […]. Datj in Torino li dodeci d’Agosto 1611. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Patenti controllo finanze, liasse 72, reg. 23, fo 201, cité dans S. Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 86. Voir aussi F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 75 et G. Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1998, p. 21. 182 S. Gal, Lesdiguières, op. cit., p. 188. Concernant la particularité du duché du Montferrat, voir B. A. Raviola, Il Monferrato gonzaghesco. Istituzioni ed élites di un micro-stato (1536-1708), Florence, Olschki, 2003 et Cartografia del Monferrato. Geografia, spazi interni e confini in un piccolo Stato italiano tra Medioevo e Ottocento, éd. B. A. Raviola, Milan, Angeli, 2007. 174 175 176
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duché183. C’est dans ce contexte d’incertitude politique que Sigismondo D’India est nommé « Maître de la musique de chambre » du duc de Savoie à Turin. La majeure partie de son séjour (1611-1623) correspond donc à une période de guerres qui va de la première guerre du Montferrat au début de la guerre de Trente Ans. Le musicien se trouve également à la tête d’une compagnie musicale créée depuis peu, l’épidémie de peste de 1601 ayant emporté un nombre considérable de musiciens184. Enfin, le 20 août 1615, D’India publie son Deuxième livre des Musiche à deux voix qu’il dédie au duc Charles-Emamanuel185. Le nouveau style monodique commence à se propager à la cour de Turin à cette époque et D’India en est l’un des plus importants promoteurs. Ce livre est dominé par des poèmes du Tasse et de Marino, mais contient également un poème de Chiabrera et de Guarini ainsi que quelques poèmes anonymes. Ainsi que le souligne Alberto Basso, sous Charles-Emmanuel Ier la musique a pu s’imposer à la fois comme outil de représentation, image de prestige et comme une expression artistique de grande importance historique186. Les périodes de carnaval favorisaient l’arrivée de nombreux personnages nobles « étrangers » à Turin. Elles étaient également l’occasion d’expérimenter de nouveaux spectacles. Ce fut le cas du carnaval de 1609, qui, coïncidant avec l’anniversaire du duc Charles-Emmanuel (le 12 janvier), fut organisé avec magnificence à Turin par son cousin le duc Henri de Nemours187 – qui devait épouser sa fille Francesca Caterina en 1611188 – gouverneur de Lyon et « Intendant suprême des fêtes de cour » du roi de France de 1610 à 1632 et dont l’adresse et l’inventivité furent admirées par l’abbé Ménestrier189. Nemours, personnage-clé du réseau Paris-Lyon-Annecy, introduit des éléments de nouveauté dans la représentation des fêtes turinoises. Ainsi, désormais, les célébrations de l’anniversaire du duc, devenues une tradition, se finissaient-elles toujours par un ballet190. De même, comme le signale Filippo Albini dans sa préface des Musicali Concenti de 1623191, on composait chaque année, pour la même occasion, des monodies accompagnées. En effet, les documents conservés dans les Archives de Turin citent fréquemment, dans les années du règne de Charles-Emmanuel, le nom des musiciens – compositeurs, instrumentistes, chanteurs – au service du duc ou engagés ponctuellement pour des occasions spéciales. 183 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 393. 184 C. Assenza, « “Ma, cara cetra, che speri o tenti ?” Itinerari poetici e immaginari di corte nelle Villanelle di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libro primo (1608) e secondo (1612), éd. C. Assenza, Florence, Olschki, 2007, p. xi, n. 14 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV). 185 S. D’India, Le Musiche a due voci di Sigismondo D’India, servitore del Serenissimo et Invitissimo Signor Duca di Savoia & Capo della Sua Musica di Camera, Venise, Amadino, 1615. Pour une édition moderne de ce recueil, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, vol. II, p. 115-186 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). Pour une approche analytique de ce recueil, voir J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, Ann Arbor, UMI Research Press, 1981 ; J. Whenham, Duet and Dialogue in the Age of Monteverdi, Ann Arbor, UMI Research Press in Musicology, 1982, vol. I, p. 188-189 ; J. Joyce, « I cinque libri de Le Musiche di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco, op. cit., p. 115-133 et A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2004, p. 46-48. 186 A. Basso, « La musica in città (1530-1630) », Storia di Torino, op. cit., p. 343-344. 187 « Di Turino confermano esservi stato fatto questo Carnevale grandissime feste con tornei, e giostre, delle quale era stato mantenitore il Duca di Nemours. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1077, fo 134vo, le 21 mars 1609. 188 Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Torino, duchi di Savoia, boîte no 1443, fasc. 2, lettre de Charles-Emmanuel à Cesare d’Este datée du 6 septembre 1611. 189 C.-F. Ménestrier, Traité des tournois, joustes, carrousels et autres spectacles publics, Lyon, Muguet, 1669, p. 88. 190 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 361. 191 C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I », op. cit., p. xiii.
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La situation de la musique de cour était donc florissante, on y jouait tous les genres en vogue, du madrigal polyphonique à la monodie accompagnée, du mélodrame à la fable pastorale en passant par l’intermède, dans une pleine adhésion au nouveau style expressif inauguré par Monteverdi et les Florentins192. Ainsi, la musique de D’India dévoile les goûts musicaux du duc, son intérêt pour le nouveau style monodique et pour un type de production poétique que l’on pourrait appeler d’avant-garde, ce qui nous montre par la même occasion l’importance de la musique dans l’activité politique du duché à une époque où les affaires diplomatiques étaient particulièrement tendues – une musique radicale qui seconde une « politique de l’extrême193 » et qui allait devenir la marque de la Savoie. Le duc Charles-Emmanuel, à travers son rôle de mécène, entendait donner une dimension héroïque et extraordinaire à son image afin de consolider sa place parmi les princes italiens de son temps. Sa manière de gouverner, fondée sur l’exaltation dynastique et la mise en scène du pouvoir, ont fait évoluer le duché de Turin « de territoire tampon à État intermédiaire194 ». Les arts ont joué un rôle fondamental dans la représentation de la puissance du duc et de son territoire. Au moment où D’India est engagé à Turin, le contexte politique en Savoie est pour le moins tendu et instable. Pendant tout le séjour du musicien, le duché sera tiraillé entre l’Espagne, l’Empire, la France et l’Italie. Sa relative faiblesse militaire est toutefois compensée par une situation géographique sensible, pour ainsi dire cruciale, qui en fait la force diplomatique. Les multiples influences qui ont nourri la formation politique du duc de Savoie l’ont conduit à gouverner essentiellement par l’illusion et l’artifice, aboutissant – pour reprendre l’expression de Claudio Rosso – à une sorte « d’ordre désordonné195 », de centralité descentrée, oscillant entre le sacré et le profane, entre l’art poétique et la guerre et entre la vertu et la mise en scène du pouvoir. Cette manière particulière d’exercer le pouvoir est le reflet d’une personnalité dont les maîtres-mots sont l’excès, la libéralité et l’éclectisme : Charles-Emmanuel est sombre et dolent (addolorato) dans le domaine sacré, lumineux et allégorique dans le domaine profane. Cette volonté d’éblouir par les arts ouvrira la cour de Turin à la nouveauté musicale et à l’avant-garde poétique ; le livre des monodies accompagnées à deux voix de D’India, dédié au duc, offrant les deux. La constitution multiforme du duché aura pour conséquence l’apparition successive de différentes cours, ainsi que le montre la lettre de l’ambassadeur Moresini, une véritable « société des princes » pour reprendre l’expression de Lucien Bély196. Pendant tout son séjour, D’India ira d’une cour à l’autre. Il fréquente d’abord celle du duc puis, à partir de 1620, celles du cardinal Maurice de Savoie et de Christine de France. Nous verrons plus tard que c’est à partir de cette date que le centre de gravité de son activité artistique se déplace de plus en plus du côté du cardinal Maurice. Sigismondo D’India est comme une étoile filante qui se déplace d’une cour à l’autre à l’intérieur du système solaire ducal turinois. D’India est introduit à Turin grâce à Amédée de Savoie et par l’intermédiaire de Girolamo Borsieri qu’il aurait pu rencontrer à Milan ou à Naples. En effet, les relations entre les compositeurs et les mécènes se nouaient souvent grâce à la médiation d’un personnage dont la place au
Id., p. ix. L’expression « politique de l’extrême » est de S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 374. G. Ferretti, « La politique italienne de la France », Christine de France et son siècle, op. cit., p. 19. C. Rosso, « L’“ordine disordinato” : Carlo Emanuele I e l’ambiguità dello stato barocco », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I, op. cit., p. 37-79. 196 L. Bély, La société des princes, op. cit.
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sein des réseaux nobiliaires était cruciale. L’action de Borsieri, en tant que personnage intermédiaire, donne sens au lien qui unit alors patron et client ainsi qu’au processus de transfert culturel197. Enfin, concernant le Deuxième livre des Musiche, le duc de Savoie n’en est pas le commanditaire mais se fait ici médiateur entre art et politique, son rôle en tant que mécène consistant à amplifier et à partager le plaisir des musiques que D’India « utilise souvent » dans l’intimité de ses « chambres royales » comme à l’extérieur du palais ducal, à une époque qui favorise de plus en plus les spectacles publics. C’est dans cette manière de construire sa propre image publique (son prestige personnel) et de présenter l’éblouissement de sa cour et des vertus (la légitimation de son pouvoir) que Charles-Emmanuel combine les figures du prince mécène du xvie et du xviie siècles et qu’il peut paraître comme « le seul Soleil de notre temps198 ».
Schéma 2 : Système solaire ducal de la cour de Turin
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Voir M. Keblusek, « Introduction. Profi ling the Early Modern Agent », Your Humble Servant : Agents in Early Modern Europe, éd. H. Cools, M. Keblusek et B. Noldus, Hilversum, Uitgeverij Verloren, 2006, p. 10. « Préface », S. D’India, Le Musiche a due voci di Sigismondo D’India, op. cit.
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La princesse Christine de France
La figure de Christine de France (1606-1663) fait l’objet d’un récent regain d’intérêt199. Fille de Marie de Médicis et sœur de Louis XIII, artisane de la construction d’une « royauté piémontaise200 », elle a joué un rôle fondamental dans le développement et le rayonnement du duché de Savoie tout au long du xviie siècle. Son mariage avec Victor-Amédée de Savoie – deuxième fils du duc Charles-Emmanuel – et son arrivée à la cour de Turin en 1620, ont renforcé le climat de renouveau entamé par le duc à l’aube du siècle. Au cœur de ce développement, une profusion de fêtes princières et de spectacles suscite l’essor du ballet et des fables représentatifs. Ce chapitre sera consacré aux premières années du séjour turinois de Christine de France (16191621) – qui correspondent à la dernière période de gouvernement (1615-1630) du duc Charles-Emmanuel –, à son rapport avec la musique et, plus particulièrement, à ses relations avec Sigismondo D’India qui, en sa qualité de « capo della musica », est le musicien le plus important au service de la princesse ainsi que le principal acteur de la transformation des divertissements de la cour. En effet, l’installation de Christine de France à Turin ouvre une nouvelle étape dans la carrière du compositeur, vivant alors les dernières années de son séjour dans la capitale du Piémont. C’est ainsi que seront analysés la construction de l’urbanité turinoise, la théâtralité urbaine qui s’exprime dans les espaces artistiques de la représentation de la cour et à travers le foisonnement de spectacles à Turin201, les transferts culturels franco-savoyards, l’imaginaire en tant que signe historique et identitaire et enfin la manière dont les pratiques culturelles et artistiques s’insèrent dans un dispositif politique. L’arrivée de Christine de France à Turin en 1620. Changements et développements politicoculturels en Savoie
L’arrivée de Christine de France à Turin donne une nouvelle orientation politique à la cour de Savoie202. Son mariage avec le prince Victor-Amédée peut être compris comme un véritable triomphe politique qui devait rapprocher la France du duché de Savoie pour contenir les ambitions espagnoles, favoriser les aspirations expansionnistes du duc et permettait une entrée plus aisée des Français en Italie dont le Piémont était l’antichambre203. Ce mariage a donc favorisé l’émergence d’un parti français à la cour204. En effet, les échanges diplomatiques entre Turin et les cours les plus importantes comme Rome ou Paris s’accentuent. En 1617, l’ambassadeur Claude Marini fut envoyé à Turin par Louis XIII 199
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Voir le dossier consacré à « Christine de France et son siècle » par la revue xviie siècle, no 262/1, 2014 ; De Paris à Turin : Christine de France, duchesse de Savoie, éd. G. Ferretti, Paris, L’Harmattan, 2014 ; Édifier l’État : politique et culture au temps de Christine de France, éd. A. Becchia et F. Vital-Durand, Chambéry, Université de Savoie, 2014 ; L’État, la cour et la ville. Le duché de Savoie au temps de Christine de France (1619-1663), éd. G. Ferretti, Paris, Classiques Garnier, 2017 et J. Morales, « L’arrivée de Christine de France à Turin (1620) et le renouveau musical de la cour », Studi Piemontesi, no 48/1, 2019, p. 17-26. G. Ferretti, « La politique italienne de la France et le duché de Savoie au temps de Richelieu », Christine de France et son siècle, op. cit., p. 20. Voir A. Basso, L’Eridano e la Dora festeggianti. Le musiche e gli spettacoli nella Torino di Antico regime, Lucques, LIM, 2016, vol. I, p. 222-228. P. Merlin, « La scena del principe. La corte sabauda tra Cinque e Seicento », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I. Torino-Parigi-Madrid, éd. M. Masoero, S. Mamino et C. Rosso, Florence, Olschki, 1999, p. 29. G. Brugnelli Biraghi et M. B. Denoyé Polione, Chrestienne di Francia. Duchessa di Savoia, Prima Madama Reale, Turin, Gribaudo, 1991, p. 16. G. Ferretti, « La politique italienne de la France », op. cit., p. 15.
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dans le but de consolider le rapprochement entre ces deux États, rapprochement qui commencera à se dégrader à partir de 1624 avec l’arrivée du cardinal Richelieu à la tête du Conseil du roi de France. Ainsi, le Piémont se développe sur les plans politique, urbanistique, artistique et musical et se transforme de territoire tampon en État intermédiaire205 dans une période de grandes alliances politiques et de grands changements206. L’architecture de la ville devient « la mise en scène de la représentation du pouvoir207 », une métaphore de la magnificence ducale208 et la marque de l’identité209 turinoise. Un exemple est la place royale, aujourd’hui place Saint-Charles, chef d’œuvre de l’architecte Carlo di Castellamonte qui l’a réalisée entre 1620 et 1650. La place est fermée côté sud par deux églises : Saint-Charles (1619) et Sainte-Christine (1639), cette dernière construite pour Christine de France210. Diplomatie, politique, urbanisme et art reflètent l’image du pouvoir lors des manifestations culturelles collectives. La cour de Savoie multiplie les acquisitions de livres, tableaux, objets d’art, antiquités, habits et tissus. Même le bilinguisme franco-italien peut être considéré comme l’expression d’une frontière culturellement ouverte211. Les spectacles turinois avant Christine de France, sur la voie de la métamorphose
Dès avant l’arrivée de Christine de France à Turin, l’art du ballet dans le Piémont se complexifie et se diversifie. Il devient un objet « curieux » imprégné d’un symbolisme étroitement lié à la vie politique de la cour de Savoie qui s’intéresse à toutes les formes de spectacle et exploite toutes les potentialités théâtrales. L’illustre bien le récit de Valeriano Castiglione212 – moine bénédictin et historiographe – 205 Id., p. 19. 206 A. Griseri, Il diamante, Turin, Istituto bancario San Paolo di Torino, 1988, p. 153-154. Voir aussi Le metamorfosi del barocco, Turin, Einaudi, 1967, p. 46-49 et G. Gentile, « La costruzione di un’immagine cartografica del Piemonte », Diana trionfatrice : arte di corte nel Piemonte del Seicento : catalogo della mostra, Torino, 27 maggio-24 settembre, éd. M. Di Macco et G. Romano, Turin, Allemandi, 1989, p. 2-5 ; A. Peyrot, « Le immagini e gli artisti », Theatrum Sabaudiae. Teatro degli Stati del Duca di Savoia, éd. R. Roccia, Turin, Archivio storico della città di Torino, 2000, vol. I, p. 53 et G. Symcox, « Dinastia, Stato, amministrazione », I Savoia. I secoli d’oro di una dinastia europea, éd. W. Barberis, Turin, Einaudi, 2007, p. 69. 207 C. Roggero Bardelli, « Matrici culturali romane per la Vigna del cardinal Maurizio di Savoia e per la Vigna di Madama Reale », I giardini del principe. Atti del Convegno, (Racconigi, 22-24 septembre 1994), Savigliano, Ministero per i Beni Culturali e Ambientali, 1994, p. 7. Sur les imposants travaux réalisés à Turin à partir de l’arrivée de Christine de France, voir P. Cornaglia, « Christine de France et Victor Amédée Ier, couple princier et ducal : les appartements au Palazzo Vecchio de Turin, 1620-1637 », De Paris à Turin, op. cit., p. 181-198 ; « Distribuzione, spazi e funzioni alla corte di Torino. Dagli appartamenti di Vittorio Amedeo I e Cristina di Francia a quelli di Carlo Emanuele II e Francesca d’Orleans (1620-1663) », Le prince, la princesse et leurs logis : manières d’habiter dans l’élite aristocratique européenne, 1400-1700. Actes des septième Rencontres d’architecture européeenne, Paris, 27-30 juin 2011/Centre André Chastel, éd. M. Chatenet et K. De Jonge, Paris, Picard, 2014, p. 285-300 et C. Cuneo, « Les années de la Régence et la politique pour la ville. L’achèvement de la “Città Nuova di Torino” avec “magnificence de bâtiments et somptuosité de palais” », Christine de France et son siècle, op. cit., p. 100 et 102-106. 208 C. Roggero, « Architecture et magnificence : la célébration de Christine de France par Filippo San Martino d’Agliè », id., p. 81-97. 209 Sur cette question, voir P. Boucheron, « Introduction générale », Marquer la ville. Signes, traces, empreintes du pouvoir (xiiie-xvie siècle), éd. P. Boucheron et J.-P. Genet, Paris-Rome, PUPS-École française de Rome, 2014, p. 9-19. 210 I. Massabò Ricci, Arte e storia di Torino, Florence, Bonechi, 1996, p. 66. 211 I. Massabò Ricci et C. Rosso, « La corte quale rappresentazione del potere sovrano », Figure del barocco in Piemonte : la corte, la città, i cantieri, le provincie, Turin, Cassa di Risparmio, 1988, p. 17. 212 Le même Castiglione écrivit un panégyrique en l’honneur de Christine de France pour son anniversaire en 1642, voir V. Castiglione, A Madama Reale Christiana di Francia, duchessa di Savoia, reina di Cipro, tutrice e regente, nella festa annuale della sua nascita, Turin, 1642, 3 p.
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conservé aux Archives d’État de Turin, à propos des fiançailles des infantes de Savoie en 1608 avec les princes de Mantoue et de Modène : Au palais […] ils se délectèrent d’un curieux ballet […] donné dans la grande salle entourée de grands tableaux représentant, sous diverses figures humaines, les provinces des États de Savoie ; et en guise de plafond, une peinture avec les symboles de l’Aurore précédée par l’Amour, laquelle dissipait la nuit. Une fois formé le ballet avec seize chevaliers, on servit le dîner213 (nous soulignons).
Et Castiglione d’ajouter : Curieux fut le bal : au son des trombones dansèrent gracieusement huit chevaux, montés par les deux Princes […] de Savoie [Victor-Amédée et Thomas], par celui de Modène [Alphonse III], le Duc de Nemours, les Comtes de Revigliasco214, [Ludovico] d’Agliè, le Baron de la Dragoniera [Guillaume-François Chabod] et par le Chevalier [milanais] Carlo Arconati [gentilhomme de chambre]215 (nous soulignons).
L’utilisation politique du spectacle lors des mariages des princesses de Savoie fut particulièrement visible lors de la giostra organisée à cette occasion. De même, un document anonyme intitulé Brève description des fêtes données par le Seigneur Prince de Mantoue, conservé à la Bibliothèque royale du Turin, nous informe à propos des célébrations de l’anniversaire de Marguerite de Savoie qui ont eu lieu à Casale en 1611 : Fut présenté un ballet d’une nouvelle et merveilleuse manière. […], on n’a jamais entendu auparavant que l’on ait inventé un ballet au sein même des sentiers des jardins216 […] dans lesquels, au rythme de la musique, les nymphes et les bergers cueillaient des fleurs pour ensuite reprendre le bal avec grande variété de figures, jeux, gaillardes, courantes, tressages et accolades […] qui furent inventés par la si belle intelligence du Prince Sérénissime de Mantoue, également auteur des mélodies délicates de la musique217 (nous soulignons).
213 « Al palazzo […] godettero di un curioso balletto […] fatto nella gran sala attornata da quadroni rappresentanti sotto varie figure humane le Provincie degli stati di Savoia ; e soffittata d’uno sfondato artificiosamente dipinto coi simboli d’Aurora preceduta dall’Amore laquale fugava la notte. Formatosi da sedeci Cavallieri il Balletto si andò al Pranzo. », V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo Principe di Piemonte, Ré di Cipro, parte prima, Turin, Sinibaldo, 1653, p. 128. Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Storia della real casa, catégorie III, liasse 16, fasc. 6. 214 L’auteur de la dédicace du Portrait de Charles-Emmanuel écrit par le poète Marino. Voir G. Alonzo, « Introduzione », Giambattista Marino. Il ritratto del serenissimo, op. cit., p. 22 et 65-69. Curioso fu il ballo, che al suono di tromboni, ballarono otto cavalli leggiadramente atteggiati dalli due Principi […] 215 « di Savoia, da quel di Modena, dal duca di Nemours, dalli conti di Rovigliasco e d’Agliè, dal Barone dalla Dragoniera, e dal Cavaglier Carlo Arconato. », V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo, op. cit., p. 129130. Voir aussi Della vita del Duca di Savoia Carlo Emanuele primo, vol. I, fo 521ro (I-Ta), Corte, Storia della real casa, catégorie III, liasse 14. 216 Pour une étude sur les jardins turinois en tant que signes de la construction de l’identité turinoise à cette période, voir. P. Cornaglia, « La costruzione dell’identità “italiana” nel ducato di Savoia a cavallo tra xvi e xvii secolo : il ruolo dei gardini », Architettura e identità locali, vol. I, éd. L. Corrain et F. P. di Teodoro, Florence, Olschki, 2013, p. 455-475 et id., « L’art des jardins à la cour de Christine de France », L’État, la cour et la ville, op. cit., p. 561-593. 217 « Fu fatto un Balletto con nova, e meravigliosa maniera. […], non si è giamai insteso, ch’altri inventassero di far Balletti dentro a gli istessi sentieri de’ giardini […], ne quali alla misura della Musica le Ninfe, e i Pastori cogliessero fiori, e poi ripigliassero il ballo ; e con tanta varietà di figure, partite, gagliarde, correnti, intrecciature, ed abbracciamenti […], sono questi inventati dal bellissimo ingegno del Serenissimo Prencipe di Mantua, ch’invento parimente la soavissima aria della Musica. », Breve descritione delle feste fatte dal Serenissimo Signor Prencipe di Mantova nel giorno Natale della Serenissima Infanta Margherita et nelle venuta dei Serenissimi Prencipe di Savoia nella città di Casale per veder detta Signora, & il Signor Prencipe prima della lor partita per Mantova, Casale, Goffi, 1611, fo 6ro. Bibliothèque royale de
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C’est à travers ce déploiement inédit de défilés, tournois, bals et d’autres divertissements que les personnages de la cour, parmi lesquels et en premier lieu le duc lui-même, pouvaient illustrer leurs aspirations politiques. L’arrivée de Christine de France à Turin
L’intensification des relations musicales entre la France et la Savoie a donc largement contribué au resserrement des liens politiques et culturels entre les deux puissances. L’aboutissement en fut la création du « Gabinet Français » en 1628 par Christine de France218. C’est dans ce contexte qu’une véritable colonie d’artistes français va s’installer à Turin entre 1619 et 1684219, jouant un rôle de médiation et d’échanges marqués par les goûts et les idées en vogue à Paris – la famille royale et la noblesse turinoise, on l’a dit, pratiquant aisément les deux langues220. Un témoignage important de cet échange culturel est rapporté par Samuel Guichenon, historiographe de la maison de Savoie, dans une copie de son récit manuscrit et inachevé, « Le Soleil en son apogée ou l’histoire de la vie de Chrestienne de France », conservée aux Archives d’État de Turin, où l’historien décrit la représentation d’un ballet – véritable spectacle franco-italien – lors des noces du Prince du Piémont avec Christine de France célébrées à Paris le 10 février 1619, jour de son treizième anniversaire : Comme ces mariages sont de pompe et d’éclat, le Roi [Louis XIII], pour honorer celui-ci [le prince du Piémont] fit faire un des plus superbes ballets qui eut encore jamais été vu, le sujet fut la forêt enchantée de l’inimitable poème de la Jérusalem Délivrée de Torquato Tasso. On les dansa au Louvre221 en présence de la Reine régnante [Marie de Médicis], de Monsieur, des Mesdames, [et] des princes du Piémont [les princes Emmanuel-Philibert et Thomas et le cardinal Maurice de Savoie], […]. Les danseurs furent le Roi, le Comte de Soissons [Louis de Bourbon], le Grand prieur de France [Alexandre de Vendôme, demi-frère du roi], les Ducs d’Elbeuf [Charles II de Guise-Lorraine], de Rohan [le duc protestant Henri II] et [Charles d’Albert, duc] de Luynes222 [Connétable de France], les Comtes de La Rochefoucauld [François V] et de la Roche-Guyon [François de Silly], [Roger du Plessis] Liancourt, [Jean de Warignies de] Blainville, [Philippe-Emmanuel de] Gondy, général des galères [et
Turin (I-Tr), Misc. 296/6. Voir aussi S. Martinotti, « Notizia sulla musica a Casale nell’età cortese », Atti del Quarto Congresso di Antichità e d’Arte, Casale, Marietti, 1974, p. 315-329. 218 La Chapelle musicale est composée à cette époque d’une dizaine de chanteurs, pour la plupart des ecclésiastiques, des « musiciens du Gabinet », des « pages de la musique », des « musici di camera » et de différentes chanteuses. Voir P. Cozzo, La geografia celeste del duca di Savoia. Religione, devozione e sacralità in uno stato di età moderna (xvixviii secoli), Bologne, Il Mulino, 2006, p. 218-219. 219 Tel que nous pouvons le constater en regardant les livres de comptes de Christine de France conservés aux Archives de Turin (I-Ta), Sezioni riunite, Real Casa, Casa della Reale duchessa di Savoia, art. 219, où il est question de Pierre Hache et Michel Gerbin comme « musiciens de la Chambre » en 1620 (fasc. 1, tesoreria 1620, p. 6) puis des deux mêmes musiciens, de Lazzaro Salain et puis de quatre autres musiciens en 1621 (fasc. 2, tesoreria 1621, p. 15). Huit musiciens apparaissent dans le registre de l’année 1622 (fasc. 3, tesoreria 1622, p. 16) dont François Farinel, violoniste auvergnat. Et enfin, les mêmes huit musiciens sont présents dans celui de l’année 1623 (fasc. 4, tesoreria 1623). 220 M.-T. Bouquet-Boyer, Turin et les musiciens de la cour, 1619-1775. Vie quotidienne et production artistique, thèse de doctorat d’État, Université de Paris-Sorbonne, 1987, p. 188-189, 424 et 412-417 et « La Scuola piemontese e la Francia nel secolo xvii. Influenze ed affinità », Seicento inesplorato. L’evento musicale tra prassi e stile : un modelo di interdipendenza, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 1993, p. 191-194. 221 C’est dans la Chapelle royale du Louvre qu’eut lieu la célébration du mariage officiée par le cardinal de La Rochefoucauld, voir S. Foa, Vittorio Amedeo I. 1587-1637, Turin, Paravia, 1930, p. 48. 222 Sur la carrière politique du duc de Luynes, voir S. Kettering, Power and reputation at the court of Louis XIII. The career of Charles d’Albert duc de Luynes (1578-1621), Manchester-New York, Manchester University Press, 2008.
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maréchal de Retz], [Louis de Crevant, Seigneur d’Agry, marquis de] Humières, [Henri de Talleyrand-Périgord, comte de] Chalais, [le maréchal lorrain François de] Bassompierre223, [Léon d’Albert, seigneur de] Brantes et [Gilles de Souvré, marquis de] Courtanvaut. La Reine de son côté fit danser un autre ballet tiré de la fable de Psyché avec une magnificence extraordinaire224 (nous soulignons).
Le ballet inspiré du Tasse dont parle Guichenon, donné en réalité deux jours après les noces, est celui de Tancrède en la forêt enchantée225 . Lors de la représentation, le roi a joué le chef des chevaliers, le comte de Soissons et le Prieur les chevaliers, Monsieur de Luynes le rôle de Tancrède, Messieurs de Liancourt, de Blainville, d’Humières et de Chalais les bûcherons, Messieurs d’Elbœuf, de Rohan, de Gondy et le comte de la Roche-Guyon les scieurs de bois et Messieurs de Bassompierre, de Brantes, de Courtanvaut et le comte de la Rochefoucault les sagittaires226. Le roi avait fait appel aux poètes Porchères, Bordier et Gramont, aux compositeurs Guédron et Belleville, au machiniste Francini et à l’artificier Morel227. Sur les seize danseurs recensés par Guichenon, onze ont participé au ballet de La Délivrance de Renaud, donné à la salle de Bourbon du Louvre228 deux ans auparavant, le 29 janvier 1617229. Quant au ballet organisé par la reine une semaine après le mariage230, nous pouvons remarquer que le mythe de Psyché231 fut également la source d’inspiration d’une fable dramatique représentée lors des fêtes de Casale de 1611232. 223
Sur Bassompierre, voir C. Douvier, « La guerre selon François Bassompierre : “ma fortune, mon avancement, le service du roi, le bien de l’État”, Armées, guerre et société dans la France du xviie siècle, actes du VIIe colloque du Centre International de Rencontres sur le xviie siècle, Nantes, 18-20 mars 2004, éd. J. Garapon, Tübingen, Günther Narr Verlag, 2006, p. 223-231 et L. Bély, L’art de la paix en Europe. Naissance de la diplomatie moderne xvie-xviiie siècle, Paris, PUF, 2007, p. 181-194. 224 S. Guichenon, Le Soleil en son apogée ou l’histoire de la vie de Chrestienne de France Duchesse de Savoie Princesse du Piémont Reyne de Chypre, 1664 ? copie de A. Peyron (Turin, janvier 1837), p. 28-29, (I-Ta), Corte, Storia della real casa, catégorie III, liasse 16, fasc. 29. Voir aussi du même auteur, Histoire généalogique de la royale maison de Savoie, justifiée par titres, fondations de monastères, manuscrits, anciens monuments, histoires et autres preuves authentiques ; enrichies de plusieurs portraits, sceaux, monnaies, sépultures et armoiries, Lyon, Barbier, 1660, p. 878. 225 « Le XIIeme Mardy. […] A sept heures et demie [la Reine donne] le souper a touts ceulx qui estoint de son balet ; […], a minuict, il a dansé son balet. », Journal de Jean Héroard, éd. M. Foisil, Paris, Fayard, 1989, vol. II, p. 2595. Voir aussi S. de Gramont, Relation du Grand Ballet du Roy dansé en la salle du Louvre, le 12 février 1619 sur l’Adventure de Tancrède en la forest enchantée, Paris, Jean Sara, 1619 et M. McGowan, L’art du ballet de cour en France : 1581-1643, Paris, CNRS, 1963, p. 118 et 119. Pour une explication symbolique plus détaillée du déroulement de ce ballet, voir id. p. 120-124. 226 S. de Gramont, Relation du Grand Ballet du Roy, op. cit., p. 39-46. 227 Id., p. 119. Voir aussi la description de Stéphane Gal dans Lesdiguières. Prince des Alpes et connétable de France, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2007, p. 206-207, d’après des sources manuscrites trouvées aux Archives municipales de Grenoble. Concernant Horace Morel, voir M. Bayard, « Horace Morel, un artificier à Paris sous Louis XIII », Les Fées des forêts de Saint-Germain, 1625 : un ballet royal de « bouffonesque humeur », éd. T. Leconte, Turnhout, Brepols, 2012, p. 123-140. 228 Pour une liste des ballets les plus prestigieux donnés au Louvre entre 1600 et 1625, voir A. Surgers, « “Ou le Theatre pris pour coeleste Theatre” : scénographie et séance d’“obligeante humeur” dans la grande salle du Louvre », id., p. 165. 229 C. T. Downey, « The noble participants in the ballet of La Délivrance de Renaud », La Délivrance de Renaud. Ballet danced by Louis XIII, éd. G. Garden, Turnhout, Brepols, 2010, p. 9-12. Voir aussi G. Durosoir, « Les compositeurs du ballet de La Délivrance de Renaud : l’art musical confronté aux exigences du ballet de cour », id., p. 55-64 et A. Surgers, « Quand les allégories étaient vivantes. Scénographie, salle, décors, costumes du Ballet de La Délivrance de Renaud », id., p. 87-130. 230 « Il Re fece il suo Balletto la sera di Carnevale che riusci benissimo e la Regina farà il suo la prossima Domenica di Quaresima a 17 di questo […] La Regina Domenica sera fece il suo Balletto, che riusci con ogni sodisfattione. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1087, fo 139ro et vo, le 25 février 1619. 231 Pour plus d’informations sur le Ballet de Psyché, voir P. Lacroix, Ballets et mascarades de cour de Henri IV à Louis XIV, Genève, Slatkine, 1968, 6 vol., vol. II, p. 206. 232 M. Emanuele, Commedie in musica, pastorali e piscatorie alle corte dei Savoia 1600-1630, Lucques, LIM, 2000, p. 53, n. 13. Une autre comédie sur le thème de Psyché fut donnée à Rome plusieurs fois durant le carnaval de la même
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Première partie
Plus loin, Guichenon raconte la somptueuse entrée de Christine de France à Turin (le 15 mars 1620233) qui fut encore l’occasion d’un renforcement des échanges artistiques entre les deux pays : Cette porte de la vieille ville était ornée d’un arc de triomphe234 par lequel étaient ces statues de Jupiter foudroyant de la gloire, de la paix et de la félicité et de la représentation du Montparnasse235. Avec les neuf muses, Apollon et le cheval Pégase ; au passage de Madame, Apollon avec sa suite chanta un Madrigal à la louange, aidé des neuf muses dont les voix mêlées formaient un merveilleux concert. La place du château éclaircie d’un nombre infini de lumières et de flambeaux en forme de théâtre fut occupée par la Cavalerie jusqu’au palais neuf dont le devant était tout de niches dans lesquelles on avait logé sur la porte des statues de marbre doré de Madame et du Prince et tout autour celles des quatre Empereurs236 et de quatre Rois de la maison de Saxe. […]. Jean Antoine Bonardo piémontais, composa une pièce comique en italien intitulée l’Europa237 qui fut récitée avec applaudissements. André Valfré, poète fameux, fit une autre pièce en vers italiens sur le même sujet à laquelle il donna pour titre Le feste del Po238 (nous soulignons).
En effet, L’Europa de Bonardo Mangarda pourrait faire partie des « œuvres représentatives » dont D’India fait mention dans la préface de son recueil des Balli239, nous y reviendrons. Quant au poète André Valfré, il a traduit des comédies du français en italien mais a également écrit des sonnets, des madrigaux et des chansons240 car écrire de la musique équivaut ici à faire de la politique. La place du château, scène non officielle et théâtre à ciel ouvert, était le lieu par excellence où la maison de Savoie déployait tout le faste des représentations destinées à mettre en scène « son histoire et sa destinée241 » puisque « le but politique exige un grand spectacle242 ». Et l’on notera également année (le 9 et le 14 février 1611) au palais de la Chancellerie chez le prince Michele Peretti en présence, entre autres, de l’ambassadeur de Savoie, des cardinaux Borghese et Montalto et des ducs de Bracciano (Virginio Orsini) et Altemps. Voir (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1079, fo 119vo et 122vo, le 12 février 1611 ; fo 127ro-vo, le 16 février 1611 et fo 160ro, le 19 février 1611, cité partiellement par F. Clementi, Il carnevale romano nelle cronache contemporanee : con illustrazioni riprodotte de stampe e quadri dell’epoca, Rome, Settii, 1899, p. 333-334. 233 G. M. Cavalchino, Dal matrimonio di madama Serenissima Crestina con altri susesi ocorsi tanto di pace con di guerra delanno 1618 sino alanno 1619, 1620, p. 19, (I-Tr), manuscrits, Storia patria 391. 234 Concernant cette thématique voir, Y. Pauwels, « Le thème de l’arc du triomphe dans l’architecture urbaine à la Renaissance, entre pouvoir politique et pouvoir religieux », Marquer la ville, op. cit., p. 181-189. 235 Concernant d’autres documents turinois d’époque mettant en scène le mont Parnasse, voir C. Santarelli, La Gara degli Elementi : acqua, aria, terra e fuoco nelle feste sabaude (1585-1699), Lucques, LIM, 2010, p. 201-208. 236 G. M. Cavalchino, Dal matrimonio di madama Serenissima Crestina, op. cit., p. 73, parle également des « statues des Empereurs. ». 237 G. A. Bonardo Mangarda, L’Europa del Bonardo, per la musica recitativa, nelle reali nozze del serenissimo D. Vittorio Amedeo, prencipe di Piemonte, con Madama Christiana di Francia, Turin, Fratelli di Cavalleris, 1619. Voir aussi le livre du moine Andrea Rossotti, Syllabus scriptorum Pedemontii, seu de Scriptoribus pedemontanis, Monteregali, Gislandi, 1667, p. 347 qui recense les publications piémontaises de cette époque où l’on peut lire : « L’Europa. In nuptijs Victoris Amadei, & Christinae Borboniae Taurini 1619. Imprese. In hoc libro adest Dialogus inter Gemum Gallorum, & Musam Italicam. ». Voir également C. Santarelli, « Intorno all’“Europa” del Bonardo : vitalità di un mito nella cultura del Seicento », Subsidia Musicologica. Studi in onore di Alberto Basso per il suo 85° cumpleanno, éd. C. Santarelli, Lucques, LIM, 2017, p. 75-76 et 86-92. 238 S. Guichenon, Le Soleil en son apogée, op. cit., p. 75-76. (I-Ta), Corte, Storia della real casa, catégorie III, liasse 16, fasc. 29. Voir aussi G. Gasca Queirazza, « Una “chiansonetta” per l’entrata solenne in Torino di Cristina di Francia (1620) », Studi Piemontesi, no 14, 1985, p. 283-294. 239 A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005, p. xii. 240 H. Derossi, Scrittori piemontesi, savoiardi, nizzardi, registrati nei cataloghi del vescovo F. A. Della Chiesa e del monaco A. Rossotto, Bologne, Forni, 1974, p. 9. 241 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012, p. 349. 242 M. McGowan, L’art du ballet, op. cit., p. 111.
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que, depuis sa réception en France, la poésie du Tasse inspire un ballet destiné non seulement à célébrer les noces de deux célèbres personnages mais aussi à consolider les liens politiques franco-savoyards en rendant par là même hommage au duc de Savoie, comme ce fut le cas du Ballet de la Délivrance de Renaud243, donné en 1617 pour mettre en valeur la grandeur du roi qui désirait rétablir dans l’État une « harmonie stable sous un roi fort » juste avant une période de guerre (le coup d’État du 24 avril 1617), de négociations, d’alliances et d’instabilité politique. Le thème de la délivrance est un sujet central et essentiel dans les ballets de cour donnés en France entre 1581 et 1619244 ; l’idée de la grandeur et l’importance d’une monarchie forte avait été introduite en France par l’Italie dans les années 1560. Notons aussi que le ballet n’est pas uniquement un divertissement mais qu’il s’insère dans un dispositif culturel et politique commun entre la France et la Savoie. À partir d’une source commune, La Jérusalem délivrée du Tasse, le thème de la délivrance est exploité dans le ballet de 1617 dans une contexte politiquement très tendu, alors que celui de 1619 porte sur la thématique de la guerre245 et la conquête dans une contexte de célébrations nuptiales : malgré deux contextes historiques radicalement différents, les acteurs/danseurs de ces ballets sont presque identiques246, la plupart d’entre eux, ayant été écartés du cercle de pouvoir de Louis XIII par Richelieu dans les années à venir247, montre le lien étroit entre danse de cour et contexte politique. En effet, la danse, art éminemment social, prend en charge une fonction politique comme « instrument d’auto-reconnaissance248 » : c’est en participant en tant que « danseurs » au ballet, que le roi de France et les autres nobles présents « entrent dans le bal249 » politique et se montrent comme les acteurs et interprètes d’eux-mêmes, le public étant constitué de l’élite aristocratique, elle-même vue à travers les yeux de ceux qui lui donnent son identité250. Ce fut le cas dans la cour de Turin lors des fêtes nuptiales des infantes de Savoie en 1608 où : Divers ballets furent présentés pour le divertissement durant la nuit, ils délectèrent la curiosité. Le premier fut dansé par les pages savoyards déguisés en femme251 […]. Le deuxième par le duc lui-même personnifiant un chasseur avec une suite de neuf chevaliers lui ressemblant. Le troisième fut le ballet des pages du prince Victor[-Amédée]
243 Pour l’édition moderne de ce ballet, voir G. Garden, La Délivrance de Renaud, op. cit. 244 M. McGowan, L’art du ballet, op. cit., p. 174 et 175. 245 Sur l’importance de la guerre et des qualités militaires en tant qu’identité nobiliaire et expression d’un art pour les gentilshommes français, voir K. Van Orden, Music, Discipline, and Arms in Early Modern France, Chicago, University Chicago Press, 2005 et notamment le chapitre « Violence, Dance, and Ballet de Cour » (p. 81-124) ; Armes, guerre et société dans la France du xviie siècle, op. cit., et J.-M. Constant, « Les ballets dans l’imaginaire politique de la cour de Louis XIII dans les années 1620 », Les Fées des forêts, op. cit., p. 19-35. 246 Sept danseurs, dont le Roi de France, du ballet de 1619 ont également participé au Ballet des fées de 1625, id., p. 30 et 32-33. 247 Id., p. 35. 248 S. Lorenzetti, « La parte della musica nella costruzione del gentiluomo. Tendenze e programmi della pedagogia seicentesca tra Francia e Italia », Studi Musicali, no 25, 1996, p. 19. 249 Dans une lettre adressée au duc de de Savoie et datée du 22 février 1622, Augusto Manfredo Scaglia, comte de Verrua, utilise la métaphore du bal pour décrire la situation politique de la Savoie avec l’Espagne : « Senza anco sapere che benefitio ci dovrà risoltare entrando noi in questo ballo. », (I-Ta), Corte, lettere ministri, Francia, liasse 22, fo 5vo. 250 S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 156. 251 Comme ce fut le cas de l’année suivante (le 28 février 1609) à Rome lors du séjour de la reine d’Angleterre (Anne de Danemark) où « in certo festino fatto in Palazzo Reale con tutte le sue Dame, […] havea danzato con Paggi, et musici giovinetti della Cappella Reale vestiti da Donne, essendo ella con le dame comparsa mascherata con habbito da huomo per mostrar, che le Donne non mancano di spirito, et attitudine ad ogni essercitio cavalleresco, come nel resto sono le Delitie degli huomini, e del mondo. », (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1077, fo 106vo, le 4 mars 1609, cité partiellement par F. Clementi, Il carnevale romano, op. cit., p. 326.
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Première partie
habillés comme des paysans piémontais. Le même prince dansa le quatrième avec neuf chevaliers sous la forme de villanelles piémontaises. Les pages et le prince [Emmanuel-]Philibert prirent part pour le cinquième […]. Le sixième par le prince lui-même suivi de neuf pêcheurs. Le septième par les pages de Nemours […], le dernier par Nemours suivi par des femmes de Mantoue et de la Vallée d’Aoste252 (nous soulignons).
Voici un exemple de mise en scène allégorique de la vie du duché et de ses composantes cuturelles et politiques par un ballet représentatif. Comme le souligne Florence Alazard, « la musique, [mais aussi le spectacle et la danse] permettent aux nobles de se livrer à la contemplation d’une image possible de leur activité253 », afin de « construire un miroir de la vie humaine », pour reprendre les mots de Federico Zuccari254, peintre et théoricien d’art255. On peut alors considérer l’activité musicale comme une « continuité de l’action qui consiste à gouverner les hommes256. » Nous pouvons enfin remarquer l’importance du madrigal, du théâtre et de la poésie comme symboles de l’activité musicale et politique de la cour lors de l’arrivée de Christine de France dans la capitale piémontaise. Tâchons maintenant, à travers les Musiche e Balli de D’India, de reconstruire le lien qui unit l’activité festive à l’événement politique. Espaces, politique et symbolisme – les Balli de D’India
C’est dans ce contexte d’échanges franco-savoyards que Sigismondo D’India publie le 8 juin 1621 à Venise son recueil des Musiche e Balli en le dédiant à Marie de Médicis257. Il s’agit d’une anthologie de trente-trois pièces qui contiennent des ballets chantés à quatre voix et dont certains peuvent être interprétés à voix seule. Même si tous les ballets sont représentatifs, certains sont destinés aux bals princiers et d’autres à des célébrations de la cour, ce qui diffère est la situation de représentation. Enfin, ce livre peut être considéré comme le plus important témoignage musical des fêtes turinoises des années 1620.
252 « Per trattenimento della notte vennero introdotti balletti varii, che dilettarono la curiosità, lo ballarono il primo li paggi savoiardi in habiti di donne […]. Il secondo fece il duca medesimo in sembiante di cacciatore con seguito di nove Cavalieri simili. Il terzo fu il balletto dai paggi del principe Vittore vestiti alla contadinesca Piemontesa. Il medesimo Principe ballò il quarto con nove cavalieri sotto forma di Villanelle Piemontesi. Li Paggi del Principe Filiberto atteggiarono il quinto […]. Il sesto dal Principe stesso seguito da nove pescatori. Da Paggi del Nemours il settimo […], l’ultimo dal Nemours seguito da donne Mantovane Valdostane. », V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo, op. cit., p. 131. 253 F. Alazard, Art vocal. Art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 98. 254 F. Zuccari, Il passaggio per Italia, Bologne, Cocchi, 1608, éd. F. Varallo, Lavis, La Finestra, 2007, p. 80. 255 M. Rossi, « L’idea incarnata. Federico Zuccari, la Grande Galleria di Torino e l’immagine ermetica di Carlo Emanuele I di Savoia », La magia nell’Europa moderna. Tra antica sapienza e filosofia naturale. Atti del Convegno, Firenze, 2-4 ottobre 2003, éd. F. Meroi et E. Scapparone, Florence, Olschki, 2007, vol. II, p. 546-548 et 553. 256 F. Alazard, Art vocal. Art de gouverner, op. cit., p. 98. 257 S. D’India, Le Musiche e Balli a quattro voci con il basso continuo del Cavalier Sigismondo D’India. Composte nelle regie nozze del Serenissimo Prencipe di Savoia Vittorio Amadeo, e Madamma Christiana, Venise, Vincenti, 1621. Pour l’édition moderne, voir R. Bez, C. Chiavazza et M. Less, Sigismondo D’India. Le Musiche e Balli a quattro voci con il basso continuo, Lucques, LIM, 2000 (coll. Corona di delizie musicali, vol. I). Pour des ouvrages récents sur Marie de Médicis, voir, Marie de Médicis, un gouvernement par les arts, éd. P. Bassani Patch, Paris, Somogy, 2003 ; Le siècle de Marie de Médicis, éd. F. Graziani et F. Solinas, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2003 et J.-F. Dubost, Marie de Médicis. La reine dévoilée, Paris, Payot, 2009. Voir aussi le colloque intitulé « L’Europe de Marie de Médicis » organisé par les Universités de Bordeaux et de Paris-Sorbonne et le Centre Roland Mousnier du 8 au 9 novembre 2012 à Bordeaux : http://cemmc.u-bordeaux3.fr/pdf/programmemedicis.pdf.
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Chapitre 2 : La cour de Turin
« O bramato Arione » : musique, danse, faste politique, lieux du pouvoir, mythes et symbolisme
Dans le cas des ballets destinés aux célébrations, il est possible que le chœur ait eu une partie active dans l’action scénique et dans la pantomime. En effet, c’est à cette époque que se développent l’art des gestes et la mimique258, les gestes et le chant devenant un moyen de représentation. Ainsi, ce type de danse s’orientait vers le drame chorégraphique et le danseur devait imiter par ses mouvements les sentiments du personnage qu’il représentait259 dans une étroite collaboration entre le poète, le chorégraphe, le compositeur, les acteurs, les chanteurs et les musiciens. C’est le cas du chœur des marins Nelle grotte atre profonde (Dans les grottes obscures et profondes) de la fable d’Arion sur un texte (perdu260) de Giovanni Capponi261 et récitée dans « l’île du parc » du Viboccone, « lieu d’expérimentation et connaissance pour l’enseignement moral et le divertissement des princes262 » sur la rive gauche de la Doire en 1620263. Il s’agit d’une véritable interaction entre musique, fête et décor naturel, la nature devenant elle-même théâtre. Ainsi, la création d’une île artificielle au milieu des eaux donnait une signification emblématique à la résidence ducale au centre du Parc264. Giovanni Matteo Cavalchino écrit à propos de ce spectacle : Sur le dauphin il y avait un jeune déguisé en Arion […] avec un théorbe à la main suivi de deux poissons […] qui étaient conduits par des marins […]. Ces musiciens étaient habillés de tissus d’argent […] et étaient suivis de huit autres embarcations […]. Une nymphe pris son chemin à droite […] suivie par tous les autres […] qui se sont arrêtés après que le cortège d’Arion fût passée […]. Et une fois devant Son Altesse et Madame […], ils commencèrent à chanter, après quoi Arion commença à chanter de nombreux vers et à jouer du théorbe265.
258 F. Calvino Prina, « I Balli di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India. Le musiche e balli, op. cit., p. 11. 259 M. McGowan, L’art du ballet, op. cit., p. 34. 260 « Ce fut lui [Giovanni Capponi] qui composa l’Arion qui fut représenté en Musique aux Nopces [sic] de VictorAmédée Duc de Savoye avec Madame Chrestienne de France Sœur de Louis XIII, l’an 1619. », C.-F. Ménestrier, Des Représentations en musique anciennes et modernes, Paris, Guignard, 1681, p. 251. Voir aussi A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia nella prima metà del secolo xvii », Rivista Musicale Italiana, no 11, 1904, p. 687. 261 D’après G. Vecchi (Le Accademie musicali del primo Seicento a Bologna, Bologne, AMIS, 1969, p. 66-68.), une représentation de l’Arione de Giovanni Capponi, qui a résidé à Turin entre 1617 et 1619, a eu lieu à Bologne en 1619 dans le cadre des tragédies et comédies représentées au sein de l’Académie des « Gelati » de cette ville. 262 « Luogo di sperimentazione e conoscenza, per l’insegnamento morale ed il diletto dei principi. », R. De Marchi et S. Garnero, La Vigna del cardinal Maurizio : il racconto di Villa della Regina, Turin, B. Grande, 1999, p. 14. 263 Le Parc du Viboccone, délimité par les trois fleuves turinois, n’existe plus aujourd’hui. Voir C. Roggero Bardelli, M. G. Vinardi et V. Defabiani, Ville Sabaude, Milan, Rusconi, 1990, p. 123. Pour une description d’époque (1606) du Parc du Viboccone, voir F. Zuccari, Il passaggio per Italia, op. cit., p. 77-88. Concernant les autres résidences turinoises sur les berges des fleuves de la ville, à savoir il Valentino et Mirafiori, voir C. Devoti, « Une résidence perdue pour les princes Victor-Amédée et Christine de Savoie : le château de Millefleurs (Mirafiori) », De Paris à Turin, op. cit., p. 167180 et C. Roggero, « L’architecture de la magnificence. Le modèle du Valentino », L’État, la cour et la ville, op. cit., p. 459-511. 264 C. Roggero Bardelli, M. G. Vinardi et V. Defabiani, Ville Sabaude, op. cit., p. 124. Voir aussi Theatrum Sabaudiae, op. cit., vol. II, table 36. 265 « Sopra il delfino vi era un giovane in modo di Arione […] con una teorba in mano et apreso lui seguiva dui altri pesi […] deti pesi erano condoti da marinari […] ideti musici erano vestiti di tela d’argento […] et apreso essi venivano altri otto barchetti […] et essa ninfa prese la sua strada a man drita […] et apreso seguivano tuti li altri et […] si fermono sino atanto che la squadra di Arione fuse pasata et […] che fu in anti a S A e madama […] comminsiorno a cantare et finito conminsio arione a cantare molti versi e sonare con la teorba. », G. M. Cavalchino, Dal matrimonio di madama Serenissima Crestina, op. cit., p. 118-122. Ce spectacle fut donné à nouveau, suivi d’une battue de chasse, lors de la réception de l’ambassadeur de Venise le 28 octobre de la même année, voir id., p. 124-128.
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Première partie
Tout concourt à produire l’univers de la fête : « l’Art triomphe sur la Nature en changeant le visage, l’atemporalité dissipe le temps, l’illusion le réel266. ». De même, le poète et ambassadeur Ludovico d’Agliè décrit dans un poème « Le Parc du Sérénissime de Savoie » comme un « lieu de culture, d’Art et de Nature » où « dans un bref tableau, forêts, collines, jardins, palais et fleuves, mélanges d’ombre et de lumières, offre une gracieuse peinture » avec des « musiques joyeuses et troubles267. » L’Arion est également la première contribution historiquement attestée de D’India aux spectacles de la cour de Savoie268, même si nous ne savons pas si le compositeur l’a mis entièrement en musique ou en partie. Dans le chœur cité plus haut, l’eau, et en l’occurrence la mer, est une métaphore des dangers politiques269, tandis que la grotte270 – lieu magique et mystérieux271 –, le rocher ou le port, symbolisent le refuge que représente la protection éclairée que la cour de Savoie offre aux artistes272. Arion devient ainsi, si l’on en croit Marco Emanuele, le symbole de l’élite des poètes, musiciens et artistes protégés par les Savoie qui, à l’instar d’Arion273 devant retourner au royaume de son père, sont les seuls à pouvoir sauver les naufragés274. Il s’agit d’une reconstruction fictive de lieux et de personnages, amplification idéale d’un imaginaire commun275 ; le thème maritime est ainsi exploité dans ce qu’on pourrait appeler, pour reprendre les mots de Marie-Thérèse Mourey, « une poétique de l’image animée276 ». 266 « L’Arte trionfa sulla Natura mutandone il volto, l’atemporalità dissipa il tempo, l’illusione il reale. », F. Varallo, « Le feste alla corte di Carlo Emanuele I e G. B. Marino », Da Carlo Emanuele 1 a Vittorio Amedeo 2. Atti del convegno nazionale di studi : San Salvatore Monferrato, 20-21-22 settembre 1985, éd. G. Loll, Monferrato, San Salvatore Monferrato, 1987, p. 161. 267 « Loco di cultura e d’Arte e di Natura […] E qual in breve quadro Selve, Colli, Giardin, Palazi e fiumi Misti d’ombre e di Lumi Offre Pittor leggiadro […] Musiche turbe allegre. », (I-Tr), manuscrits, Varia 53, « Il Parco del Serenissimo di Savoia », Canzoni del conte D. Ludovico San Martino d’Agliè, fo 18vo-21vo et L’Autunno del conte D. Lodovico San Martino d’Aglie. Con le rime dell’istesso, fatta in diverse occasioni All’altezza Serenissima di Savoia, Turin, Cavaleris, 1610, p. 153-157, conservé également à (I-Tr). Voir aussi V. Defabiani, « Giardini sabaudi e cultura botanica : il “libro dei fiori” », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I, op. cit., p. 419-431. 268 S. Saccomani, « Sigismondo D’India e la corte di Savoia. Le musiche per le feste (1619-1621) », Sigismondo D’India, Le musiche e balli, op. cit., p. 8. 269 M. Emanuele, Commedie in musica, op. cit., p. 23. La comparaison de la cour à la mer est une métaphore courante à cette époque, voir A. Cardi, « La Calamità della corte », discours académique publié dans A. Mascardi, Saggi Accademici dati in Roma nell’Academia del Serenissimo Prencipe Cardinal di Savoia, Venise, Fontana, 1630, p. 129. Voir aussi M. Fantoni, « La Corte », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 109 et 118. 270 Concernant d’autre documents turinois d’époque mettant en scène des grottes et des rochers, voir C. Santarelli, La Gara degli Elementi, op. cit., p. 175-187. 271 L. Magnani, Tra magia, scienza e « meraviglia », le grotte artificiali dei giardini genovesi dei secoli xvi e xvii, Gênes, Palazzo Bianco, 1984. 272 « Nelle grotte atre profonde / ritirate, o venti, i passi, / da quell’acque e questi sassi / vi bandisce il dio dell’onde. / Aure, voi ch’errando intorno / increspate la marina, / per quell’onda cristallina / consumate intero il giorno. / Nell’Eolie oscure cave / Borea stiasi ed Austro avvinto / fin che al porto di Corinto / d’Arion gionga la nave. », S. D’India, Le Musiche e Balli, op. cit. 273 Au verso d’un poème manuscrit du duc Charles-Emmanuel intitulé Puis que en eymes deus, nous pouvons lire : « Pan capri gamba, Orfeo con animali, Arion col delfino, Anfion, Marsia, Apollo », (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/5, fasc. 2/c, no 133. 274 M. Emanuele, Commedie in musica, op. cit., p. 55. 275 S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare, op. cit., p. 165. 276 M.-T. Mourey, « L’art du ballet de cour au xviie siècle : poétique de l’image animée », La construction des images : persuasion et rhétorique, création des mythes, Université Paris IV Sorbonne, colloque de l’École doctorale iv, 1113 juin 2009, actes non publiés.
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Chapitre 2 : La cour de Turin
L’inspiration mythologique des ballets dans le Piémont laisse ainsi transparaître un thème central sur les plans artistique, politique et symbolique qui est celui d’Arion. Il s’agit d’un thème récurrent, voire d’un mythe fondateur des spectacles turinois277, celui du chanteur et poète grec qui, menacé de mort par des marins lors d’un voyage entre Tarente et Corinthe, se jeta dans la mer278. Grâce au pouvoir de son chant, un dauphin le sauva et le porta sain et sauf jusqu’au cap Tenaro, le point le plus méridional de la Grèce. Cette légende deviendra un véritable programme allégorique et acquerra « l’évidence d’un symbole », comme le souligne Marco Emanuele279. En effet, le ballet aquatique d’Arion, représenté en 1608 sur le Pô280, fut l’un des plus importants et plus somptueux de Turin281 avant l’arrivée de D’India dans cette cour, de même que le drame musical sur le même personnage de Paolo Bisogno, représenté après le départ du compositeur de Turin en 1628282. Valeriano Castiglione confirme l’importance symbolique du mythe d’Arion lors du banquet pour les fiançailles des infantes Isabelle et Marguerite en 1608 : Au repas succéda le divertissement des yeux puisque sur la place du château […] était figurée […] une mer artificielle et ondoyante dans laquelle apparut un dauphin portant le musicien Arion qui accorda au son de la cithare le chant de quelques vers […]. Neptune et Vénus, entourée des trois grâces, côte à côte […] se mirent sur un char de triomphe tiré par des chevaux marins283 (nous soulignons).
En outre, la cour de Turin semblait préférer le mythe d’Arion à celui d’Orphée – figure emblématique musicale de la Renaissance, symbole de la transgression et du châtiment284. Le mythe d’Orphée est construit sur un paradoxe, sur une ambivalence entre la douceur de son chant et la violence de sa fin tragique. Arion, quant à lui, utilise la magie de son chant pour faire face à une situation extrême, mais il connaît une fin heureuse grâce à l’apparition du dauphin ; la vertu artistique est ici inséparable de la protection éclairée. Sur le plan politique, le mythe d’Orphée conjugue défaillance et risque, dans un monde qui lui donne une signification savante et cosmique, le mythe d’Arion, lui, se situe entre danger et protection du pouvoir politique. Orphée obéit aux schémas socio-politiques de l’extrême fin de la 277 278
Nous remercions Inga Mai Groote de nous avoir mis sur cette piste. Concernant d’autre documents turinois d’époque mettant en scène la mer, voir C. Santarelli, La Gara degli Elementi, op. cit., p. 81-87. 279 M. Emanuele, Commedie in musica, op. cit., p. 47. 280 C.-F. Ménestrier, Des Représentations, op. cit., p. 239-240. 281 G. Tani, « Le comte d’Agliè et le ballet de cour en Italie », Les fêtes de la Renaissance, éd. J. Jacquot, Paris, CNRS, 1975, vol. I, p. 223. 282 O. G. B., Breve Ragguaglio Della suontosissima Festa del Serenissimo Duca di Savoia, Per gli Anni felici di Madama Serenissima, Alli X Febraro 1628. Cité dans C. Santarelli, La Gara degli Elementi, op. cit., p. 11. 283 « Dal pranzo si passò al tratteniento dell’occhio. Poiche nella piazza del castello […] fraposto […] un mare finto ondeggiante, dentro il quale comparve un delfino portante il musico Arione, che accordò al suono della cetra il canto d’alcuni versi […] Nettuno paremente con Venere attornata dalle tre Gratie […] si middero sovra un carro di triunfo tirato da cavalli marini. », V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo, op. cit., p. 130. Le même Castiglione écrit dans un autre ouvrage – Della vita del Duca di Savoia Carlo Emanuele primo, vol. I, op. cit., fo 251ro-vo – à propos du même événement : « Diedero dopo il pranzo non poco gusto a gli sposi le fabbriche di due Carrelli ; l’uno intitolato della Vittoria, l’altro della Gloria […]. Fra le due artificiose machine era finta la veduta d’un spatioso mare ; comparve un delfino formato a squame d’argento, ombrate di color marino su’l dorso portava Arione, che alle Serenissime spose avendosi la cetra il canto di alcuni versi. Le musiche formate parimente da Nettuno, et da Venere, circondata da tre Amoretti, et da altrettante Gratie sopra un Carro trionfale trato da sei Cavalli marini. ». 284 Sur la question du concept de « production de sens » propre à la Renaissance et de son articulation avec l’idée de licence et transgression, voir M. Tafuri, Ricerca del Rinascimento. Principi, città, architetti, Turin, Einaudi, 1995, p. 5.
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Première partie
Renaissance, Arion répond à l’affirmation victorieuse du pouvoir politique propre à l’époque baroque qui est celle d’une « culture dirigée » – pour reprendre les mots de José Antonio Maravall285 – qui s’exprime à travers un langage codé, moyen efficace de construire une nouvelle réalité individuelle et collective fortement hiérarchisée et qui envahit, par la répétition d’images et signes, l’imaginaire de tous ses membres286. Ainsi, ces deux personnages mythologiques établissent des distances et des géométries différentes entre allégorie et pouvoir politique selon le contexte culturel qui les a développés ; la lyre d’Arion n’est pas la lyre d’Orphée. Ainsi, le mythe d’Arion s’insère donc parfaitement dans le programme politique et esthétique de la cour de Savoie de cette époque : le spectacle musical seconde et met en action l’événement politique et en dévoile son identité. Attardons-nous sur la correspondance entre spectacle et politique, correspondance également liée aux lieux d’exécution, à l’adaptation de l’espace scénique, expression d’une nouvelle orientation politique en Savoie. Les lieux des spectacles turinois, mise en scène du pouvoir
Vingt-sept pour cent des pièces du recueil de D’India ne peuvent être associées à aucun lieu précis, 9% sont associées avec certitude au Parc du Viboccone, 42% pourraient être associées au palais Chiablese – palais du cardinal Maurice de Savoie situé en ville287 – et 22 % à la Vigna du cardinal de Savoie, maison de plaisance et « lieu de très grandes délices » selon D’India lui-même288. Ouverte au public en 2006 après plusieurs années de restauration289, la Vigna du cardinal – la Villa della Regina, comme on l’appelle aujourd’hui – fut construite entre 1615 et 1617 sur une colline à Turin et selon le modèle des villas romaines de la même époque290 et en particulier de celle d’Aldobrandini à Frascati – les liens entre le milieu culturel romain et le duc Charles-Emmanuel était en effet très étroits – avec des jardins à l’italienne disposés en forme d’amphithéâtre et des théâtres d’eau291. L’emplacement participe ainsi de l’idée de spatialisation et de perspective tout en produisant un « effet saisissant » de nouveauté292. 285 J. A. Maravall, « Una cultura dirigida », La cultura del Barroco, Barcelone, Ariel, 1975, p. 131-175. 286 S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare, op. cit., p. 69. 287 R. Medico et G. Napoli, « Il Palazzo Chiablese », Le Residenze Sabaude, éd. C. Roggero et A. Vanelli, Turin-LondresVenise-New York, Allemandi, 2007, p. 51-58. 288 « Questa compositione di madrigali […], ch’io consacro al suo real nome, perche sendo essi fatti prodotti della mia debolezza nè luoghi deliciosisimi di Vostra Altezza con altre opere recitative, Balletti & Inventioni, che già tutte insieme furono con mirabile & sontuoso apparato rappresentate a Torino. », S. D’India, Settimo libro de madrigali a cinque voci, Rome, Robletti, 1624, dédicace au cardinal Maurice de Savoie. 289 C. Mossetti, « La Villa della Regina », Le Residenze Sabaude, op. cit., p. 128 et 130-132. Voir aussi F. Malaguzzi, De libris : cinquecento anni di bibliofilia in Piemonte. Torino, Villa della Regina, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2007, p. 19 et C. Palmas, « Fortuna del barocco in Piemonte » : « Villa della Regina », Diana trionfatrice, op. cit., p. 357-359. Pour les photographies de la Villa della Regina avant la restauration, voir M. Bernardi, Tre palazzi a Torino, Turin, Istituto Bancario San Paolo di Torino, 1963, p. 120, 139, 140 et 142. 290 E. Olivero, La Villa della Regina a Torino, Turin, La Palatina, 1942, p. 6. Sur la redécouverte et l’engoument du monde ancien à cette époque à Rome, voir R. De Marchi et S. Garnero, La Vigna del cardinal Maurizio, op. cit., p. 24-25. 291 C. Mossetti, « La Villa della Regina », op. cit., p. 123 et M. Fagiolo, « Frascati “seconda Roma” : introduzione al sistema delle ville borghesiane », Lo « Stato tuscolano » degli Altemps e dei Borghese a Frascati. Studi sulle ville Angelina, Mondragone, Taverna-Parisi, Torlonia, éd. M. B. Guerrieri Borsoi, Rome, Gangemi, 2012, p. 11. 292 A. Wiegel, Le Theatrum Sabaudie. Regards sur la Savoie du xviie siècle, Chambéry, Société savoisienne d’histoire et d’archéologie, 2000, p. 65. Voir aussi V. Comoli Mandracci, « La città-capitale e la “corona di delizie” », Diana trionfatrice, op. cit., p. 304-311.
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Chapitre 2 : La cour de Turin
Transposant cette idée dans le domaine de la musique, Margaret McGowan reprend le terme de danse « horizontale ou géométrique » utilisé par les historiens du ballet pour décrire la danse réservée au spectacles de cour où « les spectateurs devaient voir les danses d’en haut293 ». Dans le cas de la Vigna du cardinal et des ballets que D’India a écrits pour ce lieu, la courante Da che l’alba i poggi indora (Puisque l’aube les collines redore), l’aria Chi per sentiero alpestre (Celui qui par un sentier alpin) – extraits tous deux de La Caccia – ainsi que la courante Non più nell’orride selve s’aggirino i cacciator (Que les chasseurs n’errent plus dans des affreuses forêts), nous donnent l’exemple d’une traduction allégorique à la fois visuelle et sonore : l’espace visuel se transforme en espace sonore et vice-versa. Le salon central, entouré de loges294, permettait d’admirer le spectacle d’en haut, le caractère allégorique se trouvant renforcé par le texte du dernier ballet qui fait référence à la beauté que répandent les divinités des « collines gauloises295 ». N’oublions pas, comme le souligne Valeriano Castiglione, que : Le duc fit inviter Madame à séjourner dans la […] Vigna du Prince Cardinal son beau-frère […]. Le quinzième jour de mars, [il fut] prévenu des bals et des tournois du carnaval auxquels masquée, […] même la Princesse prit part296.
On trouve également cette idée de « mise en ordre symbolique297 » dans une autre courante, en écho : Da che l’alba i poggi indora, citée plus haut, qui rapproche la symbolique des collines – élément identitaire de Turin – et le faste du pouvoir. Ce regard « d’en haut » est également le signe de la vertu politique sous sa forme théâtrale qui, dans le droit fil de Machiavel, utilise ce type de « perspective de vol d’oiseau298 » en ce qu’elle permet de jouer sur l’être et le paraître299 dans le processus de décision politique. La hauteur symbolique est renforcée par l’effet sonore de l’écho. La ville de Turin avait déjà représenté allégoriquement ses fleuves lors de la fête à Casale, en l’honneur de Marguerite de Savoie, en 1611 : Dans les parties supérieures des murs étaient peints dans un tableau […] les fleuves Pô et Doire […]. Sous la grande porte on pouvait voir à droite le Tartare et à gauche la Doire et à la sortie la Bormida à droite et le Pô à gauche, faisant allusion, par cet acte d’échange, au mariage des deux princes300. 293 M. McGowan, L’art du ballet, op. cit., p. 36. 294 Voir les photographies du salon central de la Villa dans A. Pedrini, Ville dei secoli xvii e xviii in Piemonte, Turin, Dagnino, 1965, p. 134 et 135 et dans C. Mossetti, « La Villa della Regina », op. cit., p. 133. Non più nel’orride / selve s’aggirino / i cacciator. / Diva bellissima / dai poggi gallici, / vitali spirti / ancor nei boschi a 295 « infonder vien / con sua beltà. », S. D’India, Le musiche e balli a quattro voci, op. cit., éd. moderne, p. 21. Il duca fece invitar Madama a soggiornar nella […] vigna del Principe Cardinal Cognato […]. Il giorno quintodecimo 296 « di marzo, prevenuto dai balli e dai tornei carnevalleschi agli quali mascherata anche […] la Principessa era intervenuta. », V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo, op. cit., p. 166. 297 M.-T. Mourey, « L’art du ballet de cour au xviie siècle », op. cit., p. 1. 298 C. Zwierlein, Discorsi und Lex Dei, Die Entstehung neuer Denkrahmen im 16. Jahrundert and die Wahrnehmung der französischen Religionskriege in Italien und Deutschland, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprech, 2006. 299 Sur la dichotomie de la dialectique entre l’être et le paraître du courtisan, voir E. Bury, « Civiliser la “personne” ou instituer le “personnage” ? Les deux versants de la politesse selon les théoriciens français du xviie siècle », Étiquette et politesse, éd. A. Montandon, Clermont-Ferrand, Association des publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, 1992, p. 125-138. 300 « Nelle parti superiori delle parieti v’erano dipinti in un quadro […] i fiumi Po et Dora […] sotto il portone si vedeva a mano destra il Tartaro et a sinistra la Dora et nell’uscire a mano destra la bormida et a mano sinistra il Po alludendo con questo atto scambievole fra loro al matrimonio de duoi Principi. », Descritione degli archi trionfanti fatti a Casale nel ricevimento della Serenissima Infanta di Savoia, (I-Ta), Corte, Storia della real casa, catégorie IV, Principi diversi, liasse 2, fasc. 2.
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Première partie
Le récit de la fête de Casale se poursuit à propos de la symbolique identitaire des fleuves : Derrière […] il y avait le fleuve Pô que l’on pouvait reconnaître par la couronne d’or, lequel […] envoyait son eau aux pieds de celle qui avait plusieurs couronnes de palme, de chêne, d’olive, de fleurs et de fruits dans le bras droit. Cette nymphe représentait la ville de Casale qui s’appelait anciennement Sedula301.
Ce fut également le cas de la giostra qui a eu lieu en 1618 dans le « grand Parc […] auquel tressent une gracieuse couronne les trois fleuves Pô, Doire et Sture302 ». La chronique de ce spectacle décrit les animaux, les « forêts », mais aussi la beauté de « la petite île ». L’entrée du parc se faisant par un pont sur la Doire qui conduisait à cinq chemins qui représentaient, dans le droit fil de la morale d’Aristote, les cinq sentiments « en guise de ports de l’intelligence303 ». Dans le parc on pouvait apprécier également des grottes et des temples qui représentaient la vertu et le vice. La chronique décrit également les huit « estrades », toutes richement ornées dont une pour le prince Victor-Amédée et une autre pour les ambassadeurs et « les agents résidents de la cour304 » – témoignage de l’union entre diplomatie et symbolisme. « À vingt-deux heures, accompagnés par les Infantes Sérénissimes, arrivèrent Son Altesse [le duc Charles-Emmanuel] et le Prince Cardinal [Maurice de Savoie305] ». À cette occasion, on interpréta les madrigaux : Siam Guerrieri & Amanti : Armi & Amori (Soyons guerriers et Amants : Armes et Amour306), Frà i perigli, e l’horrore (Au milieu du péril et de l’horreur307), Quel Sol, che’n Cielo è solo (Ce Soleil, unique dans le Ciel308), Baleni saettando (Éclairs en guise de dards309) et Se d’uno in altro loco (Si quelqu’un dans un autre lieu310). Comme le signale Marie-Thérèse Bouquet-Boyer, la fable maritime (appelée piscatoria311) disparaît de Turin en 1619 avec l’arrivée de Christine de France pour se transformer et s’enrichir d’éléments nouveaux. Dans le but de réaliser des spectacles somptueux, on s’enthousiasme alors pour les ballets nautiques représentés sur le Pô312. Les Balli de D’India témoignent de cette transition et de cette métamorphose. Les lieux d’exécution associés au recueil de Balli correspondent à des thématiques bien précises : le Parc du Viboccone à la chasse et à la nature, le palais Chiablese aux rituels et cérémonies – sur fond d’exotisme – les plus importantes du duché, enfin la Vigna aux loisirs, à la culture académique (théâtre, littérature, spectacle) de dimension privée. 301 « Dietro […] v’era il fiume Po che per tale si conosceva alla corona d’oro, il quale […] mandava l’acque sue vicine ai piedi di quella nell destro braccio haveva molte corone di lauro di Palma di quercia d’olivo et di fiore e frutti questa Ninfa rappresentava la Città Casale ch’anticamente si chiamava sedula. », ibid. 302 « Gran Parco […] à cui fanno da tre lati intorno gratiosa corona di tre fiumi Pò, Stura, e Dora. », Relatione della giostra a campo Aperto fatta nel giorno natale del Serenissimo Prencipe di Piemonte, Turin, Pizzamiglio, 1618, p. 5. 303 « I quali come che siano porti dell’intelletto. », id., p. 6. 304 « Agenti che à quella corte risiedono. », ibid. 305 « Giunse sù le vintidue hore, con le Serenissime Infante, S. A. e’l Serenissimo Prencipe Cardinale. », id., p. 8. 306 Id., p. 9. 307 Id., p. 11. 308 Id., p. 12. 309 Id., p. 13. 310 Ibid. 311 Sur ce sujet, voir C. Peirone, « Un genere di “confine” : le piscatorie », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I, op. cit., p. 141-154. 312 M.-T. Bouquet-Boyer, « Il teatro di corte dalle origini al 1788 », Storia del teatro Regio di Torino, éd. A. Basso, Turin, Cassa di Risparmio Torino, 1976, vol. I, p. 30.
72
73
6 airs
2 ballets
2 ballets
3 courantes 1 air
Ballet des Rois de la Chine
Ballets pour Son Altesse Sérénissi-me
Ballets pour la fête du Prince Cardinal
La Chasse
La Vigna
Probablement à la Vigna
Probablement à la Vigna ou à R acconigi313
Palais Chiablese
Lieu
Maurice de Savoie, Charles-Emmanuel et Ludovico d’Agliè
Maurice de Savoie Christine de France et Ludovico d'Agliè
Charles-Emmanuel Maurice de Savoie
Charles-Emmanuel et Christine de France
Fête du cardinal Maurice de Savoie le 27 septembre 1620
Hommage pour l’arrivée de Christine de France et probablement pour son anniversaire le 10 février 1621314
Anniversaire du duc le 12 janvier 1620 ou 1621
Anniversaire de Christine de France le 10 février 1621
Personnages concernés Événement
La chasse et la hauteur des collines
Le Soleil, l’amour, les fleuves de Turin
L’amour
Le Soleil
Thématique
313 « Ducatoni cinque cento a fiorini 13 l’uno havuti dal Signor Tesoriere sudetto per tanti che gli ha fatti pagare dal Signor generale di finanze Coardo per prestito che fa à Sua Altezza per servitio della festa da farsi nel Sallone di Raconiggi, come per ricevuta fatta […] li 14 di febraro 1621. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Conti fabbriche di Sua Altezza, art. 180, liasse 9 : « Conto del signor Giovanni Battista Verdina Tesoriere delle Fabriche di S. A. R. per il maneggio di detto officio delli anni 1621 et 1621 », non paginé, mandat de paiement no 5 ; « Poi si carica di Ducatoni Duecento cinquanta a fiorini 13 l’uno […] in due partite […] per impiegarli nel Balletto di Sua Altezza et di quali gli n’ha fatto quittanza sotto li 17 febraro 1621. », id., mandat de paiement no 6 ; « Più di Ducatoni quattro cento quindici a fiorini 13 l’uno ricevuti dal Signor Tesoriere sudetto per la festa delli anni di Sua Altezza, come per quittanza fattali sotti li 4 di Marzo 1621. », id., mandat de paiement no 9 ; « A di Venti due febraro 1621 […] per il balletto di Sua Altezza nel sallone di Raconiggi. », id., mandat de paiement no 125. 314 « Più si carica d’haver havuto et ricevuto dal gia detto Tesoriere general Coppa Ducatoni mille a fiorini 13 l’uno per servitio delle feste del Sernissimo Prencipe, come per quittanza fattali sotto li 2 febraro 1621. », id., mandat de paiement no 3 ; « Più di Doppie conto Italia a fiorini 47 l’una ricevuto dal Signor Tesoriere general sudetto per tanti che gli ha fatto pagare dal Signor Gabellier general […] per la festa del Serenissimo Principe, come per quittanza di 22 febraro 1621. », id., mandat de paiement no 8.
Musiques
Œuvre
Tableau 1 : Le livre des Musiche e Balli
Chapitre 2 : La cour de Turin
74
1 courante
Courante en écho pour le ballet de Son Altesse Sérénissi-me
Palais Chiablese
Inconnu Charles-Emmanuel et Christine de France
Inconnu
Charles-Emmanuel
Maurice de Savoie
La Vigna
Inconnu
Inconnu
L’amour et la nature
L’eau
Thématique
Anniversaire de Christine de France le 10 février 1621
Inconnu
Février 1621315 ?
Le Soleil, l’amour et la nature
Le vent
L’amour
Probablement le 27 septembre 1620 La chasse, la hauteur des collines et la nature
Inconnu
Charles-Emmanuel, Célébration des noces de VicMaurice de Savoie, Vic- tor-Amédée avec Christine de tor-Amédée et Christine France, carnaval 1620 de France
Parc du Viboccone (Parco Reale)
Inconnu
Personnages concernés Événement
Lieu
315 « Più si carica di Ducatoni mille a fiorini 13 l’uno havuti dal sudetto Tesoriere general Coppa per servitio delle feste di Sua Altezza Serenissima come per quittanza remessali sotto li diceci nove di Genaro Mille sei cento Venti uno. », id., mandat de paiement no 2.
8 airs
1 courante
Courante pour la fête à la Vigne du Cardinal
Ballet des Scythes
1 nizzarda 2 courantes 1 air 1 branle
Danses et Air français
1 air en 6 parties
3 chœurs
Arion Pour la fête de Son Altesse Sérénissi-me
Ballet des Brises
Musiques
Œuvre
Première partie
Chapitre 2 : La cour de Turin
Les fêtes à la Vigna du cardinal
Concentrons-nous, à travers les documents d’archive, sur quelques témoignages des fêtes à la Vigna du cardinal, un endroit qui, selon une chronique de 1624, « mérite aussi d’être visité316 ». Le cardinal Maurice s’installe à la Vigna vers 1616. Il semblerait que l’activité festive de celle-ci ne se soit développée qu’après l’arrivée de Christine de France en 1620 et qu’elle se soit estompée après le départ du cardinal pour Rome en 1623. Ainsi, nous pouvons lire dans le livre de comptes de Maurice de Savoie que : 6260 florins [furent] payés à diverses personnes pour les frais du service de la Vigna du 26 janvier jusqu’au 1er juin […] 1620317. 7470 florins [furent] payés à diverses personnes pour le service de Son Altesse pour divers frais pour le service de la Vigna […] pour les mois d’août, septembre et octobre […] 1620318. 4516 florins [furent] payés à diverses personnes pour le service de la Vigna de Son Altesse du 5 novembre et pour tout le mois de décembre de l’année […] 1620319. 4764 florins [furent] payés à différentes personnes pour […] divers frais de la Vigna du Sérénissime Prince Cardinal durant le mois de janvier […] 1621320.
La fête donnée par le cardinal le 27 septembre 1620 sur le thème de la chasse321, peut être mise en rapport avec les deux paiements – le premier datant du 28 octobre 1620 et le second du 2 janvier de l’année suivante – pour les « Violini di Madama322 », Christine de France, ainsi qu’un paiement pour la chanteuse Isabella di Cardè « musicienne de Son Altesse » qui a participé à l’exécution du ballet des fleuves323. 316 Voyage de Monsieur le Prince de Condé en Italie, Bourges, Coppin, 1624, p. 11. 317 « Fiorini sei milla duecento sessanta pagati à diversi per spese fatte in servitio della Vigna dalli 26 di genaro sino li primo di giugno […] 1620. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 1, reg. 3 : « 1620. Primo conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli », mandat de paiement no 162. 318 « Fiorini sette milla quattro cento settanta […] pagati a diversi per servitio di Sua Altezza per diverse spese fatte per serivitio della Vigna […] nelli 3 mesi d’Agosto, Settembre et Ottobre […] del 1620. », id., mandat de paiement no 226. 319 « Fiorini quattro milla cinque cento sedici […] pagati a diversi in servitio della Vigna di Sua Altezza dalli 5 di novembre sino tutto quello di dicembre dell’anno […] 1620. », id., mandat de paiement no 281. 320 « Fiorini quattro mille sette cento sesanta quattro pagati a diversi […] per altre spese fatte per la Vigna del Serenissimo Prencipe Cardinale durante il mese di genaro del corrente Anno […] 1621. », id., mandat de paiement no 333. Pour les frais de la Vigne de l’année 1622, voir id., reg. 5 : « 1622. Terzo conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli », mandats de paiement no 84, 112 et 127. 321 Les Archives de Turin conservent parmi les documents personnels du duc Charles-Emmanuel le plan scènique d’une fable où il est question de la thématique de la chasse, de l’eau, de l’écho et des oiseaux avec un ballet final de pêcheurs : « Nel primo atto cacia terrestre presa del Latio. Nel secondo atto pesca et discorso del tritone o Sirena. Nel terzo atto melare et parole della arpia che parla. Nel quarto atto abastimento de serpe maga. Nel quinto atto ecco che risponde. Prologo della gelosia. Primo intermedio i quadrupedi. Secondo i pesci marini et daqua dolce. Terzo tutti gli uscelli. Quarto tutti gli serpenti. Quinto et ultimo balletto de tutti i pescatori. », (I-Ta), Corte, Storia della real casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 15/6, fasc. 11, sous-fasc. 3. 322 (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 1, reg. 3 : « 1620. Primo conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli », mandats de paiement no 224 et 282. 323 Id., mandat de paiement no 327 (décembre 1620). Voir aussi id., Corte, Real casa, Materie politiche per rapporto all’interno, Storia della real casa, catégorie IV, Principi diversi, Relatione del balletto fatto dalle Serenissime Infante alla Vigna del Prencipe Cardinale, liasse 2, fasc. 3, 6 p.
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La Vigna est un lieu que la princesse française fréquente souvent, ainsi qu’en témoignent quelques lettres à la lecture difficile et qui ne sont pas toujours datées, probablement écrites en 1620 ou 1621324, où il est question des spectacles à la Vigna325, mais également de musique326 ou encore de ballets organisés par le cardinal Maurice avec des « machines » et auxquels participe son jeune beau-frère le prince Thomas327. Ce dernier est mentionné dans un billet non daté où il est question des participants du « balet [sic] qui fut fait a la faite [sic] du prince Tomas328 ». Ces témoignages correspondent à une époque de mutations où l’on représente régulièrement des ballets et des fables avec des intermèdes dansés pour l’anniversaire de la princesse (le 10 février 1621329) et qui précède de quelques mois la publication du livre de ballets de D’India. Concernant d’autres spectacles donnés la même année, le duc Charles-Emmanuel écrit à sa fille Isabelle d’Este-Savoie dans une lettre datée du 28 janvier 1621 et conservée aux Archives d’État de Modène : Dimanche, le jour de mon anniversaire se fit le jeu des carrousels330 […] et pour celui de Madame [Christine de France] on prépare un grand nombre de ballets avec une comédie qui sera représentée par les dames, il ne manque plus que votre présence pour jouir entièrement de ces divertissements331.
La lettre du duc confirme le caractère composite des spectacles turinois où se mêlent danse, poésie, musique et théâtre. Les ballets pour l’anniversaire de Christine de France qui sont mentionnés dans la lettre du duc332 sont, entre autres, le Ballet des rois de la Chine et celui des Scythes, tous deux publiés dans le recueil des Balli de D’India. Pour revenir à la thématique des trois fleuves turinois, Ludovico d’Agliè a également écrit un poème sur ce sujet : Qual insolita luce e qual virtute (Quelle insolite lumière et quelle vertu333), qui fut chanté lors d’un ballet représenté à la Vigna pour rendre hommage à Christine de France récemment arrivée dans la capitale piémontaise334. On trouve également ce thème dans le ballet Ecco il sol che ne vien fuori (Voici l’apparition du Soleil) – sans doute représenté à la même occasion – dans le recueil de Balli (I-Ta), Corte, Lettere diverse della corte, Lettere di duchi e sovrani, Cristina di Francia principessa di Piemonte 16191663, liasse 58. Les lettres qui concernent la période qui va de 1619 à 1623 se trouvent dans les fasc. 1-7, lettres no 1-332. 325 Id., fasc. 2, fo 75ro (le 14 mars 1621 ?) et fasc. 6, fo 281ro (le 1er mai 1621 ?). 326 Id., fasc. 5, fo 214ro-vo (le 9 mai 1621 ?). 327 Id., fasc. 2, fo 95-96 (le 26 février 1621 ?). 328 Id., fasc. 5, fo 248vo (sans date, le 28 février 1621 ?). 329 A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia », op. cit, p. 688. Voir aussi G. Rizzi Repertorio di feste alla corte di Savoia (1346-1669) raccolto dai trattati di C. F. Ménestrier, Turin, Centro Studi Piemontesi, 1973, p. xviii et 21. 330 Il s’agit d’un spectacle donné sur la place du château en présence de Christine de France, des princes Philibert et Thomas et d’autres personnages nobles. Voir « Le Caroselle fatte dalli Serenissimi Prencipi nel giorno Natale di S. A. S in Torino li 22 Gennaro, 1621 », Relationi delle feste principali fatte di carnevale nella corte dell’altezza Serenissima di Savoia, Turin, Pizzamiglio, 1621, p. 19-23, conservé à (I-Tr), Misc. 300/14. 331 « La domenica il giorno de miei anni si fecce il gioco delle carruselle […] et per gli anni di Madama si prepara una quantità di Balletti con una commedia che reciteranno le Dame non ci manca altro che la presenza vostra per godere interamente di queste allegrezze. », Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Torino, duchi di Savoia, boîte 1443A, lettre du 28 janvier 1621. 332 « Relatione della festa fatta dalli Serenissimi prencipi & dalle Serenissime Infante nel giorno di Natale di Madama Serenissima Li 10 febraio 1621 », Relatione delle feste principali fatte di carnevale, op. cit., p. 23-38. 333 A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia », op. cit., p. 687. Le poème intitulé Dialogo Po, Dora, Stura est conservé à (I-Tr), manuscrits Varia 53, Canzoni del conte D. Ludovico San Martino d’Agliè, fo 66ro-67ro. 334 Relatione del balletto fatto dalle Serenissime Infante alla Vigna del Prencipe Cardinale, op. cit. 324
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de D’India où les trois fleuves sont les protagonistes335. Ce ballet fut composé sur un poème intitulé Le Sirene, conservé avec d’autres poèmes manuscrits de d’Agliè à la Bibliothèque royale de Turin336, que l’on pourrait rapprocher de la fontaine de la Sirène qui fut installée à l’entrée de la Vigna l’année suivante. Une chronique conservée à la Bibliothèque royale de Turin témoigne également, à propos de l’anniveraire du duc de 1621, de la représentation d’un grand ballet et un tournoi « fait dans l’habituelle salle des fêtes, la nuit du carnaval » (« fatto nel solito salone delle feste la notte di Carnevale ») sur un sujet particulier inspiré des ruines avec des pyramides, arches, murs et palais détruits337, suivi d’un Ballet de Proserpine « conduit par Madame de Cercenasco » avec des chars infernaux tirés par quatre dragons338 et d’un ballet de Thétys « conduit par la Sérénissime Infante Caterina » sur la thématique de l’eau avec des ondes de la mer, des rochers imposants, des tritons dansants339 et l’apparition de quatre sirènes qui ont exécuté des canzonette en l’honneur du duc, appelé symboliquement « Novo Sol » (« le nouveau Soleil340 »). Leur chant a apaisé les eaux et a fait place à un Ballet des Sirènes341 suivi d’un Ballet de Junon « conduit par l’infante Marie342 » et d’un Ballet militaire de Pallas « conduit par Christine de France343 » richement habillée avec des attributs symboliques et mythologiques344. Elle a ensuite contemplé un ballet dansé par huit jeunes demoiselles qui représentaient les signes du zodiaque au son des violons et avec des « graziose mutanze345 » (« gracieux changements de mouvements »), après quoi Madame prit part au Ballet qui fut précédé par un concert de voix, d’instruments, de trompettes et d’une danse militaire suivis d’une canzonetta346 et d’un madrigal chanté par Mercure347. Tous les princes prirent part au bal successivement348, accompagnés de chevaliers turcs et d’une « quadriglia dell’India349 » (« un quadrille de l’Inde »). L’année du départ du cardinal de Savoie pour Rome, une fête fut donnée à la Vigna le 8 mai 1623 – D’India venait de s’éloigner de la cour. Une composition intitulée Le Tre Fortune, Prospera, Salutare e Forte (Les trois fortunes, Propérité, Santé et Force), publiée comme la dernière pièce du Premier livre des Musicali Concenti de Filippo Albini fut donnée à cette occasion350. En effet, on peut retrouver dans 335 M. Emanuele, Commedie in musica, op. cit., p. 85. Pour une étude sur le rapport entre la thématiques des fleuves et l’architecture turinoise eu temps de Christine de France, voir C. Roggero, « Architecture et magnificence », op. cit., p. 85. 336 Canzoni del conte D. Ludovico San Martino d’Agliè, op. cit., fo 67ro-68ro. Voir aussi Le fonti musicali in Piemonte. vol. I – Torino, éd. A. Colturato, Lucques, LIM, 2006, p. 247. 337 Relationi delle feste principali fatte di carnevale, op. cit., p. 1-2. Pour une étude sur la thématique des ruines à Turin, voir S. Maggi, « Rovine e riusi nel Piemonte romano », Architettura e identità, op. cit., vol. I, p. 159-181. 338 Relationi delle feste principali fatte di carnevale, op. cit., p. 4. 339 « Protheo con habito ceruleo coronato di Alga, & con una cabba marina in mano passeggiando fra l’onde, mosse con il suo canto li tritoni a danzare sopra il lido. », id., p. 5. 340 Id., p. 5-6. 341 « Le dette Sirene fecero il loro Balletto. », id., p. 7. 342 Id., p. 7-8. 343 Id., p. 8-9. 344 Id., p. 10. 345 Id., p. 11. 346 « Per la sinfonia con le trombe : Gran diva guerriera. », ibid. 347 « CARLO germe real. », ibid. 348 Id., p. 14-15. 349 Id., p. 16-18. 350 Filippo Albini écrit dans le titre de cette pièce : « In occasione di un festino alla Vigna del Serenissimo Prencipe Cardinale per il dì 8 maggio 1623. », voir C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I : Filippo Albini da Moncalieri », Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), éd. L. Girodo, Lucques, LIM, 2002, p. x, n. 30.
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le livre comptable du cardinal les 252 florins dépensés pour plusieurs banquets donnés à la Vigna en mai 1623 et que l’on pourrait mettre en rapport avec cette fête351. De même, le 8 mai 1624, une fête a été donnée « le jour de la naissance du Prince [Victor-Amédée] à la Vigna352 ». Voilà donc autant de signes d’une rencontre entre poésie, littérature, symbolisme, arts figuratifs, musique et la politique culturelle des Savoie. Hybridation et transfert entre la France et la Savoie
Le duché de Piémont-Savoie présente, on l’a dit, une physionomie politique, linguistique, urbanistique et culturelle hybride. Cette hybridation353, qui fut à l’origine du renouveau de la cour de Turin à partir de 1620, est sous-tendue par la notion de transfert culturel354, processus qui implique l’idée de circulation (des idées et des personnes355), de transmission et de transformation, et qui a pour conséquence la construction d’une identité urbaine ; la ville devient cité. L’examen de la thématique des ballets turinois de cette époque permet d’éclairer en partie les influences culturelles réciproques entre la France et la Savoie à cette période. Lumière et exotisme à la cour de Turin, les thématiques des ballets
Nous pouvons mentionner en premier lieu la thématique de l’exotisme, stimulée par les découvertes géographiques, et notamment celles du monde oriental356 avec « Les Temples de la Paix & de Mars 351 « Fiorini duecento cinquantadue […] pagati a diversi […] che hanno servito nelli banchetti fatti dal Serenissimo Principe Cardinale alla sua vigna […] li 23 maggio 1623. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 1, reg. 6 : « 1623, 1624 et 1625. Quarto conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli », mandat de paiement no 361. 352 « Si è sollenizato il giorno della nascita del Prencipe alla Vigna. », Charles-Emmanuel à Maurice de Savoie le 10 mai 1624, (I-Ta), Corte, Lettere diverse della corte, lettere di duchi e sovrani, liasse 31, fasc. 30, lettre no 4303. 353 Pour une réflexion sur les problématiques historiques de l’hybridation et du croisement qui permettent de « penser non seulement la nouveauté, mais également le changement » afin « d’appréhender de manière plus satisfaisante la complexité d’un monde composite et pluriel en mouvement », voir M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Le Seuil, 2004, p. 21-24. 354 « Le terme transfert […] implique le déplacement matériel d’un objet dans l’espace. Il met l’accent sur des mouvements humains, des voyages, des transports de livres, d’objets d’art ou de biens d’usage courant à des fins qui n’étaient pas nécessairement intellectuelles. Il sous-entend une transformation en profondeur liée à la conjoncture changeante de la culture d’accueil. », M. Espagne et M. Werner, « Présentation », Transferts, les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand : xviiie et xixe siècle, Paris, Recherche sur les civilisations, 1988, p. 5. Voir aussi B. Joyeux, « Les transferts culturels. Un discours de la méthode », Hypothèses, 2002, p. 151-161 ; M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », Annales, no 58/1, 2003, p. 13-15, rééd. dans De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Le Seuil, 2004, p. 15-49 et H. Kaelble, « Between Comparison and Transfers – and What Now ? A French-German Debate », Comparative and Transnational History. Central European Approches and New Perspectives, éd. H. G. Haupt et J. Kocka, New-York-Oxford, Berghahn Books, 2009, p. 33-38. 355 Concernant l’histoire culturelle de la mobilité, voir D. Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003 et S. Van Damme, « Capitales européennes et circulations intellectuelles », Les circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, éd. P.-Y. Beaurepaire et P. Pourchasse, Rennes, PUR, 2010, p. 437-452. 356 Pour les ballets inspirés du monde oriental en France à cette époque, voir N. Lecomte, L’orientalisme dans le ballet aux xviième et xviiième siècles, thèse de doctorat, Université de Paris I, 1981, p. 55-58, 174 et 176. Voir aussi id, Entre cours et jardins d’illusion : le ballet en Europe, 1515-1717, Pantin, CND, 2014, p. 122-127 et C. Santarelli, « Le vaisseau de la Félicité : iconographie des fêtes musicales à la cour de Savoie au xviie siècle », Musique, images, instruments. Revue française d’organologie et d’iconographie musicale, no 10, 2008, p. 101-103.
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sur le Mont Parnasse, Ballet & Tournoy avec un Festin à la Chinoise faits par le Prince de Piedmont au jour de la Naissance du Duc son Père l’an 1619 [le 12 janvier357] », Le Ballet des Scythes et Le Ballet des Rois de la Chine358 – ces deux derniers faisant partie du recueil des Balli de D’India – la fable Amaranta de Giovanni Villifranchi avec des intermèdes dansés, représentée le même jour que les deux ballets précédents [le 10 février 1621359] dans le palais Chiablese à Turin avec des chanteurs déguisés « à l’indienne360 », ou bien le carrousel Bacco Trionfante dell’Indie (Bacchus triomphant des Indes), composé lors d’une fête du prince cardinal à Rome le 22 janvier 1624361. C’est ainsi que l’exotisme diffère selon les époques en fonction des considérations politiques, commerciales, ou culturelles. Il permet aux créateurs des ballets de conjuguer leur invention et leur savoir362. La thématique qui transcende celle du goût pour l’exotisme, comme le remarque Sabrina Saccomani363, est celle du Soleil ; le thème de la lumière traduit en effet l’influence franco-italienne la plus directe concernant les spectacles de cour à Turin. Cette thématique est récurrente dans les fêtes dédiées à Charles-Emmanuel364, Christine de France et Maurice de Savoie, fêtes que l’on peut comparer à celles données en France vers la moitié du xviie siècle, durant le règne de Louis XIII avec le Grand Ballet de la Reyne représentant le Soleil de 1621365, jusqu’à celui de Louis XIV qui dansa lui-même le Ballet royal de la Nuit366. En effet, après la thématique de l’amour, c’est celle du Soleil et de la lumière qui domine le recueil des Balli, suivie par celles de la nature, la chasse, la hauteur des collines et l’eau. À la cour de Savoie, à l’époque de D’India, la thématique du Soleil est exploitée dans les six arie du Ballet des Rois de la Chine, représenté au palais Chiablese pour l’anniversaire de Christine de France367, mais aussi dans une courante du Ballet pour la fête du Sérénissime Prince Cardinal : Ecco il sol che ne vien fuori (Voici l’apparition du Soleil), représenté sans doute à la Vigna, ou encore, dans C.-F. Ménestrier, Des Représentations, op. cit., p. 320. Valeriano Castiglione mentionne, lors du dîner en l’honneur des noces des infantes Isabelle et Marguerite en 1608, une « série de cinquante fables dans le grand salon du château, dans un style inspiré des Rois de la Chine. » (« Ma non è men degna di raconto la cena […] nel gran salone del castello con maniera imitata nelli Regi della China. », V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo, op. cit., p. 130-131. Castiglione décrit également un dîner « à la chinoise » lors des fiançailles des infantes Isabelle et Marguerite en 1608 : « Non men vaga riusci la Cena fatta da Sua Altezza nella gran Sala alle Dame della Città con maniera Chinese. », Della vita del Duca di Savoia Carlo Emanuele primo, vol. I, op. cit., fo 251vo. Ce goût pour l’exotisme oriental continuera à se développer également dans le domaine des arts décoratifs et le mobilier à l’intérieur de la Vigna, notamment dans la seconde moitié du xviie siècle. Voir Villa della Regina, Il riflesso dell’Oriente nel Piemonte del Settecento, éd. L. Caterina et C. Mossetti, Turin, Allemandi, 2005, p. 24-120 et G. Brugnelli Biraghi et M. B. Denoyé Polione, Chrestienne di Francia, op. cit., p. 17. 359 A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia », op. cit., p. 688. Voir aussi G. Rizzi, Repertorio di feste alla corte di Savoia, op. cit., 1973, p. xviii et 21 et « Relatione della festa fatta dalli Serenissimi prencipi », op. cit, p. 28-29. 360 « Relatione del Balletto de’ Sette Re della China », op. cit., p. 33. 361 C.-F. Ménestrier, Traité des tournois, joustes, carrousels et autres spectacles publics, Lyon, Muguet, 1669, p. 89 et Des Représentations, op. cit., p. 322. Voir aussi G. Rizzi, Repertorio di feste, op. cit., p. 22 et C. Santarelli, La Gara degli Elementi, op. cit., p. 35. 362 N. Lecomte, L’orientalisme dans le ballet, op. cit., p. 1. 363 S. Saccomani, « Sigismondo D’India e la corte di Savoia », op. cit., p. 9. 364 F. Varallo, « Le feste alla corte di Carlo Emanuele I », op. cit., p. 160. Voir aussi C.-F. Ménestrier, Des Ballets anciens et modernes selon les règles du théatre, Paris, Guignard, 1682, p. 66, traité bibliographique consacré aux ballets et tragédies où Ménestrier, encore une fois praticien, auteur dramatique et théoricien, fait mention d’un « Ballet de la Cour du Soleil » dansé à la cour de Savoie en 1628. 365 M. McGowan, L’art du ballet de cour, op. cit., p. 97 et 182. 366 Ibid. 367 C.-F. Ménestrier, Des Représentations, op. cit., p. 322. 357 358
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une aria du Ballet des Scythes : Non più veda qui il sol mesto (Qu’on ne voie plus un triste Soleil ici), tous faisant partie du recueil de D’India. Enfin, dans un autre ballet intitulé Prometeo che ruba il foco al Sole (Prométhée dérobant le feu au Soleil368), représenté à Turin en 1627 à la demande du cardinal Maurice pour l’anniversaire de son père avec une chorégraphie du comte Philippe d’Agliè369. Malheureusement, les témoignages de ces fêtes mentionnent rarement les musiciens, les danseurs ou les chanteurs qui en faisaient partie.
Fig. 3 : Topographie musicale de la cour de Turin
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Concernant d’autre documents turinois d’époque mettant en scène le feu et le Soleil, voir C. Santarelli, La Gara degli Elementi, op. cit., p. 165-170. M. Viale Ferrero, Feste delle Madame Reali, Turin, Istituto Bancario San Paolo, 1968, p. 29. Voir aussi G. Rizzi, Repertorio di feste alla corte di Savoia, op. cit., p. xix et 23. Une trentaine de chroniques de fêtes organisées par Philippe d’Agliè ont été conservées dans les bibliothèques et les Archives turinoises mais également à la Bibliothèque municipale de Lyon : Raccolta di diverse Feste, Corse, Corriere, Campi aperti, Caroselli, Tornei, Barriere, Balli, Balletti et Mascherate fatte dai Reali Conti et Duchi di Savoia dall’anno 1000 sino al 1662 in diverse parti del loro Stato. Con indice di tutte le opere, che si contengono in due volumi. (ms. 1359-1360). Nous remercions Sabrina Saccomani pour cette information.
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Fig. 4 : Carte de la ville de Turin au début du XVIIE siècle370
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Gravure de Cesare Bassani de la collection Ronco, conservée à Paris, avec l’aimable autorisation de l’Archivio di Stato di Torino. Nous remercions Monica Grossi pour son aide précieuse.
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Première partie
Les comtes d’Agliè, médiateurs artistiques entre la France et l’Italie
Poète et gentilhomme de chambre du cardinal Maurice de Savoie dès 1609, puis ambassadeur des Savoie à Rome371 en 1621 et puis de 1623 à 1637, le comte Ludovico d’Agliè (1578-1646) fut une figure diplomatique influente et prestigieuse ainsi qu’un acteur essentiel des relations entre la France et la Savoie. Attentif aux nouveautés artistiques, il fut également, à la cour de Turin, le directeur, l’inventeur et l’organisateur le plus important des fêtes, l’un des artisans de la création du drame pastoral372 et l’un des promoteurs du ballet. Il est en quelque sorte un exemple du parfait corago, celui qui, selon Andrea Valvassori, « sait prescrire tous les moyens et modes qui sont nécessaires pour que l’action dramatique créée par le poète soit portée à la scène avec la perfection demandée373. » Sa collaboration avec D’India, sous l’égide du cardinal de Savoie, a permis de créer de nombreux spectacles turinois dont les seuls qui aient survécu se trouvent dans le recueil des Balli. De cette collaboration, nous pouvons relever La Caccia, « constituée d’une série de vivaces scènes idylliques et pastorales374 » et dont le recueil de D’India ne contient que deux courantes : Su ninfe, su ninfe (Venez nymphes, venez nymphes) et Mirate, nel cielo notturno (Regardez dans le ciel nocturne), faisant sans doute partie des onze chœurs de nymphes de cette pastorale. Nous ne connaissons pas les musiques qui auraient pu être composées pour les cinq chœurs de chasseurs et pour le chœur final du poème de d’Agliè375. Cette « fable pastorale376 », représentée à la Vigna du cardinal le 27 septembre 1620, ferait partie des premières tentatives de mélodrame à Turin : On a représenté aujourd’hui à la Vigna du Seigneur Cardinal une pastorale en musique avec l’intervention de toutes ces Altesses [le duc et les princes de Savoie, Christine de France, les deux ambassadeurs de la ligue catholique d’Allemagne, l’ambassadeur de Venise et un diplomate de la Silésie]377.
Giovanni Matteo Cavalchino écrit également à propos de cette fête : Quatre jours après le 23 septembre de la même année [1620] […], le Sérénissime Prince Cardinal a invité son père, ses frères et sœurs, Madame Sérénissime […] et ainsi que tous ses chevaliers à une fête donnée au palais de sa Vigna […]. Lors de cette fête, on a donné une pastorale représentée par de nombreuses nymphes à la manière d’une chasse dans un bois avec des chasseurs […]. Ladite fête plut beaucoup aux assistants378.
G. B. Spada, Racconto delle cose più considerabili che sono occorse nel governo di Roma, éd. M. T. Bonadonna Russo, Rome, Società di storia patria, 2004. 372 M.-T. Bouquet-Boyer, « Il teatro di corte », op. cit., vol. I, p. 15. Sa prescrivere tutti quei mezzi e modi che sono necessarii acciò che una azione drammatica già composta dal poeta sia portata 373 « in scena con la perfezione che si richiede. », G. A. Valvassori, L’arte poetica del Seg. Antonio Minturno, Venise, 1563, p. 98. 374 M. Masoero, Ludovico San Martino d’Agliè. Alvida, La Caccia : favole pastorale inedite, Florence, Olschki, 1977, p. 16. 375 Id., p. 167-190. 376 Le manuscrit du poème de d’Agliè, La Caccia recitata in musica alla vigna del Serenissimo Principe Cardinale di Savoia per occasione di una festa fatta a Madama Reale li 27 settembre 1620. Opera dell’Illustre et Eccellente Signor Conte Lodovico San Martino d’Agliè Marchese di San Damiano, est conservé avec d’autres écrits à (I-Tr), manuscrits Varia 53. Voir aussi M.-T. Bouquet-Boyer, V. Gualerzi et A. Testa, « Cronologie », Storia del teatro Regio di Torino, op. cit., vol. V, 1988, p. 12 ; M. Emanuele, Commedie in musica, op. cit., p. 85 et Le fonti musicali in Piemonte, op. cit., p. 247. 377 « Si è recitata hoggi alla Vigna del S. Cardinale una Pastorale in Musica con l’intervento di tutte queste Altezze. », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Savoia, boîte 162, fo 421vo-fo 422ro, le 27 septembre 1620. 378 « Listesso anno ali 23 settembre […] et passato che fu quatro giorni il serenissimo prensipe cardinale invido il padre con li frateli e sorele con madama serenissima […] et tutti suoi cavalieri a festa al palascio dela sua vigna […] la qual festa fu una pastorale resita da molte ninfe in modo di casia nel boscho con soi casiatori […] et la deta festa gusto asai a tuti loro. », G. M. Cavalchino, Dal matrimonio di madama Serenissima Crestina, op. cit., p. 111. 371
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Chapitre 2 : La cour de Turin
Pietro Passerin d’Entrèves remarque que la chasse avait également une dimension symbolique et rituélique : on pourrait dire, pour reprendre les mots du prêtre Giovanni Battista da Sestola, qu’elle était « une guerre en temps de paix379 ». La chasse à courre, en particulier, devient l’apanage de la noblesse et s’enrichit de plusieurs motivations liées à l’exercice physique, au divertissement, à la guerre, mais aussi, ou peut-être surtout, à la position sociale380. D’Agliè, en sa qualité de diplomate, s’imprégna du goût français en favorisant les échanges entre la France et la Savoie à l’occasion des carnavals qui « tenaient lieu de célébration régulière et rituelle381 » et donnaient de plus en plus de place aux divertissements382 et à la nouveauté. Ces éléments de nouveauté dans la représentation des fêtes turinoises seront exploités et développés par le même d’Agliè383 et, plus tard (à partir de 1624), de façon magistrale et féconde par son neveu Philippe (1604-1667384) qui était un personnage admiré385 et que l’on peut considérer comme « le premier véritable chorégraphe du ballet de cour italo-français386 ». On pourrait dire que Ludovico en est l’initiateur et Filippo le continuateur387. D’India, quant à lui, s’appropria « l’étonnante flexibilité formelle du ballet et l’éclectisme des sources qui l’inspirent388 » pour son recueil des Balli. G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este che fù nel secolo il Serenissimo Alfonso III Duca di Modana, e nella Religione Serafica il Prete Gio. Battista Predicatore Apostolico della Serenissima Infanta D. Isabella di Savoia sua Dilettissima Consorte. Nascita, Vita, Morte, e Sepoltura Descritta in brevità, mà veridicamente dal P. F. Gio. Da Sestola Predicatore Capuccino A gloria di Dio & edificatione di chi leggerà, Modène, Soliani, 1646, p. 39. 380 P. Passerin d’Entrèves « La Caccia reale tra Piemonte e Savoia nei secoli xvi, xvii e xviii », La Ronde : giostre, esercizi cavallereschi e loisir in Francia e Piemonte tra Medioevo e Ottocento. Atti del Convegno internazionale di studi, Museo storico dell’Arma di cavalleria di Pinerolo, 15-17 giugno 2006, éd. F. Varallo, Florence, Olschki, 2010, p. 167 et Le cacce reali nell’Europa dei principi, éd. A. Merlotti, Florence, Olschki, 2017. 381 F. Varallo, Il duca e la corte. I, Cerimonie al tempo di Carlo Emanuele I di Savoia, Genève, Slatkine, 1991, p. 191. 382 M. Viale Ferrero, Feste delle Madame Reali, op. cit., p. 29. Pour les spectacles de la deuxième moitié du xviie siècle, voir « Le feste e il teatro », Diana trionfatrice, op. cit., p. 74-94. 383 F. Varallo, « Federico Zuccari e le feste alla corte Sabauda », Il passaggio per l’Italia, op. cit., p. 160 et 167-168. 384 C.-F. Ménestrier, Traité des tournois, op. cit., p. 88-90. Voir aussi A. Griseri, Il diamante, op. cit., p. 268 et G. Tani, « Le comte d’Agliè », op. cit., p. 223 et 226-232. 385 Ainsi que le souligne Stéphane Van Damme dans « Les livres du Père Claude-François Ménestrier (1631-1705) et leur cheminement », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 42/1, 1995, p. 71 : « l’admiration de Ménestrier pour l’œuvre de Tesauro et pour le comte Philippe d’Agliè le pousse à entrer en contact avec Guichenon. La cour de Savoie est à la fois un modèle pour l’organisation des cérémonies publiques et un laboratoire de nouvelles expérimentations. ». Remarquons également que Philippe d’Agliè est le dédicataire du traité sur L’art des Emblèmes, Lyon, Coral, 1662 de C.-F. Ménestrier. 386 G. Tani, « Le comte d’Agliè », op. cit., p. 224. Voir aussi C. Santarelli, « Le vaisseau de la Félicité », op. cit., p. 83. 387 Concernant les musiques (pour la plupart anonymes) et les textes des ballets de la seconde moitié du xviie siècle conservés aux Bibliothèques nationale et royale de Turin, voir Le fonti musicali in Piemonte, op. cit., p. 171-178 et 238-239 et 247. Concernat Philippe d’Agliè, favori de Christine de France, une chronique médisante du Comte De La Marmora intitulée « Histoire de Madame Christine Duchesse de Savoye », datée du 9 août 1642 et conservée aux Archives de Turin (I-Ta), Corte, Storia della real Casa, Memoria sulla condotta di Madama Reale Cristina nel 1619, catégorie III, liasse 16, fasc. 10, avant-dernière et dernière page, rapporte à propos de lui : « Vous me demandez de vous instruire sur l’extraction du Comte Philippe d’Agliè, la voici : sa famille du coté paternel est des plus distingués mais très pauvre, sa mère était fille d’un médecin génois très jolie, un noble génois très riche et très puissant entreprit d’en jouir, et fit sur elle plusieurs attentats, son père pour se garantir de pareil déshonneur vient se réfugier dans cette capitale (Turin), mais ceux qu’il chercha d’éviter à Gênes lui arriva à Turin, car le duc Charles eut la virginité de cette fille, et lorsqu’il s’apperçut de lui avoir gâté la taille, il la maria au Sieur d’Agliè père du comte Philippe qu’il fit Marquis de Saint Germain et Grand Maître de la maison. Il eut trois garçons […] dont le second est le comte Philippe d’Agliè. […] Un des frères du défunt Marquis de Saint Germain appelé le Sieur Lodovic d’Agliè […], le duc Charles-Emmanuel à l’occasion du mariage dudit son frère le fit passer à la Cour du Prince Maurice de Savoie en qualité de son Gentilhomme de la Chambre, le nomma dans la suite Ambassadeur à la Cour de Rome ». 388 M. McGowan, L’art du ballet, op. cit., p. 24. 379
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Première partie
Les déplacements de la famille de Savoie en France et l’absence de D’India à Turin – l’année 1622
Le compositeur Filippo Albini, musicien du cardinal de Savoie à Turin, affirme dans la préface de son Deuxième livre de Musicali Concenti, publié en 1623, avoir remplacé D’India l’année précédente pour la fête de l’anniversaire du duc Charles-Emmanuel, le 12 janvier, le compositeur étant « absent pour des affaires le concernant389 ». D’India serait-il parti pour la France avec le cardinal Maurice en 1622 ? La rencontre du duc de Savoie et de Louis XIII en Provence
En effet, la mort du Grand Connétable de France, Charles d’Albert de Luynes, le 21 décembre 1621, a conduit le duc Charles-Emmanuel à envoyer son fils Maurice en France pour une mission diplomatique au début de l’année 1622. Le départ a finalement été reporté au mois de novembre. Le cardinal est parti de Nice le 9 novembre en direction de la Provence afin de rejoindre Louis XIII390. Le duc Charles-Emmanuel, qui n’hésitait pas à quitter son duché afin de rencontrer ses interlocuteurs391, s’est également rendu en France. Il se trouvait à Avignon entre 18 et le 21 novembre 1622392 , peu après la paix de Montpellier. À Avignon, le duc de Savoie rencontre Louis XIII393 pour signer un traité avec la France et Venise à propos de la Valteline et contre les Habsbourg 394 . Le cardinal de Savoie se trouvait également sur place395. Thomas de Berton, gentilhomme de la Chambre du roi, écrit à propos de la rencontre d’Avignon qui fut très chaleureuse et fructueuse sur le plan politique : Le lendemain 18 du même mois [de novembre] il [le roi de France] harangua au nom de la Ville à Monseigneur le Cardinal de Savoie, ce qu’il fit aussi à tous les Princes & Officiers de la Couronne de France396.
389 « L’anno passato, essendo absente per suoi affari, il Cavaglier Don Sigismondo d’India, capo della Musica di quest’altezza Serenissima mi fu commandato da chi commandar mi potea, ch’io dovessi metter in musica le sequenti poesie, scelte frà molte (come ogn’anno qui far si suole) che per occasione di un festino doveansi recitare nella notte del felicissimo giorno di Natale di Sua Altezza Serenissima. », F. Albini, Musicali Concenti […] Opera seconda, Milan, Lomazzo, 1623, p. 3. Voir aussi l’édition moderne Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623), op. cit., p. xiii. 390 M. Masoero, « Lettere inedite di un poeta cortigiano del xvii secolo : Ludovico San Martino d’Aglié », Studi Piemontesi, no 5/2, 1976, p. 308, n. 2. Voir aussi M.-C. Canova-Green, « Révolte et imaginaire : le voyage de Louis XIII en Provence (1622) », xviie siècle, no 212/3, 2001, p. 429-439. 391 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit, p. 267. 392 G. B. Adriani, Memorie della vita e dei tempi di monsignor Gio. Secondo Ferrero-Ponziglione, referendario apostolico, primo consigliere e auditore generale del principe cardinale Maurizio di Savoia, Turin, Ribotta, 1856, p. 403-404. 393 Sur les déplacements de Louis XIII en Avignon, voir id., p. 311, n. 35. Voir aussi L. Bély, « Les rencontres de princes », La société des princes, xvie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 391. 394 T. Osborne, Dynasty and Diplomacy in the Court of Savoy. Political Culture and the Thirty Year’s War, CambridgeNew-York, Cambridge University Press, 2002, p. 93. Voir aussi les lettres et pièces diplomatiques publiées par E. Griselle, Lettres de la main de Louis XIII, 1617-1627, Paris, SBF, 1914, et notamment la lettre no CCLXXXII datée du 21 novembre 1622 (vol. I, p. 271-272) où Louis XIII écrit à sa mère : « Madame, Vous ayant donné avis de l’arrivée et du séjour de mon oncle le Duc de Savoie, je désire pareillement vous faire savoir son retour ». 395 Voir les lettres no 3 (depuis Saint-Maximin le 11 novembre 1622) et 4 (depuis Avignon le 19 novembre 1622) dans M. Masoero, « Lettere inedite », op. cit., p. 308-312. 396 T. de Berton, La voye de laict ou le chemin des héros au palais de la gloire ouvert à l’entrée triomphante de Louys xiii, roy de France et de Navarre en la cité d’Avignon, le 16 de novembre 1622, Avignon, Bramereau, 1623, p. 265.
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Chapitre 2 : La cour de Turin
Valeriano Castiglione a également décrit la chaleur et la libéralité des princes de Savoie lors de cette rencontre397. Dans une lettre à sa mère, datée du même jour, le roi de France écrit à propos du séjour d’Avignon : Madame, En attendant que j’aie le bien de vous voir et de vous entretenir sur ce qui s’est passé au séjour qu’a fait ici [à Avignon] mon oncle le Duc de Savoie j’ai donné charge au Sieur Claudio Marini vous les donner à entendre398.
Claude Marini, ambassadeur de France à Turin depuis 1617, est le dédicataire du Premier livre des Musicali Concenti d’Albini publié en 1623399. Il s’agit en effet d’une époque où l’alliance entre la France et la Savoie se porte au mieux et où la sacralité de la monarchie française trouvait son pendant en Savoie400. Hypothèses d’une absence
Le séjour diplomatique des Savoie dans le sud de la France s’est poursuivi jusqu’à la fin de l’année. Ainsi, à la mi-décembre 1622401, Christine de France, le prince Victor-Amédée et le prince Thomas se déplacent à Lyon où ils sont accueillis somptueusement402. Maurice de Savoie, quant à lui, se rend également à Lyon le 18 décembre403. Nous ne savons pas si les princes du Piémont étaient accompagnés de musiciens. Enfin, nous savons que le duc de Nemours a également fait le déplacement à Lyon accompagné d’une centaine de personnes404, parmi lesquelles de « nombreux chevaliers405 », le « Prince Sérénissime et Madame Sérénissime du Piémont ». D’India, en sa nouvelle qualité de Chevalier de Saint-Marc406, a-t-il été du voyage ? Il faudra poursuivre et compléter les recherches archivistiques sur les cérémonies407, la musique, les musiciens, artistes et serviteurs qui ont alors accompagné le cardinal de Savoie. Au terme de notre voyage dans cette cour excentrique – c’est-à-dire qu’elle présente une configuration et des caractéristiques originales, irrégulières, composites et spécifiques, voire exceptionnelles408 –, nous avons vu que Christine de France renforce les ambitions royales du duché et développe, 397 « Non debbono però tacersi gli effetti della liberalità de’ Prencipi di Savoia, donò il Prencipe Vittorio al Ré quattro Cavalli, ornati di guernimenti a ricami, quattro ingegnosi bicchieri di cristallo, alcuni horologgi di vaga veduta, et di non ordinario artificio. Vi aggiunse una celata ben ricca di turchese […]. Il Ré, che desiderava parimente dare evidente espressione al Prencipe di Piemonte della sua reciproca liberalità ; ordinò all’Ambasciator Marini, che andasse à presentargli in suo nome un centiglio di diamanti per valore di 16. milla scudi. », V. Castiglione, Della vita del Duca di Savoia Carlo Emanuele primo, op. cit., vol. II, fo 110ro-vo. 398 E. Griselle, Lettres de la main de Louis XIII, op. cit., lettre no CCLXXXIII datée du 21 novembre 1622, vol. I, p. 273. 399 C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I », op. cit., p. x et xiii. 400 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 411-412. 401 G. B. Adriani, Memorie, op. cit., p. 403, n. 2. 402 V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio, op. cit., p. 181-183. Voir aussi F. Bardon, Le Portrait mythologique à la cour de France sous Henri IV et Louis XIII, Paris, Picard, 1974, p. 125. 403 G. B. Adriani, Memorie, op. cit., p. 405. 404 Id., p. 2. 405 Relatione del incontro et entrata fatta dal Serenissimo Prencipe e Madama Serenissima di Piemonte in Lione li quindeci dicembre 1622, conservée à (I-MOs), Documenti e carteggi di Stati e Città, Torino, série 136, 3 p., p. 1. 406 Titre que le compositeur a obtenu en 1621, nous y reviendrons dans un autre chapitre. 407 Un Te Deum fut chanté à cette occasion, voir T. de Berton, La voye de laict, op. cit., p. 259-260. 408 Sur cette question, voir J.-C. Waquet, « Un État exceptionnellement peu italien ? », Il Piemonte come eccezione ? Riflessioni sulla « Piedmontese exception ». Atti del Seminario internazionale (Reggia di Venaria, 30 novembre-1° dicembre 2007), éd. P. Bianchi, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2008, p. 172 et 174-175.
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Première partie
depuis son arrivée à Turin, un type de mécénat que l’on pourrait appeler de « promotion culturelle », c’est-à-dire qu’elle se donne comme objectif d’orienter et de transformer le goût artistique ; le meilleur exemple en est la promotion du ballet représentatif qui s’épanouit dans les fêtes et célébrations princières. Les fêtes et les spectacles s’établissent peu à peu comme de nouveaux rituels de la cour qui favorisent le processus d’hybridation409. Le recueil des Musiche e Balli de D’India participe à l’hybridation stylistique du ballet et reflète les goûts chorégraphiques et les tendances musicales – situées entre interpénétration, métamorphose et diffusion – de l’Italie du Nord de son temps. L’examen de cette volonté de greffe culturelle nous permet de mieux comprendre le moment de la performance et sa raison d’être. Enfin, l’expression artistique de la cour de Turin correspond à sa réalité urbaine à une période où l’espace urbain de la ville s’élargit. En effet, la création des espaces artistiques construit un modèle d’urbanité singulier qui comporte un style et donc une dimension esthétique. L’urbanité, tout comme le transfert, implique le mouvement aussi bien dans le temps que dans l’espace, et fabrique l’identité turinoise : le paysage sonore fait écho au paysage urbain. La lecture artistique de la géographie de Turin permet ainsi « d’écouter » la ville et de mieux appréhender la transformation de la société de cour.
409
Sur cette question, voir G. Bertrand et I. Taddei, « Introduction », Le destin des rituels : faire corps dans l’espace urbain, Italie-France-Allemagne, éd. G. Bertrand et I. Taddei, Rome, École française de Rome, 2008, p. 10-11.
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1 Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance Le marquis Pier Francesco Malaspina
Les rapports de D’India avec le duché de Parme et Plaisance ont été peu étudiés. Il s’agit pourtant d’un point essentiel dans la recherche sur les milieux socio-culturels fréquentés par le compositeur dans cette région de l’Italie. Nous pouvons distinguer trois phases. La première se situe pendant les années 1609 et 1610 où le compositeur est engagé ponctuellement pour différentes festivités organisées par le duché ; c’est aussi la période où il dédie son Premier livre des Musiche au duc de Parme, Ranuccio Farnese1. La deuxième phase concerne les mois qui ont précédé son arrivée en 1611 à la cour de Charles-Emmanuel et correspond à la période où le compositeur dédie son Deuxième livre de madrigaux2 au marquis des Edifizi Pier Francesco Malaspina (1550-1624). Enfin, la troisième phase va de 1612 à 1621 et correspond aux années de son séjour turinois où, bien qu’établi à la cour de Savoie, il continue d’avoir des liens importants avec le duché de Parme et de Plaisance ainsi qu’avec les cours satellites de la région. Ce chapitre se concentre sur l’un des agents diplomatiques parmi les plus prestigieux de ce duché : le marquis Malaspina, dédicataire du Deuxième livre de madrigaux de 1611. Pour la première fois seront analysés les rapports entre le diplomate et le musicien, ce qui nous permettra d’entamer une réflexion sur le mécénat et sur la diplomatie musicale. Lo Stato dei Malaspina degli Edifizi, un état satellite du duché de Parme et de Plaisance
Originaires du nord de l’Italie, les Malaspina sont une famille très ancienne, illustre et prolifique. Elle eut l’honneur de figurer dans le « Purgatoire » de la Divine comédie3 de Dante (chant VIII, strophes 124-129) et compta des personnages célèbres comme Alessandro Malaspina, grand naviga1
Franco Pavan a émis l’hypothèse que D’India aurait pu être engagé à la cour de Turin avant 1611, ce qui ruinerait l’idée d’une période parmesane (pour les années 1609-1610) antérieure à son arrivée en Savoie, le musicologue considérant le séjour à Parme comme un possible détachement temporaire de la cour de Charles-Emmanuel. Voir « “un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 398-399. Cette hypothèse nous semble peu probable car la patente attestant que le compositeur a été engagé à Turin date de 1611. En outre, le musicien se présente comme « Maestro della musica di camera del Serenissimo […] Carlo Emanuello » uniquement à partir de la publication de son recueil de villanelles de 1612. Dans la période qui concerne son séjour à Parme, le compositeur n’utilise que le titre de « nobile palermitano » pour ses publications de 1609, 1610 et 1611, ce qui voudrait dire que le musicien n’est pas encore établi dans une cour. 2 S. D’India, Libro secondo de Madrigali a cinque voci di Sigismondo D’India nobile palermitano, Venise, Gardano, 1611. Pour la seule édition moderne de ce livre, voir Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume II : The Second Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 1997. Pour une analyse de certains madrigaux de ce livre, voir J. Morales, Sigismondo D’India à la cour de Turin. Musique, mécénat et identité nobiliaire, thèse de doctorat, Université de Paris-Sorbonne et Università di Roma La Sapienza, 2014, p. 79-99. 3 U. Burla, Malaspina di Lunigiana. Dalle origini sino alla fine dei feudi imperiali, La Spezia, Luna, 2001, p. 209-213.
Première partie
teur de la fin du xviiie siècle4. L’histoire de plusieurs branches de cette famille dans les territoires des Farnèse entre le xve et le xviie siècle est en revanche moins connue. Le duché Farnèse et la noblesse locale, entre conflit et recomposition sociale
En effet, les crises de la fin du xvie siècle représentent un point nodal pour l’histoire des duchés de la famille Farnèse : elles sont le catalyseur d’une série de processus qui vont modifier profondément le tissu social dans la région de Parme. La redistribution et la concentration de terres, amorcées au début du xve siècle par l’aristocratie locale, ont réduit progressivement les propriétés de la paysannerie au profit des corporations religieuses et des élites émergentes dont les Malaspina faisaient partie. Ainsi la noblesse féodale a-t-elle été graduellement remplacée, au sommet de la pyramide sociale, par un patriciat urbain. Les prétentions absolutistes de la dynastie des Farnèse ont dû composer avec les revendications des classes citadines dominantes qui surent en tirer profit5. Depuis le début du xvie siècle, le fief des Edifizi vit dans une ambiance de conflit armé auquel s’ajoute un climat de tension politique entre la noblesse de Plaisance et le pape6. En effet, le duché, après avoir été gouverné par Louis XII fera partie des États pontificaux jusqu’en 1545, année où le pape Paul III Farnèse réunit les duchés de Parme et de Plaisance en les cédant à son fils Pierluigi, ce qui lui confère un statut autonome et engendre de nouvelles discordes entre féodaux et élites émergentes7. En 1587, le duc de Parme, Alessandro Farnese, petit-fils de Pierluigi, fut contraint de s’engager dans de nombreuses affaires afin de défendre ses propres droits héréditaires non seulement vis-à-vis de sa propre famille, mais aussi d’autres familles, comme les Pallavicini8 qui avaient des vues aussi bien sur les droits féodaux que sur les possessions de biens9. Ces tensions vont s’apaiser progressivement au début du xviie siècle quand la famille Farnèse retrouvera une certaine autonomie grâce aux négociations du marquis Pier Francesco Malaspina10.
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Id., p. 53-62. Voir aussi F. Da Mareto, « Soggetti », Bibliografia generale delle antiche provincie parmensi, Parme, Deputazione di storia patria, 1974, p. 637-640. M. A. Romani, « La crisi di fine Cinquecento a Parma : un punto di svolta nella storia dei ducati farnesiani ? », Archivio Storico per le Province Parmensi, no 30/1, 1978, p. 256. Voir aussi Le antiche famiglie di Piacenza e i loro stemmi, éd. G. Fiori, G. Di Groppello, C. E. Manfredi et M. De Meo, Plaisance, TEP, 1979, p. 15. G. P. De Crescenzi Romani, Corona della nobiltà italiana, overo Compendio dell’istorie delle famiglie illustri, Bologne, Tebaldini, 1639, p. 174. Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 14. La famille Malaspina des Edifizi a la même souche que la famille d’Este et que celle des Pallavicini, voir G. Fiori, I Malaspina, Castelli e Feudi nell’Oltrepò Piacentino, Pavese, Tortonese, Plaisance, Fondazione Cassa di Risparmio di Piacenza e Vigevano, 1995, p. 6. E. Nironi, « L’archivio Pallavicino di Busseto », Pasco Oveas Meas : il Monte di Pietà di Bussetto e la sua Biblioteca, éd. C. Mingardi, Parme, Fondazione Cassa di Risparmio di Parma, 2002, p. 178. Une copie authentique et légalisée du serment de fidélité prêté auprès les ducs de Parme par Pier Francesco Malaspina le 8 février 1588 est conservée à l’Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Feudi e comunità, Mulazzo, signori di Torre et Noceto, boîte 99. Ce document rapporte toute l’histoire de ce territoire en cinq pages. Un autre document administratif de cinq pages signé par l’archiduc d’Autriche Ferdinand II et daté du 24 septembre 1622 concerne la propriété des Edifizi. Il est également conservé dans ce fonds avec un récit sur l’histoire de ce territoire datant de 1624. Voir id., Reperitur in actis Curia, fo 1ro, 8ro-10ro, 35ro-37ro et 50vo-51ro. Voir aussi E. Nasalli Rocca, I Farnese, Milan, Dall’Oglio, 1969, p. 457.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
Histoire de la famille Malaspina des Edifizi
Le territoire des Edifizi se trouve au nord de la commune de Ferriere, dans les terres de la province de Plaisance, entre la vallée du Nure (affluent du Pô) et celle du torrent Aveto (affluent de la rivière Trebbia, elle-même affluent du Pô), à une centaine de kilomètres au nord-est de Gênes, à l’ouest de Parme et à soixante kilomètres au sud de Plaisance. Il s’agit d’un lieu stratégique pour le commerce entre la Ligurie et le Génovésat11. Les Edifizi sont un carrefour qui se trouve entre Gênes et Milan. Plusieurs branches de la famille Malaspina établirent des fiefs dans le territoire de Plaisance. À partir du xve siècle, elle se rapprocha des États de Milan, de Parme et de Plaisance – stratégie « philomilanaise » visant à enrayer son déclin politique. C’est ainsi que la famille fit partie de plein droit des « seigneurs » du duché de Plaisance12. Pier Francesco était le médiateur de cette stratégie d’entraide entre les Malaspina et les Farnèse.
Fig. 5 : Carte du territoire des Edifizi
Nous pouvons signaler deux moments importants de l’histoire de la famille Malaspina. Le premier date de 1164, année pendant laquelle elle se sépare en deux branches : la première s’appellera « de l’épine sèche » (« De lo spino secco »), l’épine sans fleur, et la seconde « de l’épine fleurie » (« De lo spino fiorito13 »). Le second moment date de 1221, année à partir de laquelle Corrado Malaspina et son 11 12 13
E. Nasalli Rocca, « I Marchesi di Gambaro di Val de Nure ramo dei Malaspina di Mulazzo », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 15, 1963, p. 178. Voir aussi Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 37. E. Nasalli Rocca, « I Marchesi di Gambaro », op. cit., p. 177-178. G. Guagnini, I Malaspina : origini, fasti, tramonto di una dinastia, Milan, Il Biscione, 1973, p. 81-82. Concernant la musique de la branche Cybo Malaspina, issue de la lignée du spino fiorito et qui réunit à partir de 1520 la famille Cybo d’origine génoise et la famille Malaspina de Massa et Carrara, voir S. Giampaoli, Musica e teatro alla corte di Massa, Massa, Palazzo di S. Elisabetta, 1978, p. 11. Alberico Cybo Malaspina fit construire un palais entre 1563 et 1570 et a
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petit cousin Obizinio divisent leur vaste patrimoine féodal. Le premier, représentant la branche « de l’épine sèche », récupère une bonne partie des terres de la Lunigiane ainsi que la totalité de celles de la vallée de l’Aveto et des fleuves Trebbia et Borbera14. Ses descendants seront appelés les « Malaspina de Mulazzo ». Quant aux descendants d’Obizinio, de la branche de « l’épine fleurie », ils seront appelés les « Malaspina de Fosdinuovo et di Massa15 ». C’est donc la branche de Mulazzo qui récupérera les terres de la vallée de l’Aveto et du Nure. Ainsi, le 6 août 1456, Azzo, Ghisello et Antonio Malaspina II, tous trois fils du marquis Antonio Malaspina I di Mulazzo, obtiennent de la part du duc de Milan Francesco Sforza la confirmation de l’investiture féodale des terres de Torre et Noceto16, appelées plus tard de Gambaro et des Edifizi in Val Nure17. Il s’agit donc de la branche piacentina de la famille Malaspina18. Antonio Malaspina II di Mulazzo (1365-1407) – de la lignée de l’épine sèche –, est le père de Ghisello I Malspina ( ?-1475) né à Santo Stefano d’Aveto19. Ce dernier est lui-même le père de Pietro Malaspina ( ?-1498) (l’arrière grand-père du dédicataire de D’India) qui a épousé Agata Barattieri, issue d’une ancienne famille de Plaisance20, fille de Francesco Barattieri et sœur du célèbre juriste Bartolomeo Barattieri21. Les deux fils de Ghisello I, Pietro et Francesco, divisent les terres un an après la mort de leur père. Francesco récupère Santo Stefano d’Aveto et Pietro prend les Edifizi22. Pietro Malaspina a sans doute fait construire le château de Gambaro, connu également comme les Edifizi,
eu un rôle de premier plan dans le mécénat musical tout au long du xvie siècle et surtout dans la deuxième moitié de celui-ci, voir P. Radicchi, « “Le finezze del cortegiano” : la musica dei Cybo Malaspina da Alberico II a Carlo II (16621710 », Musica se extendit ad omnia, éd. R. Moffa et S. Saccomani, Lucques, LIM, 2007, p. 293-312 et F. Buselli, Il castello Malaspina Cybo a Massa, Gênes, Cassa di Risparmio di Carrara, 1973. Voir aussi M. R. Moretti, « La musica e I Cybo : Madrigali economiastici per Marfisa d’Este », Alberico i. Cybo Malaspina : il Principe, la Casa, lo Stato (1553-1623). Atti del convegno di studi, Massa e Carrara, 10-13 novembre 1994, Modène, Aedes Muratoriana, 1995 et M. Manfredi et A. Volpi, Breve storia di Carrara, Ospedaletto (Pise), Pacini, 2007. 14 G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 11-12. Voir aussi G. Chittolini, La formazione dello stato regionale e le istituzioni del contado. Secoli xiv e xv, Turin, Einaudi, 1979, p. 323-324 et A. Soddu, « Struttura familiare e potere territoriale nella signoria dei Malaspina », Giornale storico della Lunigiana e del territorio Lucense, no 55, 2004, p. 143 et 144. 15 T. Porcacchi, Historia della origine et successione della Illustrissima famiglia Malaspina, Vérone, Discepolo & fratelli, 1585, p. 166. Voir aussi P. Meli, Gabriele Malaspina marchese di Fosdinovo : condotte, politica e diplomazia nella Lunigiana del Rinascimento, Florence, Firenze University Press, 2008. 16 Concernant les documents d’archive de ce feudo pour les xve e et xvie siècles, voir (I-PAas), Feudi e comunità, Mulazzo, signori di Torre e Noceto, boîte 98. 17 G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 137. Voir aussi « Famiglie nobili della Val Nure », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 4/21, 1969, p. 317-327. 18 E. Nasalli Rocca, « I Marchesi di Gambaro », op. cit., p. 175. Sur le blason des Malaspina des Edifizi, de gueules plain, chargé d’un lion d’or, couronné du même et rampant, accosté de branches d’épines, voir G. B. Di Crollalanza, Dizionario storico-blasonico delle famiglie nobili e notabili italiane estinte e fiorenti, Bologne, Forni, 1986, vol. II, p. 53. Voir aussi Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 519, table V. 19 Concernant les documents de cette seigneurie et qui datent surtout du xviiie siècle, voir (I-PAas), Feudi e comunità, Marchesato di Santo Stefano di Valle d’Aveto, boîte 97. 20 G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 143. 21 G. Fiori, « I Malaspina di Mulazzo nelle valli dell’Aveto e del Nure », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 27, 1975, p. 382. 22 G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 138 et 142.
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aujourd’hui en ruines23. Les Edifi zi n’étaient donc pas un territoire impérial mais un fief mineur concédé par les ducs de Milan au xve siècle24.
Fig. 6 : Blason des Malaspina des Edifizi
Le 20 novembre 1498, Pietro Malaspina meurt après avoir fait de son fi ls naturel Ghisello II (grand-père du dédicataire de D’India) son héritier universel25. Ce dernier est assassiné en 1520 par ses cousins (les fi ls de Francesco Malaspina) lors d’un conflit de succession qui oppose plusieurs branches de la famille26. Quelques années plus tard, en 1545, le marquis Gaspare Vincenzo Malaspina (le père du dédicataire), ayant fait la paix avec les responsables de la mort de son père, récupère tous les biens et les terres qu’il estime devoir lui revenir27. La lignée des Malaspina des Edifizi est donc la dernière branche des Malaspina de Mulazzo présente dans les territoires de Plaisance28 ; il n’est donc pas étonnant que les intérêts de cette branche des Malaspina gravitent autour du duché des Farnèse. Récapitulons : Antonio Malaspina II est le père de Ghisello I de Santo Stefano d’Aveto, lui-même le père de Pietro Malaspina des Edifizi (mort en 1498), qui a épousé Agata Barattieri – ils n’auront pas de descendance. Ghisello II (dit Ghisello des Edifizi), fi ls naturel de Pietro Malaspina et assassiné en 1520 est le père de Gaspare Vincenzo. Ce dernier (mort en 1557) a épousé Giulia Nicelli, issue d’une ancienne et puissante famille de la Val Nure29 ; de leur union naîtra Pier Francesco Malaspina30, le dédicataire du Deuxième livre de madrigaux de D’India. Sa sœur, Virginia Malaspina, a également 23
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C. Artocchini, « Un altro marchesato nel ‘400 in alta Valnure. Muschio e capelveneri agli Edifi zi sulla gloria di Ghisello Malaspina », Libertà, 14 octobre 1955, p. 6. Voir aussi Castelli piacentini, Plaisance, TEP, 1983, p. 270-275 et G. Scognamiglio, « Montanari di Valnure alla battaglia del 1571. Il marchese di Gambaro a Lepanto commandante di una galera genovese », Libertà, 31 août 1955, p. 6. G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 143. Ibid. Id., p. 144-147. Voir aussi U. Burla, Malaspina di Lunigiana, op. cit., p. 107. G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 147. G. Fiori, « I Malaspina di Mulazzo », op. cit., p. 381. Voir aussi Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 271. G. P. De Crescenzi, Corona della nobiltà italiana, op. cit., p. 772 et Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 24. G. Fiori, I Malaspina, op. cit., table XXX, p. 352. Voir aussi G. Guagnini, I Malaspina, op. cit., table II, p. 72 ; G. Fiori, « I Malaspina di Mulazzo », op. cit., p. 387 et P. Litta, Famiglie celebri italiane. Famiglia Malaspina, Milan-Naples, 1852, table VI. Deux arbres généalogiques de cette famille sont conservés aux Archives d’État de Parme (I-PAas), Feudi e comunità, Mulazzo, signori di Torre et Noceto, boîte 99.
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épousé un membre de la famille Barattieri (Gian Battista Barattieri) vers 1540-155031. Pier Francesco Malaspina a épousé Isabella Sanvitale de Parme32 ( ?-1611) à Plaisance mais n’a pas eu de descendance. Il est donc le tout dernier représentant de la branche des Edifizi33.
Schéma 3 : Arbre généalogique de la famille Malaspina des Edifizi
Pier Francesco Malaspina, entre musique, littérature, mathématiques et art diplomatique
À la fi n du xvie siècle, Pier Francesco Malaspina, dédicataire du Deuxième livre de madrigaux de D’India, habite à Gênes, avant de s’installer définitivement à Parme puis à Plaisance jusqu’à la fin de sa vie34. Il est le membre le plus illustre de la branche des Malaspina de Plaisance par ses importantes fonctions à la cour des Farnèse35.
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E. Nasalli Rocca « I marchesi di Gambaro », op. cit., p. 182. G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 148. Ibid. Voir aussi P. Litta, Famiglie celebri italiane, op. cit., table VI. Les documents qui concernent l’inventaire après décès de Pier Francesco Malaspina sont conservés à l’Archivio Pallavicini de la Bibliothèque de la Fondation de la Caisse d’épargne de Parme à Bussetto. Parmi eux se trouvent des titres de propriété, des dots de mariages et d’autres documents concernant les droits, intérêts et controverses sur des questions d’héritage, mais également des lettres entre Malaspina et d’autres diplomates. Voir E. Nironi, « L’Archivio Pallavicino », op. cit., p. 182-183. Nous remercions le professeur Corrado Mingardi, directeur de ces archives, de nous avoir renseigné sur le contenu du fonds Malaspina. E. Nasalli Rocca « I marchesi di Gambaro », op. cit., p. 186. Id., p. 182. Voir aussi la liste des « Cavalieri che restaranno ad assistire et servire l’Illustrissimo Signor Cardinale [Odoardo Farnese] et Sua Altezza Serenissima », datée de 1607, où apparaît, entre autres, le nom du « Marchese Pietro Francesco Malaspina », (I-PAas), Corte e casa farnesiana, série II, boîte 25. Sur la cristallisation sociale à cette époque où certains membres des familles nobles locales sont nommés aux plus importantes fonctions publiques afi n de construire et perpétuer une classe noble fermée, voir Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 25.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
L’art diplomatique et l’érudition du marquis Malaspina
Pier Francesco est un homme érudit, connaisseur d’art respecté36, doué dans les disciplines littéraires37, en mathématiques38 mais également dans l’art de la diplomatie qu’il exerce au service des ducs de Parme qui lui confient plusieurs missions auprès des cours européennes comme Vienne, Turin, Madrid, Rome39 ou Milan40. Il est conseiller d’État et ambassadeur auprès des Empereurs Maximilien II41 et Rodolphe II42 de la Diète impériale de Vienne, du pape Clément VIII et à Turin auprès du duc Charles-Emmanuel. En effet, Pier Francesco se rend à la cour de Savoie en 1605 pour présenter les félicitations du duc de Parme pour le mariage de Marguerite de Savoie avec le prince de Mantoue43, mais également pour présenter les condoléances de Ranuccio Farnese pour la mort du prince Philippe-Emmanuel de Savoie44. On connaît donc plus le marquis Malaspina pour son activité diplomatique et pour avoir participé à la bataille de Lépante en 157145 (le premier succès militaire du duché de Savoie) que pour ses relations privilégiées avec des artistes, poètes et scientifiques de grande renommée46. Pier Francesco a
36 K. A. McIver, Women, Art, and, Architecture in Nothern Italy, 1520-1580, Aldershot, Ashgate, 2006, p. 96. 37 G. Fiori, « I Malaspina di Mulazzo », op. cit., p. 384. 38 J. Kepler. The harmony of the world, trad. et éd. E. J. Aiton, A. M. Duncan et J. V. Field, Philadelphie, The American Philosophical Society, 1997, p. 76, n. 245. 39 L’Archivio Storico Capitolino de Rome (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 48/1, fasc. 31, conserve un document datant de 1622 à propos de la disposition testamentaire de Giovanni Antonio Orsini de la branche de Gravina concernant le palais de Montegiordano à Rome où l’on met en cause la légitimité de Pier Francesco Malaspina à en hériter : « Si dubita se nel fidecommeso fatto dal Signor Giovanni Antonio Orsini seniore a favore delle sue sorelle, o loro descendenti qual è il Signor Marchese Francesco Malaspina vi sia compreso il Palazzo sotto Monte Giordano. Si crede che non perche sebene del testamento ugualmente si fidecomette a favore delle dette sorelle, e loro successori il prezzo sopra il castel di Fiano et il detto Palazzo ; tuttavia […] non si puo dai descendenti delle dette sorelle del testatore (come è il signor Marchese sudetto) pretender cosa alcuna. ». 40 Pour la correspondance entre Malaspina et Ranuccio Farnese à propos des affaires diplomatiques avec Rome et Milan, voir (I-PAas), Carteggio Farnesiano interno, boîte 261, janvier-juin 1609. 41 Voir les lettres du duc de Bavière adressées depuis Munich à Malaspina et datées du 25 octobre 1616, 29 mars 1617 et du 20 janvier 1621, conservées à l’Archivio di Stato di Piacenza (I-PCas), Archivio Casati, pli no 9. Voir aussi G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 155, n. 58. 42 « Il Signor Marchese Pier Francesco Malaspina ducati 6690 per tanti havuti a conto del Viaggio di Praga come al libro mastro 1599. », (I-PAas), Tesoreria e computisteria, Mastri farnesiani e borbonici, reg. 21, 1609, fo 95. 43 G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 186, n. 17. Concernant son activité diplomatique à Mantoue, quelques correspondances où il est question du marquis Malaspina sont conservées à (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 119/2 lettre no 229 : lettre du cardinal Gonzaga à Virginio Orsini depuis Mantoue datée du 10 octobre 1609. Voir aussi la boîte 120/4. Quant à celle entre les duchés de Modène, de Mantoue et de Savoie, voir Istruttioni a V. S. Signor Marchese Pietro Malaspina, destinato Ambasciatore all’Imperatore futuro, 9 p., conservées à (I-PCas), Archivio Casati, pli no 9, fo 8-9. 44 U. Benassi, « I natali e l’educazione del Duca Odoardo Farnese », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 9, 1909, p. 135, n. 1. Pour des documents correspondant à d’autres branches de la famille Malaspina de cette période, voir (I-PAas), Famiglie, Malaspina, 1456-1618 : boîte 266 et 1619-1655 : boîte 267. 45 E. Nasalli Rocca « I marchesi di Gambaro », op. cit., p. 182, n. 12. 46 Id., p. 185. Voir aussi (I-PAas), Corte e casa farnesiana, série VI, Inviati dei duchi di Parma presso corti e stati esteri, boîte 51, fasc. 11. En ce qui concerne les similitudes entre poètes et hommes de science à l’époque « baroque » – les premiers cherchant à relier objets et concepts à travers la métaphore, et les seconds explications et phénomènes naturels à travers des lois scientifiques –, voir A. Battistini, « Barocco e Decadenza », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 265.
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également été précepteur du fils du duc Ranuccio, le jeune Édouard Farnèse47 qui serait « élevé depuis l’enfance pour la gloire, par son Maître le marquis des Edifizi48 ». En ce qui concerne les mathématiques, l’oraison funèbre du marquis par Pietro Baldelli commence par le décrire comme un homme très doué pour cette matière49. De même, Johannes Kepler lui-même, dans son chapitre sur la « construction de figures géométriques régulières » du premier livre de son fameux traité Harmonices mundi de 161950, écrit que le tracé de l’heptagone a stimulé le savoir faire du Très Illustre Seigneur Marquis Malaspina et dont le schéma si ingénieux a battu toutes les démonstrations formulées par les autres51. Giuseppe Biancani (1566-1624), pour sa part, érudit et professeur de mathématiques de la Compagnie de Jésus à Parme de 1614 à 162252, dédie deux livres de mathématiques à Pier Francesco Malaspina. Le premier a été publié en 1615 et s’intitule Aristotelis loca mathematica53. Dans la dédicace de ce livre, laquelle date de mai 1614, Biancani remercie Pier Francesco pour ses qualités de mécène et pour sa protection et tâche de satisfaire le goût du marquis pour les mathématiques54. Le livre contient également un chapitre sur la musique (Sectio XIX De musica) qui traite cinquante et un problèmes concernant la division de la corde, les modes, les consonances, le rythme, la lyre ancienne, les « Dialogues de la musique ancienne55 » de Vincenzo Galilei ou encore les théories d’Aristoxène de Tarente ou de Zarlino56. Le livre est suivi d’autres dissertations mathématiques57 également 47 G. Fiori, I Malaspina, op. cit., p. 147. 48 « Governa i medesimi stati Odoardo Farnese il valoroso : figlio del gran Ranuccio ; il cui glorioso nome illustrerà gli Annali più famosi d’Italia. Per dire, come egli sia stato infin fanciulletto allevato alle glorie, dirò solo, che gli fù Aio il Marchese de gli Edifici Piacentino. », G. P. De Crescenzi, Corona della nobiltà italiana, op. cit., p. 729. 49 « Leggereste come di più dal Prencipe giusto riconoscitore de’ suoi meriti promosso à gradi di suo Consigliero di Guerra, e Signatura, tutto il tempo, che involar poteva à queste gravissime occupationi, anco nell’età più grave, l’impiegava ò nel trascorrere l’Historie, nelle quali fù versatissimo, o nello studio della Theologia, tra fiate da lui con pieno corso sentita, ò nelle Matematiche necessarijssime à cavaglieri di alto affare, nelle quali sapete bene, se senza fallo posso dire liberamente, che il Marchese non hebbe pari. », P. Baldelli, Delle lodi di Pier Francesco Malaspina Marchese degli Edifici. Aio dell’Altezza di Piacenza e Parma. Suo consegliere di Guerra. Oratione funerale, Plaisance, Ardizzoni, 1624, p. 15-16, conservé à la Bibliothèque communale Passerini-Landi à Plaisance (I-PCc) dans la section des manuscrits parmi les Libri Palastri, no 12 (29 p.). 50 J. Kepler, « Liber I. De Figurarum regularium, quae proportiones harmonicas pariunt, ortu, classibus, ordine & differentijs, causâ scientiae & Demonstrationis », Harmonices Mundi, Linz, Plancus, 1619. 51 « Excitavit haec palaestra etiam Illustrissimum D. Marchionem de MALA SPINA, Legatum anno 1614. Sermi Ducis Parmensis ad aulam Caesaream ; qui diagrammate ingeniosissimo omnes omnium descriptiones superavit ; existimans, subtensam tribus decimis quartis circuli, aequalem esse quinque quartis semidiametri, et sic effabilem longitudine : demonstrationis apparatus tantae fuit sollertiae, ut vel ipsum EUCLIDEM lateret, assumtum aliquid fuisse indemostratum. », id., p. 56. Voir aussi K. A. McIver, Women, Art, and, Architecture, op. cit., p. 75-76. 52 G. P. Brizzi, « Educare il principe, formare le élites. I Gesuiti e Ranuccio I Farnese », Università, Principi, Gesuiti : la politica farnesiana dell’istruzione a Parma e Piacenza, 1545-1622, Rome, Bulzoni, 1980, p. 171-173. 53 G. Biancani, Aristotelis loca mathematica ex universis ipsius operibus collecta, & explicata. Aristotelicae videlicet expositionis complementum hactenus desideratum. Accessere De natura mathematicarum scientiarum tractatio ; atque ; Clarorum mathelaticorum chronologia, Bologne, Tamburini, 1615. 54 « Quod tibi Mecoenati meo munificentissimo iure meritò dicare, ac sub clarissimi tui nominis patrocinio in lucem dare constitui […] tu enim cum Mathematicarum omnium Encyclopediam mirum in mundum excolueris […] ac demum a Serisiss. Duce Ranutio inter primarios de Rep. Consiliorum Authores adscitus fueris […] Parmae Idibus Maij M. DC. XIIII. », id., p. 3-4. 55 V. Galilei, Dialogo della musica antica et della moderna, Florence, Marescotti, 1581. 56 G. Biancani, Aristotelis loca mathematica, op. cit., p. 246-273. Voir aussi G. Zarlino, Le Istitutioni harmoniche, Venise, Vincenti, 1558. 57 G. Biancani, De Mathematicarum natura dissertatio una cum clarorum chronologia ad illustrissimum ac nobilissimum Petrum Franciscum Malaspinam Aedificiorum Marchionem. Authore eodem Iosepho Blancano e Societate IESU, Mathematicarum Parmensi Academia Professore, Bologne, Tamburini, 1615.
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dédiées à Malaspina dont la dernière58 parle de Kepler59, des observation célestes réalisées par Copernic de 1515 et 153060, du télescope et de la découverte de quatre planètes par Galilei61, mais également du compositeur Carlo Gesualdo62 et enfin une discussion sur les « Dialogues » de Vincenzo Galilei63. À l’intérêt pour les mathématiques s’ajoute donc celui pour la musique et l’astronomie. C’est ce que l’on constate dans le second livre de Biancani qui lui est dédié. Il date de février 1617 et s’intitule Sphaera mundi64 . Dans ce livre, il est question de planètes, d’années et de taches solaires, de calculs astronomiques, d’orbites, d’éclipses, de galaxies, de cosmographie, d’étoiles et d’astrologie. Dans sa dédicace, Biancani compare le courage, l’héroïsme et la vigueur du marquis à ceux d’Atlas, et il considère que ses vertus dans l’art de la guerre n’ont d’égales que ses vertus dans la pratique des arts de la paix, ainsi que l’illustre son dévouement pour les exercices mathématiques65. 58 G. Biancani, Clarorum Mathematicorum chronologia Eorum videlicet, qui rebus, aut scriptis claruerunt, ex certis historijs deprompta. Omissis tum fabolosis, tum ob nimiam antiquitatem incertis, veluti funt ae, quae de Athlante, Zoroastro, Endimione, Orpheo, Lino, alij sq tradantur. Iubal verò pater canentium cithara, & organo, hoc est Musicae auctor, omissus est eò, quod nimio intervallo caeteros antecedat, id. 59 Id., « Mysterium cosmographicum », chapitre XXVI, p. 64. 60 Id., chapitre XXV, p. 60. 61 Id., chapitre XXVI, p. 64. 62 « Nobilissimus Carolvs Gesualdvs Princeps Venusinus, nostrae tempestatis Musicorum, ac Melopaeorum princeps, ac veteris Musicae restaurator. », id., chapitre XXVI, p. 63. 63 Id., chapitre XXVI, p. 65. 64 G. Biancani, Sphaera mundi, seu cosmographia, demonstrativa, ac facili methodo tradita : in qua totius mundi fabrica, una cim novis, Tychonis, Kepleri, Galilaei, aliorumque astronomorum adinventis continetur. Accessere I. Brevis introductio ad geographiam. II. Apparatus as mathematicarum studium. III. Echometria, idest geometrica traditio de echo, Bologna, Bonomi, 1617, rééd. 1620. 65 « ILLUSTRISS. AC NOBILISS. PETRO FRANCISCO MALASPINAE Aedificiorum Marchioni. IOSEPH BLANCANVS, S.P.D. CAELESTEM Sphearam Atlas Mauritanie Rex humeris sustinuisse creditus est, quòd primus Solis, Lune, astrorum ; omnium cursus solertia animique vigore comprehenderit, primusque de Sphera ab se inventa inter homines disseruerit ; ubi Caelifer Atlas Axem humero torquet stellis ardentibus aptum, Quorsum haec Illustriss. atque Atavis Marchionibus edite Marchio ? En nova ad te venit Mundi Sphaera, quae in lucem proditura, ac novi pariter Atlantis indiga, te suum sibi supplex cooptat Atlantem ; demissè videlicet humanitatem tuam deprecatur, ut se sustinere, ac favore tuo amplecti, tuerique non dedigneris. Enimuero quemadmodum nostra haec Sphaera, Mundi Sphaeram, ac Fabricam repraesentat, & exprimit ; ita tu quoque & quidem aptius Atlantem illum regia nobilitate, fummaque eruditione effingis atque imi quis enim vel leviter historica eruditione rinctus est, qui ignoret Malaspinarum genus, quanta quamque antiqua inter Italicasomnes familias nobilitate praesulgeat ? taris, ut propterea novae Sphaerae novus Atlas futurus sis quan aptissimus. Etenim fuerit ille regia sanguinis nobilitate preditus, tu fortè hac ex parte ei minimè concedis. constat enim eam ab Ilduino Longobardo Mediolanensi Duce antiquo, ac perpetuo stemmate derivari, atque iam inde ab 800. & amplius annis, in Etruria primum, postea in Gallia Cisalpina etiam, latè dominatam esse, atque etiamnum dominari. Cum enim lucae, & Lucensis provinciae Marchio Sigfridus Malaspina in Lombardia migrasset, Parmamque ab Saracenorum incursionibus liberasset, Parmae Comes eligitur Atho Sigiberti filius Parmensi domino Regense etiam adiunxit, Canussiumque Arcem munitissimam condidit. Tebaldus Achonis filius, Comes vti pater extitit, sed praeterea Ferrariae ac Mantuae Marchio instituitur. Huius frater Sigibertus fit Marchio Atestis, unde clarissima Estensum familia propagata est. Bonifacius Tebaldi filius Canussij Comes, Mantue, Ferrariae, Parma Marchio, ac Tusciae Dux potentissim. inter primos Italiae Principes connumeratus est. Hic ex Beatrice Corradi Imperatoris filia uxore, Mathildem illam pietate aequè, ac militari gloria insignem procreavit, quae magna Italiae Comitissa, appellata est, quaeque Christianae Reipublicae contra eius hostes immanissimos invicta saepius propugnatrix extitit. Hanc vero magnam Mathildem ex Malspinarum stirpe exortam esse, praeter caetera restantur adhuc antiquae eius imagines, quae Malaspinarum insignè manu dextera gestant. Porrò ex his manifestum est Malspinarum sanguinem Dominiorum, ac Principatuum fertilem, tum Estenses Principes, tum Canussianos Comites propagasse. sed etiamnum quot Illustriss. Malaspinarum Marchiones toti Italiae honori, atque ornamento sunt ? quàm lacè adhuc in Lucensi Provincia dominatus excercent ? Inter quos tu, sicuti animo, ac virtutib celsior, ita etiam Ditionem, tuam caeteris altiorem fortitus es, quippe summa Apenini iuga sub tua potestate habes ac tenes. qua in re perbelle accidit, ut ditio tua Atlanticae ditioni fit adsimilis ; ille enim in editissimis Mauritaniae montibus imperabat, qui ab co poftea Atlantes de-
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En effet, les mots qui reviennent le plus souvent dans les panégyriques de Malaspina66 sont la raison67, la force et l’héroïsme68. Nous constatons encore une fois l’importance, l’ambivalence et la duplicité de la place de la musique dans les Arts libéraux. Tout en faisant partie du quadrivium, à côté de l’arithmétique, de la géométrie et de l’astronomie, elle entretient en même temps des rapports féconds avec les arts du discours du trivium ; elle est donc un pont entre les arts mathématiques et ceux de la parole, d’où sa place privilégiée dans la formation nobiliaire et dans la diplomatie. Aussi n’est-ce pas un hasard si, lors des funérailles de Pier Francesco Malaspina, « un grave et très doux concert d’harmonie avec les meilleures musiques de la ville » a clos la cérémonie après que furent récitées « de très ingénieuses compositions poétiques69 » en sa mémoire. Le marquis Malaspina est enterré à l’église de Santa Maria di Campagna à Plaisance. Du Quadrivium au Trivium, le marquis Malaspina et Sigismondo D’India
La musique est donc importante dans l’activité diplomatique de Pier Francesco Malaspina. En effet, D'India publie son Deuxième livre de madrigaux qu’il dédie au marquis Malaspina le 20 février 1611. Bien que nous n’ayons trouvé aucune correspondance entre le compositeur et le marquis, nous pouvons supposer, grâce à la dédicace70, qu’il se sont rencontrés à l’époque où le musicien fréquentait la cour de Parme et de Plaisance (1609-1610). La dédicace nous laisse également supposer que Malaspina connaisnominati sunt ; tu pariter in editissimis Italiae iugis dominium obtines, ut veluti Arcis Italiae Praefectus caelitus destinatus fueris. Quin etiam sicuti ille syderalis scientiae callentissimus erat, tu quoq ; non solum astronomicis, verum etiam caeteris omnibus disciplinis egregiè ab ineunte aetate imbutus, totum aevum ad hanc usq ; viridem senectam, Philosophiae benefico feliciter transegisti. Verùm de tua, tam in belli, quam pacis artibus praestantia, alias in dedicatione nostri Operis de locis Mathematicis apud Aristotelem, quanvis brevius, quam par erat, nonnulla innuimus. Ut ugitur Atlantem omnino referre videraris nihil aliud deesse videtur, nisi ut mundi Sphaeram tuis humeris, tuo videlicet patrocinio, nostrum hoc de mundi Sphaera opus sultinere, ne graveris ; quid à te dimissè, atq ; enixè deprecor. quod si pro humanitate tua non denegaveris, nostra haec Sphaera tanto nixa, ac sussulta Atlante, caelesti ipsi Sphaerae non immeritò fortasse aemulabitur. Incolumen, ac tibi faelicem D. Opt. Max. Longaevitatem tueatur. Vale. Parma Idibus Febr. M.DC.XVII. », id. 66 Pompa funebre nell’esequie Dell’Illustrissimo Signor Pietro Malaspina Marchese degli Edifici, Consegliero di Stato & Aio dell’A. S. di Piacenza e Parma, Apparecchiata Da gl’Illustrissimi Signori Contessa Hippolita Rolleri, Contessa Giulia Anguissola et Marchese Alessandro Pallavicino Nepoto, Et Heredi. Nel tempio della Gloriosissima Vergine di Campagna di Piacenza, Plaisance, Ardizzoni, 1624. Conservé à (I-PCc), Libri Palastri, no 11 (20 p.). 67 « Così le honorate operationi del Marchese hanno mostrato sempre, che in lui cedendo il senso alla ragione, & compiacendo anche la ragione nelle cose honeste al senso, diede sempre obedienza il corpo, come mortale, all’anima immortale, & fu dall’anima regolato il corpo in maniera, che ciascheduno portò cotal merito dell’ufficio suo, che sono rimasi ambedui vicini alla gloria. », P. Baldelli, Delle lodi di Pier Francesco Malaspina, op. cit., p. 18. 68 « Nacque dalla consciuta famiglia Malaspina Illustrissima fra le più segnalate d’Italia, ben degna di portare nello scudo quella gloriosa spina, ch’è impresa reale. », id., p. 6. « & i cominciamenti della sua militia. Fra gli altri Prencipi, che trovar si vollero su l’armata uno fù il vostro Serenissimo Duca Alessandro Farnese d’immortal fama, e di gloriosa rinominanza. », id., p. 10-11. « Del medesimo in morte dello stesso : Signore si allude alle destra d’Hercole, & alle Spine dell’Arme del Defunto. », id., p. 19. 69 « Furono alli II di Maggio, poste ad effetto tutte le descritte cose a punto […] ma fu ben accresciuta la pompa, non solo da diversi ingeniosi componimenti poetici ma anche da maestosi adobbamenti di lugubri apparati ; & da altri varij ornamenti lasciati all’arbitrio […] : Così ella fù accompagnata ancora da grave, & soavissimo concerto armonico, della più scelta musica della Città. », Pompa funebre, op. cit., p. 20. 70 « All’Illustrissimo Signor et Patron Collendissimo Il Signor Pietro Francesco Malaspina Marchese de gli Edificij. Non è dubbio alcuno, che l’honorato nome di Vostra Signoria Illustrissima letto in fronte di questi miei Madrigali, gli renderà più riguardevoli appresso il mondo. Ma io per due soli rispetti gli li dedico ; prima per havere ella più d’una volta apprestato l’orecchio alle mie compositioni, con gusto suo così particolare, che non saprei ben ridire, se eccedesse il gusto suo nel udirle, l’obligo mio nel effetto da lei graziato che l’udisse ; poi perche possa con l’armonia loro (qual si sii) raddolcir l’animo suo, oppresso tal hora, dalle fatiche de più gravi studi. Gli accetti Vostra Signoria Illustrissima, con occhio benigno, come con favorevole orecchio ne han buona parte di loro più d’una volta udito, che io augurandole per fine ogni eccesso di
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sait déjà une grande partie des madrigaux de ce recueil avant sa publication. Le compositeur rappelle la fatigue causée par la pratique des « gravi studi » (l’étude des sciences et des arts dont la musique) comme contrepoint et miroir de l’activité politique, tout aussi pénible ; ce qui permet de mettre en avant l’une des fonctions de la musique : elle aide à gouverner dans la mesure où elle peut « adoucir l’âme ». Ces fonctions habituelles ont été identifiées par Florence Alazard71 : 1. La capacité à faire passer le temps de façon vertueuse. 2. Les effets bénéfiques qu’elle produit sur l’auditeur lorsqu’elle le conduit à cultiver les vertus. 3. Le réconfort72 qu’elle apporte à celui que le travail a fatigué ou « accablé ». La dédicace se rapporte donc à ce troisième point. L’art musical est pensé non pas comme simple vecteur d’un message politique mais comme partie prenante et agissante : la musique vient seconder le prince en lui apportant le secours nécessaire ; la musique a la fonction thérapeutique de soulager le prince. « La raison pour laquelle il doit cultiver son goût pour la musique tient principalement au fait que la musique est capable de faire cohabiter ensemble des voix différentes et de les rendre agréables à l’oreille73 » : « Que Votre Seigneurie Illustrissime les accepte [ces musiques] avec un œil bienveillant et une oreille favorable », écrit D’India dans sa dédicace à Malaspina. Ainsi, lorsque Francesco Malaspina se consacre à l’activité musicale, il ne se « délecte » pas dans le sens où la musique le détournerait de son activité principale, tout au contraire. Le marquis éprouve « un plaisir particulier » car « la musique lui permet de se livrer à la contemplation d’une image possible de son activité. On peut alors considérer l’activité musicale comme une continuité de l’action qui consiste à gouverner les hommes74 ». C’est une métaphore musicale très fréquemment utilisée dans la plupart des dédicaces de cette époque75. « L’âme du prince est donc tout entière régie par l’harmonie76 » ; le langage musical peut aider à la compréhension du monde politique. L’harmonie dont il est ici question doit être mise en rapport avec les « si graves disciplines » du quadrivim77 dans lesquelles le marquis Malaspina excelle ainsi qu’on a pu le constater dans les livres de Biancani qui lui sont dédiés, à commencer par la poésie. En effet, le poète parmesan Guidubaldo Benamati a composé un poème funèbre à la mémoire de Malaspina78, de même que le poète Gabriello Corvi écrira le madrigal Felice, eterna spina (Heureuse et éternelle épine) pour la même occasion79. Aussi, un recueil intitulé Nuova scelta di rime di diversi begli ingegni, édité en 1573 à Gênes par Cristoforo Zabata, contient 142 pièces de trente-quatre auteurs différents. Une grande partie de ces pièces sont de Luigi Tansillo (1510-1568) et certaines sont adressées à Marguerite de Savoie, au
prosperità le bacio la mano. Di Venetia li 20 Febraro 1611. Di Vostra Signoria Illustrissima Affettionatissimo Servitore Sigismondo d’India., S. D’India, Libro secondo de Madrigali, op. cit., préface. 71 F. Alazard, Art vocal. Art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 97. 72 Sur les vertus « thérapeutiques » de la musique, voir S. Lorenzetti, Musica e identità, op. cit., p. 200. 73 F. Alazard, Art vocal. Art de gouverner, op. cit., p. 98. 74 Ibid. 75 Ibid. 76 Id., p. 259. 77 Concernant la musique et le quadrivium, voir N. Pirrotta, « Poesia e musica », Poesia musica e altri saggi, Florence, La Nuova Italia, 1994, p. 7. 78 P. Baldelli, Delle lodi di Pier Francesco Malaspina, op. cit., p. 18 et 20-21. 79 Id., p. 24.
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cardinal Carlo Borromeo et au marquis des Edifizi80. Déjà dans les années 1580, Francesco Malaspina montrait un grand intérêt pour la poésie moderne par les liens qu’il entretenait avec les membres, tel Francesco Bonciani81 – contradicteur de Giovanni Bardi – de l’Académie degli Alterati de Florence82. Cette conception de « l’harmonie poétique » se trouve également dans le livre de madrigaux que D’India a adressé au marquis Malaspina. En effet, le compositeur met en musique la poésie moderne de Chiabrera, Guarini (un madrigal chacun) et surtout de Marino qui représente presque la moitié du recueil, soit sept madrigaux sur les des dix-huit pièces du livre83. L’autre moitié des madrigaux sont des poèmes anonymes dont le dernier Sentiasi Eurillo aventuroso amante (Eurillo, se sentant un amant fortuné), organisé comme un cycle en quatre parties, est une paraphrase du poème érotique Tirsi morir volea (Tirsi voulait mourir) de Guarini84. Nous savons qu’il existait un oratoire aux Edifizi vers 161085, sans pour autant connaître les détails d’une éventuelle activité musicale, et que l’un des bâtiments qui subsiste aujourd’hui a été construit la même année86, signe du renouveau de la cour de Malaspina dans les années où D’India était en contact avec le diplomate. Nous pouvons imaginer que les madrigaux du Deuxième livre de D’India devaient correspondre au goût de la musique profane alors interprétée dans ce fief, ainsi que le laisse supposer la dédicace. Maurizio Padoan décrit l’histoire musicale de la région de la plaine du Pô entre le xvie et le xvii siècles comme « un concert polyphonique » où se conjuguent circulation des publications, rapports entre les chapelles et mobilité des musiciens locaux et étrangers87. C’est ce que montre la diversité géographique des musiciens qui ont adressé leurs recueils de musique à la famille Farnèse, nous y reviendrons. En ce qui concerne le mécénat, Howard Mayer Brown88 estimait en 1993 que la recherche sur le patronage musical doit aller plus loin : il s’agit de s’interroger non seulement sur les rapports entre mécène et musicien – jusqu’à quel point étaient-ils contractuels, étaient-ils construits autour d’intérêts culturels communs, sur des liens amicaux authentiques ou simulés ? – mais également sur les objectifs, les stratégies et les mécanismes du mécénat mis en œuvre dans les différents milieux d’une cour. L’activité de protecteur des sciences et des arts de Malaspina doit être comprise comme une forme de patronage nobiliaire, c’est-à-dire qu’elle a plus à voir avec les relations entre individus qu’avec la production e
80 J. Balsamo, De Dante à Chiabrera : poètes italiens de la Renaissance dans la bibliothèque de la Fondation Barbier-Mueller, Genève, Droz, 2007, vol. II, p. 339-340. 81 Sur l’influence d’Aristote sur Bonciani, voir S. La Via « L’espressione dei contrasti fra madrigale e opera », Storia dei concetti musicali. Espressione, forma, opera, vol. II, éd. G. Borio et C. Gentili, Rome, Carocci, 2007, p. 44. 82 C. Palisca, « Gli Alterati di Firenze e gli albori del melodramma », La musica e il mondo : mecenatismo e committenza musicale in Italia tra Quattro e Settecento, éd. C. Annibaldi, Bologne, Il Mulino, 1993, p. 188. 83 G. Watkins, « I madrigali polifonici di Sigismondo D’India, nobile palermitano », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 62 et 80. 84 G. Collisani, Sigismondo D’India, Palermo, l’Epos, 1998, p. 45-46. Voir aussi Sigismondo D’India, The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices, op. cit., vol. II, p. xv. 85 C. Artocchini, Castelli piacentini, op. cit., p. 271. 86 C. Artocchini, « Un altro marchesato nel ‘400 », op. cit., p. 6. 87 M. Padoan, « Al di là del disciplinamento normativo. La musica sacra nell’Italia padana in età post-tridentina », Norma del clero, speranza del gregge. L’opera riformatrice di San Carlo tra centro e periferia della diocesi di Milano, Atti del Convegno di Studi (Milano-Angera, 2010), éd. D. Zardin, F. Pagani, C. A. Pisoni et V. Ciro, Germignaga, Magazzeno storico verbanese-La Compagnia de’ Bindoni, 2015, p. 189-217. 88 H. M. Brown, « Per un dibattito sul mecenatismo musicale tra Quattro e Settecento », La musica e il mondo : mecenatismo e commitenza musicale in Italia tra Quattro e Settecento, éd. C. Annibaldi, Bologne, Il Mulino, 1993, p. 51-54.
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d’œuvres. Elle participe de la complexité des réseaux diplomatiques qui font de Malaspina à la fois un messager et un médiateur culturel de la cour de Parme et de Plaisance avec les cours de Turin et de Milan. C’est par le biais de ces échanges, à la fois directs et indirects, que se construit l’identité nobiliaire des Farnèse, mais aussi celle de la cour satellite des Edifizi, branche qui disparaîtra, on l’a dit, après la mort du marquis. La dédicace de ce recueil de madrigaux ainsi que les livres de mathématiques de Biancani dévoilent également les passions de Pier Francesco : à la géométrie de Kepler et aux découvertes astronomiques de Copernic et de Galilée se joignent les théories musicales d’Aristoxène, de Zarlino et de Vincenzo Galilei, père de l’astronome. Aux théories harmoniques de la première pratique de Zarlino89 – qui, bien que défenseur du contrepoint, n’hésite pas à faire l’éloge du chant soliste90 –, répond la musique des chantres du nouveau style monodique comme Vincenzo Galilei91. Ainsi, la musique du Deuxième livre de madrigaux de D’India se situe à l’intersection entre l’ancien et le moderne, entre les idéaux humanistes de la Renaissance et la nouvelle société du début du xviie siècle. La nobildonna Barbara Landi Barattieri
Un an après sa nomination à Turin en tant que maître de la musique de chambre, Sigismondo D’India dédie son Deuxième livre des villanelles à Barbara Landi Barattieri, nobildonna de Plaisance. Nous verrons dans ce chapitre le rôle des familles Landi et Barattieri dans la vie culturelle et artistique de la noblesse de Plaisance92 en nous concentrant plus particulètement sur le séjour du compositeur dans cette ville dans les années 1609-1610. En effet, plusieurs documents attestent de la présence de D’India à Plaisance, que ce soit pour servir exceptionnellement comme maître de chapelle de l’église de Santa Maria di Campagna en 1609, séjour pendant lequel il a également travaillé au service de Barbara Landi au palais Barattieri et composé de la musique sacrée, ou bien, l’année suivante, pour participer, avec d’autres musiciens, ainsi qu’avec le poète Bernardo Morando, aux fêtes données en l’honneur de la naissance d’Alexandre Farnèse. C’est également en 1610 que le compositeur publie à Venise deux livres de motets, la dédicace du premier étant signée à Plaisance. La riche activité musicale de D’India auprès des familles nobles gravitant autour du duché des Farnèse dans les années qui précèdent sa période turinoise présente de nombreuses zones d’ombre qui restent en grande partie à explorer. Le recueil de villanelles dédié à Barbara Landi permet de montrer
89 Le traité de Zarlino est une synthèse de ce que l’on pouvait savoir alors sur la musique grecque. 90 G. Zarlino, Le Istitutioni harmoniche, op. cit., II, 9, p. 75. Sur l’intéressante question concernant les « frontières » musicales entre la première et la seconde pratique, cette dernière s’enracinant dans la première, voir S. La Via « L’espressione dei contrasti fra madrigale e opera », op. cit., vol. II, p. 31-63. 91 D. Sabaino, dans « “Gli diversi effetti, gli quali essa harmonia suole produrre” : ancora su teoria e prassi dell’ethos modale (per il tramite, questa volta, di alcuni testi petrarcheschi) », Petrarca in musica. Atti del convegno internazionale di studi, VII centenario della nascita di Francesco Petrarca. Arezzo, 18-20 marzo 2004, éd. A. Chegai et C. Luzzi, Lucques, LIM, 2005, p. 195, compare la langue de Zarlino à celle de Pétrarque en ce qu’elles sont devenues avec le temps, une langue commune, aussi bien dans la musique que dans la poésie. Sur le processus de constitution de la langue italienne aux xve et xvie siècles, voir M. Pozzi, « Des répertoires à la langue nationale italienne », L’Epithète, la rime et la raison. La lexicographie poétique en Europe, xvie-xviie siècles, éd. S. Hache et A. P. Pouey-Mounou, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 165-182. 92 R. De Rosa, Lo Stato Landi. 1257-1682, Plaisance, Biblioteca storica piacentina. Nuova serie, vol. XXIII, 2008, p. 143144. Concernant l’hostilité des Farnèse vis-à-vis de cette famille dans les années 1608 à 1611, voir id., p. 222.
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l’art poétique du compositeur, la manière si personnelle dont il renouvelle le genre de la villanelle mais également les liens historiques et culturels qui unissent différentes villes italiennes. Les familles Landi et Barattieri au sein de la noblesse de Plaisance au début du xviie siècle
À Plaisance, comme dans le reste de l’Europe occidentale à cette époque, nous constatons un changement de la « condition » de noble – impliquant pouvoir, privilèges et exemptions – laquelle se transforme de plus en plus en faste de « l’apparence » nobiliaire. La noblesse de Plaisance est aussi, au xviie siècle, très présente dans les domaines culturel et intellectuel du duché93. La famille Landi, originaire de la région de Milan94, est l’une des plus anciennes de Plaisance95. En effet, en 1536, l’empereur Charles Quint confirme la vente aux seigneurs Landi des communautés de Bardi, Compiano, Rivalta et Pieve di Bedonia, situées dans le territoire piacentino96. Quant aux membres de la famille Barattieri dont le nom dérive du latin Barotyrius97, ils ont été institués citoyens milanais en 154698 et leur statut d’ancienne famille noble fut reconnu à cette date par le duc Pierluigi Farnese99, faisant d’elle une de ces noblesses mineures du duché100.
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Le antiche famiglie di Piacenza e i loro stemmi, Plaisance, éd. G. Fiori, G. Di Groppello, C. E. Manfredi et M. De Meo, Plaisance, TEP, 1979, p. 14, 15 et 51. Sur les rapports de la famille Landi avec Federico Borromeo au début du xviie siècle, voir R. De Rosa, Lo Stato Landi, op. cit., p. 147-148 et 221. A. Del Fante, « Appunti sulla storia dello studio di Piacenza durante l’età farnesiana », Università, Principe, Gesuiti : la politica farnesiana dell’istruzione a Parma e Piacenza, 1545-1622, Rome, Bulzoni, 1980, p. 104. Voir aussi E. Nasalli Rocca, I Farnese, Milan, Dall’Oglio, 1969, p. 457. G. A. Mariani, Dechiaratione dell’arbore, e discendenza di casa Landi, prima detta Di Andito, cavata da lettere, e dispense de sommi pontefici, investiture, e privilegii de molti imperatori, e rè, da rogiti de notari in forma authentica, con la solennità che si ricercano. Tralasciando per brevità molte scritture antiche, e historie, cominciando dall’anno 1216 sin à hora del 1602 che fanno il spatio de anni 386. Con l’aggionta delli arbori di casa Aragona, e Cordova. La geografia del principato Val di Taro ; marchesato di Bardi ; contado, e baronia di Compiano, feudi imperiali, con le loro terre in prerogativa ; & anco Turbigo feudo di Milano, Milan, Meda, 1603, p. 23. Voir aussi G. Chittolini, La formazione dello stato regionale e le istituzioni del contado. Secoli xiv e xv, Turin, Einaudi, 1979, p. 267-268. D’autres documents plus tardifs de cette famille (à partir des années 1630) sont conservés à la Bibliothèque Communale Passerini-Landi (I-PCc) à Plaisance dans la section des manuscrits parmi les Ms. Vitali, no 63. Sans doute dérivé d’un chevalier appelé Borgognone Barone Tirio, c’est-à-dire Carthaginois. Voir G. P. De Crescenzi Romani, Corona della nobiltà italiana, overo Compendio dell’istorie delle famiglie illustri, Bologne, Tebaldini, 1639, p. 672. Pour le blason des Barattieri, voir L. Mensi, Dizionario biografico piacentino, Plaisance, Del Maino, 1899, p. 54-55. Sur les rapports de cette famille avec les duchés voisins comme Crémone ou Milan au xvie siècle et notamment sur Antonio Barattieri, podestà de Crémone et Bartolomeo Barattieri, orateur, juriste, podestà de Milan en 1542, père de Francesco, grand-père d’Ercole Ier et arrière grand-père de l’époux de Barbara Landi, voir ibid et C. Poggiali, Memorie storiche della città di Piacenza, Plaisance, Giacopazzi, 1772, vol. XI, p. 52. Sur les réseaux poético-culturels d’échange de poèmes destinés à être mis en musique à partir du début du xvie siècle entre Plaisance et Crémone, voir A. Vassalli, « All’origine del madrigale », Le origini del madrigale. Atti dell’incontro di studio, Asolo, 23 maggio 1987, éd. L. Zoppelli, Asolo, Tipografia Asolana, 1990, p. 31. Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 138. Voir aussi M. L. Bussi, Musica e musicisti presso i serenissimi duchi Farnese in Piacenza (1545-1731), Plaisance, Tip.Le.Co., 1991, p. 39 ; De Feudis Liber Singularis a Bartholomeo Baraterio Mediolani et Ferrariae ducum, Paris, Beys, 1612, ainsi que les sept lettres de Francesco, Bartolomeo, Giovanni Pietro et Camillo Barattieri (lettres datant du xvie siècle), conservées à l’Archivio di Stato di Milano (I-Mas), Fondo Famiglie, Barattieri, boîte 27, cart. 12, qui donnent un aperçu des rapports politiques de cette famille avec les Farnèse. G. P. Brizzi, « Educare il principe, formare le élites. I Gesuiti e Ranuccio I Farnese », Università, Principi, Gesuiti : la politica farnesiana dell’istruzione a Parma e Piacenza, 1545-1622, Rome, Bulzoni, 1980, p. 161. Voir aussi E. Nasalli Rocca, I Farnese, op. cit., p. 455.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
Barbara Landi
Barbara Landi est une descendante de la lignée du juriste et homme de lettres Ottaviano Landi di Rivalta101, son arrière grand-père102 . Elle a épousé Giovanni Battista Barattieri, gentilhomme mélomane piacentino103 vers 1594104, dont elle a eu deux fi ls, Francesco Barattieri et Ercole II Barattieri105. Le père de Giovanni Battista, Ercole I Barattieri, a épousé Virginia Malaspina, sœur du marquis Pier Francesco des Edifizi106, dont on a largement parlé dans le chapitre précédent. Ce dernier fut également le parrain de baptême de Francesco et Ottavio Barattieri, tous deux fi ls de son neveu Giovanni Battista et de Barbara Landi ainsi que d’Alessandro Landi107, neveu de cette dernière et qui fut également poète108.
Fig. 7 : Blason de Barbara Landi Barattieri
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L’oncle d’Ottaviano, Federico Landi, fonde la branche des Landi de Bardi à la fi n du xve siècle. Les Landi de Bardi s’installent dans la vallée du fleuve Taro. Au début du xviie siècle, Girolamo Borsieri parle de l’existence d’une galerie de peinture avec des objets précieux, créée dans la maison de Federico Landi, prince du Val di Taro, dans son Supplimento de 1619. Voir G. Borsieri, Supplimento della nobiltà di Milano, Milan, Bidelli, 1619, p. 43 et 68, cité dans F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 407-408. Voir aussi les différents documents adressés à Federico Landi et conservés à l’Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Famiglie, Landi, boîte 65 (1600-1610, boîte 66 (1611-1619) et boîte 67 (1620-1629). E. Nasalli Rocca, I Farnese, op. cit., p. 256. Voir aussi G. A. Mariani, Dechiaratione dell’arbore, op. cit., arbre généalogique. M. L. Bussi, Musica e musicisti, op. cit., p. 39. Tous les documents de l’Archivio di Stato di Piacenza qui concernent le mariage de Barbara Landi et Giovanni Battista Barattieri sont manquants. (I-PCas), Famiglie e personne, Archivio Barattieri di San Pietro in Cerro, vol. XVII, boîte 2 (18 marzo 1594). Il en est de même pour ceux qui concernent l’héritage d’Ottaviano Landi, grand-père de Barbara Landi, id., boîtes 10 (29 ottobre 1595) et 11 (28 settembre 1598). Un arbre généalogique ainsi que le blason de Barbara Landi Barattieri (document du xviiie siècle) se trouvent à (IPAas), Famiglie, Barattieri, boîte 27. Voir aussi R. Vignodelli Rubrichi, Archivio Doria Pamphilj. Fondo Landi, carteggio, Parme, Deputazione di storia patria per le province parmensi, 1974. G. Fiori, « I Malaspina di Mulazzo nelle valli dell’Aveto e del Nure », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 27, 1975, p. 384, n. 49. Voir aussi Le antiche famiglie di Piacenza, op. cit., p. 139. Schedario Rapetti della Biblioteca Comunale di Piacenza, cité par E. Nasalli Rocca, « I Marchesi di Gambaro di Val de Nure ramo dei Malaspina di Mulazzo », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 15, 1963, p. 186, n. 18. L. Mensi, Dizionario biografico piacentino, op. cit., p. 229-230.
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Première partie
Giovanni Battista Barattieri
Giovanni Battista Barattieri, l’époux de Barbara Landi, est le dédicataire du Deuxième livre de Toscanelle à quatre voix – genre profane à mi-chemin entre la villanelle et la canzonetta – de Gabriele Villani, compositeur de Plaisance109, organiste de l’église de Santa Maria di Campagna, publié en 1591110. Ainsi, Barbara Landi et Giovanni Battista Barattieri ont donné une place particulière aux genres polyphoniques légers dans leur cour111. Il n’est pas étonnant que ces deux personnages, dont les ancêtres ont excellé dans la littérature et le droit, aient protégé112 des artistes dont Sigismondo D’India. Il est également probable, compte tenu de la proximité entre Plaisance et Milan à cette époque, que le musicien soit entré en contact avec les Landi Barattieri par le biais du diplomate et poète milanais Girolamo Borsieri. Sigismondo D’India à Plaisance entre musique sacrée, madrigaux, compositions poétiques et célébrations
Le compositeur se trouve à Parme et à Plaisance en 1609 et 1610, sans doute à la recherche d’une cour ainsi que le montre la dédicace de son Premier livre des Musiche adressée depuis Milan au duc Ranuccio Farnese le 10 février 1609. Presque trois mois plus tard, le 15 mai, D’India a été payé pour un engagement à titre exceptionnel comme maître de chapelle de l’église de Santa Maria di Campagna à Plaisance pendant le Carême (mars-avril113). Parmi les organistes de cette église pendant la même période114, nous pouvons mentionner Gabriele Villani, qui est à la fois en contact avec le duc Farnèse et avec Giovanni Battista Barattieri. L’année 1609 semble en effet être une année riche en célébrations religieuses dans cette église si l’on en croit les chroniques d’époque115. Sigismondo D’India et Ludovico Carracci chez Barbara Landi Barattieri : l’effervescence artistique de Plaisance
La présence du compositeur à Plaisance est confirmée par une lettre que le peintre Ludovico Carracci a adressée depuis cette ville à un certain Gioseffo Guidotti ou Guidetti de Bologne en réponse à une lettre de condoléances écrite par le même Guidotti le 15 juillet 1609 à la suite de la mort, à Rome, de son cousin, un autre peintre célèbre, Annibale Carracci. La lettre de Ludovico est datée du 24 août de 109 F. Bussi, « Sacro e profano in musica alla corte du Ranuccio I Farnese », Nuova rivista musicale italiana, no 29/2, 1995, p. 233. 110 G. Villani, Il secondo libro delle toscanelle a quattro voci di Gabriele Villani piacentino, Venise, Gardano, 1591. 111 C. Assenza, « “Ma, cara cetra mia, che speri o tenti ?” Itinerari poetici e immagini di corte nelle Villanelle di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libri primo (1608) e secondo (1612), éd. C. Assenza, Florence, Olschki, 2007 p. xi, n. 13 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV). 112 Camillo Barattieri fut par exemple bienfaiteur d’un hospice d’orphelines à Plaisance et a légué une grande partie de sa fortune à cette institution avec laquelle on devait entretenir chaque année une orpheline pauvre. Voir L. Mensi, Dizionario biografico, op. cit., p. 54. 113 « Ordinazioni VII : c. 89 : 15 Maggio 1609. Item audito Domino Sigismondo de India et Domino Alessandro Nicello petentibus solutionem musicae in dicta Ecclesia hac quadragesima factae, ordinaverunt insistendum esse in ordinatis et fiendum esse eisedem mandatum Liber septuaginta quinque imp. pro portione tangente Illme Congregationi. », cité dans O. Mischiati, L’organo di Santa Maria di Campagna a Piacenza : documenti e testimonianze su organari, organisti, maestri di cappella, pittori e intagliatori dal 1528 al 1978 raccolti in occasione del restauro dello storico organo Serassi, Plaisance, Cassa di Risparmio, 1980, p. 87. 114 Il s’agit de Giovanni Pietro Grandi, Pietro Girolamo Grandi, Girolamo Guarnaschelli, Giovanni Battista Maggi, Tiburzio Massaino, Alessandro Nicelli, Giulio Cesare Quinziani et Gabriele Villani. Voir id., p. 86-90 et 95-96. 115 C. Poggiali, Memorie storiche della città di Piacenza, op. cit., vol. X, p. 201-202. Concernant l’architecture, les décorations et l’histoire de cette église, voir A. Corna, Storia ed arte in Santa Maria di Campagna, Piacenza, Bergame, Istituto italiano d’arti grafiche, 1908 ; F. Arisi et R. Arisi Riccardi, S. Maria di Campagna in Piacenza, Plaisance, Tip. Le.Co, 1984, p. 41-58 ; E. F. Fiorentini, Le chiese di Piacenza, Plaisance, Edizioni TEP, 1985, p. 185-191 et Santa Maria di Campagna. Una chiesa bramantesca, éd. M. Giuffredi, Reggio Emilia, Diabasis, 1995.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
la même année et a été publiée par Carlo Cesare Malvasia dans son ouvrage d’histoire de l’art, publié à Bologne en 1678 et qui relate la vie des peintres de cette ville : En ce qui concerne la disparition de mon cousin [Annibale Carracci], je remercie [Votre Seigneurie] pour les condoléances dont elle a fait part et qui expriment son amour pour celui qui lui était un ami cher […]. J’ai enfin remis l’œuvre commencée depuis quatre ans pour la grande satisfaction de celui qui me l’a commandée […]. Le Sieur Sismondo [sic] d’India a reçu également ce matin les lettres [de Votre Seigneurie] alors que nous nous trouvions tous deux ensemble autour d’une table chez Madame Barbara Barattieri où il se rend fréquemment. Il y avait un chanteur de Pavie, un soprano qui s’appelle Pigamondo, le meilleur soprano d’Italie selon le Sieur Gismondo [sic] qui a demandé à l’obtenir par cette Sérénissime [Barbara Landi] afin de faire interpréter quatre messes votives de la meilleure manière possible. Le Sieur Gismondo [sic] les a composées en les intercalant avec des motets, ce qui est exceptionnel. Il y avait aussi une basse, la meilleure et parmi les plus profondes que l’on puisse trouver […], et d’autres personnages encore avec qui je me retrouve souvent pour écouter beaucoup de choses pour mon plaisir et qui toutes sont nouvelles. Ledit Sieur Gismondo [sic] remercie Votre Seigneurie et se met à ses ordres en lui proposant ses œuvres. Il m’a également fait part de sa plus vive affection envers [Votre Seigneurie] et m’a demandé de lui dire de lui écrire. Je serais déjà parti si je n’étais occupé par la réalisation d’un tableau que notre Très Illustre ambassadeur116 m’a commandé, même si je ne pense pas pouvoir le finir ici car je dois me rendre à Mantoue pour servir la Sérénissime Madame de Ferrare [Marguerite Gonzaga], avant que d’aller à Bologne […]. (Plaisance, le jour de la Saint-Barthélémy117) (nous soulignons).
Le tableau culturel peint par Carracci à l’époque où il réalise des fresques pour le chœur de la cathédrale de Plaisance est intéressant. Il montre tout d’abord l’effervescence artistique de la cour de Barbara Landi Barattieri où se croisent régulièrement musiciens, peintres et chanteurs. Ensuite, nous pouvons constater le rôle d’intermédiaire de cette dernière dans l’obtention d’un chanteur venu de Pavie à la demande de D’India. Mais le point le plus intéressant est sans aucun doute l’évocation de la composition par ce dernier de quatre messes votives entrecoupées avec des motets118 – musiques malheureusement perdues. 116
Il pourrait s’agir du cardinal Benedetto Giustiniani, frère du marquis Vincenzo Giustiniani et juriste à Bologne, voir A. Summerscale, Malvasia’s Life of the Carracci : Commentary and Translation, University Park, Pennsylvania State University Press, 2000, p. 229-230, n. 314. 117 « In materia del cugino perso, la ringratio della condoglienza che né à sentito per amore suo che era suo amico caro, […]. Io poi ò fornito l’opera di quatro anni principiata con satisfatione grande di chi mi à comandato […]. Il Signor Sismondo d’India à punto quella matina anche ebbe sue letere si trovasimo insieme tutte due a una tavola de la Signora Barbara Baratiera dove lui si tratine continuamente e vi era uno pavese che canta uno soprano che si chiama il Pigamondo, il primo soprano d’Italia, così dice il Signor Gismondo, mandando a piliare a questa Serenissima per far cantare quattro messe votive le più eccelentemente cantate che si possa in queste. Il Signor Gismondo le a composte con li moteti frà megio dicano cosa rara, vi è un basso, il primo, e il più profondo che si trova, […], e altro che molte volte mi trovo in compagnia, e odo cose molte di gusto mio, e tutte cose nove, il sopradetto Signor Gismondo la ringrazia, e li rende mille grazie è dice che Vostra Signoria li comanda, e di sue opere li ne oferese, così mi à deto che li scriva e che l’ama di core, saria io di già partito se non fosse che sono dietro a un quadro del nostro Illlustrissimo Legato di sua commissione, ma non li voglio dare compimento quà perche bisogna che vadi à Mantova à instanza de la Serenissima Madama di Ferara, e me ne verò poi à Bologna […] (Piacenza, il giorno di San Bartolomeo). », C. C. Malvasia, Felsina pittrice : vite de pittori bolognesi alla Maestà christianissima di Luigi XIIII re di Francia e di Navarra il sempre vittorioso consagrata dal co. Carlo Cesare Malvasia Fra Gelati L’Ascoso. Divisa in duoi tomi ; con indici in fine copiosissimi, Bologne, Barbieri, 1678, vol. I, p. 446-447, cité dans G. Perini, Gli scritti dei Carracci : Ludovico, Annibale, Agostino, Antonio, Giovanni Antonio, Bologne, Alfa Editoriale, 1990, p. 118. Voir aussi A. Summerscale, Malvasia’s Life of the Carracci, op. cit., p. 229-230. 118 Dans la dédicace du Premier livre de motets (Novi concentus ecclesiastici binis, ternis vocibus concinendi Sigismundi De India Nobilis Panormitani, Venise, Gardano, 1610), adressée au cardinal de Savoie et datée du 1er février 1610 – soit un peu plus de cinq mois après la lettre de Ludovico Carracci –, D’India écrit : « Je n’ai pas craint de dédier à Son Altesse Sérénissime cette musique sacrée, publiée par mes soins à la mémoire éternelle des mortels, afin de célébrer la messe avec la plus grande dévotion et de chanter selon la dignité du moment et du lieu les louanges divines du créateur suprême,
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Première partie
Quant aux messes, s’agissant de messes votives et donc destinées à des occasions particulières, elles ont peut-être été données à l’église de Santa Maria di Campagna de Plaisance à la demande de la famille Landi Barattieri. Ce qui est certain, c’est que nous ne connaissons à ce jour aucune messe publiée par le compositeur. D’India a par ailleurs publié deux livres de motets à deux, trois, quatre, cinq et six voix l’année suivante (1610119). Nous pouvons penser que certaines pièces mentionnées dans la lettre ont pu être insérées dans le premier recueil de motets de 1610. En effet, bien que publiée à Venise, la dédicace de celui-ci – qui est adressée au cardinal Maurice de Savoie – est signée depuis Plaisance le 1er février de la même année. De plus, le recueil reprend des pièces déjà publiées au cours des années précédentes comme le motet Super flumina Babylonis (Sur le fleuve de Babylone) qui apparaît dans une anthologie de 1608120. Trois motets de ce livre sont écrits pour deux voix, celle de soprano et de basse, comme c’est le cas des tessitures des chanteurs cités dans la lettre de Carracci : « Il y avait […] un soprano qui s’appelle le Pigamondo, […] il y avait aussi une basse […] parmi les plus profondes que l’on puisse trouver ». Ces motets sont : O admirabile commercium (Ô échange admirable), pour la fête de la circoncision, Diligam te Domine (Je t’aimerai, Seigneur), tiré du psaume 17 et Beata es Virgo Maria (Bienheureuse es-tu Marie) – ce dernier, compte tenu de la thématique et de l’effectif, pourrait être associé à une célébration en l’honneur de la Vierge à l’église de Santa Maria di Campagna. De plus, cette pièce demande une voix de basse des plus graves. D’India avait déjà publié l’année précédente, et quelques mois avant la lettre de Carracci, deux airs pour basse dans son Premier livre de monodies accompagnées : Che farai Meliseo ? (Que feras-tu Mélisée ?) et Qual fiera si crudel (Tel un fauve cruel). La basse présente chez Barbara Landi et pour qui le compositeur a pu écrire ces deux airs pourrait être soit le Napolitain Giulio Cesare Brancaccio121, sans doute déjà un peu âgé en 1609, soit le Romain Giovanni Domenico Puliaschi, mort en 1622, serviteur du cardinal Scipione Borghese, basse de grande renommée et également compositeur122, ou encore le Milanais Ottavio Valera, l’hypothèse la plus probable compte tenu de la proximité artistique et politique du duché de Milan avec les terres de Parme et Plaisance. Quant au Pigamondo, nous ne savons rien de ce chanteur pourtant qualifié par D’India comme « le meilleur soprano d’Italie ».
auteur de tous les bienfaits. » (« Symphoniam hanc sacram, perpetuæ mortalium memoriæ atque me Typis traditam, ad celebranda summa cum veneratione sacrificia, recitandasque ex temporis, & loci dignitate, supremi opificis bonorum omnium auctoris divin[it]as laudes celsitudini tuæ Serenissimo consecrare haud veritus sum. ») (Nous soulignons). 119 S. D’India, ibid., et Liber secundus sacrorum concentuum Sigismundi De India Nobilis Panormitani, ternis, quaternis, quinis, senisque vocibus concinendorum, Venise, Gardano, 1610. 120 Il s’agit du Quatrième livre de motets de F. Bianciardi, Francisci Bianciardi Accordati Intronati, metropolitanae ecclesiae moderatoris Sacrarum Modulationum, quae vulgo Motecta, et duabus, tribus, et quatuor vocibus concinentur. Liber Quartus, Venise, Gardano, 1608. 121 R. Wistreich, Warrior, Courtier, Singer : Giulio Cesare Brancaccio and the Performance of Identity in the Late Renaissance, Ashgate, Aldershot, 2007. Voir aussi id., « Real Bases, Real Men. Virtù and Virtuosity in the Construction of Noble Male Identity in the Late Sixteenth-Century Italy », Trossinger Jahrbuch für Renaissancemusik, no 2, 2002, p. 59-77. 122 Il s’agit d’un livre de monodies accompagnées avec quelques motets du compositeur romain Giovanni Francesco Anerio dédié au cardinal Scipione Borghese. Voir G. D. Puliaschi, Musiche varie a una voce con il suo basso continuo per sonare […] con alcuni motetti posti in musica dal signor Gio. Francesco Anerio, Rome, Zanetti, 1618.
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Schéma 4 : Arbre généalogique de Barbara Landi Barattieri
Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
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Première partie
La lettre de Carracci laisse supposer l’existence d’une certaine proximité entre le compositeur et Gioseffo Guidotti avec qui le musicien entretient une correspondance ainsi que des rapports artistiques : « Ledit Sieur Gismondo vous remercie et se met aux ordres de Votre Seigneurie en vous proposant ses œuvres. Il m’a également fait part de son affection envers vous et m’a demandé de vous dire de lui écrire. ». Nous ne connaissons pas l’identité exacte de Gioseffo Guidotti. Charles Dempsey a émis l’hypothèse qu’il pourrait s’agir d’un membre de la famille du chanteur et compositeur bolonais Giovanni Domenico Guidetti123 ; nous pensons pour notre part qu’il pourrait s’agir de l’abbé Gioseffo Felice Guidotti, chanoine régulier de Latran, théologien et lecteur public à Bologne où certains de ses panégyriques sacrés ont été publiés chez Longhi en 1672124. Ce dernier pourrait appartenir à la famille du chevalier Paolo Guidotti (1560-1629), peintre originaire de Lucques et installé à Rome à l’époque du pontificat de Grégoire XIII (1572-1585), qui se « délectait avec de la poésie », « jouait presque de toutes sortes d’instruments » et « chantait également la musique125. ». Que ce soit en 1609 ou bien après le départ du compositeur de la cour de Turin en 1623 et jusqu’à la fin de sa vie, ses rapports avec les musiciens, artistes, poètes et mécènes de la ville de Bologne n’ont pas été explorés. Ainsi que le souligne Giovanna Perini, la lettre de Ludovico Carracci nous donne une preuve indirecte de la qualité de l’entourage du peintre ainsi que de ses intérêts en dehors de la peinture à travers les observations de l’ambiance musicale du duché de Parme et Plaisance126 à l’époque où il a réalisé, quelques années plus tôt (1605-1607), La vocation de Matthieu, conservé à la Pinacothèque de Bologne ou, quelques années plus tard, Le prêche de saint Antoine l’abbé aux Ermites (1610-1615), conservé à la Pinacothèque de Brera à Milan. Dans une lettre écrite en novembre ou décembre 1609, soit de quelques mois postérieure à celle de Ludovico Carracci, et adressée au poète bolonais Andrea Barabazza, le poète Giambattista Marino fait allusion à un tableau de Carracci qu’il doit remettre à Barabazza par l’intermédiaire d’un autre poète de Bologne, Cesare Rinaldi127, précurseur du nouveau goût poétique. Là encore, la circulation des œuvres d’art se produit grâce à l’action d’un réseau d’artistes et de nobles – une véritable diplomatie artistique qui conjugue activité politique, production artistique et transfert culturel. 123 C. Dempsey, « Introduzione » dans G. Perini, Gli scritti dei Carracci, op. cit., p. 28. 124 « Gioseffo Felice Guidotti Canonico Regolare Lateranese, Abate, di Sacra Teologia Collegiato Dottore, e pubblico Lettore in Bologna. Fiori di santità raccolti del giardino delle virtù, Panegirici Sacri. Bol. 1672 per il Longhi. », P. A. Orlandi, Notizie degli scrittori bolognesi e dell’opere loro stampate e manoscritte, Bologne, Pisarri, 1714, p. 137. Nous pouvons mentionner également le poète et prêtre romain Lorenzo Guidotti (1572-1632) qui était également gentilhomme de chambre de Filippo Colonna, voir S. Franchi, « Principi, cardinali e poeti per musica nella Roma di Urbano VIII : appunti per un quadro storico-ideologico », Francesco Buti tra Roma e Parigi : diplomazia, poesia, teatro. Atti del convegno internazionale di studi, Parma 12-15 dicembre 2007, éd. F. Luisi, Rome, Torre d’Orfeo, 2009, vol. I, p. 25 et 45. 125 « Si dilettava di poesia, […]. Sonava quasi ogni sorte di stromento […], e di Musica parimente cantava. », G. Baglione, Le vite de’ pittori scultori et architetti Dal Pontificato di Gregorio XIII del 1572. In fino a’ tempi di Papa Urbano Ottavo nel 1642, Rome, Fei, 1642, p. 304. 126 G. Perini, « Le lettere degli artisti da strumento di comunicazione, a documento, a cimelio », Documentary Culture. Florence and Rome from Grand-Duke Ferdinand I to Pope Alexander VII : papers from a colloquium held at the Villa Spelman, Florence, 1990, éd. E. Cropper, G. Perini et F. Solinas, Bologne, Nuova Alfa, 1992, p. 170. 127 « Vorrei che il signor Rinaldi si ricordasse di sollecitarme il quadro del Carraccio e che il signor conte Ridolfo non si scordasse di mandarmi il suo ritratto. », A. Borzelli et F. Nicolini, Giambattista Marino. Epistolario. seguito da lettere di altri scrittori del Seicento, Bari, Laterza, 1911, vol. I, p. 94-95 et M. Guglielminetti, Giambattista Marino. Lettere, Turin, Einaudi, 1966, p. 107. Voir aussi Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Archivio per Materie, letterati, boîte 57. Pour la correspondance entre Rinaldi et Adriano Banchieri, voir A. Banchieri, Lettere armoniche, Bologne, Mascheroni, 1628, éd. facsimilé, Bologne, Forni, 1968, p. 28 et 159.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
Enfin, la lettre de Ludovico Carracci témoigne de la nouveauté artistique qui règne dans le duché des Farnèse et dans ses cours satellites comme celle de Barbara Landi128 où le peintre se rend fréquemment pour se délecter de musiques « qui sont toutes nouvelles ». En effet la musique que compose D’India à Plaisance va de la monodie accompagnée aux messes votives en passant par des motets, utilisant le contrepoint polyphonique, le style concertant ainsi que le nouveau style monodique. Sigismondo D’India et Bernardo Morando à Plaisance, les célébrations musicales autour de la naissance du prince Farnèse
D’India est de nouveau sollicité en septembre de l’année suivante (1610) pour composer les musiques des superbes fêtes en l’honneur de la naissance à Parme129, le 5 septembre, d’Alexandre Farnèse, fils du duc Ranuccio Ier. Elles se déroulent à Plaisance. C’est ce que l’on peut lire dans un mandat de paiement conservé aux Archives de cette ville : Le 21 septembre 1610 […] Votre Seigneurie doit payer au Sieur Sigismondo D’India 150 lires en guise de [rature] reconnaissance pour ses œuvres, composées de madrigaux, de sonnets et d’autres pièces présentées à l’occasion des célébrations pour la naissance du Prince Sérénissime. Dans la marge] Moi Sigismondo D’India confirme avoir reçu 15 sequins de la part du docteur Rovinaia 130 (nous soulignons).
En effet, une lettre datée du 4 septembre 1610 et conservée aux Archives d’État de Parme confirme l’exécution de madrigaux lors des festivités. Il s’agit d’une lettre signée par « Li elletti à dette allegrezze » (« Les élus desdites célébrations »). D’India devait sans aucun doute faire partie de ces « élus » : Bien qu’il eût fallu régler les détails des pièces ci-jointes et des compositions poétiques qui sont l’âme des représentations qui doivent se tenir pour la naissance de votre premier fils […] ; ayant promis dans notre dernière lettre de les expédier à Votre Altesse Sérénissime et ne voulant pas manquer de vous les envoyer, nous supplions 128
La reconstruction de la cour de Barbara Landi est rendue difficile à cause du faible nombre de documents concernant la branche des Landi di Rivalta – branche à laquelle appartenait la nobildonna – qui sont conservés dans les Archives de Parme, Plaisance ou Rome. Il faudrait poursuivre cette recherche dans les archives privées qui ont été déposées auprès de la famille Landi di Chiavenna et dont le catalogue microfilmé se trouve à l’Archivio di Stato di Piacenza (I-PCas). D’autres archives de cette famille ont été repérées auprès du comte Orazio Zanardi Landi et de Carlo Pietro Zanardi Landi. Quant à l’Archivio Doria Pamphilj (I-Rdp), un livre comptable datant de la seconde moitié du xvie siècle nous renseigne sur divers paiements de locations de la part de plusieurs membres de la famille Landi di Rivalta, dont Ottaviano Landi, père de Barbara, qui, le 29 mars 1573, doit payer cinquante écus d’or tous les six mois et en avance pour « Il Pallacio nel quale soleva habitar’ la Sra Contessa Caterina Vesconte Landa [comtesse de Compiano] con lo giardinoto nante detto pallacio et stanza posti in la vica di Santo Eustachio affitato al Signor Conte Ottaviano Lando da rivalta per anni nove incominciati al di Primo di maggio 1573 [donc de 1573 à 1582]. », (I-Rdp), « Affitti in Piacenza e nel piacentino secc xvii », Carteggi Landi, étagère 39, boîte 14, fo 16vo. Pour le catalogue des documents de la famille Landi conservés dans cette archive, voir R. Vignodelli Rubrichi, Archivio Doria Landi Pamphilj, op. cit. 129 Voir le récit de Mario Giuliani Veneziano daté du 16 septembre 1610 sur les festivités lors de la naissance du prince Alexandre à Parme « con copiosa e famosa musica » et avec des manifestations publiques avec « musica di voci, è stromenti, Trombe, piffari, tamburi, spiegamento di bandiere, acclamationi popolarie, e premi, et doni d’animali. », (IPAas), Corte e casa farnesiana, Série II, documenti e carteggi di persone della famiglia Farnese, boîte 23, fasc. 1, doc. 29. 130 « 1610 al di 21 settembre […] Vostra Signoria pagherà al signor Sigismondo D’Indiani [sic] lire cento cinquanta che sono per [rature] recognitione delle sue opere composte de madrigalli e sonetti e altre fatiche fatte nell’occasione delle allegrezze per il nascimento del serenissimo Prencipe. […] Io Sigismondo d’india ho ricevuto 15 cecchini del signor dottor rovinaia. », (I-PCas), Miscellanea Ottolenghi, Serie ambascerie, nascite, nozze, morti di Principi, cartella VII, pacco VIII, liasse 2 : « Nascite di principi di casa Farnese, 1603-1620 », fasc. 2, sous-fasc. 4/2 : « Mandati di pagamento ordinati dalla Comunità di Piacenza in occasione delle allegrezze fatte per il parto della duchessa Margherita, consorte del duca Ranuccio I Farnese », fo 30.
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Première partie
Votre Altesse Sérénissime de nous pardonner l’attente. Nous ne vous enverrons pas les madrigaux et les autres compositions qui doivent être chantés les trois soirs avant ladite représentation parce que nous craignons qu’ils ne soient pas encore terminés par les Musiciens à qui nous avons confiés de mettre en musique131 (nous soulignons).
Les madrigaux, sonnets et autres pièces dont il est question dans ces documents ne nous sont pas parvenus132. Il est intéressant de noter, au passage, que D’India n’est pas seulement payé pour composer des madrigaux mais qu’il a également été engagé en tant que poète. En effet, les documents cités parlent de « compositions poétiques » pour les « célébrations » et « représentations qui doivent se tenir pour la naissance du premier fils ». En guise de contrepoint sacré aux festivités profanes de Plaisance, le compositeur publie à Venise son Deuxième livre de motets133 le 17 novembre134, soit peu de temps après les célébrations dont il est ici question. Une autre lettre du poète Bernardo Morando (1589-1656135) – homme de cour très lié à la famille Farnèse à Plaisance136 – adressée depuis Plaisance le 30 octobre 1610 au duc Ranuccio Farnese, contient la dédicace d’un livret de canzonette qui ont été mises en musique à cette occasion : Au Sérénissime Seigneur Duc Ranuccio Farnese. Sujet. Dédicace à Son Altesse Sérénissime d’un livret de Canzonette par lui [Bernardo Morando] composées et qui, à l’occasion des réjouissances publiques données à Plaisance pour la naissance du prince Alexandre son fils […], furent chantées en musique en même temps qu’une couronne de six sonnets, à l’image des six lys des Farnèse […]. L’heureuse nouvelle de la naissance du Prince Sérénissime, votre jeune fils, a apporté […] tant de joie […] que d’excellents musiciens provenant de divers horizons ont été réunis pour en faire l’éloge. Plusieurs de mes Scherzi de poésie, composés en l’espace de quelques jours, furent ainsi consacrés à cet événement137. 131 « Se bene potrebbe essere che alle qui allegate imprese, et compositioni poetiche, che sono l’anima della Representatione da farsi al nascimento del primo figlio maschio, […] ; Tutta via, perche promettessimo con la nostra passata lettera, di mandarle a Vostra Altezza Serenissima. Non habbiamo voluto mancare di mandarlele suplicando Vostra Altezza Serenissima a perdonarne della tardanza li Madrigali, et altre compositioni, che si cantaranno tutte tre le sere avanti detta Representatione non se le mandano, per paura che habbiamo datti a Musici da metterli in canto, e parte restanno da compirsi. », (I-PAas), Corte e casa farnesiana, Série II, documenti e carteggi di persone della famiglia Farnese, boîte 27, fasc. 4, document 81. Voir aussi deux autres lettres signées par les « elletti a far fare li allegrezze », datées toutes deux du 7 septembre et également adressées au duc afin d’excuser le retard des musiciens, conservées respectivement aux Archives de Parme (I-PAas), fasc. 4, doc. 82, et de Plaisance (I-PCas), Miscellanea Ottolenghi, id. sous-fasc. 3. 132 En revanche, la liste des chanteurs et des musiciens qui ont participé à cette fête ainsi que la trace de leur paiement ont été conservées à (I-PCas), Miscellanea Ottolenghi, id., sous-fasc. 4/2, fo 32 (20 septembre 1610), 35 (22 septembre 1610) et 59 (30 septembre 1610). Dans l’un des documents concernant le paiement des musiciens (fo 60), il est question d’un clavecin et du « papier à musique pour le Sicilien » (« carta righata per il Siciliano »). Le document fait-il allusion à D’India ? 133 Pour une réflexion sur l’interpénétration entre le motet et la madrigal et leurs espaces communs d’exécution et de « consommation », voir S. Patuzzi, « Madrigale e mottetto : intrecci di funzioni e di contesti », Barocco padano 1. Atti del IX Convegno internazionale sulla musica sacra nei secoli xvii-xviii, Brescia, 13-15 luglio 1999, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 2002, p. 100. 134 S. D’India, Liber secundus sacrorum, op. cit. 135 E. Nasalli Rocca, I Farnese, op. cit., p. 457. 136 G. D. Bonino, Poesia d’amore italiana : dalle origini al primo Novecento, Milan, Radici BUR, p. 475. 137 « Serenissimo Signor Duca Ranuccio Farnese. ARGOMENTO. Dedica à Sua Altezza Serenissima un libretto di Canzonette da lui composte, che nelle publiche allegrezze fatte in Piacenza per la Nascita del Prencipe Alessandro suo figlio […], furono cantate in Musica, & insieme con una Corona di sei Sonetti, à somiglianza de’ sei Gigli Farnese […]. L’avventurosa nuova della Nascita del Principe Serenissimo suo Figliuolo apportatrice […] di tanta gioia […] che uniti da varie parti Musici de più eccellenti gli Encomi di tanta nascita celebrassero. Si destinarono a ciò, tra le altre composizioni, alcuni miei Scherzi di Poesia, composti in quel breve spazio di giorni. », Lettere di Bernardo Morando scritte a principi, a cavaglieri,
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Le comte Bernardo Morando mentionne également, dans son recueil de « Fantaisies héroïques » publié en 1662, six ans après sa mort, les fêtes de Plaisance ainsi que sa collaboration avec Sigismondo D’India : Ainsi, lors de la naissance d’Alexandre, les peuples ont jubilé en voyant une grande partie de leurs espérances s’accomplir. La ville de Plaisance, plus que les autres, en a montré une immense joie avec de superbes fêtes publiques animées par des machines merveilleuses, avec de nombreux feux d’artifice138, des concerts de musique harmonieux et avec un apparat solennel durant trois jours continués. Les poésies de notre auteur [Morando lui-même] qui était alors très jeune, bien que faibles et pauvres, furent pourtant enrichies par la musique de Sigismondo D’India, très célèbre compositeur de cette époque, et purent ainsi accompagner ces fêtes. De toutes ces pièces, il ne reste que la Canzonetta Maritima suivante et qui, sur un appareil utilisé pour les feux d’artifice et qui avait la forme d’un grand navire, fut chantée lors de la naissance du Prince Sérénissime Alexandre Farnèse139 (nous soulignons).
La « Canzonetta maritima » dont parle Morando s’intitule O Nettuno possente (Ô puissant Neptune140) et contient un chœur de pêcheurs qui invitent les tritons et les sirènes à célébrer en jouant et en chantant la joie d’un jour si heureux. Quant à la musique de D’India, nous n’en avons aucune trace. Il en est de même pour les Rime de Morando qui : Furent chantées sur la place publique de Plaisance les soirs où l’on fit les célébrations solennelles pour la naissance du prince ; le Sieur Sigismondo D’India, noble palermitain, très excellent dans cette profession, les a enrichies de vers musicaux141.
Bernardo Morando, originaire de Gênes, arrive à Plaisance en 1604 à l’âge de quinze ans pour y demeurer jusqu’à la fin de sa vie en 1656142. Morando est issu d’une petite noblesse commerçante de la Ligurie, bien intégrée dans l’ambiance courtisane et diplomatique de la région143. C’est ainsi qu’il sera nommé a letteratti ed amici. In occasione di complimenti di belle lettere, e di simili altri soggetti, conservées à la Bibliothèque Palatine de Parme (I-PAp), Ms. Parm. 298, p. 3-4. 138 Concernant les préparations des feux d’artifice, voir (I-PAas), Corte e casa farnesiana, Série II, documenti e carteggi di persone della famiglia Farnese, boîte 27, fasc. 5, sous-fasc. intitule « 1610 Ordini per li fuochi et per il Fallo in occasione della nascita del Principe Alessandro e per altre feste fatte in detta occasione per ordine del Serenissimo Duca », où il y a très peu d’informations sur la musique. Voir aussi G. Brusoni, Le glorie degli Incogniti, Venise, Valuasense, 1647, p. 87. 139 « Nel Nascimento però d’Alessandro giubilarono i Popoli, veggendo adempite in sì gran parte de lor speranze. E la Città di Piacenza, fra le altre, ne dimostro l’interna gioia con publiche superbissime Feste, servite da Macchine maravigliose con artificj varj di Fuochi, con armoniosi musicali Concerti, e con solennissimi apparati per tre giorni continuati. Le Poesie del nostro Autore, ch’era allor Giovinetto, se ben deboli, e povere per se stesse, arricchite però dalla musica di Sigismondo d’India famosissimo Compositor di quei tempi, hebbero forte d’accompagnar quelle Feste. Ma di tutte solamente è rimasta la seguente Canzonetta Maritima, che sopra Macchina di Fuochi in forma di gran Nave fù cantata nella Nascita del Serenissimo Principe Alessandro Farnese. », B. Morando, « Fantasie Eroiche », X, Fantasie Del Conte Bernardo Morando nobile genovese, Distinte in Amorose, Eroiche, Varie, Plaisance, Bazachi, 1662, vol. I, p. 162. 140 Id., p. 162-164. 141 « Furono in pubblica piazza di Piacenza cantate quelle sere si fecero le solenni allegrezze per il nato prencipe ; havendole il Signor Sigismondo d’India, nobile palermitano, in quella professione eccellentissimo arrichite di metri musicali. », B. Morando, Nella nascita del serenissimo prencipe Alessandro Farnese, Rime, Plaisance, Bazachi, 1610, p. 13, conservé à (I-PCc), Miscellanea Pallastrelli, no 76. 142 E. Nasalli Rocca, « La famiglia di Bernardo Morando letterato e poeta », Bollettino Storico Piacentino, no 53, 1958, p. 56 et 59. 143 Id., p. 52, 54 et 55. Voir aussi (I-PCas), Famiglie e persone, Archivio Morando, boîtes 23-25 et 35-36 et les correspondances du poète qui se trouvent à (I-PAp), Ms. Parm. 298, Lettere di Bernardo Morando, op. cit., qui contient 249 lettres numérotées. Ce fonds a été signalé par R. Martinoni, « Lettere di Bernardo Morando a Gian Vincenzo Imperiale », Studi Secenteschi, no 24, 1983, p. 217-219.
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en 1610 surintendant des spectacles de la cour des Farnèse, charge qu’il occupera jusqu’à sa mort, et par le biais de laquelle il contribuera à l’épanouissement musical du duché144. Morando est également poète lyrique et dramatique et un grand narrateur145 ; il deviendra le plus important promoteur et fournisseur attitré de thèmes et situations dramatiques destinés aux spectacles de la cour des Farnèse à Plaisance146. Ainsi, cinq ans après sa nomination, en 1615, lors des célébrations en l’honneur de la naissance de la princesse Marie Farnèse147, Morando compose des poèmes, des madrigaux ainsi qu’une canzonetta – cette dernière est chantée solennellement sur la place centrale de Plaisance avec la musique du Sicilien Pietro Maria Marsolo148. En effet, Morando entretient à l’époque des relations avec plusieurs compositeurs de l’Italie méridonale : Marsolo et D’India, mais aussi avec le luthiste napolitain Andrea Falconieri, élève de Santino Grassi à Parme, où il se trouve en 1610 au service du duc Ranuccio Farnese149. L’influence de la musique napolitaine est essentielle dans l’apparition du nouveau style monodique florentin. Ainsi que le souligne Howard Mayer Brown, même les airs les plus travaillés des Nuove Musiche de Caccini (1602) partagent des traits stylistiques avec les airs simples du milieu napolitain150. Bernardo Morando151 est en contact avec d’autres musiciens célèbres comme Claudio Monteverdi, qui met en musique le ballet Vittoria d’Amore (Victoire d’Amour152) sur l’un de ses poèmes, publié à Plaisance chez Ardizzoni en 1641 et représenté la même année dans cette ville lors du carnaval. Il collabore également avec Francesco Manelli pour le ballet Ercole nell’Erimanto (Hercule au mont Erymanthe153) donné à Plaisance également en 1651, pour Le Vicende del Tempo (Les péripéties du temps154), donné au
144 F. Bussi, Musica e musicalità dei duchi Farnese nell’ottica dei « Monumenti musicali Piacentini e Farnesiani », Plaisance, Tip.Le.Co, 2007, p. 3-4. Voir aussi B. Morando, Gareggiamento d’Amore e d’Imeneo rappresentato in Elicona per le nozze delli Serenissimi di Piacenza e Parma Odoardo Farnese e Margarita Medici, Plaisance, Ardizzoni, 1628, où le poète décrit les fêtes de Parme de 1626 avec un « Balletto d’Amore e d’Imeneo ». 145 M. L. Bussi, Musica e musicisti, op. cit, p. 31. Voir aussi A. N. Mancini, « Prosa narrativa nelle poetiche romanzesche di metà Seicento, fra il Marini e Il Morando », Italica, no 47/4, 1970, p. 411. 146 S. Tomassini, « Lo spettacolo possibile nella moralità allegoriche di Bernardo Morando », I Farnese, Arte e collezionismo. Studi, éd. L. Fornari Schianchi, Milan, Electa, 1995, p. 195. 147 Pour les documents concernant la naissance et le mariage de Marie Farnèse, voir (I-PAas), Corte e casa farnesiana, Série II, documenti e carteggi di persone della famiglia Farnese, Maria Farnese, figlia del duca Ranuccio I, prima moglie di Francesco d’Este. Scritture relative alla sua nascita e al suo matrimonio, 1615-1631, boîte 29, fasc. 5. Voir aussi (I-PCc), Miscellanea Pallastrelli, no 96 et 161, Componimenti vari per la nascita di Maria Farnese, Piacenza, 1615 et (IPCas), Miscellanea Ottolenghi, id., sous-fasc. 7. 148 E. Cremona, Bernardo Morando : poeta lirico, drammatico e romanziere del Seicento, Plaisance, SPE, 1960, p. 13. 149 C. Gallico, Le capitali della musica : Parma, Milan, Silvania, 1985, p. 79. Voir aussi D. Fabris, Andrea Falconieri napoletano, un liutista-compositore del Seicento, Rome, Torre d’Orfeo, 1987, p. 20-22. 150 « Even the highley polished arias in Caccini’s 1602 Nuove musiche share stylistic features with the simple arias of the Neapolitan circle. », H. M. Brown, « The Geography of Florentine Monody : Caccini at Home and Abroad », Early Music, no 9, 1981, p. 152. 151 Concernant la production poétique de Morando, voir G. Getto, Opere scelte di Giovan Battista Marino e dei Marinisti, Turin, UTET, 1976, vol. II, p. 223-235. Pour une réflexion philosophique sur l’art poétique de Morando, voir S. Tomassini, « Lo spettacolo possibile nella moralità allegoriche di Bernardo Morando », op. cit., p. 196. 152 B. Morando, Vittoria d’amore, balletto fatto nella Cittadella di Piacenza il carnevale dell’anno 1641. Con apparato di machine, di musiche, e d’invenzione, Plaisance, Bazachi, 1641. Voir aussi P. Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 331-333. 153 B. Morando, Ercole nell’Erimanto, per un balletto fatto in Piacenza dal Serenissimo Signor duca, il carnevale dell’anno 1651, Plaisance, Bazachi, 1651. 154 B. Morando, Le vicende del tempo drama fantastico musicale diviso in tre azzioni, con l’introduzione di tre balletti, rappresentato nel gran teatro di Parma nel passaggio de i serenissimi arciduchi Ferdinando, Carlo, Sigismondo, Francesco d’Austria, et arciduchessa Anna di Toscana. Opera di Bernardo Morando nobile genovese, e conte di Montechiaro, Parme, Viotti, 1652.
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théâtre Farnèse de Parme l’année suivante155, mais aussi pour la représentation des intermèdes d’Amaranta156 du poète toscan Giovanni Villifranchi et mis en scène eux aussi à Plaisance en 1653157. Enfin, il collabore avec d’autres compositeurs comme Sempliciano Olivi158 ou Giuseppe Alevi159 pour lesquels il écrit des vers et des drames surtout à partir de 1639160. Toutes les musiques citées sont perdues. Le deuxième recueil de Villanelles, entre Venise, Naples, Turin et Plaisance
D’India signe depuis Turin, le 10 août 1612161, la dédicace de son Deuxième livre des villanelles, l’adressant, on l’a dit, à Barbara Landi Barattieri. Le recueil de D’India condense toutes les manières de composition de ce genre musical. Les choix poétiques du compositeur dans ce livre et la manière si personnelle dont il renouvelle le genre de la villanelle dévoilent les liens historiques et culturels qui unissent différentes villes italiennes durant les premières années de son séjour à Turin. Le répertoire poétique des villanelles, de Florence à Naples et de Naples à Plaisance
Les poèmes du répertoire de la canzonetta sont pour la plupart anonymes162. La forme en trois parties (strophes) prédomine entre 1610 et 1615163 et la poésie utilisée est volontiers malléable, ce qui facilite le remplacement de verbes, vocables, expressions et vers ; plus les poèmes se diffusent, plus ils s’enrichissent d’images poétiques164. Tout cela est possible grâce à la facilité d’échanges et de diffusion, propre à ce genre, dans les milieux savants et populaires165. Pour ce qui est du deuxième recueil de D’India, seulement quelques poètes peuvent être identifiés. C’est le cas de Vincenzo Quirino, dont les poèmes avaient déjà été mis en musique par Marenzio ou Andrea Gabrieli166. Son poème Ecco l’aurora, or che facciam, pastori ? (Voici l’aurore, que fait-on maintenant, bergers ?) figure dans le recueil. C’est également le cas de Occhi de’ miei desiri167 (Yeux de mes désirs) du poète Luigi Tansillo (c. 1510-1568), né à Venosa, tout comme Gesualdo, et qui était membre de l’Académie florentine des Umidi à partir de 1540. Tansillo a laissé une œuvre poétique 155 E. Cremona, Bernardo Morando, op. cit., p. 27, 68-72. 156 G. Villifranchi, Amaranta favola pescatoria del signor Giovanni Villifranchi hora primieramente posta in luce, Venise, Giunti, Ciotti & Compagni, 1610. Cette fable a connu un très grand succès à la cour de Turin dans les années 1620 et même par la suite. Sigismondo D’India en a mis un extrait en musique dans son Troisième livre des Musiche de 1618. 157 E. Cremona, Bernardo Morando, op. cit., p. 72-74. 158 B. Morando, Le risse pacificate da Cupido. Festa a cavallo accompagnata da machine, da musiche e da altri solenni apparati. Fatta in Piacenza il carnevale dell’anno 1644. Con le poesie di Bernardo Morando. Poste in musica da Sempliciano Olivi. E dal medesimo Morando brevemente descritta, Plaisance, Ardizzoni, 1644 ou Il ratto d’Elena drama eroico, musicale, rappresentato in Piacenza nel Teatro Nuouo l’anno 1646, musica di Sempliciano Olivi. 159 B. Morando, Le ninfe del Po. Balletto fatto nella cittadella di Piacenza il carnevale dell’anno 1644. Poesia di Bernardo Morando. Posta in musica da Giuseppe Alevi, Plaisance, Ardizzoni, 1644. 160 R. Martinoni, « Lettere di Bernardo Morando », op. cit., p. 193. La plupart de ces poèmes ont été publiés à titre posthume dans les Poesie dramatiche del conte Bernardo Morando nobile genovese, Plaisance, Bazachi, 1662. 161 S. D’India, Libro secondo delle villanelle alla napolitana a 3, 4 & 5 voci, Venise, Gardano, 1612. Pour une édition moderne, voir C. Assenza, Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci, op. cit. 162 C. Assenza, La canzonetta dal 1570 al 1615, Lucques, LIM, 1997, p. 103. 163 Id., p. 141-142. 164 Id., p. 129. 165 Id., p. 148. 166 http://repim.muspe.unibo.it/risultati.aspx. 167 C. Assenza, La canzonetta, op. cit., p. 107.
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réduite mais de haute qualité formelle. qui oscille entre le style panégyrique à l’expression parfois fortement dramatisée et un discours lyrique et contemplatif168. Giordano Bruno était un grand admirateur du Canzoniere de Tansillo et a transcrit l’un des ses sonnets dans ses Eroici furori de 1585169. Tansillo fut en outre un continuateur de Bembo et un précurseur de Marino170. On peut supposer que les séjours de D’India à Florence dans ses années de jeunesse lui ont offert l’opportunité d’apprécier les travaux des deux académiciens qui ont eu une influence sur le répertoire poétique de la canzonetta dans les premières années du xviie siècle : Pecci et Tantucci171. D’India, tout comme Antonio Il Verso, en ce qui concerne le genre de la villanelle, s’inscrit dans la tradition poétique et le programme expressif centrés sur un langage qui recherche le charme dans l’expression des affects, ce qui est le propre de la poésie des deux académiciens cités172. Au cours de ces années-là, le compositeur continue à alimenter et à renforcer ses liens avec Naples173. En effet, D’India s’intéresse davantage aux canzonette que Gesualdo et a déjà publié un livre de villanelles dans la ville du Vésuve en 1608174. Nicolò Maccavino a établi un parallèle entre les deux compositeurs afin de révéler l’appartenance du premier à l’école napolitaine. C’est dans l’homorythmie, les cadences mais également sur le plan harmonique que l’influence parthénopéenne est le plus évidente175. De plus, les poèmes mis en musique aussi bien par Gesualdo que par D’India sont tous strophiques, ce qui est la règle de la villanelle, mais avec un jeu rythmique varié et recherché176, surtout chez D’India qui semble être enclin au type moderne de la canzonetta qui s’épanouit dans les années 1580177. En effet, la tendance à la répétition et la préférence pour les structures binaires du Premier livre178 s’estompe dans le Second. Entre politique, divertissement et hommage, un portrait de Turin à travers un genre napolitain
L’un des poètes les plus importants du Deuxième livre des villanelles est Ludovico d’Agliè, homme de lettres et diplomate très actif à la cour de Turin à cette époque. Son poème O di Pindo almo cantore (Ô âme du chanteur du Pinde), mis en musique dans ce livre, est extrait d’un recueil publié en 1610179. 168 J. Balsamo, De Dante à Chiabrera : poètes italiens de la Renaissance dans la bibliothèque de la Fondation Barbier-Mueller, Genève, Droz, 2007, vol. 2, p. 168. Voir aussi G. D. Bonino, Poesia d’amore italiana, op. cit., p. 337-338. 169 Voir B. Levergeois, Giordano Bruno, Paris, Fayard, 1995, p. 81 et 357-360. 170 J. Balsamo, De Dante à Chiabrera, op. cit., p. 337. 171 C. Assenza, « “Ma, cara cetra mia” », op. cit., p. x. 172 C. Assenza, La canzonetta, op. cit., p. 196, 197, 201 et 205. 173 C. Assenza, « “Ma, cara cetra mia” », op. cit., p. xi. 174 S. D’India, Delle villanelle alla napolitana, à tre voci, di Sigismondo D’India Nobile palermitano. Libro primo, Naples, Carlino & Vitale, 1608, rééd. Venise, Gardano, 1610. Le compositeur adresse ce recueil à Vicente Pimentel, chantre et chanoine espagnol, fils du vice-roi de Naples Juan Alfonso Pimentel. 175 N. Maccavino, « Le canzonette a cinque voci di Carlo Gesualdo », La musica del principe : studi e prospettive per Carlo Gesualdo. Convegno internazionale di studi, Venosa-Potenza, 17-20 settembre 2003, éd. L. Curinga, Lucques, LIM, 2008, p. 239. 176 Ibid. 177 C. Assenza, « “Ma, cara cetra mia” », op. cit., p. xvi. 178 N. Maccavino, « Il Primo libro di Villanelle alla napolitana di Sigismondo D’India, “nobile palermitano” », Villanella, Napolitana, Canzonetta. Relazioni tra Gasparo Fiorino, compositori calabresi e scuole italiane del Cinquecento. Atti del convegno Internazionale di Studi, Arcavacata di Rende-Rossano, 9-11 dicembre 1994, éd. M. P. Borsetta et A. Pugliese, Vibo Valentia, Istituto di Bibliografia Musicale Calabrese, 1999, p. 249. 179 L. d’Agliè, L’autunno del conte D. Lodovico San Martino d’Aglie. Con le rime dell’istesso, fatta in diverse occasioni. All’altezza. Serenissima di Savoia, Turin, De Cavaleris, 1610.
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La collaboration entre le poète et le musicien s’accentua au cours de la dernière partie de son séjour turinois et même après son départ, quand le compositeur fut au service du cardinal Maurice de Savoie à Rome ; ce recueil de villanelles témoigne donc du début de leur collaboration. Maria Antonella Balsano a avancé l’hypothèse, à propos de certaines villanelles du livre dont il est ici question, que plusieurs pièces ont peut-être été conçues pour accompagner les spectacles organisés à la cour de Turin ou lors des fêtes de Plaisance de 1610 ou encore à l’occasion des célébrations de l’anniversaire de l’infante Marguerite de Savoie à Casale en 1611180. C’est ce que l’on peut constater avec la villanelle en deux parties O de’ più fertili colli alma fenice / O Regia e bella schiera (Ô des plus fertiles collines, âme du phénix / Ô belle et royale armée) qui s’insère dans un programme de représentation et de célébration dynastiques ; on peut le déduire en lisant le titre Alla Margherita Villa fertile (La Marguerite, ville fertile). Le genre de la villanelle prend ainsi un aspect fonctionnel, celui d’accompagner les divertissements et spectacles de la cour de Turin en plein air181. Nous avons vu l’importance que prendront plus tard, surtout après l’arrivée de Christine de France, les spectacles en plein air en tant que mises en scène du pouvoir. La villanelle sera donc très rapidement remplacée par des divertissements plus sophistiqués comme les ballets représentatifs. Afin d’illustrer cette intersection entre la villanelle, le divertissement et l’hommage à la cour de Turin, le poème anonyme de la canzonetta à trois voix O de l’Alpi alteri Numi (Ô dieux altiers des Alpes), publié sous le titre La Dora fiume. Alli Serenissimi di Savoia. Aria a tre (Le fleuve Doire. Aux Sérénissimes de Savoie. Air à trois voix), fait apparaître, dans la première strophe, le nom du prince Victor-Amédée : « Triunfanti almi VITTORI » (« Triomphants et nobles VAINQUEURS »), tandis que la dernière strophe présente l’image de la Doire qui arrête son cours pour s’incliner devant les « Regi EROI » (« HÉROS royaux ») et les « Reggie INFANTI » (« INFANTES royales »). Dans ce poème est également présenté le thème de la vertu et du courage militaire, deux qualités prêtées au duc régnant, Charles-Emmanuel Ier et à son dauphin, Victor-Amédée. Ces pièces seraient en effet les premières preuves concrètes de la participation de D’India aux spectacles et divertissement de la cour de Savoie, même si les descriptions et les textes contenus dans ce livre ne se réfèrent pas à des événements concrets. Le Deuxième livre des villanelles de D’India nous montre qu’un musicien peut servir plusieurs patrons en même temps (en l’occurrence les Savoie, les Farnèse et les Landi Barattieri), qu’il peut devenir le « serviteur personnel » d’un patron secondaire et qu’une dédicace peut être un objet de reconnaissance a posteriori du musicien à l’égard de son protecteur, dédicace qui s’insère dès lors dans une logique clientéliste de réciprocité, de service et de gratitude182 . La vie artistique foisonnante et la place géopolitique de la maison de Barbara Landi Barattieri, satellite du duché Farnèse, montrent qu’un personnage issu de la noblesse mineure peut exercer un rôle culturel de premier plan. En effet, c’est chez Barbara Landi que D’India écrit de la musique sacrée et côtoie des artistes de grand prestige comme le peintre Ludovico Carracci.
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M. A. Balsano, « “Felice chi vi mira” Sigismondo D’India intonò con doppia lira », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 166-168. C. Assenza, « “Ma, cara cetra mia” », op. cit., p. xii. Voir A. Viala, Naissance de l’écrivain : sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Éditions de minuit, 1985, p. 51-68.
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L’activité du compositeur à Plaisance, dans les années qui ont précédé la publication de ce recueil de villanelles, que ce soit chez Barbara Landi, à l’église de Santa Maria di Campagna ou lors des célébrations de la naissance d’Alexandre Farnèse – à l’occasion desquelles le musicien met en musique ses propres compositions poétiques ainsi que celles de Bernardo Morando –, éclaire les thématiques du voyage et de la circulation. Le cas de Barbara Landi, en tant que protectrice et intermédiaire, montre bien l’importance des rapports entre activité artistique et activité politique à cette époque. Son patronage nobiliaire encourage la circulation et les rencontres d’artistes, et vise donc à favoriser l’émulation, à renforcer les réseaux et à stimuler la création – il s’agit d’un patronage, pourrait-on dire, de convergence et de facilitation. On notera également le rôle majeur de Sigismondo D’India dans l’évolution, la diffusion et la transformation de la musique vocale. Son art de la réélaboration combine espaces géographiques, métamorphose des répertoires et des styles, contextes culturels et espaces artistiques. En effet, son Deuxième livre des villanelles montre, grâce au développement de l’aspect déclamatoire et à l’utilisation d’une technique de compostion audacieuse, le rôle de ce genre napolitain – ville dont le musicien serait originaire, on l’a vu – dans l’apparition du chant monodique orné183, notamment auprès des chanteurs de Rome et de Florence – villes où le compositeur se trouve dans les années qui ont précédé la publication du livre – ; il montre aussi l’adaptation de ce genre à un nouveau contexte musical : celui des spectacles privés et en plein air de la cour de Turin. Cette interaction complexe produit ce qu’il faudrait considérer comme une « entente artistico-diplomatique » entre plusieurs villes italiennes (Naples, Rome, Florence, Plaisance, Turin) ; elle permet le développement des influences stylistiques (style polyphonique, style monodique et style chorégraphique chanté) ; enfin elle suscite les transformations musicales et poétiques des genres musicaux (villanelle, monodie accompagnée et genres hybrides destinés aux spectacles). Cette géographie musicale nous permet de mieux comprendre le processus de mobilité – qui « oriente pratiques, représentations [et] imaginaires sociaux184 » – et de penser l’histoire de la musique comme une histoire de l’expérience musicale. 183
Concernant les liens entre Naples, Rome et Florence dans l’évolution de la musique vocale et la circulation des musiciens à la fin du xvie et au début du xviie siècle, nous pouvons lire dans un avviso romain de 1608 : « Il Cardinale Montalto ha mandato buona parte de suoi Musici à Fiorenza per servitio di quelle Nozze. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1076/2, fo 561vo, le 19 juillet 1608. Un autre avviso romain de l’année 1610 nous informe : « E quà arrivata al principio di questa settimana [le 14 juin 1610] una donna bellissima Napolitana [Adriana Basile] con padre, Madre, Marito, figlioli, et altri al numero di otto boche, che suona et canta divinissimamente et se ne passa a Mantua chiamata da quel Duca [Vincenzo Gonzaga], Alloggiano in Casa del signor Giulio Romano [Giulio Cacccini] famoso Compositore et tutti vengano spesati da Palazzo, et trattati honestamente. Conione tutta la nobiltà della Città, et quelli della professione per sentire la sudetta dama, et da tutti vien laudata della sua virtù, modestia, et grata maniera. Ha Cantato e Sonato in Camera della Serenissima Arciduchessa [Marie-Madeleine d’Autriche] alla presenza di Sua Altezza [Cosme II de Médicis] et tutti gl’altri principi, et principesse […] et si crede che staranno qua per fino a san Giovanni [le 24 juin], et poi seguitarano il suo viaggio di Mantua. », id., Urb. lat. 1078/2, fo 446ro, le 19 juin 1610. Voir également H. M. Brown, « The Geography of Florentine Monody », op. cit., p. 147-168 ; J. W. Hill, Roman Monody, Cantata, and Opera from the Circles around Cardinal Montalto, Oxford, Clarendon Press, 1997, vol. I, p. 47-49 et 57-120 ; D. Cardamone, « The Prince of Salerno and the Dynamics of Oral Transmission in Songs of Political Exile », Acta Musicologica, no 67/2, 1995, p. 77-108 et « A colorful bouquet of arie napolitane », Recercare, no 10, 1998, p. 133-147, republiés dans The canzone villanesca alla napolitana. Social, Cultural and Historical Contexts, Aldershot, Ashgate, 2008 ; D. Fabris « Le notti a Firenze i giorni a Napoli : gli esordi della chitarra spagnola nell’Italia del Seicento », Rime e suoni alla spagnola. Atti della giornata internazionale di studi sulla chitarra barocca, Firenze, Biblioteca Riccardiana, 7 febbraio 2002, éd. G. Veneziano, Florence, Alinea, 2002, p. 15-33 et J. W. Hill, « L’accompagnamento rasgueado in chitarra : un possibile modello per il basso continuo dello stile recitativo », id., p. 35-57. 184 D. Roche, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003, p. 10.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
Le duc Ranuccio, le cardinal Odoardo et l’abbé Diofebo Farnese185
Sigismondo D’India publie en 1616 son Quatrième livre de madrigaux186 qu’il adresse à l’abbé Diofebo Farnese (c. 1587/88-1622). Ce chapitre dresse un panorama de la riche vie musicale du duché de Parme et de Plaisance au temps de D’India et tentera d’éclairer les rapports entre le compositeur et les Farnèse, et en particulier avec trois personnages de cette famille qui se sont illustrés en tant que mécènes : le duc Ranuccio (1569-1622) – dédicataire du Premier livre des Musiche de 1609 –, son frère le cardinal prince Odoardo (1573-1626) – « mécène négligé187 » et protecteur des Carrache – et leur cousin éloigné, l’abbé Diofebo – haut administrateur de la Curie. Nous présentons ici les premiers résultats d’une recherche sur les rapports du compositeur avec ce dernier, travaux qui nous permettront d’analyser le contexte politique, culturel et religieux de la cour de Parme ainsi que les liens artistiques de la famille Farnèse avec Rome. Le duché de Parme et de Plaisance, un vivier musical de l’Italie du nord entre Renaissance et Baroque
Comme le souligne Francesca Dallasta188, nous ne disposons d’aucune étude complète sur le mécénat de Ranuccio Farnese, mais de nombreux travaux partiels189, précieux, auxquels nous pouvons ajouter ceux portant sur l’histoire du palais ducal de Parme190, sur les rapports des Farnèse avec les Carrache191, sur les liens entre l’art et la politique chez les plus importants cardinaux d’Italie entre le xve et le xviie siècles, dont le cardinal Odoardo Farnese192, ainsi qu’un article sur la musique sacrée à Parme à l’époque qui nous intéresse193.
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Par souci de clarté et afin de distinguer les homonymes, nous appellerons Odoardo et Alessandro (en italien) les princes aînés (les cardinaux et le duc) à l’exception du pape Alexandre Farnèse (Paul III) et Alexandre et Édouard (en français) les princes puînés. 186 S. D’India, Il Quarto libro de madrigali a cinque voci, Venise, Amadino, 1616. Pour la seule édition moderne de ce livre, voir Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume IV : The Fourth Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 1999. Pour l’analyse de quelques madrigaux de ce livre, voir J. Morales, Sigismondo D’India à la cour de Turin. Musique, mécénat et identité nobiliaire, thèse de doctorat, Université de Paris-Sorbonne et Università di Roma La Sapienza, 2014, p. 193-206. 187 C. Robertson, « Cardinal Odoardo Farnese : A Neglected Patron », The Invention of Annibale Carracci, Milan, Silvana, 2008, p. 113-141. 188 F. Dallasta, Bartolomeo Schedoni a Parma 1607-1615 : pittura e Controriforma alla corte di Ranuccio I Farnese, Colorno, TLC, 2002, p. 23, n. 101. 189 G. Drei, I Farnese, grandezza e decadenza di una dinastia italiana, Rome, Libreria dello Stato, 1954 ; M. Dall’Acqua, « Le carte Torelli : saggio storico-archivistivo », Le corti farnesiane di Parma e Piacenza (1545-1622), 3 vol., vol. II : « Forme e istituzioni della produzione culturale », éd. A. Quondam, Rome, Bulzoni, 1978, p. 209-228 ; « Il Teatro Farnese di Parma », Lo spettacolo e la meraviglia : il Teatro Farnese di Parma e la festa barocca, Turin, Nuova ERI, 1992, p. 15-149 et R. Canosa, I segreti dei Farnese, Roma, Sapere, 2001. 190 A. Spigaroli, I quattro del Farnese : la storia dei costruttori del palazzo e le tappe del suo riscatto, Plaisance, Libertà, 2007. 191 C. Robertson, The Invention of Annibale Carracci, Milan, Silvana, 2008. 192 O. Mansour, « Cardinal Virtues : Odoardo Farnese in his Camerino », The Possessions of a Cardinal. Politics, Piety, and Art, 1450-1700, éd. M. Hollingsworth et C. M. Richardson, University Park, Pennsylvania State University Press, 2010, p. 237 et A. Witte, The Artful Hermit. Cardinal Odoardo Farnese’s Religious Patronage and Spiritual Meaning of Landscape around 1600, thèse de doctorat de l’Université d’Amsterdam, 2004 et id., The Artful Hermitage. The Palazzetto Farnese as a Counter-reformation diaeta, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 2008. 193 G. Martini, « Politica in cantoria. Lineamenti e modelli di studio per un’interpretazione della musica sacra nel ducato di Ranuccio I Farnese (1592-1622) », Barocco padano 6. Atti del XIV Convegno internazionale sulla musica nei secoli xvii-xviii, Brescia, 16-18 luglio 2007, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 2010.
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Première partie
Schéma 5 : Arbre généalogique de Ranuccio, Odoardo et Diofebo Farnese
La vie musicale, artistique, politique et religieuse du Stato Farnèse
La vie musicale du duché des Farnèse donne l’impression d’être, au tout début du xviie siècle, fortement homogène194. C’est en effet au xviie siècle que va se développer le caractère « institutionnel » du mécénat musical de cette famille195. Dans le but d’avoir les meilleurs artistes à leur cour, les Farnèse n’hésitent pas à dépenser des sommes importantes ni à recruter dans les plus prestigieux centres artistiques d’Italie comme Venise, Florence ou Rome, signe de la très bonne réputation acquise alors par les ducs de Parme en tant que mécènes artistiques196. Cette pratique a également permis une grande mobilité d’artistes et d’hommes de lettres à l’intérieur d’un territoire pourtant fragmenté197. Ranuccio cherche à exploiter sur le plan politique la tradition de mécénat musical de son grand-père le duc Ottavio Farnese (1525-1586198). En effet, dans le duché des Farnèse comme ailleurs, la tradition des giostre, des tournois et des entrées triomphales s’était consolidée au cours
194 195 196 197 198
C. Gallico, Le capitali della musica : Parma, Milan, Silvania, 1985, p. 79. C. Annibaldi, « Introduzione », La musica e il mondo : mecenatismo e committenza musicale in Italia tra Quattro e Settecento, éd. C. Annibaldi, Bologne, Il Mulino, 1993, p. 12. B. Barazzoni, « Un esempio di cappella di corte : la cappella musicale dei duchi Farnese a Parma e l’opera dimenticata di Giuseppe Corsi », Barocco padano 1. Atti del IX convegno internazionale sulla musica sacra nei secoli xvii-xviii, Brescia, 13-15 luglio 1999, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 2002, p. 382. E. Galdieri, « I luoghi dei Farnese : immagini di un impero mal nato », I Farnese, Arte e collezionismo. Studi, éd. L. Fornari Schianchi, Milan, Electa, 1995, p. 20. Voir aussi S. Castellaneta, Letteratura e potere nell’età di Clemente VIII e Ranuccio Farnese, Bari, Cacucci, 2014. Concernant les rapports avec la musique de Marguerite d’Autriche, épouse du duc Ottavio Farnese et fi lle naturelle de Charles Quint, voir F. Zimei, « Simbologia e identità nei trattenimenti musicali aquilani in onore di Margherita d’Austria », Architettura e identità locali, vol. I, éd. L. Corrain et F. P. di Teodoro, Florence, Olschki, 2013, p. 271-285.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
du xvie siècle199 et la fonction des musiciens ne se limitait pas à rythmer la vie de la cour ; leur art était également un instrument de propagande destiné à embellir les cérémonies des églises les plus importantes, à servir la volonté du souverain d’orienter les pratiques cultuelles et d’augmenter le nombre des lieux de culte dans une ville qui manquait d’une direction spirituelle efficace200. Ranuccio Farnese utilise donc l’élément musical sacré comme le meilleur moyen de diffusion de messages destinés à conquérir de nouveaux espaces politiques201. Ainsi, les compositions de Gasparo Villani (organiste, tout comme son frère Gabriele, à l’église de Santa Maria di Campagna à Plaisance) représentent le type même de musique « officielle » des Farnèse pour les cérémonies politiques et les célébrations, musique où cohabitent art, foi et culte202. La musique sacrée constitue dès lors un laboratoire politique203. En effet, les rapports de solidarité avec la papauté de la Contre-Réforme furent déterminants pour le duché de Parme du fait de la concomitance de la naissance de cet État et du début de la restauration religieuse de l’Église204. Musiciens, chanteurs et dédicataires de la maison Farnèse entre Renaissance et Baroque
La Chapelle ducale de Parme devient donc, au début du xviie siècle, l’ensemble musical le plus actif de la ville avec la Chapelle de la cathédrale205 et celle de l’église de Santa Maria della Steccata206. Elles ont attiré des musiciens célèbres dans le but de développer un type de mécénat qui égale la magnificence et le luxe de celui des Gonzague, des Savoie, de la famille d’Este et des Médicis207. Par ailleurs, dans le domaine de la musique profane, le duché de Parme continuera à étendre son rayonnement et son prestige. Ainsi, Domenico Mazzocchi a dédié sa Catena d’Adone aux Farnèse en 1626 comme Marco Da Gagliano sa Flora deux ans plus tard. De même, Monteverdi a séjourné au moins deux fois à Parme entre octobre et décembre 1627 et en février 1628208 à l’occasion des noces ducales entre les Farnèse et les Médicis, et de l’inauguration du théâtre Farnèse209. 199 200 201 202 203 204 205
206
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S. Tomassini, « Lo spettacolo possibile nella moralità allegoriche di Bernardo Morando », I Farnese, Arte e collezionismo, op. cit., p. 194. G. Martini, « Politica in cantoria », op. cit., p. 529. Id., p. 520. M. L. Bussi, Musica e musicisti presso i serenissimi duchi Farnese in Piacenza (1545-1731), Plaisance, Tip.Le.Co., 1991, p. 37. G. Martini, « Politica in cantoria », op. cit., p. 519. A. Prosperi, « Dall’investitura papale alla santificazione del potere. Appunti per una ricerca siu primi Farnese e le situazioni ecclesiastiche a Parma », Le corti farnesiane di Parma e Piacenza (1545-1622), 3 vol., vol. I : « Potere e società nello stato farnesiano », éd. M. A. Romani, Rome, Bulzoni, 1978, p. 165-166. À Parme, que ce soit alla Steccata ou à la cathédrale, les musiciens employés sont surtout, jusqu’à la fin de l’année 1623, des joueurs de cornet et de trombone. Voir M. Padoan, « Organici in Santa Maria della Steccata (1582-1630) e contesto padano. Un’indagine comparata », Barocco padano 6, op. cit., p. 565-680. Voir aussi « Al di là del disciplinamento normativo. La musica sacra nell’Italia padana in età post-tridentina », Norma del clero, speranza del gregge. L’opera riformatrice di San Carlo tra centro e periferia della diocesi di Milano. Atti del Convegno di Studi (Milano-Angera, 2010), éd. D. Zardin, F. Pagani, C. A. Pisoni et V. Ciro, Germignaga, Magazzeno storico verbanese-La Compagnia de’ Bindoni, 2015, p. 189-217. Grâce à des documents identifiés récemment, nous pouvons affirmer qu’à Parme, le modèle de la Steccata a tendance à s’imposer à la cathédrale. Voir M. Padoan, « Ritualità e tensione innovativa nella musica sacra in area padana nel primo Barocco », Tullio Cima, Domenico Massenzio e la musica del loro tempo, éd. F. Carboni, V. De Lucca et A. Ziino, Rome, IBIMUS, 2003, p. 274. À l’époque de D’India, c’est Guglielmo Dillen qui est le maître de chapelle de la Steccata de Parme (1601 à 1627), voir C. Gallico, Le capitali della musica, op. cit., p. 78. B. Barazzoni, « Un esempio di cappella di corte », op. cit., p. 383. C. Gallico « Monteverdi nel gran teatro dei Farnesi a Parma », Lo spettacolo e la meraviglia, op. cit., p. 233 et 237. Id., p. 221-247. Voir aussi C. Alcari, « Claudio Monteverdi alla corte di Odoardo Farnese », Musica d’oggi, no 15/7, 1933, p. 261-266.
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Première partie
De nombreuses lettres de musiciens comme Mazzocchi, Antonio Goretti – qui relate les traits narcissiques de D’India210 –, Alessandro Ghivizzani – qui exprime son ressentiment de ne pas avoir été choisi pour composer les musiques et dit du mal de D’India tout en menaçant de ne pas faire participer sa femme, Settimia Caccini, aux festivités211 – ou comme D’India, ont été envoyées à ce sujet. D’India adresse sa candidature pour composer la musique des noces de Parme à Enzo Bentivoglio – prince de l’Académie degli Intrepidi, diplomate et organisateur de ces fêtes212 – une première fois le 26 août 1627213 et une seconde fois le 2 septembre de la même année en s’efforçant de discréditer la musique de Mazzocchi214 . N’ayant pas été retenu, il tente (en vain) de négocier 210
« Il [D’India] s’est mis en tête de vouloir être considéré comme le centre du monde et qu’à part lui, personne ne sait rien ; et qui veut être son ami et continuer de le fréquenter doit le gonfler de ce vent ; […], mais il s’imprègne tellement à cette frénésie que le Chevalier Sigismondo D’India ne voudrait jamais rien entendre d’autre, et c’est ainsi qu’il se gonfle et rebondit comme un ballon. » (« Tiene certi pensieri in capo di voler essere tenuto il primo uomo del mondo, e che niuno sappi se non lui ; e chi vuol essere il suo amico e trattar seco bisogna gonfiarlo di questo vento, […] ma s’imbibisse poi tanto di questa frenesia che non Cavalier Sigismondo D’India voria sentire mai altro, in guisa tale se ne gonfia e sbalza comme balone. »), lettre datée du 13 août 1627, trouvée et transcrite par D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 400-401. 211 « Serenissima Madama [la duchesse de Parme, Marguerite Aldobrandini, nièce du pape Clément VIII] […] io mi contentai di quietarmi con la geranza nell tempo delle nozze del Serenissimo Signor Duca Odoardo. Ma hora intendo […] sia conceduto ad altri l’honore et io tenuto indietro […]. Io non contrasto all’adoperarsi più virtuosi nelle occorrenze grandi come questa ma stimo dovermesi permettere il risentimento che nella musicha della comedia ne vengha proposto Sigismondo D’India al quale io non so di dover vedere in niente, e forse lo sanno quelli anchora, i quali non sono appasionati o verso di lui, o contro di me. Oltre che essendo gia venuta à questo Serenissimo servizio la Settimia mia Moglie con equesta condittione di non dover cantar nella scena composizioni se non che mie sole in tal caso se si pensasse di servirsi di lei nella detta comedia, ci sarebbe uno ostacolo di più per rigreto di Sigismondo. », Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Carteggio farnesiano interno, boîte 372, lettre d’Alessandro Ghivizzani datée du 28 août 1627. Voir aussi T. Carter, « Intriguing laments : Sigismondo D’India, Claudio Monteverdi and Dido “alla parmigiana” (1628) », Journal of American Musicological Society, no 49/1, 1996, p. 47, 50-51 et M. Dall’Acqua, « Il teatro Farnese di Parma », Lo spettacolo e la meraviglia, op. cit., p. 133. 212 R. Ciancarelli, Il Progetto di una festa barocca : alle origine del Teatro Farnese di Parma : 1618-1629, Rome, Bulzoni, 1987, p. 44-45. 213 « Havendo saputo che Vostra Signoria è a Ferrara, me le dedico quel devotissimo servitore che ho professato esserli sempre in ogni loco, desiderando havere occasione de suoi commandi. Credo mi tratterò alcuni giorni a Modena, havendo da prestare un’opera al Signor Duca, che tra otto o dieci giorni credo sarò disbrigato. Resta solo si vagli di me domani, ritrovo homo essere desideroso de suoi commandi. », D. Fabris, Mecenati e musici, op. cit., p. 402. 214 « J’enverrai sous peu à Votre Seigneurie Illustrissime cette œuvre mienne […] : elle verra à la fin la Lamentation d’Armide composée par moi en deux heures à Tivoli chez le Seigneur Cardinal [Maurice de Savoie] qui pourra lui faire comprendre que ma manière d’écrire pour la scène est unique, ayant pu entendre chanter ladite Lamentation par Settimia [Caccini] pour qui je l’ai écrite lors de mon passage à Florence. Je voudrais tant pouvoir m’envoler vers l’endroit où [Votre Seigneurie] se trouve afin qu’elle puisse entendre la force de cette manière et de ce style dont je suis sûr qu’elle ne l’entendra chez personne d’autre. Ainsi, si [Votre Seigneurie] s’arrêtait à Ferrare pour quelques jours, je viendrais volontiers jusque là afin qu’Elle daigne entendre tout ce que j’écris […]. Je suis disponible pendant tout le mois d’octobre et même au-delà. […] Puisque à Rome, c’est à moi que le prince Aldobrandini confia l’œuvre de l’Adonis, bien que je fusse malade, et ne pusse donc le servir. Je me suis efforcé de refaire toute la partie de Lorenzino, lequel me l’apporta alors que j’étais dans mon lit, assailli par la fièvre […]. Sur tout cela, [Votre Seigneurie] peut se renseigner à Rome. […], outre qu’elle sait bien que celui qui composa l’Adonis [Mazzocchi] n’a jamais écrit d’autre œuvre que celle-ci, […] étant toute pleine de canzonette sans aucune sorte de style récitatif […]. Que Votre Seigneurie Illustrissime me fasse la grâce d’écouter, à Florence, interprétée par Madame Settimia, la Lamentation de Didon, et elle comprendra alors si je dis des mensonges ou bien la vérité. Qu’elle s’informe auprès du Seigneur Duc de Fiano [Orazio Ludovisi, frère du pape Grégoire XV] et d’autres encore et elle verra dans cette lamentation si tel est mon style. […], la suppliant de me considérer comme digne de ses commandes. » (« Ora mando a Vostra Signoria Illustrissima questa mia opera […] : vedrà a l’ultimo il Lamento di Armida, composto da me in due ore a Tivoli, a casa del Signor Cardinale : da questo potra comprendere la mia maniera d’usar in scena la quale lei trovera ch’e è sola, potendo sentir cantare detto lamento da la Settimia, la qual liel’è scritto a mano quando io passai per Fiorenza. Desi-
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personnellement avec le duc de Parme et la princesse Marguerite de Médicis en septembre-octobre 1627215. D’autres musiciens comme Andrea Falconieri ou la célèbre chanteuse Settimia Caccini, femme de Ghivizzani, fréquentent également la cour de Parme entre 1622 et 1629216. Le Premier livre de madrigaux dédié à la maison Farnèse est le Deuxième livre de Jacques de Wert de 1564217, adressé au duc Ottavio Farnese218. Pietro Vinci219, maître de chapelle à Bergame, lui dédie également son Premier livre à six voix en 1571220. Quant au duc Ranuccio Farnese, son petit-fils, le premier recueil de musique dont il est dédicataire est le Premier livre221 de Flaminio Tresti da Lodi de 1585222. Claudio Gallico223 a recensé vingt-quatre livres de madrigaux, six de Musiche (de D’India, Barbarino, Cifra, Vitali, Guazzi et Petrobelli224), deux de villanelles (de Pompilio Venturini da Siena et Maurizio Cazzati) et deux fables musicales (La Catena d’Adone de Mazzocchi et la Flora de Da Gagliano225) dédiés à la famille Farnèse, soit trente-quatre recueils de musique entre 1564 et 1673 parmi lesquels six ont été adressés au duc Ranuccio Ier, composés par Tresti da Lodi (1585), Ingegneri (1586226), Girolamo Belli d’Argenta (1586227), Giulio Cesare Quinziani (1600228), D’India (1609229) et Bartolomeo Barba-
derarei poter volare dove lei fosse, perche ella sentisse la forza di tal maniera e stile, e son sicuro non lo sentirà da nessun altro. Anzi, s’ella si trattenesse a Ferrara alcuni giorni, vorrei venire a spasso sin là, acciò si degnasse dar orechio a quanto le scrivo : […]. Io ho tempo di star a spasso per tutto il mese d’ottobre e più ancora, […]. Poiché in Roma il principe Aldobrandino mi diede l’opera del Adone a me, benché si trovò poi ch’io ero amalato e no lo potei servire. Fui per sforzato di rifare tutta la parte di Lorenzino, il quale me la porto ch’io era assediato de la febre in letto, […]. Di questo ella se ne potrà informare da Roma, […], oltre ch’ella sa molto bene che chi compose l’Adone non ha fatto altra opera, sol che questa : […], essendo tutta piena di canzonette, non ci essendo proposito di stile recitativo, […]. Mi facci gratia di sentir Vostra Signoria Illustrissima da la Signora Settimia in Fiorenza il Lamento di Didone, che da quello comprendera s’io le dico buggie o verita, e ne domandi informatione dal Signor Duca di Fiano e d’altri ; che vedrà da tal lamento s’el mio stile è tale. […], suplicandola mi faccia degno de suoi comandi. »), id., p. 403-404. Orazio Ludovisi était, tout comme le pape, son frère, très impliqué dans le conflit de la Valteline. 215 « Havendo comandato il signor Duca, che si tratenga il Cavaliere Sigismondo d’India per valersene nel passaggio che dovra fare il Serenissimo signor Duca di Parma, et la Principessa Margherita sua sposa, e figurandosi, che la spesa tra lui, è l suo servitore possi importar un talero il giorno, Vostra Signoria perciò gli farà uno mandamento d’un mese intiero cominciando al primo del corrente Di Castello il di 16 ottobre 1627. », Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Camera ducale, Cassa segreta nuova, filze 33 (no 3902), 16 octobre 1627. 216 (I-PAas), Tesoreria e computisteria, Ruolo, reg. 14, fo 497ro : « 1625 A primo Genaro. La Signora Settimia et Alessandro Ghivizzani suo marito servono Sua Altezza Serenissima con provigione de ducatoni trenta d’argento il mese. », et le reg. 15, fo 381ro en date du 1er janvier 1628 qui concerne un paiements pour les mêmes pour toute l’année 1627. 217 J. de Wert, Il secondo libro de madregali a cinque voci, Venise, Gardano, 1564. 218 C. Gallico, « Programmi musicali farnesiani : i libri dedicati », I Farnese. Arte e collezionismo, op. cit., p. 206. Voir aussi N. Pellicelli, « Musicisti in Parma nei secoli xv-xvi », Note d’archivio per la storia musicale, 1932, p. 49-50. 219 P. Vinci, Il primo libro de madrigali a sei voci, Venise, Scotto, 1571. 220 C. Gallico, « Programmi musicali farnesiani », op. cit., p. 206. 221 F. Tresti da Lodi, Il primo libro de madrigali a cinque voci, Venise, Gardano, 1585. 222 C. Gallico, « Programmi musicali farnesiani », op. cit. 223 Id., p. 206-207. 224 Le livre des Musiche de Petrobelli a été dédié à Pietro Farnese en 1673. 225 Représentée en 1628 à Florence à l’occasion des noces de Marguerite de Médicis et Édouard Farnèse, voir M. Da Gagliano, La Flora, Florence, Pignoni, 1628, éd. moderne S. Court, Middleton, A-R editions, 2011, p. ix. 226 M. A. Ingegneri, Il Primo libro de’ madrigali a sei voci, Venise, Gardano, 1586. 227 G. Belli d’Argenta, Il secondo libro de madrigali a cinque voci con un dialogo a otto, Venise, Vincenti & Amadino, 1586. 228 G. C. Quinziani, Himeneo ingemmato, Venise, Vincenti, 1600. 229 S. D’India, Le Musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili, Milan, Tini et Lomazzo, 1609.
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rino da Fabriano (1610230), et trois à son fils, le prince Édouard Farnèse : Crivelli (1626231), Mazzocchi (La Catena d’Adone de 1626232) et Da Gagliano (La Flora de 1628). Cinq recueils ont été dédiés au cardinal Odoardo Farnese : Fattorin da Reggio (1605233), Paolo Quagliati (1608234), Abondio Antonelli da Fabrica (1614235), Antonio Cifra (1615236) et le compositeur vénitien Eleuterio Guazzi (1622237). Enfin, deux recueils ont été adressés à l’abbé Diofebo Farnese : Sigismondo D’India (1616238) et Tullio Cima (1621239). D’India a donc dédié deux livres de musique à la famille Farnèse : celui de 1609, dédié au duc Ranuccio et qui utilise le nouveau style monodique, et celui de 1616, dédié à Diofebo Farnese, écrit quant à lui dans le style polyphonique audacieux qui lui est propre. Dans les deux cas, mais sous des formes différentes, la musique de D’India est résolument tournée vers la seconde pratique240. Les relations entre le compositeur et la famille Farnèse furent déterminantes dans la carrière du musicien. Les frères Ranuccio et Odoardo Farnese, entre Parme et Rome
Comme nous l’avons vu, c’est en 1545 que le pape Paul III, Alexandre Farnèse, cède le duché de Parme et de Plaisance à son fils Pierluigi241. Jusqu’en 1731, les Farnèse vont gouverner ces deux duchés sous la même couronne en développant la magnificence des arts et en devenant d’importants mécènes et de grands protecteurs d’artistes242. La protection des arts et des lettres était effectivement le seul moyen 230 B. Barbarino, Il Terzo Libro de Madrigali diversi autoriposti i musica da Bartolomeo Barbarino da Fabriano, detto il Pesarino. Per cantare sopra il chitarrone o Tiorba, Clavicembalo, o altri stromenti da una voce sola, con alcune Canzonette nel fine, Venise, Amadino, 1610. 231 G. B. Crivelli, Il primo libro delli Motetti concertanti a due, tre, quattro, e cinque voci, Venise, Vincenti, 1626. 232 D. Mazzocchi, La Catena d’Adone, Venise, Vincenti, 1626, éd. moderne J.-C. Trimoreau, Tours, 2002. 233 F. da Reggio, Il Primo libro de madrigali a tre voci, Venise, Gardano, 1605. 234 P. Quagliati, Il Primo libro de’madrigali a quattro voci : concertati per cantar con l’instromento : con un libro separato dove sta il basso seguito per sonarli, Venise, Vincenti, 1608. 235 A. Antonelli, Madrigali a cinque voci di Abundio Antonelli con il basso ad organo : libro primo, Rome, Zannetti, 1614. 236 A. Cifra, Li diversi scherzi a una, a due, a tre et quattro voci : Libro quarto : opera vigesima, Rome, Robletti, 1615. 237 E. Guazzi, Spiritosi affetti a una e due voci. Cioè Arie madrigali et Romanesca da cantarsi in Tiorba in Cimbalo et Chitariglia et altri stromenti con l’alfabetto per la Chitarra spagnola : libro primo, Venise, Gardano, 1622. 238 S. D’India, Il Quarto libro de madrigali a cinque voci, Venise, Amadino, 1616. 239 T. Cima, Sacrae Cantiones singulis, binis, ternis, quaternisque vocibus, una cum Magnificat et Litaniis B.M. Virginis, cum Basso ad organum decantandae. Auctore Tullio Cima roncilionense Sacrae Cantiones singulis. Liber Primus, Orvieto, Zannetti, 1621. 240 Ainsi que nous le montre la dédicace du recueil des Musiche de 1609 : « Je dédie à Votre Altesse ces quelques miennes nouvelles compositions, ayant été attiré depuis quelques années par le plaisir, aujourd’hui universel, que l’on a quand on entend chanter à une seule voix, je me mis à composer : […], n’ayant rien altéré à la magnanime nature de vos si Illustres aïeux, vous avez protégé des maîtres de Musique, et de cela peuvent sans aucun doute témoigner Cyprien de Rore, Fabrizio Dentice, Claudio [Merulo] et Orazio [Bassani] […] De Milan, le 10 février 1609. » (Nous soulignons) (« Dedico à Vostra Altezza queste mie nuove compositioni, che pochi anni sono allettatto dal diletto, che hoggi dì l’universale suol prendresi dall’udir cantar solo, mi posi à comporre : […], che non degenerando punto dalla magnanimita natura de’ Illustrissimi Avoli suoi hebbe in protettione i professori de la Musica ; e di questo indubitata testimonianza ben ne possono far’ i Cipriani di Rore, i Fabrtij Dentice, i Claudio da Correggio, & gli Horatij della Viola […] Di Milano li 10 Febraro 1609. »), S. D’India, « Al Serenssimo Ranuccio Farnese duca di Parma e di Piacenza, mio Signore, & Padrone colendissimo », Le Musiche di Sigismondo D’India, op. cit. Quant au Quatrième livre de madrigaux dédié à l’abbé Farnèse, il ne contient pas de dédicace ni de préface. 241 Le antiche famiglie di Piacenza e i loro stemmi, éd. G. Fiori, G. Di Groppello, C. E. Manfredi et M. De Meo, Plaisance, TEP, 1979, p. 14. 242 F. Bussi, Musica e musicalità dei duchi Farnese nell’ottica del « Monumenti musicali Piacentini e Farnesiani », Plaisance, Tip.Le.Co., 2007, p. 1.
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d’augmenter la gloire d’un petit État comme celui des Farnèse243 qui de plus était un État satellite de la couronne espagnole244. Le duc Ranuccio Farnese, entre gloire et austérité
Le règne de Ranuccio Ier, de 1592 à 1622, combinera une rigueur austère soumise aux lois de la « Raison d’État » et une politique culturelle destinée à exalter la gloire de la dynastie245. Ainsi que le souligne Umberto Benassi, les subterfuges, la simulation et la dissimulation caractérisent l’état d’esprit et la politique du duc Ranuccio, mais reflètent également la manière de penser et d’agir de la société et de la diplomatie du xviie siècle246. Avec Ranuccio, le duché perd une grande partie de son importance européenne pour renforcer sa place parmi les puissances italiennes247. Les années de son gouvernement sont en effet très difficiles puisqu’explosent toutes les contradictions économiques, sociales et culturelles accumulées pendant le siècle précédent248. Il réussit néanmoins, vers la fin de sa vie, à faire formellement reconnaître son duché comme un État indépendant et légitime du Nord de l’Italie249. Les années où D’India commence à fréquenter la cour des Farnèse coïncident avec celles où le duc Ranuccio cherche désespérément à avoir un héritier. Le prince Alexandre Farnèse naîtra en 1610 – D’India a participé, on l’a vu, aux célébrations de sa naissance à Plaisance – dans un contexte marqué par le soupçon sur la stérilité du duc ainsi que par une croyance superstitieuse à une malédiction. En effet, le prince Alexandre est né sourd et muet250. Les spéculations autour de la maladie du prince ne feront que se renforcer dans les années suivantes. Ainsi, durant l’année 1616, le duc recourt, sans succès, à l’exorcisme et à d’autres remèdes destinés à guérir son fils251. Parme est en effet une ville connue pour la présence d’alchimistes, de sorciers et de guérisseurs252. Le prince Alexandre mourra à l’âge de vingt ans à Parme. C’est donc son frère, Édouard Farnèse, né en 1612 et dont le précepteur fut le marquis Pietro Francesco Malaspina des Edifizi253 qui deviendra le duc de Parme à la mort de son père en 1622. Le duc et le cardinal. Le contrepoint des frères Farnèse
Odoardo Farnese (1573-1626) est le deuxième fils du duc Alessandro Farnese (1545-1592) et le frère du duc Ranuccio Ier et de Marguerite Farnèse. Il est aussi l’oncle du prince Édouard. Il est créé cardinal en 243 M. L. Bussi, Musica e musicisti, op. cit., p. 29. 244 H. Gamrath, Farnese Pomp, Power and Politics in Renaissance Italy, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 2007, p. 125. 245 F. Bussi, Musica e musicalità dei duchi Farnese, op. cit., p. 3. 246 U. Benassi, « I Natali e l’educazione del Duca Odoardo Farnese », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 9, 1909, p. 151. 247 Concernant la correspondance diplomatique de Ranuccio Farnese à cette époque et surtout avec les cours de Rome et de Milan, voir Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Carteggio Farnesiano interno, boîtes 261-303 (1609-1616). Voir aussi la correspondance diplomatique de son frère, le cardinal Odoardo Farnese. Il s’agit de plus de cent lettres allant de 1591 à 1626 conservées à la Biblioteca Ambrosiana de Milan (I-Ma). 248 M. Dall’Acqua, Parma città d’oro, Parme, Albertelli, 1979, p. 129-130. 249 H. Gamrath, Farnese Pomp, op. cit., p. 128. 250 U. Benassi, « I Natali e l’educazione del Duca Odoardo Farnese », op. cit., p. 104-108. 251 Id., p. 112-115. 252 F. Pavan « “un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 402. À ce propos, les Archives d’État de Parme ont organisé, du 5 octobre 2012 au 29 mars 2013, une exposition intitulée : La « Gran Giustizia » del 1612. Streghe, malefici, congiure e confische nella Parma di Ranuccio I Farnese. 253 U. Benassi, « I Natali e l’educazione del Duca Odoardo Farnese », op. cit., p. 133.
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1591 par Grégoire XIV254 peu de temps après la mort (en 1589) de son grand oncle le cardinal Alessandro Farnese « le jeune255 » (1520-1589). Le cardinal Odoardo, qui habite tout comme son oncle, au palais Farnèse de Rome, est aussi l’un des plus importants médiateurs diplomatiques pour le mariage de son neveu Édouard Farnèse256 avec Marguerite de Médicis et est également régent du duché de Parme et de Plaisance à la mort de son frère Ranuccio (1622) et jusqu’à la maturité de son neveu257. Il exerce donc le double rôle d’homme d’église et de prince, représentant sa famille à la cour papale258. En effet, la famille Farnèse a eu un pape mais aussi une longue série d’évêques à partir de 1509259 ; un phénomène comparable aux familles d’Este, Gonzague et Médicis, même si la source du pouvoir des Farnèse est liée à Rome, ville d’origine de la famille, et à la Curie. C’est seulement à partir du moment où la famille obtient le duché de Parme (en 1545) que, contrairement à l’équilibre politique auquel on aurait pu s’attendre, les conflits entre le duc Ranuccio et son frère Odoardo s’intensifient progressivement vers la fin du xvie siècle260, ouvrant par là la porte des diocèses parmesans à des ecclésiastiques étrangers à la famille261, tension politique qui, grâce à la circulation de prélats qu’elle favorise, renforce paradoxalement la place du duché. Le cardinal Odoardo est très apprécié et exerce d’importantes charges ecclésiastiques, comme celle d’évêque de Frascati ou de titulaire de l’église de Saint-Eustache à Rome262 de 1595 à 1617 – avant que ne lui succèdent le cardinal Montalto (1617-1621), puis le cardinal Alessandro d’Este (1621), enfin Maurice de Savoie (1621-1626) – mais également celle d’abbé de Grottaferrata de 1589-1626263 ou encore, à partir de 1607, de protecteur du Portugal, de la Sicile, des parties catholiques de la Suisse, d'Aragon et de l’Inde264. Contrairement à son frère, son art de gouverner se caractérise par la bonhomie265, mais également par le goût pour les festivités – trait typiquement romain266. En effet, le cardinal Farnèse ne dédaigne pas de participer en personne à des intermèdes chantés et dansés ainsi qu’aux banquets. Il a éga-
254 G. Bentivoglio, Memorie del cardinale Bentivoglio, con le quali descrive la sua vita, Venise, Baglioni, 1648, p. 45. 255 O. Mansour, « Cardinal Virtues », op. cit., p. 228-229. Sur les cardinaux Odoardo et Alessandro Farnese, voir G. P. Pozzi, Le porpore di Casa Farnese : luci ed ombre nella Controriforma, Plaisance, TipLeCo, 1995, p. 113-180 et 217-244. 256 U. Benassi, « I Natali e l’educazione del Duca Odoardo Farnese », op. cit., p. 148-153. 257 Id., p. 173. 258 O. Mansour, « Cardinal Virtues », op. cit., p. 229. Voir aussi I. Fosi, « Roma patria comune ? Foreingers in Early Modern Rome », Art and Identity in Early Modern Rome, éd. J. Burke et M. Bury, Aldershot, Ashgate, 2008, p. 34. 259 F. Sansovino, Della origine e de’ fatti delle Famiglie Illustri d’Italia, Vinegia, Salicato, 1582, p. 171ro. 260 M. A. Romani, « La crisi di fini Cinquecento a Parma : un punto di svolta nella storia dei ducati farnesi ? », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 30/1, 1978, p. 241-256. 261 U. Benassi, « I Natali e l’educazione del Duca Odoardo Farnese », op. cit., p. 176. 262 Annibale Carracci aurait pu réaliser La Vision de Saint-Eustache pour la nomination d’Odoardo Farnese à cette église en 1595. Le tableau étant sans doute un cadeau de la part de son frère Ranuccio. Voir C. Robertson, « Cardinals Odoardo Farnese and Pietro Aldobrandini as Patrons of Landscape Painting », Archivio dello sguardo : origini e momenti della pittura di paesaggio in Italia. Atti del Convegno, Ferrara, Castello Estense, 22-23 ottobre 2004, Florence, Le Lettere, 2006, p. 244-245. 263 Par la suite, ce furent les cardinaux Francesco (en 1627) et Antonio Barberini qui furent désignés abbés de Grottaferrata, voir K. Wolfe, « Antonio Barberini (1608-1671) and the Politics of Art in Baroque Rome », The Possessions of a Cardinal, op. cit., p. 272 et C. Lebet, Roma e i suoi liutai : storia della liuteria romana dal secolo xvi al xvii, Rome, C. Lebet, 2007, p. 115. 264 C. Robertson, The Invention of Annibale Carracci, op. cit., p. 116. 265 U. Benassi, « Governo assoluto e città suddita nel primo Seicento : Piacenza sotto il cardinal reggente Odoardo Farnese », Bollettino Storico Piacentino, no 12/6, 1917, p. 195. 266 E. Nasalli Rocca, I Farnese, Milan, Dall’Oglio, 1969, p. 159-160.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
lement la réputation d’être un hôte accueillant267 que ce soit au palais Farnèse à Rome ou dans sa Villa à Caprarola268, « maison très belle du cardinal Farnèse269 » située à soixante kilomètres au nord de Rome. Le prélat, tout comme le cardinal Pietro Aldobrandini (1571-1621), son ami et rival270, est l’un des mécènes romains les plus importants271. Nous remarquerons en outre, de sa part, un penchant particulier pour l’Antiquité272, sans doute lié à l’influence de Fulvio Orsini, son précepteur, mais également antiquaire érudit et bibliothécaire de la famille273. Grâce à l’éclectisme de son éducation, le cardinal Odoardo attire dans sa cour des hommes de lettres et de science274 et s’intéresse également à la botanique et aux plantes rares et exotiques275. L’aspect le plus important et le plus connu du mécénat du cardinal Farnèse est sans aucun doute celui de ses rapports avec les peintres Agostino, Annibale et Ludovico Carracci276 et leurs émules277. Odoardo est en effet un grand connaisseur du nouveau style pictural des Carrache et un amateur de l’avant-garde en peinture, et cela même après la mort d’Annibale quand le prélat commande au Domenichino la décoration de la nouvelle chapelle de l’abbaye de Grottaferrata entre 1608 et 1610278. M. Boiteux, « Fêtes et cérémonies au temps des Carrache ». Les Carrache et les décors profanes, Rome, École française de Rome, 1988, p. 212. 268 Ainsi nous pouvons lire dans les Avvisi de Rome conservés à la Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Barb. lat. 6341 et en date du 5 avril 1608 : « Est arrivé à Caprarola le cardinal Farnèse, lequel se rendit ici mardi soir en compagnie de l’abbé [Diofebo Farnese], fils du Seigneur Mario Farnese [duc de Latera, lieutenant di Santa Chiesa et général de l’armée de Ferrare et de l’Émilie Romagne du pape Paul V]. » (« Arrivò in Caprarola il Cardinale Farnese, il qual martedisera gionse quà insieme con l’Abbate figlio del Signor Mario Farnese. », fo 56ro. Pour des images de la Villa de Caprarola, voir H. Gamrath, Farnese Pomp, op. cit., p. 160-165. 269 Voyage de Monsieur le Prince de Condé, Bourges, Coppin, 1624, p. 144. Voir aussi P. Totti, Rittrato di Roma moderna, Roma, Ricciardi, 1638, p. 526-527. 270 En effet, la sœur du cardinal Aldobrandini (Marguerite) a épousé le frère du cardinal Farnèse (le duc Ranuccio) en 1600. Le cardinal Aldobrandini était également un ami intime du duc de Savoie. Voir C. Robertson, « Patronage Rivalries : Cardinals Odoardo Farnese and Pietro Aldobrandini », Art and Identity in Early Modern Rome, Aldershot, Ashgate, 2008, p. 101. Le cardinal Maurice de Savoie, durant son séjour romain de 1623 à 1627 se rend aussi fréquemment à Caprarola, voir (I-Rvat), Vat. lat. 12947, Avvisi di Roma, fo 228ro, le 10 juin 1623 et id., fo 238ro, le 29 juin 1623. Voir aussi (I-Rvat) Barb. lat. 8790, lettre du cardinal de Savoie à Francesco Barberini depuis Caprarola datée de juin 1628. 271 C. Robertson, « Patronage Rivalries », op, cit., p. 95. 272 C. Robertson, The Invention of Annibale Carracci, op. cit., p. 131-134. 273 Id., p. 114. 274 A. Biondi, « L’imagine dei primi Farnese (1545-1622) nella storiografia e nella pubblicistica coeva », Le corti farnesiane di Parma e Piacenza (1545-1622), 3 vol., vol. I : « Potere e società nello stato farnesiano », éd. M. A. Romani, Rome, Bulzoni, 1978, p. 223. 275 C. Robertson, « Cardinals Odoardo Farnese and Pietro Aldobrandini », op. cit., p. 245. 276 « Che il Cardinal Farnese poi, morto Annibale, tentasse di nuovo, finito il detto lavoro a Piacenza, far passare anche a Roma il tanto da lui bramato Lodovico, a lasciarvi di suo pure qualche insigne memoria, proponendogli spezialmente la sudetta Sala già destinata ad Annibale. », C. C. Malvasia, Felsina pittrice : vite de pittori bolognesi alla Maestà christianissima di Luigi XIIII re di Francia e di Navarra il sempre vittorioso consagrata dal co. Carlo Cesare Malvasia Fra Gelati L’Ascoso. Divisa in duoi tomi ; con indici in fine copiosissimi, Bologne, Barbieri, 1678, vol. I, p. 447. Concernant l’implication d’Odoardo Farnese dans les funérailles d’Agostino Carracci, voir « Il funerale d’Agostin Carraccio fatto in Bologna sua patria da gl’Incaminati Academici del Disegno scritto all’Illustrissimo et Reverendissimo Signor Cardinal Farnese da Bologna presso Vittorio Benacci 1603 », cité dans id., p. 407. 277 C. Robertson, « Cardinals Odoardo Farnese and Pietro Aldobrandini », op. cit., p. 245. Voir aussi C. Dempsey, « Some Observations on the Education of Artists in Florence and Bologna during the Later Sixteenth Century », The Art Bulletin, no 62, 1980, p. 552-569. 278 Voir C. C. Malvasia, Felsina pittrice, op. cit., vol. I, p. 501, qui écrit : « Nella Badia nella Cappella dipinta dopoi tutta a fresco dall’eccellente Domenichino il quadro a olio de gli Abbati S. Nilo, e S. Bartolomeo ; e ne’ stessi freschi del Domenichino, mi dicea l’Algardi, la testa di quell’indemoniato liberato dal Santo ». Voir aussi la lettre de Paolo Giordano Orsini datée du 3 décembre 1610 où il écrit : « J’ai accompagné le Seigneur Cardinal Farnèse quand il se rendit chez vous récemment 267
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« Dio febo » Farnese, entre la curie, le droit canonique, la poésie, le théâtre et la musique
Odoardo Farnese, proche du cardinal Federico Borromeo, a vécu à Rome dans une atmosphère de renouveau spirituel279 lié à la Contre-Réforme. N’oublions pas l’importance des rapports entre le cardinal et les jésuites autour de la Chiesa del Gesù au tournant du xviie siècle280. Les funérailles du prélat ont eu lieu à l’église de la Steccata à Parme le dernier jour de juin de 1626281. L’épitaphe de l’urne funéraire évoque ses vertus à la fois en tant que prince et que prélat282. Quant à Diofebo Farnese, titulaire de l’abbaye de Saint-Basilide à Badia Cavana près de Parme283, il s’agit d’un personnage très bien intégré dans la cour de Rome en tant que Referendario della Segnatura – c’est-à-dire comme prélat et administrateur de la Curie romaine et membre du tribunal suprême de l’Église284 – vers 1604 et comme Patriarche de Jérusalem du 17 mars 1621285 jusqu’à sa mort l’année suivante286. Recherches sur le patronage de Diofebo Farnese
L’abbé Diofebo est le fils aîné de Mario Farnese (1548-1619), duc de Latera (province de Viterbe près de Rome) – branche de la famille qui s’est séparée de la lignée à laquelle appartiennent le duc Ranuccio et son frère le cardinal Odoardo au début du xvie siècle287 – et le frère du cardinal Girolamo Farnese288 (1599-1668). Bien que contemporains et proches, le duc Ranuccio et le cardinal Odoardo Farnese ont des rapports de parenté éloignés avec l’abbé. afin de rendre visite à Votre Excellence Illustrissime, mais vous étiez déjà parti depuis quelques jours pour Bracciano. Sa Seigneurie Illustrissime [le cardinal Farnèse] se rendant tout de suite après à Grottaferrata, j’aurais espéré souhaiter de bonnes fêtes à Votre Excellence personnellement. » (« Quando il Signor Cardinale Farnese fù ultimamente a visitare Vostra Eccellenza Illustrissima, essendo io seco, presenti in Casa sua, ch’ella sarebbe stata qualche giorno à partire per Bracciano, et essendo poi subito Sua Signoria Illustrissima andata à Grottaferrata pensavo poter di presenza dare le buone feste all’Eccellentissima Vostra. »). Archivio Storico Capitolino de Rome (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 120/1, lettre no 97. Sur la capacité du cardinal à créer des espaces consacrés à la dévotion tel le Camerino degli Eremiti dans le palazzetto à Rome, décoré avec des fresques de Lanfranco entre 1616 et 1617, ou à l’église du Gesù dans la même ville, à Grottaferrata, à Caprarola ou encore à Camaldoli, voir C. Robertson, « Cardinals Odoardo Farnese and Pietro Aldobrandini », op. cit., p. 247248 et id., « Osservazioni sul mecenatismo del Cardinale Odoardo Farnese », I Farnese, Arte e collezionismo, op. cit., p. 72. 279 A. Witte, The Artful Hermit, op. cit., p. 120. 280 Id., p. 137-143 et id., The Artful Hermitage. The Palazzetto Farnese as a Counter-reformation diaeta, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 2008, p. 65-72. 281 Sur cette abbaye, voir P. Gentile Panfili, Breve descrittione dell’apparato funerale fatto alla gloriosa memoria del serenissimo prencipe Odoardo cardinale Farnese dall’illustrissima città di Parma, Parme, Viotti, 1626, p. 5. Le testament d’Odoardo Farnese, où il n’est pas fait mention des livres de musique qui lui ont été dédiés, est conservé à (I-PAas), Corte e casa farnesiana, série II, boîte 25, fasc. 6. 282 P. Gentile Panfili, Breve descrittione, op. cit., p. 31. 283 F. Da Mareto, Chiese e conventi di Parma, Parme, Deputazione di Storia Patria per le province Parmensi, 1978, p. 130-131. 284 Nous remercions Arnaldo Morelli pour ces informations. 285 Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Archivio Concistoriale, Acta miscellanea, 38, fo 214vo et « Protocollo consecration episcoporum et alia, 1565-1662 », Miscellanea Arm. XIII, 33, fo 157vo. 286 « Il Corriero venuto da Parma al signor Marcello Prati, spedito dal Cardinal Farnese per vedere d’impetrare l’Abbatia di Cavana nel Parmigiano di 1500 scudi d’entrata per Don Gioannino Farnese [le jésuite Giovanni Paolo Farnese], fratello del morto Patriarca [Diofebo Farnese] che la godeva in vita. », (I-Rvat), Urb. lat. 1092, Avvisi di Roma, fo 289ro, le 8 octobre 1622 ; « Il Patriarca di Gierusalem vacato per morte di Monsignor [Diofebo]. Farnese Nostro Signor [le pape Grégoire XV] l’hà dato à Monsignor [Alfonso] Manzanedo [de Quiñones] Auditore di Rotta. », id., fo 294ro, le 1er octobre 1622. 287 Le duché de Latera a été créé en 1537. Voir P. F. M. Annibali da Latera, Notizie storiche della Casa Farnese, della fu Città di Castro, del suo Ducato e delle Terre e Luoghi che lo componevano. Coll’aggiunta di due Paesi Latera e Farnese, Montefiascone, Stamperia del seminario, 2 vol., 1817-1818, vol. I, p. 32 et 87-111 ; « Latera », Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, éd. G. Moroni, Venise, Emiliana, 1861, vol. CII, p. 113-126 et G. P. Pozzi, Le porpore di Casa Farnese, op. cit., p. 249. 288 Sur ce personnage, voir id., p. 249-312.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
Le titre de referendario confère à l’abbé un statut privilégié de conseiller, de maître des requêtes et de familier du pape dans l’une des institutions administratives les plus importantes et les plus sélectes de la Curie romaine289. Quant au très ancien et honorifique titre donné aux évêques de Patriarche de Jérusalem, que le prélat obtient à la fin de sa vie, il donnait à son activité ecclésiastique une dimension prestigieuse qui le liait aux territoires restés aux mains des Latins en Orient290. Diofebo Farnese est le dédicataire de la comédie La pazzia de Christoforo Sicinio – comédie savante en cinq actes sur le thème de la folie291 –, republiée à Venise en 1604 par Nicolò Mariani292, poète au service de la famille Farnèse293. La même année, le poète Francesco Ugeri adresse à Diofebo un recueil de poèmes de différents auteurs à l’occasion de l’obtention par l’abbé d’une laurea en droit canonique294, condition indispensable pour l’octroi de la charge, exigeante et élitiste, de référendaire de la Signature295. Quelques années plus tard, en 1609, une autre comédie en cinq actes intitulée Duello d’amore et di fortuna est dédiée à l’abbé par l’Académie des Desiderosi de Ronciglione296 (dans la province de Viterbe). C’est dans ces années-là que D’India rencontre l’abbé Farnèse à Rome, lui adressant des musiques nouvellement composées297. Un recueil de madrigaux et un livre de motets pour l’abbé Farnèse
Malgré le peu de documents d’archive298 sur l’abbé Diofebo Farnese en général et sur ses liens avec D’India en particulier, nous pouvons supposer que leurs rapports étaient étroits. En effet, le musicien affirme dans la préface de son Premier livre des Musiche de 1609 s’être rendu à Rome (vers 1608-1609) avant sa publica289
C. Weber, « Il referendario di ambedue le segnature, una forma speciale del “servizio pubblico” della Corte di Roma e dello Stato pontificio », Offices et papauté (xive-xviie siècle). Charges, hommes, destins, éd. A. Jamme et O. Poncet, Rome, École française de Rome, 2005, p. 565-586. Concernant Le tribunal suprême de la Signature apostolique, voir aussi J.-B. D’Onorio, « Tribunaux apostoliques », Dictionnaire historique de la papauté, éd. P. Levillain, Paris, Fayard, 1994, p. 1646-1647. 290 Les Patriarches de Jérusalem étaient titulaires, à Rome, de l’église de Saint-Laurent-hors-les-Murs. Voir Dictionnaire d’histoire et géographie ecclésiastiques, éd. R. Aubert, Paris, Letouzey et Ané, 2000, vol. XXVII, p. 1126 et 1130. 291 Sur ce sujet, voir J.-M. Constant, La folle liberté des baroques (1600-1661), Paris, Perrin, 2007. 292 C. Sicinio, La pazzia comedia di m. Christoforo Sicinio, Venise, Meglietti, 1604. 293 Et notamment de Mario Farnese, père de l’abbé. Voir id, préface. 294 F. Ugeri, Componimenti diversi in occasione del solennissimo dottorato di leggi fatto in Parma dell’Illustrissimo signor Diofebo Farnese abbate di S. Basilide, Parme, Viotti, 1604. La dédicace d’Ugeri est datée du 16 septembre 1604. Sur les cérémonies de laurea à Rome à cette époque, voir Domenico Allegri. Music for an Academic Defense (Rome, 1617), éd. A. John, Middleton-Wisconsin, A-R Editions, 2004 et A. Pampalone, Cerimonie di laurea nella Roma barocca, Rome, Gangemi, 2014, p. 13-23. 295 R. Ago, « Burocrazia. “nazioni” e parentele nella Roma del Settecento », Quaderni storici, no 67, 1988, p. 76-77, n. 15. 296 Duello d’amore et di fortuna. Comedia nuova degli Academici Desiderosi di Ronciglione, Ronciglione, Colaidi & Dominici, 1609. Voir aussi F. M. D’Orazi, « Ronciglione capoluogo della Pier Contea Farnesiana », Tullio Cima, Domenico Massenzio e la musica del loro tempo, éd. F. Carboni, V. De Lucca et A. Ziino, Rome, IBIMUS, 2003, p. 75-126. 297 En effet, nous pouvons lire dans un avviso romain daté du 28 février 1609 – soit dix-huit jours après la publication du Premier livre des Musiche de D’India à Milan – que : « S’è anco l’istessa sera recitata una pastorale in Casa del signor Mario Farnese dalli suoi medesimi figli [parmi lequels Diofebo Farnese], e dalli Nipoti del Cardinale Bevilacqua [Référendaire du tribunal de la Signature et Patriarche de Constantinople], che v’intervenne insieme col Cardinale Farnese con intermedii di suoni, canti, e balletti, havendo dopo il signor Mario banchettato alli Signori, e Dame, che v’intervennero. », (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1077, fo 107ro, le 4 mars 1609. 298 Les fonds Farnèse des Archives d’État de Parme conservent très peu de documents concernant la branche de Latera de cette famille. Quelques documents sur Mario Farnèse, père de l’abbé Diofebo, ont été déposés à (I-PAas), Corte e casa farnesiana, série II, boîte 25. Nous remercions Graziano Tonelli, directeur des Archives de Parme, pour ces informations. Voir aussi S. Andretta, « Farnese, Mario », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1995, vol. XLV, p. 112.
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tion à Milan afin de montrer ses compositions à l’abbé Farnèse, connaisseur et admirateur de sa musique, et qui a fait connaître quelques pièces de ce livre à plusieurs musiciens, prélats et nobles de son entourage299. Sept ans plus tard, en 1616, ce n’est pas la nouveauté et l’éclectisme du nouveau style monodique, mais l’audace polyphonique qui sera offerte à l’abbé dans le livre de madrigaux qui lui est dédié. Malheureusement, ce recueil ne contient pas de dédicace, ce qui ne nous permet pas d’en savoir davantage sur les rapports entre le musicien et le prélat, ni la date exacte de publication. L’année 1616 fut en effet riche, qu’il s’agisse de la renovation des différents palais Farnèse300, ou de l’activité ecclésiastique301. Quelques années plus tard, en 1621, un autre musicien, Tullio Cima, originaire de Ronciglione et ancien chanteur à la basilique de Saint-Jean-de-Latran, adressera à cet abbé, alors vers la fin de sa vie, son Premier livre de motets à une, deux, trois et quatre voix avec basse302. On constate un récent regain d’intérêt pour le mécénat des Farnèse, non seulement en ce qui concerne la peinture, mais aussi les spectacles et la musique sacrée comme profane303. L’identité de la cour des Farnèse de Parme mélange subtilement la rigueur austère du duc Ranuccio Ier Farnese avec son désir de grandeur et de gloire. Le mécénat des deux membres de cette famille, le duc Ranuccio et son frère le cardinal Odoardo, participe à la formation de cette identité. Le caractère homogène, pompeux et institutionnel du « ranuccismo » musical, fortement tourné vers la propagande politique, fait contrepoint avec la diplomatie musicale magnanime et hétérogène du cardinal Farnèse dont l’activité de mécène a elle aussi suscité un récent intérêt304. Au mécénat institutionnel du duc Ranuccio – qui cherche à concentrer des musiciens dans son duché et à les protéger à des fins politiques – et à celui « peu conventionnel305 » et centrifuge du cardinal Farnèse – que l’on pourrait qualifier de mécénat de médiation en ce qu’il facilite la circulation d’artistes et de musiciens grâce à son rôle de recruteur et de commanditaire306 –, répond le patronage 299
« J’ai décidé de partir pour Rome afin de faire entendre [mes compositions] aux principaux virtuoses et en particulier à l’Illustrissime Seigneur Abbé Farnèse qui avait déjà eu la bonté, en d’autres occasions, d’apprécier mes musiques, me rendant compte qu’à la demande de quelques musiciens de cette ville, il en avait fait plusieurs copies manuscrites, devenant ainsi les préférées […] des musiciens et des chanteurs les plus célèbres, mais également dignes des oreilles de très nombreux Illustres cardinaux et princes. » (« Mi risolsi andarmene à Roma per farle sentire a quei principal virtuosi, & in particolare all’Illustrissimo Signor Abate Farnese, il quale altrevolte per sua bontà s’era compiaciuto delle musiche mie, & ritrovai che à richiesta d’alquanti Musici di quella città, n’haveva dato fuori diverse copie à mano, & erano favorite […], da i più famosi musici, & cantanti, & fatte degne dell’orecchie di tanti Illustrissimi Cardinale, e Prencipi. »), S. D’India, Le Musiche di Sigismondo D’India, op. cit., préface (nous soulignons). 300 C. Robertson, The Invention of Annibale Carracci, op. cit., p. 138-139. Une statue de Ranuccio Farnese, réalisée par Francesco Mochi, fut installée la même année à l’église de Santa Maria di Campagna à Plaisance, voir Santa Maria di Campagna. Una chiesa bramantesca, éd. M. Giuffredi, Reggio Emilia, Diabasis, 1995, p. 97. 301 En effet, c’est vers 1616 que le cardinal Odoardo Farnese devient le protecteur de l’ordre des Capucins, voir id., p. 121-122. 302 T. Cima, Sacrae Cantiones singulis, op. cit. Ce recueil, conservé à la Biblioteca internazionale della musica (I-Bc) de Bologne, est incomplet. Voir aussi S. Gmeinwieser, « Tullio Cima : compositore di mottetti spirituali », Tullio Cima, Domenico Massenzio, op. cit., p. 127-147. 303 Ainsi que le montrent les travaux de M. L. Bussi, Musica e musicisti, op. cit. ; P. Besutti, « Giostre e tornei a Parma e Piacenza durante il ducato Farnese », Musica in torneo nell’Italia del Seicento, éd. P. Fabbri, Lucques, LIM, 1999, p. 65-79 ; B. Barazzoni, « Un esempio di cappella di corte », op. cit., p. 379-406 ; F. Bussi, Musica e musicalità dei duchi Farnese, op. cit. ; G. Martini, « Politica in cantoria », op. cit., p. 519-563 ou M. Padoan, « Organici in Santa Maria della Steccata », op. cit., p. 565-680. 304 G. Martini, « Politica in cantoria », op. cit., p. 550-553. 305 C. Robertson, « Osservazioni sul mecenatismo », op. cit., p. 77. 306 À titre d’exemple, le cardinal Farnèse a joué un rôle d’intermédiaire avec Fortunato Gatti, peintre actif au sein de sa cour en l’envoyant en 1625 à Modène pour réaliser des copies des tableaux du Corrège. Voir F. Dallasta, Bartolomeo Schedoni a Parma, op. cit., p. 122.
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de l’abbé Diofebo qui, grâce à son prestige et à son importante place dans la Curie, est un médiateur susceptible d’avoir une influence dans l’intégration des artistes dans les différents territoires et milieux où la famille Farnèse excerce son pouvoir. Le patronage de l’abbé, fondé sur la reconnaisance du talent, permet donc l’interaction des artistes et la diffusion de leurs œuvres307. Les logiques familiales se conjuguent ainsi aux logiques politiques et créent des espaces spécifiques pour la production musicale et artistique (espaces consacrés à la dévotion, à la spiritualité publique, à la « consommation » musicale privée, aux célébrations, etc.). Il est également intéressant de noter que D’India dédie son Premier livre de monodies accompagnées à l’austère duc Ranuccio et un livre de madrigaux polyphoniques au savant abbé Diofebo. Cela montre bien que la conscience que les compositeurs ont, à cette époque, de la modernité en musique – liée à l’audace et à la capacité de faire fructifier un héritage ancien – ne coïncide pas avec une vision linéaire ou schématique de l’évolution musicale, sous-tendue par l’idée que l’avant-garde artistique est toujours le fruit d’une rupture avec la période précédente. C’est donc en s’intéressant aux enjeux musicaux, culturels et historiques autour des différentes facettes du mécénat et du patronage princiers de trois membres de la famille Farnèse que nous pouvons tracer une ligne entre Turin, Parme, Plaisance et la Ville éternelle et constater que tous les chemins de la musique de cette époque mènent à Rome. Le comte Federico Rossi di San Secondo Lascivetti Augellini, Amorosi cantori Di Reggio Albergo, e non di Selva oscura. Musici peregrini, Anzi vezzosi Amori ; La cui piuma adorno l’alma Natura De le pompe di Flora, De i color de l’Aurora. Rinovate Fenici al vago manto, Angelli, e non Augelli al volo, al canto. Ludovico d’Agliè, Uccelli d’India nella Camera di S. A. Serenissima308, 1610.
Sigismondo D’India publie à Venise son Quatrième livre de monodies accompagnées309 le 13 novembre 1621 et en adresse la dédicace à Federico Rossi, dixième comte de San Secondo (1580-1632), personnage issu de la noblesse de la région de Parme au service des Farnèse. 307
Rappelons que D’India lui-même, dans sa préface de 1609, écrit que l’abbé Farnèse a réalisé des copies manuscrites de sa musique afin de les faire connaître aux musiciens, aux prélats et aux nobles de son entourage. 308 L. d’Agliè, L’Autunno del conte D. Lodovico San Martino d’Aglie. Con le rime dell’istesso, fatta in diverse occasioni All’altezza Serenissima di Savoia, Turin, Cavaleris, 1610, p. 131, conservé à la Bibliothèque royale de Turin (I-Tr). 309 S. D’India, Le Musiche del Cavalier Sigismondo D’India a una et due voci da cantarsi nel chitarrone clavicembalo arpa doppia et altri stromenti da corpo […] Libro quarto, Venise, Vincenti, 1621. Pour une édition moderne, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, vol. II, p. 237-290 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX).
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Une étude historique fondée sur l’exploitation de documents d’archive nous aidera à mieux comprendre les rapports entre le compositeur et le dédicataire de l’un des livres de monodies accompagnées où transparaît le plus l’intelligence dramatique du compositeur. Se révèlent alors les problématiques du mécénat, de la diplomatie musicale et de l’identité nobiliaire du comte Rossi di San Secondo. La renommée des Rossi di San Secondo. Histoire d’une famille de la Vallée du Taro
La branche de la famille Rossi habitant dans les terres de San Secondo310 faisait partie de la noblesse qui gravitait autour des cours de Parme, Plaisance et Milan. Le comte Federico Rossi, à qui D’India a dédié ce recueil, est un personnage illustre dont l’activité de mécène mérite d’être connue. Federico Rossi, entre Parme, Milan, Venise et Turin
Les origines de la famille Rossi de Parme sont incertaines311. Il s’agit néanmoins, avec celle des Pallavicini et Sanvitale, d’une des plus puissantes féodalités312 de la région padana, zone de petits États et d’alliances féodales fluides et changeantes313, alors sous la domination des Sforza314. Le château de San Secondo, situé dans la campagne de Parme, dans la vallée du fleuve Taro315, devint le berceau des Rossi après qu’ils eurent conquis ces terres, les enlevant à l’évêque de Parme en 1367316 pour obtenir l’investiture impériale en 1421317. À la fin du xvie siècle, le comte Federico Rossi réalisa d’importants travaux à San Secondo ainsi que l’expansion du bourg318. Il était également noble vénitien319, chevalier de lettres et d’armes et Pour le blason de cette famille, d’azur, chargé d’un lion d’or, voir G. B. Di Crollalanza, Dizionario storico-blasonico delle famiglie nobili e notabili italiane estinte e fiorenti, Bologne, Forni, 1986, vol. II, p. 445-446. Voir aussi F. Da Mareto, « Soggetti », Bibliografia generale delle antiche provincie parmensi, Parma, Deputazione di storia patria, 1974, vol. II, p. 937-941. 311 E. Nasalli Rocca, « Le origini e la posizione politica dei Rossi di San Secondo dall’età del Comune a quella delle Signorie », Archivio Storico per les Province Parmensi, no 21/4, 1969, p. 83-90. Voir aussi G. Bandieri, « I Rossi di Parma dalle origini alla metà del secolo xiii », Archivio Storico per les Province Parmensi, no 30/1, p. 195-229. 312 Sur la définition de féodalité à cette époque, liée à la dialectique fidélité/bienveillance, voir R. Ago, « Feodalità », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 234. 313 Voir G. Chittolini, « L’ideologia del piccolo Stato signorile », La formazione dello stato regionale e le istituzioni del contado. Secoli xiv e xv, Turin, Einaudi, 1979, p. 273-276 ; Persistenze feudali e autonomie comunitative in stati padani fra Cinque e Settecento, éd. G. Tocci, CLUEB, Il Mulino, 1988 et D. Frigo, « Negozi, alleanze e conflitti. La dinastia estense e la diplomazia del Seicento », La corte estense nel primo Seicento. Diplomazia e mecenatismo artistico, éd. E. Fumagalli et G. Signorotto, Rome, Viella, 2012, p. 52 et 55-56. 314 K. A. McIver, Women, Art, and, Architecture in Nothern Italy, 1520-1580, Aldershot, Ashgate, 2006, p. 8. 315 M. Pellegri, Il Castello e la terra di San Secondo nella storia dell’arte, San Secondo, Amministrazione comunale, 1979, p. 14-15 et 71-78. Voir aussi G. Nori, « “Nei rispostigli delle scanzie”. L’archivio dei Rossi di San Secondo », Le signorie dei Rossi di Parma tra xiv e xvi secolo, éd. L. Arcangeli et M. Gentile, Florence, Firenze University Press, 2007, p. 20. Concernant les quelques documents fragmentaires d’archive (lettres, actes) de la branche des Rossi de San Secondo, voir Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Famiglie, Rossi, boîte 460 et Feudi e comunità, Rossi di San Secondo, boîte 207 qui contient lettres, livres comptables, testaments et donations de la famille. Voir aussi l’Archivio di Rossi di San Secondo, conservé à la Biblioteca dell’Accademia dei Lincei e Corsiniana de Rome (I-Rli), Cors. 2408, Série III, cartelle 35-43. 316 R. Greci, Corti del Rinascimento nella provincia di Parma, Turin, San Paolo, 1981, p. 70 et 73. 317 F. Lollini, Emilia Romagna rinascimentale, Milan, Jaca Book, 2007, p. 258. 318 M. C. Basteri et P. Rota, La Rocca dei Rossi di San Secondo. Un cantiere della grande decorazione bolognese del Cinquecento, Parme, 1995, p. 38. 319 « Oltre che questa sempre da me lodatissima famiglia, ha in ogni tempo […] fino ad hora, partorito molti huomini Illustri […]. Ella ha avuto Vescovi, Arcivescovi e Cardinali : gran numero di Conti, Marchesi, Letterati e Governatori, oltre che nella militia ha posseduto gran copia di molti valorosi guerrieri […] di questi ci sono stati Generali della Serenissima Repu310
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capitaine d’une compagnie de cent chevaux à Milan. Il participa, aux côtés des Milanais, aux hostilités entre la Savoie et l’Espagne autour de la ville de Vercelli en 1616320. Généalogie d’un comte noble d’esprit, guerrier et diplomate
Federico Rossi a été baptisé à l’église de Santa Caterina à San Secondo le 29 juin 1580321 ; il est le fils de Pietro Maria Rossi et d’Isabella Simonetta, nobildonna de Milan322. Le duc de Parme, Alessandro Farnese (1545-1592), représenté par Alessandro Luppin, était son parrain323. En effet, les Rossi étaient Seigneurs de Parme mais jouissaient également des privilèges des nobles Milanais324. Troilo III, le demi-frère de Federico325 et allié de la maison de Savoie, a combattu les Français, rompant ainsi la longue alliance nouée avec ces derniers. Il est mort au combat en 1593 à l’âge de dix-neuf ans326. Federico Rossi, dixième comte et cinquième marquis de San Secondo, a succédé à son demi-frère en 1593 en se distinguant par sa noblesse d’esprit et ses vertus guerrières327 lors du conflit avec la Savoie pour la succession du Montferrat en 1614 en se plaçant sous les ordres du gouverneur de Milan, Don Pietro di Toledo Osorio328. Il a épousé successivement trois femmes dans le but d’augmenter le prestige et la richesse de sa famille : d’abord Isabella Borromeo, fille de Renato Borromeo, nièce du cardinal Federico Borromeo329, morte en 1602330, puis Caterina
blica Venetiana. », P. Morigia, La nobiltà di Milano divisa in sei libri. Nel primo, si narra di tutti i santi, e beati, di patria milanesi. Nel secondo, si descrivono tutti i papi, cardinali milanesi. Nel terzo, si ragiona di tutti i letterati. Nel quarto, si tratta di tutti i rè famosi nella militia dell’istessa patria. Nel quinto, si favella de’ pittori, scultori. Nel sesto, leggesi le grandezze de’ milanesi, Milan, Pontio, 1595, rééd. Milan, Bidelli, 1615, éd. moderne, Bologne, Forni, 1979, p. 572-574. 320 G. Rossi, Sommario dell’historia di Rossi Parmegiani, di Gasparo Rossi de’ Baroni di Bonito et della linea legitima de’ Marchesi di San Secondo Conti di Berceto dall’anno 930 al fin dell’anno 1629, Vicence, Amadeo, 1629, p. 64. Federico Rossi s’était déjà opposé au duc de Savoie durant la guerre pour le Montferrat de 1613, voir F. Stella, Genealogia de’ Conti Rossi Parmeggiani Marchesi di S. Secondo del Cavagliere Francesco Stella Consacrata al Medesimo et Eccelentissimo Signor Conte Federico Rossi Marchese di San Secondo, 1687, p. 290, manuscrit conservé à la Biblioteca Estense Universitaria di Modena (I-MOe), Ms. Campori 2181 GAMA O 124, à la Biblioteca Ambrosiana de Milan (I-Ma), Ms. Trotti 124, mais également à la Biblioteca Palatina de Parme (I-PAp), Ms. Parm 570. 321 (I-Rli), Cors. 2408, Série III, cartella 35, lettre no 671. 322 M. C. Basteri et P. Rota, La Rocca dei Rossi di San Secondo, op. cit., p. 36. Voir aussi (I-Rli), Cors. 2408, id., cartella 26, lettre no 693. 323 « Fù compadro il Signor Alessandro Luppin à nome dell’Eccellentissimo Signor Duca di Parma et Piacenza di Fernesi [sic] », (I-Rli), Cors. 2408, id., cartella 35, lettre no 671. 324 « Ho havuto notitia della veramente nobilissima famiglia Rossi, degl’Illustrissimi conti di San Secondo e annoverata tra le primiere casate di questa nostra Città, godendo tutti i gradi, e privilegi della nobiltà di Milano. […]. Questi famosi Rossi furono Signori di Parma, e parimente della Città di Lucca. », P. Morigia, La nobiltà di Milano, op. cit., p. 572-574. 325 V. Carrari, Historia dei Rossi parmigiani, Ravenne, Tebaldini, 1583, p. 244. 326 M. Pellegri, Il Castello e la terra di San Secondo, op. cit., p. 55. 327 « Vive ancora il lodatissimo Conte, e Marchese Federico […] giovane d’età di sedici anni, di grandissima speranza, & espettatione, si per essercitarsi in tutte le virtù cavalleresche, come maggiormente per le nobilissime parti, e dotti della natura, che risplende nell’Illustre persona sua. », P. Morigia, La nobiltà di Milano, op. cit., p. 572-574. Concernant la « pensione di scudi 600 annui conferita da Filippo Re di Spagna al Conte Federico Rossi » pour les services rendus à Milan, voir Cors. 2408, id., cartella 40, lettre no 748 (6 novembre 1603). 328 M. Pellegri, Il Castello e la terra di San Secondo, op. cit., p. 55. 329 « Questo ha preso per moglie l’Illustrissima Signora Donna Isabella Borromea figlia dell’Illustrissimo Conte Renato, e nipote dell’Illustrissimo Cardinale Federico, Arcivescovo di Milano. », P. Morigia, La nobiltà di Milano, op. cit., p. 572574. Pour la correspondance entre le comte Federico Rossi et le cardinal Federico Borromeo, voir les 49 lettres (15891612) conservées à (I-Ma). 330 F. Stella, Genealogia de’ Conti Rossi, op. cit., p. 291.
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Première partie
Sforza331, fi lle de Francesco Farnese, cardinal de Santa Fiora332 , morte en 1609, enfi n Orsina di Taddeo Pepoli avec qui il a eu dix enfants333. C’est l’un de ses fi ls, Troilo IV, qui lui a succédé à sa mort en 1633. Troilo IV était ambassadeur à Rome au début de 1624334 sous les ordres du cardinal Odoardo Farnese335 et participa avec son père à la guerre en Savoie336. La lignée des San Secondo s’est éteinte en 1817337.
Schéma 6 : Arbre généalogique de Federico Rossi di San Secondo
331 332 333 334 335
336 337
« Signor Conte Federico Rossi Havere per resto di ducatoni 4380 per la Dotte della Moglie come al libro mastro sudetto. », (I-PAas), Tesoreria e computisteria, Mastri farnesiani e borbonici, reg. 21, 1609, fo 135. M. C. Basteri et P. Rota, La Rocca dei Rossi di San Secondo, op. cit., p. 38. P. Litta, Famiglie celebri italiane, Rossi di Parma, Milan-Naples, 1852, table 4. Pour les documents concernant les enfants et la famille du comte Federico, voir (I-Rli), Cors. 2408, id., cartella 39, lettres no 738-740 et cartella 43, lettres no 813-815. F. Stella, Genealogia de’ Conti Rossi, op. cit., p. 292. Concernant Ippolito Rossi, cardinal et évêque de Parme et oncle du comte Federico, voir (I-Rli), Cors. 2408, id., cartella 39, lettres no 738-740. Voir la lettre qu’Odoardo Farnese a adressée au cardinal Francesco Barberini depuis Parme le 19 décembre 1623 où le duc envoie Troilo Rossi à Rome en tant qu’ambassadeur auprès du pape nouvellement élu : « Il Conte Troilo Rossi di San Secondo mio feudatario, ch’io mando Ambasciatore alla Santità di Nostro Signore, per rallegrarmi della sua assuntione al Pontificato. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Manoscritti Barberini, carteggi diplomatici, Barb. lat. 7360, lettre no 14. Voir également la liste des « Cavalieri che restaranno ad assistire et servire l’Illustrissimo Signor Cardinale et Sua Altezza Serenissima », datée de 1607, où apparaissent, entre autres, les noms du « Conte di San Secondo » (Federico Rossi) et du « Conte Troilo Rossi », (I-PAas), Corte e casa farnesiana, série II, boîte 25, et la lettre du cardinal Farnèse datée du 3 décembre 1623 où il est également question de « Troilo Rossi di San Secondo Ambasciatore del Signor Duca mio Nepote. », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Cardinali, vol. 5, fo 250, 1606-1626. Concernant l’activité diplomatique de son père, Federico Rossi, voir la lettre que Fulvio Testi a adressée au comte Camillo Molza depuis Modène en octobre 1623 où il est question du comte de San Secondo : « Ho mostrato le lettere del signor Conte di San Secondo a Sua Altezza [Cesare d’Este]. », M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. I, lettre no 53, p. 41. M. Pellegri, Il Castello e la terra di San Secondo, op. cit., p. 55. Id., p. 61. Voir aussi M. C. Basteri et P. Rota, La Rocca dei Rossi di San Secondo, op. cit., p. 93 et F. Stella, Genealogia de’ Conti Rossi, op. cit., p. 292.
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La décadence de la famille Rossi a néanmoins commencé dès le xvie siècle, du moins sur le plan politique, puisque s’isolant progressivement des centres du pouvoir qu’étaient alors Milan et Venise338. Cette situation fut favorable aux Farnèse qui avaient tendance à vouloir anéantir les grandes et anciennes familles de la noblesse locale339. Le soutien des Farnèse devint à cette époque indispensable aux Rossi de San Secondo pour toute activité politique340. Ainsi, dans une lettre de Ranuccio Farnese datée du 3 novembre 1607 et conservée aux Archives d’État de Venise, le duc intervient auprès du Collège des Sages de la République de Venise pour qu’il accorde son pardon au comte Federico Rossi, accusé de graves délits dans cette ville341. Cette affaire avait été également commentée par le cardinal Odoardo Farnese, son frère, dans quelques unes de ses lettres envoyées à Virginio Orsini342. Les Farnèse réussirent donc, au début du xviie siècle, à contrôler les Rossi di San Secondo et à en faire une noblesse diplomatique à leur service. Federico Rossi et les arts. Musique, commitenza et circulation artistique
Le comte Federico Rossi de San Secondo cherche à accroître sa renommée par la protection d’artistes dont certains, comme D’India, circulent entre Parme, Mantoue ou Crémone. Nous examinerons ici pour la première fois son activité de mécène dans le domaine musical et plus particulièrement ses rapports avec Sigismondo D’India. Le château du comte Federico Rossi
Le château de San Secondo est profondément transformé depuis l’époque de Troilo II343. Federico embellit en effet son palais d’œuvres d’art ; nous pouvons ainsi y admirer, encore aujourd’hui, des salles ornées de fresques montrant des thèmes mythologiques (mettant en scène Adonis, Latone, Circé, Didon ou Mercure) mais également des sujets allégoriques comme la salle de la justice, celle de la colère de dieu ou encore une salle des géants, des stucs, de fables, de nus et de grotesques344. Certains artistes de la cour de Parme circulent dans les autres cours du duché, comme Gervasio Gatti, l’un des principaux peintres du duc Ranuccio Farnese entre 1585 et 1615, et qui se met au service de Federico Rossi en 1616 pour peindre un retable de la paroisse de San Secondo commandée par le
E. Nasalli Rocca, « Le origini e la posizione politica dei Rossi di San Secondo, op. cit., p. 102. Id., p. 103. Concernant le « Giuramento di fedeltà » du comte Troilo Rossi au duc Ranuccio Farnese datant du 8 février 1588, voir (I-Rli), Cors. 2408, id., cartella 37, lettre no 702. 341 « Si come le affetuose raccomandationi da Vostra Signoria con la sua di 10 d’agosto passato per la persona del Conte Federico Rossi di San Secondo mi hanno dato occasione di mostrare in qualche parte la vera devotione […] così non ho voluto mancare di fare conoscere a Vostra Signoria […] il desiderio ch’io tengo di servirla, benche la gravità degli eccessi di esso Conte fosse tale, che, et per la qualità dei delitti et per esempio degli altrui et per conservatione del buon governo di questo mio stato, meritasse molta pena, Havendomo dunque esso Conte dato supplica et chiesto perdono degli delitti da lui comessi, io […] non solo l’ho rimesso in gratia, ma di più gli ho condanato, et la pena, et il bando che gli era stato apposto. », Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), lettere principi, collegio, Parma, filza no 49, lettre no 90. 342 Archivio Storico Capitolino de Rome (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 117/2, lettre no 350 datée du 1 août 1607 et boîte 117/3, lettre no 386 datée du 2 novembre 1607. 343 R. Greci, Corti del Rinascimento, op. cit., p. 80. Voir aussi le mémoire d’architecture sur le mécénat des Rossi di San Secondo au xviie siècle de S. Rossi, La committenza dei conti Rossi di San Secondo, Università di Venezia, Facoltà di Architettura, 1986-1987, sous la direction de L. Spazzaferro. Voir aussi F. Bernini, « Il castello dei Rossi in San Secondo », Aurea Parma, no 5, 1921, p. 133. 344 M. Pellegri, Il Castello e la terra di San Secondo, op. cit., p. 55 et 85-182. Pour une description des œuvres d’art, voir F. Bernini, « Le opere d’arte nel Castello di San Secondo », Aurea Parma, no 20, 1936, p. 43-53.
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comte et par la Confraternité du Rosaire345, même si, alors, la plupart des artistes qui travaillent pour le château des Rossi sont originaires de Crémone et de Mantoue et non pas issus de l’école de Parme346. Federico Rossi et la musique
Il en est de même pour les musiciens qui dédient leurs livres de musique à Federico Rossi comme D’India – actif à la cour de Turin où il aurait pu faire la connaisance du comte entre 1617 et 1620, Rossi se trouvant alors au service des Savoie347 – ou Bernardo Corsi, originaire de Crémone348. Ce dernier lui dédie en 1607 un livre de madrigaux à huit voix avec basse continue349 et, à son fils Pietro Maria IV Rossi – frère de Troilo IV, né en 1598 et qui deviendra le marquis de San Secondo en 1635, un Livre de Concerti à une, deux, trois et quatre voix en 1613350. Si l’on en croit la dédicace du recueil des Musiche de D’India351, le musicien a fréquenté le château de Federico, « véritable Parnasse » où il a bénéficié « d’insignes faveurs ». C’est la raison pour laquelle il lui dédie ce recueil de musique. Le musicien vante également « l’intelligence » et « le bon goût » musical de son protecteur, compliments que l’on trouve, certes, très fréquemment dans les dédicaces des recueils de musique, mais qui peuvent se révéler d’autant plus intéressants qu’on tentera de dépasser le caractère systématique et convenu de ce type de remarques. En effet, le compositeur souligne l’importance du mécénat de Federico Rossi qui, « tel un vrai Apollon », encourage et dirige personnellement les orientations artistiques de sa maison. L’identité nobiliaire du comte se situe entre intelligence et bon goût et c’est pour cette raison que D’India cherche à « couronner ses vertus », c’est-à-dire à le remercier de sa protection en lui adressant la dédicace de l’un de ses livres de monodies accompagnées les plus éclectiques352.
345 F. Dallasta, Bartolomeo Schedoni a Parma 1607-1615 : pittura e Controriforma alla corte di Ranuccio I Farnese, Colorno, TLC, 2002, p. 118. 346 M. Pellegri, Il Castello e la terra di San Secondo, op. cit., p. 87. 347 Voir le Memoriale du comte Federico où sont cités ses services auprès des Savoie à (I-Rli), Cors. 2408, cartella 42, lettre no 791 (Milan, le 25 juin 1619). Le comte de San Secondo apparaît en tant que « Primo maggiordomo di Madama Serenissima » à côté des paiements pour les Français Pierre Hache, maître de ballet, et du musicien Michel Gerbin dans le livre comptable de 1620 de la trésorerie de Christine de France qui est conservé à l’Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Real Casa, Casa della Reale duchessa di Savoia, art. 219, fasc. 1, tesoreria 1620, p. 6, paiements no 89 et no 90. 348 G. Sommi Picenardi, Dizionario biografico dei musicisti cremonesi, Turnhout, Brepols, 1997, p. 120. 349 B. Corsi, Di Bernardo Corsi cremonese il Primo Libro de Madrigali, a otto voci : accomodati per sonar con ogni sorte di stromenti, Venise, Amadino, 1607. 350 B. Corsi, Concerti a una, due, tre, et quattro voci, con uno Magnificat a quattro, et con il suo Basso continuo per l’organo : Opera Quinta, Venise, Amadino, 1613. 351 « All’illustrissimo Signor e mio Signor Colendissimo il Signor Conte Federico Rossi di San Secondo etc. Queste Compositioni mie Musicali se ne vengono à Vostra Signoria Illustrissima sicure d’esser da quella non pur ben vedute per l’ordinaria sua gentilezza ma ben gradit’ancora mercè all’intelligenza, & al buon gusto che hà delle cose della Musica, in una parola vengono à lei con tanto maggior mia sodisfatione, quanto che la sua Casa è un vero Tipo e figura di Parnaso al qual’ella degnamente assiste verace Apollo, e dove perch’io altre volte hò ricevuto segnalati favori à gran ragione le consacro, & à Vostra Signoria Illustrissima baccio le mani. Di Venetia li 13 di Novembre MDCXXI. Di Vostra Signoria Illustrissima Affettionatissimo Servitore Don Sigismondo d’India. », S. D’India, Le Musiche del Cavalier Sigismondo D’India […] Libro quarto, op. cit., préface. 352 Voir J. Joyce, « I cinque libri delle Musiche di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 128.
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Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance
Nous relevons, une fois encore, la complexité et l’hétérogénéité des réseaux du mécénat artistique : D’India, bien qu’installé à la cour de Turin, continue à servir d’autres patrons et à entretenir des relations avec les familles nobiliaires de la région de Parme et de Milan – y compris avec celles, comme les Rossi di San Secondo, qui s’étaient opposées aux Savoie dans les années précédentes – dans un système de mécénat parallèle à celui de la cour de Savoie, fondé non sur la dépendance matérielle à un patron mais sur la renommée ; c’est ainsi que le musicien participe au prestige, à la construction de l’image publique de la famille Rossi de San Secondo. C’est là qu’apparaît une autre pièce du réseau artistico-nobiliaire : la ville de Milan. En effet, la famille Rossi lui est historiquement liée sur le plan politique et familial : la nièce du cardinal Federico Borromeo fut la première femme du comte Federico. En ce qui concerne les artistes et les hommes de lettres, le poète Francesco Bracciolini – dont deux poèmes ont été mis en musique dans le recueil dont il est ici question –, qui navigue aisément dans les milieux toscan, romain et milanais (il fut également au service du cardinal Borromeo), entretient des relations avec Girolamo Borsieri dont l’importante « diplomatie artistique », surtout s’agissant de D’India, a été étudiée dans un autre chapitre. Enfin, le cas du comte de San Secondo nous montre que les rapports entre poètes et musiciens se formaient parfois à travers un mécène qui jouait le rôle d’intermédiaire. Comme le souligne Marika Keblusek, l’agent diplomatique exerce une fonction qui touche à différentes sphères professionnelles, qui implique la pratique de la médiation et de la représentation353, son action étant ainsi étroitement liée à la thématique du voyage et de la circulation. Au-delà de ses apports techniques à l’architecture musicale de la monodie accompagnée, le Quatrième livre des Musiche de Sigismondo D’India nous renseigne sur le phénomène du mécénat en ce qu’il unit la musique à la noblesse.
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M. Keblusek, « Introduction. Profiling the Early Modern Agent », Your Humble Servant : Agents in Early Modern Europe, éd. H. Cools, M. Keblusek et B. Noldus, Hilversum, Uitgeverij Verloren, 2006, p. 9.
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1 Chapitre 4 : La ville de Milan Sigismondo D’India et le milieu musical milanais
Milan, en ce début de xviie siècle, est un territoire des Habsbourg et l’un des centres militaires les plus importants de l’Empire. Milan est aussi, à travers la figure de Carlo Borromeo (1538-1584), cousin du cardinal Federico, la ville de diffusion la plus importante d’Italie du Nord des idées de la ContreRéforme, ce qui a donné lieu à une importante production de madrigaux destinée à contrebalancer la résistance tridentine à la musique profane1. La ville de Milan change d’organisation ecclésiastique à partir de 1609 afin d’acquérir une certaine indépendance vis-à-vis de Rome2 et de former un centre de pouvoir à même de contrer l’autorité exercée par les Espagnols sur la Lombardie3. Le mystère de la Lamentation d’Armide et du Huitième livre des Musiche publié à Milan
La carrière de Sigismondo D’India commence à Milan. En effet, c’est dans cette ville que le compositeur a publié son Premier livre de madrigaux en 1606. Il y retournera dans les années suivantes, en 1609 et en 1618, pour la publication de deux autres recueils de musique et sans doute vers 1627 pour adresser sa dernière œuvre connue au cardinal de Milan Federico Borromeo. Il y aurait également publié une lamentation qui ne nous est pas parvenue, probablement insérée dans un mystérieux livre de madrigaux dont nous n’avons aucune trace. « Vostra Signoria Illustrissima […] vedrà a l’ultimo il Lamento d’Armida »
Sigismondo D’India est l’un des premiers compositeurs à avoir collaboré avec le poète-diplomate Bernardo Morando en enrichissant ses premières œuvres poétiques4. Mais la collaboration entre le musicien et le poète ne se limite pas aux années où le compositeur se trouvait à Plaisance avant sa nomination à Turin en 1611. En effet, dans une lettre datée du 2 septembre 1627, découverte dans les Archives de Ferrare par Dinko Fabris et adressée au marquis Enzo Bentivoglio – véritable trait d’union entre Ferrare, Rome et Parme5 – dans le but de postuler pour composer la musique des intermèdes
1 J. Roche, North Italian Church Music in the Age of Monteverdi, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 26-27. 2 A. Turchini, « Milano e la provincia ecclesiastica da Carlo a Federico Borromeo », Lombardia borromaica, Lombardia spagnola 1554-1659. Atti del Convegno internazionale, Pavia, 17-21 settembre 1991, organizzato dall’Almo Collegio Borromeo e dal Centro studi « Europa delle Corti », éd. P. Pissavino et G. Signorotto, Rome, Bulzoni, 1995, vol. II, p. 822, 841 et 843. 3 L. C. Cutler, « Representing an Alternative Empire at the Court of Cardinal Federico in Habsbourg Milan », The Possessions of a Cardinal. Politics, Piety, and Art, 1450-1700, éd. M. Hollingsworth et C. M. Richardson, University Park, Pennsylvania State University Press, 2010, p. 249. 4 B. Morando a écrit vingt et une œuvres poétiques qui ont été mises en musique à partir de 1610 et jusque dans les années 1650. Voir E. Cremona, Bernardo Morando : poeta lirico, drammatico e romanziere del Seicento, Plaisance, SPE, 1960, p. 89. 5 Concernant le patronage de la famille Bentivoglio à une époque plus tardive, voir S. Monaldini, L’Orto dell’Esperidi. Musici, attori e artisti nel patrocinio della famiglia Bentivoglio (1646-1685), Lucques, LIM, 2000.
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pour les noces du duc Édouard Farnèse avec Marguerite de Médicis, qui devaient avoir lieu à Parme en octobre 1628, D’India écrit : J’enverrai sous peu à Votre Seigneurie Illustrissime cette œuvre mienne […] : elle verra à la fin la Lamentation d’Armide composé par moi en deux heures à Tivoli chez le Seigneur Cardinal [Maurice de Savoie] qui pourra lui faire comprendre que ma manière d’écrire pour la scène est unique, ayant pu entendre chanter ladite Lamentation par Settimia [Caccini] pour qui je l’ai écrite lors de mon passage à Florence. Je voudrais tant pouvoir m’envoler vers l’endroit où [Votre Seigneurie] se trouve afin qu’elle puisse entendre la force de cette manière et de ce style dont je suis sûr qu’elle ne l’entendra chez personne d’autre6.
« In questi Versi animati già dalla Musica di Sigismondo d’India »
Le lamento d’Armida en question est perdu7. Cependant, Ernesto Cremona8 et Lorenzo Bianconi9 ont identifié le poème de Morando Disperazione e pazzia d’Armide (Désespoir et folie d’Armide), qui fait partie de ses Fantasie Amorose de 1662, comme la Lamentation d’Armide dont parle le compositeur. La lettre trouvée par Fabris confirme la collaboration entre le poète et le musicien, mais aussi ce qu’affirme Morando lui-même quand il écrit : Ces vers ont déjà été animés par la musique de Sigismondo D’India et en partie publiés à Milan dans le Huitième livre de ses œuvres musicales où le Désespoir et la Folie d’Armide devait certainement figurer10 (nous soulignons).
Ce poème, qui commence par les vers « Oimè, lassa, che sento ? » (« Hélas, lasse, qu’entends-je ? »), est en effet le texte d’un monologue dramatique et il pourrait très bien s’agir du lamento que D’India évoque dans sa lettre à Bentivoglio. Ce qui surprend est l’allusion de Morando à la publication d’un « huitième livre » du compositeur qui auraient renfermé cette lamentation ainsi que d’autres de ses poèmes. Or le seul Huitième livre de D’India qui nous soit parvenu est composé de madrigaux polyphoniques publiés à Rome en 1624 : il ne s’y trouve aucune lamentation ni d’ailleurs aucune pièce pour voix soliste. Quant à ses livres de monodies accompagnées, seuls le Quatrième et Cinquième, publiés respectivement en 1621 et 1623 à Venise, contiennent des monologues dramatiques, aucun d’entre eux ne mettant en scène le personnage d’Armide.
6 « Ora mando a Vostra Signoria Illustrissima questa mia opera […] vedrà a l’ultimo il Lamento di Armida, composto da me in due ore a Tivoli, a casa del Signor Cardinale da questo potra comprendere la mia maniera d’usar in scena la quale lei trovera ch’e è sola, potendo sentir cantare detto lamento da la Settimia, la qual liel’è scritto a mano quando io passai per Fiorenza. Desiderarei poter volare dove lei fosse, perche ella sentisse la forza di tal maniera e stile, e son sicuro non lo sentirà da nessun altro. », D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 403-404. 7 Sur les différentes hypothèses autour de cette lamentation, voir S. Reiner, « Vi sono molt’altre mezz’arie », Studies in Music History. Essays for Oliver Strunk, éd. H. Powers, Princeton, Princeton University Press, 1968 p. 241-258 et P. Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 146. 8 E. Cremona, Bernardo Morando, op. cit., p. 89. 9 L. Bianconi, « Prefazione », Antonio Il Verso. Madrigali a tre e a cinque voci. Con sei madrigali di P. Nenna, T. Massaino, I. Baccusi e G. B. Bartoli, éd. L. Bianconi, Florence, Olschki, 1978, p. xxxii (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. VIII). Voir aussi A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005, p. 72. 10 « In questi Versi animati già dalla Musica di Sigismondo d’India, ed in parte anche stampati in Milano nell’Ottavo libro delle Opere sue Musicali, tale si figura, che fosse la Disperazione, e Pazzia d’Armida. », B. Morando, « Fantasie Amorose », LXIII, Fantasie Del Conte Bernardo Morando nobile genovese, Distinte in Amorose, Eroiche, Varie, Plaisance, Bazachi, 1662, vol. I, p. 80-81.
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Chapitre 4 : La ville de Milan
Le mystère s’amplifie quand le poète affirme que ses poèmes seraient insérés dans une publication qui aurait vu le jour à Milan. En effet, les livres de musique de D’India édités dans cette ville sont le Premier livre de madrigaux de 1606 et les Premier et Troisième livres des Musiche, parus respectivement en 1609 et 1618, et qui ne contiennent aucune lamentation d’Armide ni la moindre trace de la poésie de Morando, ce qui est par ailleurs le cas de toutes les autres publications de musique profane du compositeur qui nous sont parvenues. Soit le poète se trompe de livre, soit ses poèmes auraient été inclus dans un autre recueil depuis lors perdu. Si Morando a raison, cela signifierait que D’India aurait publié encore trois livres de monodies accompagnées entre 1623 et 1628 qui ne nous sont pas parvenus et qui ne correspondent à aucune publication de livres de musique des éditeurs Giorgio Rolla ou Filippo Lomazzo qui étaient actifs à Milan à cette époque. Dans tous les cas, il s’agit de poèmes mis en musique qui sont à ce jour non répertoriés et perdus. Les recueils du « noble palermitain » édités à Milan – résultats d’une recherche sur les imprimeurs milanais
À Milan, quatre maisons assurent alors plus du 70 % des publications musicales – des recueils collectifs pour l’essentiel. Il s’agit d’Agostino Tradate (actif de 1598 à 1608), des héritiers de Simon Tini, associés à Filippo Lomazzo (actifs de 1602 à 1612), de Filippo Lomazzo lui-même (actif de 1600 à 1630) et de Giorgio Rolla (actif de 1619 à 1651). Le nombre de publications peut paraître dérisoire en comparaison de celui de Venise, mais il est tout de même important eu égard à la production éditoriale en Lombardie11. Il est vrai qu’en matière d’édition musicale, Venise permettait de toucher un public plus large que Milan12 et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles D’India se détourne des éditeurs milanais à partir de 1610. Ainsi que le soulignent Stanley Boorman et Beth Miller, nous connaissons peu de choses sur la vie de la plupart des éditeurs de musique de cette période, sur leurs rapports avec les musiciens13 et encore moins sur les formes de mécénat – à travers les dédicataires – qui réglaient leur travail14. De plus, nous disposons de peu d’informations aussi bien sur les acheteurs de ces publications que sur les lieux et modalités d’acquisition15. Les deux chercheurs considèrent que la mise en rapport de chaque découverte musicale avec le monde de la publication, de la culture et de la pratique musicale est un point d’arrivée nécessaire pour mieux comprendre les complexes rapports du mécénat16.
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F. Passadore, « L’editoria musicale in Lombardia nel primo Seicento », La musica sacra in Lombardia nella prima metà del Seicento. Atti del convegno internazionale di studi, éd. A. Colzani, Côme, AMIS, 1988, p. 404-405. Voir aussi M. Donà, « La stampa musicale à Milano », Biblioteca di bibliografia italiana, Florence, Olschki, vol. XXXIX, 1961, p. 29 et 75. F. Passadore, « L’editoria musicale in Lombardia », op. cit., p. 408. C’est également le cas concernant les rapports des éditeurs avec les familles romaines de cette époque comme les Montalto, les Barberini ou les Borghese et jusqu’aux grands mécènes de la fin du xviie siècle comme Benedetto Pamphilj ou Pietro Ottoboni. Voir B. M. Antolini, « Aspetti dell’editoria musicale a Roma », Musica e musicisti nel Lazio, éd. A. Morelli et R. Lefevre, Rome, Palombi, 1985, p. 17. S. Boorman et B. Miller, « La stampa musicale tra Cinque e Seicento : lo stato delle ricerche », Le fonti musicali in Italia. Studi e ricerche, Rome, Società Italiana di Musicologia, 1988, p. 46. Id., p. 47. Id., p. 50. Concernant ces questions, voir le Séminaire Music Printing and Publishing in Modern Italy – New Approaches qui s’est tenu à Venise du 13 au 14 février 2014 : http://www.cini.it/en/events/music-printing-and-publishing-in-modern-italy-new-approaches-2.
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Les éditeurs de musique et la musique des éditeurs à Milan
Si l’on en croit Marina Toffetti, nombre de documents conservés aux Archives de la Veneranda Fabbrica de la cathédrale de Milan (AVFD), comprennent des informations importantes concernant l’activité des éditeurs de musique locaux. Bien que ces fonds n’aient pas encore fait l’objet d’une recherche systématique17, les quelques études dont on dispose permettent de se rendre compte des diverses activités des libraires. Les documents qui incluent des références à des compositeurs ou à des livres de musique se situent surtout dans la période qui va de 1614 à 162418. Par exemple, un paiement de six lires impériales est adressé à Filippo Lomazzo en juin 1614 afin de solder « la somme de deux livres donnés par lui à Monsieur le maître de chapelle de ladite église [la cathédrale de Milan] pour le service de la musique19 ». En complément de ce paiement, nous trouvons une très intéressante « Liste des livres donnés par moi, Filippo Lomazzo, au Révérend Vincenzo Pellegrini20 pour la musique de la cathédrale21 », qui mentionne un Livre de Concerti d’Ignazio Donati et un autre de Vespri à huit voix de Leon Leoni, tous deux publiés à Venise chez Vincenti deux ans auparavant. Lomazzo devait être en contact avec l’éditeur vénitien et Pellegrini était sûrement au courant des œuvres publiées dans cette ville. L’année suivante, en 1615, l’éditeur est payé par la même chapelle pour « avoir relié cinq copies du Magnificat et une copie de litanies pour le service de la musique de ladite église ». Malheureusement, le registre ne mentionne pas le nom des auteurs des volumes appartenant à la chapelle et confiés au libraire22. Nous pouvons mentionner enfin l’acquisition d’un livre de messes du compositeur Angelo Crivelli (1546-1617), « musicien du pape », par la Chapelle de la cathédrale, du moins si l’on en croit le livre de maître de 162423. Ces indices nous permettent de reconstituer, dans certains cas, et de manière fragmentaire, le réseau complexe entre libraires et institutions qui contribuait à faciliter la circulation et la distribution du répertoire musical24. Les éditeurs milanais étaient pour la plupart très cultivés, eux-mêmes auteurs d’ouvrages importants qu’ils publiaient par la suite. Dans certains cas, ils étaient également compositeurs ou interprètes, le plus souvent luthistes. Ainsi, Ambrogio Colonna, Filippo Lomazzo et Giorgio Rolla étaient aussi musiciens et publiaient presque exclusivement des recueils de musique. C’était également le cas des héritiers Tini-Lomazzo et d’Agostino Tradate25. Sigismondo D’India a d’ailleurs publié son premier recueil de madrigaux chez ce même Tradate. 17
M. Toffetti, « Nuovi documenti sulla cappella musicale del Duomo di Milano e sul repertorio nei primi trent’anni del Seicento », Barocco padano 3. Atti del XI Convegno internazionale sulla musica italiana nei secoli xvii-xviii, Brescia, 16-18 Luglio 2001, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 2004, p. 363. 18 Id., p. 357. 19 « Per l’amontare de duoi libri da lui dati al signor maestro di capella di detta chiesa per servitio della musica. », (AVFD, Mandati, 43/3, 20 juin 1614), cité dans id., p. 357-358. 20 Originaire de Pesaro, Pellegrini sera engagé le 26 février 1612 grâce au cardinal Federico Borromeo. Il était également le directeur de la Chapelle de la cathédrale de Milan jusqu’en 1630 et publiera plusieurs recueils de musique sacrée chez Lomazzo de 1604 à 1626. Voir F. Mompellio, « La Cappella del Duomo dal 1537 al 1714 », Storia di Milano, Milan, Treccani, 1962, vol. XVI p. 518 et 521 et G. Riccucci, « L’attività della capella musicale di S. Maria presso S. Celso e la condizione dei musici a Milano tra il xvi e il xvii secolo », Intorno a Monteverdi, Lucques, LIM, 1999, p. 291. 21 « Lista delli libri datti da me Filippo Lomazzo al Reverendo signor Vincenzo Pelegrini per la musica del Duomo. », cité dans M. Toffetti, « Nuovi documenti sulla cappella musicale », op. cit., p. 357-358. 22 « Per sua mercede d’avere legato cinque copie di Magnificat, e una copia di litanie per servitio della musica di detta chiesa. », (AVFD, Mandati, 45/1, 14 février 1615), cité dans id., p. 358. 23 (AFVD, Mandati, 64/3, 24 décembre 1624), id., p. 362 et 371. 24 Id., p. 356. 25 F. Passadore, « L’editoria musicale in Lombardia », op. cit., p. 408.
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Chapitre 4 : La ville de Milan
Le « noble esprit » et « l’insolite talent » de Filippo Lomazzo
Les Lomazzo étaient une famille d’artistes : le peintre Giovanni Paolo Lomazzo, né à Milan en 1538, a publié en 1584 un important traité sur l’art de la peinture dans cette ville, dédié au duc Charles-Emmanuel de Savoie26. Filippo Lomazzo a d’abord été associé à l’héritier de Simone Tini entre 1603 et 1612, avant de poursuivre son activité de manière indépendante à partir de 1612 et jusqu’en 163027. La publication du Troisième livre de D’India chez Lomazzo date donc de cette période et est accompagnée d’une note explicative de l’éditeur, ce qui est rare et qui témoigne de l’étroitesse des rapports entre le compositeur et l’imprimeur : Aux nobles esprits et insolites talents qui exercent la musique. J’étais désireux depuis un certain temps de publier le Troisième livre des Musiche du Sieur Sigismondo D’India, n’ayant pas pu en publier le Deuxième qui faisait suite au Premier que j’ai imprimé. Maintenant qu’il se trouve à nouveau de passage à Milan, je l’ai prié de m’honorer de quelques unes de ses compositions que j’ai obtenues de sa propre main non sans difficultés et que j’ai donc publiées. Que cette œuvre soit considérée comme le fruit divin du meilleur talent qui exerce aujourd’hui cette profession. M’étant efforcé de faire publier ces compositions dans une très belle édition afin qu’elle serve qui exerce ce noble art de bien chanter, chacun ne pouvant, d’aventure, les entendre chanter par l’auteur lui-même, (lequel à notre époque n’a pas d’égal dans la manière de chanter en soliste, d’après ce que j’ai entendu dire de nombreux hommes de goût), que les autres puissent, au moins, voir à travers ses compositions, la noble harmonie et la noble manière qui résonnent dans son âme. Ayant pu constater moi-même le grand succès de son Premier livre des Musiche à une et deux voix, publié pour la première fois par moi, je me suis résolu à rééditer le Deuxième livre [des Musiche] à deux voix publié à Venise [en 1615] afin que l’on puisse avoir les trois recueils dans une même édition ; jouissez de ceux-ci en attendant qu’il nous prépare d’autres œuvres pour notre plaisir et moi pour y participer. Vivez heureux 28 (nous soulignons).
Cette note explicative témoigne de la notoriété, des qualités de chanteur et de la singularité de la musique de Sigismondo D’India qui se trouve « de passage à Milan » en janvier 1618. Elle démontre également la volonté de Lomazzo de rééditer le Deuxième livre des Musiche du compositeur, projet qui ne verra pas le jour. Lomazzo a dédié d’autres publications à des artistes : c’est le cas des Concerti
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Sur les rapports du peintre avec les musiciens et la musique, voir A. Ziino « “È tanto necessaria che senza lei non può essere perfetto il pittore”. Musicisti e strumenti negli scritti di Giovanni Paolo Lomazzo », Musikwissenschaft im deutsch-italienischen, éd. M. Engelhardt et W. Witzenmann, Analecta musicologica, no 46, 2010, p. 11-52. 27 C. Santoro, « Tipografi milanesi », op. cit., p. 324-325. Voir aussi C. Sartori, Dizionario degli editori musicali italiani (tipografi, incisori, librai-editori), Florence, Olschki, 1958, p. 88. 28 « A Nobili Spiriti, e Peregrini Ingegni professori della Musica. E molto tempo ch’io viveva desideroso di dare in luce il Terzo Libro delle Musiche del Signor Sigismondo d’India, non potendo havere il secondo per accompagnarlo co’l primo, pur stampato da me ; hora con l’occasione ch’esso si ritrova à Milano di passaggio, l’hò pregato à favorirme di queste sue compositioni, le quali hò ottenute non con poca fatica da esso Signore, le mando in luce, acciò si veghi questa opera, divino parto del miglior ingegno ch’hoggi viva in tal professione, essendomi mosso à farla stampare di bellissima stampa per giovare à chi essercita questa nobile arte di ben Cantare, che non potendo ogn’uno per aventura sentirle dal proprio Autore, (il quale nella età nostra non hà pari nella maniera del Cantar solo, per quanto hò sentito discorrere da molti valenti huomini) possino gli altri vedere almeno da suoi scritti, la nobile armonia, & maniera che risuona nell’animo suo, per mezzo di questa sua fatica, che per haver visto io l’esito grande ch’hebbe il primo Libro delle sue Musiche, à una, e due voci, stampato la prima volta da me, mi son risoluto hora al presente di ristampare il secondo libro à due voci ; stampato in Venetia, e questo faccio volendo per sorte alcuno questi componimenti, possino haver tutti tre i libri d’una medesima stampa ; godete di queste fin tanto ch’esso va preparando altre opere sue per compiacermi, & io per farvene parte, e vivete felici. », S. D’India, Le Musiche del Signor Sigismondo D’India. Maestro della Musica di Camera del Serenissimo Signor Duca di Savoia. Libro Terzo a una e due voici, Milan, Lomazzo, 1618.
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Ecclesiastici de Giovanni Paolo Cima (c. 1570-c. 163029) de 161030, envoyées à la basse milanaise Ottavio Valera. Celui-ci aurait pu être l’inteprète de l’aria Che farai Meliseo ? (Que feras-tu Mélisée ?) publiée à Milan dans le Premier livre des Musiche de 1609 de D’India31 : Comme le pensent les connaisseurs, les œuvres du Sieur Giovanni Paolo Cima sont si convoitées et chéries pour leur bonté et leur grâce que, poussé par mon désir inné de servir tout un chacun, je me suis efforcé de m’en procurer quelques unes (malgré de très nombreuses difficultés dues à la grande modestie du Sieur Cima qui les considère comme peu de chose) pour les faire connaître au monde grâce à ma maison d’édition. Je me suis en particulier efforcé avec diligence de me procurer ces Concerts Ecclésiastiques, si appréciés pendant qu’ils étaient chantés et joués par le compositeur lui-même, que tous aspirèrent à en avoir une copie. Il ne me manquait plus qu’à trouver une personne à laquelle je puisse convenablement les dédier. Et voici, qu’immédiatement j’ai pensé à Votre Sérénissime et Illustrissime Majesté si attachée à la musique et très experte en la matière, qui reçoit chez elle, en en prenant soin, tous les virtuoses de cette profession qui s’y produisent avec toutes sortes d’instruments et parmi les meilleurs que l’on puisse trouver ; virtuoses que vous savez également si bien employer, ainsi que j’ai pu le constater en différentes occasions. Je vous présente donc ces petits concerts, sachant que vous saurez très bien apprécier leur valeur ainsi que leurs gracieux et affectueux mouvements qui avec tant d’artificio vous sont offerts […] je désire être votre serviteur et pour cette raison, avec affection et révérence, je vous les dédie. À Milan, le 26 octobre 1610. De Votre Sérénissime et Illustrissime Majesté, le très dévoué serviteur, Filippo Lomazzo32.
La dédicace de Lomazzo ainsi que la typologie des publications musicales milanaises de cette époque montrent bien le croisement de la musique vocale et instrumentale avec la musique profane et sacrée, autrement dit elles montrent bien les pratiques musicales à Milan au début du xviie siècle. On en voudra pour preuve les nombreuses publications de musique sacrée par divers éditeurs : Tini & Lomazzo : 29
Cima a été organiste à l’église de S. Maria presso S. Celso de 1594 à 1630, voir G. Riccucci, « L’attività della capella musicale », op. cit., p. 300-301 et n. 52. 30 Sur le style de Cima à cette époque ainsi que de celui de Giovanni Ghizzolo, voir J. Roche, North Italian Church Music, op. cit., p. 89. 31 G. Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1997, p. 70. Voir aussi J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, Ann Arbor, UMI Research Press, 1981, p. 60. 32 « Sono tanto care, e bramate l’opere del Signor Giovanni Paolo Cima, per la bontade, & leggiadria loro, secondo la commune opinione de gl’intendenti, che spinto dal’innato desiderio mio di giovare a tutti, mi vado tuttavia forzando d’haverne alcuna (se bene con difficoltà grandissima, per la molta modestia d’esso Signor Cima, che si poco le reputa) per comunicarla al Mondo co’l mezzo della mia Stampa. Et in particolare hò procurato con ogni diligenza d’havere questi Concerti Ecclesiastici, tanto graditi mentre erano cantati, & da lui sonati, ch’ogni uno bramava d’haverne copia. Mi restava solo di trovare persona alla quale convenevolmente dedicarli potessi : Et ecco, che subito si presentò Vostra Serenissima Maestà Illustrissima tanto affetionata alla Musica, & intendente di essa, che in Casa sua riceve, & accarezza tutti gli Virtuosi di questa professione, & ci tien non solo d’ogni sorte d’Instromenti ; mà de’ migliori, che possino ritrovarsi ; quali anco sà molto bene adoperare, come hò inteso più volte da diversi. A lei dunque presento io questi Concertini, come à quella che conoscerà benissimo il valore d’essi, & gli gratiosi, & affettuosi movimenti, che con tanto artificio posti vi sono ; che perciò dirà, che à lodarli non sono tanto constretto dall’affetto, quanto dall’effetto, anzi che non arrivo alli meriti loro, e dell’Autore, & come da me donate, che desidero d’esserle servitore che per tale con ogni affetto, e riverenza, me le dedico. Di Milano alli 26. Di ottobre 1610. Di Vostra Serenissima Maestà Illustrissima Divotissimo Servitore : Filippo Lomazzi. », G. P. Cima, Concerti ecclesiastici a una, due, tre, quattro voci coi doi a cinque, et uno a otto, Messa e doi Magnificat, et falsi bordoni a 4, et sei Sonate per instrumenti a due, tre, e quattro di Gio. Paulo Cima, organista della gloriosa Madonna presso S. Celso di Milano. Novamente date in luce. Con la partitura per l’organo, Milan, Tini & Lomazzo, 1610. Voir aussi P. Mioli, « “Bontade & leggiadria” dei Concerti ecclesiastici di Giovanni Paolo Cima », La musica sacra in Lombardia, op. cit., p. 182 et G. Riccucci, I « Concerti ecclesiastici » (1610) di Giovanni Paolo Cima, tesi di Paleografia musicale, Università degli studi di Pavia, 2 vol., 1990-1991.
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neuf publications entre 1598 et 160433 ; Agostino Tradate : douze publications entre 1598 et 1698 ; Alessandro et héritiers d’Agostino Tradate : trois publications entre 1608 et 1612 ; enfin Filippo Lomazzo : neuf publications entre 1613 et 161934. De même, Giovanni Paolo Cima publie son recueil de Ricercari (musique instrumentale) chez Tini et Lomazzo en 160635 – la même année D’India publie son Premier livre de madrigaux (musique vocale) chez Tradate. L’éditeur dédie la partition de Cima à Caterina Assandra36, nonne musicienne milanaise, citée avec d’autres nonnes musiciennes de cette ville dans le Supplimento de 1619 de Girolamo Borsieri37, document dont les pages consacrées à la musique sont d’un grand intérêt pour la reconstitution du milieu musical milanais des années 162038. D’autres compositeurs et musiciens sont également en contact avec les éditeurs milanais comme Francesco Lucino39, basse de la cathédrale de Milan et chanteur virtuose, très apprécié comme compilateur de diverses compositions de musiciens milanais40. Lucino publie ses recueils anthologiques chez Tini et Lomazzo41 en 160842 ; ils seront réédités en 161243. Le ténor Filippo Albini44 publie également son Deuxième livre de Musicali Concenti chez Lomazzo en 162345. Dans son ouvrage consacré à la musique à Milan autour de la pensée musicale du cardinal Borromeo46, Marco Bizzarini établit un lien très intéressant entre « l’inattendue » dédicace du dernier livre de motets de D’India et sa fréquentation des musiciens milanais et des éditeurs Tradate et Lo-
Pour le titre de certains recueils publiés, voir D. Torelli, Benedetto Binago e il mottetto a Milano tra Cinque e Seicento, Lucques, LIM, 2004, p. 9 et 35. 34 Id., p. 49. 35 G. P. Cima, Partito de Ricercari, et Canzoni alla francese di Giovan Paolo Cima organista alla gloriosa Madonna presso S. Celso. Et in ultimo una breve regola per imparare a far prattica di suonare in qual si voglia luoco, o intervallo dell’istromento, con il modo d’acordar il clavicordo per ogni ordina, Milan, Tini & Lomazzo, 1606. 36 C. Gianturco, « Caterina Assandra, suora compositrice », La musica sacra in Lombardia, op. cit., p. 121-122. 37 G. Borsieri, Supplimento della nobiltà di Milano, Milan, Bidelli, 1619. Voir aussi F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 404-406. 38 Id., p. 402. 39 Pour les lettres adressées par Lucino au cardinal Borromeo et conservées à la Biblioteca Ambrosiana de Milan (I-Ma) le 30 septembre 1598 (G 179 inf. no 24) et le 21 octobre de la même année (G 181 inf. no 50), voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica : scritti e carteggi, Rome, Bulzoni, 2012, p. 56 et 57. 40 Comme Giulio Cesare Gabussi (ou Gabuti), Stefano Limido, Guglielmo Arnone, Gian Giacomo Gastoldi, Giovanni Paolo Cima, Giovanni Domenico Rognoni, Giovanni Cavaccio (ou Gavatio), Orazio Nantermi ou Cesare Borgo. 41 P. Morigia, La nobilta di Milano, divisa in sei libri. Nel primo, si narra di tutti i santi, e beati, di patria milanesi. Nel secondo, si descrivono tutti i papi, cardinali milanesi. Nel terzo, si ragiona di tutti i letterati. Nel quarto, si tratta di tutti i rè famosi nella militia dell’istessa patria. Nel quinto, si favella de’ pittori, scultori. Nel sesto, leggesi le grandezze de’ milanesi, Milan, Pontio, 1595, rééd. Milan, Bidelli, 1615, éd. moderne, Bologne, Forni, 1979, p. 57-58. Voir aussi F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 418. 42 I. Data, « Le musiche nella libreria ducale », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I. Torino-Parigi-Madrid, éd. M. Masoero, S. Mamino et C. Rosso, Florence, Olschki, 1999, p. 516. 43 F. Lucino, Concerti de diversi eccellenti autori, à due, tre, et quattro voci, raccolti dal R. D. Francesco Lucino musico nella Chiesa metropolitana di Milano, Milan, Tini & Lomazzo, 1612. Cette anthologie a été rééditée en 1616 par Lomazzo. Voir aussi M. Toffetti, Gli Ardemanio e la musica in Santa Maria della Scala a Milano nella prima metà del Seicento, Lucques, LIM, 2004, p. 94-95. 44 Filippo Albini apparaît entre décembre 1608 et février 1609 dans le registre des musiciens de l’église de S. Maria presso S. Celso de Milan. Voir G. Riccucci, « L’attività della capella musicale », op. cit., p. 311. 45 F. Albini, Musicali concenti a una, due, et quattro voci, Milan, Lomazzo, 1623. Pour l’édition moderne de ce recueil, voir Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), éd. L. Girodo, Lucques, LIM, 2002. 46 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit. 33
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mazzo, chez lesquels il a publié certaines de ses œuvres, sans oublier ses rapports avec Federico Borromeo à travers la maison de Savoie. Enfin, nous pouvons constater que l’étude des imprimeurs et éditeurs de livres de musique met en relief la question des intermédiaires. En effet, ces personnages étaient en lien direct avec les compositeurs et se chargeaient de les mettre en contact avec des mécènes et d’autres personnalités importantes47. Leur rôle de médiateurs était fondé sur le prestige, la concurrence et la facilitation ; il s’agissait de publier les meilleures musiques pour les dédier, ou du moins les faire connaître, à d’illustres personnages. Leur brokerage était donc lié à la négociation, à l’échange et à la diffusion. Une grande partie de leur activité de brokers devait se pratiquer à travers des conversations ou des rencontres entre libraires et musiciens, dont les traces sont difficiles à retrouver. Les dédicaces de Lomazzo sont donc un témoignage rare qui éclaire une partie du mécanisme de cette médiation. Le cardinal Federico Borromeo
Comme l’a souligné Marzia Giuliani en 2007, la personnalité du cardinal Federico Borromeo (15641631), archevêque de Milan, attend encore une reconstruction critique systématique48. La récente monographie de Paolo Pagliughi (201049) nous renseigne sur la position politique du cardinal, son éclectisme entre le sacré et le profane, sa recherche de l’unité et de la proportion et sur les préceptes religieux et philosophiques qui ont guidé sa fidélité au passé en même temps qu’ils ont nourri sa curiosité pour un monde nouveau. Tout cela explique sa volonté de conservation des savoirs, dans un sens patrimonial, à travers la création de la Biblioteca Ambrosiana en 160950 – à la fois bibliothèque, galerie d’art et Académie – ainsi que son intense activité de mécène au sein de celle-ci. Les rapports de Federico Borromeo avec la musique ont été étudiés récemment51. Le dernier ouvrage paru, celui de Marco Bizzarini, examine l’importance du lien entre l’art, la religion et l’érudition chez le cardinal, et permet de déterminer plus précisément le sens que le prélat donnait à la musique. En effet, le patronage nobiliaire et la pensée musicale du cardinal Federico, entre rigueur et liberté, simplicité et dépouillement, sont au service d’une conception particulière de la musique et de la dévotion. Les rapports de D’India avec Federico Borromeo ne se limitent pas à la publication du Liber Primus Motectorum qu’il lui a dédié en 162752, mais évoluent dans un contexte culturel propre à Milan – T. Carter, « L’editoria musicale tra Cinque e Seicento », Il libro di musica : per una storia materiale delle fonti musicali in Europa, éd. C. Fiore, Palerme, L’Epos, 2004, p. 143-144. 48 M. Giuliani, Il vescovo filosofo : Federico Borromeo e « I sacri ragionamenti », Florence, Olschki, 2007, p. x. Voir aussi A. Martini, « La figura manzoniana del cardinal Federigo tra storia e invenzione », Forme e vicende. Per Giovanni Pozzi, Padoue, Antenore, 1988, p. 513-535. 49 P. Pagliughi, Il cardinal Federico Borromeo : arcivescovo di Milano, Gênes, Marietti, 2010. 50 C. Marcora, « Federico Borromeo », Dizionario della Chiesa Ambrosiana, Milan, NED, 1987, vol. I, p. 472. 51 M. Toffetti, « Nuovi documenti sulla cappella musicale del Duomo di Milano e sul repertorio nei primi trent’anni del Seicento », Barocco padano 3. Atti del XI Convegno internazionale sulla musica italiana nei secoli xvii-xviii, Brescia, 16-18 Luglio 2001, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 2004, p. 425-453 ; D. Torelli, Benedetto Binago e il mottetto a Milano tra Cinque e Seicento, Lucques, LIM, 2004 ; R. L. Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », Cultura e spiritualità borromaica tra Cinque e Seicento, éd. F. Buzzi, Milan, Biblioteca Ambrosiana, 2006, p. 339-350 ; C. Cremonini, Alla Corte del governatore : feste, riti e cerimonie tra 16 e 18 secolo, Rome, Bulzoni, 2012 et M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica : scritti e carteggi, Rome, Bulzoni, 2012. 52 S. D’India, Liber primus motectorum quatuor vocibus auctore Sigismondo Indiae Divi Marci Aequite Viroque Nobili Serenissimi Principis Mauritii Cardinalis Sabaudiae nunc primum in lucem aeditus, Venise, Vincenti, 1627, conservé à la Biblioteca internazionale della musica (I-Bc) de Bologne. Ce recueil n’a pas encore fait l’objet d’une édition moderne. 47
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celui du cosmopolitisme musical – où le compositeur fait partie des musiciens « de passage ». En effet, la circulation des musiciens est un vecteur de diffusion musicale et de dissémination stylistique ; la composition de ce livre de motets par D’India participe de ce phénomène social et dévoile la conception de l’esthétique musicale de la dévotion religieuse du cardinal de Milan. Une recherche autour du cardinal Federico Borromeo
Après avoir passé ses années de jeunesse et de formation à Bologne53 où il est très influencé par l’esthétique post-tridentine des jésuites, Federico Borromeo s’installe à Rome de 1587 (l’année où il est créé cardinal) à 1595. Ce séjour lui permet d’être en contact avec Philippe Néri (au milieu des années 1580), de nouer des liens amicaux avec les cardinaux Altemps et Farnèse et d’entrer en relation directe avec le milieu musical de Ferrare à la fin du xvie siècle54. Federico Borromeo se rend une nouvelle fois à Rome à l’automne 1610 pour la canonisation de Carlo Borromeo55, son cousin, ce qui lui a permis de renforcer ses rapports avec les cénacles romains. Federico fait donc partie de la Rome érudite de cette époque, animée par l’amour de l’Antiquité sacrée et profane56. Le prélat se rend encore dans la Ville éternelle en juin 1623 pour l’élection d’Urbain VIII57. Durant le conclave, son nom est proposé comme candidat à la papauté58. Dressons le portrait artistique, intellectuel et religieux de Federico Borromeo en essayant de le lier le plus possible à un autre homme d’Église illustre : le cardinal Maurice de Savoie. Portrait de Federico Borromeo, entre influence romaine, liens turinois et « conservation de l’État » milanais
En effet, les liens entre les cardinaux Borromeo et Savoie étaient fréquents, comme le montre l’abondante correspondance entre les deux prélats entre 1608 et 162659. C’est durant le pontificat d’Urbain VIII que le Collège romain s’emploie à promouvoir, dans le cadre d’une politique d’alliance avec la cour papale, un style inspiré par Cicéron, un équilibre classique visant à contrebalancer le goût baroque de l’excès et de la démesure60. Federico Borromeo est partisan du développement de la manière cicéronienne61, c’est-à-dire de la volonté de concilier, à travers l’art de la parole, l’antiquité païenne et la tradition chrétienne. Les traités de Federico sur les arts figuratifs : De Pictura sacra (1624) et le Museum (162562), montrent la progressive maturation de cette conception esthétique qui réunit l’austérité de l’art tridenP. Prodi, « Federico Borromeo », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1971, vol. XIII, p. 34. 54 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 10. 55 « L’istessa sera il Cardinale Borromeo con Prelati Milanesi et altri affettionati, andò à Sto Ambrosio nel Corso, dove in musica furono cantati Li Mottetti spirituali per la Canonizatione di detto santo. », Biblioteca Apostolica Vaticana (IRvat), Barb. lat. 6344, Avvisi di Roma, fo 186ro, le 6 novembre 1610. 56 P. Prodi, « Federico Borromeo », op. cit., p. 35. 57 B. Guenzati, Vita di Federigo Borromeo, Milan, Biblioteca Ambrosiana, 2010, p. 450. 58 P. Prodi, « Federico Borromeo », op. cit., p. 34-35. 59 (I-Mas), Cardinali, boîte 33, lettres de Maurice de Savoie datées du 8 et 18 avril 1608. Voir aussi les soixante-quatre correspondances adressées à Federico Borromeo entre 1608 et 1626 conservées à la Biblioteca Ambrosiana (I-Ma), G inf. 198, 200, 202-204, 206-208, 210, 212, 214-216, 218, 220, 222, 225, 227, 229, 233-239, 241, 245-247, 252 et 254. 60 M. Giuliani, Il vescovo filosofo, op. cit, p. 151. 61 Id., p. 151-152. 62 P. Jones, Federico Borromeo e l’Ambrosiana : arte e Riforma cattolica nel xvii secolo a Milano, Milan, Vita e pensiero, 1997, p. 22. 53
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tin aux extravagantes expérimentations de la Rome des papes63. Nous pouvons dès lors établir un parallèle avec le goût pour le classicisme du cardinal de Savoie dans l’utilisation symbolique et allégorique des arts figuratifs. Il s’agit d’une référence à la fois biblique, classique, spirituelle et culturelle. Ainsi, le cardinal Borromeo commande un 1607 un tableau à Brueghel sur le thème des quatre éléments64 et le cardinal de Savoie, quant à lui, achète une peinture sur le même thème à Francesco Albani en 162565. Ces représentations peuvent être interprétées comme une synthèse de l’univers par des images à travers la représentation du monde (les continents, les éléments) et du temps (les différents moments de la journée, les saisons). Il s’agit de thèmes récurrents dans les résidences des nobles à Rome66 mais aussi à Milan. C’est donc dans la Ville éternelle que Borromeo fréquente des hommes de lettres illustres comme Federico Zuccari – qui fonde l’Académie de Saint-Luc à Rome en 1593 sous la protection du cardinal Borromeo67 –, Mazenta ou Cassiano dal Pozzo68. Ce dernier est connu pour avoir fréquenté les plus illustres scientifiques, artistes et littérateurs de son temps69, parmi lesquels Galileo Galilei. C’est également Cassiano dal Pozzo qui éveillera la curiosité de Francesco Barberini, neveu du pape Urbain VIII, pour l’œuvre littéraire de Federico Borromeo, tournée, on l’a dit, vers les expériences classicistes. Federico Borromeo est nommé archevêque de Milan en 1595 et s’établit définitivement dans cette ville en 160170. Cinzia Cremonini a montré les quatre caractéristiques qui définissent l’identité de la famille Borromeo à cette époque71 : a. Un parcours politique et social particulier qui s’exprime à travers des alliances matrimoniales et notamment avec la famille Farnèse72, même si le rôle politique de la famille Borromeo diminue au cours de la première moitié du xviie siècle dans le duché de Milan73.
Id., p. 152. L. C. Cutler, « Representing an Alternative Empire at the Court of Cardinal Federico in Habsbourg Milan », The Possessions of a Cardinal. Politics, Piety, and Art, 1450-1700, éd. M. Hollingsworth et C. M. Richardson, University Park, Pennsylvania State University Press, 2010, p. 256-261. 65 Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 66 F. Nicolai, Mecenati a confronto : committenza, collezionismo e mercato dell’arte nella Roma del primo Seicento. Le famiglie Massimo, Altemps, Naro e Colonna, Rome, Campisano, 2008, p. 170. 67 C. Dempsey, « Some Observations on the Education of Artists in Florence and Bologna during the Later Sixteenth Century », The Art Bulletin, no 62, 1980, p. 557. 68 M. Giuliani, Il vescovo filosofo, op. cit., p. 151-152. 69 G. B. Adriani, Memorie della vita e dei tempi di monsignor Gio. Secondo Ferrero-Ponziglione, referendario apostolico, primo consigliere e auditore generale del principe cardinale Maurizio di Savoia, Turin, Ribotta, 1856, p. 161. 70 P. Jones, Federico Borromeo e l’Ambrosiana, op. cit., p. 24. 71 C. Cremonini, « La famiglia Borromeo nella prima metà del xvii secolo tra strategie locali e relazioni internazionali », Federico Borromeo principe e mecenate. Atti delle giornate di studio, 21-22 novembre 2003, Rome, Bulzoni, 2004, p. 32-35. 72 Renato Borromeo, frère aîné de Federico, épouse Ersilia Farnese, tante du duc Ranuccio Farnese et de son frère le cardinal Odoardo, fille naturelle de leur grand-père le duc Ottavio Farnese. Pour les correspondances de Renato Borromeo avec la cour de Parme, voir Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Carteggio Farnesiano estero, Milano, boîtes 301 (1600-1615) et 302 (1616-1620). Federico Borromeo était l’exécuteur testamentaire du cardinal Odoardo Farnese, voir L. Besozzi, I testamenti di Federico Borromeo, Milan, NED, 1993, p. 14. C. Cremonini, « Storia di un’eclissi apparente : la famiglia Borromeo tra dissidi interni e ostracismo spagnolo (160073 1652) », Lombardia borromaica, Lombardia spagnola 1554-1659. Atti del Convegno internazionale, Pavia, 17-21 settembre 1991, organizzato dall’Almo Collegio Borromeo e dal Centro studi « Europa delle Corti », éd. P. Pissavino et G. Signorotto, Rome, Bulzoni, 1995, vol. I, p. 506. 63 64
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Une volonté d’acquisition sur le plan territorial : en 1623, le cardinal Federico, qui a fait allégeance aux Habsbourg, obtient le marquisat d’Angera de la part du roi d’Espagne74. Une attention constante à la gestion des biens de la famille à l’intérieur de « l’État Borromeo », même si l’importance et la présence politique des Borromeo commence à se marginaliser dans le domaine de la diplomatie75. Enfin, un renforcement de ses liens avec Rome.
Pamela Jones, quant à elle, a identifié les quatre aspirations principales que le cardinal poursuit depuis sa jeunesse : la volonté d’être le continuateur de Carlo Borromeo sur les plans spirituel, politique et administratif ; le désir d’une existence isolée et contemplative ; la curiosité pour les sciences humaines et naturelles ; enfin l’amour pour l’art76. Les écrits de Federico Borromeo et la création de la Bibliothèque Ambrosienne, nous dévoilent le programme esthétique et les goûts artistiques du prélat. Entre art, érudition et religion, les manuscrits de la Bibliothèque Ambrosienne
La création de la Bibliothèque Ambrosienne est l’aspect le plus original du programme de la réforme diocésaine de Federico Borromeo77, elle peut être considérée comme le sommet des bibliothèques européennes de cette époque78. D’une manière générale, les écrits du cardinal recherchent l’unité entre littérature, peinture et homélie sacrée, unité qui trouve dans le classicisme son lieu privilégié d’expression79. Parmi les écrits produits par Borromeo, nous pouvons mentionner trente-cinq écrits biographiques, treize traités d’art, vingt-trois de philosophie, vingt-sept de langue et littérature, quinze d’histoire et vingt sur des curiosités scientifiques80 (Borromeo s’intéressait également à l’astronomie et aux observations télescopiques81). Federico est un savant infatigable, pourvu d’une culture encyclopédique. Il collectionne les livres, les œuvres d’art, les objets curieux et les produits exotiques. Sa curiosité déborde la ferme doctrine de la Contre-Réforme, dont son cousin est le modèle : il est en effet fasciné par l’alchimie, l’hermétisme, les textes de Zoroastre et la sagesse antique – il s’agit de montrer que les traditions d’érudition antérieures à Aristote ne sont pas en contradiction avec le christianisme82 – ; cette ambiguïté conjugue l’application des préceptes post-tridentins, la fidélité au monde ancien et la curiosité pour le monde nouveau. Les écrits de Federico concernant l’art montrent une très claire prédilection pour les arts figuratifs83. Ces textes témoignent d’une vision de la beauté de la nature et de l’harmonie de la création à la fois C. Cremonini, « La famiglia Borromeo », op. cit., p. 38. Voir aussi L. Besozzi, I testamenti di Federico Borromeo, op. cit., p. 14. 75 C. Cremonini, « La famiglia Borromeo », op. cit., p. 57. 76 P. Jones, Federico Borromeo e l’Ambrosiana, op. cit., p. 24. 77 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 50. 78 Id., p. 39. 79 M. Giuliani, Il vescovo filosofo, op. cit., p. 152. 80 P. Pagliughi, Il cardinal Federico Borromeo, op. cit., p. 247. 81 M. Bucciantini, « Federico Borromeo e la nuova scienza », Tra i fondi dell’Ambrosiana. Manoscritti antichi e moderni, éd. M. Ballarini, G. Barbarisi, C. Berra et G. Fasso, Milan, Cisalpino, 2008, p. 363-375. 82 L. Bolzoni, « Qualche appunti su Federico Borromeo e la cultura fra Cinque e Seicento », Federico Borromeo uomo di cultura e di spiritualità. Atti delle giornate di studio, 23-24 novembre 2001, éd. S. Burgio et L. Ceriotti, Milan, Biblioteca Ambrosiana, 2002, p. 17, 18 et 19. 83 Id., p. 26. 74
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contemplative, dévotionnelle et mystique84. En effet, pour Borromeo, l’art doit s’efforcer d’égaler la nature et non pas de la dépasser. Le but n’est donc pas de l’améliorer ou de l’idéaliser, mais de l’imiter le mieux possible afin de mettre l’art à son niveau85. Le cardinal Federico a ainsi fait copier le tableau de La Vierge aux rochers de Léonard de Vinci entre 1611 et 161686. De même, le célèbre portrait du Musicien attribué à Léonard et conservé à la Pinacothèque Ambrosienne aurait pu être choisi par Federico pour sa collection87. Il est certain, en revanche, que Borromeo, après son séjour à Rome, semble se diriger vers une esthétique de l’unité et de la proportion. Cette réflexion esthétique sera approfondie dans les années suivantes. Ainsi, en 1624, dans son De pictura sacra, Borromeo traite la question de l’orthodoxie des images sacrées selon les doctrines du Concile de Trente. Par la suite, dans son Museum (1625), le cardinal décrit minutieusement sa galerie, créée récemment, ainsi que les tableaux qui font partie de sa collection privée, cœur de la Pinacothèque Ambrosienne. Les deux textes sont emblématiques de la pensée du cardinal : ils révèlent un contrepoint entre une esthétique très normée issue de la Contre-Réforme et qui impose une certaine rigueur aux arts figuratifs et une expression plus libre liée à un goût esthétique personnel88. En effet, pour Borromeo, la beauté est inséparable des questions de morale puisque cette dernière est une source d’inspiration, c’est elle qui élève les passions et les sentiments89. C’est dans ce contrepoint esthétique que nous pouvons situer son activité de mécénat90. La circulation des musiciens et poètes dans « l’État Borromeo »
En ce qui concerne la musique, on pourrait considérer Federico Borromeo comme le continuateur de son illustre cousin91. En effet, le mécénat artistique à Milan, aussi bien à l’époque de Carlo qu’à celle de Federico, est tourné à la fois vers l’art local et l’art venu d’ailleurs et en particulier celui de l’école romaine92. Comme le souligne Robert L. Kendrick, même sur le plan des traditions locales, Milan est influencé par les compositeurs, les théoriciens et les chanteurs qui se déplacent entre les différents duchés93. En effet, à la fin du xvie siècle, le cardinal Borromeo a des liens très étroits avec les chanteurs Giovanni Antonio Baldini94 et Alberto Turco95. C’est grâce à ce dernier que Federico aurait 84 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 35. 85 L. C. Cutler, « The Art Imitating Nature : Jan Brueghel’s Landscape Paintings for Cardinal Federico Borromeo », Quaderni degli Annali dell’Università di Ferrara. Sezione Storia, no 4, Florence, Le lettere, 2006, p. 202. 86 P. C. Marani, « Federico Borromeo e i dipinti di Leonardo. Ipotesi sulla provenienza del Musico », Federico Borromeo principe e mecenate, op. cit., p. 256. 87 Id., p. 257 et 262. 88 M. Giuliani, Il vescovo filosofo, op. cit., p. 147-148. 89 A. J. Quint, Cardinal Federico Borromeo as a Patron and a Critic of the Arts and his Musaeum of 1625, New York, Garland, 1986, p. 71. 90 Pamela Jones a étudié le rapport du cardinal avec les arts figuratifs et a montré l’importance de la simplicité en tant que principe esthétique de la beauté, ce qu’elle appelle « le sentiment de la nature et de l’art. », P. Jones, Federico Borromeo e l’Ambrosiana, op. cit., p. 173-190. 91 C’est également le cas du fonctionnement de l’administration diocésaine qui n’a pas encore été étudié dans le détail, voir C. Cremonini, « La famiglia Borromeo », op. cit., p. 17. 92 A. J. Quint, Cardinal Federico Borromeo as a Patron, op. cit., p. 149. Déjà à la fin du xve siècle, Galleazo Sforza avait engagé trente musiciens ultramontains pour la chapelle de la cathédrale, voir F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 511. 93 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, 1585-1650, New York-Oxford, Oxford University Press, 2002. 94 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 10-13 et 84-85. 95 A. Turco était musicien au service de Charles-Emmanuel Ier à Turin vers 1602, voir id., p. 54, 59, 60, 64, 73-74, 75, 7678, 79, 81, 82, 84-85 et 98-99.
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pu rencontrer Luzzasco Luzzaschi lors de son court séjour à Ferrare en 159896. C’est également le cas des poètes comme le Florentin Giovan Battista Strozzi (1551-1634) qui entretient une correspondance avec le cardinal Borromeo97 et dont l’un des poèmes fut mis en musique par D’India dans son livre de madrigaux de 160698, mais aussi de Gabriello Chiabrera99 qui correspond avec le cardinal entre 1618 et 1619100 ou encore d’Angelo Grillo101 (1557-1629), originaire de Gênes102. D’India a mis en musique un de ses poèmes dans son Premier livre des villanelles à trois voix de 1608103. Nous devons mentionner également les poètes itinérants comme Giovanni Battista Andreini qui se déplace entre Milan, Bologne, Venise, Vicenza et Brescia104 et les troupes de comédiens qui facilitent la circulation de pièces de théâtre et des musiques venues d’autres villes comme Venise et Florence105. De même, l’église de Santa Maria presso San Celso106 et la cathédrale de Milan engagent ponctuellement des chanteurs des villes voisines tandis que des compositeurs résidant à Gênes ou à Turin comme Simone Molinaro107, Sigismondo D’India ou Enrico Radesca publient leurs recueils de musique dans la capitale lombarde108. N’étant pas un musicien permanent ni engagé ponctuellement par la Chapelle musicale de la cathédrale de Milan109, D’India fait partie des musiciens « de passage » qui facilitent la circulation des répertoires et des pratiques musicales. Milan au début du xviie siècle : musiciens, chanteurs et maîtres de chapelle
Le livre de Paolo Morigia publié à Milan en 1595 et réédité en 1619 est une source précieuse pour la recherche des musiciens et chanteurs milanais de cette période mais également pour l’étude des rapports entre musiciens et mécènes et celle des pratiques musicales. Y sont nommés : Lucio Cava96
Le prélat ne spécifie pas le type de musique qu’il a entendu mais uniquement sa force émotive. Voir R. L. Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 343. 97 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 50. Voir aussi P. Prodi, « Federico Borromeo », op. cit., p. 146. 98 Il s’agit du madrigal Ha di serpe il velen (Du serpent elle a le venin). 99 M. Giuliani, Il vescovo filosofo, op. cit., p. 147. 100 Les lettres de Chiabrera sont datées du 25 mai 1618 et du 27 décembre 1619 et ont été publiées dans Gabriello Chiabrera. Lettere (1585-1638), éd. S. Morando, Florence, Olschki, 2003, p. 267 et 276-277. 101 Angelo Grillo apparaît dans le « livre de maître » de 1620 (fo 120vo) du cardinal Borromeo conservé à l’Archivio Storico Diocesano de Milan (I-Mca). Une lettre du poète adressée au duc de Parme depuis Venise le 6 mars 1615 afin de le féliciter pour la naissance de sa fille Marie Farnèse est conservée aux Archives de Parme (I-PAas), Corte e casa farnesiana, Série II, documenti e carteggi di persone della famiglia Farnese, Maria Farnese, figlia del duca Ranuccio I, prima moglie di Francesco d’Este. Scritture relative alla sua nascita e al suo matrimonio, 1615-1631, boîte 29, fasc. 5, lettre no 49. 102 Angelo Grillo correspond avec Teodoro Pelleono dell’Apiro, théologien du cardinal Maurice de Savoie en 1610 et qui fut prédicateur à Milan en 1611. Voir E. Ardissino, « Le Dicerie sacre del Marino e le predicazione del primo Seicento », « Le Dicerie sacre del Marino e le predicazione del primo Seicento », Marino e il barocco, da Napoli a Parigi. Atti del convegno di Basilea, 7-9 juin 2007, éd. E. Russo, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2009, p. 179 et 180, n. 64. 103 Il s’agit de la villanelle Son sì belle le rose (Les roses sont si belles). 104 F. Fiaschini, « Professionismo teatrale e devozione religiosa in Giovan Battista Andreini », Barocco padano 4. Atti del XII Convegno internazionale sulla musica italiana nei secoli xvii-xviii, Brescia, 14-16 luglio 2003, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 2006, p. 29-58. 105 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 22. 106 Sur les effectifs de cette église au début du xviie siècle, voir G. Riccucci, « L’attività della capella musicale di S. Maria presso S. Celso e la condizione dei musici a Milano tra il xvi e il xvii secolo », Intorno a Monteverdi, Lucques, LIM, 1999, p. 301. 107 Sur ce compositeur, voir M. R. Moretti, « Simone Molinaro e la vita musicale a Genova tra Cinque e Seicento », Fonti Musicali Italiane, no 20, 2015, p. 24-26. 108 Ibid. Sur l’église de Santa Maria presso San Celso à la fin du xvie siècle, voir C. S. Getz, Music in the Collective Experience in Sixteenth-Century Milan, Ashgate, Aldershot, 2005, p. 233-243. 109 M. Toffetti, « Nuovi documenti sulla cappella musicale del Duomo di Milano », op. cit., p. 349-374.
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nago (chanteur et instrumentiste) qui fut engagé par les rois d’Espagne, Giovanni Giacomo Albutio ou Albussi, Giovanni Battista dit il Secchione (« excellent musicien »), Giuseppe Caimo, Francesco Canova dit il Milano110 (joueur de luth mais aussi de viole), Guglielmo Arnone (organiste de la cathédrale), Cesare Borgo (également organiste de la cathédrale), Ottavio Bariola (organiste de l’église della Madona di San Celso et compositeur111), Bernardino Borghesi (organiste), Orfeo Vecchi (maître de chapelle à Santa Maria della Scala), le prêtre Camillo Perego (compositeur), Giovanni Stefano Limido (compositeur), Riccardo Rognoni (joueur de viole), Ercole Coneo (joueur de violone et chanteur), Silvio Villanova (joueur de luth) et Lucio Castel (chanteur, instrumentiste et compositeur de motets, sonnets, madrigaux, canzoni, etc.). Morigia mentionne également les monastères de la Maddalena et del Muro comme deux viviers musicaux importants112. Ce tableau est à compléter avec d’autres musiciens comme Giovanni Paolo Cima ou Giulio Cesare Ardemanio qui apparaissent dans le chapitre XV intitulé « Degli altri musici di Milano più famosi » (« D’autres musiciens les plus fameux de Milan ») du Supplimento de Girolamo Borsieri de 1619113. Borsieri était un érudit et un littérateur de grande qualité et un fin connaisseur d’œuvres musicales et artistiques. Il avait déjà publié à Milan son Amorosa prudenza en 1610. Il était aussi en contact avec des artistes prestigieux comme Marino114, Guarini ou Guido Reni et avec d’importants mécènes comme Charles-Emmanuel de Savoie ou Federico Borromeo115. Borsieri entretenait avec ce dernier des rapports très étroits en ce qui concerne les questions artistiques116. Le diplomate est donc un trait d’union entre mécènes et artistes et un très fin observateur de la société milanaise de cette époque117. Les écrits de Borsieri témoignent de la vivacité musicale à Milan qui semble s’être développée dans tous les domaines, de l’enseignement à la musique ecclésiastique en passant par la pratique de la chanson instrumentale à la française118 et le madrigal avant-gardiste119. Borsieri était également un mélomane éclairé120. Son activité musico-poétique à Milan se situe entre 1611 et 1612121. Quant à sa correspondance, objet d’une étude systématique depuis peu, elle est 110 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 172, n. 123. Voir aussi M. Lowe, « The Lute : An Instrument of All Seasons », The Music Room in Early Modern France and Italy. Sound, Space, and Object, éd. D. Howard et L. Mauretti, Oxford-New York, Oxford University Press, 2012, p. 146-148. 111 Sur les Canzoni da sonare de Bariola publiées à Milan en 1594, voir F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 414. 112 P. Morigia, La nobiltà di Milano divisa in sei libri. Nel primo, si narra di tutti i santi, e beati, di patria milanesi. Nel secondo, si descrivono tutti i papi, cardinali milanesi. Nel terzo, si ragiona di tutti i letterati. Nel quarto, si tratta di tutti i rè famosi nella militia dell’istessa patria. Nel quinto, si favella de’ pittori, scultori. Nel sesto, leggesi le grandezze de’ milanesi, Milan, Pontio, 1595, rééd. Milan, Bidelli, 1615, éd. moderne, Bologne, Forni, 1979, p. 302-306. 113 F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 408-409 et 415. Pour la transcription du Supplimento de Borsieri, voir p. 421-422. 114 Pour la correspondance de Borsieri avec le poète Marino, voir id., p. 402. Ces lettres n’apparaissent pas dans la correspondance publiée par M. Guglielminetti dans Giambattista Marino. Lettere, Turin, Einaudi, 1966. 115 U. Motta, « L’ombra del Pastor Fido. Guarini e gli autori milanesi dell’età barocca », Rime e lettere di Battista Guarini. Atti del convegno di studi, Padova, 5-6 dicembre 2003, éd. B. M. Da Rif, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2008, p. 274-275. 116 F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 390. 117 Id., p. 418. 118 Concernant la pratique des Canzoni francesi à Milan à cette époque, voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 172 et M. Toffetti, Gli Ardemanio e la musica in Santa Maria della Scala a Milano nella prima metà del Seicento, Lucques, LIM, 2004, p. 108-111. 119 F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 418. 120 Id., p. 379-382 et 402. 121 Borsieri a publié plusieurs recueils de poèmes destinés à être mis en musique en 1611 et 1612, voir S. Piazzesi, Girolamo Borsieri. Un colto poligrafo del Seicento, Florence, Firenze University Press, 2009, p. 22-23.
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conservée à la Bibliothèque communale de Côme122. Grâce à elle, nous pouvons mieux comprendre le contexte musical milanais. À titre d’exemple, il ressort d’une lettre envoyée par Borsieri au compositeur Ruggero Trofeo, que le poète Guarini aurait pu être plus proche des idées d’Artusi que de celles de Monteverdi – qu’il a été question de faire venir à Milan comme maître de chapelle de la cathédrale en 1612 et en 1625123 – en ce qui concerne la recherche de l’idéal poétique dans les premières années du xviie siècle. De même, Borsieri n’était pas un passionné de la musique de Monteverdi124. Ces témoignages indirects sont précieux car ils permettent de ruiner une certaine vision linéaire, homogène et idéaliste de la circulation des idées selon laquelle compositeurs, musiciens et poètes auraient été d’accord sur tout dans une atmosphère de parfaite entente. Franco Pavan125 soulève donc l’intéressante question de savoir si les musiciens et les poètes – en l’occurrence Guarini – partageaient les mêmes idées. Monteverdi connaissait-il celles de Guarini quand il a mis ses poèmes en musique ? Ces interrogations soulèvent d’autres questions : celle de la conscience que les artistes pouvaient avoir de leurs propres œuvres et celle des stratégies de carrière qui guident leurs choix stylistiques qui se combinent avec les goûts musicaux de leurs mécènes et les tendances artistiques locales de leur temps. Ces stratégies sont à l’origine de l’adaptation des pratiques, des styles et des répertoires musicaux. Nous pouvons penser que D’India aurait pu connaître Borsieri à Milan puisque ce dernier parle du compositeur dans une lettre adressée à Amédée de Savoie (demi-frère du duc Charles-Emmanuel) qui date probablement de 1609 ou 1610 : Sigismondo D’India, élève des chanteurs de Rome, naturel dans les notes pures, expert des notes altérées, égal dans l’ornementation, vif dans les trilles et joueur de théorbe non inférieur à Salomone l’Hébreux [Salamone Rossi], désire une rencontre avec Votre Altesse126.
Borsieri envoie par ailleurs une lettre à Ludovico d’Agliè vers 1613127 où il est question des compositeurs Aquilino Coppini128 et Ruggero Trofeo. D’autres musiciens, comme Giovanni Battista Stefanini, circulent également entre Milan et Turin autour des années 1610. C’est donc sans doute grâce à Borsieri que D’India va être introduit plus tard auprès du cardinal Borromeo à qui il va dédier son dernier livre de motets. Un contrepoint stylistique entre sacré et profane : la musique du cardinal Borromeo
Les allusions à la musique, chez le cardinal Borromeo, se trouvent toujours sous forme de digressions à travers ses écrits théologiques, mais aussi dans les dédicaces des livres de musique qui lui ont été
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Ce fonds contient les lettres académiques, historiques et familiales de Borsieri (435 pages). Voir L. Caramel, « Arte e artisti nell’epistolario di Girolamo Borsieri », Contributi dell’Istituto di storia dell’arte medievale e moderna, no 1, 1996, p. 96. 123 F. Mompellio, « La Cappella del Duomo dal 1537 al 1714 », Storia di Milano, Milan, Treccani, 1962, vol. XVI, p. 519. Voir aussi M. Toffetti, Gli Ardemanio e la musica, op. cit., p. 80-81. 124 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 40-41. 125 F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 385-388. 126 « Sigismondo d’India allievo de’ cantori di Roma, naturale nelle note pure, artificioso delle alterate, equal ne’ passaggi, vivo ne’ trilli, e suonator di chitarrone non inferiore a Salomone Hebreo, desidera un trattenimento appresso questa Altezza. », Biblioteca Comunale di Como (I-COc), Lettere familiari (Ms. Sup. 3.2.43, fo 40), manuscrit sans date, cité dans F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit, p. 382. 127 (I-COc), Ms. Sup. 3.2.43, fo 160, cité dans id., p. 417. 128 Coppini a dédié six livres de lettres sur l’art au duc Charles-Emmanuel en 1613, ils sont conservés à la Biblioteca Nazionale Braidense de Milan, voir M. Toffetti, Gli Ardemanio e la musica, op. cit., p. 132.
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adressées, dans les éditions ou manuscrits musicaux de la collection privée du cardinal et dans sa correspondance avec des musiciens129. Marco Bizzarini souligne que l’impression générale que laissent les correspondances, les manuscrits et les musiques dédiés ou simplement envoyés à Federico Borromeo, est celle d’une « ouverture remarquable dans le domaine musical, probablement d’origine augustinienne » où l’engagement religieux est toujours au centre et dans lequel l’ancien et le moderne, le contrepoint et la monodie, l’innovation et la tradition s’interpénètrent et se confondent130. Aussi ces documents nous aident-ils à comprendre sa théorie sur l’art131. Les bombardements du 14 août 1943 ont détruit presque tout le fonds musical132 ainsi que d’autres documents conservés à la Bibliothèque Ambrosienne, c’est-à-dire 55 000 tomes. Marco Bizzarini a dressé une liste des six écrits sur la musique de Borromeo qui ont survécu133 : De ecstaticis mulieribus et illusis libri quatuor de 1616134, De Actione contemplationis libri quatuor de 1621135, Dell’Assuntione della Beata Vergine de 1625136, De linguis, nominibus, et numero angelorum libri tres de 1628137, De musica ecclesiastica de 1630138 et I tre libri delle laudi divine de 1632139. Dans ce dernier manuscrit, le cardinal prend ses distances avec les conceptions pythagoriciennes de l’harmonie des sphères pour adopter la conception chrétienne de l’harmonie universelle en se référant au Timée de Platon140. En effet, les mythes platoniciens transforment la philosophie en théologie poétique : celle de l’immortalité de l’âme141. L’une des principales préoccupations de Federico est la question des effets moraux de l’art et c’est pour cette raison qu’il prend soin de réfuter les notions pythagoriciennes de la musique pour leur substituer les qualités platoniciennes et leurs effets réels sur l’âme et le comportement humain ; c’est donc uniquement dans ce sens que le cardinal a une vision très orthodoxe de la musique. L’approche musicale de Borromeo est donc essentiellement inspirée par le néoplatonisme selon lequel les saisons, les éléments et toutes les créatures de la terre manifestent le pouvoir et la justice divins, c’est-à-dire l’harmonie142 : le prélat considère la musique, à cause de sa ligne du chant, comme un art issu de l’arithmétique et de la géométrie. L’aspect le plus important de sa conception de la musique est sans doute l’affirmation que le chant ecclésiastique chrétien prendrait sa source dans la musique profane de l’Antiquité143 : sa correspondance revient sans cesse sur les effets de la musique dans l’Antiquité. C’est ce que le cardinal affirme dans un manuscrit conservé à la Biblioteca Ambrosiana et intitulé Cantus ecclesiasticus est reliquia illius musicae antiquae144 où l’on peut déceler l’influence de Philippe 129 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit, p. ix-x. 130 « Notevolissima apertura in campo musicale, probabilmente di matrice agostiniana. », id., p. 41-42. 131 Id. p. 35. 132 Id., p. xi. 133 Id., p. 33-34. 134 (I-Ma), F 26 inf. fo 485-492. Pour la transcription du texte et appareil critique, voir id., p. 141-142. 135 (I-Ma), F 5 inf. fo 407-492, voir id., p. 143-162. 136 (I-Ma), F 4 inf. qui contient les Raggionamenti sagri fatti dal medesimo alle religiose di varii monasteri, fo 357ro-368vo, voir id., p. 162-166. 137 (I-Ma), F 32 inf. fo 87-104, voir id., p. 166-171. 138 (I-Ma), G 309 inf. 45, inserto 5, fo 24ro-28vo, voir id., p. 171-179. 139 (I-Ma), Borromeo.57, fo 8-10, voir id., p. 179-180. 140 Id., p. 34. 141 E. Garin, La cultura del Rinascimento, Bari, Laterza, 1967, p. 132 et 133. 142 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 29. 143 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 98. 144 (I-Ma), G 309 inf. no 3.
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Néri145 mais également la volonté de recueillir et d’élaborer un nombre considérable de témoignages sur la musique de l’Antiquité avec une référence particulière aux traditions des Grecs et des Hébreux146. Dans un autre manuscrit autographe écrit vers 1630 sous la forme d’un petit fascicule en quatorze chapitres dont le troisième (dit inserto 5) s’intitule De Musica Ecclesiastica147, Federico Borromeo revient sur le thème du pouvoir de la musique148 et des vertus de la musique antique. Il s’attarde sur les intervalles chantés par la voix humaine inspirés par Aristoxène de Tarente149 (qui plaçait la réflexion musicale à contre-courant de la pensée pythagoricienne) et nous fait part de quelques considérations étonnantes sur la polyphonie sacrée, ouvertement favorables au nouveau style monodique et aux théories de Vincenzo Galilei et Caccini, ce qui confirme l’influence indirecte des théories de la Camerata de Bardi sur Borromeo150 et témoigne de l’ambiguïté des goûts artistiques du cardinal et de toute la complexité de sa pensée musicale : La musique à quatre ou cinq parties ne permet pas de mouvoir l’affect puisque les voix apparaissent les unes sur les autres créant la confusion en plus de faire perdre le rythme151.
Plus tard, en prenant l’exemple de Palestrina, le cardinal Federico affirmera l’importance de l’intelligibilité des paroles dans le chant polyphonique152. En effet, nous pouvons mettre face à face les deux conceptions de l’imitation de la parole de Borromeo : l’une suit la critique de Galilei envers la polyphonie madrigalesque en étant favorable, sur certains aspects, au nouveau style et sans doute aussi à la musique représentative et au mélodrame ; l’autre défend les règles traditionnelles du contrepoint et tente d’adapter les prescriptions de la première à une polyphonie qui obéirait aux préceptes liturgiques du Concile de Trente – le cardinal adopte les recommandations cacciniennes concernant le nouveau style mais dans une perspective qui se tourne vers le passé. Le cardinal Federico n’est donc pas insensible aux nouvelles expérimentations musicales et théoriques de son temps. Il s’intéresse par exemple à la construction d’instruments comme le clavicembalo microtonal de Parisone153 et correspond avec l’un des musiciens les plus avant-gardistes de son temps comme Luzzasco Luzzaschi. Ce dernier a même envoyé certaines de ses compositions au cardinal entre 1599 et 1601 et qui sont pour la plupart perdues154. Robert L. Kendrick s’est interrogé sur 145 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 20. 146 Id., p. 34. 147 (I-Ma), G 309 inf. no 45 : De Musica ecclesiastica. Appunti ed excerpta da Gregorius Nazianzenus, Marsillo Ficino, Albonesi Teseo Ambrogio e altri. In latino e italiano, fo 24ro-28vo. Manuscrit référencé par C. Marcora, Catalogo dei manoscritti del Cardinale Federico Borromeo nella Biblioteca Ambrosiana, Venise, Biblioteca Ambrosiana, 1988, p. 66. Voir aussi M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 171-179. 148 Le pouvoir de la musique est un thème récurrent des écrits sur la musique du fonds (I-Ma) G 309 inf. Voir R. L. Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 345. 149 « Nella voce umana vi è musica ma non è continuata. », (I-Ma), G 309 inf. no 45, De Musica ecclesiastica, op. cit., partie 7, fo 25ro. Voir aussi M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 173 et n. 131. 150 Id., p. 39. 151 « La musica di quattro o di cinque non muove l’affetto perche una part’entra nell’altra e confonde et oltraciò si perde il metro. », (I-Ma), G 309 inf. no 45, De Musica ecclesiastica, op. cit., partie 5, fo 24vo-25ro. Voir aussi M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 172 et n. 124. 152 (I-Ma), G 309 inf. no 45, De Musica ecclesiastica, op. cit., partie 9 et 24, fo 25ro et 26ro. Voir aussi M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 174 et 177. 153 Id., p. 35-36. 154 Id., p. 15. La première lettre de Luzzaschi dans la correspondance de Borromeo date du 11 mai 1599. Voir id., p. 14 et 68. Pour la correspondance avec Luzzaschi, voir id., p. 68, 72, 74, 79-80, 83 et 89. Il s’agit de six lettres allant de 1599 à 1606 et conservées à (I-Ma) : G 184 inf. no 158, G 183 inf. no 38, G 183 inf. no 109, G 186 inf. no 235, G 188 inf. no 9 et A 10 sup.
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la véritable nature des connaissances musicales du cardinal. Était-il un véritable expert ou plutôt un « évêque philosophe » intéressé uniquement à favoriser la diversité musicale de son entourage155 ? C’est dans la correspondance et dans les écrits adressés au cardinal (et en particulier les livres de musique) que l’on peut trouver quelques réponses qui nous permettent de mieux comprendre sa conception de la musique spirituelle156. Marco Bizzarini a également restitué le catalogue de la musique ayant appartenue à Federico Borromeo en l’organisant en deux groupes : un premier groupe de compositions est tiré des témoignages épistolaires et des dédicaces, ce qui représente entre seize et trente compositeurs ; le second, quant à lui, provient des publications musicales qui ont vu le jour avant la mort de Borromeo et qui apparaissaient dans le catalogue de la Bibliothèque Ambrosienne avant la destruction du fonds musical, et contient quinze compositeurs. La musique du premier groupe a appartenu avec certitude au cardinal, ce qui n’est pas forcément le cas de celle du second. On remarquera également que dans le premier groupe se trouvent des œuvres imprimées, manuscrites ou inédites où le genre sacré est dominant. Sur le plan stylistique, les œuvres vont de la polyphonie traditionnelle à la polychoralité du début du xviie siècle, mais également de la monodie accompagnée au style concertant157. Parmi les musiciens du premier groupe, nous pouvons mentionner les neuf compositeurs qui ont dédié des livres de musique à Federico Borromeo : Orfeo Vecchi (Missarum quinque vocum, 1588158), Francisco Soto (Terzo libro delle laudi spirituali a tre e quattro voci, 1588159), Costanzo Antegnati (Missa Borromea, 1603160), Aquilino Coppini (Musica tolta da i madrigali di Claudio Monteverde […] e fatta spirituale, 1607161), Romano Micheli (Psalmi ad Officium Vesperarum, 1610162), Vincenzo Pellegrini (Magnificat, 1613163), Pellegrini et Gabussi (Pontificalia Ambrosianae Ecclesiae, 1619164), Sigismondo D’India (Liber Primus Motectorum, 1627165) et Claudia Rusca (Sacri concerti, 1630166). Enfin, parmi les témoignages épistolaires du premier groupe nous pouvons citer les quatre lettres qu’Adriano Banchieri adressa à Borromeo. La première date de décembre 1613 et a été publiée dans 155 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 97. 156 R. L Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 340. 157 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 181-187. 158 Pour la dédicace, voir id., p. 44-46. 159 Chanteur de la Chapelle Sixtine mort en 1619. Pour la dédicace, voir id., p. 47. 160 Originaire de Brescia. Pour la dédicace, voir id., p. 86-88. 161 Letterato milanese, professeur à Milan et à l’Université de Pavie. Il a réalisé des contrafacta sur des madrigaux du Cinquième livre de Monteverdi pour son recueil de 1607. D’autres auteurs comme Giovannelli, Banchieri, Marenzio, Nanino, Gabrieli ou Vecchi sont également présents dans ce recueil. Sur les reccueils de musique de Coppini, trois livres publiés entre 1607 et 1609 à Milan chez Tradati, voir id., p. 18-19. Pour la dédicace de celui de 1607, voir id., p. 90-95. Voir aussi F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., p. 415-418 ; R. L. Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 345 et C. Georis, « Le premier livre de contrafacta d’Aquilino Coppini (1607) : intertextualités et contextualités », Il Saggiatore musicale, no 21/2, 2014, p. 205-245. 162 Ce recueil de psaumes à trois voix a été publié à Rome chez Robletti et est conservé à Bologne, voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 29. Pour la dédicace, voir id., p. 100-102. 163 Pour la dédicace, voir id., p. 115-117. 164 Pour la dédicace de ce recueil collectif, voir id., p. 123-125. 165 Pour la dédicace, voir id., p. 125-127 ainsi que les p. 400-402 du présent volume. 166 R. L. Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 347. Pour la dédicace, voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 139. La partition a été détruite durant les bombardements de 1943. Néanmoins une réproduction photographique de la partition a été conservée à l’Archivio cantonale di Bellinzona en Suisse (UNA.218/1).
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ses Lettere armoniche de 1628167, la deuxième du 5 février 1614168, la troisième du 14 février de la même année169 et la quatrième du 4 avril 1618170. Les lettres de 1614 sont intéressantes car elles datent de la même année que la publication de la Cartella musicale du même Banchieri qui, en plus de nous faire part des pratiques musicales des réunions académiques de Bologne, témoigne également des goûts musicaux du cardinal Federico : Le jour de l’Académie […] ; une fois arrivées et installés, on jouera pour commencer un concert de voix accompagnées à l’épinette. […] ; puis on chantera un motet ou un madrigal spirituel grave, comme par exemple un de ceux d’Orlando [di] Lasso, Palestrina ou d’autres, on pourra chanter encore un des madrigaux du très délicat et moderne compositeur Claudio Monteverdi, qui est à présent le très digne maître de chapelle de Saint-Marc à Venise, lesquels ont été changés en Motets [latins] par Aquilino Coppini à la demande de l’Illustrissime Seigneur Cardinal Federico Borromeo et qui se chanteront à capella autour d’une table171 (nous soulignons).
En effet, le cardinal Borromeo est présent lors de cette réunion académique172 rythmée par trois styles de musique radicalement différents : la monodie accompagnée, la polyphonie sacrée dans le style de la première pratique et le madrigal polyphonique de la seconde pratique. Il est intéressant de constater que Borromeo demande à Coppini de transformer les madrigaux de Monteverdi en motets ; Coppini se montre favorable à la musique de Monteverdi tout en la parodiant. Autrement dit, il transpose la musique profane moderne dans le monde de la polyphonie sacrée à l’ancienne173, ce qui dévoile la pensée musicale du prélat. Borromeo est également en contact avec l’un des musiciens les plus audacieux de son temps : Carlo Gesualdo (dont la mère était la sœur de son cousin Carlo Borromeo), qui envoie quelques unes de ses compositions (non conservées) au cardinal174, mais également avec deux représentants majeurs du nouveau style : Emilio de’ Cavalieri175 et Giulio Caccini176. Le cardinal Borromeo connaissait donc aussi bien la 167 A. Banchieri, Lettere armoniche, Bologne, Mascheroni, 1628, éd. facsimilé, Bologne, Forni, 1968, p. 22, transcite dans M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 117. 168 (I-Ma), G 218 n.° 165. Transcrite dans id., p. 117-118. 169 (I-Ma), G 227 n.° 196. Transcrite dans id., p. 118. 170 (I-Ma), G 227 n.° 195. Transcrite dans id., p. 119. 171 « Il giorno dell’Accademia […] ; giunti & accomodati, farassi per alettamento un Concerto di Voci nella Spinetta. […] ; dopo si canterà un Motetto o Madrigale Spirituale grave, como per esempio di quelli di Orlando Lasso, Palestrina ò altri, potendosi ancora cantare uno di quei Madrigali del Soavissimo compositore moderno Claudio Monteverde al presente dignissimo Maestro di Capella di San Marco di Venetia, i quali sono stati cangiati in Motetti da Aquilino Coppini à requisitione dell’Illustrissimo Signor Cardinale Federico Borromeo, & questo si cantera senza stromento al tavolino. », A. Banchieri, Cartella musicale nel canto figurato fermo & contrapunto, Venise, Vincenti, 1614, cité dans T. Carter, Music in Late Renaissance & Early Baroque Italy, Londres, Bastford, 1992, p. 44-45. 172 Il s’agit de l’Académie des Floridi de Bologne fondée par Banchieri en 1614. Voir G. Vecchi, Le Accademie musicali del primo Seicento a Bologna, Bologne, AMIS, 1969. 173 Sur ce sujet, voir A. Piéjus, Musique, censure et création. G. G. Ancina et le Tempio armonico (1599), Florence, Olschki, 2017. 174 Pour la correspondance entre Gesualdo et Federico Borromeo, voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 48, 51, 88, 97-98, 99-100, 103-107, 110 et 114-115. Lettres du 29 juin 1590 (G 146 no 53), 27 avril 1595 (G 167 inf. no 38), 4 mai 1595 (G 260 inf. no 1243), 20 décembre 1604 (G 192 inf. no 53), 2 mars 1609 (G 202bis inf. no 290), 1er avril 1609 (G 258 inf. no 715), 21 avril 1609 (G 201 inf. no 25), 25 octobre 1610 (G 205 inf. no 58), 5 mars 1611 (G 206 inf. no 159), 14 mars 1611 (G 209 inf. no 145), 15 mai 1611 (G 208 inf. no 146), 5 juillet 1611 (G 230 inf. no 621), 25 août 1611 (G 208bis inf. no 217), 7 juin 1612 (G 212 inf. no 167) et 1er août 1612 (G 212 inf. no 298). 175 Lettre du 29 août 1598 (G 179 inf. no 97) où il est question du sonnet « Quel rossignol » de Pétrarque. Voir aussi les lettres G 170 inf, no 111 et 308 qui ne parlent pas de musique. Voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 55. 176 Lettres du 17 octobre 1598 (G 1598 inf. no 141), 28 octobre 1598 (G 261 inf. no 706), 30 novembre 1598 (G 261 inf. no 804 et 804bis), 25 janvier 1599 (G 182 inf. no 160), 5 mars 1599 (G 261 inf. no 895), 14 mars 1599 (G 182 inf. no 157), 3 avril 1599
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musique de Caccini que la musique de Palestrina177. Ses années de jeunesse à Rome ont sans doute renforcé sa prédilection pour la simplicité et la modération esthétiques, signes de l’influence des Oratoriens178. Pourtant, et même si le cardinal s’intéresse à la question du nouveau style transposé à la musique spirituelle179, il ne semble pas avoir suivi les expériences dramatico-musicales entreprises ces années-là par les Oratoriens180. Dans ce sens, la lettre que Romano Micheli a adressée à Borromeo depuis Venise le 14 décembre 1619181 est un excellent guide des goûts musicaux du cardinal quant au répertoire lié à la dévotion religieuse. En effet, Micheli envoie au cardinal Federico un dialogue en canon sur le thème de l’Annonciation où l’artificio musicale est au service d’une esthétique de la dévotion ; c’est dans cet univers que se situe le livre de motets de Sigismondo D’India. Le Liber Primus Motectorum de D’India dédié au cardinal Borromeo et l’esthétique de la dévotion
L’intérêt pour la musique sacrée de D’India est récent. Après le jugement négatif de Federico Mompellio182, Denis Arnold183 et Giuseppe Collisani184 ont permis la redécouverte de ce répertoire qui montre le rapport constant entre contrepoint et monodie accompagnée ; deux styles qui symbolisent, pour reprendre l’expression de Collisani, « l’âme double de la Contre-Réforme » : l’une austère et rigoureuse, l’autre persuasive et captivante185. En ce qui concerne Milan, la vision qu’en a donné Jérôme Roche186, celle d’un « centre musical conservateur », « peu perméable aux tendances modernes » et arc-bouté sur l’utilisation du style de Palestrina, du faux bourdon et de l’homophonie au détriment du « style moderne des cori spezzati », nous semble réductrice. En effet, les préceptes d’austérité tridentins s’appliquaient dans un cadre précis, celui de la liturgie accompagnée à l’orgue, à côté du faste déployé pour les processions et d’autres événements solennels avec une infinité d’instruments et de voix187. Ainsi que le souligne Giuseppe Riccucci, « la rigueur de la Contre-Réforme a tendance, dans les premières années du xviie siècle, à s’atténuer progressivement dans la musique vocale sacrée grâce à l’influence des nouveautés provenant de Florence
(G 261 inf. no 931), 11 mai 1599 (G 261 inf. no 1137), 25 juin 1599 (G 261 inf. no 1203), 10 juillet 1599 (G 261 inf. no 1238), 8 janvier 1600 (G 185 inf. no 256), 22 janvier 1600 (G 261 inf. no 1579), 6 février 1601 (G 261 inf. no 2184), 19 novembre 1603 (G 191 inf. no 86), 14 août 1618 (G 228 inf. no 78) et 16 septembre 1618 (G 228bis inf. no 336), voir id., p. 57, 58, 61-63, 64-65, 66, 70-71, 73-74, 78-79, 81, 85 et 120-121. 177 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 9. 178 A. Piéjus, « Éthique et esthétique de la semplicitas », Musique e dévotion à Rome à la fin de la Renaissance : les laudes de l’Oratoire, Turnhout, Brepols, 2013, p. 323-328 et « L’éloquence ou la sagesse », p. 343-357. 179 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 13. 180 R. L Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 342 et 343. 181 G 229 inf. no 309. Voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 122-123. Concernant ce musicien, voir M. Lamla, « Romano Micheli : Zwang und Drang zur Selbstdarstellung », Musica a Roma nel Sei e Settecento : Chiesa e festa, éd. M. Engelhardt et C. Flamm, Analecta musicologica, no 33, 2004, p. 393-412. 182 F. Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 28. 183 D. Arnold, « The Sacred Music of Sigismondo d’India », La musica sacra in Lombardia, op. cit., p. 130-143. 184 G. Collisani, Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), éd. G. Collisani, Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV). 185 Id., p. xvii. 186 J. Roche, North Italian Church Music in the Age of Monteverdi, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 123. 187 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 37.
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et de Mantoue : aux traditionnelles structures polyphoniques vient s’ajouter le genre du motet pour voix soliste188. ». D’India nous en donne plusieurs exemples dans ses livres de motets de 1610. L’année 1627, celle où le compositeur lui dédie son livre de motets, est pour le cardinal Borromeo une année de réflexion restrospective et autobiographique189, l’année où il prend soin de régler la succession de son patrimoine190. Le recueil de motets à quatre voix de Sigismondo D’India est important car il s’inscrit dans l’évolution du projet de Federico pour l’Ambrosiana entre les années 1603 et 1630. Les dédicaces musicales de cette période sont liées au développement des différentes facettes de son activité de mécène et de prélat dans le choix de modèles musicaux destinés à la dévotion. L’évolution rapide des années 1620 dans le domaine de la musique sacrée correspond à un renforcement du classicisme des conceptions du cardinal qui peut être vu comme un rempart destiné à contrer les nouvelles extravagances de la musique sacrée191. Ainsi, dans la dédicace de son dernier livre de motets datée du 8 avril 1627, D’India écrit : Au très Illustre et très Révérend Seigneur Monseigneur Federico Cardinal Borromeo, Archevêque de Milan, Seigneur très honoré, Sigismondo D’India, Salut. J’ai voulu, (très Illustre cardinal), offrir cette œuvre, quelle qu’elle soit, à ton très Illustre nom, d’abord parce que les œuvres sacrées appartiennent aux hommes d’Église et ensuite parce que cette manière de chanter me semblait presque disparue de l’art musical : les compositeurs de ce temps charment les oreilles des auditeurs uniquement avec des chants très simples et négligent ceux qui sont difficiles ou qui révèlent un art laborieux et industrieux (comme les motets qu’à cette effet je te consacre ici). […], je me suis servi d’un genre beaucoup plus vif et exigeant que celui que j’ai l’habitude d’utiliser dans toutes mes autres œuvres […]. Qu’un si digne cardinal les reçoive avec un front joyeux, quelles qu’elles soient, dédiées à son nom sacré, […]. Entre-temps, je te salue, honneur de la pourpre, et que Dieu tout-puissant préserve ta santé le plus longtemps possible. Depuis Venise, le 8 avril 1627192 (nous soulignons).
Comme l’a montré Robert L. Kendrick, à cette période, plus que la qualité artistique de la composition selon une fastueuse polychoralité, le cardinal prétendait sauvegarder, suivant l’exemple de son cousin Carlo, le rite ambrosien (cantus firmus) dans sa spécificité. C’est dans ce contexte qu’apparaît l’inat188 « Il rigore controreformistico tende, con i primi decenni del 1600, ad attenuarsi gradualmente : nella musica vocale sacra, sotto la spinta delle “novità” provenienti da Firenze e Mantova, alle tradizionali strutture polifoniche si affianca il genere del motteto solistico. », G. Riccucci, « L’attività della capella musicale », op. cit., p. 292. 189 M. Giuliani, Il vescovo filosofo, op. cit., p. 2-4. 190 L. Besozzi, I testamenti di Federico Borromeo, op. cit., p. 18. Les différents testaments de Federico Borromeo sont contenus dans cinq codicilles (les no 5-9) sur les trente et un qui sont conservés, voir id., p. 58-70. Nous pouvons signaler également son traité intitulé De suis studiis commentarius et qui est contemporain du livre de motets de D’India. 191 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 95-96. 192 « Illustrissimo ac Reverendissimo Domino Domino Federico Cardinali Boromeo Archiepyscopo Mediolanensi, Domino Colendissimo. Sigismundus India Salutem Plurimam Dicit. Volui (Cardinalis Amplisime) hoc, quicquid est operis, offerre Illustrissimo Nomini tuo, cum, quia sacros sacra decent, tum etiam quia modus iste canendi, mihi videbatur penè mortuus in Arte Musica : Compositores enim huius temporis, tantummodo facillimis Cantionibus Auditorum aures oblectunctur, & quæ difficilia sunt, queque laboriosa, ac arte industriosa videntur (uti Motecta hæc, quae meritò nunc à me tibi sacrantur) amictunt. […], usus sum enim genere aliquanto alacriore, quam in ceteris meis, uti soleo, quoniam rem ipsam sic postulare intelligebam. Tu (Cardinalis ornatissime) qualia hæc sint, læta fronte recipias, queque ipsa sunt, à me Nomini tuo sacrantur, […]. Interim Vale Purpuratorum Decus, quem Deus Optimus Maximus quanduittissime incolumen servet. Venetiis die 8. Aprilis. 1627. ». S. D’India, Liber primus motectorum, op. cit. La dédicace a été transcrite et traduite intégralement en italien par M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 125-127 et traduite partiellement en anglais par R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 455, n. 28. Nous remercions Julie Safier et Nathan Carlig pour leur aide précieuse dans la traduction en français.
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tendue dédicace du livre de motets de D’India. Ce qui surprend le plus c’est l’abandon imprévu de la polychoralité et le retour voulu à un contrepoint dans le style ancien, une sorte « d’anachronisme » paradoxal qui reprend en 1627 les valeurs esthétiques qui précèdent les années 1620, s’inspirant de l’exemple de Cima et Pellegrini dont le style et le savoir-faire contrapuntiques doivent être considérés comme de véritables traits stylistiques de la musique sacrée à Milan193. Ainsi, D’India reprend littéralement les paroles de Palestrina pour sa propre dédicace : « J’ai utilisé un genre beaucoup plus vif et exigeant que dans toutes mes autres œuvres194 ». Le retour à la nature complexe et exigeante du contrepoint ancien était en accord avec les goûts musicaux du cardinal Federico195. La dédicace de D’India révèle également l’univers musical de la dernière partie de la vie de Federico : influence des pratiques musicales romaines liée au « tournant classique » de l’esthétique sacrée du pape Urbain VIII, préservation de l’ancien style contrapuntique à Milan et dévotion chrétienne196. Il s’agit de deux types d’affect, l’un tourné vers extérieur et lié à l’imitation des paroles, l’autre obtenu par la voie mystique197. Marco Bizzarini souligne que Borromeo donnait une importance particulière au concept d’affect, le considérant comme supérieur à une belle voix ou à une grande composition musicale198. Le livre de motets de D’India contient des pièces tirées en grande partie des psaumes199. Sont présents également d’autres motets sur le thème de la mort200, de la vierge Marie201, de la Nativité202 et de la Résurrection203. Ces trois dernières thématiques nous permettent d’identifier un lien direct avec la pratique liturgique milanaise. En effet, la dévotion mariale occupe une place centrale aussi bien dans la liturgie post-tridentine que dans le rite ambrosien204. Quant à la Nativité, il s’agit d’une fête inhabituelle pour un livre de motets mais qui peut être directement liée à la cathédrale de Milan205. Enfin, le texte du motet pour la Résurrection présente la thématique de la musique des anges qui était, avec la musique des Anciens, l’un des deux sujets de prédilection de Federico Borromeo206. Cette question avait une importance centrale dans ses spéculations théologiques mais aussi dans sa correspondance avec des religieuses207.
Id., p. 97. Voir aussi la lettre que Banchieri a adressée à Pellegrini à propos de la possibilité de mesurer ou pas un cantus firmus dans A. Banchieri, Lettere armoniche, op. cit., p. 144-145. 194 « Usus sum enim genere aliquanto alacriore, quam in ceteris [ecclesiasticis cantibus] uti soleo. », P. da Palestrina, Mottetorum quinque vocibus liber quartus, Rome, Gardano, 1584. 195 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 28-29. 196 Id., p. 96. 197 Id., p. 38-39. 198 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 38. Exaudi Deus orationem meam » (psaume 54), « Exaudi Domine vocem meam » (psaume 26), « Ad te Domine leva199 « vi » (psaume 24), « Deus Deus meus » (paraphrase du psaume 21) et « Beati immaculati » (psaume 119). 200 « Heu mihi Domine » (psaume 26) et « Circundederunt me gemitus mortis » (psaume 17). 201 « Gaude Maria », « Assumpta est Maria », « Veni sponsa Christi » (pour la nativité de la vierge) et « Sancta Maria ora pro nobis ». 202 « Hodie Christus natus est ». 203 « Angelus domini descendit da caelo ». 204 C. S. Getz, Mary, Music, and Meditation : Sacred Conversations in Post-Tridentine Milan, Indiana, Indiana University Press, 2013. 205 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 97. 206 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 34. 207 Id., p. 30. Nous pouvons mentionner le manuscrit intitulé De laudibus divinis, De linguis, nominibus et numero angelorum de 1628. Voir P. Prodi, « Federico Borromeo », op. cit., p. 38. 193
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Chapitre 4 : La ville de Milan
La dédicace de 1630 du livre de Claudia Rusca (1593-1676) – nonne du couvent de Sainte-Catherine à Brera208 et qui n’a sans doute jamais été en contact direct avec le cardinal Borromeo –, montre bien que la musique de cette religieuse peut être située sur le même plan que les autres dédicateurs du cardinal et montre encore une fois un aspect intéressant et original de la vie de Federico209. En effet, le cardinal Borromeo correspond à la fin de sa vie (à partir de 1626) avec des religieuses (l’archidiocèse de Milan en comptait 2 000 à cette époque) parmi lesquelles certaines étaient des nonnes savantes. Le cardinal leur donnait, à travers ses lettres, des instructions non seulement sur leur comportement religieux mais aussi sur la musique dans leur vie spirituelle210. Le cardinal a également écrit des récits concernant la vie ecclésiastique des nonnes comme les Sacri ragionamenti publiés à titre posthume entre 1632-1646211. Il s’agit de dix volumes en quatre livres, mêlant notes et citations en italien et en latin, qui reflètent sa volonté ecclésiastique et donnent des indications sur plusieurs aspects de sa vie épiscopale212, ou bien son Traité sur la condition des religieuses213 où il est fait mention de plusieurs « règles » et « raisonnements » dont l’un s’intitule « Du savoir faire fructifier la musique214 », dont un paragraphe fait allusion aux psaumes de David. La correspondance – active et passive – du cardinal Borromeo avec les moniales se présente sous la forme de plusieurs groupes de missives souvent sans date ni signature215. Ainsi, Angela Flaminia Confaloniera216 (1559-1665), musicienne et chanteuse (soprano217), écrit à Federico Borromeo pour demander, au nom de Claudia Rusca, la permission de lui dédier sa collection de Sacri concerti de 1630218 qui contient également des psaumes et deux Canzoni francesi à quatre voix. Nous pouvons également mentionner la lettre que le cardinal Maurice de Savoie a adressée à Borromeo en février 1624 à propos de « Donna Antonia Costanza Carcasola », « gentildonna » et moniale professe du monastère de l’Annunziata à Milan219, ou encore les correspondances de Federico Borromeo avec d’autres religieuses comme Antonia Francesca Balsamo, sœur du monastère de S. Pietro di Brugora le 28 mars220 et le 24 juin 1627221, les Pensieri adressés à Sidonia Francesca Torniello le 17 octobre 1627222 ou bien le récit de Federico Borromeo sur une religieuse musicienne : À peine cette femme avait-elle commencé à chanter et à jouer (le luth) pendant un bref instant, qu’elle perdait la raison, et puis cessait de chanter, mais continuait à jouer sans se tromper dans les bonnes consonances. Après Voir M. Bizzarini, « Rusca, Claudia Francesca », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 2017, vol. LXXXIX, p. 263-265. 209 R. L. Kendrick, « I motetti di Claudia Rusca », op. cit., p. 431. 210 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 32-33. 211 C. Marcora, « Federico Borromeo », op. cit., p. 476. 212 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 25. 213 Trattati sopra lo stato delle monache e varie regole che devono osservare da esse con diversi ragionamenti fatti a certi monasteri. Voir C. Marcora, Catalogo dei manoscritti del Cardinale Federico Borromeo, op. cit., p. 39. 214 Del saper cavar frutto della musica. Appunti. (I-Ma), F 25 inf. 215 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 30. 216 R. L Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 345. 217 M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 31. 218 Les manuscrits G 7 inf. et G 8 inf. s’intitulent « Lettere scritte da una religiosa di santa vita al cardinal Federico Borromeo arcivescovo di Milano ». Pour la correspondance entre Borromeo et Confaloniera, voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 127-138. Voir aussi R. L. Kendrick, « I motetti di Claudia Rusca », op. cit., p. 430 et 453. 219 (I-Ma), G 241 no 298. 220 (I-Ma), G 265 no 60. 221 Id., no 57. 222 Id., no 44-45. 208
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un bref laps de temps, elle revenait à la raison et avait honte d’avoir perdu la maîtrise de soi en présence de ses compagnes, et avait un peu mal au bras et à la main droite avec laquelle elle pinçait les cordes. Nous devons prendre en compte quelques unes de ces belles choses. Elle cessait de chanter et l’extase commençait parce que les instruments et les organes de la voix ne pouvaient pas suivre ce rapt. […]. Nous devons croire qu’il s’agit pourtant d’une œuvre divine particulière, puisque ses états d’extase ont été jugés par tous comme un sentiment spontané qui provenait de Dieu, loin des illusions diaboliques223.
Selon Robert L. Kendrick, c’est sans doute la musique que le cardinal a entendue à Ferrare à la fin du xvie siècle qui lui a suggéré la possibilité d’un rapport entre musique et extase224, d’où l’importance pour lui de la musique destinée à devenir spirituelle225. On peut en conclure que la signification que donne le prélat à la musique spirituelle n’est pas nécessairement liée à l’utilisation quotidienne de la liturgie, elle est aussi philosophique. En effet, le spectacle sacré destiné à la liturgie ou à la dévotion se situe dans une nouvelle conception esthétique qui peut être comprise grâce au théâtre dans l’implication directe du public et qui comble le fossé entre la scène et lui226. La frontière entre ethos dévotionnel et spectacle tend à s’effacer. Cet excédent esthétique est capable de porter les assistants à un stade d’altération psychologique proche de l’extase227. Les concerts, plus que renforcer l’expérience religieuse, atteignent une autonomie qui dépasse le culte228 ; c’est une « théâtralisation de l’Église229 ». La rhétorique de la persuasion230, qui prend sa source dans le bouleversement des affects, peut être ainsi comparée aux arts figuratifs dans ce qu’elle permet d’atteindre le domaine du sensible. L’orateur doit composer devant son auditoire un discours de nature picturale afin que les spectateurs voient la représentation de ce que leurs oreilles entendent ; c’est la vue qui guide l’écoute. C’est également une manière de conquérir l’âme en capturant les impressions sensibles du public231. C’est pour cette raison que, dans les réflexions sur l’art du cardinal Borromeo, le discours oratoire met l’accent sur le bouleversement des affects, considéré comme la seule manière de faire appel à la volonté et de provoquer l’action232, c’est ce que Maurizio Padoan décrit comme « l’excitation de la dévotion233 ». 223 « Hora questa donna non procedeva innanzi un piccolo spatio di tempo cantando, e suonando (il liuto) ch’ella restava rapita, e all’hora cessava il canto, ma seguitava à suonare, punto non errando nelle vere consonanze. Passato poi alcun altro puoco spatio di tempo, ella tornava in se, e si arrossiva, che in presenza delle compagne havesse perduto i sentimenti, e dolevasi alquanto del braccio e della mano dritta, con cui moveva le corde. Alcune belle cose si dovranno qui considerare. Ella cessava dal canto, incominciando l'estasi, perche gli Istrumenti, e gl’organi delle voce dovevano essere impediti dal rapto. […]. Mà però in ciò si ha da credere che vi fosse opera divina speciale, poiche le Estasi di lei sono state giudicate per commune consentimento spontanario e procedenti da Dio, e lontane da diabolici inganni. », F. Borromeo, De ecstaticis mulieribus et Illusis, Milan, 1616, cité dans R. L. Kendrick, Celestial Sirens. Nuns and their Music in Early Modern Milan, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 445. 224 R. L Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 343-344. 225 Id., p. 346. Voir aussi A. Piéjus, Musique, censure et création, op. cit. 226 M. Padoan, « Ethos devozionale e spettacolarità nella musica sacra. Quaresima e Settimana Santa nel Nord Italia nel primo Barocco », La musica a Milano, in Lombardia e oltre, éd. S. Martinotti, Milan, Vita e pensiero, 2000, p. 61. 227 Id., p. 44-45. 228 M. Padoan, « Al di là del disciplinamento normativo. La musica sacra nell’Italia padana in età post-tridentina », Norma del clero, speranza del gregge. L’opera riformatrice di San Carlo tra centro e periferia della diocesi di Milano. Atti del Convegno di Studi (Milano-Angera, 2010), éd. D. Zardin, F. Pagani et C. A. Pisoni et V. Ciro, Germignaga, Magazzeno storico verbanese-La Compagnia de’ Bindoni, 2015, p. 189-217. 229 M. Padoan, « Ethos devozionale », op. cit., p. 14. 230 Sur ce sujet, voir C. Mouchel, « Les rhétoriques post-tridentines (1570-1600) : la fabrique d’une société chrétienne », Histoire de la rhétorique latine dans l’Europe moderne 1450-1950, éd. M. Fumaroli, Paris, PUF, 1999, p. 431-497. 231 M. Giuliani, Il vescovo filosofo, op. cit., p. 164. 232 Id., p. 157. 233 « Eccitazione della devozione. », M. Padoan, « Al di là del disciplinamento », op. cit., p. 217.
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Chapitre 4 : La ville de Milan
C’est ainsi que l’on peut lier « l’art de la dévotion » à la figure de Federico Borromeo dans la manière de stimuler l’affect des spectateurs-auditeurs et d’utiliser les dons artistiques dans une dimension humaine234. Le but premier de la musique est de susciter la pitié. La musique du livre de motets de D’India répond à un usage différent de la liturgie, il se situe dans le domaine érudit et philosophique qui fait appel non pas au faste de la dévotion mais au dépouillement sophistiqué des classiques, il est du côté de la réactualisation du passé et non pas de la dévotion extatique. Le rapport à la musique du cardinal Federico est donc paradoxal : en même temps conservateur et ouvert, déterminé à la fois par la philosophie et par la religion. Sa conception philosophique de la musique est clairement exprimée dans ses écrits sur l’art : il s’éloigne de Pythagore pour adopter une théologie poétique qui revendique l’héritage des Anciens en s’inspirant de la figure du Platon chrétien. C’est ainsi que le cardinal explique les effets moraux de la musique et notamment l’importance du chant ; beauté et morale sont donc intimement liées. Cela ne l’empêche pas d’être attentif aux expérimentations sur le chant de la Camerata Bardi de Florence ; Federico n’est donc pas insensible à la nouveauté. C’est au contraire la modernité qui l’inspire pour mieux réactualiser sa conception du passé. L’identité nobiliaire de Federico Borromeo, en tant que cardinal, peut être résumée par les mots : contemplation (vertu mariale), continuation, savoir et conservation. C’est cette intéressante dialectique entre passé et présent, celle qui conjugue tradition, réévaluation et réélaboration d’un héritage ancien, qui est à l’origine des pratiques culturelles spécifiques dessinant une identité musicale propre à Milan, elle est également liée aux déplacements des musiciens dans cette ville. Federico Borromeo est influencé par Rome mais se distingue de ses pairs romains par le fait qu’il n’emploie pas de manière directe des chanteurs et qu’il n’entretient pas de musiciens235. Son rapport avec eux, son patronage nobiliaire, est donc indirect, comme nous avons pu le remarquer en analysant ses liens avec Girolamo Borsieri – véritable recruteur de musiciens et dont le rôle de diplomate et d’intermédiaire est très important –, dans sa correspondance avec les religieuses et à travers l’étude du Liber Primus de D’India où dominent « la sobriété et la gravité236 ». C’est dans ce cadre que l’on peut situer la vie musicale de Milan au début du xviie siècle, mais également les rapports de D’India avec Federico Borromeo autour de son livre de motets de 1627.
234 R. L Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », op. cit., p. 339. 235 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 95. La compostezza e la gravità », G. Collisani, « Scelte testuali, stile e struttura nella musica sacra di Sigismondo D’In236 « dia », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 153.
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1 Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne Le prince-archevêque Marco Sittico Altemps
Sigismondo D’India publie à Venise, chez Bartolomeo Magni, son Troisième livre de madrigaux1 qu’il dédie à Marco Sittico Hohenems (Altemps) (1574-1619), prince-archevêque de Salzbourg et comte de Gallarata (près de Milan). La famille Altemps est un véritable trait d’union entre l’Autriche et Rome à cette époque ; son activité de mécénat s’exerce à travers la collection de livres de musique et la protection de musiciens, ce qui a favorisé l’appropriation et la diffusion des nouveaux genres musicaux italiens dans le monde germanique. Nous nous concentrerons sur le contexte historique dans lequel ce livre de madrigaux a paru et notamment sur les rapports entre D’India et l’archevêque de Salzbourg. Cette étude montrera la manière dont la musique du compositeur se diffuse dans le monde germanique, grâce à l’action de son dédicataire, et participe à la construction d’une identité culturelle italo-autrichienne – les premiers dédicataires étrangers de D’India sont Autrichiens. Le patronage nobiliaire de Marco Sittico se reflète dans l’un des recueils de madrigaux les plus importants, intéressants et novateurs du compositeur. La famille Altemps, entre l’Autriche et Rome
Illustre et ancienne dynastie originaire de la Souabe2 (Schwaben), au sud de l’Allemagne, à l’ouest de la Bavière, la famille Hohenems (Altemps), s’installe au début du xvie siècle en Italie, à Rome, où Marco Sittico Hohenems (l’oncle du dédicataire de D’India, fait baron par l’empereur d’Autriche) est nommé cardinal et évêque de Constance en 15613. Son fils naturel, Roberto Altemps4 (1565-1586, 1 S. D’India, Il terzo libro de’ madrigali a cinque voci. Con il suo basso continuo da sonar con diversi instromenti da corpo a beneplacito, ma necessariamente per gli otto ultimi, Venise, Magni, 1615. Pour une édition moderne, voir G. Watkins, Sigismondo D’India. Il terzo libro dei madrigali a cinque voci con il suo basso continuo da sonar con diversi instromenti da corpo a beneplacito, ma necessariamente per gli otto ultimi, Florence, Olschki, 1995 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XV) et Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume III : The Third Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 1998. Pour une analyse musicale de ce livre, voir G. Watkins, « I madrigali polifonici di Sigismondo D’India, nobile palermitano », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 62-75 et J. Steinheuer, « Sigismondo D’India und die “Vaghezze di Musica” von Francesco Rasi », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 83-125. 2 G. Galbiati, Un manipolo di lettere degli Altemps al cardinale Federico Borromeo, Rome, Monete in Milano, 1940, p. 13. R. Reinhardt, « Die Bischöfe von Konstanz », vol. II, p. 7-11 ; M. Schuler, « Die Bischöfe und die Musik », vol. II, 3 p. 239-247 et A. Strnad, « Markus Sittich von Hohenems und Andreas von Österreich », vol. I, p. 396-403, Die Bischöfe von Konstanz, Friedrichshafen, Verlag Robert Gessler, 1988, 2 vol. Roberto Altemps a épousé en 1580 la fille de Virgnio Orsini, Cornelia Orsini. Voir A. Serrai, La Biblioteca Altemp4 siana, ovvero Le raccolte librarie di Marco Sittico III e del nipote Giovanni Angelo Altemps, Rome, Bulzoni, 2008, p. 16. Voir aussi Notizie di lettere, memorie e strumenti degli anni 1268-1626, riguardanti membri della famiglia Orsini, conservati negli archivi della famiglia Caetani, Archivio Storico Capitolino de Rome (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 49/1, fasc. 9, fo 2vo, où il est question d’un arbre généalogique des Orsini. Roberto Altemps sera décapité en 1586
Première partie
cousin du dédicataire), premier duc de Gallese5, de Soriano et de la Rocchetta – au nord de Rome –, établit sa descendance dans la Ville éternelle6. Généalogie et histoire de la famille Hohenems
Le château de Hohenems se trouve dans la région autrichienne de Vorarlberg, à l’extrême ouest de l’Autriche, près de la frontière suisse. La famille Hohenems a italianisé son nom au milieu du xvie siècle à partir de la dérivation latine « Ad alta Emps » ou (Embs), devenu Altemps (ou Altaemps7). Le cardinal Marco Sittico ou Siticus8, Sedunensis ou Seducensis, qui vivra longtemps à Rome, peut donc être considéré, à travers son fils Roberto, comme le fondateur de la branche Altemps de cette ville9. L’influence de Carlo Borromeo sur le cardinal Sittico est certaine10. En témoigne le séjour du jeune Federico, dans ses années de formation culturelle et spirituelle, au palais romain du cardinal Altemps à la fin du xvie siècle11. Ce palais se trouve place Saint-Apollinaire en plein centre de Rome et a été acquis en 1568 par le cardinal Sittico12. Le cardinal Altemps était lié à l’église de Santa Maria in Trastevere dont il était le titulaire depuis 158013 ; s’y trouve d’ailleurs la chapelle familiale où il a été inhumé en 159514 en présence du Tasse15. Avec Carlo Borromeo, ll est également l’un des protagonistes de la construction de la Chiesa Nuova à Rome, dédiée à Grégoire XIII et aux Oratoriens de Philippe Néri16. La famille Altemps était donc à la fois allemande et romaine et excellait dans l’art de la négociation et de la guerre17. pour cause d’adultère. Voir F. Scoppola, « Influssi della “Giustizia” Sistina sulla produzione artistica successiva. Il restauro della Madonna della Clemenza e di S. Aniceto in Palazzo Altemps », Sisto V, I. Roma e il Lazio, éd. M. Fagiolo et M. L. Madonna, Rome, Libreria dello Stato, 1992, p. 783. 5 Le cardinal Marco Sittico Altemps a acheté le marquisat de Gallese, de Soriano et de Rocchetta à la fin du xvie siècle. Voir A. Maresca Compagna, « La vita nel palazzo attraverso le fonti archivistiche », Palazzo Altemps, indagini per il restauro della fabbrica Riario, Soderini, Altemps, éd. F. Scoppola, Rome, De Lucca, 1987, p. 247 et J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music for the Church and for the Altemps « Cappella », Ann Arbor, UMI, p. 191-192. Une archive de la famille Altemps est conservée à Viterbo-Gallese, voir M. Di Donato et G. Rostirolla, I Beni musicali di Roma e del Lazio : biblioteche, archivi, discoteche, musei, collezioni pubblici e privati, Rome, IBIMUS, 2009, p. 139. 6 G. B. Di Crollalanza, Dizionario storico-blasonico delle famiglie nobili e notabili italiane estinte e fiorenti, Bologne, Forni, 1986, vol. I, p. 35. 7 A. Serrai, La Biblioteca Altempsiana, op. cit., p. 15. Voir aussi P. Panizon, Il cardinale lanzichenecco Marco Sittico III di Alta Ems, Turin, Ananke, 2010, p. 53. 8 Concernant la généalogie du cardinal Altemps, voir P. Litta, Famiglie celebri italiane. Famiglia Altemps, MilanNaples, 1852, table 2. 9 G. Galbiati, Un manipolo di lettere degli Altemps, op. cit., p. 16. Voir aussi F. Nicolai, Mecenati a confronto : committenza, collezionismo e mercato dell’arte nella Roma del primo Seicento. Le famiglie Massimo, Altemps, Naro e Colonna, Rome, Campisano, 2008, p. 41 et S. Scherling, Markus Sittikus III. (1533-1595). Vom deutschen Landsknecht zum römischen Kardinal, Constance, UKV, 2000, p. 171-178. 10 P. Panizon, Il cardinale lanzichenecco, op. cit., p. 114. La Biblioteca Ambrosiana de Milan (I-Ma) conserve 26 lettres de 1588 à 1617 entre Federico Borromeo et l’archevêque Marco Sittico. 11 J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 212, n. 352. 12 A. Maresca Compagna, « La vita nel palazzo attraverso le fonti archivistiche », op. cit., p. 246. 13 P. Panizon, Il cardinale lanzichenecco, op. cit., p. 152. 14 Nous pouvons lire dans un avviso romain daté du 30 août 1625 : « Essendosi risoluto di fabricare con molta spesa nella Chiesa di S. Maria in Trastevere una bellissima Cappella avanto la tribuna maggiore et al paro di quella del già Cardinale Altemps. », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, b. 11, fo 242vo, le 2 août 1625. 15 P. Panizon, Il cardinale lanzichenecco, op. cit., p. 200. 16 Id., p. 156-157. 17 Id., p. 55 et 56.
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Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne
Généalogie de Marco Sittico Altemps
Le dédicataire de D’India, le comte Marco Sittico von Hohenems18 – à ne pas confondre avec son homonyme, oncle et cardinal –, prince-archevêque de Salzbourg depuis 161219, était donc le neveu de Carlo Borromeo et le petit-cousin du cardinal Federico Borromeo de Milan20. Il a été formé dans les années 1580 au Collège des Nobles de Milan puis au Collège germanique de Rome21 et a étudié la jurisprudence à Bologne au début des années 159022, avant de retourner à Salzbourg, ville qui a vu sous son règne « la première floraison du baroque23 ». Son activité d’archevêque fut courte (1612-1619) mais culturellement fructueuse et d’une importance cruciale24. Voici l’arbre généalogique de Marco Sittico, le dédicataire de D’India :
Schéma 7 : Arbre généalogique de l’archevêque Marco Sittico Altemps
Le rayonnement culturel de la famille Altemps : musique, littérature et science
Piero Panizon compare la famille Altemps à celle des Farnèse en matière d’émulation et de compétition tant pour les affaires religieuses que pour le mécénat artistique25. En effet, la cour des Altemps à Rome est emblématique de la transition vers l’innovation et le faste à cette époque26, contexte dans lequel l’archevêque Marco Sittico fait montre d’une énergie singulière malgré la courte durée de son activité d’évêque27. Sur le plan littéraire, ses origines germaniques lui donnent accès à des marchés éditoriaux qui lui étaient familiers comme ceux de Bâle, Zurich, Anvers, Strasbourg, Cologne, Ingolstadt ou Haguenau28, favorisant ainsi la circulation de livres entre l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et l’Italie.
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Pour un portrait de l’archevêque Marco Sittico, voir G. Galbiati, Un manipolo di lettere degli Altemps, op. cit., p. 81. Sur les documents concernant l’archevêque et qui sont conservés à l’Archivio arcivescovile de Salzbourg et aux Archives du Vatican, voir id., p. 47. P. Litta, Famiglie celebri italiane, op. cit., table 1. Id., p. 168. E. Ferrari Barassi, « “Il primo libro delle villanelle” of Aurelio Bonelli dedicated to Marcus Sittico von Hohenems (1596) », Anuario Musical, no 36, 1981, p. 20. « His reign witnessed the first flowering of the Baroque in Salzbourg. », G. Watkins, Sigismondo D’India. Il terzo libro dei madrigali, op. cit., p. vii. S. Dahms, « Italienische Tanzkunst nördlich der Alpen », In Teutschland noch gantz ohnbekandt. Monteverdi-Rezeption und frühes Musiktheater im deutschprachingen Raum, éd. M. Engelhardt, Frankfurt, Lang, 1996, p. 72. P. Panizon, Il cardinale lanzichenecco, op. cit., p. 117. Id., p. 142. G. Galbiati, Un manipolo di lettere degli Altemps, op. cit., p. 47-48. A. Serrai, La Biblioteca Altempsiana, op. cit., p. 11. Voir aussi P. Panizon, Il cardinale lanzichenecco, op. cit., p. 209.
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Première partie
Les passions du prince-archevêque Marco Sittico et de son neveu Giovanni Angelo Altemps
Giovanni Angelo Altemps29 (1587-1620), deuxième duc de Gallese, fils de Roberto Altemps et de Cornelia Orsini, neveu du prince-archevêque Marco Sittico et petit-fils du cardinal Altemps dont il était l’héritier universel, est un personnage important dans le rayonnement culturel de la famille mais également en ce qui concerne le mécénat romain à l’aube du xviie siècle. C’est à cette époque qu’il poursuit les travaux du palais Altemps commencés par son grand-père30 et s’intéresse à la musique en y créant vers 1604 une Chapelle musicale (la chapelle Sant’Aniceto31), florissante au moins jusqu’à sa mort en 162032. Son amour pour les lettres semble avoir été déterminant dans la constitution d’une des plus belles bibliothèques romaines de son temps33. En effet, les documents d’archive décrivent Giovanni Angelo comme une personne très savante, passionnée par les mathématiques, l’astronomie34, la littérature… Il est l’ami de Galileo Galilei35 à qui il écrit une lettre en 1616 afin d’obtenir le télescope que le physicien a conçu en 160936. La passion de Giovanni Angelo pour les livres37 est similaire à celle de son oncle, le princearchevêque Marco Sittico (le dédicataire de D’India), ou à celle de l’oncle à la mode de Bretagne de l’archevêque, le cardinal Federico Borromeo, du moins si l’on en juge par le développement concomitant, entre la première et la deuxième décennie du xviie siècle, des acquisitions et des commandes de portraits pour leur bibliothèque respectives (Altempisana et Ambrosiana38).
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Giovanni Angelo a épousé Maria Cesi (morte en 1609) en 1605 avec qui il a eu un fils : Pietro Altemps, puis il a épousé Margherita Madruzzo en deuxièmes noces en 1611 avec qui il a eu quatre enfants : Giovanni Angelo, Marco Sittico, Gaudenzio et Sigismondo. Voir A. Maresca Compagna, « La vita nel palazzo attraverso le fonti archivistiche », op. cit., p. 263 et 302. 30 F. Scoppola, « Influssi della “Giustizia” Sistina », op. cit., p. 796-797. Sur son activité de mécène vis-à-vis des peintres, voir L. Calenne, Prime ricerche su Orazio Zecca da Montefortrino (oggi Artena) : dalla bottega del Cavalier d’Arpino a quella di Francesco Nappi, Rome, Gangemi, 2010, p. 127-128 et 153, n. 54. 31 P. Totti, Rittrato di Roma moderna, Rome, Ricciardi, 1638, p. 261. 32 J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 161, 197-198 et 210-211. 33 J. P. Couchman, « Musica nella cappella di Palazzo Altemps a Roma », Musica e musicisti nel Lazio, éd. A. Morelli et R. Lefevre, Rome, Palombi, 1985, p. 168. Sur la bibliothèque du cardinal Altemps, voir P. Panizon, Il cardinale lanzichenecco, op. cit., p. 144-145 et 209-211. 34 Une grande partie de la bibliothèque Altemps était dédiée à l’astronomie. Voir A. Serrai, La Biblioteca Altempsiana, op. cit. 35 F. Nicolai, Mecenati a confronto, op. cit., p. 42. 36 F. Scoppola, « Influssi della “Giustizia” Sistina », op. cit., p. 800. Voir aussi J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 208. Dans une lettre du poète Raffaele Gualterotti, datée du 14 septembre 1609 et adressée à Virginio Orsini, le grand-père de Giovanni Angelo Altemps, il est question de Galilei et de « l’invention d’une lunette […], instrument qui permet de regarder une journée et demie au loin dans la mer les embarcations et autres objets visibles. » (« Il ritrovamento del suo occhiale […] strumento di vedere per il mare una giornata e mezzo lontano i legni e gl’altri oggetti visibili. », (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 119/3, lettre no 324. Pour d’autres lettres entre Galilei et Virginio Orsini, voir id., boîte 121/4, lettre no 628 datée du 18 septembre 1610 et boîte 121/1, lettre no 131 datée du 8 avril 1611. 37 Giovanni Angelo a également acquis en 1611 une importante collection de plus de 10 000 livres et 2000 manuscrits appartenant au cardinal Ascanio Colonna qui contient des livres de musique sacrée et profane qui ne sont pas répertoriés dans les inventaires de la chapelle et dont la plupart sont conservés à la Bibliothèque Casanatense de Rome. Voir Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Urb. lat. 1079, fo 580vo, le 13 août 1611 et J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 195, 215-216 et 218-219. Concernant la vocation poétique et la passion pour la musique du petit-fils et homonyme du duc, Giovanni Angelo Altemps (1642-1680), voir A. Pampalone, « La cerimonia di laurea di Giovanni Angelo Altemps », Cerimonie di laurea nella Roma barocca, Rome, Gangemi, 2014, p. 51-120. 38 F. Nicolai, Mecenati a confronto, op. cit., p. 78.
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Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne
Les Villas Altemps de Frascati
Le cardinal Marco Sittico a investi une bonne partie de son patrimoine dans la construction de son magnifique palais romain mais également dans l’acquisition de deux villas à Frascati : Tuscolana et Mondragone, dans la campagne romaine, achetées au cardinal Farnèse en 156739. À la mort de Marco Sittico en 1595, Giovanni Angelo devient l’héritier de tout le patrimoine de la famille, y compris des deux villas. Ce dernier n’éprouve toutefois pas l’intérêt de ses prédécesseurs pour ces deux lieux. Après une tentative de location au cardinal Montalto en 1609, le duc Altemps finira par vendre les villas, en 1613, au cardinal Scipione Borghese, neveu du pape Paul V40. Giovanni Angelo était également proche du cardinal Pietro Aldobrandini, son tuteur dans ses années de jeunesse41, et a sans doute été invité régulièrement aux divertissements organisés à la Villa Aldobrandini, également à Frascati, sans doute dirigés par le compositeur Felice Anerio (1560-161442). En effet, le duc Altemps employait des musiciens à Frascati, villa dans laquelle une collection importante de musique polyphonique était conservée et probablement jouée pour la délectation du duc43. La musique de Giovanni Angelo Altemps
Au début du xviie siècle et jusqu’à l’élection du pape Paul V en 1605, le duc Altemps engage fréquemment de nombreux chanteurs de la Chapelle pontificale parmi les plus appréciés par son ami le cardinal Aldobrandini44 pour la chapelle de son palais romain. C’est le cas du ténor sicilien Martino Lamotta, chantre à l’église Saint-Louis-des-Français de 1598 à 1601, membre de la Chapelle Giulia de 1601 à 1605 et puis chanteur au service de la chapelle du duc Altemps. Il deviendrait membre de la Chapelle Sixtine en 1610 jusqu’à la fin de sa vie. Lamotta apparaît en tant que « musicien » dans les registres du duc Giovanni Angelo le 22 avril 1612 et le 2 juillet 1613 ; de même, l’un des clavecins du palais Altemps est inscrit dans un inventaire de sa chambre en mars 161045. 39 40
41 42 43 44 45
Id., p. 41 ; S. Scherling, Markus Sittikus III., op. cit., p. 104-108 et J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 190. Concernant l’histoire de la villa Mondragone, voir L. Marcucci, « Villa Mondragone a Frascati », Quaderni dell’Istituto di Storia dell’Architettura, no 17, 1982, p. 118. Id., p. 119 et P. Totti, Rittrato di Roma moderna, op. cit., p. 522-523. Voir aussi M. De Angelis d’Ossat, Tra Villa Mondragone e Palazzo Altemps : le residenze di un cardinale, Rome, Università degli studi Tor Vergata, 2003. Le cardinal Maurice de Savoie fera l’acquisition en décembre 1617 et en octobre 1618 d’une collection de sculptures classiques et d’autres antiquités provenant d’une autre propriété des Altemps à Frascati : la Villa Torlonia. Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Roma, liasse 29, fasc. 1, fo 52ro, lettre du cardinal Maurice de Savoie datée du 14 décembre 1617 : « Mi è molto gradita la proposta che mi fate in compra della Vigna del Duca Altemps, essendome anco più invaghito per gli ornamenti delle statue et altre antichità che vi sono. », et fasc. 2, fo 79ro d’Alessandro Scaglia, datée du 13 octobre 1618 où il est question de « tre teste di marmo antiche […]. Delle teste […] egli non hà altra certezza che siano d’Achile Anacreonte et d’Archimede che il nome ch’egli gli hà date, et che se bene le teste sono antiche non sono molto ben conditionate. ». Plus tard, en 1621, la Villa Torlonia sera vendue au cardinal Ludovico Ludovisi, neveu du pape Grégoire XV. (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, Corrispondenza in entrata dei Duchi di Bracciano (1609-1639), boîte 130, lettre no 32. Voir aussi M. Cogotti, « Villa Torlonia a Frascati : la prima villa dei Borghese nel Tuscolano (1607-1614) », Lo « Stato tuscolano » degli Altemps e dei Borghese a Frascati. Studi sulle ville Angelina, Mondragone, Taverna-Parisi, Torlonia, éd. M. B. Guerrieri Borsoi, Rome, Gangemi, 2012, p. 185-207. J. P. Couchman, « Musica nella cappella di Palazzo Altemps », op. cit., p. 170. Voir aussi (I-Ras), Miscellanea delle Famiglie, Altemps, boîte 9, fasc. 1, où dans une lettre à peine lisible il est question de l’alimentation d’eau de la Villa Aldobrandini à Frascati. J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 199. Id., p. 161, 173, 199 et 225. Id., p. 198 et 199. Voir aussi F. Hammond, « Cardinal Pietro Aldobrandini Patron of Music », Studi Musicali, no 12, 1983, p. 53. J. P. Couchman, « Musica nella cappella di Palazzo Altemps », op. cit., p. 174.
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Première partie
Durant sa courte vie, Giovanni Angelo Altemps s’occupe de musique et de théâtre46, écrit des comédies47 et compose de la musique48. Palestrina, les frères Nanino ou Felice Anerio – ce dernier également proche du cardinal Aldobrandini49 – font partie des musiciens qui travaillent pour la famille Altemps à Rome. En effet, entre 1604 et 1607 le duc dépense à peu près la somme de 7 200 écus en instruments, livres de musique et musiciens pour sa chapelle50. Felice Anerio a été engagé par le duc Altemps comme maître de chapelle en 1611. La même année, le duc Giovanni Angelo envoie une lettre datée du 7 septembre 1611 à Federico Borromeo où il recommande, sans succès, le frère cadet de Felice, Giovanni Francesco Anerio (1567-1630) pour le poste vacant de maître de chapelle de la cathédrale de Milan51. L’année suivante, en septembre 1612, Felice Anerio donne des leçons de musique à Rome à une personne non identifiée venue de Mantoue ; il s’agit probablement, si l’on en croit Jonathan Paul Couchman, du prince-cardinal Ferdinando Gonzaga qui entretenait une petite chapelle musicale à Mantoue où il avait engagé plusieurs chanteurs de la Chapelle pontificale vers 161052. Malgré les six inventaires des livres du duc Altemps qui ont été conservés53, il reste difficile, en examinant les recueils de musique sacrée présents dans sa bibliothèque, de savoir quels sont ceux qui ont servi pour la musique de la chapelle dédiée à S. Aniceto54. L’importante collection de musique polyphonique sacrée du duc contient dix-huit imprimés et douze volumes manuscrits55. Dans les inventaires conservés à Rome et à Chicago, on peut identifier des œuvres de Josquin, Rore, Agazzari, Cifra56, Guerrero, Nenna57, Palestrina, Raval, Victoria et Morales, toutes conservées, à l’exception du dernier, à la Bibliothèque du Vatican. Les partitions de l’inventaire Newberry de Chicago peuvent être attribuées à Allegri, Felice et Giovanni Francesco Anerio, Bassano, Frescobaldi, Lasso, Giovanni Maria Nanino, Stefanini, Trabaci, et Viadana58. L’importante activité de collectionneur de Giovanni Angelo Altemps nous donne une idée du répertoire polyphonique qu’il appréciait et sans doute utilisait pour sa chapelle. Dans les inventaires, Sur le « teatrino del duca Altemps », voir F. Clementi, Il carnevale romano nelle cronache contemporanee : con illustrazioni riprodotte de stampe e quadri dell’epoca, Rome, Setti, 1899, p. 334-335. 47 Une troupe de comédiens a représenté une comédie au palais Altemps durant le carnaval de l’année 1611, voir (IRvat), Urb. lat. 1079, fo 93vo, le 29 janvier 1611 et J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 206. La même année, nous pouvons lire dans un avviso romain : « Il Chierico Corsini […] essendosi l’altro giorno tornato à consacrare l’altare della Cappella del Duca Altemps, che rispetto alla fabrica, che hà fatto al suo palazzo si era levato si tiene che rinovarà la solita musica. », (I-Rvat), Urb. lat. 1079, fo 83vo, le 15 janvier 1611. 48 F. Scoppola, « Influssi della “Giustizia” Sistina », op. cit., p. 797. 49 J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 172 et 199. 50 J. P. Couchman, « Musica nella cappella di Palazzo Altemps », op. cit., p. 182. 51 G. Galbiati, Un manipolo di lettere degli Altemps, op. cit., p. 100. Voir aussi M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica : scritti e carteggi, Rome, Bulzoni, 2012, p. 112. 52 J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 177 et 178. 53 Id., p. 213. 54 J. P. Couchman, « Musica nella cappella di Palazzo Altemps », op. cit., p. 178-179. 55 J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 219-221. 56 Sur les rapport d’Antonio Cifra avec le monde germanique, voir H. Federhofer, « Antonio Cifra (1584-1629) und die Hofkapelle von Erzherzog Karl Joseph (1590-1624) in Neisse/Schelesien », Die Musikforschung, no 42, 1990, p. 352-356. 57 Il s’agit du Septième livre de madrigaux de 1609, voir J. P. Couchman, Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 454. 58 J. P. Couchman, « Musica nella cappella di Palazzo Altemps », op. cit., p. 180-181 et Felice Anerio’s Music, op. cit., p. 220-221 et 224-225. Voir aussi F. Bigotti, « Le composizioni strumentali “sacre” di Giovanni Francesco Anerio, Gregorio Allegri, Giovanni Battista Organista e di anonimo nella biblioteca Altemps », Atti del Congresso Internazionale di Musica Sacra. In occasione del centenario di fondazione del PIMS, Roma, 26 maggio-1 giugno 2011, éd. A. Addamiano et F. Luisi, Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2013, vol. II, p. 587-611. 46
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Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne
figurent des œuvres appartenant aussi bien à la première qu’à la seconde pratique. Il est étonnant de ne pas retrouver les deux recueils de motets de D’India dans la bibliothèque musicale du duc Altemps à Rome. Nous pouvons imaginer que la diffusion de la musique sacrée de D’India n’était pas à la hauteur de celle de sa musique profane et que ses motets devaient circuler plus facilement dans d’autres villes comme Plaisance ou Strasbourg, que dans la Ville éternelle dans les années 1610. En effet, le compositeur ne reviendra à la musique sacrée qu’à partir de 1625. D’India était pourtant en contact avec le milieu musical romain vers 1608-1609, mais également avec le milieu milanais, ainsi qu’en témoignent la dédicace de son Premier livre des Musiche de 160959, une lettre de Girolamo Borsieri, noble milanais, datant probablement de 1610 où le compositeur est mentionné comme « élève des chanteurs de Rome60 », mais également la dédicace de son Premier livre de motets adressée au cardinal Maurice de Savoie la même année61. L’archevêque Marco Sittico Altemps et Sigismondo D’India
L’année de la dédicace du Troisième livre de madrigaux, l’archevêque Marco Sittico se trouve à Salzbourg62. Ainsi que le souligne Carlida Steffan, c’est en faisant le choix d’un nom illustre en tant que « protecteur », que chaque compositeur se protège contre la critique et la jalousie et cherche à renforcer la valeur des publications qu’il propose au public63. En effet, la « haute protection » de Marco Sittico est un mot central de la dédicace de ce livre de madrigaux64. D’India cherche sans doute à augmenter son prestige en dédiant un recueil de musique à un prince étranger ; « la grande renommée » du dédicataire « qui traverse les Alpes » est proportionnelle à celle que le compositeur peut acquérir en se plaçant sous sa protection. La « très haute protection » et la « grande renommée » de l’archevêque Altemps
Au-delà de la volonté de D’India d’augmenter son prestige en dehors des frontières italiennes, il est possible, comme l’a précisé Glenn Watkins, que le compositeur ait cherché à « faire partie des serviteurs 59
« J’ai décidé de partir pour Rome afin de faire entendre [mes compositions] aux principaux virtuoses et en particulier à l’Illustrissime Seigneur Abbé Farnèse. », S. D’India, Le Musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili, Milan, Tini et Lomazzo, 1609. 60 « Sigismondo d’India allievo de’ cantori di Roma. », cité dans F. Pavan, « “un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 398. 61 S. D’India, Novi concentus ecclesiastici binis, ternis vocibus concinendi Sigismundi De India Nobilis Panormitani, Venise, Gardano, 1610. 62 Voir les lettres du prince-archevêque Marco Sittico entre 1611 et 1613, presque toutes adressées au cardinal Scipione Borghese depuis Salzbourg, Constance et Ratisbonne, conservées à (I-Rvat), Manoscritti Barberini, carteggi diplomatici, Barb. lat. 6809, fo 29-129 et celles datant de 1614 à 1617, depuis Salzbourg, et qui ont été publiées par G. Galbiati, Un manipolo di lettere degli Altemps, op. cit., p. 92. 63 C. Steffan, « Signori illustrissimi patroni collendissimi e devotissimi servitori. Dediche, destinatari e sistema editoriale al tempo di Orazio Vecchi », Il theatro dell’udito : società, musica, storia e cultura nell’epoca di Orazio Vecchi : conferenze tenute durante le celebrazioni del IV centenario della morte di Orazio Vecchi, éd. A. Chiarelli et F. Taddei, Modène, Mucchi, 2007, p. 254. 64 « All’Ilustrissimo et Reverendissimo Signor mio collendissimo Monsignor Marco Sittico Conte d’Altemps, et Gallarata. Arcivescovo & Prencipe di Salzburg. L’alta protettione che V. S. Illustrissima & Reverendissima hà sempre havuto sopra à virtuosi ha di gia acquistato cosi gran nome, che non potendo contenersi infra gli ampiissimi spatii della Germania, transcende l’alpi d’ogni intorno, anzi le gran mura dell’universo, e diffondendosi arrivà fin à questi estremi termini dell’Italia, onde io fatto ambitioso d’esser fra posto al numero de Servitori protetti da V. S. Illustrissima & Reverendissima vengo a farli oblatione di me stesso insieme con questo mio (infino ad hora) ultimo, fatichoso, e prediletto parto musicale, & humilmente me l’inchino. Di Venetia il di primo Agosto MDCXV. Di V. S. Illustrissima e Reverendissima Divotissimo Servitore Sigismondo d’India. », S. D’India, Il terzo libro de’ madrigali, op. cit.
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Première partie
protégés » du prince-archevêque dans le but de quitter la cour de Turin pour celle de Salzbourg à cause de la guerre du Montferrat65, guerre qui a interrompu la quasi totalité des représentations théâtrales entre 1613 et 1618. Il est également possible que Marco Sittico ait cherché à attirer le musicien dans sa cour à la même période66. En effet, l’archevêque se trouvait à Milan le 17 novembre 160667, soit un mois après la publication du Premier livre de madrigaux de D’India dans cette ville68. Nous pouvons penser, si l’on tient compte des importants rapports entre l’Autriche et la cour de Mantoue à cette époque, mais également du fait que le recueil en question est adressé à Vincenzo Gonzaga et que Gallarata – ville dont le prince-archevêque Altemps en est le comte – se situe à quelques kilomètres de la capitale lombarde, que Marco Sittico aurait pu connaître le musicien à cette occasion. En revanche, il nous semble peu probable, compte tenu de l’activité musicale du compositeur à Turin en 1615, que D’India se soit rendu en Autriche. Robert Lindell69 s’est intéressé aux liens de D’India avec Marco Sittico autour de son Troisième livre de madrigaux lors d’une conférence qui s’est tenue en Autriche en 1974 dans le cadre d’un colloque sur la « Musique en 160070 » à l’occasion du festival de Bregenz et du 400e anniversaire de la naissance de l’archevêque. En effet, les échanges musicaux entre l’Italie et l’Autriche dans les premières décennies du xviie siècle doivent être étudiés à travers le patronage nobiliaire de Marco Sittico71. Nombre de musiciens italiens gravitant autour de la cour de Mantoue sont partis à Vienne et à Prague dans la période suivante, entre 1622 et 163972. Musiciens et compositeurs dédicateurs du prince-archevêque Marco Sittico, le « nouveau Prométhée73 »
Aurelio Bonelli, originaire de Bologne, organiste à l’église de San Michele in Bosco de la même ville, est l’un des premiers compositeurs à dédier un recueil de musique à l’archevêque Marco Sittico : le 65 G. Watkins, Sigismondo D’India. Il terzo libro, op. cit., p. viii. 66 Id., p. x. 67 G. Galbiati, Un manipolo di lettere degli Altemps, op. cit., p. 86. 68 S. D’India, Il primo libro de madrigali a 5 voci, Milan, Tradate, 1606. La dédicace, adressée à Vincenzo Gonzaga depuis Milan date du 14 octobre 1606. 69 R. Lindell, « Das Marcus Sitticus von Hohenems gewidmete dritte Madrigalbuch von Sigismondo d’India (1615) ». 70 Symposium « Musik um 1600 » in Bregenz. Le texte n’a pas été publié, mais une présentation du colloque a été rédigée par C. Hellsberg, Die Musikforschung, no 28, 1975, p. 52. Le colloque a également traité de la question de la formation romaine de Marco Sittico, du contexte historique et artistique de la chapelle Altemps à l’église de Santa Maria in Trastevere, du renouveau du diocèse de Constance en 1600, du changement du style musical en Autriche à la même époque, des aspirations musicales ecclésiastiques dans ce pays, de l’importance de l’école de Vienne au début du xviie siècle, de l’essor de la monodie accompagnée, de la musique à la cour de l’archevêque Altemps ainsi que des musiciens comme Aurelio Bonelli, Pietro Pace, Camillo Orlandi ou Francesco Rasi qui ont également dédié des livres de musique au prince-archevêque Marco Sittico. Voir aussi H. Seifert, « Frühes italienisches Muiskdrama », op. cit., n. 8. 71 H. Seifert, « Early Reactions to the New Genre Opera North of the Alps », Lo stupor dell’invenzione, Firenze e la nascita dell’opera. Atti del convegno internazionale di studi, Firenze 5-6 ottobre 2000, éd. P. Gargiulo, Florence, Olschki, 2001, p. 105, 106 et 107. 72 P. Besutti, « I rapporti musicali tra Mantova e Vienna durante il Seicento », In Teutschland noch gantz, op. cit., p. 4748. Voir aussi C. Streubühr, « Die Darstellung der italienischen Oper in deutschprachigen Reiseberichten des 17. Jahrhunderts », Italian Opera in Central Europe : 1614-1780. Italianità, image and practice, éd. C. Herr, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2008, vol. II, p. 239-240 et S. Saunders, Cross, Sword and Lyre : Sacred Music at the Habsburg Court of Ferdinand II (1615-1627) The Latin Vocal Music of Giovanni Priuli and Giovanni Valentini, Oxford, Clarendon Press Oxford, 1995, p. 225-232. 73 « Quasi nuovo Prometeo, che voglia à cosa, che inanimata sia, con celeste splendore. ». C’est ainsi que Pietro Matteacci, décr it le prince-archevêque Marco Sittico à qui il dédie sa fable pastorale Fillidoro, Venise, Ambrosio Dei, 1613.
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Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne
Premier livre des villanelles de 159674, sa première publication musicale. Sa musique instrumentale témoigne également de la diffusion de la musique italienne au-delà des Alpes75. Pietro Pace (ou Paci), pour sa part, organiste de l’église de Lorette, a dédié à Marco Sittico un livre de motets en 161976 – l’année de la mort du prince-archevêque. Pace affectionnait également le style concertant et le nouveau style monodique77 et était en contact avec le milieu musical de Rome et de Pesaro78. Une lettre de Marco Sittico, envoyée depuis Salzbourg le 29 juin 1617 à Federico Borromeo et conservée à la Biblioteca Ambrosiana de Milan, confirme « la grande renommée » de la « haute protection » de l’archevêque Altemps : J’aurais plus que volontiers reçu le Frère Guglielmo Venetiano de l’Ordre de Saint-Augustin, qui m’a transmis ces jours derniers le commandement de Votre Seigneurie Illustrissime en même temps que le témoignage de votre très grande courtoisie. Ce dernier, ayant brillé uniquement dans la profession de musicien et compositeur, a trouvé pour moi trois serviteurs très qualifiés et dont je suis entièrement satisfait. Je n’ai rien pu faire d’autre que lui donner quelque secours en lui écrivant, à sa demande, une lettre de recommandation pour le Seigneur Cardinal Dietrichstein79 chez qui il se rendra afin de tenter sa chance80.
En évoquant « Guglielmo Veneziano », Marco Sittico fait en réalité allusion à Guglielmo Miniscalchi (c. 1590-c. 1630), moine compositeur qui a publié trois livres d’airs entre 1625 et 163081. 74 A. Bonelli, Il primo libro delle villanelle a tre voci, Venise, Gardano, 1596. Voir aussi E. Ferrari Barassi, « “Il primo libro delle villanelle” of Aurelio Bonelli », op. cit., p. 17-37. 75 Concernant les trois publications (dont deux incomplètes) de Bonelli dont la deuxième est un livre de Ricercari de 1602 et qui nous est parvenu complet, voir O. Mischiati, « Bonelli Aurelio », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1969, vol. XI, p. 745-747. 76 P. Pace, L’Ottavo Libro de Mottetti a una, due, tre e quattro voci : con il salmo Dixit et Magnificat a sei voci : il tutto concertati con il Basso continuo per sonare : opera decimanona, Rome, Soldi, 1619. 77 P. Pace, Il Primo libro de Madrigali per cantare sopra il Chitarrone o Tiorba o altri stromenti da una voce sola con un dialogo tra il Peccatore e la Morte, Venise, Vincenti, 1613, Scherzi arie et madrigali a una, due, tre & quattro voci sopra la Romanesca, Ruggiero & Gazzella per cantar nel Clavicembalo, Chitarrone, o altro simile stromento, opera decimaterza, Venise, Vincenti, 1616 et Il Secondo libro de Scherzi et Arie spirituali : sopra la Romanesca, et Ruggiero con altre Arie a una, doi, tre, in sino a sette voci per cantare nel clavicembalo, chitarrone, o altro simile istromento concertate nella congregatione della Concettione, nell’Oratorio della Compagnia del Giesu in Loreto, opera decimaquarta, Venise, Vincenti, 1617. 78 G. Vecchi, Festa teatro e musica per le nozze roveresche del 1621 : L’Ilarocosmo di Ignazio Bracci e Pietro Pace, Pesaro, Olivieri, 1981. Il s’agit de Franz von Dietrichstein (1570-1636), créé cardinal en 1600 par le pape Clément VIII. 79 Havrei più che volentieri dato trattenimento a Fra’ Guglielmo Venetiano dell’ordine di S. Agostino come ricerca il 80 « comando di V. S. Illustrissima ricevuto da me questi giorni per mezzo della cortesissima sua resami da lui : ma splendendosi egli solo per musico compositore nella qual profesione mi ritrovo tre soggetti ben qualificati e di mia sodisfatione, non ho potuto far altro che dargli un poco di soccorso et ad instanza de lui medesimo una lettera di raccomandatione al Signor Cardinale Dietrichstein del quale s’è incaminato per tentar ivi sua fortuna. », (I-Ma), lettre G 226 inf. no 41. 81 G. Miniscalchi, Arie di Guglielmo Miniscalchi, Libro Primo, per cantarsi nella spinetta, chitarrone, e simile istromento, con l’intavolatura per la chitarra alla spagnola, Venise, Vincenti, 1625, Arie di Guglielmo Miniscalchi. Libro secondo per cantarsi nella spinetta, chitarrone, e simile istromento, con l’intavolatura per la chitarra alla spagnola, Venise, Vincenti, 1627 et Arie di Guglielmo Minscalchi Libro terzo per cantarsi nella spinetta, chitarrone, e simile stromento, con l’intavolatura per la chitarra alla spagnola, Venise, Vincenti, 1630. Concernant d’autres musiciens italiens faisant partie de la cour de l’archevêque Altemps, nous pouvons mentionner le cornettiste Giovanni Martino Cesare qui lui a dédié une livre de motets en 1614, l’organiste Alessandro Gualtieri – originaire de Vérone – ou Pietro Lappi. Voir E. Hintermaier, « “Es gehe confuse in verrichtung des Gottesdienstes zu, und wolle demnach denn Chorum in ein bessere und richtigere Ordnung bringen”. Liturgie-Reform, Kirchenmusik und höfisches Musikleben unter den Erzbischöfen Wolf Dietrich von Raitenau (1587-1612) und Markus Sittikus von Hohenems (1612-1619) », Salzburger Musikgeschichte Vom Mitterlalter bis ins 21. Jahrhundert, éd. J. Stenzl, E. Hintermaier et G. Walterskirchen, Salzbourg, Pustet, 2005, p. 135-136.
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Première partie
C’est le chanteur et compositeur Francesco Rasi, élève de Giulio Caccini, qui introduit le style des monodistes florentins à Salzbourg82. Il aurait également pu être le promoteur d’une série de représentations d’opéra italiens donnés dans cette ville sous l’égide de Marco Sittico, grand amateur de théâtre83, entre 1614 et 1619 comme L’Andromeda, opéra perdu de Monteverdi, pour le mariage de son neveu Jacopo Annibale II Altemps en décembre 1616. L’opéra a été repris deux mois plus tard pendant le carnaval, mais aussi en août et octobre 1617, puis, à nouveau, deux fois durant le carnaval de 161884. Le même Rasi a fait connaître à Salzbourg, peu de temps après son arrivée en Autriche, L’Orfeo de Monteverdi85. Le livre d’airs profanes que Rasi a dédié à Marco Sittico est daté de décembre 1612 et est conservé manuscrit à la Bibliothèque épiscopale centrale de Ratisbonne86. Quatre ans après l’arrivée de Rasi à Salzbourg, l’archevêque Marco Sittico fait venir en décembre 1616 un autre chanteur mantouan : le chevalier Francesco Campagnolo87 ; et, plus tard, le ténor mantouan Pasquino Grassi (c. 1589-c. 1656), actif à Salzbourg, Vienne, Berlin, Bamberg, Bruxelles, Cologne et Munich où il a chanté pour le duc de Bavière88. En effet, on peut considérer Marco Sittico comme le plus important promoteur, à Salzbourg, du nouveau style monodique89 mais également de toute la musique italienne issue de la seconde pratique90. La Chapelle impériale, quant à elle, connaîtra son essor entre 1620 et 163091, conduisant à une italianisation de la cour de Vienne92. Camillo Orlandi, enfin, originaire de Vérone, fait également partie des musiciens de la cour de l’archevêque Marco Sittico93. Il lui a dédié un recueil d’airs d’une à trois voix le 30 mai 161694, soit un an après la publication du livre de madrigaux polyphoniques de D’India. La dédicace du recueil d’Orlandi insiste, tout comme celle du Troisième livre de D’India, sur « la chaleur » de la protection95 du prince-archevêque
O. Wessely, « Das Werden der barocken Musikkultur », Musikgeschichte Österreichs. Band 1. Von den Anfängen zum Barock, Graz-Vienne-Cologne, Verlag Styria, 1977, p. 303-304 ; W. Kirkendale, The Court Musicians in Florence during the Principate of the Medici. With a Reconstruction of the Artistic Etablishment, Florence, Olschki, 1993, p. 556 et 600 et H. Seifert, « Rapporti musicali tra i Gonzaga e le corti asburgiche », I Gonzaga e l’Impero. Itinerari dello spettacolo, éd. U. Artioli et C. Grazioli, Florence, Le Lettere, 2005, p. 224. 83 E. Ferrari Barassi, « “Il primo libro delle villanelle” of Aurelio Bonelli », op. cit., p. 20. 84 H. Seifert, « Frühes italienisches Muiskdrama nördlich der Alpen : Salzburg, Prag, Wien, Regensberg und Innsbruck », In Teutschland noch gantz, op. cit., p. 31. 85 H. Seifert, « Rapporti musicali tra i Gonzaga », op. cit., p. 222. 86 Concernant l’édition moderne de ce manuscrit, voir H. Seifert, Musiche da camera e da chiesa. Francesco Rasi. Arie a tre, due et voce sola. Camillo Orlandi, Salzbourg, Selke Verlag, 1995, p. xi. Voir aussi J. Steinheuer, « Sigismondo D’India und die « Vaghezze di Musica », op. cit., p. 86 et C. MacClintock, « The Monodies of Francesco Rasi », Journal of the American Musicological Society, no 14/1, 1961, p. 31. 87 H. Seifert, « Beiträge zur Frühgeschichte der Monodie in Österreich », Studien zur Musikwissenschaft, no 31, 1980, p. 14. Sur la carrière de Campagnolo en Autriche, voir P. Besutti, « I rapporti musicali tra Mantova e Vienna durante il Seicento », op. cit., p. 48-51. 88 H. Seifert, « Rapporti musicali tra i Gonzaga », op. cit., p. 223-224. 89 O. Wessely, « Das Werden der barocken Musikkultur », op. cit., p. 283-284. 90 E. Hintermaier, « Es gehe confuse in verrichtung », op. cit., p. 136. 91 S. Saunders, Cross, Sword and Lyre, op. cit., p. 18-32. 92 Id., p. 178-197. 93 O. Wessely, « Das Werden der barocken Musikkultur », op. cit., p. 303-304. 94 C. Orlandi, Arie a tre due et voce sola di Camillo Orlandi veronese. Musico dell’Illustrissimo, & Reverendissimo Arcivescovo, et Prencipe di Salsburgo. Opera seconda, Venise, Vincenti, 1616. Éd. moderne H. Seifert, Musiche da camera e chiesa, op. cit., p. xi et 23-24. 95 « E ben ragione che questo Secondo frutto di Musica (qualegli si sia) che rinvigorito del calore della sua protettione, vi hò prodotto. », C. Orlandi, Arie a tre due et voce sola, op. cit., dédicace. 82
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Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne
Marco Sittico, sur sa « très honorable renommée96 » qui dépasse les frontières de sa cour et sur sa connaissance éclairée de la musique97. Il s’agit d’un autre exemple de « transplantation musicale » entre l’Italie et l’Autriche98. Illustration des rapports politiques et culturels entre l’Autriche et l’Italie, l’histoire de la famille Altemps révèle les goûts musicaux des deux côtés des Alpes. Le mécénat de protection de l’archevêque Marco Sittico Altemps doit être mis en parallèle avec celui de son neveu Giovanni Angelo ; mécénat empreint de collectionnisme99 – qu’il s’agisse d’instruments de musique, d’objets d’art, de livres de musique et de science – et marqué par la volonté de protéger les artistes en les recommandant à d’autres patrons, ce qui facilite leur déplacement – nous avons vu le cas de Guglielmo Miniscalchi. C’est à travers les convergences et les divergences des goûts musicaux et du patronage nobiliaire des deux Altemps que se révèle une partie des pratiques culturelles et de la vie musicale entre Rome et Salzbourg au début du xviie siècle ; les deux villes se font signe par-delà les frontières. Le Troisième livre de madrigaux de D’India, « œuvre musicale de prédilection, née difficilement100 », pour reprendre les mots du compositeur, peut être considéré comme le reflet du haut niveau musical de la cour de Marco Sittico. Il s’insère dans le contexte historique et dans le complexe et riche système d’échanges musicaux entre l’Italie et l’Autriche de cette époque ; il en est l’un des premiers et plus importants exemples. Le prince-archevêque Marco Sittico Altemps, quant à lui, est un arbitre qui, dans sa volonté de protéger les musiciens et de transplanter toutes les nouveautés musicales dans sa cour à Salzbourg, favorise l’émulation, la circulation101 et donc l’évolution de la musique de la première modernité. Ferdinand II d’Autriche, Charles de Habsbourg et Maximilien de Bavière
Les premiers dédicataires étrangers choisis par D’India sont autrichiens (Ferdinand II en 1610 et Marco Sittico en 1615), de même que celui à qui il a adressé son dernier recueil publié durant son séjour à la cour de Turin (Charles de Habsbourg en 1623). Ajoutons que le compositeur fut engagé à la fin de sa vie par un prince allemand (Maximilien de Bavière en 1628). Ce chapitre se concentre sur les rapports de D’India avec trois de ces personnages appartenant à la sphère germanique : l’archiduc d’Autriche Ferdinand II (1578-1637), dédicataire de son Deuxième livre de Motets de 1610102 – où transparaît l’écriture expérimentale du compositeur qui renouvelle les techniques du contrepoint ancien –, son frère, l’archiduc Charles de Habsbourg (1590-1628), à qui il 96 « L’honoratissima fama, che corre per tutto l’universo della grandezza. », ibid. 97 « Il perfetto conoscimento, ch’ella tiene d’ogni virtuosa professione e particolarmente della Musica. », ibid. 98 « Mentre quasi novella pianta […] divenuta nel suo nativo terreno infeconda […] mi ritrovo […] transportato, e fissa con le radici dell’humilissima servitù mia, nel ampio, e fertilissimo giardino della nobilissima Corte dell’Altezza Vostra. », ibid. 99 Sur cette question, voir Geografia del collezionismo. Italia e Francia tra il xvi e il xvii secolo, éd. O. Bonfait, M. Hochmann, L. Spezzaferro et B. Toscano, Rome, École française de Rome, 2001. 100 « Vengo a farli oblatione di me stesso insieme con questo mio (infino ad hora) ultimo, fatichoso, e prediletto parto musicale, & humilmente me l’inchino. », S. D’India, Il terzo libro de’ madrigali, op. cit., dédicace. 101 Concernant la thématique de la circulation en Europe, voir G. Bertrand, Bibliographie des études sur le voyage en Italie : voyage en Italie, voyage en Europe, xvie-xxe siècle, Grenoble, CRHIPA, 2000, et notamment les p. 43-67. 102 S. D’India, Liber secundus sacrorum concentuum Sigismundi De India Nobilis Panormitani, ternis, quaternis, quinis, senisque vocibus concinendorum, Venise, Gardano, 1610. Pour une édition moderne de ce recueil, voir G. Collisani, Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV).
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Première partie
adresse son Cinquième livre des Musiche de 1623103 – qui contient des monologues dramatiques parmi les meilleurs du genre – et le gendre de l’archiduc Ferdinand, le prince-électeur de Bavière Maximilien Ier (1573-1651) qui souhaite attirer le compositeur dans sa cour en 1628. Nous orienterons notre réflexion sur la circulation musicale, la mobilité et les échanges culturels italo-germaniques, mais aussi sur les stratégies de carrière de D’India, autant d’enjeux qui impliquent l’identité nobiliaire et la renommée internationale. Nous retrouverons ainsi les thématiques du mécénat, de la magnanimité et de la diplomatie musicale. L’Autriche et l’Italie au début du xviie siècle, entre politique familiale et échanges artistiques
Charles de Habsbourg-Styrie, prince-évêque de Breslau (Wrocław), était le fils de Charles II, archiduc d’Autriche et le frère de Ferdinand II et de Léopold V, évêque de Strasbourg. L’alliance des Habsbourg avec les différentes familles italiennes du Nord a été renforcée grâce aux mariages des archiduchesses avec les princes de Mantoue, Florence et Ferrare et à leur résidence dans ces villes italiennes104. Le territoire mantouan était en effet un passage stratégique sur la route qui traverse l’Italie et qui conduit à l’Empire germanique. Hommes d’État, Charles de Habsbourg et son frère Ferdinand II105 n’en étaient pas moins mélomanes et, concernant la musique, menèrent une importante politique culturelle en Autriche en favorisant notamment la circulation du répertoire musical italien dans leur pays La circulation de la musique sacrée de D’India dans le monde germanique au début du xviie siècle
Ainsi que le souligne Herbert Seifert106, le début de l’italianisation de la cour d’Autriche, marque un tournant culturel à l’époque baroque. Il a été impulsé par deux impératrices de la famille Gonzague. La première, Eleonora Gonzaga107 (1598-1655), deuxième femme de l’archiduc Ferdinand II, nièce de Marie de Médicis et la plus jeune fille de Vincenzo Gonzaga, se rendit en Autriche en 1622 et scella ainsi l’alliance entre le duché de Mantoue et la maison d’Autriche108. Elle joua un rôle de premier plan en tant que médiatrice dans l’introduction des nouveaux genres (opéra, ballets) dans ce pays109. La 103 S. D’India, Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India Gentil’huomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinal di Savoia da cantarsi nel chitarrone, clavicembalo, arpa doppia et altri simili stromenti da corpo. Con alcune arie con l’alfabetto per la chitarra spagnola […]. Libro quinto, Venise, Vincenti, 1623. Pour une édition moderne de ce recueil, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, vol. II, p. 291-335 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). 104 H. Seifert, « Rapporti musicali tra i Gonzaga e le corti asburgiche », I Gonzaga e l’Impero. Itinerari dello spettacolo, éd. U. Artioli et C. Grazioli, Florence, Le Lettere, 2005, p. 219. Voir aussi T. Carter, « Intriguing laments », op. cit., p. 48. Sur les rapports des Habsbourg avec le duché de Parme et Plaisance à la fin du xvie siècle, voir G. P. De Crescenzi Romani, Corona della nobiltà italiana, overo Compendio dell’istorie delle famiglie illustri, Bologne, Tebaldini, 1639, p. 728 et 729. 105 Le duc Federico Savelli était l’ambassadeur de Ferdinand II à Rome jusqu’en 1620, puis il a été remplacé par son frère, Paolo Savelli, de 1620 à 1632. Voir P. Milza, Histoire de l’Italie – Des origines à nos jours, Paris, Fayard, 2005, p. 455. 106 H. Seifert, « Die Entfaltung des Barock », Musikgeschichte Österreichs. Band 1. Von den Anfängen zum Barock, GrazVienne-Cologne, Verlag Styria, 1977, p. 325. 107 Pour la corrrespondance d’Eleonora Gonzaga avec Cesare et Alphonse d’Este entre 1622 et 1629, voir Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Germania, Imperatrici, boîte 1587/13. 108 R. Tamalio, « Mantova e i Gonzaga tra Spagna e Austria (1530-1630). Un ducato sul cammino dell’impero », I Gonzaga e l’impero, op. cit., p. 36. Voir aussi O. G. Schindler, « L’incoronazione ungherese di Eleonora I Gonzaga (1622) e gli inizi del teatro musicale alla corte degli Asburgo », Quaderni di Palazzo Te, no 5, 1999, p. 71. 109 Id., p. 71, 83 et 84.
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Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne
seconde fut Eleonora de Nevers-Mantoue (1630-1686), mariée à Ferdinand III (1608-1657), successeur de son père Ferdinand II à la tête du Saint Empire romain. Il est intéressant de remarquer que la musique sacrée de D’India circule dans le monde germanique à partir des années 1610. Il s’agit de la diff usion d’une musique catholique dans un monde protestant. Ainsi, deux motets du livre que le compositeur a dédié à l’archiduc Ferdinand ont été publiés dans deux importantes anthologies à Strasbourg : la Pars Altera de 1612110 et la Pars Tertia de 1627111. Même la dévotion religieuse se retrouve renouvelée par le nouveau style monodique et D’India fait partie des compositeurs qui participent à cette transformation.
Schéma 8 : Arbre généalogique des trois princes germaniques
Circulation du répertoire et carrière des musiciens, les échanges musicaux italo-autrichiens
Très importants pour les échanges musicaux entre la cour de Mantoue et celle des Habsbourg furent la visite en 1595 de Vincenzo Gonzaga au Nord de la Hongrie, à Innsbruck, Prague, Vienne et Bratislava112, mais également le voyage de Vincenzo II Gonzaga (frère de Francesco Gonzaga et cousin de l’Empereur Mattia113) en 1612 à Prague et Vienne en compagnie du chanteur Francesco Rasi (1574-1621114). En 1598, l’archiduc d’Autriche Ferdinand II se trouvait à Mantoue. Le 14 et 15 juin de la même année, de retour d’un voyage à Rome et à Ferrare où il avait rencontré le pape, l’archiduc et futur empereur a assisté aux représentations théâtrales données par la Compagnie de la comédie de l’art des Gelosi (celle de Francesco et Isabella Andreini) à la cour des Gonzague115. Le Troisième livre de madri110
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Il s’agit du motet à cinq voix et en trois parties Pacem relinquo vobis pour la fête de la Pentecôte. Pars Altera […] Collectore Abrahamo Schadaeo, Strasbourg, Kieffer, 1612, no XLII. Il est intéresant de remarquer que ce recueil contient également la musique des compositeurs (Bianciardi, Casali, Cima, Giacobbi, Guaiatoli, Pallavicino, Rubini, Stefanini, Gasparo Villani ou Orfeo et Orazio Vecchi) qui, comme D’India, ont été actifs dans le Nord de l’Italie (Bologne, Carpi, Milan, Modène, Plaisance, Sienne, Turin). Il s’agit du motet à quatre voix Et vidi alterum angelum. Pars Tertia […] Opera et studio Johannis Donfr id, Strasbourg, Ledertz, 1627, no CCXLVII. Voir aussi G. Collisani, Sigismondo D’India. Mottetti concertati, op. cit., p. xii. H. Seifert « Rapporti musicali tra i Gonzaga », op. cit., p. 220-221. Mattia est couronné empereur en 1612. Concernant la musique sacrée à la maison de Habsbourg dans une période plus tardive, voir Sakralmusik im Habsburgerreich 1570-1770, éd. T. Erhardt, Vienne, OAW, 2013. R. Tamalio, « Mantova e i Gonzaga », op. cit., p. 35. Concernant la carrière d’Isabella Andreini à Vienne et à Prague, voir P. Besutti, « I rapporti musicali tra Mantova e Vienna durante il Seicento », In Teutschland noch gantz ohnbekandt. Monteverdi-Rezeption und frühes Musiktheater im deutschprachingen Raum, éd. M. Engelhardt, Frankfurt, Lang, 1996, p. 53-55. Pour ce qui est de la circulation et de la réception des comédies des Andreini en France, nous pouvons citer la communication de Barbara Nestola intitulée : « De Mantoue à Paris : les comédies “avec musique” de Giambattista Andreini (1621-1622) », prononcée le 20 juin 2014 dans le cadre du séminaire France 1600 à l’Université de Paris-Sorbonne.
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gaux de D’India ainsi que le Huitième livre de madrigaux de 1638 et la Selva Morale de 1640-1641 de Monteverdi sont également trois exemples de la circulation des répertoires musicaux entre Mantoue, Venise, Salzbourg et Vienne à cette époque116. Trois princes mélomanes du monde germanique
Contemporains, fervents catholiques et unis par des liens de parenté, Ferdinand – proche des jésuites –, son frère Charles – évêque de Breslau et Grand Maître de l’Ordre Teutonique depuis 1619117 – et son gendre Maximilien – également proche des jésuites –, sont des personnages clé du front catholique-romain dans le monde germanique118. Leur activité de princes montre l’imbrication entre religion la politique et leur action en tant que mécènes révèle leur magnanimité. D’India et l’archiduc Ferdinand II d’Autriche
Une profonde piété caractérisait la philosophie de la cour de Ferdinand II à Vienne en ce qui concerne la musique sacrée119. En effet, parmi les quinze motets du recueil que D’India lui a dédié – quatre trios et quatre quatuors en style concertant et sept pièces à cinq et six voix en style contrapuntique120 –, nous trouvons des pièces avec des « textes destinés à la dévotion de provenance ecclésiastique121 » où prédomine le nouveau style monodique. L’archiduc d’Autriche était considéré par le compositeur comme faisant partie des « princes à qui l’on conseille de se délecter aujourd’hui avec la musique122 » et qui protège aussi bien les arts que les personnes123. Le règne de Ferdinand II a également vu l’introduction de l’opéra et d’autres genres dramatiques. Il a donc marqué un tournant pour l’histoire de la musique à la cour impériale ; les musiciens italiens qui circulaient entre la cour de Graz et celle de Vienne entre 1615 et 1620 diffusaient non seulement la musique italienne mais également un nouvel état d’esprit124 qui impliquait un renouvellement C. Gallico, « Rinuccini cangiante. Mantova, Venezia, Vienna », I Gonzaga e l’Impero, op. cit., p. 235-236. Concernant les rapports entre Monteverdi et les Habsbourg, voir P. Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 295, 299, 300, 303 et 313. 117 B. Sutter, « Karl, Erzherzog von Österreich », Neue Deutsche Biographie, Berlin, Duncker & Humblot, 1977, vol. XI, p. 241-242. 118 G. Lutz, « Roma e il mondo germanico nel periodo della guerra dei Trent’Anni », La corte di Roma tra Cinque e Seicento, « teatro » della politica europea, éd. G. Signorotto et M. A. Visceglia, Rome, Bulzoni, 1998, p. 431 et L. Bély, La société des princes xvie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1999, p. 439-440. Quatre lettres de Ferdinand II écrites depuis Graz sont conservées à (I-Rasv), Segreteria di Stato, Principi, vol. 56II, fo 43, le 24 mai 1612 ; fo 268, le 1er juillet 1612 ; fo 331, sans date et fo 332, le 16 septembre 1612 où il est question des affaires politiques et militaires de Venise. D’autres lettres de Ferdinand et de son frère Charles de Habsbourg depuis Graz et écrites en latin sont conservées à id., vol. 57, fo 29, le 25 mai 1613 ; fo 31, le 24 mai 1614 ; fo 175, 1614-1615 ? et fo 177, 1614-1615 ? 119 S. Saunders, Cross, Sword and Lyre : Sacred Music at the Habsburg Court of Ferdinand II (1615-1627) The Latin Vocal Music of Giovanni Priuli and Giovanni Valentini, Oxford, Clarendon Press Oxford, 1995, p. 9. 120 Les motets sont divisés en deux groupes de quatre motets à 3 et à 4 voix, cinq motets à 5 voix et 2 à 6 voix ; la partie de basse continue est fournie seulement pour les deux premiers groupes (les trios et les quatuors). Voir G. Collisani, Sigismondo D’India. Mottetti concertati, op. cit., p. xii. 121 « Testi devozionali di compilazione ecclesiastica. », ibid. 122 « Inter eos principes qui iucundissima Musice arte, […], nunc temporis delectari censentur. », S. D’India, Liber secundus sacrorum concentuum, op. cit., dédicace. 123 « Cumque iam illud meum fuerit consilium, ut hæ factæ Cantiones, aliquo studio ellaboratæ, non nisi alicui maximo viro dicatæ prodirent in vulgus, amplissimo cuius patrocinio nunquam morituræ foverentur, & cui ob non parvam eius delectationem aliqua ex parte acceptæ forent. », ibid. 124 S. Saunders, Cross, Sword and Lyre, op. cit., p. 17. Voir aussi H. Federhofer, « Graz Court Musicians and their Contributions to the Parnassus musicus Ferdinandaeus (1615) », Musica Disciplina, no 9, 1955, p. 167-244. 116
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Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne
des pratiques musicales. Ainsi, Giovanni Valentini, musicien de la Chapelle de la cour de l’archiduc à Graz à partir de 1614-1615 – mais également poète et professeur de musique des enfants de Ferdinand125 – publia en 1616, à Venise, son Secondo libro de madrigali et ses Messe concertate ; le premier dédié à Ferdinand et les secondes à l’archiduc Charles, son frère126. Ce fut également le cas de D’India qui a dédié un livre de motets au premier en 1610 et son Cinquième livre des Musiche au second treize ans plus tard. D’India et l’archiduc Charles de Habsbourg
D’après le journal de Giovan Battista Spaccini, le dédicataire du Cinquième livre des Musiche se trouvait à Milan entre le 30 juillet et la fin du mois d’août 1624127, soit quatre mois avant de mourir à Madrid128. Le compositeur dédie ce recueil de musique à Charles de Habsbourg à l’époque où l’archiduc-évêque cherche à consolider la légitimité politique et religieuse de sa famille en se tournant vers l’Espagne et en se rapprochant des jésuites – d’où sa présence en Italie au même moment. Sur le plan international, 1624 fut une année de mutation avec, en France, la nomination de Richelieu comme chef du Conseil du roi, début de l’étroite collaboration entre le cardinal et le monarque. Cette année marqua également le début de la reprise en main par les Français de la Valteline, carrefour stratégique de première importance pour le contrôle des voies alpines, situé entre Milan et le Tyrol autrichien et occupée depuis 1620 par les Espagnols venus secourir les Valtelins, catholiques, soulevés contre le canton suisse des Grisons, protestant, dont ils dépendaient – canton lui-même allié de la France129. La Savoie et Venise conclurent une alliance offensive en 1623 mais la France, en proie à des vicissitudes intérieures, proposa de s’en remettre à la médiation du pape Grégoire XV dont la mort la même année retarda la mise en place du dispositif militaire pontifical (auquel participa le jeune Mazarin en tant que capitaine d’infanterie130) censé neutraliser les forts131. Aussitôt au pouvoir, en 1624, Richelieu envoya une petite armée qui mit un terme en quelques semaines à l’occupation espagnole de la Valteline132.
O. G. Schindler, « L’incoronazione ungherese di Eleonora I Gonzaga », op. cit., p. 83. Id., p. 82. (Mardi 30 juillet 1624) : « È arrivato a Milano l’arciduca Carlo d’Austria, fratello dell’Imperatore. », et (jeudi 29 août 1624) : « Il marchese Rangono è andato incontro all’arciduca Carlo a Milano. », G. B. Spaccini, Cronaca di Modena, anni 1621-1629, éd. moderne R. Bussi et C. Giovannini, Modène, Panini, 2006, p. 425 et 437. Deux lettres de l’archiduc Charles de l’année 1624 sont conservées à (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Germania, Imperatrici, boîte 1587/13. Un document très intéressant qui concerne les rapports diplomatiques entre l’Autriche, la France, l’Espagne, Florence et la Savoie entre 1615 et 1616 est conservé à l’Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Ambasciata – archivio proprio ambasciatori e ambasciate, reg. 4 : 27 novembre 1615 au 18 novembre 1616 : Antonio Donà, ambasicatore, copiario delle ducali a lui dirette. Regg. primo e secondo rilegati insieme, fo 110. 128 Le 9 novembre 1624, l’archiduc Charles se trouve à Barcelone. Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 10, fo 308vo, le 9 novembre 1624. Le 1er février de l’année suivante, il est fait mention de sa mort dans les Avvisi de Rome, voir id., Avvisi, Roma, boîte 11, fo 32vo, le 1er février 1625. 129 C. Cremonini, « Storia di un’eclissi apparente : la famiglia Borromeo tra dissidi interni e ostracismo spagnolo (16001652) », Lombardia borromaica, Lombardia spagnola 1554-1659. Atti del Convegno internazionale, Pavia, 17-21 settembre 1991, organizzato dall’Almo Collegio Borromeo e dal Centro studi « Europa delle Corti », éd. P. Pissavino et G. Signorotto, Rome, Bulzoni, 1995, vol. I, p. 493. 130 S. Bertière, Mazarin, le maître du jeu, Paris, Fallois, 2007, p. 49. 131 C. Storrs, « La politica internazionale e gli equilibri continentali », I Savoia. I secoli d’oro di una dinastia europea, Turin, Einaudi, 2007, p. 15-16. Voir aussi G. Amoretti, Il ducato di Savoia dal 1559 al 1713, Turin, Piazza, 1984-1985, vol. I, p. 19-26. 132 P. Milza, Histoire de l’Italie, op. cit., p. 477-479. 125 126 127
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Sigismondo D’India adresse donc son dernier livre de monodies accompagnées à l’archiduc Charles de Habsbourg le 8 juin 1623. Dans la dédicace de ce recueil, le compositeur se déclare pour la première fois « Gentilhomme du Sérénissime Prince Maurice, Cardinal de Savoie ». Invoquer un statut prestigieux ainsi que « la grandeur de la naissance133 » du dédicataire est un acte de légitimation par lequel le dédicateur double l’importance de son statut social et de la qualité de son œuvre. Le Cinquième livre des Musiche de D’India est une preuve de l’affirmation de la nouvelle identité nobiliaire et artistique du compositeur-poète et témoigne de l’hommage que ce dernier adresse à l’archiduc Charles. Il est également une « sorte d’opéra en miniature134 » qui dévoile la multiplicité des fonctions de la musique théâtrale – miroir et écho de la politique, hommage aux dédicataires, formation du noble et construction d’un niveau supplémentaire de discours à la fois musical et poétique – dans une disposition scénique : un prologue sur le thème de la vertu héroïque, allusion directe à « l’éminence de [la] vertu » du mécénat du dédicataire, précède les trois lamentations du recueil, celles de Didon, de Jason et d’Olympie, elles-mêmes séparées par des airs strophiques suivis d’un madrigal représentatif qui met en scène le personnage de Diane en guise d’épilogue. Un dernier air strophique clôt le recueil. Tous les poèmes mis en musique sont de D’India à l’exception de quelques-uns anonymes. Le compositeur met en place une stratégie de carrière musicale : son nouveau statut nobiliaire de gentilhomme, mais également, depuis 1621, de Chevalier de Saint-Marc, qui remplace celui de « noble palermitain », se reflète en même temps qu’il se trouve conforté par celui de son illustre dédicataire. Ces multiplicités d’identités nobiliaires s’emboîtent les unes dans les autres dans un « contrepoint » de statuts et d’identités entre le protecteur et le serviteur. Cette stratégie est renforcée par la dimension géographique : porté par la renommée d’un prince étranger qui se délecte comme personne d’autre « du plaisir qui découle de la Musique », le musicien adresse ses musiques depuis les « parties les plus reculées de l’Italie » à un personnage vertueux qui « encourage et protège » les musiciens de talent. L’excellence de la protection nobiliaire dépasse les frontières en même temps qu’elle confirme la qualité musicale du recueil et consolide la réputation internationale de D’India à une période où le compositeur vient de quitter la cour de Turin, entame une nouvelle étape de sa carrière musicale et cherche une nouvelle cour. D’India et le prince-électeur Maximilien de Bavière
D’India se trouve à Modène durant toute l’année 1628 au service du prince Alphonse d’Este. Le 28 avril, un mandat de paiement de 300 florins provenant de Munich lui est adressé : Maximilien de
133 « Al Serenissimo Prencipe Carlo Arciduca d’Austria, Duca di Borgogna, Stiria, Carintia, et Carniola, Conte del Tirolo, et di Goritia, &c. Signor, Signor mio Gratiosissimo. Dissero i Platonici, che l’anima nostra, composta di proportione armoniche, gode soavemente il diletto, che risulta da gli armoniosi Concerti : Et io dico, che non fù giamai chi maggiormente godesse il piacere, che dalla Musica deriva di quello, che si faccia l’anima grande, & augusta dell’Altezza Vostra Serenissima ; onde si com’ella con effetti degni della grandezza de’ suoi natali, & dell’eminenza della sua Virtù favorisce, & protegge chi nella Musica facoltà con lode s’avanza ; così n’è sparso questo glorioso grido per tutta Europa, dal quale tratto ancor io vengo dalle più remote parti d’Italia à sacrarle queste musiche mie Compositioni, con certa speranza, che si formi per me un desiderato concento dell’altezza della sua Gratia, & della bassezza della mia servitù, nel quale faccia contrapunto la benignità incomparabile dell’Altezza Vostra. Serenissima, alla quale con profonda riverenza bacio humilmente la mano. Di Venetia il dì 8 di Giugno 1623. Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo Servidore Sigismondo d’India. », S. D’India, Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India […]. Libro quinto, op. cit., dédicace. 134 J. Joyce, « I cinque libri delle Musiche di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 133.
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Bavière souhaite l’engager comme nouveau maître de chapelle de sa cour135. Afin d’assurer ce recrutement, le prince-électeur lui remet cet argent par le biais de deux intermédiaires : un marchand allemand – Andreas Kasper – et un gentilhomme de Plaisance – Pietro Antonio Pietra136. Il est possible que le musicien, pendant son séjour romain (1623-1627), soit entré en contact avec Giovanni Battista Crivelli (mort en 1627) et son fils Francesco Crivelli (mort en 1659), tous deux d’origine milanaise et agents diplomatiques du prince allemand à Rome – ils sont également acheteurs d’œuvres d’art et recruteurs de musiciens137. De même, le musicien homonyme Giovanni Battista Crivelli (mort en 1652), originaire de la région de Plaisance et actif à la cour des Farnèse et de Ferrare dans les années 1620, est engagé au service du prince de Bavière entre 1629 et 1634138. D’India aurait pu également entrer en contact avec la cour de Munich peu de temps après la publication de son dernier livre de motets, au printemps 1627, à l’occasion de son séjour à Milan – ville sous domination des Habsbourg139, eux-mêmes fortement liés, à cette époque, à la dynastie bavaroise – au cours duquel il offre la dédicace de ce recueil au cardinal Borromeo. Devenir maître de chapelle de la cour du prince Maximilien aurait marqué une nouvelle étape dans la carrière artistique du musicien, mais il mourra un an plus tard, au mois d’avril 1629, sans avoir occupé la charge promise. Le Cinquième livre des Musiche de D’India est l’un des meilleurs exemples du transfert du nouveau style italien dans le monde germanique. Exemple qui vient enrichir l’étude des échanges culturels qui sous-tendent l’émergence et le développement de la monodie accompagnée à cette époque. Ce processus d’échange implique l’acculturation et la réciprocité des rapports140 et montre que ce recueil participe des relations culturelles mais aussi politiques entre les duchés de l’Italie du Nord et l’Autriche. C’est le rôle dynamique141 de cette œuvre musicale qui permet la diffusion de la musique de D’India dans la sphère germanique. C’est pour cette raison que déterminer les intentions du compositeur142 en reconstituant son parcours professionnel ainsi que ses rapports avec ses dédicataires étrangers nous permet de mieux comprendre le phénomène d’échange culturel. 135
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Ainsi que l’indique le document : Bayerisches Hauptstaatsarchiv (D-Mhsa), Kurfürstentum Bayern (1507-1803) allgemeines Reichsarchiv, Altbayerische Fürstensachen. Specialia, fasc. XLVIIIe, no 536e : Herzogs und Kurfürsten, Maximilian I. Hofstaat : Hofmusik : Componisten, Instrumentisten, Gesang… 1595-1651, fo 29ro. Voir aussi E. Simi Bonini, « D’India, Sigismondo », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1991, vol. xl, p. 119. Pour la correspondance de Maximilien de Bavière avec le duché de Modène à cette période, voir (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Germania, Baviera, boîtes 1595/21 et 1596/22. Voir (D-Mhsa), Altbayerische Fürstensachen, id. Voir G. Lutz, « Crivelli, Francesco », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1985, vol. XXXI, p. 130-131 et id. « Crivelli, Giovanni Battista », id., p. 134-136. Dans une lettre du duc de Bavière adressée depuis Munich à Francesco Malaspina et datée du 20 janvier 1621, il est question de Giovanni Battista Crivelli « mio Gentiluomo di camera ». Voir Archivio di Stato di Piacenza (I-PCas), Archivio Casati, pli no 9. Voir M. Padoan, « Crivelli, Giovanni Battista », id., p. 136-138. L. C. Cutler, « Representing an Alternative Empire at the Court of Cardinal Federico in Habsbourg Milan », The Possessions of a Cardinal. Politics, Piety, and Art, 1450-1700, éd. M. Hollingsworth et C. M. Richardson, University Park, Pennsylvania State University Press, 2010, p. 249-264. Concernant la question de la réciprocité des échanges culturels, voir F. Celestini, « La musica a Roma nel Seicento e lo spazio comunicativo europeo », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples (1650-1750), éd. A.-M. Goulet et G. zur Nieden, Analecta musicologica, no 52, 2015, p. 118-122. Pour une stimulante réflexion sur le statut de l’œuvre musicale dans l’étude de la mobilité et les stratégies d’intégration des musiciens en vue d’une approche dynamique du processus de création musicale, voir T. Favier, « Tavola ronda. Incroci tra storia culturale e storia della musica a livello europeo. Metodi e problematiche per il xvii e il xviii secolo », id., p. 626-632. Sur cette question, voir B. Joyeux, « Les transferts culturels. Un discours de la méthode », Hypothèses, 2002, p. 160.
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Enfin, nous pouvons établir un parallèle entre les rapports qu’entretient D’India avec le duc de Parme Ranuccio Farnese (à qui il dédie son Premier livre des Musiche en 1609) et l’abbé Diofebo (à qui il dédie son Quatrième livre de madrigaux en 1616), et ceux qu’il entretient avec Ferdinand II et son frère l’archiduc Charles qui, comme Diofebo Farnese, était également ecclésiastique. Dans les deux cas, le compositeur met en place une stratégie de carrière artistique afin d’assurer sa promotion dans un contexte nouveau. Cette stratégie joue sur plusieurs aspects : la protection et la magnanimité de deux personnages clés d’une cour143 – des princes et des prélats –, la construction d’un statut prestigieux à travers un jeu de miroirs et à travers la superposition des différentes identités nobiliaires – dans un échange de talent contre protection –, enfin la renommée144 qui dépasse les frontières de la cour de Turin et même de l’Italie.
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« N’ayant rien altéré à la magnanime nature de vos si Illustres aïeux, vous avez protégé des maîtres de Musique. » (« Che non degenerando punto dalla magnanimita natura de’ Illustrissimi Avoli suoi hebbe in protettione i professori de la Musica. », S. D’India, « Al Serenssimo Ranuccio Farnese duca di Parma e di Piacenza, mio Signore, & Padrone colendissimo », Le Musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili, Milano, Tini et Lomazzo, 1609. Le Quatrième livre de madrigaux dédié à l’abbé Farnèse ne contient pas de dédicace ni de préface. Sigismondo D’India à Ferdinand II : « Parmi les Princes à qui l’on conseille de se délecter aujourd’hui avec la musique, art très agréable qui revigore et anime l’esprit accablé par des affaires de très haute importance. » (« Inter eos principes qui iucundissima musice arte, qua animum summis negotiis depressum sublevat. »), Liber secundus sacrorum concentuum, op. cit., et Sigismondo D’India à Charles de Habsbourg : « Que l’âme de Votre Altesse Sérénissime se fasse grande et auguste ; de la même manière qu’elle, avec des actes dignes de la grandeur de sa naissance et avec l’éminence de sa vertu, encourage et protège celui qui avec talent, dans la musique avec mérite s’avance. » (« Che si faccia l’anima grande & augusta dell’A. V. Serenissima ; onde si com’ella con effetti degni della grandezza de’ suoi natali & dell’eminenza della sua Virtù favorisce & protegge chi nella Musica facoltà con lode s’avanza. »), Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India, op. cit. Concernant le thème de la renommée, voir F. Siguret, Les fastes de la Renommée : xvie-xviie siècles, Paris, CNRS, 2004.
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1 Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise L’ambassadeur Sir Henry Wotton
Sigismondo D’India publie à Venise son Cinquième livre de madrigaux en 16161 qu’il dédie à Sir Henry Wotton (1568-1639), ambassadeur du roi d’Angleterre auprès de la Sérénissime et l’une des figures diplomatiques les plus importantes et les plus brillantes de son temps. En effet, Wotton est à la fois messager, négociateur, défenseur des intérêts des Stuart et médiateur artistique entre l’Italie et l’Angleterre. Plusieurs historiens de l’art2 se sont récemment penchés sur le rôle de l’ambassadeur en tant que collectionneur de peintures et dans la diffusion d’œuvres d’art. Nous nous concentrerons sur les liens étroits entre représentation diplomatique3 et diplomatie musicale à travers le cas de cet ambassadeur en étudiant pour la première fois ses rapports avec la musique et notamment avec celle de D’India4. L’ambassade à Venise de Henry Wotton – art de la négociation et négociation de l’art
Sir Henry Wotton a été trois fois ambassadeur à Venise : de 1604 à 1612, de 1616 à 1619 et de 1621 à 1623 avant de retourner définitivement à Londres5. Il a dirigé des missions diplomatiques difficiles entre la cour de Savoie et celle de Vienne. L’ambassade de Henry Wotton entre 1616 et 1619, période au
1 S. D’India, Il quinto libro de Madrigali a cinque voci, Venise, Amadino, 1616. Pour l’édition moderne (seule édition) de ce livre, voir Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume V : The Fifth Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 2000. Pour l’analyse de quelques madrigaux de ce livre, voir J. Morales, Sigismondo D’India à la cour de Turin. Musique, mécénat et identité nobiliaire, thèse de doctorat, Université de Paris-Sorbonne et Università di Roma La Sapienza, 2014, p. 219-242. 2 E. Chaney, « The Italianate Evolution of English Collecting », The Evolution of English Collecting : Receptions of Italian Art in the Tudor and Stuart Periods, éd. E. Chaney, New Haven-Londres, Yale University Press, 2003, p. 41 et 49 ; R. Hill, « The Ambassador as Art Agent : Sir Dudley Carleton and Jacobean Collecting », id., p. 241-255 ; R. Hill, « Art and Patronage : Sir Henry Wotton and the Venetian Embassy 1604-1624 », Double Agents. Cultural and Political Brokerage in Early Modern Europe, éd. M. Keblusek et B. Vera Noldus, Leiden-Boston, Brill, 2011, p. 27-58 et The image of Venice : Fialetti’s view and Sir Henry Wotton, éd. D. Howard et H. McBurney, Londres, Holberton, 2014. 3 En ce qui concerne l’histoire de la diplomatie, de la représentation, de la médiation et de la négociation et ses rapports avec l’art pendant cette période, voir G. Mattingly, Renaissance Diplomacy, Londres, Cape, 1955 ; S. Kettering, Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth-Century France, Oxford, Oxford University Press, 1986 ; D. Frigo, « Corte, onore e ragion di stato : il ruolo dell’ambasciatore in età moderna », Ambasciatori e nunzi : figure della diplomazia in età moderna, Cheiron, no 30/2, 1998, p. 13-32 (pages manquantes) ; T. Hampton, « The Diplomatic Moment. Representing Negociation in Early Modern Europe », Modern Language Quarterly, no 67, 2006, p. 81-102 ; T. Hampton, Fictions of Embassy : Literature and Diplomacy in Early Modern Europe, Ithaca-Londres, Cornell University Press, 2009 et Music and Diplomacy from the Early Modern Era to the Present, éd. R. Ahrendt, M. Ferraguto et D. Mahiet, New York, Palgrave Macmillan, 2014. 4 Voir aussi J. Morales, « Mottetti, Villanelle, Madrigali, Musiche e Balli. De Venise à Oxford, “la lunga navigazione” des sources musicales de Sigismondo D’India », Le Jardin de Musique, no 7/1, 2011, p. 53-70. 5 En effet, la présence de Henry Wotton, « Enrico Ottone », est attestée à Milan où il se trouve quelques jours en « incognito » avant de rentrer en Angleterre. Archivo Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 9, fo 298vo, le 28 octobre 1623.
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cours de laquelle ce livre de madrigaux lui a été dédié, se trouvait au splendide palais Gussoni-Grimani à Venise6 : la résidence de l’ambassadeur devant refléter le faste et le staut de son prince7. La place stratégique d’un ambassadeur dans les réseaux diplomatiques lui permettait de se rendre indispensable auprès des princes avec lesquels il est en relation et de s’assurer de reçevoir des gratifications en retour, mais également d’avoir une influence sur les plans culturel, et politique8. Entre cosmopolitisme, prudence et brokerage, la diplomatie culturelle à Venise
L’ambassade de Henry Wotton à Venise était un véritable carrefour politique et culturel international : En dehors des membres de sa propre maison et des visiteurs anglais à Venise, les principaux associés de Wotton furent les autres ambassadeurs et les émissaires auprès de la République. Outre le nonce du pape (avec qui Wotton, un protestant, n’avait pas de relations), il y avait les résidents de l’Empereur, les ambassadeurs royaux de France et d’Espagne et les agents des six plus importants princes italiens, ceux de Savoie, de Toscane, d’Urbino, de Parme, de Mantoue et de Modène9.
Le statut politique de la Sérénissime était particulier, à la différence des autres puissances européennes, la République vénitienne ne suivait aucune loi impériale. Cette indépendance faisait d’elle une alliée de premier plan10. Les ambassadeurs résidents en Italie étaient en général des hommes de lettres recrutés dans des milieux sociaux et professionnels très variés (membres du clergé, médecins, avocats, universitaires), ce qui contribuait à diversifier la manière dont ils accomplissaient leur missions diplomatiques. Être agent politique et culturel était à cette époque une fonction plutôt qu’une profession : les ambassadeurs ne formaient pas une classe professionnelle homogène mais excerçaient un office hétéroclite de médiation et de représentation fondé sur leurs vertus et qualités personnelles11 ; leur pratique diplomatique relevait du brokerage12, c’est-à-dire qu’elle impliquait la négociation et l’échange, « l’avantage personnel et la réciprocité des faveurs13 », elle nécessitait la polyvalence et la souplesse et produisait une converR. Hill, « Art and Patronage : Sir Henry Wotton », op. cit., p. 28, n. 3. M. Keblusek, « The Embassy of Art : Diplomats as Cultural Brokers », Double Agents. Cultural and Political Brokerage, op. cit., p. 16. 8 M. Keblusek, « Introduction », id., p. 8. 9 « Outside the members of his own household, and the English visitors to Venice, Wotton’s principal associates were the other ambassadors and envoys accredited to the Republic. Besides the papal Nuncio (with whom Wotton, a Protestant, had no intercourse), there were the Emperor’s Resident, the regal ambassadors of France and Spain, and the agents of the six important Italian princes, Savoy, Tuscany, Urbino, Parma, Mantua and Modena. », L. P. Smith, The Life and Letters of Sir Henry Wotton, Oxford, Clarendon Press, 1907, vol. I, p. 60. 10 C. Povolo, L’intrigo dell’Onore. Poteri e istituzioni nella Repubblica di Venezia tra Cinque e Seicento, Vérone, Cierre, 1997, p. 149-150 et M. Rosa « Una linea di resistenza. Venezia nel Seicento », Roma la città del papa. Vita civile e religiosa dal giubleo di Bonifacio VIII al giubileo di papa Wojtyla, éd. L. Fiorani et A. Prosperi, Turin, Einaudi, 2000, p. 306-314. Voir aussi G. Cozzi, Venezia barocca. Conflitti di uomini e idee nella crisi del Seicento veneziano, Venise, Il Cardo, 1995 et S. H. De Franceschi, « La difficile négociation de la neutralité. Les entretiens d’Henri IV avec Piero Priuli, ambassadeur de Venise, et Maffeo Barberini, nonce en France, au début de l’interdit Vénitien (1606) », Paroles de négociateurs. L’entretien dans la pratique diplomatique de la fin du Moyen âge à la fin du xixe siècle, éd. S. Andretta, S. Péquignot, M.-K. Schaub, J.-C. Waquet et C. Windler, Rome, École française de Rome, 2010, p. 173-191. 11 M. Keblusek, « The Embassy of Art », op. cit., p. 15-16. Voir aussi M. Keblusek, « Introduction. Profiling the Early Modern Agent », Your Humble Servant : Agents in Early Modern Europe, éd. H. Cools, M. Keblusek et B. Noldus, Hilversum, Uitgeverij Verloren, 2006, p. 9. 12 S. Kettering, Patrons, Brokers, and Clients, op. cit. 13 M. Keblusek, « Introduction », Double Agents. Cultural and Political Brokerage, op. cit., p. 4. 6 7
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Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise
gence – grâce à la capacité à utiliser un même réseau à des fins multiples – des différents niveaux de médiation (culturel, politique et intellectuel) vers la personne de l’ambassadeur14. Les brokers étaient donc à l’origine d’une triangulation qui facilitait la mise en relation entre client et patron et favorisait l’échange et la circulation d’artistes et d’œuvres d’art15 ; leur action était liée au voyage. L’action de l’ambassadeur Wotton, en tant qu’agent politique et culturel, se situe dans la tradition vénitienne qui combine magnificence et libéralité16 avec pragmatisme et prudence17. Ainsi, selon Stéphane Gal, notre vision contemporaine nous conduit à assimiler l’audace à une forme de perturbation, alors qu’elle n’est pas synonyme, à cette époque, de témérité mais plutôt de prudence maîtrisée et portée à son plus haut niveau de subtilité18. En effet, nous assistons, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, à une sophistication dans la transmission et la dissemination des échanges diplomatiques19. Prudence, audace, érudition et diffusion artistique caractérisent donc le style diplomatique de Wotton. Ainsi, son ambassade est un vecteur de civilisation dans une ville qui servait de lien entre l’Occident et l’Orient20. Henry Wotton, médiateur de l’alliance entre les Stuart et les Savoie
L’alliance entre la Savoie et l’Angleterre fut envisagée à différentes occasions par le biais des mariages princiers, dans le but de lutter contre l’influence et la puissance habsbourgeoises. Ce fut le cas en 1554 où une union avait été tentée en vain entre le duc Emmanuel-Philibert (le père de Charles-Emmanuel) et Elisabeth Ire21 ou bien en 1578 entre cette dernière, malgré son âge, et le duc Charles-Emmanuel22, ou encore, en 1612, entre sa fille, Marie Appoline de Savoie, et le fils aîné de Jacques Ier d’Angleterre, le prince Henry-Frédéric, et entre sa sœur, la princesse Élisabeth Stuart, et le prince du Piémont Victor-Amédée23. À propos de ce double projet de mariage24, la correspondance de Vincenzo Gussoni, ambassadeur de Venise à Turin de 1612 à 161325, où il est question des urgentes négociations entre le duc et l’ambassadeur Wotton, personnage clé dans cette affaire26, nous apporte un témoignage éclairant. Id., p. 8. M. Keblusek, « Introduction. Profiling the Early Modern Agent », op. cit., p. 12. D. Frigo, « Prudence and Experience : Ambassadors and Political Culture in Early Modern Italy », The Journal of Medieval and Early Modern Studies, no 38/1, 2008, p. 23. 17 Pour une réflexion sur la « fausse prudence » (« falsa prudenza ») mise en rapport avec l’utilité, l’honnêteté, la raison et la sagesse dans l’art de gouvernent à cette époque, voir A. Anguissola, Del buon governo del Principe, 1610-1620, éd. P. M. Arcari, La Ragion di Stato, Rome, Nuove grafiche, 1939, p. 84. 18 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012, p. 308. 19 D. Frigo, « Prudence and Experience », op. cit., p. 27 et L. Bély, L’art de la paix en Europe. Naissance de la diplomatie moderne xvie-xviiie siècle, Paris, PUF, 2007, p. 287. 20 Sur l’intéressante place géopolitique de Venise, voir id., p. 14. 21 M. Duchein, Elisabeth Ire d’Angleterre : le pouvoir et la séduction, Paris, Firmin-Didot, 1992, p. 114-115 et 125-126. 22 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 82. 23 E. Passamonti, « Relazioni anglo-sabaude dal 1603 al 1625 », Bollettino Storico-Bibliografico Subalpino, no 36/5-6, 1934, p. 491. 24 Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Dispaci degli ambasciatori al senato, Savoia, Vincenzo Gussoni, série 35, 10 avril 1612 au 24 février 1613, lettre no 23, 20 mai 1612. Voir aussi R. Hill, « Art and Patronage : Sir Henry Wotton », op. cit., p. 38. 25 Sur la carrière diplomatique de Vicenzo Gussoni à la cour de Savoie, voir N. Barozzi et G. Berchet, Relazioni degli Stati Europei, lette al Senato dagli Ambasciatori veneziani nel secolo decimosettimo, Venise, Naratovich, 1859, série II, vol. II, p. 5-9. 26 Dans une lettre datée du 20 mai 1612, Vincenzo Gussoni, écrit sur l’urgence et les enjeux politiques de la négociation du mariage entre le prince du Piémont avec la princesse d’Angleterre : « L’ambassadeur du roi de la Grande Bretagne 14 15 16
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Première partie
C’est à partir de 1614 que Jacques Ier accorda son soutien officiel au duc Charles-Emmanuel et qu’il envoya à Venise, l’année suivante, son ambassadeur Dudley Carleton27, prince italophile28, qui se mit immédiatement au service du duc29. Henry Wotton lui a succédé en 1616. Avant de regagner Venise pour commencer sa deuxième ambassade, Wotton se rend à Turin : [Wotton] arriva à Turin le 24 mai [1616] […] [et y] resta […] jusqu’au 31 mai, ayant été diverti par la splendide et écrasante hospitalité dont il avait déjà bénéficié lors de son précédent séjour officiel [en 1612] à la cour de Savoie […]. [Il] arriva le 9 juin à Venise30.
Ce récit de Logan Smith est confirmé par les trois lettres que Wotton a adressées de Turin au secrétaire Sir Raph Winwood, ambassadeur d’Angleterre à La Haye, dans le contexte des hostilités entre la Savoie et l’Espagne autour de la ville piémontaise de Vercelli31. La première est datée du 23 avril 1616, la seconde du 22 mai32 et la troisième du 1er juin33, une autre lettre, datée également du 1er juin, étant adressée à Jacques Ier lui-même34. Ces lettres, ainsi que le rapport de Gregorio Barbarigo, ambassadeur de Venise en Angleterre, adressés au doge Giovanni Bembo et au Sénat de Venise daté du 28 mai de la même année35, confirment la présence de Wotton à Turin. Quant au séjour de 1612, l’ambassadeur Gussoni écrit au doge Leonardo Donato à propos du somptueux accueil réservé par le duc de Savoie à Henry Wotton : Lors de sa venue [celle de Wotton] dans cette ville, le prince cardinal [Maurice de Savoie] le [devra] […] rencontrer à Mirafiori […]. On pourra juger de ces termes insolites, que Wotton doit être traité et honoré peu différemment de ce que l’on ferait pour son roi […] et on commence à entendre parler de quelques préparations de fêtes36. arriva le dimanche 13 [mai] à Rivoli, où le Seigneur Duc l’attendait […]. Le même jour, depuis le palais, il le convoqua pour une audience. » (« L’Ambasciatore del Ré della Gran Bretagna giunse domenica giorno di 13 a Rivoli, dove stava attendendolo il Signor Duca […] il giorno medessimo del Palazzo lo chiamo all’audienza. »),(I-Vas), Dispaci degli ambasciatori al senato, 10 avril 1612 au 24 février 1613, lettre no 23, 20 mai 1612. Sur les faveurs et la réception accordées à Henry Wotton lors de son arrivée à Turin, voir id., lettre no 29, 3 juin 1612. 27 R. Hill, « The Ambassador as Art Agent », op. cit., p. 241-255. 28 D. Keene, « Cities and cultural exchange », Cultural Exchange in Early Modern Europe, vol. II : Cities and Cultural Exchange in Europe, 1400-1700, éd. D. Calabi et S. Turk Christensen, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 14. 29 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 463. De même, le duc de Savoie installe une ambassade à Venise le premier semestre de l’année 1614 et nomme comme résident Carlo Emanuele Scaglia di Verrua. (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Patenti controllo finanze, art. 689, liasse 76, fo 26ro et 281ro. 30 « He reached Turin on May 24 […]. Wotton remained at Turin until May 31, being entertained with the splendid and oppresive hospitality which he had experienced on his previous embassy of the Savoy Court […]. On June 9 Wotton arrived in Venice. », L. P. Smith, The Life and Letters of Sir Henry Wotton, op. cit., vol. I, p. 145-146 et 147. Voir aussi E. Passamonti, « Relazioni anglo-sabaude dal 1603 al 1625 », op. cit., p. 507. 31 E. Ricotti, Storia della monarchia piemontese, Florence, Barbèra, 1865, vol. IV, p. 82-101. Concernant la correspondance diplomatique autour du conflit de Vercelli, voir (I-Rasv), Segreteria di Stato, Savoia, boîte 162, fo 170ro-fo 227vo. 32 E. Ricotti, Storia della monarchia piemontese, op. cit., vol. II, p. 93-94. 33 Id., vol. II, p. 437. La troisième lettre adressée à Sir Raph Windwood n’a pas encore été publiée et se trouve aux Archives nationales de Londres (GB-Lna), Secretaries of States, States Papers Foreing, SP Ven XXI. 34 Ibid. (GB-Lna), id., CCC MS 318/22. 35 Calendar of State Papers Relating to English Affairs in the Archives of Venice and in other libraries of Northern Italy, éd. A. B. Hinds, Londres, IHR, 1908, vol. XIV, p. 201-212. 36 « Alla sua venuta in questa Città il Cardinale et principe lo [dovrà] […] incontrare fino a Mirafiore […] si potrà far giudizio di questi termini insoliti, che sia per essere Votone trattato et honorato poco differentemente di quello che si farebbe al suo Re […] et già si principia a sentir qualche apparechio di feste. », (I-Vas), Dispaci degli ambasciatori al senato, Savoia, Vincenzo Gussoni, Dispaci degli ambasciatori al senato, Savoia, Vincenzo Gussoni, série 35, 10 avril 1612 au 24 février 1613, lettre no 21, 13 mai 1612.
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Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise
Le récit de Gussoni situe l’action diplomatique de Wotton entre négociation et divertissement et montre le statut symbolique et particulier de l’ambassadeur à cette période : il est à la fois une forme et une variante de prince37 et un représentant temporaire de la dignité et de l’autorité royales38. La majesté du roi est représentée par la dignité de l’ambassadeur39, d’où les honneurs et l’accueil, « peu [différents] de ce que l’on ferait pour son roi », qui lui sont reservés. Enrico Vottone, entre représentation musicale et représentation diplomatique
La mission diplomatique de l’ambassadeur anglais ne se limitait donc pas à des affaires politiques, elle était également culturelle. En effet, la sensibilité artistique et le goût raffiné de Wotton influençaient de nombreux voyageurs anglais de passage à Venise40 ; les ambassadeurs étaient donc des personnages essentiels pour la circulation des idées, la formation du goût et la transmission culturelle. L’intérêt anglais pour l’art italien s’accrut après la guerre civile. Il n’est pas étonnant que Wotton, ayant été éduqué dans les meilleurs collèges d’Angleterre à Winchester et à Oxford et à l’étranger à Vienne, Rome, Venise, Florence et Genève41 soit le dédicataire du Cinquième livre de madrigaux de D’India. Sir Henry Wotton, diplomate et amateur d’art, d’architecture et homme de lettres
Grand amateur d’art, de poésie et d’architecture42, Wotton était collectionneur de peintures43 et poète – inspiré par le Tasse, il a écrit vers 1586, dans ses années de formation à Oxford, une pièce intitulée Tancredi dont le texte est aujourd’hui perdu44 ; d’autres de ses poèmes ont été mis en musique par le compositeur anglais Michael East (c. 1580-c. 1640) en 162445. Wotton est également l’auteur du premier livre de théorie de l’architecture écrit en anglais, The Elements of Architecture, inspiré par Vitruve et Leon Battista Alberti et publié à Londres en 162446.
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G. Hanotin, « Représenter le roi de France à la cour de Madrid. Entre confiance, “majesté” et liens familiaux », À la place du roi : vice-rois, gouverneurs et ambassadeurs dans les monarchies française et espagnole xvie-xviiie siècles, éd. D. Aznar, G. Hanotin et N. F. May, Madrid, Casa de Velázquez, 2014, p. 139. 38 D. Aznar, G. Hanotin et N. F. May, « Introduction », id., p. 2-4. Sur la question de la majesté, voir G. Hanotin, « Représenter le roi de France », op. cit., p. 135-150. Concernant la fonc39 tion symbolique et instrumentale du cérémonial de la représentation, voir N. F. May, « Le cérémonial diplomatique et les transformations du concept de représentation au xviie siècle », À la place du roi, op. cit., p. 35-49. 40 R. Hill, « Art and Patronage : Sir Henry Wotton », op. cit., p. 28. 41 G. Curzon, Wotton And His Worlds : Spying, science and Venetian Intrigues, Philadelphie, Xlibris Corp., 2003, p. 30-31 et 40-41. 42 Sur l’importance de l’architecture en tant que constuction de la société dans la première modernité, voir D. IognaPrat, « L’avènement de la ville (II). Théorie du bâti et théorie de la vie civile », Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l’architecture de la société, Paris, PUF, 2016, p. 403-437. 43 A. W. Ward, Sir Henry Wotton a Biographical Sketch, Westminster, A. Constable, 1898, p. 53. 44 H. Acton, Three Extraordinary Ambassadors, Londres, Thames and Hudson, 1983, p. 10. 45 Comme son poème On his Mistress, the Queen of Bohemia, mis en musique par Michael East dans The Six Set of Bookes, Londres, Snodham, 1624, conservé à la British Library à Londres (GB-Lbl). Voir M. Crum, « Early lists of the Oxford Music School collection », Music & Letters, no 48, 1967, p. 24. 46 H. Wotton, The Elements of Architecture, Londres, Bill, 1624, éd. facs. F. Hard, Charlottesville, University of Virginia Press, 1968. Voir aussi R. Hill, « Art and Patronage : Sir Henry Wotton », op. cit., p. 54, n. 130 et A. M. Myers, « Aristocrats and Architects : Henry Wotton and the Country House Poem », Literature and Architecture in Early Modern England, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2013, p. 50-76.
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Première partie
L’ambassadeur était aussi mélomane, joueur de viole de gambe47, et devait bien connaître et apprécier le genre musical du madrigal. En effet, D’India vante le goût et les affinités de Wotton pour les arts, la philosophie et les sciences dans le livre de musique qu’il lui dédie48, le 28 juin 1616, peu de temps après le séjour du diplomate à la cour de Turin. Wotton et D’India autour du Cinquième livre de madrigaux
Comme le souligne Giuseppe Collisani49, l’ambassadeur devait admirer la musique de D’India. C’est certainement à l’occasion de son premier voyage à Turin en 1612 que Wotton rencontra D’India pour la première fois, même si les documents évoquant ce séjour, qu’il s’agisse de la seule lettre de l’ambassadeur Wotton y faisant allusion, adressée au comte de Pembroke le 28 mai 161250, ou des quelques rapports que Vincenzo Gussoni a adressés au doge Donato et au Sénat de Venise entre le 13 mai et le 10 juin de la même année51, ne mentionnent pas le compositeur. Toujours à propos du passage de Wotton à Turin, Logan Smith écrit : [Wotton] arriva à Rivoli [à treize kilomètres à l’ouest de Turin] le 13 mai […]. Le lendemain […], Charles-Emmanuel insista pour s’entretenir avec lui. Ainsi, le jour suivant, Wotton a été en mesure de se rendre à Turin. Il y resta un mois […]. L’ambassadeur de Venise à Turin écrivit sur les concerts, les danses, les fêtes et les battues de chasse à Mirafiori et dans d’autres villas ducales, ainsi que sur les grands honneurs accordés à la suite du jeune anglais Wotton52.
Voir le testament de Sir Henry Wotton publié par son premier biographe Izaak Walton, The Life of Sir Henry Wotton, 1651, rééd. The lives of Dr. John Donne, Sir Henry Wotton, Mr. Richard Hooker, Mr. George Herbert and Dr. Robert Sanderson, Londres, Rivington, 1823, p. 117-118 : « Pour le susnommé, le Dr. Bargrave, doyen de Canterbury, je laisse tous mes livres italiens qui ne figurent pas dans ce testament. Je lui laisse également ma viole de gambe, qui fut deux fois avec moi en Italie, pays dans lequel j’ai noué avec lui une amitié indissoluble. » (Nous soulignons) (« To the abovednamed Dr. Bargrave, Dean of Canterbury, I leave all my Italian books not disposed in this will. I leave to my likewise my Viol de Gamba, which hath been twice with me in Italy, in which country I first contracted with him an unremovable affection. »). 48 « All’Illustrissimo et Eccelentissimo Signor Cavagliero Henrico Vottone Ambasciatore della Maestà di Inghilterra appresso la Serenissima Republica di Venetia. Affermarono gli antichi Platonici, che in Cielo sono le cose terrene, ma di natura Celeste, & in terra le cose Celesti, ma di natura terrena, assegnando qualunque proprietà ad alcun ordine di quelle cause que dalla prima nell’operatione immediatamente dipendono, onde furono poi a ciascun genio fatti dalla superstitiosa gentilità i sacrifici destinando loro gli animali, le piante, & le altre cose conforme alle loro potenze & alla loro natura. Per tanto dovendo io mostrare a Vostra Eccellenza. qualche atto della mia devotione verso lei, ho giudicato che li sia molto proportionata la Musica per la dilettatione, che talhora con prudentissimo compartimento di suoi grandi pensieri nel maneggio de negotij gravissimi ne prende & per la simpatia che questa nobilissima professione hà con la simmetria, e con l’armonia dell’animo suo dotato di tutte quelle prerogative di scienza, & di speculatione che si refferivano à questi heroi deificati ; Accetti dunque la Eccellenza Vostra questa mia opera in quel grado nel quale per suà benignità s’è degnata sempre di riporre la persona mia appresso la sua gratia, & si compiaccia di farne conto almeno per essere un’affetto prodotto dall’influsso della sua Virtù & di suoi meriti, & a Vostra Eccellenza humilmente inchinandomi le prego dal Signor Iddio felicissima vita. Di Torino lì 28 zugno. 1616. », S. D’India, Il quinto libro de Madrigali, op. cit., dédicace. 49 G. Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1998, p. 24. 50 L. P. Smith, The Life and Letters of Sir Henry Wotton, op. cit., vol. II, p. 437 : (GB-Lna), Secretaries of States, States Papers Foreing, Ash. MS. 1729/114. 51 Calendar of State Papers Relating to English Affairs, op. cit., vol. XII, p. 342-366. 52 « He arrived at Rivoli on May 13 […]. The next day […] Charles Emmanuel insisted on an interview, and one the day following Wotton was able to proceed to Turin. Here he remained a month […]. The Venetian ambassador at Turin writes of concerts, dances, feasts, hunting parties at Mirafiore and other ducal villas, and of the great honour paid to the young Englishmen Wotton’s suite. », L. P. Smith, The Life and Letters of Sir Henry Wotton, op. cit., vol. I, p. 121. Voir aussi 47
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Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise
En effet, l’ambassadeur Gussoni écrit, à propos de Mirafiori, demeure extra-urbaine, un lieu qui montre l’interaction entre musique et villégiature lors de la construction des espaces sonores à la cour de Turin : L’ambassadeur anglais poursuit son séjour dans cette cour, même s’il laisse entendre qu’il devra partir dans trois ou quatre jours et malgré le fait qu’il est retenu par le Seigneur Duc avec différents loisirs, des joutes à cheval, des tournois à pied, des fêtes en l’honneur des dames et avec de la chasse de cerfs dans le parc53.
Le même Gussoni écrit quelques jours plus tard : Le Seigneur Duc a déjà acquis quelques bijoux de grande valeur […] et on dit qu’il en aurait apporté un d’une beauté exquise pour l’ambassadeur, l’ayant payé plus de douze mille ducatons […]. Jeudi, le duc et les princes Victor-Amédée et Thomas l’invitèrent à manger avec eux dans le si délicieux lieu de Mirafiori à seulement deux milles de distance de cette ville, l’ayant diverti avec de très douces conversations avec des musiciens et des concerts et en particulier en lui faisant voir les merveilleux délices et le charme de ce lieu54 (nous soulignons).
Les banquets – et surtout le moment qui suivait le repas55 – étaient devenus à Mirafiori un élément essentiel des divertissements56. Malheureusement, l’ambassadeur ne précise pas le nom de ces musiciens ni ne propose aucune description des concerts donnés en l’honneur de Wotton. Nous pouvons supposer que D’India, en sa qualité de maître de la musique de chambre, a certainement participé aux fêtes et aux concerts mentionnés par Gussoni. Les « délices et le charme » qui ravissaient les visiteurs distingués de la résidence de Mirafiori étaient monnaie courante à la cour de Turin57, ainsi que le décrit un avviso romain daté de 1609 : G. Curzon, Wotton And His Worlds, op. cit., p. 168 et N. Barozzi et G. Berchet, Relazioni degli Stati Europei, op. cit, série III, vol. I, p. 198. 53 « Continua l’Ambasciatore Inglese a starsene in questa Corte, se bene lascia intendere di dover partire fra tre o quattro giorni et viene trattenuta dal Signor Duca con diverse passatempi di giostre all’incontro, tornei a piedi, feste di Dame, et caccia di servi nel Parco. », (I-Vas), Dispaci degli ambasciatori al senato, Savoia, Vincenzo Gussoni, série 35, 10 avril 1612 au 24 février 1613, lettre no 26, 27 mai 1612. 54 « Il Signor Duca ha già fatto provisioni di alcuni gioielli di gran preggio […] et dicono che habbia portata una di esquisita bellezza per l’ambasciatore, che fu pagata oltre dodicimile ducatoni […] Giovedì il Duca, il Principe Vittorio et Principe Tomaso lo volsero disnare con loro al deliciossisimo loco di Mirafiore due soli miglie distanti da questa Città, havendolo trattenuto in dolcissima conversationi di Musici et concerti et in particolari col farli vedere le meravigliose delicie et amenità di quel loco. », id., lettre no 30, 10 juin 1612. 55 Sur le banquet comme événement sonore, rituel nobiliaire et signe musical de la délectation, voir S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 169-173. 56 F. Varallo, « Le feste da Emanuele Filiberto a Carlo Emanuele I », Storia di Torino : Dalla dominazione francese alla ricomposizione dello stato (1536-1639), éd. G. Ricuperati, Turin, Einaudi, 2002, vol. III, p. 690. 57 À la fin des années 1620, Mirafiori continue d’être un lieu de réceptions diplomatiques, ainsi qu’en témoignent plusieurs documents d’archive : « La sera il signor Principe Cardinale e ‘ l signor principe Francesco andarono al Valentino, luogo di delizie di Madama di Piemonte e trottarono a cavallo : oggi, credo, si anderà a Mirafiore. », lettre de Fulvio Testi à Alphonse d’Este datée du 5 juillet 1628, citée par M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. I, p. 168, lettre no 155 ; « Il dopo pranzo il signor Principe Francesco fu dalle Infanti, dive si trattene lunghissimamente conforme al solito. Verso sera montò in carrozza col signor Principe Cardinale et andarono a Mirafiore dove si ritrovava Madama insieme col Principe. », lettre de Fulvio Testi à Alphonse d’Este datée du 8 juillet 1628, citée par id., p. 176, lettre no 158 ; « Dopo pranzo se anderà a Mirafiore […]. Il signor Principe di Piemonte ha pensiero di menar seco a caccia il signor principe Francesco, e si vocifera che vogliano fargli vedere tutti questi luoghi principali del Piemonte. Io sono entrato in vizio e dubbiro che non siano tutti artifici per tirare innanzi. », lettre de Fulvio Testi à Alphonse d’Este datée du 17 juillet 1628, citée par id., p. 170 et 171, lettre no 157. Voir aussi C. Roggero Bardelli, « Luoghi di loisir ducale e di corte », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I. Torino-Parigi-Madrid, éd. M. Masoero, S. Mamino et
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Première partie
On nous fait savoir depuis Turin que le Sérénissime [le duc Charles-Emmanuel] avait banqueté royalement à Miraflores avec les cardinaux [Pietro] Aldobrandini [cardinal protecteur de la Savoie] et San Cesareo […] ayant fait décorer le Bucintoro58 [embarcation de parade] sur le Pô avec des toiles d’or pour leur départ59.
La démesure de la générosité du duc envers les cardinaux et l’ambassadeur Wotton témoigne de la libéralité – l’art de savoir reconnaître et récompenser – et de la magnificence – l’art de savoir dépenser60 –, en tant que principe de gouvernement, qui étaient au cœur de sa « politique de l’éblouissement61 », mais aussi de sa diplomatie – combinant pouvoir de séduction et générosité extraordinaire : « La grandeur d’un prince se définissait par sa capacité à briller et à donner62. ». Ainsi, l’ambassadeur de Turin à Venise, Orazio Paoli, écrit au duc de Savoie dans une lettre datée du 2 juin 1612 : L’ambassadeur Gussoni écrit ici depuis Turin, que, selon lui, il a manqué à Votre Altesse ces brèves résolutions qu’elle attendait de l’ambassadeur anglais [Henry Wotton] ; ainsi s’en est-elle allée en déclinant les démonstrations d’honneur et de courtoisie à l’égard de sa personne dont on a entendu, par ailleurs, qu’elles furent très grandes63.
Paoli confirme les enjeux politiques de ce séjour dans une autre lettre trois jours plus tard64. Le passage de Wotton à Turin nous montre la manière dont la musique et le faste s’insèrent dans un système politico-culturel propre à l’activité princière. Enfin, nous pouvons remarquer que Wotton était déjà ambassadeur à Venise lors des deux rééditions, en 1607 et 1610, du Premier livre de madrigaux (1606) de D’India, ce qui laisse penser qu’il ne devait pas ignorer la musique ni la notoriété du compositeur et que c’est l’une des raisons pour lesquelles le musicien lui a dédié son Cinquième livre de madrigaux quelques années plus tard. C. Rosso, Florence, Olschki, 1999, p. 403-410 et C. Devoti, « Une résidence perdue pour les princes Victor-Amédée et Christine de Savoie : le château de Millefleurs (Mirafiori) », De Paris à Turin : Christine de France, duchesse de Savoie, éd. G. Ferretti, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 167-180. 58 Nous pouvons lire un témoignage qui concerne également la manière dont la noblesse passait le temps, dans les Discorsi divisi in sette giornate d’Annibale Romei publiés à Vérone chez Girolamo Discepoli en 1586 et qui retracent la vie de la cour de Ferrare dans la demeure de Mesola à la fin du xvie siècle à l’époque des concerts delle Dame : « Après le repas, préparé dans la salle du Bucintoro et accompagné comme il est de coutume avec de très douces musiques, la reine commence la discussion autour de la dignité des armes et des lettres. » (« Finito il pranzo, approntato nella sala del Bucintoro e sempre trascorso con il contorno di soavissime musiche, la regina dà inizio alla discussione circa la dignità delle armi e delle lettere. »), cité dans S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare, op. cit., p. 173. 59 « Di Turino avvisano che quel Serenissimo haveva banchettato regiamente à Miraflores [con] li Cardinali Aldobrandino et San Cesareo […] et fatto adornare il Bucintoro nel Pò di tele d’oro per la loro partenza. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Barb. lat. 6343, fo 143vo, le 29 août 1609. 60 Voir B. Petey-Girard, Le Sceptre et la plume : images du prince protecteur des lettres de la Renaissance au Grand Siècle, Genève, Droz, 2010, p. 128-153 et G. Guerzoni, « Liberalitas, Magnificentia, Splendor. Le origini classiche del fasto rinascimentale italiano », I giochi del prestigio. Modelli e pratiche della distinzione sociale, Cheiron, no 31-32, 1999, p. 53. 61 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 275 et G. Symcox, « Dinastia, Stato, amministrazione », I Savoia. I secoli d’oro di una dinastia europea, éd. W. Barberis, Turin, Einaudi, 2007, p. 66. 62 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 265, 275, 277-279 et 281. 63 « L’Ambasciatore Gussoni scrive qua da Torino, che secondo sono mancate a Vostra Altezza quelle brevi risolutioni che aspettava dall’Ambasciatore Inglese, cosi ella ha andata declinando nelle dimostrationi d’honor et di cortesia verso la persona sua che per altra via s’è inteso esser state grandissime. », Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, lettere ministri, Venezia, Orazio Paoli, liasse 5, fasc. 2, fo 169ro, le 2 juin 1612. 64 Id., fo 170ro, le 5 juin 1612. Concernant la magnificence des cérémonies publiques vénitiennes à la Renaissance, voir I. Fenlon, « Magnificence as Civic Image : Music and Ceremonial Space Early Modern Venice », Music and Musicians in Renaissance Cities and Towns, éd. F. Kisby, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 28-44.
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Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise
Le patronage de Henry Wotton, à la fois agent culturel et agent politique, pourrait être qualifié d’itinérant car il se situe à l’intersection de la diffusion du goût pour la nouveauté musicale et de la circulation d’objets d’art et de personnes. Nous avons vu que le Cinquième livre de D’India est publié dans le contexte d’un conflit entre l’Espagne et la Savoie au cours duquel des puissances européennes comme Venise, la France et l’Angleterre se repositionnent politiquement. Ce livre accompagne également la « politique de l’éblouissement » qu’entend mener le duc Charles-Emmanuel vis-à-vis de l’ambassadeur, et se fait l’écho des somptueuses réceptions données à Turin en 1612 et en 1616. Nous constatons également que la magnificence a à voir avec l’urbanité65 et en l’occurrence avec la construction de l’univers sonore de la cour de Turin : une topographie musicale qui conjugue différents espaces entre ville et villégiature. La musique et l’urbanité se combinent avec la diplomatie et forment un système qui relie style musical (la musique destinée aux différents espaces sonores), style urbain (les lieux de la ville) et style diplomatique (l’art de la négociation entre alliances familiales et représentation princière). Le cas de Henry Wotton, personnage cosmopolite et fin observateur de la Venise de son temps, nous donne un exemple de la transformation de la représentation diplomatique au début du xviie siècle où l’ambassadeur peut être considéré comme une sorte de comédien66. C’est ainsi que l’étude des brokers complète et enrichit celle du mécénat et du patronage nobiliaires et permet de penser l’histoire de la diplomatie en tant qu’histoire culturelle. Le Chevalier Sigismondo D’India. Il cavalierato di San Marco
Grâce à la médiation diplomatique du cardinal de Savoie, Sigismondo D’India a été fait Chevalier de Saint-Marc par le Sénat de Venise en janvier 1621, année de la publication, dans cette même ville, du recueil des Balli (en juin) et du Quatrième livre des Musiche (en novembre). Ce chapitre présente les résultats d’une recherche sur les rapports diplomatiques et culturels de l’époque entre Turin et la Sérénissime, qui nous permettront d’affiner l’étude du contrepoint entre politique et spectacle. C’est dans cette perspective qu’il convient d’examiner les conditions dans lesquelles le prestigieux titre fut conféré au compositeur. Nous prolongeons ici le travail réalisé par John Whenham67 à la fin des années 1990 aux Archives d’État de Venise. Diplomatie, conflit politique et spectacle – la Venise éblouissante de l’ambassadeur Piscina
Les liens politiques entre Venise et la Savoie se renforcent après la mort d’Henri IV, dans le but de créer un front contre la dynastie des Habsbourg et ainsi réduire leur puissance et leur influence en Europe. 65
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Pour une réflexion sur les liens entre magnificence et architecture, culture et espace, voir M. Fantoni, Il potere dello spazio. Principi e città d’Italia dei secoli xv-xvii, Rome, Bulzoni, 2002, p. 53 et C. Cuneo, « La grande galeria di Carlo Emanuele I di Savoia “in bell’ordine ornata e ripiena d’historie e favole, di libri, di scolture e di pitture […] e meraviglie dell’antichita” », Architettura e identità locali, vol. II, éd. H. Burns et M. Mussolin, Florence, Olschki, 2013, p. 291-311. G. Hanotin, « Représenter le roi de France », op. cit., p. 136. Pour un parcours historiographique du profil, des missions et de l’éducation des ambassadeurs entre le xve et le xviie siècles, voir D. Frigo, « Prudence and Experience », op. cit., p. 15-34. J. Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 2, 8-10. Voir aussi une version italienne de cette article : « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 127-131.
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Première partie
Les riches rapports diplomatiques entre les deux puissances dans les années 1620 – époque à laquelle la République de Venise traverse une crise économique68 – confirment cette bonne entente. Un conflit vénitien, entre éblouissement politique …
Les nombreuses correspondances diplomatiques69 entre le duc de Savoie et Giovanni Giacomo Piscina, ambassadeur de Turin à Venise à partir de février 1618 et jusqu’en 1622, montrent que les deux États entretiennent de bons rapports malgré un contexte politique rendu difficile voire explosif par la conjuration de Venise de 1618, ourdie par le duc espagnol et vice-roi de Naples Pedro d’Osuna, par le gouverneur de Milan et par l’ambassadeur d’Espagne à Venise dans le but de provoquer une intervention de l’armée espagnole70. Le poète espagnol Francisco Quevedo, impliqué dans cette conspiration aux côtés de son protecteur, le duc d’Osuna, décrit ce dernier dans ses Epítetos al Duque de Osuna, qui datent probablement de 1636, comme « la peur du monde », « l’acclamation des nations », « la gloire de l’Espagne », « le blason de Flandres », « l’obstacle de l’Italie », « la désillusion de Venise », « la restauration de l’Empire », « la menace de la France », « la punition des Savoie » ou la « ruine des Turcs71 ». La valorisation de la guerre à travers la survalorisaton de l’image du prince montre la force politique de l’écrit72 à cette époque. Cette volonté d’éblouissement est analogue à celle qui traverse les arts de l’éphèmère. …et éblouisement artistique
Au milieu de ce sombre épisode, nous retrouvons le spectacle et la fête, dont le maître mot est l’extravagance comme contrepoint de l’activité politique. C’est ce que nous pouvons lire dans la lettre que l’ambassadeur Piscina, fin observateur de la vie vénitienne, a envoyée depuis Venise au duc CharlesEmmanuel de Savoie73 à propos d’un banquet organisé par le duc d’Osuna, artisan de la conjuration : 68 G. Benzoni, Gli affanni della cultura : intelletuali e potere nell’Italia della Controriforma e barocca, Milan, Feltrinelli, 1978, p. 62. Concernant la diplomatie de la période précédente, voir A. Tenenti, « Il nobile veneziano all’epoca del Veronese », Crisi e rinnovamento nell’autunno del Rinascimento a Venezia, éd. V. Branca et C. Ossola, Florence, Olschki, 1991, p. 105-118. 69 Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Venezia, liasse 5, fasc. 4 (9 lettres du 7 au 25 février 1615) et liasse 7/2-3 (lettres de 1618 à 1619 et de 1619 à 1622). Voir aussi Ragionamento dell’Ambasciatore Contarini 1617, conservé à l’Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Documenti e carteggi di Stati e Città, Venezia, série 138, et qui fait part des bonnes relations diplomatiques entre la République de Venise et la Savoie. 70 C. de Saint-Real, Conjuration des Espagnols contre la république de Venise en l’année 1618, Paris, Barbin, 1683. Voir aussi le facsimilé : De l’usage de l’histoire suivi de Conjuration des Espagnols contre la République de Venise en 1618, Coeuvreset-Valsery, Ressouvenances, 2009, p. 89-171 ; J. J. Martin, « The Venetian Territorial State : Constructing Boundaries in the Shadow of Spain », Spain in Italy. Politics, Society, and Religion 1500-1700, éd. T. J. Dandelet et J. A. Marino, Leiden-Boston, Brill, 2007, p. 246 et A. Hugon, Au service du roi catholique : « honorables ambassadeurs » et « divins espions ». Représentation diplomatique et service secret dans les relations hispano-françaises de 1598 à 1635, Madrid, Casa de Velázquez, 2004, p. 455-461. 71 « Don Pedro Girón, duque de Osuna, miedo del mundo, aclamación de las naciones, gloria de España, blasón de Flandres, freno de Italia, virrey de Sicilia y Nápoles, desengaño de Venecia, restauración del Imperio, recuerdo a Roma, amenaza a Francia, castigo a Saboya, ruina de los turcos. », D. Martinez Torron, Posibles ineditos de Quevedo a la muerte de Osuna, Pampelune, EUNSA, 2003, p. 51. 72 Sur cette question, voir H. Hermant, Guerre de plumes. Publicité et cultures politiques dans l’Espagne du xviie siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2012. Voir aussi Cerimoniale del viceregno spagnolo di Napoli : 1503-1622, éd. A. Antonelli, Naples, Arte’m, 2015. 73 Concernant les riches rapports diplomatiques et politiques entre Venise et la Savoie à cette époque, mais également avec la France, Modène, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne et Rome, voir Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Col-
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Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise
Ce prince [le duc d’Osuna] donna un banquet hier matin […] comme il est de coutume, mais cette fois il dépassa la grandeur habituelle […], après le repas il délecta les invités avec de la musique et avec un ballet pastoral exécuté par dix jeunes danseurs habillés en nymphes et bergers, lesquels ont ensuite chanté avec différents instruments des chansons composées à la gloire du prince. Puis ils dansèrent chacun séparément en sortant un à un d’une grotte artificielle installée dans un coin de la salle faite avec beaucoup de grâce et de laquelle coulait de l’eau de diverses parts comme si elle jaillissait de plusieurs fontaines. Toutes ces choses ne se font pas sans engager des frais considérables. Je fais une très humble révérence à Votre Altesse Sérénissime depuis Venise le 16 juin 1618. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très fidèle sujet et serviteur Giovanni Giacomo Piscina74.
Ce témoignage ouvre plusieurs pistes de recherches en ce qui concerne la démesure, la bizarrerie et la multiplicité des divertissements donnés pendant que se déroulent les événements militaires et politiques les plus difficiles ; de fait : plus ces spectacles sont artificiels et grandioses, plus ils sont politiques75. La musique, dans un tel contexte, forme un contrepoint avec les négociations diplomatiques et les actions militaires de la République de Venise au début du xviie siècle et facilite la construction et la circulation de l’identité des nations et les échanges culturels. En effet, et si l’on en croit Francesco de Vivo, « avec Simancas [en Espagne] et le Vatican, les archives de la République de Venise sont parmi les plus importants dépôts d’archives produites par une chancellerie avant l’époque contemporaine. [En effet,] dans une aristocratie gouvernée par des conseils électifs, toutes les décision faisaient l’objet de discussions et de votes dans un ou plusieurs conseils délibératifs, essentiellement le Conseil des Dix, le Sénat, et le Grand Conseil qui rassemblait la totalité des patriciens76 ». C’est précisément dans les comptes rendus des délibérations du Sénat que John Whenham a retrouvé les documents qui concernent l’octroi du titre de Chevalier de Saint-Marc à Sigismondo D’India. Sigismondo D’India, « aggiutante di camera » du duc de Savoie et Chevalier de Saint-Marc
Le seul ordre chevaleresque vénitien est celui de Saint-Marc77. Ce titre honorifique visait à récompenser les mérites des bons citoyens. Malgré les recherches, il reste difficile de savoir quand il a commencé d’être legio, Esposizioni principi, registri, reg. 31 : 1er mars 1620-1628 février 1620, doc. 1, fo 130ro et vo, doc. 2, fo 132ro, doc. 3, fo 138vo et doc. 4, fo 146ro et liasse 32 : 1er mars 1621-1628 février 1621, doc. 5, fo 16ro et vo. Ces documents contiennent des rapports et des lettres sur la venue de différents ambassadeurs (surtout de France) à Venise. Le fonds Cerimoniali (des mêmes Archives, qui sera bientôt numérisé, contient plusieurs chroniques sur les réceptions de personnalités importantes dans la Sérénissime comme par exemple les « fêtes données en l’honneur du prince Thomas jeune fils du duc de Savoie venu à Venise depuis Modène » le 20 mai 1620 (« Feste date in onore del Principe Tommaso figliuolo del duca di Savoia venuto in Venezia da Modena »), reg. III, 61 et 62. 74 « Questo prencipe ieri mattina fece banchetto […] conforme al solito ma molto alla grande più del solito […], dopo pranzo trattenne li convitati con musiche et con un balletto pastorale fatto da dieci giovinetti vestiti parte da Ninfe parte da Pastori i quali poi cantarono su diversi instromenti canzoni fatte in lode del Prencipe et danzarono ogn’uno di essi separatamente et tutti erano usciti da una grotta finta in un catone della sala ch’era fatta con molta vaghezza et metteva acqua da diverse parti come da diverse fontane ma tutte queste cose si fanno qui senza spesa considerabile, faccio riverenza humilissimamente a V. A. Serenissima di Venetia il 16 di giugno 1618. Di V. A. Serenissima Humilissimo et fedelissimo suddito et servitore Gio Giacomo Piscina. », (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Venezia, liasse 7/2, fo 47ro. 75 Voir le chapitre de C. de Saint-Real intitulé « Que la bizarrerie ou la folie sont le plus souvent la cause des actions les plus éclatantes », datant de 1671 et extrait de son De l’usage de l’histoire, op. cit., p. 13-20. 76 F. De Vivo, « Technologies du réemploi : mise en ordre/en œuvre des archives de Venise (xvie-xviie siècle) », La politique de l’histoire en Italie. Arts et pratiques du réemploi (xvie-xviie siècle), éd. C. Callard, E. Crouzet-Pavan et A. Tallon, Paris, PUPS, 2014, p. 310. 77 A. Da Mosto, L’Archivio di Stato di Venezia, Rome, Biblioteca d’arte, 1940, p. 28.
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Première partie
décerné78. Le titre de Chevalier de Saint-Marc79, ainsi qu’il a été établi en 1653, ne pouvait être accordé qu’après l’obtention des quatre cinquièmes des votes du Collège des Sages et du Sénat80. Ce titre pouvait également être octroyé par le doge à des « étrangers81 », comme ce fut le cas de Francesco Barattieri – ambassadeur du duc de Parme et de Plaisance et grand-père de l’époux de Barbara Landi Barattieri – qui le reçut en 155982, ou bien du chanteur et compositeur Francesco Rasi qui l’obtint le 3 juillet 161883. Quant à Sigismondo D’India, le compositeur fut nommé Cavaliere di San Marco en janvier 1621. Les six documents trouvés par John Whenham concernant cette nomination sont très intéressants d’un point de vue biographique et plus particulièrement instructifs sur les rapports entre le compositeur et le cardinal Maurice de Savoie. En effet, ce dernier s’était engagé personnellement auprès de la République de Venise, par le biais de l’ambassadeur Piscina, afin d’obtenir le titre pour D’India. Un musicien « dotato di tutte quelle nobili qualità, che lo rendono degno d’ogni honore »
Les documents rapportés par Whenham, intégralement retranscrits à partir du registre du Collège des Sages de Venise84, se trouvent dans le fonds Collegio, esposizioni principi, à l’exception de la minute du privilège qui est conservée dans le fonds Cavalieri di San Marco de la Chancellerie inférieure85. Les documents originaux, qui ont été copiés dans le registre du Collège, sont quant à eux conservés dans les filze du fonds Collegio, Esposizioni principi esposizioni di ambasciatori. Or le musicologue ne semble pas avoir consulté ce fonds. Nous donnons pour la première fois une traduction en français de ces documents. Le premier, recopié dans le registre après le deuxième, est la lettre du 23 septembre 1620 que le cardinal Maurice envoie au Collège vénitien à travers son ambassadeur, et dans laquelle le prélat vante les qualités censées rendre le compositeur digne du titre en question : Vous connaîtrez très bien Sigismondo D’India, serviteur de la Chambre de Son Altesse et son maître de musique, mais également serviteur de la nôtre, art dans lequel il excelle si bien que peu pourraient l’égaler aujourd’hui en Italie. En outre, il est doué de toutes ces nobles qualités que l’on peut désirer et qui le rendent digne de tout honneur. Et parce qu’il aspire vivement à obtenir celui de Chevalier de Saint-Marc, que cette Sérénissime République a pour coutume de conférer comme décoration à ceux qui, pourvus d’une remarquable vertu, en sont dignes, je tiens à assurer par la présente lettre que Son Altesse et nous tous serions grandement satisfaits si Elle s’employait à faire diligence pour obtenir cette grâce. Nous y engageons le nom et notre intercession avec les moyens les plus efficaces possibles, de telle manière que le désir de celui qui nous est si cher et qui est si virtuose soit comblé. Ainsi nous en remettons-nous à votre savoir-faire et enfin, nous prions Dieu qu’il vous conserve. Depuis Turin, le 23 septembre 1620, le Cardinal de Savoie – L’ambassadeur Piscina86. R. Bratti, « I Cavalieri di San Marco », Nuovo Archivio Veneto, no 16/2, 1898, p. 325-326. Concernant les Chevaliers de Saint-Marc, voir aussi le manuscrit Gradenigo conservé à la bibliothèque du Musée Correr de Venise (I-Vmc). 80 R. Bratti, « I Cavalieri di San Marco », op. cit., p. 332. 81 J. Whenham, « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », op. cit., p. 127. 82 R. Bratti, « I Cavalieri di San Marco », op. cit., p. 337. 83 (I-Vas), Cancelleria inferiore, Doge, Privilegi dei Cavalieri di San Marco, série 429, filze 174-165, 3 juillet 1618. 84 J. Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », op. cit., p. 9-10 et « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », op. cit., p. 130-131. 85 Le fonds de la Cancelleria inferiore contient des documents qui concernent le doge ainsi que les archives des notaires décédés, voir F. De Vivo, « Technologies du réemploi », op. cit., p. 311. 86 « Conoscerete molto bene Sigismondo d’India Agiutante di Camera di S. A. et capo della sua musica e della nostra ancora, nella qual arte egli eccelle di maniera che pochi suoi pari si potrebbero hoggi ritrovare in Italia. Dotato oltre di ciò di tutte 78 79
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Nous noterons non seulement l’enthousiasme tout à fait inédit du cardinal à l’égard d’un « serviteur de la Chambre » de son père, mais également le désir du musicien à obtenir ce titre de noblesse. On relève en outre que le compositeur travaille aussi pour le prélat, ainsi que nous l’avons vu dans certaines pièces du livre des Balli, ce qui confirme que le centre de gravité de l’activité musicale du musicien s’est déplacé vers la cour de Maurice de Savoie, mais aussi l’importance de ce dernier dans la carrière de D’India et son rôle dans la période qui suit son départ de la cour de Turin. Le deuxième document (qui, donc, a été copié dans le registre en premier) est daté du 15 décembre 1620 et concerne la demande officielle du Cavalierato pour D’India. L’ambassadeur Piscina se rend au Collège des Sages de Venise par ordre du cardinal Maurice de Savoie pour présenter la demande auprès du doge Antonio Priuli : S’étant rendu au très Excellent Collège, Monsieur l’ambassadeur de Savoie s’exprima de la façon suivante : Prince Sérénissime, […] je suis chargé par le Seigneur Prince Cardinal de le représenter auprès de Votre Sérénité pour deux affaires, mais encore de vous supplier de vouloir bien accueillir [son message]. Le premier sujet concerne Sigismondo D’India, serviteur de la Chambre de Son Altesse et son maître de musique, art dans lequel il réussit avec excellence, si bien que l’on peut dire qu’il n’a pas d’égal. Et puisqu’il est doué de toutes les nobles qualités que l’on peut désirer et qui le rendent digne de tout honneur, ce dernier aspire vivement à être créé Chevalier de Saint-Marc et c’est pour cette raison que le Seigneur Cardinal m’envoie supplier Votre Sérénité, avec la plus grande affection, de l’assurer que cette grâce lui sera concédée, et le Seigneur Duc [Charles-Emmanuel de Savoie] en recevra le plus grand contentement. L’autre affaire concerne87….
Ce document confirme l’engagement personnel du prélat afin de faire obtenir le titre à D’India, engagement allant jusqu’à impliquer son père. Le troisième document est la réponse du doge à la demande de Maurice de Savoie, copiée dans le registre du Collège le 15 janvier 1621 (1620 selon l’année vénitienne qui commençait en mars). Il s’agit de la délibération du Sénat : Conformément à la délibération du très Excellent Sénat […], comprenant le désir du Seigneur Prince Cardinal et le témoignage qu’il lui a fait des honorables qualités de [Sigismondo] D’India, serviteur de la Chambre de Son Altesse et maître de sa musique, il concourt volontiers à l’honorer en le créant Chevalier de Saint-Marc.
quelli nobili qualità, che si possono desiderare, che lo rendono meritevole d’ogni honore. Et perche egli ambisce grandemente quello di Cavaliere di San Marco che quella Serenissima Repubblica hà per costume di conferire per ornamento a quelli, che con qualche segnalata virtù, se ne rendono degni, vengo ad assicurarvi con questa, che sua Altezza, et tutti Noi receveremo questo grande, che usiate ogni sorte di diligenza, per ottener questa gratia, impiegandovi il nome, et intercessione nostra, con tutti quei mezi più efficaci, che vi sara possibile in maniera che questi a noi tanto caro, et tanto virtuoso, sia consolato in questo suo desiderio, come ci promettemo dalla destrezza vostra et per fine preghiamo il Santissimo che vi conservi. Torino : 23 settembre 1620 Il Cardinale di Savoia – Ressidente Pissena. », (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, esposizioni di ambasciatori, filze 28, fo 132ro, lettre datée du 23 septembre 1620, copié dans le reg. no 31 (non paginé ni numéroté) du Collegio, Esposizioni principi, registri, le 15 décembre 1620. 87 « Venuto nell’Eccellentissimo Collegio il signor Ambasciator di Savoia parlò nella seguente sostanza. Serenissimo Prencipe. […] Due negotij, tengo commissione dal signor Prencipe Cardinale di rappresentare in suo nome alla Serenità Vostra, et de supplicarnela per la buona espedizione ancora. Il primo è per interesse di Sigismondo d’India, aggiutante di Camera di sua Altezza, et Capo della sua Musica ; nella qual arte egli riesce di maniera eccellente, che si può dire non haver pari, come si trova dottato di tutte quelle nobili qualità, che si possono desiderare, e che lo rendon degno d’ogni honore. Questo ambisce grandemente di esser creato Cavaliero di san Marco, onde il signor Cardinale mi commanda di supplicarne la Serenità Vostra con ogni maggior affetto assicurandola, che la gratia a lui, et al signor Duca reuscirà di sommo contento. L’altro negotio… », id., filze 28, fo 130ro et vo, document daté du 15 décembre 1620, copié dans le reg. no 31, id., à la même date.
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Il [le musicien] pourra se rendre en personne dans cette ville afin de recevoir ce titre, ou bien, en son absence, [le Sénat] donnera l’ordre que ledit privilège lui soit expédié, selon ce qui sera le plus convenable au Seigneur Cardinal. L’ambassadeur apprit cela avec grand contentement, affirmant qu’il en ferait part au Seigneur Cardinal, lequel en sera satisfait car il a beaucoup d’affection pour les grandes qualités de ce sujet [le compositeur]. Cette grâce sera également pour lui [le cardinal] comptée parmi tant d’autres qu’il a reçues de cette Sérénissime République et envers laquelle il saura toujours montrer sa dévotion et sa gratitude88.
« Per decoro delle sue virtù […] et honorate qualità »
Le quatrième document est une lettre du cardinal Maurice datée du 23 janvier 1621 et adressée à l’ambassadeur Piscina où le prélat se réjouit de la décision des autorités vénitiennes : Nous nous sommes grandement réjouis d’apprendre la bonne résolution prise concernant l’octroi du titre de Chevalier à Sigismondo D’India, personne que nous désirons vivement récompenser pour ses vertus et ses honorables qualités. Vous nous ferez le plaisir de remercier en notre nom Sa Sérénité et de l’assurer de notre obligation envers elle à cette occasion. Nous vous demandons de faire expédier la lettre [du privilège] et de la lui envoyer, ce qui sera le plus commode. Nous ne manquerons pas de vous rembourser tous les frais que vous engagerez. [Sigismondo D’India] ne peut en effet aller recevoir cet honneur personnellement : Son Altesse et nous avons besoin de lui à l’occasion du carnaval […]. Turin, le 23 janvier 1620 [en réalité 1621]. Le cardinal de Savoie à Monsieur l’ambassadeur Piscina89.
La forte volonté de récompenser D’India dont cette lettre témoigne, est très certainement l’une des raisons de la jalousie et de la malveillance de certaines personnes de la cour de Turin et qui ont poussé le compositeur à s’en éloigner au printemps 1623. Il est certain en tout cas que le musicien n’a pas pu se rendre à Venise pour recevoir le titre90 à cause de ses engagements pendant le carnaval de Turin en février-mars 1621. En effet, parmi ces engagements, D’India devait composer la musique du Ballet des Rois de la Chine pour l’anniversaire de Christine de France qui a eu lieu le 10 février. Le compositeur ne s’était pas rendu à Venise depuis la publication de son Cinquième livre de madrigaux de 1616 ; il y retournera donc au début du mois de juin 1621 pour la publication de son recueil de Balli, qui contient le ballet de la Chine cité plus haut. Ce fut à l’occasion de ce voyage qu’il utilisa pour la première fois 88 « Conforme a la deliberatione dell’Eccelentissimo Senato […], che havendo ella inteso il desiderio del signor Prencipe Cardinale, et il testimonio fattole delle honorate conditioni dell’India, aggiutante di Camera di Sua Altezza et Capo della sua Musica, concorreva volontiere ad honorarlo, creandolo Cavaliero di San Marco, et che conducendosi egli in questa Città ne seguirebbe l’effetto, overo anco darà ordine, che in sua absenza sia spedito il solito privilegio ; in che si farebbe quello che fosse più grato, et di maggior gusto del medesimo signor Cardinale. Prese di ciò gratie molte affetuose l’Ambasciator dicendo, che ne darà parte al signor Cardinale, il quale lo sentirà con molto assento, amando egli questo soggetto assai per le buone condittioni ; et questa gratia serà da lui annoverata presso tant’altre recevute dà questa Serenissima Repubblica, verso la quale sarà sempre apparire la sua devotione, et ubligatione. », id., filze 28, fo 138vo, copiée dans le reg. no 31, id., le 15 janvier 1620 (en réalité 1621). 89 « Habbiamo avuto gusto grande di vedere per la vostra buona risolutione che s’è presa intorno al Cavalerato di Sigismondo d’India, essendo persona che desideriamo molto di favorire per le sue virtù, et honorate qualità, che però ci farete piacere di ringratiarne a nome nostro la sua Serenità et assicurarla dell’obligo nel quale ci hà posto in questa occasione. Terrete insieme mano di farne spedire le lettere et mandarcele per la prima commodità, che non mancheremo di rimborsarvi di tutto il costo, che ci servirete, non potendo egli andar a pigliar questo honore in persona per le bisogni che Sua Altezza et Noi havemo di lui in queste occasioni del Carnevale […]. Torino li 23 Genaro 1620 Il Cardinale di Savoia Al signor Ressidente Piscena. », id., filze 28, fo 146ro, lettre datée du 23 janvier 1620 (en réalité 1621), copiée dans le reg. no 31 le 15 février 1620 (1621). 90 Contrairement à ce que avait cru R. Miller, « New Information on the Chronology of Venetian Monody : the « Raccolte » of Remigio Romano », Music & Letters, no 77, 1996, p. 22-33.
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son titre de chevalier. Il Cavaliere D’India – comme on l’appellerait dorénavant – reviendrait à la Sérénissime quelques mois plus tard, en novembre, pour la parution de son Quatrième livre de monodies accompagnées. Le cinquième document est une lettre de l’ambassadeur Piscina datée du 17 février 1621 et adressée au Collège des Sages, dans laquelle le diplomate fait part de la joie du cardinal de Savoie concernant l’obtention du titre, et demande que le privilège lui soit envoyé afin de l’expédier au plus vite à Turin : J’ai informé, par mes correspondances au Seigneur Prince Cardinal de Savoie, que Votre Sérénité et Vos Excellences ont daigné récompenser le Sieur Sigismondo D’India en le créant Chevalier de Saint-Marc à la demande de Son Altesse [le duc de Savoie], laquelle l’a appris avec un plaisir infini et déclare vous en être très reconnaissante, ainsi que vous pourrez le constater dans la lettre ci-jointe. Je prie Votre Sérénité d’ordonner que les lettres du privilège soient expédiées […] afin que je les envoie rapidement au Seigneur Prince Cardinal […]. En ma demeure, le 17 février 1621 […] Giovanni Giacomo Piscina, ambassadeur du Sérénissime de Savoie91.
Le document ne mentionne pas la date d’envoi du privilège, mais nous pouvons supposer qu’il a été expédié entre les mois d’avril et mai 1621. Enfin, le sixième et dernier document rapporté par Whenham est la minute du privilège datée de mars 1621 (le jour n’est pas précisé), conservée parmi les documents de la chancellerie : Les remarquables qualités de Don Sigismondo D’India nous ont logiquement conduits à montrer envers sa très méritante personne quelque signe d’honneur, non seulement pour distinguer ses vertus, mais encore par gratitude. C’est pourquoi, aujourd’hui, en préservant les règles et la solennité qui, dans pareils cas, sont habituellement observés, nous l’avons créé Chevalier en lui donnant l’autorisation d’utiliser perpétuellement les habits, le baudrier, l’épée, les éperons, les armes et tout autre attribut militaire et en lui concédant ensuite la possibilité de jouir de tous les honneurs, prééminences, libertés et privilèges qui appartiennent à la vraie milice et à la dignité de Chevalier et en signe desquels nous avons ordonné le présent privilège muni de notre sceau pour faire valoir ce que de droit92.
Whenham a émis l’hypothèse que D’India aurait pu aspirer à recevoir le titre de Chevalier de SaintMarc pour rivaliser avec Monteverdi93 auquel, malgré sa notoriété et son importante activité de maître 91 « Ho significato colle mie lettere al Signor Prencipe Cardinale di Savoia che Vostra Serenità e Vostre Eccellenze si degnano di favorire il Signor Sigismondo d’India del Cavallerato di San Marco, a contemplatione di Sua Altezza, la quale ha sentito di ciò infinito gusto, et professa di rimargliene con molto obligo, com’elle protranno veder per la lettera che sarà congionta. Prego Vostra Serenità di commandare, che siano spedite le lettere del privilegio […] affine che questo prima io le mandi al Signor Prencipe Cardinale […] Di Casa li 17 di febraro 1621 […] Giovanni Giacomo Piscina Ambasciatore del Serenissimo di Savoia. », (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, esposizioni di ambasciatori, filze 29, fo 16ro et vo, lettre datée du 17 févier 1621, copiée dans le reg. no 32, id., registri, le 23 mars 1621. 92 « Le riguardevoli condittioni di Don Sigismondo d’India regionevolmente ci movono à dimostrare verso la sua benemerita persona alcun segno d’honore, non solamente per decoro delle sue virtù ; ma anco della gratitudine : Però hoggi, servati gl’ordini, et solenità, che in simili casi sogliono, esso osservati, lo habbiamo creato Cavalliero, dandoli auttorita di perpetuamente usar les vesti, la cinta, la spada, li spironi, l’armi et ogni altro ornamento militare, et concedendoli appresso, che possi godere tutti gli honori, preeminenze, libertà et privilegii, che appartengono alla vera militia, et alla dignità di Cavalliero, in segno delle quali cose habbiamo ordinato il presente nostro privileggio munito col nostro sigiillo solito à memoria de posteriori. », (I-Vas), Cancelleria inferiore, Doge, Privilegi dei Cavalieri di San Marco, série 503, filza 174, mars 1621. Concernant cette question, voir A. Garavaglia, « Sintomi e forme di epigonismo patologico : Sigismondo d’India », 93 Septième rencontre de musicologie organisé par Il saggiatore musicale, Alma Mater Studiorum, Università di Bologna,
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Première partie
de la basilique de Saint-Marc, il n’a jamais été décerné, même si nous ne savons pas si le compositeur crémonais a cherché à l’obtenir. Le musicologue s’interroge également sur les raisons pour lesquelles le compositeur aspirait tant à avoir un titre honorifique vénitien alors que, de fait, ses rapports avec la Sérénissime se limitaient aux publications de ses livres de musique, mais aussi sur les liens entre le musicien et le cardinal de Savoie autour des circonstances qui ont poussé le compositeur à partir de la cour de Turin en 162394. L’annoblissement de D’India pourrait-il être également compris comme une nouvelle facette de sa carrière de gentilhomme-musicien ? Le cardinal de Savoie aspirait-il à faire de D’India – compte tenu de son excellence – un agent politique et culturel au service de la maison de Savoie95 – laquelle avait un intérêt particulier, à l’époque, à renforcer ses liens avec Venise ? En effet, nous savons que les artistes au service d’un prince remplissaient parfois des fonctions de représentation diplomatique96. Le statut aristocratique étant une condition pour exercer de telles fonctions97, l’obtention du titre de Chevalier de Saint-Marc – à la fois titre de noblesse et titre miliatire – aurait-elle fait partie de cette stratégie diplomatique ? Nous avons tenté, dans ce chapitre, de poursuivre les découvertes de John Whenham autour du Cavalierato de D’India, en lançant de nouvelles perspectives de recherche concernant à la fois la diplomatie, la politique et le spectacle, dans le contexte du long cheminement de la construction de l’identité des nations. L’axe diplomatique qui unit les villes aux personnages : Turin et Venise d’un côté, et Maurice de Savoie, D’India et l’ambassadeur Piscina de l’autre, doit continuer d’être exploré, notamment dans le fonds du Collegio98 des archives vénitiennes. L’obtention du titre de Chevalier de Saint-Marc est l’un des épisodes les plus significatifs de l’activité de mécène du cardinal Maurice et plus particulièrement de la carrière musicale de Sigismondo D’India puisqu’à cette époque le compositeur est non seulement « Capo della musica » du duc Charles-Emmanuel mais également celui de Maurice de Savoie. L’étude sans a priori des documents rapportés par Whenham permet d’échapper autant à une approche inflexiblement anti-idéaliste du mécénat qu’à une vision, à l’inverse, par trop idéalisée, naïve de celui-ci. Dans le cas qui nous occupe, adopter la première attitude nous empêcherait de constater que la manière dont le cardinal protège le musicien n’est pas sans évoquer Burckhardt99, lequel tend à faire de tout mécène un mélomane cultivé qui reconnaît le génie de l’artiste et le soutient. Seulement, loin de correspondre à ce qui serait une généralité – et ici nous nous éloignons de la vision quelque peu Dipartimento di Musica e Spettacolo, (Bologna, 22-23 novembre 2003), actes non publiés. Nous pouvons trouver le résumé de sa communication dans http://www.saggiatoremusicale.it/attivita/2003/abstr_coll_2003.php. 94 J. Whenham, « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », op. cit., p. 129. 95 Il est intéressant de souligner que la première lettre (le 23 septembre 1620) de Maurice de Savoie concernant la demande du titre vénitien pour D’India coïncide avec une période où l’activité du compositeur était particulièrement riche à Turin. En effet, une fête très remarquée a eu lieu quelques jours plus tard, le 27 septembre, à la Vigna du cardinal Maurice. Voir les p. 82-83 de cet ouvrage. 96 M. Keblusek, « Introduction », Double Agents. Cultural and Political Brokerage in Early Modern Europe, éd. M. Keblusek et B. Vera Noldus, Leiden-Boston, Brill, 2011, p. 6 et M. Keblusek « The Pretext of Picture : Artists as Cultural and Political Agents », id., p. 151. 97 Id., p. 157-158. 98 (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, Esposizioni Roma, registri, reg. 19-25. Voir également le fond Cerimoniali. 99 J. Burckhardt, Die Kultur der Renaissance in Italien, Leipzig, Seeman, 1860, trad. H. Schmitt, revue et corrigée par R. Klein, La Civilisation de la Renaissance en Italie, Paris, Bartillat, 2012. Voir aussi A. Mérot, Généalogies du baroque, Paris, Gallimard, 2007, p. 33-40.
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Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise
« idéaliste » de l’historien allemand –, le patronage du cardinal Maurice, marqué par l’enthousiasme, l’engagement personnel ainsi que par l’obstination à « vivement récompenser » le compositeur pour l’excellence de sa musique et ses « nobles qualités », est en réalité plutôt une rareté dans le mécénat musical de cette époque. Aussi retrouvons-nous, une fois encore, le caractère polyédrique et pluridirectionnel du système d’échanges entre artistes et patrons. La protection et l’enthousiasme du cardinal s’accentueront à la fin de la vie de D’India lorsqu’il habitera Modène et Rome. Cette libéralité fait écho à la magnanimité du duc d’Osuna qui n’hésite pas à « engager des frais considérables » pour éblouir et délecter ses invités lors d’un banquet dans son palais vénitien. Nous constatons enfin l’obstination du compositeur et du cardinal à obtenir ce titre de noblesse qui de plus est un titre militaire. Ses origines nobles palermitaines seront renforcées par le titre de Chevalier de Saint-Marc et plus tard, en 1623, complétées par celui de « Gentilhomme du cardinal de Savoie » ; nous retrouvons ainsi l’importance de la protection et de la proximité du cardinal Maurice dans la construction de l’identité nobiliaire du musicien.
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1 Chapitre 7 : La cour de Modène La Princesse Isabelle d’Este-Savoie
C’est vers le mois de mai 1623 que D’India quitte la cour de Turin pour rejoindre temporairement, en octobre de la même année, la cour de Modène afin de montrer ses compositions (probablement plusieurs madrigaux du Huitième livre1) au prince Alphonse d’Este2. Avant de s’établir dans cette ville, en juin, il se rend à Venise pour la publication de son dernier livre des Musiche, et à Rome, pendant l’été, pour servir le cardinal Maurice de Savoie durant le conclave. Le musicien reste à Modène jusqu’au mois de mars 1624. À la fin du même mois, à la demande du cardinal Maurice, il revient à Rome3. Deux ans plus tard, en avril-mai 1626, il retourne à Modène afin de préparer L’Isola d’Alcina, mélodrame dont la présentation fut interrompue par la mort d’Isabelle d’Este-Savoie (1591-1626) – deuxième fille du duc Charles-Emmanuel et épouse du prince Alphonse d’Este4, fils du duc de Modène Cesare d’Este. D’India quitte Modène avant la fin de l’année puis y revient à l’automne suivant (1627) pour négocier sa candidature comme compositeur des intermèdes pour les noces de Parme de 1628. Il y restera jusqu’à sa mort, en avril 1629. Lors de son premier séjour à Modène, à l’automne 1623, le compositeur écrit son dernier livre de madrigaux5 qu’il publie à Rome à la fin du mois d’août de l’année suivante en le dédiant à la princesse Isabelle d’Este-Savoie. Ce recueil de madrigaux peut être considéré comme le sommet de son art madrigalesque où dominent l’audace stylistique – dans la direction de l’esthétique monteverdienne – et le spectacle vocal6. C’est dans le cadre du renouveau de la musique vocale et du spectacle à Modène que s’inscrit L’Isola d’Alcina. L’étude du poème nous permet de mieux comprendre l’ancrage culturel de ce mélodrame Voir les manuscrits de la partie d’alto de certains madrigaux de ce livre : Godea del sol i rai, Pallidetto mio sole, Lidia ti lasso, Ecco Silvio et Ma se con la pietà, conservés à la Biblioteca Estense Universitaria di Modena (I-MOe), Raccolta musicale, F. 1530, fo 2, 3, 4ro et vo et 5ro et vo. 2 « È capitato qui il Cavaliere Sigismondo d’India, et mi hà donata una sua opera la quale è stata molto gradita da me […]. L’ho trattenuto quà alcuni giorni, et penserei anche di trattenervelo qualche tempo di più. », Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Roma, liasse 35, fo 105ro, lettre d’Alphonse d’Este à Ludovico d’Agliè le 28 octobre 1623, publiée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 76. 3 Un paiement de trente écus de la part du cardinal de Savoie et daté du 21 avril 1624 est destiné à Sigismondo D’India « à conto del suo trattenimento. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 7 (1623 in 1626), mandat de paiement no 329. 4 Événement politique que le poète Marino célèbre dans son allégorie généalogique du Balletto delle Muse écrite en février 1608 et publiée plus tard à Venise dans ses Epitalami de 1616. Voir M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia. Simulacro del vero Principe, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2005, p. 8-9 et n. 15. 5 S. D’India, Ottavo libro de’ madrigali a cinque voci, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia, Rome, Robletti, 1624. Pour l’édition moderne de ce livre, voir G. Watkins, Ottavo libro dei madrigali a cinque voci – 1624, Florence, Olschki, 1980 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. X). 6 J. Morales, « Sigismondo D’India, un Monteverdi “concitato”, étude du Huitième livre de madrigaux du compositeur palermitain », Le Jardin de Musique, no 6/2, 2010, p. 79-107. 1
Première partie
et de retracer la vie musicale de la cour d’Este – du projet de mélodrame aux funérailles solennelles d’Isabelle d’Este – à la fin de l’année 1626. Dès lors apparaissent les thématiques de la diplomatie artistique et des personnages intermédiaires – à travers la figure de l’ambassadeur Fulvio Testi, auteur du livret –, de la transposition des styles et des genres musicaux et de l’hétérogénéité du mécénat nobiliaire. Le premier mélodrame à Modène – L’Isola d’Alcina de D’India-Testi
Comme le souligne Marina Calore, le spectacle à Modène fut le terrain de confrontation entre la culture citadine et courtisane et la culture populaire et aristocratique. L’arbitre de cette confrontation était le duc lui-même7. Modène est l’une des villes italiennes parmi les plus actives et les plus éclectiques en ce qui concernent les fêtes et les spectacles. La tragédie et la pastorale y sont à cette époque des produits types des académiciens. La comédie, quant à elle, sera très vite adoptée et appréciée comme un genre capable d’unir musique, chant, théâtre et vie quotidienne ; le meilleur exemple en est L’Amfiparnaso d’Orazio Vecchi8. Développement et profusion des Rinovatori della fama, les spectacles à la cour d’Este
Les fêtes publiques deviennent peu à peu à Modène des spectacles allégoriques destinés à célébrer les événements prestigieux des gouvernants. De la petite structure des tournois9 on passe aux grandioses spectacles mythologiques dans le droit fil de la tradition de Ferrare. C’est le cas de la joute représentée dans cette ville le 25 février 1618 sur le thème mythologique d’Amour10, à laquelle les comtes Francesco et Giovanni Battista Molza, tous deux « Cavalieri valorosi di vera costanza » (« Chevaliers valeureux et de véritable constance »), ont participé sous les pseudonymes de « Filatero d’Athènes » et « d’Eustache de Chypre11 ». On trouve confirmation de cette mutation des spectacles modénais dans le fonds Spettacoli pubblici, tornei, giostre des Archives d’État de cette ville. Dans un document daté d’octobre 160812 – année où Isabelle d’Este-Savoie a épousé le prince de Modène Alphonse III – il est question de plusieurs spectacles chorégraphiques équestres13 (balletto et ballo a cavallo) avec des 7 M. Calore, Spettacoli a Modena tra Cinque e Seicento, Modène, Aedes Muratoriana, 1983, p. 91. 8 Id., p. 50. Voir aussi P. Mioli, Recitar cantando. Il teatro d’opera italiano, Palerme, L’Epos, 2008, vol. I : Il Seicento, p. 134-138. 9 Voir la lettre datée du 24 mars 1612 de Vittorio Baldini depuis Ferrare et adressée au duc de Modène où il est question d’un tournoi organisé par Enzo Bentovoglio et représenté dans la grande salle du palais ducal : « Mando à Vostra Altezza Serenissima il Torneo fatto questo Carnevale nella sua gran sala, con i versi et l’Apparato per l’inventione del Signor Enzo Bentivoglio. », Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale, Archivio per Materie, spettacoli pubblici, tornei, giostre, boîte 9/B, 24 mars 1612. 10 A. Chiarelli, « Fonti e mondo musicale a Modena al tempo di Orazio Vecchi (contesti, noti e alcuni appunti marginali) », Il theatro dell’udito : società, musica, storia e cultura nell’epoca di Orazio Vecchi : conferenze tenute durante le celebrazioni del IV centenario della morte di Orazio Vecchi, éd. A. Chiarelli et F. Taddei, Modène, Mucchi, 2007, p. 351-352. 11 (I-MOe), Giostra mantenuta in Modena il 25 febbraio 1618, s.n.t. stampato a fogli sciolti, fo 54 (Misc. Var. Ferr. Mor. 68, fasc. Giostre). 12 Id., Ballo a cavallo, octobre 1608, 4fo. Le document décrit de façon très précise les différentes scènes chorégraphies (mutanze). 13 La tradition des spectacles équestres continuera à s’épanouir à Modène tout au long du xviie siècle, voir la description non datée (vers 1620-1625) de la répétition d’une giostra représentée dans la cour principale du palais avec des instruments de musique pour l’anniversaire du duc Cesare de Modène, (I-MOs, Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale, Archivio per Materie, spettacoli pubblici, tornei, giostre, boîte 9/A, sans date). Mais également la chronique d’Enzo Bentivoglio intitulée Relatione dei tornei a cavallo et a piede rappresentati dal Serenissimo Signor Duca di Mo-
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Chapitre 7 : La cour de Modène
musiciens14 , ainsi que de plusieurs mises en scène de ballets allégoriques avec des parties chantées, l’un sur le thème d’Amour, de Diane15, de la Renommée16, de Ruggiero17, et d’Amadis de Gaule18 où il est question de la participation de l’Infante (Isabelle d’Este) de Savoie au bal. Un autre spectacle intitulé Balletto delle hore (Ballet des heures) prévoit que chaque danseur représente une heure de la journée divisée en heures des ténèbres et heures de lumière avec des parties chantées19. Le prince Alphonse a certainement dû être impressionné par les spectacles auxquels il a pu assister lors de son séjour à Mantoue à l’occasion du mariage de Francesco Gonzaga et Marguerite de Savoie en 1608. Dans une lettre adressée à son oncle le prince-cardinal Alessandro d’Este (1568-1624) depuis Mantoue et datée du 3 juin de la même année, le prince écrit : Hier on a représenté l’Idropica du Chevalier Guarini20 qui fut un sujet plutôt agréable, mais encore plus splendides furent les cinq intermèdes composés par [Gabriello] Chiabrera, à savoir le Rapt de Proserpine21, la fable d’Europe22 avec la tempête maritime provoquée par Éole par ordre de la déesse Junon ; une nuit à laquelle succédait l’aurore et puis le jour23 ; les Noces d’Alcide24 ainsi qu’un ciel ouvert à l’infini qui montrait le mouvement des astres sur le firmament25. En somme, les machines et les musiques ont provoqué une délectation inénarrable, le plaisir fut scellé par quatre ballets dansés à la fin26. dana nell’elettione dell’Invitissimo re dei Romani Ferdinando Terzo de 1637 et dédiée au cardinal Maurice de Savoie, id., boîte 9/b. 14 Id., boîte 9/A, Prova del Carosello a farsi in Modena nel gran cortile di Corte nel giorno della nascita del Duca, sans date. 15 « Diana in forma di cacciatrice accompagnata da altre ninfe co i cani, et altri istromenti da Caccia venga à far parte delle sue prede alla Signora Infanta et alle Principesse. », id., sans date, fo 1. 16 « Un carro tirato da i quattro venti principali sotto la guida della fama […]. Si potrà ornare il Carro con una compagnia di sirene le quali vadano cantando il valor delli antenitori. », id., fo 2. 17 Ibid. 18 « Si potrà ancora fingere che i mantenitori come Cavalieri discendenti d’Amadis di Gaula e rinovatori della fama di quel gran linaggio vadano […] sopra un Carro incantato dal Mago Alchifo tirato da quattro leoni […]. Si potrà anche rappresentare sopra il Carro […] la Virtù, et à lato à lei la Fortuna […]. Il mago istesso sarà l’auriga del Carro, dichiarando che questo è quel medesimo Carro [de]gli antichi Cavalieri della Casa di Gaula. », id., fo 2-3. 19 « Apparato di scene et favola da recitarsi ; o parlando ; o cantando, ch’è meglio per haver insieme ritmo, et misura. », id., sans date, fo 1. 20 Mise en musique par Claudio Monteverdi et dont la musique est perdue, voir P. Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 130-138. Concernant la correspondance entre Guarini et le marquis Enzo Bentivoglio (ambassadeur de Ferrare à Rome) conservée dans les Archives de Ferrare, voir D. Fabris, « Lettere di Battista e Alessandro Guarini nell’Archivio Bentivoglio di Ferrara », Guarini, la musica, i musicisti, éd. A. Pompilio, Lucques, LIM, 1997, p. 81-83. 21 Mis en musique par Salamone Rossi, voir P. Fabbri, Monteverdi, op. cit., p. 129. Pour la partition, voir les annexes de Salamone Rossi. Secular vocal works, 8 vol., éd. D. Harran, Neuhausen, American Institute of Musicology, 1995. Quant au texte, il est conservé à la bibliothèque de la Fondazione Giorgio Cini de Venise (I-Vgc), Il ratto di Proserpina : Intermedio. (Fondo Rolandi : AAVV G-I). 22 Mis en musique par Giacomo Gastoldi et dont le texte et la musique sont perdus, voir P. Fabbri, Monteverdi, op. cit., p. 129. 23 Il s’agit des Noces de Jupiter et d’Alcmène de Marco Da Gagliano et dont la musique est perdue. Quant au texte, il est conservé à (I-Vgc), Le Nozze di Giove con Alcmena : Intermedio. (Fondo Rolandi : AAVV G-I). Une partition de Da Gagliano sur le même thème mais sur un poème de Rinuccini y est conservée également (I-Vgc), Invocazione a Giove. (Fondo Rolandi : AAVV A-C). 24 Mis en musique par Giulio Cesare Monteverdi et dont la musique est perdue, voir P. Fabbri, Monteverdi, op. cit., p. 129. Quant au texte, il est conservé à (I-Vgc), Le Nozze d’Ebe con Alcide : Intermedio. (Fondo Rolandi : AAVV G-I). 25 Il s’agit d’un ballet représentatif de Paolo Birt dont la musique est aussi perdue. Quant au texte, il est conservé à (IVgc), Balletto finale. (Fondo Rolandi : AAVV G-I). 26 « Hieri si recitò l’Idropica del Cavaliere Guarini, che fù soggetto assai dilettevole, ma più stupendi furono li cinque Intermedii composti dal Chiabrera, cioè il ratto di Proserpina, la Favola di Europa, la tempesta in mare cagionata da Eolo ad instanza della Dea Giunone ; Una notte a cui succedette l’Aurora, e poscia il giorno ; Le nozze d’Alcide ; et un Cielo aperto nel fine con i movimenti delle sfere sin al firmamento. In somma, Le machine, Le Musiche diedero inennarrabile diletto,
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Première partie
Enfin, nous pouvons mentionner un ballet organisé pour le carnaval de 1616 par Isabelle d’Este-Savoie où il est question de cinquante-quatre danses différentes27 et de plusieurs descriptions des figures de danse à huit parties28. Parmi les spectacles qui se développent et se diffusent à cette époque, le plus important est le mélodrame chanté. C’est ici que Sigismondo D’India joue un rôle de novateur à Modène puisque le musicien est l’auteur de la première tentative d’opéra dans cette cour : L’Isola d’Alcina, mélodrame inachevé et dont la musique est perdue. La recherche historique de cette œuvre nous mène inévitablement à nous intéresser à l’auteur du livret, le poète Fulvio Testi. Fulvio Testi, entre diplomatie musicale et diplomatie poétique
Poète et diplomate, admirateur de Lope de Vega et ami des musiciens et des poètes, Fulvio Testi (1593-1646), originaire de Ferrare, est nommé « virtuoso di camera » du duc Cesare d’Este en 161829. La valeur littéraire du jeune poète était déjà connue à cette époque et c’est la raison pour laquelle le prince Alphonse d’Este, son protecteur, lui a confié la tâche de recueillir les noms des érudits qui pourraient faire partie de l’Académie qui devait être créée à Modène30. Grâce à son activité de diplomate, Fulvio Testi peut être considéré comme « un observateur exceptionnel de la vie politique européenne31 ». Sa correspondance est en effet riche d’enseignements aussi bien en matière d’histoire politique et diplomatique que sur les plans artistique et littéraire32, raison pour laquelle, en 1967, Maria Luisa Doglio en a publié l’intégralité en trois volumes33. Du point de vue diplomatique, les cours les plus importantes dans l’activité de Testi furent Turin et Rome34. Le poète se trouve en mission diplomatique à Turin pour le compte de la cour de Modène dès 161935, date à partir de laquelle il noue des liens étroits avec la maison de Savoie36 : il est fait Chevalier de l’Ordre de Saint-Maurice et Saint-Lazare37 par le duc lui-même le 11 août de la même année38. En et quattro Balletti nella partenza suggellarono tutto ‘ l gusto. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Archivio per Materie, letterati, boîte 29. 27 Id., « Nota de balli », Copia dell’intervenzione di un balletto fatto della Serenissima Infanta Isabella di Savoia per questo Carnevale prossimo passato. 28 « Principio del ballo a otto, le qui sotto figure sono le cadenze esempi. », id. 29 G. Bonino, Poesia d’amore italiana : dalle origini al primo Novecento, Milan, Radici BUR, 2007, p. 491. Voir aussi G. Tiraboschi, Biblioteca modenese o Notizie della vita e delle opere degli scrittori natii degli stati del duca di Modena, raccolte e ordinate dal cavaliere ab. Girolamo Tiraboschi, Modène, Società Tipografica, 1781-1786, vol. V, p. 248-249. 30 Id., vol. I, p. 24. 31 « Eccezionale osservatore della vita politica europea. », G. Bonino, Poesia d’amore italiana, op. cit., p. 490. 32 M. L. Doglio, « Intorno alle lettere edite e inedite di Fulvio Testi », Lettere italiane, no 16, 1964, p. 428. 33 M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, 3 vol. 34 G. Getto, « L’irrequietezza di Fulvio Testi », Il Barroco letterario in Italia : barocco in prosa e in poesia : la polemica sul Barocco, Milan, Mondadori, 2000, p. 124. 35 G. Di Castro, Fulvio Testi e le corti italiane nella prima metà del xvii secolo, Milan, Battezzati, 1875, p. 31. Voir aussi la lettre que le cardinal de Savoie adresse au duc de Modène le 6 octobre 1619 où il lui fait part de son enthousiasme visà-vis de Fulvio Testi : « Col ritorno del Cavaliere Fulvio Testi vengo à significare à Vostra Signoria Illustrissima il mio desiderio impatientissimo d’esser impiegato da lei. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1419 A/169, lettre du 6 octobre 1619. 36 D. Perrero, Il conte Fulvio Testi alla corte di Torino negli anni 1628 e 1635, documenti inediti raccolti ed illustrati, Milan, Biblioteca rara, 1865, p. 20. Concernant cet ordre chevaleresque et religieux en Savoie, voir P. Cozzo, « “Quest’abito è di onore e di religione”. 37 La dimensione religiosa degli ordini cavallereschi sabaudi nella prima età moderna », Il principe, la spada e l’altare, éd. G. Greco, Pise, ETS, 2014, p. 195-213. 38 G. Tiraboschi, Biblioteca modenese, op. cit., vol. V, p. 248-249.
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Chapitre 7 : La cour de Modène
1620, il s’installe à Rome où il restera plusieurs années39. La correspondance de son séjour romain est instructive sur les affaires politiques du pape Urbain VIII40. Il revient à Turin en 162841, puis en 1631 et enfin en 163542, après avoir été ambassadeur à Vienne (1632), à Rome (1633-1634) et avant de l’être à Madrid43 (1636-1638). Le poète finira ses jours à la prison de Modène en 1646, où il aura sans doute été jeté pour des motifs politiques44. La tentative non aboutie de L’Isola d’Alcina
Après un long séjour à Rome, Sigismondo D’India se rend à Modène en mai-juin 1626 afin de composer la musique de L’Isola d’Alcina sur un poème de Fulvio Testi, lui-même inspiré de l’Orlando Furioso de l’Arioste, pour célébrer les noces de Marie Farnèse avec le prince Francesco d’Este qui ont eu finalement lieu au début de l’année 1631. Dans une lettre datée du 7 juillet 1626 et adressée au duc Cesare d’Este, Fulvio Testi écrit : J’obéis aux ordres de Votre Altesse Sérénissime et je lui envoie ci-joint la liste des interprètes de la fable : Monsieur le Chevalier D’India la présentera à Votre Altesse45.
Le compositeur prépare le spectacle avec le plus grand soin, en témoigne une lettre adressée à Alphonse d’Este le 22 juillet où D’India écrit : Je viens à nouveau supplier Votre Altesse Sérénissime de faire en sorte que l’œuvre soit jouée avec le soin et la diligence qui conviennent, en ordonnant que les interprètes se rendent au plus vite chez moi, et surtout celui qui joue la partie de Melissa, qui requiert étude et travail étant donné sa longueur et sa difficulté. Je dois encore lui faire remarquer qu’il sera nécessaire de disposer d’un lieu où les chanteurs puissent répéter sans être entendus par tout le monde. J’aurais beaucoup de choses à dire à Votre Altesse mais pour ne pas paraître plus importun que zélé serviteur, je la laisse en lui recommandant simplement de dire que seul le chevalier46 s’occupera de la musique, afin de ne pas importuner sans cesse Votre Altesse, devant laquelle je m’incline humblement47.
Id., p. 249. G. Di Castro, Fulvio Testi, op. cit., p. 87. Voir la correspondance où le duc Charles-Emmanuel parle de Fulvio Testi. (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Torino, duchi di Savoia, boîte 1443, fasc. 2 et les cinq lettres datées du 31 mai, du 9 juillet et du 19 juillet que le cardinal de Savoie a adressé depuis Turin au duc de Modène, id., Roma, cardinali, boîte 1419 A/170. 42 D. Perrero, Il conte Fulvio Testi alla corte di Torino, op. cit., p. 22. Voir aussi G. Di Castro, Fulvio Testi, op. cit., p. 49, 50 et 96. 43 G. Bonino, Poesia d’amore italiana, op. cit, p. 490. 44 G. Di Castro, Fulvio Testi, op. cit., p. 194. 45 « Ubbidisco a i comandimenti di Vostra Altezza Serenissima e qui congiunta le mando la nota degli’Interlocutori della Favola : Il signor Cavaliere d’India la presenterà a Vostra Altezza. », (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria sezione generale, Carteggio di referendari, consiglieri, cancellieri e segretari, boîte 42, 7 juillet 1626, lettre publiée dans M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, op. cit., vol. I, p. 105, lettre no 115. 46 Le compositeur est à cette époque Chevalier de Saint-Marc. 47 « Vengo di nuovo a supplicare Vostra Altezza Serenissima a fare in maniera che l’opera sii pratticata con quella cura e diligenza si conviene, comandando che le parti tutte con ogni maggior spirito siino da me, e sopra il tutto quello che fa la parte di Melissa, essendo parte che ricerca già studio e fatica per essere lunga e difficile ; son anco necessitato significarle che saria mestiere provedere di luogo, ove si potessero esercitare le parti senza esser sentite da tutto il mondo ; molte cose havrei che dire a Vostra Altezza ma per non parere più importuno che geloso del servitio, le lascio solo raccordandole che e necessario il dichiarare il cavaliere sopra la musica per non esser sempre a importunare Vostra Altezza alla quale humilmente mi inchino. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, 22 juillet 1626, lettre publiée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 79-80. 39 40 41
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Première partie
En effet, 1626 est une année d’intense activité poétique pour Fulvio Testi, comme l’attestent les 710 lires qu’il reçoit le 17 août « pour toutes les dépenses qu’il a effectuées pour la bibliothèque de Son Altesse Sérénissime48 », ainsi que deux lettres adressées à Cesare d’Este. Dans la première, le poète envoie une ottava au comte Giovanni Battista Ronchi, également poète et gentiluomo della Camera segreta du duc de Modène, le 18 septembre 162649, et, dans la seconde, datée du 2 novembre 1626, il adresse d’autres poèmes au même50. Dans un autre document inédit, mais déjà repéré en 2003 par Rodolfo B aroncini51, adressé à Alphonse d’Este et daté du 18 juillet 1626, le compositeur écrit : Prince Sérénissime. Hier matin, Monsieur le Chevalier Testi m’a envoyé le deuxième acte que j’ai reçu après le déjeuner. C’est en connaissance des difficultés de cette affaire, que je supplie Votre Altesse de daigner faire venir chez moi tous les interprètes qui doivent chanter l’œuvre car je voudrais commencer à les faire répéter. Pour copier l’œuvre, du papier à musique est nécessaire en quantité, ainsi que le concours du prêtre Goselli et d’autres copistes. Je ne suis pas encore venu en personne chez Votre Altesse, étant entièrement occupé avec mon œuvre, reste que je ne manque pas de diligence pour servir complètement Votre Altesse devant laquelle je m’incline humblement52.
Il s’agit de L’Isola d’Alcina, qui ne fut jamais représentée à cause de la mort d’Isabelle d’Este-Savoie le 22 août 1626. A ce propos, Fulvio Testi écrit : [La tragédie] fut finie en un mois, […]. Le Chevalier Sigismondo D’India, qui avec sa musique donnait de l’esprit et animait le cadavre de mes vers, avait déjà composé la moitié de l’œuvre, et on espérait qu’au début octobre on célébrerait dans cette cour les noces de deux grands personnages. […] Il plut à Dieu de rappeler à lui l’Infante Sérénissime [Isabelle d’Este-Savoie], en conséquence les spectacles prévus furent suspendus et ma composition […] resta ensevelie dans le silence53.
Le livret de L’Isola d’Alcina de Fulvio Testi
Giovanni Getto a souligné l’originalité de la poésie de Fulvio Testi qui réside, selon lui, dans la qualité de la projection des images, dans l’important effet de clair-obscur provoqué par cette « germination » 48 « Per altri tanti spese da lui negli armari di S. A. Serenissima. », (I-MOs), Camera ducale, Cassa segreta nuova, filze 32 (no 3820), 17 août 1626, mandat de Girolamo Abbati. 49 M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, op. cit., vol. I, p. 106, lettre no 116. 50 Id., p. 106-107, lettre no 117. 51 R. Baroncini, « Alfonso III d’Este, Fulvio Testi e Sigismondo D’India “prove di melodramma” a la corte di Modena », Settimo colloquio di musicologia organisé par Il Saggiatore musicale, Alma Mater Studiorum, Università di Bologna, Dipartimento di Musica e Spettacolo, (Bologne, 22-23 novembre 2003), actes et communication non publiés. Nous pouvons consulter le résumé de sa communication : http://www.saggiatoremusicale.it/attivita/2003/abstr_coll_2003.php. 52 « Serenissimo Principe. Ieri mattina il Signor Cavaliere Testi mi mandò il secondo Atto il quale forni ieri doppo pranzo e perche conosco le difficultà che sono in questo negotio supplico Vostra Altezza a degnarsi di far esser da me tutte le parti che hanno da cantar nell’opera perche voglio cominciare ad insegnar dette parti per copiar l’opera è necessario di carta rigata in quantita e del prete Goselli et d’altri che copiano io non son venuto in persona da Vostra Altezza per che sto tutta mia opera il per questo servitio e non manco di diligenza per servire compitamente a Vostra Altezza alla quale humilmente m’inchino. », (I-MOs), Archivio per Materie, letterati, boîte 64, fasc. II, 18 juillet 1626. 53 « Fu finita in un mese. […] Il Cavaliere Sigismondo d’India, che colla musica dava spirito, & animava il cadavero de’ miei versi, aveva di già ammezzata la fatica, e si sperava che al principo d’Ottobre si dovessero in questa Corte celebrare le Nozze di due gran Personaggi […]. Piacque a Dio di richiamare a sé l’Infanta Serenissima, onde gli apparecchiati spettacoli rimasero interrotti, e questa mia composizione, […], restò seppellita nel silenzio. ». La transcription de la dédicace de Fulvio Testi se trouve dans G. Tiraboschi, Vita del conte don Fulvio Testi, Modène, Società Tipografica, 1789, p. 153-154.
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Chapitre 7 : La cour de Modène
figurative54. Getto qualifie pourtant le poème de L’Isola d’Alcina de composition ordinaire et correcte mais froide et dépourvue de poésie, sans éclairs de sentiments et sans éclat de style55. Deux versions du poème ont été conservées, l’une à la Fondation Giorgio Cini de Venise et publiée dans cette ville en 164856 et l’autre à la Bibliothèque nationale centrale de Rome, publiée à Bologne la même année57. Le poème de Fulvio Testi a été mis en musique en 1648 par le compositeur vénitien Francesco Paolo Sacrati, la musique est également perdue. Les personnages de la tragédie de Testi sont l’Arioste, qui intervient lors du prologue58, la magicienne Alcina, Lidia (servante d’Alcina), Ruggiero, un groupe de sirènes59, la magicienne Melissa, Idraspe (amiral d’Alcina), Nunzio, Astolfo, mais également un chœur de demoiselles d’Alcina et un autre de chevaliers transformés par la magicienne. Le premier acte contient trois scènes entre Alcina, troublée par le pressentiment de la fuite de Ruggiero, et sa servante, une autre de Ruggiero et Alcina et la troisième entre Ruggiero et les sirènes60. L’acte II contient le monologue de Melissa dont D’India parle dans l’une des lettres adressées à Alphonse d’Este. Cette scène est intéressante car la magicienne, s’adressant à ses dragons, fait allusion à l’Inde avec les vers suivants : « Ne gl’ultimi confin d’India v’hò retti » (« Jusqu’aux plus reculés confins de l’Inde je vous ai guidés61 »). La dernière partie de cet acte se termine par un dialogue entre Alcine et Idraspe62 et une scène finale avec chœur63.
54 G. Getto, « Irrequietezza di Fulvio Testi », op. cit., p. 140. 55 Id., p. 133. 56 (I-Vgc), L'Isola d'Alcina Tragedia. Venetia. 57 Biblioteca nazionale centrale di Roma (I-Rn), L'Isola d'Alcina Tragedia del Signor Conte Fulvio Testi Posta in Musica Da Francesco Sacrati All’Illustriss. e Reverendiss. Signor Abbate Francesco Falconieri In Bologna, per gli Eredi del Dozza. Con licenzia de’ Superiori. 1648. L’existence de la publication de cette tragédie chez Pompilio Totti à Rome en 1636, de la réédition chez Montanari à Naples l’année suivante et puis de la publication dans les Poesie liriche de 1648 (à Modène chez Cassiani) est citée dans G. Tiraboschi, Biblioteca modenese, op. cit., vol. V, p. 260-261. Tiraboschi fait allusion à la préface de Testi où ce dernier explique que la tragédie devait être représentée pour les noces de deux grands personnages et fut interrompue à la suite de la mort d’Isabelle d’Este en 1626. Tiraboschi ne fait pas allusion à la musique de D’India. 58 Il s’agit du prologue : « Quell’io che volto a celebrar gl’onori », L'Isola d'Alcina Tragedia. Venetia, op. cit., p. 235. 59 Fulvio Testi a écrit un poème intitulé « Le Sirene » dans ses Poesie liriche, Rome, Totti, 1636. Voir aussi G. Bonino, Poesia d’amore italiana, op. cit., p. 498-500. 60 Alcina et Lidia (scène I, L'Isola d'Alcina, op. cit., p. 236-238), Ruggiero et Alcina (scène II, id., p. 238-241) et Ruggiero et les Sirènes (scène III, id., p. 241-243). 61 « Tempo è già che fermiate/ O miei Draghi fedel, dal lungo corso/ Lo squalid’or de le volanti squame/ Per consolar le brame/ D’innamorato cor, frenai con morso/ Vostre fauci infiammate/ E per vie disusate/ Abbandonando di Pontieri i tetti/ Ne gl’ultimi confin d’India v’hò retti/ E ben di mia fatica/ Bella figlia d’Amon, degno è il tuo pianto/ Qui la Maga impudica/ Con dilettoso incanto/ In ozio indegno il tuo Ruggier trattiene/ Queste ingemmate arene/ Cui fan lussurreggianti/ Di sempiterno April corona i fiori/ I fiumi mormoranti/ Che lusingando in su gl’estivi ardori/ Le stanche luci al sonno/ Palpitan trà le sponde/ I teneri arboscei, trà le cui fronde/ Al sibilar de’ Zeffiri amorosi/ Mille augellin vezzosi/ Accordan l’armonia de’ canti loro/ D’apparente magia tutto è lavoro/ Ma non andrà ne la marina Ibera/ Febo a lavar le polverose chiome/ Che di Ruggier faran disciolti i nodi/ Io di costei scoprirò le frodi/ Ch’ammaliato or non conosce ; e come/ Disabitata, inculta, orrida, e fiera/ Fù quest’Isola già, farò, che prenda/ La sembianza primiera/ E si vedranno al Ciel con forma orrenda/ Trà duri sassi, e nude balze alpestri/ L’ispide braccia alzar piante silvestri/ Io quì nascosa al varco/ Ruggiero attenderò ; con faggi inganni/ Cangierò volto, e panni/ E per fanargli il seno/ Da quel mortal veleno/ Che dilettando i sensi a l’alma noce/ D’amaro assenzio aspergierò mia voce. », id., acte II, scène I, p. 243-244. 62 Alcina et Idraspe (scène II, id., p. 244-246). 63 Alcina, Ruggiero, Lidia et Coro di Damigelle (scène III, id., p. 246-248).
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Première partie
Le troisième acte comporte les trois scènes les plus importantes de Ruggiero64. Le quatrième met en scène les deux magiciennes65 et enfin, le dernier acte contient un deuxième monologue de Melissa intitulé : « Coronatemi, ô lauri, le chiome trionfanti » (« Couronnez-moi, ô lauriers, les cheveux triomphants66 »). La pièce se termine par un ballet avec chœur67. Nous pouvons imaginer le soin avec lequel D’India a dû mettre en musique les moment les plus dramatiques et expressifs de ce monologue dont le texte est loin d’avoir la froideur et l’insignifiance mentionnées par Giovanni Getto. Dans l’édition de cette tragédie publiée à Bologne et conservée à Rome, l’Arioste ne figure pas parmi les personnages, le prologue étant chanté par la Nuit, l’Aube et l’Aurore (Notte, Alba et Aurora) sur le poème Poiche con lieve infaticabil volo68 (Puisqu’avec un léger et infatigable vol). Le reste du texte de L’Isola reste inchangé sauf le ballet du dernier acte qui ne figure pas dans cette version. Concernant le prologue chanté par les trois personnages de la version de Bologne, nous pouvons établir un parallèle avec les deux cabinets de la Nuit et de l’Aube et avec la chambre de l’Aurore du palais de Sassuolo – résidence ducale à quelques kilomètres de Modène – qui, jusqu’à l’époque de Francesco d’Este, fils et successeur d’Alphonse III en 1629, faisaient partie des chambres privées du duc69. La différence des deux publications montre bien que les spectacles sont adaptés et modifiés sans cesse en fonction des lieux et des espaces où ils sont représentés. Le livret de L’Isola d’Alcina de Testi est contemporain du ballet représentatif intitulé La liberazione di Ruggiero de l’isola d’Alcina (La libération de Ruggiero de l’île d’Alcina) de Ferdinando Saracinelli, mis en musique par Francesca Caccini (1587-1640) – fille de Giulio Caccini70 et sœur de la chanteuse Settimia –, et représenté en 1625 à Florence71. Il s’agit d’un spectacle caractéristique de cette époque qui réalise ce mélange novateur entre opéra et ballet.
Ruggiero et Melissa transformée en Atlante (scène I, id., p. 249-251), monologue de Ruggiero « In qual’antro mi celo » (scène II, id., p. 251-253) et Ruggiero, Astolfo transformé en myrte et chœur de chevaliers transformés par Alcina (scène III, id., p. 253-255). 65 Melissa et Ruggiero (scène I, id., p. 256-259), Alcina et Lidia (scène II, id., p. 259-261), Alcina, Lidia et Nunzio (scène III, id., p. 261-262) et monologue d’Alcina : « Or su, misero core » (scène IV, id., p. 262-266). 66 « Coronatemi, ò lauri/ Le chiome trionfanti/ Hò guereggiato, hò vinto. Ove ora sono/ Le tue superbie, Alcina, ove gl’incanti ?/ Or schernisci gl’Amanti/ E nel cangiar di tua inscostante voglia/ Cangia lor forma, e spoglia/ Negletta, vilipesa, in abbandono/ Meza trà morta, e viva/ In solitaria riva/ Trofeo del mio saper Ruggier ti lascia/ Tu, che tanto godevi/ In tormentare altrui, prendi, ricevi/ Di tua volubil fede/ Ben dovuta mercede/ Se non m’inganna il mio pensier, già scorto/ Il sagace Nocchiero/ Di Logistilla al porto/ Con felice passagio avrà Ruggiero/ Altro qui non m’avanza/ Che l’imagin distar, disciorre i nodi/ Onde a l’umana lor prima sembianza : Tornino i Cavalier, ch’in tanti modi/ L’empia trasfigurò. Folle chi spera/ Celar sue colpe al Ciel, ne si rammenta/ Che tanto più severa/ E l’ira de gli Dei, quanto è più lenta. », id., acte V, scène I, p. 266. 67 Lidia, Alcina et Idraspe (scène II, id., p. 267-269), Alcina, Melissa et chœur de chevaliers (scène III, id., p. 269-270) et chœur de chevaliers et Balletto « Quando da l’onde le chiome bionde. » (scène IV, id., p. 271-272). 68 L'Isola d'Alcina Tragedia del Signor Conte Fulvio Testi […] In Bologna, op. cit., p. 8-9. 69 Il palazzo di Sassuolo : delizia dei duchi d’Este, éd. F. Trevisani, Parme, Cassa di Risparmio Parma, 2004, p. 94. 70 Sur l’importance de Francesca Caccini dans la diffusion et l’évolution de la monodie accompagnée en Italie, voir J. W. Hill, « La monodia in toscana : nuovi appunti sui manoscritti », La monodia in Toscana alle soglie del xvii secolo. Atti del Convegno di Studi, Pisa, 17-18 dicembre 2004, éd. F. Menchelli Buttini, Pise, ETS, 2007, p. 43-80. 71 F. Caccini, La Liberazione di Ruggero dall’Isola d’Alcina, Florence, Cecconcelli, 1625. Pour le facsimilé de la partition de Francesca Caccini, voir Francesca Caccini. La liberazione di Ruggiero dall’Isola d’Alcina, éd. A. Magini, Florence, Studio per edizione scelte, 1998. Voir aussi M. Emanuele, Commedie in musica, pastorali e piscatorie alle corte dei Savoia 1600-1630, Lucques, LIM, 2000, p. 20. 64
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Chapitre 7 : La cour de Modène
Dans la pièce de Francesca Caccini, le prologue est chanté par Neptune et par la Vistule72 (la pièce étant dédiée au prince de Pologne73). Il s’agit encore une fois d’une adaptation dramatique en fonction des lieux de représentation. Les autres personnages restent substantiellement les mêmes mais Saracinelli ajoute quelques chœurs de divinités marines, de plantes enchantées et de monstres infernaux74. L’arrivée de Melissa sur l’île d’Alcina sur un dauphin75 rappelle le mythe d’Arion, très en vogue à Turin à cette époque. Transpositions stylistiques : Le Ruggiero liberato du cardinal de Savoie
Une « fable représentative », manuscrite et anonyme, sur le même thème et intitulée Ruggiero liberato76 (Ruggiero libéré), a été découverte avec deux autres fables dans un livre appartenant au cardinal Maurice de Savoie lors de l’exposition du livre ancien de Milan en 2002. La fable est dédiée à Christine de France et date probablement de 1620. L’appellation « fable représentative » pour cet inédit nous fait penser à un type de spectacle différent de deux autres fables du recueil (La Siringa et La Caccia), définies comme « favole boscherecce » (« fables pastorales »), qui auraient pu très certainement être représentées à la Vigna de Turin, ce qui ne serait pas le cas du Ruggiero dont l’auteur fait apparaître, lors d’une scène finale, un palais de la vertu d’où sortent dix-huit chevaliers pour un tournoi77. Francesco Malaguzzi souligne que cette fable est l’un des rares exemples de spectacles inspirés par l’Arioste à la cour de Savoie et émet l’hypothèse d’une éventuelle mise en musique par Sigismondo D’India78. En effet, la fable est inspirée des chants VI et VII de L’Orlando Furioso, c’est-à-dire de la scène de l’enchantement de Ruggiero par la magicienne Alcina et de sa libération79 ; c’est exactement le thème de L’Isola d’Alcina de D’India/Testi. Comme dans les deux ouvrages cités (D’India/Testi et Caccini/Saracinelli), le Ruggiero est caractéristique des compositions poétiques de cette période80 et contient un ballet avec chœur pour la fin de l’acte III81, précédé par un monologue d’Alcina82. Le prologue, quant à lui, est présenté par la
72 F. Caccini, La Liberazione di Ruggero, op. cit., Prologue. Nettuno : « Non perche congiurati Affrico » (p. 5), Vistola : « Oh, de gl’umidi regni » (p. 6), Chœur : « Blondo Dio del bel Permesso » (p. 6) et Nettuno : « Poscia che’l Cielo, e’l Mare oggi destina. » (p. 7). 73 La liberazione di Ruggiero est dédiée à Marie-Madeleine d’Autriche, grande duchesse de Toscane et représentée pour la première fois à la villa florentine de Poggio Imperiale. Il s’agit de l’un des premiers opéras à être représentés à l’étranger et notamment en Pologne, voir A. Magini, Francesca Caccini. La liberazione, op. cit., préface non paginée, n. 11. 74 « Interlocutori : Nettuno Prologo, Vistola fiume, Coro di Deità Marine, Ruggiero, Alcina Maga, Melissa Maga, Nuntia, Pastore, Sirena, Astolfo, Coro di Damigelle d’Alcina, Coro di piante incantate, Coro di Mostri infernali, Coro di Cavalieri liberati. », voir F. Caccini, La Liberazione di Ruggero, op. cit. 75 « Cosi perfida Alcina/ Con mentira beltade/ D’un ingannevol volto/ Credi tener sepolto. », Francesca Caccini. La liberazione di Ruggiero, éd. A. Magini, op. cit., p. 9-10. 76 Le texte du Ruggiero a été intégralement transcrit par F. Malaguzzi, « Una favola inedita per Madama Reale », Bibliofilia Subalpina, 2002, p. 82-91. 77 F. Malaguzzi, « Legature per il principe-cardinale Maurizio di Savoia », La Bibliofilia, no 107/2, 2005, p. 22-24. Voir aussi « Una favola inedita », op. cit., p. 78-79 et Le fonti musicali in Piemonte. vol. I – Torino, éd. A. Colturato, Lucques, LIM, 2006, p. 323. 78 F. Malaguzzi, « Una favola inedita », op. cit., p. 79. Le poème de sa Lamentation d’Olympie (Misera me !), publiée dans le Cinquième livre des Musiche de 1623 et dont il l’est l’auteur du texte, s’inspire de l’Orlando furioso (chant X, strophes 10-34) de l’Arioste. 79 Ibid. 80 F. Malaguzzi, « Una favola inedita », op. cit., p. 81. 81 Id., p. 80. 82 « Hor che a la fama del mio bel sembiante », id., p. 84-88.
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Première partie
Vertu héroïque83. Les autres personnages sont à peu de chose près les mêmes84. Quant à Melissa, elle n’apparaît que dans le dernier acte pour libérer Ruggiero85. Au-delà du thème littéraire, cette fable développe l’allégorie de la lutte entre le vice et la vertu. C’est en effet la vertu elle-même qui présente le prologue et conclut l’épilogue en s’adressant explicitement à Christine de France86. Malaguzzi s’interroge sur les allusions politiques de la fable et notamment sur les « vices » dont il est question dans le poème et que Chrisitine de France aurait eu à combattre87. Enfin, le Ruggiero se termine par le chœur des demoiselles d’Alcina : O gioia de’ mortali Amor, ch’al Cielo imperi (Oh joie des mortels, Amour qui règnes au ciel). Ce poème anonyme figure aussi dans le Deuxième livre des Villanelles de 1612 (à cinq voix) ainsi que dans le Cinquième livre des Musiche de 1623 (pour voix soliste) de Sigismondo D’India et qu’il est le seul à avoir mis en musique88. Il est intéressant de remarquer que le recueil des Musiche s’ouvre par l’aria de la vertu héroïque, divisé en quatre parties sur un poème du compositeur, récité le 30 janvier 1620 à Turin pour l’arrivée de Christine de France lors de la représentation du ballet Le Accoglienze89. Compte tenu des coïncidences entre les textes, les thématiques et les dates, l’hypothèse de Malaguzzi sur la possibilité d’un lien entre D’India et le recueil de fables anonymes qui contient le Ruggiero est en effet plausible. Cela signifierait que le thème d’Alcina ne devait pas être nouveau pour le musicien au moment de sa collaboration non aboutie avec Fulvio Testi à Modène en 1626. Du mélodrame aux funérailles, l’automne 1626 à Modène
L’Isola d’Alcina de D’India/Testi ne fut donc jamais représentée à cause de la mort inattendue d’Isabelle d’Este-Savoie. En lieu et place, le compositeur fut sollicité pour diriger la musique de la célébration des obséques quelques mois plus tard : Le vendredi 6 novembre 1626 furent célébrées les très solennelles obsèques pour l’âme de la défunte Infante Sérénissime Isabelle de Savoie, épouse du Sérénissime Seigneur Prince Alphonse et auxquelles assista toute la maison Sérénissime […] en habits de deuil […]. On chanta la messe solennelle célébrée par l’Illustrissime
83 « Io, che del Ciel ne sempiterni campi. », id., p. 82. 84 « La Virtù eroica fa il Prologo, Ruggiero, Astolfo, Coro de Custodi, Idosmena, Eufrosina, Logistilla Maga, Erifilla gigantezza, Chori d’Amori d’Alcina, Alcina Maga, Choro di Damigelle, Bradamante, Melizza, Echo. », ibid. E’ tempo hormai ch’io mi disvelli. », id., p. 80 et 90. 85 « La Virtù a Madama Serenissima : O tu ch’adorna il crine », id., p. 80 et 91. 86 « Id., p. 80. En effet, un document conservé aux Archives d’État de Turin et rédigé par le comte de la Marmora décrit 87 la conduite de Christine de France à la cour de Savoie. Il s’agit d’un texte très virulent contre elle et qui peut être lu comme un témoignage des tensions politiques entre la France et le Piémont à partir des années 1630. Le comte critique la frivolité, l’hypocrisie et la débauche (en somme les vices) de la duchesse : « Et que je finisse par vous dire que jamais la terre n’a engendré une femme plus débauchée, plus injuste et plus vindicative. Elle a ruiné le pays pour verser tous les revenus de la couronne sur tous ses favoris […]. Elle hait generalement tous ceux qu’elle ne juge pas dignes de ses caprices, et à tant de forfaits elle joint encore celui de la plus haute hypocrisie. », « Memoria sulla condotta di Madama Reale nel 1619 » qui contient un copie réalisée par ledit comte et datée du 9 août 1642 du manuscrit « Histoire de Madame Christine Duchesse de Savoye », (I-Ta), Corte, Storie della real Casa, Storie particolari, catégorie III, liasse 16, fasc. 10, avant-dernière page. Voir aussi C. Rosso, « Le due Cristine : Madama Reale fra agiografia e leggenda nera », In assenza del re. Le reggenti dal xiv al xvii secolo (Piemonte ed Europa), éd. F. Varallo, Florence, Olschki, 2008, p. 367-391. 88 http://repim.muspe.unibo.it/risultati.aspx. 89 L. Bianconi, Il Seicento, Turin, EDT, 1982, p. 19. Probablement mis en musique par D’India. Voir A. Basso, L’Eridano e la Dora festeggianti. Le musiche e gli spettacoli nella Torino di Antico regime, Lucques, LIM, 2016, vol. I, p. 223.
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Monseigneur Boschetti, archevêque de Césarée90 [en Palestine] […]. Cette messe, dont la musique fut singulière, fut composée et dirigée par Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India, maître de chapelle de la Chambre du Seigneur Prince Alphonse91 (nous soulignons).
Les musiques dont il est ici question sont perdues, tout juste sait-on que la dévotion populaire lors des obsèques fut immense92. Il pourrait s’agir de la messe que D’India avait composée pour la Chapelle Sixtine l’année précédente, ou bien de l’un des motets qu’il publiera à Venise l’année suivante. Il est intéressant de souligner que la singularité de la musique de D’India est une expression très souvent employée. Entre deux villes et deux protecteurs, Sigismondo D’India et les années 1626, 1627 et 1628
Sigismondo D’India passe l’année 1626 entre Rome et Modène. Nous pouvons suivre sa trace grâce aux différents documents d’archive que nous avons consultés qui, pour la plupart, sont inédits. Sigismondo D’India et l’année 1626
Ainsi, nous trouvons dans le registre personnel (minutario) du duc de Modène un document autographe riche en ratures qui contient deux lettres datées du 18 janvier 1626. La première est adressée au compositeur : il y est question de l’affection et de l’estime extraordinaire du duc envers le destinataire93. Quant à la seconde, elle est adressée au cardinal de Savoie pour lui faire part du souhait du duc d’Este d’avoir D’India pour quelque temps dans sa cour et pour cela d’envoyer le musicien à Modène94. Le 28 janvier, l’ambassadeur de Modène à Rome, Fabio Carandini-Ferrari, informe le prince Alphonse qu’il a tenté de contacter D’India afin de lui faire part de son souhait de le faire venir à Modène – en vain puisque le compositeur se trouvait malade. L’ambassadeur demande néanmoins à Alphonse de préparer un paiement à cet effet95. Le lendemain, le prince fera verser quarante écus au musicien par l’intermédiare de « la banque du Sieur Annibale Serena96 ». 90
Il s’agit de Paolo Boschetti, également prêtre de la paroisse de San Giovanni del Cantone, église fréquentée par Alphonse d’Este après la mort de son épouse, voir G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este che fù nel secolo il Serenissimo Alfonso III Duca di Modana, e nella Religione Serafica il Prete Gio. Battista Predicatore Apostolico della Serenissima Infanta D. Isabella di Savoia sua Dilettissima Consorte. Nascita, Vita, Morte, e Sepoltura Descritta in brevità, mà veridicamente dal P. F. Gio. Da Sestola Predicatore Capuccino A gloria di Dio & edificatione di chi leggerà, Modène, Soliani, 1646, p. 98-100. 91 « A di 6 Novembre 1626 in Venerdi furono celebrate le solennissime esequie per l’anima della gia Serenissima l’Infanta Isabela di Savoia moglie del Serenissimo Signor Prencipe Alfonso alle quali intervenne tutta la Serenissima Casa, […] in habito molto lugubre, […] si cantò la messa solenne celebrata dall’Illustrissimo Monsignor Boschetti Arcivescovo di Cesarea […]. Fù questa messa per la sigularità della musica concertata et fatta dal Signor Cavaliero Sigismondo d’India mastro di Capella di Camera del Signor Principe Alfonso. », Archivio Storico Capitolare di Modena (I-MOd), Atti capitolari del Duomo di Modena, reg. B, 6 novembre 1626, fo 82vo et 85ro. 92 G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este, op. cit., p. 61, 67-75. Le comte Giovanni Battista Ronchi publie chez Cassiani un recueil de poèmes à cette occasion. Le fascicule est conservé à (I-MOs), Cancelleria ducale, Casa e Stato, boîte 64, fasc. 3. 93 (I-MOs), Cancelleria sezione generale, Minutario, boîte 19. 94 Ibid. 95 « Insieme con le lettere per il Cavaliere Sigismondo d’India hò ricevuto il commandamento di Vostra Altezza Serenissima intorno alla persona di detto Cavaliere, et hò subito mandato ad imparare la sua stanza con ordine, che trovatolo le fosse detto, che desideravo di parlarle, mà s’è inteso, che di presente è ammalato in Infermaria, et cosi non e parso al mio huomo di farle l’ambasciata Però farò intendere di quando in quando del suo stato, et ricuperando presto la sanita eseguirò il commandamento di Vostra Altezza Serenissima, mà quando l’indispositione seguitasse qualche tempo si che rimanesse poco del Carnevale serà necessario in tal caso, che ricevi nuovo ordine da Vostra Altezza, et volendo lui venire haverà prontamente il denaro, che le occorrerà, et conforme al commandamento di lei. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 72 datée du 28 janvier 1626. 96 « Al Cavaliere Sigismondo d’India d’ordine di Sua Altezza et con lettera delli 29 Genaro 1626 per il Banco del signor Annibale Serena. », (I-MOs), Camera ducale, Amministrazione dei principi, registro dei mandati, boîte 210. Le banquier romain Serena apparaît dans plusieurs mandats de paiement d’Alphonse d’Este à partir de 1624 : « 29 marzo 1624. Al
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L’impatience du prince d’y voir D’India est confirmée par deux lettres datées du 3 et du 4 février 1626. Dans la première, le compositeur présente ses excuses à Alphonse d’Este pour avoir dû différer son départ pour Modène97 et dans la seconde, l’ambassadeur Carandini, qui a rendu visite à D’India en convalescence dans une maison à l’extérieur du palais de Montegiordano, confirme au prince la volonté du musicien de se rendre à Modène pour un temps indéfini dès que possible98 : quarante écus lui seront versés à cet effet trois jours plus tard99. Le 9 février, le compositeur adresse une lettre au prince Alphonse pour présenter à nouveau ses excuses pour le retard qu’il aura à cause de plusieurs concerts qu’il devra donner quelques jours après pour le cardinal de Savoie, avec la participation d’un castrat100. Le compositeur promet de partir au plus vite et affirme avoir déjà mis en ordre les partitions imprimées et manuscrites pour les concerts prévus mais également les musiques qu’il souhaite lui dédier ainsi qu’à son épouse Isabelle d’Este-Savoie101. Le musicien obtient, de la part du cardinal de
Cavaliere Carandini Residente in Roma. Pagarete de’ danari de’ monti [il s’agit du Monte Estense] ad Annibal Serena scudi 2 606 […] per lo bimestre ch’egli avanza di Gennaro a febraïo passato. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 218, fo 81, et 1625 : « Di Roma fatti pagar da Sua Altezza al signor Annibale Serena per il bimestre marzo et aprile prossimo passato. », (I-MOs), Camera ducale, Libri diversi, Tesoreria segreta, boîte 507, reg. 1, 1625, fo 50ro. Concernant les reçus de mars 1626 d’Annibale Serena que l’ambassadeur Carandini a envoyés au duc, voir (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, documents no 9, 11 et 19. Voir aussi la lettre no 12 où il est question du « banco de Palaggi ». 97 « Serenissimo Signore. Dal Residente del Serenissimo Signor Duca suo padre [l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari] ho inteso che Vostra Altezza desideraria ch’io mi trasferisci sino a Modena et io che vivo ambitioso dei comandi di Vostra Altezza subito ho fatto risolutione di venirmene volando a servirla e se non fosse un poco d’indispositione qual credo al tutto per questa settimana mi terra un poco impedito di gia a quest’ora mi saria partito : verro subito e saro ali ultimi di carnevale a Modena infallibilmente a servire Vostra Altezza. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, lettre de Sigismondo D’India datée du 3 février 1626, citée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 78. 98 « Havend’io alcune volte mandato a sapere della salute del Cavaliere Sigismondo d’India anco alla sua Casa, dove s’è transferito fuori del Palazzo, egli non so come vi saputolo, hà mandato a dirmi che desiderava di parlarmi invitandomi a transferirmi di persona alla detta sua Casa come feci subito et trovatolo in letto, mà non però gravato seppi, che non era impiegato in cosa particolare questo Carnevale, et lo trovai dispostissimo di venir à servir Vostra Altezza Serenissima, et havendomi anco conferito la qualità dell’indispositione mi parve, che potrebbe essere in termine assai presto, cosi le hò consegnate le lettere et dettole, che le darò quaranta scudi sempre che vorrà partire, perche veda che ciò succeda in tempo di giungere in Modena almeno di dieci di prima del fin del Carnevale, et m’è parso di trovarlo in dispositione da stare quanto all’Altezza Vostra piacerà. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 5, le 4 février 1626. 99 « Havendomi fatto sapere il signor Cavaliere Sigismondo d’India d’essere in termine di viaggiare le hò mandato un ordine al banco di scudi 40 conforme al commandamento di Vostra Altezza Serenissima, quali sò che hà effettivamente havuto il mio huomo le hà domandato la ricevuta, ma dice haverla fatta al banco, et voler partir fra due giorni. Ha ben mostrato poca voglia di dar la lettera al signor Prencipe Cardinale con tutto ch’io glielo habbia detto, scritto, et mandato a dire, parendomi che per ogni rispetto convenisse, mà egli dice esser libero, et poter far quel che le pare. », id., lettre no 23 datée du 7 février 1626. 100 Il s’agit sans doute du castrat Lorenzo Sances, frère du compositeur Giovanni Felice Sances, pour qui D’India aurait écrit la partie d’Adonis de La catena d’Adone de Tronsarelli. En effet, ce mélodrame, mis en musique par Domenico Mazzocchi, a été créé à Rome presque une semaine plus tard, le 15 février 1626. Nous reviendrons sur cette affaire dans un autre chapitre. 101 « Resta solo ch’io ala fine di questa settimana mi parti con servitore et uno castratino quale necessariamente conviene ch’io meni meco per compimento del concerto del Signor prencipe, […] ho anco fatto metter in ordine tutte le opere cosi stampate come scritti a mano che seranno di servitio di Sua Altezza e le opere che glio ho dedicati così a lui come alla Serenissima Infante insomma non manca altro che partire. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, lettre du 9 février 1626 citée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 78-79.
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Chapitre 7 : La cour de Modène
Savoie, la permission de partir quelques jours plus tard102. Or, le 25103 et le 28 février104, le musicien se trouve toujours à Rome. En effet, D’India tombe à nouveau malade au début du mois de mars105, comme le confirme une lettre inédite que le cardinal de Savoie a envoyée à Modène à son beau-frère, le prince Alphonse, le 31 mars, toujours en 1626106. Le 25 mars107 et le 4 avril108, le musicien est prêt à partir. Le 15 avril, il reçoit quarante écus supplémentaires pour son voyage à Modène auprès de la Banque de Santo Spirito109 par l’intermédiaire de l’ambassadeur Carandini-Ferrari110. Le musicien partira finalement pour la cour d’Este le 18 avril111 et se mettra très rapidement en contact avec les musiciens de la cour, tel un certain « violoniste Lazare » (« Lazzaro del Violino »), venu de Rome avant de se rendre ensuite dans le Pié-
102 « Il Cavaliere Sigismondo ha havuto licenza del signore Prencipe Cardinale e dice di dover partire alla fine della settimana prossima. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 25 datée du 11 février 1626. 103 « Vedrà Vostra Altezza Serenissima dal bilietto del Cavaliere Sigismondo d’India ch’egli hà fatto presentare la lettera al Signor Cardinale di Savoia, et non di meno con la prima occasione ne dirò qualche parola a Sua Altezza. », id, lettre no 62 datée du 25 février 1626. 104 « S’il Cavaliere Sigismondo non serà partito le somministrarò il conveniente conforme all’ordine di Vostra Altezza Serenissima. », id, lettre no 74 (chiffrée) datée du 28 février 1626. 105 « Ho mandato a visitar questa mattina il Cavaliere Sigismondo d’India, et sapere della sua salute, et hò havuto relatione, che và riconvalendosi dell’ultima ricaduta, et spera al più di doversi incaminare al mezzo del presente mese, et che due di prima mi fara sapere di quanto denaro ha bisogno ch’io le sommistri, che Vostra Altezza Serenissima serà per avviso. », id, lettre no 1 datée du 4 mars 1626. 106 « Ho tardato sin’ al presente di rispondere a quella, che Vostra Altezza mi scrisse affin ch’io le mandassi il Cavaliere Sigismondo d’India perch’egli si ritrovava in quel tempo gravemente ammalato, et andava aspettando, che si fosse rimesso in miglior stato per esseguire le volontà di Vostra Altezza Hora se bene pare c’habbia recuperata in buona parte la sua sanità, […] lo faccio star pronto per partir subito al primo cenno di Vostra Altezza. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1419 A/170, lettre du 31 mars 1626. 107 « Al Cavaliere Sigismondo d’India hò fatto l’Ambasciata, et hà mostrato esserle stato cara la deliberatione, che s’è degnata l’Altezza Vostra di farle per poter in tanto valersi, et haver maggior sicurezza di tempo propitio per il camino, che sarà il fine di questa. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 68 datée du 25 mars 1626. 108 « Al Cavaliere Sigismondo darò il necessario, quale è stato quà hoggi pronto a partire ogni giorno, mà tutta via siamo restati, che partirà fatto l’ottava di Pasqua [le deuxième dimanche après Pâques, soit le 19 avril 1626], conforme all’ordine già dato da Vostra Altezza Serenissima. », id., lettre no 10 datée du 4 avril 1626. 109 « Il Cavaliere Sigismondo d’India questa mattina è stato dà me, et havendole mostrato, ch’essendo in perfetta salute, et il tempo favorevolissimo per viaggiare può venirsene in Carozza, et bastarli altri scudi 40 gliene ho fatto l’ordine al Banco di Santo Spirito, et li havrà già effettivamente havuti de quali è rimasto contento, et detto di voler partir domani, ò l’altro, et in ogni luoco predica gl’honori ricevuti da Vostra Altezza et la liberalità che ne hà esperimentato. », id., lettre no 62 datée du 15 avril 1626. 110 Le retrait des quarante écus, en date du 15 avril 1626, apparaît dans les libri mastri de l’Archivio Storico della Banca d’Italia (ASBIT), contabilità, Inventario Devoti II.1.26, reg. 29, libro mastro 1626, sorties des mois d’avril à août, Illustrissimo Signor Fabio Carandini, fo 494 : « A di 15 detto quaranta monete pagati con scudi a sigismondo Dindia per uso del Viaggio. » Nous remercions Fabrizio Martello, responsable de cette archive, pour son aide précieuse. Concernant le « scudo di moneta » qui était uniquement une monnaie de comptabilité et qui ne deviendra une monnaie effective d’argent qu’en 1741, voir R. Masini, Il debito pubblico pontificio a fine Seicento. I monti camerali, Rome, Edimond, 2005, p. 23. 111 « Il Cavaliere Sigismondo d’India doppo haver havuti dal Banco di Santo Spirito gl’altri quaranta scudi, che col spatio passato avvisai a Vostra Altezza Serenissima andò con istesi à Frascati a licentiarsi dal signor Cardinale di Savoia di dove tornò la sera medesima, et hieri mattina di Venerdì le fece personalmente l’ambasciata ordinatami dà Vostra Altezza Serenissima et le lessi la particola della sua lettera, qual disse di volersi inviare hoggi, ò quanto prima trovasse Cavalcatura. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 82 datée du 18 avril 1626. Nous remercions le professeur Giovanni Indulti de nous avoir conseillé de consulter l’ancien fichier des Archives d’État (Schedario antico) où l’on trouve des informations qui ne sont pas systématiquement rapportées dans les inventaires les plus récents.
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Première partie
mont112 pour la préparation de L’Isola d’Alcina, spectacle interrompu, on l’a dit, par la mort d’Isabelle d’Este, événement qui lui permet de travailler également avec d’autres musiciens de Reggio, Guastalla et Naples113. D’India quitte la cour de Modène pour Rome après la célébration de la messe solennelle pour les funérailles, début décembre, et continue de servir Maurice de Savoie. Ainsi, le 5 décembre 1626, le musicien reçoit soixante-douze écus de la part du cardinal « pour les frais des vivres pour le séjour de six mois jusqu’au dernier jour d’octobre 1626 pendant lesquels il se trouva hors de Rome par ordre du Prince Sérénissime Cardinal114 », lequel évoque l’arrivée de D’India à Rome dans une lettre inédite datée du 15 décembre 1626 : Puis est venu le Chevalier Sigismondo D’India grâce à qui j’ai eu des nouvelles particulières de Votre Altesse [Alphonse d’Este] à laquelle j’offrirai toujours ledit Chevalier quand elle aura la volonté de l’avoir à nouveau, ainsi que d’autres musiciens à mon service. Elle pourra disposer librement de toutes les choses qui m’appartiennent comme si elles étaient siennes115.
Le musicien se trouve encore à Rome au début de l’année suivante, comme l’attestent une lettre de l’ambassadeur Carandini datée du 6 janvier 1627, qui rapporte les compliments du compositeur sur les musiciens modénais116, mais aussi une autre lettre inédite, datée du même jour, adressée à Alphonse d’Este, dans laquelle le compositeur fait part de ses liens étroits avec le cardinal Maurice et confirme sa plus grande disponibilité en tant que musicien117. 112 « Con l’occasione del Signor Lazzaro del Violino che se ne viene da Roma per andare in Piamonte, Giovine veramente in quel genere singolare, accompagnato da una bona maniera di sonare il cinbalo ; […], è soggietto eminente e per tutti i modi sara necessario per l’opera di Vostra Altezza. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, lettre de Sigismondo D’India à Alphonse d’Este du 19 juin 1626, cité par F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 79. 113 « Havrei fatto piu che volontieri la prova questa sera, ma non essendo venuti i musici di Reggio, ne il Tenore di guastalla, remettero a farla domani a sera […] suplicandola far esser da me questa sera i suoi musici di camera, comandando a Don tomaso che meni seco il soprano che ha condotto da Napoli. », id., lettre de Sigismondo D’India à Alphonse d’Este du 2 novembre 1626, citée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 80. Voir aussi un billet anonyme daté du 28 octobre 1626 et adressé au musicien où il est également question des musiciens de Reggio : « Desiderio di saper quando io debba far esser quì i musici di reggio e se ella vuole da i miei vengano questa sera da lei. », id. Les deux lettres font sans doute allusion au contexte des répétitions de la messe solennelle pour les funérailles d’Isabelle d’Este-Savoie. 114 « Per la sua spesa delli vivere in trattenimento di sei mesate finite l’ultimo d’ottobre 1626 nelli quali per essere stato fuori di Roma d’ordine del serenissimo Principe Cardinale non è statto triato sopra le Conti delle mesate come ne costa per un mandato di Sua Altezza », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 9 (1626-1627), mandat de paiement no 81. 115 « E poi venuto il Cavalliere Sigismondo d’India dal quale hò havuto più particolari nuove di Vostra Altezza alla quale offrivo per sempre detto Cavalliere quando le verrà volontà di rihaverlo, insieme con altri musici che mi servono potendo ella disporre liberamente di tutte le cose che dependono da me e come delle sue proprie. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1419 A/170, lettre du cardinal Maurice de Savoie à Alphonse d’Este du 15 décembre 1626, fo 3. 116 « Il Cavaliere Sigismondo d’India dice haver detto a Sua Altezza, che senti il concerto di Vostra Altezza Serenissima, che e la miglior cosa del Mondo. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 216, lettre (non numérotée) datée du 6 janvier 1627. 117 « Vengo con quella maggior riverenza ch’io devo a far sapere al’Altezza sua, come subito giunto in Roma io sotisfeci al’obligo di servire con la maggior prestezza possibile il serenissimo cardinale, il quale mostro non solo di gradire l’affetto del’animo mio ma mi diede insieme ordine ch’inmantinente io dovessi scrivere a Vostra Altezza e dirle ch’ad ogni minimo aviso, io sarei venuto volando ai soliti comandi suoi anzi di più ch’havrà mandato il suo castrato istesso bisognerà del quale benche canti con bona maniera è inferiore di gran lunga ai suoi ; ho fatto ciò che mi ha imposto il signor prencipe Cardinale e di tutto ne dò minuto raguagli a Vostra Altezza ; resta solo che cenni o per via del signor Residente overo per la posta quel ch’io devo fare ch’inmantinente saro a servire Vostra Altezza Serenissima alla quale augurando felicissime le
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Chapitre 7 : La cour de Modène
Enfin, un paiement daté du 21 janvier de la part du cardinal de Savoie pour régler le loyer du musicien qui, après son retour de Modène, n’habite plus dans le palais de son protecteur118. D’India cherche sans doute la protection d’Alphonse d’Este puisque le cardinal Maurice doit quitter Rome à la fin du mois de janvier pour Turin. D’India à la cour d’Este en 1627 et 1628
C’est en effet à Modène que D’India ira après son départ de Rome. Auparavant, au mois d’avril, il se rend à Venise pour la publication de son dernier livre de motets et sans doute à Milan pour en offrir la dédicace au cardinal Borromeo. D’India arrive enfin à Modène à la fin de l’été 1627, si l’on en croit la lettre que le compositeur a envoyée le 2 septembre depuis cette ville au marquis Enzo Bentivoglio afin de postuler pour composer la musique des noces du prince Édouard Farnèse et de Marguerite de Médicis qui devaient avoir lieu à Parme le 11 octobre de l’année suivante119. Le compositeur reste à Modène jusqu’à la fin de l’année, sans doute dans le but de négocier personnellement sa candidature pour les noces en question, lors du passage dans cette ville du duc de Parme et de la princesse Marguerite de Médicis120. Au début de l’année 1628, D’India se trouve toujours dans cette ville. Le musicien prépare de nouvelles compositions dont nous ne savons rien, en témoigne une lettre datée du 29 janvier 1628 (pendant la période de carnaval) où il est question du papier à musique qui doit être fourni par le libraire modénais Giulian Cassiani et du musicien Giulio Scali121. S’agit-il d’un projet de publication qui n’a jamais vu le jour, d’un nouveau livre des Musiche ou d’un autre type de recueil musical ? Enfin, le 8 mars (au début du Carême), le compositeur, musicien du prince Alphonse, apparaît dans un document où il est payé par le duc Cesare d’Este pour « l’encourager à la vertu122 ». feste del santissimo Natale e buon principio d’anno le faccio profondissima riverenza. Di Roma li di 6 di Gennaro 1627. », (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi e documenti di particolari, India, boîte 698, lettre du 6 janvier 1627. 118 « Più della somma di scudi sette di moneta simili pagati al signor Sigismondo Dindia musico del serenissimo Principe Cardinale per il fitto della Camera per sua habitatione fuori del Palazzo et per tre mesate. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 9 (1626-1627), mandat de paiement no 353. 119 Cette lettre, extraite des Archives d’État de Ferrare, a été trouvée et publiée par D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico del Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 403-404. 120 « Havendo comandato il Signor Duca che si tratenga il Cavaliere Sigismondo D’India per valersene nel passagio che dovra fare il Signor Duca di Parma, et la Principessa Margherita sua sposa e figurandosi che la spesa tra lui è l suo servire possi impostar un talero il giorno, Vostra Signoria perciò gli farà un mandato d’un mese intero cominciando al primo del corrente Di Castello il di 16 ottobre 1627. », (I-MOs), Camera ducale, Cassa segreta nuova, filze 33 (no 3902), 16 octobre 1627. 121 « Havendo mandato dal Cassiani libraro questa sera per carta l’eshibitor presente, l’è stato risposto che se dal Signor Canonico Scali, non le viene ordinato, non ne vuole più dar fuori. Io serenissimo signor non posso far senza per le continue compositioni ch’io faccio, onde è necessario, che à ciò sia provisto, non havendo neanche esso libraro più in bottegha che sia à proposito, et se l’Altezza Sua Serenissima con l’occasione che manda a Bologna far venire quel Giovane volesse farne pigliare colà sarebbe molto à proposito, e se n’havrebbe maggior vantaggio che trarlo quando per lei venisse. », (IMOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, lettre du 29 janvier 1628, cité dans F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 80. Signor Cesare Rovighi tesoriero della Ducale Camera pagamento a spesa de denar donati al dignor Cavaliere Sigismon122 « do d’India, compositore di musica tratenuto dal Serenissimo Prencipe Alfonso, zecchini vent’otto d’oro, à conto di zecchini 40 che il Serenissimo Signor Duca nostro dona al detto signor Cavaliere per innanimarlo alla virtù. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, mandat de paiement du 8 mars 1628.
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Première partie
Le projet non abouti de L’Isola d’Alcina, « première tentative de mélodrame » à Modène, nous montre l’évolution du théâtre musical dans cette ville ainsi que sa culture chevaleresque. D’India entend couronner une longue tradition d’intermèdes, tournois, giostre, ballets et comédies madrigalesques, par un spectacle entièrement nouveau – voilà le rôle de premier plan que joue le compositeur au sein de la cour. Nous avons vu que la mort inattendue d’Isabelle d’Este-Savoie a non seulement interrompu la représentation de L’Isola d’Alcina – destinée à célébrer un mariage de la cour – mais a provoqué un changement d’orientation de la vie musicale, le compositeur étant sollicité pour écrire la musique de la messe solennelle pour les funérailles de la princesse. Le patronage nobiliaire de la cour de Modène est comme un système de cercles concentriques entre lesquels les différents nobles figureraient les traits d’union. Contrairement à Charles-Emmanuel de Savoie, ce n’est pas, ici, le duc Cesare, plus impliqué dans la vie politique que dans la vie artistique, qui en est le centre, mais son fils Alphonse. Parmi ces nobles, nous trouvons également Isabelle d’Este qui fait le lien entre la cour Savoie et celle de Modène et à qui D’India dédie son dernier livre de madrigaux Les documents d’archive nous permettent de comprendre que la source d’inspiration de L’Isola d’Alcina se trouve ailleurs qu’à Modène : d’abord à Mantoue, où le prince Alphonse a pu entendre L’Idropica de Monteverdi, ensuite à Turin, où le thème d’Alcina avait déjà été exploité dans un spectacle de la cour représenté vers 1620 sous l’égide du cardinal de Savoie. L’esprit novateur de D’India se met à l’œuvre dans la volonté d’adapter et de réutiliser la fable de l’Arioste afin de la dépasser musicalement et de la recréer à la cour de Modène. La musique n’a pas été conservée au contraire du livret de Fulvio Testi qui nous permet de retrouver la richesse culturelle, artistique et littéraire dans laquelle a baigné la préparation de ce spectacle, tel un écho de la vie de la cour. C’est en effet en s’intéressant à l’ambassadeur Testi et en examinant son activité d’artiste et de diplomate (il recrute des érudits, observe finement la vie politique de la cour, favorise la diffusion littéraire et collabore avec des musiciens) que l’on peut définir l’identité nobiliaire de Modène : elle se construit entre la gloire du passé et la modernité ; elle reprend l’allégorie du vice et de la vertu du Ruggiero anonyme de Turin pour la transposer en celle de la nuit et de l’aube de L’Isola d’Alcina de Fulvio Testi. Après la déconvenue de L’Isola d’Alcina, D’India entend poursuivre sa carrière de compositeur d’opéra : il présente personnellement sa candidature pour écrire la musique des noces de Parme prévues pour 1628 – le projet n’aboutira toutefois pas. Enfin, soulignons que la princesse Isabelle d’Este-Savoie est un intermédiaire de premier plan lors de l’organisation des concerts et des spectacles à Modène. Personnage-clé à la cour en tant qu’épouse du prince, elle favorise la production musicale et la circulation d’artistes grâce à un patronage nobiliaire de médiation. Le compositeur n’adresse donc pas son dernier livre de madrigaux au prince Alphonse, qui est pourtant son principal protecteur au sein de la famille d’Este, mais à son épouse. Nous pouvons interpréter cette dédicace comme une stratégie de carrière qui consiste à renforcer le réseau et les relations d’intérêts partagés grâce au rapprochement avec l’entourage proche du mécène. Le prince Alphonse III d’Este
Avant son arrivée à Modène en 1623 et ses séjours successifs dans cette cour, Sigismondo D’India avait déjà dédié un recueil de musique au prince Alphonse d’Este. Il s’agit du Troisième livre des
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Musiche, publié à Milan chez Filippo Lomazzo en 1618123. Ce recueil nous permettra d’étudier les liens nobiliaires de la famille d’Este avec les Savoie – entre musique, mécénat et conflit politique – ainsi que le réseau de poètes, fameux et inconnus, présents dans ce livre. Nous analyserons ensuite les différentes hypothèses concernant le départ du compositeur de la cour de Turin (en mai 1623), puis nous retracerons la vie musicale de Modène lors de son arrivée dans cette ville (en octobre de la même année). Enfin, une dernière partie sera consacrée à la mort non élucidée du musicien. Plusieurs documents inédits découverts au cours de nos recherches dessinent de nouvelles pistes sur la date (marsavril 1629) et le lieu (Modène ou ses environs) d’une disparition qui demeure malgré tout mystérieuse. Se précisent ainsi les thématiques du patronage nobiliaire, des réseaux et des échanges artistiques, de la circulation des styles et des genres musicaux, du voyage des musiciens et du cosmopolitisme modénais. Le Troisième livre de monodies accompagnées, entre Turin, Modène et Milan
La parution du troisième recueil de monodies accompagnées de D’India se situe dans un contexte politique tendu et complexe entre Milan et la Savoie. En effet, en 1618 prend fin le conflit commencé en 1613 entre la Savoie, l’Espagne et Mantoue pour la succession du Montferrat. À ces relations croisées, nous ajouterons un autre personnage, le prince Alphonse d’Este de Modène124, dédicataire du recueil en question. Les liens culturels des familles d’Este et de Savoie autour du recueil de 1618
L’année 1618 inaugure une période de changements dans les relations politiques entre Milan et la Savoie, conséquence logique de la dégradation des rapports entre cette dernière et l’Espagne125. En juin 1618, les Espagnols perdent temporairement la ville de Vercelli, symbole de la résistance du duc de Savoie126. Dans une lettre du 30 juin 1618, le duc Charles-Emmanuel fait part à Cesare d’Este, duc de Modène, de sa plus grande joie127. L’ambassadeur de Modène en Savoie, Fulvio Testi, se trouve en effet à Milan au même moment128. Les rapports entre Turin et Modène sont excellents aussi bien sur le plan politique que sur le plan amical129. En effet, Charles-Emmanuel cherche à établir, à travers le mariage de sa fille Isabelle avec Alphonse d’Este, une alliance avec le duché voisin afin que la Savoie 123 S. D’India, Le Musiche del Signor Sigismondo D’India. Maestro della Musica di Camera del Serenissimo Signor Duca di Savoia. Libro Terzo a una e due voici, Milan, Lomazzo, 1618. Pour une édition moderne de ce recueil, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, 2 vol. (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). Pour une analyse musicale de ce livre, voir la préface de P. E. Carapezza dans id et C. Bongiovanni, « Il Terzo libro delle Musiche di Sigismondo D’India », Nuova rivista musicale italiana, no 23/3, 1989, p. 303-324. 124 Concernant la situation politique et diplomatique de la période antérieure, voir D. Frigo, « “Small States” and Diplomacy : Mantua and Modena », Politics and Diplomacy in Early Modern Italy : The Structure of Diplomatic Practice, 1450-1800, éd. D. Frigo, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 147-175. 125 C. Rosso, « Il Seicento », Il Piemonte sabaudo. Stato e territori in età moderna dans Storia d’Italia, vol. VIII, tome I, Turin, UTET, 1994, p. 193. 126 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012, p. 404. 127 Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Torino, duchi di Savoia, boîte 1443, fasc. 2, lettre du 30 juin 1618. 128 M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. I, lettre no 13, p. 9-10. 129 Voir P. Merlin, « Savoia ed Este : due dinastie nel secolo di ferro », La corte estense nel primo Seicento. Diplomazia e mecenatismo artistico, éd. E. Fumagalli et G. Signorotto, Rome, Viella, 2012, p. 135-148.
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devienne le centre de gravité du pouvoir contre les Habsbourg130. Cette volonté s’affirmera de plus en plus jusqu’à l’aboutissement, en mars 1618, de l’alliance tant recherchée avec Venise131. C’est dans ce contexte que, quelques mois plus tôt, le 3 janvier, D’India offre la dédicace de son Troisième livre des monodies accompagnées au prince de Modène. La dédicace132 du recueil insiste sur les liens qui unissent les familles d’Este et de Savoie et montre qu’un musicien peut travailler pour plus d’un patron sans dépendre pour autant de ses patrons secondaires. D’India présente donc son recueil comme un trait d’union entre les deux familles et le situe entre « la générosité de Mars » et « la proportion et l’harmonie » nécessaires dans l’art de gouverner. Alphonse d’Este poursuit la tradition paternelle aussi bien dans son intérêt pour l’érudition intellectuelle133 que dans la protection des musiciens. Ainsi, un document daté du 1er janvier 1618, soit deux jours avant la date de la dédicace, nous fait part des dépenses effectuées par Alphonse d’Este lors d’un voyage à Florence où il est question de musiciens venus de Bologne, et de celles réalisées au cours d’un voyage à Mantoue où se sont rendus plusieurs musiciens de Campagnola, Modène et de Naples ainsi que le chanteur Francesco Rasi134. « L’humble lyre » du Troisième livre des Musiche, poètes fameux et inconnus
La lyre que D’India apporte au prince de Modène contient pour la première fois trois poèmes de Pétrarque : Voi che ascoltate (Ô vous qui écoutez), Tutto il dì piango (Je pleure tout le jour) et Or che ‘ l ciel e la terra (Maintenant que le ciel et la terre) ; un poème de Marino : Scherniscimi, crudele ! (Moquetoi de moi, cruelle !) ; un extrait du Pastor Fido de Guarini : Com’è soave cosa (Comme c’est une douce chose) ; puis un dialogue en écho également de Guarini, cinq poèmes anonymes ; enfin deux extraits
130 S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie, op. cit., p. 415. 131 Id., p. 416. 132 « Al Serenissimo Signor Don Alfonso d’Este Prencipe di Modena. Giudicorono alcuni antichi, à generoso Prencipe essere solo conveniente godere del suono dell’armi, e non de gl’harmoniosi concenti. Questi, à mio parere non huomini, ma fieri Barbari chiamar si ponno, non conobbero, quanto sia propria, e naturale all’huomo la proportione, & harmonia. Ancora le Amazzoni di natura guerriere trattavano l’armi al suon de Calami ; i Lacedemoni, è Cretensi incitati da essa combattevano ; e Paminonda tra Greci, e molti Imperatori trà latini, seppero à suo tempo cambiar l’Egide in Lauro, lo Scudo in lira, l’Hasta nello Plettro, & se Minerva spezzò la Cornamusa vedendosi nel fonte torcer troppo difformemente le labbra, ciò altro argomento far non debbe se non che, alla sapienza, e fortezza e difforme quella Musica, che torce il senso, e l’intelletto ma altra più efficace ragione non vaglia che l’esempio dell’Altezza Vostra Serenissima la quale tutto che habbi nel core generosità di Marte & altissimi pensieri, gode Però al pari d’ogn’altro Prencipe dell’harmonie di voci, & instromenti, & ne favorisce gl’Autori. Onde dovendo mandar alle stampe il terzo libro delle mie Musiche, hò voluto eleggere l’Altezza Vostra Serenissima per mio Apolline, al qual le dedichi, & consacri. Sicuro che da lei approvati saranno à gli altri grati, & accetti. Tanto più che essendo più d’ogni altro congionto con parentela al Serenissimo di Savoia come tengo quello per primo Padrone, è natural Signore cosi devo riconoscer l’Altezza Vostra Serenissima secondo gradisca l’Altezza Sua questo picciol dono, che però con grande affetto le presento. è se io, come un altro Mercurio, le porgo humilmente la Lira, ella come benigno Appolline non mi nieghi il caduceo del suo favore e protettione. Con che fine le prego dal Signore ogni compiuta felicità. Di Milano il di 3 di Genaro 1618. Di Vostra Altezza Serenissima Devotissimo Servitore Sigismondo d’India. », S. D’India, Le Musiche del Signor Sigismondo D’India […] Libro Terzo, op. cit. 133 Voir l’inventaire des livres de philosophie du duc Cesare d’Este qui répertoire plus de 1039 livres. (I-MOs), Camera ducale, Amministrazione della Casa, Biblioteca estense, carp. 2, fasc. 20. 134 (I-MOs), Camera ducale, Amministrazione dei principi, registro di mandati, boîte 210, Spese fatte da S. A. nel viaggio di Fiorenza (4 pages) : « alli trombetti, tamburi et violini di Bologna ». Donati da farsi a Mantova alla partita delli Serenissimi principe et Infanta di Modena (2 pages) « alla Sabina che canta, alla napolitana che suona, alli violini di S. A. ».
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de la Jérusalem délivrée du Tasse : Giunto alla tomba (Arrivé à la tombe) et O bella destra (Ô belle main dextre). Le recueil contient également des vers écrits par des poètes moins connus et moins souvent mis en musique comme le Florentin Giovanni Villifranchi, originaire de Volterra et mort en 1614, en contact avec le prince de Toscane à qui il dédie un poème en 1602135. Il est également l’auteur de la fable Amaranta qui a obtenu un grand succès à la cour de Turin. À propos de l’édition florentine de cette fable, Villifranchi écrit à Virginio Orsini – dont il est le secrétaire – depuis Turin le 18 octobre 1610 : Je fus appellé par le libraire qui me montra mon Amaranta publiée de la façon que Votre Excellence verra : avec l’absence de nombreux vers et très abîmée par l’éditeur136.
La fable de Villifranchi137, malgré le mécontentement de l’auteur, a continué d’être appréciée même après la mort du poète si bien qu’elle fut encore représentée au palais Chiablese à Turin avec deux balli de Sigismondo D’India pour l’anniversaire de Christine de France en 1621138. Il n’est donc pas étonnant que le compositeur ait choisi un poème de cette fable : Lagrimate occhi miei (Pleurez, mes yeux) pour le recueil dont il est ici question. D’India met également en musique un poème de Francesco Maria Caccianemici – membre de l’Académie des Gelati de Bologne – : Occhi convien morire (Mes yeux, il convient de mourir) extrait de ses Rime publiées à Bologne chez Bartolomeo Cocchi en 1608139. Ce poème est également mis en musique, la même année (1618), par le chanteur et luthiste napolitain Andrea Falconieri (c. 1585-1656). D’autres poèmes de Caccianemici seront mis en musique par Stefano Landi l’année suivante (1619). Nous pouvons également mentionner le poème Arditi baci miei (Baisers audacieux) du polygraphe et académicien vénitien Giovanni Battista Leoni ( ?-1645) extrait de son livre de Madrigali publié à Venise en 1594. Leoni composa également une harangue funèbre pour les obsèques du cardinal Alessandro Farnese « le jeune », publiée à Rome chez Accolti en 1589140. Nous pouvons citer enfin le poème E pur tu parti, ohimè (Et pourtant tu pars, hélas) de Giacomo Castellano, extrait de ses Giovanili scherzi, recueil de poèmes publié à Venise en 1608 et dédié aux princes Victor-Amédée et Philibert de Savoie141. Le style de Castellano est proche de celui de Guarini, 135 (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Archivio per Materie, letterati, boîte 67. 136 « Fui chiamato dal Libraro e mi mostrò la mia Amaranta stampata nel modo che Vostra Eccellenza vedrà, con mancanza di molti versi e assai lacerata dalle stampe. », Archivio Storico Capitolino (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, Corrispondenza in entrata di Virginio Orsini, boîte 121/4, lettre no 556. 137 Nous pouvons mentionner deux éditions qui ont vu le jour la même année : G. Villifranchi, Amaranta favola pescatoria del signor Giovanni Villifranchi hora primieramente posta in luce, Venise, Giunti, Ciotti & compagni, 1610 et Amaranta pescatrice del signor Giovanni Villifranchi. Ora in questa seconda edizione dall’autore ricorretta, & accresciuta de’ cori, e di quanto in essa mancava, sendo stata stampata senza il suo consentimento, Florence, Timan, 1610. 138 G. Rizzi, Repertorio di feste alla corte di Savoia (1346-1669) raccolto dai trattati di C. F. Ménestrier, Turin, Centro Studi Piemontesi, 1973, p. xviii et 21. 139 F. M. Caccianemici, Rime di Francescomaria Caccianimici nell’Academia de i Gelati il Tenebroso, Bologne, Cocchi, 1608. 140 J. Balsamo, De Dante a Chiabrera : poètes italiens de la Renaissance dans la bibliothèque de la Fondation Barbier-Mueller, Genève, Droz, 2007, vol. I, p. 435-436. 141 G. Castellano, I giovanili scherzi, Rime varie di Jacomo Castellano, Venise, Pulciano, 1608, conservé à la la Biblioteca Estense Universitaria di Modena (I-MOe). Voir aussi R. Baroncini, « Gli ospedali, la nuova pietas e la committenza musicale cittadinesca a Venezia (1590-1620) : i casi di Bartolomeo Bontempelli dal Calice e di Camillo Rubini », Atti
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ainsi que nous pouvons le constater dans le Testamento amoroso que le poète publie dans la même ville en 1610 en le dédiant à Vincenzo Gonzaga, duc de Mantoue142. En effet, Castellano reprend certaines scènes du Pastor Fido comme l’histoire de Silvio et Dorinda (en l’occurrence Florinda143) ou la scène où Silvio est tué par un sanglier144, mais également quelques poèmes qui ressemblent à ceux des Rime de Guarini145. Sur le plan poétique, ce recueil relie Milan (ville de publication du livre de D’India) et Modène (ville du dédicataire) à Florence, Bologne, Venise (villes de publication des œuvres poétiques) et Turin (ville où se trouve le compositeur). Ce réseau dévoile la poésie avec laquelle le musicien a été en contact dans les années 1608-1610, dates où Villifranchi, Caccianemici et Castellano publient leurs œuvres. En effet, D’India fait paraître son premier recueil de musique à Venise en 1607146, période où, à la recherche d’une cour, il se déplace dans plusieurs villes du Nord de l’Italie puis à Rome. Ce réseau de poètes met également en évidence la diffusion de leurs œuvres à Turin à travers la mise en musique de leurs poèmes ; la musique est ici un vecteur de transmission et de transformation. Cette circularité est complétée par le patronage nobiliaire dont le point de convergence est la cour de Turin : Villifranchi, secrétaire d’un prince romain, s’y trouve au moment de la publication, à Florence, de son Amaranta ; Castellano, quant à lui, dédie son recueil poétique aux princes de Savoie ; D’India, enfin, Capo della musica de la cour de Turin, réunit ces personnages dans un recueil de musique qu’il fera publier quelques années plus tard à Milan, en offrant la dédicace à l’un des princes les plus proches du duc Charles-Emmanuel, son patron. C’est ainsi que voyage, transformation, diffusion et patronage forment un cercle vertueux dans le complexe processus de production musicale.
del Congresso Internazionale di Musica Sacra. In occasione del centenario di fondazione del PIMS, Roma, 26 maggio-1 giugno 2011, éd. A. Addamiano et F. Luisi, Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2013, vol. II, p. 580-581. 142 G. Castellano, Testamento Amoroso Idillio di Giacomo Castellano Dedicato Al Serenissimo Don Vincenzo Gonzaga, Duca di Mantova di Monferrato, Venise, Pulciani, 1610. Voir aussi C. Carminati, « Un manoscritto di rime mariniane (Parma, ms. Palatino 876) », Marino e il barocco, da Napoli a Parigi. Atti del convegno di Basilea, 7-9 giugno 2007, éd. E. Russo, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2009, p. 111. 143 « Silvio gentil pastore. », G. Castellano, Testamento amoroso, op. cit., p. 5. 144 « Ecco qui giunto a pena, / Che un terribil cinghiale, / Cacciato da duo fieri, e gran Molossi / Lupone detto l’un, l’altro Tigrane. », id., p. 8. 145 « Ahi, che morir mi sento, / Ne mi duole il morire, / Duolmi l’abbandonat l’Idolo mio. », id., p. 12. « E voi vaghi augelletti, / Che fra l’ombrose Selve, / Co’ vostri armoniosi alti concenti, / Facesse Echo Sonoro / A gli amorosi accenti. », id., p. 15. Une édition posthume des Rime de Guarini a été publiée à Milan chez Bidelli en 1618, voir E. Selmi, Classici e moderni nell’officina del Pastor Fido, Alessandria, Edizione dell’Orso, 2001, p. 269. 146 Il s’agit de la première réédition de son Premier livre de madrigaux publié à Milan l’année précédente.
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Fig. 8 : Carte des duchés de Savoie, Modène, Parme et Milan
Le départ de Turin et l’arrivée à Modène – contexte culturel, artistique et politique de la cour d’Este au début du xviie siècle
Avant son départ précipité de la cour de Turin en mai 1623 et avant son arrivée à la cour de Modène la même année, Sigismondo D’India est mentionné pour la première fois dans le livre de maître du cardinal de Savoie au début de l’année 1623. Il s’agit du dernier paiement turinois où il est question du compositeur : Trois cent trente-trois florins avec une valeur de 18 ducatons de 18,6 florins chacun, payés à Filippo Albini, musicien, pour compte des dépenses que par ordre du Prince Sérénissime Cardinal il engagea pour le Sieur
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Sigismondo D’India, musicien, ainsi que nous le constatons par le mandat de Monsieur le comte Ludovico d’Agliè du 27 janvier et dont la quittance de paiement date du 11 février 1623147.
Nous savons que D’India n’était pas à Turin au début de l’année 1622 et que c’est le même Filippo Albini qui a remplacé le compositeur lors de la fête donnée pour l’anniversaire du duc Charles-Emmanuel le 12 janvier de la même année, D’India étant « absent pour des affaires le concernant » selon le même Albini148. Historiographie des hypothèses sur le départ de D’India de la cour de Savoie – un nécessaire retour aux sources historiques
On ne connaît donc pas les raisons pour lesquelles D’India s’est éloigné de la cour de Savoie, d’abord en 1622149, puis définitivement en 1623. Plusieurs hypothèses ont été émises à partir de l’interprétation du laconique commentaire de Ludovico d’Agliè – intermédiaire de la Savoie et de Modène à Rome – dans une lettre adressée à Alphonse d’Este le 4 novembre 1623 : Le Chevalier Sigismondo D’India partit il y a quelques mois de la cour du Seigneur Duc, mon Seigneur, pour échapper à la malveillance de certains qui provoquèrent les plus mauvais rapports entre lui et Son Altesse150.
Stanislao Cordero di Pamparato, qui a publié cette lettre en 1930, impute le départ de D’India à la jalousie de certains membres de la cour et à la possibilité d’un complot contre le compositeur. Cordero di Pamparato interprète et étend le sens de la phrase : « échapper à la malveillance de certains », en introduisant l’idée qu’il y aurait eu de « graves accusations lancées contre le musicien151 ». Cette idée sera reprise par Nigel Fortune qui la transformera en « malicieuse rumeur sur lui qui semble concerner sa vie privée et qui remonta jusqu’aux oreilles du duc152 ». Le pas entre l’idée de « malveillance » en général à celle d’un « scandale » concernant la vie privée du compositeur est franchi par John Joyce qui 147 « Fiorini Trecento trenta tre valuta di Ducatoni 18 a fiorini 18.6 l’uno pagati à Filippo Albino musico à buon conto della spesa che d’ordine del Serenissimo Principe Cardinale fa al signor Sigismondo D’India musico come ne consta per ordine del signor Conte Lodovico Daglie delli 27 genaro et quittanze del pagamento delli 11 febraro 1623. », Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 1, reg. 5 : « 1622. Terzo conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli », mandat de paiement no 275. 148 « L’anno passato, essendo absente per suoi affari, il Cavaglier Don Sigismondo d’India, capo della Musica di quest’altezza Serenissima mi fu commandato da chi commandar mi potea, ch’io dovessi metter in musica le sequenti poesie, scelte frà molte (come ogn’anno qui far si suole) che per occasione di un festino doveansi recitare nella notte del felicissimo giorno di Natale di Sua Altezza Serenissima. », F. Albini, Musicali Concenti […] Opera seconda, Milan, Lomazzo, 1623, p. 3. Voir aussi l’édition moderne Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), Lucques, LIM, 2002, p. xiii. 149 Voir le chapitre intitulé « hypothèses d’une absence », p. 85-86. 150 « Il Cavaliere Sigismondo D’India partì pochi mesi sono dalla corte del Signor Duca mio Signore per sottrarsi alla malvagità d’alcuni i quali fecero di lui pessimi rapporti all’Altezza sua. », lettre citée dans S. Cordero Di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 90 ; L. Torri, « Il primo melodramma a Torino », Rivista Musicale Italiana, no 26, 1919, p. 11 et dans F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 76-77. 151 « Vediamo il primo luogo le gravi accuse, che si dissero lanciate contro il musico palermitano e che cagionarono la sua partenza. Si dice che i malevoli e gli invidiosi, che non mancano mai, e specialmente nelle corti sono una merce che non scarseggia, avessero ordito una congiuretta, pienamente riuscita, per perderlo. », S. Cordero Di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I », op. cit., p. 88. The court malicious gossip about him, which seems to have concerned his private life, and it reached the ears of the Duke 152 « himself. », N. Fortune, « Sigismondo d’India. An Introduction to his Life and Works », Proceedings of the Royal Music Association, no 81, 1955, p. 39.
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affirme en 1981 avoir « appris de Nigel Fortune que l’inattendu départ de D’India de Turin pourrait être dû à des comportements homosexuels de sa part. Cette hypothèse a été émise par le musicologue américain Arnold Hartmann, mais j’ignore l’origine de telles suppositions153 ». En réalité, Nigel Fortune pas plus qu’Arnold Hartmann154 n’émettent de telles hypothèses. Pourtant, la déformation de la phrase initiale devenue affaire de mœurs est celle qui est retenue par Glenn Watkins qui parle d’un « scandale » – sans pour autant faire référence à l’homosexualité155 –, par John Whenham, qui parle quant à lui « d’une condamnation due à un comportement scandaleux, sans doute de nature homosexuelle156 », et surtout par Andrea Garavaglia157 qui, à travers l’analyse des rapports que le compositeur entretenait avec des différents personnages du milieu turinois ou romain comme le poète Marino ou le cardinal de Savoie, tente de prouver que les goûts artistiques de ces derniers témoignent d’une sexualité pour le moins anticonformiste et que D’India partageait avec eux d’autres passions que les arts. Faut-il dès lors aller jusqu’à considérer, comme Garavaglia158, que le fait qu’aucune source n’indique que le compositeur aurait été marié ou père de famille, confirmerait certains penchants ? Rien n’est moins sûr : le mariage et la descendance – ou leur absence – ainsi que la souffrance exacerbée de ses lamentations159 ne prouvent rien… L’hypothèse d’un scandale dû aux mœurs du compositeur ne repose sur aucun document fiable et certaines hypothèses, en la matière, s’éloignent sensiblement du commentaire de d’Agliè, au reste seule source historique concernant l’affaire. Gardons-nous de trop solliciter les sources, de donner dans la surinterprétation ; il faut parfois préférer l’aporie à une lecture par trop psychologisante et anachronique160. Si les affaires de mœurs étaient fréquentes à cette époque dans les cours italiennes, elles n’avaient aucun caractère systématique. À y bien réfléchir, il semble qu’il faille expliquer la « malveillance » évoquée par Ludovico d’Agliè par le caractère161 du compositeur ainsi que par la jalousie 153 « I Had learned from Nigel Fortune that d’India’s sudden departure from Turin may have been precipited by homosexual involvements on his part. The conjecture is that of Arnold Hartmann, an American musicologist. The basis of Hartmann’s theory is unknown. », J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, Anne Arbor, UMI Research Press, 1981, p. 249, n. 20. 154 A. Hartmann, Madrigal Settings of « Cruda Amarilli », Berkeley, University of California, 1948 ? et « Battista Guarini and Il Pastor Fido », The Musical Quarterly, no 39/3, 1953, p. 415. 155 « Lasciata la corte dei Savoia a causa di uno scandalo. », G. Watkins, « I madrigali polifonici di Sigismondo D’India nobile palermitano », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 78. 156 « D’India have been forced to leave Turin in 1623 after accusations of scandalous behavior, perhaps of a homosexual nature. », J. Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 9. 157 A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005, p. 118-126. 158 Id., p. 120. 159 Id., p. 126-132. 160 Concernant le moralisme et l’anachronisme en tant que dérives de l’historien, nous lirons la leçon et l’avertissement de M. Bloch, « L’analyse historique », Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, éd. E. Bloch, préface de J. Le Goff, Paris, Colin, 1993, p. 156-159. 161 Le compositeur Antonio Goretti écrit dans une lettre datée du 13 août 1627 : « Il [D’India] s’est mis en tête de vouloir être considéré comme le centre du monde et qu’à part lui, personne ne sait rien ; et qui veut être son ami et continuer de le fréquenter doit le gonfler de ce vent ; […], mais il est si sensible à cette frénesie que le Chevalier Sigismondo D’India ne voudrait jamais rien entendre d’autre, et c’est ainsi qu’il se gonfle et rebondit comme un ballon. […], et de cela peuvent témoigner, particulièrement à Turin […], les pauvres virtuoses qu’il a rendus fous. » (« Tiene certi pensieri in capo di voler essere tenuto il primo huomo del mondo, e che niuno sappi se non lui, e chi vol essere suo amico, e trattar seco bisogna gonfiarlo di questo vento, […] ma s’imbibisse poi tanto di questa frenesia, che non Cavaliere Sigismondo d’India, voria sentire mai altro, in guisa tale che se ne gonfia e sbalza come balone ; […], e di questo ne sia testimonio, […] e imparticolare a Turino, che là [i] poveri virtuosi ebbero a impazire. »), lettre citée par D. Fabris, Mecenati e musici, op. cit., p. 400-401.
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que pouvaient susciter les privilèges dont il jouissait. Telle est du reste la supposition retenue par Eleonora Simi Bonini dans sa notice sur le compositeur dans le Dizionario Biografico degli Italiani162, supposition qui nous paraît la plus convaincante. Le départ de D’India de la cour de Turin a lieu presque au même moment que celui du cardinal de Savoie – son plus important mécène – pour Rome163, suivre le cardinal Maurice devait être sans doute le meilleur choix pour poursuivre sa carrière de compositeur. En effet, le musicien se présente, à partir de cette date, comme Gentiluomo du cardinal de Savoie164. Rivalités et jalousies étaient monnaie courante dans les cours italiennes et les rapports entre musiciens et mécènes parfois fluctuants. Monteverdi, par exemple, a été mystérieusement licencié de la cour de Mantoue en 1612165. De même, le poète Fulvio Testi a quitté temporairement la cour de Modène pour Rome vers 1619-1620 pour échapper à la jalousie de certaines personnes166, ce qui ne veut pas dire qu’il fut victime d’un scandale. On notera qu’aucune allusion au départ de D’India n’apparaît dans la correspondance entre le duc de Savoie et son fils le cardinal Maurice entre le 12 juin et le 14 décembre 1623167, l’esprit du duc étant occupé, à partir du mois de février, à consolider l’alliance entre la Savoie et Venise. Cesare I et Alphonse III d’Este, mécènes et continuateurs du faste ferrarais à Modène
Au moment de l’arrivée de D’India à Modène, la famille d’Este, qui a quitté Ferrare depuis quelques années, entame une nouvelle phase du mécénat artistique168. L’une des préoccupations majeures de la cour de Cesare d’Este et de son fils Alphonse est en effet de continuer à faire vivre la gloire de leur passé musical ferrarais169. Quand Cesare d’Este quitte Ferrare en 1598170, il emporte avec lui la bibliothèque et le musée de la famille ducale171. Le mariage en 1608 d’Alphonse d’Este avec la fille du duc de Savoie, constitue un moment important pour la cour de Modène, en ce qu’il marque le début d’une période d’échanges artistiques et d’ouverture culturelle. E. Simi Bonini, « D’India, Sigismondo », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1991, vol. XL, p. 118. 163 Voir les deux lettres datées du 28 mai 1623 que le cardinal Maurice adresse au duc de Modène où il est question de son départ imminent pour Rome. (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîtes 1419/169, lettres du 28 mai 1623. 164 En ce qui concerne l’importance du statut de gentiluomo dans la Rome de cette période, voir E. Canepari, « Des “personnes distinguées” : les gentilshommes », La construction du pouvoir local. Élites municipales, liens sociaux et transactions économiques dans l’espace urbain : Rome, 1550-1650, Rome, École française de Rome, 2017, p. 35-38. 165 P. Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 175-176. 166 G. Di Castro, Fulvio Testi e le corti italiane nella prima metà del xvii secolo, Milan, Battezzati, 1875, p. 38. 167 (I-Ta), Corte, Lettere duchi e sovrani, liasse 31, fasc. 17, 11 lettres. 168 S. Boni, Vita musicale a Modena durante il ducato di Cesare e Francesco I d’Este, Parme, Università degli studi di Parma, 1999, tesi di laurea sous la direction de Claudio Gallico. Voir aussi « Orazio Vecchi e la vita musicale alla Corte Estense di Modena nei primi anni del Ducato di Cesare I », Il theatro dell’udito : società, musica, storia e cultura nell’epoca di Orazio Vecchi : conferenze tenute durante le celebrazioni del IV centenario della morte di Orazio Vecchi, éd. A. Chiarelli et F. Taddei, Modène, Mucchi, 2007, p. 195-196. 169 Sur la splendeur musicale de Ferrare à la fin du xvie siècle, voir A. Newcomb, The Madrigal at Ferrara : 1579-1597, Princeton, Princeton University Press, 1980. 170 R. Merolla, « I Ducati di Parma e Piacenza », Letteratura italiana. Storia e geografia, vol. II : L’età moderna, éd. A. Asor Rosa, Turin, Einaudi, 1988, p. 1111. 171 A. M. Visser Travagli, « Primi appunti per la storia del collezionismo a Ferrara nel secolo xvii », La Chiesa di San Giovanni Battista e la cultura ferrarese del Seicento, Milan, Electa, 1981, p. 179. 162
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Chapitre 7 : La cour de Modène
Entre Bologne et Modène, D’India membre des Filomusi ?
Nous avons relevé l’importance des échanges artistiques entre Modène et Bologne. Il convient, dans cette perspective, de souligner l’activité de l’Académie des Filomusi de Bologne, fondée par le compositeur Girolamo Giacobbi172 (1567-c. 1628-1630) – maître de chapelle de la basilique de S. Petronio entre 1604 et 1628173 –, consacrée essentiellement à la pratique de la musique et du chant mais également à l’étude des rapports entre la science, le son et le chant174. Peu d’informations sur l’activité musicale de l’Académie nous sont parvenues. Nous pouvons néanmoins mentionner la Siringa Fugace composée par le prêtre bolonais Alberto Bertelli, publiée en 1628175 et représentée dans cette Académie qui disparaîtra vers 1630 avec la mort de Giacobbi176, mais également le recueil de compositions vocales et instrumentales intitulé Il Virtuoso ritrovo Accademico de l’abbé musicien Adriano Banchieri publié à Venise chez Magni en 1626177. Giacobbi fut l’un des pionniers du mélodrame à Bologne à partir de 1605178 et s’inscrit dans la mouvance des compositeurs de la seconde pratique où la musique, à l’aide de moyens techniques nouveaux comme la spatialisation, cherche une marge d’autonomie de plus en plus large179. En témoignent ses Salmi Concertati de 1609180 dont la force et la manière dramatiques des parties solistes sont issues de nouvel opéra florentin181. Giacobbi était également membre d’une autre Académie, celle des Floridi, fondée en 1614 par Banchieri, sous la protection du cardinal Scipione Borghese182, et qui changea de nom à partir de 1622 pour celui des Filomusi. Les réunions se tenaient d’abord à l’église de San Michele in Bosco où Banchieri était organiste183 et puis dans le domicile de Giacobbi184 qui se situait près de la paroisse de S. Andrea degli Ansaldi185. Michele Maylender écrit à propos de cette Académie : P. A. Orlandi, Notizie degli scrittori bolognesi e dell’opere loro stampate e manoscritte, Bologne, Pisarri, 1714, p. 31 et 175. P. Smith, « The Bolognese school », The Musical Times, no 109, 1968, p. 28. Voir aussi O. Gambassi, « Nuovi documenti su Girolamo Giacobbi », Rivista Italiana di Musicologia, no 17/1, 1983, p. 29-30. 174 G. Vecchi, « Una seduta dei Filomusi a Bologna e il “Virtuoso Ritrovo Academico” di A. Banchieri (1626) », Chigiana, no 25, 1968, p. 39-52. 175 P. A. Orlandi, Notizie degli scrittori bolognesi, op. cit., p. 40-41. A. Bertelli, Siringa fugace, favoletta in musica rappresentata nell’Academia de’ Filomusi di Bologna da Alberto Bertelli l’Inutile, Bologne, Ferroni, 1628. Le texte de cette fable est conservé à la Bilbliothèque Estense de Modène et dans celle de l’Archiginnasio de Bologne. Voir aussi I. Mai Groote, « L’académie et la ville : représentation musicale entre public et privé », Marquer la ville. Signes, traces, empreintes du pouvoir (xiiie-xvie siècle), éd. P. Boucheron et J.-P. Genet, Paris-Rome, PUPS-École française de Rome, 2014, p. 392 et 398. 176 M. Maylender, Storia delle Accademie d’Italia, Bologne, Cappelli, 1926-1930, vol. II, p. 435-436. Concernat le blason de l’Académie, voir G. Vecchi, Le Accademie musicali del primo Seicento a Bologna, Bologne, AMIS, 1969, p. 150. 177 A. Banchieri, Il virtuoso ritrovo academico del dissonante, publicamente praticato con variati concerti musicali a 1, 2, 3, 4, 5 voci ò stromenti, nell’Academia de Filomusi, Venise, Magni, 1626. Pour la lettre que Banchieri a adressée à Bartolomeo Magni en guise de remerciement pour cette publication, voir A. Banchieri, Lettere armoniche, Bologne, Mascheroni, 1628, éd. facs. Bologne, Forni, 1968, p. 103-104. 178 G. Vecchi, Le Accademie musicali del primo Seicento, op. cit., p. 48, 66-68. 179 M. Padoan, « Al di là del disciplinamento normativo. La musica sacra nell’Italia padana in età post-tridentina », Norma del clero, speranza del gregge. L’opera riformatrice di San Carlo tra centro e periferia della diocesi di Milano, Atti del Convegno di Studi (Milano-Angera, 2010), éd. D. Zardin, F. Pagani et C. A. Pisoni et V. Ciro, Germignaga, Magazzeno storico verbanese-La Compagnia de’ Bindoni, 2015, p. 189-217. 180 Girolamo Giacobbi. Vespers music for multiple choirs éd. J. Kurtzmann, New-York-Londres, Garland, 2003, p. 1-58. 181 P. Smith, « The Bolognese school », op. cit., p. 28. Concernant L’Aurora ingannata (1608) et L’Andromeda (1610), deux opéras de Giacobbi, voir P. Mioli, Recitar cantando. Il teatro d’opera italiano. Il Seicento, Palerme, L’Epos, 2008, vol. I, p. 160-165. 182 A. Banchieri, Lettere armoniche, op. cit., p. 23. 183 Voir id, p. 58 et G. Vecchi, Le Accademie, op. cit. p. 24. Voir aussi un récit d’époque sur l’église de San Michele in Bosco dans Voyage de Monsieur le Prince de Condé, Bourges, Coppin, 1624, p. 67. 184 Girolamo Giacobbi. Vespers music for multiple choirs, op. cit., p. xiv. 185 O. Gambassi, « Nuovi documenti su Girolamo Giacobbi », op. cit., p. 32-35 et 45-48. 172 173
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Première partie
Nous constatons que parmi les Filomusi étaient inscrits également le célèbre Claudio Monteverdi et Sigismondo Palermitain186.
Nous ne savons pas où Maylender a trouvé cette information187. Giuseppe Vecchi, quant à lui, ne mentionne jamais D’India comme membre de cette Académie188. Maylender ne confond-il pas le compositeur palermitain avec Adriano Banchieri qui a publié Il virtuoso ritrovo accademico à Venise en 1626 ? En ce qui concerne Monteverdi, son influence sur Giacobbi ainsi que son amitié avec ce dernier sont en revanche attestées189. En effet, Monteverdi se rend à Bologne en 1620 (D’India se trouve à Turin) où il est accueilli par l’Académie des Floridi190 où il revient en 1627, accueilli par l’Académie des Filomusi, comme en témoigne une lettre de Banchieri publiée dans cette ville dans ses Lettere armoniche en 1628191. L’année 1628 fut donc une année riche en échanges artistiques entre Modène et les villes alentour, comme le montre, exemple parmi d’autres, un mandat de paiement du 30 décembre « pour les frais des comédiens venus ici [à Modène] à l’occasion [de la visite] de la Sérénissime épouse de Parme192. ». On peut également mentionner les rapports de Modène avec la ville de Reggio193 où se tenait l’Académie d’Elevati, qui gérait l’organisation d’événements publics comme le somptueux carnaval de 1600. Le duc Cesare d’Este fut invité dans cette Académie à plusieurs occasions194. L’activité artistique de ces académies continuera son développement tout au long du xviie siècle, l’Académie des Dissonants, fondée à Modène dans les années 1680, en sera l’aboutissement195. Alphonse d’Este, qui devient duc à la mort de son père en 1628, était volontiers décrit comme un homme prudent, juste et pieux196, il était également un mécène actif. Il convient donc de s’intéresser 186 « A noi consta che fra i Filomusi furono ascritti anche il celebre Claudio Monteverde e Sigismondo Palermitano. », M. Maylender, Storia delle Accademie d’Italia, op. cit., vol. II, p. 436. 187 En ce qui concerne les problèmes liés à la précision et à la fiabilité des sources de la Storia de Maylender, voir F. Minonzio, « La Storia delle Accademie d’Italia », Biblioteche oggi, no 11/8, 1993, p. 74. La base de données du projet triennale (2006-2009) britanique The Italian Academies 1530-1700, ne mentionne pas D’India comme membre des Filomusi. http://bl.uk./catalogues/ItalianAcademies/. Ce projet, qui prend en considération les villes de Bologne, Naples, Sienne et Padoue, cherche à élargir et à approfondir le catalogue de Maylender, notamment en ce qui concerne la reconstruction des milieux culturels des Académies, c’est-à-dire l’identification précise des personnes qui faisaient partie des réseaux académiques. Voir S. Testa, « “Italian Academies 1530-1700. A Themed Collection Database”. Un nuovo progetto sulle Accademie », Bruniana & Campanelliana, no 14/1, 2008, p. 243-248. Voir aussi id., Italian Academies and their Networks, 1525-1700. From Local to Global, New York, Palgrave Macmillan, 2015 et The Italian Academies 1525-1700. Networks of Culture, Innovation and Dissent, éd. J. E. Everson, D. V. Reidy et L. Sampson, Cambridge, Legenda, 2016. 188 G. Vecchi, « Una seduta dei Filomusi a Bologna » et Le Accademie, op. cit. 189 P. Smith, « The Bolognese school », op. cit., p. 28. Voir aussi J. Roche, North Italian Church Music in the Age of Monteverdi, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 118 et 120. 190 G. Vecchi, Le Accademie, op. cit., p. 82. 191 A. Banchieri, Lettere armoniche, op. cit., p. 141-142. 192 « Spesa de comedianti venuti quì per occasione della serenissima sposa di Parma. », (I-MOs), Camera ducale, Computisteria, Mandati sciolti, filze 180/56, fo 22, 30 décembre 1628. 193 Voir les nombreux paiement de cette époque à des artisans de Reggio et de Carpi dans (I-MOs), Cancelleria ducale, Archivio per Materie, artigianato e mestieri, boîtes 22 et 30 et id., Camera ducale, Cassa segreta nuova, filze 32 et 34. 194 M. Calore, Spettacoli a Modena tra Cinque e Seicento, Modène, Aedes Muratoriana, 1983, p. 116. 195 O. Jander, « Cantate in accademia : i dissonanti di Modena e il duca Francesco II d’Este », La musica e il mondo : mecenatismo e commitenza musicale in Italia tra Quattro e Settecento, éd. C. Annibaldi, Bologne, Il Mulino, 1993, p. 195. 196 Alphonse d’Este, « con somma prudenza accopiava insieme il zelo della giustizia, e la virtù della clemenza. », G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este che fù nel secolo il Serenissimo Alfonso III Duca di Modana, e nella Religione Serafica il Prete Gio. Battista Predicatore Apostolico della Serenissima Infanta D. Isabella di Savoia sua Dilettissima Consorte. Nascita, Vita, Morte, e Sepoltura Descritta in brevità, mà veridicamente dal P. F. Gio. Da Sestola Predicatore Capuccino A gloria di Dio & edificatione di chi leggerà, Modène, Soliani, 1646, p. 36.
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Chapitre 7 : La cour de Modène
à son importante activité de protecteur des musiciens afin de mieux connaître l’ambiance artistique dans laquelle a vécu Sigismondo D’India à son arrivée dans cette cour. Sigismondo D’India et les musiciens de la cour d’Este – Le fonds Musica e musicisti des Archives d’État de Modène
Les Archives d’État de Modène conservent un fonds très important concernant l’histoire musicale de l’Emilie Romagne des xvie et xviie siècles. Il permet en effet de mieux connaître les tendances musicales, la circulation des musiciens et les compositeurs que D’India a pu côtoyer à la cour d’Este. Le fonds « Musique et musiciens197 » est constitué de correspondances et autres documents ayant appartenu aux musiciens et est ordonné par ordre alphabétique. Nous avons concentré nos recherches sur les documents de la première moitié du xviie siècle : onze d’entre eux, couvrant la période 16261629198, concernent Sigismondo D’India ; nous pouvons considérer qu’il s’agit du fonds d’archive le plus riche sur le compositeur. On peut en outre identifier, toujours dans ce fonds, quelque vingt autres compositeurs pendant la période considérée. Le premier est Giovanni Francesco Anerio (1567-1630), élève de Palestrina, musicien de plusieurs chapelles romaines dont celle du duc Altemps et frère du musicien Felice Anerio. Selon Eleonora Simi Bonini, un livre de madrigaux incomplet à une et deux voix d’Anerio, publié à Venise en 1611199, contiendrait des poèmes de D’India200 comme serait aussi le cas du recueil de « Concerts académiques » de Dionisio Bellante – dont on ne sait pratiquement rien –, publié également à Venise en 1629201. Nous avons consulté les deux livres de musique conservés incomplets à la Bibliothèque Braidense de Milan, sans avoir pu répérer des vers de D’India parmi les poèmes anonymes des madrigaux 202. Si l’on pouvait démontrer la collaboration du compositeur avec Bellante et Anerio, on ouvrirait de nouvelles perspectives de recherche sur la carrière de D’India avec le milieu musical de Vérone203 avant son arrivée à la cour de Turin et jusqu’à l’année de sa mort. En (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, boîtes 1a et 1b. Id., boîte 1a/35. G. F. Anerio, Recreatione armonica. Madrigali a una et doi voci di Gio. Francesco Anerio romano maestro di cappella del Duomo di Verona, Venise, Gardano, 1611, conservé à la Biblioteca internazionale della musica (I-Bc) de Bologne (partie de basse continue) et à la Biblioteca Nazionale Braidense (I-Mb) de Milan (parties de ténor et basse). 200 E. Simi Bonini, « D’India, Sigismondo », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 1991, vol. XL, p. 120. 201 D. Bellante, Concerti accademici a una, due, tre, quattro, cinque, et sei voci : opera prima, Venise, Magni, 1629. Une photocopie de la partie de Canto de la collection d’Oxford (GB-Och) est conservée à (I-Mb). Nous remercions Massimo Gentili-Tedeschi pour nous avoir facilité l’accès à ces documents. 202 Concernant le recueil d’Anerio, les texte anonymes sont : Spargea la donna mia, Misera me che deggio far lontana, Erano i capei d’oro, Di che ella mossa, Donna si dolce e’l canto, Tu mi lasci crudel, Lasciatemi morire vanne speranze, Caro dolce bel mio perché fuggi, Donna la vostra ingiusta crudeltà, Chiedei piangendo alla mia Flori, Pur volete ch’io mora, Io cantarei d’amore et Alza Filli i bei lumi. Les autres poèmes sont de Guarini, Pétrarque, Domenico Venier, Cesare Abelli, Angelo Peregrino, Rinuccini (Euridice), Marino et le Tasse. Quant à celui de Bellante, les poèmes anonymes sont : Quand’io mi volgo a quel ardor beato, S’e ver che porto un doppio stral in sen, Colei che mi fere, Dirò ch’avanzan l’oro, Vanne vattene amor, Versate occhi d’amor del paradiso, Longe da voi ben mio, O chiome o vaghe chiome et Zeffiro mio gentil. Les autres poèmes sont de Marino, Alessandro Gatti, Le Tasse, Guarini et Cesare Rinaldi. D’après N. Fortune, « A Handlist of Printed Italian Secular Monody Books, 1602-1635 », Royal Musicological Association. Research Chronicle, no 3, 1963, p. 46, les chansons pour voix soliste se trouvent dans la partie de basse continue. Nos recherches nous ont toutefois permis de constater que la partie de b. c. en question ne contient aucun texte. Voir aussi : http:// repim.muspe.unibo.it/risultati.aspx. 203 Sur les rapports entre Vérone et Rome à travers les traces de l’Antiquité, voir V. Cafà, « Verona seconda Roma. Frammenti di una identità collettiva », Architettura e identità locali, vol. II, éd. H. Burns et M. Mussolin, Florence, Olschki, 197 198 199
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Première partie
effet, Anerio était maître de chapelle de la cathédrale de Vérone entre 1609 et 1611 et la dédicace du livre de Bellante, quant à elle, signée depuis Vérone également le 11 novembre 1629 (après la mort de D’India) contient un poème de Gio. Battista Alecco « Veronese ». La lettre d’Anerio qui est conservée aux Archives de Modène est adressée à Isabelle d’Este-Savoie et datée du 10 mars 1618. Le compositeur présente ses excuses pour le retard de la mise en musique de l’hymne Audi benigne conditor dont il lui envoie les partitions par l’intermédiaire de Giovanni Battista Stefanini, musicien modénais et maître de chapelle de la cathédrale de Turin de 1602 à 1604 et de 1608 à 1614204, charge qu’il occupa également à l’église de la Consolation à Rome en 1614, à Santa Maria della Scala à Milan de 1606 à 1608205 et à la cathédrale de Modène dans les années 1620. Anerio se trouvait en effet occupé à d’autres commandes de musique sacrée à Rome206. Il est intéressant de remarquer que Stefanini a dédié un livre de motets au cardinal de Savoie en 1626 (Motetti concertati a 2, 3, 4 e 5 voci), alors que le prélat se trouvait à Rome. Le musicien est en effet en contact avec l’ambiance musicale de Turin depuis 1606 quand il publie la même année à Milan son Premier livre de motets à une, deux et trois voix, le dédiant à Amédée de Savoie207, conservé dans le fonds de la réserve musicale (I-IV) auprès de la Bibliothèque nationale de Turin et qui provient de la collection du duc Charles-Emmanuel. C’est dans ce fonds que se trouve le mélodrame La Zalizura (Ris.Mus.II.5), attribué à Sigismondo D’India208, ainsi que son Deuxième livre des Musiche. Autre compositeur dont le nom figure dans les documents du fonds, Paolo Bravusi (1586-1630), élève d’Orazio Vecchi, était chanteur de l’église San Pietro à Modène. Il fut ensuite, à la cathédrale, l’assistant (vicemaestro) de Geminiano Capilupi209 – avec qui il entretenait des rapports de rivalité –, de 1609 à 1614, date à laquelle il a renoncé à sa charge. Bravusi est devenu le maître de chapelle titulaire le 19 mai 1626 (peu après la démission de Stefanini) et cela jusqu’à sa mort de la peste en 1630. Malgré une grande qualité de composition, il ne nous est pas parvenu grand-chose de sa musique210. C’est Bravusi 2013, p. 333-343. I. Data, « Le musiche nella libreria ducale », Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I. Torino-Parigi-Madrid, éd. M. Masoero, S. Mamino et C. Rosso, Florence, Olschki, 1999, p. 516. Voir aussi S. Baldi, « La musica nella cattedrale di Torino nella prima metà del Seicento », Subsidia Musicologica. Studi in onore di Alberto Basso per il suo 85° cumpleanno, éd. C. Santarelli, Lucques, LIM, 2017, p. 10-11. 205 M. Toffetti, Gli Ardemanio e la musica in Santa Maria della Scala a Milano nella prima metà del Seicento, Lucques, LIM, 2004, p. 15 et 98. 206 « Serenissima Signora. Essendomi stato commesso in nome di Vostra Altezza che io dovessi mettere in musica quanto prima l’hinno Audi benigne conditor, quali ha da servir per un oratorio dove Lei suole intervenire, io, se bene mi ritrovo occupatissimo in diversi occupazioni di musiche, et particolarmente in un oratorio dove mi bisogna far continuamente opere nuove, […]. Gli mando dunque per via del Signor Giovan Battista Stefanini, […], che per la brevità del tempo (poiche in un sol giorno l’ho composto et fatto rescrivere) non ho potuto farci quello studio che haverei voluto. », (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/1. 207 G. B. Stefanini, Motetti di Gio. Battista Stefanini da Modena, mastro di capella nella chiesa Ducale di S. Maria della Scala di Milano. Libro primo a due e tre voci, Milan, Tini & Lomazzo, 1606. 208 Sur la question de La Zalizura, voit T. Walker, « Apollo nelle Indie : appunti sul “primo melodramma” alla corte di Savoia », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco, op. cit., p. 175-198. Voir aussi I. Data, « Le musiche nella libreria ducale », op. cit., p. 513. 209 Une lettre de Paolo Bravusi est conservée à (I-MOs), Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, maestri di Cappella, boîte 1b, où il fait part des devoirs (« conventioni da osservarsi ») du compositeur vis-à-vis de la Chapelle et de Geminiano Capilupi. 210 F. Malagodi, Dizionario dei musicisti di Modena e Reggio Emilia, Modène, Mucchi, 2000, p. 65. Voir aussi M. Lucchi, Le capitali della musica : Modena, Modène, Banca popolare dell’Emilia Romagna, 1998, p. 61 et 94 et M. Calore, Spettacoli a Modena, op. cit., p. 122. 204
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Chapitre 7 : La cour de Modène
qui a composé la musique pour l’arrivée d’Isabelle d’Este-Savoie en 1608. Sa présence est également attestée en novembre 1626 lors de la messe solennelle pour les funérailles de la princesse accompagnées par la musique de Sigismondo D’India211. Cinq lettres de 1620 à 1629 du prêtre modénais Lodovico Casali (c. 1575-1647) sont également conservées212. Casali, par ailleurs organiste, contrapuntiste et théoricien, était l’un des compositeurs les plus importants des premières décennies du xviie siècle à Modène. On sait qu’il donnait des cours de chant gratuits aux jeunes, avant d’être nommé organiste de la cathédrale en 1638. Il fit également partie des musiciens qui gravitaient entre Modène et Mantoue dans les années 1620213. Sa correspondance, ainsi que son Invitation générale aux grandeurs et merveilles de la musique publié à Modène en 1629214, sont intéressantes car elles nous éclairent sur le contexte dans lequel a vécu D’India. Ainsi, Casali mentionne dans L’Invitation les compositeurs Orazio Vecchi215 et Lodovico Fogliano216, mais également Claudio Monteverdi, les musiciens de la cour de Mantoue217 et Sigismondo D’India : On continue de jouir, comme d’une floraison nouvelle, de musiciens modernes cueillis par le Sérénissime Alphonse d’Este, duc de Modène, etc., dont il savoure le doux fruit de la musique […]. Parmi ces semences, on ne louera jamais assez Monsieur le Chevalier D’India, d’heureuse mémoire, qui, en chaque genre de la véritable musique moderne, était très expert, semblant aux oreilles de tous un ange du paradis tant ses notes paraissaient plutôt divines qu’humaines218.
Quant à la correspondance de Casali, elle peut nous éclairer sur la pratique musicale du duché de Modène. Il est question par exemple d’un duo de violes aussi bien pour la célébration d’une messe que pour le bal d’une fête dans la ville de Rubiera, située à une dizaine de kilomètres de Modène219. Un autre compositeur très important, dont ce fonds garde la trace, est Bellerofonte Castaldi (1581-1649). Également éditeur, poète et collectionneur d’instruments, il a beaucoup voyagé en Italie et en Allemagne220 et, en tant que luthiste, il connaissait particulièrement le style français221. Person211 G. Roncaglia, La cappella musicale del Duomo di Modena, Florence, Olschki, 1957, p. 95-104 et J. Roche, North Italian Church Music in the Age of Monteverdi, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 25. 212 (I-MOs), Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/11. 213 G. Tiraboschi, Biblioteca modenese o Notizie della vita e delle opere degli scrittori natti degli stati del Serenissimo duca di Modena, Modène, Società tipografica, 1781, vol. I, p. 414 et F. Malagodi, Dizionario dei musicisti di Modena, op. cit., p. 74-75. 214 L. Casali, Generale Invito alle grandezze e meraviglie della musica, Modène, Gadaldino, 1629. Voir aussi M. Padoan, « Ritualità e tensione innovativa nella musica sacra in area padana nel primo Barocco », Tullio Cima, Domenico Massenzio e la musica del loro tempo, éd. F. Carboni, V. De Lucca et A. Ziino, Rome, IBIMUS, 2003, p. 278. 215 L. Casali, Generale Invito alle Grandezze, op. cit., p. 105 et 183-184. Casali mentionne également les vertus thérapeutiques des Veglie di Siena de Vecchi (p. 141). 216 Id., p. 106. 217 Id., p. 185-186. 218 « Come al presente ancor si gode da una novella pianta di Musici moderni raccolta dal Serenissimo ALFONSO da Este Duca di Modana &c. che non solo della Musica il soave frutto si gusta […]. Semi di quel non mai à bastanza lodato Signor Cavaliere d’India già memorato ; che della vera Musica moderna, in ogni genere peritissimo, sembrando all’udito di tutti, Angelo di Paradiso, ben si giudicava esser più tosto divine, che umane le sue note. », id., p. 186-187. 219 (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/11, lettre à Alphonse d’Este depuis Rubiera le 1er juin 1629. 220 D. Dolata, Bellerofonte Castaldi. Capricci : 1622. Part 2, Dances and other works for theorbo, Songs with tablature accompaniment, Middleton, A-R editions, 2006, p. ix. 221 Id., p. x.
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nage singulier, il fut banni de Modène dans ses années de jeunesse pour avoir assassiné l’un de ses frères, mais put y revenir vers 1621, effectuant entre temps de longs séjours à Venise. Il était en contact avec Claudio Monteverdi à qui il a dédié un poème, ainsi qu’à son ami Fulvio Testi222. Ses pièces pour théorbe, volontiers chromatiques, sont aussi originales que leurs titres extravagants, comme le duo « hermaphrodite », ou les indications qui y figurent : « fulminant », « perfide »… Son recueil de Caprices de 1622, qui contient sept chansons à une voix et six autres avec basse continue, est un exemple du passage de la modalité à la tonalité223. Certaines pièces de ce recueil sont très similaires aux canzonette de Giulio Caccini, Sigismondo D’India, Salamone Rossi, Flaminio Corradi ou Giovanni Girolamo K apsberger224. Parmi les poèmes faisant partie de ses Capprici, certains on été écrits par Castaldi lui-même et d’autres par Gabriello Chiabrera. Nous pouvons mentionner le branle Quella crudel (Celle qui est cruelle225), la courante Chi vuol provare (Qui veut essayer226), la volte française Hor che tutto gioioso (Maintenant que tout est joyeux227), la courante Ohimè che non posso più (Hélas, je ne puis plus228) et enfin la courante française Aita aita ben mio (À l’aide, à l’aide mon bien229). Il s’agit d’un bel exemple d’un genre peu fréquent à Modène. Nous pouvons établir à nouveau un parallèle avec D’India, lui même auteur de certains des poèmes de ses recueils de monodies accompagnées et également auteur d’un livre de ballets chantés publié en 1621. Au cours de sa période la plus féconde (1622-1623230), Castaldi s’est également illustré dans la monodie accompagnée, publiant en 1623 chez Vincenti, à Venise, son Primo mazzetto di fiori (Premier petit bouquet de fleurs). Ce recueil novateur contient dix-neuf airs strophiques, trois madrigaux et quatre variations strophiques à trois voix accompagnées par la basse continue231. Les six lettres de Castaldi conservées dans les Archives de Modène datent précisément de la période 1621-1623. Il y fait part des « galanteries théorbesques » que le compositeur adresse au prince Alphonse d’Este pour son divertissement à l’automne 1621232, de la publication à Venise des ses « petites choses musicales », c’est-à-dire de son Premier petit bouquet de fleurs, qu’il dédie au même Alphonse
Le poème a été publié dans les Rime de Fulvio Testi de 1617, voir F. Testi, Opere del Signor Conte Fulvio Testi, Venise, Giunti, 1645, p. 89. Voir aussi D. Dolata, Bellerofonte Castaldi, op. cit., p. x ; D. Perrero, Il conte Fulvio Testi alla corte di Torino, op. cit., p. 5-6 ; G. Tiraboschi, Biblioteca modenese, op. cit., vol. I, p. 424-425 et M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, op. cit., vol. II, p. 336, lettre no 863. 223 D. Dolata, Bellerofonte Castaldi, op. cit., p. x. 224 Id., p. xi. 225 Id., p. xvii et 43-44. 226 Id., p. xvii-xviii et 51-52. 227 Id., p. xviii-xix et 59. 228 Id., p. xix et 84-86. 229 Id., p. xix-xx et 106-107. 230 Id., p. ix. 231 Id., p. ix, n. 1. Ce recueil est conservé à (I-MOe). 232 « Queste galanterie tiorbesche per fatica dolce e sollevamento di noia messe insieme da me l’estate prossima passata de le quali ne mando una copia a Vostra Signoria Illustrissima. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/12, lettre à Alphonse d’Este depuis Modène le 22 octobre 1621. Voir aussi R. Hudson, The Folia, the Sarabande, the Passacaglia, and the Chaconne. The historical evolution on four forms that originated in music for the fivecourse Spanish guitar, Neuhausen-Stuttgart, Hänssler, 1982, vol III, p. 15-17, qui a publié une passacaille de Castaldi datant de 1622. 222
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à la fin de l’année 1623233. Nous pouvons mentionner également deux documents, datant de la même année, où il est question d’un castrat ainsi que de plusieurs compositions de Monteverdi, envoyées par le prince, et que Castaldi a fait interpréter avec enthousiasme234. Le compositeur Alessandro Costantini (1581-1657), quant à lui, actif à Rome comme maître de chapelle du Collège romain de 1622 à 1627, est en rapport avec le cardinal Alessandro d’Este à qui il adresse deux lettres où il est question du retard de la publication de quelques unes de ses œuvres musicales chez l’éditeur Giulian Cassiano235 qui devait avoir lieu à l’été 1622236, ainsi que de quelques compositions transcrites en tablature et envoyées l’année suivante237. Est conservée également une lettre de Benedetto Ferrari (1597-1681), originaire de Reggio Emilia et librettiste du premier opéra public donné à Venise en 1637. Il a vécu à Parme entre 1619 et 1623 puis à Modène l’été 1623. La Biblioteca Estense conserve une lettre du prêtre Giovanni da Sestola, oncle de Ferrari, adressée à Alphonse d’Este, qui contenait des exemples de la musique de son neveu et qui sont perdus (la lettre est conservée mais la musique est perdue238). Après son arrivée à Modène en 1623 et avant 1637, le compositeur semble graviter autour du milieu romain, où il a été formé dans ses années de jeunesse239. La lettre de Ferrari qui est conservée date du 2 décembre 1625, année où le musicien est au service du cardinal Giovanni Battista Leni, évêque de Mileto et cousin de Scipione Borghese ; elle est adressée au prince Alphonse à qui il envoie quelques pièces vocales de différents compositeurs en style napolitain, style très apprécié à Rome240. Deux lettres du compositeur ferrarais Ippolito Fiorini (c. 1543-c. 1619241) sont adressées à Cesare d’Este depuis Ferrara le 21 décembre 1615 et le 17 septembre 1618242.
233 « Il desiderio [di] comparire davanti Vostra Segnoria Illustrissima […] con queste due legate in oro e due sciolte quattro copie di miei cosette musicali che stampate le dedico. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/12, lettre à Alphonse d’Este depuis Venise le 3 décembre 1623. 234 « Ho havuto le compositioni del Monteverdi da voi mandatemi ; et desiderando molto di sentirle le feci cantar hier sera. », id., boîte 1a/12, lettres à Alphonse d’Este le 2 mai et le 24 novembre 1623. 235 Il s’agit de l’éditeur modénais des Rime (1617) et des Poesie liriche (1627) de Fulvio Testi. Voir aussi les paiements qui lui sont adressés le 13 mars 1628 et le 13 août 1629. (I-MOs), Camera ducale, Cassa segreta nuova, filze 34 et 35. 236 « Sono hormai doi mesi che parlando con il libraro chiamato il Cassano li disse che volevo stampare alcune mie opere di musica e lei mi promese che alla fine di Agosto mi haverebbe servito. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/18, lettre au cardinal d’Este le 2 septembre 1622. 237 « Ho fatto questa poca di compositioni per il Signor Geronimo e per più facilità l’ho voluta far’ intavolare accio possa sonarla con più gusto e meno fatica. », id., boîte 1a/18, lettre au cardinal d’Este depuis Rome le 22 avril 1623. 238 G. Tiraboschi, Biblioteca modenese, op. cit., vol. II, p. 265, parle de cette lettre. 239 F. Malagodi, Dizionario dei musicisti di Modena, op. cit., p. 108. 240 « Ritrovandom’io nel servitio attuale di Gentilhomo del Signor Cardinal Leni alla corte di Roma […] ecco l’invio alcuni componimenti (miei non già) ma d’altri autori più esquisiti […] vedra l’Altezza vostra un modo di cantare alla Napolitana, stimato assai in Roma. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/20, lettre à Alphonse d’Este depuis Rome le 2 décembre 1625. Sur la question de la transmission du répertoire napolitain à Rome à travers la pratique musicale de la guitare, voir A. Dean, « ‘Ecco l’alma mia bella’. Alfabeto and oral practices in Seventeenth-Century Italian Song », Recercare, no 22, 2010, p. 81-109. Voir aussi D. Fabris « Le notti a Firenze i giorni a Napoli : gli esordi della chitarra spagnola nell’Italia del Seicento », Rime e suoni alla spagnola. Atti della giornata internazionale di studi sulla chitarra barocca, Firenze, Biblioteca Riccardiana, 7 febbraio 2002, éd. G. Veneziano, Florence, Alinea, 2002, p. 26. 241 D. Cerilli, « Fiorini (Fiorino), Ippolito », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 1997, vol. LXVIII, p. 203-204. 242 (I-MOs), Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, maestri di Cappella, boîte 1b, lettres à Cesare d’Este depuis Ferrare le 21 décembre 1615 et le 17 septembre 1618.
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Le fonds conserve également une lettre de Torquato Flavio adressée depuis Rome au cardinal Alessandro d’Este et datée du 10 juin 1623 à qui le musicien demande une recommandation afin de se présenter devant le cardinal de Savoie, récemment installé à Rome, et « qui se délecte avec de la musique », afin de faire partie des « musiciens qu’il prendra à son service243 ». À Rome, lui aussi, Frescobaldi envoie quelques unes des compositions de son Premier livre de Capricci pour clavier244 au prince Alphonse en faisant allusion au faste de Ferrare qu’incarne la personne de Luzzasco Luzzaschi. C’est ce qui transparaît dans une lettre datée du 4 juin 1624245. À cette date D’India se trouve également à Rome, au service de Maurice de Savoie. Ottavio Maria Grandi était organiste à Reggio Emilia – titulaire de l’orgue de la cathédrale et de l’église de Santa Maria della Ghiara entre 1626 et 1630 –, mais également à Imola. Adriano Banchieri a publié l’une de ses correspondances avec ce musicien dans ses Lettres harmoniques qui ont vu le jour à Bologne en 1628246. Grandi a écrit de la musique pour violon d’une grande difficulté technique ainsi que d’autres pièces dont la plupart sont perdues247. Tel est le cas de la musique à laquelle le musicien fait allusion dans une lettre adressée à Alphonse d’Este, où il regrette d’avoir manqué l’occasion de lui faire entendre quelques unes de ses sonates pour deux violons et de lui montrer la nouvelle manière de les interpréter248. Une seconde lettre a été écrite trois jours plus tard et confirme sa volonté de lui faire entendre les sonates en question249. Nous avons ici deux intéressants témoignages de l’importante mutation de l’interprétation musicale au cours des années 1620, aussi bien sur le plan vocal que sur le plan instrumental ; la musique s’imprègne de plus en plus d’un style rhétorique et d’une virtuosité expressive. Francesco Maria Guaiatoli (1563-1628), contrapuntiste originaire de Carpi250, était aussi compositeur et maître de chapelle de la cathédrale de Modène de 1593 à 1594. Les documents d’archive le décrivent comme un homme arrogant, prétentieux, colérique et facilement violent. Nous pouvons 243 « È venuto il Signor Cardinal di Savoia per dimorar quì qualche tempo, il quale si diletta di musica, e per quel ch’intendo, pigliara al suo servitio musici, […] onde la prego […] si mova volentieri a fare questa carità alla mia povera famiglia, facendomi gratia d’una lettera di calda et efficace raccomandatione per mio benefitio al sudetto prencipe et inviarla al Signor Cavallier [Giuseppe] Fontanella. », id., lettre au cardinal Alessandro d’Este depuis Rome le 10 juin 1623. 244 G. Frescobaldi, Il primo libro di capricci fatti sopra diversi soggetti, et arie in partitura, Rome, Soldi, 1624. 245 « Prendo ardire di presentare à Vostra Altezza compositioni di Musica […] perche […] ella è generoso figlio di quella Casa che è stata sempre il ricovero all’arti più belle, è spetialmente à questa per la quale si rese così caro servitore il Luzzasco, ch’io piglio animo, sotto questo titolo solo di esser stato suo discepolo. », (I-MOs), Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, maestri di Cappella, boîte 1a/23, lettre à Alphonse d’Este depuis Rome le 4 juin 1624. 246 A. Banchieri, Lettere armoniche, op. cit., p. 60. 247 F. Malagodi, Dizionario dei musicisti di Modena, op. cit., p. 150. 248 « A giorni passati venni costa a Modona per presentare a sua Altezza Serenissima i novelli frutti del mio ingegno, et in tempo apunto era assente […] ma essendo longo, et incerto il suo ritorno, ne potendo io più trattenermi per obligo che tengo dell’Organo della Cathedrale d’Imola, fui sforzato lasciar così fortunata occasione […] di fargli udire le sonate, et il modo con che vanno portate questi, come et di stille, e maniera nova hanno di bisogno di persone molto essercitate. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/29, lettre à Alphonse d’Este depuis Imola le 23 octobre 1623. 249 « Frà tanto risolvo subito dopo la festa d’ogni santo, venire a servirla in simile occasione, […] per farli sentire quelle sonate a due violini. », id., boîte 1a/29, lettre à Alphonse d’Este depuis Imola le 26 octobre 1623. 250 Guaiatoli est le nom d’une ancienne famille originaire de Carpi. G. Tiraboschi, Biblioteca modenese, op. cit., vol. III, p. 34, recense un Guido, un Antonio et un Niccolò « compilateurs des statuts de Carpi en 1350 » (« compilatori degli statuti di Carpi nel 1350 »). Quant aux Guaiatoli du xviie siècle, on trouve également quelques paiements du duc Alphonse d’Este à Bernardino et Antonio Guaiatoli le 26 mai 1629, voir (I-MOs), Camera ducale, Computisteria : mandati sciolti, filze 180/56, filza 231.
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identifier le style vénitien dans ses compositions sacrées et notamment l’influence des Gabrieli, tandis que ses canzonette montrent l’influence de Giacomo Gastoldi251, compositeur milanais. Les trois documents conservés datent de 1602 à 1612 dont une lettre adressée au prince Alphonse datée du 30 décembre 1612252. Le fonds conserve une note de paiement sans date intitulée « Note des travaux effectués par Guazzelli pour le service de messieurs les comédiens dans la comédie intitulée La Rome naissante. ». Giovanni Battista Guazzelli, musicien inconnu, fut en effet payé pour avoir composé la musique du prologue ainsi que deux ariettes avec plusieurs copies, mis des cordes à l’épinette, réalisé l’adaptation de plusieurs parties des intermèdes pour les chanteurs et fait répéter tous les interprètes pendant trois mois253. Pietro Paolo Melli (1579- ?), compositeur et luthiste né à Reggio Emilia, très influencé par Monteverdi254, fut luthiste à la cour d’Autriche de 1612 à 1619. Une lettre datée du 20 avril 1617, conservée dans ce fonds, a été adressée à Alphonse d’Este depuis Prague255. Elle témoigne des échanges internationaux de la cour de Modène et de l’importance des incursions des musiciens italiens dans cette partie de l’Europe. Melli, au service de l’archiduc Ferdinand II, envoie au prince de Modène, une courante pour luth intitulée « L’Alfonsina », incluse dans son Quatrième livre de pièces pour luth, publié à Venise en 1616256. N’oublions pas que l’archiduc était également le dédicataire du Deuxième livre de motets (1610) de Sigismondo D’India et que Melli se trouvait à Modène en 1623257 au moment de l’arrivée du compositeur. Deux lettres adressées à Claudio Monteverdi par Alphonse d’Este le 24 mars 1623 et le 4 juillet 1624, et une autre par Alberto Colombo (ou Colombi) le 7 avril 1623 sont également conservées258. Ce dernier, résidant comme Monteverdi à Venise, a dressé un catalogue de livres de musique acquis dans cette ville par le prince Alphonse en 1622259. Grâce à son inventaire, nous pouvons mieux connaître les tendances et les goûts musicaux de la cour de Modène et notamment ceux d’Alphonse d’Este qui est le commanditaire des achats vénitiens, mais également la mobilité des collections de musique provenant de Venise. 251 F. Malagodi, Dizionario dei musicisti di Modena, op. cit., p. 152-153. Sur les canzonette de Gastoldi, voir I. Grisanti, « Le canzonette a tre voci di Giacomo Gastoldi », Villanella, Napolitana, Canzonetta. Relazioni tra Gasparo Fiorino, compositori calabresi e scuole italiane del Cinquecento. Atti del Convegno Internazionale di Studi, Arcavacata di RendeRossano Calabro, 9-11 dicembre 1994, Vibo Valentia, Istituto di Bibliografia Musicale Calabrese, 1999, p. 273-304. 252 (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1A/32, lettres adressées à Alphonse d’Este depuis Carpi entre 1606 et 1612. 253 « Nota delle fatiche del Guazzelli per servitio delli signori Comici nella Commedia Roma Nascente ; e prima per aver composto la musica alle parole del prologo e di quella fattone tre copie […] per avere composto le dui ariette servite nella detta Commedia e di quelle fattone più copie […] per avere trasportato molte parti […] nelli due intermedi per renderli adeguati alla voce di chi li cantò […] per avere insegniato tutte le sudette musiche alle otto parti che servirono alla detta musica […] per lo spatio di 3 mesi […] per avere impennato e messo corde allo spinetto grande. », id., boîte 1A/33. 254 F. Malagodi, Dizionario dei musicisti di Modena, op. cit., p. 185. 255 (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1A/49, lettre à Alphonse d’Este depuis Prague le 20 avril 1617. 256 P. P. Melli, Intavolatura di Liuto attiorbato : Libro Quarto, Venise, Vincenti, 1616. 257 S. Rodolfi, « Melli (Megli, Melij, Melio, de Mellis), Pietro Paolo », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 2009, vol. LXXIII, p. 326. 258 (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1A/56. 259 Voir la lettre datée du 17 décembre 1622 depuis Venise que Colombi envoie au prince Alphonse : « Mando à Vostra Altezza Serenissima li libri di Musica che Vostra Altezza mi hà comandato. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 4/1.
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Parmi les œuvres qui figurent dans le catalogue de Colombi, mentionnons plusieurs livres de madrigaux de Monteverdi (du Deuxième au Septième livres) ainsi que L’Orfeo et le recueil des Scherzi à trois voix. Mais également quelques livres de madrigaux de Pomponio Nenna (les Quatrième, Sixième et Septième livres) dont l’un des recueils (le Huitième livre) a été imprimé à Rome, une comédie d’Orazio Vecchi, les Sixième livres de madrigaux de Pallavicino et de Marco Da Gagliano et le Troisième livre de Giovannelli. Le catalogue mentionne également quelques recueils d’airs de Giulio Caccini, de Francesco Rasi et de Sigismondo D’India. Concernant ce dernier, il s’agit du Deuxième livre des Musiche à deux voix et du Troisième livre à une et deux voix – ce dernier imprimé à Milan en 1618 et dédié au prince Alphonse –, mais également de son Premier livre de madrigaux polyphoniques de 1606260, publié également à Milan. Cet inventaire montre que les éditions musicales des presses romaines et milanaises circulaient également à Venise. Enfin, un inventaire de la bibliothèque ducale réalisé par le compositeur Matteo Bidelli en 1626 fait également mention du recueil milanais des Musiche de 1618 de D’India261. Revenons aux documents du fonds des musiciens des Archives de Modène. Trois lettres du compositeur et luthiste Alessandro Piccinini (1566-c. 1638), originaire de Bo262 logne , sont également conservées. Dans la première il est question d’un certain « Alfonso dal Violino » de Bologne qui s’est rendu à Modène avec d’autres musiciens pour la fête de Saint-Pierre de 1622263. Dans la deuxième, Piccinini envoie à Alessandro d’Este un ricercare et une gaillarde nouvellement ornée qui doivent être interprétées par un jeune luthiste virtuose protégé par le cardinal (il s’agit sans doute de Girolamo Valeriani264). Piccinini se réjouit également du succès qu’« Alfonso dal Violino » a rencontré à Rome265. Enfin, dans la troisième lettre, datée de 1623, le compositeur fait part d’une courante composée à Reggio dont il envoie une version améliorée. Il est également question de la publication de son Premier livre de tablatures pour luth266, retardée de quelques mois à cause de la mort de l’éditeur, et de quelques retards de paiements267. Ces lettres témoignent des rapports et des échanges entre les musiciens de ces quatre villes : Rome, Bologne, Reggio et Modène.
Index librorum Artis Musicae Ser. Mi Ducis Mutinae, MS Sec XVII, (I-MOs), Cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 4/1. 261 Nota dei libri di musica, che si sono trovati nell’Armario grande posto nella camera ove stanno gli Instromenti Musicali di S. A. S. che havea in custodia il già D. Nicolò in Canonica, e consegnati di commissione dell’A. S. a D. Matteo Bidelli il dì 24 Ottobre 1626, ibid. 262 D. Fabris, « Piccinini, Alessandro », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 2015, vol. LXXXIII, p. 167-170. 263 « Viene a Modena per l’ocasione di San Pietro Alfonso dal Violino con altri musici invitati da queli frati. », id., boîte 1a/64, lettre à Alessandro d’Este depuis Bologne le 21 juin 1622. 264 « Per poter conoscere più facilemente in che termine si trova quel giovanetto nel sonare di liuto, incluse sono due opere, cioè un ricercare musicale et una galiarda la quale […] è ornata meglio. », id., boïte 2, lettre à Alessandro d’Este depuis Bologne le 9 juillet 1622. 265 « Da me Alfonso dal Violino o inteso del audienza che a avuto con tanto aplauso da quale Altezze Serenisisime et da Vostra Signoria Illustrissima. », id. 266 A. Piccinini, Intavolatura di liuto et di chitarrone, libro primo, Bologne, Moscatelli, 1623. 267 « Avendo agiunto qualche cosa ala Corente chio feci in Reggio la mando a Vostra Signoria Illustrissima acio veda se è migliorata […] gia sono cinque mesi chio sborsai bona somma di dinari a un stampatore acio mi stampasse presto il mio libro d’intavolature di liuto […] e nel cominciar a stampare il detto stampatore e morto li eredi mi ano sempre dato bone parole di stampare ma in quattro mesi e piu anno fatto il lavoro di una settimana e questo perche […] il denaro […] manco in un anno ser spedito. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/64, lettre à Alessandro d’Este depuis Bologne en janvier 1623. 260
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Chapitre 7 : La cour de Modène
Ercole Porta de Bologne (1585-1630) était, lui, organiste à Rubiera et compositeur268. Dans une lettre non datée il fait part à Alphonse d’Este de l’insuffisant salaire qu’il a reçu de la part de Battista Regnano pour les leçons de musique données à deux de ses enfants pendant deux ans et cinq mois. Il demande au prince Alphonse d’intervenir269. Deux lettres non datées du chapelain modénais et cornetiste Nicolò Rubini sont également conservées ; elles font référence à des paiements270. Une autre lettre mentionne une missive du prince Alphonse de 1623 rappelant à Rubini de ne pas oublier ses obligations musicales sous les ordres du musicien Giulio Scali (ou Scala271). Ce dernier était trésorier du collège sacré de la cathédrale de Modène, chanoine, gentilhomme de la Chambre d’Alphonse d’Este, aumônier, chapelain et surintendant de la musique à la Chambre et à la Chapelle ducale272. Il devint très actif à la cathédrale de Modène à partir de 1618. Nous reviendrons sur ce musicien quand nous parlerons des circonstances de la mort de D’India. Le dépouillement de ces archives montre à quel point la cour de Modène est un véritable carrefour entre Mantoue, Ferrare, Reggio, Rubiera, Carpi, Bologne, Venise et Rome, et même entre l’Autriche et l’Allemagne. Tous ces documents, pour la plupart inédits, renforcent l’idée d’un accueil favorable de la seconde pratique et de toutes les nouveautés musicales par les musiciens de la cour ainsi que l’effervescence musicale des années 1620-1626, période où D’India se trouve à Modène. Le prince Alphonse est en effet l’arbitre de ces échanges, même s’il ne faut pas minimiser le rôle d’Isabelle d’Este-Savoie et de son oncle le cardinal Alessandro d’Este, personnage essentiel pour comprendre l’importance de Rome dans la vie artistique de la cour d’Este dans ces années-là273. Le mécénat musical modénais est un système qui conjugue l’innovation des compositeurs à Modène, les styles venus d’ailleurs (France, Autriche, Naples…) et la transmission des différents répertoires (ballet, musique instrumentale, monodie accompagnée…).
268 F. Lora, « Porta, Ercole », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 2016, vol. LXXXV, p. 95-96. 269 « Ercole Porta già Organista di Rubiera […] le narra come stando per partire da Rubiera si ritrovava havere ricevuto da Battista Regnano doi Salari et una Castellata d’una, e se bene non erano sufficenti per compimento del salario tassato […] per haver insegnato duoi anni e cinque mesi à duoi figliuoli del predetto Regnano. », id., boîte 1A/66, lettre à Alphonse d’Este sans date. 270 Id., boîte 1A/72, 2 lettres de Rubini à Alphonse d’Este sans date. 271 « Non vorrei però che li spassi vi facessero scordare che dovete essere qui […] insieme con tutti gli altri musici. Ho gradito l’ufficio che nella vostra lettura ha fatto meco il Canonico Scala. », ibid., lettre d’Alphonse d’Este à Rubini depuis Modène le 3 septembre 1623. 272 « Thesoriere del Sacro Collegio della Cathedrale di Modana ; Gentilhuomo di Camera del Serenissimo Signor Duca Alfonso ; Ellimosinario suo maggiore ; Cappellano maggiore ; e Sopra intendente alla sua Musica tanto di camera quanto di cappella. », L. Casali, Generale Invito alle Grandezze, op. cit., p. 158-159. Pour plus d’informations sur la carrière ecclésiastique de Giulio Scali, voir Archivio della Curia Arcivescovile di Modena (I-MOd), Schedoni di Mons. Giacomo Casolari. 273 Voir S. Calonaci, « Con gli occhi di Argo. La politica del cardinale Alessandro d’Este dopo la devoluzione (15991624) », La corte estense nel primo Seicento, op. cit., p. 149-196.
231
Nombre et dates des docs.
1 lettre (1618)
1 lettre non datée
5 lettres (1620-1629)
6 lettres (1621-1623)
2 lettres (1622-1623)
3 docs. 8 lettres (1626-1629)
1 lettre (1625)
2 lettres (1615 et 1618)
1 lettre (1623)
Compositeurs
Giovanni Francesco Anerio
Paolo Bravusi
Lodovico Casali
Bellerofonte Castaldi
Alessandro Costantini
Sigismondo D’India
232
Benedetto Ferrari
Ippolito Fiorini
Torquato Flavio
Rome
Ferrare Modène
Reggio Modène Rome
Modène Rome Guastalla Reggio Naples Bologne
Rome Modène
Venise Modène
Modène Mantoue Rubiera
Modène
Rome Modène Turin
Villes concernées
Tableau 2 : Fonds Musica e musicisti des Archives d’État de Modène
Lazzaro del Violino Ténor de Guastalla Soprano de Naples Giulio Scali
L’Isola d’Alcina
Pièces en style napolitain
G. B. Nanino
Monteverdi un castrat
D’India Fogliano Monteverdi Vecchi
Capilupi Vecchi
F. Anerio Palestrina Stefanini
Musiciens liés
Pièces profanes Tablature
Pièces pour théorbe Primo mazzetto di fiori
Duo de violes
Hymne Audi benigne conditor
Musiques citées
Alessandro d’Este Maurice de Savoie
Cesare d’Este
Cardinal Leni Alphonse d’Este
Alphonse d’Este Maurice de Savoie Fulvio Testi
Alessandro d’Este
Alphonse d’Este
Alphonse d’Este
Isabelle d’Este
Isabelle d’Este
Personnages nobles cités
Première partie
1 lettre non datée
5 lettres (1620-1623)
3 lettres (1621, 1627 et1629)
Nicolo Rubini
Giulio Scali
1 lettre (1617)
Pietro Paolo Melli
Ercole Porta di Bologna
1 doc. sans date
Giovanni Battista Guazzelli
3 lettres (1622-1623)
3 lettres (1602-1612)
F. M. Guaiatoli
Alessandro Piccinini
2 lettres (1623)
O. M. Grandi
3 lettres (1623-1624)
1 lettre (1624)
Girolamo Frescobaldi
Claudio Monteverdi
Nombre et dates des docs.
Compositeurs
233 Modène
Modène
Rubiera Modène
Rome Bologne Modène Reggio
Modène Venise Pistoia Brescia
Reggio Prague Modène
Modène
Carpi Modène
Reggio Imola Modène
Rome Modène
Villes concernées
Musique pour des funérailles
Gaillarde Courante Ricercare 1er livre pour luth
Canzonette a tre madrigaux
4e livre pour luth
Prologue 2 ariettes Intermèdes de La Rome naissante
Scali
Alessandro d’Este
Alfonso dal violino Girolamo Valeriani
Alphonse d’Este Cesare d’Este
Alphonse d’Este Alessandro Rangoni
Alphonse d’Este
Alphonse d’Este
Alphonse d’Este Ferdinand II
Alphonse d’Este
Alphonse d’Este
Alphonse d’Este
Personnages nobles cités
Castrat de Pistoia
Monteverdi
Luzzaschi
Primo libro di Capricci Sonates pour 2 violons
Musiciens liés
Musiques citées
Chapitre 7 : La cour de Modène
Première partie
La mort de Sigismondo D’India, nouvelles recherches à Modène sur sa disparition
C’est en 1628 ou au début de la suivante que l’on situe d’ordinaire la mort de Sigismondo D’India. Nos recherches nous ont conduit à la découverte de plusieurs documents inédits de nature non à résoudre l’énigme de sa disparition mais à ouvrir de nouvelles perspectives. Reste à continuer les recherches pour un jour trouver, peut-être, le lieu et la date exacts de la mort de D’India. Où est mort Sigismondo D’India ?
Le duc Cesare d’Este meurt le 7 décembre 1628. Alphonse d’Este, son fils, qui se trouvait à Sassuolo doit rentrer à Modène pour les obsèques274. Depuis la mort d’Isabelle d’Este-Savoie, qui l’a profondément affecté, le prince Alphonse fréquente les églises de San Vincenzo et de San Giovanni del Cantone à Modène où il pratique la flagellation devant les princes, les chevaliers et toute la noblesse de la cour et cherche à introduire cet « exercice de discipline » dans les villes de Reggio, Sassuolo et d’autres275. Plusieurs hommages sont rendus au duc Cesare dans les mois qui suivent sa mort, comme le 27 janvier 1629 où « les prêtres de San Domenico ont fait un hommage funèbre à l’heureuse mémoire du Seigneur Duc Cesare avec une belle oraison funèbre en langue vulgaire276 ». Dans une lettre du 28 avril 1629, adressée au prince Alphonse, Giulio Scali mentionne la répétition d’une musique destinée à une cérémonie funèbre devant avoir lieu dans la plus grande confidentialité277. Le chanoine ne révèle pas l’identité du défunt ni le nom de l’église mais nous pouvons penser qu’il s’agit de Cesare d’Este. Le 7 mai, le même Scali participe avec le prêtre et musicien Lodovico Casali à la cérémonie funèbre du défunt duc à la cathédrale de Modène, ainsi que le confirme un billet anonyme adressé au prince Alphonse278. Un mandat de paiement adressé par Paolo Bosio279, daté du 25 mai 1629, fait état des frais liés à l’intense activité musicale de D’India au service d’Alphonse d’Este entre le 15 décembre 1627 et le premier semestre de l’année suivante mais également du 17 décembre 1628 au 7 mai 1629 : Dépense faite par le soussigné, par ordre du Sieur Giulio Scali en vigueur du 15 décembre 1627 au 2 août 1628, concernant les musiques jouées par Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India à San Vincenzo, le soir à l’Oratoire et à la Discipline et concernant d’autres fêtes dans ladite église, puis à San Bartolomeo, à San Sebastiano, à
274 G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este, op. cit, p. 116 et 121. 275 Id., p. 98 et 100. Li padri di San Domenico hanno fatto funerale al signor duca Cesare di felice memoria con una bella orazione fune276 « rale volgare. », G. B. Spaccini, Cronaca di Modena, anni 1621-1629, éd. moderne R. Bussi et C. Giovannini, Modène, Panini, 2006, p. 607. Le Modénais Giovan Battista Spaccini est l’un des critiques et témoins les plus importants des premières années du duché de Cesare d’Este, même si sa chronique englobe une période plus large. 277 « Questa sera doveasi provare la Musica del funerale secondo il solito e perche il Serenissimo Prencipe mio Signore m’hà comandato ch’io non lasci entrare alcuno in Chiesa, à questo effetto ho ordinato ad un mio servitore che stia nella Porta. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1b, lettre du 29 avril 1629. Lodovico Casali Sacerdote e sudito di Vostra Altezza per esser nell’uffitio di bancalista nella Cathedrale di Modana, 278 « a pregiera di tutto il clero nostro le significa come essendosi fatto il funerale di San Pietro, com’appare sotto il di 7 maggio 1629 per la felice memoria del Serenissimo Duca Cesare, furono assistenti tutti li Reverendi si alla residenza, come di varii ufficii, cioè di servitù impiegati in diverse cose con promesa dal signor Giulio Scala, a nome del Serenissimo signor Duca Alfonso padre di Vostra Altezza. », id., boîte 1a/11, 1629, anonyme. 279 Paolo Bosio a également participé à la messe du 7 mai en la mémoire du duc Cesare d’Este sous les ordres de Giulio Scali : « A di 6 detto Al canonico Scala elemosinaro maggiore di Sua Altezza Serenissima lire 500 mandate per Paolo Bosio per le Sante Messe che si devono celebrar domattina per l’anima della Felice Memoria del Serenissimo Signor Duca Cesare. », (I-MOs), Camera ducale, Amministrazione dei principi, registro dei mandati, boîte 210, fo 68.
234
Chapitre 7 : La cour de Modène
la cathédrale et en d’autres lieux pour le service de Son Altesse ; dépenses concernant également le déplacement des instruments, mais encore d’autres frais pour ledit service, pour un total de 38,17 lires, auxquelles s’ajoutent les dépenses couvrant la période du 17 décembre 1628 au 7 mai 1629 pendant laquelle on a fait porter différents instruments à San Bartolomeo pour le vendredi du Carême [en mars 1629], pour les trois derniers jours du Carnaval [du 4 au 6 mars 1629] pour l’oraison dans cette même église, mais aussi pour le mercredi du Carême [probablement le mercredi des cendres, c’est-à-dire le 7 mars 1629] à San Vincenzo ; période pendant laquelle on a également fait plusieurs fois déplacer les violes de Son Altesse de l’atelier du luthier à l’église San Pietro et pendant laquelle chaque soir, après la répétition de la musique des obsèques, on a fait déplacer tous ces instruments280 (nous soulignons).
Les obséques d’Isabelle d’Este-Savoie furent célébrées à nouveau le mardi 24 novembre 1626 à San Vincenzo281. Quant à San Sebastiano, l’église n’existe plus aujourd’hui282. La princesse Isabelle a beaucoup œuvré pour cette dernière à travers la Compagnie du Suffrage des Morts (Compagnia del Suffragio de’ Morti) en faisant célébrer des messes pour eux, en embellissant la paroisse et en l’ornant de nombreuses reliques283. Nous pouvons constater une activité importante en musique sacrée à Modène, même si nous ne savons pas quelles étaient les musiques que D’India a composées pour les fêtes à San Vincenzo et dans les autres églises « pour le service » d’Alphonse puisqu’aucune d’entre elles n’a été conservée. En effet, D’India a publié un livre de motets en avril 1627. Nous pouvons penser qu’il aurait pu utiliser quelques unes de ces pièces à Modène, notamment le motet pour Noël284 et celui pour la Résurrection285 qui correspondent à la période indiquée par le document. En revanche, on s’interroge sur la nature des musiques pour lequelles « on a fait porter » des instruments car les motets en question sont écrits à quatre voix sans accompagnement. Quant aux paiements à cheval sur les années 1628 et 1629, il font surtout référence à la période qui précède Pâques (celle qui va du 6 mars au 15 avril 1629) et pendant laquelle D’India est mort. La référence aux répétitions musicales destinées à des obsèques286 nous fait 280 « Spesa fatta da me sottoscritto d’ordine del signor Giulio Scali dalli 15 Decembre 1627 per tutto li 2 Agosto 1628 intorno le musiche fatte dal signor Cavaliere Sigismondo d’India in San Vincenzo la sera all’Oratorio, et alla Disciplina, ed altre feste in detta Chiesa, in San Bartolomeo, in San Sebastiano in Duomo, et altri luoghi per servitio di Sua Altezza in far portare Instromenti, farne accommodar altri, et altre spese necessarie per detto servigio, che in tutto sono lire 38.17 con più dalli 16 dicembre 1628 per tutto li 7 maggio 1629 in far portare diversi Instromenti, a San Bartolomeo per il Venerdi di Quaresima gli tre ultimi giorni di Carnevale per l’oratione in detta Chiesa, li mercordi pur di Quaresima in San Vincenzo, et in altre occasioni in diversi luoghi in far portare più volte la muda delle Viole di Sua Altezza dalla Bottega del liutaio à San Pietro, et ogni sera doppo provata la musica del funerale. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, fo 256. 281 « Martedi mattina si celebrerà in S. Vincenzo il vigesimo della Serenissima Infanta, e si darà principio la messa cantata a hore 15 e mezza […] e vi sarà la musica. Sarà la chiesa tutta parata di nero e […] vi saranno affisse Imprese, et emblemi […]. Inanzi la porta della chiesa saranno due panni neri, e sopra la porta un elogio in lode di Sua Altezza scritto in lettere maiuscule. Nel mezzo della chiesa vi sara un catafalco piramidale […] e sara coperto di nero, e nelli 4° cantoni vi si mostrerà le quattro virtù cardinali ciò prudenza, Temperanza, Giustizia, e fortezza […] Finita la messa cantata li Padri anderanno in processione al catafalco con le lumi in mano e canteranno li responsorij […] e diranno l’altre orationi conforme al ceremoniale Romano. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Casa e Stato, boîte 64, fasc. 3. Voir aussi « Imprese con li Motti nel funerale della Serenissima Infante Isabella di Savoia Prencipessa di Modena A di 6 novembre 1626 », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Fondo Pio, boîte 93, fo 255ro-256ro et G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este, op. cit, p. 61, 67-75. Da Sestola ne dit rien sur les musiques. 282 F. Baldelli, Gli archivi parocchiali della provincia di Modena, Modène, Mucchi, 1993, p. 40. 283 G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este, op. cit, p. 31-32. 284 Hodie Christus natus est (In nativitatis Domini). 285 Angelus Domini. 286 Le seul motet (en 2 parties) du livre de 1627 sur le thème de la mort est Circundederunt me gemitus mortis – O Domine libera.
235
Première partie
penser qu’il s’agit de l’hommage funèbre de Cesare d’Este du 7 mai auquel ont participé les musiciens Casali et Scali. Le seul document que nous connaissions concernant la mort du musicien est un mandat de paiement daté du 19 avril 1629 au bénéfice de l’apothicaire Giovanni Battista Sarzani287 par lequel les « héritiers » du compositeur sont invités à payer un remède : Aux héritiers de Monsieur le Chevalier D’India. On doit payer 16,12 lires à Giovanni Battista Sarzani pour [le remède fait de] petit-lait clarifié grâce à des ingrédients [rature] et distillé avec du suc d’oseille fraîchement préparé chaque matin avec du sucre fin et clair288 (nous soulignons).
Cette « prescription », signée par Giulio Scali en tant que trésorier ducal, est adressée aux « héritiers » de D’India. Mais, qui sont-ils ? Le remède fut payé par le duc Alphonse le lendemain 20 avril289, ce qui semble écarter l’hypothèse que D’India ait eu une descendance – dont d’ailleurs nous n’avons jamais trouvé nulle allusion dans quelque document que ce soit. Notons au passage qu’Alphonse d’Este était un homme généreux envers ses serviteurs les plus chers, qu’il s’agisse du père de Fulvio Testi dont le prince a effacé une dette de 20 000 ducats après sa mort en février 1628290, ou bien de plusieurs personnes de la cour dont il a payé la sépulture291. Notons également que D’India est un musicien que le prince apprécie particulièrement292. Le mandat de paiement évoquant « ses héritiers », laisse entendre qu’à la date du 19 avril 1629, le compositeur était mort et le fait que ce document concerne le paiement d’un remède suggère que D’India est mort de maladie. Peut-il nous en apprendre plus ? Voyons les composants de la prescription. Le « petit-lait » est la partie liquide issue de la coagulation du lait, composée d’environ quatre-vingt quinze pour cent d’eau, de sucre (le lactose), de protéines et de très peu de matières grasses. On l’utilise à cette époque tel quel ou, plus souvent, « clarifié » par l’adjonction de blanc d’œuf et passage au papier filtre, comme véhicule de certains ingrédients pharmaceutiques (ici du soufre doré) et pour « rafraîchir le sang et les entrailles ». C’est un remède Pour d’autres paiements adressés à Sarzani durant l’année 1629, voir (I-MOs), Camera ducale, Computisteria : mandati sciolti, filze 180/56, filza 379 (18 décembre 1629). 288 « Gli Heredi del Signor Cavaliero d’India deve dare per sero Chiarificato con ingredienti [rature] et destilato con suco di Acetosa fatto ogni matina di fresco con zucchero finno e Chiarito. », (I-MOs), Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, document du 19 avril 1629. 289 « A Giovanni Battista Sarzani, spetiale di Sua Altezza Serenissima […] per suo chiarificato con ingredienti, quale n’è destilado con suco d’acetosa, fatto ogni matina di fresco con zuchero fino, al Cavaliere d’India. », (I-MOs), Camera ducale, Amministrazione dei principi, registro dei mandati, boîte 210, fo 60. En effet, au verso d’une lettre du 6 janvier 1627, nous pouvons lire dans une note non datée et non signée, mais que nous pouvons situer peu de temps après la mort du compositeur : « Serenissimo Signor Duca, Li Creditori del già Signor Cavagliere Sigismondo d’India supplicano l’Altezza Vostra Serenissima degnarsi haver loro per raccomandati di quà dalla sanctissima Pasqua, sapendo che la santa mente di Vostra Altezza Serenissima, è per se stessa disposta di far pagare quanto era debitore il predetto Signor Cavagliere che di tanta gratia fu. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi e documenti di particolari, India, boîte 698. 290 « Nel febbraio del 1628 morì il padre di Fulvio ; e il duca scrisse al figliuolo un biglietto di condoglianza, e gli condonò la grossa somma che il defunto doveva alla camera ducale, cioè ventimila ducati. », G. di Castro, Fulvio Testi, op. cit., p. 4849. Voir aussi G. Tiraboschi, Vita del conte Fulvio Testi, op. cit., p. 61. 291 « Per dare sepultura al cadavero. », (I-MOs), Camera ducale, Computisteria : mandati sciolti, filze 180/56, janvier-août 1629. 292 « Rimango però così soddisfatto delle sue virtu [de D’India] et buone maniere che no si potrà dire di vantaggio et lo stimo et amo come soggetto nella sua professione molto straordinario et che meritamente e caro a Sua Altezza. », (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Roma, liasse 35, fo 112ro, lettre d’Alphonse d’Este à Ludovico d’Agliè le 29 mars 1624, publiée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 78. 287
236
Chapitre 7 : La cour de Modène
couramment prescrit en cas de fièvre. Bien qu’il soit naturellement d’une saveur un peu douceâtre, il est habituel de l’édulcorer avec du sucre de canne293 lorsqu’on lui ajoute des « ingrédients ». On peut ainsi lire dans le journal du médecin Guy Patin (1601-1672) en date du 22 juillet 1630 : On donnera par la bouche du petit lait clarifié, dulcoré qui contiendra la mesure ordinaire de soufre doré béchique [qui soigne la toux], fébrifuge et céphalique294 (nous soulignons).
Certains médecins voulant régler au mieux les doses de leur médecine « selon l’âge et les forces du malade » ont l’idée, comme ici, de faire distiller le petit lait déjà clarifié. L’eau obtenue, qui conserve une forte odeur de lait, mais se trouve allégée de l’essentiel de ses composants se rapproche des « eaux distillées295 » diverses, très en vogue aux xviie et xviiie siècles. Qu’une telle prescription ait été, selon toute vraisemblance, l’une des dernières sinon l’ultime, faite à D’India, laisse entendre qu’il était alors dans un état délicat et grave. Il est à remarquer qu’elle contient du « suc d’ozeille ». L’oseille, Rumex acetosa, est selon Pierre Jean-Baptiste Chomel296 « la plus usuelle de toutes les Plantes potageres, & un des plus utiles alimens pour ceux qui sont d’un tempérament bilieux » et il nous dit que ses feuilles sont « capables de modérer la fermentation du sang » et que « leur acidité tempère la bile, & calme l’ardeur de la fièvre continue ». L’oseille sert aussi à « préparer les humeurs peccantes297 » afin de les disposer « à estre purgées », « avec les eaux qui y sont convenables et regardent les parties principales, & principalement le foye chaud298 ». Rappelons que, suivant les conceptions médicales de l’époque, héritées des Anciens, Hippocrate et Galien en particulier, quatre humeurs fondamentales composent le corps et déterminent le caractère de l’individu : le sang, le phlegme ou pituite, la bile jaune et la bile noire de l’équilibre desquelles dépendrait la santé du corps et de l’âme. Le médecin suisse Johann Jacob Wecker présente ainsi dans son grand Antidotaire un tableau synoptique des sirops d’usage courant, utilisés pour équilibrer ces humeurs. Parmi ceux spécifiques de la bile jaune (aussi appelée « cholère rousse ») figure le « suc d’ozeille299 ». L’herboriste anglais Nicholas Culpeper (1616-1654) avait constaté, quant à lui, que l’oseille « calm[ait] toutes les inflammations et tous les échauffements du sang au cours des accès de fièvre dus à la peste300 ». Tout ceci nous dit qu’en plus de le traiter pour de la fièvre, les « médecins » de D’India considèrent qu’il a un tempérament bilieux, un tempérament chaud et sec, régi par le feu. Par ailleurs, si nous ne connaissons pour l’heure ni le lieu ni la date exacts de la mort du compositeur, nos recherches ouvrent de nouvelles perspectives sur sa fin. 293
Le sucre « fin et clair » de l’ordonnance est sans doute du sucre raffiné, par opposition au « sucre brut, tel qu’il vient des Isles, avant que d’être rafiné. » (C. A. Helvétius). 294 http://jeanjosephjulaud.fr/2014/02/registre-de-patin-medecin/. 295 http://documents.univ-toulouse.fr/150NDG/PPN14878786X.pdf. 296 P. J.-B. Chomel (1671-1740), Régent de la Faculté de Médecine de Paris et Médecin ordinaire du Roi, dans le tome premier de son Abrégé De L’Histoire Des Plantes Usuelles ; Dans lequel on donne leurs noms differens… Paris, 1712, consacre les p. 268-270 à « l’Ozeille ». 297 Il s’agit en médecine ancienne d’une « humeur » ou exhalaison viciée (une humeur qui « pèche »), défectueuse ou trop abondante dans l’organisme et censée provoquer les maladies. Si cette humeur ne peut s’évacuer par les voies naturelles (par sudoration, vomissement, expectoration, saignement de nez, etc.), on a recours à des remèdes qui vont provoquer son évacuation. 298 J. Du Chesne, Conseils de médecine dediez aux plus célèbres médecins de l’Europe, Paris, Morel, 1626, p. 87. 299 J. J. Wecker, Antidotaire tant general, que spécial, ou particulier des Remedes servans à la santé du corps humain, Genève, Gamonet, 1610, p. 383-384. 300 N. Culpeper, Herbal o Complet Herbal. The English Physician : or an astrological Discourse of the Vulgar Herbs of this Nation, 1653.
237
Première partie
Quelques perspectives de recherche
C’est dans le registre comptable d’Alphonse d’Este que l’on peut trouver des documents inédits sur la question qui nous intéresse ici. On y apprend que D’India serait bien mort de maladie : Le même jour [le 20 avril], à l’Illustre Decio Cassiani [apothicaire et vétérinaire équin de la cour301] […] pour la liste des choses [des remèdes ?] fournies au défunt Chevalier D’India pendant sa maladie302. Le même 23 [avril], à Giovanni Battista Borelo, en tant qu’Héritier des Gianelli, apothicaires, […] pour la liste des choses [des remèdes ?] qu’il a fournies pour le service du défunt Chevalier D’India durant sa maladie303. Le même 2 [mai], à Giacinto Paganino, […] pour la viande de veau achetée pour le Chevalier D’India pendant qu’il était malade304 (nous soulignons).
Cette viande de veau était très certainement destinée à préparer un bouillon « succulent » ou une « eau de veau » rafraîchissante305. En effet, ainsi que le souligne un traité de médecine du xviiie siècle (la pratique médicale du xviiie siècle change peu par rapport à celle du siècle précédent306) : Il était bien rare dans l’état de maladie qu’on ordonne l’usage du veau en substance, puisque dans cet état on interdit le plus souvent toute espèce d’aliment solide : c’est plutôt le suc ou bouillon de veau plus ou moins nourrissant qu’on prescrit alors aux malades […] quand il faut tempérer la chaleur du sang et l’âcreté de la bile, on prescrit avec succès l’eau de veau307.
Le veau était en effet considéré comme doux et rafraîchissant, donc propre à tempérer les ardeurs d’un sang bouillonnant de fièvre. Ambroise Paré (1510-1592) ordonne ainsi à un malade de « bons aliments », parmi lesquels il inclut le bouillon de veau : Les bons aliments succulents recommandés par notre barbier-chirurgien sont deux œufs cuits lentement, du pain de paysan trempé dans du bouillon de veau et de la viande légèrement rôtie. Comme dessert, des raisins de Damas confits dans le vin et le sucre308 (nous soulignons).
La prescription de bouillon ou, plus probablement, d’eau de veau et de petit-lait distillé avec, notamment, du suc d’oseille, laisse donc à penser que D’India devait être « consumé » par une forte fièvre. Or on apprend, grâce aux documents d’archive, que, dans ses dernières années, le musicien Pour d’autres paiements de la spenderia d’Alphonse d’Este et adressés à Cassiani pendant l’année 1629, voir id., filza 110 (15 septembre), 430 (1er décembre), 431 (2 décembre) et 432 (12 décembre). 302 « A di detto al Magnifico Decio Cassiani […] per sua lista di robbe datte al Cavaliere d’India buona memoria, nel suo male. », (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Camera ducale, Amministrazione dei principi, registro dei mandati, boîte 210, fo 60. 303 « Al di 23 detto à Giovanni Battista Borelo, come Herede delli Gianelli spetiali […] per sua lista di robbe datte per servitio del Cavaliere d’India buona Memoria nella sua malatia. », id., fo 62. 304 « A di 2 detto a Giacinto Paganino […] per carne di Vitella comprata per il Cavaliero d’India, mentr’era Amalato. », id., fo 66. 305 Qui pouvait être administrée par la bouche ou sous forme de lavement. 306 Sur cet argument, voir l’exposition À corps et âme. La médecine à la Renaissance qui a eu lieu au château de Kerjean (France) du 8 avril au 5 novembre 2017 : http://www.cdp29.fr/fr/agenda/view/357/a-corps-et-ame/. 307 Essai de médecine théorique et pratique. Ouvrage périodique dédié aux amis de l’humanité. Par MM. Brion et d’Yvoiry, Médecins à Lyon. Genève, 1784, vol. II, p. 120. 308 A. Paré, Les Œuvres. Corrigées et augmentées par lui-même, peu avant son décès. Divisées en vingt-neuf livres. 6è édition, Paris, Buon, 1607. Voir aussi J. Van Robays, « La vie d’Ambroise Paré. Voyage de Flandres en 1569 », Le Journal du médecin (20 avril 2010), p. 24-25. 301
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Chapitre 7 : La cour de Modène
était malade, « gravement malade309 » même, ainsi que l’écrit le cardinal Maurice de Savoie au prince Alphonse d’Este, à la fin du mois de mars 1626. État que confirme le compositeur dans une lettre datée de 1627 où il affirme avoir subi une très forte fièvre lorsqu’il se trouvait à Rome durant le carnaval 1626310. On peut donc supposer que la prescription d’avril 1629, destinée à le soigner de la fièvre, ainsi que les paiements aux deux autres apothicaires (Cassiani et Borelo) font référence à la même maladie, une longue maladie qui aurait duré trois ans. Brûlé de fièvre, D’India serait donc mort de consomption (affaiblissement et amaigrissement d’un individu souffrant d’une affection grave) ; mais quelle était l’affection sous-jacente ? Le peu de renseignements que nous possédons nous limite dans nos hypothèses dont une seule nous paraît digne d’être retenue. Si l’on tient compte du contexte, le compositeur a fort bien pu mourir de « fièvre des marais » (ou malaria, de l’italien mal’aria, le « mauvais air »), autre nom du paludisme qui donne de forts accès de fièvre et peut entraîner des problèmes au foie, et non pas d’une maladie rénale comme l’ont supposé Federico Mompellio311 et John Joyce312 qui, ayant sans doute considéré la « prescription » faite à D’India comme dépurative, l’auront associée aux reins. L’expression mal’aria s’appliqua d’abord aux miasmes venus des marais et des dépotoirs qui entouraient Rome. Au xviie siècle, le paludisme sévit dans toute l’Europe. En 1602, à Naples, il provoque la mort de 41 000 personnes. À Rome, durant le conclave de 1623 qui a élu le pape Urbain VIII, huit cardinaux et trente ecclésiastiques en meurent313. Ainsi, nous pouvons lire dans les Avvisi314 de Rome conservés à la Bibliothèque du Vatican : « Le Chevalier Sigismondo D’India […] se trouvait gravement malade pendant cette période. » (« Il Cavaliere Sigismondo d’India […] si ritrovava in quel tempo gravemente ammalato. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1419 A/170, lettre du 31 mars 1626. (Nous soulignons). Voir aussi les lettres de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari (citées plus haut) où il est question de la maladie du compositeur à la même période : « On a appris que [Sigismondo D’India] se trouvait aujourd’hui malade. » (« S’è inteso, che di presente è ammalato »), id., Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 72, 28 janvier 1626. « Je me tenais informé de temps en temps sur la santé du Chevalier Sigismondo D’India […][qui] a fait savoir qu’il voulait me parler, m’invitant à me rendre chez lui ce que je fis immédiatement, le trouvant alité. » (« Havend’io alcune volte mandato a sapere della salute del Cavaliere Sigismondo d’India […], hà mandato a dirmi che desiderava di parlarmi incitandomi a transferirmi di persona alla detta sua Casa come feci subito et trovatolo in letto. »), id., lettre no 5, le 4 février 1626. « J’ai envoyé quelqu’un rendre visite ce matin au Chevalier Sigismondo D’India pour m’informer sur sa santé et j’ai appris qu’il se remettait de sa dernière rechute. » (« Ho mandato a visitar questa mattina il Cavaliere Sigismondo d’India, et sapere della sua salute, et hò havuto relatione, che va riconvalendosi dell’ultima ricaduta. »), id., lettre no 1, le 4 mars 1626. 310 « Puisque, à Rome, c’est à moi que le prince Aldobrandini confia l’œuvre de l’Adonis, bien que je fusse malade, et ne pusse donc le servir. Je me suis efforcé de refaire toute la partie de Lorenzino, lequel me l’apporta alors que j’étais dans mon lit, assalli par la fièvre. » (« Poiché in Roma il principe Aldobrandino mi diede l’opera del Adone a me, benché si trovo poi ch’io ero amalato e no lo potei servire. Fui per sforzato di rifare tutta la parte di Lorenzino, il quale me la portò ch’io era assediato de la febre in letto. »), lettre transcrite par D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 403-404 (nous soulignons). 311 F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 74. 312 J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, op. cit., p. 12 et Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (16091623), Florence, Olschki, 1989, vol. I, p. xiv (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). L’hypothèse de la maladie rénale n’est pas reprise par G. Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1998, p. 35. 313 (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 9, fo 240vo, le 2 septembre 1623. Voir aussi G. Gigli, Diario Romano (1608-1670), éd. G. Ricciotti, Rome, Tumminelli, 1958, p. 74-79. 314 Les Avvisi (annonces manuscrites) furent, entre 1500 et 1700, l’instrument courant pour diffuser les nouvelles politiques et militaires de la manière la plus rapide. Ils suscitèrent, au cours du xviie siècle, les premières manifestations 309
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(Rome, le 12 août 1623) : Il paraît que l’état du cardinal [Scipione] Borghese a empiré et que la fièvre tierce est devenue quotidienne […]. Chez le cardinal Farnèse, comme c’est le cas des autres cardinaux venus de l’extérieur, se trouvent de nombreux malades dont certains sont morts315. (Rome, le 19 août 1623) : Les cardinaux qui ont la fièvre tierce simple sont Ginnasi, Gozzadini, Sanseverino, Madruzzo, Pio, Savoie, Aldobrandini et Borghese et parmi ceux qui ont la fièvre quotidienne se trouvent Gherardi et Serra316 (nous soulignons).
L’accès palustre se traduit par l’apparition soit d’une fièvre un jour sur deux (fièvre tierce) soit un jour sur trois (fièvre quarte). Il se déroule en trois phases : des frissons intenses pendant au moins une heure, accompagnés d’une montée de température à 40°C ; puis une fièvre sèche qui dure d’une à trois heures ; et enfin des sueurs abondantes durant une à trois heures pendant lesquelles la température retombe. À la fin de l’accès, le malade est épuisé. Le parasite du paludisme pouvant entraîner des rechutes quelques années après une première affection, cette périodicité semble bien correspondre avec le peu que l’on sait des fièvres de D’India en termes de dates et de prescriptions dépuratives et « rafraîchissantes » trouvées dans les Archives de Modène. Voilà en tout cas qui expliquerait que le cardinal Maurice le décrive comme « gravement malade » à Rome en 1626, lui-même se disant « empêché par la fièvre ». D’India s’est rendu à Rome à la demande du cardinal de Savoie durant le conclave de 1623317, peu de temps après son départ de la cour de Turin et avant de s’installer temporairement à Modène. Si Maurice de Savoie avait, en août 1623, une « fièvre tierce simple », comme le confirme la note du Vatican, il est fort possible que D’India l’ait contractée aussi et ait rechuté trois ans plus tard en 1626 et puis en 1629. Le Quinquina, source de quinine et traitement spécifique du paludisme, ne sera introduit en Europe qu’après la mort du compositeur318. Dans un texte daté de 1629, Giulio Scali parle également du « défunt Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India, muscien excellentissime, aimé par beaucoup et par les princes, d’hommages et d’honneurs à juste titre comblé319 », ce qui ressemble à un hommage posthume. Le compositeur aurait
d’opinion publique. Ils sont également une « forme embryonnaire » de correspondance journalistique, ils lient les princes entre eux et agissent comme une métonymie des représentations diplomatiques, voir J. Delumeau, « Les Avvisi », Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du xvie siècle, Paris De Boccard, 1957, vol. I, p. 25-36 ; M. Infelise, « Gli avvisi di Roma. Informazione e politica nel secolo xvii », La corte di Roma tra Cinque e Seicento, « teatro » della politica europea, éd. G. Signorotto et M. A. Visceglia, Rome, Bulzoni, 1998, p. 189 et J. Petitjean, L’intelligence des choses. Une histoire de l’information entre Italie et Méditerranée (xvie-xviie siècles), Rome, École française de Rome, 2013, p. 8, 118-125, 153-161 et 234-237. 315 « Il Cardinale Borghese pare che ha peggiorato, et la febre di terzana ha redotta in continua […] et in casa del Cardinal Farnese, come dell’altri Cardinali venuti di fuori si trovano di molti ammalati et alcuni ne sono morti. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Vat. lat. 12947, Avvisi di Roma, fo 295ro, le 12 août 1623. 316 « Li Cardinali che si trovano con febre terzana semplice son Ginnasio, Gozadino, Sanseverino, Madrutio, Pio, Savoia, Aldobrandino et Borghese et con febre continua si trovano Gherardo, et Serra. », id., 19 août 1623, fo 298vo. 317 « Il cavaliere Sigismondo d’India […] fu chiamato qui [à Rome] dal Signor Principe Cardinale mio Signore con pensiero di ricondurlo in Piemonte, havendogli intanto stabilito per ponto trecento ducatoni all’anno. », lettre de Ludovico d’Agliè à Alphonse d’Este du 4 novembre 1623, citée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, op. cit., p. 76-77. 318 Nous remercions le Dr. Gérard Guasch dont les précieux renseignements médicaux nous ont permis de formuler l’hypothèse selon laquelle D’India serait mort du paludisme. 319 « Mercè della buona educatione della memoria del S. Cavaliere Sigismondo D’India, Musico eccellentissimo, da molti stimato ; e da Prencipi di tributi, e d’onori meritamente colmato. », L. Casali, Generale Invito alle Grandezze, op. cit., p. 160.
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pu en effet mourir la première quinzaine du mois d’avril pendant fin du Carême, ce qui semblerait être confirmé par les documents d’archive que nous avons consultés : Le même jour [le 16 avril], à Sebastiano de Bologne, Son Altesse Sérénissime a payé cent lires pour une dette qu’il avait envers lui pour acquiter le loyer du défunt Chevalier D’India pendant qu’il était chez lui320. Le même 18 [avril], Son Altesse Sérénissime a fait verser à Paolo Francesco de Plaisance, tailleur, […] 11,14 lires pour le coût de fabrication d’un habit qu’il préparait pour le Chevalier D’India321. Le même jour [le 19 avril], à Giovanni Battista Ferrazi, cordonnier […] pour un [illisible] de chaussures payées par Son Altesse Sérénissime au défunt Chevalier D’India322. Le même jour [le 29 avril], à l’Illustre Paolo Bosio, […] pour la location de sa maison au Chevalier D’India323. Le même jour [le 29 avril], au même Paolo Bosio […] pour une paire de chaussettes de soie turque que donna Giovanni Battista Colombi Agochino [« sonatore » de la cour de Modène] au page de Monsieur le Chevalier D’India324. Le même jour [29 avril], au même Paolo Bosio, huit lires afin de solder la facture d’un habit noir que fit Horatio Manfredino pour le défunt Chevalier D’India325 (nous soulignons).
En effet, les indices déjà trouvés sur sa maladie, la recurrence de la phrase « alla buona memoria » ainsi que l’allusion à l’habit noir nous font penser que les paiements dont il est ici question sont de peu postérieurs à la date de son décès. Si les frais occasionnés par la maladie et le décès du compositeur ont été réglés par Alphonse d’Este, nous n’avons trouvé aucune trace de ses obsèques ni du lieu où il serait inhumé, pas plus que d’un testament ou d’un inventaire après décès du musicien326. Si le compositeur est mort à Modène, ses obsèques n’ont eu lieu dans aucune église du centre ville puisque son nom n’apparaît pas dans les registres des morts des Archives de la Curie de Modène327 ni dans ceux des Archives communales328 qui répertorient les églises de l’ancienne ceinture de la ville. D’India aurait-il pu mourir à l’extérieur de Modène, à savoir au-delà de l’ancienne ceinture de la ville ? Si c’est le cas, les recherches pour retrouver le lieu et la date de sa mort seraient ardues car les archives paroissiales italiennes ne sont pas centralisées ; aussi faudrait-il consulter les archives de 320 « A di detto a Sebastiano Bolognese lire cento che Sua Altezza Serenissima gli à pagato per un debito che teneva con lui, la buona Memoria del Cavaliere d’India, per Pigione di casa, mentre stava in casa sua. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Amministrazione dei principi, registro dei mandati, boîte 210, fo 57. 321 « A di 18 detto à Paolo Francesco Piacentino sarto […] che Sua Altezza Serenissima gli à fatto pagare per costo di fattura d’un vestito ch’avanzava con il Cavaliere d’India. », ibid. 322 « A di detto à Giovanni Battista Ferrazi calzolaro […] per un [illisible] di scarpe pagati Sua Altezza Serenissima per la buona Memoria del Cavaliere d’India. », id. fo 58. 323 « A di detto Al Magnifico Paolo Bosio […] per la pigione di casa che diede al Cavaliere d’India mentre stete in casa sua. », id., fo 65. 324 « A di detto Al detto Bosio […] per uno paio di calzete di bavela turcha che diede, Giovanni Battista Colombi agochino, al Paggio del signor Cavaliere d’India. », ibid. 325 « A di detto Al sudetto Bosio lire otto, per resto della fattura d’un habito nero, che feci Horatio Manfredino, alla buona Memoria del Cavaliere d’India. », ibid. 326 (I-MOs), Camera ducale, Archivio notarile di Modena, Paolo Favalotti (notaio della camera ducale estense), vol. 1316, 1629. 327 Nous avons consulté les registres des églises : Santa Maria Pomposa, S. Giovanni evangelista, San Paolo et San Domenico (cette dernière paroisse n’existe plus). Archivio della Curia Arcivescovile di Modena (I-MOd), Atti del consiglio. Nous remercions Lorenzo Pongiluppi, responsable de ces archives, pour son aide précieuse et ses conseils. 328 Archivio Storico del Comune di Modena, Registro di morti, mars-avril 1629. Nous remercions Giuseppe Bertoni, archiviste de l’ASCM, pour ses conseils et sa disponibilité.
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chaque paroisse si tant est qu’elles soient conservées et qu’on puisse y accéder. D’India est-il mort à Sassuolo, villa dont l’activité musicale et artistique était riche329 et où se trouvait le prince Alphonse juste avant la mort de son père330 ? Enfin, Bologne est une hypothèse à envisager si l’on tient compte des échanges entre Modène et cette ville, mais également de l’activité de l’Académie de Giacobbi et des éventuels rapports du compositeur avec les musiciens bolonais – dont on ne sait pratiquement rien – durant son séjour modénais. Un autre indice conforterait cette hypothèse : le paiement daté du 16 avril 1629, cité plus haut, qui révèle que D’India a été hébergé chez Sebastiano de Bologne un peu avant la date où le compositeur serait mort331. Pour l’heure, nous ne connaissons pas l’identité dudit Sebastiano ni le lieu où il habitait. Après s’être éloigné de la cour de Savoie en mai 1623, D’India se rend à la cour du duc Cesare d’Este et de son fils le prince Alphonse. Ce dernier apprécie tout particulièrement la musique du compositeur qui lui avait dédié un livre de monodies accompagnées en 1618. Modène est en réalité pour D’India un lieu de passage : le musicien s’y rend ponctuellement pour montrer ses musiques au prince (1623), pour préparer un mélodrame (1626), pour négocier une candidature en tant que compositeur (1627), ou encore dans l’attente de s’installer au sein d’une autre cour (1628). L’étude du fonds Musica e musicisti, conservé aux Archives d’État de Modène, nous permet de constater l’importante activité de mécène du prince Alphonse et de sa famille. En effet, le futur duc de Modène est très impliqué dans la vie musicale de sa cour : il favorise la circulation des musiciens, les accueillant ou les recommandant, intervenant personnellement dans les affaires financières des musiciens, leur rappelant leurs obligations musicales et s’impliquant même dans la préparation des partitions pour les spectacles musicaux. La magnanimité de son mécénat est comparable à celle de son beau-frère et ami le cardinal Maurice de Savoie et nous montre qu’un musicien peut servir deux patrons à la fois et que les relations d’intérêts partagés qui sous-tendent le mécénat nobiliaire se nouent à travers les déplacements des artistes et la réciprocité des échanges culturels. C’est pourquoi certains compositeurs lui dédient et lui envoient directement leurs musiques, qu’elles soient vocales ou instrumentales, comme ce fut le cas de Frescobaldi, Ottavio Maria Grandi ou D’India. Ces compositeurs voyageurs emportent avec eux les nouvelles tendances musicales comme les styles venus d’ailleurs – le nouveau style florentin, la nouvelle manière d’ornementer, le style napolitain en vogue à Rome ou les danses « à la française » – et les nouveaux genres en vogue – la comédie madrigalesque, les intermèdes ou l’opéra –, sans pour autant abandonner les genres « classiques » comme le madrigal et la canzonetta. Le catalogue des achats vénitiens d’Alphonse d’Este, établi par Alberto Colombi, vient compléter et confirmer ce que nous dit le reste des documents à propos de la vie musicale de sa cour et que l’on peut résumer par le mot éclectisme. C’est dans cette atmosphère que D’India a vécu et fréquenté le milieu musical que nous avons tenté de restituer.
329 M. Lucchi, Le capitali della musica, op. cit., p. 80-86. Voir aussi Il palazzo di Sassuolo : delizia dei duchi d’Este, éd. F. Trevisani, Parme, Cassa di Risparmio Parma, 2004, p. 102-105. 330 Alphonse d’Este arrive le 9 octobre 1628 à Sassuolo, revient à Modène le 8 décembre à cause de la mort du duc et repart à Sassuolo le 22 juin 1629 avec un grand nombre de serviteurs, voir G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este, op. cit, p. 116, 121 et 129. 331 (I-MOs), Cancelleria ducale, Amministrazione dei principi, registro dei mandati, boîte 210, fo 57.
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Chapitre 7 : La cour de Modène
Cette circulation, constitutive du cosmopolitisme modénais, confirme le lien entre les compositeurs, les nobles intermédiaires, les déplacements d’objets et de personnes, le réseau de villes et la dissémination d’identités et des pratiques culturelles. Enfin, quelques documents d’archive, pour la plupart inédits, tendent à confirmer que D’India serait mort de maladie, probablement de la malaria, à Modène en avril 1629. Nos recherches ne nous ont toutefois pas permis de déterminer le lieu de sa mort avec plus de précision. Tout au plus pouvonsnous assurer que D’India n’est pas mort dans l’ancienne ceinture de la ville. Le retour aux sources se révèle donc, une fois encore, indispensable pour approcher la vérité historique au plus près – il nous a permis ici, en particulier, de renouveler autant que possible l’historiographie concernant le départ précipité de D’India de Turin et de conclure qu’il s’explique très probablement par la jalousie de certaines personnes de la cour mais qu’il a également été stimulé par le désir du compositeur d’inaugurer une nouvelle étape de sa carrière musicale sous l’égide du cardinal de Savoie qui s’apprêtait au même moment à partir pour Rome. Des perspectives de recherche s’ouvrent donc sur la fin de la vie de l’un des musiciens les plus importants de la première moitié du xviie siècle, au sein d’une cour où le faste musical était l’un des plus prestigieux d’Italie332.
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En effet, D’India parle, dans la dédicace de son Huitième livre de madrigaux de 1624, de l’existence à Modène d’« un groupe de musique formé par la réunion […] des meilleurs chanteurs que l’on puisse entendre en Europe. » (« Un musico concerto, formato da una adunanza […] de’ megliori cantanti, ch’hoggi ascoltar possa l’Europa. », S. D’India, Ottavo libro de’ madrigali a cinque voci, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia, Rome, Robletti, 1624, dédicace.
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1 Chapitre 8 : La cour de Rome Le cardinal Maurice de Savoie
Le cardinal Maurice de Savoie (1593-1657)est sans aucun doute le mécène le plus important de Sigismondo D’India. C’est à partir de l’arrivée de Christine de France à Turin, en 1620, que la relation d’intérêts partagés entre le compositeur et le prélat s’intensifie. C’est aussi l’époque où le rôle politique et diplomatique de Maurice prendra une place centrale dans les enjeux géopolitiques européens et notamment romains. En effet, le pontificat du pape Grégoire XV fut court (1621-1623) mais suffisamment long pour aider la Savoie à renforcer sa position à Rome1 ; c’est l’une des plus grandes réussites diplomatiques du cardinal Maurice et c’est ce qui lui a permis d’être l’un des principaux acteurs de l’élection d’Urbain VIII lors du conclave de 16232. Maurice de Savoie s’installe donc à Rome entre 1623 et 16273, louant une partie du palais Orsini à Montegiordano, au centre de Rome4, point stratégique au pied du pont Saint-Ange. Le cardinal décide d’habiter la Ville notamment pour créer et développer autour de lui une faction piémontaise et « francophile » à la fois dans la vie courtisane et au sein de la Curie. C’est dans ce contexte que voit le jour, le 21 novembre 16245, l’Académie des Desiosi (Les Désireux) qui se réunit régulièrement dans son palais, dans une ambiance artistique riche et rigoureusement réglée. Cette « agrégation intellec-
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Maurice de Savoie part fin janvier 1621 pour Rome afin de participer au conclave du 7 février où Alessandro Ludovisi (Grégoire XV) sera élu pape. (Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 1443/2, lettres du duc Charles-Emmanuel datées du 31 janvier et du 5 février 1621). C’est à cette occasion, le 18 février, qu’il reçoit son galero alors qu’il a été crée cardinal par Paul V en 1607. Voir G. Gigli, Diario Romano (1608-1670), éd. G. Ricciotti, Rome, Tumminelli, 1958, p. 51. 2 T. Mörschel, « Il cardinale Maurizio di Savoia e la presenza sabauda a Roma all’inizio del xvii secolo », Dimensioni e problemi delle ricerca storica, no 14/2, 2001, p. 158. Le cardinal quitte Rome pour Turin le 23 janvier 1627 (voir la lettre de Ludovico d’Agliè datée du 13 janvier 1627, 3 Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Materiale politico per rapporto all’estero, lettere ministri, Roma, liasse 37/2) à cause des problèmes financiers liés aux dépenses excessives de sa cour et aux nombreuses dettes contractées. Voir aussi G. B. Adriani, Memorie della vita e dei tempi di monsignor Gio. Secondo Ferrero-Ponziglione, referendario apostolico, primo consigliere e auditore generale del principe cardinale Maurizio di Savoia, Turin, Ribotta, 1856, p. 227-230. Concernant les dettes du cardinal, voir les lettres datées des 2 et 12 juillet 1624 ; la première est adressée par le cardinal à son père le duc de Savoie et à son frère Victor-Amédée ; la seconde a été écrite par Christine de France et adressée au duc son beau-père. Elles sont publiées dans id., p. 232-233. Voir aussi T. Mörschel, « Il cardinal Maurizio di Savoia », op. cit., p. 158 et la lettre de Fulvio Testi à Cesare D’Este depuis Rome le 11 juin 1625, lettre 91 citée dans M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. I, p. 78 où Testi écrit : « Vengo avvisato che ‘ l signor Cardinal di Savoia sia in breve tempo per ritornare in Piemonte e che ‘ l signor Duca suo padre sia per mandar qui danari per pagare i debbiti. ». Voir également les lettres conservées à (I-Ta), Corte, Lettere principi diversi, Cardinale Maurizio, liasse 10 : 1605-1615, liasse 11 : 1616-1617, liasse 12 : 1618-1623, liasse 13 : 1624-1625 et liasse 14 : 1626-1628. 4 P. Grassi, Palazzo Taverna, Rome, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato, Libreria dello Stato, 2010, p. 79. Voir J. Morales, « Musical Practices and Identity. The Story of the Roman Sojourn (1623-1627) of Maurice of Savoy, 5 Crown-Cardinal of France », Music and the Identity Process : the National Churches in Rome and their network in the Early Modern Period, éd. M. Berti et E. Corswarem, avec le concours scientifique de J. Morales, Turnhout, Brepols, 2019, (en cours de publication).
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tuelle6 » est à la fois le cadre de son action et le lieu où se construit sa renommée ; c’est là que sa libéralité et sa magnificence prendront tout leur essor, grâce, notamment, à sa capacité de créer des espaces splendides pour sa promotion culturelle et politique au sein des différents centres culturels romains. À travers une approche socio-culturelle des « milieux intellectuels italiens7 », nous étudierons l’univers poétique, artistique et musical des Desiosi. C’est là que l’action de D’India est la plus forte et la protection du cardinal la plus manifeste. D’autres thématiques seront également traitées, telles la construction de l’identité nobiliaire (aussi bien du musicien que de son patron), la diplomatie artistique, les réseaux qui sont à l’origine l’essaimage culturel (de Turin à Rome et réciproquement), la polysémie des rituels, le rapport entre urbs et civitas, la médiation et la dissémination du goût et des pratiques artistiques ou encore la circularité et la réciprocité du patronage nobiliaire. Enfin, nous nous concentrerons sur deux œuvres majeures de la production romaine de D’India, à ce jour perdues, afin de retracer au plus près la carrière et la mobilité d’un des musicien les plus importants du cardinal de Savoie. Sigismondo D’India, « gentiluomo » du cardinal de Savoie
D’India se rend dans la Ville éternelle une première fois dans ses années de jeunesse, vers 1608-1609, afin de montrer à l’abbé Diofebo Farnese8 quelques madrigaux qui seront publiés dans son Premier livre des Musiche de 16099. En ces années-là, dans la période précédant son arrivée à la cour de Turin (vers 1610-1611), le poète, et diplomate Girolamo Borsieri décrit le musicien comme « élève des chanteurs de Rome » et « joueur de théorbe10 ». Le compositeur reviendra à Rome à plusieurs reprises à la A. Romano, « À l’ombre de Galilei ? Activité scientifique et pratique académique à Rome au xviie siècle », Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (xviie-xviiie siècles), éd. J. Boutier, B. Marin et A. Romano, Rome, École française de Rome, 2005, p. 219. 7 J. Boutier, B. Marin et A. Romano, « Les milieux intellectuels italiens comme problématique historique : une enquête collective », id., p. 1-31. 8 « J’ai décidé de partir pour Rome afin de faire entendre [mes compositions] aux principaux virtuoses et en particulier à l’Illustrissime Seigneur Abbé Farnèse qui avait déjà eu la bonté, en d’autres occasions, d’apprécier mes musiques […], devenant ainsi les préférées […] des musiciens et des chanteurs les plus célèbres, mais également dignes des oreilles de très nombreux Illustres cardinaux et princes. » (« Mi risolsi andarmene à Roma per farle sentire a quei principal virtuosi, & in particolare all’Illustrissimo Signor Abate Farnese, il quale altrevolte per sua bontà s’era compiaciuto delle musiche mie […], & erano favorite […], da i più famosi musici, & cantanti, & fatte degne dell’orecchie di tanti Illustrissimi Cardinale, e Prencipi. »), S. D’India, Le Musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili, Milan, Tini et Lomazzo, 1609, préface « Al cortese lettore ». 9 « Aussi, pour remercier certains Chevaliers, je composai à ma manière les madrigaux Cara mia cetra andianne, Riede la Primavera [de Marino], Là tra le Selve, Donna vorrei dir molto [de Marino] et d’autres encore. Je réalisai également des ornementations des trois ottave [de la Jérusalem délivrée] du Tasse qui commencent par Sovente allor sur la basse de l’aria de Gênes, de même que l’aria Vostro fui vostro son [de Bernardo Tasso] sur la basse du Ruggier de Naples avec d’autres madrigaux dont certains ont été publiés dans ce recueil. » (« Onde in gratia d’alcuni Cavaglieri composi al mio modo il madrigale, Cara mia cetra andianne. Riede la Primavera. Là tra le selve. Donna vorrei dir molto. & altri ; & passeggai nell’istesso tempo sul Basso dell’aria di Genova le tre Ottave del Tasso, che cominciano, Sovente alhor [sic] così sul Basso di Ruggier da Napoli, l’aria, Vostro fui, vostro son, insieme con altri Madrigali, de quali alcuni ne hò fatto stampare in questa opera mia. », ibid. 10 « A don Amedeo di Savoia Torino. Sigismondo d’India allievo de’ cantori di Roma, naturale nelle note pure, artificioso delle alterate, equal ne’ passaggi, vivo ne’ trilli, e suonator di chitarrone non inferiore a Salomone Hebreo, desidera un trattenimento appresso questa Altezza. Io so che la corte va cercando l’utile con l’onorevole. In esso troverà l’uno e l’altro potendo servirsene per ordinaria ricreatione dopo la stanchezza dell’udienza, o per aggiunto maestro a’ paggi dopo le ore de’ cavallerizzi, ad acquistare molta gloria come ricetto d’un virtuoso d’illustre fama. Lo raccomando alla suprema autorità di Vostra Eccellenza sicuro che dov’ella suole adoperarsi cede ogni contrario proponimento ed è soverchio ogni amorevole testimonio. Porrò io a conto del mio debito la gratia che gli farà nel procurar che gli si compiaccia, e non potendo 6
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fin de sa vie, après son départ de la cour de Savoie : durant l’été 1623 – pour servir le cardinal de Savoie pendant le conclave11 –, d’avril à décembre 1624 – pour la publication de ses Septième et Huitième livres de madrigaux polyphoniques12 –, toute l’année 1625 – ce qui fut son séjour le plus riche, le plus actif du point de vue musical et culturel –, de janvier à avril, puis en décembre 1626, et enfin pendant les premiers mois de l’année 1627 – date à partir de laquelle le cardinal, devant quitter précipitamment Rome pour Turin, semble ne plus protéger le musicien. D’India se rend ensuite à Modène servir le prince Alphonse d’Este13. Ainsi, les différents séjours romains de la fin de sa vie, entre 1623 et 1627, seront entrecoupés de plusieurs allers et retours à Modène. D’India et la Ville éternelle
D’India fréquente donc la cour de Rome au début du xviie siècle dans les années qui ont précédé la publication de son Premier livre de monodies accompagnées. Le compositeur gravite alors autour de différents milieux : étant à la recherche d’une cour, il entre en contact avec les Farnèse et les Savoie et, sur le plan musical, c’est-à-dire en tant que compositeur, chanteur et joueur de théorbe, il entre en relation avec les musiciens napolitains14 et les « chanteurs de Rome » dont il est « l’élève ». Parmi ces chanteurs, nous pouvons mentionner Giulio Caccini « detto Romano » – que D’India affirme avoir rencontré à la même époque alors qu’il se trouvait à Florence15, mais également les nomin altro per servigio de lei pregarò almeno Nostro Signore che le sia sempre liberale delle sue gratie. Di Casnate. », F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 398. 11 Le voyage du cardinal a lieu entre le 28 mai et le 10 juin 1623 et a coûté 20 793 florins. (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 1, reg. 6 : « 1623 1624 et 1625. Quarto conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli », mandat de paiement no 332. 12 S. D’India, Settimo libro de’ madrigali a cinque voci del Cavalier Sigismondo D’India, Rome, Robletti, 1624 et Ottavo libro de’ madrigali, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia, Rome, Robletti, 1624. Pour la description des frontispices, de la préface, la table de matières, la localisation et l’état de conservation de ces livres, voir S. Franchi, Edizioni di musica pratica dal 1601 al 1650 : ricerca storica, bibliografica e archivistica condotta in collaborazione con Orietta Sartori, Rome, IBIMUS, 2006, p. 490-492. 13 « Vengo con quella maggior riverenza ch’io devo a far sapere al’Alteza sua, come subito giunto in Roma io sotisfeci al’obligo di servire con la maggior prestezza il Serenissimo cardinale, il quale […] mi diede […] ordine ch’inmantinente io dovessi scrivere a Vostra Altezza e dirle ch’ad ogni minimo aviso, io sarei venuto volando ai soliti comandi suoi […], ho fatto ciò che mi ha imposto il Signor prencipe Cardinale e di tutto ne dò minuto raguagli a Vostra Altezza ; resta solo che cenni o per via del Signor Residente overo per la posta quel ch’io devo fare ch’inmantinente io saro a servire Vostra Altezza Serenissima […]. Di Roma li di 7 Gennaro 1627. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi e documenti di particolari, India, boîte 698, lettre du 6 janvier 1627. 14 D’India publie son Premier livre des villanelles à la napolitaine en 1608. Sur les chanteurs napolitains, voir H. M. Brown, « The Geography of Florentine Monody », Early Music, no 9, 1981, p. 147-168 ; J. W. Hill, Roman Monody, Cantata, and Opera from the Circles around Cardinal Montalto, Oxford, Clarendon Press, 1997, vol. I ; D. Cardamone, « The Prince of Salerno and the Dynamics of Oral Transmission in Songs of Political Exile », Acta Musicologica, no 67/2, 1995, p. 77-108 et « A colorful bouquet of arie napolitane », Recercare, no 10, 1998, p. 133-147, republiés dans The canzone villanesca alla napolitana. Social, cultural and historical contexts, Aldershot, Ashgate, 2008 et D. Fabris « Le notti a Firenze i giorni a Napoli : gli esordi della chitarra spagnola nell’Italia del Seicento », Rime e suoni alla spagnola. Atti della giornata internazionale di studi sulla chitarra barocca, Firenze, Biblioteca Riccardiana, 7 febbraio 2002, éd. G. Veneziano, Florence, Alinea, 2002, p. 15-33. 15 « Lors de mon retour à Florence j’en ai chanté moi-même plusieurs [monodies] à Madame Vittoria Archilei, musicienne de cette Sérénissime Altesse et chanteuse d’exception au-dessus de toutes les autres […], et non contente des compliments qu’elle adressa à ma musique de sa propre bouche, tandis que les principales cantatrices du monde se concertaient chez
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breux musiciens et chanteurs « virtuoses16 » venus de Naples, attirés par la cour du cardinal Montalto (Alessandro Peretti) à Rome17. Ce dernier est en contact avec le milieu musical de Ferrare au moment où D’India aurait pu se trouver dans cette ville au service du marquis Enzo Bentivoglio18. L’influence du style napolitain dans l’avènement de la monodie florentine, le développement de l’hétérogénéité des formes de celle-ci, sa transmission à Rome à l’aube du xviie siècle ainsi que les influences réciproques entre les milieux musicaux romains et florentins à partir de la première décennie du même siècle, ont été étudiés par Howard Mayer Brown19 et John Walter Hill20. Le chant monodique orné est l’un des plus intéressants et des plus importants exemples d’hybridation, de circulation, d’échange et de transfert culturels dans l’histoire de la musique21. Sigismondo D’India se place sous la protection de Maurice de Savoie à partir du mois de juin 1623, peu de temps après s’être éloigné de la cour de Turin. Sa nouvelle qualité de gentilhomme du cardinal lui vaut de recevoir de ce dernier une pension de 300 ducats par an. À Rome, durant le conclave qui a élu le pape Urbain VIII, le prélat appelle le musicien à l’y rejoindre, lui demande de retourner à Turin, mais décide – sans doute à la demande du musicien – de l’envoyer servir temporairement le prince Alphonse d’Este à Modène22. Au mois de mars 1624, le cardinal réclame à nouveau la présence du musicien dans la ville pontificale23. Le compositeur quitte alors la cour de Modène pour se rendre à Rome. Le 1er août, le compositeur le Sieur Giulio Caccini le Romain pour les comédies et les fêtes des noces de cette Altesse, voulut encore les interpréter en personne en les honorant avec la douceur et la suavité de son chant, comme le fit aussi l’excellent musicien, le Sieur Giulio Caccini dit le Romain. », (« Et nel mio ritorno a Firenze io stesso ne cantai alcune alla Signora Vittoria Archilei, Musica di quella Serenissima Altezza, & sopra ogn’altra cantante eccellentissima […] ; en non contenta dei favori ch’anco fece a bocca alle musiche mie, mentre le prime Cantatrici del Mondo in casa del Signor Giulio Romano si concertavano per le Comedie, & feste delle nozze di quell’Altezza, volse anco concertatole da se honorarle con la dolcezza, & soavità del suo canto ; come fece anco l’eccellentissimo Musico il Signore Giulio Caccino, detto Romano. »), S. D’India, Le Musiche, op. cit. 16 « J’ai décidé de partir pour Rome afin de faire entendre [mes compositions] aux principaux virtuoses. », (« Mi risolsi andarmene à Roma per farle sentire a quei principal virtuosi. »), ibid. 17 Voir J. Chater, « Musical Patronage in Rome at the Turn of the Seventeenth Century. The Case of Cardinal Montalto », Studi Musicali, no 16/2, 1987, p. 179-228 et J. W. Hill, Roman Monody, op. cit., vol. I, p. 39 et 140-179. Concernant les liens et les échanges entre Rome et Naples dans le domaine de la parodie spirituelle, voir A. Piéjus, Musique, censure et création. G. G. Ancina et le Tempio armonico (1599), Florence, Olschki, 2017. 18 « Havendo fortuna sino da miei primi anni di doverla servire per la Bonarella, che si dovea rappresentare a Ferrara, quando ella mi trattene per simil effeti in quella città. », cité dans D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 403-404. 19 H. M. Brown, « The Geography of Florentine Monody », op. cit., p. 152 et 158. 20 J. W. Hill, « La monodia in toscana : nuovi appunti sui manoscritti », La monodia in Toscana alle soglie del xvii secolo. Atti del Convegno di Studi, Pisa, 17-18 dicembre 2004, éd. F. Menchelli Buttini, Pise, ETS, 2007, p. 44, 51 et 69-78. 21 F. Celestini, « La musica a Roma nel Seicento e lo spazio comunicativo europeo », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples (1650-1750), éd. A.-M. Goulet et G. zur Nieden, Analecta musicologica, no 52, 2015, p. 123-126. 22 « Il cavaliere Sigismondo d’India […] fu chiamato qui [à Rome] dal Signor Principe Cardinale mio Signore con pensiero di ricondurlo in Piemonte, havendogli intanto stabilito per ponto trecento ducatoni all’anno, [le cardinal] permette ch’il sudetto Cavagliere si fermi per tutto quel tempo, che Lei comanderà […]. Potrà però ritenerlo a suo piacere. », lettre de Ludovico d’Agliè à Alphonse d’Este du 4 novembre 1623, citée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 76-77. 23 « Desiderando solo, che fatte le prossime feste di Pasqua […] gli si conceda [à Sigismondo D’India] da Vostra Altezza licenza di poter fare una scorsa qua [à Rome] per conferire seco alcuni pensieri con promessa di non ritenerlo più d’un mese. », lettre de Ludovico d’Agliè à Alphonse d’Este du 1er mars 1624, citée dans F. Mompellio, id., p. 77. Sigismondo D’India apparaît en effet dans le livre de maître du cardinal le 21 avril 1624 : il reçoit trente écus : « scudi trenta […] pagati al signor Cavagliere Sigismondo a conto delle sue provisioni stabillitele da Sua Altezza. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 2, 1624, non paginé.
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dédie au cardinal Maurice son Septième livre de madrigaux24. C’est au cours des années suivantes, de 1625 à 1627, que le séjour romain de D’India permettra à son statut de Gentiluomo du cardinal de Savoie de prendre tout son relief. D’India et la construction d’une identité artistique et nobiliaire
Stefano Lorenzetti a montré la place de l’éducation musicale dans l’idéal de formation de la noblesse comme un moment central de la mentalité nobiliaire : le gentilhomme doit acquérir un certain nombre de compétences musicales afin de promouvoir son image publique, mais aussi alléger et soulager la fatigue de son activité politique. La musique participe en effet à la récréation de l’esprit, réconforte, soulage et rétablit l’harmonie intérieure25 ; la musique s’insère ainsi dans un parcours éducatif cohérent26 : elle s’excerce à un moment précis de la journée27. Sigismondo D’India se proclame « gentiluomo » du cardinal Maurice de Savoie à partir de 1623 dans le frontispice de son Cinquième livre des Musiche et dans ses derniers livres de madrigaux ; il passe donc du statut de « noble palermitain » (1608-1612) à celui de Maestro (ou Capo) della musica di camera du duc de Savoie (1612-1621), et puis de « Chevalier de Saint-Marc » (1621) à celui « Gentilhomme ». Il s’agit d’une séquence cumulative, concernant les deux derniers titres, censée renforcer ou confirmer son statut nobiliaire d’origine. En effet, bien que gentilhomme, le titre le plus important et le plus utilisé par le compositeur fut celui de Chevalier. Ce changement de statut montre la construction d’une identité culturelle et l’appartenance à un système nobiliaire à la fois artistique et intellectuel. Être noble n’est pas uniquement une donnée de naissance (D’India appartenait certainement à une noblesse mineure sicilienne ou napolitaine), mais un parcours ininterrompu et complexe de perfectionnement lié à un processus éducatif et intellectuel28 ; il n’est plus question d’un don naturel mais de la conquête permanente de la vertu29. De même, le comte Giovanni Battista Ronchi, agent du duc de Modène et residente à Rome, est le destinataire d’un document inédit, datant de la même année, où on lui demande d’informer le cardinal de Savoie de la bonne réception d’un paiement destiné sans doute à assurer l’installation du compositeur à Rome, qu’il avait adressé à Sigismondo D’India par l’intermédiaire du comte d’Agliè : « Mi è sovvenuto doppo la partita di Vostra Signoria d’incaricargli anche con occasione ch’ella anderà à far reverenza al Signor Cardinale di Savoia d’informarli […] della provisione che il Signor Cardinale sudetto havea destinata al Cavaliere Sigismondo, et se oltre li 300 scudi di Paolo havra havuta anche la parte in casa. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 220, lettre no 9, 1624. 24 Deux paiements : le premier de vingt-cinq écus « en tant que don » et le deuxième de vingt écus « que Son Altesse lui donne », sont destinés au compositeur, respectivement le 4 septembre et le 10 novembre 1624. Selon les dates et puisque les registres ne nous donnent pas plus d’informations, il pourrait s’agir de dons en guise de remerciement pour la dédicace du Septième livre de madrigaux : « Scudi Venticinque […] pagati al signor Sigismondo D’India in donativo che Sua Altezza li fà Come per ordine sottoscritto Don Ludovico San Martino d’Agliè Roma alli 4 settembre 1624. », (ITa), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 7 (1623 in 1626), mandat de paiement no 529 et « Scudi Venti […] pagati al Cavagliere Sigismondo D’India che Sua Altezza gli dona Come per ordine sottoscritto Don Ludovico San Martino d’Agliè Roma alli 10 Novembre 1624. », id., art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 2, 1624, non paginé. 25 S. Lorenzetti, « La parte della musica nella costruzione del gentiluomo. Tendenze e programmi della pedagogia seicentesca tra Francia e Italia », Studi Musicali, no 25, 1996, p. 23 et Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 69. Voir aussi F. Alazard, Art vocal. Art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 95-98. 26 S. Lorenzetti, Musica e identità, op. cit., p. 97 et 103. 27 S. Lorenzetti, « La parte della musica », op. cit., p. 27. 28 S. Lorenzetti, Musica e identità, op. cit., p. 9. 29 G. Ferroni, « Sprezzatura e simulazione », Le corte e il « Cortegiano », éd. C. Ossola, Rome, Bulzoni, 1980, vol. I, p. 247.
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Le statut de musicien-gentilhomme désigne une catégorie sociale différente et moins importante que celle du gentilhomme ordinaire et que l’on pourrait considérer comme une noblesse de service, un statut plus prestigieux que celui d’un simple serviteur30. Il s’agit en effet d’un statut de noblesse qui peut égaler symboliquement celui du mécène dans « l’exercice commun de la vertu31 ». Si la première vertu du courtisan est d’être un homme de lettres, la seconde est sans aucun doute d’être musicien32. Le courtisan est la conscience éclairée du prince : « À la dignitas militaire s’adjoint la dignité intellectuelle qui devient le corollaire incontournable de l’activité politique et sociale du gentilhomme33 ». Le musicien-gentilhomme, quant à lui, jouit d’un double statut dans le rapport complexe entre l’espace collectif et l’espace privé où la musique s’insère en tant que « discipline d’ornement34 ». Les échanges entre le musicien et son patron servent autant la construction de l’image publique du cardinal qu’ils renforcent la notoriété du musicien – rapport social qui pourrait être comparé à un jeu de miroirs. Cette vision aristocratique de la civilité a une vocation éminemment universelle35 : la musique participe à la construction d’un « espace de communication36 » commun à travers l’Europe qui favorise « l’amitié entre princes37 », mais aussi la circulation et l’échange artistiques38. Sigismondo D’India remplit parfaitement le rôle de musicien-gentilhomme grâce à la conscience qu’il a de sa propre trajectoire au sein du système nobiliaire. Ce système courtisan est déterminant pour comprendre l’activité artistique de D’India à la fin de sa vie à Rome. Musicien, chevalier, gentilhomme et poète, il réunit certes les qualités qui mènent à la virtuosité, mais son art sert également de trait 30
À partir de l’époque dont il est ici question, certains musiciens ayant un rôle important au sein d’une famille nobiliaire se proclamaient indifféremment gentilhomme « gentiluomo » ou assistant « aiutante » d’un prince ou une famille nobiliaire. Voir V. De Lucca, « Opera e mecenatismo tra Roma e Venezia nella seconda metà del Seicento », La musique à Rome au xviie siècle : études et perspectives de recherche, éd. C. Giron-Panel et A.-M. Goulet, Rome, École française de Rome, 2012, p. 344, n. 9. Voir aussi J.-F. Chauvard, A. Merlotti et M. A. Visceglia, « Introduction », Casa Savoia e Curia Romana dal Cinquecento al Risorgimento, éd. J.-F. Chauvard, A. Merlotti et M. A. Visceglia, Rome, École française de Rome, 2015, p. 3. Concernant la condition sociale des gentilhommes poètes, voir S. Franchi, « Principi, cardinali e poeti per musica nella Roma di Urbano VIII : appunti per un quadro storico-ideologico », Francesco Buti tra Roma e Parigi : diplomazia, poesia, teatro. Atti del convegno internazionale di studi, Parma 12-15 dicembre 2007, éd. F. Luisi, Rome, Torre d’Orfeo, 2009, vol. I, p. 46-48. Nous pouvons également mentionner le protocole (« Rolo della famiglia del Signor Cardinal di Savoia ») lors de la visite du cardinal Maurice de Savoie avec son père le duc Charles-Emmanuel à Parme en 1614 où sont listées plusieurs catégories de gentilhommes-serviteurs : « Sei Gentilhuomi di camera » et « Tre Gentilhuomi della bocca », en 2e position après les prélats et les abbés, « Gentilhuomo di Camera guardaroba » et « Gentilhuomo di bocca che serve », en 3e position, et « Quattro Aiutanti di Camera », « Dui Musichi di Camera » et « Dui Aiutanti di Gurdaroba » en 4e position. En effet, il était prévu, lors de cette réception, de jouer de la musique durant les repas. Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Corte e casa farnesiana, série XI, ricevimenti e transiti di sovrani, principi, dignitari, boite 57, fasc. 24. 31 S. Lorenzetti, Musica e identità, op. cit., p. 218. 32 S. Lorenzetti, « La parte della musica », op. cit., p. 22. 33 S. Lorenzetti, Musica e identità, op. cit., p. 69. 34 S. Lorenzetti, « La parte della musica », op. cit., p. 21-22. 35 A. Quondam, « Questo povero cortegiano » : Castiglione, il libro, la storia, Rome, Bulzoni, 2000, p. 376-403. Voir aussi A.-M. Goulet, « Les musiciens européens à Venise, à Rome et à Naples (1650-1750). Éléments pour une comparaison des mobilités musiciennes », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples, op. cit., p. 36 et R. Ruggiero, Baldassarre Castiglione diplomatico. La missione del Cortegiano, Florence, Olschki, 2017. 36 Voir F. Celestini, « La musica a Roma nel Seicento », op. cit., p. 118-129. 37 B. Haan, L’amitié entre princes. Une alliance franco-espagnole au temps des guerres de Religion (1560-1570), Paris, PUF, 2010, voir notamment les chapitres V-VIII (p. 165-279). 38 Voir L. Bély, « Musique et musiciens dans les relations internationales à l’époque moderne », Le musicien et ses voyages : pratiques, réseaux et représentations, éd. C. Meyer, Berlin, Berliner Wissenschafts-Verlag, 2003, p. 9.
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d’union entre l’activité intellectuelle et l’activité princière et c’est pour cette raison que sa carrière de musicien va de pair avec l’acquisition d’un nouveau statut, celui de gentiluomo. La Rome du cardinal Maurice de Savoie, entre magnificence et politique
Peu de Piémontais vivaient à Rome à la fin du xvie et au début du xviie siècle ; le duché de Savoie était sous-représenté par rapport à d’autres cours italiennes comme Florence ou Parme39. Afin de consolider la présence et l’influence de la Savoie dans la Curie romaine qui, par tradition, dispensait le prestige et l’honneur entre les États et les dynasties40, le duc de Savoie, Charles-Emmanuel, aspirait vivement à obtenir la pourpre cardinalice pour l’un de ses fils. Le quatrième d’entre eux, Maurice, fut ainsi, non sans difficultés41, nommé cardinal en 160742 à l’âge de quatorze ans grâce à l’intervention du cardinal Pietro Aldobrandini, protecteur de la Savoie. Les cercles éclairés de Rome au début du pontificat d’Urbain VIII : une mise en scène de la libéralité
Les cercles éclairés de Rome en ces années-là se trouvent au croisement de la religion et de la politique43. Les Académies représentent une nouvelle forme d’association largement répandue sur toute la Péninsule ; elles recrutent parmi les plus brillants des jeunes intellectuels44. Selon Amedeo Quondam, c’est entre 1620 et 1629 que les Académies italiennes, dont l’activité principale était la « conversation universelle ou littéraire », eurent le plus d’activités musicales45. Nous pouvons lire dans un avviso romain daté du 1er juillet 1623 : Le cardinal [Ludovico] Ludovisi [protecteur de la Savoie] a appelé auprès de lui Giovanni Battista Marino, Illustre poète de notre temps, qui vient d’arriver de France dans cette cour à l’occasion de la venue du cardinal de Savoie […]. Dimanche, après le déjeuner, chez le cardinal Ludovisi, s’est réunie comme il est de coutume l’Académie où se trouvaient de nombreux cardinaux46.
T. Mörschel, « Il cardinale Maurizio di Savoia », op. cit, p. 147-149. P. Cozzo, « Mythes et dévotions dynastiques en Savoie-Piémont au xvie et xviie siècles », La politique de l’histoire en Italie. Arts et pratiques du réemploi (xvie-xviie siècle), éd. C. Callard, E. Crouzet-Pavan et A. Tallon, Paris, PUPS, 2014, p. 259. 41 T. Mörschel, « Il cardinal Maurizio di Savoia », op. cit., p. 153-156 et P. Cozzo, La geografia celeste del duca di Savoia. Religione, devozione e sacralità in uno stato di età moderna (xvi-xviii secoli), Bologne, Il Mulino, 2006, p. 244-246. 42 Comme le souligne T. Mörschel dans id., p. 155, le pape octroya le chapeau de cardinal à la cour de Turin en échange de l’implantation de plusieurs sièges ecclésiastiques en Savoie. 43 M. Rosa, « Per “tenere alla futura mutatione volto il pensiero”. Corte di Roma e cultura politica nella prima metà del Seicento », La corte di Roma tra Cinque e Seicento, « teatro » della politica europea, éd. G. Signorotto et M. A. Visceglia, Rome, Bulzoni, 1998, p. 17. Voir aussi R. De Mattei, « Dispute filosofico-politiche nelle Accademie romane del Seicento », Studi Romani, no 9/2, 1961, p. 151. 44 F. Hammond, Music & Spectacle in Baroque Rome : Barberini Patronage under Urban VIII, Londres, Yale University Press, 1994, p. 104. 45 A. Quondam, « L’Accademia », Letteratura italiana. Storia e geografia, vol. I : Il letterato e le istituzioni, éd. A. Asor Rosa, Turin, Einaudi, 1984, p. 872. 46 « Il Cardinale Ludovisio ha pigliato appresso di se Giovan Battista Marino Poeta Illustre dell’età nostra tornato adesso di Francia à questa Corte con l’occasione della venuta del Cardinale di Savoia. […] Domenica dopo mangiare alla stanze del Cardinale Ludovisio si tiene la solita Accademia alla quale si trovano molti Cardinali. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Vat. lat. 12947, Avvisi di Roma, fo 244vo-245ro, le 1er juillet 1623.
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Première partie
L’Académie des Umoristi, sans doute la plus importante à Rome à cette époque, avait un goût marqué pour la modernité et ce que nous appellerions de nos jours le cosmopolitisme47. En 1607, elle reçoit le poète Alessandro Guarini qui, pendant son séjour à Rome, loge chez Virginio Orsini48 – ce dernier est également en contact avec le poète Marino à la même époque49 – grâce à Pietro Aldobrandini, son protecteur50. Les réunions ont lieu les dimanches chez Paolo Mancini au palais della Valle, puis au palais Mancini-Salviati. Elle restera active jusqu’à la fin des années 163051. Les Archives secrètes du Vatican en renferment les Avvisi dont voici quelques-uns pour l’année 1624 : 3 février : Le même dimanche après déjeuner, se tint chez Monsieur Mancini […] la réunion habituelle de l’Académie des Umoristi. Le Sieur [Agostino] Mascardi, ancien secrétaire du cardinal d’Este52, a donné une docte et élégante leçon sur les courtisans et le Chevalier Giovanni Battista Marino, poète fameux et prince de ladite Académie, a récité quelques vers nouvellement composés par lui. Fut exposé le problème de savoir pourquoi l’amour est aveugle ; ils [les deux orateurs] furent honorés par la présence des cardinaux d’Este et de Savoie avec quelques prélats et d’autres Seigneurs53.
47 M. Maylender, Storia delle Accademie d’Italia, Bologne, Cappelli, 1926-1930, vol. V, p. 370. Voir aussi R. Merolla, « L’Accademia dei Desiosi », Roma moderna e contemporanea. Rivista interdisciplinare di storia, no 3/1, 1995, p. 121155, réédité dans L’Accademia dei Desiosi : storia e testo, Rome, Carocci, 2008, p. 29 et A. Mascardi, Saggi Accademici dati in Roma nell’Academia del Serenissimo Prencipe Cardinal di Savoia, Venise, Fontana, 1630, p. 160-161. 48 D. Fabris, « Lettere di Battista e Alessandro Guarini nell’Archivio Bentivoglio di Ferrara », Guarini, la musica, i musicisti, éd. A. Pompilio, Lucques, LIM, 1997, p. 86. Voir aussi la lettre que Guido Bentivoglio adressa à Virginio Orsini en 1606 où il est question du poète Guarini et de son fils Alessandro (p. 87). Concernant les études récentes sur le mécénat de Virginio Orsini, voir V. Morucci, « Poets and Musicians in the Rome-Florentine Circle of Virginio Orsini, Duke of Bracciano (1572-1615) », Early Music, no 43/1, 2015, p. 53-61 et id., Baronial Patronage and Secular Music in Early Modern Rome (1550-1656), New York, Routledge, 2018. 49 Voir la lettre datée du 8 novembre 1608 et adressée depuis Turin à Virginio Orsini où Marino lui envoie un poème : « Desideroso di rannimare nella memoria di Vostra Eccellenza la ricordanza della mia devota servitù ; piglio per occasione un poemetto da me nuovamente composto, più per dimostrazione in qualche parte grato a questa Serenissima Altezza, che per far pompa d’ingegno. È stato fatto in pochi giorni, poco riveduto, et con pochissima mia sodisfazione publicato. Il volume è piccolo, et di piccolo valore, ma l’affetto, che l’accompagna a Vostra Eccellenza è grande. Prendalo in segno della mia pronta volontà infine a tanto, che mi hà permesso dargliene testimonio più charo. », (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 118/2, lettre no 287. 50 E. Selmi, Classici e moderni nell’officina del Pastor fido, Alessandria, Edizione dell’Orso, 2001, p. 275-276. Sur l’intense activité de mécène du cardinal Pietro Aldobrandini qui fut le protecteur, entre autres, de Palestrina, Emilio de’ Cavalieri, Luzzaschi, Frescobaldi, Banchieri, Ghizzolo, Felice Anerio ou Giovannelli, voir F. Hammond, « Cardinal Pietro Aldobrandini Patron of Music », Studi Musicali, no 12, 1983, p. 53 et X. F. Salomon, The religious Artistic and Architectural Patronage of Cardinal Pietro Aldobrandini (1571-1621), Thèse de doctorat du Courtauld Institute of Art de l’Université de Londres, 2005. 51 I. M. Groote, Musik in italienischen Akademien, Studien zur Institutionellen Musikpflege 1573-1666, Analecta musicologica, no 39, 2007, p. 131 et 136. 52 Agostino Mascardi est entré au service du cardinal Alessandro d’Este en 1618 (voir G. Tiraboschi, Biblioteca modenese o Notizie della vita e delle opere degli scrittori natii degli stati del duca di Modena, raccolte e ordinate dal cavaliere ab. Girolamo Tiraboschi, Modène, Società Tipografica, 1781-1786, vol. V, p. 249) et puis à celui du cardinal de Savoie en tant que « Gentilhomme de belles lettres » en avril 1624. Un mois plus tard, il sera nommé Cameriero d’honore du pape, voir (I-Rvat), Urb. lat. 1094, fo 219ro-vo, le 17 avril 1624 et fo 313ro, le 1er juin 1624. D’India arrive à Rome au même moment. 53 « Nel medesimo giorno di Domenica dopo pranzo si tenne in Casa del Signor Mancini […] la solita Accademia degli’Humoristi, et havendovi il Signor Mascardi già Segretario del Cardinale d’Este fatta una dotta, et elegante lettione in materia de Corteggiani, et il Cavagliere Giovanni Battista Marino famoso Poeta et Prencipe di detta Accademia recitato alcuni Versi da lui nuovamente composti, esplicato un problema perche Amore ti depinge cieco ; furono favoriti con l’assistenza delli Cardinali d’Este, et Savoia con alcuni Prelati, et altri Signori. », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 10, fo 28vo, le 3 février 1624.
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Chapitre 8 : La cour de Rome
En effet, en cette année 1624, les cardinaux d’Este, de Savoie et Bentivoglio assistent régulièrement aux travaux de l’Académie des Umoristi54 et se rendent souvent à Montegiordano55. 30 mars : Chez Monsieur Paolo Mancini dimanche après le déjeuner, s’est tenue la réunion habituelle de l’Académie des Umoristi où fut donnée une docte et élégante leçon en langue vernaculaire sur la Passion du Rédempteur lui-même et puis fut prononcé un discours sur le problème proposé à l’Académie intendante, à savoir d’où venait la force que Samson avait dans ses cheveux, sachant qu’elle lui manquait s’ils étaient coupés et qu’elle lui revenait quand ils repoussaient, sujet sur lequel on entendit plusieurs avis des académiciens ; lesquels proposèrent ensuite, comme sujet de discussion de la prochaine académie, cet autre problème, à savoir quelle est la saison la plus belle de l’année56. 11 mai : Les membres de l’Académie des Umoristi, en signe d’affection envers le défunt Monseigneur [Virginio] Cesarini57 qui […] fut prince de leur Académie, dimanche, après le déjeuner, y représentèrent ses obsèques en la recouvrant, pour l’occasion, d’ornements funèbres. Le Sieur Agostino Mascardi de Sarzana, excellent orateur, aujourd’hui gentilhomme du cardinal de Savoie y fit dans un style à la fois limpide et grave, l’oraison funèbre en expliquant les différentes vertus du défunt, sujet à partir duquel furent récités différent sonnets et d’autres poèmes en présence des cardinaux Bentivoglio, Torres et [Francesco] Barberini, de l’Excellentissime Antonio Barberini [qui sera créé cardinal en 1628], d’autres prélats et du duc [Giuliano] Cesarini58.
Les obsèques du poète Marino au sein de cette Académie, le 7 septembre de l’année suivante (1625), furent également l’occasion d’un hommage appuyé59. Mais revenons aux Avvisi de l’année 1624 : 25 mai : En ce jour, après le déjeuner, se tint à nouveau, chez Monsieur Paolo Mancini, la réunion habituelle de l’Académie des Umoristi où fut donnée une docte et élégante leçon en langue vernaculaire qui a duré une heure, par un gentilhomme de Lucques sur le blâme de la poésie. Puis, a été discuté d’une autre manière le problème proposé à l’Académie, à savoir ce qui est plus noble de la chasse ou bien de la pêche60.
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(I-Rvat), Urb. lat. 1094, fo 66vo. Une dépêche d’Ercole Rondinelli, diplomate et conseiller d’État de la cour de Modène, fait part de la présence du cardinal d’Este à Montegiordano un soir du mois de mars 1624. (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 220, lettre no 32, mars 1624. 56 « In Casa del Signor Paolo Mancini Domenica dopo pranzo si tenne la solita Accademia degl’Humoristi, dove fù fatta una dotta, et elegante lettione in lingua volgare sopra la Pasione del medesimo Redentore, et poi discorso sopra il Problema proposto nell’Accademia intendente, cioè donde procedeva la forza che hebbe Sansone nelli suoi Crini, qual tagliati le mancava, et accrescendosigli le ritornava, sopra di che si sentirono varij pareri di quei Academici ; li quali poi proposero per disputare nella prossima Academia quest’altro Problema cioè, qual sia la più bella stagione dell’Anno. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 10, fo 81vo, le 30 mars 1624. 57 Cesarini, qui était aussi musicien et poète, venait d’être élu « maestro di camera » d’Urbain VIII. Il était également proche des musiciens Antonio Cifra, Paolo Quagliati (proches du cardinal Farnèse) et Stefano Landi. Voir S. Franchi, « Principi, cardinali e poeti per musica », op. cit., p. 27-28, n. 16. 58 « Gl’Academici Humoristi per segno d’affetto, verso il difunto Monsignor Cesarini, che […] fù Prencipe della loro Accademia Domenica dopo pranzo vi rappresentarono le sue esequie havendola però tutta coperta d’ornamenti lugubri, et vi il Signor Agostino Mascardi da Sarzana eccellente Oratore hora Gentilhuomo del Cardinale di Savoia fece in stile et terzo, et grave l’oratione funebre, esplicando le sue varie virtù, nel qual soggetto vi furono anco recitati diversi sonetti, et altre Poesie alla presenza delli Cardinali Bentivogli, Torres et Barberino, dell’Eccellentissimo Antonio Barberino di molti Prelati del duca Cesarino. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 10, fo 124vo, le 30 mars 1624. M. Fagiolo dell’Arco, La festa barocca, Rome, De Luca, 1997, p. 260-262. Voir aussi A. Borzelli et F. Nicolini, Giam59 battista Marino. Epistolario, seguito da lettere di altri scrittori del Seicento, Bari, Laterza, 1912, vol. II, p. 105-108. In quel giorno dopo pranzo si tenne di nuovo in casa del Signor Paolo Mancini la solita Accademia de gl’Humoristi, 60 « dove vi fù fatta una dotta et elegante lettione volgare, che durò per spatio d’un hora da un Gentilhuomo luchese in biasimo
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Première partie
15 juin : Lundi après le déjeuner furent données au Collège Romain, par un noble Anglais, élève de ce Collège, […] quelques leçons de philosophie dédiées au cardinal de Savoie qui intervint en même temps que quinze autres Illustrissimes, un grand nombre de prélats et d’autres nobles, le salon ayant été noblement décoré pour cette occasion avec des brocarts d’or et d’autres riches tapisseries appartenant au cardinal de Savoie. En guise d’intermèdes, d’excellentes musiques furent données avec des pièces pour différents instruments61. 6 juillet : Dans la susdite matinée du dernier dimanche du mois, on fit dans l’église de Saint-Eustache l’habituelle communion générale instituée par les Pères jésuites. En plus d’une importante participation, s’y est également rendu pour communier avec une partie de sa cour le cardinal de Savoie, le titulaire de cette église. Dimanche, après le dîner, se tint la réunion habituelle de l’Académie des Umoristi qui a discuté du problème proposé, à savoir s’il est convenable de tomber amoureux quand on est âgé ; plusieurs points de vue de grand goût ont été entendus parmi les intervenants62. 27 juillet : Le même jour de dimanche après le déjeuner se tint la réunion habituelle de l’Académie des Umoristi où fut donnée, par l’un des académiciens, une docte et élégante Leçon en langue vernaculaire sur la beauté. Il a été également discuté le thème de la jalousie avec l’intervention, parmi celles des autres Seigneurs, de l’Excellentissime Seigneur Don Antonio Barberini […] Don Carlo Borginia, le Seigneur comte [Carlo] Colonna qui a été déclaré récemment le nouveau prince de cette Académie63.
Parmi les autres membres célèbres des Umoristi on peut relever les noms de Doni, Kapsberger, Della Valle, Tronsarelli, Baroni64, le Chevalier d’Arpin ou le turinois Cassiano dal Pozzo. Ce dernier, arrivé à Rome en 1612 et très proche du cardinal de Savoie, est l’un des Italiens les plus cultivés de son temps ; il entretient des rapports très étroits avec le milieu littéraire français65 mais aussi avec l’entourage du pape Urbain VIII, au point de devenir bibliothécaire des Barberini66. L’arrivée et le séjour du cardinal de Savoie à Rome, le palais Orsini de Montegiordano
L’arrivée du cardinal de Savoie à Rome à la fin du mois de juin 1623, pour participer au conclave qui doit commencer le 19 juillet67, est un événement attendu et remarqué : della Poesia sendovi poi diversamente stato discorso sopra il Problema proposto nell’Accademia anteriormente qual sia più nobile la caccia, overo la Pescaggione. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 10, fo 137vo, le 25 mai 1624. 61 « Lunedi dopo pranzo furono sostenute nel Collegio Romano da un Nobile Inglese Alunno di questo Collegio […] lettioni di filosofia dedicate al Cardinale di Savoia, che ci intervenne con 15 altri Illustrissimi, buon numero di Prelati, et con altra Nobiltà, essendo con tal occasione quel Salone stato nobilemente apparato de Broccati d’oro, et d’altre ricche tappezzarie di detto Cardinale di Savoia, et fatte per Intermedij eccellente musiche con Sinfonie di varij Instrumenti. », id., fo 159ro, le 15 juin 1624. 62 « Nella sudetta mattina per l’ultima Domenica del mese si fece nella Chiesa di Sant’Eustachio la solita Communione generale instituita da Padri Gesuiti, et oltre gran’ concorso delle persone vi fù anco à communicarsi con parte della sua Corte il Cardinale di Savoia, che è titolare di questa Chiesa. Si tenne Domenica dopo dinnare la solita Accademia degl’Humoristi quali discorsero sopra il Problema, che ci era stato proposto se conviene à persone di matur età l’inamorarsi, sendovisi sentiti varij pareri con molto gusto di quelli che intervennero. », id., fo 181ro-182vo, le 6 juillet 1624. Des thématiques similaires (philosophie et science politique) étaient également traitées (souvent sous forme d’allégories) dans d’autres Académies à Rome, voir R. De Mattei, « Dispute filosofico-politiche », op. cit., p. 160. 63 « In detto giorno di Domenica dopo pranzo fù tenuta la solita Accademia de gli’Humoristi, fatta da uno di quelli Accademici una dotta, et elegante Lettione in lingua volgare sopre della belleza sendovi poi anco stato discorso sopra della gelosia, et intervene tra gli altri Signori dell’Eccellentissimo Signor Don Antonio Barberino […] Don Carlo Borginia, del Signor Conte […] Colonna ultimamente dichiarato per nuovo Prencipe di quell’Accademia. », id., fo 203ro, le 27 juillet 1624. 64 F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 103. 65 H. Röttgen, Il Cavalier Giuseppe Cesari d’Arpino : un grande pittore nella splendore della fama e nell’incostanza della fortuna, Rome, Bozzi, 2002, p. 137 et 115. 66 A. Griseri, Le metamorfosi del barocco, Turin, 1967, p. 114. 67 G. Gigli, Diario Romano, op. cit., p. 74.
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Chapitre 8 : La cour de Rome
Attendant le cardinal de Savoie la semaine prochaine à Rome, nous espérons que le palais de Montegiordano sera en ordre à temps pour le loger, concernant les tapisseries et d’autres meubles qui ont été déchargés à Civitavecchia des deux galères du duc de Savoie son père, […], ayant conduit également une nombreuse et très noble cour de plus de deux cents personnes parmi lesquelles de nombreux nobles piémontais et savoyards, quelques barons français, un bon nombre de palefreniers, des pages et douze gardes suisses68.
Cet avviso du 17 juin est suivi de deux autres datés du 1er juillet qui rendent compte de son installation à Montegiordano : Le Cardinal de Savoie […] s’est […] laissé voir à Rome dans un somptueux carrosse en velours cramoisi, frangé et orné de dentelles d’or, qu’il fit conduire depuis le Piémont avec ses vingt palefreniers vêtus à la française69 […]. Et en plus des gentilshommes et des prélats venus avec lui depuis Turin, il compte avoir à son service dix gentilshommes romains70. [Le cardinal Maurice de Savoie] vit royalement avec trois cents personnes à son service parmi lesquelles douze nobles, quinze pages, dix-huit laquais et douze gardes suisses qui sont les gardiens du palais. Ces derniers sont vêtus d’une riche tunique de velours rouge doublée d’une damasquette de couleur rouge […]. Le reste de la cour est composé de gentilshommes, serviteurs de la Chambre et officiers. Dans une salle, soixante chevaux sont prêts à servir quand il ira remplir les fonctions publiques qu’il n’a pas encore commencé d’exercer71.
Maurice de Savoie s’installe dans l’aile nord du palais Orsini à Montegiordano. Les documents d’époque décrivent le cardinal comme un homme magnanime et splendide. Ainsi, Giovanni Battista Ronchi, gentilhomme modénais, écrit-il le 3 avril 1624 au prince Alphonse de Modène, dont il est le cameriere segreto72 :
68 « Aspettandosi il Cardinale di Savoia nella prossima settimana in Roma, dove in tanto s’attende tuttora à finire di mettere all’ordine per sua habitatione il Palazzo di Monte Giordano, con le tapezzarie, et altri mobili stati sbarcati in Civita Vecchia, dalle 2 Gallere del Duca di Savoia suo Padre, […], havendo detto Cardinale condotto una numerosa et nobilissima Corte di più di 200 persone, trà quali molti Titolati Piamontesi, e Savoiani, con alcuni Baroni francesi, una buona mano di Palafreniere ; e Paggi con 12 Svizzeri. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 9, fo 164ro et vo, le 17 juin 1623. 69 L’habillement des serviteurs « à la française » était une habitude turinoise depuis l’arrivée de Christine de France dans cette ville : « Precedettero le guardie ducali à cavallo ; caminavano dopo i camerieri ; e paggi de’ vassalli con livree all’italiana, ed alla francese, pari alla solenità. », V. Castiglione, Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo Prencipe di Piemonte Ré di Cipro, parte prima, Turin, Sinibaldo, 1653, p. 167, document conservé à (I-Ta), Corte, Storia della real casa, catégorie III, liasse 16, fasc. 8. Concernant l’identité du Français au début du xviie siècle qui repose sur un idéal nobiliare, voir J.-F. Dubost, « Enjeux identitaires et politiques d’une polémique. Français, Italiens et Espagnols dans les libelles publiés en France en 1615 », Le sentiment national dans l’Europe méridionale aux xvie et xviie siècles, éd. A. Tallon, Madrid, Casa de Velázquez, 2007, p. 102-103. 70 « Il Cardinale di Savoia […] si è […] lasciato vedere per Roma in una sontuosa Carrozza di Velluto Cremesino con frangie et trine d’oro fatta condurre da Piamonte con li suoi 20 Parafrenieri vestiti alla francese […] et oltre li Gentilhuomini, et Prelati venuti seco da Turino procura anco d’havere al suo servigio dieci di questi Gentilhuomini Romani. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 9, fo 178ro, le 1er juillet 1623. 71 « Sua Altezza sta in casa alla Reale tiene 300 bocche al suo servitio, et tra le quali 12 titolati, 15 paggi, 18 staffieri, et 12 svizzeri questi tutti vestiti con ricca livrea di velluto rossino fodrato di damascheto di color rosso, li quali svizzeri servon per custodia del Palazzo, […]. Il resto della Corte consiste in gentilhuom’aiutanti di Camera, et offitiali. In sala tiene 60 cavalli da servirsene per quando andrà alla funtioni publiche alle quali ancora non ha dato principio. », (I-Rvat), Vat. lat. 12947, Avvisi di Roma, fo 244ro, le 1er juillet 1623. 72 G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este che fù nel secolo il Serenissimo Alfonso III Duca di Modana, e nella Religione Serafica il Prete Gio. Battista Predicatore Apostolico della Serenissima Infanta D. Isabella di Savoia sua Dilettissima Consorte. Nascita, Vita, Morte, e Sepoltura Descritta in brevità, mà veridicamente dal P. F. Gio. Da Sestola Predicatore Capuccino A gloria di Dio & edificatione di chi leggerà, Modène, Soliani, 1646, p. 84 et 119.
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Première partie
Le Seigneur cardinal de Savoie jouit de l’unanime reconnaissance de toute la ville de Rome ; il est le miroir du Sacré collège et la splendeur de cette grande cour. Sa magnanimité est admirée de tous73.
De même, nous pouvons lire dans un avviso romain daté du 30 janvier 1627 : On ne saurait décrire la splendeur et la libéralité dont un si grand cardinal a toujours fait preuve dans toutes ses actions, à l’image de la magnanimité et de la bienséance de sa Sérénissime maison74.
C’est à partir de 1624 que Maurice de Savoie devient une figure politique de premier plan, comme en témoigne la correspondance diplomatique de cette année où l’activité du prélat est mentionnée à de multiples reprises75. Le séjour romain du cardinal fut une mise en scène de la libéralité76 – qui implique l’image et le prestige du prince – sur fond politique et religieux, notamment par le biais de la création de l’Académie des Desiosi dans le somptueux palais Orsini de Montegiordano – l’un des centres principaux de sa magnificence77. L’Accademia dei Desiosi du cardinal Maurice de Savoie, une Académie d’armes et de lettres
C’est à partir de 1625 que certains Avvisi di Roma commencent à parler des réunions académiques « dans le palais du cardinal de Savoie ». Les Desiosi, de tendance francophile, sont le reflet d’une nouvelle phase politique et culturelle inaugurée par le pontificat du pape Barberini78. Ils témoignent également d’un nouveau type de sociabilité académique : l’académie de cour. L’Académie des Desiosi a une identité propre : ses membres sont tous des gentilshommes piémontais érudits, dont certains sont aussi prélats ou soldats, et qui forment le parti du pape. Elle accueille des visiteurs prestigieux (« gens de savoir79 », personnages nobles et cardinaux) de différentes tendances politiques (du parti français comme du parti espagnol). Ses réunions favorisent les pratiques artistiques (littérature, arts figuratifs, danse et musique) qui accompagnent l’activité politique – à la fois proche et autonome80 du pouvoir pontifical – et intellectuelle de l’Académie. Enfin elle est, grâce à l’ambiance hiérarchisée, aristocra-
73 « Il Signor Cardinale di Savoia hà l’applauso universale di tutta Roma egli è lo specchio di questo sacro collegio, e lo splendore di questa gran corte. La magnanimità di lui e da tutti ammirata. », (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 220, lettre no 5, 3 avril 1624. 74 « Non si può a’bastanza scrivere la splendedezza, et la liberalità, con quale cosi grand Cardinale si è sempre mostrato in tutte le sue attioni conforme la magnanimita, et il decoro della sua Serenissima Casa. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 13, fo 29vo, le 30 janvier 1627. 75 Voir par exemple la correspondance de Fabio Carandini-Ferrari, ambassadeur de Modène à Rome dans (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîtes 213 et 218. 76 Voir les deux lettres datées du 28 mai 1628 que le cardinal Maurice adresse au duc de Modène où le prélat affirme sa volonté de libéralité. (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîtes 1419/169, lettres du 28 mai 1623. 77 « E quivi han bello, e gran Palazzo con bellissima fontana dell’acqua loro di Bracciano. Et hora v’habita con molta magnificenza l’Altezza Serenissima del Cardinal di Savoia sotto la cui protettione molte volte l’anno vi si fa nobilissima Accademia di virtuosissimi ingegni. », P. Totti, Rittrato di Roma moderna, Rome, Ricciardi, 1638, p. 251. 78 Maffeo Barberini, le futur Urbain VIII fut nonce de France, voir B. Barbiche, « L’influence française à la cour pontificale sous le règne de Henri IV », Mélanges d’archéologie et d’histoire de l’École française de Rome, no 77, 1965, p. 298. 79 Nous empruntons ce terme à J. Verger, Les gens de savoir en Europe à la fin du Moyen Âge, Paris, PUF, 1997. En effet, comme le soulignent J. Boutier, M. Caffiero, B. Marin et A. Romano, « Pespectives. Naples, Rome, Florence 80 en parallèle », Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens, op. cit., p. 652 : « Une lecture plus fine des situations locales invite à […] mesurer les degrés d’autonomie que [les milieux intellectuels] sont susceptibles de produire » vis-à-vis du mécénat et du patronage qui les régentent.
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tique et chevaleresque qui règne en son sein81, un lieu de formation du gentilhomme. Le statut et la fonction de l’intellectuel y sont clairement énoncés par le biais de discours dont certains de situent presque en marge des dogmes de l’Église82. Le nom est évidemment la première marque d’identité d’une Académie : il représente son signe distinctif et donne un sens à ses réunions83. D’après une typologie établie par Amedeo Quondam, celui de Desiosi, représenterait la volonté d’« acte, action et passion84 », ce qui coïncide parfaitement avec la signification du titre « Désireux » mais aussi avec ce que propose le cardinal lui-même lors d’une discussion visant à établir la nature et le but de son entreprise académique : On donnera comme emblème […] de l’Académie cinq couronnes entrelacées, à savoir de chêne, de palme, de lierre, de chiendent et de laurier avec la devise Non uni insistere palmae85 [Tel est le mérite du chef, de ne pas s’attarder sur une unique victoire], empruntée [au poète] Sannazzaro […] puisque les anciens Grecs et Romains donnèrent lesdites couronnes comme récompense aux virtuoses qui s’exerçaient dans les différentes vertus, […], les Académiciens, non contents de cultiver une seule de ces vertus, s’emploieront en de louables exercices à devenir dignes de toutes. Le nom de l’Académie sera : les Désireux86.
L’Académie est aussi une association particulière dont le rituel complexe et contraignant est fixé par des règles méticuleuses : Le candidat, tout en restant debout, répondra aux questions et devra donner entière satisfaction ; il sera accepté et admis au sein de l’assemblée par un vote public avec les paroles suivantes, prononcées par le prince de l’Académie : « L’honorable désir qui vous anime pour être admis aux louables exercices qui se professent dans cette Académie […] ne peut que vous rendre digne de ce rassemblement lequel a été sollicité avec le témoignage de vos vertus ; nous vous admettons comme partie de ce corps dont vous vous contraindrez à observer toutes les règles, […]. Le promettez-vous ? ». Il répondra : « Oui monsieur ». Après quoi le prince lui donnera l’anneau symbolique des couronnes […], après lui avoir fait ouvrir et fermer un livre, saisir l’épée, le compas et un autre instrument mathématique ou musical selon la profession pour laquelle il se montrera le plus enclin. Cela étant fait, le nouvel académicien fera le tour en s’inclinant d’abord devant le prince et puis en embrassant tous les autres académiciens pour aller ensuite s’asseoir à la dernière place87.
M. Boiteux, « Il principe cardinale Maurizio di Savoia a Roma tra mecenatismo e effimero », Casa Savoia e Curia Romana, op. cit., p. 397. A. Romano, « À l’ombre de Galilei ? », op. cit., p. 218-219. 82 A. Quondam, « L’Accademia », op. cit., p. 842. 83 Dall’atto, attione, passione, operatione », ibid. 84 « Haec ducis est virtus, non uni insistere palmae. 85 Averà l’Impresa da levarsi nell’Academia per corpo cinque corone intrecciate insieme, cioè di quercia, di palma, di 86 « ellera, di gramigna e d’alloro col motto Non uni insistere, tolto dal Sannazaro […] : siccome gli antichi Greci e Romani diedero per premio de’ virtuosi i quali in varie virtù s’essercitavano ciascuna delle sudette corone, […], così questi academici non una d’esse, ma tutte unitamente, si propongono alfine che, non contenti d’una sola delle virtù, per rendersi di tutte meritevoli in vari lodevoli essercizi s’impieghino. Il nome sarà : i Desiosi. », Diario dell’Academia dei Desiosi eretta dal Serenissimo Prencipe Cardinale di Savoia nel suo Palazzo in Roma l’anno 1626, Biblioteca Nazionale Universitaria di Torino (I-Tn), manuscrit N. V. 13, fo 15ro et 15vo. 87 « Il pretendente, pur d’in piedi, risponderà al dubbio, al quale s’avrà intieramente sodisfatto, sarà per pubblico suffragio accettato e ammesso nella radunanza colle seguenti parole detegli dal Prencipe dell’Academia : « L’onorato desideri il quale vi move ad essere ammeso a i lodevoli essercizi che si professano in questa Academia […], così non può che rendervi degno di quella radunanza la quale è stata col testimonio delle vostre virtù non meno suplicata […] ; v’ammetiamo però come parte di questo corpo, del quale v’obbligarete ad osservar tutti i stabilimenti, […]. Promettete voi questo ? ». Egli risponderà : « Si signore ». Ed in questo il Prencipe gli dà l’anello simbolico delle corone […], avendogli prima fatto aprir 81
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Ces rituels88, véritables mises en scène, avaient pour but de produire un espace dans l’espace, un désemboîtement du temps qui facilite l’activité académique qui va des armes aux lettres. En effet, les membres des Desiosi se réunissaient tous les jours durant presque toute l’année, dans le but d’organiser des divertissements, de faire des propositions dans l’intérêt de l’Académie, mais aussi de réaliser des exercices physiques, chevaleresques, d’épée et de géométrie, d’élaborer des stratégies diplomatiques et militaires, de rédiger des rapports d’ambassades fictives et de composer des discours sur des sujets moraux et philosophiques. Ils participaient aussi à la préparation de tournois – pratique turinoise –, banquets et défis ainsi que des spectacles de l’Académie, à savoir la représentation de fables dramatiques, ballets, comédies et concerts89. Itinéraire poétique, contexte rhétorique et vie intellectuelle. La figure d’Agostino Mascardi
La vie littéraire était donc riche au palais de Montegiordano. Comme le souligne Stefano Lorenzetti, le noble cultivé n’est qu’un nouvel orateur qui a remplacé le forum par la cour90, chaque aspect de son éducation s’insère dans un contexte rhétorique91. Le contexte rhétorique de l’Académie de Maurice de Savoie, c’est-à-dire celui qui unit le comportement à l’intellect, est celui de la confrontation polémique. Dans ce réseau de grands esprits92, l’une des figures centrales de l’Académie des Desiosi est sans aucun doute Agostino Mascardi, « ami des virtuoses93 », comme le poète Marino et d’Agliè, mais également acteur principal, de l’Académie des Umoristi94. Il apparaît dans certains documents d’archive parmi les ecclésiastiques que le cardinal « entretient uniquement en leur donnant un carrosse et une part de pain et de vin95 ». Les discours de Mascardi96 nous permettent d’imaginer en partie la vie littéraire de l’Académie du cardinal de Savoie. En effet, Mascardi parle de la « loi de l’amitié » qui règne dans les Académies de cette période97 nonobstant un esprit de compétition associé à la perfectibilité : e serrar un libro, impugnar la spada ed il compasso ed altro strumento matematico o musicale, secondo la professione alla quale egli si mostrarà magiormente inclinato. Ciò fatto, il nuovo accademico se ne passerà in giro inchinandosi prima al Prencipe ed indi abbracciando tutti gli altri accademici, mettendosi dopo a sedere nell’ultimo luogo. », id., fo 6vo et 7ro. 88 Concernant la polysémie des rituels ainsi que leur lien avec la politique, voir G. Bertrand et I. Taddei, « Introduction », Le destin des rituels : faire corps dans l’espace urbain, Italie-France-Allemagne, éd. G. Bertrand et I. Taddei, Rome, École française de Rome, 2008, p. 1-19. 89 Concernant le fonctionnement interne de l’Académie ainsi que le statut social de ses membres, voir J. Morales, « Le prince-cardinal Maurice de Savoie et les arts. Une esthétisation de l’identité nobiliaire au palais Orsini de Montegiordano à Rome », Seizième siècle, no 12, 2016, p. 284-288. 90 S. Lorenzetti, « La parte della musica », op. cit., p. 39. 91 S. Lorenzetti, Musica e identità, op. cit., p. 116. 92 Voir M. Fumaroli, La République des Lettres, Paris, Gallimard, 2015 et S. Testa, Italian Academies and their Networks, 1525-1700. From Local to Global, New York, Palgrave Macmillan, 2015, p. 155-177. 93 « Il signor Mascardi […] è amico de’ virtuosi, o almeno vuol essere tenuto. », lettre de Fulvio Testi au comte Camillo Molza, residente straodinario in Roma, depuis Modène le 25 janvier 1625. Lettre no 65, citée dans M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, op. cit., vol. I, p. 51. 94 F. L. Minucci, La vita e le opere di Agostino Mascardi con appendici di lettere e altri scritti inediti, Gênes, Atti della Società Ligure di Storia Patria, 1908, vol. XLII, p. 212. Voir aussi G. B. Adriani, Memorie, op. cit., p. 558, n. 1. 95 « Gli trattienne con dargli solo carrocia, e parte di pane, e di vino. », (I-MOs), Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1420 A/172, fo 1ro. 96 A. Mascardi, Prose vulgari di Monsignor Agostino Mascardi cameriere d’honore di nostro signor Urbano Ottavo, Venise, Fontana, 1625 ; Discorsi morali di Agostino Mascardi su la tavola di Cebete Tebano, Venise, Pinelli, 1627 et Saggi Accademici dati in Roma nell’Accademia del Serenissimo Prencipe Cardinal di Savoia, Venise, Fontana, 1630. 97 A. Mascardi, Orationi e discorsi, Gênes, Pavoni, 1622, p. 304, rééd. Venise, Fontana, 1624.
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Ainsi, dignes d’admiration, prospèrent les Académies grâce au concours de tant de nobles esprits […]. Elles doivent inquiéter les courtisans moins doués lors des exercices littéraires au sein de la cour : parce que le théâtre des Académies se compose également de spectateurs et d’acteurs […] : dans les cercles académiques, les plus savants prennent les premières places : mais les gagnent au prix de grands efforts et de peines98.
En ce qui concerne l’Académie de Maurice de Savoie, le livre des Saggi Accademici (Essais académiques) composé de quatorze essais contient celui d’Agnolo Cardi de Sienne, intitulé La calamità della corte99 (La calamité de la cour), et celui du Bolonais Virgilio Malvezzi, intitulé Ragione per le quali i Letterati credono non poter avvantagiarsi nella Corte100 (Raisons pour lesquelles les hommes de lettres croient ne pas pouvoir tirer un bénéfice de la cour), qui n’hésitent pas à citer Tacite ou Sénèque comme des modèles d’instruction politique. Ces essais montrent aussi une lucidité sur les limites de la condition humaine ainsi qu’une bonne connaissance des mécanismes et des pièges du pouvoir. Le thème de la liberté est très présent dans les réunions de l’Académie du cardinal. La liberté de parole et du savoir ainsi que la valeur de l’homme de lettres « au service de l’intellect du prince » sont clairement énoncées comme moyen pour combattre la tyrannie et ce combat passe par l’exercice des arts et des lettres. C’est ce qui transparaît dans le discours du Bolonais Matteo Peregrino intitulé Che il dir male non è in tutto male101 (Que dire du mal n’est pas toujours un mal) où l’auteur affirme que le liberté de critiquer et non seulement « convenable » mais « indispensable à la République humaine ». Enfin, quelques représentants du nouveau goût poétique comme le chevalier Pier Francesco Paoli102 de Pesaro – également membre des Umoristi, ami de Frescobaldi et dont les poèmes ont été mis en musique par De Monte, Marenzio, Nenna, Banchieri, Ferrari ou Mazzocchi103 – et Marcello Giovanetti, originaire d’Ascoli Piceno104, font également partie de l’Académie. Leurs discours apparaissent dans le recueil d’Essais de Mascardi. C’est également le cas de Girolamo Aleandro105, secrétaire du cardinal Bandini, ami du poète Marino et favorable aux nouvelles tendances poétiques. Itinéraire artistique, mise en scène du pouvoir et collectionnisme
Ces écrits nous éclairent sur la teneur des sujets abordés, les discussions portant sur thèmes religieux, littéraires, classiques et allégoriques. Cette dernière dimension, reflet de l’imaginaire culturel du cardinal Maurice, est fortement influencée par l’Antiquité, trait typiquement romain à cette époque, et s’exprime à travers les arts figuratifs. Ainsi, nous pouvons lire dans le journal de l’Académie : Deux [académiciens] écriront une description de la salle de l’Académie comme si elle devait être à nouveau ornée avec des peintures, en l’enrichissant de tout ce qui concerne l’architecture et les figures [géométriques]
98 « Così degne di maraviglia riescono le Accademie, per lo concorso di tanti nobili ingegni, […]. Negli esercitii di lettere in Corte debbono à Cortigiani men dotti recar disturbo : perche anche il teatro delle Accademie si compone di spettatori, e d’attori […] : nelle addunanze accademiche i più scientiati tengono i primi luoghi : ma se gli comprano a prezzo di sudori, e di stenti. », A. Mascardi, Prose vulgari, op. cit., p. 7. 99 A. Mascardi, Saggi Accademici, op. cit., p. 129. 100 Id., p. 8-19. 101 Id., p. 103-106. 102 P. F. Paoli, « Esser verissimo, che Vexatio dat intellectum », id., p. 307-311. 103 S. Franchi, « Principi, cardinali e poeti per musica », op. cit., p. 51 et n. 61. 104 M. Giovanetti, « Dello Specchio », Saggi Accademici, op. cit., p. 332-337. 105 G. Aleandro, « Del modo, che tener devono i Saggi, e Letterati Cortigiani per non esser della Corte (quali da novella Circe) in sembianze di brutti animali trasformati », id., p. 241-247.
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qu’ils jugeront les plus nécessaires. […]. Devises, inscriptions, éloges, hiéroglyphes et d’autres choses ainsi faites en langue vulgaire et en latin réalisées par six [membres] à mettre dans la salle de l’Académie106.
Le cardinal utilise les thèmes allégoriques des tableaux et des sculptures dont il est le commanditaire comme un moyen d’autoreprésentation dans le but de renforcer son prestige et son influence au sein de la Curie. Il combine les attributs classiques et les privilèges de son statut religieux avec la magnificence nobiliaire dans la construction d’une politique culturelle. Maurice de Savoie se tourne alors vers la peinture de style classique, notamment celle de l’école bolonaise. En 1625, il commande plusieurs tableaux au Domenichino, au Guercino, à Guido Reni et à son élève Francesco Gessi, à Gian Giacomo Sementi et à Francesco Albani107. Son goût pour la peinture classique ne l’empêche pas de commander d’autres tableaux à des peintres de diverses écoles – Florence, Padoue, Venise, Flandres, France ou Rome – dont certains l’ont servi au palais de Montegiordano108. Il Cavaliere d’Arpino (Giuseppe Cesari), noble romain, est sans aucun doute le peintre à bénéficier le plus de sa protection. Dans une lettre anonyme, non datée et conservée à l’Archivio Capitolino de Rome nous pouvons lire : Le Seigneur cardinal de Savoie a pris chez lui le Chevalier et peintre Giuseppe d’Arpino ainsi que [le musicien] Orazio dell’Arpa109.
La lettre pourrait dater du 28 juin 1625110 compte tenu de l’allusion au musicien111 et de l’évocation d’une cavalcade112 solennelle, le lendemain, à Monte Cavallo (au Quirinal), la veille de la fête de SaintPierre, suivie d’une fête chez Ruy Gómez de Silva y Mendoza, duc de Pastrana113 et ambassadeur114 106 « Due porteranno una descrizione della sala dell’Academia, come se novamente s’avesse da ornarsi da pitture, arricchendola di tutto ciò che d’architettura, di figure giudicarà più necessario. […]. Motti, iscrizioni, elogi, gieroglifici, ed altre sì fatte cose in volgare, ed in latino portati da sei per metter nella sala dell’Academia. », (I-Tn) Diario dell’Academia dei Desiosi, op. cit., fo 10ro. 107 C. Santarelli, « Le collezioni dinastiche dei duchi di Savoia nel Seicento : problemi di iconografia musicale », Canoni bibliografici. Atti del Convegno internazionale IAML/IASA, Perugia 1-6 settembre 1996, Lucques, LIM, 2001, p. 80 et M. Boiteux, « Il principe cardinale Maurizio di Savoia a Roma », op. cit., p. 389, 392 et 396. 108 Id., p. 391-392 et 396 et J. Morales, « Le prince-cardinal Maurice de Savoie et les arts », op. cit., p. 292-294. 109 « Il signor Cardinale di Savoia, hà preso in casa sua, il Cavaliere Gioseppe d’Arpino Pittore, e quell’Horatio dell’Arpa. », (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 386/2, lettre no 294. 110 « Sabbato mattina Vigilia della festa di san Pietro il Papa da Monte Cavallo con nobile cavalcata, e seguito d’altri Cardinali et di molti Prelati se ne passò al Vaticano, et la medesima sera dopo il Vespro cantato in San Pietro nel tornar alle sue stanze ricevette nella sala clementina la Chinea, e Cedola Bancaria per il tributo solito del Regno di Napoli, presentatogli dal Duca di Pastrana Ambasciatore Cattolico che v’andò con numerosa cavalcata di molti Titolati, e Nobiltà d’ogni nattione. », (I-Rvat), Urb. lat. 1095, Avvisi di Roma, fo 385ro, le 2 juillet 1625. 111 En effet, Orazio dell’Arpa semble habiter, à partir de 1625, dans la maison que le cardinal loue à Giovanni Pietro Arrigone, location dont plusieurs versements apparaissent dans ses livres de comptes. (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 112 « Cavalcata est le terme employé pour qualifier l’équipage, à cheval et revêtu de vêtements spécifiques, dans lequel les papes, las cardinaux et autres hauts personnages de la cour se déplacent pour aller célébrer les fonctions […] relevant de leur charge. », M. Boiteux, « Parcours rituels romains à l’époque moderne », Céremonial et rituel à Rome (xviexixe siècle), éd. M. A. Visceglia et C. Brice, Rome, École française de Rome, 1997, p. 69. 113 « Dimani per le 20 hore e intimita la cavalcata per accompagnare la Bestia sin a monte cavallo, quale bisognerà, che monti per le scale, senza zoccoli, dico senza ferri, […], Il signor Duca di Pastrana fa fare una belissima fontana avanti del Palazzo che dimani gettera vino, e frà gli altri fuochi artificiali vi e una Cometa, con doi gigli nel mezzo, uno di qua l’altro di la, l’interpretatione di che per hora non saprei dire. », (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 386/2, lettre no 294. 114 « Les ambassadeurs étrangers doivent faire une Entrée officielle qui manifeste leur présence à Rome […]. Le pape a l’habitude de les honorer en désignant des légats qui les accompagnent depuis le lieu habituel du début des cavalcades officielles, la villa Giulia, jusqu’à leur résidence en ville. », M. Boiteux, « Parcours rituels romains », op. cit., p. 72 et 73.
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extraordinaire d’Espagne de 1623 à 1626. Les liens entre musiciens et poètes sont donc très étroits à cette époque115. L’Académie du cardinal, qui favorise une sociabilité informelle, est le centre de gravité de ces rapports artistiques croisés. Itinéraire musical, spectacles et transferts culturels. Sigismondo D’India et les musiciens de Maurice de Savoie
La présence de D’India au sein de l’Académie du cardinal Maurice n’est pas attestée. En effet, on ne trouve pas de référence explicite au compositeur dans le journal de celle-ci ni dans les Avvisi, mais nous pouvons supposer qu’il y participait non pas en tant que membre mais en sa qualité de musiciengentilhomme, c’est-à-dire comme aiutante et organisateur des musiques qui étaient données lors des réunions. En effet, le journal des Desiosi montre une activité musicale riche, même si aucun détail n’est donné sur les musiques représentées ni sur les interprètes. L’activité artistique et la pratique musicale peuvent être considérées comme un prolongement de l’activité politique et académique. Les concerts et les ballets étaient donnés indifféremment pendant les périodes d’activité ou de repos de l’Académie. Les premiers avaient lieu trois ou quatre fois par semaine et précédaient d’autres événements comme les dîners du dimanche et du jeudi. On y jouait des musiques « d’une nouvelle invention » aussi bien vocales116 qu’instrumentales avec « divers instruments », telles des passacailles à la guitare117 ou des danses, comme le branle ou la courante118, pour ensemble de violes à quatre parties119. Ces musiques servaient également à accompagner les ballets les jeudis à la fin des réunions et le premier dimanche de janvier après une fête donnée à l’Académie120. La danse, en tant que divertissement et instrument politique, est l’une des activités artistiques les plus importantes des Desiosi. Le vendredi, ses membres s’exerçaient à pratiquer des pas de gaillarde, courante, pavane, canarie et chaconne121. Parfois, pour la délectation des invités, les pages du cardinal exécutaient différents ballets après le dîner122. 115 J. Morales, « Le prince-cardinal Maurice de Savoie et les arts », op. cit., p. 295-296. 116 « Giovedì prossimo passato si fece una bellissima Accademia in casa del signor Cardinale di Savoia. Nobilissima fu la materia, trattandosi delle lodi di Sant’Elisabetta reina di Portogallo. Fu cantato un poemetto graziosissimo di monsignor Ciampoli dalle più eccellenti voci di Roma, cioè a dire di tutt’Europa. », lettre no 90 datée du 7 juin 1625 citée dans M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, op. cit., vol. I, p. 76-77. Il pourrait s’agir du poème « Sul trono ove seder solea », sonnet « per Santa Isabbella Regina di Portogallo », mis en musique par Filippo Albini et publié dans son Secondo libro dei musicali Concenti, Rome, Robletti, 1626. 117 Le cardinal de Savoie entretient également des joueurs de luth, comme Paolo Bologni ou Paolo Bisogno, dans sa cour. Voir (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. Paolo Bologni apparaît quatre fois dans le registre de février à décembre. N’oublions pas que D’India était également joueur de théorbe. 118 (I-Tn) Diario dell’Academia dei Desiosi, op. cit., fo 8ro et 12vo-13ro. 119 « I violoni, bassi, contralti, violini, et tenori tutti insieme e si darà l’aria come sopra. », id., fo 13ro-13vo. « Violoni » et « bassi » forment ici une seule partie, celle de la basse continue. 120 Id., fo 9vo. 121 Un document intitulé Nota della famiglia che teneva ultimamente il Signor Prencipe Cardinale di Savoia in Roma quando visitava con le provisioni e trattenimenti che ricevevano conservé aux Archives d’État de Modène fait part d’un grand nombre de serviteurs du cardinal Maurice parmi lesquels des médecins, barbiers, porteurs, habilleurs, un maître pour jouer pendant la danse (Mastro di sonare a ballo), un professeur de mathématiques, un peintre, un joueur de violon (Mastro di Violino) et un accordeur de clavecins (Cimballario cioè che accordava gli stromenti), mais également des majordomes, gentilhommes serviteurs pour les banquets (gentiluomini di bocca), avocats, poètes, trésoriers, sommeliers, un patissier et un bouffon. (I-MOs), Archivio Segreto Estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1420 A/172, fo 1ro-4vo. 122 « La sera del detto giorno nel Palazzo del Cardinale di Savoia si tenne di nuovo la solita Accademia, dove il Signor Giuliano Fabritij Spoletino Gentil’huomo di belle lettere fece un dottissimo discorso sopra l’ambitione con intervento
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Comme le souligne Kate Van Orden, « les maîtres d’armes étaient souvent des maîtres de danse, ce qui montre la proximité des deux arts123 ». Enfin, n’oublions pas que le cardinal Maurice danse en tant que membre et prince (président) de l’Académie ; la danse et la musique sont deux éléments significatifs de la construction du personnage noble124. La musique des ballets de l’Académie aurait pu être composée par Sigismondo D’India. Si nous nous référons au livre des Musiche e Balli125 du compositeur – le plus important témoignage musical des fêtes turinoises des années 1620 – nous pouvons mentionner l’aria francesa ainsi que les nombreux ballets et courantes, ou encore le branle intitulé Ecco autunno (Voici l’automne) qui s’inscrit dans la thématique des saisons, sujet également traité à l’Académie du cardinal. S’il s’agit des musiques de D’India, cela confirmerait la place particulière de la musique profane comme contrepoint aux discours académiques et la place de premier plan du musicien au sein de l’Académie, d’où la volonté de jouer des concerts « de musique d’une nouvelle invention » et dont nous savons que le compositeur était l’un des meilleurs représentants de son temps. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le cardinal lui fait un don de vingt écus le 20 janvier 1625126 durant la période de carnaval. Un autre musicien au service de Maurice de Savoie pendant son séjour à Montegiordano est Orazio dell’Arpa (Orazio Michi, 1595-1641), déjà évoqué, à qui le cardinal adresse soixante-quatre écus le 4 avril « pour subvenir à ses frais du premier quart de l’année courante127 ». Le musicien apparaît pour la première fois dans les livres de maître du cardinal Maurice le 2 octobre 1623 où il est payé cent écus « afin de l’entretenir » pour les mois de juillet, août et septembre128. Orazio dell’Arpa – joueur de harpe napolitain installé à Rome, d’abord au service du cardinal Alessandro Peretti Montalto de 1613 jusqu’à la mort de celui-ci en 1623, ensuite du cardinal de Savoie129
anco delli Cardinali Bentivoglio, Barberino et Magalotti con l’Eccellentissimo Signor Don Antonio Barberini, et molti Prelati ; et altri Signori, havendo poi detto Cardinale di Savoia data regale Cena a detti Cardinali ; et al Signor Don Antonio Barberini per trattenimento de quali dalli Paggi di detto Cardinale di Savoia furono fatti diversi Balletti. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma, boîte 11, fo 32vo, le 1er février 1625. L’archetier romain Camillo Belucci fut payé dix-huit écus et demi le 26 août 1625 « pour les 15 archets de violon destinés aux pages de Son Altesse » (« Per numero 15 Archetti di Viollini serviti per li Paggi di S. A. »), (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 123 K. Van Orden, « Du mérite de la danse pour le gouvernement des princes », La Délivrance de Renaud. Ballet danced by Louis XIII, éd. G. Garden, Turnhout, Brepols, 2010, p. 142. 124 S. Lorenzetti, « La parte della musica », op. cit., p. 39. 125 Il s’agit d’un recueil anthologique de 33 pièces qui contient des ballets chantés à quatre voix et dont certains peuvent être interprétés à voix seule. S. D’India, Le Musiche e Balli a quattro voci con il basso continuo, Venise, Vincenti, 1621. 126 « Scudi Venti […] pagati al Cavagliere Sigismondo Dindia, che Sua Altezza gliene fa dono. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 127 « Per compimento del suo trattenimento del primo quartiere dell’anno corrente. », id., liasse 2, 1624, non paginé. 128 « Scudi Cento […] pagati al Signor Horatio Michi musico in Roma per suo trattenimento delli tre mesi di Luglio, Agosto et Settembre 1623. Come per mandato sottodetto Signor Cardinale di Savoia. Roma alli 2 Ottobre 1623. », id., liasse 1, 1623, non paginé. 129 Concernant la circulation des musiciens dans les cours des cardinaux, les Avvisi de Rome conservés à (I-Rvat), Vat. lat. 12947, fo 244vo, en date du 1er juillet 1623, nous en donnent un témoignage : « Le Cardinal [Scipione] Borghese […] a encore pris […] trois autres serviteurs […] du Cardinal Montalto […] et du Cardinal de Savoie a été pris Orazio dell’Arpa. » (« Il Cardinale Borghese […] ha pigliato ancora […] 3 altri servitori […] del Cardinale Mont’Alto […] et dal Cardinale di Savoia è stato pigliato Horatio dall’Arpe, al quale è stato restituito la robba, che li fu interdetta. »).
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jusqu’en 1627130 et puis d’Antonio Barberini131 –, peut être considéré comme un continuateur de la tradition vocale de Sigismondo D’India en ce qui concerne la monodie accompagnée132. L’influence de D’India, en ce qui concerne la madrigal polyphonique133, est également manifeste sur un autre musicien du cercle romain de Maurice de Savoie : Michelangelo Rossi « sonator di violino » (« violoniste ») qui reçoit quarante écus « pour le prix de six violes vendues à Son Altesse134 » et sera payé cent-cinq écus le 14 février et le 26 décembre 1625 « pour deux habits […] et […] pour ses provisions de Noël de l’année 1624 et celles, par avance, de Pâques et de Noël de l’année 1625135 ». On peut penser que le musicien a participé aux différentes activités musicales et festives de l’Académie à partir de 1624. Enfin, la place centrale donnée au ballet, l’effectif instrumental à quatre parties qui l’accompagne ainsi que la migration des musiciens turinois du cardinal, tels Filippo Albini ou Lorenzo Molardo, à Rome136, sont la preuve d’un transfert musical savoyard (la Vigna du cardinal) – lui-même d’origine française – dans un contexte romain (le palais de Montegiordano137). En effet, « les transferts culturels transitent par des lieux géographiques138 », mais également par des espaces urbains précis et sont à l’origine, grâce au changement de contexte, des innovations139, mais aussi de la formation de l’identité européenne. Le cas du ballet au sein de l’Académie des Desiosi nous montre un exemple où les identités culturelles se croisent et se transforment réciproquement. Cet « entrelacement d’identités », pour reprendre 130 F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 84-85 et 204 ; J. W. Hill, Roman Monody, op. cit., p. 141 et A. Morelli, « “Con musica eccellentissima di cose pie”. Salve, litanie ed altre devozioni : pratiche e patronage a Roma in età moderna », Atti del Congresso Internazionale di Musica Sacra. In occasione del centenario di fondazione del PIMS, Roma, 26 maggio-1 giugno 2011, éd. A. Addamiano et F. Luisi, Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2013, vol. II, p. 727. 131 J. Lionnet, « The Borghese Family and Music during the First Half of the Seventeenth Century », Music & Letters, no 74/4, 1993, p. 528. 132 Nous pouvons mentionner la communication présentée par D. Fabris lors de la journée d’études internationale France-Italie « Musique et culture à Rome et dans l’Italie méridionale entre Renaissance et Baroque » à l’Université de Paris-Sorbonne le 7 novembre 2014 et intituleé « Orazio Michi et l’âge d’or de la harpe à Rome » (non publié). Concernant la musique composée par Orazio dell’Arpa, nous pouvons mentionner un recueil d’Airs (ms. 2490) et un « Dies irae » sur cantus firmus (ms. 2663) conservés à la Bibliothèque Casanatense de Rome (I-Rc), mais également deux airs : « Al mio penoso ardore » et « Chi non dimanda » (Q IV 8) qui font partie des Manuscrits Chigiani (Archivio Chigi), du fonds musical de la Bibliothèque Apostolique du Vatican (I-Rvat) et dont l’inventaire fut réalisé par Jean Lionnet. Quant à D’India, le compositeur suggère l’utilisation de l’« arpa doppia » dans ses recueils des Musiche de 1609, 1621 et 1623. 133 B. Mann, The madrigals of Michelangelo Rossi, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 2002. 134 « Per donativi a compra di viole et altro per servitio del Serenissimo Prencipe Cardinale. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 7 (1623 in 1626), mandat de paiement no 339 (voir aussi le mandat no 68). D’autres dépenses « per costo di sei viole vendute », « in pagamento di un cembalo » ainsi qu’un paiement adressé à « Bruto Vischia Cemballaro in Roma per compito pagamento d’un organo a tavollino venduto a S. A. », se trouvent dans ibid et id., art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 135 « Al quale il Principe cardinale fa dare per due vestiti […] et […] per Natale dell’anno 1624, Pasqua et Natale del 1625 anticipatamente oltre la provisione. », id., art. 220, liasse 2, reg. 7 (1623 in 1626), mandat de paiement no 68. 136 « Per comprare un vestito a Lorenzo Molardo musico di moriana in occasione che deve andare à Roma », id., mandat de paiement no 22, « Si fa creditore della somma di fiorini Settecentoquaranta valuta di Ducatoni 40 à ff. 18.6 l’uno pagati al musico Filippo Albini alquale il Serenissimo Principe Cardinale fa dare per le spese del suo viaggio da Torino a Roma in compagnia di Lorenzo Molardo altro musico come per ordine del Signor Conte Lodovico delli 10 marzo 1625 et quittanza di 30 detto. », id., mandat de paiement no 23. 137 Voir J. Morales, « Le prince-cardinal Maurice de Savoie et les arts », op. cit., p. 280-283 et 303-304. 138 M. Espagne et M. Werner, « La construction d’une référence culturelle allemande en France. Genèse et histoire (17501914) », Annales, no 42/4, 1987, p. 981. 139 F. Celestini, « La musica a Roma nel Seicento », op. cit., p. 123.
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Première partie
les mot de Federico Celestini140, est le produit d’une « secondarité culturelle141 » dont D’India et le cardinal de Savoie sont les plus importants artisans. Le premier, grâce à l’appropriation (à Turin) et la diffusion (à Rome) d’un genre musical étranger (le ballet) dans un nouveau contexte, transforme sa propre identité (« noble palermitain », chevalier, musicien-gentilhomme) autant que celle de la culture d’accueil142 (l’Académie des Desiosi). Le second, superpose une multiplicité d’identités afin de donner une dimension esthétique forte à son action politique et à son statut de prince-cardinal. Les cardinaux non romains avaient tendance à reproduire dans la Ville éternelle le mode de vie de leurs patries d’origine, invitant artistes, poètes et musiciens143. C’est ainsi que l’Académie du cardinal de Savoie qui se réunissait au palais de Montegiordano, véritable cour dans la cour, s’imprégnait des changements culturels romains autant qu’elle participait à la transformation culturelle de la Ville. Goûts et pratiques vocales, les castrats et les villas de cardinaux mélomanes
Les cardinaux romains et résidents à Rome contribuaient amplement à la diffusion et au transfert des pratiques musicales. Parmi elles, l’une occupe une place tout à fait particulière : la musique vocale. Les cardinaux ont des goûts bien précis, déterminés par l’image qu’ils souhaitent donner à leurs activités civiles et culturelles. L’importance de la musique est plus marquée, on l’a vu, dans les choix opérés par les cardinaux non-romains. Les voix de castrats sont particulièrement appréciées et recherchées par les prélats mélomanes comme Scipione Borghese, Francesco Barberini, Maurice de Savoie ou le cardinal Alessandro d’Este qui n’hésitent pas à inviter les plus virtuoses d’entre eux, y compris ceux de la Chapelle pontificale, pour participer, dans leurs palais romains ou dans leurs résidences à l’extérieur de Rome, à des célébrations, des concerts ou à d’autres manifestations musicales. Ils sont également sollicités par les institutions religieuses (les musiques pour les années saintes étaient quasi exclusivement sacrées144). Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que ces chanteurs jouent un rôle de médiateurs entre les cercles pontificaux et courtisans où ils naviguaient aisément145. Le cardinal de Savoie fait partie des amateurs de castrats, comme le montrent plusieurs paiements pour Angelo Ferrotti, « musicien de Son Altesse » et l’un des castrats romains les plus fameux de son temps146 à qui le cardinal adresse trente-cinq écus le 14 janvier 1624. Ce dernier paie également vingt-huit écus le 29 février à Giovanni Battista Clementini pour les « dépenses concernant Angelo Ferrotti, jeune castrat entretenu par Son Altesse147 ». Le cardinal Maurice est également en contact 140 « Intreccio delle identità culturali. », id., p. 126. 141 Rémi Brague a développé le concept de « secondarité culturelle » dans Europe, la voie romaine, Paris, Critérion, 1992, concept selon lequel la culture, en Europe, est, historiquement, un élément « fondamentalement étranger ». C’est en s’appropriant une source culturelle située toujours en dehors d’elle-même qu’elle a pu connaître une série de renaissances. 142 Sur cette question, voir T. Favier, « Tavola ronda. Incroci tra storia culturale e storia della musica a livello europeo. Metodi e problematiche per il xvii e il xviii secolo », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples, op. cit., p. 631. 143 Nous remercions Paola Besutti pour ses conseils avisés concernant cette question. 144 A. Morelli, « Musica a Roma negli anni santi dal 1600 al 1700 », Roma sancta. La città delle basiliche, éd. M. Fagiolo et M. L. Madonna, Rome, Gangemi, 1985, p. 190. 145 Sur l’éclectisme des chanteurs-compositeurs pontificaux de cette époque, voir N. O’Regan, « Orazio Griffi : papal singer, composer, impresario and consumate administrator in early Seicento Rome », La musique à Rome au xviie siècle, op. cit., p. 253-268. 146 F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 80. 147 « Spesi per conto di Angelo Ferrotti Castrattino trattenuto da Sua Altezza », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 2, 1624, non paginé.
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avec les castrats Ottaviano Cambiano148 et trois chanteurs pontificaux virtuoses : les sopranos Gregorio Laserini (ou Lazzarini), musicien au service du cardinal Borghese, originaire d’Ancône et membre de la Chapelle pontificale depuis 1619, Loreto Vittori (1604-1670), originaire de Spoleto et virtuose du cardinal Francesco Barberini149 et l’alto Lorenzo Sances (ou Sanci)150. Nous pouvons lire dans le journal de la Chapelle Sixtine151 en date du jeudi 25 avril 1624 : Le Sieur Gregorio [Lazzarini] a eu la permission de l’Illustrissime cardinal [Francesco] Barberini de se rendre à Frascati [à la villa de Mondragone] pour servir le Seigneur cardinal de Savoie152.
En effet, deux lettres conservées aux Archives secrètes du Vatican, datées du 26 et du 27 avril 1624 et envoyées par le cardinal de Savoie au cardinal Borghese depuis Mondragone, confirment la présence du chanteur Gregorio (Lazzarini) ainsi que du musicien Luigi (Conticelli153 ?) dans cette villa à Frascati154. Il faut savoir qu’entre 1624 et 1626155, le cardinal se rend souvent à Mondragone156, situé à quelques kilomètres de Rome, propriété du cardinal Borghese157. Ce dernier apparaît dans le registre de 1628. Id., liasse 4, 1628. Membre de la Chapelle Sixtine depuis 1622, voir G. Rostirolla, « Celebrazioni ed eventi musicali nella Cappella Pontificia durante l’Anno Santo 1625 : dal Diario redatto dal compositore e cantore perugino Francesco Severi con l’edizione integrale di esso », « Vanitatis fuga, aeternitatis amor », éd. S. Ehrmann-Herfort et M. Engelhardt, Analecta musicologica, no 36, 2005, p. 155 et E. Celani, « I cantori della Cappella Pontificia », Rivista Musicale Italiana, no 15, 1907, p. 776. 150 « Si fa creditore della somma di scudi Venti cinque di moneta da giuli dieci l’uno pagati al signor Lorenzo Sanci musico dell Serenissimo Principe Cardinale per il fitto della casa di sua habitatione […] 15 maggio 1626. », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 9 (1626-1627), mandat de paiement no 339. 151 Il s’agit du « Libro di punti » (registre d’absences et présences des membres de la Chapelle), source documentaire unique pour reconstruire l’histoire de la vie quotidienne de la Chapelle pontificale. Les informations des registres sont en généralement fiables et dépourvues d’erreurs, voir H. W. Frey, « Il repertorio dei cantori pontifici in un « diario sistino » del 1616 », La musica e il mondo : mecenatismo e committenza musicale in Italia tra Quattro e Settecento, éd. C. Annibaldi, Bologne, Il Mulino, 1993, p. 139 et 140. 152 « Il Signor Gregorio ha havuto licentia dal Illustrissimo Signor Cardinale Barberino per andare à Frascati ha servire il Signor Cardinale di Savoia. », (I-Rvat), Cappella Sistina, Diari, 42 (1624), fo 28ro. D’autres autorisations pour se rendre à Frascati apparaissent dans le journal de l’année 1625, voir G. Rostirolla, « Celebrazioni », op. cit., p. 155, 189-190, 193-195 et 201. 153 Ténor de la Chapelle Sixtine. 154 (I-Rasv), Segreteria di Stato, Cardinali, vol. 5, fo 319 et 320. 155 Un paiement de 178 écus pour les frais de deux voyages réalisés par le cardinal à Frascati apparaît dans le livre de maître de celui-ci le 28 mai 1625. (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 156 Le cardinal Maurice se trouve à Mondragone le 11 mai 1624 : (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 213, lettre no 27. Une autre lettre datée du 18 mai 1625 écrite à Mondragone par Carlo Emanuele Pallavicini, gentilhomme du cardinal de Savoie, au comte Ludovico d’Agliè à Rome laisse entendre que Maurice de Savoie se trouvait à Mondragone, voir G. B. Adriani, Memorie, op. cit., p. 469-470. Le cardinal se trouve à Mondragone pour les Pâques 1626, voir la lettre de l’ambassadeur de Modène à Rome Fabio Carandini-Ferrari, datée du 16 avril 1626 et conservée à (I-MOs), Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 68. Le cardinal revient à Mondragone au mois de mai, voir id., lettre no 11 datée du 2 mai 1626, et le 12 octobre de la même année, voir la lettre adressée à monseigneur Ponziglione, théologien, secrétaire du cardinal et membre de l’Académie des Desiosi, dans G. B. Adriani, Memorie, op. cit., p. 541. Dans une lettre d’Agostino Mascardi au comte Camillo Molza datée du 24 octobre 1626 depuis Rome, il est dit que le cardinal de Savoie se trouve à Frascati et qu’il rentrera mardi, voir F. L. Minucci, La vita e le opere di Agostino Mascardi, op. cit., p. 508. Nous pouvons supposer que D’India devait également fréquenter cette villa entre 1623 et 1626 en tant que gentilhomme-serviteur du cardinal Maurice qui entretenait d’excellents rapports avec le cardinal Ludovisi. 157 Pour l’histoire de la Villa Mondragone de Frascati, voir L. Marcucci, « Villa Mondragone a Frascati », Quaderni dell’Istituto di Storia dell’Architettura, no 27, 1982, p. 118 et id., « Storia e architettura di villa Mondragone nelle fasi Altemps e Borghese », Lo « Stato tuscolano » degli Altemps e dei Borghese a Frascati. Studi sulle ville Angelina, Mondragone, Taverna-Parisi, Torlonia, éd. M. B. Guerrieri Borsoi, Rome, Gangemi, 2012, p. 59-98. Voir aussi M. B. Guerrieri Borsoi, « I Borghese nel territorio tuscolano », id., p. 22-23. 148 149
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De même, en juin 1621, Girolamo Frescobaldi était présent à la villa Aldobrandini à Frascati lors d’un banquet en l’honneur de Maurice de Savoie158 où le cardinal fut « délecté avec des instruments et des chants159 ». Sigismondo D’India se rend également à Frascati afin de saluer le cardinal Maurice avant son départ pour Modène à la fin du mois d’avril 1626160. Une autre villa fréquentée par Maurice de Savoie est celle de Tivoli161, également dans la région du Latium et appartenant au prince-cardinal Alessandro d’Este162 – lui aussi grand mécène163 – et puis, à partir de 1624, à son neveu Luigi d’Este, où le cardinal Maurice fait venir des chanteurs. Ainsi, le 28 octobre 1625 : Messieurs [Loreto] Vittori et [Lorenzo] Sances ont eu la permission du Seigneur cardinal protecteur164 pour se rendre ce matin à Tivoli [Villa d’Este] pour servir le Sérénissime de Savoie165 [le duc Charles-Emmanuel en visite à Rome].
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C. Annibaldi, « Il Mecenate “politico”. Ancora sul patronato musicale del cardinale Pietro Aldobrandini (ca. 15701621) (I) », Studi Musicali, no 16/1, 1987, p. 63. 159 « Un tratenimento di suoni e di canti. », F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 122. 160 Voir la lettre de l’ambassadeur de Modène à Rome, Fabio Carandini-Ferrari : « Il Cavaliere Sigismondo d’India […] andò […] a Frascati a licentiarsi dal Signor Cardinale di Savoia di dove tornò la sera medesima. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 42 datée du 18 avril 1626. 161 D’après les documents d’archive, depuis son arrivée en 1623, le cardinal de Savoie se rend souvent à Tivoli : Rome, le 10 juin 1623 : « [Il] Cardinale di Savoia, il quale Giovedì arrivò a Civitavecchia, dove già con Carroze da Campagna sono andati l’Abbate Scaglia, il Vescovo d’Auosta, et altri vassalli, et affettionati à quel Duca, che si trovano à questa Corte, oltre che molti Cardinali vi hanno mandato ancora essi. Si fermarà questo Principe per quattro o cinque giorni a Caprarola, overo à Tivoli per trattenersi sino ch’il suo Palazzo sarà all’ordine. », (I-Rvat), Avvisi di Roma, Vat. lat. 12947, fo 228ro. Le cardinal Maurice se rend à Tivoli le 24 juillet 1624 : (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggio ambasciatori Roma, boîte 218, fo 236. Le 2 novembre 1624, le cardinal se trouve à nouveau Tivoli : (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi, Roma-Venezia, boîte 10, fo 299vo, 1624. Le 4 novembre, soit deux jours plus tard, le cardinal de Savoie revient de Tivoli « en excellente santé » (« con buonissima salute ») si l’on en croit la lettre du comte Guido San Giorgio (lettre no 100, citée dans M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, op. cit., vol. I, p. 90). Voir aussi la lettre que le cardinal adresse à Alphonse d’Este le 6 novembre et conservée à (I-MOs), Cancelleria sezione generale, Carteggio di referendari, consiglieri, cancellieri e segretari, Minute e memorie di Cancelleria, boîte 188. Le 20 septembre 1625 : « Nel medesimo giorno di lunedì dopo pranzo il sudetto Cardinale di Savoia ne passò per suo diporto a Tivoli, come anco fece il Cardinale Borghese [Scipione Borghese] alla sua villa di Frascati insieme con il Cardinale San Giorgio [Pietro Maria Borghese], et il Principe di Sulmona [Marco Antonio Borghese]. », (I-Rasv), Segreteria di Stato, Avvisi di Venezia, boîte 11, fo 266vo, 1625. Le 9 octobre de la même année, Maurice de Savoie se trouve à Tivoli pour des raisons politiques, (I-Ta), Corte, lettere ministri, Roma, liasse 35, fasc. 1, fo 95vo. Voir aussi une lettre de d’Agliè adressée depuis Tivoli à Marguerite de Savoie le 6 novembre 1625 soit quelques jours après la visite du duc de Savoie dans cette ville, id., liasse 37, fo 303-304. Le 6 décembre 1625, 837,65 écus apparaissent comme frais d’un voyage que le cardinal fit à Tivoli en 1625, (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 162 Dans une lettre de Fulvio Testi à Cesare d’Este et datée du 17 octobre 1620, le poète, en plus de témoigner de la présence d’Ottavio Rinuccini, fait part des merveilles qui se trouvent à Tivoli dont les fontaines du palais et l’orgue aquatique, mais aussi de celles de la Villa d’Hadrien. Voir M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, op. cit., vol. I, p. 21-23, lettre no 28. 163 Ainsi que le confirment ses livres de comptes conservés aux Archives d’État de Modène où il est question, entre autres, d’un « quadro d’una musica » et d’un portrait du pape Grégoire XV (1624), ainsi que dell’eredità (1624-1626) de plusieurs dessins, objets d’art, tableaux et quelques livres de poésie. (I-MOs), Cancelleria ducale, Amministrazione dei principi, registro dei mandati, boîtes 340 et 348. 164 Les instititution pontificales et ecclésiastiques romaines étaient mises sous la protection d’un cardinal qui en surveillait le bon fonctionnement et en défendait les causes auprès de la Curie. En 1625, c’est Francesco Maria del Monte qui était le cardinal protecteur de la Chapelle Sixtine. Concernant les cardinaux protecteurs, voir O. Poncet, « Les cardinaux protecteurs des couronnes en cour de Rome dans la première moitié du xviie siècle : l’exemple de la France », La corte di Roma tra Cinque e Seicento, « teatro » della politica europea, éd. G. Signorotto et M. A. Visceglia, Rome, Bulzoni, 1998, p. 461-480 et C. De Dominicis, « Cardinal protecteur », Dictionnaire historique de la papauté, éd. P. Levillain, Paris, Fayard, 1994, p. 284-285. 165 « Li Signori Vittori e Sanci hanno havuto licentia dal Signor Cardinale protettore per questa matina per andare a Tivoli a servir il Serenissimo di Savoia. », (I-Rvat), Cappella Sistina. Diari, 43 (1625), fo 68.
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Enfin, le cardinal de Savoie est également en contact avec d’autres chanteurs comme le ténor Prospero Marisio166 et les sopranos Isabella Colleata167 et la napolitaine Adriana Basile168, ce qui nous donne un autre exemple de la circulation des musiciens et chanteurs entre Rome et d’autres villes italiennes169. Deux œuvres romaines perdues
Deux œuvres majeures de la production romaine et profane de D’India et du répertoire dramatique italien du début du xviie siècle sont à ce jour perdues. Il s’agit du drame sacré Le Saint-Eustache, composé en 1625 sur un poème de Ludovico d’Agliè, et de la partie d’Adonis de la Catena d’Adone, écrite en 1626 sur un livret du poète Ottavio Tronsarelli à Tivoli, que le musicien aurait écrite à la demande du prince Aldobrandini pendant qu’il se trouvait malade. Intéressons-nous aux circonstances dans lesquelles D’India a composé ces deux œuvres manquantes. Il Sant’Eustachio (1625), un drame sacré entre l’Église et la cour
Si l’on se réfère aux documents d’archive, la représentation du Saint-Eustache a sans doute eu lieu au début de l’année 1625. Le livre de maître du cardinal indique en effet que, le 20 février, le compositeur reçut la somme de trente-six écus « pour les frais occasionnés pour la représentation de la vie de saint Eustache en musique170 ». La pièce a donc été représentée pendant la période de carnaval qui correspond à une riche activité musicale de l’Académie du cardinal de Savoie. Le Saint-Eustache de D’India fait écho à une tragédie sur le même thème, composée par Giovanni Antonio Liberati à Caprarola (villa qui se trouve à soixante kilomètres au nord de Rome) en 1606 et dédiée au cardinal Odoardo Farnese171, œuvre qui précède un autre Saint-Eustache, sur un texte de Giulio Rospigliosi (le futur pape Clément IX), mis en musique par Virgilio Mazzocchi et dédié au cardinal Francesco Barberini dans les années 1630172, et dont le livret est conservé à la Bibliothèque
À qui le cardinal remet 1850 florins en main propre « in una lettera di cambio » envoyée à Rome en février 1623, (ITa), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 1, reg. 6 : « 1623 1624 et 1625. Quarto conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli », mandat de paiement no 108. 167 « Più della Somma di Fiorini quattromillia pagati alla Signora Isabella Colleata […] per donativo fattoli da Sua Altezza come ne consta per copia autentica del detto mandato delli 16 di maggio 1623 et della quittanza […] delli X Giugno 1627. », id., liasse 2, reg. 8 (1626-1627), mandat de paiement no 111. 168 C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I : Filippo Albini da Moncalieri », Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), éd. L. Girodo, Lucques, LIM, 2002, p. xi. 169 Pour une réflexion sur Villa et demeure urbaine, voir D. Iogna-Prat, Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l’architecture de la société, Paris, PUF, 2016, p. 422-424. 170 « À conto delle spese che fa per la rapresentatione della Vita di S. Eustachio in musica », (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 7 (1623 in 1626), mandat de paiement no 360. Voir aussi id., art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé où l’on peut lire : « Scudi trenta sei […] pagati al Signor Sigismondo D’india Musico di Sua Altezza a conto della representatione che Sua Altezza fa fare della vita di S. Eustachio […] Roma alli 20 febraro 1625 ». 171 S. Franchi, Drammaturgia romana. Repertorio bibliografico cronologico dei testi drammatici pubblicati a Roma e nel Lazio, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 1998, vol. I, p. 42. 172 C. Annibaldi, Storia della Cappella musicale Pontificia : Il Seicento, Palestrina-Rome, Fondazione G. P. de Palestrina, 2011, p. 152. Voir aussi B. Schrammek, « Profane und sakrale Musikspektakel der Barberini mit Kompositionen von Virgilio Mazzocchi », Musica a Roma nel Sei e Settecento : Chiesa e festa, éd. M. Engelhardt et C. Flamm, Analecta musicologica, no 33, 2004, p. 379. 166
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Casanatense de Rome173. De même, la Bibliothèque nationale de Turin conservait, avant l’incendie de 1904, le texte d’une tragédie manuscrite du même nom, écrite par Giulio Serafina et dédiée au cardinal Maurice avec une dédicace datée du 25 novembre 1625174, suivant donc de peu la présentation de la composition de D’India. Comme le livret de d’Agliè aurait pu inspirer celui de Mazzocchi, on peut en déduire que la pièce mise en musique par D’India était probablement composée d’un prologue où la Victoire exalte les vertus du saint, « illustre pour la gloire des armes mais encore plus pour celle du martyre », suivi de trois actes où il est question de l’entrée triomphale du saint à Rome, de l’envie qu’ont provoqué les faveurs de l’Empereur Hadrien à l’égard d’Eustache et enfin de son martyre175. L’utilisation de la vie des saints dans les spectacles promus par les prélats romains visait à unir de manière singulière un contenu sacré à un cadre profane, voire mondain, dans un but de propagande religieuse, personnelle ou politique176. Quant aux circonstances de la représentation musicale à laquelle participa D’India, nous ne possédons que peu de documents. Le premier est la lettre que d’Agliè adressa depuis Rome à l’Infante Marguerite de Savoie vers 1626 où le poète écrit : Si dans la représentation du Saint-Eustache, j’ai prêté plus d’attention à la partie musicale qu’aux vers, si je me suis plus ému de la nouveauté de l’harmonie que de l’illustration des concepts, c’est que je ne me suis pas montré intelligent. Poète me reconnaîtra au moins Votre Altesse, obéissant serviteur, tandis que pour ne pas me séparer de sa volonté je m’éloigne des ordres de qui m’imposa de la tenir [la représentation du Saint-Eustache] secrète jusqu’à ce que la scène lui ait donné vie ; mais sans doute sera-t-elle donnée très certainement au Théâtre royal [de Turin] en présence de Votre Altesse pour mendier quelque rayon de bonté qui la libérerait de ses défauts, comme je l’en supplie. Je fais à Votre Altesse une très humble révérence177 (nous soulignons).
La lettre de d’Agliè ainsi que le livre que publiera le moine Andrea Rossotti en 1667 qui recense les publications piémontaises de cette époque – où il est question du succès de la pièce à Turin –, laissent supposer qu’une représentation du Saint-Eustache a eu lieu au théâtre royal de Turin en 1627178 – Biblioteca Casanatense (I-Rc), V. Mazzocchi, Argomento del Santo Eustachio. Attione in musica, Rome, Stamperia della Reverenda Camera Apostolica, 1643. 174 L. Anglois, Il teatro alla corte di Carlo Emanuele I di Savoia, Turin, Bairati, 1930, p. 143, n. 1. 175 V. Mazzocchi, Argomento del Santo Eustachio, op. cit. 176 S. Franchi, « Principi, cardinali e poeti per musica », op. cit., p. 39-40. 177 « Se nella rappresentatione di S. Eustachio, nella quale hebbi riguardo più al numero della musica, che de versi, e di mover più con la novità dell’armonia, che con la copia de concetti, non mi sarò mostrato intelligente. Poeta mi conoscerà almeno Vostra Altezza obbediente servitore, mentre per non scostarmi da i cenni di lei m’allontano da i comandi di chi m’impose il tenerla sepolta, sin che le desse vita la scena, ma forse con troppa baldanza si sarà esposta al regio Teatro della presenza di Vostra Altezza per mendicare qualche raggio di benignità che i suoi difetti adempia, com’io ne la supplico et a Vostra Altezza fò humilissima riverenza. », (I-Ta) Corte, lettere ministri, Roma, liasse 37, fo 302ro. 178 « Ludovicus Sanmartinus de Alladio Eques Sanctorum Mauritij, & Lazari, & Sanctissimae Annunciatae, apud Urbanum VIII. Pontific. Max. pro Sabaudo Orator ; ob multas virtutes, & maximam eruditionem Pontifici, & Urbi carus, edidit Etrusco carmine L’Autunno. Rime. Impr. funt Taurini 1610. Item Dramma di San Eustachio notis musicis saepè Taurini, & Rome actum maximo applausu. Huius Familiae laudes, & nobilitatem, ut potè ex vero Regis Italie Arduini sanguine orte eruditioris ingenij, & politioris calami stylum postulant. ». A. Rossotti, Syllabus scriptorum. Pedemontii, seu de Scriptoribus pedemontanis, Monteregali, Gislandi, 1667, p. 405-406. Voir aussi M. Sarnelli, « Dai Barberini all’età dell’Arcadia. Nuove indagini sulla poetica drammatico-musicale sacra di Arcangelo Spagna », Musikstadt Rom. Geschichte – Forschung – Perspektiven. Beiträge der Tagung »Rom – Die Ewige Stadt im Brennpunkt der aktuellen musikwissenschaftlichen Forschung« am Deutschen Historischen Institut in Rom, 28.–30. September 2004, éd. M. Engelhardt, Analecta musicologica, no 45, 2011, p. 290, n. 124. 173
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l’année où le cardinal Maurice retourne dans la capitale piémontaise. Quant à celle de Rome, elle aurait pu avoir eu lieu dans l’église du même nom, qui se situe à quelques pas de Montegiordano. En effet, le cardinal de Savoie, commanditaire de l’œuvre, avait pris possession de la diaconie179 de cette église le 19 avril 1621180. Le 16 janvier 1625, le musicien (chanteur, luthiste, harpiste et compositeur prolifique) Stefano Landi181 est crédité de la somme de cinquante écus « pour payer les chanteurs et musiciens qui chantèrent à l’église de Saint-Eustache le jour de sa fête182 ». Enfin, on trouve dans les comptes du cardinal un paiement de soixante-sept écus réalisé le 25 février 1625 (donc après la représentation du Saint-Eustache) à Francesco Maria Fucci, « copiste de musique », « pour toutes les copies de musiques faites par ordre et pour le service de Son Altesse, c’est-à-dire à partir du 3 mai 1624 et pour tout le mois de février 1625183 », ainsi que 117 écus, le 20 août de la même année, « pour autant de copies musicales faites en service de Son Altesse184 ». Il pourrait s’agir de la musique destinée à la préparation et à la représentation du drame sacré de D’India. Dans cet ordre d’idées, intéressons-nous à l’un des épisodes les plus passionnants et les plus mal connus du théâtre musical romain. Celui des rapports entre D’India et le poète Ottavio Tronsarelli autour de La Catena d’Adone, mélodrame donné à Rome, en 1626. La Catena d’Adone de Tronsarelli (1626), l’art de nouer musique, vie littéraire et mécénat
Dans une lettre datée du 2 septembre 1627 et adressée au marquis Enzo Bentivoglio, D’India affirme avoir composé toute la partie du protagoniste principal de La Catena d’Adone à Rome à la demande du prince Aldobrandini : Puisque, à Rome, c’est à moi que le prince [Giovanni Giorgio] Aldobrandini confia l’œuvre de l’Adonis, bien que je fusse malade185, et ne pusse donc le servir, je me suis efforcé de refaire toute la partie de Lorenzino [le castrat Lorenzo Sances], lequel me l’apporta alors que j’étais assiégé par la fièvre dans mon lit, l’ayant terminée le lendemain186. 179
Concernant ces institutions gérées par des moines, destinées à la charité (assistance aux pauvres, asiles, hospices pour des pèlerins) et établies auprès d’une église au centre des villes, voir J. Gaudemet, « Diaconie », Dictionnaire historique de la papauté, op. cit., p. 561-562. 180 M. Oberli, « Magnificentia Principis » : das Mäzenatentum des Prinzen und Kardinals Maurizio von Savoyen, 15931657, Weimar, VDG, 1999, p. 70. 181 Stefano Landi a dédié un livre de psaumes en 1624 au cardinal Maurice de Savoie et un livre d’Airs en 1627 à sa bellesœur Christine de France. Voir F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 80, 81 et 140. Concernant les musiques dédiées au cardinal, voir S. Leopold, Stefano Landi : Beiträge zur Biographie. Untersuchung zur weltlichen und geistlichen Vokalmusik, Hambourg, Wagner, 1976, p. 154-164 et 310-333. Per pagare li cantori et musici che cantarono alla chiesa di S. Eustachio il giorno di sua festa. », (I-Ta), Sezioni riunite, 182 « Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 7 (1623 in 1626), mandat de paiement no 708. 183 « Al Signor Francesco Maria Fucci copista di Musica scudi sessanta sette […] per tante scritture di Musica fatte d’ordine et per servitio di Sua Altezza Cioè dalli 3 Maggio 1624 per tutto febbraio 1625. », id., art. 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 3, 1625, non paginé. 184 « Al Signor Francesco Maria Fucci scudi Cento dieci sette moneta romana per tante copie musicali fatte in servitio di Sua Altezza. », ibid. 185 En effet, dans une lettre datée du 31 mars 1626 et écrite par le cardinal Maurice à son beau-frère Alphonse d’Este, le prélat confirme que le musicien était gravement malade : « Il Cavaliere Sigismondo d’India […] si ritrovava in quel tempo gravemente ammalato. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1419 A/170, lettre du 31 mars 1626. 186 « Poiché in Roma il principe Aldobrandino mi diede l’opera del Adone a me, benché si trovò poi ch’io ero amalato e no lo potei servire. Fui per sforzato di rifare tutta la parte di Lorenzino, il quale me la portò ch’io era assediato de la febre in
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D’India fait référence à la fable de Domenico Mazzocchi187, dédiée au prince de Parme Édouard Farnèse, commandée par Giovanni Giorgio Aldobrandini (1591-1637), prince de Rossano, et représentée à Rome chez Evandro Conti, duc de Poli, pendant le carnaval de l’année précédente (1626) : Dans la Maison de Monsieur Evandro Conti et sous l’impulsion du Seigneur Prince Aldobrandini, dimanche soir [le 15 février 1626] fut mis en musique l’Adonis de Marino sous forme de brève pastorale en vers non rimés. Ce fut une très belle réussite non seulement grâce au raffinement des voix mais également grâce à l’apparat, à la variété d’habits et de costumes et aux intermèdes de différents ballets auxquels participèrent un grand nombre d’aristocrates ainsi qu’une noblesse de première importance composée d’hommes et de femmes188.
Dans une lettre adressée au duc Cesare d’Este et datée du 3 février de la même année, D’India affirme être parti avec un serviteur et un castrat à Frascati pour assurer un concert auprès du prince cardinal189. Fait-il ici allusion au castrat Lorenzo Sances ? Nino Pirrotta et Stuart Reiner190 se sont interrogés sur les raisons de la mystérieuse réécriture de la partie d’Adonis – aujourd’hui perdue – sans pouvoir savoir s’il y a eu ou non une collaboration entre D’India et Mazzocchi. L’étude du contexte historique et culturel nous offre une nouvelle piste de recherche. Nous retrouvons ici encore l’esprit d’émulation artistique et littéraire de l’Académie de Maurice de Savoie. En effet, le livret de La Catena191, dont le recueil est dédié au cardinal Maurice, est une adaptation du poème L’Adone de 1623 de Marino192. Son auteur, Ottavio Tronsarelli, fait partie, tout comme Marino, de l’Académie des Umoristi, laquelle – on l’a vu – entretient des relations très étroites avec l’Académie des Desiosi du cardinal de Savoie193. Giuseppe d’Arpino, qui a réalisé les décors de la fable de Tronsarelli-Mazzocchi194, appartient lui aussi aux Umoristi et est très ami de Giovanni Giorgio Aldobrandini à qui il a prêté ses services dans sa villa de letto, dove andò fatta dimatina. », lettre transcrite par D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 403-404. 187 D. Mazzocchi, La Catena d’Adone, Venise, Vincenti, 1626, éd. moderne Tours, Trimoreau, 2002. Sur Mazzocchi, voir W. Witzenmann, Domenico Mazzocchi 1592-1665. Dokumente und Interpretationen, Analecta musicologica, no 8, 1970. 188 « In casa del signor Evandro Conti promosso dal signor Principe Aldobrandino Domenica sera fù recitato in musica l’Adone del Marini ridotto in Pastorale brevemente in versi sciolti, che riusci cosa bellissima non solo per l’esquisitezza delle voci, ma anche per l’apparato, e varietà d’habiti, e vestiti ; et Intermedij di diversi balletti ; et vi concorse gran numero de Titolati ; e Nobiltà primaria d’huomini, e Donne. », (I-Rvat), Urb. lat. 1096, Avvisi di Roma, fo 84vo, le 18 février 1626, cité partiellement par F. Clementi, Il carnevale romano nelle cronache contemporanee : con illustrazioni riprodotte de stampe e quadri dell’epoca, Rome, Settii, 1899, p. 371. 189 « Resta solo ch’io ala fine di questa settimana mi parti con servitore et uno castratino quale necessariamente conviene ch’io meni meco per compimento del concerto del Signor prencipe. », (I-MOs), Cancelleria ducale, Archivio per Materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, lettre du 9 février 1626. 190 N. Pirrotta, « Falsirena e la più antica delle cavatine », Collectanea Historiae Musicae, vol. II, Florence, Olschki, 1956, p. 355-356 et S. Reiner « Vi son molt’altre mezz’arie », Studies in Music History. Essays for Oliver Strunk, éd. H. Powers, Princeton, Princeton University Press, 1968, p. 241-258. 191 O. Tronsarelli, La catena d’Adone, favola boschereccia, Rome, Corbelletti, 1626. Voir aussi G. G. Grassi, Favole di Ottavio Tronsarelli : preliminari a un’edizione, tesi di laurea de l’Université de Turin sous la direction de Maria Luisa Doglio, 2005-2006. 192 Concernant une lettre probablement datée de 1624-1625 de Marino à Tronsarelli, voir F. Giambonini, « Cinque lettere ignote del Marino », Forme e vicende. Per Giovanni Pozzi, Padoue, Antenore, 1988, p. 324-327. 193 Tronsarelli a dédié ses Fables au cardinal de Savoie en 1626. O. Tronsarelli, Favole d’Ottavio Tronsarelli dedicate al serenissimo principe cardinale di Savoia, Rome, Corbelletti, 1626. Voir aussi A. Morelli, « Dolcezza, brevità e chiarezza, vere e sole qualità de’ componimenti musicali. Ottavio Tronsarelli e i suoi Drammi musicali », Studi Secenteschi, no 56, 2015, p. 153, n. 31. 194 G. Baglione, Le vite de’ pittori scultori et architetti Dal Pontoficato di Gregorio XIII del 1572. In fino a’ tempi di Papa Urbano Ottavo nel 1642, Rome, Fei, 1642, p. 374.
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Frascati quelques années plus tôt195. Enfin, nous avons pu noter les excellents rapports entre le chevalier d’Arpino et le cardinal Maurice à l’époque où D’India se trouvait à Rome. Le Catena d’Adone de Tronsarelli-Mazzocchi est une réélaboration poétique et musicale des chants XII et XIII du poème de Marino avec qui Tronsarelli a été en contact à Rome dans les années 1623-1624. Bien que son livret soit proche des fables pastorales, sa dimension théâtrale, grâce au potentiel dramatique du poème, s’inscrit dans l’essor de l’opéra romain de la fin des années 1620196 et annonce certaines caractéristiques de l’opéra barberinien197. Le poème de Marino n’est pourtant pas apprécié du pape Barberini qui le trouve licencieux198 : Adonis, amant de Vénus, fuyant la jalousie de Mars, arrive dans la forêt du royaume de la magicienne Falsirena, héritière de Circé et d’Armide et rivale de Vénus. Falsirena tombe amoureuse d’Adonis et transforme la forêt en un merveilleux jardin afin de l’appâter. Adonis, fidèle à Vénus, délaisse les charmes proposés par la magicienne qui décide alors de le capturer avec une chaîne invisible forgée par Vulcain. Vénus apparaît, libère Adonis et attache Falsirena à un rocher avec cette même chaîne199. Le thème de l’amour et de la jalousie était l’objet des discussions de l’Académie du cardinal de Savoie à cette époque. Cela confirme le lien étroit entre la musique et l’activité intellectuelle des cercles éclairées. La mise en musique de certains thèmes peut être interprétée comme le contrepoint des discussions académiques qui leur sont contemporaines. Depuis le début du xvie siècle, la fine fleur littéraire et artistique gravite autour de l’axe Florence-Rome200. Le monde culturel romain est au centre de toute la culture italienne de cette époque. En ce sens, l’Adone est emblématique de l’évolution de l’opéra romain qui prend ses distances avec la « monotonie » du récitatif florentin. Il s’agit d’une mutation à la fois musicale (en tant que modèle esthétique pour l’histoire du chant201) et littéraire (la publication du poème de Marino a impulsé une nouvelle orientation littéraire202). La mystérieuse affaire de la partie d’Adonis réécrite par D’India tourne autour du commanditaire : le prince Giovanni Giorgio Aldobrandini, neveu et héritier du cardinal Pietro Aldobrandini, personnage connu de Mazzocchi et de D’India. C’est également le cas du marquis Enzo Bentivoglio, jadis protecteur de Frescobaldi, ambassadeur de Ferrare à Rome203, proche de la famille Aldobrandini204 et destinataire de la lettre de D’India dont il est ici question. L’affaire concerne enfin le poète Tronsarelli, gentilhomme au service, entre autres, du cardinal Giovanni Battista Deti de la même famille des Aldobrandini, fondateur de l’Académie « d’érudition, de chant et de musique » des Ordinati dont le poète faisait partie205.
195 H. Röttgen, Il Cavalier Giuseppe Cesari d’Arpino, op. cit., p. 138. 196 F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 199-253. 197 Id., p. 5 et 19. Voir aussi F. Guardiani, La meravigliosa retorica dell’Adone, Florence, Olschki, 1989. 198 M. Fumaroli, L’École du silence. Le sentiment des images du xviie siècle, Paris, Flammarion, 1998, p. 140-146. 199 N. Pirrotta, « Falsirena e la più antica delle cavatine », op. cit., p. 256-257. Voir aussi M.-F. Tristan, Sileno barocco. Il « Cavalier Marino » fra sacro e profano, Lavis, La Finestra, 2008, p. 162-166. 200 A. Vassalli, « All’origine del madrigale », Le origini del madrigale. Atti dell’incontro di studio, Asolo, 23 maggio 1987, éd. L. Zoppelli, Asolo, Tipografia Asolana, 1990, p. 25-28 et 30-32. 201 M. Emanuele, Opera e riscritture : melodrammi, ipertesti, parodie, Turin, Paravia, 2001, p. 5. 202 Id., p. 7. 203 Enzo Bentivoglio était également un pourvoyeur d’œuvres d’art et de chanteurs entre la famille d’Este et les cardinaux romains, voir D. Fabris, « La musica nelle lettere di Battista e Alessandro Guarini », Rime e lettere di Battista Guarini. Atti del convegno di studi, Padova, 5-6 dicembre 2003, éd. B. M. Da Rif, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2008, p. 402. 204 C. Annibaldi, « Il Mecenate “politico” (I) », op. cit., p. 57. 205 S. Franchi, « Principi, cardinali e poeti per musica », op. cit., p. 45 et 54 et n. 71.
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L’Académie des Desiosi du cardinal de Savoie est un observatoire privilégié de la vie culturelle et du polycentrisme romains. Sa vocation universelle, préoccupation centrale de la Rome de cette époque, s’exprime ici par le biais de la sociabilité politique et de l’activité artistique, mais également par son rôle dans la diffusion des idées et des pratiques culturelles venues d’ailleurs. L’Académie est un lieu d’hybridation, de dissémination et de transfert206 (savoyards, français, et romains). La mise en scène et la symbolique des rituels y sont le moteur de la constitution d’une identité spécifique. L’Antiquité devient le modèle de l’identité moderne et revêt de nouvelles significations qui comblent la distance qui la sépare des Académiciens du xviie siècle. C’est ainsi que le cardinal Maurice s’approprie un passé qu’il considère lui appartenir et qu’il estime toujours vivant. C’est ce que révèle également l’expression de la magnificence et de la libéralité du prélat. La première – l’aptitude à se distinguer – dévoile la sagesse, la grandeur et le bon goût aristocratiques, acquis grâce à la fréquentation de l’Académie. La seconde – la capacité à savoir donner et à récompenser – est le reflet de ses vertus de noble et de la beauté morale de ses actions en tant que prince de l’Église. La magnificence a donc à voir avec la représentation et la célébration207 et la libéralité avec le patronage et le mécénat, activités qui sont au cœur des Desiosi. Enfin, les différents événements musicaux, donnés depuis le palais de Montegiordano à l’église de Saint-Eustache – lieux où se concentrait la présence sabauda et française à Rome208 –, en passant par les villas cardinalices à l’extérieur de Rome, nous montrent que les pratiques culturelles vont de pair avec la réalité urbaine – qui est elle-même façonnée par les divers modèles et formes politiques qui circulent dans la Ville. En effet, la fabrication de l’espace urbain et ses constitutions multiformes coïncident avec la construction de l’espace musical209 romain. La musique participe ainsi de manière directe à l’édification de « l’architecture de la société210 ». Le pape Urbain VIII
L’essor artistique du début du pontificat d’Urbain VIII, Maffeo Barberini (1568-1644), peut être résumé par les mots fête et célébration, tout particulièrement en l’Année sainte de 1625. C’est à cette occasion que D’India serait entré en contact avec le pape Barberini en lui dédiant une messe polyphonique dont nous n’avons retrouvé aucune trace. L’étude du contexte historique de sa création nous permettra d’éclairer une autre facette du séjour romain du compositeur. 206 207 208 209
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Comme le souligne F. Celestini (« La musica a Roma nel Seicento », op. cit., p. 118), la ville de Rome est elle-même un exemple d’hybridation culturelle et un laboratoire privilégié pour l’étude des échanges culturels. G. Guerzoni, « Liberalitas, Magnificentia, Splendor. Le origini classiche del fasto rinascimentale italiano », I giochi del prestigio. Modelli e pratiche della distinzione sociale, Cheiron, no 31-32, 1999, p. 53, 57, 58, 60 et 72. P. Cozzo, « In seconda fila. La presenza sabauda nella Roma pontificia nella prima età moderna », Il Piemonte come eccezione ? Riflessioni sulla « Piedmontese exception ». Atti del Seminario internazionale (Reggia di Venaria, 30 novembre-1° dicembre 2007), éd. P. Bianchi, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2008, p. 145 et 155. Pour des ouvrages concernant les rapports entre fait urbain et fait musical, voir Music as Social and Cultural Practice. Essays in Honour of Reinhard Strohm, éd. M. Bucciarelli et B. Joncus, Woodbride, Boydell Press, 2007, voir notamment les p. 105-195 ; Mélodies urbaines. La musique dans les villes d’Europe (xive-xixe siècles), éd. L. Gauthier et M. Traversier, Paris, PUPS, 2008 ; Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples (1650-1750), op. cit., et C. Giron-Panel, Musique et musiciennes à Venise. Histoire sociale des Ospedali, Rome, École française de Rome, 2015 et notamment le chapitre III. Nous empruntons ce terme à de D. Iogna-Prat, Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l’architecture de la société, op. cit.
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Entre fêtes et célébrations, la Rome de Paul V, Grégoire XV et du début du pontificat d’Urbain VIII
« Rome est la plus remarquable ville du monde211 ». C’est ainsi qu’une chronique décrit la Ville éternelle lors du passage de Henri II de Bourbon dans les années 1620. Rome est alors la plus grande et la plus importante cour et la cité la plus riche d’Italie, un véritable centre international. Comme le souligne Martine Boiteux, le paysage festif de Rome se transforme dans les années 1620 avec la mort du pape Paul V (Camillo Borghese), les grands ordonnateurs festifs changent212. Musiciens, chanteurs et nobles : la démesure romaine du début du xviie siècle
La fête à Rome devient « un devoir social, fait d’évergétisme et de mécénat213 ». La ville entre dans une période particulièrement mondaine et subversive. Claude Lebet brosse un excellent tableau de l’ambiance de cette époque. Il note en particulier que l’augmentation de la population et du luxe entraînent l’accroissement de la prostitution, phénomène qui vaut également pour la cour pontificale214. Ainsi, la fameuse chanteuse florentine, Vittoria Archilei (citée par D’India dans sa préface de 1609) dans une lettre datée du 27 juillet 1608 et signée également par son mari, le compositeur et chanteur Antonio Archilei, s’en remet à la bonté de Virginio Orsini (1572-1615), duc de Bracciano – qui l’avait sans doute entendue chanter à Florence à la fin du xvie siècle215 –, pour sortir son fils Ottavio de la prison du Campidoglio à Rome, ce dernier ayant « été trouvé la nuit dans un carrosse avec des femmes de mauvaise vie216 ». Virginio Orsini devait accorder une grande importance à la musique, ainsi que le montrent ses rapports avec l’une des chanteuses les plus fameuses de son temps, avec Giulio Caccini217, mais également la lettre que Giuliano Marini lui a adressée depuis Venise le 12 janvier 1608 : J’ai assisté aux noces du Grand Prince Sérénissime et puisque je sais que Son Altesse Sérénissime, en pareilles circonstances, s’attache de chaque science les meilleurs virtuoses, je vous informe que dans la ville de Venise il y a un jeune garçon de onze ou douze ans, fils de Giulio Cesare Armani de Bologne, qui joue du luth au point de provoquer la stupeur et l’émerveillement non seulement des plus illustres sujets de cette ville, mais également de ceux qui disent avoir entendu les meilleurs interprètes de Rome. Il joue pendant quatre ou cinq heures des musiques toujours variées et de très belles danses, réalise des diminutions avec toute la main droite en une seule
Voyage de Monsieur le Prince de Condé, Bourges, Coppin, 1624, p. 104. M. Boiteux, « Fêtes et cérémonies au temps des Carrache ». Les Carrache et les décors profanes, Rome, École française de Rome, 1988, p. 199. 213 Id., p. 209. 214 C. Lebet, Roma e i suoi liutai : storia della liuteria romana dal secolo xvi al xviii, Rome, C. Lebet, 2007, p. 57. En ce qui concerne le contexte général de la Rome de cette période, voir aussi G. Labrot, L’Image de Rome. Une arme pour la Contre-Réforme (1534-1677), Seyssel, Champ Vallon, 1987. 215 F. Boyer, « Les Orsini et les musiciens d’Italie au début du xviie siècle », Mélanges de philologie, d’histoire et de littérature offerts à Henri Hauvette, Paris, Les presses françaises, 1934, p. 305. 216 Archivio Storico Capitolino de Rome (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 117/1, lettre no 44. 217 Voir la lettre que Caccini envoie à Virginio Orsini depuis Florence le 6 mars 1609 où il est question de divers paiements et de la dote de sa fille : (I-Rasc), Archivio Orsini, série I, boîte 119/2, lettre no 183, ainsi que celles de ses filles : Settimia Caccini depuis Florence le 6 mars 1609 : id., boîte 119/2, lettre no 184, où il est question du « negotio della mia dote appresso Madama Serenissima » et Francesca Caccini depuis Florence le 6 mars 1609 : id., boîte 119/2, lettre no 185, où il est question de la la même affaire ainsi que d’un voyage en France pour lequel elle demande sa protection. 211 212
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fois, ce qui est peut-être une chose que l’on a jamais vue et improvise sur la basse avec une assurance presque parfaite en s’accompagnant avec un chant vraiment digne d’être entendu par chaque aimable esprit218.
En plus de nous informer des goûts musicaux de Virginio Orsini219, cette lettre nous renseigne sur la pratique musicale (entre diminution et improvisation), le répertoire le plus apprécié (la variété des danses instrumentales et accompagnées par le chant), la circulation des musiciens et des amateurs de musique entre Bologne, Venise et Rome, mais également sur le prestige des joueurs de luth à Rome. Nous pouvons imaginer que Sigismondo D’India, lui-même chanteur et luthiste « égal dans l’ornementation, vif dans les trilles et joueur de théorbe non inférieur à Salomone [Rossi220] », qui se trouvait à Rome à cette époque, devait faire partie de ces musiciens qui suscitaient « la stupeur » de son auditoire. Le luxe est synonyme de démesure. Les cardinaux entretiennent un personnel considérable : le palais du cardinal Farnèse compte quelque 300 employés ; il y en a presque autant chez le cardinal Cesarini, 200 chez les cardinaux Orsini et Del Monte221 et pas moins de 700 chez le pape au palais pontifical222. On se reportera, à titre d’illustration, au récit par Vittorio Lancelloti du fastueux banquet organisé par le cardinal Ippolito Aldobrandini, neveu de Pietro Aldobrandini dans sa villa de Frascati, le 18 octobre 1625, en présence du pape Urbain VIII et de douze cardinaux223. Certains quartiers se développent et deviennent célèbres, comme le « Rione Ponte » (au nord du pont Saint-Ange), où l’on construit d’importantes maisons décorées par des artistes comme Federico Zuccari ou Pirro Logorio, dont les fresques embellissent non seulement l’intérieur mais également les façades224. Fêtes et cérémonies au début du pontificat du pape Barberini
Quant aux fêtes et aux cérémonies publiques, elles se trouvent à mi-chemin entre les fastes des papes de la Renaissance et ceux des ambassadeurs étrangers à Rome qui l’emporteront plus tard. C’est aussi le temps du plus grand épanouissement des cérémonies nuptiales225, des canonisations, des couron-
218 « Hò inteso le nozze del Serenissimo Gran Prencipe, et perche sò che Sua Altezza Serenissima in simile accorrenze procura d’ogni scienza li primi virtuosi li dico che nella Città di venetia vi è un putto d’anni undici, o dodici figlio di Giulio Cesare Armani da Bologna, quale suona di liuto non solo con stupore, e meraviglia delli primi soggetti di questa Città, ma anco di quelli quali dicono haver sentito li primi suonatori di Roma. Egli suona quattro o cinque hore musicalmente sempre diverse e bellissime mutanze, sminuisce con tutta la man destra in un tempo cosa forse non più vista, suona quasi sicurissimo all’improviso sopra il basso il tutto accompagnando col canto degno in vero d’esser sentito da ogni spirito gentile. », id., boîte 118/3, lettre no 489. 219 Pour un parcours bibliographique concernant la committenza de Virginio et de Paolo Giordano Orsini, voir E. Mori, L’Archivio Orsini. La famiglia, la storia, l’inventario, Rome, Viella, 2016, p. 72, no 295. 220 « Equal ne’ passaggi, vivo ne’ trilli, e suonator di chitarrone non inferiore a Salomone Hebreo. », Bibliothèque communale de Côme (I-COc) : Ms. Sup. 3.2.43, fo 40, lettre citée par F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 398. 221 Francesco Maria del Monte était un amateur raffiné de musique qui appréciait tout particulièrement la musique vocale et le nouveau chant monodique, voir C. Annibaldi, « Il Mecenate “politico”. Ancora sul patronato musicale del cardinale Pietro Aldobrandini (ca. 1570-1621) (I) », Studi Musicali, no 16/1, 1987, p. 73-74. 222 C. Lebet, Roma e i suoi liutai, op. cit., p. 61. 223 V. Lancellotti, Lo Scalco prattico, Rome, Corbelletti, 1627, p. 247-256. 224 C. Lebet, Roma e i suoi liutai, op. cit., p. 37. Sur la transformation et le renouveau des palais romains au début du xviie siècle, voir P. Waddy, Seventeenth-Century Roman Palaces. Use and the art of the plan, New York, The Architectural History Foundation, 1990. 225 M. Boiteux, « Fêtes et cérémonies », op. cit., p. 214.
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nements de princes226 et des jeux équestres en tant qu’éléments « d’éducation du corps » de la jeune noblesse227. Au début de son pontificat, Urbain VIII, élu en août 1623 et couronné le 29 septembre de la même année, transforme, grâce à la recomposition des réseaux, factions et coalitions, la vie et la configuration ecclésiastiques romaines228 tandis que, dans le même temps, se développent fêtes et manifestations publiques229, comme le montre une chronique d’Agostino Mascardi, intitulée Les pompes du Campodoglio pour la Sainteté de Notre Seigneur Urbain VIII, publiée à Rome en 1624 et dédiée au duc Charles-Emmanuel de Savoie, décrivant le chant d’un chœur dont l’harmonie représente celle des vertus de l’âme d’Urbain VIII230. Ainsi, exemple parmi d’autres, le 30 avril 1625, la procession du pape et de tout le collège des cardinaux de la basilique Saint-Pierre jusqu’à l’église de Santa Maria in Trastevere fut un événement très remarqué231. Les Barberini mèneront une véritable politique festive, il s’agit pour eux de tenir leur rang dans la société romaine et de surpasser le modèle des Farnèse232 ; la cérémonie se transforme en fête et revêt un rôle politique de propagande tout en devenant le lieu d’expérimentation et de vérification des idées nouvelles pour les artistes de cette époque233. D’India, la Chapelle pontificale et le pape Urbain VIII, le mystère de la Messe polyphonique Domine clamavi ad te
L’année 1625 fut très importante pour Rome sur les plans diplomatique – la France de Richelieu exclut les soldats et les diplomates du pape des affaires de la V alteline –, religieux et artistique avec l’ouverture par Urbain VIII du treizième jubilé – Année sainte célébrée tous les vingt-cinq ans –, d’autant plus riche en cérémonies, fêtes et autres manifestations profanes234 que la cour pontificale est alors particulièrement attentive à la politique du spectacle235. Le pontificat d’Urbain VIII fut le plus long du siècle 226 G. Stefani, Musica barocca. Poetica e ideologia, Milan, Bompiani, 1974, p. 16. 227 M. Boiteux, « Jeux équestres à la cour de Rome », La Ronde : giostre, esercizi cavallereschi e loisir in Francia e Piemonte tra Medioevo e Ottocento. Atti del Convegno internazionale di studi, Museo storico dell’Arma di cavalleria di Pinerolo, 15-17 giugno 2006, éd. F. Varallo, Florence, Olschki, 2010, p. 135. 228 W. Reinhard, « Papal Power and Familial Strategy in the Sixteenth and Seventeenth Centuries », Princes, Patronage, and the Nobility : The Court at the Beginning of the Modern Age, c. 1450-1650, éd. R. G. Asch et A. M. Birke, Oxford, Oxford University Press, 1991, p. 351-356. Voir aussi « Papauté et réformes entre Renaissance et Baroque », Papauté, confessions, modernité, Paris, EHESS, 1998, p. 113-115. 229 F. Hammond, Music & Spectacle in Baroque Rome : Barberini Patronage under Urban VIII, Londres, Yale University Press, 1994, p. 117-132, 255-282. Voir aussi M. A. Visceglia, La città rituale. Roma e le sue cerimonie in Età moderna, Rome, Viella, 2002. 230 A. Mascardi, Le pompe del Campidoglio per la Stà di N. S. Urbano VIII quando pigliò il possesso descritte di Agostino Mascardi, Rome, Zannetti, 1624, p. 22. 231 Voir la lettre de Fulvio Testi à Cesare d’Este dans M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. I, p. 61, lettre no 77. 232 M. Boiteux, « Les Barberini, Rome et la France : fête et politique », I Barberini e la cultura europea del Seicento, éd. L. Mochi Onori, S. Schütze et F. Solinas, Rome, De Luca, 2007, p. 345-360. 233 M. Fagiolo dell’Arco, La festa barocca, Rome, De Luca, 1997, p. 35-39, 127. Voir aussi M. A. Visceglia, La città rituale, op. cit. Sur la spécificité de l’opéra romain par rapport à celui de Florence et de Mantoue, voir M. Emanuele, Opera e riscritture : melodrammi, ipertesti, parodie, Turin, Paravia, 2001, p. 5. 234 M. Fagiolo dell’Arco, La festa barocca, op. cit., p. 259. Voir aussi I. Fosi, « Fasto e decadenza deglia anni santi », Roma la città del papa. Vita civile e religiosa dal giubleo di Bonifacio VIII al giubileo di papa Wojtyla, éd. L. Fiorani et A. Prosperi, Turin, Einaudi, 2000, p. 796-797 et W. Witzenmann, Die Lateran-Kapelle von 1599 bis 1650, Analecta musicologica, no 40/1, 2008, p. 314-326. 235 M. Emanuele, Opera e riscritture, op. cit., p. 4.
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Première partie
(1623-1644) et Rome doit aux Barberini, famille florentine installée dans la Ville depuis le milieu du xvie siècle, son essor artistique avec la réalisation d’œuvres parmi les plus grandioses, cela notamment grâce à la diversification du mécénat236. C’est dans ce contexte que l’on note l’augmentation exceptionnelle des publications musicales237. La médiation musicale de la famille Barberini
Les recueils de musique à une ou plusieurs voix, souvent fournis avec tablature pour guitare espagnole jouissent d’un certain succès dans l’édition musicale romaine au début du xviie siècle. Les éditeurs mettent sur le marché une grande quantité de musique écrite dans le nouveau style monodique, destinée à la musique de chambre, les recueils de madrigaux polyphoniques avec ou sans basse continuant pour leur part d’être publiés, du moins durant le premier quart du siècle238. En août 1624, D’India publie ses deux derniers livres de madrigaux chez Robletti, imprimeur très actif à Rome entre 1620 et 1640239. Urbain VIII, juste après son élection en 1623, élève son neveu Francesco au cardinalat. Celui-ci est un fin connaisseur du madrigal – nous savons qu’il possédait deux livres de madrigaux de D’India, imprimés chez Gardano, aujourd’hui disparus240. Compte tenu du type de répertoire, il semble que les réunions académiques du cardinal Francesco auraient pu inclure des concerts de l’ancien répertoire madrigalesque ou de la musique pour violes et que les madrigaux polyphoniques auraient pu être interprétés soit par des chanteurs soit par des instruments241 comme c’était le cas dans l’Académie du cardinal de Savoie. D’India et la Chapelle Sixtine, splendeur et virtuosité autour d’une Messe manquante
Au moment de l’Année sainte, le collège de chanteurs pontificaux traverse une période de splendeur. Le recrutement de la Chapelle Sixtine (que les chanteurs intégraient entre vingt et vingt-cinq ans) est exigeant, le rythme rigoureux et les services fréquents, comme ceux rendus aux cardinaux dans leurs résidences242 ou celui consistant à se rendre quatre fois par an au Quirinal pour chanter des motets et d’autres pièces musicales pour le pape243. Certains membres de la Chapelle appartiennent également à d’autres Chapelles musicales244. C’est le cas de Ruggero Giovannelli (ténor et compositeur), de 236 F. Haskell, Mécènes et peintres : l’art et la société au temps du baroque italien, Paris, Gallimard, 1991, p. 17-21. 237 C. Lebet, Roma e i suoi liutai, op. cit., p. 109. 238 B. M. Antolini, « Aspetti dell’editoria musicale a Roma », Musica e musicisti nel Lazio, éd. A. Morelli et R. Lefevre, Rome, Palombi, 1985, p. 22. 239 Id., p. 17. Concernant les libraires romains, voir F. Barbieri, « Musica, tipografi e librai a Roma : tecnologie di stampa e integrazioni biografiche (1583-1833) », Recercare, no 7, 1995, p. 47-85 et « Music printers and booksellers in Rome (15831600), id., no 16, 2004, p. 69-112. 240 F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 105. 241 Id., p. 105. 242 C’est le cas de l’alto Pietro Antonio Tamburino, originaire de Bologne et du soprano Domenico Tombaldini, tous deux au service du cardinal Montalto [Alessandro Peretti], des basses Pietro Giorgio Piccolini, originaire de Vercelli, Aldobrando Trabocchi, toscan, Girolamo Navarra, originaire de Lodi et du soprano Francesco Severi, tous les quatre au service du cardinal Pietro Maria Borghese [le cardinal San Giorgio de 1624 à 1626] dans sa résidence à la Cecchignola, voir G. Rostirolla, « Celebrazioni ed eventi musicali nella Cappella Pontificia durante l’Anno Santo 1625 : dal Diario redatto dal compositore e cantore perugino Francesco Saveri con l’edizione integrale di esso », « Vanitatis fuga, aeternitatis amor », éd. S. Ehrmann-Herfort et M. Engelhardt, Analecta musicologica, no 36, 2005, p. 155. 243 C. Annibaldi, « Il Mecenate “politico” (I) », op. cit., p. 46-47. 244 Comme le soprano Girolamo Rosini (ou Rossino), originaire de Perugia et qui faisait également partie de la Chapelle musicale de la Chiesa Nuova, voir A. Morelli, « Musica a Roma negli anni santi dal 1600 al 1700 », Roma sancta. La città delle basiliche, éd. M. Fagiolo et M. L. Madonna, Rome, Gangemi, 1985, p. 193 et 196 et Il tempio armonico. Musica nell’oratorio dei filippini in Roma (1575-1705), Analecta musicologica, no 27, 1991, p. 92-94.
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Chapitre 8 : La cour de Rome
Vincenzo De Grandis (alto, maître de chapelle et contrapuntiste245), de Ferdinando Grappuccioli (alto, contrapuntiste et compositeur d’arie246), de Santi Naldini (alto, compositeur et contrapuntiste247), de Loreto Vittori (soprano, contrapuntiste, compositeur d’arie et cantates et poète248) et du castrat Francesco Severi (alto et compositeur249). C’est dans ce contexte que D’India écrira sa Messe polyphonique Domine clamavi ad te, aujourd’hui perdue, pour les chanteurs de la Chapelle Sixtine250 en la dédiant au pape Barberini. L’histoire de la Messe que D’India a adressée à Urbain VIII reste obscure. La seule mention de cette œuvre se trouve dans la dédicace du livre de motets au cardinal Borromeo, le 8 avril 1627, où le compositeur écrit : Les chanteurs du pape les ont louées [ses compositions musicales] à la basilique du Vatican à Rome et plus d’une fois honorées de leurs voix, de la même manière qu’ils ont chanté dans la Chapelle du même pontife la Messe Domine clamavi ad te que j’ai élaborée avec le plus grand soin par ordre de Notre Seigneur le pape Urbain VIII le jour de la Saint-Jean de l’année dernière, appelée l’Année sainte [il s’agit de l’année 1625 et non pas de 1626 comme le laisse supposer la dédicace], où ils l’inclurent (sans aucun mérite de ma part) parmi les autres messes d’hommes illustres que l’on a l’habitude de chanter solennellement pour les principales festivités auprès du Souverain Pontife251.
Pour Claudio Annibaldi252, le texte de la dédicace est quelque peu ambigu : on a l’impression que le compositeur confond la Chapelle pontificale avec la Chapelle musicale de la basilique du Vatican (la Chapelle Giulia). On comprend en effet que les chanteurs de cette dernière auraient chanté la messe de D’India dans le palais apostolique, un lieu où la Chapelle Giulia ne mettait jamais les pieds. En tout Vincenzo De Grandis était aussi, en 1624, maître pro tempore de la Chapelle pontificale, voir F. Hammond, Music & Spectacle, op. cit., p. 140. 246 Voir Giuseppe Ottavio Pitoni. Notitia de’ contrapuntisti e compositori di musica, éd. C. Ruini, Florence, Olschki, 1988, p. 264-265. 247 Id., p. 304. 248 Id., p. 310. 249 Severi a fait publier en 1626 une reccueil d’Arie […] a una, due e tre voci da cantarsi sul chitarrone, clavicembalo […] Libro I, Opera II chez Paolo Masotti à Rome. Le livre de musique est perdu, voir G. Rostirolla, « Note e manette : documenti su musici, costruttori e teatri della “Miscellanea artisti” » », La musica a Roma attraverso le fonti d’archivio. Atti del Convegno internazionale. Roma, 4-7 giugno 1992, éd. B. M. Antolini, A. Morelli et V. Vita Spagnuolo, Lucques, LIM, 1994, p. 84. Severi était un castrat originaire de Perugia, il fut admis à la Chapelle pontificale le 31 décembre 1613 grâce à l’intervention du cardinal Scipione Borghese, voir G. Rostirolla, « Celebrazioni », op. cit., p. 152, n. 4. Severi est également le rédacteur du journal incomplet (libro de punti) de la Chapelle Sixtine de l’année 1625. (I-Rvat), Cappella Sistina. Diari, 44 (1625). Ce journal a été transcrit intégralement par G. Rostirolla dans « Note e manette », op. cit., p. 164-226. Voir aussi M. L. San Martini, « “La Miscellanea artisti” : regesti di documenti relativi alla musica e ai musicisti », La musica a Roma attraverso le fonti d’archivio, op. cit., p. 99 et 102. 250 Et non pas à ceux de la Chapelle Giulia comme l’a écrit Frederick Hammond dans Music & Spectacle, op. cit., p. 108 : « In 1626 Sigismondo D’India […] presented to the pope a mass (now lost) on Domine, clamavi ad te that was performed by the Cappella Giulia ». 251 « Uti Romæ in Basilica Vaticana Cantores eius commendarunt, quosque pluries vocibus eorum honorarunt, uti etiam Missam, Domine clamavi ad te, maxima arte a me elaboratam, iussu S[ancti] D[omini] N[ostri] Papæ Urbani in die Sancti Iohannis anno transacto, qui Anni Sancti nomine apellabatur, in eiusdem Æde cantarunt, ac illam (nullo mei præeunte merito) inter allias Illustrium Virorum annumerarunt, quæ in maioribus solemnitatibus apud Summum Pontificem ab ipsis decantari solent. », S. D’India, Liber primus motectorum quatuor vocibus auctore Sigismondo Indiae Divi Marci Aequite Viroque Nobili Serenissimi Principis Mauritii Cardinalis Sabaudiae nunc primum in lucem aeditus, Venise, Vincenti, 1627, conservé à la Biblioteca internazionale della musica de Bologne (I-Bc). La dédicace a été transcrite et traduite intégralement en italien par M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica : scritti e carteggi, Rome, Bulzoni, 2012, p. 125-127. 252 C. Annibaldi, Storia della Cappella musicale Pontificia : Il Seicento, Palestrina-Rome, Fondazione G. P. de Palestrina, 2011, p. 187, n. 4. 245
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cas, la seule fête de Saint-Jean de l’année 1625 à laquelle peut se référer la dédicace n’est pas, comme on pourrait le croire, celle de Saint-Jean Baptiste, le 24 juin, fête que tous les papes célébraient généralement à la basilique de Saint-Jean-de-Latran253… Le jour de la Saint-Jean, Notre Seigneur s’est rendu à l’église de Saint-Jean-de-Latran avec le Sacré Collège, la messe ayant été dite par l’Illustrissime cardinal Leni, tous les membres de la Chapelle étaient présents254.
… mais la fête de Saint-Jean l’Évangéliste du 27 décembre à l’occasion de laquelle les chanteurs pontificaux se produisaient à la Chapelle Sixtine255. Importante, en effet, plus même que Noël256, la fête de SaintJean l’Évangéliste était la plus solennelle de la basilique de Saint-Jean-de-Latran, si bien qu’entre 1625 et 1627, d’autres chanteurs étaient appelés en renfort257 pour interpréter de la musique à plusieurs chœurs258. Le pape Urbain VIII a bien assisté à une messe solennelle donnée à la chapelle majeure du palais du Vatican en 1625, mais le puntatore (le chanteur chargé de pointer les présences et les absences des membres de la chapelle259), dans le journal de la Chapelle pontificale, ne fait aucune allusion à la musique jouée alors : Dans la chapelle de Sixte. L’Illustrissime cardinal d’Ascoli [Felice Centini] a célébré la messe en présence de Notre Seigneur et du Sacré Collège […]. Tous les membres de la Chapelle étaient présents, excepté les malades260.
Nous sommes étonnés du caractère lapidaire du journal qui contredit la dédicace de D’India selon qui sa messe aurait été très appréciée et incluse « parmi les autres messes d’hommes illustres ». Comment la messe d’un musicien aussi fameux que D’India aurait-elle pu passer inaperçue pour le pointeur, en l’occurrence Francesco Severi, de surcroît compositeur ? Il est légitime de penser que la messe en question a pu être interprétée à une autre date entre 1624 et 1627. L’examen attentif des différents journaux de la Chapelle à toutes les dates des deux Saint-Jean de cette période261 ne révèle pourtant pas l’existence d’une Messe Domine clamavi ad te composée par D’India. La seule piste la concernant 253 W. Witzenmann, Die Lateran-Kapelle, op. cit., vol. I, p. 242-251. De même, aucune messe de D’India ne se trouve dans le catalogue du fonds général de manuscrits de musique de la Chapelle de Saint-Jean-de-Latran, voir « Catalogo. Parte I – Fondo generale », L’Archivio musicale, vol. I, p. 1-903. Pour les registres de l’année 1625, voir W. Witzenmann, id., vol. II, p. 567-574. Sur le fonds musical de l’archive musicale de Saint-Jean-de-Latran, voir G. Rostirolla, « Prefazione », L’Archivio musicale della Basilica di San Giovanni in Laterano : catalogo dei manoscritti e delle edizioni (secc. xvi-xx), éd. G. Rostirolla, Rome, Ministero per i Beni e le Attività Culturali, 2002, 2 vol. 254 « San Gio. N. S. andato alla Chiesa di S. Giovanni Laterano con il sacro Collegio ha cantati messa l’illustrissimo Leni Tutti li Signori Compagni presenti. », (I-Rvat), Cappella Sistina. Diari, 43 (1625), fo 53. 255 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, 1585-1650, New York-Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 97. 256 W. Witzenmann, « La festa di San Giovanni Evangelista a San Giovanni in Laterano nel Seicento : Disposizione musicale e partecipazioni di predicatori », La Cappella musicale nell’Italia della Controriforma, éd. O. Mischiati et P. Russo, Florence, Olschki, 1993, p. 162. Voir aussi « Die Lateran-Kapelle », op. cit., vol. I, p. 224-235. 257 W. Witzenmann, « La festa di San Giovanni Evangelista » op. cit., p. 162. Voir aussi « Materiali archivistichi per la Cappella lateranense nell’Archivio Capitolare di San Giovanni in Laterano », La musica a Roma attraverso le fonti, op. cit., p. 463-464. 258 W. Witzenmann, « Annotazioni sull’archivio musicale di S. Giovanni in Laterano », L’Archivio musicale della Basilica di San Giovanni in Laterano, op. cit., vol. I, p. xx. 259 Le puntatore était Cosimo Corselli pour l’année 1624 et Francesco Severi pour l’année suivante. Les membres de la Chapelle élisaient également un camerlingue et un archiviste. 260 « Cappella in quella di Sisto. Ha cantato Messa l’illustrissimo cardinale Ascoli alla presentia di N. S. e Sacro Collegio […]. Tutti li compagni presenti eccetto li malati. », (I-Rvat), Cappella Sistina. Diari, 43 (1625), fo 78ro. 261 (I-Rvat), Cappella Sistina, Diari, 42 (1624), 43 (1625), 44 (1625), 45 (1626) et 46 (1627). Concernant les deux journaux de l’année 1625 et d’après G. Rostirolla, « Celebrazioni », op. cit., p. 151, n. 1, les deux versions comportent des variantes plus ou moins importantes sur la forme mais moins importantes sur le fond. Le second exemplaire a sans doute été demandé au pointeur par le cardinal protecteur (le cardinal Montalto) puisqu’il s’agit d’une année de jubilé.
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est le motet Exaudi Domine vocem meam qua clamavi ad te (Seigneur, exauce ma voix qui a lancé un appel vers toi) pour le dimanche de Pâques, tiré du psaume 26 et publié dans le recueil de 1627 qui aurait pu servir de « matière première » pour sa messe polyphonique. On pourrait objecter que ces journaux rapportaient surtout des événements mineurs liés à la vie quotidienne de la Chapelle et que les événements musicaux, rares, sont peu détaillés262. Néanmoins, nous avons parfois des informations plus explicites concernant les œuvres et les compositeurs ; tel est le cas d’Agostino Agazzari qui, selon le journal, le 24 mai 1625 : Baisait les mains de tous les membres de la Chapelle puisqu’un décret contre ledit Sieur Agazzari fut fait il y a déjà quelques années stipulant qu’aucun membre de la Chapelle ne devait chanter ses œuvres ou chanter sous sa direction. Le Sieur [Lorenzo] Marubini [soprano et camerlingue de la Chapelle, mort le 25 septembre 1625] qui fut son élève, demanda qu’il soit pardonné et le décret annulé et […] cette grâce lui fut faite263.
En effet, Agazzari eut une dispute avec les chanteurs de la Chapelle pontificale, liée à des problèmes de rivalité professionnelle concernant les musiques extraordinaires données dans les plus importants lieux sacrés de Rome, et il fut interdit d’exécution. Or, on vient de le lire, l’interdiction fut levée264. Ainsi, à la date du 28 mai : Fini les Vêpres, Le Sieur Agostino Agazzari se rendit dans notre chœur pour remercier tous les membres de la Chapelle de la faveur qu’on lui fit avec l’annulation du décret265.
Les journaux de la Chapelle Sixtine rapportent donc davantage que des informations anecdotiques sur son fonctionnement. On peut ainsi lire, à propos du compositeur et luthiste Giovanni Girolamo Kapsberger266 – musicien favori du pape267 –, à la date du 28 décembre 1626 : Après l’office, le Seigneur cardinal protecteur [Francesco Maria del Monte], Monseigneur [Giovanni] Ciampoli [secrétaire d’Urbain VIII] et le Sieur Paolo Alaleone vinrent entendre une messe composée par le Sieur Giovanni Girolamo Kapsberger […] qui fut chantée en présence du compositeur268. G. Rostirolla, (id., p. 163) souligne que dans le journal de 1625 il n’y a pas de références précises au répertoire polyphonique tandis qu’on trouve quelques mentions disséminées du répertoire grégorien. Quelques allusions générales à des motets chantés pour diverses occasions se trouvent uniquement à la date du 29 mai, pour la fête du Corpus Domini et à celle du 20 juin pour la fête de Saint-Pierre et Saint-Paul. Baciava le mani a tutti li Signori Compagni, e perche già moli (molti) anni sono fu fatto un decreto contro detto Signor 263 « Agazzari, che nessuno della Cappella dovesse cantare sue opere et cantar sotto la sua battuta il detto Signor Marubini per essere stato suo scolaro dimando in gratia che fusse cassato (il) decreto et […] li fu fatta la gratia. », (I-Rvat), Cappella Sistina, Diari, 43 (1625), fo 35vo-36ro. 264 G. Rostirolla, « Celebrazioni » op. cit., p. 160-161. 265 « Finito il Vespero il Signor Agostino Agazzari fu nel nostro choro a rengratiar tutti li Signori Compagni del favor fattoli d’haver cassato quel decreto. », (I-Rvat), Cappella Sistina, Diari, 43 (1625), fo 37ro. Sur le style novateur des motets d’Agazzari, hérité de Ludovico Viadana, voir G. Dixon, « Progressive Tendencies in the Roman Motet during the Early Seventeenth Century », Acta Musicologica, no 53/1, 1981, p. 106-109 et 116-117. 266 Fils d’un colonel autrichien, on ne connaît pas sa date de naissance. Kapsberger faisait également partie de l’Académie des Umoristi, voir I. M. Groote, Musik in italienischen Akademien, Studien zur Institutionellen Musikpflege 1573-1666, Analecta musicologica, no 39, 2007, p. 57 et 295. Voir aussi P. P. Ciurlia, Johann Hieronymus Kapsberger, nobile alemanno : una biografia, Padoue, Armelin, 2010. 267 S. Franchi, « Principi, cardinali e poeti per musica », op. cit., p. 27. Voir aussi S. Carandini, « L’effimero spirituale. Feste e manifestazioni religiose », Roma la città del papa. Vita civile e religiosa dal giubleo di Bonifacio VIII al giubileo di papa Wojtyla, éd. L. Fiorani et A. Prosperi, Turin, Einaudi, 2000, p. 550-551. 268 « Dopo l’offitio venne il Signor Cardinale Protettore, Monsignor Ciampoli, signor Paolo Alaleone per sentir una messa composta dal Signor Giovanni Geronimo Kapsberger […] fu cantata presente il medesimo compositore. », (I-Rvat), Cappella Sistina, Diari, 45 (1626), vendredi 11 décembre, fo 72. 262
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Première partie
Et, aussi, le 23 mai 1627 : La Chapelle s’est rendue à Monte Cavallo […] la messe fut dite par le cardinal [Carlo Emanuele] Pio [di Savoia] […] puis on a chanté la messe du Sieur Giovanni Girolamo Kapsberger dit l’Allemand du théorbe […] une fois la messe finie, ledit Sieur Kapsberger monta au chœur pour remercier tous les chanteurs de la faveur qu’ils lui avaient accordée269.
Nous constatons, après la lecture de ces quelques extraits concernant Agazzari et Kapsberger, que les compositeurs étaient présents lors de l’exécution de leurs musiques. Nous pouvons supposer que c’est la raison pour laquelle ces événements apparaissent dans le journal de la Chapelle et que D’India ne devait pas être présent, lui, lors de l’exécution présumée de sa messe polyphonique. La Messe Domine Clamavi Ad Te de D’India n’est pas la seule partition dédiée au pape pendant l’Année sainte à être perdue. D’autres compositeurs lui ont adressé des pièces comme la « cantate » intitulée I Cinque Cigni (Les cinq cygnes), hommage musical pour l’anniversaire du couronnement d’Urbain VIII dont ne reste plus que le texte poétique. Le poème est conservé à la Bibliothèque du Vatican et a sans doute été écrit par le prélat florentin Giovanni Ciampoli270 qui fréquentait l’Académie du cardinal Maurice de Savoie. Il en est de même pour la messe à quatre voix d’Antonio Brunetti d’Urbino chantée par la Chapelle pontificale le 8 décembre de la même année avec un tel succès qu’il fut décidé qu’elle serait conservée car jugée « bell’e vaga » (« belle et gracieuse »). Il n’en reste pourtant aucune trace ni dans les archives musicales de la Chapelle271 ni dans le journal de la Chapelle pontificale – ce qui confirme que toutes les musiques exécutées par elle ne figuraient pas systématiquement dans son journal. Nos recherches sur la messe que D’India aurait composée pour les chanteurs de la Chapelle Sixtine et qu’il dédia à Urbain VIII, nous ont permis de mieux connaître le fonctionnement de cette institution et son activité lors de l’Année sainte de 1625. Elles nous ont également permis de retracer le parcours de plusieurs de ses membres, pour la plupart des castrats, qui circulaient aisément entre la Chapelle et les différentes cours romaines272. Nous constatons que le patronage et le mécénat sont omniprésents et que chaque aspect traité nous fait retrouver un système dans lequel l’art, l’activité intellectuelle et la politique gravitent autour du mécène. Nous constatons aussi qu’aucun document d’archive n’atteste avec précision l’activité musicale de Sigismondo D’India lors de sa période romaine à la fin de sa vie. Si le compositeur nous échappe encore, la reconstitution et l’analyse du contexte dans lequel il a vécu nous rapprochent néanmoins de lui.
269 « Tenne Capella a Monte Cavallo […] cantò messa il Cardinale Pio […] si cantò la messa del Signor Giovanni Girolamo Kapsberger alias detto il Tedesco della Tiorba […] finito la messa il detto Signor Kapsberger salì in choro et ringratio tutti li Signori Cantori del favor che gli havevano fatto. », (I-Rvat), Cappella Sistina. Diari, 46 (1627), dimanche de Pentecôte, le 23 mai, fo 21vo. 270 C. Annibaldi, Storia della Cappella musicale, op. cit., p. 193 et 194, n. 14. 271 G. Rostirolla, « Celebrazioni », op. cit., p. 162. 272 Concernant la question de la mobilité au sein de la cour pontificale, voir W. Reinhard, « L’Église, vecteur de mobilité sociale à l’époque moderne », Papauté, confessions, modernité, op. cit., p. 117-136.
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1 Conclusion Cette quête exhaustive sur Sigismondo D’India et ses mondes nous a conduit à reconstituer au plus près le parcours de ce compositeur italien d’avant-garde. Les mondes de Sigismondo D’India. Bilan historique
Nous nous sommes efforcés de recomposer la carrière de Sigismondo D’India, musicien-aristocrate, en la combinant avec les relations croisées des réseaux nobiliaires et la vie politique, culturelle et artistique des villes et des cours qu’il a fréquentées. Étudier l’entourage de D’India – composé de patrons, protecteurs, artistes, imprimeurs, diplomates et musiciens – nous a permis de combler un certain nombre de lacunes biographiques1, d’approfondir notre connaissance de la musique de la noblesse en Italie et de l’évolution musicale en Europe au début du xviie siècle. Mettre en perspective de nouveaux aspects de la vie du compositeur a impliqué qu’on (re)visite les cours et qu’on en rencontre les artistes et les princes. Démêler la complexité des situations, déchiffrer le jeu des acteurs, expliciter l’imbrication des événements et des milieux a exigé l’exploitation la plus fine possible d’une vaste documentation essentiellement fondée sur les sources archivistiques d’où émergent de temps à autres des inédits. La confrontation des documents a ainsi donné sens aux pratiques, aux transferts et aux transformations culturels et a permis d’en mesurer les répercussions. Cela revenait à s’installer à certains carrefours pour observer la vie des cours princières, à s’intéresser aux détails pour faire apparaître l’ensemble. L’histoire présentée par ce livre ne pouvait donc se réduire à une pure description des faits mais devait analyser l’action des protagonistes – comme posés au centre d’une toile de relations sociales et politiques – et apporter une explication à la variété des attitudes des patrons-mécènes, à leurs motivations, leur personnalité, leurs stratégies diplomatiques, leurs ambitions politiques ainsi qu’à leur influence culturelle et à leur goûts artistiques. En effet, ce sont ces personnages qui ont déterminé la transformation des différents mondes où le compositeur a évolué. Raconter la vie de Sigismondo D’India pour expliquer une époque, relater une époque pour éclairer le parcours de Sigismondo D’India, tel pourrait être le résumé de ce travail : la biographie serait-elle la meilleure méthode d’exposition pour l’historien de la musique ? Élargissement, circularité, espaces musicaux et croisement. Bilan méthodologique
Se situer au confluent de plusieurs disciplines pour déceler les points de rencontre entre les différents arts afin d’ajuster les discours historiographiques et de donner un panorama plus complet du sujet, se placer sous l’égide de la théorie des transferts culturels et de l’histoire culturelle et croisée pour appliquer une démarche globale de la discipline musicologique, tel a été le parti-pris adopté ici. 1
Par exemple, on ne connaissait pratiquement rien sur les rapports du compositeur avec les dédicataires de ses recueils de musique.
Première partie
Notre réflexion sur les transferts culturels a cherché à mettre en relief la notion de circularité (la réciprocité des échanges) qui implique la mobilité des personnes (le déplacement, le voyage, la migration) et la circulation des pratiques musicales (la diffusion, la dissémination, l’acculturation, l’adaptation, la métamorphose, l’hybridation, l’innovation). Ainsi, nous pouvons affirmer que le contexte des cours a influencé l’œuvre de D’India de même que sa musique a transformé le goût musical local. Nos observations sur l’identité nobiliaire, l’expérience musicale, la construction de l’imaginaire collectif et les représentations politico-artistiques qui s’expriment lors des fêtes et des spectacles princiers prolongent des aspects jusqu’alors peu étudiés par l’histoire culturelle et des mentalités et se conjuguent avec l’examen des espaces urbains destinés à la musique et de l’édification de l’univers et des politiques sonores de la cité : problématiques qui sont aujourd’hui au cœur de la musicologie urbaine2. Nous pouvons par conséquent établir un parallèle entre la quête aristocratique de D’India, en tant que stratégie de carrière qui le pousse à se déplacer dans les villes les plus attractives sur le plan musical, et l’esthétisation, à travers sa musique, des lieux publics et privés des différentes cours où la « société des princes » s’auto-représente. Enfin, les acquis récents de l’histoire croisée, transférés dans le domaine de l’histoire de la mu3 sique , ont été un guide précieux pour saisir l’enchevêtrement de l’entourage du compositeur et l’entremêlement des relations entre les divers cours et « pays » : l’étude des personnages intermédiaires et du phénomène complexe du mécénat et du patronage nobiliaire s’en trouve ainsi enrichie. Nous avons tenté de démontrer le dynamisme de l’évolution, de la diffusion et de la transformation de la production musicale du compositeur et de mettre en évidence que son parcours de musicien peut être mieux compris grâce à l’étude des configurations complexes des sociétés de cour dans lesquelles il a vécu. On peut résumer la méthode ici employée par le mot croisement : croisement des lieux et des personnages, mais aussi des sources et des disciplines. D’India et l’avant-garde musicale. Bilan sur le compositeur
La volonté d’éclairer d’un jour nouveau l’un des compositeurs majeurs de l’époque de Monteverdi nous a permis de retracer la vie d’un musicien italien d’exception, depuis ses origines méridionales jusqu’à ses années d’errance, à la fin de sa vie. Sa production musicale peut être résumée par les mots éclectisme et avant-garde, aussi bien sur le plan musical que sur le plan poétique ; les choix poétiques du musicien mettent l’art de le réélaboration littéraire et de la dramaturgie des mots au service de la musique. En effet, nous constatons que D’India est l’un des compositeurs les plus prolifiques de son temps. Il a abordé tous les genres vocaux de son époque : messes polyphoniques, drames sacrés, motets en style concertant et contrapuntique, villanelles, madrigaux polyphoniques, monodies accompagnées, ballets et fables représentatifs et mélodrames. Cette variété de répertoires où domine un style audacieux et personnel – fruit de la réélaboration sophistiquée d’un héritage ancien et d’une intelligence dramatique qui le poussent à transformer en profondeur les tendances musicales et poétiques de cette période – nous montre le savoir-faire exceptionnel d’un compositeur, poète, chanteur et joueur de théorbe courtisan, mais également la circulation et la cohabitation des styles et des genres musicaux. 2 Voir Hearing the City in Early Modern Europe, éd. T. Knighton et A. Mazuela-Anguita, Turnhout, Brepols, 2018 3 Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples (1650-1750), éd. A.-M. Goulet et G. zur Nieden, Analecta musicologica, no 52, 2015.
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Conclusion
Brosser le portrait de ce musicien-gentilhomme – noble palermitain, puis Chevalier de Saint-Marc et enfin gentilhomme du cardinal de Savoie –, à une époque en pleine mutation musicale, met en lumière l’un des moments cruciaux de l’histoire de la musique : la première phase de la monodie accompagnée4. Or D’India est l’un des pionniers de ce style vocal – au même titre que Giulio Caccini et Jacopo Peri –, l’un des artisans de son évolution et de sa diffusion – son apport technique à la poésie chantée à une seule voix ainsi que le choix de ses solutions expressives dépassent souvent ceux de Monteverdi – et l’un des modèles pour les continuateurs – comme Orazio dell’Arpa5 ou Michelangelo Rossi6. La structuration dramatique des pièces, le raffinement de l’ornementation vocale et la recherche d’une sonorité musicopoétique qui renforce à la fois la narration et le pouvoir de l’image musicale, constituent la marque de la musique de D’India en général et de ses compositions destinées au chant soliste en particulier7. Nous constatons pour finir que le parcours géographique du compositeur, de Naples à Rome, puis vers l’Italie du Nord, coïncide avec le trajet de la monodie accompagnée en train de naître8. C’est ainsi que l’analyse des déplacements de D’India prend un sens, qu’elle oriente notre recherche et qu’elle participe au renouvellement d’une histoire de la musique « baroque » qui n’a pas dit son dernier mot. Quelques perspectives
L’étude de la musique de D’India doit être continuée et complétée par une analyse musicale de son œuvre portant sur l’organisation interne des livres ou sur les logiques modales, poétiques et rhétoriques choisies afin d’approfondir notre connaissance des techniques musicales employées d’un recueil à l’autre9. Cette enquête doit également être élargie à d’autres compositeurs – souvent mal connus –, à d’autres répertoires musicaux – généralement oubliés – et à d’autres périodes. Enfin, la recherche sur la mobilité des musiciens doit être étendue à d’autres espaces géographiques et à d’autres époques. C’est grâce à une meilleure compréhension de la pensée des personnages étudiés, à l’ouverture à d’autres disciplines, que l’histoire de la musique prendra un visage nouveau, renouvellera l’historiographie de l’art et deviendra une excellente porte d’entrée pour l’approfondissement de notre connaissance de la culture européenne. C’est la tâche que nous espérons avoir en partie accomplie en consacrant cet ouvrage à Sigismondo D’India, musicien radical, architecte de la poésie 4
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En effet, l’émergence et le développement de la monodie accompagnée peuvent être considérés comme un exemple majeur d’innovation musicale, conséquence d’un processus de transfert, d’échange et d’entrelacement culturels, ainsi que de la circulation (et donc de la diffusion et du déplacement) de chanteurs, compositeurs et musiciens à travers l’espace européen. Voir F. Celestini, « La musica a Roma nel Seicento e lo spazio comunicativo europeo », Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples (1650-1750), op. cit., p. 123-125. Voir la communication présentée par D. Fabris lors de la journée d’études internationale France-Italie « Musique et culture à Rome et dans l’Italie méridionale entre Renaissance et Baroque » à l’Université de Paris-Sorbonne le 7 novembre 2014 intitulée : « Orazio Michi et l’âge d’or de la harpe à Rome » (non publié), ainsi que le colloque consacré au compositeur organisé par la Schola Cantorum Basilensis le 24 et le 25 avril 2015 :http://www.fondazionemilano.eu/ musica/sites/all/files/orazio_michi_dellarpa_simposio__b.pdf. Voir B. Mann, The madrigals of Michelangelo Rossi, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 2002 et A. Morelli « Rossi, Michelangelo », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 2017, vol. LXXXVIII, p. 676-679. Voir J. Morales, Sigismondo D’India à la cour de Turin. Musique, mécénat et identité nobiliaire, thèse de doctorat, Université de Paris-Sorbonne et Università di Roma La Sapienza, 2014. Nous remercions Dinko Fabris de nous avoir mis sur cette piste dès le début de nos recherches. Nous remercions Isabelle His et Massimo Privitera pour ces pistes de travail.
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Première partie
mise en musique, orfèvre de la dramaturgie des mots et « l’un des pères fondateurs de la musique moderne entre la fin de la Renaissance et le début du Baroque10 ». Laissons le dernier mot à Jacques Le Goff : Je pense que l’attitude qui combine l’esprit de recherche le plus ouvert possible et un territoire connu qu’il s’agit de cultiver le plus en profondeur possible après l’avoir défriché constitue une bonne attitude de travail. Je suppose qu’il existe dans toutes les sciences, mais en particulier en histoire et en philosophie, ce souci, cette nécessité de combiner l’étendue, l’espace et la profondeur. Il faut s’implanter11.
Fig. 9 : Cartographie des déplacements de Sigismondo D’India
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« Sigismondo D’India è […] uno dei padri fondatori della musica moderna tra tardo rinascimento e primo barocco. », P. E. Carapezza, « Un altro mercurio, il nuovo Dio della Musica », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 14. J. Le Goff et J.-P. Vernant, Dialogue sur l’histoire – Entretiens avec Emmanuel Laurentin, Paris, Bayard, 2014, p. 19.
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deuxième partie
Sigismondo D’India Correspondances, préfaces, épîtres dédicatoires et autres documents
1 Introduction Cette deuxième partie réunit toutes les traces écrites connues portant sur l’œuvre et la carrière musicale de Sigismondo D’india (c. 1582-1629). Nous proposons, à travers la présentation de tous ces documents : correspondances, préfaces et épîtres dédicatoires de tous ses recueils de musique publiés et conservés, imprimés anciens et autres documents d’archive, leur traduction en français et leur annotation critique, d’approfondir l’étude historique des mondes du musicien. Nous avons consacré la première partie de cet ouvrage à l’analyse de sa carrière artistique à travers l’étude des villes, des cours, des princes protecteurs et des dédicataires, cela dans une triple perspective thématique : le voyage1, la circularité et le croisement. Cette nouvelle partie complète la première en prenant comme point de départ l’écrit en tant que médiateur de sens et porteur d’un message qui dans le même temps dissimule et dévoile autant le fonctionnement de la société de cour2 de cette période que les stratégies3 de distinction4 (les traits culturels) du compositeur. Écrits et discours autour de la musique et des musiciens. Entre restitution, traduction et interprétation historique
Prendre comme objet d’étude tous les documents qui concernent la vie et l’œuvre de Sigismondo D’India est à la fois un travail de compilation, de paléographie, de traduction et d’interprétation historique. Il prend comme modèle méthodologique les travaux littéraires, historiques et musicologiques sur la question.
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Sur ce thème, voir R. Mazzei, Per terra e per acqua. Viaggi e viaggiatori nell’Europa moderna, Rome, Carocci, 2013. La cour est comprise ici à la fois comme un lieu physique – celui où vit le prince – et comme une formation sociale complexe – l’ensemble des personnes qui sont à son service – en constante évolution. Elle est également le siège symbolique du pouvoir, une institution économique, le théâtre de la ritualité politique, le point de rencontre entre religion et pouvoir, le lieu de la production culturelle et de l’exercice du mécénat et celui où convergent les différentes réseaux qui gravitent autour de la famille – comprise en tant qu’association productrice de liens sociaux – du prince. Voir M. Fantoni, « La Corte », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 110-114 et 139. Stratégies que nous pouvons résumer en reprenant les trois questions énoncées par Florence Alazard dans Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 116117 : pourquoi ce dédicataire ? Quel est le rôle de celui-ci ? Et quelle est son influence, dans ses rapports avec le musicien, sur l’œuvre de ce dernier ? Le mot « distinction » est compris ici en tant que formation (éducation) en fonction d’un modèle (modèle de reconnaissance) et la capacité à le dépasser (la singularité) et non pas dans l’acception bourdieusienne selon laquelle les stratégies de distinction expliquent mécaniquement les pratiques culturelles, elles-mêmes réduites à une structure ou à un système de domination. Ce déterminisme sociologique ne nous a pas semblé pertinent pour notre enquête. À ce sujet, voir R. Lenoir, « Noblesse et distinction dans l’œuvre de Pierre Bourdieu », Marquer la prééminence sociale. Actes de la conférence organisée à Palerme 2011 par SAS en collaboration avec l’École française de Rome et l’université de Palerme, éd. J.-P. Genet et E. I. Mineo, Paris-Rome, Publications de la Sorbonne-École française de Rome, 2014, p. 21-41.
Deuxième partie
Les traces écrites de Sigismondo D’India
La deuxième partie de ce livre s’inscrit dans la continuité des travaux d’édition critique des lettres, dédicaces et préfaces de Claudio Monteverdi5 et des correspondances d’Orlando di Lasso6 (1977), de Jacques de Wert7 (1999) et d’Emilio de’ Cavalieri8 (2001). Pour ce qui est de Sigismondo D’India, c’est Federico Mompellio9 qui, le premier, en 1956, a fait connaître une partie du carteggio du musicien ainsi que quelques documents d’archive, le musicologue faisant fond sur ses propres recherches mais également sur certaines découvertes archivistiques de l’historien Stanislao Cordero di Pamparato10. De nouvelles lettres concernant le compositeur ont été découvertes par Dinko Fabris à Ferrare dans les années 198011 et par Franco Pavan12 à Côme et Rodolfo Baroncini13 à Modène dans les années 2000. Quant aux préfaces et dédicaces, elles ont été présentées et commentées au fur et à mesure des parutions des éditions modernes des différents livres de musique de D’India dans les collections Musiche Rinascimentali Siciliane14 et Corona di delizie musicali15 et dans les éditions Garland16 et D. De’ Paoli, Claudio Monteverdi. Lettere, dediche e prefazioni, Rome, De Santis, 1973 ; D. Stevens, The Letters of Claudio Monteverdi, Londres-Boston, Faber and Faber, 1980 ; E. Lax, Claudio Monteverdi. Lettere, Florence, Olschki, 1994 ; A. Russo (trad.) et J.-P. Navarre (introduction et notes), Claudio Monteverdi. Correspondances, préfaces et épîtres dédicatoires, Sprimont, Mardaga, 2001 et C. Georis, Claudio Monteverdi « letterato » ou les métamorphoses du texte, Paris, Honoré Champion, 2013. 6 H. Leuchtmann, Orlando di Lasso. Briefe, vol. II, Wiesbaden, Breitkopf & Härtel, 1977. 7 I. Fenlon, Giaches de Wert : Letters and Documents, Paris, Klincksieck, 1999. 8 W. Kirkendale, Emilio de’ Cavalieri « Gentiluomo romano ». His Life and Letters, his Role as Superintendent of all the Arts at the Medici Court, and his Musical Compositions, Florence, Olschki, 2001. Voir également le programme Espitolart. La correspondance, lieu d’émergence de la figure de l’artiste à la Renaissance de l’Université de Liège : http:// web.philo.ulg.ac.be/transitions/epistolart/. 9 F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 74-80. 10 S. Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 31-142. 11 Publiées en 1999 : D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 400-401, 402 et 403-404. 12 F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 396-399. 13 R. Baroncini, « Alfonso III d’Este, Fulvio Testi e Sigismondo D’India “prove di melodramma” a la corte di Modena », Settimo colloquio di musicologia organisé par Il Saggiatore musicale, Alma Mater Studiorum, Università di Bologna, Dipartimento di Musica e Spettacolo, (Bologne, 22-23 novembre 2003), actes et communication non publiés. Nous pouvons consulter le résumé de sa communication : http://www.saggiatoremusicale.it/attivita/2003/abstr_coll_2003.php. 14 Sigismondo D’India. Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), éd. J. Joyce, 2 vol., Florence, Olschki, 1989 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX) ; Sigismondo D’India. Ottavo libro dei madrigali a cinque voci – 1624, éd. G. Watkins, Florence, Olschki, 1980 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. X) ; Sigismondo D’India. Il terzo libro dei madrigali a cinque voci (1615), éd. G. Watkins, Florence, Olschki, 1995 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XV) ; Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), éd. G. Collisani, Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV) et Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libri primo (1608) e secondo (1612), éd. C. Assenza, Firenze, Olschki, 2007 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV). 15 Sigismondo D’India. Le Musiche e Balli a quattro voci con il basso continuo, éd. R. Bez, C. Chiavazza et M. Less, Lucques, LIM, 2000 (coll. Corona di delizie musicali, vol. I). Il s’agit de l’édition en fac-similé des Deuxième, Troisième, Quatrième et Cinquième livres des Musiche : Italian Secular 16 Song 1606-1636 : Northwestern Italy. Songs by Enrico Radesca di Foggia, Sigismondo d’India, Filippo Albini, Giovanni Ghizzolo, Giulio S. Pietro de Negri, Francesco Costa, Giovanni Francesco Capello, Francesco Turini, éd. G. Tomlinson, New York, Garland, 1986, vol. IV. 5
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Introduction
Gaudia17. Les frontispices et les tables des pièces de l’intégralité des recueils du compositeur ont été publiés par Mompellio18 et par Giuseppe Collisani19 dans leurs monographies respectives de 1956 et 1998. Cette deuxième partie rassemble, transcrit, traduit et annote pour la première fois tous ces documents auxquels s’ajoutent quelques inédits. Retour aux sources
Nous avons consulté tous les documents originaux des correspondances présentées ici, à l’exception de celles citées par Dinko Fabris (3 lettres) et Franco Pavan (1 lettre). Quant aux préfaces et dédicaces, nous avons eu accès à l’intégralité des textes dans les bibliothèques de Bologne (I-Bc), Milan (I-Mb), Rome (I-Rc), Paris (F-Pn), Londres (GB-Lbl) et Oxford (GB-Och). Il en est de même pour les imprimés anciens et tous les documents d’archive20 publiés – dont certains pour la première fois – ici. Rassembler deux types de documents (manuscrits et imprimés) dont le statut (texte, paratexte) diffère et que nous avons organisés en quatre groupes (correspondances, préfaces, épîtres dédicatoires et autres documents), exigeait que l’on s’interroge sur les différents problèmes que pose leur restitution. Style, culture et identité. Le problème de la traduction
Nous avons traduit en français des documents écrits en espagnol (une dédicace), en allemand (un document d’archive), en latin (3 dédicaces et 2 documents d’archive), en anglais (1 imprimé du xviiie siècle) et surtout en italien21 (tous les autres documents). L’espagnol de D’India a une allure italienne, de même que son latin post-médiéval, imprégné de tournures italianisantes. Le seul document en allemand publié ici (un décret) emploie des structures archaïsantes et des mots à l’orthographe aléatoire. Enfin, celui en anglais, écrit par Charles Burney, use d’une langue instruite, élégante et recherchée. Quant à la langue italienne utilisée, elle présente une orthographe fluctuante (cavagliere, cavalliere, servitio, servigio, d’India, Dindia) – ce qui est moins le cas des documents imprimés –, ou archaïque (genaro, hoggi, pratticare), des structures syntaxiques marquées parfois par des tournures dialectales locales ou latinisantes et des expressions désuètes et ambiguës22. À ces observations, qui décrivent bien la dynamique de l’expression écrite de la Contre-Réforme, on peut ajouter l’utilisation d’une ponctuation aléatoire23 et des redondances stylistiques qui rendent difficiles – en plus des
Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, vol. I-V, 1997, 1997, 1998, 1999 et 2000. 18 F. Mompellio, Sigismondo d’India, op. cit., p. 81-95. 19 G. Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1998, p. 85-108. 20 À l’exception du document cité par Oscar Mischiati et du paiement adressé à D’India par Maximilien de Bavière en 1628 (no 7) dont nous avons consulté une copie numérisée fournie par les Archives d’État de Bavière de Munich (DMhsa). Nous remercions l’archiviste Ferdinand Wagner pour son aide. 21 Concernant le processus de constitution de la langue italienne, ses modèles littéraires ainsi que sa diversité aux xve et xvie siècles, voir M. Pozzi, « Des répertoires à la langue nationale italienne », L’Epithète, la rime et la raison. La lexicographie poétique en Europe, xvie-xviie siècles, éd. S. Hache et A. P. Pouey-Mounou, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 165-182. À ce sujet, voir S. Bozzola, Tra Cinque e Seicento. Tradizione e anticlassicismo nella sintassi della prosa letteraria, Flo22 rence, Olschki, 2004. Le point marque non pas la fin d’une phrase mais un moment de repos et le point-virgule établit la fin de la période ou 23 rythme les énumérations. Voir J.-P. Navarre, Claudio Monteverdi. Correspondances, op. cit., p. 10. 17
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Deuxième partie
difficultés paléographiques (déchiffrement des graphies et des abréviations24) de certains documents manuscrits – la lecture et la compréhension des textes. C’est dans l’étrangeté des phrases et dans les insistantes redondances alambiquées de ces textes que se dévoilent le style et l’identité25, les substrats culturels et le refoulé, de la société de cour de l’Italie où a vécu D’India ; le teatro del mondo se révèle ici à travers l’écrit qui est la source et le guide du travail historique ici présenté. La langue ne se réduit donc pas à un pur instrument de communication, c’est pourquoi nous avons également décidé de nous laisser dérouter par le théâtre rhétorique de ces textes codés, répétitifs et emphatiques26 en les prenant au sérieux afin de comprendre leur message profond, de mieux déchiffrer la complexité des « structures de représentation27 » de la civilisation à laquelle ils renvoient. Dès lors, si la traduction28 implique une exactitude scrupuleuse, elle est aussi un recommencement. Aussi, pour la traduction en français, nous nous sommes efforcés de restituer non seulement le style linguistique mais également le contexte29 culturel. Cette tâche demandait d’actualiser les textes traduits afin de les rendre compréhensibles, sans pour autant gommer les sfumature, l’organisation discursive et les effets voulus par le style d’origine ; la distance produite par l’historicité linguistique est la marque de la pensée du compositeur, mais aussi de toute une époque. Ce qui pourrait paraître superflu – les longues et redondantes formules de politesse ou certaines digressions philosophiques et littéraires – fait en réalité partie intégrante du discours et donc de l’œuvre30. C’est pourquoi nous présentons, sauf à quelques exceptions31, l’intégralité des textes des documents étudiés. Traduire est ainsi bel et bien un acte d’infidélité, la création d’un « palimpseste32 » et une « négociation33 » permanente entre différents choix philologiques ; une tentative de « restituer ce que l’irruption du passé fait à notre présent34 », de trouver la bonne distance historique et linguistique entre le texte d’origine et le texte définitif. 24
L’utilisation des abréviations, des minuscules et des capitales, le choix de la division des phrases et des mots, la ponctuation ou encore d’autres caractéristiques graphiques ont une valeur culturelle au-delà de leur aspect pratique, voir « Aspetti materiali », Fonti per la storia degli archivi degli antichi Stati italiani, éd. F. De Vivo, A. Guidi et A. Silvestri, Rome, Ministero dei Beni e delle Attività Culturali, 2016, p. 206-210. Concernant les abréviations latines, voir G. Vianini, Raccolta delle principali e più difficili abbreviazioni e frasi abbreviate che si riscontrano negli Atti Notarili dal Secolo xiii in poi, Rome, Loescher, 1898 et A. Cappelli, Lexicon abbreviaturarum : dizionario di abbreviature latine ed italiane usate nelle carte e codici, Milan, Hoepli, 2011. 25 Sur cette question, voir A. Bartoli Langeli, « Scrivere e leggere come fattori d’identità tra medioevo ed età moderna », Identità collettive tra Medioevo ed Età Moderna, éd. P. Prodi et W. Reinhard, Bologne, Clueb, 2002, p. 333-344. Voir A. Petrucci, « Dall’enfasi dell’epistola barocca alla sobrietà della lettera borghese », Scrivere lettere. Una storia 26 plurimillenaria, Bari, Laterza, 2008, p. 111-128. 27 F. Alazard, Art vocal, art de gouverner, op. cit., p. 96. La traduction étant elle-même une pratique paratextuelle, voir G. Genette, Seuils, Paris, Le Seuil 1987, p. 408. 28 F. Alazard (Art vocal, art de gouverner, op. cit., p. 22-23) a identifié trois approches concernant la notion de contexte : la 29 première le définit comme toile de fond, la deuxième l’admet implicitement mais sans y faire référence et la troisième considère que « le contexte est dans le texte », autrement dit « que les relations que l’œuvre musicale entretient avec l’extérieur […] sont dialectiques et médiatisées d’une manière complexe ». 30 « Composition, appartenance à un genre, style individuel caractérisent le discours comme œuvre. », écrit P. Ricœur, Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II, Paris, Le Seuil, 1986, p. 107. 31 Nous avons supprimé quelques passages dans 8 lettres, 4 documents d’archive, 3 recueils de musique et 1 imprimé du xviiie siècle. Les textes écourtés (digressions et intitulés) l’ont été uniquement quand nous avons considéré qu’ils n’apportaient rien à la compréhension du texte et du contexte ou quand une partie importante du document concernait intégralement un autre sujet. Voir G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Le Seuil, 1982, et notamment les p. 238-243. 32 33 U. Eco, Dire quasi la stessa cosa. Esperienze di traduzione, Milan, Bompiani, 2003. P. Boucheron, « Écrire l’histoire des futurs du passé », L’histoire à venir, Toulouse, Anacharsis, 2018, p. 24. 34
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Introduction
Discours, mémoire et mentalité. Le problème de l’interprétation historique
Présenter une traduction analytique de ces documents, dans le but de dépasser la simple description du contenu des textes, nous a donc conduits à les considérer comme des discours35, des marqueurs culturels qui permettent de pister les intentions des acteurs (les compositeurs, les dédicataires, les princes protecteurs et les intermédiaires culturels36). La compréhension d’une société commence par son étude historique. En effet, les correspondances de D’India sont riches d’enseignements en matière d’histoire politique et d’histoire de la musique. Nous nous plaçons sous l’égide des travaux pionniers de Maria Luisa Doglio37 qui a publié en 1967 l’intégralité des correspondances du poète-diplomate ferrarais Fulvio Testi (1593-1646) – remarquable observateur de la culture de son temps –, mais aussi de ceux de Mariarosa Masoero38 (1976) sur Ludovico d’Agliè, de Giovanna Perini39 (1990) sur les Carrache, de Dinko Fabris sur les poètes Battista et Alessandro Guarini (199740) et du Centre international d’art et de culture de Palazzo Te à Mantoue sur le collectionnisme et la circulation d’œuvres d’art à la cour des Gonzague (200041, 200242). Quant aux paratextes (les préfaces et les dédicaces) des œuvres du compositeur – ces discours de transition à caractère essentiellement fonctionnel qui se situent autour et à l’extérieur du texte43 –, ils nous montrent que ces récits sont susceptibles de conditionner la nature du rapport du musicien avec le dédicataire et, plus largement, avec le public destinataire de l’œuvre44. Dédicace et préface se recoupent souvent45, non seulement parce qu’elles sont « le lieu de la démonstration et de l’ostentation46 », mais
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« Appelons texte tout discours fixé par l’écriture. Selon cette définition, la fixation par l’écriture est constitutive du texte lui-même. », P. Ricœur, « Qu’est-ce qu’un texte ? », Du texte à l’action, op. cit., p. 137-138. 36 Sur cette question, voir Tramiti. Figure e strumenti della mediazione culturale nella prima età moderna, éd. E. Andretta, M. A. Visceglia et P. Volpini, Rome, Viella, 2015. 37 M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, 3 vol. 38 M. Masoero, « Lettere inedite di un poeta cortigiano del xvii secolo : Ludovico San Martino d’Aglié », Studi Piemontesi, no 5/2, 1976, p. 301-321. 39 G. Perini, Gli scritti dei Carracci : Ludovico, Annibale, Agostino, Antonio, Giovanni Antonio, Bologne, Alfa Editoriale, 1990. Voir aussi id., « Le lettere degli artisti da strumento di comunicazione, a documento, a cimelio », Documentary Culture. Florence and Rome from Grand-Duke Ferdinand I to Pope Alexander VII : papers from a colloquium held at the Villa Spelman, Florence, 1990, éd. E. Cropper, G. Perini et F. Solinas, Bologne, Nuova Alfa, 1992, p. 165-183. 40 D. Fabris, « Lettere di Battista e Alessandro Guarini nell’Archivio Bentivoglio di Ferrara », Guarini, la musica, i musicisti, éd. A. Pompilio, Lucques, LIM, 1997, p. 77-90. Voir aussi id., « La musica nelle lettere di Battista e Alessandro Guarini », Rime e lettere di Battista Guarini. Atti del convegno di studi, Padova, 5-6 dicembre 2003, éd. B. M. Da Rif, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2008, p. 397-408. 41 Le collezioni Gonzaga. Il carteggio tra Bologna, Parma, Piacenza e Mantova (1563-1634), éd. B. Furlotti, Milan, Silvana, 2000. 42 D. Sogliani, Le collezioni Gonzaga. Il carteggio tra Venezia e Mantova (1563-1587), Milan, Silvana, 2002. 43 G. Genette, Seuils, op. cit., p. 10-12, 17 et 410-413. 44 « Par la médiation des interprètes, quelque chose de l’injonction paratextuelle verbale sur la partition passe, déplacé, transformé, dans la réalité sonore de l’exécution. », F. Escal, « Le titre de l’œuvre musicale », Poétique, no 69, février 1987, p. 101. Voir aussi G. Genette, Seuils, op. cit., p. 138-139 ; R. Chartier, « Patronage et dédicace », Culture écrite et société. L’ordre des livres (xive-xviiie siècle), Paris, Albin Michel, 1996, p. 86-87 et 93-95 ; F. Alazard, Art vocal, art de gouverner, op. cit., p. 85 et S. Lorenzetti, « Musica nello specchio della corte. Qualche riflessione su appartenenza e presenza », Le parole che noi usiamo, op. cit., p. 193. Nous remercions également Anne-Madeleine Goulet pour ses nombreux conseils en la matière. 45 G. Genette, Seuils, op. cit., p. 126. Contrairement à la préface, la dédicace de partition est un élément systématique de l’œuvre musicale à cette époque. Id., p. 138 et F. Alazard, Art vocal, art de gouverner, op. cit., p. 101. 46
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Deuxième partie
surtout par leur capacité à rendre intelligible l’œuvre musicale47 et à nous fournir des indications sur sa genèse et sur les modalités de sa réception48. En effet, au-delà de la flagornerie mécanique et calculée qui leur est propre, ces discours établissent un lien entre événement musical, lieux et patronage nobiliaire ; ils sont un révélateur de l’hétérogénéité du phénomène de protection des arts et des personnes. La lecture critique de ces documents49 nous permet de prolonger l’étude de l’œuvre musicale et des musiciens dans leurs rapports avec leur environnement et, pour reprendre les mots de Jean-Philippe Navarre50, de « féconder la recherche » afin d’avoir « une perception plus juste de la musique et du compositeur ». Elle nous permet aussi d’enrichir nos connaissances en histoire culturelle, des mentalités et des idées. Nous avons complété ce tableau avec les imprimés anciens et les documents d’archive. Ils gardent en effet une partie importante des traces51 du compositeur et, pour ces derniers, constituent la matière première de l’interprétation historique. Les correspondances, préfaces, épîtres dédicatoires et autres documents de Sigismondo D’India « Ma è musico, e musico bizzarrissimo ». Les correspondances de, à et autour de D’India
Le premier chapitre présente 53 lettres – dont 29, soit presque 55 %, sont inédites – écrites en italien et organisées en trois groupes : 1. Les correspondances signées de la main de D’India (correspondance active), 2. Celles qui lui ont été adressées (correspondance passive) et 3. Celles où il est fait mention du compositeur. Le premier groupe couvre la période qui court du 3 février 1626 au 29 janvier 1628. Nous pouvons suivre, à travers 10 lettres signées à Rome et à Modène et adressées au duc Cesare d’Este, à son fils le prince Alphonse et au marquis Enzo Bentivoglio, les différentes étapes du transfert de D’India à Modène, de la préparation puis de l’interruption de la représentation de L’Isola d’Alcina – première tentative de mélodrame dans cette ville – et enfin de sa candidature comme compositeur de la musique des noces de Parme de 1628. Le deuxième groupe contient 2 lettres, l’une rédigée par le prince Alphonse d’Este et l’autre sans signature, écrites respectivement à Modène le 18 janvier et le 28 octobre 1626. Enfin, le dernier groupe comprend 41 lettres écrites entre le 24 août 1609 et le 9 août 1634. Elles ont été envoyées depuis Plaisance, Casnate, Fredo, Ferrare, Parme, Turin, Venise, Modène et Rome et concernent toute une galerie de personnages parmi lesquels on trouve des artistes (comme Ludovico Id., p. 81. Id., p. 118. Nous nous situons ici dans la ligne des travaux d’O. Mischiati, « Considerazioni in margine alla dedica come tramite tra compositore e committente », Fausto Torrefranca l’uomo, il suo tempo la sua opera. Atti del Convegno Internazionale di Studi Vibo Valentia, 15-17 dicembre 1983, éd. G. Ferraro et A. Pugliese, Vibo Valentia, IBMC, 1993, p. 223-228 ; de P. Gargiulo, « Da Peri, Caccini, Gagliano “a cortesi lettori”. Per una ri-lettura di storiche prefazioni », Lo stupor dell’invenzione, Firenze e la nascita dell’opera. Atti del convegno internazionale di studi, Firenze 5-6 ottobre 2000, éd. P. Gargiulo, Florence, Olschki, 2001, p. 15-29 et de C. Steffan, « Signori illustrissimi patroni collendissimi e devotissimi servitori. Dediche, destinatari e sistema editoriale al tempo di Orazio Vecchi », Il theatro dell’udito : società, musica, storia e cultura nell’epoca di Orazio Vecchi : conferenze tenute durante le celebrazioni del IV centenario della morte di Orazio Vecchi, éd. A. Chiarelli et F. Taddei, Modène, Mucchi, 2007, p. 247-264. 50 J.-P. Navarre, Claudio Monteverdi. Correspondances, op. cit., p. 11. 51 Pour une réflexion sur le lien entre archives, document et trace, voir P. Ricœur, Temps et récit, vol. III : le temps raconté, Paris, Le Seuil, 1985, p. 171-183. 47 48 49
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Introduction
Carracci, Antonio Goretti ou Alessandro Ghivizzani) des princes (comme Amédée, Marguerite et Maurice de Savoie, Cesare, Alphonse et Francesco d’Este ou Marguerite Aldobrandini) et des diplomates (comme Girolamo Borsieri, Fulvio Testi, Enzo Bentivoglio, Fabio Carandini ou Ludovico d’Agliè). Il s’agit des correspondances qui nous permettent de reconstituer de la manière la plus large et la plus complète les mondes où évolua D’India. « Al cortese lettore ». Les préfaces des recueils de musique de D’India
Le deuxième chapitre présente 3 préfaces en langue italienne dont 2 écrites par D’India (le Premier livre des Musiche de 1609 et le recueil des Musiche e Balli de 1621) et une troisième par l’éditeur milanais Filippo Lomazzo (le Troisième livre des Musiche de 1618). Les deux premiers documents nous donnent des informations précieuses sur l’évolution de la musique vocale au début du xviie siècle, sur l’assimilation particulière des préceptes de la seconda pratica par D’India ainsi que sur la transformation des spectacles chorégraphiques (le ballet représentatif) à Turin dans les années qui ont suivi l’arrivée de Christine de France, sœur de Louis XIII, dans cette cour. Quant au dernier document, l’avertissement de l’éditeur du Troisième livre de monodies accompagnées de D’India vante le talent du compositeur tout en affirmant la réputation du libraire. « Mio Signore & Padrone collendissimo ». Les épîtres dédicatoires de D’India
Le troisième chapitre étudie 18 épîtres dédicatoires écrites en espagnol, latin et italien et signées à Milan, Plaisance, Venise, Turin et Rome entre 1606 et 1627. Elles sont adressées à des princes italiens (Vincenzo Gonzaga, Ranuccio Farnèse, Barbara Landi Barattieri, Charles-Emmanuel de Savoie, Alphonse et Isabelle d’Este) et étrangers (Vicente Pimentel, Ferdinand II d’Autriche, Marie de Médicis et Charles de Habsbourg), à des prélats (les cardinaux Maurice de Savoie et Federico Borromeo, l’archevêque Marco Sittico Altemps, l’abbé Diofebo Farnèse) et à des nobles diplomates (Pier Francesco Malaspina, Sir Henry Wotton et Federico Rossi di San Secondo). Le style de ces dédicaces – qui oscille entre la métaphore52, l’hommage appuyé et le topos de l’immortalité (la survie de la mémoire des œuvres du compositeur), de la délectation et de la fidélité53 – ne diffère pas substantiellement des textes contemporains. L’étude des épîtres dédicatoires, « seuils » des recueils musicaux de D’India, nous aide ainsi à comprendre les motivations qui l’on incité à publier ces œuvres ainsi que les modalités des rapports qu’il entretenait avec ses patrons et mécènes. « Come ne consta per ordine et quittanza al dono ». Imprimés anciens et autres documents d’archive concernant D’India
Enfin, le quatrième chapitre présente 7 imprimés anciens ainsi que 44 documents d’archive dont 20 (soit 45 %) sont inédits.
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Certains de ces nobles peuvent appartenir à plusieurs familles (c’est le cas d’Isabelle d’Este-Savoie et de Barbara Landi Barattieri), être à la fois princes et prélats (comme Maurice de Savoie, Federico Borromeo ou Marco Sittico Altemps) ou encore princes et musiciens (comme Vicente Pimentel). Concernant le topos du diletto et la question de la fidélité (variante de la relation de clientèle) et de la vassalité dans la production musicale, voir F. Alazard, Art vocal, art de gouverner, op. cit., p. 95-101 et id., « Écrire au prince : enjeux et méthodes autour de la correspondance du musicien en Italie, fin xvie-début xviie siècles », Analyse musicale, no 50, 2004, p. 9-10.
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Le premier groupe contient la préface d’un livre de musique de Filippo Albini (1623) ainsi que des recueils encomiastiques, poétiques et historiographiques des xviie et du xviiie siècles qui font allusion à D’India Quant au second groupe, il rassemble essentiellement des documents extraits de registres où l’on trouve actes, comptes rendus, délibérations, pièces comptables (mandats de paiement issus des libri mastri54) et quittances (reçus) en latin (2 documents), italien et allemand (1 document) rassemblés par type de document et par ordre chronologique55. Ces archives se caractérisent par la lourdeur et la technicité de la langue employée et montrent en partie la manière dont fonctionne la comptabilité concernant les musiciens (périodicité des provisions et salaires, monnaies utilisées pour les paiements, rétributions en nature) des familles56 Farnèse, d’Este et surtout de la Casa Savoia57. Protocole et critères éditoriaux
La présentation des documents de chaque chapitre suit un ordre chronologique. Tous les textes originaux sont reproduits scrupuleusement sans moderniser la langue et en respectant l’orthographe, la ponctuation et l’utilisation des capitales58. Nous avons également transcrit toutes les abréviations (V. A. S., Cavre, Xbre) en toutes lettres (Vostra Altezza Serenissima, Cavaliere, dicembre). Lors de la traduction en français, nous avons conservé les majuscules uniquement pour les titres des personnes (Votre Seigneurie, Son Altesse) et des institutions (Conseil, Chambre). Afin de respecter le style du texte d’origine, nous ferons coexister dans la même phrase le vouvoiement (Votre Seigneurie) avec l’utilisation de la troisième personne (Son Altesse, Elle). 54 Le libro mastro est un registre, un livre de gestion de grande taille, toujours organisé par ordre chronologique. Le « livre de maître » enregistre les débits et les crédits et la synthèse se trouve consignée chaque année par le comptable général de la famille. Le registre est tenu selon le « système de la partie double, c’est-à-dire que les entrées et les sorties y sont indiquées », voir A.-M. Goulet, « La musique à Rome dans la seconde moitié du xviie siècle d’après les fonds d’archives familiales : le cas du fonds Lante della Rovere », La musique à Rome au xviie siècle : études et perspectives de recherche, éd. C. Giron-Panel et A.-M. Goulet, Rome, École française de Rome, 2012, p. 85. Concernant la méthodologie de recherche à travers les documents comptables, voir H. Houtman-De Smedt, « L’art de la comptabilité dans les temps modernes… un trésor pour l’historien ! ? La comptabilité industrielle et bancaire du 16ème au 18ème siècle », L’impresa, industria, commercio, banca, secc. xiii-xviii. Atti della ventiduesima settimana di studi, 30 aprile-4 maggio 1990, éd. S. Cavaciocchi, Prato, Le Monnier, 1991, p. 227-228 et G. Bonfiglio-Dosio, « Dall’archivio di famiglia all’archivio d’impresa », Archivi nobiliari e domestici. Conservazione, metodologie di riordino e prospettive di ricerca storica, éd. L. Casella et R. Navarrini, Udine, Forum, 2000, p. 109. Voir aussi Archivi e archivisti in Italia tra medioevo ed età moderna, éd. F. De Vivo, A. Guidi et A. Silvestri, Rome, Viella, 2015. 55 En effet, cette partie présente le type de document avant la chronologie, de même que les sous-parties concernant les mandats de paiement et les quittances sont organisées par fonds. 56 Concernant le fonctionnement de la computisteria des familles nobles de cette époque à travers le cas des Barberini, voir L. Cacciaglia, Le « giustificazioni » dell’Archivio Barberini. Inventario. I. Le giustificazioni dei cardinali, Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2014, p. 16-18. 57 Et notamment du duc Charles-Emmanuel de Savoie à Turin et de son fils le cardinal Maurice à Rome. 58 En revanche, nous ne reprenons pas la disposition originelle des textes lors de la mise en page de ce livre. Sur les problèmes philologiques et codicologiques liés aux correspondances, voir Le « carte messaggiere ». Retorica e modelli di comunicazione epistolare : per un indice dei libri di lettere del Cinquecento, éd. A. Quondam, Rome, Bulzoni, 1981 ; Metodologia ecdotica dei carteggi. Atti del Convegno di Studi (Roma, 23-25 ottobre 1980), éd. E. D’Auria, Florence, Le Monnier, 1989 ; P. Jodogne, « Aspetti codicologici dell’edizione dei carteggi », I moderni ausili all’Ecdotica, éd. V. Placella et S. Martelli, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1994, p. 179-191 ; E. Malato, « Edizone in fac-simile, edizione diplomatica, edizione critica », id., p. 249-264 et P. Moreno, « Filologia dei carteggi volgari quattro-cinquecenteschi », Studi e problemi di critica testuale, éd. E. Pasquini, Bologne, Commisione per i testi di lingua, 2012, p. 127-147.
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Introduction
Tous les documents sont systématiquement référencés (titre, localisation59, fonds) au fur et à mesure de leur présentation. Lorsqu’un texte a déjà fait l’objet d’une publication, même partielle, nous en avons indiqué la référence bibliographique. Enfin, l’appareil critique précise des éléments historiques, explicite le nom des œuvres, l’identité des acteurs cités et explique les allusions culturelles qui apparaissent souvent dans les documents de manière laconique ou lacunaire (les textes ne précisent pas systématiquement à qui ou à quoi ils font allusion). Il propose enfin des références bibliographiques permettant d’approfondir la compréhension du (con)texte.
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Excepté pour les recueils de musique de D’India dont la localisation de chaque livre se trouve dans la bibliographie.
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Fig. 10 : Frontispice du Premier livre des villanelles de 1608 de Sigismondo D’India, Bibliothèque nationale de France
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Introduction
Fig. 11 : Lettre inédite signée par Sigismondo D’India (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Carteggi e documenti di particolari, India, boîte 698, avec l'autorisation du Ministero per i Beni e le Attività Culturali
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1 Les correspondances Les correspondances signées par Sigismondo D’India 1. Le 3 février 1626, au prince Alphonse d’Este1 Serenissimo Signore Dal Residente del Serenissimo Signor Duca suo padre ho inteso che Vostra Altezza desideraria ch’io mi trasferisci sino a Modena et io che vivo ambitioso dei comandi di Vostra Altezza subito ho fatto risolutione di venirmene volando a servirla e se non fosse un poco d’indispositione qual credo al tutto per questa settimana mi terra un poco impedito di gia a quest’ora mi saria partito : verro subito e saro ali ultimi di carnovale a Modena infallibilmente a servire Vostra Altezza alla quale faccio humilissima riverenza di Roma il di 3 febraro – 1626. Di Vostra Altezza Serenissima humilissimo servitore Sigismondo d’India. Sérénissime Seigneur, J’ai appris par l’ambassadeur2 du Sérénissime Seigneur Duc, votre père3, que Votre Altesse désirait que je me rende à Modène et moi, qui n’aspire qu’à obéir les ordres de Votre Altesse, je me suis résolu immédiatement à m’envoler pour venir la servir. Je serais déjà parti si je ne souffrais d’une légère indisposition4 qui m’empêchera quelque peu, je crois, durant toute la semaine : je viendrai le plus rapidement possible et arriverai pour les derniers jours de carnaval5 à Modène pour servir infalliblement Votre Altesse à laquelle je fais une très humble révérence depuis Rome le 3 février 1626. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 78. 2. Le 9 février 1626, à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Illustrissimo Signor mio affettissimo Ho risposto al serenissimo prencipe Alfonso e gli ho dato aviso di quanto Vostra Illustrissima tratto meco, intorno all’andata di Modena ; ho inviato la lettera al Serenissimo Signor Cardinale quale per via del secretario m’ha fatto sapere che desidera ch’io vadi a servire quei serenissimi ; resta solo ch’io ala fine di questa settimana mi parti con servitore et uno castratino quale necessariamente conviene ch’io meni meco per compimento del concerto del Signor prencipe, resta solo ch’io metti da parte più quatrini ch’io posso per far detto viaggio poiche quelli non sono bastanti 1
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(1591-1644), fils de Cesare d’Este, duc de Modène, époux d’Isabelle d’Este-Savoie, beau-frère du cardinal Maurice de Savoie et duc de Modène de 1628 à 1629, date à laquelle il abdique en faveur de son fils Francesco et devient capucin. Voir R. Lecchini, Alfonso III duca di Modena e Reggio. P. Giambattista d’Este cappuccino, Modène, Aedes Muratoriana, 1979 et L. Amorth, Modena Capitale. Storia di Modena e dei suoi duchi dal 1598 al 1860, Modène, Aedes Muratoriana, 1961, p. 24. Il s’agit de Fabio Carandini-Ferrari (1578-c. 1664), ambassadeur de Modène à Rome. Le duc Cesare d’Este (1561-1628). Le compositeur est malade. À la fin du mois de février.
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al sicuro poiche e necessario ch’io habia una lettica per me et anco una soma a parte oltre che questi che meno meco conviene che venghino a cavallo non potendo far di meno com’ella molto ben sa ho anco fatto metter in ordine tutte le opere cosi stampate come scritti a mano che seranno di servitio di Sua Altezza e le opere che glio ho dedicati cosi a lui come alla Serenissima Infante insomma non manca altro che partire ne dò nova a Vostra Illustrissima accio ella resta informata di tutto quello che si fa per servire dette Altezze suplicandola mi avisi anco lei in conformità di questa mia, alla quale pregandole dal Signore ogni colmo di felicita le faccio riverenza di casa il di 9 di febraro di Vostra Signoria Illustrissima obligatissimo servitore Sigismondo d’India. Mon Seigneur très Illustre et très aimé, J’ai répondu au Prince Sérénissime Alphonse et lui ai fait part de tout ce qui m’a été dit par Votre Illustrissime concernant ma venue à Modène ; j’ai envoyé la lettre6 au Sérénissime Seigneur Cardinal [de Savoie] lequel m’a fait savoir, par le biais du secrétaire, qu’il souhaitait que j’aille servir ces Sérénissimes7. Je dois encore partir8 à la fin de cette semaine9 avec un serviteur et un jeune castrat10 que je dois nécessairement amener avec moi en tant que musicien supplémentaire du Seigneur Prince [cardinal de Savoie]. Il ne me reste plus qu’à réunir le plus d’argent possible pour réaliser ce voyage puisque ce que j’ai n’est pas suffisant car il est nécessaire que j’aie un lit de voyage pour moi mais aussi un fardeau à part, outre qu’il convient que ceux que j’amène avec moi viennent à cheval, ne pouvant pas faire moins comme vous le savez fort bien 11. J’ai également mis en ordre toutes les œuvres aussi bien publiées que manuscrites qui seront au service de Son Altesse12 , ainsi que les œuvres que je lui ai dédiées13 de même qu’à l’Infante Sérénissime14 . En somme, il ne me reste plus qu’à partir et à tenir au courant Votre Illustrissime [l’ambassadeur Carandini] afin qu’elle soit informée de tout ce que l’on fait pour servir ces Altesses. La suppliant de m’informer à son tour et en conformité avec cette lettre, et priant pour que le Seigneur la comble de bonheur, je lui fais une révérence. En ma demeure le 9 février [1626]. De Votre Seigneurie Illustrissime, le très obligé serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 78-79.
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Le prince Alphonse d’Este écrit une lettre au cardinal de Savoie qu’il transmet à Sigismondo D’India par le biais de l’ambassadeur Carandini, voir la lettre no 18 (correspondances où il est question du compositeur), datée du 4 février 1626. Le prince Alphonse d’Este et son épouse Isabelle d’Este-Savoie, sœur du cardinal Maurice. À Frascati, près de Rome. Entre le 13 et le 15 février 1626. Il est possible qu’il s’agisse du castrat et chanteur pontifical Lorenzo Sances, frère du compositeur Giovanni Felice Sances. Sur ce musicien, voir J. Whenham et S. Saunders, « Sances [Sancies, Sanci, Sanes, Sanchez], Giovanni Felice », The New Grove. Dictionary of Music and Musicians. Second edition, éd. S. Sadie, New York, Macmillan, 2001, vol. XXII, p. 224-226. Concernant les moyens et les difficultés de transports pour les voyageurs de cette époque, voir R. Mazzei, Per terra e per acqua. Viaggi e viaggiatori nell’Europa moderna, Rome, Carocci, 2013, p. 77-93. Le prince Alphonse d’Este de Modène. Il s’agit du Troisième livre des Musiche de 1618 : S. D’India, Le musiche del Signor Sigismondo D’India, Maestro della musica di camera del Serenissimo Signor Duca di Savoia. Libro terzo a una e due voci, Milan, Lomazzo, 1618. Le compositeur a dédié à Isabelle d’Este-Savoie son Huitième livre de madrigaux de 1624 : S. D’India, Ottavo libro de’ madrigali a cinque voci, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia, Rome, Robletti, 1624.
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Les correspondances
3. Le 19 juin 1626, au prince Alphonse d’Este Serenissimo Prencipe Con l’occasione del Signor Lazzaro del Violino che se ne viene da Roma per andare in Piamonte, Giovine veramente in quel genere singolare, accompagnato da una bona maniera di sonare di cinbalo ; ho voluto avisare Vostra Altezza Serenissima parendomi così ricercare l’obligo mio per il buon servitio di quella, accio se si compiacesse sentirlo, possi conoscere ch’io non dico cosa che non sia di vantaggio, è soggietto eminente e per tutti i modi sara necessario per l’opera di Vostra Altezza ; staro attendendo di quello ch’ella comandara ; in tanto la supplico a creder ch’io non mi movo a passar questo officio d’altro che dal solo interesse dell’Altezza Vostra, alla quale humilmente mi inchino di Casa il di 19 di Giugno 1626. Di Vostra Altezza Serenissima humilissimo servitore Sigismondo d’India. Prince Sérénissime, À l’occasion de l’arrivée du Sieur Lazzaro del Violino15, venu de Rome pour se rendre dans le Piémont16, jeune homme vraiment singulier dans la pratique de cet instrument [le violon], pourvu également d’une bonne manière de jouer le clavecin, j’ai voulu en informer Votre Altesse Sérénissime, me semblant trouver ainsi la manière d’accomplir cette obligation mienne de bien la servir, afin qu’elle accepte de l’entendre et puisse se rendre compte que ce que je dis n’est pas exagéré : il s’agit d’un serviteur éminent et qui sera dans tous les cas nécessaire à la préparation de l’œuvre de Votre Altesse17. Je veillerai à ce qu’Elle ordonnera. Entre-temps je la supplie de croire que le zèle avec lequel je m’occupe de cette affaire est uniquement dû au dévouement que j’ai pour Votre Altesse devant laquelle je m’incline humblement depuis ma demeure, le 19 juin 1626. De Votre Seigneurie Illustrissime, le très humble serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milano, Ricordi, 1956, p. 79. 4. Le 18 juillet 1626, au prince Alphonse d’Este Serenissimo Principe Ieri mattina il Signor Cavaliere Testi mi mandò il secondo Atto il quale forni ieri doppo pranzo e perche conosco le difficulta che sono in questo negotio supplico Vostra Altezza a degnarsi di far esser da me tutte le parti che hanno da cantar nell’opera perche voglio cominciare ad insegnar dette parti per copiar l’opera è necessario di carta rigata in quantita e del prete Goselli et d’altri che copiano io non son venuto in persona da Vostra Altezza per che sto tutta mia opera il per questo servitio e non manco di diligenza per servire compitamente a Vostra Altezza alla quale humilmente m’inchino di casa li 18 luglio 1626. Di Vostra Altezza Serenissima humilissimo servitore Sigismondo d’India. Prince Sérénissime, Hier matin, Monsieur le Chevalier [Fulvio] Testi18 m’a envoyé le deuxième acte19 que j’ai reçu après le déjeuner. C’est en connaissance des difficultés de cette affaire, que je supplie Votre Altesse de daigner
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Il pourrait s’agir de l’un des musiciens du cardinal Maurice de Savoie. Concernant la circulation des musiciens à la cour de Modène à l’époque de D’India, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 223-233. D’India se trouve à Modène pour la préparation du mélodrame L’Isola d’Alcina qui n’a pas été représenté à cause de la mort d’Isabelle d’Este-Savoie le 22 août 1626, voir id., p. 201-202. Il s’agit du Ferrarais Fulvio Testi (1593-1646), ambassadeur de Modène à Turin, secrétaire, poète et auteur du livret de L’Isola d’Alcina. Concernant ce personnage, voir G. Tiraboschi, Vita del conte don Fulvio Testi, Modène, Società Tipografica, 1780 ; G. di Castro, Fulvio Testi e le corti italiane nella prima metà del xvii secolo, Milan, Battezzati, 1875 ; G. Rua, Poeti alla corte di Carlo Emanuele I di Savoia : Lodovico D’Agliè, Giambattista Marino, Alessandro Tassoni, Fulvio Testi, Turin, Loescher, 1899 et M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, 3 vol. Cet acte comprend trois scènes : la première est un monologue de la magicienne Melissa (Tempo è già che fermiate), la deuxième est un dialogue entre Alcina et Idraspe et la troisième met en scène Alcina, Ruggiero, Lidia et un chœur « di
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faire venir chez moi tous les interprètes qui doivent chanter l’œuvre car je voudrais commencer à les faire répéter. Pour copier l’œuvre, du papier à musique est nécessaire en quantité, ainsi que le concours du prêtre Goselli et d’autres copistes. Je ne suis pas encore venu en personne chez Votre Altesse, étant entièrement occupé avec mon œuvre, reste que je ne manque pas de diligence pour servir attentivement Votre Altesse devant laquelle je m’incline humblement depuis ma demeure, le 18 juillet 1626. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, letterati, boîte 64, fascicule II, lettre inédite20. 5. Le 22 juillet 1626, au prince Alphonse d’Este Serenissimo Prencipe Vengo di nuovo a supplicare Vostra Altezza Serenissima a fare in maniera che l’opera sii pratticata con quella cura e diligenza si conviene, comandando che le parti tutte con ogni maggior spirito siino da me, e sopra il tutto quello che fa la parte di Melissa, essendo parte che ricerca già studio e fatica per essere lunga e difficile ; son anco necessitato significarle che saria mestiere provedere di luogo, ove si potessero esercitare le parti senza esser sentite da tutto il mondo ; molte cose havrei che dire a Vostra Altezza ma per non parere più importuno che geloso del servitio, le lascio solo raccordandole che e necessario il dichiarare il cavaliere sopra la musica per non esser sempre a importunare Vostra Altezza alla quale humilmente mi inchino di casa li 22 luglio 1626. Di Vostra Altezza Serenissima humilissimo servitore Sigismondo d’India. Prince Sérénissime, Je viens à nouveau supplier Votre Altesse Sérénissime de faire en sorte que l’œuvre soit jouée avec le soin et la diligence qui conviennent, en ordonnant que les interprètes se rendent au plus vite chez moi, et surtout celui qui joue la partie de Melissa 21, qui requiert étude et travail étant donné sa longueur et sa difficulté22. Je dois encore lui faire remarquer qu’il sera nécessaire de disposer d’un lieu où les chanteurs
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damigelle ». F. Testi, L’Isola d’Alcina tragedia del sig. conte Fulvio Testi posta in musica da Francesco Sacrati all’illustrissimo e reuerendissimo signor abbate Francesco Falconieri, Rome, Totti, 1636, rééd. Naples, Montanari, 1637 et Bologne, Dozza, 1648, p. 236-248. Mais déjà repérée par Rodolfo Baroncini, « Alfonso III d’Este, Fulvio Testi e Sigismondo D’India “prove di melodramma” a la corte di Modena », Settimo colloquio di musicologia organisé par Il Saggiatore musicale, Alma Mater Studiorum, Università di Bologna, Dipartimento di Musica e Spettacolo, (Bologne, 22-23 novembre 2003), actes et communication non publiés. Nous pouvons consulter le résumé de sa communication : http://www.saggiatoremusicale.it/ attivita/2003/abstr_coll_2003.php. Il est possible que la partie de Melissa ait été interprétée par un castrat. La longue et difficile « partie de Melissa » se trouve dans l’acte II auquel le compositeur fait allusion dans la lettre précédente : « Tempo è già che fermiate/ O miei Draghi fedel, dal lungo corso/ Lo squalid’or de le volanti squame/ Per consolar le brame/ D’innamorato cor, frenai con morso/ Vostre fauci infiammate/ E per vie disusate/ Abbandonando di Pontieri i tetti/ Ne gl’ultimi confin d’India v’hò retti/ E ben di mia fatica/ Bella figlia d’Amon, degno è il tuo pianto/ Qui la Maga impudica/ Con dilettoso incanto/ In ozio indegno il tuo Ruggier trattiene/ Queste ingemmate arene/ Cui fan lussurreggianti/ Di sempiterno April corona i fiori/ I fiumi mormoranti/ Che lusingando in su gl’estivi ardori/ Le stanche luci al sonno/ Palpitan trà le sponde/ I teneri arboscei, trà le cui fronde/ Al sibilar de’ Zeffiri amorosi/ Mille augellin vezzosi/ Accordan l’armonia de’ canti loro/ D’apparente magia tutto è lavoro/ Ma non andrà ne la marina Ibera/ Febo a lavar le polverose chiome/ Che di Ruggier faran disciolti i nodi/ Io di costei scoprirò le frodi/ Ch’ammaliato or non conosce ; e come/ Disabitata, inculta, orrida, e fiera/ Fù quest’Isola già, farò, che prenda/ La sembianza primiera/ E si vedranno al Ciel con forma orrenda/ Trà duri sassi, e nude balze alpestri/ L’ispide braccia alzar piante silvestri/ Io quì nascosa al varco/ Ruggiero attenderò ; con faggi inganni/ Cangierò volto, e panni/ E per fanargli il seno/ Da quel mortal veleno/ Che dilettando i sensi a l’alma noce/ D’amaro assenzio aspergierò mia voce. », F. Testi, L’Isola d’Alcina, op. cit., acte II, scène I, p. 243-244.
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puissent répéter sans être entendus par tout le monde. J’aurais beaucoup de choses à dire à Votre Altesse mais pour ne pas paraître plus importun que zélé serviteur, je la laisse en lui recommandant simplement de faire appel au chevalier23 pour ce qui concerne la musique, afin de ne pas importuner sans cesse Votre Altesse, devant laquelle je m’incline humblement depuis ma demeure, le 22 juillet 1626. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milano, Ricordi, 1956, p. 79-80. 6. Le 2 novembre 1626, au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signore Havrei fatto piu che volontieri la prova questa sera, ma non essendo venuti i musici di Reggio, ne il Tenore di guastalla, remettero a farla domani a sera essendo di gusto di Vostra Altezza suplicandola far esser da me questa sera i suoi musici di camera, comandando a Don tomaso che meni seco il soprano che ha condotto da Napoli il fragnano et a Vostra Altezza Serenissima faccio humilissima riverenza di Casa li 2 novembre 1626. Di Vostra Altezza Serenissima humilissimo servitore Sigismondo d’India. Seigneur Sérénissime, J’aurais organisé plus que volontiers la répétition ce soir24, mais les musiciens de Reggio25 ni le ténor de Guastalla 26 n’étant venus, je la remettrai à demain soir selon ce que voudra Votre Altesse que je supplie de faire venir chez moi ce soir ses musiciens de la Chambre et d’ordonner à Don Tommaso de se rendre avec le soprano qu’il a fait venir de Naples et il fragnano27. Je fais à Votre Altesse Sérénissime une très humble révérence depuis ma demeure, le 2 novembre 1626. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milano, Ricordi, 1956, p. 80. 7. Le 6 janvier 1627, au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signore Vengo con quella maggior riverenza ch’io devo, a far sapere al’Altezza sua, come subito giunto in Roma io sotisfeci al’obligo di servire con la maggior prestezza possibile il serenissimo cardinale, il quale mostro non solo di gradire l’affetto del’animo mio ma mi diede insieme ordine ch’inmantinente io dovessi scrivere a Vostra Altezza e dirle ch’ad ogni minimo aviso, io sarei venuto volando ai soliti comandi suoi anzi di più ch’havrà mandato il suo castrato istesso bisognerà del quale benche canti con bona maniera è inferiore di gran lunga ai suoi ; ho fatto ciò 23 24 25
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D’India est Chevalier de Saint-Marc depuis mars 1621. Compte tenu de la date, il pourrait s’agir d’une répétition de la messe solennelle pour les funérailles d’Isabelle d’Este-Savoie. Reggio Emilia se situe à une vingtaine de kilomètres de Modène. Certains musiciens originaires de cette ville comme Benedetto Ferrari, Ottavio Maria Grandi ou Pietro Paolo Melli ont des rapports étroits avec la cour modénaise à cette époque, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 227-229. Voir aussi F. Malagodi, Dizionario dei musicisti di Modena e Reggio Emilia, Modène, Mucchi, 2000. La ville de Guastalla se situe dans la province de Reggio Emilia à une cinquantaine de kilomètres de Modène. Fragnano est un nom de famille de la région de Parme et de Plaisance. Il s’agit probablement d’un serviteur de la cour de Modène.
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che mi ha imposto il signor prencipe Cardinale e di tutto ne dò minuto raguagli a Vostra Altezza ; resta solo che cenni o per via del signor Residente overo per la posta quel ch’io devo fare ch’inmantinente saro a servire Vostra Altezza Serenissima alla quale augurando felicissime le feste del santissimo Natale e buon principio d’anno le faccio profondissima riverenza. Di Roma li di 6 di Gennaro 1627. Di Vostra Altezza Serenissima humilissimo servitore Sigismondo d’India.
Verso de la lettre : Serenissimo signor Duca Li Creditori del già signor Cavagliere Sigismondo d’India supplicano l’Altezza Vostra Serenissima degnarsi haver loro per raccomandati di quà dalla santissima Pasqua, sapendo che la santa mente di Vostra Altezza Serenissima, è per se stessa disposta di far pagare quanto era debitore il predetto signor Cavagliere che di tanta gratia fu. Seigneur Sérénissime, Je viens avec la plus grande révérence due faire savoir à Son Altesse qu’aussitôt arrivé à Rome28 j’ai rempli l’obligation de servir avec la plus grande prestesse possible le Sérénissime Cardinal, lequel a non seulement montré qu’il appréciait mon attention mais m’a également donné l’ordre d’écrire immédiatement à Votre Altesse pour lui dire qu’au moindre signe je me serais envolé pour venir la servir comme à l’ordinaire, et pour lui dire que de surcroît il aura envoyé son castrat29 personnel, dont Elle aura besoin même si, quoique pourvu d’un bon style de chant, il est largement inférieur à ceux qui sont au service [de Votre Altesse]. J’ai fait tout ce qui m’a été ordonné par le Seigneur Prince Cardinal et de tout cela j’informe avec précision Votre Altesse. Il ne lui reste plus qu’à m’indiquer, par le biais du Seigneur ambassadeur [Fabio Carandini] ou bien par la poste, ce que je dois faire, et je me mettrai immédiatement au service de Votre Altesse Sérénissime30 à laquelle, tout en lui souhaitant de très heureuses fêtes de la très Sainte Nativité et un bon début d’année, je fais une très humble révérence. Depuis Rome, le 6 janvier 1627. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble serviteur Sigismondo D’India.
Verso de la lettre31 : Sérénissime Seigneur le Duc, Les créditeurs32 de feu Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India supplient Votre Altesse Sérénissime de daigner penser à eux d’ici aux très saintes fêtes de Pâques, sachant que l’esprit pieux de Votre Altesse Sérénissime est disposé à payer toutes les dettes33 du susmentionné Monsieur le Chevalier qui fut tant admiré.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Carteggi e documenti di particolari, India, boîte 698, lettre inédite.
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Après la tentative de L’Isola d’Alcina, dont la représentation fut interrompue par la mort d’Isabelle d’Este-Savoie, le musicien revint à Rome au service du cardinal de Savoie à la fin de l’année 1626. Il pourrait s’agir des castrats Ottaviano Cambiano ou Angelo Ferrotti. Le cardinal de Savoie doit quitter Rome à la fin du mois. D’India cherche, par le biais de cette lettre, à revenir à Modène pour servir le prince Alphonse d’Este. Le musicien se rendra effectivement dans cette cour quelques mois plus tard. L’annotation au verso de la lettre de D’India semble avoir été écrite peu de temps après la mort du compositeur, soit vers avril-mai 1629, avant l’abdication du duc Alphonse d’Este à la fin du mois de juillet de la même année. Il s’agit des apothicaires Giovanni Battista Sarzani, Decio Cassiani et Giovanni Battista Borelo, du tailleur Paolo Francesco de Plaisance, du cordonnier Giovanni Battista Ferrazi et de Giacinto Paganino, Sebastiano de Bologne et Paolo Bosio qui s’occupèrent du compositeur pendant sa maladie, avant sa mort, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 236-241. Concernant les paiements effectués par le duc Alphonse, voir ibid.
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8. Le 26 août 1627, au marquis Enzo Bentivoglio34 Illustrissimo Signore Havendo saputo che Vostra Signoria è a Ferrara, me le dedico quel devotissimo servitore che ho professato esserli sempre in ogni loco, desiderando havere occasione de suoi comandi. Credo mi tratterò alcuni giorni a Modena, havendo da prestare un’opera al Signor Duca, che tra otto o dieci giorni credo sarò disbrigato. Resta solo si vagli di me domani, ritrovo homo essere desideroso de suoi commandi, ed a Vostra Signoria Illustrissima faccio riverenza. Di Modena adì 26 di agosto 1627. Di Vostra Signoria Illustrissima Affetuosissimo servitore Sigismondo d’India. Très Illustre Seigneur, Ayant appris que Votre Seigneurie se trouvait à Ferrare, je m’adresse à elle désireux d’avoir l’occasion de me mettre à ses ordres comme le très dévoué serviteur que j’ai toujours déclaré être pour elle en tout lieu. Je resterai quelques jours à Modène35, devant préparer une œuvre pour le Seigneur Duc36, que je crois pouvoir terminer entre huit et dix jours. Il ne reste plus [à Votre Seigneurie] qu’à me juger demain, me trouvant homme désireux de ses commandes37, et faisant une révérence à Votre Seigneurie Illustrissime. À Modène, le 16 août 1627. De Votre Seigneurie Illustrissime, le très affectionné serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Ferrara (I-FEs), Archivio Bentivoglio, boîte 208, fo 279, citée par Dinko Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1997, p. 402, lettre no 823. 9. Le 2 septembre 1627, au marquis Enzo Bentivoglio Illustrissimo Signor mio Colendissimo Ho ricevuta la lettera di Vostra Signoria Illustrissima e le rendo infinite gratie della memoria che tiene di me, professando sempre esserli de suoi servitori vecchi, havendo fortuna sino da miei primi anni di doverla servire per la Bonarella, che si dovea rappresentare a Ferrara, quando ella mi trattene per simil effeti in quella città. Ora mando a Vostra Signoria Illustrissima questa mia opera messa per ora in luce quivi : vedrà a l’ultimo il Lamento di Armida, composto da me in due ore a Tivoli, a casa del Signor Cardinale : da questo potra comprendere la mia maniera d’usar in scena la quale lei trovera ch’e è sola, potendo sentir cantare detto lamento da la Settimia, la qual liel’è scritto a mano quando io passai per Fiorenza. Desiderarei poter volare dove lei fosse, perché ella sentisse la forza di tal maniera e stile, e son sicuro non lo sentirà da nessun altro. Anzi, s’ella si trattenesse a Ferrara alcuni giorni, vorrei venire a spasso sin là, acciò si degnasse dar orechio a quanto le scrivo : né più, né manco. Io ho tempo 34 (c. 1575-1639), ambassadeur de Ferrare à Rome, frère du cardinal Guido Bentivoglio et organisateur des fêtes pour les noces de Parme de 1628. Le marquis Bentivoglio était l’un des hommes de cour les plus éminents de son temps. Voir J. Southorn, Power and display in the seventeenth century. The arts and their patrons in Modena and Ferrara, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 78-87. 35 Le compositeur a quitté Rome depuis quelques mois et s’est rendu à Venise au mois d’avril pour la publication de son dernier livre de motets (Liber primus motectorum quatuor vocibus auctore Sigismondo Indiae Divi Marci Aequite Viroque Nobili Serenissimi Principis Mauritii Cardinalis Sabaudiae nunc primum in lucem aeditus, Venise, Vincenti, 1627) qu’il a dédié au cardinal Federico Borromeo. Il est probable que le musicien se soit également rendu à Milan avant son passage par Modène. 36 Nous ne savons pas quelle est l’œuvre que D’India préparait pour le duc Cesare d’Este. Pourrait-il s’agir de la mise en polyphonie de sa Lamentation de Didon destinée à être publiée dans un recueil de madrigaux qui n’a pas vu le jour et dont la partie incomplète d’alto est conservée à la Biblioteca Estense de Modène (Raccolta musicale, F. 1530) ? Ou bien de la Lamentation d’Armide, œuvre qui ne nous est pas parvenue mais que le compositeur préparait au même moment ? Sur les différentes hypothèses autour de cette lamentation, voir S. Reiner, « Vi sono molt’altre mezz’arie », Studies in Music History. Essays for Oliver Strunk, éd. H. Powers, Princeton, Princeton University Press, 1968 p. 241-258 et P. Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 146. D’India souhaite obtenir la commande de la musique pour les célébrations des noces de Parme de 1628. 37
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di star a spasso per tutto il mese d’ottobre e più ancora, e s’assicuri che de la maniera l’è più di quelo io le so dire. Poiché in Roma il principe Aldobrandino mi diede l’opera del Adone a me, benché si trovò poi ch’io ero amalato e no lo potei servire. Fui per sforzato di rifare tutta la parte di Lorenzino, il quale me la porto ch’io era assediato de la febre in letto, dove andò fatta in dimatina. Di questo ella se ne potrà informare da Roma, che sopra il tutto, oltra che ella sa molto bene che chi compose l’Adone non ha fatto altra opera, sol che questa : pensi come potea riuscire, essendo tutta piena di canzonette, non ci essendo proposito di stile recitativo, anzi lontanissimo, sapendo lei che bisogna in simil opere esservi nato dentro. Mi facci gratia di sentir Vostra Signoria Illustrissima da la Signora Settimia in Fiorenza il Lamento di Didone, che da quello comprendera s’io le dico buggie o verita, e ne domandi informatione dal Signor Duca di Fiano e d’altri ; che vedrà da tal lamento s’el mio stile è tale. Se ben sò ch’ella mi conosce, son solo sforzato da affetto della servitù mia a dirli questo, suplicandola mi faccia degno de suoi comandi, i quali stimo più che di nessun altro Padrone ch’io non m’habia in questo mondo. Ed a Vostra Signoria faccio riverenza. Di Modena li dì 2 di settembre 1627 Di Vostra Signoria Illustrissima obligattisimo servitore Sigismondo D’India. Mon très Illustre et très honoré Seigneur, J’ai reçu la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et la remercie infiniment de s’être souvenue de moi. Ayant déclaré compter toujours parmi ses serviteurs les plus anciens, j’ai eu la chance, dès mes premières années38 de la servir pour la Bonarella qui devait être représentée à Ferrare39 quand [Votre Seigneurie] m’a retenu dans cette ville à cet effet. J’enverrai sous peu à Votre Seigneurie Illustrissime cette œuvre mienne, créée récemment, et que je lui présente ici40 : elle verra à la fin la Lamentation d’Armide41, composée par moi en deux heures à Tivoli chez le Seigneur Cardinal42, qui pourra lui faire comprendre que ma manière d’écrire pour la scène est unique, ayant pu entendre chanter ladite Lamentation par Settimia 43 pour qui je l’ai écrite lors de mon passage à Florence. Je voudrais tant pouvoir m’envoler vers l’endroit où [Votre Seigneurie] se trouve afin qu’elle puisse entendre la force de cette manière et de ce 38 39 40 41
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Le compositeur fait propablement allusion aux années 1605-1607. Sur la représentation de La Bonarella à Ferrare et son lien avec la pastorale Filli di Sciro de Guido Bonarelli, voir J. W. Hill, Roman Monody, Cantata, and Opera from the Circles around Cardinal Montalto, Oxford, Clarendon Press, 1997, vol. I, p. 274-276. Voir le chapitre 1 de la partie I, p. 34-35. Pour une réflexion sur « la lettre du musicien » en tant « qu’objet musical », puisque souvent accompagnée d’une partition, voir F. Alazard, « Écrire au prince : enjeux et méthodes autour de la correspondance du musicien en Italie, fin xvie-début xviie siècles », Analyse musicale, no 50, 2004, p. 12-14. Ernesto Cremona (Bernardo Morando : poeta lirico, drammatico e romanziere del Seicento, Plaisance, SPE, 1960, p. 89) et Lorenzo Bianconi (« Prefazione », Antonio Il Verso. Madrigali a tre e a cinque voci. Con sei madrigali di P. Nenna, T. Massaino, I. Baccusi e G. B. Bartoli, éd. L. Bianconi, Florence, Olschki, 1978, p. xxxii (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. VIII) ont identifié le poème de Morando Disperazione e pazzia d’Armide (Désespoir et folie d’Armide), qui fait partie de ses Fantasie Amorose de 1662, comme la Lamentation d’Armide dont parle le compositeur. Voir aussi le chapitre 4 de la partie I, p. 135-137. Il s’agit du cardinal Maurice de Savoie qui se rend fréquemment à Tivoli : « Il Signor Cardinale di Savoia manda molte provisioni à Tivoli per andarcci talvolta à diporto hora che l’aria è grandemente rinfrescata. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Urb. lat. 1095, Avvisi di Roma, fo 533ro, le 3 septembre 1625. Voir aussi Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 214. Le marquis Enzo Bentivoglio fait également partie de l’entourage du cardinal de Savoie durant son séjour romain, voir (I-Rvat), Urb. lat. 1094, Avvisi di Roma, fo 3ro, 66vo, 172ro et 232ro et Urb. lat. 1096, Avvisi di Roma, fo 293vo et fo 454vo. Quant au prince-cardinal Alessandro d’Este, qui habitait à Tivoli, il meurt le 13 mai 1624. Voir P. Portone, « Este, Alessandro d’ », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1993, vol. XLIII, p. 310-312. En ce qui concerne les tableaux sur le thème d’Armide du peintre Alessandro Tiarini faisant partie de la collection du cardinal d’Este (conservés aujourd’hui à Lille et à la Galleria Borghese), voir C. Cremonini, « Le raccolte d’arte del Cardinale Alessandro d’Este. Vicende collezionistiche tra Modena e Roma », Sovrane passioni. Studi sul collezionismo estense, éd. J. Bentini, Milan, Motta, 1998, p. 99. Voir aussi C. Gubbiotti, « Introduzione agli inventari dei quadri e dei disegni di Alessandro d’Este (15991624) », Studi di Memofonte, no 5, 2010, p. 37-48. Il s’agit de Settimia Caccini, fille de Giulio Caccini, sœur de Francesca Caccini et épouse du compositeur Alessandro Ghivizzani qui a également cherché à obtenir la commande musicale des noces de Parme. En ce qui concerne cette
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Les correspondances
style dont je suis sûr qu’elle ne l’entendra chez personne d’autre. Ainsi, si [Votre Seigneurie] s’arrêtait à Ferrare pour quelques jours, je viendrais volontiers jusque là afin qu’Elle daigne entendre tout ce que j’écris : ni plus ni moins. Je suis disponible pendant tous le mois d’octobre et même au-delà. Que [Votre Seigneurie] soit assurée du bien fondé de mes paroles puisque à Rome, c’est à moi que le prince Aldobrandini44 confia l’œuvre de l’Adonis45, bien que je fusse malade, et ne pusse donc le servir. Je me suis efforcé de refaire toute la partie de Lorenzino46, lequel me l’apporta alors que j’étais dans mon lit, assailli par la fièvre, si bien que j’ai terminé ce travail le lendemain matin. Sur tout cela, [Votre Seigneurie] peut se renseigner à Rome. Surtout, outre qu’elle sait bien que celui qui composa l’Adonis47 n’a jamais écrit d’autre œuvre que celle-ci, qu’elle pense à la manière dont cela pouvait réussir, cette œuvre étant toute pleine de canzonette sans aucune sorte de style récitatif, ou plutôt d’un style démodé48 ; or [Votre Seigneurie] sait bien que pour de telles œuvres il faut un talent inné. Que Votre Seigneurie Illustrissime me fasse la grâce d’écouter, à Florence, interprétée par Madame Settimia [Caccini], la Lamentation de Didon49, et elle comprendra alors si je dis des mensonges ou bien la vérité. Qu’elle s’informe auprès du Seigneur Duc de Fiano50 et d’autres encore et elle verra dans cette lamentation si tel est mon style. Bien que je sache qu’elle me connaît, c’est uniquement le sentiment de mon obéissance qui me pousse à lui faire part de ceci, la suppliant de me considérer comme digne de ses commandes que je prise plus que celles de tout autre patron dans ce monde. Et à Votre Seigneurie je fais révérence. Depuis Modène, le 2 septembre 1627. De Votre Seigneurie Illustrissime, le très reconnaissant serviteur Sigismondo D’India.
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chanteuse, voir W. Kirkendale, The Court Musicians in Florence during the Principate of the Medici. With a Reconstruction of the Artistic Establishment, Florence, Olschki, 1993, p. 337-346. Il s’agit du prince Giovanni Giorgio Aldobrandini, prince de Rossano et neveu du cardinal Pietro Aldobrandini, qui a épousé en 1621 Ippolita Ludovisi, nièce du pape Grégoire XV. Il s’agit de La catena d’Adone, poème d’Ottavio Tronsarelli (La catena d’Adone, favola boschereccia, Rome, Corbelletti, 1626) inspiré par l’Adone (1623) de Giambattista Marino. Voir N. Pirrotta, « Falsirena e la più antica delle cavatine », Collectanea Historiae Musicae II, Florence, Olschki, 1956, p. 355-356 ; S. Reiner « Vi son molt’altre mezz’arie », op. cit., p. 241-258 ; M. Scarci, « Marino on Stage : La catena d’Adone », The Sense of Marino. Literature, Fine Arts and Music of the Italian Baroque, éd. F. Guardiani, New York, Legas, 1994, p. 451-464 ; A. Morelli, « Dolcezza, brevità e chiarezza, vere e sole qualità de’ componimenti musicali. Ottavio Tronsarelli e i suoi Drammi musicali », Studi Secenteschi, no 56, 2015, p. 147-167 et le chapitre 8 de la partie I, p. 269-272. Il s’agit du castrat Lorenzo Sances qui est au service du cardinal de Savoie en 1626 : « Si fa creditore della somma di scudi Venti cinque di moneta da giuli dieci l’uno pagati al signor Lorenzo Sanci musico dell Serenissimo Principe Cardinale per il fitto della casa di sua habitatione […] 15 maggio 1626. », Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 2, reg. 9 (1626-1627), mandat de paiement no 339. D’India fait allusion à Domenico Mazzocchi (La Catena d’Adone, Venise, Vincenti, 1626). En ce qui concerne la mutation du style récitatif à Rome, qui se dirigeait alors de plus en plus vers l’ariosità et l’expression lyrique, vocale et narrative, ainsi que le rôle des poètes dans cette évolution, voir N. Pirrotta, « Falsirena e la più antica delle cavatine », op. cit., p. 355-366, republié dans Scelte poetiche di musicisti. Teatro, poesia e musica da Willaert a Malipiero, Venise, Marsilo, 1987, p. 255-263 et C. Gianturco, « Nuove considerazioni su “il tedio del recitativo” delle prime opere romane », Rivista Italiana di Musicologia, no 18/2, 1982, p. 212-239. Voir aussi A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005. Cette Lamentation a été publiée dans son Cinquième livre des Musiche de 1623 (Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India Gentil’huomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinal di Savoia da cantarsi nel chitarrone, clavicembalo, arpa doppia et altri simili stromenti da corpo. Con alcune arie con l’alfabetto per la chitarra spagnola […]. Libro quinto, Venise, Vincenti, 1623). L’allusion à cette pièce montre bien que D’India considérait ce lamento comme l’un des monologues les plus expressifs et les plus aboutis de sa production. Voir aussi M. A. Balsano, « “Per far scena di me tragica e mesta” : il Lamento di Didone tra classicità e barocco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 157-166. Il s’agit d’Orazio Ludovisi, frère du pape Grégoire XV.
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Deuxième partie
Archivio di Stato di Ferrara (I-FEs), Archivio Bentivoglio, boîte 209, fo 39, citée par Dinko Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1997, p. 403-404, lettre no 826. 10. Le 29 janvier 1628, au prince Alphonse d’Este Serenissimo Prencipe Padron Colendissimo Havendo mandato dal Cassiani libraro questa sera per carta l’eshibitor presente, l’è stato risposto che se dal Signor Canonico Scali, non le viene ordinato, non ne vuole più dar fuori. Io serenissimo signore non posso far senza per le continue compositioni ch’io faccio, onde è necessario, che à ciò sia provisto, non havendo neanche esso libraro più in bottegha che sia à proposito, et se l’Altezza Sua Serenissima con l’occasione che manda a Bologna à far venire quel Giovane volesse farne pigliare colà sarebbe molto à proposito, e se n’havrebbe maggior vantaggio, che trarlo quando per lei venisse all’Altezza Vostra Serenissima faccio humilissima riverenza. Di casa questo di 29 gennaio 1628. Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo et Divotissimo servitore Sigismondo D’India. Prince Sérénissime, Patron très honoré, Ayant envoyé ce soir chercher du papier à musique le porteur de cette lettre chez le libraire Cassiani51, il s’est entendu dire que si ce n’était pas Monsieur le chanoine Scali52 qui le lui demandait, il ne voulait plus en donner. Or moi, Seigneur Sérénissime, je ne puis m’en passer à cause de mes incessantes compositions. Il est donc nécessaire qu’il en soit fourni à cette fin, ledit libraire n’ayant même plus rien de convenable dans sa boutique. Et si Son Altesse Sérénissime, dans le cas où elle demanderait à ce jeune de venir depuis Bologne53, voulait bien s’assurer qu’il s’en procure là-bas, ce serait très bienvenu et plus avantageux que d’attendre la venue de [Son Altesse Sérénissime]. Je fais à Votre Altesse une très humble révérence. En ma demeure, le 29 janvier 1628. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très dévoué serviteur Sigismondo D’India.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 80.
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Il s’agit du libraire (libraro) et éditeur (stampatore) modénais Giuliano Cassiani, fournisseur de papier de la cour. Giulio Scali est trésorier du collège sacré de la cathédrale de Modène, chanoine, gentilhomme de la Chambre d’Alphonse d’Este, aumônier, chapelain et surintendant de la musique à la Chambre et à la Chapelle ducale de la cour. Scali sera au service du cardinal Maurice de Savoie au mois de mai 1630, voir L. F. Valdrighi, « Cappelle, concerti, e musiche di casa d’Este dal sec. xv al xviii (continuazione) », Musurgiana, Bologne, Forni, 1970, p. 422. Il pourrait s’agir d’Alfonso dal Violino, violoniste bolonais qui s’était déjà rendu à Modène quelques années auparavant avec grand succès. Voir la lettre que le compositeur Alessandro Piccinini a adressée au cardinal Alessandro d’Este depuis Bologne le 9 juillet 1622 : « Da me Alfonso dal Violino o inteso del audienza che a avuto con tanto aplauso da quale Altezze Serenisisime et da Vostra Signoria Illustrissima. », Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/64. Le frère d’Alessandro, Filippo Piccinini, également virtuose du luth, fut au service du duc Charles-Emmanuel de Savoie entre 1610 et 1614. Il a accompagné la famille de Savoie lors d’un voyage en Espagne en 1613. Voir (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, Conti approvati, art. 217, parrafo 1, Tesoreria generale, liasse 63, mandats de paiement no 189 (le 18 octobre 1613), no 211 (le 28 novembre 1613) et no 814 (le 3 février 1614). Voir aussi D. Fabris, « Piccinini, Alessandro », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 2015, vol. LXXXIII, p. 167-170.
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Les correspondances
Les correspondances adressées à Sigismondo D’India 1. Le 18 janvier 1626, le prince Alphonse d’Este Al Cavaliere Sigismondo d’India Dal Residente del Signor Duca mio Padre le sarà esposto un mio particular desiderio in corrispondenza del quali m’assicuro di trovarla non meno pronto di quello, che mi sono desposto a darle sempri segni particolari d’affettioni, et di stima straordinaria del valor suo. Per[ci]ò mentre ad esso mi remetto resto attendendo effetti conformi [rature] alli miei conforti et ve li affido con tutto l’animi. Au Chevalier54 Sigismondo D’India, L’ambassadeur55 du Seigneur Duc mon père vous exposera un souhait auquel je tiens particulièrement et au sujet duquel il m’a promis de vous rencontrer le plus vite possible. Je suis disposé à vous donner des preuves particulières de l’indéfectible affection et de l’extraordinaire estime que j’ai pour votre valeur. Ainsi, je m’en remets à votre décision dans l’attente de voir se réaliser [rature] ce souhait que je vous soumets avec tout mon enthousiasme56.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria sezione generale, Minutario57, boîte 19, lettre inédite. 2. Le 28 octobre 1626, sans signature Al Cavaliere Sigismondo d’India. Desidero di sapere quando io debba far esser quà i musici di Reggio, e se ella vuole che i miei vengano questa sera da lei, affinche io possa dare gli ordini per Però ella me la significhera subito alla necessità della presenza l’un’ e l’altro affinch’io possa dare gl’ordini necessarij. Che Dio la prosperi. Au Chevalier Sigismondo D’India, Je souhaite savoir le moment où je dois faire venir les musiciens de Reggio58 et si vous voulez que mes musiciens59 se rendent chez vous ce soir, afin que je puisse leur donner les indications pour. Faites-moi savoir le plus vite possible si leur présence est indispensable afin que je puisse leur donner les indications nécessaires. Que Dieu vous apporte la prospérité.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, lettre inédite. 54
Sur la définition du statut de « Cavaliere » a cette époque, lié au maniement des armes, à une identité nobiliaire nouvelle et à l’adhésion à une système de vertu, voir M. Domenichelli, « Cavaliere, gentiluomo », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 373-375. 55 Ici Fabio Carandini-Ferrari. 56 Le prince Alphonse d’Este de Modène souhaite attirer D’India dans sa cour. 57 Le minutario est le registre personnel du prince. Il contient des document autographes – avec souvent un nombre important de ratures et de corrections – destinés à être copiés et envoyés par le secrétaire. 58 Compte tenu des dates, cette lettre fait sans doute allusion aux répétitions de la musique donnée lors de la messe solennelle pour les funérailles d’Isabelle d’Este-Savoie. Voir la lettre no 6 du chapitre précédent. 59 Cette lettre aurait pu être écrite par Paolo Bravusi (1586-1630), maître de chapelle de la cathédrale de Modène de 1626 à 1630 et dont la présence lors de la messe solennelle pour les funérailles de la princesse est attestée. Voir G. Roncaglia, La cappella musicale del Duomo di Modena, Florence, Olschki, 1957, p. 95-104 ; J. Roche, North Italian Church Music in the Age of Monteverdi, Oxford, Oxford University Press, 1984, p. 25 et le chapitre 7 de la partie I, p. 224 et 232.
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Deuxième partie
Les correspondances où il est fait mention de Sigismondo D’India 1. Le 24 août 1609, le peintre Ludovico Carracci à Gioseffo Guidotti (ou Guidetti) 60 In materia del cugino perso, la ringratio della condoglienza che né à sentito per amore suo che era suo amico caro, […]. Io poi ò fornito l’opera di quatro anni principiata con satisfatione grande di chi mi à comandato […]. Il Signor Sismondo [sic] d’India à punto quella matina anche ebbe sue letere si trovasimo insieme tutte due a una tavola de la Signora Barbara Baratiera dove lui si tratine continuamente e vi era uno pavese che canta uno soprano che si chiama il Pigamondo, il primo soprano d’Italia, così dice il Signor Gismondo [sic], mandando a piliare a questa Serenissima per far cantare quattro messe votive le più eccelentemente cantate che si possa in queste. Il Signor Gismondo [sic] le a composte con li moteti frà megio dicano cosa rara, vi è un basso, il primo, e il più profondo che si trova, […], e altro che molte volte mi trovo in compagnia, e odo cose molte di gusto mio, e tutte cose nove, il sopradetto Signor Gismondo [sic] la ringrazia, e li rende mille grazie è dice che Vostra Signoria li comanda, e di sue opere li ne oferese, così mi à deto che li scriva e che l’ama di core, saria io di già partito se non fosse che sono dietro a un quadro del nostro Illlustrissimo Legato di sua commissione, ma non li voglio dare compimento quà perche bisogna che vadi à Mantova à instanza de la Serenissima Madama di Ferara, e me ne verò poi à Bologna […] (Piacenza, il giorno di San Bartolomeo). En ce qui concerne la disparition de mon cousin61, je remercie [Votre Seigneurie] pour les condoléances dont elle a fait part et qui expriment son amour pour celui qui lui était un ami cher […]. J’ai enfin remis l’œuvre commencée depuis quatre ans62 pour la grande satisfaction de celui qui me l’a commandée63 […]. Le Sieur Sigismondo D’India a reçu également ce matin les lettres [de Votre Seigneurie] alors que nous nous trouvions tous deux ensemble autour d’une table chez Madame Barbara Barattieri64 où il se rend fréquemment. Il y avait un chanteur de Pavie, un soprano qui s’appelle Pigamondo, le meilleur soprano d’Italie selon le Sieur Sigismondo qui a demandé à l’obtenir par cette Sérénissime65 afin de faire interpréter quatre messes votives66 de la meilleure manière possible.
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Gioseffo Guidotti pourrait être un membre de la famille du chanteur et compositeur bolonais Giovanni Domenico Guidetti, du musicien Francesco Guidetti (actif à Modène), ou bien de l’abbé Gioseffo Felice Guidotti, chanoine régulier de Latran, théologien et lecteur public à Bologne. Voir C. Dempsey, « Introduzione » dans G. Perini, Gli scritti dei Carracci : Ludovico, Annibale, Agostino, Antonio, Giovanni Antonio, Bologne, Alfa Editoriale, 1990. À propos de F. Guidetti, G. B. Spaccini (Cronaca di Modena, anni 1617-1620, éd. moderne R. Bussi et C. Giovannini, Modène, Panini, 2002, p. 601) écrit : « Adì 23 [septembre 1620], mercordì. Il capitolo di canonico ha fatto organista Camillo, figliuolo di Francesco Guidetti, d’anni 18, valente di mano e di contraponto, e sicuro di suonare in concerto, avendo avuto contro un Balugoli Costanzo e Giulio Scali canonici ». Le peintre Annibale Carracci (1560-1609). Le peintre se trouve à Plaisance de 1605 à 1609 pour réaliser les fresques du chœur de la cathédrale. Voir F. Scannelli, Il microcosmo della pittura, Cesena, Neri, 1657, p. 338, éd. moderne E. Monaca, Rome, UniversItalia, 2015, p. 405. Le prince-cardinal Odoardo Farnese. Voir R. Zapperi, « Odoardo Farnese, principe e cardinale », Les Carrache et les décors profanes, Rome, École française de Rome, 1988, p. 335-358 et G. P. Pozzi, Le porpore di Casa Farnese : luci ed ombre nella Controriforma, Plaisance, TipLeCo, 1995. Il s’agit de Barbara Landi Barattieri, nobildonna de Plaisance. Concernant sa cour et ses rapports avec les artistes et notamment avec D’India, voir le chapitre 3 de la partie I, p. 99-107 Barbara Landi Barattieri. La musique de ces messes est perdue. Nous pouvons supposer qu’elles auraient pu être données à l’église de Santa Maria di Campagna de Plaisance à la demande de la famille Landi Barattieri. En effet, D’India a été engagé comme maître de chapelle extraordinaire de cette église pendant le Carême (mars-avril) de 1609, séjour pendant lequel il a également travaillé au service de Barbara Landi Barattieri. Voir O. Mischiati, L’organo di Santa Maria di Campagna a Piacenza : documenti e testimonianze su organari, organisti, maestri di cappella, pittori e intagliatori dal 1528 al 1978 raccolti in occasione del restauro dello storico organo Serassi, Plaisance, Cassa di Risparmio, 1980, p. 87.
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Les correspondances
Le Sieur Sigismondo les a composées en les intercalant avec des motets67, ce qui est exceptionnel. Il y avait aussi une basse68, la meilleure et parmi les plus profondes que l’on puisse trouver […], et d’autres personnages encore avec qui je me retrouve souvent pour écouter beaucoup de choses pour mon plaisir et qui toutes sont nouvelles69. Ledit Sieur Sigismondo remercie Votre Seigneurie et se met à ses ordres en lui proposant ses œuvres. Il m’a également fait part de sa plus vive affection envers [Votre Seigneurie] et m’a demandé de lui dire de lui écrire. Je serais déjà parti si je n’étais occupé par la réalisation d’un tableau que notre très Illustre cardinal légat70 m’a commandé, même si je ne pense pas pouvoir le finir ici car je dois me rendre à Mantoue pour servir la Sérénissime Madame de Ferrare 71, avant que d’aller à Bologne […]. (Plaisance, le jour de la Saint-Barthélémy).
Carlo Cesare Malvasia, Felsina pittrice : vite de pittori bolognesi alla Maestà christianissima di Luigi XIIII re di Francia e di Navarra il sempre vittorioso consagrata dal co. Carlo Cesare Malvasia Fra Gelati L’Ascoso. Divisa in duoi tomi ; con indici in fine copiosissimi, Bologne, Barbieri, 1678, vol. I, p. 446-447. 2. Sans date (c. 1610), Girolamo Borsieri72 à Don Amédée de Savoie73 A don Amedeo di Savoia Torino Sigismondo d’India allievo de’ cantori di Roma, naturale nelle note pure, artificioso delle alterate, equal ne’ passaggi, vivo ne’ trilli, e suonator di chitarrone non inferiore a Salomone Hebreo, desidera un trattenimento appresso questa Altezza. Io so che la corte va cercando l’utile con l’onorevole. In esso troverà l’uno e l’altro potendo servirsene per ordinaria ricreatione dopo la stanchezza dell’udienza, o per aggiunto maestro a’ paggi dopo le ore de’ cavallerizzi, ad acquistare molta gloria come ricetto d’un virtuoso d’illustre fama. Lo raccomando alla suprema autorità di Vostra Eccellenza sicuro che dov’ella suole adoperarsi cede ogni contrario proponimento ed è soverchio ogni amorevole testimonio. Porrò io a conto del mio debito la gratia che gli farà nel procurar che gli si compiaccia, e non potendo in altro per servigio de lei pregarò almeno Nostro Signore che le sia sempre liberale delle sue gratie. Di Casnate.
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Il est possible que certaines de ces pièces aient été insérées dans son premier recueil de motets de 1610. En effet, bien que publiée à Venise, la dédicace de ce livre est signée à Plaisance le 1er février de la même année. S. D’India, Novi concentus ecclesiastici binis, ternis vocibus concinendi Sigismundi De India Nobilis Panormitani, Venise, Gardano, 1610. Il pourrait d’agir du chanteur romain Giovanni Domenico Puliaschi ou du Milanais Ottavio Valera. La lettre du Carrache témoigne de la nouveauté musicale et de l’émulation artistique qui régnaient alors au sein de la cour de Barbara Landi à Plaisance. Il pourrait s’agir du cardinal Benedetto Giustiniani, frère du marquis Vincenzo Giustiniani, légat et juriste à Bologne, voir A. Summerscale, Malvasia’s Life of the Carracci : Commentary and Translation, University Park, Pennsylvania State University Press, 2000, p. 229-230, n. 314. Il s’agit de Marguerite Gonzague. Concernant la biographie de ce diplomate et poète milanais, personnage essentiel dans la circulation de musiciens entre Milan et Turin autour des années 1610, voir S. Piazzesi, Girolamo Borsieri. Un colto poligrafo del Seicento, Florence, Firenze University Press, 2009 et P. Vanoli, Il “ libro di lettere” di Girolamo Borsieri : Arte antica e moderna nella Lombardia di primo Seicento, Milan, Ledizioni, 2015. Fils naturel du duc Emmanuel-Philibert, demi-frère du duc Charles-Emmanuel de Savoie et marquis de San Ramberto, Amédée de Savoie était un personnage très influent à la cour de Turin. Voir E. Ghiglione, Amedeo di Savoia marchese di San Ramberto, Florence, Firenze Atheneum, 2005. Mort à la fin de l’année 1610, les festivités du carnaval de l’année 1611 à Turin furent annulées : « Il Prencipe di Mantova preparava a Casale per questo Carnevale bellissime feste […] poi che à Turino non si faranno feste, rispetto alla morte di Don Amedeo. », Biblioteca Apostolica Vaticana (IRvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1079, fo 84ro, le 15 janvier 1611.
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Deuxième partie
À Don Amédée de Savoie à Turin, Sigismondo D’India, élève des chanteurs de Rome74, naturel dans les notes pures, expert des notes altérées75, égal dans l’ornementation, vif dans les trilles et joueur de théorbe76 non inférieur à Salomone l’Hébreux77, désire rencontrer Votre Altesse. Je sais bien que la cour cherche à joindre l’utile à l’honorable. Or [Votre Altesse] trouvera l’un et l’autre chez lui, pouvant s’en servir soit pour la délectation quotidienne après la fatigue des audiences78, soit comme maître adjoint des pages après les heures d’équitation79. [Votre
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Parmi ces chanteurs, nous pouvons mentionner Giulio Caccini, Giovanni Domenico Puliaschi, mais également les nombreux musiciens, pour la plupart compositeurs, joueurs de luth ou professeurs de chant, comme Giovanni Bernardino Nanino, Melchior Palontrotti, Ottavio Durante ou Cesare Marotta, venus pour certains de Naples attirés par la cour du cardinal Montalto (Alessandro Peretti) à Rome. Voir J. Chater, « Musical Patronage in Rome at the Turn of the Seventeenth Century. The Case of Cardinal Montalto », Studi Musicali, no 16/2, 1987, p. 179-228 ; J. W. Hill, Roman Monody, Cantata, and Opera from the Circles around Cardinal Montalto, Oxford, Clarendon Press, 1997, vol. I, p. 39 et 140-179 et J. Griffiths, « Singer-songwritters, the Lute, and the Stile nuovo », Passaggio in Italia : Music on the Grand Tour in the Seventeenth Century, éd. D. Fabris et M. Murata, Turnhout, Brepols, 2015, p. 53-64. En ce qui concerne les villes de Rome et de Naples comme centres de premier plan de l’émergence de la monodie accompagnée, voir H. M. Brown, « Genre, Harmony and Rhetoric in the Late Sixteenth-Century Italian Madrigal », Renaissance Culture in Context : Theory and Practice, éd. J. R. Brink et W. F. Gentrup, Aldershot, Scolar, 1993, p. 198-225. 75 La modification chromatique de hauteur d’une note (et notamment le dièse) est considérée à cette époque comme une pratique musicale moderne, voir P. Vendrix, « Altération », Vocabulaire de la musique de la Renaissance, Paris, Minerve, 2016, p. 15-16. 76 Le chitarrone est « l’instrument d’accompagnement soliste le plus prisé d’Italie », voir P. Vendrix, « Chitarrone », id., p. 53 et « Théorbe », id., p. 176. 77 Il s’agit de Salamone Rossi (c. 1570-c. 1628) de Mantoue qui publie à la même période son Secondo libro delle Sinfonie è Gagliarde a Tre voci, Per sonar due Viole, & un Chittarrone con alcune delle dette à Quattro, & a Cinque, & alcune Canzon per sonar à Quattro nel fine, Venise, Amadino, 1608, qu’il dédie à Cesare d’Este. Voir F. Piperno, « Rossi (de’ Rossi), Salamone », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 2017, vol. LXXXVIII, p. 723-726. À cette époque, vivait à Turin un autre joueur de luth juif originaire de Milan et nommé Angelo de Rossi, neveu de Salomone, d’abord musicien d’Amédée de Savoie et puis, à partir de 1610, du duc Charles-Emmanuel. Le parallèle avec D’India, que ce soit sur le plan des circulations (Milan-Turin), sur son profil de musicien (joueur de luth) ou sur l’identité des princes protecteurs (Amédée et Charles-Emmanuel de Savoie), est saisissant. Voir Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Tesoreria generale, art. 269, liasse 4, fo 385ro (le 22 décembre 1618) et id., Patenti controllo finanze, art. 689, liasses 70, reg. 21 (1608) ; 71, reg. 2 (1610) ; 74, reg. 25 (1613) ; 78, reg. 29 (1616) ; 79, reg. 30 (1617) ; 84, reg. 4D (1621) et 86, reg. 8H (1623). Angelo Rossi a également accompagné le cardinal de Savoie à Paris lors de son voyage de 1618 : « Al signor Francesco Giusta che mostra à ballare alli Paggi di Sua Altezza […] Ad Angelo Hebreo che mostra à sonare di leutto et Thiorba alli Paggi di Sua Altezza. », id., art. 394, Registro per il viaggio del Serenissimo Prencipe Cardinale di Savoia in Francia dell’anno 1618, non paginé, ainsi que la famille de Savoie à Avignon en 1622 : « Faccia pagare all’hebreo Angelo Rossi nostro Musico di Camera […] per le spese da lui fatte in questo ultimo nostro viaggio d’Avignone. », id., art. 689, liasse 86, le 6 mai 1623. 78 Pour ce qui est de la fonction de la musique en tant que réconfort et aide à l’art de gouverner grâce à sa capacité à « adoucir l’âme », voir F. Alazard, Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 97-98. 79 Borsieri fait allusion à la Scuderia, cette partie de la cour de Savoie composée d’écuyers, palefreniers, pages et cavaliers qui s’occupaient d’assurer les déplacement du duc, aussi bien lors de ses voyages publics que de ses excursions à la chasse, voir G. Muto, « Stati italiani e Stato sabaudo nella prima età moderna : questioni di definizione », Il Piemonte come eccezione ? Riflessioni sulla « Piedmontese exception ». Atti del Seminario internazionale (Reggia di Venaria, 30 novembre-1° dicembre 2007), éd. P. Bianchi, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2008, p. 42. Enseigner la musique aux pages est également l’une des tâches du jouer de luth juif Angelo Rossi (voir n. 77 supra et (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Patenti controllo finanze, art. 689, liasse 73, fo 219 : « Havendo noi stabillito a Angelo de Rossi Hebreo nostro sonadore di liutto un tratteniento di sette scudi da quindici bianchi l’uno ogni mese in consideratione della servitù et continue fatiche che gli conviene fare nel’insegnare i paggi d’essi Principi. » et du musicien toscan Pasquino Bastini auprès de cette cour. Voir id., Real Casa, Conti approvati, art. 217, parrafo 1, Tesoreria generale, liasse 65, mandat de paiement no 164 : « Più livre settanta due ducali da soldi venti l’una pagate à Pasquino Bastini musico de Paggi di Scuderia di Sua Altezza di tutto l’anno 1613 ».
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Les correspondances
Altesse] acquerra beaucoup de gloire en devenant le protecteur d’un virtuose d’illustre renommée80. Je le recommande81 donc à la suprême autorité de Votre Excellence, certain que là où il prête ses services, tout doute se dissipe et les témoignages d’affection sont démesurés. Je mettrai sur le compte de ma dette la grâce que lui fera [Votre Altesse] en satisfaisant sa requête et, ne pouvant lui demander rien d’autre, je prierai au moins Notre Seigneur pour qu’il lui soit toujours généreux de ses grâces. Depuis Casnate82.
Biblioteca Comunale di Como (I-COc), Ms. Sup. 3.2.43, cité par Franco Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. Davide Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 398. 3. Le 23 septembre 1620, le cardinal Maurice de Savoie83 à l’ambassadeur Giovanni Giacomo Piscina Molto Magnifico nostro Carissimo Conoscerete molto bene Sigismondo d’India Agiutante di Camera di Sua Altezza et capo della sua musica e della nostra ancora, nella qual arte egli eccelle di maniera che pochi suoi pari si potrebbero hoggi ritrovare in Italia. Dotato oltre di ciò di tutte quelli nobili qualità, che si possono desiderare, che lo rendono meritevole d’ogni honore. Et perche egli ambisce grandemente quello di Cavaliere di San Marco che quella Serenissima Repubblica hà per costume di conferire per ornamento a quelli, che con qualche segnalata virtù, se ne rendono degni, vengo ad assicurarvi con questa, che sua Altezza, et tutti Noi receveremo questo grande, che usiate ogni sorte di diligenza, per ottener questa gratia, impiegandovi il nome, et intercessione nostra, con tutti quei mezi più efficaci, che vi sara possibile in maniera che questi a noi tanto caro, et tanto virtuoso, sia consolato in questo suo desiderio, come ci promettemo dalla destrezza vostra et per fine preghiamo il Santissimo che vi conservi. Torino : 23 settembre 1620 Il Cardinale di Savoia – Ressidente Pissena. Notre très Illustre et très cher, Vous connaîtrez très bien Sigismondo D’India, serviteur de la Chambre de Son Altesse et son maître de musique84, mais également serviteur de la nôtre, art dans lequel il excelle si bien que peu pourraient l’égaler aujourd’hui en Italie. En outre, il est doué de toutes ces nobles qualités que l’on peut désirer et qui le rendent digne de tout honneur. Et parce qu’il aspire vivement à obtenir celui de Chevalier de Saint-Marc85, que cette Sérénissime République a pour coutume de conférer comme décoration à ceux qui, pourvus d’une remarquable vertu, en sont dignes, je tiens à assurer par la présente lettre que
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Ce passage de la lettre montre bien que le musicien était à cette époque un serviteur polyvalent et que le titre de « virtuoso » correspond autant à ses qualités qu’à sa condition première d’un homme de cour. Sur cette question voir A. Morelli, La virtù in corte. Bernardo Pasquini (1637-1710), Lucques, LIM, 2016, p. x-xi. En ce qui concerne le rôle des personnages intermédiaires dans la circulation et la protection d’artistes et musiciens, voir The Diplomacy of Art. Artistic Creation and Politic in Seicento Italy : Papers from a Colloquium held at the Villa Spelman, Florence, 1998, éd. E. Cropper, Milan, Nuova Alfa, 2000 ; M. Keblusek, « Introduction. Profiling the Early Modern Agent », Your Humble Servant : Agents in Early Modern Europe, éd. H. Cools, M. Keblusek et B. Noldus, Hilversum, Uitgeverij Verloren, 2006, p. 9-15 et Music and Diplomacy from the Early Modern Era to the Present, éd. R. Ahrendt, M. Ferraguto et D. Mahiet, New York, Palgrave Macmillan, 2014. Ville lombarde située entre Milan et Côme. Maurice de Savoie (1593-1657), quatrième fils du duc Charles-Emmanuel de Savoie, fut créé cardinal en 1607, à l’âge de quatorze ans, grâce à l’intervention du cardinal Pietro Aldobrandini, protecteur de la Savoie. Sigismondo D’India est nommé maître de la musique de chambre du duc Charles-Emmanuel de Savoie en avril 1611. Concernant l’histoire de ce titre militaire, voir R. Bratti, « I Cavalieri di San Marco », Nuovo Archivio Veneto, no 16/2, 1898, p. 321-349.
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Deuxième partie
Son Altesse et nous tous serions grandement satisfaits si Elle s’employait à faire diligence pour obtenir cette grâce. Nous y engageons le nom et notre intercession avec les moyens les plus efficaces possibles, de telle manière que le désir de celui qui nous est si cher et qui est si virtuose soit comblé. Ainsi, nous nous en remettons à votre savoir-faire et enfin, nous prions Dieu qu’il vous conserve. Depuis Turin, le 23 septembre 162086, le Cardinal de Savoie à l’ambassadeur Piscina.
Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, esposizioni di ambasciatori, filze 28, fo 132ro, copié dans le reg. no 31 (non paginé ni numéroté) du Collegio, Esposizioni principi, registri, le 15 décembre 1620. Cité par John Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 9 et id., « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. Sabrina Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 130-131. 4. Le 23 janvier 1621, le cardinal Maurice de Savoie à l’ambassadeur Giovanni Giacomo Piscina87 Molto Magnifico nostro Carissimo Habbiamo avuto gusto grande di vedere per la vostra buona risolutione che s’è presa intorno al Cavalerato di Sigismondo d’India, essendo persona che desideriamo molto di favorire per le sue virtù, et honorate qualità, che però ci farete piacere di ringratiarne a nome nostro la sua Serenità et assicurarla dell’obligo nel quale ci hà posto in questa occasione. Terrete insieme mano di farne spedire le lettere et mandarcele per la prima commodità, che non mancheremo di rimborsarvi di tutto il costo, che ci servirete, non potendo egli andar a pigliar questo honore in persona per le bisogni che Sua Altezza et Noi havemo di lui in queste occasioni del Carnevale […]. Torino li 23 Genaro 1620 Il Cardinale di Savoia Al signor Ressidente Piscena. Notre très Illustre et très cher, Nous nous sommes grandement réjouis d’apprendre la bonne résolution prise concernant l’octroi du titre de Chevalier à Sigismondo D’India, personne que nous désirons vivement récompenser pour ses vertus et ses honorables qualités. Vous nous ferez le plaisir de remercier en notre nom Sa Sérénité et 86
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Quelques jours plus tard, le 27 septembre, le cardinal de Savoie donnera une fête dans sa Vigna à Turin au cours de laquelle sera représentée La Caccia, fable pastorale de Ludovico d’Agliè mise en musique par Sigismondo D’India et dont deux courantes ont été publiées dans son livre des Musiche e Balli de 1621, le plus important témoignage musical des fêtes turinoises des années 1620 : « Si è recitata hoggi alla Vigna del Signor Cardinale una Pastorale in Musica, con l’intervento di tutti queste Altezze. », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Segreteria di Stato, Savoia, boîte 162, fo 422ro, le 27 septembre 1620. Giovanni Matteo Cavalchino écrit également à propos de cette fête : « Listesso anno ali 23 settembre […] et passato che fu quatro giorni il serenissimo prensipe cardinale invido il padre con li frateli e sorele con madama serenissima […] et tutti suoi cavalieri a festa al palascio dela sua vigna […] la qual festa fu una pastorale resita da molte ninfe in modo di casia nel boscho con soi casiatori […] et la deta festa gusto asai a tuti loro. », G. M. Cavalchino, Dal matrimonio di madama Serenissima Crestina con altri susesi ocorsi tanto di pace con di guerra delanno 1618 sino alanno 1619, 1620, p. 19, Biblioteca Reale di Torino (I-Tr), manuscrits, Storia patria 391. Enfin, il est intéressant de souligner que la première lettre de Maurice de Savoie concernant la demande du titre vénitien pour D’India coïncide avec une période où l’activité du compositeur était particulièrement riche à Turin. Giovanni Giacomo Piscina (c. 1579-1651), magistrat, président du Sénat de Savoie et diplomate originaire de Saluces, était l’ambassadeur de Turin à Venise de 1618 à 1622. Voir (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1086, fo 60ro, le 17 février 1618. Concernant son action diplomatique dans cette période, voir A. Pennini, « Con la massima diligentia possibile ». Diplomazia e politica estera sabauda nel primo Seicento, Rome Carocci, 2015, p. 206-211 et F. Meyer, « Le sénat de Savoie et la mort du prince (xvie-xviie siècles) », La foi des montagnes. Culture et religion dans la Savoie d’Ancien régime, Annecy, Académie Salésienne, 2014, p. 297.
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Les correspondances
de l’assurer de notre obligation envers elle à cette occasion. Nous vous demandons de faire expédier la lettre [du privilège] et de la lui envoyer, ce qui sera le plus commode. Nous ne manquerons pas de vous rembourser tous les frais que vous engagerez. [Sigismondo D’India] ne peut en effet aller recevoir cet honneur personnellement : Son Altesse et nous avons besoin de lui à l’occasion du carnaval […]. Turin, le 23 janvier 162088. Le cardinal de Savoie au Seigneur ambassadeur Piscina.
Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, esposizioni di ambasciatori, filze 28, fo 146ro, copié dans le reg. no 31 (non paginé ni numéroté) du Collegio, Esposizioni principi, registri, le 15 février 1620 (en réalité 1621). Cité par John Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 10 et id., « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. Sabrina Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 130-131. 5. Le 17 février 1621, l’ambassadeur Giovanni Giacomo Piscina au Collège des Sages de Venise89 Serenissimo Principe. Illustrissimi et Eccellentissimi Signori Ho significato colle mie lettere al Signor Prencipe Cardinale di Savoia che Vostra Serenità e Vostre Eccellenze si degnano di favorire il Signor Sigismondo d’India del Cavallerato di San Marco, a contemplatione di Sua Altezza, la quale ha sentito di ciò infinito gusto, et professa di rimargliene con molto obligo, come elle protranno veder per la lettera che sarà congionta. Prego Vostra Serenità di commandare, che siano spedite le lettere del privilegio, et quelle rimessemi, affine che questo prima io le mandi al Signor Prencipe Cardinale […] Di Casa li 17 di febraro 1621 […] Giovanni Giacomo Piscina Ambasciatore del Serenissimo di Savoia. Prince Sérénissime, très Illustres et très Excellents Seigneurs, J’ai informé, par mes correspondances au Seigneur Prince Cardinal de Savoie, que Votre Sérénité et Vos Excellences ont daigné récompenser le Sieur Sigismondo D’India en le créant Chevalier de Saint-Marc à la demande de Son Altesse90, laquelle l’a appris avec un plaisir infini et déclare vous en être très reconnaissante, ainsi que vous pourrez le constater dans la lettre ci-jointe. Je prie Votre Sérénité d’ordonner que les lettres du privilège soient expédiées et qu’elles me soient remises afin que je les envoie rapidement au Seigneur Prince Cardinal91 […]. En ma demeure, le 17 février 1621 […] Giovanni Giacomo Piscina, ambassadeur du Sérénissime de Savoie.
Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, esposizioni di ambasciatori, filze 29, fo 16ro et vo, copié dans le reg. no 32 (non paginé ni numéroté) du Collegio, Esposizioni principi, registri, le 23 mars 1621. Cité par John Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 10 et id., « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. Sabrina Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 130-131. 88 89 90 91
En réalité 1621, compte tenu du calendrier vénitien. Le Collège des Sages (Collegio dei Savi) était un organe politique de la République de Venise, sorte de conseil de ministres, qui avait pour fonction de limiter les pouvoirs du doge. Le duc Charles-Emmanuel de Savoie. À cette date, Maurice de Savoie se trouve à Rome où il reçoit le 18 février, des mains du nouveau pape, Alessandro Ludovisi (Grégoire XV), élu au conclave du 8 février, son chapeau de cardinal. Voir (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1089, fo 149vo, le 20 février 1621. Il restera dans la ville pontificale jusqu’au mois de juillet.
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Deuxième partie
6. Le 28 octobre 1623, le prince Alphonse d’Este au comte Ludovico d’Agliè92 Molto Illustre Signore È capitato qui il Cavaliere Sigismondo d’India, et mi hà donata una sua opera la quale è stata molto gradita da me per essere bellissima in se stessa, e per essere compositione d’un virtuoso di questa qualita da me molto stimato. L’ho trattenuto quà alcuni giorni, et penserei anche di trattenervelo qualche tempo di più, mà sapendo ch’egli viene chiamato costà dal Signor Cardinale suo, et mio Signore, io non hò voluto farlo senza darne prima à Vostra Signoria questo tocco, accioche ella mi faccia piacere d’intendere da Sua Altezza se si contenterà, ch’io me ne vaglia anche per qualche giorni, perche mentre non vi concorra il gusto suo, io lo lascierò subito venire. Vostra Signoria mi farà anche cosa molto grata ad avisarmi s’egli sia più servitore attuale del Serenissimo Signor Duca, et che provvisione habbia da Sua Altezza ; si come chiamandolo hora costà il signor Cardinale ; che parte gli darà. Di tutto resterò con molto obligo alla gentilezza di Vostra Signoria, la quale dalla confidenza, ch’io uso con lei, potrà argomentare il gusto, che havrò che anch’ella si prometta di me nelle sue occorrenze. E la saluto con molt’affetto. Di Modena li 28 ottobre 1623. Come fratello Alfonso d’Este. Très Illustre Seigneur, Est arrivé ici93 le Chevalier Sigismondo D’India qui m’a donné l’une des ses œuvres94 que j’ai beaucoup appréciée, étant de très belle facture et parce qu’il s’agit de la composition d’un virtuose de cette qualité et que j’estime grandement. Je l’ai retenu ici quelques jours et je pensais l’y retenir quelque temps encore, mais sachant qu’il a été appelé là-bas95 par le Seigneur Cardinal96, votre Seigneur et le mien, je n’ai pas voulu le faire sans en informer d’abord Votre Seigneurie afin qu’Elle ait la gentillesse de demander à Son Altesse si Elle consentira qu’il soit à mon service encore quelques jours, tant que cela n’entre pas en concurrence avec son bon vouloir, après quoi je le laisserai partir immédiatement. Votre Seigneurie me fera également très plaisir de m’informer si [le musicien] n’est plus actuellement serviteur du Sérénissime Seigneur Duc [de Savoie] et quelles sont les provisions qu’il reçoit de Son Altesse, et quelle est la part qu’elle lui donnera, étant donné que le Seigneur Cardinal l’appelle maintenant là-bas. Je resterai très reconnaissant de la gentillesse de Votre Seigneurie laquelle, constatant l’amitié97 que j’ai envers Elle, pourra témoigner du plaisir que j’aurai à ce qu’Elle puisse aussi compter sur moi en cas de nécessité. Je la salue avec grande affection. Depuis Modène, le 28 octobre 1623. Fraternellement, Alphonse d’Este.
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Lettere ministri, Roma, liasse 35, citée par Stanislao Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 89, n. 1 et Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 76. 92 93 94 95 96 97
Le comte et poète Ludovico d’Agliè (1578-1646) était un représentant diplomatique de Turin à Rome en 1621 et puis de 1623 à 1637. À la cour de Modène. Il pourrait s’agir du Huitième livre de madrigaux que le compositeur a préparé à la cour de Modène, dédié à Isabelle d’Este-Savoie et publié à Rome l’année suivante (1624). À la cour du cardinal de Savoie à Rome. Maurice de Savoie. Concernant le concept d’amitié politique à cette époque, lié à l’idée d’alliance entre les souverains et à l’échange d’intérêts et de services, voir M. A. Visceglia, « Fazioni e lotta politica nel Sacro Collegio nella prima metà del Seicento », La corte di Roma tra Cinque e Seicento, « teatro » della politica europea, éd. G. Signorotto et M. A. Visceglia, Rome, Bulzoni, 1998, p. 37-91 ; W. Reinhard, « Amici e creature. Microplitica della Curia romana nel xvii secolo », Dimensioni e problemi della ricerca storica, no 14/2, 2001, p. 59-78 ; T. Mörschel, Buona amicitia ? : die römisch-savoyischen Beziehungen unter Paul V. (1605-1621). Studien zur frühneuzeitlichen Mikropolitik in Italien, Mayence, Zabern, 2002 et J. Petitjean, « Amis et confidences », L’intelligence des choses. Une histoire de l’information entre Italie et Méditerranée (xvie-xviie siècles), Rome, École française de Rome, 2013, p. 31-38.
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Les correspondances
7. Le 4 novembre 1623, Le comte Ludovico d’Agliè au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signore […]. Il Cavaliere Sigismondo D’India partì pochi mesi sono dalla corte del Signor Duca mio Signore per sottrarsi alla malvagità d’alcuni i quali fecero di lui pessimi rapporti all’Altezza sua, presso cui teneva loco di Capomusico della Camera, non sapendo io qual fosse il trattenimento assignatoli. Fu chiamato qui dal Signor Principe Cardinale mio Signore con pensiero di ricondurlo in Piemonte, havendogli intanto stabilito per ponto trecento ducatoni all’anno, godendo in estremo ch’egli si sia ricoverato presso Vostra Altezza ai cui servigi non solo permette ch’il sudetto Cavagliere si fermi per tutto quel tempo, che Lei comanderà, ma vorebbe l’Altezza Sua essere a parte di questa ventura. Potrà però ritenerlo a suo piacere, ch’io intanto rendendole humilissime gratie dell’occasione che mi porge di servirla Le bacio humilmente le mani. Di Roma li 4 novembre 1623. Di Vostra Altezza Serenissima humilissimo et devotissimo Servitore Don Lodovico San Martino d’Agliè. Sérénissime Seigneur, […]. Le Chevalier Sigismondo D’India partit il y a quelques mois de la cour du Seigneur Duc, mon Seigneur, pour échapper à la malveillance de certains qui provoquèrent les plus mauvais rapports entre lui et Son Altesse98 auprès de laquelle il était le maître de la musique de chambre. J’ignore le salaire qui lui a été assigné. Il a été appelé ici [à Rome] par le Seigneur Prince Cardinal [Maurice de Savoie] mon patron qui, ayant l’idée de le renvoyer dans le Piémont, l’a entre-temps assuré de sa protection en lui octroyant trois cents ducatons99 par an et est grandement satisfait qu’il se soit rendu auprès de Votre Altesse, au service de laquelle il permet que ledit Chevalier reste tout le temps qu’Elle ordonnera, Son Altesse souhaitant contribuer à votre bonheur. Vous pourrez donc le retenir à votre guise et moi, vous rendant entre-temps grâce très humblement pour le privilège que vous me donnez de vous servir, je vous baise très humblement les mains. Depuis Rome, le 4 novembre 1623. De Votre Altesse Sérénissime le très humble et très dévoué serviteur Don Ludovico San Martino d’Agliè.
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Lettere ministri, Roma, liasse 35, citée par Stanislao Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 90, n. 1 et Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 76-77. 8. Le 18 février 1624, le prince Alphonse d’Este au comte Ludovico d’Agliè Molto illustre Signore Mi avisò Vostra Signoria che la provisione disegnata dal Signor Cardinale suo al Cavaliere Sigismondo d’India era di Ducatoni 300 d’argento. Hora perche sopra di ciò mi resta un dubbio se i quelli si comprendesse la spesa del vivere, o pure se oltre di essi dovesse anche havere questa, o quell’altra cosa, mi occorre di pregare la cortesia di Vostra Altezza à soddisfarmi anche in questa parte, con ragguagliarmi distintamente di tutto quello, che il detto Cavaliere havrebbe havuto da Sua Altezza ; et insieme à compiacersi d’intendere da lei, se con suo gusto io potrei fermarlo qui al servitio, quando egli se ne contentasse con avisarmi poi il gusto di Sua Altezza ; che d’ogni incomodo, che Vostra Signoria si prenderà per amor mio, le resterò con quell’obligo, che si conviene per corrisponderle in ogni occorrenza di suo servitio E con questo la saluto con molt’affetto. Di Modena li 18 febbraio 1624. Di Vostra Signoria Come fratello Alfonso d’Este.
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Au sujet des différentes hypothèses sur le départ de D’India de Turin, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 218-220. Pour ce qui est du ducaton de Savoie, monnaie d’argent frappée à partir de 1566 sous le règne du duc Emmanuel-Philibert, voir E. Martinori, La moneta. Vocabolario generale, Rome, Istituto italiano di numismatica, 1915, p. 134.
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Deuxième partie
Très Illustre Seigneur, Votre Seigneurie m’a informé que la provision destinée par le Seigneur Cardinal, votre patron, au Chevalier Sigismondo D’India était de 300 ducatons d’argent. Or j’ai à présent un doute, ne sachant pas si cette somme comprend les frais courants ou si, outre cette somme, il doit bénéficier de divers défraiements. J’ai l’occasion de m’en remettre à la courtoisie de Votre Altesse [le cardinal de Savoie] pour me satisfaire également sur ce point, en m’informant très précisément de tout ce que ledit Chevalier aurait obtenu de Son Altesse, et en me donnant en même temps le plaisir de savoir si, avec son consentement, je pourrais le retenir ici à mon service, tout en tenant compte du bon vouloir de Son Altesse que vous daignerez me communiquer, puisqu’à chaque désagrément causé à Votre Seigneurie dans le but de me satisfaire, Elle aura la reconnaissance qui lui est due pour ses faveurs. Et en disant cela je la salue avec grande affection. Depuis Modène, le 18 février 1624. Fraternellement à Votre Seigneurie, Alphonse d’Este.
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Lettere ministri, Roma, liasse 35, citée par Stanislao Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 91, n. 1 et Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 77. 9. Le 1er mars 1624, le comte Ludovico d’Agliè au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signore Ricevo i comandi di Vostra Altezza per gratia, li eseguiscono per il debito. Il cavaliere Sigismondo d’India non eccedeva in Torino il trattenimento di 300 ducatoni d’argento accennati a Vostra Altezza havendo però fra l’anno goduto sempre di qualche donativo, hora in un vestito hora in altra cosa : Stabilì il Signor Prencipe Cardinale mio Signore che per essere il vivere a Roma molto più caro di quello che sia in Piemonte venendo egli qua, magnasse alla tavola dello Stato. Senti per altro l’Altezza Sua un gusto particolare che l’eminenza di questo virtuoso resti appoggiata al patrocinio di Vostra Altezza desiderando solo, che fatte le prossime feste di Pasca, o in quel tempo che a lei sarà di minore incommodo, gli si conceda da Vostra Altezza licenza di poter fare una scorsa qua per conferire seco alcuni pensieri con promessa di non ritenerlo più di un mese. Non lasci Vostra Altezza con l’honor dei suoi commandi infruttuosa la mia servitù et le fo humilissima riverenza. Di Roma il primo marzo 1624. Humilissimo et devotissimo servitore Don Lodovico San Martino d’Agliè. Sérénissime Seigneur, Je reçois les ordres de Votre Altesse avec considération et les exécute dûment. La pension du Chevalier Sigismondo D’India à Turin n’excédait pas les 300 ducatons d’argent auquel j’ai fait allusion à Votre Altesse, cependant qu’il a bénéficié, durant l’année écoulée, de quelques dons100, tantôt en habits, tantôt en diverses autres choses. Le Seigneur Prince Cardinal [de Savoie], mon patron, a décidé, puisque la vie à Rome est plus onéreuse que dans le Piémont, que [le musicien], qui doit se rendre à Rome, serait nourri aux frais de la cour. Par ailleurs, Son Altesse [Maurice de Savoie] a éprouvé un plaisir particulier à ce que cet éminent virtuose continue d’être sous la protection de Votre Altesse [Alphonse d’Este], souhaitant seulement, une fois les célébrations pascales passées et au moment qu’Elle considérera comme opportun, que Votre Altesse lui donne la permission de pouvoir faire un rapide voyage ici afin de lui donner quelque signe d’affection, promettant de ne pas le retenir plus d’un mois101. Priant Votre Altesse, qui me fait l’honneur de ses ordres, de ne pas laisser infructueuse mon obéissance, je lui fais une très humble révérence. Depuis Rome, le 1er mars 1624, le très humble et très dévoué serviteur Don Ludovico San Martino d’Agliè. 100 101
Voir les mandats de paiement no 4-8, p. 416-420. Le compositeur se rendra à Rome au début du mois d’avril et y restera jusqu’au 19 avril 1626.
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Les correspondances
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Lettere ministri, Roma, liasse 35, citée par Stanislao Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 91, n. 2 et Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 77. 10. Le 29 mars 1624, le prince Alphonse d’Este au comte Ludovico d’Agliè Molto Illustre Signore Se ne viene il Cavaliere Sigismondo d’India per servire il signor Cardinal di Savoia conforme al desiderio che n’hà mostrato Sua Altezza E s’egli non s’è fermato al mio servitio non è stato per mancamento d’inclinatione mia, o per alcun risparmio di provigione, ma per altri impedimenti, ch’io non hò potuto rimuovere. Rimango però cosi sodisfatto delle sue virtù, e buone maniere che non si potrà dire di vantaggio, et lo stimo, et amo come soggetto nella sua professione molto straordinario ; et che meritamente è caro a Sua Altezza, alla quale perciò prego Vostra Signoria à dar parte dell’applauso, che hà havuto qui et à render gratie della cortesia con che me l’haveva conceduto, ch’io a lei m’offero, con tutta l’animo, et affettione la saluto. Di Modena li 29 marzo 1624. Di Vostra Signoria Come fratello Alfonso d’Este. Très Illustre Seigneur, Le Chevalier Sigismondo D’India est parti pour servir le Seigneur Cardinal de Savoie conformément au désir qu’a exprimé Son Altesse. Si je ne l’ai pas retenu à mon service, cela n’est pas par défaut d’inclination de ma part ou par souci d’économie, mais à cause d’autres empêchements que je n’ai pu éviter. Je reste en tout cas si satisfait de ses vertus et de ses bonnes manières qu’on ne peut pas en dire davantage : je l’admire et l’aime comme un homme vraiment extraordinaire dans sa profession et c’est à juste titre qu’il est cher à Son Altesse102 à laquelle, pour cette raison, je prie Votre Seigneurie de faire part de la reconnaissance qu’il a eue ici et de la remercier pour la courtoisie avec laquelle Elle m’a concédé [le musicien]. En vous offrant mes meilleurs sentiments, je salue [Votre Seigneurie] avec affection. Depuis Modène, le 29 mars 1624. Fraternellement à Votre Seigneurie, Alphonse d’Este.
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Lettere ministri, Roma, liasse 35, citée par Stanislao Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 91-92, Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 77-78. 11. c. avril-mai 1624103, lettre du comte Ercole Rondinelli au comte Giovanni Battista Ronchi Al Conte Giovanni Battista Ronchi Mi è sovvenuto doppo la partita di Vostra Signoria d’incaricargli anche con occasione ch’ella s’anderà [rature] à far reverenza al signor Cardinale di Savoia [rature] a cui io già ne hò servito d’informarli [rature] ben prestamente 102
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Ce passage montre la haute estime acquise par D’India aussi bien au sein de la cour de Maurice de Savoie à Rome que de celle du prince Alphonse d’Este à Modène. Cette grande considération est due à l’union de ses « bonnes manières » aristocratiques et de ses dons musicaux-poétiques, d’où le titre de « virtuose ». Sur cette question, voir A. Morelli, La virtù in corte, op. cit, p. xi. En effet, le facteur stratégique pour l’affirmation de la « Renaissance » (en tant que typologie culturelle) et du « Classicisme » (en tant que paradigme culturel) est précisément l’union entre l’homme de lettres humaniste (D’India est en effet poète) et le noble cavaliere (le gentilhomme moderne) : une nécessaire intégration entre les armes et les lettres (ce qui inclut également les « bonnes manières »). Voir A. Quondam, « Rinascimento e Classicismi », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 92-93 et 95. Cette lettre a vraisemblablement été écrite à Rome puisque Ercole Rondinelli, (diplomate et conseiller d’État de la cour de Modène et ambassadeur extraordinaire à Rome) se trouvait dans cette ville entre le 20 mars et le 17 juin 1624
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dal signor Conte sudetto d’Agliè della provisione che il signor Cardinale sudetto haveva destinata al Cavaliere Sigismondo, et se oltre li 300 scudi che Paolo havrebbe havuta [rature] anche la parte in casa [di] Sua Altezza o no che del tutto io starò attendendo [rature] subito aviso mentre [rature] la saluta di cuore. Au comte Giovanni Battista Ronchi104, Je me suis souvenu, après le départ de Votre Seigneurie, de la charger également, à l’occasion de la révérence qu’Elle ira [rature] faire au Seigneur Cardinal de Savoie [rature] que j’ai déjà servi, de l’informer [rature] le plus rapidement possible de la part dudit Monsieur le comte d’Agliè105 de la provision que le Seigneur Cardinal susnommé avait destinée au Chevalier Sigismondo [D’India], et si outre les 300 écus de Paolo106, il aurait eu [rature] ou non également une partie chez Son Altesse107. Ainsi, je reste dans l’attente de toute [rature] information immédiate [rature] tandis que je salue [Votre Seigneurie] de tout cœur.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 220, 1624, lettre no 9, lettre inédite. 12. Le 18 janvier 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari108 Al Cavaliere Carandini Son entrato in desiderio d’haver qua, per questo Carnevale, il Cavaliere Sigismondo d’India musico celebre e gentilhuomo della casa del Cardinale di Savoia et ho pensato di domandarlo in prestito a Sua Altezza, per questo tempo ma perché non intendo di passar questi uffitii col viso mesto, per gli rispetti, che già v’ho accennato in vero in altra materia recente, Sua Altezza farà per valersi del detto Cavaliere per qualche cosa straordinaria in suo servitio,
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en qualité d’ambassadeur extraordinaire afin de rendre visite au pape U rbain VIII, voir O. Rombaldi, « Ercole Rondinelli Governatore (1598-1622) », Bollettino Storico Reggiano, no 22, fasc. 70, 1989, p. 5. En effet, nous pouvons lire dans un avviso romain que « Nell’istessa sera di mercordi [le 20 mars 1624] gionse quà da Modena il Marchese Ercole Rondinelli persona d’età grave, di gran valore, et esperienza spedito da quel serenissimo per suo Ambasiatore d’obbedienza. », (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1094, fo 172ro, le 23 mars 1624. Il est possible que D’India soit arrivé à Rome en même temps que Rondinelli. De même, quelques semaines plus tard, le 16 avril 1624 « Dal Cardinale di Savoia martedi mattina fù reggiamente banchettato nel suo Palazzo à Monte Giordano il Marchese Rondinelli Ambasciatore d’obbedienza del Serenissimo di Modena il quale continua à ricever le visite da Cardinali Ambasciatori de Principi, et altri signori di questa Corte. », id., fo 223ro, le 20 avril 1624. Gentilhomme, diplomate, poète, cameriere segreto d’Alphonse d’Este, il est envoyé à Rome en même temps qu’Ercole Rondinelli. Ronchi a également été residente en Espagne en 1630. Voir G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este che fù nel secolo il Serenissimo Alfonso III Duca di Modana, e nella Religione Serafica il Prete Gio. Battista Predicatore Apostolico della Serenissima Infanta D. Isabella di Savoia sua Dilettissima Consorte. Nascita, Vita, Morte, e Sepoltura Descritta in brevità, mà veridicamente dal P. F. Gio. Da Sestola Predicatore Capuccino A gloria di Dio & edificatione di chi leggerà, Modène, Soliani, 1646, p. 84 et 119 et E. Manni, Un ambasciatore estense del Seicento alla Corte di Spagna (G. B. Ronchi) 1630-1633, Modène, Bassi e Nipoti, 1929. Ludovico d’Agliè est ambassadeur de Turin et gentilhomme-serviteur du cardinal de Savoie à Rome. Il pourrait d’agir de Paolo Bisogno, joueur de luth modénais, page de Ferrante Bentivoglio (neveu du marquis Enzo Bentivoglio), mort en 1619, puis serviteur du cardinal Maurice de Savoie à Rome. Voir G. B. Spaccini, Cronaca di Modena, anni 1617-1620, op. cit., p. 11. On trouve également sa présence à la basilique de Santa Maria Maggiore lors de « la festa della neve », le 5 août 1624, voir L. Della Libera, « Repertori ed organici vocali-strumentali nella Basilica di Santa Maria Maggiore a Roma : 1557-1624 », Studi Musicali, no 29/1, 2000, p. 48. Voir aussi (I-Ta), Corte, Materie politiche per rapporto all’estero, lettere ministri, Roma, liasse 38, fo 15vo (lettre du 8 mars 1627), fo 27ro (lettre du 24 août 1627), fo 221ro (lettre du 2 mai 1628) et fo 304ro (lettre du 17 octobre 1628). Concernant cet instrument (le luth), voir A. Bertolotti, Artisti subalpini in Roma nei secoli xv, xvi e xvii. Ricerce e studi negli Archivi romani, Mantoue, Mondovi, 1884, p. 239, qui, dans cet ouvrage prosopographique a identifié la présence à Rome d’un certain Lodovico « liutaro », au service de l’ambassadeur de Savoie (Ludovico d’Agliè) entre 1623 et 1626, sans que l’on sache l’identité de ce musicien. Le cardinal Maurice de Savoie. Ambassadeur de Modène à Rome.
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ho pensato risoluto che ne preniate in questa maniera. Che mandiate ad stantia il sudetto Cavaliere da voi, e per prima di esporle il mio desiderio far altro, gli domandiati se lo Cardinale è per impiegarlo a suo cedere per questo Carnevale in qualche compositioni di comedia in musica et ò altra comitenza ; che ripassi alla sua andata da Sua Altezza per questo tempo s’egli risponderà s’egli risponderà di non esserci questa necessità, se troverete ch’egli sia per esser occupato in maniera, che non possa partire senza scontento del sentimento di Sua Altezza, non pe occorrerà, che facciate più altro. Ma s’egli all’incontro sarà in termini di venire, datagli la congiunta, che gli scrivo in codesta vostra, gli esporrete il desiderio particolare ch’io ho d’haverlo qui e la licenza, che ne domando al signor Cardinale per questo poco tempo per goder della sua virtù da sì straor e sentirete il suo sent gusto, s’egli inclinerà a venire a servirci come confido, di fare contento me lo pregherete109 . Au Chevalier Carandini, J’ai eu le désir de faire venir ici pour ce carnaval le Chevalier Sigismondo D’India, célèbre musicien et gentilhomme de la maison du cardinal de Savoie. Aussi ai-je pensé à demander à Son Altesse de me le prêter110 pour cette période puisque je n’ai pas l’intention de traiter cette affaire avec légèreté, compte tenu de la déférence dont je vous ai fait part en personne concernant d’autres sujets récents. Son Altesse [le duc Cesare d’Este] veut faire en sorte de se procurer le Chevalier111 mentionné en qualité de serviteur extraordinaire. J’ai pensé décidé de le récompenser de cette façon. Faites venir ledit Chevalier chez vous, mais avant de lui exposer mon souhait, procédez autrement, vous lui demanderez si le cardinal est sur le point de l’engager auprès de lui pour ce carnaval dans quelque composition de comédie en musique112 et ou pour une autre commande ; qu’il retourne voir Son Altesse [le cardinal de Savoie] si entre-temps il aura répondu il aura répondu que cela n’est pas nécessaire. Si vous estimez qu’il est sur le point d’être embauché de sorte à ne pas pouvoir partir sans causer de mécontentement à Son Altesse, il ne sera pas nécessaire que vous insistiez. Mais si, lors de cette rencontre, il est en mesure de venir, donnez-lui la lettre ci-jointe que j’ai écrite pour lui en même temps que la vôtre. Vous lui exposerez le désir particulier que j’ai de l’accueillir ici ainsi que la permission que je demande au Seigneur Cardinal pour une courte période afin de jouir de son talent d’un si extraor, et vous pourrez mesurer son sent goût s’il consent à venir nous servir, ainsi que vous l’en prierez, afin de me faire plaisir, comme je l’espère.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 16, lettre inédite113. 13. Le 18 janvier 1626, le prince Alphonse d’Este au cardinal Maurice de Savoie Al Cardinale di Savoia Il gusto straordinario ch’io provo nelle virtù del Cavaliere Sigismondo d’India mi fa desiderar ori ordenargli d’haverlo quà di nuovo per qualche tempo, ch’io ardisco di supplicar Vostra Altezza a prestarmelo con quella Nous remercions Francesco Russo pour son aide précieuse dans cette transcription. Demander le « prêt » d’un musicien peut être compris comme une forme de circulation du prestige. En effet, emprunter l’un des plus célèbres musiciens du cardinal de Savoie ne peut que participer à l’affirmation du rang de la cour de Modène. Protéger les artistes équivaut ici à grandir sa position sociale et politique. “Cavaliere” e “gentiluomo” identificano qualità diverse nello stesso soggetto, e in definitiva vengono a identificare un 111 « modello bipartito. Se il cavaliere solo in guerra trova la realizzazione della sua vocazione di casta, “gentiluomo” si riferisce più all’area semantica della “cortesia” (l’interagire quotidiano all’interno del palazzo e delle sue cerimonie : feste, tornei, riti, il corteggiamento, la conversazione, il gioco), ma anche alla dimensione politica del governo. », M. Domenichelli, « Cavaliere, gentiluomo », Le parole che noi usiamo, op. cit., p. 375. 112 Cette allusion dévoile le genre musical en vogue à Modène (le théâtre chanté) mais aussi celui qui est au centre de la production de D’India à Rome à cette époque. 113 Nous remercions très chaleureusement Gianfranco Armando et Paolo Cherubini de l’Archivio Segreto Vaticano, pour leur aide précieuse dans cette difficile transcription. 109 110
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cortesia con che altre volte mi si hà favorito assicurandola, che solo riceverò [rature] à conto di grazia straordinaria et che [rature] anch’ella [rature] potrà sempre desporsi delle cose mie con ogni libertà et con mio infinito gusto. Con che a Vostra Altezza bacio affettuosamenti le mani. Au cardinal de Savoie, Le goût extraordinaire que j’éprouve pour les vertus du Chevalier Sigismondo D’India me pousse à demander [à Votre Altesse] de l’envoyer à nouveau ici pour quelque temps, si bien que j’ose la supplier de me le prêter avec cette courtoisie dont elle m’a honoré en d’autres occasions. J’assure [Votre Altesse] que j’obtiendrai ainsi [rature] une grâce extraordinaire et qu’Elle [rature] pourra également [rature] toujours disposer de mes affaires en toute liberté et avec le plaisir infini avec lequel je baise affectueusement les mains de Votre Altesse.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria sezione generale, Minutario, boîte 19, lettre inédite. 14. Le 21 janvier 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Carandini […] Il Cavaliere Sigismondo d’India m’avvisa, che vorrebbe condure seco un castrato, et un servitore musico [rature] ricercandomi à dargli comodità pe’l viaggio anche per questi. Però s’egli non sarà già partito gli somministrerete quel di più de’ 40 scudi che ha havuti che mi pareva, che bisogni [rature] pel sudetto effetto, et m’avviserete la quantità per ch’io possa farvene rimborsare Il Signor vi prosperi. Au Chevalier Carandini, […] Le Chevalier Sigismondo D’India m’informe qu’il voudrait emmener avec lui un castrat et un serviteur musicien114 [rature], me demandant de leur faciliter le voyage. Toutefois, s’il n’est pas déjà parti, vous lui remettrez les 40 écus115 en plus de ceux qu’il a déjà perçus me semblant nécessaires [rature] à cet effet, et vous m’informerez de ce que vous les lui aurez versés afin que je vous rembourse. Que le Seigneur vous apporte la prospérité.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 23, lettre inédite. 15. Le 28 janvier 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo Insieme con le lettere per il Cavaliere Sigismondo d’India hò ricevuto il commandamento di Vostra Altezza Serenissima intorno alla persona di detto Cavaliere, et hò subito mandato ad imparare la sua stanza con ordine, che trovatolo le fosse detto, che desideravo di parlarle, mà s’è inteso, che di presente è ammalato in Infermaria, et cosi non e parso al mio huomo di farle l’ambasciata Però farò intendere di quando in quando del suo stato, et ricuperando presto la sanita eseguirò il commandamento di Vostra Altezza Serenissima, mà quando l’indispositione seguitasse
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À Frascati pour servir le cardinal de Savoie. Voir la lettre no 2 signée par D’India et adressée à Fabio Carandini le 9 février 1626. Il s’agit des quarante écus versés à Annibale Serena, « Banchiero in Roma », à la Banque di Santo Spirito. Voir le mandat de paiement no 18, p. 423-424. Concernant cette banque d’État créée par le pape Paul V en 1605 sur le modèle des banques vénitiennes et milanaises, voir J. Delumeau, Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du xvie siècle, Paris De Boccard, 1957, vol. II, p. 935-937.
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Les correspondances
qualche tempo si che rimanesse poco del Carnevale serà necessario in tal caso, che ricevi nuovo ordine da Vostra Altezza, et volendo lui venire haverà prontamente il denaro, che le occorrerà, et conforme al commandamento di lei. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, J’ai reçu, en même temps que les lettres adressées au Chevalier Sigismondo D’India, les instructions de Votre Altesse Sérénissime concernant ledit Chevalier. J’ai aussitôt demandé que l’on se rende chez lui avec l’ordre de lui dire que je désirais lui parler ; mais on a appris qu’il était aujourd’hui malade et se trouvait à l’infirmerie116. C’est pourquoi mon envoyé n’a pas jugé bon de lui transmettre le message. Je ferai en sorte de m’informer de son état de temps à autre et, aussitôt qu’il aura retrouvé la santé, j’exécuterai les ordres de Votre Altesse Sérénissime117 ; mais si l’indisposition devait se prolonger quelque temps et jusque vers la date du carnaval118, il sera nécessaire, dans ce cas, que je reçoive de nouvelles instructions de Votre Altesse ; cela étant, s’il accepte de venir, il aura prestement l’argent nécessaire119, conformément à votre commandement.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 72, lettre inédite. 16. Le 3 février 1626120, sans signature121, au prince Alphonse d’Este Adesso mi viene detto che il Cavalier d’India non cantarà questa sera sicuramente ; é che i fratti bramano haver la musica che sua Altezza havea determinato che si facesse questa sera, é che però vorebbero che io supplicassi per haver ordine a’ i musici che venissero et se può darmi risposta adesso io aspettarò che non sono ancora partito da qui ove mi trovo in Castello. On m’informe à l’instant qu’il est très probable que le Chevalier D’India ne chantera pas ce soir122 et que les moines123 désirent entendre la musique que Son Altesse124 avait ordonné que l’on joue pour la soirée. Ils voudraient cependant que je supplie [Son Altesse] de donner l’ordre aux musiciens de venir et que je la supplie de me donner, si possible, une réponse immédiate. J’attendrai car je ne suis pas encore parti d’où je me trouve dans le château125.
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Le compositeur est très malade au début de l’année 1626, sans doute à cause d’une malaria contractée à Rome au moment du conclave de 1623. En ce qui concerne cette hypothèse, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 238-241. Le prince Alphonse d’Este. À la fin du mois de février. Le lendemain, le 29 janvier 1626, le prince Alphonse d’Este fera verser au musicien les quarante écus mentionnés dans la lettre du 21 janvier (no 14) par l’intermédiaire de « la banque du Sieur Annibale Serena » (mandat no 18, p. 423424). Voir Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Camera ducale, Amministrazione dei Principi, Registro dei mandati, boîte 210. Le nom du banquier romain Annibale Serena, « Depositario del Monte Estense », apparaît dans plusieurs registres de la Banque di Santo Spirito conservés auprès de l’Archivio Storico della Banca d’Italia (ASBIT). Malheuresement, le livre d’entrées et de sorties de l’année 1626 est manquant. La date de cette lettre, écrite par la main d’un archiviste, nous semble erronée. Nous pouvons supposer qu’elle a été écrite entre le 15 décembre 1627 et le 2 août 1628 alors que le compositeur se trouvait à la cour de Modène. Compte tenu du contexte, ce document pourrait avoir un lien avec le mandat de paiement no 35 cité en p. 429-430. Cette lettre semble être adressée au prince Alphonse d’Este par l’un de ses serviteurs, probablement Giulio Scali qui était surintendant de la musique à la Chambre et à la Chapelle ducale ou Paolo Bosio, l’un de ses assistants. Il est probable que D’India soit empêché pour des raisons de santé. Nous ne connaissons pas l’identité de ces « moines », mais nous savons que D’India a eu une importante activité musicale dans différentes églises à Modène entre le 15 décembre 1627 et le 2 août 1628. Voir le mandat de paiement no 35 de cet ouvrage. Le prince Alphonse d’Este. L’auteur de cette lettre fait référence au palais ducal de Modène, ce qui confirme la date erronée de cette correspondance.
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Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto etense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 78. 17. Le 4 février 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Fabio Carandini per lo Serenissimo Principe O di carnevale, ò di Quaresima, che guarisca il Cavaliere Sigismondo d’India, ambito che sarà ridotto à buon termine passate pur con lui quell’officio. Au Chevalier Fabio Carandini de la part du Prince Sérénissime, Que ce soit pendant le carnaval126 ou bien pendant le Carême127, pourvu que guérisse le Chevalier Sigismondo D’India et, dès qu’il aura recouvré la santé, négociez donc avec lui.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 40, lettre inédite. 18. Le 4 février 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo Havend’io alcune volte mandato a sapere della salute del Cavaliere Sigismondo d’India anco alla sua Casa, dove s’è transferito fuori del Palazzo, egli non so come vi saputolo, hà mandato a dirmi che desiderava di parlarmi invitandomi a transferirmi di persona alla detta sua Casa come feci subito et trovatolo in letto, mà non però gravato seppi, che non era impiegato in cosa particolare questo Carnevale, et lo trovai dispostissimo di venir à servir Vostra Altezza Serenissima, et havendomi anco conferito la qualità dell’indispositione mi parve che potrebbe essere in termine assai presto, cosi le hò consegnate le lettere et dettole, che le darò quaranta scudi sempre che vorrà partire, perche veda che ciò succeda in tempo di giungere in Modena almeno di dieci di prima del fin del Carnevale, et m’è parso di trovarlo in dispositione da stare quanto all’Altezza Vostra piacerà. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, J’ai à plusieurs reprises fait demander des nouvelles de la santé du Chevalier Sigismondo D’India, jusque dans sa maison, à l’extérieur du palais128, où il s’est installé. Ne sachant par quel moyen il l’a appris, il m’a fait savoir qu’il voulait me parler, m’invitant à me rendre en personne chez lui, ce que je fis immédiatement, le trouvant alité, mais pas dans un état grave. J’appris alors qu’il n’était pas particulièrement occupé pendant le carnaval de cette année et le trouvai très disposé à venir servir Votre Altesse Sérénissime. M’ayant également donné des informations sur sa maladie, il me semble qu’il pourra se rétablir assez rapidement. Ainsi, je lui ai remis les lettres et lui ai fait savoir qu’il aura quarante écus s’il est toujours prêt à partir, pourvu qu’il prévoie le temps d’arriver à Modène au moins dix jours avant la fin du carnaval129. Il m’a paru disposé à rester tout le temps que Votre Altesse voudra.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 5, lettre inédite. 126 127 128 129
Soit du 2 au 25 février 1626. Soit du 25 février au 9 avril 1626. Il s’agit du palais Orsini de Montegiordano. C’est-à-dire autour du 15 février 1626.
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Les correspondances
19. Le 7 février 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo Havendomi fatto sapere il signor Cavaliere Sigismondo d’India d’essere in termine di viaggiare le hò mandato un ordine al banco di scudi 40 conforme al commandamento di Vostra Altezza Serenissima, quali sò che hà effettivamente havuto il mio huomo le hà domandato la ricevuta, ma dice haverla fatta al banco, et voler partir fra due giorni. Ha ben mostrato poca voglia di dar la lettera al signor Prencipe Cardinale con tutto ch’io glielo habbia detto, scritto, et mandato a dire, parendomi che per ogni rispetto convenisse, mà egli dice esser libero, et poter far quel che le pare. Mando a Vostra Altezza Serenissima il conto di detti scudi 40 e di certe altre poche spese per obedirla, et humilissimamente le baccio le Serenissime mani per fine. Di Roma 7 febraro 1626. Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo et Devotissimo Servitore Fabio Carandini Ferrari. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India m’ayant fait savoir qu’il s’apprêtait à partir, j’ai donné ordre à la banque de lui verser quarante écus, conformément aux instructions de Votre Altesse Sérénissime, somme qu’il a effectivement retirée. Mon envoyé lui a demandé un reçu mais il dit l’avoir signé à la banque et vouloir partir dans deux jours. Il s’est montré peu désireux de remettre la lettre au Seigneur Prince Cardinal malgré tout ce que je lui ai dit, écrit et fait savoir sur ce qui me semblait convenable ; c’est qu’il affirme être libre et donc pouvoir faire ce qu’il veut130. J’envoie à Votre Altesse Sérénissime la note des 40 écus mentionnés ainsi que des quelques autres modiques dépenses pour mon service, baisant très humblement vos sérénissimes mains. Depuis Rome, le 7 février 1626. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très dévoué serviteur Fabio Carandini Ferrari.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 23, lettre inédite. 20. Le 11 février 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este En bas de page : Il Cavaliere Sigismondo ha havuto licenza del signore Prencipe Cardinale e dice di dover partire alla fine della settimana prossima […]. Humilissimo et Devotissimo Servitore et Vostro Fabio Carandini Ferrari. Le Chevalier Sigismondo D’India a eu la permission du Seigneur Prince Cardinal et dit devoir partir à la fin de la semaine prochaine. […] Votre très humble et très dévoué serviteur Fabio Carandini Ferrari.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 25, lettre inédite. 21. Le 15 février 1626131, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Fabio Carandini per lo Serenissimo […] Il Cavaliere Sigismondo d’India mi hà data con sue lettere parte di dover esser qui presto, e non può star à giungere, se sarà partito al giorno avvisato. Non mi piace, che non habbia voluto presentare al signor Cardinale 130 131
Cette remarque est intéressante en ce qu’elle montre le degré de liberté que le patron (Maurice de Savoie) octroie à l’artiste (D’India) qu’il protège. Le soir du même jour, à Rome, « In casa del signor Evandro Conti promosso dal signor Principe Aldobrandino Domenica sera fù recitato in musica l’Adone del Marini ridotto in Pastorale brevemente in versi sciolti, che riusci cosa bellissima non solo per l’esquisitezza delle voci, ma anche per l’apparato, e varietà d’habiti, e vestiti ; et Intermedij di diversi balletti ; et vi concorse gran numero de Titolati ; e Nobiltà primaria d’huomini, e Donne. », (I-Rvat), Urb. lat. 1096, Avvisi di Roma,
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di Savoia la mia, e secome egli si professa libero, e sciolto da ogni obligo di servitio con tutto ciò m’haverebbe fatto piacere à dar la detta lettera. Ma è musico, e musico bizzarrissimo. Hò per neccessario che suppliamo il suo maneramento, però con buona occasione direte à Sua Altezza ch’io havero usato i termini convenienti, e che il Cavaliere gli hà impediti con risolutione contraria al mio riguardo, che non voglio restar con dubbio di qualche similare impressione presso Sua Altezza per colpa d’altri. Col prossimo seguente ordinario farò rimettere i denari spesi da voi, gli avvisi del quale mi sono carissimi, pertanto dovete continuarme la sodisfatione che ne ricevo. E vi saluto per fine. Au Chevalier Fabio Carandini de la part du [Prince] Sérénissime [de Modène], […] Le Chevalier Sigismondo D’India m’a informé par ses lettres132 qu’il se rendra ici rapidement et que s’il n’arrive pas à temps c’est parce qu’il ne sera pas parti le jour prévu. Il ne me plaît pas qu’il n’ait pas voulu présenter ma lettre au Seigneur Cardinal de Savoie, et puisqu’il déclare agir librement, étant délié de toute obligation de service, il m’aurait néanmoins fait plaisir en remettant la lettre mentionnée. Mais c’est un musicien et un musicien très bizarre. Je considère qu’il faut compenser ce comportement. Vous direz cependant au moment opportun à Son Altesse que j’aurai pour ma part utilisé les formes adéquates mais que le Chevalier m’en a empêché par une décision contraire à mes instructions. Car je ne veux pas rester dans le doute d’une telle impression auprès de Son Altesse par la faute des autres. Lors de mon prochain courrier, je ferai verser l’argent que vous avez dépensé et vous donnerai des nouvelles qui me sont très chères. En attendant, continuez à me satisfaire dans vos occupations. Et pour finir, je vous salue.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 62-63, lettre inédite. 22. Le 22 février 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Fabio Carandini per lo Serenissimo Principe […] Hò gusto particolare che il Cavaliere Sigismondo d’India habbia poi usato quei denari, ch’erano tanto necessari, e ch’egli mostrava di non voler in modo a le usare. Hora non mi resta scrupolo circa la sodisfattione del Signor Cardinale di Savoia, come mi saria restato, e credemo d’esser in qualche necessità di passarne con Sua Altezza officio paticolare secondo che vi ordinai con le passate. Ma, se detto Cavaliere hà presentata la mia lettera non occorrerà altro. E vi saluto per fine. Au Chevalier Fabio Carandini de la part du Prince Sérénissime, […] Je suis particulièrement heureux que le Chevalier Sigismondo D’India ait enfin utilisé l’argent qui lui était si nécessaire et dont il semblait ne pas vouloir se servir. Je n’ai plus à présent d’inquiétude, comme j’ai pu en avoir, concernant le contentement du Seigneur Cardinal de Savoie car nous croyons qu’il est nécessaire de traiter de cette affaire avec Son Altesse ainsi que je vous l’ai ordonné dans mes précédentes missives. Mais si ledit Chevalier a déjà présenté ma lettre133, la question est réglée. Pour finir, je vous salue.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 68, lettre inédite.
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fo 84vo, le 18 février 1626. D’India, dans une lettre datée du 2 septembre 1627 et adressée au marquis Enzo Bentivoglio, affirme avoir composé toute la partie du protagoniste principal de ce drame musical (La Catena d’Adone) à la demande du prince Aldobrandini. Voir lettre no 9 des correspondances signées par le compositeur. Voir la lettre no 1 datée du 3 février 1626. Ainsi que l’affirme D’India lui-même dans la lettre (lettre no 2) qu’il a adressée au prince, datée du 9 février 1626.
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Les correspondances
23. Le 25 février 1626, Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo Vedrà Vostra Altezza Serenissima dal bilietto del Cavaliere Sigismondo d’India ch’egli hà fatto presentare la lettera al signor Cardinale di Savoia, et non di meno con la prima occasione ne dirò qualche parola a Sua Altezza. […] Di Roma 25 febraro 1626. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, Votre Altesse Sérénissime apprendra par la dépêche du Chevalier Sigismondo D’India qu’il a montré la lettre au Seigneur Cardinal de Savoie ; j’en dirai néanmoins quelques mots de vive voix à Son Altesse [le cardinal de Savoie] à la première occasion. […] Depuis Rome, le 25 février 1626.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 62, lettre inédite. 24. Le 28 février 1626, Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo […] S’il Cavaliere Sigismondo non serà partito le somministrarò il conveniente conforme all’ordine di Vostra Altezza Serenissima alla quale riverentemente m’inchino. Roma li 28 febraro 1626. Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo et Devotissimo Servitore Fabio Carandini Ferrari. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, […] Si le Chevalier Sigismondo D’India n’est pas encore parti, je lui ferai le versement qu’il convient conformément aux ordres de Votre Altesse Sérénissime devant laquelle je m’incline avec révérence. Depuis Rome, le 28 février 1626. De Votre Altesse Sérérnissime, le très humble et très dévoué serviteur Fabio Carandini Ferrari.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 74, lettre inédite. 25. Le 4 mars 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo Ho mandato a visitar questa mattina il Cavaliere Sigismondo d’India, et sapere della sua salute, et hò havuto relatione, che và riconvalendosi dell’ultima ricaduta, et spera al più di doversi incaminare al mezzo del presente mese, et che due di prima mi fara sapere di quanto denaro ha bisogno ch’io le sommistri, che Vostra Altezza Serenissima serà per avviso. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, J’ai envoyé quelqu’un rendre visite ce matin au Chevalier Sigismondo D’India pour m’informer de sa santé. J’ai appris qu’il se remettait de sa dernière rechute et qu’il espérait vivement pouvoir se mettre en route au milieu du mois en cours. Il me fera savoir deux jours avant la quantité d’argent dont il aura besoin afin que je la lui confie. Votre Altesse Sérénissime sera tenue au courant.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 1, lettre inédite.
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Deuxième partie
26. Le 14 mars 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Fabio Carandini per lo Serenissimo Principe Già che il cavaliero Sigismondo d’India non ha potuto mettersi in viaggio, per esser quà nell’utimo di Carnevale, ò al principio di quaresima, nella quale siamo horamai tant’oltre, se la presente giungerà in tempo che non sia partito ancora, ditegli che differisca à muoversi fin dopo l’ottava di Pasqua, che basterà allhora, et egli può intanto attendere à rihaversi interamente. Au Chevalier Fabio Carandini de la part du Prince Sérénissime, Puisque le Chevalier Sigismondo D’India n’a pas pu se rendre ici pour la fin du carnaval ou pour le début du Carême134 qui est désormais presque terminé, et si la présente lettre arrive avant qu’il ne soit parti, dites-lui de différer son déplacement pour après l’octave de Pâques135, ce qui sera suffisant. Ainsi, pourra-t-il d’ici-là recouvrer entièrement la santé.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 97, lettre inédite. 27. Le 25 mars 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo […] Al Cavaliere Sigismondo d’India hò fatto l’Ambasciata, et hà mostrato esserle stato cara la deliberatione, che s’è degnata l’Altezza Vostra di farle per poter in tanto valersi, et haver maggior sicurezza di tempo propitio per il camino, che sarà il fine di questa con humilmente inchinarmi à riverirla di Roma 25 Marzo 1626. Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo et Devotissimo Servitore et Vostro Fabio Carandini Ferrari. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, […] J’ai transmis le message au Chevalier Sigismondo D’India qui s’est montré très heureux de la décision que Votre Altesse a daigné prendre à son égard et qui lui sera profitable en attendant d’avoir une plus grande certitude concernant le moment opportun d’entamer le voyage prévu pour la fin du mois. Je m’incline humblement pour faire une révérence [à Votre Altesse] depuis Rome, le 25 mars 1626. De Votre Altesse Sérénissime, votre très humble et très dévoué serviteur Fabio Carandini Ferrari.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 68, lettre inédite. 28. Le 28 mars 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Fabio Carandini per lo Serenissimo Principe […] Mi contento, che il Cavaliere Sigismondo possa venir con ogni comodità, pigliando anche una lettica e se per far in tal modo il viaggio, e la condotta d’un giovinetto, e d’un servitore bisognano cento scudi, com’egli domanda, compitegli à tanta somma. Ma se si può far con menore, non gli date state più basso, che non intendo dargli che il necessario solo, parendome che per hora basti. E Dio vi prosperi. Au Chevalier Fabio Carandini de la part du Prince Sérénissime, […] Je me réjouis que le Chevalier Sigismondo [D’India] puisse venir avec toutes les commodités possibles en prenant en particulier un lit de voyage. Mais pour réaliser le trajet d’une telle manière, et si 134 135
C’est-à-dire la dernière semaine du mois de février et la première du mois de mars 1626. C’est-à-dire après le 19 avril 1626.
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Les correspondances
l’on y ajoute le déplacement d’un jeune garçon et d’un serviteur, il faudrait cent écus136. Si telle est sa demande, donnez-lui cette somme ; mais si l’on peut faire avec moins, ne la lui donnez pas remettez-lui une somme inférieure, parce que je n’entends lui accorder que le strict nécessaire, cela me paraissant suffisant pour le moment. Que Dieu vous apporte la prospérité.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 116, lettre inédite. 29. Le 31 mars 1626, le cardinal de Savoie au prince Alphonse d’Este Serenissimo signore mio Cognato osservatissimo Ho tardato sin’ al presente di rispondere a quella, che Vostra Altezza mi scrisse affin ch’io le mandassi il Cavaliere Sigismondo d’India perch’egli si ritrovava in quel tempo gravemente ammalato, et andava aspettando, che si fosse rimesso in miglior stato per esseguire le volontà di Vostra Altezza Hora se bene pare c’habbia recuperata in buona parte la sua sanità, essendomi interposto tanto tempo dubito forsi che non haverà più di bisogno, et che questa sua andata puotrebbe essere fuori di tempo, che perciò ho voluto ricercarne una più precisa volontà di Vostra Altezza Mentre lo faccio star pronto per partir subito al primo cenno di Vostra Altezza Alla quale per fine bacio affettuosamente le mani. Di l’ultimo Marzo 1626. Di Vostra Altezza Affettissimo Cognato Maurizio Cardinale di Savoia. Sérénissime Seigneur mon beau-frère137 très estimé, J’ai tardé138 jusqu’à présent à répondre à la lettre139 que Votre Altesse m’a écrite afin que je lui envoie le Chevalier Sigismondo D’India, parce qu’il était alors gravement malade et que j’attendais sa rémission pour satisfaire la volonté de Votre Altesse. Maintenant qu’il semble avoir recouvré en bonne partie sa santé et puisque j’ai longtemps hésité, pensant que [Votre Altesse] n’en aurait sans doute plus besoin et que son départ pourrait être trop tardif140, j’ai voulu me renseigner davantage sur la volonté de Votre Altesse en attendant d’ordonner [au musicien] de partir au premier signe de Votre Altesse dont je baise très affectueusement les mains. Le dernier jour de mars 1626. De Votre Altesse, le très affectionné beaufrère, le cardinal Maurice de Savoie.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1419 A/170, lettre inédite. 30. Le 4 avril 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo […] Al Cavaliere Sigismondo darò il necessario, quale è stato quà hoggi pronto a partire ogni giorno, mà tutta via siamo restati, che partirà fatto l’ottava di Pasqua, conforme all’ordine già dato da Vostra Altezza Serenissima. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, […] Je donnerai le nécessaire au Chevalier Sigismondo D’India qui est venu ici aujourd’hui et qui est prêt à partir à tout moment. Nous sommes toutefois convenus qu’il partira une semaine après le dimanche de Pâques141, conformément aux ordres que Votre Altesse Sérénissime a déjà donnés. 136 137 138 139 140 141
Voir la lettre (lettre no 2) que D’India a adressée au prince le 9 février 1626. Le prince Alphonse d’Este a épousé en 1608 Isabelle de Savoie, sœur du cardinal Maurice. En effet, le cardinal de Savoie est très occupé, durant les mois de février et mars, à défendre les affaires françaises au consitoire et à reprendre la diaconie ainsi que le titre de l’église de Santa Maria in Via lata. Voir (I-Rvat), Urb. lat. 1096, Avvisi di Roma, fo 71vo-72ro et 145ro, le 11 février et le 18 mars 1626. Le cardinal fait allusion à la missive du 18 janvier 1626. Voir la lettre no 13. Le musicien devait se rendre à Modène pour les fêtes du carnaval. Soit le 11 avril 1626.
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Deuxième partie
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 10, lettre inédite. 31. Le 10 avril 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Fabio Carandini per lo Serenissimo Principe […] Alla ricevuta della presente se il Cavaliere Sigismondo non sarà già in cammino, ditegli che vi si metta subito perche hò cagione di desiderar, che sia quà quanto prima. Au Chevalier Fabio Carandini de la part du Prince Sérénissime, […] Lors de la réception de la présente lettre, si le Chevalier Sigismondo [D’India] n’est pas encore parti, dites-lui de se mettre immédiatement en route car j’ai des raisons de vouloir qu’il arrive ici le plus vite possible.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 129, lettre inédite. 32. Le 15 avril 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo […] Il Cavaliere Sigismondo d’India questa mattina è stato dà me, et havendole mostrato, ch’essendo in perfetta salute, et il tempo favorevolissimo per viaggiare può venirsene in Carozza, et bastarli altri scudi 40 gliene ho fatto l’ordine al Banco di Santo Spirito, et li havrà già effettivamente havuti de quali è rimasto contento, et detto di voler partir domani, ò l’altro, et in ogni luoco predica gl’honori ricevuti da Vostra Altezza et la liberalità che ne hà esperimentato. […]. Di Roma 15 Aprile 1626. Di Vostra Altezza Serenissima […] Humilissimo et Devotissimo Servitore Fabio Carandini Ferrari. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, […] Le Chevalier Sigismondo D’India est venu chez moi ce matin. Lui ayant fait remarquer qu’il était en parfaite santé et que le temps était très propice pour voyager, il pourra partir en voiture. Il lui fallait encore 40 écus que je lui ai versés auprès du Banco di Santo Spirito142 . Il les a déjà retirés et, étant très satisfait de cette somme, il dit vouloir partir demain ou après-demain et vante en tous lieux les honneurs reçus par Votre Altesse ainsi que la libéralité143 dont il a bénéficié. […]. Depuis Rome, le 15 avril 1626. De Votre Altesse Sérénissime […], le très humble et très dévoué serviteur Fabio Carandini Ferrari.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 62, lettre inédite.
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Le retrait des quarante écus, en date du 15 avril 1626, apparaît dans les libri mastri de l’Archivio Storico della Banca d’Italia (ASBIT), contabilità, Inventario Devoti II.1.26, reg. 29, libro mastro 1626, sorties des mois d’avril à août, Illustrissimo Signor Fabio Carandini, fo 494 : « A di 15 detto quaranta monete pagati con scudi a sigismondo Dindia per uso del Viaggio. ». Nous remercions Fabrizio Martello, archiviste de cette institution, pour son aide précieuse. La libéralité est l’art de savoir donner, reconnaître et récompenser. Voir G. Guerzoni, « Liberalitas, Magnificentia, Splendor. Le origini classiche del fasto rinascimentale italiano », I giochi del prestigio. Modelli e pratiche della distinzione sociale, Cheiron, no 31-32, 1999, p. 49-82.
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Les correspondances
33. Le 18 avril 1626, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor et Padron Collendissimo […] Il Cavaliere Sigismondo d’India doppo haver havuti dal Banco di Santo Spirito gl’altri quaranta scudi, che col spatio passato avvisai a Vostra Altezza Serenissima andò con istesi à Frascati a licentiarsi dal signor Cardinale di Savoia di dove tornò la sera medesima, et hieri mattina di Venerdì le fece personalmente l’ambasciata ordinatami dà Vostra Altezza Serenissima et le lessi la particola della sua lettera, qual disse di volersi inviare hoggi, ò quanto prima trovasse Cavalcatura. Sérénissime Seigneur et Patron très honoré, […] Le Chevalier Sigismondo D’India, après avoir retiré les quarante écus supplémentaires au Banco di Santo Spirito, ainsi que j’en ai informé Votre Altesse Sérénissime la dernière fois, a utilisé cette somme pour partir à Frascati144 prendre congé du Seigneur Cardinal de Savoie et s’en est retourné le soir même. Hier matin, vendredi, je lui ai personnellement transmis le message de Votre Altesse Sérénissime, ainsi qu’elle me l’a ordonné, et lui ai lu un bref extrait de sa lettre. Il a répondu vouloir partir aujourd’hui, dès qu’il aura trouvé une voiture.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 82, lettre inédite. 34. Le 22 avril 1626, le prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari Al Cavaliere Fabio Carandini per lo Serenissimo Principe […] Hò caro, che il Cavaliere Sigimondo d’India si sia meso in cammino à questa volta, perche come dall’altre mie lettere le inteso io desiderava il suo l’animo di lui per qualche bisogno dell’opera sua. Au Chevalier Fabio Carandini de la part du Prince Sérénissime, […] Je suis heureux que le Chevalier Sigismondo D’India se soit enfin mis en route puisque je lui ai fait savoir, dans plusieurs de mes lettres, qu’ayant besoin de ses musiques, je désirais sa rémission.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 219, lettre no 146, lettre inédite. 35. Le 7 juillet 1626, le comte Fulvio Testi au duc Cesare d’Este145 Serenissimo Signor Padron Colendissimo Ubbidisco a i comandimenti di Vostra Altezza Serenissima e qui congiunta le mando la nota degl’Interlocutori della Favola : Il signor Cavaliere d’India la presenterà a Vostra Altezza et io supplicandola della continuazione della sua buona grazia umilissimamente me le inchino. Di Fredo li 7 Luglio 1626. Di Vostra Altezza Serenissima Umilissimo e Divotissimo Suddito e Servo Don Fulvio Testi.
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Le cardinal Maurice de Savoie se rend fréquemment à Frascati et notamment à la Villa Mondragone, propriété de son ami le cardinal Scipione Borghese, puis du duc de Fiano Orazio Ludovisi (voir la lettre no 9). Le cardinal Maurice se trouve en effet à Mondragone pour les Pâques de 1626 (voir la lettre de Fabio Carandini-Ferrari, datée du 16 avril 1626 et conservée à (I-MOs), Ambasciatori Roma, boîte 215, lettre no 68) et revient à Rome au mois de mai (voir id., lettre no 11 datée du 2 mai 1626). (1561-1628), père d’Alphonse d’Este et premier duc de Modène de 1598 à 1628. Voir O. Rombaldi, Cesare d’Este al governo dei ducati estensi (1598-1628), Modène, Aedes Muratoriana, 1989.
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Deuxième partie
Sérénissime Seigneur, Patron très honoré, J’obéis aux ordres de Votre Altesse Sérénissime et je lui envoie ci-joint la liste des interprètes de la fable146 : Monsieur le Chevalier D’India la présentera à Votre Altesse. Quant à moi, suppliant [Votre Altesse] de me conserver sa bonne grâce, je m’incline très humblement devant elle. À Fredo147, le 7 juillet 1626. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très fidèle serviteur et sujet Don Fulvio Testi.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria sezione generale, Carteggio di referendari, consiglieri, cancellieri e segretari, boîte 42, lettre publiée dans Maria Luisa Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. I, p. 105, lettre no 115. 36. Le 15 décembre 1626, le cardinal Maurice de Savoie au prince Alphonse d’Este Serenissimo signore mio Cognato osservatissimo […] E poi venuto il Cavalliere Sigismondo d’India dal quale hò havuto più particolari nuove di Vostra Altezza alla quale offrivo per sempre detto Cavalliere quando le verrà volontà di rihaverlo, insieme con altri musici che mi servono puotendo ella disporre liberamente di tutte le cose che dependono da me e come delle sue proprie Mentre per fine bacio di cuore a Vostra Altezza le mani Di Roma li 15 dicembre 1626. Sérénissime Seigneur mon beau-frère très estimé, […] Puis est venu le Chevalier Sigismondo D’India grâce à qui j’ai eu des nouvelles particulières de Votre Altesse148 à laquelle j’offrirai toujours ledit Chevalier quand elle aura la volonté de l’avoir à nouveau, ainsi que d’autres musiciens à mon service. Elle pourra disposer librement de toutes les choses qui m’appartiennent comme si elles étaient siennes. Enfin, je baise de tout cœur les mains de Votre Altesse. Depuis Rome, le 15 décembre 1626.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Carteggi con principi esteri, Roma, cardinali, boîte 1419 A/170, fo 3, lettre inédite. 37. Le 6 janvier 1627, l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este Serenissimo Signor Padron Collendissimo […] Il Cardinale di Savoia, come dicono partirà alli 18, ò 20 del corrente alla volta di Turino, et dicono passerà per Modena, come scrivo più a lungo al Serenissimo Duca. Il Cavaliere Sigismondo d’India dice haver detto a Sua Altezza, che senti il concerto di Vostra Altezza Serenissima, che e la miglior cosa del Mondo, dal quale le fosse risposto, che non sapeva se protrebbe trattenersi Qua dicono che sia per passar in Francia, ma in Casa di Sua Altezza dicono del ritorno à Quaresima, le cause della partita potrà imaginarsele senza ch’io gliel’accenni. […] Di Roma 6 Genaro 1627. Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo et Devotissimo Servitore Fabio Carandini Ferrari.
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Il s’agit de L’Isola d’Alcina. Seigneurie du sud de l’Italie appartenant au comte Testi, voir G. Tiraboschi, Vita del conte don Fulvio Testi, Modène, Società Tipografica, 1780, p. 108. D’India revient à Rome au début du mois de décembre 1626 après l’annulation, à Modène, de la représentation de L’Isola d’Alcina à cause de la mort d’Isabelle d’Este-Savoie et après avoir été sollicité pour composer la musique de la messe solennelle pour les funérailles de la princesse.
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Les correspondances
Sérénissime Seigneur, Patron très honoré, […] On dit que le cardinal de Savoie partira pour Turin149 entre le 18 et le 20 du mois [de janvier] et qu’il passera par Modène150, ainsi que je l’écris plus longuement au Duc Sérénissime151. Le Chevalier Sigismondo D’India affirme avoir dit à Son Altesse [le cardinal de Savoie] qu’il a entendu les musiciens au service de Votre Altesse152 et que c’était la meilleure chose du monde153. [Le cardinal] lui aurait répondu ne pas savoir s’il pourrait s’arrêter ici [à Modène]. On dit que ce serait pour aller en France, mais dans la maison de Son Altesse [le cardinal] on parle d’un retour [à Turin] pour le Carême. Les causes de son départ154, vous les imaginerez vous-même sans que j’aie à les mentionner. […] Depuis Rome, le 6 janvier 1627. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très dévoué serviteur Fabio Carandini Ferrari.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 216, correspondances non numérotées, fo 1-2, lettre inédite. 38. c. 1626-1627, le comte Ludovico d’Agliè à la princesse Marguerite de Savoie155 Alle Serenissima Infanta Marguerita Se nella rappresentatione di Sant’Eustachio, nella quale hebbi riguardo più al numero della musica, che de versi, e di mover più con la novità dell’armonia, che con la copia de concetti, non mi sarò mostrato intelligente. Poeta mi conoscerà almeno Vostra Altezza obbediente servitore, mentre per non scostarmi da i cenni di lei m’allontano da i comandi di chi m’impose il tenerla sepolta, sin che le desse vita la scena, ma forse con troppa baldanza si sarà esposta al regio Teatro della presenza di Vostra Altezza per mendicare qualche raggio di benignità che i suoi difetti adempia, com’io ne la supplico et a Vostra Altezza fò humilissima riverenza. Roma. 149
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Le cardinal Maurice quittera Rome pour Turin le 23 janvier 1627. Voir la lettre de Ludovico d’Agliè datée du 13 janvier 1627, conservée à (I-Ta), Corte, Materiale politico per rapporto all’estero, Lettere ministri, Roma, liasse 37/2. Le cardinal, ayant l’intention de revenir à Rome pour le mois de mai, laisse sa cour romaine et la plupart de ses gentilshommes : « Il Signor Cardinale di Savoia, qual venerdi prese l’ultima licenza da Nostro Signore con visitare anco l’Illustrissimo signor Cardinale Barberino. Sabbato mattina parti, come si scrissi, alla volta del Piemonte con solamente alcuni suoi principali Gentolhuomini, […], venend’accompagnato per buon pezzo di strada dal Cavagliere Ludovico d’Agliè suo mastro di Camera, che deve essercitare in questa Corte li negotij del Duca di Savoia, finche quell’Altezza farà provisione del suo Ambasciatore […]. Intendendosi, che li debiti lasciati, ascendino alla somma di circa 70 milla scudi poiche questo Signor Cardinale Principe è stato sempre con grandissima splendidezza, et liberalità, conform’il decoro della Serenissima sua Casa, havendo tuttavia pensiero di ritornare à Maggio prossimo. », (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1097, fo 50vo et 51ro-vo, le 27 janvier 1627. Le cardinal ne reviendra pas à Rome avant 1635. Le 4 février 1627 lors de son déplacement de Rome à Turin, le cardinal de Savoie se rend à Bologne et à Modène, voir (I-MOs), « Andata a Modena del Card. Maurizio di Savoia 1627-1635 », Documenti e carteggi di Stati e Città, Torino, serie 136. Le duc Cesare d’Este, père du prince Alphonse. Le prince Alphonse d’Este. En effet, le compositeur parle, dans la dédicace de son Huitième livre de madrigaux, composé à la cour d’Este à la fin de l’année 1623 et publié à Rome l’année suivante, de l’existence à Modène d’« un concerto musical formé par la réunion […] des meilleurs chanteurs que l’on puisse entendre en Europe. » (« Un musico concerto, formato da una adunanza […] de’ megliori cantanti, ch’hoggi ascoltar possa l’Europa. »), S. D’India, Ottavo libro de’ madrigali a cinque voci, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia, Rome, Robletti, 1624. Le cardinal de Savoie doit quitter Rome à cause des problèmes financiers liés aux dépenses excessives de sa cour et aux nombreuses dettes contractées. Voir G. B. Adriani, Memorie della vita e dei tempi di monsignor Gio. Secondo FerreroPonziglione, referendario apostolico, primo consigliere e auditore generale del principe cardinale Maurizio di Savoia, Turin, Ribotta, 1856, p. 227-230. Marguerite de Savoie est l’une des filles du duc Charles-Emmanuel, elle a épousé en 1608 le prince de Mantoue Francesco Gonzaga.
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Deuxième partie
À la Sérénissime Infante Marguerite, Si dans la représentation du Saint-Eustache156, j’ai prêté plus d’attention à la partie musicale qu’aux vers157, si je me suis plus ému de la nouveauté de l’harmonie que de l’illustration des concepts, c’est que je ne me suis pas montré intelligent. Poète me reconnaîtra au moins Votre Altesse, obéissant serviteur, tandis que pour ne pas me séparer de sa volonté je m’éloigne des ordres de qui m’imposa de la tenir [la représentation du Saint-Eustache] secrète jusqu’à ce que la scène lui ait donné vie ; mais sans doute sera-t-elle donnée très certainement au Théâtre royal [de Turin] en présence de Votre Altesse158 pour mendier quelque rayon de bonté qui la libérerait de ses défauts, comme je l’en supplie. Je fais à Votre Altesse une très humble révérence depuis Rome.
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Lettere ministri, Roma, liasse 37, p. 302, citée par Stanislao Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 92, n. 2. 39. Le 13 août 1627, Antonio Goretti159 au marquis Enzo Bentivoglio Illustrissimo Signor mio Padron Colendissimo Io havea grandissimo desiderio di parlare a Vostra Signoria Illustrissima nanti che venesse costà, per rispondere alli particolari che mi adimandò delli museci per le musiche e feste di Parma : non dissi in quel punto ciò ch’io dovea dire a Vostra Signoria Illustrissima, per ritrovarsi altre persone alla presenza. Veni però dalla Villa a Ferrara aposta, per passare alla presenza con Vostra Signoria Illustrissima ma trovò ch’éra partita, onde son necessitato a fastidirla con la presente mia, suplicandola a scusarmi. Dico che, per rispondere a quel particolare che lei dissi che credeva che volessero fare elezione per le musiche del dissi come anco replico, che è valente, né si può dire in contrario, ma è però anco vero che tiene certi pensieri in capo di voler essere tenuto il primo huomo del mondo, e che niuno sappi se non lui, e chi vol essere suo amico, e trattar seco bisogna gonfiarlo di questo vento, cosa che se si contentasse d’un poco, si potrìa tolerare, e darli questo gusto ; ma s’imbibisse poi tanto di questa frenesia che non Cavaliere Sigismondo d’India, voria sentire mai altro, in guisa tale che se ne gonfia e sbalza come balone ; mentre fà l’opera si può darli questo gusto, ma come veniamo poi al ristrito di ponere in pratica, e far cantar le musiche con le armonie ed acompagnamenti a proposito, che qui stà tutto il punto per far riuscire
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Il Sant’Eustachio est un drame sacré composé par D’India à Rome à la demande du cardinal de Savoie pour le carnaval de 1625. La musique et le livret ne nous sont pas parvenus, voir le chapitre 8 de la partie I, p. 267-269. Ludovico d’Agliè est l’auteur du poème de ce drame sacré. Alberto Basso (L’Eridano e la Dora festeggianti. Le musiche e gli spettacoli nella Torino di Antico regime, Lucques, LIM, 2016, vol. I, p. 237) ne semble pas tenir compte du présent document lorsqu’il attribut la paternité de ce poème au jeune Giulio Rospigliosi, le futur pape Clément IX, auteur du livret d’un autre Saint-Eustache, dédié au cardinal Francesco Barberini et mis en musique en 1643 par Virgilio Mazzocchi (Argomento del Santo Eustachio. Attione in musica, Rome, Stamperia della Reverenda Camera Apostolica, 1643). En effet, Rospigliosi, âgé de 25 ans, et alors secrétaire du pape Urbain VIII, fréquente l’Académie du cardinal de Savoie : « Nell’Accademia del signor Cardinale di Savoia giovedi sera il signor Giulio Rospigliosi fece la lettione, nella quale con occasione dello scorruccio di quella Corte trattò dello scorrucio. », (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1095, fo 92ro, le 15 février 1625. Ce discours, intitulé en effet « Dello scorruccio » (« Du courroux »), a été publié dans A. Mascardi, Saggi Accademici dati in Roma nell’Academia del Serenissimo Prencipe Cardinal di Savoia, Venise, Fontana, 1630, p. 294-300. Nous n’avons aucune trace de cette représentation. Néanmoins, le livre d’Andrea Rossotti (Syllabus scriptorum. Pedemontii, seu de Scriptoribus pedemontanis, Monteregali, Gislandi, 1667, p. 406) confirme le succès de la pièce de d’Agliè à Turin : « Item Dramma di San Eustachio notis musicis saepè Taurini, & Rome actum maximo applausu. » (« De même, le Dramma di San Eustachio mis en musique [par D’India] a été souvent donné à Turin et à Rome, grandement applaudi »). Musicien des cours de Ferrare et de Parme qui a également cherché à obtenir la commande de la musique des noces de Parme.
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Les correspondances
bene l’opera, di questo non si aplica punto il pensiero, e di questo ne sia testimonio, ove è stato per questi effetti e imparticolare a Turino, che là poveri virtuosi ebbero a impazire. […]. Di Ferrara il dì 13 agosto 1627 Di Vostra Signoria Illustrissima Humilissimo e devotissimo servitore di core Antonio Goretti. Mon très Illustre Seigneur, Patron très honoré, J’avais un très grand désir de parler à Votre Seigneurie Illustrissime avant qu’elle ne se vînt ici [à Ferrare] afin de satisfaire sa requête concernant les détails sur les musiciens pour les concerts et les fêtes de Parme. Je n’ai pas fait part, à cette occasion, de ce que je voulais dire à Votre Seigneurie Illustrissime à cause de la présence de plusieurs autres personnes. Je me suis donc rendu à Ferrare depuis la Villa 160 exprès afin de rencontrer Votre Seigneurie Illustrissime qui était absente. Je me vois donc obligé de l’importuner avec cette lettre en la suppliant de m’excuser. Je reviens sur un détail que vous avez exprimé et laissant entendre que l’on ferait le choix, pour la composition de la musique, du susnommé [Sigismondo D’India], qui, je le répète encore une fois, est talentueux, on ne peut dire le contraire, mais qui s’est pourtant mis en tête de vouloir être considéré comme le centre du monde et qu’à part lui, personne ne sait rien ; et qui veut être son ami et continuer de le fréquenter doit le gonfler de ce vent, chose que l’on pourrait tolérer, pour lui faire plaisir, s’il se contentait de peu, mais il est si sensible à cette frénésie que le Chevalier Sigismondo D’India ne voudrait jamais rien entendre d’autre, et c’est ainsi qu’il se gonfle et rebondit comme un ballon. On peut lui faire ce plaisir tandis qu’il compose, mais quand arrive le moment de répéter et de faire chanter les musiques avec l’accompagnement adéquat, s’agissant ici du point principal pour bien réussir une œuvre, il ne s’en occupe pas du tout, et de cela peuvent témoigner, particulièrement à Turin où il a agi de la sorte, les pauvres virtuoses qu’il a rendus fous161. […]. Depuis Ferrare, le 13 août 1627. De Votre Seigneurie Illustrissime, le très humble et de tout cœur très dévoué serviteur Antonio Goretti.
Archivio di Stato di Ferrara (I-FEs), Archivio Bentivoglio, boîte 208, fo 241, citée par Dinko Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999, p. 400-401, lettre no 817. 40. Le 28 août 1627, Alessandro Ghivizzani162 à la duchesse Marguerite Aldobrandini163 Serenissima Madama […] Io mi contentai di quietarmi con la geranza nell tempo delle nozze del Serenissimo Signor Duca Odoardo. Ma hora intendo […] sia conceduto ad altri l’honore et io tenuto indietro […]. Io non contrasto all’adoperarsi più virtuosi nelle occorrenze grandi come questa ma stimo dovermesi permettere il risentimento che nella musicha della comedia ne vengha proposto Sigismondo d’India al quale io non so di dover vedere in niente, e forse lo sanno quelli anchora, i quali non sono appasionati o verso di lui, o contro di me. Oltre che essendo gia venuta à questo Serenissimo servizio la Settimia mia Moglie con questa condittione di non dover cantar nella scena composizioni se non che mie sole in tal caso se si pensasse di servirsi di lei nella detta comedia, ci sarebbe uno ostacolo di più per rigreto di Sigismondo.
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Probablement de Parme. Sigismondo D’India a quitté la cour de Turin en mai 1623 « pour échapper à la malveillance de certains qui provoquèrent les plus mauvais rapports entre lui et Son Altesse. » (« Per sottrarsi alla malvagità d’alcuni i quali fecero di lui pessimi rapporti all’Altezza sua. »), lettre de Ludovico d’Agliè au prince Alphonse d’Este citée dans F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 76-77. 162 (c. 1571-c. 1635), musicien originaire de Lucques, époux de la célèbre chanteuse Settimia Caccini et également candidat pour la composition de la musique des noces de Parme de 1628. 163 Duchesse de Parme, épouse du duc Ranuccio Farnese, nièce du pape Clément VIII et sœur du cardinal Pietro Aldobrandini.
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Deuxième partie
Madame Sérénissime, […] J’étais résolu à me résigner concernant l’organisation des noces du Sérénissime Seigneur Duc Édouard164. Mais j’apprends maintenant […] que d’autres ont bénéficié de cet honneur et que l’on m’a tenu à l’écart […]. Je ne m’oppose pas à que l’on emploie nombre de virtuoses lors des grands événements comme celui-ci, mais je considère que l’on doit me permettre d’avoir des griefs concernant la musique de la comédie, laquelle a été proposée à Sigismondo D’India165 auquel je n’aurais jamais pensé, et c’est sans doute également l’avis de ceux qui ne se passionnent pas pour sa musique ou qui lui sont hostiles et même opposés à moi. J’ajoute que Settima166, ma femme, est déjà venue servir ce Sérénissime [le duc de Parme] à la condition de ne pas être tenue de chanter sur scène d’autres compositions que les miennes, au cas où l’on aurait pensé faire appel à elle pour ladite comédie, ce serait un obstacle de plus au regret de Sigismondo [D’India].
Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Carteggio farnesiano interno, boîte 372, cité partiellement par Tim Carter, « Intriguing laments : Sigismondo D’India, Claudio Monteverdi and Dido “alla parmigiana” (1628) », Journal of American Musicological Society, no 49/1, 1996, p. 50. 41. Le 9 août 1634, le comte Fulvio Testi au duc Francesco Ier d’Este de Modène167 Serenissimo Principe Dopo ch’io sono in proveder Vostra Altezza di musici, io le proporrò un mastro di cappella de’ più famosi ch’habbia l’Italia, il quale amibirebbe di ricoverarsi sotto la sua altissima protezione. Questi è un tale Girano, il quale per testimonio di quanti si dilettano di musica, è il miglior compositore ch’avesse Napoli ; e per bizzarria d’arie moderne e per far concerti vogliono che non abbia pari. Il signor Bellerofonte Castaldi che presentemente si trova in coteste parti ne portrà dare parte a Vostra Altezza più distinta relazione, essendomi supposto ch’egli n’habbia pratica e conoscenza di lunga mano. Egli è tagliato su la stampa del già cavaliere Sigismondo d’India, così brutto, cioè, di volto e così male in arnese. Credo che s’aggiusterebbe con partiti onesti, se ben di questo bisognerà poi trattar seco ; e quando Vostra Altezza sia risoluta di formar un corpo di musica, non può far di meno d’aver appresso di sé un suggetto di questa sorte. Non glielo propongo per cantore, ma per compositore perché, quanto al primo, egli ha una voce da spaventare o, per dir meglio, da far perdere chiunque la sente ; ma quanto al secondo, io ho sentite alcune cose che vermente mi sono parute mirabili. Aspetterò dunque d’intendere la mente di Vostra Altezza, alla quale con profondissima riverenza m’inchino. Di Vostra Altezza Serenissima Umilissimo e Fedelissimo Servo e suddito Don Fulvio Testi. Di Roma li 9 agosto 1634. Prince Sérénissime, Puisque je dois procurer à Votre Altesse des musiciens, je lui proposerai un maître de chapelle parmi les plus célèbres d’Italie, lequel aspire à être accueilli sous votre très haute protection. Il s’agit d’un certain
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(1612-1646), fils de Ranuccio Farnese, il a épousé Marguerite de Médicis en 1628. Finalement, aucune musique n’a été commandée à Sigismondo D’India mais à Monteverdi. Settimia Caccini. Francesco I d’Este (1610-1658) était le fils d’Alphonse d’Este et d’Isabelle d’Este-Savoie, le neveu du cardinal Maurice de Savoie, l’époux de Marie Farnèse et le duc de Modène de 1629 jusqu’à sa mort. Voir O. Rombaldi, Il duca Francesco I d’Este (1629-1658), Modène, Aedes Muratoriana, 1992. Concernant les intérêts artistiques de ce duc et de la cour d’Este, voir J. Southorn, Power and display in the seventeenth century. The arts and their patrons in Modena and Ferrara, Cambridge, Cambridge University Press, 1988, p. 91-93 ; Il principe e le cose. Studi sulla corte estense e le arti nel Seicento, éd. S. Cavicchioli, Bologne, CLUEB, 2010 et S. Cavicchioli, « Considerazioni sugli interessi artistici di Francesco I attraverso la corrispondenza diplomatica con Roma », La corte estense nel primo Seicento. Diplomazia e mecenatismo artistico, éd. E. Fumagalli et G. Signorotto, Rome, Viella, 2012, p. 239-262.
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Les correspondances
Girano168, lequel, d’après ceux qui se délectent de musique, est le meilleur compositeur de Naples169 ; cela aussi bien pour la bizarrerie de ses arie modernes170 que pour ses pièces concertantes, si bien qu’on prétend qu’il n’a pas d’égal. Le Sieur Bellerofonte Castaldi171, qui se trouve à présent dans cette ville, pourra donner à Votre Altesse Sérénissime un témoignage plus précis, puisque je suppose qu’il a une pratique et une connaissance de longue date en la matière. Il est du même acabit que feu le Chevalier Sigismondo D’India172, c’est-à-dire aussi laid de visage et aussi mal habillé. Je pense qu’il s’accommoderait d’une rémunération raisonnable, même s’il faudra traiter cette question avec lui plus tard. Quand Votre Altesse se décidera à former un groupe de musiciens, elle ne pourra pas faire moins que d’avoir auprès d’elle une personne de cette qualité. Je ne le lui propose pas comme chanteur mais comme compositeur puisque, concernant le premier point, il a une voix à faire peur ou, pour être plus précis, à faire s’évanouir celui que l’écoute. Quant au second point, j’ai entendu des choses qui m’ont semblé vraiment admirables. J’attendrai donc de savoir les intentions de Votre Altesse devant laquelle je m’incline avec une révérence très appuyée. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très fidèle serviteur et sujet Don Fulvio Testi173. Depuis Rome, le 9 août 1634174.
Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria sezione generale, Carteggio di referendari, consiglieri, cancellieri e segretari, Minute e memorie di cancelleria. Sec. xvii, boîte 188, lettre publiée dans Maria Luisa Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. II, p. 336, lettre no 863.
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Il s’agit du compositeur napolitain Pietro Antonio Giramo ou Girolamo, mort dans les années 1630 et auteur de plusieurs livres d’Arie, voir J. Whenham, « Giramo [Girolamo], Pietro Antonio », The New Grove. Dictionary of Music and Musicians. Second edition, éd. S. Sadie, 2001, vol. IX, p. 899 et D. Fabris, Music in Seventeenth-Century Naples. Francesco Provenzale (1624-1704), Aldershot, Ashgate, 2007, p. 11-12 et n. 55. En ce qui concerne la circulation du style napolitain à Modène, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 227 et 230. P. A. Giramo, Arie a più voci, Naples, Beltrano, 1630. En ce qui concerne les rapports de Bellerofonte Castaldi (1581-1649) avec la cour de Modène, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 225-227 et 230. Il est intéressant de remarquer que Fulvio Testi compare D’India à un compositeur napolitain aussi bien dans leur apparence physique que dans la bizarrerie et la modernité de leur musique. Fulvio Testi a entre les mains, depuis 1633, « la cura degli interssi di Modena a Roma », voir D. Frigo, « Negozi, alleanze e conflitti. La dinastia estense e la diplomazia del Seicento », La corte estense nel primo Seicento, op. cit., p. 83. Voir aussi S. Cavicchioli, « Considerazioni sugli interessi artistici di Francesco I », id., p. 251-254. Le prince Alphonse IV d’Este naît le mois de février 1634. Le duc Francesco fait donner un tournoi à cette occasion. Quelques mois plus tard, au mois d’août – date de la correspondance en question –, le même duc organise « una vaghissima giostra » pour la venue à Modène du cardinal de Savoie. Voir L. Amorth, Modena Capitale. Storia di Modena e dei suoi duchi dal 1598 al 1860, Modène, Aedes Muratoriana, 1961, p. 32. Enfin, un autre musicien ayant fréquenté Sigismondo D’India entre 1624 et 1627 à la cour romaine du cardinal de Savoie entre au service du duc Francesco d’Este la même année (1634). Il s’agit du compositeur génois Michelangelo Rossi (c. 1602-1656), également violoniste et virtuose du clavier. Il restera à la cour de Modène probablement jusqu’en 1638. Voir A. Morelli, « Rossi, Michelangelo », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 2017, vol. LXXXVIII, p. 676.
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1 Les préfaces Le premier livre des Musiche de 1609
LE MVS
ICHE DI SIGISMONDO D’INDIA NOBILE PAL ERMITANO DA CANTAR SOLO NEL CLAVICORDIO CHITARRONE ARPA DOPPIA ET ALTRI ISTROMENTI SIMILI nuovamente date il luce IN MILANO, Appresso l’herede di Simon Tini, & Filippo Lomazzo, compagni. M. DC. IX.
AL CORTESE LETTORE. MOSSO dal quel desiderio, che in noi naturalmente s’annida, di sapere, come c’insegna il Prencipe de Filosofi, io infino dalla fanciullezza mia procurai di conversare con huomini intelligenti della Musica, & da suoi dotti discorsi imparare ciò, che disederavo sapere sì del comporre à più voci, come del cantar solo : & per servire à gli amici, più che per compiacere à me stesso, io mi posi poi a ricercar alcune diligenze particolari per ben cantare ad una sol voce, & ritrovai che si poteva comporre nella vera maniera con intervalli non ordinarij, passando con più novità possibili da una consonanza all’altra, secondo la varietà de i sensi delle parole, & che per questo mezo i canti havrebbono maggior affetto & maggior forza nel movere gli affetti dell’animo di quello, c’havessero potuto operare, se fossero state composte tutte ad un modo con ordinarij movimenti, tanto più vedendo io che presso de i valenti huomini erano in poca stima quelle musiche, che seguitavano un medesimo stile con modulatione hormai ordinaria cosi nel recitar la parola, come anco nel modo di passeggiare ; la qual cosa causa il più delle volte questo effetto ne gli ascoltanti, che sentito un Madrigale, overo un’Aria in detto stile, pare seguitando poi di sentir sempre l’istesso. Onde in gratia d’alcuni Cavaglieri composi al mio modo il madrigale, Cara mia cetra andianne. Riede la Primavera. Là tra le selve. Donna vorrei dir molto. & altri ; & passeggai nell’istesso tempo sul Basso dell’aria di Genova le tre ottave del Tasso, che cominciano, Sovente alhor, così sul Basso di Ruggier da Napoli l’aria, Vostro fui, vostro son, insieme con altri Madrigali, de quali alcuni ne hò fatto stampare in questa opera mia ; & si vedrà ch’io
Deuxième partie
fuggo quei passaggi ordinarij hormai fatti communi ; ma perche in questa professione della Musica non mi son compiaciuto cosi facilmente delle cose mie, ancor che le vedessi honorate da i miglior Musici, & cantanti d’Italia, mi risolsi andarmene à Roma per farle sentire a quei principal virtuosi, & in particolare all’Illustrissimo Signor Abate Farnese, il quale altrevolte per sua bontà s’era compiaciuto delle musiche mie, & ritrovai che à richiesta d’alquanti Musici di quella città, n’haveva dato fuori diverse copie à mano, & erano favorite oltre ogni suo merto da i più famosi musici, & cantanti, & fatte degne dell’orecchie di tanti Illustrissimi Cardinali, e Prencipi. Et nel mio ritorno a Firenze io stesso ne cantai alcune alla Signora Vittoria Archilei, Musica di quella Serenissima Altezza, & sopra ogn’altra cantante eccellentissima ; la quale come intelligentissima di questa professione mi esortò a seguire questa mia maniera, dicendo non haver udito stile, che avesse tanta forza, & che insieme spiegasse il concetto con tal diversità di corde, varietà d’armonia, & con si nova maniera di passeggiare ; & non contenta dei favori ch’anco fece a bocca alle musiche mie, mentre le prime Cantatrici del Mondo in casa del Signor Giulio Romano si concertavano per le Comedie, & feste delle nozze di quell’Altezza, volse anco concertatole da se honorarle con la dolcezza, & soavità del suo canto ; come fece anco l’eccellentissimo Musico il Signore Giulio Caccino, detto Romano. Però vedendo io questi miei Componimenti esser stato tanto graditi, per far maggior acquisto d’amici, sapendo che come è infelicità l’esserne privo, cosi è felicita l’esserne copioso, hò voluto darli alle stampe. & se non saranno di gusto di qualch’uno, quello dovrà almeno gradir l’affetto, non havendo io altra intentione che di far acquisto della gratia sua in quel miglior modo che mi è concesso. & viva felice.
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Les préfaces
MONO-
DIES ACCOMPAGNÉES DE SIGISMONDO D’INDIA NOBLE PALERMITAIN POUR CHANT SOLISTE AVEC CLAVECIN, THÉORBE, HARPE DOUBLE ET AUTRES INSTRUMENTS SIMILAIRES nouvellement publiées À MILAN, Chez l’héritier de Simon Tini et Filippo Lomazzo, associés. 1609.
AU COURTOIS LECTEUR. MÛ par ce désir, qui se niche naturellement en nous, de savoir, comme nous l’apprend le Prince des Philosophes1, dès ma prime jeunesse j’entrepris de converser2 avec des hommes savants en musique et à partir de leurs doctes discours d’apprendre ce que je désirais savoir tant de l’art de composer à plusieurs voix que de celui du chant soliste3 : afin de me mettre au service des amis, plutôt que pour me contenter moi-même, j’entrepris ensuite de rechercher quelques subtiles particularités pour bien chanter à une seule voix, et je découvris que l’on pouvait composer de manière véritable en utilisant des intervalles non ordinaires4, en passant avec le plus d’audace possible d’une consonance5 à l’autre selon la variété de sens des paroles, et que, par ce moyen, les compositions vocales auraient une expression plus puissante et une force plus grande pour toucher les passions de l’âme6 que celle qui aurait 1 2
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Concernant l’influence de la pensée d’Aristote dans la culture musicale de cette époque, voir G. Morpurgo Tagliabue, Aristotelismo e barocco, Rome, Bocca, 1955. Voir aussi R. Tuck, « Romans and Aristotle », Philosophy and Government 1572-1651, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 6-12. En ce qui concerne l’art de la conversation en tant que processus de civilisation et pratique sociale à cette époque, voir S. Guazzo, La civil conversatione, Vinegia, Altobello Salicato, 1579, éd. moderne A. Quondam, Ferrare, Panini, 1991, 2 vol. Voir aussi M. Fumaroli, L’âge de l’éloquence. Rhétorique et « res literaria », de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Genève, Droz, 1980 et J. Balsamo, « Il cortegiano malincolico : alcuni osservazioni sulla Civil conversatione di Stefano Guazzo », Malinconia ed allegrezza nel Rinascimento, éd. L. Rotondi Secchi Tarugi, Milan, Nuovi orizzonti, 1999, p. 19-29. En effet, D’India se déclare autodidacte, même s’il est difficile de croire qu’il ait appris à composer uniquement grâce à des conversations avec des « hommes savants ». Concernant les hypothèses sur la formation musicale de D’India, voir le chapitre 1 de la partie I, p. 33-34. Pour une illustration des voies suivies lors de l’étude de la musique à cette époque, voir L. Zacconi, Prattica di musica, Venise, Vincenti, 1622, livre III, vol. II, chap. 33 et 34. D’India préconise l’utilisation de sauts d’intervalles inattendus qui renforcent l’expressivité vocale. Concernant la consonance musicale à la fin du xvie siècle, voir P. Vendrix, « Consonance », Vocabulaire de la musique de la Renaissance, Paris, Minerve, 2016, p. 63-64. Le compositeur affirme sans ambiguïté les préceptes de la seconda pratica selon lesquels la musique doit imiter la parole et faire éprouver à l’auditeur le contenu affectif qui y est représenté : la musique est servante de la parole. Concernant ce changement acoustique inédit, voir P. E. Carapezza, Le costituzioni della musica, Palerme, Flaccovio, 1999 et S. La
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Deuxième partie
été produite si elles avaient été toutes composées de la même manière avec un rythme ordinaire7. Me rendant compte que parmi les hommes de goût on appréciait guère ces musiques qui suivaient un même style fait de modulations désormais ordinaires, que ce soit dans le récit de la parole8 ou dans la manière d’ornementer9 ; ce qui produit cet effet la plupart du temps chez les auditeurs : une fois entendus un madrigal ou un air dans ce style, il semble que l’on continue à entendre toujours le même10. Aussi, pour remercier certains Chevaliers, je composai à ma manière les madrigaux Cara mia Cetra andianne11, Riede la Primavera12, Là tra le Selve13, Donna vorrei dir molto14 et d’autres encore ; je réalisai également des ornementations des trois ottave du Tasse qui commencent par Sovente allor15 sur la basse
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Via, « L’espressione dei contrasti fra madrigale e opera », Storia dei concetti musicali. Espressione, forma, opera, vol. II, éd. G. Borio et C. Gentili, Rome, 2007, p. 31-63. La récurrence du thème de la mise en mouvement des affects (muovere gli affetti), de l’excitation des passions, dévoile un monde où la rhétorique, en tant qu’expérience de la parole dans un but persuasif, est prééminente, voir A. Battistini, « Barocco e Decadenza », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 272-273. D’India fait référence à la notion aristotélicienne de mimèsis selon laquel on peut imiter le langage (le texte et son contenu affectif) par des rythmes figurés dans un cadre performatif (le chant, la danse). En effet, l’un des plus grands changements de la pratique du chant monodique orné est l’élargissement de la notion de tactus. La monodie accompagnée, nouvel organisme verbal et sonore, plaçait le compositeur du début du xviie siècle devant une tâche difficile ; celle de noter une nouvelle rythmique vocale fondée sur la prosodie et la déclamation. Concernant l’histoire de ce type de chant, voir P. Vendrix, « Monodie », Vocabulaire de la musique de la Renaissance, op. cit., p. 126-127. Le compositeur préconise ici à l’utilisation de différents styles vocaux afin de renforcer la narration musicale. D’India préconise le raffinement et la sophistication de l’ornementation. Cette nouvelle manière d’ornementer demande l’utilisation d’un ambitus vocal plus large, proche du geste, et conjugue nouveauté, variation et improvisation. Le compositeur se détache ici, dans la recherche d’un style d’ornementation personnel, de Giulio Caccini. Voir J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, Ann Arbor, UMI Research Press, 1981, p. 71. Voir également P. Gargiulo, « Da Peri, Caccini, Gagliano “a’ cortesi lettori”. Per una ri-lettura di storiche prefazioni », Lo stupor dell’invenzione. Firenze e la nascita dell’opera. Atti del convegno internazionale di studi, Firenze 5-6 ottobre 2000, éd. P. Gargiulo, Florence, Olschki, 2001, p. 15-29. Concernant la monotonie et l’évolution du style récitatif à cette époque, voir C. Gianturco, « Nuove considerazioni su “il tedio del recitativo” delle prime opere romane », Rivista Italiana di Musicologia, no 18/2, 1982, p. 212-239. À cet égard, nous pouvons lire dans une chronique rédigée par Giovanni Battista Agucchi à propos du mariage de Marie de Médicis à Florence en date du 2 octobre 1600 : « La sera si fece la Comedia principale in Musica [L’Euridice de Jacopo Peri], che per l’apparato scenico e gl’Intermedij meritò molta lode ma il modo di cantarla venne facilmente à noia, oltre che non sempre il movimento delle machine è riuscito felice. », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Misc. Arm. XV, liasse 206, « Diario del viaggio fatto dal Cardinale Pietro Aldobrandino nell’andar Legato a Firenze per la celebratione dello sposalitio della Regina di Francia e da poi in Francia per la pace », fo 31ro-vo. Nous remercions Gianfranco Armando de nous avoir signalé ce document. Sur un poème anonyme déjà mis en musique par Alfonso Fontanelli en 1604. A. Fontanelli, Secondo libro de Madrigali senza nome. A cinque voci, Venise, Gardano, 1604. Sur un poème de Giambattista Marino extrait des Rime (Venise, Ciotti) de 1602 qui s’inspire d’un poème d’Angelo Grillo – prêtre génois et auteur dont D’India a mis en musique le poème « Son sì belle le rose » dans son livre de villanelles de 1608 – mis en musique par Orazio Vecchi dans ses Canzonette a sei voci, Venise, Gardano, 1587. Voir A. Martini, « Marino e il madrigale attorno al 1602 », The Sense of Marino. Literature, Fine Arts and Music of the Italian Baroque, éd. F. Guardiani, New York, Legas, 1994, p. 370-371. Sur un poème anonyme. Sur un poème de Giambattista Marino extrait des Rime de 1602, op. cit. Il s’agit de Sovente allor, E diceva piangendo et Forse avverrà (Gierusalemme liberata, poema heroico del sig. Torquato Tasso, Ferrare, Baldini, 1581, chant VII, strophes 19 à 21). Les autres passages de la Jérusalem délivrée mis en musique dans ce recueil sont Misera, non credea, Da l’onde del mio pianto et Ma che ? squallido e oscuro (chant XIX, strophes 106 et 107) ainsi que Forsennata gridava et Là tra ‘ l sangue (chant XVI, strophes 40 et 60).
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Les préfaces
de l’air de Gênes16, de même que l’air Vostro fui vostro son17, sur la basse du Ruggiero de Naples18, avec d’autres madrigaux dont certains ont été publiés dans ce recueil19 où l’on pourra constater que j’évite les ornementations ordinaires qui sont désormais banales. C’est en connaissance du métier de la musique que je ne me suis pas satisfait de mes compositions, et bien que je les aie vues honorées par les meilleurs musiciens et chanteurs d’Italie, j’ai décidé de partir à Rome20 pour les faire entendre aux principaux virtuoses, et en particulier à l’Illustrissime Seigneur Abbé Farnèse21 qui avait déjà eu la bonté, dans d’autres occasions, d’apprécier mes musiques, me rendant compte qu’à la demande de quelques musiciens de cette ville22, il en avait fait plusieurs copies manuscrites, devenant ainsi les préférées, outre leur mérite, des musiciens et des chanteurs les plus célèbres, mais également dignes des
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Pour la basse de cette monodie, voir A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005, p. 51. Sur un poème de Bernardo Tasso publié dans Prima parte delle stanze di diversi illustri poeti. Raccolte da M. Lodovico Dolce a commodita & utile de gli studiosi della lingua thoscana, Vinegia, Ferrari, 1575. Le compositeur réalise deux variations mélodiques sur la basse du Ruggiero de Naples et utilise également cette basse pour les quatre variations du madrigal à deux voix Dove potrò mai gir tanto lontano. Concernant cette basse, voir P. Vendrix, « Ruggiero », Vocabulaire de la musique de la Renaissance, op. cit., p. 157. Pour ce qui est des variations strophiques des monodies de D’India, voir J. Joyce, « I cinque libri de Le Musiche di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 118 et W. T. Crannell, The strophic variation in the monodies of Giulio Caccini, Jacopo Peri and Sigismondo d’India, Anne Arbor, UMI, 1995. Concernant la nouveauté que représente à cette époque la publication de livres de monodies accompagnées à travers une réflexion sur la conceptualisation, la notation, la lecture et la pratique de cette nouvelle musique, voir T. Carter, « Printing the “New Music” », Music and the Cultures of Print, éd. K. van Orden, New-York-Londres, Garland, 2000, p. 3-37. Voir aussi N. Fortune, « Italian Secular Monody from 1600 to 1635. An Introductory survey », The Musical Quarterly, no 39/2, 1953, p. 171-195. Rome est en effet, dans les premières années du xviie siècle, l’un des centres artistiques (arts figuratifs, musique) les plus importants et les plus effervescents d’Europe. Il s’agit de l’abbé Diofebo Farnese (c. 1587-1622), fils de Mario Farnese de la branche de Latera (province de Viterbe), prélat de la curie romaine, patriarche de Jérusalem, membre du tribunal suprême de l’Église (Referendario della Segnatura Apostolica) et dédicataire du Quatrième livre de madrigaux (1616) du compositeur. Sur ce personnage, voir le chapitre 3 de la partie I, p. 124-127. L’abbé vit avec son père, qui est un personnage important à la cour de Rome dans les années 1609-1611, dans un palais de la « strada Giulia » près du palais Farnèse, voir Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1079, fo 694ro-vo, le 12 octobre 1611. En ce qui concerne Mario Farnese, voir S. Andretta, « Farnese, Mario », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 1995, vol. XLV, p. 108-112. Nous pensons à Alfonso Fontanelli, à Frescobaldi, arrivé à Rome en 1607, à Domenico Allegri, qui retourne à la Ville en 1609, à Domenico Massenzio – originaire, tout comme l’abbé Farnèse, de la province de Viterbe –, à Paolo Quagliati ou à Antonio Cifra, ainsi qu’aux nombreux musiciens et chanteurs « virtuoses » venus de Naples, attirés par la cour du cardinal Montalto à Rome comme Cesare Marotta (c. 1580-c. 1630), joueur de luth, chanteur et compositeur, arrivé à Rome en 1604. Sur ce dernier, voir J. W. Hill, « Marotta, Cesare », Grove Music Online et S. Ebert-Schifferer, « Caravaggio dilettante di musica ? », La musica al tempo di Caravaggio, éd. S. Macioce et E. De Pascale, Rome, Gangemi, 2012, p. 31. Voir aussi J. Chater, « Musical Patronage in Rome at the Turn of the Seventeenth Century. The Case of Cardinal Montalto », Studi Musicali, no 16/2, 1987, p. 179-228 ; J. W. Hill, Roman Monody, Cantata, and Opera from the Circles around Cardinal Montalto, Oxford, Clarendon Press, 1997, vol. I, p. 39 et 140-179 et B. Granata, Le passioni virtuose. Collezionismo e committenze artistiche a Roma del cardinale Alessandro Peretti Montalto (1571-1623), Rome, Campisano, 2012.
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Deuxième partie
oreilles de très nombreux Illustres cardinaux23 et princes24. Lors de mon retour à Florence25 j’en ai chanté moi-même plusieurs à Madame Vittoria Archilei26, musicienne de cette Sérénissime Altesse27 et chanteuse d’exception au-dessus de toutes les autres ; qui très experte en la matière, m’exhorta à continuer de composer à ma manière en disant ne jamais avoir entendu de style qui eût tant de force et qui en même temps en illustrât le sens des paroles avec une telle diversité d’affects, une telle variété d’harmonie28 et avec une manière aussi nouvelle d’ornementer29. Et non contente des compliments qu’elle adressa à ma musique de sa propre bouche, tandis que les principales cantatrices du monde se concertaient chez le Sieur Giulio Caccini le Romain30 pour les comédies et les fêtes des noces de cette Altesse31, voulut encore les interpréter en personne en les honorant avec la douceur et la suavité de son chant, comme le fit aussi l’excellent musicien, le Sieur Giulio Caccini dit le Romain. Ainsi, me rendant compte que ces miennes compositions ont été si appréciées et afin de gagner plus d’amis, sachant le malheur d’en être dépourvu et combien il est heureux d’en avoir beaucoup, j’ai voulu les faire imprimer. Et si elles ne plaisent pas à tous, elles devraient au moins satisfaire la sympathie, n’ayant d’autre intention que de gagner en considération et de la meilleure manière qui me sera possible. Vivez heureux.
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Nous pensons au cardinal Odoardo Farnese, qui entretient des musiciens, mais également aux cardinaux Pietro Aldobrandini, Scipione Borghese, Francesco Maria del Monte, Alessandro Peretti Montalto ou Bonifazio Caetani. Nous pensons aux nobles qui fréquentent le palais Farnèse à Rome comme les Orsini ou les Altemps ou encore les familles Peretti, Borghese, Ludovisi et Aldobrandini. Le compositeur voyage à cette époque entre Florence, Naples, Rome, Parme et Plaisance. Il s’agit de Vittoria Concarini, célèbre chanteuse romaine, épouse du compositeur, chanteur et luthiste Antonio Archilei, protégée de Virginio Orsini et très active à Florence. Voir F. Hammond, « Musicians at the Medici Court in the Mid-Seventeenth Century », Analecta musicologica, no 14, 1974, p. 157, 159 et 168 ; M. Borgato, « Concarini, Vittoria, detta la Romanina », Dizionario Biografico degli Italiani, op. cit., 1982, vol. XXVII, p. 707-708 et W. Kirkendale, The Court Musicians in Florence during the Principate of the Medici. With a Reconstruction of the Artistic Establishment, Florence, Olschki, 1993, p. 262-276. Le grand duc de Toscane Ferdinand Ier de Médicis, mort peu de temps après la publication de cette préface. Les Archilei passeront par la suite au service de Cosme II de Médicis. Concernant la définition du terme harmonie à la Renaissance, voir P. Vendrix, « Harmonie », Vocabulaire de la musique de la Renaissance, op. cit., p. 93-94. En effet, le compositeur, qui insiste particulièrement dans cette préface sur sa « nouvelle manière d’ornementer », est décrit à la même époque comme « naturel dans les notes pures, expert de celles altérées, égal dans l’ornementation, vif dans les trilles et joueur de théorbe non inférieur à Salomone [Rossi]. » (« naturale nelle note pure, artificioso delle alterate, equal ne’ passaggi, vivo ne’ trilli, e suonator di chitarrone non inferiore a Salomone Hebreo. »), F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 398. Nous pensons, entre autres, aux deux filles de Giulio Caccini : Francesca et Settimia, toutes deux au service des grands ducs de Toscane entre 1602 et 1617. Voir F. Hammond, « Musicians at the Medici Court », op. cit., p. 157 et 169. Le compositeur fait référence aux noces de Cosme II de Médicis avec Marie-Madeleine d’Autriche qui ont eu lieu à Florence en septembre 1608. Voir Descrittione delle feste, fatte nelle nozze de’ serenissimi prencipi di Toscana, D. Cosimo de’ Medici, e Maria Maddalena arciduchessa d’Austria, Florence, Giunti, 1608.
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Les préfaces
Le troisième livre des Musiche de 1618
LE MVSICHE
DEL SIGNOR SIGISMONDO D’INDIA. Maestro della Musica di Camera del Serenissimo Signor Duca di Savoia. libro terzo a vna e dve voci. Nuovamente stampate. IN MILANO, Appreso Filippo Lomazzo, 1618.
FILIPPO LOMAZZO
A Nobili Spiriti, e Peregrini Ingegni professori della Musica. E molto tempo ch’io viveva desideroso di dare in luce il Terzo Libro delle Musiche del Signor Sigismondo d’India, non potendo havere il secondo per accompagnarlo co’l primo, pur stampato da me ; hora con l’occasione ch’esso si ritrova à Milano di passaggio, l’hò pregato à favorirme di queste sue compositioni, le quali hò ottenute non con poca fatica da esso Signore, le mando in luce, acciò si veghi questa opera, divino parto del miglior ingegno ch’hoggi viva in tal professione, essendomi mosso à farla stampare di bellissima stampa per giovare à chi essercita questa nobile arte di ben Cantare, che non potendo ogn’uno per aventura sentirle dal proprio Autore, (il quale nella età nostra non hà pari nella maniera del Cantar solo, per quanto hò sentito discorrere da molti valenti huomini) possino gli altri vedere almeno da suoi scritti, la nobile armonia, & maniera che risuona nell’animo suo, per mezzo di questa sua fatica, che per haver visto io l’esito grande ch’hebbe il primo Libro delle sue Musiche, à una, e due voci, stampato la prima volta da me, mi son risoluto hora al presente di ristampare il secondo libro à due voci ; stampato in Venetia, e questo faccio volendo per sorte alcuno questi componimenti, possino haver tutti tre i libri d’una medesima stampa ; godete di queste fin tanto ch’esso va preparando altre opere sue per compiacermi, & io per farvene parte, e vivete felici.
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Deuxième partie
MONODIES ACCOMPAGNÉES
DU SIEUR SIGISMONDO D’INDIA. Maître de la Musique de Chambre du Sérénissime Seigneur Duc de Savoie. troisième livre à une et deux voix. Nuovellement publiées. À MILAN, Chez Filippo Lomazzo, 1618.
FILIPPO LOMAZZO32.
Aux nobles esprits et insolites talents qui exercent la musique. J’étais désireux depuis un certain temps de publier le Troisième livre des Musiche du Sieur Sigismondo D’India, n’ayant pas pu en publier le Deuxième33 qui faisait suite au Premier que j’ai imprimé34. Maintenant qu’il se trouve à nouveau de passage à Milan35, je l’ai prié de m’honorer de quelques unes de ses compositions que j’ai obtenues de sa propre main, non sans difficultés, et que j’ai donc publiées afin que cette œuvre soit considérée comme le fruit divin du meilleur talent qui exerce aujourd’hui cette profession. M’étant efforcé de faire publier ces compositions dans une très belle édition afin qu’elle serve qui exerce ce noble art de bien chanter, chacun ne pouvant, d’aventure, les entendre par l’auteur lui-même (lequel n’a pas d’égal à notre époque dans la manière de chanter en soliste36, d’après ce que j’ai entendu dire de nombreux hommes de goût), que les autres puissent, au moins, voir à travers ses compositions, la noble harmonie et la noble manière qui résonnent dans son âme. Ayant pu constater moi-même le grand succès de son Premier livre des Musiche à une et deux voix, publié pour la première fois par moi, je me suis résolu à rééditer le Deuxième livre à deux voix publié à Venise37 afin que l’on puisse avoir les trois recueils dans une même édition ; jouissez de ceux-ci en attendant qu’il nous prépare d’autres œuvres pour notre plaisir et moi pour y participer. Vivez heureux.
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Concernant les recueils de D’India publiés à Milan ainsi que ses rapports avec l’éditeur Filippo Lomazzo, voir le chapitre 4 de la partie I, p. 138-142. 33 Publié à Venise chez Amadino : S. D’India, Le Musiche a due voci di Sigismondo D’India, servitore del Serenissimo et Invitissimo Signor Duca di Savoia & Capo della Sua Musica di Camera, Venise, Amadino, 1615. 34 S. D’India, Le Musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili, Milan, Tini et Lomazzo, 1609. 35 Le compositeur se rend donc à la capitale lombarde durant le premier semestre 1618. 36 D’India est chanteur et joueur de théorbe. 37 Cette réédition n’a pas vu le jour.
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Les préfaces
Le livre des Musiche e Balli de 1621
LE MVSICHE
E BALLI A QVATTRO VOCI. CON IL BASSO CONTINVO DEL CAVALIER SIGISMONDO D’INDIA Composte nelle reggie nozze del Serenissimo Prencipe di Savoia Vittorio Amadeo, e Madamma Christiana Nuovamente composte, & date in luce. CON PRIVILEGIO. Dedicate à la Real Maestà della Christianissima Maria Medici Regina di Francia, e di Navarra. IN VENETIA, Appresso Alessandro Vincenti. M D C X X I.
A LETTORI. Dovendo io mandar in luce i presenti Balletti fatti nelle sontuose nozze del Serenissimo Prencipe Vittorio Amedeo, e Madama Christiana di Francia, mi è parso descrivere succintamente la maniera, che si deve tenere per concertarli, tanto più che si tratta di uno stile inusitato in Italia. Essendo dunque stata ritrovata da mè questa nuova maniera di Balli sicome si potrà vedere del Primo Balletto de i Rè della China si dovrà replicare la prima parte quatro volte, & il resto dell’Arie che seguono due ò meno secondo i numeri, che io hò notati. Così la prima volta questo stesso Primo Balletto fu con meravigliosa inventione rappresentato il dì Natale di Madama Serenissima in Torino, e cantato dà quattro de Musici di Camera di Sua Altezza Serenissima frà quali Luigino Ravier Fanciuletto Savoiardo con somma gratia, e dispositione di voce cantò il Soprano accompagnato d’un Violino, Tiorba, Basso di Violone, e Clavicembalo, e seguito dà altri Musici ; onde il Balletto fu con somma gratia rappresentato, e con mirabile piacere per ciò sentito. Se però il segno della sestupla per la velocità sua recasse difficoltà à cantanti potra chiunque cantarla nel numero ternario contando per ciascuna d’un Tempo tre semiminime a battuta presta. In tanto si andrà stampando il resto delle feste principesche ch’io per gratia de i Serenissimi miei Padroni hò havuto l’honore di comporre insieme con l’opere rappresentative, che con tanto fasto, e con si grande spese si sono fatte in Torino. Vivete felici.
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Deuxième partie
MONODIES ACCOMPAGNÉES
ET BALLETS À QUATRE VOIX. AVEC BASSE CONTINUE DU CHEVALIER SIGISMONDO D’INDIA Composés pour les noces royales du Prince Sérénissime de Savoie Victor-Amédée et de Madame Christine Nouvellement composés et publiés. AVEC PRIVILÈGE. Dédiés à la Royale Majesté de la Très Chrétienne Marie de Médicis Reine de France et de Navarre. À VENISE, Chez Alessandro Vincenti, 1621.
AUX LECTEURS. Ayant dû faire publier les ballets ici présents créés lors des somptueuses noces du Prince Sérénissime Victor-Amédée et de Madame Christine de France38, il m’a semblé nécessaire de décrire succinctement la manière de les jouer, d’autant plus qu’il s’agit d’un style inusité en Italie39. Cette nouvelle manière 38
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Christine de France (1606-1663), sœur du roi Louis XIII, fille d’Henri IV et de Marie de Médicis, a épousé VictorAmédée de Savoie (1587-1637), deuxième fils du duc Charles-Emmanuel Ier, le 10 février 1619 à Paris. Voir G. Ferretti, « Un mariage de paix à l’orée de la guerre. Politique, fêtes, triomphes et entrées solenelles », L’État, la cour et la ville. Le duché de Savoie au temps de Christine de France (1619-1663), éd. G. Ferretti, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 15-90. La princesse arrive à Turin l’année suivante, ce qui a donné lieu à de nombreuses célébrations, voir S. Guichenon, Le Soleil en son apogée ou l’histoire de la vie de Chrestienne de France Duchesse de Savoie Princesse du Piémont Reyne de Chypre, 1664 ? copie d’Amédée Peyron (Turin, janvier 1837), p. 28-29, Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Corte, Storia della real casa, catégorie III, liasse 16, fasc. 29. Concernant cet historiographe de la maison de Savoie, voir V. Castronovo, Samuel Guichenon e la storiografia del Seicento, Turin, Giappichelli, 1965. En ce qui concerne Christine de France, voir Christine de France et son siècle, xviie siècle, no 262/1, 2014 ; De Paris à Turin : Christine de France, duchesse de Savoie, éd. G. Ferretti, Paris, L’Harmattan, 2014 ; Édifier l’État : politique et culture au temps de Christine de France, éd. A. Becchia et F. Vital-Durand, Chambéry, Université de Savoie, 2014 ; A. Merlotti, « La cour de Savoie au temps de Victor-Amédée Ier et Christine de France », L’État, la cour et la ville, op. cit., p. 217-249 et le chapitre 2 de la partie I, p. 59-78. D’India fait ici référence au style français, même s’il s’agit en réalité d’un style italien d’influence française que l’on pourrait qualifier d’hybride. Ce style reflète les goûts chorégraphiques et les tendances musicales de la cour de Turin qui se situent entre interpénétration et métamorphose. Il dévoile également une volonté de greffe culturelle où la danse est le poste d’observation de l’influence française, voir le chapitre 2 de la partie I, p. 78-81. Concernant les échanges culturels franco-italiens à travers la danse à la Renaissance, voir M. Nordera, « The exchange of dances cultures in Renaissance Europe : Italy, France and abroad », Cultural Exchange in Early Modern Europe, vol. IV : Forging European Identities, 1400-1700, éd. H. Roodenburg, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 308-328. Sur la définition du « style italien », voir B. Sparti, « Baroque or not baroque, is this the question ? », L’arte della danza ai tempi di Monteverdi. Atti del convegno internazionale, Torino, 6-7 settembre 1993, éd. A. Chiarle, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 1996, p. 73-87 et id., « La “danza barocca” è soltanto francese ? », Studi Musicali, no 25, 1996, p. 283-302. Quant à la question de l’hybridation et du métissage culturels, voir M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Le Seuil, 2004, p. 21-24.
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Les préfaces
de danser40 a donc été redécouverte par moi-même ainsi que l’on pourra remarquer dans le premier ballet des Rois de la Chine41. On devra reprendre la première partie quatre fois et le reste des airs qui suivent deux fois, peut-être moins selon les numéros que j’ai notés. Ainsi, ce même premier ballet fut représenté pour la première fois avec une merveilleuse invention42 lors de l’anniversaire de Madame Sérénissime à Turin43, chanté par quatre musiciens44 de la Chambre de Son Altesse Sérénissime, parmi lesquels Luigino Ravier45, jeune garçon savoyard46, qui, avec la plus grande grâce et aptitude vocale chanta la partie de soprano, accompagné par un violon, un théorbe, une basse de viole et un clavecin, et suivi par d’autres musiciens47 ; afin que le ballet soit représenté avec la plus grande grâce et c’est pour cela qu’il fut entendu avec un plaisir extraordinaire. Si, malgré tout, la figure du sextolet causait des difficultés aux chanteurs à cause de la vitesse, ils pourront tous la chanter dans un rythme ternaire en comptant trois semiminimes dans un seul temps, dans une battue rapide pour chacune d’entre-elles. Entretemps, on publiera le reste des fêtes princières48 que j’ai eu, par la grâce des mes Patrons Sérénis-
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Le compositeur fait allusion au ballet représentatif. Ce type de ballet mêle danse, théâtre, musique et chant. Ce genre de spectacle, dont l’expression est proche du mélodrame, s’épanouit dans les fêtes et célébrations princières de la cour de Turin. Il participe à l’esthétisation de la vie politique de la cour. Voir A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia nella prima metà del secolo xvii », Rivista Musicale Italiana, no 11, 1904, p. 675-724 ; M. T. Bouquet-Boyer, « Il teatro di corte dalle origini al 1788 », Storia del teatro Regio di Torino, éd. A. Basso, Turin, Cassa di Risparmio Torino, 1976, vol. I et M. Emanuele, Commedie in musica, pastorali e piscatorie alle corte dei Savoia 1600-1630, Lucques, LIM, 2000. Voir aussi M. Murata, « “Singing”, “Acting”, and “Dancing” in Vocal Chamber Music of the Early Seicento », Journal of Seventeenth-Century Music, no 9/1, 2003. Le ballet de D’India contient six airs qui exploitent la thématique du Soleil. Un « Balletto e Torneo con una Cena alla Chinese » sur un texte du duc Charles-Emmanuel et de Ludovico d’Agliè, fut donné par le prince Victor-Amédée à l’occasion de l’anniversaire de son père le duc à Turin en 1619. Voir A. Basso, L’Eridano e la Dora festeggianti. Le musiche e gli spettacoli nella Torino di Antico regime, Lucques, LIM, 2016, vol. I, p. 211. De même, nous pouvons lire dans un avviso de Rome daté du 3 février 1618 : « Di Turino scrivono che alli 22 passato giorno del Natale di quell’Altezza s’erano fatte feste publiche di fuochi giostre, balli, et un banchetto reale. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1086, fo 43vo. D’India veut dire ici que la puissance dramatique de ce spectacle dansé a réussi à susciter les passions de l’assistance. Le 10 février 1621 au palais Chiablese de Turin, voir « Relatione del Balletto de’ Sette Re della China fatto da sua Altezza Serenissima per il giorno di natale di Madama Serenissima », Relationi delle feste principali fatte di carnevale nella corte dell’altezza Serenissima di Savoia, Turin, Pizzamiglio, 1621. Conservé à la Bibliothèque Royale de Turin (I-Tr), Misc. 300/14. Les ballets chantés de ce recueil sont écrits à 4 voix. Il s’agit de Louis Ravier, originaire de Chambéry, musicien de la Chambre ducale, voir A. Dufour et F. Rabut, Les Musiciens, la musique et les instruments de musique en Savoie du xiiie au xixe siècle, Chambéry, Bottero, 1878, p. 136137. C’est-à-dire qu’il est originaire des territoires « au-delà des Alpes » (al di là dei monti) selon l’organisation administrative du duché de Piémont-Savoie à cette époque. Concernant l’interprétation de ces pièces, D’India laisse entendre qu’il faudrait deux groupes d’instruments : un groupe principal composé d’un violon jouant la partie de soprano, sans doute en guise de ritournelle, et de trois instruments (viole, clavecin, théorbe) jouant la basse continue, ainsi que d’un second groupe (de cordes ?) qui aurait une fonction de tutti instrumental. Il s’agit de l’anniversaire du duc Charles-Emmanuel (le 12 janvier 1620 ou 1621), de celui de Christine de France (le 10 février 1620 et 1621), des célébrations des noces princières dans le Parco Reale (en janvier 1620) et des différentes fêtes données par le cardinal Maurice de Savoie dans sa Vigna. Voir S. Saccomani, « Sigismondo D’India e la corte di Savoia. Le Musiche per le feste (1619-1621) », Sigismondo D’India, Le Musiche e Balli a quattro voci con il basso continuo, éd. R. Bez, C. Chiavazza et M. Less, Lucques, LIM, 2000, p. 7-10 (coll. Corona di delizie musicali, vol. I).
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Deuxième partie
simes, l’honneur de composer en même temps que ces œuvres représentatives49 qui avec autant de faste et à si grands frais, ont eu lieu à Turin. Vivez heureux.
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Il s’agit de trois courantes et d’un air de La Caccia, de trois chœurs de marins extraits de la fable d’Arion, du Ballet des Brises (1 air en 6 parties) et du Ballet des Scythes (8 airs). En ce qui concerne les ballets non représentatifs (nizzarda, branle) de ce recueil, voir F. Calvino Prina, « I Balli di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India, Le Musiche e Balli a quattro voci, op. cit., p. 11-13. Voir aussi le récit de Giovanni Battista Agucchi durant le séjour du cardinal Pietro Aldobrandini à Lyon pour les négociations du traité de paix à la fin du mois de décembre 1600. L’écrivan décrit avec précision certaines de ces danses : « Fattasi nella sala piazza al meglio che fù possibile il Re prese la Regina cominciò una Chiarenzana, che chiamano quà il gran ballo, la quale durò un gran pezzo doppo essa si fecce una Nizzarda, che dicono Le Branles si pigliano alternatamente un Cavaliere et una Dama per mano e formano prima un gran giro, e poi sene fà uno d’essi Capo e conduce gl’altri a suo modo finche si termina il suono, che gli tocca, et indi succede l’altro più vicino, rimanendo quel primo alla coda, e così di mano in mano finche tutti gl’huomini hanno guidato o siano finite tutte le sonate, perche il ballo è terminato da certo nummero di esse, ma l’historia dura un gran pezzo appresso si fece una corrente, dove il Cavaliere presa la dama, la và menando quasi correndo in giro, e dove la vuol piantare presala à traverso, e l’alza alquanto da terra, et ivi la lascia, et ella subbito è presa da un altro finche lasciata torna al suo luogo, […] sono tutti i balli allegri, et secondo l’humore della Nattione. », Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv), Misc. Arm. XV, liasse 206, « Diario del viaggio fatto dal Cardinale Pietro Aldobrandino nell’andar Legato a Firenze per la celebratione dello sposalitio della Regina di Francia e da poi in Francia per la pace », fo 148ro-vo. Nous remercions Gianfranco Armando de nous avoir signalé ce document.
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1 Les épîtres dédicatoires Le premier livre de madrigaux de 1606
DI SIGISMONDO
D’INDIA PALERMITANO, Il Primo Libro DE MADRIGALI A V. VOCI IN MILANO. Apresso Agostino Tradate. M D C V I.
AL SERENISSIMO SIGNOR DVCA DI MANTOVA. ET DI MONFERRATO &c.
Presentai già à Vostra Altezza alcuni di questi miei Madrigali così scritti à mano, e gli presentai più tosto per provare se potevano esser grati à persone giudiciose, che per fargliene dono, ma ella poi non sò se spinta dalla modestissima natura sua, o mossa da altro, si compiacque di farli cosi buona ciera, col mostrar di gradirli, che hora come invaghiti di se stessi, e quasi insuperbiti della gratia sua, scordandossi affatto della natural insipidezza loro, osano (il che prima mai haverebbono fatto) non solo di uscir essi nel gran Teatro del Mondo, mà anco di tirarne seco altra comitiva ; E ragionevolmente in vero, poi che dalle lodi, che Vostra Altezza si compiacque darli, come da raggi d’un lucidissimo Sole d’Heroiche qualità ricevettero ben tanto splendore, che hanno potuto non solo privar se stessi delle tenebre di ruidezza, mà anco illustrarne mille, e mille altri. Escono dunque questi miei Madrigali nel conspetto d’ogn’uno risplendenti solo nel glorioso nome di Vostra Altezza e fregiati delle sue lodi : Ma perche quanto più illustri appariranno nella scorza, tanto men soavi poi riusciranno al gusto nella medolla, supplico Vostra Altezza à condirli in questa col mele della dolce gratia sua, com’ella s’è degnata d’abbellirli in quella col penello della sua lingua. Dio Nostro Signor gli conceda il fine de suoi honorati pensieri, com’io humilissimamente me li inchino. Di Milano li 14 Ottobre 1606.
Di Vostra Altezza Serenissima Devotissimo Servitore Sigismondo d’India.
Deuxième partie
DE SIGISMONDO
D’INDIA PALERMITAIN, Le Premier Livre DE MADRIGAUX À CINQ VOIX PUBLIÉS À MILAN. Chez Agostino Tradate, 1606. [rééd. Venise, Gardano, 1607 et 1610]
AU SÉRÉNISSIME SEIGNEUR DUC DE MANTOUE1 ET DU MONTFERRAT2, etc.
J’avais déjà présenté à Votre Altesse quelques-uns de ces miens madrigaux manuscrits3, et cela plutôt pour vérifier s’ils pouvaient être agréables à des personnes intelligentes, que pour leur en faire don ; mais je ne sais si c’est poussée par sa très modeste nature ou mue par autre chose que [Son Altesse] a daigné leur réserver un si bon accueil, en montrant qu’Elle les apprécieait car, étant à présent comme épris d’eux-mêmes, presque enorgueillis par la grâce [de Son Altesse], et oubliant complétement leur insipidité naturelle, ils osent (ce qu’ils n’auraient jamais fait auparavant) non seulement se montrer dans le grand Théâtre du Monde4, mais encore emporter avec eux toute une compagnie5. Mais au vrai, et plus raisonnablement, grâce aux louanges que Votre Altesse a daigné leur faire, tels les rayons d’un éclatant Soleil d’héroïques vertus, ils reçurent ainsi une telle splendeur qu’ils ont pu non seulement sortir des ténèbres de l’âpreté mais également en faire briller des milliers d’autres. Ces miens madrigaux6 voient donc le jour et ne resplendissent que dans le glorieux nom de Votre Altesse, ornés 1 2
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Il s’agit de Vincenzo Gonzaga (1562-1612), grand mécène et protecteur des arts. Il fut également le patron de Claudio Monteverdi entre 1590 et 1612, voir P. Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 32-179. Le Montferrat était un micro-État appartenant aux Gonzague, lieu stratégique appartenant à l’Espagne, enclavé entre le Piémont et le duché de Milan, voir C. M. Belfanti et M. A. Romani, « Il Monferrato : una frontiera scomoda fra Mantova e Torino (1536-1707) », La frontiera da Stato a Nazione. Il caso Piemonte, éd. C. Ossola, C. Raffestin et M. Ricciardi, Rome, Bulzoni, 1987, p. 113-145 ; B. A. Raviola, Il Monferrato gonzaghesco. Istituzioni ed élites di un micro-stato (1536-1708), Florence, Olschki, 2003 ; Cartografia del Monferrato. Geografia, spazi interni e confini in un piccolo Stato italiano tra Medioevo e Ottocento, éd. B. A. Raviola, Milan, Angeli, 2007 ; id., L’Europa dei piccoli stati. Dalla prima età moderna al declino dell’Antico Regime, Rome, Carocci, 2008 et Monferrato 1613. La vigilia di una crisi europea, éd. P. Merlin et F. Ieva, Rome, Viella, 2016. Ce qui laisse supposer que D’India se trouvait à cette époque au Nord de l’Italie (à Florence, Ferrare, Milan ou Mantoue) à la recherche d’une cour. Il aurait pu se rendre à Mantoue vers 1604-1606. En effet, cette ville est « un carrefour, […] où se croisent les musiciens à la fin du xvie siècle, mais surtout […] un lieu privilégié où s’élabore peut-être plus facilement qu’ailleurs la production musicale. », F. Alazard, Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 91. S’agissant de sa première publication, c’est également D’India qui se montre ici dans « le grand Théâtre du Monde ». Ce livre contient 14 madrigaux composés sur des poèmes de Rinuccini, Guarini, G. B. Strozzi, Ongaro, Alberti et Sannazaro. En ce qui concerne ce livre de madrigaux où D’India fait preuve d’un style musical original, d’une technique contrapuntique solide et d’un langage expressif radical, voir F. Mompellio, Sigismondo d’India : Madrigali a 5 voci 1606, Milan, I classici musicali italiani, 1942 ; G. Watkins, « I madrigali polifonici di Sigismondo D’India, nobile palermitano », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Bal-
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Les épîtres dédicatoires
par ses louanges ; mais, puisque plus leur apparence semblera illustre moins leur substance paraîtra suave, je supplie Votre Altesse de les agrémenter du miel de sa douce grâce, de la même manière qu’Elle a daigné les embellir de la sorte avec le pinceau de sa langue. Dieu Notre Seigneur exauce toutes ses honorables pensées, de même que très humblement je m’incline. Depuis Milan7 le 14 octobre 1606.
De Votre Altesse Sérénissime, le très dévoué serviteur, Sigismondo D’India.
7
sano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 53-60 et Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume I : The First Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 1997. En ce qui concerne les rapports de D’India avec les éditeurs milanais, voir le chapitre 4 de la partie I, p. 137-138.
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Deuxième partie
Le premier livre des villanelles de 1608
DELLE
VILLANELLE ALLA NAPOlitana, à tre voci, DI SIGISMONDO D’INDIA Nobile Palermitano. LIBRO PRIMO. Novellamente posto in luce. IN NAPOLI, Appresso Giovanni Iacomo Carlino, & Costantino Vitale 1608.
ALL’ILLVSTRISSIMO SEÑOR
DON VICENTE PIMENTEL CAPISCOL DE VALENCIA HIJO DEL EXCELENTISSIMO SEÑOR CONDE DE BENAVENTE VYSOREY DE NAPOLES. Haviendo de salir aluz mis Villanelas Illustrissimo Señor apadrinadas del favor que han menester como forasteras, a ninguno mas justamente pueden atreverse, que al dela persona y dignidad de Vuestra Señoria Illustrissima de aquella por la grandeza de su nacimiento que como Principe por comun obligacion ha de acudir a favorecer liberalmente las artes liberales y desta por que siendo cabeça de choro, o de canto, (que eso quiere decir Capiscol) deve por particular ministerio, amparar y defender la Musica : permita pues Vuestra Señoria Illustrissima aunque le parezca temprano, que le inquieten las musas, y reciba gratamente este pequeño servicio, que viendole yo aceto procurare se augmente y crezca con los años de Vuestra Señoria Illustrissima en cosas mas dignas de suedad y de mi desseo. Y nuestro Señor guarde a Vuestra Señoria Illustrissima en su santo servicio.
De Vuestra Señoria Illustrissima Devotissimo Servidor Sigismundo de India.
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Les épîtres dédicatoires
VILLANELLES
À LA NAPOlitaine à trois voix, DE SIGISMONDO D’INDIA Noble Palermitain. PREMIER LIVRE. Nouvellement publiées. À NAPLES, Chez Giovanni Iacomo Carlino et Costantino Vitale, 1608. [rééd. Venise, Gardano, 1610]
AU TRÈS ILLUSTRE SEIGNEUR
DON VICENTE PIMENTEL8 CHEF DE CHŒUR À VALENCE9 FILS DU TRÈS EXCELLENT SEIGNEUR COMTE DE BENAVENTE VICE-ROI DE NAPLES10. 8
9 10
Vicente Pimentel, né autour de 1590, était le fils cadet du comte de Benavente Juan Alfonso Pimentel et de Mencia Requesens, deuxième femme du comte. Il a été actif à l’Université de Salamanque entre 1614 et 1618, voir L. E. Rodríguez-San Pedro Bezares, La Universidad salmantina del Barroco, periodo 1598-1625, vol. I : El modelo barroco, gobierno y hacienda, Salamanque, Ed. Universidad de Salamanca, 1986, p. 296 ; M. Simal López, Los condes-duques de Benavente en el siglo xvii : patronos y coleccionistas en su villa solariega, Benavente, Centre de Estudios Benaventanos « Ledo del Pozo », 2002 et M. Simal López et M. Fernandez del Hoyo, « Donna Mencia de Requesens : dama catalana, contessa castigliana e viceregina napoletana (fra l’altro) », Alla corte napoletana. Donne e potere dell’età aragonese al viceregno austriaco (1442-1734), éd. M. Mafrici, Naples, Fridericiana, 2012, p. 157-158. Pour ce qui est du paysage musical à Valencia à cette époque, voir G. Olson, « Imágenes sonoras en Valencia al final del Renacimiento », Música y cultura urbana en la edad moderna, éd. A. Bombi, J. J. Carreras et M. A. Marín, Valencia, Universitat de Valencia, 2005, p. 279-294. Juan Alfonso Pimentel (1553-1621), VIIIe comte de Benavente et de Luna, fut vice-roi de Valence de 1598 à 1602 et viceroi de Naples de 1603 à 1610. Il vivait donc dans la cité parthénopéenne lors de la publication du recueil que D’India a dédié à son fils Vicente, ce qui confirme les liens de Sigismondo D’India avec ce qui pourrait être sa ville natale. De même, le peintre Giuseppe Ribera (1591-1652), originaire également de Valence, serait probablement le mari de la nièce du compositeur (Antonia D’India). Voir à ce propos le chapitre 1 de la partie I, p. 31-33. Pimentel était également le protecteur de la célèbre chanteuse Adriana Basile avant son départ de Naples pour Rome, Florence et Mantoue en mai-juin 1610 (voir Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1078/2, fo 400vo, le 5 juin 1610 et L. Pannella, « Basile, Adreana », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1965, vol. VII, p. 70-71), ainsi qu’un grand collectionneur de peintures (parmi lesquelles des œuvres du Tintoret, du Titien et du Caravage), d’antiquités et d’objet d’art, voir M. Simal López, « Don Juan Alfonso Pimentel, VIII Conde-Duque de Benavente, y el coleccionismo de antigüedades, inquietudes de un Virrey de Nápoles (1603-1610), Reales Sitios, no 164, 2005, p. 30-49 ; E. Nappi, « I viceré spagnoli e l’arte a Napoli. Corpus documentale », España y Nápoles. Coleccionismo y mecenazgo virreinales en el siglo xvii, éd. J. L. Colomer, Madrid, CEEH, 2009, p. 105-106 ; A. E. Denunzio, « Per due committenti di Caravaggio a Napoli : Nicolò Radolovich e il viceré VIII conte-duca di Benavente (16031610) », id., p. 175-193 et D. Carrió-Invernizzi, « Royal and Viceregal Art Patronage in Naples (1500-1800) », A Companion to Early Modern Naples, éd. T. Astarita, Leiden-Boston, Brill, 2013, p. 393 ainsi que le programme ENBaCH
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Deuxième partie
Devant publier mes villanelles11, très Illustre Seigneur, qui, puisque étrangères, ont dû bénéficier de la faveur d’être parrainées, je ne puis oser les présenter à nul autre qu’à la personne et à la dignité de Votre Seigneurie Illustrissime, laquelle, du fait de la grandeur de sa naissance mais aussi en tant que prince, se donne comme devoir de favoriser généreusement les arts libéraux12, mais également parce qu’étant chef de chœur ou de chant13 (c’est ce que veut dire Capiscol14), Elle se doit, compte tenu de cette occupation particulière, de protéger et de défendre la musique15. Que Votre Seigneurie Illustrissime permette donc, même si cela lui semble prématuré, de se laisser perturber par les muses, et qu’elle reçoive avec contentement ce modeste travail qui a l’intention de voir Votre Seigneurie Illustrissime s’élever et grandir avec le temps dans des occupations dignes de son âge16, c’est ce que je désire. Et que notre Seigneur garde Votre Seigneurie Illustrissime dans sa sainte protection.
De Votre Seigneurie Illustrissime, le très dévoué serviteur, Sigismondo D’India.
dirigé par Renata Ago et intitulé Sguardi incrociati. I viceré di Napoli e l’immagine de la Monarchia di Spagna nell’età barocca : http://www.ub.edu/enbach/ ?idioma = it. 11 Pour une édition moderne de ce livre de villanelles, voir Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libro primo (1608) e secondo (1612), éd. C. Assenza, Florence, Olschki, 2007 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV). 12 Pour ce qui concerne l’importance de la musique en tant que modèle culturel de la formation du prince à cette époque, voir S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003. 13 Pour ce qui est de la musique chorale de cette époque conservée dans les archives musicales de la cathédrale de Valence, voir J. Climent i Barber, La música de la Catedral de Valencia, Valencia, Ajuntament de València, 2010, p. 35-37, 49-52, 226, 264, 284-285, 364-366, 545 et 546-552. 14 C’est-à-dire Caput Scholæ. 15 La protection des arts est l’un des thèmes récurrents des dédicaces des livres de musique de cette période. La protection permet ainsi de donner une signification culturelle à l’objet musical, voir S. Lorenzetti, « Musica nello specchio della corte. Qualche riflessione su appartenenza e presenza », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 194. La dédicace de D’India laisse supposer que Vicente Pimentel était alors un jeune chantre. 16
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Les épîtres dédicatoires
Le premier livre des Musiche de 1609
LE MVS
ICHE DI SIGISMONDO D’INDIA NOBILE PAL ERMITANO DA CANTAR SOLO NEL CLAVICORDIO CHITARRONE ARPA DOPPIA ET ALTRI ISTROMENTI SIMILI nuovamente date il luce IN MILANO, Appresso l’herede di Simon Tini, & Filippo Lomazzo, compagni. M. DC. IX.
AL SERENISSIMO
RANVCCIO FARNESE DVCA DI PARMA E DI PIACENZA mio Signore, & Padrone colendissimo. Dedico à Vostra Altezza queste mie nuove compositioni, che pochi anni sono allettato dal diletto, che hoggi dì l’universale suol prendresi dall’udir cantar solo, mi posi à comporre : ne per altro consecrate al glorioso suo nome hò voluto che compariscano, che per publicar insieme con loro anche un’atto benche assai picciolo della devotion mia, ch’è infinita verso la real sua persona, che non degenerando punto dalla magnanima natura de’ Illustrissimi Avoli suoi hebbe in protettione i professori de la Musica ; e di questo indubitata testimonianza ben ne possono far’ i Cipriani de Rore, i Fabrtij Dentice, i Claudij da Correggio, & gli Horatij della Viola, huomini tutti, che in questa facoltà arrivorono à segno di somma eccellenza. Resti dunque l’Altezza Sua servita di ricever in grado queste fatiche, e me insieme per quel devotissimo servitore, che hoggi per sempre me le dichiaro, & offero, più alla volontà riguardando, ch’è molta, che al poter, ch’è poco. E con augurarle ogni compiuta felicità le faccio riverenza. Di Milano li 10 Febraro 1609.
Di Vostra Altezza Serenissima Devotissimo servitore Sigismondo d’India.
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Deuxième partie
MONO-
DIES ACCOMPAGNÉES DE SIGISMONDO D’INDIA NOBLE PALERMITAIN POUR CHANT SOLISTE AVEC CLAVECIN, THÉORBE, HARPE DOUBLE ET AUTRES INSTRUMENTS SIMILAIRES nouvellement publiées À MILAN, Chez l’héritier de Simon Tini et Filippo Lomazzo, associés. 1609.
AU SÉRÉNISSIME
RANUCCIO FARNESE DUC DE PARME ET DE PLAISANCE mon Seigneur et Patron très honoré. Je dédie à Votre Altesse ces quelques miennes nouvelles compositions17. Ayant été attiré depuis quelques années par le plaisir, aujourd’hui universel, que l’on a quand on entend chanter à une seule voix18, je me mis à composer : j’ai voulu que [ces pièces] soient publiées uniquement pour les consacrer au glorieux nom [de Votre Altesse], et pour qu’elles soient en même temps un témoignage, bien que très modeste, de ma dévotion, infinie, envers sa royale personne qui, n’ayant en rien déshonoré la magnanime nature de ses si Illustres aïeux, a protégé les maîtres de musique19, comme peuvent sans
17
18 19
Pour une édition moderne de ce livre des Musiche, voir F. Mompellio, Sigismondo d’India. Il primo libro di Musiche da cantar solo, Crémone, Athenaeum Cremonense, 1970 et J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, 2 vol., préface de P. E. Carapezza (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). En effet, D’India est l’un principaux artisans de l’évolution et de la diffusion de la première phase de la monodie accompagnée. D’India fait référence à l’important passé musical de la maison Farnèse au xvie siècle, celui des règnes des ducs Pierluigi, Ottavio et Alessandro, ce dernier étant le père de Ranuccio, voir N. Pellicelli, « Musicisti in Parma nei secoli xvxvi », Note d’archivio per la storia musicale, 1932, p. 41-52 ; S. Niwa, « La musica alla corte parmense prima dell’arrivo di Claudio Merulo », A Messer Claudio : le arti molteplici di Claudio Merulo da Correggio (1533-1604) tra Venezia e Parma. Convegno di studi « Le arti del virtuosissimo Claudio », Parma, Casa della musica, 11-12 novembre 2004, éd. M. Capra, Venise, Marsilio, 2006, p. 47-64 et id., « Pierlugi Farnese’s musical projet in Piacenza », Early Music, no 46/2, 2018, p. 225-234.
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Les épîtres dédicatoires
aucun doute en témoigner Cyprien de Rore20, Fabrizio Dentice21, Claudio da Correggio22 et Orazio della Viola23, tous hommes qui, dans cet art, devinrent l’emblème de la plus haute excellence. Que Son Altesse daigne donc recevoir ces œuvres en même temps que ma personne que je présente et offre, aujourd’hui et pour toujours, comme son très dévoué serviteur24, s’intéressant plus à la volonté, qui est grande, qu’au pouvoir, qui est infime. Et, en vous souhaitant la plus complète félicité, je vous fais révérence. Depuis Milan, le 10 février 1609.
De Votre Altesse Sérénissime, le très dévoué serviteur, Sigismondo D’India. Le premier livre de motets de 1610
NOVI
CONCENTVS ECCLESIASTICI BINIS TERNIS VOCIBVS CONCINENDI. SIGISMVNDI DE INDIA Nobilis Panormitani. VENETIIS. Apud Angelum Gardanum. M D C X.
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Cyprien de Rore (1515-1565), compositeur flamand actif à la cour des Farnèse à la fin de sa vie, voir A. Einstein, The Italian Madrigal, Princeton, Princeton University Press, 1949, vol. I, p. 387-389 et Cipriano de Rore. New Perspectives on his Life and Music, éd. J. A. Owens et K. Schiltz, Turnhout, Brepols, 2016. Sur l’influence de Cyprien de Rore sur D’India, voir J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, Ann Arbor, UMI Research Press, 1981, p. 98 et G. Watkins, « I madrigali polifonici di Sigismondo D’India, nobile palermitano », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 76. Fabrizio Dentice (c. 1539-1581), luthiste et compositeur napolitain actif à la cour de Parme de 1569 jusqu’à la fin de sa vie, voir D. Fabris, Vita e opere di Fabrizio Dentice, nobile napoletano, compositore del secondo Cinquecento, Florence, Olschki, 1992 et id., Da Napoli a Parma : itinerari di un musicista aristocratico. Opere vocali di Fabrizio Dentice, Milan, Skira, 1998, p. 8 et 10-11. Il s’agit de Claudio Merulo (1533-1604), compositeur et organiste actif à la cour de Parme autour des années 1585, voir R. Edwards, « Claudio Merulo, l’altro gioiello nella corona di Correggio », A Messer Claudio, op. cit., p. 19-23. Il s’agit d’Orazio Bassani (1550-1615), compositeur et virtuose de la viole, actif à la cour d’Ottavio Farnese entre 1571 et 1586 et puis à celle de Ranuccio de 1592 jusqu’à sa mort, voir S. Niwa, « La musica alla corte parmense », op. cit., p. 5758. D’India a dédié deux recueils de musique à la famille Farnèse, le livre dont il est ici question et son Quatrième livre de madrigaux de 1616, adressé à l’abbé Diofebo Farnese, voir le chapitre 3 de la partie I, p. 125-127.
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Deuxième partie
SERENISSIMO ET AMPLISSIMO
CARDINALI SABAVDIE. PERPETVAM PRECATVR FELICITATEM SIGISMVNDVS DE INDIA. Symphoniam hanc sacram, perpetuæ mortalium memoriæ atque me Typis traditam, ad celebranda summa cum veneratione sacrificia, recitandasque ex temporis, & loci dignitate, supremi opificis bonorum omnium auctoris divin[it]as laudes celsitudini tuæ Serenissimo consecrare haud veritus sum. Et quamuis Amplitudo tua sublimis ab omnibus tantæ habe[t]atur virtutis, quanta ad singulos, vel non gregarios homines alliciendos, ad patrocinium, gratiamque tuam sibi ipsis aucupandam satis esse videatur ; ægregias tamen animi tui dotes, quas uno omnium consensu in Serenissimo sinu tuo foveri audio, eximiamque humanitatem multorum ornamentis testatam magis, quam quodlibet aliud, quo hæc mea Altitudini tuæ dicarem, valuisse profiteor, Quamobrem, oro te, atque obsecro, Antistes Serenissimo perexicuam hanc animi mei significationem per benignè accipias efflagitoque insuper, ut, quod virtutis meæ tenuitas testari non poterit, sublimis regiæque mentis tuæ præstantia me totum tuæ servituti additum præclarissime coniiciens æquissimo animo studium, operamque meam comple[c] tatur. Hinc ego certe admiratus præclara quamplurima, quæ D[eo] O[ptimo] M[aximo] insigni liberalitate tibi largitus est, divinum Muneratorem puriori[s] animi propensione præcabor, atque rogabo, ut perpetuo rerum secundarum eventu, quod incœpit perficiendo, & mihi quotidie digniora tibi offerendi, & tibi in dies magnificentiora proferendi faciat facultatem ; id quod eo contendam vehementius, quo maiori studio Serenissimæ Amplitudini tuæ devinctissimorum in albo me describas exopto. Placentia I. Februarij 1610.
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Les épîtres dédicatoires
NOUVEAUX
CONCERTS ECCLÉSIASTIQUES À DEUX ET À TROIS VOIX COMPOSÉS PAR SIGISMONDO D’INDIA Noble Palermitain. PUBLIÉS À VENISE. Chez Angelo Gardano. 1610.
AU SÉRÉNISSIME ET TRÈS ILLUSTRE CARDINAL DE SAVOIE25. SIGISMONDO D’INDIA SOUHAITE UNE ÉTERNELLE FÉLICITÉ.
Je n’ai pas craint de dédier à Son Altesse Sérénissime cette musique sacrée26, publiée par mes soins à la mémoire éternelle des mortels, afin de célébrer la messe27 avec la plus grande dévotion et de chanter selon la dignité du moment et du lieu les louanges divines du créateur suprême, auteur de tous les bienfaits. Tous attribuent à ta sublime grandeur une si grande vertu, qu’elle semble suffire à attirer à elle tout un chacun, et en particulier les hommes d’exception, si bien qu’ils sont à l’affût de ta protection et de ta faveur. Pourtant, je suis conscient que les dons remarquables, entretenus, selon l’avis de tous, en ton Sérénissime sein, et ton immense humanité qu’attestent des distictions des plus nombreuses, valent bien plus que tout ce qui pourrait me conduire à consacrer cette œuvre à ta grandeur. C’est pourquoi je te prie et te supplie, Sérénissime prélat, de recevoir ce très modeste témoignage de mon talent avec la plus grande indulgence. Je demande en outre – ce que mes faibles qualités ne pourront démontrer 25
26 27
Le cardinal Maurice de Savoie (1593-1657) est le plus important protecteur de Sigismondo D’India et celui à qui il a dédié plusieurs recueils de musique. Ce livre de motets, publié l’année qui a précédé l’installation du musicien à la cour de Turin, est la première dédicace adressée au prélat, âgé alors de dix-sept ans. On peut penser que celle-ci a pu permettre au compositeur de rencontrer le cardinal à Casale (ville piémontaise située à soixante kilomètres à l’est de Turin) l’année suivante, en 1611, à l’occasion des célébrations pour l’anniversaire de Marguerite de Savoie. Voir le chapitre 2 de la partie I, p. 52-53, 61, 63 et 72. Pour une édition moderne de ce livre de motets, voir Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), éd. G. Collisani, Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV). Le peintre Ludovico Carracci écrit à Gioseffo Guidotti dans une lettre (voir lettre no 1 des correspondances où il est fait mention de D’India, présentées dans ce volume) datée du 24 août 1609, soit un peu plus de cinq mois avant la date de cette dédicace : « Le Sieur Sigismondo a demandé à obtenir [un soprano de Pavie] par cette Sérénissime [Barbara Landi Barattieri] afin de faire interpréter quatre messes votives de la meilleure manière possible. Le Sieur Sigismondo les composa en les intercalant avec des motets, ce qui est une chose rare. » (Nous soulignons) (« Il Signor Gismondo [sic], mandando a piliare a questa Serenissima per far cantare quattro messe votive le più eccelentemente cantate che si possa in queste. Il Signor Gismondo [sic] le a composte con li moteti frà megio dicano cosa rara. »), C. C. Malvasia, Felsina pittrice : vite de pittori bolognesi alla Maestà christianissima di Luigi XIIII re di Francia e di Navarra il sempre vittorioso consagrata dal co. Carlo Cesare Malvasia Fra Gelati L’Ascoso. Divisa in duoi tomi ; con indici in fine copiosissimi, Bologne, Barbieri, 1678, vol. I, p. 446-447.
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Deuxième partie
– que la supériorité de ton esprit sublime et royal, conjecturant l’excellence dont je te suis entièrement redevable, accueille avec une grande bienveillance le zèle et le soin dont j’ai fait preuve. Puis, admirant les dons remarquables qu’en très grand nombre notre Seigneur t’a accordés dans son insigne bonté, je prierai assurément et supplierai le dispensateur divin, ainsi qu’on peut l’attendre d’un esprit vraiment pur, de donner, grâce à la renommée éternelle de tes glorieuses entreprises, à moi la faculté de t’offrir des présents plus dignes chaque jour, et à toi le don de les rendre chaque jour magnifiques. Je désire cela avec d’autant plus d’ardeur que grand est, pour ta Sérénissime grandeur, le zèle avec lequel j’aspire à faire partie de ceux qui te sont les plus proches28. Depuis Plaisance le 1er février 161029.
28 29
D’India se trouve à cette époque à la recherche d’une cour. D’India se trouve à Plaisance entre mars 1609 et septembre 1610. Il y est engagé à titre exceptionnel comme maître de chapelle de l’église de Santa Maria di Campagna à Plaisance et compose des messes avec des motets (perdus) à la cour de Barbara Landi Barattieri. Nous pouvons penser que certaines de ces pièces auraient pu être insérées dans ce recueil de motets, voir le chapitre 3 de la partie I, p. 102-105.
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Les épîtres dédicatoires
Le deuxième livre de motets de 1610
LIBER SECVNDVS
SACRORVM CONCENTVVM SIGISMVNDI DE INDIA NOBILIS PANORMITANI. Ternis, Quaternis, Quinis, Senisque vocibus. Concinendorum. VENETIIS, Apud Angelum Gardanum, & Fratres. M D C X.
SERENISSIMO PRINCIPI
FERDINANDO ARCHIDVCI AVSTRIAE CANORICI, LATOBICIAE, CARNIOLAE, Duci Burgundie, Comiti Tiroli, Goriciæ &c. Sigismundus India Palermitanus. D. S. T. Inter eos Principes qui iucundissima Musice arte, quæ animum summis negotijs depressum sublevat, atque recreat, nunc temporis delectari censentur, te ipsum, Serenissime Princeps, non vulgari omnium Laude sublimiorem locum obtinere fateor, atque contemplor. Cumque iam illud meum fuerit consilium, ut hæ factæ Cantiones, aliquo studio ellaboratæ, non nisi alicui maximo viro dicatæ prodirent in vulgus, amplissimo cuius patrocinio nunquam morituræ foverentur, & cui ob non parvam eius delectationem aliqua ex parte acceptæ forent ; hinc est, quòd has tibi Serenissimo Principi præ cæteris omnibus dicandas meritò constituerim, & eò libentius etiam, quò facilius meæ in te propensæ servitutis ratio hoc argumento omnibus declarari potest.
Vale Venetijs xv. cal. Decembris. M D C X.
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Deuxième partie
DEUXIÈME LIVRE
DE CONCERTS SACRÉS DE SIGISMONDO D’INDIA NOBLE PALERMITAIN. Chantés À trois, quatre, cinq et six voix. PUBLIÉS À VENISE, chez Angelo Gardano et frères. 1610.
AU PRINCE SÉRÉNISSIME
FERDINAND ARCHIDUC D’AUTRICHE30 DE CARINTHIE, DE STYRIE, DE CARNIOLE, Duc de Bourgogne, Comte du Tyrol, de Goricie, etc31. Sigismondo D’India de Palerme, SALUT. Parmi les princes à qui l’on conseille de se délecter aujourd’hui avec la musique, art très agréable qui revigore et anime l’esprit accablé par des affaires de très haute importance32, je reconnais, et admire, que toi, Prince Sérénissime, occupes une place encore plus éminente que la louange publique ne le dit. J’avais l’intention de publier ces motets33, qui, une fois finis et composés, avec quelque soin, ne seraient dédiés qu’à quelque très grand personnage, grâce au très grand patronage duquel jamais ils ne seraient oubliés34, et qui les accueillerait quelque peu pour sa grande délectation35. J’ai donc décidé, avec raison, de les dédier à toi plus qu’un autre, Prince Sérénissime, et je le fais d’autant plus volontiers que l’origine de mon dévouement à ton égard peut être révélée sans mal à tous à travers ces propos. Porte-toi bien. Depuis Venise, quinzième jour des calendes de décembre 1610 [le 17 novembre 1610]. 30 31
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L’archiduc d’Autriche Ferdinand II de Habsbourg (1578-1637) est le premier dédicataire étranger de D’India. Son couronnement comme empereur en 1618 est à l’origine de la guerre de Trente Ans. Voir le chapitre 5 de la partie I, p. 174-175. La mention de tous ces titres et de tous ces lieux, situés en Autriche, en Allemagne, en Slovénie, en Suisse, en Italie et en France, est un moyen de montrer ou de rappeler la puissance, le prestige et le rayonnement géographique des Habsbourg. Voir Le corti come luogo di comunicazione : gli Asburgo e l’Italia (secoli xvi-xix), éd. M. Bellabarba et J. P. Niederkorn, Bologne, Il Mulino, 2010. Le compositeur fait référence à l’une des fonctions de la musique les plus fréquemment énoncées dans les dédicaces musicales de cette époque : conforter et soulager celui que le travail a fatigué ou accablé. Le pouvoir curatif de la musique est une belle illustration des liens entre l’anima e il corpo. La musique vient donc seconder le prince en lui apportant le secours nécessaire à son activité politique. À ce sujet, voir F. Alazard, Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 97-98 et S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 200. Nous constatons que le pouvoir curatif attribué à ces motets est identique à celui des madrigaux ; bel exemple d’interpénétration entre musique sacrée et profane. Pour une édition moderne de ce livre de motets, voir Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), éd. G. Collisani, Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV). L’œuvre musicale du compositeur cherche à ralentir l’oubli grâce au soin de sa composition (sa qualité musicale) mais également à la caution (le goût, la réputation) du dédicataire. L’archiduc Ferdinand d’Autriche protège donc à la fois les arts (les motets du livre qui lui est dédié) et les personnes (le compositeur). D’India est en effet l’un des premiers musiciens à dédier un recueil de musique à l’archiduc. La délectation coïncide ici avec l’utilisation de la musique dans sa fonction politique, avec le goût musical et la représentation publique.
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Les épîtres dédicatoires
Le deuxième livre de madrigaux de 1611
LIBRO SECONDO
DE MADRIGALI CINQVE VOCI. DI SIGISMONDO D’INDIA NOBILE PALERMITANO Novamente Composti & dati luce. IN VENETIA. Appresso Angelo Gardano, & Fratelli M D C X I.
ALL’ILLUSTRISSIMO SIGNOR ET PATRON COLLENDISSIMO IL SIGNOR PIETRO FRANCESCO Malaspina Marchese de gli Edificij.
Non è dubbio alcuno, che l’honorato nome di Vostra Signoria Illustrissima letto in fronte di questi miei Madrigali, gli renderà più riguardevoli appresso il mondo. Ma io per due soli rispetti gli li dedico ; prima per havere ella più d’una volta apprestato l’orecchio alle mie compositioni, con gusto suo così particolare, che non saprei ben ridire, se eccedesse il gusto suo nel udirle, l’obligo mio nel effetto da lei graziato che l’udisse ; poi perche possa con l’armonia loro (qual si sii) raddolcir l’animo suo, oppresso tal hora, dalle fatiche de più gravi studi. Gli accetti Vostra Signoria Illustrissima, con occhio benigno, come con favorevole orecchio ne han buona parte di loro più d’una volta udito, che io augurandole per fine ogni eccesso di prosperità le bacio la mano.
Di Venetia li 20 Febraro. 1611. Di Vostra Signoria Illustrissima Affettionatissimo Servitore Sigismondo d’India.
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Deuxième partie
DEUXIÈME LIVRE
DE MADRIGAUX À CINQ VOIX. DE SIGISMONDO D’INDIA NOBLE PALERMITAIN Nouvellement composés et publiés À VENISE Chez Angelo Gardano et frères 1611.
AU TRÈS ILLUSTRE SEIGNEUR ET PATRON TRÈS HONORÉ SEIGNEUR PIETRO FRANCESCO Malaspina Marquis des Edifizi36.
Il n’y a aucun doute que le nom honoré de Votre Seigneurie Illustrissime qui apparaît sur le frontispice de ces miens madrigaux37 les rendra encore plus admirables auprès du public. Quant à moi, je les dédie [à Votre Seigneurie] uniquement pour deux raisons : d’abord parce qu’Elle a plus d’une fois prêté l’oreille à mes compositions avec un plaisir si particulier38 que je ne saurais dire exactement si ce plaisir à les écouter n’était pas supérieur à mon devoir de la gratifier ; ensuite pour que leur harmonie (quelle qu’elle soit) puisse radoucir son âme parfois accablée par les efforts causés par des disciplines plus importantes39. Que Votre Seigneurie Illustrissime les accepte avec un œil bienveillant, de la même manière qu’avec une oreille favorable Elle les a plus d’une fois et en grande partie écoutés40. Enfin, en lui souhaitant une extrême prospérité, je lui baise la main.
Depuis Venise, le 20 février 161141. De Votre Seigneurie Illustrissime, le très affectionné serviteur, Sigismondo D’India. 36 37 38 39 40
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Le marquis Pier Francesco Malaspina des Edifizi (1550-1624), diplomate de la cour des Farnèse, érudit et amateur d’art, était le membre le plus illustre de la branche des Malaspina de Plaisance, voir le chapitre 3 de la partie I, p. 87-99. Pour une édition moderne de ce livre de madrigaux, voir Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume II : The Second Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 1997. La dédicace nous permet de penser que D’India et le marquis Malaspina auraient pu se rencontrer à l’époque où le musicien fréquentait la cour de Parme et de Plaisance (1609-1610). Elle nous laisse également supposer que le marquis connaissait déjà une grande partie des madrigaux de ce recueil avant sa publication. D’India fait référence à l’étude des sciences et notamment des mathématiques, discipline dans laquelle Pier Francesco Malaspina excellait. Cette activité peut être considérée comme le contrepoint et le miroir de l’activité politique et des vertus dans l’art de la guerre du marquis. Pour l’analyse de certains madrigaux de ce recueil, voir M. A. Balsano, « “Vade, mane, redi”. Noterelle su alcuni madrigali di Schütz, D’India e Monteverdi », Claudio Monteverdi und die Folgen. Bericht über das internationale Symposium Detmold 1993, éd. S. Leopold et J. Steinheuer, Kassel-Bâle-Londres, Bärenreiter, 1998, p. 245-265 et J. Morales, Sigismondo D’India à la cour de Turin. Musique, mécénat et identité nobiliaire, thèse de doctorat, Université de Paris-Sorbonne et Università di Roma La Sapienza, 2014, p. 79-99. Consultable en ligne : http://www.e-sorbonne.fr/theses/2014pa040139. Un peu plus d’un mois plus tard (le 1er avril), D’India s’installe à la cour de Turin.
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Les épîtres dédicatoires
Le deuxième livre des villanelles de 1612
LIBRO SECONDO
DELLE VILLANELLE ALLA NAPOLITANA A 3. 4 & 5. Voci. DI SIGISMONDO D’INDIA NOBILE PALERMITANO Maestro della Musica di Camera del Serenissimo & Invitissimo DON CARLO EMANVELLO Duca di Savoia Prencipe di Piemonte &c. IN VENETIA, M D C X I I Appresso l’Herede di Angelo Gardano.
ALL’ILLVSTRISSIMA
SIGNORA ET PADRONA MIA COLENDISSIMA LA SIGNORA BARBARA LANDI BARATTIERI Volendo pure anc’io comparire nel teatro del Mondo con qualque ornamento, che mi faccia parere non indegno di quel luogo, che tengo sotto la protettione di Vostra Signoria Illustrissima ho giudicato à proposito il mandar alle stampe questi componimenti di Musica come più veri ritratti di me stesso, espressi con quei colori, tratteggiati con quelle linee, adornati con quei lumi, e raffinati con quell’arte, che Vostra Signoria Illustrissima tanto intendentissima di questa professione, quanto ricchissima di tutte quelle virtuose qualità, che sono meritamente accompagnate con la chiarezza del sangue, mi hà più volte col pennello del suo profondo giuditio, e del suo sottilissimo ingegno vivamente dimostrato. Onde se per me medesimo non meritarò l’applauso, che si suole acquistare con le lungue fatiche, io potrò facilmente essere in pregio per l’honoratissimo nome di Vostra Signoria Illustrissima e per la parte, ch’ella tiene in queste cose mie. Et a guisa di colui, che si dipinse nello Scudo di Pallade, sarò almeno riguardevole appresso coloro, c’hanno levati gli occhi al nuovo miracolo delle sue rare doti, & invaghiti del sereno raggio della sua persona, e dell’animo, meravigliando la riveriscono quasi vivo, e spirante simulacro di gloria. Permetta dunque Vostra Signoria Illustrissima ch’io mi levi à volo con l’aura placidissima, & benignissima del suo favore, & si come non si sdegnò già d’annoverarmi trà suoi domestici servitori & si compiacque sempre di non misurare le sue solite gratie col mio poco merito, cosi si degni di non argomentare dalla bassezza di questa volgare dimostratione che le faccio, la grandezza del mio divoto affetto verso di lei. Et io per fin à Vostra Signoria Illustrissima inchinandomi, le prego dal Signor Dio tanta quella felicità, che ella stessa desidera & che merita. Di Torino alli 10 Agosto 1612.
Di Vostra Signoria Illustrissima Divotissimo Servitore Sigismondo d’India.
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Deuxième partie
DEUXIÈME LIVRE
DES VILLANELLES À LA NAPOLITAINE À 3, 4 et 5 voix DE SIGISMONDO D’INDIA NOBLE PALERMITAIN, Maître de la Musique de Chambre du Sérénissime et très Héroïque DON CHARLES-EMMANUEL42 Duc de Savoie, Prince du Piémont, etc. PUBLIÉES À VENISE, 1612 Chez l’héritier d’Angelo Gardano.
À MADAME
MON ILLUSTRISSIME ET PATRONNE TRÈS HONORÉE MADAME BARBARA LANDI BARATTIERI43. Voulant moi-même apparaître dans le Théâtre du Monde44 avec quelque ornement qui ne me fasse pas paraître indigne de la place dont je bénéficie sous la protection de Votre Seigneurie Illustrissime, j’ai jugé opportun de faire publier ces compositions de musique comme si elles étaient les portraits les plus vrais de moi-même45, peints avec ces couleurs, tracés avec ces lignes, ornés de cette lumière46 et épurées 42 43 44 45
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Charles-Emmanuel Ier (1562-1630) fut duc de Savoie de 1580 à 1630. Concernant sa manière particulière de gouverner, voir M. L. Doglio, Carlo Emanuele I di Savoia. Simulacro del vero Principe, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2005 et S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012. Barbara Landi, nobildonna de Plaisance, était la fille d’Ottaviano Landi de la branche de Rivalta et l’épouse de Giovanni Battista Barattieri, voir le chapitre 3 de la partie I, p. 99-101. Ce recueil de villanelles est la première publication de la période turinoise du compositeur. Pour une édition moderne, voir Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libro primo (1608) e secondo (1612), éd. C. Assenza, Florence, Olschki, 2007 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV). Le portrait du compositeur devient évident lors de l’apparition d’un acronyme dans la seconde partie de la villanelle O del fertil terreno almo Cantore (Ô du terrain fertile le noble chanteur), où au milieu de l’avant-dernier vers, « Piange al tuo pianto, e S’Indi sciogli il riso » (« Il pleure avec tes larmes et si ensuite tu libères ton rire »), apparaissent les initiales du compositeur ainsi que son nom de famille (« S’Indi »). Cela confirme l’attention particulière du compositeur à l’égard des textes poétiques utilisés dans ses recueils de villanelles où les poèmes ne sont pas uniquement des textes mis en musique – ils doivent être compris comme de véritables choix poétiques de la part du musicien. Voir N. Maccavino, « Il Primo libro di Villanelle alla napolitana di Sigismondo D’India, “nobile palermitano” », Villanella, Napolitana, Canzonetta. Relazioni tra Gasparo Fiorino, compositori calabresi e scuole italiane del Cinquecento. Atti del Convegno Internazionale di Studi, Arcavacata di Rende-Rossano, 9-11 dicembre 1994, éd. M. P. Borsetta et A. Pugliese, Vibo Valentia, Istituto di Bibliografia Musicale Calabrese, 1999, p. 255 et C. Assenza, « “Ma, cara cetra, che speri o tenti ?” Itinerari poetici e immaginari di corte nelle Villanelle di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci, op. cit., p. xv et xxiii. Les passages chromatiques, les sauts d’intervalles inattendus, les passages en quintes parallèles et les dissonances ardues, présentes dans le Premier livre des villanelles de D’India, se font plus nombreux dans le Second. Le compositeur confirme, d’un côté, l’actualité d’une écriture ornementale éblouissante à l’allure d’improvisation et, de l’autre, il affirme le caractère déclamatoire de sa musique. De surcroît, D’India utilise une palette poétique très variée : très soignée dans le langage, éclectique dans les formes poétiques, tantôt de type ancien, tantôt de caractère « classique », flexible dans la disposition métrique du matériel verbal, mais contenant également des vers profitables à l’expérimentation de nouvelles manières de déclamer ; il s’agit d’une synthèse des traditions du xvie, mais qui est en même temps ouverte aux nouveautés poétiques du xviie siècle.
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Les épîtres dédicatoires
avec cet art que Votre Seigneurie Illustrissime – si experte en la matière47 et tout autant pourvue de toutes ces qualités virtuoses qui vont si justement de pair avec la noblesse de son sang – m’a plus d’une fois vivement montrés, à l’aide du pinceau de son jugement avisé et de sa très subtile intelligence. Même si je ne puis être digne pour moi-même des félicitations que l’on obtient au terme de longs efforts, je pourrai facilement être méritant grâce au seul nom très honoré de Votre Seigneurie Illustrissime et grâce à la place qu’Elle tient dans mes compositions. Et, à la manière de celui qui se refléta dans le bouclier de Pallas48, je serai au moins digne de considération auprès de ceux qui ont levé les yeux sur le nouveau miracle des dons rares [de Votre Seigneurie Illustrissime] et qui sont tombés sous le charme de la clarté du rayonnement de sa personne ainsi que sous le charme de son âme et qui, frappés, l’honorent telle une représentation de gloire vivante et expirante. Que Votre Seigneurie Illustrissime permette donc que je prenne mon envol grâce à l’air si tranquille et si bénéfique de sa faveur et puisqu’Elle n’a pas dédaigné de m’inclure parmi ses serviteurs personnels49 et qu’Elle s’est toujours plue à ne pas mesurer ses habituelles grâces à mon peu de mérite, qu’Elle daigne également ne pas douter, à cause de la bassesse de la banale démonstration que je lui fais, de la grandeur de mon affection dévouée à son égard. Enfin, m’inclinant devant Votre Seigneurie Illustrissime, je prie le Seigneur Dieu de lui accorder tout le bonheur qu’Elle désire et mérite. Depuis Turin, le 10 août 1612.
De Votre Seigneurie Illustrissime, le très dévoué serviteur, Sigismondo D’India. 47
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La vie artistique foisonnante de la maison de Barbara Landi Barattieri, satellite du duché Farnèse, montrent qu’un personnage issu de la noblesse mineure peut exercer un rôle culturel de premier plan. En effet, c’est chez Barbara Landi que D’India écrit de la musique sacrée et côtoie des artistes de grand prestige comme le peintre Ludovico Carracci. Voir la lettre no 1 de ce livre ainsi que le chapitre 3 de la partie I, p. 102. Sur la question de la « produzione di località » et de la formation des élites locales, voir A. Torre, Luoghi. La produzione di località in età moderna e contemporanea, Rome, Donzelli, 2011, p. 13-18 et 112-114. Le compositeur fait référence au mythe de Pallas, géant ailé à qui Zeus donna un bouclier et qui fut vaincu par la déesse Athéna. Elle orna ensuite son égide de la peau du géant et ses épaules de ses ailes, voir Cicéron, De Natura Deorum, livre III/XXIII, trad. C. Auvray-Assayas, Paris, Les Belles lettres, 2002, p. 158-160. D’India utilise cette métaphore pour signifier le désir de transmission et d’immortalité de son œuvre, voir Cicéron, Tusculanes, livre I/XV, trad. J. Humbert, Cicéron, Tusculanes. Tome I, Paris, Les Belles lettres, 1970, p. 24 : « Sed quid poetas ? Opifices post mortem nobilitari volunt. Quid enim Phidias sui similem speciem inclusit in clupeo Minervae, cum inscribere (nomen) non liceret ? Quid ? Nostri philosophi nonne in is libris ipsis quos scribunt de contemnenda gloria sua nomina inscribunt ? Quodsi omnium consensus naturae vox est, omnesque qui ubique sunt consentiunt esse aliquid, quod ad eos pertineat qui vita cesserint, nobis quoque idem existimandum est, et si, quorum aut ingenio aut virtute animus excellit, eos arbitrabimur, quia natura optima sint, cernere naturae vim maxume, veri simile est, cum optumus quisque maxume posteritati serviat, esse aliquid, cuius is post mortem sensum sit habiturus. » (« Pourquoi d’ailleurs alléguer les poètes ? Les sculpteurs veulent qu’on parle d’eux après leur mort. N’est-ce pas pour cela que Phidias grava son effigie sur le bouclier de Minerve, car il était interdit d’inscrire son nom sur la statue. Et nos philosophes ! n’inscrivent-ils pas leurs noms en tête des livres mêmes qu’ils écrivent sur le mépris de la gloire ? Que si le consentement universel est la voix de la nature, et si les hommes, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, conviennent de l’existence de quelque chose qui intéresse les défunts, nous devons partager cet avis, et si nous jugeons que ceux dont l’âme se distingue par l’intelligence ou la vertu discernent mieux les tendances de la nature, parce que en eux la nature réalise sa perfection, il est vraisemblable, les individus les meilleurs étant ceux-là qui s’intéressent le plus à la postérité, qu’il existe quelque chose dont ils doivent avoir le sentiment après leur mort »). Concernant la redécouverte de la pensée de Cicéron à cette époque, voir R. Tuck, Philosophy and Government 1572-1651, Cambridge, Cambridge University Press, 1993, p. 12-20 et 31-39. La dédicace de ce livre montre qu’un musicien – ce qui est également le cas des diplomates – peut servir plusieurs patrons en même temps, qu’il peut devenir le « serviteur personnel » d’un patron secondaire et qu’une dédicace peut être un objet de reconnaissance a posteriori du compositeur à l’égard de son protecteur, dédicace qui s’insère dès lors dans une logique clientéliste de réciprocité, de service et de gratitude.
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Deuxième partie
Le troisième livre de madrigaux de 1615
DI SIGISMONDO
D’INDIA IL TERZO LIBRO DE MADRIGALI A CINQVE VOCI. Con il suo Basso continuo da Sonar con diversi instromenti da corpo à beneplacito ; ma necessariamente per gli otto ultimi. NOVAMENTE STAMPATI CON PRIVILEGIO. STAMPA DEL GARDANO IN VENETIA. MDCXV. Appresso Bartholomeo Magni.
ALL’ILLUSTRISSIMO ET REVERENDISSIMO SIGNOR MIO COLLENDISSIMO MONSIGNOR MARCO SITTICO CONTE D’ALTEMPS, ET GALLARATA Arcivescovo & Prencipe di Salzburg.
L’ALTA protettione che Vostra Signoria Illustrissima & Reverendissima hà sempre havuto sopra à virtuosi ha di gia acquistato cosi gran nome, che non potendo contenersi infra gli ampijssimi spatij della Germania, transcende l’alpi d’ogni intorno, anzi le gran mura dell’universo, e diffondendosi arrivà fin à questi estremi termini dell’Italia, onde io fatto ambitioso d’esser fra posto al numero de Servitori protetti da Vostra Signoria Illustrissima & Reverendissima vengo a farli oblatione di me stesso insieme con questo mio (infino ad hora) ultimo, fatichoso, e prediletto parto musicale, & humilmente me l’inchino. Di Venetia il di primo Agosto MDCXV.
Di Vostra Signoria Illustrissima e Reverendissima Divotissimo Servitore Sigismondo d’India.
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Les épîtres dédicatoires
DE SIGISMONDO
D’INDIA, LE TROISIÈME LIVRE DE MADRIGAUX À CINQ VOIX avec basse continue à jouer avec différents instruments da corpo50 au choix, mais obligatoirement pour les huit dernières pièces. NOUVELLEMENT PUBLIÉS AVEC PRIVILÈGE. À L’IMPRIMERIE DE GARDANO À VENISE, 1615. Chez Bartholomeo Magni.
AU TRÈS ILLUSTRE ET TRÈS RÉVÉREND MON PATRON TRÈS HONORÉ MONSEIGNEUR MARCO SITTICO COMTE D’ALTEMPS ET DE GALLARATA Archevêque et Prince de Salzbourg51.
LA HAUTE protection que Votre Seigneurie Illustrissime et très vénérée a toujours accordée aux virtuoses, a acquis une si grande renommée que, n’ayant pas pu être contenue à l’intérieur du très vaste territoire de l’Allemagne, elle traverse les Alpes, de même que tous les remparts de l’univers52. C’est en se diffusant ainsi qu’elle arriva jusqu’à ces confins de l’Italie53 où j’aspire vivement à faire partie 50
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L’utilisation des « instruments de corps », comme la guitare espagnole, le luth ou le théorbe, témoigne de l’évolution du récitatif vers le style arioso de l’air, fruit de la rencontre décisive entre les genres populaire et sérieux qui caractérisent les écoles romaine et ferraraise, voir T. Carter, « “Una nuova aria et grata all’orecchie”. Il concetto di “Aria” nel tardo Rinascimento e nel primo Barocco », Il madrigale oltre il madrigale. Dal Barocco al Novecento : destino di una forma e problemi di analisi. Atti del IV Convegno internazionale sulla musica italiana del secolo xvii : Lenno-Como, 28-30 giugno 1991, éd. A. Colzani, A. Luppi et M. Padoan, Côme, AMIS, 1994, p. 280. Voir aussi id., « Resemblance and Representation : Toward a New Aesthetic in the Music of Monteverdi », Con che soavità. Studies in Italian Opera, Song and Dance, 1580-1740, éd. I. Fenlon et T. Carter, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 123. Concernant les « stromenti da corpo », voir aussi A. Agazzari, Del sonare sopra ‘ l basso con tutti li stromenti e dell’uso loro nel conserto, Sienne, Falcini, 1607, p. 3, éd. facsimilé Bologne, Forni, 2002 : « Per osservar l’ordine, e la brevità che si richiede in tutte le cose da trattarsi havendo noi al presente à favellare di Stromenti Musicali ne bisogna primamente far di loro divisione secondo il nostro soggetto e proposta materia. Per tanto divideremo essi stromenti in duoi ordini : cioe in alcuni come fondamento : et in altri, come ornamento. Come fondamento sono quei, che guidano, e sostengono tutto il corpo delle voci, e strumenti di detto Concerto : quali sono Organo, Gravicembalo &c e similmente in occasion di poche e sole voci Leuto, Tiorba, Arpa &c. ». Nous pouvons constater que les premiers dédicataires étrangers choisis par D’India sont autrichiens (l’archiduc Ferdinand II en 1610 et le prince-archevêque Marco Sittico en 1615). En ce qui concerne la généalogie de l’archevêque Altemps, voir le chapitre 5 de la partie I, p. 163. La « Haute protection » de Marco Sittico est un mot central de la dédicace de ce livre de madrigaux. D’India cherche sans doute à augmenter son prestige en dédiant un recueil de musique à un prince étranger ; « la grande renommée » du dédicataire « qui traverse les Alpes » est proportionnelle à celle que le compositeur peut acquérir en se plaçant sous sa protection ; elle assure également l’unité organique du livre de musique en question. D’India met ici en place une stratégie de carrière afin d’assurer sa promotion dans un contexte nouveau. Cette stratégie joue, à travers « la renommée », sur la dimension géographique : porté par la renommée d’un prince étranger,
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Deuxième partie
des serviteurs protégés54 par Votre Seigneurie Illustrissime et très vénérée. Je viens vous faire don de moi-même ainsi que de cette dernière (au moins jusqu’à présent), œuvre musicale de prédilection, née difficilement55, en m’inclinant humblement. Depuis Venise, le premier jour du mois d’août 1615.
De Votre Seigneurie Illustrissime et très vénérée, le très dévoué serviteur, Sigismondo D’India.
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le musicien adresse ses musiques à un personnage vertueux qui « protège » les musiciens de talent. L’excellence du mécénat dépasse les frontières en même temps qu’elle confirme la qualité musicale du recueil et consolide la réputation internationale de D’India. Mobilité et échange participent ainsi à la construction du rayonnement culturel et de la renommée du monde musical italo-germanique de cette période. Au-delà de la volonté de D’India d’augmenter son prestige en dehors des frontières italiennes, il est possible, comme l’a précisé Glenn Watkins (Sigismondo D’India. Il terzo libro dei madrigali a cinque voci (1615), éd. G. Watkins, Florence, Olschki, 1995, p. viii (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XV), que le compositeur ait cherché à « faire partie des serviteurs protégés » du prince-archevêque dans le but de quitter la cour de Turin pour celle Salzbourg à cause de la guerre du Montferrat, guerre qui a interrompu la quasi totalité des représentations théâtrales entre 1613 et 1618. Pour une édition moderne de ce recueil, voir G. Watkins, Sigismondo D’India. Il terzo libro dei madrigali, op. cit. et Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume III : The Third Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 1998.
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Les épîtres dédicatoires
Le deuxième livre des Musiche de 1615
LE MVSICHE
A DVE VOCI DI SIGISMONDO D’INDIA, SERVITORE DEL SERENISSIMO ET INVITISSIMO SIGNOR DVCA DI SAVOIA, & Capo della Sua Musica di Camera. Novamente composte, & date in luce. CON PRIVILEGIO IN VENETIA M D C X V Appresso Ricciardo Amadino.
AL SERENISSIMO
ET INVITISSIMO DON CARLO EMANVEL DVCA DI SAVOIA Prencipe di Piemonte, &c. Havendo da mandare in luce le presenti mie nuove Compositioni fatte in questi pochi anni ch’io dimoro alla servitù dell’Altezza Vostra Serenissima, vengo à dedicarle al suo Glorioso nome, si come le dedicai me stesso, quand’ella si degnò d’annoverarmi nel numero de suoi Servitori. Sò che m’haro preso gran d’ardire in presentarle a Prencipe si grande, e di tanto valore che non pure mostra havere intelligenza a più che ordinaria in questa disciplina ma è tenuto da ciascheduno versatissimo in tutte quelle virtù, che meritamente accompagnando la Serenissima persona sua lo fan parere un unico Sole dell’ètà nostra. Vengo hora assicurato dall’immensa bontà sua a farne mostra qual elle si sijno nel gran Theatro del Mondo ; acciò ch’ogniun veda questa nuova maniera di concertare, usata sovente da me nelle sue Regie Camere. Gradiscale dunque l’Altezza Vostra come cose non indegne affatto della grandezza di lei medesima, mentre l’ha tante volte honorate, et accetti insieme con esso loro un atto ben assai picciolo della devotion mia, che è infinita verso lei, alla quale pregando dal’ Signore il colmo de suoi sublimi pensieri me l’inchino. Di Torino il dì XX d’Agosto MDCXV.
Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo Servitore Sigismondo d’India.
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Deuxième partie
MONODIES ACCOMPAGNÉES
À DEUX VOIX DE SIGISMONDO D’INDIA, SERVITEUR DU SÉRÉNISSIME ET TRÈS HÉROÏQUE SEIGNEUR DUC DE SAVOIE, et Chef de sa musique de Chambre. Nouvellement composées et publiées. AVEC PRIVILÈGE À VENISE, 1615, Chez Ricciardo Amadino.
AU SÉRÉNISSIME
ET TRÈS HÉROÏQUE DON CHARLES-EMMANUEL DUC DE SAVOIE Prince du Piémont, etc. Ayant dû publier mes nouvelles compositions ici présentes, faites pendant ces quelques années depuis lesquelles je me trouve au service de Votre Altesse Sérénissime, je viens les dédier à son nom glorieux, de la même manière que je lui en avais dédié d’autres quand elle a daigné m’inclure au nombre de ses serviteurs56. Je suis conscient de la grande audace de les présenter à un prince si grand et si valeureux57 qui montre non seulement une intelligence extraordinaire dans cette discipline58, mais est tenu par tous comme très doué en toutes ces vertus qui, accompagnant justement sa personne Sérénissime, la font paraître comme le seul Soleil de notre temps59. Je viens à présent, certain de son immense bonté, 56 57
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D’India est nommé maître de la musique de chambre du duc Charles-Emmanuel en avril 1611 à une époque où le duc est particulièrement attentif à la construction de l’image du duché de Savoie. La dédicace de ce livre de musique est publiée au moment où la première guerre du Montferrat (1613-1618) bat son plein, d’où l’exaltation des vertus guerrières du duc. En effet, les conflits armés renforcent l’État de Savoie et sa diplomatie au xviie siècle. Voir L. Bély, « Le Piémont-Savoie au cœur des conflits européens », L’État, la cour et la ville. Le duché de Savoie au temps de Christine de France (1619-1663), éd. G. Ferretti, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 98-99. En ce qui concerne le caractère belliqueux et imprévisible du duc, voir S. Gal, Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012, p. 22-27. Sur le programme iconographique destiné, à partir de 1610, à représenter CharlesEmmanuel comme un duc invaincu et défenseur de la foi catholique, voir id., p. 350-353. La compétence musicale des dédicataires est un élément récurrent dans les dédicaces de partitions de cette époque. Cela ne signifie pas forcément qu’ils maîtrisent les règles du contrepoint ou qu’ils savent jouer d’un instrument, mais plutôt que ce sont des hommes de goût qui savent utiliser au mieux la musique dans sa fonction politique ; ils maîtrisent l’art de la délectation. La mélomanie coïncide ici avec l’autoreprésentation. Sur cette question, voir F. Alazard, Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 105 et 108-109. D’India montre ici l’intérêt de Charles-Emmanuel pour la musique et pour les arts en tant que parties agissantes de son art de gouverner mais également en tant qu’éléments de la construction de son image publique et de celle de la cour de Turin. Sur le rapport du duc avec les arts, voir M. L. Doglio, « Rime inedite di Carlo Emanuele I di Savoia », Studi Piemontesi, no 8, 1979, p. 121-133 ; F. Varallo, « Le feste alla corte di Carlo Emanuele I e G. B. Marino », Da Carlo Emanuele 1 a Vittorio Amedeo 2. Atti del convegno nazionale di studi : San Salvatore Monferrato, 20-21-22 settembre 1985, Monferrat, San Salvatore Monferrato, éd. G. Loll, 1987, p. 159-166 ; Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I. Torino-Parigi-Madrid, éd. M. Masoero, S. Mamino et C. Rosso, Florence, Olschki, 1999 ; C. Santarelli, « Le
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Les épîtres dédicatoires
en donner quelque preuve avec elles [ses nouvelles compositions] jusqu’au grand Théâtre du Monde ; afin que chacun voie cette nouvelle manière de concerter60, utilisée souvent par moi dans ses chambres royales61. Qu’elles soient donc agréables à Votre Altesse comme des choses aucunement indignes de sa grandeur, les ayant déjà tant de fois honorées, et qu’elle accepte également avec elles ce si petit geste de ma dévotion qui est infinie à son égard ; et suppliant le Seigneur qu’Elle me comble de ses sublimes pensées, je m’incline. Depuis Turin, le 20 Août 1615.
De Votre Altesse Sérénissime, le très humble serviteur, Sigismondo D’India.
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collezioni dinastiche dei duchi di Savoia nel Seicento : problemi di iconografia musicale », Canoni bibliografici. Atti del Convegno internazionale IAML/IASA, Perugia 1-6 settembre 1996, Lucques, LIM, 2001, p. 73-91 ; A. Basso, « La musica in città (1530-1630) », Storia di Torino : Dalla dominazione francese alla ricomposizione dello stato (1536-1639), éd. G. Ricuperati, Turin, Einaudi, 2002, p. 340-351 ; M. Guglielminetti, « Carlo Emanuele I scrittore », id., p. 654672 ; C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I : Filippo Albini da Moncalieri », Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), éd. L. Girodo, Lucques, LIM, 2002, p. vii-xii ; G. Alonzo, Giambattista Marino. Il ritratto del serenissimo don Carlo Emanuello duca di Savoia, Rome, Aracne, 2011 ; C. Cuneo, « La grande galeria di Carlo Emanuele I di Savoia “in bell’ordine ornata e ripiena d’historie e favole, di libri, di scolture e di pitture […] e meraviglie dell’antichita” », Architettura e identità locali, vol. II, éd. H. Burns et M. Mussolin, Florence, Olschki, 2013, p. 291-311 et le chapitre 2 de la partie I, p. 37-43. La dédicace montre également la diffusion du nouveau style monodique qui commence à se propager à la cour de Turin à cette époque et dont D’India est l’un des plus importants promoteurs. Pour une édition moderne de ce livre, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, 2 vol., préface de P. E. Carapezza (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). D’India fait référence à la musique de chambre qu’il compose pour le duc à une époque qui favorise de plus en plus les spectacles publics. Voir A. Tedesco, « Mecenatismo musicale e distinzione sociale nell’Italia moderna », Marquer la prééminence sociale. Actes de la conférence organisée à Palerme 2011 par SAS en collaboration avec l’École française de Rome et l’université de Palerme, éd. J.-P. Genet et E. I. Mineo Paris-Rome, Publications de la Sorbonne-École française de Rome, 2014, p. 308. Le duc Charles-Emmanuel possédait dans sa chambre le tableau d’un « giovine che sona di leuto » (« jeune qui joue du luth ») du peintre Carlo Vacca, actif à la cour de Turin au début du xviie siècle, voir G. Campori, Raccolta di cataloghi ed inventari inediti di quadri, statue, disegni, bronzi, dorerie, smalti, medaglie, avorii, ecc. dal secolo xv al secolo xix, Modène, Vincenzi, 1870, p. 103.
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Deuxième partie
Le cinquième livre de madrigaux de 1616
IL QVINTO LIBRO
DE MADRIGALI A CINQVE VOCI DI SIGISMONDO D’INDIA Capo della Musica di Camera del Serenissimo, & Invitissimo Duca di Savoia, Novamente posto in luce. CON PRIVILEGIO. IN VENETIA M. DC. XVI. Appresso Ricciardo Amadino.
ALL’ILLUSTRISSIMO
ET ECCELLENTISSIMO SIGNOR CAVAGLIERO HENRICO VOTTONE AMBASCIATORE della Maestà di Inghilterra appresso la Serenissima Republica di Venetia. Affermarono gli antichi Platonici, che in Cielo sono le cose terrene, ma di natura Celeste, & in terra le cose Celesti, ma di natura terrena, assegnando qualunque proprietà ad alcun ordine di quelle cause que dalla prima nell’operatione immediatamente dipendono, onde furono poi a ciascun genio fatti dalla superstitiosa gentilità i sacrifici destinando loro gli animali, le piante, & le altre cose conforme alle loro potenze & alla loro natura. Per tanto dovendo io mostrare a Vostra Eccellenza qualche atto della mia devotione verso lei, ho giudicato che li sia molto proportionata la Musica per la dilettatione, che talhora con prudentissimo compartimento di suoi grandi pensieri nel maneggio de negotij gravissimi ne prende & per la simpatia che questa nobilissima professione hà con la simmetria, e con l’armonia dell’animo suo dotato di tutte quelle prerogative di scienza, & di speculatione che si refferivano a questi heroi deificati ; Accetti dunque la Eccellenza Vostra questa mia opera in quel grado nel quale per suà benignità s’è degnata sempre di riporre la persona mia appresso la sua gratia, & si compiaccia di farne conto almeno per essere un’affetto prodotto dall’influsso della sua Virtù & di suoi meriti, & a Vostra Eccellenza humilmente inchinandomi le prego dal Signor Iddio felicissima vita.
Di Torino lì 28 zugno. 1616 Di Vostra Signoria Illustrissima & Eccellentissima Obligatissimo Servitore Sigismondo d’India.
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Les épîtres dédicatoires
LE CINQUIÈME LIVRE
DE MADRIGAUX À CINQ VOIX DE SIGISMONDO D’INDIA Chef de la musique de Chambre du Sérénissime et très Héroïque Duc de Savoie, Nouvellement publiés. AVEC PRIVILÈGE. À VENISE, 1616. Chez Ricciardo Amadino.
AU TRÈS ILLUSTRE
ET TRÈS EXCELLENT SEIGNEUR CHEVALIER HENRY WOTTON AMBASSADEUR de sa Majesté d’Angleterre près la Sérénissime République de Venise62.
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Concernant cet éminent personnage, voir L. P. Smith, The Life and Letters of Sir Henry Wotton, Oxford, Clarendon Press, 1907 ; Dictionnaire diplomatique comprenant les biographies des diplomates, du Moyen âge à nos jours, constituant un traité d’histoire diplomatique sur six siècles, éd. A. F. Frangulis, Paris, Académie diplomatique internationale, 1954, p. 1220-1221 ; G. Curzon, Wotton And His Worlds : Spying, science and Venetian Intrigues, Philadelphie, Xlibris Corp., 2003 ; E. Chaney, « The Italianate Evolution of English Collecting », The Evolution of English Collecting : Receptions of Italian Art in the Tudor and Stuart Periods, éd. E. Chaney, New Haven-Londres, Yale University Press, 2003, p. 1-124 ; R. Hill, « Art and Patronage : Sir Henry Wotton and the Venetian Embassy 1604-1624 », Double Agents. Cultural and Political Brokerage in Early Modern Europe, éd. M. Keblusek et B. Vera Noldus, Leiden-Boston, Brill, 2011, p. 27-58 et The Image of Venice : Fialetti’s View and Sir Henry Wotton, éd. D. Howard et H. McBurney, Londres, Holberton, 2014.
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Deuxième partie
Les anciens Platoniciens affirmèrent que dans le ciel se trouvent les choses terrestres, mais de nature céleste, et sur terre les choses célestes63, mais de nature terrestre, en attribuant toutes leurs propriétés à quelque ordre de ces causes qui dépendent immédiatement de la cause première, de sorte que l’on réalise, pour chaque esprit, et par une noblesse superstitieuse, des sacrifices en leur destinant les animaux, les plantes et le reste, conformément à leur puissance et leur nature64. Ainsi, devant montrer à Son Excellence quelque preuve de ma dévotion envers Elle, j’ai estimé que c’est la musique qui lui serait la plus harmonieuse pour la délectation65, que parfois avec un très prudent partage de ses grandes pensées dans le maniement de si graves affaires66, elle emprunte avec sympathie ce que cette très noble
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Cette correspondance entre l’humain et le surhumain, entre le ciel et la terre, comporte l’idée platonicienne selon laquelle la musique est le reflet de la perfection céleste et de l’harmonie universelle. Sa mission est de porter sur terre l’ordre qui gouverne le cosmos, d’encourager le progrès de l’univers. C’est également l’un des thèmes de Il messaggiero (Venise, Giunti e fratelli, 1582, p. 21 et 56-57) du Tasse – que le poète dédie à Vincenzo Gonzaga – où l’ambassadeur, messager terrestre, doit établir un rapport profond avec le messager céleste et s’en inspirer sur les plans éthique et esthétique. Concernant la formation de l’identité culturelle, morale et politique de l’ambassadeur à l’époque moderne, voir A. Van Wicquefort, L’Ambassadeur et ses fonctions, La Haye, Veneur, 1682, 2 vol. Voir également M. Bazzoli, « Ragion di stato e interesse degli stati : La trattatistica sull’ambasciatore dal xv al xvii secolo », Stagioni e teorie della società internazionale, Milan, Edizioni Universitarie di Lettere Economia Diritto, 2005, p. 267-312. Cette explication de l’ordre du monde est issue du Timée de Platon, 29c-30a et 77a, trad. L. Brisson, Paris, Flammarion, 2001, p. 118 et 194-195. Ainsi, « les Européens des xvi et xviie siècles pensent donc leur société suivant un strict organiscisme hiérarchique et fonctionnaliste : l’ordre des corps humains et sociopolitiques comme l’ordre du monde reflèteraient la même hiérarchie sacrée. », A. Roullet, O. Spina et N. Szczech, « Introduction. De la communauté à la fabrique communautaire », Trouver sa place. Individus et communautés dans l’Europe moderne, éd. A. Roullet, O. Spina et N. Szczech, Madrid, Casa de Velázquez, 2011, p. 1. Voir aussi le traité de H. Wotton, Elements of Architecture, Londres, Bill, 1624, p. 108-109, où l’ambassadeur, inspiré par la pensée d’Aristote et de Platon, écrit : « Now there are Ornaments also without, as Gardens, Fountaines, Groves, Conservatories of rare Beats, Birds, and Fishes. Of which ignobler kind of Creatures, Wee ought not (faith our greatest Master among the fonnes of Nature) childisbly to despise the Contemplation ; for in all things that are naturall, there is ever something, that is admirable. ». La « délectation » musicale ne doit pas détourner Wotton de ses occupations principales mais au contraire accompagner et assouplir son activité diplomatique en la rendant plus parfaite. Ainsi, Gasparo Bragaccia, dans son traité dédié au prince Édouard Farnèse et intitulé L’ambasciatore, Padoue, Bolzetta, 1626, écrit : « Il suonare, ò cantare in publico non può in alcun modo stare colla sua gravità, ben può udire, e tener appresso di lui musici d’ogni sorte, & gli accrescera la magnificenza, ma de se stesso operare in questo genere non mai, dovendo apparir sempre più venerabile colla severità, che colla troppa piacevolezza. Però bene dicea Apolonio Thianco, che il mostrarsi Nerone suonatore di cetra, solo era atto ad escluderlo dell’Imperio, benche per accidente arrecasse utile al genere umano, mentre quello occupato nella dolcezza del suono, nel quale cotanto si compiaceva cessava alquanto dall’uccisione de gli huomini. Et quelli instrumenti musicali, che sono più sordidi, & fanno li suonatori più sconci, sono tanto meno leciti alle persone nobili. Onde favoleggiarono i Poeti, che Minerva inventrice de flauti, vedendo, che al suono di quella restava diformata nella faccia, li gitto via, & riprovò l’uso di quelli. […]. Ma se bene diciamo che all’Ambasciatore non istà bene di essercitare la musica, mentre egl’è Ambasciatore, non perciò intendiamo di dannare la musica, anzi affermiamo, che quella in se stesa è buona, & deve impararsi poscia che Platone hà detto essere necessario à giovani non meno imparar musica per temperar li spiriti troppo feroci, che gli essercitii ginnastici per fuggire la mollitie, & affeminatezza de corpi. » » (p. 102-103) ; « L’ambasciatore […] Imitera li Musici, liquali come dice Xenofonte, non solo usano quello, che d’altri impararono, ma studiano di fare eglino qualche cosa di nuovo da loro medesimi, percioche nella musica piacciono grandemente le nuove inventioni. » (p. 265). Concernant la prudence en tant que conception morale qui permet à l’ambassadeur de savoir répondre à la contingence (être capable de s’adapter en fonction des circonstances) et de placer son action de négociateur dans un univers civil harmonieux (pouvoir de persuasion), voir le chapitre intitulé « Della Prudenza per l’Ambasciatore » dans id., p. 141-145. Voir aussi M. Bazzoli, « Ragion di stato e interesse degli stati », op. cit., p. 284-286 ; S. Andretta, L’arte della prudenza. Teorie e prassi della diplomazia in Italia del xvi e xvii secolo, Rome, Biblink, 2006 ; D. Ménager, « Éloge de la prudence », L’Ange et l’Ambassadeur. Diplomatie et théologie à la Renaissance, Paris, Classiques Garnier, 2013,
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Les épîtres dédicatoires
occupation a à voir avec la symétrie, et avec l’harmonie de son esprit67, pourvu de toutes ces facultés de science et de spéculation qui s’inspirent des héros déifiés68. Que Son Excellentissime accepte mon œuvre, dans la mesure où, par sa bonté, Elle a toujours daigné placer ma personne auprès de sa grâce69, et qu’Elle consente à la recevoir au moins comme le produit de l’influence de sa vertu70 et de ses mérites. En m’inclinant humblement devant Son Excellence, je lui souhaite du Seigneur Dieu une très heureuse vie.
Depuis Turin le 28 juin 1616. De Votre Seigneurie Illustrissime et Excellentissime, le très reconnaissant serviteur Sigismondo D’India.
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p. 115-125 et J. Petitjean, « L’utile et la prudence », L’intelligence des choses. Une histoire de l’information entre Italie et Méditerranée (xvie-xviie siècles), Rome, École française de Rome, 2013, p. 38-40. D’India s’inspire d’une idée issue du néoplatonisme selon laquelle les saisons, les éléments et toutes les créatures de la terre manifestent le pouvoir et la justice divins, c’est-à-dire l’harmonie. Sur l’importance de la proportion et de l’harmonie, mais aussi de la géométrie, de l’arithmétique et des mathématiques pour l’ambassadeur, voir G. Bragaccia, L’ambasciatore, op. cit., p. 132, 344-355 et 392-393. De même, Henry Wotton, consacre la préface de son traité d’architecture à Vitruve et traite la question de l’harmonie et de la proportion, voir Elements of Architecture, op. cit., p. 12 et 81. Voir aussi D. Frigo, « Prudence and Experience : Ambassadors and Political Culture in Early Modern Italy », The Journal of Medieval and Early Modern Studies, no 38/1, 2008, p. 28 ; Paroles de négociateurs. L’entretien dans la pratique diplomatique de la fin du Moyen âge à la fin du xixe siècle, éd. S. Andretta, S. Péquignot, M.-K. Schaub, J.-C. Waquet et C. Windler, Rome, École française de Rome, 2010 ; A. M. Myers, « Aristocrats and Architects. Henry Wotton and the Country House Poem », Litterature and Architecture in Early Modern England, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2013, p. 50-76 et D. Frigo, « Prudenza politica e conoscenza del mondo. Un secolo di riflessione sulla figura dell’ambasciatore (1541-1643) », De l’ambassadeur. Les écrits relatifs à l’ambassadeur et à l’art de négocier du Moyen Âge au début du xixe siècle, éd. S. Andretta, S. Péquignot et J.-C. Waquet, Rome, École française de Rome, 2015, p. 227-268. N’oublions pas, comme le souligne D. Iogna-Prat (Cité de Dieu, cité des hommes. L’Église et l’architecture de la société, Paris, PUF, 2016, p. 285), que l’organisation spatiale des formes sociales nécessite une « morphologie sociale ». Ainsi, les Temps modernes voient l’émergence d’une politique considérée comme une « science de l’architecture ». Voir la chapitre intitulé « Dell’Antichità dell’officio dell’Ambasciatore » dans G. Bragaccia, L’ambasciatore, op. cit., p. 23-33. Concernant l’héroïsme nécessaire à l’ambassadeur, voir J. A. Vera Figueroa, Il perfetto ambasciatore trasportato dall’idioma spagnolo, & francese nell’italiano. Per Mutio Ziccata, Venise, Wiffeldick, 1649, p. 270. Wotton et D’India se sont certainement rencontrés lors de la visite de l’ambassadeur à la cour de Turin en mai 1612 et en mai 1616. Voir J. Morales, « Mottetti, Villanelle, Madrigali, Musiche e Balli. De Venise à Oxford, “la lunga navigazione” des sources musicales de Sigismondo D’India », Le Jardin de Musique, no 7/1, 2011, p. 53-70 et le chapitre 6 de la partie I, p. 179-187. Pour une édition moderne de ce recueil, voir Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts. Volume V : The Fifth Book of Madrigals for Five Voices, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, 2000. Voir D. Ménager, « Les vertus de l’ambassadeur », L’Ange et l’Ambassadeur, op. cit., p. 109-115.
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Deuxième partie
Le troisième livre des Musiche de 1618
LE MVSICHE
DEL SIGNOR SIGISMONDO D’INDIA. Maestro della Musica di Camera del Serenissimo Signor Duca di Savoia. libro terzo a vna e dve voci. Nuovamente stampate. IN MILANO, Appreso Filippo Lomazzo, 1618.
AL SERENISSIMO SIGNOR DON ALFONSO D’ESTE PRENCIPE DI MODENA
Giudicorono alcuni antichi, à generoso Prencipe essere solo conveniente godere del suono dell’armi, e non de gl’harmoniosi concenti. Questi, à mio parere non huomini, ma fieri Barbari chiamar si ponno, non conobbero, quanto sia propria, e naturale all’huomo la proportione, & harmonia. Ancora le Amazzoni di natura guerriere trattavano l’armi al suon de Calami ; i Lacedemoni, è Cretensi incitati da essa combattevano ; e Paminonda tra Greci, e molti Imperatori trà latini, seppero à suo tempo cambiar l’Egide in Lauro, lo Scudo in lira, l’Hasta nello Plettro, & se Minerva spezzò la Cornamusa vedendosi nel fonte torcer troppo difformemente le labbra, ciò altro argomento far non debbe se non che, alla sapienza, e fortezza e difforme quella Musica, che torce il senso, e l’intelletto ma altra più efficace ragione non vaglia che l’esempio dell’Altezza Vostra Serenissima la quale tutto che habbi nel core generosità di Marte & altissimi pensieri, gode Però al pari d’ogn’altro Prencipe dell’harmonie di voci, & instromenti, & ne favorisce gl’Autori. Onde dovendo mandar alle stampe il terzo libro delle mie Musiche, hò voluto eleggere l’Altezza Vostra Serenissima per mio Apolline, al qual le dedichi, & consacri. Sicuro che da lei approvati saranno à gli altri grati, & accetti. Tanto più che essendo più d’ogni altro congionto con parentela al Serenissimo di Savoia come tengo quello per primo Padrone, è natural Signore cosi devo riconoscer l’Altezza Vostra Serenissima secondo gradisca l’Altezza Sua questo picciol dono, che però con grande affetto le presento. è se io, come un altro Mercurio, le porgo humilmente la Lira, ella come benigno Appolline non mi nieghi il caduceo del suo favore e protettione. Con che fine le prego dal Signore ogni compiuta felicità. Di Milano il di 3 di Genaro 1618.
Di Vostra Altezza Serenissima Devotissimo Servitore Sigismondo d’India.
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Les épîtres dédicatoires
MONODIES ACCOMPAGNÉES
DU SIEUR SIGISMONDO D’INDIA. Maître de la Musique de Chambre du Sérénissime Seigneur Duc de Savoie. troisième livre à une et deux voix. Nuovellement publiées. À MILAN, Chez Filippo Lomazzo, 1618.
AU SÉRÉNISSIME SEIGNEUR DON ALPHONSE D’ESTE PRINCE DE MODÈNE71
Certains Anciens jugèrent qu’un prince généreux ne devait se délecter qu’avec le son des armes et non avec celui des concerts harmonieux. Ceux-là peuvent être appelés, selon moi, non pas des hommes, mais de féroces barbares ignorant combien propres et naturelles sont la proportion et l’harmonie pour l’homme72. Même les Amazones73, de nature guerrière, utilisaient les armes au son des calames ;
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Alphonse III d’Este (1591-1644) était le fils du duc Cesare d’Este. Il a épousé Isabelle de Savoie, fille du duc CharlesEmmanuel Ier, en 1608. D’India situe ce livre entre sonorité guerrière, « concerts harmonieux », délectation, proportion et harmonie, éléments nécessaires dans l’art de gouverner de la première modernité. En effet, la musique est très souvent considérée comme l’instrument privilégié de la délectation du prince. Sur cette question, voir F. Alazard, Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 95-98. Concernant l’inspiration du mythe des Amazones dans l’opéra italien de 1650 à 1750, voir A. Garavaglia, Il mito delle amazzoni nell’opera barocca italiana, Milan, LED, 2015.
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Deuxième partie
les Lacédémoniens et les Crétois74 combattaient incités par elles ; Épaminondas75, parmi les Grecs, ainsi que de nombreux Empereurs romains surent, au moment opportun, changer l’égide en laurier, le bouclier en lyre et la hampe en plectre76. Et si Minerve brisa la cornemuse en voyant dans le reflet d’une source ses lèvres par trop tordues77, cet argument ne correspond à autre chose qu’à la sagesse
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D’India s’inspire ici du livre I, 11 des Nuits attiques d’Aulus Gellius : « Le grave historien des Grecs, Thucydide, rapporte que les vaillants guerriers de Lacédémone n’allaient point au combat au son des clairons et des trompettes, mais aux accords mélodieux de la flûte. Ce n’était point pour observer une coutume sacrée, ni pour accomplir aucune cérémonie religieuse : c’est qu’ils voulaient, au lieu d’exciter et de remuer les âmes par des sons éclatants comme ceux du clairon, les modérer et les régler, en quelque sorte, par des modulations douces, comme celles de la flûte. Ils pensaient que dans la rencontre avec l’ennemi, et dans le commencement de l’action, rien n’était plus propre à donner au soldat une salutaire prudence, et a élever son courage, que l’impression de ces accords paisibles qui prévenaient l’ardeur d’une fougue emportée. […]. Ce prélude tranquille, ce concert doux et imposant, étaient comme une sorte de discipline musicale qui tempérait l’impétuosité des guerriers, et les empêchait de s’élancer en désordre et de se disperser en attaquant. Mais il est bon de citer ici l’illustre et véridique historien dont les paroles mêmes auront plus de poids : “Alors les deux armées se portèrent l’une contre l’autre : les Argiens s’avançaient avec fougue et colère ; les Spartiates marchaient lentement, au son de flûtes nombreuses placées au milieu des bataillions, selon la coutume adoptée chez eux. Ce n’est point un rit religieux : le but de cette coutume, c’est que les soldats puissent s’avancer au combat du même pas, avec ordre et en cadence, sans rompre leurs rangs, sans se disperser, comme il arrive souvent aux grandes armées, quand l’action s’engage.” On dit que chez les Crétois c’étaient des harpes qui appelaient les soldats au combat, et réglaient leur marche au moment de l’attaque. Hérodote rapporte dans son histoire que le roi de Lydie Halyatte, prince livré aux mœurs efféminées et au luxe de l’Asie, menait avec son armée et employait à donner le signal du combat des musiciens jouant de la flûte et de la lyre, et même des joueuses de flûte, accoutumées à figurer dans ses voluptueuses orgies. Homère nous montre les Grecs marchant à l’ennemi, non aux accords des instruments, mais au milieu du silence, remplis de force et de résolution par le sentiment de leur commune ardeur : “Les Grecs, respirant la fureur de la guerre, et brûlant dans leur sein de se prêter un mutuel appui, marchaient en silence”. » (Nous soulignons). Épaminondas était l’une des figures les plus importantes de l’Antiquité en matière de valeur guerrière et d’éthique. Voir V. Davis Hanson, « Epaminondas the Teban and the Doctrine of Preemptive War », Makers of Ancient Strategy. From the Persian Wars to the Fall of Rome, éd. V. Davis Hanson, Princeton, Princeton University Press, 2010, p. 93-117. D’India s’inspire peut-être ici d’un passage de la fin du livre III de L’art de la guerre (Della arte della guerra, Florence, Giunta, 1521) de Machiavel qui associe la musique à la pratique militaire : « Et perche l’importanza di questo comandamento dee nascere dal suono, io vi diro quali suoni usavano gli antichi. Da Lacedemonij, secondo che afferma Tucidide ne loro eserciti erano usati zufoli. Perche giudicavano che questa armonia fusse più atta à fare procedere il loro esercito con gravita et non con furia. Da questa medesima ragione mossi i Cartaginesi, nel primo assalto usavano la citera. Aliatte Re di Lidi, usava nella guerra la citera & i zufoli. Ma Alessandro Magno & i Romani usavano i corni & le trombe, come quegli che pensavano per virtu di tali instrumenti potere piu accendere gli animi de soldati, & fargli combattere piu gagliardamente. Ma come noi habbiamo nello armare lo esercito preso del modo Greco & del Romano, cosi nel distribuire i suoni, servereno i costumi dell’una et dell’altra natione. » (« Comme la musique dit refléter l’importance de l’ordre donné, je vais vous parler de la musique des Anciens. Les Lacédemoniens, selon Thucydide, se servaient, à l’armée, de chalumeaux, parce qu’il pensaient que la mélodie était plus apte à faire marcher leur armée avec mesure et sans précipitation. Pour la même raison, les Carthaginois se servaient de la cithare au moment du premier assaut. Alliatès, roi de Lydie, usait, à la guerre, de la cithare et des chalumeaux. Mais Alexandre le Grand et les Romains utilisaient cors et clairons, pensant pouvoir, grâce aux vertus de ces instruments, enflammer le courage et la vaillance des soldats. Mais comme nous avons, pour l’armement des soldats, emprunté aux modèles grecs et romains, nous ferons de même dans la distribution des instruments, en reprenant les usages de l’une et l’autre nations. »), L’art de la guerre. Nicolas Machiavel, trad. JeanYves Boriaud, Paris, Perrin, 2011, p. 173-174 (nous soulignons). Selon la mythologie grecque, Minerve avait inventé la double flûte, faite de roseaux du lac Triton (sur les bords duquel la déesse fut élevée), mais voyant son reflet dans l’eau et constatant que le jeu de cet instrument lui déformait le visage, elle le jette avec dépit en condamnant au pire supplice celui qui le ramasserait. Marsyas, un satyre, le recueille, apprend à en jouer et défie Apollon qui le fait écorcher vif. Voir Ovide, Les métamorphoses, livre VI, vers 400, trad. J. Chamonard, Paris, Flammarion, 1966, p. 166 et 423, n. 323.
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Les épîtres dédicatoires
qui fortifie et déforme cette musique qui tord les sens et l’intellect78. Une autre explication plus efficace n’égalerait pas l’exemple de Votre Altesse Sérénissime, laquelle, ayant enfermé dans son cœur la générosité de Mars79 ainsi que les plus hautes pensées, jouit ainsi, à l’égal de tous les princes, de l’harmonie des voix et des instruments, tout en en honorant les auteurs80. Ainsi, devant publier mon Troisième livre des Musiche, j’ai voulu élire Votre Altesse Sérénissime comme source de mon inspiration poétique81, laquelle vous est dédiée et consacrée. Je suis sûr qu’Elle les approuvera et qu’elles seront agréables et bien accueillies par les autres. D’autant plus que vous êtes lié plus que quiconque avec la famille du Sérénissime de Savoie qui est mon principal patron et mon habituel Seigneur82. Ainsi, je suis reconnaissant envers Votre Altesse Sérénissime, selon que plaise à Son Altesse ce cadeau modeste mais que je vous présente avec la plus grande affection, voulant, comme un nouveau Mercure83, vous apporter humblement la lyre, afin que vous, tel un doux Apollon, ne me refusez pas le caducée de votre faveur et de votre protection84. À cette fin je prie le Seigneur pour votre plus grande félicité. Depuis Milan le 3 Janvier 161885.
De Votre Altesse Sérénissime, le très dévoué serviteur, Sigismondo D’India. 78
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D’India transpose la légende de Minerve dans le domaine musical : le compositeur, en donnant des habits musicaux aux sonorités verbales des poètes, tord les règles (l’intellect) pour les adapter à la « matière » (le texte) grâce à l’utilisation de nouvelle techniques expressives ; il approfondit et réalise ainsi la traduction sonore du sens du texte. Sur cette question, voir P. E. Carapezza, « Non si levava ancor l’alba novella. Cantava il gallo sopra il Monteverde », « Sette Variazioni » à Luigi Rognoni Musiche e studi dei discepoli palermitani, Palerme, Flaccovio, 1985, p. 54. D’India rappelle ici « l’affirmation du modèle héroïque de souveraineté », tiraillé entre la faiblesse de cet État et son aspiration à la grandeur, propre à la cour d’Este de cette période, voir E. Fumagalli et G. Signorotto, « Introduzione », La corte estense nel primo Seicento. Diplomazia e mecenatismo artistico, éd. E. Fumagalli et G. Signorotto, Rome, Viella, 2012, p. 10. Alphonse d’Este poursuit la tradition paternelle aussi bien dans son intérêt pour l’érudition intellectuelle que dans la protection de musiciens. Voir G. Tiraboschi, Biblioteca modenese o Notizie della vita e delle opere degli scrittori natii degli stati del duca di Modena, raccolte e ordinate dal cavaliere ab. Girolamo Tiraboschi, Modène, Società Tipografica, 1781-1786, 6 vol. D’India confirme ici une idée répandue à la Renaissance et issue de l’Antiquité grecque selon laquelle la musique et la poésie sont une seule et même chose : l’inspiration poétique et donc analogue à l’inspiration musicale. Voir P. E. Carapezza, Antiche Musiche Elleniche, Palerme, Alfieri & Ranieri, 1997, p. 7-15 et id., « 1492. The Renaissance of Music », Studi Musicali, no 5/1, 2014, p. 111-136. La dédicace présente ce recueil comme un trait d’union entre les familles d’Este et Savoie, insiste sur les liens qui unissent les deux familles et montre qu’un musicien peut travailler pour plus d’un patron sans dépendre pour autant de ses patrons secondaires. Sur les liens politiques entre les deux familles, voir P. Merlin, « Savoia ed Este : due dinastie nel secolo di ferro », La corte estense nel primo Seicento, op. cit., p. 135-148. Pour une édition moderne de ce livre, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, 2 vol., préface de P. E. Carapezza (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). Voir P. E. Carapezza, « Un altro mercurio, il nuovo Dio della Musica », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 9-30. Concernant les poètes de « l’humble lyre » de ce recueil, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 214-216. Ce livre de musique est publié quelques mois avant la fin de la première guerre du Montferrat (1613-1618). En ce qui concerne la centralité politique de Milan au début du xviie siècle, voir G. Signorotto, « Milán : política exterior », La monarquía de Felipe III, éd. J. Martínez Millán et M. A. Visceglia, Madrid, MAPFRE, 2008, vol. IV, p. 1032-1075.
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Deuxième partie
Le livre des Musiche e Balli de 1621
LE MVSICHE
E BALLI A QVATTRO VOCI. CON IL BASSO CONTINVO DEL CAVALIER SIGISMONDO D’INDIA Composte nelle reggie nozze del Serenissimo Prencipe di Savoia Vittorio Amadeo, e Madamma Christiana Nuovamente composte, & date in luce. CON PRIVILEGIO. Dedicate à la Real Maestà della Christianissima Maria Medici Regina di Francia, e di Navarra. IN VENETIA, Appresso Alessandro Vincenti. M D C X X I. ALLA REAL MAESTÀ DELLA CHRISTIANISSIMA MARIA MEDICI REGINA DI FRANCIA E DI NAVARRA. Vostra maestà ha qualità, e prerogative singolari, onde la divotione mia non richiede uffici ordinarij ; tuttavia io non ho da presentarle maggior argomento della mia servitù, che il dedicar al glorioso suo nome queste mie compositioni, di musica, che ardiscono ora di farsi vedere in luce. Io non avrei certo ardire di venirle avanti, se co‘l tanto favorirmi quando io fui di passaggio per Fiorenza, e co’l gradire già tanto la mia servitù ; ora la sua benignità non m’affidasse. S’aggiunge, che questo ufficio è dovuto a lei, che è Madre di Madamma Serenissima di Savoia, che è mia Signora. Gradisca umilmente la prego non il dono, che è sproporzionato al suo merito, ma l’animo che è riconoscitore del mio debito. Io con divota e dovuta riverenza umilmente me le inchino.
Di Venetia li 8 di giugno 1621. Di Vostra Maestà Christianissima Umilissimo servitore Sigismondo d’India.
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Les épîtres dédicatoires
MONODIES ACCOMPAGNÉES
ET BALLETS À QUATRE VOIX. AVEC BASSE CONTINUE DU CHEVALIER SIGISMONDO D’INDIA Composés pour les noces royales du Prince Sérénissime de Savoie Victor-Amédée et de Madame Christine Nouvellement composés et publiés. AVEC PRIVILÈGE. Dédiés à la Royale Majesté de la Très Chrétienne Marie de Médicis Reine de France et de Navarre. À VENISE, Chez Alessandro Vincenti, 1621.
À LA ROYALE MAJESTÉ DE LA TRÈS CHRÉTIENNE MARIE DE MÉDICIS, REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE86.
Votre majesté a des qualités et des prérogatives singulières telles que ma dévotion ne réclame aucun service particulier ; je n’ai néanmoins à vous présenter d’autre plus grande preuve de mon dévouement que la dédicace, à votre nom très glorieux, de ces miennes compositions de musique qui osent se montrer maintenant en pleine lumière. Je n’aurais certainement pas osé me présenter devant vous, bien que vous m’ayez tant privilégié en appréciant autant mes services lorsque j’ai été de passage à Florence87 et alors que je ne jouissais pas de la protection de votre bienveillance88. J’ajoute à cela que ce travail vous 86
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La dédicace à la reine de France est un moyen symbolique de conférer de la valeur à cette œuvre musicale. Le choix de ce personnage permet également au compositeur d’introduire un discours original dans la préface de son recueil de musique. Concernant le rapport de Marie de Médicis avec les arts, voir M. Chappell, « The artistic education of Maria de’ Medici », Le siècle de Marie de Médicis, éd. F. Graziani et F. Solinas, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2003, p. 13-25. Pour une édition moderne de ce livre, voir Sigismondo D’India. Le Musiche e Balli a quattro voci con il basso continuo, éd. R. Bez, C. Chiavazza et M. Less, Lucques, LIM, 2000 (coll. Corona di delizie musicali, vol. I). Il est possible que D’India fasse référence aux préparatifs des festivités nuptiales du début octobre 1600. En ce qui concerne le mécénat artistique médicéen à cette époque, voir F. Solinas, « Art de la politique et politique des arts à Florence pendant la jeunesse de Marie de Médicis », Marie de Médicis, un gouvernement par les arts, éd. P. Bassani Patch, Paris, Somogy, 2003, p. 42-51 et P. Bassani Patch, « Marie de Médicis et ses artistes », Le siècle de Marie de Médicis, op. cit., p. 81-93. Nous pouvons établir un parallèle entre cette dédicace et celle de l’Adone du Cavalier Marin (G. B. Marino, L’Adone poema del Cavalier Marino, Paris, Varano, 1623). En effet, Marino – qui s’établit à la cour médicéenne à Paris entre 1615 et 1623 avant de se rendre à Rome alors particulièrement marquée par la francophilie – dédie à Marie de Médicis son Adonis dont le privilège date de la même année que les Balli de D’India (1621). La publication du recueil du Cavalier Marin est cependant retardée de deux ans à cause du conflit qui oppose la reine à son fils, voir G. Fulco, « La corrispondenza di Giambattista Marino dalla Francia », Le siècle de Marie de Médicis, op. cit., p. 173-185 et F. Graziani, « “La langue des Dieux” : Marino et les jeunes poètes français », id., p. 188. La dédicace de l’Adone laisse transparaître, à travers la comparaison des mécènes de l’Antiquité avec les rois français, ainsi qu’à travers l’analogie entre Louis XIII et Hercule, une théorie du mécénat nobiliaire qui montre les relations d’intérêts partagés entre l’artiste et son protecteur. Nous remercions Jean-François Dubost pour ces précieuses informations. Voir aussi à ce sujet C. Chillet, De l’Étrurie à Rome. Mécène et la fondation de l’Empire, Rome, École française de Rome, 2016, p. 411-417.
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Deuxième partie
est dû, vous qui êtes la mère de Madame Sérénissime de Savoie ma patronne89. Je vous prie humblement d’agréer, non le don, qui ne vaut pas votre mérite, mais la dévotion comme reconnaissante de ma dette. Je m’incline humblement devant vous avec une dévouée et due révérence.
Depuis Venise le 8 juin 162190. De Votre Majesté très Chrétienne, le très humble serviteur, Sigismondo D’India.
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Comme dans l’Adone de Marino, D’India cite à la fois la mère et la fille. C’est également à cette période que le centre de gravité de l’activité musicale du compositeur à Turin se déplace progressivement de la cour du duc de Savoie vers les cours de Christine de France et du cardinal Maurice de Savoie. Voir le chapitre 2 de la partie I, p. 50, 57-58 et 75-78. C’est à l’occasion de cette publication que D’India utilise pour la première fois le titre de Chevalier de Saint-Marc, privilège qui lui a été octroyé en mars de la même année. En effet, le compositeur ne s’était pas rendu à Venise depuis la publication de son Cinquième livre de madrigaux en 1616 ; il y retournera donc au début du mois de juin 1621 pour la publication de son recueil de Balli.
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Les épîtres dédicatoires
Le quatrième livre des Musiche de 1621
LE MVSICHE
DEL CAVALIER SIGISMONDO D’INDIA A VNA ET DVE VOCI A CANTARSI NEL CHITARRONE CLAVICEMBALO, ARPA DOPPIA ET ALTRI STROMENTI DA CORPO. Con alcune Arie, Con l’Alfabetto Per la Chitara alla Spagnola. novamente composta et data in lvce CON PRIVILEGIO. LIBRO QVARTO IN VENETIA, APPRESSO ALESSANDRO VINCENTI MDCXXI.
ALL’ILLVSTRISSIMO SIGNOR
E MIO SIGNOR COLENDISSIMO IL SIGNOR CONTE FEDERICO ROSSI DI SAN SECONDO ETC. Queste Compositioni mie Musicali se ne vengono à Vostra Signoria Illustrissima sicure d’esser da quella non pur ben vedute per l’ordinaria sua gentilezza ma ben gradit’ancora mercè all’intelligenza, & al buon gusto che hà delle cose della Musica, in una parola vengono à lei con tanto maggior mia sodisfatione, quanto che la sua Casa è un vero Tipo e figura di Parnaso al qual’ella degnamente assiste verace Apollo, e dove perch’io altre volte hò ricevuto segnalati favori à gran ragione le consacro, & à Vostra Signoria Illustrissima baccio le mani.
Di Venetia li 13 di Novembre MDCXXI. Di Vostra Signoria Illustrissima Affettionatissimo Servitore Don Sigismondo d’India.
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Deuxième partie
MONODIES ACCOMPAGNÉES
DU CHEVALIER SIGISMONDO D’INDIA À UNE ET DEUX VOIX POUR CHANTER AVEC LE THÉORBE, LE CLAVECIN, LA HARPE DOUBLE ET AUTRES INSTRUMENTS DA CORPO91. Avec tablature pour la guitare espagnole pour certains airs. nouvellement composées et publiées AVEC PRIVILÈGE. QUATRIÈME LIVRE À VENISE, CHEZ ALESSANDRO VINCENTI 1621.
AU TRÈS ILLUSTRE SEIGNEUR
ET MON PATRON TRÈS HONORÉ LE SEIGNEUR COMTE FEDERICO ROSSI DE SAN SECONDO92, ETC. Ces miennes compositions musicales sont sûres d’être bien accueillies par Votre Seigneurie Illustrissime non pas seulement grâce à sa gentillesse habituelle mais plus encore d’être appréciées grâce à l’intelligence et au bon goût93 qu’Elle a en matière de musique94 ; ce sera, pour le dire en un mot, ma 91 92
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C’est-à-dire la guitare espagnole ou le luth. Le comte Federico Rossi di San Secondo (1580-1632) était un noble de la région de Parme, dans la vallée du fleuve Taro. Également chevalier de lettres et d’armes et capitaine d’une compagnie de cent chevaux à Milan, il participa, aux côtés des Milanais, aux hostilités entre la Savoie et l’Espagne autour de la ville de Vercelli en 1616. Voir G. Rossi, Sommario dell’historia di Rossi Parmegiani, di Gasparo Rossi de’ Baroni di Bonito et della linea legitima de’ Marchesi di San Secondo Conti di Berceto dall’anno 930 al fin dell’anno 1629, Vicence, Amadeo, 1629 et G. Nori, « “Nei rispostigli delle scanzie”. L’archivio dei Rossi di San Secondo », Le signorie dei Rossi di Parma tra xiv e xvi secolo, éd. L. Arcangeli et M. Gentile, Florence, Firenze University Press, 2007, p. 15-22. Voir également le chapitre 3 de la partie I, p. 127-133. Federico Rossi possédait, si l’on en croit l’inventaire des biens de son château réalisé en 1635 et conservé aux Archives d’État de Parme, une bibliothèque comptant de nombreux livres de musique, de droit, de géographie, de rhétorique et d’autres matières : « 1635. Al di 9 dicembre. Notta delli beni mobili altre volte propri del quondam Sig. Troilo Rossi, Conte di San Secondo, ritrovato nella Rocha di San Secondo », Descriptio et apprehensio facta honore ducalis camera de bonis omnibus. Ondam D. Com Troili Rulei olim Comitis. Santi Secundus, conservé à l’Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Congiure e confische, boîte 25, recueil 179. Le registre mentionne également (id., fo 94vo) le livret de La Flora d’Andrea Salvadori (La Flora, o vero Il Natal de’ Fiori, favola d’Andrea Salvadori, rappresentata in musica recitativa nel teatro del serenissimo gran duca, per le reali nozze del serenissimo Odoardo Farnese, e della serenissima Margherita di Toscana duchi di Parma, e Piacenza, Florence, Cecconcelli, 1628), mise en musique par Marco Da Gagliano (La Flora, Florence, Pignoni, 1628) pour les noces de Parme en 1628. Paolo Bravusi, musicien modénais (1586-1630), dédie au comte Rossi la publication posthume des Dialoghi a Sette et Otto Voci d’Orazio Vecchi (Venise, Gardano, 1608) dont il fut l’élève et l’héritier de ses livres de musique. Ce livre, l’un des plus éclectiques sur le plan poétique, contient des monodies accompagnées mises en musique sur des poèmes de Bembo (Piansi e cantai), Querini (Quell’infedele), Pétrarque (Mentre che’l cor extrait du Canzoniere), Bonardo de Perissone (Tu mi lasci, o cruda, o bella), Bracciolini (Odi quel rosignolo extrait de L’amoroso sdegno), Ferranti (trois
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Les épîtres dédicatoires
plus grande satisfaction. Puisque votre maison est un véritable modèle du Parnasse où vous brillez dignement tel un vrai Apollon95, lieu où, en d’autres occasions, j’ai reçu d’insignes faveurs96. C’est pour cette bonne raison que je vous dédie [ces compositions] en baisant les mains de Votre Seigneurie Illustrissime.
Depuis Venise, le 13 novembre 1621. De Votre Seigneurie Illustrissime, le très affectionné serviteur, Don Sigismondo D’India.
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poèmes), Le Tasse (le chant XII, strophes 66-68 de La Jérusalem délivrée), Marino (Lettera amorosa) et D’India (Lamentations d’Apollon et d’Orphée). Voir J. Joyce, « I cinque libri de Le Musiche di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 129-130 ; A. Vassalli, « Il rapporto col testo : poesie e scelte poetiche », id., p. 50 ; A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005, p. 18, 61-63 et 101 et M. Privitera, « “Leggete queste note” la lettera amorosa di Achillini e Monteverdi », Claudio Achillini. Poesie 1632, éd. A. Colombo et M. Privitera, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2010, p. 225-246. Pour une édition moderne de ce livre, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, 2 vol., préface de P. E. Carapezza (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). D’India publie ce recueil des Musiche quelques mois avant le mariage du comte Federico avec Orsina Pepoli. Pour l’occasion, Silvestro Branchi publiera ses Divertissements musicaux avec Apollon à Bologne le 30 mai 1621 (S. Branchi, Trattenimento musicale d’Apollo con il Reno nelle nozze sontuose delli Illustrissimi et Eccellentissimi Signor Conte Federico Rossi, Conte di San Secondo, et la Signora Donna Orsina Pepoli. La Coronatione d’Apollo per Dafne conversa in lauro, Baletto. Amore guerriero per la Rocca Incantata. Pensieri del Signor Silvestro Branchi il Costante nell’Accademia di Ravvivati et alcune Ottave per le medesime nozze del Signor N. S. All’Illustrissimo et Eccellentissimo Signor Conte Federico Rossi predetto, Bologne, Moscatelli, 1621). Dans cet ouvrage destiné à honorer l’union des familles Rossi et Pepoli, il est question d’un ballet sur le thème du couronnement d’Apollon, de même que le livre que D’India lui a dédié contient une lamentation du même personnage mythologique. Nous pouvons donc placer les Musiche et le Trattenimento sous le signe d’Apollon. Concernant le Lamento d’Apollon de D’India, voir W. V. Porter, « Lamenti recitativi da camera », Con che soavità, Studies in Italian Opera, Song and Dance, 1580-1740, éd. I. Fenlon et T. Carter, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 87 et A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », op. cit., p. 141-142. Quant au fils du comte Rossi di San Secondo, Troilo IV Rossi, il était l’ambassadeur du duc de Parme à Rome à partir de 1624 et un proche du marquis Malaspina, dédicataire du Deuxième livre de madrigaux de D’India : « Il Conte Troilo de Rossi primogenito del Conte San Secondo et Ambasciatore di complimenti del Serenissimo di Parma dopo haver finito di dare, et di ricevere le solite visite, et essersi licentiato da sua Santità dal Cardinale Barberino, et da gli altri eccellentissimi signori Parenti di sua Beatitudine è partito di ritorno à Parma, di dove con l’ultime lettere s’è havuto avviso, che stava moribondo, et abbandonato da Medici il Marchese Malaspina Consegliero di stato del già Duca Ranuccio, et del presente Duca Odoardo, et che nel suo testamento lasciava da 2 milla scudi d’entrata al Marchese Alessandro Pallavicini suo Cugino, che dimora in questa Corte. », Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat), Avvisi di Roma, Urb. lat. 1094, fo 117ro, le 24 février 1624. La dédicace de D’India montre que le musicien a fréquenté le château de Federico Rossi, « véritable Parnasse » où il a bénéficié « d’insignes faveurs ». C’est la raison pour laquelle il lui dédie ce recueil. Il s’agit pour le compositeur de couronner les vertus du comte Federico en tant que mécène et protecteur des arts, mais également d’exalter la « renommée immortelle » qui lui permet de briller « tel un vrai Apollon » sur le Mont Parnasse. En effet, dans un passage de la lamentation d’Apollon, D’India (également auteur du poème) écrit : « Spanda, fama immortal, verace grido del pregio tuo de l’un a l’altro polo, né cessi mai con vanni audaci volo. Così comanda Apollo amante fido » (« Répands, renommée immortelle, cri véritable de ton mérite de l’un à l’autre pôle, et n’arrête jamais le vol de tes ailes audacieuses. Ainsi l’ordonne Apollon, amant fidèle »). Voir aussi M. Figeac, « Le château comme lieu de métissage ou de transfert culturel ? », Circulation, métissage et culture matérielle (xvie-xxe siècles), éd. M. Figeac et C. Bouneau, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 435-460.
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Deuxième partie
Le cinquième livre des Musiche de 1623
LE MVSICHE
DEL CAVALIER SIGISMONDO D’INDIA GENTIL’HUOMO DEL SERENISSIMO PRENCIPE MAVRITIO CARDINAL DI SAVOIA Da Cantarsi nel Chitarrone, Clavicembalo, Arpa doppia, & altri stromenti da Corpo. Con alcune Arie Con l’Alfabetto per la Chitarra alla Spagnola. Nuovamente composta, & data in luce. CON PRIVILEGIO. LIBRO QVINTO IN VENETIA, APPRESSO ALESSANDRO VINCENTI MDCXXIII.
AL SERENISSIMO PRENCIPE
CARLO ARCIDUCA D’AUSTRIA DVCA DI BORGOGNA, STIRIA, CARINTIA, ET CARNIOLA, CONTE DEL TIROLO, ET DI GORITIA, &c. Signor, Signor mio Gratiosissimo. Dissero i Platonici, che l’anima nostra, composta di proportione armoniche, gode soavemente il diletto, che risulta da gli armoniosi Concerti : Et io dico, che non fù giamai chi maggiormente godesse il piacere, che dalla Musica deriva di quello, che si faccia l’anima grande, & augusta dell’Altezza Vostra Serenissima ; onde si com’ella con effetti degni della grandezza de’ suoi natali, & dell’eminenza della sua Virtù favorisce, & protegge chi nella Musica facoltà con lode s’avanza ; così n’è sparso questo glorioso grido per tutta Europa, dal quale tratto ancor io vengo dalle più remote parti d’Italia à sacrarle queste musiche mie Compositioni, con certa speranza, che si formi per me un desiderato concento dell’altezza della sua Gratia, & della bassezza della mia servitù, nel quale faccia contrapunto la benignità incomparabile dell’Altezza Vostra Serenissima, alla quale con profonda riverenza bacio humilmente la mano.
Di Venetia il dì 8 di Giugno 1623. Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo Servidore Sigismondo d’India.
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Les épîtres dédicatoires
MONODIES ACCOMPAGNÉES
DU CHEVALIER SIGISMONDO D’INDIA GENTILHOMME97 DU PRINCE SÉRÉNISSIME MAURICE CARDINAL DE SAVOIE Pour chanter avec le théorbe, le clavecin, la harpe double et d’autres instruments similaires da corpo98. Avec tablature pour la guitare espagnole99 pour certains airs. Nouvellement composées et publiées. AVEC PRIVILÈGE. CINQUIÈME LIVRE À VENISE, CHEZ ALESSANDRO VINCENTI 1623. AU PRINCE SÉRÉNISSIME CHARLES ARCHIDUC D’AUTRICHE100 DUC DE BOURGOGNE, STYRIE, CARINTHIE, ET CARNIOLE, COMTE DU TYROL ET DE GORICIE, etc. Seigneur, mon très gracieux Seigneur. Les Platoniciens disaient que notre âme, composée de proportions harmoniques, jouit tendrement de la délectation qui résulte des concerts harmonieux101 : et moi je dis que jamais il n’exista de plus 97 98 99
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D’India, qui vient de quitter la cour de Turin, utilise pour la première fois ce statut nobiliaire. Invoquer un statut prestigieux ainsi que « la grandeur de la naissance » du dédicataire est un acte de légitimation par lequel le musicien double l’importance de son statut social et de la qualité de son œuvre. C’est-à-dire la guitare espagnole ou le luth. Pour ce qui est de l’importance de la guitare espagnole/napolitaine dans l’évolution et la diffusion du style vocal monodique orné, voir D. Fabris « Le notti a Firenze i giorni a Napoli : gli esordi della chitarra spagnola nell’Italia del Seicento », Rime e suoni alla spagnola. Atti della giornata internazionale di studi sulla chitarra barocca, Firenze, Biblioteca Riccardiana, 7 febbraio 2002, éd. G. Veneziano, Florence, Alinea, 2002, p. 27. Charles de Habsbourg-Styrie (1590-1628), prince-évêque de Breslau (Wrocław), était le fils de Charles II, archiduc d’Autriche et le frère de Ferdinand II (à qui D’India dédie son Deuxième livre de motets de 1610) et de Léopold V, évêque de Strasbourg. Il était également l’arrière grand-père maternel de Louis XIV. Voir le chapitre 5 de la partie I, p. 173 et 175-176. Pour une typologie des princes-évêques germaniques de cette période, voir P. Hersche, « Il principe ecclesiastico nell’età del Barocco », La società dei principi, secoli xvi-xvii, éd. C. Dipper et M. Rosa, Bologne, Il Mulino, 2005, p. 223-225. Voir aussi Église et État. Évêques et cardinaux princiers et curiaux (xive-début xvie siècle) : des acteurs du pouvoir, éd. M. Maillard-Luypaert, A. Marchandisse et B. Schnerb, Turnhout, Brepols, 2017. Concernant l’association de la musique avec l’harmonie, voir P. E. Carapezza et A. Maraventano, « L’armonia del mondo e le capacità psicagogiche della musica », Studi Musicali, no 9/2, 1982, p. 181-201. Le style représentatif, d’inspiration aristotélicienne, est en effet un théâtre de l’oreille, ce qui renforce l’importance visuelle que la musique donne au musicien s’accompagnant d’un instrument comme le luth, la guitare ou d’autres « stromenti da corpo ». Ce sont les gestes du courtisan que les « concerts harmonieux » s’emploient à embellir afin de réaliser le rêve de l’union entre l’art des sons et celui des mots. Nous pouvons dès lors établir une analogie entre le paradoxe de la complémentarité texte-musique et celui de
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Deuxième partie
grand plaisir que celui qui découle de la musique102, lequel fait l’âme de Votre Altesse Sérénissime grande et auguste, de la même manière qu’Elle, avec des actes dignes de la grandeur de sa naissance et avec l’éminence de sa vertu, encourage et protège celui qui, avec talent, dans la musique s’avance avec mérite103. C’est ainsi que s’est répandu ce cri glorieux à travers toute l’Europe et qui me fait venir à mon tour depuis les parties les plus reculées de l’Italie104 pour vous consacrer ces musiques, ces miennes compositions, avec quelque espoir de voir se former pour moi l’harmonie espérée entre la hauteur de sa grâce et la bassesse de ma dévotion à laquelle fait contrepoint l’incomparable bonté de Votre Altesse Sérénissime105, à qui, avec une profonde révérence, je baise très humblement la main.
Depuis Venise, le 8 juin 1623. De Votre Altesse Sérénissime, le très humble serviteur, Sigismondo D’India.
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l’identité du courtisan : le premier efface la frontière entre le verbal et le non-verbal dans un contexte rhétorique ; le second crée une pluralité de représentations à partir de l’homogénéité stylistique. Tous deux recherchent l’éloquence à travers l’action de la sprezzatura afin d’établir une communication directe avec l’auditeur ; il s’agit de construire un type particulier de discours : le discours musical. Le courtisan en tant que spectateur de ses propres gestes réalise son éducation (son auto-formation) afin de s’auto-reconnaître et de s’auto-métamorphoser ; cette éducation va de pair avec celle du public qui est le miroir de sa propre action. Cette reconnaissance mutuelle, prémice de la politique culturelle, se retrouve dans le recitar cantando dont le moteur est aussi bien la sprezzatura musicale que celle du comportement. L’objet musical est analogue au discours dont la musique construit un niveau supplémentaire ; et ce niveau supplémentaire de discours se doit d’être vraisemblable, donc théâtral, et échappe parfois à l’exactitude prosodique pour se concentrer sur les effets dramatiques. C’est là que le gentilhomme Sigismondo D’India entre en scène : chanteur, musicien, compositeur, poète mais également orateur, il cherche à émouvoir à travers ses lamentations où l’expression tragique, la fluidité du discours héritée de Peri, la manière radicale de transférer à la monodie toute la richesse de la polyphonie, la mélancolie exacerbée et la recherche incessante de rupture et d’unité stylistique nous donnent un exemple parmi les plus modernes de la dramaturgie des mots. Ce recueil est un opéra en miniature avec une structure dramatique : un prologue sur le thème de la vertu héroïque précède les trois lamentations du recueil, celles de Didon, de Jason et d’Olympie, elles-mêmes séparées par des airs strophiques suivis d’un madrigal représentatif qui met en scène le personnage de Diane en guise d’épilogue. Un dernier air strophique clôt le recueil. Tous les poèmes mis en musique sont de D’India à l’exception de quelques-uns anonymes. Voir J. Joyce, « I cinque libri de Le Musiche di Sigismondo D’India », Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993, p. 133 ; P. Fabbri, Il secolo cantante. Per una storia del libretto d’opera in Italia nel Seicento, Rome, Bulzoni, 2003, p. 66 et A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005, p. 85-87, 93-95 et 97-98. Pour une édition moderne de ce recueil, voir J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, 2 vol., préface de P. E. Carapezza (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). L’excellence de la protection nobiliaire de l’archiduc transcende les frontières en même temps qu’elle confirme la qualité musicale du recueil et consolide la réputation internationale de D’India à une période où le compositeur vient de quitter la cour de Turin, entame une nouvelle étape de sa carrière musicale et cherche une nouvelle cour. Porté par la renommée d’un prince étranger qui se délecte « du plaisir qui découle de la musique », le musicien adresse ses compositions depuis les « parties les plus reculées de l’Italie » à un personnage vertueux qui « encourage et protège » les musiciens de talent ; cette dimension internationale renforce la stratégie de carrière de D’India. Le compositeur met en place une stratégie de carrière musicale : son nouveau statut nobiliaire de gentilhomme, mais également, depuis 1621, son statut de Chevalier de Saint-Marc, qui remplacent celui de « noble palermitain », se trouvent confortés par ceux de son illustre dédicataire. Ces multiples identités nobiliaires s’emboîtent les unes dans les autres tant, d’un côté, pour le protecteur, que, de l’autre, pour le serviteur. Elles font également « contrepoint » de manière à renforcer la renommée de l’un et de l’autre. Sur cette question dans la France du xviie siècle, voir B. Bolduc, La fête imprimée. Spectacles et cérémonies politiques (1549-1662), Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 175-177.
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Les épîtres dédicatoires
Le septième livre de madrigaux de 1624
SETTIMO LIBRO
DE MADRIGALI A CINQVE VOCI DEL CAVALIER SIGISMONDO D’INDIA. DEDICATI AL SERENISSIMO PRENCIPE MAVRITIO CARDINALE DI SAVOIA. In Roma, Apresso Giovanni Battista Robletti. M. DC. XXIV.
AL SERENISSIMO PRENCIPE MAVRITIO CARDINALE DI SAVOIA.
E Parto Legitimo di Vostra Altezza Serenissima questa compositione di Madrigali à cinque Voci, ch’io consacro al suo Real nome ; perche sendo essi stati prodotti dalla mia debolezza nè luoghi deliciosissimi di Vostra Altezza con altre opere recitative Balletti, & iventioni, che già tutte insieme furono con mirabile, & sontuoso apparato rappresentate in Torino posso con non mentita verità affermare, ch’abbiano origine dall’Altezza Vostra la quale avezza di continuo à beneficare la mia humilissima servitù col titolo di servitor suo, hà voluto di vantaggio honorarmi con l’accrescimento di Gentil’huomo della Serenissima sua Casa senza molti, & infiniti altri favori, che dalle semplice sua dipendenza ricevo, non rammentandoli per non confonder me stesso nella splendidissima mercè, che fa al singolare ossequio dell’incomparabile mia divotione. Dalla maniera Eroica, & maestosa ritrovata da me per rappresentare in qualche parte la grandezza della sua splendida, & real magnanimità argomenterà ella quanta sia l’attentione mia in ridurre à memoria à me stesso l’obligo infinito, ch’io devo alla Serenissima persona di Vostra Altezza, alla quale con ogni commissione baciando la Sacra Veste supplicola à gradire nell’armonia di questo picciolo volume la piena, e riverente gratitudine dell’animo mio. Roma il dì primo di Agosto 1624.
Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo, e divotissimo Servitore. Sigismondo d’India.
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Deuxième partie
SEPTIÈME LIVRE
DE MADRIGAUX À CINQ VOIX DU CHEVALIER SIGISMONDO D’INDIA. DÉDIÉS AU PRINCE SÉRÉNISSIME MAURICE CARDINAL DE SAVOIE. À Rome, Chez Giovanni Battista Robletti, 1624.
AU PRINCE SÉRÉNISSIME MAURICE CARDINAL DE SAVOIE106.
Cette composition de madrigaux à cinq voix que je consacre à votre nom royal est le fruit légitime de Votre Altesse Sérénissime puisqu’ils ont été créés par mon insignifiance dans les lieux très délicieux de Votre Altesse Sérénissime107 en même temps que d’autres œuvres récitatives108, ballets109 et inventions110, 106
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Maurice de Savoie (1593-1657) était le quatrième fils du duc Charles-Emmanuel. Créé cardinal en 1607 par Paul V, il s’installe à Rome une première fois sous le pontificat d’Urbain VIII entre 1623 et 1627 où il fonde le 21 novembre 1624 l’Académie des Desiosi. Grand protecteur des arts, il est le mécène le plus important de D’India. Concernant cette Académie, voir R. Merolla, « L’Accademia dei Desiosi », Roma moderna e contemporanea. Rivista interdisciplinare di storia, no 3/1, 1995, p. 121-155, réédité dans L’Accademia dei Desiosi : storia e testo, Rome, Carocci, 2008, p. 5-112 et J. Morales, « Le prince-cardinal Maurice de Savoie et les arts. Une esthétisation de l’identité nobiliaire au palais Orsini de Montegiordano à Rome », Seizième siècle, no 12, 2016, p. 279-309. Il s’agit de la Vigna du cardinal, construite sur une colline près de Turin en 1615, et du palais Chiablese, résidence de Maurice de Savoie en ville. Voir C. Roggero Bardelli, « Matrici culturali romane per la Vigna del cardinal Maurizio di Savoia e per la Vigna di Madama Reale », I giardini del principe. Atti del Convegno, (Racconigi, 22-24 septembre 1994), Savigliano, Ministero per i Beni Culturali e Ambientali, 1994 ; R. De Marchi et S. Garnero, La Vigna del cardinal Maurizio : il racconto di Villa della Regina, Turin, B. Grande, 1999 p. 7-18 ; C. Mossetti, « La villa della Regina », Le residenze sabaude, éd. C. Roggero et A. Vanelli, Turin-Londres-Venise-New York, Allemandi, 2007, p. 123-138 et R. Medico et G. Napoli, « Il Palazzo Chiablese », id., p. 51-58. Il s’agit de « comédies récitées » et de monodies accompagnées. Concernant ces dernières, nous pensons à celles des cinq livres des Musiche (1609-1623) et du recueil des Balli (1621) de D’India, ainsi qu’à certaines pièces de Filippo Albini. L’expression « rappresentativo » se réfère en général à une qualité intrinsèque de la musique, c’est-à-dire à la capacité de rendre les passions évidentes aux auditeurs. Et puisque cela peut être réalisé plus efficacement avec de la musique à une seule voix plutôt qu’avec des pièces polyphoniques, « représentatif » devient de fait synonyme de « récitatif », voir M. Privitera, « “Leggete queste note” la lettera amorosa di Achillini e Monteverdi », Claudio Achillini. Poesie 1632, éd. A. Colombo et M. Privitera, Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2010, p. 236. Voir aussi L. Aversano, « Il termine e il concetto di monodia nella letteratura musicale italiana », La monodia in Toscana alle soglie del xvii secolo. Atti del Convegno di Studi, Pisa, 17-18 dicembre 2004, éd. F. Menchelli Buttini, Pise, ETS, 2007, p. 13-24 et G. Durosoir, « Récit et récitatif. Du mot à la chose », La fabrique des paroles de musique en France à l’âge classique, éd. A.-M. Goulet et L. Naudeix, Wavre, Mardaga, 2010, p. 111-132. Il s’agit, entre autres, du Ballet des Rois de la Chine, de La Chasse et du Ballet des Scythes. Il s’agit de divertissements, de fêtes musicales et de concerts. Voir F. Mompellio, « Opere recitative, balletti e inventioni di Sigismondo d’India per la corte dei Savoia », Collectanea Historiae Musicae, vol. II, Florence, Olschki, 1957, p. 291-296.
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Les épîtres dédicatoires
lesquels furent tous représentés à Turin111 avec un apparat admirable et somptueux. Je puis ainsi affirmer, avec une sincérité véritable, que [ces compositions] virent le jour grâce à Votre Altesse, laquelle a pris l’habitude de conférer à mon très humble dévouement le titre de serviteur et laquelle a voulu m’honorer davantage en m’élevant au rang de gentilhomme112 de sa Sérénissime maison, sans oublier les nombreuses et infinies faveurs que je reçois de sa seule protection, et que je ne rappelle pas afin de ne rien omettre de sa très splendide bonté, protection qui rend un singulier hommage à ma parfaite dévotion. De la manière héroïque et majestueuse que j’ai découverte pour représenter à ma façon la grandeur de votre splendide et royale magnanimité113, vous constaterez combien je m’efforce de garder le souvenir de la reconnaissance infinie que je dois à la personne de Votre Altesse Sérénissime dont je baise avec toute l’obéissance due l’habit sacré, et en la suppliant d’accepter, dans l’harmonie de ce modeste recueil, la pleine et respectueuse gratitude de mon esprit. Depuis Rome, le 1er août 1624.
De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très dévoué serviteur, Sigismondo D’India. 111
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En ce qui concerne les lieux des spectacles à Turin, la Vigna était destinée aux loisirs et à la culture académique de dimension privée (théâtre, littérature, spectacle) et le palais Chiablese aux rituels et aux cérémonies – sur fond d’exotisme – les plus importantes du duché. Concernant les lieux destinés à la musique à la cour de Turin à l’époque de D’India, voir C. Arnaldi di Balme, « Le feste di corte a Torino tra spazi reali e itinerari simbolici », Feste barocche, cerimonie e spettacoli alla corte di Savoia tra Cinque e Settecento, éd. C. Arnaldi di Balme et F. Varallo, Milan, Silvana, 2009, p. 27-39 et le chapitre 2 de la partie I, p. 70-74. Voir aussi C. Cuneo, « L’espace urbain à Turin. Modèles, stratégies et pratiques d’une ville-capitale », L’État, la cour et la ville. Le duché de Savoie au temps de Christine de France (1619-1663), éd. G. Ferretti, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 513-536. D’India se présente en tant que « Gentil’huomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinal di Savoia » à partir de juin 1623. Concernant la construction de l’identité nobiliaire du compositeur, voir le chapitre 8 de la partie I, p. 249-251. Quant au statut de gentilhomme qui fait partie de la noblesse non titrée et qui forme une élite proche du prince à cette époque, certains musiciens ayant un rôle important au sein d’une famille nobiliaire étaient nommés indifféremment gentilshommes (gentiluomi) ou assistants (aiutanti) d’un prince ou d’une famille nobiliaire, voir V. De Lucca, « Opera e mecenatismo tra Roma e Venezia nella seconda metà del Seicento », La musique à Rome au xviie siècle : études et perspectives de recherche, éd. C. Giron-Panel et A.-M. Goulet, Rome, École française de Rome, 2012, p. 344, n. 9 et E. Canepari, « Des “personnes distinguées” : les gentilshommes », La construction du pouvoir local. Élites municipales, liens sociaux et transactions économiques dans l’espace urbain : Rome, 1550-1650, Rome, École française de Rome, 2017, p. 3538. Nous pouvons également mentionner le protocole (« Rolo della famiglia del Signor Cardinal di Savoia ») lors de la visite du cardinal Maurice de Savoie avec son père le duc Charles-Emmanuel à Parme en 1614 où sont énumérées plusieurs catégories de gentilshommes-serviteurs : « Sei Gentilhuomi di camera » et « Tre Gentilhuomi della bocca », en 2e position après les prélats et les abbés, « Gentilhuomo di Camera guardaroba » et « Gentilhuomo di bocca che serve », en 3e position, et « Quattro Aiutanti di Camera », « Dui Musichi di Camera » et « Dui Aiutanti di Gurdaroba » en 4e position. En effet, il était prévu, lors de cette réception, de jouer de la musique durant les repas. Voir Archivio di Stato di Parma (I-PAas), Corte e casa farnesiana, série XI, ricevimenti e transiti di sovrani, principi, dignitari, boîte 57, fasc. 24. Les documents d’époque décrivent toujours le cardinal de Savoie comme un homme magnanime et splendide. La magnificence est la capacité à savoir dépenser et se distinguer, elle a donc à voir avec la représentation, la grandeur et la célébration, voir G. Guerzoni, « Liberalitas, Magnificentia, Splendor. Le origini classiche del fasto rinascimentale italiano », I giochi del prestigio. Modelli e pratiche della distinzione sociale, Cheiron, no 31-32, 1999, p. 49-82 ; M. Oberli, « Magnificentia Principis » : das Mäzenatentum des Prinzen und Kardinals Maurizio von Savoyen, 1593-1657, Weimar, VDG, 1999 et B. Petey-Girard, Le Sceptre et la plume : images du prince protecteur des lettres de la Renaissance au Grand Siècle, Genève, Droz, 2010, p. 128-153.
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Deuxième partie
Le huitième livre de madrigaux de 1624
OTTAVO LIBRO DE MADRIGALI A CINQVE VOCI CON IL BASSO CONTINVO DEL CAVALIER SIGISMONDO D’INDIA GENTILHOMO DEL SERENISSIMO PRENCIPE MAVRITIO CARDINALE DI SAVOIA. DEDICATI ALLA SERENISSIMA INFANTE DONNA ISABELLA PRENCIPESSA DI MODONA. IN ROMA, Appresso Giovanni Battista Robletti. M. DC. XXIV.
ALLA SERENISSIMA INFANTE DONNA ISABELLA PRENCIPESSA DI MODONA.
Fra li virtuosi trattenimenti, con i quali gode di sollevar l’animo stanco per le cure gravi il Serenissimo Prencipe, consorte dell’Altezza Vostra Serenissima ammira il mondo un musico concerto, formato da una adunanza (dirò forse) de’ megliori cantanti, ch’hoggi ascoltar possa l’Europa. Questi si sono compiaciuti tal volta di honorare alcuni miei Madrigali per questo effetto da me posti in musica, e servirsene per istrumento di diletto alla presenza dell’Altezza Vostra Serenissima la quale con la benigna udienza, che quasi per fede del loro valore ad essi ha voluto porgere, gli ha arricchiti del merito, che non havevano, & adornati della gloria, che non meritavano. Quindi io, non tanto per corrispondere a si segnalato favore, quanto per pagare, con questo picciolo tributo della mia divozione, parte dell’obligo della mia servitù ; Ho determinato di mandare questi miei componimenti in luce, & all’Altezza Vostra Serenissima dedicargli : E ben, ciò facendo, posso dir con ragione di mandargli in luce ; poiche ella per lo splendore delle sue famose doti è luce si bella, che può purificare la viltà di questo dono, e con i raggi della sua grazia illustrarlo ancora fra la tenebre dell’oblio. Ne mi curo, che queste mie musiche, tutto che siano di stile peregrino, e nuovo, vadano peregrinando per le bocche de gl’intendenti di si nobile professione ; mà poiche sono nate nella Casa d’Este, son contento che vi moiano, non mi assicurando, che possino ritrovar altrove
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Les épîtres dédicatoires
l’immortalità del nome loro. Degnisi Vostra Altezza Serenissima gradire, & ingrandire con la sua somma magnificenza l’offerta, che le fò, più che dell’opera, del mio riverente affetto ; mentre per fine umilissimamente me le inchino, & all’Altezza Vostra Serenissima prego da Dio continua felicità. Di Roma li 25 Agosto 1624.
Di Vostra Altezza Serenissima Humilissimo e Divotissimo Servitore Sigismondo d’India.
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Deuxième partie
HUITIÈME LIVRE
DE MADRIGAUX À CINQ VOIX AVEC BASSE CONTINUE DU CHEVALIER SIGISMONDO D’INDIA GENTILHOMME DU PRINCE SÉRÉNISSIME MAURICE CARDINAL DE SAVOIE. DÉDIÉS À LA SÉRÉNISSIME INFANTE MADAME ISABELLE PRINCESSE DE MODÈNE. À ROME, chez Giovanni Battista Robletti, 1624.
À L’INFANTE SÉRÉNISSIME MADAME ISABELLE PRINCESSE DE MODÈNE114.
Parmi les divertissements vertueux qui avec profit éveillent l’esprit fatigué par les exigeantes occupations du Prince Sérénissime et époux de Votre Altesse Sérénissime115, le monde admire un concerto musical formé des meilleurs chanteurs (je m’avance à le dire) que l’on puisse entendre en Europe116. Ces derniers m’ont fait quelquefois le privilège d’honorer certains des madrigaux mis en musique à cet effet par moi en les utilisant comme instrument de délectation en présence de Votre Altesse Sérénissime laquelle, avec une écoute bienveillante, se fiant à la qualité qu’Elle a bien voulu leur prêter, les a enrichis de la valeur qui leur faisait défaut et les a ornés de la gloire dont ils n’étaient pas dignes117. Ainsi moi, 114 115 116
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Isabelle d’Este-Savoie (1591-1626), deuxième fille du duc Charles-Emmanuel, a épousé le prince Alphonse d’Este de Modène en 1608. Le prince Alphonse d’Este. En effet, si l’on juge la difficulté technique de certaines pièces de ce recueil, les chanteurs de Modène devaient être des virtuoses. C’est sans doute grâce au haut niveau de ces solistes que D’India a pu composer un recueil marqué par la nouveauté musicale et l’exubérance vocale. Voir J. Morales, « Sigismondo D’India, un Monteverdi “concitato”, étude du Huitième livre de madrigaux du compositeur palermitain », Le Jardin de Musique, no 6/2, 2010, p. 79-107. Voir aussi la lettre no 6 des correspondances retranscrites dans ce livre où il est fait mention du musicien à propos des compositions qu’il a montrées au prince Alphonse d’Este à Modène à l’automne 1623. Pour une édition moderne de ce livre, voir G. Watkins, Ottavo libro dei madrigali a cinque voci – 1624, Florence, Olschki, 1980 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. X). La disposition du prince à rendre l’œuvre meilleure, à la magnifier et à l’embellir grâce à l’exercice commun de la vertu et à sa collaboration symbolique en tant que protecteur et source d’inspiration est un thème récurrent des épîtres dédicatoires de cette période. À ce sujet, voir F. Alazard, Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie
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Les épîtres dédicatoires
autant pour répondre à une si grande faveur que pour acquitter, avec ce modeste tribut de ma dévotion, une partie du devoir de mon dévouement ; j’ai décidé de faire publier ces miennes compositions et de les dédier à Votre Altesse Sérénissime. Par-là, j’ai raison de les faire publier puisque, grâce à la splendeur de ses célèbres vertus, Elle est une lumière si belle qu’elle peut purifier l’insignifiance de ce cadeau118, mais également, par les rayons de sa grâce, lui donner plus encore d’éclat au milieu des ténèbres de l’oubli. J’ai pris soin que ces miennes musiques, étant toutes composées dans un style insolite119 et neuf, se propagent par les voix talentueuses de cette si noble profession ; et puisqu’elles ont été créées à la maison d’Este120, je suis heureux qu’elles y achèvent leur vie, n’étant pas sûr qu’elles puissent retrouver ailleurs l’immortalité de leur nom121. Que Votre Altesse Sérénissime daigne accepter et ennoblir, avec sa très grande magnificence, l’offrande que je lui fais avec ma respectueuse affection plutôt qu’avec cette œuvre. Enfin, je m’incline très humblement et prie Dieu pour qu’il concède à Votre Altesse Sérénissime une infinie félicité. Depuis Rome122, le 25 août 1624.
De Votre Altesse Sérénissime, le très humble et très dévoué serviteur Sigismondo D’India.
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à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 114-115 et 117, et S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 218. La grandeur de la princesse est mise en scène par le biais d’un schéma – issu de la rhétorique baroque – qui associe les contraires : « la splendeur » des « célèbres vertus » d’Isabelle d’Este-Savoie correspond à « l’insignifiance » de l’œuvre musicale du compositeur, à l’affirmation radicale de sa propre infériorité. Il s’agit d’un thème récurrent des textes dédicatoires de cette époque, voir F. Alazard, Art vocal, art de gouverner, op. cit., p. 110-111 et S. Lorenzetti, « Musica nello specchio della corte. Qualche riflessione su appartenenza e presenza », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 194. Le mot « peregrino » signifie, selon l’Académie de la Crusca de Florence, « étranger ». Voir Vocabolario degli accademici della Crusca con tre indici delle voci, locuzioni, e proverbi latini e greci, Venise, Alberti, 1612, p. 1188. Concernant un style musical, et en tant qu’adjectif, ce mot peut avoir pour signification « inhabituel », « insolite », « étrange » ou « spécifique ». Voir V. Lusitano, Introduttione facilissima et novissima di canto fermo, figurato, contraponto semplice et in concerto, Venise, Rampazetto, 1561, fo 20vo, éd. facsimilé G. Gialdroni, Pise, LIM, 1989 ; Lusitano écrit à propos des cadences : « Considerate le parole che vogliamo componere, cioè, se sono gravi, liete, o meste, & anchora le sillabe, se sono longhe, o brevi, & così le daremo la figura, & fatta elettione del modo che vogliamo componere, & delle cadentie, secondo la finale, […], tramettendo alcune volte qualche cadentie d’altro modo, a questo piu simile, le quali chiamano peregrine ». Ainsi que le montrent les manuscrits de la partie d’alto de certains madrigaux de ce livre : Godea del sol i rai, Pallidetto mio sole, Lidia ti lasso, Ecco Silvio et Ma se con la pietà, conservés à la Biblioteca Estense Universitaria di Modena (IMOe), Raccolta musicale, F. 1530, fo 2, 3, 4ro-vo et 5ro-vo. Le compositeur cherche à échapper aux « ténèbres de l’oubli » par la singularité et l’excellence de son œuvre musicale mais également grâce à la protection qui lui est accordée par la maison d’Este. À la demande du cardinal Maurice de Savoie, D’India quitte Modène pour Rome en avril 1624.
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Deuxième partie
Le troisième livre de motets de 1627
LIBER PRIMVS
MOTECTORVM QVATOR VOCIBVS AVCTORE GISMVNDO INDIAE DIVI MARCI ÆQVITE, VIROQVE NOBILI SERENISSIMI PRINCIPIS MAVRITII CARDINALIS SABAVDIAE Nunc primùm in lucem æditus. VENETIIS, Apud Alexandrum Vincentium. MDCXXVII.
Illustrissimo ac Reverendissimo Domino Domino
FEDERICO CARDINALI BOROMEO ARCHIEPYSCOPO MEDIOLANENSI, DOMINO COLENDISSIMO. SIGISMVNDVS INDIA SALUTEM PLURIMAM DICIT. Volui (Cardinalis Amplisime) hoc, quicquid est operis, offerre Illustrissimo Nomini tuo, cum, quia sacros sacra decent, tum etiam quia modus iste canendi, mihi videbatur penè mortuus in Arte Musica : Compositores enim huius temporis, tantummodo facillimis Cantionibus Auditorum aures oblectunctur, & quæ difficilia sunt, quæque laboriosa, ac arte industriosa videntur (uti Motecta hæc, quæ meritò nunc à me tibi sacrantur) amictunt. Volui etiam, ut apud Musicos tuos hi labores conservarentur, uti Romæ in Basilica Vaticana Cantores eius commendarunt, quosque pluries vocibus eorum honorarunt, uti etiam Missam, Domine clamavi ad te, maxima arte a me elaboratam, iussu Sancti Domini Nostri Papæ Urbani in die Sancti Iohannis anno transacto, qui Anni Sancti nomine apellabatur, in eiusdem Æde cantarunt, ac illam (nullo mei proeunte merito) inter allias Illustrium Virorum annumerarunt, quæ in maioribus solemnitatibus apud Summum Pontificem ab ipsis decantari solent. Adsunt etiam Cantores in Æde tua (Vigilantissime Pastor) à quibus, ut fœlicissimos amplexus hi labores mei recipiant, non despero, usus sum enim genere aliquanto alacriore, quam in ceteris meis, uti soleo, quoniam rem ipsam sic postulare intelligebam. Tu (Cardinalis ornatissime) qualia hæc sint, læta fronte recipias, quæque ipsa sunt, à me Nomini tuo sacrantur, cui si minus re ipsa, at certe voluntate, & conatu, satisfactum iri non dubito : verum si (quod utinam contingat) re etiam ipsa satisfecero, incitabor ad alia edenda, quæ Auribus tuis grata fore existimabo. Interim Vale Purpuratorum Decus, quem Deus Optimus Maximus quandiuttissime incolumen servet.
Venetiis die 8. Aprilis. 1627.
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Les épîtres dédicatoires
PREMIER LIVRE
DE MOTETS À QUATRE VOIX COMPOSÉS PAR SIGISMONDO D’INDIA CHEVALIER DE SAINT-MARC ET GENTILHOMME DU PRINCE SÉRÉNISSIME MAURICE CARDINAL DE SAVOIE Publiés ici pour la première fois. À VENISE, chez Alessandro Vincenti, 1627.
Au très Illustre et très Révérend Seigneur Monseigneur FEDERICO CARDINAL BORROMEO ARCHEVÊQUE DE MILAN123, SEIGNEUR TRÈS HONORÉ. SIGISMONDO D’INDIA, SALUT.
J’ai voulu, (très Illustre cardinal), offrir cette œuvre, quelle qu’elle soit, à ton très Illustre nom, d’abord parce que les œuvres sacrées appartiennent aux hommes d’Église et ensuite parce que cette manière de chanter me semblait presque disparue de l’art musical124 : les compositeurs de ce temps charment les oreilles des auditeurs uniquement avec des chants très simples125 et négligent ceux qui sont difficiles ou qui révèlent un art laborieux et industrieux (comme les motets qu’à cette effet je te consacre ici)126.
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Frédéric Borromée (1564-1631) était le cousin de saint Charles Borromée. Créé cardinal en 1585, il devient archevêque de Milan en 1595 et inaugure la Bibliothèque Ambrosienne en 1609 dans cette ville. Voir P. Jones, Federico Borromeo e l’Ambrosiana : arte e Riforma cattolica nel xvii secolo a Milano, Milan, Vita e pensiero, 1997 ; M. Giuliani, Il vescovo filosofo : Federico Borromeo e « I sacri ragionamenti », Florence, Olschki, 2007 ; B. Guenzati, Vita di Federigo Borromeo, Milan, Biblioteca Ambrosiana, 2010 et P. Pagliughi, Il cardinal Federico Borromeo : arcivescovo di Milano, Gênes, Marietti, 2010. D’India fait référence au contrepoint dans le style ancien issu de Palestrina et de Lassus, voir G. Collisani, « Scelte testuali, stile e struttura nella musica sacra di Sigismondo D’India », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 153. Le compositeur fait référence au nouveau style monodique. Ce surprenant « abandon » de la monodie accompagnée, du style concertant et de la polychoralité et le retour voulu à un contrepoint dans le style ancien, sorte « d’anachronisme », montre bien que la conscience que les compositeurs ont, à cette époque, de la modernité en musique – liée à l’audace et à la capacité de faire fructifier un héritage ancien, de se hisser à sa hauteur – ne coïncide pas avec une vision linéaire ou « évolutionniste » de la composition musicale, sous-tendue par l’idée que l’avant-garde artistique est toujours le fruit d’une rupture avec la période précédente ; la modernité étant ici synonyme de rétrospective. Par le biais du retour au contrepoint sévère, D’India entend donner une expression musicale à la Contre-Réforme borroméenne, fondée sur le respect de l’esprit tridentin par le rigorisme. Sur cet aspect de la Contre-Réforme, voir A. Tallon, Le Concile de Trente, Paris, Cerf, 2000, p. 78-83.
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J’ai voulu aussi que mes œuvres fussent conservées127 auprès de tes musiciens128, puisque les chanteurs du pape les ont louées à la basilique du Vatican à Rome et plus d’une fois honorées de leurs voix, de la même manière qu’ils ont chanté dans la Chapelle du même pontife la Messe Domine clamavi ad te que j’ai élaborée avec le plus grand soin par ordre de Notre Seigneur le pape Urbain VIII129 le jour de la Saint-Jean130 de l’année dernière, appelée l’Année sainte131, où ils l’inclurent (sans aucun mérite de ma part) parmi les autres Messes d’hommes illustres que l’on a l’habitude de chanter solennellement pour les principales festivités auprès du Souverain Pontife. Même dans ta Chapelle musicale (très vigilant pasteur), il y a des chanteurs parmi lesquels je ne désespère pas que mes œuvres recueillent les plus grandes manifestations de joie, car je me suis servi d’un genre beaucoup plus incisif et exigeant que celui que j’ai l’habitude d’utiliser dans toutes mes autres œuvres132 car j’avais compris que la tâche même l’exigeait. Qu’un si digne cardinal les reçoive avec un front joyeux, quelles qu’elles soient, dédiées à son nom sacré, ne doutant pas qu’elles donneront satisfaction sinon par elles-mêmes du moins par la volonté et l’effort. Mais si je satisfais même cette obligation (qu’il en soit ainsi), je serai incité à publier d’autres œuvres que je retiendrai comme agréables à tes oreilles. Entre-temps, je te salue, honneur de la pourpre, et que Dieu tout-puissant préserve ta santé le plus longtemps possible.
Depuis Venise, le 8 avril 1627.
127 Le Liber Primus Motectorum à quatre voix de D’India était conservé à la Bibliothèque Ambrosienne avant la quasi totale destruction du fonds musical par les bombardements de 1943, voir M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica : scritti e carteggi, Rome, Bulzoni, 2012, p. xi et 181-182. Ce livre est conservé actuellement à la Biblioteca della musica de Bologne (I-Bc) : parties de basse et basso pro organo (basso seguente), à la Bibliothèque de l’Université de Breslau (PLWru) : parties de cantus, tenor, basse et basso pro organo, et à la Christ Church Library d’Oxford (GB-Och) : toutes les parties. Voir aussi G. Collisani, « Scelte testuali », op. cit., p. 151-156. 128 Le cardinal Borromeo n’employant pas de compositeurs de manière directe, n’avait donc pas de musiciens à son service. Concernant la circulation des musiciens dans lo Stato Borromeo, voir R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, 15851650, New York-Oxford, Oxford University Press, 2002 ; id., « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », Cultura e spiritualità borromaica tra Cinque e Seicento, éd. F. Buzzi, Milan, Biblioteca Ambrosiana, 2006, p. 339-350 ; M. Bizzarini, Federico Borromeo e la musica, op. cit., p. 10-13 et 84-85 et le chapitre 4 de la partie I, p. 142-159. 129 Aucune messe de D’India n’a été conservée dans le fonds musical du Vatican. Nous pouvons signaler en revanche le motet Exaudi Domine vocem meam qua clamavi ad te (Seigneur, exauce ma voix qui a lancé un appel vers toi) tiré du psaume 26 et publié dans ce recueil de 1627, qui aurait pu servir de « matière première » pour cette messe polyphonique manquante. Voir id., p. 278-279. 130 Il s’agit la fête de Saint-Jean l’Évangéliste du 27 décembre à l’occasion de laquelle les chanteurs pontificaux se produisaient à la Chapelle Sixtine, voir id., p. 459-460 ; W. Witzenmann, « La festa di San Giovanni Evangelista a San Giovanni in Laterano nel Seicento : Disposizione musicale e partecipazioni di predicatori », La cappella musicale nell’Italia della Controriforma, éd. O. Mischiati et P. Russo, Florence, Olschki, 1993, p. 162 et R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, op. cit., p. 97. 131 Il s’agit de l’année 1625 et non pas de 1626 comme le laisse supposer la dédicace. Voir G. Rostirolla, « Celebrazioni ed eventi musicali nella Cappella Pontificia durante l’Anno Santo 1625 : dal Diario redatto dal compositore e cantore perugino Francesco Saveri con l’edizione integrale di esso », Vanitatis fuga, aeternitatis amor, éd. S. Ehrmann-Herfort et M. Engelhardt, Analecta musicologica, no 36, 2005, p. 151-226. 132 D’India reprend littéralement les paroles de Palestrina pour sa propre dédicace : « Usus sum enim genere aliquanto alacriore, quam in ceteris [ecclesiasticis cantibus] uti soleo. », P. da Palestrina, Mottetorum quinque vocibus liber quartus, Rome, Gardano, 1584.
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1 Les autres documents Les imprimés anciens Les recueils de musique Filippo Albini, Musicali Concenti di Filippo Albini da Moncalieri Musico di Camera di Sua Altezza Serenissima di Savoia. A una due, et quattro voci. Novamente posti in luce. Dedicati all’Illustrissimo et Eccelentissimo Signor il Signor Claudio Marini […]. Opera seconda, Milano, Lomazzo, 1623. L’Autore a i Virtuosi di Musica L’anno passato, essendo absente per suoi affari, il Cavaglier Don Sigismondo d’India, capo della Musica di quest’altezza Serenissima mi fu commandato da chi commandar mi potea, ch’io dovessi metter in musica le sequenti poesie, scelte frà molte (come ogn’anno qui far si suole) che per occasione di un festino doveansi recitare nella notte del felicissimo giorno di Natale di Sua Altezza Serenissima. Non potei fare altrimenti, che obedire in quel pocotempo, che ne venne l’ordine. Le composi in tal stile, qual conveniente mi parve à chi cantar le dovea. Et perché piacquero à chi le udì, m’è parso mandare alle stampe, ancorché forsi immature. Posso affermare che sono leggierissima mostra, rispetto alle molte, e singolari, che si dal sudetto Cavaglier Don Sigismondo, come anco da altri Virtuosissimi soggetti, ch’in questa Serenissima Corte annualmente si sogliono comporre. Le altre musiche, ad istanza de particolari amici hò composte, per non parer otioso nel fertilissimo, e splendidissimo giardino, anzi Paradiso terreno di quesra sublime Corte, le mando, e raccomando à voi. Vivete felici. Filippo Albini, Concert Musicaux de Filippo Albini de Moncalieri, Musicien de Chambre de Son Altesse Sérénissime de Savoie. À une, deux et quatre voix. Nouvellement publiés. Dédiés au très Illustre et très Excellent Seigneur Claudio Marini1 […]. Deuxième livre, Milan, Lomazzo, 16232. L’auteur aux musiciens virtuoses, L’année dernière, le Chevalier Don Sigismodo D’India, maître de la musique de cette Altesse Sérénissime, étant absent pour des affaires le concernant3, il m’a été commandé, par celui qui était en mesure de le faire, de mettre en musique les poèmes suivants4, choisis parmi nombre d’autres (comme il est de coutume de le faire ici chaque année) qui, à l’occasion des célébrations, devaient être récités durant la nuit du très heureux jour de naissance de Son Altesse Sérénissime5. Je ne pus faire autrement qu’obéir malgré le court délai de la commande. Je les composai dans un style6 qui m’a semblé approprié pour celui qui devait les chanter7. Et puisque les musiques plurent à ceux qui les entendirent, j’ai décidé de les
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Claude Marini a été ambassadeur de France à Turin de 1617 à 1629. Pour une édition moderne de ce recueil, voir Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), Lucques, LIM, 2002, éd. L. Girodo. Concernant les hypothèses sur l’absence de D’India à la cour de Turin en 1622, voir le chapitre 2 de la partie I, p. 85-86. Le recueil d’Albini contient 33 poèmes, voir Filippo Albini. Musicali Concenti, op. cit., p. xvii-xxii. Il s’agit de « La Notte », œuvre vocale en quatre parties et un madrigal intitulé « L’Alba », donnés pour le banquet de l’anniversaire du duc Charles-Emmanuel de Savoie le 12 janvier 1622. Il s’agit du style monodique orné. Parmi ces chanteurs nous pouvons mentionner Isabella Colleata « Cantatrice virtuosissima, & Musica dell’Altezza Serenissima di Savoia » (qui a chanté La Notte ainsi que les airs Logistilla Maga et Dolcissimo Uscignolo, publiés dans ce recueil), Prospero Marisio « Musico di Camera dell’Altezza Serenissima di Savoia » (qui a chanté le madrigal Ardo
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faire publier, quand bien même elles étaient inabouties. Je puis affirmer qu’elles sont un très modeste témoignage8, comparé à celles, nombreuses et singulières – qu’il s’agisse du susnommé Chevalier Don Sigismondo9 ou des autres très virtuoses sujets10 – qu’on a l’habitude de composer chaque année dans cette cour sérénissime. Les autres musiques, je les ai composées poussé par l’insistance d’amis proches, pour ne pas paraître oisif dans le si fertile et si splendide jardin, tel un paradis sur terre, qu’est cette cour sublime : je vous les adresse et vous les confie. Vivez heureux.
Les imprimés d’époque 1. Bernardo Morando, Nella nascita del serenissimo prencipe Alessandro Farnese, Rime, Plaisance, Bazachi, 1610, p. 13, Biblioteca Comunale Passerini-Landi (I-PCc), Miscellanea Pallastrelli, no 76 : Furono in pubblica piazza di Piacenza cantate quelle sere si fecero le solenni allegrezze per il nato prencipe ; havendole il Signor Sigismondo d’India, nobile palermitano, in quella professione eccellentissimo arrichite di metri musicali. [Les poèmes de Morando] furent chantés sur la place publique de Plaisance les soirs où l’on fit les célébrations solennelles pour la naissance du prince [Alexandre Farnèse] ; le Sieur Sigismondo D’India, noble palermitain, très excellent dans cette profession, les a enrichies de vers musicaux.
2. Ludovico Casali, Generale invito alle grandezze e meraviglie della musica, Modène, Gabaldino, 1629, p. 186-187 : [Musici e Cantori del Serenissimo Duca di Modana &c] Come al presente ancor si gode da una novella pianta di Musici moderni raccolta dal Serenissimo ALFONSO da Este Duca di Modana &c. che non solo della Musica il soave frutto si gusta e tutte le sue rare qualità, e immense prerogative, mà accompagnata dalla loro modestia, maraviglioso saggio apportano, della sua grandezza. Seme di quel non mai à bastanza lodato Signor Cavaliere d’India già memorato ; che della vera Musica moderna, in ogni genere peritissimo, sembrando all’udito di tutti, Angelo di Paradiso, ben si giudicava esser più tosto divine,
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timido Amante) et Luigi Ravier « Musico di Camera dell’Altezza Serenissima di Savoia » (qui a chanté le madrigal Se a la bella cagion ainsi que dans le Ballet des Rois de la Chine de D’India, publé dans son recueil des Musiche e Balli, pour l’anniversaire de Christine de France en 1621). Les autres événements festifs mentionnés dans ce recueil sont l’air Logistilla Maga (chanté par Isabella Colleata) pour un ballet du prince Victor-Amédée et l’œuvre récitative en six parties à une et quatre voix Le Tre Fortune, Prospera, Salutare e Forte, donnée à la Vigna du cardinal Maurice le 8 mai 1623 (D’India vient de quitter la cour de Turin) lors d’un banquet en l’honneur du duc Charles-Emmanuel. La dédicace montre bien que D’India est considéré à Turin comme un modèle d’invention et de singularité musicales. En ce qui concerne les musiciens « virtuoses » ayant vécu en même temps que D’India à Turin, nous pouvons mentionner : Pasquino Bastini (de Lucques), Antonio Bernardi (du Piémont ?), Guillaume Bert (Français), Francesco Bontempo, Michele Antonio Borgarello (du Piémont ?), Giovanni Battista Cavaleri ou Cavalleri (d’Urbino), Aquilino Coppini (de Milan), Giovanni Stefano Fontana Morello (de Biella), Bartolomeo Guercia (du Portugal), Lorenzo Molardo (de Maurienne), Giovanni Olliet (Savoyard ?), Giovanni et son fils Lorenzo Petiti, musiciens à la Chapelle (du Piémont), Filippo Piccinini (de Bologne), Giovanni Giacomo Porro (organiste « luganese »), Enrico Radesca (de Foggia), Angelo Rossi, joueur de luth « Hebreo » (de Milan), Francesco et Pietro da Silva (du Portugal), Giovanni Battista Stefanini (de Modène), Giovanni Giacomo Torriani (de Genève), Ruggero Trofeo (de Mantoue), Pietro Antonio Varra (de Vercelli), Laudelio Vignati (de Milan ?) ou Simone Zambone ou di Zamboni (de Plaisance).
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che umane le sue note. Che quanto frutto, e dolcezza ne traheva questa Serenissima Altezza sì in camera, come in chiesa, da gli effetti ne hà sempre dimostrato manifesto segno ; anzi tal scienza da quello appresa, si compiaceva in quel otio, che gli era, alle volte concesso, virtuosamente per suo diletto, impiegarsi. Dans la marge [Musiciens et chanteurs du Sérénissime duc de Modène, etc.] On continue de jouir, comme d’une floraison nouvelle, de musiciens modernes cueillis par le Sérénissime ALPHONSE d’Este, duc de Modène11, etc., dont il savoure le doux fruit de la musique aux rares qualités et aux immenses propriétés ; musiciens qui, grâce à leur modestie, apportent une merveilleuse preuve de sa grandeur. Parmi ces semences, on ne louera jamais assez Monsieur le Chevalier D’India, d’heureuse mémoire, qui, en chaque genre de la véritable musique moderne12 était très expert, semblant aux oreilles de tous un ange du paradis tant ses notes paraissaient plutôt divines qu’humaines. Si bien que cette Altesse Sérénissime [Alphonse d’Este] en tirait profit et douceur tant à la Chambre qu’à l’église13, ainsi qu’il l’a toujours manifesté. Aussi, une telle science de lui [D’India] apprise, il se plaisait à ce loisir qui lui était accordé de temps à autre avec virtuosité pour sa délectation.
3. Guidubaldo Benamati, La vittoria navale, Bologne, Monti, 1646, livre XII, stance 95, p. 117, cité dans Paolo Fabbri, Monteverdi, Turin, EDT, 1985, p. 245 et dans Giuseppe Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1998, p. 35 : De l’Armonia veniano, i Mastri, e d’essi Con profuso parlar contogli i merti. Di Claudio fè, tra questi, i pregi espressi, Che spiega in Monte Verde i suoi concerti Ad Alessandro Grandi ancor concessi Fur grandi honor, tra i più ne l’Arte esperti : E Sigismondo d’India entro le sue Lodi più belle indi raccolto fue. De l’harmonie vinrent les maîtres, dont, Avec abondance de mots, les mérites furent narrés. Parmi eux, de Claudio [Monteverdi], les qualités furent exprimées, Qui déploie sur le Mont Vert ses concerts, À Alessandro Grandi, l’un des plus experts dans l’art, Furent à nouveau accordés de grands honneurs : Et les plus belles louanges Pour Sigismondo D’India furent ici recueillies.
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Pour une reconstitution de la vie musicale à la cour de Modène à l’époque de D’India à travers les documents d’archive, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 223-233. Autrement dit une musique qui conçoit l’harmonie comme un discours, comme un geste ou comme une représentation. Le but de la « véritable musique moderne » est d’introduire l’individu dans toute sa vérité, c’est-à-dire dans la vérité de son expression et de sa singularité. Le compositeur moderne est dès lors considéré comme un traducteur : il doit illustrer avec des sons l’expression du texte. Concernant l’activité musicale de D’India à la cour de Modène entre 1626 et 1628, voir id., p. 197-243.
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4. Bernardo Morando, « Fantasie Amorose », Fantasie Del Conte Bernardo Morando nobile genovese, Distinte in Amorose, Eroiche, Varie, Plaisance, Bazachi, 1662, vol. I, LXIII, p. 80-81 : In questi Versi animati già della Musica di Sigismondo d’India, ed in parte anche stampati in Milano nell’Ottavo libro delle Opere sue Musicali, tale si figura, che fosse la Disperazione, e Pazzia d’Armida. Ces vers ont déjà été animés par la musique de Sigismondo D’India et en partie publiés à Milan dans le Huitième livre14 de ses œuvres musicales où le Désespoir et la Folie d’Armide15 devait certainement figurer.
« Fantasie Eroiche », X, id., p. 162 : Nel Nascimento però d’Alessandro giubilarono i Popoli, veggendo adempite in sì gran parte de lor speranze. E la Città di Piacenza, fra le altre, ne dimostro l’interna gioia con publiche superbissime Feste, servite da Macchine maravigliose con artificj varj di Fuochi, con armoniosi musicali Concerti, e con solennissimi apparati per tre giorni continuati. Le Poesie del nostro Autore, ch’era allor Giovinetto, se ben deboli, e povere per se stesse, arricchite però dalla musica di Sigismondo d’India famosissimo Compositor di quei tempi, hebbero forte d’accompagnar quelle Feste. Ma di tutte solamente è rimasta la seguente Canzonetta Maritima, che sopra Macchina di Fuochi in forma di gran Nave fù cantata nella Nascita del Serenissimo Principe Alessandro Farnese. Ainsi, lors de la naissance d’Alexandre [Farnèse], les peuples ont jubilé en voyant une grande partie de leurs espérances s’accomplir16. La ville17 de Plaisance, plus que les autres, en a montré une immense joie avec de superbes fêtes publiques animées par des machines merveilleuses, avec de nombreux feux d’artifice, des concerts de musique harmonieux et avec un apparat solennel durant trois jours continués18. Les poésies de notre auteur [Morando lui-même] qui était alors très jeune, bien que faibles et pauvres, furent pourtant enrichies par la musique de Sigismondo D’India, très célèbre compositeur de cette époque, et purent ainsi accompagner ces fêtes. De toutes ces pièces, il ne reste que la Canzonetta Maritima19 suivante et qui, sur un appareil utilisé pour les feux d’artifice et qui avait la forme d’un grand navire, fut chantée lors de la naissance du Prince Sérénissime Alexandre Farnèse.
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Concernant le mystérieux Huitième livre publié à Milan, voir id., p. 135-137. Le texte du poème de Morando : « Oimè, lassa, che sento ? » a été publié dans ses « Fantasie Amorose » (p. 81-92). Le naissance d’Alexandre Farnèse était en événement très attendu. En effet, dans ces années-là, le duc Ranuccio Farnese cherche désespérément à avoir un héritier dans un contexte marqué par le soupçon sur la stérilité du duc ainsi que par une croyance superstitieuse à une malédiction. En effet, le prince Alexandre est né sourd et muet. Voir U. Benassi, « I Natali e l’educazione del Duca Odoardo Farnese », Archivio Storico per le Provincie Parmensi, no 9, 1909, p. 104-108. La notion de « Città » devient, entre le xvie et le xviie siècles, le lieu où se rassemblent les citoyens et plus particulièrement l’endroit où habitent des personnes respectées et illustres, voir D. Calabi, « La parola “città” », Le parole che noi usiamo. Categorie storiografiche e interpretative dell’Europa moderna, éd. M. Fantoni et A. Quondam, Rome, Bulzoni, 2008, p. 323. Voir aussi M. Berengo, Città italiana e città europea. Ricerche storiche, nouvelle éd. M. Folin, Rome, Viella, 2017. Sur la question des fêtes musicales publiques à cette époque, voir G. Stefani, Musica barocca. Poetica e ideologia, Milan, Bompiani, 1974 ; M. Fagiolo dell’Arco, La festa barocca, vol. I, Rome, De Luca, 1997 et H. Watanabe-O’Kelly et A. Simon, Festivals and Ceremonies : A Bibliography of Works relating to Court, Civic and Religious Festivals in Europe : 1500-1800, Londres-New-York, Mansell, 2000. Le texte du poème de Morando : « O Netunno possente », qui contient un chœur de pêcheurs, a été publié dans ses « Fantasie Eroiche » (p. 162-164).
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5. Girolamo Tiraboschi, lettre de Fulvio Testi à Francesco I d’Este transcrite dans la Vita del conte don Fulvio Testi, Modène, Società tipografica, 1780, p. 153-154 : Serenissimo Principe Signore e Padron Colendissimo. Questa è la Tragedia, che d’ordine del Serenissimo Principe Alfonso Padre di Vostra Altezza, e mio Signore io feci la state passata. Ella fu finita in un mese, se si riguarda il termine, che mi fu prefisso, ma fu veramente composta in pochissimi giorni, se si misura il tempo che m’avanzò dalle continue occupazione del mio servigio. Vaglia ciò non per loda, ma per iscusa, poiché in questo caso io mi recherò a gloria bastevole il non meritar biasimo. Il Cavaliere Sigismondo d’India, che colla musica dava spirito, & animava il cadavero de’ miei versi, haveva di già ammezzata la fatica, e si sperava, che al principo d’Ottobre si dovessero in questa Corte celebrare le Nozze di due gran Personaggi stabilite dalle Prudenza e Autorità del Signor Principe. Piacque a Dio di richiamare a sé l’Infanta Serenissima, ondi gli apparecchiati spettacoli rimasero interrotti, e questa mia composizione, che non meritava per avventura l’onore d’un sì glorioso teatro, restò seppellita nel silenzio, non essendo conveniente il dar orecchio a i canti in tempo di lagrime. Prince Sérénissime, Seigneur et Patron très honoré. Voici la tragédie20 que par ordre du Prince Sérénissime Alphonse, père de Votre Altesse et mon patron, je réalisai l’été dernier. Elle fut finie en un mois, si l’on tient compte du temps qui me fut donné, mais fut en réalité écrite en très peu de jours, si on calcule le temps consacré aux incessantes occupations de mon service. Que cela ne soit pas l’objet d’une louange, mais plutôt une excuse, puisque ce n’est pas un motif pour me couvrir de gloire, me contentant de ne pas mériter le blâme. Le Chevalier Sigismondo D’India, qui donnait de l’esprit avec sa musique et animait le cadavre de mes vers, avait déjà composé la moitié de l’œuvre, et on espérait qu’au début du mois d’octobre on célébrerait dans cette cour les noces de deux grands personnages21, ainsi qu’il a été décidé par la prudence et l’autorité du Seigneur Prince [Alphonse]. Il plut à Dieu de rappeler à lui l’Infante Sérénissime22, en conséquence les spectacles prévus furent suspendus et ma composition, qui ne méritait sans doute pas l’honneur d’un si glorieux théâtre, resta ensevelie dans le silence, n’étant pas convenable de prêter l’oreille aux chants durant une période de deuil.
6. Charles Burney, A General History of Music, Londres, 1789, vol. IV, p. 136 et 139, éd. moderne, New York, Dover, 1957, vol. II, p. 605 : The first detached narration that I have found, in stilo recitativo, is the Lamento di Didone, or complaint of Dido, in a work entitled Le Musiche del Cavalier Sigismondo d’India, lib. v. printed in Venice 1623, folio. This story, as well as the Lamentation of Jason over his children, murdered by Medea, and the Complaint of Olimpia to Bireno, from Ariosto, are all set by this composer, who was like-wise his own poet, in pure recitative, without the least change of measure or mixture of air, except now and then a formal close, of which recitative was not as yet divested.
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Il s’agit de L’Isola d’Alcina sur un poème de Fulvio Testi. Sur ce mélodrame modénais non abouti, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 198-205. Il s’agissait des noces du prince Francesco I d’Este (fils d’Alphonse d’Este et destinataire de cette lettre) avec Marie Farnèse (fille du duc Ranuccio) qui ont eu lieu finalement au début de l’année 1631. Isabelle d’Este-Savoie, malade depuis le mois d’août 1624, meurt le 22 août 1626 pendant l’accouchement de son quatorzième enfant. Voir R. Lecchini, Alfonso III duca di Modena e Reggio. P. Giambattista d’Este cappuccino, Modène, Aedes Muratoriana, 1979, p. 39-41. Concernant les funérailles de la famille d’Este à cette époque, voir G. Ricci, « De Ferrare à Modène, mort et funérailles des Este, xvie-xviiie siècle », Les funérailles princières en Europe, xviexviiie siècle, éd. J. A. Chroscicki, M. Hengerer et G. Sabatier, Rennes, PUR-CRCV, 2012, vol. I, p. 201-216.
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Le premier exemple de monologue indépendant [d’un opéra] que j’ai trouvé en style récitatif est le Lamento di Didone23 ou complainte de Didon24 dans un recueil intitulé Le Musiche del Cavalier Sigismondo D’India, livre V, publié en un volume à Venise en 162325. Cette œuvre, ainsi que la Lamentation de Jason26 sur ses enfants, assassinés par Médée, et la Complainte d’Olympia27 à Bireno, inspirée de l’Arioste28, ont été mises en musique par ce compositeur, également l’auteur des poèmes, dans un style récitatif pur qui ne se combine pas avec l’aria et sans le moindre changement de mesure, excepté, de temps à autre, au moment de la cadence dont le récitatif ne s’était pas encore débarrassé.
Les documents d’archive Registres Actes, comptes rendus et délibérations 1. Le 17 octobre 1546, acte de baptême de Vincenzo D’India : 17 Ottobre 1546. Eodem die lu dicto presbiter Joseppi baptizavi lu Figliu di Simuni di India nomine Vincenzo lj comparj antonino Guarda/labenj et Andria Cypriano la commmari philippa la pulsella. Le jour du 17 octobre 1546, le prêtre Giuseppe a baptisé le fils de Simon D’India29 appelé Vincenzo. Ses parrains sont Antonino Guardalabeni et Andrea Cipriani et sa marraine Filippa La Pulsella.
Archidiocèse de Palerme, Archivio Storico della Maggior Chiesa di Termini Imerese, Registre de baptêmes de la cathédrale de Termini Imerese, vol. I (1542-1548), fo 80ro, document inédit.
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Il s’agit du poème Infelice Didone. Sur cette lamentation, voir M. A. Balsano, « “Per far scena di me tragica e mesta” : il Lamento di Didone tra classicità e barocco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 157-166. Il ne s’agit pas en réalité du premier exemple de monologue dramatique vocal de l’histoire mais de l’un des plus importants et plus audacieux de son temps par sa variété déclamatoire et sa grande force expressive. Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India Gentil’huomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinal di Savoia da cantarsi nel chitarrone, clavicembalo, arpa doppia et altri simili stromenti da corpo. Con alcune arie con l’alfabetto per la chitarra spagnola […]. Libro quinto, Venise, Vincenti, 1623. Burney a pu consulter ce recueil dans la riche collection de musique italienne conservée à la Christ Church Library à Oxford, voir J. Morales, « Mottetti, Villanelle, Madrigali, Musiche e Balli. De Venise à Oxford, “la lunga navigazione” des sources musicales de Sigismondo D’India », Le Jardin de Musique, no 7/1, 2011, p. 53-70. Il s’agit du poème Ancidetemi pur, dogliosi affanni. Sur le déroulement dramaturgique de cette lamentation, voir A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005, p. 90-95. Il s’agit du poème Misera me ! fia vero ? Sur le déroulement dramaturgique de cette lamentation, voir id., p. 95-99. D’India s’inspire de l’Orlando furioso (chant X, strophes 10-34). En ce qui concerne le succès de l’Orlando dans le théâtre musical du xviie siècle, voir E. M. Anderson, Ariosto, Opera, and the 17th Century. Evolution in the Poetics of Delight, Florence, Olschki, 2017. Ce document nous permet de prouver pour la première fois l’existence de deux D’India en Sicile avant la naissance du compositeur sans qu’on puisse pour autant établir de lien avec la famille du musicien. Reste que le nom D’India a bel et bien existé en Sicile au xvie siècle. L’absence des actes de baptême concernant la période qui va du 1er mai 1548 au 2 septembre 1567 ne nous permet pas de vérifier leur descendance. En ce qui concerne les origines siciliennes de la famille D’India, voir le chapitre 1 de la partie I, p. 26-29. Nous remercions le père Francesco Anfuso, curé de cette église, de nous avoir facilité l’accès à cette information. Nous remercions également les chercheurs Rosario Termotto, Antonio Contino et Salvatore Mantia, sans qui cette recherche n’aurait pu être réalisée.
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2. Le 15 mai 1609, registre de l’église de Santa Maria di Campagna de Plaisance : 15 Maggio 1609. Item audito Domino Sigismondo de India et Domino Alessandro Nicello petentibus solutionem musicæ in dicta Ecclesia hac quadragesima factæ, ordinaverunt insistendum esse in ordinatis et fiendum esse eisedem mandatum. Liber septuaginta quinque imp. pro portione tangente Illustrissime Congregationi. 15 mai 1609. Apurement suivant : le Sieur Sigismondo D’India et le Sieur Alessandro Nicelli30 demandent un paiement pour la musique exécutée dans ladite église pour ce Carême31. L’ordre fut donné d’établir ledit paiement de manière régulière et effective. Livre comptable soixante-quinze de cette très Illustre Congrégation.
Archivio della chiesa di Santa Maria di Campagna, Ordinazioni VII, fo 89, cité dans Oscar Mischiati, L’organo di Santa Maria di Campagna a Piacenza : documenti e testimonianze su organari, organisti, maestri di cappella, pittori e intagliatori dal 1528 al 1978 raccolti in occasione del restauro dello storico organo Serassi, Plaisance, Cassa di Risparmio, 1980, p. 87. 3. Le 15 décembre 1620, compte rendu du Collège des Sages de Venise32 : Venuto nell’Eccellentissimo Collegio il signor Ambasciator di Savoia parlò nella seguente sostanza. Serenissimo Prencipe. […] tengo commissione dal signor Prencipe Cardinale di rappresentare in suo nome alla Serenità Vostra, et de supplicarnela per la buona espedizione ancora. Il primo è per interesse di Sigismondo d’India, aggiutante di Camera di sua Altezza, et Capo della sua Musica ; nella qual arte egli riesce di maniera eccellente, che si può dire non haver pari, come si trova dottato di tutte quelle nobili qualità, che si possono desiderare, e che lo rendon degno d’ogni honore. Questo ambisce grandemente di esser creato Cavaliero di san Marco, onde il signor Cardinale mi commanda di supplicarne la Serenità Vostra con ogni maggior affetto assicurandola, che la gratia à lui, et al signor Duca reuscirà di sommo contento. S’étant rendu au très Excellent Collège, Monsieur l’ambassadeur de Savoie33 s’exprima de la façon suivante : Prince Sérénissime, […] je suis chargé par le Seigneur Prince Cardinal de le représenter auprès de Votre Sérénité, mais aussi de vous supplier de vouloir bien accueillir [son message]. Le premier sujet concerne Sigismondo D’India, serviteur de la Chambre de Son Altesse et son maître de musique, art dans lequel il réussit avec excellence, au point que l’on peut dire qu’il n’a pas d’égal. Et puisqu’il est doué de toutes les nobles qualités que l’on peut désirer et qui le rendent digne de tout honneur, ce dernier aspire vivement à être créé Chevalier de Saint-Marc et c’est pour cette raison que le Seigneur Cardinal m’envoie supplier Votre Sérénité, avec la plus grande affection, de l’assurer que cette grâce lui sera concédée, et le Seigneur Duc [de Savoie] en recevra le plus grand contentement.
Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, esposizioni di ambasciatori, filze 28, fo 130ro-vo, copié dans le reg. no 31 (non paginé ni numéroté) du Collegio, Esposizioni principi, registri, le 15 décembre 1620. Cité par John Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 9 et « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. Sabrina Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 130-131. 30 31 32 33
Maître de chapelle piacentino. En effet, D’India a été engagé comme maître de chapelle extraordinaire de l’église de Santa Maria di Campagna de Plaisance pendant le Carême (mars-avril) 1609, séjour pendant lequel il a également travaillé au service de Barbara Landi Barattieri. Voir le chapitre 3 de la partie I, p. 99-107. Le Collège des Sages (Collegio dei Savi) était un organe politique de la République de Venise, sorte de conseil de ministres, qui avait pour fonction de limiter les pouvoirs du doge. Giovanni Giacomo Piscina.
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4. Le 15 janvier 1621, délibération du Collège des Sages de Venise : Conforme a la deliberatione dell’Eccelentissimo Senato sopradetta, che havendo ella inteso il desiderio del signor Prencipe Cardinale, et il testimonio fattole delle honorate conditioni dell’India, aggiutante di Camera di Sua Altezza et Capo della sua Musica, concorreva volontiere ad honorarlo, creandolo Cavaliero di San Marco, et che conducendosi egli in questa Città ne seguirebbe l’effetto, overo anco darà ordine, che in sua absenza sia spedito il solito privilegio ; in che si farebbe quello che fosse più grato, et di maggior gusto del medesimo signor Cardinale. Prese di ciò gratie molte affetuose l’Ambasciator dicendo, che ne darà parte al signor Cardinale, il quale lo sentirà con molto assento, amando egli questo soggetto assai per le buone condittioni ; et questa gratia serà da lui annoverata presso tant’altre recevute dà questa Serenissima Repubblica, verso la quale sarà sempre apparire la sua devotione, et ubligatione. Conformément à la délibération susmentionnée du très Excellent Sénat, comprenant le désir du Seigneur Prince Cardinal et le témoignage qu’il lui a fait des honorables qualités de [Sigismondo] D’India, serviteur de la Chambre de Son Altesse et maître de sa musique, il [le Sénat] concourt volontiers à l’honorer en le créant Chevalier de Saint-Marc. Il [le compositeur] pourra se rendre en personne dans cette ville afin de recevoir ce titre, ou bien, en son absence, [le Sénat] donnera l’ordre que ledit privilège lui soit expédié, selon ce qui sera le plus convenable au Seigneur Cardinal. L’ambassadeur apprit cela avec grand contentement, affirmant qu’il en ferait part au Seigneur Cardinal, lequel en sera satisfait car il a beaucoup d’affection pour les grandes qualités de ce sujet [D’India]. Cette grâce sera également pour lui [le cardinal] comptée parmi tant d’autres qu’il a reçues de cette Sérénissime République et envers laquelle il saura toujours montrer sa dévotion et remplir ses obligations.
Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Collegio, Esposizioni principi, esposizioni di ambasciatori, filze 28, fo 138vo, copié dans le reg. no 31 (non paginé ni numéroté) du Collegio, Esposizioni principi, registri, le 15 janvier 1620 (en réalité 1621). Cité par John Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 9-10 et « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. Sabrina Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 130-131. 5. Mars 1621, délibération du Collège des Sages de Venise : Le riguardevoli condittioni di Don Sigismondo d’India regionevolmente ci movono à dimostrare verso la sua benemerita persona alcun segno d’honore, non solamente per decoro delle sue virtù ; ma anco della gratitudine : Però hoggi, servati gl’ordini, et solenità, che in simili casi sogliono, esso osservati, lo habbiamo creato Cavalliero, dandoli auttorita di perpetuamente usar les vesti, la cinta, la spada, li spironi, l’armi et ogni altro ornamento militare, et concedendoli appresso, che possi godere tutti gli honori, preeminenze, libertà et privilegii, che appartengono alla vera militia, et alla dignità di Cavalliero, in segno delle quali cose habbiamo ordinato il presente nostro privileggio munito col nostro sigiillo solito à memoria de posteriori. Les remarquables qualités de Don Sigismondo D’India nous ont logiquement conduits à montrer envers sa très méritante personne quelque signe d’honneur, non seulement pour distinguer ses vertus, mais encore par gratitude. C’est pourquoi, aujourd’hui, en préservant les règles et la solennité qui, dans pareils cas, sont habituellement observés, nous l’avons créé Chevalier en lui donnant l’autorisation d’utiliser
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perpétuellement les habits, le baudrier, l’épée, les éperons, les armes et tout autre attribut militaire34 et en lui concédant ensuite la possibilité de jouir de tous les honneurs, prééminences, libertés et privilèges qui appartiennent à la vraie milice et à la dignité de Chevalier et en signe desquels nous avons ordonné le présent privilège muni de notre sceau pour faire valoir ce que de droit.
Archivio di Stato di Venezia (I-Vas), Cancelleria inferiore, Doge, Privilegi dei Cavalieri di San Marco, série 503, filza 174, citée par John Whemham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 10 et « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco », Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. Sabrina Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004, p. 127. 6. Le 6 novembre 1626, acte de la cathédrale de Modène : A di 6 Novembre 1626 in Venerdi furono celebrate le solennissime esequie per l’anima della gia Serenissima l’Infanta Isabela di Savoia moglie del Serenissimo Signor Prencipe Alfonso alle quali intervenne tutta la Serenissima Casa, […] in habito molto lugubre, […] si cantò la messa solenne celebrata dall’Illustrissimo Monsignor Boschetti Arcivescovo di Cesarea […]. Fù questa messa per la sigularità della musica concertata et fatta dal Signor Cavaliero Sigismondo d’India mastro di Capella di Camera del Signor Principe Alfonso. Le vendredi 6 novembre 1626 furent célébrées les très solennelles obsèques pour l’âme de la défunte Infante Sérénissime Isabelle de Savoie35, épouse du Sérénissime Seigneur Prince Alphonse et auxquelles assista toute la maison Sérénissime […] en habits de deuil […]. On chanta la messe solennelle célébrée par l’Illustrissime Monseigneur Boschetti, Archevêque de Césarée [en Palestine]36 […]. Cette messe,
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Il est intéressant de noter les points communs et les différences entre l’Ordre des Chevaliers de Saint-Marc de Venise (profane) et celui de Saints-Maurice et Lazare à Turin (religieux). Il s’agit de deux titres nobiliaires militaires : le premier est conféré à des personnes pourvues « d’une remarquable vertu » comme reconnaissance d’une qualité sociale afin qu’elles exercent la dignité chevaleresque (la distinction nobiliaire) au service d’un prince, alors que le second est destiné à composer une milice spirituelle formée par des religieux et des laïcs exemplaires. Voir E. Giuriolo, « Tra simbologia e realtà politica : gli ordini cavallereschi », L’Archivio di Stato di Torino. Documenti per un’esposizione, éd. I. Massabò Ricci et M. Gattullo, Florence, Nardini, 1995, p. 151-158 ; F. Angiolini, « Gli ordini cavallereschi degli Stati italiani (xvi-metà del xix secolo », Cavalieri, dai templari a Napoleone. Storie di crociati, soldati, cortigiani, éd. A. Barbero et A. Merlotti, Milan, Electa, 2009, p. 200 et 209 ; G. Brunelli, « Avamposti. I cavallieri mauriziani dello stato della chiesa », Casa Savoia e Curia Romana dal Cinquecento al Risorgimento, éd. J.-F. Chauvard, A. Merlotti et M. A. Visceglia, Rome, École française de Rome, 2015, p. 93-111 ; P. Cozzo, « “Quest’abito è di onore e di religione”. La dimensione religiosa degli ordini cavallereschi sabaudi nella prima età moderna », Il principe, la spada e l’altare, éd. G. Greco, Pise, ETS, 2014, p. 195-213 ; id., « Il Santo Sudario dei Piemontesi : identità e rappresentazione di una “nazione” ambigua (secoli xvi-xvii) », Identità e rappresentazione. Le chiese nazionali a Roma, 1450-1650, éd. A. Koller et S. Kubersky-Piredda, Rome, Campisano, 2016, p. 500-502 et A. Lembo, « L’Ordine dei Santi Maurizio e Lazzaro. Considerazioni in ordine alla autorizzabilità all’uso in Italia delle onorificenze », Nobiltà. Rivista di Araldica, Genealogia, Ordini Cavallereschi, no 143, 2018, p. 165-206. Isabelle d’Este-Savoie meurt en couches le 22 août 1626. Un document de l’Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Cancelleria ducale, Casa e Stato, boîte 64, fasc. 3, conserve la liste des personnes qui ont participé à la messe solennelle. Il s’agit de Paolo Boschetti, prêtre de la paroisse de S. Giovanni del Cantone, église fréquentée par Alphonse d’Este après la mort de son épouse, voir G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este che fù nel secolo il Serenissimo Alfonso III Duca di Modana, e nella Religione Serafica il Prete Gio. Battista Predicatore Apostolico della Serenissima Infanta D. Isabella di Savoia sua Dilettissima Consorte. Nascita, Vita, Morte, e Sepoltura Descritta in brevità, mà veridicamente dal P. F. Gio. Da Sestola Predicatore Capuccino A gloria di Dio & edificatione di chi leggerà, Modène, Soliani, 1646, p. 98-100. En ce qui concerne l’évêché de Palestine et le patriarcat d’Antioche, voir G. Moroni, « Cesarea », Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, vol. XI, Venise, Emiliana, 1841, p. 121.
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Deuxième partie
dont la musique fut singulière, fut dirigée et composée par Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India, maître de chapelle de la Chambre du Seigneur Prince Alphonse37.
Archivio Storico Capitolare di Modena (I-MOd), Atti capitolari del Duomo di Modena, registre B, le 6 novembre 1626, fo 82vo et 85ro, cité partiellement par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 64 et p. 73, n. 61. 7. Le 28 avril 1628, décret de Maximilien de Bavière : Decretum Serenissimi Domini Ducis Electoris Demnach der Khur-Fürstliche Durchlaucht in Bayrn, etc. unser gnädigster Herr vor disem dem Diener Petro Antonio Pietra 300 Floren hierin In Italiam zu dem sendte remittieren lassen, damit er sie dem heraus khommenden neuen Capell Meister Cavaliere Sigimondo di India zu einer Zurpruss, oder zehn Pfenning auf die Reis zustellen solle. Als [illisible] sie der HofCamer Praesidenten, und Räth gnädigster der [illisible] zuthun, der solche 300 Floren zusambt dem dariber ergangenen wechsel dem Andreas Kasper Burgern, und Handelsman alhir, der Wechsel bestellen, als bahres wider erstatten, und guett gemacht werde. […] 28. April 1628. Décret du Sérénissime Seigneur Duc Électeur. Par le présent document, le Prince-Électeur de Bavière, etc. Son Altesse et notre Seigneur, donne 300 florins à Pietro Antonio Pietra38, serviteur en Italie, afin d’engager un nouveau maître de chapelle39, le Chevalier Sigismondo D’India, en plus des dix pfennings de Prusse pour ses frais. Le maître de la Chambre de la cour et Son Altesse ont décidé que ces 300 florins seraient remis par l’intermédiaire du marchand Andreas Kasper40. […] Le 28 avril 162841. [Signature de Maximilien de Bavière]42.
Bayerisches Hauptstaatsarchiv (D-Mhsa), Kurfürstentum Bayern (1507-1803) allgemeines Reichsarchiv, Altbayerische Fürstensachen. Specialia, fasc. XLVIIIe, no 536e : Herzogs und Kurfürsten, Maximilian I. Hofstaat : Hofmusik : Componisten, Instrumentisten, Gesang… 1595-1651, fo 29ro, cité partiellement par Federico Mompellio, Sigismondo d’India. Il primo libro di Musiche da cantar solo, Crémone, Athenaeum Cremonense, 1970, p. 20 et Eleonora Simi Bonini, « D’India, Sigismondo », Dizionario Biografico degli Italiani, Roma, Istituto della Enciclopedia italiana, 1991, vol. XL, p. 119. 37
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Concernant la musique pour cette messe solennelle, nous pouvons lire dans un document inédit, conservé à (I-MOs), Cancelleria ducale, Casa e Stato, boîte 64, fasc. 3 : « Alla Musica et Organista et suo Garlono lire 60-10–10 […] Al Mastro di Capella [D’India] si diede una torza […] di comissione del Capitolo […] Alli Cantori si diede un Candellotto […] per ciascuno che furono in circa – – – – 40 ». Un autre document extrait du même fonds nous informe qu’on donna « Alli Musici di Camera di Sua Altezza et altri forestieri al numero di 26 – Una torza per ciascuno. ». Pietro Antonio Pietra était un gentilhomme de Plaisance (de Sarmato), juriste et président « dell’eccelso conseglio » de cette ville, mais également musicien du duc de Bavière. Voir G. P. De Crescenzi Romani, Corona della nobiltà italiana, overo Compendio dell’istorie delle famiglie illustri, Bologne, Tebaldini, 1639, p. 219 et 647 et C. Poggiali, Memorie per la storia letteraria di Piacenza, Plaisance, Orcesi, 1789, vol. II, p. 240. Pour ce qui est des rapports entre la cour de Munich et l’Italie dans le domaine de la musique sacrée, voir B. Kägler, « Competition at the Catholic Court of Munich. Italian Musicians and Family Networks », Musicians’ Mobilities and Music Migrations in Early Modern Europe. Biographical Patterns and Cultural Exchanges, éd. G. zur Nieden et B. Over, Bielefeld, Transcript, 2016, p. 73-90. Nous retrouvons ici l’importance des personnages intermédiaires (un marchand allemand et un musicien-juriste de Plaisance) qui établissent le lien entre musiciens et protecteurs. En effet, D’India est sans doute entré en contact avec la cour de Bavière grâce aux réseaux romains, milanais et parmesans qu’il cultive alors, voir le chapitre 5 de la partie I, p. 176-177. D’India se trouve à cette période au service du prince Alphonse à Modène. Voir le mandat de paiement no 34 daté du 25 mai 1629. Nous remercions vivement Pater Thomas pour son aide précieuse pour la difficile transcription de ce document.
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Mandats de paiement
[1-9] Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti43, Piemonte, Patenti controllo finanze, Articolo 689. Les mandats no 1-3, 5-7 et 9 sont cités partiellement par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 75-76. Le mandat no 2 est cité par Stanislao Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 86 : 1. Le 1er août 1611, liasse 72, reg. 23, fo 201 [Sigismondo d’India Palermitano Una livra cibaria la casa di Sua Altezza Questa livra s’e tramutata in stipendio per la tesoreria generale come in numero 28. 166.] Ordine al Conseglio della casa per una ratione Per Sigismondo D’India Palermitano mastro della musica di Camera di Vostra Altezza, il Conte di calozzo – Gratis Provana – Il Duca di Savoia Al Conseglio della nostra casa salute Havendo noi, oltre al stipendio concesso à Sigismondo D’India nobile Palermitano, per l’ufficio mastro della musica nostra di Camera, accordatogli una livra cibaria et ordinaria, accioche con piu comodità possa seguire il servitio nostro et volendo, che ne sia sodistatto, Per le Presentij vi mandiamo, et ordiniamo, c’habbiate da far dare, al detto Sigismondo detta ratione, o sia livrati cominciando dalla data di questo, et continoando durante nostro beneplacito, et cio non ostante l’ultima refforma di detta casa fatta, et che si facesse, et ogn’altra cosa contrariamente Mandamento al Tesoriero nostro generale Berlingieri di dare se fia di bisogno, al Tesoriere di nostra casa per questa ratione la debita assignatione che cosi ci piace Datj in Torino li primo di Agosto 1611 – Signata Carlo Emanuel – Vista Provana – Vista Cernusco – sotto scrita Borsier. Dans la marge : [Sigismondo D’India Palermitain Provision alimentaire de la maison de Son Altesse44 Cette provision s’est transformée en salaire sur le compte de la trésorerie générale45 comme indiqué au numéro 28. 166.] Mandat de paiement au Conseil de la maison pour une part pour Sigismondo D’India Palermitain, maître de musique de la Chambre de Votre Altesse46. Le comte de Calozzo – Gratis Provana 47. Le duc de Savoie au Conseil de notre maison, Salut. Ayant accordé, outre le salaire attribué à Sigismondo D’India, noble palermitain, pour le métier de maître de notre musique de chambre, le droit à une portion ordinaire de provisions alimentaires48 afin qu’il puisse continuer à nous servir plus conforSur la formation du fonds de l’office financier central, la Chambre des comptes, voir M. P. Niccoli, « La camera dei conti », L’Archivio di Stato di Torino, op. cit., p. 41-50. 44 La Casa était l’espace public du prince, le lieu où la majesté de sa personne était présentée et représentée. La maison du duc était gérée par des majordomes, gentilshommes, hommes de confiance et responsables des affaires économiques, voir D. Frigo, « L’affermazione della sovranità : famiglia e corte dei Savoia tra Cinque e Settecento », « Familia » del principe e famiglia aristocratica, éd. C. Mozzarelli, Rome, Bulzoni, 1988, vol. I, p. 300-301 ; P. Merlin, « La struttura istituzionale della corte sabauda fra Cinque e Seicento », L’affermarsi della corte sabauda. Dinastie, poteri, élites in Piemonte e Savoia fra tardo medioevo e prima età moderna, éd. P. Bianchi et L. C. Gentile, Turin, Zamorani, 2006, p. 288-290 et G. Muto, « Stati italiani e Stato sabaudo nella prima età moderna : questioni di definizione », Il Piemonte come eccezione ? Riflessioni sulla « Piedmontese exception ». Atti del Seminario internazionale (Reggia di Venaria, 30 novembre-1° dicembre 2007), éd. P. Bianchi, Turin, Centro Studi Piemontesi, 2008, p. 41. 45 Il s’agit de la caisse centrale, du centre administratif des entrées. 46 La Camera est la partie de la corte sabauda qui concerne la vie privée et domestique du duc, elle est gérée par les gentilhommes et les pages, voir G. Muto, « Stati italiani e Stato sabaudo nella prima età moderna », op. cit., p. 41. 47 Il s’agit de Giovanfrancesco Provana di Collegno, grand chancellier de la Savoie de 1602 à 1625. La libra cibaria et ordinaria est une compensation en nature octroyée à certains serviteurs de la cour. 48 43
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Deuxième partie
tablement, et souhaitant qu’il en soit satisfait, nous vous demandons et ordonnons par la présente de procurer audit Sigismondo la portion mentionnée, c’est-à-dire de la lui livrer à partir de la date de cet acte et de continuer de la sorte selon notre bon vouloir, et cela nonobstant la dernière réforme réalisée par ladite maison et même si l’on procédait à tout autre changement. Nous ordonnons à notre trésorier général Berlingieri d’y pourvoir en cas de nécessité et au trésorier de notre maison d’octroyer cette portion. Tel est notre bon vouloir. Fait à Turin le 1er août 1611 – signature de Charles-Emmanuel [de Savoie] – vu par Provana – vu par Cernusco49 – soussigné Borsier50.
2. Le 12 août 1611, liasse 72, reg. 23, fo 201 [Il sudetto Assento di ducatoni 200] Per Sigismondo D’India Palermitano mastro della musica di camera di Vostra Altezza Assento di Ducatoni ducento l’anno a fiorini 13 sopra la tesoraria generale per suo stipendio come mastro sudetto à cominsiare dal primo de Aprile passato Il Conte di calozzo, Gratis Provana – Il Duca di Savoia, Al Magnifico Consigliere e Tesoriere nostro generale di quà da’ Monti monsù Gaspare Berlingieri presente, et altri futuri salute. Havendo noi ritenuto Sigismondo d’India, nobile Palermitano per Mastro della musica nostra di Camera et accordatogli per suo trattenimento, ducatoni ducento l’anno, a fiorini tredici l’uno, acciò che si possi condecentemente mantenere et servirci in tal grado per l’avvenire di ben in meglio, Per le presenti vi mandiamo, et ordiniamo, che di qualsivoglia, et piu liquido denaro nostro et di vostra ricetta, tanto ordinaria, che straordinaria, habbiate a pagare, o assignare, et far sicuramente pagare a detto Sigismondo la sudetta somma di Ducatoni ducento come sopra razionati ogni anno, et a quarteri anticipatamente, Cominciando dal primo di Aprile hor passato, et continuando all’avvenire durante nostro beneplacito, remota ogni difficoltà, et non ostante ogni ordine, et qualsivoglia cosa in contrario se facesse, et massima il non essere posto sopra il bilanzo, Che ritenendo col primo pagamento, copia autentica di questa con sua quittanza, e negl’altri la quittanza sottoscritta, essi Ducatoni ducento annui così razionati et pagati, vi siano entrati, e fatti buoni ne’ vostri Conti dalla Camera nostra d’essi alla quale et al general di nostre finanze mandiamo di cosi esseguire, et far esseguire senza difficoltà che tal è nostra mente. [Il signor controllore ha agionto all’original mandato le seguenti parole – Il pagamento si farà in fine delli quarteri] Datj in Torino li dodeci d’Agosto 1611 – Signata Carlo Emanuele – Vista Provana – Vista Cernusco – sotto scrita Boursier. Dans la marge : [Le susnommé, autorisation de 200 ducatons] Pour Sigismondo D’India Palermitain, maître de musique de la Chambre de Votre Altesse, autorisation de deux cents ducatons de 13 florins par an51 à prélever sur la trésorerie générale pour son salaire en tant que maître susdit, à partir du premier avril dernier. Le comte de Calozzo, Gratis Provana. Le duc de Savoie à l’Illustre conseiller et notre trésorier général de cette partie des Alpes52, le Sieur Gaspare Berlingieri, pour le présent et pour l’avenir, Salut. Nous avons retenu Sigismondo D’India noble 49 50 51 52
Il s’agit de Cesare Cernusco, generale di finanza de la cour. Il s’agit de Pietro Luigi Boursier, segretario di Stato e Finanze de la cour. En ce qui concerne cette charge à la cour de Turin à cette période, voir A. Pennini, « I segretari di Stato », « Con la massima diligentia possibile ». Diplomazia e politica estera sabauda nel primo Seicento, Rome, Carocci, 2015, p. 198-204. Concernant les fiorini d’argento dans le Piémont à l’époque de Charles-Emmanuel de Savoie, voir E. Martinori, La moneta. Vocabolario generale, Rome, Istituto italiano di numismatica, 1915, p. 160. Autrement dit la ville de Turin aux pieds des Alpes. En effet, dès la fin du xvie siècle, l’organisation administrative de la Savoie est divisée, pour les Cisalpins, en territoires savoyards (al di là dei monti) et piémontais (di quà dei monti), et vice-versa pour les Transalpins. Les Alpes étaient ainsi une ligne de démarcation géographique et politique entre
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palermitain comme maître de notre musique de chambre53 et lui avons accordé deux cents ducatons de treize florins chacun par an pour son séjour afin qu’il puisse vivre convenablement et nous servir de la meilleure manière possible dans les années à venir. Nous vous demandons et ordonnons par la présente, qu’il s’agisse de notre argent comptant ou des dépenses ordinaires ou extraordinaires que vous ayez à régler ou à attribuer, d’assurer le paiement audit Sigismondo de la somme mentionnée de deux cents ducatons répartis comme il a été établi : chaque année, payés à l’avance par quarts en commençant par le premier avril passé54 et en continuant de la sorte, à l’avenir, selon notre bon vouloir. Nonobstant ces mandats de paiement ou quelque indication contraire, il faudra faire le maximum afin de dissiper toute difficulté de nature à déséquilibrer ses finances. Nous retenons avec ce premier paiement une copie authentique de celui-ci avec sa quittance et pour les autres la quittance mentionnée. Que ces deux cents ducatons annuels, répartis et payés comme convenu, vous soient versés et crédités depuis les comptes de notre Chambre à laquelle, de même qu’au chef de nos finances, nous demandons d’agir de la sorte et sans difficulté, selon notre dessein. Dans la marge : [L’inspecteur55 a ajouté au mandat d’origine les mots suivants : le paiement aura lieu à la fin de chaque quadrimestre] Fait à Turin le 12 août 1611 – signature de Charles-Emmanuel [de Savoie] – vu par Provana – vu par Cernusco – soussigné Boursier.
3. Le 21 novembre 1613, liasse 74, reg. 25, fo 240 [Sigismondo d’India Assento] Per Sigismondo d’India capo musico della camera di Vostra Altezza Al consiglio della casa di lei d’assentarlo in una libra cibaria ordinaria oltre quella che hà, la quale Vostra Altezza gli stabilisce per suoi benemeriti e perche possa trattenersi Il Duca di Savoia Al consiglio della casa nostra salute Volendo noi riconoscere Sigismondo d’India Capo musico della camera nostra della continua e grata servitù ch’ei ci fà affinche con più comodità possa attendere a trattenersi Vi ordiniamo per le presenti che habbiate da assentarlo sopra lo stato ò sia Bureau di detta casa in una ratione cibaria di pane vino e companatico d’ordinario al lardire, oltre quella che già per ordine nostro del primo
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la Savoie et la France mais aussi à l’intérieur du même duché du Piémont-Savoie. Voir A. Erba, La chiesa sabauda tra Cinque e Seicento. Ortodossia tridentina, gallicanesimo savoiardo e assolutismo ducale (1580-1630), Rome, Herder, 1979, p. 3 ; C. Raffestin, « L’evoluzione del sistema delle frontiere del Piemonte dal xvi al xix secolo », La frontiera da Stato a Nazione. Il caso Piemonte, éd. C. Ossola, C. Raffestin et M. Ricciardi, Rome, Bulzoni, 1987, p. 101-111 ; P. Bianchi, « “Descrizioni”, “corone”, “teatri” degli Stati sabaudi. La rappresentazione del territorio ad usum regni (sec. xvi-xvii) », L’Italia dell’Inquisitore. Storia e geografia dell’Italia del Cinquecento nella descrittione di Leandro Alberti, éd. M. Donattini, Bologne, Bononia University Press, 2007, p. 507-529 ; W. Barberis, « I caratteri originali del Piemonte sabaudo », Il Piemonte come eccezione ?, op. cit., p. 48 et I. Melani, Di qua e di là da’ monti. Sguardi italiani sulla Francia e sui francesi tra xv e xvi secolo, Florence, Firenze University Press, 2011, 2 vol. Concernant les Alpes comme élément symbolique de l’identité de la dynastie sabauda, voir La Maison de Savoie et les Alpes : emprise, innovation, identification. xve-xixe siècle, éd. S. Gal et L. Perrillat, Chambéry, Université Savoie Mont Blanc, 2015. Après le départ de D’India en 1623, la cour de Turin n’a plus engagé de maestro della musica di camera. En effet, ce type de charge a été remplacé au profit des musiciens du « Gabinet » français. Voir S. Cordero di Pamparato, « Emanuele Filiberto di Savoia protettore dei musici », Rivista Musicale Italiana, no 34/2, 1927, p. 571. Sigismondo D’India s’installe donc à la cour de Turin au mois d’avril 1611 – les serviteurs étant payés tous les quatre mois –, un peu plus d’un mois après la publication (le 20 février), à Venise, de son Deuxième livre de madrigaux. Depuis les années 1570, le secteur financier et fiscal du Stato Sabaudo est dirigé par un generale delle finanze, un controllore generale et un tesoriero generale pour le Piémont et un autre pour la Savoie, assistés par différents tesorieri particolari, voir G. Muto, « Stati italiani e Stato sabaudo nella prima età moderna : questioni di definizione », Il Piemonte come eccezione ?, op. cit., p. 33.
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Deuxième partie
d’Agosto mille seicento e undici vi hà che gli stabiliamo hora in consideratione de suoi benemeriti facendogliele distribuire amendue unitamente come si distribuiscono ai gentilhuomini et altri ufficiali ordinariamente livrati in detta casa a cominciar questa dalla data delle presenti e continuare nell’avvenire durante nostro beneplacito non ostante qualunque bilancio riforma et cosa in contrario. Mandando ai Controllore e segretario di detta casa di cosi osservare et far esseguire et al Tesoriero generale di dare sarà nostro savio sicura assignatione per l’amontar di detta livra che tal’ è nostra mente Datj in Torino li Ventiuno di novembre 1613 – Signato Carlo Emanuel Vista Provana – Vista Cernusco – Dans la marge : [Sigismondo D’India, autorisation] Pour Sigismondo D’India, chef de la musique de la Chambre de Votre Altesse, au Conseil de sa maison afin d’approuver la portion ordinaire des provisions alimentaires, outre celle dont il bénéficie, que Votre Altesse lui établit pour ses grands mérites et pour qu’il puisse vivre. Le duc de Savoie, au Conseil de notre maison, Salut. Nous voulons reconnaître Sigismondo D’India, chef de la musique de notre Chambre, pour les services56 constants et satisfaisants qu’il nous rend afin qu’il puisse continuer ainsi et vivre avec plus d’aisance. Nous vous ordonnons par la présente de faire enregistrer sur le compte de l’État, c’est-à-dire de la comptabilité de cette maison, une portion alimentaire et ordinaire de pain, vin et nourriture, outre celle qu’il a déjà reçue par notre mandat du 1er août 1611. Nous la lui établissons à présent en considération de ses grands mérites en les lui donnant toutes deux ensemble ainsi qu’elles sont dispensées aux gentilshommes et autres officiers57 et livrées à l’ordinaire par cette maison, à partir de la date de la présente et [nous vous prions] de continuer à l’avenir, selon notre bon vouloir, nonobstant quelque bilan, réforme ou autre événement contraire. Nous ordonnons à l’inspecteur et au secrétaire de cette maison d’agréer et de procéder de la sorte et au trésorier général, en tant que notre modérateur, d’assurer l’attribution de la portion mentionnée, selon notre dessein. Fait à Turin le 21 novembre 1613 – signature de Charles-Emmanuel [de Savoie] – vu par Provana – vu par Cernusco.
4. Le 24 octobre 1614, liasse 76, reg. 27, fo 58, document inédit [Ducatoni 200] Discarico al Tesoriere general Berlingieri di Ducatoni 200 pagati in proprie mani di Vostra Altezza per servitio secreto Dato in Torino li ondeci Agosto mille seicento quattordeci Signato Carlo Emanuele Vista Provana – Vista Coardo – con il gratis Provana – sono per tanti che Vostra Altezza dona in aiuto di costa, a Sigismondo Dindia. Dans la marge : [200 ducatons] Décharge au trésorier général Berlingieri de 200 ducatons payés en mains propres par Votre Altesse pour son service personnel effectué à Turin le 11 août 1614. Signature de Charles-Emmanuel [de Savoie]. Vu par Provana – vu par Coardo58 – avec Gratis Provana. Pour cette raison, Votre Altesse les donne comme aide supplémentaire à Sigismondo D’India.
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Les Archives de Turin conservent la trace d’un paiement pour le service des musiciens du duc de Savoie à Vercelli durant le premier semestre de l’année 1613 : « Più di livre Duecento sessanta sette soldi quindeci et denari cinque ducali pagati alli hosti in Vercelli per la spesa de Musici delli 2 luglio 1613. », Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, Conti approvati, art. 217, parrafo 1, Tesoreria generale, liasse 62, mandat de paiement no 224. Concernant ce voyage, voir aussi id., liasse 64, mandat de paiement no 313. Cette attribution, seulement deux ans et demi après son arrivée à Turin, montre bien la considération et les privilèges dont le compositeur jouissait à la cour et qui sont sans doute à l’origine des jalousies et de « la malveillance de certains » qui ont causé sont départ de cette ville dix ans plus tard. Il s’agit de Nicolò Coardo, conseiller d’État et chef général des finances du Piémont.
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Les autres documents
5. Le 2 avril 1615, liasse 77, reg. 28, fo 166 [Sigismondo d’India Capo musico Divento in ducatoni 12 effettivi il mese] Per Sigismondo d’India capo musico della Camera di Vostra Altezza Trattenimento di 12 ducatoni effettivi sopra il Tesoriere generale in luogo delle 2 rationi che’egli havea sopra la casa ; et questo ogni mese, Gratis Il Duca di Savoia Al Magnifico Consigliere e tesoriere nostro generale di quà da’ monti monsù Gasparo Berlingieri presente et altri d’avvenire salute Havendo noi convertito le due rationi di pane vino e companatico c’haveva sopra il stato di casa nostra ogni giorno Sigismondo d’India capo musico di nostra camera à ragione di sei ducatoni effettivi cadauna al mese et volendo perciò ch’egli ne venghi pagato acciò possa trattenersi al servitio nostro. Per le presenti v’ordiniamo che di qualsivoglia danaro di nostra ricetta debbiate pagar far pagar overo assignar ogni mese la somma di ducatoni dodeci à forini tredici l’uno, cominciando dalla data delle presenti et continuando durante nostro beneplacito che ritenendo al primo pagamento copia autentica delle presenti con la debita quitanza del predetto Sigismondo d’India ò di suo legitimo procuratore, et nelli seguenti le debite quitanze solamente, li detti ducatoni dodeci simili ogni mese che se gli pagaranno à quarteri come sopra saranno entrati et fatti buoni ne vostri conti dalla Camera nostra Alla quale mandiamo di cosi fare senza difficoltà alcuna che tal’è nostra mente. Datj in Torino li 2 Aprile 1615. Signato Carlo Emanuel – Vista Provana – Vista Coardo. Dans la marge : [Sigismondo D’India Chef de la musique Conversion en 12 ducatons comptants par mois] Pour Sigismondo D’India, chef de la musique de la Chambre de Votre Altesse, salaire de 12 ducatons comptants sur le compte du trésorier général à la place des 2 portions [de provisions alimentaires] qu’il recevait pour le compte de la maison chaque mois, Gratis [Provana]. Le duc de Savoie, à l’Illustre conseiller et notre trésorier général de cette partie des Alpes, le Sieur Gaspare Berlingieri, pour le présent et pour l’avenir, Salut. Nous avons converti en six ducatons comptants mensuels sur le compte de l’État de notre maison les deux portions de pain, vin et nourriture qu’avait chaque jour Sigismondo D’India, chef de la musique de notre Chambre, afin qu’il soit payé et qu’il puisse continuer à nous servir. Nous vous ordonnons par la présente, que quel que soit l’argent comptant que vous ayez à régler, d’assurer le paiement chaque mois de la somme de douze ducatons de treize florins chacun à partir de la date de cet acte et de continuer selon notre bon vouloir. Nous retenons de ce premier paiement une copie originale de la présente avec la quittance du susnommé Sigismondo D’India ou de son légitime représentant et, pour les suivantes, uniquement les quittances des douze ducatons mentionnés, procédant ainsi chaque mois pour les paiements qu’il recevra par quarts au fur et à mesure qu’ils seront versés et crédités sur les comptes de notre Chambre à laquelle nous demandons d’agir de la sorte et sans difficulté aucune, selon notre dessein. Fait à Turin le 2 avril 161559. Signature de Charles-Emmanuel [de Savoie] – vu par Provana – vu par Coardo.
6. Le 18 septembre 1619, liasse 82, reg. 2B, fo 57-58 [Discarico al Tesoriero Allegra ducatoni 330 e fiorini 10 a fiorini 13] Il Duca di Savoia Camera nostra de Conti, passate et entrate in quelli del magnifico consigliere et tesoriere nostro generale de criminali monsù Camillo Allegra la somma di ducatoni 330 et fiorini 10 à ragione di fiorini 13 per ducatone ch’egli 59
D’India publie quelques mois plus tard, les 1er et 20 août de la même année, son Troisième livre de madrigaux (dédié au prince-archevêque de Salzbourg Marco Sittico Altemps) et son Deuxième livre des Musiche (dédié à son patron principal, le duc Charles-Emmanuel de Savoie).
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Deuxième partie
d’ordine nostro usuale ha pagato alli musici nostri Francesco Bontempo et, Sigismondo d’India in doppie conto d’Italia della qual somma di ducatoni 330-310 – vogliamo che raportando detto nostro Tesoriere le presenti senza altro esso ne resti sufficientemente discaricato ne suoi conti si come sin d’adesso le ne scarighiamo non ostante che detta partita non sia nel bilanzo et l’ordine delli 22 Gennaro Che tal è nostra mente Datj in Turino li 18 settembre 1619. Carlo Emanuele, Vista Allegra – Vista Coardo. Dans la marge : [Décharge au trésorier Allegra de 330 ducatons et 10 florins à raison de 13 florins] Le duc de Savoie. Notre Chambre des comptes, administrée par l’Illustre conseiller et notre trésorier général judiciaire le Sieur Camillo Allegra, a versé sur notre ordre, sur deux comptes d’Italie, la somme de 330 ducatons et 10 florins à raison de 13 florins par ducaton, pour payer nos musiciens Francesco Bontempo60 et Sigis60
Francesco Bontempo (mort en 1647) était un musicien très actif durant et après le séjour de D’India à la cour de Turin où il s’établit probablement en 1617-1618. Il a accompagné le cardinal de Savoie à Paris lors de son voyage de 1618 ((ITa), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 394, Registro per il viaggio del Serenissimo Prencipe Cardinale di Savoia in Francia dell’anno 1618, non paginé). Bontempo a également fait partie des musiciens du cardinal durant son séjour à Rome en juillet 1621 (S. Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 103), puis à Turin avant le nouveau départ du prélat pour Ville éternelle en 1623 ((I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real Casa, art. 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, liasse 1, reg. 6, mandat de paiement no 226 et liasse 2, reg. 7, mandat de paiement no 517) et enfin durant son séjour romain de 1623 (S. Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I », op. cit., p. 103 et A. Basso, « La musica in città (1530-1630) », Storia di Torino, op. cit., p. 348-349). Bontempo a en outre mis en musique plusieurs ballets de Ludovico d’Agliè vers 1627 et a participé, en jouant le rôle du personnage principal, à la représentation de la fable d’Arion, mise en musique par Paolo Bisogno, luthiste modénais, lors des festivités pour l’anniversaire de Christine de France le 10 février 1628 (A. Solerti, « Feste musicali alla corte di Savoia nella prima metà del secolo xvii », Rivista Musicale Italiana, no 11, 1904, p. 691-694). C’est à cette occasion que fut donné le somptueux spectacle mis en scène par le duc Charles-Emmanuel et intitulé : La Nave de la felicità (O. G. B., Breve Ragguaglio Della suontosissima Festa del Serenissimo Duca di Savoia, Per gli Anni felici di Madama Serenissima, Alli X Febraro 1628 ; F. Varallo, « Le feste da Emanuele Filiberto a Carlo Emanuele I », Storia di Torino : Dalla dominazione francese alla ricomposizione dello stato (1536-1639), éd. G. Ricuperati, Turin, Einaudi, 2002, vol. III, p. 697 et C. Santarelli, « Le vaisseau de la Félicité : iconographie des fêtes musicales à la cour de Savoie au xviie siècle », Musique, images, instruments. Revue française d’organologie et d’iconographie musicale, no 10, 2008, p. 81-82). Enfin, en ce qui concerne les rapports de Bontempo avec la Ville éternelle, Antonio Poggioli, éditeur romain des Litaniae Deiparae Virginis de Giovanni Francesco Anerio (publiées en 1626 mais déjà parues dans la même ville chez l’éditeur Zanetti en 1611), dédie ce livre au musicien : « Admodum Illustrissimo Domino D. Francisco Bontempo. Antonius Poggiolus. Salute. Quanto studio, ac reverentia Musicam colas, quantq ; nobilissima buius artis antesignanos, & principes aestimes nemo est qui non ignoret : maximè eorum, quos non latet quam liberali dispendio Musicorum omnium tibi volumina comparaveris, & musices, ut ita ditam, museum tua non minus laude, quam aliorum gloria confeceris. Inter nos ego Ioanne Franciscum Anerium celebrem uius facultatis magistrum ascribendum non dubito ; quanquam enim unus sit ex recentibus, inter primos facile enumerari, atq ; ut virtute, ita cum caeteris fama certare potest. Iure ergo Beatis Virgo Mariae Litanias, atque de ea maiores Antiphonas, nec non Mottecta quaedam fanè ad caelestis harmoniae, similitudinem musicis ab illo modulis accomodatan plaero committere decrevi, Quod opus religiosis piorum virorum moribus, communiq ; Decantatium, dum maximus te experitur Musica fautorem, me quoque ipsus administrum pro ipsus gloria te mihi patronum asserere. Animum, quem Musica oblectamenta non capiunt haud esse sua proportione dispositum sapienter asservit Accademicorum Princeps : Tu vero, qui praestantissimae istius Artis studium deliciis omnibus praefers, qualem in te iubes animum contemplari. Quod, quum per multis mihi constet argumentis, supremum tamen sum de eo pignus accepturus, si hoc munu bilari fronte exceperis ; atque in Musicis Ioannis Francisci Anerii cantionibus meam erga te voluntatem patieris aeternitati publicè commendari. ». La dédicace a été transcrite dans le Catalogue (qui comprend près de 370 compositeurs) de l’abbé Fortunato Santini (1778-1861) (Catalogo della musica esistente presso Fortunato Santini in Roma. Nel Palazzo de’ Principi Odescalchi incontro la Chiesa de’ SS. Apostoli, Rome, Salviucci e Figlio, 1820). Concernant cet érudit, figure centrale du collectionnisme en musique, voir B. M. Antolini, « Fortunato Santini : collezionismo ed esecuzioni di musica antica a Roma nella prima metà dell’Ottocento », « La la la… Maistre Henri ». Mélanges de musicologie offerts à Henri Vanhulst, éd. C. Ballman et V. Dufour, Turnhout, CESR-Brepols, 2009, p. 415-428.
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Les autres documents
mondo D’India. Notre trésorier susnommé ayant mentionné par la présente la somme de 330 ducatons et 10 [florins], nous voulons qu’elle soit versée sans faute sur leurs comptes, en même temps que nous la débitons pour peu que ledit paiement n’apparaisse pas dans le bilan et le mandat du 22 janvier. Fait à Turin le 18 septembre 1619. [Signature de] Charles-Emmanuel [de Savoie], vu par Allegra – vu par Coardo.
7. Le 27 décembre 1620, liasse 83, reg. 3, fo 3 [Sigismondo d’India ducatoni 100 a fiorini 13 per mercede] Il Duca di Savoia Al molto diletto fedel Monetiero nostro generale Giacomo Canale salute V’ordiniamo che di qualsivoglia grano della nostra ricetta paghiate ò facciate pagare a Sigismondo d’India nostro Capo musico di Camera Ducatoni Cento da fiorini tredeci l’uno che li facciamo dare per aiuto di costa in consideratione della sua servitù passandogli ne le quittanze et recapiti necessarij non ostante qual si voglia sospensione et ordine in contraria parti quello de 22 di gennaro 1619 - è il biglieto di X di febraro prossimo passato che medesimamente questo et la quittanza del detto Sigismondo senz’altro vi saranno li detti ducatoni 100 ch’ho meso per li pagamento, entrati e fatti buoni ne vostri conti dalla Camera à cui mandamento di cosi fare senza difficoltà che cosi ci piace Datj in Turino li 27 di dicembre 1620. Carlo Emanuel. Vista Allegra. Vista Cernusco – Dans la marge : [Sigismondo D’India, 100 ducatons à raison de 13 florins en tant que récompense] Le duc de Savoie. Au très bien-aimé et fidèle notre monnayeur général Giacomo Canale, Salut. Nous vous ordonnons de payer ou de faire payer à Sigismondo D’India, notre chef de la musique de la Chambre, quel que soit le blé disponible dans nos provisions, cent ducatons de treize florins chacun que nous lui donnons comme aide supplémentaire en considération de ses services61. Nous les avons enregistrés dans nos quittances et reçus, nonobstant quelque suspension et mandat contraire à celui du 22 janvier 1619, ainsi que dans la dépêche du 10 février dernier dans laquelle, en même temps que dans la quittance dudit Sigismondo, vous trouverez sans faute les 100 ducatons mentionnés que j’ai versés pour le paiement. Ils ont été reçus et crédités sur vos comptes par la Chambre qui ordonne d’agir de la sorte et sans difficultés selon notre dessein. À Turin le 27 décembre 1620. [Signature de] Charles-Emmanuel [de Savoie]. Vu par Allegra. vu par Cernusco.
8. Le 23 novembre 1621, liasse 85, reg. 6F, fo 95, document inédit Il Duca di Savoia Al magnifico consigliere tesoriere nostro generale di quà da Monti Secondo Coppa presente et futuri in detto ufficio salute V’ordiniamo per la presente che de qualunque denaro nostro e di nostra ricetta più liquido, et essigibile debbiate a pagar, assignar in parte sicura e far pagar a Sigismondo d’India, et Buontempo musici nostri li fiorini 2200 che restano haver delli ducatoni 300 a fiorini 10 e fiorini 13 l’uno del donativo dono fattoli come più aprezo e contento nel discarico fattoli in data del 18 di settembre passato 1619 per qual il già tesoriero nostro di criminali Camillo Allegra sopra cui erano assignati vano ha fatto quittanza sua li 8 dicembre 1619. Le duc de Savoie. À l’Illustre conseiller, notre trésorier général de cette partie des Alpes, Secondo Coppa pour le présent et pour l’avenir dans cet office, Salut. Nous vous ordonnons par la présente, quel que soit l’argent comptant disponible pour nos dépenses que vous ayez à régler, d’assurer le paiement à nos musiciens Sigismondo
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À cette date, D’India compose la musique pour les spectacles et les célébrations de la cour de Turin, en paticulier pour les fêtes organisées par le cardinal de Savoie dans sa Vigna en l’honneur de sa belle-sœur Christine de France, voir le chapitre 2 de la partie I, p. 75-78. C’est également à cette période que le cardinal Maurice demande au Sénat vénitien le titre de Chevalier de Saint-Marc pour le musicien, id., p. 189-190.
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Deuxième partie
D’India et [Francesco] Bontempo, des 2200 florins qui restent des 300 ducatons de 10 florins, à raison de 13 florins chacun, pour le don qui leur a été accordé en guise d’estime et de satisfaction62. Le versement leur a été effectué en date du 19 septembre 1619 par notre ancien trésorier judiciaire Camillo Allegra qui a établi la quittance le 8 décembre 1619.
9. Le 28 mai 1622, liasse 85, reg. 6F, fo 122 [Cavagliere Sigismondo d’India tratta di 300 sacchi di grano] Per il Cavaliere Sigismondo d’India Capo della Musica di Camera di Vostra Altezza tratta che ella li concede de sacchi 300 di grano da questi stati panca da pagamento dei Resti osservando le cautele del Magistrato della Abondanza Da qui in Turino li 28 Maggio 1622. Carlo Emanuel. – Vista Allegra. Vista Coardo – Dans la marge : [Chevalier Sigismondo D’India, traite de 300 sacs de blé] Pour le Chevalier Sigismondo D’India, chef de la musique de la Chambre de Votre Altesse, traite de 300 sacs de blé provenant de ses territoires, [blé] qu’Elle lui concède en guise de paiement du reste dû et en respectant les préconisations du Magistrato della Abondanza63. Depuis Turin le 28 Mai 162264. [Signature de] Charles-Emmanuel [de Savoie] – vu par Allegra – vu par Coardo.
[10-11] Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 220, Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia, conti del depositario de’ redditi del serenissimo principe Tommaso di Savoia deputato dalla Camera d’ordine di Sua Altezza Reale il duca di Savoia, liasse 1, registre 5 : « 1622. Terzo conto del maneggio della Thesoreria del Serenissimo Signor Principe Cardinale a carico del Signor Giovanni Matteo Belli » : 10. Le 27 janvier 1623
Mandat de paiement no 275 Fiorini Trecento trenta tre valuta di Ducatoni 18 a fiorini 18.6 l’uno pagati à Filippo Albino musico à buon conto della spesa che d’ordine del Serenissimo Principe Cardinale fa al signor Sigismondo D’India musico come ne consta per ordine del signor Conte Lodovico Daglie delli 27 genaro et quittanza del pagamento delli 11 febraro 1623. Trois cent trente-trois florins d’une valeur de 18 ducatons de 18,6 florins chacun, payés à Filippo Albini65, musicien, pour compte des dépenses que par ordre du Sérénissime Prince Cardinal [de Savoie] il engagea pour le Sieur Sigismondo D’India, musicien, ainsi que nous le constatons par le mandat de paiement
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Voici un exemple de la pratique de la libéralité (l’art de savoir reconnaître et récompenser les services rendus) du prince – en l’occurrence le duc de Savoie. Cette liberalitas, vertu sociale par excellence, passe le plus souvent par le don et est proportionnée au service rendu. Il Magistrato della Abondanza était une institution créée à Gênes pendant la seconde moitié du xvie siècle. Il s’occupait de l’achat, de la conservation et de la vente du blé, mais également d’en contrôler le commerce afin d’éviter la famine. Voir R. Savelli, « Mécanismes institutionnels économiques à Gênes », Pouvoir et institutions en Europe au xvie siècle. Vingt-septième Colloque International d’Études Humanistes, Tours, 1984, éd. A. Stegmann, Paris, Vrin, 1987, p. 51-52. À cette date, D’India est absent de Turin sans qu’on sache pourquoi. Concernant Filippo Albini, voir C. Santarelli, « Un musicista alla corte di Carlo Emanuele I : Filippo Albini da Moncalieri », Filippo Albini. Musicali Concenti. Opera II (1623) – Opera IV (1626), éd. L. Girodo, Lucques, LIM, 2002, p. vii-xii.
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Les autres documents
de Monsieur le comte Ludovico d’Agliè66 du 27 janvier [1623] et dont la quittance du paiement date du 11 février 162367.
Articolo 220, op. cit., liasse 2, reg. 7 : 11. Le 21 avril 1624
Mandat de paiement no 529 Si fa creditore della somma di scudi Trenta di moneta pagati al signor Cavaliere Sigismondo d’India à conto del suo trattenimento come ne consta per ordine del signor Conte Lodovico et quittanza al dono di 21 di Aprile del 1624. Nous créditons la somme de trente écus de monnaie68 à Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India pour son séjour, ainsi que nous le constatons par le mandat de paiement de Monsieur le comte Ludovico [d’Agliè] et dont la quittance du versement date du 21 avril 162469.
[11 bis] Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 402, Spese della Casa del Serenissimo Principe, liasse 2 : 11 bis. Le 21 avril 1624 (même paiement que le précédent) Al signor Tesoriere Belli di scudi trenta da giuli 10 l’uno per tanti pagati al signor Cavagliere Sigismondo a conto delle sue provisioni stabillitele da Sua Altezza Come per ordine sottoscritto Don Lodovico San Martino D’Agliè Roma alli 21 Aprile 1624. À Monsieur le trésorier [Giovanni Matteo] Belli, trente écus de 10 jules70 chacun, payés à Monsieur le Chevalier Sigismondo [D’India] pour des provisions établies par Son Altesse, ainsi que le certifie le mandat de paiement de Don Ludovico San Martino d’Agliè, à Rome, le 21 avril 1624.
[12] Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 220, op. cit., liasse 2, reg. 7 :
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Ludovico d’Agliè (1578-1646), poète, diplomate et promoteur de spectacles turinois, était l’ambassadeur du duc de Savoie à Rome de 1627 à 1637, mais également gentilhomme de chambre et assistant de l’Académie des Desiosi du cardinal de Savoie dans la même ville entre 1623 et 1627. D’India quittera la cour de Turin quelques mois plus tard. Ce paiement confirme que le musicien fait désormais partie des serviteurs du cardinal Maurice. En effet, le musicien se présente, à partir de cette date, comme Gentiluomo du cardinal de Savoie. De plus, le départ de D’India de la cour de Savoie a lieu presque au même moment que celui du prélat pour Rome. Nous pouvons penser que suivre le cardinal devait être sans doute, pour le musicien, le meilleur choix pour poursuivre sa carrière de compositeur. En ce qui concerne le « scudo di moneta », monnaie de comptabilité à Rome, qui ne deviendra une monnaie effective d’argent qu’en 1741, voir G. De Gennaro, L’esperienza monetaria di Roma in età moderna (secc. xvi-xviii). Tra stabilizzazione e inflazione, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1980, p. 23-24 et R. Masini, Il debito pubblico pontificio a fine Seicento. I monti camerali, Rome, Edimond, 2005, p. 23. Ce paiement correspond à l’installation de D’India à Rome. En effet, le musicien se trouve à Modène auprès de la cour d’Alphonse d’Este depuis l’automne 1623 et s’établit à cette date dans la Ville éternelle à la demande du cardinal de Savoie. Monnaie pontificale frappée à partir de 1504 sous le règne du pape Jules II (Giuliano della Rovere). Le giulio, au même titre que les baiocchi, sont des sous-multiples du scudo di moneta : chaque écu de monnaie a une valeur de 10 jules ou de 100 baïoques, voir R. Masini, Il debito pubblico pontificio a fine Seicento, op. cit., p. 23 ; A. Martini, Manuale di metrologia, ossia misure, pesi e monete in uso attualmente e anticamente presso tutti i popoli, Turin, Loescher, 1883, p. 603 et 611 ; E. Martinori, La moneta. Vocabolario generale, op. cit., p. 25-27 et 183-184 et J. Delumeau, Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du xvie siècle, Paris, De Boccard, 1957, vol. II, p. 658-665. Voir aussi F. Muntoni, Le monete dei papi e degli Stati pontifici, Rome, Santamaria, 1972, vol. II, p. 171-203.
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Deuxième partie
12. Le 4 septembre 1624, le 10 novembre 1624 et le 20 janvier 1625
Mandat de paiement no 64 Scudi sessanta cinque di moneta pagati al signor Sigismondo Dindia musico per donativo fattole dal serenissimo Principe cardinale in tre partite come ne consta per tre ordini del signor Conte Lodovico delli 4 di settembre et X novembre del 1624 et delli 20 genaro 1625 et per le quittanze al dono di caduno per il pagamento. Soixante-cinq écus de monnaie payés au Sieur Sigismondo D’India, musicien, en tant que don fait par le Sérénissime Prince Cardinal en trois parties ainsi que nous le constatons par trois mandats de paiement de Monsieur le comte Ludovico [d’Agliè] datés du 4 septembre et du 10 novembre 1624 ainsi que du 20 janvier 162571 avec les quittances de chaque versement.
[13-16] Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 402, op. cit, liasse 2 : 13. Le 4 septembre 1624 (même paiement que le no 12) Al signor Tesoriere Belli di scudi Venti cinque da giuli 10 l’uno per tanti pagati al signor Sigismondo D’India in donativo che Sua Altezza li fà Come per ordine sottoscritto Don Lodovico San Martino D’Agliè Roma alli 4 settembre 1624. À Monsieur le trésorier [Giovanni Matteo] Belli, vingt-cinq écus de 10 jules chacun, payés au Sieur Sigismondo D’India en tant que don que Son Altesse lui fait, ainsi que le certifie le mandat de paiement ci-après de Don Ludovico San Martino d’Agliè, à Rome, le 4 septembre 162472.
14. Le 10 novembre 1624 (même paiement que le no 12) Al signor Tesoriere Belli di scudi Venti da giuli 10 l’uno per tanti pagati al Cavagliere Sigismondo DIndia che Sua Altezza gli dona Come per ordine sottoscritto Don Lodovico San Martino D’Agliè Roma alli 10 Novembre 1624. À Monsieur le trésorier [Giovanni Matteo] Belli vingt écus de 10 jules chacun, payés au Chevalier Sigismondo D’India en tant que gratification que Son Altesse lui donne, ainsi que le certifie le mandat de paiement de Don Ludovico San Martino d’Agliè, à Rome, le 10 novembre 1624.
Liasse 3 : 15. Le 20 janvier 1625 (même paiement que le no 12) Al signor Tesoriere Belli di scudi Venti da giuli 10 pertanti pagati al Cavagliere Sigismondo Dindia, che Sua Altezza gliene fa dono Come per ordine sottoscritto Don lodovico San Martino Daglie Roma alli 20 Genaro 1625. À Monsieur le trésorier [Giovanni Matteo] Belli vingt écus de 10 jules chacun, payés au Chevalier Sigismondo D’India en tant que don de Son Altesse, ainsi que le certifie le mandat de paiement de Don Ludovico San Martino d’Agliè, à Rome, le 20 janvier 162573. 71 72 73
Ces trois mandats correspondent aux mandats de paiement no 11, 12 et 13 de ce volume. Le 1er août de la même année, D’India dédie au cardinal Maurice son Septième livre de madrigaux, date laissant supposer qu’il pourrait s’agir d’un don comme remerciement pour la dédicace de ce recueil de musique. Il pourrait s’agir d’un paiement adressé à D’India pour la composition des musiques pour l’Académie des Desiosi durant la période de carnaval pendant laquelle on réalisait fables dramatiques, jeux burlesques, tournois, dîners,
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16. Le 20 février 1625 Al signor Tesoriere Belli di scudi trenta sei da giuli 10 per tanti pagati al signor Sigismondo D’india Musico di Sua Altezza a conto della representatione che Sua Altezza fa fare della vita di S. Eustachio. Come per ordine sottoscritto Don lodovico San Martino D’Agliè Roma alli 20 febraro 1625. À Monsieur le trésorier [Giovanni Matteo] Belli, trente-six écus de 10 jules chacun, payés au Sieur Sigismondo D’India, musicien de Son Altesse, pour la représentation de la vie de saint Eustache74 que Son Altesse a fait réaliser, ainsi que le certifie le mandat de paiement de Don Ludovico San Martino d’Agliè75, à Rome, le 20 février 1625.
[17] Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 220, op. cit., liasse 2, reg. 7 : 17. Le 22 février 1625 (même paiement que le précédent)
Mandat de paiement no 360 Scudi Trenta sei di moneta pagati al signor Sigismondo Dindia à conto delle spese che fa per la rapresentatione della Vita di Sant’Eustachio in musica come consta per ordine del signor Conte Lodovico et quittanza di 22 febraro 1625. Trente-six écus de monnaie payés au Sieur Sigismondo D’India pour les frais occasionnés pour la représentation de la vie de saint Eustache en musique, ainsi que nous le constatons par le mandat de paiement de Monsieur le comte Ludovico [d’Agliè] et dont la quittance date du 22 février 1625.
[18] Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Camera ducale, Amministrazione dei Principi, Registro dei mandati, boîte 210, fo 30 : 18. Le 29 janvier 1626, document inédit Al Cavaliere Sigismondo d’India d’ordine di Sua Altezza et con lettera delli 29 Genaro 1626 per il Banco del signor Annibale Serena scudi 40.
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comédies, défis, ballets et concerts « d’une nouvelle invention ». De même, un avviso romain daté du samedi 1er février de la même année (pendant la période de carnaval) indique qu’une comédie a été « récitée en musique » chez Maurice de Savoie. La veille, les pages du cardinal ont dansé différents ballets après le dîner qui a clos une réunion de l’Académie. Voir J. Morales, « Le prince-cardinal Maurice de Savoie et les arts. Une esthétisation de l’identité nobiliaire au palais Orsini de Montegiordano à Rome », Seizième siècle, no 12, 2016, p. 285-286, 294 et 296 et id., « Musical Practices and Identity. The Story of the Roman Sojourn (1623-1627) of Maurice of Savoy, Crown-Cardinal of France », Music and the Identity Process : The National Churches in Rome and their Network in the Early Modern Period, éd. M. Berti et E. Corswarem avec le concours scientifique de J. Morales, Turnhout, Brepols, 2019 (en cours de publication). Sur ce drame sacré perdu, voir le chapitre 8 de la partie I, p. 267-269. Le 15 mars de la même année, l’ambassadeur d’Agliè – auteur du livret (perdu) du Saint-Eustache –, par ordre du cardinal Maurice de Savoie (alors protecteur de la couronne de France), a joué le rôle d’intermédiaire lors de la nomination du compositeur Romano Micheli en tant que maître de chapelle de l’église Saint-Louis-des-Français. Voir S. Franchi, « Micheli, Romano », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia Italiana, 2010, vol. LXXIV, p. 223. Micheli sera engagé à l’Église des Piémontais à Rome le 4 mai de la même année pour la fête du Saint Suaire. D’India ne semble pas être en contact avec la Confrérie de cette nation et ne fait pas partie des musiciens qui gravitent autour des églises nationales romaines, voir J. Morales, « L’Église des Piémontais à Rome au début du xviie siècle. Les “musiques extraordinaires” d’une nation composite », Revue belge de Musicologie, no 73, 2019 (en cours de publication).
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Deuxième partie
Au Chevalier Sigismondo D’India par ordre de Son Altesse [Alphonse d’Este] avec une lettre datée du 29 janvier 1626 pour la banque du Sieur Annibale Serena76, 40 écus77.
[19] Archivio Storico della Banca d’Italia (ASBIT), Banco di Santo Spirito, contabilità, Inventario Devoti II.1.26, reg. 29, libro mastro 1626, sorties des mois d’avril à août, Illustrissimo Signor Fabio Carandini, fo 494 : 19. Le 15 avril 1626, document inédit Illustrissimo signor Fabio Carandini deve dare […] A di 15 detto quaranta monete pagati con scudi a sigismondo Dindia per uso del Viaggio. Le très Illustre Seigneur Fabio Carandini78 doit donner […], le 15e jour du [mois d’avril], quarante écus de monnaie79 à Sigismondo D’India pour son voyage80.
[20-21] Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 220, op. cit, liasse 2, reg. 9 : 20. Le 5 décembre 1626
Mandat de paiement no 81 Scudi settanta due di moneta da giuli dieci l’uno pagati al Cavagliere Sigismondo Dindia per la sua spesa delli vivere in trattenimento di sei mesate finite l’ultimo d’ottobre 1626 nelle quali per essere stato fuori di Roma d’ordine del serenissimo Principe Cardinale non è statto triato sopra le Conti delle mesate come ne consta per un mandato di Sua Altezza delli 5 Decembre 1626 et della quittanza delli 12 detto che si rimette. Soixante-deux écus de monnaie de 10 jules chacun ont été payés au Chevalier Sigismondo D’India pour ses frais sur place pour une période de six mois, arrivée à terme le dernier jour d’octobre 1626, et durant laquelle il a été absent de Rome par ordre du Sérénissime Prince Cardinal. Cette somme n’a pas été enregistrée sur les comptes des paiements mensuels, ainsi que nous le constatons par un mandat de Son Altesse daté du 5 décembre 1626 et par la quittance datée du 12 du même mois ci-jointe81.
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Le banquier romain Annibale Serena apparaît dans plusieurs mandats de paiement d’Alphonse d’Este à partir de 1624, année où meurt son oncle le prince-cardinal Alessandro d’Este. En effet, le banquier s’occupe des affaires financières concernant l’eredità du prélat : « 29 marzo 1624. Al Cavaliere Carandini Residente in Roma. Pagarete de’ danari de’ monti ad Annibal Serena scudi 2 606 […] per lo bimestre ch’egli avanza di Gennaro a febraio passato. », Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Cancelleria ducale, Ambasciatori Roma, boîte 218, fo 81 ; voir aussi les paiements de 1625 : « Di Roma fatti pagar da Sua Altezza al signor Annibale Serena per il bimestre marzo et aprile prossimo passato. », (IMOs), Camera ducale, Libri diversi, Tesoreria segreta, boîte 507, reg. 1, 1625, fo 50ro et id., Cassa segreta nuova, filze 29. Concernant ce paiement, voir les lettres no 14, 18 et 19 (datées respectivement du 21 janvier, 4 et 7 février 1626), p. 322 et 324-325. Concernant les correspondances de l’ambassadeur Carandini entre le 28 janvier et le 18 avril 1626 où il est question du départ du compositeur pour Modène, voir les lettres no 16 et 18-28, p. 323-329. Pour ce qui est de ce paiement, voir les lettres no 32 et 33 datées respectivement du 15 et du 18 avril 1626, p. 330-331. D’India quittera Rome pour Modène le 18 avril 1626. Deux jours auparavant, le compositeur se rend à Frascati faire ses adieux au cardinal de Savoie, voir le chapitre 8 de la partie I, p. 266. La période du paiement (1er mai-31 octobre 1626) correspond aux dates du séjour de D’India à Modène. Quant au mandat du cardinal et à la quittance cités, ils correspondent aux dates de retour du musicien à Rome.
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21. Le 21 janvier 1627
Mandat de paiement no 353 Scudi sette di moneta simili pagati al signor Sigismondo Dindia musico del Serenissimo Principe Cardinale per il fitto della Camera per sua habitatione fuori del Palazzo et per tre mesate come ne consta per una Parcella del conseglio della casa di Sua Altezza delli 21 di genaro 1627 et della quittanza per il pagamento al dono delli 26 genaro detto anno che rimette. Sept écus de monnaie payés au Sieur Sigismondo D’India, musicien du Sérénissime Prince Cardinal, pour la location d’une chambre hors du palais82 où il habite et pour trois mois de salaire, ainsi que nous le constatons par une note d’honoraires du Conseil de la maison de Son Altesse datée du 21 janvier 162783 et par la quittance ci-jointe datée du 26 janvier de la même année.
[22] Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Camera ducale, Cassa segreta nuova, Filze 33 (no 3902) : 22. Le 16 octobre 1627, document inédit Signor Giulio Testis Havendo comandato il signor Duca, che si tratenga il Cavaliere Sigismondo d’India per valersene nel passaggio che dovra fare il Serenissimo signor Duca di Parma, et la Principessa Margherita sua sposa, e figurandosi, che la spesa tra lui, è l suo servitore possi importar un talero il giorno, Vostra Signoria perciò gli farà un mandamento d’un mese intiero cominciando al primo del corrente Di Castello il di 16 ottobre 1627. Le Sieur Giulio Testis84, Le Seigneur Duc [Cesare d’Este] ayant demandé que le Chevalier Sigismondo D’India reste [à Modène] pour profiter du passage du Sérénissime Seigneur Duc de Parme [Édouard Farnèse] et de la princesse Marguerite [de Médicis] son épouse85, et prévoyant ses frais personnels et ceux de son serviteur afin qu’ils puissent disposer d’un thaler86 par jour, Votre Seigneurie lui fera à cet effet un mandat pour un mois entier en commençant par le premier jour du présent mois. Depuis le château le 16 octobre 1627.
[23] Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35 : 23. Le 8 mars 1628, document inédit Di Commissione de gl’Illustrissimi Signori Ducali fattori generali et voi Signor Cesare Rovighi tesoriero della Ducale Camera pagarete a spesa de denari donati al signor Cavaliere Sigismondo d’India, compositore di musica 82 83 84 85 86
Il s’agit du palais Orsini de Montegiordano à Rome où le cardinal Maurice s’installe en juin 1623. Le cardinal Maurice de Savoie quitte Rome pour Turin à la fin du mois de janvier. À partir de cette date, le prélat ne semble plus être le protecteur de D’India. Giulio Testis ou Testi, serviteur du duc de Modène, était le père du comte Fulvio Testi. Voir G. Tiraboschi, Vita del conte don Fulvio Testi, Modène, Società Tipografica, 1780, p. xix. D’India tente de négocier à nouveau – en vain – sa candidature comme compositeur de la musique pour les noces de Parme de 1628. Concernant le tallero di Modena, frappé à partir de 1598 sous le règne du duc Cesare d’Este, voir E. Martinori, La moneta. Vocabolario generale, op. cit., p. 507. Voir aussi P. Flandrin, Les thalers d’argent : histoire d’une monnaie commune, Paris, éditions du Félin, 1997 et G. B. Spaccini, Cronaca di Modena, anni 1617-1620, éd. moderne R. Bussi et C. Giovannini, Modène, Panini, 2002, p. 347.
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tratenuto dal Serenissimo signor Prencipe Alfonso, zecchini vent’otto d’oro, à conto di zecchini 40 che il Serenissimo Signor Duca nostro dona al detto signor Cavaliere per innanimarlo alla virtù […] – Giovanni Andrea Mongardino, assente il Magnifico Girolamo Abbati a di 8 Marzo 1628. Par ordre des très Illustres Messieurs les exécuteurs comptables du duc et du Sieur Cesare Rovighi, trésorier de la Chambre ducale, on réalisera le paiement pour les frais courants de Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India, compositeur de musique au service du Seigneur Prince Sérénissime Alphonse [d’Este], de vingt-huit sequins d’or87 de 40 sequins chacun que le Sérénissime Seigneur notre duc [Cesare d’Este] donne audit Monsieur le Chevalier pour l’encourager dans la vertu […] – Giovanni Andrea Mongardino88, l’Illustre Girolamo Abbati89, absent, le 8 mars 1628.
[24-26] Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Camera ducale, Amministrazione dei Principi, Registro dei mandati, boîte 210 : 24. Le 16 avril 1629, fo 57, document inédit90 A di detto a Sebastiano Bolognese lire cento che Sua Altezza Serenissima gli à pagato per un debito che teneva con lui, la buona Memoria del Cavaliere d’India, per Pigione di casa, mentre stava in casa sua. Le même jour, à Sébastien de Bologne, Son Altesse Sérénissime a payé cent lires91 pour une dette qu’il avait envers lui pour acquiter le loyer du défunt Chevalier D’India pendant qu’il était chez lui.
25. Le 18 avril 1629, fo 57, document inédit A di 18 detto à Paolo Francesco Piacentino sarto […] lire 11 : 14 che Sua Altezza Serenissima gli à fatto pagare per costo di fattura d’un vestito ch’avanzava con il Cavaliere d’India. Le même 18 [avril], Son Altesse Sérénissime a fait verser à Paolo Francesco de Plaisance, tailleur […], 11,14 lires pour le coût de fabrication d’un habit qu’il préparait pour le Chevalier D’India.
26. Le 19 avril 1629, fo 58, document inédit A di detto à Giovanni Battista Ferrazi calzolaro lire sette per un [illisible] di scarpe pagati Sua Altezza Serenissima per la buona Memoria del Cavaliere d’India. Le même jour, à Giovanni Battista Ferrazi, cordonnier, sept lires pour un [illisible] de chaussures payées par Son Altesse Sérénissime au défunt Chevalier D’India.
[27] Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, citée par Federico Mompellio, Sigismondo d’India, musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956, p. 74 : 87 88 89 90 91
Le sequin était une pièce d’or équivalente au ducat d’or. À Modène, entre 1608 et 1639, un sequin valait 9 lires. Voir id., p. 346. Ministro del conto. Secrétaire du duc chargé du maneggio di spenditore. Les documents suivants se situent autour de la mort du compositeur. Concernant la lire de Modène (monnaie de comptabilité), voir E. Martinori, La moneta. Vocabolario generale, op. cit., p. 248. Dans nombre de duchés italiens – contrairement aux États pontificaux où l’on tenait la comptabilité en écus, jules et baïoques (scudi, giuli et baiocchi) – on comptait en lires, sous et deniers (lire, soldi et denari).
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27. Le 19 avril 1629, aux « héritiers de Sigismondo D’India » Gli Heredi del Signor Cavaliero d’India deve dare per sero Chiarificato con ingredienti [rature] et destilato con suco di Acetosa fatto ogni matina di fresco con zucchero finno e Chiarito lire 16.12. Giovanni Battista Sarzani si paghi. Ho ricevuto io Giovanni Battista Sarzani li sudette lire 16.12 dal signor Lodovico Mori. Giovanni Battista Sarzani a di 19 Aprile 1629. Giulio Scali In libro di cassa segreta lire 60. Aux héritiers de Monsieur le Chevalier D’India. On doit payer 16,12 lires à Giovanni Battista Sarzani92 pour [le remède93 fait de] petit-lait clarifié grâce à des ingrédients [rature] et distillé avec du suc d’oseille fraîchement préparé chaque matin avec du sucre fin et clair. J’ai reçu, moi, Giovanni Battista Sarzani, les 16,12 lires mentionnées de la part du Sieur Lodovico Mori. Giovanni Battista Sarzani, le 19 avril 162994. Giulio Scali dans le livre de la cassa segreta 60 lires.
[28-34] Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Camera ducale, Amministrazione dei Principi, Registro dei mandati, boîte 210 : 28. Le 20 avril 1629, fo 60, document inédit A Giovanni Battista Sarzani, spetiale di Sua Altezza Serenissima lire 16 e soldi dodeci per suo chiarificato con ingredienti, quale n’è destilado con suco d’acetosa, fatto ogni matina di fresco con zuchero fino, al Cavaliere d’India. À Giovanni Battista Sarzani, apothicaire95 de Son Altesse Sérénissime, 16 lires et douze sous96 pour le petit-lait clarifié grâce à des ingrédients et distillé avec du suc d’oseille fraîchement préparé chaque matin avec du sucre fin et clair pour le Chevalier D’India.
29. Le 20 avril 1629, fo 60, document inédit A di detto al Magnifico Decio Cassiani lire 41 : 16 per sua lista di robbe datte al Cavaliere d’India buona memoria, nel suo male. Le même jour, à l’Illustre97 Decio Cassiani 41,16 lires pour la liste des choses98 fournies au défunt Chevalier D’India pendant sa maladie99.
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Apothicaire de la cour. Pour une analyse de ce remède, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 235-237. Le remède fut payé par Alphonse d’Este le lendemain 20 avril, ce qui semble écarter l’hypothèse que D’India ait eu une descendance. Voir (I-MOs), Camera ducale, Amministrazione dei Principi, Registro dei mandati, boîte 210, fo 60 ainsi que le verso de la lettre no 7, voir p. 304. Voir « Speziale o Farmacista », Dizionario di erudizione storico-ecclesiastica, éd. G. Moroni, Venise, Emiliana, 1854, vol. LXVIII, p. 261. Une lire se divisait en 20 sous, voir G. De Gennaro, L’esperienza monetaria di Roma in età moderna, op. cit., p. 23. Le titre de Magnifico (Illustre) était attribué également à cette époque à des magistrats et à des médecins. Decio Cassiani étant apothicaire, nous comprenons que « la liste des choses » se réfère aux remèdes de sa bottega. D’India est probablement mort de la malaria entre mars et avril de la même année, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 238-240.
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30. Le 23 avril 1629, fo 62, document inédit Al di 23 detto à Giovanni Battista Borelo, come Herede delli Gianelli spetiali lire 31.29 per sua lista di robbe datte per servitio del Cavaliere d’India buona Memoria nella sua malatia. Le même 23 [avril], à Giovanni Battista Borelo, en tant qu’héritier des Gianelli, apothicaires, 31,29 lires pour la liste des choses qu’il a fournies pour le service du défunt Chevalier D’India durant sa maladie.
31. Le 29 avril 1629, fo 65, document inédit A di detto Al Magnifico Paolo Bosio lire 35 per la pigione di casa, che diede al Cavaliere d’India mentre stete in casa sua. Le même jour, à l’Illustre Paolo Bosio100, 35 lires pour la location de sa maison au Chevalier D’India.
32. Le 29 avril 1629, fo 65, document inédit A di detto Al detto Bosio lire ondeci, per uno paio di calzete di bavela turcha che diede, Giovanni Battista Colombi agochino, al Paggio del signor Cavaliere d’India. Le même jour, au même Paolo Bosio, onze lires pour une paire de chaussettes de soie turque que donna Giovanni Battista Colombi Agochino101 au page de Monsieur le Chevalier D’India.
33. Le 29 avril 1629, fo 65, document inédit A di detto Al sudetto Bosio lire otto, per resto della fattura d’un habito nero, che feci Horatio Manfredino, alla buona Memoria del Cavaliere d’India. Le même jour, au même Paolo Bosio, huit lires afin de solder la facture d’un habit noir102 que fit Horatio Manfredino pour le défunt Chevalier D’India.
34. Le 2 mai 1629, fo 66, document inédit A di 2 detto à Giacinto Paganino lire 11 et soldi 4 per carne di Vitella comprata per il Cavaliero d’India, mentr’era Amalato. Le même jour 2 [mai], à Giacinto Paganino, 11 lires et 4 sous pour la viande de veau103 achetée pour le Chevalier D’India pendant qu’il était malade.
[35] Archivio di Stato di Modena (I-MOs), Archivio segreto estense, Cancelleria ducale, Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/35, fo 256, cité par Simona Boni, Vita musicale a Modena durante il ducato di Cesare e Francesco I d’Este, tesi di laurea, Università degli studi di Parma, 1999, p. 141 :
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Paolo Bosio semble être un chanoine, assistant de la Chapelle ducale de Modène. Musicien de la cour de Modène. La récurrence de la phrase « alla buona memoria » ainsi que l’allusion à l’habit noir nous font penser que ces paiements sont de peu postérieurs à la date de décès du compositeur. Cette viande de veau était très certainement destinée à préparer un bouillon rafraîchissant afin de tempérer une forte fièvre, voir le chapitre 7 de la partie I, p. 238-239.
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35. Le 25 mai 1629, Paolo Bosio au duc Alphonse III d’Este104 Spesa fatta da me sottoscritto d’ordine del signor Giulio Scali dalli 15 Dicembre 1627 per tutto li 2 Agosto 1628 intorno le musiche fatte dal signor Cavaliere Sigismondo d’India in San Vincenzo la sera all’Oratorio, et alla Disciplina, ed altre feste in detta Chiesa, in San Bartolomeo, in San Sebastiano in Duomo, et altri luoghi per servitio di Sua Altezza in far portare Instromenti, farne accommodar altri, et altre spese necessarie per detto servigio, che in tutto sono lire 38.17 con più dalli 16 dicembre 1628 per tutto li 7 maggio 1629 in far portare diversi Instromenti, a San Bartolomeo per il Venerdi di Quaresima gli tre ultimi giorni di Carnevale per l’oratione in detta Chiesa, li mercordi pur di Quaresima in San Vincenzo, et in altre occasioni in diversi luoghi in far portare più volte la muda delle Viole di Sua Altezza dalla Bottega del liutaio à San Pietro, et ogni sera doppo provata la musica del funerale far portare tutti gli sudetti Instromenti dal Palco in una Camera, et con il giorno da detta Camera sul Palco sino alla mattina istesa del funerale lire 26.7 – che tutte unite lire 38.17 + lire 26.7 = lire 65-64 – Paolo Bosio à di 25 Maggio 1629. Dépense faite par le soussigné, par ordre du Sieur Giulio Scali105 en vigueur du 15 décembre 1627 au 2 août 1628, concernant les musiques jouées par Monsieur le Chevalier Sigismondo D’India106 à San Vincenzo107, le soir à l’Oratoire108 et à la Discipline109 et concernant d’autres fêtes dans ladite église110, puis à San Bartolomeo111, à San Sebastiano112, à la cathédrale et en d’autres lieux pour le service de Son Altesse ; dépenses concernant également le déplacement des instruments, mais encore d’autres frais pour ledit service, pour un total de 38,17 lires, auxquelles s’ajoutent les dépenses couvrant la période du 17 décembre 1628 au 7 mai 1629113 pendant laquelle on a fait porter différents instruments à San Bartolomeo pour le vendredi du Carême114, pour les trois derniers jours du Carnaval115 pour l’oraison dans cette même église, mais aussi 104 105
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Ce document pourrait avoir un lien avec la lettre no 17. Giulio Scali était le surintendant de la musique à la Chambre et à la Chapelle ducale de la cour de Modène : « Il prencipe Alfonso [d’Este] ha tolto al suo servizio di musico il canonico Giulio Scali, e gentiluomo di camera, et vi dà scudi 10 il mese. Fece una creazione Sua Altezza e lo tiene con lui a pranzo, il cardinal [d’Este] lo aveva tolto al suo servizio, ma non voleva mangiare con suoi gentiluomini. », le 19 janvier 1623, G. B. Spaccini, Cronaca di Modena, anni 1621-1629, éd. moderne R. Bussi et C. Giovannini, Modène, Panini, 2006, p. 340. Nous savons que D’India a composé de la musique sacrée à Modène pendant cette période, même si ses compositions n’ont pas été conservées. C’est dans cette église, près du palais ducal, dans l’actuelle via San Vincenzo, qu’ont eu lieu les obsèques d’Isabelle d’Este-Savoie en 1626, voir G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este, op. cit, p. 61, 67-75. Probablement l’oratoire de la Confrérie della Santissima Annunciata, aujourd’hui église de Santa Maria delle Asse dans l’actuel corso Canalgrande. Depuis la mort d’Isabelle d’Este-Savoie, qui l’a profondément affecté, le prince Alphonse fréquente les églises de San Vincenzo et de San Giovanni del Cantone à Modène où il pratique la flagellation – la disciplina – devant les princes, les chevaliers et toute la noblesse de la cour. Voir id., p. 98 et 100. Concernant la pratique de la disciplina en tant qu’exercice spirituel, voir A. Piéjus, Musique, censure et création. G. G. Ancina et le Tempio armonico (1599), Florence, Olschki, 2017, p. 166-170. Sur la question des fêtes dans les églises à cette période, voir C. Gianturco, « Le feste di chiesa : opportunità per la ricerca musicologica », Musica a Roma nel Sei e Settecento : Chiesa e festa, éd. M. Engelhardt et C. Flamm, Analecta musicologica, no 33, 2004, p. 41-50. Église jésuite dont la construction à commencé en 1607, qui se trouve dans l’actuelle via Servi. Voir L. Amorth, Modena Capitale. Storia di Modena e dei suoi duchi dal 1598 al 1860, Modène, Aedes Muratoriana, 1961, p. 20. Cette église, où la princesse Isabelle a beaucoup œuvré à travers la Compagnie du Suffrage des Morts (Compagnia del Suffragio de’ Morti) en faisant célébrer des messes pour eux, en embellissant la paroisse et en l’ornant de nombreuses reliques, n’existe plus. Voir G. B. Da Sestola, Del Capuccino d’Este, op. cit., p. 31-32 et F. Baldelli, Gli archivi parocchiali della provincia di Modena, Modène, Mucchi, 1993, p. 40. C’est durant cette période que Sigismondo D’India est mort. En mars 1629. Du 4 au 6 mars 1629.
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pour le mercredi du Carême116 à San Vincenzo ; période pendant laquelle on a également fait plusieurs fois déplacer les violes de Son Altesse de l’atelier du luthier à l’église San Pietro et pendant laquelle chaque soir, après la répétition de la musique des obsèques117, on a fait déplacer tous ces instruments du balcon dans une chambre et, le jour, de ladite chambre au balcon jusqu’au matin même des obsèques118, soit 26,7 lires. Le total est de 38,17 lires + 26,7 lires = 65,4 lires [sic] – Paolo Bosio, le 25 mai 1629119.
Quittances
Archivio Storico Comunale di Piacenza (I-PCas), Miscellanea Ottolenghi, Serie ambascerie, nascite, nozze, morti di Principi, Pacco VIII, Cartella VII, Fascisolo di Nascite di principi di casa Farnese, 1603-1620, Mandati di pagamento ordinati dalla Comunità di Piacenza in occasione delle allegrezze fatte per il parto della duchessa Margherita, consorte del duca Ranuccio I Farnese, fo 30 : 1. Le 21 septembre 1610, document inédit Vostra Signoria pagherà al signor Sigismondo D’Indiani [sic] lire cento cinquanta che sono per [rature] recognitione delle sue opere composte de madrigalli e sonetti e altre fatiche fatte nell’occasione delle allegrezze per il nascimento del serenissimo Prencipe – 150 lire. Io Sigismondo D’india ho ricevuto 15 cecchini del signor dottor rovinaia. Votre Seigneurie doit payer au Sieur Sigismondo D’India 150 lires comme [rature] reconnaissance pour ses œuvres, composées de madrigaux, de sonnets et d’autres pièces présentées à l’occasion des célébrations pour la naissance du Prince Sérénissime120 – 150 lires. [Dans la marge] Moi, Sigismondo D’India, confirme avoir reçu 15 sequins de la part du docteur Rovinaia.
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 260, liasse 10, Registro secondo delle quittanze, fo 52 : 2. Le 22 novembre 1622, document inédit A di detto Giovanni Luiggi Vellasco Confesso haver havuto & ricevuto dal Signor Giovanni Battista Verdina Tesoriero delle fabriche di Sua Altezza Serenissima la somma di Ducatoni Cento à fiorini tredici l’uno, in tanti pagati al Cava116 117
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Probablement le mercredi des cendres, c’est-à-dire le 7 mars 1629. Il pourrait s’agir des répétitions pour l’hommage funèbre du duc Cesare d’Este du 7 mai auquel ont participé les musiciens Lodovico Casali et Giulio Scali : « Lodovico Casali Sacerdote e sudito di Vostra Altezza per esser nell’uffitio di bancalista nella Cathedrale di Modana, a pregiera di tutto il clero nostro le significa come essendosi fatto il funerale di San Pietro, com’appare sotto il di 7 maggio 1629 per la felice memoria del Serenissimo Duca Cesare, furono assistenti tutti li Reverendi si alla residenza, come di varii ufficij, cioè di servitù impiegati in diverse cose con promesa dal signor Giulio Scala, a nome del Serenissimo signor Duca Alfonso padre di Vostra Altezza. », (I-MOs), Archivio per materie, musica e musicisti, boîte 1a/11, 1629, lettre anonyme. Concernant les cérémonies des obsèques à cette période, voir Les funérailles princières en Europe, xvie-xviiie siècle, éd. J. A. Chroscicki, M. Hengerer et G. Sabatier, Rennes, PUR-CRCV, 2012, 3 vol., et M. Schraven, Festive Funerals in Early Modern Italy. The Art and Culture of Conspicuous Commemoration, Farnham, Ashgate, 2014. Cette facture, signée également par Giulio Scali, a été payée le 30 mai de la même année par Cesare Rovighi, banquier et trésorier de la Chambre ducale de Modène, ainsi qu’on peut le constater en lisant le reçu en bas de page de ce document : « Di commessioni degli Illustrissimi signori Ducali fattori generali e Voi signor Cesare Rovighi tesoriere della Ducal Camera pagati à spesa strordinaria lire sessanta cinque, soldi quattro, al magnifico Paulo Bosio per altre tante spese di lui in far portare instrumenti musicali in diversi luoghi, et in varij tempi per servitio e commando dell’Altezza Sua ». Concernant la participation de D’India aux célébrations de la naissance d’Alexandre Farnèse à Plaisance, voir le chapitre 3 de la partie I, p. 107-111.
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Les autres documents
gliere Sismondo [sic] di India Capo musico della Camera di Sua Altezza, à conto de soi gaggi, De quali Ducatoni 100 quittanza Torino li 22 novembre 1622. Le même jour121, Giovanni Luigi Vellasco atteste avoir reçu du Sieur Giovanni Battista Verdina, trésorier122 des fabriques123 de Son Altesse Sérénissime, la somme de cent ducatons de treize florins chacun, versés comme salaire au Chevalier Sigismondo D’India124, chef de la musique de la Chambre de Son Altesse. Quittance de ces 100 ducatons à Turin le 22 novembre 1622125.
Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Real casa, Articolo 260, liasse 10, Tratto delle quittanze : 2 bis. Le 22 novembre 1622 (même quittance que la précédente) Quittanza deli 22 Novembre 1622 de Ducatoni 100 a fiorini 13 l’uno estratti dal Signor Tesoriero Verdina delle fabriche pagati al signor Sismondo [sic] d’India Capo Musico di Camera di Sua Altezza a conto de suoi gagi. Quittance du 22 novembre 1622 de 100 ducatons de 13 florins chacun prélevés à Monsieur Verdina, trésorier des fabriques, versés comme salaire au Sieur Sigismondo D’India, chef de la musique de la Chambre de Son Altesse.
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Le registre renvoie à une autre quittance (feuille volante) que l’on trouve au fo 66 et au fo 68 du même registre et qui concerne le paiement d’un autre musicien de la Chambre, Giovanni Battista Cavaleri, engagé depuis 1616 : « Confesso io sottoscritto consegliere e tesoriere della Casa di Sua Altezza Serenissima haver havuto et ricevuto dal Signor Giovanni Luiggi Vellasco consigliere tesoriere Generale e di militia di detta Sua Altezza la somma de fiorini sette milla duecento ottanta nove intanti che ha pagati al Signor Giovanni Battista Cavaleri musico di Camera del Altezza sudetta a conto de suoi haveri per recapiti rimessomi per quali fiorini 289. Come sopra questo detto signore Vellasco et cui sposti Turino li 23 febraro 1623 ». Un autre paiement (42 florins) daté du 8 mai 1623 et adressé au même musicien se trouve au fo 87. Cavaleri est à nouveau mentionné dans un autre registre en date du 27 janvier et du 29 mars 1626 en tant que musicien de la Chambre et de la Chapelle à qui l’on adresse un paiement mensuel « come trombone di detta Cittadella. », Archivio di Stato di Torino (I-Ta), Sezioni riunite, Camera dei conti, Piemonte, Patenti controllo finanze, art. 689, liasse 91, fo 39 et 134. Verdina est le trésorier de la fabrique depuis 1621. Cette institution s’occupait des constructions civiles et militaires et de l’entretien des édifices de l’État de Savoie. Cette quittance éclaire particulièrement la question du rôle des intermédiaires (en l’occurrence ceux qui exercent des charges administratives) dans le processus de rémunération des musiciens. D’India est absent de la cour de Turin au début de la même année sans qu’on sache pourquoi. La famille de Savoie se trouve en France entre le 18 novembre et la mi-décembre de la même année.
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1 Conclusion Compiler, présenter, traduire et annoter toutes les traces écrites portant sur la carrière et l’œuvre de Sigismondo D’India nous a permis d’aller plus avant dans le déchiffrement de la vie culturelle et de la pluralité des langages politiques de l’Italie à l’aube du xviie siècle. Le regard du lecteur s’est donc posé à la fois sur le compositeur et sur la société de cour dans laquelle celui-ci a vécu. Un voyage à travers l’écriture, les discours, la lecture et les lecteurs
Chaque groupe de textes présenté a un statut, un auteur1, un lecteur, un but et un fonctionnement qui lui sont propres. Les correspondances écrites par le compositeur, mais également par d’autres artistes, des diplomates et des nobles, sont pour la plupart destinées à des princes et à leurs agents diplomatiques (gentiluomini residenti, camerieri, inviati, ambasciatori ordinari et straordinari) dans le but de régler des affaires concernant les déplacements, les candidatures – nécessitant des recommandations2 – et la rémunération des musiciens, sans oublier la préparation de spectacles (privés, publics, profanes et religieux) ou d’autres demandes pratiques (l’obtention d’un titre nobiliaire ou celle, plus prosaïque de papier à musique). La lecture de ces échanges manuscrits3 à caractère privé permet de vérifier que la musique (sa création, sa transformation et sa diffusion) et la politique sont étroitement liées4. Ces documents fonctionnent aussi comme des révélateurs de l’importance du rôle musical que D’India a joué au sein des réseaux nobiliaires qu’il a fréquentés. Les préfaces écrites par le compositeur et par l’éditeur Filippo Lomazzo sont destinées, comme le souligne Gérard Genette5 à propos de ce type de documents, au lecteur du texte qui est ici non seulement musicien mais aussi un « homme cultivé6 », « courtois lecteur », « noble esprit et insolite talent qui exerce la musique ». Le destinataire, chanteur et praticien avisé de la musique, est éclairé sur les « subtiles particularités », la « force expressive », l’audace et la nouveauté du « noble art de bien Gérard Genette (Seuils, Paris, Le Seuil, 1987, p. 138-139) rappelle que le mot auctor signifiait en latin « garant », ce qui nous autorise à considérer les auteurs ici présentés comme une caution morale, intellectuelle et esthétique des textes étudiés. 2 Sur cette question, voir N. Reinhardt, « Correspondances, clientèle et culture politique dans l’État ecclésiastique au début du xviie siècle », La politique par correspondance. Les usages politiques de la lettre en Italie (xive-xviiie siècle), éd. J. Boutier, S. Landi et O. Rouchon, Rennes, PUR, 2009, p. 145-147 et E. Canepari, « Recommander, protéger et garantir », La construction du pouvoir local. Élites municipales, liens sociaux et transactions économiques dans l’espace urbain : Rome, 1550-1650, Rome, École française de Rome, 2017, p. 38-49. 3 À l’exception de la lettre de Ludovico Carracci (1609) qui a été publiée par Carlo Cesare Malvasia dans un livre imprimé. Concernant la question des échanges culturels à travers les correspondances à cette période, voir Cultural Exchange in Early Modern Europe, vol. III : Correspondence and Cultural Exchange in Europe, 1400-1700, éd. F. Bethencourt et F. Egmond, Cambridge, Cambridge University Press, 2007. 4 Voir F. Alazard, « Écrire au prince : enjeux et méthodes autour de la correspondance du musicien en Italie, fin xviedébut xviie siècles », Analyse musicale, no 50, 2004, p. 7-15. Voir aussi La politique par correspondance, op. cit. 5 G. Genette, Seuils, op. cit., p. 197. 6 F. Alazard, Art vocal, art de gouverner. La musique, le prince et la cité en Italie à la fin du xvie siècle, Paris-Tours, Minerve-CESR, 2002, p. 125. 1
Deuxième partie
chanter » à une seule voix selon D’India, mais aussi sur la manière de bien interpréter, avec « la plus grande grâce et aptitude vocale » possibles, un ballet représentatif. Le but de ces textes, qui ne sont ni systématiques ni obligatoires lors de la publication d’une partition, est in fine de promouvoir une musique adaptée au goût du noble. Le « Prince des philosophes » est une source d’inspiration de la délectation du prince tout court. Ces paratextes imprimés, à caractère public, sont donc une parole écrite précédant la parole chantée et le geste chorégraphique, ils introduisent et complètent le discours musical et permettent d’élargir la perception de la modernité musicale de l’un des compositeurs les plus radicaux de son temps. Les épîtres dédicatoires signées par D’India constituent une autre facette des paratextes imprimés qui accompagnent les recueils musicaux. Leur caractère public et, ici, obligatoire est lié à la multiplicité de leurs destinataires7 – les princes dédicataires et le lecteur – mais aussi de leurs fonctions – officialiser et consolider le lien entre la qualité (les effets bénéfiques, la réputation, la nouveauté, le respect de la tradition) de la musique publiée et la protection, la considération, les faveurs ou les éventuelles commandes que ces nobles dédicataires sont susceptibles de lui accorder. Les lecteurs sont encouragés à décrypter un emboîtement de discours et de langages métaphoriques et allégoriques8. Voilà pourquoi ces textes utilisent un langage codifié, redondant et affecté : leur finalité est esthétique et stratégique. L’étude des épîtres dédicatoires de D’India nous a permis de constater que le compositeur suivait les conventions culturelles du style d’écriture, le modèle rhétorique, de ces textes : la mise en scène de la grandeur du prince comme contrepoint à l’humilité du musicien, la participation du dédicataire à l’esthétisation de l’œuvre musicale, le pouvoir curatif de la musique, les compétences musicales du protecteur, passages obligés auxquels s’ajoutent fréquemment les thèmes de la renommée, de l’héroïsme, de la magnanimité, de l’immortalité, de la dévotion et de la délectation, mais également les allusions aux grands personnages et penseurs de l’Antiquité, aux dieux et aux lieux de la mythologie gréco-latine, les métaphores guerrières et celles qui se réfèrent au Gran teatro del mondo, au Soleil et à l’harmonie de l’esprit. C’est ainsi que le musicien-gentilhomme affirme et renforce son identité de noble et se hisse à la hauteur de ses dédicataires dans « l’exercice commun de la vertu9 ». Le geste aristocratique, la distinction, « les nobles qualités », consistent alors à créer l’exceptionnel à partir du semblable. Enfin, les imprimés anciens et les autres documents d’archive viennent compléter et approfondir notre enquête. Le premier groupe rassemble des ouvrages à caractère public écrits par des érudits et destinés à des lecteurs avertis. Les traces de D’India sont disséminées parmi les différents tableaux culturels et historiques que forment ces textes et qui de fait en font un acteur artistique majeur. Quant au second groupe, les textes sont rédigés par des clercs, des secrétaires10, des conseillers, des trésoriers et autres intendants et computisti dans un but purement fonctionnel et privé : conserver la trace d’une pratique sociale (un baptême, l’obtention d’un titre de noblesse, la nomination à une fonction), être 7 8 9 10
Sur cette question, voir G. Genette, Seuils, op. cit., p. 137. Voir Y. Hersant, La métaphore baroque. D’Aristote à Tesauro : extraits du « Cannocchiale aristotelico » et autres textes, Paris, Le Seuil, 2001. Cette dimension littéraire se retrouve également dans les livres de fêtes imprimés comme l’a montré B. Bolduc, La fête imprimée. Spectacles et cérémonies politiques (1549-1662), Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 20. Nous empruntons cette phrase à S. Lorenzetti, Musica e identità nobiliare nell’Italia del Rinascimento. Educazione, mentalità, immaginario, Florence, Olschki, 2003, p. 218. Concernant la « profession » de secrétaire, liée aux « arts de gouverner », à cette époque, voir S. Iucci, « La trattatistica sul segretario tra la fine del Cinquecento e il primo ventennio del Seicento », Roma moderna e contemporanea. Rivista interdisciplinare di storia, no 3/1, 1995, p. 81-96 et J. Petitjean, L’intelligence des choses. Une histoire de l’information entre Italie et Méditerranée (xvie-xviie siècles), Rome, École française de Rome, 2013, p. 25-29.
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Conclusion
les « dépôts de mémoire11 » de la vie quotidienne des familles des protecteurs du compositeur (célébrations diverses, comptabilité, nominations de serviteurs – segretari, aiutanti, gentiluomini di camera –, dons12). Aussi, ces documents dévoilent-ils d’autres catégories de groupes sociaux (médecins13, apothicaires, artisans, banquiers, pages, copistes, luthiers) au service de la « société des princes14 » et nous apprennent que les artistes peuvent exercer plusieurs fonctions (diplomates, surintendants, recruteurs, serviteurs) au sein de la cour. Pour ce qui est du compositeur, les informations s’y trouvent dispersées et éclatées. Enfin, les sources archivistiques nous montrent également l’articulation entre la cour : la camera, la casa – où D’India est le musicien de la maison d’un prince – et ses institutions bureaucratiques : l’administration – où il est alors le serviteur d’un État. Mémoire, transmission et conservation. Que nous apprennent les sources écrites de D’India sur le compositeur ?
Les correspondances présentées dans cette deuxième partie nous ont éclairé sur les rapports étroits unissant D’India avec la cour de Modène15, mais également sur l’effervescence de la vie musicale de cette ville et sur les musiciens qui y circulent. Grâce au zèle de sa candidature pour écrire la musique des noces de Parme de 1628, le compositeur nous livre des renseignements précieux sur ses années de jeunesse – dont on connaît peu de choses – et sur plusieurs de ses compositions (La Bonarella, L’Adonis et les Lamentations d’Armide et de Didon) qu’il relie et le relient à des lieux (Ferrare, Rome, Florence et Tivoli) et à des personnages (Enzo Bentivoglio, le prince Giovanni Giorgio Aldobrandini, le duc Orazio Ludovisi de Fiano, Settimia Caccini, Lorenzo Sances et le cardinal Maurice de Savoie). Ces sources constituent un « témoignage de l’œuvre en cours16 » qui nous permet d’étudier l’évolution et la transmission de sa musique dans le temps et dans l’espace, de suivre ses déplacements et de reconstituer une partie de son entourage. D’autres lettres nous livrent des informations précieuses sur son séjour à Plaisance chez Barbara Landi Barattieri, sur son arrivée à Turin et sur son départ de cette cour, sur sa maladie et sur quelques unes de ses compositions perdues (motets, messes votives et un drame sacré) ou encore sur l’importance de la protection de Maurice de Savoie dont l’implication personnelle pour l’obtention du titre de Cavaliere di San Marco nous donne un exemple majeur de patronage nobiliaire. L. Casella et R. Navarrini, « Introduzione », Archivi nobiliari e domestici. Conservazione, metodologie di riordino e prospettive di ricerca storica, éd. L. Casella et R. Navarrini, Udine, Forum, 2000, p. 9. 12 Sur cette question, voir J.-F. Dubost, « Liberalità calcolate. Politiche del dono tra corte di Francia e corti italiane al tempo di Maria de’ Medici », Medici Women as Cultural Mediators (1553-1743), éd. C. Strunck, Milan, Silvana, 2011, p. 207-225. 13 Voir E. Andretta et M. A. Visceglia, « Medici di corte, diplomazia e reti dell’informazione politica nella prima modernità : alcune riflessioni », Tramiti. Figure e strumenti della mediazione culturale nella prima età moderna, éd. E. Andretta, M. A. Visceglia et P. Volpini, Rome, Viella, 2015, p. 15-38 et P. Caretta, « Ambrogio Fassetto, médecin collectionneur de la cour », L’État, la cour et la ville. Le duché de Savoie au temps de Christine de France (1619-1663), éd. G. Ferretti, Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 359-381. 14 L. Bély, La société des princes xvie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1999. Voir aussi La società dei principi nell’Europa moderna, secoli xvi-xvii, éd. C. Dipper et M. Rosa, Bologne, Il Mulino, 2005. Et notamment la période qui court du 18 janvier au 22 avril 1626 et qui concerne le transfert de D’India de Rome à 15 Modène. Sur les 27 documents d’archive (25 lettres et 2 mandats de paiement) permettant de reconstituer cette affaire, 25 (23 lettres et les 2 mandats de paiement) sont inédits. F. Alazard, « Écrire au prince », op. cit., p. 15. 16 11
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Deuxième partie
Les préfaces de trois recueils de musique de D’India nous renseignent sur son activité dans les années qui ont précédé son arrivée en Savoie (1608-1611), qu’il s’agisse de ses liens avec la famille Farnèse, entre Rome, Parme et Plaisance, ou de ceux entretenus avec les chanteurs les plus prestigieux de Florence (Vittoria Archilei et Giulio Caccini). Ces paratextes confirment également la réputation de chanteur de D’India, montrent sa relation professionnelle avec l’imprimeur milanais Filippo Lomazzo (1609-1618) et témoignent de l’hybridation franco-piémontaise qu’illustrent bien les ballets de cour représentés lors des fêtes princières qui se multiplient à la cour de Turin après l’arrivée de Christine de France en 1619. Les épîtres dédicatoires, quant à elles, nous encouragent à réfléchir sur la mobilité des musiciens, sur la circulation des styles et des genres musicaux – la formation des écoles musicales et les transferts culturels17 – ainsi que sur l’hétérogénéité du mécénat et du patronage nobiliaire. En effet, la diversité des dédicataires de D’India prouve qu’un musicien ne peut agir seul et que le choix d’un protecteur – choix dû en grande partie aux déplacements du compositeur – construit un réseau qui dépasse les frontières de la cour où il est établi et même celles de l’Italie. Le maître-mot est ici la protection, qu’elle soit directe ou indirecte, réelle ou symbolique, a priori ou a posteriori. Se dévoilent alors les modalités de la représentation du pouvoir, mais aussi la fonction politique de la musique (conforter et accompagner l’activité du prince), les stratégies de carrière (obtenir de nouvelles commandes, être intégré dans un réseau grâce à l’influence d’un nouveau protecteur) et la réciprocité de la formation du goût musical nobiliaire : D’India compose une musique adaptée au goût du dédicataire – le prince en est la source d’inspiration – en même temps que celui-ci cautionne, embellit et protège la réputation publique du musicien. Grâce aux Imprimés anciens nous en savons davantage sur la célébrité de D’India au début de sa carrière (Morando), sur sa renommée à la fin de sa vie et après sa mort (Albini, Casali, Benamati), mais aussi sur une prétendue publication milanaise perdue (Morando), sur les causes de l’interruption de la représentation de L’Isola d’Alcina à Modène (Tiraboschi) ou encore sur la valeur et la singularité de sa musique (Albini, Burney). Enfin, les autres documents d’archive nous livrent des indices inédits sur les probables origines siciliennes, la maladie et la mort du compositeur, sur son activité de musicien et de poète à Plaisance au début de sa carrière et sur le souhait du prince de Modène de l’inclure parmi ses serviteurs. D’autres archives déjà connues nous renseignent sur son installation et sur sa rémunération à la cour de CharlesEmmanuel de Savoie et à celle de Rome auprès du cardinal Maurice, mais également sur la représentation de son Saint-Eustache dans la Ville Éternelle, sur son activité musicale à la cour d’Este à la fin de sa vie (1626-1629) et, enfin, sur son engagement à la cour de Bavière en 1628. Ainsi, ces textes s’avèrent indispensables à une meilleure compréhension de la carrière musicale de Sigismondo D’India – intégrée à une vaste fresque culturelle mettant en évidence la complexité des relations sociales, politiques et artistiques d’un monde en tension – : ils montrent également le lien étroit entre langue et pensée, la société se révélant par l’écrit. 17
Concernant la théorie des transferts culturels, voir M. Espagne et M. Werner, « Présentation », Transferts, les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand : xviiie et xixe siècle, Paris, Recherche sur les civilisations, 1988, p. 5-8 ; M. Werner et B. Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité », De la comparaison à l’histoire croisée, Paris, Le Seuil, 2004, p. 19-21 ; C. Zum Kolk, « Impacts et transferts culturels », Voyageurs étrangers à la cour de France 1589-1789, éd. C. Zum Kolk, J. Boutier, B. Klesmann et F. Moureau, Rennes, PUR-CMBV, 2014, p. 117-119 ; B. Joyeux, « Les transferts culturels. Un discours de la méthode », Hypothèses, 2002, p. 151-161 et Les Musiciens européens à Venise, Rome et Naples (1650-1750), éd. A.-M. Goulet et G. zur Nieden, Analecta musicologica, no 52, 2015.
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Conclusion
Fig. 12 : Préface du Premier livre des Musiche de 1609 de Sigismondo D’India, Bibliothèque nationale de France
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Deuxième partie
Fig. 13 : Épître dédicatoire de la partie d’alto du Premier livre de madrigaux de 1606 de Sigismondo D’India, Bibliothèque Braidense de Milan
Fig. 14 : Document d’archive inédit (extrait du libro mastro de la Banque di Santo Spirito) où apparaît Sigismondo D’India, (ASBIT, Inventario Devoti II.1.26, reg. 29, libro mastro 1626, fo 494)
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Conclusion
Fig. 15 : Baïoque frappé à Rome entre 1625 et 1626 sous le pontificat d’Urbain VIII à l’époque où Sigismondo D’India se trouvait dans cette ville (Collection numismatique de Victor-Emmanuel III de Savoie, Musée national romain, Palazzo Massimo), avec l'autorisation du Ministero per i Beni e le Attività Culturali
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1 Annexes Parcours historiographique de la recherche sur D’India
Sigismondo D’India, selon Alberto Basso1, est l’un des compositeurs les plus importants du début du xviie siècle. Il est également « l’un des musiciens les plus énigmatiques2 » et parmi ceux qui ont le mieux compris le renouveau musical de leur temps. Pourvu d’un talent extraordinaire reconnu de son vivant, il nous a légué une musique éclectique d’une grande force expressive, composée au long d’une carrière artistique singulière commencée dans l’Italie méridionale et poursuivie jusqu’au Nord de l’Italie. Tombé dans l’oubli peu de temps après sa mort, en mars-avril 16293, c’est seulement à la fin du xviiie siècle que resurgit le nom de D’India dans la monumentale General History of Music4 de Charles Burney qui a pu consulter trois lamenti du compositeur renfermés dans la riche collection de musique italienne encore aujourd’hui conservée à la bibliothèque de Christ Church à Oxford. Le nom du musicien réapparaît cent ans plus tard, à la fin du xixe siècle5, et au début du xxe siècle mais ici par le biais de l’histoire, de la philologie littéraire et des études sur la poésie et le théâtre de la fin du xvie et du début du xviie siècle : en 1904, l’historien Angelo Solerti6 le mentionne à propos du drame sacré qu’il A. Basso, « La musica in città », Storia del teatro Regio di Torino, Turin, Cassa di risparmio, 1976, vol. I, p. 346. F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” : la musica negli scritti di Girolamo Borsieri », Carlo Donato Cossoni nella Milano spagnola. Atti del convegno internazionale di studi, Conservatorio di Como, 11-13 giugno 2004, éd. D. Daolmi, Lucques, LIM, 2007, p. 397. 3 D’India est mentionné en 1629 par le musicien Lodovico Casali (Generale invito alle grandezze e meraviglie della musica, Modène, Gabaldino, 1629, p. 186-187), dans une lettre que l’ambassadeur Fulvio Testi adresse à Francesco Ier d’Este le 9 août 1634 à propos du compositeur napolitain Pietro Antonio Girano, dont la musique concertante ainsi que « la bizarria d’arie moderne » sont sans égales, et que Testi propose au duc comme maître de chapelle de la cour de Modène. Ce musicien « è tagliato su la stampa del già cavaliere Sigismondo D’India, così brutto e così male in arnese. », Archivio di Stato di Modena (I-MOs), lettre publiée dans M. L. Doglio, Fulvio Testi. Lettere, Bari, Laterza, 1967, vol. II, p. 336, et dans un poème de Guidubaldo Benamati publié en 1646 (La vittoria navale, Bologne, Monti, 1646, chant XII, stanza 95) : « De l’armonia veniano i mastri, / e d’essi con profuso parlar / contogli i merti / Di Claudio fè, tra questi, / i pregi espressi, / che spiega in Monte Verde / i suoi concerti / Ad Alessandro Grandi ancor concessi / fur grandi onor, / tra i più ne l’arte esperti : / e Sigismondo D’India entro le sue / lodi più belle indi raccolto fue ». 4 C. Burney, A General History of Music, Londres, 1776-1789, 4 vol., vol. IV, p. 136 et 139, éd. moderne, New York, Dover, 1957, 2 vol., vol. II, p. 605. D’India est néanmoins mentionné dans les trois manuscrits non datés (début du xviiie siècle) de Giuseppe Ottavio Pitoni qui répertorient les contrapuntistes et les compositeurs du début du xviie siècle, consevés à la Bibliothèque Apostolique au Vatican. Voir Giuseppe Ottavio Pitoni. Notitia de’ contrapuntisti e compositori di musica, éd. C. Ruini, Florence, Olschki, 1988, p. IX-XXIII. En ce qui concerne le compositeur, nous pouvons lire : « Sigismondo d’India. Cavaliere, nobile palermitano, gentiluomo del cardinale Maurizio di Savoia, del quale si vedono alcune opere, cioè : Il 2° libro de’ madrigali a 5, stampato in Venezia per il Gardano l’anno 1611 ; Il 4° libro de’ madrigali a 5, in Napoli per Giacomo Carlino [en réalité à Venise chez Amadino] l’anno 1616 ; Il 7° libro de’ madrigali a 5, in Roma per il Robletti l’anno 1624 ; Il libro 8° de’ madrigali, stampato l’anno 1624 ; Il libro delle musiche a 2 voci, in Venezia per l’Amadino l’anno 1615. L’Indice del Vincenti registra, nel suo indice : Il 5° libro de madrgali a 5 ; Li balli, arie e madrigali a 4 ; Li mottetti a 4 ; Il libro 1° de musiche volgari et il libro 4° e 5° dell’arie con la chitarra spagnola. », id., p. 241. 5 V. E. Gianazzo di Pamparato, Il cardinale Maurizio di Savoia (1593-1657) mecenate dei letterati e degli artisti, Turin, Stamperia reale della ditta Paravia, 1891, p. 15 et G. Rua, Poeti alla corte di Carlo Emanuele I di Savoia : Lodovico d’Agliè, Giambattista Marino, Alessandro Tassoni, Fulvio Testi, Turin, Loescher, 1899, p. 46 et 104. 6 A. Solerti, Gli albori del melodramma, Milan-Palerme-Naples, Sandron, 1904, 3 vol., vol. I, p. 135. 1 2
Annexes
composa à Rome en 1625 et Luigi Torri7 parle de lui dans un article de 1919 comme d’un compositeur de musique monodique et polyphonique novateur, citant les dédicaces de quelques-uns de ses recueils de musique ; par la suite, Stanislao Cordero di Pamparato l’évoque dans ses travaux de 19278 et de 19309 dans la partie consacrée aux musiciens au service de la cour turinoise de Charles Emmanuel Ier. Dans le domaine de l’histoire de la musique, le Français Henry Prunières10 souligne le premier, en 1926, l’importance du compositeur en le présentant comme l’un des pionniers de la monodie, et note la proximité des styles de D’India et de Monteverdi. Sa redécouverte au plan musicologique revient toutefois à Federico Mompellio11 qui publie en 1937 un essai sur la musique des madrigalistes siciliens où il distingue D’India comme le compositeur majeur de cette école. Nous devons à Mompellio la première édition d’un livre de madrigaux de D’India en 194212. Quelques années plus tard, en 1949, Alfred Einstein, confirmant les travaux de recherche et d’édition de Mompellio, le considère comme « l’une des personnalités les plus importantes de son temps » et comme « un musicien radical » dont l’œuvre audacieuse est une « révélation13 ». Il souligne lui aussi la proximité entre D’India et Monteverdi dans la composition des Lamenti14. Le musicologue américain Arnold Hartmann évoque D’India à la même époque (en 1948 et 15 1953 ) et Federico Mompellio16 publie un essai sur le Premier livre des Musiche du compositeur en 1953. Et si le musicologue britannique Nigel Fortune17 écrit en 1955 le premier article (en anglais) sur la vie du musicien18, on doit à Mompellio, l’année suivante, le premier essai biographique19. L. Torri, « Il primo melodramma a Torino », Rivista Musicale Italiana, no 26, 1919, p. 1-35. S. Cordero di Pamparato, « Emanuele Filiberto di Savoia protettore dei musici », Rivista Musicale Italiana, no 34/4, 1927, p. 571. 9 S. Cordero di Pamparato, « I Musici alla Corte di Carlo Emanuele I di Savoia », Carlo Emanuele I. Miscellanea, vol. II, Turin, Miglietta, 1930, p. 31-142. 10 H. Prunières, La vie et l’œuvre de Claudio Monteverdi, Paris, La librairie de France, 1926, p. 81. 11 F. Mompellio, Pietro Vinci madrigalista siciliano, Milan, Hoepli, 1937, p. x-xi. 12 F. Mompellio, Sigismondo d’India : Madrigali a 5 voci 1606, Milan, I classici musicali italiani, 1942. 13 « Sigismondo D’India fut dès ses premières œuvres un musicien radical. […] C’est une des personnalités les plus intéressantes de son temps, aussi bien comme madrigaliste que comme l’un des premiers compositeurs de monodies. Alors que Monteverdi réserva le domaine de la monodie à la plupart de ses opéras, Sigismondo D’India le fit pour sa musique de chambre audacieuse et expérimentale qui reste à découvrir par la musicologie. Toutefois, ses madrigaux en style ancien ne sont pas moins intéressants et son premier livre de madrigaux à cinq parties, édité soigneusement par Mompellio, est une révélation. […] Il est […] un compositeur original dès le départ. » (« A radical musician even in his earliest works was Sigismondo D’India. […] He is one of the most interesting personalities of his time, but as a madrigalist and as one of the first monodist. What Monteverdi in the field of monody reserved mostlty for his operas, Sigismondo D’India did in his experimental and daring chamber music, which still remains to be discovered by musicology. But his madrigals in the old style are not less interesting and his first book of five-parts madrigals, edited most carefully by Mompellio, is a revelation. […] he is […] an original musician from the start. »), A. Einstein, « Reviews », Journal of American Musicological Society, no 2/2, 1949, p. 113-114. 14 A. Einstein, The Italian Madrigal, Princeton, Princeton University Press, 1949, vol. II, p. 563. 15 A. Hartmann, Madrigal Settings of « Cruda Amarilli », University of California, Berkeley, 1948 ? et « Battista Guarini and Il Pastor Fido », The Musical Quarterly, no 39/3, 1953, p. 415. 16 F. Mompellio, « Sigismondo d’India e il suo Primo Libro di “Musiche da cantar solo” », Collectanea Historiae Musicae, vol. I, Florence, Olschki, 1953, p. 113-134. 17 Le musicologue évoque le compositeur deux ans auparavant dans un autre article, voir N. Fortune, « Italian Secular Monody from 1600 to 1635. An Introductory survey », The Musical Quarterly, no 39/2, 1953, p. 179. 18 N. Fortune, « Sigismondo d’India. An Introduction to his Life and Works », Proceedings of the Royal Music Association, no 81, 1955, p. 29-47. 19 F. Mompellio, Sigismondo d’India musicista palermitano, Milan, Ricordi, 1956. Voir aussi id., « Opere recitative, balletti e inventioni di Sigismondo d’India per la corte dei Savoia », Collectanea Historiae Musicae, Florence, Olschki, 1957, vol. II, p. 291-296. 7 8
442
Annexes
Le même Mompellio publie à Crémone, en 1970, le Premier livre des Musiche de 160920. Dix ans plus tard, Glenn Watkins, musicologue américain, édite le Huitième livre de madrigaux à cinq voix. Il s’agit de la première publication d’un livre de D’India dans l’importante collection Musiche Rinascimentali Siciliane21 (MRS). En 1981, John Joyce22 publie une monographie à partir d’une thèse de 197523, première étude universitaire, sur les compositions monodiques du musicien. L’édition moderne de tous les livres de monodies accompagnées, sous l’égide du même Joyce, voit le jour en 1989 dans la même collection24. Événement marquant, le premier colloque international entièrement consacré à D’India se tient à Erice, en Sicile, en 199025, prélude à d’importants travaux d’édition musicale et de recherche. C’est ainsi que sont publiés le Troisième livre de madrigaux par Glenn Watkins26 dans la collection MRS (1995), la monographie de Giuseppe Collisani27 (1998), l’édition des cinq premiers livres de madrigaux par John Steele et Suzanne Court à New York chez Gaudia28 (1997-2000), ainsi que quelques articles et essais29 essentiels qui abordent différents aspects de la vie et de l’œuvre du musicien. 20 F. Mompellio, Sigismondo d’India, Il primo libro di musiche da cantar solo, Crémone, Athenaeum Cremonense, 1970. 21 G. Watkins, Ottavo libro dei madrigali a cinque voci – 1624, Florence, Olschki, 1980 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. X). 22 J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, Ann Arbor, UMI Research Press, 1981. 23 J. Joyce, The Monodies of Sigismondo D’India, PhD dissertation, Tulane University, 1975. 24 J. Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989, 2 vol., préface de P. E. Carapezza (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). 25 Sigismondo D’India tra rinascimento e barocco. Atti del convegno di studi, Erice, 3-4 agosto 1990, éd. M. A. Balsano et G. Collisani, Palerme, Flaccovio, 1993 : P. E. Carapezza, « Un altro Mercurio, il nuovo dio della musica » (p. 9-30), A. Vassalli, « Il rapporto col testo : poesie e scelte poetiche » (p. 31-51), G. Watkins, « I madrigali polifonici di Sigismondo D’India, nobile palermitano » (p. 53-86), S. Schmalzriedt, « “D’amor languisco e moro”. Annotazioni sul manierismo nel Primo libro de madrigali (1606) di Sigismondo D’India » (p. 87-103), U. Michels, « Immagine del mondo e rappresentazione dell’uomo nelle monodie di Sigismondo D’India » (p. 105-114), J. Joyce, « I cinque libri di de Le Musiche di Sigismondo D’India » (p. 115-133), G. Collisani, « La musica sacra di Sigismondo D’India » (p. 135154), M. A. Balsano, « “Felice chi vi mira” Sigismondo D’India intonò con doppia lira » (p. 155-173) et T. Walker, « Apollo nelle Indie : appunti sul “primo melodramma” alla corte di Savoia » (p. 175-198). 26 G. Watkins, Sigismondo D’India. Il terzo libro dei madrigali a cinque voci (1615), Florence, Olschki, 1995 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XV). 27 G. Collisani, Sigismondo D’India, Palerme, L’Epos, 1998. 28 Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts, éd. J. Steele et S. Court, New York, Gaudia, vol. I-V, 1997, 1997, 1998, 1999 et 2000. 29 S. Schmalzriedt, « Mannierismus als “Kunst des Überbietens” : Anmerkungen zu Monteverdi und D’Indias Madrigalen “Cruda Amarilli” », Festschrift Ulrich Siegele zum 60. Geburtstag, éd. R. Faber, Kassel, Bärenreiter, 1991, p. 51-66 ; E. Simi Bonini, « D’India, Sigismondo », Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto della Enciclopedia italiana, 1991, vol. XL, p. 117-121 ; G. Watkins, « Sigismondo D’India and Marino : “Strana armonia d’amore” », The Sense of Marino. Literature, Fine Arts and Music of the Italian Baroque, éd. F. Guardiani, New York, Legas, 1994, p. 487-504 ; G. Watkins, « D’India the Peripatetic », « Con che soavità ». Studies in Italian Opera, Song and Dance, 1580-1740, éd. I. Fenlon et T. Carter, Oxford, Clarendon Press, 1995, p. 41-72 ; W. T. Crannell, The strophic variation in the monodies of Giulio Caccini, Jacopo Peri and Sigismondo d’India, Anne Arbor, UMI, 1995 ; M. A. Balsano, « Del Muar al Mar del Nord : la lunga navigazione di Sigismondo D’India », Nell’aria della sera : il mediterraneo e la musica, éd. C. De Incontrera, Trieste, s. e., 1996, p. 161-177 ; T. Carter, « Intriguing laments : Sigismondo D’India, Claudio Monteverdi, and Dido “alla parmigiana” (1628) », Journal of American Musicological Society, no 49/1, 1996, p. 32-69 ; M. A. Balsano, « “Vade, mane, redi”. Noterelle su alcuni madrigali di Schütz, D’India e Monteverdi », Claudio Monteverdi und die Folgen. Bericht über das internationale Symposium Detmold 1993, éd. S. Leopold et J. Steinheuer, Kassel-Bâle-Londres, Bärenreiter, 1998, p. 245-265 ; J. Whenham, « Sigismondo D’India, Knight of St. Mark », 17th Century Music, no 8/1, 1998, p. 2, 8-10 ; N. Maccavino, « Il primo libro delle villanelle alla napoletana di Sigismondo D’India “Nobile Palermitano” », Villanella, Napolitana, Canzonetta. Relazioni tra Gasparo Fiorino, compositori calabresi e scuole italiane del Cinquecento. Atti del Convegno Internazionale di Studi, Arcavacata di Rende-Rossano, Calabro, 9-11 dicembre 1994, éd. M. P. Borsetta et
443
Annexes
Un second colloque international consacré à D’India est organisé à Turin en 200030. C’est également l’année de l’édition du livre des Balli (chez LIM) par Renzo Bez, Claudio Chiavazza et Maurizio Less31. Dans son essai de 2002 sur les musiciens milanais, Robert L. Kendrick s’intéresse quant à lui à la dédicace du dernier livre de motets que D’India a adressé au cardinal Borromeo32. L’édition des deux premiers livres de motets par Giuseppe Collisani (MRS) est publiée l’année suivante33. En 2005 paraît l’essai d’Andrea Garavaglia34 sur la dramaturgie musicale dans l’œuvre du compositeur. La dernière édition musicale publiée est celle des deux livres de villanelles par Concetta Assenza en 200735, dernier volume de la collection MRS. Tous les recueils de musique connus du compositeur ont donc été édités à ce jour – surtout entre 1995 et 2007 –, à l’exception de son dernier livre de motets de 1627 et de son Septième livre de madrigaux de 1624 dont la partie d’alto est manquante.
A. Pugliese, Vibo Valentia, Istituto di Bibliografia Musicale Calabrese, 1999, p. 243-258 et D. Fabris, Mecenati e musici. Documenti sul patronato artistico dei Bentivoglio di Ferrara nell’epoca di Monteverdi (1585-1645), Lucques, LIM, 1999. 30 Care note amorose : Sigismondo D’India e dintorni. Atti del convegno internazionale, Torino, 20-21 ottobre 2000, éd. S. Saccomani Caliman, Turin, Istituto per i Beni Musicali in Piemonte, 2004 : R. Moffa, « Contesti torinesi di Sigismondo D’India » (p. 9-15), M. Masoero, « “La Zalizura” e altro di Ludovico San Martino d’Agliè » (p. 1747), P. Besutti, « Le “Musiche e balli a quattro” in scena : contesti e ipotesi drammaturgiche » (p. 49-68), R. Bez, « Le “Musiche e balli a quattro” : criteri di trascrizione » (p. 69-71), C. Santarelli, « Iconografia musicale nelle collezioni di Carlo Emanuele I e del cardinale Maurizio di Savoia » (p. 73-81), J. Steinheuer, « Sigismondo D’India und die “Vaghezze di Musica” von Francesco Rasi » (p. 81-125), J. Whenham, « Sigismondo D’India, Cavaliere di San Marco » (p. 127-131), M. Privitera, « “… Cantando victus…” : la disfida musicale tra Sebastian Raval e Achille Falcone » (p. 133-143), G. Collisani, « Scelte testuali, stile e struttura nella musica sacra di Sigismondo D’India » (p. 145-156) et M. A. Balsano, « “Per far scena di me tragica e mesta” : il Lamento di Didone tra classicità e barocco » (p. 157-166). 31 Sigismondo D’India, Le Musiche e Balli a quattro voci con il basso continuo, éd. R. Bez, C. Chiavazza et M. Less, Lucques, LIM, 2000, préfaces de F. Calvino Pina, « I Balli di Sigismondo D’India », p. 11-13 et de S. Saccomani, « Sigismondo D’India e la corte di Savoia. Le musiche per le feste (1619-1621) », p. 7-10. 32 R. L. Kendrick, The Sounds of Milan, 1585-1650, New York-Oxford, Oxford University Press, 2002. 33 Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), éd. G. Collisani, Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV). 34 A. Garavaglia, Sigismondo D’India « drammaturgo », Turin, EDT, 2005. 35 Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libri primo (1608) e secondo (1612), éd. C. Assenza, Florence, Olschki, 2007 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV).
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Annexes
D’autres articles, chapitres et notices sur D’India ont paru dans les années 200036 et 201037. Enfin, le présent livre, qui trouve sa source dans notre thèse de doctorat38, est la dernière parution et l’étude la plus ample concernant le compositeur. Catalogue sommaire de l’œuvre de D’India Catalogue par ordre chronologique Recueils
Année
Ville
Éditeur
Dédicataire
1) Primo libro de’ madrigali a 5 voci
1606
Milan
Tradate
Vincenzo Gonzaga
Venise
Gardano
Venise
Gardano Carlino & Vitale Gardano
Vicente Pimentel
rééd. 1607 rééd. 1610 2) Delle villanelle alla napolitana a tre voci di Sigismondo D’India nobile palermitano Libro primo
1608 rééd. 1610
Naples
3) Le musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili
1609
Milan
Tini & Lomazzo
Ranuccio Farnese
4) Novi concentus ecclesiastici binis, ternis vocibus concinendi Sigismundi De India Nobilis Panormitani
1610
Venise
Gardano
Maurice de Savoie
Venise
J. Steinheuer, « D’India, Sigismondo », Die Musik in Geschichte und Gegenwart : Enzyklopädie der Musik, Kassel, Bärenreiter, 2001, éd. L. Finscher, Personenteil : vol. V, p. 1055-1078 ; S. Klotz, « Wie klang der Frühling um 1600 ? Madrigale von Monteverdi, Luzzaschi und Sigismondo D’India im mentalitätstsgeschichtlichen Vergleich », « Vanitatis fuga, aeternitatis amor », éd. S. Ehrmann-Herfort et M. Engelhardt, Analecta musicologica, no 36, 2005, p. 113-138 ; R. L. Kendrick, « Federico Borromeo e l’estetica della musica sacra », Cultura e spiritualità Borromaica tra Cinque e Seicento. Atti dell giornata di studio, Milano 25-26 novembre 2005, éd. F. Buzzi, Milan, Biblioteca Ambrosiana, 2006, p. 339-350 ; F. Pavan, « “Un curioso ravolgimento di precetti” », op. cit., 2007, p. 376-422 et A. Rizzuti, « Tancredi, Clorinda e un nobile palermitano. Tre stanze di Sigismondo D’India (1621), In assenza del re. Le reggenti dal xvi al xvii secolo (Piemonte ed Europa), éd. F. Varallo, Florence, Olschki, 2008, p. 295-316. 37 J. Morales, « Sigismondo D’India, un Monteverdi “concitato”. Étude du Huitième livre de madrigaux du compositeur palermitain », Le Jardin de Musique, no 6/2, 2010, p. 79-107 ; id., « Mottetti, Villanelle, Madrigali, Musiche e Balli. De Venise à Oxford, la « lunga navigazione » des sources musicales de Sigismondo D’India », Le Jardin de Musique, no 7/1, 2011, p. 53-70 ; S. Lewis Hammond, The Madrigal. A Research and Information Guide, New York/Londres, Routledge, 2011, p. 176-178 ; A. Basso, « Capitolo IV. Intermezzo : musicisti alla Corte di Carlo Emanuele I » : (« Sigismondo D’India : i primi tempi » ; « Sigismondo D’India : le raccolte torinesi di villanelle e di madrigali » ; « Sigismondo D’India : le “musiche” »), L’Eridano e la Dora festeggianti. Le musiche e gli spettacoli nella Torino di Antico regime, Lucques, LIM, 2016, vol. I, p. 151-172 ; J. Morales, « Sigismondo D’India », Dizionario enciclopedico dei pensatori e dei teologi di Sicilia. Dagli origini al sec. xvii, 12 vol., éd. F. Armetta, CaltanissettaRome, Sciascia, 2018, vol. IV, p. 1755-1763 et id., « Sigismondo D’India et la cour de Turin (1611-1623). La transformation musicale du duché de Piémont-Savoie », Subsidia Musicologica 2, éd. C. Santarelli, Lucca, LIM, 2019, p. 57-82. 38 J. Morales, Sigismondo D’India à la cour de Turin. Musique, mécénat et identité nobiliaire, thèse de doctorat, Université de Paris-Sorbonne et Università di Roma La Sapienza, 2014, consultable en ligne : http://www.e-sorbonne.fr/ theses/2014pa040139.
36
445
Annexes
Recueils
Année
Ville
Éditeur
Dédicataire
5) Liber secundus sacrorum concentuum Sigismondi De India Nobilis Panormitani, ternis, quaternis, quinis, senisque vocibus concinendorum
1610
Venise
Gardano
Ferdinand II d’Autriche
6) Libro secondo de’ madrigali a cinque voci di Sigismondo D’India nobile palermitano
1611
Venise
Gardano
Pier Francesco Malaspina
7) Libro secondo delle villanelle alla napolitana a 3, 4 e 5 voci di Sigismondo D’India nobile palermitano, Maestro della musica di camera del Serenissimo et Invitissimo D. Carlo Emanuello
1612
Venise
Gardano
Barbara Landi Barattieri
8) Il terzo libro de’ madrigali a cinque voci. Con il suo basso continuo da sonar con diversi instromenti da corpo a beneplacito, ma necessariamente per gli otto ultimi
1615
Venise
Magni
Marco Sittico Altemps
9) Le musiche a due voci di Sigismondo D’India, servitore del Serenissimo e Invitissimo Signor Duca di Savoia e Capo della sua musica di camera
1615
Venise
Amadino
Charles-Emmanuel Ier
10) Il quarto libro de’ madrigali a cinque voci di Sigismondo D’India, Capo della musica di camera del Serenissimo et Invitissimo Duca di Savoia, indirizzati all’Illustrissimo Signor Abate Farnese
1616
Venise
Amadino
Diofebo Farnese
11) Il quinto libro de’ madrigali a cinque voci di Sigismondo D’India, Capo della musica di camera del Serenissimo et Invitissimo Duca di Savoia
1616
Venise
Amadino
Henry Wotton
12) Le musiche del Signor Sigismondo D’India, Maestro della musica di camera del Serenissimo Signor Duca di Savoia. Libro terzo a una e due voci
1618
Milan
Lomazzo
Alphonse III d’Este
13) Le musiche e balli a quattro voci con il basso continuo del Cavalier Sigismondo D’India. Composte nelle reggie nozze del Serenissimo Prencipe di Savoia Vittorio Amedeo e Madamma Christiana
1621
Venise
Vincenti
Marie de Médicis
14) Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India a una e due voci da cantarsi nel chitarrone, clavicembalo, arpa doppia et altri stromenti da corpo. Con alcune arie, con l’alfabetto per la chitara alla spagnola. Novamente composta et data in luce con privilegio. Libro quarto
1621
Venise
Vincenti
Federico Rossi di San Secondo
15) Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India Gentil’ huomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinal di Savoia da cantarsi nel chitarrone, clavicembalo, arpa doppia et altri stromenti da corpo. Con alcune arie, con l’alfabetto per la chitarra alla spagnola. Novamente composta et data in luce con privilegio. Libro quinto
1623
Venise
Vincenti
Charles de Habsbourg
446
Annexes
Recueils
Année
Ville
Éditeur
Dédicataire
16) Settimo libro de’ madrigali a cinque voci del Cavalier Sigismondo D’India
1624
Rome
Robletti
Maurice de Savoie
17) Ottavo libro de’ madrigali a cinque voci, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia
1624
Rome
Robletti
Isabelle d’EsteSavoie
18) Liber primus motectorum quatuor vocibus. Auctore Sigismundo Indiae. Divi Marci Aequite, Viroque Nobili Serenissimi Principis Mauritii Cardinalis Sabaudiae
1627
Venise
Vincenti
Federico Borromeo
Catalogue par type de répertoire Livres de madrigaux polyphoniques à cinq voix Année
Recueil
Poètes mis en musique
1606
Premier livre
Rinuccini, Guarini, Giovanni Battista Strozzi, Ongaro, Alberti et Sannazaro
1611
Deuxième livre
Marino, Chiabrera et Guarini
1615
Troisième livre
Tasso, Alessandro Striggio, Rinuccini, Marino, Guarini, Boccaccio, Chiabrera, Degli Atti et Rasi
1616
Quatrième livre
Tasso, Chiabrera, Marino, Guarini et Rinaldi
1616
Cinquième livre
Tasso, Marino, Guarini et Casoni
c. 1618-1619 ?
Sixième livre ? (perdu)
?
1624 (1er août)
Septième livre (partie d’alto manquante)
Marino, Guarini et Isabella Andreini
1624 (25 août)
Huitième livre
Guarini et Marino
Livres des Musiche Année
Recueil
Effectif
Poètes mis en musique
1609
Premier livre
Une et deux voix Clavicorde, théorbe, harpe double et instruments similaires
Rinuccini, Pocaterra, Chiabrera, Marino, Guarini, Petracci, Tasso, Sannazzaro et Gualterotti
1615
Deuxième livre
Deux voix L’effectif instrumental n’est pas spécifié
Chiabrera, Guarini, Marino et Tasso
1618
Troisième livre
Une et deux voix L’effectif instrumental n’est pas
Pétrarque, Villifranchi, Caccianemici, Marino, Leoni, Castellano,
spécifié
Tasso et Guarini
447
Annexes
Année
Recueil
Effectif
Poètes mis en musique
1621
Quatrième livre
Une et deux voix Clavecin, théorbe, harpe double, guitare et d’autres stromenti da corpo
Bembo, Querini, Pétrarque, Bonardo de Perissone, Bracciolini, Ferranti et D’India
1623
Cinquième livre
Une voix Même effectif que pour le Quatrième livre
D’India
Villanelles à la napolitaine Année
Recueil
Effectif
Poètes mis en musique
1608
Premier livre
Trois, quatre et cinq voix
Leoni, Marino, Guarini, Grillo et Comite
1612
Deuxième livre
Trois, quatre et cinq voix
Quirino, Tansillo et Ludovico d’Agliè
Drames musicaux Année de représentation
Drame musical
Lieu de représentation
Auteur du livret
Occasion de la représentation
c. 1607
La Bonarella (pastorale perdue)
Ferrare
Alessandro Guarini ? Guido Bonarelli ?
Carnaval de Ferrare ?
c. 1611/1612
La Zalizura (texte extrait de La Primavera de Giovanni Botero, musique attribuée à D’India)
Turin
Ludovico d’Agliè
Fête à la cour de Turin (probablement jamais représentée)
1619
L’Europa ? (œuvre représentative)
Turin
Giovanni Antonio Bonardo Mangarda
Arrivée de Christine de France à Turin
1620
L’Arione (fable pastorale)
Turin
Giovanni Capponi
Première tentative de mélodrame à Turin
1620
La Caccia (fable pastorale)
Turin
Ludovico d’Agliè
Anniversaire de Christine de France
c. 1620
Ruggiero liberato ? (fable pastorale)
Turin
Anonyme
Fête à la Vigna en l’honneur de Christine de France ?
1621
L’Amaranta ? (fable pastorale) musique perdue
Turin
Giovanni Villifranchi
Anniversaire de Christine de France
c. 1621-1623
La Smeralda (fable pastorale) perdue
Turin
Ludovico d’Agliè et Charles-Emmanuel I ?
Probablement jamais représentée
c. 1618/1623
448
Annexes
Année de représentation
Drame musical
Lieu de représentation
Auteur du livret
Occasion de la représentation
1625 et 1627
Il Sant’Eustachio (drame sacré) perdu
Rome et Turin
Ludovico d’Agliè
À la demande du cardinal Maurice de Savoie
1626
L’Isola d’Alcina (drame musical) perdu
Modène (première tentative de mélodrame à Modène)
Fulvio Testi
Mariage de Marie Farnèse et Franceso d’Este (non représenté à cause de la mort d’Isabelle d’EsteSavoie)
1626
La catena d’Adone (la partie d’Adone écrite par D’India est perdue)
Rome
Ottavio Tronsarelli, inspiré de l’Adone de Marino
Carnaval de Rome
Musique sacrée Année de publication ou de représentation
Œuvre
Effectif
1609
4 messes avec motets (perdues)
1610
Motets : I Novi concentus ecclesiastici
Deux et trois voix avec basse
1610
Motets : Liber secundus sacrorum concentuum
Trois, quatre, cinq et six voix avec basse
1625 et 1627
Il Sant’Eustachio (perdu)
1625-1626
Messe polyphonique : Missa Domine clamavi ad te (perdue)
1626
Messe solennelle pour les funérailles d’Isabelle d’Este-Savoie (perdue)
1627
Motets : Liber primus moctetorum
Quatre voix sans basse
Œuvres perdues, incomplètes ou attribuées Année de publication ou de représentation
Œuvre
Lieu
1603
Un madrigal publié dans le recueil collectif Infidi lumi (perdu et attribué par erreur)
Sicile
c. 1607 ou c. 1610-1611
Pastorale La Bonarella (perdue)
Ferrare
1609
4 Messes avec motets (perdues)
Plaisance
1610
Canzonetta maritima sur un poème de Bernardo Morando (musique perdue)
Plaisance
1611/1612, ou bien 1618/1623
Zalizura (attribuée à D’India)
Turin
c. 1618-1619
Sixième livre de madrigaux (perdu)
Venise, Turin ?
449
Annexes
Année de publication ou de représentation
Œuvre
Lieu
1620
La Caccia et L’Arione (musique partiellement composée par D’India)
Turin
c. 1620
Ruggiero liberato (probablement composé par D’India, musique perdue)
Turin
1621
L’Amaranta (musique perdue)
Turin
c. 1621-1623
La Smeralda (probablement composé par D’India, musique perdue)
Turin
1624
Septième livre de madrigaux (partie d’alto manquante)
Modène, Rome
c. 1623-1624
Manuscrits de la partie d’alto de certains madrigaux du Huitième livre : Godea del sol i rai, Pallidetto mio sole, Lidia ti lasso, Ecco Silvio et Ma se con la pietà,
Modène Conservés à la Biblioteca Estense Universitaria de Modène (I-MOe), Raccolta musicale, F. 1530.
c. 1623-1624
Partie d’alto incomplète de la Lamentation de Didon
Id.
1625 et 1627
Il Sant’Eustachio (texte et musique perdus)
Rome et Turin
1625
Messe polyphonique (Missa Domine clamavi ad te) (perdue)
Rome
1626
Musique (messe, motets ?) de la messe solennelle pour les funérailles d’Isabelle d’Este-Savoie (perdues)
Modène
1626
L’Isola d’Alcina (texte de Fulvio Testi incomplet, musique perdue)
Modène
1626
La catena d’Adone de Mazzocchi (la partie d’Adone écrite par D’India est perdue)
Rome
1626-1627
Lamento d’Armida (texte de Morando ? et musique perdue)
Modène
1627-1628
Différentes musiques composées à la cour d’Este
Modène
Autres musiques vocales et chorégraphiques Année
Recueil
1620
Le Accoglienze ? (ballet)
1621
Le Musiche e Balli
Effectif
Poètes mis en musique Ludovico d’Agliè
Une et quatre voix violon, théorbe, basse et clavecin
450
Ludovico d’Agliè, Chiabrera, Capponi ? Charles Emmanuel Ier ?
Annexes
Chronologie raisonnée de la vie de Sigismondo D’India Naissance et années de formation et d’itinérance Date
Lieu où se trouve D’India
Vie de Sigismondo D’India
Autres événements
c. 1580-1582
Naples ?
Naissance du compositeur
Le Tasse écrit sa Jérusalem délivrée (1580). Vincenzo Galilei publie à Florence son Dialogo della musica antica et della moderna. Wert publie son Septième livre de madrigaux (1581). Naissance de Frescobaldi à Ferrare (1583). Arrivée de Jean de Macque à Naples (1585).
1590
Naples ?
Années de formation où D’India est à la recherche d’une cour
Guarini écrit Il pastor fido (1590). Naissance du cardinal Maurice de Savoie (1593). Publication des deux premiers livres de Gesualdo à Ferrare et du Sixième livre de Marenzio (1594). Mort du Tasse (1595). Mort de Wert à Mantoue. Publication du Troisieme livre de Gesualdo. Publication du Quatrième livre de Gesualdo (1596). Dissolution de la cour de Ferrare (1597). Mort de Marenzio (1599). Noces de Florence (1600). Naissance de Michelangelo Rossi à Gênes (1601/1602).
Ferrare ?
Florence
1606
Mantoue ? Milan
Premier livre de madrigaux
Cinquième livre de madrigaux de Monteverdi (1605).
1607
Venise
Réédition du Premier livre de madrigaux. Pastorale La Bonarella ?
Première représentation de L’Orfeo de Monteverdi à Mantoue.
Premier livre des villanelles. Un motet du Premier livre publié est dans le Quatrième livre de Francesco Bianciardi.
Représentation de L’Arianna de Monteverdi et de La Dafne de Da Gagliano à Mantoue. Arrivée du poète Marino à Turin. Noces de Cosme II de Médicis à Florence
Ferrare 1608
Venise Rome ?
Florence
451
Annexes
Date
Lieu où se trouve D’India
1609
Rome Milan Plaisance Parme
1610
Plaisance Venise
Côme ? Milan ? Turin
Vie de Sigismondo D’India
Autres événements Henri Schütz se rend à Venise pour étudier avec Giovanni Gabrieli.
Premier livre des Musiche. 4 messes votives et motets (perdus). Musiques pour la naissance d’Alexandre Farnèse. 2 livres de motets. Rééd. du Deuxième livre des villanelles. Deuxième rééd. du Premier livre de madrigaux. Borsieri introduit D’India à la cour de Turin.
Monteverdi publie les Vêpres. Mort du Caravage. Cima publie à Milan les premières sonates pour violon et basse continue. Henri IV est assassiné.
Le séjour à Turin 1611
Turin
D’India est nommé maître la musique de chambre du duc de Savoie.
Venise
Deuxième livre de madrigaux.
1612
Turin Venise
1615
Turin Venise
Deuxième livre des villanelles. Publication d’un motet à cinq voix et en trois parties dans l’anthologie Pars Altera de Strasbourg.
Mort de Tomas Luis de Victoria à Madrid. Publication à Naples des Cinquième et Sixième livres de madrigaux de Gesualdo. Mort de Giovanni Gabrieli. Mort du duc Vincenzo Gonzaga. Mort d’Artusi et de Gesualdo (1613). Monteverdi s’installe à Venise. Mort de Jean de Macque à Naples (1614). Publication du Sixième livre de madrigaux de Monteverdi (1614). Publication des Toccate e partite pour clavecin de Frescobaldi à Rome. Marino quitte Turin pour Paris.
Troisième livre de madrigaux. Deuxième livre des Musiche. Quatrième et Cinquième livres de madrigaux.
1616
Turin
1618
Turin Milan
Troisième livre des Musiche.
1619
Turin
Sixième livre de madrigaux ? (perdu).
Monteverdi publie son Septième livre de madrigaux. Arrivé de Christine de France à Turin.
1620
Turin
D’India écrit la musique pour les fêtes de la cour de Turin.
Représentation à Rome de L’Aretusa de Filippo Vitali.
1621
Turin
D’India est nommé Chevalier de SaintMarc. Le Musiche e Balli Quatrième livre des Musiche.
Mort de Michael Praetorius à Wolfenbüttel.
Venise
Naissance de Froberger à Stuttgart. Mort de Giulio Caccini. René Descartes publie son Compendium Musicae. Début de la guerre de Trente Ans.
452
Annexes
1622
?
D’India est absent de Turin.
Le duc de Savoie rencontre Louis XIII à Avignon.
1623
Turin
Départ de Turin. D’India est gentiluomo du cardinal de Savoie. Cinquième livre des Musiche. D’India se rend à Rome durant le conclave. D’India se rend à la cour d’Este pour montrer ses compositions au prince Alphonse.
Élection du pape Urbain VIII.
Venise Rome Modène
Les dernières années 1624
Modène Rome
Septième et Huitième livres de madrigaux.
Monteverdi utilise pour la première fois le style concitato dans le Combattimento.
1625
Rome
D’India est au service du cardinal de Savoie au palais de Montegiordano. Il Sant’Eustachio (perdu). Messe Domine clamavi ad te (perdue).
L’Académie dei Floridi de Bologne devient l’Académie dei Filomusi. Année sainte à Rome. Mort de Radesca à Turin.
1626
Rome Tivoli Frascati
Partie d’Adone de La catena d’Adone de Tronsarelli (perdue).
Mort de John Dowland à Londres. Publication posthume du Premier livre de madrigaux à six voix de Gesualdo à Naples.
Modène
L’Isola d’Alcina (perdue). Musique de la messe solennelle pour les funérailles d’Isabelle d’Este-Savoie (perdue).
Rome 1627
Rome Venise Milan ?
Florence
Modène
Mort de Lodovico Viadana. Liber Primus Moctetorum. Représentation de Il Sant’Eustachio à Turin. Publication d’un motet dans l’anthologie Pars Tertia de Strasbourg. Settimia Caccini chante les lamenti de Didon et d’Armide. D’India présente sa candidature pour composer la musique des noces de Parme.
1628
Modène
D’India est engagé comme maître de chapelle du prince-électeur Maximilien de Bavière à Munich.
Schütz se rend à Venise pour étudier auprès de Monteverdi. Inauguration du théâtre Farnèse à Parme. Création du « Gabinet Français » à Turin.
1629
Modène
Mort du compositeur (mars-avril) sans doute à cause de la malaria.
Schütz publie les Symphonie Sacrae à Venise. Pillage de Mantoue (1630).
453
Annexes
Chronologie de la vie de Sigismondo D’India à travers les documents historiques Naissance et années de formation et d’itinérance Date
Vie de Sigismondo D’India
Lieu où se trouve D’India
Documents historiques
Termini Imerese (Sicile). Naples ?
Acte de baptême du 17/10/1547 Aucun
c. 1580-1582
Probable trace des origines siciliennes de la famille de D’India. Naissance du compositeur Années de formation où D’India est à la recherche d’une cour. D’India se rend probablement au mariage de Marie de Médicis.
Naples ? Ferrare ? Florence
Aucun
Publication du Premier livre de madrigaux.
Mantoue ? Milan
1590 1600 1606 1607
1608
1609
1611
Dédicace du 1er livre de madrigaux (1606) Dédicace de la rééd. du 1er livre de madrigaux (1607) Lettre de D’India du 02/09/1627
Réédition du Premier livre de madrigaux.
Venise
Pastorale La Bonarella
Ferrare
Publication du Premier livre des villanelles. Publication d’un motet du Premier livre dans le Quatrième livre de Francesco Bianciardi. D’India est élève des chanteurs de Rome. D’India se rend à Rome, puis à Florence pour montrer ses compositions.
Venise
Dédicace du 1er livre des villanelles (1608) Livre de Bianciardi (1608)
Rome Rome Florence
Lettre de G. Borsieri de c. 1610 Préface du 1er livre des Musiche (1609).
Publication du Premier livre des Musiche.
Milan Parme ? Plaisance
Dédicace du 1er livre des Musiche (1609) Acte du 15/05/1609
Plaisance
Lettre de Ludovico Carracci du 24/08/1609
D’India compose des musiques et des poèmes pour la naissance d’Alexandre Farnèse. Publication du Premier et Deuxième livres de motets. Réédition du Deuxième livre des villanelles. Deuxième réédition du Premier livre de madrigaux.
Plaisance
Livres de B. Morando (1610 et 1662) et quittance du 21/09/1610
Venise
G. Borsieri introduit D’India à la cour de Turin.
Côme ? Milan ?
Dédicaces des 1er et 2ème livres de motets (1610) Dédicace de la rééd. du 2ème livre des villanelles (1610) Dédicace de la rééd. du 1er livre de madrigaux (1610) Lettre de G. Borsieri de c. 1610
Publication du Deuxième livre de madrigaux.
Venise
D’India est engagé comme maître de chapelle straordinario à l’église de Santa Maria di Campagna. D’India compose 4 messes votives et des motets chez Barbara Landi (perdus). 1610
Dédicace des Musiche e Balli (1621)
454
Dédicace du 2ème livre de madrigaux
Annexes
Le séjour à Turin 1611
D’India est nommé maître la musique de chambre du duc de Savoie.
Turin
Mandats de paiement du 01/08/1611 et du 12/08/1611
1612
Publication du Deuxième livre des villanelles. Publication d’un motet à cinq voix et en trois parties dans l’anthologie Pars Altera de Strasbourg. Amélioration du salaire de D’India à la cour de Turin.
Venise
Dédicace du 2ème livre des villanelles
Turin
Pars Altera
Turin
Mandat de paiement du 21/11/1613
Amélioration du salaire de D’India à la cour de Turin. Publication du Troisième livre de madrigaux. Publication du Deuxième livre des Musiche.
Turin
Mandat de paiement du 02/04/1615
Venise
Dédicace du 3ème livre de madrigaux
Turin
Dédicace du 2ème livre des Musiche
1616
Publication des Quatrième et Cinquième livres de madrigaux.
Turin
Frontispice du 4ème livre et dédicace du 5ème livre de madrigaux
1618
Publication du Troisième livre des Musiche.
Milan
Préface de F. Lomazzo et dédicace du 3ème livre des Musiche
1619
D’India est payé pour ses services à la cour de Turin.
Turin
Mandat de paiement du 18/09/1619
1620
D’India écrit la musique pour les fêtes de la cour de Turin.
Turin
Mandat de paiement du 27/12/1620 et préface des Musiche e Balli
1621
D’India est nommé Chevalier de SaintMarc.
Turin
Publication du recueil des Musiche e Balli et du Quatrième livre des Musiche.
Venise
Lettres du 23/09/1620, 23/01/1621 et 17/02/1621, acte du 15/12/1620 et délibérations du 15/01/1621 et 03/1621 Dédicaces des Musiche e Balli et du 4ème livre des Musiche
D’India est absent de Turin.
France ?
1613 1615
1622
1623
D’India est payé à Turin.
Turin
D’India est gentiluomo du cardinal de Savoie.
Turin
Dédicace des Musicali Concenti de F. Albini (1623) Mandat de paiement du 29/05/1622 Mandat de paiement du 27/01/1623 Frontispice du 5ème livre des Musiche Dédicace du 7ème livre de madrigaux
Départ de Turin.
Lettre du 04/11/1623
Publication du Cinquième livre des Musiche. Venise D’India se rend à Rome durant le conclave pour servir le cardinal de Savoie. Rome D’India se rend à la cour d’Este pour mon- Modène trer ses compositions au prince Alphonse.
Dédicace du 5ème livre des Musiche
455
Lettre du 04/11/1623 Lettre du 28/10/1623
Annexes
Les dernières années 1624
D’India s’établit à la cour de Modène.
Modène
Lettres du 01/03/1624 et 29/03/1624
Rome
Mandat de paiement du 21/04/1624
Rome
Dédicace des 7ème et 8ème livres de madrigaux
D’India est au service du cardinal de Savoie au palais de Montegiordano.
Rome
Mandats de paiement du 04/09/1624, 10/11/1624 et 20/01/1625
D’India compose Il Sant’Eustachio (perdu). D’India compose la messe Domine Clamavi ad te pour le pape Urbain VIII (perdue).
Rome Rome
Mandats de paiement du 20/02/1625 et 22/02/1625 Dédicace du 3ème livre de motets (1627)
D’India écrit la partie d’Adonis de La catena d’Adone de Tronsarelli (perdue). Le prince Alphonse d’Este souhaite que D’India se transfère dans sa cour.
Rome
Lettre du 02/09/1627
Tivoli
Mandats de paiement du 29/01/1626 et 15/04/1626 et lettres du 18, 21 et 28/01/1626 ; 02, 03, 04, 07, 09, 11, 15, 20, 22, 25 et 28/02/1626 ; 04, 14, 25, 28 et 31/03/1626 ; 04, 10 et 15/04/1626
D’India part pour Modène.
Frascati
Lettres du 18 et 22/04/1626
D’India s’installe à Modène. Composition et préparation de L’Isola d’Alcina (perdue). Interruption de L’Isola d’Alcina à cause de la mort d’Isabelle d’Este-Savoie.
Modène Modène
Lettre du 19/06/1626 Lettres du 07, 18 et 22/07/1626
Modène
Livre de Tiraboschi (1780)
D’India compose la musique (perdue) de la messe solennelle pour les funérailles de la princesse. D’India revient à Rome.
Modène
Lettres du 28/10/1626 et 02/11/1626 et acte du 06/11/1626
Rome
Lettres du 15/12/1626 et 06/01/1627 et mandat de paiement du 15/12/1626
D’India publie son Troisième livre de motets. Une représentation d’Il Sant’Eustachio de D’India a lieu à Turin. Publication d’un motet dans l’anthologie Pars Tertia de Strasbourg. D’India se rend à Modène et présente sa candidature pour composer la musique des noces de Parme de 1628.
Venise
Dédicace du 3ème livre de motets
Milan ?
Lettre sans date (c. 1627) Pars Tertia
Modène
Lettres du 26/08/1627 et 02/09/1627 et mandat de paiement du 16/10/1627
D’India revient à Rome au service du cardinal de Savoie. Publication des Septième et Huitième livres de madrigaux. 1625
1626
1627
456
Annexes
1628
D’India s’installe à Modène au service d’Alphonse d’Este. D’India est engagé comme maître de chapelle du prince-électeur Maximilien de Bavière à Munich.
Modène
Lettre du 29/01/1628 et mandat de paiement du 08/03/1628 Mandat de paiement du 28/04/1628
1629
Mort du compositeur (mars-avril) sans doute à cause d’une malaria contractée durant le conclave de 1623.
Modène
Mandats de paiement du 16, 18, 19, 20, 23 et 29/04/1629 et 02 et 25/05/1629
Tableau récapitulatif des correspondances no
Date
Lieu
Expéditeur
Destinataire
Objet
Lieu de cons.
Les correspondances signées par Sigismondo D’India 1
03/02/1626
Rome
D’India
Alphonse d’Este
Voyage à Modène
I-MOs
2
09/02/1626
Rome
D’India
Fabio Carandini
Voyage à Modène
I-MOs
3
19/06/1626
Modène
D’India
Alphonse d’Este
D’India informe Alphonse d’Este de l’arrivée de Lazzaro del Violino
I-MOs
4
18/07/1626
Modène
D’India
Alphonse d’Este
Préparation de L’Isola d’Alcina
I-MOs Inédit
5
22/07/1626
Modène
D’India
Alphonse d’Este
Préparation de L’Isola d’Alcina
I-MOs
6
02/11/1626
Modène
D’India
Alphonse d’Este
Annulation d’une répétition
I-MOs
7
06/01/1627
Modène
D’India
Alphonse d’Este
Arrivée à Rome
I-MOs Inédit
8
26/08/1627
Modène
D’India
Enzo Bentivoglio
Candidature noces de Parme
I-FEs
9
02/09/1627
Modène
D’India
Enzo Bentivoglio
Candidature noces de Parme
I-FEs
10
29/01/1628
Modène
D’India
Alphonse d’Este
Demande de papier à musique
I-MOs
Les correspondances adressées à Sigismondo D’India 1
18/01/1626
Modène
Alphonse d’Este
D’India
Voyage à Modène
I-MOs Inédit
2
28/10/1626
Modène
Anonyme
D’India
Répétition à Modène
I-MOs Inédit
1
24/08/1609
Plaisance
Ludovico Carracci
Gioseffo Guidotti ou Guidetti
Remerciements comme suite à la disparition d’Annibale Carracci
Malvasia
2
c. 1610
Casnate
Girolamo Borsieri
Amédée de Savoie
Recommandation de D’India comme musicien de la cour
I-COc
Les correspondances où il est fait mention de Sigismondo D’India
457
Annexes
no
Date
Lieu
Expéditeur
Destinataire
Objet
Lieu de cons.
3
23/09/1620
Turin
Maurice de Savoie
Gio. Giaco-mo Piscina
Demande du titre de Chevalier de Saint-Marc
I-Vas
4
23/01/1621
Turin
Maurice de Savoie
Gio. Giaco-mo Piscina
Obtention du titre de Chevalier de Saint-Marc
I-Vas
5
17/02/1621
Venise
Gio. Giacomo Piscina
Collège des Sages de Venise
Demande d’expédition du titre à Turin
I-Vas
6
28/10/1623
Modène
Alphonse d’Este
Ludovico d’Agliè
Arrivée de D’India à Modène
I-Ta
7
04/11/1623
Rome
Ludovico d’Agliè
Alphonse d’Este
Départ de D’India de la cour
I-Ta
de Turin et arrivée à Rome 8
18/02/1624
Modène
Alphonse d’Este
Ludovico d’Agliè
Alphonse d’Este souhaite garder D’India dans sa cour
I-Ta
9
01/03/1624
Rome
Ludovico d’Agliè
Alphonse d’Este
Maurice de Savoie autorise le séjour de D’India à Modène
I-Ta
10
29/03/1624
Modène
Alphonse d’Este
Ludovico d’Agliè
Alphonse d’Este annonce le départ de D’India pour Rome
I-Ta
11
1624
Rome
Ercole Rondinelli
Giovanni Battista Ronchi
Provisions pour D’India
I-MOs Inédit
12
18/01/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Alphonse d’Este désire avoir D’India dans sa cour pour le carnaval
I-MOs Inédit
13
18/01/1626
Modène
Alphonse d’Este
Maurice de Savoie
Demande de déplacement de D’India à Modène
I-MOs Inédit
14
21/01/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Alphonse d’Este doit verser 40 écus à D’India pour un voyage à Tivoli afin de demander la permission du cardinal de Savoie
I-MOs Inédit
15
28/01/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
16
03/02/1626 ou 1627-1628
Modène
Anonyme
Alphonse d’Este
Annulation d’un concert
I-MOs
17
04/02/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
18
04/02/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
19
07/02/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
20
11/02/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
458
Annexes
no
Date
Lieu
Expéditeur
Destinataire
Objet
Lieu de cons.
21
15/02/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Le prince Alphonse d’Este demande à que le cardinal de Savoie soit mis au courant du voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
22
22/02/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Le prince Alphonse d’Este est rassuré d’avoir obtenu la permission du cardinal de Savoie pour le voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
23
25/02/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
24
28/02/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
25
04/03/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
26
14/03/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
27
25/03/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
28
28/03/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
29
31/03/1626
Rome
Maurice de Savoie
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
30
04/04/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
31
10/04/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Le prince Alphonse d’Este désire avec impatience d’avoir D’India dans sa cour
I-MOs Inédit
32
15/04/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
33
18/04/1626
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Voyage de D’India à Modène
I-MOs Inédit
34
22/04/1626
Modène
Alphonse d’Este
Fabio Carandini
Le prince Alphonse d’Este apprend avec joie le départ de D’India pour Modène
I-MOs Inédit
35
07/07/1626
Fredo
Fulvio Testi
Cesare d’Este
Préparation de L’Isola d’Alcina
I-MOs
36
15/12/1626
Rome
Maurice de Savoie
Alphonse d’Este
Retour de D’India à Rome
I-MOs Inédit
37
06/01/1627
Rome
Fabio Carandini
Alphonse d’Este
Départ de Maurice de Savoie pour Turin
I-MOs Inédit
459
Annexes
no
Date
Lieu
Expéditeur
Destinataire
Objet
Lieu de cons.
38
c. 1626-1627
Rome
Ludovico d’Agliè
Marguerite de Savoie
Représentation du Saint-Eustache de D’India à Turin
I-Ta
39
13/08/1627
Ferrare
Antonio Goretti
Enzo Bentivoglio
Candidature noces de Parme
I-FEs
40
28/08/1627
Parme
Alessandro Ghivizzani
Marguerite Aldobrandini
Candidature noces de Parme
I-PAas
41
09/08/1634
Rome
Fulvio Testi
Francesco d’Este
Recommandation de Pietro Antonio Giramo à la cour de Modène
I-MOs
Tableau récapitulatif des préfaces et des dédicaces Recueils
Date
Ville
Préface
Dédicataire
1) Primo libro de’ madrigali a 5 voci
14/10/1606
Milan
Non
Vincenzo Gonzaga
2) Delle villanelle alla napolitana a tre voci di Sigismondo D’India nobile palermitano Libro primo
Sans date
Sans lieu
Non
Vicente Pimentel
3) Le musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili
10/02/1609
Milan
Oui
Ranuccio Farnese
4) Novi concentus ecclesiastici binis, ternis vocibus concinendi Sigismundi De India Nobilis Panormitani
01/02/1610
Plaisance
Non
Maurice de Savoie
5) Liber secundus sacrorum concentuum Sigismondi De India Nobilis Panormitani, ternis, quaternis, quinis, senisque vocibus concinendorum
17/11/1610
Venise
Non
Ferdinand II d’Autriche
6) Libro secondo de’ madrigali a cinque voci di Sigismondo D’India nobile palermitano
20/02/1611
Venise
Non
Pier Francesco Malaspina
7) Libro secondo delle villanelle alla napolitana a 3, 4 e 5 voci di Sigismondo D’India nobile palermitano, Maestro della musica di camera del Serenissimo et Invitissimo D. Carlo Emanuello
10/08/1612
Turin
Non
Barbara Landi Barattieri
8) Il terzo libro de’ madrigali a cinque voci. Con il suo 01/08/1615 basso continuo da sonar con diversi instromenti da corpo a beneplacito, ma necessariamente per gli otto ultimi
Venise
Non
Marco Sittico Altemps
9) Le musiche a due voci di Sigismondo D’India, servitore del Serenissimo e Invitissimo Signor Duca di Savoia e Capo della sua musica di camera
Turin
Non
Charles-Emmanuel Ier
20/08/1615
460
Annexes
Recueils
Date
Ville
Préface
Dédicataire
10) Il quarto libro de’ madrigali a cinque voci di Sigismondo D’India, Capo della musica di camera del Serenissimo et Invitissimo Duca di Savoia, indirizzati all’Illustrissimo Signor Abate Farnese
Épître dédicatoire manquante
Sans lieu
Non
Diofebo Farnese
11) Il quinto libro de’ madrigali a cinque voci di Sigismondo D’India, Capo della musica di camera del Serenissimo et Invitissimo Duca di Savoia
28/06/1616
Turin
Non
Henry Wotton
12) Le musiche del Signor Sigismondo D’India, Maestro della musica di camera del Serenissimo Signor Duca di Savoia. Libro terzo a una e due voci
03/01/1618
Milan
Oui Préface de F. Lomazzo
Alphonse III d’Este
13) Le musiche e balli a quattro voci con il basso continuo del Cavalier Sigismondo D’India. Composte nelle reggie nozze del Serenissimo Prencipe di Savoia Vittorio Amedeo e Madamma Christiana
08/06/1621
Venise
Oui
Marie de Médicis
14) Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India a una e due voci da cantarsi nel chitarrone, clavicembalo, arpa doppia et altri stromenti da corpo. Con alcune arie, con l’alfabetto per la chitara alla spagnola. Novamente composta et data in luce con privilegio. Libro quarto
13/11/1621
Venise
Non
Federico Rossi di San Secondo
15) Le musiche del Cavalier Sigismondo D’India Gentil’huomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinal di Savoia da cantarsi nel chitarrone, clavicembalo, arpa doppia et altri stromenti da corpo. Con alcune arie, con l’alfabetto per la chitarra alla spagnola. Novamente composta et data in luce con privilegio. Libro quinto
08/06/1623
Venise
Non
Charles de Habsbourg
16) Settimo libro de’ madrigali a cinque voci del Cavalier Sigismondo D’India
01/08/1624
Rome
Non
Maurice de Savoie
17) Ottavo libro de’ madrigali a cinque voci, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia
25/08/1624
Rome
Non
Isabelle d’EsteSavoie
18) Liber primus motectorum quatuor vocibus. Auctore Sigismundo Indiae. Divi Marci Aequite, Viroque Nobili Serenissimi Principis Mauritii Cardinalis Sabaudiae
08/04/1627
Venise
Non
Federico Borromeo
461
Annexes
Tableau récapitulatif des documents divers Type de document
Date
Source/objet
Ville
Lieu de cons.
Dédicace de partition
01/07/1623
Filippo Albini, Musicali Concenti, opera seconda, 1623
Turin
I-Tn
1. Recueil poétique
1610
Bernardo Morando, Nella nascita del serenissimo prencipe Alessandro Farnese, Rime, 1610
Plaisance
I-PCc
2. Imprimé d’époque, écrit sur la musique
1629
Lodovico Casali, Generale invito alle grandezze e meraviglie della musica, 1629
Modène
I-MOe
3. Recueil poétique
1646
Guidubaldo Benamati, La vittoria navale, 1646
Bologne
I-PAp
4. Recueil poétique
1662
Bernardo Morando, Fantasie, 1662
Plaisance
I-MOe
5. Imprimé d’époque, ouvrage historiographique
1780
Girolamo Tiraboschi, Vita del conte Fulvio Testi, 1780
Modène
I-MOe
6. Imprimé d’époque, écrit sur la musique
1789
Charles Burney, A General History of Music, 1789, vol. IV
Londres
F-Pn
1. Acte paroissial
17/10/1546
Acte de baptême de Vincenzo D’India
Termini Imerese
Maggior Chiesa Termini Imerese (inédit)
2. Acte paroissial
15/05/1609
Nomination de D’India comme maître de chapelle straordinario
Plaisance
Chiesa di Santa Maria di Campagna
3. Compte rendu
15/12/1620
Demande du titre de Chevalier de Saint-Marc
Venise
I-Vas
4. Délibération
15/01/1621
Obtention du titre de Chevalier de Saint-Marc
Venise
I-Vas
5. Délibération
03/1621
Obtention du titre de Chevalier de Saint-Marc
Venise
I-Vas
6. Acte capitulaire
06/11/1626
Célébration des obsèques d’Isabelle d’Este-Savoie
Modène
I-MOd
7. Décret
28/04/1628
Paiement de Maximilien de Bavière
Munich
D-Mhsa
1. Mandat de paiement
01/08/1611
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta
2. Mandat de paiement
12/08/1611
Modalités de paiement de D’India en sa qualité de maître de la musique de chambre de la cour
Turin
I-Ta
3. Mandat de paiement
21/11/1613
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta
4. Mandat de paiement
24/10/1614
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta
5. Mandat de paiement
02/04/1615
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta
6. Mandat de paiement
18/09/1619
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta
462
Annexes
Type de document
Date
Source/objet
Ville
Lieu de cons.
7. Mandat de paiement
27/12/1620
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta
8. Mandat de paiement
23/11/1621
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta (inédit)
9. Mandat de paiement
28/05/1622
Paiement de la cour de Turin
Turin
I-Ta
10. Mandat de paiement
27/01/1623
Paiement à Filippo Albini pour les frais de D’India
Turin
I-Ta
11 et 11 bis. Mandat de paiement
21/04/1624
Paiement pour l’installation de D’India à Rome
Rome
I-Ta
12. Mandat de paiement
04/09/1624 10/11/1624 20/01/1625
Paiements du cardinal Maurice de Savoie
Rome
I-Ta
13. Mandat de paiement
04/09/1624
Don du cardinal de Savoie
Rome
I-Ta
14. Mandat de paiement
10/11/1624
Don du cardinal de Savoie
Rome
I-Ta
15. Mandat de paiement
20/01/1625
Don du cardinal de Savoie
Rome
I-Ta
16. Mandat de paiement
20/02/1625
Paiement pour la représentation du Saint-Eustache
Rome
I-Ta
17. Mandat de paiement
22/02/1625
Paiement pour la représentation du Saint-Eustache
Rome
I-Ta
18. Mandat de paiement
29/01/1626
Paiement d’Alphonse d’Este
Modène
I-MOs (inédit)
19. Mandat de paiement
5/04/1626
Paiement de Fabio Carandini
Rome
ASBIT (inédit)
20. Mandat de paiement
5/12/1626
Paiement du cardinal de Savoie
Rome
I-Ta
21. Mandat de paiement
21/01/1627
Paiement du cardinal de Savoie
Rome
I-Ta
22. Mandat de paiement
16/10/1627
Paiement de Cesare d’Este
Modène
I-MOs (inédit)
23. Mandat de paiement
08/03/1628
Paiement de Cesare d’Este
Modène
I-Mos (inédit)
24. Mandat de paiement
16/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
25. Mandat de paiement
18/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
26. Mandat de paiement
19/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
27. Mandat de paiement
19/04/1629
Demande de paiement pour le remède donné à D’India
Modène
I-MOs
28. Mandat de paiement
20/04/1629
Paiement du remède par Alphonse d’Este
Modène
I-MOs (inédit)
29. Mandat de paiement
20/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
463
Annexes
Type de document
Date
Source/objet
Ville
Lieu de cons.
30. Mandat de paiement
23/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
31. Mandat de paiement
29/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
32. Mandat de paiement
29/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
33. Mandat de paiement
29/04/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à différents serviteurs
Modène
I-MOs (inédit)
34. Mandat de paiement
02/05/1629
Paiements d’Alphonse d’Este à
Modène
I-MOs
différents serviteurs
(inédit)
35. Mandat de paiement
25/05/1629
Demande de paiement pour des services concernant différents concerts de D’India
Modène
I-MOs
1. Quittance
21/09/1610
Paiement pour les musiques et les poésies composées pour la naissance d’Alexandre Farnèse
Plaisance
I-PCas (inédit)
2 et 2 bis. Quittance
22/11/1622
Paiement pour le salaire de D’India
Turin
I-Ta (inédit)
Tableau récapitulatif des paiements reçus par Sigismondo D’India Date
Montant et m onnaie
Lieu
Expéditeur
Raison du paiement
21/09/1610
150 lires/ 15 sequins
Plaisance
Ranuccio Farnese
Paiement pour ses œuvres musicales et poétiques pour la naissance d’Alexandre Farnèse
12/08/1611
200 ducatons
Turin
Charles- Emmanuel Ier
Salaire annuel à partir du 01/04/161139
21/11/1613
Portion supplémentaire de provisions alimentaires
Turin
Charles- Emmanuel Ier
Récompense de ses mérites
02/04/1615
12 ducatons
Turin
Charles- Emmanuel Ier
Remplacement en salaire des deux portions de provisions alimentaires mensuelles
18/09/1619
330 ducatons
Turin
Charles- Emmanuel Ier
Salaire annuel
27/12/1620
100 ducatons
Turin
Charles- Emmanuel Ier
Récompense pour ses services
23/11/1621
2200 florins
Turin
Charles- Emmanuel Ier
Solde du paiement du 18-19/09/1619
39
Ce salaire inclut une portion ordinaire de provisions alimentaires (pain, vin et nourriture). Voir le mandat de paiement du 01/08/1611.
464
Annexes
28/05/1622
300 sacs de blé
Turin
Charles- Emmanuel Ier
Complément d’un reste de salaire dû
22/11/1622
100 ducatons
Turin
Charles-
Salaire
Emmanuel Ier 27/01/1623
333 florins
Turin
Maurice de Savoie
Remboursement à Filippo Albini pour les dépenses engagées pour D’India
04/11/1623
300 ducatons
Rome
Maurice de Savoie
Pension annuelle40
21/04/1624
30 écus
Rome
Maurice de Savoie
Frais pour son séjour
04/09/1624
25 écus
Rome
Maurice de
Don
Savoie 10/11/1624
20 écus
Rome
Maurice de Savoie
Gratification
20/01/1625
20 écus
Rome
Maurice de Savoie
Don
20/02/1625
36 écus
Rome
Maurice de Savoie
Composition du Saint-Eustache
07/02/1626
40 écus
Rome
Alphonse d’Este Frais pour son voyage à Modène41
15/04/1626
40 écus
Rome
Alphonse d’Este Frais pour son voyage à Modène
15/12/1626
62 écus
Rome
Maurice de Savoie
Frais personnels de mai à novembre 1626
21/01/1627
7 écus
Rome
Maurice de Savoie
Location d’une chambre hors du palais
16/10/1627
1 thaler
Modène
Cesare d’Este
Frais personnels journaliers durant le mois d’octobre
08/03/1628
28 sequins d’or
Modène
Alphonse d’Este Frais courants
28/04/1628
300 florins
Munich
Maximilien de Bavière
40 41
Engagement à la cour de Bavière
Le musicien est également nourri aux frais de la cour du cardinal. Voir la lettre de d’Agliè adressée au prince Alphonse d’Este du 1er mars 1624. Voir le mandat de paiement du 29 janvier 1626 pour « la banque du Sieur Annibale Serena ».
465
466
44
43
42
– Aspirer à faire partie des serviteurs protégés
– Dédier sa musique à un prince célèbre – Faire connaître un nouveau style de chant
– Montrer le parrainage d’un jeune prince-musicien
– Délecter le prince avec une musique qui correspond à son goût et qu’il cautionne
Motivations de la publication
– Clientélisme
– Clientélisme – Mécénat44
– Clientélisme
– Clientélisme43
Modalités de patronage nobiliaire42
Le terme patronage renvoie ici à l’hétérogénéité des mécanismes sociaux et anthropologiques d’interrelation et d’échange entre patron et client (le clientélisme) ou entre plusieurs groupes en contact (réseaux) ; il renvoie également à une logique de service, de protection, qui peut être stable ou ponctuelle, directe ou indirecte, ou encore multiple (un artiste peut avoir plusieurs patrons à la fois) ; enfin il renvoie au rôle des personnages intermédiaires (brokers, négociateurs, médiateurs, gentilshommes, agents, diplomates) dans l’élaboration d’une œuvre d’art. Voir aussi l’Introduction de la partie I de cet ouvrage, p. 11-12. Le clientélisme implique des intérêts partagés (patron-client), une logique de service (échange de services contre avantages), la gratitude (la fidélité, la dévotion, le loyalisme, l’amitié, la protection, l’obéissance) et la constitution d’un/de réseau/x complexe/s. Voir A. Viala, Naissance de l’écrivain : sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Éditions de minuit, 1985, p. 52-54 ; S. Kettering, Patrons, Brokers, and Clients in Seventeenth-Century France, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 185-191 ; Y. Durand, Les solidarités dans les sociétés humaines, Paris, PUF, 1987 ; W. Reinhard, « Amici e creature. Micropolitica della Curia romana nel xvii secolo », Dimensioni e problemi della ricerca storica, no 14/2, 2001, p. 59-78 et G. Lind, « Grands et petits amis : clientélisme et élites du pouvoir », Les élites du pouvoir et la construction de l’État en Europe, éd. W. Reinhard, Paris, PUF, 1996, p. 163-166. Le terme mécénat est compris ici en tant que reconnaissance et gratification départies aux artistes et en tant que moteur de la production d’œuvres d’art. Il est lié à la notion de commande (la committenza) et entraîne parfois une instrumentalisation politique ou institutionnelle des arts à des fins de propagande, d’ostentation ou de légitimation du pouvoir. Voir A. Viala, Naissance de l’écrivain, op. cit., p. 54 et B. Petey-Girard, Le Sceptre et la plume : images du prince protecteur des lettres de la Renaissance au Grand Siècle, Genève, Droz, 2010, p. 165-166.
– La reconnaissance publique de la grandeur du dédicataire – La protection et la récompense du talent par le prince – La modestie du compositeur – La participation du prince à la beauté de l’œuvre
– La grandeur du prince – L’encouragement des arts libéraux – La modestie de l’œuvre
Premier livre de motets de 1610
– Les muses
Premier livre des villanelles de 1608
– La modestie du compositeur – Les vertus héroïques du prince – La participation du prince à la beauté de l’œuvre
– La dévotion envers son patron – La magnanimité ancestrale de la famille du prince – Le prestige musical
– Le théâtre du monde – Le soleil – Les ténèbres – Le miel de la douce grâce du prince – Le pinceau de la langue du prince
Premier livre de madrigaux de 1606
Topos
Premier livre des Musiche de 1609
Métaphores et emblèmes
Recueils
Tableau d’éléments discursifs et sociologiques des épîtres dédicatoires
Annexes
467 – L’audace – L’héroïsme, le courage, la bonté et l’intelligence du prince – Les compétences musicales du protecteur – Le mise en scène de la grandeur du prince
– La renommée internationale – La difficulté de l’œuvre musicale – La dévotion envers le dédicataire
– Remercier son patron principal – Faire connaître une « nouvelle manière de concerter »
– Aspirer à faire partie des serviteurs protégés
– Être digne de la protection de la princesse – Remercier la dédicataire de l’avoir inclus parmi ses serviteurs
C’est-à-dire une forme de patronage qui facilite la circulation d’artistes et de musiciens grâce au rôle d’intermédiaire du prince.
– Le soleil – Le théâtre du monde
Deuxième livre des Musiche de 1615
45
– Les remparts de l’univers
Troisième livre de madrigaux de 1615
– La participation du prince à l’embellissement de l’œuvre – Les compétences musicales du prince – Le mise en scène de la grandeur nobiliaire
– Le théâtre du monde – Le portrait du compositeur – Le pinceau du jugement éclairé – Le bouclier de Pallas
Deuxième livre des villanelles de 1612
– Remercier le diplomate et soulager la fatigue causée par ses activités politiques et intellectuelles
– Le prestige – Le pouvoir curatif de la musique
Motivations de la publication
Deuxième livre de madrigaux de 1611
Topos – Le pouvoir curatif de la musique – Délecter le prince avec une musique qui – La concomitance de la musique et de correspond à son goût et qu’il cautionne l’activité du prince – La reconnaissance publique du goût musical du dédicataire – La délectation par le biais de la musique – La conservation de la mémoire musicale
Métaphores et emblèmes
Deuxième livre de motets de 1610
Recueils
– Clientélisme – Mécénat
– Clientélisme
– Médiation45 – Clientélisme
– Clientélisme
– Clientélisme
Modalités de patronage nobiliaire42
Annexes
468
46
– Remercier le dédicataire pour ses faveurs
– Prouver son admiration et sa dévotion à la reine de France, mère de son actuelle patronne
– Clientélisme
– Mécénat symbolique
– Montrer que le prince est une source – Clientélisme d’inspiration poétique – Établir des rapports avec un patron secondaire proche de son patron principal
– Mécénat itinérant46
Modalités de patronage nobiliaire42
Il s’agit d’une forme de mécénat située à l’intersection du transfert culturel, de la transmission du goût musical et de la circulation matérielle des partitions.
– La bienveillance, l’intelligence et le bon goût musicaux du dédicataire
– Apollon – Le Mont Parnasse
– L’Antiquité – La sagesse et l’intellect – La générosité guerrière – La reconnaissance du talent par le prince
Quatrième livre des Musiche de 1621
– Les guerriers anciens : les Amazones, les Lacédémoniens, les Crétois, Épaminondas et les empereurs romains – Le son des armes et le son des concerts – L’égide, le bouclier et la hampe – Le laurier, la lyre et le plectre – La cornemuse de Minerve – Mars – Mercure – Apollon – Le caducée de la faveur et de la protection
Troisième livre des Musiche de 1618
Motivations de la publication
– Les Platoniciens – Prouver sa gratitude et sa dévotion – La gratitude envers le dédicataire envers le dédicataire – La délectation par le biais de la musique – La concomitance de la musique et de l’activité politique – Le partage de la vertu à travers l’œuvre musicale
– La mise en scène de la grandeur du prince – La reconnaissance d’une dette envers le dédicataire
– La symétrie et l’harmonie de l’esprit – Les héros déifiés
Cinquième livre de madrigaux de 1616
Topos
Livre des Musiche e Balli de 1621
Métaphores et emblèmes
Recueils
Annexes
469
Troisième livre de motets de 1627
– La conservation de la mémoire musicale – L’importance de la caution papale et de la réputation des chanteurs pontificaux lors de la création et de la diffusion d’une œuvre musicale sacrée
– Le pouvoir curatif de la musique – L’excellence musicale et la réputation internationale de la cour du dédicataire – Les compétences musicales du noble – La collaboration symbolique du prince à la valeur de l’œuvre musicale – Le mise en scène de la grandeur du protecteur – L’immortalité
– Les ténèbres de l’oubli
Huitième livre de madrigaux de 1624
– Les Platoniciens – La délectation produite par les concerts harmonieux – La capacité du prince à jouir de la musique – La protection et la récompense du talent – La renommée et la réputation internationales du dédicataire – Le mise en scène de la grandeur du prince – L’exercice commun de la vertu – Le souvenir et le témoignage de la magnificence musicale de la cour du protecteur – Le dédicataire est la source d’inspiration de l’œuvre musicale – La dévotion envers son patron – La bonté, l’héroïsme, la majesté et la magnanimité du prince
– Les proportions harmoniques de l’âme – Le cri glorieux qui traverse l’Europe
Cinquième livre des Musiche de 1623
Topos
Septième livre de madrigaux de 1624
Métaphores et emblèmes
Recueils
– Présenter au dédicataire une œuvre musicale sacrée différente des autres et adaptée à son goût – Obtenir une éventuelle commande de la part du dédicataire
– Remercier le dédicataire d’avoir apprécié et honoré sa musique
– Remercier le protecteur de l’avoir inclus parmi sa noblesse de service
– Être à la hauteur de la réputation du prince
Motivations de la publication
– Clientélisme – Mécénat
– Clientélisme
– Clientélisme – Mécénat
– Clientélisme
Modalités de patronage nobiliaire42
Annexes
1 Bibliographie Sources primaires Documents d’archive
CÔME – Biblioteca Comunale di Como (I-COc) Lettere familiari : Ms. Sup. 3.2.43. MILAN – Archivio di Stato di Milano (I-Mas) Famiglie : Barattieri, boîte 27, cart. 22. Cardinali : Boîte 33. – Archivio Storico Diocesano di Milano (I-Mca) Libri mastri : 1620. – Biblioteca Ambrosiana (I-Ma) Carteggi di Federico Borromeo : Correspondance avec Antonia Francesca Balsamo, monaca del monastero di S. Pietro di Brugora (Lamburgo) : G 265, no 57 et 60. Correspondance avec Adriano Banchieri : G 218, no 165 et G 227, no 195-196. Correspondance avec Luzzasco Luzzaschi : G 184 inf, no 158, G 183 inf, no 38 et no 109, G 186 inf, no 235, G 188 inf, no 9 et A 10 sup. Correspondance avec Romano Micheli : G 229 inf, no 309. Correspondance avec le cardinal Maurice de Savoie : G 241, no 298. Correspondance avec Marco Sittico (Altemps) : G 226 inf, no 41. Correspondance avec Sidonia Francesca Torniello, del Lentasio : G 265, no 44-45. De Actione contemplationis libri quatuor : F 5 inf. De ecstaticis mulieribus et illusis libri quatuor : F 26 inf. De linguis, nominibus, et numero angelorum libri tres : F 32 inf. Del saper cavar frutto della musica. Appunti : F 25 inf. Dell’Assuntione della Beata Vergine : F 4 inf. qui contient les Raggionamenti sagri fatti dal medesimo alle religiose di varii monasteri. De Musica ecclesiastica. Appunti ed excerpta da Gregorius Nazianzenus, Marsillo Ficino, Albonesi Teseo Ambrogio e altri. In latino e italiano : G 309 inf 45, inserto 5. I tre libri delle laudi divine, 1632 : Borromeo.57.
Bibliographie
MODÈNE – Archivio di Stato di Modena (I-MOs) Archivio Segreto Estense, camera ducale (Archivio camerale) – Amministrazione dei principi, registro di mandati : Alfonso III : boîte 210. Cardinal Alessandro d’Este : boîtes 340 et 348. – Amministrazione della Casa : Biblioteca estense, carp. 2, fasc. 20. – Archivio notarile di Modena (Notai camerali) : Paolo Favalotti, vol. 1316 (1629). – Cassa segreta nuova : Filze 29-35. – Computisteria, mandati sciolti : Filza 180/56. – Libri diversi : Tesoreria segreta, boîte 507, reg. 1. Archivio Segreto Estense, cancelleria ducale – Archivio per Materie : Artigianato e mestieri : boîtes 22 et 30. Letterati, boîtes 29 et 64, fasc. II. Musica e musicisti : boîtes 1a, 1b et 4. Spettacoli pubblici, tornei, giostre : boîtes 9/A et 9/B. – Cancelleria sezione generale, Carteggio di referendari, consiglieri, cancellieri e segretari : Boîte 42 : Fulvio Testi. Boîte 188 : Minute e memorie di cancelleria. Sec XVII – Cancelleria sezione generale, Minutario : boîte 19. Carteggi e documenti di particolari : India, boîte 698. Carteggio ambasciatori Roma : Boîte 213, lettre no 27. Boîte 214. Boîte 215, lettres no 1, 5, 12, 23, 25, 27, 62, 68, 72, 74, 82 et docs. 9, 11 et 19. Boîte 216. Boîte 218.
472
Bibliographie
Boîte 220, lettres no 9, 5 et 32. Boîte 1443/2. Carteggi con principi esteri : Germania : boîtes 1587/13, 1595/21 et 1596/22. Roma, cardinali : boîtes 1419/169 et 1419 A/170. Torino, duchi di Savoia : boîtes 1443 et 1443A. Casa e Stato : boîte 64, fasc. 3. Documenti e carteggi di Stati e Città : Torino, série 136. Venezia, série 138. – Archivio Storico Capitolare di Modena (I-MOd) Atti capitolari del Duomo di Modena : Reg. B, fo 82vo et 85ro. Archivio della Curia Arcivescovile di Modena : Atti del consiglio. Schedoni di Mons. Giacomo Casolari. – Archivio Storico del Comune di Modena (ASCM) Registro di morti : Reg. mars-avril 1629. MUNICH – Bayerisches Hauptstaatsarchiv (D-Mhsa) Kurfürstentum Bayern (1507-1803) allgemeines Reichsarchiv : Altbayerische Fürstensachen. Specialia, fasc. XLVIIIe, no 536e : Herzogs und Kurfürsten, Maximilian I. Hofstaat : Hofmusik : Componisten, Instrumentisten, Gesang… 1595-1651, fo 29. PARME – Archivio di Stato di Parma (I-PAas) Carteggio Farnesiano estero : Milano, 1600-1615 : boîte 301. Milano, 1616-1620 : boîte 302. Carteggio Farnesiano interno : Boîtes 261-303 et 372.
473
Bibliographie
Congiure e confische Boîte 25, recueil 179. Corte e casa farnesiana : Série II, documenti e carteggi di persone della famiglia Farnese : boîtes 23, 25, 27 et 29. Série VI : boîte 51, fasc 11. Série XI : boîte 57, fasc. 24. Famiglie : Barattieri : boîte 27. Landi : boîtes 65 et 67. Malaspina : boîtes 266 et 267. Rossi : boîte 460. Feudi e comunità : Marchesato di Santo Stefano di Valle d’Aveto : boîte 97. Mulazzo, signori di Torre e Noceto : boîtes 98 et 99. Rossi di San Secondo : boîte 207. Tesoreria e computisteria : Mastri farnesiani e borbonici : reg. 21. Ruolo : reg. 14. – Biblioteca Palatina di Parma (I-PAp) Manoscritti : Ms. Parm 570. Ms. Parm 298. PLAISANCE – Archivio di Stato et Archivio Storico Comunale di Piacenza (I-PCas) Archivio dei marchesi Casati : Plico 9. Famiglie e persone : Archivio Barattieri di San Pietro in Cerro : vol. XIII, boîtes 2 et 10 (documents manquants). Archivio Morando : boîtes 23-25 et 35 et 36. Miscellanea Ottolenghi : Ambasceria, nascite, nozze, morti di principi : pacco VIII, cartella VII, fo 30. ROME – Archivio di Stato di Roma (I-Ras) Miscellanea delle Famiglie : – Altemps : boîte 9.
474
Bibliographie
– Archivio Doria Pamphilj (I-Rdp) Carteggi Landi : Étagère 39, boîte 14. – Archivio Segreto Vaticano (I-Rasv) Archivio Concistoriale : Acta miscellanea, 38. Fondo Pio : Boîte 93. Miscellanea Arm. XIII : Protocollo consecration episcoporum et alia, reg. 33. Miscellanea Arm. XV : Liasse 206. Segreteria di Stato : Avvisi : Boîte 9, Roma, 1623. Boîte 10, Roma, Venezia, 1624. Boîte 11, Roma, 1625. Boîte 12, Roma, 1626. Boîte 13, Roma, 1627. Cardinali : Vol. 5, 1606-1626. Principi : Vol. 56II, 1610-1612 et vol. 57, 1613-1631. Savoia : Boîte 40, 1609. Boîte 162, 1613-1620. – Archivio Storico della Banca d’Italia (ASBIT) Banco di Santo Spirito, Contabilità, Inventario Devoti II.1.26 : Reg. 29, libro mastro 1626. – Archivio Storico Capitolino (I-Rasc) Archivio Orsini, Série I :
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Bibliographie
Boîte 48/1, fasc. 31. Boîte 49/1, fasc. 9. Boîte 117/1, lettre no 44. Boîte 117/2, lettre no 350. Boîte 117/3, lettre no 386. Boîte 118/2, lettre no 287. Boîte 119/2, lettres no 183-185 et 229. Boîte 119/3, lettre no 324. Boîte 120/4. Boîte 121/1, lettres no 97, 102 et 131. Boîte 121/4, lettres no 556 et 628. Boîte 130, lettre no 32. Boîte 386/2, lettre no 294. – Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat) Avvisi di Roma : Barb. lat. 6341, 1608. Barb. lat. 6343, 1609. Barb. lat. 6344, 1610. Urb. lat. 1076/2, 1608. Urb. lat. 1077, 1609. Urb. lat. 1078/2, 1610. Urb. lat. 1079, 1611. Urb. lat. 1086, 1618. Urb. lat. 1087, 1619. Urb. lat. 1089, 1621. Urb. lat. 1092, 1622 Urb. lat. 1094, 1624 Urb. lat. 1095, 1625. Urb. lat. 1096, 1626 Urb. lat. 1097, 1627. Vat. lat. 12947, 1622-1623. Cappella Sistina. Diari : Libri di punti, 42 (1624). Libri di punti, 43 (1625). Libri di punti, 44 (1625). Libri di punti, 45 (1626). Libri di punti, 46 (1627). Manoscritti Barberini, carteggi diplomatici : Barb. lat 6809, 1611-1613.
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Bibliographie
Barb. lat. 7360, 1623. Barb. lat. 8790, 1627. – Biblioteca dell’Accademia dei Lincei e Corsiniana (I-Rli) Archivio di Rossi di San Secondo : Cors. 2408, Série III, cartelle 35-43. SICILE – Arcidiocesi di Palermo, Archivio Storico della Maggior Chiesa di Termini Imerese Registro di battesimi del Duomo di Termini Imerese : vol. I (1542-1548), 17 ottobre 1546, fo 80ro. TURIN – Archivio di Stato di Torino (I-Ta) Sezioni riunite Camera dei conti, Piemonte Conti fabbriche di Sua Altezza, art. 180 : Liasse 9 : « Conto del signor Giovanni Battista Verdina Tesoriere delle Fabriche di S. A. R. per il maneggio di detto officio delli anni 1621 et 1621 ». Patenti controllo finanze, articolo 689 : Liasse 70, reg. 21 (1608). Liasse 71, reg. 2 (1610). Liasse 72, reg. 23 (1611) Liasse 73, reg. 24 (1612). Liasse 74, reg. 25 (1613). Liasse 76, reg. 27 (1614-1615). Liasse 77, reg. 28 (1615). Liasse 78, reg. 29 (1616). Liasse 79, reg. 30 (1617). Liasse 82, reg. 2B (1619). Liasse 83, reg. 3 (1620). Liasse 84, reg. 4D (1621). Liasse 85, reg. 6F (1621 et 1622). Liasse 86, reg. 8H (1623) Liasse 91, reg. P (1626). Real casa : Art. 217 : Conti approvati, parrafo 1 : Tesoreria generale : liasses 62 (1613-1614), 63 (1613), 64 (1613) et 65 (1614).
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Bibliographie
Art. 219 : Casa della Reale duchessa di Savoia. Art. 220 : Conti della Casa del Serenissimo ed Eminentissimo Principe Cardinale Maurizio di Savoia ; conti del depositario de’ redditi del serenissimo principe Tommaso di Savoia deputato dalla Camera d’ordine di S.A.R. il duca di Savoia : liasses 1 (reg. 3, 5 et 6) et 2 (reg. 7 et 9). Art. 231 : Don Amedeo di Savoia, marchese di S. Ramberto, conti dei redditi e spese di casa. Art. 269, Tesoreria generale : liasse 4, reg. 91 (1618). Art. 394, Registro per il viaggio del Serenissimo Prencipe Cardinale di Savoia in Francia dell’anno 1618, non paginé. Art. 402 : Spese della Casa del Serenissimo Principe : liasse 1 (1623), liasse 2 (1624), liasse 3 (1625) et liasse 4 (1627-1628). Sezione corte Materie politiche per rapporto all’estero : – Lettere ministri, Francia : Liasse 22. – Lettere ministri, Roma : Liasses 23, 27, 29, 35, 36, 37/2 et 38. – Lettere ministri, Venezia : Liasses 5, 6 et 7/2. Materie politiche per rapporto all’interno, Real casa : – Lettere diverse della corte, lettere di duchi e sovrani : Liasses 31 et 58. – Lettere diverse real casa, principi naturali di Savoia, Don Amedeo : Liasse 4. – Lettere principi diversi : Cardinale Maurizio, liasses 10-14. – Storia della real casa, storie particolari, categoria III : Liasse 13, fascicules 25 et 28 : « Eloge ou abrégé de la vie de Charles-Emmanuel I duc de Savoie » de Pierre Monod. Liasse 14 : « Della vita del Duca di Savoia Carlo Emanuele Primo parte Prima (et Seconda) scritta dall’Abbate D. Valeriano Castiglione Benedettino suo Historiografo ». Liasse 15, boîtes 1-6 : Poèmes du duc Charles-Emmanuel. Liasse 16, fascicule 8 : « Historia della vita del duca di Savoia Vittorio Amedeo Principe di Piemonte, Ré di Cipro, parte prima », Valeriano Castiglione, 1653. Liasse 16, fascicule 10 : « Memoria sulla condotta di Madama Reale Cristina nel 1619 », Comte de la Marmora, 1642.
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Bibliographie
Liasse 16, fascicule 29 : « Le Soleil en son apogée ou l’histoire de la vie de Chrestienne de France Duchesse de Savoie Princesse du Piémont Reyne de Chypre », Samuel Guichenon, 1664. – Storia della real casa, categoria IV, Principi diversi : liasses 2 et 10-14. – Testamenti : Liasse 4, fascicule 11 : testamento di Carlo Emanuele. Liasse 4, fascicule 12 : testamento di Emanuele Filiberto di Palermo. VENISE – Archivio di Stato di Venezia (I-Vas) Ambasciata, Archivio propri ambasciatori e ambasciate : Reg. 4. Cancelleria inferiore, Doge, Privilegi dei Cavalieri di San Marco : Série 429, filze 174-165. Série 498 et 499. Série 503, filza 174. Cerimoniali : Reg. III, 61 et 62. Collegio : – Esposizioni principi : Esposizioni di ambasciatori Filze 28, reg. no 31, fo 130ro et vo, 132ro, 138vo, 146ro. Filze 29, reg. no 32, fo 16ro et vo. Registri Esposizioni Roma, reg. 19-25. Reg. 31 et 32. – Lettere principi : Parma : filza 49, lettre no 90. Senato : Dispaci degli ambasicatori al senato : Savoia : série 35.
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Bibliographie
Sources musicales de Sigismondo D’India
D’india, Sigismondo, Primo libro de madrigali a cinque voci, Milan, Tradate, 1606, rééd. Venise, Gardano, 1607 et 1610. – Conservé complet (éd. 1606) à la Biblioteca Nazionale Braidense de Milan (I-Mb), à la Biblioteca della musica (rééd. 1607) de Bologne (I-Bc) et à la Christ Church Library (GB-Och) à Oxford (rééd. 1610) et incomplet (partie de basse, rééd. 1610) à la British Library de Londres (GB-Lbl) et à l’Archivio di Stato de L’Aquila (I-LAas)1. – Éd. moderne Federico Mompellio Sigismondo d’India : Madrigali a 5 voci 1606, Milan, I classici musicali italiani, 1942 et John Steele et Suzanne Court, Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts, New York, Gaudia, 1997, vol. I. Delle villanelle alla napolitana a tre voci di Sigismondo D’India nobile palermitano Libro primo, Naples, Carlino & Vitale, 1608, rééd. Venise, Gardano, 1610. – Conservé complet à la Biblioteca della musica de Bologne, à la Christ Church Library à Oxford et à la British Library (rééd. 1610) et incomplet (partie de canto II, éd. 1608) à la Bibliothèque nationale de France à Paris (F-Pn). – Éd. moderne Concetta Assenza, Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libri primo (1608) e secondo (1612), Florence, Olschki, 2007,(coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV). Le Musiche di Sigismondo D’India nobile palermitano da cantar solo nel clavicordio, chitarrone, arpa doppia et altri istromenti simili, Milan, Tini et Lomazzo, 1609. – Conservé complet à la Biblioteca Nazionale Marciana de Venise (I-Vnm), à la Biblioteca universitaria de Gênes (I-Gu), à la Bibliothèque royale Albert Ier à Bruxelles (B-Br) et à la Bibliothèque nationale de France. – Éd. moderne Federico Mompellio, Sigismondo d’India. Il primo libro di Musiche da cantar solo, Crémone, Athenaeum Cremonense, 1970 et John Joyce, Le musiche a una e due voci. Libri I, II, III, IV e V (1609-1623), Florence, Olschki, 1989 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. IX). Novi concentus ecclesiastici binis, ternis vocibus concinendi Sigismundi De India Nobilis Panormitani, Venise, Gardano, 1610. – Conservé complet à la Biblioteca della musica de Bologne et incomplet (parties de basse et de basse continue) à la British Library. – Le motet Super flumina Babylonis a été publié dans Bianciardi, Francesco, Francisci Bianciardi Accordati Intronati, metropolitanae ecclesiae moderatoris Sacrarum Modulationum, quae vulgo Motecta, et duabus, tribus, et quatuor vocibus concinentur Liber Quartus, Venise, Gardano, 1608. – Éd. moderne Giuseppe Collisani, Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV). Liber secundus sacrorum concentuum Sigismundi De India Nobilis Panormitani, ternis, quaternis, quinis, senisque vocibus concinendorum, Venise, Gardano, 1610.
1 Fonds Dragonetti – de Torres (no 139) qui conserve vingt-et-une parties de basse de différents recueils de madrigaux à cinq voix de plusieurs compositeurs (Fontanelli, Gesualdo, Kapsberger, Monteverdi, Salomone Rossi, Montella, D’India, Pecci et Da Gagliano). Voir V. Borghetti, « Eine Unbekannte Madrigalsammlung in L’Aquila », Österreichische Musik. Musik in Österreich. Beiträge zur Musikgeschichte Mitteleuropas, éd. E. T. Hilscher, Tutzing, Schneider, 1998, p. 71 et 76.
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Bibliographie
– Le motet à cinq voix et en trois parties pour la fête de la Pentecôte Pacem relinquo vobis a été republié dans Pars Altera […] Collectore Abrahamo Schadaeo, Strasbourg, Kieffer, 1612, no XLII et le motet à quatre voix Et vidi alterum angelum, paraphrase de l’Apocalypse, dans Pars Tertia […] Opera et studio Johannis Donfrid, Strasbourg, Ledertz, 1627, no CCXLVII. – Conservé complet à la Biblioteca della musica de Bologne, à la Christ Church Library, à la Biblioteca e Archivio capitolare del Duomo de Plaisance (I-PCd) et à la Bayerische Staatsbibliothek, Musiksammlung à Munich (D-Mbs). – Éd. moderne Giuseppe Collisani, Sigismondo D’India. Mottetti concertati a 2, 3, 4, 5 e 6 voci : Novi concentus ecclesiastici e Liber secundus sacrorum concentuum (1610), Florence, Olschki, 2003 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXIV). Libro secondo de madrigali di Sigismondo D’India nobile palermitano, Venise, Gardano, 1611. – Conservé complet à la Christ Church Library et incomplet (partie de basse) à la British Library, à la Biblioteca Casanatense de Rome (I-Rc) (parties de canto, basse et quinto) et à la bibliothèque de la San Francisco State University (US-SFsc) (partie de quinto). – Éd moderne John Steele et Suzanne Court, Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts, New York, Gaudia, 1997, vol. II. Libro secondo delle villanelle alla napolitana a 3, 4 & 5 voci. Di Sigismondo D’India Nobile Palermitano Maestro della Musica di Camera del Serenissimo & Invitissimo D. Carlo Emanuello Duca di Savoia Prencipe di Piemonte &c., Venise, Gardano, 1612. – Conservé incomplet (partie de basse) à la British Library, à la Biblioteca della musica de Bologne (parties de canto et de canto II), à la Bibliothèque nationale de France (partie de canto II), à la bibliothèque du Conservatoire Royal de musique de Bruxelles (B-Bc) (partie de canto I) et à la Kungliga Musikaliska Akademiens Biblioteket à Stockholm (S-Skma) (partie de canto). – Éd. moderne Concetta Assenza, Sigismondo D’India. Villanelle a 3, 4 e 5 voci : Libri primo (1608) e secondo (1612), Florence, Olschki, 2007 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XXV). Il terzo libro de’ madrigali a cinque voci. Con il suo basso continuo da sonar con diversi instromenti da corpo a beneplacito, ma necessariamente per gli otto ultimi, Venise, Magni, 1615. – Conservé complet à la Christ Church Library et incomplet (parties de basse et de basse continue) à la British Library et à la Biblioteca Casanatense (parties de canto, basse et quinto). – Éd. moderne Glenn Watkins, Sigismondo D’India. Il terzo libro dei madrigali a cinque voci con il suo basso continuo da sonar con diversi instromenti da corpo a beneplacito, ma necessariamente per gli otto ultimi, Florence, Olschki, 1995 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. XV), et John Steele et Suzanne Court, Sigismondo D’India. The First Five Books of Madrigals for Mixed Voices in Five Parts, New York, Gaudia, 1998, vol. III. Le Musiche a due voci di Sigismondo D’India, servitore del Serenissimo et Invitissimo Signor Duca di Savoia & Capo della Sua Musica di Camera, Venise, Amadino, 1615. – Conservé complet à la Christ Church Library, à la Biblioteca Nazionale Universitaria de Turin (I-Tn), à la Bibliothèque nationale de France et à la Biblioteka Uniwersytecka à Wroclaw2 (PLWRu). 2
Sur la très riche collection de musique italienne (400 publications presque toutes vénitiennes dont 117 sont uniques et 7 ne figurent pas dans le catalogue du RISM) de la période qui va de 1607 à 1665, soit 165 compositeurs italiens, conservée dans cette ville, voir T. Jez, « La biblioteca Rhedigeriana di Wroclaw (Breslavia) : una collezione unica delle
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Bibliographie
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– Pour une édition facsimilé des Deuxième, Troisième, Quatrième et Cinquième livres des Musiche, voir Gary Tomlinson, Italian Secular Song 1606-1636 : Northwestern Italy. Songs by Enrico Radesca di Foggia, Sigismondo d’India, Filippo Albini, Giovanni Ghizzolo, Giulio S. Pietro de Negri, Francesco Costa, Giovanni Francesco Capello, Francesco Turini, New York, Garland, 1985, vol. IV. c. 1623-1624 Partie d’alto incomplète de la Lamentation de Didon et extraits de l’Ottavo libro de madrigali. – Conservés à la Biblioteca Estense de Modène (Raccolta musicale, F. 1530). Settimo libro de madrigali a cinque voci, Rome, Robletti, 1624 (partie d’alto manquante). – Conservé incomplet à la Biblioteca della musica de Bologne (parties de canto, ténor et basse) et à la Biblioteca Casanatense (parties de canto, basse et quinto). Ottavo libro de’ madrigali a cinque voci, con il basso continuo, del Cavalier Sigismondo D’India Gentilhomo del Serenissimo Prencipe Mauritio Cardinale di Savoia, Rome, Robletti, 1624. – Conservé complet à la Biblioteca della musica de Bologne et incomplet (parties de canto, basse et quinto) à la Biblioteca Casanatense. – Éd. moderne Glenn Watkins, Ottavo libro dei madrigali a cinque voci – 1624, Florence, Olschki, 1980 (coll. Musiche Rinascimentali Siciliane, vol. X). Liber primus motectorum quatuor vocibus auctore Sigismondo Indiae Divi Marci Aequite Viroque Nobili Serenissimi Principis Mauritii Cardinalis Sabaudiae nunc primum in lucem aeditus, Venise, Vincenti, 1627. – Conservé complet à la Christ Church Library et incomplet (parties de basse et de basso pro organo) à la Biblioteca della musica de Bologne et à la Biblioteka Uniwersytecka à Wroclaw (parties de canto, ténor, basse et basso pro organo). Sources musicales
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Belli d’Argenta, Girolamo, Il secondo libro de madrigali a cinque voci con un dialogo a otto, Venise, Vincenti & Amadino, 1586. Bianciardi, Francesco, Francisci Bianciardi Accordati Intronati, metropolitanae ecclesiae moderatoris Sacrarum Modulationum, quae vulgo Motecta, et duabus, tribus, et quatuor vocibus concinentur Liber Quartus, Venise, Gardano, 1608. Bonardo mangarda, Giovanni Antonio, L’Europa del Bonardo, per la musica recitativa, nelle reali nozze del serenissimo D. Vittorio Amedeo, prencipe di Piemonte, con Madama Christiana di Francia, Turin, Fratelli di Cavalleria, 1619. Bonelli, Aurelio, Il primo libro delle villanelle a tre voci, Venise, Gardano, 1596. Caccini, Francesca, La liberazione di Ruggiero dall’Isola di Alcina, Florence, Cecconcelli, 1625, éd. moderne Alessandro Magini, Francesca Caccini. La liberazione di Ruggiero dall’Isola di Alcina, Florence, Studio per edizioni scelte, 1998. Castaldi, Bellerofonte, Capricci a due stromenti cioe tiorba e tiorbino : e per sonar solo varie sorti di balli e fantasticare, Modène, 1622, s. e., éd. moderne David Dolata, Bellerofonte Castaldi. Capricci : 1622. Part 2, Dances and other works for theorbo, Songs with tablature accompaniment, Middleton, A-R editions, 2006. Cifra, Antonio, Li diversi scherzi a una, a due, a tre et quattro voci : Libro quarto : opera vigesima, Rome, Robletti, 1615. Cima, Giovanni Paolo, Partito de Ricercari, et Canzoni alla francese di Giovan Paolo Cima organista alla gloriosa Madonna presso S. Celso. Et in ultimo una breve regola per imparare a far prattica di suonare in qual si voglia luoco, o intervallo dell’istromento, con il modo d’acordar il clavicordo per ogni ordina, Milan, Tini & Lomazzo, 1606. Cima, Tullio, Sacrae Cantiones singulis, binis, ternis, quaternisque vocibus, una cum Magnificat et Litaniis B.M. Virginis, cum Basso ad organum decantandae. Auctore Tullio Cima roncilionense. Liber Primus, Orvieto, Zannetti, 1621. Corsi, Bernardo, Di Bernardo Corsi cremonese il Primo Libro de Madrigali, a otto voci : accomodati per sonar con ogni sorte di stromenti, Venise, Amadino, 1607. ———, Concerti a una, due, tre, et quattro voci, con uno Magnificat a quattro, et con il suo Basso continuo per l’organo : Opera Quinta, Venise, Amadino, 1613. Crivelli, Giovanni Battista, Il primo libro delli Motetti concertanti a due, tre, quattro, e cinque voci, Venise, Vincenti, 1626. Da gagliano, Marco, La Flora, Florence, Pignoni, 1628, éd. moderne Suzanne Court, Middleton, A-R editions, 2011. Da reggio, Fattorin, Il Primo libro de madrigali a tre voci, Venise, Gardano, 1605. Dell’Arpa, Orazio, Arie, ms. 2490, Biblioteca Casanatense (I-Rc) et Q IV 8, manoscritti Chigiani (Archivio Chigi), Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Rvat). ———, Dies irae sur cantus firmus, ms. 2663, (I-Rc). East, Michael, The Six Set of Bookes, Londres, Snodham, 1624. Flaccomio, Giovanni Pietro, Le risa a vicenda vaghi e dilettevoli madrigali a cinque voci posti in musica da diversi autori. Raccolti & novamente dati in luce da Gio. Pietro Flaccomio siciliano di Milazzo, rééd. Venise, Vincenti, 1598. Fontanelli, Alfonso, Secondo libro de Madrigali senza nome. A cinque voci, Venise, Gardano, 1604.
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Avvisi particolari del aumento che Iddio dà alla sua Chiesa Catholica nell’Indie et specialmente nelli regni di Giappon, Palerme, Maida, 1558. Breve descritione delle feste fatte dal Serenissimo Signor Prencipe di Mantova nel giorno di Natale della Serenissima Infanta Margherita et nelle venuta dei Serenissimi Prencipe di Savoia nella città di Casale per veder detta Signora, & il Signor Prencipe prima della lor partita per Mantova, Casale, Goffi, 1611. Descrittione delle feste, fatte nelle nozze de’ serenissimi prencipi di Toscana, D. Cosimo de’ Medici, e Maria Maddalena arciduchessa d’Austria, Florence, Giunti, 1608. Giostra mantenuta in Modena il 25 febbraio 1618, Modène, stampato a fogli sciolti, 1618. Relatione della giostra a campo Aperto fatta nel giorno natale del Ser. prencipe di Piemonte, Turin, Pizzamiglio, 1618. Relationi delle feste principali, fatte di carnevale, nella Corte dell’Altezza Serenisisma di Savoia, Turin, Luigi Pizzamiglio, 1621. Pompa funebre nell’esequie Dell’Illustrissimo Signor Pietro Malaspina Marchese degli Edifici, Consegliero di Stato & Aio dell’A. S. di Piacenza e Parma, Apparecchiata Da gl’Illustrissimi Signori Contessa Hippolita Rolleri, Contessa Giulia Anguissola et Marchese Alessandro Pallavicino Nepoto, Et Heredi. Nel tempio della Gloriosissima Vergine di Campagna di Piacenza, Plaisance, Ardizzoni, 1624. Raccolta di diverse Feste, Corse, Corriere, Campi aperti, Caroselli, Tornei, Barriere, Balli, Balletti et Mascherate fatte dai Reali Conti et Duchi di Savoia dall’anno 1000 sino al 1662 in diverse parti del loro Stato. Con indice di tutte le opere, che si contengono in due volumi. Relatione del incontro et entrata fatta dal Serenissimo Prencipe e Madama Serenissima di Piemonte in Lione li quindeci dicembre 1622. Relationi delle feste principali, fatte di carnevale, nella Corte dell’Altezza Serenisisma di Savoia, Turin, Pizzamiglio, 1621. Voyage de Monsieur le Prince de Condé en Italie, Bourges, Coppin, 1624. Berton, Thomas de, La voye de laict, ou Le chemin des héros au palais de la gloire Ouvert à l’entrée triomphante de Louys xiii, roy de France et de Navarre, en la cité d’Avignon, le 16 de novembre 1622. Avignon, Bramereau, 1623. Branchi, Silvestro, Trattenimento musicale d’Apollo con il Reno nelle nozze sontuose delli Illustrissimi et Eccellentissimi Signor Conte Federico Rossi, Conte di San Secondo, et la Signora Donna Orsina Pepoli. La Coronatione d’Apollo per Dafne conversa in lauro, Baletto. Amore guerriero per la Rocca
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Incantata. Pensieri del Signor Silvestro Branchi il Costante nell’Accademia di Ravvivati et alcune Ottave per le medesime nozze del Signor N. S. All’Illustrissimo et Eccellentissimo Signor Conte Federico Rossi predetto, Bologne, Moscatelli, 1621. Cavalchino, Giovanni Matteo, Dal matrimonio di madama Serenissima Crestina con altri susesi ocorsi tanto di pace con di guerra delanno 1618 sino alanno 1619, 1620. Gentile panfili, Pietro, Breve descrittione dell’apparato funerale fatto alla gloriosa memoria del serenissimo prencipe Odoardo cardinale Farnese dall’illustrissima città di Parma, Parme, Viotti, 1626. Gramont, Scipion de, Relation du Grand Ballet du Roy dansé en la salle du Louvre, le 12 février 1619 sur l’Adventure de Tancrède en la forest enchantée, Paris, Jean Sara, 1619. Lancellotti, Vittorio, Lo Scalco prattico, Rome, Corbelletti, 1627. Mascardi, Agostino, Le Pompe del Campidoglio per la Santità di N. S. Urbano VIII quando pigliò il possesso descritte di Agostino Mascardi, Rome, Zannetti, 1624. O. G. B., Breve Ragguaglio Della suontosissima Festa del Serenissimo Duca di Savoia, Per gli Anni felici di Madama Serenissima, Alli X Febraro 1628. Discours
India, Francesco, L’Heroe overo della virtù heroica. Dialogo di Francesco India medico et filosofo veronese, Vérone, Discepolo, 1591. Mascardi, Agostino, Orationi e discorsi, Gênes, Pavoni, 1622. ———, Prose vulgari di Monsignor Agostino Mascardi cameriere d’honore di nostro signor Urbano Ottavo, Venise, Fontana, 1625. ———, Discorsi morali di Agostino Mascardi su la tavola di Cebete Tebano, Venise, Pinelli, 1627. ———, Saggi Accademici dati in Roma nell’Academia del Serenissimo Prencipe Cardinal di Savoia da diversi e nobilissimi ingegni raccolti, e publicati da Monsignor Agostino Mascardi, Cameriere d’honore di N. S. Urbano VIII, Venise, Fontana, 1630. Romei, Annibale, Discorsi divisi in sette giornate, Vérone, Discepoli, 1586. Livrets
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1 Table des sigles (ASBIT) Rome, Archivio Storico della Banca d’Italia (ASCM) Modène, Archivio Storico del Comune di Modena (AVFD) Milan, Archivio della Veneranda Fabbrica della Cattedrale (B-Bc) Bruxelles, Bibliothèque du Conservatoire Royal de musique (B-Br) Bruxelles, Bibliothèque Royale Albert Ier (D-Mbs) Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Musiksammlung (D-Mhsa) Munich, Bayerisches Hauptstaatsarchiv (F-Pn) Paris, Bibliothèque nationale de France (GB-Lbl) Londres, British Library (GB-Lna), Londres, The National Archives (GB-Och) Oxford, Christ Church Library (I-Bc) Bologne, Biblioteca Internazionale della Musica (I-COc) Côme, Biblioteca Comunale di Como (I-FEc) Ferrare, Biblioteca Comunale di Ferrara (I-FEs) Ferrare, Archivio di Stato di Ferrara (I-Gu) Gênes, Biblioteca Universitaria (I-LAas) L’Aquila, Archivio di Stato (I-Ma) Milan, Biblioteca Ambrosiana (I-Mas) Milan, Archivio di Stato di Milano (I-Mb) Milan, Biblioteca Nazionale Braidense (I-Mca) Milan, Archivio Storico Diocesano di Milano (I-MOd) Modène, Archivio Storico Capitolare di Modena (I-MOe) Modène, Biblioteca Estense Universitaria di Modena (I-MOs) Modène, Archivio di Stato di Modena (I-PAas) Parme, Archivio di Stato di Parma (I-PAp) Parme, Biblioteca Palatina di Parma (I-PCas) Plaisance, Archivio di Stato e Archivio Storico Comunale (I-PCc) Plaisance, Biblioteca Comunale Passerini-Landi (I-PCd) Plaisance, Biblioteca e Archivio capitolare del Duomo (I-Ras) Rome, Archivio di Stato di Roma (I-Rasc) Rome, Archivio Storico Capitolino (I-Rasv) Rome, Archivio Segreto Vaticano (I-Rc) Rome, Biblioteca Casanatense (I-Rdp) Rome, Archivio Doria Pamphilj (I-Rli) Rome, Biblioteca dell’Accademia dei Lincei e Corsiniana (I-Rn) Rome, Biblioteca Nazionale Centrale di Roma (I-Rvat) Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana (I-Ta) Turin, Archivio di Stato di Torino
Table des sigles
(I-TI) Termini Imerese (Sicile), Biblioteca Comunale Liciniana (I-Tn) Turin, Biblioteca Nazionale Universitaria di Torino (I-Tr) Turin, Biblioteca Reale di Torino (I-Vas) Venise, Archivio di Stato di Venezia (I-Vgc) Venise, Biblioteca della Fondazione Giorgio Cini (I-Vmc) Venise, Biblioteca del Museo Correr (I-Vnm) Venise, Biblioteca Nazionale Marciana (PL-WRu) Wroclaw, Biblioteka Uniwersytecka (S-Skma) Stockholm, Kungliga Musikaliska Akademiens Biblioteket (US-SFsc) San Francisco, San Francisco State University
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1 Table des schémas explicatifs (arbres généalogiques, tableaux) Schéma 1 : Arbre généalogique de la famille D’India « noble palermitaine » de Naples Schéma 2 : Système solaire ducal de la cour de Turin Schéma 3 : Arbre généalogique de la famille Malaspina des Edifizi Schéma 4 : Arbre généalogique de Barbara Landi Barattieri Schéma 5 : Arbre généalogique de Ranuccio, Odoardo et Diofebo Farnese Schéma 6 : Arbre généalogique de Federico Rossi di San Secondo Schéma 7 : Arbre généalogique de l’archevêque Marco Sittico Altemps Schéma 8 : Arbre généalogique des trois princes germaniques Tableau 1 : Le livre des Musiche e Balli Tableau 2 : Le fonds Musica e musicicti des Archives d’État de Modène
33 58 92 105 116 130 163 173 73 232
1 Table des illustrations (blasons, cartes, iconographie, documents) Figure 1 : Blason de la famille India Figure 2 : Blason de la famille India de Vérone (reconstitution) Figure 3 : Topographie musicale de la cour de Turin Figure 4 : Carte de la ville de Turin au début du xviie siècle Figure 5 : Carte du territoire des Edifizi Figure 6 : Blason des Malaspina des Edifizi Figure 7 : Blason de Barbara Landi Barattieri Figure 8 : Carte des duchés de Savoie, Modène, Parme et Milan Figure 9 : Cartographie des déplacements de Sigismondo D’India Figure 10 : Frontispice du Premier livre des villanelles de 1608 de Sigismondo D’India (F-Pn) Figure 11 : Lettre inédite signée par Sigismondo D’India (I-MOs) Figure 12 : Préface du Premier livre des Musiche de 1609 de Sigismondo D’India (F-Pn) Figure 13 : Épître dédicatoire de la partie d’alto du Premier livre de madrigaux de 1606 de Sigismondo D’India (I-Mb) Figure 14 : Document d’archive inédit où apparaît Sigismondo D’India (ASBIT) Figure 15 : Baïoque frappé à Rome entre 1625 et 1626 sous le pontificat d’Urbain VIII à l’époque où Sigismondo D’India se trouvait à Rome (Musée national romain, Palazzo Massimo)
27 27 80 81 89 91 101 217 284 296 297 437 438 438 439
1 Tables des correspondances les correspondances signées par sigismondo d’india 1. Lettre du 3 février 1626 au prince Alphonse d’Este 2. Lettre du 9 février 1626 à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 3. Lettre du 19 juin 1626 au prince Alphonse d’Este 4. Lettre du 18 juillet 1626 au prince A&lphonse d’Este 5. Lettre du 22 juillet 1626 au prince Alphonse d’Este 6. Lettre du 2 novembre 1626 au prince Alphonse d’Este 7. Lettre du 6 janvier 1627 au prince Alphonse d’Este 8. Lettre du 26 août 1627 au marquis Enzo Bentivoglio 9. Lettre du 2 septembre 1627 au marquis Enzo Bentivoglio 10. Lettre du 29 janvier 1628 au prince Alphonse d’Este
299 299 301 301 302 303 303 305 305 308
les correspondances adressées à sigismondo d’india 1. Dépêche du 18 janvier 1626 du prince Alphonse d’Este 2. Lettre du 28 octobre 1626 sans signature
309 309
les correspondances où il est fait mention de sigismondo d’india 1. Lettre du 24 août 1609 du peintre Ludovico Carracci à Gioseffo Guidotti 310 2. Lettre non datée (c. 1610) de Girolamo Borsieri à Don Amédée de Savoie 311 3. Lettre du 23 septembre 1620 du cardinal Maurice de Savoie à l’ambassadeur Giovanni Giacomo Piscina 313 4. Lettre du 23 janvier 1621 du cardinal Maurice de Savoie à l’ambassadeur Giovanni Giacomo Piscina314 5. Lettre du 17 février 1621 de l’ambassadeur Giovanni Giacomo Piscina au Collège des Sages de Venise 315 316 6. Lettre du 28 octobre 1623 du prince Alphonse d’Este au comte Ludovico d’Agliè 317 7. Lettre du 4 novembre 1623 du comte Ludovico d’Agliè au prince Alphonse d’Este 8. Lettre du 18 février 1624 du prince Alphonse d’Este au comte Ludovico d’Agliè 317 318 9. Lettre du 1er mars 1624 de Ludovico d’Agliè au prince Alphonse d’Este 10. Lettre du 29 mars 1624 du prince Alphonse d’Este au comte Ludovico d’Agliè 319 11. Lettre de c. avril-mai 1624 du comte Ercole Rondinelli au comte Giovanni Battista Ronchi 319 12. Lettre du 18 janvier 1626 d’Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 320 13. Dépêche du 18 janvier 1626 du prince Alphonse d’Este au cardinal Maurice de Savoie 321 14. Lettre du 21 janvier 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio CarandiniFerrari322 15. Lettre du 28 janvier 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este322 16. Lettre du 3 février 1626 sans signature adressée au prince Alphonse d’Este 323
Tables des correspondances
17. Lettre du 4 février 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 324 18. Lettre du 4 février 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este324 19. Lettre du 7 février 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este325 20. Lettre du 11 février 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este325 21. Lettre du 15 février 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 325 22. Lettre du 22 février 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio CarandiniFerrari326 23. Lettre du 25 février 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este327 24. Lettre du 28 février 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este327 25. Lettre du 4 mars 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este 327 26. Lettre du 14 mars 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 328 27. Lettre du 25 mars 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este 328 28. Lettre du 28 mars 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 328 29. Lettre du 31 mars 1626 du cardinal Maurice de Savoie au prince Alphonse d’Este 329 30. Lettre du 4 avril 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este 329 31. Lettre du 10 avril 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 330 32. Lettre du 15 avril 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este 330 33. Lettre du 18 avril 1626 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este 331 34. Lettre du 22 avril 1626 du prince Alphonse d’Este à l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari 331 35. Lettre du 7 juillet 1626 du comte Fulvio Testi au duc Cesare d’Este 331 36. Lettre du 15 décembre 1626 du cardinal Maurice de Savoie au prince Alphonse d’Este 332 37. Lettre du 6 janvier 1627 de l’ambassadeur Fabio Carandini-Ferrari au prince Alphonse d’Este332 38. Lettre non datée (c. 1626-1627) du comte Ludovico d’Agliè à la princesse Marguerite de Savoie333 39. Lettre du 13 août 1627 d’Antonio Goretti au marquis Enzo Bentivoglio 334 40. Lettre du 28 août 1627 d’Alessandro Ghivizzani à la duchesse Marguerite Aldobrandini 335 41. Lettre du 9 août 1634 du comte Fulvio Testi au duc Francesco Ier d’Este de Modène 336
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1 Table des Préfaces Le premier livre de Musiche de 1609 Le troisième livre de Musiche de 1618 Le livre des Musiche e Balli de 1621
339 345 347
1 Table des Épîtres dédicatoires Le premier livre de madrigaux de 1606 Le premier livre des villanelles de 1608 Le premier livre des Musiche de 1609 Le premier livre de motets de 1610 Le deuxième livre de motets de 1610 Le deuxième livre de madrigaux de 1611 Le deuxième livre des villanelles de 1612 Le troisième livre de madrigaux de 1615 Le deuxième livre des Musiche de 1615 Le cinquième livre de madrigaux de 1616 Le troisième livre des Musiche de 1618 Le livre des Musiche e Balli de 1621 Le quatrième livre des Musiche de 1621 Le cinquième livre des Musiche de 1623 Le septième livre de madrigaux de 1624 Le huitième livre de madrigaux de 1624 Le troisième livre de motets de 1627
351 354 357 359 363 365 367 370 373 376 380 384 387 390 393 396 400
1 Index des noms propres Abbate, Vincenzo : 23, 25 Abbati, Girolamo : 202, 426 Abelli, Cesare : 223 Acton, Harold : 183 Adott, Miguel Hieronimo : 32, 33 Adriani, Giovanni Battista : 84, 85, 144, 245, 258, 265, 333 Aga, Yujiro : 11 Agazzari, Agostino : 166, 279 , 280, 371 Ago, Renata : 125, 128, 356 Agucchi, Giovanni Battista : 342, 530 Ahrendt, Rebekah : 18 Alaleone, Paolo : 279 Alazard, Florence : 16, 66, 97, 249, 287, 290, 291, 293, 306, 312, 352, 364, 374, 381, 398, 433, 435 Al-Baghdadi, Saniye : 49 Albani, Francesco : 144, 260 Alberti, Leon Battista : 183, 352, 447 Albini, Filippo : 29, 56, 77, 84, 141, 217, 218, 261, 263, 294, 394, 403, 420, 436 Albussi, Giovanni Giacomo : 148 Alcari, Cesare, 117 Aldobrandini, Giovanni Giorgio : 118, 119, 239, 267, 269, 270, 271, 306, 307, 325, 326, 435 Aldobrandini, Ippolito (cardinal) : 240, 274 Aldobrandini, Marguerite : 118, 123, 293 Aldobrandini, Pietro (cardinal) : 70, 123, 165, 166, 186, 251, 252, 271, 274, 307, 313, 335, 342, 344, 350 Alecco, Giovanni Battista : 224 Aleandro, Girolamo : 259 Alevi, Giuseppe : 111 Alexandre le Grand : 382 Alfonso dal Violino : 230, 233, 308 Algardi, Alessandro : 123 Alighieri, Dante : 87
Allain-Targé, Henri : 15 Allegra, Camillo : 417, 420 Allegri, Domenico : 343 Allegri, Gregorio : 166 Alonzo, Giuseppe : 51, 61, 375 Altemps, Gaudenzio : 164 Altemps, Giovanni Angelo (duc) : 64, 164-167, 171, 223 Altemps, Giovanni Angelo II : 164 Altemps, Jacopo Annibale II : 163, 170 Altemps, Marco Sittico (cardinal) : 143, 161-165 Altemps, Marco Sittico (prince-archevêque) : 18, 161-164, 167-171, 293, 370, 371, 417, 446, 460 Altemps, Marco Sittico II (fils du duc Altemps) : 164 Altemps, Pietro : 164 Altemps, Roberto : 161, 162, 164 Altemps, Sigismondo : 164 Altemps, Wolfgang : 163 Amadino, Vincenzo : 346, 441 Amoretti, Guido : 175 Amorth, Luigi : 299, 337, 429 Anderson, Edward Milton : 408 Andreini, Francesco : 173 Andreini, Giovanni Battista (dit Lelio) : 147 Andreini, Isabella : 173, 447 Andretta, Stefano : 125, 343, 378 Anerio, Felice : 165, 166, 223, 232, 252 Anerio, Giovanni Francesco : 164, 166, 223, 224, 232, 418 Angiolini, Franco : 49, 411 Anglois, Louis : 268 Anguissola, Alessandro : 40, 181 Anne de Danemark (Reine d’Angleterre) : 65 Annibaldi, Claudio : 116, 266, 267, 271, 274, 276, 277, 280
Index des noms propres
Annibali, P. Flaminio Maria : 124 Antegnati, Costanzo : 253 Antolini, Bianca Maria : 137, 276, 418 Antonelli, Abondio : 120 Arcari, Paola Maria : 181 Archilei, Antonio : 173, 344 Archilei, Vittoria (Vittoria Concarini, dit La Romanina) : 247, 248, 273, 340, 344, 436 Arconati, Carlo : 61 Ardemanio, Giulio Cesare : 148 Ardissino, Erminia : 147 Arioste, (L’) : 201, 203, 204, 205, 212, 408 Arisi, Ferdinando : 102 Arisi Riccardi, Raffaela : 102 Aristote : 72, 98, 145, 341, 378, 434 Aristoxène de Tarente : 94, 99 Armani, Giulio Cesare : 273 Armando, Gianfranco : 46 Arnaldi di Balme, Clelia : 395 Arnold, Denis : 154 Arnone, Guglielmo : 141, 148 Arrigone, Giovanni Pietro : 260 Artocchini, Carmen : 91, 98 Artusi, Giovanni Maria : 149, 152 Assandra, Caterina : 41 Assenza, Concetta : 56, 102, 111-113, 368, 444 Asseo, Henriette : 10 Aversano, Luca : 394 Aznar, Daniel : 183 Azzolino, Caterina : 31 Azzolino, Gian Bernardino : 31-33 Azzolino-D’india, Andrea : 32, 33 Azzolino-D’india, Caterina : 32-34 Azzolino-D’india, Elvira : 32-34 Baglione, Giovanni : 106, 270 Baldelli, Franca : 235, 429 Baldelli, Pietro : 94, 96, 97 Baldi, Stefano : 55, 224 Baldini, Giovanni Antonio : 46 Baldini, Vittorio : 198 Balsamo, Francesca : 157 Balsamo, Jean : 98, 112, 215, 341
Balsano, Maria Antonella : 53, 113, 307, 366, 408, 443, 444 Banchieri, Adriano : 106, 152, 153, 156, 221, 222, 228, 252, 259 Bandieri, Giovanni : 128 Bandini, Ottavio (cardinal) : 259 Barabazza, Andrea : 106 Barattieri, Agata : 90, 91 Barattieri, Antonio : 100 Barattieri, Bartolomeo : 90, 100 Barattieri, Camillo : 100, 102 Barattieri, Ercole I : 100, 105 Barattieri, Ercole II : 101, 105 Barattieri, Francesco (fils) : 100, 101, 105 Barattieri, Francesco (grand-père) : 90, 100, 190 Barattieri, Giovanni Battista : 92, 100-102, 105, 190, 368 Barattieri, Giovanni Pietro : 100 Barattieri, Ottavio : 100, 105 Barattieri, Paolo Emilio : 105 Barazzoni, Beatrice : 116, 117, 126 Barbarigo, Gregorio : 182 Barbarino, Bartolomeo : 119, 120 Barberini, Antonio (cardinal) : 253, 254, 262, 263 Barberini, Francesco (cardinal-neveu) : 122, 123, 130, 144, 253, 262, 264, 265, 267, 276, 333, 334, 389 Barberis, Walter : 8, 415 Barbiche, Bernard : 256 Barbieri, Francesco : 276 Bardi, Giovanni : 98, 151, 159 Bardon, Françoise : 85 Bariola, Ottavio : 148 Baroncini, Rodolfo : 202, 215, 288, 302 Barozzi, Nicolò : 25, 185 Bartoli Langeli, Attilio : 290 Basile, Adriana : 114, 267, 355 Bassani, Orazio (Orazio della Viola) : 120, 357, 359 Bassani Patch, Paola : 385
562
Index des noms propres
Bassano, Giovanni : 166 Basso, Alberto : 48, 50, 56, 59, 206, 334, 349, 375, 418, 441, 445 Bassompierre, François de : 63 Basteri, Maria Cristina : 128, 129, 130 Bastini, Pasquino : 312, 404 Battistini, Andrea : 93, 342 Bayard, Marc : 63 Bazzoli, Maurizio : 378 Belfanti, Carlo Marco : 352 Bellafiore, Giuseppe : 21 Bellante, Dionisio : 223 Belli, Giovanni Matteo : 75, 78, 218, 247, 267, 420-423 Belli d’Argenta, Girolamo : 119 Belucci, Camillo : 262 Bély, Lucien : 15, 16, 49, 57, 63, 84, 174, 181, 250, 374, 435 Bembo, Giovanni (doge de Venise) : 182 Bembo, Pietro : 112, 388, 348 Benamati, Guidubaldo : 97, 405, 436, 441, 462 Benassi, Umberto : 93, 121, 122, 406 Benigno, Francesco : 21 Bentivoglio, Enzo : 34, 118, 135, 136, 198, 199, 211, 248, 269, 271, 292, 293, 305, 306, 320, 326, 334, 435, 457, 460 Bentivoglio, Ferrante : 320 Bentivoglio, Guido (cardinal) : 122, 252, 253, 262, 305 Benzoni, Gino : 188 Berchet, Guglielmo : 25, 185 Berengo, Marino : 406 Berlingieri, Gaspare : 413-417 Bernardi, Antonio : 404 Bernardi, Marziano : 70 Bernini, Ferdinando : 131 Bert, Guglielmo : 404 Bertelli, Alberto : 221 Bertelot (Berthelot), Pierre : 51 Bertière, Simone : 175 Bertolotti, Antonino : 320 Berton, Thomas de : 84, 85
Bertrand, Gilles : 86, 171, 258 Besozzi, Leonida : 144, 145, 155 Besutti, Paola : 53, 126, 168, 170, 173, 444 Bevilacqua, Bonifazio (cardinal) : 125 Bez, Renzo : 66, 444 Biancani, Giuseppe : 94, 95, 97 Bianchi, Paola : 415 Bianciardi, Francesco : 104, 173, 451, 454 Bianconi, Lorenzo : 23, 35, 206, 306 Bidelli, Matteo : 230 Bigotti, Fabrizio : 166 Biondi, Albano : 123 Birt, Paolo : 199 Bisogno, Paolo : 69, 261, 320, 418 Bizzarini, Marco : 18, 141, 142, 143, 145-157, 166, 277, 402 Blainville, Jean de Warignies de : 62, 63 Bloch, Marc : 13, 17, 219 Boccaccio, Giovanni : 447 Bodin, Jean : 39 Boiteux, Martine : 123, 257, 260, 273-275 Bolduc, Benoît : 49, 352, 434 Bolognese, Sebastiano : 241, 426 Bologni, Paolo : 261 Bolzoni, Lina : 145 Bonardo de Perissone, Francesco : 388, 448 Bonardo Mangarda, Giovanni Antonio : 64, 448 Bonarelli, Alfonso : 35 Bonarelli, Guido : 35, 306, 448 Bonciani, Francesco : 98 Bonelli, Aurelio : 168, 169 Bonfiglio-Dosio, Giorgetta : 294 Bongiovanni, Carmela : 213 Boni, Simona : 220, 428 Bonino, Guido Davico : 108, 112, 200, 201, 203 Bontempo, Francesco : 404, 418, 420 Boorman, Stanley : 137 Bordier, René : 63 Borelo, Giovanni Battista : 238, 239, 304, 428 Borgarelli, Michele Antonio : 404
563
Index des noms propres
Borgato, Maria : 344 Borghese, Marco Antonio (prince de Sulmona) : 266 Borghese, Pietro Maria (cardinal San Giorgio) : 266, 276, Borghese, Scipione (cardinal) : 64, 104, 165, 167, 221, 227, 240, 262, 264, 265, 277, 331, 344 Borghesi, Bernardino : 148 Borghetti, Vincenzo : 480 Borginia, Carlo : 254 Borgo, Cesare : 141, 148 Borromeo, Carlo (saint) : 39, 98, 135, 143, 145, 153, 162, 163, 401 Borromeo, Federico (cardinal) : 18, 100, 124, 129, 133, 135, 138, 141-159, 162-164, 166, 169, 177, 211, 277, 293, 305, 401, 402, 444, 445, 461 Borromeo, Isabella : 129 Borromeo, Ortensia : 163 Borromeo, Renato : 129, 144 Borsier (Boursier), Pier Luigi : 413-415 Borsieri, Francesco : 55 Borsieri, Girolamo : 17, 53-55, 57, 58, 101, 102, 133, 141, 148, 149, 159, 167, 246, 293, 311, 452, 454 Borzelli, Angelo : 106, 253 Boschetti, Paolo (archevêque) : 207, 411 Bosco, Maria Grazia : 41 Bosio, Paolo : 234, 241, 304, 323, 428-430 Botero, Giovanni : 39, 48, 448 Boucheron, Patrick : 60, 290 Bouquet-Boyer, Marie-Thérèse : 7, 62, 72, 82, 349 Boutier, Jean : 19, 246, 256 Boyer, Ferdinand : 273 Bozzola, Sergio : 289 Bracciolini, Francesco : 133, 388, 448 Bragaccia, Gasparo : 378, 379 Brague, Rémi : 15, 264 Brancaccio, Giulio Cesare : 104 Branchi, Silvestro : 389 Branciforte, Girolamo (comte) : 23
Branciforte, Vincenzo : 23 Brantes (Léon d’Albert) : 63 Bratti, Ricciotti : 190, 313 Bravusi, Paolo : 224, 232, 309, 388 Brero, Thalia : 38 Brizzi, Gian Paolo : 94, 100 Brown, Howard Mayer : 110, 114, 247, 248, 312 Brueghel, Jan : 144 Brugnelli Biraghi, Giuliana : 59, 79 Brunetti, Antonio : 280 Bruno, Francesco : 23, 24 Bruno, Giordano : 112 Brusoni, Girolamo : 109 Bucciantini, Massimo : 145 Burckhardt, Jacob : 194 Burla, Umberto : 87, 91 Burney, Charles : 289, 407, 408, 436, 441, 462 Bury, Emmanuel : 71 Buselli, Franco : 90 Bussi, Francesco : 102, 110, 120, 121, 126 Bussi, Maria Ludovica : 100, 101, 110, 117, 121, 126 Butters, Suzanne B. : 8 Caccia, Guglielmo : 43 Cacciaglia, Luigi : 294 Caccianemici, Francesco Maria : 215, 216, 447 Caccini, Francesca : 204, 205, 273, 306, 344 Caccini, Giulio : 110, 151, 153, 154, 170, 204, 205, 226, 230, 247, 248, 273, 283, 306, 312, 340, 342, 344, 436, 452 Caccini, Settimia : 118, 119, 136, 273, 306, 307, 335, 336, 344, 435, 453 Caetani, Bonifazio (cardinal) : 344 Cafà, Valeria : 223 Caimo, Giuseppe : 148 Calabi, Donatella : 406 Calenne, Luca : 164 Calonaci, Stefano : 231 Calore, Marina : 35, 198, 222, 224 Calozzo, Comte de : 413, 414 Calvino Prina, Federica : 67, 350 Cambiano, Ottaviano : 265, 304
564
Index des noms propres
Campagnolo, Francesco : 170 Campori, Giuseppe : 375 Canale, Giacomo : 419 Canepari, Eleonora : 9, 220, 395, 433 Cannizares, Maria Tecla : 32, 33 Canizal, Baltazar : 32, 33 Canosa, Romano : 115 Canova, Francesco : 148 Canova-Green, Marie-Claude : 84 Capilupi, Geminiano : 224, 232 Cappelli, Adriano : 290 Capponi, Giovanni : 67, 448, 450 Caramel, Luciano : 53-55, 149 Carandini, Silvia : 279 Carandini-Ferrari, Fabio (ambassadeur) : 207-210, 239, 256, 265, 266, 293, 299, 300, 304, 309, 320-333, 424, 457-459, 463 Carapezza, Paolo Emilio : 22-24, 27, 30, 33, 36, 213, 284, 341, 358, 375, 383, 389, 391, 392, 443 Caravage, Le (Michelangelo Merisi) : 355, 452 Carcasola, Antonia Costanza : 157 Cardamone, Donna G. : 114, 247 Cardi, Agnolo : 68, 259 Caretta, Paola : 435 Carleton, Dudley : 182 Carlino, Giovanni Giacomo : 34 Carminati, Clizia : 216 Carracci, Agostino : 123 Carracci, Annibale : 102, 103, 122, 123, 310, 457 Carracci, Ludovico : 102-104, 106, 107, 113, 123, 293, 310, 361, 369, 433, 454, 457 Carrari, Vincenzo : 129 Carreras, Juan José : 14 Carrió-Invernizzi, Diana : 355 Carrozza, Giovanni Domenico : 24 Carter, Tim : 14, 34, 35, 118, 142, 153, 172, 336, 343, 371, 443 Casali, Lodovico : 173, 225, 231, 232, 234, 236, 240, 404, 430, 436, 441, 462 Casella, Laura : 435 Casoni, Guido : 447
Cassiani, Decio : 238, 239, 304, 427 Cassiani, Giulian : 203, 207, 211, 227, 308 Castaldi, Bellerofonte : 225, 227, 232, 336, 337 Castel, Lucio : 148 Castellamonte, Carlo di : 60 Castellaneta, Stella : 116 Castellano, Giacomo : 215, 216, 447 Castiglione, Valeriano : 40, 60, 61, 66, 69, 71, 79, 85, 255 Castro, Giovanni di : 200, 201, 220, 236, 301 Castronovo, Valerio : 348 Catherine d’Autriche : 41, 44 Cavaccio, Giovanni : 141 Cavalchino, Giovanni Matteo : 64, 67, 82, 314 Cavaleri (Cavalleri), Giovanni Battista : 404, 431 Cavalieri, Emilio de’ : 153, 252, 288 Cavanago, Lucio : 148 Cavicchioli, Sonia : 336, 337 Cazzati, Maurizio : 119 Celani, Enrico : 265 Celestini, Federico : 10, 177, 248, 250, 263, 264, 272, 283 Centini, Felice (cardinal d’Ascoli) : 278 Cercenasco, Violante Della Rovere di (dame piémontaise) : 77 Cerilli, Dante : 227 Cernusco, Cesare : 413-416, 419 Certeau, Michel de : 7 Cerutti, Simona : 11 Cesare, Giovanni Martino : 169 Cesarini, Alessandro (cardinal) : 274 Cesarini, Giuliano (duc) : 253 Cesarini, Virginio (poète et cameriere segreto) : 253 Cesi, Maria : 164 Chalais, comte de (Henri de TalleyrandPérigord) : 63 Chaney, Edward : 377 Chappell, Miles : 385 Charle, Christophe : 11, 12, 14 Charles II d’Autriche : 172, 391
565
Index des noms propres
Charles de Habsbourg (archiduc) : 18, 171, 172, 174-176, 178, 293, 390, 391, 446, 461 Charles II Stuart : 182 Charles Quint : 21, 22, 44, 116 Chartier, Roger : 8, 291 Chater, James : 248, 312, 343 Chauvard, Jean-François : 46, 49, 250 Chiabrera, Gabriello : 56, 147, 149, 226, 447, 450 Chiarelli, Alessandra : 198 Chiavazza, Claudio : 66, 444 Chillet, Clément : 385 Chittolini, Giorgio : 90, 100, 128 Chomel, Pierre Jean-Baptiste : 237 Christine de France : 17, 39, 41, 42, 46, 47, 49, 50, 57-62, 64, 67, 69, 71, 73-77, 79, 82, 83, 85, 113, 132, 192, 205, 206, 215, 245, 255, 269, 293, 347-349, 384-386, 404, 418, 419, 436, 448, 452 Ciaula, Mauro : 24 Ciampoli, Giovanni : 261, 279, 280 Ciancarelli, Roberto : 118 Ciaurella, Martino : 23 Cicéron : 143, 369 Cifra, Antonio : 119, 120, 166, 253 Cima, Giovanni Paolo : 140, 141, 148, 156, 173, 452 Cima, Tullio : 120, 126 Cipriani, Andrea : 28, 408 Ciurlia, Pier Paolo : 279 Clement VIII (Ippolito Aldobrandini) : 93, 118, 138, 169, 173, 335 Clement IX (Giulio Rospigliosi) : 267 Clementi, Filippo : 64, 65, 106, 270 Clementi, Giovanni Battista : 264 Climent i Barber, José : 356 Coardo, Nicolò : 416-420 Cocchi, Bartolomeo : 215 Cogotti, Marina : 165 Colleata, Isabella (Isabella di Cardè) : 75, 267, 403, 404 Collisani, Giuseppe : 24, 55, 98, 140, 154, 159, 161, 171, 173, 174, 184, 229, 230, 239, 242, 289, 401, 402, 405, 443, 444
Colombi, Alberto : 242 Colombi Agochino, Giovanni Battista : 241, 428 Colonna, Ambrogio : 138 Colonna, Ascanio (cardinal) : 164 Colonna, Carlo (comte) : 254 Colonna, Philippo (prince) : 106 Colonna, Marco Antonio (vice-roi) : 21 Comite, Orazio : 448 Comoli Mandracci, Vera : 70 Coneo, Ercole : 148 Confaloniera, Angela Flaminia : 157 Constant, Jean-Marie : 65, 125 Contarini, Pietro (ambassadeur) : 188 Conti, Evandro : 270, 325 Conticelli, Luigi : 265 Contino, Antonio : 28 Copernic, Nicolas : 95 Coppa, Secondo : 73, 74, 419 Coppini, Aquilino : 149, 152, 153, 404 Cordero di Pamparato, Stanislao : 55, 218, 288, 316-319, 334, 413, 415, 418, 442 Corna, Andrea : 102 Cornaglia, Paolo : 60, 61 Corradi, Flaminio : 226 Correggio, Il (Antonio Allegri) : 126 Corselli, Cosimo : 278 Corsi, Bernardo : 132 Corvi, Gabriello : 97 Coryat, Thomas : 48 Costantini, Alessandro : 227, 232 Costanzi, Balugoli : 310 Costanzo, Barbarino : 24 Cottone, Giovanni Pietro : 52 Couchman, Jonathan Paul : 162, 164-166 Court, Suzanne : 443 Courtanvaut, marquis de (Gilles de Souvré) : 63 Cowan, Alex : 11 Cozzi, Gaetano : 180 Cozzo, Paolo : 38, 44-46, 62, 200, 251, 272, 411 Crannell, Wayne T. : 343, 443 Crema, Elisabetta : 45
566
Index des noms propres
Cremona, Ernesto : 110, 111, 135, 136, 306 Cremonini, Claudia : 306 Cremonini, Cinzia : 142, 144-146, 175 Crivelli, Angelo (ou Arcangelo) : 138 Crivelli, Francesco : 177 Crivelli, Giovanni Battista (agent diplomatique) : 177 Crivelli, Giovanni Battista (musicien) : 120, 177 Croce, Benedetto : 17 Crum, Margaret : 183 Culpeper, Nicholas : 237 Cuneo, Cristina : 14, 43, 44, 49, 51, 60, 187, 375, 395 Curzon, Gerald : 185, 187, 377 Cutler, Lucy C. : 135, 144, 146, 177 D’agliè, Ludovico : 41, 55, 61, 68, 73, 76, 77, 82, 83, 112, 127, 149, 197, 218, 219, 236, 240, 245, 248, 249, 258, 265-268, 291, 293, 314, 316-320, 333-335, 349, 418, 421-423, 448450, 458, 460, 465 D’agliè, Philippe : 80, 82, 83 D’alessandro, Domenico Antonio : 30, 33, 34 D’aragon, Antonio (duc) : 30 D’aragon, Ferrante : 30 D’aragon y La Cerda, Maria : 30 D’aragon Moncada, Antonio : 30 D’arpino, Cavaliere (Giuseppe Cesari) : 245, 260, 270, 271 D’elbœuf, duc (Charles II de GuiseLorraine) : 62, 63 D’eredia, Luigi : 23 D’este, Alessandro (prince-cardinal) : 122, 172, 199, 227, 228, 230-233, 252, 253, 264, 266, 306, 308, 424, 429 D’este, Alphonse III : 19, 39, 61, 176, 185, 197-204, 206-214, 218, 220, 222, 225-236, 238-242, 247, 248, 255, 266, 269, 292, 293, 299-304, 308, 309, 316-333, 335, 336, 380, 381, 383, 398, 405, 407, 412, 424, 426, 427, 429, 436, 446, 450, 455, 456-459, 461, 464, 465 D’este, Alphonse IV : 337
D’este, Cesare (duc) : 35, 56, 130, 172, 197, 198, 200-202, 207, 211-214, 220, 222, 227, 232234, 236, 242, 245, 266, 270, 275, 292, 293, 299, 304, 305, 312, 320, 331, 333, 381, 425, 426, 430, 463, 465 D’este, Francesco Ier : 201, 204, 293, 299, 336, 337, 407, 441, 449, 460 D’este, Luigi : 266 D’este-Savoie, Isabelle : 19, 44, 51, 61, 65, 69, 76, 79, 197-208, 210, 212-214, 220, 224, 225, 231, 232, 234, 235, 293, 299, 300, 301, 303, 304, 309, 316, 329, 332, 336, 381, 396, 398, 399, 407, 411, 429, 447, 449, 450, 453, 456, 461, 462 D’india, Antonia : 31-33, 355 D’india, Carlo : 32-34 D’india, Giovanna (sœur clarisse) : 28, 29 D’india, Giovanna (fille de Carlo D’India) : 32, 33 D’india, Ippolita : 32, 33 D’india, Sigismondo : Premier livre de madrigaux (1606) : 22, 35, 52, 53, 119, 135, 137, 138, 141, 147, 168, 186, 216, 230, 351-353, 438, 442, 443, 445, 447, 451, 452, 454, 460, 466 Premier livre des villanelles (1608) : 22, 34, 52, 112, 147, 247, 296, 342, 354356, 368, 448, 451, 454, 460, 466, 444, 445, 448 Son si belle le rose : 147 Premier livre des Musiche (1609) : 22, 33, 52, 87, 102, 104, 115, 119, 125, 127, 137, 139, 140, 167, 178, 293, 339-343, 345, 346, 357-359, 394, 437, 442, 443, 445, 447, 452, 454, 466 Cara mia cetra andianne : 246, 339, 342 Che farai Meliseo ? : 104, 140 Da l’onde del mio pianto : 342 Donna vorrei dir molto : 246, 339, 342 E diceva piangendo : 342 Forse avverrà : 342 Forsennata gridava : 342 Là tra ‘ l sangue : 342
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Index des noms propres
Là tra le selve : 246, 339, 342 Ma che ? squallido e oscuro : 342 Misera, non credea : 342 Qual fiera si crudel : 104 Riede la primavera : 246, 339, 342 Sovente allor : 246, 339, 342 Vostro fui : 246, 339, 343 Premier livre de motets (1610) : 22, 52, 99, 103, 104, 155, 167, 175, 311, 359-362, 444, 446, 449, 452, 454, 460, 466 Beata es Virgo Maria : 104 Diligam te Domine : 104 O admirabile commercium : 104 Super flumina Babylonis : 104, 451 Deuxième livre de motets (1610) : 22, 52, 99, 104, 108, 155, 167, 171, 174, 178, 229, 363, 364, 391, 417, 446, 449, 452, 454, 460, 467 Pacem relinquo vobis : 173, 452 Et vidi alterum angelum : 173, 453 Deuxième livre de madrigaux (1611) : 87, 91, 92, 96-99, 365, 366, 389, 415, 443, 444, 446, 447, 452, 454, 460, 467 Sentiasi Eurillo : 98 Deuxième livre des villanelles (1612) : 22, 53, 87, 99, 111-114, 206, 367-369, 444, 446, 448, 452, 454, 455, 467 O de’ più fertili colli alma fenice (La Margherita) : 113 O del’Alpi alteri Numi (La Dora fiume) : 113 O gioia de’ mortali : 206 O reggia e bella schiera : 113 Troisième livre de madrigaux (1615) : 43, 161, 167, 168, 170, 171, 173, 370-372, 417, 443, 446, 447, 452, 455, 460, 467 Ombrose e care selve (Lamentation d’Ergasto) : 43 Deuxième livre des Musiche (1615) : 56, 58, 139, 224, 230, 288, 345, 346, 373-375, 394, 443, 447, 452, 455, 467 Quatrième livre de madrigaux (1616) : 115, 120, 125-127, 178, 343, 359, 443, 446, 447, 452, 455, 461
Cinquième livre de madrigaux (1616) : 18, 179, 180, 183, 184, 186, 187, 192, 376-379, 386, 443, 446, 447, 454, 455, 461, 468 Troisième livre des Musiche (1618) : 111, 137, 139, 212-214, 230, 242, 288, 293, 300, 345, 346, 380-383, 394, 443, 446, 447, 452, 455, 468 Arditi baci miei : 215 Com’è soave cosa : 214 E pur tu parti, ohimè : 215 Giunto alla tomba : 215 Lagrimate occhi miei (Amaranta) : 215 O bella destra : 215 Occhi convien morire : 215 Or che ‘ l ciel e la terra : 214 Scherniscimi, crudele ! : 214 Tutto il dì piango : 214 Voi che ascoltate : 214 Livre des Musiche e Balli (1621) : 13, 42, 64, 66, 68, 71, 72, 73, 76, 79, 82, 83, 86, 187, 191, 192, 226, 262, 288, 293, 314, 384-386, 394, 404, 444, 446, 450, 452, 454, 455, 461, 468 Aria francesa : 74, 262 Ballet des Brises : 74, 350 Ballet des Rois de la Chine : 42, 43, 73, 76, 79, 192, 347, 349, 394, 404 Ballet des Scythes : 42, 74, 76, 79, 80, 350, 394 Ecco autunno (branle) : 262 Ecco il sol ne vien fuori (Ballet pour la fête du cardinal) : 73, 76, 79 Fable d’Arion : 67, 68, 74, 350, 448, 450 La Chasse : 71, 73, 82, 314, 350, 394, 448, 450 Non più nell’orride (courante) : 71, 73 Quale amor mercede avrà (Ballet de Son Altesse) : 42, 73 Quatrième livre des Musiche (1621) : 127, 132, 133, 136, 187, 193, 226, 263, 288, 387-389, 394, 446, 448, 452, 455, 461, 468
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Index des noms propres
Che stringo ? Ah, dove sono ? (Lamentation d’Apollon) : 389 Che veggio, ohimè, che miro ? (Lamentation d’Orphée) : 389 Mentre che’l cor : 388 Odi quel rosignolo : 388 Piansi e cantai : 388 Quell’infedele : 388 Torna, dunque, deh, torna (Lettera amorosa) : 389 Tu mi lasci, o cruda, o bella : 223 Cinquième livre des Musiche (1623) : 136, 172, 175-177, 197, 205, 206, 226, 249, 263, 288, 307, 390-392, 394, 408, 443, 446, 448, 453, 455, 461, 469 Ancidetemi pur (Lamentation de Jason) : 176, 408 Infelice Didone (Lamentation de Didon) : 305-307, 392, 407-408, 435, 450, 453 Misera me ! (Lamentation d’Olympie) : 176, 205, 392, 408 O gioia de’ mortali : 206 Prologue de la vertu héroïque : 176, 206, 392 Questo dardo, quest’arco (épilogue de Diane) : 176, 392 Septième livre de madrigaux (1624) : 70, 247, 249, 276, 393-395, 422, 444, 447, 450, 453, 455, 456, 461, 469 Huitième livre de madrigaux (1624) : 136, 197, 212, 243, 247, 249, 276, 288, 300, 316, 333, 396-399, 443, 447, 450, 453, 456, 461, 469 Ecco Silvio : 197, 399, 450 Godea del sol i rai : 197, 399, 450 Lidia ti lasso : 197, 399, 450 Ma, se con la pietà : 197, 399, 450 Pallidetto mio sole : 197, 399, 450 Troisième livre de motets (1627) : 18, 141143, 149, 152, 154-156, 159, 177, 211, 235, 277, 305, 400, 402, 444, 447, 449, 453, 456, 461, 469 Ad te Domine levavi : 156 Angelus domini : 156
Assumpta est Maria : 156 Beati immaculati : 156 Circundederunt me : 156 Deus Deus meus : 156 Domine praevenisti : 156 Exaudi Deus : 156 Exaudi Domine vocem : 156, 279, 402 Gaude Maria : 156 Heu mihi Domine : 156 Hodie Christus natus est : 156 Sancta Maria : 156 Veni sponsa Christi : 156 « Canzonetta maritima » : 109, 406, 449 Sixième livre de madrigaux (perdu) : 447, 449, 452 Huitième livre des Musiche : 135, 136, 406 Il Sant’Eustachio : 267-269, 333, 334, 423, 436, 449, 450, 453, 456, 460, 463, 465 L’Amaranta : 42, 79, 215, 216, 448, 450 La Bonarella : 34, 35, 248, 305, 306, 435, 448, 449, 451, 454 La Catena d’Adone : 117-120, 208, 239, 267, 269-272, 306, 307, 325, 326, 435, 449, 450, 456 Lamentation d’Armide : 118, 135-137, 305, 306, 435, 450, 453 La Smeralda : 43, 448, 450 Le Accoglienze : 206, 450 L’Isola d’Alcina : 19, 197, 198, 200-206, 210, 212, 232, 292, 301, 302, 304, 332, 407, 436, 449, 450, 453, 456, 457, 459 Missa Domine clamavi ad te : 19, 207, 272, 275-280, 400, 402, 449, 450, 453, 456 Ruggiero liberato : 205, 206, 212, 448, 450 Zalizura : 224, 448, 449 D’india, Simon : 28, 408 D’india, Tommaso : 28 D’india, Vincenzo : 28, 408, 462 D’orazi, Francesco M. : 125 D’osuna, Pedro (vice-roi) : 30, 188, 189, 195 Da Gagliano, Marco : 117, 119, 120, 199, 230, 388, 451, 480
569
Index des noms propres
Dahms, Sibylle : 163 Dall’Acqua, Marzio : 115, 118, 121 Dallasta, Francesca : 115, 126, 132 Dal Pozzo, Cassiano : 144, 254 Da Mareto, Felice : 88, 124, 128 Da Molin, Giovanna : 29, 31, 32 Da Mosto, Andrea : 189 Da Reggio, Fattorin : 120 Da Sestola, Giovanni Battista : 83, 207, 222, 227, 234, 235, 242, 255, 320, 411, 429 Da Silva, Francesco : 404 Da Silva, Pietro : 404 Davis Hanson, Victor : 382 Data, Isabella : 141, 224 Dean, Alexander : 227 De Arcos, Onofrio : 23 De Angelis d’Ossat, Matilde : 165 Debray, Régis : 16 De Crescenzi Romani, Giovanni Pietro : 88, 91, 94, 100, 172, 412 De Dominicis, Claudio : 266 Defabiani, Vittorio : 67, 68 De Franceschi, Sylvio Hermann : 180 De Gennaro, Giuseppe : 421, 427 Degli Atti, Francesco : 447 Dekoninck, Ralph : 26 De La Marmora, comte : 83, 206 Del Fante, Alessandra : 100 Della Libera, Luca : 320 Dell’Arpa, Orazio (Michi) : 200, 262, 263, 283 Della Valle, Pietro : 254 Della Viola, Orazio (Orazio Bassani) : 120, 357, 359 Del Monte, Francesco Maria (cardinal) : 266, 274, 279, 344 De Lucca Valeria : 250, 395 Delumeau, Jean : 240, 322, 421 De Marchi, Rebecca : 48, 67, 70, 394 De Mattei, Rodolfo : 251, 254 De Monte, Philippe : 259 Dempsey, Charles : 106, 123, 144, 310 Denoyé Polione, Maria Bianca : 59, 79 Dentice, Fabrizio : 120, 357, 359
Denunzio, Antonio Ernesto : 355 De’ Paoli, Domenico : 288 De Rosa, Riccardo : 99, 100 Derossi, Honorato : 64 Descartes, René : 452 Deti, Giovanni Battista (cardinal) : 271 Deutsch, Catherine : 33 De Vivo, Filippo : 189, 190, 290 Devoti, Chiara : 67, 186 Di Castro, Giovanni : 200, 201, 220, 236, 301 Di Crollalanza, Giovanni Battista : 27, 90, 128, 162 Di Donato, Manuela : 162 Dietrichstein, Franz von (cardinal) : 169 Dillen, Guglielmo : 117 Di Lorenzo, Mariano : 24 Di Marzo, Gioacchino : 21, 26, 30 Discepoli, Girolamo : 186 Dixon, Graham : 279 Doglio, Maria Luisa : 37-41, 49, 51, 130, 185, 197, 200-202, 213, 226, 245, 258, 261, 266, 270, 275, 291, 301, 332, 337, 368, 374, 441 Dolata, David : 225, 226 Domenichelli, Mario : 309, 321 Domenichino, Il (Domenico Zampieri) : 123, 260 Donà, Mariangela : 137 Donati, Ignazio : 138 Donato, Giuseppe : 24 Donato, Leonardo (doge de Venise) : 182, 184 Donato, Maria Pia : 11 Doni, Giovanni Battista : 254 D’Onorio, Joël-Benoît : 125 Dosse, François : 9 Douvier, Catherine : 63 Dowland, John : 453 Downey, Charles T. : 63 Dragoniera de la Baron (GuillaumeFrançois Chabod) : 61 Drei, Giovanni : 115 Du Chesne, Joseph : 237 Dubost, Jean-François : 11, 66, 255, 435 Duchein, Michel : 181
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Index des noms propres
Dufour, Auguste : 349 Durand, Yves : 466 Durante, Ottavio : 312 Durosoir, Georgie : 63, 394 East, Michael : 183 Ebert-Schifferer, Sybille : 343 Eco, Umbero : 290 Edwards, Rebecca : 359 Einstein, Alfred : 23, 359, 442 Elias, Norbert : 13 Élisabeth Ière : 181 Élisabeth de France : 44 Emanuele, Marco : 63, 68, 69, 77, 82, 204, 271, 275, 349 Emmer, Peter C. : 36 Épaminondas : 214, 380, 382, 468 Erba, Achille : 415 Escal, Françoise : 291 Espagne, Michel : 10, 16, 78, 263, 436 Fabbri, Paolo : 110, 136, 174, 199, 220, 305, 352, 392, 405 Fabrici da Spoleto, Giuliano : 261 Fabris, Dinko : 34, 55, 110, 114, 118, 135, 136, 199, 211, 219, 227, 230, 239, 247, 248, 252, 263, 270, 271, 283, 288, 289, 291, 305, 308, 335, 337, 359, 391, 444 Fagiolo, Marcello : 22, 70 Fagiolo dell’Arco, Maurizio : 253, 275, 406 Failla, Maria Beatrice : 45 Falconieri, Andrea : 110, 119, 215 Fantoni, Marcello : 14, 68, 187, 287 Faraglia, Nunzio Federigo : 35 Farinel, François : 62 Farnese, Alessandro (duc) : 88, 96, 116, 129, 358 Farnese, Alessandro, « le jeune » (cardinal) : 116, 121, 122, 165, 215 Farnèse, Alexandre (prince) : 99, 107-109, 114116, 121, 404, 406, 430, 452, 454, 462, 464 Farnese, Bertoldo : 116 Farnese, Diofebo (abbé) : 18, 115, 116, 120, 123-127, 167, 178, 246, 293, 340, 343, 359, 446, 461
Farnèse, Édouard (duc) : 94, 115, 116, 120-122, 136, 211, 270, 335, 336, 378, 388, 389, 425 Farnese, Ersilia : 144 Farnese, Francesco (cardinal de Sainta Fiora) : 129 Farnese, Giovanni Paolo : 124 Farnese, Girolamo (cardinal) : 124 Farnèse, Marguerite : 116, 121 Farnèse, Marie : 110, 116, 144, 201, 407, 446 Farnese, Mario : 116, 123-125, 343 Farnese, Odoardo (prince-cardinal) : 18, 92, 115, 116, 120-126, 129, 130, 136, 144, 240, 253, 267, 274, 310, 344 Farnese, Ottavio : 116, 119, 144, 358, 359 Farnese, Pierluigi : 88, 100, 116, 120, 358 Farnèse, Pierre-Louis : 117 Farnese, Pietro : 119 Farnese, Ranuccio I (duc) : 18, 52, 87, 93, 94, 102, 107, 108, 110, 115-117, 119-124, 126, 131, 144, 178, 293, 335, 336, 357, 358, 389, 406, 407, 430, 445, 460, 464 Farnese, Ranuccio II (duc) : 116 Farnese di Latera, Bartolomeo : 116 Favalotti, Paolo : 241 Favier, Thierry : 8, 13, 177, 264 Fedehofer, Hellmut : 52, 166, 174 Fenlon, Iain : 186, 288 Ferdinand II (archiduc) : 18, 52, 88, 171-175, 178, 229, 233, 293, 363, 364, 371, 391, 446, 460 Ferdinand III (archiduc) : 173, 199 Fernandez del Hoyo, Manuel : 355 Ferrabosco, Alfonso : 52 Ferrabosco, Matthia : 52 Ferraguto, Mark : 18 Ferranti, Giovanni Francesco : 388, 448 Ferrari, Benedetto : 227, 232, 259, 303 Ferrari Barassi, Elena : 163, 169, 170 Ferrazi, Giovanni Battista : 241, 304, 426 Ferrero-Ponziglione, Giovanni Secondo (secrétaire du cardinal de Savoie) : 265 Ferretti, Giuliano : 37-39, 50, 57, 59, 348 Ferroni, Giulio : 249
571
Index des noms propres
Ferrotti, Angelo : 264, 304 Fiaschini, Fabrizio : 147 Figeac, Michel : 389 Fiorentini, Ersilio Fausto : 102 Fiori, Giorgio : 88, 90-94, 101 Fiorini, Ippolito : 227, 232 Flaccomio, Giovan Pietro : 24 Flandrin, Philippe : 425 Flavio, Torquato : 228, 232 Foa, Salvatore : 46, 47, 62 Fogliano, Lodovico : 225, 232 Fontana Morello, Giovanni Stefano : 404 Fontanelli, Alfonso : 342, 343, 480 Fontanelli, Giuseppe (Chevalier de San Giacomo et cameriero segreto du pape) : 228 Formica, Antonio : 24 Fortune, Nigel : 22, 23, 25, 218, 219, 223, 343, 442 Fosi, Irene : 122, 275 Foti, Rita Loredana : 25, 31 Fragnano, Il (chanteur) : 303 Franchi, Saverio : 106, 247, 250, 253, 259, 267, 268, 271, 279, 423 François Ier : 44 Francini, Thomas de : 63 Frescobaldi, Girolamo : 166, 228, 233, 242, 252, 259, 266, 271, 343, 451 Frey, Herman-Walther : 265 Frigo, Daniela : 15, 128, 178, 181, 187, 213, 337, 379, 413 Froberger, Johann Jakob : 452 Fucci, Francesco Maria : 269 Fulco, Giorgio : 385 Fumagalli, Elena : 383 Fumaroli, Marc : 258, 271, 341 Gabrieli, Andrea : 111, 152, 229 Gabrieli, Giovanni : 229, 452 Gabussi, Giulio Cesare : 141, 152 Gal, Stéphane : 37-41, 43-46, 48-51, 55-57, 64, 84, 85, 181, 182, 186, 213, 214, 368, 374 Galbiati, Giovanni : 161-163, 166-168 Galdieri, Eugenio : 116 Galien, Claude : 237 Galilei, Galileo : 95, 99, 144, 164
Galilei, Vincenzo : 94, 95, 99, 151, 451 Gallico, Claudio : 110, 116, 117, 119, 174, 220 Gallo, Vincenzo : 23, 24 Gambassi, Osvaldo : 221 Gamrath, Helge : 121, 123 Garavaglia, Andrea : 56, 64, 136, 193, 219, 307, 343, 381, 392, 408, 444 Gardano, Angelo : 276, 359, 361, 363-368, 370, 371, 441, 445, 446 Garin Eugenio : 150 Garden, Greer : 65 Gargiulo, Piero : 292, 342 Garnero, Stéphane : 48, 67, 70, 394 Gasca Queirazza, Giuliano : 64 Gastoldi, Gian Giacomo : 141, 199, 229 Gatti, Alessandro : 223 Gatti, Fortunato : 126 Gatti, Gervasio : 131 Gaudemet, Jean : 269 Gellius, Aulus : 382 Genette, Gérard : 290 291, 433, 434 Genta, Eduardo : 25, 31 Gentile, Guido : 60 Gentile Panfili, Pietro : 124 Georis, Christophe : 152, 288 Gerbin, Michel : 62, 132 Gessi, Francesco : 260 Gesualdo, Carlo : 33, 34, 55, 95, 111, 112, 153, 451-453, 480 Getto, Giovanni : 110, 200, 202-204 Getz, Christine : 147, 156 Gherardi, Cesare (cardinal) : 240 Ghiglione, Elda : 50, 54, 311 Ghivizzani, Alessandro : 118, 119, 293, 306, 335, 460 Ghizzolo, Giovanni : 140, 252 Giacobbi, Girolamo : 173, 221, 222, 242 Giambonini, Francesco : 270 Giampaoli, Stefano : 89 Gianazzo di Pamparato, Vittorio Emanuele : 441 Gianturco, Carolyn : 141, 307, 342, 429 Giarrizzo, Giuseppe : 21
572
Index des noms propres
Gigli, Giacinto : 239, 245, 254 Giglio, Tommaso : 24 Ginnasi, Domenico (cardinal) : 240 Giovanetti, Marcello : 259 Giovannelli, Ruggero : 152, 230, 252, 276 Girano, Pietro Antonio : 336, 337, 441 Giron-Panel, Caroline : 14, 272 Giuffredi, Maurizio : 102, 126 Giuliani, Marco : 52 Giuliani, Mario : 107 Giuliani, Marzia : 142-147, 155, 158, 401 Giuriolo, Elisabetta : 411 Giustiniani, Benedetto (cardinal) : 103, 311 Giustiniani, Vincenzo (marquis) : 103, 311 Gmeinwieser, Siegfried : 126 Goffman, Erving : 7 Gomez de Silva y Mendoza, Ruy (duc de Pastrana) : Gondy, Philippe-Emmanuel de : 260 Gonzaga, Eleonora : 172 Gonzaga, Ferdinando (prince-cardinal) : 93, 166 Gonzaga, Francesco (prince) : 44, 53, 55, 61, 71, 93, 172, 173, 199, 333 Gonzaga, Marguerite : 53, 103, 311 Gonzaga, Vincenzo : 34, 35, 53, 114, 168, 172, 173, 216, 293, 352, 378, 445, 452, 460 Gonzaga, Vincenzo II : 173 Goretti, Antonio : 118, 219, 293, 334, 335, 460 Goselli (prêtre et copiste modénais) : 202, 301, 302 Goulet, Anne-Madeleine : 11, 12, 250, 294 Gozzadini, Marcantonio (cardinal) : 240 Gramont, Scipion de : 63 Granata, Belinda : 343 Grandi, Alessandro : 405, 441 Grandi, Giovanni Pietro : 102 Grandi, Ottavio Maria : 228, 233, 242, 303 Grandi, Pietro Girolamo : 102 Grandis De, Vincenzo : 277 Grappuccioli, Ferdinando : 277 Grassi, Gian Guido : 270 Grassi, Paola : 245
Grassi, Pasquino : 170 Grassi, Santino : 110 Graziani, Françoise : 385 Greci, Roberto : 128, 131 Grégoire XIII (Ugo Boncompagni) : 106, 162 Grégoire XIV (Niccolo Sfondrati) : 122 Grégoire XV (Alessandro Ludovisi) : 118, 119, 124, 175, 245, 266, 273, 307, 315 Griffiths, John : 312 Grillo, Angelo : 147, 342, 448 Grippaudo, Ilaria : 24, 25, 30 Grisanti Isabella : 229 Griselle, Eugène : 84, 85 Griseri, Andreina : 48, 60, 83, 254 Groote, Inga Mai : 221, 252, 279 Guagnini, Guido : 89, 91 Guaiatoli, Francesco Maria : 173, 228, 233 Gualterotti, Raffaele : 164, 447 Gualtieri, Alessandro : 169 Guardalabeni, Antonino : 28, 408 Guardiani, Francesco : 271 Guarini, Alessandro : 35, 252, 291, 448 Guarini, Battista : 34, 35, 43, 56, 98, 148, 149, 199, 214-216, 223, 252, 291, 352, 447, 448, 451 Guarino, Andrea : 28 Guarnaschelli, Giovanni Battista : 102 Guazzelli, Giovanni Battista : 229, 233 Guazzi, Eleuterio : 119, 120 Guazzo, Stefano : 341 Gubbiotti, Chiara : 306 Guédron, Pierre : 63 Guenzati, Biagio : 143, 401 Guercia, Bartolomeo : 404 Guercino, Il (Giovanni Francesco Barbieri) : 260 Guerrero, Francisco : 166 Guerzoni, Guido : 12, 186, 272, 330, 395 Guglielminetti, Marziano : 41, 106, 148, 375 Guichenon, Samuel : 62-64, 83, 348 Guidetti, Camillo : 310 Guidetti, Francesco : 310 Guidetti, Giovanni Domenico : 106, 310
573
Index des noms propres
Guidotti, Gioseffo : 102, 106, 310, 361, 457 Guidotti, Gioseffo Felice : 106, 310 Guidotti, Lorenzo : 106 Guidotti, Paolo : 107 Gussoni, Vincenzo : 181-186 Haan, Bertrand : 15, 250 Hache, Pierre : 62, 132 Halyatte (Alliatès, roi de Lydie) : 382 Hammond, Frederick : 165, 251, 252, 254, 263, 264, 266, 269, 271, 275, 276, 277, 344 Hampton, Timothy : 15, 179 Hanlon, Gregory : 8 Hanotin, Guillaume : 183, 187 Hartmann, Arnold : 219, 442 Hartog, François : 9 Haskell, Francis : 276 Haupt, Heinz-Gerhard : 16 Hazareesingh, Sudhir : 16 Heinich, Nathalie : 13 Hellsberg, Clemens : 168 Helvétius, Claude-Adrien : 237 Henri II de Bourbon-Condé : 49, 50, 162, 273 Henri II de Lorraine (duc) : 53 Henri IV : 46, 187, 348, 452 Hermant, Héloïse : 188 Hérodote : 382 Hersant, Yves : 434 Hersche, Peter : 391 Hill, John Walter : 35, 114, 204, 247, 248, 263, 306, 312, 343 Hill, Robert : 181-183, 377 Hintermaier, Ernst : 169, 170 Hippocrate : 237 Homère : 382 Houtman-De Smedt, Helma : 294 Hudson, Richard : 226 Hugon, Alain : 188 Humières, marquis de (Louis de Crevant) : 63 Il Secchione, Giovanni Battista : 148 Il Verso, Antonio : 23, 112 India, Bernardino : 27 India, Fabio : 27
India, Francesco : 27 Infelise, Mario : 240 Ingegneri, Marc’Antonio : 119 Iogna-Prat, Dominique : 14, 183, 267, 272, 379 Isgrò, Giovanni : 26 Iucci, Stefano : 434 Jacques Ier Stuart (roi) : 179, 181, 182 Jander, Owen : 222 Jarrard, Alice : 49 Jez, Tomaz : 481 Jodogne, Pierre : 294 Jones, Pamela : 143-146, 401 Josquin Desprez : 166 Joyce, John : 23, 56, 127, 132, 140, 172, 176, 213, 218, 219, 239, 342, 343, 358, 359, 375, 383, 389, 392, 443 Joyeux, Béatrice : 10, 11, 14, 77, 78, 436 Jules II, (Giuliano della Rovere) : 88, 421 Kaelble, Hartmut : 78 Kägler, Britta : 412 Kapsberger, Giovanni Girolamo : 226, 254, 279, 280, 480 Kasper, Andreas : 177, 412 Keblusek, Marika : 58, 133, 180, 181, 194, 313 Keene, Derek : 182 Kendrick, Robert L. : 142, 146, 157, 150-152, 154-159, 278, 402, 444, 445 Kepler, Johannes : 93-95, 99 Kettering, Sharon : 15, 62, 179, 180, 466 Kirkendale, Warren : 170, 288, 307, 344 Klotz, Sebastian : 445 Kocka, Jürgen : 16 Kolk, Caroline zum : 10 Labrot, Gérard : 273 Lacroix, Paul : 63 Ladislas IV (prince de Pologne) : 205 La Morsia, Cornelio : 24 Lamla, Michael : 154 Lamotta, Martino : 165 Lancellotti, Vittorio : 274 Landi, Alessandro : 101 Landi, Caterina : 105
574
Index des noms propres
Landi, Costanza : 105 Landi, Eleonora : 105 Landi, Federico : 101 Landi, Geronima : 105 Landi, Giasone : 105 Landi, Stefano (musicien) : 251, 253, 269 Landi Barattieri, Barbara : 18, 99-105, 107, 11, 113, 114, 190, 293, 310, 311, 361, 362, 367369, 409, 435, 446, 454, 460 Landi di Rivalta, Giasone (grand-père) : 105 Landi di Rivalta, Ottaviano (arrière-grandpère) : 101, 105 Landi di Rivalta, Ottaviano (père) : 105, 107, 368 Landini, Silvestro : 26 Lanfranco, Giovanni : 124 Lappi, Pietro : 169 La Pulsella, Filippa : 28, 408 La Rocca, Luigi : 45 La Rochefoucauld, comte de (François V) : 62, 63 La Rochefoucauld, François de (cardinal) : 62 Larragan, Juan de : 50 Lassus, Roland de : 153, 166, 288, 401 Laudo, Vittorio : 24 La Via, Stefano : 98, 99 Lax, Éva : 288 Lazzaro del violino : 209, 210, 232, 301, 457 Lazzarini (ou Lasserini), Gregorio : 265 Lebet, Claude : 122, 273, 274, 276 Lecchini, Roberto : 299, 407 Lecomte, Nathalie : 78, 79 Le Goff, Jacques : 13, 219, 284 Le Gall, Jean-Marie : 8 Lembo, Alberto : 411 Lengueglia, Giovanni Agostino della : 30 Leni, Giovanni Battista (cardinal) : 227, 232, 278 Lenoir, Rémi : 287 Lenzo, Fulvio : 15 Léon XI (Alessandro Ottaviano de Médicis) : 53
Leoni, Giovanni Battista : 215, 447 Leoni, Leon : 138 Léopold V (évêque) : 172, 391 Leopold, Silke : 269 Less, Maurizio : 66, 444 Leuchtmann, Horst : 288 Levergeois, Bertrand : 112 Lévy-Dumoulin, Olivier : 16 Lewis Hammond, Susan : 445 Liancourt, Roger du Plessis : 62, 63 Liberati, Giovanni Antonio : 267 Ligresti, Domenico : 30, 35 Licco, Gaspare : 21 Lilti, Antoine : 11 Limido, Stefano : 141, 148 Lind, Gunner : 466 Lindell, Robert : 168 Lionnet, Jean : 263 Litta, Pompeo : 91, 92, 130, 162, 163 Logorio, Pirro : 274 Lollini, Fabrizio : 128 Lomazzo, Filippo : 137-142, 213, 293, 339, 341, 345, 346, 357, 358, 380, 381, 433, 445, 446, 455, 461 Lomazzo, Giovanni Paolo : 43, 139 Lombardo, Girolamo : 24 Lope de Vega, Félix : 200 Lopez y Palomino, Pedro : 32 Lora, Francesco : 231 Lorenzetti, Stefano : 12, 15, 49, 65, 68, 70, 97, 185, 186, 249, 250, 258, 262, 291, 356, 364, 399, 434 Louis XII : 88 Louis XIII : 46, 56, 59, 60, 62, 63, 65, 79, 84, 85, 175, 293, 348, 385, 453 Louis XIV : 79, 391 Lowe, Michael : 148 Loyola, Ignacio de : 26 Lucchi, Marta : 224, 242 Lucino, Francesco : 141 Ludovisi, Ippolita : 307 Ludovisi, Ludovico (cardinal-neveu) : 165, 251, 265
575
Index des noms propres
Ludovisi, Orazio (duc de Fiano) : 118, 119, 307, 331, 435 Luppin, Alessandro : 129 Lusitano, Vicente : 399 Lutz, Georg : 174, 177 Luynes, duc de (Charles d’Albert de, Connétable de France) : 62, 63, 84 Luzzaschi, Luzzasco : 147, 151, 228, 233, 252 Maccavino, Niccolò : 22, 112, 368, 443 MacClintock, Carol : 170 Machiavel, Nicolas de : 38, 39, 71, 382 Macque, Jean de : 33, 451, 452 Madonna, Maria Luisa : 22 Madruzzo, Carlo Gaudenzio (cardinal) : 240, 186 Madruzzo, Margherita : 164 Magalotti, Lorenzo (cardinal et secrétaire d’État d’Urbain VIII) : 262 Magini, Alessandro : 205 Magnani, Lauro : 68 Maggi, Giovanni Battista : 102 Maggi, Stefano : 77 Magni, Bartolomeo : 161, 221, 370, 371, 446 Mahiet, Damien : 18 Maida, Giovanni : 26 Malagodi, Franco : 224, 225, 227-229, 303 Malaguzzi, Francesco : 70, 205, 206 Malaspina, Alessandro : 87 Malaspina, Antonio I (di Mulazzo) : 90, 92 Malaspina, Antonio II (di Mulazzo) : 90-92 Malaspina, Azzo (di Mulazzo) : 90 Malaspina, Corrado : 89, 92 Malaspina, Francesco : 90, 91 Malaspina, Gaspare Vincenzo : 91, 92 Malaspina, Ghisello I (di Mulazzo) : 90, 92 Malaspina, Ghisello II : 91, 92 Malaspina, Obizinio : 90 Malaspina, Pietro : 90-92 Malaspina, Pier Francesco (marquis) : 18, 87, 88, 91-99, 101, 105, 121, 177, 293, 365, 366, 389, 446, 460 Malaspina, Vincenzo : 105
Malaspina, Virginia : 91, 101, 105 Malato, Enrico : 294 Malvasia, Carlo Cesare : 103, 123, 311, 361, 433, 457 Malvezzi, Virgilio : 259 Mancini, Alberto N. : 110 Mancini, Paolo : 252, 253 Mancuso, Barbara : 31 Manelli, Francesco : 110 Manfredi, Marco : 90 Manfredino, Orazio : 241, 428 Mann, Brian : 263, 283, 482 Mansour, Opher : 115, 122 Mantia, Salvatore : 28 Manzanedo De Quiñones, Alfonso : 124 Maragoni, Gian Piero : 40 Marani, Pietro C. : 146 Maravall, José Antonio : 26, 70 Maraventano, Anna : 391 Marcella, Maria : 31, 32 Marcora, Carlo : 142, 151, 157 Marcucci, Laura : 165, 265 Marenzio, Luca : 111, 152, 259, 451 Maresca Compagna, Adelaide : 162, 164 Marguerite d’Autriche (Marguerite de Parme) : 116 Marguerite de France : 44 Mariani, Giovanni Antonio : 100, 101 Mariani, Nicolò : 125 Marie Anne d’Autriche : 173 Marie Anne de Bavière : 173 Marie de Bourbon-Soissons : 50 Marie du Portugal : 116 Marie-Madeleine d’Autriche (grande duchesse de Toscane) : 114, 204, 344 Marin, Brigitte : 246, 256 Marini, Claude : 59, 85, 403 Marini, Giuliano : 273 Marino, Giambattista : 40, 51, 55, 56, 61, 98, 106, 112, 148, 197, 214, 219, 223, 246, 251253, 258, 259, 270, 271, 307, 325, 342, 385, 386, 389, 447-449, 451, 452
576
Index des noms propres
Marisio, Prospero (ou Morisio) : 404, 267 Markovits, Rahul : 7 Marotta, Cesare : 312, 343 Marotta, Erasmo : 24 Marsolo, Pietro Maria : 35, 110 Martinez Torron, Diego : 188 Martin, John Jeffries : 188 Martini, Alessandro : 142, 342 Martini, Angelo : 421 Martini, Giuseppe : 115, 117, 126 Martinoni, Renato : 109, 111 Martinori, Edoardo : 317, 414, 421, 425, 426 Martinotti, Sergio : 62 Martoretta, Giandomenico : 23 Marubini, Lorenzo : 279 Mascardi, Agostino : 68, 252, 253, 258, 259, 265, 275, 334 Masini, Roberta : 209, 421 Masoero, Mariarosa : 82, 84, 291, 444 Massabò Ricci, Isabella : 60 Massaino, Tiburzio : 102 Massenzio, Domenico : 343 Matteacci, Pietro : 168 Mattia de Habsbourg (empereur) : 173 Mattingly, Garrett : 15, 179 May, Niels F. : 183 Maximilien De Bavière (prince-électeur) : 18, 53, 171-174, 176, 177, 289, 412, 453, 457, 462, 465 Maximilien II (duc) : 93 Maylender, Michele : 221, 222, 252 Mazarin, Jules : 175 Mazenta, Giovanni Ambrogio : 144 Mazzei, Rita : 31, 287, 300 Mazzocchi, Domenico : 117-120, 208, 259, 270, 271, 307, 450 Mazzocchi, Virgilio : 267, 268, 334 Mcgowan, Margaret : 63-65, 67, 71, 79, 83 Mciver, Katherine : 93, 94, 128 Médicis, Chiara de : 163 Médicis, Cosme II de (grand duc de Toscane) : 144, 215, 344, 451
Médicis, Ferdinand I de (grand duc de Toscane) : 344 Médicis, Maguerite de : 116, 119, 122, 136, 211, 336, 388, 425 Médicis, Marie de : 46, 50, 59, 62, 66, 172, 293, 342, 347, 348, 384-386, 446, 454, 461 Medico, Roberto : 70, 394 Medina, Juan de : 30 Melani, Igor : 415 Meli, Patrizia : 90 Melli, Pietro Paolo : 229, 233, 303 Ménager, Daniel : 378, 379 Mendola, Giovanni : 33 Ménestrier, Claude-François : 56, 67, 69, 79, 83 Mensi, Luigi : 101-102 Merlin, Pierpaolo : 38-40, 44, 46, 59, 213, 383, 413 Merlotti, Andrea : 46, 49, 250, 348 Merolla, Riccardo : 220, 252, 394 Mérot, Alain : 8, 194 Merulo, Claudio (Claudio da Correggio) : 120, 357, 359 Meyer, Frédéric : 46, 314 Micheli, Romano : 152, 154, 423 Michels, Ulrich : 443 Miller, Beth : 137 Miller, Roark : 192 Milza, Pierre : 172 Miniscalchi, Guglielmo : 169, 171 Minonzio, Franco : 222 Minucci, Francesco Luigi : 258, 265 Mioli, Piero : 140, 198, 221 Mirabella, Vincenzo : 24 Mischiati, Oscar : 21, 102, 169, 289, 292, 310, 409 Mochi, Francesco : 126 Moffa, Rosy : 54, 444 Molardo, Lorenzo : 263, 404 Molinaro, Simone : 147 Molza, Camillo : 130, 258, 265 Molza, Francesco : 198
577
Index des noms propres
Molza, Giovanni Battista : 198 Mombello, Gianni : 51 Mompellio, Federico : 23, 55, 138, 149, 154, 197, 201, 208, 210, 211, 218, 236, 239, 240, 248, 288, 289, 299-301, 303, 308, 316-319, 324, 335, 352, 358, 394, 412, 413, 426, 442, 443 Monaldini, Sergio : 135 Moncada, Cesare : 30 Moncada, Francesco Ier : 30 Moncada, Francesco II : 30 Mongardino, Giovanni Andrea : 426 Mongitore, Antonino : 24 Monod, Pierre : 41 Montalto, cardinal de (Alessandro Peretti) : 64, 114, 122, 165, 248, 262, 276, 278, 312, 343, 344 Montella, Giovanni Domenico : 480 Monteverdi, Claudio : 57, 110, 117, 149, 152, 153, 170, 174, 193, 199, 212, 220, 222, 225227, 229, 230, 232, 233, 282, 293, 288, 336, 352, 405, 442, 451-453, 480 Monteverdi, Giulio Cesare : 53, 199 Morales, Cristobal de : 166 Morando, Bernardo : 99, 107-111, 114, 135-137, 306, 404, 406, 436, 449, 450, 454, 462 Morel, Horace : 63 Morelli, Arnaldo : 7, 12, 14, 51, 263, 264, 270, 276, 277, 283, 307, 313, 319, 337 Moreno, Paola : 294 Moresini, Marco Antonio : 47, 48, 57 Moretti, Maria Rosa : 90, 147 Mori, Elisabetta : 274 Mori, Lodovico : 427 Morigia, Paolo : 129, 141, 147, 148 Moroni, Gaetano : 124, 411, 427 Morpurgo Tagliabue, Guido : 341 Mörschel, Tobias : 251, 316 Morucci, Valerio : 252 Moscovici, Serge : 12 Mossetti, Cristina : 70, 71, 394 Motta, Giovanna : 148 Mouchel, Christian : 158 Mourey, Marie-Thérèse : 68, 71
Muntoni, Francesco : 421 Murata, Margaret : 349 Musi, Aurelio : 8 Muto, Giovanni : 312, 413, 415 Myers, Anne M. : 183 Naldini, Santi : 277 Nanino, Giovanni Bernardino : 166, 232, 312 Nanino, Giovanni Maria : 152, 166 Nantermi, Orazio : 141 Napoli, Gennaro : 70, 394 Nappi, Eduardo : 355 Nasalli Rocca, Emilio : 88-90, 92, 93, 100, 101, 108, 109, 122, 128, 131 Navarra, Girolamo : 276 Navarre, Jean-Philippe : 288, 289, 292 Navarrini, Roberto : 435 Nemours, Henri, duc de (Henri de Savoie) : 44, 50, 56, 61, 66, 85 Nenna, Pomponio : 166, 230, 259 Néri, Philippe : 143, 150, 151, 162 Nestola, Barbara : 173 Nevers-Mantoue, Eleonora de : 173 Newcomb, Antony : 220 Niccoli, Maria Paola : 413 Nicelli, Alessandro : 102, 409 Nicelli, Giulia : 91 Nicolai, Fausto : 144, 162, 164 Nicolini, Fausto : 106, 253 Nijenhuis, Andreas : 45 Nironi, Elena : 88, 92 Niwa, Seishiro : 358, 359 Nordera, Marina : 348 Nori, Gabriele : 128, 388 O’regan, Noel : 264 Oberli, Matthias : 269, 395 Olivero, Eugenio : 70 Olivi, Sempliciano : 111 Olliet, Giovanni : 404 Olson, Greta : 355 Ongaro, Antonio : 352, 447 Ori, Anna Maria : 28 Oristagno, Giulio : 24 Orlandi, Bernardo : 54
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Index des noms propres
Orlandi, Camillo : 168, 170 Orlandi, Pellegrino Antonio : 106, 221 Orsini, Alessandro (cardinal) : 274 Orsini, Cornelia : 161, 164 Orsini, Fulvio : 123 Orsini, Giovanni Antonio : 93 Orsini, Paolo Giordano : 123, 274 Orsini, Virginio (cardinal) : 274 Orsini, Virginio (duc de Bracciano) : 35, 64, 93, 131, 161, 164, 215, 252, 273, 274, 344 Ory, Pascal : 16 Osborne, Toby : 47, 84 Otaola Gonzalez, Paola : 33 Ottoboni, Pietro : 137 Ovide : 382 Pace, Pietro : 168, 169 Padoan, Maurizio : 98, 117, 126, 158, 177, 221, 225 Paganino, Giacinto : 238, 304, 428 Pagliughi, Paolo : 142, 145, 401 Palazzotto Tagliavia, Giuseppe : 22 Palestrina, Pierluigi da : 151, 153, 154, 156, 166, 223, 232, 252, 401, 402 Palisca, Claude : 98 Palizzolo Gravina, Vincenzo : 26, 27 Pallavicini, Alessandro : 96, 389 Pallavicini, Carlo Emanuele : 265 Pallavicino, Benedetto : 173, 230 Palmas, Clara : 70 Palontrotti, Melchior : 312 Pampalone, Antonella : 125, 164 Pamphilj, Benedetto : 137 Panizon, Piero : 162-164 Pannella, Liliana : 355 Paoli, Orazio : 47, 186 Paoli, Pier Francesco : 259 Paré, Ambroise : 238 Pari, Claudio : 23 Parisone (constructeur de clavecins) : 151 Passadore, Francesco : 137, 138 Passamonti, Eugenio : 47, 181, 182 Passerin d’Entrèves, Pietro : 83 Patin, Guy : 237
Patuzzi, Stefano : 108 Paul III (Alexandre Farnèse) : 88, 115, 116, 120, 122 Paul V (Camillo Borghese) : 53, 123, 165, 245, 251, 273, 322, 394 Pauwels, Yves : 64 Pavan, Franco : 53-55, 87, 101, 121, 141, 146, 148, 149, 152, 167, 247, 274, 288, 289, 313, 344, 441, 445 Pecci, Tomaso : 112, 480 Pedrini, Augusto : 71 Peirone, Claudia : 72 Pellegri, Marco : 128-132 Pellegrini, Vincenzo : 138, 152, 156 Pelleono dell’Apiro, Teodoro : 147 Pellicelli, Nestore : 119, 358 Pembroke, comte de : 184 Pennini, Andrea : 46, 51, 314, 414 Perego, Camillo : 148 Peregrino, Angelo : 223 Peregrino, Matteo : 259 Peretti, Michele (prince) : 64 Peri, Jacopo : 283 Perini, Giovanna : 103, 106, 291, 310, 342, 392 Perrero, Domenico : 200, 201, 226 Petey-Girard, Bruno : 11, 48, 186, 395, 466 Petit, Laetitia : 14 Petiti, Giovanni : 404 Petiti, Lorenzo : 404 Petitjean, Johann : 240, 316, 379, 434 Petracci, Pietro : 447 Petrarca, Francesco : 99, 153 Petrobelli, Francesco : 119 Petrucci, Armando : 290 Peyrot, Ada : 60 Philippe II (roi) : 21, 44 Philippe III (roi) : 24, 53, 148 Philippe IV (roi) : 53, 145 Piacentino, Paolo Francesco : 241, 426 Piazzesi, Sandro : 53, 148, 311 Piccinini, Alessandro : 230, 233, 308 Piccinini, Filippo : 308, 404 Picco, Leila : 50
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Index des noms propres
Piccolini, Pietro Giorgio : 276 Piéjus, Anne : 153, 154, 158, 248, 429 Pieri, Maria : 0, 51 Pierre, Benoist : 46 Pietra, Pietro Antonio : 177, 412 Pigamondo, Il (chanteur) : 103, 104, 310 Pimentel, Juan Alfonso (vice-roi) : 112, 354, 355 Pimentel, Vicente : 34, 112, 293, 354-356, 445, 460 Pio di Savoia, Carlo Emanuele (cardinal) : 280, 240 Piperno, Franco : 8, 312 Pirrotta, Nino : 97, 270, 271, 307 Piscina, Giovanni Giacomo : 187-194, 313-315, 409, 458 Pitoni, Giuseppe Ottavio : 277, 441 Platon : 150, 159, 378 Pocaterra, Annibale : 447 Poggiali, Cristoforo : 100, 102, 412 Poggioli, Antonio : 418 Pollak, Marta D. : 39, 45, 48, 49 Poncet, Olivier : 47, 266 Porcacchi, Tommaso : 90 Porchères, Honorat Laugier de : 63 Porro, Giovanni Giacomo : 404 Porta di Bologna, Ercole : 231, 233 Porter, William V : 389 Portone, Paolo : 306 Potenza, Antonio : 30 Pozzi, Gian Pietro : 122, 124, 310 Pozzi, Mario : 99, 289 Povolo, Claudio : 180 Prati, Marcello : 124 Praetorius, Michael : 452 Priuli, Antonio (doge de Venise) : 191, 192, 315, 409 Privitera, Massimo : 24, 389, 394, 444 Prodi, Paolo : 45, 143, 147, 156 Prosio, Pier Massimo : 51 Prosperi, Adriano : 117 Prota-Giurleo, Ulisse : 31, 32, 35 Provana, Giovanfrancesco : 413-417
Prunières, Henry : 442 Puliaschi, Giovanni Domenico : 104, 311, 312 Pythagore : 159 Quagliati, Paolo : 120, 253, 343 Querini, Cesare : 388, 448 Quevedo, Francisco : 188 Quint, Arlene J. : 146 Quinziani, Giulio Cesare : 102, 119 Quirino, Vincenzo : 111, 448 Quondam, Amedeo : 250, 251, 257, 319 Rabut, François : 349 Radesca, Enrico Antonio : 52, 54, 147, 404, 453 Radicchi, Patrizia : 90 Raffestin, Claude : 415 Rangoni, Alessandro (évêque de Reggio) : 233 Rasi, Francesco : 168, 170, 173, 190, 214, 230, 447 Raval, Sebastian : 23, 24, 166 Ravier, Luigi : 347, 349, 404 Raviola, Blythe Alice : 49, 55, 352 Regnano, Battista : 231 Reiner, Stuart : 136, 270, 305, 307 Reinhard, Wolfgang : 275, 280, 316, 466 Reinhardt, Nicole : 433 Reinhardt, Rudolf : 161 Reni, Guido : 148, 260 Requesens, Mencia : 355 Revigliasco, Conte di (Emanuele Filiberto Roero Sanseverino) : 61 Ribera, José de : 31-34, 355 Ricci, Giuseppe : 407 Riccucci, Giuseppe : 138, 140, 141, 147, 154, 155 Richelieu, cardinal de : 37, 60, 65, 175, 275 Ricœur, Paul : 17, 290-292 Rico-Oses, Clara : 15 Ricotti, Ercole : 46, 182 Ricuperati, Giuseppe : 8 Rinaldi, Cesare : 106, 223, 447 Rinuccini, Ottavio : 199, 223, 266, 352, 447 Rizzi, Gualtiero : 76, 79, 80, 215 Rizzuti, Alberto : 445 Robertson, Clare : 115, 122-124, 126
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Index des noms propres
Robletti, Giovanni Battista : 152, 276, 393, 394, 396, 398, 441, 447 Roche, Daniel : 9, 10, 78, 114 Roche, Jérôme : 135, 154, 222, 225, 309 Roche-Guyon, comte de la (François de Silly) : 62, 63 Rodolphe II : 93 Rodriguez, Luigi : 31, 32 Rodríguez-San Pedro Bezares, Luis Enrique : 355 Roggero Bardelli, Costanza : 77, 185, 394 Rognoni, Giovanni Domenico : 141 Rognoni, Riccardo : 148 Rohan, duc de (Henri II) : 62, 63 Rolla, Giorgio : 137, 138 Romani, Marzio Achille : 88, 122, 352 Romano, Antonella : 246, 256, 257 Romano, Baldassare : 28 Romano, Giovanni : 49 Rombaldi, Odoardo : 320, 331, 336 Romei, Annibale : 186 Roncaglia, Gino : 225, 309 Ronchi, Giovanni Battista : 202, 207, 249, 255, 319, 320, 458 Rondinelli, Ercole : 253, 319, 320, 458 Rore, Cyprien de : 120, 166, 357, 359 Rosa, Mario : 180, 251 Rosini, Girolamo : 276 Rospigliosi, Giulio (Clément IX) : 267, 334 Rossi, Angelo : 54, 312, 404 Rossi, Gasparo : 129, 388 Rossi, Ippolito (cardinal) : 130 Rossi, Massimiliano : 43, 66 Rossi, Michelangelo : 263, 283, 337, 451 Rossi, Patrizio : 44 Rossi, Pietro Maria : 120, 130, 132 Rossi, Salomone (l’Hébreux) : 53, 149, 199, 226, 274, 312, 344 Rossi, Troilo II : 130, 131 Rossi, Troilo III (Gian Battista) : 129, 130 Rossi, Troilo IV : 130, 132, 388, 389 Rossi Di San Secondo, Federico (comte) : 18, 127-132, 293, 387-389, 446, 461
Rosso, Claudio : 39, 44, 52, 57, 60, 206, 213 Rossotti, Andrea : 64, 268, 334 Rostirolla, Giancarlo : 162, 265, 276-280, 402 Rota, Patrizia : 128-130 Röttgen, Herwarth : 254, 271 Roullet, Antoine : 378 Rovighi, Cesare : 425, 426, 430 Rua, Giuseppe : 301, 441 Rubini, Nicolò : 173, 231, 233 Ruffino, Alessandra : 40, 51 Ruggiero, Raffaele : 250 Rusca, Claudia : 152, 157 Russo, Annonciade : 288 Sabaino, Daniele : 99 Saccomani, Elisabetta : 27 Saccomani, Sabrina : 68, 79, 349, 444 Sacrati, Francesco Paolo : 203 Saint-Real, César de : 188, 189 Salain, Lazzaro : 62 Salomon, Xavier-François : 252 Salvadori, Andrea : 388 Salvarani, Luana : 40 Sances, Giovanni Felice : 208, 300 Sances, Lorenzo (Lorenzino, castrat) : 208, 265, 266, 269, 270, 300, 307, 435 San Cesareo, cardinal de (Carlo Gaudenzio Madruzzo) : 186, 240 San Giorgio, Guido : 47, 266 San Martini, Maria Luisa : 277 Sannazaro, Jacopo : 257, 352, 447 Sanseverino, Lucio (cardinal) : 32, 240 Sansovino, Francesco : 122 Santarelli, Cristina : 29, 43, 49, 52, 56, 64, 68, 69, 77-80, 83, 85, 260, 267, 374, 375, 418, 420, 444 Santini, Fortunato : 418 Santoro, Caterina : 139 Sanvitale, Isabella : 92 Saracinelli, Ferdinando : 204, 205 Sarnelli, Mario : 268 Sartori, Claudio : 139 Sarzani, Giovanni Battista : 236, 304, 427
581
Index des noms propres
Saunders, Steven : 168, 170, 174, 300 Savelli, Federico : 172 Savelli, Paolo : 172 Savelli, Rodolfo : 420 Savoie, Amédée de (marquis de S. Ramberto) : 17, 50, 53-55, 57, 149, 224, 246, 293, 311, 312, 456 Savoie, Charles-Emmanuel Ier, duc de : 8, 17, 24, 38, 40-51, 54-59, 62, 65, 68, 70-73, 74, 76, 8286, 113, 123, 129, 139, 148, 149, 182, 185, 186, 188, 189, 191, 193, 197, 200, 212-214, 220, 245, 249-251, 255, 266, 275, 293, 294, 308, 311-313, 315, 316, 333, 345, 346, 367, 368, 373-376, 380, 381, 383, 386, 395, 398, 403, 404, 409, 413421, 436, 446, 452, 453, 455, 460, 461 Savoie, Emmanuel-Philibert, duc de : 44, 48, 54, 181, 311, 317 Savoie, Emmanuel-Philibert, prince de (viceroi de Sicile) : 45, 47, 50, 51, 58, 62, 66, 76, 93, 215 Savoie, Francesca Caterina de : 44, 56, 77, 82 Savoie, Marguerite de : 44, 51, 53, 61, 65, 69, 71, 79, 82, 93, 97, 113, 151, 199, 266, 268, 293, 333, 334, 361, 460 Savoie, Marie Appoline de : 77, 82, 181 Savoie, Maurice de (prince-cardinal) : 11, 17, 19, 43, 45, 47, 48, 50, 51, 53, 54, 57, 58, 62, 70-80, 82-85, 103, 104, 113, 118, 122, 123 136, 143, 144, 147, 157, 165, 167, 176, 182, 185, 187, 190-195, 197, 199-201, 205, 207-212, 217-220, 224, 228, 232, 239, 240, 242, 243, 245-272, 276, 280, 283, 293, 294, 299-301, 304-308, 312-322, 325-327, 329, 331-334, 336, 337, 349, 360, 361, 386, 390, 391, 393-396, 398-401, 404, 409, 410, 418-425, 435, 436, 446, 447, 449, 451, 453, 455, 456, 458-461, 463, 465 Savoie, Philippe-Emmanuel de : 93 Savoie, Thomas, prince de : 47, 50, 61, 62, 76, 82, 85, 158, 185, 189, 216 Savoie, Victor-Amédée, prince de : 46, 47, 50, 54, 58, 59, 61, 62, 64-67, 72, 74, 78, 79, 82, 85, 113, 181, 185, 215, 216, 348, 349, 384, 385, 404, 446, 461
Scaglia di Verrua, Alessandro (abbé) : 47, 165, 266 Scaglia di Verrua, Augusto Manfredo (comte) : 47, 65 Scaglia di Verrua, Carlo Emanuele : 182 Scaglia di Verrua, Filiberto Gherardo (comte) : 47 Scali, Giulio : 211, 231-236, 240, 308, 320, 323, 427, 429, 430 Scalisi, Lina : 25, 31 Scannelli, Francesco : 310 Scarci, Manuela : 307 Schaub, Jean-Frédéric : 16 Scherling, Simonetta : 162, 165 Schindler, Otto G. : 172, 175 Schmalzriedt, Siegfried : 443 Schrammek, Bernhard : 267 Schraven, Minou : 430 Schuler, Manfred : 161 Schütz, Henri : 452, 453 Scognamiglio, Gianfranco : 91 Scoppola, Francesco : 162, 164, 166 Seifert, Herbert : 168, 170, 172, 173 Selmi, Elisabetta : 216, 252 Sementi, Gian Giacomo : 260 Sénèque : 259 Serafina, Giulio : 268 Serena, Annibale : 207, 208, 322, 324, 423, 424, 465 Serra, Giacomo (cardinal) : 240 Serrai, Alfredo : 161-164 Severi, Francesco : 276-278 Sforza, Caterina : 129, 130 Sforza, Francesco : 90 Sforza, Galleazo : 146 Sicinio, Christoforo : 125 Signorotto, Gianvittorio : 383 Siguret, François : 178 Simal López, Mercedes : 355 Simi Bonini, Eleonora : 177, 220, 223, 412, 443 Simon, Anne : 406 Simonetta, Isabella : 129 Sirinelli, Jean-François : 16
582
Index des noms propres
Smith, Logan Pearsall : 180, 182, 184, 377 Smith, Peter : 221, 222 Soddu, Alessandro : 90 Sogliani, Daniela : 291 Soissons, comte de (Louis de Bourbon) : 62, 63 Solerti, Angelo : 42, 43, 67, 76, 79, 349, 418, 441 Solinas, Francesco : 385 Sommi Picenardi, Giorgio : 132 Soto, Francisco : 152 Southorn, Janet : 305, 336 Spaccini, Giovanni Battista : 175, 234, 310, 320, 425, 429 Spada, Giovanni Battista (secrétaire d’État d’Urbain VIII) : 82 Spagnoletti, Angelantonio : 46, 50 Sparti, Barbara : 348 Spigaroli, Alberto : 115 Spina, Olivier : 378 Spiriti, Andrea : 51 Stango, Christina : 39 Steele, John : 443 Stefani, Gino : 274, 406 Stefanini, Giovanni Battista : 149, 166, 173, 224, 232, 404 Steffan, Carlida : 167, 292 Steinheuer, Joachim : 161, 170, 444, 445 Stella, Francesco : 129, 130 Stella, Scipione : 33 Stevens, Denis : 288 Stoisa Comiglio, Renata : 43 Storrs, Christopher : 44, 175 Streubühr, Christine : 168 Striggio, Alessandro : 447 Strnad, Alfred A. : 161 Strozzi, Giovanni Battista : 147, 352, 447 Stumpo, Enrico : 38, 45 Stuart, Élisabeth : 181 Stuart, Henry-Frédéric : 181 Summerscale, Anne : 103, 311 Surgers, Anne : 63 Sutter, Berthold : 174 Symcox, Geoffrey : 60, 186
Szczech, Nathalie : 378 Tacite : 259 Taddeo Pepoli, Orsina di : 130, 389 Taddei, Ilaria : 86, 258 Tafuri, Manfredo : 69 Talbot, Michael : 9 Tallon, Alain : 401 Tamalio, Raffaele : 172, 173 Tamburino, Pietro Antonio : 276 Tani, Gino : 69, 83 Tansillo, Luigi : 97, 111, 112, 448 Tantucci, Mariano : 112 Tasso, Bernardo : 246, 343 Tasso, Torquato : 23, 51, 56, 62, 63, 65, 162, 183, 215, 223, 246, 339, 342, 378, 389, 447, 451 Tedesco, Anna : 22, 375 Tenenti, Alberto : 16, 188 Tesauro, Emanuele : 83 Testa, Simone : 11, 222, 258 Testi, Fulvio : 19, 39, 40, 130, 185, 198, 200-206, 212, 213, 220, 226, 227, 232, 236, 245, 255, 266, 275, 288, 291, 293, 301, 302, 331, 332, 336, 245, 255, 266, 275, 288, 291, 293, 301, 302, 331, 332, 336, 337, 407, 425, 441, 449, 450, 459, 460, 462 Testis, Giulio : 425 Ther, Philippe : 16 Thucydide : 382 Tiarini, Alessandro : 306 Tini, Simon : 137-141, 339, 341, 357, 358, 445 Tintoret, le (Jacopo Robusti) : 355 Tiraboschi, Girolamo : 200, 202, 203, 225228, 236, 252, 301, 332, 383, 407, 425, 436, 456, 462 Titien, le (Tiziano Vecellio) : 355 Toffetti, Marina : 138, 141, 142, 147, 149, 224 Toledo Osorio, Don Pietro di (gouverneur de Milan) : 129, 188 Tomassini, Stefano : 110, 117 Tombaldini, Domenico : 276 Tomèo, Francesco : 24 Tomlinson, Gary : 288 Torelli, Daniele : 141, 142
583
Index des noms propres
Torniello, Sidonia Francesca : 157 Torre, Angelo : 369 Torres, Cosimo de (cardinal) : 253 Torri, Luigi : 218, 442 Torriani, Giovanni Giacomo : 404 Toscano, Nicolò : 24 Totti, Pompilio : 123, 164, 165, 203, 256 Trabaci, Giovanni Maria : 31, 166 Trabocchi, Aldobrando : 276 Tradate, Agostino : 137, 138, 141, 351, 352, 445 Traversier, Mélanie : 15 Tresti da Lodi, Flaminio : 119 Tristan, Marie-France : 271 Trofeo, Ruggero : 55, 149, 404 Tronsarelli, Ottavio : 208, 254, 267, 269271, 307, 449, 453, 456 Tuck, Richard : 341 Turchini, Angelo : 135 Turco, Alberto : 146 Ugeri, Francesco : 125 Urbain VIII (Maffeo Barberini) : 19, 130, 143, 144, 156, 180, 201, 239, 245, 248, 251-254, 256, 260, 271-280, 320, 334, 394, 400, 402, 439, 453, 456 Vacca, Carlo : 375 Valdrighi, Luigi Francesco : 308 Valentini, Giovanni : 175 Valera, Ottavio : 104, 140, 311 Valeriani, Girolamo : 230, 233 Valfré, André : 64 Valvassori, Andrea : 82 Van Damme, Stéphane : 10, 11 Vanoli, Paolo : 53 Van Orden, Kate : 65, 262 Van Robays, Johan : 238 Van Wicquefort, Abraham : 378 Varallo, Franca : 44, 51, 68, 79, 83, 185, 374, 418 Varra, Pietro Antonio : 404 Vassalli, Antonio : 13, 100, 271, 389, 443 Vasserot, Laurent : 51 Vazzoler, Franco : 40 Vecchi, Giuseppe : 67, 153, 169, 221, 222
Vecchi, Orazio : 152, 173, 198, 224, 225, 230, 232, 342, 388 Vecchi, Orfeo : 148, 152, 173 Veccoli, Pietro : 52 Vega, Juan de (vice-roi) : 26 Vellasco, Giovanni Luigi : 430, 431 Vendôme, Alexandre de (Grand prieur de France) : 62 Vendrix, Philippe : 312, 341-344 Venier, Domenico : 223 Venturini, Pompilio : 119 Vera Figueroa, Juan Antonio : 379 Verdina, Giovanni Battista : 73, 430, 431 Verger, Jacques : 256 Vernant, Jean-Pierre : 284 Viadana, Ludovico : 166, 279, 453 Viala, Alain : 11, 113, 466 Viale Ferrero, Mercedes : 80, 83 Vianini, Giuseppe : 290 Victoria, Tomas Luis de : 50, 166, 452 Vignati, Laudelio : 404 Vignodelli Rubrichi, Renato : 101, 107 Villani, Gabriele : 102, 117 Villani, Gasparo : 117, 173 Villanova, Silvio : 148 Villifranchi, Giovanni : 42, 79, 111, 215, 216, 447, 448 Vinardi, Maria Grazia : 67 Vincenti, Alessandro : 138, 226, 347, 348, 384, 385, 387, 388, 390, 391, 400, 401 Vinci, Pietro : 441, 446, 447 Visceglia, Maria Antonietta : 13, 46, 250, 275, 316, 435 Vischia, Bruto : 263 Visser Travagli, Anna : 220 Vitale, Costantino : 354, 355, 445 Vitali, Filippo : 119, 452 Vitruve : 183, 379 Vittori, Loreto : 265, 266, 277 Vogel, Emil : 23 Volpi, Alessandro : 90 Waquet, Jean-Claude : 44, 85 Waddy, Patricia : 274
584
Index des noms propres
Walker, Thomas : 224, 443 Walton, Izaak : 184 Ward, Adolphus William : 183 Watanabe-O’Kelly, Helen : 406 Watkins, Glenn : 98, 161, 163, 167, 168, 197, 219, 352, 359, 372, 398, 443 Weber, Christophe : 125 Wecker, Johann Jacob : 237 Werner, Michaël : 10, 12, 14, 16, 17, 78, 263, 348, 436 Wert, Jacques de : 119, 288, 451 Wessely, Othmar : 170 Whenham, John : 56, 187, 189, 190, 193, 194, 219, 300, 314, 315, 337, 409, 410, 443, 444 Wiegel, Anne : 70 Windwood, Raph : 182 Wistreich, Richard : 104 Witte, Arnold, A. : 115, 124 Witzenmann, Wolfgang : 270, 275, 278, 402
Wolfe, Karin : 122 Wotton, Henry (ambassadeur) : 18, 179-187, 293, 376-379, 446, 461 Zabata, Cristoforo : 97 Zacconi, Ludovico : 341 Zaffuto Rovello, Rosanna : 31 Zaggia, Massimo : 23, 26 Zamboni (Zambone), Simone : 404 Zanetti, Bartolomeo : 418 Zapperi, Roberto : 310 Zarlino, Gioseffo : 94, 99 Zarri, Gabriella : 29 Ziino, Agostino : 43, 139 Zimei, Francesco : 116 Zimmermann, Bénédicte : 10, 12, 14, 16, 17, 78, 348, 436 Zuccari, Federico : 43, 66, 67, 144, 274 Zucchi, Mario : 45 Zwierlein, Cornel : 71
585
1 Crédits Stéphane Trapier (figures 1, 2, 5, 6, 7, 8 et schémas 1-8). Özcan Cirik (figures 3 et 9). Archivio di Stato di Torino (figure 4). Biblothèque nationale de France (figures 10 et 12). Archivio di Stato di Modena, photo de Jorge Morales (figure 11). Biblioteca Nazionale Braidense (Milano), photo de Jorge Morales (figure 13). Archivio storico della Banca d’Italia (Roma), photo de Jorge Morales (figure 14). Museo Nazionale Romano (Roma), photo de Jorge Morales (figure 15).
1 Table
des matières
Partie 1 Sigismondo D’India et ses mondes : Histoire Introduction 7 Chronologie, espace et terminologie 8 Pour une approche globale de la discipline musicologique 12 Présentation générale de la première partie 17 Chapitre I : Entre la Sicile et Naples Sigismondo D’India, « noble palermitain » ? Sigismondo D’India, noble napolitain ?
21 21 29
Chapitre 2 : La cour de Turin 37 er 37 Le duc Charles-Emmanuel I La princesse Christine de France 59 Chapitre 3 : Le duché de Parme et de Plaisance Le marquis Pier Francesco Malaspina La nobildonna Barbara Landi Barattieri Le duc Ranuccio, le cardinal Odoardo et l’abbé Diofebo Farnese Le comte Federico Rossi di San Secondo
87 87 99 115 127
Chapitre 4 : La ville de Milan Sigismondo D’India et le milieu musical milanais Le cardinal Federico Borromeo
135 135 142
Chapitre 5 : L’Autriche et l’Allemagne Le prince-archevêque Marco Sittico Altemps Ferdinand II d’Autriche, Charles de Habsbourg et Maximilien de Bavière
161 161 171
Table des matières
Chapitre 6 : L’Angleterre et Venise L’ambassadeur Sir Henry Wotton Le Chevalier Sigismondo D’India. Il cavalierato di San Marco
179 179 187
Chapitre 7 : La cour de Modène La Princesse Isabelle d’Este-Savoie Le prince Alphonse III d’Este
197 197 212
Chapitre 8 : La cour de Rome Le cardinal Maurice de Savoie Le pape Urbain VIII
245 245 272
Conclusion 281 Les mondes de Sigismondo D’India. Bilan historique, Bilan méthodologique, Bilan sur le compositeur, Quelques perspectives 283 Partie 2 Sigismondo D’India : Correspondances, préfaces, épîtres dédicatoires et autres documents Introduction 287 Écrits et discours autour de la musique et des musiciens. Entre restitution, traduction et interprétation historique Protocole et critères éditoriaux 294 Les correspondances
299
Les préfaces
339
Les épitres dédicatoires
351
Les autres documents Les recueils de musique Les imprimés d’époque Les documents d’archive Registres
403 403 404 408 408
590
Table des matières
Conclusion 433 Un voyage à travers l’écriture, les discours, la lecture et les lecteurs, Mémoire, transmission et conservation. 433 Annexes Parcours historiographique de la recherche sur D’India Catalogue sommaire de l’œuvre de D’India Chronologie raisonnée de la vie de Sigismondo D’India Chronologie de la vie de Sigismondo D’India à travers les documents historiques Tableau récapitulatif des correspondances Tableau récapitulatif des préfaces et des dédicaces Tableau récapitulatif des documents divers Tableau récapitulatif des paiements reçus par Sigismondo D’India Tableau d’éléments discursifs et sociologiques des épîtres dédicatoires
441 441 445 451 454 457 460 462 464 466
Bibliographie Sources primaires Ouvrages des xvie, xviie et xviiie siècles Ouvrages après 1800
471 471 486 492
Table Table Table Table Table Table
des des des des des des
sigles schémas explicatifs illustrations correspondances préfaces épitres dédicatoires
553 555 556 557 559 560
Index des noms propres
561
Crédits 587
591